ŒUVRES COMPLÈTES
DE
J. M. CHARCOT
HÉMORRAGIE ET RAMOLLISSEMENT DU CERVEAU MÉTALLOTHÉRAPIE ET HYPNOTISME ÉLECTROTHÉRAPIE
TOME IX
avec 34 figures dans le texte et 13 planches
PARIS
AUX BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL
14, rue des Carmes.
LECROSNIER ET BABE
libraires-éditeurs.
Place de l'École-de-Médecine.
1890 -,
Tous droits rése/reS '
AVIS DE L'ÉDITEUR.
Ce volume comprend trois parties d'inégale importance. La première est consacrée aux maladies de Vencéphale principalement à Yhémorrhagiecérébrale et à quelques-unes de ses complications immédiates ou lointaines.
Dans la seconde partie, nous avons rassemblé les nombreux travaux de M. Charcot sur la métalloscopie, la métallothé-rapie et Y hypnotisme. Epars jusque-là, dans les journaux de médecine ouïes comptes rendus des sociétés savantes, il était très difficile d'en avoir connaissance aux médecins qui veulent remonter aux sources ou avoir une idée précise de l'œuvre du chef de l'Ecole de la Salpêtrière sur ces questions.
On verra avec quelle circonspection, M. Charcot a entrepris l'étude d'un sujet délaissé, discrédité depuis de longues années et réputé scabreuxpar les meilleurs esprits. Sur ce point, de même que sur tous les autres, l'enseignement de notre maître repose sur des bases solides, sur des faits soumis à un contrôle d'autant plus sévère qu'il régnait à leur occasion un scepticisme plus prononcé. Cesfaits sont, aujourd'hui, définitivement acceptés par la très grande majorité des médecins qui se sont occupés d'une façon sérieuse de cette branche de la neurologie.
VIII AVIS DE L'ÉDITEUR
Enfin dans la troisième partie nous avons reproduit une leçon de M. Charcot sur Y électricité statique, qui se rattache dans une certaine mesure aux sujets traités dans la précédente.
lor novembre 1890.
BoURNEVILLE.
PREMIÈRE PARTIE
Hémorrhagie et ramollissement du cerveau
Charcot. CEuv compi. T. ix. Hémorragie cérébrale. i
Dans ce travail, fondé sur des faits nombreux, rhémorrlia-gie cérébrale, au moins celle des vieillards, est rapportée à la rupture d'anévrysmes des petites artères de la substance cérébrale. Ces anévrysmes, dont le rôle pathogénique n'avait pas été reconnu jusqu'alors, ne doivent être confondus ni avec les dilatations moniliformes étudiées par MM. Hasse et Kôlliker, et plus récemment par M. Laborde, ni avec les anévrysmes disséquants décrits par MM. Kôlliker, Pestallpzzi, Virchow. Les anévrysmes qui font l'objet principal de ce travail siègent tous sur des artères visibles à l'œil nu, et ont un volume qui peut atteindre un millimètre et plus. lis n'ont fait défaut dans aucun des cas d'hémorrliagie cérébrale observés par MM. Cliarcot et Bouchard depuis que leur attention est fixée sur ce point. On les rencontre non seulement dans les parois des foyers hémorrhagiques, mais encore, en nombre variable, le plus souvent considérable, dans des parties de l'encéphale plus ou moins éloignées de la collection sanguine. Leur formation est certainement de beaucoup an-
1. En commun avec M. Cn. Bouchard. Heaume d'une noie lue à la Société de Biologie ( mars 1866). Extruitde YExposé de titres de M. Cliarcot, i883,p» 69.
Note sur une altération des petites artères de l'encéphale qui peut être considérée comme la cause la plus fréquente de l'hémorrhagie cérébrale (1).
térieure à l'attaque apoplectique ; c'est ce que démontrent les détails de leur structure. De plus, il n'est pas rare de les rencontrer en dehors de toute extravasation sanguine chez des individus qui n'ont présenté aucun trouble cérébral. La transformation en hématoïdine du sang1 contenu dans quelques-uns d'entre eux témoigne d'ailleurs de leur ancienneté. Ces anévrysmes, dont la formation prépare de longue date l'hé-morrhagïe cérébrale, ne sont, pour ainsi dire, que l'expression la plus accentuée d'une altération presque générale du système artériel encéphalique, caractérisée par une prolifération nucléaire considérable de la tunique adventice, ainsi que de la gaîne lymphatique et par l'atrophie de la tunique musculaire. Les fibres musculaires font constamment défaut sur les parties dilatées et ne reparaissent sur les artères qui portent les anévrysmes qu'à une certaine distance, soit en deçà, soit au delà de la dilatation. Cette altération scléreuse des artères de l'encéphale paraît être indépendante de l'athérome artériel ; elle peut, en tous cas, se montrer très accusée sans que les artères de la base ou des méninges présentent aucune plaque d'infiltration graisseuse ou calcaire ; mais les deux altérations se trouvent quelquefois réunies sur le même sujet, ce qui explique la coexistence, assez rare d'ailleurs, de l'hémorrha-gie et du ramollissement du cerveau ; enfin, avec l'état sclé-reux et les anévrysmes siégeant sur les petits vaisseaux de la pie-mère ou même sur les artères volumineuses de la base et des méninges. Plusieurs exemples de cette coïncidence ont été consignés dans un mémoire de M. Lépine (1).
1. Voyez Bouchard, thèse de Paris, 1867. —Ghareot et Bouchard, Nouvelles recherches sur la pathogénie de l'hémorrhagie cérébrale (Arch. de physiologie, t. I, p. 110 et p. 3 de ce volume.) — Les tra vaux de MM, Ctiarcot et Bouchard, sur la pathogénie de l'hémorrhagie cérébrale ont été traduits en anglais par M. T.-S. Maclagan M.-D. Edin. Londres, 1872. (J. M. C.) — Voir aussi la thèse de G. Durand faite avec nos observations et nos notes, intitulée : Des anévrysmes du cerveau, considérés principalement dans leurs rapports avec l'hémorragie cêrWrale, 186(9. (B).
II.
Nouvelles recherches sur la pathogénie de l'hémorrhagie cérébrale (1).
En abordant de nouveau la question de la pathogénie de l'hémorragie cérébrale, nous nous proposons de limiter notre étude aux hémorrliagies qui se font primitivement dans l'épaisseur de la substance encéphalique, laissant ainsi de côté un certain nombre des hémorrliagies intra-craniennes. Nous négligerons par conséquent celles qui peuvent se produire en dehors de la dure-mère, celles qui s'effectuent dans la cavité de l'arachnoïde, celles enfin qui se développent dans l'épaisseur de la pie-mère. Nous ne nous occuperons donc pas des hémorrliagies méningées, et nous serons ainsi dispensés de toucher la question des néo-membranes de la dure-mère, et celle des ruptures des sinus ou des gros troncs artériels de la base. Enfin, nous n'aurons pas à étudier les anévrysmes plus ou moins volumineux qui peuvent siéger sur la carotide interne, sur la vertébrale, ou, plus souvent sur les branches de divers calibres qui s'anastomosent à la base de l'encéphale, ou rampent dans l'épaisseur des méninges. Ce sujet plus spécial a d'ailleurs été traité avec détails dans
t. En collaboration avec M. Ga, Bouchard, interne du service, — Extrait ûm Archives de physiologie normale et pathologique, 1808, p, 110 et 888,
ces derniers temps, par M. Gouguenheim (l)etparM. Leberi (2) et a été complété par les recherches de M. Lépine (3).
C'est donc aux béniorrhagies cérébrales proprement dites que nous voulons restreindre cette étude. Leur pathogénie, on peut le dire, était confuse ; les causes les plus nombreuses les plus variées avaient été invoquées pour expliquer la rupture vasculaire que produit l'épanchenient sanguin dans le cerveau. Ces causes supposées peuvent être ramenées à trois chefs :
1° La tension exagérée du sang dans les vaisseaux de l'encéphale ;
2° La diminution de consistance du tissu cérébral préalablement altéré qui ne fournit plus alors qu'un appui insuffisant aux vaisseaux ;
3° La diminution de résistance des vaisseaux consécutive à une altération de leurs parois.
On peut faire rentrer dans ces trois groupes toutes les causes imaginées pour expliquer la production de l'hémorrha-gie cérébrale, et c'est à elles aussi que se rapportent les opinions les plus généralement accréditées. Nous citerons en particulier l'influence de l'hypertrophie du ventricule gauche du cœur ; l'exagération de la tension du sang, consécutive à l'atrophie rénale ou à la sclérose diffuse du système artériel, les ramollissements hémorrhagïpares ; la fragilité des petits vaisseaux, résultant de leur dégénération graisseuse ou celle de branches plus volumineuses produite par leur incrustation athéromateuse.
Nous nous sommes efforcés déjà à plusieurs reprises de
1. Gougucnlicim. — Des Tumeurs anévrysmales des artères du cerveau. Paris, 1866.
2. Leberl. — Ueber die Aneurysmen der Hernaterien (Berliner Klvnische Wochenschrif't., 1866.)
3. R. Lépine. — Note sur deux cas d'hémorrhar/ie 'sous-minint/ée. (Onzelie médicale de Paris., nov. et décembre 1867.)
I.
En opposition avec cette étiologie, nous avons indiqué une lésion pathogénique nouvelle quenous avons rencontrée constamment dans les cas déjà nombreux d'hémorrhagie cérébrale qui ont passé sous nos yeux. Cette lésion consiste en une altération du système artériel du cerveau, avec production d'ané-vrysmes sur les artérioles intra-cérébrales. Ces anévfysmes qui existent le plus souvent en grand nombre dans le cerveau des individus qui succombent à l'apoplexie sanguine, qui se développent lentement, successivement, précèdent l'attaque d'un temps variable, souvent fort long, et enfin, en se rompant sous l'influence de quelques causes occasionnelles, ils déterminent l'épanchement qui va former le foyer apoplectique. A ces anévrysmes,nous avons donné le nom à'anèurysmes mi* liaires.
Aperçus déjà par M. Cruveilhier (1), puis par M. Calmeil (2) sans que ces auteurs aient reconnu leur nature, ces anévrysmes miliaires ont été constatés par d'autres observateurs. C'est à eux que nous croyons devoir rapporter un cas observé par
1. Anafomie pathologique du corps humain. Livraison îtxîtttt, pl. II. ftf; 3.
2. Traité des maladies inflammatoires du cerveau, 1859, t. II, p. 522»
monLrer que parmi ces prétendues causes, plusieurs n'existent même pas, que d'autres n'ont qu'une influence contestable ; que les autres enfin n'interviennent que d'une manière accessoire et comme influences adjuvantes, qu'aucune ne se présente avec des caractères de généralité suffisants pour qu'on puisse y voir le processus pathogénique véritable, nous ne dirons pas de toutes les hémorrliagies cérébrales, mais même de la majorité de ces hémorrliagies.
Gull(l) ; ils nous paraissent avoir la plus grande analogie avec des dilatations observées par M, Vircliow(2) dans les vaisseaux de la pie-mère, et que cet auteur fait rentrer dans l'ectasie ampullaire. Enfin ce sont eux certainement qu'ont étudiés M. Meynert(3) et.M. Heschl (4). Mais ce qui n'avait pas été indiqué, c'est le rôle pathogénique qu'ils jouent dans la production de l'hémorrhagie cérébrale. Gull rapporte bien à la rupture d'un semblable anévrysme l'hémorrhagie qui existait dans le seul cas de ce genre qu'il a observé, mais il n'y voyait qu'un fait exceptionnel qui ne paraît pas avoir fixé son attention sur les conséquences pathogéniques qu'on en pouvait déduire.
Les faits nombreux que nous avons observés nous ont graduellement conduits et par transitions à l'opinion que nous voulons soutenir aujourd'hui,opinion un peu différente de celle que nous avions défendue précédemment. L'un de nous avait déjà eu l'occasion dans deux cas, en 1863 et en 1865 d'observer les anévrysmes miliaires mais les faits ne permettaient pas de saisir la relation qu'ils pouvaient avoir avec l'hémorrhagie cérébrale. Ce fut le 15 mars 1866, qu'étudiant le foyer d'une apoplexie sanguine récente, et l'ayant détergé avec soin, nous pûmes constater sur les parois deux petites masses globulaires, sphériques, suspendues chacune à un filament vasculaire. C'étaient deux petits anévrysmes, dont l'un s'était rompu, et l'on voyait à travers la fissure, le contenu cruorique qui, avant l'isolement artificiel que nous avions produit, devait être en continuité avec la masse du caillot apoplectique.
1. Cases of Aneurysm of the Cérébral Vessels (Guy's Hospital Reports, sér. III, t. V. London, 1859.)
2. Ueber die Erweiterung kleinerer Gefâsse (Archiv. fur path. Anat. und Physiologie. B. m, p. 443.)
3. Ueber Gefâssentartungen in der Varolsbrûcke und den Gehirnschenheln, {/Ulegemeine Wiener Wochemchrift, 1864, n» 28),
4. Die Capiliar-aneurysmen in Pow Varoli fWiener meùicinlsohe Woohen' achrift, 1865, 6 et 9 septembre).
Ce fait pouvait bien être exceptionnel ; mais notre attention était éveillée sur ce point, nous avions pu comparer ces ané-vrysmes à ceux que nous avions observés précédemment, sans saisir leurs relations avec l'hémorrhagie, et dont on conserve la description et les dessins. Nous recherchâmes alors dans les autopsies si de semblables anévrysmes pourraient se retrouver et nous eûmes plusieurs fois l'occasion d'en rencontrer chez des sujets qui succombaient à des maladies autres que celles de l'encéphale. De nouveaux cas d'hémorrhngie cérébrale se présentèrent et le cerveau renfermait toujours des anévrysmes miliaires.Nous pûmes dès lors, dans de nombreuses communications à la Société de biologie où le premier cas avait été montré, établir que dans un certain nombre d'hémorrhagies cérébrales,l'épanchementasa source dans la rupture d'unanévrysme miliaire. Les hémorrhagies se succédant sans que dans aucun cas les anévrysmes miliaires fissent défaut, nous pûmes formuler notre opinion d'une façon plus catégorique. Observant dans un hôpital de vieillards, nous n'avions encore rencontré l'hémorrhagie que chez des individus âgés, depuis que notre attention s'était portée sur la recherche des anévrysmes. Cette circonstance nous imposait une certaine réserve. Nous dûmes nous borner à cette affirmation : c'est que l'hémorrhagie senile résulte de la rupture d'anévrysmes miliaires. C'est dans ces termes que notre opinion a été formulée dans les communications que nous avons faites en commun à la Société de Biologie et plus tard dans des publications faites isolément (1). Mais depuis, des faits nombreux ont été rassemblés ; plusieurs observateurs ont contrôlé et confirmé nos observations, et constamment les anévrysmes ont été rencontrés, non plus seulement dans l'hémorrhagie senile, mais dans l'hémorrhagie
1. Bouchard. — Recherches sur quelques points de la pathogénie des hémorrhagies cérébrales,Paris, 1886.—Charcot, Leçons sur les maladies des vieillards et sur les maladies chroniques, Deuxième partie, .
Est-ce à dire que, pour nous, toutes les hémorrhagies cérébrales, sans exception, devront reconnaître pour cause la rupture d'un anévrysme ? Pareille exagération n'est jamais entrée dans notre pensée. Une fracture du crâne avec enfoncement qui produit un épanchement dans la substance encéphalique n'exige pas assurément un pareil intermédiaire. L'Iiémorrhagie qui accompagne le ramollissement cérébral, dans les cas ou une thrombose des sinus fait obstacle à la circulation en retour, échappe également à cette interpréta-lion. Enfin les hémorrhagies cérébrales qu'on a signalées dans certaines pyrexies et dans certaines maladies infectieuses, celles aussi qui surviennent dans le cours de quelques dyscrasies se produisent, sans aucun doute, par un autre procédé. Mais à côté de ces cas exceptionnels où riiômorrhagie survient comme symptôme ou comme complication d'une autre maladie, il existe d'autres hémorrhagies, de beaucoup les plus fréquentes, qui ont leur indépendance, leur physionomie propre, leurs lésions spéciales, et qui toutes résultent de la rupture d'anévrysmes miliaires. ' Elles constituent l'accident presque fatal, le terme extrême d'une maladie à part qui porte sur le système artériel encéphalique, maladie qui conduit à la production des anévrysmes et finalement à leur rupture. C'est là riiémorrhagie cérébrale
cérébrale des adultes et même des jeunes gens. Nous croyons donc être aujourd'hui en droit d'affirmer que, d'une façon générale, l'hémorrhagie cérébrale résulte de la rupture d'anô-vrysmes miliaires : que la véritable lésion hémorrhagipare c'est la production de ces anévrysmes. C'est à la démonstration de cette proposition que doit être consacré le présent travail.
II,
par excellence, hérnorrhagie qui, très fréquente dans la vieillesse, n'est pas exceptionnelle dans l'âge adulte et peut se retrouver dans la jeunesse. C'est ce qu'on pourrait appeler la maladie hérnorrhagie cérébrale.
Notre manière de voir est appuyée aujourd'hui sur un ensemble considérable de faits, notre statistique ne compte pas moins de 60 cas d'hémorragie cérébrale : sur ce nombre, 42 ont été recueillis dans le même hôpital de la Salpêtrière. C'est là un chiffre qui pourra surprendre, surtout si l'on songe que dans un hôpital aussi considérable que la Charité de Berlin, vingt-huit cas d'hémorrhagie cérébrale seulement figurent sur les cahiers d'autopsie pour une période de trois années(1). Mais il faut tenir compte de cette circonstance, c'est que nous observons dans un hospice consacré à la vieillesse et que c'est l'hémorrhagie sénile qui nous a fourni le plus grand nombre des cas que nous rapportons.
La présence constante d'anévrysmes miliaires dans des cas si nombreux d'hémorrhagie cérébrale pourrait faire naître une supposition contre laquelle nous devons tout d'abord nous prémunir. On pourrait penser que ces anévrysmes sont une lésion, sinon constante, au moins très fréquente dans la vieillesse ; qu'ils sont le résultat d'une altération sénile des vaisseaux de l'encéphale, au même titre que l'athérome ; dételle façon qu'ils pourraient n'exister que comme pure coïncidence dans le cerveau des individus qui succombent à l'hémorrhagie cérébrale. Cette hypothèse se trouverait déjà infirmée par ce fait que, lorsqu'on se donne la peine de chercher les anévrysmes miliaires clans les parois d'un foyer récent, on les y trouve toujours et qu'on les y voit rompus et remplis par un caillot en continuité avec celui de l'épanchement. Mais
1. Eulcnburg'. — Ueber tien Einfluss von Herzhypertrophie und Erkrankun-gender Hirnarterien auf das Zustandekommen von hœmorrhagia cerebri. (Arch. f. path. Anal. iindPhys, 1862, p. 356.)
nous pouvons ajouter que, à partir de la vingtième année, nous les avons rencontrés à toutes les périodes de l'âge adulte ; et seulement alors chez des individus qui succombaient à l'hémorrhagie cérébrale; tandis que dans la vieillesse, s'ils sont constants dans les cerveaux qui renferment des foyers sanguins récents ou anciens, ils sont très rares chez les individus qui ne présentent à l'autopsie aucune lésion des centres nerveux, ou plutôt chez ceux où l'on ne découvre pas des traces d'hémorrhagie. Nous les y avons rencontrés cependant ; ils préparaient une hémorrhagie qui, bien qu'imminente, ne s'était pas effectuée. Nous ne pourrions pas dire dans quelle proportion exacte ils se présentent à chaque âge chez les individus qui n'offrent aucune trace d'hémorrhagie cérébrale ; mais bien qu'ils soient d'autant plus fréquents qu'on les recherche chez des sujets plus âgés, nous pouvons affirmer au moins qu'ils sont toujours exceptionnels. M. Heschl (l),qui a poursuivi cette étude statistique avec plus de soins que nous ne l'avons pu faire, et qui a rencontré seize fois les anévrysmes miliaires, sans soupçonner d'ailleurs les relations qu'ils peuvent avoir avec l'hémorrhagie cérébrale, est arrivé aux résultats suivants : sur 140 autopsies d'individus âgés de 40 à50 ans, il les a trouvés cinq fois, soit 1 fois sur 28 ; sur 133 autopsies d'individus âgés de 50 à 60 ans, il les a trouvés 5 fois, soit 1 fois sur 26 ; sur 83 autopsies d'individus âgés de 60 à 70 ans, il les a trouvés 3 fois, soit 1 fois sur 27 ; sur 38 autopsies d'individus âgés de 70 à 80 ans, il les a trouvés 2 fois, soit 1 fois sur 19. Onle voit, à partir de quarante ans, le développement des anévrysmes miliaires se fait à peu près d'une manière graduellement croissante. Avant l'âge de 40 ans, ces anévrysmes son beaucoup plus rares ; sur plus de 800 autopsies d'individus moins âgés, M. Heschl n'a rencontré qu'une seule fois ces anévrysmes ;
1. Loc, eit,
c'était chez un jeune homme dont l'âge précis n'a pas pu être connu, mais qui avait entre 20 et 30 ans. Déjà M. Meynert les avait rencontrés chez un jeune homme de 24 ans. Nous donnerons plus loin l'observation du jeune homme de 20 ans chez lequel nous les avons également découverts.
Il est remarquable que cette fréquence des anévrysmes miliaires, suivant les âges, est à peu près en rapport avec ce qu'on sait de la fréquence de l'hémorrhagie cérébrale, aux différentes périodes de l'existence. Assurément, nous ne pouvons pas mettre en parallèle avec ce tableau de la fréquence des anévrysmes une statistique comparable, relative à la distribution de riiémorrhagie cérébrale aux différentes époques de la vie ; nous ne savons pas même approximativement pour quellepart l'hémorrhagie cérébrale intervient à chaque âge dans un nombre déterminé de décès. Mais il suffit de jeter les yeux surles relevés de Rochoux et de M.Durand-Fardel(2)pour secon-vaincre que l'hémorrhagie cérébrale,presque nulle avant20 ans, est très rare jusqu'à 40 ; que, à partir de cet âge, elle devient fréquente, et que la proportion dont on ignore les termes est cependant graduellement croissante. En ne tenant compte que des cas d'hémorrhagie observés avant 80 ans, et en lesrépar-tissant suivant les âges, on voit que 1 /160 seulement se rapporte à des individus de 0 à 20 ans, 1/7 de 40 à 80.
Mais on remarquera peut-être aussi que les anévrysmes miliaires qui se rencontrent rarement avant 40 ans, et qui alors augmentent graduellement de fréquence avec l'âge, ne font que se conformer à la loi du développement de l'athérome artériel ; et peut-être serail-on tenté de considérer ces anévrysmes comme le produit de l'extension aux petits vaisseaux cérébraux de cette artério-sclérose qui amène les incrustations
1. Durand-Fardel.— Traité clinique et pratique des maladies des vieillards. Paris-, 1854, p. 286. ' «
graisse uses ou calcaires ou même les ossifications de troncs plus ou moins volumineux. Une semblable opinion serait inexacte. Les anévrysmes miliaires peuvent exister et existent assez souvent en nombre quelquefois considérable, indépendamment de toute lésion athéromateuse des artères de la base ou des branches qui se distribuent dans les méninges, de même que l'athérome le plus prononcé se rencontre très souvent sans qu'on trouve dans le cerveau un seul anévrys-me. Mais ces deux altérations différentes ne s'excluent pas, elles ne sont pas antagonistes, elles peuvent coïncider et coïncident fréquemment. C'est ce dont on pourra se convaincre par l'examen de nos observations et du tableau statistique qui les résume. Nous reviendrons d'ailleurs sur ce sujet quand nous apprécierons l'influence de l'athérome dans la production de l'hémorrhagie cérébrale.
Cependant, ces deux altérations essentiellement distinctes, ne sont pas sans avoir certaines analogies: toutes deux résultent d'une arte rite ; mais tandis que l'athérome est Je produit d'une endartérite, les anévrysmes miliaires se produisent comme complication d'une périartérite, périartérite diffuse dont l'étude nous paraît devoir précéder celle des anévrysmes miliaires eux-mêmes.
111.
Cette artérite qui conduit à la formation des anévrysmes est diffuse; elle ne se rencontre pas seulement sur l'artériole qui porte une dilatation miliaire ; elle est étendue à tout le système des petits vaisseaux intra-cérébraux et s'accompagne quelquefois d'une sorte d'atrophie des parois des grosses artères de la base et de celles des méninges, ce qui leur donne en quelque sorte un aspect pelure d'oignon. Etudiée seule
ment sur les petits vaisseaux de la substance cérébrale, cette artérite scléreuse, qui n'est pas sans quelques analogies avec ce que M. Rokitansky avait décrit sous le nom de périarté-rite chronique, est caractérisée par des altérations de cette gaîne périvasculaire décrite par M. Robin et que depuis les travaux de M. His on désigne généralement sous le nom de gaîne lymphatique. Elle est caractérisée encore par des lésions de la tunique adventice et aussi par des modifications de la musculeuse et de la membrane interne. Les altérations les plus considérables siègent sur les parties les plus extérieures, elles marchent de dehors en dedans, ce qui justifie ce nom de périartérite. Cette lésion s'observe sur les artérioles de tout calibre qui sont dans l'épaisseur de la substance cérébrale, et intéressent par conséquent les deux variétés de capillaires qu'admet encore M. Robin et qui sont aujourd'hui assez générale-mentconsidérées comme des dépendances du système artériel.
La gaîne lymphatique qui enveloppe les vaisseaux de ces deux variétés, peut présenter seulement un état strié, ondu-leux, rappelant l'aspect d'un faisceau de tissu cellulaire sous-cutané; mais cet aspect ne se modifie pas après l'action de l'acide acétique. En même temps, et le plus souvent en dehors de tout aspect onduleux, la gaîne présente une formation exagérée de noyaux analogues à ceux de la névro-glie, sphériques ou ovoïdes, à contours un peu irréguiiers, se rétractant et devenant plus nets par l'action de l'acide acétique, se colorant fortement par le carmin et par la fuchsine, beaucoup plus que d'autres noyaux plus volumineux, plus nettement ovoïdes, qu'on observe quelquefois avec eux et qui paraissent appartenir àl'épithélium de la gaîne. Les premiers, qui semblent au contraire être de nature conjonctive, peuvent se développer en nombre prodigieux et gêner l'étude des tuniques vasculaires sous-jacentes. 11 est fréquent de constater des étranglements de ces noyaux,
ce qui indiquerait qu'ils se multiplient par segmentation.
La cavité de la gaine ne présente généralement rien d'anormal ; on peut cependant y voir flotter quelques cellules vési-culeuses et quelquefois des granulations graisseuses ou des granules d'hématoïdine.
Sur les artérioles principales qui correspondent aux capillaires de la troisième variété de M. Robin, l'adventice peut présenter deux états différents. C'est tantôt un simple épais-sissement donnant quelquefois à cette membrane, une épaisseur égale à la dimension du calibre vasculaire. Sa substance est striée longïtudinalement, à la façon d'un faisceau de tissu conjonctif disposé dans le sens de l'axe du vaisseau. Les tuniques sous jacentes sont alors plus difficiles à étudier (Pl. III, fig. 1, B.) Tantôt l'altération de l'adventice, et c'est le cas le plus fréquent, peut consister exclusivement en une multiplication des noyaux conjonctifs, sans épaisissement et sans aspect fascicule de la membrane. L'activité de la prolifération de ces noyaux peut leur ôter toute leur régularité dans leur distribution. Une semblable prolifération peut s'observer à la surface des plus fines artérioles, correspondant aux capillaires de la seconde variété de M. Robin.
En rapport avec cette altération des parties les plus superficielles de l'artère, on observe une altération de la tunique musculeuse tantôt généralisée, tantôt limitée à certains points. Cette lésion de la musculeuse consiste en une altération des fibres transversales, sans substituí ion graisseuses d'où résulte la raréfaction des stries transversales et leur écartement ; dans certains points, leur disparition complète. Cette atrophie simple des éléments musculaires neparait pas être primitive ; elle semble au contraire placée sous la dépendance de l'altération plus superficielle décrite précédemment. (Pl. I, fig. 1, A; et Pl. IJ, fig 1). En effet, on voit souvent la périartérite limitée à la gaine et à l'adventice, sans qu'il
y -d'il encore d'altération appréciable de la musculeuse ; on voit de plus que dans les points ou les éléments musculaires manquent en plus grand nombre ou l'ont même complètement défaut, là aussi l'artérite superficielle est le plus intense.
Si l'adventice n'est pas épaissie et fibreuse, le vaisseau se dilate d'une façon ampullaire au niveau des points ou l'atrophie de la tunique musculaire est notable. C'est là l'origine des anévrysmes miliaires.
La seule altération de la tunique interne (tunique propre de M. Robin) consiste en une multiplication des gros noyaux ovoïdes longitudinaux de cette membrane. Cette multiplication, qui peut être reconnue jusque dans les capillaires vrais (capillaires du premier ordre de M. Robin), paraît être beaucoup moins intense que celle de l'adventice ou de la gaîne lymphatique ; elle peut même faire complètement défaut. Elle semble aussi se faire par voie de segmentation et les noyaux de nouvelle formation ont leur grand axe dans des directions et ne sont plus régulièrement longitudinaux comme dans l'état normal.
Telle est cettepériartéritescléreusequiprépare et accompagne les anévrysmes miliaires intra-cérébraux. Nous l'avons toujours rencontrée à des degrés divers, en même temps que les anévrysmes, chez des sujets qui présentaient des foyers récents ou anciens d'hémorrhagie ; elle existait toujours dans les cerveaux qui, sans présenter aucune trace d'hémorrhagie, renfermaient cependant des anévrysmes ; enfin, dans quelques cas, nous l'avons constatée dans des sujets qui n'avaient pas de foyers d'hémorrhagie et chez lesquels également nous n'avons pas pu découvrir d'anévrysmes. Quelques-unes de ces dilatations nous avaient-elles échappé ; ou plutôt ne s'agissait-il pas là de cerveaux voués à l'hémorrhagie, mais ou cette hérnorrhagie, loin d'être imminente, n'était pas encore annoncée par le développement d'anévrysmes qui, sans doute, se seraient formés ultérieurement ?
Charcot. Œuvr. compl. t.ix Hérnorrhagie cérébrale. u
A défaut d'autre argument, la description que nous venions de donner prouverait déjà que ce n'est pas au processus habituel de l'athérome, à l'endartérite scléreuse, qu'il convient de rapporter la formation des anévrysmes miliaires. Nous n'avons pas suivi les altérations histologïques sur les gros troncs de la base ou des méninges ; mais, ainsi que nous l'avons dit plus haut, ces vaisseaux parraissent participer à la maladie qui n'est pas toute intra-cérébrale. Indépendamment de l'amincissement et de l'aspect pelure d'oignon, déjà indiqués, nous citerons encore à l'appui de cette manière de voir la coexistence constatée un certain nombre de fois, dans les artérioles de la pie-mère, de cette ectasie ampullaire décrite par M. Virchow, ectasie qui a de si grandes analogies avec nos anévrysmes qu'elle paraît n'en différer que par le siège et par le rôle palliogénique. Dans quelques cas aussi, nous avons vu des anévrysmes beaucoup plus volumineux, disséminés sur des branches importantes des artères des méninges, compliquer les anévrysmes miliaires. Une fois, nous avons constaté dans les mêmes circonstances, une dilatation iusifonne et cirsoïde de la basilaire avec une semblable altération de la sylvienne gauche à son origine. La coexistence de ces diverses lésions nous a fait penser que la périartérite scléreuse que nous venons de décrire, n'est pas exclusivement dévolue aux vaisseaux intra-côrôbraux ; nous la considérons comme une altération générale du système artériel encéphalique ; mais rien ne nous autorise encore à y voir une affection plus générale ; jamais chez nos malades nous n'avems rencontré d'altérations vasculaires analogues dans d'autres parties du corps.
IV.
Nous devons aborder maintenant l'étude des anévrysmes
miiietires. Les faits nouveaux que nous avons observés en grand nombre sont pleinement confîrmatifs de la description que nous avons donnée autrefois : nous n'aurons donc pas à la modifier notablement. Avant d'indiquer la structure de ces anévrysmes, nous dirons d'abord quelle apparence ils présentent, et dans quels points on les rencontre.
Tous ces anévrysmes, sont visibles à l'œil nu; ils apparaissent comme de petits grains globuleux, dont le diamètre varie de deux dixièmes de millimètre à un millimètre et quelquefois un peu plus, appendus à un vaisseau également visible à l'œil nu ; une simple loupe suffit du moins pour les distinguer nettement ; le diamètre du vaisseau peut varier de 1/3 de dixième de millimètre à un quart de millimètre. La couleur de ces anévrysmes varie suivant l'état du sang qu'ils contiennent, et suivant l'état de la paroi. Quand la paroi est mince, l'anévrysme est d'un rouge violacé plus ou moins foncé, si le sang qu'il renferme est liquide ; si, au contraire, le sang concreté depuis longtemps s'est déjà transformé en granulations graisseuses et en liématoïdine, l'anévrysme est rouge brun, ocreux ou même noirâtre ; et, généralement, la couche contiguë du tissu cérébral présente, à un moindre degré, une coloration analogue. Quand les parois sont épaissies par la prolifération conjonctive de la tunique adventice, ce qui se voit quelquefois, surtout dans les parties centrales, l'anévrysme est bleuâtre si le sang qu'il renferme est liquide ; grisâtre, si les globules blancs qui s'y arrêtent toujours en certain nombre sont nombreux et emprisonnés dans une gangue granuleuse qui ne laisse plus qu'une place peu étendue au sang normal ; brunâtre, si le contenu a déjà subi les transformations régressives indiquées plus haut; enfin jaunâtre, s'il y a prédominance de granulations graisseuses ou de grains calcaires. Ces différences dans la structure de l'enveloppe et
dans la nature du contenu peuvent faire varier notablement la consistance de l'anévrysme, qui est tantôt mou et fragile, se rompant sous l'influence de la moindre pression et laissant échapper un sang dont les caractères extérieurs sont peu modifiés ; tantôt dur, à la façon d'un grain de sable ; tantôt ferme et élastique.
Nous avons rencontré ces anévrysmes dans presque toutes les parties de l'encéphale ; mais ils ne sont pas uniformément répandus partout : ils ont leurs organes de prédilection. Les couches optiques, les corps striés, les circonvolutions, la protubérance, le cervelet, le centre ovale, les pédoncules cérébelleux moyens, les pédoncules cérébraux, le bulbe, sont par ordre de fréquence décroissante, les diverses parties où nous les avons rencontrés. Cette distribution n'est-elle [tas encore un argument en faveur du rôle pathogénique que nous leur attribuons? Sur 86 hémorrhagies observées par M. Durand-Fardel, l'épanchement s'était opéré primitivement dans les corps striés ou les couches optiques, 50 fois ; dans le centre ovale, ou au voisinage des circoirvolutioiis ou dans l'épaisseur des circonvolutions, 27 fois ; dans la protubérance, 5 fois ; dans le cervelet 4 fois.
C'est dans les circonvolutions que nous avons constaté pour la première fois les anévrysmes miliaires, et c'est là aussi que nous les avons rencontrés presque exclusivement pendant longtemps; ils siégeaient soit à la surface, soit dans l'épaisseur de la substance grise, soit à la réunion de la substance blanche a\Tec la couche corticale. Cette position plus superficielle des anévrysmes des circonvolutions qui les mettait en évidence dès que la pie-mère était détachée, nous avait d'abord trompé sous le rapport de leur fréquence relative, mais lorsque ensuite nous avons pris le soin et l'habitude de les rechercher dans les parties centrales, nous avons reconnu qu'ils y existaient plus fréquemment.
Le nombre des anévrysmes est très variable, mais il ne peut être apprécié d'une manière exacte, les coupes de l'encéphale, ne pouvant pas être assez multipliées pour qu'an bon nombre n'ait pas pu échapper aux rechercli.es. Il nous est arrivé, malgré le soin le plus minutieux, de n'en découvrir que deux ou trois; le plus souvent, on en trouve un nombre beaucoup plus considérable; quelquefois même, on en compte des centaines dans un même cerveau.
Nous avons déjà dit plus haut que c'est surtout chez les vieillards qu'on les rencontre, mais nous avons indiqué aussi qu'ils n'appartiennent pas en propre à la vieillesse, puisque nous les avons vus, avec Farté ri te scléreuse qui les prépare, chez un jeune homme de 20 ans, et qu'il en existe, trois cas, chez des individus âgés de 20 à 30 ans.
Quand on dépouille de ses membranes un cerveau qui contient des anévrysmes, il arrive fréquemment qu'on les aperçoit tout d'abord à la surface des circonvolutions ou dans les sillons qui les séparent. Voici comment ils apparaissent alors. Ce sont de petites taches rondes, légèrement saillantes, des dimensions d'un grain de mil, disséminées en nombre, variable, quelquefois très nombreuses, diversement colorées depuis le rouge vif ou violacé jusqu'au brun rougeâtre ou noirâtre, quelques-uns même gris ou jaunâtre (Pl. I, fig. 2, A,B). Si l'on examine ces taches de plus près, on voit que chacune d'elles est constituée par un grain de résistance variable plus ou moins régulièrement sphérique. On peut les isoler, à l'aide d'aiguilles, du tissu nerveux ambiant qui leur forme comme une cupule. D'autres fois, l'isolement est rendu plus difficile, soit par la délicatesse très grande de la membrane de l'anévrysme, soit par l'adhérence du granule avec le tissu qui l'entoure. Quand la dissection est complète, on constate que ce grain se continue par un de ses pôles avec un vaisseau qui plonge dans l'épaisseur de la circonvolution.
Lorsque les malades ont succombé à une attaque récente, on trouve souvent quelques-uns de ces grains plus volumineux, dépassant assez souvent les dimensions d'un grain de chénevis ; ils sont violets ; le sang qui les distend n'est recouvert que par une très mince pellicule membraneuse. Alors, si l'on expulse ce sang en pressant le petit globe entre deux lames de verre, on reconnaît au centre un anévrysme semblable aux autres, mais rompu et entouré par le sang qui distendait la membrane d'enveloppe, qui n'est autre que la tunique lymphatique ; de sorte que,là ou l'on croyait avoir affaire à un anévrysme volumineux, il n'y a, en réalité, qu'un épan-chement de sang dans la gaine dilatée avec un anévrysme véritable au centre. Dans les cas où cette gaine s'est rompue, l'apparence que nous venons d'indiquer n'existe plus et on a un véritable foyer hémorrhagique.
Quand les anévrysmes sont complètement plongés dans la substance grise des circonvolutions, il arrive souvent qu'on les aperçoit vaguement par transparence, on les devine à une tache bleuâtre mal limitée, formant comme une marbrure à la surface libre de la circonvolution.
Les mêmes apparences que nous venons de décrire se remarquent à la surface de section pour les anévrysmes des parties plus profondes ; mais généralement, leur recherche exige plus d'attention que celle des anévrysmes des circonvolutions (Pl. II, fig. 3, B, G, D.)
Jusque-là pour être minutieuse cette investigation n'offre au moins aucune difficulté et n'exige pas un temps considérable. Il n'en est plus de même quand on se propose de rechercher les anévrysmes qui doivent se trouver sur les parois des foyers récents. Il faut d'abord déterger la cavité, enlever une grande partie du caillot ; mais pour cela, il ne convient ni d'emporter le sang avec le dos d'un scalpel, ni de le chasser
par la percussion d'un filet d'eau ou par le lavage avec un pinceau. Ces divers moyens qui ont été employés déjà pour la recherche du vaisseau rupture où l'on pensait trouver la source de l'hémorrhagie sont tous défectueux. Le procédé qui nous a paru fournir les meilleurs résultats est le suivant. Après avoir ouvert largement le foyer et laissé tomber du caillot ce qui s'en échappe naturellement, on place l'encéphale dans de l'eau qu'on renouvelle fréquemment, sans secousses, en inclinant seulement le vase de temps à autre, de manière à détacher par parcelles Je caillot encore adhérent aux parois. Au bout d'un temps variable, on finit par isoler un assez grand nombre de petites masses chroniques qui flottart à la surface du foyer, mais qui y restent rattachés par des filaments x'as-culaires. C'est sur ces petites masses que l'examen microscopique doit porter. On en examinera un bon nombre avant de trouver enfin un anévrysme. La plupart ne sont que des fragments du caillot bouchant à la façon d'un capuchon des vaisseaux ruptures (Pl. 111, fig. 2), mais on finit par en trouver quelques-unes, dans lesquelles, en suivant le vaisseau à travers la masse fibrineuse, on le voit se dilater tout-à-coup en forme d'ampoule sphérique contenant encore du sang à son inférieur, mais fendue sur une partie de son pourtour ; et l'on constate alors que la gaîne disséquée ou plutôt injectée par i'épanche-ment, est également rompue ; de telle sorte qu'il y a continuité entre le caillot du foyer, celui qui distend la gaîne et enfin celui qui est encore renfermé dans l'anévrysme. On le voit, l'examen microscopique qui ne doit d'ailleurs être fait qu'à un faible grossissemenl, et qui était inutile pour la détermination d'anévrysmes éloignés du foyer, devient indispensable lorsqu'on veut rechercher ceux qui ont pu provoquer répanchement.
Quand on a isolé un anévrysme à l'état d'intégrité et qu'on l'étudié à un plus fort grossissement, on voit que sa paroi se
continue sans ligne de démarcation avec les tuniques du vaisseau qui s'y rend et de celui qui en émerge ; mais ces tuniques ne sont plus distinctes les unes des autres. La musculeuse, qui faisait défaut sur l'artériole, à une distance plus ou moins grande en deçà et au delà de l'anévrysme, manque absolument sur ce dernier, de sorte que l'adventice est au contact de la membrane interne. Il s'établit même entre ces deux tuniques une telle fusion, que la démarcation n'existe plus ; on ne saisit qu'une seule membrane à la surface de laquelle on peut voir de nombreux noyaux, ou, plus souvent, des corpuscules fusiformes de tissu conjonctif. Lagaine, qui peut rester indépendante, se soude aussi quelquefois à la paroi de l'anévrysme.
On aperçoit par transparence le sang dont les éléments normaux paraissent mélangés à des amas granuleux. Si l'on presse sur la lamelle de verre qui recouvre la préparation, ce sang s'écoule parles deux bouts de l'artère ou s'échappe brusquement par une rupture de l'anévrysme. Onpeut alors l'étudier plus complètement. On trouve à côté d'une partie plus liquide, constituée à la façon du sang normal, une autre partie moins fluide, grenue, transparente, renfermant de très nombreux leucocytes, dont quelques-uns gonflés et granuleux, à la façon des corps de Gluge ; on peut trouver aussi, interposées aux éléments, des gouttelettes et des granulations dégraisse. L'accumulation des globules blancs et de la matière amorphe grenue qui les entoure, peut en augmentant, amener une stagnation du sang dans l'anévrysme ; ce sang subit alors plus complètement les métamorphoses régressives qui le transforment en granulations graisseuses et en granules ou en cristaux d'hématoïdine. L'anévrysme s'oblitère, ainsi que le vaisseau qui l'alimentait, et on peut constater jusqu'à une certaine distance dans l'intérieur de ce dernier, des amas graisseux et des cristaux d'hématoïdine. En môme temps que s'opèrent ces transformations du contenu, les parois de l'ané
vrysme et du vaisseau au voisinage de l'anévrysme, peuvent s'épaissir par la prolifération de l'adventice et s'infiltrer aussi de granulations graisseuses. Dans les cas où un anévrysme rompu antérieurement a laissé le sang distendre la gaîne sans la déchirer, sans former par conséquent un véritable foyer, la présence de la graisse et des grains ou des cristaux d'Iiéma-toïdine ne s'observe pas seulement à l'intérieur de l'anévrysme, mais on la constate d'une manière diffuse autour de lui, et les produits de métamorphose du sang infiltrent un tissu de nouvelle formation, résultant de la soudure de la gaîne avec l'anévrysme et de la prolifération nucléaire du tissu nerveux ambiant. Quelquefois même, des capillaires assez nombreux se développent à la surface du grain ratatiné, et semblent former des vasa vasorum.
Telle est la constitution des anévrysmes miliaires. Ces dilatations ampullaires, ou quelquefois seulement fusifornies se font généralement aux dépens de toute la périphérie du vaisseau ; d'autres fois, elles sont latérales et n'interrompent pas complètement le calibre de l'artère. Ces expansions latérales peuvent être pédiciiiées.U ne artériole ne porte habituellement qu'un seul anévrysme, mais quelquefois, on peut en voir plusieurs grou-- pes formant une sorte de grappe suspendue au même filament vasculaire ; d'autres fois le vaisseau présente successivement plusieurs dilatations et prend une disposition moniliforme.
Après avoir fait connaître les anévrysmes miliaires en eux-mêmes, nous devons maintenant les étudier dans leurs rapports avec l'hémorrhagie cérébrale. Nous exposerons d'abord les faits d'hémorrhagie du cerveau que nous avons rassemblés depuis que notre attention est fixée sur la recherche de ces anévrysmes. Ces faits peuvent être divisés en trois catégories, ceux ou l'hémorrhagie avait déterminé la mort peu de temps après l'attaque et où l'encéphale ne montraitque des foyers récents; ceux ou des extravasations récentes coexistaient avec des
traces ocreuses d'ancienne apoplexie sanguine ; ceux enfin, où l'on ne trouvait à l'autopsie que la cicatrice nettement recon-naissahle d'une hémorrbagie antérieure.
V.
Les observations d'hémorrhagie cérébrale que nous allons rapporter ont pour la plupart été recueillies avec grands détails et plusieurs ont été déjà publiées in-extenso. Les limites dans lesquelles nous devons nous renfermer et le but spécial de ce travail nous ont déterminé à ne les reproduire ici qu'en abrégé. Nous nous efforcerons cependant d'indiquer au moins sommairement, les caractères qui légitimaient le diagnostic porté. Quant à la détermination anatomique de la lésion et de ses causes pathogéniques prochaines, elle a toujours été faite, avec un soin minutieux ; et si dans nos observations il n'est pas fait mention le plus souvent d'obstructions artérielles ou d'oblitérations veineuses, c'est que, en réalité, ces altérations xrasculaires faisaient défaut. Les dilatations anévrysmatiques, dans tous les cas que nous avons recueillis et dans plusieurs de ceux qui nous ont été communiqués par d'autres observateurs, ont été constatées par nous, non seulement à l'oeil nu, mais encore au microscope.
hémorri1agies récentes.
Obs. /.— Salpêtrière, Saint-Alexandre, — 18. Cuarcot.
Durand (Thérèse-Euphrosine), Gl ans. — Cotte femme-, qui depuis longtemps était paralysée du coté gauche, et qui gardait le lit, est frappée d'apoplexie le 11 mars 18GG. A la suite de cette attaque, on constate une hémiplégie droite. — Elle meurt trois jours après l'attaque le 14 mars 1866,
A Y autopsie, on trouve dans le lobe pariétal de l'hémisphère gauche un épanchement récent assez considérable. Autour du
caillot, le tissu cérébral est mou, diffllient, et après l'avoir détaché par lambeaux au moyen de la macération dans une eau fréquemment renouvelée, on arrive à constater dans les parois mêmes du foyer, l'existence de deux anévrysmes miliaires assez volumineux. Un de ces anévrysmes est rompu et son caillot intérieur est en continuité directe avec le caillot de l'épanché ment. — On trouve dans l'hémisphère gauche des lacunes jaunâtres assez étendues, résultat de ramollissements anciens.
Les artères de la base sont par places un peu athéroma-teuses. L'artère basilairo est tortueuse et présente sur le côlo gauche de la protubérance une dilatation de la grosseur d'un haricot. L'artère sylvienne gauche est également dilatée à son origine. — L'état des viscères n'a pas été noté.
Obs. II. Salpètrière, Saint-Luc, 2. — Charcot.
Raynié (Jeanne), 62 ans). — Cette femme dont l'observation a été égarée, est morte d'hémorrhagie cérébrale le 24 mai 1806.
L'autopsie a relevé des foyers multiples d'hémorrhagie cérébrale récente et d'assez nombreux anévrysmes miliaires dans les circonvolutions.
Obs. III. Salpètrière, Saint-Luc, a. — Charcot.
Dreptain (Louise-Antoinette), 74 ans. — Cette femme, bien portante habituellement, quoique traînant un peu une jambe, est frappée d'apoplexie le 2 juin 1866. — Elle reste dans le coma stertoreux avec résolution des membres plus grande peut-être du côté droit que du côté gauche, mais sans prédominance manifeste de la paralysie plutôt d'un côté que de l'autre. Elle meurt au bout de quatre heures le 2 juin 186(5.
A l'autopsie, on trouve une arthrite sèche avec ankylose cellu-leuse du genou droit. L'encéphale renferme dans l'hémisphère gauche un vaste épanchernent qui a labouré la substance du centre ovale et dilacéré le corps strié. Un épanchernent un peu moins considérable existe dans les points symétriques de l'hémisphère droit. — Un petit foyer se trouve aussi clans l'épais
seur de la protubérance, un autre dans le pédoncule cérébral gauche. Ce dernier a fait irruption sous la prémère. On trouve aussi du sang épanché dans le quatrième ventricule. Les parois des foyers sont ramollies, mais seulement par imbibition, car on n'y trouve pas de corps granuleux ni de granulations graisseuses. On trouve quelques anévrysmes miliaires dans les circonvolutions. Le cœur est normal, les orifices sains; l'aorte, dans sa partie supérieure, est à peine athéromateuse, et présente seulement quelques plaques scléreuses dans sa portion descendante. Cependant, dans la portion abdominale, on trouve quelques points ulcérés. Les reins sont volumineux sans altération de structure.
Obs. IV. Salpêtrière, Saint-Jacques, 15. —Charcot.
Barbillon (Marie-Rose), 75 ans. — Attaque d'apoplexie avec hémiplégie droite. Perte absolue de la sensibilité et du mouvement au bras droit, sensibilité obtuse et conservation partielle du mouvement volontaire au membre inférieur droit. Mort le 29 septembre 1866, cinq jours après l'attaque.
A Yautopsie, on trouve un vaste foyer hémorhagique qui a détruit la couche optique gauche, la partie postérieure du noyau intraventriculaire du corps strié gauche et l'étage supérieur du pédoncule cérébral gauche. Le sang a fait irruption dans les cavités ventriculaires. Les ventricules latéraux et le ventricule moyen sont remplis de caillots. On rencontre plusieurs anévrysmes miliaires dans la protubérance et dans la couche optique droite. Les artères de la base de l'encéphale sont fortement athéromateuses. Le cœur est volumineux avec surcharge graisseuse. Les reins sont normaux.
Obs. V. Salpêtrière, Saint-Matthieu, 16. — Vulpian.
Handuc (Marie-Joséphine), 62 ans. — Cette femme, qui avait été sujette à quelques vertiges, est prise, le 14 septembre 1866, d'un ictère sans coliques et sans douleur dans la région hépatique. Les jours suivants, quelques frissons surviennent, puis de l'agitation et du délire, La région de l'hypochondre droit
devient douloureuse, la fièvre devient continue, l'ictère persiste. Le 8 octobre, légère épistaxis; le 9 octobre, assoupissement, puis résolution, insensibilité, coma et enfin mort.
A 1''autopsie, on trouve dans l'encéphale plusieurs vastes foyers hémorrhagiques occupant les deux hémisphères, ayant dilacéré les couches optiques et envahi tous les ventricules. On trouve aussi un vaste foyer hémorrhagique dans l'épaisseur du cervelet. Tout autour du foyer, le tissu cérébral ramolli, mais ne contenant pas de corps granuleux, présente une coloration jaune très foncée due à l'imbibition par le sérum du sang chargé des matériaux de la bile. On trouve plusieurs anévrysmes dans les parois du foyer des hémisphères; on en rencontre également plusieurs dans l'épaisseur de la protubérance. Les artères de la base sont légèrement athéromateuses.
Le cœur est normal. — Le rein gauche est extrêmement atrophié, le rein droit est hypertrophié. — L'aorte est saine. On trouve dans le foie un cancer des voies biliaires. — Une inondation sanguine de ce cancer a injecté d'un sang noir toutes les divisions du canal hépatique. La compression exercée par le cancer était surtout manifeste au niveau du point où le canal hépatique se réunit au canal cystique.
Obs. VI. Salpêtrière. — Vulpian.
Longueville, 77 ans. — Les renseignements manquent. Cette femme étant morte en octobre 1800, on trouva à l'autopsie une liémorrhagie récente du lobe droit du cervelet. En enlevant la pie-mère, on découvrait des anévrysmes miliaires sur les circonvolutions.
Obs. VIL Salpêtrière, Sainte-Cécile, 11. — Cuarcot.
Julien (Catherine), 51 ans. —Cette femme avait eu, il y a un an, un certain nombre de métrorrhagies très abondantes. Depuis six mois, elle n'a plus eu une seule hémorrhagie, mais elle n'a pas tardé à éprouver de temps à autre des étourdisseinents et des fourmillements dans les membres, au point qu'elle avait une grande frayeur d'être frappée d'apoplexie.
Lo 13 janvier 1807, elle a eu une attaque, non précédée de prodromes; elle chancelle, mais sans perdre connaissance; la jambe droite est d'abord paralysée, puis, au bout de quelques instants, le bras droit refuse son service. Observée dix minutes après l'attaque, la malade n'avait ni déviation à la face, ni gène de la parole; mais au bout d'une heure, la bouche est fortement déviée, la parole très embarrassée, l'intelligence obscurcie. — Cette femme meurt le 14 janvier 1867, un jour après l'attaque.
A Yautopsie, on trouve un foyer anfractueux dans ta couche optique gauche, empiétant sur la partie postérieure des corps striés. Ce foyer a fait irruption dans les ventricules. Un autre foyer très-petit, très net, non anfractueux, sans ramollissement périphérique, existe dans l'étage supérieur de la protubérance. Enfin, dans le corps strié droit, on trouve aussi un tout petit foyer récent. On a trouvé dans les parois du foyer de l'hémisphère gauche, et dans celles du foyer de la protubérance, plusieurs anévrysmes miliaires. Il y avait aussi deux petits anévrysmes miliaires sur les circonvolutions. — Les artères de la base de l'encéphale n'étaient nullement athéromateuses. L'aorte et ses principales branches n'étaient également pas athéromateuses. Le cœur non hypertrophié était seulement un peu chargé de graisse; son poids était de 387 grammes. L"orifice aortique sain avait 0m085 de circonférence; la valvule mitrale un peu indurée avait 0ra 08 de pourtour. — Le foie sain pesait 333 grammes. Les poumons congestionnés pesaient 1.180 grammes; la rate, petite, ratatinée, dure, pesait 190 grammes. Les reins petits, légèrement atrophiés, pesaient ensembie 190 grammes. On trouve dans l'utérus un corps fibreux interstitiel du volume d'une orange.
Obs. VIII. Hôtel-Dieu(1), Sainte Jeanne, 19. — Barth.
X... 66 ans. — Cet homme est frappé d'apoplexie avec hémiplégie flasque ;(le côté de l'hémiplégie n'a pas été noté, non plus que celui de la lésion cérébrale) ; quelques sangsues ayant été
i. Obs. communiquée par les docteurs Ollivier ci Prévost.
appliquées lors de l'entrée du malade à l'hôpital, il est pris d'érysipèle et meurt dix ou quinze jours après l'attaque, le 19 lévrier 1867.
kVautopsic, on trouve un foyer hémorrhagique du volume d'un gros œuf entre les circonvolutions de l'insula et le corps strié. Plusieurs anévrysmes miliaires ont été trouvés dans les parois du foyer. D'autres anévrysmes miliaires ont été trouvés dans divers points de l'encéphale.
Obs. IX. Hôtel-Dieu (1), Saint-Roch. — Baktii.
Homme (Emilie), 58 ans. — Cette femme, qui n'avait jamais eu de paralysie est frappée d'apoplexie le 17 février 1857, et est apportée à l'Hôtel-Dieu en état de coma avec une hémiplégie droite. Elle meurt le 21 février 1867.
A l'autopsie, un vaste épanchement sanguin qui, ayant sou origine dans la couche optique gauche, a fait irruption dans les ventricules, qui sont complètement injectés. On rencontre dans la couche optique dilacérée plusieurs anévrysmes miliaires. On en trouve quelques autres dans les parties saines du tissu cérébral. Les artères de la base sont athéromateuses. Le cœur un peu surchargé de graisse, paraît à peu près sain. L'aorte présente quelques plaques calcifiées. La substance corticale des reins est très atrophiée.
Obs. X. Salpêtrière, Saint-Alexandre, li — Chargot.
Humé (Clarisse-Adélaïde), 55 ans. — Atteinte, il y a six mois, d'une hémiplégie subite du côté droit, sans perte de connaissance, cette femme avait recouvré au bout de quelque temps l'usage de ses membres. Dans les derniers temps de la vie, l'intelligence s'obscurcit, la marche devient difficile,puis impossible; la face est rouge, la parole embarrassée, le pouls monte à 132 pulsations par minute, la température rectale s'élève à 10°, 2. Un matin, on la trouve dans le coma. La respiration est devenue. stertoreu.se, la température atteint 41°,8. Mort le 11 Mars 1867.
A Yautopsie, on trouve des néo-membranes de la dure-mère plus épaisses à gauche et contenant un petit épanchernent sanguin clans leur épaisseur. Foyer d'hérnorrhagie récente clans le noyau extra-ventriculaire du corps strié droit. Plusieurs foyers d'infiltration celluleuse, suite de ramollissement ancien dans l'hémisphère gauche. Plusieurs anévrysmes miliaires clans la protubérance, les circonvolutions, le centre ovale et fes couches optiques. Les artères de la base sont très athéromateuses.
Le cœur est extrêmement volumineux ; ses parois sont d'un jaune clair, les fibres sont chargées de granulations pigmen-taires ; il pèse 323 grammes. L'aorte est presque saine. Les poumons sont très fortement congestionnés. Les reins pèsent ensemble 240 grammes et présentent un certain degré de pyélo-néphrite ancienne.
Obs. XL Hôtel-Dieu de Lyon (1), 3e Femmes, 84.
Bastien (Marie), 00 ans. — Cette femme a été frappée d'apoplexie ie 19 mars 1807, avec perte complète cle la sensibilité et du mouvement à droite et déviation de la face gauche. File meurt le 20 mars 1807.
A Yautopsie, on constate un vaste foyer d'hémorrhagie récente occupant fa presque totalité du centre ovale. L'examen des parois du foyer, fait par M. R. Tripier, a montré un grand nombre d'anévrysmes miliaires; on en a coiupté plus de vingt, dont queiques-uns ruptures. — Les artères de la base étaient athéromateuses.
Obs. XII. Maison impériale de Charenton, A Avril 1807.
B..., âgé de 20 ans, admis à l'hospice de Charenton pour une semi-imbécilfité. Ce jeune homme, qui s'adonnait aux boissons alcooliques, était atteint d'une hypertrophie du cœur. Après un repas copieux, il s'affaisse subitement; on constate une perte absolue de fa sensibiiité et du mouvement, fa face est d'une pâteur tivide, fa respiration embarrassée, fes battements cardia-
1, Obs. communiquée par M. Césari, interne des hôpitaux de Lyon.
ques énergiques; il meurt sans convulsions vingt minutes après l'attaque, le 4 Avril 1867.
A Vaufopsie, on trouve une hémorrhagie qui a labouré la couche optique et le corps strié du côté gauche et qui a fait irruption dans les ventricules; le caillot se poursuit jusque dans le quatrième ventricule. Les artères de la base présentent quelques plaques molles, blanchâtres. Le cœur présente une hypertrophie concentrique énorme,les valvules sigmoïdes sont légèrement scléreuses, mais sans lésion de canalisation. Les autres organes n'ont pas été examinés.
Les pièces relatives à ce cas ayant été présentées à la Société anatomique par M. Brémond, interne de l'hospice de Charenton, une portion du cerveau nous a été confiée, et nous y avons reconnu, indépendamment d'une péri-artérite scléreuse très prononcée, la présence de plusieurs anévrysmes miliaires dont quelques-uns très volumineux.
Obs. XIII. Salpêtrière. — Charcot.
Baudois (Marguerite), 91 ans. — Attaque d'apoplexie, hémiplégie gauche avec contracture, retour de l'intelligence. Mort neuf jours après l'attaque, le 24 Avril 1867.
A Yautopsie, on trouve un foyer hémorrhagique récent de la couche optique du côté droit, ouvert dans le troisième ventricule. Quelques anévrysmes miliaires sont constatés dans les circonvolutions. Les artères de la base sont très athéromateuses.
Le cœur est petit, sans altération de structure; il pèse 210 grammes. Le ventricule gauche semble présenter un peu d'hypertrophie concentrique; les valvules aortiques sont légèrement incrustées de sels calcaires, sans lésion de canalisation. L'aorte est très athéromateuse et présente quelques kystes fi-brineux dans sa partie descendante. Les reins sont très petits; ils ne pèsent ensemble que 125 grammes, mais leur tissu paraît normal.
Obs. XIV. Salpêtrière, Saint Luc, 5. — Charcot.
Barthélemi (Marie Joséphine), 69 ans. — Cette femme, frap-
Chaiicot. Œuvr. compl. t. ix, Hémorragie cérébrale. 3
pée d'apoplexie le 30 avril 1807, avec hémiplégie du côté droit, meurt le 3 mai 18G7 avec une température rectale de 10°,0.
Al'autopsie, on trouve un foyer hémorrhagique qui a détruit la couche optique gauche et intéressé le noyau extraventriculaire du corps strié. On a rencontré des anévrysmes miliaires dans la protubérance et dans les circonvolutions. Les artères de la base sont notablement athéromateuses. Le cœur volumineux pèse 410 grammes. Les valvules sont saines, mais l'orifice aortique est moins large que l'orifice pulmonaire. L'aorte ne présente que quelques plaques athéromateuses au niveau de la crosse : les reins un peu atrophiés pèsent ensemble 210 grammes.
Obs. XV. Salpctrière. — Charcot.
Thomas (Marie-Thérèse), 70 ans. — Attaque d'apoplexie, déviation de la face à gauche, résolution des quatres membres, coma. Mort cinq jours après l'attaque, le 20 mai 1807.
Hérnorrhagie du lobe gauche du cervelet, avec pénétration clans le quatrième ventricule,puis dans le troisième, et un peu dans le ventricule latéral gauche. Pas de lésions anciennes de l'encéphale ; anévrysmes miliaires clans le foyer. Les artères de la base sont assez athéromateuses.
Le cœur estnormal, il pèse 330 grammes. Les reins sont sains, ils pèsent ensemble 200 grammes.
Obs. XVI. Salpêtrière, 2 juin 1807. — Baillarger.
Hurtelle, 73 ans. Cette femme qui était démente, est prise •d'une perte subite de connaissance avec des vomissements abondants. Résolution muscuiaire générale et diminution notabte de la sensibilité des deux côtés. On ne peut pas constater d'hémiplégie. Le pouls devient très fréquent, fa respiration s'embarrasse. La température monte à 39°,8 ; la mort survient deux jours après l'attaque le 2 juin 1807.
A l'autopsie, on trouve une vaste hérnorrhagie du cervelet développée dans le lobe droit et s'étendant à une grande partie du gauche ; le sang, après avoir déchiré les circonvolutions à la partie postérieure, s'étend sous la méninge. Le foyer renferme sur
ses parois de nombreux anévrysmes miliaires ; on en trouve de semblables dans la pie-mère cérébelleuse; ils sont disposés principalement sur les branches de la cérébelleuse postérieure et supérieure. On ne trouve pas d'anévrysmes dans le cerveau. Les artères de la base et les sylviennes sont légèrement athéromateuses ; les artères cérébelleuses ne le sont pas. Le cœur est hypertrophié et un peu graisseux.
Obs. XVII. Pitié. — Béiiier suppléé par Proust.
Remoissonnet (René), 51 ans. — Cet homme était autrefois employé à la buanderie de la Salpêtrière et restait, pendant une partie de la journée, dans une atmosphère humide, chauffée à une température très élevée. Plusieurs fois, pendant l'année 1865, il eut des attaques caractérisées par une perte de connaissance, avec résolution musculaire et rougeur de la face. Ces accidents disparaissaient rapidement après une saignée et ne laissaient après eux aucune paralysie. A la suite de la troisième attaque, on insista pour que cet homme quittât le travail de la buanderie, et, depuis cette époque, il fut employé comme jardinier.
Le 10 août 1867, il est pris d'une nouvelle attaque et transporté à la Pitié. Il est à son entrée dans un coma profond, sa respiration est lente, un peu bruyante, la face pâle, comme bouffie. Résolution des quatre membres alternant avec un peu de rigidité. Insensibilité absolue. Mouvements réflexes conservés à la jambe droite, nuls à gauche. Léger nuage albumincux clans les urines, provoqué par la chaleur et par l'acide nitrique. Mort dans la journée de l'attaque, le 10 août 1867.
A Y autopsie, hémorrhagie du corps strié droit ayant fait irruption dans les ventricules. Quelques anévrysmes ampullaires de la pie-mère, très nombreux anévrysmes miliaires des circonvolutions. Les vaisseaux de la substance cérébrale présentent au microscope une multiplication très notable des noyaux de la gaine lymphatique avec grains d'hématoïdine clans son intérieur, une diminution et presque partout une disparition des fibres musculaires avec prolifération nucléaire très-abondante
sur les parois vasculaires proprement dites. — Les artères de la base de l'encéphale ne sont nullement athéromateuses.
Le cœur est volumineux, sans lésions de structure ni de canalisation. —Les reins sont normaux.
Obs. XVIII. Pitié. — Béhier supléé par Proust.
Til (Nicolas), -40 ans. — Attaque d'apoplexie, paralysie des quatre membres, coma profond, température axillaire 39°,0. Mort dans les vingt-quatre heures, le 18 août 1867.
A Yautopsie, on trouve une hérnorrhagie qui s'est fait en dehors du corps strié droit et qui a fait irruption clans les ventricules. Quelques anévrysmes ampullaires dans la pie-mère, nombreux anévrysmes miliaires dans les circonvolutions. Les artères de la base et des méninges sont minces, transparentes, nullement athéromateuses. Les autres organes n'ont pas été examinés.
Obs. XIX. Salpêtrière, Saint-Alexandre, 2. — Charcot.
Buyck (Catherine), 78 ans. — Cette femme est frappée d'apoplexie le 7 juillet 1867, avec hémiplégie droite. Elle meurt le 13 juillet 1867.
A Yautopsie, on trouve une fracture du crâne, produite par la chute qu'avait déterminée l'apoplexie. — On trouve clans le lobe sphénoïdal gauche, un foyer d'hémorrhagie récente dans les parois duquel se rencontrent un grand nombre d'anévrysmes miliaires. — Les artères de la base ne sont nullement athéromateuses. — Le cœur est normal. — Les reins sont remarquablement sains.
Obs. XX. Salpêtrière. — Vulpian.
C..., 74 ans. — Morte le 10 novembre 1867 d'hémorrhagie cérébrale clu lobe postérieur droit, quatre jours après l'attaque. — Anévrysmes des petites artères clans le foyer et dans les corps striés. Pas d'ancienne lésion encéphalique. — Artères de la base très peu altérées.
Obs. XXI. Maison impériale de Cliaren lon (l).
B..., 19 ans. — Ce malade est frappé d'apoplexie le 17 décembre 1867. 11 est pris immédiatement de stertor, tombe en résolution complète, a un vomissement et meurt dix ou douze minutes après l'attaque.
On trouve à Y autopsie une vaste hémorrhagïe du cervelet, sur* tout dans son hémisphère droit, avec déchirure de cet organe, et épanchement dans le tissu des méninges. On trouve dans les parois du foyer cinq à six anévrysmes miliaires. Les artères de la base étaient modérément athéromateuses.
Obs. XXII. Salpêtrière, Saint-Antoine. — E. Cruveiluier (2). X..., 79 ans. — Cette femme est frappée d'apoplexie le 26 février 1868.
Elle présente une hémiplégie complète clu côté droit et meurt quelques heures après.
A Yautopsie, on trouve une hémorrhagie dans l'épaisseur de la protubérance avec irruption du sang dans le troisième et le quatrième ventricule. — On trouve à la surface des circonvolutions quelques anévrysmes miliaires, on en rencontre d'autres avec la plus grande netteté dans les parois même du foyer. — Les artères de la base étaient athéromateuses.
Le cœur volumineux présentait une incrustation de ses valvules. L'aorte est athéromateuse au niveau de la crosse. Les reins étaient sains.
Obs. XXIII. Salpêtrière, Saint-Jacques, 21. — Charcot.
Huteau (Mathurine-Adelaïcle), 76 ans. — Cette femme est frappée d'apoplexie avec paralysie de la face à gauche et hémiplégie manifeste surtout à gauche. — Les membres paralysés, d'abord flasques, sont pris bientôt de secousses convulsives et de rigidité permanente. Cette femme meurt au bout de vingt-quatre heures le 8 mai 1868.
1. Obs. communiquée par M. J. Tardieu
2, Obs, communiquée par M, Huchard, interne du service.
A Yautopsie, on trouve une hérnorrhagie récente, siégeant dans l'épaisseur de la protubérance, mesurant transversalement0m25, verticalement 0m,015 et 0m,01 environ dans son diamètre antéro-postérieur. Le foyer s'étend également des deux côtés de la ligne médiane, en débordant toutefois un peu plus à droite vers le pédoncule cérébelleux moyen. — On rencontre de plus dans les hémisphères cérébraux deux foyers de ramollissement ancien. — On trouve des anévrysmes miliaires dans la protubérance, dans les corps striés et dans les circonvolutions. — Les artères de la base sont assez athéromateuses. — Le cœur pèse 283 grammes, mais présente une assez notable hypertrophie du ventricule gauche, dont la paroi mesure 0m,023 d'épaisseur. Les valvules sont d'ailleurs normales. L'aorte présente d'assez nombreuses plaques jaunes cl'athérome. Les reins pèsent ensemble 205 grammes et leur substance corticale paraît un peu atrophiée.
Obs. XXIV. Salpêtrière, Saint-Jaques, 13. — Charcot.
Borin (Thérèse), 78 ans. — Cette femme habituellement bien portante, est prise d'apoplexie le 23 juin 1868, avec paralysie de la face à gauche et hémiplégie gauche. Elle a bientôt de l'embarras de la parole, des vomissements, puis des secousses convulsives clans les membres supérieurs, principalement à droite, et elle meurt dans le coma avec une température rectale qui s'est élevée jusqu'à 39°,6 trente-quatre-heures après le début des accidents, le 23 juin 1868.
Al'autopsie, on trouve une vaste hérnorrhagie récente qui, ayant pris son origine dans la couche optique, est venue se faire jour clans le ventricule, et par une déchirure des circonvolutions jusqu'au-dessous de la pie-mère. —On trouve un anévrysme miliaire dans le centre ovale de l'hémisphère gauche, un autre dans la protubérance et l'on en trouve cinq dans les parois du foyer. — Les artères de la base ne sont nullement athéromateuses. Le cœur, qui pèse 320 grammes, a un peu de surcharge graisseuse, mais est d'ailleurs normal. — L'aorte présente quelques rares plaques cl'athérome. - Les reins pèsent ensemble 230 grammes et ne sont pas altérés dans leur structure.
Obs. XXV. Salpêtrière, Saint-Luc, 4. — Charcot.
Hubert (Joséphine-Charlotte), 51 ans. — Hémiplégie droite ancienne. Attaque apoplectique le 9 août 1888 ; elle devient paralysée à droite, est prise d'accidents convulsifs épileptiformes, et meurt le 16 août 1868.
A Y autopsie, foyer d'hémorragie récente du centre ovale droit avec perforation dans le ventricule latéral. Symétriquement, foyer creux, dans l'hémisphère gauche, avec cicatrice évidente de perforation de la paroi ventriculaire. Anévrysmes miliaires très-nombreux dont plusieurs ouvertures clans les parois du foyer récent. — Artères de la base athéromateuses par points.
Le cœur est normal, L'aorte présente quelques rares plaques jaunes dans la portion thoracique, elles deviennent plus abondantes dans la portion abdominale. Les reins sont striés d'infarctus uratiques et pèsent ensemble 190grammes. — Les articulations métatarso-phalangiennes du gros orteil et le genou du côté droit (anciennement paralysé), sont incrustées d'urate de soude.
Hémorraghies récentes avec foyers anciens.
Obs. XXVI. Salpêtrière, Saint-Alexandre, 18. ?— Charcot, Quantin (Marie-Marguerite), 74 ans. —Attaque d'apoplexie, hémiplégie gauche. La chute amène une fracture du fémur gauche. Eschare de la fesse du côté paralysé et élévation terminale de la température. Mort neuf jours après l'attaque, le 31 juillet 1866.
A Y autopsie, vaste foyer récent entre la couche optique et le corps strié de l'hémisphère droit. Le sang, par une déchirure, a fusé dans le ventricule latéral droit, et jusque dans le troisième ventricule. Pas d'autres altérations de l'encéphale, si ce n'est, symétriquement du côté gauche, un petit foyer ocré d'hémorrhagie ancienne. On découvre plusieurs anévrysmes miliaires dans les parois du foyer récent. — Les artères de la base de l'encéphale présentent à peine quelques traces d'athérome.
Cœur flasque, de coloration feuilîe morte. Valvutes aortiques, incrustées à ta base, mais sans rétrécissement ni insuffisance. Aorte athéromateuse par plaques. Reins normaux.
Ors. XXVII. Salpêtrière, Saint-Alexandre, 18. — Charcot.
Fossé (Marie-Euphrasic), 79 ans. — Attaque d'apoplexie le 12 septembre 1860; la malade jusque là bien portante, est frappée quelques instants après son déjeuner. Elle reste pendant une heure dans l'état apoplectique, puis reprend connaissance ; on constate alors une paralysie complète de la sensibilité et du mouvement au membre supérieur gauche. Le lendemain seulement, le membre inférieur gauche paraît un peu paralysé. La malade meurt le 18 septembre 1800, sept jours après t'attaque.
A Yautopsie, on trouve un caillot sanguin du volume d'une noisette, dans l'épaisseur de la couche optique droite. Ce caillot, qui intéresse l'étage supérieur du pédoncule cérébral droit, a déchiré la face supérieure de fa couche optique, ce qui a permis au sang de s'épancher dans ie ventricule latéral droit et jusque dans le ventricule moyen. Dans un point symétrique de la couche optique gauche, on trouve un très petit foyer ocreux. On n'aperçoit d'abord aucun anévrysme ; mais après des recherches muttipiiées, on en trouve un dans la protubérance et trois dans la paroi même du foyer récent. Deux de ces derniers sont suspendus à la même artériole ; ils sont rompus et le sang extravasé a disséqué, puis déchiré la gaine, et se trouve en continuité avec le caillot principal.
Les artères de la base de l'encéphale sont athéromateuses par plaques, sans rétrécissements notabfes. Les branches méningées sont génératement normales ; cependant, de distance en distance, on trouve sur quelques-unes d'entre elles des plaques jaunes opaques. Les viscères n'ont pas pu être examinés.
Obs. XXVIII. Salpêtrière, Saint-Paul, 9. — Charcot.
Marazin (Victoire), 71 ans. - Cette femme qui était sujette à des étourdissements, mais qui était valide, bien qu'elfe eut, dit-on, un côté du corps plus faible que l'autre, est frappée d'apo
plexiele 29 octobre 1800. Quand elle a recouvré connaissance, on constate que la parole est embarrassée, que les yeux sont déviés à droite et qu'il existe une hémiplégie flasque du côté gauche avec conservation de la sensibilité. — Cette femme est prise au bout de deux jours d'un râle laryngo-trachéal. Vers le troisième jour, une eschare commence à se former sur la fesse paralysée, et elle meurt asphyxiée le quatrième jour de la maladie, le 1er novembre 1800.
A Vautopsie, on trouve dans l'hémisphère droit, sous les circonvolutions de l'insula et en dehors du noyau extraventri-culaire du corps strié, un épanchernent sanguin, dont le point de départ semble avoir été le noyau tœniforme. — Dans la partie correspondante de l'hémisphère gauche, existe un foyer tout-à-fait symétrique avec le précédent, mais de petite dimension, constitué par un kyste à paroi ocreuse, vestige évident d'une ancienne hérnorrhagie. On ne trouve pas d'anévrysmes miliaires dans les méninges ni à la surface des circonvolutions ; mais, à la suite de coupes multipliées, on finit par en découvrir un dans l'épaisseur d'une circonvolution, et on en rencontre un assez grand nombre dans les corps striés au voisinage des deux foyers. — Les artères de la base sont minces et transparentes, nullement athéromateuses, non plus que celles des méninges. Le cœur était normal, à parois un peu friables, sans lésions val-vulaires. — L'aorte, dans toute son étendue, présentait à peine quelques plaques athéromateuses non calcifiées. Les reins étaient sains.
Obs. XXIX. Salpêtrière. —Vulpian.
Lef..., 72 ans. — Morte le 12 janvier 1807 d'hémorrhagie cérébrale. Foyer récent dans la partie postérieure du noyau blanc de l'hémisphère cérébral gauche. Ancien foyer reconnaissable à une cicatrice linéaire brunâtre, entre le corps strié et la couche optique du côté droit. Du côté de l'hémorrhagie récente, on trouve, soit dans les parois du foyer, soit dans le corps strié, plusieurs anévrysmes des petites artères. Les artères de la base offrent de nombreuses plaques scléreuses.
Obs. XXX. Hôpital Saint-Antoine (1). —Laboulbène.
Soumellard (Jean-Baptiste),63 ans. — Cet homme est amené à l'hôpital le 4 mars 1867 avec une hémiplégie droite et une contracture des membres du côté gauche; on n'a sur lui aucun renseignement. 11 meurt le 5 mars 1867.
A Vautopsie, on trouve un foyer hémorrhagique considérable dans l'hémisphère gauche, et dans le corps strié de l'hémisphère droit on trouve la cicatrice jaune chamois d'un ancien foyer hémorrhagique. La surface des circonvolutions est parsemée d'anévrysmes miliaires très abondants ; les artères de la base sont athéromateuses.
Le cœur a son volume normal, mais ses valvules sont fortement incrustées de concrétions calcaires. L'aorte est fortement athéromateuse, et au niveau de la partie convexe de la crosse, il existe un petit anévrysme dissécant.
Obs. XXXI. Salpêtrière, Sainte-Marthe, 11. — Charcot.
Lecrique (Marie-Joséphine), 73 ans. — Cette femme, qui avait des habitudes alcooliques et qui présente la variété de rhumatisme chronique désignée sous le nom de nodosités d'Heberden, donne au sphymographe un pouls à plateau caractéristique de l'athérome artériel. Elle se portait bien habituellement, mais depuis huit jours, avait une certaine peine à parler. Le 26 février 1867, elle est prise d'une attaque apoplectique avec hémiplégie gauche de la face et des membres. Les membres paralysés sont en contracture. Le 2 mars, une eschare commence à se former sur la fesse paralysée; la mort survient le 9 mars 1867, le douzième jour de la maladie.
A Vautopsie, on trouve une vaste hémorrhagie du corps strié et de la couche optique du côté droit ayant fait irruption dans le ventricule latéral du môme côté, on trouve au voisinage de ce foyer, sous la membrane épendymère, une cicatrice ocreuse, trace d'une ancienne hémorrhagie ; on rencontre également un foyer o creux dans le corps rhomboïdal droit du cervelet. On
ne trouve pas d'anévrysmes miliaires dans les circonvolutions, mais on en découvre un certain nombre au voisinage du foyer récent et dans l'épaisseur de la protubérance. Les artèresde la base sont extrêmement athéromateuses, Le cœur est sain, ses orifices normaux, mais les valvules aortiques sont incrustées de plaques calcaires. La circonférence de l'orifice aortique est de 0m,07, la circonférence de l'orifice métrai est de 0m,08, L'aorte présente quelques plaques athéromateuses. Les reins sont sains et pèsent ensemble 225 grammes.
Obs. XXXII : Salpêtrière, Sainte-Rosalie, 24. — Charcot.
Sauné (Adèle), 50 ans. — Cette femme, qui était sujette à des maux de tète violents, eut il y a trois ans, sans perte de-connaissance, une première attaque de paralysie affectant seulement fe membre supérieur droit, fl y a deux ans et demi, deuxième attaque avec perte de connaissance, hémiplégie droite, aphasie. Neuf mois après, étourdissement avec aggravation de l'hémiplégie. Deux ou trois jours avant sa mort, cette femme tombe dans la somnolence et te coma; elle meurt le 17 mars 1807.
A Yautopsie, on trouve un foyer d'hémorrhagie récente dans l'épaisseur de la protubérance. On trouve de plus une cicatrice ocreuse dans l'épaisseur des circonvolutions de l'insula du côté gauche, pénétrant dans l'intérieur du corps strié et de la couche optique. On rencontre des anévrysmes miliaires dans la protubérance et dans les circonvolutions. Les artères de la base sont athéromateuses.
Le cœur est énorme, sans lésions valvulaires. L'orifice pulmonaire mesure G centimètres, l'orifice aortique 7,3 centimètres, l'orifice mitral 9 centimètres. Vaorle est saine. Les reins normaux, pèsent ensemble 280 grammes.
Obs. XXXIII. Salpêtrière. — Vulpian.
D., 02 ans. —Morte le 4 Avril 1807 d'hémorrhagie cérébrale. Foyer d'hémorrhagie récente dans le noyau blanc de l'hémisphère cérébral droit, à la partie postérieure. Anciens foyers
d'hémorrhagie dans le même point de l'hémisphère gauche et dans plusieurs autres points de est hémisphère. Anévrysmes miliaires des petites artères. Vaisseaux de la base peu altérés.
Obs. XXXIV. Salpêtrière. — Charcot.
Ilenon (Catherine), 58 ans. — Attaque d'apoplexie avec hémiplégie gauche, contracture et analgésie des membres paraysés. Agitation, délire, carphologie. Elévation terminale de la température, qui monte jusqu'à 40°. Mort le troisième jour après l'attaque, le 20 juillet 1857.
A Vautopsie, on trouve une hémorrhagie récente cle la couche optique droite avec pénétration dans les ventricules. Le quatrième ventricule seul ne contient pas cle sang. On constate dans chaque corps strié l'existence de foyers ocreux, traces d'hémorrhagie ancienne. Anévrysmes miliaires clans les corps striés. Les artères cle la base ne sont nullement athéromateuses.
Le cœur est volumineux, non graisseux, sans lésionsd'oritices ; il pèse 445 grammes. L'aorte présente clans une plus grande étendue les lésions de l'athérome au premier degré. Les reins sont congestionnés, sans atrophie ni altération de structure ; ils pèsent ensemble 310 grammes.
Obs. XXXV. Salpêtrière, salle Saint-Luc, 2. — Charcot.
Bertin (Marie-Adèle), 55 ans. — Première attaque d'apoplexie avec hémiplégie gauche, il y a trois ans. Deuxième attaque il y a un an, la paralysie augmente et la malade ne peut plus marcher. Enfin, à la suite d'une troisième attaque, la malade meurt clans le coma, sept jours après le début des accidents récents, le 31 août18G7.
A Vautopsie, on trouve un foyer récent d'hémorrhagie dans l'épaisseur de la deuxième circonvolution du lobe frontal droit. Il a la grosseur d'une noix et est rempli de sang noir, coagulé. On trouve dans le corps strié droit et dans le lobe droit du cervelet, des kystes à paroi brunâtre, qui ne sont pas manifestement hémorrhagiques. Un foyer ocreux, qui a eu évidemment une hémorrhagie pour origine, existe dans le corps strié
gauche. On trouve plusieurs anévrysmes miliaires dans le foyer récent, on en rencontre également dans les deux corps striés et dans la protubérance. Les artères de la base de l'encéphale, sont peu athéromateuses, le cœur est sain, l'aorte n'est pas altérée, les reins sont normaux.
Obs. XXXVI. Salpêtrière, Saint-Alexandre, 22. — Charcot.
Renaud (Julie), 85 ans. — Attaque subite sans perte totale de connaissance, face pâle, pas de vomissements ; mouvements conservés dans les quatre membres; pas de différence de température d'un côté du corps à l'autre; dyspnée intense. Mort dans la journée même de l'attaque, le 13 novembre 1867.
A Yautopsie, surcharge graisseuse du cœur, dont les orifices sont normaux. Poumons parfaitement sains. Reins normaux. Pas d'athérome aortique. Vaste foyer hémorrhagique du lobe gauche du cervelet, ayant envahi le lobe médian et après la déchirure du vermis inférieur arrivant au contact de la méninge sans pénétrer dans le quatrième ventricule. Une autre déchirure de la couche corticale à la face inférieure du lobe gauche a amené une perforation de la méninge en ce point et un caillot sanguin, pesant 30 grammes, occupe la partie postérieure et inférieure gauche de la grande cavité arachnoïdienne. Les parois du foyer sont lisses, sans traces de ramollissement. On trouve dans chacun des corps striés un petit foyer ocreux, trace d'anciennes hémorrhagies. On trouve un anévrysme miliaire dans l'un des corps striés, un autre dans la paroi même du foyer récent du cervelet. Pas d'athérome des artères cle la base cle l'encéphale mais épaississement athéromateux notable des artères sylviennes et de leurs branches. Une circonvolution en rapport avec l'une de ces branches présente une petite plaque jaune de ramollissement ancien.
Obs. XXXVII. Salpêtrière, Saint-Alexandre, 18. —Charcot.
Gresser (Marie-Marthe), 83ans. —Cette femme sujette à des étourdissements, est frappée d'apoplexie, le 2 février 1868 avec hémiplégie droite. Elle meurt dans la journée.
On trouve à Vautopsie, dans l'hémisphère droit, un petit foyer ocreux, trace d'hémorrhagie ancienne dans le corps strié et dans l'hémisphère gauche, un vaste foyer récent qui a dilacéré le centre ovale et fait irruption dans le ventricule latéral d'une part, et d'autre part sous la pie-mère, au niveau du lobe occipital. On trouve quelques anévrysmes miliaires dans le centre ovale, dans la protubérance et dans les circonvolutions. Les artères de la base sont peu athéromateuses.
Les reins sont normaux et pèsent 180 grammes. Le cœur normal pèse 330 grammes ; ses valvules sont un peu épaissies, mais sans lésions de canalisation. —L'aorte présente quelques plaques athéromateuses.
Obs. XXXVIII. Salpêtrière, Sainte-Cécile, 18. — Charcot.
Soignot (Pierrette), 50 ans. — Cette malade, qui avait déjà eu plusieurs attaques et qui avait fréquemment des accès violents de colère, meurt, le 27 février 1808, à la suite d'une exaltation intellectuelle provoquée par une discussion. On remarqua, clans les derniers jours, que les membres étaient devenus plus raides qu'à l'ordinaire.
A Vautopsie, on trouve un foyer ocreux dans la couche optique droite, un autre à la partie antérieure du ventricule droit, une dans la substance grise de l'une des circonvolutions frontales droites; on en trouve également un en arrière de la couche optique gauche, et un autre enfin dans la substance blanche du lobe occipital gauche. On trouve de plus un foyer hémorrhagique récent dans l'épaisseur de la protubérance, pénétrant jusqu'au cervelet, suivant la direction du pédoncule cérébelleux moyen du côté gauche. On rencontre clans l'épaisseur des circonvolutions, un nombre considérable d'anévrysmes miliaires; on en trouve d'autres dans le cervelet et dans les hémisphères, et notamment au voisinage des foyers. Les artères de la base sont très peu athéromateuses.
Le cœur, volumineux, pèse 440 grammes ; il y a une légère insuffisance des valvules aortiques. Les reins normaux pèsent ensemble 220 grammes.
Obs. XXXIX. Salpêtrière, Sainte-Marthe, 18. — Charcot.
Marquis (Marie-Magdeleine), 75 ans. ?— Cette femme était atteinte d'hémiplégie gauche ancienne. — Le 21 mars 1808, elle est prise d'une attaque d'apoplexie avec hémiplégie droite. Elle tombe dans le coma avec stertor et meurt dans la journée.
A Yautopsie, on découvre un ancien foyer d'hémorrliagies en dehors du corps strié du côté droit, et un autre foyer ocreux dans la couche optique du même côté. — On trouve de plus deux foyers d'hémorrhagie récente, l'une dans le cervelet, l'autre dans le centre ovale de l'hémisphère gauche. Ce dernier a fait irruption dans les ventricules. On découvre dans la paroi du foyer de l'hémisphère gauche trois anévrysmes miliaires et l'on en a trouvé quelques autres dans le reste de l'encéphale et notamment dans le cervelet. — Les artères de la base sont athéromateuses.
Le cœur est volumineux, il pèse 115 grammes. Le ventricule gauche est hypertrophié, ses parois ont plus de 3 centimètres d'épaisseur. Les lésions valvulaires consistent seulement en un certain degré d'épaississement. — V aorte présente cle nombreuses plaques athéromateuses; quelques-unes cle ces plaques sont ulcérées dans la portion abdominale du vaisseau. — Le rein gauche pèse 130 grammes et ne semble pas altéré. — Le rein droit, bien que ne pesant que 70 grammes, ne présente pas d'altération dans sa structure.
Obs. XL. Bicêtre, Salle Sainte-Croix, G. —Luvs.
Bergeron (Jean-Baptiste),00 ans. — Affecté depuis longtemps d'une hémiplégie gauche, ce malade, à la suite d'une nouvelle attaque est frappé d'hémiplégie droite, le 20 mars 1808. II meurt le 2 avril 1808.
On constate à Yautopsie un foyer ocreux brunâtre,linéaire,clans le noyau intra-ventriculaire du corps strié du côté droit. Dans les parois cle ce foyer, on trouve des anévrysmes miliaires oblitérés par des granulations graisseuses, des corps granuleux, des granules et des cristaux d'hématoïdine. Dans l'hémisphère gauche, on trouve un foyer hémorrhagique récent qui occupe la
partie moyenne et postérieure du corps strié. On découvre dans l'épaisseur de ce foyer un anévrysme miliaire.
Obs. XLI. Salpêtrière, Saint-Alexandre, 18. — CnARCOT.
Drouat (Caroline), 60 ans. — Cette femme avait eu une attaque apoplectique avec hémiplégie droite en janvier 1868. Elle meurt d'une pleurésie le 18 mai 1868. On trouve un foyer ocreux d'hémorrhagie ancienne dans la couche optique gauche. — On découvre dans la couche optique droite un très petit foyer. On trouve quelques autres anévrysmes dans les circonvolutions, dans la protubérance et dans le cervelet. — Les artères delà base ne sont-pas athéromateuses.
Le cœur, à peu près sain, pèse 343 grammes. — L"'aorte offre quelques rares plaques d'athérome. — Les reins pèsent ensemble 230 grammes et offrent un léger degré d'atrophie de la substance corticale.
Foyers anciens sans hémorrhagie récente.
Obs. XLII. Salpêtrière, Sainte-Rosalie, 12. — Charcot.
Moreau (Marie-Eugénie), 70 ans. —Ancienne hémiplégie droite avec contracture permanente ; mort le 30 juillet 1866.
A Vautopsie, on trouve plusieurs cicatrices dures, ocreuses, disséminées dans les deux, hémisphères, et un vaste foyer d'hémorrhagie ancienne dans la couche optique droite. Dégénération secondaire descendante très marquée, caractérisée par l'atrophie du pédoncule cérébral gauche et l'atrophie avec teinte grise de la pyramide antérieure gauche. On voit sur les circonvolutions et dans leur épaisseur de nombreux anévrysmes miliaires. Pas d'athérome des artères de la base ni de celles de la pie-mère.
Le cœur est petit, friable, de coloration feuille morte ; il est adhérent par toute sa surface au péricarde pariétal ; les valvules sont saines, Vaorle presque saine. Les reins sont normaux.
Obs. XLIII. Salpêtrière, Saint-Jacques, 22. - Charcot.
Evrard (Marie-Thérèse), 70 ans — Cette femme, amputée du bras gauche éprouvait des sensations subjectives clans le moignon. Des accidents cérébraux, caractérisés par une diminution de la mémoire, de l'embarras de la parole, une gêne de la marche, précédèrent, pendant un an environ, une attaque d'apoplexie avec hémiplégie droite qui survint trois ans environ avant la mort. L'hémiplégie s'était tardivement accompagnée de contracture permanente. La démence était devenue complète avec des périodes d'excitation. Mort le 11 août 1860.
A Vautopsie, on trouve une néo-membrane assez épaisse de la dure-mère, sans extravasations récentes ni anciennes dans son intérieur ; elle occupe la partie correspondante à l'hémisphère gauche. La plus grande partie du noyau extraventriculaire du corps strié du côté gauche est convertie en un foyer ocreux, trace d'hémorrhagie ancienne. Il existe une dégénération secondaire très prononcée du pédoncule cérébral gauche, de la pyramide antérieure gauche et du cordon latéral droit de la moelle. On découvre sur une circonvolution du lobe antérieur gauche un petit anévrysme miliaire.
Les artères de la base sont fortement athéromateuses. L'artère cérébrale postérieure droite est complètement oblitérée par l'athérome, et, à ses divisions, correspond une plaque jaune, superficielle, trace d'un ramollissement ancien qui a détruit quelques circonvolutions de la face inférieure du lobe occipital.
Le cœur est sain; l'aorte est parsemé dans toute sa longueur de plaques calcaires et d'ulcères athéromateux.
Obs. XL1V. Salpêtrière, Saint-Alexandre, 15. — Charcot.
Dupont (Marie-Louise), 81 ans. — On n'a sur cette femme que des renseignements presque nuls, on parle d'une attaque antérieure d'apoplexie ; elle était inhabile du bras gauche, a peu près démente, mais elle marchait. Elle succombe à une gangrène sénile du membre inférieur, due à une oblitération de l'iliaque primitive gauche, par un caillot déposé sur un ulcère athéromateux. Mort le 28 septembre 1866.
Charcot. OEuv. compl. t. ix, Hémorragie cérébrale. 4
L'autopsie, indépendamment des lésions des artères qui se rapportent à la gangrène, montre un foyer linéaire ocreux à parois lisses dans l'épaisseur du corps strié droit ; c'est évidemment un foyer hémorrhagique; quelques anévrysmes sont rencontrés dans les circonvolutions et dans les corps striés. — Les artères de la base de l'encéphale sont peu athéromateuses. — Cœur et reins normaux.
Obs. XLV. Salpêtrière, Sainte-Rosalie, 14. — Charcot.
Siper (Catherine-Joséphine), 75 ans. Les renseignements font défaut. Morte le 3 octobre 1866.
A Yautopsie, on trouve un foyer ocreux, du volume d'une noix, dans l'hémisphère gauche du cervelet : son origine hémorrhagique paraît évidente. On découvre des anévrysmes miliaires rares mais gros dans les circonvolutions; on en rencontre cle nombreux dans les couches optiques et clans les corps striés, il y en a aussi dans la protubérance et dans le cervelet.
Les artères de la base sont peu athéromateuses : la sylvienne droite est assez fortement athéromateuse ; et, en rapport avec elle, on trouve clans le centre ovale du côté droit un foyer d'infiltration celluleuse du volume d'une noisette, trace cle ramollissement ancien.
Obs. XLVI. Salpêtrière, Sainte-Rosalie, 14. —Charcot.
Ronfand (Denise), 85 ans. — Cette femme, sur laquelle on n'a aucun renseignement, sinon qu'elle était gâteuse, meurt le 1er octobre 1866.
On trouva à Yautopsie une cicatrice linéaire ocreuse du centre ovale. Pas d'anévrysmes miliaires des circonvolutions, mais quelques anévrysmes dans les deux couches optiques et dans la protubérance. Les artères de la base sont minces et ne présentent que quelques plaques athéromateuses molles.
Obs. XL VIL Salpêtrière, Saint-Alexandre, 11. — Charcot. Taffin (Robertine), 80 ans.
A l'autopsie de cette femme, morte de pneumonie le 25 oc
tobre 1866, on trouve un foyer ocreux qui semble pouvoir être rapporté à une ancienne hémorrhagie, et qui occupe le noyau intraventriculaire du corps strié de l'hémisphère droit. On trouve en même temps deux anévrysmes miliaires des circonvolutions et quelques autres disséminés dans les couches optiques et clans la protubérance.
Les reins présentaient une néphrite interstitielle très marquée. Il y avait sur les valvules sigmoïdes et mitrales quelques végétations verruqueuses, mais sans lésions de canalisation. Le tissu musculaire du cœur n'était pas hypertrophié, mais présentait seulement une coloration feuille morte. 11 y avait dans les deux genoux des traces d'arthrite sèche.
Obs. XLVIII, Salpêtrière. — Charcot.
Peugnet (Emmerentine), 60 ans. — Cette femme avait eu une attaque d'apoplexie il y a six mois. Elle avait conservé une hémiplégie gauche incomplète avec légère rigidité musculaire ; elle était de plus devenue sujette à des accès de convulsions, du côté paralysé. A la suite d'une dernière série de convulsions, elle meurt, avec une élévation]considérable cle la température centrale qui atteint 42° au rectum le 21 février 1867.
À Vautopsie, on trouve deux foyers ocreux d'hémorrhagie ancienne dans l'hémisphère gauche, l'un dans le noyau intraventriculaire du corps strié, l'autre dans la circonvolution pariétale ascendante, vers la scissure inter-hémisphérique. Le cerveau est criblé d'une multitude d'anévrysmes miliaires ; on en rencontre un certain nombre au voisinage des foyers.
Les artères de la base sont dilatées, flexueuses, à peine marquées cle quelques plaques d'athérome. Le cœur est sain, il pèse 270 grammes, ses orifices sont normaux; l'orifice aortique mesure 0m,075 de circonférence. L''aorte est assez notablement athéromateuse. Les reins sont normaux : ils pèsent ensemble 270 grammes.
Obs. XL1X, Salpêtrière. — Crarcot.
Lefèvre (Adelaïde-Julie), 63 ans. On n'a pas de renseigne
ments sur cette malade ; on sait seulement qu'elle était gâteuse, confinée au lit, et qu'elle était sujette à des crises épilepti-i'ormes. Elle meurt à ta suite d'une de ces crises ie 21 mars 1807.
A Yautopsie, foyer ocreux, d'hémorrhagie ancienne dans l'hémisphère droit du cervelet, dans fa région du corps rhom-boïdal. D'autres petits foyers hémorrhagiques anciens sont disséminés dans les deux hémisphères du cerveau, surtout dans le droit; sclérose, suite de dégénération secondaire, de fa pyramide antérieure, du bulbe et dilatation générale des capillaires cle cet organe. Etat criblé du cerveau et anévrysmes miliaires en nombre considérable disséminés clans tout l'encéphale.
Les artères cle la base sont très notablement athéromateuses. Le cœur pèse 380 grammes, le ventricule gauche est hypertrophié, les orifices sont sains, l'orifice aortique mesure 0m,07 cle circonférence. L'aorte est presque saine. Les reins petits, grenus à la surface, pèsent ensembfe 180 grammes, la substance corticale est atrophiée, un certain nombre des tubes urinifères sont granuleux, rendus opaques par la dégénération graisseuse.
Obs. L. Salpêtrière, Saint-Paul, 1. — Charcot.
Cousin (Marguerite), 81 ans. — Femme morte pendant la convalescence d'une pneumonie le 27 mars 1807.
A Yautopsie, on trouve deux petits foyers ocreux en dehors et au-dessus du noyau extraventriculaire du corps strié droit. Plusieurs anévrysmes miliaires clans le cervelet et clans les circonvolutions cérébrales. Les artères de la base sont très notablement athéromateuses.
Le cœur est graisseux, non hypertrophié; les valvules sont saines. Vaorle, large, présente quefques plaques scléreuses et un abcès athéromateux ouvert. Les reins ne sont pas atrophiés et ne présentent d'anormal qu'un peu de congestion.
Obs. LI. Salpêtrière, Sainte-Rosatie, 17. —CnARCOT. Legasperme (Marie-Rose), 00 ans. Cette femme frappée d'apo
plexie à l'âge de 38 ans était depuis cette époque hémiplégique du coté droit. Elle meurt de phthisie granuleuse, le 3 avril 1867.
À Vautopsie, on trouve dans l'hémisphère gauche, qui pèse 10 grammes de moins que l'hémisphère droit, une cicatrice jaune ocre use, divisant verticalement la couche optique et le corps strié, à l'union cle son tiers postérieur avec les deux tiers antérieurs. La capsule blanche interne de Burdach a été détruite au niveau de la lésion, et l'on trouve clans le pédoncule cérébral, la protubérance et la pyramide antérieure du côté gauche, une dégénération secondaire très manifeste qui se produit dans le cordon latéral droit de la moelle. Symétriquement à ce grand foyer de l'hémisphère gauche, on trouve deux petits foyers ocreux dans les parties correspondantes de l'hémisphère droit. Plusieurs anévrysmes miliaires se rencontrent sur les circonvolutions. Les artères de la base sont peu athéromateuses.
Le cœur est peu volumineux. Les reins sont petits, ils pèsent ensemble 140 grammes, mais ils ne sont pas granuleux et ne paraissent pas atteints cle néphrite interstitielle.
Obs. LU. Salpêtrière. — Vulpian.
B.. , 60 ans. Morte le 22 avril 1867, de parotidite suppurée. Ancien foyer d'hémorrhagie au niveau de l'union du corps strié et de la couche optique du côté droit. Autre ancien foyer à la partie postérieure du noyau blanc du lobe occipital du même côté. — Anévrysmes des petites artères, on en trouve une douzaine dont les plus gros sont situés dans la protubérance annulaire. — Artères cle la base fortement scléreuses et athéromateuses.
Obs.LUI. Salpêtrière. — Vulpian.
M.., 76 ans. Morte, le 11 mai 1867, d'un ramollissement rouge du noyau blanc de l'hémisphère gauche, en dehors du corps strié. Ancien foyer d'hémorrhagie, celluleux, de coloration ocreuse, dans la couche optique du côté droit. Quantité considérable d'anévrysmes des petites artères dans tous les points du
cerveau. De plus, nombreuses hémorrliagies de la gaine périvas-culaire disséminées çà et là. Il n'y a que quelques épaisis-sements scléreux des parois des artères de la base de l'encéphale.
Obs. LIV. Salpêtrière. — Vulpian.
B..., 70 ans. Morte le 1er juillet 1867. Ancien foyer d'hémorrhagie, cicatrice cellulo-membraneuse à l'union de la tète avec la queue du noyau caudé du corps strié gauche. Dans le foyer, on trouve trois petits anévrysmes. — Artères de la base, basi-laire, carotides et leurs branches fortement altérées : plaques scléreuses, athéromateuses et calcaires.
Obs. LV. Salpêtrière, Saint-Mathieu, 76. — Vulpian.
Boulé (Anne), 65 ans. —? Cette femme, qui présentait depuis longtemps une hémiplégie gauche avec contracture, meurt sans cause connue le 17 août 1867.
A Yautopsie, on trouve dans la queue du corps strié du côté droit, un foyer ocreux qui, suivant toute apparence, est le vestige d'une hérnorrhagie ancienne. On trouve du même côté une dégénération secondaire manifeste du pédoncule cérébral, de la protubérance et de la pyramide antérieure du même côté. Dans les parties de l'hémisphère gauche symétriques à la lésion, on trouve plusieurs anévrysmes miliaires. D'autres existent en assez grand nombre disséminés à la surface des circonvolutions et dans leur épaisseur. —Les artères de la base étaient athéromateuses, le cœur normal, les reins un peu petits mais sans lésions appréciables.
Obs. LVI. Salpêtrière, Saint-Alexandre, 18. — Charcot.
Denis (Marie), 70 ans. — Cette femme était devenue presque impotente à la suite d'anciennes attaques d"apoplexie dont la date ne peut pas être précisée. Elle présentait une hémiplégie gauche. Dans les derniers temps, elle eut quelques attaques épileptiformes, et mourut sans lésions nouvelles le 8 octobre 1867.
A Vautopsie, on trouve les artères de la base de l'encéphale médiocrement athéromateuses ; la sylvienne droite l'est cependant à un degré assez notable, beaucoup plus que la gauche. La branche postérieure de l'artère sylvienne droite est oblitérée, et, en rapport avec les divisions de cette branche, on trouve sur la circonvolution d'enceinte une plaque jaune cle ramollissement ancien de 3 centimètres carrés environ. On trouve, en dehors du corps strié gauche, dans l'avant-mur, un foyer ocreux d'hémorrhagie ancienne. Les circonvolutions et les parties centrales des deux hémisphères sont criblées d'anévrysmes miliaires.
Le cœur est petit, sans lésion des orifices et sans altérations de sa structure. L'aorte est très athéromateuse. — Les reins sont très petits, ils pèsent ensemble 110 grammes. — Leur substance corticale est un peu atrophiée.
Obs. LV1I. Salpêtrière, Saint-Alexandre, 0. — Charcot.
Briquet (Françoise), 88 ans. — Cette femme meurt le 13 octobre 1807, sans qu'on ait eu des renseignements.
A Vautopsie, on trouve dans l'hémisphère gauche un foyer hémorrhagique ocreux, de la grosseur d'une amande. On découvre un anévrysme miliaire dans le même hémisphère.
Obs. LVI1I. Salpêtrière, Saint-Alexandre, 14. —Charcot.
Lecomte (Rose-Geneviève), 09 ans. — H y a quatre ans, attaque d'apoplexie avec hémiplégie droite. Dans les derniers temps de la vie, attaques épileptiformes alternant avec de l'agitation. La malade meurt, dans une de ces recrudescences, avec une élévation terminale de la température, le 10 novembre 1867.
L'autopsie montre dans le corps strié gauche et dans la substance blanche de l'hémisphère droit, empiétant sur une circonvolution pariétale, deux foyers ocreux avec membrane kystique, traces d'anciennes hémorrhagies. Dégénération secondaire très-marquée du pédoncule cérébral gauche et de la pyramide antérieure gauche. Les artères de la base ne sont pas athéromateuses. On trouve dans les circonvolutions, dans les corps striés et
dans le cervelet, vers le corps rhomboïdal, plusieurs anévrysmes miliaires.
Le ventricule gauche du cœur est un peu hypertrophié, les orifices sont sains. L'aorte n'est pas notablement athéromateuse. Les reins sont parfaitement normaux.
Obs. L1X. Salpêtrière, Sainte-Rosalie, 4. — Charcot.
Buisson (Françoise), 50 ans. —Attaque d'apoplexie avec hé-miphégie gauche, datant de deux ans et demi.
Albuminurie. Crises épileptiformes ayant débuté un an après l'attaque et augmentant graduellement. Mort le 23 novembre 1867, à la suite d'une nouvelle attaque.
L'autopsie montre un ramollissement récent du lobe occipital gauche, dû probablement à de petites embolies détachées de végétations verruqueuses, recouvertes de fibrine qui existent sur la valvule mitrale. Le cœur est d'ailleurs assez volumineux. Les reins granuleux, très atrophiés, présentent le troisième degré de la maladie de Bright. L'aorte est très peu athéromateuse. Le poumon, le foie, ivraie sont sains.
Deux foyers ocreux d'hémorrhagie ancienne, en dehors du corps strié de l'hémisphère droit. Dégénération secondaire très prononcée du pédoncule cérébral droit, de la pyramide antérieure droite et du cordon latéral gauche de la moelle. Les artères de la base du cerveau ne sont pas athéromateuses. On ne trouve pas d'anévrysmes dans les circonvolutions, mais on en rencontre un certain nombre dans les corps striés; un en particulier, très volumineux, mesure 1 millimètre de diamètre environ.
Obs LX. Salpêtrière. — Charcot.
Lasnier (Jeanne), 82 ans. — Attaque d'apoplexie avec hémiplégie gauche incomplète de la sensibilité et du mouvement. La malade se rétablit et meurt deux ans après, de pneumonie, en décembre 1867.
A Yautopsie, on trouve un foyer ocreux à parois contiguës, des dimensions d'une grosse amande, en dehors du noyau extra
ventrieulaire du corps strié droit. On trouve des anévrysmes miliaires dans les corps striés et un anévrysme semblable dans le plexus choroïde du ventricule gauche. Les artères de la base ne sont presque pas athéromateuses. Les autres organes n'ont pas été examinés.
Obs. LXI. Salpêtrière, Sainte-Rosalie, 1G. — Charcot.
Tissier (Marie), GO ans. — Hémiplégie gauche datant de six mois. Mort le 10 mai 18G7.
A Vautopsie, on trouve un foyer ocreux, à contenu liquide, jaunâtre occupant le noyau intraventriculaire et la couche optique de l'hémisphère droit. Ce foyer s'ouvre dans le ventricule latéral : l'orifice de communication est obturé par un caillot jaunâtre. On trouve quelques anévrysmes miliaires des circonvolutions.
Les artères de la base sont peu athéromateuses; le cœur est volumineux ; le ventricule gauche est un peu dilaté et peut-être un peu hypertrophié ; les orifices sont parfaitement sains. Les reins non altérés dans leur structure sont très volumineux.
Obs LXII. Hospice de l'Antiquaille (1) à Lyon. —Arthaud.
Dufrère (François), 39 ans. — On n'a pas de renseignements sur les antécédents de cet homme, qui est amené par la gendarmerie à l'hospice de l'Antiquaille, le 13 décembre 1807. On diagnostique une paralysie générale. Le 16 décembre, le malade fait une chute, s'ouvre un rameau de la temporale droite, l'artère est liée mais un érysipèle se déclare, et il meurt le 21 décembre.
A Vautopsie, on trouve les lésions de la paralysie générale; puis dans le lobe postérieur de l'hémisphère droit, un foyer d'hémorrhagie ancienne atteignant la paroi externe de la corne postérieure du ventricule latéral du même côté. On trouve une quantité innombrable d'anévrysmes miliaires dans la pie-mère
1. Obs. lue à la Société des sciences médicales de Lyon par M. Rebate!, interne des hôpitaux (Gazette médicale de Lyon, 9 février 1868).
et ses prolongements à travers la substance grise. Lespetitesartè-res des corps striés sont dures, cassantes et offrent les mêmes dilatations anévrysmales. Les artères de la base présentent quelques plaques d'athérome. L'examen des viscères n'a point été fait.
Obs. LXIII. Salpêtrière, Sainte-Rosalie, 13. — Charcot.
Yaragne (Catherine), 61 ans. Cette femme, dont l'intelligence est fort abaissée, est gâteuse et présente une hémiplégie avec contracture du côté droit; la face est assez fortement déviée à gauche. Elle meurt de pleuro-pneumonie le 2 janvier 1868.
kYautopsie, on trouve dans le corps strié du côté gauche un ancien foyer ocreux d'hémorrhagie cérébrale; on rencontre dans différentes parties du cerveau et du cervelet plusieurs anévrysmes miliaires. Les artères de la base sont athéromateuses, le ventricule gauche du cœur est hypertrophié.
Le cœur dans son ensemble pèse 380 grammes. Les valvules aortiques et mitrales sont incrustées de plaques calcaires. Le rein gauche considérablement atrophié, ne pèse que 45 grammes. Le rein droit légèrement congestionné pèse 125 grammes.
Obs. LXIV. Salpêtrière, Saint-Alexandre, 15. — Charcot.
Pellée (Julie-Sophie), 75 ans. — Présentant une hémiplégie ancienne avec contracture du côté gauche qui datait de 9 ans environ, cette femme meurt cle pneumonie le 19 février 1868.
On trouve à Yautopsie une cicatrice ocreuse d'hémorrhagie ancienne dans la paroi externe du ventricule latéral droit, en arrière et en dehors de la couche optique. On trouve de plus un ramollissement récent du centre ovale du côté droit, en rapport avec une obstruction par thrombose d'une branche de l'artère ciliaire athéromateuse. On a rencontré au voisinage du foyer hémorrhagique un anévrysme miliaire. Les artères de la base étaient très athéromateuses.
Le cœur petit, graisseux, pesant 230 gr. ne présentait pas de lésions valvulaires. L'aorte offre quelques plaques athéromateuses. Les reins sans altération de structure sont petits et pèsent ensemble 173 gr.
Obs. LXV. Salpêtrière, Sainte-Rosalie, 3. — Charcot.
Lesueur (Louise,), 72 ans. — Cette femme était atteinte d'hémiplégie droite depuis le commencement du mois de décembre 1867. Elle prend bientôt de l'œdème dans les membres inférieurs et clans le bras paralysé, et enfin des abcès multiples. — Elle meurt le 25 février 1868.
A Vautopsie, on trouve un ancien foyer d'hémorrhagie sur la couche optique gauche et sur le corps strié du même côté. Il existe des anévrysmes miliaires dans la protubérance et dans les circonvolutions cérébrales. Les artères de la base sont très peu athéromateuses.
Le cœur pèse 310 grammes ; ses valvules sont saines. L'aorte ne présente que quelques plaques jaunâtres. Les deux reins pèsent ensemble 205 gr. et présentent un état assez notable d'atrophie de la substance corticale avec aspect grenu de la surface.
Obs. LXVI. Salpêtrière, Saint-Alexandre, 21. —Charcot.
Nicolas (Catherine), 68 ans. — Cette femme, qui depuis plusieurs années, éprouvait une certaine faiblesse dans les membres inférieurs, meurt de pneumonie le 27 mars 1868.
Indépendamment des lésions pulmonaires, on trouve à Vautopsie, une large cicatrice d'hémorrhagie ancienne, sur la couche optique et le corps strié de l'hémisphère droit. On trouve quelques anévrysmes ampullaires de la pie-mère et d'assez nombreux anévrysmes miliaires des circonvolutions. Trois de ces anévrysmes sont également trouvés dans l'épaisseur de la protubérance. Les artères de la base sont fortement athéromateuses.
Il y a une légère insuffisance des valvules aortiques, qui sont incrustées. L'aorte thoracique n'est pas alhéromateuse ; on trouve seulement quelques plaques calcaires dans l'aorte abdominale. Les reins sont normaux et pèsent ensemble 275 gr.
Obs. LXVII. Salpêtrière, Saint-Luc, 10. — Charcot. Mannessoy t(Marguerite), 70 ans. — Cette femme étant morte
de pneumonie, le 18 avril 1808, on trouve à l'autopsie un kyste ocreux à parois contiguës dans le corps strié du côté gauche. Dans le côté correspondant de l'hémisphère droit, on trouve un anévrysme miliaire; on en trouve un autre dans une des circonvolutions. Les artères de la base présentaient à peine quelques taches athéromateuses.
Le cœur, dont le ventricule gauche était hypertrophié, pesait 450 gr. Les valvules étaient un peu incrustées, et il y avait un certain degré d'insuffisance aortique. Le foie était atteint de cirrhose. Les reins contenaient tout deux des kystes, mais leur tissu n'était d'ailleurs pas altéré ; ils pesaient ensemble 290 gr.
Obs. LXVIII. Salpêtrière, Division des aliénés. — Moreau.
L... (Louise) 59ans(l). — Cette femme,qui était atteinte de paralysie générale, est morte le 20 avril 1808. On trouve à Vautopsie, un foyer ocreux dans le cervelet, vers le corps rhomboïdal du côté droit, et une autre tache plus petite de même apparence dans le bulbe. Pour le cervelet au moins, il s'agissait évidemment d'une ancienne hémorrhagie. Les circonvolutions étaient criblées d'anévrysmes. Après avoir enlevé la pie-mère, on en compte plus de soixante à la surface de l'hémisphère droit, et plus de soixante dix sur l'hémisphère gauche. Les artères de la base sont très athéromateuses, le cœur est sain, mais les valvules aorti-ques sont assez fortement incrustées, et la crosse de l'aorte est assez fortement athéromateuse.
Obs. LXIX. Salpêtrière, Sainte-Rosalie, 17. — Charcot.
Georges (Marie-Anne), 65 ans. — Cette femme est une démente, transférée de l'asile de Blois à la Salpêtrière. Elle était hémiplégique du côté gauche et sujette à des accès épileptiformes. Elle meurt de gangrène pulmonaire le 5 mai 1868.
On trouve à Vautopsie, des néo-membranes de la dure-mère; un foyer ocreux peu volumineuxdansle noyau extra-intraventri-
). Observation communiquée par M. Bassercau, interne du service,
culaire du corps strié du côté gauche, dans l'épaisseur duquel on découvre un anévrysme miliaire. On trouve de plus une vaste cicatrice d'hémorrhagie ancienne, intéressant la couche optique et le corps strié du côté droit. Deux anévrysmes miliaires se montrent au voisinage de ce foyer. On découvre deux autres anévrysmes dans le cervelet. Les artères de la base sont légèrement athéromateuses.
Le cœur est normal. Vaorie présente quelques plaques jaunes molles. Les reins sont petits, granuleux, atrophiés, renferment quelques graviers, et pèsent ensemble 143 gr.
Obs. LXX. Salpêtrière, Saint-Augustin. — Charcot.
Lebon (Annette), 43 ans._— On a peu de renseignements sur cette femme; on dit qu'elle aurait eu un rhumatisme articulaire. Elle se plaignait d'étouffements, elle avait une hémiplégie gauche avec contracture, et elle est morte avec une eschare, le 31 mars 1868.
A Yautopsie, on trouva un foyer ocreux dans le corps strié du côté gauche, et une autre cicatrice ocreuse cle la partie supérieure de la couche optique et du corps strié de l'hémisphère droit. On rencontre quelques anévrysmes miliaires des circonvolutions. Les vaisseaux de la base sont peu athéromateux.
Le cœur normal pèse 325 gr. Les orifices ne sont pas altérés, les valvules sigmoïcles présentent seulement quelques végétations en festons. La substance corticate des reins est uu peu atrophiée ; ces organes pèsent ensemble 200 grammes. L'aorte était peu athéromateuse, excepté à la partie inférieure de la région abdominale.
- Obs. LXXI. Salpêtrière, 1868. — Vulpian (1.)
Femme âgée de 47 ans. — Affection cardiaque ; phénomènes paralytiques dans fes membres du côté droit; embarras de la parole.
Autopsie. Vers le milieu de la protubérance annulaire, à gauche principalement, foyer ocreux d'hémorrhagie ancienne,
1. Observation communiquée par M. Liouville, interne du service
ayant rétracté le côté de la protubérance et gagnant le pédoncule cérébelleux. Dans un point des circonvolutions cérébrales, on trouve un petit anévrysme mitiaire.
Obs. LXXII. Salpêtrière, 1808. — Vulpian (1.)
Les commémoratifs manquent. Dans ce cas, on constate un foyer hémorrhagique ancien, existant dans la protubérance, vers le quatrième ventricule. On trouve de plus, des anévrysmes miliaires multiples, non seulement dans la protubérance, mais encore dans les circonvolutions cérébrales. Les vaisseaux étaient pour la plupart très altérés, scléro-athéromateux ; une dégénérescence secondaire de la moelle se voyait également.
Obs. LXXIII. Hospice des Ménages. — Mauriac (S.)
Sabatino Philippine, 71 ans. — Cette femme, atteinte de paraplégie ancienne, est frappée d'apoplexie avec hémiplégie droite, et meurt le lendemain, 18 mai 1808.
Vautopsie révèle une hérnorrhagie récente du cervelet, s'éten-dant à travers le pédoncule cérébelleux moyen du côté gauche, et la protubérance jusqu'au bulbe. On a trouvé dans les circonvolutions cérébelleuses d'assez nombreux anévrysmes miliaires.
Obs. LXXIV. Salpêtrière. — Charcot.
Jodier (Félicie) femme cle 08 ans. —Aucun renseignement sur les symptômes observés pendant la vie.
Autopsie : Noyaux d'hépatisation rouge clans les lobes inférieurs des deux poumons; symphise cardiaque ancienne, incomplète. Le cœur pèse 390 grammes. Les parois du ventricule gauche sont épaisses; pas de lésions valvulaires. La crosse de l'aorte et l'aorte abdominale présentent à un haut degré la dégénération athéromateuse. Raie, 130 gr. ; pas d'infarctus splénique. Les reins pèsent chacun 90 gr. ; ils ne présentent pas d'altération appréciable.
1. Observation communiquée par M. Liouville
2. Observation communiquée par M. Decornièrcs, interne du service.
Encéphale : poids, 1290 gr. Les artères de la base sont athéromateuses. Le côté droit delà protubérance renferme dans son épaisseur un foyer sanguin récent du volume d'une amande. La couche optique droite contient un foyer ocreux. On trouve au voisinage de ce foyer plusieurs anévrysmes miliaires; à la surface cle l'hémisphère droit, sur l'une des circonvolutions occipitales, existe un autre anévrysme miliaire dans l'épaisseur de la substance grise.
Obs. LXXV. Salpêtrière. — Charcot.
Cronier (Françoise), 01 ans. — Cette femme, atteinte de cécité ancienne, est frappée d'apoplexie avec hémiplégie droite et roideur clans les muscles paralysés. Elle meurt le lendemain 5 octobre 1808.
A Vautopsie, on trouve une hémorrhagie récente qui avait son point de départ dans l'avant-mur du côté gauche, et qui avait disséqué le corps strié, puis pénétré clans le ventricule latéral. On découvre plusieurs anévrysmes miliaires dans les corps striés et les couches optiques. On en a compté en tout quarante dans les deux hémisphères; dans le foyer, plusieurs étaient rompus. Les artères de la base sont très légèrement athéromateuses.
Le cœur présente un peu d'hyperthrophieau ventricule gauche, sans lésion des orifices; il pèse 310 gr. Les reins pèsent ensemble 114 gr. et présentent un peu d'atrophie cle la substance corticale. Vaorte est à peu près saine.
Obs. LXXVI. Pitié, salle Saint-Paul, 7. — Béhier (1.)
Homme de 70 ans, frappé d'apoplexie et d'hémiplégie gauche, mort au cinquième jour le 10 janvier 1868.
A Vautopsie, on trouve une hémorrhagie récente de la couche optique et du corps strié du côté droit. Plusieurs anévrysmes miliaires ont été rencontrés dans les circonvolutions. Le cœur était normal.
1. Celte observation, ainsi que la suivante a été l'occasion d'une leçon clinique reproduite par la Gazette des Hôpitaux, 20 février 18G8.
Obs. LXXVII. Pitié. — Béiiier.
Homme de 52 ans, mort d'hémorrhagie cérébrale. A Vautopsie, on a trouvé de nombreux anévrysmes miliaires. Les artères de la base n'étaient nullement athéromateuses.
A ces 77 observations où. la nature de la lésion ne saurait être mise en doute et où l'existence des anévrysmes a toujours été constatée avec certitude, nous pouvons ajouter quelques observations qui, d'après les détails que les auteurs ont donnés, nous permettent d'affirmer qu'elles sont encore des exemples de coïncidences de Vhémorragie cérébrale avec les anévrysmes miliaires, bien que la nature de ces derniers n'ait été ni reconnue ni même soupçonnée.
Obs. LXXVIII. — Cruveiluier (1).
Femme cle 63 ans. — Prodromes : vomissements la veille de l'attaque; hémiplégie gauche, avec rigidité très prononcée du membre supérieur du même côté ; rigidité des muscles postérieurs du cou; la face est tournée à droite. Mort deux jours après l'attaque.
Autopsie : Inflammation de la presque totalité du lobe inférieur du poumon gauche. Foyer apoplectique très considérable dans l'épaisseur du lobule du corps strié; un autre foyer sanguin sphéroïdal, ayant le volume d'une petite noix, occupe l'épaisseur d'une des circonvolutions postérieures. Le cerceau présentait en outre une multitude prodigieuse de petits épanchements miliaires, la plupart proéminents à la surface du cerveau, quelques-uns cachés dans l'épaisseur de la substance grise. En outre de ces taches d'un rouge noir, on voit à la surface du cerceau et dans l'épaisseur de la substance grise, une foule de petites granulations brunes, brun jaunâtre, très denses; on eût dit des grains de sable diversement colorés, disséminés à la surface du cerceau. La protubérance offre dans son épaisseur, sur l'un des côtés de la ligne
médiane, de petites cicatrices irrégulières, d'un brun jaunâtre, foncé.
L'observation qui va suivre est la première à notre connaissance, où l'hémorrhagie a pu être attribuée à la rupture d'un anévrysme intra-cérébral reconnu au sein du foyer. Ce fait a été rapproché par l'auteur des cas d'hémorrhagies dues à la rupture d'anévrysmes des troncs artériels de la base du cerveau, et il paraît l'avoir mis sur la voie d'une généralisation applicable à la pathogénie des hémorrliagies cérébrales habituelles. Il dit du moins que la rupture d'anévrysmes intracérébraux pourrait bien être plus souvent qu'on ne le croit la cause d'hémorrhagies cérébrales.
Obs. LXXIX. — W. Gull (1).
Femme de 43 ans. — Prodromes : dyspepsie, flatulence et céphafafgie de temps à autre. Tout-à-coup, fa mafade pousse un cri, tombe à terre, et le coma survient immédiatement. Mort au bout de trois heures.
Autopsie, Arcus senilis très prononcé. Dans le tiers inférieur du pont de Varole, sur la ligne médiane, existe un caillot récent du poids de 8 grammes. Après avoir enlevé ce caillot, on trouve, proéminent sur la paroi du foyer, un anévrysme pyriforme ayant à peu près l'aspect et le volume d'un grain de blé desséché. — Une fente longitudinale, que l'on remarquait sur fe sac de l'anévrysme, avait donné issue au sang. — La substance cérébrate autour du foyer n'était point ramolfie. L'artère basilaire était çà et là couverte de plaques blanches.
Les deux faits suivants se rapportent de toute évidence aux altérations anévrysmatiques qui nous occupent. Les anévrysmes que M. Heschl décrivait après M. Meynert ont
1. Cases of Aneurism of the cérébral vessels. (Guy's Hosp. Reports, 3« série, t. V.)
Charcot. Œuv. compl. t. ix, Hémorragie cérébrale. 5
été observés par lui chez 16 sujets et deux d'entre eux avaient succombé à l'hémorrhagie cérébrale. Cependant l'auteur, préoccupé surtout de savoir si ces anévrysmes, qu'il avait rencontrés presque exclusivement dans la protubérance, avaient une part dans le développement de l'épilepsie, n'a pas été frappé de la coïncidence de l'hémorrhagie cérébrale dans ces deux cas, et il ne se pose môme pas la question de savoir si ces dilatations vasculaires peuvent jouer un rôle dans la production de l'apoplexie sanguine.
Obs. LXXX. — Heschl.
La sixième observation du docteur Heschl a trait à un homme de 47 ans, mort le 7 juillet 1862. Les petites artères de la protubérance présentaient des dilatations anévrysmales variant du volume d'un grain de pavot à celui d'un grain de millet. On trouve un foyer de ramollissement dans le centre ovale, des cicatrices ocreuses dans un corps strié, et une hérnorrhagie de la protubérance ayant fait irruption dans le quatrième ventricule. Les artères cérébrales étaient très athéromateuses. Le cœur était hypertrophié avec dégénération graisseuse, l'aorte athéromateuse, les valvules aortiques indurées. Atrophie granuleuse des reins.
Obs. LXXXI. — Heschl (Loc. cit).
La douzième observation du docteur Heschl concerne un homme de 72 ans, mort le 12 octobre 1863.
On trouva des ectasies capillaires sur les vaisseaux des parois des ventricules latéraux et une hérnorrhagie du corps strié droit. Les grosses artères étaient athéromateuses ; le cœur jaunâtre, friable, les valvules indurées ; l'aorte athéromateuse ; il y avait une légère atrophie granuleuse des reins. Marasme.
Obs. LXXXII. — Hayem.
Ajoutons encore un fait communiqué à la Société de biologie par M. Hayem, peu de temps après nos premières communica
tions sur ce sujet à cette même société. Le fait de M. Hayem, dont nous ne pouvons donner ici les détails, trouve sa place dans le volume de 1867 de la Société de biologie.
Enfin nous trouvons, dans le Médical Times and Gazette du 18 mai 1867, p. 537, la relation d'une communication du docteur Bastian à la Société pathologique de Londres. (Séance du 7 mai 1867).
Obs. LXXXIII et LXXXIV. — Bastian.
M. Bastian dit qu'il a vu deux cas d'hémorrhagie cérébrale avec des anévrysmes comme ceux auxquels les Français rattachent l'hémorrhagie cérébrale, et, de plus, des extravasations dans les gaines. Il a trouvé les anévrysmes en faisant macérer dans l'eau eten lavant la substance cérébrale ainsi ramollie. M. Schu-lhof dit à ce propos qu'il a trouvé de semblables anévrysmes dans un cas observé en 1856.
Nous aurions pu grossir encore le nombre cle nos observations, si nous n'avions voulu éliminer absolument tous les faits qui auraient pu prêter à quelques contestations, et où la nature hémorrhagique de la lésion n'aurait pas été parfaitement reconnaisable. Gomme exemple de la réserve que nous nous sommes imposée, nous rapporterons sommairement quelques faits où les personnes présentes à l'autopsie croyaient à l'existence d'un foyer hémorrhagique, mais où les caractères de la lésion n'étaient peut-être pas suffisamment accusés. Ces faits ne trouveront pas place dans notre statistique.
Obs. LXXXV. Salpêtrière, Saint-Alexandre, 11. — Charcot.
Taffin (Robertinre), 80 ans. Femme morte de pneumonie lo-baire le 25 octobre 1866.
A Vautopsie, on trouve dans le noyau interne du corps strié un ancien foyer légèrement ocreux, dont l'origine, ramollis
sèment ou hérnorrhagie ne peut pas être appréciée exactement. On trouve de plus un certain nombre d'anévrysmes ampullaires des circonvolutions, des couches optiques et de la protubérance.
Coloration feuille morte du tissu musculaire du cœur ; végétations sur les valvules sigmoïdes et sur la valvule mi traie. Néphrite interstitielle très-marquée.
Obs. LXXXVI. Salpêtrière. — Vulpian.
Boulé (Anne), 65 ans. Ancienne hémiplégie gauche avec contracture permanente des membres paralysés. La malade meurt le 17 août 1867. A Yautopsie, on trouve dans la queue du corps strié droit un foyer ocreux contenant à sa partie postérieure une matière pulpeuse et qu'on est indécis à rapporter à une hérnorrhagie ou à un ramollissement rouge d'ancienne date. Dégénération secondaire très prononcée dans le pédoncule cérébral droit, la moitié droite de la protubérance et la pyramide antérieure droite. On rencontre d'assez nombreux anévrysmes miliaires dans les circonvolutions et dans l'épaisseur des deux hémisphères. Le cœur est sain, les reins sont petits, mais sans lésion appréciable.
Obs. LXXXVII. Salpêtrière. — Vulpian.
M. 87 ans. — Morte le 6 avril 1867. Deux foyers symétriques anciens (de ramollissements ou d'hémorrhagie?) dans les lobes frontaux. — Nombreux anévrysmes des petites artères (couches corticales et noyaux blancs des hémisphères, corps striés, protubérance). — Altération scléreuse et athéromateuse très considérable des artères de la base et de leurs branches.
Qu'elles résultent de l'hémorrhagie ou du ramollissement, les lésions signalées dans les observations qui précèdent ne présenteraient rien de très exceptionnel. Les anévrysmes coïncident assez fréquemment avec l'athérome artériel ; il résulte de là qu'ils peuvent co-exister aussi avec le ramollissement cérébral. On ne doit donc pas s'étonner de rencontrer des anévrysmes dans des cerveaux qui ne présentent pas trace d'hémorrha
gie et où l'on trouve un foyer cle ramollissement. Nous avons rencontré plusieurs exemples de ce genre. M. Vulpian nous en a communiqué d'autres, et c'est sans doute une pareille coïncidence qu'il faut voir dans une observation publiée par M. Dieulafoy (1). La lésion, considérée d'abord comme une hémorrhagie cérébrale, ne serait, d'après une discussion à laquelle ce fait a donné lieu à la Société anafomique, qu'un cas de ramollissement rouge.
Les anévrysmes miliaires ont été vus en coïncidence avec d'autres lésions des centres nerveux. Ainsi, dans un cas recueilli par M. Liouville, dans le service de M. Vulpian on les trouvait en certaine abondance dans l'encéphale d'un sujet qui présentait des anévrysmes assez volumineux sur les artères méningées, et des néo-membranes épaisses et très vasculaires de la dure-mère. Dans une observation que nous a communiquée M. Vulpian, une femme de 41 ans, atteinte d'ataxie locomotrice progressive, présentait à l'autopsie, en même temps que la sclérose des cordons postérieurs de la moelle, d'assez nombreux anévrysmes intra-cérébraux.
Nous avons dit, dans la première partie de ce mémoire, que nous ne nous trouvions pas autorisés à voir, dans les anévrysmes miliaires et dans la périartérite qui leur donne naissance, rien qui permette d'y reconnaître une altération étendue à tout le système vasculaire. Quelques faits observés par M. Liouville tendraient à modifier cette opinion. Il a vu, en effet, en même temps que les anévrysmes intracérébraux, des anévrysmes semblables sur l'oesophage et sur le cœur. Il a bien voulu nous montrer ses préparations, et nous avons pu constater la parfaite idendité de ces derniers anévrysmes avec ceux qui se développent dans l'encéphale.
1. Gaz. des Hopit., 31 mars 1868. Hêmorrharjie au niveau de la scissure de Rolande.
Disons aussi que plusieurs observations qui nous sont personnelles ou qui nous viennent d'autres observateurs tendent à nous faire admettre que les anévrysmes plus volumineux des viscères peuvent coïncider avec les anévrysmes miliaires.
Si l'on veut se reporter maintenant à l'analyse des 84 observations d'hémorrhagie cérébrale que nous avons réunies, on reconnaîtra que dans tous les cas on a trouvé les anévrysmes miliaires soit 100 pour 100.
D'autres conditions anatomiques invoquées comme capables de jouer un rôle dans la production de l'hémorrhagie cérébrale, peuvent s'y rencontrer, mais en bien moindre fréquence. Ainsi Yathrérome des artères de l'encéphale auquel on a accordé une importance prépondérante, n'occupe plus le premier rang dans notre statistique.
L'état des artères de la base a été noté 69 fois. Sur ce nombre,les artères n'étaient nullement athéromateuses 15 fois, soit 21,74 °/0, plus du cinquième des cas ; elles étaient peu ou presque pas athéromateuses 25 fois, soit 36,37 °/0 ou dans plus du tiers des cas ; elles sont indiquées simplement athéromateuses 12 fois, soit 17,39 °/0 ; enfin, elles étaient très athéromateuses 17 fois, soit 24,63 °/0 ou à peine dans le quart des cas. Il nous est donc permis de dire que les sujets qui meurent d'hémorrhagie cérébrale ont les artères de l'encéphale non athéromateuse dans plus du quart des cas, à peu près 22 fois pour 100, et que celles-ci présentent les divers degrés de l'athérome à peine dans les trois quarts des cas. Cette fréquence de l'intégrité apparente des artères de l'encéphale chez les sujets qui offrent des foyers sanguins anciens ou récents est peu en rapport avec les opinions admises,et ce résultat diffère assez sensiblement des chiffres obtenus dans les statistiques antérieures.
M. Durand Fardel (1) qui avait réuni 32 observations d'hémorrhagie cérébrale où l'état des artères de la base était indiqué, a trouvé qu'elles étaient intactes 12 fois pour 100.Dans une première statistique basée sur 39 faits dont la plupart n'ont pas trouvé place dans ce travail, parce que le plus souvent les anévrysmes n'avaient pas été recherchés, nous avions trouvé autrefois (2) que les artères paraissaient saines 18 fois pour 100. La proportion des cas ou l'athérome manque dans les artères cérébrales des sujets qui ont été frappés d'hémorrhagie du cerveau est à peu près la même que celle des cas où les arLôres restent saines chez les vieillards dont le cerveau n'est pas malade. Chez les individus âgés de plus de 60 ans,les artères seraient exemptes d'athérome 28 fois sur 100, d'après la statistique de M. Durand-Fardel. Chez les gens qui succombent à l'apoplexie sanguine, l'athérome des artères cérébrales manque 22 fois sur 100. La différence, on le voit, est peu considérable et tellement insignifiante qu'elle ne semble accorder aux incrustations artérielles qu'une médiocre part dans la production de l'extravasation.
Passons à une autre condition pathogénique, à l'hypertrophie du cœur, invoquée par Legallois, Corvisart, Bricheteau, Bouillaud, Ménière, Rokitansky, Leubuscher, etc. L'état du cœur se trouve noté 53 fois dans nos observations, l'hypertrophie n'est indiquée que 22 fois, c'est-à- dire 40 cas sur 100 ; encore chez deux des malades, cette hypertrophie était compensatrice de lésions valvulaires, ce qui ramène à 36, 36 °/° la proportion de l'hypertrophie simple du cœur, la seule qu'on puisse accuser d'accroître la tension du sang dans le système artériel. Ce n'est donc encore là qu'une cause très accessoire dans la production de l'hémorrhagie cérébrale.
1. Durand-Fardel. — Traité clinique des maladies des vieillards, p. 228.
2. Bouchard.—Etude sur quelques points de lapathogénie des hémorrliagies cérébrales. Paris, 1867, p. 59.
Nous en dirons autant de Y atrophie des reins qui a été invoquée à son tour comme l'une des causes de l'hémorrhagie du cerveau, que cette atrophie rénale s'accompagne ou non d'hypertrophie secondaire du cœur. Dans nos observations, on trouve l'état des reins noté 49 fois; or 16 fois seulement ou 32,65 fois sur 100, ces organes présentaient quelque lésion capable de gêner la circulation et d'augmenter la tension du système artériel ; c'était 13 fois ou 26, 53 0/0 l'atrophie simple et 3 fois ou 6, 12 0/0 diverses néphrites interstitielles ou parenchymateuses.
De toutes les conditions organiques capables de jouer un rôle dans la pathogénie cle l'hémorrhagie cérébrale, une seule, en raison de sa présence constante, nous paraît mériter d'être considérée comme la cause véritable de l'extra va-sation sanguine, c'est l'existence des anévrysmes miliaires.
Cette conclusion, à laquelle nous a conduit directement l'observation de faits nombreux, pourrait être déduite indirectement de la critique des hypothèses insuffisantes émises antérieurement pour expliquer le mécanisme de l'hémorrhagie cérébrale. C'est une tâche que nous n'avons pu remplir dans ce travail, mais que nous nous proposons d'aborder dans un prochain mémoire.
III.
Note sur la formation rapide d'une eschare à la
fesse du côté paralysé dans l'hémiplégie récente de cause cérébrale (1).
Dans le premier numéro de ce recueil (Archives de physiologie, etc. , n° 1, 1868, p. 173), j'appelais l'attention sur la formation d'eschares à la région sacrée, qui a lieu fréquemment quelques jours après l'accident, chez les sujets dont la moelle épinière est lésée par le fait d'une fracture ou d'une luxation du rachis, et je faisais remarquer à ce propos que l'influence de la pression exercée sur les parties qui supportent le poids du corps ne saurait évidemment être considérée là que comme une cause accessoire.
D'après les observations que j'ai recueillies à l'hospice de la Salpêtrière, pendant le cours des deux dernières années, je me crois autorisé à avancer qu'un phénomène analogue se produit dans la majorité des cas d'hémiplégie à début brusque, déterminée par une lésion du cerveau, lorsque la mort doit rapidement s'en suivre. Seulement, dans les cas de ce genre, l'eschare, ou la tache ecchymotique qui précède son apparition affectent un siège tout particulier. Ce n'est pas à
1. Archives de physiologie normale et pathologique. 1886, p.308.
la région sacrée qu'elles se développent, non plus que sur un point quelconque des parties médianes, mais bien vers le centre de la région fessière, et, en règle générale, exclusivement du côté correspondant à l'hémiplégie.
Voici comment les choses se passent le plus habituellement: du deuxième au quatrième jour après l'attaque, rarement plus tôt, quelquefois plus tard, une plaque érythéma-teuse, à bords mal définis, occupe, dans la plus grande partie de son étendue, la fesse du côté paralysé. La rougeur présente là, le plus souvent, une coloration rosée, plus rarement une teinte violacée, livide; elle disparaît en tout cas, momentanément, sous l'influence de la pression du doigt. Le lendemain ou le surlendemain, une tache d'un violet sombre, d'apparence ecchymotique, à contours tantôt arrondis, tantôt anguleux, mais toujours nets et arrêtés, s'est développée sur la partie centrale de la plaque érythémateuse, c'est-à-dire à 4 ou 5 centimètres environ en dehors du sillon interfessier, et à 3 ou 4 centimètres au dessous d'une ligne fictive qui partirait de l'extrémité supérieure de ce sillon en suivant un trajet perpendiculaire à sa direction. Cette tache, dont le diamètre ne dépasse pas tout d'abord 2 ou 3 centimètres, est indélébile; elle ne s'efface pas par la pression; à son niveau, l'épidémie se déchire bientôt, ou se soulève sous forme d'une bulle renfermant un liquide tantôt incolore tantôt sanguinolent. La bulle se crève, l'épiderme se détache et la surface dénudée du derme apparaît alors comme une plaque rouge, humide, saignante, parsemée de taches ou de marbrures d'un violet sombre. Ces taches et ces marbrures s'agrandissent rapidement, puis se confondent en même temps que l'excoriation gagne en étendue dans tous les sens.
Quelques jours après, une eschare brune, sèche, arrondie, dont le diamètre peut atteindre jusqu'à G ou 7 centimètres ou même plus, s'est développée aux dépens du derme, au
centre de la partie dénudée, dans le lieu même où existaient les ecchymoses. Peu à peu, cette eschare tend à se détacher sur ses bords ; elle s'entoure d'un cercle éliminateur et parfois en outre, les parties voisines deviennent rouges, luisantes, tuméfiées, chaudes et présentent en un mot l'apparence phlegmoneuse. Mais il est rare que le processus soit poussé aussi loin ; fréquemment la terminaison fatale survient avant même que la mortification du derme ait eu le temps de s'accomplir, ou alors il n'existe encore qu'une tache ecchymotique avec ou sans soulèvement de l'épiderme.
Pendant que ces divers phénomènes se produisent du côté correspondant à l'hémiplégie, la fesse du côté opposé reste en général parfaitement indemne. Il peut arriver, cependant, qu'elle s'affecte à son tour de la même manière, mais toujours plus tardivement et à un moindre degré. Je n'ai, du moins, rencontré jusqu'ici qu'un seul cas dans lequel le travail de mortification ait envahi les deux fesses, simultanément et à peu près avec la même intensité.
L'examen nécroscopique a fait reconnaître ce qui suit dans un cas où l'eschare, relativement énorme, ne mesurait pas moins de 9 centimètres en diamètre. Le derme sphacélé dans toute son épaisseur, présentait l'aspect et la consistance d'un tissu feutré, sec, de couleur brune; au dessous le panicule graisseux paraissait partout imbibé de sang noir. Plus profondément, dans toute son épaisseur, et dans une étendue en largeur qui correspondait à celle de l'eschare cutanée, le muscle fessier était de couleur violacée, de consistance friable et transformé même, çà et là, en une sorte de boue brunâtre. Au microscope, les fragments de faisceaux primitifs provenant des parties altérées du muscle, comparés aux faisceaux pris sur les parties saines, offraient en général un plus grand diamètre que ceux-ci. La striation transversale avait le plus souvent disparu; la striation longitudinale était quel
quefois encore apparente ; mais, pour la plupart, les faisceaux primitifs, sombres, opaques, étaient chargés de granulations et ne présentaient plus traces d'apparence striée. De plus, ils étaient devenus très friables et se divisaient sous l'influence de la pression, en très petits fragments. Le liquide abondant qui baignait de toutes parts les fibres musculaires, paraissait sous le microscope assez fortement coloré en rouge, et cependant, on n'y voyait voyager qu'un très-petit nombre de globules du sang.
L'eschare des hémiplégiques se rencontre dans les cas les plus divers de lésion du cerveau : à la suite des hémorrhagies intra-encéphaliques ou sous-méningées ; dans la pachyménin-gite, le ramollissement blanc ou rouge; enfin, lorsqu'une tumeur comprime fortement l'un des hémisphères cérébraux. Afin de mieux faire connaître les circonstances dans lesquelles elle se produit, nous croyons utile de donner ici l'analyse très-sommaire des observations sur lesquelles se fondent les remarques qui précèdent. Ces observations représentent la totalité des cas d'hémiplégie récente, de cause cérébrale, à début brusque et terminés par la mort, recueillis dans mon service, à la Salpêtrière, pendant les années 1866 et 1867. Dans tous ces cas, la région fessière a été examinée avec soin, jour par jour, pendant toute la durée de la maladie.
I. Cas dans lesquels l'eschare
ou la tache ecchymotique ont existé exclusivement sur la fesse du côté paralysé.
A. — Ramollissement.
Obs. I. Iung, 76 ans. — Ramollissement blanc peu étendu du centre ovale de l'hémisphère droit ; pas d'oblitération artérielle. Hémiplégie gauche incomplète avec contracture.
Début le 20 décembre 1800; sans état apoplectique. Le sixième jour, ecchymose avec soulèvement de l'épiderme. T. R. 38°, 4.
Le neuvième jour, la plaque ecchymotique s'élargit. Le onzième jour, eschare énorme avec pourtour phlegmoneux. T. R. 38°, ô
Mort le treizième jour. T. R. 40°, 3.
Obs. II. Moreau, 70 ans. — Ramollissement blanc du lobe gauche de la protubérance. — Pneumonie lobaire.
Débutle20 avril 1807, progressif ; stupeur, puis coma, hémiplégie droite avec flaccidité du membre supérieur droit.
Cinquième jour, érythème de la fesse droite. T. R. 39°, 5.
Sixième jour, eschare. T. P». 40°,5.
Mort le sixième jour.
Obs. III. Emeux, 59 ans. — Ramollissement blanc très étendu du lobe moyen gauche ; sans oblitération artérielle. — Début le 30 octobre 1857, avec état apoplectique. Hémiplégie -droite avec flaccidité.
Le quatrième jour, ecchymose et bulle sur la fesse droite.
Mort le neuvième jour.
Obs. IV. Henry, 89 ans. — Ramollissement blanc.
Début d'une deuxième attaque avec hémiplégie gauche, sans perte de connaissance, le 4 novembre 1806. — Le troisième jour, plaque violette avec excoriation de l'épiderme ; le soir, eschare. — Mort le 20e jour.
Obs. V. Morlet, 81 ans. —Ramollissement blanc du corps strié et du centre ovale, coté gauche. Thrombose Sylvienne, sans athérome. — Pneumonie lobaire.
Début brusque avec état apoplectique le 31 octobre 1807. — Hémiplégie droite sans contracture.
Premier jour, érythème rosé à .la fesse droite. — Deuxième
jour, coloration livide de l'érythème, le soir, tache noire avec soulèvement de Tépiderme. — Mort le troisième jour. TR. 40°.
Obs. VI. Pessé, 47 ans. — Ramollissement blanc, deuxième circonvolution frontale et deuxième circonvolution sphénoïdale du côté droit. Thrombose cachectique de Y artère sylvienne sans athérome; cancer utérin.
Début apoplectique le 9 janvier 1806. — Hémiplégie gauche avec flaccidité des membres.
Le deuxième jour, érythème et pfaque violacée de la fesse gauche. — Le troisième jour, eschare. —Mort ie treizième. T. R. 37°, 3/5.
Obs. VII. Ilayaert, 74 ans. — Ramollissement blanc. Corps strié et centre ovate. — Thrombose sylvienne, athérome.
Début apoplectique le 26 mars 1866. Hémiplégie droite avec flaccidité.
Le deuxième jour, ecchymose et bulle sur la fesse du côté paralysé. T. R. 37°, 4/5. — Mort le cinquième jour. T. R. 39°, 2/5.
Obs. VIII. Dubois 70 ans. — Ramollissement blanc, centre ovale droit.
Début le 22 mars 1867, sans état apoplectique. — Hémiplégie gauche avec flaccidité; marche progressive.
Septième jour, érythème de fa fesse, plaque violacée, soulèvement de l'épidémie. T. R. 37°,2. — Dixième jour, eschare du derme. T. R. 38°, 8. — Mort fe douzième jour. T. R. 39°.
Obs. IX. Page, 73 ans. — Ramollissement rouge dulobesphé-noïdal droit.
Début le 13 Avril 1867. — Brusque, non apoplectique, Hémiplégie gauche avec contracture puis flaccidité.
Deuxième jour, érythème de la fesse gauche.
Quatrième jour, plaque ecchymotique et soulèvement épider-mique. T R. 40°.
Mort le cinquième jour. T R. 41°, 2.
Obs. X.Aubin, 80 ans. — Ramollissement rouge superficiel du lobe occipital droit. Thrombose du sinus latéral correspondant.
Début apoplectique. — Hémiplégie gauche avec contracture, puis flaccidité.
Le quatrième jour, érythème et plaques ecchymotiques. — Mort le quatrième jour.T. R. 39°.
Obs. XL Baudois, 91 ans. — Hémorrhagie de la couche optique avec perforation du ventricule.
Début apoplectique le 15 avril 1867. — Hémiplégie gauche avec contracture.
Le sixième jour, érythème de la fesse.
Le septième jour, ecchymose et soulèvement épidermique. T. R. 37°, 4.
Le huitième jour, début d'eschare, T. R. 37°,8. — Mort le neuvième jour. T.R. 37°,4.
Obs. XII. Thomas, 76 ans. — Foyer hémorrhagique dans le lobe droit du cervelet.
Début apoplectique le 22 mai 1867. — Hémiplégie droite sans contracture.
Le troisième jour, plaque violacée de la fesse. T.R. 37°, 3/5.— Mort le quatrième jour. T. R, 41°.
Obs. XIII. Marazin, 71 ans. — Foyer hémorrhagique dans le noyau gris tœniforme droit.
Début le 28 octobre 1866. — Hémiplégie gauche sans contracture, début apoplectique.
Le troisième jour, tache violette et ampoule sur la fesse gauche. — Mort le quatrième jour.
Obs. XIV. Buyck, 78 ans. — Hémorrhagie sous-méningée.
B. — Hémorrhagie inlra-encéphalir/ve.
G.
Hémorrhagie sous-méningée.
Début le 7 juillet 1807. — Etat apoplectique. Hémiplégie droite sans contracture.
Le deuxième jour, érythème de la fesse. T. R. 37°,0. — Le quatrième jour, plaque violette. T. R. 37°,8. — Le sixième jour, eschare du diamètre d'une pièce de 2 francs, entourée d'une large plaque violette. T. R, 41°. — Mort le sixième jour. T. R. 41°.
D. — Pac hymen ingite hémorrhagique.
Obs. XV. Pommerat, 79 ans. — Pachyméningite hémorrhagique du côté droit.
Début apoplectique le 0 janvier 1800. — Hémiplégie gauche sans contracture.
Le dixième jour, plaque violacée, puis eschare. T.R. 37°, 4/5. — Mort le dix-septième jour T. R. 40°.
L. — Tumeur cérébrale.
Obs. XVI. Saunier 45 ans. — Tumeur sarcomateuse avec hypertrophie anémique de l'hémisphère droit.
Début de l'état apoplectique le 7 mars 1807. — Hémiplégie flasque complète à gauche.
Le deuxième jour, plaque ecchymotique à bords anguleux, épiderme soulevé et froncé sur la fesse gauche. T.R. 38°.
Le quatrième jour, eschare.
Mort le douzième jour. T.R. 39°,0.
II. — Cas dans lesquels
les deux fesses ont été également affectées.
A. — Ramollissement.
Obs. XVII.Eméry, 75 ans. — Ramollissement rouge de la couche optique gauche et du pédoncule cérébral correspondant.
Début le 21 mars 1800. —? Hémiplégie droite peu prononcée, état apoplectique.
Le deuxième jour, rougeur, taches violacées et bulles aux deux fesses. — Le cinquième jour, excoriation et ecchymose très prononcée de la fesse droite. — Le sixième jour, eschare à la fesse droite.
Mort le sixième jour. T R. 40°, 2/5.
Obs. XVIII. Combe, 72 ans. — Ramollissement blanc du centre ovale gauche et des circonvolutions du lobe pariétal correspondant. — Thrombose sylvienne.
Début le 4 août 1867, brusque, sans perte de connaissance. — Hémiplégie faciale, puis hémiplégie des membres droits, sans contracture.
Troisième jour, érythème et plaque ecchymotique. TR. 38°, 6. — Le soir ecchymose et bulle sur la fesse du côté opposé. TR. 40°. — Mort le quatrième jour. TR. 40°.
B. — Hémorragie intra-encéphalique.
Obs. XIX. Lecrique, 73 ans. — Hémorragie de la couche optique et du corps strié droits. — Perforation ventriculaire.
Début 26 février 1867, apoplectique. Hémiplégie gauche avec contracture, puis flaccidité.
Le quatrième jour, érythème, ecchymose, soulèvement de l'épiderme. — TR. 38°, 5. — Septième jour, trois ptaques de sphacèle du côté paralysé. — Le même jour, le soir, deux petites plaques violettes de l'autre côté. TR. 39°. — Mort te onzième jour. TR. 39°, 6.
C. — Hémorragie sous-méningée.
Obs. XX. Bertat, 78 ans. Début apoplectique le 7 juin 1867. — Hémiplégie gauche avec flaccidité.
Le deuxième jour érythème violacé et plaque ecchymotique : TR. 37°, 6.
Charcot. Œuv. compl. t. ix. Hémorragie cérébrale. 6
Le troisième jour, soulèvement épidermique au niveau de la plaque.
Le cinquième jour, eschare très étendue delà fesse gauche. — Plaques violacées de la fesse droite : TR. 40°. Mort le cinquième jour.
III. — CAS DANS LESQUELS
les deux fesses ont été affectées au même degré.
Obs. XXI. — Foureau, 72 ans. — Ramollissement blanc très limité du centre ovale. Thrombose sylvienne et athérome.
Début le 1er octobre 1867, sans perte de connaissance. —Hémiplégie gauche, sans contracture.
Le cinquième jour, une large plaque violette sur chacune des fesses. — Mort le cinquième jour. TR. 40°., 5.
IV. — Cas dans lesquels
il ne s'est produit ni eschare ni tache ecchymotique.
y
A. — Ramollissement.
Obs. XXII. Danjou, 70 ans. — Ramollissement blanc rosé du lobe occipital droit. — Oblitération fibrineuse et athéroma-teuse de l'artère cérébrale postérieure correspondante. Hémiplégie gauche avec flaccidité à marche progressive. Mort le vingt-s'eptième jour. TR. 41°, 4/5.
Obs. XXIII. Meunier, 69 ans. — Plaque jaune de l'hémisphère gauche. — Ramollissement récent de l'hémisphère droit. — Thrombose et athérome de l'artère sylvienne. — Hémiplégie ancienne incomplète à droite, récente complète à gauche.
Début apoplectique de la deuxième attaque. — Mort le cinquième jour. TR. 41°, 8.
Obs. XXIV. Fraisier, 03 ans. — Ramollissement blanc, noyau extra-ventriculaire du corps strié. — Début subit avec perte de connaissance passagère, hémiplégie gauche incomplète. — Mort le sixième jour. TR. 40°, 4,
B. — Hémorragie.
Obs. XXV. Renaud. — Hémorragie cérébelleuse. —Mort le premier jour.
. Obs. XXVI. Rarbillon, 75 ans. — Foyer hémorragique dans lacouche optique et le corps strié. — Perforation ventriculaire. — Hémiplégie droite avec contracture, puis flaccidité. — Mort le sixième jour. TR. 39°, 1/5.
Obs. XXVII. Rarthélémi, 09 ans. — Corps strié et couche optique sans perforation ventriculaire. — Début apoplectique, hémiplégie droite sans contracture; mort le sixième jour. TR. 10°, 0.
Obs. XXVIII. Hénon, 58 ans. — Hémorragie de la couche optique avec perforation ventriculaire. — Analgésie des membres paralysés. — Hémiplégie gauche avec contracture. — Début apoplectique. — Mort le troisième jour. TR. 39°, 4.
En résumé, sur vingt-huit cas d'hémiplégie à début brusque, déterminée par une lésion du cerveau et suivie de mort dans un bref délai, seize fois il s'est produit soit une tache ecchymotique, soit une eschare, uniquement sur la fesse du côté paralysé ; quatre fois les deux fesses ont été affectées, celle du côté paralysé, à la vérité, toujours plutôt et plus profondément que l'autre; dans un seul cas, les deux fesses ont été prises en même temps et à peu près au même degré; enfin, dans sept cas seulement, l'eschare ou l'ecchymose de la fesse ont fait complètement défaut. A ces faits, je pour
rais à peine en opposer un seul dans lequel l'eschare fessière étant survenue, la maladie, cependant, ne s'est point terminée d'une manière fatale. 11 est démontré par là que l'apparition de l'eschare en question, ou même de la tache ecchymotique, doit être considérée par le médecin comme un signe du plus fâcheux augure, puisqu'elle fait présager la mort presque à coup sûr. Ce signe a d'autant plus de valeur, qu'il montre alors même que l'ensemble des autres symptômes semble permettre d'espérer une issue moins triste, dans les cas par exemple, ou l'hémiplégie, incomplète à l'origine, n'est pas accompagnée d'état apoplectique et ne se constitue que graduellement (obs. 1, 2, 4, 8, 9, etcj. Son apparition précède d'ailleurs, en général, de plusieurs jours, celle d'un autre phénomène dont la signification est aussi des plus graves ; je veux parler de l'ascension brusque du chiffre de la température centrale au-dessus de 39°, symptômes qui, d'après mes observations, peuvent être considérés dans l'espèce, en l'absence de complication d'une phlegmasie viscérale, comme l'indice précurseur d'une mort très prochaine (1).
L'ecchymose fessière paraît quelquefois deux jours, l'eschare quatre ou cinq jours après le début de l'attaque; elles siègent, comme on l'a vu, soit exclusivement, soit au moins d'une manière prédominante du côté correspondant à l'hémiplégie. Ce sont là des motifs qui obligent à reconnaître — et c'est un point sur lequel on ne saurait trop insister, — que l'influence du decubitus est, en pareil cas, une cause de second ordre. (2)
1. Voir sur ce sujet : R. Lépine, Note sur deux cas d'hémorragie sous-méningée. — Consulter aussi ; Bourneville. Etude des cliniques et thermométriques sur les maladies de l'encéphale, Paris, 1870—1873. Voir aussi p. 91. {Gazette médicale de Paris, 1867 n° 52, 28, décembre, p. 798.)
2. Dans la grande majorité des cas dont il est question dans cette note, le decubitus était dorsal, dans l'acception rigoureuse du terme, et les deux fesses
Il faut nécessairement admettre que, sous l'influence de la lésion du cerveau, les actes de la nutrition ont dû éprouver, au préalable, une modification profonde dans les parties qui subissent la mortification d'une manière aussi rapide. Par quelle voie et par quelle déviation du type physiologique s'opère cette perversion des actes nutritifs?
Je me bornerai à soulever aujourd'hui cette question, me réservant d'y revenir dans une occasion prochaine.
En terminant, je signalerai comme un fait remarquable que l'eschare fessière unilatérale paraît propre à l'hémiplégie récente. Les eschares qui se forment si fréquemment dans les périodes ultimes de l'hémiplégie ancienne, siègent en général à la région sacrée et s'étendent également à droite et à gauche de la ligne médiane.
portaient également sur le lit. Dans un cas (obs. 15), la malade affectait de se tenir habituellement inclinée sur le côté non paralysé, et cependant l'eschare se produisit chez elle, suivant les règles, c'est-à-dire exclusivement du côté correspondant à l'hémiplégie.
IV.
Ecchymoses viscérales chez les apoplectiques (1).
M. Charcot, à propos d'une communication de M. Lépine, rappelle qu'il a fréquemment observé à la Salpêtrière des ecchymoses stomacales chez des apoplectiques. M. Andrai en a observé dans l'intestin. On connaît aussi celles du péri-crâne, de l'endocarde dans les mêmes conditions. Relativement à la production de ces ecchymoses qui ont un signe si différent, M. Charcot croit qu'elles doivent être rapportées à la paralysie vaso-motrice.Elles ne sont pas un phénomène précoce, contemporain de l'attaque, mais leur époque d'apparition est tardive; elles manquent quand la mort survient très rapidement. Tout récemment, M. Charcot a observé deux cas de deux vastes foyers hémorrhagiques avec rupture des ventricules du cerveau, et mort rapide ; il n'y avait nulle part d'ecchymoses.
1. Compte rendu de la Société de biologie, 1870, p. 39.
V.
Des troubles trophiques (1).
M. Charcot fait part à la Société d'une théorie nouvelle qui explique les troubles trophiques (si difficiles à comprendre avec les données de la physiologie actuelle) que l'on observe à la suite des troubles de l'innervation centrale, théorie qu'il croit pouvoir être substituée à celle des nerfs trophiques ou autres, qui, en réalité sont des hypothèses gratuites qui n'expliquent rien.
On sait, en effet, que certaines lésions cutanées (zonaj se voient à la suite d'altérations des racines ou des cordons postérieurs de la moelle.
On sait aussi que les fibres nerveuses sensitives qui forment les racines et les cordons postérieurs de la moelle ont une terminaison à la peau plus complexe qu'on ne le croyait autrefois ; les travaux récents tendent à montrer que dans le dernier, il y a des réseaux nerveux qui vont jusqu'à l'épiderme.
Enfin, les travaux de MM. Philipeaux et Vulpian (de l'union bout à bout des nerfs de fonction différente) ont montré que les nerfs quels qu'ils soient, sont des conducteurs à la fois
centrifuges et centripètes, en un mot, qu'un nerf sensitif par exemple, étant excité, il y a un double mouvement: l'un qui va aux centres et qui est perçu, l'autre allant à la périphérie, produisant une irritation non perçue.
Ces faits posés, suppose-t-on une irritation à la moelle ou sur un point quelconque du trajet des fibres nerveuses sensi-tives, cette irritation retentira à la périphérie jusque dans la couche muqueuse de Malpighi, et pourra se traduire là par une éruption de zona, par exemple. Pareillement il n'est pas impossible non plus que les nerfs moteurs servent de conducteurs aux irritations jusque dans les muscles.
M. Charcot pense donc que les nerfs moteurs et sensitifs seuls doivent être mis en cause pour l'explication des troubles trophiques survenus à la suite d'irritation centrale.
VI.
Hémorragie cérébrale du tiers postérieur de la capsule interne (1).
M. Charcot, à propos du procès-verbal de la séance du 10 décembre de la Société de biologie, rappelle que dans les hémorragies cérébrales dont le siège est le noyau lenticulaire du corps strié, l'hémiplégie est due à la compression de la capsule interne, dans son tiers antérieur. C'est un effet de voisinage.
Un tableau symptomatique tout différent résulte de la lésion du tiers postérieur de la même capsule. On se trouve alors en face d'une hémianesthésie croisée, de tout point comparable à l'hémianesthésie hystérique. Il existe alors, non seulement une obnubitation de la sensibilité générale, mais aussi une anesthésie sensorielle. Ce fait, qu'une lésion limitée d'un hémisphère peut produire un trouble de tous les modes de sensibilité dans un côté du corps, ne constitue-t-il pas un bel exemple de localisation cérébrale ?
L'hémiplégie commune, l'hémianesthésie, ensemble symptomatique dépendant de lésions distinctes des masses centrales des hémisphères, permettent d'établir un premier groupe dans la classe des maladies dues aux localisations cérébrales.
1. Société de biologie, séance du 11 décembre 1875, p. 402.
Mais les localisations morbides peuvent aussi se faire dans les masses corticales des hémisphères. C'est là un deuxième groupe à vrai dire, moins bien établi que le premier. Cependant, si l'existence de quelques localisations corticales n'est pas encore bien démontrée, il en est une au moins sur laquelle il ne peut y avoir de doute. Aujourd'hui, il existe dans la science un si grand nombre d'observations d'aphasie liée à l'altération de la troisième circonvolution frontale gauche, que les quelques faits contradictoires épars dans les auteurs perdent toute espèce de valeur. La théorie des localisations, telle que la conçoit M. Charcot, repose donc sur des faits pathologiques, peu nombreux mais constants et par cela même irréfutables.
VII.
Note sur la température des parties centrales dans l'apoplexie liée à l'hémorragie cérébrale et au ramollissement du cerveau (1).
M. Charcot fait connaître les résultats de recherches qu'il a faites à l'hospice de la Salpêtrière pendant le cours des deux dernières années, concernant les modifications que subit la température centrale dans l'apoplexie consécutive à l'hémorragie cérébrale et au ramollissement du cerveau.
Lorsque l'exploration du rectum a pu être pratiquée soit au moment même de l'attaque apoplectique, soit encore quelques heures après, presque toujours on a trouvé, surtout dans les cas graves, la température notablement abaissée au-dessous du taux normal. Ainsi, au lieu de 37°, 5 qui représente l'état physiologique, on a trouvé en pareil cas à peine 37° ou même un chiffre encore moins élevé; plusieurs fois, en effet, la température est descendue jusqu'à 36°.
Bientôt le chiffre thermométrique se relève ; il est rare qu'au bout de vingt-quatre heures, il n'ait pas obtenu 37°, 5, et à partir de cette époque, il se maintient pendant un nombre variable de jours entre 37°,5 et 38°. Il est peu commun que ce
1. Comptes-rendus de la Société de biologie, 15 juin 1867. p. 92.
dernier chiffre soit dépassé lorsque le malade doit survivre, à moins qu'il ne se soit produit quelque complication inflammatoire. Si, au contraire, la maladie doit avoir une issue funeste, on voit survenir — même en dehors de toute complication — une brusque élévation de la température centrale. Dans l'espace de douze, vingt-quatre, quarante-huit heures à peine, le thermomètre marque successivement 39°, 40° ou même 41°. Le chiffre 42° a été atteint plusieurs fois peu de temps avant sa mort. Cette brusque élévation de la température, dans les circonstances qui viennent d'être indiquées, est un signe à peu près certain d'une mort prochaine ; elle est habituellement précédée et comme annoncée par l'apparition d'un autre phénomène qui, lui aussi, est du plus fâcheux augure; une tache ecchymotique, fréquemment suivie de la formation d'une eschare se produit sur la fesse du côté paralysé (V. p. 73).
Ainsi, d'après M. Charcot, dans l'état apoplectique grave lié à l'hémorragie cérébrale, et au ramollissement du cerveau, on peut observer, en l'absence de complication inflammatoire viscérale, une série de modifications de la température centrale répondant à trois périodes successives. Dans la première période, qui comprend les premières heures qui succèdent à l'attaque, le chiffre thermométrique s'abaisse en général au-dessous de 37°, 5, dans la deuxième, qui dure un nombre variable de jours, il oscille entre 36°, 5 et 38°. Enfin, la deuxième période, qui aboutit nécessairement et rapidement à la mort, est marquée par une élévation brusque de la température au-dessus de 39°, 40° ou même 41°. Il importe de remarquer que ces chiffres élevés peuvent être atteints avant que les premiers phénomènes extérieurs de l'agonie se soient prononcés.
D'après M. Trousseau, il existerait « dans les hémorragies cérébrales un peu considérables un mouvement fébrile sur lequel les auteurs classiques insistent trop peu, et qui, com
mençant ordinairement vingt à vingt-quatre heures après le début des accidents est à son summum les deuxième et troisième jours ; le pouls est dur et prend de la fréquence; la peau est chaude et couverte de sueur; le visage est rouge, la respiration difficile. (1) »
Ces derniers phénomènes s'observent en réalité souvent dans les cas auxquels M. Trousseau fait allusion ; mais l'on peut affirmer qu'ils ne répondent pas à un état fébrile proprement dit, puisqu'ils apparaissent alors que la température centrale ne s'élèvepas sensiblement au-dessus du taux normal.
1. Trousseau. — Clinique médicale, t. II, p. 12, 2e édition.
VIII.
Nouvelle note sur le même sujet (i).
M. Charcot fait une communication ayant pour but d'appeler l'attention des physiologistes sur la cause de Vabaissement de la température centrale, qui, d'après les observations (au nombre de plus de 40), survient constamment dans les instants qui suivent une attaque d'apoplexie causée par une hémorragie cérébrale ou un choc analogue, par exemple un grand traumatisme intéressant le squelette, d'après M. Demarquay. Le pouls ne présente pas de caractères constants ; il n'est pas toujours ralenti, de telle sorte qu'on ne peut admettre que l'abaissement de la température résulte d'une diminution de Faction du cœur, d'autant plus que le malade se refroidit en quelques instants de un à un demi degré, c'est-à-dire plus rapidement que ne ferait un cadavre. Peut-on avec Heidenhain supposer qu'il se produit une transmutation de forces?
1. Comptes rendus de la Société de biologie, 1871, p. 100.
IX.
Sur les variations de la température centrale qui s'observent dans certaines affections convulsives et sur la distinction qui doit être établie à ce point de vue entre les convulsions toniques et les convulsions cloniques (1).
La contraction musculaire étant considérée comme une source de chaleur, il était intéressant de rechercher si, dans les maladies qui. s'accompagnent de contractions musculaires exagérées, la température du corps est modifiée.
On sait que certaines maladies convulsives sont marquées par une élévation de la température centrale. Dans le tétanos spontané ou traumatique, par exemple, on voit le thermomètre monter même après la mort, particularité qui a été expliquée par l'équilibration de température qui s'établit entre les parties où plonge le thermomètre et les muscles échauffés par la contracture (2).
1. En collaboration, avec M. Ch. Bouchard. Extrait des Comptes rendus de la Société de biologie, I8G6, p. 112.
2. La température dans le tétanos traumatique s'élève souvent jusqu'à 40°, Dans un cas de tétanos spontané, M. Wunderlich aurait constaté 45°, 7 (!!) et le thermomètre continuant à s'élever encore après la mort, aurait atteint, dans ce cas, au bout de quarante-cinq minutes, le chiffre 45°, 3 (!).
Archiv der Heilkunde, Bd. II, p. 547.) Voir, également du même auteur Archiv der Heilk. Bd. III, p. 175. — Billroth, Beobachtungstudien ûber
De notables élévations de la température ont été observées aussi dans les accès épileptiformes, dans la méningite cérébro-spinale (1), dans le choléra, même dans la période algide, et pour ce qui concerne cette dernière maladie, nous avons pu constater plusieurs fois que la température s'élève d'autant plus que les crampes sont plus intenses. Mais dans tous les cas qui viennent d'être cités, les phénomènes sont trop complexes pour qu'on puisse décider si c'est à la contraction musculaire seule qu'est due l'augmentation de la chaleur du sang.
En dirigeant des courants interrompus à travers la moelle épinière chez des chiens, MM. Leyden (2) et Fick (3)ont produit des contractions musculaires toniques générales, et ils ont observé dans leurs expériences une élévation de la température, comparable à celle qu'on rencontre chez l'homme dans les cas de tétanos.
Dans toutes ces affections, tétanos, convulsions épileptiques, choléra, etc., la contraction musculaire se rapporte à un type spécial : la convulsion tonique. En pareil cas, une contraction persistante détermine de la rigidité avec immobilité de la partie (contraction statique de M. BéclardJ. La contraction ne s'accompagne pas de travail mécanique ; elle produit de la chaleur, et cette chaleur se communique du muscle au sang qui le traverse. L'élévation de la température centrale,
Wundfleber, (Archiv für Chirurgie, Bd II.) — Billroth et Fick, Versuche über die Temperatur bei Tetanus,). — Vierteljahrsschrift der naturfo rschenden Gesellschaft in Zurich, 1863, Bd. VIII, p. 427.)
1. Wunderlich. — Heber die Eigenwaerme am Schluss todtlicher Neurosen, Archiv der Heilkvnde. Bd V, p. 204.
Erb. — Heber die Agoniesteigerung der Koerperwarme bei Krankheiten des Central nervensyslems, Deutsches Archiv für klinische Medicin., Bd I. p. 175.
2. Beitraege zur Pathologie des Tetanus. (Virchow''s Archiv, Bd. XXVI, p. 538-559.)
3. Loc. eil.
dans les cas de convulsions Ioniques, paraît donc concorder avec la théorie.
Que se passc-t-il, lorsqu'il s'agit de convulsions cIoniques, c'est-à-dire dans les cas où les contractions musculaires produisent des mouvements alternatifs plus ou moins étendus (contractions dynamiques de M. BéciardJ ? Parmi les maladies à convulsions cloniques, la chorée et la paralysie agitante peuvent être citées, lorsqu'elles sont intenses, comme s'aceompagnant d'une grande dépense de force musculaire. Or, les recherches multipliées que nous avons faites chez les malades atteints de ces deux affections nous ont montré constamment que la température centrale, quelque intense que soient les mouvements convulsifs, ne subit pas de déviation sensible du type normal. Dans la paralysie agitante en particulier, l'exploration thermométrique faite dans le rectum a donné presque toujours 37°,4, quelquefois 37°,6. Chez une femme âgée d'une quarantaine d'années, atteinte de paralysie agitante trôs-violenfe, et qui exécute constamment — si ce n'est pendant le sommeil — environ 200 oscillations doubles par minute, à l'aide des membres supérieurs, la température rectale ne s'élève pas au-dessus de 37°,2.
Dans une série d'expériences, nous avons déterminé chez des chats et chez des lapins, à l'aide de divers moyens, tantôt des convulsions cloniques, tantôt des convulsions toniques générales, et nous avons recherché ce que devient dans ces deux cas la température centrale.
Dans tous les cas, nous avons exploré la température du gros intestin à l'aide d'un thermomètre introduit profondément dans l'anus. Nous avons toujours pris soin de chauffer préalablement le thermomètre jusqu'au point correspondant à la température présumée de l'animal. Avant de commencer l'expérience, nous,attendions qu'aucune oscillation ne se montrât plus, depuis plusieurs minutes, dans la colonne mercurielle.
Charcot. Œuv. comp. t. ix. Hémorragie cérébrale 7
Les convulsions étaient déterminées soit par l'injection sous-cutanée de sulfate de strychnine ou d'extrait de fève de Calabar, soit par l'application d'un courant induit dans l'épaisseur des muscles des gouttières vertébrales ou directement sur la moelle épinière elle-même.
Première série d'expériences. — Injections sous-cutanées avec le sulfate de strychnine.
I. Chat vigoureux. Température rectale avant l'expérience, 35°, 8. Injection de 1 centigramme de sulfate de strychnine. Les convulsions commencent cinq minutes après l'injection; clo-niques d'abord, elles deviennent presque immédiatement toniques ; elles ne durent que deux minutes et se terminent par la mort. Une minute aprèsle début des convulsions, la température est montée à 39 degrés ; au bout d'une demi-heure, elle était à 39°,2 et s'y maintint jusqu'à la mort et pendant huit minutes après la mort.
II. Lapin assez vigoureux. Température rectale avant l'expérience 38°, 9. Injection de 2 milligrammes et demi de sulfate de strychnine faite en cinq fois dans l'espace d'une demi-heure. Pendant ce temps, la température est descendue graduellement à 38 degrés. Les convulsions apparaissent, toniques et cloniques d'abord, puis seulement cloniques, et une minute après leur début, la température est montée à 38°, G ; deux minutes et demie après, elle est à 38°, 3 ; puis toute roideur ayant cessée, et les mouvements cloniques persistant seuls, la température descend graduellement en une demi-heure à 37°, 3. La mort survient à ce moment sans nouvelles convulsions.
III. Lapin de taille moyenne. Température rectale avant l'expérience 38°, 8. Injection de 1 centigramme de sulfate de strychnine. Une minute et demie après surviennent des convulsions
cloniques et la température descend à 38°, 2. Les convulsions toniques arrivent quatre minutes après l'injection, et la température remonte à 38°, 8. Deux minutes après, elle est à 39 degrés ; au bout d'une minute à 39°, 2 ; une demi-minute plus tard à 39°, 4, puis encore après une minute à 39°, 6. La mort survient à ce moment et la température reste à 39°, 6 pendant six minutes après la mort.
IV. Lapin gros et vigoureux. Température rectale avant l'expérience 37°, 6. Injection de 5 milligrammes de sulfate de strychnine. La température descend d'abord, en trois minutes, jusqu'à 37°, 4. La convulsion tonique apparaît à ce moment et la température remonte à 37°, 5, mais les convulsions prennent immédiatement le type clonique et la température descend graduellement, et en cinq minutes et demie, à 37°, 2. La mort survient à ce moment.
V. Jeune chat. Température rectale avant l'expérie-nce 39 degrés, Injection de 1 centigramme de sulfate de strychnine. Trois minutes après, convulsions toniques ;la température monte à 39°, 2 ; une demi-minute après, elle est à 39°, 3. Les muscles redeviennent flasques et la température redescend à 39°, 2.
Deuxième série d'expériences. — Injections d'extrait de fève de Calabar.
VI. Lapin de taille moyenne. Température avant l'expérience 38°, 4. Injection de 18 centigrammes d'extrait de fève de Cala-bar. En onze minutes, la température descend à 38 degrés. A ce moment, les convulsions commencent, mais elles présentent le type clonique et la température continue à descendre graduellement, pendant dix minutes et demie, jusqu'à 37°.6. La mort survient à ce moment.
Troisième série d'expériences. — Téianisaiion par des courants induits.
VII. Lapin gros et vigoureux. Température rectale avant l'expérience 39°, 5. Introduction dans les muscles des gouttières des rhéophores d'une bobine de Ruhmkorff mise en communication avec un élément de Bunsen. L'animal est immédiatement tétanisé, la température s'élève en cinq minutes trois quarts à 40°,2. On interrompt le courant, la température redescend en cinq minutes à 39°, 8. On rétablit le courant, la température remonte en six minutes et demie à 49°, 2. A ce moment, les contractions cessent, la température redescend en trois minutes, à 40°. On interrompt le courant. L'animal meurt. La température se maintient à 49° pendant dix minutes après la mort.
VIII, Lapin gros et vigoureux. Température rectale avant l'expérience 39°, 4. La bobine étant mise en communication avec deux éléments de Bunsen, on introduit les réophores dans le canal rachidien sans léser la moelle. L'animal est immédiatement tétanisé. La température monte en une minute à 39°, 5. L'animal ne respirant pas, on interrompt le courant, la respiration se rétablit et la température descend en cinq minutes, à 39°, 1. Le courant est rétabli, la roideur reparaît et la température remonte en une minute à 39°,4. A ce moment, la roideur cesse, quoique le courant soit maintenu, la température descend en deux minutes à 39°,2. On interrompt le courant et après deux minutes trois quarts, la température est encore descendue à 39°, 1. Le courant est alors rétabli, la roideur se reproduit, et en cinq minutes et quart, la température a monté à 39°, 0. Le courant est supprimé, et en trois minutes et demie, la température est revenue à 39°, 2. L'animal meurt.
Ces expériences tendent à démontrer que les convulsions
toniques générales provoquées soit par l'action de la strychnine (exp. I et IIIJ, soit sous l'influence de la faradisation (exp. VII et VIII), s'accompagnent presque immédiatement d'une élévation notable de la température centrale ; celle-ci, au contraire, n'est pas affectée d'une manière appréciable, lorsque les mêmes agents produisent des convulsions cloniques (exp. II, IV, VI.)
X.
Sur les néo-membranes de la dure-mère, à propos d'un cas d'hémorragie intra-méningée (1).
D'après l'opinion le plus universellement adoptée en France, l'hémorrhagie méningée intra-arachnoïdienne serait due à une rupture des vaisseaux du feuillet viscéral de l'arachnoïde ; le sang épanché, soit par suite d'une modification de ces couches superficielles, soit par suite de la formation d'un exsudât plastique fourni par l'arachnoïde pariétal, serait, au bout d'un certain temps, enveloppé dans une fausse membrane, laquelle s'organiserait ultérieurement. Des idées nouvelles, et en grande partie opposées aux précédentes, ont été émises sur ce sujet dans ces dernières années, soit en France, soit en Allemagne. Déjà la Gazette hebdomadaire a fait connaître les principaux résultats auxquels on est arrivé (1859, p. 621. Analyse d'un Mémoire de M. Schuberg sur l'hématome delà dure-mère). Aujourd'hui, nous voulons appeler de nouveau l'attention sur ces récentes acquisitions de la science, à l'occasion d'un fait que nous venons d'observer à l'hôpital de la Pitié, et dont voici la relation.
En collaboration avec M. Vulpian. Extrait de la Gazette hebdomadaire, 1860, p. 728, 789, 821.
Observation. — Hérnorrhagie inlra-arachnoïdienne. — Fausses membranes vasculaires sur la dure-mère (hé mal orne de la dure-mère et pachyméningite.
La nommée Vincent, âgée de quarante-cinq ans, relieuse, est entrée àl'hôpital delaPitié, salle Sainte-Marthe, n° 25, le 6 septembre 1860. Nous apprenons que, il y a environ quatre mois de cela, elle fut trouvée sans connaissance sur la voie publique et transportée, par ordre du commissaire, dans ce même hôpital (27 mai 1860). Elle fut d'abord admise dans une salle de chirurgie, à cause de quelques contusions qu'elle portait, puis envoyée le lendemain dans un service de médecine (salle Saint-Charles), où elle resta seulement jusqu'au 4 juin. Le diagnostic inscrit sur la pancarte, à l'époque de la sortie, a été le suivant : Chorée alcoolique. De retour chez elle, cette femme, nous assure-t-on, paraissait jouir d'une bonne santé, lorsque, le 5 septembre au soir, elle fut prise soudainement d'une attaque avec perte de connaissance et tomba lourdement dans son escalier. Il paraît que, quelque temps auparavant, dans la journée même, elle avait été gravement maltraitée par un homme avec lequel elle vit maritalement. Quoiqu'il en soit, le lendemain, elle est transportée sur un brancard et admise salle Sainte-Marthe, où on la trouve dans l'état suivant : Somnolence profonde dont on tire difficilement la malade ; il y a sur divers points du crâne des traces de légères contusions. La physionomie exprime la stupeur; la face est animée, les pommettes sont rouges, les yeux à demi-clos ; les deux pupilles sont également dilatées ; pas de déviations des commissures labiales. Si l'on secoue la malade fortement et si on lui parle à voix haute, on parvient à la réveiller un peu et à lui faire proférer quelques plaintes ; mais elle ne paraît pas comprendre ce qu'on lui dit, regarde en face d'elle d'un air stupide et bientôt se rendort. Il est impossible d'obtenir d'elle qu'elle tire la langue. Les mouvements et le sentiment sont conservés sur toute la moitié droite du corps ; à gauche le membre supérieur est roide, demi-fléchi, fortement contracture ; on ne peut l'étendre qu'avec peine, et aussitôt qu'on l'abandonne à lui-même, il reprend son attitude primitive.
Le membre inférieur gauche est également demi-fléchi et contracture, mais d'une manière moins prononcée. Sur les membres contractures, la sensibilité de la peau n'est pas complètement abolie, car, lorsqu'on pince la malade, elle paraît éprouver de la douleur ; seulement, son attention n'est éveillée que longtemps après que la peau a été pincée. La déglutition s'opère d'une manière normale. La peau est chaude, le pouls à 80-90, régulier, dur, petit; respiration haute, suspirieuse, mais pas de ronflement.
Le 7, même état que la veille ; la somnolence, toutefois, semble un peu moins profonde. La malade paraît entendre les questions qu'on lui adresse, et elle fait des tentatives de réponse. Au rapport des gens du service, il y a eu hier dans la soirée, à plusieurs reprises, des convulsions ressemblant à celles de l'épilepsie, mais bornées aux muscles du cou et à ceux de la face.
Du 7 au 10, l'état ne varie point ; il n'y a pas eu de nouvelles convulsions.
Le 10, pendant la visite, la malade est prise d'un accès con-vulsif ; des mouvements spasmodiques, saccadés, se succédant très rapidement, s'emparent des muscles du côté gauche de la face et du cou. A chaque secousse convulsive, la commissure labiale est tirée violemment à gauche et en haut ; en même temps la tête subit un mouvement de rotation par suite duquel la face est portée à droite et un peu en haut. Il n'y a pas d'écume à la bouche ; la perte de connaissance paraît être absolue ; la face devient légèrement violacée, les membres ne participent en rien aux convulsions. L'accès dure une ou deux minutes environ, puis il se reproduit cle nouveau après une courte pause ; il n'est pas suivi de sommeil stertoreux.
Du 10 au 15 septembre, les accès ne se sont pas reproduits. La malade paraît se réveiller un peu ; cependant, elle ne peut proférer une parole ; seulement, de temps en temps, elle fait entendre des grognements inintelligibles. La peau est moins chaude que ces jours passés, le pouls moins fréquent ; l'état général, en somme, est plus satisfaisant. Néanmoins, la malade
refuse toute nourriture ; à peine veut-elle avaler un peu de bouillon.
Le 15 septembre, sans qu'il y ait eu de nouveaux accidents, la malade paraît plus affaissée que les jours précédents. Pour la première fois, des râles muqueux abondants s'entendent dans les parties les plus déclives des deux poumons ; peu à peu, les poumons s'engouent, les jours suivants, de plus en plus. La somnolence reparaît, et enfin il survient un coma profond. Pendant ce temps, la contracture persiste sans modification dans les membres du côté gauche.
Le 18, !e râle laryngo-trachéal se développe, et bientôt la mort survient. — Le traitement employé a été le suivant : Vésicatoires volants à la nuque; extrait de quinquina en potion; musc à l'intérieur. Tous les deux jours, un lavement purgatif.
Nécroscopie. — La voûte crânienne ayant été enlevée, la surface extérieure de la dure-mère, mise à nu, paraît d'une teinte violet-foncé, surtout du côté droit, et elle semble, là aussi, fortement distendue par l'effort des parties sous-jacentes. Cette membrane ayant été incisée, d'abord du côté gauche de la face, il s'écoule quelques cuillerées de sérosité sanguinolente; à droite, l'incision m et à nu un vaste épanchemeni de sang coagulé, d'une couleur très-foncée, presque noir, mou et évidemment de formation récente. Cet épanchemeni occupe la cavité de Varachnoïde : il s'étend en nappe sur toute l'étendue de la face supérieure de l'hémisphère cérébral droit; à sa partie moyenne, il présente plus d'un pouce d'épaisseur. En avant, en arrière et en dehors, il se prolonge en s'amincissant, jusqu'au voisinage de la base du cerveau, qu'il n'atteint pas cependant. Après avoir enlevé les caillots qui constituent l'épanchement, on reconnaît que la surface de l'hémisphère cérébral sous-jacent a été très fortement déprimée, tellement qu'en un point, elle présente une concavité très accentuée. Toutes les circonvolutions sont, d'ailleurs, fortement aplaties et tassées les unes contre les autres. Les méninges, cependant, ne présentent aucune altération ; elles sont seulement très rouges, tant par injection que par imbibition
sanguine. L'arachnoïde viscérale est, en particulier, parfaitement lisse et polie; elle n'est point recouverte de fausses membranes, et les caillots de l'épanchement n'ont contracté avec elle aucune adhérence.
A part le tassement qu'a subi l'hémisphère droit, Vencéphale, examiné avec soin dans toutes ses parties, ne présente aucune altération appréciable.
La paroi osseuse du crâne était également, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, à l'état normal; toutefois, les pertuis vascu-laires formaient à droite, sur la face interne du pariétal, c'est-à-dire dans la partie correspondante à l'épanchement, un piqueté plus abondant qu'à gauche.
La dure-mère surtout a été attentivement étudiée. A part la coloration violet-foncé dont il a été parlé, on ne découvre sur sa surface extérieure, à droite de la face, rien de particulier; mais sa face interne au contraire, lorsque quelques caillots qui y adhèrent faiblement ont été détachés par le lavage, paraît recouverte, dans tous les points qui correspondent à l'épanchement, par une membrane. Cette membrane, de couleur jaune-brun, maculée de taches et de stries sanguines, présente, en certains points, une épaisseur d'environ un millimètre. Elle est composée d'au moins quatre ou cinq lamelles superposées, toutes à peu près d'égale épaisseur, et qu'on peut isoler les unes des autres sans grand effort. La plus externe de ces lamelles paraît simplement accolée à la dure-mère ; on ne peut cependant l'en détacher sans tirailler, puis déchirer de nombreux et fins tractus qui paraissent constitués par des ramifications vas-cufaires très tenues. La lamelle la plus interne se confond avec une mince couche de fibrine renfermant, en certaines proportions, fes éléments du sang et présentant une coloration acajou.
A gauche de la faux, la dure-mère est tapissée à sa face interne par une membrane en tout sembfable à celle qui vient d'être décrite, mais pius mince et plus transparente. Cette fausse membrane offrait une teinte jaune-rougeâtre, plus ou moins pointillée.
La dure-mère elle-même, soit à droite, soit à gauche de la
grande faux, paraît dans l'état normal; seulement, elle semble plus vasculaire que cela n'a lieu d'habitude, principalement à droite.
Poumons. — Quelques petites cavernes et plusieurs tubercules caséeux au sommet des deux poumons; les autres organes tho-raciques et ceux de l'abdomen n'ont présenté aucune altération.
Etude microscopique. — La membrane de nouvelle formation qui tapissait la dure-mère a été examinée à l'aide du microscope. Avant de procéder à cet examen, on a pu constater de nouveau les caractères qui avaient été remarqués au moment de la né-croscopie. Au milieu de la teinte rouge-nuancée, teinte qui devient de plus en plus foncée au fur et à mesure qu'on se rapproche des points en contact avec l'épanchement sanguin, on aperçoit très distinctement çà et là quelques taches jaunâtres et grisâtres d'une couleur boueuse. La face interne de la couche membraneuse a, sur presque toute son étendue, un aspect lisse, mais elle présente des inégalités au niveau de l'épanchement.
Lorsque, pour l'examen microscopique, on détache de petites lamelles des parties les plus colorées, les préparations vues à l'œil nu par demi-transparence ont une teinte qui se rapproche cle celle du vermillon.
L'examen microscopique fait reconnaître que ces couches membraneuses sont réellement organisées. On y trouve des vaisseaux en assez grand nombre, vaisseaux ramifiés et dont les plus petits ont encore d'assez larges dimensions. Beaucoup d'entre eux ont de 2 à 3 centièmes de millimètre de largeur. Ces vaisseaux sont remarquables par la faible épaisseur de leurs parois. Les parois sont en général constituées par deux tuniques seulement; il y a, profondément, une couche caractérisée par la présence de noyaux larges, elliptiques, à grand axe dirigé suivant l'axe du vaisseau, et extérieurement, cette couche est recouverte par une autre couche contenant des noyaux très allongés et très étroits, dirigés dans le même sens que les précédents. Nous avons cependant trouvé des noyaux transversaux
intermédiaires aux deux couches précédemment indiquées, dans plusieurs vaisseaux, mais rarement, si ce n'est dans les vaisseaux assez larges, la tunique à noyaux transversaux, ou tunique musculaire, était continue et formée d'éléments de configuration et de disposition régulières.
Dans un point de la portion de la néo-membrane qui correspond à l'épanchement, nous avons pris pour l'examiner un petit segment d'une partie jaunâtre et saillante. C'était un vaisseau à parois très graisseuses, et de calibre assez considérable.
La membrane vasculaire de nouvelle formation a, pour tissu fondamental, du tissu conjonctif réparti au milieu d'une substance finement granuleuse, amorphe. Le tissu conjonctif offre des faisceaux fibrillaires nombreux, dont les fibrilles sont les unes rectiiignes et les autres diversement contournées, ondu-leuses. Outre ces faisceaux filamenteux, il y a de nombreux noyaux, d'un diamètre large, elliptiques, disséminés au milieu de la substance granuleuse. Quand on dilacere la préparation, on voit que ces noyaux, pour la plupart, appartiennent à des éléments fusiformes, embryoplastiques.
Dans toute l'étendue des néo-membranes, c'est-à-dire du côté opposé à l'hémorrhagie, comme du côté qui y répond, il y a des granulations d'une teinte jaune, irrégulièrement arrondies, ayant un diamètre qui varie entre o millièmes de millimètre et deux centièmes. Ce sont ces granulations surtout qui donnent aux membranes la teinte soit jaune, soit rougeâtre, qu'elles présentent. Elles sont beaucoup plus abondantes du côté droit que du côté gauche; elle sont disséminées, tantôt séparées par des intervalles assez larges, et ailleurs plus ou moins rapprochées les unes des autres. Lorsqu'on examine à l'œil nu et par transparence une préparation de la néo-membrane comprimée entre deux verres, on reconnaît que les granulations suivent un certain ordre dans leur distribution; etles sont accumulées principalement des deux côtés de certaines lignes transparentes, plus ou moins ramifiées, et à bords parratlèfes; or, ces lignes correspondent à des vaisseaux. Les granulations dont il s'agit ici sont formées, suivant toute apparence, d'hématosine. Il y a
d'ailleurs d'autres éléments qui concourent à la coloration des membranes, ce sont des cristaux. Ces cristaux sont rouges, vus par transparence; ils ont tous ou presque tous la forme de prismes obliques à quatre pans; ils sont en général allongés, et ont 7, 8, jusqu'à lo millièmes de millimètres de hauteur. Ils sont disséminés, moins nombreux que les concrétions d'héma-tosine entre lesquelles on les trouve, et ils sont en plus grande quantité dans les points rapprochés du lieu de l'hémorrhagie. Là, granulations et cristaux forment un semis très serré.
Outre ces éléments, il y a çà et là de très rares cellules épithé-liales contenant des granulations graisseuses. On rencontre aussi des granulations graisseuses libres dans tous les points de la néomembrane, et elles sont très abondantes dans le voisinage du foyer, là où les membranes sont plus épaisses. C'est à l'accumulation de ces granulations qu'est due la teinte gris-jaunâtre, d'aspect comme boueux, que prend la membrane en plusieurs endroits.
Enfin, on trouve encore des cristaux de carbonate de chaux et de petits amas de pigment noir, amas qui sont rares et épars. Ce pigment est sous forme de taches, soit uniformes, soit granuleuses, sans qu'il soit possible de déterminer dans quel élément il siège. On rencontre aussi quelques masses noires, opaques, très petites, offrant sur leurs bords des angles saillants et des angles rentrants à arêtes bien nettes, et paraissant à cause de cela formées par de petits agglomérats de cristaux noirs.
L'acide acétique n'a aucune action, ni sur les grains d'héma-tosine, ni sur les cristaux, ni sur les amas de matière noire. Il fait seulement apparaître plus clairement les noyaux embryo-plastiques, et il fait pâlir les faisceaux de tissu conjonctif. La soude ne détruit non plus, ni les cristaux, ni les concrétions d'hématosine. Enfin l'acide azotique n'a pas dissous ces éléments et ne leur a point non plus fait subir de changements de teinte.
En résumé, il s'agit, dans notre observation, d'une femme
âgée de quarante-cinq ans, qui, après avoir été atteinte déjà tout à coup, le 27 mars 1860, d'accidents cérébraux mal déterminés et de courte durée, est prise, le S septembre, d'une nouvelle attaque, après avoir été, paraît-il, maltraitée assez gravement. Cette nouvelle attaque est caractérisée surtout par une perte complète de connaissance et une paralysie avec contracture des membres du côté gauche. C'est dans cet état que la malade est observée le jour de son admission à l'hôpital. Le lendemain survient un accès de convulsions épilep-tiformes bornées aux muscles du cou et de la face. Un nouvel accès convulsif, en tout semblable au précédent, se reproduit au bout de trois jours. D'ailleurs, ni dans l'intervalle ni à la suite des accès, on ne constate aucune modification bien marquée, soit de l'état des fonctions cérébrales, soit de la paralysie avec contracture des membres du côté gauche. Le 15 septembre, après un amendement dans tous les symptômes, qui se maintient pendant quelques jours, un affaissement plus prononcé encore que par le passé se montre tout à coup, et s'accroît les jours suivants ; les poumons s'engouent, un coma profond se déclare, et la mort survient le 18 septembre, treize jours après le début des accidents. — A l'autopsie, on trouve une hérnorrhagie intra-arachnoïdienne du côté droit ; l'épanchement était vaste et composé de sang coagulé ; le liquide séro-sanguinolent qui s'est écoulé lors de l'incision de la dure-mère du côté gauche devait évidemment son aspect au mélange d'une petite quantité de sang provenant du foyer principal, et qui avait passé au-dessous de la faux de la dure-mère. Des deux côtés de la faux et dans toute la partie qui correspond à la convexité des hémisphères, la dure-mère est tapissée par une fausse membrane d'origine morbide et dont nous avons indiqué les caractères histologiques.
Lors de l'autopsie de cette femme, la première question que nous nous sommes posée a été celle du rapport entre l'hémorrhagie méningée et les produits membraneux dont la face profonde de la dure-mère était tapissée ; c'est cette question qui va nous occuper tout spécialement ici, et l'examen anatomique auquel nous nous sommes livrés nous permettra, nous l'espérons, d'y répondre d'une façon très nette.
On peut invoquer trois hypothèses pour expliquer la présence simultanée de l'hémorrhagie et des néoplasmes membraneux dans la cavité arachnoïdienne : 1° l'hémorrhagie s'est faite tout d'abord, et les produits membraneux se sont développés ensuite; 2° ou bien ce sont les membranes qui se sont formées avant l'hémorrhagie ; 3° ou bien enfin l'hémorrhagie et les produits membraneux datent de la même époque.
Pour apprécier ces hypothèses à leur juste valeur et se prononcer entre elles, il faut se rappeler plusieurs circonstances très importantes de notre observation. Le malade avait eu une attaque d'une nature indéterminée trois mois et demi avant sa dernière entrée à l'hôpital ; à la suite de cette attaque, quia été très courte, il ne paraît être resté aucun phénomène de paralysie, du moins si l'on s'en rapporte aux seuls renseignements qu'on ait pu obtenir; enfin, la dernière attaque, brusque comme la précédente, s'est déclarée treize jours avant la mort. Si l'on rapproche ces diverses circonstances de l'état dans lequel on a trouvé le sang épanché dans la cavité arachnoïdienne, on n'hésitera pas à admettre que l'hémorrhagie était de date récente et qu'elle s'était opérée au moment de la dernière attaque, c'est-à-dire treize jours avant la mort.
Ceci bien établi, admettra-t-on que les produits membraneux se sont développés après l'hémorrhagie ? Dira-t-on que c'est même à l'hémorrhagie qu'ils doivent leur origine ? Si cette hypothèse était fondée, la membrane aurait pu se former cle l'une ou de l'autre des deux façons suivantes. Ou bien, comme un très grand nombre d'auteurs l'admettent avec M. Baillarger pour des cas analogues, la membrane se serait développée par une modification des couches superficielles de l'épanchement, modification qui les aurait transformés en une lame pseudo-membraneuse susceptible de s'organiser par la suite; ou bien, suivant une opinion émise par d'autres auteurs, et que nous trouvons exprimée de la manière la plus nette dans l'ouvrage classique de MM. Hardy et Béhier, le sang épanché aurait excité le feuillet pariétal de l'arachnoïde, et, par suite de cette excitation, il se serait fait une sécrétion plastique, laquelle, étendue en nappe sur la face interne cle la dure-mère, aurait pris l'aspect membraneux et aurait été susceptible de s'organiser en véritable membrane. Or, nous n'hésitons pas à dire que la dernière théorie pourrait seule expliquer un fait qui a été observé très souvent, et que nous retrouvons dans notre observation, à savoir la présence d'un dépôt membraneux, non-seulement au niveau du siège de l'épanchement, mais encore sur la face inférieure de la dure-mère, du côté opposé; car il ne serait pas difficile de comprendre qu'il se fût fait une propagation de l'irritation inflammatoire jusqu'à une certaine distance du point de départ. Mais l'épanchement étant très récent, quelle que soit l'opinion à laquelle on se rattache, si la membrane doit naissance à cet épanchement elle aurait dû être plus ou moins mince, n'offrir aucune organisation, ou du moins n'offrir qu'une organisation d'un degré très inférieur. La membrane que nous avons trouvée était loin, comme on l'a vu, de présenter ces caractères. Elle avait une épaisseur assez considérable ; elle
était composée, dans la plus grande partie de son étendue, de plusieurs lames ou feuillets, ayant une consistance, une ténacité qu'on ne rencontre pas dans les pseudo-membranes récentes, et, ce qui constitue le caractère le plus important, elle était organisée, franchement organisée. Elle contenait, en effet, du tissu connectif, des éléments embryoplastiqu.es et des vaisseaux.
Comment croire qu'une pareille organisation aurait pu s'effectuer en quelques jours ? Assurément cela est impossible ; et nous devons rejeter deux des hypothèses auxquelles on aurait pu demander l'explication de la présence simultanée du sang et des produits membraneux dans la cavité arachnoïdienne. En effet, si l'on ne peut pas admettre, et cela, à cause du degré d'organisation de ces produits, qu'ils sont des suites de rhémorrhagie, on doit également, et pour la même raison, se refuser à penser que le raptus sanguin et les néoplasmes datent du même moment. Si cette supposition, émise parBayle et M. Calmeil pour rendre compte de certains faits, était fondée ici, l'exsudat fibrineux, extravasé en même temps que le sang, aurait montré tout au plus, au bout de treize jours, les traces d'une organisation naissante.
En dernière analyse, nous nous trouvons conduits à reconnaître que les néo-membranes ont dû commencer à se développer à une époque antérieure à celle de l'hémorrhagie des derniers jours.
Ainsi, voilà deux faits qui nous paraissent entièrement certains : l'un, c'est que l'hémorrhagie méningée trouvée à l'autopsie est de date toute récente; l'autre que les néo-membranes sont, au contraire, d'ancienne date.
Mais il convient actuellement de rechercher dans l'histoire de la maladie si la première période de la formation des néo-membranes n'aurait pas été annoncée par quelque phénomène morbide saillant. Or, nous avons vu que plusieurs
Charcot. Œuv. corapl. t. ix, Hémorragie cérébrale. 8
mois avant les derniers accidents, il y a eu une attaque dont les caractères ne peuvent pas être déterminés d'une façon précise, mais qui probablement, présentait une certaine ressemblance avec celle qui a précédéTentrée à l'hôpital. On pourrait, à cet égard, émettre une supposition qui ne ferait que reproduire la manière de voir de la plupart des médecins français sur les cas de ce genre. Cette première attaque, dirait-on, a été occasionnée par une hémorrhagie méningée: le sang, étendu sous forme de nappe à la surface des hémisphères, a passé par les modifications dont nous avons déjà parlé ; et comme la malade a survécu, ces modifications ont parcouru toutes leurs phases, la partie liquide a entièrement disparu, et il n'est resté que la pseudo-membrane qui s'est organisée peu à peu. Comme les antécédents de la malade sont peu connus, on pourrait pousser plus loin l'hypothèse et admettre qu'il y a eu, à une certaine époque, une autre extravasation sanguine du côté gauche, ce qui expliquerait la néo-membrane., que l'on a trouvée de ce côté ; enfin, les diverses lames qui, accolées les unes aux autres, constituent les néo-membranes, pourraient bien tirer leur origine de plusieurs hémorrhagies successives. Que de suppositions nécessaires pour interpréter les diverses particularités offertes par ces néo-membranes !
Les auteurs qui pensent que les néo-membranes sont produites par un exsudât d'origine inflammatoire, déterminé, d'ailleurs, par l'hémorrhagie méningée, auraient encore ici, ce nous semble, l'avantage sur les partisans de la théorie de l'organisation des caillots. Ils n'auraient pas à déployer un semblable luxe d'hypothèses, et l'hémorrhagie initiale étant démontrée, il ne leur serait pas difficile d'expliquer toutes les circonstances anatomo-pathologiques du fait. Mais encore faudrait-il qu'il eût existé une hémorrhagie initiale. En a-t-il été ainsi ? La première attaque a-t-elle réellement coïncidé avec la forma-
Lio a d'un épanchernent sanguin dans la cavité arachnoï-dienne ? Nous ne le pensons pas. La perte de connaissance n'a duré que très peu de temps, peut-être quelques heures seulement, et n'a pas été suivie d'accidents de paralysie ou de contracture, car, après que la malade eut été transférée dans un service de médecine, on a désigné son affection sous le nom de chorée alcoolique. Il est donc probable que la perte de connaissance observée à cette époque et les accidents consécutifs ont été produits non par une hérnorrhagie notable, mais par quelque autre cause.
Cette discussion nous conduit à conclure, définitivement : 1° que la néo-membrane, ainsi que cela a été dit déjà, ne doit certainement pas sa production à l'hémorrhagie méningée des derniers jours; 2° qu'il est à peu près sûr qu'elle ne provient pas d'une hérnorrhagie de même forme qui aurait eu lieu lors de la première entrée à l'hôpital. Nous sommes donc forcés de chercher une autre explication, une autre origine et nous ne faisons pas difficulté d'admettre que les néo-membranes se sont développées sous l'influence d'une irritation inflammatoire et spontanée de la dure-mère. C'est là un premier fait qui nous semble hors de doute. D'un autre côté, relativement à l'hémorrhagie méningée, nous pensons que, loin d'avoir pris la moindre part à la production des néomembranes, elle a dû son origine à ces néo-membranes elles-mêmes.
Nous émettons plus librement cette manière de voir concernant la pathogénie des néo-membranes et de l'épanchement observés dans le cas actuel, que les choses paraissent se passer comme nous l'avons admis dans la majorité des cas d'hémorrhagie méningée ; c'est du moins ce que tendent à démontrer des travaux nombreux déjà et d'une grande valeur, et dont nous croyons utile de donner rapidement l'exposé historique. Deux points surtout seront mis en lumière par cet
exposé, à savoir : 1° qu'il peut se former des néo-membranes sur la face profonde de la dure-mère, sans que ces productions aient été nécessairement précédées ou accompagnées d'extravasations sanguines, et, en tout cas, sans qu'elles y trouvent leur cause génératrice ; 2° que l'hémorrhagie méningée, d'après un grand nombre de recherches, paraît devoir être considérée, le plus souvent, comme une sorte d'épiphénoinène du développement des néo-membranes ; qu'elle dépend, en termes plus explicites, de la rupture accidentelle des vaisseaux qui se sont produits daus ces membranes de nouvelle formation.
II.
M. Bayle {Traité des maladies du cerveau et de ses membranes. Paris, 1826) et M. Calmeil {De la paralysie considérée chez les aliénés. Paris 1826) (1) ont observé des membranes qui s'étaient produites sur le feuillet pariétal de l'arachnoïde sans hémorrhagie, chez des individus atteints de méningite chronique ou de paralysie générale. Ces deux auteurs n'hésitent pas à attribuer le développement de ces membranes à un travail inflammatoire du feuillet séreux. Ces néoplasmes ont été rencontrés, du reste, pax tous les médecins aliénistes, et, s'ils sont en général peu connus, cela tient sans doute à ce qu'on les trouve rarement, du moins dans la clinique ordinaire, à un haut degré de développement, en dehors des conditions spéciales présentées par les malades que ces médecins ont habituellement sous les yeux. Les écrits de MM. Baillarger, Lélut (Gazette médicale, 2 janvier 1836), Aubanei {Annales médico-psychologiques, 1843), Parchappe, etc., en offrent de nombreux exemples ; seulement,
1. X'oy. aussi Calmeil, Dictionnaire en 30 volumes, art. Encéphale.
presque tous ces auteurs tendent à rattacher le développement des néo-membranes à des hémorrbagïes méningées antérieures. M. Cruveilhier, au contraire, incline à assigner à ces productions membraneuses une origine phlegmasique.
On peut dire, toutefois, que l'histoire pathogénique et anatomique des néo-membranes n'a été faite d'une façon satisfaisante que dans ces derniers temps. M. Heschl, le premier (Pathol. Anat., 1853), a donné des renseignements précis sur le mode de formation des néo-membranes. Elles doivent leur origine, suivant lui, à la production de tissu con-nectif sur le feuillet pariétal de l'arachnoïde; ce tissu acquiert bientôt des vaisseaux, et plusieurs couches peuvent se former successivement, de manière à constituer des lames superposées. On doit à M. Yireliow ( Verhandlungen der phy-sikalisch-medicinischen Gesellschaft in Würzbwg, 1856) une description plus complète encore des néo-membranes de la face profonde de la dure-mère. La dure-mère, cette membrane si impassible en apparence, est susceptible d'inflammation. M. Virchow appelle cette inflammation du nom cle pa-chymeningitis. La pachyméningite est externe, si c'est la lame externe de la dure-mère qui se montre particulièrement atteinte ; elle est interne lorsqu'elle siège dans la lame interne de cette membrane. La pachyméningite interne doit seule nous occuper ici : elle est généralemeut chronique et exsudative. Dès les premières périodes se développe une couche mince d'un exsudât comme fibrineux, couche souvent difficile à apercevoir et qu'on ne parvient à mettre en évidence que par le grattage. Peu à peu, cette couche augmente d'épaisseur, et, en même temps, elle s'organise de plus en plus. On y trouve du tissu connectif, des noyaux, des corps fusiformes, des vaisseaux. Plus tard, de nouvelles couches d'exsudat se déposent et se changent à leur tour en tissu cellulaire. On compte quelquefois de cinq à vingt de ces lamelles superposées : ee
sont les couches les plus rapprochées de la dure-mère qui sont les plus récentes, et par conséquent, celles qui ofïrent l'organisation la moins avancée. En général, et il en était ainsi dans notre observation, il n'y a qu'une adhérence assez faible entre la dure-mère et le feuillet qui lui est immédiatement con-tigu. La dure-mère, au niveau des produits membraneux, est rarement altérée ; onpeut cependant y constater parfois une notable injection.
En France, M. D. Brunet (Thèses de Paris, 1859 ; Recherches sur les néo-membranes et les kystes de l'arachnoïde) est arrivé à des résultats très semblables à ceux qu'avait exposés M. Virchow trois années auparavant. Il ne cite pas le travail de son devancier, mais, bien évidemment, il n'en a pas eu connaissance, car il est visible que ces recherches sont tout à fait personnelles et originales. Dans cette thèse remarquable, l'auteur expose de la façon la plus complète la structure et le mode de formation des néo-membranes, et il donne plusieurs observations où ces produits ont été trouvés à l'autopsie de sujets morts de paralysie générale. Pour M. Brunet, les néomembranes se développent sur le feuillet pariétal de l'arachnoïde, feuillet qu'il admet après avoir discuté les opinions contradictoires émises sur ce sujet. Pour nous, nous pensons avec Kolliker que ce feuillet n'existe pas en réalité, au moins dans la très grande majorité des cas. Il n'est représenté que par une couche d'épithélium. M. Brunet pense que les néomembranes sont produites par un blastème organisable, sécrété par le feuillet pariétal en question, et cette opinion est encore controversable, car les éléments de la néo-membrane proviennent très probablement d'une prolifération des éléments de la dure-mère.
M. Calmeil, dans son Traité des maladies inflammatoires du cerveau, 1859, a consacré à l'étude des membranes interméningées plusieurs chapitres très étendus dans lesquels on
trouve les documents les plus sérieux sur l'histoire de ces néoplasmes. Fidèle à ses premières opinions, il regarde les membranes de la cavité arachnoïdienne comme des produits inflammatoires. Il les a rencontrées dans les cas de péri-encéphalite diffuse. Il a parfaitement vu leur organisation, et, sauf quelques points, ses descriptions s'accordent complètement avec celles qui ont été données par MM. Heschl, Virchow, Brunet et les auteurs dont nous avons encore à signaler les travaux. M. Calmeil range les faits qu'il a observés en plusieurs séries ; ceux de la première série sont à peu près dégagés de toute circonstance accessoire (1), et, comme tels, ils se rapportent très directement au point dont nous parlons en ce moment.
Les idées de M. Virchow ont été développées en Allemagne par M. Schuberg {Virchow's Archiv, 1859, 5 et 6 Heft, et Gaz. hebdomad., 1859, p. 621), qui insiste, entre autres points, sur les phénomènes symptomatologiques par lesquels se traduit le développement des néo-membranes. Plus tard, M. Hasse (de Gcettingue) {Handbuch der sp. Path. de Virchow, 1859, p. 4M et suiv.) a donné une description très complète de la pachyméningite en s'appuyant, en grande partie, sur ses propres recherches. Les produits pachyménin-gitiques se rencontrent, suivant lui, le plus habituellement des deux côtés de la faux de la dure-mère, et la membrane qu'ils forment est d'abord extrêmement mince ; elle peut devenir très adhérente à la dure-mère, et même, elle se recouvre parfois d'un nouvel épithélium. Nous rappellerons, à cette occasion, que, dans le cas dont nous rapportons l'observation, on trouvait des cellules épithéliales plus ou moins char-
1. Des cas oh le cours de la péri-encéphalite chronique diffuse a été traversé par des attaques, soit comateuses, soil convulsives, et où l'on a trouvé, entre autres lésions in Ira-crâniennes, des concrétions pseudo-membraneuses, ou récentes, ou anciennes, dans les cavités arachndidiennes, t. I. p. 541.
gées de granulations graisseuses sur les lamelles de la néo-membrane. Si, comme le dit Hasse, il s'établit parfois une adhérence intime entre la néo-membrane et la dure-mère, et si, en même temps, un nouvel épithélium vient à se produire, il est évident qu'il pourra devenir bien difficile d'affirmer que la lame qui revêt la dure-mère a une origine pathologique. En pareil cas, on pourra croire à l'existence d'un feuillet pariétal de l'arachnoïde, alors qu'en réalité ce feuillet n'existe point. Il est possible que MM. Heschl, Calmeil, Brunet et les divers auteurs qui professent la même opinion aient sous les yeux des faits de ce genre, et c'est peut-être là ce qui les a portés à admettre l'existence au moins fort contestable de ce feuillet.
M. Hasse a rencontré la pachyméningite à son début sur des sujets morts de maladies les plus diverses : dans des cas de pleuro-pneumonie, de pleurite, de pericardite, de rhumatisme articulaire aigu, et aussi dans des cas, à la vérité très rares, de variole, de scarlatine et de typhus. Il pense que si les produits pachyméningïtiques ont souvent une évolution progressive amenant plus ou moins sûrement des conséquences fatales pour le malade, ils peuvent, dans d'autres circonstances, disparaître sous l'influence d'un travail réparateur: les membranes s'aminciraient par une sorte de retrait, et c'est dans ces cas que, comme on l'a dit plus haut, elles pourraient contracter une adhérence très intime avec la dure-mère et se couvrir même d'un nouvel épithélium.
Très récemment enfin, M. Guido Weber (Arch. fur Phys. Heilkunde, 1860, 5e Heft) a traité le sujet qui nous occupe d'une façon complète au point de vue de l'anatomie pathologique, et dans le même sens que les précédents auteurs.
Tous ces travaux concourent donc à nous enseigner le mode réel suivant lequel se développent ordinairement les produits membraneux que l'on trouve étalés sur la surface interne de
in dure-mère (1). Les néoplasmes une fois développés ont une grande tendance à devenir le siège de mouvements fluxionnaires, ce qui s'explique tant par l'état phlegmasique des parties voisines que par la riche vascularisation de ces membranes de nouvelle formation. Parfois, sous des influences le plus souvent insaisissables, le mouvement fluxionnaire devient plus violent, et la néo-membrane passant elle-même à l'état inflammatoire peut devenir, à son tour, le point de départ d'exhalations et de productions diverses. C'est ainsi que, dans certains cas, il se fait entre les lamelles de la néo-membrane une exsudation séreuse pouvant être plus ou moins abondante, et pouvant constituer même de véritables kystes séreux. M. Virchow donne à cette forme de la maladie le nom hydrocéphalie externe pachyméningi-tique. Ces exsudations séreuses ont été souvent observées. MM. Bayle, Calmeil (2), Hasse et autres les ont étudiées. M. Hasse a vu, et assez fréquemment, chez des sujets avancés en âge, des kystes séreux formés dans les néo-membranes comprimer le cerveau et lui faire subir un certain degré d'atrophie (3). M. Calmeil, de son côté, a vu la sérosité exhalée non-seulement entre les feuillets de la néo-membrane, mais encore entre celle-ci et l'arachnoïde viscérale. On a observé aussi des exsudations fibrineuses de siège variable et fournies par les néo-membranes.
Quelquefois, l'irritation inflammatoire des néo-membranes devient plus vive, et, dans ces cas, du pus a pu se produire.
1. Le plus souvent, comme nous l'avons dit, les néo-membranes occupent la dure-mère des deux côtés de la faux et dans une très grande partie de son étendue. Dans d'autres cas, la production membraneuse est assez limitée. (Au-banel, Obs. I.)
2. 5e série. Des cas où l'on a trouvé entre autres lésions intra-craniennes des poches pseudo-membraneuses remplies de sérosité dans les cavités de l'arachnoïde cérébrale, p. 598.
3. Ne faudrait-il pas invoquer un mécanisme analogue pour expliquer un certain nombre de cas d'atrophie, dite congénitale, du cerveau?
MM. Calmeil (1), Guide- Weber, ont rapporté des exemples de ce genre (2).
Tout succinct qu'il est, l'exposé qui précède prête, nous l'espérons, un point d'appui suffisamment solide à notre première proposition ; en effet, il rend évident, ce nous semble, que souvent, le plus souvent peut-être, les néo-membranes de la dure-mère se développent par le fait d'un travail inflammatoire, et sans qu'il y ait eu préalablement une hémorrhagie méningée. Nous allons maintenant chercher à établir que dans un bon nombre de cas, sinon dans la plupart, l'hémorrhagie intra-méningée a son origine dans la néo-membrane dont les vaisseaux souvent très nombreux, relativement très volumineux, et, en général, doués de parois très ténues, sont disposés à se rompre très facilement sous l'effort de la pression du sang.
111.
Une fois constituées, les néo-membranes se développent et s'accroissent par la superposition de couches nouvelles, et déjà, par le seul fait de cet accroissement, elles peuvent déterminer des accidents plus ou moins graves, ou contribuer, dans une certaine mesure, à amener une terminaison funeste. L'intervention de l'hémorrhagie n'est donc point partie intégrante et nécessaire de leur évolution, même dans des cas
1. 6e série. Cas où l'on a trouvé entre autres lésions intra-crâniennes du pus ou des concrétions floconneuses dans les cavités de l'arachnoïde cérébrale . kQ.
2. Nous pouvons rappeler ici un cas que nous avons observé et dans lequel, sous l'influence d'une pachyinéningite déterminée par une affection des os du crâne, une collection abondante de pus s'était formée dans la cavité arachnoï-dienne (Comptes rendus de la Société de Biologie, 1854, p. 76 et suiv. Ce travail est reproduit plus loin, p. 135.)
qui se font remarquer d'ailleurs par leur intensité et leur gravité. Mais souvent, le plus souvent, peut-être des déchirures vasculaires s'opèrent à un moment donné, et il y a issue du sang au sein de la néo-membrane ; plusieurs cas peuvent alors se présenter : tantôt épanché en très faible quantité, le sang forme seulement de petites collections interlamellaires, des ecchymoses ; d'autres fois, répandu en plus grande abondance, il dissocie et écarte plus ou moins fortement les lames constituantes de la néo-membrane, de manière à produire de véritables kystes sanguins, remarquables quelquefois par les dimensions considérables qu'ils atteignent ; enfin, les parois qui limitaient l'épanchement peuvent se rompre et le sang se répandre alors dans la cavité de l'arachnoïde. Or, ces divers modes d'hémorrhagie ne sont bien évidemment que les phases, ou, pour parler plus exactement, les degrés divers d'un processus morbide, toujours le même au fond. Les ecchymoses (1) sont très vraisembla-
1. Les ecchymoses ou collections sanguines intra-lamellaires se rencontrent très fréquemment dans les néo-membranes de la pachyméningite, où on les découvre même quelquefois dès les premières phases du développement. Ce dernier fait surtout a pu conduire à reconnaître aux néo-membranes une origine inflammatoire à une époque où cependant, leur mode d'évolution et leurs caractères histologiques n'avaient pas encore pu être suffisamment éxudiés. Il importe de remarquer qu'on peut confondre, et qu'on a très probablement confondu avec de véritables ecchymoses, certaines taches rouges ou de nuances diverses qu'on observe presque constamment sur quelques points ou sur la plus grande partie de l'étendue des néo-membranes. Pour beaucoup d'auteurs, ces taches sont les vestiges d'un épanchernent sanguin; en réalité, elles sont constituées par des agglomérations de granulations d'une matière colorée en jaune rougeâtre plus ou moins foncée ; on y observe aussi, ainsi que l'a noté M. Calmeil (Traité des maladies inflammatoires du cerveau, p. 573 et 621), et ainsi que cela existait, d'ailleurs, dans l'observation qui nous est propre, des cristaux d'hématoïdinc ; mais ce dernier fait paraît assez rare. Si ces cristaux proviennent incontestablement de la métamorphose d'un extravasut sanguin, en est-il de même, dans tous les cas, des granulations colorées? Cela ne nous paraît pas démontré. De pareilles granulations, en effet, existent très fréquemment dans les méninges, sans le concours d'aucune autre circonstance capable de faire admettre nécessairement que des ecchymoses en aient été le point de
ment le produit de la rupture de très petits vaisseaux, tandis que les kystes sanguins et les hémorrliagies intra-arachnoï-diennes proprement dites, proviennent de la rupture devais-seaux plus nombreux ou plus volumineux. Toujours est-il que, dans un cas comme dans l'autre, c'est dans les vaisseaux de la néo-membrane qu'il faut chercher le point de départ de l'hémorrhagie.
Tel est, tout nous porte à le croire, le mode pathogénique le plus ordinaire des hémorrliagies méningées. Ainsi considérées, ces hémorrhagïes ne seraient en définitive, dans la plupart des cas, qu'un accident de la pachyméningite ; une complication qui pourra demeurer sans expression sympto-matique spéciale et définie quand l'extravasat est, par exemple, peu abondant ou disséminé, mais qui se révélera, au contraire, par une perturbation plus ou moins brusque et des phénomènes graves, pour peu qu'il y ait eu épanchement rapide d'une notable quantité de sang.
Le cas dont nous avons présenté l'histoire peut fournir des données propres à justifier la plupart de ces assertions ; mais nous voulons, en outre, montrer que plusieurs auteurs ont été conduits déjà, par des recherches cliniques et microscopiques, à soutenir l'opinion qu'à notre tour, nous cherchons à faire prévaloir.
Si les travaux de M. Baillarger ont eu le résultat très important cle ruiner sans retour possible la doclrine qui plaçait le siège de l'épanchement entre le feuillet pariétal de l'arachnoïde et de la dure-mère, en démontrant que le siège véritable se trouve en dedans de ce feuillet ou de la couche épithéliale qui le représente, l'hypothèse bien connue, émise par cet
départ. Ainsi, nous les avons rencontrée» disséminées en très grand nombre dans la pie-mère cérébrale de plusieurs sujets pris au hasard à l'amphithéâtre des hôpitaux, et qui avaient, par conséquent, succombé à des maladies très diverses.
observateur éminent, concernant le mode de développement des néo-membranes ne nous paraît plus guère pouvoir être soutenue, au moins d'une manière générale, en présence des faits nombreux avec lesquels elle se trouve en contradiction formelle.
Antérieurement à la publication du mémoire de M. Bailla r-ger, dès 1826, M. Calmeil avait été conduit déjà à penser que la formation des fausses membranes peut précéder l'hémor-rhagïe intra-araclinoïdienne ; et plus tard, en 1835 [Dictionnaire de médecine, loc. cit., p. 461), il s'exprimait dans le même sens d'une façon péremptoire. Quanta Bayle, bien qu'il n'eût pas aperçu nettement que l'hémorrhagie méningée n'est le plus souvent qu'un phénomène de seconde date, au moins avait-il reconnu qu'il est très rare de l'observer sans coexistence d'une fausse membrane. Mais l'auteur qui, antérieurement aux travaux tout à fait récents, a le mieux entrevu la théorie véritable, à notre sens, des hémorrliagies intra-arach-noïdiennes, est M. Cruveilhier ; cela du moins nous semble établi par le passage suivant, que nous empruntons à VAtlas d'anatomie pathologique (livraison XXXIII, p. 8). Il s'agit dans ce passage de certaines tumeurs de la face interne de la dure-mère, constituées par une accumulation cle matière puriforme caséeuse et se rapportant à des sécrétions pseudo-membraneuses. « J'ai reconnu, dit M. Cruveilhier, que ces tumeurs, ordinairement oblongues, étaient formées à la face interne de l'arachnoïde pariétale et résultaient d'une sécrétion pseudo membraneuse qui ne tardait pas à s'organiser et à former une espèce de kyste, au centre duquel était déposée une matière variable par l'aspect et la consistance. Les kystes sanguins de l'arachnoïde pariétale se forment par le même mécanisme. » Incontestablement, ce peu de mots contient la théorie, au moins à l'état rudimentaire ; mais, isolée et pour ainsi dire perdue au milieu de faits qui lui sont en grande partie étran
gers, elle a pu passer inaperçue. Récemment, l'auteur l'a développée, et, on peut le dire, définitivement formulée dans le vol. III de son Traitéd'anatomiepathologique, publié en 1856.
Nous citons textuellement, en raison de son importance, le passage le plus explicite : « Ma position de médecin à la Salpêtrière pendant plusieurs années, dit M. Cruveilliier,m'a permis de démontrer que ces hémorrliagies arachnoïdiennes avaient pour point de départ une phlegmasie pseudo-membraneuse hémorrhagique de Varachnoïde pariétale, et voici ce qui se passe : en vertu d'une cause difficile à déterminer, il se produit une pseudo-membrane adhérent e à la face profonde de la dure-mère, et par conséquent, au feuillet pariétal de l'arachnoïde, fausse membrane qu'on ne rencontre jamais sur le feuillet viscéral arachnoïdien correspondant. Cette fausse membrane tantôt est maculée de sang, tantôt contient de petits foyers dans son épaisseur. Quelquefois, elle se lacère pour verser dans la cavité arachnoïdienne une quantité plus ou moins considérable de sang. C'est à cette fausse membrane, source de l'hémorrhagie, qu'est dûl'enkystement du sang, et cetenkystemeiitsefait aux dépens de la fausse membrane, qui s'organise sans contracter d'adhérences avec le feuillet viscéral de l'arachnoïde, tandis que le sang subit toutes les altérations qu'ilprésente dans les cavités closes. » (Loc. cit.,]}. 516).
On le voit, d'après M. Cruveilhier, les hémorrliagies méningées, comme d'ailleurs les kystes sanguins de l'arachnoïde pariétale, se font aux dépens d'une membrane formée à l'avance. Telle est aussi la conclusion fondamentale à laquelle ont été conduits dans leurs intéressantes recherches sur le même sujet, MM. Heschl, Virchow (1) et les quelques autres
1. Le travail de M. Virchow date de 1856. M. Virchow y compare les ex-sudats membraneux et sanguins intra-arachnoïcliens aux tumeurs sanguines de l'oreille (ot hématomes), et il les désigne sous le nom d'hématomes de la dure-mère. C'est sous ce nom que ces productions ont été étudiées par MM. Schu-berg et Guido Weber.
auteurs allemands dont nous avons indiqué déjà les travaux dans une autre partie de cet article. Il y a donc, à cet égard, pleine concordance entre tous les observateurs français ou étrangers dont il vient d'être question, au moins sur toutes les parties essentielles, et c'est justement là le point qu'il nous importait surtout de constater. Aussi nous abstiendrons-nous d'entrer, au sujet de ces derniers, dans de plus longs développements. Rappelons seulement, afin de rendre justice à qui de droit, que le travail de M. Heschl, où l'important témoignage de l'étude histologique se trouve pour la première fois introduit dans la question, date de 1855, et qu'il est par conséquent antérieur, au moins de plusieurs mois, à la publication du troisième volume du Traité (îanatomie pathologique de M. Cruveilhier.
Pour compléter cet aperçu historique des documents que possède la science concernant l'hémorrhagie méningée considérée dans ses rapports avec les néo-membranes de la dure-mère, il nous reste à mentionner encore deux travaux importants : c'est en premier lieu, un des articles (l)dulivre déjà cité de M. Calmeil où l'auteur, reprenant l'opinion émise autrefois par lui avec une certaine réserve, la développe et la montre d'une application plus générale qu'il ne l'avait pensé d'abord ; c'est ensuite la thèse de M. Brunet. Ces deux auteurs sont amenés à admettre que la production de lné-morrhagie méningée est subordonnée, dans la majorité des cas, à l'existence des néo-membranes, et ils concluent par conséquent exactement dans le même sens que MM. Cruveilhier, Heschl et Virchow. Tous deux ont fondé d'ailleurs leurs conclusions sur un très grand nombre d'observations
1. Des cas oh l'on a trouvé entre autres lésions mira-crâniennes, des poches pseudo-membraneuses remplies de sang dans les cavités de l'arachnoïde cérébrale. (4a série, loc. cit.)
originales, lanl cliniques que microscopiques, et ils se sont éclairés des lumières de l'histologie pathologique.
Le travail de M. Brunet nous paraît surtout remarquable à ces deux derniers points de vue. Cependant il contient, sur quelques faits de détails, des opinions qui nous paraissent discutables. Ainsi, pour M. Brunet, le sang, dans l'hémorrhagie intra-arachnoïdien ne, serait fourni, non par les vaisseaux de la néo-membrane, mais par ceux du feuillet pariétal de l'arachnoïde. Nous ne saurions nous ranger à cette manière de voir ; même en reportant la source de l'hémorrhagie des vaisseaux du feuillet problématique de l'arachnoïde à ceux de la dure-mère, on ne pourrait expliquer ainsi bien certainement que la minorité des faits. Les vaisseaux de la néo-membrane offrent des caractères qui s'accordent bien mieux avec l'opinion dans laquelle on fait provenir l'hémorrhagie de ces vaisseaux.
Et d'ailleurs, l'examen même du siège des épanche-ments parle assez haut dans le même sens. Si les extravasáis sanguins sont peu abondants, on les trouve en général dans l'intervalle des feuillets de la néo-membrane : s'ils sont considérables, ils siègent le plus souvent dans la cavité même de l'arachnoïde, ou ils sont séparés de la dure-mère par une lame plus ou moins épaisse de la néo-membrane. Pourquoi supposer dans ces cas, que le sang a été fourni par les vaisseaux de la partie la plus interne de la dure-mère et se créer ainsi des difficultés inutiles ? Il faudrait, en effet, dans cette hypothèse, supposer d'abord qu'il y a eu rupture des vaisseaux de la dure-mère et même déchirure des lames les plus internes de cette membrane, laquelle se trouve cependant parfaitement intacte dans la plupart des autopsies ; il faudrait, en outre, pour les cas où l'épanchement est complètement enkysté, imaginer qu'une rupture, après s'être produite dans les lames les plus externes de la néo-membrane, de manière à permettre l'issue d'une quantité de sang rela
tivément considérable, se serait consécutivement effacée, au point de ne plus laisser de traces. Enfin, dans les cas où le sang épanché siège dans la cavité même de l'arachnoïde, ce n'est plus seulement une mince lamelle de la néo-membrane, mais bien la néo-membrane tout entière qui aurait dû se décoller, se distendre, et enfin se rompre dans un point cle son étendue, toutes choses fort difficiles à admettre, ou en opposition avec les faits.
Considérons, d'un autre côté, quelle est la structure tant des néo-membranes que des vaisseaux qui y rampent, et nous trouverons là des conditions éminemment favorables à la production des hémorrliagies du genre cle celles qui nous occupent. Ces vaisseaux, en général nombreux, se font remarquer par leur volume relativement considérable, lors môme qu'ils appartiennent aux capillaires ; ceux qui ont un diamètre de 2 ou 3 centièmes de millimètre présentent néanmoins la structure pour ainsi dire rudimentaire qui distingue à l'état normal les plus petites artérioles ou veinules ; leurs parois, en effet, — et toutes ces particularités pouvaient être aisément saisies dans notre observation, — sont très minces et n'offrent pas d'éléments musculaires. Quant au tissu propre de la néo-membrane, quel que soit le degré d'organisation auquel il est parvenu, et quelles que soient par conséquent la densité et la résistance qu'il présente, presque jamais, il n'acquiert la ténacité de la plupart des membranes normales. On conçoit aisément qu'avec cle telles dispositions, les vaisseaux, ainsi que le tissu intermédiaire, cèdent facilement et se déchirent sous l'effort de la pression sanguine ; d'autant mieux que, dans certains cas, des dépôts graisseux se forment, soit dans les parois des vaisseaux, soit dans l'épaisseur des éléments constitutifs de la néo-membrane, de manière à affaiblir encore la résistance de toutes ces parties.
Charcot. Œuv. compl. t. ix. Hémorragie cérébrale. 9
Admet-on que les hémorrliagies consécutives à la pachynié-ningïte ont leur source dans l'appareil vasculaire des néo-membranes ? On se rendra facilement compte des dispositions variées que peut présenter l'épanchement. Si l'extravasation sanguine est considérable, ou si la membrane de nouvelle formation en est encore à une époque peu avancée de son développement, composée, par exemple, d'un petit nombre de feuillets minces et fragiles, l'épanchement pourra dilacé-rer celle-ci, la rompre facilement en un ou plusieurs points, et faire enfin irruption dans la cavité séreuse. 11 y aura alors hérnorrhagie intra-arachnoïdienne proprement dite. Si, au contraire, la néo-membrane est déjà fortement constituée, formée de laines nombreuses et épaisses, le sang se fera place entre ces lames avec d'autant plus de facilité qu'elles n'adhèrent pas en général intimement Tune à l'autre (1), et qu'elles peuvent se prêter à la dissociation plus ou inoins brusque que leur fait subir l'épanchenient. Ainsi se produisent les foyers interlamellaires qui, lorsqu'ils sont un peu considérables, constituent de -véritables kystes sanguins. Enfin, dans les cas auxquels nous avons fait allusion déjà, et où un kyste séreux s'est développé dans l'épaisseur d'une néo-membrane de la dure-mère, on conçoit que les vaisseaux des parois de ce kyste pourront se rompre, et le sang extra* vasé se mêler, par suite, en proportions variables à la sérosité enkystée. C'est très vraisemblablement suivant ce mécanisme que se forment les diverses variétés de kystes séro-sanguins décrits par les auteurs.
La théorie pathogénique, qui place dans une néo-membrane
1. Les membranes de nouvelle formation ont une grande tendance à prendre la forme capsulairc, et alors on est à peu près sûr de trouver au milieu de la vésicule qu'elles représentent, soit du sang, soit de la sérosité, soit des liquides purulents. (Calmeil, loc. cit., p. 548).
vasculaire, d'origine inflammatoire, le point de départ de. l'hémorrhagie intra-arachnoïdienne, n'est pas. d'ailleurs, isolée en pathologie, et celte considération lui fournit un appui nouveau. Elle rentre très naturellement dans une doctrine plus générale, applicable, dans certains cas, aux hémorrliagies non traumatiques qui se font dans les cavités séreuses les plus diverses. « Un grand nombre de faits, dit M. Cruveilhier, m'ont démontré que toutes les membranes séreuses sont sujettes à un mode d'inflammation qu'on peut appeler phlegmasie pseudo-membraneuse hémorrhagique. » (Traité d'Anat. pathol. génér., t. III, p. 'M 6, note.) On pourrait citer déjà, comme appartenant à ce genre de phlegmasie, un bon nombre des cas de pleurésie et de péricardite dites hémor-rhagïques, dans lesquels le sang est évidemment fourni par l'appareil xrasculaire des néo-membranes. On peut y rattacher encore certaines hématocèles vaginales étudiées par M. Gos-selin ; car, dans ces cas-là, le sang épanché au sein de la cavité séreuse paraît provenir de la rupture de vaisseaux nombreux et à parois minces qui rampent dans l'épaisseur d'une membrane de nouvelle formation, développée sur la tunique vaginale. Ou sait, enfin, que quelques faits d'héma-tocèles péri-utérines ont pu être présentés par M. Tardieu comme dérivant d'une péritonite hémorrhagique circonscrite (voyez J. Gallard, Mémoires sur les hématocèles péri-uté~ fines ; in Arch. gén. de méd., octobre 1860, p. 40). — Une circonstance qui tend aussi à établir que la pachymé-ningite hémorrhagique et les diverses phlegmasies néo-membraneuses hémorrhagïques dont il vient d'être question sont des faits du même ordre, c'est que celles-ci et celles-là peuvent coexister chez un môme sujet : ainsi, chez un homme de cinquante et un ans, dont l'histoire microscopique est relatée dans le mémoire de M. G. Weber (loc. cit., p. 434', obs. XV), il existait une pachyniéningïte très manifeste : tuais,
en outre, on trouva dans la plèvre droite un exsudai, hémorrhagique considérable dans lequel baignait un caillot sanguin volumineux de formation récente.
Aux arguments présentés jusqu'ici en faveur de l'opinion que nous soutenons, on peut ajouter encore ceux que suggèrent les enseignements de la clinique, et constater qu'aux diverses phases de l'évolution des désordres anatomiques, correspond le plus souvent un enchaînement particulier de symptômes. Au point de vue symptomatologique, il y a lieu de distinguer deux formes principales de l'apoplexie intra-arachnoïdienne. Tantôt, en effet, elle a un début brusque, inopiné, et se comporte comme une affection pour ainsi dire accidentelle, que rien ne peut faire prévoir. Les cas cle ce genre d'ailleurs relativement peu nombreux, paraissent être indépendants de la pachyméningite et ne rentrent pas directement dans le sujet de cette étude. Le plus souvent au contraire, l'attaque apoplectiforme est précédée par des phénomènes morbides plus ou moins accusés, plus ou moins spécifiques, qu'il est presque toujours permis de saisir, pour peu cpie l'observation ne soit pas limitée aux derniers temps de la vie du malade, et qu'on peut, avec M. Schuberg (/or. cit.), grouper ainsi qu'il suit : Dans une première période, qui s'étend souvent à plusieurs mois, il y a, entre autres symptômes, affaiblissement graduel de la mémoire et de l'intelligence, vertige, céphalalgie continue ou rémittente, générale ou partielle ; puis, dans une seconde période, à mesure que les troubles de l'intelligence s'aggravent, on observe de la somnolence et de l'apathie ; quelquefois la parole devient lente et s'embarrasse ; les membres, les inférieurs surtout, s'affaiblissent et perdent la certitude de leurs mouvements ; il se produit des paralysies incomplètes et partielles, le plus souvent hémiplégiques, qui ont ceci de particulier, c'est qu'elles
augmentent et diminuent souvent avec une grande rapidité ; enfin se déclare, en dernier lieu, l'attaque apoplectique dont les symptômes ont été surtout, — trop exclusivement peut-être, — rais en relief dans les descriptions classiques, et qui détermine en général la mort dans un assez court espace de temps.
Tel est, en résumé, le mode d'évolution des phénomènes morbides dans les cas qui nous occupent spécialement. Or si, comme nous Je pensons, l'inflammation néo-membraneuse de la dure-mère précède nécessairement ici l'hémorrhagie. la relation entre les symptômes et les lésions ne paraîtra pas, ce nous semble, très difficile à établir : l'affaiblissement de. l'intelligence, la céphalalgie plus ou moins vive, l'assoupissement, la faiblesse des membres, et, en un mot, tous les symptômes des premières périodes, procèdent de la pachyméningite. Des recrudescences dans le travail subinflammatoire dont la dure-mère et les pseudo-membranes sont le siège, suivies de congestion sanguine des parties encéphaliques voisines, et peut-être aussi d'actions réflexes s'étendant à une partie plus ou moins grande du système de la circulation cérébrale, telles sont ensuite les causes organiques des attaques de pertes de connaissance observées dans un certain nombre de cas. Lorsqu'il y a paralysie à cette époque, on conçoit qu'elle soit mobile et qu'elle puisse disparaître, reparaître ou se déplacer, puisqu'elle dépend d'une congestion qui tour à tour augmente, diminue ou se déplace. La pachyméningite pourra, d'ailleurs, passer inaperçue si elle est très légère, ou bien si elle se produit au milieu d'un état grave par lui-même, principalement lorsqu'il s'agit d'une affection dans laquelle les fonctions cérébrales sont déjà nécessairement troublées ; c'est pourquoi elle est si habituellement méconnue dans le cours de la paralysie générale avec
laquelle elle coexiste, comme on sait très fréquemment. Quant aux: symptômes apoplectiques cle la dernière période, ils dépendent de l'irruption plus ou moins brusque d'une quantité de sang plus ou moins considérable entre les lames de la néomembrane ou dans la cavité araclmoïdienne. On comprend, sans qu'il soit nécessaire d'entrer à ce sujet dans plus de détails, que ces symptômes varient suivant que l'épanchement est plus abondant.
Envisagée aux divers points de vue que nous avons présentés dans ce travail, l'histoire des hémorrliagies intra-arach-noïdiennes nous paraît conduire à certaines déductions thé-rapeuthiques fondées principalement sur les considérations suivantes : 1° l'hémorrhagie intra-arachnoïdienne, la plus commune des hémorrliagies méningées, survient, dans la majorité des cas, chez des individus atteints depuis plus ou moins longtemps cle pachyméningite : elle résulte alors de la rupture des vaisseaux propres aux néo-membranes pachymé-iii agi tiques ; 2° la pachyméningite s'annonce, en général, par un ensemble cle symptômes capables, dans un certain nombre de cas au moins, d'attirer l'attention sur l'existence probable de cette affection; 3° révolution des néo-membranes développées sous l'influence delà pachyméningite, se termine quelquefois par un travail régressif à la suite duquel elles peuvent disparaître. Il suit de là logiquement que si l'on avait recueilli des indices significatifs en nombre suffisant pour faire soupçonner l'existence do l'inflammation néo-membraneuse de la dure-mère, on devrait chercher à entraver sa marche par tous les moyens que l'on oppose d'ordinaire aux inflammations chroniques, et cela avec d'autant plus d'insistance que cette affection, ainsi qu'on l'a dit plus haut et qu'on vient cle le rappeler, même alors qu'elle a abouti à la formation de produits organisés, peut rétrograder et même disparaître complète
ment. Poursuivre, en d'autres termes, le traitement curatif de la pachyméningite, ce sera instituer du même coup le traitement prophylactique de l'hémorrhagie méningée intra-arachnoïdienne.
IX.
Douleur fixe siégeant au niveau du pariétal gauche ; perte de connaissance et convulsions épileptiques dans le côté droit du corps, revenant par accès; diminution permanente de la sensibilité du même côté ; altération spéciale de la table interne du pariétal gauche ; pus rassemblé en grande abondance dans la cavité arachnoïdienne.
Observation!. — Le nommé Moisy (Edouard Alexandre) âgé de 34 ans, charron, entre à l'hôpital de la Charité, salle Saint-Charles, n° 9, le 1er juin 1854.
Les renseignements qu'il donne sur ses antécédents sont peu précis. Il n'a jamais eu ni chancres, ni éruption cutanée, ni aucun autre accident qu'on puisse rattacher à la syphilis. Il ne se rappelle point au juste l'époque à laquelle il a ressenti les premières atteintes de la maladie qui l'amène à l'hôpital; mais il ne l'a point fait remonter au-delà de deux années. Il aurait eu, il y a environ deux ans, une attaque de perte de connaissance. Il ne sait pas, et on ne lui a pas dit, quels phénomènes ont caractérisé cette première attaque, mais il affirme qu'elle n'a pas été suivie d'hémiplégie. Peu de temps avant ou immédiatement après cette première attaque (le malade ne peut point établir ce point important), il a commencé à être tourmenté dune céphalalgie femporo-pariétale assez intense et continue.
Dans l'intervalle de temps qui sépare sa première attaque de son entrée à l'hôpital, il a eu deux ou trois pertes de connaissance, dont il ignore aussi les caractères. Depuis la dernière, qui a eu lieu quelques semaines avant son entrée, il offre une diminution très prononcée dans la sensibilité de tout le côté droit, surtout du membre antérieur, tandis que la motilité est restée intacte dans ce côté. 11 a aussi depuis ce moment un embarras marqué dans la parole. Comme ces accidents augmentaient de jour en jour, le malade se décida à entrer à l'hôpital.
Le 2 juin, jour où on t'examine pour la première l'ois, on le trouve dans l'état suivant : Il est d'une constitution assez faible, d'un tempérament sanguin et est assez maigre. 11 a le faciès un peu hébété et la parole un peu embarrassée. Lorsqu'on lui adresse une question, il la comprend bien ; mais il y répond lentement et avec une assez grande difficulté, comme s'il avait la langue épaisse II a la mémoire affaiblie, et ne se rappelle pas certains faits assez récents qui se sont passés autour de lui, dans sa famille. Sa langue n'est point déviée, non plus que sa face. Il se plaint d'une doineur vive et persistante du niveau de la région temporale gauche. Il n'a pas de bourdonnements d'oreille ni d'éblouissements. La pupille de l'œil droit est très notablement dilatée, tandis que celle de l'œil gauche est normale.
Le malade marche bien, et est un peu moins vigoureux du bras et de la jambe du côté droit que des membres du côté gauche. La sensibilité est diminuée dans tout le côté droit, et pour lui faire éprouver une douleur légère, en est obligé de pincer fortement la peau de ce côté. Du côté gauche, la sensibilité est tout à fait intacte. Les fonctions digestives sont en bon état. Il n'y a aucun trouble apparent dans les fonctions de respiration et de circulation.
Ce malade n'offrant point de pléthore manifeste ni aucun signe de congestion encéphalique active, on ne pratique point de saignée. Pendant plusieurs jours, on cherche à exercer une révulsion sur le tube digestif, en administrant un gramme de scammonée,
Nous ne suivrons pas jour par jour la maladie. Il n'y a aucun changement apparent dans l'état du malade jusqu'au II juin. Ce jour là, le malade aune attaque. Les personnes qui se trouvaient auprès de lui à ce moment rapportent que cette attaque a été caractérisée par une perte complète do connaissance avec mouvements convulsifs du côté droit de la face, du bras et de la jambe du même côté.
Le lendemain, 12, la parole est beaucoup plus difficile que les jours précédents; le malade met près d'une minute pour dire deux ou trois mots. Son intelligence est d'ailleurs restée nette. La faiblesse du côté droit et la diminution de la sensibilité sont devenues plus prononcées. On constate de la fièvre ; le pouls est fréquent; la peau est chaude et sèche. (On lui prescrit outre sa scammonée, un lavement avec 2 gouttes d'huile de croton.
Le surlendemain, 11, on trouve le malade dans le même état (On lui fait appliquer 15 sangsues à la région anale).
Dans la nuit du 14 au 15, nouvelle attaque présentant absolument les mêmes phénomènes, mais avec plus d'intensité.
Le 15, à la visite du matin, on trouve le malade étendu sur le dos, dans son lit, les yeux ouverts et sans regard ; on lui parle, il ne répond pas. Le bras et la jambe du côté droit sont complètement paralysés du sentiment et du mouvement, et dans la résolution; les membres du côté gauche sont aussi paralysés, mais point aussi complètement. La pupille de l'œil droit, qui, après l'attaque du 11, s'était resserrée et était revenue à peu près aux mêmes dimensions que celle de l'œil gauche, s'est encore resserrée davantage et est plus étroite que la pupille de l'œil gauche. La fréquence du pouls est plus grande que les jours précédents. Le malade toussait depuis quelques jours, mais sa toux est plus accusée. On fait poser 20 sangsues derrière les oreilles, mais on n'obtient aucune modification favorable dans l'état du malade.
Dans la nuit du 17 au 18, nouvelle attaque semblable aux autres.
Le 18, à la visite, à sept heures du matin, nous trouvons le malade pris d'attaques qui ont commencé quelques instants
avant notre arrivée, La face est agitée de légers mouvements convulsifs qui tirent en dehors et en haut, comme par secousses, la commissure droite des lèvres pendant quelques minutes: c'est là tout ce que l'on observe. Mais bientôt ces convulsions du côté droit cle la face deviennent plus fortes ; l'œil droit est brusquement entraîné au dehors, tandis que l'œil gauche est porté en dedans; les muscles du côté droit du cou se contractent convulsivement et fléchissent par moment la tête sur l'épaule droite; puis le bras droit s'agite par des mouvements alternatifs de flexion et d'extension, de supination et do pronation, et enfin les convulsions, qui semblent aller progressivement des parties supérieures aux parties inférieures, se montrent dans fa cuisse et la jambe droite. Pendant ce temps, le côté gauche reste parfaitement immobile. Les convulsions de ia totalité du côté droit cessent au bout de trois ou quatre minutes, et il y a un intervalle de repos d'une durée à peu près égale pendant lequel on n'observe que des secousses légères dans la moitié droite de la face ; puis tout recommence dans le même ordre. La jambe droite reste quelquefois immobile. L'iris du côté droit ne participe pas à l'agitation convulsive de ce côté; mais la pupille est toujours plus contractée qu'à gauche.
La fièvre est très intense. Le malade tousse beaucoup et no peut point cracher. Les attaques qu i nous venons de décrire ne cessent point, et il meurt dans cet état le même jour à quatre heures du soir. On lui avait fait mettre le matin dix sangsues derrière les oreilles. Depuis sa seconde attaque, cetle du 11, le malade n'a plus parlé.
Autopsie faite le 20 juin à neuf heures du matin. — L'administration ayant prié de n'ouvrir ni le thorax ni l'addomen, on a dû malheureusement se borner à l'examen du crâne et du cerveau.
Les téguments du crâne et sa surface externe ne présentent aucune altération. On enlève la voûte crânienne ; on voit aussitôt une lésion de la dure-mère et une lésion des os du crâne. Nous allons les décrire l'une après l'autre.
A. la face interne du pariétal gauche et à sa partie inférieure e|
postérieure on reconnaît une sorte diulscération de Vos, La table interne n'existe plus dans un espace irrégulièrement quadrilatère ayant à peu près trois centimètres et demi dans tous les sens. Le diploé est à nu dans tout cet espace et creusé de vacuoles assez larges. Dans quelques points, surtout à la partie antérieure cle l'ulcération, il ne reste plus que la table externe. Le tissu du diploé est rouge, mais n'est ni ramolli ni condensé; ses vacuoles sont baignées d'une sérosité purulente peu abondante.
Sur la dure-mère, au point correspondant à la lésion du crâne, on trouve une fausse membrane organisée paraissant ancienne, adhérant fortement à la dure-mère, très peu épaisse à son centre et ayant sur ses bords environ 2 millimètres d'épaisseur. Cette fausse membrane offre une configuration exactement semblable à la forme de la perte de substance du crâne; elle devait s'y appliquer, et s'y trouvait probablement attachée à sa périphérie. Cette production membraneuse est couverte d'une couche du liquide purulent signalé plus haut. On peut, par la dissection, séparer la fausse membrane de la dure-mère, et celle-ci apparaît alors sans la moindre altération.
Avant d'enlever la dure-mère, on constate que du côté gauche, elle forme une saillie plus considérable que du côté droit, et cela dans toute son étendue d'avant en arrière. En pressant avec les doigts sur la moitié gauche de la dure-mère, on perçoit une fluctuation des plus sensibles ; il n'y a d'ailleurs aucune vas-cularisation anormale de la dure-mère, ni du côté gauche, ni du côté droit. A peine a-t-on incisé la dure-mère du côté gauche qu'on voit au-dessous d'elle une grande quantité de pus épais, filant, coulant très difficilement.
Le cerveau est mis complètement à nu; le pus couvre tout l'hémisphère gauche et forme à sa surface une couche qui au milieu peut avoir près de 1 centimètre d'épaisseur. Ce pus est presque concret à sa partie supérieure, qui adhère à la dure-mère et qu'on enlève avec cette membrane, et à sa partie inférieure contiguë au cerveau. Il est situé dans la cavité arachnoï-dienne; car l'hémisphère cérébral gauche est encore revêtu du
Feuillet viscéral de r arachnoïde, ce dont on s'assure Facilement par la dissection. Lorsqu'on enlève le pus qui est resté sur la dure-mère incisée et renversée, on trouve une Fausse membrane assez molle, qui tapisse la dure-mère dans toute l'étendue correspondante à la convexité de l'hémisphère gauche. Cette Fausse membrane est d'un gris rougeàtre et contient, outre des éléments tibrineux, de nombreux globules sanguins, elle peut être séparée très Facilement de la dure-mère, et celle-ci paraît tout à Fait saine; elle ne semble même pas congestionnée.
Quand on a été tous le pus qui recouvre l'hémisphère gauche du cerveau, cet hémisphère, comparé à celui du côté opposé, présente une dépression très prononcée La pie-mère et le tissu cellulaire sous-arachnoïdien offrent une injection très-vive dans toute l'étendue de la convexité hémisphérique et aussi sur la partie qui est en contact avec la Faux du cerveau. Ça et là, au niveau des anfractuosités, on aperçoit des traînées de sérosité purulente dans le tissu cellulaire sous-arachnoïdien; on trouve même dans ce tissu quatre collections purulentes qui, à l'exception d'une, ne sont pas plus volumineuses qu'un pois; la plus considérable se trouve près de la grande scissure médiane à la réunion du tiers antérieur avec les deux tiers postérieurs de l'hémisphère, et Forme une dépression pouvant loger une moitié de noix. Toutes sont situées au niveau d'anfractuosités dont elles ont écarté tes parois. L pie-mère, injectée vivement jusque dans les anfractuosités, se sépare assez facilement de la substance cérébrale, qui ne paraît point ramollie ù sa surface.
Sur ['hémisphère droit, il n'y a du pus qu'à la partie voisine de la scissure médiane, tout le long de cette scissure, mais non point en couche continue, comme du côté gauche; de plus, le pus se trouve entièrement dans le tissu sous-arachnoïdien, et il y forme de petites collections logées dans les anfractuosités. La pie-mère de ce côté est généralement injectée, un peu moins que du côté gauche.
À la base de l'encéphale, on ne rencontre pas de traces de pus ni même de vascularisation inflammatoire. Les lésions semblent parfaitement limitées à la surface convexe des hémisphères.
En résumé, cette observation présente l'histoire d'un homme âgé de 34 ans qui, sans avoir reçu de coups sur la tête et sans avoir eu des accidents syphilitiques avérés, a été pris il y a deux ans, avant ou après un accès de perte de connaissance, d'une céphalalgie assez intense, bien localisée, au-dessus de l'oreille gauche, sans phénomènes concomitants de paralysie. Cette céphalalgie a persisté pendant les deux ans qui se sont écoulés depuis son accès, et dans cette période, il a eu deux ou trois autres attaques dont il ne sait pas le caractère. Quelques semaines avant son entrée à l'hôpital, après sa dernière attaque, il a vu paraître une diminution de la sensibilité dans le côté droit du corps, avec un certain embarras de la parole ; puis à l'hôpital ces phénomènes sont devenus plus saillants. Le malade a eu un nouvel accès avec mouvements convulsifs de tout le côté droit ; la parole est devenue déplus en plus embarrassée ; il a été pris de fièvre. Deux jours après, il survient encore un accès suivi de paralysie complète, et enfin quelques jours après le malade meurt,après neuf heures d'un accès presque sans interruption. A l'autopsie, on trouve une lésion du pariétal gauche et un abcès dans la cavité arachnoïdienne du môme côté.
Cette observation présente de l'intérêt sous plusieurs points de vue :
1° La lésion du crâne que Ton a trouvée chez ce malade ne semble pas avoir été souvent rencontrée. Nous avons fait quelques recherches à cet égard, et nous avons dû commencer
On coupe le cerveau, le cervelet, la protubérance elle bulbe en tranches minces; on n'y trouve rien d'anormal. Il n'y a point mémo d'injection de la substance cérébrale. Les parois des ventricules ne sont pas altérées ; il y a dans chacun des ventricules latéraux une petite cuillerée de sérosité légèrement louche.
par les auteurs classiques. Aucun deux ne s'énonce d'une façon précise à cet égard ; ils parlent en général de l'ostéite (l)ict. en 30vol. art. crâne; Dici. en 60 vol., art. Crâne ; Dict. en 15 vol., art. Ostéite) et disent qu'elle peut commencer soit par la table interne soit par la table externe ; mais on voit que leurs descriptions s'appliquent surtout, soit aux exostoses de la, face interne du crâne, soit aux caries du rocher. La lésion présentée par notre malade consiste en une sorte d'ulcération de l'os, sans qu'il y ait des signes bien manifestes, soit de carie, soit de nécrose. Il n'y a aucune saillie de l'os à l'inférieur de la cavité crânienne. Cette ulcération est limitée à l'os pariétal gauche, et par conséquent, tout-à-fait indépendante du rocher : enfin, il u'\ a pas perforation de l'os à ce niveau. Ce sont là les principaux traits de la lésion offerte par notre malade, et ni dans les articles que nous avons cités, ni dans le traité de M. Nélaton, nous n'avons rien trouvé qui put s'y rapporter. Nous avons compulsé toute la série des Bulletins de la Société anatomique et la collection de l'Union médicale, sans être plus heureux.
Dans Abercrombie (Rech. pathol. et prat. sur les maladies de l'Encéphale et de la moelle cpuiièrc, T édil. Traduction de I. Gendrin) nous avons puisé les faits suivants qui ont une certaine analogie avec le notre. Dans l'obs. XC, p. 26o, il est question d'une femme âgée de 48 ans qui, un an avant sa mort, tomba dans un escalier et se fit des contusions à la tête. Dès lors sa santé se détériore ; elle se plaint d'une douleur fixe à la tête. Cependant elle continue ses occupations domestiques jusqu'à trois semaines avant sa mort, qu'elle est prise de fièvre et de délire furieux. Ces accidents disparaissent après une saignée. Elle continue à ressentir une douleur fixe et profonde dans le côté droit de la tête, à peu de distance de l'oreille qui est le siège d'un écoulement. Trois jours avant sa mort, elle -tombe dans le coma, avec paralysie in
complète du côté gauche et mouvements convulsifs du bras droit.
A l'autopsie, on reconnaît dans toute la surface interne du crâne un singulier état de maladie. La table interne semble manquer dans toute son étendue, où l'on voit à nu le tissu rugueux, irrégulier et celluleux de la partie centrale des os du crâne... L'érosion est la plus profonde sur les pariétaux, qui sont minces et transparents dans plusieurs points et tout à fait perforés dans d'autres... A la partie inférieure de l'hémisphère droit du cerveau, vers sa partie postérieure, il existe un abcès considérable...
On voit que si cette observation a plusieurs traits de ressemblance avec la nôtre, elle en diffère cependant notablement par l'étendue de la lésion, par la perforation des os, par la maladie du rocher, etc.
Abercrombie, dans les réflexions qui suivent son observation, cite plusieurs faits analogues qu'il tire de différents auteurs.
Ainsi Desault parle d'un malade mort un mois après un coup reçu sur la tête, et chez lequel on trouva la table interne noircie dans foute l'étendue d'un des pariétaux. La dure-mère était aussi adhérente là qu'ailleurs ; il y avait, de la suppuration à la surface du cerveau.
Zacchias, chez un jeune homme devenu épiieptique après avoir éprouvé pendant longtemps une céphalalgie intense, trouva la table interne de l'occipital cariée dans une petite étendue, sans altération de la table interne.
Un de nous a observé, il y a plusieurs années, un fait qui se rapproche beaucoup de celui que nous avons rapporté plus haut.
Observattox III. — Une femme, âgée de 28 ans, se trouve dans le service de M. Hardy, à l'hôpital de Bon-Secours, au commen
cément de Tannée 1849. Elle a des plaques muqueuses au pourtour du vagin; elle est enceinte.
fi un point du crâne, à l'union du pariétal droit avec le frontal, elle ressent une douleur fixe, et à ce niveau on constate un empâtement très manifeste, et même une certaine sensation de fluctuation qui engage à pratiquer une incision. Il ne s'écoule qu'un peu de sérosité sanguinolente. Les douleurs incessantes, extrêmement vives, résistent à l'usage du sulfate de quinine à haute dose; l'iodure de potassium, au contraire, produit un bon effet. D'après la malade, la douleur fixe de la tête et la tuméfaction ne seraient survenues qu'à la suite d'un coup, mais ce coup n'a été, en tout cas, qu'une cause occasionnelle.
La grossesse arrive à son terme vers le 10 mars. L'accouchement est extrêmement long et pénible; le travail dure trois jours. L'enfant est mort, et même sa mort paraît dater de plusieurs jours avant l'accouchement. Quelques heures après l'accouchement, sans frisson initial, la malade est prise de fièvre, de douleurs de ventre, de vomissements et de diarrhée très abondante. L'utérus est très douloureux. Le lendemain, les signes d'une péritonite puerpérale se prononcent de plus en plus; la malade tombe bientôt dans un état adynamique et meurt le troisième jour.
A Yautopsie, on trouve une gangrène du col avec pus dans les veines, sans traces d'inflammation de leurs parois, une infiltration purulente du tissu du col, de petits abcès dans le tissu cellulaire des ligaments larges, et de la sérosité purulente dans le péritoine.
A la face interne du crâne, du côté droit, on aperçoit, à l'union du frontal avec le pariétal, une plaque jaune, rugueuse, tachetée de points rouges très fins et très serrés. Cette tache a la fargeur d'un écu de G francs; elle est limitée des parties voisines des os par un bord net. En sciant l'os à son niveau, on voit que l'altération s'étend à peine à une profondeur de 1 millimètre. Quelques petites taches jaunes, injectées et également nettement limitées, existent au pourtour de la grande. La dure-nière, au niveau des parties malades, présente une coloration
Charcot. Œuv. compl. t. ix, Hémorragie cérébrale. xo
d'un violet foncé formant une tache qui rappelle exactement, par sa forme et son étendue, celle qu'on voit à la face interne de l'os. Le cerveau est sain, il en est de même du péricrâne et des téguments crâniens.
Les quelques exemples que nous venons de rapporter, et où l'on peut voir des lésions crâniennes analogues à celles qu'offrait notre malade, ne doivent pas nous empêcher de conclure que ces lésions sont rares.
11 n'est pas fréquent non plus d'observer des collections purulentes dans l'intérieur même de la cavité arachnoïdienne et en cela notre observation présente encore un certain intérêt. Le plus souvent le pus a pour siège spécial le tissu sous-arachnoïdien ; quelquefois pourtant, on l'a vu se réunir en abcès entre l'os malade et la dure-mère ; on a vu même, sous l'influence d'une hyperostose crânienne saillante à l'intérieur, une collection purulente entre les deux lames de la dure-mère (Comptes rendus des séances de la Soc. de Biol., p. 72, obs. de M. Titon). 2e Les lésions trouvées à l'autopsie expliquent-elles les phénomènes observés pendant la vie de notre malade ? Peut-on indiquer la marche de ces lésions, et pour ainsi dire leur âge, par la marche de la maladie ?
La lésion initiale a certainement été l'affection du pariétal. Sous quelle influence a-t-elle paru ? L'absence de toute manifestation syphilitique apparente et de toute cause vul-nérante nous laisse à cet égard dans le doute le plus complet. Il est probable que lors de son premier accès cle perte de connaissance, le malade ressentait déjà depuis quelques temps quelques atteintes de la céphalalgie qui ne l'a plus quitté depuis. Nous attribuons ce premier accès et fous ceux qu'il a présentés jusqu'à son entrée à l'hôpital à de vives congestions survenant assez brusquement au niveau du pa
riétal gauche malade, dans les méninges et peut-être aussi dans l'hémisphère correspondant du cerveau. Ce qui prouve que ces accès étaient dus à de simples congestions, c'est qu'ils n'étaient pas suivis d'hémiplégie.
Quelques semaines avant l'entrée du malade, la congestion a commencé à devenir permanente : de là la diminution de sensibilité dans tout le côté droit; de là l'embarras de la parole et la dilatation de la pupille du côté droit.
Dix jours après son entrée, le malade a une nouvelle attaque, à la suite de laquelle il est pris de fièvre : tous les phénomènes augmentent. Ce n'est peut-être qu'à partir de cette époque que s'est formé le pus dans ses membranes ; peut-être aussi n'est-ce que dans les deux ou trois derniers jours que la suppuration s'est établie dans le tissu cellulaire sous-arachnoïdien.
3° Il nous semble que le diagnostic était impossible à poser dans le cas qui nous occupe, [/ensemble des symptômes devait nous faire supposer l'existence d'une tumeur du cerveau. Les accès épileptiformes répétés, la céphalalgie vive, l'hémiplégie incomplète du sentiment, la dilatation permanente de la pupille, tout contribuait à nous pousser dans cette voie. La localisation bien nette de la douleur de tête nous semble être le phénomène qui devrait avoir le plus de valeur dans un cas aussi douteux que celui-là. Un autre symptôme devrait encore être pris en grande considération lorsqu'on le constaterait : nous voulons parler de l'empâtement des téguments crâniens au niveau du siège de la céphalalgie. Malheureusement ce symptôme, si nettement marqué dans I'Obs. II, n'est pas constant. Le malade de I'Obs. I, n'a rien présenté de semblable, bien que la lésion des os fut chez lui plus étendue et surtout beaucoup plus profonde.
Une remarque assez importante nous est aussi fournie par I'Obs. II : c'est qu'une exulcération de la table interne du
crâne peut très bien exister sans produire des phénomènes convulsifs ni aucun autre trouble, soit du mouvement, soit du sentiment. Peut-être, si la malade eût vécu plus longtemps, aurait-on vu apparaître quelques-uns de ees symptômes (1).
1. Comptes-rendus de la. Société de biologie, 1854, p. 76. — En collabora-ration avec M. Vulpian.
X.
Sur une nouvelle observation d'aphémie (1)
LETTRE A M. LE DOCTEUR DECUAMBRE.
Mon cher ami,
Ceux de vos lecteurs qui ont pris connaissance du travail publié par M. le docteur Auburtin dans les derniers numéros de la Gazette liront avec quelque intérêt, j'ose l'espérer, l'analyse d'une observation que j'ai présentée tout dernièrement à la Société de biologie.
Il s'agit d'une femme âgée de quarante-sept ans, frappée subitement d'apoplexie il y a huit mois environ, et devenue, par suite, à la fois hémiplégique et aphémique. L'hémiplégie complète etaccompagnée deroideur des membres paralysés occupait le côté droit du corps ; du même côté, il y avait paralysie faciale incomplète : la sensibilité s'était conservée à peu près intacte sur toutes les parties paralysées du mouvement. Chez cette femme, le langage articulé n'était plus représenté que par la monossyllable ta, qu'elle répétait habituellement, très rapidement, très distinctement, et quatre ou cinq fois de suite
1. Extrait de la Gazette hebdomadaire, 1863, n» 29, p. 173.
(ta ta ta ta), toutes les l'ois qu'elle s'efforçait soit de répondre à une question qui lui avait été adressée, soit de communiquer ses propres idées. La langue, d'ailleurs, était libre; la malade pouvait la tirer hors de sa bouche et la mouvoir avec facilité à droite, à gauche, et, en un mot, dans foutes les directions qu'on lui indiquait. — Du côté non paralysé, les traits du visage, l'œil surtout, étaient très expressifs. L'intelligence était certainement conservée, au moins pour une bonne partie. En effet, à l'aide de certains gestes qu'elle exécutait avec le bras et la main gauche, cette malheureuse infirme parvenait à faire connaître aux personnes du' service ses moindres besoins, à spécifier, par exemple, le genre d'aliment qu'elle désirait obtenir. Le jour de son entrée à l'hospice, entre autres, elle put, grâce aune mimique très-animée, nous faire comprendre que déjà, à une autre époque, elle avait séjourné à la Salpêtrière dans une salle autre que celle qu'elle occupait actuellement, et indiquer enfin qu'elle reconnaissait, pour les y avoir vues, plusieurs des personnes qui l'entouraient, toutes choses qui furent reconnues parfaitement exactes. La malade, qui, pendant les deux derniers mois de sa vie, avait présenté tous les symptômes de la néphrite albumineuse, succomba tout à coup à la suite de convulsions urémiques.
L'examen de l'encéphale fut fait avec le plus grand soin en présence de M. le docteur Broca et de M. Cornil, interne du service. Il ne sera question que de l'hémisphère cérébral gauche, qui seul présentait des altérations. Sur cet hémisphère, une large plaque de ramollissement jaune occupait le fond de la scissure de Sylvius et son bord postérieur. Le ramollissement avait détruit : 1° sur le lobe temporal, la circonvolution dite marginale inférieure dans toute son étendue, et en partie seulement la seconde circonvolution temporale ; 2° sur l'insula de Reil, l'extrémité inférieure, et dans toute leur étendue, les deux circonvolutions postérieures de ce lobule.
En profondeur, le ramollissement s'étendait dans la direction du corps strié : le noyau extra-ventriculaire du corps strié tout entier et le noyau intra-ventriculaire dans sa moitié postérieure seulement étaient envahis par le ramollissement. La couche optique était restée intacte. Les circonvolutions pariétale transverse et frontale transverse, les trois circonvolutions frontales antéro-postérieures, désignées sous les noms de première, deuxième et troisième circonvolutions frontales, furent examinées dans toute leur étendue, une à une, et avec la plus grande attention. Ces diverses circonvolutions ne présentèrent à lé œil nu aucune altération appréciable, soit dans le volume, soit dans la couleur ou la consistance. Elles étaient, d'ailleurs, séparées du foyer de ramollissement par des parties de substance nerveuse qui parurent être à l'état sain. La pièce anatomique a été mise sous les yeux des membres de la Société de biologie, qui ont constaté toutes les particularités qui viennent d'être indiquées.
En désespoir de cause, de minces fragments de substance nerveuse, pris sur divers points de la troisième circonvolution, furent portés sous le microscope: les éléments nerveux en général n'avaient pas subi d'altération ; toutefois, cà et là on rencontrait quelques corps granuleux (deux outrois seulement tout au plus pour chaque préparation). Plusieurs vaisseaux capillaires avaient subi, à un faible degré, la dégénération graisseuse. Ces altérations, d'ailleurs peu prononcées, existaient sur toutes les parties de l'hémisphère cérébral qui avoisi-naient le foyer de ramollissement.
Dans le travail auquel je faisais allusion plus haut, M. le docteur Auburtin s'exprime quelque part comme il suit : « Pour mon compte, je suis prêt à considérer comme complètement erroné ce point de physiologie, que le centre cérébral qui préside aux mouvements de coordination de la parole a son siège dans les lobes antérieurs du cerveau, si Ton peut
nouvelle lettre a m. le docteur dechambre (1).
Mon cher ami,
Je ne puis me rendre aux remarques critiques qui viennent de vous être adressées par M. le docteur Auburtin concernant l'observation d'aphémie dont je vous ai entretenu il y a une quinzaine de jours. J'accorderai à la vérité bien volontiers,
i. Extrait de la Gazette hebdomadaire, 1863, p. 525.
produire une seule observation relative à un malade qui. ayant été privé de l'usage de la parole, ait présenté les lobes antérieurs dans un état d'intégrité complet en les examinant par circonvolutions. »
J'ignore, mon cher ami, si les faits contenus dans mon observation pourront modifier l'opinion si nettement exprimée par M. le docteur Auburtin. Pour mon compte, je ne puis me résoudre à admettre que les quelques altérations révélées par le microscope dans la substance nerveuse de la troisième circonvolution suffisent pour expliquer un état d'aphémie très prononcé, tel qu'il existait chez ma malade. On en rencontre très souvent d'analogues dans le cerveau, qui ne se sont traduites par aucun symptôme appréciable, et je me vois conduit à conclure que le siège de l'organe central du langage articulé,— si toutefois il existe un tel organe, —reste encore à déterminer.
J. M. Charcot.
que cette observation est laconiquement présentée, — et ce n'est pas vous qui m'en ferez un crime, — mais au risque d'associer deux termes que M. le docteur Auburtin semble considérer, je ne sais trop pourquoi, comme inconciliables, je persiste à croire qu'elle est en même temps complète.— Elle est complète en tout, du moins, qu'elle établit péremptoirement l'existence de l'aphémie chez un malade qui avait conservé, une bonne partie de son intelligence et chez laquelle, d'ailleurs, les mouvements delà langue étaient restés libres ; elle est complète encore, si je ne me trompe, en ce sens qu'elle détermine avec une précision suffisante le siège et la nature des altérations de l'encéphale que l'autopsie a fait découvrir ; elle est trop complète même, peut-être, si l'on peut ainsi parler, puisqu'en mentionnant certains détails d'anatomie microscopique évidemment sans intérêt pour la question à débattre, elle provoque M. le docteur Auburtin à laisser paraître quelque peu d'inexpérience en matière d'histologie pathologique, en ce qui concerne tout au moins l'appréciation de la valeur réelle des altérations de la substance nerveuse cérébrale.
Sans aucun doute, cette observation se trouve être en opposition formelle avec la plupart de celles qu'a rassemblées M. le docteur Auburtin. Mais pourquoi ne céderai-je pas à mon tour à la tentation de rappeler qu'il convient parfois de peser les observations, non de les compter? on prétend localiser une faculté dans un point déterminé de l'encéphale à l'aide des données combinées de la clinique et de la nécroscopie. J'ai le droit d'exiger que le rapport qu'on cherche à établir entre le trouble fonctionnel et la lésion d'organe soit démontré être un rapport constant ; de quel poids dès lors n'est pas, dans une question ainsi posée, une observation contradictoire, fût-elle même complètement isolée ?
En pareille matière, les procédés de la statistique ne sont
certainement pas rigoureusement applicables; mais j'admets pour un instant qu'on laisse intervenir les chiffres. Quelles seront ces observations si nombreuses qu'annonce M. le docteur Auburtin et qu'il veut opposer à la nôtre? sans doute, il ne viendra pas invoquer les faits recueillis dans le temps où la question de l'aphémie était encore dans sa première phase ; car à cette époque, la délimitation anatomique des lobes antérieurs n'était point faite suivant le mode adopté aujourd'hui; de plus, l'importance de l'étude par circonvolutions n'avait pas encore été mise dans tout son jour, et, à ce double point de vue, les observations anciennes cessent évidemment d'être comparables aux observations récentes. Cette déduction faite, quels cas restent donc à l'appui de la thèse soutenue par M. Auburtin? En vain ai-je cherché dans le volumineux travail de cet auteur des faits tirés de son propre fonds; mais j'y rencontre d'abord, par compensation, les observations de M. le docteur Broca, observations fort remarquables sans aucun doute, mais qui, en fin de compte, ne pourront jamais compter que pour deux ; vient ensuite le fait relevé à la clinique de M. le professeur Trousseau, et enfin les quelques faits recueillis à l'hospice de la Salpêtrière, et qui m'appartiennent. Je pourrais bien, à la vérité, réclamer contre la signification qu'on a prêtée, un peu arbitrairement, à quelques-unes des observations du dernier groupe, au profit de la doctrine soutenue par M. le docteur Auburtin; mais, pour le moment, je passe outre. Voici donc, en fout, dix cas au plus plaidant pour la doctrine, contre un cas contradictoire. Eafin de compte, vous le voyez, mon cher ami, la disproportion numérique entre les deux ordres de faits n'est pas aussi énorme qu'on voudrait le laisser croire.
Mais hélas! fussé-je riche de cent observations établissant que l'aphémie peut exister sans altérations des lobes antérieurs du cerveau en général, et de la troisième circonvolution
frontale en particulier, que M. le docteur Auburtin, je le vois bien, ne se laisserait pas encore convaincre ; il réclamerait ce qu'il appelle la contre-épreuve : c'est à savoir, l'histoire complète et détaillée d'un individu chez lequel la parole aurait été conservée, alors que chez lui toutes les circonvolutions frontales auraient été détruites ! Serons-nous jamais assez heureux pour mettre la main sur un fait d'un caractère aussi singulier, et qui mériterait certainement d'être nommé la perle des cas rares? Pour stimuler notre zèle, sans doute, M. le docteur Auburtin veut bien nous faire connaître qu'un prix de 500 francs attend l'heureux possesseur d'une telle trouvaille. Mais la récompense proposée se montre-t-elle à la hauteur du but à atteindre? Pour moi, je pense qu'une observation remplissant toutes les conditions requises par M. le docteur Auburtin serait vraiment inestimable, et qu'elle ne saurait être payée d'aucun prix.
Agréez, etc.
J.-M. Charcot.
XI.
Recherches cliniques et anatomo-pàthologiques sur le ramollissement cérébral et l'encéphalite (1).
L'étude anatomique du ramollissement cérébral chez les vieillards a conduit l'auteur à se rattacher à la doctrine qui fait de cette maladie une altération de la nutrition, relevant d'un trouble de la circulation survenu dans une région quelconque de l'encéphale. Que ces modifications du cours du sang soient produites par l'embolie artérielle, par l'athérome, la thrombose des artères, ou par la thrombose des sinus, dans tous les cas, le ramollissement résulte d'une transformation régressive de la substance nerveuse ; il n'est pas le fait d'un processus inflammatoire.
Dans Y encéphalite, les altérations consistent à l'origine en une multiplication d'éléments cellulaires. Dans le ramollissement, l'infiltration granulo-graisseuse de la substance cérébrale est la première lésion appréciable. Elle peut être reconnue déjà vingt-quatre heures après l'obstruction vas-culaire. Les granules élémentaires se montrent les uns isolés, les autres réunis en masses arrondies, et constituent une
1. Extrait de Y Exposé des titres scientifiques du docteur J.-M. Charcot, 883, p. 7.
variété de corps granuleux. Il y a donc lieu d'établir, au point de vue anatomique, une distinction fondamentale entre le ramollissement cérébral et l'encéphalite. Cette distinction n'est pas moins importante au point de vue clinique. Il résulte, en effet, d'un grand nombre d'observations faites en commun avec Vulpian, que les phénomènes précurseurs du ramollissement, tels que l'étourdissement, par exemple, sont plutôt en rapport avec l'ischémie cérébrale qu'avec la congestion du cerveau, et que certains symptômes qu'on rapporte généralement à l'encéphalite, tels que le délire, les convulsions, les contractures, sont très rares au début du ramollissement. Lorsqu'on les observe dans ce dernier cas, ils peuvent être rapportés toujours à une complication. Quant à la contracture tardive, si fréquente dans les membres paralysés chez les individus atteints de ramollissement ancien, ce symptôme paraît devoir être rattaché à une lésion consécutive de la moelle épinière (sclérose consécutive descendante). Ces résultats ont été consignés dans un travail de MM. Prévost et Cotard et dans la thèse inaugurale de M. Poumeau. Enfin, M. Proust a indiqué dans sa thèse d'agrégation quelques faits relatifs à ce sujet, qui lui ont été communiqués par M. Charcot.
M. Charcot a, de plus, appelé l'attention sur une variété du ramollissement qu'il n'est pas très rare d'observer dans le cours de la cachexie cancéreuse, et qui résulte d'une thrombose artérielle par inopexie.
XII.
Sur quelques arthropathies qui paraissent dépendre d'une lésion du cerveau ou de la moelle épinière (1).
Parmi les affections si diverses qui peuvent se développer dans les membres, à la suite de certaines lésions traumati-ques ou spontanées des nerfs périphériques, il en est, comme on le sait, qui occupent particulièrement les jointures. Ces arthropathies d'un genre à part avaient depuis longtemps déjà, fixé l'attention des observateurs : on les cite souvent aujourd'hui, comme un exemple de ces troubles de nutrition très variés : qui surviennent quelquefois dans les parties où se distribuent des cordons nerveux, lorsque ceux-ci ont subi en un point de leur trajet une altération plus ou moins profonde. Les laits de cet ordre ont été plusieurs fois l'objet d'études importantes, et je ne crois pas qu'on puisse pour le moment, ajouter beaucoup à ce qu'en a dit, dans un intéressant travail, dont la publication est toute récente, un de mes anciens élèves, M. le docteur J.-B.-A. Mougeot (2). Mais il existe d'autres faits, moins généralement connus, et cepen-
1. Extrait des Archives de physiologie norm. et pathol. I, 1868, p. 161 et 379.
2. J.-B. A. Mougeot. — Recherches sur quelques troubles dénutrition consécutifs aux affections des nerfs. Thèse de Paris, 1867.
dant non moins remarquables, qui tendraient à établir que les articulations peuvent être affectées encore, sous l'influence plus ou moins directe de lésions portant, non plus cette fois sur les nerfs périphériques, mais bien sur une partie du système nerveux central, telle par exemple, que le cerveau ou la moelle épinière.
La présente note aura surtout pour but de faire connaître dans leurs principaux détails un certain nombre d'observations cliniques et microscopiques, qui, si je ne me trompe, doivent être rattachées à cette catégorie. Il nous a semblé que l'étude de ces observations pourrait fournir quelques renseignements relativement au mode d'influence du système nerveux sur les actes cle la nutrition, et c'est là surtout ce qui nous a engagé à les produire. Nous comptons nous borner toutefois, pour le moment, presque exclusivement, à exposer les faits, nous réservant de développer dans une occasion prochaine les vues physiologiques qu'ils suggèrent.
Nos observations seront ramenées à deux chefs principaux : Dans un premier groupe, il s'agira d'une affection singulière des articulations, qui se manifeste quelquefois dans le cours de l'ataxie locomotrice progressive ; l'autre groupe comprendra plusieurs exemples d'une espèce d'arthrite qui, dans certaines circonstances, affectent les jointures des membres paralysés, chez les sujets frappés d'hémiplégie à la suite d'une lésion de l'un des hémisphères du cerveau.
1. ÀRTHROPATHIES LIÉES A l'aTAXIE LOCOMOTRICE PROGRESSIVE.
L'affection articulaire dont il va être question d'abord, s'est présentée pour la première fois à mon observation dans les circonstances suivantes :
Obs. I. —Je donnais depuis longtemps des soins à Mme B..., âgée de 50 ans environ, atteinte d'ataxie locomotrice progressive bien caractérisée, depuis plus de dix ans, et confinée au lit depuis plus de six ans, par suite des rapides progrès de la maladie. Les membres inférieurs ont été seuls atteints pendant longtemps, mais, il y a trois ans, les membres supérieurs ont été envahis à leur tour par des douleurs fulgurantes, dont les accès se répètent aujourd'hui à des intervalles très rapprochés. Cependant, les mouvements des mains et des bras sont libres et ne présentent encore qu'à un faible degré les caractères de l'incoordination motrice. Au printemps de l'année 1800, Mme B.,. se plaignit un matin, à son réveil, d'une gêne assez prononcée dans les mouvements du coude gauche, lequel d'ailleurs n'était le siège d'aucune sensation pénible.
Je fus fort étonné de trouver l'articulation passablement volumineuse ; le gonflement s'étendait d'un côté sur l'avant-bras, et de l'autre au tiers inférieur du bras. Les parties tuméfiées offraient une consistance ferme, comme lardacée ; la pression des doigts n'y laissait pas d'empreinte. Le tégument externe était lisse et tout à fait exempt de rougeur. Les mouvements de pronation ou de supination, cle flexion ou d'extension de l'avant-bras, ne provoquaient absolument aucune sensation douloureuse. Le gonflement était survenu pendant la nuit, et il est parfaitement avéré que la veille, il n'en existait pas trace. Il fut également bien établi qu'aucune circonstance extérieure, aucune influence traumatique, en particulier, n'était intervenue, qui pût rendre compte de l'incident.
Les choses restèrent dans le même état pendant plus d'un mois, après quoi, le gonflement articulaire diminua progressivement, mais sans jamais s'effacer, toutefois, complètement. Les mouvements de la jointure ont repris actuellement (mars 1807) une grande partie de leur étendue première ; seulement, ils s'accompagnent parfois d'un bruit de craquement assez intense.11 n'est pas inutile de faire remarquer qu'à une époque de sa vie, Mme B... n'a pas éprouvé d'accidents qu'on puisse rattacher à l'influence de la diathèse rhumatismale ou goutteuse, ou à celle de la syphilis.
Ce cas devait, rester pour moi lettre close jusqu'au moment où le hasard me fit rencontrer M. le docteur X, qui présentait, comme on va le voir, des accidents du même genre.
Obs. II. M. X... me tut adressé, dans le courant du mois d'octobre 1866, par quelques-uns de ses amis, appartenant comme lui à la profession et qui, les premiers, avaient été frappés de sa démarche singulière. 11 avait lui-même remarqué qu'il chancelait quelquefois en marchant, principalement dans l'obscurité. Il reconnaissait, en outre, éprouver de temps à autre, clans les membres inférieurs, de violents accès cle douleurs fulgurantes, qui maintes fois, avaient troublé ses nuits. Mais il n'avait pas accordé grande importance à ces symptômes; il croyait pouvoir les rattacher à une affection gastrique dont il souffre depuis longtemps et que caractérisent un état dyspeptique habituel avec gonflement de l'épigastre après ses repas, des accès de cardialgie, et enfin des vomissements fréquemment répétés.
M. X... est âgé de 35 ans, il est vigoureux, bien musclé, mais il se plaint d'une certaine tendance à l'obésité. L'affection gastrique s'est déclarée chez lui il y a plus de trois ans ; les douleurs fulgurantes datent à peu près de fa même époque, et plusieurs fois, il a été remarqué que les exacerbations de ces douleurs correspondent aux exacerbations des accidents cardial-giques (1). Quant à la titubation, il est à peu près certain qu'elle ne remonte pas au-delà de trois ou quatre mois; avant qu'elle n'eût été remarquée, M. X... fut un jour frappé d'étonnement en trouvant son genou droit considérablement tuméfié; ce gonflement articulaire avait dû se produire, pour ainsi dire tout à coup; il ne s'accompagnait ni de douleur ni de rougeur des téguments, if y avait seutement une gêne notable dans l'exercice des mouve-
I. Nous appelons l'aIk'iilion sur les désordres gastriques observés chez ce malade. Jusqu'ici peu remarqués, les accidents cle ce genre constituent cependant quelquefois, ainsi que nous l'avons constaté récemment dans plusieurs cas, une complication sérieuse de l'ataxic locomotrice. (Voir sur ce sujet: G. De-lamarre, Des troubles gastriques dans l'ataxie locomotrice progressive. Thèse de Paris, 1866).
Charcot. OEuv. compl. t. rx. Hémorragie cérébrale. n
menîsdu membre. La synoviale était distendue, par une grande quantité de liquide. C'était, dit M. X... « une hydarthroso spontanée et qu'il me fut impossible de rapporter à aucune cause appréciable. » Mais la séreuse articulaire n'était pas seule affectée, car le gonflement s'étendait à la fois à la moitié inférieure de la cuisse et au tiers supérieur de la jambe. En ces derniers points, le gonflement ne présentait pas les caractères de l'œdème, il était dur, résistant, ne cédail pas à la pression des doigts et n'en conservait pas l'empreinte.
Lorsque je vis M. X..., l'affection articulaire s'était d'elle-même très notablement amendée, bien que la jointure et les parties voisines offrissent encore une tuméfaction notable ; il existait même à cette époque un peu de liquide dans la cavité articulaire. D'ailleurs, les mouvements de flexion et d'extension de la jambe sur la cuisse s'opéraient sans douleur et sans gêne bien manifeste. Je constatai en outre ce qui suit : l'allure est chancelante, titubante, les membres inférieurs sont dans la marche, projetés de côté d'une façon caractéristique. Le malade peut à peine faire quelques pas ou même se tenir debout, sans être menacé de tomber lorsque les yeux sont fermés. Les plus légers attouchements sont cependant bien perçus sur la cuisse et sur les jambes. Néanmoins, la notion de position est pour ces membres singulièrement émoussée, et M. X... peut à peine, dans l'obscurité, indiquer les attitudes qui leur ont été imprimées. Il n'existe pas dediplopie; pas de douleur en ceinture bien manifeste. Les fonctions de la vessie et celles du rectum se font d'une manière à peu près régulière.
Les caractères de l'ataxie locomotrice progressive étaient, dans ce cas, parfaitement accusés, et les symptômes articulaires rappelaient exactement ceux qui avaient été observés chez Mme B... : môme début brusque, sans provocation extérieure et survenant à l'époque de la maladie où l'incoordination motrice se surajoute aux douleurs fulgurantes; môme absence de rougeur et de douleur dans les parties tuméfiées ;
seul, le siège est différent. D'après cela, il était devenu au moins fort vraisemblable qu'il ne s'agissait pas là d'une coïncidence fortuite, et que l'affection articulaire se trouverait reproduite, avec les mêmes caractères et dans les mêmes circonstances, chez d'autres sujets atteints de myélite sclé-reuse des cordons postérieurs. Cette prévison devait se réaliser, ainsi qu'on le verra par la lecture des observations suivantes que je crois devoir rapporter dans tous leurs détails.
Obs. III. La nommée L... Louise, âgée de 56 ans, est entrée à l'hospice delà Salpêtrière le 15 février 1867, division des incurables, salle Sainte-Cécile, n° 10. Le père de cette femme est mort à 84 ans, sans jamais avoir été affecté de maladies graves. La mère, actuellement âgée de 77 ans, a toujours joui également d'une bonne santé ; seulement, etle a souffert à une certaine époque de sa vie, cle violentes migraines qui duraient chaque fois deux ou trois jours. Trois frères et quatre sœurs de la malade vivent et se portent bien ; une des sœurs, toutefois, souffre, comme sa mère, de migraines.
La matadie actuelle paraît avoir débuté vers l'âge de 48 ans. Avant cette époque, L... n'avait jamais éprouvé d'indispositions sérieuses. Elfe était comme plusieurs membres de sa famille, sujette à des accès de migraine, qui chez elle avaient débuté dès l'âge de 12 ans. Ces accès revenaient tous les mois environ, ne duraient guère plus d'un jour, et s'accompagnaient habituellement de vomissements. Ils ont cessé de paraître vers l'âge de 48 ans. Jamais d'habitation humide ; à aucune époque de la vie il ne s'est présenté de symptômes qu'on puisse rattacher au rhumatisme articulaire ou musculaire, aigu ou chronique.
Vers l'âge de 48 ans, les règles se sont dérangées, et c'est dans ce temps même que les douleurs fulgurantes ont commencé à se produire. A l'origine, ces douleurs occupaient principalement les chevilles, se présentaient sous forme d'accès durant à peine une journée et revenant à des intervalles très éloignés. Plus tard, ils se sont rapprochés, se prolongeant., quelque fois pendant une huitaine de jours,etsemontrant souvent assez intenses pour commander un repos à peu près absolu.
Un an environ, après le début des douleurs fulgurantes, en 18()0, la marche est devenue, à un moment donné, d'abord très difficile, puis à peu près impossible, et la malade a dû entrer à l'hôpital de la Pitié, où elle a été admise dans le service de M. le docteur Gendrin. Le séjour à la Pitié a été de trois mois, et au bout de ce temps, lors de la sortie, une grande-amélioration s'était produite ; la malade pouvait de nouveau marcher et elle a pu même reprendre en partie ses occupations.
Les douleurs fulgurantes, cependant, n'avaient jamais cessé de paraître à des intervalles assez courts ; vers le commencement de l'hiver 1865-1866, L..., après être restée agenouillée pendant une heure environ, au lavoir où elle s'était rendue par extraordinaire, remarqua avec étonnement que sa jambe droite était uniformément gonflée depuis la cheville jusqu'au genou. 11 n'existait pas la moindre douleur ni la moindre rougeur aux parties gonflées. Au bout de vingt-quatre heures, la tuméfaction avait gagné le genou et la partie inférieure de la cuisse : elle était surtout prononcée au genou ; à partir de cette époque, la malade a dû garder le lit, où elle est restée confinée pendant près de trois mois. Jamais, même le premier jour, cette affection ne s'est accompagnée d'accidents généraux, de fièvres ou de troubles gastriques. La malade a continué à manger comme d'habitude. La tuméfaction était, comme on l'a dit, surtout prononcée au genou et elle s'étendait de là à la partie supérieure de la cuisse et à la partie supérieure de la jambe. Le médecin consulté à cette époque aurait constaté à plusieurs reprises l'existence d'une grande quantité de liquide clans la cavité articulaire. La peau était blanche, luisante ; la seule rougeur qui y parut était celle que déterminait l'application prolongée des cataplasmes. Aucune douleur spontanée ou provoquée soit par la pression exercée sur les parties gonflées, soit par les mouvements imprimés aux membres.
Les choses restèrent dans le même état pendant environ un mois ; après quoi il se produisit de l'amendement. Le membre était devenu moins volumineux ; la malade crut, un jour pouvoir essayer de se lever et de marcher, mais après quelques pas
faits dans la chambre, le membre inférieur droit fléchit sous elle tout à coup, un craquement se fit entendre dans l'articulation du genou, et L... tomba lourdement sur le sol, en poussant un cri. Elle crut qu'elle avait la jambe cassée. Il lui fui impossible de se relever et l'on dut la porter sur son lit. Malgré cet accident, la tuméfaction continua à décroître, et au bout de deux mois de séjour dans le lit, elle avait à peu près complètement disparu à la cuisse et à la jambe. Seule, l'articulation du genou était restée volumineuse et était le siège de craquements aux moindres mouvements.
En mars 1800, la malade put commencer à se lever ; mais en raison de la grande mobilité de l'articulation du genou, elle ne pouvait se tenir debout et marcher, tant bien que mal, que lorsque cette jointure était maintenue par un bandage fortement serré ; elle entra à l'hôpital de la Pitié où elle obtint un certificat d'affection incurable et fut admise à la Salpêtrière.
Etat actuel, (février 1807). — La malade est habituellement confinée au lit depuis plusieurs mois; elle présente, d'ailleurs, les apparences d'une bonne santé. Elle a de l'embonpoint ; les membres inférieurs ne sont nullement amaigris, le genou droit est volumineux. La rotule est très mobile ; les ligaments articulaires sont évidemment relâchés. Il n'existe pas de liquide dans la jointure. L'axe de la jambe est incliné en dedans et forme avec la cuisse un angle obtus, dont l'ouverture tend à se rétrécir dans la station verticale sous l'influence du poids du corps, et même dans le décubitus dorsal, lorsqu'on imprime à la jambe un mouvement qui la porte de dehors en dedans.
Quand on fait subira l'articulation du genou des mouvements successifs d'extension et de flexion, on perçoit des craquements assez intenses, tout à fait comparables à ceux qui se produisent dans l'arthrite sèche. L'extrémité inférieure de la cuisse et le tiers supérieur delà jambe sont un peu empâtés, volumineux ; mais les parties tuméfiées sont là dures, résistantes, sans traces d'cedème, sans rougeur. D'ailleurs, pas de douleur à la pression non plus que par les mouvements spontanés ou provoqués. Il n'existe d'antre douleur, dans le membre inférieur droit, que les
douleurs fulgurantes qui, aujourd'hui encore, se reproduisent par accès, mais, à la vérité, bien moins fréquemment qu'autrefois.
Quand L... sort do son lit, elle ne peut se tenir debout, alors môme que le genou droit est contenu par un bandage, qu'avec l'aide de deux personnes, et elle doit s'appuyer fortement sur les deux bras qui lui servent de soutien lorsqu'elle veut essayer de faire quelques pas. Si, maintenue de la sorte, elle vient à fermer les yeux, elle oscille aussitôt et est menacée de s'affaisser iourdement.
Aux membres inférieurs, les sensations de contact, de pression, de température sont amoindries, mais non complètement abolies ; lorsque la malade a les yeux fermés, il lui est impossible d'indiquer l'attitude qu'on a imprimée à ses membres; elle ignore complètement le lieu qu'ils occupent dans le lit. D'ailleurs, elle peut imprimerdes mouvements de flexion et d'extension très-énergiques, aux diverses jointures des membres inférieurs, même au genou droit, malgré les lésions dont cette articutation est fe siège.
Les douteurs futgurantes autrefois iimitées aux membres inférieurs, où etles se montraient intenses et souvent répétées, y sont, depuis quelque temps, devenues ptus rares et moins vives. Elles y ont été en grande partie remplacées par un sentiment de lourdeur et d'engourdissement presque permanent qui siège surtout aux jambes et auxpieds. Au contraire, elles ont envahi récemment lesparties supérieures du corps où elles siègent, principalement entre les deux épaules, au niveau des fausses côtes, dans les doigts des mains, etc. Cependant, les mouvements des membres supérieurs s'opèrent régulièrement, sans incoordination. Toutefois, fa matade fait remarquer qu'etle laisse fréquemment tomber les objets qu'elle tient dans sa main droite.
Il n'existe pas de douleur en ceinture. La vue est légèrement affaiblie vraisemblablement par les progrès de l'âge ; il n'y a jamais eu de diplopie. Les orifices pupitlaires sont des deux côtés de même dimension. 11 n'y a pas de troubles gastriques notables ; pas de constipation. La miction s'opère lentement, mais, d'ailleurs, d'une manière à peu près normale.
Cet exemple est propre à démontrer que l'arthropathie qui nous occupe peut aboutir à des lésions très accentuées, sans être modifiée toutefois dans ses caractères essentiels. Ici, de même que chez les deux malades dont il a été question en premier lieu, le début a été brusque. Il n'a existé ni douleur ni rougeur des parties lumôfiées. Les symptômes généraux ont fait complètement défaut. Cependant, la mobilité anormale des extrémités osseuses, la déformation particulière de l'articulation, les craquements inLenses qui se produisent aujourd'hui sous l'influence des moindres mouvements, attestent suffisamment, même à défaut du contrôle anatomique, que les ligaments et les cartilages diarthrodiaux ont subi à la longue des altérations profondes. Au contraire, dans l'observation qui va suivre, l'affection articulaire, après s'être accusée 1res nettement tout d'abord, a disparu au bout de quelques semaines sans laisser d'autres traces qu'un peu de relâchement des ligaments et des craquements qui se produisent seulement lors des mouvements brusques de la jointure.
Obs. IV.— M. B., âgé de quarante-cinq ans, ancien avoué, est atleint d'ataxie locomotrice progressive bien caractérisée, dont les premiers débuts remontent à sept années au moins, c'est-à-dire vers 18(10. Il a éprouvé à une certaine époque du développement de la maladie une affection articulaire remarquable et sur laquelle nous insisterons plus loin.
Le père de M. B...., encore vivant et âgé de soixante-seize ans, n'a jamais eu de maladies graves; il a été seulement sujet à des troubles gastriques d'une certaine intensité : sa mère a succombé à une affection du cœur ; elle avait souffert de la gra-velle ; mais elle n'avait pas subi les atteintes du rhumatisme articulaire soit aigu, soit chronique. Deux sœurs de M. B... actuellement mariées, sont habituellement bien portantes ; l'une d'elles cependant est de constitution assez chétive, mais sans prédominance remarquable du système nerveux. En somme, avant la
maladie dont est atteint M, B..., il n'avait existé dans la famille aucune maladie nerveuse Lien caractérisée.
Dans son enfance, M. B... était d'une santé assez délicate ; cependant, durant son séjour au collège, il n'a jamais été réellement malade; jamais en particulier, il n'a été anecié de rhumatisme articulaire aigu, ou chronique ; jamais, d'ailleurs, il n'a séjourné dans une habitation humide.
En 1848, alors âgé de vingt-quatre ans, il contracta un chancre à la verge ; quelques mois plus tard, survint un mal de gorge qui dura plusieurs mois et fut considéré par un médecin de nature syphilitique. — Un traitement mercuriel fut institué. Depuis cette époque, M. B... ne paraît pas avoir éprouvé d'accidents qu'on puisse rapporter directement à la syphilis.
En 1855, M. B..., à peine établi dans sa charge, éprouve un chagrin profond dont il ne se relève que pour retomber dans de vives préoccupations relatives à sa profession. 11 est résulté do là un état d'exaltation nerveuse qui s'est fait sentir, d'une manière à peu près permanente, pendant le cours de plusieurs années. Marié en 1856, M. B... eut bientôt deux enfants actuellement bien portants ; en 1800, à la suite d'une continence prolongée, il éprouva des pollutions nocturnes, souvent répétées, qui occasionnèrent bientôt un état nerveux, accompagné d'idées tristes et parfois singulières. L'état nerveux devint bientôt assez grave pour que M. B... fut obligé d'abandonner pendant quelques mois l'exercice de sa profession. Les pollutions reparurent plusieurs fois par la suite et en particulier pendant le cours de l'année 1800.
C'est en 1800 que se sont montrés les premiers symptômes de la maladie actuelle. Tous les deux mois et plus tard tous les mois, M. B... éprouvait des accès de douleurs fulgurantes, lesquels étaient, paraît-il, à peu près toujours suivis d'un peu de fièvre. Les accès duraient, en général, de vingt-quatre à quarante-huit heures. Les douleurs siégeaient en divers points des membres inférieurs : elles étaient surtout prononcées la nuit. Parfois localisées dans les orteils du pied droit, elles avaient été considérées, à une certaine époque, comme étant de nature
goutteuse. — Dans l'intervalle des accès, la marche était parfaitement libre ; mais quelquefois à leur suite, pendant un jour ou deux, les jambes devenaient raides, principalement au voisinage du cou-de-pied, et la marche en était souvent singulièrement gênée. L'hydrothérapie et les bains sulfureux sont les seuls agents qui aient été employés avec quelque suite pour combattre ces douleurs.
Vers le milieu du mois de juillet 1864, M. L... fut étonné un soir, on se déshabillant pour se coucher, de trouver sa jambe et son genou gauche remarquablement enflés. Ces parties n'avaient été pendant la journée le siège d'aucune sensation pénible. La tuméfaction commençait au niveau du tiers inférieur de sa jambe; elle remontait jusqu'au genou, où elle était surtout prononcée ; elle s'étendait môme jusqu'àlapartie inférieure de la cuisse. La peau avait conservé sa couleur naturelle ; elle était lisse et luisante. Les parties gonflées n'étaient nutlement douloureuses à la pression : elles présentaient une consistance dure, et M. B... assure qu'elles ne conservaient pas l'impression du doigt. Le malade dormit cette nuit là comme d'habitude. Le lendemain, au réveil, la tuméfaction avait gagné fa partie inférieure de ta jambe. Cependant, il n'existait aucune douteur, et M. B... put se lever et se livrer même à ses occupations habituef-les sans autre inconvénient qu'un peu de gêne dans la marche.
Au bout de huit jours, l'enflure avait considérablement diminuée ; mais, à cette époque, elle reparut tout à coup, sans cause appréciable, occupant cette fois presque exclusivement le genou. Un chirurgien éminent fut alors consulté, et déclara qu'il existait du liquide dans la jointure. Il prescrivit l'application d'un vésicatoire volant. Au bout de quinze jours, la tuméfaction avait comptètement disparu ; à l'aide d'un bandage, le malade pouvait marcher sans gène appréciable. — L'articulation affectée reprit bientôt sa forme et son volume naturels ; aujourd'hui, elle ne diffère en rien du genou droit ; seulement, on y remarque peut-être un peu de relâchement des ligaments, et, au dire du malade, il s'y produit quelquefois, dans les mouvements brusques, des craquements assez prononcés,
En janvier 1807, les pollutions reparaissent plus intenses que jamais. Peu de temps après, les accès de raideur des jambes se montrent plus fréquents que parle passé. Le malade remarque pour la première fois qu'il éprouve une grande difficulté à marcher et môme à se tenir debout dans l'obscurité. La nuit, étant au lit, il éprouve des sensations qui l'étonnent; il n'a plus conscience des attitudes que prennent ses membres inférieurs ; il ne sait pas si ses jambes sont écartées ou placées l'une sur l'autre; il est tort surpris quelquefois, le matin, de les trouver hors du lit. Pendant la marche, l'allure est oscillante, chancelante; les jambes sont projetées latéralement avec force et retombent lourdement sur le sol. Cependant, les douleurs fulgurantes sont devenues moins intenses et ne reparaissent plus qu'à des intervalles éloignés, elles sont remplacées par un sentiment douloureux à peu près continu, siégeant surtout dans les pieds et que le malade compare à celui que produirait une brûlure. Mais si les douleurs fulgurantes tendent à abandonner les membres inférieurs ; elles ont envahi récemment les membres supérieurs où elles se produisent assez fréquemment. Ceux-ci cependant ne présentent pas traces d'incoordination dans les mouvements. Les douleurs fulgurantes occupent aussi quelquefois des régions telles que le dos, le codé de la poitrine où elles ne se montraient pas autrefois.
Etat actuel (octobre 1867). — Les membres inférieurs onI, dans ces derniers temps, notablement maigri. A la suite d'une saison faite à Wildbad, en août dernier, la marche est devenue plus difficile que jamais. M. B... a dû prendre le parti de renoncer à sa profession ; il est aujourd'hui obligé de se servir de deux cannes; il y a quelques mois, une seule lui suffisait. L'incoordination est des plus prononcées ; les jambes sont projetées d'une manière tout à fait caractéristique.
Il y a anesthésie presque complète aux membres inférieurs : les contacts, une pression même très forte ne sont pas perçus. Le malade sent à peine quand on le pince énergiquemcnl. il éprouve une sensation de froid lorsqu'un corps froid est appliqué sur la peau des membres inférieurs, mais la transmission
do l'impression est, en pareil cas, très notablement ralentie. L'anesthésie s'étend sur la partie inférieure du tronc, jusqu'au niveau de l'ombilic; if n'existe pas de douleur en ceinture; parfois seulement un peu de rachialgie. La vision paraît n'avoir jamais été troublée; il n'existe pas de désordres gastriques notables; la santé générale est, en somme, en bon état.
Si je ne craignais pas de donner sans profit, une trop grande extension à cette note, je pourrais joindre, aux faits précédents, une observation du même genre, dont les détails m'ont été communiqués par M. le D1' Bouchard, qui les a recueillis récemment, à la Pitié, dans le service de M. le professeur Bôhier. Il s'agit dans ce nouveau cas d'une femme âgée de 42 ans, chez laquelle les symptômes de la myélite scléreuse postérieure, aujourd'hui fortement accusés, se sont manifestés pour la première fois, il y a six ans environ.
L'affection articulaire occupe ici le genou gauche ; elle s'est présentée avec l'ensemble des caractères que nous lui avons reconnus jusqu'à présent. Toutefois, il paraît s'y être adjoint quelques phénomènes qui s'écartent un peu de la règle et que je me bornerai à relever brièvement. Ainsi, contrairement à ce qui a lieu en général, la jointure avait été à l'origine, rouge et légèrement douloureuse, à la vérité, pendant quelques jours seulement; de plus, à l'époque où les premiers désordres s'y sont produits, les symptômes d'incoordination motrice s'étaient déjà développées depuis plusieurs années, tandis que, dans les autres cas, l'apparition de ces symptômes était de date toute récente, lors du début de l'arthropathie. Mais ce sont là, croyons-nous, des différences d'ordre secondaire et qui correspondent à de simples varia-Lions du type commun.
A. Après ce long exposé des faits, il suffira de résumer en quelques mots les caractères les plus saillants de l'alfec
tion articulaire qui s'est présentée à notre observation chez plusieurs malades ataxiques. En premier lieu, nous ferons ressortir encore une fois l'absence de toute cause extérieure, traumatique ou autre, de toute influence diathésique ou constitutionnelle, auxquelles il soit permis de les rattacher. La syphilis, la blenorrhagie, la diathèse rhumatismale ou goutteuse, l'influence prolongée du froid humide, ne sauraient être invoquées, ou font même complètement défaut dans les antécédents de nos malades. Pour ce qui est relatif au siège, l'arthropathie a occupé, chez eux, indifféremment l'un des deux genoux ; tantôt le gauche, tantôt le droit ; dans un cas, elle a siégé sur l'articulation du coude gauche. Elle a dans tous les cas, opéré son début inopinément, sans précurseurs, subitement pour ainsi dire ; et, à coup sûr, ce n'est pas là un de ses traits les moins singuliers. Chose remarquable, elle est apparue presque toujours à une époque bien déterminée du cours del'ataxie locomotrice progressive. Celle-ci, en effet, bien qu'elle fût depuis longtemps établie, n'avait pas dépassé les premières phases de son évolution, lors du développement de l'arthropathie, du moins dans le membre auquel appartenait la jointure affectée. Ainsi les accès de douleurs fulgurantes prédominaient ou constituaient même à peu près seuls tout l'appareil symptomatique. L'incoordination motrice était récente, et parfois encore à peine accusée.
L'absence de fièvre, de rougeur et de douleur (1) paraît être un caractère à peu près constant ; et si dans un cas (Observation de M. Bouchard), ces deux derniers symptômes se sont manifestés un instant, ils se sont bientôt effacés pour ne plus reparaître. Le gonflement s'est montré toujours
1. L'absence de douleur dans ces cas pourrait dépendre de l'anesthésie articulaire qui chez les ataxiques se montre quelquefois de très bonne heure. «Te ferai remarquer toutefois que chez les malades que j'ai observés, un seul peut-être excepté (Obs. IV), l'anesthésie cutanée était à peine prononcée à l'époque où l'arthropathie s'est développée.
plus prononcé au niveau de l'articulation, el là, a reconnu pour cause principale l'accumulation d'une certaine quantité de liquide dans la cavité synoviale; mais constamment il a occupé en même temps les parties voisines, quelquefois dans une grande étendue. Celles-ci présentaient une infiltration d'une nature spéciale et non pas l'œdème ordinaire, car la pression des doigts n'y laissait pas auprès d'elle des traces persistantes. Dans tous les cas, l'affection s'est amendée progressivement, au bout de plusieurs semaines, de plusieurs mois, soit spontanément, soit sous l'influence du traitement institué : ainsi le gonflement a disparu ou il s'est tout au moins notablement amoindri. Mais presque toujours il s'était produit aux dépens des ligaments, des cartilages diarthro-diaux, et quelquefois même, peut-être, des extrémités osseuses, des lésions tantôt àpeine accusées, tantôt au contraire plus ou moins profondes, lésions qui, en général, ont survécu, et qui, une fois (Observation III), ont été portées jusqu'au point de déterminer une véritable dislocation de la jointure.
Dans le tableau qui vient d'être présenté, il y a, si je ne me trompe, un ensemble de circonstances qui permettra de spécialiser cliniquement l'artrhopathie des sujets ataxiques, de la différencier de toutes autres espèces d'affection des joiu-tures, en particulier de l'arthrite sèche dont elle semble se rapprocher par plusieurs traits de ressemblance. A ce propos, je ferai remarquer qu'il n'est pas rare de voir l'arthrite sèche coexister avec l'ataxie locomotrice progressive. Je l'ai, pour mon compte, rencontrée plusieurs fois, en pareil cas, tantôt sous la forme des nodosités d'Heberden, tantôt sous celle du rhumatisme articulaire chronique, partiel (1). Mais je n'ai
1. Voir : Leçons sur les maladies des vieillards et les maladies chroniques. — Goutte et rhumatisme chronique, pp. 228,229. Paris, 1867.
jamais observé qu'elle présentât alors aucune modification appréciable dans ses caractères cliniques. J'ajouterai que constamment elle s'était développée, en pareil cas, sous l'influence manifeste des causes qui la produisent habituellement, bien avant l'apparition des premiers symptômes des maladies spinales. L'arthropathie des ataxiques, au contraire, paraît être toujours postérieure en date à l'altération scléreuse de la moelle épinière. J'incline même à croire qu'elle lui est subordonnée, pour ainsi dire, à titre de conséquence plus ou moins directe, mais c'est là une opinion que je dois essayer, actuellement, de justifier par quelques arguments. A défaut des éléments d'une démonstration absolue, nous pourrons invoquer du moins, les probabilités de l'analogie.
B. On sait que certaines lésions de l'axe médullaire ont pour effet à peu près constant de déterminer très-rapidement, en diverses parties des membres inférieurs, des troubles de la nutrition souvent fort graves. Gela a lieu fréquemment, par exemple à la suite des fractures et des luxations du racliis ; ou voit en pareil cas des ulcérations et même des escliares profondes se développer à la région sacrée, aux talons, sur d'autres points encore, quelques jours à peine après l'accident, de telle sorte que l'influence mécanique de la pression ne saurait être considérée ici cme comme une circonstance tout à fait accessoire. Je crois utile de rappeler quelques-uns des cas auxquels je fais allusion. Sir B. Brodie a vu le splia-cèle survenir aux talons vingt-quatre heures après une lésion du racliis (1). Un homme tombé d'un lieu très élevé eut la quatrième vertèbre dorsale littéralement brisée. La partie de la moelle qui correspondait à la fracture était ramollie et d'une couleur grisâtre ; une eschare se déclara au sacrum dès
1. Brown-Sécjuard,—Journal de physiplogie, t.. II, ri?. 5, p,JÏ£, janvier 1859.
le quatrième jour après la chute (1). Chez un charpentier qui avait fait une chute sur la partie supérieure du cou, suivie de flexion forcée de l'épine en avant, il s'était produit un déplacement de la septième vertèbre cervicale, sur la première dorsale. Les eschares se formèrent au sacrum du huitième au douzième jour, aux talons le quinzième jour après l'accident. La moelle épinière était ramollie et renfermait un petit abcès dans la région cervicale, principalement vis à vis la septième vertèbre (2). Dans ces deux derniers cas, il serait impossible d'invoquer, au profit de certaine doctrine (3), une participation des racines et des ganglions spinaux lombaires ou sacrés à la lésion médullaire, puisque celle-ci ne dépassait pas par en bas la partie supérieure de la région dorsale. D'ailleurs, il existe des faits bien avérés de lésions spontanées, exclusi-ment bornées au tissu de la moelle, et qui ont eu néanmoins pour conséquences la formation rapide d'eschares. M. le docteur Duriau a publié, il y a quelques années, dans à Union médicale, un remarquable exemple de ce genre : il s'agit dans ce cas d'un foyer hemorrhagique développé dans la substance grise du renflement lombaire ; une vaste eschare se produisit au sacrum quatre jours après le début des accidentsparalj tiques(4). J'ai vu les brusques exacerbations de la myélite scléreuse des cordons antéro-latéraux, l'irruption soudaine dans la cavité rachidienne du pus provenant d'un abcès chez un sujet atteint de mal vertébral, déterminer aussi la formation rapide d'eschares.
Entre ces eschares à développement prématuré, et l'arthro-
1. Jeffrey's London Mecl. and Surg. Journal 1826, juillet ; et Ollivier (d'Angers), Traité des maladies de la moelle épinière, t. I. p. 317. Paris, 1837.
2. Golliny, dans Ollivier (d'Angers), loc. cil., p. 91.
3. Dans la théorie de Samuel, les troubles de nutrition ne surviendraient dans les membres inférieurs à la suite des blessures rachidieimes, que dans les cas où il y a lésion des ganglions spinaux lombaires ou sacrés. (Die tropischen Nerren, p 94, 231, Leipzig, 18C0).
4. Duriau. — Union médicale, t. 1,1859, p. 308.
pathie des ataxiques, le rapprochement pourra, au premier abord, paraître singulier ; mais il ne faut pas oublier que les troubles de la nutrition, provoqués par une lésion de la moelle, prennent quelquefois pour siège les jointures, et se présentent alors sous la forme d'affections articulaires assez semblables, sous quelques rapports, à celles que produit le rhumatisme articulaire ou subaigu. Dans les blessures de guerre intéressant l'axe médullaire, W. Mitchel, Morehouse et Keen disent avoir vu des cas de ce genre (I). Voici l'indication sommaire d'un fait qui, au point de vue qui nous occupe, présente un vif intérêt.
En 1850, pendant une émeute, un homme reçut dans le dos un coup d'épée entre la neuvième et la dixième vertèbres dorsales, à trois centimètres et à droite de la ligne médiane. Le trajet de la plaie était oblique de droite à gauche et légèrement dirigé de bas en haut. Le premier jour, on observa une paralysie motrice complète des deux membres inférieurs, de la vessie et du rectum. A gauche, la sensibilité du membre abdominal était évidemment exagérée ; à droite, au contraire, elle était très obtuse. Douze jours après l'événement, on put constater une augmentation de volume de la, cuisse gauche ; il y avait en même temps, dans l'articulation du genou correspondant, une accumulation de liquide assez considérable pour éloigner la rotule des tond g les de plus d'un centimètre. La partie postérieure du membre était surtout infiltrée. Le treizième jour, on remarqua sur la fesse droite une eschare assez profonde pour intéresser une bonne partie du derme. La paraplégie ne fut que temporaire ; le mouvement reparut à droite, assez rapidement, et beaucoup plus tard à gauche. A en juger d'après les symptômes, la blessure avait dû intéresser la totalité du cordon postérieur et du cordon latéral de la moelle du côté gauche et la presque tota-
1. Gunshot Wounds, Philadelphie. 1864, p. 84.
lité, sinon la totalité, de la substance grise du même côté (1 ).
Ainsi, consécutivement à une blessure de la moelle, on voit se développer chez ce sujet, en même temps qu'une eschare au siège, une affection articulaire qui n'est pas sans analogie avec celle que nous avons observée chez les alaxiques. Les lésions de la moelle capables de déterminer la production d'arthropathies ne sont d'ailleurs pas toutes de causes traumaliques. Dès 1831, le professeur J.-K. Mitchell a appelé l'attention sur plusieurs cas d'affection des jointures développées chez des individus atteints de carie vertébrale sous l'influence de la compression de la moelle. Les articulations étaient tuméfiées, rouges et quelque peu douloureuses (2), de manière à simuler les accidents du rhumatisme articulaire subaigu. J'ai observé, pour mon compte, plusieurs faits qui me semblent confirmer les observations du professeur Mitchell. L'un d'eux a été rapporté dans un travail de M. le doc-leur Bail (3) et reproduit dans la thèse de M. Mougeot (4).
Quelque variées qu'elles puissent être, ces lésions de l'axe médullaire qui provoquent ainsi, dans diverses parties du corps, une perturbation plus ou moins profonde des actes nutritifs, paraissent cependant se rapprocher foules par un caractère commun : c'est l'irritation des éléments nerveux de la moelle, qu'elle soit provoquée par la déchirure ou l'at-trition d'une partie de l'organe, comme dans le cas d'une lésion traumatique ; par la compression comme dans le mal vertébral, ou bien par un travail phlegmasique développé dans la gangue conjonctive sous l'influence de causes in-
1. Brown-Sequard. — Journal de physiologie, t. 1863, p. 123. Observation recueillie par M. Viguès.
2. American Journal of the med. Science, vol. in-8", p. 55.
3. B. Bail. — Du rhumatisme viscéral. Paris, 1866, p. 88. i. Lac. cit., p. 35.
Charcot. Œuvr. eomp. t. ix. Hémorragie cérébrale. ia
ternes, ainsi que cela a lieu dans la myélite spontanée (i). Ce caractère se retrouve incontestablement, à un certain degré, dans l'alaxic locomotrice progressive. En effet, raJférafion particulière des cordons postérieurs à laquelle se railachenf les symptômes de cette maladie consiste essentiellement, à son origine (2) ainsi que nous l'avons démontré, M. Bouchard etmoi, en une végétation, une prolifération du tissu conjonclii' qui est normalement interposé entre les tubes nerveux.
Les myélocytes sont devenus plus nombreux, la gangue amorphe a pris un développement relativement considérable. Quant aux tubes nerveux eux-mêmes, ils ne présentent en
1. «Ce n'est pas lu.paralysie, ce n'est pas l'absence d'action du système nerveux, qui, dans les cas de ce genre, est cause de l'altération de la nutrition ; c'est au contraire, une action morbide de ce système par suite de l'irritation qui produit celte altération. » J'ai vu au moins plusieurs centaines d'animaux survivre des mois entiers à la section de la moelle épinière et ne présenter aucune autre lésion de nutrition dans les parties paralysées, qu'une atrophie assez lente à se montrer. Dans deux cas, au contraire, où des exostoses s'étaient formées à l'endroit de la section de la. moelle et comprimaient le bout inférieur, il y a eu une atrophie considérable en cinq ou six jours et une ulcération gangreneuse du sacrum et de quelques points de la cuisse.
?« Il faut donc distinguer les effets de l'irritation de la moelle épinière et des nerfs, de ceux de la paralysie ou simple cessation d'action de ces parties ; en d'autres termes, il faut distinguer les effets de l'action morbide de ceux de l'absence d'action.» (BroWn-Séquard, Journal de physiologie, tome II, 1839, p. 114).
G'c;;t sans doute de la même manière qu'il convient d'interpréter les troubles qui surviennent quelquefois dans la nutrition de l'œil, chez divers animaux, à la suite delà section d'une moitié latérale de la moelle épinière au dos,, lies affections de l'œil (ulcération, fonte de la cornée, conjonctivite purulente , observées par M. Brown-Séquard chez, le cochon d'Inde {Compte rendu de In Société de biobogie, t. II, 1860, p. 13i), ont été rencontrées par M. Yulpian chez fa grenouille, à la suite de la section de la moitié correspondante de l;i moelle près du bulbe rachidien (communication orale . Elles ne se développent pis chez fous les animavx opérés, et il est au moins fort vraisemblable qu'elles se produisent seulement dans les cas où, consécutivement à la section, un travail inflammatoire s'est développé dans le serment sup/'rkw fc la moelle épinière.
2. Gharcot et Bouchard. —Douleurs fulgurantes de l'ataxie sans incoordination des mouvements, sclérose commençante des cordons fn slcrieurs tU lu moelle. 'Comptes rendus de la Soc de biologie. Isiili).
général, pour la plupart, aucune altération appréciable à cette première période ; mais déjà ils prennent, cela n'est pas douteux, une certaine part à l'excitation morbide qui s'est emparée du tissu conjonctif qui les enveloppe de tous cotés. Cette irritation se traduit par des élancements douloureux lorsqu'elle affecte des tubes dont la propriété est de déterminer, sous l'influence des excitations, une sensation perçue ; elle devra se traduire encore par des troubles de la circulation ou de la nutrition, si elle affecte, en outre, des tubes appartenant au groupe des éléments nerveux vaso-moteurs ou tropliiques. De fait, il n'est pas très rare de voir survenir, dans les premières périodes de l'ataxie, indépendamment des douleurs fulgurantes, des affections variées qui relèvent évidemment de l'affection spinale (1), et qui révèlent suffisamment la perversion des actes nutritifs. Je rappellerai, par exemple, l'atrophie rapide que subissent parfois les masses musculaires des membres inférieurs dans des cas ou l'incoordination motrice est encore à peine accusée. Mais c'est surtout le tégument externe qui paraît être le siège le plus habituel des accidents sur lesquels j'appelle ici l'attention : on voit assez souvent la peau des jambes et des cuisses se couvrir d'une éruption lichénoïde, confluente, à la suite des douleurs fulgurantes.
Chez une femme actuellement en traitement à la Salpétrière, d'énormes plaques d'urticaire se produisent à chaque accès au niveau des points ou siègent les douleurs les plus vives.
Une autre malade de mon service a présenté, dans des circonstances analogues, des phénomènes encore plus remarquables : celle femme, aujourd'hui âgée de soixanle-et-
1. L'atrophie des racines postérieures peut, à cette période de la maladie, manquer complètement. (Charcot et Bouchard, obs. citée.) Elle semble n'être qu'un fait de seconde date. Quant à l'altération des ganglions spinaux et des nerfs périphériques dont quelques auteurs ont parlé, il ne paraît pas qu'elle ait jamais été régulièrement constatée.
un an, admise, il y a six ans, à l'hospice comme aveugle (atrophie scléreuse des nerfs optiques), est actuellement atteinte d'ataxie locomotrice bien caractérisée. Chez elle, i;i maladie a évolué d'une manière très rapide, car les premiers accès de douleurs fulgurantes datent du mois de mars 1865, et déjà, en juillet 1866, l'incoordination était assez prononcée pour rendre la marche difficile, lin de ces accès, qui eut lieu en juin 1807, présenta une intensité exceptionnelle. Les douleurs, qui étaient vraiment atroces, parurent fixées pendant plusieurs jours sur le trajet des rameaux cutanés des nerfs petit sciatique et du relexreur de l'anus du côté droit. Pendant ce temps, les parties correspondantes de la peau se couvrirent de 1res nombreuses pustules d'ecthyma, dont quelques-unes devinrent le point de départ d'ulcérations profondes. De plus, une eschare arrondie, ayant environ 5 centimètres de diamètre et qui intéressait le derme dans la presque totalité de son épaisseur se produisit sur la fesse droite, à quelques centimètres de la ligne médiane au-dessous du niveau de l'extrémité du coccyx. La cicatrisation de la plaie, qui persista après l'élimination des parties sphacélées, ne fut complète qu'au bout de deux mois. Dans un autre accès, les douleurs fulgurantes suivirent la direction de la branche verticale du nerf saphène interne gauche, et une éruption pustuleuse se produisit bientôt sur la peau des régions où se distribue ce nerf.
On peut, croyons-nous, rapprocher des affections dont il vient d'être question l'arthropathie des ataxiques et reconnaître que celle-ci comme celles-là relèvent directement de la m\élite scléreuse des cordons postérieurs. Cette conclusion toutefois, ne saurait être proposée qu'avec réserve, car il lui manque encore l'appui de preuves décisives. Elle nous a paru cependant mériter d'être soumise, au contrôle d'observations nouvelles.
Arthrites dans l'hémiplégie de cause cérébrale.
Il n'est pas rare de voir survenir dans les membres atteints d'hémiplégie, à la suite de certaines lésions du cerveau—du ramollissement par exemple ou de l'hémorrhagie — des douleurs qui ont pour siège les jointures ; c'est un fait que plusieurs auteurs avaient déjà pris soin de faire remarquer d'une manière plus ou moins explicite (1). Mais on doit à M. Brown-Séquard d'avoir appelé plus particulièrement l'attention sur ce symptôme curieux à plus d'un titre, et d'avoir cherché à en déterminer la cause organique. Voici comment s'exprime à ce propos cet auteur dans une leçon remarquable sur la pathogénie des affections du cerveau publiée dans The Lancet, eu 1801 (2).
Après avoir admis que les sensations pénibles, telles que celles de formication, de picotement qui se produisent dans les membres paralysés, en conséquence d'une lésion cérébrale, résultent généralement d'une irritation directe des libres nerveuses encéphaliques : « Ce sont là, dit-il, des sensations rapportées à la périphérie, analogues à celles qui se développent dans les doigts de la main, lorsque le nerf cubital a été froissé au niveau du coude. Il importe de ne pas les confondre avec les douleurs, quelquefois très-vives, qui peuvent se manifester dans les muscles ou dans les articulations des membres paralysés. Les douleurs du dernier genre ne se révèlent guère que sous l'influence des mouvements ou de la pression exercée sur les membres ; ou si elles se montrent
l.Durand-Fardel. —Maladies des vieillards, p. 131. Paris, 1854, Observation de la nommée Lemoine. — Valleix. — Guide du médecin praticien, t, IV, 1853. p. 514. — Grisolle. — Pathologie Interne, 2° édition, t. 11, p. 257.
2. Lectures on the mode and origin of symptoms vf diseuse of the brain, —. L,ect. I pari. II. (The lancet, July, 13, 1861).
parfois spontanément, elles sont néanmoins toujours exaspérées par la pression ou les mouvements ; elles dépendent d'une inflammation subaiguë des muscles et des articulations qui, bien à tort, est souvent rapportée à une affection rhumatismale. Cette subinflammation qui survient ainsi dans diverses parties des membres est d'ailleurs elle-même la conséquence de l'irritation que subissent dans l'encéphale, les tubes nerveux, vaso-moteurs ou trophiques ».
Ainsi, d'après M. Brown-Séquard, les douleurs des membres chez les hémiplégiques reconnaissent tantôt une cause centrale, tantôt, au contraire, une origine périphérique. Dans ce dernier cas, qui seul doit nous occuper, elle résulterait d'un trouble de nutrition développé sous l'influence de l'affection du cerveau dans les parties même où elles se manifestent, c'est-à-dire dans les muscles, par exemple, dans les articulations.
Je ne sache pas que cette importante distinction soit fondée jusqu'ici sur des arguments autres que les résultats de l'observation clinique et qu'elle ait reçu encore la sanction, à peu près indispensable en pareille matière, des preuves anafo-miques. Des observations qui vont être présentées contribueront, je l'espère, à combler cette lacune. Elles montrent, en effet, que les douleurs dont il s'agit, lorsqu'elles siègent dans les jointures, peuvent, en réalité, être rattachées habituellement à un travail d'irritation inflammatoire qui s'est emparé des membranes synoviales sous l'influence de la lésion encéphalique. En ce qui concerne les douleurs exagérées par la pression qui, dans les mêmes circonstances, occupent fréquemment, en outre. Je corps des membres, nous n'avons pas trouvé, à la vérité, qu'elles répondissent, ainsi que l'a pensé l'auteur que nous venons de citer, à une subinflammation des muscles, et nous pensons, au contraire, qu'elles relèvent le plus souvent, d'une altération des cordons nerveux que nous
avons lait connaître ailleurs el qui a été Quelquefois désignée sous le nom de névrile hypertrophiqiie (ï). Mais à part ce point de dissidence, nous croyons que, d'une manière générale, l'opinion émise par M. Brovn-Séquard, relativement à l'origine périphérique de quelques-unes des affections douloureuses qui surviennent dans les membres paralysés, chez les hémiplégiques, se trouvera justifiée par nos observations.
Obs. I. M..., âgée de 69 ans, est entrée à l'hospice delà Salpè-trière le !) avril 1867 ; elle a été admise à l'infirmerie le 8 mai. Cette femme a été frappée, en novembre 1866, d'une attaque d'apoplexie avec perte de connaissance, qui a duré quelques heures et, en même temps, d'hémiplégie droite. L'hémiplégie s'est bientôt dissipée; mais il est resté une difficulté notable dans l'articulation des mots. Le "mai 1867, survint tout à coup une nouvelle attaque d'hémiplégie, occupant cette fois encore, les membres du côté droit, mais sans perte de connaissance.
Le 8, à la visite, on constate ce qui suit : La malade parait avoir conservé une grande partie de son intelligence et de sa mémoire, seulement, elle s'exprime avec beaucoup de difficulté, il n'y a pas oubli des mots, substitution d'un mot à un autre, pas d'aphasie, mais bien embarras des mouvements de la langue et des lèvres, qui gène la prononciation et ralentit le discours. La malade peut,dans son lit, mouvoir et soulever aune certaine hauteur le membre inférieur correspondant, qui n'est ni rigide ni flasque ; mais il lui est impossible cependant d'élever sa main droite jusqu'à sa tête. La sensibilité cutanée [tarait un peu
!. Voir : Corail.— Notes sur les lésions des nerfs et des muscles dans les hémiplégies! Comptes rendus cl mémoires de la Société de bioloqie, année IStïl. — Bouchard.— Des dégénéra lions secondaires de la moelleépinihre (Archives le médecine, mars et avril, p. 81, 1886).Pendant longtemps, j'ai cru que j'avais été le premier à remarquer la névrite hypcrtrophique des hémiplégiques. J'ai reconnu depuis qu'elle avait été signalée déjà par Lcnbuscher dans les termes suivants : » On trouve dans certains cas d'hémiplégie une augmentation de volume dos nerl's du côté paralysé. Cette hypertrophie résulte d'une exsudation qui se l'ait dans le névrilèine. „ (leliirnkranhheiten. page 50, Berlin, 18558),
diminuée sur ce membre.La température de la main droite est, ce même jour, un peu plus élevée que celle de la main gauche (main gauche 32°, S — main droite 36°), et le même fait a été constaté de nouveau à plusieurs reprises, dans la suite.
Les jours suivants les mouvements deviennent progressivement plus libres, plus étendus dans les membres paralysés. — Bientôt la malade peut se lever et faire quelques pas autour de son lit; elle peut aussi élever son bras plus haut qu'elle ne le faisait d'abord;—? physionomie hébétée ; pleurs faciles. Toujours grande difficulté dans l'articulation des mots. L'appétit s'est complètement rétabli. Il n'y a jamais eu apparence d'un mouvement fébrile un peu intense.
Vers le milieu du mois de juin, M... commence à se plaindre vivement de douleurs siégeant dans les membre du côté paralysé, et qui la tourmentaient déjà depuis une quinzaine de jours. Ces douleurs sont surtoutintenses au membre supérieur, où elles paraissent occuper principalement les articulations. L'é-paule, les jointures métacarpo-phalangiennes, le poignet son! surtout affectés. Ces dernières articulations sont, en outre, tuméfiées, la peau qui les recouvre est rosée et luisante. 11 y a de plus un certain degré de gonflement uniforme de toute la main et même de l'avant-bras, mais sans œdème. Ces parties sont habituellement plus chaudes que les mêmes parties du côté opposé. Les mouvements un peubrusques imposés à ces mêmes articulations font pousser des cris à la malade. L'attitude du membre est la demi-flexion ; mais il n'y a pas de rigidité proprement dite, pas de contracture. La douleur articulaire paraît être d'ailleurs à peu près continue, et elle existe même, bien qu'à un degré moindre, en dehors de tout mouvement spontané ou provoqué.
En outre de ces douleurs localisées aux jointures, il en est d'autres qui, également presque continues, occupent les parties intermédiaires du membre, paraissent suivre principalement le trajet des gros troncs nerveux, et sont exaspérées très manifes-ment par une pression exercée sur la partie interne du bras, en dedans du bord interne du biceps, — Ali membre inférieur
droit, le genou et le cou-de-pied sont surtout douloureux, mais il n'existe là ni rougeur ni gonflement. Des vésicatoires volants ont été appliqués à plusieurs reprises, pendant le courant de juin et juillet, sur les principaux points douloureux, mais ils n'ont jamais produit qu'un soulagement momentané.
2 août. — La malade est tombée cette nuit de son lit ; lorsqu'on l'a relevée, il lui était devenu tout à fait impossible do parler, bien qu'elle parût avoir conservé la connaissance. On constate le matin, l'existence d'une hémiplégie gauche complète, avec flaccidité des membres, qui retombent inertes lorsqu'on les abandonne après les avoir soulevés, la face ainsi que les yeux sont dirigés vers la droite. Les muscles du cou sont rigides, ceux du coté droit surtout. Les membres du coté gauche sont devenus relativement plus chauds que ceux du côté droit. Langue sèche, peauchaude ; pouls 66, température rectale 37°,8.
3 et 4 août. — Mémo état, seulement la température centrale s'élève progressivement tle4, au soir, elle atteint38°,5. Le 6 août, la déglutition est devenue diflicile. Température centrate le soir, 39°. Le 7 août : coma profond, ronflement stertoreux, face de coloration violacée, vineuse ; respiration précipitée, irrégulière. La température de la peau paraît très-élevée : une sueur visqueuse couvre tout le corps, 116 pulsations. Température rectale. 40°, le matin; le soir, 11°,8. La mort survient dans la nuit.
Autopsie. Les artères qui forment l'hexagone présentent de nombreuses plaques d'endartérite noueuse avec rétrécissement, mais sans altération de leur calibre. Sur Y hémisphère droitexiste une plaque de ramollissement blanc, récent, irrégulièrement arrondie, plus large qu'une plaque de 5 francs. Cette plaque occupe la partie la plus inférieure et la plus antérieure des circonvolutions pariétales, immédiatement en arrière de la circonvolution marginale postérieure. Le ramollissement s'étend à la substance blanche sous-jacente dans la profondeur de deux centimètres environ. Au pourtour de cette plaque, la substance grise de plusieurs circonvolutions est, dans une certaine étendue, plus molle et d'une coloration plus rosée qu'à l'état normal. — Le calibre de l'artère sylvienne droite, déjà singulièrement ré
tréci par une plaque annulaire d'endartérite, l'est plus encore, niais non complètement oblitérée toutefois, par un thrombus décoloré et adhérent.Deux brandies postérieures de cette artère, qui se dirigent vers le foyer de ramollissement, sont complètement obstruées par des thrombus formés au niveau d'anneaux athéromateux. En ouvrant le ventricule latéral droit, on constate que la tête du corps strié est ramollie dans l'étendue d'une pièce de deux francs.
Hémisphère gauche. Une plaque jaune {Ramollissement ancien), arrondie et déprimée, ayant environ 3 centimètres de diamètre, occupe l'étage supérieur des circonvolutions du lobe temporal et s'étend dans la profondeur de la scissure de Sylvius, jusqu'au lobule de l'insula, qu'elle intéresse dans sa partie la plus intérieure. Les rameaux, artériels qui se rendent àcette plaque sont rétrécis en plusieurs points par des nœuds athéromateux, mais nulle part, on n'observe d'oblitération complète.
Cœur de volume normal. Les valvules aortiques et mitrales sont indurées à leur base, les orifices correspondants ne présentent d'ailleurs aucune lésion de canalisation. Plaques athé-romateuses non ulcérées sur l'aorte. Les lobes inférieurs des deux poumons, surtout le droit, sont très fortement congestionnés et comme imbibés de sang à leur partie postérieure. Les différents viscères de Y abdomen n'ont présenté aucune altération appréciable.
Les diverses articulations du membre supérieur droit ayant été ouvertes, on constate une injection vive avec tuméfaction villeuse et boursouflement des membranes synoviales, prononcés surtout au pourtour des surfaces diarthrodiales ; cette injection est particulièrement accusée dans l'articulation sca-pulo-humérale et sur les articulations métacarpo-phalangiennes; elle est encore très marquée, bien qu'à un degré moindre, dans l'articulation du genou droit. Les cartilages diarthrodiaux paraissent avoir conservé le poli, la consistance et la coloration de l'état normal. Les jointures correspondantes des membres gauches sont examinées comparativement; les synoviales sont toutàfail exemptes de tuméfaction el d'injection. Leur pâleur
contraste .avec la rougeur vive qu'offrent sur des points symétriques les mêmes parties dans les jointures des membres du côté droit.
Le nerf médian du membre supérieur droit est comparé au nerf correspondant du côté gauche ; le premier est dans toute son étendue, au bras comme à F avant-bras, manifestement plus volumineux que le second ; il présente en outre une teinte rosée générale et, çà et là, des plaques d'injection sanguine d'un rouge vif ; on voit de plus ramper à sa surface, dans l'épaisseur du névrilème des vaisseaux, relativement volumineux et fortement injectés. Le nerf médian gauche offre, au contraire, la pâleur de l'état normal et on observe à sa surface aucune apparence d'injection vasculaire. (PL IV, figure 7, A. B.) Les muscles du bras ont paru présenter des deux côtés les caractères normaux.
La malade qui fait l'objet de cette observation a été frappée le 7 mai 1867, d'une attaque d'hémiplégie à droite, sans qu'il y ait eu perte de connaissance. Quelques jours plus tard, le mouvement qui, d'ailleurs, n'avait jamais été complètement aboli, reparaît au point qu'elle pouvait marcher quelque peu, se servir de sa main droite, tant bien que mal, la porter à sa fête, etc.
Un mois environ après l'attaque, sans cause extérieure appréciable, des douleurs vives se manifestent en divers points des membres droits. Ces douleurs, qui ont persisté jusqu'à l'époque de la mort, occupent surtout les articulations : là elles se montrent spontanées, presque continues; mais les moindres mouvements imprimés aux jointures les exaspèrent, et les mouvements un peu brusques les rendent intolérables. Il existe en même temps de la rougeur et du gonflement au niveau de quelques-unes des articulations de la main droite. Celle-ci est manifestement plus chaude que la main gauche. En outre de ces douleurs localisées sur les jointures, il en est d'autres qui occupent le
corps des membres et qui sont rendues plus vives par une pression exercée sur le trajet des gros troncs nerveux. A plusieurs reprises, l'application de vésicafoires volants sur les points principalement affectés a produit de l'amendement dans les douleurs; mais le soulagement, toutefois, n'a jamais été que momentané.
On voit en somme que l'hémiplégie était ici fort incomplète, puisque la malade n'a guère cessé de se servir quelque peu de ses membres; de plus, elle était de date récente à l'époque où ont paru les douleurs articulaires, puisqu'elle ne remontait pas à plus d'un mois. J'insiste particulièrement sur ces circonstances, parce qu'elles rendent impossible de supposer que l'inertie fonctionnelle prolongée ait pu avoir, en pareil cas, une influence marquée sur le développement des troubles de nutrition qui se sont produits dans diverses parties des membres affectés et en particulier dans les jointures.
Le 2 août, une nouvelle attaque, plus intense que la première, mais déterminée comme celle-ci par la formation dans le cerveau, d'un foyer de ramollissement assez étendu, emporte rapidement la malade : à l'autopsie, on trouve dans les articulations des membres supérieurs et inférieurs du côté droit, les synoviales rouges, vivement injectées, tuméfiées, villeuses ; tandis qu'à gauche les cavités articulaires examinées comparativement offrent le contraste le plus frappant ; elles paraissent relativement très pâles et présentent d'ailleurs foutes les apparences de l'état normal.
L'analyse anatomique n'a pas été poussée plus loin et l'on a malheureusement négligé d'examiner à l'aide du microscope leurs membranes hyperémiées, et de rechercher si elles ne présentaient pas quelque modification dans leur structure, mais, quoi qu'il en soit, il n'est guère douteux qu'il s'agissait là d'une véritable synovite, sans accompagne
ment d'exsudation séro-fibrineuse. L'injection vive du névri-lème et l'augmentation de volume du nerf médian doivent aussi, croyons-nous, être rapportées à un travail d'inflammation.
À l'altération des synoviales se rattachent nettement, dans ce cas, les symptômes articulaires observés pendant la vie, tandis que la névrite hypertrophique rend compte des douleurs qui occupaient le corps du membre et s'exaspéraient par la pression exercée sur le trajet des cordons nerveux. Les muscles des membres paralysés ne présentaient aucune altération appréciable.
Si j'en juge d'après les faits nombreux que j'ai recueillis à la Salpètrière, c'est surtout lorsqu'il s'agit du ramollissement du cerveau que l'arthrite des hémiplégiques se montre fréquente, et l'on pourrait en dire autant de la névrite hypertrophique qui l'accompagne souvent. Cette affection articulaire se rencontre également à la suite de l'hémorrliagie intra-encéphalique, mais alors elle est certainement plus rare. Le fait suivant démontre qu'elle peut se présenter encore, avec des caractères très-accusés, dans les cas où l'hémiplégie est déterminée par la compression qu'exerce une tumeur intra-crânienne, sur l'un des hémisphères du cerveau.
Ods. IL — La nommée S., âgée de quarante-cinq ans, a été admise à l'hospice delà Salpètrière, le 16 février 1867. Elle est entrée à l'infirmerie le 6 mars de la même année. 11 résulte des renseignements pris auprès des parents de cette femme, qu'à la fin de décembre 1866, elle a été frappée tout à coup(?) d'hémiplégie gauche, sans avoir perdu connaissance. Bientôt, le membre inférieur gauche avait repris ses mouvements, au point que la malade pouvait marcher ; le membre supérieur correspondant était resté très-faible, mais non complètement paralysé, cependant, la malade n'en faisait que très-rarement usage. L'intelligence était consenée, mais il y avait embarras très-prononcé de
la parole. Lors do son eutrée à l'hospice (février 1867), Létal était celui qui vient d'être indiqué et il persista tel quel, jusqu'au commencement de mars ; à cette époque, on remarqua que S. était presque constamment assoupie. Bientôt, elle refusa de sortir du lit, et progressivement, elle tomba dans une somnolence de plus en plus profonde. C'est alors qu'elle fut dirigée vers l'infirmerie (7 mars), où on la trouva dans l'état suivant.
Coma profond avec respiration stertoreuse. — Lorsqu'on sollicite vivement la malade, elle ouvre les yeux, profère quelques paroles inintelligibles et se rendort aussitôt. La face et les yeux sont dirigés vers la droite, la paupière supérieure gauche est un peu tombante. La commissure labiale du en!/' droit est tirée en haut et en arrière. 11 y a des grincements de dents par moments, et, de temps à autre, il sort de, la bouche un peu de salive écumeusc. Il parait certain cependant qu'il n'y a pas eu d'attaques convulsives. La l'ace est injectée. — Le membre supérieur gauche est flasque ; seuls les doigts sont un peu rigides et fléchis dans la paume de la main.
Lorsqu'elle est abandonnée après avoir été soulevée, elle retombe lourdement sur le lit, La peau y est plus chaude etplus colorée, principalement à l'avant-bras et à la main, que sur les parties correspondantes du côté opposé. Toute sensibilité n'y est pas éteinte, car lorsqu'on pince la peau du bras ou de l'avant-bras la malade donne des signes de douleur. Le membre supérieur gauche est plus chaud que celui du côté opposé, et cela est surtout sensible au genou. Il y a en outre un peu de rigidité au niveau de la jointure. Selles involontaires. Température rectale : 38", 1.
8 mars, matin. —La malade parait un peu réveillée; elle comprend les questions qui lui sont faites. Elle se plaint d'une douleur frontale générale et dit que cette douleur lui est survenue depuis trois ou quatre jours. T. R. 37", 8, — Le soir, la malade est retombée dans un coma profond. T. B. 38, 2. L'état des membres paralysés ne s'est en rien modifié.
dinars, matin.— Une petite plaque violacée, d'apparence ecchy-motique, à bord anguleux, du diamètre d'une pièce de un franc,
s'est produite sur la l'esse du côté paralysé, L'épidémie est légèrement ridé à la surface de la plaque qui repose sur un Coud érythémateux. La l'esse du côté opposé ne présente, au contraire, aucune trace de coloration anormale.
10 nmrs. —Grincements de dents surtout la nuiI. Toujours somnolence ou môme coma. Par instants, cependant, la malade se réveille et répond assez nettement aux questions qui lui sont adressées. T. R. 38".
11 mars. — Une véritable cschare a pris sur la l'esse la place de la tache ecchymotique.
13 mars. — L'état ne s'est pas modifié d'une manière notable. Le membre supérieur gauche est toujours complètement inerte. On remarque pour la première fois qu'en faisan! exécuter à ce membre des mouvements passifs, la malade, bien qu'elle paraisse plongée dans un sommeil profond, donne des signes d'une douleur vive. Elle se réveille alors sous l'influence de la douleur et prononce quelques paroles inintelligibles. Ce sont surtout les mouvements de l'épaule qui paraissent douloureux. Ceux du coude et du poignet provoquent aussi de la souffrance, bien qu'à un moindre degré. On constate qu'il existe une légère tuméfaction du membre, mais répandue d'une manière générale et non accusée spécialement au niveau des articulations. La main gauche est d'ailleurs plus chaude et plus colorée que la droite. — On trouve sous le jarret gauche, 30°,3, sous le jarret droit, 34°,2. La température rectale est de 39°, 4; à l'auscultation, on perçoit seulement des râles muqueux abondants au niveau des lobes inférieurs.
14 et 15. — Les douleurs que déterminent les mouvements des diverses articulations du membre supérieur gauche, de répaule surtout, sont toujours très accusés. T. R. 39°, l ; pouls lit) ; respiration à 34, régulière.
1C mars. — Pouls 120 ; T. R. 38", L L'escharc s'est agrandie, le 17et le 18, le coma a été moins profond; la température a baissé (T. R. 38°J. Les douleurs persistent dans le membre supérieur paralysé qui est toujours manifestement plus chaud, plus coloré et plus volumineux que celui du côté opposé.
19 mars,matin. — L'état s'est aggravé. Râle lavyngo-trachéal ; pouls presque insensible; sueurs visqueuses. A la main gauche, les doigts ont une couleur violacée qui n'existe pas de l'autre côté. Coma profond; cependant, la malade se réveille et donne des signes de souffrance très-manifestes quand on meut les jointures du membre supérieur gauche. T. R. 39°, G. — La mort survient le 19, à six heures du soir.
Quinze heures après la mort, on constate ce qui suit : les membres supérieur et inférieur gauches ne présentent pas traces de rigidité cadavérique. La rigidité est, au contraire, très prononcée aux membres du côté droit.
Nécroscopie. — Encéphale. La dure-mère étant incisée, on remarque que la surface convexe de l'hémisphère droit est beaucoup plus saillante et parait plus volumineuse que celle de l'hémisphère. Les circonvolutions sont élargies et de plus elles paraissent aplaties les unes contre les autres comme tassées. Elles sont manifestement plus pâles que celles de l'hémisphère gauche. Il y a donc à la fois hypertrophie et anémie de l'hémisphère droit. — Les artères de la base sont remarquablement saines et exemptes d'athérome.
Immédiatement en arrière du sillon de Rolando, la circonvolution marginale postérieure, à son extrémité supérieure, au niveau de l'étage supérieur des circonvolutions du lobe pariétal, parait relativement très-volumineuse et comme étalée. Une incision transversale fait reconnaître que cette tuméfaction est due à la présence d'une tumeur qui plonge dans l'épaisseur de la substance blanche, et est recouverte par une couche ex.trôme-ment mince de la substance grise de la circonvolution. Cette tumeur, qui a le volume et à peu près la forme d'un gros œuf de pigeon, paraît assez nettement délimitée. Elle est d'une consistance assez dure, comme charnue. Sur la coupe, on y distingue une zone extérieure violacée, de consistance assez friable, finement vascularisée ; au centre, le tissu de la tumeur est de couleur jaune, plus consistant, plus difficile à dilacérer, moins vasculaire,
L'examen hisiologique donne les résultats suivants : partout la tumeur paraît composée de cellules fusiformes, dites flbro-plas-tiques, renfermant toutes un, deux ou même trois noyaux. Il y a aussi des noyaux libres; ceux-ci, comme les noyaux renfermés dans les cellules, portent des nucléoles. Une substance homogène, amorphe, cimente ces divers éléments. Les cellules dans les parties périphériques sont exemptes de granulations graisseuses. Ces dernières sont, au contraire, abondantes dans les parties centrales et même, en certains points, elles paraissent s'être complètement substituées aux éléments cellulaires. Au voisinage de la tumeur, la substance grise, comme la substance blanche du cerveau, n'ont offert aucune altération appréciable. — Toutefois, des préparations de cette dernière substance, colorées à l'aide du carmin, ont paru présenter des noyaux de la névroglie en plus grand nombre que dans l'état normal.
Au bulbe rachidien,la pyramide antérieure ducôté droit,comparée à celle du côté gauche, n'était pas atrophiée. Les éléments qui la constituent ne montraient aucune altération et, en d'autres termes, il n'existait là aucune trace de dégénération secondaire. Les autres viscères n'ont présenté aucune altération digne d'être notée : on a trouvé seulement dans l'un des poumons, qui était fortement congestionné, de nombreux points de pneumonie lobaire.
Dissection du membre supérieur gauche. — Les muscles de la partie antérieure du bras et de l'avant-bras ne diffèrent en rien des muscles correspondants du côté opposé. Ils ont, comme ceux-ci, la coloration, la consistance, le volume normaux. Le nerf médian du côté gauche est un peu plus volumineux, plus consistant que celui du côté droit ; il a aussi une coloration rosée et une injection vive du névrilème qu'on n'observe pas dans l'état normal. D'ailleurs, aucune altération histologique appréciable.
Articulation scapulo-humérale. — La membrane synoviale, tant autour de la cavité glénoïde et de la longue portion du biceps qu'au voisinage de la tête numérale, présente une vascu-larisation normale et, en outre, un épaississement, une sorte Chargot. OEuv. comp. t. ix. Hémorragie cérébrale. i3
(le boursouflement ecchymotique très-remarquable ; çà et là, elle forme au pourtour des surfaces diarthrodiales un repli turgescent, violacé, gorgé de sang, qui rappelle le chémosis. Les cartilages diarthrodiaux présentent une coloration grise toute particulière et paraissent comme imbibés de matière colorante du sang. Ces diverses altérations deviennent surtout frappantes, lorsque les surfaces articulaires de l'épaule gauche sont comparées à celles du côté opposé. — La cavité articulaire contient peu de liquidera surface de la membrane synoviale est plutôt sèche. — il n'y a pas traces de dépôts concrets, de fausses membranes. ( PL. IV. ftg. 5.)
Des fragments de membrane synoviale provenant des points symétriques des articulations scapulo-humôrales droites et gauches, sont traités par l'acide acétique d'abord, puis, par la solution ammoniacale de carmin et portés sous le microscope. A droite, les noyaux de tissu conjonctif sont, comme dans l'état normal peu nombreux et très-distants les uns des autres ; à gauche, au contraire, ils sont très nombreux et très-rapprochés. Il y a eu évidemment, de ce côté, prolifération nucléaire très-active.
Les deux articulations du coude sont ouvertes et comparées l'une à l'autre ; à droite, les surfaces articulaires sont pâles comme dans l'état normal; à gauche, on observe les altérations synoviales qui ont été signalées dans l'articulation scapulo-humé-rale du même côté, mais à un moindre degré. — Le genou gauche présente des altérations analogues bien que moins prononcées, tandis qu'au genou droit, les surfaces articulaires et la synoviale offrent toutes les apparences de l'état sain.
Le début de l'hémiplégie remontait dans ce cas, à plus de trois mois, mais l'inertie motrice ne s'est montrée complète que pendant les douze derniers jours de la vie. A celte époque, il n'a jamais existé de rigidité musculaire ; les membres étaient flasques, tout à fait inertes, et ils retombaient lourdement sur le lit lorsqu'on les abandonnait à eux-mêmes, après
les avoir soulevés. Ses douleurs occupaient exclusivement les jointures des membres paralysés ; elles étaient surtout prononcées à l'épaule. Elles ne se montraient pas spontanément, mais les moindres mouvements imprimés à cette dernière articulation réveillaient la malade, jusque là plongée dans un coma profond, et sa physionomie exprimait alors une vive souffrance. Elles se sont manifestées seulement six jours avant la terminaison fatale, au milieu de circonstances qui méritent d'être relevées. Ainsi l'état général était devenu des plus graves lorsque ces douleurs ont paru. Déjà une plaque ecchymolique, puis bientôt une eschare s'étaient produites sur la fesse du côté paralysé, et la température centrale avait atteint 39°, 4, bien qu'il n'existât aucune inflammation viscérale. Nous reviendrons dans une autre occasion sur l'importance qu'il faut accorder à ces deux symptômes encore peu connus, lorsqu'il s'agit d'établir le pronostic dans l'hémiplégie récente liée à une altération de la pulpe cérébrale (1). Pour le moment, nous voulons nous borner à constater la coïncidence qui a existé entre l'apparition de ces symptômes et celle des douleurs articulaires.
Les lésions articulaires étaient surtout prononcées à l'épaule, qui, pendant la vie, avait été le siège principal des douleurs. Dans cette jointure, la synoviale, rouge, tuméfiée, parsemée d'ecchymoses, formait autour des cartilages diarthrodiaux un bourrelet turgescent, rappelant le chémosis. Des fragments de cette membrane, recueillis sur les points altérés, traités d'abord par l'acide acétique, puis colorés par une solution ammoniacale de carmin, et portés ensuite sous le microscope, montraient des noyaux beaucoup plus abondants et plus rapprochés les uns des autres qu'ils ne le sont dans l'état nor-
1. Charcot. — Note sur la formation rapide d'une escliare à la fesse droite du côté paralysé, dans l'hémiplégie récente de cause cérébrale. (Archives de physiologie, etc. 1868, n° 2, p. 308). — Cette note figure à la page 73.
mal ; de telle sorte qu'on rencontrait ici tous les caractères d'une prolifération nucléaire très active, indice certain d'un travail d'irritation inflammatoire.
Les altérations de la synoviale se sont montrées plus accusées encore, dans l'observation qui va être présentée et qui, comme la première, est relative à un cas de ramollissement du cerveau.
Obs. III. —La nommée Véron,àgée de soixante-six ans, atteinte d'hémiplégie complète, confinée au lit, gâteuse depuis plusieurs mois, et admise à l'hospice de la Salpètrière le 11 novembre 1867. On obtient des parents de cette femme les renseignements suivants : elle a commencé à se plaindre en avril dernier de fourmillements souvent répétés et très pénibles. Au commencement de juillet, elle a perdu tout à fait connaissance pendant quelques instants et à la suite, elle est restée pendant près de quatre heures sans pouvoir parler. En même temps, il s'était produit aux membres du côté droit un certain degré de paralysie qui n'a pas persisté. Le lo août, nouvelle attaque apoplectique plus intense, que la première et plus prolongée. A son réveil, la malade est complètement hémiplégique et elle s'exprime avec la plus grande difficulté. Elle n'a pas quitté le lit depuis cette époque, et son état ne s'est en rien modifié.
Il y a quelques jours, cette femme a commencé à se plaindre pour la première fois, de douleurs vives dans les membres paralysés; de plus, elle a perdu l'appétit et paraît avoir la fièvre. En raison cle ces circonstances, elle est dirigée sur l'infirmerie où elle entre le 28 novembre.
Etat actuel le 29. Hémiplégie droite complète. Le membre supérieur droit est privé de tout mouvement. Il est flasque et retombe inerte quand on l'a soulevé. Pas de traces de rigidité, si ce n'est aux doigts de la main qui sont légèrement flétris. Sensibilité cle ce membre à peu près complètement conservée. La malade souffre de douleurs spontanées, revenant par accès, et auxquelles elle ne sait assigner aucun siège déterminé. Les mou
vements un peu étendus qu'on imprime aux diverses jointures sont une cause de souffrances vives. L'épaule, le coude, les articulations métacarpo-phalangiennes du pouce, de l'index et de l'annulaire paraissent surtout douloureuses. Au niveau de ces deux dernières articulations, les téguments présentent du côté dorsal un gonflement manifeste et une coloration d'un rouge violacé. La température de la main droite (3f °, 5), est plus élevée que celle de la main gauche (35°, o). Température rectale 38° 5.
Le membre inférieur, demi-fléchi, repose sur le lit par sa face externe, les mouvements de flexion et d'extension imprimés à l'articulation du genou sont douloureux. Cette jointure d'ailleurs ne paraît pas tuméfiée. Les autres articulations du même membre peuvent être étendues ou fléchies sans provoquer de douleur.
Les pommettes sont rouges, la langue sèche, le pouls à 100, la peau chaude. On constate tous les signes d'une pneumonie occupant le sommet du poumon droit. Les jours suivants, la situation s'aggrave progressivement. On constate à plusieurs reprises l'existence des douleurs articulaires dont il a été question plus haut : la malade succombe le 8 décembre à une heure du matin.
Autopsie. — Plusieurs noyaux d'hépatisation grise au sommet du poumon droit. De volumineux caillots fibrineux, colorés, se rencontrent dans les diverses cavités du cœur, principalement dans l'oreillette gauche, et se prolongent dans les gros vaisseaux.
Encéphale. Les artères de la base présentent à un haut degré les altérations de l'endartertie noueuse. La sylvienne gauche est complètement oblitérée par un thrombus décoloré et consistant qui s'est formé au niveau d'un point où le calibre de l'artère est rétréci déjà par un noyau athéromateux. Sur l'hémisphère gauche il existe une plaque jaune, déprimée, de 4 centimètres de diamètre environ, occupant la partie postérieure du lobe pariétal. Le ramollissement n'est pas borné aux circonvolutions ; il occupe ,
dans Fétendue d'une petite noix, ta substance blanche sous-jacente.
La partie la plus antérieure du cordon latéral droit de la moelle présente, sur une coupe faite à la région cervicale, une plaque de dégénération secondaire très accusée. A ce point, on constate, à l'aide du microscope, l'existence de nombreux corps granuleux, des granulations et des gouttelettes graisseuses isolées. — Dans l'intervalle existent de nombreux noyaux, disséminés dans une gangue amorphe, qui se colorent par le carmin et des corps amyloïdes. Le cordon latéral du côté opposé ne présente aucune altération appréciable. La dégénération secondaire peut être suivie sur des coupes successives, jusqu'au niveau du renflement lombaire. Les racines des nerfs rachi-diens, examinées comparativement des deux côtés, au niveau du renflement brachial et du renflement lombaire, ne présentent rien de particulier sous le rapport du volume et de la coloration.
Les deux nerfs médians ont été comparés l'un à l'autre. Ils étaient d'égal volume et présentaient la même coloration; l'examen qui a été fait de coupes minces pratiquées sur les fragments de ces cordons nerveux, après macération dans l'acide chromique, n'a pas permis de reconnaître de différence histolo-gique entre nerf droit et le gauche.
Le muscle biceps du côté droit est un peu moins volumineux que celuiducôté gauche ; mais il présente, comme ce dernier, la coloration normale. Après congélation, on constate sur des tranches minces pratiquées perpendiculairement à la direction des fibres, que les faisceaux primitifs du biceps droit offrent une surface de section limitée par un contour anguleux polyédrique. Ils sont comme tassés les uns contre les autres et ne laissent entre eux que de très-petits intervalles. Au biceps gauche, au contraire,les intervalles sont plus considérables et les faisceaux primitifs, d'ailleurs très-notablement plus volumineux que ceux du côté droit, ont un contour arrondi, comme dans l'état normal. Les noyaux clu sarcolemme paraissent dans les intervalles des faisceaux plus nombreux à droite qu'à gauche. D'ailleurs, la
transparence et l'aspect grenu des surfaces de section de ces faisceaux sont exactement les mêmes des deux côtés.
Examen des articulations. — On trouve dans l'articulation du genou droit des altérations remarquables : la membrane synoviale présente çà et là des plaques rouges, plus ou moins larges, fortement vascularisées, surtout prononcées au-dessus et au-dessous de la rotule, et, dans la fossette intercondylienne, à l'insertion des ligaments croisés. Des franges et des villosités synoviales vasculaires et turgescentes se voient en divers points. La cavité articulaire renferme deux cuillerées environ d'un liquide transparent, moins épais, moins visqueux que la synoviale et dont la réaction est légèrement alcaline. Les cartilages diarthro-diaux n'offrent aucune altération appréciable à l'œil nu. Leur surface est réouverte d'une couche mince d'une substance glaireuse, transparente, qui s'enlève aisément avec le dos du scapel et qui, portée sous le microscope, paraît en grande partie composée de minces filaments fibrineux entrelacés et englobant des éléments globuleux qui ont l'aspect et les dimensions de leucocytes. Quand ces éléments ont été traités par l'acide acétique, on voit se former en leur place deux ou même trois noyaux irréguliers et comme ratatinés. Dans le liquide intra-articulaire nagent de longs filaments blanchâtres (quelques-uns atteignent jusqu'au"1, 02 de longueur), de consistance ferme, tenaces, et qui sont également constitués, ainsi que le révèle l'examen microscopique, par un feutrage de fibrilles fibrineuses renfermant dans leurs mailles d'assez nombreux leucocytes. — A gauche, l'articulation du genou n'est nullement altérée ; la synoviale en particulier, présente la pâleur de l'état normal.
Les articulations de l'épaule, du coude, les jointures méta-carpo-phalangiennes, sont examinées à droite et à gauche comparativement. À gauche, les surfaces articulaires sont pâles et d'aspect normal ; à droite, au contraire, on observe dans toutes les articulations qui viennent d'être nommées, une injection vive des synoviales, analogue à celltf qui a été rencontrée dans le genou droit.
Chez cette femme, les lésions articulaires ont été remarquables par leur développement. Non seulement la synoviale était, comme dans les exemples précédents, vivement hypéremiée et hérissée de prolongements villeux de formation nouvelle ; on rencontrait en outre, dans la cavité articulaire, baignées parun liquide d'apparence séreuse, des concrétions membra-niformes, les unes libres, les autres légèrement adhérentes, constituées, en grande partie, par la fibrine à l'état fibrillaire et contenant en assez grand nombre des leucocytes. L'affection articulaire s'est donc présentée ici, douée de tous les attributs caractéristiques qui distinguent l'arthrite avec exsudation séro-fibrineuse et telle qu'on la rencontre, par exemple, dans certains cas de rhumatisme à lente évolution.
D'autres faits intéressants au point de vue qui nous occupe se trouvent encore dans cette observation; il nous suffira de relever les suivants:
En premier lieu, les douleurs articulaires ont commencé à paraître, dans ce cas encore, à l'époque môme où se déclarait un état fébrile accompagné de symptômes graves. L'état fébrile était lié cette fois aune pneumonie. D'après cela, il est vraisemblable qu'un état grave de l'organisme, survenant brusquement, est une condition particulièrement favorable au développement de l'artrhite des hémiplégiques.
En second lieu, les lésions de la dégénération secondaire de la moelle étaient ici très prononcées, tandis que chez la nommée S... (Obs III), elles faisaient absolument défaut. Enfin, il a été expressément constaté que les nerfs du bras paralysé, contrairement à ce qui existait dans les Observations I et II, n'offraient aucune des altérations de la névrite hypertrophique. Il est démontré par là que l'arthrite en question peut se produire sans le concours de la myélite descendante qui succède si fréquemment aux diverses altérations du cerveau; que, de plus, elle ne saurait être ramenée au groupe arthro
pathies consécutives à une lésion des nerfs périphériques.
Les observations qui viennent d'être rapportées ont été choisies parmi beaucoup d'autres du même genre, parce qu'elles montrent Y arthrite des hémiplégiques dans son type de complet développement et dégagée de toutes les circonstances qui peuvent en obscurcir les symptômes. Douleurs articulaires vives, quelquefois accompagnées de rougeur et de tuméfaction des parties molles, lorsqu'il s'agit de jointures superficielles; lésions inflammatoires, en général très-prononcées de la synoviale; tels sont les phénomènes que nous avons eu à signaler jusqu'ici. Il importe de reconnaître que les cas aussi accentués sont plutôt exceptionnels; et il est incontestablement plus fréquent de voir l'affection rester latente ou, tout au moins, ne se révéler que par des symptômes relativement obscurs en même temps que les lésions anato-miques sont elles-mêmes à peine ébauchées. D'ailleurs, l'intensité des symptômes est loin d'être toujours proportionnée à celle des lésions, ainsi qu'on pourra s'en convaincre par l'exemple suivant :
Obs. IV. Jean-Marie F..., marchande ambulante, âgée de 69 ans, est admise, le 25 janvier 1867, salle Sainte-Rosalie, n° 13, infirmerie de la division des incurables, à la Salpêtrière. Cette femme est retenue au lit depuis plusieurs mois par une affection du genou gauche. Ce dernier est considérablement tuméfié, douloureux, rigide ; les mouvements de l'articulation sont impossibles. Lors de l'entrée à l'infirmerie, on constate un affaiblissement notable des facultés intellectuelles; selles involontaires. Le membre supérieur gauche paraît un peu plus faible que le droit; la malade peut cependant porter sa main gauche à sa tête. Les articulations du bras et de l'avant-bras gauche ne paraissent pas être le siège de douleurs. Le 16 février 1867, F... se plaint de ne plus pouvoir se servir de ce membre. Elle
ne peut plus, en effet, lui imprimer que des mouvements très-obscurs. 11 retombe presque inerte, lorsqu'on l'abandonne après l'avoir soulevé; il est d'ailleurs flaque et sans traces de contracture. Il n'y a eu ni perte cle connaissance, ni convulsions épileptiformes, ni céphalalgie.
Les choses restent à peu près dans le même état jusqu'au 10 avril. À cette époque, on note que l'état général s'est progressivement aggravé depuis plusieurs jours; une plaque livide s'est produite sur la fesse gauche. L'appétit a diminué et la malade a refusé de manger ce matin. Il y a un peu de délire : pas de somnolence, plutôt un peu d'excitation. Réponsesvagues et embarras notable dans la prononciation. La face et les yeux paraissent constamment dirigés vers le côté droit; rigidité du muscle sterno-cléïdo-mastoïdien gauche. Les plis de la joue, du menton et des ailes du nez sont effacés à gauche, et en même temps la commissure labiale est, à droite, déviée en dehors et en haut. La pointe de la langue, tirée en dehors de la bouche, est manifestement portée vers la gauche. Le membre supérieur gauche est flasque, inerte. Le poignet et le dos de la main sont volumineux; la peau présente là une coloration• d'un rouge livide, Il y a de l'œdème et l'impression produite par les doigts persiste pendant longtemps. Ces parties sont en même temps remarquablement plus chaudes que les parties correspondantes du côté opposé. Les mouvements provoqués dans les diverses articulations du membre supérieur paralysé ne paraissent occasionner que de légères douleurs. Cependant, la peau n'est point privée de sensibilité, et quand on la pince, il y a des marques de souffrance. Température rectale, 37°, à.
11 avril. — L'état s'est aggravé. Délire bruyant, langue sèche, pouls 108, peau chaude; soif. T. R. 38°, 4. — La malade ne paraît pas souffrir lorsqu'on meut les diverses jointures du membre paralysé.
12 avril. — Les membres du côté pa/alysé sont toujours beaucoup plus chauds que ceux du côté opposé. L'état est d'ailleurs le même qu'hier.
13 et 11 avril. — L'état ne s'est pas modifié. T. R. 38°, 5. — Il
s'est produit à la fesse gauche une eschare, là où il existait ces jours passés une tache ecchymotique.
15. Stupeur, somnolence, peau chaude et moite. Temp. r. 39°, 4; pouls 109.
16 avril. Pouls, 120. T. R. 39°, 2.
17 et 18. Alternances de somnolence et d'agitation avec délire.
19. Depuis hier soir, coma profond. T. R. 40°, 6. La malade succombe ce jour là à deux heures après midi.
20 avril. A dix heures du matin : Absence cle rigidité cadavérique dans les membres supérieur et inférieur du côté gauche. La rigidité est, au contraire, bien accusée dans les membres du côté droit.
Nécroscopie. — Ostéosarcome volumineux de l'extrémité inférieure dn fémur gauche. — Ramollissement blanc, violacé, occupant la substance blanche du centre ovale et ayant envahi, la presque totalité du lobe pariétal. Hémisphère du côté opposé tout à fait normal. Les artères de la base de l'encéphale et leurs principales divisions sont tout à fait saines ; nulle part leur calibre n'est obstrué par des caillots fibrineux. Les sinus de la dure-mère sont également libres. Le bulbe rachidien et le cervelet ne présentent aucune lésion appréciable.
De petits noyaux cancéreux se voient sur la face convexe du foie. — De petites masses cancéreuses sont aussi disséminées dans les poumons qui sont un peu congestionnés. Le cœur, l'aorte, la rate, les reins, n'ont pas offert d'altération.
Articulation scapulo-humérale gauche. Injection vive avec tuméfaction et coloration violacée par places de la membrane synoviale, manifeste surtout dans la portion de cette membrane qui se réfléchit sur le col humerai et au pourtour de la cavité glénoïde. L'articulation correspondante du côté droit ne présente aucune altération appréciable.
Les deux articulations radio-carpiennes ont été ouvertes et comparées l'une à l'autre; à gauche, la membrane synoviale est surtout injectée, tuméfiée, hérissée de prolongements villeux,
au pourtour des cartilages diarthrodiaux. (Pl. IV, fig. 1 et 2.) Ceux-ci présentent un reflet bleuâtre très remarquable. A droite, au contraire, cette teinte bleuâtre n'existe pas et la membrane synoviale est partout mince et pâle. Après Faction successive de Facide acétique et de la solution ammoniacale de carmin, des fragments de membrane synoviale pris sur des points correspondants des deux articulations radio-carpiennes sont portés sous le microscope et comparés entre eux. A gauche, les noyaux sont très nombreux et rapprochés les uns des autres ; à droite, au contraire, ils sont beaucoup plus rares (Pl. IV, fîg. h et o).
Les deux nerfs médians ont paru présenter le même volume et la même coloration.
Les tendons de l'extenseur commun des doigts de la main gauche, dans la partie où ils sont recouverts par le ligament dorsal du carpe, sont sillonnés à leur face postérieure par de nombreux vaisseaux fortement distendus par le sang. (Pl. VI, fîg. 6.) Ces vaisseaux siègent principalement dans l'épaisseur de la membrane fibro-séreuse qui, en ce point, recouvre les tendons et facilite leur glissement et peut-être aussi dans les cloisons du tissu lamineux interposé aux faisceaux tendineux.
Les douleurs articulaires étaient ici à peine marquées, et cependant, les altérations de la synoviale étaient très prononcées ; ces lésions peuvent même rester absolument latentes, ainsi que je l'ai observé plusieurs fois.
L'état hypérémique que présentaient, dans ce cas, les gaines séreuses des fendons du muscle extenseur commun des doigts au niveau du ligament dorsal du carpe, mérite d'être noté. J'ai rencontré une altération analogue des gaines tendineuses, concurremment avec la lésion des synoviales articulaires, chez plusieurs autres sujels frappés d'hémiplégie à la suite d'un ramollissement du cerveau.
Par tout ce qui précède, l'existence d'une affection particulière des jointures des membres paralysés, survenant chez
les sujets frappés d'hémiplégie, en conséquence d'une lésion cérébrale, nous paraît suffisamment établie, et nous pouvons essayer actuellement de résumer les principaux traits de cette affection. Il s'agit là, en définitive, d'une synovite subaiguë avec végétation, multiplication des éléments musculaires et fibroïdes qui constituent la séreuse articulaire, augmentation du nombre et du volume des vaisseaux capillaires qui s'y répandent, mais, habituellement, sans hypersécrétion notable (Obs. I et II). Il s'y adjoint cependant parfois, dans les cas intenses, une exsudation séro-fibrineuse qui peut devenir assez abondante pour distendre la cavité synoviale, et à laquelle peuvent se trouver mêlés en proportion variable des leucocytes (Obs. Ilï). Les cartilages diarthrodiaux, les parties ligamenteuses n'ont paru présenter jusqu'ici aucune lésion concomitante, du moins appréciable à l'œil nu. Par contre, les gaines synoviales tendineuses, au voisinage des jointures principalement lésées semblent prendre part au processus inflammatoire, quoiqu'elles se montrent quelquefois vivement hypérémiées (Obs. IV). Rappelons que la névrite hypertrophique est un accompagnement fréquent, mais nullement nécessaire, de l'affection articulaire dont il s'agit.
En ce qui concerne les symptômes, il y a lieu de remarquer que l'arthrite des hémiplégiques peut demeurer souvent latente, dans l'acception rigoureuse du mot (Obs. IV), ou encore ne se révéler guère que par des douleurs articulaires obscures, tantôt seulement provoquées par les mouvements imprimés au membre, tantôt se manifestant en outre spontanément. Mais d'autres fois, au contraire, les jointures sont rouges, tuméfiées, chaudes, douloureuses à un haut degré et telles en un mot, qu'on les observe dans le rhumatisme articulaire (Obs. I). Plus souvent liée au ramollissement du cerveau qu'à l'hémorrbagïe infra-encéphalique, cette arthrite paraît se développer de préférence à une époque assez bien déter
minée de la maladie à laquelle elle se surajoute ; c'est-à-dire, lorsque le début de celle-ci a été nettement accusé, de trois à six semaines environ après l'attaque. Elle peut sans doute se montrer plus tôt; jamais toutefois, si j'en juge d'après les observations cliniques et nécroscopiques que j'ai recuillies, avant le douzième jour. Elle peut se montrer aussi beaucoup plus tard et alors, fréquemment, à l'occasion d'une complication viscérale inflammatoire ou d'une exacerbaiion de l'affection cérébrale (Obs. II et III). Mais je suis porté à croire que ces deux derniers cas sont plutôt exceptionnels. Quoi qu'il en soit, une fois développée, elle peut persister pendant plusieurs semaines, ou même pendant plusieurs mois, présentant une série indéfinie d'exacerbations et de rémissions (1). En l'absence de la tuméfaction et de la rougeur, assez exactement localisée dans la jointure, et s'exaltant par les mouvements qui déplacent les surfaces articulaires, fera distinguer le plus souvent l'arthrite des hémiplégiques de la névrite qui l'accompagne fréquemment, et, à plus forte raison, des sensations pénibles de tout genre dont les membres paralysés peuvent être le siège apparent, mais qui ne dépendent pas cependant d'une lésion matérielle des parties périphériques.
Quelle est la raison physiologique du développement de cette affection qui se limite d'une manière si frappante aux articulations des membres atteints d'hémiplégie à la suite d'une lésion cérébrale ? Sur cette question nous serons
1. Il n'est question clans ce travail que de l'arthrite telle qu'on l'observe dans l'hémiplégie récente ou n'ayant pas dépassé, tout au moins, le cinquième ou le sixième mois. Dans l'hémiplégie plus ancienne, il n'est pas rare de rencontrer clans les jointures des lésions plus ou moins profondes, et bien différentes de celles dont il s'agit ici ; ces lésions sur lesquelles j'ai appelé l'attention ailleurs (Leçons sur les maladies des vieillards, etc. Paris, 1890, p. 186), me paraissent relever surtout de l'influence de l'immobilité longtemps prolongée.
brefs, et il nous suffira de montrer qu'elle ne peut recevoir encore, dans l'état actuel de la science, une solution entièrement satisfaisante.
L'analyse des circonstances étiologïques permet d'éliminer l'influence de l'inertie fonctionnelle, ou repos prolongé, puisque l'arthrite peut s'établir de bonne heure, 16 jours à peine après l'attaque, dans les cas où la paralysie étant restée incomplète, les jointures affectées n'ont pas cessé d'exécuter quelques mouvements (Obs. I et II). Il est permis d'écarter également l'influence de la névrite hypertrophique, celle de la myélite descendante secondaire, puisque ces deux lésions peuvent faire complètement défaut (Obs. Il et III), alors que l'arthrite est au contraire parfaitement développée. L'intervention d'une cause diathésique, telle que le rhumatisme ou la goutte, est enfin, dans l'espèce, évidemment inadmissible. Reste donc la lésion du cerveau ; mais par quelle voie, suivant quel mécanisme exercera-t-elle, à distance, son action sur les jointures ?
On sait que, dans l'hémiplégie à début brusque, consécutive au ramollissement ou à l'hémorrhagïe du cerveau, les membres frappés d'inertie motrice présentent habituellement, d'une manière permanente, au moins pendant les quatre ou cinq premiers mois qui suivent l'attaque, un certain degré de tuméfaction, une coloration plus prononcée des téguments, appréciable surtout à la paume delà main (1), et en même temps une température plus élevée que les membres du côté sain. Suivant l'opinion qui semble aujourd'hui généralement acceptée, ces phénomènes dépendraient de la paralysie d'un certain nombre de filets nerveux vasculo-moteurs prenant leur origine dans l'encéphale et subissant, en un point quelconque de l'axe médullaire, une décussation analogue à celle
1. Charcot. — Sur les modifications de la caloriftcation et delà nutrition dans l'hémorrhagie (Gaz. hebdom., 11 juillet 1867.)
que subissent, au niveau du bulbe, les filets moteurs proprement dits (1). Il se produirait, en pareil cas, une hypérémie neuro-paralytique comparable à celle qu'on observe, chez les animaux, à l'une des extrémités inférieures après la section du nerf sciatique, ou encore à la face après la section du nerf grand sympathique au cou. A cette assimilation des faits cliniques aux faits acquis par l'expérimentation physiologique, nous ne croyons pas qu'on puisse, quanta présent, opposer aucune objection sérieuse ; mais après avoir admis l'hypéré-mie neuro-paralytique, pour le cas des membres atteints d'hémiplégie à la suite du ramollissement ou de l'hémorrhagie du cerveau, toutes les difficultés ne sont pas, cependant, encore écartées. Nous ne voyons, pas en effet, qu'on puisse, de cette condition une fois acceptée, déduire, simplement et d'une manière immédiate, la perversion des actes nutritifs qui se manifeste fréquemment dans diverses parties des membres atteints d'hémiplégie et, en particulier, dans les jointures ; car il est démontré que la paralysie vasculo-motrice, déterminée chez les animaux par une lésion expérimentale, peut persister pendant plusieurs mois, sans qu'il s'ensuive le moindre trouble de nutrition dans les tissus des parties hypéré-miées. Les troubles de nutrition, l'inflammation, en particulier, n'apparaissent jamais dans ces parties, qu'à la suite d'une lésion traumatique, — à la vérité souvent fort minime, — ou encore d'une modification plus ou moins profonde, survenue dans l'état général du sujet (2). Au contraire, dans le cas d'hémiplégie, suite d'une lésion du cerveau, l'arthrite et
1. Polet. —Etude sur la température des parties paralysées. (Gaz. hebdom. 5 avril 1867, p. 210.)
2. Cl. Bernard. — Leçons sur la physiologie et la pathologie du système nerveux, t. II, p. 535. Paris, 1858. — Influence of Nervous system on absor-tion in. (Med. Times and Gazette, p. 79, t. Il, 1861). — Brown-Séquard, Course of lectures on the ï'hysiology and Pathology of the Central Nervous System, I p. 174. Philadelphia, 1860. ' " J
la névrite des membres paralysés se développent spontanément ou, tout tiu moins, sans l'intervention d'une cause extérieure appréciable, et c'est seulement dans ces circonstances rares que l'on voit, ainsi que cela s'est présenté dans quelques-unes de nos observations (Observ. Il et III), — ces affections se manifester à l'occasion d'une complication viscérale grave qui débilite l'organisme et l'ébranlé dans son ensemble.
11 y a donc là, dans l'interprétation, une lacune qu'il importait de signaler, mais qui ne peut manquer d'être comblée quelque jour ; car, assurément, à moins de placer l'homme en dehors des lois communes, on ne saurait accepter qu'il puisse exister une contradiction réelle entre les faits que révèle la clinique et ceux qu'enseigne la physiologie expéri-, mentale.
Chaucot. Œuvr, compl. t. ix, Hémorr. céréb. et hypnotisme, 14
DEUXIÈME PARTIE
Métalloscopie, Métallothérapie, Hypnotisme, etc.
ÉTUDES PHYSIOLOGIQUES DE L'HYSTÉRIE
213
1.
Études physiologiques de l'hystérie. — Action des applications métalliques, des aimants, des courants galvaniques faibles, sur l'anesthésie des hystériques et sur l'anesthésie cérébrale par lésion organique. — Métalloscopie ; métallothérapie (1).
Depuis plus de 25 ans, M. 'JBurq avait tenté, à de nombreuses reprises, dans divers hôpitaux de Paris, la démonstration des faits qu'iLa. découverts, et groupés sous les noms de métal/oscopie, métallothérœpie\ mais il n'était parvenu à recueillir que des adhésions isolées, lorsque, dans l'été de 1876, il vint demander à M. Charcot l'autorisation de tenler une dernière épreuve dans son service de la Salpêtrière. L'autorisation fut accordée. M. Charcot, bientôt édifié sur la réalité d'un grand nombre des faits annoncés par M. Burq, jugea utile de leur donner la consécration d'un témoignage collectif. Sur son initiative, la Société de biologie nomma une commission composée de MM. Dumontpallier, rapporteur, Luys et Charcot, président. Toutefois M. Charcot avait, dès le début, reconnu dans l'œuvre de M. Burq deux parties bien distinctes et de valeur inégale. La première, toute d'obser-
!.. Extrait do VExposé des titres scientifiques de M. Gharcot, 1883, p. 144.
vation directe, comprend les phénomènes immédiats déterminés pour la majeure partie sur des hystériques frappées d'anesthésie, par l'action des métaux sur la surface cutanée; c'est la métalloscopie proprement dite. L'autre partie ou mé-tallothérapie serait l'application au traitement de l'hystérie des données fournies par la première. Ici, outre que la validité de la déduction est contestable, la question se trouve naturellement entourée de difficultés inhérentes à toute expérimentation thérapeutique.
La commission de la Société de biologie a divisé son travail conformément à ces vues. Dans un premier rapport déposé en octobre 1877, elle s'est occupée spécialement delà métalloscopie qu'elle a en quelque sorte légitimée et à propos de laquelle fut découvert un fait physiologique important : le transfert. Un deuxième rapport, lu au mois d'août de cette année (1878) complète le premier et donne, avec les réserves nécessaires, les résultats de quelques observations de la métallothérapie.
En dehors de sa participation aux travaux de la commission, M. Gharcot s'est préoccupé de donner une base scientifique au genre de recherches inauguré par M. Burq. Le point de vue auquel il s'est placé est celui-ci : les phénomènes dits métalloscopiques peuvent être obtenus à l'aide d'agents divers. Il faut d'abord rechercher quelle est, pour tous ses agents, la condition physique commune et essentielle ; il y a ensuite à étudier les modifications physiologiques qui résultent de la présence de cette condition. Le problème est double : physique et physiologique ; en le supposant résolu, il y aurait lieu de déterminer les conséquences pratiques qui en découlent.
Voici l'indication sommaire des principaux résultats obtenus jusqu'à ce jour, d'une part, par la commission de la Société
de biologie et, d'autre part, par M. Charcot dans ses recherches particulières faites soit isolément, soit en collaboration avec MM. Regnard, Vigouroux et Ri cher dans le laboratoire de la Salpêtrière.
Faits de pure observation. A. Vérification rigoureuse des assertions de M. Burq en ce qui concerne l'action des métaux dans fanesthésie hystérique et les aptitudes métalliques individuelles. (Premier rapport, 1877 et Charcot-, Leçon faite à la Salpêtrière, le 31 décembre 1877, reproduite ci-après, p. 233).
B. Etude faite pour la première fois de cette action des métaux sur l'anesthésie des organes des sens spéciaux : ouïe, vision, odorat, goût. (Travail collectif de la commission 1er rapport).
C. Etude particulière des modifications que subit l'achro-matopsie hystérique sous F influence des applications métalliques. Les couleurs sous l'influence d'une application métallique sur la tempe du côté correspondant à l'œil affecté d'achromatopsie, recommencent à être perçues et bientôt après cessent de l'être, suivant un ordre de succession invariable pour chaque malade. Cet ordre, dans tous les cas, est conforme à l'un des deux types établis par l'observation.
Voici dans quel ordre, chez la majorité des malades atteints d'achromatopsie complète, la notion de chaque couleur se rétablit sous l'influence de l'application métallique : la notion du bleu se rétablit d'abord, puis reparaît la notion du jaune, celle de l'orangé, du rouge, du vert et enfin du violet. En pareil cas, les couleurs cessent d'être perçues dans l'ordre suivant : violet, vert, rouge, orange, jaune et bleu. Dans un second groupe de malades c'est la notion du rouge qui reparaît en premier lieu : puis celle de l'orange, du bleu, du
vert et enfin du violet. La disparition des couleurs dans ce type se fait dans l'ordre suivant : violet, vert, bleu, orangé, jaune et, en dernier lieu, rouge. On voit que l'ordre d'apparition et de disparition successives des couleurs est le même sans exception, pour les malades des deux catégories, en ce qui concerne le violet et le vert. Constamment le violet est la couleur qui disparaît la première et reparaît en dernier lieu. (Charcot, Galezowski, Landolt, Charcot et Regnard. Société de biologie, i 9 et 26 janvier 1878.)
D. Djécojwerj duj ert (!)• ïJÏl disparition de l'anes-thésie sensorielle ou sensitivo dans une partie; sous l'influence de l'application métallique; est liée à la disparition simultanée de l'une ou de l'autre espèce de sensibilité, dans une étendue égale de la région.,symétrique de l'autre côté de la ligne médiane. (Travail collectif de la commission, 1er rapport. — En ce qui concerne le phénomène du transfert dans l'achromatopsie, Voir Charcot; Gazette des hôpitaux, n° 7, 14 mars 1878.)
E. Découverte de l'anesthèsie métallique. L'application du métal ou des métaux auxquels elles étaient sensibles fait reparaître l'anesthèsie chez les malades qui ont cessé depuis un certain temps de présenter ce phénomène, ou chez celles qui, ne l'ayant pas encore présenté, sont simplement sous l'influence de la diathôse hystérique. Même résultat lorsque l'application est faite sur le côté sain; dans le cas d'hémia-nesthésie. (Travail collectif de la commission, 2e rapport; et Charcot, Gazette des hôpitaux, 1878.)
1. Dans les lignes qui précèdent, il n'a été parlé que de la sensibilité en vue d'abréger cet exposé; mais ce qui est dit doit s'entendre également de la force musculaire, de la température, de la tonicité des petits vaisseaux dont les modifications suivent une marche généralement parallèle.
F. Lo. transfert a lieu également pour l'anesthésie métallique. (2e rapport, 10 août 1878.)
G. Étude comparative de certains faits de métalloscopie, d'hypnotisme et d'hystérie. (Voir Gamgee, professeur de physiologie àOwen's College. Manchester. Récit d'expériences faites à la Salpêtrière en présence de plusieurs médecins français et étrangers. (British med. Journal, 12 octobre 1878.)
II. Observations et expériences relatives à la théorie des phénomènes. A. Courants £ctóaT[es déterminés par les ajj-HÌLCaM2!lLìE5MiÌ31i s' leur mesure. (Regnard. Soc. de Biol., janv. 1877 et 1er rapport.)
B. Les courants de même intensité que les précédents ont la même action physiologique que les métaux. Détails relatifs à l'influence du degré d'intensité pour les courants très faibles. (Regnard. Loc. cit. et 1er rapport.)
C. Au-delà d'un certain degré (un Daniel), ]es courants de toute intensité proflui en généralement les effets des applications métalliques. (Regnard, Vigouroux, laboratoire de la Salpêtrière et Société de Biol., 1878.)
D. Un pôle de la pile isolée, même d'un seul élément, et la platine très faiblement polarisés ont des effets analogues. Modification de l'action des courants par l'emploi d'électrodes impolaxisabies. (Vigouroux, laboratoire de la Salpêtrière et Soc. de Biol., octobre 1877.)
E. Modification des suspensions de l'action des métaux par un simple changement dans leurs conditions électriques.
Plaques revêtues d'un corps isolant sur une de leurs faces ; superposition de deux métaux différents, etc. L'intervention d'un second métal peut prolonger indéfiniment l'action obtenue à l'aide d'un premier ou par tout autre agent de même ordre. (Vigouroux, laboratoire de la Salpètrière, Soc. de Biol. avril et octobre 1877, août 1878.)
F. Les barreaux aimantés produisent sûrement et éner-giquement les effets des applications métalliques. Ils agissent à distance (un, deux, trois centimètres et plus). L'approche d'un seul pôle suffit. La ligne neutre est sans action. (Charcot, Vigouroux, laboratoire de la Salpètrière et Soc. cle Biol., 23 février et 1er mars 1878.)
G. Les éleetro-ainlants et les solénoïdes agissent exactement comme les barreaux aimantés. (Charcot et Regnarcl, laboratoire de la Salpètrière, Soc. de Biol., G juillet 1878.)
H. Vélectricité statigue agit de même, mais son action est plus énergique et moins passible des variations individuelles. (Charcot et Vigouroux, laboratoire de la Salpètrière, Soc. cle Biol., fév. et mars 1878.)
K. Les phénomènes dits métalloscopiques sont obtenus par différents autres moyens, par exemple les vibrations d'un cor£s sonnre. (Vigouroux, Progrès méd., n° 39, 1878.)
III. Applications thérapeutiques et cliniques des notions 'précédentes. Les effets des applications métalliques, des courants faibles, des aimants et des solénoïdes, ne sont pas propres à l'hémianesthésie hystérique, ils se font sentir également dans les cas d'hémianesthésie cérébrale par lésion organique.
A. Deux cas d'hémianesthésie de cause organique et de date ancienne, guéris par l'application des plaques de métal. (Charcot, 1er rapport; Landolt et Oulmont, Progrès mécl., 1877, n° 20.)
B. Nouveau cas d'hémianesthésie liée à une lésion organique du cerveau (hémorrhagie cérébrale). Rétablissement immédiat de la sensibilité sous l'influence d'un électro-aimant. (Charcot et Vigouroux, laboratoire de la Salpêtrière et Société de Biologie, et Gaz. des. Hop., mars 1878.)
C. Autre cas du même ordre. Même résultat avec le barreau aimanté. (Voy. Progrès médical, 1878., n° 29. Charcot, laboratoire de la Salpêtrière.)
IT.
Notes et observations sur la métalloscopie et la métallothérapie.
Métallothérapie. — Métalloscopie du Dr Burq (1).
« Je désire faire à la Société une simple communication sur des recherches dont elle sera saisie ultérieurement plus en détails. Il s'agit des recherches de M. Burq sur la cure de certains phénomènes hystériques, notamment l'anesthésie, la contracture, parce qu'il a appelé la métallothérapie.
« L'anesthésie est un phénomène commun dans l'hystérie ; parfois même tout un côté du corps est frappé. Si dans ce cas on vient à appliquer sur un membre une série de pièces de 20 francs reliées entre elles, au bout d'un quart d'heure, de vingt minutes, la malade sent parfaitement. Si on pique alors la malade, elle crie, elle sent dans une zone de 5 à 6 centimètres autour du point où on a placé la pièce d'or. 11 y a des personnes sensibles au zinc, d'autres au cuivre ou à l'or.
« Ce phénomène, le rétablissement de la sensibilité, dure quelquefois quelques heures ou parfois toute une journée.
« Jusqu'ici j'avais clé entraîné à croire que laméfallolhéra-pic ne reposait pas sur des bases bien solides, j'étais incrédule. Un jour, cependant, ma conviction s'est faite, et voici comment : Me trouvant près d'une hystérique de mon service, je voulus montrer à mes élèves l'étendue de ces zones aiieslhé-siques. Je la piquai fortement, mais au lieu d'une insensibilité complète, comme j'étais habitué à l'observer, je trouvai une sensibilité très manifeste; la malade criait; elle me dit : Mais ce n'est plus comme Jes utres fois, M. Burq a passé ce matin. Je me fis donner quelques explications. M. Burq, avant ma visite avait appliqué à cette malade des plaques métalliques.
« Les effets de l'application externe de l'or sont multiples : la température s'élève, la sensibilité reparaît, la force dyna-nométrique du membre augmente.
« A quoi sont dûs ces phénomènes, est-ce à l'électricité ? 11 n'est pas facile de résoudre cette question. 11 se passe là des phénomènes électriques évidents, la déviation de l'élec-tromètre le démontre; mais est-ce à ces phénomènes que sont dues ces actions si singulières ?
« Quoiqu'il en soit, le point fondamental des expériences de M. Burq est donc exact.
« J'ai vu, de plus, des anesthésies datant de dix ans, dues à des lésions cérébrales, montrer la môme série de phénomènes; des applications de pièces d'or ont produit les mômes phénomènes que chez les hystériques. Je suis jusque-là avec M. Burq, mais sans aller plus loin.
« M. Burq croit que les malades qu'il désigne sous le nom de sensibles à l'or (pour rappeler les phénomènes décrits plus haut), peuvent guérir par l'or pris à l'intérieur.
« J'ai mis entre les mains de M. Burq une malade atteinte de contracture hystérique qui ne datait que de quinze jours. Sur l'avis de M. Burq, on lui déposa sur son membre environ 1000 francs d'or.|La contracture, bien que très récente,persista.
« En résumé, l'application de l'or l'ail disparaître l'anesthèsie ; la malade reste sensible pendant trois ou quatre heures, un jour au plus, et bientôt l'anesthèsie reparaît. Il se passe là une série de phénomènes hors de proportion avec tout ce qu'on pouvait croire de prime abord,
( Du reste, MM. Dumontpallier, Luys, Charcot, font des recherches sur ce sujet; des physiciens ont été consultés et invités à faire la constatation des phénomènes électriques qui se produisent dans ces occasions. »
A l'occasion du procès-verbal de la séance du 13 janvier 1877, M. Charcot ajoute (séance du 20 janvier) les remarques suivantes sur l'application des métaux dans les anes-thésis ;
« Ces recherches qu'on ne peut appeler métallothérapiques, puisque ces applications métalliques ne produisent que des phénomènes passagers, ont déjà attiré, à une époque déjà éloignée, l'attention d'hommes éminents. Trousseau entre autres s'y était intéressé ; il fit même sur ce point une leçon clinique dont une des conclusions est que les applications métalliques peuvent servir de moyen de diagnostic; cela n'est pas exact. Je puis citer à l'appui de mon dire deux cas dTiémichorée avec hémianesthésie, qui relèvent de lésions anciennes. Ce sont des malades connus et éprouvés; l'anesthèsie est permanente et n'a jamais varié. L'application des métaux a réussi absolument comme dans les cas d'hystérie ; seulement la persistance de la sensibilité a été plus longue.
« Une autre, hémianesthésique depuis trente ans, a été examinée récemment à ce point de vue. J'ai pu constater que la sensibilité n'est revenue qu'au bout de trois heures; dans les cas ordinaires, c'est au bout de trois-quarts d'heure, une heure, que la sensibilité revient.
« M. Charcot rend compte ensuite des recherches qui sont faites à la Salpêtrière sur ce qu'on appelle la métallothérapie. M. Rahuteau, dans la dernière séance, expliquait l'action des pièces d'or parleur double composition or et cuivre, et pensait que l'or absolument pur ne pouvait donner lieu à aucun phénomène électrique de ce genre. J'ai interrogé M. Burq à ce sujet et il m'a dit que l'or pur n'éLait pas sans action. J'ai essayé moi-même, dans un cas d'hémianesthésie de cause cérébrale, une plaque d'or aussi pur qu'il est possible de l'avoir, et j'ai obtenu une réapparition de la sensibilité ; dans ces faits d'hémianesthésie, on sait qu'il y a non-seulement paralysie de la sensibilité générale, mais encore des organes des sens : ouïe, vision, odorat, goût. J'ai voulu voir si l'anes-thésie des organes des sens cédait à l'emploi des métaux. Une moitié de la langue, insensible à la coloquinte, avant l'expérience, devenait parfaitement sensible après l'application d'une plaque de fer sur l'organe.
« J'ai fait quelque chose d'analogue pour l'odorat; j'ai appliqué un métal sur l'aile du nez du côté anesthôsique, et j'ai pu voir réapparaître la sensibilité de ce côté.
« Des expériences analogues sur la vision et l'ouïe sont très difficiles à réaliser et un peu complexes.
« Dans toutes ces expériences, l'application métallique n'a été faite que sur des anesthésies parfaitement caractérisées; je réponds des résultats obtenus.
« Les cas d'hystérie que j'ai examinés sont des cas parfaitement établis. Une femme qui reste huit ans avec un membre contracture n'est pas une femme qui simule ; une femme qui se laisse transpercer le bras sans sentir est parfaitement anes-thésique; du reste, les faits d'hémianesthésie absolue sont au-dessus de tout scepticisme. »
Observations cliniques sur la métallothérapie (1).
« L'année passée, à la même époque, dit M. Charcot, j'entretenais, pour la première fois, la Société des faits de métallos-copie dont j'avais été témoin dans mon service. Depuis, les études se sont multipliées sur cette question et il est inutile de rappeler ici les résultats vraiment inattendus, auxquels on est arrivé. M. Burq est alors intervenu, et on sait que la métallothérapie est sa préoccupation dominante.
« Sans doute, les méthodes thérapeutiques d'allures bizarres n'inspirent tout d'abord que bien peu de confiance. Toutefois, j'ai confié au docteur Burq quatre hystériques de mon service, quatre hystériques de premier ordre. Trois étaient sensibles à l'or, une au cuivre. Elles ont été soignées suivant la méthode du docteur Burq ; les malades sensibles à l'or furent traitées au chlorure d'or et de sodium ; la malade sensible au cuivre, au sulfate de cuivre et à l'eau de Saint-Christaii. A mon retour des vacances, j'ai trouvé ces malades complètement guéries de leur anesthésie. Une avait présenté une rechute dont l'importance, dans l'espèce, est facile à comprendre ; une autre malade appartenant à cette catégorie d'hystéro-épileptiques, que M. Briquet appelle hystéro-épi-leptiquesà crises séparées, a guéri des crises hystériques, tout en continuant à présenter les accès épileptiques.
(( On pourra toujours objecter qu'il s'agit là d'hystériques dont on sait le goût et l'aptitude à la simulation. Quoi qu'il en soit, je signale ces faits comme je les ai vus, comme les ont vus, avec moi, MM. Bouley, Béclard et tous les médecins qui ont suivi les travaux de la commission qui fonctionne dans mon service à la Salpêtrière. »
M. Charcot fait la communication suivante : « Je me propose, dans la prochaine séance, de présenter àla Société de biologie une jeune femme hystérique, atteinte en même temps d'amblyopie et d'hémianesthésie plus considérables d'un côté du corps que de l'autre côté. Aujourd'hui, comme préface à cette présentation, je dirai quelques mots sur l'ensemble des faits du même genre, que j'ai eu l'occasion d'étudier.
« La connaissance des troubles de la vision chez les hystériques est déjà ancienne ; elle a été signalée par M. Briquet. Depuis, M. Galezovvski a constaté que les hystériques voient mal les couleurs, et que l'œil de ces malades, particulièrement du côté où l'anesthésie est achromatopsique ou dys-chromatopsique, il a perdu la faculté de distinguer une ou plusieurs couleurs.
« On sait que, dans l'état normal, les différentes parties du champ visuel rétinien ne sont pas également aptes à percevoir les couleurs. M. Landolt a prouvé récemment que le violet est perçu par la partie centrale de la rétine, et que les autres couleurs sont réparties autour de ce cercle central, dons des zones concentriques d'inégale largeur, et disposées, de dehors en dedans dans l'ordre suivant : bleu, jaune, orangé, rouge, vert, violet (au centre). Or, chez les hystériques amblyopiques, le champ Arisuel est rétréci, et il est rétréci surtout du côté où l'on constate l'anesthésie. Ce fait, constaté par M. Landolt, permet de comprendre le mé-
1. Société de Biologie, 1877, pp. 405, 406.
Charcot. Œuv. compl. t. rx, Hypnotisme. 16
MÉTALLoriIÉRAPIE (1).
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canisme cle la disparition des couleurs. Le champ visuel diminuant déplus en plus, la couleur centrale, le violet, finira par disparaître. Si cette diminution continue, le vert disparaît à son tour, et ainsi de suite jusqu'au bleu, cpii pourra disparaître également. Les amblyopiques peuvent perdre ainsi la notion d'une ou plusieurs couleurs, et, dans un degré avancé de la maladie, toutes les couleurs cesseront d'exister pour eux ; ils verront tous les objets en teinte grisaille ou sépia.
« Ce mode de disparition des couleurs n'est pas constant, ainsi que M. Landolt l'avait pensé tout d'abord. Une hystérique a perdu d'un côté la notion d'une couleur du prisme ; de l'autre côté, elle ne voit plus une couleur différente. Chez quelques malades, la sensation du rouge persiste, alors que la notion du jaune et du bleu s'est éteinte.
« Lorsque la guérison de l'hystérie a lieu, les achromatop-siques recouvrent la notion des couleurs dans l'ordre inverse cle celui de leur disposition.
« L'influence de la métalloscopie sur Yachromatopsie n'est pas moins intéressante que celle qu'elle possède sur l'anesthèsie hystérique. L'application des plaques métalliques de M. Burq, sur les régions anesthésiées, fait reparaître les couleurs absentes dans l'ordre inverse de leur disparition, en même temps qu'elle rappelle la sensibilité. Lorsqu'on cesse d'appliquer ces plaques, les troubles de la sensibilité et l'achromatopsie ne tardent pas à revenir.
(dl est un autre fait bien intéressant encore : chez certaines malades hystériques et hémianesthésiques, antérieurement, mais qui n'ont pas de symptômes d'hystérie anesthésique, l'application, sur la partie anciennement anesthésiée, des plaques métalliques, auxquelles la malade était sensible, ramène l'anesthèsie. Ainsi, une malade, qui était sensible à l'or, n'a plus aujourd'hui de trace d'anesthésie ; si on place la
plaque d'or sur la partie anciennement insensible, l'insensibilité se reproduit. En même temps qu'elle, les troubles disparus de la vision reparaissent également, et la malade redevient achromatopsique pendant la durée de la métallothé-rapie. Tous ces phénomènes ont lieu des deux côtés : mais, ainsi que je l'ai déjà dit pour d'autres faits, ils sont plus manifestes du côté anesthésié que du côté opposé. Chez certains malades, la couleur rouge est celle qui est ramenée la première par la métallothérapie.
Tous ces caractères de l'achromatopsie ne sont pas propres à l'hystérie. On sait qu'à la suite de lésions de la partie postérieure de la capsule interne, peut-être de l'extrémité du rayonnement de cette partie postérieure, il survient de l'hé-mianesthésie en même temps que de l'hémiplégie. Or, dans ces cas, on observe également de l'achromatopsie. Rien de semblable n'a lieu lorsque l'anesthésie est d'origine spinale. Il semble donc que, chez les hystériques hémianesthésiques, l'achromatopsie a pour cause une lésion cérébrale. Le traitement par la métallothérapie donne le même résultat dans les deux cas, avec cette différence que les troubles d'origine hystérique peuvent reparaître sous l'influence delà métallothérapie, tandis que les mêmes troubles d'origine cérébrale, une fois guéris, ne se reproduisent pas sous cette même influence. »
Troubles de la vision chez les hystériques.
M. Gharcot (1) présente une malade à laquelle il a tait allusion dans, sa communication de la séance précédente.
« Cette jeune femme, mercière de son état, est hystérique
depuis longtemps : elle a eu des crises convulsives, des douleurs ovariques, etc. De plus, elle a été complètement liémia-nesthésique de tout le côté droit du corps, tronc, membres et tête. Aujourd'hui, l'hémianesthésie est limitée à la région temporo-frontale droite; dans cette région, la malade ne sent pas, en effet, la piqûre d'une épingle, tandis qu'elle sent cette excitation dans les parties voisines. Les troubles hystériques convulsifs et anesthésiques existaient, lorsque la malade s'aperçut qu'elle ne pouvait plus reconnaître certaines couleurs des rubans qu'elle avait à fournir. Il y avait amblyopie, ainsi que le constata M. Fieuzal. Plusieurs couleurs ne pouvaient être perçues par l'un ou l'autre œil. La dyschromatopsie existe des deux côtés ; mais elle est plus marquée du côté droit, c'est-à-dire du côté où persiste rhémianesthésie dans la région temporo-frontale. L'ouïe, l'odorat et le goût ont été également affectés.
« Cette malade appartient à cette série que M. Charcot appelle série bleue. Elle est du nombre des hystériaues chez lesquelles la couleur bleue occupe la zone concentrique externe du champ visuel, et chez lesquelles, par conséquent, le bleu disparaîtrait après toutes les autres zones colorées.
« M. Charcot met successivement sous les yeux de la malade des cartons colorés représentant chacun une couleur du spectre, et disposés suivant ordre normal indiqué par M. Lan-dolt, c'est-à-dire de dedans en dehors : violet, vert, rouge, orangé, jaune, bleu. L'œil gauche étant fermé, l'œil droit ne voit plus le violet, le vert ni le rouge; les trois couleurs centrales ont disparu, alors que les autres couleurs sont toujours vues par cet œil. L'œil droit est fermé à son tour, et l'on constate que l'œil gauche ne voit pas le violet, niais voit les autres couleurs. Il y a acliromatopsie du côté gauche et dyschromatopsie à droite.
« Ces faits constatés. M. Charcot applique Sur le front de la
malade un appareil formé de quatre pièces; d'or cousues sur une bande d'étoffe. Les pièces, qui sont des pièces de 20 francs, sont en contact immédiat avec la peau. Deux minutes plus tard, après la production d'un peu de mal à la tctc, le violet peut être vu par l'œil gauche ; Je violet et le rouge sont vus par l'œil droit. La couleur rouge est revenue la première, le vert ensuite, puis enfin le violet. La dysclirpjnj plus.
« On maintient lcs laq ues d'or en contact avec le front7 et il se produit un phénomène inverse. Les couleurs cessent d'être vues aussi bien du côté droit que du côté gauche, elles disparaissent du centre â la périphérie, le violet d'abord, le bleu en dernier lieu. Les deux yeux sont entièrement achromatiques. M. Burq a donné à cette période le nom à'anesthésie de retour, parce que l'hémianesthésie se reproduit en même temps que les couleurs spectrales disparaissent.
« Le bandeau avec ses pièces est enlevé. Une minute et demie à deux minutes plus tard, la couleur bleue reparaît dans les deux yeux, puis, après elle, le jaune et l'orangé. Les zones rouge et verte reviennent dans l'œil gauche, mais le violet n'y revient pas. Quant à l'œil droit, la zone verte et le cercle violet n'y renaissent pas.
« Lorsqu'une couleur disparue commence à revenir, elle est d'abord reconnue aux angles des cartons colorés ; ce n'est que quelques instants plus tard que la partie centrale des cartons est vue sous sa couleur réelle. Enfin, il existe pour la vision de ces couleurs un point dont la distance varie de quelques centimètres, et qu'il faut trouver par tâtonnement. C'est là ce qui explique l'hésitation de la malade à nommer quelquefois du premier coup une couleur qu'elle peut reconnaître. »
1. Société de Biologie, 1878, p. 44.
.-Action des aimanjÌ sur divers trourles hystériques (1).
M. Charcot communique à la Société le résultat de nouvelles expériences qu'il a faites à la Salpêtrière sur dos femmes atteintes de grande hystérie. Ces malades sont les mêmes qui ont servi à M. Charcot, pour ses recherches sur la métalloscopie; ce sont les cas types dans lesquels il existe une hémianesthésie complète absolue.
« En consultant les mémoires de l'ancienne Société de médecine, M. Charcot a trouvé des travaux de Thouret et d'An-dry, relatifs à l'action du magnétisme sur certains états pathologiques. Ces travaux sont très intéressants, et il a pu déjà s'assurer que quelques affections névralgiques sont vraiment modifiées par le magnétisme, ainsi que l'avancent les auteurs qu'il vient de citer. M. Vigouroux, qui s'occupe, comme on le sait, des recherches sur le magnétisme, a fait à la Salpêtrière des recherches qui démontrent l'action des aimants sur l'hémianesthésie des hystériques et M. Charcot, en faisant lui-même ces expériences, a pu s'assurer de l'exactitude des faits observés par M. Vigouroux. Voici comment on procède :
« Un barreau aimanté est approché à un demi-centimètre de la partie anesthésiée du bras par exemple, et, afin d'éviter d'une façon certaine tout contact entre la peau et l'aimant, on interpose entre les deux une feuille de papier. Le premier effet ressenti par le malade est une impression de froid, dans bipartie de la peau voisine de l'aimant; mais alors, il y a déjà rougeur de la peau; un instant plus tard, la sensibilité renaît dans ces points où s'est produite l'impression du froid et où la rougeur s'est manifestée.
« Si, alors, on examine la pirtie symétrique de la peau du côté opposé, on voit que cette partie est devejiuaaaestMsiqae, de saine qu'elle était auparavant.
« L'application, sur la peau du front, des pôles des barreaux aimantés produit les mêmes effets que la métalloscopie. Ainsi la jeune malade, présentée dernièrement par M. Charcot à la Société de Biologie, a été soumise au magnétisme : au bout de cinq à six minutes, toutes les fonctions troublées sont revenues, comme on les a vus renaître par l'action des plaques métalliques.
Si l'on prolonge le contact des pièces métalliques avec la peau, il y a, comme on le sait, une période de réaction pendant laquelle les phénomènes de retour à l'état normal cessent. Eh bien ! il en est de même avec les aimants. L'apparition des couleurs disparues a lieu par l'effet de l'aimantation comme par l'effet des plaques métalliques. Enfin, les phénomènes qui suivent la cessation cle l'aimantation sont semblables à ceux que l'on observe après l'enlèvement des plaques métalliques.
« M. Charcot remet à la Société une note de M. Vigouroux concernant des faits du même genre que ceux dont il vient d'entretenir la Société, et dans laquelle on trouvera des détails plus circonstanciés ; il ne doute pas que, grâce à ces recherches persévérantes, on arrive à une théorie satisfaisante des phénomènes nerveux chez les hystériques.
cM. Vigouroux a commencé, en outre, dans le service de M. Charcot, une série de recherches sur les mêmes malades, mais en employant l'électricité statique. Il a installé un appareil très puissant, qui peut donner des étincelles de 25 cent, de longueur, et avec lequel il a fait des recherches sur les mêmes malades qui ont été soumises au magnétisme et à la métalloscopie. Ces malades étant placées sur un tabouret isolant, on fait passer sur elles le courant de l'appareil d'élec
tricité statique, courant que l'on constate par l'apparition de l'aigrette lumineuse. Deux expériences de ce genre ont été faites par M. Vigouroux, chez des hystériques achromatop-siques : les couleurs disparues sont revenues chez ces malades, sous l'influence des plaques métalliques et de l'aimant. M. Vigouroux va poursuivre ces expériences avec activité, ainsi que M. Regnard, et les résultats de leurs recherches seront communiqués par les auteurs à la Société de Biologie.
« On a élevé des doutes sur la valeur de ces faits et je dois dire que j'ai pris toutes les précautions possibles, afin de me mettre en garde contre les causes d'erreur. Les gens les plus experts ont pu les vérifier et ils ont reconnu que toute critique était dénuée de fondement. Les malades à l'étude sont fortement atteintes ; elles n'ont pas que des symptômes passagers, fluctuants et par conséquent la disparition de tels symptômes permet de reconnaître avec la plus grande netteté les modifications qu'elles subissent. »
III,
De la métallos copie et de la métallothérapie (1).
I.
Messieurs,
Qu'est-ce que la métallothérapie 1 Je serai bref sur ce sujet, mais j'espère vous en dire assez pour vous faire connaître les traits essentiels.
Il y a à distinguer la métallothérapie interne, et la métallothérapie externe.
La métallothérapie externe est la première en date. Elle consiste dans l'application des métaux sur le corps des malades. La métallothérapie interne consiste dans l'administration à l'intérieur, des métaux, dont l'application extérieure préalable a produit certains effets significatifs.
Vous le voyez au premier coup d'œil, il y a comme un abîme entre la métallothérapie externe et la métallothérapie interne. Vous allez pouvoir décider tout à l'heure si cet abîme existe réellement.
Avant d'entrer dans le détail delà métallothérapie, je dois vous parler de la métalloscopie qui en est pour ainsi dire la partie préliminaire. Voici en quoi elle consiste (j'envisagerai
l. Extrait de la Gazette des hôpitaux, 7 et 14 mars 1878,
seulement l'emploi, cle la métalloscopie et cle la métallo thé-rapie dans l'hystérie, bien que, d'après M. Burq, elles soient applicables dans d'autres maladies) : il s'agit, étant donnée une hystérique, de Ç*ejirmin
certains phénomènes dont je vais vous taire connaître le détail et qui, en conséquence, uTvâhTM. Burq, est approprié à son état. Ainsi la métalloscopie n'est autre chose que la recherche du métal qui doit avoir une action spéciale sur cette hystérique et en particulier sur les phénomènes d'amyosthénie et d'anesthésie qu'elle présente.
Tous ces faits, comme l'idée théorique qui les relie entre eux, appartiennent à M. Burq ; d'où le nom de Burquisme que l'on commence, et c'est justice, à employer comme synonyme de métallothérapie. Cependant, il existe dans la science quelques faits antérieurs d'application des métaux chez les hystériques.
L'observation de ce genre la plus ancienne que je connaisse se trouve dans l'ouvrage de Wichmann (Ideen zi/r Diagnostik), publié en 1778. Il s'agit d'une hystérique chez laquelle les convulsions et les contractures étaient calmées instantanément par l'application d'objets en fer. On s'était assuré que ces objets de fer n'agissaient pas simplement par leur température, par la pression qu'ils déterminaient, etc. ; d'ailleurs, aucun autre métal que le fer ne produisait d'effet analogue sur la malade en question. Wichmann fait remarquer que son observation date de 1769, époque à laquelle, dit-il, il n'était pas encore question de mesmérisme. Wicke [Monographie des grossesses. Saint-Weit, Tours, 1844), donne le tableau des essais tentés dans cette voie par différents auteurs et surtout par Sachs, éditeur et commentateur de Wichmann (1827). Nous y voyons qu'on a employé comparativement plusieurs métaux contre les différents symptômes de l'hystéri - et qu'on a cherché à les classer suivant leur effi
cacilé relative. Ces tentatives ne paraissent pas, d'ailleurs, avoir eu de retentissement dans le monde médical et sont tombées clans un oubli complet.
Vous remarquerez qu'ici, il n'est question ni de ce que M. Burq appelle l'idiosyncrasie métallique (en verLu de laquelle le métal apte à produire des effets donnés est toujours le même pour chaque individu, mais variable pour des individus différents) , ni de la relation nécessaire entre les effets physiologiques produits par l'application externe du métal et l'action curative du même métal donné à l'intérieur. Or, ce sont là les deux points fondamentaux de la nouvelle doctrine.
Vous voyez que l'historique de la question se réduit à peu de chose ; car, je ne considère comme afférents au sujet ni les anneaux deParacelse, ni le perkinisme, etc.
Étant admis ce fait de l'idiosyncrasie métallique, comment arrive-t-on à reconnaître le métal approprié? 11 faut pour atteindre ce but, se livrer à une série de recherches. On commence par essayer le métal qui réussit le plus communément à modifier certains phénomènes de l'hystérie, c'est-à-dire le fer, d'après M. Burq ; on passe ensuite en revue les autres métaux, le zinc, le cuivre, l'or, l'étain, etc., si l'on n'a pas réussi avec le premier.
Voici comment on opère : étant donnée une hémianes-thésique gauche, après avoir constaté, par exemple, qu'en lui transperçant la peau avec une aiguille, on ne provoque chez la malade aucune manifestation de sensibilité, vous appliquez du côté anesthésié, généralement sur l'avant-bras, une plaque métallique, de l'or si vous voulez.
Il n'est pas besoin pour cela d'appareils spéciaux ; il suffit, s'il s'agit de l'or par exemple, de prendre un ou deux louis, de les fixer sur une petite bande et de les maintenir ainsi en contact avec la peau.
Voici alors ce que l'on observe, si la malade est sensible au
métal dont on l'ait choix, à l'or, dans l'espèce: au bout d'un temps qui peut varier de quelques secondes à quinze ou vingt minutes, suivant les sujets, la malade vous avertit qu'elle sent son bras comme engourdi ; alors, si vous piquez la peau au voisinage de la bande, vous voyez que la sensibilité commence à revenir. C'est le premier stade de la disparition successive des phénomènes anormaux, de l'anesthésie entre autres. Vous remarquez en môme temps un certain nombre d'autres particularités. La peau rougit et les piqûres qui, avant l'application du métal, restaient à peu près exsangues, se mettent à saigner abondamment. De plus, je suppose qu'avant l'expérience, vous ayez fait serrer le dynamomètre à la malade, et que vous ayez constaté qu'elle donnait un chiffre très bas, 15 ou 20 kilogrammes, par exemple (car l'hémia-nesthésie hystérique est toujours accompagnée d'amyosthénie), après l'application du métal, vous remarquerez que la malade donne, au dynamomètre, 30 ou 40 kilogrammes, qu'elle est devenue, par conséquent, forte comme un homme. L'amyos-thénie a disparu en môme temps que l'anesthésie.
Tels sont les phénomènes dont nous avons maintes et maintes fois constaté la réalité, en présence de MM. Luys, Dumontpallier et de plusieurs autres médecins qui ont pris intérêt à ces expériences.
Maintenant, de deux choses l'une : ou vous continuez l'expérience, ou vous l'arrêtez aussitôt après la réapparition de la sensibilité. Si vous la continuez, c'est-à-dire si vous laissez le métal appliqué sur la peau, il se passe un phénomène très singulier sur lequel j'appellerai tout à l'heure votre attention d'une manière toute spéciale. Si vous continuez à piquer la peau, vous vous apercevez qu'à un moment donné, la sensibilité, qui était revenue, disparaît de nouveau, c'est-à-dire que l'anesthésie se reproduit avec tous ses caractères premiers et se montre même quelquefois plus complète qu'avant l'ap
plication du métal. Ainsi, s'il y avait, avant l'application, seulement de l'analgésie, vous pouvez obtenir, après l'expérience, une anesthésie complète. Il se passe là un phénomène que vous allez voir se produire, d'une manière indépendante, dans une autre circonstance. C'est ce que M. Burq appelle V anesthésie de retour.
Si, au contraire, vous enlevez le métal au moment où vous avez obtenu la réapparition de la sensibilité, cette sensibilité persiste pendant quelques heures et quelquefois pendant un jour ou deux. De plus, elle finit par se généraliser. Ainsi, alors que vous n'aviez obtenu la réapparition de la sensibilité que sur le bras, vous la voyez s'étendre progressivement sur tout le côté du corps qui, avant l'expérience, était le siège de l'hémianesthésie. Mais c'est là un phénomène temporaire chez les hystériques ; bientôt, elles retombent dans l'anesthèsie.
Un autre phénomène dont je vais vous rendre témoins, que M. Burq ne connaissait pas, et qui est bien de nature à établir que tous les faits dont je parle ne peuvent pas s'interpréter par cet état que les physiologistes anglais désignent quelquefois sous le nom iXattention expec tante, c'est le phé-noraè ne du ({'fut s fer tj 1 ).
1. 11 sora utile de rappeler dans quelles circonstances fut constatée, pour la première fois, l'existence de ce curieux phénomène. Dans nue de ses séances, la. commission de la Société de biologie étudiait l'effet des applications métalliques sur les organes des sens. M. Gellé notait les variations de l'acuité auditive, aux différents temps des expériences et se servait pour cela de son tube interauriculaire. Ce mode de procéder dorme toujours l'acuité auditive pour les deux oreilles; comparativement, en examinant les chiffre.- recueillis, M. Gellé s'aperçut que l'oreille du côté sain perdait en acuité auditive à peu près ce que gagnait l'oreille du coté anesthésique, sous l'influence du métal. En d'autres termes, il n'y avait pas de bénéfice proprement dit, mais un simple transfert (c'est le mot qui fut aussitôt adopté), d'un côté à l'autre. Il fut vérifié, sénnee tenante, qu'il s'agissait là d'un fait général et que la compensation se faisait régulièrement, d'un côté à l'autre, pour tous les genres de sensibilité du moins chez tes hystèriefues.
Beaucoup de nos collègues anglais ont été témoins des expériences métalloscopiques de M. Burq; ils les connaissent très bien, ils en admettent l'exactitude ; seulement, quelques-uns d'entre eux inclinent à croire que ces faits relèvent de Vattention expectante. 11 suffit, vous le avez, un„oJ3serya-teur de concentrer son attention jmr un poinjjjej n. corps cl d'imaginer que tel ou tel phénomène subjectif doit 'j j)xoduire, pour que ce phénomène ait, en réalhé jiujsl manifester. Si vous pensez au chatouillement qui peut se produire sur un point de xrotre bras, vous ressentirez vraisemblablement, sur la partie désignée par l'attention, un chatouillement effectif. Nos collègues pensent donc que les phénomènes de sensibilité qu'on observe chez les hystériques, dans l'application métalloscopique, sont des faits du même genre.
Je ne crois pas que cette théorie soit applicable dans l'espèce ; mais les objections qui émanent d'hommes distingués méritent toujours d'être prises en considération. Je ne veux pas, pour le moment, entreprendre la réfutation en règle de l'explication proposée. Je me bornerai à indiquer quelques-uns des arguments qui me paraissent pouvoir lui être opposés.
Je relèverai d'abord que des malades tout à fait inconnus, que l'on voit pour la première fois et que l'on soumet à ces expériences, se trouvent être sensibles les unes à l'or, les autres au zinc, d'autres à un autre métal. Il est difficile de penser qu'elles fassent délibérément le choix d'un métal : j'ajouterai que la plupart d'entre elles sont absolument ignorantes de tout ce qui concerne l'effet des applications métalliques. Mais parmi les faits propres à infirmer la théorie de l'attention expectante, l'un des plus importants, peut-être, est le phénomène du transfert.
Supposons une malade hémianesthésique à gauche et complètement sensible à droite. Vous appliquerez l'or sur le bras
gauche et vous constaterez que la sensibilité revient chez elle sous l'influence du métal. Eh bien, si vous explorez la sensibilité dans le point du bras droit, qui correspond symétriquement à celui où vous avez appliqué l'or sur le bras gauche et où la sensibilité est revenue, vous reconnaissez qu'il s'est produit en ce point une insensibilité complète. Il s'est fait là une sorte de balancement ou si vous l'aimez mieux, de déplacement, qui est bien un des phénomènes les plus singuliers qu'aient révélés les applications métalliques. Tel est le transfert, phénomène que le hasard seul a fait découvrir et que les malades ne sauraient ni inventer ni simuler.
11 est encore un phénomène dont je vais vous rendre témoins et qui plaide dans le même sens que le précédent. Il est relatif à Vamblyopie hystérique sur laquelle j'appelai votre attention dans la dernière séance. Vous savez que chez les hystériques il existe, du côté de riiémianesthésie, une am-blyopie dont un des caractères est Vachromatopsie, c'est-à-dire le rétrécissement du champ visuel pour les couleurs, rétrécissement qui peut aller assez loin pour que les malades, ayant perdu totalement la notion des couleurs, ne voient plus les objets que sous l'aspect où il sont représentés dans une aquarelle à la sépia. De plus, il y a à noter un fait particulier que les couleurs disparaissent dans un ordre constant. Ainsi, le violet disparaît le premier, ensuite le vert, le rouge et enfin le bleu que les malades peuvent voir jusqu'au dernier terme de l'accomplissement du phénomène, alors qu'elles ont perdu la notion des autres couleurs.
Voilà un fait dont une malade hystérique ne peut guère soupçonner l'existence ; il m'arrive à moi-même, qui le connais depuis longtemps, de me tromper sur l'ordre des couleurs, ordre qui n'est pas, vous le voyez, celui qu'elles affectent dans le spectre.
Voici une malade hystérique, hémianesthésique et amblvo-pique du côté gauche; vous reconnaissez que, de l'œil gauche, elle a perdu la notion des couleurs. Cette malade est sensible à l'or, ainsi qu'on l'a reconnu par une exploration préalable. Une plaque de ce métal est appliquée sur la tempe gauche. Un quart d'heure s'est écoulé depuis l'application ; nous faisons passer successivement des papiers de différentes couleurs devant l'œil tout à l'heure frappé d'achromatopsie. Vous voyez que la notion des couleurs revient dans l'ordre indiqué, c'est-à-dire dans l'ordre inverse de sa disparition. C'est le bleu qu'elle voit en premier, puis le jaune, l'orange, le rouge ; c'est ensuite le tour du vert ; le violet est perçu en dernier lieu. Je vais vous faire remarquer que quelques malades présentent une exception à la règle générale, en ce sens que la notion du rouge reparaît régulièrement chez elles avant celle du jaune et du bleu. Mais je le répète, c'est là une exception : quoi qu'il en soit, on peut affirmer que dans la règle, le vert et surfout le violet sont les couleurs dont la notion revient en dernier lieu.
Si maintenant nous enlevons la plaque métallique, nous constatons dans quelques instants que la perception des couleurs cesse dans l'ordre suivant : le violet disparaît d'abord, puis c'est le tour du vert, puis du rouge, puis du jaune. Le bleu persiste jusqu'au dernier terme. Enfui, il disparaît à son four et l'œil se trouve de nouveau dans l'état où il était, lorsque la malade nous a été présentée.
Il faut se presser un peu pour bien saisir toutes les phases du phénomène, parce que, quelquefois, la réapparition de la sensibilité pour les couleurs, sous l'influence de l'application métallique, se fait avec une très-grande rapidité. C'est, vous le voyez, une expérience frés-démonstrative, qui réussit, en général, très-bien, et que nous avons bien des fois vérifiée.
Voici une autre malade hystérique chez laquelle tous les phénomènes de la maladie se sont remarquablement amendés sous l'influence du traitement. Elle n'a plus d'hémianesthésie depuis longtemps, il n'y a pas eu de crises convulsives, mais est-elle complètement guérie ? A-t-elle cessé d'être sous l'influence de la diathèse ? N'est-elle point exposée à voir sous l'action de la première émotion les accidents nerveux reparaître ?
Quelques observations que nous avons laites ici récemment, nous portent à croire qu'il existe peut-être un critérium pour juger la question. Il s'agit d'un fait qui, si je ne me trompe, ne manque pas de portée et d'avenir.
Notre malade était sensible à l'or. Nous lui appliquons quelques pièces d'or sur le bras gauche. Le côté gauche du corps était dans le temps tout à fait insensible. Quinze ou vingt minutes se sont écoulées depuis l'application. Vous constatez qu'actuellement, notre malade se plaint de malaises, d'inquiétude, puis s'engourdit et il s'en faut de peu qu'elle ne s'endorme en votre présence. Nous allons piquer son bras. Vous voyez que la sensibilité, qui était tout à l'heure à l'état normal, est présentement complètement abolie.
Il y a lieu de penser que la malade est encore sous le coup de la diathèse, qu'elle n'est pas, en d'autres termes, solidement guérie.
Gela rappelle un peu ce que je vous ai dit de l'action de l'éther, qui se traduit par des phénomènes semblables à ceux de l'attaque hystérique. Lorsque le sujet est, en effet, sous le coup de cet état diathésique, il semble, vous disais-je, que l'éther soit un réactif propre à mettre en relief les Cuarcot. Œuv. compl. t. ix, Hypnotisme. 16
phénomènes de l'hystérie restés latents. Par la métallos-copie, dans les conditions indiquées tout à l'heure, c'est un résultat analogue que vous obtenez.
Si, au contraire, la malade est complètement et solidement guérie, elle cesse de pouvoir être influencée par ces mêmes applications métalliques auxquelles elle était autrefois sensible. Tel est le fait remarquable qui semble ressortir de quelques observations que nous avons recueillies récemment.
Je puis, d'ailleurs, mettre sous vos yeux, un nouveau cas propre à mettre en évidence le singulier phénomène de l'anesthésie métallique.
Je vous présente une jeune fille de la ville, qui est venue nous consulter ici et qui, à la suite de convulsions hystériques vulgaires, a été prise, il y a quatre ou cinq mois, d'hémianesthésie et d'ovarie du côté droit. Elle nous a été adressée par M. le docteur Fieuzal, pour une amblyopie qui, contrairement à ce qui a lieu chez la plupart des hystériques, était double et à peu près aussi prononcée d'un œil que de l'autre. 11 y avait diminution de l'acuité visuelle et elle ne pouvait plus distinguer les couleurs, ce qui l'empêchait d'exercer sa profession de mercière.
M. le docteur Fieuzal avait déjà reconnu que l'application de pièces d'or sur le côté anesthésié faisait revenir la sensibilité, et il nous avait envoyé la malade pour avoir notre avis sur l'opportunité, chez elle, de l'administration de For à l'intérieur. Le médicament a été, en effet, administré depuis un mois et aujourd'hui, la malade distingue très-bien toutes les couleurs. L'anesthésie qui occupait le côté droit et les crises ont disparu. C'est un résultat remarquable, mais je ne crois pas aune guérison solidement établie. En effet, nous avons eu recours au critérium que vous savez. Hier, nous avons appliqué sur le front de la malade un bandeau de pièces d'or. Au bout d'un quart d'heure elle a commencé à n'engourdir.
et, en môme temps, nous avons constaté que la perception des couleurs disparaissait dans Tordre successif que je vous indiquais à l'instant, c'est-à-dire en commençant par le violet et en finissant par le bleu. Nous avons recommencé aujourd'hui cette expérience devant vous, et nous avons constaté de nouveau ce phénomène si curieux de la disparition des couleurs dans un ordre déterminé, et cet autre fait que quand une malade est encore sous le coup de la diathèse, vous pouvez en appliquant le métal môme qui autrefois faisait cesser les troubles de la sensibilité, provoquer leur réapparition et mettre, pour ainsi dire, en évidence la diathèse cachée.
En voilà assez sur la métalloscopie ; passons maintenant à la métallotliérapie.
Nous avons établi que certaines malades hystériques sont sensibles les unes aux applications du cuivre, les autres aux applications du fer, de For, du zinc, etc. Ce sont là des faits dont je crois pouvoir répondre, dont j'ai témoigné avec MM. Dumontpallier et Luys devant la Société de biologie, et dont pour une partie, je vous ai rendus témoins vous-mêmes. Ils sont curieux et intéressants au premier chef; mais ils ne nous ont servi jusqu'à présent qu'au diagnostic de ce que M. Burq appelle l'idiosjmcrasie métallique. Il s'agit pour nous maintenant d'aborder le problème de la métallotliérapie, c'est à-dire du traitement par les métaux de l'hystérie grave. C'est ici que commencent les difficultés sérieuses., c'est ici qu'existe entre M. Burq et nous un fossé qu'il a essayé de nous faire franchir, dans les conditions queje vais vous dire.
Je ne m'arrêterai pas sur la métallotliérapie externe,"'parce -que M. Burq a, je crois, une tendance à la mettre sur le second plan par rapport à la métallo thérapie interne et que d'ailleurs, je n'ai à son sujet aucune expérience personnelle.
Autrefois, dans ses premières études, voici comment il traitait l'hystérie. Après avoir reconnu qu'une malade était sensible à un métal donné, il appliquait tous les jours des armatures faites avec ce métal sur les différentes parties du corps, de manière que la malade ressemblait aux chevaliers du moyen-âge, bardés de cuirasses et de brassards.
On s'est amusé, dans le temps, de ce traitement; je ne sais pas pourquoi, car il en est certainement de beaucoup plus singuliers et auxquels on passe condamnation ; quoiqu'il en soit, cette application métallique avait pour effet de ramener tout d'abord un peu de sensibilité. Mais lorsque le métal restait appliqué, cette sensibilité disparaissait bientôt et les phénomènes morbides s'exagéraient momentanément. Les malades éprouvaient une sorte de malaise, d'engourdissement, de somnolence, comme dans les cas auxquels je faisais allusion tout à l'heure. Puis on remarquait, au bout d'une quinzaine de jours, que la plupart des phénomènes permanents de l'hystérie s'atténuaient ou même disparaissaient. 11 y avait là une guérison temporaire. Au bout d'un certain temps, les phénomènes se produisaient et il fallait recommencer un certain nombre de fois pour arriver à une guérison définitive. Cela pouvait durer plusieurs mois.
Voilà en quoi consistait la métallothérapie externe. Je ne connais pas bien cette méthode, ne l'ayant pas appliquée moi-même et n'ayant pas eu occasion d'en constater les effets thérapeutiques.
III.
Voici maintenant en quoi consiste \sL étallotkérapie ifp jjyjiï- Vous avez pratiqué la métalloscopie et vous avez reconnu la sensibilité des malades à un métal déterminé., fer,
or, cuivre, zinc, etc.. La. métallothérapie interne consiste tout simplement à administrer aux malades ces métaux à intérieur, le, p)ns, s UYftMÎ: sous 1:1 |V»nn(' soluble. Ainsi, par exemple, pour l'or, nous nous sommes servi d'une solution de chlorure d'or et de sodium, renfermant un centigramme de médicament par vingt-cinq gouttes. C'est une solution d'une belle couleur jaune, transparente, qui n'a pas mauvais goût et que les malades acceptent très-bien. Nous en faisons prendre dix gouttes avant chaque repas dans un quart de verre d'eau distillée. Et l'on augmente progressivement les doses. Nous ne donnons pas d'autre médicament.
Si la malade a été reconnue sensible au cuivre, c'est à l'acétate de cuivre en solution, par gouttes dans l'eau distillée, qu'on a recours, ou bien à l'eau de Saint-Christau, qui, comme vous le savez, contient du cuivre. Si elle est sensible au zinc, vous lui administrez de la même manière, du sulfate de zinc, ou une des nombreuses préparations de fer que vous connaissez, si elle est sensible au fer.
Que se produit-il à la suite de l'administration des métaux à l'intérieur. ?
Lorsque M. Burq est venu me parler de la métallothérapie interne, et me dire qu'il guérissait les malades en donnant le métal à l'intérieur, je n'ai dit ni oui ni non; j'ai dit ; c'est possible, nous le verrons bien.
J'ai à cœur de me tenir éloigné autant que possible du scepticisme arbitraire qui conduit trop souvent à l'ignorance pédantesque, et de la crédulité naïve, la foi de charbonnier, comme disent quelquefois les allemands. C'est entre ces deux écueils également dangereux que l'observateur doit savoir s'orienter.
Si quelqu'un venait me dire qu'il sait guérir le cancer, sans
me départir bien entendu de mon devoir de surveillance et de contrôle je lui donnerais accès dans les salles de la Salpètrière, où se trouvent un grand nombre de femmes atteintes de cette terrible affection.
Justement, c'est la conduite que j'ai tenue à l'égard de M. Burq, lorsqu'il m'assura qu'il tenait en main un traitement efficace de l'hystéro-épilepsie. Je lui offris de mettre en œuvre sa méthode sur quatre femmes atteintes de cette maladie, admises dans la maison depuis dix ans en moyenne, que j'ai montrées maintes et maintes fois, et dont beaucoup de médecins très-compétents, connaissent parfaitement l'histoire pathologique; c'étaient en un mot des malades de premier choix, atteintes d'hystéro-épilepsie grave au premier chef, et invétérée. Sur ces quatre malades, M. Burq en trouva trois sensibles à l'or et une sensible au cuivre. Aux trois qui étaient sensibles à l'or, nous avons donné, suivant au pied de la lettre les errements de M. Burq, la solution de chlorure d'or et de sodium ; à celle qui était sensible au cuivre, nous avons donné le cuivre, d'abord sous la forme d'oxyde de cuivre en poudre, ensuite sous la forme d'eau de Saint-Christau.
Cela se passait au mois de juillet. J'étais occupé de mon cours à la Faculté. Les vacances sont survenues, sans que j'aie prêté grande attention à ces malades, autrement qu'en m'assurant qu'elles prenaient régulièrement leurs médicaments. En reprenant mon service, au mois d'octobre, je commençai à les examiner de plus près et je dois déclarer que j'ai été, non pas étonné, puisque cela aurait été contraire à la déclaration de principes que je faisais tout à l'heure, mais certainement quelque peu ému de voir que chez ces quatre malades, que j'avais choisies moi-même parmi les cas les plus accentués, et que j'avais offertes à la métallotliérapie comme pouvant lui fournir l'occasion d'une épreuve déci
sive, la situation s'était très remarquablement amendée, pour ne pas dire plus. Ce résultat doit-il être véritablement mis sur le compte de la médication prescrite ? S'agit-il là simplement d'une'coïncidence fortuite ? C'est une difficulté d'appréciation que l'on rencontre bien souvent dans les problèmes de la thérapeutique. Je ne veux pas entreprendre de résoudre la question. Je me bornerai à mettre sous vos yeux tous les documents ; vous jugerez par vous-mêmes.
Parmi les quatre malades qui vont passer sous vos yeux, il y en a trois qui sont extrêmement améliorées, mais qu'on doit, je pense, considérer comme placées encore sous le coup de la diathèse hystérique, parce que, précisément, les applications métalliques ont encore pour effet de produire chez elles, cet ensemble de symptômes sur lequel j'ai appelé votre attention et qu'on pourrait appeler Y anesihésie métallique, c'est-à-dire que, sous l'influence de l'application du métal particulier, qui, chez elles, autrefois, ramenait temporairement la sensibilité et la force musculaire, ces malades s'engourdissent, s'endorment et redeviennent insensibles.
La quatrième, s'il est vrai que Y anesthésie métallique puisse être considérée comme un critérium, devra être considérée comme complètement guérie.
Elle était autrefois sensible au cuivre ; or, après avoir été traitée par le sulfate de cuivre à l'intérieur, elle est devenue incapable d'être impressionnée, même par l'application des plaques qui, autrefois, la mettaient, d'une manière très prononcée, dans cet état tout particulier de l'anesthésie métallique.
Je vais vous présenter ces malades, et je ferai répéter ensuite devant vous les principales expériences sur lesquelles se fonde la doctrine de la métalloscopie.
Veuillez bien remarquer les termes dans lesquels je me place. Je ne veux, pour le moment, prendre aucun parti défi
nitif, relativement à la métallotliérapie interne ; je ne la juge pas ; je place sous vos yeux quelques-unes des pièces du procès en vous montrant lesnialacles, en vous indiquant les circonstances dans lesquelles elles ont été traitées. Pour pouvoir affirmer rigoureusement l'efficacité de la métallothérapie interne, il faudrait des expériences beaucoup plus multipliées. Mais je ne puis m'empêcher de déclarer, qu'à mon avis, les faits observés sont dignes de fixer l'attention des médecins.
Voici d'abord M..., c'est celle qui, pendant ses grandes attaques, prenait des attitudes passionnelles si remarquables et qui a fait les frais de la démonstration par la méthode des projections à laquelle quelques-uns d'entre vous ont assisté. Elle était liémianesthésique du côté gauche avec ovarie du même côté. Il y a onze ans que je la connais et je déclare que pendant cette période de onze années, elle n'a jamais cessé d'être liémianesthésique et amyosthénique du côté gauche. J'avais l'habitude de la prendre comme sujet pour démontrer aux élèves les phénomènes hystériques sur lesquels j'avais insisté dans mes leçons. J'avais l'habitude de lui traverser le bras sans plus de façon avec une longue et grosse aiguille, pour faire voir jusqu'à quel degré l'anesthèsie était prononcée chez elle, et jamais je ne l'ai trouvée en défaut.
Avant le traitement, elle était très maigre, mangeait à peine et n'avait pas vu ses règles depuis trois ans.
Elle a commencé à prendre de l'or au mois de juillet et, au bout de quelques jours, elle a éprouvé les effets que produit généralement l'administration de ce médicament à l'intérieur.
Le premier effet est une exaltation de l'appétit qui devient vorace. Ce serait déjà un résultat désirable si cela pouvait durer, mais bientôt, il survient une certaine fatigue, un sentiment de chaleur dans l'estomac, des démangeaisons à la
peau, en un mot des symptômes d'intolérance. Le mieux, dans ce cas, est de suspendre momentanément l'emploi du médicament et de le reprendre au bout d'un certain temps. Chez cette malade, l'effet sur la menstruation et sur la nutrition a été remarquable. Les règles sont revenues, elle a grossi considérablement et a pris de l'embonpoint. Ses attaques n'ont pas disparu complètement, mais paraissent avoir diminué de nombre et d'intensité. Mais le phénomène le plus saillant est la disparition de l'anesthésie du côté gauche, laquelle ne s'est guère démentie depuis trois mois. Sans doute elle se produit encore à un certain degré à la suite des attaques. Mais, tandis qu'autrefois elle était permanente, à présent elle ne vient plus que par moments, à la suite des crises con-vulsives, et elle ne dure qu'un jour ou deux. La malade est toujours en traitement. Chez elle, l'application de l'or développe très rapidement, et à un haut degré, les phénomènes de Yanesthésie métallique (1).
Voici maintenant la nommée B..., qui présente un cas moins prononcé et moins invétéré, mais appartenant au cadre de l'hystôro-épilepsie. Elle est hémianesthésique et sujette aux grandes attaques depuis trois ans. C'est toujours de l'hystérie grave (hysteria major), qu'il s'agit, ce n'est pas de l'hystérie vulgaire (hysteria minor). Mais qui peut le plus peut le moins et il est clair que si l'on parvenait à guérir les formes graves, on réussira à fortiori dans l'hystérie vulgaire.
L'hémianesthésie à droite, ainsi que l'ovarie suivant la règle, les phases classiques de l'attaque, période épileptoïde, contorsions, attitudes passionnelles, délire final, étaient très accentuées. La malade a été soumise au cuivre à l'intérieur à
1. L'observation de cette malade et des suivantes ont été publiées par nous , avec détails dans Y Iconographie } holograplûque de la Salpêtrière de 1875 à 1880 (B).
partir du mois de juillet. Sous cette influence, l'anesthèsie et les crises ont disparu.
Les applications extérieures du cuivre qui, autrefois, mettaient la malade dans l'état particulier dont je vous ai parlé, sont aujourd'hui sans action sur elle. La guérison est-elle complète, définitive ? d'après ce qui précède, j'incline à le croire. S'est-elle produite sous l'influence de l'action du cuivre ? Je vous laisserai porter le jugement.
Voici une autre malade sensible à For. Je l'ai connu liémianesthésique à gauche depuis six ans. Elle avait en même temps de l'ovarie gauche et des crises hystéro-épileptiques très accentuées. Elle a été traitée par l'or à l'intérieur dans le même temps et de la même façon que la première. Aujourd'hui, elle n'a plus d'attaques que très rarement; l'hémianes-thésie ne se manifeste jamais que temporairement, pour quelques heures, à la suite des attaques. L'application de l'or sur le côté gauche du corps fait réapparaître chez elle ce que j'appelais tout à l'heure les phénomènes de l'anesthèsie métallique.
Voici maintenant la nommée B..., qui vous a présenté un bel exemple de contracture hystérique. 11 y a onze ans qu'elle est malade. Elle est atteinte de deux maladies distinctes, l'hystéro-épilepsie (hysteria major), et l'épilepsie vraie. C'est cette combinaison qu'on a coutume d'appeler l'hystéro-épilepsie à crises distinctes. L'administration de l'or à l'inférieur n'a produit aucune modification dans l'épilepsie, mais il n'en est pas de même de l'hystéro-épilepsie.
En effet, après l'administration de l'or, faite dans les mêmes conditions que dans les cas précédents, à l'intérieur, l'hémianesthésie droite qui, depuis onze ans, n'avait jamais cessé d'exister, a disparu et les attaques d'hystéro-épilepsie,
très fréquentes, et très complètes, sont devenues très rares. Cependant, elles existent encore et survivent à l'anesthésie. La malade est donc encore à un assez haut degré sous le coup de la diathôse. Elle a eu l'autre jour une crise, à la suite de laquelle est survenue une contracture. Seulement, cette contracture n'a duré que sept à huit jours, tandis qu'autrefois, avant le traitement, elle persistait dans la règle, pendant un mois ou deux. J'ajouterai que l'anesthésie qui, autrefois, occupait tout le côté droit du corps, ne s'est montrée à la suite de cette attaque qu'au membre inférieur droit où la contracture s'était développée.
Voilà les quatre malades traitées que j'avais à vous montrer. Je livre ces faits à votre appréciation. Quant à moi, je me borne sommairement à cette conclusion : que la question vaut la peine d'être examinée de très près.
En terminant, je dois relever qu'on peut, bien que le fait soit assez rare, rencontrer des hystériques qui ne sont sensibles à aucun métal connu. Je dois ajouter encore que, chez les malades que je vous ai montrées et qui ont une idiosyn-crasie métallique constatée, l'application du métal appropriée reste sans effet, lorsqu'elle est faite à l'époque des grandes crises, ou, si l'on peut ainsi dire, des grandes marées hystériques. Il faut choisir les temps d'accalmie pour que l'action des métaux puisse être mise dans toute son évidence.
Tels sont les phénomènes principaux de la métalloscopie et de la métallothérapie que j'ai tenu à vous faire connaître.
Je veux cependant vous faire part encore d'un épisode qui ne s'éloigne pas précisément du sujet principal de notre conférence, bien qu'il ne s'agisse plus de l'hystérie.
L'hémianesthésie hystérique n'est pas la seule forme d'hémianesthésie que puissent modifier les applications métalliques
appropriées, contrairement à ce que Trousseau avait pu croire autrefois, et à ce que M. Burq a cru lui-même jusque dans ces derniers temps. Cela est démontré par les effets obtenus sur deux de nos malades atteintes d'hémianesthésie cérébrale (c'est-à-dire avec participation des sens supérieurs, (V... etO...), en conséquence, d'une lésion organique du cerveau, laquelle avait produit du même coup l'hémichorée post-hémiplégique.
Chez ces deux malades, l'insensibilité était absolue et datait, chez l'une de onze ans (R...), et chez l'autre de l'enfance, c'est-à-dire depuis une quinzaine d'années (P...).
Une application métallique, de fer chez une d'elles (R...), d'or chez l'autre, a eu pour résultat le rétablissement prompt et complet de la sensibilité générale et spéciale. Ce résultat ne s'est pas démenti depuis quinze mois que les applications ont été faites. Nous ferons remarquer que chez aucune de ces malades, il n'existe la moindre trace de la diathèse hystérique ; l'une est une femme de cinquante-cinq ans, très calme, presque apathique. L'autre est âgée de vingt-quatre ans, beaucoup plus docile que ne le sont pour la majorité les sujets de notre service à cet âge.
J'aurais encore à vous parler de l'interprétation physique de ces phénomènes. M. P. Regnard a trouvé ce fait important que des courants galvaniques extrêmement faibles, produisent tous les effets des applications métalliques. De son côté, le docteur R. Vigouroux a découvert plusieurs particularités intéressantes et a même proposé une théorie. Le temps me manque pour traiter cette partie de la question où, d'ailleurs, le dernier mot n'est pas dit.
IV.
Catalepsie et somnambulisme hystériques provoqués (1).
Certaines hystériques sont susceptibles, sous des influences diverses, d'entrer dans un état de somnambulisme ou de catalepsie provoqués, qui a permis à M. Charcot d'étudier sur de nouvelles bases tout un ordre de phénomènes pathologiques ou physiologiques qui, depuis les travaux publiés par Braid (de Manchester) en 1842, par MM. Azam, Broca, La-sègue, Mesnef, etc., vers 1860, étaient à peu près restés dans l'ombre.
Malgré les difficultés de toutes sortes que devait présenter un pareil sujet, M. Charcot n'a pas craint d'en aborder l'étude ; car il pense que tous les phénomènes d'ordre naturel, quel que soit leur apparence de complication ou de mystère, n'en sont pas moins susceptibles d'observation méthodique, et qu'il est d'un véritable observateur de se garder également des négations faciles du parti pris et des entraîne-
1. Compte rendu d'une leçon de Al. Cuahcùt par P. lücni.ii. interne des hôpitaux. — Extrait du Progrès médical. 1878, n° 15.
menls de l'imagination. 11 n'est pas plus permis de nier les faits rigoureusement observés, que d'étayer sur une observation incomplète des théories pour le moins prématurées.
L'étude actuelle est le complément des recherches depuis longtemps entreprises par M. Charcot sur la grande hystérie « hysteria major. » Une connaissance plus approfondie des divers états désignés sous les noms de catalepsie et somnambulisme, permettra une conception plus juste de l'attaque hystéro-épileptique et facilitera la description des variétés de l'attaque résultant de l'immixtion, parmi les symptômes habituels, de phénomènes qui souvent surviennent spontanément chez les hystéro-épileptiques dans l'intervalle des crises. Tel est le cas de la catalepsie et du sommeil dit somnambu-lique.
Les faits récemment observés par M. Charcot ont été reproduits publiquement au cours clinique du dimanche sur plusieurs de nos malades Gl..., Bar..., et se sont toujours montrés indentiques. Chez les autres malades hystéro-épileptiques, les résultats obtenus n'ont pas toujours été aussi complets. Mais nous n'avons trouvé là qu'une différence de degré et il semblerait résulter d'expériences multipliées, que la production artificielle des divers états dont nous allons essayer de donner la description détaillée, soit sinon un des symptômes constants, du moins un symptôme fréquent de la grande névrose hystéro-épileptique.
1° La malade est placée devant un vif foyer lumineux (lampe Bourbouze, lumière de Drummond, lumière électrique) qu'on la prie de fixer du regard. Au bout d'un temps généralement court (de quelques secondes à plusieurs minutes) et parfois d'une façon instantanée, survient Y état cataleptique. La malade est comme fascinée, immobile, l'œil grand ouvert fixé sur la lumière, la conjonctive injeclée et
humide. L'anesthèsie est complète (1). Si la malade était préalablement liémianesthésique, elle devient anesthésique totale. Elle n'est point contracturée et tous ses membres ont la souplesse de l'état normal ou à peu près (quelquefois ils sont le siège d'une certaine roideur); mais ils ont acquis cette propriété singulière de conserver l'attitude qu'on leur imprime. C'est bien là ce que tous les auteurs ont décrit sous le nom de catalepsie ; et la malade peut garder pendant longtemps des poses qu'elle aurait même peine à prendre quand elle n'est point dans cet état. Toute communication de la malade avec le monde extérieur semble interdite, et elle ne donne aucun signe d'intelligence aux diverses interpellations qu'on peut lui adresser. Une particularité fort intéressante est l'influence du geste sur la physionomie. Les traits reflètent l'expression du geste. Une attitude tragique imprime un air dura la physionomie, le sourcil se contracte; si, au contraire, l'on rapproche les deux mains de la bouche, comme dans l'acte d'envoyer un baiser, le sourire apparaît immédiatement aux lèvres. C'est là un exemple de ce que dans le langage de Braid, on appelle le phénomène de la suggestion (2). Cet état de catalepsie dure aussi longtemps que l'agent qui Ta provoqué, la lumière continue à impressionner la rétine.
2° Si la lumière disparaît subitement, ou si l'on empêche le rayon lumineux de parvenir à l'œil de la malade en interposant un écran, ou simplement en baissant ses paupières supérieures avec la main, la catalepsie fait place à un nouvel
1. Les points hyperesthésiques persistent habituellement. En excitant les zones hystéro-épileptogènes, on provoque, chez la malade somnambule ou cataleptique, le développement d'une attaque convulsivc.
2. Voir à ce propos l'excellent article Hypnotisme du Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, par M. Mathias Duval.
état qui en diffère essentiellement et qui répond à ce que l'on désigne sous les noms de somnambulisme, sommation prolongée, de sommeil nerveux, sommeil magnétique, etc.. Le mot sommeil est peut être assez improprement employé ici, car nous verrons que cet état spécial diffère par bien des caractères du véritable sommeil. M. Charcot préfère le désigner, en attendant mieux, sous le nom vague de léthargie.
La léthargie hystérique, dans ce cas particulier, débute brusquement avec la cessation de l'impression lumineuse; si elle était debout, la malade tombe à la renverse, la tête rejetée en arrière, le cou saillant. Les yeux se ferment et une inspiration sifflante se fait entendre, acccompagnée de quelques mouvements bruyants de déglutition. Ces derniers signes et la chute en arrière rappellent, jusqu'à un certain point, les débuts de l'attaque hystéro-épileptique, mais la ressemblance s'arrête là, car les membres et tout le corps, loin de présenter la té utilisation de la période épileptoïde, sont dans la résolution la plus complète.
Un phénomène musculaire fort, remarquable se développe immédiatement, c'est ce que M. Charcot désigne sous le nom d'hyper'excitabilité musculaire : il suffit d'exciter mécaniquement un muscle au travers de la peau, soit en pressant, soit en frottant, même légèrement, pour provoquer sa contraction, à la façon de ce qui a lieu, quand on pratique l'élcc-trisation localisée. La contraction du muscle sur les membres persiste après l'excitation, pour peu que celle-ci soit un peu forte et un peu prolongée, et se transforme facilement en contracture permanente; l'excitation d'un nerf provoque la contraction des muscles qu'il innerve. Ainsi, il suffit (l'une légère pression faite en avant du lobule de l'oreille, au point où émerge le facial, pour amener la contraction des muscles du même côté de la face ; chaque muscle de la face touché isolément, se contracte isolément; une légère friction
sur le sferno-masfoïdien fait tourner la tête suivant faction connue de ce muscle, c'est-à-dire que la face est dirigée du côté opposé au muscle excité. L'excitation de l'antagoniste, c'est-à-dire du stermo-mastoïdien de l'autre côté, ramène h tète dans la situation droite et si l'on insiste, la tourne inversement. Sur un bras, l'excitation des fléchisseurs amène la contracture du membre dans la flexion, laquelle cesse par l'excitation des extenseurs et inversement. En résumé, tous les muscles sont susceptibles de se contracter ainsi, et, suivant la durée et l'intensité de l'excitation, on obtient à \rolonté une contraction ou une contracture.
A cet état des muscles, se joignent pour caractériser la léthargie hystérique provoquée, un frémissement constant de la paupière supérieure, la convulsion des globes oculaires dans diverses directions (I), et la persistance de l'anesthésie totale et absolue.
Tel est ce qu'on pourrait appeler le canes hystérique, ou première phase de la sommation provoquée.
Mais la malade, jusque-là inerte, peut, sous l'influence de certaines excitations, entrer dans une seconde phase qui est à proprement parler le somnambulisme. Si on l'appelle un peu vivement, elle se lève et se dirige, les yeux toujours fermés ou demi-clos, vers l'interpellateur. On peut la faire écrire, coudre, etc.
Elle exécute tous ses différents actes, les yeux fermés, à peu près avec autant de précision que dans l'état de veille. Le sens musculaire, suivant la remarque de M. Azam, semble ici remplacer la vue. Elle répond parfois aux questions qu'on lui pose avec plus de précision qu'elle ne le saurait faire
1. Tantôt en haut et en dedans, tantôt en bas et en dedans, ou directement en bas. Le phénomène est, on le voit, fort variable.
Charcot. Œuv. comp. t. ix, Hypnotisme. 17
dans son état normal ; il semble que l'intelligence soil plus excitée.
Pendant cette seconde phase de la somniation provoquée, les phénomènes musculaires de la première phase persistent au même degré (hyperexcitabilité musculaire, frémissement des paupières, etc).
Pour faire sortir la malade de cet état, comme de l'état cataleptique, il suffit de lui souffler sur le visage ou de comprimer brusquement l'un des ovaires, celui qui chez la malade est le siège d'ovarie. Au moment où elle revient à elle, la malade est prise d'un spasme pharyngien qui amène un peu d'écume entre ses lèvres, témoignant ainsi de la connexité qui existe entre ces différents états et l'attaque convulsivc vraie. Dans aucun cas, nous ne l'avons vue conserver le souvenir de ce qui s'est passé pendant ce sommeil (1).
En résumé, on voit que les deux états que nous venons d'étudier sont ainsi caractérises :
1° Etat cataleptique. — L'œil grand ouvert; anesthésie totale et absolue; aptitude des membres et des diverses parties du corps à conserver la situation qu'on leur imprime ; peu ou point de rigidité musculaire; impossibilité de faire contracter le muscle par excitation mécanique.
2° Etat léthargique. — Les yeux sont fermés ou demi-clos; frémissement persistant de la paupière supérieure; convulsion des globes oculaires; anesthésie totale et absolue; hyper ex citahilitémusculaire: les membres dans la résolution ne con-
1. Plusieurs l'ois, nous avons compté le pouls de nos malades et nous n'avons trouvé aucune différence sous ce rapport entre la léthargie et la catalepsie. Dans ces deux états, le pouls est régulier; il bat de 80 à 100 pulsations à la minute, La respiration est faible, irrégulière, suspendue par moments. Il est fort difficile de compter le nombre des mouvements respiratoires.
servent plus la situation qu'on leur donne, en dehors de celle que peut leur imprimer la contracture provoquée : carus ou sommeil (première phase), somnambulisme (deuxième phase (1).
Quelle est la nature et le mécanisme intime de ces phénomènes, observés maintes et maintes fois, du moins pour la plupart, par divers observateurs, mais dont l'étroite connexité ne paraît pas avoir été jusqu'ici suffisamment relevée? M. Charcot déclare ne le savoir en aucune façon. Le médecin observe, c'est au physiologiste de résoudre le problème. Mais quels que soient les desiderata de la science à ce sujet, l'observateur enregistre les faits bien et dûment constatés, laissant à l'avenir le soin de leur interprétation. En bonne méthode, il faut d'abord faire rémunération complète des faits et établir leur groupement naturel avant d'en chercher l'explication.
Quelques expériences entreprises par M. Charcot et répétées à son cours, permettent de serrer de plus près les phénomènes et d'arriver à une détermination plus rigoureuse encore.
Nous avons vu la catalepsie produite par l'impression lu-
1. Il est une troisième espèce de sommeil, que nous avons eu occasion d'observer quelquefois dans le cours de nos expériences, mais dont nous n'avons pu encore l'aire l'étude complète. Il semble qu'on puisse le considérer comme la troisième phase ou phase ultime de la léthargie hystérique provoquée. Pour en citer un cas', voici ce qu'il nous a été donné d'observer sur Gl.,. Après avoir répété sur elle les diverses expériences dont il est question, elle tomba dans un sommeil qui dura jusqu'au lendemain matin et dont il fut impossible de la l'aire sortir, quels que soient les excitants employés, mécaniques ou électriques, Elle était dans la résolution la plus complète, les paupières fermées, et les globes oculaires convulsés en bas. La respiration était très-faible et irrégulière. Les muscles avalent perdu la propriété spéciale désignée sous le nom d'/ryer-excitahililé. —L'excitation des points hystéro épileplogènes ne provoquait aucune crise. La compression des ovaires demeurait également sans résultat. Nous étions évidemment en présence d'un sommeil d'un autre genre que celui que nous avions étudié jusque-là. Il en différait encore par ceci, que la malade une fois revenue à elle, avait conscience d'avoir dormi longtemps, et pouvait raconter, dans ses moindres détails, un long rêve qu'elle avait eu.
mineuse et suivie de la léthargie par la suppression brusque de la lumière. Le retour de la lumière ramène la catalepsie ; il suffit de soulever les paupières de la malade léthargique pour faire revenir tous les signes de l'état cataleptique. Dans cette expérience, la catalepsie et la léthargie se succèdent tour à tour au gré de l'expérimentateur, suivant qu'il maintient ouverts ou fermés les yeux de la malade.
Cette expérience peut être varice de la façon suivante: Supposons la malade plongée dans l'état cataleptique sous l'influence d'une vi\re lumière. Nous fermons avec la main un seul de ses yeux, l'œil droit par exemple et aussitôt elle devient léthargique du côté droit seulement, pendant qu'elle demeure cataleptique du côté gauche, c'est-à-dire que les membres et la face du côté droit sont dans la résolution et jouissent seuls de l'hyperexcitabilité musculaire caractéristique de la léthargie, pendant que les membres du côté gauche seulement ont la propriété de conserver les attitudes qu'on leur communique (1).
La malade est à la fois, on peut le dire, hémi-léthargique et hémi-cataleptique. L'hémi-léthargie ou l'hémi-catalepsie peuvent indifféremment occuper l'un ou l'autre côté du corps.
Les contractures variées que l'état de léthargie permet de donner à la malade se résolvent d'elles-mêmes et immédiatement si on vient à la faire passer directement de la léthargie à l'état normal par les divers procédés : souffler sur le visage, compression ovarienne. Mais si au lieu de la réveiller, on la rend cataleptique, la contracture persiste tout le temps que dure la catalepsie pour se résoudre au moment où on la plonge de nouveau dans le sommeil. Si l'on provoque le réveil pendant qu'elle est cataleptique et contracturée, la
1. Cette expérience u été l'aite pour la première fois par M. Dcscourtis, élève du service.
contracture persiste alors indéfiniment et la malade, complètement revenue à elle, offre toutes les apparences d'une hystérique atteinte de contracture permanente. Il n'est alors possible de la débarrasser complètement de la contracture, qu'en la plongeant de nouveau dans l'état de sommation (1).
L'hystérique ainsi affectée de contractures permanentes artificielles, par le procédé que nous venons d'indiquer, est sous le coup d'un état spécial du système musculaire, que l'on pourrait appeler la diathèse de contracture, c'est-à-dire que les muscles sont susceptibles de se contracturer sous l'action d'agents très-divers, de l'aimant par exemple, et la contracture ainsi attirée, en quelque sorte, sur un autre point du corps, quitte les muscles qu'elle avait primitivement atteints. Ainsi, supposons notre malade affectée de contracture permanente artificielle du bras droit ; si l'on fait agir l'aimant sur le bras gauche, en plaçant ses pôles actifs à peu de distance de la peau, le bras gauche, au bout de peu d'instants se contracture en môme temps que le bras droit retrouve sa souplesse normale. Ce procédé de déplacement de la contracture sous l'influence de l'aimant a été utilisé pour le traitement d'une contracture permanente hystérique, survenue spontanément chez une religieuse, la sœur P., dont l'observation a été publiée tout au long dans le Progrès médical.
Comme complément de cette étude de la catalepsie produite par l'impression lumineuse, M. Charcot rappelle l'expérience, bien connue, qui consiste à faire tomber un coq ou une poule dans un état assez analogue à la catalepsie de l'homme, en lui plaçant le bec devant une ligne blanche tracée sur le sol. L'expérience est reproduite en plaçant un coq devant une lumière de Drummond ; survient bientôt un état qui ressemble à
1. Le mot sommation est emprunté à Joseph Franck. M. Moissenet s'en est servi dans son intéressante étude publiée dans ]e Ie1' fascicule de la Société médicale fies hôpitaux,
la catalepsie, mais qui n'est jamais suivi de léthargie. Ces faits ont déjà été reconnus depuis longtemps par le père Athanase Kirscher, qui pensait que la cause de ces phénomènes résidait dans Vimagination de l'ammcd. Récemment, en Allemagne, cet état cataleptiforme a été reproduit par divers procédés sur divers animaux, tels que le pigeon, le lapin, le moineau, le cobaye, la salamandre, l'ôcrevisse, par M. Preyer, qui l'attribue à la terreur ou au saisissemenl. M. Charcot, sans chercher à donner la raison de ces phénomènes, se contente de les rapprocher de ceux qu'on observe chez les hystériques, indiquant un chapitre de pathologie comparée qui ne manque certes pas d'intérêt (1).
Mais la lumière n'est pas le seul agent qui paisse plonger les hystéro-épileptiques dans les états de catalepsie et de léthargie ; les mêmes expériences ont été reproduites, sous l'influence des vibrations sonores. Les malades Gl... et B... sont assises sur la boîte de renforcement d'un fort diapason, ce diapason, en métal de cloche, vibre soixante-quatre fois à la seconde. Il est mis en vibration au moyen d'une tige de bois qui en écarte violemment les branches ou d'un archet qui frotte son extrémité ouverte. Au bout de peu d'instants, les malades entrent en catalepsie; les yeux restent ouverts, elles paraissent absorbées, elles n'ont plus conscience de ce qui se passe autour d'elles et leurs membres conservent les diverses attitudes qu'on leur imprime (2). Si l'on arrête brusquement
1. L'expérience attribuée à Kirscher (1646j était déjà connue de Schwenter : Daliciae physico-mathematicœ. Nûrenberg. 1036, gui l'avait empruntée à un ouvrage publié sans nom d'auteur, par un Français. Sur l'état cataleptique chez les animaux voir, en outre, des travaux du I)r Michéa, de Crermak. (Archives de physiologie de l'homme et des animaux, Bonn, 1873; de Preyer, die Kata-plexîe unit de.r Thierische Hypnotismus, aven planches. Iena, 1878).
2. Nous avons vu que, lorsque les malades étaient rendues cataleptiques par la lumière, il suffisait de leur fermer les yeux pour les plonger dans l'état léthargique. Dans le cas présent, la même manœuvre ne conduit pas au infime résultat. Tant que dure la vibration sonore, on peut fermer les yeux de la malade et la catalepsie n'en persiste pas moins.
les vibrations du diapason, immédiatement se fait entendre le bruit laryngien, les membres tombent dans la résolution et les malades sont plongées dans la léthargie. — Ici la léthargie possède tous les caractères décrits précédemment. Au milieu de l'état léthargique, de nouvelles vibrations du diapason ramènent la catalepsie.
Il semblerait donc que la suppression de l'agent qui a provoqué la catalepsie soit la condition nécessaire de sa disparition pour faire place à la léthargie. Mais il faut que la transition soit brusque, la lumière par exemple éteinte tout d'un coup, ou bien les vibrations du diapason arrêtés soudainement ; si on laisse les vibrations s'épuiser d'elles-mêmes, la catalepsie persiste.
L'action de l'agent qui a produit la catalepsie peut donc s'épuiser, disparaître, et la catalepsie n'en persiste pas moins. En effet, nous voyons la malade, sur laquelle on a répété ces diverses expériences, demeurer pendant quelque temps, un quart d'heure ou une demi-heure, — jusqu'à ce que des distractions, une petite promenade au grand air, aient tout fait disparaître, — dans un état de prédisposition tout spéciale qui fait qu'elle entre en catalepsie toute seule sans l'intervention appréciable d'aucun agent extérieur, comme par les seules tendances de son organisme ébranlé.
Enfin, des effets absolument semblables à ceux que nous venons d'exposer sont obtenus sans l'intervention d'un foyer lumineux ou des vibrations sonores. — Il suffit de fixer la malade dont le regard est dirigé sur celui de l'expérimentateur, quelle que soit la personne qui la regarde fixement, B..., dont la sensibilité à ce genre d'expériences est très grande, tombe presque immédiatement dans le carus hystérique, précédé de l'inspiration sifflante habituelle. Chez les malades plus longues à endormir par ce moyen, la léthargie semble précédée d'une sorte d'état cataleptique. Tout ceci s'obtient sans manœuvres
particulières, et sans que la personnalité de l'expérimentateur y soit pour quelque chose.
Une fois la malade endormie de cette façon, il suffit de lui ouvrir les yeux pour la rendre cataleptique ; et l'on peut répéter à la volonté, et nous ajouterons sans grande fatigue pour la malade, toute la série des expériences reproduites plus haut.
V.
Sur l'action physiologique de l'aimant et des solénoïdes (1).
De toute antiquité, on a signalé les propriétés médicales de Vaimant. Il était naturel qu'à des époques où l'on essayait, en thérapeutique, toutes les substances qui se rencontrent dans le monde minéral, cette matière singulière, douée de propriétés pour ainsi dire mystérieuses, attirât l'attention et qu'on lui prêtât une action médicatrice exagérée.
Sans remonter jusqu'à Pline-le-Jeune, on rencontre dans l'histoire de la science deux hommes qui parlent de la puissance des aimants employés contre les maladies: ce sont Paracelse et Albert-le-Graud. Mais l'esprit mystique qui guidait ces deux expérimentateurs ne permet guère de s'arrêter à leurs assertions.
Au dix-huitième siècle, à un moment où l'on commençait déjà à s'occuper beaucoup des propriétés thérapeutiques des agents physiques, à une époque où l'électricité statique, non-seulement était entrée dans le traitement des maladies, mais
1. Communication faite en commun avec M. P. Hegnard à la Société de Idoloqie, Séance du G juillet 1878. — Extrait du Prorjrès médical, 10 août 1878,
jouissait encore d'une vogue qui l'avait introduit, jusque dans les salons et en avait fait une distraction mondaine, à ce moment, disons-nous, on découvrit la possibilité de transmettre-au fer l'aimantation des aimants naturels. Celte aimantation artificielle se faisait par simples frictions; on essaya aussitôt de fabriquer de grands aimants artificiels et de les appliquer au traitement des maladies.
Les résultats qu'on obtint sont consignés dans un mémoire remarquable d'Andry et Thouret. (Mémoires de la Société royale de médecine, 1780). Ce travail, exécuté sur la demande de l'ancienne Académie de médecine, marque le début d'une ère nouvelle dans cette sorte d'étude. Non pas qu'il contienne des résultats bien positifs, mais cette fois, au moins, l'étude de l'aimant était dégagée de tout ce cortège de mysticisme dont les anciens s'étaient plu à l'entourer.
C'est a la môme époque que'Mesmer commençait à remuer toute l'Europe avec le récit de ses singulières expériences. 11 nous raconte lui-même [Mémoire sur la découverte du magnétisme animal. Genève, 1779) comment il fut conduit à sa découverte. Ayant à soigner une jeune fille qui, d'après les symptômes qu'il rapporte, était manifestement atteinte d'hystérie, il eut l'idée d'approcher d'elle un aimant. Les résultats qu'il observa furent si étranges qu'il convoqua, pour les voir avec lui, deux autorités scientifiques de l'époque : le physicien Ingenhousz et le jésuite Ilell. Il obtint même du préparateur de ce dernier une grande quantité de plaques aimantées, qui devaient lui servir à multiplier ses recherches. Mais subitement nous le voyons prendre une autre route et proclamer que l'action de l'aimant est simplement analogue à celle d'un principe général qui remplit le monde animé et auquel il donne, encore par analogie, le nom de magnénisme animal. Et c'est alors que commence sa lutte avac Ingenhousz, le physicien tenant pour l'agent
physique, Mesmer soutenant Faction du principe mystérieux. C'est ainsi que naquit le magnétisme animal, et c'est sur ces entrefaites qu'Andry et Thouret entreprirent leur travail. Leur mémoire ne contient pas moins de 48 observations. Toutes manquent malheureusement de précision clinique. Dans l'immense majorité des cas, il s'agit d'affections vagues, mal définies, sans diagnostic précis. Les résultats thérapeutiques ne sont guère plus nets. Il est pourtant possible de reconnaître que les applications d'aimant ont eu une influence positive dans l'amélioration de tics douloureux et de diverses manifestations de l'hystérie.
De 1780 à 1829, nous ne trouvons rien sur le sujet qui nous occupe. Aussi bien les physiciens délaissent-ils un peu, à cette époque, l'étude du magnétisme, les grandes découvertes sur le courant de la pile occupant uniquement les savants et les médecins.
En 1829, Becker [Der mineralische Magnetismus, and seine Anwendung in der Heilkunde) apporte quelques résultats nouveaux, mais ils manquent encore trop de précision pour que nous en puissions tenir compte.
Ce n'est plus qu'après quarante années que le professeur Maggïorani {La Magnete e i Nervosi. Milano, 1869) revient à la question de l'action physiologique des aimants. Les résultats auxquels il est arrivé sont consignés dans le mémoire que nous venons de citer et dans divers envois hYAcademia dei Line ei (1873).
Maggiorani expérimente d'abord sur des sujets sains : selon lui quelques-uns ont la sensibilité magnétique, les autres ne l'ont pas. Cette sensibilité magnétique est à son summum dans certaines maladies, en tête desquelles il faut citer l'hystérie, Fataxie, le diabète.
Les effets produits par l'approche d'un aimant consistent dans des variations de température, des convulsions, des
spasmes ioniques, des anesthésies, des hypereslhésies. Et c'est ainsi que l'aimant, provoquant la maladie à se démas-qner, peut devenir un moyen de diagnostic. Les instruments employés par Maggiorani sont des barreaux aimantés très-faibles et des spirales parcourues par un courant.
Les expériences du médecin italien sont bien supérieures à toutes celles qui avaient été faites jusqu'alors. On remarque pourtant encore le manque de précision et de précautions expérimentales dans sa manière de procéder. C'est dans cet état que nous avons repris la question. Nous avons essayé de lui donner une précision vraiment scientifique.
Un mot d'abord sur le matériel que nous avons employé.
Les aimants qui nous ont servi consistaient en barreaux recourbés, présentant par conséquent leur point neutre à Tune de leurs extrémités. Nous avons aussi utilisé des (électro-aimant et en particulier le puissant électro-aimant
de_Faraday qu'avait bien voulu nous confier, grâce à la
bienveillance éclairée de son directeur, l'administration générale des télégraphes. Cet aimant était animé par quinze grarîas~couples de Bunsen. Enfin, nous avons employé des solénoïdes formés de bobines de caoutchouc durci et de gutta entourées d'un fil fin et long.
Les premiers résultats ont été obtenus avec le concours de M. Vigouroux qui les a déjà communiqués à la Société de biologie. Aujourd'hui nous en apportons la confirmation certaine et l'explication probable.
Et même comme les résultats que nous avons à faire connaître sont en dehors des faits généralement reconnus, comme certaines personnes en doutent encore, nous avons voulu répéter nos expériences devant la Société, et nous avons amené devant elle deux des malades qui nous ont servi dans nos recherches,
La première malade que nous présentons, la nommée Angèle, est hystérique et anesthésique à gauche, elle est de plus à peu près complètement aveugle par suite de lésions profondes des globes oculaires datant de l'enfance. Nous traversons son bras droit avec cette pointe d'acier, elle ne manifeste aucune douleur. Nous approchons du bras anesthésie le point neutre de ce barreau aimanté. Quelque temps que nous attendions, il ne se manifeste rien. Mais, sans que la malade s'en doute, retournons l'aimant et présentons au bras les deux pôles de l'aimant. Au bout de quelques minutes, voici que la sensibilité est revenue à gauche. Mais, en revanche, elle a disparu à droite, et nous pouvons maintenant perforer le bras droit que tout à l'heure la malade retirait au moindre contact. Bien plus le phénomène que vous voyez se produire au bras vient de se passer au môme instant dans les points symétriques du membre inférieur. La jambe gauche jouit maintenant de sa sensibilité et la jambe droite l'a perdue.
Laissons l'aimant continuer son action. Voici que la sensibilité disparaît cle nouveau à gauche et revient à droite. Enlevons maintenant l'aimant, la sensibilité revient rapidement à gauche et disparaît à droite, puis elle revient à droite et disparaît à gauche définitivement. Après une triple oscillation les choses sont revenues à leur état primitif. Nous venons d'assister au curieux phénomène du transfert, déjà signalé pour l'action des courants faibles.
La seconde malade que nous avons à vous présenter se nomme Louise Gl... Elle est hystérique et absolument anesthésique du côté droit. Nous traversons sa main de part en part avec ce poinçon : elle ne s'en aperçoit môme pas.
Nous avons pensé que si l'aimant agissait par les courants d'induction ou les tensions qu'il peut produire à distance,
une spirale parcourue par un courant, un solenoide, aurait sur liiémianesthésie une action identique à l'aimant lui-même puisque physiquement elle lui est identique.
Nous introduisons le bras gauche de Gl... dans ce solenoide, et nous envoyons le courant qui, pendant cinq minutes, traverse la spirale.
Maintenant, vous le voyez, le bras droit est redevenu sensible, le bras gauche a perdu, par transfert, toute sa sensibilité. Les points symétriques ont été aussi affectés. Mais bien plus, la sensibilité ne reste pas localisée, elle remonte pour ainsi dire, elle gagne peu à peu, elle atteint le coude, le bras, l'épaule, le corps tout entier, et même la vision des couleurs qui était abolie à droite, est maintenant complètement rétablie. En revanche, elle a disparu à gauche.
Nous interrompons le passage du courant et fous les phénomènes d'oscillation observés sur Angele se produisent.
Le solenoide a agi identiquement comme l'aimant. La durée nécessaire à la production des phénomènes est très-variable. Ici il a fallu quelques minutes.
Chez une malade nommée Witt... il suffit de quelques secondes; chez la nommée Alphonsine Ba..., le solenoide est à peine traversé par le courant que tout le côté du corps anes-thésié fout à l'heure a recouvré sa sensibilité.
11 ne faudrait pas croire que les hystériques soient seules influencées par les aimants et les solénoïdes. Un homme, atteint d'hémorrhagie cérébrale, était anesthésique de tout le côté droit. Ce malade fut envoyé par M. le Dr Grancher. Sa main fut placée entre les branches de l'aimant de Faraday. Au bout de vingt minutes, la sensibilité était revenue et fixée à tout jamais sans transfert ni oscillations cette fois. Le
En somme nous avons répété des centaines de fois et sur un grand nombre de malades de la ville et des hôpitaux, les expériences que nous venons de montrer à la Société et le résultat a toujours été le même.
Ainsi, voilà des courants qui passent à côté des malades et qui agissent sur elles (Solénoïdes, aimants).
Comment est-il possible d'expliquer ce fait. Dans l'état actuel de nos connaissances, il nous semble qu'il convient d'invoquer ici Vinduction.
On sait que chaque fois que Ton approche un aimant ou un circuit d'un autre circuit ouvert ou fermé,.on donne lieu à la production, dans le deuxième circuit, d'un courant en sens inverse du courant inducteur. Si l'aimant est retiré, il se produit aussitôt un courant de môme sens que le courant du circuit inducteur.
Dans nos expériences, les aimants et les solénoïdes sont immobiles, mais les malades remuent sans cesse, ne fut-ce qu'à chaque pulsation artérielle, et chaque fois a lieu sur elles une induction qui modifie tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, les courants qui les parcourent, et en particulier probablement le courant nerveux qui se trouve augmenté ou diminué d'autant.
Notre opinion n'est pas susceptible d'une démonstration directe sur les malades. Aussi ne la donnons-nous, en attendant mieux, que comme très-vraisemblable.
Mais l'identité absolue entre l'action des aimants et celle des solénoïdes semble l'appuyer singulièrement. Elle rattache d'ailleurs l'action de l'aimanta celle des plaques métalliques et des courants faibles, et jette une véritable lumière sur ces phénomènes bizarres de la métalloscopie qui semblent tout d'abord si mystérieux.
VI.
Contracture hystérique et aimants ; phénomènes curieux de transfe t (1).
En poursuivant la révision des faits métalloscopiques découverts par M. Burq, la Commission de la Société de biologie a ouvert des horizons nouveaux et non moins intéressants à l'étude de cette singulière question, limitée d'abord à la métallothérapie. On sait comment, dans le cours de ces recherches, M. Gellé constata, presque par hasard, le curieux phénomène du transfert (voir p. 237). Lorsque, du côté où existe Fhémianesthésie hystérique, on a rappelé la sensibilité des divers organes des sens de ce côté, au moyen d'une application métallique, on observe, du côté opposé etau point symétrique, une disparition de la sensibilité, comme si la sensibilité du côté sain avait été déplacée et transportée du côté malade.
On remarqua ensuite que le transfert de la sensibilité n'avait pas lieu seulement sous l'influence des applications métalliques ; d'autres agents physiques produisent des effets absolument identiques. Ainsi, un barreau de fer aimanté possè-
1. Gaz. des hôpitaux, 21 nov. 1878.
de la même propriété. Il n'est même pas besoin de l'appliquer au contact du membre liémianesthésique; il suffit de tenir l'aimant dans le voisinage du membre sur lequel on veut agir, à une distance de 2 ou 3 centimètres de la partie insensible sur laquelle on veut ramener la sensibilité. Ce n'est d'ailleurs pas non plus une question de quantité d'électricité, car un aimant de faibles dimensions agit tout aussi efficacement (pie les aimants les plus puissants, tels que l'électro-aimant de Faraday (le plus puissant de tous).
Vous voyez, par exemple, que, chez cette jeune fille atteinte d'hémianeslhésie hystérique du côté gauche, si nous posons le barreau aimanté à quelques centimètres du bras gauche, ce membre gauche, qui était insensible, recouvre, en quelques instants, une sensibilité parfaite, tandis que le membre droit, primitivement très-sensible, est devenu insensible et peut subir, comme précédemment le membre gauche, la transfixion de la main, experimentum crucis;, sans que la malade s'en aperçoive.
Le même phénomène de transfert se produit du côté des organes des sens. Cette jeune fille ne distinguait pas les couleurs avec son œil gauche ; elle voyait tout en blanc ou en gris. De l'œil droit, elle reconnaissait exactement les diverses couleurs. Si nous plaçons l'aimant près de la tempe gauche, nous observons bientôt que notre jeune hystérique reconnaît successivement toutes les couleurs, de l'œil gauche, et que l'œil droit, primitivement normal au point de vue de la perception des couleurs, perd successivement la perception du violet, du veri, de l'orangé, du bleu, du jaune et même du rouge.
Si l'on continue à observer la malade, que l'aimant reste appliqué ou non, on verra ensuite que le transfert subit des oscillations passant alternativement huit à dix fois de suite, de droite à gauche et de gauche à droite, pendant environ
Charcot. Œuv compi, r. ix, Uypnotivine. 18
une heure et demie, jusqu'à ce que fout rentre dans l'ordre primitif d'hémianesthésie hystérique du côté gauche, dans le cas particulier qui nous occupe.
Nous avons aussi été amené par la vérification de la belle découverte de M. Burq à constater le phénomène de l'anesthésie métallique. Chez une malade non hystérique, mais sous le coup de la diathèse hystérique, il suffit d'une application métallique pour provoquer l'apparition des phénomènes hystériques. Si l'on place chez cette jeune fille une pile sèche ou un aimant près de la tempe droite, vous constatez que l'œil droit, qui tout à l'heure reconnaissait toutes les couleurs, perd successivement la notion de ces couleurs, toujours dans le même ordre, en commençant par le violet, puis le vert, l'orangé, le bleu, le jaune, et en finissant par le rouge qui est la couleur dont les malades gardent le plus longtemps la perception.
Le phénomène commence par l'apparition d'un point gris au centre de la couleur dont le malade va perdre la notion. L'œil gauche, d'ailleurs, voit exactement toutes les couleurs.
Telles sont les notions fondamentales que je désirais vous rappeler avant d'arriver à l'exposé des faits vraiment curieux dont l'histoire fera l'objet principal de cette conférence.
Nous allons reproduire sur cet écran, par le système des projections, la photographie d'une sœur hospitalière qui vint du département de la Creuse, il y a quatre ou cinq mois, pour se faire traiter à la Salpêtrière d'une contracture hystérique du membre supérieur droit dont elle était atteinte depuis sept mois et qui avait résisté à tout l'arsenal de la thérapeutique. L'hystérie, chez elle, n'avait jamais été accompagnée de convulsions; la malade n'a jamais eu d'attaques; Un jour, son membre inférieur tomba paralysé, insensible aux frictions, puis la main se ferma, puis le poignet se fléchit, enfin tout le membre se contractura fortement.
La malade nous arriva à l'hospice au moment où nous étions occupé à étudier les particularités du phénomène du transfert; nous nous demandâmes alors si, en agissant sur le membre du côté opposé à la contracture, c'est-à-dire sur le br;is gauche, nous n'obtiendrions pas des résultats favorables. Et, en effet, l'application d'un aimant du côté gauche produisit une contracture du côté gauche et, en outre, une insensibilité incomplète de ce côté gauche (face, tronc, membre supérieur). Tous les deux ou trois jours, pendant un mois, nous avons ainsi provoqué une contracture artificielle du côté sain, par une espèce de révulsion. Cependant la contracture du côté droit s'amendait, et peu à peu, la malade recouvrait la sensibilité du côté droit, et arrivait à l'état où vous la voyez aujourd'hui. La main droite n'est plus contracturée, et il ne reste que la parésie du membre. Une de nos projections vous représente cette malade au moment où elle était atteinte d'une double contracture, survenue à la suite de notre traitement. Enfin, aujourd'hui, pour la dernière fois, elle consent à la dernière démonstration dont je vais vous rendre témoins. Cette femme est encore sous le coup de la diathèse hystérique, et notre aimant agit encore sur elle. Nous allons placer un aimant près du bras droit, primitivement contracture et qui aujourd'hui ne l'est plus. Après quelques instants, vous allez voir se reproduire la contracture du membre droit, telle qu'elle était au moment de l'entrée de la malade dans notre service : vous voyez successivement, sous l'influence de cet aimant, la main se fermer et le membre se contracture!*.
Si maintenant nous plaçons l'aimant près du bras gauche de la malade, la contracture disparaît progressivement à droite, et envahit le membre gauche de la môme façon que tout à l'heure elle gagnait le membre droit. Une séance d'électrothérapie fera, d'ailleurs, disparaître cette contracture gauche dans le cours de la journée, et enlèvera à cette malade
la crainte de se voir affligée d'une contracture gauche à la suite du traitement de sa contracture droite.
Pour terminer, je vous présente une autre malade hystérique, à laquelle nous avons donné une contracture du membre inférieur droit par un artifice particulier (et que je vous demande la permission de garder secret pendant quelque temps encore, jusqu'à ce que nous ayons établi le fait, posé nettement et dégagé de toutes les obscurités qui l'entourent encore).
Voilà donc une fille atteinte d'une contracture artificielle du membre supérieur droit. Si nous plaçons l'aimant près de la main gauche, nous faisons promptement disparaître la contracture du côté droit, mais elle est remplacée par une contracture du côté gauche.
Nous pouvons de môme faire passer la contracture du bras gauche à la jambe, gauche ou droite, en y appliquant l'aimant. En un mot, nous sommes maîtres de faire passer la contracture, artificiellement produite, d'un membre à l'autre membre ou à une région quelconque du corps. Mais il reste toujours une contracture : pour la faire disparaître, il faut faire repasser la malade par la même série de préparations qui nous a servi à la mettre primitivement en état de contracture hystérique artificielle.
Les phénomènes du côté de la sensibilité (hémianesthésie hystérique) suivent la contracture.
Dès que notre malade sera délivrée de l'état diathésique spécial de contracture dans lequel nous l'avons mise, elle ne pourra plus être hystérique à contractures comme vous venez de la voir, à moins de passer par les mêmes phases préparatoires que je vous ferai connaître ultérieurement. On ne pourra plus reproduire la contracture par l'application d'un aimant sur le membre, ni la rendre insensible.
Celle curieuse expérience vous montre donc que la contracture hystérique peut être provoquée artificiellement chez une femme qui est sous le coup de la diathèse hystérique. Il suffit d'énoncer cette proposition étonnante pour faire comprendre l'importance capitale d'un tel phénomène, et faire prévoir tout le parti que nous pouvons sans doute en tirer dans la suite de nos recherches, pour traiter les contractures hystériques proprement dites.
La découverte de ces lois vous montrera enfin que l'hystérie n'est pas une de ces inconnues où l'on voit tout ce que l'on veut. N'en déplaise aux sceptiques et aux hyslérophobes, ce n'est pas un roman : l'hystérie a ses lois.
VIL
Phénomènes divers de l'hystéro-épilepsie. — Catalepsie provoquée artificiellement.
Nous allons étudier aujourd'hui (1) le plus important des accidents permanents de l'hystérie, hysteria major, ou hys-téro-épilepsie. Nous rappellerons d'abord les phénomènes principaux les plus connus, puis nous aborderons une question très-intéressante, celle de cette sorte d'hypnotisme que nous pouvons provoquer à volonté chez les hystériques : malgré ses points de contact avec le domaine extra-scientifique, cette étude constitue, assurément, un grand côté de l'histoire de l'hystérie, et nous ne devons pas oublier que nous sommes médecins, et que rien de ce qui touche à la médecine ne doit nous laisser indifférents.
I. Troubles de la sensibilité, à. Anesthésie. — Ces troubles sont les accidents permanents de l'hystérie, les plus
1. Leçon du 10 novembre 1878, résumée par la Gazette des Hôpitaux, du 21 novembre suivant.
vulgairement connus ; on sait qu'ils consistent généralement en une anesthésie plus ou moins complète de l'une des moitiés du corps : c'est l'hémianesthésie, droite ou gauche, qui s'observe ordinairement chez les hystériques. L'anesthèsie totale est plus rare ; je vous en montrerai ici deux cas seulement sur dix hystériques.
Vous savez que l'hémianesthésie ne porte pas seulement sur la sensibilité générale, mais que les organes des sens spéciaux du même côté sont aussi paralysés. Ces phénomènes ne sont, d'ailleurs, pas l'apanage exclusif de l'hystérie, comme le pensait autrefois Briquet ; j'ai démontré qu'ils peuvent exister dans certains autres états morbides, et être la conséquence de lésions particulières de l'encéphale.
L'hémianesthésie siège tantôt à droite et tantôt à gauche. Si elle atteint la moitié droite, par exemple, du corps, ce sera toujours de ce côté droit aussi qu'apparaîtront les divers autres phénomènes de l'hystérie : aura, contractures, douleur ovarienne, etc. Si l'hystérique est droitière, pour ainsi dire (c'est-à-dire s'il y aune hémianesthésie du côté droit), c'est de ce côté droit qu'il faudra chercher ces divers troubles caractéristiques : sifflements dans l'oreille droite, battements à la tempe droite, troubles de la vision de l'œil droit, contractures du côté droit, douleur dans la région ovarienne droite, etc. Si l'hémianesthésie existe du côté gauche du corps, c'est de ce côté que l'on trouvera ces caractères.
Si l'anesthèsie est totale, ces phénomènes existeront des deux côtés ; cependant, ils sont ordinairement un peu plus marqués d'un côté que de l'autre.
On a dit que l'hémianesthésie siégeait plus souvent à gauche qu'à droite ; après l'avoir cru longtemps, je pense aujourd'hui qu'il existe à peu près autant d'observations du côté droit que du côté gauche. Je vous rends, une fois encore, témoins des preuves irréfragables de cette insensibilité hys
térique. A celle jeune fille, hémianestliésique du côté droit, je traverse la main, l'avant-bras droit, avec une forte aiguille, sans qu'elle s'en aperçoive. De môme à la tête, aux tempes, etc., sur foule la moitié droite du corps, je puis faire des piqûres qui paraissent monstrueuses aux gens non initiés à cette étude, sans provoquer le moindre signe de sensibilité. Du côté gauche du corps, au contraire, la piqûre la plus légère est parfaitement sentie par la malade.
Chez cette autre, atteinte d'anesthésie totale, qui a les douleurs .ovariennes des deux côtés, qui est insensible des deux côtés, je puis faire à droite et à gauche impunément, des piqûres très profondes. Ces plaies ne donnent pas ou peu de sang, à cause de la constriction énergique des vaisseaux produite par une irritation habituelle des nerfs vaso-moteurs chez ces malades.
Quand je parle de la douleur ovarienne, je ne veux pas dire que c'est l'ovaire qui en est le point de départ : je parle d'un fait général, de phénomènes concentrés autour de l'ovaire, mais encore inconnus dans leur essence même. Ils existent dans tous les cas d'hystérie ; et, mis en présence d'une hystérique qu'il n'a jamais vue, tout médecin n'a qu'à lui demander de montrer avec le doigt le point du ventre où elle sent ses douleurs, elle indiquera toujours la région ovarienne et toujours du côté où précisément elle est hémianestliésique, du côté où elle est atteinte d'achromatopsie, du côté où encore elle présentera des contractures hystériques, si ce phénomène se manifeste. Dans une période d'accalmie, il suffit d'une pression subite sur cette région ovarienne pour produire un spasme particulier, et faire tirer la langue à la malade hystérique.
J'ai dit souvent déjà que les sens spéciaux, le goût, l'odorat, etc., étaient atteints du même côté que la sensibilité générale.
Vous voyez, chez cette hystérique, à hémianesthésie droite, que je puis déposer de la coloquinte en quantité notable sur la moitié droite de la langue, sans provoquer le moindre mouvement. La moitié gauche de la langue est, au contraire, très sensible.
Chez une anesthésique totale, les deux côtés de la langue sont insensibles ; de même le larynx, le pharynx, l'épigiofte : vous voyez que j'introduis le doigt jusqu'au fond de la gorge, jusque sur l'orifice supérieur du larynx; tout est absolument insensible. Les études laryngoscopiques deviennent d'une commodité étonnante, chez les malades de ce genre.
Je vous présente, en dernier lieu, la doyenne de nos hysté- 1 riques, la fille L..., qui est hystérique depuis son enfance. Entrée à la Salpêtrière à l'âge de douze ans, elle a maintenant environ cinquante-six ans ; elle est anesthésique des deux côtés, etc. C'est elle qui, une fois par an, à peine, nous donne le spectacle de l'attaque dite démoniaque. Elle n'en a pas eu depuis huit mois ; elle sent, comme toutes les hystériques (qui diffèrent en cela complètement des épiloptiques), des phénomènes précurseurs, prémonitoires de ces attaques, environ quinze jours à l'avance.
Cette malade est intéressante, parce que c'est la seule qui est restée rebelle à tous nos essais ; elle n'est influencée par aucun agent, par aucun métal, etc. En dépit de tous nos efforts, elle est restée ce qu'elle était il y a quarante ans ; notez cependant ce fait important qu'elle a aujourd'hui la même dose d'intelligence qu'autrefois ; une épileptique aussi invé- t térée serait depuis longtemps dans la démence. -—J
B. Hyperesthésie. Foyers d'hyper es thésie. — Lorsqu'une hystérique n'a pas eu d'attaque depuis un certain temps, il existe sur la surface du corps, des points d'hyperesthésie dont l'excitation peut produire une attaque ; ce sont des points hys
térogènes analogues aux points épileptogènes du cochon d'Inde de Brown-Séquard. Il est remarquable que les hystériques, lorsqu'elles se présentent à nous, se tournent toujours de la même façon, dans la même attitude, nous montrant toujours la partie antérieure du corps : c'est qu'en effet, il est une zone, la région située entre les deux épaules, qui est très sensible. Que l'on frotte rapidement le dos, chez une hystérique, on détermine une émotion très-vive ou une véritable attaque. Ce n'est pas toujours le dos qui présente cette hyperesthésie ; chez d'autres malades, c'est sous les aisselles, en arrière des seins ; chez d'autres, c'est au niveau de la taille qu'il faut produire cette excitation, en pressant un peu, pour déterminer l'attaque. Si l'on insiste et si l'on frotte plus fort, on arrête l'attaque. Chez cette jeune hystérique, B..., qui est une vraie sensitive au point de vue de ses propriétés hystériques, il suffit de toucher le dos en y passant légèrement une plume, pour produire une attaque. Aussi, vous remarquez qu'elle ne s'approche de moi qu'en protégeant, par son attitude, sa région dorsale autant qu'il est possible.
Il ne faut pas, d'ailleurs, trop s'effrayer de l'attaque hystérique : c'est beaucoup de bruit, mais ce n'est qu'un feu de paille (qui cependant dure quarante-huit heures, huit jours même); il n'en reste, en général, aucune conséquence fâcheuse.
II. Troubles de la vision. — Briquet savait déjà que chez les hystériques, on constate un affaiblissement des fonctions visuelles. C'est Galezowski le premier qui a remarqué que les hystériques avaient la notion des couleurs pervertie, tout en ayant une idée exacte des contours, de la géométrie descriptive des objets. Les hystériques présentent, en effet, une achromatopsie complète ou partielle de l'œil du côté liémianesthésique. On sait que le champ visuel, même pour l'œil sain, n'est pis le même pour toutes les couleurs. Landolta
montré que le champ visuel normal des diverses couleurs est le suivant; le plus étendu, le plus périphérique par conséquent, est le champ visuel du bleu, puis successivement et concentriquement viennent l'orangé, le jaune, le rouge, le vert, et le violet qui a la plus faible étendue et est le plus central.
J'ai reconnu des variétés à ce tableau ; à côté des « bleus », c'est-à-dire de ceux chez qui c'est le bleu qui a le champ visuel le plus étendu, il y a les « rouges», c'est-à-dire ceux pour qui c'est le rouge qui possède le champ visuel le plus étendu. Toutes nos malades sont dans cette dernière catégorie ; le tableau de leur champ visuel présente donc de la périphérie au centre les couleurs dans l'ordre suivant: rouge, jaune, bleu, orangé, vert et violet. C'est un fait constant que le violet et le vert sont toujours au centre, et ont toujours le champ visuel le moins étendu. Chez une hystérique du premier degré, il se fait un rétrécissement concentrique de tous les champs visuels; le cercle central du violet se rétrécit de plus en plus et disparaît. A un degré plus avancé, le vert disparaît aussi, et ainsi de suite. C'est toujours dans cet ordre reconnu empiriquement, mais qui est constant, que disparaissent les couleurs. Une malade qui voit le violet doit voir toutes les couleurs : celle qui voit le vert et qui dirait ne pas voir le bleu tromperait: celle qui voit le bleu doit voir le jaune et le rouge, etc.
De môme, lorsque la notion des couleurs est restituée aux malades par l'emploi de nos procédés, aimant, application métallique, etc., les couleurs doivent aussi toujours reparaître dans un ordre rigoureusement déterminé. Le rouge doit reparaître le premier, puis, après lui, le jaune, puis le bleu, l'orangé, le vert, et en dernier lieu le violet. On comprend qu'avec de telles lois, nous échappons à toute fraude, à toute supercherie de la part de nos malades.
Je vous ai déjà démontré que l'application d'un aimant, du métal auquel la malade est. sensible, etc., ramène dans l'œil achromatopsique la perception des couleurs, en même temps que la sensibilité cutanée. Cette jeune fille qui ne voit de l'œil droit que le rouge, ne reconnaît d'abord que la couleur rouge sur le disque de Newton que nous projetons sur cet écran. Le reste lui paraît gris ou blanc. Plaçons sur sa tempe droite un bandeau métallique, — elle est sensible au fer. Bientôt elle voit, de cet œil droit, une autre couleur, le jaune qu'elle peut nous montrer, puis le bleu, puis l'orangé, le vert et enfin le violet. Alors elle reconnaît toutes les couleurs. Mais vous savez que, en vertu de la loi du transfert, ce qu'elle gagne d'un côté, elle le perd de l'autre. En effet, pendant que cette malade que je vous présente gagne, par l'action métallique, la perception du rouge de l'œil droit, elle perd, dans l'œil gauche qui était sain et percevait auparavant toutes les couleurs, elle perd la perception du violet. Quand elle aura gagné le jaune à droite, elle aura perdu, à gauche, la perception du vert ; enfin, quand elle aura reconquis à droite toute la gamme des couleurs, vous verrez qu'à gauche, elle a perdu toutes les couleurs et ne voit plus que de la grisaille. Nous avons fait passer dans l'œil gauche l'achromatopsie qui existait auparavant dans l'œil droit. Mais cet état, provoqué par nous, ne persistera pas. Après une dizaine d'oscillations consécutives, tout reviendra dans l'état primitif. Et, à la fin de l'expérience, la malade, qui sentait les piqûres à droite pendant tout le temps qu'elle voyait les couleurs de l'œil droit, passe de nouveau à l'état d'hémianesthésie droite, au moment même où, à droite, elle perd, la notion des couleurs et ne voit plus que du blanc.
Achromatopsie artificielle. — 11 est d'ailleurs très facile de repdre tons les auditeurs achromalopsiques ; il suffit d'éclai
rer ce disque de Newton, et toutes ces planches coloriées, avec de la lumière de sodium, qui est monochromatique et exclut toutes les autres, pour que tous vous perdiez la notion des couleurs et que vous ne puissiez distinguer rien autre chose que du gris ou du blanc. Vous avez tous l'achromatop-sie des hystériques, et, si j'ai fait cette expérience, c'est pour vous faire sentir par vous-même l'état dans lequel se trouve l'hystérique (le plus souvent d'un œil seulement).
Si l'on combat la lumière du sodium par la lumière électrique ou par la lumière solaire, immédiatement les couleurs reparaissent et sont perçues régulièrement.
III. Contracture hystérique artificielle. —Catalepsie artificielle. — Je vous ai montré, dans la leçon précédente, comment le simple voisinage d'un aimant nous permet de faire passer une contracture hystérique naturelle dans un autre membre et d'un autre coté du corps. Je vous ai aussi fait voir que, par une préparation spéciale, nous pouvons, chez une hystérique, provoquer artificiellement une contracture dans le membre que nous voulons, et que désormais, cette contracture se comporte comme une contracture hystérique naturelle. Vous avez vu, d'ailleurs, qu'après avoir affligé notre hystérique de cette contracture momentanée, nous avons pu l'en débarrasser aussitôt après la démonstration.
Il est temps de vous dire mon petit secret : il est bien simple, et, après moi, vous pourrez en faire tout autant, car je pense bien que vous ne me supposez pas un pouvoir surnaturel. Le procédé réussit chez toutes les hystériques.
Il suffit de regarder fixement une hystérique pour la mettre dans cet état spécial de léthargie provoquée, dans cet état inconscient de résolution des membres, d'insensibilité, dont je vous rends témoins. Je me place en face de cette jeune hystérique ; je la regarde en face, en lui disant
de me regarder : elle tombe comme foudroyée dans cet état spécial, n'entendant plus rien, ne voyant plus rien, ne pensant plus à rien : lorsqu'on la réveillera, elle ne saura pas ce qui s'est passé.
Pendant qu'elle est dans cet état particulier, nous constatons qu'il existe chez elle une surexcitabilité musculaire très vive ; je touche à peine, avec une petite baguette, la région du nerf facial, près de l'oreille, et aussitôt vous voyez se contracter énergiquement tous les muscles de ce côté delà face, innervés par le facial, fout à fait comme s'y j'y avais fait passer un courant à la manière de Duchenne (de Boulogne).
Je touche de même le muscle sterno-cléido-masfoïdien droit ; immédiatement, vous voyez la tête s'incliner à droite et la face se tourner du côté gauche, ce qui est l'effet produit par la contraction de ce muscle. Ces résultats ne peuvent être simulés par nos malades, qui ignorent assurément tous les détails de la myologie et les travaux de Ch. Bell. Je produis les mêmes effets, la contraction, sur tous les muscles que je touche légèrement.
Si, au contraire, je prolonge cette excitation, si je la renouvelle sur le même point, je produirai, non plus une contraction passagère, mais une contracture. Je touche plusieurs fois les muscles du bras droit, et vous voyez que la malade a une contracture du membre supérieur droit.
Pendant que notre malade est dans cette sorte d'hypnotisme, nous pouvons la faire passer dans un état de catalepsie artificielle ; il suffit de lui ouvrir les paupières de façon que l'impression du jour excite ses yeux. Aussitôt vous voyez que je lui donne foutes les attitudes que peuvent, prendre les cataleptiques, et ses membres conservent la position que je leur ai donnée.
L'hyperesthésie musculaire a dès lors disparu. La catalep
sie est donc un état confinant à l'état hypnotique du début de l'expérience ; nous pouvons passer de l'un à l'autre, mais ils diffèrent l'un de l'autre, puisque, dans le dernier, il n'y a plus cette excitabilité si vive et si remarquable du système musculaire.
Si nous réveillons notre cataleptique (en lui soufflant sur la figure ou en lui comprimant la région ovarienne), nous la trouvons avec sa contracture ; sa contracture du bras peut passer d'un côté à l'autre, et dans les muscles que nous voudrons, comme vous l'avez vu dans la séance précédente.
Pour faire disparaître la contracture, il faut de nouveau faire tomber notre malade dans l'état de léthargie provoquée: je la regarde fixement en lui disant de me regarder en face, et, immédiatement, elle tombe dans ce singulier état.
L'hyperesthésie musculaire existe : je fais une excitation légère des extenseurs du bras, et la contracture des fléchisseurs disparaît. Je réveille la malade, et vous remarquerez que, chaque fois, elle pousse un cri et qu'il apparaît de la mousse à sa bouche. Ce réveil n'est, en effet, pas un réveil physiologique ; c'est un état pathologique, c'est la sortie d'une crise, de même que l'état dans lequel nous la plongeons artificiellement n'est pas un sommeil. On a dit que c'est un sommeil nerveux ; je ne sais trop ce que cela signifie : appelons-le plutôt un état de sujétion, de subjection ; peu m'importent les noms qu'on voudra lui donner, je constate le fait tel qu'il existe. Pendant ce sommeil spécial, si je cherche à l'entraîner vers moi, elle me suit ; on peut la faire travailler, lui faire désigner telle personne qu'elle a, vue antérieurement, etc.; c'est le domaine qui a été exploité dans un autre ordre d'idées.
Nous pouvons faire passer directement notre jeune hystérique dans l'état cataleptique. Disons-lui de regarder un ins
tant la lumière électrique de notre appareil à projection ; aussitôt, elle est cataleptique. Remarquez aussi quelle influence l'attitude des membres exerce sur l'aspect de la physionomie ; je lui rapproche les mains de la figure comme on fait lorsque l'on rit, et aussitôt, la face prend l'expression du rire ; si je donne aux bras une attitude tragique, aussitôt, la figure devient tragique à son tour.
Nous pouvons maintenant transformer cet état cataleptique en état de léthargie par l'effet de la cessation de la lumière ; la malade pousse un cri et, quittant son attitude cataleptique, elle tombe sur la chaise dans l'état que nous venons d'étudier. Alors la surexcitabilité des muscles existe ; la contracture pourrait être produite, etc., comme nous l'avons vu précédemment. Cette longue suite d'excitations de toute sorte n'a d'ailleurs pas d'influence fâcheuse sur l'état ultérieur de la malade. Après une sorte d'engourdissement d'un quart d'heure ou d'une demi-heure, lorsqu'elle aura pris le grand air, elle se retrouvera dans son état normal.
Je n'insiste pas d'avantage aujourd'hui sur ces curieux phénomènes ; ils nous découvrent quelques points de la pathologie des contractures hystériques ; espérons qu'un jour nous arriverons à en saisir tous les détails inconnus et à les utiliser pour le traitement de ces contractures.
Vili.
Episodes nouveaux de l'hystéro-épilepsie. — Zoopsie. — Catalepsie chez les animaux (1).
I. Contracture hystérique; disparition subite. —On sait que la contracture hystérique est d'une ténacité extrême, et persiste quelquefois pendant plusieurs années. J'ai vu ici une malade atteinte de contracture hystérique permanente pendant huit années consécutives. Mais il peut arriver que la contracture disparaisse tout à coup sous l'influence d'une émotion morale vive, et surtout sous l'influence d'une excitation religieuse. C'est là un fait qui n'est absolument pas douteux. Ainsi, je vous présente cette malade qui est aujourd'hui très bien guérie. Elle est entrée à la Salpêtrière comme incurable : elle était atteinte d'une contracture du côté gauche qui durait depuis huit ans : quelque temps après la Commune, elle se trouve dans cet hospice, mêlée à une cérémonie religieuse qui l'impressionne vivement ; tout à coup, ses membres se détendent et sa contracture cesse immédiatement. Ce n'est pourtant que les jours suivants que disparurent successivement l'anesthésie, puis l'achromatopsie qui siégeaient du
1. Extrait de la Gazelle des hôpitaux du 28 nov. 1878. Ciiaucot. Œuv. eompl. t. ix, Hypnotisme. nj
même côté gauche; depuis cette époque, elle est restée guérie complètement : vous pouvez reconnaître en elle la malade dont j'ai publié la photographie dans mon livre, par les cicatrices d e brûlures qui sillonnent son visage. C'est cette même malade qui nous a présenté des phénomènes (ï ischurie hystérique, et qui vomissait de l'urée tous les jours. Notons aussi que l'hysté-ro-épilepsiechez elle a survécu quatre annéesàla ménopause(l).
II. Paralysie hystérique ; diagnostic. — La paralysie est le phénomène précurseur ordinaire de la contracture : un membre se paralyse d'abord, puis survient la contracture. C'est, par exemple, ce qui est arrivé chez la religieuse de la Creuse dont je vous ai entretenus dans la précédente leçon (page 271). A la suite d'une attaque plus ou moins violente, un membre est paralysé, puis il devient le siège d'une contracture.
Je vous présente aujourd'hui une jeune fille atteinte d'a-nesthésie totale, prédominante du côté gauche : c'est de ce côté qu'il existe une paralysie hystérique très-marquée. Il y a presque une paraplégie. Comment distinguer une paralysie hystérique d'une paralysie due à une myélite, à une lésion matérielle de la moelle? A côté de cette jeune fille, je place une femme atteinte de myélite partielle, et qui ne présente aucun phénomène hystérique. Vous pouvez constater que les phénomènes locaux sont absolument identiques. Vous savez que l'on dit caractéristiques des myélites partielles latérales de la moelle, de ces myélites qui intéressent surtout les fonctions motrices, les caractères suivants : 1° la trépidation provoquée qui se produit lorsqu'on redresse la pointe du pied du côté paralysé; 2° le réflexe tendineux que l'on observe quand on produit un choc sur le tendon rotulien : aussitôt
1. Voir le tome I des Œuvres complètes, p. 275. Nous avons publié l'observation entière de cette malade dans nos Rec/i. clÂniq. et thérup. sur l'e'pllepsie etl'hystérie. Paris, 1876. (B.)
on voit une petite secousse du membre (il faut fléchir la jambe et bien la soutenir en tenant la main sous la partie postérieure de la jambe) ; 3° la trépidation spontanée que l'on produit lorsque l'on cherche à élever le membre en le tenant avec la main appliquée sur la plante des pieds.
Vous voyez que chez Tune et l'autre de ces deux malades je provoque également ces trois phénomènes classiques delà lésion des faisceaux latéraux de la moelle. Il faut donc chercher ailleurs le diagnostic différentiel de la paralysie hystérique et de la paralysie organique. Il faut étudier le tableau tout entier, les phénomènes généraux de l'organisme, et chercher les symptômes que l'on pourrait croire accessoires, et qui pourtant sont de la plus haute importance puisque, par eux seuls, on peut dire si la malade est hystérique ou ne l'est pas. Je vous montre ici des types accomplis dont vous pouvez nettement saisir les différences. Mais il n'en est pas toujours ainsi dans la pratique ordinaire, et parfois il est difficile de se prononcer. J'ai ainsi été appelé à l'étranger pour donner mon avis dans un cas où l'on se demandait la nature d'une paralysie dont était atteinte une jeune femme de vingt ans. Le diagnostic était difficile, mais je fus mis sur la voie du diagnostic dès que, l'ayant regardée fixement avec beaucoup d'intérêt, je remarquai que ses yeux convergeaient en haut, avec du strabisme interne, et que ses paupières palpitaient légèrement. Il n'y avait pas d'anesthésie des membres supérieurs; mais, ma main ayant touché légèrement l'autre membre inférieur que je croyais contracture, la malade poussa un cri; il y avait donc hypéresthésie de ce côté du corps. C'étaient là des stigmates de l'hystérie; bien qu'il n'y ait pas eu antérieurement d'attaques ni de crises nerveuses, ce qui n'est pas indispensable au diagnostic, j'affirmai que c'était là de l'hystérie et que la guérison surviendrait spontanément, et, en effet, elle survint rapidement.
Cette jeune fille, atteinte de paralysie du côté gauche, présente aussi une anesthésie totale des deux côtés du corps. Vous voyez que son pharynx est absolument insensible ; nous lui rendons cependant la sensibilité au moyen de l'application d'un collier fait avec des plaques de zinc. Après quelques minutes, la sensibilité est complètement rétablie.
III. Zoopsie. — L'achromalopsie partielle ou totale n'est pas le seul trouble de la vision que l'on observe chez les hystériques. Je veux aujourd'hui appeler votre attention sur un autre phénomène intéressant des troubles visuels; je veux parler de la vision des animaux, que l'on pourrait appeler la zoopsie. En effet, dans nos salles, môme pendant les périodes de calme, nos hystériques sont parfois épouvantées par des visions d'animaux. Elles voient des rats, des chats, des animaux, noirs en général, qui se présentent toujours du même côté, du côté de l'achromatopsie ; ils courent, sautent dans la même direction, venant par derrière et latéralement.
Il est des cas où ils sont rouges. A ce propos, il est intéressant de signaler, dans les causes célèbres, un détail du fameux procès de La Roncière (vers 1835) : la jeune fille prétendait que l'homme qui avait escaladé les fenêtres de sa chambre portait un habit et un bonnet rouge : cette halluci-njdinrijroug£revenait toujours à la jeune hystérique.
Parmi les hystériques que je vous présente, celle-ci voit des chats noir|)du côté gauche, côté de sa paralysie; celle-là voit un lion rouge, cette autre voit des rats à sa droite, cette dernière voit des rats et des araignées, toujours venant d'arrière en avant.
Pour mieux établir le contraste que je vous signalais dernièrement entre l'hystéro-épilepsie et l'épilepsie, je fais venir à côté de ces hystériques plusieurs malades atteintes (l'épilepsie et surtout d'épilepsie vertigineuse; vous constatez
combien sont plus graves les troubles de l'intelligence chez les épileptiques. Telle hystérique, la doyenne de cet hospice, est sans doute d'une intelligence très-bornée, mais elle ne présente pas de démence. Au contraire, cette épileptique n'a plus trace d'intelligence ; elle ne connaît que le sucre et les petits papiers qu'elle collectionne; toutes ces autres se rapprochent plus ou moins du genre gâteux ; elles savent à peine leur nom, etc., en un mot, elles ne peuvent être comparées aux hystériques les plus invétérées.
IV. Gatatelpsie artificielle; nouvelles expériences. —Je vous ai montré comment il suffit, pour rendre cataleptique une hystérique, de lui faire regarder fixement la lumière électrique. Dès qu'on cesse l'éclairage électrique, elle tombe dans l'état d'hypnotisme, pendant lequel nous avons constaté l'excitabilité spéciale des muscles et des nerfs. Pour vous montrer que cette expérience n'est pas faite avec ce qu'on appelle un sujet, je la répète avec une autre de nos hystériques. Pendant qu'elle est dans l'état de somnambulisme, je puis, en la sollicitant, lui faire faire quelques petites choses. Je n'ai pas la prétention de la faire voir et lire par l'épigastre, mais je puis la faire lever de son siège en la priant à plusieurs reprises, je lui dis de s'asseoir à cette table et d'écrire «mon nom, mes prénoms » (qu'elle connaît), et vous voyez qu'elle les a écrits sur cette feuille de papier : « Gharcot (Jean-Martin) ». Elle est maintenant insensible sur toute la surface du corps, tandis qu'à l'état ordinaire elle ne l'est que du côté droit.
Nous pouvons la rendre hypnotique ou somnambule d'un côté du corps et cataleptique de l'autre (ce fait a été découvert par M. Descourlis, externe de mon service). Il suffit pour cela de rendre la lumière électrique et d'ouvrir à la malade les paupières du côté droit par exemple ; aussitôt elle est cataleptique de ce côté droit, et je donne à ses membres droits
toutes les attitudes imaginables. Pendant ce temps, le côté gauche est dans l'hypnotisme ; il présente les phénomènes d'excitabilité musculaire et nerveuse que vous connaissez ; je puis provoquer de ce côté gauche les contractures hystériques, de la langue par exemple.
Je la rends cataleptique des deux côtés en ouvrant les paupières du côté gauche, et je la réveille en lui soufflant sur la figure. Elle a gardé ses contractures du côté gauche et de la langue. Je les fais disparaître comme vous savez : je lui fais regarder la lumière, électrique, elle devient cataleptique ; je fais cesser la lumière électrique, elle devient hypnotique, et je la réveille brusquement.
Il est un autre moyen de provoquer la catalepsie : je fais asseoir ces deux hystériques sur la caisse à résonnance de ce gros diapason. Dès que je fais vibrer le diapason, vous les voyez tomber immédiatement en catalepsie. Arrêtons les vibrations du diapason : elles tombent en somnambulisme. Faisons de nouvelles vibrations du diapason, la catalepsie reparaît.
Ce fait curieux, remarqué par M. Vigouroux, est-il dû a l'excitation de la sensibilité auditive, ou à celle de la sensibilité générale ? Nous ne le savons pas ; nous rechercherons bientôt si l'excitation de la sensibilité de l'odorat, du goût, provoque les mêmes phénomènes.
V. Catalepsie chez les animaux. — On a pu provoquer la catalepsie chez les animaux. C'est un fait reconnu depuis longtemps. En 1636, le R. P. Athanase Kirscher raconte (Ars magna lucis et umbrse)xm fait curieux, dû à l'imagination des poules, et surtout des coqs : si l'on fixe, pendant un certain temps, la tête d'un coq près d'un tableau noir sur lequel on a fait une raie blanche, juste au niveau de la tête du coq, celui-ci devient cataleptique : il ne sent plus les piqûres, et
garde une attitude spéciale. Avant le R. P. Kirscher, Schwen-ter avait parlé de cette expérience, et lui-même l'avait apprise dans un livre imprimé à Paris, intitulé : Récréations mathématiques. Le l'ait avait donc été observé en France d'abord, puis transporté en Allemagne, d'où il est revenu ensuite.
Nous remplaçons le tableau noir avec une raie blanche par une lumière vive, devant laquelle nous tenons fixé le bec d'un coq : il devient cataleptique. Hier, l'expérience nous a parfaitement réussi, plus complètement qu'aujourd'hui.
On peut la répéter sur d'autres animaux, moineaux, salamandres, écrevisses, lapins, etc. Avec le cochon d'Inde, nous avons toujours échoué.
VI. De l'hystérie dans l'art. — Nous nous proposons, mon collaborateur M. Ri cher et moi, d'étudier cette question : de l'hystérie dans l'art. Je termine cette conférence en vous montrant de quoi il s'agit.
Nous projetons sur cet écran la copie exacte d'une fresque que j'ai remarquée dans une église de Florence, pendant un voyage fait récemment en Italie. Elle représente un miracle de saint Philippe de Néri, ascète qui passait pour reconnaître les gens chastes à leur seul parfum spécial.
Il est représenté guérissant une possédée (1595). Remarquez comme il fixe l'attention de la malade qui est devant lui, et examinez l'attitude de celle-ci ; c'est la chute d'une hystérique dans l'état hypnotique ou de somnambulisme. Voyez la résolution des membres : ce fait est absolument copié sur nature. Sans le savoir ni le vouloir, le saint a produit l'effet que nous étudions actuellement.
Ce deuxième tableau, que j'ai vu dans une église de Gênes, est de Rubens ; il représente un autre miracle : saint Ignace de Loyola guérissant une démoniaque.
Nous remarquons ici une antre phase de l'hystérie : c'est une véritable attaque d'hystérie ; la démoniaque déchire ses vêtements, et ses membres se contracturent ; la convulsion de la langue'et des mâchoires est admirablement représentée : les détails en sont d'autant plus authentiques, que nous avons l'esquisse même de cette tête, faite par Rubens. C'est la pho-tographie la plus fidèle des contorsions d'une attaque d'hystérie»
IX.
Études physiologiques sur l'hypnotisme chez les hystériques (1).
Les recherches entreprises à l'hospice de la Salpêtrière, par M. Charcot et, sous sa direction, par plusieurs de ses élèves sur l'hypnotisme, datent de l'année 1878. Elles sont donc antérieures àcelles qui, dans le courant des dernières années, ont été poursuivies sur le même sujet, par un certain nombre de physiologistes (2) et de médecins, en Allemagne et en Italie (3).
1. Extrait de l'Exposé des litres scientifiques de M. Charcot. Voir J.-M. Charcot. Leçons faites à la Salpêtrière, Progrès médical, n° 57, 1878; Gazette des Hôpitaux, numéros des 21, 28 novembre, 5 décembre 1878 ; Gazette médicale de Paris, numéros 46, 47, 48, 1878. Tous ces travaux sont reproduits dans le présent volume dont l'article ci-dessus est en quelque sorte le résumé. — Voir section de VExposé des titres : Bourneville et Regnard, Richer, Féré, Ballet.
2. En particulier par le professeur Heidenhain, de Breslau (Der sogenannte thierische Magnetismus. —Physiologiscge Beobachtungen. Leipzig 1880.) Et en Italie par le professeur Tamburini (Rivista sperimentale di Freniatria. Reggio, 1881).
3. A l'époque où parurent les premiers travaux de la Salpêtrière, le seul travail récent sur la matière était un mémoire de M Charles Richet sur le somnambulisme provoqué, publié dans le Journal de l'anatomie et delà physiologie, 1875 Antérieurement, il faut citer les travaux de Pan de Saint-Martin (1869), de Bailly 1868), de Lasègue (1865), de Mesnet (1860), de Demarquay et Giraud-Teulon (1868), d'Azani (1800), de Broca (1859). Les recherches de Braid, (de Manchester);, le véritable initiateur scientifique dans ce genre d'études, datent de 1843.
Dès l'origine, on s'est attaché à imprimer à ces recherches une allure prudente et réservée : peu préoccupé du scepticisme, d'ailleurs purement arbitraire, familier à ceux qui, sous le prétexte « d'esprit scientifique», cachent un parti pris de ne rien voir et de ne rien entendre en ces matières. On s'est tenu autant que possible éloigné de l'attrait du singulier, de l'extraordinaire, écueil qui, dans ce domaine encore peu exploré scientifiquement, se rencontre, pour ainsi dire, à chaque pas. En somme, la méthode qu'il convient de suivre dans ces études ardues de physiologie et de pathologie ner-, veuses peut être, suivant M. Charcot, résumée très simplement ; au lieu de se laisser aller à la poursuite de l'inattendu, de l'étrange, il convient, quant à présent, de s'attacher à saisir les signes cliniques, les caractères physiologiques facilement appréciables des divers états des phénomènes nerveux produits ; de se renfermer d'abord dans l'examen des faits les plus simples, les plus constants, de ceux dont la réalité objective est le plus facile à mettre en évidence, n'abordant qu'ensuite et toujours avec circonspection les faits plus complexes ou plus fugitifs; de négliger même, systématiquement, du moins à titre provisoire, ceux d'une appréciation beaucoup plus délicate, qui, pour le moment, ne paraissent se rattacher par aucun lien saisissable aux faits physiologiques connus. C'est en grande partie, suivant M. Charcot, parce que ces précautions si simples ont été trop souvent négligées, que les recherches sur l'hypnotisme considéré comme une névrose expérimentale, recherches destinées certainement à porter quelque jour la lumière dans une foule de questions, non-seulement de l'ordre pathologique, mais encore de l'ordre physiologique ou psychologique, autrement presque inaccessible, n'ont pas jusqu'ici donné tous les fruits qu'on peut en attendre, et n'ont pas rencontré partout l'accueil favorable qu'elles méritent.
Les études faites à la Salpètrière concernant l'hypnotisme ont toujours porté sur des sujets atteints de grande hystérie (hys-téro-épilepsie, hysteria major). C'est d'ailleurs sur les sujets de cette catégorie surtout que les diverses états nerveux produits artificiellement semblent atteindre leur développement le plus parfait et se montrer doués de leurs attributs les plus caractéristiques. Il a paru plus philosophique des'arrêter tout d'abord aux types réguliers, classiques en quelque sorte, avant d'envisager les formes frustes, riidimentaires, mal dessinées.
1. — Essai d'une distinction nosographique des divers états nerveux compris sous le nom d'hypnotisme.
Les phénomènes si nombreux et si variés qui s'observent chez les sujets hypnotisés ne répondent pas à un seul et même état nerveux. En réalité, l'hypnotisme représente clinique-ment un groupe naturel, comprenant Line série d'états nerveux, différents les uns des autres, chacun d'eux s'accusant par une symptomatologie qui lui appartient en propre. On doit, par conséquent, suivant en cela l'exemple des nosographes, s'attacher à bien définir d'après leurs caractères génériques, ces divers états nerveux, avant d'entrer dans l'étude plus approfondie des phénomènes qui relèvent de chacun deux. C'est faute d'avoir spécifié, au préalable, l'état particulier chez lequel ils ont relevé une observation, que divers observateurs arrivent trop souvent à ne point s'entendre et à se contredire les uns les autres sans motifs suffisants.
Ces différents états, dont l'ensemble représente toute la symptomatologie de l'hypnotisme, semblent pouvoir être ramenés, suivant M. Charcot, à trois types fondamentaux, à savoir: 1° l'état cataleptique; 2M'étaHéthargique et 3° l'état
de somnambulisme provoqué ; chacun de ces états, comprenant d'ailleurs un certain nombre de formes secondaires et laissant place pour les états mixtes, peut se présenter d'emblée, primitivement, isolément; ils peuvent encore, dans le cours d'une même observation, chez un même sujet, se produire successivement, dans tel ou tel ordre, au gré de l'observateur, par la mise en œuvre de certaines pratiques. Dans ce dernier cas, les divers états signalés plus haut représentent en quelque sorte les phases ou périodes d'un même processus.
Laissant de côté les variétés, les formes frustes, les états mixtes, on devra se borner, dans cet exposé, à indiquer, d'une façon sommaire, les traits les plus généraux de ces trois états fondamentaux qui dominent en quelque sorte la symptomato-logie si complexe de l'hypnotisme.
1° Etat cataleptique. —,11 peut se produire : a) primitivement, sous l'influence d'un bruit intense et inattendu, d'une lumière vive placée sous le regard, ou encore, chez quelques sujets par la fixation plus ou moins prolongée des yeux sur un objet quelconque, etc.; — b) consécutivement à l'état léthargique, lorsque les yeux, clos jusque-là, sont, dans un lieu éclairé, découverts par l'élévation des paupières. — Le sujet cataleptisé est immobile ; il paraît comme fasciné. Les yeux sont ouverts, le regard fixe ; pas de clignement des paupières ; les larmes s'accumulent bientôt et s'écoulent sur les joues. Assez fréquemment anesthésie de la conjonctive et même de la cornée. Les membres et toutes les parties du corps gardent souvent pendant un temps fort long les positions, les attitudes mêmes les plus difficiles à maintenir, qu'on leur a communiquées. Ils paraissent d'une grande légèreté lorsqu'on les soulève ou les déplace, et l'on n'éprouve aucune résistance à les fléchir ou à les étendre. La «flexibilitas cerea », et ce
que l'on a appelé « la raideur du mannequin des peintres », n'existent pas. Les réflexes tendineux sont abolis. L'hyperex-citabilité neuro-musculaire fait défaut. — H y a analgésie complète, mais certains sens conservent, du moins en partie, leur activité (sens musculaire, vision, audition). — Cette persistance de l'activité sensorielle permet souvent d'impressionner de diverses façons le sujet cataleptique et de développer chez lui, par voie de suggestion, des impulsions automatiques et de provoquer des hallucinations. Lorsqu'il en est ainsi, les attitudes fixes, artificiellement imprimées aux membres, ou d'une façon plus générale aux diverses parties du corps font place à des mouvements plus ou moins complexes, parfaitement coordonnés, en rapport avec la nature des hallucinations et des impulsions provoquées. Abandonné à lui-même, le sujet retombe bientôt dans l'état où il était placé au moment où on l'a impressionné par suggestion.
2° Etat léthargique. — Il se manifeste : a) primitivement, sous l'influence de la fixation du regard sur un objet placé à une certaine distance; b) consécutivement à*l'état cataleptique, par la simple occlusion des paupières, ou par le passage dans un lieu parfaitement obscur.
Fréquemment, au moment où il tombe dans l'état léthargique, le sujet fait entendre un bruit laryngé tout particulier, en même temps qu'un peu d'écume se montre aux lèvres. Aussitôt il s'affaisse dans la résolution, comme plongé dans un sommeil profond. — H y a analgésie complète de la peau et des membranes muqueuses accessibles. Les appareils sensoriels conservent cependant parfois un certain degré d'activité ; mais les diverses tentatives qu'on peut faire pour impressionner le sujet, par voie d'intimidation ou de suggestion, restent le plus souvent, sans effet. — Les membres sont mous, flasques, pendants, et, soulevés, ils retombent lourde
ment lorsqu'on les abandonne à eux-mêmes. Les globes oculaires sont, au contraire, convulsés, les yeux clos ou demi-clos, et Ton observe habituellement un frémissement presque incessant des paupières. — Les réflexes tendineux sont exagérés; riiyperexcifabilité neuro-musculaire est toujours présente, bien qu'à des degrés divers. Elle peut-être générale, c'est-à-dire s'étendre à tous les muscles de la vie animale, face, tronc, membres, ou, au contraire, partielle, c'est-à-dire occuper seulement les membres supérieurs, par exemple, à l'exclusion de la face. Le phénomène en question est mis en évidence en excitant mécaniquement par pression, à l'aide d'un bâton, d'un manche de plume, par exemple, le tronc d'un nerf: alors les muscles qui sont tributaires de ce nerf entrent en contraction.
Les muscles eux-mêmes peuvent être directement excités de la même façon sur les membres, le tronc, au cou ; les excitations un peu intenses et plongées déterminent la contracture des muscles mis en jeu ; à la face, au contraire, les contractions sont passagères, elles ne s'établissent pas à l'état de contracture durable. Les contractures se produisent encore sur les membres, par le fait de la percussion répétée des tendons. Ces contractures, produites soit par l'excitation des nerfs ou des muscles, soit par la percussion exercée sur les tendons, se résolvent rapidement sous l'influence de l'excitation des muscles antagonistes.
Chez le sujet plongé dans l'état léthargique, on peut, ainsi qu'on l'a dit plus haut, développer instantanément l'état cataleptique, lorsque, dans un lieu éclairé, on met l'œil à découvert en soulevant les paupières supérieures.
3° Etat de somnambulisme provogué. — Cet état peut être déterminé directement, chez certains sujets, par la fixation du regard et aussi par diverses pratiques qu'il est inutile d'énu
mérer ici. On le produit a volonté chez Jes sujets plongés an préalable soit dans l'état léthargique, soit dans l'état cataleptique, en exerçant sur le vertex une simple pression ou une friction légère. Cet état paraît correspondre plus particulièrement à ce qu'on a appelé le sommeil magnétique.
Les phénomènes très complexes qu'on peut observer dans cette forme se soumettent difficilement h l'analyse. Us ont été, pour beaucoup d'entre eux, provisoirement relégués sur le deuxième plan dans les recherches faites à la Salpêtrière. On s'est attaché surtout à déterminer, autant que possible, les caractères qui séparent l'état de somnambulisme des états léthargique et cataleptique, et à mettre en évidence la relation qui existe entre ce troisième état et les deux autres.
Les yeux sont clos ou demi-clos ; les paupières se montrent en généra] agitées de frémissements; abandonné à lui-même, le sujet paraît endormi, mais même alors, la résolution des membres n'est pas aussi prononcée que lorsqu'il s'agit de l'état léthargique. L'hyperexcitabilité neuro-musculaire, telle qu'elle a été définie plus haut, n'existe pas, ou autrement dit, l'excitation des nerfs, des muscles eux-mêmes, ou encore la percussion des tendons ne détermine pas la contracture. Par contre, on peut, par diverses manœuvres, entre autres à l'aide de légers attouchements promenés à plusieurs reprises sur la surface d'un membre (passes), ou encore, à l'aide d'un souffle léger dirigé sur la peau, développer dans ce membre une rigidité qui diifôre de la contracture liée à l'hyperexcitabilité musculaire en ce qu'elle ne se résout pas comme celle-ci par l'excitation mécanique des antagonistes, et de l'immobilité cataleptique, par la résistance même qu'on rencontre au niveau des jointures, lorsque l'on essaye d'imprimer nu membre raidi un changement d'attitude (flexibilitas cerea). Pour la distinguer de l'immobilité cataleptique proprement dite, l'on propose de désigner cette rigidité particulière à
l'état somnambulique sous le nom de rigidité cataleptoïdc, on pourrait encore 1"appeler pseudo-cataleptique.
Il y a analgésie cutanée, mais en même temps liyperacui-té fort remarquable de certains modes de la sensibilité de la peau, du sens musculaire et de quelques-uns des sens spéciaux (vue, ouïe, odorat). Il est, en général, facile, par voie d'injonction ou de suggestion, de déterminer chez le sujet la mise en jeu d'actes automatiques très compliqués ; on assiste alors aux scènes du somnambulisme artificiel proprement dit.
Lorsque chez un sujet amené à l'état somnambulique, on exerce à l'aide des doigts appliqués sur les paupières, une légère compression des globes oculaires, l'état léthargique avec hyperexcitabilité neuro-musculaire peut remplacer l'état somnambulique ; si, au contraire, relevant les paupières, on maintient, dans un lieu éclairé, les yeux ouverts, l'état cataleptique ne se produit pas.
IL — Etude particulière d'un certain nombre des phénomènes
observés dans l'ÉTAT hypnotique.
A. — Influence d'un certain nombre d?agents sur la production de l'hypnotisme. — a) Influence d'une lumière vive. — Un vif foyer lumineux (lampe Bourbouze, lumière de Drummond, lumière électrique, lampe au magnésium) est placé sous le regard du sujet et au bout d'un temps très court, en général, apparaissent les phénomènes de l'état cataleptique décrits plus haut. Il suffit d'éteindre brusquement le foyer lumineux, ou simplement de fermer les yeux du sujet catalepfisé en abaissant avec le doigt les paupières supérieures,pour amener l'état léthargique avec hyperexcitabilité neuro-musculaire.
b) Influence des vibrations d'un diapason. — Le sli-jet est assis sur la caisse sonore d'un grand diapason mis
en vibration. Au bout de peu d'instants il devient immobile, le regard fixe; l'état cataleptique s'est produit, si alors les vibrations cessent brusquement, les yeux se ferment, un bruit laryngé se fait entendre, les membres tombent en résolution, en un mot l'état léthargique a remplacé l'état cataleptique. Si, au lieu de s'arrêter brusquement, les vibrations s'éteignent progressivement, l'état cataleptique primitivement produit persiste, au contraire; mais il suffit dans ce cas de clore les paupières du sujet pour que la léthargie se produise.
c) Influence d'un bruit intense, soudain et inattendu. — Le bruit soudain d'un coup frappé à l'improviste, sur un gong ou tout autre instrument du même genre, a pour effet de produire, chez la plupart des sujets hystériques, un saisissement qui, fréquemment, est immédiatement suivi de l'état cataleptiqne.
B. — Du phénomène de V hyper excitabilité neuro-musculaire en particulier. — C'est là un phénomène sur lequel M. Charcot a le premier appelé l'attention dans ses leçons de 1878, et dont, en collaboration avec M. le Dr Richer, il a tait plus tard l'objet d'une étude en règle (Archives de Neurologie, t. II et III) (1). Il est, on l'a vu, un des caractères fondamentaux de l'état léthargique. Il consiste sommairement en une aptitude spéciale que présente le muscle (2) à entrer en contracture sous l'influence d'une simple excitation mécanique. L'excitation mécanique peut être portée sur le corps du muscle lui-même, sur son tendon ou sur le nerf dont il est tributaire. On comprend par là, qu'à l'aide d'un petit bâton, il soit possible, lorsque le phénomène est bien développé, de reproduire la plupart des expériences de Du-chenne (de Boulogne), sur l'action partielle ou combinée des
1. Ce travail est reproduit ci-après, p. 310.
?. Il s'agit seulement ici des muscles de la vie animale.
Charcot. (Euvr. compl. r. in, Hypnotisme. 20
muscles, déterminée au moyen de l'électrisation localisée: c'est ainsi que se produisent, en particulier, les griffes radiale, cubitale, médiane caractéristiques, suivant que l'excitation mécanique porte sur le nerf radial, le cubital ou enfin le médian. La'contracture ainsi provoquée est très énergique : elle résiste aux efforts les plus vigoureux; mais, tant que l'état léthargique persiste, il est un moyen fort simple de la faire céder presque instantanément, et ce moyen consiste dans la friction exercée surs les muscles antagonistes.
L'hyperexcitabilité neuro-musculaire est un fait objectif des plus saisissants, des plus faciles à mettre en évidence. Sa constatation régulière peut constituer une sorte d'épreuve an itomo-physiologique, qui met l'observateur à l'abri de foute intervention voulue de la part du sujet et exclut, en un mot, toute idée de simulation.
C. — Phénomènes de suggestion par l'intermédiaire du sens musculaire. — Durant l'état cataleptique, la physionomie, d'abord impassible, est susceptible de prendre des expressions variées en rapport avec les attitudes que l'on communique aux membres. Ainsi une attitude tragique donnée aux membres supérieurs a pour effet d'imprimer a. la physionomie un air dur surtout dû au rapprochement des sourcils. Si, au contraire, on approche de la bouche les deux mains ouvertes, comme dans l'acte d'envoyer un baiser, le sourire apparaît aux lèvres. 11 est môme possible en donnant aux deux bras une attitude d'expression contraire d'amener, par exemple, le sourire sur une moitié de la face, pendant que l'impression de la colère est marquée sur l'autre moitié par le froncement du sourcil. Le mécanisme intime qui relie le geste à la physionomie peut également être mis en relief par une expérience en quelque sorte inverse. L'on fait contracter successivement au moyen de la faradisation,
les différents muscles de la face, suivant le procédé de Duchenne (de Boulogne,) et l'on voit alors, chez certains sujets, les membres par des attitudes variées se mettre en harmonie avec les expressions qu'on a artificiellement imprimées à la jmysiiHioniie.
1). - Localisatio }de divers phénomènes précédemment décrit sa~ itTT eufcôté du corps ; hémiléthargie, hénùcata lepsie. — Au cours de l'état cataleptique, il suffit de clore un des yeux du sujet pour amener la résolution et, en môme temps, rhyperexcitabilitô neuro-musculaire dans tout le côté du corps correspondant, pendant que l'autre côté, dont l'œil est demeuré ouvert, conserve fous les attributs de l'état cataleptique. Inversement, durant l'état léthargique, ii suffira de soulever une des paupières pour faire disparaître instantanément toute trace d'hyperexcitabilité dans les muscles du côté du corps correspondant, en môme temps que le développement, de ce même côté, les caractères de l'état cataleptique. Cependant, le côté du corps où l'œil est demeuré fermé conserve au même degré qu'auparavant les caractères de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire. C'est ainsi qu'on peut provoquer à volonté, soit d'un côté du corps, soit de l'autre, riiémiléthargie avec hyperexcifabilité ou riiéinicatalepsie.
Les phénomènes déterminés par voie de suggestion soit en conséquence de l'attitude imprimée aux membres, soit par l'excitation faradique des muscles de la face, peuvent se montrer également limités à un seul côté du corps, pendant que l'autre côté présente les caractères soit de. l'état léthargique, soit de l'état cataleptique.
E. — Persistance pendant la veille de quelques phénomènes produits pendant l'état hypnotique. — Les contractures produites par excitation mécanique des muscles pendant l'état léthargique, persistent souvent après le réveil, lorsqu'on
n'a pas eu soin de les faire disparaître, pendant l'état léthargique, par l'excitation des antagonistes. Pour amener la résolution rapide de ces contractures artificiellement produites, il suffit, le sujet étant de nouveau plongé dans l'état léthargique, de mettre à profit la réapparition de l'hyperexcitabilité musculaire pour agir sur les antagonistes. Malheureusement, les contractures spontanées des hystériques ne se comportent pas comme les contractures artificielles ; alors môme que le sujet a été plongé dans l'état léthargique, elles résistent néanmoins, le plus souvent, à toutes les manœuvres.
Hallucinations visuelles provoquées. — Si une hallucination visuelle a été provoquée chez un sujet cataleptisô, celui-ci déclare que l'image est vue par lui double, lorsqu'un prisme est maintenu appliqué au-devant de l'un de ses yeux. La seconde image est alors placée adroite, à gauche, en haut ou en bas de la première, conformément aux lois physiques, suivant que le sommet du prisme est, à l'insu du sujet, dirigé vers la droite, la gauche, etc., etc.
Faits à l'appui de la localisation de Broca. — Lorsque le sujet étant plongé dans l'état cataleptique, on lui suggère l'idée de compter à haute voix, il compte indéfiniment jusqu'au moment où l'on vient à fermer l'œil droit correspondant à l'hémisphère gauche, en abaissant la paupière supérieure. Si cette paupière est relevée, et l'œil droit de nouveau mis à découvert, le sujet reprend immédiatement son énumérafion là où il l'avait laissée. L'occlusion de l'œil gauche, correspondant à l'hémisphère droit n'amène pas ce résultat. Les choses se passent d'une façon analogue si, au lieu de faire compter le sujet cataleptisé, on lui enjoint d'écrire. — Expérience imaginée par M. le professeur Lépine (de Lyon) et répétée un grand nombre de fois sur des sujets différents (1).
1, La première partie cle ce travail (p. 297-304) a été lue à. YAcad. (tes Sciences (13 i'cv. 1882) et publiée dans le Progrès médical (1882, p. 121).
X.
Contribution à l'étude de l'hypnotisme chez les hystériques ; du phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire (1).
L'état hypnotique que l'on obtient assez facilement chez la plupart des malades hystériques par la mise en œuvre de procédés variés est caractérisé par l'apparition d'un certain nombre de phénomènes soit somatiques, soit psychiques, dont l'étude est intéressante à plus d'un titre. Non-seulement l'observateur peut trouver dans la constatation régulière de quelques-unes de ces manifestations des signes diagnostiques certains qui le mettent à l'abri de la supercherie et de la simulation ; non-seulement l'examen attentif des relations qu'aflectent entre eux tous ces phénomènes variés, leur mode de groupement naturel, leurs affinités ou leurs oppositions, peuvent conduire à la distinction de plusieurs modes du sommeil nerveux, jusque là confondus sous la dénomination générale d'hypnotisme; mais l'étude approfondie de chacun de ces phénomènes en particulier peut contribuer à la solution de quelques-uns des problèmes les plus élevés de la physio-
1. En collaboration avec M. le D1' P. Rtcher. —Extrait des Archives de Neurologie, 1881, t. II, p. 32 et 173 ; t, III, p. 129 et 310.
logie et même de la psychologie. Il n'est aucun d'eux en effet qui ne puisse se rencontrer, à des degrés variables, il est vrai, dans l'état de santé ou dans l'état de maladie. Et, d'après cette loi aujourd'hui bien établie, que les manifestations pathologiques ne sauraient comporter en elles-mêmes aucun élément nouveau, qu'elles ne sont que des déviations, des modifications plus ou moins profondes des conditions physiologiques, il arrive que, pour qui sait y regarder, les phénomènes morbides sont pleins d'enseignements au point de vue physiologique et que la maladie nous révèle souvent . les secrets de l'état normal.
Entre le fonctionnement régulier de l'organisme et les troubles spontanés qu'y apporte la maladie, l'hypnotisme devient comme une voie ouverte à l'expérimentation. L'état hypnotique, n'est autre chose qu'un état nerveux artificiel ou ex érimenta dont les manifestations multiples apparaissent ou s'évanouissent, suivant les besoins de l'étude, au gré de l'observateur.
Considéré de la sorte, l'hypnotisme devient une mine précieuse à exploiter aussi bien pour le physiologiste et le psychologue que pour le médecin. — Mais ici plus qu'ailleurs, il importe de procéder avec méthode. L'expérience du passé montre dans quelle voie doivent marcher les observateurs désireux de porter la lumière sur ces faits qui, de près ou de loin, touchent à ce qu'on appelle le magnétisme animal.
La difficulté même du sujet impose à quiconque désire aborder l'étude de ces questions, un esprit scientifique essentiellement pratique, autant ennemi de la spéculation hâtive que désireux de la réalité objective des choses, se contentant d'abord de bien voir et de bien constater avant de vouloir expliquer, et, dans la recherche des faits, ne procédant jamais que du simple au composé, du connu à l'inconnu, s'en tenant d'abord aux faits les plus saillants et les plus positifs pour
n'aborder qu'ensuite ceux d'une appréciation plus délicate et plus difficile.
Telle a été la méthode qui a présidé au début de nos recherches sur ce sujet, entreprises à la Salpêtrière en 1878 (1). Grâce à elles, un certain nombre défaits paraissent aujourd'hui bien établis, entre autres : l'influence d'un certain nombre d'agents sur la production de l'état hypnotique : lumière vive (lampe Bourbouze, lumière de Drummond, lumière électrique, flamme du magnésium...), vibrations d'un grand diapason, bruit intense et inattendu (bruit du gong) ; — le phénomène de V hyverexeitabilité neuro-musculaire servant à caractériser une des phases du sommeil hypnotique désignée par l'un de nous sous le nom de léthargie hystëriqvc
1. Vers la fin de cetle môme année, l'un de nous (Gharcot) fit de ces recherches le sujet de plusieurs conférences cliniques, à l'hospice de la Salpôtrière, dont le compte rendu parut à cette époque dans plusieurs journaux : Progrès médical, n° 51, 1878 ; Gazette des hôpitaux, n09 des 21 nov., 28 nov. et 5 déc. 1878 ; Gazette médicale de Paris, n°" 46, 47 et 48, 1878. — L'année suivante, les mômes faits d'hypnotisme tiennent une place importante dans la thèse inaugurale de l'un de nous (P. Richer.— Étude descriptive de la grande attaque hystérique et de ses principales variétés, 1879), ainsi que dans une autre publication plus récente (Etudes cliniques sur thystéro-êpilepsie ou grande hystérie, 1881.)
Le D1' Regnard qui contribua aux premières recherches de 1878, dans le service de l'un de nous (Gharcot) à la Salpôtrière, a depuis fait paraître plusieurs travaux sur ce sujet : Revue scientifique, n° 13, 1881. Sommeil et somnambulisme, conférence faite à la Sorbonne, et en collaboration avec le Dr Bourneville, le 3e volume de l'Iconographie photographique de la Salpê-irière (1879-1880), consacré pour la plus grande partie à l'étude de l'hypnotisme et dont quelques extraits ont paru dans le Progrès médical, n"° 14 et 15, 1881, et dans le journal la Nature, 1881.
Nos recherches de 1878 marquent le commencement du mouvement actuel qui se poursuit en Allemagne et en France, au sujet de l'étude de l'hypnotisme. A l'époque où parurent les premiers travaux de la Salpôtrière, le seul travail récent sur la matière était un mémoire de M. Ch. Richet sur le Somnambulisme provoqué dans le Journal de l'analomie et de la physiologie de Ch. Robin, 1875. Antérieurement, il faut citer les travaux de Pau de Saint-Martin (1869), de Baillif (1868), de Lascgue (1865), de Mesnet (1860), de Demarquay et Giraud-Teulon (1868), d'Azam (1830), de Broca (1859); enfin les recherches de Braid, qui a été le véritable initiateur dans ce genre d'études, datent de 1843,
provoquée (Charcot) ; — les caractères particuliers de la catalepsie hystérique provoquée ; — le mode de succession chez un même sujet de ces deux états nerveux : léthargie provoquée et catalepsie provoquée ; — leur localisation possible à un seul côté du corps : hémi-léthargie, hémi-catalepsie, etc.
Nous nous proposons aujourd'hui, dans un mémoire spécial, de revenir avec quelques détails sur un des phénomènes somatiques les plus intéressants de l'état de sommation chez les hystériques, sur ce phénomène qui consiste en une aptitude particulière du muscle à la contracture sous l'influence de l'excitation mécanique et qui a été désigné par l'un de nous sous le nom d"hyperexcitabilité neuro-musculaire.
I.
DES DIFFÉRENTS MOYENS DE METTRE EN RELIEF L'HYPEREXGITABILITÉ NEURO-MUSCULAIRE
En cherchant à pénétrer plus avant dans l'étude du phénomène de Yhyperexcitabilité neuro-musculaire, qu'une simple malaxation des muscles de la face antérieure de l'avant-bras, par exemple, met si facilement en relief, on arrive bientôt à se convaincre que la contracture musculaire n'est pas due seulement à l'excitation mécanique de la fibre musculaire elle-même, mais qu'elle se montre également bien, que l'excitation soit portée sur les fibres tendineuses qui sont en rapport de continuité avec la substance musculaire, ou sur les rameaux nerveux moteurs dont les fibres viennent s'y terminer.
Nous étudierons donc successivement les résultats que donne au point de vue de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire,
l'excitation mécanique localisée soit au tendon, soit au rameau nerveux, soit au corps du muscle lui-même (1).
§ I. — Excitation du tendon. — étude des réflexes tendineux
dans la léthargie hystérique provoquée.
L'exagération des réflexes tendineux est Lin fait commun chez les malades atteintes de grande hystésie. Elle accompagne le plus ordinairement l'anesthèsie et l'amyosthénie qui font partie du tableau de la maladie dans l'intervalle des crises, et, comme ces dernières, se localise à un côté du corps, ou bien se généralise, conservant alors, le plus souvent, dans une des moitiés du corps une intensité plus grande.
Si l'on se rappelle la signification aujourd'hui bien établie de ce phénomène et les connexions intimes qui font de l'exaltation des réflexes tendineux et de la contracture musculaire des faits de même ordre, on ne sera pas surpris de rencontrer dans la léthargie hypnotique, dont nous parlons, une exagération marquée de ces réflexes. En effet, sous l'influence des pratiques de l'hypnotisme, les réflexes tendineux subissent des modifications susceptibles de quelques variations suivant les sujets, mais qui, malgré ces variétés individuelles, nous ont paru un des caractères les plus constants du sommeil artificiel.
Cette étude nous a permis de pénétrer quelqLiepeu la nature du curieux phénomène décrit par l'un de nous sous le nom
1. Dans ces recherches sur la contracture provoquée pendant l'hypnotisme, nous avons tenu à ne faire usage que de l'excitation purement mécanique, telle que le choc, la pression, la malaxation, le massage. Nous avons écarté à dessein la vibration du diapason, l'aimant, l'action électrique. Nous savons en effet que ces derniers agents font souvent naître la contracture chez les hystériques sans qu'il soit nécessaire de les soumettre à l'hypnotisation. Tandis que l'excitation purement mécanique n'acquiert d'efficacité que pendant l'hypnotisme et demeure, au moins dans la grande majorité des cas, sans action pendant la veille.
hyper excitabilité neuro-musculaire, en le montrant intimement lié, pour une part, à l'exaltation des réflexes tendineux, dont il devient, dans le cas particulier où la contracture suit l'excitation du tendon, comme une nouvelle manifestation d'un ordre plus élevé.
Pour la production du réflexe tendineux de l'état normal, plusieurs conditions sont nécessaires. Elles ont été nettement formulées par M. Westphal. En premier lieu, le muscle sur lequel on veut agir doit être placé dans un état de tension modérée. En second lieu, l'excitation portée sur le tendon doit consister en un choc brusque qui, par l'intermédiaire des fibres tendineuses, détermine un ébranlement soudain de toute la masse du muscle. La contraction musculaire réflexe ne peut être produite par aucune excitation électrique ou mécanique autre que la percussion.
Dans l'état hypnotique, les circonstances qui favorisent la production du phénomène sont quelque peu changées. Le choc n'agit plus seul, la simple pression produit des effets un peu différents, mais également remarquables. C'est pourquoi, dans l'étude qui va suivre, nous considérerons successivement les effets de l'excitation mécanique portée sur le tendon, soitau moyen d'un choc brusque, soit au moyen de lapression.
A. Effets de la percussion.
Suivant les procédés habituels, nous nous sommes servis dans nos recherches à ce sujet d'un marteau à percussion garni d'un petit coussin en caoutchouc à son extrémité. D'ordinaire, pour faire naître ce phénomène, il faut pratiquer sur le tendon, à l'aide de ce petit instrument, un choc brusque et assez énergique. La percussion du tendon est suivie alors d'une contraction soudaine du muscle qui soulève le segment du
membre auquel il s'attache. Il en résulte une secousse quelquefois directe, mais toujours vive et très courte.
Dans l'état de santé, la contraction réflexe du triceps crural est facile à obtenir par la percussion du tendon rotulien. Cette contraction, d'intensité moyenne, s'exagère dans certains états morbides caractérisés par un accroissement de l'activité réflexe de la moelle épinière, comme dans les paraplégies spasmodiques. De plus, en certains cas, elle se montre là où elle n'existe que rarement à l'état normal, comme au bras par la percussion des tendons du triceps ou du biceps, ou aux avant-bras par la percussion des tendons des fléchisseurs ou des extenseurs au-dessus du poignet. D'autres affections nerveuses au contraire sont, on le sait, marquées, dans la règle, par une abolition complète des réflexes tendineux, l'ataxie locomotrice par exemple. Les différents états nerveux auxquels les pratiques de l'hypnotisme donnent naissance peuvent également se grouper en deux catégories.
Dans l'une, les réflexes tendineux subissent une exagération marquée qui se traduit de diverses manières suivant les malades ou suivant les différentes parties du corps d'une même malade. On peut y ranger la léthargie hystérique provoquée s'accompagnant d'hyperexcitabilité neuro-musculaire et dont nous nous occupons plus particulièrement ici, Dans l'autre, les réflexes tendineux sont complètement abolis comme dans la catalepsie hystérique provoquée.
Toutes les modalités diverses auxquelles peut donner lieu l'exaltation du réflexe tendineux dans l'hypnotisme, reposent sur deux points principaux : — a) extension, diffusion de l'action réflexe ; — b) modifications de l'action musculaire qui en est la conséquence :
a) La contraction est plus vive sans augmenter de durée ;
¡3) La contraction est plus longue, elle marche vers le téta-nisme et tend à se transformer en contracture ;
y) La contraction devient permanente. Le choc a provoqué la contracture. Rarement un seul choc amène ce résultat ; mais, le plus souvent, la contracture est facilement obtenue à la suite de plusieurs chocs successifs portés sur le tendon.
a) Diffusion du réflexe. — Quelques malades sont à peine endormies qu'on voit le réflexe tendineux non seulement s'exagérer sur place et le choc sur le tendon donner lieu à une contraction plus vive du muscle directement intéressé, mais encore provoquer des contractions réflexes dans les membres éloignés du lieu de la percussion, soit d'un môme côté du corps, soit des deux côtés à la fois. Il suffit alors du moindre choc pour provoquer le réflexe, et, à la suite de la percussion du tendon rotulien, par exemple, on observe un soubresaut dans le bras du même côté, ou dans les deux bras à la fois, ou dans tout le corps.
Un choc sur la face externe du bras vers la partie médiane, au niveau de l'insertion du deltoïde, amène une secousse violente dans toute l'épaule et qui peut même s'étendre au tronc tout entier.
Une de nos anciennes malades, Bar..., sur laquelle ont été faites les premières expériences de la Salpêtrière et qui depuis a quitté le service, présentait cette diffusion des réflexes d'une façon remarquable. Pendant la veille, les réflexes ro-tuliens étaient peu exagérés, surtout à la jambe gauche (la malade était hémianestliésique à droite). De plus, les bras comme le reste du corps ne participaient en aucune façon aux mouvements réflexes de la jambe sur laquelle portait l'excitation. Mais à peine Bar... était-elle endormie que les choses changeaient. La percussion du tendon rotulien provoquait un soubresaut de tout le corps, les deux bras, et principalement le droit, étaient animés d'une secousse qui suivait, avec un léger retardparfaitement appréciable,le mouvement de lajambe.
Cail..., hystéro-épileptique, actuellement soumise à notre observation, présente la même particularité. Nous avons soumis ce phénomène à l'analyse par les procédés de la méthode graphique du professeur Marey, et les tracés que nous avons obtenus permettront de s'en rendre un compte exact. Cail... est hémamianesthésique à gauche. Les réflexes tendineux sont exagérés, à l'état de veille, surtout dans tout le côté gauche.
Un tambour myographique est appliqué sur le biceps brachial gauche, un second tambour sur le triceps crural du même côté. Ces deux tambours sont reliés par deux tubes en caoutchouc de même diamètre à deux tambours enregistreurs, dont les leviers inscrivent sur un cylindre recouvert de noir de fumée. Nous n'insistons pas sur le dispositif de notre expérience qui est classique. Le cylindre est animé d'une vitesse uniforme au moyen d'un mouvement d'horlogerie muni d'un régulateur Foucault. Pour le cas actuel, il est placé sur l'axe de mouvement moyen et exécute un tour complet en six secondes.
On a soin de placer bien exactement les deux styles ins-cripteurs sur la même verticale, parallèle à l'axe de rotation du cylindre.
Chaque tracé obtenu dans ces conditions présente deux lignes en courbes superposées. —La ligne supérieure correspond au tambour appliqué sur le biceps brachial et traduit les modifications survenues dans l'état de contraction de ce muscle. La ligne inférieure offre la même signification relativement au triceps crural du même côté.
Le tracé I {Fig. 1) obtenu pendant la veille démontre l'existence du réflexe rotulien. Un choc brusque, porté sur le tendon rotulien provoque presqu'aussitôt un mouvement assez étendu de la jambe et à oscillations multiples. Ces oscillations paraissent produites par des contractions alternatives des muscles extenseurs et des muscles fléchisseurs. — La courbe T. c. traduit les contractions du muscle extenseur du triceps crural.
— On remarque sur ce tracé, que le réflexe rotulien ne retentit en aucune façon sur le bras. Le style supérieur qui correspond au biceps brachial trace une liane droite (B. b.).
Fig. 1. — Diffusion des réflexes tendineux pendant la léthargie hystérique provoquée. — B b, Biceps brachial gauche. — 2' c, Triceps crural du même coté.— Tracé I. Pendant la veille, choc sur le tendon rotulien gauche.
Tracé II. Pendant la léthargie, choc sur le même tendon rotulien.
Tracé III. Pendant la léthargie, choc sur le tendon rotulien droit (côté opposé de l'application des tambours ; — vitesse moyenne du cylindre).
11 n'en est pas de même pendant le sommeil provoqué, ainsi que le montre le tracé II (Fig. /). Par la fixité du regard en convergence supérieure, la malade est rapidement endormie. Les membres sont dans la résolution la plus complète. Les caractères du réflexe tendineux éprouvent aussitôt les modifications suivantes. En outre que le réflexe rotulien paraît plus intense, qu'il s'obtient à l'aide d'une excitation plus légère, il retentit sur les bras et sur tout le corps.
On voit, en effet, sur le tracé II (Fig. 1) la contraction du biceps brachial suivre celle du triceps crural obtenue par la percussion directe de son tendon.
Le tracé III (Fig. 1) a été obtenu sans changer la disposition des appareils placés sur les membres du côté gauche, mais en frappant sur le tendon rotulien du côté droit.
L'on conçoit fort bien que cette diffusion des réflexes tendineux se présente à des degrés variables suivant les malades, et c'est ce qui a lieu en effet. Cette diffusion s'opère-t-elle suivant des lois constantes, se rapprochant plus ou moins de celles posées par Pflûger? Nous ne le pensons point, parce qu'elle est subordonnée au degré d'activité réflexe de la moelle et que nos observations nous ont appris que, souvent, dans l'hypnotisme cette activité nerveuse spéciale n'est pas modifiée d'une façon uniforme dans tous les points de l'axe médullaire. Les phénomènes, en effet, qui en sont la traduction objective se montrent parfois localisés dans une partie du corps, ou bien, s'ils existent, possèdent une intensité variable suivant les régions.
C'est ainsi que nous avons pu observer, contradictoiremenl, aux lois de Pflûger, que le réflexe rotulien se propage d'abord aux membres supérieurs avant de retentir sur l'autre jambe, ce qui est en opposition avec la loi de la symétrie. D'un autre côté, voici qui paraît conforme à la loi de l'irradiation :
nous avons vu souvent le réflexe rotulien retentir sur les membres supérieurs ; mais, nous n'avons pas observé la diffusion du réflexe en sens inverse, c'est-à-dire du membre supérieur au membre inférieur. D'ailleurs, cette dernière loi de Pfluger qui veut que l'excitation réflexe se propage dans la moelle, toujours de bas en haut et jamais de haut en bas, a été vivement combattue par Cayradc et par Yulpian.
Enfin, il ne faut pas oublier que la classification de Pfluger s'applique aux réflexes cutanés et qu'il s'agit ici de phénomènes réflexes d'un ordre différent.
b) Modification de la contraction réflexe qui suit le choc sur le tendon. — En même temps que, sous l'influence de l'hypnotisme, le réflexe tendineux tend à se généraliser, il arrive souvent que la contraction musculaire à laquelle il donne lieu subit elle-même quelques modifications La contraction devient plus longue, la courbe du tracé myogra-phique se transforme en plateau ; c'est un tétanos de courte durée, l'esquisse de la contracture. Mais ces deux modes de l'exaltation des réflexes tendineux — irradiation du réflexe et tendance à la contracture — qui, dans certains cas, se montrent à la fois chez une même malade, peuvent exister séparément, d'une façon indépendante l'un de l'autre.
Witt..., hystéro-épileptique, qui présente à un haut degré, pendant la léthargie hypnotique, le phénomène de l'hyperexci-tabilité neuro-musculaire, offre d'une façon très nette ces modifications de la contraction musculaire réflexe sans tendance à la généralisation. Les nombreuses expériences faites sur elle, aussi bien sur les muscles des bras que sur ceux des jambes, ont donné les résultats suivants :
a) Le choc tendineux modéré est suivi d'une contraction prolongée.
b) Un choc un peu violent produit d'emblée la contracture permanente.
c) La contracture permanente est également provoquée par la répétition de plusieurs chocs légers, et elle se développe alors progressivement.
La contracture ainsi produite ne subit pas un accroissement exactement proportionel au nombre des chocs. — H y a en quelque sorte accumulation de force et addition successive de chaque excitation partielle, de telle façon que, tout en conservant une intensité égale, les derniers chocs sont suivis d'effets beaucoup plus considérables que les premiers.
11 y a donc deux modes de l'excitation par choc : ou l'excitation est intense et unique, ou l'excitation estfaible et répétée. Tous deux conduisent au même résultat qui est la contracture permanente, mais par des procédés un peu différents.
Voici le récit de quelques expériences faites sur Witt... :
7 janvier 1881. — Le tambour myographique est placé sur le corps du muscle extenseur commun des doigts (avant-bras droit).
L'avant-bras droit est placé dans la demi-flexion avec pronation; la malade est assise, le coude repose sur l'angle d'une table, et le poignet est soutenu par la main gauche de l'expérimentateur. La main du sujet, retombe inerte dans la flexion. La percussion est pratiquée sur les tendons extenseurs environ au niveau de la deuxième rangée des os du carpe. La percussion donne lieu à un mouvement d'extension de la main et des doigts.
Le tracé I (Fig. 2) a été obtenu pendant l'état de veille. La secousse musculaire réflexe n'est pas unique, comme il arrive souvent, surtout en ce qui concerne les extenseurs. Elle est représentée ici par une courbe qui présente plusieurs ondulations.
La malade une fois endormie, la même excitation portée sur les mêmes tendons donne le tracé II dans lequel on voit la pre-
Charcot. OEuv. compl. t. ix, Hypnotisme. 21
mière ondulation de la courbe suivie d'un plateau qui se prolonge quelque peu. En efïêt, dans ce dernier cas, on voit la main soulevée par la contraction réflexe des extenseurs s'arrêter à mi-chemin dans son mouvement de rechute, pour retomber ensuite d'elle-même complètement, au bout de quelques instants.
Les tracés de la fig. ' î et de la fig. \ ont été obtenus dans les niâmes conditions expérimentales sur la même malade (Exp. du 16 février). Un signai électrique Marcel Despretz marque le
Fig. 2.— Modification, pendant la léthargie, de la contraction réflexe qui suit le choc du tendon. Tendance à la contracture.
Tracé I. Pendant la veille, choc sur les tendons des extenseurs de l'a van t-bras.
Tracé II. Pendant la léthargie, choc sur les mêmes tendons. (Vitesse moyenne du cylindre.)
moment du choc sur le tendon. Le tambour myographiquc est d'un volume plus considérable que celui qui nous a servi clans l'expérience précédente, aussi le tracé de la courbe musculaire présente-t-il plus d'amplitude.
Dans cette expérience nous trouvons la malade plus excitable que le 7 lévrier. — La contracture à peine produite devient du même coup contracture permanente. Un choc, même modéré, produit d'emblée la contracture.
i'ig» 3« - Contracture pcr choc tendineux pendant la léthargie
E, Extenseur des doigts de Favant-bras droit.
S, Signal électrique indiquant le moment du choc tendineux.
Tracé I, Pendant la veille, quatre chocs successifs portés sur les tendons extensems.
Tracé H. Pendant la léthargie, deux chocs successifs portés sur les mêmes tendons.
(Vitesse moyenne du cylindre)
Pour obtenir une simple contraction, il faut user d'une
excitation fort légère. En répétant ces excitations très légères, on arrive également très rapidement à la contracture ainsi que le prouvent les tracés des fig. 3 et h.
L'excitation portée sur les muscles fléchisseurs de la main et des doigts nous a donné des résultats analogues.
Dans ce cas, le tambour myographique est appliqué vers le tiers supérieur de la face antérieure de l'avant-bras au niveau du relief musculaire des fléchisseurs, et la percussion porte à quelques centimètres au-dessus du poignet, sur la saillie des tendons des muscles palmaires. Comme dansTexpérience précédente, le coude de la malade repose sur l'angle d'une table, l'avant-bras demi-fléchi est en supination et le poignet est soutenu par la main gauche de l'expérimentateur. La main du sujet retombe inerte en extension. Nous avons ainsi obtenu des tracés que nous n'avons
Fig. 4. —Suite de l'expérience représentée Fig. 3. Tracé III. Pendant la léthargie, quatre chocs successifs portes sur les mêmes tendons.
pas fait reproduire, parce qu'ils sont absolument analogues aux précédents.
Dans des expériences faites sur le tendon rotulien, chez la même malade, nous constatons qu'il n'y a pas d'irradiation du réflexe au bras du même côté.
Deux tambours myographiques sont appliqués à la fois, l'un sur le triceps crural gauche, l'autre sur le biceps brachial du même côté. Le dispositif de l'appareil est le même que dans les expériences rapportées plus haut, p. 321.
Sur le tracé I (Fig. o), obtenu pendant la veille, on remarque que le style qui correspond au biceps demeure immobile, pendant que le style du triceps crural marque une série d'ondulations qui suivent le choc porté sur le tendon rotulien.
Pendant la léthargie (tracé II, Fig. 5), le biceps demeure également immobile , mais les caractères de la contraction réflexe du triceps crural sont considérablement modifiés. Un premier choc détermine une contraction prolongée qui se traduit par une courbe à long plateau. Un deuxième choc donne naissance immédiatement à la contraction permanente.
Chez les deux malades qui, jusqu'ici, nous ont servi d'exemples, nous avons vu se montrer indépendamment les deux modifications principales que subissent les réflexes tendineux sous l'influence de l'hypnotisme : a) irradiation du réflexe, chez Cail...; b) tendance à la contracture et contracture confirmée, chez Witt... Mais, ainsi que nous l'avons déjà dit, ces deux caractères peuvent se montrer à la fois, et, en même temps que le réflexe irradié, on voit la contraction (du muscle directement excité, de même que celle du muscle éloigné du point d'excitation) tendre vers la contracture.
C'est ce que démontrent les tracés suivants obtenus chez une autre malade, Parm..., également hystéro-épileptique. Nous ne reviendrons pas sur la disposition des appareils enregistreurs.
Fig. 5. — Contracture par choc tendineux pendant la léthargie.
B b., Biceps brachial gauche. Te, Triceps crural du même côté.
Tracé I. Pendant la veille deux chocs successifs portés sur le tendon rotulien gauche.
Tracé II. Pendant la léthargie deux chocs successifs portés sur le même tendon rotulien (Vitesse moyenne).
Chez Parra... les réflexes tendineux, pendant la veille sont assez développés, mais le réflexe rotulien ne se propage pas au membre supérieur du même côté. (Tracé I, Fig. 6).
Pendant la léthargie hystérique provoquée, le réflexe rotulien s'accuse encore davantage, et l'irradiation au bras du même côté est très marquée. Les trois excitations du tracé II [Fig. 6), ont été portées successivement, et l'on remarque qu'à la troisième excitation la contraction réflexe du biceps brachial, aussi bien que celle du triceps crural, offre une tendance manifeste à la contracture.
Dans une autre expérience, sur la nommée Cail..., nous avons vu à la suite de chocs répétés sur le tendon rotulien, la contracture se confirmer peu à peu et finalement s'établir aussi bien au bras correspondant qu'à la jambe sur laquelle l'excitation avait été directement portée. — En même temps que le membre inférieur se contracture dans l'extension forcée, on voit le membre supérieur animé, à chaque choc rotulien, de secousses réflexes, subir dans son attitude les modifications suivantes : il s'élève légèrement, le poing se ferme, Lavant-bras se met en pronation et en légère flexion, puis ramené sur les côtés du tronc, le membre tout entier s'immobilise dans une attitude qui rappelle celle du début de la grande attaque hystérique.
Dans le cas qui précède, la contracture qui a suivi la percussion du tendon rotulien est demeurée localisée à un seul côté du corps. Mais, la propagation de l'excitation peut dépasser la ligne médiane et la contracture, qui en est la conséquence, s'étendre aux quatre membres et même à tout le corps. C'est ce que nous avons pu constater chez plusieurs de nos malades et particulièrement sur celles qui présentent peu développé le phénomène de l'hyperexcitabilité neuromusculaire.
Nous rapporterons, à titre d'exemple, quelques détails
Fig. 6. — Diffusion du réflexe et tendance à la contracture pendant la léthargie. B b, Biceps brachial gauche. T c, Triceps crural gauche.
Tracé I. Pendant la veille, trois chocs successifs portés sur le tendon rotulien gauche.
Tracé H. — Pendant la léthargie trois chocs successifs portés sur le même tendon rotulien. (Vitesse moyenne )
d'une expérience d'hypnotisme, tentée sur une de nos malades hystéro-épilep tiques, récemment entrée dans le service et qui n'avait jamais été soumise ace genre d'épreuve :
Del..., est anesthésique totale et achromatopsique de l'œil droit seulement. Les réflexes tendineux sont exagérés aux deux jambes, à droite surtout; aux coudes ils sont moins marqués; aux avant-bras ils existent à un faible degré. Il n'y a point d'extension du réflexe rotulien aux membres supérieurs.
La malade est placée en face d'une vive lumière (lampe au magnésium) qu'on la prie de fixer du regard. Au bout de quelques instants, les yeux se convulsent en haut, les pupilles se cachent sous les paupières supérieures, la tête se renverse. Del.... est endormie, les membres sont dans la résolution. Le cou est un peu gonflé et la respiration est laborieuse.
Nous pouvons observer une exaltation des réflexes tendineux facilement appréciable aux poignets et aux coudes où ils existaient peu accusés pendant la veille. Le réflexe rotulien produit à la fois un mouvement dans les quatre membres et un soubresaut de tout le corps accompagné d'une respiration con-vulsive.
En répétant les chocs sur le tendon rotulien, la contracture permanente de la jambe ne tarde pas à s'établir. On voit l'extension de la jambe s'accuser par degrés jusqu'à l'immobilisation dans l'extension complète.
Nous remarquons alors que la contracture n'est pas demeurée localisée au seul membre directement intéressé ; les deux bras sont contractures dans l'extension et la pronation, l'autre jambe est également contracturée dans l'extension, le tronc s'est redressé, la tête est maintenue renversée par une rigidité des muscles de la nuque. En résumé, il s'est produit là une sorte d'attaque de contracture généralisée.
Cette contracture disparaît facilement par la friction des parties contracturées qui retrouvent successivement leur souplesse.
Dans une seconde expérience de généralisation de la contracture à la suite du choc répété sur le tendon rotulien, nous avons fait cesser la contracture d'un même coup partout à la fois, au moyen d'une pression légère de la région ovarienne droite, sans pour cela amener la cessation du sommeil; ce qui eût été inévitable si la pression avait été énergique.
Un choc répété sur les tendons de la face palmaire du poignet amène la "contracture des deux bras dans la demi-flexion. Les membres inférieurs dans ce cas ne participent pas à la contracture.
Les recherches faites au sujet de l'état des réflexes tendineux pendant la léthargie hystérique provoquée, peuvent être résumées dans les conclusions suivantes :
a) Pendant la léthargie hystérique provoquée, les réflexes tendineux s'exaltent et s'irradient, parfois même ils se généralisent. Cette irradiation ne saurait être soumise à aucune loi précise en raison de l'excitabilité variable de diverses parties des centres nerveux. Sous ce rapport, l'axe médullaire peut être divisé suivant un plan vertical et médian — presque toujours, en effet, un côté du corps est plus excitable que l'autre ; — il peut être également divisé en sections transversales, les membres inférieurs pouvant acquérir un degré d'excitabilité différent de celui des bras ou inversement. Nous savons aussi qu'au point de vue de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire les muscles de la face et ceux des membres sont soumis à un régime différent ; et dans le plus grand nombre des cas, ce phénomène manque à la face, pendant qu'il existe très développé dans le reste du corps.
b) La contraction musculaire qui est la conséquence du choc sur le tendon présente une tendance marquée vers la contracture.
La contracture permanente est le plus souvent obtenue à la suite de plusieurs chocs successifs portés sur le tendon. Lorsque l'excitabilité réflexe existe à un haut degré, un seul choc suffit. Alors, la pression sur le tendon conduit au même résultat, ainsi que nous le verrons dans un instant.
c) Le degré de réflectivité médullaire varie non seulement avec les malades ou chez une même malade, suivant les diverses régions de la moelle, mais aussi chez une même malade d'un jour à l'autre ou même d'un moment à l'autre, sous des influences variées. C'est ainsi qu'après nos expériences les réflexes tendineux de l'état de veille sont toujours un peu plus exaltés qu'auparavant.
d) \u point de vue spécial des phénomènes de l'hyperexci-tabilité neuro-musculaire, c'est-à-dire de la contracture musculaire obtenue à l'aide d'une simple excitation mécanique, il existe une différence entre les deux modalités de l'exaltation des réflexes tendineux : diffusion du réflexe et tendance à la contracture.
La diffusion des réflexes se rencontre souvent chez les sujets qui n'offrent pas très développé le phénomène de l'hyper-excitabilité neuro-musculaire. Il y a là une sorte de contradiction qui s'explique facilement de la façon suivante.
Dans ces cas, le phénomène pour se développer exige une excitation intense et répétée. L'ébranlement nerveux qui en est la conséquence tend à se propager dans toute l'étendue des centres et la contraction réflexe, de même que la contracture, se généralise. Au contraire, chez les malades qui présentent à un haut degré l'hyperexcitabilité neuro-musculaire, il suffit du plus léger choc tendineux pour produire immédiatement la contracture localisée et dans ce cas l'excitation nrest pas assez vive pour tendre vers la généralisation.
Au résumé, le choc est un mauvais procédé de localisation. La contracture suit également d'autres procédés d'excitation mécanique du tendon, tels que la malaxation, la friction et la simple pression. Ces manœuvres, que nous allons étudier maintenant, ont pour résultat de produire la contracture plus sûrement que l'excitation par choc et d'éviter la généralisation.
B. —Effets de l'excitation tendineuse par malaxation, friction ou simple pression,
Chez les sujets peu sensibles nous avons vu parfois, alors que le choc répété des tendons ne produisait qu'une série de secousses musculaires, sans tendance manifeste vers la contracture, la malaxation ou la friction un peu prolongée de ces mêmes tendons, provoquer assez facilement la contracture permanente.
D'autre part, dans certains cas où le choc tendineux était suivi de la généralisation de la contracture, la malaxation du tendon a produit la contracture locale. Mais c'est principalement sur les sujets qui présentent à un haut degré l'hyperex-citabilité neuro-musculaire que la simple pression du tendon fait merveille, et est douée d'une efficacité bien plus grande que le choc, au double point de vue de la précision et de l'intensité de la contracture.
Chez ces sortes de malades on réussit à provoquer, à l'aide d'un choc léger et rapide, une contraction réflexe qui présente, à peu de chose près, les mêmes caractères que celle qui est obtenue par le même procédé pendant la veille, tandis qu'une pression, si peu prolongée qu'elle soit, ne saurait produire autre chose qu'une contracture. 11 en résulte que, pour la production de la contracture réflexe par excitation
tendineuse, non seulement le choc n'est pas nécessaire mais la simple pression est beaucoup plus efficace. D'où il suit également que le muscle sur le tendon duquel on opère n'a pas besoin d'être placé dans l'état de demi-tension exigé pour la production du réflexe tendineux de l'état normal.
Pour les tendons superficiels etfacilementaccessibles comme ceux des deux palmaires au poignet, il suffit d'appuyer légèrement avec l'extrémité mousse d'un porte-plume, par exemple, pour voir la contracture se développer instantanément, les tendons faire saillie et la main s'immobiliser dans la flexion.
Le tracé suivant, obtenu sur le corps Witt..., traduit le phénomène. Le tambour myogra-phique est appliqué sur le corps du grand palmaire. La pression sur le tendon est très modérée et le signal Marcel Despretz marque le temps pendant lequel elle a été maintenue.
On voit par la courbe (Fig. 7) que la contracture met plus de temps à se produire que par le choc et qu'elle débute moins brusquement.
Fig. 7. — Contracture par pression légère exercée sur le tendon pendant la léthargie. G P, Grand palmaire.
S, Signal électrique indiquant le moment et la durée de la pression.
Au dos de la main, l'expérience offre encore un caractère plus saisissant. Il suffit de toucher en un point quelconque de son parcours — au niveau de la tête des métacarpiens, par exemple — un des tendons de l'extenseur des doigts dont les reliefs sont facilement appréciables sous la peau, pour qu'aussitôt le doigt correspondant — et celui-là seulement — s'étende, maintenu dans cette situation par une contracture permanente des fibres musculaires qui font suite aux fibres tendineuses. Pour les tendons de la tabatière anatomique, l'expérience réussit également.
En promenant légèrement l'extrémité du porte-plume ou de tout autre objet sur le trajet du tendon, l'effet est encore plus accusé, s'il est possible. Cette sorte de friction peut être considérée comme une pression qui se déplace et s'exerce ainsi successivement sur différents points de la longueur du tendon.
La pression peut être brusque ou graduelle.
Les effets de la pression graduelle sont démontrés dans l'expérience citée plus haut et accompagnée du tracé (Fig. 7).
La pression brusque se rapproche du choc et tient, en quelque sorte, le milieu entre les deux modes d'excitation.
Le tracé suivant (Fig. 8) montre en effet que, dans ce cas, la contracture se produit plus rapidement et plus brusquement. Il s'agit d'une pression brusque exercée sur le tendon du grand palmaire. Le signal Marcel Despretz indique la durée de la pression.
Nous pouvons conclure de ce qui précède que la contracture qui suit le choc sur le tendon et celle qui est obtenue par une simple pression exercée au même point, sont des phénomènes de même ordre.
Nous avons montré que la contracture qui suit le choc tendineux n'est qu'une modalité plus accentuée, une exagéra
lion du phénomène connu sous le nom de réflexe du tendon. Il suit donc tout naturellement que cet autre phénomène de prime abord si singulier, qui consiste à l'aire conlracfurer isolément un muscle en touchant simplement son tendon, ne présente en définitive rien d'insolite et doit être rapproché des réflexes tendineux dont il n'est, en quelque sorte, qu'une expression plus délicate et plus élevée.
Nous verrons plus loin les relations quipeuventexister entre la contracture obtenue par l'exilation du tendon et celle qui suit l'excitation des nerfs ou le corps du muscle lui-même.
Fig. 8. — Contracture par pression brusque sur le tendon pendant la léthargie G P., Grand palmaire.
,S., Signal électrique indiquant le moment et la durée de la pression.
§ IL Excitation des nerfs.
L'excitation mécanique des nerfs produit la contracture des muscles auxquels ils fournissent des rameaux. Afin d'éviter toute cause d'erreur et pour isoler, autant que possible, ce qui appartient à la seule excitation du nerf, nous avons choisi, pour les soumettre à l'expérimentation, des troncs nerveux assez volumineux et facilement accessibles à l'excitation mécanique.
Griffe cubitale. — Parmi les nerfs qui peuvent satisfaire à ces conditions, le nerf cubital dans la région du coude, est certainement un des plus favorablement situés. Il se trouve en effet logé dans une gouttière que lui fournissent l'olécràne et l'épitrochlée, reposant sur un plan osseux résistant, recouvert seulement par la peau et éloigné de toute autre partie molle. 11 est donc facile de l'atteindre sûrement.
Son excitation mécanique au moyen d'une simple pression faite avec le doigt, ou indifféremment avec l'extrémité d'un petit bâton, a donné les résultats les plus décisifs et les plus conformes aux données de l'anatomie et de la physiologie.
Sous l'influence de cette excitation, la main se contracture dans une attitude spéciale, se rapprochant de l'attitude hiératique et représentée par la Fig. 9. Le poignet est légèrement fléchi et la main tout entière un peu entraînée vers le bord cubital, les deux derniers doigts sont complètement fléchis dans la paume de la main ; le pouce entraîné dans l'adduction, vient appuyer contre eux sa face palmaire ; la phalangette dans l'extension et l'articulation métacarpo-pha-langienne fléchie, pendant que les deux premiers doigts index et médius, sont dans l'extension. Cette extension n'est pas toujours complète , le plus souvent l'articulation métacarpo
phalangienne est fléchie ; il existe aussi parfois un très léger degré de flexion dans les autres articulations des doigts et principalement sur le médius.
D'autrefois, au contraire, ces deux doigts se placent dans une extension forcée. En tous cas, ils subissent un mouvement latéral assez prononcé en vertu duquel ils s'écartent l'un de l'autre ; il arrive aussi quelquefois que la dernière phalange du pouce se fléchit et qu'elle se place dans la paume de la main recouverte alors par les doigts en flexion {Fig. 10).
Au milieu de ces quelques variations qui peuvent dépendre, soit de variétés anatomiques individuelles, soit du degré d'intensité de l'excitation, soit de la diffusion de l'excitation ou de sa propagation à d'autres muscles par l'intermédiaire des anastomoses nerveuses, il est facile de dégager les caractères fondamentaux de la griffe cubitale : flexion des deux derniers doigts, adduction du pouce, extension et écartement des deux premiers doigts, index et médius.
Ciiaiicot. OEuv. compl. t. ix, Hypnotisme. 22
Fig. 9. — Griffe cubitale. Fig. lU. — Griffe cubitale.
Une attitude aussi caractéristique ne saurait être l'effet du hasard ; elle trouve sa raison d'être dans la distribution spéciale des rameaux du nerf cubital aux muscles de l'avant-bras et de la main.
En effet, le nerf cubital fournit des rameaux aux muscles suivants : cubital antérieur ; fléchisseur profond des doigts (les deux faisceaux internes destinés au petit doigt et à l'annulaire reçoivent seuls leurs rameaux nerveux du nerf cubital le nerf médian innervant les deux faisceaux externes) ; interosseux dorsaux et palmaires ; muscles de l'éminence hypothénar ; les deux derniers lombricaux, adducteur du pouce.
D'un autre côté, la physiologie nous fournit sur l'action de chacun de ces muscles des données que nous résumons dans le tableau suivant :
Action individuelle de chacun des muscles innervés par le nerf cubital.
Cubital antérieur. —• Fléchisseur de la main sur l'avant-bras.
Fléchisseur profond des doigts (deux faisceaux int.). —Fléchisseur des dernières phalanges des doigts.
Interosseux. — Adduction (palmaires), abduction (dorsaux) par rapport à l'axe de la main. Flexion des premières phalanges. Extension des deux dernières.
Muscles de l'éminence hypothénar (abducteur et court fléchisseur du petit doigt) agissent comme les interosseux.
Opposant du petit doigt. — Légère abduction du cinquième métacarpien.
Lombricaux (deux derniers) agissent comme les interosseux. Abducteur du pouce. — Adduction du premier métacarpien. Flexion de la phalange et extension de la phalangette.
Nous pouvons déduire de là l'attitude spéciale que prendra la main, lorsque tous les muscles innervés parle nerf cubital entreront simultanément en action. Nous verrons que cette attitude ne saurait être autre que la griffe cubitale que nous avons décrite et qui trouve ainsi son explication dans les lois connues de la physiologie musculaire.
La flexion de la main sur l'avant-bras est due à l'action du cubital antérieur. Cette flexion n'est pas très énergique, parce que les deux autres muscles fléchisseurs du poignet, grand palmaire et petit palmaire, dont l'action est plus efficace, ne relèvent point du nerf cubital. Le cubital antérieur n'est pas adducteur d'après Duchenne (de Boulogne). Il ne se produit aucun mouvement de pronation ou de supination, les muscles qui président à ces mouvements, ne recevant aucun filet moteur du nerf cubital.
L'adduction du pouce avec flexion de la phalange et extension de la phalangette est évidemment due au muscle adducteur du pouce dont l'action peut s'effectuer librement.
Les interosseux sont les seuls muscles innervés par le nerf cubital, de tous ceux qui meuvent l'index et le médius. Leur action ne saurait donc être gênée ; et, en effet, nous voyons dans la griffe cubitale l'extension des deux dernières phalanges de l'index et du médius exister avec un certain degré de flexion des articulations métacarpo-phalangiennes. — Le mouvement d'adduction ou d'abduction des interosseux ne peut se produire que lorsque la flexion des premières phalanges est peu ou point accusée.
La flexion des deux derniers doigts, annulaire et petit doigt, est le résultat d'actions musculaires plus complexes. Les muscles innervés par le nerf cubital et qui ont quclqu'ac-tion sur ces deux doigts sont nombreux. Parmi les muscles fléchisseurs, le fléchisseur sublime est le seul qui doive de
meurer étranger au mouvement de flexion ; il reçoit ses filets moteurs du nerf médian, et son action porte principalement sur les phalangines. Par contre, les phalangettes sont fléchies par le fléchisseur profond, et les phalanges par les interosscux, les lombricaux et deux des muscles de l'éminence hypothénar (adducteur et court fléchisseur). Le mouvement d'extension que ces derniers muscles (interosseux, lombricaux) impriment aux deux dernières phalanges est combattu par le fléchisseur profond qui, vu sa masse, doit l'emporter.
C'est ainsi qu'il est possible de donner d'une façon assez satisfaisante, pensons-nous, la raison physiologique de l'attitude des doigts et de la main dans la griffe cubitale.
D'ailleurs la faradisation, chez des sujets sains, du nerf cubital à l'épitrochlée, ne nous a pas donné des résultats plus précis. Bien au contraire, nous pouvons dire qu'en ceci l'hyper-excitabilité neuro-musculaire s'est montrée supérieure à la faradisation localisée. Et cela, pour deux raisons principalement : d'abord, la faradisation du nerf cubital demande une assez grande intensité du courant pour que l'excitation se transmette à tous les muscles innervés par lui ; ce qui n'a pas lieu sans une assez vive douleur. L'action électrique ne peut pour cette raison être maintenue au-delà de quelques instants. En second lieu la faradisation ne détermine qu'une contraction qui cesse avec elle, tandis que la contraction due à l'hyper-excitabilité neuro-musculaire persiste après l'excitation, et imprime de la sorte à la main une attitude qu'il est facile d'analyser.
La faradisation du nerf cubital en arrière de l'épitrochlée nous a donné des résultats variables suivant les sujets et aussi suivant le point exact d'application des électrodes. Après quelques tâtonnements, car il n'est pas facile d'y arriver du premier coup, nous avons pu obtenir l'attitude suivante, qui
se rapproche beaucoup de la griffe cubitale que nous avons décrite : (N'oublions pas que nous opérons ici, non plus sur des femmes hystériques, mais sur des hommes bien portants, des infirmiers complètement ignorants en anatomie et qui d'ailleurs n'étaient nullement avertis de ce que nous voulions obtenir).
Les deux derniers doigts sont fléchis fortement dans leur articulation métacarpo-phalangienne, et phalango-phalangi-nienne; le médius et l'index fléchis seulement dans leur articulation métacarpo-phalangienne (le médius un peu plus que l'index) sont étendus dans leurs deux autres articulations et écartés l'un de l'autre. Cette flexion de la phalange de l'index et du médius est presque toujours plus marquée que dans la griffe de l'hyperexcitabilité; le pouce est fortement attiré dans l'adduction et sa phalangette étendue vient appliquer sa face palmaire contre le bord externe du médius; enfin, la main est légèrement fléchie et attirée vers le bord cubital de l'avant-bras.
Cette attitude que nous venons de décrire est parfaitement d'accord avec les connaissances anatomiques et physiologiques exposées plus haut. Mais nous de\rons ajouter que nous avons été loin de pouvoir la reproduire avec cette précision chez tous les sujets. Chez quelques-uns, cela nous a été complètement impossible. Le doigt médius, au lieu cle rester dans l'extension, se plaçait dans la flexion complète à côté de l'annulaire, l'index lui-même se fléchissait mais à un moindre degré. Cette anomalie pourrait s'expliquer par une distribution plus étendue du nerf cubital au muscle fléchisseur profond dont les deux faisceaux externes habituellement innervés par le médian recevraient, en cette hypothèse, des rameaux du nerf cubital qui innerve déjà les deux faisceaux internes. On pourrait admettre aussi qu'il existe dans l'intérieur du muscle des anastomoses nombreuses entre les
terminaisons du nerf cubital et celles du médian, et que, par l'intermédiaire de ces anastomoses, l'excitation portée sur le nerf cubital pourrait s'étendre plus ou moins aux ramifications voisines du médian.
Griffe médiane. — L'excitation du nerf médian un peu au-dessus du pli du coude donne des résultats analogues à ceux de l'excitation du cubital. La main prend alors une attitude qui trouve sa raison dans la distribution du nerf médian et la physiologie des muscles que ce nerf tient sous sa dépendance. Mais ici, la localisation est plus difficile ; entouré de parties molles, le nerf fuit l'excitation si elle n'est faite franchement et au bon endroit. D'un autre côté, il est bien difficile de ne pas exciter en même temps les parties voisines, muscles ou tendons. L'expérience est donc assez délicate, mais avec un peu d'habitude, on arrive assez facilement à isoler l'action du nerf.
Nous rappellerons en quelques mots les notions anatomi-ques relatives à la distribution du nerf médian à l'avant-bras et à la main.
Le nerf médian fournit des rameaux aux muscles suivants : rond pronateur ; grand palmaire ; petit palmaire ; fléchisseur sublime ; fléchisseur propre du pouce ; fléchisseur profond des doigts (les deux faisceaux externes sont seuls innervés par le médian, les deux faisceaux internes étant innervés par le cubital) ; les deux lombricaux externes ; le carré pronateur ; enfin les muscles de l'éminence thénar moins l'adducteur du pouce innervé par le nerf cubital.
Quelle est maintenant l'action partielle de chacun de ces muscles? Comme nous avons fait pour le nerf cubital, nous résumerons ce que la physiologie nous apprend à ce sujet dans le tableau suivant :
Action partielle de chacun des muscles innervés par le nerf médian.
Rond pronateur. — Pronateur et fléchisseur de l'avant-bras sur le bras. (Le mouvement de flexion est assez énergique lorsque l'avant-bras est maintenu en supination, mais lorsque le mouvement de pronation est fortement accusé la flexion se produit avec peu de force.).
Carré pronateur. — Pronateur énergique.
Grand palmaire. Petit palmaire. — Fléchisseurs de la main sur l'avant-bras.
Fléchisseur superficiel des doigts. — Fléchisseur des secondes phalanges des doigts.
Fléchisseur propre du pouce. — Fléchisseur de la phalangette du pouce.
Fléchisseur profond des doigts (dont les deux faisceaux qui correspondent à l'index et au médius sont seuls innervés par le médian). — Fléchisseur des troisièmes phalanges des doigts.
Lombricaux (dont les deux premiers sont innervés seulement par le médian). — Extenseurs des deux dernières phalanges et fléchisseurs de la première phalange.
Muscles de Véminence thénar qui se rendent au côté externe de la phalange du pouce (court abducteur et portion externe du court fléchisseur). — Métacarpien dirigé en avant et un peu en dedans ?—flexion de la première phalange en même temps que inclinaison sur le côté externe et rotation de dehors en dedans — extension de la dernière phalange.
Opposant. — Flexion et adduction du premier métacarpien — action nulle sur les phalanges.
Nous pouvons déduire de ce qui précède l'attitude que prendra le membre sous l'influence de Faction combinée de tous les
muscles innervés parle médian. A priori, l'excitation du tronc nerveux lui-même produira les mouvements suivants :
Flexion de l'avant-bras sur le bras peu accusée, car un seul fléchisseur entre en action (rond pronateur) et encore est-il peu fléchisseur lorsque le mouvement de pronation est énergique comme nous le verrons tout à l'heure.
'Pronation énergique. — Aucun des muscles innervés par le médian n'est supinateur, et ne peut par cela même contre-ba-lancer l'action des deux muscles pronateurs (rond pronateur et carré pronateur).
Flexion de la main sur l'avant-bras. — Sur trois muscles fléchisseurs de la main sur l'avant-bras (qui sont le grand palmaire, le petit palmaire et le cubital antérieur) deux sont innervés par le médian. Ce sont les deux palmaires.
Flexion des doigts. — A un degré différent pour l'index et le médius d'une part, et pour l'annulaire et le petit doigt d'une autre part.
La flexion de l'annulaire et du petit doigt est légère, elle doit porter exclusivement sur les deuxièmes phalanges et est due à l'action du fléchisseur sublime. Les deux faisceaux du fléchisseur profond dont l'action porte sur les troisièmes phalanges sont innervés par le cubital. Il en est de même des interosseux et des lombricaux qui fléchissent les premières phalanges.
La flexion de l'index et du médius est complète et porte sur leur trois segments. - Les phalangettes sont fléchies par le fléchisseur profond, les phalangines par le fléchisseur sublime, et les phalanges par les lombricaux qui suppléent les interosseux innervés par le nerf cubital et dont l'action d'extension sur les deux dernières phalanges est largement annulée par la puissance de flexion des deux fléchisseurs (sublime et profond).
Opposition du pouce avec flexion de la première phalange et peut-être de la deuxième. — Le mouvement d'opposition est exécuté par les faisceaux des muscles de l'éminence thénar qui s'attachent au côté externe de la phalange. Ces mêmes muscles
à la manière des interosseux fléchissent sur le métacarpien et étendent la deuxième phalange sur la première. Ce mouvement de flexion de la première phalange s'exécute avec d'autant plus d'énergie qu'il n'est contrebalancé par aucun des muscles extenseurs ; il n'en est pas de même du mouvement d'extension de la deuxième phalange sur la première qui peut se trouver annulé par l'action du fléchisseur propre du pouce. Ce dernier muscle, en raison de sa masse musculaire, paraît même devoir l'emporter.
En résumé, l'excitation du médian doit donner lieu aux mouvements suivants:
1° Pronation ;
2° Flexion de la main sur l'avant-bras ;
3° Flexion des doigts complète pour l'index et le médius, incomplète pour l'annulaire et le petit doigt ;
4° Opposition du pouce avec flexion de la phalange et peut-être aussi de la phalangette.
Voici maintenant l'attitude qu'a prise la main sous l'influence de l'excitation mécanique du médian pendant l'état d'hyper-excitabilité neuro-musculaire et que nous désignerons sous le nom de griffe médiane.
Nous verrons qu'elle est parfaitement d'accord avec les données anatomiques etphysiologiques que nous venons d'exposer.
L'avant-bras se met en pronation forcée et ce mouvement de pronation est tellement intense que la flexion légère de l'avant-bras sur le bras ne saurait exister.
Le poignet est fléchi.
Le pouce, par un mouvement d'opposition, vient se placer dans la paume de la main, mais la phalangette est dans une situation intermédiaire entre l'extension et la flexion,
Cette position du pouce s'oppose souvent à la flexion complète de l'index et du médius, ainsi qu'on le voit sur la Fig. 11. Les deux derniers doigts (annulaire et petit doigt) sont incomplètement fléchis. Nous avons vu parfois la flexion des doigts s'accuser bien davantage et la main prendre complètement l'attitude du poing fermé (FigA2).
Si l'excitation a été intense ou prolongée, le mouvement de pronation forcée de l'avani-bras tend à s'exagérer encore s'il est possible ; on voit alors l'action s'étendre à des muscles en dehors de la sphère du médian, aux muscles de l'épaule rotateurs de l'humérus, et le mouvement de prona-fion est continué, pour ainsi dire, par un mouvement de rotation du bras de dehors en dedans, de telle façon que la main, ayant subi un tour complet revient présenter en avant sa face palmaire.
Griffe radiale. — Le nerf radial n'échappe pas à la loi et son excitation au sortir de la gouîtière de torsion de l'humérus donne les résultats que la distribution de ses rameaux peut facilement faire prévoir,
Fig. 11. — Griffe médiane.
Fig. 12. — Griffe médiane.
Le nerf radial innerve sans exception tous les muscles de la région externe et de la région postérieure de l'avant-bras. Ce sont les muscles :
Long supinateur ;
Les deux radiaux externes ;
Court supinateur ;
Anconé ;
Cubital postérieur ; Extenseur propre du petit doigt ; Extenseur commun; Extenseur propre de l'index ; Long extenseur du pouce ; Court extenseur du pouce ; Long adducteur du pouce.
De tous ces muscles un seul est fléchisseur et encore dans de certaines limites : c'est le long supinateur qui est d'abord demi-pronateur de l'avant-bras, puis fléchisseur de l'avant-bras sur le bras. L'action de ce muscle doit être complètement annulée et par l'anconé qui est extenseur énergique de l'avant-bras sur le bras et par le court supinateur qui seul préside efficacement au mouvement de supination.
Les autres muscles innervés par le radial sont tous extenseurs : les uns du poignet (cubital postérieur et les deux radiaux), les autres des doigts (extenseur commun et les deux extenseurs propres : ces derniers muscles, d'après Du-chenne (de Boulogne), étendent énergiquement les premières phalanges et n'ont qu'une action très faible sur les deux dernières).
Les trois muscles du pouce, agissant simultanément, déterminent l'extension complète des différents segments de ce doigt et doivent le maintenir dans une situation intermédiaire entre l'adduction et l'abduction.
L'expérience confirme pleinement ces donnôej déduites,
par le raisonnement, de l'action physiologique de chacun des muscles innervés par le nerf radial.
En effet, l'attitude que prend la main, sous l'influence de l'excitation mécanique du nerf radial au point indiqué, a pour caractères (Fig. 13) :
à) La supination de l'avant-bras ;
b) L'extension du poignet;
c) L'extension de tous les doigts. Cette extension porte exclusivement sur les premières phalanges, les deux dernières étant légèrement fléchies;
d) Le pouce est dans l'extension et dans une situation intermédiaire entre l'adduction et l'abduction.
L'expérience a montré que la malaxation ou la simple pression des masses musculaires amenait la contracture des muscles excités. Mais, dans ce cas, la contracture est-elle la cotisé
Fig. 13. — Griffe radiale.
§. III. — Excitation des muscles.
quence de l'excitation directe de la fibre musculaire elle-même, ou bien suit-elle l'excitation des petits rameaux nerveux et de leurs terminaisons dans la substance du muscle ? La solution de ce problème ne saurait être demandée aux seules données de l'expérimentation. Pour un certain nombre de raisons que nous exposerons plus loin, nous inclinons à penser que la contracture est ici, comme ailleurs, le résultat d'une excitation nerveuse de nature réflexe.
Quoi qu'il en soit, la contracture qui suit l'excitation mécanique du muscle est facile à démontrer chez les sujets hypnotisés qui se trouvent dans les conditions requises d'hyperexci-tabilité neuro-musculaire.
La fig. 1 (Pl. _Y) est la représentation d'une expérience tentée avec succès dès le début de nos recherches (en 1878), et depuis répétée bien des fois sur un grand nombre de sujets. 11 suffit d'exercer une friction sur le corps du sterno-mastoï-dien, ou une simple pression sur un point de ses fibres, pour que ce muscle entre en contracture, imprimant à la tête le mouvement de rotation prévu d'après les données de la physiologie musculaire, et l'immobilisant au terme de son mouvement dans l'attitude figurée ci-contre (Pl. V, fig. 1). — On distingue parfaitement, sur cette photographie, la corde saillante formée par le muscle contracture dont les deux extrémités, en se rapprochant, tendent à se placer sur la même verticale. 11 en résulte que la tête subit un mouvement de rotation, en vertu duquel la face se trouve dirigée latéralement du côté opposé au muscle directement excité.
Pour faire cesser cette contracture, il suffit de porter une semblable excitation sur le sterno-mastoïdien du côté opposé, et la tête est ramenée dans la situation droite. En excitant à la fois les deux sterno-mastoïdiens, la tête se renverse et est immobilisée bientôt dans l'extension forcée, le cou saillant. Tous les muscles qui, par leur situation superficielle, per-"
mettent à l'excitation mécanique de les atteindre facilement, se comporte delà môme façon. Par exemple, l'excitation portée sur le trapèze sur les côtés du cou, amène l'élévation en masse cle tout le moignon de l'épaule ; le deltoïde élève le bras en dehors, le biceps fléchit l'avant-bras, etc..
11 résulte des expériences faites sur les muscles larges et fascicules, tel que le deltoïde, que :
à) L'excitation portée sur un point, même limité, du muscle produit sa contracture en masse (tandis qu'à l'aide de la faradisation il est facile de faire contracter isolément les différents faisceaux d'un même muscle.)
b) La contracture d'un muscle, provoquée dans ces conditions, entraîne presque toujours l'action simultanée des muscles qui lui sont synergiques. Ce qui se passe lors de r excitation portée sur le deltoïde en est un exemple concluant. Nous savons, d'après les recherches de Duchenne (de Boulogne) que, physiologiquement, le deltoïde ne se contracte jamais seul. Son action élévatrice de l'humérus est toujours accompagnée d'une action synergique du grand dentelé et du trapèze, qui a pour but de maintenir l'omoplate solidement appliquée au thorax et qui lui fait subir un mouvement de bascule, en vertu duquel son angle inférieur est porté en dehors.
La contraction isolée du deltoïde au moyen de la faradisation démontre l'importance de cette action synergique. Dans ce cas, en effet, en même temps que l'humérus est élevé, le deltoïde abaisse la partie de l'omoplate sur laquelle il prend insertion, de façon que le bord spinal de cet os s'éloigne du thorax et que son angle inférieur se rapproche de la colonne vertébrale. Cette attitude vicieuse de l'omoplate, qui ne manque jamais alors que la faradisation est localisée
au deltoïde, ne se produit pas lorsque ce même muscle est contracture par l'excitation mécanique dans l'état de l'hy-perexcitabililé neuro-musculaire. L'omoplate, au contraire, prend alors l'attitude physiologique, trahissant ainsi la contracture simultanée des muscles synergiques, trapèze et grand dentelé, bien que ces derniers muscles n'aient subi aucune excitation directe.
Nous reviendrons plus loin sur ces faits de synergie musculaire, mais il était nécessaire de les signaler dès maintenant.
L'expérimentation sur les muscles de l'avant-bras et de la main est plus complexe, et cela pour plusieurs raisons faciles à saisir : les muscles sont de petit volume, et réunis en grand nombre dans un petit espace; en plusieurs points, il y a superposition de plusieurs muscles, de sorte qu'il est difficile que la pression d'un muscle superficiel ne retentisse pas sur les muscles profonds; les actions synergiques y sont multiples; enfin, il existe de nombreuses ramifications nerveuses qu'il est difficile d'éviter.
Néanmoins, nos expériences nous ont donné des résultats forts précis. Lorsque, par la simple pression avec l'extrémité mousse d'un petit bâton, on cherche à mettre en action isolément les différents muscles de l'avant-bras d'une hystérique hynoptisée et présentant l'état nerveux spécial favorable à ce genre de recherches, on arrive bientôt à délimiter un certain nombre de zones parfaitement circonscrites, dont l'excitation amène, avec le plus de précision et de sûreté, le résultat voulu. Ces zones se confondent avec ce que l'on désigne en électro-physiologie sous le nom de point d'élection pour l'excitation partielle des muscles.
Instruit par une longue pratique, Duchenne (de Boulogne) possédait à fond cette science de localiser exactement l'action
électrique sur un muscle ou sur un faisceau musculaire. 11 put ainsi démontrer clairement l'action partielle, jusque-là inconnue, d'un certain nombre de muscles et doter la physiologie des mouvements d'importantes découvertes. Mais, ces points d'élection ne sont pas toujours faciles à trouver et une règle fixe manque à cet égard. 11 est vrai, ainsi que Font fait remarquer Remak et Ziemssen que, souvent, le siège de ces points possède une raison anatomique et qu'ils correspondent aux points d'immergence ou d'émergence des nerfs musculaires; et Duchenne n'ignorait point cette relation. Mais, ce rapport, indiqué par l'anatomie, n'est pas constant, et il existe, en outre, des points d'élection que les relations anato-miques ne suffisent pas à expliquer, où les rhéophores doivent être placés et qu'il faut avoir cherchés empiriquement pour les bien connaître. Nous ajouterons qu'au sujet des points d'élection dont le siège paraît indiqué d'avance par la topographie nerveuse de la région, il faut encore compter avec les variations individuelles fréquentes dans la distribution des rameaux nerveux.
La localisation de l'excitation mécanique dans les cas d'hyperexcitabilifé neuro-musculaire n'échappe pas aux difficultés que nous venons de signaler, et l'on ne saurait exiger plus de précision de ce nouveau mode de recherches qu'on ne fait d'ordinaire pour la faradisation localisée. Nous avons, d'ailleurs, cherché dans l'emploi de la faradisation d'après le procédé de Duchenne (de Boulogne), un moyen de contrôle.
Tantôt nous avons déterminé, sur l'avant-bras d'une hystérique, par exemple, un certain nombre de points dont Fex-cifation électrique produisait une action bien limitée; ces points étaient marqués. Puis, immédiatement ou le lendemain, quelques jours après môme, alors que la malade avait certainement perdu le souvenir de nos recherches, nous l'endormions et nous pouvions constater, alors, que l'excita
tion mécanique des mômes points moteurs amenait des résultats semblables à ceux que produisaient, pendant la veille, l'électrisation, avec cettte différence toutefois que la contraction était remplacée par une contracture.
Tantôt, nous faisions l'expérience inverse, et, après avoir marqué les points dont l'action nous avait été révélée dans l'hypnotisme par l'hyperexcitabilité neuro-musculaire, nous constations ensuite, pendant la veille, avec l'excitation électrique, que l'action de ces mêmes points était bien celle qui avait été observée.
Nous avons naturellement cherché sur l'avant-bras, pour répéter ces expériences, les points moteurs dont l'existence, d'après les électropathes, était le moins susceptible de variations et qui possédaient une action bien caractéristique, facilement appréciable.
Nous les avons représentés sur les schémas ci-joints : Fig. 14 et Fig. 15.
A la face antérieure : le rond pronateur ; le grand palmaire ; le cubital antérieur ; les fléchisseurs communs ; le fléchisseur propre du pouce. A la région externe : le long supinateur ; les radiaux externes.
A la région postérieure : l'extenseur commun; l'extenseur propre de l'index; l'extenseur propre du petit doigt; le cubital postérieur.
Des trois muscles du pouce, le long extenseur nous a donné les résultats les plus précis. Le point d'excitation commun à l'extenseur du pouce et à celui de l'index a été facilement trouvé.
L'action partielle de ces différents muscles est trop connue depuis les recherches de Duchenne (de Boulogne) pour que nous y insistions ici. A la main, l'excitation des muscles de l'éminence thénar produit, suivant le point d'application, l'adduction ou l'opposition du pouce, mais, il s'y ajoule
Charcot. Œuvr. comp. t. ix, Hypnotisme. 23
souvent un moment de flexion de la phalangette dû vraisemblablement à l'excitation communiquée au tendon du long fléchisseur du pouce qui passe sous ces muscles. Quant à Lé-minence hypothénar, l'excitation portée sur la face palmaire amène la flexion du petit doigt, dont les deux dernières phalanges restent étendues, et au bord cubital, le mouvement de l'abduction.
Les interosseux ne sont accessibles à l'excitation mécanique qu'à la face dorsale de la main. A la face palmaire, ils sont complètement recouverts par les tendons des fléchisseurs qui reçoivent l'excitation avant eux. Nous avons vu plus haut que les tendons sont également sensibles à l'excitation mécanique. A la face dorsale de la main, l'excitation des interos
Fig. 14. — Quelques points moteurs de la face antérieure de l'avant-bras et de la main, M, nerf médian. — 1, muscle rond pronateur ; 2, grand palmaire ; 3, petit palmaire ; 4, fléchisseurs des doigts ; 5, fléchisseur propre du pouce; 6, court abducteur du petit doigt; 7, court fléchisseur du petit doigt ; 8, court abducteur du pouce; 9, opposant du pouce.
seux présente quelques particularités sur lesquelles nous insisterons dans un instant.
§ IV. Parallèle entre l'excitation mécanique de l'iiyperexcitarilité neuro-musculaire et la faradisation localisée.
11 nous est facile, après ce qui précède, de faire ressortir les différences et les analogies qui existent entre les résultats de l'électrisa-tion localisée et ceux de l'excitation mécanique dans l'hyperexcitabilité neuro-musculaire des hypnotisées.
Les analogies résultent :
a) De la possibilité de localiser l'excitation à un muscle ou à un groupe de muscles ;
b) De la possibilité d'exciter un muscle, soit directement, en
Fig. 15. — Quelques points moteurs de la face postérieure de l'avant-bras et de la main.
R, nerf radia!. — C, nerf cubital. —l,long supinateur ; 2, premier radial externe; 3, deuxième radial externe ; 4. extenseur des doigts ; 5, cubital postérieur ; 6, extenseur propre du petit doigt ; 7, extenseur propre de l'index ; 8, rameau commun à l'extenseur propre de l'index et au long abducteur du pouce; 9, long abducteur du pouce; 1?, court extenseur du pouce ; 11, long extenseur du pouce ; 12, interosseux.
portant l'excitation sur sa fibre elle-même, soit indirectement, en portant l'excitation sur le rameau nerveux qui lui est destiné, en quelque point que ce soit de son parcours. Les différences proviennent:
a) De la non-similitude du résultat obtenu: contraction avec l'électricité, contracture dans les cas d'hyperexcitabilité. Mais, ceci n'est vrai que pour les muscles des membres. Nous savons en effet que, pour ce qui est des muscles de la face, l'excitation mécanique, pendant l'état d'hyperexcitabilité, ne donne lieu qu'aune contraction et non plus à une contracture ;
b) Du degré de localisation de l'excitant dans les différents faisceaux du même muscle. 11 est facile de localiser l'excitation électrique dans une partie seulement d'un muscle large et fascicule, tandis que, dans l'état d'hyperexcitabilité, la contraction totale de ce même muscle suit toujours l'excitation mécanique partielle d'un seul de ces faisceaux;
c) De la propagation de l'excitation. Dans l'état d'hyperexcitabilité, le mouvement d'un muscle s'accompagne ordinairement de l'action des muscles qui lui sont synergiques, sans que l'excitation ait été portée sur ces derniers ; ce qui n'a pas lieu dans l'électrisation localisée ;
d) De l'excitabilité tendineuse spéciale sur laquelle nous avons insisté en commençant et qui n'existe que dans l'état d'hyperexcitabilité.
11 résulte de tout cela que la localisation est plus difficile à obtenir, dans l'état d'hyperexcitabilité neuro-musculaire, par l'excitation mécanique, que, pendant la veille, par la faradisation. Elle n'est possible que pour les muscles superfi
ciels, elle n'est réellement facile que pour ceux dont les tendons ou le corps charnu sont suffisamment isolés, c'est-à-dire éloignés de toute autre partie également excitable par les mêmes procédés. Quelques exemples feront bien comprendre : En comprimant un muscle superficiel, la pression, pourvu qu'elle soit un peu intense, se communiquera aux organes sous-jacents qui pourront, par suite, participer à la même excitation ; que ce soit un autre muscle, un nerf ou un tendon. Ainsi, en comprimant le tendon du grand palmaire, le poignet commence par se fléchir seul, mais, si l'on insiste un peu, à mesure que la flexion du poignet augmente, les doigts se ferment par degré, ce qu'il est facile d'expliquer par la compression des tendons des muscles fléchisseurs qui sont au-dessous.
Lorsqu'on cherche à exciter les muscles interosseux en comprimant sur le dos de la main, au niveau des espaces interosseux, au point d'élection marqué pour l'excitation électrique, le résultat obtenu paraît, de prime abord, en opposition avec les données de la physiologie. En effet, on observe bien un ôcartement des deux doigts correspondants, mais l'extension des doigts, est complète et porte aussi bien sur l'articulation métacarpo-phalangienne que sur les deux autres, tandis que l'électrisation localisée nous a appris que les muscles interosseux, en même temps qu'ils étendent la phalan-gine et la phalangette, sont fléchisseurs de la phalange sur le métacarpien.
Cette anomalie apparente nous paraît s'expliquer assez facilement par la présence, sur le dos de la main, des tendons extenseurs et des brides aponévrotiques qui les relient. Il est impossible, lorsqu'une pression assez forte est exercée au niveau des espaces interosseux, de ne pas exciter mécaniquement en même temps les organes tendineux voisins.
Mais, si l'on peut éviter les causes d'erreur dont nous par-
Ions, si l'organe à exciter, tendon, nerf ou muscle, se trouve parfaitement seul intéressé, l'hyperexcitabilité neuro-musculaire peut nous rendre témoins de phénomènes de localisation d'une précision qui ne laisse rien à désirer. Il va sans dire qu'il faut toujours compter avec les actions synergiques ; mais, loin de nuire au mouvement que l'on cherche à obtenir, ces actions, dans la plupart des cas, ne font que l'accuser davantage.
En résumé, il existe pour la localisation de l'excitation mécanique dans l'état d'hyperexcitabilité neuro-musculaire et pour la faradisation localisée, des difficultés communes. Ces difficultés résultent:
a) Des variétés individuelles dans la distribution des nerfs moteurs ;
b) Des variations que subissent, suivant les individus, les points d'élection pour l'excitation partielle des muscles ;
c) De la diffusion de l'excitant qui, lorsque son intensité n'est pas exactement mesurée, peutgagner les organes voisins, nerfs ou muscles.
A ces difficultés s'ajoutent, au sujet de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire, celles qui résultent de l'excitabilité spéciale des fibres tendineuses et de la synergie musculaire.
Mais, ces circonstances, une fois connues et parfaitement définies, n'enlèvent rien au degré de certitude de nos recherches, pas plus que les difficultés signalées plus haut n'infirment les résultats qu'a fournis, entre les mains de Duchenne (de Boulogne), la faradisation localisée.
§ V. — De l'hyperexcitarilitE neuro-musculaire de la face.
A la face, les conditions de l'expérimentation sont un peu moins complexes. Les muscles sont superficiels, disposés le plus souvent en une seule couche, et, par là même, facilement accessibles à l'excitation mécanique. De plus, il n'existe pas de tendons dont l'excitation de voisinage puisse contrarier, masquer ou même empêcher complètement le résultat cherché.
Ainsi que nous l'avons déjà dit, les muscles de la face, pendant la phase d'hyperexcitabilité neuro-musculaire, se comportent d'une autre manière que les muscles du corps. Ils sont également susceptibles d'être excités mécaniquement. Une simple pression, exercée directement sur le muscle lui-même ou sur le rameau nerveux qui l'innerve, met les fibres musculaires en action, mais, la contraction ainsi provoquée ne persiste pas d'ordinaire après l'excitation et ne se transforme jamais en contracture permanente.
Ce mode de réaction des muscles de la face à l'excitant mécanique est une analogie de plus avec ce qui se passe dans l'emploi de la faradisation localisée. Ce rapprochement nous a remis en mémoire les belles expériences de Duchenne (de Boulogne), sur l'action partielle des muscles de la face, et la part qui revienta chacun d'eux dans l'expression des passions; et, sans appareil faradique, remplaçant les électrodes par de simples petites baguettes, nous avons pu les reproduire en partie avec une grande précision.
Nous avons cherché à produire la contraction isolée de chaque muscle par l'excitation des points d'élection indiqués par Duchenne de (Boulogne). Nous nous sommes heurtés aux mêmes difficultés que lui, et, avec quelque soin, nous avons pu les surmonter. Ces difficultés résultent, suivant Duchenne :
1° Des variations individuelles dans la distribution des nerfs de la face, qui peuvent faire rencontrer une branche nerveuse destinée à mettre enmouvement un plus ou moins grand nombre de muscles, ce que l'on reconnaît à leur contraction simultanée. 11 suffit, dans ce cas, de déplacer le rhéophore d'un ou deux millimètres pour éviter cette contraction complexe;
2° De l'emploi d'un courant trop intense et qui pénètre trop profondément. La figure 6 de l'ouvrage de Duchenne représente un exemple de non localisation dans l'emploi du courant faradique. « Le rhéophore, dit Duchenne, placé au niveau du grand zygomatique, aurait dû produire la contraction isolée de ce muscle, ainsi qu'on l'observera dans la figure 30 ; mais, le courant trop intense, ayant pénétré profondément jusqu'à la branche temporo-faciale de la septième paire, a provoqué la contraction en masse des muscles innervés par ce tronc nerveux et n'a pu produire qu'une grimace. »
La même chose arrive avec l'excitant mécanique, dans les cas d'hyperexcitabilité neuro-musculaire, lorsque la pression exercée dépasse certaines limites qui varient suivant les malades et que l'habitude seule permet d'apprécier.
Il existe cependant quelques différences entre les résultats que nous avons obtenus et ceux que donne la faradisation localisée. Elles ressortiront clairement des quelques propositions dans lesquelles nous allons résumer les nombreuses expériences que nous avons faites à ce sujet:
1° La localisation la plus exacte est obtenue à l'aide d'une pression modérée, pratiquée avec l'extrémité arrondie d'un petit bâton. Si l'excitation est trop légère, de façon à ne consister qu'en un grattement superficiel de la peau, elle retentit presque toujours sur un plus ou moins grand nombre de muscles voisins de la région excitée, et parfois sur quelques muscles éloignés. Dans ce cas, la contraction musculaire est
fugace et peu accusée, c'est un simple frémissement musculaire, ou bien une série de petites convulsions cloniques qui se rapprochent du tremblement. — Une excitation trop forte se propage souvent à quelques muscles voisins ;
2° La contraction du muscle cesse le plus souvent en môme temps que la pression. Elle persiste quelquefois très peu de temps après que l'excitation a cessé, surtout si l'on a peu insisté, mais elle ne se transforme jamais en contracture. Le muscle peaussier est celui dont la contraction se maintient le plus longtemps, tenant en quelque sorte le milieu entre les muscles des membres et ceux de la face ;
3° Malgré la persistance de l'excitation, l'action produite ne tarde pas à s'épuiser. Tout en maintenant la pression à un degré égal sur le point qui a provoqué la contraction du muscle, on ne tarde pas à voir celle-ci s'effacer peu à peu et finir par disparaître complètement.
4° L'excitation unilatérale d'un muscle pair s'obtient le plus souvent fort aisément; mais, il arrive parfois que l'excitation retentit sur le muscle homologue du côté opposé, qui se contracte alors toujours plus faiblement. C'est ce qu'on peut constater sur la Fig. 1 de la Planche VI, où l'excitation du muscle orbiculaire palpébral supérieur n'a été portée que d'un seul côté. 11 nous a semblé que cette loi de synergie des muscles pairs se manifestait d'autant plus facilement que ces muscles étaient situés plus près de la ligne médiane. En tout cas, nous avons bien des fois remarqué qu'une double excitation, portée à la fois sur les deux muscles pairs, donnait lieu à une exagération du mouvement obtenu avec l'excitation unilatérale ;
5° II est possible de faire contracter à la fois plusieurs muscles, de façon à reproduire les contractions combinées expressives ou les contractions combinées inexpressives, pour nous servir des dénominations employées par Duchenne.
Toutes les malades susceptibles d'être hypnotisées sont loin de présenter à un même degré l'hyperexcitabilité neuromusculaire de la face. Chez le plus grand nombre même, elle n'existe pas, pendant qu'elle se montre très développée aux membres. Depuis que nous poursuivons ces études, nous pouvons cependant citer plusieurs sujets (quatre au moins sur vingt environ) qui ont présenté ce phénomène à un haut degré de développement, et avec des caractères absolument identiques.
En ce moment, parmi les malades soumises à notre observation, Witt... est celle qui présente l'hyperexcitabilité neuromusculaire de la face au plus haut degré de développement, et la plupart des expériences que nous allons rapporter ont été faites sur elle.
Nous suivrons pas à pas Duchenne (de Boulogne), dans ses expériences électro-physiologiques sur l'action des muscles de la face, et nous mettrons en regard, d'un côté, les résultats qu'a donnés, entre ses mains, la faradisation localisée, et, d'un autre côté, ceux auxquels nous sommes arrivés par l'emploi de la seule excitation mécanique pendant la léthargie provoquée chez nos malades.
Nous avons fait photographier un grand nombre de nos expériences ; mais nous n'avons fait reproduire ici que les plus saillantes.
D'après les recherches de Duchenne (de Boulogne), quatre muscles de la face ont le privilège de peindre complètement, par leur action isolée, une expression qui leur est propre. Ces muscles occupent la partie supérieure du visage et im
priment tous au sourcil un mouvement particulier. Ce sont : le frontal, l'orbiculaire palpébral supérieur, le sourcillier et le pyramidal du nez. Les points d'élection sur lesquels Duchenne appliquait l'électrode pour amener la contraction partielle de chacun de ces muscles sont indiqués sur le schéma (Fig. 16).
Fig. 10. —Points moteurs des principaux muscles de la face.
1, frontal ; 2, sourcillier; 3, orbi-culaire palpébral supérieur; 4, pyramidal du nez; 5, palpébral inférieur; 6, grand zygomatique ; 7, petit zygo-matique ; 8, élévateur commun de l'aile du nez et de la lèvre supérieure; 9, transverse du nez; 10, triangulaire des lèvres.
Leur action individuelle sur les traits de la face est résumée dans les schémas suivants :
1° Frontal : Muscle de l'attention. (Fig. 17). — Sa con-
Fig. 17. — Contraction du muscle frontal.
Muscle de l'attention de Duchenne.
Fig. 18.— Contraction du muscle orbicidaire supérieur.
Muscle de la réflexion, de Duchenne.
traction produit sur les traits de la face les modifications
suivantes : Lignes fondamentales : etevation et courue du sourcil : Lignes secondaires : plis frontaux curviliques et concentriques à l'arc du sourcil ;
2° Orbiculàire palpébràl supérieur : Muscle de laréflexion. (Fig. 18). — Abaissement du sourcil en masse et effacement des rides frontales. Le sourcil devient rectiligne; plis verticaux sur le front; redressement des poils du sourcil;
3° Sourcillier : Muscle de la douleur (Fig. 19). — La
Fig. 19. — Contraction du Fig. 20. — Contraction du
muscle sourcillier. pyramidal du nez.
Muscle de la douleur, de Muscle de l'agression, de
Duchenne. Duchenne.
tête du sourcil, gonflée, s'élève en formant un relief qui se prolonge un peu sur le front. Le sourcil prend une direction oblique de haut en bas et de dedans en dehors. Il affecte la forme d'une ligne sinueuse composée de deux courbes : l'une interne à concavité supérieure, l'autre externe à concavité inférieure. — Plis transversaux de la partie médiane du front qui devient lisse au-dessus de la moitié externe du sourcil. — Au-dessous des sourcils, la peau est tendue au niveau de la tête et dans l'espace intersourcillier, tandis
qu'elle est refoulée en bas dans la partie qui correspond à leurs deux tiers externes ;
4° Pyramidal du nez : Muscle de l'agression (Fig. 20). — La tête du sourcil est tirée en bas, la moitié interne du sourcil dirigée de haut en bas et de dehors en dedans ; — la peau de la partie médiane du front est lisse et tendue ; — plis transversaux à la racine du nez.
Chez notre malade hypnotisée, l'excitation de ces mêmes muscles, par une simple pression exercée sur les points d'élection, nous a donné les résultats suivants :
La contraction isolée du Frontal est très facile à obtenir par la pression du point (Fig. 16, 1) qui correspond au nerf frontal, ou par la pression portée sur un point quelconque du muscle (Pl. V, Fig. 3).
L'orbiculaire palpébral supérieur se contracte aussi très facilement et d'une façon absolument conforme à la description de Duchenne. L'excitation sur la Figure 4 de la Planche V et la Figure 1 de la Planche VI est portée près de la queue du sourcil au point figuré en 3 sur le schéma (Fig. 16). Lorsque l'excitation porte sur un point plus rapproché de la tête du sourcil ou lorsqu'elle est un peu intense, la contraction du pyramidal du nez se joint à celle de l'orbiculaire palpébral supérieur (Fig. 2, Pl. VI). Nous n'avons pu obtenir complètement isolée la contraction du pyramidal du nez. En cherchant à l'exciter aux points indiqués par Duchenne, de Boulogne (Fig. 16, 4) le pyramidal s'est, il est vrai, contracté énergiquement mais l'orbiculaire palpébral supérieur s'est toujours contracté en même temps.
Quant au sourcillier, dont l'action isolée est si saisissante, nous n'avons pu, d'une façon nette, en obtenir la contraction.
Nous devons ajouter que des recherches faites avec la faradisation pendant la veille, nous ont donné des résultats aussi peu précis. Il nous faut donc compter ici avec les variations individuelles que signale d'ailleurs Duchenne (de Boulogne).
Il n'est pas sans intérêt de faire remarquer, avec Duchenne, que les muscles « moteurs du sourcil sont, de tous les muscles expressifs, ceux qui obéissent le moins à la volonté ; en général, l'émotion de l'âme seule a le pouvoir de les mettre partiellement en mouvement ». (Duchenne, Mécanisme de la physionomie..., page 8).
Parmi les muscles qui sont situés au-dessous du sourcil, les uns sont des agents d'une expression propre, mais incomplète, en ce sens que l'expression n'est parfaitement rendue que par la contraction simultanée d'un autre muscle, les autres n'expriment absolument rien par eux-mêmes, bien qu'ils acquièrent la propriété de représenter spécialement des passions en se combinant avec d'autres muscles.
Ces données, qui sont le résultat des expériences électrophysiologiques de Duchenne, reçoivent une nouvelle confirmation des recherches auxquelles nous nous sommes livrés.
Le grand zygomatique est le muscle de la joie. Il est le seul qui puisse exprimer le rire à tous ses degrés; mais, pour que l'expression soit complète, il est nécessaire qu'un autre muscle intervienne en même temps et imprime à la paupière inférieure un mouvement particulier, c'est le muscle orbicu-laire palpébral inférieur, appelé par Duchenne muscle de la bienveillance. L'action partielle de ces deux muscles est résumée dans les schémas suivants:
Grand zygomatique : Muscle du rire (Fig. 21). —Lignes fondamentales : mouvement oblique en haut et en dehors de la commissure labiale ; — courbe légère de la ligne naso-labiale ;
gonflement de la pommette ; — élévation légère de la paupière inférieure. — Lignes secondaires : rides rayonnantes de l'angle extérieur de l'œil.
Orbiculaire palpebral inférieur: Muscle de la bienveillance (Fig. 22). — Relief de la paupière inférieure, au-dessous de laquelle se dessine une dépression transversale à concavité
supérieure. Lorsque le grand zygomatique se contracte seul, le rire a un caractère faux et menteur. Sous l'influence d'une émotion vraie, il ne se contracte jamais isolément. D'un autre côté, l'orbiculaire palpébral inférieur, qui est son complémentaire pour l'expression du rire franc, n'obéit pas à la volonté; il n'est mis en jeu que par une émotion agréable de l'âme.
La faradisation localisée du grand zygomatique n'imprime donc à la physionomie qu'une expression fausse. Cette expérience, d'après Duchenne, ne serait pas facile à reproduire : « Il m'est arrivé quelquefois, dit-il, de localiser exactement l'excitation dans ce muscle... Cette localisation est assez diffi
Fig. 21.— Contraction du muscle grand zygomatique.
Muscle du rire, de Duchenne, rire faux.
Fig. 22. — Contraction simultanée du grand zygomatique et du muscle orbiculaire palpébral inférieur.
Expression du rire franc, d'après Duchenne.
cile ; car le courant électrique rencontre souvent un ou deux filets moteurs qui se rendent à un faisceau musculaire voisin, lorsqu'il est un peu intense ou qu'il existe une anomalie, ce qui n'est pas rare. » (Page 59.)
Dans nos expériences d'hyper excitabilité neuro-musculaire, la contraction isolée du grand zygomatique n'est pas sans présenter quelques difficultés. Il arrive souvent que les muscles, situés en dedans de lui (petit zygomatique, élévateur propre de la lèvre supérieure et de l'aile du nez, qui reçoivent leurs filets moteurs d'un même rameau nerveux qui passe sous l'extrémité supérieure du grand zygomatique) entrent également en contraction.
Cependant, après quelques tâtonnements et si l'on a soin de se servir d'un excitateur à extrémité un peu fine sans cesser d'être mousse, il est possible d'isoler assez bien l'action de ce muscle, ainsi que le montre les figures 1 et 2 de la Planche VI.
Le petit zygomatique possède une action bien différente de
celle du grand zygomatique. C'est un muscle du pleurer. Le schéma suivant résume son action (Fig) 23. Il attire en haut et en dehors la portion moyenne de la moitié de la lèvre supérieure, d'où résulte: une courbe à concavité inférieure du bord libre de la lèvre supérieure et du sillon naso-labial, un gonflement de la pommette et une légère élévation de la paupière inférieure.
La contraction isolée du petit zygomatique peut également être obtenue chez notre malade, mais elle se confond avec celle de l'élévateur propre de la
Fg . 23. — Contraction du petit zygomatique.
Muscle du pleurer, de Duchenne.
lèvre supérieure, dont il est difficile de la distinguer ; il arrive fréquemment que l'élévateur commun de la lèvre supérieure et de l'aile du nez participe à l'excitation. C'est ce qu'on peut remarquer sur la figure 3, Planche VIT. Le mouvement de la lèvre supérieure représente assez bien l'action du petit zygo-matique, mais on remarquera, en même temps, que l'aile du nez du même côté est un peu relevée. En comparant cette figure à la suivante, qui représente l'action isolée du muscle élévateur commun de la lèvre supérieure et de l'aile du nez, il est facile de se rendre compte de la part qui, dans le mouvement expressif de la première, doit être attribuée au petit zygomatique.
L'élévateur commun de la lèvre supérieure et de l'aile du nez imprime à ces parties de la physionomie un mouvement bien caractéristique, que la figure 4 de la Planche XI et la figure 1 de la Planche VIII mettent parfaitement en lumière. La contraction partielle de ce muscle est très facilement obtenue chez notre malade. Dans la figure 4 de la Planche VII, la contraction du muscle suit l'excitation du rameau nerveux qui lui est destiné. Dansla figure i de la Planche XII, l'excitation est portée sur le corps dumusclelui-mè-me. Duchenne résume ainsi l'action partielle de ce muscle (Fig. 24) : L'aile du nez est attirée en haut, le sillon naso-labial allongé et moins oblique, la portion externe de la lèvre supérieure attirée eh haut.
Le transverse du nez, que Duchenne appelle le muscle de
Ciiarcot. OEuv. comp. t. ix, Hypnotisme. 24
Fig. 24. — Contraction du muscle élévateur commun de l'aile' duhezel de la lèvre supérieure.
la lubricité, fait subir, par sa contraction, à la forme générale du nez, les principales modifications suivantes : l'aile du nez est attirée obliquement en haut et en avant, et la peau des parties latérales du nez se marque de plis parallèles à la direction de l'épine nasale. Ce muscle est susceptible de grandes variations, suivant les individus. La Fig. 4 de la Planche VI montre d'une façon fort nette, l'excitation du transverse du nez chez la nommée Caill..., tandis que chez Witt... l'excitation isolée de ce même muscle n'a pu être obtenue.
Par contre, chez cette dernière malade, les muscles dilatateurs des narines peuvent être très-facilement excités. Il suffit de toucher le bord d'une narine ou sa face externe pour que le mouvement de dilatation s'accuse aussitôt avec énergie; et, le plus souvent, l'autre narine participe au mouvement mais à un degré moindre), bien que l'excitation ait été unilatérale. C'est un nouvel exemple de la synergie musculaire des muscles pairs de la face, dont nous avons déjà parlé. Si l'excitation, tout en demeurant unique, se rapproche de la ligne médiane, comme sur la Fig. 3 de la Planche VI, le mouvement de dilatation est à peu près égal des deux côtés et non moins énergique. La dilatation une fois produite ne persiste pas uniformément, bien que l'excitation soit maintenue égale ; il se produit une sorte de palpitation des narines, qui a rendu encore plus difficile la reproduction photographique de cette expérience déjà délicate. Néanmoins, nous pensons que ce mouvement des narines s'est inscrit assez nettement sur notre figure pour en mériter la reproduction ici, et la particularité intéressante qu'elle est destinée à mettre en lumière ressortira d'autant mieux qu'on la comparera aux figures voisines (1 et 2 de la môme planche), sur lesquelles le nez est à l'état de repos.
L'oRBicuLAiRE des lèvres répond aussi fort nettement à l'excitation mécanique portée sur différents points de ses fibres. En excitant sur la lèvre inférieure un point médian, situé à peu de distance de l'ouverture buccale, on voit les deux lèvres se froncer et l'orbiculaire tout entier entrer en contraction. L'action est encore bien plus vive lorsqu'on porte l'excitation sur le bord libre des lèvres ; il suffit pour cela d'introduire l'extrémité du petit bâton entre les deux lèvres et de frotter légèrement. L'orifice buccal se resserre alors avec énergie en enserrant l'extrémité de l'excitateur.
Le triangulaire des lèvres est le muscle de la tristesse. Sous l'influence de la contraction, les commissures des lèvres sont tirées en bas et en dehors, le sillon inter-labial décrit une courbe à concavité inférieure, la lèvre inférieure est un peu attirée en avant, la ligne naso-labiale allongée tend à devenir rectiligne, la lèvre supérieure est attirée obliquement en bas et en dehors, la narine est abaissée et moins ouverte. (Fig. 25).
La contraction partielle des muscles du menton et de la lèvre inférieure est assez difficile à obtenir, à cause de la superposition de ces différents muscles en certains points et de l'intrication d'une partie de leurs fibres. De plus, un même rameau nerveux les innerve. Il y a donc à craindre de toucher avec l'excitateur une portion du rameau nerveux dont les fibres se distribuent à plusieurs muscles à la fois. En beaucoup de points également, l'excitateur rencontrera à la fois des fibres musculaires appartenant à plusieurs muscles soif superposés, soit juxtaposés.
Fig.2o. — Contraction du muscle triangulaire des lèvres.
Pour obtenir chez nos malades la contraction isolée du triangulaire des lèvres, il faut porter l'excitation un peu en dehors et en bas de la commissure des lèvres, comme il est indiqué sur notre Figure 3 de la Planche VIII. Si l'excitation est faite plus bas, en se rapprochant du maxillaire inférieur et du point d'élection indiqué par l'électrisation localisée {Fig. 16), on obtient un mouvement complexe de la lèvre résultant de la contraction simultanée du triangulaire et du carré du menton, qui, en ce point, sont superposés.
La contraction isolée du carré du menton qui, d'après Duchenne, tire la lèvre inférieure en bas et en dehors en la renversant, succède àl'excilation mécanique portée à un centimètre et demi environ en dedans du point d'excitation du triangulaire, et à peu près à la même hauteur (Fig. 2, Pl. VIII). C'est à ce niveau que le carré du menton se dégage de dessous le triangulaire, pour devenir superficiel.
Sur la Fig. 4 delà Planche VIII, l'excitation portée sur le milieu du menton met en jeu les muscles de la houppe du menton. Ces muscles impriment aux téguments du menton un mouvement d'élévation, et les appliquent contre la symphyse de la mâchoire. Ils élèvent ainsi mécaniquement la lèvre inférieure en la renversant un peu en dehors.
Le peaussier, dont les fibres se terminent dans cette région, est également très facilement excitable. Le peaucier est le muscle de la frayeur et de l'effroi. Il tire en bas et en dehors la lèvre inférieure, les tissus de la région inférieure des joues et les ailes du nez. Il ne possède qu'une action très faible sur la mâchoire inférieure.
Suivant Duchenne, la contraction partielle du peaussier est inexpressive et ne produit qu'une grimace. Mais, si au mouvement des traits occasionnés par le peaucier vient s'ajouter l'action d'un des muscles mot urs du sourcil, le frontal p r
exemple, on voit aussitôt se peindre sur la physionomie une expression saisissante de frayeur.
Nous avons cherché à reproduire, chez notre malade hypnotisée, l'action simultanée de ces deux muscles et les Figures 1 et 2 de la Planche IX sont pleinement confirmatives des expériences de Duchenne. Malgré l'occlusion des yeux, dont le regard n'anime point la physionomie de la Figure 1, l'expression de frayeur y est assez bien représentée. Sur la Figure 2, nous avons essayé de compléter l'expression de terreur en faisant ouvrir les yeux de la malade par un aide, au moment où la contraction était obtenue par l'excitation mécanique des points moteurs musculaires. La malade a été ainsi rendue cataleptique, sans nuire àl'expression de la physionomie. Nous savons d'ailleurs que la contracture des muscles des membres obtenue par les mômes procédés persiste pendant l'état cataleptique (1).
Pour compléter nos recherches sur l'hyperexcitabilité neuromusculaire de la face, nous avons cherché à provoquer, à l'exemple de Duchenne, la contraction simultanée de plusieurs muscles, que ces muscles concourent à l'expression d'un môme sentiment (contractions combinées expressives de Duchenne) ou bien, au contraire, qu'ils expriment des sentiments complètement opposés (contractions combinées inexpressives du même auteur). Dans le premier cas, chaque pli de la physionomie concourt à l'expression d'un sentiment unique, dans le second, le résultat ne saurait être qu'une grimace.
Nos expériences sur notre malade hypnotisée ont donné
1. La production do la catalepsie permet aussi de fixer, pour ainsi dire, l'expi-ession de la physionomie, et, la malade étant rendue cataleptique pendant l'excitation d'un muscle, la contraction de ce muscle persiste parfois un certain temps après l'excitation, de façon à rappeler la contracture des membres ;mais, le plus souvent, les plis de la physionomie ne tardent pas à se détendre et à s'effacer peu à peu.
des résultais absolument identiques à ceux de Duchenne. C'est ainsi qu'en faisant contracter simultanément les peaussiers et les orbiculaires palpébraux supérieurs, nous avons obtenu le masque de la frayeur avec la nuance indiquée par Duchenne.
La contraction simultanée du triangulaire des lèvres et de l'orbiculaire palpébral supérieur, donne à la physionomie une expression de méditation mêlée de tristesse ou de dégoût, suivant le degré de contraction du triangulaire.
Au contraire, la contraction du grand zygomatique, associée à l'orbiculaire palpébral supérieur, ne donne lieu qu'à une grimace (Fig. 3 de la Pl. IX). Il nous a été possible de représenter, sur chaque côté de la face, une expression opposée en faisant contracter des muscles différents. Par exemple, le grand zygomatique d'un côté et l'élévateur commun de l'aile du nez et de la lèvre supérieure de l'autre, le grand zygomatique d'une part et le triangulaire des lèvres ou le peaussier d'autre part, etc., etc.. Mais, l'excitation est alors assez difficile à localiser exactement. La tendance que possède l'excitation d'un seul muscle à retentir sur le muscle homologue du côté opposé, gêne l'action locale. Il faut alors insister davantage, et il y a parfois un peu de diffusion de l'excitation dans les muscles voisins. Néanmoins, s'il se produit alors de chaque côté de la physionomie un mouvement un peu complexe, la contraction unilatérale n'en conserve pas moins les caractères principaux de l'expression cherchée, et le contraste que présentent les deux moitiés de la face n'en est pas moins frappant.
Nous savons que, la malade étant en léthargie hypnotique, l'hémicafalepsie produite dans tout un côté du corps par l'ouverture d'un seul œil, fait disparaître instantanément toute trace d'hyperexcitabilité neuro-musculaire de ce même côté. Cette expérience est facile, à répéter sur la face et les
résultats que représente la Figure 4 de la Planche IX en sont vraiment saisissants. L'excitation du muscle élévateur commun de l'aile du nez et de la lèvre supérieure est pratiquée des deux côtés à la fois, pendant que la malade est léthargique totale, et le mouvement d'ensemble qui en est la conséquence et représenté plus haut (Fig. I de la Pl. VIII), se produit avec une égale énergie des deux côtés. Mais, il suffit, ainsi que le représente la Figure 4 de la Planche IX, de soulever la paupière gauche, par exemple, pour que tout mouvement cesse de ce côté, malgré la persistance de l'excitation au même point.
Nous avons reconnu, dans le cours des expériences que nous venons de rapporter que les troncs nerveux comme les muscles eux-mêmes étaient aussi bien excitables à la face qu'ils le sont aux membres. En résumé, l'excitation du muscle est directe ou indirecte. Quelques expériences sur des rameaux nerveux, isolés et éloignés des muscles qu'ils innervent, le proLivent péremptoirement. \ Le tronc de la septième paire est accessible à l'excitation électrique par le procédé suivant : « On peut, dit Duchenne, atteindre le tronc de ce nerf à sa sortie du tronc stylo-mastoïdien, en plaçant dans le conduit auditif externe un réophore conique coiffé d'une peau humide et en appuyant sur le cartilage inférieur; dans ce point, son tronc nerveux n'est séparé du rhéophore que de trois à quatre millimètres ».
On conçoit qu'en ce même point, ce tronc nerveux, protégé par les os et les cartilages, soit difficilement accessible à l'excitation mécanique. Mais, il n'en est pas de même de ses rameaux qui, à leurs points d'émergence de la parotide, s'offrent d'eux-mêmes à l'excitation. Dans l'état d'hyperexcitabilité neuro-musculaire, la contraction des muscles qui sont sous la dépendance de ces rameaux est l'indice certain de leur excitation mécanique. On voit alors, sous l'influence
de cette excitation tout un côté de la physionomie se contracter, et, suivant le point de l'excitation, la contraction s'accuser davantage dans les muscles de l'oeil, du nez ou des lèvres et du menton. Dans l'expérience représentée Figure 2 (Planche V), l'excitation porte sur le tronc nerveux lui-même, en avant du lobule de l'oreille; il est facile de constater, en effet, que tous les muscles de cette moitié du visage sont entrés en contraction.
Cette expérience de l'excitation mécanique du facial, pendant la léthargie hystérique provoquée, est une des premières qui aient été tentées au début de nos recherches sur ce sujet, dès 1878.
La malade sur laquelle nous avons répété la plupart des expériences rapportées plus haut présente, au point de vue de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire, une particularité intéressante, que, jusqu'ici, nous n'avons rencontrée que sur elle seule.
Il s'agit de l'extension de cette hyperexcitabilité jusqu'aux muscles de l'oreille, circonstance assurément fort intéressante au point de vue du diagnostic, puisque ces muscles échappent, dans le plus grand nombre des cas, à l'action volontaire. A l'état de veille, notre malade est totalement incapable d'imprimer à ses oreilles les mouvements que, dans le sommeil provoqué, l'excitation mécanique provoque facilement. Nous trouverons là un exemple de plus de l'excitation d'un muscle, directement, en agissant sur les fibres musculaires elles-mêmes, ou, indirectement, par l'intermédiaire du nerf moteur qui lui est destiné.
Il existe chez notre malade, à deux centimètres environ de l'oreille, à la hauteur du tragus, une zone fort limitée dont l'excitation amène infailliblement un mouvement brusque et assez accusé du pavillon de l'oreille, qui se trouve attiré en haut et un peu en arrière. Aucun mouvement ne se produit
si l'excitalion n'est pas exactement portée au point voulu. D'autre part, il existe au-dessus de l'oreille une zone assez étendue dont l'excitation produit le même résultat, et qui correspond bien certainement au muscle auriculaire supérieur. Que conclure de ce fait d'observation, si ce n'est que, dans ce cas, nous excitons directement la fibre musculaire dans la zone située au-dessus de l'oreille, tandis que l'excitation portée au devant du tragus intéresse le rameau nerveux qui va donner le mouvement au muscle auriculaire supérieur, et qui ne saurait être autre que le rameau temporal du facial.
II.
DE QUELQUES CARACTÈRES DE LA CONTRACTURE PROVOQUÉE DANS L'ÉTAT DTIYPEREXCITABILITË NEURO-MUSCULAIRE.
La contracture musculaire provoquée par l'excitation mécanique pendant la léthargie hypnotique, présente toujours les mêmes caractères, qu'elle ait été produite par l'excitation des tendons, des nerfs ou des muscles eux-mêmes.
Nous ne ferons que rappeler ici quelques-uns de ces caractères, déjà connus d'ailleurs, en n'insistant que sur quelques particularités de détail.
a) La contracture cède à l'excitation des antagonistes.— La contracture ainsi provoquée pendant l'état hypnotique, cède très facilement par la friction ou la malaxation des muscles antagonistes. Cette excitation, que l'on pourrait qualifier d'excitation d'arrêt, n'exige pas une localisation précise. Portée sur la masse des extenseurs, elle fait cesser la contracture
partielle de n'importe quel muscle fléchisseur et inversement.
Si l'action est très locale et ne s'adresse pas directement au muscle antagoniste du muscle contracture, au lieu de faire cesser la contracture première, elle peut donner naissance à une seconde contracture localisée.
Cette action d'arrêt de l'excitation des antagonistes n'a lieu que pendant la léthargie, elle est impuissante contre la contracture qui persiste pendant l'état cataleptique ou après le réveil.
La figure 26 représente l'inscription de ce phénomène par les procédés de la méthode graphique. Le tambour explorateur est placé sur la saillie des muscles fléchisseurs du poignet. Onze chocs portés successivement sur les tendons de la face antérieure du poignet amènent la flexion forcée de ce segment du membre, avec contracture permanente des muscles excités. En F, friction des muscles antagonistes, la contracture cède rapidement, et le membre reprend l'attitude qu'il avait au début de l'expérience.
b) La contracture persiste après le réveil. — Trois cas peuvent se montrer :
Fig. 26. — Contracture par choc tendineux pendant la léthargie. C , 1, 2, etc. Onze chocs successifs portés sur les tendons fléchisseurs de l'avant-bras. — F, friction des muscles
antagonistes. — (Mouvement lent.)
1° La contracture provoquée persiste tant que dure le sommeil, elle persiste également pendant l'état cataleptique, mais, aussitôt qu'on provoque le réveil, elle s'évanouit ;
2° Si la malade est réveillée pendant l'état léthargique, la contracture disparaît aussitôt. Mais, si avant de réveiller la malade, on a soin de la rendre cataleptique, la contracture persiste pendant l'état de veille, avec la même forme et le même degré d'intensité ;
3° Cette dernière précaution n'est pas nécessaire. Réveillée, même pendant l'état léthargique, la malade garde sa contracture.
Les contractures artificielles, ainsi provoquées, présentent la plus grande analogie avec la contracture permanente hystérique. Elles pourraient persister, pensons-nous, fort longtemps. Nous n'avons pas prolongé l'expérience au-delà de quelques heures. Pour faire disparaître ces contractures, il faut endormir de nouveau le sujet, et, pendant l'état léthargique, procéder à l'excitation des muscles antagonistes dont l'effet est instantané.
c) Transfert par l'aimant de la contracture localisée. — La malade une fois endormie et ses membres étant en complète résolution, nous touchons avec précaution le nerf cubital droit, en arrière de l'épitrochlée, et, comme dans l'expérience décrite plus haut, la main, sous l'influence de cette excitation, se contracture, immobilisée dans une attitude caractéristique que nous avons désignée sous le nom de griffe cubitale (Fig. 9).
Nous approchons alors de l'avant-bras gauche, dont les muscles sont demeurés dans le relâchement, l'extrémité ouverte d'un aimant en forme de fer à cheval. La malade toujours endormie est assise près d'une table; son bras droit contracture pend sur le côté; nous avons soin, une fois la griffe cubitale produite avec les précautions indiquées, de n'y plus
toucher afin d'éviter les complications que de nouvelles excitations musculaires, même fortuites, ne manqueraient pas de susciter. Le bras gauche repose inerte sur la table à proximité de l'aimant. Au bout de peu de temps, deux à trois minutes au plus, voici le curieux phénomène que nous observons pour la première fois. Dans les deux mains, de petits mouvements fort légers s'opèrent à la fois ; mais, bientôt, ces mouvements s'accusent dans un sens différent à chaque main. A la main contracturée, les doigts quittent peu à peu, et comme par degrés, l'attitude spéciale que leur avait imprimée la contracture, le pouce s'écarte, l'annulaire et le petit doigt se défléchissent.
Les mêmes doigts de l'autre main subissent au même moment un mouvement inverse, l'annulaire et le petit doigt entrent en flexion, le pouce se rapproche pendant que l'index et le médius demeurent étendus. Bientôt, le transfert s'est opéré, la contracture musculaire a cédé à droite pour envahir le côté gauche, mais, avec ceci de particulier qu'elle n'est point sortie de la même région et qu'elle s'est exactement localisée au même groupe musculaire, à celui qui reçoit les rameaux du nerf cubital. En un mot, la main droite est redevenue flaccide, et la main gauche, entrant en contracture, a pris l'attitude de la griffe cubitale, telle qu'elle existait d'abord à droite. Nous essayons alors de répéter la même expérience, mais en sens inverse en quelque sorte, et après avoir fait passer la contracture de la main droite à la main gauche, nous plaçons l'aimant à proximité de la main droite dans le but d'y ramener la contracture en délivrant la main gauche. Ce retour s'opère avec plus de lenteur. Il'faut bien cinq à six minutes, et encore s'est-il effectué incomplètement. Au bout de ce temps, en effet, la main gauche est redevenue complètement molle, pendant que la main droite, rigide, esquisse fort nettement l'attitude de la griffe cubitale, mais il semble que
le mouvement se soit arrêté en chemin, il demeure inachevé.
La malade, toujours endormie, est assise devant une table sur laquelle on place ses deux: avant-bras en pronation, de façon que le dos de la main regarde en haut. Les muscles sont dans la résolution. En touchant sur l'avant-bras droit le point d'élection indiqué sur la figure 15, 9, l'index seul s'élève et demeure immobilisé par la contracture en extension forcée. L'attitude demi-fléchie des autres doigts de la main n'est pas modifiée. Nous appliquons alors un aimant près de l'avant-bras gauche, qui est demeuré jusqu'ici complètement indifférent à ce qui s'est passé à droite. Et pres-qu'aussitôt on observe dans les deux index un léger tremblement, composé de petites oscillations brèves, saccadées et irrégulières. Puis, un mouvement d'ensemble se produit, l'index gauche qui, demi-fléchi, reposait par son extrémité sur la table, s'étend et s'élève peu à peu pendant que l'index droit quitte par degrés l'attitude que la contracture lui avait imprimée et finit par retomber flaccide. En résumé, la contracture localisée, en vertu de laquelle l'index droit était maintenu dans l'extension, s'est transférée exactement à l'avant-bras gauche, et l'index gauche a pris, sous cette influence, une attitude semblable à celle qui existait d'abord à droite.
La même expérience peut être répétée avec un égal succès pour les différents muscles extenseurs. En voici un autre exemple : le petit doigt de la main droite est placé dans l'extension par la pression sur le point moteur désigné sur. la figure 15, 6. L'aimant est appliqué près de la main gauche. Cette main repose sur la table par sa face palmaire et les doigts à demi-fléchis, de telle sorte que le petit doigt disparaît presque complètement recouvert par les autres. Au bout de peu d'instants, nous voyons un mouvement se
produire exclusivement dans le petit doigt qui se dégage peu à peu, se redresse, s'étend, puis s'élève en extension forcée. En même temps, le petit doigt du côté droit est retombé peu à peu et a repris l'attitude normale du relâche-chement musculaire.
La pression sur la masse des muscles de la région postérieure de l'avant-bras amène l'extension des doigts et de la main. Cette attitude, maintenue par la contracture simultanée d'un certain nombre de muscles, se déplace de la même façon que dans les expériences précédentes, et la contracture plus complexe est transférée sans rien perdre de ses caractères et de la précision de sa localisation.
Nous venons de constater le transfert par l'aimant de la contracture localisée due à l'excitation mécanique du nerf ou du corps musculaire lui-même. Il en est de même lorsque la contracture a été la conséquence d'une excitation tendineuse.
La malade endormie est placée dans la même attitude que pour les expériences précédentes, les mains reposant sur une table, la face dorsale regardant en haut.
La pression légère du tendon du médius de la main droite au-dessus de la tête du troisième métacarpien détermine, ainsi que nous l'avons déjà vu, l'extension isolée du médius qui s'élève au-dessus du niveau des autres doigts et se maintient en cette situation d'extension forcée. L'aimant est appliqué près de la main gauche. Le transfert de la contracture s'opère très rapidement. La main gauche est immobile dans une demi-flexion; on voit d'abord dans les tendons du dos de la main, tendons de l'index et du médius, se produire un léger tremblement. Puis, le médius seul se soulève un peu, il est agité de petits mouvements, et frappe la table de petits coups répétés. Peu à peu, ce tremblement diminue d'ampli
tude à mesure que le doigt s'élève et bientôt le médius se trouve immobilisé en extension forcée.
En même temps que le médius gauche subissait un mouvement ascensionnel, le médius droit, par un mouvement inverse, s'abaissait peu à peu, et au moment où l'extension à droite était complète, le relâchement à gauche ne laissait plus rien à désirer.
d) Contracture localisée latente. — Transfert de la contracture latente. — MM. Brissaud et Ch. Richet (1) ont déjà montré,dans des recherches sur la contracture provoquée chez les hystériques, que l'anémie d'un membre produite par l'application de la bande d'Esmarch, comme on a coutume de le faire dans la pratique chirurgicale, faisait disparaître dans ce membre toute disposition du muscle à se contracturer sous l'influence des excitants ordinaires.
La malaxation d'un membre ainsi anémié ne détermine plus aucune contracture; mais, si l'on enlève la bande qui comprimait la racine du membre, on voit aussitôt la contracture se produire d'elle-même, sans nouvelle excitation, au fur et à mesure que la circulation se rétablit.
Cette expérience est importante au point de vue delà nature de ces sortes de contractures, et nous y reviendrons plus loin. Pour le moment, nous constatons que l'excitation mécanique portée sur un muscle anémié ne saurait y provoquer de contracture, mais n'en détermine pas moins dans ce muscle une disposition spéciale à la contracture, que MM. Brissaud et Ch. Richet désignent sous le nom de contracture latente, et qui ne demande pour se manifester que la disparition de l'anémie et le retour avec la circulation de l'aptitude du muscle à la contracture.
1. Progrès Médical, n°* 19, 23 et 24,1880.
On connaît l'action spéciale de l'aimant sur les contractures unilatérales et le déplacement de ces contractures, connu sous le nom de transfert. MM. Brissaud et Ch. Richet ont observé, sur le membre anémié et en état de contracture latente, les mêmes phénomènes que sur le membre contracture. On voit, par exemple, la contracture latente du bras droit transférée, par l'application de l'aimant, au bras gauche. Nous avons répété ces expériences au sujet de la contracture localisée et nous sommes arrivés à des résultats qui, pour être prévus, n'en sont pas moins intéressants. Voici le récit de quelques-unes de nos. expériences :
1° Witt.... est endormie par la fixation du regard. Elle tombe aussitôt dans l'état de léthargie avec hyperexcitabilité neuromusculaire ; les yeux sont fermés, et il suffit de soulever les paupières pour faire cesser aussitôt l'aptitude des muscles à se contracturer et faire naître la catalepsie. Inversement, l'occlusion nouvelle des yeux ramène au même instant l'hyperexcitabilité en faisant disparaître la catalepsie. Tout ceci est bien connu, et ces phénomènes ont été décrits ailleurs.
Nous les rappelons ici à cause des précautions particulières que nous avons prises lors de l'application de la bande d'Es-march. Nous savons que, dans l'état d'hyperexcitabilité, il suffit du plus léger attouchement pour faire apparaître la contrac-. ture. Dans la recherche de la contracture latente localisée, -c'est là une cause d'erreur que nous avons évitée en appliquant•-" la bande d'Esmarch pendant l'état cataleptique.
Une fois la bande de caoutchouc appliquée de l'extrémité _.-vers la racine du membre supérieur, et la ligature étant maintenue au bras pour empêcher le retour du sang, les paupières . sont fermées et la malade de nouveau plongée dans le som- _-meil léthargique dont le phénomène de l'hyperexcitabilité est un des principaux caractères. Alors, en ayant bien soin de ne
porter aucune autre excitation sur le membre anémié, nous froissons avec le doigt, à plusieurs reprises, le nerf cubital en arrière de l'épitrochlée.
Il ne se produit immédiatement aucune modification dans l'attitude du membre qui estdans la résolution la plus complète. Mais, il n'en est plus de même lorsque, quelques instants après, nous enlevons la ligature. L'obstacle levé, le sang reprend son cours et la coloration du membre augmente peu à peu. Successivement aussi, et comme par degrés, on voit les deux derniers doigls de la main se fermer, le pouce se rapprocher, et bientôt l'attitude caractéristique de la griffe cubitale est manifeste et maintenue par une contracture musculaire intense.
Comme dans les expériences précédentes (page 208), cette griffe cubitale est facilement transférée à l'autre main par l'application de l'aimant.
2° La bande d'Esmarch est appliquée sur l'avant-bras droit, avec les mêmes précautions que tout à l'heure, c'est-à-dire pendant l'état cataleptique.
La malade est replongée dans l'état léthargique et l'excitation mécanique portée au nerf cubital du membre anémié, à la région du coude. Nulle modification de l'état des muscles.
L'aimant est appliqué près de l'avant-bras gauche. Au bout de quarante secondes environ, on voit la main gauche se con-tracfurer dans l'attitude de la griffe cubitale. En un mot, la griffe cubitale latente de droite s'est transférée à gauche. Dans ce transfert, elle est devenue manifeste, parce que du côté gauche les muscles ne sont pas anémiés et n'ont pas, par là même, perdu l'aptitude à la contracture.
Charcot. Œuv. compl. t. ix, Hypnotisme.
25
DES DIFFÉRENTS DEGRÉS DE L'HYPEREXCITABILITÉ NEURO-MUSCULAIRE. — VARIATIONS DU PHÉNOMÈNE
Il ne faudrait pas croire que toutes les hystériqeshypnotisées soient susceptibles de présenter à un égal degré de développement tous les phénomènes que nous venons de décrire comme se rattachant à cet état nerveux spécial désigné sous le nom d'hyperexcitabilité neuro-musculaire.
Il faut s'attendre ici à de nombreuses variations individuelles que pour la plupart il est possible de rattacher au type décrit dont elles ne sont que des atténuations plus ou moins accusées. Cependant on se tromperait également si l'on s'imaginait que les sujets sont rares, sur lesquels il est possible de répéter toutes les expériences rapportées plus haut. Il ne s'agit pas là de faits exceptionnels. Si nous en croyons notre expérience personnelle, la proportion serait de 1 sur 4 ou 5 au plus. Il est vrai que les malades soumises à notre observation, à la Salpêtrière, sont toutes des sujets atteints de la névrose hystérique dans sa forme la plus accentuée, Yhysteria major.
Après avoir montré les principaux caractères du phénomène dans son plus haut degré de développement, il nous paraît utile d'insister un peu sur les variations qu'il peut subir soit d'une malade à l'autre, soit chez une même malade, et d'en fournir quelques exemples.
A. — Des différents degrés de Vhyperexcitabilité neuromusculaire chez une même malade. — Influence de la répétition des expériences sur son développement.
Chez une même malade, le même degré d'hyperexcitabilité
neuro-musculaire, pendant la léthargie hypnotique, peut varier dans des circonstances diverses.
a) Il varie suivant les régions du corps. Dans les cas réguliers, ceux qu'on peut appeler les cas types, le phénomène existe à un égal degré sur tous les muscles", aussi bien aux membres qu'à la face (il n'est pas question ici de la différence du résultat obtenu : contracture aux membres, contraction à la face). Mais il arrive fréquemment qu'à ce point de vue il existe des différences entre les deux côtés du corps, entre les membres inférieurs, les membres supérieurs et la face, l'hyperexcitabilité pouvant se montrer en un point et faire défaut en un autre, ou bien exister ici et là, mais à un degré différent.
b) L'hyperexcitabilité varie également chez une même malade d'un moment à l'autre. Il est des jours où, sous l'influence de causes difficilement appréciables, mais dans lesquelles on peut faire entrer les émotions vives, la fatigue physique, l'imminence des attaques, etc., telle malade présente une exaltation ou une atténuation du phénomène.
c) Enfin par la répétition des expériences, ce phénomène est susceptible d'acquérir un plus haut degré de précision et d'intensité. Il s'agit là, ainsi que nous le verrons plus loin, de phénomènes d'ordre réflexe dont l'habitude facilite le développement et qu'elle perfectionne. Nous avons pu constater le fait bien des fois. Il est des sujets qui présentent presque d'emblée, dès les premières séances d'hypnotisme, le phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire complètement développé. D'autres, et c'est le plus grand nombre, mettent un temps plus ou moins long à l'acquérir. À un premier degré, il consiste en une tendance des réflexes tendineux à
provoquer une contracture plus ou moins généralisée. Puis la localisation de la contracture s'établit; il est possible d'obtenir la contracture partielle des différents muscles des membres, et les différents procédés à l'aide desquels on la produit peuvent être classés ainsi qu'il suit,, d'après le mode d'apparition de leur efficacité : c'est l'excitation des tendons qui réussit d'abord, puis l'excitation des masses musculaires; en dernier lieu l'excitation des troncs nerveux. Enfin ce n'est que dans les cas les plus développés que l'hyperexcitabilité neuro-musculaire se montre à la face. Nous nous contenterons de rapporter les deux observations suivantes :
Dans les récentes expériences que nous avons faites à ce sujet, il nous a été donné de saisir en quelque sorte le mode de développement de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire chez une de nos malades que nous soumettions pour la première fois aux pratiques de F hypnotisme.
Janvier 1881. — Caill..., 20 ans, hystéro-épileptique, liémianesthésique à gauche et achromatopsique du même côté, n'a pas encore été endormie par nous; elle l'aurait été par d'autres mais peu souvent, et, dans tous les cas, les expériences d'hyperexcitabilité neuro-musculaire n'ont jamais été tentées sur elle.
Pendant la veille, les réflexes tendineux sont exagérés aux genoux, mais sans irradiation aux membres supérieurs, ils existent aux coudes; aux poignets ils se montrent à peine.
Par la fixité du regard, la malade se trouve promptement endormie. Aussitôt nous constatons que les réflexes tendineux du poignet qui, tout à l'heure, existaient à peine, sont maintenant nanifestement exagérés. Nous recherchons alors si la malaxation des masses musculaires de l'avant-bras peut être suivie de contracture, mais le résultat est complètement négatif. Nous revenons alors à l'excitation des tendons par percussion. Nous constatons de nouveau que les réflexes tendineux sont exagérés; le mouvement qui suit le choc est très étendu,
il est brusque et rapide, il n'y a aucune tendance à la contracture. Mais bientôt, en répétant les chocs sur le tendon, nous voyons la contracture se développer; il suffit d'unedizaine de coups portés successivement sur le tendon pour immobiliser le membre dans une attitude forcée de contracture permanente. Cette contracture se détruit facilement par la friction des muscles antagonistes.
Nous tentons alors de nouveau de produire la contracture par lamalaxation des muscles, et, cette fois, non sans quelque surprise, nous réussissons pleinement. Une fois réveillée par le procédé habituel (souffle sur le visage), Caill... conserve les réflexes tendineux du poignet plus accusés qu'avant les expériences.
Ne semble-t-il pas que, d'après ce que nous venons de rapporter, l'on puisse admettre clans l'hyperexcitabilité musculaire, les trois degrés suivants :
1er degré : simple exaltation des réflexes tendineux ; — 2e degré : le réflexe tendineux donne lieu à la contracture — contracture réflexe par excitation tendineuse; —3e degré : contracture réflexe par excitation directe des masses musculaires.
Dans une seconde expérience faite le lendemain, nous constatons une aptitude plus grande des muscles à la contracture, se traduisant même pendant la veille. Pendant l'hypnotisme l'hyperexcitabilité, bien que plus développée, présente quelques irrégularités.
Caill... a conservé les réflexes tendineux du poignet assez exaltés surtout du côté gauche. Le réflexe patellaire est toujours très exagéré.
Le choc répété sur les tendons de la face antérieure du poignet gauche amène bientôt la contracture, ce qui n'a pas lieu pour le côté droit. La matade est toujours en état de veille et cette expérience est faite presqu'à son insu, pendant que son attention est attirée ailleurs. Cette contracture disparait comme celle du sommeil par la friction des antagonistes.
Caill... est endormie rapidement par la fixité du regard. Sur
le bras gauche, contracture facile par l'excitation des tendons, par la malaxation musculaire et par l'excitation des nerfs. La pression du nerf cubital en arrière de l'épitrochléc contracture la main dans l'attitude régulière de la griffe cubitale. C'est la première fois que cette expérience est tentée chez cette malade.
Sur le bras droit l'excitation des tendons et des masses musculaires nous donne des résultats semblables, mais nous constatons que l'excitation du nerf cubital au lieu d'élection n'est point suivie de la contracture habituelle. A chaque froissement du nerf cubital répond un léger mouvement dans les doigts, mais aucune contraction nettement localisée, aucune ébauche de contracture.
Sur le bras gauche au contraire la griffe cubitale s'obtient très facilement, ainsi que nous l'avons déjà dit.
Le griffe cubitale étant produite à gauche, nous plaçons un aimant près cle l'avant-bras droit, dans le but de transférer la griffe de ce côté. Dix minutes et plus se passent sans qu'aucun transfert ait lieu. Le bras droit garde sa flaccidité, et l'on note, par contre, que la contracture de gauche, au lieu de se détendre s'est accusée davantage. La griffe cubitale qui existait déjà s'est exagérée.
Dans ce cas, il faut admettre que le nerf cubital droit était inexcitable du moins par les procédés habituels. L'hyperexcitabilité neuro-musculaire ne s'est développée à la face, chez cette malade, que plusieurs mois après les premières expériences que nous venons de rapporter. Les deux figures 3 et \ de la Planche VIII ont été prises d'après elle.
Entre autres détails intéressants, l'observation suivante nous montre également une différence entre les deux côtés du corps au point de vue de l'hyperexcitabilité :
E. P..., hystéro-épileptique, anesthésique totale, ovarienne, etc., présente cette particularité dans le mode de production du sommeil hypnotique, que la simple fixité du regard produit chez elle ce que l'on obtient plus fréquemment par l'action
d'une lumière très intense. Elle entre d'abord dans l'état cataleptique qui persiste indéfiniment, et alors le sommeil ne peut être obtenu qu'à la condition de lui fermer les yeux. La catalepsie cesse aussitôt et la malade devient léthargique.
L'hyperexcitabilité neuro-musculaire caractéristique de la léthargie présentait, le SJOjanvier 1881, les particularités suivantes:
1° La contracture demande pour se produire une malaxation assez énergique des masses musculaires.
2° Elle se montre avec plus de facilité à la suite de l'excitation tendineuse. Mais il faut alors répéter les chocs, et l'on voit la contracture s'accentuer graduellement. La simple pression sur le tendon est impuissante.
3° L'hyperexcitabilité est plus développée sur le bras gauche que sur le bras droit. La différence entre les deux côtés est assez notable. Il faut insister beaucoup plus pour obtenir à droite les mêmes résultats qu'à gauche. On y arrive cependant.
-4° Lorsque l'excitation est insuffisante, on n'obtient qu'une contraction plus ou moins prolongée ou bien une contracture qni se résout d'elle-même bientôt.
5° La contracture une fois bien établie persiste après le réveil.
B. — L'hyperexcitabilité neuro-musculaire peut cesser partiellement dans une partie du corps, ou inversement peut y être provoquée.
Chez une de nos malades qui présente à un haut degré l'hyperexcitabilité neuro-musculaire, nous avons vu plusieurs fois dans le cours de nos expériences, cet état musculaire spécial disparaître tout d'un coup pour faire place à un état paralytique localisé à un seul côté du corps et qui persistait au réveil. D'ailleurs nous avons toujours pu, à la suite de quelques manœuvres, ramener la motilifé, et, au bout de quelques instants, rendre à la malade toute la liberté de ses mouvements. Voici le récit d'un de ces accidents :
22 décembre 1880. — Pendant le cours d'expériences assez prolongées sur l'hyperexcitabilité des muscles et des nerfs du bras droit, tout d'un coup, sans cause apparente, toute trace d'hyperexcitabilité disparaît dans ce membre et à la fois dans tout le côté droit du corps aussi bien à la face qu'aux membres. Le bras droit retombe inerte le long du corps, Witt... qui est assise s'affaisse de ce côté, les réflexes tendineux existent néanmoins. Tout le côté gauche a conservé l'hyperexcitabilité neuromusculaire comme auparavant. Si l'on soulève les paupières, la catalepsie est facile à gauche, mais à droite elle n'a plus lieu.
On réveille la malade par des procédés ordinaires, l'hémiplégie persiste; son bras droit est inerte; elle peut à peine se tenir debout, elle est incapable de marcher, sa jambe droite lui refuse tout service.
De plus Witt... est aphasique. Elle est comme hébétée, elle regarde son bras paralysé qu'elle cherche à soulever avec l'autre main, mais sans manifester le mécontentement qu'un réveil dans un semblable état semblerait devoir lui causer.
Elle fait quelques résistances lorsque nous cherchons à l'endormir de nouveau. On y parvient cependant sans difficulté par la pression des globes oculaires. Le même état hémiparalytique persiste. Au bout de quelques instants, il se produit spontanément un tremblement léger dans la mâchoire inférieure.
Ce tremblement augmente peu à peu, puis gagne le bras droit, la jambe droite. Les membres du côté gauche conservent leur immobilité, jusqu'au moment où, gagnant en amplitudes, les oscillations du tremblement se tranforment en violentes secousses qui soulèvent tout le corps.
Ces secousses sont bientôt suivies d'une sorte de stertor qui dure quelques minutes. La paralysie du côté droit n'a pas disparu. Le sommeil persiste avec les mêmes caractères qu'avant cette petite crise.
Croyant voir une indication dans ce qui venait de se passer, nous essayons de provoquer une attaque. Une excitation vive portée sur les zones hystérogènes de l'aisselle n'amène qu'une
violente secousse généralisée. Cette manœuvre, répétée plusieurs fois, est bientôt suivie du réveil. Et cette fois Witt... a recouvré en même temps que la connaissance le mouvement et la parole. Elle n'a qu'un souvenir confus de ce qui s'est passé, et s'étonne d'une sensation de fatigue qu'elle éprouve dans tout le côté droit.
Nous rapprocherons du fait qui précède, l'expérience suivante dans laquelle, pendant l'état somnambulique, alors que, suivant la règle,, l'hyperexcitabilité neuro-musculaire avait entièrement disparu, cette disposition musculaire spéciale a pu être rappelée dans un seul membre :
%Q janvier 1880. B... est plongée par la friction sur le sommet de la tête dans le sommeil sans hyperexcitabilité neuro-musculaire ou état somnambulique. L'excitation mécanique directe ou indirecte des muscles n'amène plus leur contracture. Les réflexes tendineux n'en sont pas moins conservés. La résolution musculaire est parfaite. La catalepsie n'est plus possible parl'ou-verturedes yeux.L'étatdela motilité estle mêmepartoutlecorps.
Nous recherchons l'état de la contractilité électrique que nous trouvons normale. Mais au bout de quelques instants de faradisation, nous nous apercevons que le membre sur lequel nous opérons est redevenu hyperexcitable. En effet, l'excitation mécanique des nerfs et des muscles amène la contracture de la façon que l'on sait, mais cela au bras gauche seulement. Tout le reste du corps n'offre pas trace d'hyperexcitabilité.
Lorsque les paupières sont ouvertes, le bras gauche devient cataleptique, ce qui n'a lieu en aucune façon pour le bras droit.
C. — Variations individuelles de l'hyperexcitabilité neuromusculaire.
D'une malade à l'autre, l'hyperexcitabilité neuro-musculaire peut présenter de grandes différences au double point de vue
de la précision et du degré de développement de ses caractères. Les différents degrés que l'on observe successivement chez une même malade, lorsque le phénomène est en voie de développement, peuvent se montrer isolément chez des malades différentes,, et l'on conçoit fort bien que, suivant les dispositions spéciales du sujet, le phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire puisse s'arrêter aux diverses phases de son évolution. Nous rapporterons ici deux observations dans lesquelles les caractères du sommeil hynoptique se sont montrés peu développés :
L. D.., seize ans, hystéro-épileptique, a de grandes attaques convulsives avec arc de cercle et attitudes passionnelles, a en outre des accès de somnambulisme naturel. Ovarienne à gauche principalement.
Entrée le 6 février 1881, à l'hospice où elle n'a fait qu'un très court séjour.
9 février 1881. L'anesthèsie se trouve réduite à une plaque de la largeur des deux mains environ et qui occupe le sommet de la tête, plus étendue à gauche qu'à droite ; en avant elle coupe le front obliquement, descendant jusqu'au niveau du sourcil gauche. Il n'y a pas d'achromatopsie. Les réflexes tendineux sont exagérés aux genoux; ils sont fort peu accusés aux poignets et aux coudes, un peu plus cependant aux membres du côté gauche.
La malade est assise sur une chaise et on la prie de fixer avec persistance la tête brillante d'une grosse épingle que l'on maintient à peu de distance de ses yeux et un peu en haut.
Au bout de cinq minutes environ, on remarque quelques mouvements cloniques dans les muscles de la face, surtout du côté gauche, les conjonctives sont rouges, les sourcils se contractent. La fixité du regard augmente, le clignotement disparaît. A ce moment les membres sont insensibles à la piqûre; lorsqu'on les soulève, ils retombent inertes; il n'y a pas de catalepsie. Les réflexes tendineux aux deux bras sont manifes
tement exagérés. Le même état persiste un quart d'heure environ avec quelques frémissements de tout le corps et des muscles de la face de temps en temps; l'objet brillant est toujours maintenu devant les regards de la malade.
Puis tout d'un coup, pendant que l'on continue à piquer les membres du sujet, on s'aperçoit que la sensibilité a reparu partout; chaque piqûre donne lieu à un mouvement réflexe, indice que l'impression est perçue parle centre nerveux. Alors on retire l'objet qui sert à maintenir la fixité du regard, pensant que l'expérience était terminée. Mais aussitôt les yeux se ferment et la malade tombe dans un état de résolution tel que nous n'en n'avons jamais observé de semblable. La malade est endormie. Tout son corps s'affaisse sur lui-même au point qu'elle glisse sur sa chaise, et qu'on a peine à l'y maintenir assise. La tête retombe lourdement sur la poitrine, oscillant d'un côté sur l'autre suivant qu'on cherche à la redresser.
Dans cet état, les réflexes tendineux sont fort exagérés. Le choc sur le tendon rotulien donne lieu à un soubresaut de tout le corps; aux coudes et aux poignets le choc tendineux est suivi d'un mouvement bien plus étendu que pendant la veille. En somme, nous trouvons ici exagération et généralisation des réflexes tendineux, mais nulle tendance à la contracture. La contracture n'est produite ni par la percussion répétée des tendons, ni par la malaxation des masses musculaires.
La sensibilité persiste, et le pincement ainsi que la piqûre donnent naissance à des mouvements réflexes; la malade retire son membre, et la douleur se peint sur sa physionomie, qui autrement est impassible et sans expression.
L'ouverture des yeux n'a pas lieu sans quelque difficulté, à cause du spasme des paupières et de la convulsion des globes oculaires. On y arrive cependant, mais le regard ne paraît pas bien fixe et au bout de peu d'instants les paupières se ferment d'elles-mêmes. Pendant que les yeux sont ouverts, l'état musculaire ne change pas ; pas de catalepsie possible, même état des réflexes, même résolution.
Bientôt la malade est prise de secousses des bras, analogues
à celles du début de son attaque. La crise paraît imminente. Nous nous empressons alors de la réveiller par le souffle sur le visage et sur les yeux. Il faut insister un peu pour y parvenir.
La malade se dit très fatiguée ; elle ne peut se tenir debout, ses jambes refusent de la porter. Elle a une tendance invincible au sommeil et se rendort d'elle-même. On la fait alors porter à son lit où elle ne tarde pas à s'éveiller spontanément.
Nous la revoyons environ une demi-heure après. Elle est parfaitement réveillée, et ne ressent d'autre malaise qu'une grande fatigue. Nous constatons que les réflexes tendineux sont bien plus exagérés qu'avant l'expérience, tout en l'étant à un degré moindre que pendant le sommeil.
Cette expérience d'hypnotisme est la seule qui ait été faite sur cette malade. C'était la première fois qu'elle y était soumise, et nous ne pûmes la répéter, car elle sortit de l'hospice le lendemain même.
Ici, des phénomènes musculaires qui servent à caractériser l'hypnotisme, un seul persiste, c'est l'exagération des réflexes tendineux qui se montre d'une façon très manifeste. Il n'y a aucune aptitude des muscles à la contracture quand les yeux sont fermés, et lorsqu'ils sont ouverts, aucune tendance à l'état cataleptique. Enfin la résolution musculaire s'est montrée là à un degré peu ordinaire, et la fatigue qui a suivi l'expérience est un fait tout à fait exceptionnel.
Dans l'observation suivante, à l'exagération des réflexes tendineux, s'ajoute une certaine tendance à la contracture, bien qu'aucune localisation précise soit possible. Ce n'est en somme qu'une sorte d'état rudimentaire de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire, et l'état cataleptique qui suit l'ouverture des yeux ne peut être provoqué.
18 février 1881. — V..., hystéro-épileptique hémianesthésique à gauche, analgésique du côté droit. Pas d'achromatopsie.
Exagération des réflexes tendineux aux membres supérieurs comme aux membres inférieurs, plus accusés à gauche qu'à droite. A la jambe gauche la trépidation épileptoïde peut être provoquée par le procédé ordinaire (soulèvement de la pointe du pied).
Cette malade n'a jamais été endormie. Nous la prions de fixer du regard un objet brillant et rapproché. Au bout de peu d'instants elle pousse quelques soupirs, puis bientôt les yeux se ferment, la tête se renverse, elle est endormie.
La résolution musculaire est complète. Les réflexes tendineux ont subi une exaltation notable. Le mouvement réflexe est étendu.
La malaxation des masses musculaires ne détermine aucune contracture. Il en est de même aux poignets poiu' l'excitation mécanique portée sur les tendons, percussion, friction ou malaxation. Mais le choc rotulien donne un résultat différent, A la suite de plusieurs coups portés successivement, la jambe se roidit dans l'extension et la contracture envahit en même temps les quatre membres. Cette contracture cède facilement par la friction.
Le spasme des paupières empêche l'ouverture des yeux, les pupilles se cachent convulsivement sous la paupière supérieure et ne se laissent pas découvrir. La catalepsie n'estpas possible. — Le réveil est facilement obtenu par le souffle sur le visage.
Les deux exemples qui précèdent nous montrent le sommeil hypnotique à un degré fort incomplet, sorte d'état rudimen-taire. Les phénomènes psychiques sont nuls, l'état cataleptique n'existe pas, pas plus que l'aptitude des muscles à la contracture localisée. En outre de la sommation et de la perte de connaissance, l'exaltation des réflexes tendineux, simple ou accompagnée de tendance à la contracture, est le lien qui rattache ces faits incomplets à l'état de léthargie hypnotique entièrement développé dont nous avons donné la description. Mais, entre ces deux extrêmes, l'on conçoit qu'il existe de
nombreux degrés intermédiaires qui constituent comme autant de variétés.
D. — Etat cataleptiforme.
Il est des cas dans lesquels l'hyperexcitabilité neuro-musculaire donne naissance à une sorte de catalepsie qu'il importe de ne pas confondre avec la catalepsie véritable et que pour cette raison nous avons proposé de désigner sous le nom d'hypnotisme.
L'état cataleptique survient d'emblée à la suite de l'impression brusque d'une vive lumière sur la rétine (lumière électrique, lampe Bourbouze, etc.), sous l'influence d'un grand diapason, ou bien encore à la suite d'un bruit violent inattendu (coup de gong).
Il succède également à la léthargie hypnotique obtenue le plus souvent directement par la fixité du regard. Il suffit dans ce cas, de soulever les paupières d'une malade léthargique pour la rendre immédiatement cataleptique, Les caractères de cet état cataleptique sont les suivants :
1° Les yeux sont ouverts, et le regard possède une fixité sur laquelle nous insistons comme un des signes les plus importants. La physionomie est impassible et expressive à la fois, la malade paraît absorbée. Ce visage est très vraisemblablement celui de Y extase cataleptique des auteurs ;
2° Le clignement a disparu. La conjonctive est rouge, les larmes coulent quelquefois sur la joue. L'anesthésie a envahi, le plus souvent, la conjonctive et jusqu'à la cornée. L'état de la pupille varie ;
3° Les membres gardent les positions qu'on leur communique. Ils paraissent d'une grande légèreté, lorsqu'on les soulève ou qu'on modifie leurs attitudes. La ftexibilitas cerca
ou la roideur des mannequins de peintre n'existe pas. On modifie l'attitude des membres avec la plus grande facilité et sans le moindre effort. Les attitudes ainsi communiquées sont gardées par les sujets pendant fort longtemps et le massage ou la friction des masses musculaires ne les modifient pas. Enfin cet état cataleptique est uniformément développé sur tous les membres et le tronc;
4° L'hyperexcitabilité neuro-musculaire n'existe pas. Les réflexes tendineux sont complètement abolis;
5° L'anesthèsie cutanée est complète. Persistance partielle des sens;
6° Suggestion. Influence du geste sur la physionomie. Phénomènes psychiques sur lesquels nous n'avons pas à insister ici : automatisme, hallucinations provoquées (1).
L'état cataleptique dont nous venons d'indiquer les principaux traits constitue un des modes du sommeil nerveux, bien distinct de cet autre mode que nous avons décrit sous le nom de léthargie hystérique provoquée dont l'hyperexcitabilité neuro-muscualire constitue un des principaux caractères.
L'on sait comment ces deux modes du sommeil nerveux peuvent se succéder chez un même sujet, ou même s'y montrer simultanément en n'affectant chacun qu'une moitié du corps (hémi-léthargie, hémi-catalepsie). Mais il n'en est pas toujours ainsi ; à côté des cas que l'on pourrait appeler les cas types et réguliers dans lesquels tous les symptômes offrent le caractère de précision sur lequel nous venons d'insister, il en est d'autres moins parfaits dans lesquels le sommeil hyp-
1. En résumé cet état cataleptique, à cause de la fixité du regard, de la légèreté et de la souplesse des mouvements, de l'harmonie qui existe entre les gestes et l'expression de la physionomie, pourrait être désigné sous le nom de catalepsie plastique. Elle permet d'imprimer aux sujets les attitudes les plus variées, susceptibles même de satisfaire aux lois de l'esthétique et si les sculpteurs de l'antiquité ont fait poser, comme modèles des femmes cataleptiques, ainsi que le prétendent quelques auteurs, bien eertainewHmt il s'agissait de la catalepsie que nous venons de décrire.
notique n'est plus susceptible d'être divisé en deux périodes distinctes : état léthargique avec hyperexcifabilifé neuro-musculaire, et état cataleptique. C'est une sorte d'état mixte qui paraît tenir des deux à la fois, et qui compte au nombre de ses manifestations les symptômes cataleptiformes dont il est question.
Dans l'exemple suivant l'hypnotisme est caractérisé par un délire spontané ou provoqué. Il s'y joint l'état musculaire spécial sur lequel nous insistons ici.
H..., hystéro-épileptique, anesthésique totale et achroma-topsique excepté pour le violet, a des grandes attaques convul-sives dans lesquelles le spasme laryngé se montre à un degré peu ordinaire. Les réflexes tendineux sont manifestement exagérés aux genoux, ils offrent même une légère tendance à la généralisation. Par contre, aux coudes et aux poignets, ils sont très peu marqués.
Si février 1881. Tentative d'hynoptisme parle procédé de la fixité du regard, en convergence supérieure. Au bout de cinq minutes environ, les yeux se ferment tout à coup, la tête se renverse, le cou se gonfle et la respiration devient laborieuse. Il se produit un spasme laryngien analogue à celui qui se montre pendant ses grandes attaques convulsives, avec cette différence toutefois, qu'il est ici bien moins violent. Bientôt le spasme cesse, et sans ouvrir les yeux, ni reprendre connaissance, la malade se met à divaguer, en proie à un délire qui ne tarde pas à être interrompu par une nouvelle crise de spasme laryngien. L'état de sommation ainsi produit se compose de deux phases distinctes qui se succèdent alternativement à la façon de ce qui a lieu dans ses grandes attaques convulsives. La phase délirante présente ceci de particulier : le délire survient bien spontanément comme il arrive dans la grande attaque, il est parfois incohérent, d'autres fois il roule sur des sujets variés se rapportant aux incidents qui ont marqué la vie de la malade ; mais, de plus, il peut être provoqué par l'observa
leur et conduit dans une direction déterminée. Les sens de la malade ne sont pas complètement fermés au monde extérieur. Elle entend les questions qu'on lui adresse, y répond d'une façon plus ou moins juste, il est facile de provoquer chez elle des hallucinations variées.
Pendant tout ce temps l'état musculaire est intéressant à noter c'est sur lui que nous appelons particulièrement l'attention. Il persiste avec les mêmes caractères pendant la phase de spasme ou celle de délire, et que la malade ait les yeux ouverts ou fermés. En premier lieu nous constatons une exagération très marquée des réflexes tendineux aux coudes et aux poignets. Aux genoux, le choc sur le tendon rotulien, en outre de la secousse de la jambe, provoque un soubresaut dans les deux bras. — Mais les manifestations de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire ne se bornent pas là.
La percussion répétée ou la friction des tendons du poignet amènent la contracture de la main soit en flexion, soit en extension, suivant les tendons excités.
La malaxation des masses musculaires de l'avant-bras produit également la contracture; la même chose se produit aux cuisses.
Le sterno-mastoïdien se contracture aussi sous l'influence de l'excitation mécanique, niais les muscles de la face demeurent inexcitables. L'excitation du nerf cubital en arrière de l'épitro-chée provoque la contracture du poignet et de la main dans la flexion; la griffe cubitale est imparfaite. Ces contractures diverses cèdent par la friction des muscles antagonistes.
Jusqu'ici nous voyons que l'hyperexcitabilité neuro-musculaire présente, à peu de chose près, la plupart des caractères que nous avons décrits précédemment; mais nous constatons en outre une aptitude spéciale des membres à conserver les attitudes communiquées. Il semble que l'état cataleptique et l'état d'hyperexcitabilité neuro-musculaire soient ici confondus et existent en même temps. Avec un peu d'attention cependant il est facile de se convaincre qu'il ne s'agit pas ici de l'état cataleptique véritable ; mais d'une sorte d'état cataleptique déjà
Charcot. Œuvr. com.pl. t. ix, Hypnotisme. 2 ?
décrit par l'un de nous, et qui ne saurait être considéré que comme une nouvelle manifestation de l'hyperexcitabilité neuromusculaire.
En effet les membres sont toujours lourds à soulever; ils ne conservent qu'imparfaitement les attitudes communiquées, et la friction amène toujours la détente du membre, et la résolution musculaire complète. En soulevant les paupières de la malade et en maintenant ses yeux ouverts, l'état cataleptique véritable ne saurait être obtenu. Les réflexes tendineux persistent, et si les membres gardent les attitudes communiquées, c'est avec les mômes caractères que précédemment. De plus la contracture par excitation mécanique directe est toujours possible.
Que les yeux soient ouverts ou fermés, la motilité, chez cette malade, présente les mêmes modifications. Nous avons remarqué que les yeux maintenus ouverts présentaient toujours un certain degré de convergence.
Nous avons pu observer cetétat cataleptiforme chez plusieurs de nos malades, les caractères qu'il présente se sont montrés identiques et il est inutile d'en multiplier les exemples. 11 ressort des faits que nous avons pu étudier que cet état, qui paraît tenir à la fois et de la léthargie et de la catalepsie, caractérise pour ainsi dire un degré inférieur de l'hypnotisme. Il se montre chez les sujets peu aptes à ce genre de recherches, ou bien s'il se rencontre chez les sujets bien prédisposés, ce n'est que dans les premières expériences, avant que l'état hypnotique, par la répétition des séances, se soit perfectionné. En effet, les malades chez lesquelles on l'observe ne présentent généralement ni l'hyperexcitabilité neuro-musculaire dans son état complet de développement, tel que nous l'avons décrit, ni l'état cataleptique parfait, dont nous avons rappelé les caractères. L'occlusion ou l'ouverture des paupières ne le modifient pas sensiblement. Nous avons pu noter que le plus
souvent, dans ce cas, les yeux ne se laissent pas ouvrir facilement ; un spasme maintient les paupières fermées, la pupille fuit la lumière en se cachant soit sous la paupière supérieure, soit sous la paupière inférieure ; lorsque néanmoins on arrive à la découvrir on constate un degré de strabisme plus ou moins accusé, ou bien si le regard paraît direct, il est sans fixité et les paupières ont une tendance invincible à se fermer. Cependant nons avons pu remarquer quelquefois que lorsque les yeux étaient ouverts quel qu'imparfaitement que ce soit, l'aptitude des membres à conserver les attitudes communiquées augmentait, sans que la tendance à la contracture provoquée fut pour cela diminuée.
En résumé, les caractères de l'état cataleptiforme sont les suivants :
1° Les yeux sont le plus souvent fermés, s'il sont ouverts la convulsion des globes oculaires empêche toute fixité du regard.
2° L'aptitude des membres à garder une situation communiquée présente les particularités suivantes:
a) Souvent cette aptitude est inégalement développée sur les différents segments du corps ;
b) Le membre est lourd à soulever et il existe dans les articulations une certaine roideur (flexibilitas cerea) ;
c) Pour que le membre garde la position dans laquelle on le place, il faut insister quelque peu, et le maintenir au moins quelques secondes avant de l'abandonner ;
d) Dans le plus grand nombre de cas, le membre retombe bientôt de lui-même ;
e) Enfin la friction et le massage des ?nasses musculaires amènent toujours la résolution du membre qui retombe inerte.
3° L'hyperexcitabilité neuro-musculaire existe à un degré quelconque. Les réflexes tendineux sont exaltés.
4° Que les yeux soient ouverts ou fermés, l'état musculaire reste le même, présentant toujours ce double caractère d'hyperexcitabilité et d'état cataleptiforme.
Il nous paraît facile de saisir de quelle manière l'état cataleptiforme se rattache au phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire.
Le membre qui paraît cataleptique n'est, en somme, qu'un membre contracture. La contracture s'y développe sous l'influence des manœuvres de l'expérimentateur qui cherche à déplacer le membre. Nous avons vu, en effet, qu'il est nécessaire d'insister un peu pour faire garder au membre l'attitude communiquée. De plus, lorsqu'on cherche à modifier l'attitude du membre, on constate une roideur, indice certain de contracture. Enfin cette contracture cède sous l'influence de la malaxation du membre.
Pour terminer, nous rapporterons l'observation suivante qui met bien en relief et les différences qui séparent l'état cataleptiforme de l'état cataleptique véritable et les liens qui rattachent cet état cataleptiforme au phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire.
31 janvier 1881. C... s'endort facilement par la pression sur les globes oculaires et su? les tempes. L'état de sommation ainsi produit se caractérise par l'exaltation des réflexes tendineux et par la tendance des muscles à la contracture, sous l'influence de l'excitation mécanique soit des tendons, soit des nerfs, soit des masses musculaires.
L'hyperexcitabilité neuro-musculaire n'est pas générale. Elle n'existe pas à la face (1).
Nous essayons de produire l'état cataleptique par l'ouverture
1. L'hyperexcitabilité neuro-musculaire s'est développée plus tard à la face chez cette malade.
des yeux. Les paupières se laissent assez facilement soulever, mais les globes oculaires sont convulsés en haut et à droite.
— L'état cataleptique que nous obtenons ainsi est imparfait, les membres conservent bien les attitudes communiquées; mais les frictions à la surface du membre les font cesser; l'hyperexcitabilité neuro-musculaire est conservée, et les réflexes tendineux persistent. Il est aisé de reconnaître là l'état cataleptiforme.
— En effet, en insistant sur l'ouverture des yeux, les globes oculaires s'abaissent et le regard devient fixe. Dès lors la catalepsie est parfaite. Les membres sont souples, légers à mouvoir; les attitudes communiquées ne sont plus modifiées par la friction du membre; plus de réflexes tendineux, ni d'hyperexci-tabilité neuro-musculaire.
Ce qui précède montre bien les différences qui existent entre l'état cataleptique vrai et l'état cataleptiforme. Dans le cours de la même séance nous avons fait sur cette même malade une expérience destinée à mettre en lumière les connexions qui relient cet état cataleptiforme au phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire.
Cette expérience consiste à produire sur un segment de membre l'état cataleptiforme pendant la phase de léthargie.
Il suffit simplement pour cela de malaxer légèrement toute la surface de ce segment de membre, pour obtenir, au lieu d'une contracture localisée, une sorte de roideur généralisée, qui permet à cette partie du membre de conserver les diverses attitudes communiquées. C'est alors qu'on observe, lorsque l'on cherche à varier les positions, la véritable flexibilitas cerea, ou bien encore la roideur des mannequins de peintre dont parlent les auteurs.
Il semble alors que cette sorte d'état cataleptique est bien due à un léger degré d'hyperexcitabilité neuro-musculaire développée parla manœuvre que nous avons dite; car il suffit d'exercer quelques frictions sur le membre pour faire cesser toute roideur et en même temps toute apparence d'état cataleptique,
E. — L'hyperexcitabilité neuro-musculaire, qui se montre à son plus haut degré de développement pendant le sommeil hypnotyque,peut exister ci quelque degré pendant la veille.
Enfin nous avons reconnu, dans le cours de nos expériences, que l'hyperexcitabilité neuro-musculaire pouvait être observée chez nos malades en dehors de l'état hypnotique, pendant la veille.
Ce n'est ordinairement qu'un premier degré de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire que l'on observe alors. Cela se borne, le plus souvent, à la transformation en contracture du réflexe tendineux. Mais parfois le phénomène peut devenir plus complet; la contracture localisée peut être obtenue par la malaxa-tion des masses musculaires, et la pression des nerfs. D'ailleurs les résultats que l'on obtient dans ces conditions n'égalent jamais ceux qui sont observés pendant l'état de somniafion. Nous ajouterons que ces phénomènes n'ont rien de général. Ils ne s'observent pas chez toutes les hystéro-épileptiques, et telle qui, pendant la veille, n'offre aucune tendance à la contracture musculaire, peut n'en présenter pas moins, pendant l'état de somniafion, les signes les plus complets de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire.
IV.
NATURE DU PHÉNOMÈNE
Notre intention n'est pas d'entreprendre ici l'explication physiologique, pour le moins prématurée, des phénomènes si
complexes et encore incomplètement étudiés que l'on comprend sous la dénomination d'hypnotisme. Nous chercherons à établir, au moyen des données actuelles de la physiologie, les trois propositions suivantes relativement au phénomène neuro-musculaire qui a fait l'objet de l'étude clinique précédente :
a) Le phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire est un phénomène de nature réflexe ;
b) La nature de ses manifestations a sa raison d'être dans une modification spéciale de l'activité du centre nerveux;
c) La voie centripète de l'arc réflexe est autre que celle des nerfs sensitifs cutanés.
A. — Le phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire est un phénomène de nature réflexe.
Les faits qui plaident en faveur de la nature réflexe du phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire sont nombreux. Le lecteur a déjà pu en pénétrer la signification en parcourant les descriptions qui précèdent. 11 nous suffira de les rappeler ici.
a) La production d'une contracture musculaire consécutive à une excitation mécanique portée à la périphérie d'un membre est une des conséquences de l'hyperexcitabilité neuromusculaire. Ce simple fait de la production, en pareil cas, d'une contracture, et non d'une contraction, montre que, outre l'excitation et son résultat, l'action spéciale du contre nerveux a dû intervenir. La théorie, aujourd'hui bien établie, qui fait d'une certaine forme de la contracture musculaire une exaltation du tonus physiologique, vient à l'appui de cette manière devoir.
Il n'y a d'exception que pour les muscles de la face, où nous avons vu la contraction remplacer la contracture ; mais il existe bien d'autres raisons qui nous font penser que là, comme dans le reste du corps, le phénomène est de nature réflexe.
b) La contracture, ainsi obtenue, cède à la friction des antagonistes, ce qui s'explique très facilement, si l'on admet que l'excitation portée sur les antagonistes détermine dans la moelle, par la voie des nerfs centripètes, une sorte d'action d'arrêt qui détruit la modification spéciale du centre nerveux premièrement produite et en vertu de laquelle la contracture était maintenue.
On n'ignore pas les connexions qui existent dans l'intérieur de la moelle entre les différents groupes de cellules nerveuses qui correspondent aux groupes musculaires antagonistes, fléchisseurs et extenseurs, par exemple. « L'excitation des antagonistes, dit M. Vulpian, dans les cas de mouvements volontaires de certains groupes de muscles, me paraît avoir son point de départ dans la moelle. Il est probable, en effet, qu'au moment où se fait la contraction volontaire, celle des muscles fléchisseurs des doigts, par exemple, une certaine excitation se transmet du foyer médullaire d'origine des nerfs destinés à ces muscles, au foyer d'origine des nerfs moteurs des muscles extenseurs; et c'est ainsi, suivant toute vraisemblance, que ces muscles entrent en action (1) ». C'est un mécanisme analogue que nous invoquons ici. L'excitation, au lieu de venir du cerveau, comme dans l'action volontaire dont parle M. Vulpian, vient de la périphérie (excitation mécanique, friction). Elle gagne les foyers d'origine des nerfs, des muscles, sur lesquels elle est directement portée, d'où
i. Vulpian. — Ail. Moelle du Dictionnaire Encyclopédique,
elle retentit sur les foyers d'origine des nerfs qui se rendent aux muscles antagonistes.
r) L'étude détaillée que nous avons faite du réflexe tendineux pendant la léthargie hystérique et la conclusion à laquelle nous sommes arrivés, qui fait de l'exagération du réflexe tendineux le premier degré de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire et réunit dans une môme catégorie les deux ordres de phénomènes, conduisent nécessairement à leur attribuer le même mécanisme. L'opinion de M. Westphal, qui persiste à considérer la contraction musculaire consécutive au choc du tendon comme directement produite par l'excitation mécanique de la fibre musculaire en continuité avec la fibre tendineuse, ne paraît pas devoir prévaloir contre celle de M. Erb et de la plupart des observateurs qui en font un phénomène de nature réflexe.
d) L'excitation mécanique, qui produit la contracture dans les cas d'hyperexcitabilité neuro-musculaire, ne reste pas toujours exactement localisée dans le muscle ou le groupe musculaire sur lequel porte l'excitation. Cette propagation de l'excitation n'est pas un simple fait de voisinage. Elle n'a rien de comparable à la diffusion de l'excitant électrique trop intense. En étudiant les phénomènes avec attention, on reconnaît facilement cpae l'excitation ne se propage que suivant certaines lois physiologiques. Par exemple, la contracture du deltoïde n'existe jamais isolée. Elle est toujours complétée par la contracture du grand dentelé qui lui est synergique. (Voy. p. 350).
L'excitation du nerf médian produit la griffe médiane. (Voy. p. 342). En insistant, une fois la griffe médiane produite, l'excitation sort de la sphère du médian. Ce sont les muscles rotateurs du bras en dedans qui se contracturenl, et
il est facile de voir que ces muscles ne font, en somme, que continuer au bras le mouvement commencé à l'avant-bras par les muscles pronateurs qui relèvent directement du médian.
A la face, l'excitation se propage très facilement d'un muscle au muscle homologue du côté opposé. fVoy. p. 360 et 361.)
La raison de cette propagation de l'excitation d'un muscle à un autre muscle plus ou moins éloigné, mais rattaché au premier par des liens physiologiques faciles à reconnaître, ne saurait se trouver ailleurs que dans les communications et les anastomoses qui existent dans la moelle entre les différents foyers d'origine des nerfs musculaires.
e) Le transfert par l'aimant et autres agents aesfhésiogônes de la contracture localisée (voy. p. 379J, les diverses expériences faites avec la bande d'Esmarch (production tardive de la contracture latente, voy. p. 383) ne peuvent s'expliquer qu'en faisant jouer aux centres nerveux un rôle important, et jettent ainsi sur la nature du phénomène qui nous occupe une vive lumière. Il est inutile d'y insister.
f) Enfin l'excitabilité électrique du muscle n'est pas sensiblement modifiée pendant l'état d'hyperexcitabilité neuromusculaire ou en dehors de lui. Le muscle répond à peu près de la même façon à l'excitant électrique, soit pendant la veille, soit pendant la léthargie hypnotique, soit pendant l'état cataleptique, soit même alors qu'il est en état de contracture. Ce qui nous paraît indiquer que ces divers troubles de la fonction musculaire ont leur raison en dehors d'une modification de la fibre musculaire elle-même, dans une modification spéciale du système nerveux.
B. — La nature des manifestations de F hyper excitabilité neuro-musculaire a sa raison d'être dans une modification spéciale de l'activité du centre nerveux.
Un phénomène réflexe normal exige, pour se produire, l'intégrité des trois parties constitutives de ce qu'on a appelé l'arc diastaltique: 1° le chemin d'arrivée ou nerfs sensififs; 2° le lieu de réception, ou centre nerveux; 3° le chemin de retour ou nerfs moteurs. L'on conçoit très bien qu'une lésion portant sur l'une quelconque de ces trois parties suffise pour entraîner une modification du réflexe normal ; et, suivant la nature de la lésion, il y aura abolition ou exaltation du réflexe. Dans l'ataxie locomotrice, par exemple, les racines sensitives sont sclérosées; elles ne permettent plus à l'impression sen-sitive de pénétrer jusqu'au centre et les réflexes sont abolis le plus souvent. Dans la paralysie infantile, c'est le centre nerveux lui-même qui est atteint. Les cellules motrices des cornes antérieures sont détruites et, partant, abolition des réflexes. Dans le strychnisme, au contraire, l'excitabilité du centre moteur est exaltée; d'où il suit que les réflexes sont exagérés.
Dans l'hypnotisme, et particulièrement dans la phase désignée sous le nom de léthargie, il semble se passer du côté du centre médullaire quelque chose d'analogue à ce qui a lieu dans le strychnisme. Les preuves sont nombreuses qui font penser à une modification fonctionnelle du centre nerveux lui-même, modification dynamique qui, dans le cas de l'état léthargique, se traduirait par une exagération de fonction, une excitabilité plus grande qu'à l'état normal. La plupart des raisons que nous avons invoquées plus haut en faveur de la nature réflexe du phénomène, pourraient être reproduites ici à l'appui du siège central de la lésion dynamique qui y donne naissance.
Mais nous avons cherché une contre-épreuve. Si le phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire dépend d'une exagération fonctionnelle du centre médullaire, les agents qui ont pour propriété de faire disparaître l'excitabilité du centre nerveux doivent nécessairement le faire disparaître aussi. Le chloroforme, par exemple, a une action directe sur les éléments nerveux qu'il stupéfie et dont il arrête le fonctionnement. Suivant Flourens, il porterait son action d'abord sur le cerveau, puis successivement sur le cervelet, sur la moelle et enfin sur le bulbe.
Nous avons donc soumis aux inhalations de chloroforme une malade hypnotisée et en état de léthargie avec hyperexcitabilité neuro-musculaire ; et nous avons vu, après une première phase d'exaltation, le phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire disparaître bientôt complètement sous l'influence de l'absorption des vapeurs chloroformiques. Voici le récit de cette expérience :
Witt... est endormie par le procédé ordinaire, les membres sont dans la résolution et l'hyperexcitabilité neuro-musculaire existe à la face et aux membres avec les caractères que nous avons décrits.
La malade étant dans cet état, nous lui faisons respirer du chloroforme. — Nous avons soin de procéder par de petites doses, parce que nous avons vu parfois chez ces sortes de malades une susceptibilité spéciale aux agents anesthésiques, bien faite pour nous mettre en garde contre les accidents.
Après quelques inhalations, nous constatons une exagération manifeste de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire.
L'excitation mécanique la plus légère portée sur un membre en amène la contracture d'une façon brusque et énergique. Il est possible cependant de localiser la contracture, en touchant avec précaution et légèrement un point limité du membre, que ce point corresponde à un tendon, ù un muscle ou à un nerf.
Mais si l'excitation même limitée est un peu intense, la contracture se généralise aussitôt au membre tout entier.
Nous continuons les inhalations de chloroforme et les mêmes signes s'accusent encore davantage s'il est possible. — Le moindre attouchement d'un bras provoque une vive secousse suivie de contracture de tout le membre. La secousse retentit sur le membre du côté opposé, mais la contracture reste toujours localisée au seul membre directement excité. Ces contractures très intenses cèdent par l'excitation des antagonistes aussi facilement qu'elles sont provoquées. A la l'ace, l'hyperexcitabilité neuro-musculaire présente une exaltation analogue. En touchant le nerf facial en avant de l'oreille, on provoque dans tout ce côté de la face une grimace beaucoup plus vive et plus accusée que dans l'état léthargique ordinaire. Les muscles du front, du nez, de la bouche et du menton répondent à l'excitant mécanique avec une promptitude et une énergie vraiment extraordinaires. De plus, la grimace persiste quelques instants. Contrairement à tout ce qui se passe d'habitude, les muscles de la face se contracturent. 11 est vrai que cette contracture ne dure pas longtemps et cède bientôt d'elle-même.
Les inhalations de chloroforme sont continuées et nous observons les modifications suivantes :
Il se produit par instants dans les membres des secousses spontanées. La malade s'agite un peu, balbutie: mais ce délire ne dure que peu d'instants; il revient à plusieurs reprises.
Lors de la production du phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire, il se produit un retard très appréciable de plusieurs secondes (2, 3, 4) entre l'excitation et le mouvement réflexe.
Par instant l'hyperexcitabilité neuro-musculaire cesse tout d'un coup dans un membre supérieur seulement ou dans les deux membres à la fois, pour reparaître quelques moments après. Il se produit ainsi un certain nombre de fluctuations, d'alternatives de perte et de retour de l'hyperexcitabilité.
Puis, sous l'influence des inhalations de chloroforme qui sont continuées, toute trace d'hyperexcitabilité disparait de tout le
corps. — La malade est dans la résolution la plus complète, la respiration est légèrement stertoreuse, le sommeil chlorofor-mique paraît profond. — L'excitation mécanique, aussi bien à la l'ace qu'aux membres, demeure sans effet.
Nous laissons la malade dans cet état, la compresse de chloroforme est enlevée, et nous observons ce qui va se passer.
Au bout de quelques minutes une contracture généralisée se déclare, le corps s'étend, les bras se contournent, la tète se renverse, il vient de l'écume aux lèvres. Nous assistons en somme, à une ébauche de la période épileptoïde de la grande attaque hystérique. Cette phase convulsive est suivie d'un stertor avec résolution, pendant lequel nous constatons le retour de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire.
Mais bientôt une agitation excessive se déclare, c'est la période des grands mouvements de la grande attaque. Nous avons peine à maintenir la malade et il faut la coucher à terre sur des oreillers.
Presqu'aussitôt les convulsions font place au délire, à la suite duquel la malade recouvre spontanément connaissance. Pendant cette attaque, nous nous sommes bornés à maintenir la malade et nous n'avons rien fait pour enrayer les convulsions qui se sont arrêtées d'elles-mêmes.
Après avoir repris connaissance la malade demeure dans un état d'ébriété dû à l'action chloroformique. Elle tutoie tout le monde, demande de l'éther, etc., se livre à des gestes plus ou moins extravagants.
rC.— Le phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire est-il un réflexe cutané ?
Des faits plus ou moins analogues à ceux que nous avons rapportés dans cette étude ont été signalés depuis longtemps déjà par les physiologistes.
Herbert Mayo et Calmeil avaient remarqué ce premier fait :
que les contractions réflexes, lorsque l'excitation qui porte sur un point du tégument cutané n'est pas très forte,, ont une tendance remarquable à se produire exclusivement dans les muscles qui meuvent la partie excitée.
La cinquième loi de Pflûger sur les réflexes dit que les mouvements réflexes sont locaux ou généraux, et que ceux qui sont locaux ont lieu par l'intermédiaire des racines motrices situées au même niveau que les racines sensilives excitées.
Sanders-Ezn, dans des expériences sur les mouvements réflexes d'un membre postérieur de la grenouille, a indiqué des régions de la peau dont l'excitation donne lieu à des mouvements réflexes soit d'extension, soit de flexion, de telle ou telle jointure du membre inférieur. Et Scliroder van der Kolk avait dit, en 1847, que lorsqu'un nerf mixte donne des branches motrices à des muscles, ses rameaux sensitifs se distribuent à la partie de la peau qui est en rapport avec ces mêmes muscles. M. Vulpian résume ainsi l'état de la question : « Il est probable, dit-il, que les fibres sensitives et les fibres motrices d'un nerf mixte ont leur origine à peu près au même niveau dans la moelle et que les fibres sont reliées les unes aux autres dans cet organe par des éléments intermédiaires. En admettant ces relations anatomiques qui sont vraisemblables, on s'explique aisément pourquoi les excitations faites sur les extrémités d'un nerf sensitif tendent tout d'abord à mettre en jeu les fibres motrices de ce nerf (1) ».
Ainsi donc l'excitation cutanée pourrait, jusqu'à un certain point, rendre compte de la localisation de la contracture dans les expériences sur lesquelles nous avons insisté. Il est bien encore cependant nombre défaits d'une localisation tellement précise que les données physiologiques que nous avons rap-
1, Vulpian, lov. cil.
pelées sont vraiment trop vagues pour en fournir l'explication. Mais il est une expérience qui juge la question d'une façon péremptoire et qui ne permet pas de faire entrer le phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire dans le cadre des réflexes cutanés. Cette expérience est la suivante :
Une excitation mécanique qui n'intéresse que la peau comme le pincement, la piqûre, — en ayant bien soin de n'exercer dans ces manœuvres aucune pression même légère sur les parties profondes — n'ont qu'un effet absolument négatif. Une excitation plus légère, comme le frôlement, une pression modérée, pourvu que l'on ait soin d'isoler le point excité des parties sous-cutanées en faisant un pli à la peau, demeure également sans résultat. Tandis qu'au même point, une excitation mécanique quelconque qui intéresse, au travers du tégument cutané, un organe sous-jacent tel qu'un muscle, un tendon ou un nerf, détermine immédiatement la production de la contracture localisée d'après les lois que nous avons fait connaître.
Le système sensitif cutané est donc inexcitable mécaniquement dans la période de léthargie hypnotique dont il s'agit ici.
C'est donc dans les parties sous-jacentes que nous devrons trouver les nerfs centripètes qui entrent en jeu dans le phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire.
Nous savons depuis les recherches de Sachs, Tschiriew et autres qu'il existe dans les tendons et les aponévroses d'enveloppe des muscles des nerfs centripètes qui jouent un rôle spécial dans le tonus musculaire et dans le fonctionnement de tout l'appareil musculaire. Il nous semble rationnel d'admettre que, dans nos expériences, ce sont ces nerfs sensitifs spéciaux qui sont intéressés. Le rapprochement que nous avons fait au point de vue clinique entre les réflexes tendineux et le phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire,
légitime cette manière devoir. —Ainsi donc, lorsque l'excitation mécanique porte sur un tendon, ce sont les nerfs du tendon qui seraient directement intéressés ; si l'excitation porte sur le corps du muscle, ce sont alors les nerfs sensitifs de l'aponévrose d'enveloppe ou du corps musculaire lui-même, s'il en existe. Et en troisième lieu, lorsque l'excitation porte sur le tronc d'un nerf mixte, les nerfs sensitifs qui viennent du muscle ou du tendon, au lieu d'être intéressés partiellement à leur périphérie, le sont collectivement sur un point de leur parcours dans leur chemin vers le'centre nerveux.
Lorsqu'à la suite de la pression du nerf cubital au coude, par exemple, la contracture se produit à la main et à l'avant-bras dans le domaine du nerf cubital seulement, le phénomène doit s'expliquer, d'après la théorie, de la façon suivante. Il ne s'agit pas d'une excitation mécanique directe des filets moteurs du nerf cubital, mais bien des filets sensitifs par l'intermédiaire desquels l'excitation est transmise au centre médullaire d'où elle est réfléchie par la voie des filets moteurs sur les muscles tributaires du nerf.
11 importe, en terminant ce travail, de faire remarquer que nous n'avons eu en vue qu'un point particulier dans la longue histoire de l'hypnotisme. Notre attention ne s'est portée que sur la phase léthargique, et parmi les symptômes qui la caractérisent sur les modifications du système neuromusculaire. L'importance — tant au point de vue nosogra-graphique qu'au point de vue physiologique — du phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire nous a paru mériter une étude à part. — Les deux autres phases : phase cataleptique et phase somnambulique, qui, jointes à la phase léthargique, constituent les trois formes fondamentales de l'hypnotisme hystérique, ainsi que l'un de nous l'a montré dans une récente communication à l'Académie des sciences, présentent
Chaucot; Œuv. compl. t. ix, Hypnotisme. 27
encore à l'étude bien des phénomènes d'un grand intérêt. Nous trouverons là matière à de nouvelles publications. Pour le moment, sans entrer dans le détail, il nous faut dire quel-ques mots des modifications neuro-musculaires que l'on observe dans l'état somnambulique. En dehors de l'état léthargique dont nous avons parlé, il est possible de provoquer, par des moyens appropriés, des contractures plus ou moins localisées qui se rapprochent de ce qu'on observe dans le phénomène décrit par nous sous le nom d'hyperexcitabilité neuro-musculaire. Sans faire de ces contractures l'objet d'une étude spéciale, nous voulons au moins indiquer ici les caractères par lesquels elles se distinguent de celles que nous venons d'étudier.
Lorsque la malade est plongée dans l'état somnambulique, les propriétés d'excitabilité neuro-musculaire sous l'influence des excitations mécaniques cessent tout d'un coup. Vous avez beau presser ou malaxer le membre qui, tout à l'heure — pendant l'état léthargique — se contracturait avec force sous l'action de ces mômes manœuvres, la flaccidité musculaire n'est aucunement modifiée, le membre reste inerte et dans la résolution.
Mais il est d'autres moyens de mettre en jeu l'excitabilité du muscle. Il suffit alors de l'excitation cutanée la plus légère, comme le frôlement, ou des manœuvres que les magnétiseurs ont désignées sous le nom de « passes », pour produire immédiatement ou le plus souvent progressivement, une contracture intense de tout le membre intéressé. — L'action du doigt promené à la surface du membre, môme à distance, produit le même résultat. — Nous avions reconnu ces faits dès le début de nos recherches, mais nous ne nous y sommes que peu arrêtés préférant nous attacher pour l'instant à l'étude de cet autre phénomène — l'hyperexcitabilité neuromusculaire — plus grossier et plus facilement appréciable,
caractéristique de l'état de léthargie et qui a fait l'objet du présent mémoire. Ces faits de contracture pendant l'état somnambulique ont été cependant signalés en passant dans un ouvrage de l'un de nous sur la grande hystérie (1).
Depuis le commencement de l'impression de ce mémoire, M. Dumontpallier a tout particulièrement attiré l'attention sur des phénomènes de contracture hypnotique qui nous paraissent devoir rentrer dans la catégorie des contractures de l'état somnambulique; il les obtient par l'excitation cutanée la plus légère, l'action du doigt à distance, du regard (sic), d'un rayon lumineux, du vent d'un soufflet capillaire, etc., etc.
Cliniquement, ces sortes de contractures doivent se distinguer de celles dont il a été question ici, et les principaux caractères distinctifs sont les suivants :
Pour la production de la contracture de l'état léthargique, les excitations cutanées seules demeurent inefficaces, il faut une excitation mécanique, pression ou malaxation qui intéresse les parties sous-cutanées. Au contraire, la contracture de l'état somnambulique ne survient crue sous l'influence des excitations cutanées les plus légères; dans ce cas, la pression ou la malaxation des masses musculaires, des nerfs ou des tendons, demeurent inefficaces.
Nous avons vu de quelle localisation précise était susceptible la contracture de l'état léthargique. Pendant l'état somnambulique, la contracture est plus diffuse, elle envahit habituellement tout un membre.
Dans l'état léthargique, les réflexes tendineux sont exaltés, et le choc sur les tendons produit bientôt la contracture. Dans l'état somnambulique, les réflexes tendineux sont éga-
1. Eludes sur l'hystéro-épilepeie, par le Dr Paul Richer, p. 425, p. 408, noie.
lement exaltés, mais ils ne donnent jamais lieu à la contracture.
Enfin la contracture de l'état léthargique ne se résout que par un seul procédé, qui est l'excitation mécanique portée sur les muscles antagonistes; tandis que la contracture somnambulique cède sous l'influence d'une nouvelle excitation cutanée aussi légère que la première, quel que soit son point d'application à la surface du membre contracture.
Nous rappellerons que l'état léthargique est provoqué d'emblée par l'emploi de manœuvres en quelque sorte violentes, comme la fixation d'une lumière vive subitement éteinte, ou bien encore les vibrations d'un grand diapason brusquement suspendues. Qu'elle succède à l'état cataleptique par l'occlusion des paupières, ou qu'elle survienne par suite de la fixation du regard sur un objet quelconque suivant la méthode de Braid, le début en est subit, en quelque sorte apoplectiforme. Il est marqué le plus souvent par un bruit laryngé spécial et par la montée d'un peu d'écume aux lèvres.
L'état somnambulique, au contraire, est provoqué d'emblée par des moyens plus doux, tels que les passes dites magnétiques, la pression des tempes, la pression ou friction douce sur les globes oculaires. Son invasion est d'ordinaire lente, et le début n'en est marqué par aucun phénomène convulsif. Tel paraît être le but cherché par les magnétiseurs, dont la règle est d'éviter toute secousse, toute action brusque.
De plus, l'état léthargique ne présente que des phénomènes psychiques nuls ou très incomplets, tandis que l'état somnambulique, en outre des faits de contracture musculaire, offre la plupart des phénomènes attribués au sommeil dit magnétique.
Au point de vue du mécanisme physiologique, les deux sortes de contracture dont il est question rentrent dans la
catégorie des phénomènes réflexes ; mais, malgré les difficultés qui existent encore au sujet du mode de production de la contracture somnambulique, nous serions assez tentés d'admettre, du moins provisoirement, les différences suivantes: La contracture léthargique, celle qui mérite de conserver le nom de phénomène de l'hyperexcitabilité neuromusculaire, aurait pour chemin l'arc diastaltique musculaire, ainsi que nous avons essayé de le prouver plus haut, tandis que la contracture somnambulique suivrait la voie de l'arc diastaltique cutané. — L'indépendance de ces deux arcs dias-taltiques, démontrée par l'étude des affections nerveuses organiques, n'est pas sans donner quelque vraisemblance a l'interprétation que nous proposons.
XI.
r
Phénomènes produits par l'application sur la voûte du crâne du courant galvanique, pendant la période . léthargique de l'hypnotisme chez les hystériques (1).
) û
L'on sait qu'une des phases du sommeil hypnotique chez les hystériques — phase que j'ai proposé de désigner sous le nom de léthargie hypnotique provoquée — a pour principal caractère un état spécial d'hyperexcitabilité de tout le système moteur phériphôrique (nerfs et muscles).
Ce phénomène a été suffisamment décrit, je pense, sous le nom hyperexcitabilité neuro-musculaire des hypnotiques. Il a été l'objet de plusieurs communications à la Société de Biologie.
Il suffira de rappeler qu'il consiste sommairement en une aptitude spéciale des nerfs et des muscles à réagir sous l'influence de l'excitation mécanique qui produit alors, pendant l'état léthargique, des effets semblables à ceux qui suivent, pendant la veille, l'application de l'électrisation localisée, suivant les procédés de Duchenne (de Boulogne).
1. Communication faite à la Société de Biologie, le 7 janvier 1882. (Progrès médical, 1882, p. 20).
De récentes études m'ont permis de constater que cet état d'hyperexcitabilité n'appartient pas exclusivement aux muscles et aux nerfs, mais qu'il s'étend jusqu'au centre cérébral lui-même, du moins en ce qui concerne les parties motrices.
Il ne s'agit plus cette fois que de simples excitations mécaniques, mais de l'action du courant galvanique sur l'encéphale pendant l'état de léthargie hypnotique.
Dans cet état, le courant galvanique, appliqué sur un des côtés du cr/îne, provoque, sans réveiller le sujet, des secousses musculaires, souvent très énergiques, du côté opposé du corps, à savoir dans les deux membres et dans la moitié de la face ; tandis que, la malade une fois réveillée, le même courant appliqué de la même façon ne donne lieu chez elle à aucun mouvement.
C'est par hasard que ce fait s'est présenté à moi, dans le cours de recherches sur la résistance des tissus au passage du courant galvanique, chez les hystériques dans l'état hypnotique et à l'état de la veille. Il m'a semblé assez intéressant pour faire l'objet d'une étude spéciale, dont je communique aujourd'hui les premiers résultats à la Société.
Voici quelques détails relativement aux observations faites à ce sujet :
La malade une fois plongée dans l'état de léthargie, par les procédés habituels, la fixation du regard par exemple, et la présence de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire caractéristique de cet état étant reconnue, un des tampons (le tampon négatif) était placé et maintenu sur le sternum (ligne médiane), et l'autre tampon était appliqué successivement soit sur la bosse frontale d'un seul côté, soit à un ou deux centimètres au-dessus du pavillon de l'oreille.
On interrompait alors le courant, et, quelquefois à l'ouverture, le plus souvent à la fermeture, une secousse très nette
était observée du côté du corps opposé à l'application du tampon sur le crâne, soit dans la face (commissure labiale tirée en dehors), soit dans le membre supérieur, soit dans le membre inférieur (brusquement soulevés), soit enfin dans deux ou dans les trois parties à la fois.
L'expérience répétée par l'application du tampon, tantôt sur le côté droit, tantôt sur le côté gauche de la tête, a toujours donné des résultats identiques et toujours les membres et la face du côté correspondant à la région du crâne sur laquelle les électrodes étaient appliqués, sont restés sans présenter de mouvement.
Les secousses provoquées n'ont toujours eu lieu qu'au moment de l'interruption du courant, interruption simple ou inversion, et le courant galvanique devait avoir en général, pour produire les secousses, une intensité suffisante pour faire dévier de 20° à 30° l'aiguille du galvanomètre, gradué en 10 milli-Weber. On s'est servi de 4 à 10 éléments Leclanché. (10 éléments Leclanché équivalent environ à 15 Daniell).
Dans ce mode d'opérer avec un tampon appliqué sur le sternum et l'autre sur un côté du crâne, la face se trouve placée, d'une façon plus ou moins directe, sur le passage du courant, et les mouvements observés dans cette région pourraient, à la rigueur, être attribués à une action plus ou moins directe du courant sur les muscles ou les nerfs de la face.
Aussi, dans d'autres recherches, le procédé opératoire a-t-il été modifié de la façon suivante. Les pôles étaient placés tous deux sur une même moitié du crâne ; l'un d'eux était maintenu sur le sommet de la tête, à 2 ou 3 centimètres de la ligne médiane, à l'extrémité d'une ligne verticale qui passerait par le conduit auditif externe ; — ce point correspond, comme on sait, à peu près à la limite supérieure de la région encéphalique, dite zone motrice corticale ; — l'autre était placé, soit au-devant et un peu au-dessus du pavillon
de l'oreille, soit en arrière, à 4 ou 5' centimètres au-dessus de l'apophyse mastoïde.
Les résultats de l'expérience n'ont pas été modifiés par ce dispositif nouveau et les interruptions du courant, dans des conditions d'égale intensité, ont provoqué, comme précédemment, des secousses de la face, du bras et de la jambe du côté opposé au lieu d'application des tampons sur le crâne.
Ces faits une fois bien constatés dans l'état léthargique, il s'agissait de savoir s'ils étaient bien une particularité de cet état nerveux spécial ou s'ils se rencontraient indifféremment à l'état de veille.
Chaque expérience a donc été répétée sur le même sujet, pendant la veille dans des conditions identiques et avec une égale intensité du courant. Or, toujours, dans ce dernier cas, le résultat a été négatif. Réveillée, la malade supportait parfaitement, à part un peu de céphalée et quelquefois la présence des étincelles de Purkinje, le passage du courant ainsi que les interruptions ou inversions ; aucun mouvement n'était observé soit à la face, soit aux membres.
Ces expériences ont été reproduites, avec des résultats absolument conformes, sur 3 malades hystériques hypnotisantes à des degrés divers (1), mais présentant toutes le phénomène déjà décrit de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire. Sur chacune de ces malades, l'expérience a été répétée une vingtaine de fois.
La constance des résultats obtenus dans des observations déjà nombreuses nous engage à conclure, jusqu'à plus ample informé, que, dans l'état de léthargie hypnotique, il existe une excitabilité spéciale de certaines régions de l'encéphale.
Il ne saurait être question ici de localisation cérébrale précise, et nous ne recherchons pas même, du moins pour l'ins-
1. Aujourd'hui le nombre des sujets est de 5,
tant, comment il se fait que le courant galvanique agisse sur le centre nerveux, au travers des parois du crâne, non plus que le point exact de la masse encéphalique sur lequel porte particulièrement son action, suivant le lieu d'application des excitateurs.
Que le courant agisse sur l'encéphale directement ou par induction, que les régions intéressées appartiennent àl'écorce cérébrale, au manteau ou aux parties basilaires de l'encéphale, peu importe quant à présent.
Le seul fait que nous voulions, pour le moment, relever, c'est l'impressionnabilité au courant galvanique, des régions encéphaliques motrices pendant l'état de léthargie hypnotique.
Ce fait nous paraît d'autant plus intéressant qu'il vient s'ajouter aux caractères nosographiques déjà si précis de la léthargie hypnotique et que nous n'avons rien trouvé de semblable dans la littérature médicale relative à la galvanisation de la tête chez l'homme.
Je reviens aujourd'hui (1) sur la communication que j'ai faite à la Société, dans la séance du 7 janvier. J'y voudrais ajouter de nouveaux détails et apporter aux conclusions auxquelles je m'étais arrêté provisoirement, des modifications rendues nécessaires par des observations ultérieures.
Les malades hystériques sur lesquelles ont jusqu'à ce jour porté mes observations sont au nombre de 10. Elles peuvent être ramenées à trois groupes.
Sur quatre de ces sujets, la galvanisation d'une moitié du crâne, faite de la façon que j'ai précédemment indiquée, a toujours provoqué, dans F état léthargique avec hyperexcitabilité neuro-musculaire, des mouvements localisés sur le côté opposé du corps —face, bras et jambes. — Ces mouvements,
i. Séance du 21 janvier 1882. {Progrès médical, 1882, p. 63 et Bulletins de la Société de Biologie, 1882, p. 37).
je le rappelle, ont présenté le caractère d'une secousse plus ou moins brusque, et ils se sont montrés généralement à la fermeture du courant. La même expérience, répétée dans l'état de veille, chez ces quatre sujets, a toujours donné un résultat négatif. Ces expériences ont été répétées plusieurs fois chez la même malade et ont toujours donné les mêmes résultats. Ainsi, chez C..., il y a eu deux séances ; deux chez W... ; quatre chez P... et jusqu'à dix chez B... Dans chacune de ces séances, les mouvements croisés et exclusivement croisés ont été provoqués environ une quarantaine de fois : soit 720 fois en tout. C'est là, dans l'espèce, un chiffre qui peut paraître considérable. En me fondant sur ces résultats, constants pour la série, j'avais été amené à conclure, provisoirement toutefois, que, dans l'état de léthargie hypnotique avec hyperexcitabilité neuro-musculaire, il existe une hyper-excitabilité neuro-musculaire spéciale de certaines régions de l'encéphale.
Il était devenu nécessaire d'établir que l'excitation galvanique extérieure se transmet réellement à travers les téguments, la paroi crânienne, la dure-mère, jusqu'à l'encéphale. C'est là, on le sait, une question qui divise les auteurs ; personne de vous n'ignore comment M. Erb a cherché à la résoudre par la voie expérimentale. Avec le concours de MM. Ri-cher et Féré, j'ai répété l'expérience de M. Erb, en la modifiant. Voici le dispositif que nous avons adopté, et en même temps, l'indication des résultats obtenus.
Sur un cadavre, l'une des moitiés du crâne est enlevée par deux traits de scie, l'un horizontal, l'autre vertical, comme on a l'habitude de le faire pour la préparation de la faux du cerveau. L'hémisphère de ce côté est enlevé. Deux tiges métalliques, enduites de cire à modeler, sont plongées dans l'autre hémisphère, resté en place. L'une, supérieure, est recourbée de façon à contourner le bord inférieur de la faux du cerveau
et à atteindre par son extrémité la surface corticale, vers la partie supérieure des circonvolutions ascendantes. L'autre tige, placée plus intérieurement, est droite et enfoncée directement au travers de l'hémisphère, de façon à ce que son extrémité atteigne la face interne de l'os temporal. Les extrémités des deux tiges sont mousses, et poussées avec précaution jusqu'au contact des parois osseuses elles ne peuvent déchirer les membranes qui revêtent ces parois. Ensuite, les parties libres des deux tiges métalliques sont isolées de nouveau avec de la cire fondue, dont on remplit d'ailleurs exactement toute la partie de la cavité crânienne laissée vide par l'ablation d'un hémisphère.
Enfin, les extrémités libres des deux tiges sont reliées à un téléphone. Alors, le courant galvanique est appliqué sur le côté du crâne demeuré intact, de la même façon qu'il l'a été chez les malades, à savoir un électrode sur le sommet du crâne à quelques centimètres en dehors de la ligne médiane ; l'autre, un peu au-dessus et en arrière du pavillon de l'oreille. L'intensité du courant était représentée par 1° du galvanomètre gradué en milli-Weber. Les choses étant ainsi disposées, chaque fois, à l'ouverture et à la fermeture du courant, l'oreille appliquée sur le téléphone perçoit un petit claquement net. Lorsque les deux tampons sont appliqués au voisinage des extrémités libres des tiges métalliques, sur la surface de la masse de cire qui remplit une moitié de la cavité crânienne, le galvanomètre ne dévie pas, et naturellement, le téléphone reste silencieux. Si, enfin, les deux électrodes sont appliquées à une certaine distance de la tête, sur une des épaules, par exemple, le galvanomètre ne dévie pas, et naturellement, le téléphone reste silencieux. Si, enfin, les deux électrodes sont appliquées à une certaine distance de la tête, sur une des épaules par exemple, le galvanomètre marquant 1°, le téléphone cependant
reste muet au moment des interruptions. Dans tous les cas, la patte galvanoscopique de la grenouille a donné les mômes indications soit négatives, soit positives, que le téléphone.
Cette expérience, on le voit, dépose en faveur de l'opinion qui admet que les excitations galvaniques d'une certaine intensité, appliquées sur la surface du crâne, s'étendent jusqu'à l'encéphale. Je ne voudrais pas, cependant, lui accorder plus d'importance qu'elle n'en mérite, et je la livre à la critique de mes collègues.
Notre deuxième groupe se compose de quatre malades hystériques hypnotisables plongées, comme les précédentes, dans l'état de léthargie avec hyperexcitabilité neuro-musculaire. Voici ce que nous avons observé chez les sujets de ce deuxième groupe, les conditions de l'expérience étant exactement les mômes que ci-dessus. Sur un môme sujet, les résultats ont quelquefois varié d'une expérience à l'autre, mais, toujours, les mouvements des membres et de la face occasionnés par l'interruption du courant galvanique, appliqué sur un des côtés du crâne, se sont produits avec une prédominance marquée du même côté du corps. Il ne s'agit donc plus ici, comme dans le groupe précédent, de mouvements exclusivement hétéro-latéraux, mais, au contraire, surtout de mouvements homo-latéraux par rapport au côté du crâne ou l'excitation galvanique était produite. J'ajouterai que, sur les quatre sujets de ce groupe, trois ont présenté, pendant l'état de veille, sous l'influence de la galvanisation céphalique, des secousses semblables à celles qui avaient été observées par le même procédé pendant l'état de léthargie. Ainsi, chez une seule de ces malades, les secousses provoquées par l'excitation galvanique du crâne ont paru propres à l'état hypnotique.
Pour ce qui est de notre troisième groupe, il comprend deux
hystériques hypnotisées chez lesquelles la galvanisation cépha-lique pratiquée dans les mêmes conditions que précédemment, n'a donné lieu à aucun mouvement. L'une de ces malades présentait à peine le phénomène de l'hyperexcitabilité neuromusculaire, l'autre ne le présentait également qu'à un degré fort incomplet.
Les résultats que je viens d'exposer rendent, je le crois du moins, pour le moment, toute conclusion définitive impossible. Pourquoi les secousses consécutives à la galvanisation d'une moitié du crâne se produisent-elles chez un certain nombre de sujets du côté opposé du corps, tandis que, chez d'autres, en nombre égal, ils se produisent du mème çôté ? L'excitation des régions dites motrices de l'encéphale ne saurait rendre compte, je pense, de ces résultats. 11 y a donc là bien des inconnues à dégager. Peut-être pourrait-on, se fondant sur les expériences bien connues de Marshall-Hall, Brown-Sôquard, Bochefontaine, Duret, faire intervenir ici l'excitation des régions sensibles de la dure-mère ? Mais, sur ce point, je ne saurais me prononcer quant à présent.
Quoi qu'il en soit, les résultats obtenus dans celte série de recherches, tout contradictoires qu'ils paraissent, offrent cependant, je crois, quelque intérêt. Ils démontrent, pour le moins, une fois de plus, combien il faut se montrer réservé en matière d'hypnotisme, comme en matière de pathologie nerveuse, en général ; avec quel soin il importe de répéter les observations et les expériences un grand nombre de fois et sur un certain nombre de sujets différents ; combien enfin, même en ce qui concerne les phénomènes les plus simples, les plus grossiers, les plus conformes en apparence aux faits physiologiques connus, il faut se garder de conclure hâtivement.
XII.
Remarques à propos de la communication faite à la Société de Biologie le 14 janvier 1882, par M. Du-montpallier (1).
Les faits observés par M. Dumontpallier (2) sont, sans doule, fort intéressants. Mais il n'y a pas d'assimilation possible entre ces phénomènes et ceux que j'ai communiqués à la Société dans sa séance du 7 janvier. En effet, les faits que j'ai signalés sont relatifs à la forme létliargique avec hyper-excitabiliténeuro-musculaire, et, chez les malades présentées par M. Dumontpallier, cette hyperexci'.abilité n'existe pas.
L'hyperexcitabilité en question, je liens à le rappeler, est un phénomène objectif des plus saisissants. En effet, quand, elle existe, en excitant mécaniquement par pression à l'aide d'un petit bâton, d'un manche de plume, par exemple, ou encore par un léger attouchement, le tronc d'un nerf, tous les muscles tributaires de ce nerf entrent en contraction : c'est ainsi que se produisent les griffes radiale, cubitale, médiane,
1. Société de Biologie, 21 janvier 1882.
2. Phénomènes qui se manifestent à la suite de l'action du vent d'un soufflet capillaire sur les différentes régions du cuir chevelu pendant la période-cataleptique de l'hypnotisme chez les hystériques.
caractéristiques, suivant que l'excitation mécanique porte sur le nerf radial, le cubital ou enfin le médian. Les muscles eux-mêmes peuvent être directement excités de la même façon. On comprend, soit dit en passant, que la constatation régulière de ces phénomènes constitue une sorte d'épreuve anatomo-physiologique, qui met l'observateur à l'abri de toute intervention voulue de la part du sujet. Chez les malades que j'ai observées, les conditions sont donc différentes de celles où se trouve le sujet présenté par M. Dumontpallier, bien qu'il s'agisse des deux côtés de femmes hystériques hypnotisées. C'est qu'en réalité l'hypnotisme comprend une longue série d'états nerveux très divers, différents les uns des autres, qu'il faut au préalable s'attacher, suivant l'exemple des noso-graphes, à bien délimiter et à bien définir. Pour ne citer que quelques exemples, l'état léthargique, ainsi que je l'ai fait remarquer dès l'origine de nos études, en 1878, diffère foncièrement de l'état cataleptique, et ce dernier diffère à son tour de l'état dit somnambulique, etc., etc. Ces formes si diverses appartiennent cependant toutes au groupe de l'hypnotisme. Il est, on le voit, fort important, de spécifier les caractères de l'état où se trouve le sujet chez lequel on relève une observation, car, sans cette précaution fondamentale, on risque de ne point s'entendre et d'arriver à se contredire sans motifs suffisants.
Les femmes hypnotisées auxquelles se rapporte ma dernière communication étaient toutes en état de léthargie avec hyperexcitabilité. De plus, les mouvements observés chez elles, par l'excitation galvanique du crâne, consistent en mouvements brusques, en secousses aussitôt, suivis de relâchement, mouvements se produisant exclusivement au moment de l'ouverture et surtout de la fermeture du courant. On voit que ces faits diffèrent complètement de ceux sur les quels M. Dumontpallier appelle l'attention. M. Dumontpal
lier reconnaît la dilï'érence des phénomènes, mais il assure que les faits observés, soit par lui, soit par moi sont d'ordre réflexe. Je tiens pour mon compte à réserver, pour le moment, la question de théorie. Je ne nie point que les actes réflexes aient une part dans la production du phénomène d'hyperexcitabilité neuro-musculaire, ainsi que cela résulte de diverses communications que j'ai faites sur ce sujet, l'an passé, à la Société, en commun avec M. le docteur Richer. Mes observations, faites avec le concours de M. Richer sur ce dernier point, ont été publiées in extenso dans les Archives de Neurologie (Voir p. 309).
Chabcot. (JEuv. conip. t. tx, Hypnotisme.
28
Notre intention est d'étudier dans cette note les faits d'automatisme qui se produisent chez les hystériques pendant la période cataleptique de l'hypnotisme sous l'influence de la suggestion par le sens musculaire. Mais auparavant il est nécessaire d'exposer sommairement les principaux caractères de l'état cataleptique dont il s'agit et de donner quelques preuves destinées à établir la réalité de son évidence en écartant tout soupçon de supercherie ou de simulation de la part des sujets en expérience.
I.
L'hypnotisme, tel qu'il s'observe chez les sujets atteints de grande hystérie, et c'est sur de semblables sujets qu'ont porté nos expériences, pourrait s'appeler le grand hypnotisme. C'est chez les malades de cette catégorie que les divers états nerveux artificiellement produits par l'hypnotisme atteignent leur déve-
1. En collaboration avec M. le Dr Paul Rioher. (The Journal of Ner-vous and Mental Disease, 1883, p. 1.)
Note sur quelques faits d'automatisme cérébral observés pendant la période cataleptique de l'hypnotisme chez les hystériques. Suggestion par le sens musculaire (1).
loppement le plus parfait et sont doués de leurs attributs les plus caractéristiques. De même que l'étude de la grande hystérie (hystéro-épilepsie à crises mixtes) peut être d'un grand secours pour la compréhension et l'éclaircissement de la petite hystérie ou hystérie vulgaire ; de même l'étude des faits si précis et si caractéristiques que présente le grand hypnotisme est destinée à éclairer d'un jour nouveau tout cet ensemble de faits plus ou moins vagues, plus ou moins incohérents, rangés vulgairement, depuis Braid, sous la dénomination hypnotisme. Ce n'est là qu'une application particulière de cette grande loi, si féconde pour l'étude des sciences naturelles en général, et qui veut que l'on s'attache tout d'abord aux types les plus complets en faisant abstraction des modifications qui s'y peuvent produire pour constituer les formes plus atténuées et plus rudimentaires, dont l'étude, rendue ainsi plus simple et plus facile, ne sera abordée qu'en dernier lieu.
De nombreuses observations nous ont amené à conclure que l'hypnotisme ainsi considéré chez les sujets atteints de grande hystérie, ou autrement dit, que le grand hypnotisme ne consistait pas en un état nerveux artificiellement provoqué, toujours identique et semblable à lui-même, mais bien qu'il représentait tout un groupe d'états nerveux divers, différents les uns des autres, chacun de ces états saccusant par une symptomatologie qui lui appartient en propre. Ces différents états nerveux dont l'ensemble comprend toute la symptomatologie de l'hypnotisme, doivent être ramenés à trois types fondamentaux qui sont: l'état cataleptique, l'état léthargique, l'état somnambulique.
L'état cataleptique, dont il s'agit spécialement ici (1), peut
i. Nous avons donné ailleurs la description détaillée des trois états nerveux. Voy. Charcot : Note lue à l'Académie des sciences, séance du 13 février 1882, publiée dans le Progrès médical du 18 février suivant et reproduite p. 297 du présent volume. Voy. aussi : P. Richer : Etudes cliniques sur la grande frgs-térie, page 418 et suiv.
se manifester primitivement sous l'influence d'un bruit intense et inattendu, d'une lumière vive placée sous le regard, ou encore, chez quelques sujets, en conséquence delà fixation plus ou moins prolongée des yeux sur un objet quelconque. Il se développe consécutivement à l'état léthargique lorsque les yeux clos, jusque-là, sont, dans un lieu éclairé, mis à découvert par l'élévation des paupières.
Le trait le plus saillant de l'état cataleptique c'est, on peut le dire, l'immobilité. Le sujet calaleptisé, alors môme qu'on l'a placé debout dans une attitude forcée, se maintient en parfait équilibre et semble comme pétrifié. Les yeux sont ouverts, le regard fixe, la physionomie impassible ; et comme il ne se fait que de très rares clignements des paupières, les larmes s'accumulent et s'écoulent bientôt sur les joues. Les mouvements respiratoires eux-mêmes s'affectent dans le sens de l'immobilité. Les tracés pneumographiques, en effet, accusent de longues poses, représentées par des lignes horizontales qu'interrompent de loin en loin des dépressions peu profondes.
Les membres, et l'on peut en dire autant de toutes les parties du corps, gardent, sans fatigue apparente, pendant un temps relativement fort long, les positions, même les plus difficiles à maintenir, qu'on leur a communiquées.
Lorsqu'on les soulève ou les déplace, ils donnent la sensation d'une grande légèreté, et, soit qu'on les fléchisse, soit qu'on les étende, les articulations ne font éprouver aucune résistance. Contrairement à l'assertion d'un grand nombre d'auteurs, la « flexibilitas cerea » n'appartient pas à l'état cataleptique des hypnotiques.
Les réflexes tendineux sont abolis ou très notablement amoindris. Le phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire qui caractérise la phase léthargique et sur lequel nous
avons longuement insisté ailleurs (1), fait ici complètement défaut.
Le tégument externe reste insensible aux excitations les plus vives ; mais certains sens, la vision,, l'audition en particulier, le sens musculaire môme, conservent du moins en partie leur activité. Cette persistance de l'activité sensorielle permet souvent d'impressionner le sujet cataleptique et de susciter chez lui, par voie de suggestion, des impulsions automatiques. Alors, les attitudes fixes, artificiellement imprimées aux membres, font place à des mouvements plus ou moins complexes parfaitement coordonnés en rapport avec la nature des impulsions provoquées. C'est sur un ordre d'actes automatiques de cette catégorie, uniquement éveillés par l'intermédiaire du sens musculaire, que nous nous proposons d'insister dans un instant.
Mais afin qu'il ne reste aucun doute dans l'esprit du lecteur, sur la réalité de l'état cataleptique qui sert pour ainsi dire de support aux faits d'automatisme dont il s'agit, nous rapporterons ici brièvement les expériences d'épreuve auxquelles nous avons soumis les sujets sur lesquels nous avons expérimenté (2).
On croit généralement que si, chez un sujet cataleptique, un bras est étendu horizontalement, cette attitude peut être conservée par lui un temps assez long pour que cette durée même suffise à écarter tout soupçon de simulation. D'après nos observations, cela ne serait point exact : au bout de 10, 15 minutes, le membre commence à descendre, et au bout de 20 à 25 minutes au maximum il est retombé dans la verticale.
1. Voy. Archives de Neurologie, n°s 5,6, 7. Ce travail est reproduit à la page 309 de ce volume.
2, Voir Progrès médical, 1882, n05 18,
Or ce sont là des limites qu'un homme vigoureux, essayant de garder la même attitude, peut atteindre. C'est donc ailleurs qu'il faut chercher un caractère distinctif et c'est dans ce Lut que nous avons soumis ces phénomènes au contrôle de la méthode graphique.
Chez le simulateur, comme chez la cataleptique, un tambour à réaction, fixé à l'extrémité du membre étendu, sert à enregistrer les moindres oscillations de ce membre pendant qu'un pneumographe appliqué sur la poitrine (Fig. 27) donne la courbe- des mouvements respiratoires.
Fig.27. — Dispositif des expériences. — R, tambour de Marey. — P, pneumographe. — G, cylindre rotateur. — TT, styles.
Ce qui suit est un résumé de ce que l'on observe en examinant les tracés obtenus de cette façon.
Chez la cataleptique, pendant toute la durée de l'observation, la plume qui correspond au membre étendu, trace une ligne droite parfaitement régulière (Fig. 28, II).
Fia. 28, — Tracés obtenus chez une hystéro-épileptique clans l'état cataleptique de l'hypnotisme. — I, tracés du pneumographe. — II, tracés du tambour de Marey.
Pendant ce temps, chez le simulateur, le tracé correspondant ressemble d'abord à celui du cataleptique, mais, au bout de quelques minutes, des différences considérables commencent à s'accuser ; la ligne droite se change en une ligne
brisée, 1res accidentée, marquée par instants de grandes oscillations disposées en séries (Fig. 29, 1).
Fig 29. — Tracés obtenus chez un homme qui essaie de simuler l'attitude cataleptique. — I, tracés de la respiration. — II, tracés du tambour de Marey.
Les tracés fournis par le pneumograplie ne sont pas moins significatifs. Chez la cataleptique, la respiration est rare, superficielle, la fin du tracé ressemble au commencement (Fig. 28,1). Chez le simulateur le tracé se compose de deux parties distinctes, Au début, la respiration est régulière et
normale. Dans la deuxième phase, celle qui correspond aux indices de fatigue musculaire notés sur le tracé du membre, on peut observer l'irrégularité dans le rythme et l'étendue des mouvements respiratoires, de profondes et rapides dépressions, indices du trouble de la respiration qui accompagne le phénomène de l'effort (Fig. 29, I).
En résumé, la cataleptique ne connaît pas la fatigue, le muscle cède mais sans effort, sans intervention volontaire. Le simulateur, au contraire, soumis à la double épreuve, se trouve trahi des deux côtés à la fois : 1° par le tracé du membre qui accuse la fatigue musculaire et 2° par le tracé de la respiration qui traduit l'effort destiné à en masquer les effets,
IL
Dans les faits à'automatisme cérébral dont nous allons nous occuper à présent, la suggestion a été obtenue par l'intermédiaire du sens musculaire.
Les exemples que nous rapporterons en premier ont été observés dès le début de nos recherches sur l'hypnotisme. Ils consistent dans l'influence du geste sur l'expression de la physionomie. Pendant que le sujet est plongé dans l'état cataleptique, les yeux restent ouverts, et la face ne demeure pas indifférente, quelles que soient les attitudes que l'on imprime au corps tout entier. Lorsque ces attitudes sont expressives, le visage se met en harmonie avec elles et concourt à la même expression. Ainsi une attitude tragique imprime un air dura la physionomie, le sourcil se contracte. Au contraire, si l'on approche les deux mains ouvertes de la bouche, comme dans l'acte d'envoyer un baiser, le sourire apparaît immédiatement aux lèvres.
Dans ces deux exemples qui ont trait à deux sentiments
opposés et faciles à caractériser, la réaction du geste sur la physionomie est très saisissante, et se produit avec la plus grande netteté.
Mais il est difficile d'imprimer à un mannequin, si docile soit-il, des mouvements parfaitement expressifs, et le nombre des attitudes communiquées complètement en rapport avec un sentiment donné nous paraît être relativement restreint.
Aussi nous avons eu l'idée de procéder d'une façon inverse et au lieu d'agir sur le geste pour modifier la physionomie, nous avons recherché l'influence de la physionomie sur le geste.
Pour imprimer à la physionomie des expressions variées, le moyen était tout trouvé et la voie ouverte par un habile expérimentateur. Nous avons eu recours à la faradisation localisée des muscles de la face, suivant les procédés employés par Duchenne (de Boulogne) dans ses études sur le mécanisme de la physionomie. (Il nous faut dire que l'électrisation portée ainsi sur la face d'un sujet hypnotisé ne modifie en aucune façon l'état nerveux dans lequel il se trouve. L'état cataleptique n'est nullement interrompu par l'application électrique, tandis que l'on sait que le simple souffle sur le visage suffit pour le dissiper en un instant).
Dès nos premières expériences nous avons vu l'attitude, le geste approprié suivre l'expression que l'excilation électrique avait imprimée à la physionomie. Au fur et à mesure que le mouvement des traits s'accentuait, on voyait, en quelque sorte, spontanément, tout le corps entrer en action, et compléter par le geste l'expression du visage. Lorsque par erreur ou tâtonnement dans le procédé opératoire, l'expression de la physionomie ne s'accusait pas franchement, le geste demeurait indécis.
Une fois produit, le mouvement imprimé aux traits du visage ne s'efface pas, malgré la cessation de la cause qui l'a engendré, après qu'on a retiré les électrodes. La physionomie
demeure immobilisée en catalepsie, et de même pour l'attitude et le geste qui l'ont accompagnée. Le sujet se trouve ainsi transformé en une sorte de statue expressive, modèle immobile représentant avec une vérité saisissante les expressions les plus variées et dont les artistes pourraient assurément tirer le plus grand parti.
L'immobilité de ces attitudes ainsi obtenues est éminem-ment favorable à la reproduction photographique. Nous avons obtenu, avec le concours de M. Londe, chargé du service photographique à la Salpètrière, une série de photographies, dont nous avont fait reproduire ici plusieurs des plus intéressantes, et à propos desquelles nous ferons remarquer qu'elles ont été prises lors des premières expériences tentées sur ce sujet.
La Figure 1 de la Planche X représente la malade en état cataleptique. C'est dans cette attitude droite et inexpressive que la malade était placée au début de chacune des expériences qui vont suivre.
1° Si l'on vient alors à exciter faradiquement les deux muscles frontaux en plaçant une électrode au niveau de chacun d'eux, on voit aussitôt le front se sillonner de rides transversales, les sourcils s'élever, l'ouverture palpébrale s'agrandir un peu, l'œil devenir fixe , en un mot la physionomie prend l'expression de l'étonnement. Mais ce n'est pas tout, l'expression, ainsi imprimée à la face par la contraction d'un seul muscle, se complète d'elle-même. La bouche s'ouvre légèrement sans qu'on ait touché aux muscles abaisseurs de la mâchoire inférieure, et les deux bras s'élèvent à demi fléchis, la paume des mains tournées en avant ainsi qu'il est représenté sur la Fig. 2 (Pl. X). Une fois produite, cette attitude persiste indéfiniment, et le sujet toujours cataleptique ne quittera cette position que pour une autre qui lui sera communiquée. Ainsi en lui abaissant les deux bras de façon à les placer
verticalement le long du corps comme dans la/%. 1, la physionomie redevient inexpressive. De sorte que dans cette expérience l'influence réciproque du geste et de la physionomie s'exerce successivement dans les deux sens. En premier lieu, c'est la physionomie qui entraîne le geste destiné à compléter l'expression qu'elle exprime, puis c'est le geste qui, rendu lui-même inexpressif, retentit sur la physionomie qui perd au même moment l'expression première.
Nous savons que la contraction du muscle orbiculaire palpébral supérieur a pour propriété de froncer le sourcil transversalement et d'imprimer à la physionomie une expression de colère. Aussitôt que sur notre sujet cataleptique nous faisons contracter ce muscle, la physionomie revêt l'expression indiquée et en même temps les poings se ferment, les bras s'immobilisent en une attitude d'agression et de défense. (Pl. XI, Fig. 3).
Si c'est le muscle sourcillier que nous faisons contracter, la douleur se peint sur la physionomie et dans les gestes du sujet. (Pl. XI, Fig. 4).
De même pour le grand zygomatique qui est le muscle du rire. (Pl. XI, Fig. 5 et 6) ; pour le muscle élévateur commun de l'aile du nez et de la lèvre supérieure qui est le muscle du dédain ; pour le muscle triangulaire des lèvres qui est le muscle de la tristesse.
Il est des expressions qui, pour être complètes, exigent, ainsi que l'a démontré Duchenne (de Boulogne), la contraction simultanée de deux muscles de la face. Par exemple, l'exprès sion de l'effroi, de la frayeur s'obtient par la contraction simul-tanée du frontal et du peaucier. Cette expression a pu facilement être obtenue chez notre malade et l'on voit que le geste s'est mis aussitôt en harmonie. Le corps s'est rejeté en arrière et les deux mains se disposent à prévenir l'approche de l'objet qui cause l'effroi,
Mais tous les sujets sur lesquels nous avons expérimenté n'ont pas présenté le môme développement du phénomène. Nous avons pu l'observer très nettement sur quatre hystériques du service, mais à des degrés divers.
11 faut ajouter que ces actes automatiques développés sous l'influence de l'excitation portée aux centres nerveux par la voie du sens musculaire sont jusqu'à un certain point susceptibles d'éducation. Comme tous les actes réflexes en général, ils se perfectionnent sous l'influence de la répétition qui n'est autre chose que ce qu'on appelle vulgairement l'habitude. Dans les cas peu développés, les débuts et en quelque sorte la naissance du phénomène offrent un intérêt tout particulier. L'expression donnée à la physionomie par l'excitation électrique demande à être prolongée pendant quelques instants pour réagir sur le centre nerveux. Au début de l'excitation aucun mouvement du corps ne se produit. Le sourcil se contracte énergiquement, par exemple, et la face paraît courroucée, mais le reste du corps par son immobilité indifférente semble ne pas appartenir au même sujet. L'excitation est alors maintenue pendant quelques minutes — la persistance de l'action électrique est à ce moment nécessaire — et l'on voit peu à peu les poings se fermer, le corps se penche légèrement en avant, le cou est tendu, enfin la malade ébauche une attitude de colère, qui, lors d'une seconde expérience se reproduira plus facilement et avec des caractères encore plus expressifs. Il semble, dans ce cas, que l'impression partie des muscles contractés de la face mette un certain temps pour marquer son empreinte sur le cerveau et réveiller l'activité des centres automatiques.
L'intérêt capital dés faits que nous venons de signaler n'est point dans ce qu'ils peuvent avoir de singulier ou d'imprévu. Il réside au contraire en ceci, qu'ils se rattachent très étroitement au fonctionnement normal du système nerveux, et
leur principal mérite est de mettre en relief, par l'état d'isolement où ils se trouvent, des faits dont il n'est pas difficile de retrouver la trace à l'état normal. Les expériences d'hypnotisme, dont il s'agit, deviennent ainsi la plus belle démonstration du fonctionnement automatique d'une partie de l'encéphale, fonctionnement déjà étudié par les psychologues et les physiologistes, et auquel on a donné le nom automatisme cérébral ou de cérébration inconsciente.
Au sujet de l'influence que peuvent avoir, sur l'activité psychique, les mouvements expressifs de la physionomie ou du corps tout entier, voici comment s'exprime Dugald Ste-wart : « De même que toute émotion de l'âme produit un effet sensible sur le corps, de même lorsque nous donnons à notre physionomie une expression forte, accompagnée de gestes analogues, nous ressentons à quelque degré l'émotion correspondante à l'expression artificielle imprimée à nos traits. M. Burke assure avoir souvent éprouvé que la passion de la colère s'allumait en lui à mesure qu'il contrefaisait les signes extérieurs de cette passion, et je ne doute pas que chez la plupart des individus la même expérience ne donne le même résultat. On dit, comme l'observe ensuite M. Burke, que lorsque Gampanella, célèbre philosophe et grand physionomiste, désirait savoir ce qui se passait dans l'esprit d'une autre personne, il contrefaisait de son mieux son attitude et sa physionomie actuelles, en concentrant en même temps son attention sur ses propres émotions. En général, je crois qu'on trouvera que ces deux talents, celui du mime et celui du physionomiste ont entre eux une étroite relation (1). »
1. Eléments de la philosophie de l'esprit humain. Trad. de Peisse, t. III, p. 141.
XIV.
Diathèse de contracture chez les hystériques (1).
Il n'est pas rare de pouvoir provoquer, chez les sujets hystériques, des contractures musculaires plus ou moins durables sous l'influence de manœuvres variées. C'est cettejjrédispo-sition spéciale du muscle à entrer en contracture que l'un de nous a désigné depuis longtemps déjà sous le nom de dia-tii££ede_ rUùlCUéL (' )- Elle se rencontre d'ailleurs en dehors de l'hystérie, et elle a reçu diverses dénominations : Contracture latente (Brissaud) (3), excitabilité musculaire (Ch. Ri-chet) (4), état d'opportunité de contracture (Ballet et Delanef) (5), Brunet (6), hyperexcitabilité musculaire hors l'état d'hypnotisme, contractures passagères, etc., etc.
1. Communication faite on commun avec M. le Dr P. Hicher, à la Société de Biologie (séance du 15 décembre 1883), et publiée dans le Progrès médical, le 22 décembre 1883, p. 1034
2. J M. Charcot — Conférences cliniques de la Salpétrière. (Gazette des Hôpitaux, 1878.
3. Recherches sur la contracture permanente des hémiplégiques. Thèse de Paris, 1880.
4 Comptes-rendus des séances de la Société de Biologie, 1882, p 21.
5. De l'état d'opportunité de contracture. ( Gaz. Méd., 23 juillet 1882).
6. Etude clinique et physiolologiqUe de l'état d'opportunité de contracture, Thèse de Paris, 1883,
Chez les hystériques la diathèse de contracture se rencontre sous deux formes répondant chacune à Tune des deux variétés de la contracture provoquée pendant les diverses phases de l'hypnotisme. Il s'agit là, en somme, de phénomènes morbides spontanés, que les phénomènes morbides artificiels de l'hypnotisme auront aidé à classer et à mieux définir.
Nous rappellerons que, pendant deux des phases ou états nerveux de l'hypnotisme (état léthargique et état somnambulique) la contracture musculaire peut être obtenue, mais par des procédés différents et propres à chacun de ces deux états. Ainsi, pendant la léthargie, la contracture succède aux excitations mécaniques profondes portées soit sur les tendons, soit sur les masses musculaires, soit sur les nerfs, tandis que, pendant le somnambulisme, il faut pour amener un résultat analogue, des excitations exclusivement cutanées, légères, superficielles.
En dehors de toute influence hypnotique, nous retrouvons dans la contracture provoquée chez les hystériques les mêmes différences. Et c'est là le point spécial sur lequel nous insistons dans cette communication.
A. Chez certains malades, et c'est le plus grand nombre, la diathèse de contracture présente les plus grandes analogies avec le phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire de la léthargie hypnotique. La contracture succède au choc répété des tendons, à la malaxation musculaire, au froissement des troncs nerveux. On peut également produire la contracture par l'application des courants induits ou par le contact de l'extrémité ouverte d'un diapason mis en vibration. Le tiraillement des membres, la flexion brusque de leurs divers segments suffisent parfois pour provoquer la contracture. Un effort musculaire violent de la maladie elle-même conduit au
môme résultai. Ce sont là des faits sur lesquels MM. Brissaud et Ch. Richet ont déjà appelé l'attention (1).
Nous avons vu, dans un cas, la diathèse de contracture s'étendre jusqu'aux muscles du visage. La faradisation de ces muscles, lorsqu'elle était un peu intense et prolongée, en amenait la contracture, et nous avions ce spectacle d'un visage conservant indéfiniment la môme expression, qui variait suivant le muscle excité, jusqu'à ce que les frictions répétées fissent cesser le spasme tonique musculaire et ramenassent les traits de la physionomie à leur état naturel. La môme malade nous a raconté alors qu'il lui était arrivé plus d'une fois, à la suite d'un accès de rire violent, de conserver le rictus contre sa volonté et alors que l'envie de rire n'existait plus. Ce n'était que par des frictions sur les joues qu'elle parvenait à le faire disparaître peu à peu.
Il faut dire cependant que, dans la généralité des cas, la diathèse de contracture ne présente pas ce degré d'intensité. Son existense, souvent méconnue, demande à être recherchée avec soin et il faut mettre en œuvre les différents procédés que nous avons énumérés. En somme, la diathèse de contracture représente à l'état de veille, le phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire de l'hypnotisme, mais atténué et comme à l'état d'ébauche. Toutefois, nous ajouterons que, dans certains cas exceptionnels, il existait peu de différence entre les contractures provoquées pendant la veille et celles que nous avons données comme caractéristiques de l'état léthargique de l'hypnotisme.
Il convient donc de désigner sous le nom de variété léthar-gique% cette forme spéciale de la diathèse de contracture.
B. Dans d'autres circonstances, la diathèse de contracture
1. Progrès médical, n°" 23 et 24, 1880. Gharcot. Œuv. compl. t.ix, Hypnotisme. 2y
ne se relève que sous l'influence des excitations cutanées superficielles et présente alors les plus grandes analogies avec la contracture provoquée de la phase somnambulique de l'hypnotisme. Nous avons pu observer récemment un cas des plus remarquables de ce genre. Il s'agissait d'une jeune malade de 20 ans, présentant des crises hystériques convulsives et des contractures spontanées temporaires des diverses parties du corps dont un des caractères était de céder pendant le sommeil. Il suffisait, chez cette malade, de frôler la surface cutanée pour provoquer une contracture énergique, qui disparaissait soit d'elle-même, soit sous l'influence d'une nouvelle excitation cutanée. Nous avions sous les yeux un spectacle parfaitement analogue à celui que nous offre une hystérique plongée dans l'état somnambulique de l'hypnotisme. Au point de vue neuro-musculaire, on peut dire qu'elle était somnambule à l'état de veille.
Nous ajouterons, pour compléter la ressemblance, que l'excitation mécanique profonde portée sur les tendons, les muscles, demeurait sans résultat. Cette forme spéciale de diathèse de contracture mérite donc le nom de variété somnambulique.
En dehors des procédés nécessaires pour la révéler, la diathèse de contracture chez les hystériques présente les principaux caractères suivants : Elle peut exister chez des hystériques qui n'ont jamais été hypnotisées, ou qui même ne sont peut-être pas hypnofisables.
La diathèse de contracture est générale ou partielle. Elle existe à un égal degré sur tous les muscles du corps ou bien sur les muscles d'un membre seulement. Souvent elle revêt la forme hémiplégique et accompagne l'anesthèsie cutanée avec laquelle elle affecte des relations plus ou moins étroites. Les parties anesthésiées sont seules parfois en état de diathèse de contracture.
D'autres fois, il est vrai, la diathèse de contracture existe sans anesthésie, en dépasse les limites. Ainsi chez une de nos malades hémianesthésiques, la diathèse de contracture était générale et on observa les coïncidences suivantes : lorsque l'hémianesthésie disparut, la diathèse de contracture générale devint hémiplégique et se localisa au côté anciennement anesthésique. Plus tard, la malade étant redevenue hémianestliésique, la diathèse de contracture envahit de nouveau les deux côtés du corps.
Les relations de la diathèse de contracture avec l'amyosthé-nie sont les mêmes qu'avec l'anesthésie. On sait d'ailleurs que ces deux derniers symptômes vont habituellement de pair. Il n'est donc pas rare de rencontrer la diathèse de contracture sur des membres considérablement affaiblis, et dont l'affaiblissement confine quelquefois à la paralysie. C'est là un exemple des affinités secrètes qui relient ces deux états musculaires si opposés en apparence la contracture et la paralysie.
La diathèse de contracture, lorsqu'elle est générale, esi rarement également développée sur tout le corps. Il arrive souvent qu'elle est plus accusée d'un côté du corps que de l'autre. Il peut exister aussi des différences entre les membres supérieurs et les membres inférieurs.
D'un jour à l'autre, chez une môme malade, la diathèse de contracture peut présenter des variations d'intensité. Elle s'atténue avec la tendance à la guérison. Son exaltation constitue une aggravation de la maladie. Elle prépare le terrain à la contracture permanente et hystérique, dont elle est en quelque sorte un phénomène avant-coureur. Elle rend parfaitement compte du rôle que joue parfois le traumatisme dans la pathogénie de certaines formes de contracture.
De même, après la guérison de la contracture permanente,
la diathèse de contracLure persiste encore quelque temps ; sa présence rend compte des guérisons incomplètes, des récidives fréquentes ; sa disparition est le signe de la guérison difmitive.
La diathèse de contracture, au même titre que les autres symptômes dits permanents de l'hystérie, se développe spontanément, sans cause appréciable. Parfois, l'existence d'une conctracture localisée à un membre suffit pour la faire apparaître dans d'autres parties du corps, le plus souvent, sous la forme hémiplégique du côté de la contracture préexistante.
XV.
Sur un phénomène musculaire observé chez les hystériques et analogue à la contraction musculaire paradoxale (1).
M. Westphal (2) a décrit le premier, en 1878, un phénomène musculaire intéressant auquel il a donné le nom de « contraction musculaire paradoxale », et qui peut se formuler ainsi : un muscle est susceptible d'entrer en état de contraction permanente par le seul fait du rapprochement de ses points d'attaches ou autrement dit, par le seul fait de son relâchement.
Par exemple, le malade étant couché sur le dos, on lui fléchit brusquement le pied, et le pied demeure dans la position qu'on vient de lui imprimer, maintenu en flexion dorsale par la contraction du muscle tibial antérieur, dont on voit le tendon faire saillie sous la peau.
Le même résultat peut être obtenu à la suite d'une flexion lente au lieu d'une flexion brusque. Enfin le pied demeure dans la situation communiquée un temps plus ou moins long (27 min. dans un cas de Westphall), puis il revient à sa posi-
1 En collaboration avec M. le docteur P. Richer. — Extrait du Brain, 1886, t. VIII, p. 289. 2. Berl. Klin. Wochensch., 1878, n° 27.
lion naturelle lentement, uniformément ou par saccades. Si l'on provoque de suite et un très grand nombre de fois ce phénomène, il arrive qu'il ne se produit plus, ce que l'on peut attribuer à la fatigue musculaire.
Ce phénomène de la « contraction musculaire paradoxale » peut être la conséquence de la faradisation directe et indirecte du muscle tibial antérieur. 11 se produirait également sous la simple influence de la volonté.
M. Weslphal considère ce phénomène comme la conséquence d'un fait purement passif (d'où le paradoxe) qui est le relâchement du muscle. Il l'oppose au phénomène du pied qui résulte d'une distension du gaslrocnémien.
Erlenmeyer (1), en confirmant le fait clinique, l'interprète différemment. Il croit que dans le cas particulier de la contracture du tibial antérieur, l'excitation réside dans la tension passive du groupe musculaire antagoniste, c'est-à-dire des jumeaux et du soléaire. Il invoque à l'appui de son opinion, le fait que la contraction paradoxale ne peut se produire, lorsque, la jambe étant fléchie sur la cuisse, on rapproche avec la main les muscles du mollet de leur insertion calca-néenne. Il n'y a donc alors plus rien de paradoxal ; il s'agit dans le phénomène musculaire, décrit par Westphal, d'une contracture réflexe d'un muscle à la suite d'une excitation portée sur son antagoniste.
M. Westphal (2) répond qu'en admettant qu'un muscle, par la manœuvre de M. Erlenmeyer, puisse être raccourci (ce qui lui paraît douteux), les résultats de l'expérience citée plus haut doivent être attribués à la pression exercée sur le muscle gaslrocnémien et non pas au rapprochement de ses points d'attache.
1. Centralbl. f. Nervenheilkunde, 1880, n° 17, p. 345.
2. Centrdlbl. f. Nervenheilkunde, 1880, n° 20, p. 117.
M. Mendelssolm (1), qui a étudié aussi la question et reproduit les mêmes expériences, exprime l'opinion, sans se prononcer catégoriquement, que la contraction paradoxale consiste en une perte de l'équilibre du tonus dans certains groupes musculaires et dans leurs antagonistes.
Nous n'avons pas encore eu l'occasion d'observer ce phénomène dans les diverses maladies du système nerveux où les auteurs précédents disent l'avoir rencontré. Mais nous avons vu chez certaines hystériques un phénomène analogue, dont l'analyse peut jeter quelque lumière sur la question.
Nous avons insisté dans une communication récente à la Société de Biologie (2), sur un état musculaire spécial qui se rencontre chez les hystériques et que nous avons décrit sous le nom de diathèse de contracture. 11 s'agit là d'une disposition particulière du muscle à entrer en contracture sous l'influence d'excitations variées et parfois môme des plus légères. Suivant le mode de production de la contracture, nous avons distingué deux formes principales de la diathèse de contracture : la forme léthargique et la forme somnambulique. Ces dénominations ont leur raison d'être dans les analogies avec les deux variétés de la contracture provoquée pendant l'hypnotisme, suivant que le sujet est plongé dans l'état léthargique ou dans l'état somnambulique.
Nous ne saurions entrer ici dans plus de détails et nous renvoyons le lecteur à la note que nous avons fait paraître à ce sujet. Il nous suffit pour le moment d'attirer l'attention sur ce fait que dans la forme de la diathèse de contracture la plus fréquemment observée—celle que nous désignons sous le nom de variété léthargique — le phénomène décrit par M. Westphal se produit avec la plus grande facilité. Ainsi en
1. St-Petersburger Medicinische Wochenschrift, 1881, n° 10.
2. Société de biologie, 85 déc. 1883 (Progrès médical, 22 déc. 1883). Voir p.447.
soulevant brusquement la pointe du pied d'une malade, sous le coup de la variété de diathèse de contracture sus-indiquée, on provoque instantanément une contracture qui maintient le pied dans la flexion dorsale.
Un phénomène analogue se produit à l'avant-bras ; une flexion brusque du poignet détermine aussitôt une contracture qui immobilise le poignet en flexion. Cette contracture se résout au bout d'un temps plus ou moins long ; elle peut durer plusieurs heures.
? Nous désirons insister ici sur le mécanisme de sa production. Pour nous, cette contracture n'offre rien de paradoxal. Elle n'est point comme dans l'interprétation de Westphal, la conséquence du relâchement brusque du muscle, mais elle trouve sa cause dans la tension brusque du groupe muscu-laire antagoniste. Voici les raisons sur lesquelles s'appuient notre assertion :
a) Dans ce phénomène de la contracture provoquée par flexion brusque d'un segméntele membre (pied ou main), il est facile de se convaincre que l'attitude ainsi déterminée n'est point maintenue en vertu de l'action persistante d'un seul groupe musculaire, mais qu'elle est en quelque sorte la résultante de deux forces musculaires antagonistes.
Dans le phénomène du pied par exemple, la contracture n'existe pas seulement dans le jambier antérieur qui est le muscle de la flexion dorsale, mais elle existe aossi dans les muscles antagonistes, jumeaux et soléaire.
On peut facilement s'en rendre compte lorsque la flexion dorsale n'est pas complète, car s'il est impossible d'étendre le pied, ce qui est dû évidemment à la contracture du jambier antérieur, il est aussi difficile d'exagérer l'altitude de flexion, ce qui ne saurait être dû qu'à la contracture des muscles antagonistes, jumeaux et soléaire.
b) L'on sait que chez les malades dont il s'agit, la contracture pouvait être obtenue par des manœuvres diverses. La malaxation des muscles est une de ces manœuvres, si donc nous malaxons le jambier antérieur, la contracture ne tarde pas à se produire, immobilisant le pied dans l'attitude de la flexion dorsale. Si la malaxation porte sur les muscles jumeaux, la contracture se produira également mais le pied sera mis en flexion plantaire. Mais en variant les conditions expérimentales les résultats sont différents et l'expérience suivante nous paraît particulièrement intéressante.
Si pendant que nous malaxons les muscles du mollet, nous maintenons relevée la pointe du pied de façon à l'empêcher d'obéir à l'action des muscles directement excités, nous voyons bientôt le pied au lieu d'être entraîné en extension, (flexion plantaire), se relever et se placer en flexion dorsale et cela à un degré d'autant plus accusé que l'excitation des muscles extenseurs (jumeaux et soléaire) est plus prolongée.
Sur la main, le même phénomène se produit. Si nous malaxons les muscles extenseurs par exemple, et qu'en même temps, maintenant la main en demi-flexion, nous empêchions l'extension de se produire, on voit bientôt la flexion s'accuser sous la prédominance d'action des fléchisseurs bien que l'excitation continue à être portée directement sur les extenseurs.
D'une façon générale, un groupe antagoniste, qui ne reçoit pas l'excitation, acquiert néanmoins une prédominance d'action par le seul fait qu'un obstacle s'oppose au déplacement du membre dans le sens des muscles directement intéressés; ou autrement dit les groupes musculaires antagonistes sont également intéressés par une excitation exclusivement portée sur l'un d'eux. L'attitude imprimée au membre par la contracture ne dépend pas uniquement du lieu de l'excitation mais encore des circonstances extérieures qui favorisent ou entravent le déplacement du membre dans un sens ou dans l'autre,
D'après les lois connues de la synergie musculaire les choses peuvent s'expliquer ainsi :
La contracture étant toujours réflexe dans ce cas, l'excitation centripète qui doit la produire gagne la moelle où elle rencontre les cellules motrices, origine des nerfs destines aux muscles directement excités. Mais cette excitation n'y reste pas confinée et gagne également les groupes cellulaires correspondant aux muscles antagonistes.
Les connexions qui existent dans l'intérieur de la moelle entre les.différents groupes de cellules nerveuses, qui correspondent aux groupes musculaires antagonistes sont admises par les physiologistes.
Pour nous rendre compte des faits dont il s'agit, il nous suffit alors d'admettre que l'excitation partie d'un groupe musculaire retentit toujours sur le groupe musculaire antagoniste dont l'action, qui d'ordinairejoue le rôle secondaire de modérateur, devient prédominante lorsqu'une circonstance quelconque entrave la contraction des muscles directement excités.
Des graphiques (Fig. 30, 31, 32) selon la méthode de M. Ma-rey, nous ont permis de constater ce qui suit :
A part la forme du début qui est plus brusque dans la contracture par flexion d'un segment de membre, les caractères graphiques sont les mômes, que la contracture succède à la flexion brusque où à la malaxation des antagonistes.
La durée de la contracture est très variable, depuis 10 à 15 minutes jusqu'à 2 heures 1/2.
La décontraction s'opère insensiblement et avec une extrême lenteur.
Elle est représentée sur les tracés par une ligne très légèrement descendante interrompue quelquefois par de longs plateaux horizontaux. De distance en distance et principalement vers la fin de l'expérience, on observe de petits crans en
forme cle marche d'escalier correspondant à une décontraction limitée plus rapide. La durée de la contracture diminue avec
Fig.dO. — Dispositif de l'expérience (schématique). —C, Cylindre du régulateur Foucanet, qui fait une révolution en 30 minutes. — L, Levier inscripteur dont une extrémité, maintenue par un ressort R, est reliée à un fil inextensible, qui en se refléchissant sur deux poulies (P et P') va s'attacher au gros orteil de la jambe en expérience (J).
la répétition des expériences. Il est probable qu'on arriverait ainsi à l'épuisement.
Fig. 31. — Expérience du 9 avril [1883. — Contraction paradoxale obtenue chez Cad..., hystéro-épileptique en état de diathèse de contracture, par redressement brusque de la pointe du pied. — Le tracé s'inscrit dans le sens de la flèche. — A, Début de l'expérience. — B, Fin de l'expérience : la contracture a complètement disparu. — X, ligne horizontale.
Dans les dernières expériences la ligne de descente est plus rapide et marquée de crans plus nombreux.
Si nous rapprochons ces caractères de ceux que M. Wesf-phal attribue au phénomène de la « contraction paradoxale » et que nous avons rappelés plus haut, nous verrons qu'il existe entre ces deux ordres de faits la plus grande analogie. Cette ressemblance est encore confirmée par M. le Dr Mendelssohm qui a assisté à nos expériences, et qui trouve une grande similitude entre nos tracés et ceux qu'il a pris lui-même chez d'autres sujets qui présentaient très nettement le phénomène de Westphal. Dans les uns comme dans les autres, en effet, la
Fig. 32. — Expériences du 12 avril chez la même malade. — Contracture du jambier antérieur obtenue par le massage des muscles du mollet (muscles antagonistes). Le tracé s'inscrit dans le sens de la flèche. — Trois expériences consécutives : A, B et C. —X, ligne de niveau.
courbe musculaire offre les mêmes particularités : ascension plus ou moins brusque, puis descente extrêmement lente, tantôt uniforme, tantôt marquée de saccades.
La seule différence qui semble exister, consiste dans la durée du phénomène et dans la longueur de la descente qui, chez nos malades, est beaucoup plus considérable.
Il résulte de ces quelques recherches que la contraction paradoxale— du moins dans les cas que nous avons observés, et qui tous se rapportaient à la diathèse de contracture des
hystériques — trouve sa cause non dans le relâchement brusque du muscle, mais dans l'excitation par distension de son antagoniste. Nous nous rapprochons en cela de l'opinion de M. Erlenmeyer et de celle de M. Mendelssohm, dont nous avons parlé en commençant.
XVI.
L'hypnotisme en thérapeutique. Guérison d'une contracture hystérique (1);
Messieurs,
C'est encore de la contracture hystérique spasmodique, sous forme de pied bot, qu'il s'agira aujourd'hui. La malade qui sera l'objectif principal de la présente leçon a été, comme celle qui nous a occupés samedi dernier, atteinte, pendant de longs mois, de pied bot hystérique*, comme chez celle-ci, la contracture spasmodique a disparu sous l'influence du traitement ; mais voici la différence. 11 n'existait pas chez la malade d'aujourd'hui de complication de rétraction fibro-tendineuse ; aussi, après la cessation de la rigidité musculaire, le rétablissement des mouvements et de la forme s'est-il fait sans nécessiter aucune intervention chirurgicale.
Le traitement mis en œuvre dans ce cas est devenu fort à la mode dans ces derniers temps ; car il s'est agi en effet de la suggestion hypnotique et c'est là peut-être une circonstance de nature à éveiller votre curiosité et à fixer votre attention.
Mais pour mettre convenablement en relief les détails les
1. Extrait de la Revue de l'hypnotisme, avril-mai 1887.
plus intéressants du cas dont il s'agit, je crois nécessaire de vous remettre en mémoire quelques faits de l'histoire de la contracture spasmodiquc hystérique considérée surtout au point de vue des caractères cliniques, de la physiologie pathologique et du traitement.
Une première distinction à faire est celle-ci :
1° Il y a les cjMlxactmes provoquées (1), soit dans un but expérimental, soit pour le diagnostic;
2° IbL es co mc yg / g , celles qui viennent à notre insu : a) à la suite d'une attaque de nerfs ; b) à la suite d'un traumatisme léger ; c) en apparence, sans cause connue, mais peut-être àia suite d'un léger heurt, comme en descendant du lit, par exemple. Quelquefois la prédisposition est tellement accentuée que le moindre faux mouvement pourra compter comme un traumatisme et déterminera l'apparition de la contracture.
Ce ne sont pas là deux espèces distinctes ; pas de différence cliniques ou physiologiques essentielles. Il n'y a que des différences d'ordre pratique. Vous pouvez défaire ce que vous avez fait. Mais si la contracture est de date ancienne, vous n'y pourrez plus rien, ou la guérison tout au moins sera difficile. C'est là une de ces pierres d'achoppement à la thérapeutique que l'on rencontre si souvent en neuropathologie. La situation est ici remarquable. Nous connaissons assez bien la production de ces contractures, grâce à l'étude des contractures artificielles que nous pouvons faire et défaire à volonté, expérimentalement. Eh bien! malgré cela, le plus souvent, nous ne savons comment nous y prendre pour en finir avec les contractures spontanées qui peuvent se perpétuer des mois et des années. Sans doute, nous ne sommes pas tout à fait
1. On pourrait encore les appeler contractures artificielles.
désarmés, car en outre du traitement de l'état général, qui a Lien son mérite, nous avons plusieurs procédés qui peuvent réussir. Ainsi, si la contracture est unilatérale, on peut obtenir le transfert répété par l'application de l'aimant ou de plaques métalliques ; mais si la contracture est bi-latérale, on n'a pas cette ressource. On peut encore avoir recours au massage prolongé, etc., etc.
La suggestion à l'état de veille sous forme de persuasion ou d'injonction rapide peut aussi amener un résultat favorable. Mais la suggestion à l'état d'hypnotisme aura, si l'hypnotisme est praticable, un résultat beaucoup plus certain. Justement le cas qui va nous occuper tout â l'heure a été guéri de cette façon. Oui, toutes les méthodes comptent des succès ; mais on peut dire que, malgré tout, les indications d'agir de préférence de telle ou telle façon n'ont pas encore été précisées, et incontestablement, c'est un sujet qui réclame de nouvelles études.
Le fait est que la guérison tôt ou tard a lieu dans l'immense majorité des cas, à l'improviste, alors que le médecin abandonne la partie, et elle a lieu soit spontanément à la suite d'une attaque, soit sans attaque àia suite d'une émotion vive, d'une circonstance qui frappe fortement l'imagination. Il est au moins consolant que, après plusieurs mois, plusieurs années môme, ces guérisons soudaines peuvent encore avoir lieu et ont lieu le plus souvent. Il ne faut pas oublier cependant le cas dont nous avions parlé dans la dernière leçon et où, après guérison de la contracture spasmodique musculaire, reste la complication de rétractions fibro-tendineuses, qui exige, pour que soient rétablis la forme et les mouvements du membre, l'intervention ckirurgicale.
Mais quels sont donc les caractères cliniques et physiologiques des contractures hystériques artificielles qui doivent
nous conduire à comprendre ce que sont les contractures spontanées ? On peut, chez beaucoup d'hystériques hypnoti-sables, s'il s'agit du grand hypnotisme, provoquer, dans l'état léthargique, l'apparition de contractures, avec la plus grande facilité. On peut les réaliser par divers procédés, soit par l'excitation des nerfs, soit par l'excitation directe des muscles ou des tendons (percussion, malaxation, vibration du diapason, etc.), et, pendant ces opérations, les caractères cliniques et physiologiques de ces contractures peuvent être facilement étudiés. Mais, en dehors môme de l'hypnotisme, chez beaucoup d'hystériques, la plupart peut-être, ces mômes contractures peuvent être provoquées à l'aide des mêmes agents. Depuis longtemps ces phénomènes qui, dans ces derniers temps, ont été bien étudiés par un élève de M. le professeur Pitres, nous sont connus et nous avons proposé de désigner sous le nom de diathèse de contracture, la tendance à la production de ces rigidités spas-modiques musculaires, souvent énormes, invincibles, durables, permanentes, qui peuvent apparaître sous l'influence de diverses excitations. Récemment seulement, nous les avons reconnues aussi fréquentes qu'elles le sont réellement, et cela tient à ce que nous avons mis par hasard la main sur un moyen de les faire apparaître, beaucoup plus sûr que ceux que nous connaissions jusque-là. Ce moyen, c'est la ligature faite autour d'un membre à l'aide d'un lien élastique, la bande d'Esmarch, par exemple. C'est ainsi que nous avons reconnu que la contracture provoquée, en raison de sa fréquence, peut être considérée comme un stigmate hystérique au même Litre, à peu près, que les troubles sensitifs ou sensoriels, tels que : hémianesthésie, rétrécissement du champ visuel, etc.
Etudions chez G. R..., ces contractures provoquées, des hystériques, afin de bien nous mettre dans l'esprit les carac-
Charcot. (Euvr. comp. t. ix, Hypnotisme. 3o
tères qui les distinguent, et d'en indiquer autant que possible la théorie physiologique. Ici, le phénomène à mettre en relief, c'est que si vous pincez un muscle, le biceps par exemple, entre les doigts, la rigidité qui s'empare du muscle ne reste pas limitée : il y a flexion, mais il y a aussi action et résistance élastique des extenseurs. Car désormais il est aussi difficile d'exagérer la flexion que de défléchir le membre. Non seulement le muscle ou les muscles d'action contraire à celui qui a été excité, mais encore les muscles d'une autre partie du membre sont atteints ; ainsi les fléchisseurs et extenseurs du poignet, des doigts, etc., et même, dans certains cas, vous aurez une généralisation dans tout le corps, tête, tronc, face, comme vous pouvez le constater chez un de nos malades hommes, le nommé C. L... Chez cet homme, nous n'obtenons la contracture qu'à l'aide de la bande d'Esmarch. tandis que chez la nommée G. R..., tous les moyens sont efficaces : traction du membre, excitation des tendons, etc.
Cette généralisation possible de la rigidité démontre déjà jusqu'à l'évidence que ce n'est point là un phénomène périphérique, mais un phénomène central, spinal, au moins pour une part. Le phénomène du transfert le montre en quelque sorte mieux encore, si c'est possible.
Une autre preuve à l'appui de cette vue, c'est que la répétition des excitations musculaires chez un sujet disposé a pour effet de rendre la contracture de plus en plus intense et de plus en plus facile à produire ; comme s'il y avait là un phénomène d'éducation, de mémoire, dont une participation des centres nerveux peut seule rendre comple.
Ces contractures, une fois produites, ne disparaissent jamais spontanément. 11 faut, par un procédé quelconque, les faire disparaître. Cela est, en général, très facile si on n'attend pas longtemps. Mais si on laisse la rigidité musculaire persister pendant des heures, alors c'est beaucoup plus difficile. Les
moyens à employer sont une légère friction sur les antagonistes, le massage général du muscle, une légère pression sur les tendons. Si, malgré cela, la contracture résiste, on en viendra à bout par une série de transferts successifs de la contracture, ou encore par i'hypnotisation dans l'état léthargique ou par la suggestion. Une certaine action psychique peut donc avoir pour effet la disparition d'une contracture.
Mais quelle est la théorie que l'on peut donner de tous ces phénomènes ? Il faut remarquer en premier lieu ce qu'il y a, en apparence, de paradoxal dans le phénomène contracture. — Voilà une action musculaire intense, exagérée, qui persiste sans cesse et sans trêve, nuit et jour, —car on a. eu soin, maintes fois, d'en reconnaître la persistance, la nuit, pendant le sommeil profond — et peut se perpétuer pendant des mois, voire même des années. Ici, je fais allusion à des contractures spontanées, car jamais, bien entendu, nous n'avons laissé durer les contractures artificielles ; cela je le répète, paraît paradoxal et contraire à toute physiologie. Nous avons cependant un paradigme physiologique de la contracture, c'est la tonicité musculaire qui persiste telle quelle d'une façon permanente, non seulement dans les sphincters, mais encore dans les muscles des membres, déterminant ainsi leur altitude moyenne. Or, on sait expérimentalement que la tonicité musculaire est un phénomène d'origine centrale, le résultat d'une activité réflexe permanente et ne cédant que lorsque la moelle est détruite ou les nerfs musculaires sectionnés.
La contracture serait donc, d'après cela, une sorte de tonicité musculaire portée au plus haut degré possible et c'est, par conséquent, ainsi que nous l'avons déjà prévu, dans le centre spinal qu'il faut aller chercher son point de départ.
La situation peut être représentée par le schéma suivant : à l'état normal, la mise en jeu de l'arc diastaltique est entre
tenue par l'excitation permanente venant des muscles ou de la peau. Si, dans cet état, l'excitabilité des cellules motrices est représentée par 1, dans la contracture hystérique, cette excitabilité sera représentée par 10, je suppose : de telle sorte que la moindre excitation des nerfs centripètes viendra se surajouter à l'excitabilité préexistante et déterminer une action tonique exagérée qui n'est autre que la contracture spasmodique.
L'excitabilité étant supposée répandue sur toute ou sur presque toute l'étendue d'une région spinale, une corne antérieure ou les deux, suivant les cas, on comprend la participation nécessaire des antagonistes, dont les centres spinaux sont liés pliysiologiquement, et aussi la diffusion à tout un membre ou à tout le corps.
On comprend plus difficilement la disparition des contractures sous l'excitation des antagonistes, ou des frictions, etc.
Mais ici nous sommes en présence de phénomènes non sans analogie en physiologie expérimentale et surtout dans le domaine pathologique : ainsi, nous savons que, sur les zones hystérogènes, une action légère provoque des attaques qui sont arrêtées par une action plus forte. 11 s'agirait donc là d'un phénomène d'inhibition, d'arrêt, ayant pour effet de décharger les cellules motrices, d'annihiler l'excitabilité répandue dans ces cellules. Comment comprendre maintenant l'influence des suggestions, celles des émotions qui, dans le domaine de la thérapeutique des contractures spontanées, jouent un rôle si important ? Ici, il faut considérer que le système neuro-musculaire, par l'intermédiaire des cellules motrices, est mis en rapport avec l'écorce grise, siège des phénomènes psychiques, à l'aide des fibres du faisceau pyramidal qui représente, en quelque sorte, une grande commissure reliant les régions dites motrices de l'écorce cérébrale avec la moelle. 11 est rendu vraisemblable par un ensemble de faits sur lesquels je ne puis m'étendre, que ces fibres du
faisceau pyramidal transmettent, les unes, les excitations à l'action, tandis que d'autres servent à l'inhibition. On sait, en outre, que la section du faisceau pyramidal a pour effet d'exalter, chez un sujet normal, l'excitabilité réflexe spinale ; cela se voit, par exemple, dans le cas de dégénération secondaire du faisceau pyramidal, à la suite de certaines lésions en foyer. En pareil cas, par suite de l'exaltation de l'excitabilité des cellules motrices, privées de l'action inhibitrice cérébrale, la tonicité se change en contracture par l'action, la moindre excitation provocatrice. D'abord, les réflexes sont exaltés, il y a opportunité de contracture. Mais un choc, un traumatisme, une faradisation exagérée produiront la contracture. Eh bien ! on peut admettre que, dans l'hystérie, il y a un état purement dynamique des filets du faisceau pyramidal et des cellules où ils prennent origine, ayant pour conséquence la cessation de la fonction normale d'inhibition et, en conséquence, le développement de l'excitabilité exagérée des cellules motrices ; on conçoit ainsi comment, à la suite de la moindre excitation périphérique dans l'hystérie, comme dans le cas de lésion organique, et plus encore dans la première, les contractures se produisent.
Vous voyez qu'il n'y a pas un abîme entre les contractures spasmodiques de cause organique et les contractures spas-modiques hystériques. Le siège et le mécanisme sont les mômes, en définitive, et cela fait comprendre que, dans la pratique, il y ait souvent des difficultés de diagnostic. En dehors de la considération des phénomènes concomitants et des diverses circonstances du cas, les seuls caractères diagnostiques sont, en effet, pour l'hystérie : 1° L'intensité même de la contracture, rarement aussi prononcée dans les cas organiques ; — 2° Sa permanence, même la nuit ; — 3° Le début, souvent soudain, spontané en apparence ou sous l'influence
des causes traumaliques les plus minimes ; — 4° Sa disparition brusque, inopinée, le plus souvent sous l'influence d'une émotion, tandis que, dans le cas organique, c'est souvent indélébile.
En quoi consiste donc l'effet curateur de l'émotion, de la suggestion ? Celle-ci, comme celle-là, font naître une idée fixe, prédominante, qui fait reparaître l'excitabilité normale dans les centres moteurs centraux, et en conséquence, dans les fibres du faisceau pyramidal. Par suite, rétablissement de l'inhibition normale, et, en conséquence, l'excitabilité exagérée des cellules motrices spinales cesse d'exister. Telles sont les explications destinées à rendre compte, physiologiquement, des divers épisodes de l'histoire des contractures hystériques. Personne, mieux que moi, ne reconnaît leur faiblesse en plusieurs points, mais elles sont, si je ne me trompe, plus que toutes autres, en rapport avec les faits, et c'est pourquoi j'ai cru devoir vous les présenter.
Ce serait le moment d'entrer dans l'histoire des contractures hystériques naturelles, mais nous n'aurions qu'à nous répéter de point- en point ; car, ainsi que je vous l'ai déjà dit, celles-ci ne diffèrent de celles-là en rien d'essentiel, si ce n'est qu'elles sont plus durables et souvent à peu près inaccessibles à tous les moyens thérapeutiques employés, tandis que la résolution des autres est facile.
A quoi cela tient-il ? Eh bien ! je n'hésite pas à déclarer que, dans mon opinion, cela tient surtout à ce que les contractures artificielles sont traitées et guéries à peu près aussitôt qu'elles ont été produites, ou peu de temps après, tandis que les contractures dites spontanées sont, en général, abandonnées longtemps à elles-mêmes et ne sont combattues que tardivement, alors qu'elles ont pris droit de domicile et qu'il s'est constitué là, pour ainsi dire, une sorte d'accoutumance. Je ne
connais pas de faits contraires à cette opinion en faveur de laquelle je puis alléguer que, dans notre service, où, à la suite d'accèsconvulsifs, de chutes, etc., les contractures naissent fréquemment,, nous ne les voyons jamais persister, par la simple raison qu'elles sont combattues à l'état naissant, aussitôt qu'elles apparaissent.
Nous voici en mesure, maintenant, de tirer parti du cas que nous avons sous les yeux, qui est relatif, ainsi que je vous l'ai dit, à un cas de contracture hystérique spasmodigue, sous forme de pied-bot xrarus, et qui a été traité et guéri par le procédé de la suggestion hypnotique. 11 s'agit d'une jeune fille de dix-sept ans, grêle, élancée, et présentant un exemple de ce type allongé qu'ontaffeclionné particulièrement quelques artistes du seizième siècle, et en particulier Jean Goujon, témoin les nymphes qui décorenl la fontaine des Innocents, à Paris.
L'hérédité nerveuse de celle malade est très remarquable. Son grand-père, sou père et son oncle paternel bégayaient. Un de ses cousins germains du côté paternel bégaye et est épileptique. La mère a eu une mort mystérieuse. Voilà, je le répète, des antécédents bien propres à expliquer le développement, chez notre jeune malade, des accidents dont elle a souffert.
Les débuts de Y hystérie se manifestent, en janvier 1886, par une parésie des muscles intercostaux.
Peu après, elle présente des attaques intenses, pendant lesquelles elle se mord les lèvres, pisse au lit, fait l'arc de cercle, Il y a huit mois, tout à coup, descendant du lit, son pied gauche, au moment où il a touché terre, a tourné, et alors s'est produit tout à coup un pied-bot varus droit (pied dévié en dedans et reposant sur son bord externe) des plus accentués (Fig- 33), avec rigidité du genou et rotation de la cuisse, par suite de quoi la pointe du pied se place souvent derrière le talon droit (Fig. 34).
Cela gêne la marche, mais ne l'empêche pas.
La rigidité était poussée à l'extrême : elle persistait jour et
Fin. 33. — Attitude de la malade Ch..., vue de dos (pied-bot varus droit).
nuit sans relâche ; même pendant le sommeil, ainsi qu'on s'en est plusieurs l'ois assuré. Il n'existe pas, chose assez remarquable, chez elle, de stigmates sensoriels ou sensitifs ; pas
d'anesthésie, pas de rétrécissement du champ visuel. Mais il y a diathèse de contracture, ainsi une constriction du poignet ou du membre inférieur, et, soit dit en passant, cela montre que si la guérison de la contracture a été obtenue, cepen-
Fio. 34. — Altitude de la malade Ch..., vue de face (pied-bot varus droit).
dant la tendance aux contractures n'a pas disparu. C'est une
guérison de l'accident de l'hystérie locale ; ce n'est pas une guéri son de la maladie tout entière (1).
J'ai fait placer à côté une autre malade hystérique chez laquelle nous avons produit artificiellement, par suggestion, une déformation en tout semblable à celle que présentait Ph... avant la guéri son.
Voici commenl le traitement a été conduit chez notre malade Ch... et dans quelles conditions la guérison a été obtenue. Ainsi que je vous l'ai dit. c'est la suggestion hypnotique qui a été mise en jeu. Ce n'est pas là, tant s'en faut, une nouveauté, et l'on a cité dans ces derniers temps, nombre cle cas où des accidents hystériques variés, qui avaient résisté à d'autres moyens, ont été guéris de cette façon (paralysies, mutisme hystérique, etc.) M. le professeur Grasset (de Montpellier) citait, dans la Semaine médicale (mai 1886), un cas de ce genre relatif, lui aussi, à une contracture hystérique datant de six mois, et tout récemment, le docteur Bérillon obtenait chez une jeune fille de vingt ans, en deux séances d'hypnotisme, la guérison complète d'un cas de mutisme ner-xreux remontant à huit mois.
Dans le cas de M. Grasset, il fallut, comme dans le nôtre, s'y prendre à plusieurs reprises : àtrois fois. Dans le nôtre, il a fallu un beaucoup plus grand nombre de séances pour obtenir un résultat définitif. Il y a, en effet, plus de trois mois que, de temps en temps, la malade a été plongée dans le sommeil hypnotique, pendant lequel on obtenait par suggestion ,1a disparition complète du pied-bot, et on la maintenait quelquefois plus d'une demi-heure dans cet état. C'est le petit hypnotisme qui se produit chez elle, sous l'influence de la fixation du regard; c'est-à-dire qu'il n'existe ni phase léthargique, ni
1. Aujourd'hui 27 avril 1887, il n'est plus possible de produire la contracture artificielle. La malade peut être considérée comme complètement guérie.
phase somnambulique, et, quant au somnambulisme, il n'est pas marqué par l'existence de la contracture spéciale déterminée par le souffle ou le frôlement qui caractérise cette phase dans le grand hypnotisme.
A chaque séance, je le répète, on obtenait de la malade, par suggestion, que son pied se relâchât et reprit l'attitude et les mouvements normaux; mais, aussitôt réveillée, le pied-bot se rétablissait immédiatement. Plusieurs d'entre vous ont été témoins de ce phénomène singulier. Enfin, il y a quinze jours, une série d'hypnofisations successives a été pratiquée pendant une période de près de trois heures. Durant fout ce temps, les suggestions ont été répétées de plus en plus vives, de plus en plus pressantes. Le mal a cédé, nous avons tout lieu de le croire, définitivement. 11 y avait huit mois que cela durait.
11 nous faut maintenant délivrer la seconde malade, celle sur laquelle nous avons produit une contracture artificielle. Ce sera facile, car en cette matière, tout ce qu'on fait on peut le défaire. 11 s'agit ici du grand hypnotisme et de simples frictions exercées sur la partie déformée du membre suffisent pour faire disparaître la contracture.
Vous voyez par le cas de Ch..., que l'hypnotisme peut être véritablement utile dans la thérapeutique des affections hystériques ; c'est du reste un fait acquis depuis quelque temps à la science. Mais il reste beaucoup à faire pour réglementer cliniquement les applications thérapeutiques de ce moyen, pour préciser les indications et les contre-indications.
Oui, s'il y a des cas où l'on puisse agir, il en est d'autres où il convient de s'abstenir et des cas mêmes où les pratiques d'hypnotisme sont nuisibles. Rien d'étonnant à cela : n'en est-il pas de même des plus précieux médicaments : l'opium,
la digitale, par exemple, qui, dans de certaines circonstances et chez certains sujets peuvent produire des effets fâcheux? Songe-t-on à les abandonner pour cela ? Chercher et réunir les indications et les contre-indications de l'hypnotisation clans l'hystérie : voilà un sujet qui nous occupera certainement quelque jour et qui nécessitera de longs développements.
Actuellement, et comme pour modérer un peu le beau zèle dont nous pouvons être pris en présence de notre succès, pour nous rendre circonspects, en un mot, je veux vous présenter le revers de la médaille. Je place devant vos yeux une petite victime de l'hypnotisme, pratiqué inconsidérément. Evidemment c'est l'hypnotisme qui l'a mis dans l'état où il est aujourd'hui. Il est vrai que l'hypnotiseur n'a pas été un médecin, ce n'est pas de thérapeutique qu'il s'est agi. Voici comment la chose s'est faite.
Il y a six mois, un magnétiseur de profession donna, sur le théâtre de Chaumont en Bassigny, une bonne ville du fond de la Champagne, des représentations de fascination qui émurent profondément toute la population, raffolèrent et déterminèrent, par-ci par-là, quelques accidents nerveux plus ou moins sérieux, en particulier l'apparition d'une sorte de manie hypnotique active qui pénétra jusque dans le collège de la ville. Plusieurs élèves pratiquèrent l'hypnotisme sur leurs camarades et quelques accidents nerveux s'ensuivirent. Le principal mit bon ordre à la chose pour ce qui concernait les internes. Mais quelques externes surveillés n'en continuèrent pas moins leurs pratiques. C'est ainsi que les nommés Blan... et ïhom... se sont plusieurs fois amusés, sous un porche voisin de l'hôtel de l'Ecu, à hypnotiser par la fixation des yeux le jeune homme que voici.
C'est très vraisemblablement le petit hypnotisme qu'ils ob
tenaient ainsi. En tout cas, ils réussirent à faire commettre au petit Bla... que voici, sous l'influence de la suggestion, des actions qui les réjouissaient énormément. Ainsi, Bla... fut, dit-on, promené presque tout nu sur la place de la Banque de France ; il est allé demander à acheter un cheval chez un marchand de nouveautés, et autres facéties provinciales du même genre.
Jusque-là, pas grand mal, sans doute. Mais voici le côté fâcheux. Le jeune Bla..., âgé de 12 ans, sans antécédents nerveux, n'avait jamais eu d'attaques jusqu'au moment où les premières tentatives d'hypnotisme ont eu lieu. Mais au bout de quinze jours surviennent des crises, se répétant prescpie tous les jours et qui effrayent considérablement les parents, d'autant plus que le jeune frère de notre petit malade, âgé de quatre ans, commençait, lui aussi à présenter des symptômes du même genre. C'est pour mettre fin, si possible, à tout cela que le père nous La amené et, d'après notre conseil, l'a remis entre nos mains. Les accès, depuis qu'il est à l'hôpital, se répètent tous les deux ou trois jours. Ce sont des attaques hystériques assez bien formulées, précédées d'une aura (douleur de tête, battements dans les tempes, sifflements dans les oreilles) ; puis surviennent des contorsions et l'arc de cercle. Enfin, l'enfant prononce quelques paroles relatives aux occupations de la veille. 11 n'existe pas chez lui de stigmates hystériques.
Comme lecas paraît léger, nous espérons que, sous l'influence de l'isolement et l'application des pratiques hydrothé-rapiques, le mal cédera bientôt et que le petit bonhomme pourra être prochainement rendu à sa famille. 11 devra à l'avenir se méfier de Blan... et de Thom... et autres hypnotiseurs dilettantes (1). Ce n'est pas d'ailleurs la première fois
1. Le jeune B... est sorti récemment de l'hospice complètement guéri (27 avril 1887).
que l'on voit des enfants, jouant à l'hypnotisme, produire sur eux-mêmes ou sur leurs camarades des accidents plus ou moins graves. Ainsi, à Breslau, lors du passage du fameux Hansen, un enfant, hypnotisé par un de ses camarades, a été pris d'attaques de contracture qui durèrent plusieurs heures et qui se renouvelèrent par la suite. Un cas du même genre est cité par M. Mersali dans les Archives italiennes de psychiatrie.
Ce même développement sous l'influence de tentatives d'hypnotisation, d'accidents plus ou moins sérieux et plus ou moins durables, nous le retrouvons aussi chez les adultes, hommes et femmes, à la suite d'hypnotisations mal faites, inopportunes. Ces accidents me paraissent être surtout fréquents, chose remarquable, non pas chez des hystériques confirmées, mais chez ceux qui, avant l'hypnotisation, n'avaient jamais présenté d'accidents de ce genre. C'est là un fait intéressant que j'aurai l'occasion de relever vraisemblablement dans une leçon prochaine.
XVII.
Des dangers des représentations publiques des magnétiseurs ; nécessité de leur interdiction (1).
Mon cher Melotti,
A propos do la publication prochaine des leçons que vous ave/ bien voulu recueillir, et où il est très souvent question d'hypnotisme, vous nie priez d'exprimer mon avis concernant les mesures restrictives récemment prises en Italie, à l'égard des représentations publiques des magnétiseurs. Je ne suis pas fâché, je vous l'avoue, de saisir l'occasion que vous m'offrez de déclarer hautement que, dans mon opinion, la suppression des spectacles de ce genre est chose excellente et parfaitement opportune.
C'est qu'en effet les pratiques d'hypnotisafion ne sont pas, pour le sujet mis en jeu, tant s'en faut, toujours innocentes, comme on le croit trop généralement peut-être. Or, il est clair qu'une étude clinique approfondie, et, par conséquent, nullement à la portée des amateurs peut seule, sur ce point, établir les indications et les contre-indications, ou, en d'autres termes, faire connaître et préciser fes conditions où l'on peut agir sans inconvénient pour le sujet sur lequel on opère, et celles où, au contraire, il convient de s'abstenir.
1. Celle lettre-préface est empruntée au volume des Leçons ûè M. Charcot, publiées en Italie par M. le Dr Melotti.
Mais ce n est pas tout : Il est parfaitement établi aujourd'hui que la propagation vulgaire de l'hypnotisme peut être suivie, chez les assistants eux-mêmes, d'accidents soit immédiats, soit à longue échéance, plus ou moins sérieux, sinon tout à fait graves.
N'avez-vous pas vu, par exemple, récemment, chez vous, les représentalions théâtrales du soiimanibulisiiie, provoquer, semer le levain de l'hystérie à Turin, à Milan et dans nombre de villes encore ? El si, après mes leçons, il était besoin de démontrer la fréquence de cette névrose même chez l'homme, il suffirait de se reporter aux communications de M. le docteur Lom-broso, et à la discussion qu'elles ont fait naître au sein de votre Conseil sanitaire.il ne faut pas l'oublier,l'état hypnotique confine de très près à la névrose hystérique et, dans de certaines conditions, ceile-ci se montre éminemment contagieuse ; entre mille exemples du genre, notre leçon consacrée à montrer le développement d'une petite épidémie hystérique à la suite des manœuvres du spiritisme, pourrait, au besoin, servir à la démontrer.
Mais je neveux pas plus m'étendre et entrer en ce moment dans une discussion en règle. Je crois en avoir dit assez pour justifier pleinement l'opinion que je viens de formuler, et je terminerai en émettant le vœu que les sages mesures prises récemment en Italie soient au plus vite adoptées en France.
Au nom de la science et de l'art, la médecine a enfin clans ces derniers temps, pris définitivement possession de l'hypnotisme ; et c'était de toute justice, car elle seule peut savoir l'appliquer convenablement et légitimement, soit au traitement des malades, soit aux recherches physiologiques et psychologiques : Dans ce domaine récemment conquis, elle veut désormais régner en Maîtresse absolue et jalouse de ses droits, elle repousse formellement toute intrusion.
Croyez à mes meilleurs sentiments.
Charcot.
Paris, le 9 janvier 1887.
TROISIÈME PARTIE
Electrothérapie
Charcot. lEuvr. compi, ò. rx, Hypnotisme.
3i
De l'emploi de l'électricité statique en médecine.
I. L'électricité statique en général. — 11. Les appareils. 111. Applications médicales.
Messieurs,
Je désire vous présenter aujourd'hui quelques considérations sur l'électrisation statique et sur son action thérapeutique dans certains états morbides. Avant d'entrer dans les détails, je crois utile de rappeler à votre mémoire certains faits très généraux de physique, qui dominent la question.
I.
L'électricité, comme vous le savez, est une, quel que soit l'appareil mis en jeu pour l'engendrer ; on lui reconnaît toujours deux attributs fondamentaux : 1° la quantité, 2° la tension. C'est la prédominance relative de l'un ou de l'autre de
1. Conférence faite à l'hospice de la Salpêtrière le 2G décembre 1880, résumée par le Dr Vigouroux, dans la Revue de médecine, 1881, n° 2.
ces attributs qui donnent leur aspect spécial aux. diverses manifestations de l'électricité. À ce point de vue, les divers appareils générateurs d'électricité peuvent être divisés en trois groupes :
1° Appareils produisant l'électricité de haute tension, mais en faible quantité : le type de ce groupe est la machine électrique ;
2° Appareils produisant l'électricité en grande quantité. mais à faible tension. Ce groupe est présenté par la pile vol-taïque ;
3° Le troisième groupe peut être considéré connue intermédiaire aux deux précédents : il comprend les appareils d'induction, dont font partie nos appareils faradiques ; tension assez forte ; quantité relativement grande.
Je vais maintenant faire exécuter sous vos yeux quelques expériences très simples et très vulgaires, mais propres à mettre en relief les différences que je viens de signaler. Pour plus de simplicité, nous comparerons seulement les deux types extrêmes : la pile d'un côté, la machine électrique de l'autre.
\Tt Exp. — A. Un électroscope à feuille d'or est mis en rapport avec un des pôles d'une pile médicale ordinaire : vous voyez, par l'image des feuilles d'or projetée sur cet écran, qu'il ne se produit pas d'écartement sensible. L'écartement ne devient appréciable que si nous employons une pile de Zaboni de 1.500 ou 2.000 couples. Donc la tension de la pile est très faible. Je n'ai pas à vous rappeler que la tension est indiquée et mesurée par l'action électroscopique.
B. On approche de l'électroscope un morceau de caoutchouc durci, légèrement frotté : les feuilles divergent brusquement, et leur écartement persiste tant que le caoutchouc n'est pas éloigné. La machine électrique est trop puissante
pour qu'on la laisse agir directement sur l'électroscope. Elle en ferait voler les feuilles avec une telle violence que l'instrument serait mis hors d'usage. Du reste, son effet sur l'écar-tement des feuilles d'or est déjà considérable à une distance de plusieurs mètres. Sa tension est donc énorme relativement à celle de la pile.
IIe Exp. — Un voltamètre est projeté sur l'écran (c'est un vase de verre contenant de l'eau acidulée et dans les parois duquel pénètrent, en regard l'un de l'autre, deux fils de platine).
a) On fait communiquer les deux fils du voltamètre avec les pôles d'une pile de deux éléments, aussitôt commence la décomposition de l'eau ; vous voyez avec quelle activité elle se poursuit. Cette action chimique électrolytique dépend absolument de la quantité d'électricité.
b) Au lieu de la pile, mettons les conducteurs de la machine en connexion avec le voltamètre ; il n'y a plus d'action chimique appréciable.
c) Les effets thermiques donnent une autre manière d'apprécier la quantité. Ce fil de fer très fin long de 50 centimètres, est placé dans le circuit d'une pile de soixante éléments Bunsen. Il est de suite porté au rouge, fondu et vola-tisé.
La pile de Zamboni, une des piles sèches les plus employées, se compose de rondelles de papier sur chacune desquelles on a collé une feuille d'étain d'un côté et du peroxyde de manganèse en poudre de l'autre. Ces rondelles sont disposées en pile, de telle façon que toutes les faces couvertes d'étain soient tournées vers la même extrémité. La pile se termine donc d'un côté par une surface de peroxyde de manganèse. C'est celui-ci qui représente le pôle positif. Cette pile a une
action chimique très faible, car elle n'a d'autre liquide que celui qu'elle emprunte à l'atmosphère. En revanche la tension est très considérable, en raison du grand nombre de couples qu'on réunit sous un petit volume. Cette tension est assez grande pour produire des effets mécaniques utilisés dans certains petits appareils de physique : son usage le plus important est de donner une charge constante ? à certains électro-mètres tels que celui de Bolmenberger. Sa durée presque indéfinie la rend très précieuse pour cet objet. Nous avons mis à profit la tension pour produire des effets physiologiques (aesthésiogéniques) analogues à ceux de l'aimant et de la machine. Elle mériterait d'être employée en thérapeutique.
d) Un fil semblable mis en communication avec les deux pôles de la machine ne présente pas d'échauffeinent sensible.
Nous pourrions continuer cette comparaison de bien d'autres manières, vous montrer, par exemple, que l'action magnétisante (due à la quantité) est très grande pour le courant galvanique dont la déviation de l'aiguille aimantée accuse la moindre trace ; qu'elle est presque nulle au contraire pour le courant de la machine électrique.
Je me bornerai à vous signaler l'énorme différence qui distingue la décharge dans l'air de la pile de celle de la machine. Une machine électrique, comme celle que vous avez sous les yeux (1), donne facilement une étincelle de vingt et même trente centimètres. Vous voyez qu'il suffit de quelques tours du plateau pour obtenir une série d'étincelles de cette longueur. Avec les piles, du moins avec celles dont nous pouvons généralement disposer, nous n'observons rien de semblable. En effet, on a calculé (J. W. Tompson) que pour avoir, par le moyen de la pile, une étincelle d'un centimètre,
li Machine'de lloltz-Carré modifiée»
il faudrait réunir en série 38.600 éléments. Par contre, Faraday a trouvé que pour décomposer six centigrammes d'eau (ce qui est effectué aisément par deux éléments) il faudrait 800.000 décharges de la grande batterie de Leyde de l'Institution royale à Londres, lequel nombre de décharges sommées équivaudrait à un coup de foudre (1).
Voilà donc, messieurs, des différences capitales entre les divers appareils, relativement au mode de l'électricité qu'ils produisent. 11 était impossible de ne pas supposer, h priori, qu'il doit y avoir des différences correspondantes dans leur action physiologique et thérapeutique. De fait, nous savons déjà que dans certaines lésions des nerfs ou de leurs centres trophiques, le courant galvanique provoque la contraction du muscle et môme plus énergïquement que dans l'état normal, alors qu'il est impossible d'obtenir cette contraction avec le courant faradique, au moins dans l'exploration faite chez l'homme à travers le tégument externe.
D'un autre côté, un courant galvanique môme faible a sur les organes des sens une action tout autre et en tout cas beaucoup plus énergique que la décharge sous forme d'étincelle (saveur métallique, réaction opto-galvanique, etc.) Il y a bien d'autres différences à signaler ; j'aurai occasion de les relever chemin faisant.
II.
Actuellement, après avoir montré que, parmi les générateurs d'électricité, la machine électrique mérite vraiment une place à part, je vais appeler votre attention sur quelques-
1. Faraday. — Expérimental Researches in Elecricily,n)S 360 à 453.— Tyndill Notes of a course of Lectures on Electricity.
uns des effets physiologiques et thérapeutiques de cet appareil.
Un mot, d'abord, sur l'opinion des modernes relativement à la valeur de l'électricité statique en physiologie et en médecine. Duchenne (de Boulogne),MM. Benedikt, Rosenlhal se taisent ou à peu près ; M. Onimus en parle, mais lui est peu favorable.
Cependant, veuillez remarquer que c'est par l'électrisation statique que l'électricité médicale a commencé.
Le temps me manque pour vous en faire en détail l'histoire de ses débuts et des espérances quelle avait fait naître. Je vous engage de lire à ce sujet le beau mémoire de Mauduyt (Mémoires de la Société royale de médecine, 1778). Ce mémoire, qui présente le tableau complet des méthodes employées et des résultats obtenus à cette épocpie, est en même temps le dernier travail important publié sur l'électrisation statique. Bientôt survient la découverte de la pile, et toute l'attention des médecins se tourna de ce côté. Depuis lors, la galvanisation et la faradisation successivement d'abord, et dans ses derniers temps simultanément, ont seules représenté les applications médicales de l'électricité.
L'ancienne électricité statique était, on peut le dire, tombée dans l'oubli ou même le dédain le plus absolu. On lui reprochait sans doute d'être trop simple et un peu grossière.
Je n'ignore pas cependant qu'on aurait pu la retrouver dans la pratique privée de quelques médecins, soif en France, soit à l'étranger ; mais ce n'étaient là que des faits individuels en quelque sorte, sans retentissement, n'ayant donné lieu d'ailleurs à aucune publication régulière.
Les essais que je vais vous faire connaître, bien qu'il ne s'agisse que d'une reconnaissance, d'une restauration, peuvent donc prétendre à une certaine originalité. Voici d'ailleurs, en deux mots, comment la machine électrique a fait
son apparition à la Salpêtrière. Il y a environ quatre ans, nous poursuivions ici une série d'expériences relatives aux applications métalliques de M. Burq, et nous cherchions si d'autres agent;, physiques pouvaient donner lieu aux mêmes phénomènes que les plaques de métal. Le docteur B. Vigouroux, qui s'occupait déjà à cette époque d'électrothérapie dans mon service, eut la pensée que l'électricité de haute tension, celle fournie par la machine électrique, devait donner au plus haut degré les clîels cherchés. Il était du reste guidé par des vues théoriques qu'il a exposées dans diverses publications (1). Vous allez pouvoir constater, par les détails dans lesquels je vais entrer, que cette prévision s'est pleinement \Térifiée.
J'engageai, avec l'agrément de l'administration, M. R. Vigouroux à établir dans le service, une machine électrique. Depuis lors, notre matériel d'électrothérapie (car, bien entendu, nous n'avons pas renoncé pour cela aux méthodes déjà en usage), sans cesse amélioré par ses soins, a été de la plus grande utilité, tant pour les malades de l'hospice que pour ceux du dehors. Je suis heureux de reconnaître que si, comme cela est probable, l'éleclrisation statique est réintégrée défmiuVe-ment dans la thérapeutique, ce résultat sera dû, en grande partie, aux efforts persévérants de M. B. Vigouroux.
Je passe à la description de la machine dont nous faisons actuellement usage et qui va nous servir à électriser quelques malades devant vous.
Les machines existantes ne convenaient pas tout à fait à notre but, nous n'avons pas tardé à le reconnaître. La machine de Ramsden, à grand plateau unique, dont se servait Mauduyt, est faible, relativement à ses dimensions. Elle est trop sensible aux variations atmosphériques et souvent d'une mise en train difficile.
1. Société de biologie, 1877-1878 et Gaz. médicale, 1878, etc.
Celle de Holtz, qu'on trouve maintenant dans tous les cabinets de physique, est excellente pour les physiciens; mais elle donne trop de quantité, elle est par suite, l'expérience nous l'a démontré, trop excitante pour la plupart des sujets névropathiques. Nous l'employons cependant, mais dans certaines affections afoniques, certains cas de rhumatisme chroniques par exemple.
La machine de Carré, que vous connaissez également, nous donne au contraire trop de tension relativement à la quantité.
Apres de longs tâtonnements, IL R. Vigouroux s'est arrêté aune disposition qui réunit les deux types Holtz et Carré; c'est une machine de ce genre qui va fonctionner devant vous ; elle nous a paru s'adapter au plus grand nombre de cas ressortissant aux affections du système nerveux que nous avons habituellement à traiter.
La théorie de l'ancienne machine, à plateau cle verre unique, est des plus simples : le plateau est électrisé par son frottement entre des coussins ; il se charge d'électricité positive. Un gros cylindre de cuivre, premier conducteur, est muni d'un prolongement armé de pointes (peigne), qui arrivent à proximité du plateau ; ce conducteur est donc électrisé par influence, et par conséquent positivement. Lemalade placé sur un tabouret isolant, est mis en communication avec ce conducteur, dont il partage l'état électrique. Quant à l'électricité négative des coussins ou frottoirs, on la fait s'écouler dans le sol au moyen d'une chaînette.
Dans notre machine Holtz-Carré, les choses se compliquent un peu. Nous avons d'abord, comme dans la précédente, un plateau de verre frotté par des coussins et qui s'électrise positivement. A proximité de ce plateau de verre et dans un plan parallèle tourne avec une très grande rapidité un plateau de caoutchouc durci, de plus grand diamètre. Contre ce caoutchouc qui le sépare du verre,1 se présente un peigne
communiquant avec le sol. Ce peigne est électrisé par influence par le plateau de verre en rotation ; son électricité positive passe dans le sol, et de ses pointes se dégage de l'électricité négative, qui. se fixe sur le plateau de caoutchouc. Celui-ci, tournant, entraîne l'électricité négative, qui, après une demi-révolution, arrive en face d'un second peigne placé sur une ligne horizontale, symétriquement au premier. Là se passe encore un phénomène d'induction ou d'influence (pour parler le langage usité en France), mais il est inverse du précédent. Le peigne est électrisé négativement ainsi que le conducteur dont il fait partie, et l'électricité positive qui s'échappe de ses pointes se dépose sur le disque de caoutchouc. Puis, ce mouvement de rotation continuant, cette électricité positive se trouve portée en face du premier peigne, dont l'électricité de signe opposé la neutralise. Quand la machine marche, la moitié supérieure du plateau de caoutchouc, en allant du premier peigne au second, est négative ; la moitié inférieure, entre le second peigne et le premier, est positive. Si l'on observe ces peignes dans le demi-jour ou mieux dans l'obscurité, pendant que la machine fonctionne, on reconnaît de suite le genre d'électricité qu'ils fournissent : l'un émet des pinceaux de lumière bleu violet, largement étalés : c'est l'électricité positive ; les pointes de l'autre ne portent que des étoiles sans radiation qui caractérisent la négative.
line tige attachée au conducteur le met en communication avec le malade. Celui-ci est donc électrisé négativement, du moins dans la disposition que je viens de décrire. Mais rien n'est plus facile que de l'électriser positivement; il suffit de mettre le second peigne en communication avec le sol et d'attacher le conducteur au premier peigne.
J'ai omis à dessein, pour ne pas surcharger la description, de vous parler d'un troisième plateau; celui-ci est fixe; il est
placé entre les deux autres et parallèlement. 11 est identiquement le môme que le plateau fenêtre des machines de Holtz et sert aussi à renforcer l'induction.
M. R. Vigouroux a encore ajouté à cette machine certains compléments qui la rendent plus utile :
1° Elle est renfermée dans une cage vitrée ; cela permet de la maintenir dans une atmosphère sèche par tous les temps ;
2° La rotation de la machine est effectuée par un moteur mécanique. Nous employons ici le moteur à gaz de Rischop; il nous est très utile pour les longues séances, où le travail d'un aide serait tout à fait insuffisant. Ce système devient surtout indispensable s'il s'agit de pratiquer l'électrisation sur une grande échelle, comme celasefa.it dans le service;
3° Plusieurs grands tabourets isolants, juxtaposés, peuvent recevoir un certain nombre de malades qui sont électrisés simultanément. Grâce à ce moyen, M. R. Vigouroux a pu instituer dans mon service, depuis trois ans environ, un traitement électrique régulier, auquel sont soumis en moyenne 50 malades par séance, sans préjudice de la faradisation etdela galvanisation ordinaires. J'insiste sur ce fait, messieurs, parce qu'il y a peut-être dans ce simple détail, le bain électrique, ou l'électrisation simultanée, la possibilité de satisfaire un desideratum senti par tout le monde, à savoir un plus large et plus méthodique emploi de l'électricité dans le traitement des indigents. Mais c'est un sujet qui mérite d'être étudié à part; j'aurai sans cloute l'occasion d'y revenir une autre fois (1).
Maintenant on met la machine en marche; il suffit pour cela d'allumer un jet de gaz qui actionne le moteur. Un
1. La machine est aussi munie de condensateurs, dont la communication avec elle ou entre eux est facilement établie ou interrompue, de cylindres collecteurs, etc.
électromèlre à double répulsion de Snow-Harris nous donne, avec une exactitude suffisante pour la pratique, la mesure de la tension. Sa quantité nous est indiquée par la rapidité des décharges d'un électromètre de Lane. Je ne dois pas oublier de vous dire, messieurs, que la machine, ainsi que ses accessoires, sort des ateliers de M. Andriveau, qui a apporté dans sa construction beaucoup de science et de zèle.
Je vais faire passer devant vos yeux, avant de terminer cette partie de la leçon quelques projections de gravures empruntées à divers ouvrages du siècle dernier (l'abbé Nollet, Sigaud de Lafond, Mauduyt, etc). Ce sera comme l'historique illustré des transformations subies par les appareils d'électricité médicale, depuis l'origine, \rers 1740, jusqu'au délaissement de l'électricité statique à la fin du siècle.
III.
Après ces préliminaires, nous faisons monter sur les tabourets quatre malades hystériques : 1° P. In... C'est cette malade que je vous ai montrée il y a deux ans et que nous avions guérie d'une contracture hystérique par la méthode du transfert. Une récidive s'est produite il y a quelques mois, et In... est venue reprendre son traitement; 2° Par... Hémianesthésie gauche ; pas d'achromatopsie. 3° Ma... Hémianesthie gauche, avec achromatopsie, sauf pour le rouge. 4° Pil... Anesthésie générale, prédominant à droite, avec achromatopsie de ce coté. Ces malades sont actuellement électrisées ; nous allons voir dans quelques minutes se produire une modification complète de l'état de leur sensibilité. On va suivre les changements qui se manifesteront successivement, en tirant de temps à autre une petite étincelle, en guise de piqûre explo
ratrice. Comme nue vingtaine de minutes sont nécessaires pour que révolution du phénomène soit terminée, je vais employer ce temps à vous donner quelques détails sur les procédés d'électrisation statique.
Œain électru/Uffr — Nos malades, présentement assises sur les tabourets électrisôs, sont dans ce qu'on appelle le bain électrique ou mieux, pour éviter certaines confusions, le hajffé'lectro-sUiUcjyie. Elles font partie en d'autres termes du conducteur, dont elles ont l'état électrique ; elles représentent en somme un simple prolongement d'un des pôles de la machine ; le pôle opposé est prolongé par le sol lui-même, et ces deux prolongements, chargés d'électricité contraires, sont séparée par la couche d'air qui se trouve entre le sol et le tabouret. 11 ne faudrait pas croire, messieurs, comme quelques-uns semblent le faire, que, dans le bain électrique, l'électricité soit en repos. Il y a au contraire une déperdition et un renouvellement constants de l'électricité ; cela est tellement vrai que, si la machine cesse de tourner, le tabouret cesse presque immédiatement de donner des signes d'électricité. Ce mouvement continuel est d'ailleurs attesté de la façon la plus évidente par les décharges consécutives de l'électromôtre de Lane. Ainsi l'électricité s'échappe de tous les points de la surface du corps du malade soumis au bain électrique, principalement par les parties qui font saillie, les cheveux, les plis des vêtements, le bout des doigts, etc. Ce passage de l'électricité donne même lieu à des sensations, telles que picotement général, toile d'araignée flottant sur le visage, vent soufflant sur le bout des doigts. Mais le bain électrique a des effets physiologiques plus importants, bien qu'accusés à des degrés très divers selon les sujets. La pers-piration cutanée est augmentée ; cela n'est peut-être pour la majeure partie qu'un phénomène physique, la répulsion
mutuelle des particules des liquides électrisés (1). La digestion est accélérée, et généralement les malades quittent Je tabouret avec un appétit prononcé. Je passe sur d'autres modifications subjectives, dont l'analyse nous entraînerait trop loin.
En somme, le malade placé dans le bain électrique est le siège, sur toute sa surface, d'une véritable décharge Unie, cl continue ; mais celle-ci peut être localisée et activée par l'emploi des excitateurs. Ce sont des tiges de bois ou de métal que l'opérateur présente au malade. On les munit généralement d'un manche isolant, et une chaînette les fait communiquer avec le sol. L'extrémité qu'on approche du patient est terminée soit par nne pointe, soit par une houle plus ou moins volumineuse, suivant l'effet que l'on veut obtenir. Je ne m'arrête pas pour aujourd'hui à vous décrire les excitateurs de forme spéciale construits en vue de l'électrisation de l'œil, de l'oreille, des muscles, des cavités, etc. Le plus léger de ces effets (mais non le moins efficace au point de vue thérapeutique) est le vent du souffle électrique. On le produit au moyen de l'excitateur à pointes, tenu à 13 ou 20 centimètres (plus ou moins selon la tension de la machine) du malade. La sensation est celle d'un courant d'air frais ou tiède. Si la pointe est approchée à G ou 8 centimètres, on a Vaigretïe, faisceau de fines stries lumineuses, noyées dans une sorte de vapeur bleuâtre qui s'élargit en pinceau en atteignant le corps ; la sensation
1. Ou peut cilcr comme exemple l'expérience de l'arrosoir-élcctrique, due à l'abbé Nollet. De l'eau sort par un jet très lin d'un tube effilé, ou même son écoulement est arrêté par l'adhérence au verre : mais si cette eau est électrisée, ce que l'on obtient en rapprochant simplement du conducteur de la machine, l'écoulement a lieu plus actif et sous la forme de pluie line, comme dans nos' appareils pulvérisateurs. Au siècle dernier, l'expérience se faisait encore d'une façon plus saisissante, dans l'opération de la saignée du bras, lorsque l'ouverture semblait insuffisante pour donner un jet de sang bien détaché, on voyait, en plaçant le malade sur le tabouret électrique, le sang s'élancer avec vigueur en s'éparpillant en gouttelettes.
est analogue à la précédente, mais plus vive, avec addition de piqûres multiples. D'un peu plus près, on aurait de véritables étincelles ; mais pour les obtenir, on se sert de préférence d'un excitateur à boule : plus grosse est la boule, plus forte est l'étincelle. Dans ce cas, le patient éprouve une sorte de piqûre assez douloureuse, accompagnée d'un soubresaut du membre. Si l'on opère sur une partie découverte, on voit le muscle sous-jacent secoué par une brusque contraction. 11 est même très facile de pratiquer au moyen de l'étincelle l'électrisation musculaire localisée, et, à ce propos, je citerai un fait qui peut avoir son importance : dans certains cas de paralysie spinale où des muscles ne répondaient pas aux courants les plus forts de nos appareils faradiques, l'étincelle, avec beaucoup moins de douleur, provoquait de belles contractions. J'ajoute que l'étincelle malgré son aspect un peu effrayant, est tout à fait inoffensive, au moins dans ses effets locaux ; elle laisse simplement sur la peau une rougeur pa-puleuse qui disparaît en quelques heures.
Voyons, maintenant, dans quel état, après vingt minutes environ d'électrisation statique, se trouvent nos quatre malades.
1° In... Vous avez remarqué qu'on a tenu pendant cinq minutes une pointe métallique en regard de son avant-bras droit, celui qui était libre. Je dis : qui était, car ce temps a suffi pour développer une contracture du poignet avec paralysie de la sensibilité et du mouvement de tout le membre supérieur. Vous pouvez constater que cette contracture artificielle ne le cède en rien à l'autre, qui du reste n'est pas considérablement modifiée, sous le rapport de la rigidité. Maintenant, il va falloir une électrisation énergique et prolongée des muscles antagonistes pour ouvrir la main de la malade, et ce ne sera pas avant demain que la liberté des mouvements
sera rétablie. Dans ce cas, le traitement consiste à provoquer le plus fréquemment possible la contracture du côté sain. 11 se fait à chaque fois un transfert incomplet, il est vrai, mais dont la répétition affaiblit et finit par faire disparaître la contracture pathologique. C'est du moins de cette façon que nous avons déjà guéri une première fois cette malade il y a deux ans et demi. C'était la première application thérapeutique du principe du transfert, elle n'est pas restée la seule dans cet ordre de faits.
2° et 3°. Les deux malades Ma... et Par..., qui présentaient une hémianesthésie, sont maintenant en possession de leur sensibilité normale, et Ma... n'a plus d'achromatopsie. Vous avez pu suivre, d'après l'impression qu'elles manifestaient à chacune des étincelles qui leur étaient tirées dans un but d'exploration, la manière dont s'est opéré le retour de la sensibilité. Il n'a pas été complet tout d'abord ; ce n'est qu'après deux ou trois oscillations (1) d'un côté à l'autre que l'hémi-anesthésie a disparu. L'achromatopsie, chez Ma..., a suivi les déplacements de Tanesthésie.
4° Chez Pil..., qui avait une anesthésie générale, le côté gauche, le moins affecté, a commencé par redevenir sensible. Alors, la malade n'offrant plus qu'une hémianesthésie simple, les choses ont marché exactement de la même façon que chez les précédentes, et dans le même espace de temps, de 15 à 20 minutes, Pil... s'est trouvée délivrée de son anesthésie et de son achromatopsie.
C'est à peu près ainsi, messieurs, que les phénomènes se présentent chez la généralité des malades hystériques anes-thésiques ; il y a même jusque dans les moindres détails une uniformité des plus frappantes. 11 existe cependant des cas
1. C'est là le phénomène dit des oscillations consécutives, décrit par M. Charcot. Charcot. Œuv. compl. t. ix, Hypnotisme. 32
exceptionnels que je ne saurais vous énumérer sans prolonger outre mesure cette conférence. Nous avons trouvé aussi de grandes différences individuelles, sous le rapport du temps nécessaire pour l'aclièvement de l'expérience.
Il arrive aussi fréquemment qu'une malade chez laquelle le bain électrique réussit d'habitude se montre, un jour, tout à fait rôfractaire. C'est l'indice précurseur, presque infaillible, d'une crise convulsive très prochaine.
Dans ce qui vient de se passer devant vous, le bain électrique a joué le rôle essentiel. Les petites étincelles tirées des malades, pour l'exploration, n'ont pas eu d'influence appréciable. Nous nous sommes assurés bien souvent que le bain seul suffit. Il est vrai que l'on peut quelquefois hâter l'évolution des phénomènes en employant le souffle électrique.
A l'argument qu'on pourrait produire, et dont on a tant abusé dans ces derniers temps, que tous les phénomènes que vous venez d'observer chez nos malades seraient purement et simplement l'effet d'une action psychique, Yexpectant attention, il nous suffira d'opposer ce fait, maintes fois observé par nous, que le retour de la sensibilité ne se produit pas, alors qu'à l'insu du patient la machine en action n'est pas mise en communication avec le tabouret.
Après être descendues du tabouret, les malades conservent leur sensibilité pendant un temps très variable, en moyenne vingt-quatre heures, quelquefois deux ou trois jours, quelquefois pour toujours. Avec la persistance de la sensibilité coexistent d'autres modifications favorables : humeur plus égale, fonctions digestives plus régulières, et surtout pas d'attaques. Et, ce qui montre bien que la dialhôs© est réellement atténuée chez les malades, c'est qu'elles ne sont plus que très difficilement hypnotisables, tant que l'insensibilité n'a pas reparu, sauf exception.
11 s'agit, en un mot, d'un amendement plus ou moins du
rable et quelquefois définitif. Ceci paraît conforme, vous le voyez, au principe de la métallothérapie externe de M. Burq, que nous n'acceptons pas cependant dans toute sa rigueur: traiter l'anesthésie, c'est traiter la diathèse.
Nous avons déjà obtenu, sans trop les chercher, quelques résultats dans cette direction. Une dizaine de nos malades hystériques, ou hystéro-épileptiques, soumises pendant quelques semaines à l'électrisation statique, ont été délivrées de leurs attaques, et leur guérison ne s'est pas encore démentie, après plusieurs mois. Je pourrais citer quelques faits analogues dont j'ai pris connaissance et qui ont été observés en ville.
Je vous rappellerai, messieurs, qu'il y a dans le traitement de l'hystérie deux parties, deux éléments distincts et du reste également importants :
1° L'élément psychique : changement de milieu moral, éloi-gnement des parents trop faibles et complaisants, séparation des autres hystériques, discipline, hygiène morale et intellectuelle ;
2° L'élément physique : modificateurs généraux, hydrothérapie, balnéothérapie, gymnastique, toniques et reconstituants, etc.
Il est désormais évident que l'électricité statique a droit à une place dans cette série des moyens physiques de traitement. A la vérité, nous sortons à peine, sur cette question, de la période des essais préparatoires ; mais, ce que nous avons observé déjà est fort encourageant, et je me propose de continuer ces études thérapeutiques ; j'espère être en mesure, l'an prochain, à pareille époque, de vous communiquer quelques résultats nouveaux, relativement non-seulement à l'hystérie, mais encore à bien d'autres affections du système nerveux.
Il importe, en effet, de relever, messieurs, que l'électricité
statique, en dehors de l'hystérie, nous a paru apte à rendre de grands services dans une foule d'affections diverses, et môme dans quelques-unes, de ne pouvoir être remplacée par aucun autre agent. Je ne veux pas entreprendre aujourd'hui rénumération de tous les faits que je pourrais citer à l'appui de ma proposition : je me bornerai à quelques exemples. Certains cas de paralysie faciale périphérique sont, vous le savez, difficiles à traiter par la faradisation et la galvanisation, à cause de l'imminence de la contracture. En pareille circonstance, l'électricité statique a plusieurs fois mené la cure à bonne fin, et même, ce qui est fort remarquable, lorsque la contracture existait déjà, elle l'a fait disparaître. Une autre action qui paraît propre à l'électricité statique se voit dans la paralysie agitante. Le souffle, ou de faibles étincelles arrêtent instantanément le tremblement des parties sur lesquelles on les dirige ; la maladie elle-même est favorablement influencée. Malheureusement, en pareil cas, l'amendement n'est que temporaire, il ne saurait s'agir de guérison. Dans certaines né-vropathies, irritations spinales, dyspepsies, dysménorrhées, etc., l'électrisation statique nous a donné des résultats qu'un long traitement par les autres moyens n'avait pu procurer.. Dans l'hémianesthésie cérébrale par lésion organique, elle peut ramener la sensibilité sans transfert, ainsi que le fait d'ailleurs quelquefois l'aimant. Mais, je le répète, messieurs, ne nous hâtons pas, et avant de conclure définitivement, procédons pendant quelque temps encore à une tranquille analyse des faits (1).
Je crois vous en avoir dit assez, messieurs, pour vous
1. Une circonstance à noter dans tout traitement électro-statique est que, de même que cela a été constaté pour la faradisation et la galvanisation, la plupart des alcaloïdes paraissent avoir une fâcheuse influence, lorsqu'ils sont administrés concurremment avec l'électricité; au moins semblent-ils faire échec à ses bons effets.
démontrer, et, c'est le but principal que je me proposais d'atteindre dans cette conférence, que l'électricité statique n'est point un agent à dédaigner et qu'elle méritait vraiment d'être tirée de l'oubli où certains préjugés l'avaient laissée pendant si longtemps.
APPENDICE
Grand et petit hypnotisme.
Par J. Barinski, Ancien chef de clinique à la Salpêtrière.
L'histoire du magnétisme animal et de l'hypnotisme a subi des fortunes diverses.
Longtemps mis en doute, repoussé et ridiculisé par les Corps savants, le magnétisme animal finit par s'imposer sous le nom d'hypnotisme, en 1483. On admit alors qu'il était possible de produire chez certains sujets prédisposés, un état nerveux spécial caractérisé par des contractures, des paralysies, des troubles divers de l'intelligence. Cet état nerveux, décrit avec soin par un médecin anglais, Braicl, fut étudié ensuite par divers médecins français, mais timidement; le monde scientifique restait sur la réserve. C'est en 1878, seulement, grâce à l'initiative de notre maître, M. Charcot, que la question fit un pas décisif; on peut dire que M. Charcot est le premier qui ait donné une démonstration scientifique de l'hypnotisme ; il est de fait, que depuis la publication des travaux de la Salpêtrière, la réalité des symptômes hypnotiques n'est plus mise en doute.
1. Extrait des Archives de Neurologie, n°a 49 et 50.— Nous avons jugé utile de reproduire ici la revue récente de M. le Dr Babinski qui résume l'enseignement de M, Charcot sur divers points de l'hypnotisme (B).
On pouvait prévoir que, par suite de l'essor nouveau donné à ces études curieuses, les savants, les physiologistes, les psychologues, s'y porteraient en grand nombre ; c'est en effet ce qui est arrivé. Les célèbres études de la Salpètrière sont devenues le point de départ d'un mouvement scientifique qui n'est sans doute pas près de s'arrêter.
Seulement, à mesure que les travaux sur l'hypnotisme se sont multipliés, des controverses se sont produites entre les divers observateurs. Celui-ci n'a point observé ce qu'a découvert celui-là. Les sujets de M. un tel n'ont pu produire aucun des résultats qu'on a obtenus sur d'autres sujets.
Rien de plus naturel que ces différences, lorsqu'on sait que les divers expérimentateurs n'emploient ni le même genre de sujets ni le même genre de méthodes. Mais on a cru qu'il était plus simple de se contredire, de nier ce qu'on n'avait pas vu et de n'accorder de l'importance qu'à ce qu'on avait observé soi-même. La France, qui a tant fait pour le développement de l'hypnotisme, a été le principal théâtre de ces controverses et de ces batailles. On a opposé Ecole contre Ecole et nous avons aujourd'hui, suivant le langage des auteurs, une Ecole de Nancy qui est en opposition avec celle de la Salpètrière et qui prend le contre-pied de tout ce que la Salpètrière a affirmé. Ce qui est une vérité à la Salpètrière devient une erreur à Nancy. Ces discassions, faites en général, sans suite, à bâtons rompus, à propos de sujets et avec des expressions qu'on n'a pas eu au préalable le soin de caractériser suffisamment, ont des inconvénients immenses : le principal est d'inspirer au grand public et même aux Corps savants un grand scepticisme à l'égard des faits que l'on voit sans cesse remis en question.
Notre but est principalement de rappeler et de résumer ici, avec autant de clarté possible, l'enseignement traditionnel de la Salpètrière, qu'on a un peu perdu de vue dans les discussions, et de montrer que les faits hypnotiques, que M. Charcot découvrait en 1878 et dont il présentait en 1882 la synthèse à l'Académie des Sciences n'ont, tant s'en faut, rien perdu de leur réalité et de leur valeur.
11 nous semble que les critiques qui ont été faites à l'œuvre de M. Charcot tiennent, en partie au moins, à ce qu'on ne l'a pas suffisamment étudiée et comprise. Aussi, croyons-nous qu'il ne sera pas inutile avant de chercher à établir l'exactitude de la thèse que soutient M. Charcot, d'en faire ressortir les traits essentiels, de bien faire connaître la façon dont on conçoit l'hypnotisme à la Salpêtrière, de rappeler la manière de voir de « Nancy », et, de mettre ainsi en regard les opinions des deux écoles.
En 1878, nous l'avons déjà dit, malgré les travaux de Braid et de ses sucesseurs, le monde scientifique restait encore dans une attitude fort réservée, pour ne pas dire plus. Les choses étaient à ce point, qu'il était devenu nécessaire de démontrer au milieu du scepticisme presque universel, la réalité même de l'hypnotisme, sa réalité matérielle, grossière, si l'on peut ainsi dire. Certes, il fallait un certain courage pour relever une question mal famée et marcher à rencontre de préjugés enracinés.
M. Charcot, éclairé déjà depuis longtemps par nombre d'observations rigoureuses, recueillies dans son service, n'hésita pas. Il comprit, dès l'origine, que si ses devanciers n'avaient pas réussi à convaincre, c'était parce qu'ils avaient commis une faute de méthode ; la plupart s'étaient bornés, en effet, à étudier dans l'hypnotisme ce qu'il y a de plus subtil, de plus délicat, de plus difficilement saisissable, à savoir, les phénomènes intellectuels ; c'était commencer par où il fallait finir. M. Charcot relégua d'abord au second plan les phénomènes psychiques ; il les écarta de parti pris et chercha à mettre premièrement en lumière chez les sujets en expérience, des phénomènes objectifs, c'est-à-dire de ces faits grossiers que tout le monde peut voir et toucher, et qui constituent une preuve matérielle de l'absence de la simulation. Ces signes objectifs de l'hypnose appartiennent au domaine de la motilité.
Passons donc en revue les caractères somatiques les plus importants. Occupons-nous d'abord de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire (1). Cette propriété consiste en ce que, sous l'influence
1. Consulter l'ouvrage : Le magnétisme animal, par Binct et Foré. (Alcan éditeur, 1887), auquel nous empruntons quelques passages. —Consulter aussi
d'une excitation mécanique directe, les muscles de la vie normale se contracturent. Le mode d'excitation est variable : on peut employer le massage, la friction, la pression soit avec la main, soit avec une bande élastique la percussion des tendons, etc. Faisons remarquer à ce propos que les muscles de la face sont, dans l'hypnotisme comme dans l'hystérie, soumis à d'autres lois que les muscles des membres. C'est ainsi que, jusqu'à présent, on n'a jamais pu fournir une observation probante de paralysie flasque de la face dans l'hystérie, tandis que du côté des membres, ces paralysies sont, comme on le sait, très fréquentes.
L'excitation mécanique des troncs nerveux agit sur les muscles tributaires du nerf de la même façon que l'irritation directe de ces muscles. Il en résulte que le membre sur lequel on expérimente prend une attitude caractéristique qui est déterminée par la distribution spéciale des rameaux musculaires du nerf excité. Si, par exemple, on presse dans la gouttière olé-cranienne sur le nerf cubital, on voit aussitôt la main se con-tracturer et prendre l'attitude dite de la griffe cubitale. Cette hyperexcitabilité nerveuse ne peut être simulée, surtout lorsqu'il s'agit d'un sujet qui n'est pas très versé dans l'étude de l'ana-tomie.
La contracture léthargique présente des caractères qui la distinguent nettement d'une contracture volontaire et qui permettent de s'assurer que le sujet ne simule pas. Des expériences de contrôle ont été faites sur des sujets sains et vigoureux, qui prenaient volontairement des attitudes semblables à celle de la contracture léthargique, et voici ce qui résulte de la comparaison. Sous l'influence d'une traction continue, le membre contracture d'un sujet léthargique cède par degrés, comme le membre raidi par la volonté; à ce point de vue, il y a ressemblance parfaite. Mais les tracés myographiques et pneumogra-phiques révèlent des différences fondamentales : chez le simu-
l'article Hypnotisme, par MM. P. Richer et Gilles de la Tonrettc dans le Dictionnaire encyclopédique, des Sciences médicales,
lateur, le tremblement du membre et l'irrégularité de la respiration ne tardent pas a. trahir l'effort volontaire ; chez l'hypnotique le rythme respiratoire ne varie pas et la détente du membre contracture s'opère lentement, sans la moindre secousse.
Etudions maintenant cet autre caractère somatique, la plasticité cataleptique, qui consiste en ce que les membres soulevés ou fléchis par l'observateur ne sont le siège d'aucune résistance et que le sujet garde toutes les attitudes qu'on imprime à ses membres ou à son corps.
On peut distinguer par des procédés graphiques semblables à ceux que nous venons de signaler à propos de la contracture léthargique, la catalepsie légitime de la catalepsie simulée, le simulateur serait-il très versé dans l'étude de l'hypnotisme. Voici comment on procède : on commence, par exemple, par placer le membre supérieur dans l'abduction, de façon à ce qu'il occupe une position horizontale. On applique alors un tambour à réaction à l'extrémité du membre étendu qui servira à enregistrer les moindres oscillations de ce membre, pendant qu'un pneumographe fixé sur la poitrine donnera la courbe des mouvements respiratoires. Or, chez le cataleptique, pendant toute la durée de l'observation, la plume qui correspond au membre étendu trace une ligne droite parfaitement régulière, tandis que chez le simulateur, le tracé semblable d'abord à celui du cataleptique, se modifie au bout de quelques minutes; la ligne droite se change en une ligne brisée, très accidentée, marquée par instants de grandes oscillations disposées en série.
Il existe des différences analogues en ce qui concerne les tracés pneumographiques. Chez le cataleptique, la respiration est rare et superficielle et la fin clu tracé ressemble au commencement, tandis que chez le simulateur, la respiration, régulière au début, présente dans la phase qui correspond aux indices de la fatigue musculaire notés sur le tracé du membre, un rythme irrégulier et on constate de profondes et rapides dépressions, signes clu trouble de la respiration qui accompagne le phénomène de l'effort.
Abordons enfin l'étude du troisième caractère somatique l'hyperexcitabilité cutano-musculaire. Elle consiste en ce que, sous l'influence de très légères excitations superficielles, comme le frôlement, le souffle buccal ou l'agitation de la main à distance, produisant un léger courant d'air, on provoque une contracture des muscles soumis à cette action. Cette contracture, dite somnambulique, ne pourrait du reste, pas plus que la contracture léthargique être simulée, et les preuves que nous avons fournies à propos de cette dernière, pour démontrer l'impossibilité de la simulation, s'appliquent aussi bien à la contracture somnambulique.
En même temps que M. Charcot relevait l'évidence de ces précieux symptômes, il constatait que chez les sujets qu'il avait sous les yeux, les phénomènes hynoptiques pouvaient affecter dans certains cas un groupement spécial en trois états distincts. Nous ne pouvons mieux faire que de reproduire les principaux passages de la communication que M. Charcot a faite à ce sujet à l'Académie (1).
[Cette communication se trouve in extenso dans le présent volume à la page 299 où nous prions le lecteur de bien vouloir se reporter.]
Ajoutons encore, reprend M. Babinski, qu'il est possible de développer une hémicatalepsie, une hémi-léthargie et un hémi-somnambulisme. Il suffit, par exemple, chez un sujet en catalepsie, de fermer un œil pour voirie côté du. corps correspondant à cet œil prendre les caractères de la léthargie, tandis que le côté opposé, qui correspond à l'œil ouvert, conserve les propriétés de la catalepsie.
L'hypnotisme caractérisé par les trois états que nous venons de décrire, constitue ce que M. Charcot appelle le Grand hypnotisme.
1. Comptes rendus de VAcadémie des sciences, 1882;
M. Charcot, dans sa description, a laissé de côté, à dessein, les formes frustes, les états mixtes, pensant qu'il était préférable de s'arrêter tout d'abord aux types réguliers, avant d'étudier les formes mal dessinées, M. Charcot ne rejette donc pas, tant s'en faut, les autres formes de l'hypnose. C'est ce dont on peut se convaincre par l'exposé qu'a donné son élève, M. Richer, des formes frustes de l'hypnotisme. Il reconnaît même que le grand hypnotisme, s'il répond au type parfait, représente cependant une forme rare. L'importance qu'il lui accorde tient donc exclusivement à ce que les caractères les plus essentiels du sommeil hypnotique s'y trouvent dissociés, et peuvent, par conséquent, être étudiés séparément d'une façon plus précise. Le grand hypnotisme constitue donc pour notre maître, nous le répétons, la forme la plus parfaite, la forme type de l'hypnotisme, et c'est elle qui doit servir de point de départ aux études sur ce sujet.
Le grand hypnotisme peut se présenter dans son état de complet développement dès la première tentative d'hypnotisation faite sur un sujet absolument neuf, et l'on peut dire que dès la première épreuve, on peut décider si un sujet sera apte ou non à présenter les phénomènes du grand hypnotisme ; mais, même dans ce cas, les caractères énumérés plus haut ne sont pas toujours aussi accentués au début, qu'ils le seront après la répétition d'un certain nombre d'expériences.
C'est ainsi par exemple, que le développement de la contracture léthargique peut nécessiter au commencement une pression des masses musculaires énergique et prolongée pendant quelque temps, tandis que chez un sujet entraîné, l'apparition de ce phénomène, sous l'influence de la même manœuvre, est instantanée. Si, chez le sujet vierge, que nous supposons dans la léthargie, on presse sur le nerf cubital, on ne constatera peut-être clu côté delà main que l'esquisse, en quelque sorte, de la griffe cubitale qui se dessinera de plus en plus lorsque l'expérience sera plus souvent renouvelée. Dans la catalepsie, les membres soulevés et placés dans des attitudes diverses ne gardent souvent tout d'abord, dans les premières expériences, qu'un temps très
limité, la position qu'on leur donne. L'harmonie qui s'établit entre l'attitude corporelle qu'on l'ait prendre au sujet pendant la catalepsie, et l'expression de la physionomie, n'est pas non plus au début aussi frappante qu'elle le sera plus tard. Ce que nous disons des caractères somatiques s'applique aussi aux phénomènes psychiques ; les malades peuvent être au début très peu impressionnables à la suggestion. En un mot, les sujets se perfectionnent avec l'exercice.
Dans d'autres cas, le grand état ne se constitue dans ses trois états qu'après un certain nombre d'expériences. Le mode de transition entre le petit et le grand hypnotisme peut être progressif ou brusque. Nous allons montrer par quelques exemples comment la transformation peut s'opérer.
Mais auparavant, nous devons indiquer les formes les plus importantes cle l'hypnose dans lesquelles on ne trouve pas la division en trois périodes. — Un ou deux des trois états peuvent manquer, d'où plusieurs variétés possibles ; la catalepsie est, dans cette forme, la période qui nous paraît manquer le plus souvent. — Dans d'autres cas, les trois périodes se confondent, et alors, tantôt les caractères somatiques et psychiques des trois périodes se trouvent réunis, tantôt on ne constate la présence que d'un ou de deux de ces caractères. — Deux périodes, les périodes léthargique et somnambulique, peuvent être confondues, tandis que la catalepsie conserve les caractères qui lui sont propres. — M. Pitres a décrit une déviation dans laquelle il a observé l'état cataleptoïcle, les yeux fermés (1).
Toutes ces formes que nous venons cle signaler et qui constituent une partie des éléments du petit hypnotisme se rapprochent du grand hypnotisme par la présence d'un ou de plusieurs caractères somatiques et parce qu'elles s'observent, sinon exclusivement, du moins dans l'immense majorité des cas, chez des hystériques.
Ces diverses formes du petit hypnotisme peuvent, comme
1. Consulter, Sur les formes frustes, qui forment la transition entre le grand et le petit hypnotisme, Richer.
nous l'avons dit précédemment, se modifier suivant telle ou telle circonstance et se convertir en la forme type.
La transformation peut être progressive. Voici, par exemple, un sujet chez lequel les trois périodes sont confondues pendant un ce.-tain temps. À un moment donné, on remarque une tendance à la formation de périodes distinctes ; lorsque les yeux sont fermés, la contracture léthargique se développe plus faci-ment que la contracture somnambulique et la plasticité cataleptique; inversement, lorsque les yeux sont ouverts, cette dernière propriété est plus apparente que les autres. On voit ainsi petit à petit la division s'accentuer et le grand hypnotisme se constituer.
Le transformation est parfois brusque. Voici un exemple de cette transformation que nous avons observée chez une malade de la Salpêtrière. G., âgée de 16 ans, entre à la Salpêtrière dans le service de M. Charcot, au mois de Juin 1885. Elle présente tous les stigmates de l'hystérie (hémianesthésie sensitivo-sensorielle, rétrécissement du champ visuel, points hystéro-gênes, grandes attaques). On cherche à l'hypnotiser par la pression sur les yeux ; la malade s'endort en léthargie, et présente tous les caractères de cet état. On cherche alors, en lui ouvrant les yeux à la faire passer en catalepsie, mais on ne peut y réusir. La pression sur le vertex fait passer la malade de la léthargie en somnambulisme, et on constate toutes les propriétés inhérentes à cet état. La malade reste ainsi dix-huit mois à la Salpêtrière et, pendant cette période, on essaie à maintes reprises de développer la catalepsie par l'ouverture des yeux lorsque la malade est en léthargie. Peine inutile. Un jour, la malade était occupée à faire de la couture ; elle n'avait pas été depuis quelque temps soumise à des expériences. Uu bruit violent produit par un coup de tam-tam dans une pièce voisine et auquel elle ne pouvait s'attendre, détermina immédiatement chez elle l'état cataleptique. Depuis cette époque, l'état cataleptique a pris définitivement piace dans la série des phases hypnotiques.
La présence de divers signes physiques est donc, comme nous venons de le dire, un caractère qui est commun à la forme type
Charcot. OEuv. compl. t. ix, Hypnotisme. 33
et aux formes frustes que nous avons étudiées jusqu'à présent; elle aune importance fondamentale.
Nous devons pourtant faire observer que, dans certaines circonstances, ces stigmates peuvent momentanément disparaître. C'est ainsi que, d'après MM. Tamburini et Seppiii, on peut supprimer l'excitabilité neuro-musculaire dans un membre par l'application d'eau ou de glace. Nous avons observé de notre côté que, chez certaines grandes hypnotiques, quand on provoque par suggestion le développement d'une paralysie flaccide dans un membre, on lui fait perdre, pendant la durée de cette paralysie, toutes les propriétés somatiques, qui persistent dans toutes les autres parties du corps.
Outre les formes de l'hypnose que nous venons de passer en revue, il en existe encore d'autres, dont on peut augmenter ou diminuer le nombre, suivant qu'on attache plus ou moins d'importance à telle ou telle particularité, mais qui se distinguent toutes par un caractère commun, l'absence de phénomènes somatiques. Le petit hypnotisme comprend donc deux catégories de sujets bien distinctes : à l'une appartiennent ceux qui présentent des caractères somatiques, à l'autre ceux qui en sont privés. Ces derniers peuvent être des hystériques, mais l'absence de tout stigmate de cette névrose est chez eux assez fréquente.
Les phénomènes psychiques qu'on observe chez ces sujets sont quelquefois aussi accentués que chez les hypnotiques qui présentent des propriétés somatiques; ces sujets paraissent ètreparfois aussiimpressionnables àlasuggestion que les grands hypnotiques. Mais chez d'autres, le plus souvent, d'après notre expérience personnelle, les caractères psychiques, toujours très accusés dans le grand hypnotisme, restent ici plus ou moins elfacés, et on arrive par degrés à des variétés tellement frustes, qu'on peut se demander, en présence de chaque cas, s'il s'agit du sommeil hypnotique, du sommeil naturel, ou encore du sommeil simulé.
L'aspect sous lequel se présente l'état hypnotique est donc variable, et il y a lieu de reconnaître l'existence d'une série d'états Intermédiaires entre la forme type et la forme la plus effacée.
Nous rappellerons encore que l'hypnotisme est considéré à la Salpêtrière comme un véritable état pathologique, comme une névrose artificielle, qu'on peut à beaucoup de points de vue comparer à l'attaque hystérique. De même que diverses formes convulsives ou psychiques peuvent être rattachées au type de la grande attaque d'hystéro-épilepsie, de même les diverses variétés de l'hypnotisme peuvent être reliées au grand hypnotisme.
Dans l'attaque d'hysteria major, il existe plusieurs périodes distinctes comme dans le grand hypnotisme. — Les attaques d'hystérie peuvent dévier du type normal par l'absence d'une ou plusieurs périodes ou par la confusion de deux périodes. N'est-ce pas ce que nous avons vu à propos de l'hypnotisme? Tous les caractères somatiques de l'attaque hystérique, contractures, mouvements convulsifs, grands mouvements, etc., peuvent faire défaut. L'attaque est constituée exclusivement par des troubles psychiques. L'analogie avec l'hypnotisme se poursuit comme on le voit. — Enfin, on observe parfois chez certains hystériques, quelques phénomènes psychiques très vagues, accès de colère, accès de rire, de larmes, qui peuvent être considérés comme des formes effacées de l'attaque hystérique. Ces cas correspondent aux variétés les plus frustes de l'hypnose.
Cherchons maintenant à résumer ce que nous venons de dire, et à mettre en lumière les traits fondamentaux de la conception de M. Charcot sur l'hypnotisme. Sa doctrine est contenue, croyons-nous, dans les propositions suivantes :
1° Les caractères somatiques qu'on observe chez certains sujets dans l'hypnotisme ont une importance fondamentale, car ils permettent seuls d'affirmer légitimement l'absence de simulation. On comprend, du reste, l'importance majeure de ces caractères, lorsqu'il s'agit d'établir scientifiquement la réalité des phénomènes observés, ou encore lorsqu'on entreprend d'obtenir expérimentalement chez un sujet donné des résultats sur lesquels on puisse compter*
2° Les phénomènes hypnotiques peuvent affecter un groupe
ment spécial en trois états distincts. C'est là la forme la plus parfaite de l'hypnotisme, celle qu'on doit prendre pour type, et à laquelle on propose de donner le nom de grand hypnotisme.
3° Aux deux propositions précédentes s'en rattache une troisième, sur laquelle nous insisterons longuement dans la suite de ce travail, dont elle formera même la partie essentielle, et qui consiste en ce que les propriétés somatiques de l'hypnotisme et le grand hynoptisme peuvent se développer indépendamment de toute suggestion.
•4° L'hypnotisme doit être considéré dans ses formes les plus parfaites comme un état pathologique.
Nous devons maintenant exposer la manière de voir de l'école de Nancy (1), ce qui ne nécessite pas du reste de longs développements, car elle consiste essentiellement à nier tout ce qu'on affirme à Paris,
M. Bernheim refuse de prendre pour type de l'hypnotisme le grand hypnotisme qui est, dit-il, une création purement artificielle. 11 n'attribue aucune importance à l'existence des phénomènes somatiques qui ne sont, pour lui, que l'œuvre de la suggestion. Il ne fait que mentionner la contracture et la plasticité cataleptiques, sans en indiquer les caractères si précis et si particuliers que nous avons signalés plus haut. Il considère l'hypnose « comme une propriété physiologique plutôt que pathologique. » Il ne faudrait pas croire (2) que les sujets impressionnés soient tous des névropathes, des cerveaux faibles, des hystériques, des femmes; la plupart de mes observations se rapportent à des hommes que j'ai choisis à dessein pour répondre à cette objection. Pour M. Bernheim, la suggestion est la clef de toutes les manifestations de l'hypnotisme. « Ce sera, dit M. Bernheim (3), une chose curieuse dans l'histoire de l'hypnotisme que de voir tant d'esprits distingués égarés par une première conception erronée,
1. Voir l'ouvrage de M. Bernheim : De la suggestion el de ses applications à la thérapeutique.
2. Loco citato, p. 55.
3. Loco citato, p, 96.
conduits à une série d'erreurs singulières qui no leur permettent plus de reconnaître la vérité. Erreurs fâcheuses, car elles entravent le progrès, en obscurcissant une question si simple en elle-même et oîi tout s'explique, quand on sait que la suggestion est la clef des phénomènes hypnotiques. »
L'Ecole de Nancy conteste donc d'une façon absolue l'exactitude des diverses affirmations de l'Ecole de la Salpêtrière.
Après avoir exposé sommairement les doctrines des deux écoles, nous devons maintenant chercher à mettre en lumière les arguments que M. Charcot et ses élèves font valoir en faveur de la thèse qu'ils soutiennent, et essayer de démontrer que, malgré tant de contradictions, l'œuvre de M. Charcot reste absolument intacte et inébranlable. Nous allons passer en revue les diverses propositions qui constituent les fondements de cet édifice.
L'importance attibuée à la présence des phénomènes somatiques est peut-être le caractère essentiel de la thèse que nous soutenons. Nous avons vu, en effet, que ces phénomènes somatiques ne pouvaient être simulés ; c'est là une vérité admise aujourd'hui sans conteste par tous ceux qui se sont livrés à ces études ; c'est cette preuve matérielle de l'absence de la simulation qui a ébranlé le scepticisme qui régnait autrefois dans le monde médical à l'égard du magnétisme animal, et qui a permis à l'hypnotisme, si longtemps repoussé par les savants, d'entrer définitivement dans le domaine de la science. M. Bernheim ne conteste pas non plus l'existence de ces phénomènes, mais, dit-il, ils ne sont que l'œuvre de la suggestion: pour ce motif, ils lui paraissent sans importance et ne méritent pas d'arrêter longtemps F attention.
Accordons pour le moment à M. Bernheim que les phénomènes somatiques ne puissent se manifester que sous l'influence de la suggestion. Perdent-ils pour cela toute leur importance fondamentale ? En aucune façon, car ils constituent, même dans cette hypothèse,untémoignage de la sincérité des sujets auxquels on s'adresse, tandis qu'en leur absence, il est souvent impossible de pouvoir être absolument fixé à cet égard. Si nous prenons,
par exemple, un sujet qui présente cet état de torpeur qui caractérise le premier degré de M. Liébault et qui consiste simplement dans un engourdissement plus ou moins prononcé, de la pesanteur des paupières, de la somnolence, quelle garantie avons-nous de sa sincérité ? On ne saurait se faire aucune illusion à cet égard ; nous ne possédons vraiment en pareil cas, aucune des garanties réclamées par un observateur scrupuleux: et sévère. Ce n'est pas que nous ayons l'intention de soutenir que les sujets appartenant à cette catégorie soient fatalement des simulateurs ; mais nous prétendons qu'il n'existe pas de preuve rigoureuse de la réalité de leur sommeil, et ce n'est que, parce que nous connaissons des types plus parfaits, que nous sommes portés à admettre la bonne foi d'un grand nombre de ces sujets. Il ne faut pas perdre de vue, que dans cet ordre d'études, en tant surtout qu'il s'agit de recherches scientifiques ou de constatations médico-légales, la question cle preuve reste la question capitale.
Si la réalité de l'état hypnotique est devenue aujourd'hui une vérité incontestable, on peut du moins, dans chaque cas isolé, se demander si un sujet déterminé est réellement endormi d'un sommeil artificiel, et doit, par exemple, bénéficier au point de vue médico-légal de l'immunité que peut lui conférer cet état. Or, comment peut-on démontrer à des juges la réalité d'une suggestion donnée? Evidemment, c'est par la mise en évidence de phénomènes somatiques pouvant tomber sous le contrôle de l'observation. Une hallucination, un rêve, un délire, un phénomène psychique quelconque, ce sont là des faits dont l'existence réelle ne peut être prouvée directement tant qu'ils ne s'accompagnent d'aucun signe extérieur. La réalité, ou pour mieux dire la sincérité des phénomènes psychiques est incontestablement beaucoup plus difficile à établir, et souvent l'expert devra resterdans le doute. Nous accordons très volontiers que si l'hypnotisme fruste, l'hypnotisme auquel on pourrait appliquer bien des fois l'épithète de suspect, peut, au point de vue thérapeutique, donner des résultats favorables, et nous avons nous-même observé qu'il en est parfois ainsi, il y a tout lieu d'en faire bénéficier
les malades qui ne peuvent être amenés à un état d'hypnotisa-tion plus parfait. Mais ces sujets ne nous paraissent pas assez sûrs pour servir à des expériences relatives à des questions de physiologie ou de psychologie. En l'absence de preuve rigoureuse de la réalité du sommeil, les phénomènes psychiques observés doivent être soumis à caution. Il est légitime de suspecter la sincérité de ces sujets, et il est dès lors impossible de tirer des observations faites sur eux aucune conclusion définitive.
Au contraire, quand on se trouve en présence d'un individu dont le sommeil hypnotique est marqué par des caractères so-matiques, on a déjà l'assurance qu'un certain nombre de phénomènes qu'il présente sont réels, qu'il ne s'agit pas d'un sujet quelconque, puisqu'il a des propriétés matérielles spéciales qui le distinguent, qui ne peuvent être simulées, et il y a donc lieu de supposer que les phénomènes psychiques ne sont pas non plus l'œuvre de la simulation (1).
Si la contracture léthargique, si la catalepsie, si la contracture somnambulique étaient, comme le prétend M. Bernheim, un effet de la suggestion, eh bien! le caractère si précis de ces phénomènes prouverait du moins la réalité de cette suggestion. Aussi, quelle que soit l'idée qu'on se fasse de la nature de ces phénomènes, qu'ils soient oui ou non exclusivement susceptibles
1. Nous l'appellerons d'ailleurs à ce sujet qu'on observe chez la plupart des grandes hypnotiques, sinon chez toutes, certains phénomènes relatifs à des hallucinations visuelles qui permettent comme les caractères somatiques d'écarter l'hypothèse de simulation, lorsqu'on obtient des résultats dès la première expérience, comme on l'a observé à la Salpêtrière.
Voici en quoi consistent ces phénomènes :
Si par exemple on présente à un malade en état de suggestion une feuille de papier divisée en deux parties par une ligne, et qu'on lui donne sur une des moitiés l'hallucination du vouge, elle aura sur l'autre moitié la sensation du vert complémentaire (Parhiaud). — On dit à une malade en état de somnambulisme de regarder fixement un carré de papier blanc, et on lui suggère que ce carré de papier est coloré en rouge ou en bleu. Au bout de quelques instants, on retire ce carré de papier et on lui en présente un auxre semblable sur lequel la malade voit la couleur complémentaire de celle qu'on lui a préalablement fait voir par suggestion. S'il s'est agi du rouge, le second carré de papier parait vert.
d'être produits par la suggestion, il nous semble qu'on ne peut en tous cas leur refuser une importance fondamentale.
Abordons maintenant la discussion de la deuxième proposition. Le grand hypnotisme caractérisé par les trois états, léthargie, catalepsie et somnambulisme, n'est pas, disons-nous, une création artificielle. Cette proposition se lie intimement à la suivante, celle qui consiste à dire que les phénomènes somatiques, ainsi que le grand hypnotisme, peuvent se développer chez certains sujets, sous l'influence de certaines manœuvres, sans l'intervention delà suggestion. Avant de chercher à démontrer l'exactitude de cette assertion, nous croyons utile d'entrer dans quelques développements sur ce phénomène de la suggestion dont on veut faire dépendre toutes les manifestations de l'hypnotisme.
Autrefois, nous voulons dire avant 1878, beaucoup niaient l'hypnotisme, et expliquaient purement et simplement tous les phénomènes produits par l'hypothèse commode de la simulation. Depuis les études de la Salpêtrière, on ne parle plus guère de simulation, ou du moins si quelques personnes attardées ou de parti pris se servent encore de cette interprétation simpliste, elle ne font qu'exprimer des opinions isolées et de plus en plus timidement exprimées. On veut soutenir aujourd'hui que tous les phénomènes hypnotiques observés à la Salpêtrière et ailleurs sont réels, mais que ce sont des produits de la suggestion. La suggestion, a-t-on dit, c'est la clef du braidisme. Ainsi, la controverse s'est déplacée ; elle ne porte plus sur ce point capital, à savoir si l'hypnotisme est une réalité ou une jonglerie ; elle porte sur la question de savoir quelle est la cause, quelle est la genèse des phénomènes hypnotiques.
L'assertion que la suggestion est la clef du braidisme a été lancée par l'École de Nancy.
Donc, d'après l'École de Nancy, tous les phénomènes dits hypnotiques seraient le produit de la suggestion. La suggestion est l'acte par lequel l'opérateur impose une idée à son sujet par la parole ou par des gestes ; un phénomène suggéré est
donc un phénomène qui a une cau.-e psychique, qui est précédé par une opération psychique. Tout te monde admet aujourd'hui qu'un grand nombre de phénomènes hypnotiques sont des efïets de la suggestion, et la suggestion dans tous ses détails, a été longuement étudiée par divers expérimentateurs qui appartiennent à l'École de la Salpètrière (i). On sait que par cette méthode, il est possible do donnera un sujet convenablement préparé des hallucinations, des ordres, des rêves, le frapper d'anesthésie et de paralysie. L'étude de la suggestion ouvre à la psychologie des horizons nouveaux en lui fournissant ce qui lui manquait jusqu'ici, une méthode d'expérimentation.
Mais ceux qui ont étudié la suggestion n'ont pas tous été jusqu'à prétendre qu'elle constitue la seule et unique cause de tous les phénomènes présentés par les sujets hypnotisés. Cette thèse appartient à l'École de Nancy et plus particulièrement à M. Bernheim. M. Beaunis, en effet, un des représentants de cette Ecole, a déclaré récemment qu'il était convaincu que la suggestion ne suffît pas à tout expliquer.
La thèse de M. Bernheim a eu beaucoup de succès ; cela nous paraît facile à comprendre. Elle a, par-dessus tout, le mérite de la simplicité. On a dû trouver admirable de ramener à l'unité les causes des faits si nombreux et si divers qu'on réunit sous le nom d'hypnotisme. Ajoutons que cette prétention a été grandement encouragée, par les expériences qui ont été faites dans ces derniers temps sur ce qu'on pouvait appeler les suggestions organiques. On sait aujourd'hui qu'en employant la suggestion sur des sujets appropriés, on obtient des effets tout à fait remarquables ; par exemple, on peut développer une plaie sur une région de peau saine. Il était tout naturel que certains expérimentateurs, frappés par cette puissance de la suggestion, en vinssent à dire que la suggestion explique tout et suffit à tout.
On peut se demander maintenant par suite de quelles expé-1, Voir en particulier Binet et Péré, loco citato.
riences ou de quels raisonnements certains auteurs en sont arrivés à affirmer que la suggestion est la cause unique et suffisante de tous les phénomènes présentés par les hypnotisés. A priori, on pourrait supposer que les partisans de cette théorie possèdent un grand nombre de faits qui en démontrent la vérité. Ce serait cependant une erreur complète. La seule raison invoquée par M. Bernheim consiste à dire et à répéter, sous plusieurs formes différentes, qu'il n'a jamais pu reproduire chez ses sujets, sans le secours de la suggestion, les phénomènes somatiques de contracture, de catalepsie, etc., observés par M, Gharcot et ses élèves.
A cette objection, M. Gharcot et ses élèves se contentent de répondre avec avantage, croyons-nous, que les sujets sur lesquels on opère de part et d'autre étant différents, il n'y pas lieu de s'étonner que les effets soient différents, que les sujets de la Salpêtrière, étant des hystériques, l'hypnotisme de la Salpêtrière est l'hypnotisme des hystériques, et que, dès lors, il est facile de comprendre comment il est possible de produire chez les malades de cette catégorie une série de symptômes caractéristiques qu'on ne retrouve pas chez d'autres sujets.
Quoi qu'il en soit, la thèse de M. Bernheim, nous parait présenter un autre défaut. M. Bernheim, avant de soutenir dans les termes les plus absolus, que la suggestion est la cause réelle de tous les phénomènes braidiques, aurait dû commencer par démontrer que la suggestion peut produire tous ces phénomènes. C'est ce qu'il n'a pas fait. Prenons un exemple. La contracture léthargique provoquée est sans contredit un des faits les plus importants de l'hypnose hystérique.
Si M. Bernheim prétend soutenir que la suggestion peut tout produire, il devrait commencer par démontrer, dans une série d'expériences correctes, qu'il est possible de suggérer à un individu une contracture du type léthargique, présentant les mêmes caractères et surtout la même précision que celle qu'il est si facile de provoquer, par des mancevres purement physiques, chez les grandes hystériques hypnotisables.
Puisque les cas de grand hypnotisme observés à la Salpê
trière sont, suivant M. Bernheim, des cas artificiels, on peut se demander, fait remarquer M. Charcot, pourquoi, ne fut-ce que dans le but de prouver son assertion relative à la toute puissance de la suggestion, M, Bernheim ne se donne pas le plaisir cle créer artificiellement à Nancy des cas semblables.
MM. Binet et Féré ont insisté sur les conditions dans lesquelles il faudrait se placer pour que cette expérience ait une valeur réelle. On commencerait par éliminer tous les sujets présentant, à un degré quelconque à l'état de veille, de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire ou n'importe quel autre stigmate hystérique, caries observations des auteurs précités ont démontré que l'on peut, avec la suggestion seule, provoquer une contracture léthargique chez un sujet hyperexci table ; la suggestion ne fait dans ce cas que renouveler, sous forme d'images, le souvenir de l'excitation cutanée qui a donné lieu une première fois à la contracture. Il faut aussi remarquer que l'élimination des sujets hyperexcitables devait être faite avec un soin et une sévérité tout particuliers. M. Bernheim, en effet, ne paraît guère prendre comme critérium de l'hystérie que la crise, et semble négliger complètement les stigmates permanents, ce qui l'amène nécessairement à considérer comme sains des individus atteints de cette névrose.
L'expérience réussit-elle de la façon la plus complète que M. Bernheim n'aurait pas encore gain de cause. Une fois qu'il serait prouvé que la suggestion peut l'aire tout ce que fait l'excitation périphérique, il resterait à démontrer que la réalité du premier procédé exclut celle du second. C'est ici, il faut bien le remarquer, que la question se complique.
Nous sommes tout disposés à admettre qu'en fait, lorsqu'une personne a été soumise à des manœuvres hypnotiques répétées, elle garde un souvenir de ces manœuvres, et que chaque fois qu'on la soumet à une expérience, elle peut comprendre et par conséquent devancer l'expérimentateur, par un phénomène d'auto-suggestion. On peut dire qu'après quelques expériences du même ordre, la suggestion est toujours là invisible et présente ; souvent le sujet, avec une complaisance d'autant plus remar
quahlo qu'elle est tout automatique, s'applique à deviner les intentions de l'opérateur. Il devient donc absolument impossible, quand les conditions deviennent aussi complexes, de faire la part respective de la suggestion et de l'excitation périphérique. Nous reconnaissons même que chez certains sujets on peut, par la suggestion, amener le développement d'une contracture, alors que les excitations périphériques sont incapables de produire ce résultat. Mais tout cela ne permet pas de conclure que la suggestion est tout, et que l'excitation périphérique ne sert à rien.
C'est aussi par la suggestion qu'il faut expliquer en grande partie comment il se fait que, quelquefois, tous les sujets formés par un même expérimentateur se ressemblent plus ou moins, et se trouvent modelés sur un même type, tandis que ces mêmes sujets diffèrent totalement de ceux qui sont dressés par un autre expérimentateur. L'uniformité des résultats peut être due à l'identité pathologique des sujets, à l'identité de la méthode employée, mais elle est due aussi, en grande partie, à la suggestion inconsciente qu'exerce l'opérateur sur les malades, ou même à la suggestion produite par un malade sur les autres.
Ces faits démontrent la puissance de la suggestion, mais ils ne démontrent nullement, nous le répétons, que la suggestion soit la seule influence capable d'agir sur des hypnotiques.
Admettre une pareille opinion et la soutenir avec la rigueur qu'on y met à Nancy, ce serait, en somme, vouloir prouver que les causes psychiques sont les seuls modificateurs du système nerveux en cause, La physiologie générale nous démontre qu'un grand nombre de fonctions sont sollicitées à l'action soit par des causes psychiques, soit par des causes physiques : la réalité des premières causes n'exclut pas celle des autres. Pour citer des exemples vulgaires, la sécrétion des larmes est provoquée tantôt par un état normal déprimant, un chagrin, tantôt par un corps étranger dont le contact irrite la cornée. De même, certaines substances sont aussi efficaces que la peur pour provoquer une diarrhée ; et de ce qu'on peut apaiser la l'ai m
par suggestion s'ensuit-il que l'aliment n'ait aucune efficacité ?
Ainsi donc, comme on le voit, l'Ecole de Paris qui insiste elle-même sur l'importance de la suggestion n'en conteste pas la réalité, mais elle prétendque la suggestion n'est pas l'unique source des phénomènes observés dans l'hypnotisme.
Nous venons de montrer que les objections de M. Bernheim sont loin d'être démonstratives ; ses observations font ressortir tout au plus le rôle important que la suggestion peut jouer, mais ne prouvent rien contre la thèse de l'école de la Salpètrière.
Nous devons maintenant mettre en évidence les arguments sur lesquels s'est appuyé M. Charcot pour établir l'exactitude de ses assertions.
Voici par exemple un individu qui n'a pas été jusqu'alors soumis à des manœuvres hypnotiques quelconques, il est absolument étranger à la médecine et n'a jamais assisté à aucune expérience sur l'hypnotisme. Ce sujet ainsi soumis à une première expérience, vierge par conséquent jusque-là de toute pratique d'hypnotisation, ce sujet, dis-je, dès qu'on est arrivé à l'hypnotiser, présente les phénomèues de la contracture léthargique; il suffît de presser sur les muscles, de comprimer un membre avec une bande élastique, de presser sur un tronc nerveux, pour voir la contracture se développer. Si ce phénomène est obtenu, alors que le médecin a évité d'éveiller chez le sujet par une parole, par un geste, l'idée de raideur, la suggestion ne peut être invoquée; et c'est précisément dans ces conditions qu'on s'est placé à la Salpètrière dès les premières expériences. 11 ne faut pas croire en effet que l'hypothèse de suggestion ne se soit pas présentée à l'esprit des expérimentateurs de Paris, et que c'est pour ne pas avoir réfléchi à la possibilité de son existence que le développement des phénomènes somatiques a été attribué a une autre cause. Mais, dira peut-être M. Bernheim, comment affirmer que réellement l'individu en observation n'a jamais été présent à des expériences sur le magnétisme animal ? Le nombre des magnétiseurs de profession est grand, et il n'est presque pas une ville en France où n'aient eu lieu des séances publiques de magnétisme. Or, comme la raideur musculai
re est un phénomène que les magnétiseurs font souvent observer à l'assistance, il est possible que la vue de la contracture ait laissé un souvenir dans l'esprit de l'individu dont nous parlons, et que ce soit là l'origine de la suggestion. A cela nous répondrons d'abord que ce n'est là en tout cas qu'une hypothèse. Nous ferons remarquer d'autre part, que les manœuvres employées par les magnétiseurs diffèrent de celles que l'on emploie à la Salpêtrière pour faire naître la contracture, et que par suite, la suggestion ne peut pas être incriminée. En quoi, en effet, la compression d'un membre par une bande élastique ou celle d'un tronc nerveux peut-elle éveiller l'idée d'une contracture?
Du reste, s'il restait encore un doute dans l'esprit du lecteur, et s'il persistait à admettre encore l'hypothèse de la suggestion, nous rappellerions encore le phénomène de l'hyperexcitabilité nerveuse, qui, lorsqu'on se place dans les conditions que nous avons énumérées plus haut, est encore plus probant que l'hyperexcitabilité musculaire. On sait que si l'on presse mécaniquement sur un nerf moteur, tous les muscles desservis par ce nerf entrent en contraction ou en contracture, et communiquent au membre sur lequel on opère une position invariable et caractéristique. Ce phénomène est plus rare, il est vrai, que le précédent, mais on le constate néanmoins dans un certain nombre de cas, et il a évidemment une valeur capitale. Il est clair, en effet, qu'un individu ignorant les premières notions de l'anato-mie et de la physiologie musculaire serait incapable de deviner quand on excite un point de la peau, quels sont les muscles qui doivent entrer en contracture. Inutile d'insister sur ce point. C'est pour ce motif qu'à la Salpêtrière, on a considéré l'hyperexcitabilité neuro-musculaire comme un phénomène réflexe dont le centre est dans la moelle ou cerveau et dont le point de départ est dans l'excitation périphérique des muscles et des nerfs, et que les contractures hypnotiques peuvent se développer indépendamment de toute suggestion.
En ce qui concerne la question des phases constituantes du grand hypnotisme, nous invoquerons des arguments du même ordre. Les premières observations de M. Charcotontévidemment
une valeur pour ainsi dire absolue; d'où, en effet, aurait pu provenir la suggestion? Quelle raison théorique M. Charcot aurait-il pu avoir de supposer qu'il existait un grand hypnotisme caractérisé par trois états distincts? S'il a constaté les trois états, ce n'est donc pas en vertu d'une idée préconçue, mais parce que ces trois états se sont présentés naturellement à son observation. Depuis, de nouveaux cas analogues ont pu être observés et on s'est placé toujours à la Salpètrière dans les conditions que nous avons précisées plus haut et qui permettent d'éliminer l'hypothèse de la suggestion.
Nous avons fait remarquer au début de ce travail que, chez les grandes hypnotiques, les trois états pouvaient se développer dès la première tentative d'hypnotisation, mais que dans beaucoup de cas, au début, les caractères somatiques ne sont pas aussi accentués que lorsque l'hypnotisation a été pratiquée un grand nombre de fois. Si par exemple, dans la léthargie, on presse dans une première expérience, sur le nerf cubital, on constate du côté de la main l'esquisse de la griffe cubitale, qui se dessine de plus en plus à mesure que l'expérience est renouvelée. Si dans la catalepsie on soulève un membre, celui-ci ne garde qu'un temps très limité la position donnée.
Nous avons observé récemment à la Salpètrière, une malade la nommée Ri..., qui s'est comportée exactement de cette façon. Dès la première tentative d'hypnotisation, on a pu constater l'existence des trois états avec toutes les particularités qui les caractérisent, mais au début, les phénomènes somatiques n'existaient qu'à l'état d'ébauche. Nous devons faire remarquer que chez cette malade, les phénomènes psychiques étaient encore moins accentués. Il était impossible de provoquer par la suggestion, dans la période somnambulique, le développement d'une hallucination visuelle ou auditive. On pouvait, au contraire, par ce procédé, faire naître une paralysie flasque ou spas-modique ; toutefois, la suggestion simple n'agissait pas d'une façon plus active que les excitations mécaniques sur le développement des contractures. Sous l'influence de la répétition des mêmes manœuvres, la malade s'est perfectionnée ; mais, et nous
insistons sur ce point, dès la première expérience, alors quelle était encore tout à fait ignorante des choses de l'hypnotisme, tous les caractères somatiques du grand hypnotisme pouvaient être mis en évidence. L'exercice n'a donc fait qu'accentuer des propriétés qui existaient en elle dès le début.
Ce fait que les propriétés hypnotiques se perfectionnent par l'éducation prouverait-il qu'elles sont dès l'origine les résultats delà suggestion. Il n'en est rien pensons-nous. Il en est de ces propriétés comme de toutes les autres facultés que nous possédons en germe et qui peuvent se développer par le fonctionnement.
Nous avons vu aussi que chez, certains sujets, il n'existe pendant longtemps qu'une ou deux des phases du grand hypnotisme et que le grand hypnotisme ne se constitue d'une façon complète que lorsque le malade a été soumis à de nombreuses manipulations. Nous rappelons à ce sujet l'observation de C. G., citée plus haut. Cette observation, loin d'être défavorable à notre thèse, nous parait, au contraire, lui prêter un appui très sérieux. Voici, en effet, une malade qui est restée pendant dix-huit mois environ dans le service de M. Charcot, à la Salpêtrière, entourée de grandes hypnotiques et ne présentant pendant toute cette époque que les deux états, léthargie et somnambulisme, qu'on avait constatés chez elle dès son entrée à l'hôpital. A plusieurs reprises, on avait cherché en vain par l'ouverture des yeux, à la faire passer de la léthargie en catalepsie. Or, dans une circonstance où la malade n'était soumise à aucune expérience d'hypnotisme, qu'elle était occupée à l'état de veille à un travail manuel, un violent bruit produit par un coup de tam-tam dans une pièce voisine, et auquel elle ne pouvait s'attendre la lit entrer en catalepsie, et depuis cette époque, les propriétés cataleptiques ont persisté chez elle. N'est-il pas évident dans ce cas qu'une excitation sensorielle a produit ce que la suggestion avait été incapable de faire, et cette observation fait voir l'importance que peut avoir le mode d'hypnotisation sur les caractères des phénomènes qui se développent.
Mais à bout d'arguments, ne viendra-t-on pas répéter encore
que les opinions que nous soutenons appartiennent exclusivement à M. Charcot et à ses élèves et que jamais en dehors de la Salpètrière, on n'a pu répéter les expériences que nous venons de mentionner. « A Paris, dit M. Bernheim (1), j'ai vu dans trois hôpitaux des sujets hypnotisés devant moi, ils se comportaient tous comme nos sujets et les médecins des hôpitaux qui les traitaient ont confirmé absolument ce que nous avons vu. »
Pour quiconque est bien au courant de ce qui se passe dans les hôpitaux de Paris, l'opinion ci-dessus énoncée n'a pas une bien grande portée, car si l'on excepte deux ou trois services où l'hypnotisme est étudié avec quelque soin, il faut reconnaître que partout ailleurs cette étude est absolument négligée. Il ne s'agit donc pas là d'une opinion fondée sur des expériences méthodiques et répétées, ce qui est indispensable pour pouvoir émettre un avis de quelque valeur, mais d'une simple vue de l'esprit, d'une impression résultant sans doute de l'observation exclusive de quelques hypnotiques imparfaits. Du reste, nous pouvons citer les noms de quelques expérimentateurs absolument indépendants de la Salpètrière dont les observations ont été recueillies non seulement en dehors de la Salpètrière, mais même hors de France, et qui sont arrivés à des conclusions identiques à celles de l'École de Paris.
Dès 1881, MM.Tamburini et Seppili (2) publiaient des recherches sur les phénomènes des sens, des mouvements de la respiration et de la circulation dans l'hypnose, et sur les modifications de ces phénomènes sous l'iniluence des agents esthésiogènes et thermiques. Ils étudiaient spécialement les symptômes physiques de la léthargie et de la catalepsie et enregistraient les premiers, au moyen de la méthode graphique, la courbe respiratoire si caractéristique de la catalepsie. Ces auteurs reproduisaient les trois états de la grande hypnose sur une hystéro-épileptique et se mettaient en garde contre la suggestion dont ils se sont toujours défiés.
1. Loco citato, p. 95.
2. Revista sperimentale di Freniatica (1881, t. VII, l'asc. Set seq.). Charcot. Œuv. eompl. t. ix, Hypnotisme. 3/j
Nous extrayons d'un article récent de M. Rummo (1), que notre ami, M. Pio di Brazza a bien voulu nous traduire, le passage suivant :
« On ne peut pas nier le type classique de l'hypnotisme avec la succession des différentes phases présentant des caractères déterminés, tel qu'il a été décrit magistralement par M. Charcot.
« Le type parfait de l'hypnotisme, décrit par M. Charcot, et observé par des cliniciens eminenti de toutes nations, et en Italie avant tout par M. Tamburini, est entré dans le domaine de la science. En compagnie du Dr Vizzioli, j'ai observé un cas classique de grand hypnotisme chez une jeune fille hystérique de la province de Chieti, laquelle ignorait complètement tout ce qui se rapporte à l'hypnotisme jusqu'à la première hypnoti-sation. Sous l'influence de la simple fixation du regard, et sans intervention quelconque de la suggestion, elle présenta, en présence de son frère et du professeur Bianchi, tous les phénomènes des trois états admis par l'École de la Salpêtrière. Je n'ai pas publié celte observation, parce que je considérais ce fait comme banal et établi sans qu'on puisse en douter. »
M. Vizzioli, au mois d'octobre 1888, a montré à la séance du premier congrès des médecins italiens, une malade, Mllfi Medici, de Naples, qui présentait tous les phénomènes du grand hypnotisme, qui s'étaient développés, dit M. Vizzioli, indépendamment de toute suggestion.
Je mentionnerai aussi le travail récent de MM. Octavio Maira et David Benavente (2) qui, ayant expérimenté au Chili avec des sujets qui n'avaient sans doute jamais subi le conctact des malades de la Salpêtrière, ont obtenu des résultats semblables aux nôtres.
Enfin, nous citerons ce passage d'une note que M. Ladame (de Genève) a bien voulu nous communiquer, qui résume une observation qu'il a publiée en 1881 (3). Cette observation nous paraît capitale.
1. Rummo. — Riforma medica, 1888, n * 'à, p. 14.
2. Hipnotismo y Si/gestion, par 0 Maira cl D. Benavente. Santiago dé Ghilo, 1887.
I . Revue de la Suisse Romands, \\" du 15 nui 18BL, page 290.
11 s'agit d'un jeune garçon de seize ans et demi, chez lequel M. Ladame a constaté les particularités suivantes:
« J'avais lu dans le Progrès médical la relation de l'expérience du transfert d'une contracture opérée par M. Charcot chez une hystérique, au moyen d'un aimant, en octobre 1878. Comme on pouvait très facilement provoquer des contractures chez mon sujet, soit à l'état de veille, soit pendant son sommeil hypnotique, il me vint à l'idée d'essayer le transfert. Je n'en dis rien à personne et je tentai la première expérience au commencement de décembre 1880, en présence de plusieurs médecins de Neuchâtel (Suisse).
« Je contracturai les muscles de l'avant-bras droit chez mon malade éveillé et assis devant une table, puis je plaçai un aimant auprès de l'avant-bras gauche. Quel ne fut pas mon étonnement, voyant après quelques minutes l'avant-bras gauche être agité de quelques contractions, puis se raidir dans la position contrac-turée qu'avait l'avant-bras droit, tandis que ce dernier était devenu absolument libre. Le transfert s'était accompli sous nos yeux. Or, personne n'en avait eu l'idée, et moi-même je ne l'avais jamais vu. Sans avoir communiqué ma pensée à qui que ce soit, j'essayai ainsi de réaliser sur un hypnotique une expérience qui avait été faite par M. Charcot sur une hystérique et dont je n'avais eu connaissance que par un article de journal. Il ne peut pas être question ici de suggestion.
« Bien plus, j'ai fait l'expérience de transfert des contractures de la même manière, au moyen d'un électro-aimant, et comme je tenais essentiellement à me mettre à l'abri des erreurs qui auraient pu provenir d'une simulation, je m'arraugeai à faire passer le courant et à le suspendre pour aimanter et désaimanter l'électro-aimant, sans que le malade s'en aperçût, Je crois avoir pris alors toutes les précautions possibles pour éviter une suggestion. Cependant nousdevofts le dire, on ne se préoccupait pas encore de l'influence suggestive comme on l'a fait depuis, et il peut peut-être rester un doute sur ces expériences. Quoi qu'il en soit, j'ai noté à plusieurs reprises que le transfert ne se produisait jamais quand le courant ne passait pas. Je fis forger
aussi une pièce de 1er doux, en forme de fer à cheval, semblable à l'aimant dont je me servais pour mes expériences. J'enveloppais chacun des deux instruments dans une serviette et je m'en servais alternativement. Le malade ne pouvait donc pas savoir quel était le véritable aimant. Or, dans ces expériences, comme dans les précédentes, jamais le transfert ne s'accomplit quand on faisait usage de la pièce de fer doux, tandis qu'il avait rapidement lieu toutes les fois qu'on faisait agir l'aimant.
M. le professeur Despine, (de Genève,) vint me rendre visite à Demhesson (canton de Neufchàtel), où j'habitais alors, au mois de mars 1881. Je lui présentai mon malade. Sans m'avertir de son projet, il pressa sur le tronc du nerf cubital au coude, le sujet étant hypnotisé, et nous vîmes apparaître la griffé cubitale, avec ses caractères bien tranchés. Nous fîmes aussi d'autres expériences que M. Despine avait vues peu auparavant à la Salpêtrière, entre autres celle de l'hémi-catalepsie (lorsqu'on ouvre un œil) et de l'hémi-léthargie. Nous pûmes constater à cette occasion que notre malade offrait très nettement les phénomènes qui ont été indiqués par M. Charcot comme caractéristiques des trois états du grand hypnotisme. 11 ne pouvait être question dans ces expériences d'une suggestion donnée au sujet. »
J'ai cité dans cet extrait ce qui se rapporte au transfert de la contracture au moyen de l'aimant, quoique je ne me sois pas occupé dans ce travail de cette question; mais la netteté de cette observation, en ce qui concerne l'absence de suggestion dans le phénomène du transfert, m'a poussé à sortir un instant de mon sujet.
Je n'insisterai pas davantage sur ce point et j'attirerai surtout l'attention sur la fin du passage qui a trait à l'existence des trois états, à la production de la griffe cubitale, de l'hémi-catalepsie et de l'hémi-léthargie. Est-il possible d'avoir une confirmation plus éclatante de la thèse que nous défendons?
Je pourrais encore invoquer le témoignage d'un certain nombre de médecins français et étrangers qui, après avoir suivi avec assiduité le service de la Salpêtrière, sont arrivés à se couvain
ère de l'exactitude des opinions qu'on y soutient. Nons croyons inutile de le faire. Nous avons voulu montrer seulement que, quoi qu'on en ait dit, il est possible de voir ailleurs ce qu'on observe à la Salpètrière.
Mais sur ces questions comme sur bien d'autres, pour se former une opinion qui ait quelque valeur, il ne faut pas se contenter de quelques observations isolées, il est nécessaire de multiplier les expériences, et l'on aura, si l'on a tant soit peu de persévérance, l'occasion de constater tôt ou tard quelques faits positifs qui lèveront tous les doutes, car ils ne pourraient être ébranlés par les faits négatifs que l'on aurait enregistrés jusqu'alors. Il faut donc répéter les observations, et cette condition aurait dû surtout être remplie par les auteurs qui ont affirmé que la suggestion était l'origine de tous les phénomènes hypnotiques. Or, ceux qui ont écrit sur ce sujet n'ont pas toujours procédé de la sorte.
C'est ainsi qu'un philosophe très distingué, M. Delbœuf, (de Liège), voulant se faire une idée personnelle sur l'hypnotisme dit de la Salpètrière, s'est donné la peine de venir à Paris et il a pu observer dans le service de M. Charcot quelques grandes hypnotiques. M. Delbœuf, après avoir fait quelques observations sur les malades qu'il a eus à sa disposition a acquis la conviction que les phénomènes de l'hypnotisme devaient être attribués à une suite de manœuvres inconsciemment suggestives et non à des particularités physiologiques (1). Nous ferons remarquer à M. Delbœuf qu'il n'a eu à la Salpètrière, pendant les quelques heures qu'il y a passées, aucun élément lui permettant de se faire une opinion bien fondée à ce sujet. Ce que nous disons là de M. Delbœuf peut facilement s'appliquer, du reste,à tous ceux qui se contentent d'assister une ou plusieurs fois à des démonstrations relatives à l'hypnotisme et qui ne se livrent pas à ces études d'une façon suivie. Il est impossible, en effet, cle se procurer sur commande pour un jour et une heure déterminés un sujet vierge de toute manœuvre hypnotique et réalisant les conditions permet-
1. Del bœuf.— Une visiteû la Salpètrière (Bévue de Belgique, 18 6, Bruxelles).
tant d'éliminer la suggestion. Les sujets que l'on peut présenter à un moment donné à une personne étrangère au service de la Salpêtrière ne peuvent être naturellement, en général, que des sujets sur lesquels des expériences antérieures ont été déjà faites¡ Or, cette seule condition suffit pour empêcher d'affirmer à propos d'une expérience que la suggestion fait défaut. Si déjà la contracture hypnotique s'est manifestée une fois seulement sous l'influence de telle ou telle manœuvre, il sera impossible d'affirmer dès lors, dans une nouvelle expérience, que la suggestion fait défaut. La première expérience est donc seule probante, et il faut par conséquent être à l'affût des malades encore immaculés, susceptibles d'être hypnotisés, si l'on veut fixer ses idées à ce sujet.
Ces critiques ne peuvent évidemment s'appliquer à M. Bernheim qui est un des médecins ayant expérimenté sur le plus grand nombre de sujets. Nous avons déjà dit plus haut que la différence des résultats tient sans doute à ce qu'il a expérimenté sur un terrain différent ; il n'a fait aucun choix parmi ses sujets, tandis qu'à la Salpêtrière toutes les expériences se rapportant au grand hypnotisme ont été faites sur des hystériques. Quelle que soit, du reste, l'explication que l'on puisse donner de cette dissidence, il n'en reste pas moins établi que les objections de M. Bernheim, sont toutes d'ordre négatif ; il nie ce qu'on affirme à la Salpêtrière, parce qu'il ne l'a jamais observé. Les assertions de l'école de la Salpêtrière reposent, au contraire, sur des preuves positives qui nous paraissent absolument inattaquables.
J'arrive maintenant à la quatrième proposition.
L'hypnotisme est un état pathotogique et non physiologique. C'est une manifestation névropathique qu'il est permis de rapprocher de l'hystérie.
Tout d'abord, j'insisterai encore une fois sur ce point essentiel, à savoir que cette assertion s'applique plus particulièrement aux formes de l'hypnotisme étudiées par M. Charcot et qui s'observent, comme nous l'avons vu, chez des hystériques.
Mais j'entrevois déjà une objection qu'on pourrait me faire. On pourrait dire : « Vous affirmez sans le prouver que les hypnotiques sont toujours des hystériques, vous n'avez choisi que des hystériques, par simple fantaisie, mais les grandes formes de l'hypnotisme peuvent se rencontrer en dehors de l'hystérie ; la coexistence de ces deux états n'est donc qu'une coïncidence. »
Nous repousserions absolument cette objection qui ne serait pas fondée ; en effet, nos observations nous ont montré que les grands hypnotiques et les hypnotiques appartenant à cette catégorie qui se distingue par fa présence des phénomènes somatiques, sont toujours ou presque toujours des hystériques avérés et qu'il ne peut être question d'une simple coïncidence. Nous rappellerons de nouveau qu'un malade peut n'avoir jamais eu une seule attaque et être pourtant bel et bien hystérique. 11 faut donc, avant de rejeter l'hystérie, rechercher avec soin tous les stigmates de cette névrose. Cette recherche serait-elle infructueuse, on ne serait pas encore en droit d'affirmer que te sujet n'est pas hystérique. Ne sait-on pas que l'hystérie se traduit parfois par une manifestation unique, la contracture d'un membre, le mutisme par exemple ? c'est là l'hystérie locale ou monosymptomatiquc. Il est de règle en pareil cas, de rechercher dans les antécédents personnels du malade l'existence de quelques phénomènes qu'on puisse rapporter à l'hystérie, et il est souvent possible de prouver ainsi par les commémoratifs que te malade est bien atteint de cette névrose. Il faudrait procéder de la même façon avec un hypnotique chez lequel il n'existerait au moment de l'examen aucun stigmate.
Il est certain que l'école de Nancy est loin d'avoir toujours suivi ces préceptes au pied de la lettre. Il nous suffira de rappeler cette phrase de l'ouvrage de M. Bernheim. « 11 ne faudrait pas croire que les sujets impressionnés soient tous des névropathes, des cerveaux faibles, des hystériques, des femmes ; la plupart de mes observations se rapportent à des hommes que j'ai choisis à dessein pour répondre à cette objection. »
M. Bernheim, en présence d'un sujet mâle rejette donc à priori l'hypothèse d'hystérie. Or, ne sait-on pas aujourd'hui surtout depuis les travaux récents de notre maître que l'hystérie est très fréquente chez l'homme ? Il s'ensuit que M. Bernheim a pu dans bien des cas, considérer comme individus normaux des hystériques.
Nous affirmons qu'en pratiquant un examen rigoureux conforme aux indications que nous venons de fournir, on arrivera à démontrer dans presque tous, sinon dans tous les cas, que les hypnotiques dont nous parlons sont entachés d'hystérie. Eh bien ! cette coexistence de l'hystérie et de l'hypnotisme est une première preuve en faveur de la proposition que nous développons.
Poursuivons. Il semble, avons-nous dit, qu'il y a une parenté entre l'hypnotisme et l'hystérie. Voici des arguments qui plaident dans ce sens :
1° Un des caractères somatiques de l'hypnotisme les plus importants, la contracture léthargique appartient aussi à l'hystérie. Bien souvent on peut, en effet, chez un hystérique, provoquer l'apparition de la contracture par les manœuvres que nous avons déjà signalées (pression avec les mains, avec une bande élastique, etc.) ; cette propriété a été appelée par M. Charcot la diathèse de contracture. Mais chez les hypnotiques, elle est beaucoup plus accentuée que chez les hystériques à l'état de veille.
2° Nous avons fait remarquer au commencement de ce travail, que l'hypnotisme pouvait être comparé au point de vue de ses périodes, des variétés qu'il présente, à l'attaque hystérique et qu'il y avait une véritable analogie entre ces deux états.
3° Il existe entre l'hypnotisme et les manifestations hystériques un balancement analogue à celui qu'on peut observer entre les divers accidents qui relèvent de l'hystérie. Nous avons vu plusieurs fois des attaques hystériques diminuer de nombre et d'intensité quand on hypnotisait les malades. Nous avons, d'autre part, souvent observé chez les grandes hypnoti
ques la disparition des propriétés hypnotiques à l'occasion du développement de quelque manifestation hystérique, d'une attaque de sommeil, de la chorée rythmée, par exemple. C'est ainsi que chez C. G... qui, d'habitude, peut être hypnotisée dans l'espace d'une à deux secondes, nous avons à plusieurs reprises, alors qu'elle était atteinte d'une chorée rythmée qui a duré quatre jours, essayé en vain de provoquer l'apparition du sommeil hypnotique, et cela en poursuivant notre tentative plus d'une heure chaque fois.
Ces arguments suffisent, d'après nous,à établir que,comme nous l'avons avancé, les grandes formes de l'hypnotisme sont sous la dépendance de l'hystérie,dont elles paraissent être une émanation.
En ce qui concerne les formes frustes de l'hypnose, il semble souvent, il est vrai, qu'il n'en soit pas de même. Les sujets qu'on observe peuvent être, en apparence au moins, indemnes de toute tare hystérique. Nous serons les premiers à reconnaître qu'en biologie, il n'existe pas, tant s'en faut, entre les phénomènes physiologiques et les phénomènes pathologiques un abîme infranchissable ; ceux-ci à tout prendre, ne représentent en somme qu'une modification de ceux-là. Il ne peut, dès lors, y avoir aucune difficulté à admettre que l'hypnotisme puisse exister en germe chez tous les individus ; mais nous sommes prêts à soutenir la thèse que, pour se réaliser, cette tendance en quelque sorte normale à l'hypnotisme doit être doublée d'une modification particulière de l'organisme, d'une prédisposition, d'une imminence mobide, dont le fait d'être hypnotisable sera, peut-être, la première révélation.
En d'autres termes, nous soutiendrons jusqu'à plus ample informé, — et rien n'y contredit dans les observations qu'on nous offre — nous soutiendrons, dis-je, que tout sujet qui se montre sensible à l'hypnose appartient de fait à la grande famille névropathique (1).
1. En ce qui concerne la bibliographie de l'hypnotisme, nous renvoyons le lecteur à un travail récent de M. Max Dessoir, consacré exclusivement k ce sujet : Bibliographie des modernen Hgpnolismus von Max Dessoir. Berlin Cari Dtmker's Verlay, 1888.
PLANCHES
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE I.
Fig. 1. — Lésions de la périartérite diffuse.
A, Artère dont les fibres musculaires sont raréfiées sans substitution graisseuse
B, Une des branches de cette môme artère qui a pris l'apparence fibroïde.
C, Gaîne lymphatique chargée de noyaux.
D, Noyaux de cette gaîne notablement multipliés.
Fig. 2. — Aspect que présentent à l'œil nu les anévrysmes miliaires A, B, etc., dans les circonvolutions cérébrales.
Fig. 3. — Aspect que les anévrysmes miliaires présentent à l'œil nu dans les parties centrales.
B, Foyer ocreux d'hémorrhagie dans l'hémisphère droit du cervelet.
A, Anévrysme miliaire dans un point symétrique de l'hémisphère gauche.
C, C, Anévrysmes miliaires dans l'épaisseur de la protubérance.
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PLANCHE II.
Fig. 1. — Périartérite où Ton voit disparaître les libres musculaires, en même temps que les noyaux de l'adventice se multiplient et que le vaisseau se dilate.
Fig. 2. — Artère cérébrale moyenne.
B, Artère de la couche optique.
C, Un anévrysme miliaire dans la couche optique.
Fig. 3. — Artérioles atteintes de périartérite et présentant des dilatations moniliformes.
Fig. 1 .
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Charcot ad nal.del.
ÜýñêåãÜãøåã lith.
PLANCHE III.
Fig. 1. —Arteriole prise dans la paroi d'un foyer hémorrhagique récent.
A, Anévrysme miliaire rompu.
B, Gaine lymphatique déchirée.
C, Caillot formé par le sang extravasé qui a distendu, puis déchire la gaine lymphatique.
Fig. 2. — Vaisseau rompu et entouré par un fragment de caillot qui, à l'œil nu, simulait un anévrysme.
Fig. 3. —Arterioles avec trois dilatations anévrysmales dont l'une a éclaté sous l'influence de la pression.
Fig. 4. — Anévrysme miliaire qu'on a fait éclater par la pression et qui montre son contenu coagulé.
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T. LA . Ft ÃÒÒ.
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Imo-, 4.
Charcot ad nat. del.
J ÿñêåãÜàèåã li Ih
Charcot. ÜEuv. compi, ò. ix, Hypnotisme.
35
PLANCHE IV.
Fig. 1 et 2. — Surfiiee earpienne des articulations radio-carpiennes dans l'obs. n° IV. 1, côté sain ; 2., côté paralysé.
Pxg . 3. — Surface glénoïdienne de l'articulation scapulo-humérale, dans l'obs. n° II.
Fig. 4 et ~ . — Deux fragments de la membrane synoviale pris sur des points correspondants des deux articulations radio-carpiennes dans l'obs. n» 6, Fig. 4, côté sain ; Fig. 5, côté paralysé.
Vu:. 6. — Tendons de l'extenseur commun des doigts du côté paralysé dan» l'obs. n° 4. La gaine synoviale qui les recouvre au niveau du ligament dorsal du carpe est hypérémiée.
Fig. 7. — Le nerf médian à l'avant-bras du membre supérieur droit coté paralysé), comparé au nerf correspondant du côté gauche, chez le sujet de l'obs. n" 1. — Le premier (ft) est manifestement plus volumineux que le second (a). Il présente en outre une teinte rosée générale, et ça et là des plaques d'injection sanguine d'un rouge vif. On voit de plus ramper à sa surface, dans l'épaisseur du névrilème, des vaisseaux relativement volumineux, et fortement injectés. Les deux branches en lesquelles se divise le nerf médian avant de former les rameaux musculaires et cutanés de la main, ont été. par erreur, et contrairement à ce qui existai! dans le croquis original, représentées trop longues et trop volumineuses.
Fig-.i.
Fi g: 2 .
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H-, Ë.
Fig*. 6. î
Fig-. 4.
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PLANCHE Y.
Excitation des muscles de la face pendant la léthargie hypnotique.
Fig. 1. — Excitation du muscle sterno-mastoïdien du côté gauche. Contracture du muscle.
Fto. 2. — Excitation du nerf facial en avant de l'oreille du côté droit. Contraction simultanée des muscles de l'œil, du nez et de la bouche.
Fig. 3. — Excitation bilatérale du muscle frontal.
Fig. 4. — Excitation bilatérale du muscle orbiculaire palpebral supérieur.
Fig. i
Fig. 2
PLANCHE VI.
Fig. 1. — Excitation unilatérale du muscle patpébral supérieur, On peut constater, dans le muscle du côté opposé à l'excitation, un léger degré de contraction.
Fig. 2. — Dans cette figure, à la contraction des deux muscles orbiculaires palpébraux supérieurs excités directement s'est ajoutée celle des pyramidaux du nez.
Fig. 3. — Excitation unique et médiane des eux dmuscles dilatateurs des narines.
Fig. 4. — Excitation du transverse du nez du côté gauche,
Fig. i
Fig. 2
PLANCHE VIL
Fig. 1. — Excitation bilatérale du grand zygomatique.
Fif. 2. — Excitation unilatérale du grand zygomatique.
Fig. 3. — Excitation unilatérale du petit zygomatique. Il s'y joint un léger degré de contraction du muscle élévateur de l'aile du nez et de la lèvre supérieure.
Fig. 4. —Excitation unilatérale du muscle élévateur commun du nez et de la lèvre supérieure. L'excitation, parfaitement localisée, porte sur le rameau nerveux destiné à, ce muscle,
Fig. 1
Fig. 2
PLANCHE Y HT.
Fin. 1. — Excitation bilatérale du muscle élévateur commun de l'aile du nez et de la lèvre supérieure.
Fia. 2. — Excitation bilatérale du carré du menton.
Fia. 3. —Excitation bilatérale du triangulaire des lèvres.
Fia. 'i.— Excitation de la houppe du menton.
Fig. 1
Fig. 2
PLANCHE IX.
Fig. 1. — Excitation simultanée des muscles frontaux et pcauciers. — Masque de l'effroi d'après Duchenne (de Boulogne).
Fig. 2. — Même expérience que la précédente pendant laquelle on a ouver les yeux de la malade pour compléter l'expression de terreur. La malade a été ainsi rendue cataleptique, sans que l'expression de la physionomie ait été modifiée pour cela.
Fig. 3. — Excitation simultanée des muscles orbiculaires palpébraux supérieurs et des grands zygomatiques.
Fig. 4. — La malade est rendue cataleptique du côté gauche par l'ouverture de l'œil gauche.—Excitation bilatérale du muscle élévateur commun delà lèvre supérieure et de l'aile du nez. Le muscle droit du côté léthargique se contracte seul. Du coté cataleptique, une excitation semblable demeure sans PfiU
Fig. 1
Fig. 2
PLANCHE X.
Etat cataleptique sans expression.
CHARCOT. Œuvres complètes.
T IX. Pl. X
PLANCHE XL
Etat cataleptique. Suggestion par Je geste : Etonnement.
Charcot. OEuv. comp. ò. ix, Hrpncíisme.
36
PLANCHE XII.
Etat cataleptique. Suggestion par le geste : Sourire.
PLANCHE XIII.
Etat cataleptique. Suggestion par le geste : colère.
TABLE DES MATIÈRES
PREMIÈRE PARTIE
Hémorrhagie et ramollissement du cerveau.
Pages
I. Note sur une altération des petites artères de l'encéphale qui peut
être considérée comme la cause la plus fréquente de l'hémorrha-
gie cérébrale................................................ 3
II. Nouvelles recherches sur la pathogénie de l'hémorrhagie cérébrale. 5
III. Note sur la formation rapide d'une eschare à la fesse du côté para-
lysé dans l'hémiplégie récente de cause cérébrale.............. 73
IV. Ecchymoses viscérales chez les apoplectiques................... 86
V. Des troubles trophiques............!........................... 87
VI. Hémorrhagie cérébrale du tiers'postérieur de la capsule interne.. 89 VII. Note sur la température des parties centrales dans l'apoplexie liée
à l'hémorrhagie cérébrale et au ramollissement du cerveau... 91 VIII. Nouvelle note sur le même sujet.... ......"................ 94
IX. Sur les variations de la température centrale qui "s'observent dans
certaines affections convulsives et sur la distinction qui doit être établie à ce point de vue entre les convulsions toniques et les convulsions cloniques.......................„.............. 95
X. Sur les néo-membranes de la dure-mère à propos d'un cas d'hé-
morrhagie intra-méningée.................................. 102
XI. Douleur fixe siégeant au niveau du pariétal gauche ; perte de connaissance et convulsions épileptiques dans le côté droit du corps revenant par accès ; diminution permanente de la sensibilité du même côté ; altération spéciale de la table interne du pariétal gauche ; pus rassemblé en grande abondance dans la cavité arachnoïdienne............................................ 136
Pages
XII. Sur une nouvelle observation d'aphémie....................... 194
Première lettre à M. le docteur Dechambre..................... 149
Nouvelle lettre à M. le docteur Dechambrc..................... 152
XIII. Recherches cliniques et anatomo-pathologiqucs sur le ramollissc-
sement cérébral et l'encéphalite.............................. 156
XIV. Sur quelques arthropathies qui paraissent dépendre d'une lésion du
cerveau ou de la moelle épinière............................. 151
Arthropathies liées à l'ataxie locomotrice progressive............ 1.19
Arthrites dans l'hémiplégie de cause cérébrale.................. 181
DEUXIÈME PARTIE
Métalloscopie. métallothérapie. hypnotisme, etc.
I. Etudes physiologiques de l'hystérie. — Action des applications mé-
talliques, des aimants, des courants galvaniques faibles, surl'a-nesthésie des hystériques et sur l'anesthésie cérébrale par lésion organique. — Métalloscopie : métallothérapie................. 213
II. Notes et observations sur la métalloscopie et la métallothérapie... 220
Métallothérapie. — Métalloscopie du docteur Burq.............. 220
Observations cliniques surla métallothérapie................... 224
Troubles de la vision dans l'hystérie. — Action de la métallothérapie ....................................................... 225
Troubles de la vision chez les hystériques........................ 227
Action des aimants sur divers troubles hystériques............... 230
III. De la métalloscopie et de la métallothérapie..................... 233
IV. Catalepsie et somnambulisme hystériques provoqués............. 253
V. Sur l'action physiologique de l'aimant et des solénoïdes......... 265
IV. Contracture hystérique etaimants; phénomènes curieux de transfert. 272
VII. Phénomènes divers de l'hystéro-épilepsie provoquée artificiellement. 278 VIII. Episodes nouveaux de l'hystéro-épilepsie. — Zoopsie. — Catalepsie
chez les animaux............................................ 289
IX. Etudes physiologiques sur l'hypnotisme chez les hystériques..... 297
Essai d'une distinction nosographique des divers états nerveux
compris sous le nom d'hypnotisme............................ 299
Etudes particulières d'un certain nombre de phénomènes observés
cans l'état hypnotique........................................ 304
X. Contribution à l'étude de l'hypnotisme chez les hystériques; du
phénomène de l'hyperexcilabilité neuro-musculaire............. 300
§ 1, Des différents moyens de mettre en relief l'hyperexcitabilité neuro-
Pagos
musculaire................................................ 312
Excitation du tendon.......................................... 313
Excitation des nerfs...............,........................... 336
Excitation des muscles......................................... 348
Parallèle entre l'excitation mécanique de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire et la faradisation localisée........................... 355
§ 2. De quelques caractères de la contracture provoquée dans l'état
d'hyperexcitabilité neuro-musculaire.......................... 377
S 3. Des différents degrés de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire. —
Variations du phénomène.......................... ......... 386
§4. Nature du phénomène......................................... 406
XI. Phénomènes produits par l'application sur la voûte du cràue du courant galvanique pendant la période léthargique de l'hypnotisme chez les hystériques.................................... 422
XII. Remarques à propos de la communication faite à la Société de Biologie le 14 janvier 1882 par M. Dumontpallier................. 431
XIII. Notes sur quelques faits d'automatisme cérébral observé pendant
la période cataleptique de l'hypnotisme chez les hystériques. Suggestion parle sens musculaire................................ 434
XIV. Diathèse de contracture chez les hystériques................. 447
XV. Sur un phénomène musculaire observé chez les hystériques et analogue à la contraction musculaire paradoxale.................. 453
XVI. L'hypnotisme en thérapeutiqne. Guérison d'une contracture hysté-
rique .....................»................................. 462
XVII. Des dangers des représentations publiques des magnétiseurs ; né-
cessité de leur interdiction................................. 479
TROISIÈME PARTIE
Electrothérapie.
De l'emploi de l'électricité statique en médecine........,............ 4S3
Appendice.
Grand et petit hypnotisme ..................................... 505
Explication des planches.......................................... 540
Table des matières................................................ 556
Table analytique................................................. 569
TABLE ANALYTIQUE
A
Achromatopsik hystérique, influence des métaux sur 1' —, p. 215, 225; — mode de disparition de 1' —, p. 229, 239; — transfert par l'aimant de 1' —, p. 273; — artificielle, p. 284.
Aimant, action physiologique de 1' —, p. 265; — historique, p. 266; — effets, p. 268; — transfert de la contracture hystérique par 1' —, p. 271;
— transfert de î'achromatopsie par T —, p. 273
Amblyopie hystérique, p. 239. Axesthésie, action des métaux sur T—hystérique, p. 245; — suri'
— des sens spéciaux, p. 215; — métallique, p. 216, 247, 274; — influence des courants électriques sur 1' —, p. 217; — influence des barreaux aimantés sur 1' —, p. 218; — phénomènes de disparition de 1' — parles métaux, p. 236; — de retour, p. 237.
Anévrysmes miliaires, p. 37; — fréquence, p. 12; — résultat d'une pé-riartérite scléreuse, p. 14; — aspect macroscopique des —, p. 19, 21; — siège des —, p. 20; — nombre des —, p. 21; — recherche des —, p. 22 ; — examen microscopique des —, p. 23; — généralisation des —, p 69.
Aphémie, p. 149, 152; — provoquée,p. 308.
Apoplectiques, ecchymoses viscérales chez les —, p. 86.
Apoplexie, température centrale dans 1' —, p. 91, 94.
Arachnoïde, abcès dans la cavité de 1" —, p. 143; — difficulté du diagnostic, p. 147.
Arthrite des hémiplégiques, p. 201.
Arthropathies, dans Yataxie locomotrice, p. 159; — observations, p. 160. 161, 163, 167; — causes des —, p. 172; — siège des — , p. 172; — caractères des —, p. 172; — consécutive à des traumatismes de la moelle, p. 174; dans 1'hémiplégiecérébrale, p. 181; — observations, p. 183, 189, 196; — anatomie pathologique, p. 205; —symptômes, p. 205, — étiologie, p. 206, — physiologie pathologique, p. 208.
Athérome des artères cérébrales cause d'hémorrhagie cérébrale, p. 70; — fréquence de 1'—, p. 70.
Attention expectante, p. 237, 498.
Automatisme cérébral, p. 441, 446.
B
Burquisme, p. 234.
c
Capsule ínterne, hemorrhagic cérébrale du tiers postérieur de la -, p. 89.
CaruS h y s lé fique, p. 257, 258.
Catalepsie hystérique provoquée, p. 253; — expériences, p. 254, 258; — modes de production,p.262, 800,510; artificielle, p. 285, 293: — chez les animaux, p. 294; — caractères de la
. —hypnotique, p. 300; — vraie, p. 435; — simulée, p. 438.
Gataleptiporme(Etat), p. 393; — état musculaire pendant 1'—, p. 401; — caractères de V—,p. 403;—-distinction avec l'état cataleptique vrai, p. 404.
Cataleptique (Extase—), p. 398, 443.
Listici té, p. 509. Gérébration inconsciente, p. 446. Chorée, p. 9/~.
Cœur, Hypertrophie du—), cause d'hé-morrhag'ie cérébrale, p. 71.
Contraction musculaire, modification de la — pendant l'hypnotisme après choc du tendon, p. 320, 329, 330; — expériences sur la — des muscles de la face, p. 362; — du frontal, p. 363; — de j'orbiculaire palpebrai supérieur, p. 364; — du pyramidal du nez, p. 365; — du sour-cillier, p. 365; — du grand zygoma-tique, p. 366; — de l'orbiculaire palpebrai inférieur, p. 37; — du petit zygomatiquc, p. 368; —de l'élévateur commun de la lèvre supérieure et de l'aile du nez, p. 369; — du transverse du nez, p. 369; — des dilatateurs des narines, p. 370;
— du triangulaire des lèvres, p. 371 ;
— de la houppe du menton, p. 372;
— du peaucier, p. 372 : — paradoxale, p. 453: — son mécanisme, p. 456; — expériences, p. 458; — combinées expressives et impressi ves, p. 362.
Contracture (Diathèse ile —), p. 261, 447, 453, 465; — hystérique, p. 272; — observations de —, p. 473; —provoquée,p. 563; — spontanée, p.563 ; — transfert par l'aimant, p. 272; — artificielle, p. 285; — disparition subite de la —, p. 289;
— généralisation de la —, p. 467 ;
— guérison d'une — par l'hypnotisme, p. 562; — théorie de la —, p. 467; — distinction avec les — organiques spasmodiques, p. 469; — permanente par excitation du tendon, p. 320: ?— par excitation des muscles, p. 848; ?— provoquée par l'hyperexcilabilité neuro-musculaire, p. 377: — modification par excitation des antagonistes, p. 377; —? persistance de la — après le réveil, p. 878; — transfert de la — localisée—p. 879; —? localisée latente, ] . 383; —son transfert, p. 384 ; — somnambulique, p. 419; 150: —par excitalhn des muscles, p. 848.
Convulsions toniques, p. 96 ; — cloniques, p. 97;— par injection de sulfate de strychnine, p. 98: — par injection d'extraitde fève de Calabar, p. 99: — par courants induits, p. 100.
îi
Dyschromatopsie hystérique, p. 283. E
Ecchymoses viscérales chez les apoplectiques, p. 86.
Electricité statique, p. 483 ; — expériences, p. 484 ; — description de la machine à —, p. 490 ; — procédé d' —, p. 494 ; —expériences thérapeutiques, p. 497 ; — dans le traitement de l'hystérie, p. 499.
Electrique (Excitabilité) du muscle pendant l'hyperexcilabilité neuro-musculaire, p. 410 ; bain —, p. 494.
Encéphalite, p. 156.
Eschare fessière, formation rapide d'une — dans l'hémiplégie cérébrale récente, p. 73; — examen microscopique de r — , p. 75; — cas d' — des deux fesses, p. 80; — cas d'hémiplégie sans eschare, p. 82; — signe d'une mort prochaine, p. 84.
ii
Galvanique (Action du courant) sur le crâne, p. 423; — procédé de recherche du courant, — p. 424;— passage du courant — à travers le crâne,, p. 427.
Grìffé cubitale pendant la léthargie, p. 336,'879; — pai' farad isation, p. 340; —médiane, p. 342, 345; —? radiale, p. 346.
91
Hallucinations visuelles provoquées, p. 308.
11ematomi: de la dure-mère, p. 102; — observation d' —, p. 103.
Hé.mianestiié.hie croisée, p. 89: — organiques guéries par les plaques de mêlai, p. 219: par les électro-aimants et les aimants, p. 219: — hystérique, p. 278.
HÊMICATALEPSIE, p. 260, 307. IlÉMILÉTHARGIE, p. 260, 307.
Hémiplégie cérébrale, (Arthrite dans r"_), p. 181, 201, 205 , 206, 208: — formation rapide d'une escharc fes-sicre dans 1' — récente, p. 73.
Hémorrhagie intra-méningée, p. 102.
HÉMOimHAGiE cérébrale, altération des petits artères de l'encéphale comme cause de 1' —, p. 3; — pa-tliogénie, ]). 5; — causes, p. 6; — senile, p. 9; — maladie, p. 11: — fréquence, p. 11; —observations d1 —récentes, p. 26: — observations de foyers anciens sans — récente, p. 48; — cas anciens d' —, p. 65, — alliérome des artères cérébrales, cause de r —, p. 70: —? hypertrophie du cœur, cause de 1' —, p. 71; — atrophie des reins cause del' —, p. 72;— du tiers postérieur de la capsule interne, p. 89 ; — température centrale dans I' —, p, 91. Hyperexcitabilité neuro - musculaire, p. 256, 258, 303,305,311, 421, 507 : — procédés pour la rendre apparente, p. 313; — percussion du tendon, p. 314; — parallèle entre T — et la faradisation localisée, p. 355; — de la face, p. 359: —? caractères de la contracture provoquée dans l'état d'—, p. 375, 407, 409;
— différents degrés de 1' —, 386;
— variations de 1' •— suivant les points du corps, p. 387; — d'un moment à l'autre, p. 327; — par répétition des expériences, p. 387; — observations d' —, p. 388, 391; — suppression de 1'—, p. 390; —différences individuelles de 1' —, p. 393; — observations, p. 394, 396; — pendant la veille, p. 406; — nature réflexe'del'—, p. 407; — sa raison d'être dans une modification du centre nerveux, p. 411; — expériences, p. 417; — est-ce un réflexe cutané, p. 414; — spéciale de certaines régions de l'encéphale, p. 427.
Hyperexcitabilité neuro - musculaire, p. 511.
Hyperesthésie, p. 2S1.
Hypnotisme, p. 278; —chez les hystériques, p. 297; — trois états principaux dans 1'—, p. 299,520; — production de I' —, par la lumière, p. 1304: par le diapason, p. 304: par un bruit intense, p. 305: — persistance pendant la veille des phénomènes de 1' —, p. 307; — en thérapeutique, p. 562; — dangers de 1'—, p. 476: — dangers des représentations publiques d' ?—. p. 479.
Hystérie dans l'art, p. 298.
I
Induction, p. 271.
L
Léthargie hystérique, p. 256 , 258, 398; —observations de —, p. 400; — ses caractères, p 301 ; — mode de production, p. 301, 311: —réflexes tendineux dans la—, p. 313, 330 : — hyperexcitabilité neuro-musculaire dans la —, p. 436.
M
MÉTALLOSCOl'ie, p. 213, 220.
Métallothérapie, p. 213, 220; — guérisons par la —, p. 224: — externe et interne, p. 233, 244 ; — procédé de —, p. 235; — observations, p. 248.
Métaux, (Influence des—) sur l'anes-fhésie hystérique, p. 215; — sur rachromatopsie hystérique, p. 215.
Musclus, contracture par excitation des —, p. 348; —expériences, p. 352.
Myélites, (Caractères des), p. 290.
Néo-membranes, delà dure-mère, p. 102; — hypothèses pathogéniques des —, p. Ill;— mode d'accroissement des —, p. 122; — hemorrhagic, conséquence des—, p. 123. Nerfs, (Excitation des —), p. 336, Névrite hypertrophique, p. 183.
Ovarii;, p. 258, 280.
Pach yméningite,p . 117,121 : — symptômes, p. 132;— évolution, p. 133.
Paralysie agitante, p. 07
Paralysie hystérique, caractères de la—, p. 290; — diagnostic de la—, p. 291.
ParIétal, lésion spéciale du —, p. 143.
Périartéiute scléreuse, p. 14; — ses caractères histologiques, p. 15; — altération de l'adventice dans la —, p. 16; — altérations de la muscu-leuse, p. 16: — altérations de la tunique interne, p. 17;—distinction de F — avec l'athéronie, p. 18.
R
Ramollissement cérébral, p. 156.
Réflexe tendineux dans la léthargie hystérique provoquée, p. 813, 330; — diffusion des—, p. 816 ; — expériences, p. 317.
Rcins, atrophie des — cause d'hémor-rhagie cérébrale, p. 172
Rigidité cataleptoïde dans le somnambulisme, p, 804.
Solénoïdes, (Acticniphysiologique des —)', p. 265; — expériences, p. 270.
Sommeil nerveux, p. 257, 259, 287, 303.
Somnambulisme hystérique provoqué, p. 253, 259 ; — modes de production p. 302;—rigidité cataleptoïde dans le—, p. 304.
Sommation, p. 25;j.
Spasme pharyngien, p. 258.
Suggestion, p.255 ; — par le sens musculaire, p. 806; — guérison d'une contracture hystérique par—, p. 474,522.
T
Température centrale dans l'apoplexie cérébrale, p. 91; — clans certaines affections convulsives, p. 95.
Tendon (Excitation du —), p. 313; — expériences, p. 321 ; — contracture permanente par —, p.321,325,329 ; — effet de 1' — par malaxation, friction et simple pression,, p. 332.
T ét an î s ait o n parcourants induits, p. 100.
Transfert, p. 214; — découverte du —, p. 216, 237; —par l'aimant,
p. 269, 272, 410. Trophiques (Troubles),p. 87.
Vision (Troubles de la—}, p.28Û, 282.
Zoopsie, p. 292.
fin de la table analytique.
Orléans. — Imp. G. MORAND, rue Bannicr, 47-