(1859) Journal du magnétisme [Tome XVIII]
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(1859) Journal du magnétisme [Tome XVIII]

1859

JOURNAL

DU

MAGNÉTISME

RÉDIGÉ

Par une Société de Magnétiseurs et de Médecins

SOUS LA DIRECTION

DE M. le baron DU POTET.

La vérité, n’imporle par quelle bouche; le bien, n’iraporle par quelles mains.

TOME DIX-HUITIEME.

2« SÉRIE.

PARIS.

BUREAUX; RUE DE BEAUJOLAIS, 5

(palais-royal)

JOURNAL

DU

magnetismi,

Nous prions les personnes dont l'abonnement expire ou est expiré, de vouloir bien le renouveler, sans retard, s’ils ne veulent éprouver des irrégularités inévitables dans la réception du Journal.

AVIS A NOS ABONNÉS.

La vérité ne pénètre en ce monde qoe par le combat, et la joilice vent le combat an profil de la vérité.

D* FiurniT.

Bien que le Journal du Magnétisme m’impose de lourdes charges, mon intention n’est pas d’abandonner sa publication, au contraire, — c’est l’œuvre de ma vie; aussi laisserai-je des archives tellement riches, que les magnétistes de tous les temps devrontt y puiser toujours.

Déjà dix-sept gros volumes sont là, pour attester des travaux accomplis par les magnétistes dont nous sommes fiers d è-tre le collaborateur. Tout ce qui peut donner une base solide à la science magnétique, tous les phénomènes observés sur les deux continents , dans ce qu’ils ont d’exact et de sérieux, ont été recueillis par nous. Physiologie, médecine, magie, sorcellerie, tout jusqu’aux faits de spiritualisme a- été enregistré de manière à ne rien laisser perdre de ce qui pouvait donner plus de grandeur à la découverte de Mesmer.

Notre résolution de poursuivre la publication de ce Re-

TOÏE XVIII. — N° 40. — î*semé. — 10 Jasviek IS59. I

cueil a pour motif principal la résistance opiniâtre que nous rencontrons dans les corps savants, et surtout chez les médecins. 11 semble que ce soit une lutte à mort entre (leux systèmes, et nous pouvons dire entre la vérité et l’erreur. Cesser le combat quand nos ennemis sont à demi vaincus serait une faute, notre sacrifice doit aller jusqu’au bout; cest pourqu» nous faisons appel â tons les partisans êa magnétisme , et leur disons : Agissez sans relâche, imitez-nous, produisez des faits, publiez-les, faites de la propagande, car il y ailes gens que rien ne louche, que rien 11 éclaire, que rien n ébranle... parce que, si (a vérité est faite pour tous, tous ne sont pas faits pour la vérité. Attaquez sans ménagement tout ce qui fait obstacle au magnétisme ; que chacun de vous se rappelle les paroles du docteur I1 rappart, cet athlète du magnétisme , il disait : Les académiciens sont des despotes qui ne cèdent que ce qu’on leur arrache, qui n’admettent que ce qu'au leur impose, qui n’avanetnt que quand on les entraîne, qui ne tombent que quand on les abat.

Rappelez-vous, magnétistes, que vous avez en vos mains la vérité la plus essentielle au bonheur des hommes; qu’il s’agit pour eux de la santé et de se soustraire à la science conjecturale de la médecine ! Rappelez-vo»s que le magnétisme laisse apercevoir une loi morale et une philosophie nouvelle, et que le triomphe de ces vérités doit, en améliorant le sort de tous, préparer un nouvel aY#nir ! Prêtez-nous donc votre concours. Persuadez-vous bien que nul intérêt, si ce n’est celui de la science, n’est capable d’agir sur notre esprit, et que ce n’est point notre cause que nous défendons, mais les droits de tous. Si les médecins avaient moins d’orgueil, ils verraient que c'est leur gloire que nous préparons.

Hais j’entrevois le terme de la lutte, non pas que j’espère assister au triomphe, cette joie ne me sera pas donBée : ds plus jeunes que moi en jouiront. Le magnétisme s’étend, malgré la résistance qu’on lui oppose ; il est partout aujourd hui, et nul ne serait assez puissant pour ralentir son essor. Encore un effort, un effort de tous, et peut-être le dernier, et l’humanité sera reconnaissante. Baron dv.Potst.

CONTROVERSES.

MAGNÉTOSCOPE.

SA CONSTRUCTION ET SES EFFETS. — OBJECTIONS. —RÉFUTATIONS.

Dans son article, Connectâtè du magnétisme et du spiritualisme (Journal du magnétisme, n° 46, page ttO&), M. A. S. Morin, en analysant une brochure de M. John Ashburner, manifeste, dans l’intérêt de la science ma/gnétologique, ses regrets de ce que cet écrivain anglais ne donne pas la description d’un instrument dont sa brochure fait mention sous le nom de magnétoscope, qui est complètement inconnu en France.

Nous croyons pouvoir calmer les hoftoraWes regrets de notre cher collègue, et servir la cause qu’il défend avec tant de talent, en puisant dans nos notes la ■ description du magnétoscope, telle que nous l’avons extraite, il y a dix-huit mois, d’un auteur américain.

Le magnétoscope est, en effet, une heureuse application ïu pendule, due à M. Rutter ou Rudder, comme le nomme l’auteur dont nous extrayons cette relation, laquelle fut perfectionnée ensuite par le docteur Léger, médecin à Londres, qui construisit l’appareil dont suit la description :

« Qü’on se représente une carafe de verre uni, posée sur un socle de bois ; qu’on se la représente défoncée, et le limbe circulaire de sa base engagé dans une rainure pratiquée dans le socle.—Figuronâ-nous ensuite le goulot du vase armé d’un tube de cuivre d’environ trois pouces de haut en forme de collet, la partie inférieure (celle qui touche au ventre de la bouteille) se trouvant munie d’une rondelle de même métal, plate et horizontale, et simulant le bord d’un chapeau, par

rapport au collet qui en représenterait la forme, et la partie supérieure oflrant simplement la section d’un tube. Prenons une boule du métal susdit, vissons sur un de ses points, et normalement à sa surface, une tige, toujours du même métal, d’une ligne de diamètre et de quatre pouces de long; à son extrémité libre, nous suspendrons finement un brin de chan -vre portant à l’autre bout une olive de cire k cacheter, et d’une longueur telle, que le pendule ainsi formé effleure le fond de bois de la cloche sans y toucher entièrement.

i Ces dispositions prises, introduisons notre pendule dans le goulot de la carafe. Son point d’attache sera maintenu dans une position fixe par la solide adaptation de la boule au collet au moyen d'un ajustage à vis ou à frottement, et il pourra ainsi se mouvoir en liberté dans l'intérieur du bocal, suivant les impulsions qui lui seront imprimées. Mais ces impulsions d’où pourra-t-il les recevoir? Etant tenu par les parois du verre, àl’abridetout courant d’air, le pendule ne peut être mu par d’autre action mécanique que celle qui viendrait agiter le corps tout entier de l’appareil. Or, nous avons pris la précaution d’établir notre instrument sur le sol lui-même, et dans un lieu parfaitement silencieux et solitaire. Le pendule devra donc se tenir dans un état de stabilité parfaite. En elfet, il ne bouge point, et l’on cherche en vain à apercevoir l’oscillation la plus minime. Cependant, je pose l’index de ma main droite sur la surface supérieure de la rondelle, et en même temps un morceau de soufre est placé dans le creux de ma main gauche, mes regards sont atlachés sur l'olive du pendule pour en surveiller la conduite. Tout est encore parfaitement immobile, mais patience 1 un moteur invisible est en train de se frayer passage à travers le cuivre conducteur, il l'enveloppe par degrés dans les spires progressives d’un tourbillon roulant, et voilà que sa tige de suspension, et puis le fil de chanvre, et puis enfin le pendule tout entier, envahis et entraînés par le courant, l’olive s'ébranle, oscille, et entre enfin avec.décision dans un mouvement rotatoire continu, décrivant un cercle parfait dont le diamètre s’élargit d'abord peu à peu ju9qu'à ce qu’il atteigne une certaine limite

sur laquelle il se maintient avec une précision constante.

« Les objections se pressent déjà dans la bouche du lecteur : c’est la pression du doigt sur la rondelle qui fait sentir son effort musculaire à tout l’appareil dont le parfait équilibre se trouve ainsi imperceptiblement, mais bien réellement détruit, ce qui suffit pour mettre en branle le pendule, et voilà tout le mystère de ce merveilleux mouvement dévoilé.

h On aurait d’abord à répliquer à ces raisons triomphantes que la possibilité de faire sortir le pendule de son repos par une action mécanique aussi indirecte étant admise, il resterait à expliquer pourquoi, au lieu d’un mouvement désordonné, c'est un mouvement régulier qui se produit, et pourquoi ce mouvement est une rotation au lieu d’être une oscillation. Mais voici qui répond péremptoirement : le mouvement rotatoire que nous venons d’observer, s’exécutait de gauche à droite, comme la marche des aiguilles d’une horloge sur le cadran. Si je renouvelle l’expérience cent fois dans les exactes conditions ci-dessus décrites, le résultat sera cent fois le même, mouvement rotatoire de gauche à droite. Puis, pour m’assurer de la part que la nature du soufre peut avoir dans la production du phénomène, je remplace cette substance par une pièce d’argent, et je me remets à expérimenter comme devant. Le pendule se réveille graduellement, et, comme la première fois, procède à décrire un cercle, mais au lieu de le suivre de gauche à droite, c’est de droite à gauche qu'il le parcourt, et il en sera invariablement de même si je passe à cent essais consécutifs. Faisons mieux : pendant que le pendule est à tourner de droite à gauche, que le soufre soit substitué furtivement à l’argent. Aussitôt nous constatons que le mouvement est moins ferme ; peu à peu les orbes se rapprochent de leur centre, et enfin ils y expirent, et un instant d’arrêt a lieu. Cependant, un léger balancement de l’olive ne tarde pas à renaître, et les écarts devenant de plus en plus amples, c’est un cercle nouveau, mais de gauche à droite qui est tracé, et qui grandit, grandit jusqu’à ce qu’il atteigne son diamètre maximum et constant. Recommençons l’expérience avec un morceau de savon pour substance d’épreuve.

Cette fois, pas de mouvement rotatoire, ruais un mouvement d’oscillation dans la direction fixe du N.-E. au S.-O. Si au savon nous faisons succéder certaine autre substance , un mouvement rectiligne N.-0. — S.-E. succédera pareillement au mouvement de va et vient dans le sens N.-E,—S.-O.

« Certes, l’instrument dont je viens de décrire en gros la construction et le jeu, est bien le plus difficile à manier que je connaisse. Ce n’est qu’au bout de quinze jours d'essais infructueux et opiniâtrémenl renouvelés, que je parvins i tirer les effets annoncés du premier appareil que j’eus à ma disposition. Je crois avoir acquis la certitude que l’armature métallique sur laquelle on opère, a besoin, en quelque sorte, de se former par la pratique à la conductivité spéciale, qui est la condition fondamentale de l’expérience. L’appareil sur lequel j’expérimentai au début était entièrement vierge, et, comme je viens de le dire, il tint tous mes efforts en échec pendant quinze jours. Mais,ayant eu occasion de m’exercer sur uii autre qui avait servi aux recherches de M. Léger, Je succès était complet au bout de la première minute. On (toit, d’ailleurs, comprendre qu’avec cette facilité dont jouissent certains corps d’agir ainsi sur nous parleur seule approche, leurs actions diverses peuvent se neutraliser par leurs concours, et, consé-quemment, pour qwe les résultats que-l'on cherche dans de telles expériences aient une signification bien déterminée, il fautse placer, pour les exécuter, dans des conditions d’isolement qui ne sont encore qu’imparfaitement côiinnes, mais qu* décident entièrement de la réussite ou de l'insuccès. Faute d'avoir senti la nécessité, ou d’avoir trouv£ les moyens de réaliser autour de chaque expérimentation une identité parfaite de circonstances actives, bien des expérimentateurs ont constamment échoué à des résultats négatifs ou contradictoires, et finalement ont jeié le manobe apvès la cognée. Je fais toutefois, en Angleterre, plusieurs savants habiles qui sont parvenus, à force de tâtonnements, à découvrir le nœud de ces difficultés éûigmatiques, et à le délier en grande partie.

« Voici quelques-unes des conclusions auxquelles ces expé-

rimentateurs sont arrivés par une longue série de résultats concordants :

(, 1“ I-e mouvement que l’application d’une substance détermine dans le pendule magnétoscope (cette dénomination est consacrée) est toujours la même en nature et en amplitude, quel que soit le volume actuellement employé de cette substance. Ainsi, l’emploi des globules homeeopathiques produit un effet entièrement semblable h celui de la substance elle-même, employée en nature, dont ces globules portent le nom.

« 2* Un état d’isolement complet réalisé entre le corps de l’expérimentateur et la substance en expérimentation par des substances étrangères ne possédant en elles aucune influence marquée sur le pendule, n’altère point sensiblement les effets obtenus loi s du contact immédiat. Par exemple, dans la première expérience que j’ai citée, il importerait peu, pour le résultat final, que le soufre fût à nu dans la main, ou qu’il y fût placé dans une boite de bois blanc ou dans un bocal de porcelaine, celui-ci fût-il hermétiquement clos.

« 11 nous «st ainsi attesté par des témoignages matériels, et partant aussi imposants que les choses nous en paissent donner de leur existence, qu’une influence véritablement spécifique pent être exercée sur l'économie -vitale par différents corps actuellement et complètement isolés du sujet. Cette influence a incontestablement pour véhicule ïélectricité p'éo-tétique des substances, et pour principe le rapport naturel préétabli Mitre cette électricité et les fonctions,vitales qu’elle affecte. Pourquoi refuserions-nous, dès lor», de rapporter l’action élective des a§ents pathogénétiquesA cette même causo qui en embrasse tous les effets, impénétrables effets que l’on a été réduit à n’expliquer que par des fictions ?

te Parles rayons de son électricité péotétique, dardés à distance sur notre corps, le soufre vient modifier le mouvement d'une sorte de circulation électrique latente dont les conrants multiformes coulent sans iiilerruption dans toutes les branches du système nerveux, et dont l’existence noms est Pév'éfée par le même instrument employé d’nne façon parfculière. N'eït-il pas raisonnable de penser que le soufre emploie le

même agent pénétrant subtil pour transmettre son influence médicatrice ou morbide à travers mille organes qu'elle doit épargner jusqu’à celui-là seul marqué d'avance pour la recevoir? Puisque ce fluide peut exercer une action modificatrice sur le jeu de certaines fonctions évidemment nerveuses, mais dont le rôle spécial nous est inconnu, je ne saurais trouver aucun prétexte pour contester à cette force l’aptitude à modifier les fonctions des fibres végétatives. Rien ne nous interdit de supposer qu’elle agit, dans ce cas, en vertu d’une affinité élective d’induction pour la substance propre des organes différentiateurs, induction dont l’effet immédiat serait la constriction des fibres respectives, ce qui ramènerait l’excitation des facultés organiques à la théorie générale de l’excitation des sens. »

Il est à regretter que l’auteur à qui nous empruntons les lignes qui précèdent, ne soit pas entré dans quelques détails sur le mode particulier d’employer le magnétoscope pour arriver à établir, d’une manière évidente et irrécusable, cette sorte de circulation électrique latente dont les courants multiformes coulent sans interruption dans toutes les branches du système nerveux. Cette preuve faite, il est évident que la grande question qui s’agite depuis si longtemps entre les nombreux partisans du fluide et ses quelques adversaires, vibrantistes et autres, serait ainsi définitivement tranchée en faveur des premiers.

Nous prierons donc notre cher collègue, M. Morin, de se procurer et de faire connaître les détails nécessaires sur la façon particulière de procéder pour atteindre cet heureux et désiré résultat. Il les rencontrera, croyons-nous, dans les écrits du docteur Léger, édités par Baillière, libraire, He-gent-Street, à Londres, et peut-être chez noire ami Germer-Baillière, rue de l’Ecole-de-Médecine, à Paris.

Nous engagerons ensuite tous nos confrères en magnétisme à s'occuper sérieusement de ces expériences, et à laisser tomber dans l’oubli, d’où ils n'auraient jamais dû sortir, tous les Mabru possibles, lauréats ou non de n'importe quelle académie, car ces gens-là ne frappent si fort sur leur grosse

caisse que pour attirer l’attention...... et les clients. En

nous occupant d'eux, môme pour les combattre, nous leur venons tout bonnement en aide; nous leur donnons, sans nous en douter, le coup d’épaule dont ils avaient besoin pour arriver plus promptement et plus facilement à leur but. Occupons-nous plutôt à élucider les questions si obscures encore, de la science des sciences : du magnétisme. En y portant la lumière, bien mieux que par de vains débats, nous forcerons ?i s’avouer vaincus ceux qui, par intérêt, amour-propre ou parti pris, ne veulent pas se laisser convaincre ; quant aux opposants de bonne foi, — et ce sont ceux que nous devons tenir le plus à persuader, — ils viendront alors naturellement à nous, amenés par la conviction née de l’évidence même des faits.

Sol..., ce 14 décembre 1858.

De Güibeht de Cl.....

Nota. — L’appareil, indiqué dans l’article qui précède, comme construit par M. Rudder ou Rutter, mettrait en communication le pendule et la main de l’opérateur par une armature en cuivre, substance élastique et qui transmet parfaitement les mouvements vibratoires. Il doit donc se produire un phénomène analogue à l’accord connu des pendules, dont les points de suspension communiquent par des corps élastiques. Les petits mouvements des doigts peuvent et doivent donc imprimer mécaniquement au fil des mouvements pendulaires, qui, suivant que l’impulsion rencontrera ou ne rencontrera point la verticale du point de suspension, seront oscillatoires, pleins ou rotatoires.

Il faudrait, pour prouver au moins une action spécifique des substances sur l’organisme, que l’expérience réussit, lorsque le sujet ignorerait quelles sont les substances qui l'influencent.

Nous avons fait, dans ce journal, les mêmes observations àpropos d’affirmations analogues énoncées par un hydroscope.

Pour faire la preuve, il n’y a pas besoin que chacun répète

l’expérience : toates les natures ne sont peut-Ctrepas aptes à les répéter. Que ceux qui affirment avoir réussi, et qui veulent convaincre les autres, se prêtent à des vérifications; qu'ils opèrent dans de bonnes conditions discutées d’avance. Nous avions engagé l'bydroscope ii se présenter, par exemple, à la Société du Mesmérime ; nous en dirons autant à M. Rutter, ou à son continuateur, le docteur Léger, de Londres.

A. Petit d’Ormoy.

A NI. LE BARON DU PQTET.

Inter qnaluor licitanlc» qnintos garnie«.

M*»-, in Mon cher maître,

discorde est au camp d’Agramant ! Le corps des médecins patentés, tant de la. première que de la dernière catégorie avait pris Tliabitude, en disputant le magnétisme ou en refusant de le discuter, de substituer l’invective au raisonnement, l’injure à la logique. On a toujours tort de prendre de mauvaises habitudes. Voici que la guerre civile couvait depuis longtemps au sein de la république médicale.

Il y a, vous le savez, en médecine un. tas de sectes dont lès systèmes pratiques se contredisent formellement — « Tout le mal vient des humeurs,» — «purgeons les humeurs.»

— «Xes maladies ontpourprincipe un vice da sang : » — «Prenez des dépuratifs. » —*« Vous n’v êtes pas, s'écrie un Rrow-niste. Toute maladie a pour cause une (Tôbilïtaîien ; if ayez confiance qu’aux toniques. » — « Des toniques ! clame d'une voix lamentable te Brtrassnisien, mais vous if avez donc jamais fait tfatrtopsve. TbttW niaïadïe a pour cause une irritation. Vous 'tmilez éteindre le feu en activant l’incendie. Affaiblissez le

malade, tirez-lui du sang. — Bien, tirez-lui encore du sang.

—Et puis après, tirez du sang ; et quand vous l’aurez affaibli à fond, rafraîchissez votre malade. Des rafraîchissants ! des rafraîchissants ! des rafraîchissants ! » Et tant d'autres.

Toutes ces sectes vivaient sinon en paix,—on n'était pas sans se dire de temps en temps une vérité désobligeante ; 011 se faisait bien par-ci par-là quelques compliments aigres-doux ; on s'adressait à l'occasion quelques railleries venimeuses; on échangeait voire un petit coup de dent sous un prétexte ou un autre ;—mais enfin elles vivaient côte à côte, comme,nous voyons chien et chat dans une même maison où ils trouvent tous deux la pâtée et la niche. On ne saurait dire qu’ils font bon ménage, mais enfin ils font ménage ensemble. Essayez un peu de rogner les portions de pitance (aux quadrupèdes, bien entendu), et vous verrez un autre jeu.

Ce qui contribuait peut-être à entretenir cette sorte d'accord un peu hargneux, c’étaitle besoin incessant derepousser l’ennemi commun, le guérisseur non officiel. Qu’il parlât au nom de la science, comme Raspail, cru* bien, comme les magnétiseurs, qu’il se présentât sous le religieux drapeau de la charité, se contentant d’appliquer au soulagement des malades les dons naturels que la na tu ne a départis à «rosies hommes, contre lui tout était bon : la dénonciation et l'injure, — l’injure surtout, argument eommodBi qui dispen» d'étudier la doctrine de l’adversaire avant dé la oombattre.

Mais voici qu’en plein corps médical : surgit toi système non* veam plein d’audace. Le docteur Hahnemann avait la1 prétention de guérir jusqu’aux maladies réputées;incurables, en *d-ministrant pour remèdes les substances qui, absorbées il*Mat sain, auraient amené les symptémes obserrés chez les malades. Ces symptômes n’étaient en effet, d’ajwès le novarteur, que les résultats apparents des efforts de l’organisme ,p«r reveirip à4'équilibre normal de-l'état de santé; Et commeàlne s’agitque d'aider!'actien des forces natarelles qui tendent (Bel-les-môme» à l'équilibre organique, le reraèdeidjusant àe'Mü être donné à faibles doses, etàdosesd’n«aiKphi6 pe*rt»qw les symptômes observés, résultant d’an «ffort organique ptam

énergique, étaient plus graves. Telles sont les idées théoriques qui ont conduit Hahneniann à son système des semblables, l'homœopathie, et à l’usage des prescriptions à petites doses.

Certes, les objections contre l’idée théorique du docteur allemand, et surtout contre le système de son application, se pressent dans l’esprit de celui qui veut les examiner. Ces principes, d’ailleurs, supposaient encore des substances administrées à doses faibles, mais appréciables, et, dans la pratique homceopathique, Hahneniann et surtout ses successeurs sont arrivés à des dilutions infinitésimales, qui, de l’aveu des homœopathes, ne contiennent plus aucune parcelle de la substance elle-même ; et ils en sont arrivés à admettre, sous prétexte d’hypothèse explicative, je ne saisquelle vertu poten-lielte spécifique capable de se communiquer et de s’accroître par les manipulations. Nous aimons à croire que cet ensemble de mots parfaitement amphigouriques pour nous, — vertu potentielle spécique, — a un sens pour les disciples d'Hahne-mann; mais jusqu'à ce qu'ils les aient traduits en français intelligible, on a le droit de regarder l’explication comme non avenue. ,

Tant qu'Hahnemann n’a eu que peu de disciples, on n’a point discuté sa doctrine, on s’est contenté de railler. Dans les sciences applicables, la théorie n’a qu’une importance très-secondaire. En thérapeutique principalement, le point important est celui-ci : La méthode conduit-ellé à la guérison î Or, l’homœopathie demandait à faire ses preuves officielles ; on riait au ne* des homœopathes, et tout était dit.

Mais, petit & petit, le nombre des médecins rangés sous la bannière nouvelle a grossi. Le nombre croissant des médecins homœopathes a-t-il déterminé le public à se faire traiter à la nouvelle mode, ou la mode, capricieuse de sa nature et qui entraîne le public vers les nouveautés, a-t-elle décidé de jeunes médecins et quelques anciens à se jeter du côté où son courant amène la clientèle? Nous l’ignorons; mais un jour est arrivé où une bonne partie des clients, et des bons clients, de ceux qui payent, était allée demander sa

guérison à l’hommopathie, — afl'aire grave, — et affaire bien plus grave,— portait les honoraires aux médecins à globules.

Jugez donc. Tantqu’on n’aeu à combattre que des systèmes soutenus par des savants hors du corps médical, tant qu’on n’avait pour adversaires que des magnétiseurs qui se permettaient de guérir sans diplôme, on avait pour auxiliaires la police, le parquet, les tribunaux, qui, n’ayant point à examiner la question scientifique, n’avaient qu’à constater une contravention légale. La concurrence n’était pasdangereuse, la position financière restait assurée.

Mais des médecins, des docteurs patentés, qui viennent déclarer que la médecine officielle avec tous ses systèmes n’est plus bonne qu’à mettre au rancart ! et le public qui leur prête confiance et leur donne son argent !

La raillerie n’était plus de saison. Grande colère ; la guerre civile éclate tout de bon. Quel drapeau, quel nom choisir pour défendre, sinon l’intérêt commun, du moins les intérêts communs, ce mélauge hétérogène de sectes diverses? Y a-t-il u*i principe collectif dans ce tohu-bohu de doctrines? Qu’importe 1 Les adversaires appellent leur système : le système des semblables. Englobons la contradiction de nos systèmes sous une même appellation : système des contraires. Ils sont homœopathes, nous serons allopathes. — Escarmouches dans les articles de journaux spéciaux, combats partiels par les brochures ; on emploie même le» gros livres en guise d’artillerie. Mais tous ces combats ont lieu presque dans l’ombre. 11 faut que le public puisse juger les coups, qu’il soit le témoin d’une lutte dont sa bourse doit être le prix. Les deux partis brûlent d’en venir aux mains en bataille rangée ; mais comment engager l’alfaire ?

C’est la critique d’un livre sur l’homœopathie publiée par la gazette médicale qui a servi de prétexte au procès; ou qui

— comme on dit au Palais — a fourni le moyen dintroduire l'instance.

L’auteur du livre, qui avait demandé un compte-rendu, quel qu’il fût, content ou non de l’article, ne réclamait pas ; triais les docteurs Petroz, Crétin et consorts attaquaient l’au-

teur et le gérant en diffamation, réclamant une légère indemnité de cinquante mille francs.

Comme l’article ne les avait point nommés ni désignés personnellement, ils agissaient chacun en son nom personnel, et en outre comme membres d’une société homœopathique. La diffamation, l’injure étaient manifestes. L’article du journal disait delà doctrine d'Hahnemann qu’elle ne pouvait être pratiquée que par des ignorants abjects, de pauvres illuminés, ou de misérables charlatans.

Il semble que le procès devait être fort simple. S’il y avait des patentes diverses pour les médecins ¿1 fortes doses et pour les médecins à doses homœopathiques, comme il y a patente de marchand en gros et patente de marchand en détail, les plaignants n’auraient eu qu’à produire l’article, et si l’on parlait aussi irrespectueusement des notaires, des épiciers ou des chiffonniers, cela ne ferait pas question.

Le seul point légal douteux était celui-ci : la qualité notoirement reconnue d’homæopa,tne donne-t-elle ledroitde s’appliquer ce qui s’adresse aux homæopathes en général?

Le procès en réalité n’était pas là.

Les avocats avaient.mission de s’occuper, non pas de la question de droit, mais de la question de doctrine, et le tribunal, a. laissé départ et d’autre toute latitude aux avocats.

Les plaidoiries qui ont occupé deux audiences ont été reproduites in-«Efenio dans les journaux de droit. J’avais l’intention d’extraire les arguments des deux partis, mais je viens délire dans le Monde illustré (1) un courrier du Palais «le M. Petit-Jean, qui, sous forme d’un dialogue comique, reproduit d’une manière très-vraie le résumé des plaidoiries. Incapable de faire aussi bien et n’ayant pas, comme M. Petit-Jean„le privilège de fraternité pour me permettre une traduo tion fidèle, mais grotesque, des plaidoiries des avocats, je transcris textuellement.

(1) LeUoxDE.ii.LDSiBÉ, revue hebdomadaire illustrée, 1C pages gravures nombreuses,‘librairie nouvelle 15, Boulevard des Italiens, et chez tous les marchands de journaux.

Sganarelle. — Voici, monsieur, un de vos confrères que j'ai prie de venir céans pour consulter avec vous sur la maladie de ma fille. (Parait

Ilomœopathos.)

Allopathos. — Qui, lui, un confrère!

Sgaiurelle. — Mais il ir.e semblait...

Au. — Que n'avez-vous amené aussi un somnambule et un magnétiseur! [Prenant son chapeau.) Serviteur!

Homoepathos. — Toujours le même, remplaçant la discussion par l'injure.

All. — La discussion !.à quoi bon! On discute avec les savauis; mais avec vous !....

Hom. — Et vous-onème qui parlez, qu'ètes-Vi.us donc ? Qu'est-ce que cette science qui vous rend si outrageusement orgueilleux? Existe-t-elle seulement? Avez-vous oublié ces paroles de Sydenham : « La médecine est l'art de bavarder bien plutôt que l'art de guérir, » et celle-ci du grand Boerhaave: Il serait plus avantageux qu’il n'y eût jamais eu de médecins dans le monde.... Conservez-vous la tète fraîche, les pieds chauds, le ventre libre, et moquez-vous des médecins ! » Et Broussais, et Bichatj et Aliberl donc ! ont-ils assez dit leurs vérités à la médecine ! La belle science, en effet, qui change de panacée tons les vingt-cinq ans : hier c'étaient l'émétique et la saignée, aujourd'hui c'est l'iode et la quinine. — « Dépêchez-vous de prendre le remède pendant qu'il guérit encore. » —C’est encore un des vôtres, c'est Vicq d’Azyr qui a dit cela.

Au. — Bons ou mauvais, au moins nos remèdes opèrent.

Hom. — Oui, ils tuent à coup sûr.

Auep. — Ils ne sont pas une mystification comme ceux d'Hahne-tnann.

Hom. — Rahnemann ; ah ! ne blasphémez pas ce nom vénéré !

Allop. — Blasphémer Hahnemann, est-ce que cela se peut? On l'a dit et je le répète : Hahnemann a différé de Mesmer et de Cagliostro, en ce «lue ces derniers avaient eux-mêmes foi dans les erreurs qu'ils accréditaient, tandis que Hahnemann a cherché à tromper tout le monde sans avoir l'excuse de s’être trompé lui-aième.

Ho«. —Pour calomnier les disciples, il faut bien calomnier le maître.

Allop. — Le calomnier ; mais répétez donc ce qu'il a écrit, dites donc nettement ee qu’il a fait.

Hom. — Ce qu'il a fait? il a substitué l'observation à l'empirisme, et il a trouvé la grande loi régénératrice de fa médecine, la loi des semblables.

Allop. — Ah ! oui, je le sais : il a trouvé que le quinquina, qui guérit de la fièvre, la donnait aussi.

■Hom. — Sans doute.

All'ip. — Et bien ! c'est là un premier mensonge. Le quinquina ne donne pas la fièvre.

Hom. — Je vous dis que si.

Allop. — Je vous disque non !

Hom. — Lisez Bretonneau (de Tours) et Chevalier, deux de vos maîtres.

Allop. — Répondez donc à Jeannel, professeur de la Faculté de Bordeaux, qui offre de se mettre en pension chez vous et de verser 500 fr. entre vos mains si vous parvenez à lui donner la fièvre.

Hom. — Oui, un défi ad pompam et oslenlalionem.

Allop. — Et quand le quinquina donnerait la fièvre, ce fait unique pouvait-il servir de base à une loi générale?

Hom. — Voilà votre bonne foi. Si vous aviez lu Hahnemann, vous auriez vu qu'il avait expérimenté sur cent trente-cinq substances différentes avant de formuler la loi dont vous parlez, vous auriez vu qu'il en avait trouvé le germe dans Fernel et dans Sydenham, qui soignaient la brûlure par les alcools au lieu de la traiter par l'eau froide ; vous auriez tu que le principe timilia similibus avait été, bien avant lui, énoncé en propres termes par saint Françoi3 de Sales.

Allop. — Tenez: votre principe est absurde, et votre thérapeutique ridicule.

Hom. — C'est bientôt «lit.

Allop. — Quoi ! vous voulez que je prenne an sérieux vos globules et vos doses infinitésimales? ,

Hom. — Certes.

Allop. — Que j'admette, avec Hahnemann, qu’un grain de sel marin, de charbon de bois, de coquille d'huîtres, de poussière de cailloux ou de lycopode mêlé à une quantité d’eau égale à celle que contient l'océan Atlantique puisse produire par le mélange un remède efficace ?

Hom. — Encore cette vieille plaisanterie !

Allop. — Vous voudriez faire croire que j'invente. — Voyons est-il «xact ou non que la quantité de substance curative renfermée dans vos globules soit dans la proportion que je viens de dire ?

Hom. — Oui, sans doute ; mais il est un point— le point principal— sur lequel vous vous gardez bien d'insister, c'est la manière dont se fait le mélange, ce sont les triturations au moyen desquelles s'obtiennent les dilutions et qui ont pour but de potentifier la substance, de dégager sa propriété dynamique et curative.

Allop. — Une propriété dynamique et curative, qu'est-ce que c’est que ça? Qu'est-ce qu’une propriété d'un corps qui n'est ni chimique ni physique?

Hom. — Les voilà bien, ces endurcis matérialistes qui nient tout cequ’ils ne trouvent pas sous leur scalpel ou dans leur alambic?

Allop. — C'est donc une âme, alors, l'âme du lycopode, l'àmedu caillou, l’âme de la coquille d'huîtres...

IIom . — y ne c'est donc joli ! Non, ce n'est pas une âme, pas plus que fe principe odorant du musc n'est une âme, pas plus que le principe pestilentiel des égouts et des marais n'est une âme, et cependant vos appareils d'analyse ne Irouvent aucune différence entre l'air empoisonné de la campagne de Hume et l'air pur des montagnes; vos balances, qui ont pesé, il v a vingt ans, un morceau de musc demeuré depuis ce temps à l'air libre, ne peuvent y constater une diminution de poids. Ne niez donc pas ce qu'il ne vous est pas donné de comprendre : surtout ne travestissez pas les choües. Non, la préparation homoeopathique n'est pas une division, c'est une transformation; elle ne produit pas le plus avec le moins, elle traduit en acte ce qui est en puissance, elle crée un agent nouveau plus actif que le corps dont il s'est formé.

Allop. — Tout ce galimatias ne vaut pas une bonne expérience. Or, vos globules, nouslesavons expérimentés. Savez-vous ce qu'a fait Trousseau? 11 a fait prendre aux élèves de son cours toute la série des remèdes ho-mœopathiques, et pas un d'eux n'a ressenti le moindre effet. Et HehiciŸ Un jour, il rencontre un des vôtres qui avait sur lui cent cinquante globules d'aconit. — Si je les avalais, lui dit Behier, que m’adviendrait-il? — Vous seriez tué. — Le docteur les avale et digère mieux qu'à l'ordinaire.

IIom. — Vos expériences sans contrôle n'existent pas pour moi. Fussent-elles sincères, que prouveraient-elles? que le globule n'a pas d’action sur l'homme à Ictat sain? D'accord. Donnez un petit verre d’eau-de-vie à un homme bien portent, sa santé n'en souffrira pas; mais qu'il ait mal à la gorge, et vous verrez !

Allop. — Voulez-vous que je vous donne de l'émétique à l'état sain? Je vous réponds bien que vous le sentirez.

Hom. — Criez, clabaudez, hurlez. Nous n'avons qu'un mot à répondre : nous guérissons.

Allop. — C'est-à-dire que vous ne tuez pas toujours; vous guérissez, en vertu du principe hippocratique « que la meilleure médecine consiste souvent à ne rien faire du tout; » voub guérissez quand la nature agit pour vous; vous guérissez les maladies d'imagination, comme nous les-guérissons nous-mêmes. Voulez-vous encore une expérience? Trousseau avait à soigner un malade atteint d’une affection nerveuse. Il fait composer des boulettes de mie de pain enveloppées de gomme arabique; il les met dans une boite cachetée et fait entendre qu'elles contiennent un poison terrible ; à la fin de sa visite, il ouvre la boite, en tire une boulette et l’administre solennellement au malade... qui guérit. — Ce jour-la, Trousseau avait fait de l'homœopathie. — Vous guérissez enfin quand vous vous servez de nos remèdes et que vous les administrez aux malades sous la forme de globules horaœopathiqucs.

IIom. — Encore une injure!

Allop. — Osez donc soutenir que jamais vous n'avez ni saigné, ni porgé, ni donné... autre chose!

Hoji. — Et pourquoi le nierais-je? Hahnemann tout le premier autorise ces pratiques toutes les fois qu’il y a danger imminent de mort, suppression ou oppression du principe vital.

Allop. — C'est cela, dans les cas grares on est allopathe, on n'est ho-mteopathe que dans les autres.

Hom. — Jamais nn homœopathe n’a caché son drapeau.

Allop. — Son drapeau peut-être, mais ses armes!...

Hom. — Nos armes, nous les cachons si peu que nous vous avons provoqués en champ clos et que vous n’avez pas répondu.

Allop. — Un combat avec vous!

Hom. — Oh! oui, vous préférez persécuter; ah! l’on vous connaît. Du temps de Galilée, vous vous appeliez l'inquisition; du temps de llarvey, vous vous appeliez Riolan et Diafoirus; du temps de Besnier et dePaul-mier (de Caen), vous vous appeliez Guy-Patin et vous obteniez des arrêts contre l’antimoine.

Allop. — Encore une bis, on discute avec des savants ; prend-on cette peine avec des ignorants abjects, de pauvres illuminés ou des charlatans?...

Hom. — Ignorants! illuminés! charlatans!... Un huissier 1 un huissier! 1 Allop. — ün avoué !. un avoué !

Sgaka&elle. — Et ma tille, messieurs!

Maintenant, au nom d'Hwnœopathos substituez cem: de MM. Pétroz, Gastier, Léon Simon, Chargé, L. Molin, Crétin, Escalier, Leboucher, Love, Gueyrard, Audouilet.Desternes; — à celui d’AUopathos, les noms de MM. T. Gallard, Richelot et Amédée Latour, le premier, xédacteur, le second, gérant, et le dernier, rédacteur en .chef de ï Union médicale, et votes aurez la pttysionomié du procès en dommages-intérôts.auquel ont donné lieu certains gros mots contenus dans un article du journal aliopathique. J'ai assisté au» débats : fai entendu des discussions ingénieuses, des plaidoiries charmantes, et je suis sorti de l’enceinte plus convaincu que jamais — que notre corps est peu de chose et que Molière est nn grand homme.

Tetit-Jeah.

C'est amusant ponr la galerie, n’est-ce pas, mon cher inaltre ? c’est divertissant, surtout pour les magnétiseurs de voir les docteurs s’adresser entre eux les mômes railleries, les mêmes invectives dont ils ont chargé les disciples de foi Mesmer. n Il est curieux d'entendre pour le besoin de la cause du

moment, l'organe de la Faculté médicale proclamer la bonne de Mesmer.

Mais, quelque intéressante que soit cette représentation poulies magnétiseurs, je n’aurais pas attiré sur elle votre attention et celle des lecteurs de votre journal, si elle ne venait pas à l’appui d’un argument indirect bien puissant en faveur du magnétisme.

11 me suffira pour le développer de vous rapporter une conversation que j’ai eue, il n’y a pas longtemps avec le doc-deurS., excellent chirurgien, médecin très-instruit, de très-bonae foi, et n’ayant pas une très-grande confiance dans la science thérapeutique.

Je lui demandais « s’il reconnaissait la justesse du fameux mot de Vicq-d’Azir : Dépêchez -vous de prendre le remkle il lu mode, pendant qu'il guérit encore; et s’il en connaissait le pourquoi.

— « Le pourquoi ! je me le suis demandé bien des fois ; mais le parce que, je ne me le suis jamais donné. Quant au principe, il est vrai, archi-vrai. J’en ai des exemples frappants et multipliés. Tenez : pendant que j’étais interne à l’hôpital, une instruotioaministérielle avait demandé qu’on expérimentât le sulfate de quinine à hautes doses pour le traitement des rhumatismes articulaires. Un médecin de province, après de* observations bien faites, avait présenté un mémoire sur l’effet de ce remède. C’était tout bonnement merveilleux. La guérison radicale était, disait-il, obtenue immédiatement. Le; docteur, chef de mon service, était aux eaux, et c’est moi qui fis les expériences. .. ¡1:1'. r. /iiiluv

■iDans les salles dont j’étais chargé, en quelques jours, j’eus douze cas de rhumatisme articulaire à traiter. J’administre te sulfate de quinine. Douze sucoès, et, plusJieureux que quelques docteurs qui avaient eu des cas d’emprisonnement, pas-d’accident. J’étais dans l'enthousiasme, lorsque se pnéseote uu autre rhumatisant Sûr du suooès, je hü fais absorber le remède. — Pas de soulagement. Cependant le patient assit éprouvé comme les autres: les effets, toxiques de te quinines éblouissements, étourdissemeuia, etc. Affaire d’idiosyncra-

sie. Tempérament exceptionnel. Je n'étais pas refroidi. Nouvelle épreuve. Nouvel insuccès. Bref des insuccès en grand nombre, des succès rares. Il en était partout de môme, et l’on renonça bientôt à un remède dangereux et qui ne guérissait PLUS.

— « Faisiez-vous l’article,? demandai-je au docteur. Preniez-vous soin d’avertir le malade que vous lui donniez un remède merveilleux, qui devait amener uns guérison entière, immédiate ?

— « Bien entendu. Ça n’est pas déjà si lion, un gros paquet de quinine. Et puis il fallait prévenir le malade de ne pas s’effrayer des étourdissements, des accidents— peu dangereux, leur disait on, — qui pourraient survenir.

— « Ainsi, vous frappiez l’imagination du sujet ; vous excitiez en lui des sentiments d'effroi, de l'espoir, sentiments que devait entretenir l’apparition des symptômes prédits. Vous le mettiez dans nn état magnétique, docteur, par impression morale d’une part, et de l’autre par le seul rayonnement de votre enthousiasme. Vous souriez, docteur; mais sans discuter la question du magnétisme déjà agitée plusieurs fois entre nous, vous ne niez pas certains états particuliers que j'appelle magnétiques. Quelle que soit leur cause, sans fixer les limites auxquelles peut atteindre la perturbation morale dans ces états, vous êtes sûr qu’ils existent, puisque vous-même les avez subis faiblement ; puisqu'en tête à tête avec vous, expérimentant sur vous-même, je vous ai fait fermer les yeux, contraint à marcher, enfin que votre faculté volitive était altérée.

« Eh bien, dans cet état, certaines des facultés intellectuelles sont amoindries, surtout la comparaison et la volonté. Dans cet état, que divers procédés physiques ou moraux peuvent développer à un plus ou moins haut degré chez un assez grand nombre de sujets, l'imagination, par suite de l'espèce de sommeil des autres facultés intellectuelles, est prédominante, et suivant qu'on s’aperçoit que la volonté, ou la faculté de comparaison est plus ou moins altérée, suivant que le sujet est plus soumis ou plus crédule, — il y en a à qui

l’on peut faire accroire que des vessies sont îles lanternes,— 011 peut par le commandement ou par la suggestion diriger l'imagination qui, — vous le reconnaissez sans doute, — serait un instrument curatif bien puissant, si l’on savait le manier.

— « Ce serait bon, peut-être, pour les maladies nerveuses ; mais ça se bornerait là.

— « En admettant votre restriction, docteur, ce serait déjà quelque chose que de fournir à la thérapeutique un procédé rationnel pour une classe nombreuse de maladies , souvent très-graves, à propos de laquelle la médecine officielle , sobre d’aveux de ce genre, reconnaît son impuissance.

«Maisjesuisloind’admettrequel’imagination, maniée avec art, ne puisse avoir d’action thérapeutique que dans les maladies nerveuses. Les impressions morales ont action sur presque tout, ou, pour parler plus juste, surtout l’organisme ; sur le système de la vie de relation et sur celui de la vie végétative: une émotion vive, quelle que soit sa nature, vous courbature, vous casse bras et jambes, modifie la circulation, cause des suffocations, provoque les sécrétions, etc. Vous connaissez l’effet de la peur. Elle ne produit pas toujours que l’apâlissement. Nous autres, qui avons manié les sujets k l'état de charme, cette sorte d'état dont je vous parlais tout à l’heure, qui avons un procédé pour diriger l’imagination, nous en connaissons bien mieux la puissance.

«Par cette seule force, au moyen de la suggestion, nous produisons à volonté, sur les sujets idoines , des phénomènes physiologiques déterminés : la contracture musculaire, la paralysie,l’ivresse avec ses symptômes, tous ses symptômes. J’ai purgé des malades par simple suggestion.

«Pourquoi donc limiter la puissance curative del’imagina-tion aux maladies nerveuses ?

— « Vous me rappelez un fait qui m’a beaucoup frappé, et dont je n'ai jamais eu l'explication. Est-ce que vous viendriez de me la donner?

« C'était dans le service de M. Piorry, vous savez qu’il est,

non pas l'inventeur du diagnostic par la percussion, mais l’inventeur d’un petit outil assez commode, mais non indispensable, pour pratiquer la percussion. S'il n’est pas l’inventeur de la méthode, il en est le propagateur infatigable, et il a rendu de vrais services à l’art du diagnostic; mais chez lui la plessimétrie est quasi passée à l'état de loqundc. Quiconque se présentait pour un cas quelconque, était immédiatement dépouillé et plessimétrisé sans pitié; les profils des poumons, du foie, de la rate, tracés au crayon de pierre infernale, — face et pile, — ainsi que le cœur et les gros vaisseaux. Le patient s’en allait parfaitement tatoué, et n’avait plus pour se déguiser en sauvage qu’à se procurer un collier de graines d'Amérique et un tablier en natte d’écorce. Internes, externes, stagiaires, tous les élèves du service étaient ennuyés de la plessimétrie, lorsqu’arriva cette découverte que dans les fièvres intermittentes il y a hypertrophie de la rate, hypertrophie que le sulfate de quinine à haute dose diminue immédiatement. Recrudescence de plessimétrisalion dans-le service Piorry : plessimétrisation du malade pour le diagnostic, deuxième plessimétrisation du malade pour constater l’état de la rate au moment de l’ingestion du remède, troisième plessimétrisation pour constater l’effet physiologique de la quinine.

«Certes, ces expériencesétaientutilesetrationnelles; mais les élèves étaient ennuyés de la longueur et de la monotonie des observations. Les carabins ont toutes sortes de qualités, mais, dans cette estimable variété de l’étudiant qui fréquente un peu l’amphithéâtre, un peu les hospices et beaucoup l’estaminet, la patiencé n’est pas la vertu dominante; or le pies-stmètre et la plessimétrisation, pour les élèves de M. Piorry, avaient fini par être,—suivant leur expression,—un cauchemar, une scie. Et comme ils en avaient plus qu’assez, ils n’en voulaient pas davantage. Voici ce qu’ils imaginèrent. Silere-mèden'agissaitplus, on y renoncerait, et nous serions débarrassés de la machine à mesurer les rates, donc il ne faüt plus que le remède réussisse. Élève en médecine, élève en pharmacie, variétés de graines de même espèce, il ne faut donc pas

s'étonner que l’interne médecin et l’interne pharmacien se soient entendus comme larrons en foire. Un jour que la fièvre intermittente donnait beaucoup, et qu’il y avait pas mal de rates à plessimétriser et replessimétriser, — tous les élèves étaient exacts, il s’agissait d’une bonne niche à Caire au professeur de clinique, — ou apporte, au lieu de paquets de suliate de quinine, des paquetsde poudre d’amidon rendue bien amère avec de la coloquinte.—Les drôles entendaientleur affaire.— Premier sujet : on mesure la rate, on administre un paquet ; deuxième, troisième sujet, jusqu’à épuisement, mêmes opérations. Pour cette fois, les élèves étaient attentifs, et répétaient eux-mêmes la mesure.

« M. Piorry va passer à la replessimétrisaiion ; il annonce d’avance quelle diminution chaque rate va avoir subie. Les carabins de plus en plus attentifs, prennent une mine hypotonie, et. se poussent du coude.

« Toutes les rates avaient subi la diminution prédite. Le professeur s’était-il fait illusion? Internes, externes vérifient. L’hypertrophie des rates a bien réellement diminué, et les mystificateurs pantois se gardèrent bien d*avouer à M. Piorry la mauvaise farce qui n’avait pas réussi.

« Est-ce que l’amidon amer, et le sulfate de quinine dans ce cas, n’ auraient été qu’un moyen d’agir involontairement sur l’imagination?

_ « Je le regarde comme probable, surtout en y ajoutant,

l’assurance de l’opérateur, et ses affirmations. Commencez-vous à croire, avec le rapport de Bailly sur le magnétisme, qu’il y a dans l’imagination une force et dans les procédés des magnétiseurs un levier dont on pourrait tirer grand parti ? C’est là une partie, une petite partie du bagage des magnétiseurs. Observation d’états où l'impression morale augmente de puissance, procédés indépendants de toute hypothèse pour amener un grand nombre de sujets à cet état ; possibilité de diriger Timagination, et de lui donner plus de puissance sur l’organisme.

« Je vous présente la chose par le petit bout poux- qu’elle

entre plus facilement dans votre crâne dur. Vous reconnaissez tous que dans les traitements l’imagination peut être un adjuvant puissant. Nous vous offrons lu manière de s’en servir. Ça vous va-t-il? Vous ne dites pas : Non.

— « Laissez-moi tranquille avec votre imagination, et votre suggestion. J’ai souvent causé magnétisme avec vous et avec d’autres. Ce n'est pas comme cela qu'il m’a été présenté.

— n Qu'importe ! Ce que je vous dis sort-il de la méthode positive? ai-je fait des hypothèses douteuses? Ai-je manqué de logique?

— « Tenez, vous m’avez magnétisé autrefois. J’ai éprouvé ......je ne sais quoi, que je regarde comme un effet d’imagination. Vous dites que dans cet état-là on est sujet à être crédule. Je suis peut-être dans une phase de crédulité. J’ai grande confiance en vous; mais je me méfie du magnétiseur. Adieu. »

Agréez, etc.

A. Petit d’Ormoy.

Paris, 18 décembre 1858.

VARIÉTÉS.

PHÉNOMÈNE SPIRITUALITE.

Le journal américain Banner oflight (n° du 20 novembre) contient la relation suivante, signée d’un M. Gardner Adams et datée de Franklin (état de Massachussets).

« On peut voir chez M. S. Whiting, de cette ville, une nouvelle et remarquable manifestation du pouvoir des Esprits ; elle a été obtenue pour la première fois, le 31 juillet dernier, par le ministère d’un médium, petit-fils de M. Whiting. En regardant avec une lorgnette, on voit un spectacle que les

Esprits déclarent être la représentation des sphères célestes. Au centre apparaît un globe avec des cercles lumineux tout autour, resplendissant de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, dont l'éclat et la position changent presque continuellement. Quelquefois tout disparait, puis les images reparaissent plus brillantes, et avec des modifications innombrables. L’objet sur lequel sont dirigés les regards n’est pas plus grand qu’une pièce de trois sols ; mais il parait considérablement amplifié, et scs dimensions varient suivant les personnes; il disparaît quand 011 îegarde dans la lorgnette d’après le procédé ordinaire. Cet objet consiste en une petite pierre précieuse que son propriétaire 11e donnerait pas pour mille dollars. Cette personne ayant demandé aux Esprits un témoignage qui pût prouver la vérité du spiritualisme, reçut cette espèce de talisman, avec l’assurance qu’il conserverait ses propriétés aussi longtemps qu'elle le désirerait. Des centaines de personnes l’ont vu et s’accordent à le regarder comme une merveille.

» Ce sera un os à ronger pour MM. les professeurs, quand ils auront donné l’explication promise des corps mystérieux. »

M. Philippe Hedde, célèbre magnétiseur, membre de l’A-cadémie impériale du Gard , correspondant de plusieurs sociétés savantes, est décédé à Nimes, dans la journée du 9 novembre dernier , à l’âge de soixante-trois ans, à la suite d’une fluxion de poitrine.

Outre la très-grande et légitime renom:née dont jouissait M. Hedde en qualité de savant industriel, il possédait à un très-haut degré la science magnétique , dont il était le plus fervent apôtre : c’est à son zèle extrême que sont dues la plupart des conversions à cette croyance qui ont eu lieu dans Nîmes, pendant sa longue carrière de magnétiseur. Sa pensée répondait par sa plume à ses actions : il était toujours prêt à défendre cette science naturelle contre les attaques

incessantes de l'incrédulité systématique ; il professait hautement, dignement et religieusement cette science régénératrice. Aussi, oserons-nous le dire, la famille des magnétiseurs français perd en lui l’un de ses plus respectables membres, un zélé défenseur et un ardent propagateur de leur brillante foi, d’où s’échappe en jet de lumière la vraie connaissance de notre mystérieuse existence et de la divinité de laquelle nous émanons et dépendons tous.

Ses obsèques ont eu lieu le 11 novembre dernier au milieu d’un grand nombre de ses amis et des admirateurs de sa vie exemplaire.

Manlitjs Saixes.

(Extrait du Glaneur du Gard.)

On a beaucoup parlé sur le danger des inhumations précipitées; celle de M. Borély, notaire à Bagnol, rentre, dit Y Opinion de Nîmes, dans cette catégorie. Le corps avait été provisoirement déposé dans un caveau ; quand on a voulu l'en tirer, on a trouvé le corps du notaire étendu dans l’intérieur du caveau. Le malheureux avait vainement appelé du secours et s’était rongé les poignets. Les médecins 11e savent pas même dire quand nous sommes morts.

EURATOM.

Dans le dernier numéro, page 6C5, ligne 5, au lieu de considération, lisez comécraKo*.

Baron bu POTET, propriélairc-gcrant.

CAUSERIES MAGNÉTIQUES.

DIX-HUITIÈME CAUSERIE.

Patience et persévérance.

(Suite.)

Ecrire est parfois un plaisir, une puissante distraction. La mémoire reproduit en image les faits d’un autre temps ; on revit dans le passé. Heureux celui qui n’a point à retracer de drame bien noir; heureux celui qui n’a point fait couler le sang humain et porté la douleur dans quelques familles ! Si la tristesse, pour un instant, s’empare de son âme au souvenir des souffrances qu’il a endurées, ce n’est qu’un nuage qui passe rapidement sous un ciel serein, et qui pour un instant obscurcit les idées. Mais parfois pourtant ce pli du cœur a fait couler les larmes de l’écrivain. Pourquoi le cacherais-je? J’en ai moi-même parfois versé, lorsque certains traits de ma vie aventureuse me revenait en pensée. Une larme ! la douleur physique effacée n’en fait jamais verser ; les blessures du cœur ne se cicatrisent jamais entièrement. Pourquoi ? je n’oserais répondre. Un malade que vous avez guéri vous oublie rapidement ; offensez légèrement le môme homme, il s’en souviendra toute sa vie, et pourtant la somme du bien que vous lui avez fait est de beaucoup supérieure à celle du mal dont vous avez été la cause. Explique qui voudra cette contradiction.

J’aime, en ce moment, à me rappeler mes luttes et mes combats; j'aime à revoir en pensée les lieux où , animé par la passion du beau et de la vérité, j’affrontais des ennemis si nombreux et si puissants que je doute par instants que ma mémoire soit bien fidèle. Je ne suis point romancier ; j’écris au soir de ma journée ma somme de travaux, le peu que j’ai fait ; je décris le coup que je frappais sur le roc, l'éboulcment

Tome XVII. — N» 50. — 2« Série. — 25 Janvier 1859. 2

des terres sur mes travaux, la neige, la pluie qu’il y tomba, le lever du soleil ainsi que son coucher. Je ne puis me tromper, hélas ! je n'eus jamais les loisirs qui enfantent les rêves, niais toujours, au contraire, le travail qui détruit l'illusion pour ne laisser voir que la réalité. Qu’on ne s’y trompe donc point, plus ou moins mal dit, ce que j’écris n’est pas le fruit d’un rêve.

Quelle belle chose que la mémoire ! C'est elle qui a donné naissance à la civilisasion et aux livres ; c'est elle qui marque les temps, et l'homme ne vit moralement que par elle; ôtez-la-lui, il n’est plus qu'un idiot. Retranchez-lui la vue, l’ouïe, qu’importe, si vous lui laissez la mémoire? L’homme est là tout entier. Réservoir de toute connaissance, point de départ de toute instruction, on ne sait point comment la mémoire se produit. Ses magasins reçoivent et conservent, dans des compartiments séparés, ce que les sens perçoivent, et des commis plus ou moins paresseux, plus ou moins empressés, vont y chercher, y prendre, non l’objet qui y est déposé en image, il y reste, mais l’idée réelle de la chose enfouie, sans eflacer jamais cette écriture mystérieuse qui fait tout retrouver et reconnaître. Je voudrais seulement voir les signes qui serveut d’étiquette, mais nul ne les a vus. Sont-ils matériels? sont-ils spirituels? Qui le sait? Quel beau sujet d’études que tout cela et trop au-dessus de ma portée ! Servons-nous seulement de l’instrument, et commandons au\ messagers secrets autant qu’invisibles de nous amener successivement les principaux personnages avec lesquels nous eûmes des rapports et des entretiens ; — mais celui que j’évoque en amène un autre avec lui, puis un troisième, et tout à coup j’en vois cent mille de toute taille, de toute figure et corpulence ! Je les vois, je les reconnais ; ils sont là, dans mon cerveau, comme dans une prison, et le guichetier est incorruptible ; il me les montrera, mais ne les laissera point sortir. Grand Dieu ! c’est comme dans l’arche de Noé, toutes les bètes que j’ai vues y sont aussi renfermées. Chose plus merveilleuse encore, un somnambule peut voir à travers les boiseries de celte arche; moi, je ne le puis pas. Singulière propriété que

nous possédons! on peut entrer chez les êtres humains et voir ce qui s’y passe sans briser la clôture.

Ouelle source de méditations : là est la clef des sciences ! nul «les modernes encore ne l’a saisie, peut-être môme suis-je le seul à la chercher, ou tout au moins à indiquer où on peut la trouver.

Mais c'est trop m’écarter de mon sujet; revenons-y. Naguère nous rappelions les souvenirs de nos premiers appels au peuple, tâchons aujourd’hui de nous remémorer nos appels aux savants. Les savants ne sont certains que d'eux-mêmes et ordinairement pleins de méfiance envers leurs confrères, voilà pourquoi ils peuvent rarement s’entendre entre eux et s’accorder. Pourquoi tant de disputes? Pour moi, qui ne suis pas savant, ils seront débonnaires, envoyons-leur mon programme et attendons leur venue.

« Messieurs,

nVenez voir le plus grand phénomène ; il est vivant. Il tient de la torpille et de l’anguille de Surinam; il y a même en sa personne quelque chose du poisson et du serpent. Vous le verrez donc tantôt électrique, galvanique, puis aimant ; il frappera de secousses les êtres qui l'approcheront ; il les stupéfiera, les endormira et pourra les réduire à zéro ; il s’en fera aimer ou détester à sa volonté, car cette bête curieuse est tantôt sympathique ou antipathique, cela dépend entièrement d’elle-même. Bien qu’elle sache parler, elle répondra peu à vos questions, parce qu’elle ignore votre langage, n'étant point allée à vos écoles publiques où elle eût perdu sans doute ses instincts et ses facultés naturelles: c’est pourquoi vous devez lut pardonner son ignorance.

« Venez, messieurs, venez; vous n’avez rien à craindre , mais je dois pourtant vous prévenir que cette bête agit à distance ; peut-être môme l’un d’entre vous subira son action malfaisante, mais nous l'avertirons de sa méprise, et dès lors elle vous respectera et vous rendra votre libre arbitre. Je dois vous prévenir encore qu’elle entre en colère quand 011 l’insulte, quand on la pique ou la mord ; au reste, elle

boit, dort et mange comme une personne naturelle, et, en la voyant en repos, 011 ne soupçonnerait rien de ses merveilleuses propriétés ; c’est par le regard et par ses pattes qu'elle agit sur ceux qui l’environnent.

« Venez, messieurs, on ne vous demande rien que Chonneur de voire présence; entre: sans billet et prrrrenez vos places.»

Je donne ici le fond, mais non la forme tic mon appel.

Qui fut bien étonné ?... malgré ma pompeuse annonce, aucun savant ne vint, et j’en fus pour les frais de mon éloquente affiche, sur laquelle le fisc avait prélevé son décime. Nos savants.... examinaient alors de nouveaux coquillages; ils faisaient, jeux d’enfants ! mouvoir des cuisses de grenouilles, couraient voir quelque petit jet de gaz , en déclarant tout haut qu'on n éclairerait jamais une échoppe avec celte découverte. Nos savants.... cherchaient du sucre jusque dans de vieux chiffons, mais étaient sans idée sur l'avenir de cesinven-tions ; ils déclaraient, dans leur prévoyante sagesse, que la vapeur ne ferait jamais mouvoir un navire, comme 011 le prétendait iléjA ; et cette électricité, qui porte aujourd’hui la pensée dans le monde-entier, n’était entre leurs mains qu’un instrument de physique amusante.

A cette époque, les savants digéraient laborieusement les connaissances du passé, 11'espérant pas beaucoup dans l’ave-nk:; mais le génie humain était en travail, l’incubation des plus grandes choses se faisait par des hommes de rien, et la divine éclosion ne se fit point attendre : des arts nouveaux, de nouvelles sciences, prirent naissance, les nations s’enrichirent, mais les corps savants furent détrônés par cette subite révolution. Le magnétisme seul se tint dans l’ombre, attendant les grands esprits qui devaient le placer en pleine lumière ; il s’est emparé de l’opinion et égalera bientôt, s'il ne les surpasse, toutes les autres découvertes ; il créera un nouvel art de guérir et donnera naissance à la science morale.

Baron du Potet.

(La suite au prochain numéro.)

CONTROVERSE.

Le journal du Magnétisme 11e se serait point occupé du procès des allopat lies, si M. Andral n’avait employé, dans sa plaidoirie, le magnétisme comme argument pour sa défense. Cette maladresse nous donne le droit d’intervenir et de publier quelques pièces oubliées, pour remettre en mémoire des attaques plus vives de l’allopathie contre l’homœopathie, où le magnétisme fut alors aussi mêlé. Voici un document qui intéressera, nous en sommes sûrs, nos lecteurs, car il est d’un médecin assez désintéressé et assez liai di pour avoir eu le courage de soutenir les droits de la vérité, bien qu’il dût succomber, car le temps du triomphe n’était pas encore proche.

Voici ce document ; le docteur Frappart répond à son collègue le decteur Douillet.

Baron Do Potet.

A M. Douillet, docteur en médecine.

Paris, 9 juillet 1840.

« Mon très-honoré confrère,

« Vous me paraissez avoir une vénération si vraie, si profonde, si pleine de reconnaissance, pour M. Bally, que je ne réfuterai pas votre lettre en ce qui concerne cet honorable académicien ; le toucher, ce serait vous battre, et le battre, vous frapper au cœur ! Je n’irai pas jusque-là. Cependant, vous le dirai-je, j’avais rêvé que l’homme qui plus d’une fois s’est hardiment opposé, seul, aux fréquentes usurpations de l’autocratie administrative dans les hôpitaux ; que le médecin qui, le premier, alors que tous gardaient le silence, a courageusement offert son expérience, ses lumières et son dévouement à la peste de Barcelonne; que le savant illustre qui préside aujourd’hui avec tant de dignité votre Acadé-

mie...., si difficile à présider ! que M. Bail y enfin se rappellerait que plus on est élevé dans une hiérarchie, plus on a de devoirs à remplir, et que parlant ce qui est facultatif pour l’un peut devenir obligatoire pour l’autre. Ainsi les soldats de la garde napoléonienne n'avaient sans doute pas plus de bravoure que les autres, mais ils étaient tenus d’en montrer davantage. —Hélas! confrère, votre maître oublie ces préceptes, et, sans égard pour ce que réclament son présent et son passé, il préfère se soumettre aux piètres exigences de sa position académique ; entouré de gens qui reculent, il recule avec eux. Je m'y attendais : il est si difficile de remonter le courant, et si aisé de le descendre ; il est si pénible de lutter contre les siens, et si commode de se croiser les bras avec eux, qu’en vérité c'eût été miracle qu’il en advînt autrement. Et pourtant, quand on a pour soi raison, justice et force, en ce monde il faut lutter sans cesse, il le faut ! Je m’arrête, car mon sang court déjà plus vite, et je craindrais d’avoir la main trop rade.

« Je passe à vous, cher docteur, et vais commenter brièvement les réflexions plus que bienveillantes que vous me faites dans le second paragraphe de votre dernière épître.

« 1° Vous dites : Vouloir faire du magnétisme un agent thérapeutique, me parait une prétention hardie, une espérance irréalisable.

0 Vous paraît !... Ainsi, à vos yeux, ma prétention de réforme médicale n’est pas décidément hardie, elle n’a qu’une apparence de hardiesse; et mon espérance n’est pas définitivement irréalisable, seulement vous n’êtes pas bien sûr qu’il soit possible d’en obtenir la réalisation : c’est là voire pensée, n’est-ce pas ? Donc vous êtes dans le doute. Or, comme naguère vous étiez dans la négation, peut-être bientôt serez-vous dans l’affirmation. Pour vous mettre en mesuré de vous dépouiller de cette incertitude, — qui deviendrait coupable si elle restait volontaire, — je vous signale un moyen puissant, fécond, infaillible : c’est de magnétiser de votre propre main des malades. Suivez ce conseil, et le fait

ne tardera pas à vous couvaincrc que mes prétentions et mes espérances sont fondées.

« 2" Vous dites : Je présume qu'en cherchant la vérité, vous n'avez atteint qu’une erreur.

« Vous présumez !.... Encore du doute, rien que du doute; quelle déplorable position ! A tout prix, cher confrère, il vous faut sortir de ce vague ; l’équité le veut. Je vous en indique le moyen, saisissez-le.

« Je n’ai atteint qu’une erreur !.... Cela n’est pas, parce que, dans l’espèce, cela 11e peut être. S’il était question d’une théorie, d’un principe, d’une doctrine, ou d’un système, passe encore! mais d’un fait, et d’un fait accessiblè à la vue la plus faible, à l’esprit le moins délié, à l’observation la moins fine? Allons donc! vraiment, confrère, vous m'accordez par trop de simplesse. Oh ! si vous étiez académicien, pour ce péché, je vous frapperais des barbes de ma plume.

« 3° Vous dites: Vous avez quitté la route difficile et sûre de l’expérience pour les illusions trompeuses de votre brillante imagination.

11 J’ai quitté la route de l'expérience?.... J’ignore, Monsieur, ce qui vous autorise à porter contre moi une accusation aussi sévère ; quelles sont les preuves dont vous l’appuyez? Non, jamais, en médecine, je n’ai abandonné la route expérimentale; je n’ai même jamais pu l'abandonner, puisque j'ai passé dix-liuit ans de ma vie d’adulte à souffrir et à me traiter, ou à me faire traiter. C’est l’expérience, au contraire, qui m’a démontré qu’au lit du malade toutes vos médecines sont presque toujours impuissantes, nuisibles ou meurtrières.

« Nuisibles ou meurtrières!.... Pour un médecin qui a trente ans d'études, dont vingt de pratique, ces paroles sont plus difficiles à dire qu'on ne le pense ; et, je le confesse, si je n’étais profondément convaincu qu’elles sont véridiques, il faudrait, pour en assumer ainsi sur moi la responsabilité, que je fusse fou, stupide ou méchant. Mais j’ai quelque chose dans la poitrine et dans la tête qui me force à parler, et sans m’inquiéter du jugement des hommes, je parle, je parlerai.

ii D’ailleurs, peut-être prétend-on que je suis le seul médecin de mon avis ; oui, pour la nocuité de vos médecines, non pour leur impuissance. Les faits et gestes de ces messieurs en témoignent. Voyez Bordeu : n’assurait-il pas que les médecins qui avaient de l'esprit en savaient assez pour les hommes, et que ceux qui avaient de belles manières étaient assez savants pour les femmes ? — Voyez Barthès qui, à cette question, ce médicament me convient-il? que lui adressait un malade, répondait : Dépêchez-vous d'en prendre pendant i/u’it guérit. — Voyez de nos jours un de nos professeurs les plus aimables et les plus appelés : on sait gu’il définit la médecine, l’art divin... de gagner dt l’argent.

Voyez les médecins quand ils se trouvent en co ¡¿ultation : c'est là, — comment dirai-je ? — du pitoyable et du dégoûtant 1 Notre grand comique a oublié ce point de vue du métier, à moins toutefois que de son temps on n'eût pas encore inventé ce genre d'exploitation. Ob! si notre grand comique revenait 1... mais aujourd’hui son fouet serait trop léger. — Voyez enfin nos confrères lorsqu’ils sont malades; d’abord en qualité de gens qui ne savent à quel saint se vouer, ils essayent de tout ; puis, plus tard, ils renoncent à tout. Je n'ai que l’embarras du choix pour citer : néanmoins, pour ne parler que d’un, — à la jarretière duquel les autres vont à peine,— Broussais, cette dernière gloire de la gothique école, pendant quatre mois, et près de deux années avant sa mort, ne s’est-il point aveuglément livré à l’action des infinitésimaux dont il s’était moqué? puis ne les a-t-il pas laissés, pour les reprendre ensuite et les quitter encore? S’il eût été fortement convaincu que quelque chose d’efïicace pût se rencontrer dans sa médecine ou dans l'une des vôtres, est-ce qu’il n’y aurait pas eu recours plutôt qu'à une doctrine qu’il ne connaissait que de nom,,et à des médicaments administrés à des doses si minimes qu’elles échappent à toutes nos recherches, et que nul ne peut concevoir leur mode d’action. Aussi un jour, me disait-il d’un air peiné, en regardant un globule que je venais de lui prescrire et qu'il allait prendre :

i Est-il possible, mou ami, que vous et moi donnions dans

de pareils fagots ! — Que voulez-vous, maître, lui répondis-je, il y allait de ma peau et il y va de la vôtre. »

« Que dites-vous, Monsieur, de ces citations, que je pourrais multiplier à l’infini? Elles démontrent, ce me semble, que dans notre art, comme du reste en toutes choses, si par l'expérience et le raisonnement on se propose d’arriver à la certitude, c’est bien plus communément au doute ou même à l’incrédulité qu'on arrive ; et il doit en être ainsi, puisque, en ce monde, il y a cent mille peul-Étre pour un certaine-mtnt. Demandez-le plutôt à Montaigne,... le grand douteur.

« Pour i.es illusions trompeuses de mon imagination!... Est-ce que vous croyez, Monsieur, que l'imagination n’est bonne qu’à faire des fous ou des mauvais poètes, et que le sens commun ne peut marcher de pair avec cette facilité? Alors je compatis à votre croyance. Je sais’bien que dans les sciences l’imagination sans la raison égare ; mais je sais aussi que la raison sans l’imagination retarde, arrête et souvent paralyse. Or, en supposant que j’aie l’imagiriation dont vous me gratifiez, suis-je donc privé de la dose de raisôn nécessaire pour contrebalancer cette imagination? Eh bien! confrère, puisque vous m’attaquez, je vais me défendre et vous dire en deux mots ce que je pense à ce sujet. Mon imagination ne m’a point empêché, dans mes travaux intellectuels, de toujours être concis, clair et logique ; dans mes recherches scientifiques, de toujours partir du fait pourm’élever à la déduction ; dans ma pratique, de procéder toujours avec prudence, et ce, parce que dans ma tête l’imagination n’a point vôix délibérative, et n’est que la dévouée servante de la raison. Voilà mon avis ; si je me trompe, qu’on me le prouve.

« h* Vous dites : Ce n'est pas que je redoute de voir tout notre fatras pharmaceutique mis, compte vots le prétendez, au rang des erreurs de la nécromancie et de l'astrologie.

« Parfait! pour un début c’est beaucoup m’accorder; mais je prétends plus encore. Ainsi, avec le temps, j'espère bien vous voir convenir que tout est fatras en votre médecine, excepté pourtant le diagnostic ; quoiqu’à vrai dire on n’y rencontre d’habile, même à Paris, tout au plus qu’un prati-

cien sur cent! cl cela, par le motif qu’en général nos docteurs ne sont que des marchands de visite qui courent le tnalade pour vivre,.... ou vivoter; et quand même il en serait autrement, bon nombre d’entre eux semblent avoir été mis en celte société,.... surtout pour l'aire d'excellents maçons.

n 5° Vous dites : Mais en vous suivant, je craindrais de quitter une route obscure pour prendre une route plus obscure encore.

« Route obscure!.... De la part d’un partisan de l’école actuelle, l’aveu est naïf et d’un grand prix ; j'en prends acte, il n’a pas besoin d’explication, celui-là! — Et vous ne craignez point, Monsieur, que la Faculté ne vous accuse d’êlre un perfide, un traître, un faux frère? Vous ignorez donc qu il y a des choses que tout le monde pense, mais qui ne se disent pas, ou qui ne se disent qu’à l’oreille, et entre augures, encore ? Apprenez désormais à mieux placer vos confidences :... je ne suis plus augure. Pour semblable crime, avant la révolution, ils vous eussent sévèrement admonesté, ou chassé de la confrérie. Vous connaissez l'histoire du modeste et du courageux d’Eslon, ce pauvre ami de Mesmer ? Son titre de régent ne le préserva pas de la foudre académique. Mais aujourd’hui on ne vous grondera pas, on feindra simplement de ne pas vous entendre, et l’on fera ce qu’ils appellent de la dignité. Que les temps sont changés! — Au fait, pourquoi serait-il défendu à l’Académie d’être prudente,....faute de mieux?

« Route plus obscure encore!..., Qu’en savez-vous, Monsieur? Vous ne faites que le craindre, donc vous n'en êtes pas sûr, ni même persuadé. — Puisque, de votre propre témoignage, la route que vous suivez est obscure, quel grand tort peut-il vous advenir à en changer? Quelques heures jetées au vent! Mais si la route que je vous indique ne l’est point, obscure ou l’est moins que la vôtre, jugez ce que vous gagneriez à la prendre : une conviction, peut-être !....

« Or, vous savez qu'une conviction est une vérité qui s’incarne à nous, qui nous pousse, et nous anime, et nous échauffe, et nous embrase, et devient une puissance qui décuple RO(re puissance ! et vous ne feriez aucun effort pour

en conquérir une ? Essayez, la cliose en vaut la peine. Ce que je vous ai montré ne vous a-t-il pas saisi, remué? ne m’avez-vous pas écrit dans votre première lettre que ce sont des faits merveilleux? et dans votre seconde qu’ils tiennent du prodige? Pourquoi vous arrêter en si beau chemin d'enthousiasme? Mon Dieu, confrère, si vous êtes naturellement admirateur, quand vous opérerez vous-même sur des malades, vous aurez bien d’autres faits à admirer ; ils vous renverseront, ils vous écraseront; de même qu’il y a quinze ans, après avoir vu et bien vu, moi aussi, j’ai été renversé, écrasé. — J’ai dit.

n Pardonnez-moi, bon confrère, de vous avoir un peu disséqué ; mais il fallait que quelqu’un le fût, vous ou M. Ballv. — Jusqu à son triomphe, la vérité veut des martyrs ou des victimes.

« Votre tout dévoué serviteur,

« Frappart, d. m. p. »

Quelques personnes croient que nous allons trop loin dans nos attaques contre les médecins, tandis que nous, nous pensons y mettre de la mansuétude : c’est un crime à nos yeux de ne pas utiliser le magnétisme dans les maux qu’il pourrait guérir, et son rejet par les médecins est un crime de lèse-humanité. Voici encore comment le même docteur, répondant à M. Bouillaud, s’exprimait à ce sujet; ses arguments nous paraissent sans réplique ; il adressait ses réflexions à un de ses amis, et, lui parlant de sa correspondance avec M. Bouillaud, il disait de celui-ci ;

« Je l'inviterai donc à résoudre les deux questions sui-« vantes, afin de savoir si, comme on le dit, le soleil de la li-« berté scientifique luit pour tout le monde.

» A. Est-il rai sonnablede diriger son activité intellectuelle, je ne dis point passionnelle, dans quelque sens que ce soit, et d’après son bon plaisir?

« L’affirmative est incontestable pour ceux qui n’ont point encore choisi une carrière; aussi, décidez-vous à cultiver la

botanique, la chimie, la physique, la minéralogie, la médecine, l'astronomie ou les mathématiques ; à vous hérisser de latin, de grec, d’arabe ou d’hébreu; à devenir grammairien, poëte, historien, peintre, musicien, acteur ou avocat; à être architecte, maçon, cordonnier, bijoutier, fleuriste, tailleur, ou tout ce que vous voudrez, qu’importe ! au point de vue de la civilisation actuelle, toutes les sciences, tous les arts, toutes les professions, tous les métiers sont plus ou moins précieux, et, toutes choses égales d'ailleurs, — j’insiste sur cette expression, — il est aussi raisonnable d’opter pour l’un que pour l'autre; car, en définitive, il n’y a pas plus de vrai mérite à apprendre l’un que l’autre.

« B. Est-il juste quand un homme est entré dans une carrière, qu’il s’arrête où bon lui semble ?

« Ici, il y a une distinction à faire : ou la profession que l’on a embrassée est de luxe ou elle est utile. Dans le premier cas, vous avez, sans contredit, droit de médiocrité; ainsi vous pouvez être à loisir mauvais poëte, mauvais grammairien, mauvais helléniste, mauvais peintre, mauvais danseur, mauvais musicien, sans que votre nullité tire à conséquence, parce qu’il est assez peu important pour l’humanité que vos vers soient bons, que vous soyez un grammairien habile, un helléniste distingué, un Raphaël, un Vestris, un Ilossiui ! mais dans le second cas, au contraire, vous n’avez pas cette liberté et vous êtes consciencieusement tenu de pousser le talent jusqu'aux dernières limites de votre possible; ainsi vous n’avez pas le droit d’être sciemment mauvais pilote, mauvais pharmacien, mauvais cocher, mauvais avocat, mauvais médecin, sans risquer de devenir coupable par votre ignorance ; parce que si vous êtes mauvais pilote, vous pouvez me faire échouer au port; mauvais pharmacien, m’empoisonner; mauvais cocher, me casser bras et jambes; mauvais avocat, me ruiner; mauvaismédecin, me tuer.

« En présence de ces démonstrations, dont la palpable évidence doit frapper tous les esprits, je demande aux hommes qui ne sont point tout à fait relégués au bas de

l’échelle morale, s’il est permis à un médecin, qui aie sentiment de son devoir et de sa mission, de ne pas vérifier les découvertes qui viennent enrichir l’art de guérir? S’il lui est permis, par exemple, de ne pas étudier expérimentalement le magnétisme, lorsque le magnétisme est affirmé par des hommes tels que les Orfila, les Adelon, les Clm/url, les Husson, les Rostan, les Fer rus, les Ribes, les Pari sel et autres que j’ai nommés?

« D' Frappart, Dr m. p. »

FAITS ET EXPÉRIENCES.

n Liège, le 11 janvier T859.

« Aille D..., maguétisée pendant trois années par un médecin de cette ville, lorsqu’elle est souimaahule, voit parfaitement sans le secours des yeux ; c’e6t ainsi que souvent elle a lu les entêtes d’ouvrages, et que j’ai joué avec elle une partie de dominos à dés retournés, de telle sorte qu’elle posait les dé9 sans que la vue ou le tact pussent lui donner la moindre indication. Jamais elle ne s’est trompée, et lorsque je commettais une erreur, elle se levait tout indignée et frémissante de colère en disant que je trichais. N’est-il pas regrettable que de semblables phénomènes se présentent avec l’empreinte d’une fugacité désespérante ? Malheureusement, il faut en convenir, c’est là précisément un des caractères distinctifs des phénomènes magnétiques qui entrave le plus la marche progressive de cette science et hérisse de difficultés la découverte des lois qui président à leur production.

» N’est-il pas profondément déplorable que la Révolution française soit venue frapper de stérilité les généreux efforts et les infatigables recherches des premiers adeptes de la

science nouvelle? Lorsque plus tard, dans des temps moins calamiteux, on remit la main à l’œuvre, bien des observations étaient perdues, bien des faits oubliés. On avait laissé trop longtemps en jachère ce vaste champ scientifique dont Mesmer avait ouvert l'horizon. La science est un sol qui retourne en friche s’il n’est constamment remué par le travail et fécondé par la pensée.

« Mais celte digression nous conduirait trop loin ; revenons à notre sujet.

« Je disais que parfois la lucidité de Mlle D... subissait des éclipses tantôt partielles, tantôt totales. Ce résultat, je pense, est dû à plusieurs causes.

«J’ai remarqué que, lorsque son esprit n’était pas en proie à des préoccupations, lorsqu’il était calme et libre, elle était très-lucide.

« Malheureusement, c’était l’exception ; et puis je crois que, soumise tour à tour à des magnétiseurs différents, sa lucidité s’est détraquée par suite des influences diverses qu’elle a subies.

« Chez elle, il y avait deux existences bien distinctes : celle dans son état de veille, et celle dans son état de-sommeil magnétique qui, je l'affirme, ne le cédait en rien à la première.

« Les ouvrages de médecine relatent les facultés extraordinaires dont les somnambules naturels sont doués. Eh bien ! le sujet dont je vous entretiens les réunissait toutes ; c’est ainsi qu’à peine entrée en somnambulisme, elle parcourait les appartements, montait et descendait les escaliers avec une agilité extraordinaire sans jamais se heurter contre les obstacles. Entravait-on sa marche par l’interposition d’une chaise ou d'une table, elle s’en apercevait aussitôt et l’écar-tait avec la plus grande brusquerie ; bref, tout en ayant les yeux hermétiquement clos, elle percevait tous les objets, même les plus petits, même les plus cachés... Tous ses sens, et surtout le tact paraissaient dédoublés. _

« Voilà les caractères qu’elle avait de commun avec les somnambules naturels ; mais, à côté de ces phénomènes, il

iaut en mentionner d’autres bien plus intéressants. Dans ces bons jours, elle voyait parfaitement ce qui se passait autour d'elle, et même ce qui se passait à distance.

« J'ai apporté un soin tout spécial à la vérification de ce dernier fait. La mettait-on en rapport avec une tierce personne (1), elle vous la dépeignait au physique et au moral, vous donnait les renseignements désirés sans se tromper jamais; du moins, je ne l’ai jamais prise en défaut. Si ma délicatesse n’était pas en jeu, je pourrais entrer dans de curieux détails à ce propos.

« Il existe un préjugé assez vulgaire contre le magnétisme, qui est celui-ci : le magnétiseur a un pouvoir illimité sur la personne magnétisée. Rien n’est plus faux en thèse générale. On aurait peine à se figurer une personne plus indisciplinée que ne l’était celle-ci dans l’état somnainbulique ; éveillée, elle était d'une politesse et d’une obséquiosité extrêmes; je dirai qu’elle frisait la bassesse. A peine somnambule, la dignité humaine renaissait dans cette âme que la misère avait courbée... Elle se redressait de toute sa hauteur ; dans cette sphère toute spirituelle, elle avait une puissante intuition de Cégalité naturelle (2) ; elle sentait qu’en les créant Dieu avait promené un seul et même niveau sur toutes les créatures humaines.

a Moi aussi, j’ai versé dans l’erreur que je citais tantôt, et la première fois que je la somnambulisai : « Allez-moi chercher un domino, lui dis-je, et faisons la partie... Je le veux... je l'ordonne... » Mais elle, avec un suprême dédain : « Et de quel droit?... Tu veux... tu ordonnes? Mais qui es-tu pour me parler ainsi?... Je ne te connais pas... » (Dans cet état, elle tutoyait tout le monde.) Plusieurs personnes assistaient à cette scène qui, je l'avoue, me surprit beaucoup. Malgré des efforts prodigieux de volonté et de persévérance, il m’a été impossible de me faire obéir ; les prières les plus humbles,

(I) Kl cela, en lui donnant une mèche do cheveux ou un objet appartenant i celle personne.

(-)' pas confondre avec absolue, qui n’est qu'au cimetière,

et n'est que là : lu mort seule met tous les hommes de niveau.

les paroles les plus douces sont venues se briser contre une volonté de fer qui n’était pas la mienne ! Ce n’est qu’après trois ou quatre magnétisations que je suis parvenu à me faire écouler convenablement, et encore n’arrivai-je à ce résultat que par la douceur. L’aphorisme si connu : Qui timide rogat negnre docet ne semble-t-il pas rentrer ici à cent coudées sous terre ? L'état magnétique était pour elle un joug réel sous lequel elle gémissait, et qu’elle s’efforçait de briser ; elle rongeait son frein.

• Toutefois, qu’on ne se méprenne pas sur ma pensée. En rapportant cet exemple, je n’entends nullement nier qu'à la longue, le magnétiseur n’acquiert une certaine influence sur son sujet, loin de là ; mais ce que je veux prouver, c’est que la nature de cette influence n’est pas telle qu’on se l’imagine, qu’elle ne porte pas atteinte à la liberté individuelle et consciente d’elle -même ; bref, qu’elle ne porte pas l’empreinte d’une irrésistible fatalité, et, partant, peut être victorieusement combattue.

« G. Goossess. »

[La suite à une prochaine lettre.)

Un témoin oculaire transmet au journal la Meuse la note suivante sur un fait de magnétisme qui vient de se passer à Liège :

« Un jeune homme, M. M..., qui ne croyait pas au magnétisme, simulait en plaisantant les gestes qui provoquent le sommeil, et riait beaucoup à l’idée de priver complètement quelqu’un de ses sens par des mouvements si simples. La personne qui se soumettait ainsi à ce jeu était une jeune fille. Celle-ci, après quelques instants, voulut à son tour essayer de magnétiser le jeune homme ; elle lui posa un doigt sur le front, tandis qu’elle pressait fortement l’autre main , et le regarda fixement. Mais quel ne fut pas son étonnement, lorsqu’elle vit son expérience réussir; le sujet docile avait fermé les yeux d’abard, mais avec assez de contrainte, et s’était enfin affaissé sur lui-même sans connaissance.

« On crut d'abord qu'il continuait la comédie commencée ; mais une demi-heure se passa et il ne bougeait pas. La jeune fille, assez stupéfiée, lui fil plusieurs questions, en le tenant toujours par la main ; il y répondit chaque fois brièvement, d’une voix faible et suivant la pensée de son interlocutrice. Je me hasardai alors à lui soulever la paupière, et son œil avait complètement tourné comme dans un sommeil réel. La situation commençait à devenir critique, d’autant plus que M. Al... donnait pendant toute cette scène des signes d’accablement et de faiblesse ; sa respiration était haletante et la sueur lui coulait abondamment du front.

«On fit chercher de l’ammoniaque pour le calmer et l’éveiller, mais il fit un bond violent en sentant l’odeur, et ne s’éveilla pas.

« On comprend la position de la jeune fille qui ne savait plus à quel saint se vouer pour le faire revenir à lui ; enfin , me rappelant tant bien que mal les passes contraires que j’avais vu faire il y a plusieurs mois, j’essayai pendant quelques minutes de ce dernier moyen. Peu à peu , M. M... rouvrit les yeux et se leva, mais il ne revint complètement à lui que quand on lui eut fait boire un verre de liqueur et respirer l’air du dehors.

« Cependant l’expérience n’avait pascomplétement fini avec le réveil; M. M... eut toute la soirée de violents maux de tète, des douleurs dans les membres et des mouvements nerveux. Je le conduisis chez lui et il se coucha. Le lendemain, il vint me retrouver, plus malade encore que la veille. Je lui demandai ce qu’il éprouvait ; il me dit qu'il ne s’était rien rappelé de tout ce qui s’était passé jusqu’au moment où on lui avait fait prendre un verre d'eau-de-vie ; que dans le premier moment d’assoupissement, il avait senti une volonté puissante le dominer sans qu’il eût la force de â’y opposer; qu’il n’avait pas fermé l’œil de toute la nuit et se trouvait dans un état de malaise indicible.

«Comme ceci menaçait de devenir sérieux, je conduisis immédiatement mon jeune malade chez un de mes amis qui connaissait le moyen d’endormir et d’éveiller suivant les rè-

glus (lu magnétisme, et je lui contai tout ce qui s'était passé. II me répondit qu’il n’y avait qu’un moyen de débarrasser complètement M. M... du malaise qui l’oppressait ; il le re-magnétisa, ce qui réussit parfaitement, puis l'éveilla ensuite, mais complètement cette Ibis , et à partir de ce moment, M. M... fut entièrement soulagé. »

l’anti-snritüaliste américain.

(Suite.) .

Dansnotreavant-demiernuméro, nous avons rendu compte, d'après un journal américain, des promesses faites pompeusement au public de la ville de Bridgeport par un M. Bly qui s’annoncait comme devant démolir le spiritualisme , reproduire tous ses tours, en donner la clef et prouver que ses prétendus miracles n’élaient que fourberies. Le Spiritual Tele-grapk du 20 novembre nous a fait connaître le résultat des séances de ce personnage qui paraît être resté bien au-dessous de son programme.

Il a commencé par faire sa confession : il a avoué que, pendant cinq ans, il avait fait le métier de médium, qu’il avait été censé parler au nom des morts , qu'il avait fait mouvoir et parler les tables, qu'il avait obtenu de très-grands succès, qu’il avait travaillé en communauté avec des médiums très-célèbres, qu’en réalité toutes les manifestations dont il avait émerveillé les fervents spiritualités, ne consistaient que dans des exercices d’adresse ; il en a décrit quelques-uns, a montré les callosités qui lui étaient survenues au poignet pat-suite de l'habitude fréquente de soulever les tables ; enfin il a déclaré que tous les médiums faisaient de môme et n’en savaient pas plus que lui.

11 est certain qu’un homme qui avoue avoir pendant longtemps joué le rôle de fourbe, ne mérite aucune confiance , et que ses affirmations sont fort suspectes. On 11e peut se contenter de sa parole pour admettre que tous les médiums

soient comme lui des imposteurs; il ne peut tout au plus fournir de renseignements que sur ceux qu'il a fréquentés r et quand même il parviendrait à prouver leurs manœuvres frauduleuses, 011 ne pourrait en conclure qu’il n’y a pas plus de sincérité chez les nombreux médiums qu’il n’a pas été à. même d’observer. Toutefois , si peu de valeur qu’aient des révélations venant d’une telle source, il en résulte un enseignement qui n’est pas sans importance, c’est qu'il est possible et même facile de se faire passer pour médium et d’exploiter la crédulité des spiritualistes toujours^disposés à accueillir avec vénération toutce qui estannoncé comme venantdes esprits. La possibilité de pareils faits (dont les exemples abondent) doit nous rendre circonspects et nous inspirer une légitime réserve dans l’examen des phénomènes offerts parles, médiums : c’est donc bien à tort que certains sectaires s’offensent des précautions que suggère la prudence et qui ont. pour but de vérifier la sincérité des opérations ; les spiritualistes eux-mêmes devraient être les premiers à employer les moyens les plus sévères de faire le discernement entre les véritables manifestations des Esprits et les misérables manœuvres des jongleurs disposés à les duper.

Le sieur Bly, qui devait reproduire par des moyens naturels toutes les merveilles attribuées aux plus puissants médiums, notamment faire mouvoir des meubles sans contact, faire jouer des instruments de musique sans aucun mécanisme humain, se débarrasser, sans aucune assistance, d’une corde qui lui aurait lié les membres, etc., n’a rien fait de semblable : il s’est borné , d’après la relation, à faire entendre des coups en heurtant de son orteil les pieds de la table, et le journaliste observe qu’un enfant ne se laisserait pas tromper par un artifice aussi grossier. C’est bien peu de chose , il est vrai ; mais on ne peut s’empêcher de remarquer qu’une fouit“ de médiums des plus vantés n’ont rien de plus à présenter leurs admirateurs. Dans bien des cercles où l’on croit être en communication avec des esprits supérieurs, on voit tout simplement un individu parler... par la bouche, comme saint Paul, écrire avec la main comme tout le monde en suivant

desycux les mouvements de sa main, et on ne lui en demande pas davantage ; ou bien on entend des coups partir de dessous une table couverte d’un ample tapis, les coups sont parfaitement semblables à ceux que produirait un pied frappant le bois de la table, et les spectateurs n’ont pas môme l’idée de s’enquérir s’ils n’ont pas affaire à quelque Bly; on accepte tout de confiance, les yeux fermés. Et pourtant 011 peut dire aussi à ces enthousiastes si candides qu’un enfant, avec son simple bon sens, n’hésiterait pas à assigner à ces faits une causo naturelle. Quand des enfants voient une personne écrire, ils ne réputent aucunement ce fait comme merveilleux , et ils se croient en droit d’affirmer que cette personne n’apas besoin, pour cette besogne, d’un coopérateurdescendu des sphères célestes; quand ils entendent un coup venant d’une table sous laquelle sont groupés les pieds de leurs camarades , ils savent très-bien que c’est l’un d’eux qui s’est amusé à frapper. On a raison de faire appel à la droiture d’esprit des enfants pour apprécierles tours du Bly de Bridgeport : pourquoi 11e pas employer le même critérium pour juger les cas semblables?...

Le journal américain, que nous avons déjà cité, publie, dans son numéro du 27 novembre , une correspondance européenne où l’on assure que rien n’est plus commun, en France, que les manifestations spiritualistes. Bien des Français seront fort étonnés d’apprendre qu’ils vivent dans une atmosphère de miracles, et pourtant combien de gens de très-bonne foi, exempts de toutes préventions, ont cherché à être témoins des merveilles si vantées, ont frappé à toutes les portes et n’ont rien pu découvrir ! Ne pouvant révoquer en doute la sincérité du correspondant du Telegraph, nous devons croire qu’il accepte comme manifestations des Esprits les exercices semblables à ceux de M. Bly, et qui, au dire du journaliste, ne tromperaient pas même un enfafit. Que conclure? C’est que quand l’homme fait usage de sa raison , il apprécie sainement ce que lui offrent Bly et consorts, cherche à se garantir des pièges, et n’hésite pas à considérer comme naturels les faits qui peuvent s’expliquer par des lois connues : si,

au contraire, la foi lui met un bandeau sur les yeux, il ne discute plus , il ne raisonne plus, il s’incline avec respect et adore en silence. C’est ce qui explique pourquoi certains faits que tout le monde peut produire avec la plus grande facilité, et qui n’exigent môme qu’une adresse fort médiocre, sont admis par les croyants comme l’expression non équi-voquede l’intervention d’êtressupérieurs et serventdebaseaux nouveaux dogmes promulguéspar le guéridon et la corbeille...

Ajoutons un exemple. Supposons qu'on me charge de choisir entre trois candidats. Au lieu de me prononcer en mon nom , j’annonce que je vais consulter le ciel. J’écris les trois noms sur autant de papiers que je plie et que je dépose sur une table. Je fais une prière, puis je déplie les trois papiers : deux sont restés blancs, et le troisième contient le nom d’un des candidats. Je déclare alors très-sérieusement que c’est Dieu lui-môine qui l’a choisi et qui a miraculeusement écrit ce nom. Au lieu de voir ce résultat accueilli avec le respect dû à l’interprète de la Divinité, je vois l’assemblée sourire, chuchoter, et enfin on me dit tout net qu’on n’est pas dupe de ma supercherie, que personne n’a vérifié au préalable l’état des papiers, que l’un des trois était certainement écrit d’avance et contenait le nom que je voulais faire prévaloir. On ose me renvoyer à l’école, en me disant que Robert Hou-din aurait du moins fait la chose de manière à étonner, à éblouir, tandis que ma ruse est grossière , et, comme on dit vulgairement, cousue de fils blancs. Pourquoi cette accusation , cette irrévérence? C’est que je ne suis ni pontife, ni médium reconnu. Si, au contraire , le môme tour se trouve dans la Vie des saints ou chez quelque écrivain avide de merveilleux , il passera sans effort, sera prôné comme un miracle, et, après avoir fait les délices d’une secte, sera remis en lumière par quelque autre église , persuadée sans doute que les miracles sont bons à prendre n’importe-où, et que toutes ont droit de puiser au fonds commun... Si vous en doutez, lisez ¡’élection de l’évèque de Bourges par le procédé sus indiqué, et enregistrée dans la Revue spiritiiuliste (p. /ilfi.)

A. S. Moris.

Le Spiritual Telegraph, dans son numéro du 11 décembre, analyse les articles qui ont été publiés, tant dans la Revue spiriiuafiste que dans le Journal du Magnétisme, sur la formation d’un jury ayant pour but de recueillir et de vérifier les faits du spiritualisme, et d'examinerlesquestions sur lesquelles les Esprits se disant supérieurs donnent journellement des solutions contradictoires. La feuille de New-York, c’est-à-dire

1 organe le plus considérable du spiritualisme en Amérique, approuve pleinement l’institution de ce jury, et espère que la science profitera des recherches auxquelles 011 doit se livrer. Cette adhésion forme un contraste frappant avec l’attitude de certains spiritualistes parisiens, toujours prêts à crier au scandale et à la profanation dès qu’on veut faire pénétrer un regard scrutateur dans leur officine de miracles.

VARIÉTÉS.

LA JUSTICE DANS L’EMBARRAS. — SOMNAMBULISME NATUREL.

TRIBUNAUX ÉTRANGERS.

Une mère qui a jeté son enfant par la fenêtre.

Voici un procès extraordinaire : une mère qui a jeté ses enfants par la fenêtre, sous la prétendue influence d’un rêve !

Devant le tribunal de police de Mary-le-Bone comparaît Esther Griggs, assistée par M. Lewis.

L’agent de police Simmonds dépose qu'à une heure et demie du matin, étant de service dans East-street, Manchester square, il a entendu une voix de femme qui criait : « Oh ! mes enfants ! sauvez mes enfants ! ». Il s’est transporté dans la maison n° 71, d'où partaieut les cris; étant monté avec deux constables dans l’escalier, au premier étage, il a entendu le bruit d’une vitre qui se brisait ; il a frappé à la porte en enjoignant d’ouvrir à la police.

La prévenue a fini par ouvrir, en déshabillé de nuit, criant toujours : « Sauvez mes enfants. » La chambre était dans une complète obscurité ; à la lueur des lanternes, les constables ont vu sur le lit deux enfants, l’un de cinq ans, l'autre de trois. » La prévenue criait : « Où est ma petite fille ? me l’a-t-on prise ? je l’aurai jetée par la fenêtre ! » Sans doute c'était la chute du corps de l’enfant que nous avions entendue, en montant l’escalier. En efi'et, l'enfant avait été ramassée et transportée à l'infirmerie de la Maison des pauvres de Mai y-lebone. La prévenue nous a déclaré avoir rêvé que son petit garçon lui disait que la maison était en feu ; qu’alors, elle avait saisi son enfant le plus jeune et l’avait jeté par la fenêtre afin de l'empêcher d’être brûlé. Si la police n’était pas arrivée, cette femme aurait jeté successivement par la fenêtre ses autres enfants.

M. Lewis. — Cette femme était dans une agitation extrême: on l’a conduite, avec son mari que l’on a été chercher, à l’infirmerie, où était déposé l’enfant blessé, âgé de dix-huit mois. Le médecin a déclaré que cette femme avait dû agir sous l’empire d’un cauchemar.

Le médecin déclare que l’enfant est dangereusement blessé. L’os pariétal de la tète a été brisé par la chute, et dans le cas d’épancheraent de sang au cerveau, la mort serait inévitable.

M. Lewis. — Je dois faire observer ici qu’il n’y a pas eu tentative de meurtre sur l’enfant. La prévenue a toujours montré une vive affection pour ses enfants. J’espère que le magistrat voudra bien laisser cette femme sous la garde de son mari jusqu’au moment où elle devra être rappelée devant la justice. Son état réclame des soins. L’acte qu’elle.a commis l’a été sous l’influence d’un songe, et cette femme n’avait pas la conscience de ce qu’elle faisait alors. Son mari se porterait caution de sa prochaine comparution en justice.

M. Broughton, magistrat. — Ce serait la plus dangereuse doctrine au monde que de soutenir qu’une personne agissant sous l’influence d’un rêve, au moment où elle commet un acte de violence, n’a pas la conscience de ses actes et qu'elle

n'en est pas responsable. En présence donc d’une telle doctrine, une femme pourrait fort bien se relever au milieu de la nuit pour couper la gorge à son mari ; puis, lorsqu’elle comparaîtrait en justice, sous la prévention de ce crime, il lui suffirait de dire qu’elle a commis ces actes sous l’influence d’un songe; quant à moi, je considère celte question comme extrêmement sérieuse, et si la mort de l’enfant s’ensuit, une enquête aura lieu. 11 ne saurait être question de caution dans une si sérieuse allaire. La prévenue comparaîtra de nouveau mardi prochain, et en attendant elle sera soignée à l’infirmerie, vu son agitation actuelle.

La prévenue est emmenée, sanglotant amèrement.

(Morning Pont du 5.)

Esther Griggs, prévenue d’avoir jeté par la fenêtre sa petite fille, âgée de dix-liuit mois, comparaît de nouveau devant M. Broughton, magistrat du tribunal de police de Marylebone. On sait qu’elle a prétendu avoir agi sous l’influence d’un songe. M. Tyrvvhit Smith, médecin, déclare que l’enfant est actuellement hors de danger; il ne lui reste qu’un léger clignotement d’yeux qui pourrait être un tic naturel.

M. Broughton. — Ainsi, vous êtes sûr que cet enfant est tout à fait hors de danger.

M. Smith. — Oui, depuis quelque temps, à part ce clignotement d’veux, je trouve que cet enfant est tout à fait bien.

M. Lewis. — 11 me semble que rien ne s’oppose plus à ce que la prévenue donne caution.

M. Broughton. — Je ne puis pas prendre sur moi de statuer dans cette affaire ; il faudra qu’elle paraisse devant les assises.

M. Lewis. — Il n’y a aucune preuve de nature à faire croire à qui que ce soit que cette femme ait jeté son enfant par la fenêtre avec l’intention de le tuer.

M. Broughton. — Je ne saurais affirmer cela aussi positivement que vous le faites.

M. Lewis.—Il n’y a pas de jury qui puisse condamner cette femme comme coupable de tentative homicide volontaire.

M. Broughton. — C'est ce |ue l’on 11e peut pas garantir, une telle appréciation est de la compétence tlu jury.

M. Lewis.—Vous plaît-il accepter la caution du mari de la prévenue?

M. Broughton. —Je 11e le puis, encore bien que je croie l’acte commis sous l’inspiration d’une sorte de folie.

M. Lewis. — Alors, vous savez qu’en pareil cas il n’y a pas de pénalité.

M. Broughton.—Je me suis sérieusement occupé de cette affaire; j’ai consulté des médecins éminents et d’autres personnes. Si l’enfant avait succombé, j’aurais certainement envoyé cette femme aux assises sous la prévention de meurtre, et laissé au jury le soin d’apprécier son état mental au moment où l’acte a été commis. Nous savons tous quelle conséquence pourrait entraîner l'admission du fait que de tels actes peuvent être commis sous rinlluence d’un rêve.

J’ai reçu une lettre d’une dame qui se dit somnambule ; suivant elle, la prévenue doit être somnambule, et ce qu’une personne fait à une autre dans un tel état ne doit pas être jugé fait sciemment. Et si j’admettais cette interprétation, qui me dit que demain un nouveau cas de somnambulisme ne serait pas allégué devant moi pour expliquer qu'un nouvel enfant a été jeté par les fenêtres?

Je pense, quant à moi, que la prévenue se trouvait, au moment où l’acte a été commis, dans le paroxysme que peut produire la boisson. Si je la laissais sortir aujourd’hui, elle pourrait retomber dans le même état, et jeter encore un de ses enfants par la fenêtre.

M. Lewis. — Je 11e suppose pas que cette femme soit reconnue coupable aux assises; elle ne peut pas être soumise à une pénalité.

M. Broughton. — Comment ! elle ne serait pas punie pour avoir jeté son enfant par la fenêtre ? Vous êtes dans l’erreur. Si j’admettais votre raisonnement, un homme peut mettre le feu à sa maison et dire ensuite qu’il a rêvé. Allons donc ! Ceci est trop dangereux pour être admissible ; cette femme

donnera deux cautions de 30 liv. chaque, promettant de se présenter devant les assises.

PRÉVISION.

« Monsieur le rédacteur,

« Vers la fin du Consulat, en 1803, le comte de Seguins-Vassieux, ancien chevau-léger de la garde de Louis XVI, récemment rentré de l'émigration, épousait, à Carpentras, sa ' ille natale, Mlle de Cohorn, fille unique du baron de Cohorn, ancien brigadier des années navales. Vers la fin du dîner de noces, le baron dit à ses convives : « Il est vraiment extraordinaire qu’en unissant aujourd’hui ma fille avec le fils aîné de l’ami que je ne cesserai de regretter, je vois se vérifier la dernière partie des prévisions et des vœux dont il a été parlé dans ce même lieu, il y a trente-six ans! »

« Pressé de s’expliquer, le baron de Cohorn fit ce récit :

« Au mois d’octobre 1767, le comte de Seguins, mon ami d’enfance, se maria. Ayant fourni une des plus brillantes carrières militaires depuis sa sortie des pages, comme mousquetaire, capitaine de hussards, officier supérieur de dragons, dans les campagnes de Hanovre, il s’était retiré dans le Comtat, auprès de son père, le marquis de Vassieux, qui se flattait, en le mariant, de recevoir dans sa vieillesse les soins d’un fils unique, et qui devait, hélas ! lui survivre.

« Quelques jours après le mariage de mon ami avec la charmante Mlle des Isnards, j’eus toute la noce à dîner ici même, et Seguins nous raconta, au dessert, que la veille du mariage, comme il s’acheminait vers la maison de sa future épouse, une pauvre femme inconnue lui demanda l’aumône et reçut de lui une pièced'argent. Touchéede cettelibéralité, elle insista pour s’acquitter à sa manière, en lui donnant la bonne aventure. Peu soucieux de pareille chose en pleine rue, et la main déjà levée vers la sonnette de la maison du marquis des

] : nards, il ne put cependant éviter d’entendre la propliétesse en guenilles lui dire : « Monsieur, vous allez épouser une fort jolie femme... Vous aurez trois fils... o Mais, s’arrêtant tout à coup : «Je ne puis continuer, ce serait vous affliger lorsque vous m’avez soulagée dans ma misère. — Allons donc, ma bonne, dit le comte en riant, et devenu curieux de pousser l'aventure jusqu’au bout; allons, vous étiez en si beau chemin! Achevez, je l’exige , quelque chose que vous ayez à m'annoncer. »

« — Eh bien ! monsieur, vous périrez d’un coup de canon.

— Or, ajouta Seguins, me voici marié ; personne 11e me contestera que ma femme 11e soit jolie ; je serais charmé d'être père de irois garçons. Quant au boulet de canon, il serait, ma foi, bien habile s’il venait me chercher à Carpentras ou dans mes terres. Baron, puisque trois fils me sont assurés, dit-il encore en continuant la plaisanterie, marie-toi bientôt et tâche d’avoir une fille que tu donneras à mon fils aîné. »

« L’union qui se contracte aujourd’hui est la réalisation de ce vœu. Quant à la prédiction de la mendiante, elle devait fatalement s’accomplir dans toutes ses parties.

>• En 1775, la jeune comtesse de Seguins, mère de trois fils, est nommée première sous-gouvernante des princes d’Artois; la même année, son mari accepte de M. de Maure-pas, ministre, l’emploi d’aide-major-général près de M. de Bouillé, aux Antilles. Nommé ensuite colonel du régiment de la Martinique, en garnison à la Guadeloupe, il est en barqué avec son régiment sur le vaisseau amiral la Couronne, monté par le comte de Guichcn, pour l’expédition projetée contre Sainte-Lucie. Le 17 avril 1780, une terrible rencontre a lieu, dans le canal de la Dominique, avec l’escadre anglaise du célèbre Rodney. Les Français achètent la v ictoire par des pertes sensibles. Au plus fort de l’action, M. de Fournoüc, officier de marine, pressait le comte de Seguins de rejoindre ses troupes dans l’entrepont, attendu qu’il s'exposait inutilement au danger.

« — Comptez-vous pour inutile, répondit le colonel, l'encouragement que je puis donner par ma présence à tant de

braves gensD ailleurs, rien n’est plus beau qu’un combat de mer ; je me trouve à merveille ici, et vous prie de m’v souffrir. »

« En môme temps, il présentait sa tabatière à M. de Four-noüe, lorsqu’un boulet vint emporter le bras du marin et renverser le comte de Scguins atteint en pleine poitrine.

« 11. de Fournoüe, que l'on appelait Foumoüe le Manchot dans le corps de la marine, a raconté mille fois ce trait héroïque.

« La mort du colonel du régiment de la Martinique est citée par la Gazelle de France du 11 juillet 1780, et dans /’Histoire de la guerre d'Amérique. Louis XVI dicta à M. de Sartines, dans cette circonstance, une lettre, des plus flatteuses pour la mémoire de cet officier, adressée à sa veuve avec le brevet d’une pension.

« Veuillez agréer, etc. »

{Chronique parisienne du 16 décembre.)

Baron do POTET, propriétaire-gérant.

CONTROVERSES.

Monsieur le rédacteur,

Dans votre numéro du 10 janvier, à l’occasion du procès intenté par des homœopathes à un journal de médecine, un de vos honorables correspondants, M. Petit d'Ormoy, s’exprime en ces termes :

« M. Hahnemann et surtout scs successeurs sont arrivés à « des dilutions infinitésimales, qui, de l’aveu des homœopa-« thes, ne contiennent plus aucune parcelle de la substance « elle-même. »

Votre correspondant est dans l’erreur. Les homœopathes sont aussi éloignés iïavouer que les dilutions infinitésimales ne contiennent plus aucune parcelle de la substance primitive , que les mathématiciens sont éloignés de dire que l’unité divisée à l’infini aboutisse à zéro.

M. Petit d’Ormoy continue :

« Ils eu sont arrivés à admettre, sous prétexte d’hypothèse « explicative, je ne sais quelle vertu potentielle spécifique « capable de se communiquer et de s'accroître par les mani-« pulations. Nous aimons à croire que cet ensemble de mots « parfaitement amphigourique pour nous, — vertu poten-« tielle spécifique, a un sens pour les disciples de Hahne-« mann ; mais jusqu’à ce qu’ils les aient traduits en fran-« çais intelligible, 011 a le droit de regarder l’explication « comme non avenue. »

En se servant de ces mots vertu potentielle, ou d’autres termes analogues, les homœopathes 11’ont émis aucune « hypothèse, » n’ont tenté aucune « explication. » Ils ont voulu, purement et simplement, exprimer un grand fait, savoir que : une substance médicamenteuse, après avoir été soumise à une série de divisions et de manipulations dans un menstrue ap-

Toue X.VIU. — N°5I. 2"Sème.— 10 F6vi\iei 185». 3

proprié, au point de devenir imperceptible pour les sens et pour les réactifs chimiques, manifeste positivement, dans son application à l’économ e vivante, une vertu , une puissance marquée , une efficacité thérapeutique des plus précieuses. Ce fait est-il vrai ? Voilà toute la question.

Cette question est résolue par le témoignage affirmatif d’une masse d'hommes instruits et honorables qui emploient journellement ces préparations dites infinitésimales.

A ce témoignage, on lie peut opposer que deux objections : 1° l’étrangeté du fait; 2»les anathèmes lancés contre l'ho-mœopathie par l’Académie de médecine.

Ce n’est pas en parlant à un magnétiseur et devant des magnétiseurs que je prendrai la peine de réfuter ces objections , également dirigées contre le magnétisme et dont ils connaissent à fond le peu de portée.

A ce propos, je dois déclarer qu’il serait digne de ses généreux défenseurs de la vérité mesmérienne livrée à la persécution, de vouloir bien examiner si la doctrine de Hahneniann , non moins persécutée, n’est pas, elle aussi, une vérité.

Les coteries médicales, ennemies du progrès, ne manquent pas de confondre dans la même proscription le magnétisme et l’homéopathie, en expulsant de leurs associations, soi-disant confraternelles, les médecins qui pratiquent l’une ou l'autre de ces méthodes.

D'autre part, l’illustre fondateur de l'homœopathie , rendant justice à toutes les découvertes, a signalé le magnétisme animal comme une force curative sur lu réalité de laquelle des insensés seuls peuvent élever des doutes.

Dans ces matières, la voie expérimentale peut seule conduire au vrai.

Puisque l’occasion s’en présente , je dirai que j’ai depuis longtemps conçu, combiné, exécuté une suite d’expériences propres k mettre en évidence la réalité et les qualités des doses infinitésimales, au moyen de la lucidité des somnambules. Je publierai, quand j'en aurai le loisir, les procès-verbaux détaillés de ces expériences avec les conclusions qui en

découlent. Les résultats que j’ai obtenus sont de nature démontrer :

/V ceux des magnétiseurs qui ne croient pas fi l’homœopa-tliie, — l’activité des préparations liahnemanniennes ;

A ceux des homœopathcs qui ne croient pas au magnétisme, — la lucidité des somnambules ;

A ceux des savants qui ne croient ni au magnétisme, ni à l'hoincuopatlne, — l’existence simultanée de ces deux vérités.

Par anticipation, j’invite les magnétiseurs à expérimenter eux-mêmes les doses infinitésimales. Qu’ils mettent entre les mains de leurs somnambules de petites boîtes contenant une douzaine, une vingtaine, une trentaine des principaux médicaments homæopathiques, en invitant ces sujets lucides à choisir les remèdes appropriés aux maladies à traiter; ils verront les somnambules déboucher les tubes ou flacons, flairer les globules et indiquer après un examen réfléchi, qu’il ne faut pas précipiter, le médicament convenable, sans que le magnétiseur intervienne mentalement dans cette opération dont il doit, par précaution, détourner sa vue.

On sera étonné de voir ainsi tel somnambule, qui ordonnait des saignées ou des purgations, les remplacer désormais par des médicaments homceopathiques , au grand avantage des malades ; et ensuite, en s’initiant à l’étude des semblables ou en consultant un homœopathe, 011 reconnaîtra que le somnambulisme a suivi et confirmé, dans le choix du remède, la loi thérapeutique proclamée par le génie de Hahnemann.

Je prie les hommes dévoués qui tenteraient ces expériences d’en faire connaître les résultats pour l’édification générale ; et j’ose espérer, monsieur le rédacteur, que votre haute impartialité ne refusera pas de donner accès dans votre journal à des communications de ce genre.

Dans cette attente , agréez les salutations empressées de votre dévoué serviteur. Le D' F. Roux (de Cette),

RÉPONSE A LA LETTRE DE M. LE Dr ROUX.

Dans l’article auquel répond M. Roux , je n’ai ni approuvé ni combattu le système homccopathiquj, à l’égard duquel je

décline toute compétence. J’ai énoncé contre la théorie des objections que je n’ai pas la prétention d’avoir inventées.

J’ai dit que « de l’aveu des homœopatlies eux-mêmes, cer-« taines dilutions ne contenaient aucune parcelle de la substance. » C’est à moi-même que cette déclaration a été laite par plusieurs médecins disciples d’Halmemann. -M. Roux n'est pas du même avis. Sans me prononcer entre lui et ses confrères, j’inclinerais cependant pour l’opinion de ceux que j’avais d’abord entendus. Les homœopatlies, en effet, emploient nombre de substances insolubles dans l’alcool : mercure, coquilles d’huîtres, etc... Ils font d’abord trois triturations de ces substances avec du sucre de lait, puis ils diluent indéfiniment avec l’alcool la troisième trituration. Des liomœo-palhes, qui m’ont paru en cela parfaitement logiques, reconnaissent que ces dilutions,- tout en ayant, suivant eux, acquis des propriétés curatives ne contiennent aucune partie de la substance insoluble.

‘J’ajouterai que même, pour plusieurs des substances solubles qu’ils emploient, ils reconnaissent que ce n’est pas la parcelle infinitésimale contenue dans la dilution qui agit thérapeutiquement, attendu, disent-ils, que nos aliments, nos boissons, les poussières que nous respirons contiennent bien des millions de fois plus de ces substances que le globule ingéré.

Mais je n’attache aucune importance à ce désaccord entre les homœopathes. J’en attache un peu plus à l’abus des mots comme ceux de « vertu potentielle spécifique » ou autres analogues. Je reconnais tout d’abord que cet abus de mots pompeux et amphigouriques n’appartient pas en propre et exclusivement aux homœopatlies, et que toutes les sciences qui tiennent de près ou de loin à la médecine ou seulement à la biologie sont plus ou moins entachés de ce vice. M. Roux reT connaît d’ailleurs que j’ai eu raison de demander une traduction en français, puisqu’il en donne une, savoir :

Les homœopathes, en admettant dans le médicament une vertu potentielle spécifique, veulent dire que« une substance « médicamenteuse soumise à une série de divisions et de

« manipulations clans un nienstrue approprié,... manifeste « positivement dans son application à l’économie vivante une « rcrtu, une puissance marquée, une efficacité thérapeu-« tique des plus précieuses. »

C’est-à-dire simplement, — car j’aime les énoncés les plus simples possibles. — En disant que le blanc d’Espagne, par exemple, a une vertu potentielle spécifique , les homœopa-thes affirment seulement que les globules imprégnés d’une dilution de craie préparée suivant les formules homœopathi-qties, sont utiles dans telle ou telle maladie. Eh bien! en conscience, à mon avis, ils ont tort de ne pas dire tout uniment ce qu’ils veulent dire.

Quant à l’expérience, les globules homœopathiques produisent-ils un effet quelconque? et surtout guérissent-ils? C’est à mes yeux, la seule question vraiment importante.

C’était ma conclusion dans l'article qui motive la lettre de M. Roux. C’est la sienne aussi. Nous sommes donc d’accord sur le point principal. M. Roux indique, à démontrer, un mode de constatation des propriétés des globules.

Si nous prêtions nous-mème quelque valeur à notre avis sur ce sujet, nous l’engagerions fortement à persévérer dans cette voie du contrôle réciproque de l’homœopathie et de la lucidité somnambulique. Nous connaissons déjà plusieurs affirmations sérieuses de faits observés à des points de vue très-différents, et qui paraissent indiquer que les substances matérielles seraient animées de forces encore inconnues, communicables dans certaines circonstances, et qui semblent se multiplier et se générer de proche en proche, comme l’action des ferments , des virus, etc. Il y a encore en physiologie , et môme en physique bien des mystères , — lisez beaucoup d’ignorance. Un aimant peut aimanter autant de barreaux d’acier que l’on veut, sans perdre ses propriétés magnétiques. La création indéfinie de force magnétique par un seul aimant n’est sans doute qu’apparente, et il y a là une transformation inconnue d’autres forces en action magnétique , sous l’influence de l’aimant. Mais l’analogie de ce fait physique indéniable avec les prétentions des homœopathes

est saisissante , et ne permet pas de leur opposer une sorte de fin île non rerevoir. Pour tout homme sensé, si des sujets magnétiques — même exceptionnels — reconnaissaient aux globules, saxs suggestion d’aucune espèce, des propriétés spéciales, quelles qu’elles fussent ; ou seulement s'ils discernaient toujours les uns des autres , il serait démontré à la fois — que le sujet jouit de facultés exceptionnelles — et que les globules possèdent une action propre, qu’on me permette, l’expression technique, une propriété immanente.

Il y a environ dix-huit mois, j’ai cité dans ce journal un fait du même ordre que ceux qu’invoque le docteur Roux ; et s’il est utile de rapprocher d’autres observations analogues , une observation qui isolée n'a pas grande valeur, je vais la rappeler ici.

lia femme, qui a été noctambule (somnambule naturelle), mais tpii n’a jamais été amenée au sommeil magnétique, était affectée d’une faiblesse douloureuse dans la région lombaire. Elle voulut essayer de l’homœopathie. Un docteur, dont je tairai le nom , a fait sept visites de cinq jours en cinq jours , a ordonné à chaque visite une potion différente à prendre par cuillerée le matin.

Le régime et toutes les prescriptions ont été rigoureusement observées ; aucun des symptômes annoncés par le docteur ne s’est produit. La malade n’a éprouvé aucun soulagement. Mais en prenant pour la première fois une cuillerée de l’une des potions, elle a dit que le médicament devait être bien amer. La potion n’avait pas d’amertume, et le sujet n’en trouvait pas non plus ; mais il avait subi je ne sais quelle impression qui lui faisait porter le jugement spontané sur la substance mère. La potion de 100 grammes devait contenir une goutte de 15e ou 20° dilution de noix vomique, indiquée seulement sur l’ordonnance sous la désignation de Nnx. Ma femme ne savait pas ce que cela signifiait ; si c'est une coïncidence fortuite, elle est au moins bizarre.

Puisque la réponse du docteur Roux à l’article où je parlais incidemment de l’homœopathie , — car le but spécial de mon article était l’emploi de l’imaeination en thérapeuti-

que, et l’application du magnétisme à cette branche de l’art de guérir, — puisque celte réponse m’a ramené à parler de l’homœopathie, que le docteur me permette de lui soumettre contre l’application de cet art une objection très-grave , bien que d’ordre inoral et non scientifique.

Avec notre législation sur la vente et la préparation des médicaments, réservées aux pharmaciens ; étant données, les mœurs commerciales telles qu’elles sont ; étant donnée aussi la nature humaine telle qu'elle suit et se comporte , est-il probable qu’un jeune homme, élève pharmacien, qu on ne peut surveiller à tout instant, se donnera toujours la peine de faire les quinze, vingt, trente manipulations longues et ennuyeuses, — mais essentielles, — qu'il devrait opérer pour obtenir la quinzième, vingtième ou trentième dilution de chaque substance , lorsque de l’alcool bien clair, versé dans une petite bouteille, présentera le même aspect, et que nul ne pourra constater ce que vous pouvez appeler, selon le point de vue où vous vous placerez, sa fraude ou sa paresse ?

L’objection est grave, très-grave , et je déclare d'avance que — surtout dans les boutiques — je ne crois point aux grâces d’état.

En trouvant dans la lucidité somnambulique une sorte d’instrument d’analyse des remèdes homæopathiques, le docteur Roux, non-seulement prouverait l'existence de l’homœo-pathie, mais en rendrait possible l’application, au moins suspecte actuellement dans la pratique. A Petit d’Obmoy.

Nous exlrayans du Scapel, journal de médecine et de pharmacie, la lettre suivante qui lui a été adressée en réponse à uu article contre le magnétisme :

20 déccmbro 1858.

« Monsieur le rédacteur,

« La lecture de l'article sur le magnétisme, que vous avez publié dans votre dernier numéro, in'a suggéré quelques réflexions que je viens vous prier d’accueillir dans les colonnes de votre journal.

« Si l'auteur n’était pas médecin, s’il ne s’adressait pas à des médecins, je me serais bien gardé de faire la moindre objection à sa manière de voir, d’autant plus qu’il me serait difficile de lutter contre une plume aussi habile et aussi pleine de verve que la sienne. Aussi n’ai-je pour but que d’essayer de prouver, en m’appuyant sur des faits et des autorités médicales , que dans le magnétisme tout n’est pas jonglerie, et qu'il n’est pas indigne des médecins de s’en occuper un peu.

« Que l'on rie aux dépens de ¿'Union commerciale d’Anvers, que l’on rapproche le magnétisme de M. llegazzoni de la baguette magique des bateleurs, très-bien ! Tout homme sérieux doit chercher à détruire le charlatanisme partout où il se trouve, et le ridicule étant très-meurtrier, le but de l’auteur est atteint. Mais tout en voulant tuer l’erreur, il faut prendre garde à la vérité. Nous rions tous lorsqu’un prestidigitateur opère des prodiges soi-disant au moyen du fluide électrique, cela empôche-t-il l’électricité d'être appliquée tous les jours avec succès au traitement de certaines maladies?

Le magnétisme, depuis Paracelse et Van Ilelmont jusqu’à nos jours, a compté de nombreux adeptes dans les rangs des hommes scientifiques les plus éminents. Tantôt oublié, tantôt revivant, jamais il n’a pu être établi comme science positive. Il a eu pour adversaires la philosophie (surtout celle de Descartes), la théologie, la médecine, et cependant il est toujours là, résistant à tout comme tout ce qui renferme en soi une vérité. Si ce n’était qu'erreur, il y a longtemps qu'il serait mort, car l’erreur, une fois bien combattue, ne se relève pas. Rien d’étonna.nt au reste que le magnétisme ait rencontré tous ces obstacles, il a subi le sort de toutes les vérités qui renversent les idées reçues. En effet, que voyons-nous : Har-vey luttant trente ans pour faire admettre la circulation du sang; l'inoculation proscrite par la Faculté en 17/|5, traitée de meurtrière, de criminelle, de magique; l'émétiqne appelé par cette Faculté médicament incendiaire, Galilée condamné, Christophe Colomb traité de fou et tant d’autres encore que l’histoire rapporte pour stigmatiser l'incrédulité! Tant de vérités méconnues et persécutées devraient au moins nous ren-

dre plus circonspects et nous empêcher de nier sans examen des laits quelque étranges qu'ils soient, surtout lorsqu'ils sont attestés par tant d’hommes dont le caractère scientifique est si bien établi.

« Je disais tantôt que le magnétisme avait compté île nombreux adeptes parmi les hommes les plus éminents : écoutez plutôt Al. Mabru clans son livre intitulé : les Magnétiseurs jugés pur enx-mimes: « N'est-il pas effrayant de voir des erreurs aussi grossières s’abriter sous des noms tels que ceux-ci : » Suivent alors quatre-vingts noms parmi lesquels je choisis au hasard : liroussais, Bertrand, Guersant, Gre-gory, Franc de l’institut, de Saulcy de l’institut, baron de Ileichenbach , le P. Lacordaire , Lamennais, "Washington, Hufeland , etc. Puis il ajoute en note : « Nous avons reproduit ces quatre-vingts noms tels qu’ils sont tombés sous notre plume; en consultant quelques ouvrages, nous pourrions en citer beaucoup d'autres. » Quant à nous, au lieu de nous effrayer comme M. Mabru, nous préférons croire que de pareilles intelligences n’ont pu se tromper d'une manière aussi grossière, surtout lorsqu’à celte longue série nous ajoutons encore : Cabanis , de la Motte, Guvier, Laplace, Berzelius, Gall, Azaï, Klugge, Sprengel, Lavater, Leuk, Hahnemann, Jussieu, Bartliet, D’Espines père, Husson, KorelT, Pinel, Esquirol, Georges, Boisseau, Fabres, Dayvac, Alibert, etc., etc. On dira : ce ne sont pas des noms qu’il.faut à la science, ce sont des faits ; comment donc ces hommes se seraient-ils créé une conviction si ce n’est en s’appuyant sur des faits? Seulement qu’on n'aille pas penser que croire au magnétisme, c’est nécessairement ajouter foi à tous les- prodiges qu’on a présentés sous ce nom. C’est en en faisant un monstre qu'on a fait tant d’incrédules.

« Une saine philosophie doit-elle rejeter le fait comme contraire aux principes et aux lois de la nature? Lisez sur ce sujet Laplace (Traité analytique du calcul des probabilités) et le discours que le P. Lacordaire a prononcé à l’église Notre-Dame, le fl décembre 18/16, et vous verrez qu’au point de vue philosophique, ce qu'on peut croire du magnétisme ne trouble

pas l'ordre des choses comme on a voulu le faire supposer. Les lois pour lesquelles il constitue utie exception , sont des lois déduites de l’expérience, lois qui n’ont pas un caractère d'absolu et de stabilité éternelle.

« Comment expliquer alors, que des faits admis par tant de savants éminents n’aient pas encore fait aujourd’hui un pas assuré dans la science? C’est à cause du ridicule qui s'v attache ; c’est à cause du sarcasme dont 011 couvre les hommes qui s’en occupent. C’est ce qui a arrêté et ce qui arrête encore aujourd’hui des médecins éminents, des professeurs distingués qui ont sur le magnétisme une conviction personnelle , mais qui n’osent la propager dans la crainte de ces armes terribles que l’on ferait jouer contre eux. Cependant, parmi ceux qui ont bravé les préjugés, nous trouvons J. Franck dans son admirable Pathologie interne, Alibert dans son traité de thérapeutique, Rostan dans le Dictionnaire de médecine et dans son cours d’hygiène. M. Trousseau même, 11'a-t-il pas donné deux ou trois leçons sur le magnétisme thérapeutique en mars 1845 ? il fit des réserves, c’est vrai, mais lui aussi craignait un sourire ironique sur les lèvres de son auditoire.

« En faut-il davantage pour prouver aux médecins qu’ils peuvent sans crainte s’occuper de ces faits? Maintenant peuvent-ils nourrir l’espoir d’en tirer quelque fruit au point de vue thérapeutique ? Pour acquérir à cet égard une certitude, il suffit de lire les ouvrages des médecins dont j’ai cité les noms auparavant. On demeurera alors convaincu que si le magnétisme est loin d’être la panacée universelle, il est au moins, dans certains cas, un puissant modificateur du système nerveux.

« A ce propos, nous tenons à exposer l’observation de M. J. Cloquet, un peu plus clairement que ne l’a fait votre spirituel collaborateur : Madame P... portait depuis longtemps une tumeur cancéreuse au sein droit. (L'Union et son critique parlent d’une jambe coupée par M. Cloquet dans l’état de sommeil magnétique, mais il y a erreur de part et d’autre) ; le docteur Chapelain traitait cette dame par le magnétisme ;

or, les [tasses bien innocentes pour modifier le cancer plongèrent un jour la patiente dans un sommeil profond accompagné d’insensibilité. M. Chapelain fut trouver aussitôt M. Clo-quot, et celui-ci vint extirper la tumeur sans que la malade éprouvât la moindre sensation.

Ajoutons qu'on ne dit nullement que cette dame était cataleptique auparavant, de sorte que c’est bien gratuitement qu’on admet dans ce cas une attaque ordinaire de catalepsie. De tels faits, au reste , ne sont pas absolument rares. Il y a actuellement à Londres un hôpital magnétique, sous la direction du docteur F.lliotson , où l’on a déjà pratiqué plusieurs opérations dans l’état de sommeil magnétique, opérations faites toutes devant des médecins étrangers à cet établissement.

Le docteur Wart a envoyé, le 22 novembre 1842 , à la Société royale de médecine de Londres, un mémoire sur l’amputation d’une cuisse faite dans les mêmes circonstances. Je pourrais rechercher une foule de faits de cette nature, et l'on pourrait trouver tout au moins étonnant que tous les patients fussent des cataleptiques et que tous les médecins s’y fussent trompés.

« Voyons maintenant la nouvelle adhésion de M. De.vergie, à propos de laquelle l’auteur de l’article abonde en plaisanteries entièrement piquantes dont j'ai beaucoup ri moi-même. Mais voyons le côté sérieux de la chose. Voici mot pour mot la réponse de M. Devergie aux auteurs du rapport sur le viol en question : « Je crois qu’une jeune fille de dix-huit ans peut avoir été déflorée et rendue mère contrairement à sa volonté, dans l’état de sommeil magnétique; ceci est une affaire d’observation et de sentiment personnel. Cette phrase n’a pas besoin de commentaire; nous nous bornerons à remarquer que l’auteur de l’article dit seulement : « Ceci est une affaire d’observation et de sentiment personnel, » ce qui peut être pris tout différemment. Si donc l’homme, qui est l’autorité la plus puissante en fait de médecine légale, a une conviction personnelle sur le magnétisme, nous devons, nous, médecins, tâcher d’acquérir également une

conviction , car nous pouvons être appelés à émettre aussi notre opinion pour un cas semblable. Or, pour cela, il faut lire ce qui a été publié pour et contre le magnétisme, en se défiant toutefois de l’exagération, car il y en a beaucoup dans les livres des magnétiseurs ; c’est ce qui facilite la tâche de ceux qui veulent tout détruire. Mais les faits signalés ne sont pas solidaires entre eux ; on peut admettre les uns, nier les autres, et douter d'une troisième catégorie qui ne sont pas encore bien établis. Quant à ceux qui ne peuvent croire que lorsqu’ils ont bien vu, je les engage à ne pas aller chercher une conviction près de ces magnétiseurs de profession sans science et sans titre qui parcourent le monde. Chez eux, le vrai et le faux sont confondus, et l’on n’y va puiser presque toujours qu'une incrédulité plus profonde.

« Agréez, monsieur le rédacteur, etc. »

X...

FAITS ET ÉTUDES.

SOMNAMBULISME NATUBEL.

Liège, le 45 janvier 185D.

Monsieur le baron,

J'ai sous les yeux une brochure intitulée : Histoire d’une névrose extraordinaire et compliquée, recueillie par feu M. Jean-Josepli Borlée, docteur médecin de la Faculté de Paris, membre correspondant de la Société de médecine de Gand, etc., etc. (1).

(I) Gand, imprimerie de F. et E. Gyselink. Celte brochure est un cï-it d ;s Annales do la Sociétii de médecine de Gand.

Cette brochure ayant été peu répandue, je crois être utile îi la science en tirant de l’oubli les principaux faits qu’elle, renferme , non-seulement h cause de leur singularité, mais encore parce qu’ils touchent de très-près au magnétisme dont l’auteur du travail en question était cependant l’antagoniste.

L’étendue du document que je me propose d’analyser et la nature du recueil auquel je destine ce travail, me font un devoir d’élaguer, autant que possible, les faits de thérapeutique pour pouvoir d’autant mieux mettre en lumière les remarquables phénomènes de somnambulisme naturel qui y sont relatés.

Les savants , qui rejettent le magnétisme avec tant de dédain, par cela même qu’il s’y rencontre parfois un atome de surnaturel, voudront-ils avouer enfin que si le merveilleux est une (leur exotique qui s’épanouit dans les serres chaudes du magnétisme, fréquemment aussi on la rencontre toute luxuriante dans les zones plus tempérées de la médecine?

? J’ai cm, dit l’auteur dans son avant-propos, que ce se rait un notable dommage pour la science que de laisser ensevelie dans l’oubli l’histoire d’une névrose tellement extraordinaire et compliquée de tant d’accidents graves, que je doute que les annales de l’art en offrent un pareil exemple. »

Et, plus loin, en parlant de la marche qu’il a suivie : « Je me suis surtout attaché à retracer de la manière la plus fidèle et la plus vraie les phénomènes singuliers qui ont caractérisé cette névrose et dont un grand nombre de personnes , parentes ou amies , encore vivantes et distinguées par leur instruction et le rang qu’elles tiennent dans la société, ont été témoins. Mon travail étant achevé, je le leur ai communiqué, et toutes ont rendu justice à l’exactitude et à la vérité de ma relation. Elle mérite donc une foi entière. Quel intérêt d’ailleurs aurais-je à exagérer les faits ou à en imposer?

Mille voix s’élèveraient bientôt pour me reprocher de n’avoir fait qu’un roman ou pour m’accuser de mensonge. »

Voici les faits :

N... est «âgée de dix-neuf ans, forte, bien constituée,d’une taille assez grande et d’une grande susceptibilité nerveuse qui

s’était annoncée dès sa première enfance. Des peines de cœur amenèrent une aménorrhée pour laquelle elle reçut les soins ordinaires de la médecine. Une grande frayeur fut le point de départ de tous les accidents qui suivirent. La scène commença par les symptômes ordinaires de l'hystérie convulsive, des accès avec perte de connaissance se reproduisirent au bout d'un temps Variable, et ce ne fut que quinze jours après l'accident, cause de sa frayeur, que les symptômes de somnambulisme se déclarèrent.

Avant de mentionner les résultats observés, je me fais un devoir de déclarer que l’auteur envisage le somnambulisme naturel et nullement celui obtenu par les manipulations magnétiques. Je l’ai dit déjà, il était antagoniste du magnétisme , et s’il en a fait, c’est comme M. Jourdain faisait de la prose. On le verra bien dans la suite. Espérons aussi que cette élude nous fournira une preuve nouvelle de la similitude qui existe entre le somnambulisme magnétique et celui dont je vais retracer les principaux caractères.

Laissons parler le docteur Borlée :

« Pendant ses accès de somnambulisme, elle parle souvent à haute voix de tout ce qu’elle a dit et fait, se met à chanter, tandis que ses parents étonnés ne l’avaient jamais entendu chanter et ignoraient qu'elle sût une chanson. Elle en chanta successivement, avec beaucoup de goût et d’expression , un très-grand nombre que nous évaluâmes à quatre-vingts au moins. Si un couplet présentait quelque équivoque, ne continuons pas, disait -elle, et aussitôt elle passait à une autre. Pendant cette scène, elle lit preuve d'une mémoire prodigieuse , d’un sens exquis, d’une modestie et d’une réserve admirable.

11 était impossible d’y voir la moindre apparence d’éroto-manie. Son somnambulisme fut toujours très-gai ; cependant cette scène fut plusieurs fois interrompue par des accès de catalepsie parfaite qui duraient quelques minutes; mais out aussitôt elle recommençait... Pendant son somnambulisme elle parlait, lisait, tricotait, mais elle ne conservait nul souvenir de ses faits et gestes.

... Je conseillais depuis longtemps à la famille de consulter sur cette maladie étrange des médecins instruits et expé rimentés; elle y consentit enfin. Une voiture nous transporta dans le chef-lieu du département. Le voyage fut heureux; elle fut presque toujours somnambule et gaie...

A notre arrivée, elle reconnut une de ses tantes... Lorsque les médecins furent arrivés , je fis entrer la'malade qui était toujours somnambule ; elle ne les voyait pas et n’entendait rien de ce qu’ils lui disaient, et quoi qu’ils firent, elle resta pour eux aveugle, sourde et muette. A ma demande, l’un d’eux lui appliqua la main sur le bras ; au même instant, sentiment de frayeur et légers mouvements convulsifs des bras, qui cessèrent dès que la main fut retirée...

Bientôt la malade jouissait de la vie ordinaire de relation, voyait et entendait les personnes qui étaient avec elle, prenait part à la conversation , s’occupait de quelque ouvrage, tantôt et subitement, sans sommeil préalable, les yeux toujours ouverts, en plein jour comme le soir, sans aucun signe précurseur. Enfin elle cessait de voir, d’entendre ces personnes et de converser avec elles, abandonnait son ouvrage, en prenait un autre, chantait, lisait, sortait du salon, y entrait, se heurtait en se fâchant contre ceux qui se trouvaient sur son passage et se livrait à un ordre d'idées et de travaux tout différent.

Dans l’accès de somnambulisme, elle oubliait entièrement tout ce qu’elle avait dit et fait dans la vie ordinaire ; mais elle se rappelait le souvenir des idées et des ouvrages dont elle s'était occupée dans Caccès précédent (1). Etait-elle rentrée dans la vie de relation, elle oubliait de même tout ce qui s’était passé pendant le somnambulisme et se souvenait en revanche de tout ce qui avait eu lieu précédemment dans cette même vie. .

Comme elle s’endormait souvent étant somnambule, continue l’observateur, j’avais recommandé très - strictement

(I) Singulière analogie avec ce qui se passe danà le somnambulismo magnéliquo.

de fermer tous les soirs les portes de sortie et d’en cacher soigneusement les clefs, de crainte qu’étant somnambule, la nuit elle ne s'avisât de se lever, d'en saisir une et de s’exposer ainsi à un nouveau malheur. Cette crainte n’était que trop fondée. Un soir, un ouvrier venant à passer heureusement dans la rue entendit une personne gémir et frapper contre la porte d’entrée de la maison. Aux cris et aux coups redoublés de cet homme charitable, les frères vinrent ouvrir la porte et trouvèrent leur sœur étendue sur le seuil, toute mouillée, froide et inanimée. On la crut morte...

Plus tard, interrogée par le médecin, toujours en état de somnambulisme , elle répondit : « Etant endormie, je rêvais qu’on me chassait de la maison ; en étant sortie, je voulus rentrer, mais la nuit étant très-obscure , je ne pus me souvenir par où j'étais sortie. Me dirigeant vers la cour, je tombai dans la rivière, d’où je parvins heureusement à me retirer ; me traînant à quatre pattes, j’arrivai jusqu’à la porte de la maison, contre laquelle je frappai avec ma tète, n’ayant pas la force de le faire avec les mains ni les pieds. Je perdis ensuite entièrement connaissance...

Mais voici un fait tout aussi remarquable que ceux cités jusqu'ici.

La malade venait d’apprendre qu’un de ses frères était conscrit et désigné par le sort. Elle savait, en outre , que le préfet du département devait arriver un des jours de ce mois. Elle conçut dès lors le projet de se rendre chez le maire (qui était son cousin germain ) pour en obtenir une audience du préfet. Pendant tout le cours de ce mois, elle fut presque toujours somnambule le soir. Dans cet état, elle s’occupait presque exclusivement à préparer sa toilette pour le jour de sa visite et s’exerçait sur la manière dont elle se présenterait à ce haut personnage et sur le discours qu’elle lui tiendrait. Toutefois elle ne parlait pas ; mais ses gestes et sa physionomie étaient l’expression-claire et sincère de ses pensées. C’était une pantomime parfaite. Enfin, le soir du jour de l’arrivée du préfet, elle monta seule à sa chambre , en descendit en grande toilette et vint reprendre sa place clans le salon où

tout le inonde attendait avec curiosité. Ses parents voulurent s’opposer ;Y sa démarche et me chargèrent de lui communiquer leur défense. J’eus recours au môme moyen qui, un autre jour déjà, m’en avait fait reconnaître , et je réussis (1).

Bref, pour résumer, des convulsions effrayantes furent la suite de ces admonitions, et, bon gré malgré, il fallut se rendre au désir de la somnambule. Les voilà donc en route , le médecin , la malade et ses frères, les voilà arrivés chez le maire.

Le préfet et le maire entrent, continue l’observateur, mais une redingote bleue recouvrant l’habit brodé et la croix de la Légion-d’Honneur du préfet, elle ne le voit pas. Je l’en avertis à l’instant et le prie d’ouvrir sa redingote. La somnambule le reconnaît et lui fait une gracieuse et profonde révérence. « C'est une farce, une mystification que tout ceci, monsieur le docteur! » s’écrie le préfet avec un accent d'indignation (2). « Pardon, monsieur, lui répondis-je , rien ici n'est simulé ; tout est vrai, et vous allez en être convaincu. Veuillez l’inviter à s’asseoir, vous asseoir à ses côtés et lui adresser quelques paroles obligeantes. » Il lé fait, elle entend aussitôt sa voix ; elle ne voit que lui ; elle lui répond avec une modestie et une grâce admirables : je m’assieds à mon tour près d’elle, et je lui parle à l’oreille d’une voix assez forte; mais elle ne me voit ni ne m’entend ; je lui applique ensuite très- légèrement la main sur le genou droit (3); elle ne voit ni ne sait qui la touche; sentiment instantané d'effroi, mouvements convulsifs.

A ma demande, le préfet applique la sienne ; pas de sensations; il lui parle alors avec bonté ; elle sourit, s’enhardit, lui expose en termes clairs, concis, la grave et longue maladie de son frère, le fatal numéro que le sort lui avait donné au tirage du contingent de la commune , son impossibilité

(1) Il sera parlé de ce moyen plus loin.

(2) Il faut nutor quo le maire et lo préfet avaient été prévenus par le médecin.

(3) Ne sont-ce pas lù des phénomènes magnétiques?

physique île servir, etc., elc., et elle termine en réclamant en son nom et celui de son frère, sa puissante protection dans cette malheureuse circonstance...

Le préfet, convaincu que je nel'avaispas trompé, reste muet, interdit. Je le prie de lui donner au moins quelque espoir; il le fait ; elle le remercie avec effusion de cœur et les larmes aux yeux, se lève et prend congé, rayonnante de joie et d’espérance... Toujours en état de somnambulisme, elle rentre chez elle. A huit heures, le réveil ou la rentrée dans la vie ordinaire de relation a lieu.

Se voyant magnifiquement parée , grand est son étonnement :« Tiens, pourquoi suis-je habillée? » dit-elle.

Sa mère commit l’imprudence de lui donner quelques mots d’explication, aussitôt des mouvements convulsifs violents se déclarent et mettent sa vie en danger.

Suit l’énumération d’une série d’accidents arrivés à l’intéressante malade et des moyens employés pour les combattre.

Je les passe pour résumer rapidement un dernier fait. Invitée à une partie du soir dans une maison amie, elle s’y rendit en état de somnambulisme. Parmi les invités se trouvait un jeune homme, amateur de chant et de guitare. Il fut prié de chanter ; il le fit avec beaucoup de goût et d’expression ; les romances tendres et passionnées firent une profonde impression sur la somnambule. Aussi complimenta-t-elle l'artiste et s’entretint-elle avec lui à haute voix, mais avec une réserve extrême. Rentrée chez elle , le somnambulisme cessa; elle ne parla plus de cette soirée.

Un autre soir, son impatience, ses gestes, ses gémissements, firent comprendre au médecin qu’elle désirait entendre de la musique. Le jeune homme en question fut mandé ; il chanta plusieurs romances... L’émotion de la somnambule était visible pour tous... Ils s’aimaient déjà, dit le judicieux observateur, d’un amour mutuel. De ce moment, le somnambulisme, de plus en plus rare, paraissait devoir bientôt disparaître entièrement.

Mais les assiduités du jeune homme furent remarquées par les parents, qui interpellèrent rudement la jeune personne.

Aussitôt la maladie reprit le dessus, et pendant longtemps on désespéra de la sauver.

Les événements politiques de cette époque à jamais mémorable, la retraite des armées françaises, etc., etc., firent une diversion puissante à ses idées habituelles. Bientôt le somnambulisme dispanit entièrement, et de cette maladie si longue, si grave, si extraordinaire et compliquée d’accidents si divers, il ne resta qu’une extrême susceptibilité nerveuse.

Gustave Goossens.

SOMNAMBULISME NATUREL.

Nous empruntons au Spiritual Telegraph la relation de plusieurs cas curieux de somnambulisme nalurel, extraite de l’ouvrage intitulé Moritz's Magazine.

« Un cas fort remarquable m’a été raconté par un observateur digne de foi, le docteur Schulz, médecin à Hambourg, qui en a également fait part au conseiller aulique, Meiners de Guttingen ; ce dernier l'a inséré dans sa collectiou bien connue. 11 s’agissait d’une jeune fille de douze à treize ans, appartenant à une famille distinguée : elle était affligée d’une violente maladie de nerfs qui lui causait de fortes convulsions alternant avec des accès de catalepsie et de syncope. En outre, elle éprouvait fréquemment des paroxysmes pendant lesquels ellé conversait avec une entière liberté et une grande vivacité. Dans cet état, elle distinguait, sans la moindre difficulté, les couleurs des objets qui lui étaient présentés, elle distinguait les cartes et en détaillait les divers dessins ; elle décrivait la reliure des livres. Elle écrivait comme d’habitude, et elle découpait des figures en papier, comme elle avait coutume dele faire pour s’amuser dans l’état de veille. Ses yeux étaient parfaitement clos : mais, pours’assurer qu’elle ne s'en servait pas, on y appliquait un bandeau à l’approche du paroxysme.

i On trouve un autre cas remarquable dans la collection médicale de Breslau et dans le Moritz's Magazine (t. vu,

p. 35). 11 s agit d’un cordier qui tombait fréquemment ec-dormi, môme, dans le jour et an milieu de ses occupations ordinaires. Quand il était dans cet état, il recommençait souvent le travail qu'il avait fait dans la journée ; d'autres fois, i! continuait celui auquel il se livrait lors de son accès, et il achevait avec autant d'aisance que s’il eût été éveillé. Quand

1 accès le prenait en voyage, il continuait son chemin aussi facilement qu’éveillé, et môme en marchant plus vite, sans jamais se tromper de route ni se heurter contre aucun obstacle. I! alla souvent ainsi de Hambourg à Weimar. Dans un de ces voyages, il s’engagea dans un chemin étroit où des troncs d’arbre étaient étendus à terre : il les enjamba avec précaution sans se faire le moindre mal, et il évita avec le môme soin les chevaux et les voitures qu’il y rencontra. Un jour, il tomba endormi au moment où, monté h cheval, il allait se mettre en route pour Weimar. 11 se mit en marche, suivit la route ordinaire, fit traverser la rivière d'Ilme par son cheval qu’il laissa boire, et eut soin de ramener ses jambes en haut pour qu’elles ne fussent pas mouillées. Ensuite il passa par plusieurs rues, traversa la place du marché qui était alors pleine de monde, et où il y avait un grand nombre de voitures et de baraques, et enfin il arriva en sûreté à sa maison habituelle, et alors il se réveilla. Il accomplit également dans l’obscurité beaucoup d'autres actes qui exigent l’usage des yeux, et il s en acquittait aussi bien que s’il eût agi en plein jour. Néanmoins, ses yeux étaient strictement fermés, il ne pouvait voir quand on les lui ouvrait de force ou quand on cherchait à les exciter en en approchant une vive lumière.

« Un autre cas plus ancien a été observé et rapporté minutieusement par un médecin digne de foi, le docteur Knoll, dont la relation mérite toute notre attention. Le sujet de ces observations était un jeune jardinier qui devint somnambule et qui, diins cet état, exécutait des choses extraordinaires. Il s'endormait le plus souvent vers huit heures du soir, et alors il se mettait à réciter des prières et des sentences pieuses. Ensuite il sortait de la maison, grimpait sur un mur de bois trôs-élevé, puis sur un autre encore plus haut, sans se faire

e moindre mal ; il se promenait h travers diverses rues, et retournait au logis. Une fois, il grimpa jusqu’au faîte du toit, qu’il parcourut les jambes écartées, comme s’il eût été h cheval, et descendit sain et sauf. Pour prévenir les accidents, on prit le parti de l’enfermer à clef et de le surveiller. Quand son accès de somnambulisme arriva comme h l’ordinaire, il fit toutes sortes de combinaisons avec les draps et les meubles de sa chambre. De la fenêtre il grimpa à un tuyau de poêle plus élevé, puis gagna un endroit où il put se donner le plaisir d’aller à cheval. La hauteur de ce tuyau, sa distance de la fenêtre et son peu de grosseur étaient telles qu’une personne éveillée n’aurait pas osé tenter une pareille ascension. Quand il opéra ensuite sa descente du tuyau, il heurta une grosse pièce de bois, l’explora dans tous les sens, et reconnaissant qu’elle pouvait tomber sur lui, il l’évita avec beaucoup d’adresse. 11 rassembla tous les linges qui étaient dans la chambre, les mêla, puis remit exactement chaque chose à sa place. Ayant ramassé de vieux bas et de vieilles chaussures, il les classa par paires en les assortissant d’après leurs formes et leurs couleurs. Un jour, il prit une aiguille qu’il avait piquée dans le mur quelques semaines auparavant, et il raccommoda ses vêtements. Il exécuta une foule d’autres travaux qui exigent la lumière et l’usage des yeux, dont il semblait pouvoir se passer.

« Voici encore un cas qui a été observé avec le plus grand soin par des personnes que ne peut atteindre le soupçon de crédulité ou d’imposture. Il est rapporté par M. Feder, professeur et conseiller aulique. Le sujet était un jeune étudiant qui, à la suite d’une terrible maladie de nerfs, eut des accès de somnambulisme. Alors il sortait de sa chambre à coucher, passait au salon et dans les autres pièces, ouvrait et fermait . les portes, prenait dans le cabinet tout ce dont il avait besoin, des cahiers de musique, des plumes, de l’encre, du papier, etc., tout cela les yenx fermés. Une fois, il choisit dans sa musique une marche tirée de l’opéra de .Médée, plaça le cahier devant lui dans une position convenable, accorda sa harpe et joua sur cet instrument le morceau

entier, avec son talent ordinaire. Il joua de môme une sonate de Bach et donna aux plus beaux passages une expression surprenante. Une des personnes présentes retourna le cahier sens dessus dessous ; l’exécutant s'en aperçut de suite, remit le cahier dans sa position précédente et se remit jouer: s’étant ensuite aperçu qu’une corde était en dehors du ton, il s'arrêta, remit la corde au ton, puis reprit son exécution. II écrivit une lettre à son frère, et non-seulement sa composition était bien raisonnée et son style excellent, mais encore son écriture était droite et très-lisible. Lors d'une visite que lui fit le professeur Feder, le somnambule remarqua qu'il neigeait, ce qui était exact. Puis, malgré l'occlusion complète de ses paupières, il observa que le maître de la maison d’en face se tenait a sa fenêtre, et que des chapeaux étaient suspendus à une autre fenêtre, et tout cela était vrai. 11 ouvrit l'ouvrage de AI. Feder intitulé Compendium de logique cl de métaphysique, lui fit remarquer différents passages qu’il regardait comme intéressants, et les notes qu’il avait écrites sur ce volume. Il indiqua à l’un de ses maîtres l’endroit où ils en étaient restés lors de la dernière leçon. Nous devons, toutefois, signaler une circonstance qui s’applique également à beaucoup d’autres somnambules, c’est qu’il y avait beaucoup de choses qu il ne pouvait voir. Ainsi, pendant qu'il écrivait à son frère, il ne s aperçut pas qu’il n’y avait plus d'encre à sa plume, et il continua à écrire. Une autre fois, il alluma une chandelle et approcha la mèche de son oreille, comme pour écouter le pétillement et s’assurer par là si elle était allumée : puis il enflamma une allumette et en mit l’extrémité allumée au milieu de la flamme....

« J espère que ces exemples auxquels j'en pourrais ajouter beaucoup d’autres, suffiront pour prouver que le somnambule, dans son état extraordinaire, est capable, sans aucun usage apparent de ses yeux, de recevoir des impressions aussi bien qu’éveillé, ou au moins avec les mêmes conséquences pour les facultés perceptives. »

CORRESPONDANCE.

Nous recevons d'un de nos abonnis, M. Renard, une petite note que nous nous empressons d’insérer. Son contenu fait connaître le point de départ du spiritualisme, et rappelle des faits que l'histoire du magnétisme doit enregistrer.

« Petites causes, grands effets.

i, Vers 1840, le sieur Cli. Renard, grand amateur du magnétisme et des sciences occultes, confia & ,\I. C.ahagnet, alors à Rambouillet, qu’il croyait qu’un somnambule lucide pouvait évoquer et voir les morts ou décédés. M. C.ahagnet, ayant un lucide, essaya l’expérience à son retour à Paris ; elle réussit complètement et toutes les fois qu’il la renouvela. Il en publia les résultats dans un ouvrage qui se répandit jusqu’en Amérique; c’est aussi vers cette époque que naquit, dans ce pays, une science nouvelle, le Spiritualisme, ayant pour appareil une table, dont la signification occulte (nourriture ou progrès spirituel) correspond exactement à son usage habituel [nourriture ou développement matériel).

« Chose remarquable et digne d’attention, le pays qui, par Francklin, a fourni au monde le moyen de relier ses membres les plus éloignés, était destiné, par la famille Fox, à féconder et propager le moyen de relier les vivants avec les morts, le visible avec l’invisible !

(i Que vous devez être content, monsieur le baron, en voyant les progrès de votre affectionnée science. Sans vos écrits et votre curieux journal qui m'ont stimulé, le spiritualisme serait peut-être encore h naître ou à reparaître, accompagné cette fois de l'immense publicité de notre siècle !

« Je finis, monsieur le baron, en désirant, de tout mon cœur, que la divine Providence vous conserve la santé et de longs jours ; ce sera pour nous des jours de progrès, et de contentement si nous pouvons longtemps vous dire que nous sommes vos bien dévoués.

« Ch. Renard et ses amis. »

VARIÉTÉS.

COUR IMPERIALE DE LYON (ch. correct.).

Présidence de M. de Bernardy.

Audience du 19 janvier.

M11' MARIE BHESSAC.—CURES MER VEILLEUSES OPÉRÉES PAR LE TOUCHER I» UNE MAIN FÉMININE. — POURSUITE POUR EXERCICE ILLÉGAL DE LA MÉDECINE.

A l’appel de la cause, Mlle Marie Bressac contre M. le procureur général, une jeune clame élégamment vêtue s’approche de la Cour et la salue respectueusement.

AI. le président: Madame, allez vous asseoir à côté de votre défenseur.

Elle va se placer au banc des avocats, à la gauche de fll” Margerand, avocat, qui est chargé de présenter sa défense.

Tous les regards du public qui encombre littéralement la salle d’audience se portent sur Mlle Bressac. Elle paraît émue, et, pour se rassurer, elle cause avec son avocat et avec une de ses amies placée près d’elle. On cherche dans sa physionomie les signes du pouvoir mystérieux dont elle se dit pénétrée pour guérir les maladies les plus incurables parle simple toucher. Ses traits réguliers sont relevés par un front large et découvert, ses yeux grands et noirs, et le mouvement général de sa physionomie décèlent une intelligence peu commune. Elle porte la tête haute, et son air de jeunesse rehausse encore la distinction de son maintien.

M. le conseiller de Bernardy fait le rapport de l’afTaire. Il en résulte que Mlle Bressac exerce à Lyon, cours Morand, 29, la médecine; qu elle donne des consultations, délivre des ordonnances et perçoit des honoraires. On voit journellement à sa porte des voitures et des équipages élégants; on vient la consulter non-seulement de Lyon et des environs, mais encore de Grenoble, de Marseille, d’Alger... Il y a même des per-

sonnes de la province qui lui écrivent d'avance pour ûtre certaines de la voir et de la consulter. 11 y a foule chez elle, et le jour où M. le commissaire de police s’est présenté à son domicile, il a trouvé dix-sept messieurs ou dames faisant antichambre.

A la suite de cette constatation, elle aété traduite devant le tribunal de police correctionnelle de Lyon. MM. les médecins sont intervenus dans la cause comme partie civile, et ils ont conclu à des dommages-intérêts. A la date du 23 décembre 1858, le tribunal rendit un jugement par lequel il condamnait Mlle Bressac à une amende de 30 fr., ii 500 fr. de dommages-intérôts envers MM. les médecins, et aux dépens du procès.

C'est de ce jugement que Mlle Bressac a interjeté appel.

M. le Président. Nous allons procéder à l’interrogatoire de Mlle Bressac.

Mlle Bressac se lève et demeure debout à côté de son avocat.

INTERROGATOIRE.

M. le Président. Vous convenez avoir exercé la médecine, avoir donné des consultations non-seulement le jour où le commissaire de police s’est présenté chez vous, mais encore d’autres jours et avoir reçu une rétribution ou des honoraires?

Mlle Bressac. Oui, monsieur le président.

M. le Président. Cela suffit; nous allons entendre votre avocat. M° Margerand, vous avez la parole.

La brièveté de cet interrogatoire ne semble pas satisfaire l’auditoire, qui aurait été bien aise d’entendre l’exposé de la doctrine Bressac. Mais l’avocat de la cause n’a pas tardé à satisfaire la curiosité générale.

« Un philosophe célèbre, a dit M* Margerand, un des plus profonds génies du dix-huitième siècle, Kant, a dit qu'il n’était pas déraisonnable de supposer que la mulière sent. Si cette parole est vraie, avec quel respect ne doit-on pas combattre la conviction de ceux qui croient aux influences réciproques qui s’opèrent d’individu à individu, aux harmonies de rapport qui naissent de la volonté, de l’imagination, de la sensibilité, du toucher !... Mlle Bressac a le don heureux de

pénétrer les souffrances corporelles, et de pouvoir consé-quemment les soulager en leur prescrivant des remèdes propres à les guérir. Elle a ce mérite sur les médecins ordinaires qu’elle procède avec des données certaines sur la nature du mal, au lieu de se hasarder comme eux à des hypothèses, à des apparences souvent trompeuses.

. Bien que je n’aie pas la prétention de défendre le magnétisme, il faut que je dise ii ceux qui croient : Nous défendons nos convictions ; à ceux qui ne croient pas : Voyez ses effets. Les faits sont plus concluants que tous les raisonnements du monde.

« Mlle Marie Bressac avait treize ans lorsqu’elle fut pénétrée du don merveilleux dont elle fait usage pour soulager ses semblables, et surtout les malheureux. Sa grand’mère était à l'article de la mort; toute la famille éplorée était autour de la mourante et venait dire un dernier adieu à celle qui tout à l’heure allait être un cadavre. Mlle Marie, qui était adorée de son aïeule, se précipita pour l’embrasser; l'agonisante la serra dans ses bras pendant un instant, et tout à coup la jeune fille, pénétrée d’une influence indéfinissable, d’une lumière intérieure, s’écria : « Oh ! je vois dans le corps de ma bonne-maman les organes qui souffrent et le mal qui la dévore ! » La-dessus on appelle le médecin, qui prescrit les remèdes exigés par la nature du mal, et la grand’mère ressuscite.

« Depuis ce jour, les facultés de Mlle Bressac se sont de plus en plus développées, et aujourd’hui elle opère les cures merveilleuses que tout le monde admire. »

L’avocat, abordant la question de droit relative à l’application de la loi pénale, soutient que l’exercice illégal de la médecine, sans usurpation de titre, constitue une contravention et non un délit, et que, par suite, il n’y a lieu à l’amende que dans les limites fixées par les art. ¿05 et 466 du Code pénal combinés avec les art. 35 et 36 de la loi du 19 ventôse an xi ; qu’en conséquence, le maximum de l’amende à infliger à Mlle Bressac était de 15 francs.

11 critique ensuite le chiflre des dommages et intérêts alloués aux médecins.

M' llougier a plaidé pour les médecins et a demandé la confirmation du jugement frappé d'appel.

M. Valentin, avocat-général, a donné des conclusions longuement motivées sur la question de droit soulevée par M* Margerand, et a conclu à la confirmation delà peine.

La Cour a confirmé par son arrêt le premier jugement.

Les demoiselles Fox. — Le Spiritual Telegraph, dans son numéro du 1" janvier, apprend à ses lecteurs qu’il a vu avec surprise plusieurs journaux européens donner des détails sur l’arrivée à Liverpool des demoiselles Fox et annoncer leur prochain voyage à Taris, tandis qu’elles n’ont pas quitté leur domicile et qu’elles n’ont aucunement l’intention de traverser l’Atlantique pour venir satisfaire la curiosité des spiritualités de France ou d’Angleterre. Le Telegraph se moque de l'article du Monde illustré reproduit dans la Revue spiritualité, où l’on donne à ces demoiselles des noms de fantaisie, et où se trouvent sur leur compte une foule de détails fSbiileux. Après les mystifications des chroniqueurs sur le fameux Home, il n’est plus permis de prendre au sérieux les balivernes que débitent journellement les écrivains qui déshonorent la presse. Il est donc bien entendu qu’il n’y a pas un mot de vrai dans tout ce qu’ils nous ont dit des demoiselles Fox. La Reçue spirilualisle avait dit à ce sujet que nous n’avions nul besoin de ces célèbres thaumaturges, puisque nous en possédons dans Paris d’aussi puissants pour le moins, en état de produire à volonté et devant toute personne, des prodiges aussi merveilleux que ceux d’Amérique. Le Telegraph nous félicite de cette richesse dont peu de Français se doutaient. Nous ferons seulement remarquer que parmi ces brillants médiums cités par la Revue comme pouvant rivaliser avec l’Amérique, se trouve une dame C. qui depuis longtemps se vantait de duper les jobards, et dont les fourberies ont été dernièrement démasquées, ce qui l’a fait chasser ignominieusement d’un salon où elle avait, pendant plusieurs années, excité l'admiration par des miracles de toute espèce. Que

cette chute nous rende circonspects et nous engage à réfléchir mûrement avant (le chanter victoire et d’exalter les produits du spiritualisme indigène. Et si l’Amérique veut bien nous envoyer quelques-uns de ses sujets sur lesquels ont été publiés des relations si étonnantes, gardons-nous bien de les dédaigner, et acceptons au contraire avec reconnaissance les moyens d’instruction qui nous seront offerts.

Le Père Enfantin, jadis chef suprême de la religion Saint-Simonienne, vient de faire paraître un volume intiluléSWwic« de Chomme : il y reproduit une lettre qu’il avait adressée à SI. Duveyrier, sur l’immortalité de l’âme, et qu’il avait publiée pour la première fois en juin 1830, époque où le magnétisme était peu répandu et où l’on était loin de prévoir qu’il s’y formerait une secte spiritualiste d’illuminés, ayant scs solutions propres sur le problème de l’immortalité de l’âme. 11 est assez remarquable que M. Enfantin, en discutant cette grande question! réfute comme incomplètes les solutions données par diverses écoles parmi lesquelles il comprend celle des magnétiseurs. C’est un fait curieux à noter dans l’histoire du magnétisme. L’auteur reconnaît que les magnétiseurs produisent des phénomènes extraordinaires, et il envisage particulièrement l’empire qu’ils exercent sur l’esprit des somnambules.

COMMUNICATION.

Nous avons le regret d’annoncer que notre ami de la Nou-velle-Orléans, M. Barthet, cesse sa publication du Spiritualité. M. Barthet a épuisé ses forces dans ce rade combat, et il mérite les sympathies de tout le monde magnétique.

Nous espérons le voir bientôt à Paris, où il doit venir pour essayer de refaire sa santé altérée.

Baron du POTET, propriétaire-gérant.

On connaît la fécondité (l’imagination des fai:

AVIS AUX LECTEUR:

VÉRACITÉ DES CIIRONIQlJEüRfc'Î

niques : M. Paul d’Ivoi, entre autres, a pris la spécialité de la féerie ; il découvre tous les joui s à Paris une infinité de merveilles qui ne le cèdent en rien à celles que racontent les Mille et une Nuits ou le bonhomme Perrault. C'est lui qui a inventé Home , c'est lui qui a offert à ses lecteurs l'histoire des petits pâtés se précipitant d’eux-mêmes vers le médium, et celle du lustre qui se décroche , va flâner dans les salons voisins et revient tranquillement s’accrocher à sa place ordinaire , etc., etc. Les lecteurs sensés n’attachent aucune importance à ces fantaisies plus ou moins littéraires ; mais malheureusement il se trouve beaucoup de personnes qui prennent au sérieux des relations débitées d’un ton affirmatif, accompagnées de circonstances précises, indiquant souvent des témoins respectables ; comment croire que ce ne soient que des fictions destinées à l’amusement îles badauds? Ausai des rédacteurs de revues spiritualistes, des écrivains magné-tistes ont adopté ces récits comme parole d’Esangile, les ont invoqués à l’appui de leurs théories sur la nature, les mœurs et les migrations des Esprits, sur les propriétés des médiums et sur les fluides méclianimiques, etc. Nous avons à diverses reprises signalé les graves inconvénients de ces chroniques * dont le caractère est ambigu, qui, suivant les lecteurs auxquels elles s’adressent, peuvent être données comme un badinage sans conséquenoe ou comme une sérieuse attestation. Nous avons rapporté un article de M. Paul d’Ivoi où, à propos de la fête de Montmartre, il raille impitoyablement les dieux qu’il s’était amusés à fabriquer, et se moque de la niaiserie des gens qui ont ajouté foi à ses histoires de médiums. Un tel aveu aurait dû suffire pour ôter toute espèce de crédit à ses Tome XVIII. — 5«. — 2« Série. — 25 Février 1859. 13

chroniques passées, présentes et futures. Et pourtant il y a chez certaines personnes une telle soif de merveilleux , un tel besoin de croire , qu’elles ne peuvent se résigner à répudier les relations qui flattent leurs préjugés, qui confirment leurs croyances. Il en résulte donc que de misérables contes , qui n’ont pas môme le mérite d'être amusants, s'accréditent et servent à propager des erreurs.

Dernièrement, M. Paul d’Ivoi a inséré dans le Messager (h février), une chronique qui se distingue des autres, en ce qu’il V affirme avoir été témoin oculaire du fait. La scène, a eu lieu la veille (3 février), dans une maison de la rue Neuve-Saint-Augustin (on ne donne pas le numéro, et pour cause). L'opérateur était un certain Wiliam Addisson, médium sans pareil. Ori posa sur la table un rosier dépouillé de feuilles : le médium le magnétisa; l’arbuste frémit, s’agita, il en jaillit des branches, des feuilles, des boutons... Les fleurs allaient s’épanouir, quand un des assistants interrompit l’opération en demandant s’il serait possible de faire pousser, sur cet arbuste, des prunes au lieu de roses. Cette question malencontreuse fit tout manquer; mais c'est déjà très-curieux comme çà, dit avec raison le chroniqueur.

Quelle que soit la facilité avec laquelle un écrivain passe du rôle d’historien à celui de romancier, on doit croire que, quand il dit avoir vu et qu’il signe, il engage sa parole d’honnête homme. Aussi, désireux de recueillir des renseignements sur un événement aussi prodigieux , je me rendis au bureau du Messager, afin de m’en entretenir avec l’auteur. Je ne l’y trouvai pas, et l’on ne put ou ne voulut me donner son adresse : je fus réduit à lui écrire à l’adresse du journal, pour le prier de me mettre à même de procéder à une constatation régulière. Il est clair que si le fait est vrai, il •ne faut pas se borner à une mention fugitive dans un feuilleton , il faut qu’une enquête solennelle en mette la réalité hors de doute, et que la science puisse l’examiner avec toute l’attention qu’il mérite... M. Paul d’Ivoi ne m’a pas fait l’honneur de me répondre. Je suis loin de m’en plaindre, et je crois que tout le monde comprendra son silence. Si le ro-

sier en question n’est qu’un canard de la môme famille que les petits pâtés de Home et que tant d’autres volatiles de même fabrique, l’auteur, auquel on demande des renseignements, se trouve dans la même position où aurait été Perrault, si on lui eût demandé l’adresse de Peau d'âne. Dès lors il n’y a pas de raison pour croire même que le médium Ad-disson existe réellement. Tout cela n’est qu'histoire de rire, comme disent les mystificateurs. Les amateurs du genre trouveront peut-être qu’il y a progrès à ne plus invoquer le témoignage de la comtesse X... ou du baron de Trois Etoiles, et à dire résolument j'ai vu. Seulement, ceux qui prodiguent ainsi leur parole, apprennent au public à en faire bien peu de cas. A. S. Momn.

CLINIQUE.

Smyrne, Î6 janvier 1859.

« Monsieur le baron,

« Je fis, il y'a quelque temps, la connaissance d’un jeune homme qui, par ignorance ou par entêtement, ne croyait pas à la vérité nouvelle. Je lui proposai plusieurs fois, mais inutilement, de le magnétiser (je prévoyais, vu sa constitution nerveuse (1), obtenir un résultat assez satisfaisant).

« Je parvins enfin à le faire consentir, et l’ayant placé convenablement, je commençai par les passes ordinaires. Chose étrange ! toute la force de ma volonté fut impuissante ; mes yeux sondaient les siens , mais ses paupières restaient immobiles, il me regardait fixement.

(1) La pratique du magnétisme no démontre pas quo les constitutions norveuses soient plus accessibles que toute autre À l’influence magnétique-C’est un préjugé répandu par les adversaires da nt narticu.

îfeveniMïl par les médecins, que beaucoup demagnéti stestrès-réoomroanda-bles ont accueilli, non comme venant ü'unç sourçç suspecte, mais comme nne vérité déduite de l’observation. Les phénomènes apparents, sensibles, du magnétisme s'obtiennent avec le même succès sur tous les tempéra-Bwnl3‘ (Note de la Rédaction.) ^

H Je redoublai d'ardeur, et quelques minutes après, je le vis pâlir, crisper les muscles de sou visage , battre des paupières, se lever d’uu bond et retomber sur le canapé en poussant un profond soupir : ma volonté enfin triomphait.

ii Une demi-heure après, je le magnétisai et lui proposai de sortir avec moi. Je vous laisse à penser de son étonnement, lorsqu’il se vit en plein air, au milieu de la rue, car c’est alors qu’il se sentit plus calme. — Il me proposa d’entrer chez lui.

— J’v consentis ; mais quelle fut ma surprise, en passant le seuil de la porte, de trouver toute la maison en émoi. — Nous demandâmes la cause de tout ce mouvement inusité, et les domestiques nous répondirent que la mère du jouitc homme était, depuis une heure , dans un état de crise violente. — Nous nous élançâmes dans le salon. A peine madame F... eut-elle vu son fils, qu’elle lui tendit les bras en s’écriant : — Ah ! c’est pour toi que je souffrais, lui dit-elle. Je pressentais qu’il t’arriverait quelque chose d’extraordinaire, quelques malheurs, peut-être. Vois, ta vue seule m'a rendue plus calme, u En effet, quelques minutes après , elle parut soulagée.

u Immobile de surprise, je m’informai de tous les détails,-et j’appris avec un redoublement d’étonnement que juste au moment où je me donnais tant de peine pour magnétiser le fils, la mère ressentait les mêmes effets de cet agent mystérieux.

«Etrange-coïncidence ! Ce fait fut si frappant et si nouveau pour moi, que je restai anéanti. Quel est donc ce lien, qui unit ainsi l’âme du fils et de la mère ?... Oh ! devant des faits et des mystères pareils, la nature humaine doit frémir, elle doit se confondre devant ce fluide qui, s’introduisant dan» notre corps, peut, par une puissante irradiation, s’échapper de notre organisme, et aller trouver à distance un être semblable à nous et auquel nous devons la vie.

„Ce qu’il y a de plus étonnant, c’est que la mère me raconta après, que lorsque son fils, encore enfant, avait été malade et qu’elle lui avait administré une purge, ou tout autre médicament, elle avait ressenti toujours, et à la même heure, les

mûmes effets que ceux obtenus par les remèdes qu’elle avait donnés à son lils.

« Voilà, monsieur le baron, le fait (mal exposé, mais vrai), que j’ai été bien aise de vous soumettre. — C’est à vous maintenant d’approfondir et de juger. — Pourmoi, je vous assure que je suis si étonué, que je crains de sonder les arcanes de cette divine science qui nous cache encore tant de mystères. »

Je joins à cette relation le fait de guérison suivant :

« Je fus appelé (le soir du l(i décembre 1857) près dun homme de trente ans, M. Nicolais, affecté d’une névralgie sciatique qui empirait horriblement à la chaleur du lit, et qui avait résisté à toutes médications ordonnées par les allopathes. M'étant rendu auprès de lui, je l’ai trouvé se plaignant de douleurs insupportables depuis la hanche gauche jusqu’au talon , et spécialement à la région du tibia. M’étant concentré en moi-même et lui imposant ma ferme volonté de se sentir soulagé, je lui fis quelques passes locales. L’effet eu fut des plus merveilleux, puisque peu de minutes après il s’endormit tranquillement.

«Ayant continué ce procédé chaque soir à la môme heure, pendant une semaine, j’ai obtenu que mon malade pût se lever, marcher et vaquer à ses affaires. Depuis lors , et il y a treize mois de cela, il n’a plus ressenti aucune douleur.

« Dans les cas de prosopalgie et odontalgie, je me sers de préférence du magnétisme, en dirigeant le fluide avec la main droite vers la partie malade et en retirant la gauche vers moi. Je m’impose aussi de ressentir moi-même les mêmes douleurs qu’accusent les patients, et je veux obtenir de les soulager immédiatement.

a Cela, Dieu merci, je l’obtiens presque toujours, et je suis convaincu qu’on peut appliquer comme devise au magnétisme :

« Pouvoir, — c’est vouloir,

« Daignez agréer, monsieur le baron, l’assurance de ma parfaite considération.

« Dr A. Cbicca, Médecin homeeopalhe. »

ÉTUDES.

DU SOMMEIL ET DES SONGES.

La question du sommeil et des songes est aussi intéressante que difficile à traiter. Aussi a-t-elle excité les méditations de bien des penseurs, inspiré de nombreux volumes, d’innombrables dissertations. Hier, c’était l’Académie des sciences morales et politiques qui la mettait au concours ; aujourd’hui, c’est le directeur du Journal du magnétisme qui provoque des observations sur ce sujet. 11 semble donc quele résultat du concours ouvert par l’institut n’ait pas satisfait, du moins complètement, M. le directeur de ce journal. Mais il y a longtemps que le magnétisme et les corps savants font mauvaise société ensemble; et, si les corps savants dédaignent le magnétisme, celui-ci ne reste pas en arrière et leur rend assez bien la pareille.

Le livre couronné qui a pour auteur M. Lemoine, ancien professeur de philosophie à la faculté des lettres de Bordeaux, est néanmoins, il faut s’empresser de le reconnaître, une dissertation intéressante, écrite par un homme érudit et qui résume assez bien les opinions des philosophes accrédi-, tés. Mais d’abord c’était-il parmi ceux-là qu’il fallait chercher des lumières pour la solution du problème ; et les faits magnétiques ne pouvaient-ils fournir sur les relations da corps et de l’âme quelques données propres à éclairer la question ? Or ce n’est qu’à la fin de son livre que M. Lemoine traite du somnambulisme artificiel ; il a donc cherché à résoudre le problème en dehors de ces phénomènes. D’ailleurs ses idées sur cette matière ne nous paraissent pas bien fixées. La principale autorité qu’il invoque est celle d’Arago, qui n'avait pas lui-même de convictions bien arrêtées sur ce sujet.

Aiffsi M. Lemoine nie l’existence du fluide magnétique et ses effets. Mais déjà à celte opinion cet écrivain nous per-

mettra de lui opposer celle de Cabanis, qu'il a souvent cité : « II n'est pas douteux que chaque espèce et même chaque individu ne répande une odeur particulière ; il se forme, autour de lui, comme une atmosphère de vapeurs animales toujours renouvelées par le jeu de la vie. Chez les races et chez les individus faibles, cette odeur est moins marquée ; elle 1 est plus fortement dans les espèces très-animalisées, dans les corps très-vigoureux. Quand un individu se déplace, il laisse sur son passage des particules qui le font suivre avec sûreté par les animaux de son espèce ou d’espèce différente doués d'un odorat fin. C’est ainsi que..... (T. II, p. 418, éd. de 1805.J

Qu est-ce donc que cette atmosphère animale toujours entretenue par le jeu de la vie, si ce n'est le fluide vital, le fluide magnétique, et, dans son expression la plus élevée, l'âme intelligente.

M. Lemoine dit encore (page 393) : a II n'est pas démontré qu aucune influence physique d’un homme sur un autre intervienne jamais pour produire le somnambulisme. » Et (page 392) : « Aucun agent physique n’a le pouvoir d’enlever à

1 ame des facultés qu’elle possède, ou de lui en donner de nouvelles, ou de diminuer seulement, ou d’exalter sa puissance. >» A quoi Cabanis répond (p. hU) : « L’efTet des regards, de la physionomie et même des gestes, n’est pas uniquement moral ; il y reste encore, s il m’est permis de parler ainsi, un mélange d’influence organique directe qui semble indépendante de la réflexion. »

Voici enfin le résumé de la pensée de M. Lemoine (page 393) : « Le somnambule magnétique, en admettant même que son extase soit l’effet d’un agent physique, dirigé par la volonté intelligente d'autrui, n’est qu’un extatique plus ou moins ravi à lui-inême, un halluciné dont le délire est plus brillant ou moins intense, un dormeur qui demeure plus accessible ou plus étranger à la réalité extérieure; c’est un fou d une folie passagère, que la volonté de l’homme, qui tient sa .puissance de la nature ou de la confiance du malade, peut faire naître ou cesser à son gré. »

Après l’émission de telles idées, que nous n’avons pas be-

soin de combattre ici, 011 comprend que l’auteur n’ait pas cherché à s’éclairer par le magnétisme sur la nature des rêves et sur le sommeil. Aussi rejette-t-il, presque sans l’examiner, l’hypothèse qu’il pose et qui se rapproche le plus, selon nous, de la vraie solution de son problème.

« Reste (p. 59) cette supposition tout arbitraire que rien n’autorise, même les laits les plus extraordinaires du somnambulisme naturel ou artificiel, même l’insensibilité cataleptique, même les visions étranges de l’extase, que l’âme, dans le profond sommeil, est dégagée des liens du corps, quelle jouit de son indépendance jusqu’à ce que l’heure soit venue de reprendre ses chaînes.... Uni étroitement au corps qu’il anime, l’esprit ne saurait s’en détacher un instant ; fût-il endormi, je ne puis concevoir un corps sans âme, s’il n’est un cadavre. >

Nous non plus, nous ne concevons pas autrement l’existence, d’un corps sans âme. Ainsi l’isolement total de l’âme, du corps, est bien la mort. L’âme ne s'isole donc pas du corps, au moins complètement, pendant le sommeil. Mais ne peut-elle pas s’isoler partiellement ? Ceci est une tout autre question. Pour la résoudre, il faudrait d’abord déterminer la nature de l’âme.

L’âme existe, distincte, mais non pas séparée du corps : c’est là un point essentiel sur lequel tout le monde est à peu près d’accord. En outre, si elle est matérielle, elle est cependant inappréciable à la perception de nos sens éveillés. C’est là sans doute ce que l’on veut dire quand on dit qu’elle est immatérielle, et on ne veut pas dire autre chose : il faut bien en effet qu’elle soit quelque chose pour exister ; autrement elle n’existerait pas. Ainsi, par cela seulement qu’elle est, nous croyons pouvoir dire qu’elle est matérielle ; seulement il faut des sens plus raffinés que ceux de l'homme éveillé pour l’apercevoir. Et en effet, pour les somnambules, elle est visible et tangible.

Ce fluide si subtil est doué d’une étrange mobilité, d’une sensibilité inouïe d’attraction que peut exercer l’homme par la seule volonté. C’est ce que les anciens savaient très-bien ; car

ilsn’ont pas exprimé d'autre idée, en plaçant des ailes aux pieds de Mercure, le messager des dieux, de même que les artistes du moyen âge, en donnant deux ou trois paires d’ailes aux séraphins, ou en les plaçant sur des roues qui répètent la même idée de vélocité. Mais ce n'est pas seulement après la mort que se manifeste cette facilité de locomotion. Si l’âme se meut d’une façon moins complète pendant la vie, elle n’en est pas moins souple, moins docile, moins rapide. Qu’est-ce donc que ce regard qui vous porte, à l'aide d’instruments, jusque dans les astres? Qu’est-ce que ce vol de la pensée qui vous fait atteindre à des distances infranchissables, et qui vous replace dans les lieux les plus éloignés, au milieu de personnes déjà connues? Non ! l’oiseau n’est pasnotre supérieur ; car tout son inslinctne dépasse jamais les limites desagracieuseenveloppe. S’il parcourt lestementles espaces, notre pensée, aussi rapide que le son, que la lumière, que l’étincelle électrique, est arrivée bien avant lui au but qu'il n’atteint qu’à coups d’ailes et après avoir échappé à tous les dangers que lui offrent les nuages porteurs de la foudre et des frimas. Mais notre pensée, c’est nous, notre esprit, notre âme, non pas noue âme tout entière, mais au moins une fraction suffisante pour nous faire correspondre avec un objet indiqué. Aussi, lorsque nous voulons concentrer notre pensée sur un sujet de méditation, nous suspendons notre marche, nous cessons tout mouvement qui exigerait une dépense de force et un appel de fluide dans nos membres, puis nous fermons les yeux ; car l'œil est l’organe par lequel nous dépensons le plus d’essence intelligente.

S’il n’en était pas ainsi, si l’âme ne s’échappait partiellement, à notre ordre, de notre corps, la magnétisation à distance n’existerait pas. L’impression du sujet ne peut avoir lieu que parce que son fluide est fortifié par celui du magnétiseur. Que l’action magnétique se prolonge quelques instants, le sommeil a lieu, déterminé par cet excès de fluide. Or le fait de la magnétisation à distance étant démontré et admis depuis longtemps, il en est de môme de la possibilité d’émanation de notre âm?, à notre volonté ; l'effet suppose la cause.

Voilà donc trois propriétés essentielles de l'àme : 1“ elle est mobile ; 2» elle est divisible ; 3» elle est susceptible d’être additionnée avec d’autres fluides.

Mais ici une cause étrangère a provoqué le sommeil, tandis que ce phénomène se reproduit naturellement et comme de lui-même toutes les douze heures. C’est que nos sens extérieurs sont fragiles comme notre corps dont ils dépendent ; ils sont fatigués et ontbesoin de repos. L’àme tend alors à les délaisser et se replie, par l’ordre divin des choses, à 1 intérieur du corps et principalement du cerveau, son domaine principal et essentiel. C’ est donc toujours une accumulation de fluide qui provoque le sommeil ; et, comme le somnambule, par l’émission de son âme, voit à distance, l’endormi naturel laisse aussi échapper, sans guide et sans boussole, la partie en excès et sans emploi de son âme. C’est dans ce moment que se manifeste le rêve : le rêve, vrai ou désordonné, selon le calme ou le trouble des organes qui y prennent toujours quelque part ; car ils sont prêts à renaître à la vie dès le rappel de la portion de l’âme fugitive. Ainsi disons dès à présent que ces rêves de vols aériens, qui ont frappé l’attention de M. Lemoine, ne sont à nos yeux rien moins que la réalité. C’est là un prélude à notre vie d’outre-tombe, que certaines natures éprouvent dès ici-bas d’une manière plus ou moins complète, dont elles ont souvenir au réveil plus ou moins fidèlement.

Lorsque le soleil reparaît à l’horizon, l’émission de ses rayons, l’impression de la chaleur émise a pour effet de déterminer un appel, vers les organes extérieurs reposés, dir fluide concentré à l'intérieur et de celui échappé pendant le sommeil : c’est le moment du réveil.

Si le fluide absent ne réapparaissait pas, par des causes-organiques du cerveau ou autres, l’individu aurait perdu l’esprit, selon l’expression vulgaire fort juste; l'aliénation aurait lieu, état qui, dans tous les cas, cesse après la mort, et dont les décédés ne se rendent pas ordinairement compte, leurs corps n’étant plus pour eux le sujet de la moindre préoccupation.

Voilà à peu près ce que nous avons déjà écrit, niais plus sommairement, dans le Journal du Magnétisme du 10 octobre 1857.

Hippocrate a jeté un coup-d’œil lumineux sur cette question du sommeil, et, s’il n'admet pas la séparation partielle de l’âme et du corps, il reconnaît au moins cette mise en disponibilité d’une partie de l’âme, qui lui donnerait par moments , dans le sommeil, plus de lucidité que dans la veille. Voici ce passage célèbre traduit par M. de Littré (t. VI, p. 641) ; cette traduction ne diffère pas beaucoup de celle de Gardeil, adoptée par M. le baron du Potet, qui a également reproduit ce passage dans son Cours complet de Magnétisme animal (9e leçon) :

« Les signes qui se montrent dans le sommeil seront trouvés posséder pour toute chose une grande vertu par celui qui saura en juger sainement. En effet, l'âme, alors qu’elle sert le corps éveillé, se partage entre plusieurs occupations et n’est pas à elle-même ; niais elle donne une certaine portion de son activité à chaque affaire du corps, à l’âme, à la vue, au toucher, à la marche, à toutes les actions corporelles. En effet, le corps dormant ne sent pas, mais elle, éveillée, a la connaissance, voit ce qui se voit, entend ce qui s’entend, marche, touche, s’afflige, se recorde, accomplissant, dans le petit espace où elle est, pendant le sommeil, toutes les fonctions du corps ou de l’âme. Aussi quiconque en sait juger sainement, connaît une grande partie de la science. »

Hippocrate distingue deux espèces principales de songes, les uns divins, venant des dieux, soumis au régime des devins, les autres corporels, tombant dans le domaine delà médecine.

Les corporels se divisent en six classes : Io songes qui représentent les actions ou les pensées de la veille, 2° songes relatifs aux phénomènes célestes; 3° songes relatifs aux objets terrestres; h° songes où l'on se voit soi-même; 5" songes où l'on voit les morts; 6° songes qui offrent des visions diverses. Ces catégories nous paraissent peu rationnelles.

Un grand nombre d'autres auteurs, dont plusieurs sont

cités par M. le baron du Potct. s’énoncent à peu près comme Hippocrate. Voici notamment un passage de Macrobe qu il n’a pas cité : « La vérité est cachée; néanmoins l’âme, dégagée de la servitude où la tiennent les besoins du corps, l’entrevoit quelquefois, y fixe son attention, sans y parvenir toujours : la lumière qui l’éclaire alors n’est pas assez nette et assez brillante pour lui faire voir les choses telles qu elles sont; elle ne peut les considérer qu’à travers un voile que la nature assoupie répand sur toutes choses. » (In Somn. Scip., lib. 1.)

Parmi les modernes, Cabanis nous semble un de ceux qui ont le mieux approfondi les mystères du sommeil. 11 remarque (t. I, p. 182) qu’il y a dans l’homme, selon l’expression de Syndenham, un autre homme intérieur, doué des mômes facultés, des mômes affections, susceptible de toutes les déterminations analogues aux phénomènes extérieurs, ou plutôt dont les faits apparents de la vie ne font que manifester au dehors les dispositions secrètes et représenter en quelque sorte les opérations. Cet homme intérieur, c’est l’organe cérébral. Mais il faut encore distinguer ici les impressions qui lui sont essentiellement et exclusivement propres de celles reçues par les différentes parties internes, telles que les viscères des cavités de la poitrine, du bas-ventre, des organes de la génération, et aassà des impressions dont l’organe cérébral ne fait qu’apercevoir au dehors les motifs par ses extrémités sentantes pour envoyer les déterminations qui en résul-tentaux différents organes moteurs.

u Des trois genres d’impi ession, dit-il ensuite (t. II, p. A75) dont se composent les idées et les penchants, il n’y a dans le sommeil que celles qui viennent de l’extérieur qui soient entièrement ou presque entièrement endormies ; celles des extrémités internes conservent une activité relative aux fonctions des organes, à leurs sympathies, à leur état présent, à leurs habitudes; les causes dont l’action s’exerce dans le sein même du système nerveux n’étant plus distraites par les impressions qui viennent des sens, doivent souvent, lorsqu'elles se trouvent alors mises en jeu, prédominer sur celles

qui résident ou qui agissent aux diverses extrémités sentantes internes. »

Cabanis reconnaît aussi que l’esprit peut continuer ses recherches dans les songes, et qu’il peut être porté, par une suite de raisonnements, à des idées qu’il n’avaitpas. C’est là, dit-il fort judicieusement, l’effet de la concentration de la puissance nerveuse dans l’organe cérébral. Mais il n’admet pas d’autres causes, et ce n’est, selon lui, que dans des temps d’ignorance que des esprits crédules ont pu attribuer à des causes surnaturelles certains rêves qui semblaient des révélations de faits inconnus ou même qui annonçaient l’avenir.

M. Lemoine ne va pas aussi loin que Cabanis. Nous allons, nous, plus loin que ce philosophe, en affirmant, ainsi quenous le dirons ci-après, avecHippocrate, les causes surnaturelles ou divines qu’il rejette.

On ne peut d’abord nier la réalité des pressentiments de l’avenir; ils sont attestés par un si grand nombre de faits, qu’il serait vraiment trop facile d’avoir raison d’un contradicteur. Le Journal du Magnétisme et les autres revues analogues recueillent avec soin tous ceux qui se présentent de nos jours. Les auteurs anciens, ceux du moyen âge-en sont pleins : on pourrait en composer des volumes. Faut-il rappeler Gal-purnie, femme de Jules César, l’avertissant, d’après un songe, que le lendemain il sera assassiné en plein sénat (Suét., in Aug., c. 91); Artorius, médecin de l’empereur Auguste, le forçant, pour ainsi dire, d’aller, malgré sa maladie, à la bataille de Philippe en Macédoine, où sa présence seule pouvait décider de la victoire (Val.-Max., lib. I) ; Sophocle dénonçant le voleur qui a dérobé une coupe f or dans le temple d’Hercule (Cicér., de Divin., lib. Il); Gicéron lui-même, qui cependant ne croit pas aux songes, averti pendant l’exil par l’ombre de Marius que, dans le tombeau où il se repose, il obtiendra un sort meilleur, et rappelé en effet par un sénatus-consulte rendu dans le temple de Jupiter bâti par Marius, etc. 1

Et ce n’est pas seulement dans l’antiquité que nous pourrions puiser des faits imposants et de graves autorités. Après Aristote, Pythagore, Platon, tous les auteurs du seizième

siècle, et parmi eux Montaigne etPasquier, se montrent également convaincus de la vérité de certains rêves et rapportent des circonstances saisissantes (1).

Nous admettons donc la réalité des pressentiments de l’avenir dans les songes, et de là, comme Hippocrate, nous distinguons les'Songes en surnaturels et naturels, appelant divins ceux qui révèlent l’avenir et l’inconnu, et naturels ceux qui ont leur source dans les habitudes ou les faits du passé.

Tous, sans doute, procèdent de l'âme ; mais dans les seconds , l’âme est sensiblement influencé par la réaction du corps, effet qui la prive en partie de sa lucidité et qui produit le rêve agité, dont le dernier terme est le cauchemar, résultat de la gêne des fonctions animales et principalement de l’état embarrassé de l’estomac.

Le rêve qui comporte le présage, le rêve lucide, n’a lieu que dans l’état de calme du corps; et celui-là peut être produit ou par un simple isolement partiel de l’âme d’avec le corps et sa condensation dans le cerveau, circonstance qui, diminuant pour elle l’influence de l’idée de temps, lui figure l’avenir pour la forme du présent, ou aussi par une communication avec les esprits. C’est dans ce dernier cas surtout que se manifestent les causes surnaturelles.

C’est là ce que Hippocrate, à la suite d’Homère et de Virgile , appelle des rêves divins ou venant des dieux ; c’est là ce qui explique certaines pratiques du paganisme, telles que celle de coucher dans les temples, pour y recevoir le souffle, l’inspiration de la divinité. Le moyen âge tout entier a partagé ces idées, et, en4676,/’ Académie des beaux-arts nous dit encore : « Durant le sommeil, la partie supérieure du corps, délivrée et dépouillée des sens et affections corporelles, communique plus particulièrement avec Dieu et les anges , et reçoit de toutes parts les nouvelles des choses qui se passent.

(1) Citons, quoiqu'il ne présente ni conclusion arrêtée, ni esprit de critique philosophique, un petit volume du bibliophile Jacob, l'Onürocritit ou l'°rt d’expliquer les songes (Paris, Delahavs, 1859). On y Irouvo de l'érudition sur un sujet intéressant, et mieux vaut à coup sûr ne pas raisonner du tout que raisonner uniquement pour suivre le» sentiers battu?, sans même les éclairer d’une plus vive lumière.

Et, selon Anaxagorc, toutes les choses , portant des images les unes des autres, s’il y a un effet dans la nature qui se connaisse dans quelques causes, comme un orage dans la mer, un meurtre dans les bois, un vol ou un autre accident en la campagne, la puissance qui en doit être l'original en envoie une copie et image dans l’âme. »

On a encore distingué les rêves diaboliques des rêves divins, selon qu’ils supposent l’intervention des mauvais ou des bons esprits, et nous sommes forcé d’admettre cette division, puisque nous ne doutons pas de l’existence des mauvais esprits et des dangers qu’ils offrent à l’homme, tout en repoussant cependant d’un autre côté l’énorme exagération qu’ont donnée à cette idée du diable la crédulité des uns et le fanatisme des autres. La nature des esprits avec lesquels l’homme est en relation et par suite la condition de ses rêves est toujours d’accord au surplus avec l’état de ses mœurs et son caractère. Soyez pur et honnête, vous ne serez entouré, conseillé, protégé que par de bons esprits, vous n’aurez que de bons rêves. Vous reverrez, dès ici-bas et en ombre, vos amis les plus chers. Des injustes et des ingrats, reconnaissant leurs erreurs, viendront vous demander pardon et s’en retourneront heureux, car vous leur aurez pardonné. Telle femme, pour laquelle vous avez brûlé en secret d’un chaste amour, vous exprimera sa reconnaissance et son plaisir, et peut-être ses regrets, et déposera sur votre front un baiser dont l’empreinte ne s’effacera plus de votre esprit. Que d’autres traits nous pourrions ajouter !

Mais soyez méchant, trompeur, et les Euménides viendront à votre aide, se feront vos satellites, vos rêves seront une anticipation sur l’enfer, les esprits qui vous entoureront prendront, surtout aux approches de la mort, les formes les plus hideuses, vous plongeront dans des fournaises ardentes, vous livreront aux tortures, de là l’enfer matérialisé des théologiens ; ce qui ne veut pas dire que l’enfer vrai, l’enfer moral, ou tout au moins approprié à une corporéité plus subtile, soit un agréable régime. Mais ce n’est peut être qu’afin de mieux le faire comprendre, à nos intelligences bornées

et servies par des sens, que l’image de la matérialisation a été faite. S’il en était ainsi, l’image ne manquerait pas de portée ; elle serait appropriée aux temps grossiers pour lesquels elle a été émise ; l’idée pouvait donc être assez philosophique, et surtout éminemment pratique. Mais nous nous éloignons de notre sujet, hâtons-nous d’y rentrer.

La communication des esprits avec l’homme a lieu principalement vers le matin; Théocriteet Virgile l’avaient fort bien remarqué. Les esprits protecteurs semblent veiller auprès de vous sur votre couche et attendre le moment du réveil pour leur insufflation, afin que, la mémoire ayant repris son jeu, vous puissiez conserver pendant la veille le souvenir de leurs avis. La nuit d’ailleurs est leur élément ; ils fuient devant le soleil apportant la lumière, la vie du corps, la résurrection des sens.

La forme du langage adopté par les esprits pour communiquer avec l’homme semble varier selon le degré de pureté de l’esprk, ou l’époque depuis laquelle il est désincarné. Peu de temps après la mort, ils annoncent volontiers leur présence par des coups produits le plus souvent dans le vide , et quelques minutes plus tard, à peine le sujet tend-il à s’endormir, la pensée arrive insufflée pour ainsi dire au cerveau et par paroles. Lorsque l'esprit est désincarné depuis plusieurs années, il parle volontiers par tableaux qu’il fait passer devant le cerveau du sujet, devant les yeux de l’esprit, phénomène dont les expériences faites par M. Cahagnet à l'aide du haschisch et décrites par lui dans son Sanctuaire du spiritualisme, donnent assez bien une idée.

C’est ici qu’il faut une certaine sagacité pour saisir le sens de ces tableaux, allégories parfois assez mystérieuses, paraboles souvent emblématiques, auxquelles le vulgaire ne prête presque jamais attention. Voici quelques exemples : la fille de Polycrate, selon Hérodote (lib. 3), rêve qu’elle voit son père élevé en l’air; que Jupiter l’arrose et que le soleil le oint. Peu de temps après, son père fut pendu.

Selon Pétrarque, un individu rêve qu’il a un œuf dans son lit; il creuse, il fouille et trouve un trésor.

Un homme, dit Galien, qui croyait aux songes, rêve qu’une de ses jambes est de pierre ; peu de temps après, il devient paralytique.

Tout ce qu’annoncent les esprits, même les bons esprits, peut ne pas être compris, ce qui est un effet de la sagesse divine. Ainsi Jeanne d’Arc raconte dans sa vie dictée par elle-même à M"° Hermance Dul'aux (p. 120), qu’elle ne comprit pas sainte Catherine lorsqu’elle lui apparut dans sa prison et qu’elle lui dit, en réponse à sa demande, qu’elle serait délivrée de prison par une grande victoire. La sainte ajouta qu’elle devrait souffrir le martyre patiemment, se soumettant à la volonté de Dieu, et l’assurant que, si elle en usait ainsi, elle irait avec elle en paradis. Jeanne remercia Dieu, ne comprenant pas, dit-elle, cette prédiction bien claire cependant, tant elle était persuadée qu’elle serait bientôt mise en liberté, fallût-il un miracle pour cela. «. Mon ignorance était un effet bien touchant de la bonté de Dieu. » « Fille de Dieu, lui dit sainte Marguerite (p. 332) aie confiance, l’Eternel mesure le vent à la brebis tondue. » Ce ne fut que sur le bûcher, ajoute Jeanne d’Arc, qu’elle comprit le sens de ses voix ; là les saintes et les anges lui apparurent soutenant son courage, lui montrant une palme et une couronne, et, quand elle rendit le dernier soupir, elles amenèrent avec elles son âme dans les Cieux.

On peut encore citer, comme exemple d’ambiguïté dans les rêves et dans les prédictions, la réponse des sorcières de Forres à Macbeth, dont Shakespeare a tiré un parti si poétique. Les esprits interrogés avaient dit qu’aucun mortel né d’une femme ne pourrait nuire à Macbeth, et qu’il ne serait vaincu que lorsque la forêt de Bimam viendrait à Dunsiane, circonstance d’une réalisation en apparence impossible et dont il semblait qu’il ne dût pas dès lors se préoccuper. Or, Macr-dufl‘, son ennemi, lui apprit dans une rencontre des deux armées, qu’il avait été arraché avant le temps du sein de sa mère ; et, en passant dans la forêt de Birnam, chaque soldat abattit une branche d’arbre, qu’il portait devant lui pour masquer à l’ennemi la force de l’armée -, ainsi se réalisa l’ap-

parence d’une forêt en mouvement. Macbeth périt, 011 le sait, dans cette rencontre.

On comprend que l’art (les onéirocritiques est né de ces réponses ambiguës, de ces tableaux allégoriques. Mais cet art existe-t-il bien réellement? Les tableaux, les paraboles ont sans doute toujours rapport aux faits, aux mœurs de l’individu auquel ils s'adressent; mais ils varient nécessairement de signification selon les personnes. Cette simple observation démontre que, si la science de l'interprétation des songes a quelque fondement, elle est au moins pleine d’incertitude. Après le sujet lui-même, un somnambule sera le meilleur interprète , ce qui ne veut pas dire un interprète infaillible, l’infaillibilité ne devant être jamais le partage de qui que ce soit ici-bas.

Aussi, de tous les livres d’Artémidore, le grand devin des songes, le seul passage qui nous paraisse digne d’attention est le suivant, dont le sens réduit à bien peu de chose sa propre science : « Pour bien juger d’un songe, il faut connaître les mœurs ordinaires, non-seulement du sujet particulier auquel on doit répondre, mais encore de la société dont il fait partie; sans cette précaution, on se trompe aisément.

« Ainsi, lorsqu’on veut expliquer un songe, on doit savoir qui a eu le songe, ce qu’il fait, comment il est né, quel est l’état de sa fortune, son âge, sa santé. Il faut ensuite étudier attentivement chaque partie, chaque détail du songe; car l’addition ou l’omission d’une circonstance légère en apparence peut en modifier totalement le sens. »

Que conclure de tout ceci ?

Que, sans mépriser les songes, car ils peuvent quelquefois fournir des indications utiles, il ne faut pas cependant s’en préoccuper outre mesure, puisqu’il y en a beaucoup d’insignifiants ou même d’erronés, et vouloir tout expliquer en pareille matière serait commettre une étrange erreur. Le meilleur conseil que l’on puisse donner sur ce sujet est celui-ci, déjà fort vieux au surplus : Tenez en santé votre âme et votre corps, votre corps dans une sobriété modérée de toutes choses, votre âme attachée seulement dam une juste m?sure au

choses de ce monde et sans cesse préoccupée de la vie extra-humaine. Dans ces conditions, si vos rêves ne sont pas insignifiants, ils pourront vous apporter des avis salutaires et vous faire éviter de grands dangers.

L. Lamothe.

DES ÉVOCATIONS SANS LE SAVOIR.

Le duc et la ducheMe d'Orléans.

N’y a-t-il que les magiciens qui fassent des évocations? Faut-il être habillé d’une robe noire bordée de rouge, être armé de la baguette, pour être entendu des Esprits d’outretombe? L’ignorance où l’on a été longtemps sur ces opérations, l’apparat dont le charlatanisme aime à s’entourer, ont seuls pu donner lieu à ces idées fausses. Pour qui sait lire les vies des saints et les antiques légendes, les faits d’évocations involontaires y abondent ; ils sont bien plus fréquents que ceux d’apparitions qui y sont aussi cependant assez communs. L’habitude de la prière ardente produit seule les évocations ¡sainte Thérèse nous en montre les effets admirables; beaucoup de miracles sont le résultat d’évocations, mais quelquefois aussi etplus simplementd’auto-magnétisations. Beaucoup decérémonies religieuses n’ont pas d’autres sens que celui d’évocations. Enfin, voici un cas que nous n’hésitons pas à ranger dansla classede ces phénomènes involontaires, et que nous allons puiser dans une Vie de madame la duchesse d’Orléans, écrite avec une noble simplicité par une dame attachée à son service et qui a voulu garder l’anonyme. Madame la duchesse d’Orléans raconte dans une lettre les effets inattendus qu’elle ressentit lorsque, succombant sous le poids de la douleur, elle descendit dans le caveau qui venait de recevoir le corps du duc d’Orléans.

« La date de cette lettre (14 juillet 1843) vous dira assez

ce que mon cœur éprouve eu traçant ces lignes ; mais que votre cœur ne se trouble pas , que votre affection pour moi ne vous fasse pas souffrir.

« Remerciez Dieu pour moi ; il m'a puissamment secourue ; il m’a fait goûter sa paix, sa présence; il m'a fait respirer le parfum de l’éternité ; et mon âme qui, en arrivant ici, était abattue et desséchée comme une terre déserte, se trouve fortifiée , remontée, pleine de reconnaissance envers ce Dieu miséricordieux qui, du sein de la mort, fait germer des consolations si douces ; c’est une prière exaucée. Je criais vers Dieu en me rapprochant d’ici : ne me laisse pas défaillir ; ne laisse pas mon âme au désespoir comme naguère , où seule , devant cette tombe, je ne vis que le néant de la vie, où l’éternité resta voilée. Dieu a eu pitié de moi, il m’a fait la grâce de pouvoir pleurer des larmes douces, et je dirai presque des larmes de joie. Mon cœur a été pénétré de cet avenir de félicité éternelle ; il me semblait être enlevée déjà au monde, à ma douleur ; il me semblait être en rapport avec cette âme bien aimée et goûter en partie cette félicité qu’elle respire. Paix, joie, lumière, miséricorde, louanges à ce Dieu mille fois miséricordieux ! Voilà ce qui retentissait dans mou âme ; remerciez-le, ce Dieu qui, au milieu de la mort, m’a fait goûter les bienfaits de son amour. Les jours précédents ont été terribles. C’est la raison pour laquelle je ne vous ai pas écrit. Le 6, anniversaire du dernier beau jour de ma vie; le 7, celui démon départ de Plombières ; le 10, où je fus inaugurer par mes larmes et mes prières cette chapelle où le malheur de ma vie s’est accompli ; le 41, jour de l’inauguration solennelle; enfin, le 12, jour de notre pèlerinage à Dreux, j ai souffert mille morts, et j’étais dans un accablement affreux , jusqu’à ce que dans le caveau j’ai retrouvé le Seigneur. Maintenant je me sens en paix avec lui, avec ma croix, avec mon avenir sur cette terre. Dimanche, j’irai communier à dix heures, à Paris, pour demander encore au Seigneur

1 affermissement de mon âme dans cette paix, dans cette foi, dans cet amour que rien ne devrait plus troubler. »

Beaucoup ne remarqueront cette lettre que comme un

modèle de beau style, comme l’expression d’une touchante douleur. Nous, nous y voyons quelque chose déplus. Le Seigneur, que la duchesse d’Orléans retrouve dans le caveau et qui la met en paix , c’est à nos yeux l’invasion en elle de l’âme du duc d’Orléans ; il l’associe en quelque sorte à l’état de béatitude dans lequel il se trouve, et il la console. C’est un acte moral accompli comme une guérison physique miraculeuse. Pendant les premiers instants qui suivent la mort, l’âme éprouve en effet comme un étourdissement; elle doute encore de la mort du corps ; ce n’est que plusieurs jours après qu’elle a acquis toute sa liberté, qu’elle a repris son libre arbitre, qu'elle a ressouvenir de ses ancien nés affections terrestres. Mais il semble que bientôt, appelée à de plus nobles destinées, elle s’élance vers de plus hautes régions et ne redescend plus ici-bas que momenlanément, rarement, pour des cas particuliers, ou pour correspondre à des amitiés que le temps n’a pas affaiblies. En était-il qui méritât mieux cette marque de sympathie que la femme de cœur et d’esprit, de sentiment et de raison, dont l’âme à son tour a dû franchir d’un vol rapide les premières sphères, pour s’associer immédiatement aux esprits les plus perfectionnés ?

L. Lamothe.

SOMNAMBULISME NATUREL (1).

Liège, le 19 février 1859.

(Suite et Bn.)

J’ai dit, au début de cet article , que les faits que j’allais rapporter touchaient de très-près au magnétisme, science dont l’observateur était pourtant l’antagoniste. — Nous en trouverons plus loin la preuve dans les paroles de l’auteur.

(1) Cet article est la conclusion du fait remarquable de somnambulisme naturel dont nos lecteurs ont lu l’aualyse dans le numéro du 10 février 1859, n° 51, 2e série, page 68.

« La dénomination de somnambulisme ne me semble pas donner, dit-il, une idée assez claire, ni assez distincte de cet état singulier des facultés intellectuelles et des fonctions des organes des sens. 11 en est de même de ses diverses synonymies. Si l’on n’en a pas trouvé jusqu’ici de plus convenable c’est que sans doute cet état a été considéré comme inexplicable (1). « Si l’auteur avait été plus familiarisé avec les phénomènes mystiques, il n’aurait, je pense, pas hésité un instant à le rattacher à la série de phénomènes qui sont du domaine de cette belle science , éclose à la lumière ardente du dix-huitième siècle.

Dans cette longue et minutieuse relation, les faits de magnétisme foisonnent ; il en est môme qui ne peuvent s'expliquer que par l’intermédiaire de cet agent. Peut-être l’au-leur croyait-il ne pas avancer la question en rangeant ces phénomènes dans la catégorie générale des faits magnétiques, en ce sens que la nature de cet agent est restée jusqu’à ce jour un mystère pour tous.

Quoi qu’il en soit donc, faisons quelques remarques.

Observons d abord qu’à l’état de somnambulisme le malade ne reconnaissait la plupart du temps que le médecin et n obéissait qu à lui. C’est ainsi que, jugeant nécessaire de faire cesser l’abstinence qu’elle s’était volontairement imposée (pendant quatre jours, elle avait obstinément refusé toute | nourriture), il parvint à triompher de son obstination en ayant recours à ce qu’il nomme un expédient, et que je ne puis considérer comme tel. (Il fit mettre quelques aliments et du vin sur la table.) Or, je le demande à tous , n’est-ce pas à l’action mystérieuse de sa volonté sur la malade plutôt qu’à un caprice qu’il faut attribuer ce résultat ?

Plus loin, l’auteur explique le moyen dont il se servait pour se faire reconnaître de la somnambule, « A cette fin, dit-il, je me plaçai près et vis-à-vis d’elle ; je l'appelai incessant- , ment par son nom; je fixai constamment mes yeux sur les : siens, jusqu’à ce que nos axes visuels se fussent rencontrés.

(t) Je ne connais point de faits de somnambulisme naturel observé pendant le jour. Louïsr-Willemaï. (fliote de r Observateur.)

s Cette rencontre eut enfin lieu et lit éprouver à la malade une

I sorte de commotion comme électrique (1). Elle nie reconnut s alors, me salua et s’entretint avec moi. » N’est-ce pas là le • plus vulgaire des procédés magnétiques? Un magnétiseur - n’eût-il pas traduit cette pensée par ces mots : je tâchai d’é-' tablir le rapport, et je fus assez heureux pour y parvenir.

5 Autre fait : « Lorsqu’elle était momentanément privée de

II la vue (comme cela lui est arrivé tant de fois, par exemple, J en jouant aux cartes avec des personnes qu’elle ne voyait pas ' et dont elle n’entendait que les paroles qui se rapportaient

exclusivement au jeu), en revanche, le toucher acquérait chez elle un tel degré de perfection , qu’elle reconnaissait à l’instant les cartes (qu’on lui faisait glisser sous la main, car il lie fallait pas la toucher), quoiqu’elles fussent très-lisses ; elle ’ disposait son jeu avec ordre et servait avec une justesse et une ’ intelligence admirables, pourvu que chaque joueur annonçât ' la carte qu’elle servait.

- « M’oublions pas de dire que fréquemment Y élut extatique se déclarait dans le somnambulisme. »

Non, quoiqu’on dise, j’ai peine à ne voir dans tous ces phénomènes que du somnambulisme naturel.

Bref, si j’osais émettre une opinion personnelle , je dirais que je pense que, grâce à une susceptibilité nerveuse excessive, il s’est établi entre le malade et le médecin une espèce de rapport magnétique qu’explique suffisamment la présence assidue de celui-ci au chevet de la jeune personne ; que ce rapport une fois établi, il s’est perpétué jusqu’au moment où une brusque secousse est venue le déchirer, et que si des phénomènes plus caractéristiques n’ont pas accusé son existence, c'est que, s’étant produit spontanément et à l’insu de

(1) Il m'est arrivé plusieurs fois en maguétisant de produire des secousses pareilles, el, 5 ce sujet, je me demande s'il n'y a pas quelque analogie entre le fluide nerveux liumain et le fluide rlectriquc de la torpille et du gymnote. M. de Ilumboll rapporte que dans l'Amérique du Sud plus d’une fois on fut obligé d'éviter certaine rivière où les gymnotes s'étaient multipliées en nombre tel que les mulets qui la traversaient étaicjt vie» limes des secousses qu’ils recevaient.

tous, le médecin n’a pas imprimé à sa volonté le degré d’énergie nécessaire pour les provoquer.

S’il est vrai qu’il se trouve à tout moment des personne: bien portantes qu’on somnambulise en quelques secondes sans contact et presque sans passes, qu’y a-t-il d’extraordi. naire à. ce qu’un organisme, miné par la souffrance et la maladie , reçoive ou tire môme à son insu le fluide vivifiant es embaumé qui sert d'auréole à un corps sain et s’en échapj* par ondées? N’arrive-t-il pas journellement qu’en voulan magnétiser une personne, on ne produise aucun effet sur elle tandis qu’une autre, spectatrice, succombe au sommeil magnétique ?

Mais ne nous égarons pas trop dans le champ des hyp* thèses; j’aurais voulu rester étranger à toute théorie, à tout dissertation et me borner à rapporter rigoureusement le faits, mais 1 occasion de faire un rapprochement avec le magnétisme se présentant naturellement, j’ai cru devoir la saisii pour exposer franchement ma manière de voir. Après cela si je me trompe, je ne demande pas mieux que de faire amendf honorable et d abjurer mes erreurs. Errare humanum est,

Gustave Goossens.

LA MAGIE DANS L'iNDE.

Il a été publié dernièrement en Amérique un ouvrage inti tulé To Daimonion, dont l’auteur cherche à expliquer prodiges du spiritualisme sans recourir à l’intervention de-esprits. Nous en extrayons la description de quelques-une des merveilles opérées dans l’Inde par le pouvoir appel provisoirement magie, et sur la nature duquel nous ne déci dons rien, laissant à l’avenir le soin de percer ces mystères ce qui sans doute ne pourra se faiie qu’après de nouvelles io vestigations. *

« Les merveilles que déploie la magie dans l’Inde, sont d« nature à éclipser tout ce que l’on peut voir dans notre Nou

veau monde. C’est tellement extraordinaire, que des anglais fort instruits et fort intelligents , des officiers, des médecins, des ecclésiastiques, étant arrivés dans ce pays avec des préjugés défavorables et des opinions sceptiques, en ont rapporté d’innombrables et authentiques relations, ont témoigné de ce qu’ils avaient vu et ont déclaré que tous les récits ne comprenaient pas la moitié de la réalité.

« On y cliarme les serpente et les oiseaux. Un médecin, éminent, qui était incrédule sur ce point, a ainsi vérifié le fait, en compagnie d’un anglais de ses amis. S'étant adressés à un charmeur de serpents, ils l’emmenèrent seul avec eux à une assez grande distance, près d’un monceau de ruines. Ils le firent dépouiller de tous ses vêtements afin qu’il ne put y avoir de fraude ; puis ils observèrent tous ses mouvements.

11 s’approcha des ruines en imitant le sifflement du serpent; sa figure et scs membres étaient agités d’un tremblement nerveux qui devint de plus en plus violent. Bientôt après, on vit apparaître la tête d’un serpent, puis un second se montra, tous deux appartenant à une des espèces les plus venimeuses ; ils se déployèrent graduellement devant le charmeur, jusqu’à ce que celui-ci étendant la main, les saisit comme il eut fait de baguettes inanimées, et les déposa dans son panier. L’opérateur roulant un de ces reptiles autour de son col, en fit entrer un des replis dans sa bouche ; ensuite il rendit à son gré l’animal mde comme un bâton, puis souple comme un fil. On trouve chez les plus anciens auteurs, des exemples d’un pareil pouvoir exercé sur les serpents : Elien, écrivain grec du quatrième siècle, raconte que ces phénomènes se passaient de son temps, et assure que cela tenait à des facultés qui se transmettaient sans interruption dans certaines familles.

« En se plongeant d’eux-mêmes dans une sorte de crise nerveuse, des femmes exercées à cet art, réussissent à guérir certaines maladies, à découvrir les endroits où sont cachés des objets volés, et à faire connaître les auteurs des vols. L’exemple suivant servira à faire connaître leurs procédés. — U»e foule nombreuse était rassemblée autour de l’hôtel d’un

résident anglais près de Bénarès; on désirait s’enquérir d'objets volés; on avait fait venir de la ville une vieille femme qui pratiquait l’art de la divination. La population s’assit en cercle dans un champ, et la femme fut placée au centre. Elle se mit à tourner sur elle-même, agitée de spasmes de plus en plus violents, jusqu’à ce qu’arrivée au paroxisme delà fureur, elle se jeta à terre et s’y roula en proie aux convulsions les plus violentes. Les personnes intéresséesécoutèrent attentivement les paroles qui s’échappèrent avec peine de sa bouche, et ils apprirent par là où ils trouveraient les objets qui leur avaient été dérobés.

« On cite des faits presque incroyables relativement au pouvoir qu’ont ces individus de se mettre en crise à leur volonté. L’auteuranglais auquel nous avons emprunté l’anecdote qui précède, rapporte le fait suivant, d’après l’attestation d’officiers européens très-recommandables et qui en ont été témoins. Par suite d’un pari, un dévot indien se soumit à d’étranges épreuves. Après avoir donné ses instructions sur ce qu’on aurait à lui faire, il se mit en crise et tomba en défaillance. On l’enferma dans un sac qui fut cousu et placé dans une boîte que l’on déposa dans un tombeau solidement bâti en briques. On en ferma et scella l’ouverture, et des sentinelles furent placées à l’entrée pendant tout un mois. On ouvrit alors le tombeau, et l’on en retira le corps. D’après les instructions qu’avait données l’extatique, on lui ouvrit la bouche et l’on y versa un peu de lait; et, bien qu’il fût resté trente jours sans boire ni manger, et privé d’air ; il reprit connaissance et se leva (1). Le lendemain il fut en état de monter un chameau et se mit en route, en exprimant énergiquement aux parieurs sa colère de ce qu’ils ne le récompensaient pas plus libéralement de ses peines. L’auteur ajoute : Je viens de lire dans un journal indien, que ce dévot a répété la même expérience, avec le même succès, dans une

(I) Saint Augustin raconte dans son traité de la Cité de Dieu, qu'il a connu un prêtre nommé Restitutus, qui se plongeait à volonté dans une espèce de léthargie qui durait plusieurs jours et pendant laquelle il ressemblait a un cadavre. (Note du traducteur.)

autre localité. Tous ceux qui ont observé les crises des personnes en proie à l’excitation religieuse, surtout chez les races colorées de ce pays, ne feront aucune difficulté de croire à ces états nerveux extraordinaires : quant aux influences mystérieuses qui peuvent en résulter dans l’organisme, c’est ce que l’étude des faits peut seul nous apprendre.

o On observe chez les fanatiques indiens un pouvoir étonnant sur l’état nerveux d’autrui et même sur les objets matériels. Un auteur français en cite l’exemple suivant : Deux rivaux voulurent faire assaut de pouvoir. On portait à terre une pièce de monnaie, et c’était à qui parviendra le premier à l’enlever sans la toucher. Les deux concurrents, partant de deux points opposés, s’avancèrent vers l’objet en question, en brandissant des charbons enchantés et en récitant des paroles magiques : tous deux dominés par une puissance invisible niais irrésistible, furent repoussés et rejetés en arrière. Ils s’approchèrent une seconde fois avec de nouveaux efforts et une plus grande ardeur ; ils étaient inondés de sueur et la bouche ensanglantée, jusqu’à ce qu’enfin l’un d’eux prît possession de l’objet convoité. Quelquefois il arrive qu’un des concurrents est renversé violemment à terre par le pouvoir nerveux de son adversaire, puis reste immobile et comme inanimé pendant un jour entier, comme si une maladie était venue fondre sur lui et l’exténuer. L’auteur pense que ces étranges phénomènes sont dûs à un concours frauduleux entre les deux indiens, mais il ajoute : il faut croire que ces individus jouissent occasionnellement de facultés normales dont on ne peut encore préciser la nature ét le principe. Les lecteurs familiarisés avec les relations de Mather sur la sorcellerie, se rappelleront les exemples qu’il cite de répulsions incontestables, dues à un semblable pouvoir nerveux : notamment il est arrivé qu’une personne frappant de sa main une image imaginaire, était repoussée par une force irrésistible.

« On peut citer des exemples encore plus évidents que ceux qui précèdent, de la faculté de faire mouvoir des objets matériels sans les toucher. L’auteur anglais déjà cité, rapporte

je suivant: Un de ses amis, lisant un jour la Bible, laissa tomber à terre ses lunettes d’or; il sortit un instant, et quand il retourna à son cabinet, il trouva que ses lunettes étaient disparues. Il savait que personne n’avait pu entrer dans la chambre, si ce n’est ses domestiques au nombre de quinze ou seize. Il les fit venir et les rendit responsables de ce détournement. Pour se justifier les domestiques déclarèrent qu’ils allaient recourir à un brahmine afin de découvrir par lui l’objet volé. Le brabmine étant arrivé fit ranger tous les domestiques sur mie file d’un côté de la chambre, pendant que le maître se tenait tout auprès, observant les procédés qui allaient être employés. Le brahmine se tenant au centre de la chambre qui était très-vaste, posa devant lui un petit vase de bronze et murmura quelques incantations. Ensuite, laissant le vase, il déclara que si l’objet volé était dans la chambre, il viendrait de lui-même. Au grand étonnement de tous les assistants, le vase se mit en mouvement, quoiqu’il n’y eût aucune main visible auprès de lui, et glissant le long du parquet, alla droit à l’un des domestiques. Celui-ci s’avoua coupable du vol et remit les lunettes perdues. — L’auteur ajoute : Mon vieil ami ne croyait pas au pouvoir surnature] que s'attribuent les brahmines, mais il resta confondu d’un tel résultat, et il ne put jamais expliquer ce fait extraordinaire. »

Baron bd POTET, propriélaire-géranl.

Avis aux Abonnés.

Les séances de M. le baron du Potet, un instant interrompues, reprendront le 16 mars.

Appelé à Varsovie par dépêche télégraphique, pour une personne très-inalade, le départ do M. le baron du Potet a été trop subit, lo temps que devait durer son absence était Irop incertain pour que, et nous le regrettons infiniment, nous ayons pu donner avis à nos Abonnés de cette interruption momentanée.

CLINIQUE.

Jersjy, la février 1859.

« Monsieur le baron,

« L’honneur que vous m’avez fait en répondant par l’insertion de mes notes dans l’estimable journal scientifique dont vous ôtes l’âme et le corps m’a été bien sensible; ce bienveillant accueil me porte à mettre sous vos yeux un nouveau fait, une nouvelle guérison que far eu le bonheur d’opérer par le magnétisme et le somnambulisme sur la personne d’un ouvrier pauvre, mais homme estimable et digne de foi. Je joints à ma lettre son certificat, le seul moyen en son pouvoir de me témoigner sa reconnaissance.

« Permettez-moi, monsieur le baron et cher maître, de vous exposer en quelques mots la maladie et la guérison.

« Le nommé Morin, boucher à Jersey, habitant la même maison que moi, se trouvait atteint d’une maladie sérieuse depuis quatre ans qui, souvent pour des semaines, pour des mois entiers, le privait de tout repos et le rendait incapable de travail. Le siège de sa maladie était au cerveau, il y ressentait de violentes douleurs causées, je crois (le résultat Tohe XVlll. — N» 53. — 2« Séhie. — 10 Mars 183U. 5

de la magnétisation l’a montré suffisamment) par un dépôt d’humeurs; n’étant pas médecin , je 11e saurais donner un nom à sa maladie.

(i Le hasard me fit habiter la môme maison que lui quelques jours seulement avant l’époque où j’entrepris sa guérison. Ses plaintes et ses gémissements me firent monter chez lui, et je lui demandai s’il voulait bien me laisser tenter de lui procurer quelque soulagement, sinon sa guérison complète, lui faisant comprendre que pour tous les soins q ue je pourrai lui donner, je serais trop heureux si j’étais récompensé par quelque bon et heureux résultat.

«Ayant été abandonné de tous les médecins, il se confia à moi sans réserve.

« Après une heure à peu près de sommeil, il se trouva considérablement soulagé, je le laissai en repos jusqu’au lendemain.

h Le jour suivant, je le magnétisai de nouveau , et le sommeil reparut; dans ce sommeil, il se déclara une crise nerveuse d’une force telle que je fus obligé d’endormir ma femme, qui est somnambule et très-clairvoyante, pour savoir de quelle manière je pourrais le plus promptement conjurer ce que je considérais comme un accident.

« Elle me dit de poser les mains sur la poitrine du patient pendant quinze minutes, pour faire descendrel’Aumeurqu’elle voyait déposée au cerveau ; que la crise cesserait alors, ce qui arriva en [effet. Puis, elle ajouta qu’il fallait lui faire soixante passes de la tète aux pieds à grands courants et le réveiller immédiatement après, ceque j’exécutai avec la plus stricte ponctualité.

« Peu après son réveil, je constatais des selles fréquentes et abondantes rendues par le malade, cl l’absence des don-leurs. Depuis ce temps, il a pu reprendre ses travaux journaliers comme avant sa maladie. Ce succès si prompt, si heureux, me combla de joie et d’une double satisfaction, celle de la guérison d'abord, et puis celle de la lucidité cou-

stanlc dont ma femme avait fait preuve : le résultat obtenu et constaté m’en paraît être une suffisante confirmation.

« Veuillez agréer, Monsieur le baron,

« Les empressées et respectueuses salutations, « De votre élève reconnaissant, h Mauger. "

CERTIFICAT.

Depuis quatre ans, j’éprouvais de violentes souffrances dans la tête ; j’avais consulté plusieurs docteurs qui m’avaient ordonné plus de cinquante remèdes, rien n'avait réussi. Tout le monde désespérait de mon existence, moi-mème tout le premier, lorsque, l’autre jour, étant dans une crise si forte qu’elle me faisait pousser des plaintes, M. Mauger monta chez moiet me magnétisa. Il calma les douleurs insupportables que je ressentais ; il continua les magnétisations pendant quatre jours, aidé de la clairvoyance de madame Mauger, au bout de ce temps, je me suis trouvé dans un état de convalescence complète, pas une douleur, pas une souffrance; c'est pourquoi je me suis empressé de délivrer le présent certificat pour attester un résultat si heureux et si inespéré, afin d’engager par mon exemple ceux qui se trouveraient malades à ne pas craindre , à avoir au contraire une entière confiance au magnétisme ; je ne saurais jamais trop remercier M. et madame Mauger de leurs bons soins et complaisance à mon égard.

Jersey, le 6 décembre 1858.

Morin, Femme Morin, Sterlingo.

Je déclare avoir travaillé chez ledit Morin en 1854 comme couturière; il était alors malade , et depuis ce temps je n’ai pas su qu'il eût ôté guéri ni même soulagé jusqu'au 0 décembre 1858, où il a été traité par le magéüsme.

Maria Steru.ngo.

ÉTUDES ET EXPÉRIENCES.

DU FLUIDE MAGNÉTIQUE.

u Monsieur le baron,

« Votre amour pour l’étude du magnétisme animal, et vos profondes connaissances dans cette scieuce, m’encouragent à vous adresser cette lettre qui sera suivie de plusieurs autres : je me propose d’apporter mon offrande sur l’autel de cette sublime science si bien patronée par vous pour l’utilité du genre humain.

« En lisant les livres de beaucoup d’auteurs sur le magnétisme, je ne pouvais me persuader de l’existence des phénomènes qui y sont décrits : je résolus d’en vérifier par moi-même la réalité, et je commençai parles plus simples. Le résultat de mes expériences, en m’apportant une conviction complète, m'a en outre inspiré un goût très-vif pour ce genre d’étude. Je choisis parmi les nombreux ouvrages publiés sur cette matière ceux que je jugeai les plus clairs et les mieux développés, je m’avançai dans cette voie tracée parles auteurs, et grâce à ces guides et aux efforts de mon intelligence, j’arrivai, non-seulement à. reproduire les phénomènes décrits dans les livres, mais encore à en produire plusieurs autres qui ne sont signalés dans aucun des écrits publiés jusqu’ici.

« Le fluide magnétique animal qui est considéré comme invisible dans l’état de veille et comme ne pouvant être vu que par les somnambules, dans le sommeil magnétique, sous différentes formes et diversement coloré, le fluide magnétique , dis-je, ne pourrait-il être visible pour tout le inonde dans l’état de veille? Cette idée, étant conçue par moi, me conduisit en étudier les moyens, et j’espère vous indiquer la manière de voir l’atmosphère qui eutoure tous les

êtres animés, et principalement le fluide magnétique du magnétiseur en action. J’ai obtenu ces résultats intéressants, mais je veux compléter mon œuvre avant de la rendre publique. Seulement, je tiens à vous signaler une chose qui n’a pas encore été observée.

« C’est un moyen très-simple pour voir le fluide : il est tout différent de ce qui a été essayé jusqu’ici, et il doit résoudre un grand problème.

«Prenez une glace un peu grande et d’une épaisseur de deux pièces de 5 fr., qui est l’épaisseur ordinaire des grandes glaces de Paris; tournez-la la face au demi-jour dans une chambre qui ait une seule fenêtre au levant, ayez soin qu’il n’y ait ni courant d’air, ni réverbération des rayons solaires ; approchez la main de ce verre avec les doigts réunis, sans le toucher, aidez cette opération de la force de votre volonté, et vous verrez de l’extrémité de vos doigts jaillir le fluide qui prendra la direction que vous voudrez, toujours néanmoins de bas en haut, vous le verrez s’étendre à une distance de 30 à 45 centimètres de vos doigts, puis s’envoler comme une fumée : sa couleur est d’un blanc clair. Si vous employez une bonne lentille, vous verrez encore plus facilement le fluide s’échapper de vos doigts et en plus grande abondance. Prenez un entonnoir de verre, placez vos doigts à l’entrée et dirigez l’extrémité du tube vers un miroir, vous verrez sortir le fluide. On ne peut le confondre avec la chaleur de la main, qui peut à peine ternir le verre, ou, quand cela a lieu, elle forme autour de la main un rond plus ou mdns régulier, tandis que le fluide suit la direction des cinq doigts à une grande distance, et celle que vous commandez quand il n’y a pas de courant d’air. Ayant ensuite établi un petit courant d’air, je vis le fluide suivre la direction du courant ; vous obtiendrez le même résultat si vous faites approcher de la glace une personne qui aura déjà été magnétisée par vous, le fluide s’inclinera vers elle par le principe connu d’attraction. J’ai renouvelé moi-même plusieurs fois cette expérience devant une armoire à glace, et j’ai trouvé que

le temps nébuleux où l’on ne voit pas le soleil est le plus favorable.

« Je vous laisse, monsieur le baron, faire toutes les observations que vous trouverez convenables , je vous serai bien obligé de m’en faire part, et je me réserve de vous signaler par la suite tous les faits qui me paraîtront utiles à la science magnétique.

(i Recevez l’assurance de ma profonde estime et de ma considération.

» L. Lavezzari. »

THÉORIES.

« Francfort-sur-Mcin , 31 décembre 1858. c Monsieur le baron,

« Vous avez eu la bonté de vous rappeler les courts moments d’entretien que j'eus avec vous lors de mon dernier voyage à Paris, et vous m’avez fait demander si je songeais à vous adresser quelques articles concernant mes travaux, et si j’avais quelque espoir de pouvoir fonder un dispensaire magnétique à Francfort.

« A la première question , je répondrai que mes recherches, concernant les causes et les lois auxquelles ou peut ramener les phénomènes du Mesmérisme, ont pris de telles proportions , que ne pensant pas pouvoir leur faire trouver place dans les colonnes assez resserrées de votre journal, j’avais déjà formé le plan de les rassembler en un corps de volume pour les livrer à la publicité. Cependant, comme les nombreuses études qui m’occupent en ce moment, et le désir de ne livrer au monde des profanes qu’une œuvre armée de

moyens de défense assez puissants pour lui servir de rempart contre les traits acérés qui ne manqueraient sans doute pas de fondre sur elle, pourraient en retarder encore longtemps la publication, je me suis décidé à répondre à votre appel, et à offrir aux méditations des esprits sérieux qui s’occupent du magnétisme les ébauches encore grossières de mon travail. Je ne doute pas qu’il n’en résulte, pour la cause que nous défendons, un avantage réel, et que, d’autres ouvriers laborieux mettant aussi la main à l’œuvre, il n’en puisse surgir pour l’avenir, au lieu de ces échafaudages éphémères que chacun élevait à nouveaux frais sur le sable mouvant de son imagination, un monument durable et capable de braver toutes les tempêtes. Je réclamerai toutefois l’indulgence de vos lecteurs s’il règne quelque désordre dans ces esquisses tracées à la hâte, et si le plan est encore peu coordonné. Je m’appliquerai, avant tout, à appuyer toutes mes assertions sur des laits faciles à répéter et à contrôler ; car il n’y a rien, à mon sens, déplus éloquent que des faits qui reposent sur l’expérience personnelle. Chacun sera alors libre de coordonner ces faits à sa guise, et d’en déduire les conséquences qu’ils portent avec eux.

« Quant ce qui regarde la création d’un dispensaire magnétique, je commencerai par vous dire, Monsieur le baron, qu’il n’est jamais entré dans ma pensée de fonder un tel établissement à Francfort, par une raison bien simple, c’est que ■cela serait impossible. On a, en France, des idées complètement fausses sur la constitution intérieure de certains Etats de l’Allemagne, et la faute de cette erreur ne doit pas être •attribuée à mes compatriotes, mais bien à un certain abus de langage fort usité dans ce pays, par lequel on applique à certaines choses des qualifications qui ont juste un sens opposé à celui qu’on y attache d’ordinaire. Quand on entend parler de la ville libre de Francfort, tout esprit qui raisonne juste doit naturellement penser que l’on désigne par ce nom une ville où le commerce, l’industrie, les sciences, les arts, en un mot, que tout jouit d’une liberté complète et sans limites. Détrompez-vous; ici, en fait de liberté, il n’y a guère que celle qui se trouve iriscrite sur l’enseigne de la porte. La législa-

tion est an moins d'un siècle en retard : on vit encore sous l’heureux régime des maîtrises et des jurandes. L’étranger, qui veut élire domicile dans l’enceinte de cette république, doit acheter cette faveur au poids de l’or, ou bien il faut qu’on attende de lui des services qu’aucun citoyen ne pourrait rendre; mais quant à y exercer une industrie, un art libéral, ou à y établir un commerce, c'est un droit qui n’appartient qu’au bourgeois, et que personne autre n’oserait s'arroger.

«J’avais, à la vérité, l’intention de fonder, dans un duché voisin, une maison de cure magnétique, avec l'aide et la coopération d'un médecin reconnu par l'Etat. 11 vous semble, sans doute, que, pour cela, je n’avais qu’à chercher un local convenable et à ouvrir un établissement; mais non, je ne pouvais rien faire sans une autorisation spéciale, que je ne devais compter obtenir que sur une demande dûment appuyée. Je me préparai donc à présenter ma supplique, à laquelle, pour lui donner plus de poids, j’avais joint le récit de vingt-quatre ou vingt-cinq cas de guérisons opérées dans des circonstances très-remarquables. J’avais de plus été assez heureux pour me faire recommander auprès d’une haute et puissante dame, qui avait été, il y a quelques années, sauvée par le magnétisme d’uno affection très-grave, contre laquelle la médecine avait vainement épuisé toutes ses ressources. Dans ces circonstances favorables, j’avais tout lieu de compter sur un succès. Cette noble dame, qui applaudissait à mes efforts, me le promettait presque. Mais au moment décisif, tant est grande parfois la crainte du ridicule qui s’attache encore aujourd’hui à ceux qui se déclarent ouvertement pour cette science nouvelle, ma protectrice n’osa prendre sur elle d’appuyer ostensiblement ma demande, et, grâce à l’influence du corps médical,.j’obtins un refus. ■>

« Cependant,, je ne me suis pas laissé abattre par ce revers, je n’en poursuis que plus opiniâtrémdnt ma route. Seulement, je ne veux plus rien devoir à la faveur, mais à mon droit; je gravirai la montagne sacrée, non pas appuyé sur la protection d'autrui, soutien fragile et souvent éphémère, mais armé de toutes pièces, et tenant en main le talisman qui

doit me donner l’entrée du temple. Dans mon fol enthousiasme , moi aussi je m’étais écrié : « Montagne, viens à « moi ! » Mais, hélas ! la montagne est restée sourde à ma prière. Maintenant, mieux inspiré, je m’écrie à mon tour : u Eh bien ! montagne, puisque tu refuses de venir à moi, c’est u moi qui marcherai vers toi ! »

PREMIERS JALONS »’UN SYSTÈME PIIYSICO-PnVSIOr.OGIQÜE TOUCHANT LES PHÉNOMÈNES ATTRIBUÉS AU MAGNÉTISME ANIMAL.

Introduction.

« Quand 011 considère les progrès immenses que la chimie, la physique etla plupart des sciences naturelles ont faits depuis un demi-siècle, l’intérêt toujours croissant que ces branches des connaissances humaines ont gagné chez toutes les classes de la société, et qu’on compare l’élat relatif de stagnation où languit la découverte de Mesmer, le froid accueil qu’elle trouve au milieu des masses, et l’espèce d’ostracisme dont l’ont frappée les corps savants, alors on se demande d’où peut provenir cette déplorable indifférence, ou même ce cruel dédain, pour une question qui renferme en elle la solution des problèmes les plus palpitants d'intérêt pour l’humanité.

0 Je ne suivrai pas le sentier battu par tout le monde, et ne rejetterai pas toute la faute de notre abandon sur l'aveuglement, la mauvaise foi ou J’injustice de nos adversaires; nous portons nous-mêmes la peine de notre inconséquence et de .notre témérité. Imprudents nautonniers, nous voulons nous lancer à la recherche de l’infini, et nous nous embarquons sur un esquif fragile, sans capitaine, sans boussole et les voiles -tournées h tous les vents. Bien plus, nous engageons les habitants du rivage à nous suivre dans cette expédition hasardeuse, et nousnousétonnons quede vieux marins, qui connaissent les écueils, ne veuillent pas avec nous affronter la mer !

« Mettons-nous donc nous-mêmes d’accord sur la route que nous voulons suivre. Nous appelons à nous les hommes de science, cherchons d’abord à rameuer à un principe commun les phénomènes que nous produisons à leurs regards. Si c’est

«l'une force de la nature qu’émanent les merveilles que nous enfantons, cette force doit être soumise k des lois déterminées, que tous nos efforts tendent donc avant tout à les découvrir. Etudions laborieusement la cause des effets que nous produisons, organisons un code de doctrine reconnu par tous, en un mot, créons une science; et alors, soyons-en sûrs, bien loin d’avoir besoin de solliciter les regards des membres des académies et des facultés, nous verrons de toutes parts les savants accourir à nous. Mais n'allons pas, semblables à des bateleurs de foire, et mêlant la fiction à la vérité, promener, de ville en ville, le spectacle de prodiges toujours nouveaux devant une foule que nous rendons incrédule à force de vouloir l’étonner. Toutes ces représentations prétendues magnétiques, où souvent même on s’inquiète si peu de ménage* la pudeur publique, ne sont, quand on ne joint pas la théorie à la pratique, que d’indignes profanations, et l'on n’en sort pas plusconvaincu de la réalité des merveilles qu’on y a vues qu'on ne sort d'une séance de prestidigitation, persuadé que Robert-Houdin ou un autre a coupé la tête à un homme ou rendu invisible sa femme 1

« Mais où m’emporte l’ardeur de mon zèle ? Pardon, lecteur, je crois que je me suis laissé entraîner à une boutade de morale; c’est bien contre mon intention. Mais, voulant monter avec toi les degrés du temple, je n’ai pu maîtriser ma colère en voyant sous le portique les vendeurs qui en obstruent l’entrée.

« Ne t’effraye pas, je retourne à mes moutons. Cependant, avant d'entrer en matière, comme il est probable, très-honoré lecteur, que nous aurons souvent occasion de nous trouver en présence, et que des raisons, que je te prie de ne pas me demander, m’empêchent présentement de te dire mon nom., je crois qu’il ne sera pas hors de propos de te faire connaître quelques excentricités de mon caractère, afin que tu veuilles bien excuser quelques hardiesses que je pourrais parfois me permettre, non contre les personnes, mais contre des opinions et contre des faits. —D’abord j’ai la manie étrange de vouloir, en toutes choses, tout d’abord découvrir la cause de l’effet.

C'est sans doute un travers, car la plupart des gens se contentent de jouir de ce qui s’oilre chaque jour à leurs regards, et u'en sont que plus heureux, bien qu'ils ne sachent d'où cela leur vient, ni comment cela leur arrive. Mais c’est aussi une douce satisfaction, lorsqu’après s’être longtemps brisé la tôte à se demander pourquoi tel phénomène s’est produit à nos yeux, 011 en arrive, après vingt essais inutiles, à pouvoir se dire : — Enfin, je l’ai trouvé, l'effet est clair pour moi, car j’en connais maintenant la cause. Malheureusement, la joie est d’ordinaire de courte durée. La nature est jalouse de ses mystères, et n’accorde jamais à l’homme de les pénétrer entièrement. A peine suis-je arrivé à connaître cette cause, que je me vois de nouveau arrêté, car, pour arriver à tout expliquer, il me reste encore à trouver la cause de la cause. Décidément il vaut mieux faire comme le vulgaire, admirer la nature et ignorer son secret.

« Une autre manie dont on pourrait parfois avoir raison de s’offenser, c’est que, lorsqu’il m'arrive de lire un ouvrage sur un objet quelconque, je n'ai pas la bonhomie de croire les gens absolument sur parole, d’accepter aveuglément leurs opinions, ni de me payer des raisons bonnes ou mauvaises qu’ il leu r plaît de donner à l’appui. Quelle que soit,du reste, l’autorité de leur nom, je me réserve le droit de contrôler les faits, de combattre au besoin leurs opinions, et de discuter les raisons qu’ils font valoir. —Ce n’est peut-être pas le moyen de plaire à tout le monde, mais c’est la seule route pour arriver à la découverte de la vérité, qui doit être le but de nos efforts. Bien entendu que je ne trouverai pas mauvais que chacun use de réciprocité à mon égard. Je serais désolé qu’on acceptât les faits que j'avance et les conclusions que j'en tire sans contrôler les uns et discuter les autres, s’il y a lieu. J’appelle de tous mes vœux la critique juste et loyale, de quelque part qu'elle vienne, car du choc des idées seul peut sortir la lumière, et l’établissement de la vérité sur laquelle j’appelle l’attention des amis et des ennemis du magnétisme : l’Jiumanité alors pourra compter une science de plus.^

«11 y a longtemps déjà, j’avais entendu parler des phé-

nomènes produits par le magnétisme animal ; mais ceux mêmes qui m’en avaient parlé me l’avaient représenté sous de telles couleurs, qu’ils ne m’avaient nullement inspiré l’envie de faire avec lui plus ample connaissance, et j’avais regardé cet objet comme peu digne de mon attention. Plus tard seulement, ma curiosité, éveillée par la rumeur publique, m’entraîna à assister aux séances données par un magnétiseur célèbre, dont les expériences dépassaient tout ce que j’avais entendu raconter jusqu’alors. Plusieurs des phénomènes qu’il produisait me frappèrent à tel point, qu’ils excitèrent en moi le désir de contrôler ses expériences. Je fis plusieurs tentatives sur ses sujets, et je vis apparaître les mêmes merveilles. Etonné, mais non convaincu, je fis venir de la campagne plusieurs jeunes filles qui ignoraient complètement les épreuves auxquelles je voulais les soumettre; j’eus le bonheur d’en rencontrer deux sur lesquelles je réussis à obtenir des résultats analogues à ceux dont j’avais été témoin. ho

Bientôt les phénomènes magnétiques, que j’avais jusqu’alors traités de chimériques, m’apparurent comme des faits réels; et, persuadé de plus en plus par les nombreuses tentatives que je renouvelai depuis, il ne me restait plus pour satisfaire ma raison qu’à remonter à la cause première.—Je me mis avec ardeur à étudier les ouvrages des auteurs les plus célèbres qui ont écrit sur ce sujet. Les œuvres de Puy-Bégur, Deleuse, Gauthier, Rostan, Du Potet, Charpignon, Lar-fontaine, le Journal du Magnétisme en France, les écrits -d’Ennemoser, de Fischer, en Allemagne, etc., furentsucce9-«ivemeBt parcourues par moi, mais aucun ne me donnait la solution du problème que je m’étais posé. J’y trouvai des faits accumulés en grand nombre, des contradictions fréquentes,des •théories plus ou moins hasardées, se détruisant souvent l’une l’autre; mais aucun système rationnel, basé sur des preuves positives, et reconnaissant comme cause de ces phénomènes •un agent déterminé, soumis à des lois naturelles constantes, immuables; enfin, rien de capable de satisfaire un esprit sérieux, voulant établir sa croyance, non sur un aveugle empi-

risme, mais sur des principes invariables, seuls fondements sur les£iiels repose une science.

« Mentionnons ici quelques-unes de ces théories pour les soumettre au jugement d’une froide raison, et voir s'il s’en trouverait une qui, en s’appuyant sur des faits nombreux et d’un contrôle facile, pourrait paraître digne de soutenu-l’examen des hommes de la science.

« Les causes auxquelles on a alternativement prétendu attribuer les phénomènes magnétiques sont : la puissance des démons, les esprits des morts, Ximagination, un agent ou un fluide nerveux, la seule volonté, une épidémie morale, le fluide humain, une action de l'Ame, un fluide universel. Vous me permettrez de ne pas discuter longuement le plus grand nombre de ces théories ; quelques-unes sont tellement étranges, qu’elles ne supportent pas l’examen, et que le bon sens public en a fait promptement justice.

« La puissance des démons. En vérité, vous comprenez qu’il faut déjà au moins avoir le diable au corps pour oser émettre une pareille opinion. —Les esprits des morts. Celui qui a pu recourir à un esprit aussi fantastique devait, à coup sûr, avoir perdu le sien. — U imagination. Ceci, pertes, est un agent dont on ne peut pas contester la puissance, et l'on aurait tort de nier que l’agent véritable, duquel émanent les effets magnétiques, r.e puisse le prendre quelquefois pour collaborateur; cependant, tout observateur attentif qui voudra s’en donner la peine, sera à même de produire des effets si précis,, si inattendus sur toute personne douée de sensibilité nerveuse, qu'il reconnaîtra bientôt que c’est un collaborateur dont.il peut aisément se passer. — Un agent nerveux, le fluide nerveux, le fluide humain, dit-on. Mais alors comment expliquer les divers états maladifs analogues àceux que-nous provoquons artificiellement? Si l’insensibilité; la catalepsie, le somnambulisme, la.'vue à distance, l’extase, sont le résultat de l’aciioa du fluide nerveux du magnétiseur sur le magnétisé, à quelle cause rattacher les phénomènes identiques qu’on observedans une foule de névroses, et qui se produisent sous l’empire des circonstances les plus diverses? Comment expliquer surtout

1 action transmise par l’intermédiaire d’objets inertes et celle qui s'opère des distances les plus lointaines? Qui ne connaît les résultats extraordinaires qu’on obtient parfois au moyen de 1 eau magnétisée? Si le fluide est nerveux ou humain, il ne peut que se transmettre d’homme à homme, ou d’un système nerveux à un autre, mais non se localiser sur un objet inerte, etc. —La seule volonté. S’il en était ainsi, l’homme doué de la plus énergique volonté devrait opérer les effets les plus extraordinaires, et ce n’est pas toujours le cas; souvent même les résultats obtenus sont entièrement opposés à ceux qu on a voulu produire. Toutefois, il faut avouer que le magnétiseur trouve dans une énergique volonté un puissant auxiliaire, et qu’il rencontre dans la volonté opposante de celui sur lequel il opère, et même parfois dans celle de ceux qui l’entourent, un redoutable obstacle. Mais la volonté seule n’est pas la force agissante ; elle peut lui servir A'intermédiaire; elle en sera, si l’on veut, le fil conducteur, mais elle n’est point elle-même la force productrice.

« Quant à ceux qui ont prétendu que c’était une épidémie morale, ils ont pris évidemment l'effet pour la cause, et il est aussi difficile de reconnaître la justesse de leur raisonnement qu’il serait impossible de ne pas trouver absurde la plainte que porterait un homme contre une pierre qui, venant on ne sait d’où, aurait brisé les vitres de sa maison.

« Les pontifes de l’art, ceux qui voulaient faire du magnétisme un sacerdoce, et s'attachaient plutôt aux phénomènes psychologiques qu’aux phénomènes purement physiques, ont voulu faire remonter plus haut le principe de ces merveilles, et ont cru y voir une action directe de l’âme reprenant son empire sur le corps, et commandant à ce vassal dompté et soumis; mais assurément ils n’avaient pas été témoins des indignes profanations auxquelles s’abandonneraient leurs successeurs, autrement ils se seraient bien gardés de faire intervenir cette céleste messagère du ciel dans des actes aussi peu dignes d’elle.

« Ainsi se trouve à peu près épuisée la série des systèmes sur lesquels les disciples de Mesmer ont cru pouvoir établir sa

doctrine; pas un ne peut résister aux coups d'une saine critique. Je n’en ai omis qu’un seul, le fluide universel, c’est celui du maître lui-même : celui-là mérite au moins d'avoir ¡ci une mention toute spéciale. Mais, direz-vous sans doute, à quoi bon ressusciter ce vieux débris des erreurs d’un autre âge? depuis plus d’un demi-siècle le temps en a fait justice. C’était l’échafaudage d’un édifice si grandiose, qu’il embrassait le inonde, et nous l’avous abandonné faute de pouvoir le construire. En vérité, j’admire peu vos raisons. Si là tâche était pénible, la gloire n’eu était que plus grande pour celui qui aurait réussi à l’achever. J’ignore si je pourrai y parvenir; mais ce sera déjà un mérite que de l’avoirau moins tentée.

«Voyez, en effet, ce qui nous est arrivé pour avoir voulu frayer une autre route. A peine nés d’hier, déjà nous formons de nombreuses écoles; chacun, pour appuyer son système, s’ellorcededétruireceluideson voisin, et cependant nous avons oublié ces grands principes qui seuls peuvent servir de fondements à une théorie vraiment rationnelle. Car lui, le divin Mesmer, dans son intuition prophétique, il avait pressenti la grande loi suprême des prodiges qu’il enfantait aux yeux du monde étonné ; mais, absorbé par les péripéties émouvantes d’une lutte héroïque, il dut laisser à ses disciples le soin de prouver ce qu’il n’avait fait qu’entrevoir. C’est dans ses paroles mêmes qu’il faut chercher les bases de la doctrine qui doit nous ramener à l’unité : «11 existe, dit-il, une influence a mutuelle entre les corps célestes, la terre et les corps ani-« més.—Un fluide universellement répandu et continu, de

o manière à ne souffrir aucun vide, dont la subtilité ne per-« met aucune comparaison, et qui, de sa nature, est suscep-u tible de propager et communiquer toutes les impressions « du mouvement, est le moyen de cette influence. — Cette a action réciproque est soumise à des lois mécaniques incon-« nues jusqu’à présent. —Le corps animal éprouve les effets « alternatifs de cet agent; il se manifeste dans le corps hu-« main par des propriétés analogues à celle de l’aimant. — « L’action et la vertu de ce fluide peut être communiquée à « d’autres corps animés et iuanimés, etc. »

(' Renonçons donc, pour un moment, à nos systèmes plus ou moins ingénieux ; soyons moins avides d’offrir chaque jour en pâture à la curiosité humaine ces merveilles qui étonnent sans convaincre ; laissons surtout reposer les âmes des morts, et *pie tous nos efforts tendent à trouver des preuves palpables, matérielles, irréfragables de cet agent universel et des lois encore inconnues qui président à son action ; et alors nous ne serons plus condamnés à errer à l’aventure1, en butte aux variations d’un aveugle empirisme ; mais nous aurons fondé un monument durable, et nous emporterons d’assaut les portes du sanctuaire sacré dont on nous a défendu jusqu’à présent l’entrée.

« Le jour où l’on vit pour la première fois l’aiguille aimantée, d’abord balancée sur elle-même„se toumerinvariablement vers le nord,il nefutpl us possible denier le magnétisme. Quand on eut observé que le mercure contenu dans un tube de verre montaitetdescendait,suivant les variationslutemps,onneput plus mettre en doute la pression de l’atmosphère. Quand le premier pyroscaphe vogua sans voiles sur les flots, on reconnut la puissance de la vapeur. Eh bien ! le jouroù l’on pourra offrir aux savants consternés une science tout organisée, et un instrument capable de mesurer ce fluide universel, ce jonivlà le mesmérisme aura conquis sa place au rang des sciences, et l’on élèvera des statues au puissant génie, qui, après avoir un moment rempli le monde de son nom, mourut pauvre et ignoré sur les bords de ce même Rhin, où il avait pris naissance.

« Que ceux dont le courage ne se laisse pas abattre par la grandeur d’une entreprise se préparent donc à me suivre à la recherche des matériaux qui doivent servir à, élever ce monument immortel.

« Ce serait «ne assez monotone histoire que celle de la longue suite d’observations et de minutieuses expériences , à l’aide desquelles je suis parvenu à jeter les premières assises du système que je vais exposer. Je me contenterai de dire quelques mots des circonstances qui m’amenèrent à pressentir les lois auxquelles est soumis ce fluide universel.

: Je traitais, il y a quelques années, un jeune garçon de quinze à seize ans , sujet à des attaques d’épilepsie presque journalières. Plusieurs fois il lui arriva chez moi d’être saisi de ces crampes épileptifonnes , qui ôtaient de la nature la plus violente; elles duraient de quinze à vingt minutes et étaient-suivies d’une demi-heure environde sommeil, ('.es attaques précédées d’un sentiment de malaise inexprimable, s’annonçaient, environ une minute avant leur irruption , par cette sorte de sensation étrange, à laquelle on a donné le nom de aura cpileplica. Chez lui elle partait de l’orteil gauche (ce qui est un cas très-fréquent et a aussi sa raison d’être), remontait par toute la jambe, puis par le bas-ventre, la colonne vertébrale et ainsi jusqu’à la tête ; lorsqu’elle y était parvenue, l’accès se déclarait avec ces effrayants caractères : roidissemeut des membres, respiration bruyante et comme étranglée, gonflement des veines du cou , tuméfaction ,de la lace, écume sortant de la bouche, etc. Les premières fois , je laissai l’accès suivre son cours uaturel, afin d’en étudier les différentes phases ; ensuite, je cherchai à les maîtriser ; pour cela je faisais des passes longitudinales le long des membres convulsés, et je voyais alors disparaître en moins de deux minutes ces attaques qui d’abord se prolongeaient au-delà d’un quart d’heure. Trois ou quatre fois je fus averti, grâce au signe avant-coureur, et j’eus le bonheur de triompher du mal avant même qu’il eût eu le temps d’éclater.

« Une attentive observation des diverses phases de cette maladie m’amena à conclure que tous ces symptômes avaient de la ressemblance avec ceux d’un orage qui éclate au firmament. Il devint évident pour moi que le fluide qui se déve» loppe alors dans le corps humain, tenant de la uature de l’aimant et de celle de l’électricité., devait avoir deux pôles représentés par les deux extrémités. Ces extrémités étaient chargées chacune d’un fluide de nature contraire. L!extré-mité inférieure, chargée du fluide du même nom que celui de la terre, ne pouvant trouver une issue par en bas, était dans un état extraordinaire de tension, et produisait en se déchargeant dans la partie supérieure ces .chocs effrayants qui an-

nonçaient évidemment un orage intérieur. Ma main droite, chargée du môme fluide que la tête produisait au moyen des passes de légères décharges, mêlait peu à peu les deux fluides et ramenait insensiblement l’état latent. — Une autre fois, dans une de ces crises, poursuivi de la même pensée, il me vint une inspiration soudaine pour chercher à rétablir l’équilibre des deux électricités vitales sans ma participation immédiate. Puisque les pieds, me dis-je, sont chargés d’une électricité opposée à celle de la tète, tout ce qui touche les pieds doit être aussi chargé d’une électricité semblable. Aussitôt je dénoue un des souliers, je le porte à la hauteur de la tête, et que vois-je ! ô merveille ! après deux ou trois fortes secousses, les crampes cessent comme par enchantement : un instant avait suffi pour rétablir l’équilibre. Souvent depuis j’ai renouvelé la même expérience et toujours elle m’a réussi.

« Mais, direz-vous peut-être, de quelle nature est donc ce fluide, auquel je donnerai pour le moment le nom de fluide vital, ou biod? C’est une question à laquelle je répondrai lorsque les physiciens m’auront expliqué de quelle nature sont les autres impondérables, l’électricité, le magnétisme terrestre, la lumière, etc. Il est probable que ces divers fluides ne sont que des modifications d’un même principe, le fluide universel, et que leurs effets ne diffèrent que par leur mode d’action, et par une agrégation moléculaire spéciale des milieux dans lesquels ils se produisent.

« Ce n’est pas ici le lieu de développer ma pensée à ce sujet : nous y reviendrons plus loin. Je ferai seulement observer que ce fluide a de nombreux rapports avec le fluide électrique et le fluide magnétique, mais qu’il en diffère toutefois assez pour mériter un autre nom.

« Cependant, pour en revenir aux expériences rapportées plus haut, une question se présentait alors naturellement à moi. Puisque ce fluide est double, comment faire pour distinguer ces deux fluides l’un de l’autre, et leur donnerà chacun un nom ? Je pris un aimant, et, après des épreuves répétées, je reconnus que le pôle austral, dirigé vers la tête en forme

dépasse, produisait toujours un sentiment de bien-être, tandis que le pôle boréal y amenait une sensation pénible, qui, en se prolongeant, se transformait en congestion, puis, en spasmes nerveux. Comme les pôles différents s’attirent et sympathisent l’un avec l'autre, et que les pôles semblables se repoussent, la tête fut donc pour moi le siège du fluide austral ou négatif, et les pieds celui du fluide boréal ou po sitif. En procédant de la même manière, je pus distinguer encore dans le corps humain plusieurs autres centres de polarisation. Le cœur (l’oreillette et le ventricule gauche) et tout le système artériel m’offrirent un pôle positif, les veines, au contraire, un pôle négatif. Le cœur et l’aorte occupant au centre du corps le côté gauche , ce côté subit l’influence positive , tandis que les grands centres veineux , occupant la droite, font dominer dans cette partie l’influence négative. Le dos, se trouvant traversé par la moelle épinière, participe au fluide négatif du cerveau, tandis que l’estomac, la rate, les intestins, le plexus solaire et en général tout le système nerveux de la vie organique sont le siège du fluide positif. A cela se joignent une foule d’autres polarisations plus ou moins prononcées.

« Des expériences nombreuses, faites sur des somnambules et sur divers malades, me conduisirent à tirer la conclusion que le somnambulisme n’est que la prépondérance de l’état négatif amené par les passes dans le système nerveux cérébro-spinal, de même que les spasmes, les convulsions, les crampes annoncent la prédominance de l’état positif dans le même système nerveux, provoquée soit par des passes ascendantes, soit par toute autre cause, soit externe, soit interne. Ce qui me le confirmait, c’était l’espèce de somnolence souvent som-nambulique qui suit d’ordinaire de pareilles attaques, comme, le calme suit l’orage, lorsque, par suite de ces mouvements violents, le corps s’est délivré outre mesure de cet excès de fluide positif.

«J’éprouvai encore surles mêmes personnes l'inflnenced’im grand nombre de corps élémentaires, des métaux, des minéraux , des plantes , des animaux , ainsi que celle des astres.

Je'découvris, parles sensations qu'elles ressentaient, que les êtres organiques étaient tous polarisés , tandis que les êtres inorganiques n’offraient qu’un seul pôle ou fluide, tantôt négatif, tantôt positif, suivant qu’ifs étaient métalloïdes ou métaux, et cela à un degré différent et dans un ordre qui rappelait celui de l'échelle électro-chimique de Berzélius. Je ne trouvai d’exception que pour les cristalloïdes , qui semblent former la limite entre la nature organique et la nature inorganique ; c’est la vie arrêtée au milieu de son cours : le sommet a acquis l'influence négative, tandis que la hase est restée positive. i

(.J’allai plus loin, j’impressionnai la nature animale, etj’ob-tins des résultats inattendus, surprenants... Je descendis jusqu’à la nature brute, et là je trouvai encore de la sensitivité.

« Mais ici je m’arrête. J’ai promis en commençant ce chapitre de donner un système, et jusqu’à présent, lecteur, je n’ai offert à tes yeux qu’une ébauche. Patience, je tiendrai ce que j’ai promis. L’introduction est longue , sans doute ; peut-être paraltra-t-elle trop longue à quelques-uns. Ceux-là , je ne tiens pas à ce qu’ils me lisent, je ne m’adresse point aux hommes qui ne voient dans le magnétisme qu’un passe-temps de salon , une sorte d’amusement de société , mais à ceux qui entrevoient derrière lui un but plus élevé, l’ceuvre de la génération humaine, à ceux qui veulent l’élever à l’état de science, et lui faire occuper la place qu’il mérite entre la physique, la physiologie, la médecine et la philosophie.

« Cette introduction d’ailleurs était nécessaire à double titre. D'abord, pour faire voir quel a été mon point de départ; puis, pour préciser dans quelles limites s’est restreinte la série de mes observations. Toutes mas recherches personnelles se sont bornées au sens du toucher, et ne se sont pas étendues au sens de la vue, aussi, pour corroborer mon système et le compléter, je puiserai à pleines mains dans les divers ouvrages où M. le baron de Reichenbach a consigné les intéressantes et innombrables expériences auxquelles

il s'est livré sur le fluide, l'impondérable on plutôt la force de la nature à laquelle il a donné le nom d’od : j’emprunterai môme ce nom , car il répond parfaitement à ma pensée, grâce au sens qui s’y rattache. Assurément personne au monde n’aurait plus de droit à la reconnaissance des disciples de Mesmer que M. de Reichenbach,et ceux-ci, de môme que les médecins, les physiologues, les physiciens, ainsi que les psychologues, pourraient puiser dans ses travaux de très-utiles leçons ; mais M. de Reichenbach a le tort de vouloir s’isoler dans sa sphère , il regarde comme non avenues ou erronées toutes les recherches de ceux qui l’ont précédé : il voudrait que tout le monde s’en rapportât à ses expériences, et ne veut ajouter la moindre croyance à celles d’autrui. 11 traite surtout avec un dédain tout particulier les magnétiseurs. Cependant, puisque les physiciens et les physiologues ferment l’oreille à sa doctrine, il devrait comprendre qu’il y aurait pour lui quelque avantage à se ranger du côté de ceux qui ont le plus d’intérêt à le soutenir. Quoi qu’il en soit, je déclare qu’il n’a pas de plus grand admirateur que moi de ses ingénieux et infatigables travaux, et je mettrai d’autant plus de zèle à répandre ses découvertes, que nous sommes souvent parvenus tous deux, quoique par des voies différentes, aux mêmes résultats. » V. D.

(La suite très-prochainement.)

BIBLIOGRAPHIE.

OU EST-CE QUE I.E MAGNÉTISME? ou Étude historique et critique dei principaux phénomènes qui le constituent, suivie de l'explication rationnelle qu'il convient d'en donner. —Brochure ia-8. Lyon, 1850.

Bien que l’ouvrage de M. Gromier date de quelques années , cependant il nous a para utile de le faire connaître à nos lecteurs ; le Journal du Magnétisme doit au besoin leur

servir de répertoire bibliographique , nous réparons donc un peu tardivement une omission involontaire. Le mémoire dont il s agit, malgré son peu d’étendue, offre de précieux renseignements et sera consulté avec fruit.

il. Gromier, comme on voit par son titre, embrasse un vaste ensemble de questions , bien qu’il n’ait que peu de pages à leur consacrer : il n’entend pas donner un traité complet de la matière, niais exposer une théorie qu’il croit propre à rendre compte des faits du magnétisme et du somnambulisme.

11 se plaint, dans son introduction , des déboires que lui a attirés son attachement à la cause du magnétisme ; c’est là un crime que ne peuvent lui pardonner ses confrères; heureusement ils ne peuvent plus lui infliger, comme à Desion,

1 exclusion de la Faculté et l’interdiction d’exercer la médecine : grâce aux progrès des idées libérales, un médecin peut, sans encourir les foudres de la Faculté, appliquer telle méthode que bon lui semble et traiter ses malades à sa guise, même par les baquets, les passes ou l’eau magnétisée, sans s inquiéter des murmures ou des analhèmes de l’Académie.

L’auteur nous dit qu'il a été converti par les faits qu’il a observés nombre de fois, d’abord avec surprise, avec admiration , puis avec le désir ardent de s’en rendre compte, a J'ai vu, dit-il, j'ai produit ; je me suis demandé : ce que j’ai vu est-il possible ? j'ai revu, reproduit, et j’ai ainsi acquis la conviction de l’existence du côté phénoménal de la question. Que ceux qui doutent encore prennent la même peine, et je ne doute pas qu'ils n'arrivent à la même conclusion. Du reste, quand ils ne pourraient pas reproduire les mêmes phénomènes, je nerois pas de quel droit ils se fonderaient à nier ce que d’autres ont vu, à récuser une puissance à laquelle ils n ont pas pu atteindre ; en bonne logique, un fait négatif ne détruit jamais un fait affirmatif, lorsqu’il a été bien observé. »

Après avoir rapidement passé en revue l’histoire du magnétisme , M. Gromier cherche quel en est le principe. Considérant la grande diversité dans les modes d’opérer, et les succès obtenus sans aucun geste, il en conclut que les procé-

(lés n’ont qu’une valeur relative et ne sont point la cause des effets produits; suivant lui, cette cause unique, absolue, indispensable, c’est la volonté;« sous son empire (dit-il), il se fait dans le système nerveux une perturbation qui conduit au sommeil ou à un état morbide qui présente avec lui certaines analogies ; ce sommeil revêt une forme particulière et ne tarde pas à donner naissance, lorsque l’on sait en tirer un parti convenable, à une série d’actes physiologiques qui paraissent surnaturels. » L’auteur décrit les effets variés produits par la volonté du magnétiseur : « 11 peut agir sur l’organe qu'il désire, que cet organe appartienne à la vie organique ou à la vie de relation ; il peut agir sur le cerveau, la moelle ou les nerfs, et transmettre ainsi son action sur toutes les fonctions intellectuelles, instinctives ou morales, surtousles actes qui appartiennent ¡1 la sensibilité etàla mo-tilité, sur toutes les fonctions qui ne dépendent que d’une manière indirecte du cerveau et de la moelle, et qui vivent sous la dépendance des nerfs de la vie organique, etc. »

M. Gromier, en adoptant la volonté pour principe du magnétisme, semble exclure le fluide et tout autre agent physique; un peu plus loin, il élimine le fluide par une simple mention, sans discussion aucune : il aurait été à désirer qu’il se prononçât plus nettement sur ce point et qu’il déduisit les motifs sur lesquels il se fonde pour faire ce choix parmi les systèmes entre lesquels sont divisés les magnétistes. Pour que son explication fût nette, il aurait dû mieux préciser le rôle qu’il assigne à la volonté : entend-il que la volonté du magnétiseur a par elle-même le pouvoir d’agir sur les organes du sujet, de les faire mouvoir, de les modifier ; ou bien le magnétiseur agit-il par voie de suggestion sur l’esprit du sujet, de manière que par l’influence du moral sur le physique, les organes du sujet soient ébranlés et impressionnés? C’est ce que M. Gromier ne nous dit pas , de sorte que son explication laisse beaucoup à désirer, et qu’on ne sait même s’il considère le magnétisme comme une force physique ou comme une force morale.

Des facultés transcendantes du somnambulisme, il n’admet

que la transmission de pensée qu’il regarde comme suffisante pour rendre compte des phénomènes bien avérés. Sans doute, il y a beaucoup de cas où des somnambules semblent jouir de la vue de grandes distances et à travers les corps opaques , de la vue du passé, de la connaissance des maladies, de la transposition des sens , et où il n’y a en réalité que la transmission de pensée ; mais aussi, dans d’autres cas bien constatés, les lucides ont prouvé que leur vue s’étendait à des objets inconnus du magnétiseur, aussi bien que des spectateurs, et ne pouvaient par conséquent s’aider des pensées de ceux-ci ; M. Gromier ne peut ignorer les relations publiées par des savants fort éclairés et habiles observateurs ; nous pensons que de nouvelles recherches, des expériences suivies avec persévérance l’amèneront à modifier son jugement sur la limitation des facultés somnambuliques. Il admet même la prévision , tout en observant qu’elle n’est pas le privilège exclusif du somnambulisme : ce n’en est pas moins une faculté anormale, dans l’exercice de laquelle la transmission de pensée ne joue aucun rôle.

Quant aux applications, tout en repoussant les exagérations de ceux qui voient dans le magnétisme une panacée universelle, destinée à devenir la seule médecine et à tenir lieu de toute science, il reconnaît la réalité des nombreuses cures obtenues par le magnétisme, et le parti immense qu’on peut en tirer dans l’intérêt de l’humanité : ( Dès l’instant, dit-il, que nous avons reconnu que la magnétisation peut agir sur un sujet jouissant de toute la plénitude de sa santé , nous avons fait comprendre que les modifications qui se produisaient alors, pouvaient tout aussi bien avoir lieu dans divers états morbides et produire des modifications qui aideront au rétablissement de la santé, ou aggraveront l’état morbide , suivant la prédisposition du malade et le talent du magnétiseur... J’ai la certitude que, dans la presque généralité des affections nerveuses, il peut, avec une direction intelligente et sa combinaison avec toutes les ressources de la saine médecine, conduire à des guérisons inespérées, et surtout avec une rapidité dont rien n’approche. Je suis sur que dans un

grand nombre d'affections aiguës et chroniques, il peut encore être utile et rendre des services éminents. » — 11 fait des vœux pour que le magnétisme se débarrasse de toutes les erreurs dont il est encombré, et que des études plus approfondies en fassent mieux connaître la nature et les ressources, il convie les médecins à le faire entrer dans le cadre de la thérapeutique, et même il voudrait leur réserver le privilège d’en faire l’application. Nous reconnaissons avec De-leuze et avec plusieurs autres éminents magnétistes, qu’il serait à désirer que la médecine adoptât le magnétisme et fût appelée, au moins dans les cas les plus graves , à diriger le traitement magnétique ; mais nous protestons de toutes nos forces contre la création d’un nouveau monopole. Il y a une infinité de cas où un parent, un ami, par ses soins affectueux , produit sur le malade une action salutaire qu’il est impossible de distinguer de l'action magnétique; c’est ce [ue reconnaît M. Gromier lui-méme à l’égard de la mère qui presse son enfant contre son sein, et, par de douces chansons, apaise ses souffrances : il serait souverainement odieux et ridicule d’exiger que ces procédés éminemment curatifs ne pussent être employés que sous le contrôle et avec l’autorisation d’un docteur diplômé et patenté. La seule présence d’une personne chérie peut soulager le malade : on ne peut certainement aller jusqu’à réglementer un tel fait ; serez-vous plus difficile pour un sourire bienveillant, un serrement de main, un geste sympathique, des paroles de consolation... En avançant dans cette série d’actes, à quel terme devra-t-on fixer la limite où commence la magnétisation dont on veut faire un privilège? Evidemment une telle mesure serait inquisitoriale et inapplicable. Tout ce qu’on peut faire, c’est, non pas de décréter la confiance , ni de grossir le nombre déjà si grand des monopoles, mais de chercher à éclairer le public et de lui faire comprendre la nécessité , dans les cas graves, de l’intervention du médecin.

M. Gromier, n’admettant pas d’autre lucidité que la communication de pensée, repousse avec énergie tout emploi des consultations somnambuliques, qui, selon lui, ne servent

absolument à rien qu'à propager une erreur; le somnambule, dit-il encore , ne fait que vous rabâcher ce que vous savez déjà, ou, s’il sort de là, il bal la campagne et vous égare avec lui. — L’auteur a été frappé des inconvénients de la crédulité aveugle dans les réponses des somnambules, il a recueilli des prescriptions extravagantes, dangereuses, capables infime de produire de terribles empoisonnements. 11 n’aurait dû eu conclure qu'une chose, c'est qu’il y avait là un instrument variable qui ne doit être manié qu'avec une extrême réserve, c’est que les prescriptions doivent toujours être contrôlées par la raison et par la science : mais il est allé beaucoup trop loin en frappant d’une réprobation absolue le somnambulisme qui fournit parfois de précieuses lumières et dont plusieurs médecins distingués ont su tirer un parti très-avantageux.

L’auteur termine par l’examen de ce qu’on appelle le don des langues, c’est-à-dire la faculté de comprendre et de parler des langues non apprises, ce qui, comme on sait, constitue , d'après les théologiens, un des caractères auxquels se reconnaît la possession démoniaque. Pour ne se brouiller avec personne, il déclare d’abord qu’il respecte tous les dogmes, ce qui est assez difficile ; car les dogmes des diverses sectes étant contradictoires, ne peuvent être tous vrais, et l’erreur n’a droit à aucun respect ; c’est les mettre tous sur la même ügne, ce qui équivaut à les juger tous également faux. Quant au dogme de la possession en particulier, l’auteur, après son salut respectueux aux dogmes, discute en philosophe avec toute la liberté de sa raison, sans plus s’inquiéter des dogmes que s’ils n’existaient pas. Il admet que certains crisiaques comprennent des langues non apprises, et il en cite des exemples qui lui sont personnels. 11 explique ce fait par la communication de pensée : le crisiaque lit alors la pensée de celui qui lui adresse la parole dans une langue étrangère, sans s’occuper des mots. Cetteexplication rationnelle est conforme à celle qu’ont donnée les meilleurs écrivains magnétistes. Ce phénomène ainsi envisagé n’a rien de surnaturel, et il n'est aucunement besoin , pour en rendre compte, de recourir à

ir.i démons ou autres esprits. Quant à la faculté de parler des langues non apprises, l’auteur ne l’admet pas, et il est certain que dans les cas où l’on a cru la remarquer, le cri-siatpie prononçait des mots dénués de sens, comme il arrive souvent aux fous, ou bien à l’aide d’un développement extraordinaire de la mémoire, employait une langue dont il avait eu autrefois une connaissance fort imparfaite , ce qu’il aurait été incapable de faire dans l’état ordinaire ; il y a là un phénomène curieux sans doute , mais non un miracle. — M. Gromier, examinant une relation d'un prétendu cas de possession, fait voir que toutes les circonstances qui ont été regardées comme des preuves de l’état démoniaque , sont semblables à celles qu’offre l’état magnétique et sont tout aussi naturelles: il raconte que, s’étant trouvé en face de phénomèues tout aussi étranges, il les a fait cesser par sa volonté, et il déplore que, dans les cas semblables, il ne se trouve pas un homme raisonnable qui, en s'emparant du sujet, en donnant une direction salutaire à ses pensées, le délivre d’une maladie dont le magnétisme est le véritable remède. Les gens qui, par ignorance, entretiennent le prétendu possédé dans ses croyances à l’intervention d’un diable, ne font qu’alimenter et aggraver sou état morbide et peuvent môme le rendre chronique.

On ne peut qu’applaudir aux sages observations de M. Gro-mier. Il y a quelques années, 011 aurait pu les croire super-ducs et intempestives, tant la démonologie paraissait frappée de discrédit ; les possessions n'étaient plus qu'un fait historique, 011 les regardait comme une de ces infirmités qui avaient pesé sur l’enfance de l'humanité, et que le flambeau de la raison avait fait disparaître. Mais on s’abusait : les supertitions ont la vie dure. Le diable si conspué, si ridiculisé, est rentré en scène, ayant pour auxiliaires, non pas seulement la partie la plus ignare et la plus attardée des populations, mais aussi quelques hommes instruits, amoureux de paradoxe, et auxquels une soif immodérée du merveilleux lait accepter les chimères les plus extravagantes et les plus funestes. On a admis que certains hommes peuvent servir d’instruments à

(les Esprits bons ou mauvais, que le sujet alors ne s’appartient plus, que ses organes sont passifs et servent à la manifestation des pensées d'autrui ; le sujet parle et écrit, mais c’est un Esprit qui parle par sa bouche, qui écrit par sa main ; l’Esprit agit ainsi, même sans avoir été appelé, il règne en maître sur le sujet dont la personnalité est absorbée ; nous voilà donc revenus à la possession ; des journaux graves, des écrivains doctes et recommandablcs racontent sérieusement des faits de possession calqués sur ceux du moyen âge, et paraissent s'inspirer de la Fleur des saints et de la Légende dorée. Il y a là une rechute humiliante. Quand tout le monde croyait aux possessions, elles étaient fort nombreuses; quand l’esprit philosophique eut fait des progrès, il n’y eut plus que des cas fort rares de possession, et le dénoûmcnt en était presque toujours ridicule ; quand le diable fut mis au rebut, il ne fut plus du tout question de possession : maintenant qu’on veut remettre à la mode cette doctrine surannée , les possédés reparaissent. Ainsi, à défaut de tout autfe raisonnement , il suffit de ces rapprochements pour nous autoriser à dire que cette triste maladie a pour cause unique la croyance à sa réalité, qu'il suffit de se croire possédé pour l’être, et que certains esprits faibles ne peuvent entendre parler de possession sans en être atteints. Il s’ensuit que ceux qui s’ingénient à ressusciter cette erreur, travaillent à faire revivre une lèpre dont l’humanité avait eu le bonheur de se délivrer. Que ces écrivains, dont les intentions sont certainement pures, réfléchissent à la portée de leur enseignement qui a pour résultat d’augmenter le nombre des frénétiques, des mono-manes et des convulsionnaires.

A. S. Mows.

Baron du POTET, propriétaire-gérant.

CORRESPONDANCE.

CLINIQUE.

« Varsovie, le 22 février MK>9>

K Monsieur le baron ,

u Fervent apôtre du inesmérime, grâce à vos doctes enseignements dont j’ai su me pénétrer, je l’ai transplanté des bords de la Seine sur le plateau caucasien et jusqu’au pic du mont Ararat. — Là, si ma. mission, n’a. pas toujours été heureuse, si j’ai souvent eu à lutter contre l’ignorance et le fanatisme, j’ai éprouvé.moins de déboires cependant que quand, ensuite., j’ai eu à combattre des hommes qui se targuaient du nom desavants. Aussi» à force de zèle et de persévérance, et surtout grâce à de nombreuses cures, je suis enfin parvenu, dans ces pays lointains, et en dépit de la médecine, — que je professe quelquefois avec assez de succès,—à faire admettre, comme un des plus puissants agents curatifs» ce que nous sommes convenus d’appeler le magnétisme animal.

« Après avoir repassé le Caucase: pour la sixième fois, je suis venu m’établir ii Varsovie, où j’ai également eu le bonheur, sinon de propager le magnétisme, (cela vous était réservé, monsieur le baron), du moins d’opérer des guérisons qui ont dessillé bien des yeux, et qui ont en. quelque sorte préparé la voie, la voie qui va s’ouvrir si largement, je 1!espère, à votre éloquente parole.

« Le temps ne me permettant point de vous énumérer, monsieur le baron, les différentes cures que j’ai faites ici, je me borne à vous en citer une qui, je crois, est digne de votre attention.

« lin garçon de onze ans, terrifié par un grand bruit qu’il entend tout à coup dans une chambre voisine de celle où il Tome XV11I. — N° 54. — 2» Série. — 25 Mars 1859. 6

se trouvait, tombe à la renverse et perd connaissance. Bientôt cependant il revient à lui, mais il est muet ! Tous les moyens sont employés pour lui faire recouvrer la parole, c’est en vain ! 11 ne fait entendre que des sons effrayants, qui tantôt ressemblent à des cris de bêtes sauvages, tantôt au gloussement de la poule, tantôt enfin ce n’est plus qu’un râlement prolongé qui ne se termine qu’au moment du sommeil, et assez avant même dans la nuit. Au réveil, ces symptômes alarmants reparaissent; et cet horrible état dure... environ trois mois !

« La médecine, lorcée alors de s’avouer impuissante, a recours au magnétisme.

« Le docteur qui tiaitait en dernier lieu ce pauvre enfant,

— plusieurs autres médecins l’avaient précédé dans le traitement,—vient donc me chercher en toute hâte, et je me rends avec lui auprès du malade.

« Je dois avouer ici qu’en entendant les cris rauques de ce malheureux petit être à la face déjà hippocratique, je fus pris d'un tel saisissement, que je ne ine sentis point la force d’agir. Cependant, faisant un violent effort sur moi-même, et retrouvant par bonheur toute la puissance de ma volonté, je voulus fermement, magnétisai, et,'«« bout de dix minutes,-ainsi que le constata le médecin présent,—l’enfant parlait! ! !

Plusieurs mois après, quelques petits symptômes semblables reparurent, mais le magnétisme en eut bientôt raison.

, "t,omiue ce fait, ainsi que bien d’autres, est assez connu ici, même de plusieurs médecins, si vous croyez devoir en parler dans votre cours, monsieur le baron, il ne pourra être réfuté par personne, et sera une preuve de plus pour combattre l’incrédulité.

• J'ai l'honneur d’être, avec le plus profond respect, monsieur le baron, votre très-humble et très-obéissant serviteur,

« Chaules Péreïra. »

« Monsieur le baron,

.. Venant d’apprendre avec le plus grand plaisir que des dames ont le bon esprit de suivre votre cours, et espérant

qu'après vous avoir entendu quelques mères de famille s'empresseront de s’initier à la connaissance du magnétisme pour agir sur leurs enfants malades, je saisis cette heureuse occasion pour vous communiquer un fait entre mille, qui 11e manquera pas d’encourager vos auditeurs, si toutefois vous croyez devoir leur en faire part.

i. Lue jeune veuve, 11c vivant plus que pour ses deux enfants qu’elle adorait, se voit sur le point d’en perdre un. La médecine avait dit son dernier mot, et la pauvre mère éta‘11 au comble du désespoir.

(i Depuis dix-sept jours, en dépit de tout médicament, aucune évacuation : le ventre, tendu et ballonné, était aussi dur que la pierre.

11 Je suis appelé. — J’arrive et conseille à la mère de magnétiser son enfant de la manière que je lui indiquai (elle avait déjà suivi un petit cours que j'avais fait quelque temps auparavant). Dès les premières passes, l'enfant, qui ne remuait déjà presque plus, s’agite convulsivement, et son visage, de blême qu’il était, prend une teinte rougeâtre, puis brunâtre, puis verdâtre. Voyant que le magnétisme agit fortement sur cette pauvre petite créature, j’encourage la mère qui, après s’être un peu reposée, recommence à magnétiser. Six minutes ne se sont pas écoulées, qu’on voit apparaître, mais faiblement d’abord, ce que depuis tant de jours on avait çn vain cherché à déterminer. Enfin, après avoir fait avaler à l’enfant, de demi-heure en demi-heure, quelques cuillerées d’eau magnétisée par la mère, nous obtînmes les plus heureux résultats, et ce pauvre petit être fut sauvé.

« Deux ou trois mois après, l’autre enfant fut pris d’une diarrhée que rien ne put arrêter. Malheureusement j’étais à la campagne, et, faute de pouvoir me consulter, on avait encore eu recours à la médecine, qui, comme dans le cas précédent, avait été complètement impuissante.

« J’arrive cependant, et gronde la mère de n’avoir pas aussitôt employé l’agent curatif qu’elle possédait en elle à un aussi haut degré. « Comment ! me dit-elle, se rappelant fort bien sa première cure dont elle était heureuse et fière, le

magnétisme pourra produire l’effet contraire? — Mais sans doute, madame; magnétisez donc au plus tôt. » Encouragée par mes paroles, et suivant de point en point les instructions que je lui donnai, elle eut encore le bonheur de sauver son second enfant.

« Ces deux faits, bien simples pour nous, mais regardés comme miraculeux, par les profanes, ont converti bien des personnes, et surtout la femme d'un médecin, laquelle, par parenthèse, a souvent remplacé et avec assez de succès son mari dans des cas difficiles.

« Je n’ai pas besoin de vous dire, monsieur le baron, pourquoi, dans les deux cures précitées, je ue magnétisai pas moi-même; vous me comprenez trop bien pour que je croie nécessaire de m'expliquer.

«J’ai l’honneur d'être, avec le plus profond respect, monsieur le baron, votre très-humble et très-dévoué serviteur,

« Charles Péreyra. »

CONTROVERSES.

Une indisposition de M. le docteur Roux avait retardé l'envoi de cette réponse qui, ne soulevant aucune nouvelle difficulté, termine naturellement le débat. Le Journal âu Magnétisme, d’ailleurs, ne peut, ni ne doit s’écarter trop longtemps du cercle qu’il s’est tracé.

« Monsieur le Rédacteur,

« Avant d’aborder les points essentiels de l’article de M. Petit-d’Ormoy, inséré dans votre numéro du 10 février, il convient de dire un mot de quelques questions accessoires soulevées par cet honorable écrivain. Voici ses paroles :

« De l’aveu des homœopathes eux-mêmes certaines dilu-« tions ne contiennent aucune parcelle de la substance. C'est « à moi-même que cette déclaration a été faite par plusieurs

-« médecins disciples de Hahnemann. M. Roux n’est pas du « même avis. »

,, M’y aurait-il pas malentendu? Les médecins homœopa-tlies qui ont parlé à M. Petit-d’Ormoy n’ont-ils pas voulu dire seulement qu’on ne trouve plus dans certaines dilutions aucune fraction perceptible pour les sens ou pour les réactifs? A-t-on le droit d’affirmer l’absence de parcelles médicamenteuses par cela seul que la présence de ces molécules ne peut être constatée par nos recherches physiques ? Comment sonder l’abîme sans mesure et sans fond des infiniment petits?

« A l’aide du microscope, Mayerhoffer a trouvé des traces de la substance médicamenteuse jusque dans la 14° dilution.

« Dans les dilutions plus élevées où les instruments sont insuffisants, l’œil de rintelligence découvre indéfiniment une fraction du remède, quelque minime qu’elle soit.

« Telle est la pensée exprimée par le fondateur de l’ho-mœopathie, dans le passage suivant : « A quel degré d’exi-« guïté les doses toujours matérielles des médicaments ho-« mujopathiques devront-elles être portées? etc. » (Organon, première édition, ff. 2/i5).

« M. Petit-d’Ormoy, objecte que « les homœopathes em-« ploient nombre de substances insolubles dans l’alcool : « mercure, coquilles d’huîtres, etc ».

h Je réponds avec Hahneniann que «toutes les substances «médicamenteuses dont la poudre a été atténuée jusqu’au «millionième degré (lt° trituration), se dissolvent dans l’eau « et dans l’alcool. » (Doctrine des maladies chroniques, « tom. I, pag. 230.)

« M. Petit-d'Ormoy revient eifsüite sur les mots vertu potentielle mis en usage par des homœopathes. (Ils disent ordinairement propriété dynamique; mais qu'ils emploient un mot emprunté au grec ou un mot pris du latin, peu importe.) Dans sa lettre, l’honorable critique avait déclaré que ces mots avaient besoin d’être « traduits en français intelligible; » dans son article actuel, il s’applaudit d’avoir obtenu de moi la traduction demandée. Cette traduction ou plutôt cette paraphrase n'est pas nouvelle ; on l’a faite plusieurs fois, si-

lion dans les termes dont je me suis servi, du moins dans des termes équivalents. Pour la rapidité du discours, on a besoin, dans les sciences de ces formules abréviatives qui dispensent de répéter sans cesse des explications une fois données, et résument tout un groupe d’idées en deux ou trois mots.

u Mais laissons ces menus détails pour aborder un objet plus important. M. Petit-d’Ormoy, m’engage fortement « à « persévérer dans la voie du contrôle réciproque de l’homœo-«pathie et de la lucidité somnambulique. » Il admet que «si des sujets magnétiques reconnaissaient aux globules, « sans suggestion d’aucune espèce des propriétés spéciales, « quelles qu’elles fussent, ou seulement s’ils les discernaient « les uns des autres, il serait démontré à la fois—que le sujet « jouit de facultés exceptionnelles — et que les globules pos-« sèdent une action propre. »

« Or, je puis annoncer que dans les expériences que j’ai faites, les somnambules ont discerné les globules médicamenteux contenus dans certains tubes, des globules inertes mis h dessein dans d’autres tubes pareils, après que j’ai eu mêlé tous ces tubes sans autre moyen de les reconnaître moi-même que des chiffres de renvoi placés sur leurs étiquettes, chiffres dont j’ai détourné ma vue lorsque les somnambules faisaient leurs choix et dont la vérification a eu lieu, l’expérience étant terminée. Ils ont également distingué les uns des autres les divers globules médicamenteux.

« Les conclusions conditionnelles tirées par M. Petit-d’Ormoy sont donc parfaitement applicables.

« Parmi les avantages qui résulteraient pour l’homœopa-thie de cet emploi de la lucidité somnambulique, ce judicieux écrivain signale celui de fournir un moyen de contrôler l’exactitude des pharmaciens. Cette exactitude lui paraît douteuse lorsqu’il s’agit de faire vingt, trente manipulations ennuyeuses pour obtenir les 20% 30' dilutions qui échappent d’ailleurs à toute vérification immédiate. Il trouve là une pierre d’achoppement pour la pratique de l’homœopathie.

« Ce moyen de contrôle serait précieux en effet, car les

préparations infinitésimales peuvent Être facilement suspectées. Néanmoins, voici des motifs de sécurité :

« 1° Si ces manipulations sont longues et ennuyeuses , en revanche elles produisent pour chaque médicament une provision énorme de globules qui se conservent sans altération durant plusieurs années et dont on peut faire des envois à diverses ollicines. 11 y a, dès lors, tout lieu de penser que le phaimacien prendra la peine de pratiquer lui-mêine ou de surveiller attentivement des manipulations qui, une fois accomplies, n’ont plus besoin d’être renouvelées qu’à de très-longs intervalles.

« '2° Les pharmaciens spéciaux qui débitent exclusivement des médicaments homæopathiques et en fournissent même à des médecins et à d’autres pharmaciens désireux d'en faire l’essai, ont intérêt à effectuer des préparations fidèles et efficaces, la prospérité de leurs officines étant intimement liée aux succès et à la propagation de l’homœopathie.

« 3° Une fois qu'on a constaté les effets physiologiques ou curatifs de telle ou telle préparation provenant de telle officine, on peut compter désormais sur cette même préparation sortie de la même officine, attendu que la provision ne s’en épuise pas de bien longtemps. La dispensation consiste seulement mettre quelques globules ou quelques gouttes dans de l’eau ou du sucre de lait, ce qui n’est ni dispendieux , ni pénible et bannit tout soupçon de fraude ou de négligence.

« Enfin, l’objection de M. Petit-d’Ormoy, que je discute, tombe devant un fait général, attesté par une foule de témoins irrécusables, savoir : l’efficacité pratique de cette méthode.

« Du reste, par excès de précaution, voici ce qu’on peut faire , comme je le disais dans un travail de jurisprudence médicale consigné dans le Journal de la Société hahneman-nienne, tome 2 : « Le médecin peut préparer lui-même cer-i taines dilutions et les livrer gratuitement au pharmacien qui « les conservera et les dispensera comme à l’ordinaire , en « vertu de son droit, et aura le profit sans la peine. » ("est ce que j'ai fait dans quelques circonstances, et notamment à l’occasion d’un nouveau mode de dilutions dont je suis l’au-

leur et que j’ai fait connaître dans des mémoires adressés aux congrès homœopathiques tenus à Paris eu 1851 et en 1855.

Cela dit. et pour en revenir à notre objet essentiel, M. Pe-tit-d’Onnoy rappelle un fait curieux qu’il avait déjà cité dans notre journal. Madame d’Orinoy, prenant une potion contenant une goutte de la 15' dilution de noix vomique, reconnut spontanément que le médicament livrait cire bien amer. Ce fait, qui a du rapport avec ceux que j'ai obtenus sur des somnambules magnétiques, n’est pas tout à fait isolé dans la science. 11 existe des observations du môme ordre , rapportées par M. le docteur Perrv, dans la Revue gallicane (le médecine homœopathique, tome 1,. page 595.

« Ce médecin raconte qu’une dame, atteinte de pneumonie, reconnut que deux potions douli elle ignorait le contenu, avaient l’une un goût de soufré, l’autre un goût d'ail; la première, eu effet, contenait du soufre à une très-haute dilution, et la seconde, du phosphore à la. 12e.. Il lui donna ensuite du tartre stibié à la 30f dilution ; elle: reconnut le goût de l’é-métique, ayant prit» autrefois ce médicament à haute dose. Pour mieux éprouver' cette dame , il nia d’abord que ce fût de l’éinétique « Alors, dit-elle, cela y ressemble beaucoup ; o c’est le même goût amer, piquant, métallique. » Quand la fièvre diminua, la faculté de percevoir la saveur des médica-meuts dilués s’affaiblit, en même temps, pour disparaître ensuite tout à,fait.

« M. le docteur Petroz a recueilli une observation du même genre; Le rapprochement de ces faits vient leur donner plus d’importaece.

« 11 est temps de terminer en renouvelant l’invitation que j’adressais aux magnétiseurs , dans nia première lettre, de vouloir bien expérimenter les doses infinitésimales au moyen de la lucidité somnambulique, et je suis heureux de trouver dans les paroles de M. Petit-d’Ormoy un encouragement et un appui.

« J’ai l’honneur d'être, Monsieur le Rédacteur, votre dé* voué serviteur,

« Le docteur F. Roux (de Cette). »

Analyse critique (lu rapport fait à F Académie des sciences morales et politiques, par M. Lêlut, sur le concours relatif à la question du sommeil.

On a souvent dit et l’on répète tous les jours, que les corps savants sont hostiles au magnétisme. A proprement parler, cette assertion n’est vraie que de l’Académie de médecine qui, bien certaine de connaître les bornes du possible, a déclaré souverainement que le magnétisme et le somnambulisme n’existaient pas et ne pouvaient pas exister, et a annoncé quelle jetterait au panier tous les mémoires qui pourraient lui être adressés sur ces matières. L’Académie des sciences n’a point eu à s’en occuper. La commission dont Bailly a été rapporteur, était nommée par le gouvernement, et son rapport n’a été ni soumis à cette académie, ni discuté. On ne pourrait donc lui reprocher tout au plus que son indifférence, et encore serait-elle fondée à s’en défendre en alléguant que le magnétisme n’a que bien peu de rapports avec les sciences qui font l'objet de ses études. Quant à l’Acadé-mie des sciences morales et politiques, elle est évidemment plus compétente pour s’enquérir de phénomènes où les facultés de l’âme humaine jouent un si grand rôle et qui peuvent fournir tant de lumières à la psychologie. Elle parut comprendre qu’il était de son devoir de ne pas rester étrangère à cette branche d’études, et en 1851 elle mit au concours la question du sommeil; voici quel était son programme : « Quelles sont les facultés de l’âme qui subsistent ou sont suspendues ou considérablement modifiées dans le sommeil? Quelle différence essentielle y a-t-il entre rêver et penser?... Les concurrents comprendront dans leurs recherches le somnambulisme eI ses différentes espèces. Dans le somnambulisme naturel, y a-t-il conscience et identité personnelle? Le somnambulisme artificiel est-il un fait ? Si c’est un fait, 1 étudier et le décrire dans ses phénomènes les moins contestables, reconnaître celles de nos facultés qui y sont

engagées, et essayer de donner de cet état do l’âme une théorie selon les règles d’une saine méthode philosophique. »

En posant un tel programme, l’Académie semblait vouloir s’enquérir sérieusement du somnambulisme magnétique et de ses facultés transcendantes : c’était faire un appel à tous ceux qui, suivant la voie ouverte par Puységur, s’étaient livrés dans ce genre à des observations sérieuses. Une des classes de l’institut allait donc enfin aborder ces questions épineuses pour lesquelles le monde officiel éprouve tant de répugnance et qu’il faudra pourtant approfondir tôt ou tard. Sept concurrents ont envoyé des mémoires. C’est en 4855 que la section de philosophie, par l’organe de M. le docteur Lélut, a fait connaître son jugement qui a été sanctionné par l’A-cadémie.

Il résulte du rapport, que la plupart des concurrents sont chauds partisans du magnétisme, et qu’ils traitent d’une manière étendue de la nature du somnambulisme et des merveilles de la lucidité. Comme, du reste, ces mémoires se recommandent par des études importantes et par un mérite solide, ce fait prouve les progrès qu'a faits le magnétisme qui,‘compte, parmi ses sectateurs, des philosophes, des savants, des écrivains distingués dans tous les genres. C’est là un symptôme rassurant, qui doit donner à penser à certains railleurs toujours prêts à traiter de fous tous ceux dont les idées s’écartent d’une certaine orthodoxie.

Les mémoires sont classés par le rapporteur suivant l’ordre croissant des mérites : nous n’extrairons de ces appréciations que ce qui concerne le somnambulisme.

1° Mémoire n° 6. « L'auteur, dit M. Lélut, admet aveuglément les plus folles exagérations du magnétisme. » On se . contente de ce coup de massue.

2° Mémoire n° 1. « Il y a tout un chapitre consacré à traiter, au point de vue purement médical, de l’utilité et des dangers du magnétisme. Dans ce chapitre, l’auteur ne se borne même plus à parler des effets médicaux de cette, sorte de. somnambulisme, il y fait entrer des considérations d’une forme plus que singulière, sur la médecine et la thérapeu-

tique allopalhique et homieopathique, à l'adresse des hommes de loi et des médecins... L’auteur traite aussi des tables touillantes, du fluide nerveux dans ses rapports avec le magnétisme, du magnétisme dans l'antiquité, du somnambulisme artificiel d’après l’existence supposée d’un corps virtuel, etc.»

3° Mémoire n° 3. Ici le rapporteur devient plus sévère : « L’auteur de ce travail, qui est Anglais, peut-être un Anglais d'Ecosse, le pays de la seconde vue, a cru répondre au programme de l’Académie, ou à ce qu’il en a regardé comme la partie principale, par un Mémoire dont le somnambulisme magnétique constitue presque exclusivement le fond et la fin. D'après cela seul, V Académie pensera peut-être que ce Mémoire eût dû être, ou à peu de chose près, écarté du concours. Cette sorte d’exclusion par la question préalable serait peut-être légitime, si le programme de l’Académie ne contenait ces trois paragraphes : Le somnambulisme artificiel est-il un fait, etc. »

M. Lélut, par ses peut-être, trahit son embarras : il voudrait bien exclure du concours tout partisan d’une doctrine qu’il réprouve, et c’est par une sorte de condescendance dédaigneuse qu’il veut bien ne pas le frapper d’exclusion. Mais dès qu’il est entendu que le rapporteur a pu infliger une sentence d’indignité à un dissident, il aurait mieux valu, en mettant une question à l’étude, déclarer nettement d’avance qu’on ne serait admis à concourir qu’à la condition d’adhérer de tous points au Credo de la docte assemblée ; et comme elle n’a pas encore fait connaître au public son symbole de foi, on aurait formulé les articles dont l’acceptation était obligatoire. A défaut de ces précautions, on tend un piège au public en lui faisant croire qu’on cherche sincèrement à recueillir des lumières sur un sujet douteux, et que tous les auteurs, quelle que soitleurdoctrine, qui apporteront le tribut de leurs études et offriront des éléments utiles, seront examinés avec impartialité et pourront même remporter le prix. Si l’Académie a la prétention de posséder d’avance une solution complète du problème posé, le concours ne

pourra rien lui apprendre, et les Mémoires ne devront être nue des amplifications sur des idées connues d’avance.

h° Mémoire n° h. «Suivantl’auteur, dit M. Lélut, non-seulement toutes les facultés de l’âme, y compris la liberté et la volonté, sont conservées dans le somnambulisme, mais encore elles y acquièrent plus de puissance et s’y accompagnent de nouvelles facultés. Mais c’est surtout dans le somnambulisme artificiel ou somnambulisme magnétique, que l’âme acquiert les nouveaux pouvoirs dont il est déjà question dans l’analyse du Mémoire précédent, et auxquels celui-ci fait une part encore plus grande. D’après l’auteur du Mémoire n° A, il n’y a rien qui échappe à l'âme dans l’état de somnambulisme magnétique, rien à quoi elle ne puisse atteindre, rien à quoi ne puissent servir ses nouvelles facultés et les actes qui On découlent. L'âme d’abord s’y mit elle-même ainsi que le corps qu’elle habite, l’un et l’autre dans leurs dernières profondeurs et dans leur plus secrète destinée. Elle voit sans le secours des yeux, à travers les corps les plus denses ou à des distances auxquelles pourrait seul atteindre l’œil de la Providence. Elle va dans le passé prendre connaissance des événements les plus reculés et dont elle n’avait rien appris dans l’état de veille. Elle prévoit de môme et avec la même certitude des événements qui sont encore enveloppés dans les ténèbres de 1 avenir, etc. »

A juger d’après cette analyse, il est certain que l’auteur s'est laissé entraîner à des exagérations fantastiques ; il a fait le roman et non l'histoire du somnanbulisme, et il a eu le tort grave de présenter tout en beau, sans tenir compte des erreurs, des défaillances, des illusions de la lucidité.

5» Mémoire n* 7. ’L’auteur est médecin et partisan du magnétisme, mais il a une telle peur de blesser les susceptibilités de l’assemblée à laquelle il soumet son travail, qu’il se croit obligé de «’excuser de son audace ; il invoque le programme dont11 est bien Obligé d’embrasser toutes les parties, il se reitranChe1 derrière l’autorité de savants illustres qui ont cru au magnétisme. «Pour le déterminer à braver, lui médecin (dit_M. Lélut), Yanalhème de l’Académie de médecine, qui

traite maintenant le magnétisme animal comme l’Académie (les sciences la quadrature du cercle, il ne lui fallait rien moins que la question proposée par l'Académie des sciences morales et politiques. C’est sur notre invitation qu’il s’est mis à l’œuvre... Le magnétisme animal actuel, dit l’auteur, consiste dans une sorte d’influence à la fois physique et morale de l’homme sur l’homme par la puissance de la volonté. Cette influence, cette action est incontestable. Elle a, presque certainement, pour agent un fluide qu'on peut appeler nerveux. Elle produit des elle t.s physiologiques et des effets psychologiques. En fait d’effets physiologiques, elle peut provoquer le sommeil, faire naître des convulsions, neutraliser la douleur. Mais ce sont surtout 6es effets psychologiques qui doivent être pris en considération; et c'est ici qu'on entre dans le monde des merveilles. Ce monde merveilleux du somnambulisme magnétique se réduit à quatre parties, savoir : la transmission de la pensée, la vue à travers les corps opaques ou à des distances illimitées; lapresaemationoTginiqao-; enfin la prévision de l’avenir. Pour admettre l’existence de ce» quatre parties, l’auteur se fonde, degrés ou de loin', sur des autorités de diverses sortes, autorités quelquefois très-hautes, etc. »•

D’après les précautions prises par l’auteur de ce Mémoire, on voit l’influenco fâcheuse des décisions présomptueuses des corps savants qui, en frappant d’anathème un certain ordre de faits et d’idées, détournent de les .étudier, tendent à renfermer les penseurs dans un cercle arbitrairement tracé, et nuisent aux progrès de la science.

5° Mémoire n° 2. Le rapporteur, après une, analyse déteilr lée des parties de ce Mémoire relatives au sommeil ordinaire, félicite l’auteur « d’avoir, dans cette partie de son ouvrage, rattaché aussi étroitement qu’il l’a pu au sommeil et aux rêves ordinaires les faits du somnambulisme spontané et ceux même qu’il croit pouvoir admettre du somnambulisme artificiel ou magnétique, tels, par exemple, que le sommeil artificiel lui-môme, sa dépendance automatique, et certaines de ses prévisions. »

7° Enfin le rapporteur arrive à l’examen du Mémoire n° 5, en faveur duquel il réclame le prix qui lui a été accordé. Cette distinction flatteuse a été confirmée par les suffrages du public. L’auteur, M. le professeur Lemoine, a traité son sujet d'une manière remarquable et a pris rang parmi les écrivains les plus distingués. L’analyse de son livre demanderait un travail à part : nous devons nous borner pour aujourd’hui à faire connaître les appréciations du rapporteur. Après avoir rendu compte de la partie du Mémoire concernant le somnambulisme naturel, M. Lélut s’exprime ainsi : « A l’étude du somnambulisme naturel devait se joindre , aux termes du votre programme, celle du somnamblisme extatique, mystique ou cataleptique, et surtout du somnambulisme artificiel qu’on n'appelle ainsi que quand on n'ose pas tout d'abord lui donner son vrai nom. Ici, pour rappeler, avec l'auteur du Mémoire n° 5, les paroles d’un spirituel philosophe qui a appartenu à l’Académie, ici nous entrons sur les terres sacrées et redoutables du merveilleux psychologique : il faut y marcher avec précaution. 11 ne saurait être question d’y tout admettre, mais on ne doit pus non plus tout rejeter. Devant une étude attentive et froide, les explications deviendront possibles, et le merveilleux disparaîtra. Lorsqu’on aura éliminé la masse des faits mensongers, lorsqu'on aura réservé et en quelque sorte mis sous séquestre quelques faits en apparence extraordinaires et qui ont besoin d'être étudiés, ce qui restera ne sera pas plus extraordinaire , ni beaucoup plus difficile à expliquer que ce qui se passe dans le sommeil, le rêve et le somnambulisme naturels. Ce seront toujours les organes du corps dont le jeu s’alourdit et se paralyse, ou s’exalte en se concentrant. Ce sera toujours l’âme unie à ces organes, qui, dans ces états maladifs, en est plus dominée qu’elle ne les domine ; ce seront des prévisions qui ne sont ni plus claires ni plus sûres que celles des songes ordinaires; des déplacements de sens qui restent, en définitive, h la même place et remplissent les mêmes fonctions ; des communications intellectuelles sans paroles, comme il s’en produit tant dans la veille la plus ordinaire ; des vues à dis-

tance ou dans les ténèbres, de choses qui peuvent y être vues, parce qu'elles peuvent être devinées; des communications de la terre au ciel, qui reproduisent, trait pour trait, les hallucinations du sommeil et de la veille, Et dans tous ces merveilleux phénomènes, la matière et les altérations dont elle est susceptible, sont presque seules en cause, et ne font qu’imposer à l’âme des impulsions, des impressions aussi incapables d’ajouter à ses facultés que d’altérer sa divine essence. Tout cela, incontestablement vrai du somnambulisme extatique, cataleptique et mystique, l’est tout autant du somnambulisme artificiel et magnétique, deux états identiques au fond. — Que ce sommeil magnétique soit provoqué par un agent physique ou de toute autre manière, cela est indifférent pour la réalité. Cette réalité est incontestable; mais qu'a-t-elle de plus extraordinaire que celle du somnambulisme extatique, du somnambulisme spontané, et même du plus simple sommeil? — Ce qui serait extraordinaire, ce sont toutes les nouvelles facultés que cet état de choses communique, dit-oî), à l’âme. Mais ces nouvelles facultés sont, comme on le sent bien, contraires à la nature de l’âme, et tout autant, faut-il ajouter, à celle du corps, à quelque pratique qu’on le soumette. La prévision, la vue à distance ou à travers les corps opaques, la communication, la transmission directe des sentiments et des pensées, autant d’impossibilités, de tristes chimères démontrées à l’avance par les lois de l’âme et du corps, et par celles de leur union. »

Ainsi tous les concurrents et le rapporteur lui-même reconnaissent la réalité du somnambulisme magnétique : c’est déjà un grand pas de fait, et l’on se trouve déjà bien en avant de l'Académie de médecine aux yeux de laquelle ce somnambulisme n’existe pas, n’est que simulation et fourberie; son rapporteur, M. Dubois (d’Amiens), se croit dans une position inexpugnable quand il déclare que l’état som-nambulique ne pourra être constaté que quand on l’aura défini....

Pour M. Lélut, du moins, cet état, qu’il soit bien ou mal défini, existe , peut être provoqué par un agent physique,

et donne lieu ¡ides phénomènes très-importants qu’un philosophe doit étudier. Quant au\ facultés extraordinaires que présente cet état, six des concurrents les admettent résolument et s’étendent sur les services que la lucidité peut rendre à la science et à l'humanité. Le septième n’admet qu’une faible partie de ces brillantes facultés, lo rapporteur les nie et les déclare impossibles comme contraires à la nature humaine. L’Académie des sciences morales, en adoptant les conclusions du rapporteur, a seulement décidé par là qu’elle partageait son avis sur la supériorité du Mémoire en faveur duquel on réclamait le prix ; mais elle ne s'est nullement prononcée sur les opinions émises par le rapporteur, opinions qui lui sont personnelles et dont il a seul la responsabilité. Cette Académie n'a donc pas de parti pris à l’égard des facultés somnambuliques. En ouvrant un concours sur le somnambulisme artificiel, elle a appelé la discussion sur ce sujet, elle a fait voir qu'elle en sentait la gravité, elle* s’est engagée à examiner les travaux qui lui seraient présentés, elle a. dûs’attendre à l'exposition de faits et de doctrines fort étranges.; mais celui qui cherche la vérité, peut-il d’avance lui imposer la condition «Vôtre conforme à telles opinion s préconçues?..... Le rapporteur, en. repoussant avec dédain, des laits attestés par de nombreux témoignages et qu'il ne s’est pas donné la peine.d’étudier, a eu le tort de les déclarer im-possibles.à priori, en se fondant sur les lois connues de la nature , comme si nous coonaissions toutes ces lois ; il a> méconnu ce pnécepte si sage d’Arago, qu'en dehors des mathématiques puces, celui qui prononce le mot impossible est un imprudent.

En, définitive, l’Académie a-t-elle atteint son but?... 11 ne s’agit pas seulement pour elle de satisfaire' la curiosité de ses membres; c’est im corps constitué ayant une1 mission, chargé de représenter une partie de la science. Son devoir est donc de recueillir, sur les questions philosophiques, toutes les lumières, tous les documents, de les apprécier, de servir au public de guide et de flamboau. Elle a voulu s’enquérir de laréaliié dusomuambulitmc arlificielet des facultés qu’il pré-

sente : d’une part, tous les concurrents, moins un, lui ont exposé des laits extraordinaires, admirables, ayant une portée immense ; les uns affirmant en avoir été témoins eux-mêmes, d’autres invoquant de graves témoignages; d’un autre côté, le rapporteur nie ces faits, non pas en opposant sa propre expérience à celle d’autrui, mais en vertu d’une théorie qui les lui fait juger impossibles.

En présence de ces assertions contradictoires, l’Académie ne peut se flatter d’avoir rempli sa tàciic ; elle doit penser •que les faits, «’ils sont bien établis, ont une'tout autre autorité que des théories; elle doit concevoir au moins ce doute philosophique que recommande Descartes, et qui est le commencement de la sagese. Il ne lui est pas permis de demeurer neutre, inactive, de rester au-dessous du niveau des connaissances répand nés dans le publie. Qu’elle se mette donc ii l’œüvre, qu’elle procède à des enquêtes, h des recherchas sérieuses, et qu’elle ne s’expose pas à ce qu’on puisse un jour lui reprocher d’avoir fermé sa porte à la Vérité.

A. S. Morin.

ÉTUDES

SUR LE MAGNÉTISME ET LE SOMNAMBULISME.

Liège, lo 6 mars 1859.

Le n° 11 du Journal du Magnétisme renferme un remarquable article (page «3) du il la plume d’un médecin. Après avoir énuméré quelques-unes des causes qui entravent la marche scientifique du magnétisme, l’autenr ajoute : « Parmi ceux qui ont bravé les préjugés, nous trouvons 3. Franck dans son admirable Pathologie interne, Alibert dans son Traité de Thtrapeüihie, Rostandansle IHctiommre de médecine, et dansson Coursd' hygiéne.M. Trousseau lui-même, etc.» Comme votre journal est une espèce de compendium, où trouve place tout ce qui a été dit de sensé sur le magnétisme, je vous demanderai, monsieur le Rédacteur, de me permettre

de rapporter l'opinion émise sur cette matière par le célèbre Franck (L), dont le témoignage, j’espère, n’est pas sujet à caution. — En parlant du somnambulisme (tom. Il, chap. 11), l’auteur établit une distinction entre le somnambulisme (2) et le sommeil magnétique... « Il est évident, dit-il, que les phénomènes plus ou moins semblables au somnambulisme, qui se montrent dans un sommeil morbide, normal, et tout à fait contraire à l’état de santé, résultant soit d’une cause accidentelle, soit de Y influence du magnétisme animal, ne doivent, sous aucun rapport, être pris pour le somnambulisme. Nous rangerons ces derniers sous le nom de sommation. Mais ne doutons pas non plus que celui-ci ne puisse se compliquer facilement avec l’extase et la catalepsie. — Nous appelons, dit-il, en général sommation une maladie appartenant à l’état de veille et souvent périodique, présentant presque l'image du sommeil, durant laquelle le malade tout à la fois gesticule, se promène, écrit, parle, fait des vers, chante, danse et devient presque devin, sans qu’après le paroxysme, il lui reste le moindre souvenir de tout ce qui s’est passé. — La sommation se divise en sommation spontanée et artificielle. Nous ne parlerons que de la dernière.

« Par un examen sévère et expérimental, que nous avons fait surtout dans un but physiologico-pathologique , nous nous sommes assurés qu’on peut, au moyen du magnétisme dit animal, produire surtout chez les jeunes gens et les jeunes fdles chez lesquels l’accroissement du corps se fait remarquer par sa rapidité, un état tel que ces personnes, après avoir éprouvé de I’horripifation, une chaleur vague, de la sueur, du bâillement, le clignotement des yeux, une sorte de resserrement des paupières, avec un sentiment de poids; des ris ou des pleurs convulsifs, le tintement des oreilles, déglutition fréquente, salive ; le grincement des dents, des hoquets, des secousses, des crampes et l’envie de dormir, semblent s’endor-

(1) Traité de pathologie interne, par J. Franck, tom. II», édition de Bruxelles.

(2)11 y a somnambulisme lorsque les fonctions qui appnrliennenl 6 l'èlat do veille s'exécutent pendant le sommeil (Franck).

mil" en effet, tiennent les yeux fermés et souvent élevés vers le ciel, la pupille immobile, et peuvent, aux questions faites par celui (pii les a mis dans cet état, répondre d'une voix altérée, avec des mots le plus souvent choisis, rendre un compte très-exact de l’état de leur santé, annoncer des changements qui auront lieu et indiquer les remèdes qui conviennent, soit pour conserver leur santé, soit pour la rétablir. Une fois éveillées, elles éprouvent de la pesanteur de tète, une sorle d’ivresse, un mouvement fébrile et ne conservent pas le plus petit souvenir de ce qu’elles ont dit. Le plus souvent l’événement confirmera ce qui aura été dit par ces personnes, mais il n’en sera pas toujours ainsi. Cet état surprenant, dans lequel les sens externes étant assoupis, le sens universel, l’instinct et l’imagination s'exaltent, et qu’on appelle ordinairement sommeil magnétique, parvenu au degré dit de clairvoyance est ce que nous nommons sommation artificielle. »

Est-il possible de trouver un bill d’adhésion à la cause magnétique plus complet ou plus explicite? Ici, pas de périphrases, nulle restriction, pas l’ombre d’une réticence. Aussi cette opinion, émise par un savant praticien qui porte un de ces noms faisant autorité en Allemagne et dans le monde scientifique, est à nos yeux d’un très-grand poids. Le moyen de rendre en ternies plus clairs, plus précis, plus nets, les principales phases, qui dans cet état singulier, s’offrent aux yeux de l’observateur consciencieux ?

Rien n’y est oublié, le coma, le sommeil magnétique, le somnambulisme (prévision, intuition médicale),[l’extase, tout est indiqué avec cette concision et cette prévision qui forment l’apanage de la science. Ce courageux exemple n’est pas resté stérile, car il a trouvé de nombreux imitateurs, et, comme l’observait fort bien notre maître à tous, M. le baron du Po-tet, il ne paraît plus d’ouvrage important de médecine qui au moins ne fasse mention du magnétisme, ne fût-ce que comme acquit de conscience.

Mais continuons notre étude et suivons l’auteur dans l’examen des causes génératrices des phénomènes magnétiques.

h La cause prédisposante ¿1 la somniation, soit spontanée,

soit artificielle, est clans une sensibilité morbide du système nerveux.

« Il faudrait peut-être la chercher dans un état d’exaltation particulier des parties génitales.... »

Les causes excitantes de la sommation spontanée, mais cela sort du cadre que nous nous sommes imposé; 11e parlons que du magnétisme.

« Quant à la cause prochaine de la sommation, nous n’osons pas même la conjecturer. Nous sommes persuadé qu’en général l’imagination et f ardeur vénérienne, que nous avons exclues des causes de la sommation, peuvent être considérées comme en étant plutôt des effets; nous soupçonnons aussi que l’électricité y entre pour beaucoup, bien qu’011 soutienne le contraire. »

DIAGNOSTIC.

1. En général. — Il faut distinguer la sommation de la léthargie, du somnambulisme, de l’extase, de la catalepsie, du délire qui, lorsqu’on a les yeux fermés, en offre l’image, et de l’hystérie.

2. De ta léthargie. — La léthargie étant un sommeil qui se distingue par sa force et sa durée, diffère totalement de la somniation, qui est une maladie des gens éveillés; déplus, la léthargie dure beaucoup plus longtemps que la somniation, et ne présente aucun phénomène remarquable, si l’on en excepte le sommeil.

SOMNAMBULISME.

1. Le somnambulisme arrive pendant le sommeil.

2. Le sommeil pendant lequel se montre le somnambulisme est normal, il est sain et naturel en soi.

3. Le somnambule, assez souvent, se souvient au moins d’avoir rêvé ce qu’il a fait.

SOMMATION.

1. La somniation a lieu pendant la veille.

2. Le phénomène qui accompagne la somniation, sous l’apparence du sommeil, est morbide, anormal et diffère entiè' rement du sommeil naturel.

3. Après la sommation, il ne reste pas le moindre souvenir de ce qui s'est passé.

4. Continuation. Le phénomène qui accompagne la sommation sous l’apparence du sommeil est morbide et anormal et diffère entièrement d’un sommeil sain et normal, comme Darwin et Slieglibz l’ont dit avec raison, et comme il sera évident par la comparaison suivante :

SOMMEIL.

1. Les paupières sont lâches.

2. Les muscles moteurs de l’œil sont dans un repos parfait.

3. La pupille est disposée à la dilatation.

4. Tous les sens externes, sans en excepter un, sont assoupis.

5. Le plus ordinairement il délasse.

SOMMATION ARTIFICIELLE.

1. Les paupières sont contractées.

2. Les muscles droits supérieurs sont contractés.

3. La pupillle se montre contractée.

4. L’ouïe persiste, au moins pour celui qui a été magnétisé.

5. Le plus souvent elle laisse du malaise.

Plus loin, en parlant du pronostic de la sommation, l'auteur dit : « On doit toujours craindre qu’elle ne se transforme en des affections du genre nerveux plus graves, telles que la catalepsie ou l’épilepsie. C’est une chose que devraient bien retenir les imprudents qui jouent, pour ainsi dire, avec le .ma? gnétisme animal, taudisqu’une-expérience convenable n’a pas encore appris de quel secours il doit être dans les maladies. »

Notons bien qu’il n’entre pas dans la pensée de l’auteur de dire que le magnétisme n’est de nul secours loin de là, il veut seulement laisser à. entendre que le champ des expérimentations et des recherches est loin d’être complètement exploré. Et en effet, Franck (Put/iot. interne., tom. II, p. 22, Bruxelles, édition encyclographique, 1842) recommande le

magnétisme animal comme traitement de l'agrypnie (absence morbide de sommeil), et joignant la pratique à la théorie, il ajoute en note : «J'ai débarrassé la femme d’un jurisconsulte de Vienne de son insomnie, à l'aide du magnétisme animal. » — A l’article des frayeurs nocturnes (traitement), il dit : u Le magnétisme animal mérite ici de plus en plus qu'on l’essaye. » Il en est de même pour les songes effrayants.

— Pour prévenir Y incube (1), il ordonne des frictions sur les membres, etc., etc., etc.

Enfin, pour compléter le remarquable article consacré au somnambulisme magnétique, il donne comme appendice au chapitre xn* de son ouvrage, quatre exemples remarquables de sommation artificielle. Celte adhésion franche et loyale au magnétisme de la part d'un des représentants principaux de la science médicale, s’il ne doit pas nous surprendre, mérite au moins d’être signalé à l’attention des amis du magnétisme ; d’ici à quelques années, de partout nous aurons à enregistrer de pareils aveux ; en attendant, j’espère avoir été de quelque utilité en tirant de l’oubli ces fragments, et, dans ce travail synthétique, n’eussé-je réussi qu'à rappeler au souvenir des magnétistes un nom honorablement connu dans la science, et à les engager à feuilleter son ouvrage, mon but eût été cent fois atteint.

G. Goossens.

SUR LA MAGIE.

A PROPOS D’UN fragment d'un M ÉMOI HIC sur l’Histoirc de l'astrologio et de la magie dans l'antiquité et au moyen âge, par M. Alfred Maukt ; lu ù I1 Académie des inscriptions et bclles-letlros dans la séance publique annuelle du 12 novembre 1858.

Dans son Essai sur (es légendes pieuses un moyen âge, dans un grand nombre d’articles insérés dans Y Encyclopédie

(1) L’incube est constitué par une perception de suffocations ou do pesanteur et d'oppression sur la poitrine pendant le sommeil, avec un désir ardent de changer do place sans qu'il soit possible au malade do le faire.

moderne de MM. Didot, dans plusieurs mémoires publiés dans la Renie archéologique, l’auteur s’était déjà beaucoup occupé de recherches sur le diable et sur les auges.. Le mémoire lu à l’institut se rapporte à peu près aux mêmes questions, et il suffirait qu’il émanât de la plume érudite de AI. Maury, pour que l’on fût pénétré à l’avance de son intérêt. Les phénomènes des tables tournantes, convertisaujourd’hui en évocations, ont fait prêter une attention nouvelleaux ritesde la sorcellerie et de la magie, qui n’apparaissent plus à tout le monde comme des dérèglements de l’esprit humain, mais plutôt comme une trouée obscure et incertaine dans les mystères de l’autre monde.

On comprend bien que ce n’est pas en les envisageant sous ce dernier rapport'que l’on pouvait parler de ces matières à l’institut. Cependant il y a une sage réserve en faveur du magnétisme ; on reconnaît qu'il y a au fond de ces phénomènes quelques faits dignes d’attention. Quant à la magie et à la sorcellerie, elles sont considérées comme des chimères qui servent à montrer la faiblesse de l’esprit humain/ Cependant, quelle que soit la manière dont on en parle, n’est-ce pas déjà, aux yeux d’un philosophe , commander pour elles l’attention et le respect que montrer l’accord de tous les peuples et de tous les âges à s’en occuper et à les étudier sérieusement ? N’est-ce rien que citer les plus grands noms parmi ceux des hommes qui ont ajouté foi à ces sciences ? Et pour n’en nommer que quelques-uns que nous remémore l’auteur, au milieu de beaucoup d’autres , Kepler croyait à l’astrologie , saint Thomas-d’Aquin, Origène, croyaient aux sortilèges, etc.

Que beaucoup de fables se soient mêlées à ces matières : lorsqu’il en est ainsi pour toutes les sciences, on présume bien qu’il n’y aura pas d’exception pour celle-ci. Nous accorderons même volontiers qu’il doit y avoir encore plus d’alliage impur que dans tout autre ; mais tout condamner en bloc est commettre une erreur bien plus grande. Il faut donc étudier et étudier sérieusement, ne pas étudier seulement au point de vue historique, mais d’une manière

.pratique et expérimentale. Il n’y a pas d'autre moyen de perfectionner la science et d’arriver au vrai.

Nous n’ignorons pas qu’il existe une certaine classe d’esprits tout à fait inaptes à comprendre ces phénomènes : ce sont les esprits critiques ou de négation, et en tète de ceux-ci les savants en titre, sauf quelques rares exceptions. Beaucoup d’entre eux, lorsqu’ils s'adonnent à ces matières., ressemblent à des aveugles dissertant des couleurs (nous 11e voulons point parler ici de M. Maury, dont nous estimons trop l’immense érudition et la profonde sagacité) ; mais, en revanche, les hommes de sentiment ont compris au premier mot et savent pour ainsi dire avant d’avoir appris ; c’est bien de ceux-là qu’011 peut dire qu’ils possèdent la grâce. Un jour viendra, nous n’en douions pas, où M. Maury, après avoir expérimenté, reprendra et développera sa thèse déjà si pleine d’intérêt. Pour mettre à même de l’apprécier, nous allons eu reproduire un des passages les plus curieux. L’auteur parle de la lutte du christianisme et du paganisme, faisant assaut de miracles.

« Les constitutions apostoliques, les conciles de Laodicée (30(3), de Vannes, d'Agde (505), d’Orléans (511), d’Auxerre, de Narbonne, condamnèrent la pratique des sciences occultes et divinatoires ; mais on ne tint guère compte de leurs défenses, (>as plus qu’on ne l’avait fait des enseignera nts des plus illustres Pères de l’Eglise. Saint Athanase, saint Chrysostôme, saint Cyrille de Jérusalem, Arnobo, saint Augustin, saint Grégoire-le-Grand et bien d'autres, avaient .tonné contre ces superstitions dans lesquelles persévéraient les chrétiens ; ils avaient refusé l’astrologie que défendait le gnostique Bardesanis. Les sorciers, les magiciens, les astrologues et les diseurs de bonne aventure existaient comme par le passé.

« 11 faut le dire aussi : tout en repoussant les sciences occultes, la plupart des docteurs chrétiens ajoutaient loi à leur réalité ; ils les condamnaient moins comme une criminelle curiosité que comme une pratique dangereuse et diabolique. Ils n’y voyaient pas simplement l’eûel du délire ou de

l'ignoranco ; c’était ii leurs yeux l'inspiration des puissances infernales qui prêtaient aux devins et aux sorciers l’appui de leur action surnaturelle. Dans l’opinion des anciens théologiens, Satan et ses suppôts jouaient un rôle véritable au milieu de ces conjurations, de ces enchantements , de ces merveilles de la nécromancie. Les noms des divinités orientales qu’on prononçait étaient, assuraient-ils, ceux mêmes des démons, et ils en donnaient pour preuve l’épithôte de démons que les anciens leur avaient appliquée. « Si nous pouvions, «écrit Origène, expliquer la nature des noms eflicaces dont « se servent les sages de l’Egypte, les mages de la l’erse, les « brahmanes et les samanéens de l’Inde, et ceux qu’em-«ploient les autres nations, nous serions en éyt de prouver « que la magie n’est pas une chose vaine , comme Aristote et «Epicure l’ont avancé, mais qu’elle est fondée sur des rai-« sous connues, it la vérité, de peu de personnes. »

« Et comment les Pères de l’Eglise n’auraieut-ils pas pensé ainsi, quand, près d’eux, tantde néo-platoniciens prétendaient opérer des merveilles par l’emploi des rites magiques, et pouvoir, à l'aide d’enchantements, faire apparaître les démons ? 11 n’y avait plus de vivace dans le polythéisme que la foi à la divination et aux prodiges ; les philosophes, qui s'efforcaient de relever cette religion agonisante, faisant alors appel aux. sciences occultes avaient opéré une liaison plus étroite que par le passé entre la magic et le culte des divinités helléniques. Toute une hiérarchie d'êtres divins, dont l’idée avait été puisée chez Pythagore et Platon, était substituée, sous le nom dé démons, aux dieux homériques, et trompés par une identité de mots, les Pères de l’Eglise croyaient reconnaître dans ces démons les anges déchus de la tradition hébraïque, auxquels les juifs hellénistes avaient appliqué ce nom grec de démons.

« La magie prit donc une importance de plus en plus, grande dans les derniers siècles du polythéisme ; elle se mêla au culte grec, et c’est ce qu’Apulée allègue pour sa défense dans son apologie. Julien tenta vainement de reconstituer, à l’aide de cette magie nouvelle, la religion de l’era-

pire, puisant dans lçs cultes tout magiques cio Mitlira et de Sérapis les éléments d’une liturgie plus savante. Qu’on relise la biographie des philosophes néo-platoniciens, d’un Porphyre, d'un Proclus, d’un Plotin, et l’on verra quelle importance ils attachaient à ces rites magiques, appelés évocation , exorcisme, purification. Esprits ardents et entêtés du passé, ils voyaient partout des démons, des divinités cachées qu’il fallait adorer ou apaiser; ces philosophes s’en croyaient inspirés, et leurs pratiques extravagantes entretenaient chez le vulgaire une crainte superstitieuse. »

Il n’y a rien de plus intéressant à étudier que cette lutte du christianisme et du paganisme, recourant tous deux aux mômes moyens, aux forces invisibles de la nature pour soutenir leur cause. C’est dans les écrits de Celse et d’Origène qu’elle se montre le mieux. Celse met à côté des prophéties les oracles des anciens qu’il trouve identiques ; à quoi Ori-gène répond que la manière honteuse dont les pythonisses sont inspirées dénote la présence d’esprits impurs, que les oracles qu’elles rendent sont généralement obscurs, tandis que la parole des prophètes, présentant au contraire ordinairement un sens clair, est l'œuvre des bons génies. Il ajoute cependant (réserve prudente), que, s’il y a chez ces derniers des passages obscurs, c’est pour exercer ceux qui veulent les étudier.

Aux yeux de Celse, les miracles opérés par Jésus-Christ rentrent dans le cercle de la magie qu’il a apprise en Egypte, et doivent être attribués à l’intervention des démons. Ori-gène répond par la distinction des bons et des mauvais esprits et par la supériorité nécessaire des bons sur les mauvais. Pour les distinguer, il faut interroger les mœurs de ceuv qui les évoquent, leur doctrine, les effets qu’ils en obtiennent, d’où l’on arrive toujours à reconnaître la raison humaine et la conscience comme seuls moyens de discerner la, vérité. Moïse, dit Origène, a créé une notion unique ; Jésus-Christ a enseigné et propagé la notion du vrai Dieu, tandis qu’il ne reste pas trente sectateurs de Simon le magicien, que Teudas et Judas de Galilée ne vivent plus que par l’histoire.

(.es phénomènes et ces discussions ont agité le monde et les plus grands esprits ; sur eux reposent la plupart des religions : c’est la révélation même. Tout cela ne serait que rêverie, si la magie n’avait pas un côté vrai et ne touchait pas aux plus hautes questions qu’il soit permis à notre faiblesse d'agiter.

L. Lamothe.

VARIÉTÉS.

— La commission d’enquête, instituée par la Société philan-tropico-magnétique pour recueillir et vérifier les faits du spiritualisme, s’est adressée à Al. Allan Kardec, président de la Société spirite , pour lui demander d’être admise à étudier par elle-mêmecesfaitsque l’écolespiritedéclareêtre très-fréquents et accessibles à tous ceux qui veulent s’éclairer, ftl. Kardec a répondu de vive voix qu’il consulterait ses médiums et sa société et qu’il ferait connaître à la commission le résultat des délibérations qui auraient lieu. Deux mois se sont écoulés depuis, et M. Kardec n’a pas encore fait connaître la solution. Un silence aussi prolongé ne peut être pris que comme un refus. Il est bon que le public soit édifié sur la valeur des déclamations de ces docteurs qui prétendent convertir le genre humain à leur doctrine, qui présentent comme preuve de la vérité de cette doctrine des miracles éclatants, à l’évidence desquels tout homme de bonne foi doit se rendre... Puis, quand vous vous présentez pour recevoir votre part de cette lumière qui doit éclairer le monde, on élude ou l’on refuse, et la source des miracles est tarie. Une telle conduite doit être regardée comme un aveu d'impuissance.

A. S. M.

¡Nos lecteurs se rappellent, sans doute, les miracles de la

rue du Bue (I); un de nos collaborateurs , après avoir re -cueilli des renseignements sur les faits rapportés par la Patrie et par la Reçue spiriluiiliste, a réduit ces prodiges à leur juste valeur. Un correspondant de X Union magnétique, rend compte de ses recherches sur cette affaire mystérieuse, et n’y voit que des tours d’espièglerie concertés par une lorette et un carabin. Voilà comme le scalpel do l’examen dépoétise tout : on ne peut même plus croire aux génies qui tirent les sonnettes et aspergent les locataires.

(1) 1858, p. 520.

Dans le prochain numéro, M. le baron du Potet rendra compte de la propagande magnétique qu’il a faite à Varsovie.

Le jury magnétique sera convoqué pour examiner les titres il la médaille que peuvent avoir quelques magnétistes en vue de la solennité du 23 mai.

Nous prions nos abonnés dont l’abonnement est expiré ou expirera fin mars, de nous faire savoir si leur intention est de continuer leur abonnement.

Baron dü POTET, propriétaire-gérant.

LE MAGNÉTISME A VARSOÏIF.

Je fus appelé au commencement du mois de février dernier ■i Varsovie, pour donner des soins magnétiques à une jeune et intéressante malade, affectée d’une singulière et mystérieuse affection nerveuse dont je rendrai compte incessamment.

Je résolus de consacrer les instants qui m’étaient laissés la propagande magnétique dans cette capitale de l’ancienne Pologne. La chose n’était pas aisée ; les difficultés venaient bien moins de l’opinion publique que du gouvernement de cet État qui accorde difficilement aux novateurs le droit de se produire : je n’ai pas à juger ses motifs, j’ai au contraire à le remercier pour ce qui m’est personnel. Mais mes premières démarches près de l’autorité, je dois le dire, n’obtinrent pas tout d’abord de succès, bien que le ministre M. Monchaanoff, ministre de l’intérieur, m’eût reçu avec une grande urbanité et une politesse fort bienveillante. Mon but, ma pensée lui ayant été dévoilés sans réserve, il me permit de venir le revoir; cette autorisation me donna l’espoir d’une solution favorable , bien que partout on me fit craindre que la faveur que je demandais ne me serait point accordée.

Plusieurs personnes influentes firent pour moi des démarches, et, grâce à leur utile concours, j’obtins, dans la seconde entrevue que j’eus avec le ministre, une promesse indirecte qu’on me laisserait faire en liberté quelques démonstrations magnétiques. Loin de me montrer enthousiaste, vague ou indécis, j’avais posé nettement la question scientifique du magnétisme. Avant de rien décider pourtant, M. Monchaanofl m engagea à écrire un programme de ce que je me proposais de dire et de faire; il me fit entendre qu’il fallait rétrécir, autant que possible, le cercle de mon enseignement et m’occuper du fait physique seulement et de son application.

Voici le petit programme que je lui portai quelques heures après ma visite ; 011 peut voir que ces cinq leçons qu il me fut permis de faire n’étaient que des tètes de chapitre, mais Tome XVIII. — as. — 2* Série. — 10 Avril 18-VJ. T

suffisantes pourtant pour initier un public d’élite à la science magnétique :

Programme de» leçon» que je me propose de faire sur le magnétisme animal«

PREMIÈRE LEÇON.

1° Ce qu'on entend par magnétisme. C'est une force. Son action sur le corps humain. I.a série de phénomènes physiques qu'il livre à l'observation. La valeur du magnétisme comme agent thérapeutique.

DEUXIÈME LEÇON.

Du somnambulisme magnétique. Ses propriétés, ses avantages et ses inconvénients.

TROISIÈME LEÇON.

Procédés d'expérimentation.

QUATRIÈME LEÇON.

Vue générale et d'ensemble. Acquisition par la science d'un principe nouveau, propre à expliquer une foule de phénomènes naturels dont tous les peuples nous offrent des exemples nombreux et dont l'existence, la production est due à la même cause.

CINQUIÈME ET DERNIÈRE LEÇON.

Application des procédés magnétiques sur quelques personnes de l'assemblée.

Le ministre me fit savoir que ce programme était agréé. Un journaliste bienveillant, M. Khucz, que je dois remercier ici, en inséra l'avis dans sa feuille, et toute la ville fut instruite du cours qui allait s’ouvrir.

11 y avait dans Varsovie un commis-voyageur qui, colportant les mannequins anatomiques du D' Auzoux, enseignait l’anatomie comme autrefois on montrait la passion de notre Seigneur Jésus-Christ avec des figures de cire ou de bois. Cet industriel, craignant sans doute que je ne dérange ses combinaisons et imitant son maître, déblatérait partout contre le magnétisme. — Le magnétisme n’était rien, c’était jugé, enterré et je devais passer comme une ombre. En de-

hors de ce monsieur, beaucoup de médecins de la ville m'étaient contraires ; mais, dans ce corps, j'avais néanmoins des amis. Le monde magnétique sait parfaitement que je n’ai jamais compté le nombre de mes ennemis. Mon étonnement fut grand, je l'avoue pourtant, cardans cette ville si éloignée de Paris tous les effets du magnétisme y étaient connus et généralement admis ; mon nom même n’y était point étranger, et je trouvai là un bon nombre de personnes qui avaient assisté à mes démonstrations. Quel changement dans les esprits, et comme le temps est favorable à la vérité! comme le triomphe est certain lorsque l’on sait attendre et que la mort n'est point venue interrompre la marche de l’apôtre! Mais est-ce donc dans le Nord qu’il faut établir une chaire officielle de magnétisme, et la France libérale laisserait-elle ce soin à un peuple qu’on dit en retard? Bref, je fus écouté avec une attention soutenue; j’évitai toute expression de blâme, toute parole qui aurait pu porter atteinte à ceci ou à cela; et même en parlant de la médecine, ma critique fut modérée : je restai dans un cercle étroit, mais ma force n’en fut pas diminuée. Après avoir suivi de point en point mon programme, j’arrivai aux expériences. C’était là qu’on m’attendait, et le peu d’ennemis secrets ou patents que je pouvais avoir s’étaient ajournés à ce moment pour détruire l’effet que ma parole aurait pu avoir produit. Ce dernier jour mon cours était au grand complet; deux cents personnes se trouvaient réunies dans, la salle. Parmi elles, on remarquait des ministres, des généraux, le préfet de police, des sénateurs, etc., etc., puis des dames de la plus grande distinction et enfin dix on douze médecins. Il ne me restait qu’un étroit espace pour expérimenter, à peine avais-je la liberté de mes mouvements. Dans ces conditions défavorables, je ne pouvais guère me promettre un grand succès,-et pourtant de ma vie je n’ai obtenu des résultats plus prompts et plus nombreux dans un aussi court délai. Trente-cinq minutes à peine furent consacrées à ces expériences. La première personne qui s’offrit à mon expérimentation fut un brillant aide-de-camp du général gouverneur, M. Bodisko, jeune homme d’une force herculéenne;

après l’avoir magnétisé si\ minutes, benqu il no parut point sensible, je le priai de se lever, puis, me plaçant derrière lui et lui tournant le dos, il vint bientôt se coller contre moi ; c’est alors que, me baissant presque jusqu’à terre, je l’entraînai malgré lui sans qu’il cessât d’être comme soudé à moi; incapable dese relever lui-même, plusieurs personnes durent s’employer à cet office. 11 n’avait pas cessé un seul instant d’avoir la conscience de ce qui s’était passé, et son étonnement égalait celui de l’assemblée tout entière.

Je magnétisai immédiatement une dame anglaise, âgée de trente-cinq à quarante ans ; quatre minutes me suffirent pour éteindre la sensibilité; bientôt après, m’éloignant, elle releva comme si elle eût été mue par des ressorts ; ses yeux étaient ouverts et semblaient ne point voir ; ses paupières étaient immobiles, on pouvait les toucher impunément, elles étaient comme paralysées et ne s’abaissaient point. Je fis faire à cette dame plusieurs fois le tour de l’assemblée; heurtant tout ce qui se trouvait sur son passage, elle suivait ma direction. Il est impossible de peindre une scène semblable, l’effet en fut immense. Je pris une jeune femme, tille d'un banquier de Bruxelles : l’action magnétique fut presque instantanée, la respiration devint extrêmement fréquente , les yeux se fermèrent et dans cette situation, à plusieurs pieds de distance, j’attirai sa tête dans la direction qu’il me plaisait de choisir. Deux personnes, deux hommes, se trouvant placés près de mes magnétisés, éprouvèrent des effets singuliers; l'un fut pris de spasmes d’une grande violence, qui nécessitèrent son éloignement du lieu de la séance, tandis que l’autre tombait dans une espèce de sommeil magnétique bien propre à me servir de démonstration, si j’en avais eu besoin. Je terminai cette séance expérimentale en magnétisant un jeune homme d’une vingtaine d’années que je jetai promptement dans une sorte d’ivresse; lorsque je m’éloignais de lui, il venait à moi en chancelant, en décrivant des zigzags. Cet état n’étant point dangereux et pouvant se prolonger, je pris plaisir à l’y maintenir et à le faire voyager au milieu d’une foule compacte, dont les rangs s’ou-

\ raient difficilement, afin qu’elle pût constater et voir de ses propres yeux les singuliers et irrésistibles résultats de la force magnétique, de cette puissance humaine qui laisse bien loin derrière elle les phénomènes obtenus par les forces mortes. Je ne connaissais aucune des personnes que je venais de magnétiser, et toutes étaient connues Varsovie, mon triomphe était donc complet : je venais, et cela dans un instant, de prouver 1 existence de l'agent que la science nie encore, je venais de justifier toutes mes affirmations. En terminant, dois-je parler d un pharmacien, juif d’origine, qui avait apporté du chloroforme, dont l'odeur s’était légèrement répandue, pour faire croire sans doute que j’avais besoin de cette drogue empoisonnée et détruire ainsi la croyance au magnétisme? Dois-je parler de deux autres de ses confrères qui, d humeurplus bruyante, essayaient de faire avec leurs cannes quelque peu de tapage? Ils disaient entre eux en parlant de moi : — u II faut le faire rncllrc en colère, il ne pourra plus rien. « Ces hommes de métier, à passions mauvaises, selon leur antique habitude, s'étaient placés par derrière.

Heureux ce jour, car je venais d’écrire une page pour l’histoire du magnétisme ; je venais de répandre les germes de la vérité la plus grande au milieu d’un peuple intelligent et actif, qui ne manquera certainement ni de la faire rayonner sur d autres esprits, ni de s’en servir pour le soulagement des souffrances humaines. Puissent-ils aussi se rappeler le novateur qu’ils ne virent qu’un instant et qui leur laissa le soin d’expliquer des prodiges !

Pour moi, obéissant à ma destinée, on me verra sans doute encore à mon dernier jour, rappelant des forces que j’ai jusqu’aujourd’hui si pleinement conservées, faire un dernier effort pour soutenir les droits de la vérité !

Bon du Potex.

ÉTUDE.

COMMENT s’opère LA VUE A DISTANCE.

h Monsieur Je baron,

«Dans la séance du 11 mars dernier et à l’issue du cours que M. le docteur Grandménil a l’obligeance de faire au sein de la Société du Mesmérisme, M. Morin a émis le vœu de voir s’ouvrir une discussion sur le point de savoir si, dans la vue à distance, il y a mentumbulunce ou mentambulation, néologisme qui exprime l’idée du déplacement de l’àme.

« Cette observation de notre savant collègue se rapportait i un cas de lucidité dont le professeur nous avait fait le récit , et dans lequel une femme somnambule , consultée au moyen d un objet appartenant à son frère qui servait dans l’armée anglaise des Indes, avait annoncé la prise d’une place assiégée par les Anglais , la blessure dont son frère avait été atteint en montant à l’assaut, et d’autres détails qui échappent à ina mémoire, mais dont l’exactitude rigoureuse aurait été reconnue et constatée de la manière la plus irrécusable.

«La parole de M. Grandménil, qui avait assisté à l’expérience et à la constatation ultérieure de ses résultats, est un garant de la véracité du récit ; le point à éclaircir est la faculté en vertu de laquelle la personne consultée a pu saisir et annoncer les événements au moment même où ils se passaient.

« Le professeur pense que l’àme se détache de la matière ' dans l’état de sommeil magnétique, se déplace et communique aux organes les impressions qu’elle reçoit dans son déplacement. M. Morin exprime des doutes à cet égard. La discussion n a pas été ouverte, elle le sera, et nous devons espérer qu’il en ressortira des éclaircissements précieux, l’esprit d’obser-

vatio», le talent et la facilité d’élocution ne manquant ni à l'une ni à l'autre des parties opposées.

n Je vous demande la permission de rapporter un fait à peu près analogue à celui rapporté par M. Grandménil. J’en atteste personnellement l’exactitude et appuie mon attestation du témoignage des personnes présentes à l’expérience :

« Un de mes bons amis , M. Caron, négociant, rue de la Bourse, avait pour domestique une fdle de vingt-huit ans que j'avais plusieurs fois magnétisée par passe-temps, et chez laquelle j’avais reconnu une lucidité remarquable , quoique inconstante. M. Caron , ayant un fils engagé dans la marine marchande , me dit un jour : Je viens de recevoir une lettre d Henri, et je serais curieux de savoir si Eugénie pourrait, étant endormie, nous en donner la substance. Je consentis à tenter l’épreuve et ne voulus pas prendre connaissance du contenu de la lettre. J'endormis mon sujet et lui remis la lettre entre les mains. Après l’avoir appliquée au creux de l’estomac, puis sur le front (sans la déplier) , elle dit : Tiens, une lettre de M. Henri ! — (Elle pouvait savoir qu’on l’avait reçue.) — Je lui demandai la date et d’où elle était datée, elle répondit : Calcuta... juin..., je ne vois pas le chiffre de la date. — (Jusque-là rien quede très-ordinaire.) — A ma question : Pourriez-vous nous dire comment est M. Henri en ce moment, elle répondit : Attendez, il faut que je fasse bien du chemin pour aller où il est, c’est égal, je vais le trouver. Je vais d’abord aller à Dunkerque... Bon, le voilà qui s’embarque... Oh ! comme il fait froid et noir! comme le bâtiment est secoué!... Sont-ils tous dans un état, ont-ils delà peine!... Ali ! mon Dieu, pauvre M. Henri, comme vous êtes fait, vous n’êtes pas beau avec votre grande veste de cuir toute sale et dégoûtante... Oh! mais quel temps, on n’y voit pas clair... Ah ! voilà que le temps s'éclaircit, ils sont rassurés, mais c'est ¿ga), ils on t eu bien peur... Ici, je l’in terrompis et lui demandai : A quel jour sommes-nous ? Au 10 ou au 20 mars, répondit-elle, je n en suis pas bien sûre... Après un silence de quelques minutes, elle reprit : Ah ! encore une tempête... Oh ! mais c’est effrayant, ils vont périr cette fois, c’est bien pire que l’autre...

Ali ! mon pauvre Al. Henri, vous voudriez bien être rue de la Bourse dans ce moment-ci... Gomme il travaille; est-il dans un état!... Ça n'est pas amusant d’être là, je ne voudrais pas être à sa place.—A ma question : A quel jour sommes-nous ? elle répondit immédiatement : 15 mai. — Enfin, reprit-elle, c’est encore une ibis fini, ça n’est pas malheureux, mais c’est égal ils l'ont échappé belle... Ah ! les voilà arrivés... ils débarquent... Oh! quelles drôles de figures; sont-ils drôlement habillés dans ce pays-là ! ça n’est pas du tou! la même

chose qu’à Paris....... les maisons non plus...... Voilà

M. Henri qui est avec son capitaine... On lui remet trois lettres... La première est de M. l’abbé Courtin... voilà celle de madame... Comme il parait content !... — Interrogée par moi sur ce que faisait le jeune homme au moment même où nous étions, elle répondit : Je le vois bien écrire la lettre que je tiens, mais je ne peux plus le voir après.

«Voici, dans toute sa vérité, le résultat de la séance. Après avoir éveillé le sujet, j’ai lu tout haut la lettre devant elle ; elle en suivait la lecture avec autant d’intérêt que moi-même, et paraissait contente d’apprendre les diverses péri pitiés d’un voyage dont elle venait de nous raconter les détails un moment auparavant.

« Je me demande à présent si son âme ou bien son esprit (pas dans lé sens des spirites) voyageaient pendant le sommeil magnétique. Je ne résous pas la question , j’attends la solution si on peut me la donner, et je me borne à raconter les faits. Ce que j’affirme, c’est que ma somnambule était parfaitement isolée des personnes présentes, qu’elle n’était en rapport qu’avec moi seul, et que , comme je n’avais pas voulu prendre connaissance d’un seul mot de la lettre , il ne pouvait y avoir transmission ou soustraction de pensée de moi à elle ou d’elle à moi. Comment assistait-elle à ces épisodes d’un voyage de cinq mois; comment les retraçait-elle avec tant de précision, je n’en sais rien.

« Quel est, dans ces cas dont les annales du magnétisme sont si riches, le rôle de l’esprit, de l’àme et de la matière? Je l'ignore et serais désireux de sortir de mon ignorance, si la

chose est possible. Au besoin, je me résignerai ii admirer les effets et à méconnaître la cause jusqu’à ce qu'elle soit 1 ¿couverte.

« Si vous daignez, monsieur le baron, donner à ma communication l’honneur de la publicité dans le Journal du Magnétisme, je pourrai vous citer de la même personne un autre fait de vision à distance qui n'a pas la rétrospectivilé de celui-ci, et qui est tout aussi extraordinaire et aussi bien attesté.

«Agréez, monsieur le baron, le nouvelle assurance de ma respectueuse amitié.

«A. Bacciie.'»

PROGRÈS DU MAGNÉTISME.

OE LA CONNAISSANCE I)E L’AME, PAR M. l’aRBÉ GRATRY.

Le magnétisme conquiert tous les jours de nouveaux accès dans les sciences connexes, et sur lesquelles en effet il est de nature à jeter de vives lumières. Lamennais a consacr^.un. chapitre, dansson Esquisse et une philosophie, à considérer certains faits extra-naturels et les problèmes qui s’y rattachent.

Il admet la communication réciproque des êtres les uns sur les autres, et la fascination dans un bon et un mauvais sens ; la vision sans l’intermédiaire de l’organe externe ne lui paraît pas impossible ; et, s’il n’accepte pas lès faits de prévision, il ne les repousse pas non plus. M. l’abbé Gaupert, professeur de philosophie au grand séminaire de Versailles, a traité du magnétisme avec beaucoup d’érudition, ainsi que l'a appris M. de Malherbe aux lecteurs de ce journal (1). Voic'^mainte-

(I) 1855, p. 12G. Le Journal a donné, en outre, un c\Irait considérable do l’ouvrage de l'abbé Cauporl, sous le litre : Progrès du magnétisait. Voir le». 40. 25 août 1838, p. 420, et Ion.41, 10septembre 1858, p. 4*9.

nant H. l'abbé Gratry, prêtre de l’Oratoire, qui, sans se prononcer d’une manière formelle sur la réalité de tous les phénomènes, sans prononcer même le mot magnétisme, décrit cependant fort bien certains effets, et notamment ceux d’une concentration du fluide dans le cerveau, état dans lequel l’âme se contemplerait elle-même et abstraction faite du corps.

Le plan desnouveaux essais d’anthropologie par Maine de Biran sert de début à l'auteur. Les faits de la vie comportent, selon ce philosophe, trois divisions : ceux de la vie animale, ceux de la vie propre à l'homme, ceux de la vie spirituelle. La mort du juste est la grande porte d’entrée dans la vie spirituelle; mais on peut commencer à mourir dès ici-bas ; tout le monde subit même cette transformation morale, prélude de la mort : un très-grand nombre sans en avoir une claire aperception. Or, cette recherche continue de l’idéal, cette soif inextinguible d’amour ne sont que des aspirations mal définies à la vie spirituelle.

Nous pourrions, croyons-nous, et sans trop nous écarter du cadre de ce journal, suivre pas à pas l’auteur, dans l’étude des trois puissances de l’âme, et surtout dans le chapitre intéressant de l'âme comparée nu corps. Mais, voulant citer un long passage sur une sorte d’état préliminaire de l’extase, que l’auteur lui-même a éprouvé, nous devons être sobre. Voici ce passage :

« L’âme, par son corps, sent le monde extérieur, et puis aussi son propre corps. La physiologie montre les filets mr-veux qui atteignent le monde du dehors ; elle montre aussi ces autres filets nerveux, qui plongent dans la profondeur des entrailles et font sentir les états généraux de la vie corporelle.

« De même, dans sa vie propre non corporelle, l’âme ne sent pas seulement ce qui n’est pas elle, mais elle se sent surtout elle-même. Elle se sent, elle se voit, elle se veut et elle s’aime :%lle s’applique à elle-même les trois paissances, sentir, connaître, vouloir. — Mais ne parlons ici que du sens.

« L'âme se sent. Elle sent très-vaguement toute cette immensité qu’elle est. Elle sent cette possibilité, dont parle

Bossuet, d’être rendue conforme à tout. Elle sent cette prodigieuse essence, pleine de germes, dont Thomassin parle ainsi : « Germes d’idées mêlés à notre essence, à la propre substance de l'âme, de l’âme qui, à sa manière, est toute chose, qui n’a besoin que de se déployer, d’analyser les fibres qui la composent, pour connaître tous les intelligibles.

Elle sent ce fond et ce centre d’elle-même par lequel elle touche Dieu d’un tact secret et incorporel. Mais ceci rentre déjà dans le sens divin dont nous parlerons ci-dessous.

« Que dire de ce sens obscur, ineffable, par lequel l'âme se sent, sinon qu’il est principe de connaissance et de volonté, et que, s’il est oblitéré ou étouffé dans l’âme, par le tumulte, la pétulance, la grossièreté violente du sens physique, l’âme est privée de sa racine propre ? La vie de l’âme dans l’âme ne se déployera pas.

ii A plus forte raison le sens divin ne pourra vivre dans une âme presque privée du sens intime : la vie de l'âme en Dieu ne se déployera pas.

« Tout serait dit peut-être sur le sens intime, pris à part, s’il n’était nécessaire d’ajouter deux points fort importants, peu connus, et dont ne parlent pas d’ordinaire ceux qui étudient l’âme.

« Ceux qui étudient l’âme scientifiquement sont, la plupart, dans ce préjugé cartésien que ce qui n’est pas l’idée claire n’est rien. Ils oublient ce qu’a dit Sénèque : « La raison n’est pas toute en lumière : sa partie la plus riche est obscure et cachée. » — Ils ignorent ce que dit Leibnitz, « qu’il y a dans l’âme comme dans le corps, des choses dont l’âme ne s’aperçoit pas. » — Ils ignorent ce que dit Bossuet, ; qu entre nos idées claires et distinctes, il y en a de confuses et de générales qui ne laissent pas de renfermer des vérités si essentielles qu’on renverserait tout en les niant. » — Ils n’admettent pas ce mot de Joubert : « Les idées claires servent à parler ; mais c’est toujours par quelques idées confuses que nous agissons. Ce sont elles qui mènent la vie. # — Us admettent cette erreur capitale : « L’âme a conscience de tout ce

quelle fait, elle connaît quelle le fait et le rapporte à elle-même. »

« Or, précisément sa première puissance, le sens pris à part, distinct et de la connaissance et de la volonté, est obscur, implicite et confus : il n'est qu’instinct et lueur vague, au lieu de pensée claire et d'acte libre. Et comme il est de beaucoup la plus vaste région de l’âme, il s’ensuit que le préjugé cartésien rend impossible la psychologie, en excluant tous les faits de l’âme qui ne sont pas des connaissances claires ou des actes de liberté, et qui sont justement la racine et la source de tout le reste.

« Or, voici un fait psychologique qui n’est ni pensée claire, ni acte libre, et qui nous paraît être, par excellence, le fait de sens intime pleinement éveillé et saisi dans son énergie la plus haute et la plus étendue.

« Ce fait, nous l’avons observé en nous-même un grand nombre de fois. Nous sommes certain que beaucoup d’autres âmes l’ont observé. Mais nous ne l’avons jamais rencontré bien décrit. Cependant nous ne pouvons douter qu’une étude attentive des écrivains mystiques ne nous fournisse abondamment les mêmes observations.

(i Voici le fait. Il nous est arrivé quelquefois, ne fût-ce que pour une heure, de sortir du tumulte des distractions et des passions qui nous accablent tous presque toujours. 11 nous est arrivé de reprendre, pour un instant, possession de notre âme-. Et c’est alors que nous l’avons sentie, i .

n Mais qu’avons nous senti? qu’avons-nous éprouvé? Nous dirons tout, même ce qu’a vu notre imagination. L’imagination n’est-elle pas en effet une de nos facultés légitimes ? Pourquoi donc la fait-on synonyme d’erreur ou d’illusion ? Pourquoi donc la nommer la Folle du logis? La raison, je vous prie, est-elle moins folle dans ses égarements ? Mais à sa place, la noble et poétique puissance est saine, utile : elle est donnée de Dieu, comme la raison et la liberté. Donc, soit par le sens intime tout empirique, soit par la poésie du sens intime, voiéi ce que nous avons cm sentir :

« Dans ces moments lucides, de délicate sensibilité intérieure, nous avons cru sentir en nous la vraie forme de l’âme, le plan vivant, à la fois idéal et réel de notre âme dans sa beauté et son intégrité.

« Voilà ce que nous avons cru sentir. Mais, en réalité, indépendamment de notre croyance sur ce point, qu'avons-nous éprouvé? Quels sont les faits d’expérience interne? Les voici :

« En contraste avec la turbulence obscure, la tristesse inquiète, ki dispersion et l’affaiblissement de la vie ordinaire, noire âme et notre corps paraissaient transparents, lumineux, pleins de force et de sérénité, de recueillement et de paix. Je sentais comme une force intérieure, portant mon corps, une forme pleine de force , pleine de beauté et pleine de joie. Je voyais par l’imagination, non pas factice , mais vraie , une forme de lumière et de feu, me portant tout entier : forme stable, toujours la même, souvent retrouvée dans ma vie, oubliée dans les intervalles, et toujours reconnue avec transport et avec cette exclamation : « Ah ! voilà « l’état vrai ! »

« Cette forme refait le corps, et tant qu’elle se maintient, elle en gouverne la tenue , le mouvement et toute la vie , et semble vouloir le rendre plus léger, plus souple, plus droit, plus haut. Elle semble en vouloir resserrer l’unité, en réveiller les forces dormantes, en pénétrer les points obscurs, rapprocher les fonctions trop longtemps isolées, dissiper les langueurs, dévorer ou dissoudre les gennes des maladies. Cette forme change l’expression de la face, le timbre de la voix, la nature du regard. Elle fait sentir avec une puissante énergie, dans l’âme et dans le corps, la différence entre ce qui doit être eteequi est. C’est alors que l'on comprend cette plainte: « Nous sommes, par notre faute, un mauvais style sur une pensée divine : la belle chose que Dieu dit, nous l’écrivons bien mal : notre réalité ne s’adapte pas bien à notre beauté idéale. » — Mais, lorsque la belle forme intérieure est éveillée, elle repousse avec la plus délicate chasteté toute émotion mauvaise et passionnée. Le moindre mouvement de colère ou

d'orgueil, de sensualité, d'abattement ou de tristesse, l'altère et la ternit et la met en souffrance sensible, continue et insupportable ; et cela pour des heures et quelquefois des jours, jusqu’à ce que les suites de l’émotion soient comme absorbées par la vie, purifiées par le feu. Que si l’homme se livre au péché et s’il accepte l’état faux , l'état d’orgueil et de colère, de tristesse et de sensualité, aussitôt la belle forme est détruite; elle disparaît et l'on en perd jusqu’au souvenir. On n’y croit plus.

u Que de fois l'ai-je sentie porter mon corps, réveiller, raffermir, ranimer tout ! Et puis, je l'ai perdue !

« Mais il ne s’agissait pas seulement de mon corps. Tout cela, au contraire, était surtout spirituel, moral, intelligible. C’était dans l’âme le retour de la force et du courage, de l’espérance et de la paix dans la confiance. Le fond obscur et implicite des entrailles de l'âme sentait et semblait dire ceci : Mon idéal se peut réaliser : le voici vivre en moi pour un instant! Tout ce que j'aime et pense et veux, tout mon bel avenir, le développement de toutes mes facultés, mon vrai but et mon souverain bien, tout cela est et m’attend, et me touche, et me porte, et me forme et me vivifie. 0 mon âme , restons donc ici, nous y sommes bien !

« Tels sont les faits , le3 sentiments, les impressions que l’âme éprouve. Et voici, quant à nous, ce que nous pensons de ces faits.

« Selon nous, cet ensemble de sentiments constitue l'état vrai de l’homme : état très-rare pour nous, qui parlons ici, et rare aussi, nous le croyons, pour la plupart des hommes. Les retours de ce sentiment intérieur constituent, au milieu de la turbulence ordinaire et de la folie habituelle de la vie, les intervalles lucides. Ce sont les heures de relation vivante et vraie entre notre vie telle qu’elle est sur la terre, et notre vie telle qu’elle est dans l’idéal qui est en Dieu. L’éternelle idée que Dieu même a de nous, et qui est Dieu, s’imprime par moments avec plus de force dans cette réalité finie et défectueuse que nous sommes. Notre âme, comme ressaisie par Dieu, reprend, pour un temps du moins, sa forme, sa

ressemblance à Dieu, sa force et son domaine. Elle rentre en possession d’elle-même et ressaisit le corps et le reforme pour un instant à son image.

« Mais qu’est-ce que cette forme et cet état, au point de vue théologique ? Je l’ignore. Est-ce un état purement naturel, et l’âme reprend-elle naturellement par intervalles sa véritable forme, comme les orbites des corps célestes, au milieu de leurs variations continuelles, reviennent par intervalles marqués à la circonférence parfaite ? ou bien est-ce un effort de la grâce actuelle, par laquelle Dieu, qui ne cesse de verser son soleil sur les méchants comme sur les bons, cherche à reprendre l’âme, en lui faisant sentir sa loi, sa vie, son idéal et sa beauté? ou bien serait-ce l’état de grâce senti par l’âme? ou bien encore le phénomène intérieur se reproduit-il à différents degrés, tantôt naturellement et tantôt sur-naturellement, tantôt par la grâce actuelle qui existe et qui passe, tantôt par la grâce qui demeure et sanctifie ? Je l’ignore pleinement.

« Cependant il estbien à croire que, dans tous les états humains possibles, Dieu fait sentir à l’âme, de temps en temps et avec plus ou moins de force, sa beauté idéale et sa vraie forme. C’est pour cela qu’il donne à presque tous les enfants la beauté, naturelle et surnaturelle, et dans leur âme et dans leur corps, miroir de l’âme. Les enfants, dans leur innocence, sentent ce bien presque habituellement dans leur corps, et, par le sens intime, dans leur âme. De là vient leur naïf bonheur et leur joie presque continuelle, et leur plénitude d'espérance. Nous qui avons perdu l'innocence, nous ne le sentons plus que dans certains moments heureux d'innocence réparée. C’est alors que tout l'intérieur est rempli de paix, de joie et d'harmonie, et que la poitrine veut chanter. (huit.)

« L’âge des premières passions flétrit cette forme d’âme dans la plupart des hommes. La beauté intérieure s’efface ; celle du dehors ne se soutient pas. Le corps peut-être se maintient à peu près par la solidité, la régularité du monde physique ; mais si la forme idéale intérieure n’y est point, c’est

comme une beauté vide et fausse. Si la beauté vivante de l’âme subsiste, quelle que soit la forme physique, il y a dans tout l'homme grâce ot attrait. Si les deux se rencontrent. c:est la suprême beauté possible sur la terre.

« Quoi qu’il en soit, cet état d’âme est l’état vrai : cet état seul, plus ou moins senti, est la source des grandes pensées, des idées ayant source et vie dans notre âme, et des vigoureux actes de liberté dans la lumière et dans le bien.

« Voici le second point fort important encore et peu connu, qu’il nous faut indiquer dans cette étude du sens intime : c’est que l’âme, par le sens intime, sent en elle-même les autres âmes.

« L’âme doit sentir autrui comme soi-même pour pouvoir, en développant ce sens dans la lumière et dans la liberté, pratiquer la grande loi : aimer son prochain comme soi-même.

« D’ordinaire, ceux qui analysent l’âme parlent bien peu de ce sens d’autrui : on ignore même des faits que l’expérience pourrait constater chaque jour. Mais qui a l'expérience interne? qui observe et connaît son âme? Quand donc introduirons-nous, dans la science de l’âme, l'observation expérimentale et ses conditions nécessaires?

« Comment ne sait-on pas encore que nous pouvons sentir, et sentons en effet, les mouvements des autres âmes ?

« Ce sens d’autrui tient an sens intime. C’est en etret par le même sens que nous devons sentir, nous et les nôtres, notre âme et l’âme de nos semblables.

« Les chrétiens qui prient le savent bien , lorsque, dans la charité fraternelle , ils s’envoient des prières et des bénédictions d’un bout du monde à l’autre. Dieu les transmet. L’âme les ressent. Là est peut-être le fondement naturel de cette grande chose surnaturelle que l'Eglise catholique nomme la communion des suints. « C’est en Dieu, c’est en ce centre, dit Fénelon, que se touchent les hommes de la Chine et ceux du Pérou. » — Déjkla science est obligée de reconnaître la transmission des mouvements d’une âme à l'autre, surtout dans les grandes crises morales, comme à l’heure de la mort et parti-

culièrement entre les âmes unies par l’amitié, l'amour, les liens du sang. Il y a là des réalités historiques expérimentales qu'il n'est plus possible de nier (1). Les mouvements de toutes les âmes retentissent dans chaque âme. Les mouvements quotidiens ordinaires s’v neutralisent par leur diversité et multiplicité, et l’habitude les rend très-peu sensibles.

«Mais certains grands mouvements passionnés d'une niasse d'hommes emportent parfois l’individu comme un grain de poussière dans un tourbillon. D'autres fois, de fortes émotions d’une âme amie et proche, proche par l’amour, non par le lieu , viennent retentir dans une autre âme, de manière à ce que l’impression soit sentie, et occupe de son influence l’homme entier jusqu’à faire connaître à l’esprit sa cause et son point de départ. Les innombrables et continuelles variations que chacun sent en soi, ces étranges et brusques passages sans cause connue, de la joie et de l’enthousiasme à la tristesse et à la prostration, et les affaiblissements dans la bassesse de la sensualité et les résurrections subites, et les retours vers la lumière, tous ces mouvemenls, plus rapides que le temps, ne viennent pas seulement de notre liberté, ni seulement de l’influence des corps, des aliments, des heures du jour ; ils viennent encore et des influences de Dieu dans l’âme et de l’influence actuelle des autres âmes et des autres esprits. »

Après ce passage si admirable et par le fond et par la forme, nous nous attendions à voir M. l’abbé Gratry revenir sur ce sujet, sur le chapitre de la volonté, et traiter des effets de la volonté d’un homme sur l’autre, du mode et des conditions de sa transmission, etc., etc., questions d’ordinaire

(1) « S'il est possible, ce que nous ne devons pas examiner ici, de provoquer une sensation chez un homme, en fixant avec force notre pensée sur lui, il se pourrait aussi qu'en pensant avec exaltation à un ami éloigné, un mourant fit naître en celui-ci uno illusion des sens, un fantôme, un bruit imaginaire. Les cas de ce genre qu'on ne saurait expliquer et dont Wieland, rapporte un exemple, ne sont pas rares; il s’en est présenté entre autres dans ma famille. Je sais que bien des fables sont mêlées il ces faits, mais les rejeter tous, ce serait renoncer à toute foi historique. » (Bur-dach,-Physiologie, t. i«r. § 653.

abandonnées au seul magnétisme, mais qui auront un jour leur placa dans tous les traités de philosophie, ('.es matières ne l’occupent pas ; il traite plus spécialement des rapports de la liberté avec la prescience divine, et s’aidant, comme il le fait souvent et presque toujours avec bonheur, du langage géométrique, il pose que ce sont des quantités incommensurables, solution, ce nous semble, un peu obscure.

Nous regrettons de ne pouvoir citer de belles pages, p. 135 et suiv. du chapitre de la transformation, où l’auteur expose les effets des passions grossières, la gourmandise et la volupté, d’autres 193, et suiv., où il développe les effets de la chasteté, et où il se rencontre avec Honoré de Balzac. Cette doctrine n’est pas autre vraisemblablement après tout, que celle de l’Eglise catholique sur le célibat des prêtres.

La partie la plus hardie de ce livre remarquable dans toutes ses parties est la dernière intitulée. Le Livre de l'immortalité. En voici le sens décoloré, faute de pouvoir reproduire autant que nous le voudrions dans ce résumé les belles et poétiques expressions de l’auteur. Ainsi, les lignes qui finissent sont précédées d’un hymne magnifique sur le but de la création, qui est de réunir dans une seule vie toutes les personnes créées qui aimeront. « Retenons seulement et gardons en nos cœurs avec respect cette belle démonstration de 1 immortalité, démonstration absolument certaine pour qui sait voir, et surtout pour qui sait aimer : « Je veux aimer toujours ceux que j’aime. Donc ils vivront et je vivrai. » —Cette démonstration-là ne s’oublie pas. Elle est certaine, si Dieu existe, et si la création n’est pas une ironie. Pourquoi cela? Parce que le Dieu d’amour n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. »

Mais nous ne voyons ici-bas que la forme transitoire de la maison de Dieu. Il y a aussi, il y aura un lieu de la vie qui demeure, un lieu de l’immortalité. Or, l’Ecriture sainte, dont M. l’abbé Gratry a presque toujours soin d’étayer ses beaux développements, ¡’Écriture sainte a dit, « Dieu a fait du soleil son tabernacle.« Ainsi, aujourd'hui, le soleil estl'i-

mage d’un séjour éternel ; c'est, là probablement qu’habitent les justes. Mais cc soleil mourra et s'éteindra. 11 est ce que saint Pierre appelle le ciel qui est maintenant, en attendant le ciel nouveau qui surviendra. Et Jésus a dit : « Le ciel et la terre passeront, les forces du ciel seront ébranlées, et les étoiles tomberont du ciel. » — Plus tard, de savants astronomes ont parlé clans le môme sens, Leibnitz entre autres, qui a dit : « Ce monde sera détruit et réparé dans le temps que le demande le gouvernement des Esprits. » Or, la science moderne a constaté des groupes d’étoiles, de soleils rassemblés par millions tournant autour d’un centre, plus étincelant et vers lequel ils convergent pour s’absorber et ne faire qu’un. Notre système solaire doit de même se réunir à 1 unité, selon Herschell. Ainsi, tous les groupes d'étoiles seront ramenés au centre commun de l'univers, dès lors repos complet dans un cercle immobile ; le monde corporel sera rentré dans l’éternité. Aujourd’hui nous vivons en dehors des corps; alors nous vivrons en dedans; plus de séparation entre Dieu et les âmes; plus de lutte entre l’esprit et la matière.

Après ces vues hardies, et comme si l’auteur en était lui-même effrayé, il a hâte de chercher un appui dans les Ecritures saintes, ou dans les Pères de l’Eglise, et il cite notamment un fort beau passage de saint Thomas, qui s’adapte en effet fort bien à ces conjectures.

Deux chapitres sur Xautomne et Xhiver de la vie viennent ensuite. 11 semble qu’avant de finir, l’auteur ait voulu y rassembler tous les trésors d’une âme qui déborde : Féne-lon n’a rien de plus tendre, de plus élevé. C’est un baume consolant qui vous pénètre malgré vous ; de telles lectures faites à un certain âge ne s’oublient jamais. On pourrait même pousser plus loin cette ressemblance entre Fénelon et M. l’abbé Gratry, car lui aussi a son Egerie, sa M,ae Guyon, mais moins dangereuse que celle-ci et hors des atteintes de tout nouveau Bossuet; c’est sainte Thérèse qu’il nomme lui-même saBéatrix. Si la sainte était évoquée, elle pourrait certainement l’appeler à son tour et sans trop d’exagération de

langage, son Dante ; car tout philosophe qu'il est, ei sans jamais cesser d'être philosophe, il. Gratry est plein de cette pensée mystique, qui a sa source dans le recueillement intérieur et la contemplation des œuvres divines.

L. Lamothe.

SPIRITUALISME.

TÉLÉGRAPHIE SPIRITUALITE.

On lit dans le Progrès international de Bruxelles (n° du 13 février) :

i Le câble transatlantique, devenu imperméable au fluide galvanique, le sera-t-il au fluide spiritiste? Voilà ce qu’on saura bientôt si la Compagnie permet d’en faire l’épreuve, sollicitée pari’ex-grand-juge Edmonds, chef de la secte des spiritistes, le sénateur Talmage , et par un certain nombre de croyants fanatiques du Spiritual Telegruph, qui semblent tellement convaincus du succès, qu’ils parlent déjà de reprendre cette affaire à la Compagnie. Mais la Compagnie les traite de visionnaires et ne veut pas même leur accorder la satisfaction de faire un essai qui doit ou les couvrir de confusion, ou mettre au jour une immense découverte. Voici cj que proposent les spiritistes : Placer deux de leurs meilleurs médiums aux deux extrémités du câble qu'ils tiendront en main. Les dépêches mentales formulées par l’un seront perçues et dictées par l’autre, à ce qu’ils affirment, pour l’avoir essayé avec succès, disent-ils, entre New-York. et Washington , entre Philadelphie et Boston. On ne sait pas encore si ces dépêches pourront franchir l'Océan , voilà pourquoi ils sollicitent une épreuve qu'on leur refuse. C’est vraiment incroyable. Est-ce que l'intérêt, qui est toujours un coquin,

aurait peur de nuire aux capitaux engagés dans les lignes télégraphiques ? «

La llernc spiritualiste de Paris, après avoir reproduit cet article, exprime énergiquement son indignation contre le mauvais vouloir de la Compagnie , et, à ce sujet, rappelle avec amertume le sort des martyrs de la science , de Salomon de Causs, de Fulton et de tant d'autres, parmi lesquels la pensée de l’écrivain place sans doute Socrate buvant la ciguë, Jésus crucifié et Galilée torturé par l’inquisition. Ces lamentations nous semblent un peu déplacées : il ne s’agit aujourd’hui de martyriser personne; les ?piritistes,niême dansle pays où la liberté est restreinte, ont tonte latitude pour prêcher leur doctrine et pour se livrer à leurs expériences de tout genre.Ils ne peuvent crier àl’oppression,parce qu'unparticu-lier ou une compagnie aura refusé d’accepter leur ministère. C’est là une conséquence du régime de liberté. Ceux qui croient posséder des secrets merveilleux, et dont les propositions sont refusées, en seront quittes pour s’adresser à d’autres , et si la recette est vraiment bonne, nul doute que le public ne finisse par l’accueillir et que l’intérêt privé ne discerne ce qui peut lui être profitable.

Quant à l’offre des spiritistes américains, elle nous semble en contradiction formelle avec leurs théories. Quand on les prie d’exhiber quelques-uns de ces brillants phénomènes, dont les relations se lisent tous les jours dans leurs écrits, ils ont l’habitude de répondre que ces faits sont de leur nature variables, incertains et ne peuvent être reproduits à volonté, qu’ils dépendent des Esprits , c’est-à-dire d’être intelligents et libres dont l’homme ne peut disposer à son gré. C’est là le motif allégué par plusieurs docteurs de cette école, pour refuser d’accepter les épreuves des concours ou de paraître devant les commissions d’examen ; ils ajoutent aussi que l’incrédulité des spectateurs suffît pour faire tout manquer. Si tout cela est vrai, comment peut-on s’engager d’avance à avoir à chaque instant le concours des Esprits pour communiquer par le moyen du câble? Comment les spiritistes braveront-ils l’examen des commissions qui seraient chargées

d'observer les essais, commissions où se trouveraient probablement bon nombre d’incrédules dont les mauvaises dispositions suffiraient pour paralyser tout?... Nous laissons aux spiritistes le soin de débrouiller ces contradictions.

Nous nous permettrons de leur faire remarquer que, d’après leurs théories, ils n’ont nul besoin de câble, puisque ce sont les Esprits qui établissent la communication mentale entre les médiums, et que, pour ces èlres supérieurs, la distance n’est rien. Les spiritistes ont donc beau jeu contre la Compagnie : qu’ils la laissent se morfondre à réparer laborieusement les avaries de son câble , et que , sans aucun appareil, ils établissent des bureaux de correspondance instantanée entre l’Europe et l’Amérique. S’ils jouissent réellement des facultés qu'ils s’attribuent, le succès ne sera pas douteux, et la Compagnie sera cruellement punie de ses refus et de son incrédulité.

On assure que déjà les spiritistes ont réussi à communiquer entre des villes assez éloignées , mais en terre ferme. S'ils n’ont fait d’expériences qu’en petit comité et entre coreligionnaires, c’est insuffisant pour convaincre le public. S’ils veulent dissiper tous les doutes, qu’ils se mettent à la disposition de tout le monde en organisant des correspondances entre villes voisines et même entre quartiers éloignés d’une même ville. Alors un contrôle sérieux aura lieu, et l’on ne tardera pas à être en état d'apprécier leurs prétentions. Si elles sont fondées, nous leur prédisons hardiment, au lieu de la couronne de martyre qu’entrevoit la fievue,une pluie abondante de dollars, sans compter la glorification de leur doctrine. Quant à la question très-secondaire de savoir si l’interposition de l’eau de la mer est un obstacle à la transmission des pensées entre les esprits, c’est un point qu’il est facile de vérifier sans posséder un câble de quinze cents lieues : il suffit de joindre deux points de la côte par un fil immergé dans la mer : si les médiums réussissent dans ce cas et qu’ils aient absolument besoin d’un conducteur pour communiquer d’un rivage à l’autre, ils ne manqueront pas de commanditaires pour cette opération ; le succès appelle les capitaux.

Nous 11e pouvons rien préjuger sur la réalité des merveilles qu’on nous annonce. Toutcequcnoussavons, c’est que la lucidité des médiums (que la cause en soit humaine ou extra-humaine) est bien inférieure àcelledes somnambules qui, elle-même, estbien précaire et sujetteàbien deserreurs : il estdonc parfaitement certain que des médiums semblables à ceux que nousavonsété àmême d’observer seraient complètement incapables d’établir une communication, non-seulement entre deux personnes séparées par l'Atlantique, mais même entre deux personnes assises auprès l’une de l’autre et qui 11e manifesteraient leur pensée par aucune parole ni geste. Pour que M. Ed-monds et consorts aient osé faire l’étrange proposition que nous avons rapportée, il faut qu’ils aient tout récemment fait une découverte prodigieuse, en dehors de tout ce qu’avaient offert jusqu’ici les fastes du spiritualisme. Attendons, pour nous prononcer, qu’on nous ait montré quelques spécimens. Notre réserve devrait, ce semble, être partagée par les rédacteurs des Revues spiritualistes de Paris. Car nous affirmons qu’ils n’ont jamais vu de médium en état de lire à chaque instant et à coup sûr la pensée non exprimée d’une personne quelconque. Si nous nous trompons, que ces messieurs veuillent bien nous prouver notre erreur en nous montrant les sujets doués de cette faculté miraculeuse, et alors nous nous engageons à fonder en Fi ance une télégraphie mé-dianimique.

A. S. Mobin,

VARIÉTÉS.

Triliuunnx.

POLICE CORRECTIONNELLE DE LYON.

Présidence «le M. Verne de Bachelard.

Audience du Ü mars 1839.

I.E MAGNÉTISME DIAGNOSTICO-PATHOLOGIQUE. — EXERCICE ILLÉGAL OE I.A MÉDCINE. — CONTRAVENTION. — UNE CONDAMNATION ET UN ACQUITEMENT.

Le magnétisme est-il une science que l’homme n’a pas encore suffisamment étudiée, et à laquelle il doit consacrer son lemps et son intelligence? Doit-oii croire aux influences réciproques qui s’opèrent d’individu à individu d’après une certaine harmonie de rapports à laquelle concourent la volonté, l’imagination et la sensibilité physique?

Le sommeil magnétique rend-il lucides les personnes qui subissent ses elfe tse t leur donne-t-il des pouvoirs supérieurs? A ces questions, le monde savant a répondu jusqu’à ce jour par un sourire de dédain, mais la foule du public s’est divisée en deux camps, l'un qui croit aux mystérieuses influences du sommeil, l’autre qui, tour à tour, s’efforce d'en démontrer l’invraisemblance et d'en pénétrer les secrets. Parmi les premiers comme parmi les seconds, il y a des convictions empreintes d’une bonne foi si évidente que J’on ne peut s’empêcher de les écouter avant de les condamner. Leurs paroles et leurs discours sèment, sinon la persuasion, du moins le doute, et devant le doute la raison s’arrête avant de prononcer, elle veut être plus éclairée.

Un exemple de cette nature se présentait à l'audience de la police correctionnelle de Lyon, le S) mars, présent mois. Lue dame A... était prévenue d’exercice illégal de la méde-

fine pour ;i\ -¡r donné de,? consultations, durant son sumiiit'il magnétique, a des malades, et avoir perçu un salaire.

A côté d’elle, et comme son complice, le ministère public plaçait le docteur X... La dame A..., interrogée par M. le président, répondait qu’elle n’était qu’un sujet lucide dont se servait le docteur X... pour découvrir les douleurs des malades qui le consultaient. Dans mon sommeil extatique, disait-elle, j’aperçois dans l’intérieur du corps du malade les organes qui souffrent, j’en fais la description fidèle, et le docteur, certain de la nature du mal, prescrit avec certitude des médicaments efficaces...

Le docteur X... a demandé au tribunal la permission d’exposer sa doctrine. 11 a vu des choses si extraordinaires accomplies par les personnes magnétisées, que le doute de son esprit s’est transformé en une croyance, Il a étudié le somnambulisme avec soin et ardeur, et il est arrivé à cette conviction profonde qu’il y a des personnes qui ont le don heureux , le pouvoir merveilleux d’être lucides dans l’état de somnolence magnétique.

Des expériences innombrables ont été faites sur toutes sortes de sujets et de questions, et le résultat a toujours été confirmatif. Sous l’impression des faits toujours plus forts que tous les raisonnements de la logique, il s’est décidé à employer une somnambule pour diagnostiquer les maladies; il se sert d’elle comme on se sert d’un livre, d’une bibliothèque, comme on se sert d’une sonde et des autres instruments de chirrurgie;,il l’interroge comme on interroge

Hippocrate et Gallien....., mais avec cette différence que les

réponses de la somnambule sont toujours sûres et que celles des princes de l'art médical ne sont que générales, vagues et incertaines.

A l’occasion de la complicité, une question de droit qui a un grand intérêt pratique, a été soulevée par la défense.

L’exercice illégal de la médecine par la dame A..., sans usurpation du titre d’officier de santé ou de docteur, constitue-t-il un délit ou une contravention ? S’il ne constitue qu’une contravention, le docteur X... ne peut pas être pour-

suivi comme complice, parce que le Code pénal ne reconnaît pas de complicité en matière de contravention.

Le tribunal, après avoir entendu M. Janson, substitut de M. le procureur impérial, M' Rougier, avocat, pour les médecins de Lyon, partie civile; M* Peironny pour la dame A..., M'Joly pour le docteur X..., a rendu, après en avoir délibéré en la chambre du conseil, le jugement suivant :

« Le tribunal,

« Attendu qu’il est constant que depuis moins de trois an-« nées un certain nombre de personnnes se sont adressées à „ la dame A..., et ont reçu chez elle, moyennant un salaire « delOfr. par consultation, des ordonnances signées par X...

« qui a le titre de docteur en médecine ;

« Qu'il s’agitderechercherles circonstances dans lesquelles « ces ordonnances ont été délivrées ;

« Attendu qu’aux termes de l'art. 35 de la loi de ventôse « an xi, nul ne pouvant pratiquer l'art de guérirs’il n'est mé-„ de,;,,! ou officier de santé , le tribunal doit examiner, d’a-« près les faits de la cause, si ces ordonnances sont l’œuvre « unique et directe de la femme A..., qui, comme le prétend « la prévention, ne se ferait assister du docteur X... que « pour obtenir une signature donnée sans aucun contrôle, et « pour se mettre ainsi à l’abri des poursuites, ou bien si elles « sont l'œuvre du docteur X..., qui, comme le prétend la dé-« fense, se servirait du sommeil magnétique de la femme « A... pour avoir d’une manière plus certaine le diagnostic « des maladies soumises à son examen, puis ordonnerait lui-« même les prescriptions médicales d’après les règles de « l’art ;

« Attendu que, pour faire cette distinction, le tribunal doit « puiser les éléments de sa conviction dans l’instruction et « les débats de l’audience, et examiner par conséquent les dé -« positions des témoins qui ont été entendus ;

« 1° Attendu quant à la veuve Polo, que, s’étant présentée « chez la femme A..., cette dernière avait été endormie par „ Son mari auquel elle avait dicté une ordonnance qui avait « été soumise à la signature de X... qui se trouvait dans une

«autre pièce de l'appartement; que X... ne l’avait pas « même vue et que par conséquent il n’avait exercé ni con-« trôle ni examen ;

« 2° Attendu que Pin a affirmé à l'audience que l'ordon-« nance qui lui a été délivrée a été dictée d’un bout à l'autre n à X... qui l’a écrite et signée sans faire la moindre obser-« vation et sans se donner la peine de contrôler le diagnostic « porté par la somnambule, ni même le plus ou moins d’op-« portunité des remèdes ordonnés ;

« Attendu que la daine Hautemanière a reçu deux consul-« tâtions de la dame A..., une pour son propre compte, il y a « quelques années, en l’absence de X..., qui n’a pu dès lors v apposerait bas de l’ordonnance qu’une signature de com-« plaisance; une seconde plus récente pour le compte de la « dame Bordet, de Villefranche ; que cette dernière consulta-« tion a été rendue sur le vu d'une mèche de cheveux ; que « c’est en touchant cet objet que la somnambule a prononcé « sur la maladie et a indiqué ses prescriptions; que X..., qui « était présent et a signé l’ordonnance, n’a pu, en l’absence de « la malade, se livrer à aucun examen, à aucun contrôle ; que,

« dès lors, dans cette circonstance comme dans les autres, « il n’a pas agi comme médecin, mais s’est borné à remplir « aveuglément le rôle d’un complaisant salarié.

« Attendu dès lors que le tribunal a la preuve que c'est la « femme A... seule qui s’est livrée à la pratique de la rnéde-« cine et qu’elle ne peut se mettre à l'abri derrière une signature de médecin donnée dans les circonstances qui vien-nent d'être établies et ne présentent aucune garantie ; que « par conséquent elle a commis une infraction aux disposi-« tions de l’art. 35 de la loi de ventôse an xi ; »

En ce qui concerne X... :

« Attendu qu’il est constant qu'oubliant le respect qu’il « doit au titre qu’il porte, il a aidé et assisté la femme A... « en signant sans contrôle ni vérification des ordonnances « qu'il n’avait pas rendues ; qu’il s'agit d’examiner si ces faits u constituent une complicité légale ;

« Attendu qu’aux termes des art. 59 et 60 du Code pénal,

«il ne peut y avoir complicité qu’autant qu’il y a délit, et « qu’il s’agit d’examiner si l’exercice illégal de la médecine «sans usurpation de titres constitue un délit ou une simple « contravention ;

« Attendu qu’il est vrai que le texte de la loi de ventôse « qualifie cette infraction de délit, mais que cette loi est an-« térieureau Code pénal qui, dans son art. 1er, édicté d’une « manière générale que la contravention est l’infraction que « les lois punissent de peines de simple police ;

« Attendu, enfin, que la jurisprudence de la Gourde cassa-« sation, ainsi que celle des cours impériales, qui a longtemps « varié sur ce point, parait être fixée par l’arrét du 30 avril « 1858, rendu, toutes chambres réunies, par lequel la Cour « suprême range l’infraction objet du procès dans la classe (( des contraventions ;

« Attendu, en conséquence, que les faits établis contre X... « constituent de sa part l’oubli le plus completdes devoirs de « sa profession et un abandon regrettable de la dignité que i le titre honorable de docteur en médecine devait lui faire « conserver, mais qu’aux termes de la loi ils ne constituent « pas une complicité punissable;

« Par ces motifs,

«Dit que les faits imputés à X... ne constituent ni délit « ni contravention et le renvoie d’instance ;

«Déclare la femme A... convaincue d’avoir, depuis moins « de trois ans, exercé illégalement la médecine....; la con-« damne à 15 fr. d’amende, à 40 fr. de dommages-intérêts « envers la partie civile.....et aux dépens. »

Avis aux Abonnés.

Nous prions les abonnés dont l'abonnement est expiré de vouloir bien nous faire savoir s'ils sont dans l’intention de continuer leur abonnement. Leur silence sera considéré comme un refus.

Baron du POTET, propriélaire-géranl.

P*rii, — Imprimerie île Pommmu et Mortu?, â2, rnc Vavin.

JURY MAGNÉTIQUE.

Nous donnons avis aux magnétistes que, dans le banquet du 2:3 mai, anniversaire de la naissance de Mesmer, les médailles accordées par le jury sont toujours distribuées; il est donc important que les magnétistes qui croient avoir îles droits ii la médaille, signalent promptement les œuvres sur lesquelles ils s’appuient i; car passé le 10 mai il sera trop tard pour cettd année.

Nous rappelons également nu monde magnétique que la fêté do 23 mai réclame son concours ; et que tout mémoire, tout chan , toute pièce devers, en laveur du puissant génie qui découvrit ie magnétisme, doivent être remis quelques jours avant le banquet au président du jury. Nous espéi'0113 que cette solennité ne le cédera en rien aux fêtes déjii passées, car nous touchons au nioment du triomphe. Les allopathes viennent d’avoir leur banquet, les ho-mceopathes ont eu le leur ; il n’est pus .jusqu'au docteur noir qui n’ait été fêté : la vérité magnétique, qui.jetty, i«ie si vive lumière sur les erreurs qui rassemblent tant de grands hommes, doit l’emporter, sinon par le nombre, du moins par l’amour et la reconnaissance des amis dévoués1 de l’humanité.

Baron Do Potet.

PROGRÈS DU MAGNÉTISME.

L'ESPRIT HUMAIN ET SES FACULTÉS, ou Psychologie ettpirimenialV~ par M. l'abbé Baltain.

FBAGMENT SUR I.E SOUNAMBTLISME.

Tandis que MM. les professeurs de l’Université déversent le dédain ou gardent le silence sur le magnétisme dans leurs traités de philosophie, les ecclésiastiques, n’hésitent pas à lui accorder uue mention, quelquefois même à entrer dans Tous XVIII. — N» 5«. — 2* Série. — 25 Avril 1850. 8

des développements. Après M. de Lamennais, après M. l'abbé Gratry, voici M. l’abbé Bautain, professeur à la Sorbonne. Non-seulement il a vu et compris les faits magnétiques, non-seulement il les expose sans fausse réticence, mais il a observé des faits très-curieux : s’il se borne à les raconter aujourd’hui, il promet d’y revenir en les commentant dans la Psychologie transcendante qu’il prépare.

Nous sommes d’autant plus heureux d’avoir à reproduire l’extrait suivant, que le savant professeur se montre d’accord avec nous en reconnaissant la justesse, dans certains cas, des pressentiments qui se manifestent dans le sommeil. Nous ne comptions pas sur un aussi grave témoignage.

Lorsqu'il parle des effets de l’ivresse, de la passion, de l’enthousiasme, il ne dit pas, il est vrai, formellement, comme nous l’avons fait, qu’une partie de l’esprit a déserté le corps, mais ne pourrait-on pas donner ce sens à ses expressions sans les détourner de leur signification?

Enfin, la personne dont il parle qui, dans les états de crise, semble transformée en une autre personne, nous parait victime d'une possession par un esprit inférieur. La magnétiser avec un vif désir de la soulager, l’exorciser avec bienveillance (c’est la même chose), serait vraisemblablement le meilleur mode de traitement et le moyen d’arriver à la guérison rapide.

La longueur des passages que nous allons transcrire nous oblige à nous borner aujourd’hui à ces courtes réflexions ; peut-être, dans un second article, suivrons-nous l’auteur dans certains passages sur l'âme, et examinerons-nous si les observations magnétiques ne pourraient pas apporter leur contingent de lumière.

« Il y a deux phases dans la vie de l’âme suivant les mondes avec lesquels elle communique. Dans l’état que nous appelons naturel, parce que c’est celui où nous nous trouvons le plus souvent (et c’est pourquoi il paraît au sens commun J’-état normal), l’âme est en relation avec le monde physique par ses sens, par la lumière et tous les agents physiques ; avec se3 semblables et la société, par le langage et par sa raison.

Ici elle a pleine connaissance d’elle-même, et elle peut se rendre compte par la réflexion de ce qu’elle éprouve, de ce qu’elle fait, ("est le côté clair de la vie actuelle. Mais il y a une partie obscure, qui n’est plus éclairée par la lumière des sens, ni par celle de la conscience, et cependant l’âme n'y est pas moins vivante. Elle vit peut-être alors avec plus d'intensité que dans l’état réputé norrrtal, bien que le monde et les êtres avec lesquels elle est en relation ne soient point perceptibles à ses sens extérieurs et qu'elle ne puisse plus se réfléchir. Ainsi dans le sommeil profond la conscience disparaît et nous vivons sans connaître ce qui se passe en nouf, ou n’en ayant qu’une connaissance vague et confuse, comme de quelque chose qui nous serait étranger, comme d’un non-moi. Dans la plupart de nos rêves, nous nous voyons en objectivité, et nous avons si peu la conscience du moi, ou du moins elle est si faible, qu’au réveil nous doutons si c’est bien nous, et il nous faut toujours un certain effort de réflexion pour rentrer dans la conscience de nous-mêmes. Que devient l’âme dans cet état mystérieux ? Avec quel monde, avec quels êtres est-elle en communication ? Elle est évidemment soumise à des influences extérieures, puisqu’elle sent, conçoit, imagine, pense, parle, désire et veut, comme les rêves le prouvent. D'où viennent les songes, qu’il ne faut pas confondre avec les rêves, et dans les songes les bonnes et les mauvaises inspirations, les visions, les avertissements, les lumières qui sont quelquefois transmises à l’âme et qui se rapportent à sa position dans l’état de veille? Ces faits, qui ne peuvent être niés comme faits, quelle que soit l’explication qu’on en donne, montrent que notre âme peut entrer en commerce avec un autre inonde que celui des sens, monde surnaturel, extra -naturel, ou sous-naturel, comme on voudra l’appeler, qui par son action produit en elle des états et excite des actes dont la conscience lui échappe, et qu’ainsi elle ne peut saisir et analyser par la réflexion.

« Il en est de même de ces états sublimes de l’intelligence où l’homme, éclairé par une lumière supérieure, aperçoit des vérités et conçoit des idées qui surpassent sa raison comme

scs sens. Le génie scientifique qui contemple la vérité, le génie de l'artiste transporté p u- la vue do 1 idéal, sorteut de l’état permanent naturel ou ordinaire de 1 humanité; ils sont emportés au delà-de la sphère du sens commun. C'est pourquoi ils passent souvent pour n’avoir pas le bon sens et quelquefois le vulgaire les accuse de folie.

« Le caractère de, cet état est aussi la suspension plus ou moins complète de la conscience, x>t l’impuissance de la réflexion, au moins pendant le temps de la contemplation ou de l’inspiration. 11 y a une espèce de transport, de ravissement qui enlève l’homme à lui- même pour l'unir momentanément à quelque chose de supérieur, et l’identifier pour ainsi dire avec ce qui le domine. Aussi, dans ces moments, ne sait-il jamais bien ce qu’il veut faire ni ce qu’il fait. Tout plein de l’influence qui le pénètre, il n’est point maître de fui.. La vie est tout absorbée par ce qu’il sent, par ce qu’il voit ; et quand il parvient à en exprimer quelque chose,, c’est comme une force plus forte que lui, qui se fait jour à travers les organes ot qui les meut souvent presque sans sa volonté ; tel un instrument qui se prête à la main qui le touche et ne rend des sons que par son impulsion. De là, ce qui nous paraît fortuit, capricieux, bizarre, dans ^inspiration du génie ; c’est un vent qui souffle sans qu'on sache foù il vient ni où il va. Il faut le suivre avec foi, s’abandonner à son entraînement; il s’échappe quand on veut îô saisir, et rien ne lui est plus contraire que la réflexion. Où esi l'âme dans ces instants ? Avec quel monde, avec quels êtres est-elle en rapport ? Questions qui ne sont pas delà compétence de ïa psychologie expérimentale, puisqu’elles se rapportent à des états où l’observation de soi-même devient impossible ou au moins très-difficile.

(c II en est de même de l’état où l’âme peut entrer par la prière, c’est-à-dire par l’élévation de son désir, de sa volonté, de son amour -vers Dieu. La religion est ce qui nous lie ou nous relie à Dieu, notre principe et notre fin ; tout en elle doit tendVe à cê but, et ainsi, il n’y a de vie vraiment reli-gieüâe' dans une âme qu’autant qu’elle entre en rapport avec

Dieu. Or, le rapport, bien que les sens et la raison y contribuent pour leur part, ne s'établit cependant foncièrement que par l'acte le plus pur de l'intelligence, comme dans la contemplation et plus souvent encore par le cœur, par l’âme même, comme dans l'amour divin. Que la prière soit contemplative ou affective, quand elle est vive, profonde, elle présente toujours ce caractère qu'elle enlève l’homme àlui-môms, le transporte, suspend la réflexion et même la conscience; et plus l’esprit propre se perd, plus l’homme s’oublie et cesse de se voir, plus aussi il se rapproche de Dieu, plus son rapport avec Dieu devient simple et profond, plus la vie de l’âme est intense. Dans cette manière d’être de l’âme, il se passe des choses qui sont plus du ciel que de la terre, comme le prouve la vie des saints. C’est à la psychologie transcendante qu’il appartient de considérer ce côté surnaturel de l’existence humaine.

« Enfin, il y a des états singuliers où les phénomènes psychologiques les plus extraordinaires se produisent, et qui ainsi méritent l’attention des philosophes autant que celle du médecin. Ou les a appelés du nom général de somnambulisme, expression inexacte ou au moins superficielle, puisqu’elles ue désignent qu’un caractère extérieur de la situation. Dans celte manière d’être, la partie spirituelle de l’homme semble plus dégagée du corps, exaltée au-dessus des organes dont elle dépend moins ; elle«xerce ses facultés, accomplit ses fonctions sans leur secours, et parait plus indépendante des conditions de l’espace et du temps. Ainsi, des son .naipbules voient à de grandes distances et à travers des milieux opaques; ils aperçoivent dans l’intérieur du corps les causes des maladies, indiqueut les remèdes convenables et la place où ils se trouvent ; ils pénètrent les pensées les plus secrètes de leurs semblables ; ils semblent quelquefois converser avec des êtres d’un autre monde, etc. Ici plus encore que dans les états précédents, la conscience est suspendue, et il n’y a aucun souvenir au réveil, ou quand l’esprit revient à lui-même. Comme dans le sommeil, ces personnes se voient objectivement, et de même que les enfants qui n’ont

pas encore la conscience du moi, elles parlent d elles a la troisième personne; quelquefois même elles se partagent en (leux, et aucune des deux n’est appelée je ou moi ; mais c'est l’âme qui voit l'autre et qui en parle. Voilà encore une face de la vie transcendante ou extra-naturelle de l'humanité. Dans tous les temps, chez tous les peuples. 011 rencontre des faits de ce genre. Les maladies où ils se produisent le plus fréquemment (car c'est toujours un état maladif causé par la rupture de l'équilibre entre l’âme et le corps), ces maladies étaient regardées par les anciens comme ayant quelque chose de sacré, de surnaturel, morbus saccr, et de nos jours encore chez certains peuples, ceux qui en sont affectés passent dans les familles pour des êtres privilégiés, portant bonheur à tout ce qui les entoure, comme si par eux il y avait une communication plus particulière avec un monde supérieur.

« Qu’on rapproche de cette considération ce que l’histoire nous rapporte des religions de l’antiquité, des superstitions païennes, de leurs mystères, de leurs initiations, des oracles, des augures, de la divination, des sibylles, de la fureur religieuse, de l’enthousiasme qui saisissait les prêtres et les prêtresses et les poussait à se déchirer, à s’entre-tuer, à verser le sang, etc., et on verra dans ces faits autant de preuves de cet état dont nous parlons, qui s’est manifesté de diverses manières dans tous les temps, et que la psychologie doit chercher à expliquer parla méthode transcendante, puisqu’il échappe à la conscience et à la réflexion de ceux qui l’éprouvent. »

« Si le moi se pose par la réflexion, il se dépose quand elle Cesse, et la conscience s’affaiblit ou se perd, à mesure que l’esprit devient incapable de se replier sur lui ; alors, comme l’exprime très-bien le langage vulgaire, 011 perd la présence d’esprit et on reste sans connaissance. On ne connaît donc et soi et les choses en soi qu’autant que l’esprit se représente à lui-même, en se réfléchissant lui et ce qui l’affecte. Dès qu il se perd de vue et ne se saisit plus en objectivité, il se dédouble pour ainsi dire; il sent, mais il ne réfléchit pas. La conscience

du moi défaille et avec elle la pensée et la volonté propre. Nous l'éprouvons tous les jours, quand le sommeil nous gagne. Le premier signe intérieur que nous nous endormons, c’est que nous ne savons plus ce que nous faisons, ce que nous disons, ce que nous lisons, ce que nous pensons, ce que nous voulons. Le moi est enlevé à lui-même ; aucune fonction intellectuelle ne peut plus s’accomplir ; le sentiment de la personnalité disparaît pour un temps, et quand le réveil arrive, le premier acte du moi est de se reposer par la réflexion, de se reprendre, pour ainsi dire, en ramenant son regard sur lui ; et alors, avec l’aide de la mémoire qui lui garantit son identité, des sens et de l’imagination qui le replacent dans les circonstances de sa vie de tous les jours, la conscience se rétablit, la personne se retrouve, et sa pensée et son activité rentrent dans leur cours habituel.

Il en est de même dans cet état analogue au sommeil qu’on appelle la rêverie, parce qu’on y rêve tout éveillé. L’esprit qui commence ordinairement par penser à quelque chose qui l’intéresse dans sa disposition présente, se laisse entraîner peu à peu par 1111 courant d’images analogues à la passion, au sentiment qui le préoccupe. Doucement ballotté, bercé en quelque sorte par les vagues de l’imagination, comme par une mer mollement agitée, il se laisse porter par le flot, il va et vient sans mêler son activité à la force extérieure qui le pousse. La réflexion s’affaiblit insensiblement ; il perd conscience de lui-même, et la fin la plus ordinaire de ces situations romanesques, c’est le sommeil. L’évanouissement, la syncope, les faiblesses, la léthargie, les accès d’épilepsie, de catalepsie, etc., produisent à peu près le même résultat. Il y a momentanément impuissance de la réflexion et la perte de la connaissance s’ensuit. En sortant de ces états, on revient à soi, on reprend ses esprits, comme on dit communément et avec beaucoup de justesse ; car l’esprit se reprend en effet et redevient présent à lui-même.

« L’état singulier qu’on appelle somnambulisme, qu’il arrive naturellement ou qu’il soit provoqué par des moyens artificiels, présente souvent, surtout lorsqu’il va jusqu’à la

clairvoyance, une étrange perturbation (le la conscience du moi. La réflexion n’eat point suspendue ; elle est au contraire doublée, et il en résulte deux consciences et par conséquent deux moi qui se voient objectivement et parlent l’un de l'autre, comme s’ils étaient deux personnes distinctes et séparées, l’une dans l’état ordinaire et l’autre dans la crise. Dans ce dernier état, le sujet se nomme toujours à la troisième personne, comme l’enfant qui n’a point encore la conscience du moi. Au sortir de la crise, qui dure quelquefois des mois entiers, au moment môme de son réveil, le souvenir de ce qui s’est passé en lui et autour de lui pendant sa maladie lui est ôté, et recommençant à vivre dans son ancienne conscience, sans se douter en aucune manière du temps qui s’est écoulé, il se reporte spontanément au point où il ep est resté, quand il est entré en crise, et se replace par la mémoire dans les circonstances où il se touvait à l'instant de son départ. Nous connaissons une personne très-naïve et très-pieuse, qui tombe naturellement dans uu tel état, quand elle est vivement affectée par une cause morale. Alors elle perd soudainement la connaissance d’elle-même, telle qu’elle est dans la veille, et elle entre dans une autre forme d’existence, où, comme les clairvoyants, elle voit quelquefois les yeux fermés, bt une lettre cachetée, aperçoitee qui se passe à distance, entend ce qui se dit au loin et autres phénomènes de ce genre. Elle se voit double, comme si elle était deux personnes, et désigne chacune de ces personnes par un nom différent ; celle de veille, elle la nomme l'autre, et celle de la crise, elle la nomme elle. Elle regarde Vautre comme supérieure à elle., parlant de l’autre avec un certain respect, et d’elle avec mépris ou indifférence, comme si elle était peu de chose. Elle se rappelle plus ou moins confusément ce que l’autre a fait, mais l’autre, quand elle est revenue, n’a absolument aucun souvenir de ce qu’e//e a fait ou éprouvé tout le temps de la crise; du reste parlant toujours d’elle et de l’autre comme d’un tiers, et mettant tous les verbes à la troisième personne, en sorte que le mot je ou moi ne sort jamais de sa bouche.. Puis, quand la crise est passée, elle se reproduit quelquefois, particulière-

ment flans le sommeil où cette personne se voit double, vivai t il la fois dans elle et dans Y autre. Nous citons ces faits, parce que nous les avons vus et sans chercher à les expliquer poulie moment. Nous y reviendrons dans la Psychologie transcendante.

« Toutes les fois que, par une cause oa par une autre, l’esprit est enlevé à lui-même et ne peut plusse regarder et se maîtriser, il perd la conscience du moi. L’ivresse produit cet effet. Par l’excès des boissons fermentées, les esprits animaux s’accumulent nu cerveau avec le sang, au point que le cerveau est troublé dans ses fonctions, et ne peut servir d’instrument à l'intelligence et à la volonté. 11 y a dans cet état incapacité de réfléchir, de penser, de vouloir ; et, tant qu’il dure, 1 homme est abandonné à l'impulsion des instincts de la brute, aux penchants les plus grossiers et aux influences qui y correspondent. 11 se dégrade en se dépouillant du caractère de la personnalité humaine, de la conscience et de l’activité du moi.

« Le même effet peut être amené jusqu’à un certain point, et sans qu’il y ait de sa faute, ou au moins sans que sa volonté y ait pris part immédiatement, comme dans le transport de la fièvre et dans l’esprit de délire qui accompagne souvent l’inflammation du cerveau. L’organe surexcité ne peut, plus être gouverné par l’esprit. II l’entraîne au contraire dans son mouvement désordonné, l'empêche de revenir sur lui-même et le fait divaguer. La réflexion devient impossible, le moi ne peut se poser, et ainsi il n'y a plus ni conscience, ni pensée, ni action suivie, ni souvenir.

« L’homme peut encore perdre la conscience du moi, ou être jeté hors de soi, comme on dit, par la passion. Dans un accès de colère, par exemple, il ne sait plus ce qu’il dit ni ce qu il fait, il n’entend rien, ne voit rien que ce qui le possède, et il peut être entraîné, presque sans le vouloir, aux plus grandes violences, aux actions les plus horribles. Il est alors sous une véritable possession. Quelque chose est entré en lui qui l'enflamme, l'agitele pousse, comme le vent fait tournoyer la poussière, et il est tellement sous le joug de la

puissance du mal, qu'il ne peut se maîtriser tant que dure l'accès. 11 en est ainsi de toute passion violente, quand elle va jusqu'au transport. Elle nous enlève la conscience du moi et l’empire sur nous-mêmes, et c'est ce qui rend les passions si dangereuses. Elles produisent jusqu'à un certain point les mêmes effets que l'ivresse, que la fièvre ; elles rendent incapable de bien voir, de réfléchir, de penser; elles enflamment le cerveau, exaltent l’imagination, jettent dans le dél re ; elles rendent fou. Il n’y a point de passion qui ne puisse aller jusqu’au fanatisme, c’est-à-dire jusqu’à se faire un dieu de son objet, pour lui dévouer sa vie, son âme, tout son amour à la place de Dieu qui seul a droit (1).

« L’état de l’âme qu’on appelle enthousiasme lui ôte momentanément la conscience du moi; l’inspiration, de quelque genre qu’elle soit, poétique, morale ou religieuse, enlève l'esprit de l’homme, le ravit, le transporte. Aussi, le premier effet de l’inspiration, c’est l’impossibilité de réfléchir, de penser, c’est la suspension de la conscience et du moi. La muse, le génie de l’artiste, le Dieu quiVen empare est une puissance plus forte que lui, et il est presque sous sa main comme un instrument qui rend des sons. C'est ce que les anciens appelaient la fureur poétique. L’inspiration morale a quelque chose de saisissant, qui entraîne soudainement la volonté, la pousse à agir avant toute réflexion. Ainsi s’exécutent le plus souvent les grandes actions, les actes de dévouement et d’héroïsme. La vue du beau et surtout de la. beauté morale, l’admiration qu’il peut exciter, produisent quelquefois le même transport. Une piété vive, ardente, pleine de foi et d’amour peut aussi donner de ces ravissements quand, par l’élan de la prière, l’âme se dégage de ses liens inférieurs pour s’unir à Dieu, et il n’y parvient qu’en se perdant de vue, en cessant de se réfléchir, en laissant tomber

(1) On peut citer, comme preuve à l'appui, M01* Sand élevant duos ta jeunesso des autels hCorambé, divinité de son imagination.(Voir Histoire de ma vie, lom. VI, 1850.) El quel esprit porté vers l'idéal n’a pas eu» n'a pas toujours son Corambé, fantôme qui «'évanouit, comme Euridyce, lorsqu’on croit le saisir et qui n'est pas en effet de co monde.

son esprit propre, pour s’offrir à la lumière divine comme un vase pur et vide, et attirer l’esprit de Dieu qui se donne A ceux qui se dépouillent du leur ou se font pauvres cC esprit. La vie religieuse la plus profonde, celle qu’on appelle vie intérieure, repose sur ce fait.

« Enfin, toutes les fois qu’une influence pénètre jusque dans son fond et y excite un sentiment vif de joie ou de douleur, l’âme absorbée par ce qu’elle éprouve, devient momentanément incapable de réagir. Elle est comme fixée, enfoncée en elle par la puissance qui l'accable. Elle est perdue dans la douleur ou dans la joie : elle nage pour ainsi dire dans un océan d’amertume ou de bonheur. Dans cet état, elle ne peut ni penser, ni parler, ni agir, elle n'a point l’esprit présent ; elle vit dans un rêve. Elle n’a pas la force de réfléchir ce qui se passe en elle, et par conséquent elle n’a point la conscience de sa personnalité, et ne peut l’exprimer en aucune manière. Il lui faut un certain temps pour se calmer, pour revenir à elle, pour reprendre ses esprits et retrouver avec la réflexion d’elle-même et la conscience de son moi, la puissance de penser ce qu’elle a senti, d’exprimer ce qu’elle pense, et de jeter au dehors ce torrent de douleur ou de joie qui l’a inondée. Alors seulement vient l’abondance des larmes, des paroles, des gestes et de tous les moyens d’expression. »

L. Lamothe.

DU SPIRITUALISME.

Lorsque la vérité magnétique a été jetée en pâture aux bêtes du Cirque académique, on ne s’attendait point sans doute à la voir survivre et se répandre dans le monde. Sortira-t-il de cette vérité une religion, une philosophie nouvelle ? l’art certain, tant recherché, de guérir les maladies? C’est le secret

du temps. Ce que nous savons seulement, c’est que le magnétisme esl, a été, et sera toujours la science sacerdotale, science ignorée aujourd’hui de nos docteurs. Le magnétisme laisse entrevoir les véritables lois morales, et il donnera le moyen de les établir.

En publiant les réflexions de Y Univers sur le spiritualisme moderne, nous ne prétendons point que ce journal soit exempt d’erreur dans le jugement qu’il en porte, nous voulons seulement constater le progrès (pie le magnétisme fait chez les hommes qui nous furent d’abord le plus opposés.

B°° DU PoTET.

UNE RELIGION NOUVELLE A PARIS.

« Tout le monde connaît le spiritualisme de M. Cousin, cette philosophie destinée à prendre doucement la place delà religion. Aujourd’hui nous possédons sous le même titre un corps de doctrines révélées, qui va se complétant peu à peu, et un culte fort simple, il est vrai, mais d’une efficacité merveilleuse, puisqu’il mettrait les dévots en communication réelle, sensible et presque permanente avec le monde surnaturel.

« Ce culte a des assemblées périodiques, qui s’ouvrent par l’invocation d’un saint canonisé. Après avoir constaté la présence au milieu des fidèles de saint Louis, roi de France, on le supplie d’interdire aux malins esprits l'entrée du temple, et on lit le procès-verbal de la séance précédente. Puis, sur l’invitation du président, un medium monte au bureau près du secrétaire chargé d'écrire les demandes fiâtes par l’un des fidèles et les réponses qui seront dictées au medium par l’esprit invoqué. L’assemblée assiste gravement, pieusement, à cette scène de nécromancie quelquefois très-longue, et quand l’ordre du jour est épuisé, on se retire plus persuadé que jamais de la vérité du spiritualisme. Chaque fidèle, dans l’intervalle qui s’écoule jusqu’à la réunion suivante, ne néglige point d'entretenir un commerce assidu, mais privé, avec ceux des esprits qui'!ui sont ou le plus accessibles ou le plus chers.

Les médiums abondent, et il n’y a guère de secret dans l’autre vie que les mediitm ne finissent par pénétrer. Ces secrets une fois révélés aux fidèles, ne sont pas dérobés au public. La Revue npiritualisie, qui parait régulièrement tous les mois, ne refuse aucun abonnement profane, et le premier venu peut acheter les livres qui contiennent le texte révélé avec son commentaire authentique.

« On serait porté à croire qu’une religion qui consiste uniquement dans l’évocation des morts, est fort hostile à l’Eglise catholique, qui n’a jamais cessé d'interdire la pratique de la nécromancie. Mais ces sentiments étroits, tout naturels qu’ils paraissent, n’en sont pas moins étrangers, assure-t-on, au cœur des spiritualistes. Ils rendent volontiers justice à l'E-vangile et à son Auteur; ils avouent que Jésus a vécu, agi, parlé, souffert comme nos quatre Evangélistes le racontent. La doctrine évangélique est vraie ; mais cette révélation dont Jésus fut l’organe, loin d’exclure tout progrès, a besoin d'être complétée. C’est le spiritualisme qui donnera à l’Evangile la saine interprétation qui lui manque et le complément qu'il attend depuis dix-huit siècles. .

« Mais aussi, qui assignera des limites au. progrès du christianisme enseigné, interprété, développé tel qu’il l’est par des âmes dégagées de là matière, étrangères aux passions terrestres, à nos préjugés et aux intérêts humains? L’infini lui-même se découvre à nous ; or, l’infini n’a pas de bornes, et tout nous fait espérer que la révélation de l’infini sera continuée sans interruption ; à mesure que s’écouleront les siècles, on verra les révélations ajoutées aux révélations, sans épuiser jamais ces mystères dont l’étendue et la profondeur semblent grandir à mesure qu'ils se dégagent de l’obscurité qui les avait enveloppés jusqu’ici.

D’où cette conséquence que le spiritualisme est une religion,, puisqu’il nous met intimement en relation avec l’infini et qu’il absorbe , en l’élargissant, le christianisme, qui, de toutes les formes religieuses présentes ou passées, est, comme on l’avoue sans peine, la plu9 élevée, la. plus pure et lapius parfaite. Mais agrandir le christianisme est une tâche difficile,

qui ne peut être accomplie sans renverser les barrières derrière lesquelles il se tient retranché. Les rationalistes ne respectent aucunes barrières ; moins ardents ou mieux avisés, les spiritualistes n’en trouvent que deux dont l’abaissement paraisse indispensable, savoir, l’autorité de l’Eglise catholique, et le dogme de l’éternité des peines.

« Cette vie est-elle l’unique épreuve qu’il soit donné îi l’homme de traverser? L’arbre demeure-t-il éternellement du côté où il est tombé? L’état de l’âme, après la mort, est-il définitif, irrévocable et éternel? Non, répond la nécromancie spiritualiste. A la mort, rien ne finit, tout recommence. La mort est pour chacun de nous le point de départ d’une incarnation nouvelle, d’une nouvelle vie et d'une nouvelle épreuve.

«Dieu, selon le panthéisme allemand, n’est pas l’être, mais le devenir éternel. Quoi qu’il en soit de Dieu, l'homme, d’après les spiritualistes parisiens, n’a pas d’autre destinée que le devenir progressif ou rétrogressif, selon ses mérites et selon ses œuvres. La loi morale et religieuse a une sanction véritable dans les autres vies, où les bons sont récompensés et les méchants punis, mais durant une période plus ou moins longue d’années ou de siècles, et non pendant l’éternité.

« Le spiritualisme serait-il la forme mystique de l’erreur dont M. Jean Reynaud est le théologien ? Peut-être. Est-il permis d’aller plus loin et de dire qu’entre M. Reynaud et les nouveaux sectaires il existe un lien plus étroit que celui de la communauté de doctrines ? Peut-être encore. Mais cette question, faute de renseignements certains, ne sera pas tranchée ici d’une manière décisive.

« Ce qui importe beaucoup plus que la parenté ou les alliances hérétiques de M. Jean Reynaud, c'est la confusion d’idées dont le progrès du spiritualisme est le signe ; c’est l’ignorance en matière de religion, qui rend possible tant d’extravagance ; c’est la légèreté avec laquelle des hommes, d’ailleurs estimables, accueillent ces révélations de l’autre monde qui n’ont aucun mérite, pas même celui de la nouveauté.

a II n’est pas nécessaire de remonter jusqu’à Pythagorc et aux prêtres de l’Egypte pour découvrir les origines du spiritualisme contemporain. On les trouvera en feuilletant les procès-verbaux du magnétisme animal.

« Dès le xvui' siècle, la nécromancie jouait un grand rôle dans les pratiques du magnétisme ; et plusieurs années avant qu’il fût question d’esprits frappeurs en Amérique, certains magnétiseurs français obtenaient, disaient-ils , de la bouche des morts ou des démons, la confirmation des doctrines condamnées par l’Eglise, et notamment celle des erreurs d’Ori-gène touchant la conversion future des mauvais anges et des réprouvés.

« Il faut dire aussi que le médium spiritualiste dans l’exercice de ses fonctions diffère peu du sujet sous la main du magnétiseur, et que le cercle embrassé par les révélations du premier ne dépasse pas non plus celui qui borne la vue du second.

« Les renseignements que la curiosité obtient dans les affaires privées, au moyen de la nécromancie, n’apprennent, en général, rien de plus que ce qui était connu auparavant. La réponse du médium spiritualiste est obscure dans les points que nos recherches personnelles n’ont pu éclairer ; elle est nette et précise dans les choses qui nous sont bien connues; muette sur tout ce qui s’est dérobé à nos études et à nos efforts. Il semble, en un mot, que le médium à une vue magnétique de notre âme, mais qui ne découvre rien au-delà de ce qu’il y trouve écrit. Mais cette explication, qui paraît bien simple, est pourtant sujette à de graves difficultés. Elle suppose, en efTet, qu’une âme peut naturellement lire au fond d’une autre âme sâns le secours des signes et indépendamment de la volonté de celui qui deviendrait pour le premier venu un livre ouvert et très-lisible. Or les anges, bons ou mauvais, ne possèdent naturellement ce privilège ni par rapport à nous, ni dans les relations directes qu’ils ont entre eux. Dieu seul pénètre immédiatement les esprits et scrute jusqu’au fond des cœurs le plus obstinément fermés à sa lumière.

« Si les faits spiritualistes les plus étranges qu’ou rapporte sont authentiques, il faudrait donc, pour les expliquer, recourir à d’autres principes. On oublie trop que ces faits se rapportent en général à un objet qui préoccupe fortement le cœur ou l'intelligence, qui a provoqué de longues recherches, et dont on a souvent parlé en dehors de la consultation spiritualiste. Dans ces conditions, qu’il ne faut pas perdre de vue, une certaine connaissance des choses qui nous intéressent ne dépassera nullement les limites naturelles de la puissance des esprits.

« Quoi qu’il en soit, il n’y a pas autre chose dans le spectacle qui nous est donné aujourd’hui, qu'une évolution du magnétisme qui s’efforce de devenir une religion.

« Sous la forme dogmatique et polémique que la religion nouvelle doit à R1. Jean Reyn&ud, elle a encouru la condamnation du Concile de Périgueux, dont la compétence, on s’en souvient, a été gravement niée par le coupable.

« Dans la forme mystique qu’elle prend aujourd’hui, à Paris, elle mérite d’étre étudiée au moins comme un signe des temps où nous vivons. Le spiritualisme a enrôlé déjà un certain nombre d’hommes parmi lesquels plusieurs sont honorablement connus dans le monde. Ce pouvoir de séduction qu’il exerce, le progrès lent, mais non interrompu, qui lui est attribué par des témoins dignes de foi, les prétentions qu’il affiche, les problèmes qu’il pose, le mal qu’il peut faire aux âmes, voilà sans doute assez de motifs réunis pour attirer de ce côté l'attention des catholiques. Gardons-nous d'attribuer à la nouvelle secte plus d’importance qu’elle n’en a réellement. Mais pour éviter l’exagération qui grossit tout, ne tombons pas non plus dans la manie de nier et d’amoindrir toutes choses. No/ite omni spiritu credere, sedprobate spiritu si ex Deo sim : Qmniam mutli pseudoprophetœ exienmt in mun-dum. (I Joan. iv. 1.)

« L’abbé François Chesnel. » (Univers religieux, mercredi, 13 avril 1869.)

ROBERT HOUDIN.

Robert Houdin peut être regardé comme le prince des escamoteurs, le maître île son art ; il jouit d’une vogue immense, il’une popularité hors ligne : ce n’est pas seulement un très-habile escamoteur, doué d'une adresse prodigieuse, d’une imagination féconde, toujours prête à créer de nouveaux tours ; il est de plus excellent mécanicien , savant physicien ; il a su appliquer à la prestidigitation les découvertes de la science, et a tiré notamment un très-lièureux parti de l’électricité et du magnétisme terrestre. Plusieurs de ses travaux se rattachent au magnétisme animal et à diverses branches des sciences occultes. C’est à ce titre que nous croyons utile d’en entretenir nos lecteurs.

Parmi les choses étonnantes que produisent le magnétisme et la lucidité, parmi les prodiges attribués au spiritualisme, il en est beaucoup qui, tout en excitant l’admiration, peuvent, au moins chez certains esprits, laisser des doutes sur la capture de la cause : le spectateur se dfemande s’il s’agit réellement d’effets dus à de nouvelles facultés, à des lois naturelles jusqu’ici inconnues ou môme à un pouvoir surnaturel, à des êtres supérieurs à l’humanité, ou bien s’il n'a devant lui que des faiseurs de tours un peu plus adroits que les autres. Il est certain que quand un fait est de nature à être simulé, il est par cela seul au moins suspect, et l’on devra y voir un exercice d’adresse , plutôt que de faire intervenir sans nécessité un pouvoir mystérieux. Mais dans beaucoup de cas, il est assez difficile d’appliquer cette règle, vu qu’on ne peut fixer avec certitude les limites de l’art de l’escamotage. Néanmoins il est des faits qui, aux yeux de tout homme judicieux, dépassent évidemment la puissance du faiseur de tours, et pour lesquels il y a bien nécessité de chercher une autre explication. On doit segarder, en cette matière, etd’unecrédulité niaise, et > d’uneincrédulité systématique qui conduirait au pyrrhonisme.

M. Robert Houdin pourra nous aider à nous maintenir dans la ligne du bon sens.

11 y a quelques années, il inventa ce qu’il appelait la double vue. Les spectateurs lui remettaient successivement toutes sortes d’objets, montres, tabatières, bijoux, pièces de monnaie , etc. : un enfant, ayant la vue bandée, et se tenant à l’autre extrémité de la salle, donnait à commandement la description exacte, minutieuse, de ces objets, et cela sans hésiter ni commettre jamais la moindre erreur. On était émerveillé; les magnètistes s’empressèrent d’attribuer ces résultats à une lucidité semblable à celle des somnambules, mais qu’il fallait néanmoins reconnaître comme infiniment supérieure, puisque les meilleurs somnambules se trompent au moins une fois sur deux. Quelle devait donc être la prodigieuse pénétration de cet enfant dont la clairvoyance n é-tait jamais en défaut?... Bientôt Houdin eut des rivaux ; ses confrères en escamotage, à force de l'observer, finirent par découvrir son secret, et dans toutes les foires on vit une foule de saltimbanques joindre à leurs jeux acrobatiques 1 exercice de la double vue. La lucidité était-elle donc devenue épidémique, et l'humanité allait-elle conquérir le don général de voir h travers les corps opaques?... Non, quelques gens du métier publièrent le secret magique qui consiste tout simplement dans une certaine combinaison de mots au moyen de laquelle la manière de faire la question suffit pour dicter la réponse. On vit par là qu’on s’était beaucoup trop hâté de crier au miracle ; de ce qu’on n'avait pu, pendant un certain temps, trouver l’explication d’un fait, on avait eu tort d’en conclure qu’il était nécessairement d’ordre surnaturel. La leçon profita aux partisans éclairés du magnétisme qui se demandèrent si, dans beaucoup de cas, les somnambules qui étonnaient par leur lucidité, ne recouraient pas à quelque stratagème analogue à la seconde vue houdinique, et l’on adopta sagement cette règle de contrôle que les réponses des somnambules n’ont de valeur qu’autant que l’objet sur lequel on les questionne, est inconnu du magnétiseur et ne peut être connu d'aucun compère.

il ôtait important pour la cause du magnétisme d’avoir le suffrage d’un homme aussi expert que M. Robert Houdin eu stratagèmes de toute sorte : son initiation au somnambulisme est un événement dans l’histoire de la science. C’est M. de Mirville qui eut l’honneur de mettre le célèbre escamoteur en présence d’Alexis, du plus plus fameux des somnambules. Le fougueux démonomane raconte, dans son livre des Esprits, comment les choses se sont passées. Houdin, enchanté du succès de sa seconde vue, était persuadé que les somnambules ne sont que de mauvais escamoteurs ; il se faisait un jeu de reproduire leurs tours, mais en les embellissant par une adresse supérieure qui ne se démentait jamais. M. de Mirville entreprit de lui prouver qu’il était dans une erreur complète sur la nature des facultés somnambuiiques, et, poulie convaincre qu’il y avait des cas de lucidité qu’aucune espèce d'escamotage ne pouvait atteindre , il le conduisit chez Alexis. M. Houdin, avec lequel je me suis entretenu de cette visite, m’a confirmé le récit qu’en donne M. de Mirville , et m’a raconté en outre divers détails qui, j’en suis sûr, intéresseront nos lecteurs.

« On commença, me dit-il, par me proposer une partie d’écarté. J’avais apporté dans ma poche un jeu de cartes tout neuf, portant encore la bande de la régie , et auquel j’avais fait une marque pour prévenir toute substitution. Sur l’invitation de Marcillet, je bandai les yeux d’Alexis. Je collai sur la peau des bandes de taffetas , j’appliquai par-dessus des tampons d’ouate, puis deux mouchoirs superposés ; en un mot, en homme qui a l’habitude de bien des ruses et qui sait les déjouer, je puis affirmer que le sujet était incapable de faire usage de ses yeux. Ce fut moi qui le premier donnai les cartes.

« Dès que j’eus donné les premières cartes à Alexis, il en désigna une du doigt et sans la toucher, et me dit : — J'ai le roi.—Comment, lui dis-je, pouvez-vous savoir si vous avez le roi, puisque je n’ai pas encore retourné, ni même achevé de donner ? — C’est égal, me répondit-il, j’ai le roi. J’achevai de donner, puis je retournai le sept de carreau. Vous voyez

bien , dit alors Alexis, il retourne du carreau, et j’en ai le roi. (, était exact. Pendant toute la partie, bien que, par surcroît de précaution, je tinsse mes cartes cachées par la table, il désignait souvent, soit mes cartes, soit les siennes, sans les toucher et avant que je les eusse vues et sans jamais se tromper; il prenait ses cartes sans les retourner et ne faisait aucune erreur. J'étais abîmé, confondu; il’n’y avait pins là ni adresse ni escamotage. J’étais témoin de l’exercice d’une faculté supérieure, inconcevable, dont je n’avais pas la moindre idée et à laquelle j’aurais refusé de croire si les faits 113 se fussent pas passés sous mes yeux. J’étais tellement ému que la sueur me ruisselait sur le visage. Le succès de mon introducteur était complet.

« Alexis, prenant ensuite la main de ma femme, lui parla d’événements passés et notamment de la perte bien douloureuse d’un de nos enfants; toutes les circonstances étaient parfaitement exactes. Nous étions frappés de stupéfaction.

« 11 y avait avec nous un médecin fort incrédule, le docteur Cliomel, qui, voulant aussi s’éclairer par lui-même, présenta une petite boîte à Alexis. Celui-ci la palpa sans l’ouvrir, et dit : C’est une médaille ; elle vous a été donnée dans des circonstances bien singulières. Vous étiez alors un pauvre étudiant, vous demeuriez à Lyon dans une mansarde. 'Un ouvrier, auquel vous aviez rendu des services, trouva cette médaille dans, des décombres, pensa qu’elle pourrait vous être agréable, et grimpa vos six étages pour vous la donner... Tout cela était vrai. Certes , c’était là de ces choses qu’on ne peut deviner ni rencontrer par hasard. Le docteur partagea notre admiration.

« Quelques moi&après, je revins une seconde fois consulter Alexis. Je ne le trouvai pas aussi lucide que la première fois, il me dit beaucoup de choses vraies et quelques-unes fausses. Mais voici un trait dont je fus surtout frappé. Je lui présentai une lettre que je venais de recevoir et qui n’était pas encore décachetée ; .elle portait le timbre de Boulogne. U médit qu elle venait d’Angleterre, ce qui était vrai, et me donna une description assez exacte de l’auteur. 11 commit une légère

erreur en me disant qu’il ôtait libraire ; je le repris , et il me dit qu'il le voyait dans une chambre pleine de livres et semblable à un magasin de librairie, et tel était en effet l’aspect du cabinet de l'expéditeur. Puis il ajouta : Défiez-vous de cet homme, car il vous trahit. Je me récriai vivement et assurai à Alexis qu’il se trompait, que cet homme était mon meilleur ami, qu’il méritait toute ma confiance. Le somnambule persista dans son affirmation. Je me retirai persuadé qu’il avait mal vu. .Mais à trois mois de là, cet ami que j’avais cru si sûr et si dévoué, se trouva impliqué dans une honteuse affaire d’escroquerie, et j’acquis la certitude qu'il n’avait cessé de me trahir, qu’il avait soudoyé mes ouvriers pour surprendre mes secrets et en abuser. Alexis avait vu juste, et non-seulement il n’avait pas été influencé par mes sentiments, mais encore il avait lutté énergiquement contre mes contradictions en accusant l’auteur de la lettre. »

M. Houdin a rendu hommage à la vérité en signant une attestation de ce qui s’était passé dans la séance provoquée par M. de Mirville. Et pourtant, chose étonnante de la part d’un esprit aussi juste et aussi fin, il a borné là ses recherches et ne s’est plus occupé, m’a-t-il dit, du somnambulisme ni du magnétisme. Les magnifiques résultats qu’il a obtenus auraient dû lui inspirer le désir de pénétrer plus avapt dans l’étude de ces phénomènes extraordinaires. Il n’en est pas moins convaincu de la réalité de faits étonnants dans lequels l’escamotage ne peut jouer aucun rôle, et ce suffrage est d’une haute valeur.

Il y a quelques années, le gouvernement français chargea M. Houdin d’une mission en Algérie. Quoi ! une mission politique à un escamoteur ! Sans doute, et l’on verra que personne n’en était plus digne, et que les plus fins diplomates, les émules des Metternich et des Talleyrand auraient éclioué là où réussit glorieusement le faiseur de tours. On sait que plusieurs tribus indigènes, n’ayant subi qu'avec répugnance la domination française, se sont fréquemment révoltées à l’instigation de prétendus prophètes qui en imposaient aux naïfs enfants du désert par des miracles présentés comme

preuves de leur mission divine. Il s’agissait de faire voir à ces braves gens que leurs marabouts ne sont que des enfants à côté des sorciers français, et de les amener, ou à renoncer à la sorcellerie, ou à reconnaître la supériorité en ce genre des thaumaturges français, ce qui, en tout cas, devrait ruiner le crédit des prophètes africains. M. Houdin a publié, en deux volumes, le récit de ce voyage si singulier par le but ; il raconte d’une manière fort spirituelle et fort amusante comment il a ébloui, confondu les Arabes, au moyen de tours dont il confíeles ficelles au lecteur. Les spectateurs furent contraints d’avouer que cesprodiges surpassaient de beaucoup tout ce qu’ils connaissaient jusqu’alors, et ils regardèrent l’auteur comme un être surhumain. Il est donc permis de croire qu’ils attacheront à l’avenir bien moins d'importance aux exercices de leurs prophètes qui, sans doute, perdront leur influence et leurs moyens d’abuser et d’entraîner les masses ignorantes. Les intentions du gouvernement seront donc remplies, et si l’émissaire d'une nouvelle espèce ne rapporte pas de sa mission des croix et des rubans de toutes les couleurs, il aura du moins l’honneur d’avoir contribué à la pacification de notre belle colonie, et la reconnaissance publique lui sera acquise.

C’était peu pour M. Houdin d’avoir vaincu les sorciers africains , comme Moïse et Aaron vainquirent les magiciens de Pharaon, comme saint Pierre vainquit le diabolique Simon : il aurait jugé sa tâche imparfaitement accomplie s’il n’eût étudié à fond les miracles algériens, de manière à en dévoiler les trucs. C’est ce qu’il entreprit avec l’aide de M. le colonel Neveu qui le conduisit chez les Aïssaouas, secte au sein de laquelle certains fanatiques exécutent des choses fort étonnantes, dont nous avons donné la description dans ce journal (1). Ils font partie d'une espèce de congrégation où chacun a un rôle, et où se transmettent des secrets fort extraordinaires. Les uns se disent incombustibles et manient des barres de fer rouge, d’autres avalent des feuilles de cactus épineux; il y en a qui jouent avec des serpents, qui se »

(1) 1657, page 233.

font enfoncer des sabres dans le ventre, qui paraissent insensibles à la douleur, etc. M. Iloudin, après un mûr examen, a déclaré que tous ces exercices ne consistaient qu’en des tours d’adresse, il en a dévoilé les procédés et a cité des jongleurs de carrefour qui, en France , présentent les mêmes prodiges et font même des choses plus étonnantes. Ce jugement semblera bien sévère et dissipera bien des illusions qu’avait fait naître la relation deM. Neveu. Mais Al. Houdin, en expliquant comment et par quels artifices on peut imiter les tours des Aïssaouas, démontre qu’ils peuvent être produits par des causes purement naturelles, ce qui sufiit pour dispenser de recourir à une explication d’ordre surnaturel : au surplus, dit-il, il est un moyen facile de s’assurer si mes explications sont justes; les thaumaturges se disent invulnérables, eb bien, que le premier venu leur passe sa baïonnette au travers du corps ; s ils sont incombustibles, qu'un des spectateurs leur applique sur une partie du corps un fer rouge , et ainsi de suite. Certes, s ils jouissaient de facultés surhumaines, non-seulement ils accepteraient de pareilles épreuves, mais encore ils les provoqueraient, afin de bien constater qu’il n’y a chez eux aucune ruse. Alais ils se gardent bien de procéder ainsi ; les spectateurs doivent se tenir passifs et silencieux , et ne peuvent intervenir en aucune façon ; les sectaires se réservent toutes les manipulations, ils n’opèrent qu’à leur manière, et ils ont cela de commun avec les faiseurs de tours. Leur mode de procéder rend donc au moins très-vraisemblable l’explication de M. Houdin , et comme on peut produire le même fait par des moyens différents, il y a lieu de croire que si les prétendus miracles des Aïssaouas ne sont pas obtenus à l'aide des recettes qu'il indique, ils le sont par d’autres analogues et tout aussi naturelles.

Toutefois, nous devons faire part d’une observation importante que nous fit Robert Houdin, dans l’entretien que nous eûmes à ce sujet. Les thaumaturges arabes, avant d’opérer, se livrent, en présence des spectateurs, à de longues préparations : ils aspirent des aromates, ils dansent au bruit d’une musique monotone et assourdissante, ils se démènent avec des

mouvements violents, ils agitent rapidement la tète de haut en bas; ils arrivent ainsi à une sorte d’ivresse et d’exaltation de nature extatique ; il est donc très-possible que dans cet état anormal, leur sensibilité soit émoussée et qu'ils puissent supporter impunément certaines tortures qui leur seraient intolérables dans l’état ordinaire ; il serait donc possible qu’ils présentassent certains phénomènes semblables à ceux des convulsionnaires de saint Médard ; il y aurait combinai • son de tours d’adresse et d’effets d’ordre magnétique. Bien que M. Houdin n’ait pas étudié le magnétisme sur lequel il n’a aucune opinion arrêtée, il admet l’influence de la cause que nous venons d’indiquer.

Certainement le résultat de la mission de Robert Houdin en Algérie est de nature à inspirer de sérieuses réflexions suites miracles, et l’on peut se demander s’il en est beaucoup qui résisteraient à une pareille épreuve, si, par exemple, notre grand escamoteur, appelé à contrôler les apparitions de Lourdes ou de La Salette, le sang de saint Janvier ou la Madone de Roniini, ne ferait pas évanouir en fumée tout 1e merveilleux, et n’enlèverait pas encore quelques illusions aux âmes candides. Mais aussi tes faits qui, après un tel contrôle, seront reconnus exempts de toute espèce d’escamotage, acquerront un haut degré d’autorité, et sans cesser d'être naturels, seront du moins acquis à la science. C’est ce que n’ont pas compris certains critiques superficiels qui, enchantés de voir démonétiser une part du merveilleux, se sont figuré que l’escamotage allait rendre raison de tout et qu'on avait enfin trouvé la clef universelle. M. Paul d’Ivoi, qui, naguère encore célébrait Home dans tes termes tes plus pompeux , qui prenait sa lyre pour chanter tes louanges des médiums et des somnambules, qui assurait avoir vu , de ses veux vu , un morceau de bois mort, une espèce de manche à balai produire subitement des branches, des feuilles et des boutons prêts à s’épanouir; M. Paul d’Ivoi, devenu tout à coup sceptique forcené, répudie tout ce qu’il encensait et charge Robert Houdin de dissiper tous tes enchantements, de pulvériser toutes tes magies : « En voyant, dit-il, les prodiges que

fait-Hubert Houdin, on doit convenir que les tables tournantes et les prodiges des spirites sont l’enfance de l’art. Il a déjoué les sortilèges des Aïssaouas et des marabouts d’Alger... Ce serait vraiment jouer de malheur si la sottise des civilisés était plus difficile à vaincre que la superstition et l’ignorance

I dos sauvages. Cependant cela ne nous étonnerait pas. Quoi qu’il en soit, lorsque M. Robert Houdin le voudra, je suis certain qu’il accomplira tous lès miracles auxquels veulent nous faire croire les spirites, médiums, illuminés, magnétiseurs , somnambules et autres magiciens. M. Robert Houdin n’a qu’à vouloir,.et ce serait un assez grand service rendu à scs contemporains. » (Messager du 10 mars.)

Nous pensons, comme cet écrivain, qu’il ne serait pas difficile à Robert Houdin de simuler les coups mystérieux et plusieurs autres exercices qui font les délices des cercles spirites ; mais M. Paul d’Ivoi tombe dans une exagération évidente quand il prétend expliquer tout par l’escamotage. Parmi les faits que revendique le spiritisme, il en est sur lesquels l’imputation d’escamotage ne pourrait avoir aucune prise ; ce sont, par exemple, les mouvements d’objets matériels sans contact, lea apparitions de mains,les ascensions lmmaiues, etc. Que g es faite adiois par beaucoup de sectaires soient regardés par d’autres personnes conùme apocryphes, que le sage les tienne pour- douteux en attendant une constatation satisfaisante, soit ; mais quelque opinion qu’on ait sur la réalité des faits, ou doit reconnaître qu’ils sont au-dessus de l’art de l’escamoteur., on peut ¡môme affirmer qu’ils dépassent la portée: des, lois naturelles actuellement connues.

Quant au somnambulisme, M. d’Ivoiignorait certainement que l'épreuve qu’il proposait avait eu lieu depuis plusieurs années, et que, loin de tourner à la confusion du somnambulisme, elle avait servi à prouver de la manière la plus irréfragable la réalité de la lucidité... Quant au magnétisme, bien qu'il n’ait pas été fait d’épreuve du môme genre, tout le monde sait que de nombreuses vérifications ont eu lieu avec toutes les précautions nécessaires pour rendre impossible

toute supercherie, et c’est ce que peut faire journellement toute personne qui veut sérieusement expérimenter.

Le magnétisme et le somnambulisme n’ont donc rien à craindre de l’espèce de défi que leur porte le spirituel chroniqueur. Le contrôle des escamoteurs est en définitive' un moyen de reconnaître les faits susceptibles d’être simulés ; il peut être employé comme pierre de touche pour distinguer l’or du clinquant ; les magnétistes consciencieux ne reculeront devant aucun mode de vérification, persuadés qu’un examen sévère ne peut être que profitable à la cause de la vérité.

A. S. Morin.

variétés.

Plusieurs docteurs en médecine et plusieurs magnétiseurs très-renommés se sont maintes fois demandé comment il peut se faire que la magnétisation produise sur notre être ma-tériel certains effets thérapeutiques que l’on observe assez souvent. Si ces docteurs et ces magnétiseurs avaient établi l’échafaudage de leurs connaissances et de leur foi, dans le magnétisme, sur le système de la vitalité solidairement universelle, ils n’auraient eu aucune difficulté à vaincre pour se rendre compte de la nature des effets en question...

Comment ne pas comprendre que l’émanation fluidique animale que nous produisons agit ou peut agir sur l'organisme de l’être qui se place sous notre influence , ou de celui qui, par son organisation, nous est naturellement sympathique ou inférieur en influence par son état maladif ou para propre volonté ? Comment, dis-je, ne pas comprendre, surtout quand on a admis en principe que nous ne sommes, matériellement parlant, qu’une masse, un corps composé de œil-

lions 0« de milliards de créatures vivantes assujetties à la puissance de notre ensemble individualisé , tant que l’harmonie n’a pas cessé de régner entre elles et cette autorité, ou même dans leurs rangs? L’autorité en question nous est dévolue, en notre qualité d’esprit-directeur de notre corps, comme cela existe pour un colonel, qui, tout en u’étant que la deux millième partie de son régiment, n’en est pas moiL’s le chef suprême. Plus tard, je me servirai de cette figure pour expliquer l’immortalité de l’âme et de la possibilité d’une réexistence immédiate en corps ou en esprit sur la terre, sur tout autre astre, ou dans l’immensité.

— Nous faisons de nouveau appel à tous les hommes de cœur et partisans du progrès naturel, pour qu’ils nous aident à créer et h former une société pour la propagation de la doctrine magnétique ; dans notre prochain numéro, nous poserons les premières bases du projet de l’organisation de la susdite société , dont les membres se diviseront en deux ou trois classes : les membres titulaires fondateurs, les membres titulaires, les membres adhérents et les membres correspondants.

—Madame X. a deux fils âgés de plus de vingt ans : huitjours avant celui de leur tirage au sort, elle leur désigna le numéro qu’ils devaient tirer de l’urne; que penser de cette lucidité anticipant sur les événements ? Nous traiterons la question de la divination dans un prochain numéro de notre Revue.

— Nous avons appris que , dans le courant de la dernière quinzaine de mars, il y avait eu, dans un des cercles de Beau-caire, une séance de magnétisme , donnée par M. X..., qui magnétisait deux dames, dont l’une jouait très-bien aux cartes pendant son sommeil magnétique, malgré le minutieux bandage qui lui couvrait les yeux.

Dans cette séance, M. L. Roumieux, poëte nîmois et provençal , actuellement négociant à Beaucaire, fut magnétisé complètement en cinquante minutes; il ne put devenir lucide , mais il réussit cependant certaines expériences très-curieuses.

— AI. le docteur Verdier, très-renommé dans l'arrondissement du Vigau, étant un de ces jours à Nîmes , raconta ce qui suit à M. Alphonse Gazav, notre collègue de la Revue méridionale. Il lui dit avoir vu un pigeon mâle faire tomber dans un profond sommeil un pigeon femelle , avec lequel il croisait son regard ; à ce sujet, M. le docteur Verdier entra dans une dissertation très-intéressante sur la question du magnétisme animal, et tendant à démontrer l’absurdité de l’incrédulité systématique de certains savants.

— Dans une soirée artistique et d’improvisation poétique, il fut demandé à M. Alexandre Ducros, qui était l’improvisateur au bénéii;e duquel la soirée avait lieu, il lui fut demandé, dis-je, de faire une improvisation à la course aux bouts ri-més, et sur le sujet donné : le magnétisme ; ce qu’il fit avec un merveilleux déploiement d’esprit. Il faut le dire, M. I)i-cros n’est nullement magnétiseur, mais il a des raisons irréfutables pour croire à la puissance du magnétisme, ayant été Jui-mêrae magnétisé plusieurs fois pour cause de maladie.

— Madame X..., de Nîmes, se contusionna violemment la jambe droite, en promenant dernièrement au Jardin des Plantes à Paris ; tout d’abord son mari la traita par le système Raspail, mais le mal s’aggravait tons les jours. Me trouvant en bonneë relations avec eux, ils me prièrent de pratiquer quelques passes magnétiques sur la jambe malade ; ce qu’ayant fait avec plaisir, cela soulagea immédiatement madame X... Depuis tors , la plaie s'est refermée, et elle ne souffre plus... Une semaine tu’a suffi pour la guépr entièrement. Manlius Salles.

(Extrait du Glaneur du Gard., 10 avril 1859.)

err.ua.

Page 141, ligne 3, au lieu de jusqu'au,pic, Usez jusqu'au pied.

Page 169, lignes 13 et 26, au lieu de 31. Monchaanoff, lisez Jff. jBou-chaanofr.

Baron du POTET, propriétalre^franii

CLINIQUE MAGNÉTIQUEC).

Janvier 1855. G. Mandel, maître îi Francfort.

Rhumatisme aigu de l’épaule et du bras gauche. Guérison opérée en deux magnétisations d’un quart d'heure. | :

Mars 1855. TU1“ E/' AfœsnerjiàBaêhsenhnusen. pi'èi'Prantflbrt.

Phthisie pulmonaire; toux opiniâtre, insomnie, faiblesse extrême. Huit jours de magnétisation : toux calmée, retour du sommeil et des forces, bien-être général.

Novembre 1855. M. Th. Koltswart, h Francfort.

Mal de dents, fluxion. Guérison instantanée.

Mars 1856. II. J.. Jlullzioart père , rédacteur du,journal luieUfgenz-Blatt (60 ans,).

Oppression de poitrine, et.douleur«,d'entrailles datant de plusieurs mois. Guérison complète opérée en quinze jours.

Avril 1856. Mid. vetwéMattdil (83 ane). a

Rhumatisme chronique des reins, des épaules et des bras, remontant à plusieurs années. Troissemaines.de magnétisation, de deux jours en deux jours, suffisent pour faire disparaître les douleurs et rendre la liberté des mouvements.

Mai 1856. H ademoistile Charlotte Dubourg (8 ans).

Fièvre gastrique avec inflammarion cérébrale et picotement dans laTégion du cœur. Une magnétisation répétée deux fois par jour et de l’eau magnétisée pour boisson eurent un résultat si avantageux, que l’enfant était debout dès le qua-

(1) La discrétion nécessaire dans la publicité donnée aux traitements magnétiques force l'auteur à ne donner que les initiales des nomsdequel-ques-uns de scs malades. Nous avons, du reste, entre no3 mains les attestations de ces divers» cures. I!: i.

Toue XYI1I. — K° 57 — 2» Série. — 10 Mai 1859. 9

trième jour, au grand étonnement du médecin qui, dès le début, l’avait condamnée à garder au moins quinze jours le lit. Déjà précédemment j’avais eu plusieurs fois l'occasion d'observer, sur cette môme enfant, les résultats merveilleux et rapides, qu’on obtient par le magnétisme dans les maladies du jeune âge. C’est ainsi qu’une laryngite pseudo-membraneuse (croup) avait cédé, chez elle, en moins de quarante-huit heures à une magnétisation énergique répétée trois fois dans la même journée, et à l’emploi exclusif de l’eau magnétisée. Dans cette circonstance, cette eau a remplacé avec avantage l’administration de l’émétique qui, à dose répétée, a une influence si fâcheuse sur les sujets de faible constitution. J’ai eu un égal succès dansla résolution d’un oreillon assez volumineux qui occupait le côté gauche, et qui a diminué presque de moitié après une magnétisation directe d’un quart d’heure.

Mai 1856. Mademoiselle

Le fait suivant s’est passé chez un pharmacien-droguiste de ma connaissance (M. Ebert, un incrédule renforcé) : il avait pour but de chercher à le convertir. Une jeune femme, à en juger par son extérieur, une couturière sans doute, entre en pleurant, la joue enflée et enveloppée d’un mouchoir, dans la boutique où je me trouvais par hasard : elle demande si l’on ne pourrait pas lui donner un remède pour la soulager d’atroces maux de dents dont elle souffrait depuis plusieurs jours et qui l’empêchaient de dormir. Enchanté de trouver une occasion de convaincre ce nouveau Thomas, je dis à cette personne que je possédais un moyen qui soulagerait sa douleur plus promptement et plus sûrement sans doute que ne le ferait la drogue (de la créosote, je crois) qu’on venait de lui ulonner, et je l'engage à passer dans une chambre voisine. JSlle y consent après quelque hésitation, sur les instances du pharmacien. Au bout de dix minutes, à sa grande surprise et presque à son effroi, elle sent ses atroces douleurs s’évanouir comme par enchantement et sa joue diminuée de moitié, dit-elle. Deux jours après, elle rapporta au pharmacien la petite bouteille dont elle n’avait eu, certifia-t-elle, nul besoin, grâce

au sorcier qu’elle avait rencontré dans sa boutique. Ce récit frappa si vivement notre incrédule que , quinze jours après, lui-même me pria de tenter sur sa femme la même opération, laquelle fut couronnée d’un égal succès.

Mai 1856. Madame Eberl, à Francfort.

Céphalalgie avec maux de dents et insomnie. Guérison opérée à l’aide de deux magnétisations, dont la première a amené immédiatement le sommeil.

Mai-juin. Mademoiselle Clém. de P., il Francfort.

Paralysie du bras droit durant depuis plus de six mois, et ayant résisté à tous les remèdes. Deux semaines de magnétisation amènent une grande amélioration dans l’état de la malade, qui a été entièrement guérie par les remèdes indiqués dans l’état de lucidité par la gouvernante de la jeune fdle et appliqués avec l’approbation du médecin. Dans la circonstance actuelle, le somnambulisme avait été le résultat d’une transposition spontanée du fluide sur la gouvernante pendant que je magnétisais la jeune malade.

Juiu-juillet. Madame Belli-Gontard, (58-60 ans), à Francfort.

Paralysie ayant son siège dans l’articulation scapulo-hu-mérale droite, ainsi que dans le carpe gauche, accompagnée de vertiges et remontant à cinq mois. Après insuccès de tous les remèdes ordinaires de la médecine, cure magnétique entreprise d'après le conseil du médecin lui-même et suivie d’une guérison complète au bout de deux mois.

Juin. Mademoiselle Olteman.

Phlegmasie parotidienne périodique, se renouvelant tous les mois et se prolongeant plusieurs jours. Attaquée au début, l’inflammation a cessé au bout de quelques heures et ne s’est pas renouvelée à ma connaissance pendant l'espace de huit mois. •

Juillet. M. le baron de D., ministre près la Diète germanique.

Rhumatisme aigu des muscles du cou et du bras gauche. Guérison complète opérée en vingt minutes.

Juillet. Mademoiselle .V., deNicderad, près Francfort,

Crampes hystériques avec rires et pleurs spasmodiques. Acèès de deux h trois heures tous les deux jours. Après cinq ou six jours de traitement, j'étais devenu complètement maître des crises que je ¡faisais naître et que j’arrêtais à ma volonté. Tout me faisait présumer;qu’au bout d'une couple de semaines j’aurais pu triompher complètement du mal. L inconséquence des parents, qui voulaient soumettre la malade à deux traitements simultanés, m’engagèrent à renoncer à cette cure.

Juillet. Madame de M., femme d’un diplomate.

Céphalalgie chronique du côté droit se renouvelant plusieurs fois par mois et déjà ancienne. Une légère magnétisation de dix minutes amena un commencement de somnolence et la cessation des douleurs. Deux jours après, un axillaire se déclara, et dès lors les douleurs de tête disparurent.

'■ Joiltet 1856. Le jeune Prxhler (5 ans, à Francfort).

Surdi-mutité survenue, à l’âge d’un an, à la suite d’une hydrocéphale conjurée au moyen de; ponctions plusieurs fois ç^pouvelées. Au boutdedeux.mois d’une magnétisation quotidienne ¿une demi-heure, l’enfant était en état de percevoir le bruit. le,.plus léger et de . distinguer les différents ^ns.

A.oût-octobre. Madame Buçk, à Francfort.

Gastralgie-Ancienne remontant^ plus de viogt aos et accompagnée d’éructations, de vomissements et d’insomnie. Trois mois de magnétisation font peu à peu cesser lünsom-ipe, calment les accès et amènent une grande amélioration dans l’état de la malâde.

îsov. Le colonel de B., membre de la commission, mil. près .la

Diète.

Névralgie trifaciale (tic douloureux) datant de quatorze ans. Amélioration assez notable au bout d’un mois de magnétisation pour pouvoir espérer bientôt une guérison complète. Traitement interrompu ppur cause doldépart.

Nov. 1856. Madame de D.

Palpitations de cœur, avec extrémités glacées, semblant provenir d’un défaut de circulation du sang. La malade soufflait de ce mal depuis une année. Quelques passes magnéti-i ques prolongées pendant huit à dix minutes, jointes à quelques autres moyens magnétiques , amènent au bout de huit jours la complète disparition du mal.

Déc. 185(1-février 1851. M. Kup, prop. de mines à Muhlheim, domicilié à 'Francfort.

Rhumatisme ou plutôt goutte héréditaire ayant son siège dans les jointures du bras gauche, de la jambe droite et du pouce droit, ainsi que dans les muscles de la poitrine et des reins. Les premiers symptômes sérieux du mal remontaient à plus de six ans, et, en dernier lieu, le malade se trouvait molesté par cet hôte incommode presque sans interruption .depuis dix-huit mois. Après quelques semaines d'un énergique traitement magnétique, il se déclara une forte crise suivie de la disparition successive des douleurs. Au bout de trois mois, guérison complète et' jusqu’à ce jour (avril 1859) santé des plus florissantes. — Les détails de cette cure sont fort intéressants à parcourir.

Mars 185T. M. Al. de Barviath.

Crampes d’estomac qui cèdent à, une magnétisation de dix joura^

Avril. Mademoiselle Juliana Sinsel, domestique, à Francfort.

Pleurésie aiguë s’annonçant avec des symptômes fort inquiétants. Grande douleur en respirant, forte oppression, tremblement général, extrémités glacées. Attaquée au début par deux puissantes magnétisations, la maladie a cédé au bout de quelques heures, au grand étonnement du médecin qui, le matin, trouvait l’état de la malade assez inquiétant pour engager les maîtres à l’envoyer à ^’hôpital, et qui, l’après-midi , à la seconde visite, la trouva complètement remise et occupée à son travail.

Mai. Madame Kup.

* Névralgie frontale, ayant un caractère périodique et reve-

liant quotidiennement vers dix heures du matin, et durant de cinq à six heures. Cette névralgie, qui avait résisté à un traitement rationnel dont la quinine était la base, n’exige que trois magnétisations : la première trouble la périodicité, la deuxième fait cesser les accès , et la troisième assure une entière guérison. >

Juillet 1831. Pr. lieutenant de Buller, aide-decamp dugén. coinm. bav.

Céphalalgie intense et périodique qui disparaît comme par enchantement au bout de dix minutes.

Août. Mademoiselle L. Perrenaud.

Douleurs d’entrailles et crampes d’estomac avec cours de ventre : deux magnétisations suffisent pour en triompher.

Août. Mademoiselle Schalastika IVesbacher, d’Heddernheim, près Francfort.

Aménorrhée, crampes d’estomac, état de langueur et abattement général. Une séance d’un quart d'heure et une bouteille d’eau magnétisée amènent, le lendemain, une petite crise, et, le surlendemain , l’équilibre général est parfaitemen \ rétabli.

Sept. M. D. Gleie, maître tapissier, à Francfort.

Rhumatisme aigu de l’épaule gauche par suite d'une sueur rentrée. Guérison complète et sans rechute en un quart d’heure.

JanYier-mars 1858. M. Fritsch, marchand de cuirs à Francfort.

Le malade était depuis quatre ou cinq semaines couché sur son lit, en proie aux douleurs les plus atroces d’un accès de goutte aiguë, qualifié du nom de goutte vague ou volante (c’était le troisième depuis quelques années). Le patient n’avait pu.réussir, malgré tous les remèdes imaginables , a ob-tenirun quart d’heure de paisible sommeil. Le cruel hôte, après avoir parcouru successivement toutes les parties du corps et avoir élu pendant quelques jours son domicile dans la région du cœur, s’était enfin jeté sur le cerveau et y avait exercé les plus terribles ravages : délire, transport et même démence

complète. Cet étatduraitdepuiscinqjours. Lafamilleétaitdans la désolation ; les médecins, parmi lesquels un beau-frère du malade, étaient à bout de ressources. Ils avaient déjà prononcé un arrêt fatal et venaient de déclarer qu'on n'avait pas de temps à perdre pour mander par le télégraphe son frère, alors éloigné, si l’on voulait qu’il pût dire au mourant un dernier adieu. Tel était l’état du malade lorsque je fus appelé près de lui, sinon avec l’approbation, du moins avec le consentement du médecin, qui jugeait qu'on prenait là un soin bien inutile, mais qui ne voulait pas refuser à sa sœur cette dernière consolation. En entreprenant cette cure, j’assumais certes une grande responsabilité, car le médecin ne voulait pas assister à la magnétisation, peut-être par crainte de ses collègues ; et, dans cette situation perplexe, il suffisait d’un moment pour amener une congestion, et tout était fini : bien que le malade eût été condamné par la Faculté, on n’aurait pas manqué de dire que c’était le magnétisme qui l’avait tué. Heureusement Dieu n’a pas permis qu’un tel malheur arrivât. Une première magnétisation (27 janvier) amena du calme; une seconde, puis une troisième le même jour, vers le soir, procurèrent au patient cinq ou six heures d’un sommeil assez paisible. Quarante-huit heures suffirent pour ramener la raison et mettre le malade hors de danger. Après quelques jours d’une crise qui s’est annoncée par des sueurs extrêmement abondantes et une somnolence presque continuelle, les souffrances aiguës avaient cessé, et, sauf quelques douleurs peu persistantes et très-supportables, il ne s’agissait plus que d'aider la nature dans son travail de restauration. La convalescence fut longue, carie mal avait laissé des traces profondes. Sa maigreur était extrême, les muscles avaient presque complètement disparu ; les nerfs étaient d’une excessive irritabilité, au point que le bruit d’un instrument suffisait pour occasionner une syncope, des larmes, de la suffocation. 11 survint aussi quelques engorgements des glandes lymphatiques quis’ouvrirentet retardèrent la guérison. Mais, avec de la foi et de la persévérance, j’eus enfin le bonheur de conduire mon œuvre à bonne fin. Enfin, après deux mois et

-demi d'efforts non interrompus, le malade se trouva complètement rétabli, et, jusqu’à ce jour, il n'a pas eu de rechute. Cette cure produisit une grande sensation dans la ville, grâce surtout à. la nouvelle déjà répandue de l'agonie et de lamort imminente du malade, quelque temps après ressuscité.

Avril 1858. Un homme inconnu d’environ 30 à 35 ans.

3’emprunte les:détails de la cure suivante au récit fait par on journaliste : ( On'nous raconte un fait assez extraordinaire arrivé dimanche dernier, vers une heure de l’après-midi, sur la chaussée'de Bockenheim. — Un homme qui, à en juger d’après son costume,'devait être un paysan endimanché, était tombé sur le côté de la chaussée, en proie à une violente attaque d’épilepsie. Les bras et les jambes -étaient en proie; à'des spasmes nerveux. La face était noire et bouffie, les veines du cou gonflées, la bonche contournée

1 convulsivement laissait échapper des flots d’une écume sanguinolente. Aussitôt une douzaine de personnes s'élaient rassemblées autour de l’infortuné : chacun donnait son avis : l’un votdait courir à Bockenheim chercher un médecin, un autre -disait qu’il fallait aller demander un verre d’eau à la maison ■■Voisine, un antre proposait d’employer la fameuse cravate rooirequi bien souvent manque son effet. Maison parlait beaucoup et l’on agissait peu.'Cependant, dans le même moment, ‘passeune voiture1 venant de Bockenheim ; une figure barbue se montre à la portière. Sur un-ordre donné, la voiture s’arrête, un homme élégamment vêtu en descend ; .d’un bond il fend la foule et se trouve près du malade. qui, dans ce mo-

- ment, se tordait au milieu' des convulsions. « Laissez cet « homme, dit-il, et écartez-vous. » En même temps il se courbe vers Tinfortuné, fait avec la main deux ou trois passes le long du corps et des bras, et aussitôt, comme par enchantement, toHS leslmouvements convulsifs des membres et de la poitrine ont ces9é. Le visage seul1 était agité de spasmes nerveux. «OtezMui le soulier du-pied gauche, dit l’étrange Euculape,' et placez-le-lui près du visage. » A peine cet ordre est-il accompli que l’infortuné se calme et pousse .an profond soupir •. bientôt il rouvre les yeux et peut boire un

verre d'eau qu’on lui présente. «Tout est fini, s’écrie le doc-(. tour merveilleux, qu’on le relève. » lit en effet, au môme instant l’homme était debout et s’apprêtait ¡à remercier celui qui lui était venu si providentiellement- en aide. Mais déjà il ; était remonté en voiture et roulait vers Francfort. Le tout; avait duré moitié moins de temps1-qu'il ne mous en faut ici pour le raconter. »

Avril 1858. Mademoiselle FHstch.

Névralgie occipito-frontale périodique ayant résisté aux remèdes ordinaires. Guérison en cinq séances.

Juin 1858. Mademoiselle Laubinger.

Céphalalgie accompagnée de dyspepsie et de boulimie. Huit ouidix jours suffisent pour triompher de ces maux., Juillet 1858. Madame Laubivytr.

Douleurs sourdes et nocturnes dans la partie supérieure de l’humérus datant de plusienrs mois; ellës cèdent à huit jours de magnétisation et à l’emploi de rouleaux magnétiques.

Septembre 1858. Madame V. Dubourg.

Rhumatisme aigu d’une violence extrême dans les jambes, principalement dans la jambe gauche. Les douleurs d’abord très-vives, après avoir gfandement diminué le cinquième jour, disparaissent le quinzième.

Octobre 1858. M-. Kup (déjà uommé).

Rhumatisme aigu des muscles grand dorsal et grand den* telé, par suite de refroidissement datant de.six jours et aggravé par l’application intempestive dé ventouses. La première magnétisation diminue la violencé du mal; la secondé s’én rend maître entièrement.

De septembre 185T à octobre 1858. Catherine et Ântoinelte-Scheppler, d'Heddemheim près Francfort.

Leur cure ai té desplus longue, des plus pénible, mais aussi des plus riche pour l’observation. Ces. deux jeunes filles , qui1 appartiennentàunefamillëdepauvrespaysans, étaient sujettes à des accès d'épilepsic, d,’uue extrême violence, l'aliiée depuis

six ans, la cadette depuis trois : chez la première , d’après le rapport du père, les accès se renouvelaient parfois jusqu’à huit, neuf, onze et seize fois par jour ; chez la seconde, seulement tous les quatorze, neuf, cinq jours. Le traitement, qui a duré au-delà d'une année, a présenté les phases les plus diverses et m'a fourni l’occasion de tenter une foule de moyens magnétiques qui tous m’ont amené insensiblement à mon but. A la fin du traitement (octobre 1858), l’aînée n’avait pas eu d’accès depuis plus de quatre mois (16 juin) ; la cadette, depuis deux mois (23 août). V. Dubourü (1).

Paris, le 7 janvier 1859.

« Je commence par affirmer que ce que je vais dire est l’exacte vérité et que je puis, au besoin, en donner des preuves irrécusables.

« Le 11 octobre 1858, à la suite d’un grand chagrin, je fus prise d’un violent mal de tète, d’atroces coliques, de nausées et de vomissements de bile. Cet état durait depuis quarante-deux heures, malgré les efforts d’un médecin éclairé , lorsqu’il me vint à la pensée de faire prier madame Ogier de vouloir bien se transporter à mon domicile. Madame Ogier vint en effet et reconnut que le mal était très-grave, et jugea qu’elle, pourrait me sauver que par le magnétisme. Elle en fit l’application immédiate et obtint un grand succès; car je m’endormis d’un calme et tranquille sommeil. Mais, chose extraordinaire, lorsque son mari la réveilla, je me réveilla» aussi, quoiqu'il n’y eût plus de communication entre nous ; elle avait abandonné ma main et s’était éloignée de mon lit. Je passai six ou sept heures sans souffrances, mais le soir, je me-sentis mal au foie et le mal devint intolérable. Le médecin jugeait une application de soixante sangsues indispensa-

(I) Nous avons déjà donné du même auteur un article qui a paru dans le n* 5S du 10 mars 1859, page lîl. Cet article a pour litre : Premiers jalons iun système phytico-phytiologique touchant les phénomènes attribués au magnétisme animal. Nous donnerons sous peu, dans une série d'article«, le complément de la pensée do l'auteur.

ble. Je m’y opposai de toutes mes forces, attendant avec impatience l’arrivée de madame Ogier, qui me magnétisa de nouveau avec un succès merveilleux. Au bout de six séances, j'étais complètement guérie.

« Grâce lui soit rendue pour le dévouement qu'elle m’a montré. Je lui dois la santé et peut-être la vie. Et je me dirai toujours sa très-reconnaissante. « A. Güichon,

« S, qua» Pelletier. »

(( Monsieur le baron,

« On ne peut plus sensible à votre aimable attention , je m'empresse de vous en remercier bien sincèrement (1).

« Permettez-moi maintenant, monsieur le baron, de vous relater un autre fait qui ne manquera pas d’intéresser et d’é-clairer en même temps ceux qui se livrent à la pratique du magnétisme animal.

« Je traitais une dame pour une glande au sein, et, grâce aux conseils d’une clairvoyante, j’étais parvenu, sinon à dissoudre ladite glande, du moins à la rendre complètement indolente.

« Satisfait de ce résultat que je n’avais pu obtenir par les moyens ordinaires, j’allais cesser tout traitement, lorsque je m’aperçus qu’une maladie latente et d’un caractère assez grave, s’était déclarée subitement et semblait même menacer les jours de la personne que j’étais sur le point d’abandonner à elle-même.

« Ordinairement assez heureux dans mon diagnostic, je ne pus cependant point cette fois , malgré toutes les peines que je me donnai, reconnaître la nature du mal que j’avais encore à combattre. J’avais beau repasser dans ma mémoire tous les cas plus ou moinsexceptionnels que j’avais pu observer dans les hôpitaux , je ne trouvais rien d’analogue dans les symptômes, et j'élais véritablement aux abois.

(I) L'auteur remercie M. le baron du Polct de l'insertion de ses deux prudentes relations qiii ont paru dans le numéro du Î5 m«rs, n. 54.

« Craignant donc de me fourvoyer, comme cela arrive si souvent, hélas ! en pareil cas, j’avouai mon incompétence, et les parents de la malade demandèrent une consultation.

«On discuta longtemps, et l’on s’entendit si peu , que la science, cè jour-là, ne différa guère de l’ignorance.

« On eut donc encore une fois recours à la clairvoyance magnétique, et ce fut une jeune fille de quatorze ans qui nous confondit tous par sa lucidité d’autant plus étonnante, quelle n’eut pas même besoin d’être mise en rapport d’une manière ou d’une autre avec la malade.

« Quant à moi, si je ne fus point aussi étonné que les autres des facultés pathologiques de la jeune somnambule , je le fus on ne peut davantage, je l’avoue, de son mode de traitement.

« La malade avait la plique dans la poitrine.

i C'ét.iit pour la première fois que j’avais affaire à cette affreuse maladie.

« Il s’agissait donc, pour sauver la personne qui en était atteinte, de faire monter le virus dans la chevelure.

« Mais comment s’y prendre?

« — Magnétisez de bas en haut ! me dit la somnambule.

« — De bas en haut ? Mais , fis-je, avez-vous réfléchi aux accidénts qui pourraient en résulter ?

« — Si bien; me répondit-elle, que j’ai trouvé le moyen de les prévenir.

« — Et quel est-il?"

«r—Pendant que vous magnétiserez, ainsi que je vous l’ai prescrit, faites tenir par quelqu’un au-dessus de la tête de votre malade un verre rempli d’eau, et vous n’aurez plus rien de fâcheux à redouter ; mais qu’ensuite cette eau soit jetée à l’instant, et le-verre trempé dans de l’eau acidulée.

« Rassuré par un moyen aussi rationnel; que je n’aurais jamais trouvé cependant, je me tnis le même jour à l’œuvre en toute assurance, et, à la quinzième magnétisation, l’heureux résultat pronostiqué par une enfant était obtenu !

u Personne ne pouvant mieux que vous, monsieur le baron , commenter un fait de ce genre, unique jusqu’à présent

dans ma pratique, je me contente de vous le livrer tel quel, persuadé que vous le ferez ressortir de manière à jeter un grand jour sur quelques points encore obscurs de la science.

« Agréez, monsieur le baron, l’expression du plus profond respect avec lequel j’ai l’honneur d'être,

« Votre très-humble et très-obéissant serviteur, « Ch. Perevka,

a Varsovie, le 4 avril 1859. »

CONTROVERSE.

DU DOCTEUR NOIR , ET EN GÉNÉRAL DE LA MÉDECINE EXTRAOFFICIELLE.

Depuis quelques mois, il n’est bruit que d’un personnage étrange connu sous le nom de Docteur noir, et qui passe pour guérir notamment le cancer à l’égard duquel la médecine officielle avoue son impuissance. ■ Des brochures, des articles de journaux ont été lancés à profusion, la controverse a été des plus violentes ; d’une part,1 on prodigue les éloges les plus pompeux à M. Vriès (c’est le nom du médecin indien), on cite des malades abandonnés delà Faculté, et qui ont dû leur guérison à la panacée rapportée de l’Inde,.ce berceau des merveilles ; de l’autre, on dispute à l’intrus son titre même de médecin, on-le traite d’âne et de charlatan, on nie ses cures, son prétendu spécifique n’est que delà graine de niais. Au milieu d’un pareil débat, comment le public pourra-t-il démêler la vérité, comment le pauvre malade trouvera-t-il à se guider?... Il y a un moyen bien simple de vérifier les assertions de celui qui se vante; de posséder un remède efficace, c’est de le mettre à l’œuvre, c’est de procéder,àrdes expériences consciencieuses et soigneusement suivies,,ude manière à s’éclairer sur la valeur du remède. On a eu l’idée

d'agir ainsi : M. Vriès a été admis à traiter, à l'hôpital de la Charité, un certain nombre de cancéreux; mais malheureusement on n'a pas persisté dans cette voie rationnelle : le docteur noir avait demandé un délai de six mois, et, au bout de deux mois, il était scandaleusement congédié ; bien plus , M. le docteur Velpeau fulminait contre lui, devant l’Académie de médecine, un réquisitoire en règle, et tout le corps médical, s'associant à l'accusation, prononçait l’anathème contre l'audacieux novateur. Qu’est-il résulté de celte précipitation, de cet emportement ? C’est que M. Vriès a pu dire et proclamer qu'il avait été condamné sans avoir été jugé, que les engagements pris envers lui n’avaient pas été tenus : aussi a-t-il beau jeu à se poser en victime. Ses partisans le défendent avec plus de chaleur que jamais, la question reste enveloppée de ténèbres, et en attendant qu’elle s’éclaircisse, les clients continuent d'affluer chez l’homme qui, au prestige de 1 étrangeté, réunit la bonne fortune de passer pour persécuté par une corporation puissante et envieuse.

Il est à regretter qu’on ne s’y soit pas mieux pris pour arriver à une solution décisive. On devrait songer sérieusement à organiser des moyens d’encourager toute» les nouveautés utiles et en même temps de préserver le public du danger des prétendues découvertes propres à compromettre la santé publique ; il faudrait soumettre à un contrôle sévère toutes les inventions prônées comme curatives, de sorte.que celles qui seraient reconnues efficaces, seraient recommandées par lejugement d’hommes compétents qui, s’appuyant sur des faits authentiques, détermineraient avec certitude les cas où

1 emploi peut en être salutaire. Quant aux drogues sans valeur, une constatation régulière suffirait pour en prouver l’inefficacité, et l’oubli ne tarderait pas à en faire justice. Enfin on démasquerait ainsi les fourberies de misérables charlatans qui ne cessent d’exploiter la crédulité publique.

Il existe, en dehors de la médecine officielle, une infinité de remèdes plus ou moins bizarres, qui ont des prôneurs et qui se transmettent par tradition : la Faculté ne daigne pas s’en occuper; ce sont, à ses yeux, des remèdes de bonne

femme, la science ne peut s’abaisser jusqu'à discuter de pareilles futilités, elle se borne à écraser de son superbe mépris tout ce qui n’est pas compris dans le cadre de son enseignement. Un pareil dédain n’estrien moins que philosophique. Le devoir de tout ami de l’humanité est de s’enquérir avec soin de tout ce qui peut produire quelque bien, et d'accueillir avec empressement tout ce qui est utile, de quelque part qu'il vienne. Nul ne peut se croire fondé à condamner d'avance un remède sans l’avoir expérimenté, et les plus habiles théories ne peuvent à priori en démontrer l’inefficacité. Rien ne résiste à l’éloquence des faits, et si ce remède, que la science déclare ridicule, a réellement la vertu de guérir, il faudra bien s’incliner devant des résultats positifs. Les remèdes officiels ontcommencé par être empiriques : nul ne sait pourquoi ilsagissent; ce n’estpointenvertu d’un raisonnement scientifique qu'on lésa adoptés, c’estuniquementparcequ’on a reconnu qu’ils avaient guéri dans un grand nombre de cas. On en est encore à l’égard de l'opium au point où l’on était du temps de Molière : il fait dormir... parce qu’il a une vertu dormitive. Si donc on n’a pas d’autre raison pour l’employer, le bon sens nous commande de procéder de même à l’égard de tout moyen qui produit des effets salutaires.

Un spirituel chroniqueur, M. Edouard Fournier, fait à ce sujet les réflexions suivantes (Patrie du 9 avril) :

« Les-médecins savent pourtant, de reste, qu'une foule de remèdes longtemps proscrits par la science ont fini par entrer dans son trésor et en sont aujourd’hui la richesse. Remèdes de bonne femme, spécifique de charlatan ! disaient les docteurs du temps passé, et ces remèdes de bonne femme, ces spécifiques de charlatan figurent aujourd’hui aux plus belles pages du Codex. Le seigle ergoté, dont la vertu est si efficace dans les accouchements difficiles, n’était, du temps de Camerarius, qu’un remède de bonne femme ; dans le Lyonnais, où l’on en faisait surtout usage, tous les médecins s’en moquaient et le défendaient ; aujourd'hui, tous ceux de l’Europe le prescrivent. Depuis tantôt quaranteans, on fait des miracles avec l'emploi du laudanum pour la guérison des taies

de l’œil ; le premier médecin qui se servitdece remède, le tenait d’un pauvre soldat polonais qui l’avait vu employer ainsi par tous les charlatans de son pays. On est peut-être sur le point de trouver enfin un remède contre la rage ; or, à qui le de-vra-t-on? D’abord à l’empirisme des paysans russes, qui, de tout temps, ont employé pour cela de la poudre de cétoine dorée, puis aux expériences intelligentes et presque décisives de M. Guérin de Menneville qui a demandé aux lumières de la science d’éclairer ce qu’avait ainsi fait découvrir un heureux hasard de l’ignorance. Rien n’est à dédaigner de ce qui peut importer, à l’humanité. 11 n’est pas de lueur que la science ne doive chercher à confondre dans le vif éclat de son flambeau ; il n’est pas un brin d’herbe , il n’est pas un insecte qu’elle ne doive prendre aux mains du paysan qui en connaît les propriétés et la vertu. Si quelque empirique a connu avant elle cette vertu et ces propriétés, qu’elle se fasse modeste et ne dédaigne pas de venir à lui, sinon pour lui emprunter son secret, du moins pour faire en sorte que le public recueille le bienfait du remède. »

Que risque-t-on en expérimentant un remède nouveau ou du moins étranger au Godex ? S’il réussit, on aura doté l’humanité d’un bienfait; en -cas d’insuccès, on aura^désabusé le public, on aura éclairé sa raison , on aura mis fin au tribut que certains charlatans prélevaient sur l’ignorance. Donc, en tous cas, il y a profit pour la société.

Tantqu’on ne procédera pas par expérimentation, les déclamations des médecins contre les remèdes hétérodoxes seront sans effet, et le public n’y verra qu'une colère intéressée, qu’un dépit mesquin, inspiré par le succès de rivaux non autorisés. Qu’importe au malade que le remède qu’on lui administre ait un nom tiré du grec, soit décrit dans un livre approuvé par l’Académie , soit extrait des bocaux d’une pharmacie brevetée! ? Ge qu’il demande, c'est qu'on le guérisse , avec ou sansidiplôme, peu importe. On peut donc dire aux médecins :> Vous prétendez avoir seuls droitià .la confiance publique; voug^demandez qu’on poursuive tous ceux qui partagent aveovousle soin de traiter les malades ; eh bien ,

justifiez vos prétentions en prouvant par des faits, que vous siivez mieux guérir ; vous traitez d’inepties les médicaments employés par vos rivaux, prouvez que ces médicaments valent moins (pie les vôtres. Si les faits vous donnent raison , soyez certains que le public sanctionnera votre privilège , et que vous n’aurez plus besoin de recourir aux tribunaux pour constater l’impuissance de ceux que vous accusez d’üsurper vos prérogatives.

Nous voudrions qu’une commission prise- parmi lés notabilités médicales'fût chargée de s’enquérir ilë tous lès remèdes usités et les soumît au critérium de 1’expériënce. Il ne faudrait rien dédaigner : non-seulementon aurait à contrôler les moyens employés par les hérétiques de là science, tels que homœopatlies et hydropathes, mais encore il faudrait ’ rechercher ce qu’il peut y avoir de vrai dans les récits concernant une foule de recettes accréditées dans le vulgaire ; il faudrait essayer tous les remèdes de bonne femme, s’adresser aux toucheurs, aux jugeurs d'eau, àtous ceux , en un mot, auxquels le public accorde une certaine confiance. Que la science n’allègue pas la dignité qui la relient au rivage, comme le grand roi : non, il est toujours grand et digne de travailler pour le bien de l’humanité, de chercher, même à travers les dégoûts et les déceptions, quelque nouveau moyen dè réduire la somme des maux 5 et, au pis-aller, ce sera une0 noble tâche que de désabuser les simples et les ignorants qui: forment la majorité, et de dissiper les chimères trop longtemps objet d’une confiance funeste.

Il est clair que le magnétisme et le somnambulisme si souvent bafoués, malgré les services immenses qu’ils ont rendus, figureront au premier rang parmi les objets des études à entreprendre. Là commission scientifique de 17&4, chargées d’examiner le magnétisme, ne jugea pas à propos de s’en occuper au point de vue thérapeutique. C’est là une regrettable omission qu’il s’agit ’de réparer. Quand des myriades d’individus proclament qu’ils doivent au magnétisme leur . guérison , il ne suffît pas d’une dénégation railleuse pour détruire l’autorité decette masse imposante d’attestations. C’est

par l’étude îles faits, que doit se résoudre cette question toujours controversée. Refuser la vérification, ce serait montrer une grande défiance de la bonté de sa cause. Celui qui se paye de grands mots, et qui recule devant des épreuves positives, ne mérite pas le titre d'homme de science.

Il est encore un genrede remèdes dont l'examen serait beaucoup à désirer; ce sont les moyens d'ordre surnaturel, tels que les amulettes, les eaux miraculeuses, etc. On en raconte des merveilles, on répand à profusion des petits écrits où sont célébrées les guérisons inespérées qui ont été ainsi produites. Il ne s'agit pas de discuter si tout cela est possible, mais si cela est. Rien n’est plus facile que de s’en assurer. On peut choisir dans un hôpital les malades réputés incurables et leur administrer l’eau de la Salette, qui a du moins l’avantage d'être inolTensive ; ses partisans avouent qu’elle ne guérit pas toujours, soit : mais nous verrons bien si elle guérit quelquefois. Bien plus, en opérant sur un grand nombre d individus, nous serons en état de dresser la statistique de ses effets. Ce sera encore un grand bien si, administrée à des individus condamnés par les médecins, elle en sauve un sur deux, sur trois, sur dix, et même sur cent. Mais si elle n’gn guérit aucun, oh 1 alors il faudra bien reconnaître qu'on s’était fourvoyé en lui attribuant une vertu curative, et ceux qui achetaient chèrementcette prétendue panacée, comprendront qu’il vaut mieux recourir à d’autres moyens et faire un meilleur usage de leur argent. On procédera de même pour les bagues de saint Hubert, qui guérissent ou préservent de la rage i pour les médailles qui rendent invulnérable, et ainsi de suite.

L'introduction de M. Vriès à l’hôpital de la Charité, bien qu’elle n’ait pas été suivie d’une épreuve complète, n’en est pas moins un fait grave et qui fait pressentir que l’on ne tar- , dera pas à accorder à toutes les prétentions les chances d’une expérimentation solennelle. La médecine, en s’enquérant du spécifique annoncé par un homme non diplômé s’est départie de sa morgue habituelle, a reconnu implicitement qu’en dehors d elle, il pourrait bien y avoir quelque tiioyen de gué-

rison, quelque procédé dont l'humanité aurait à profiter. F.lle ne peut refuser les mêmes facilités à ceux dont les prétentions sont appuyées sur quelques faits, à ceux auxquels la voix publique attribue quelques guérisons, et à plus forte raison ne peut-elle refuser l’examen - de moyens curatifs attestés et recommandés par une foule de notabilités en tout genre, parmi lesquelles se trouvent bon nombre de médecins. Bientôt donc, nous l’espérons, commencera l’enquête sur tous les modes de guérison, le triage solennel se fera, l’épreuve des faits sera la pierre de touche qui servira à discerner les systèmes, la vérité longtemps méconnue brillera au grand jour, l’imposture et la sottise rentreront dans le néant.

A. S. Morin.

études.

SUR LA TRANSMISSION DE LA PENSÉE.

Liège, Î5 janvier 1859.

.« Je lis dans un ouvrage récemment publié (1) : « Le but du magnétisme n’est pas de donner des soirées divertissantes ou lucratives, de faire voyager sans utilité les somnambules au moyen de la transmission de la pensée, de les faire jouer aux cartes, de les foudroyer, de martyriser leurs corps à tout propos pour prouver leur insensibilité, de les soumettre enfin à une foule d’expériences plus absurdes et plus dangereuses les unes que les autres. L’unique but du magnétisme, etc.» Les mots que j’ai soulignés me procurent l’occasion de dire brièvement ce que mon expérience personnelle m'a appris sur la communication de pensée.

« Trop souvent les personnes peu familiarisées avec le magnétisme, prennent pour la lucidité un phénomène qui est tout

(1) Traité pratique de magnétiime humain, par Ferdinand Rouget.

aussi extraordinaire dans son genre, mais cependant qui en diffère essentiellement : la communication de pensée.

« Un des premiers effets de la magnétisation est d’équilibrer les systèmes nerveux et d'établir un rapport direct entre le cerveau du magnétiseur et du sujet de manière que celui-ci souvent acquiert la faculté de percevoir les pensées du ma- • gnétiseur.

« Tout récemment nous avons vu une jeune personne, âgée de dix à onze ans, extrêmement sensible à l'action magnétique. Lorsqu’elle.était plongée dans le sommeil puységuri -que, le magnétiseur n’avait qu’à formuler un ordre tacite pour qu’aussitôt il fût exécuté ; ce* phénomène a ôté constaté et vérifié par plusieurs personnes compétentes; moi-même, je l’ai magnétisée dans la suite et j’ai obtenu la production de phénomènes identiques.

« Attirée, repoussée successivement dans des directions déterminées et communiqjjéea au-magnétiseur seulement, la patiente semblait ne fornléî- qü'dn avec le magnétiseur. Cette communion d’âmes, cette affinité mystérieuse qui unit deux êtres est réellement remarquable.

« Le spectateur, se mettant en rapport avec la somnambule, se faisait obéir de la même manière.

« A la demande du magnétiseur, elle indiquait les objets tenus en main par les personnes de la société ; elle ne se trompait que lorsque le’magnétiseur commettait'une erreur ou quel’objet lui était inconnu. Cette faculté merveilleuse n’était point un de ces phénomènes spontanés ou morbides ddnt les montagnards écossais offrent tant d’exemples et qui est dii domaine de la seconde vue (état magnétique naturel ou spontané). Ce n’était pas non plus par un langage convenu, par des signes imperceptibles que la perception se faisait. La formule interrogative était constamment et invariablement la même ; Qti’cst-ce?"Des: pensées entières communiquées au magnétiseur et instantanément■ répétées par l’enfant, des phrases énoncées sans hésiter au moment inbhe où le magnétiseur en prenait lecture sont des faits qui prouvent suffisamment, qu’on avait à faire à une communication de pensée et

non à la seconde vue'artificielle de la nature de celle dont Robert Houdin a fait une exhibition en 1836.

« Ainsi il y a une ligne de démarcation bien tranchée entre lu lucidité et la communication de pensée , bien que souvent 011 les confonde.

« Cetteconfusion souventest très-regrettable. C’est ainsi que j’ai magnétisé une personne dont le sommeil magnétique était fréquemment lucide. Dans cet état, je la faisais voyager et il arrivait de deux choses l'une, ou elle ne faisait, lorsque je l’envoyais dans des localités à moi connues, que refléter mes pensées et les tableaux qui étaient présents à mon esprit, et cela avec une fidélité désespérante au point de reproduire des détails fictifs, sans existence objective aucune; ou bien , au contraire, si je l’envoyais dans des lieux que je ne connaissais pas, elle était d’une lucidité étonnante et jamais elle 11e m’a induit en erreur.

« Pour obvier donc à cet inconvénient, j’ai tâché de m'isoler complètement ; à cet effet, j’ordonnais impérieusement à mon sujet de ne point lire dans ma pensée. Je suis heureux de poiivoir dire que cet essai a été couronné des plus heureux résultats, et je recommande ce procédé à tous ceux qui s’oc-pent de magnétisme.

« Un mot encore pour finir. Nul.n’iguore que, lorsque le sujet est dans un état de somnambulisme approchant de l’extase, il arrive un moment où, à la volonté du magnétiseur, il est susceptible de reproduire d’admirables modèles de peinture et de sculpture, comme de rendre d’une manière frappante les passions et les sentiments les,plus exalté^; c’est ainsi que j’ai vu une somnambule imiter la. pose de Jeanne d’Arc sur le bûcher , de Virginie engloutie dans les flots ; les sentiments qui animaient ces deux héroïnes étaient rendus d'une manière désespérante, tant l’illusion était complète. Lh bien, le croira-t-on ? ces phénomènes si remarquables .¡qui, à eux seuls, devraient faire naître.les convictions les.plus robustes , étaient précisé meut de ceux qui faisaient crier au charlatanisme. Cest qu’au lieu d’expliquer la loi génératrice de ces phénomènes, au lieu île dire :

«Par un effet do transmission de pensée, le sujet percevra dans mon esprit l’ordre tacite que je formule d’imiter tel ou tel héros, le magnétiseur, s entourant d'ombre et île mystère, se contente de dire : Le somnambule va faire la Jeanne d'Arc, la Virginie.

« Et pourtant le magnétisme est assez gros de merveilleux et d'inconnu pour qu’on songe sérieusement à en éliminer ces deux éléments qui entravent sa marche scientifique.

« Gustave Goossens. »

(Lasuite d un prochain numéro.)

COMMENT S’OPÈRE LA VUE A DISTANCE?

Deuxième article (1).

« Monsieur le baron,

.1 L’accueil bienveillant que vous avez fait à la communication que j’ai eu l’honneur de vous adresser, m’engage à vous rapporter un fait de vision à distance sans objet intermédiaire obtenu par la personne que j’ai citée précédemment.

« Mais je dois d’abord répondre à une observation qui m’a été faite relativement au néologisme employé par moi pour exprimer l’idée du déplacement de l’âme, ou de la faculté en vertu de laquelle s'obtient la vision à distance et sans le secours des sens matériels.

« On a dit quelquefois mensambulance, et M. Morin a fait observer avec raison que cela signifierait voyage de la table (ce qui pourrait s’appliquer aux tables tournantes, marchantes ou parlantes)-, au lieu que menlambulancc rendait l’idée du voyage de l’âme ou de l’esprit considéré alors comme synonyme de l’âme. Je crois, sans y attacher une grande im portance, que mentambulation est préférable, en attendant mieux. Le mot ambulation seul veut dire action de se pro-

(I) Voir le o° 55 du 10 avril 1829, Page 174.

mener, tandis que ambulance, quoique dérivant ù'umbulare, marcher, exprime toute autre chose que l’action de se promener. Je n’ai certes pas la prétention de faire parade de connaissances grammaticales, ni de donner des leçons à bien plus savant que moi, mais enfin si nous prenons la liberté de créer un mot sans le consentement de l’Académie française, mieux vaut lui donner, autant que possible, la forme qui rend le mieux l’idée qu’il représente.

« Or, mon contradicteur trouve que mentatnbulalion est aussi peu exact dans le sens que nous y attachons que les autres mots précités.

« Si c’est l’âme qui voyage, m’a-t-il dit, ce n’est pas l’esprit , la pensée, et votre mot n’exprime que le déplacement de la pensée qui elle-même reflète ce que l’âme éprouve ; mens et anima ne sont pas synonymes. »

« J’ai pris bonne note de l’observation , et comme il y a là une distinction que je ne saurais discuter, je la soumets à l’appréciation de plus compétent que moi en matière de philosophie , et comme je l’ai dit plus haut, je maintiens le mot mentambulation, en attendant mieux.

« Après cette digression, dont je vous prie de me pardonner la longueur, j’arrive au fait :

« Après avoir endormi magnétiquement ma somnambule, j’établis le rapport entre elle et une personne malade, dans le but de reconnaître si elle serait lucide pour le cas de maladie.

n Elle ne le fut que d’une manière imparfaite, ou du moins nous nous crûmes fondés à penser ainsi.

« La consultante lui demanda alors si elle pourrait lui donner des nouvelles de son père qu’elle avait quitté depuis quelques jours et qui habite Savignies (Oise).

« La somnambule répondit qu’elle allait tâcher d’aller jusque-là, et deux ou trois minutes après, elle dit : « C’est un peu loin , mais enfin me voilà arrivée.,. Il est couché, votre papa, et il dort bien tranquillement..., votre maman ne dort pas... Ils ne sont pas seuls dans la chambre, il y a un petit

enfant dans un autre lit à gauche en entrant... Est-il gentil avec son petit bras qui pend hors du lit ! »

« Comment la chambre est-elle meublée? lui demandai-je. —

Il y a une alcôve ¡î droite en entrant, c’est là que votre père est couché... Dans le coin , je vois une cheminée à la prussienne; il y en a donc aussi dans ce pays-là... Tiens , voilà un portrait, c’est celui de monsieur; il n'est pas beau, son portrait, il est tout noir (c’est un ancien portrait au daguerréotype...) Ah! je vois au-dessus de la cheminée une image... ça représente une drôle de maison..., qu’est-ce qu’il y a donc d’écrit en dessous ? je ne sais pas ce que cela veut dire , ce n’est pas en français. — Eh bien , lui dis-je , nommez les lettres les unes après les autres, et elle lut : Windsor Castle.

u J’ignorais complètement les détails de cet ameublement d’une chambre dépendant d’une habitation distante de vingt-cinq lieues, et tout était de la plus rigoureuse exactitude.

« Cette vue du château de Windsor avait été, il y a quelques années, rapportée d’Angleterre et donnée à M. Caron , de Savignies, par son neveu, et depuis, elle était restée accrochée à l’endroit indiqué par la somnambule.

« La consultante qui, seule avec moi, était en rapport avec le sujet, m’assura de la manière la plus formelle qu’elle ne songeait en ce moment à rien moins qu’à cette petite gravure.

a II n’y avait donc pas, selon toute probabilité, communication ou soustraction de pensée, et nous savons tous que c’est à cela que l’on attribue le plus grand nombre des merveilles du magnétisme, comme si un semblable phénomène était plus facile à comprendre que tous les autres. Pour moi, je le considère comme aussi inexplicable que les plus inexpliqués jusqu’à ce jour, et je- ne trouve aucun.motif pour lui. imputer la cause des faits qui échappent à notre raison, plutôt qu’à un déplacement de l’âme rapportant aux sens des impressions que ceux-ci ne peuvent saish-.

« Dira-t-on que dans le sommeil ordinaire, quand nos sens sont assoupis, notre esprit veille et que nous percevons d’une manière plus ou moins exacte les objets, les lieux ou les per-

sonnes que nous avons vus ou connus , et qu'il y a quelque rapport entre les rêvça 0lite3 songesvet les soi-disant visions des somnambules ? — quà l’état de veille, nous n’avons qu’à penser à une personne absente ou à des lieux que nous avons visités, et qu'aussitôt nous voyons, non par les yeux du corps 'mais par ceux de l’esprit, si cëla se peut dire, ces personnes ou ces lieux? Je reconnais là justesse de ces observations, et elles sont un argument puissant en faveur de l’hypothèse du déplacement de l'esprit ou de l’âme. Mais, dans cet État de -veille, notre intelligence travaille , ét il s’écoule un temps, bien court il est'vrai, entré le moment où nous' avons pensé à tel objet ou à telle personne et celui où , sous l’influence de cette pensée, leur image ë’est représentée à nous. Enfin, il y a là l’usage d’une faculté quC Dieil a accordée à l’homme, la mémoire, au moyen de laquelle-'l’àme conserve le souvenir des choses déjà connues, et, de plus, un autre phénomène, celui en vertu duquel nous percevons la représentation de ces choses. 'Mnis, dans cette prodigiense extension des forces physiques et des facultés morales que détermine le magnétisme chez les sujets les plus sensibles à son action , chez ceux qui arrivent au somnambulismes jusqu’à l’extaSe, ■état dans lequel ils perçoivent,’-non plus seulement comme dans le soinmeil 'ordinairebu'comtne dans Fétat de veille , les objets ou' les lieux que ¡es-yeux ne peuvent saisir, mais qui1 «ont conservés^dans la mémoire, y a-t-il déplacement de l’âme et estme en‘Vertu de ce déplacement qu’ils perçoivent les'objets et les lieux qu'ils n’ont jamais vus ? — Est-ce en vertu dece môme déplacement qu’ils lisent dans la pensée de ceux qui sont'mis en rapport magnétique, avez eux , qu’ils voient dans leur organisme les désordres et les ravages que la mstadiey exercey'qu’ils'indiquent l’endroiPoù se trouvent telles herbes ou telles substances propres! la'guérison, et enfin dans ce qui constitne la vision à distance:petite ou grande et qu’on nomme la lucidité, y a-t-il ou n'y a-t-il pasmentambulation ? thaï U the question.

« Recevez, monsienr le baron, l’assurance de ma respectueuse considération, h'-A. Baucre. »

VARIÉTÉS.

« C'était dans la soirée de jeudi dernier, par un temps calme et par un ciel étoilé. La nuit était déjà venue, lorsque tout à coup la partie de l'horizon qui fait face aux régions polaires s’illumina de clartés sinistres. Les rouges lueurs qui l’embrasaient lui donnaient l’apparence d’un vaste foyer incandescent, d’où s’échappaient des gerbes d’éclairs semblables aux pétillements de la flamme. Chacun se dit que quelque incendie avait éclaté daDS un quartier lointain, et la foule se disposait à aller porter secours à ceux qu’elle croyait dans le danger, lorsqu’on lui apprit qu’elle pouvait contempler, sans se déranger, ce spectacle imposant, qui n’était autre qu'une aurore boréale. Et alors elle se prit à regretter le malheur qu’elle déplorait tout à l'heure. En dépit de son scepticisme, en dépit aussi de la science, qui explique tant bien que mal ce merveilleux phénomène, elle se ressouvint de ses vieilles croyances d’autrefois, de ses préjugés, si l’on veut, et elle se demanda si ce n’était pas là un avertissement du ciel, le signe avant-coureur des grands événements dont elle entendait déjà les grondements lointains. Et rebelle aux leçons de M. Babinet, le souvenir de la comète qui illuminait naguère les profondeurs du ciel, lui revint à la mémoire, et volontiers elle aurait répété avec Claudius : Nunquam terris spectatam impune cometem ; « ce n’est jamais impunément que les comètes se montrent à la terre; » ou bien encore avec Lucain : Terris mutanlem régna cometem ; et avec Silius Italicus : llegnorum eversor, rubuit telhale cometes.

u Ces commentaires, écho spontané et irrésistible d’appréhensions dont le peuple rit volontiers aux jours de calme, mais dont il s’alarme aussi chaque fois que l'avenir est gros de tempêtes, sans que l’institut puisse espérer de l’en guérir jamais,—nous les écoutions sans les approuver ni les blâmer, nous bornant à réciter à demi voix ces vers de Virgile :

Solem quis dicero falsum Audeal? Illc eliam cæcos instare tumullus Siepè monct, fraudcmquc et apcrln lumesccre bolla.

«Qui oserait accuser le ciel d’imposture? Souvent il nous révèle les fureurs, les complots et les guerres qui, sourdement préparés, sont sur le point d’éclater. »

(Extrait de F Union du 26 avril 1859.)

IES MÉDIUMS ET LES HÔPITAUX AMÉRICAINS.

A New-'ï ork , le docteur John Scott, demeurant BonJ-Street, n° 16, qui passe pour le premier des médiums guérisseurs , a adressé au conseil des administrateurs des hôpitaux de la ville une proposition signée : il s’engageait à rétablir dans l'état normal de santé les membres que les médecins condamnent à être amputés, il s’engageait également à guérir toutes les maladies jugées incurables ; il déclarait que c’était après mûre délibération qu’il faisait cette oiTre, dans le but de soulager l’humanité souffrante, et parce qu’il regardait comme un devoir de faire profiter le plus de monde pos-sible des facultés qui lui avaient été conférées de guérir les malades. Le conseil a décidé que cette proposition ne serait pas prise en considération. Le Spiritual Tetegraph, qui rapporte ces faits dans son n» du 22 janvier, blâme avec raison ce refus dédaigneux, et reproche aux administrateurs de n’avoir pas au moins nommé une commission pour examiner les procédés de M. Scott et s’enquérir des résultats qu’il obtient. Si étranges que puissent paraître ses affirmations à des personnes étrangères à toute notion de magnétisme et de spiritualisme, on ne devait pas les repousser sans examen et s’exposer, dans le cas où elles contiendraient une part de vérité, à priver les pauvres malades des moyens d’alléger leurs maux ou même de leur rendre la santé.

Le Journal de l'Aisne reçoit de Pignicourt (canton de Neuf-châtel), des détails assez dramatiques sur un fait qui vient de

se passer dans cetle commune. Le 3 janvier dernier, jour des Rois, trois jeunes gens, deux frères et un de leurs amis, jouaient le soir aux cartes au coin du feu dans la maison de l’un d’eux."Après quelques parties, il vint àTuft*8es joueurs -la bizarre fantaisie d’interroger le sort parla voie des cartes, et de jouer à l’écarté, et au dernier restant, quel serait celui des troisi qui‘mourrait île premier. Le plus jeune s’opposait vivement à ce que l’on tentât ainsi le hasard ; mais, malgré lui, les deux autres s’attablèrent et commencèrent leur partie de mort. La première partie fut perdue par le plus âgé, qui est mort le 16 février. Le plus jeune, celui qui avait d’a-bOfd1 refusé'dë jbuer, perdit la seconde, et mourut dix jours après son frère, c’est -à -dire le 26 février. Le dernier restant àTécarté, celui qui aurait dû, ce semble, survivre frappé peut-être plus-vivement que les auires de la fatale prédiction, -est mort le premier de tous, le 26 janvier. Ils étaient âgés de Vingt, vingt-huit et trente-trois ans. On nous affirme l’exac-''fitude de cette lugubre histoire qui ressemble à une légende fantastique ou à un rêve’ de'romancier allemand.

dm

AVIS.

• Nous rapptelons-à' tous nos Abonnés, à tous1 les partisans du magnétisme, la fêté de Mesmer qui se célèbre lé 23 mai. Jusqu’à présent cette fête a réuni dans un banquet l’élite des magnétistes. Iciv'dansce journal, nous ne pouvçns donner d'autres détails? ils seraient d'ailleurs superflus.

Baron du POTET, propriétaire-gérant.

125' ANNIVERSAIRE

DE LA NAISSANCE DE ME^Ü*

«:* Mal 185».

14' célébration, sous la présidence de M. le baron Du Potet.

Notre publication a été retardée par la fête de Mesmer. Nous aurions voulu donner un compte-rendu complet, comme les années précédentes, des toasts et discours prononcés dans ce banquet ; mais, forcés par lelemps, l’impression n’allant pas aussi vite que la pensée , noua nous bornerons aujourd’hui à donner le discours de l'honorable président : le numéro prochain contiendra un aperçu général, mais d'avance nous pouvons annoncer aux manquants que cette fête a été digne et charmante comme ses aînées.

Voici le discours de M. le baron du Potet :

Mesdames et Messieurs,

Malgré les justes préoccupations publiques qui ont éclairci nos rangs, nous n’avons pas voulu laisser une lacune dans le tribut moral que tous les ans nous payons à Mesmer. Cette consécration nouvelle me permet de vous annoncer, avec une joie bien sincère, le progrès du magnétisme : le chemin qu’il fait dans le monde est incalculable; du bien qu’il réalise déjà, nous en avons chaque jour de nombreuses affirmations. Mais l’esprit des novateurs semble se reposer sur ses conquêtes ; aucun travail sérieux n’a paru cette année. Le spiritualisme a partagé le monde magnétique, et l’étude des merveilleux phénomènes qu’il présente a diminué le nombre des bons esprits

Touk XVIII. — Ko 58. — 2« Série. — 25 Mai 1859. 10

écoles officielles. Nous n'avons point à blâmer les hommes d'ailleurs recommandables, qui, obéissant à leur nature, s'élancent vers des régions inconnues du vulgaire. Pour nous, par position et par amour du magnétisme, nous restons à la base, — sur ce terrain fréquenté par les Mesmer, les Deleuze et les Puységur. Nous croyons que les idées générales auront encore besoin longtemps de s’appuyer sur des phénomènes d'une démonstration facile, et que le magnétisme perdrait de ses avantages s'il quittait trop tôt ce qui seul lui a donné une grande valeur.

Au milieu de ces théories philosophiques qui se produisent chaque jour, de ce tumulte des opinions, de ces croyances religieuses qui vont se divisant à l’infini, jetant le monde dans un vague où se perd souvent la raison, le magnétisme comme un flambeau apparatt à l’horizon : sa lumière douce et bienfaisante fait reconnaître les erreurs de la philosophie, de la fausse science et des croyances -, elle ramène l’homme aux vérités méconnues qui seules sont capables de le guider et de lui faire reconnaître sa divine origine.

Vous avez été souvent les témoins de mes transports et de mes colères, — je voulais dans mon généreux dessein pénétrer tous les esprits de ce que le mien apercevait de réalisable, et de l’amour qui m’enflammait pour la sainte cause que nous défendons tous ensemble, — sans avoir rien perdu de la chaleur qui m’animait dans ce temps, ma modération n’est qu'un temps de repos que je me donne, car nos antagonistes, plus injustes et aussi peu clairvoyants qu’autrefois, s’apprêtent de nouveau à nous faire la guerre sans considérer que c’est pour eux que nous travaillons, et qu’ils doivent hériter un jour de tout ce que nous aurons amassé par nos travaux. Vous me verrez donc bientôt descendre de nouveau dans l’arène. Arrachant les masques de l’imposture et répondant à ces ennemis sans foi, j’établirai le bilan de leurs mensonges, et si j’ai pu les faire redouter, peut-être cette fois les rendrai-je odieux. C’est qu’il s’agit ici, non de ma personne, mais d’une vérité utile à tous les hommes et d’une puissance plus certaine,

qui cherchaient dans le magnétisme pur les éléments d’un nouvel art, et d’une thérapeutique plus vraie que celle des plus efficace à elle seule que tous les remèdes ensemble; c’est qu’il s’agit d'un principe aussi fécond en grandes choses que leurs terribles systèmes sont féconds en désastres.

Achevant ma vie comme je l’ai commencée par une lutte au profit de tous, j’aurai servi la science sans m’occuper de moi-môme. Imitant de loin nos maîtres, toutes mes pensées, toutes mes facultés n’auront eu qu’un seul but : le triomphe de la vérité et l'horreur du mensonge. Je viens donc, tout en vous apportant de bonnes nouvelles, vous inciter à de nouveaux efforts, afin que nous ne déméritions point de la mission dont nous nous sommes chargés, et que nos maîtres, s’ils nous entendent, puissent toujours croire que nous sommes, sinon de dignes successeurs, du moins des apôtres pleins de foi qui continuent avec zèle à répandre la divine semence de leur parole ou de leurs écrits.

Interprète de tous nos amis absents, je porte un toast à la mémoire de Mesmer.

Ce toast, qui se distingue par son laconisme, a été vivement applaudi. Il annonce au monde magnétique que M. du Potet ne reculera pas devant les nouvelles attaques que préparent les ennemis, qu’il s’apprête au contraire à pénétrer dans leur camp : on peut donc s'attendre à une petite et peut-être dernière bataille au profit de la vérité.

THÉORIES.

SYSTÈME PHYSICO-PI1VSIOLOGIQUE TOUCHANT LES PHÉNOMÈNES ATTRIBUÉS AU MAGNÉTISME ANIMAL.

(Suite.) (1),

Le fluide générateur ou od. Son universalité, sa nature, ses effets.

Si nous considérons les diverses forces de la nature , nous ne pouvons les concevoir que dans leur union avec la matière , et des effets de ce contact résulte toujours pour nous une double manifestation.

Qu’est-ce que la lumière ? Une ondulation de 1 éther, comme le son une vibration de l’air. L'un de ces éléments vient-il à manquer, nous avons les ténèbres, nous avons le silence.

Etudions-nous avec Newton le phénomène de la pomme se détachant de sa branche et tombant à terre, à nos yeux se révèle encore une nouvelle loi, la gravitation, c’est-à-dire l’attraction qu’exerce la terre sur les objets répandus à sa surface, ou, dans un sens plus étendu , celle que les grands corps de la nature exercent sur d'autres plus petits en les attirant vers leur centre : c’est ce qu’on désigne aussi sous le nom de force centripète, laquelle a pour contre-poids la force centrifuge.

L’attraction devient-elle plus puissante et n’éprouve-t-elle aucun obstacle, nous trouvons la cohésion ou action moléculaire , c’est-à-dire la force qui, d’après certaines lois d'af-linité , unit ensemble les molécules matérielles et les tient enchaînées l’une à l’autre; mais cette cohésion elle-même nous présente des degrés différents suivant que le corps est solide ou liquide. Elle est nulle si le corps est gazeux.

(I) Voir Icn» 53 du 10 mars, page 121.

Qui produit cette modification dans l’état d’agrégation des corps? C'est la cluilcur; c’est elle qui, selon qu’elle augmente ou diminue son action, les dilate ou les condense. S'élève-t-elle à un haut degré, les corps se volatisent, la force répulsive l’emporte sur la force attractive, les molécules se séparent et reprennent leur liberté.

Une autre série de phénomènes où se montrent des effets bien décisifs de cette force attractive et répulsive, c’est celle que nous offre le fer, ainsi que quelques autres métaux dans certaines conditions d'oxydation ou d'alliage. On a donné à cette force le nom de magnétisme: on ne la rencontre pas seulement dans l’aiguille aimantée, mais encore dans la terre, qui n’est elle-même qu’un grand aimant. Elle nous présente, ainsi que l’aimant, deux pôles, le pôle boréal et le pôle austral, dont chacun repousse invariablement le pôle de même nom et attire le pôle de nom contraire.

Nous trouvons encore une nouvelle source d’attraction et des phénomènes non moins surprenants dans la propriété qu'ont un grand nombre de corps, tels que la résine, l'ambre, le soufre, le verre, lorsqu’ils sont frottés, d’attirer les corps légers, puis de les repousser lorsqu'ils les ont saturés de ce nouveau fluide oonnu sous le nqmxVélectricité : celle-ci, comme nous le savons, est de deux sortes suivant les corps dont elle émane, positive ou négative, et chacune d’elles est soumise à la loi indiquée plus haut.

Enfin, de l’union de ces deux dernières forces, on en a formé une troisième qui diffère de la précédente par son mode de production et par la puissance et là multiplicité de ses effets : elle résulte du contact de corps hétérogènes et présente également deux pôles. Pour rendre hommage à celui qui l’avait découverte, on l’avait d’abord désignée sous le nom de galvanisme, aujourd’hui on la connaît sous celui Üélectro-magnétisme.

Ainsi, nous le voyons, toute force dans la nature est double, sinon dans sou essence, du moins dans sa production : du contact seul jaillit la vibration, l’étincelle, le rayon, le mouvement, la vie dans l’univers.

Déjà frappés de certains rapports communs à plusieurs de ces manifestations, quelques savants modernes ont pensé qu’il y aurait lieu de réduire le nombre de ces impondérables, et dès aujourd’hui il n’est plus permis de douter que les divers phénomènes attribués au magnétisme, à l’électricité, au galvanisme, lie soient autre chose qu’un mode différent de production et peut-être de mouvement d'un même impondérable. Mais moi, j’irai plus loin encore, et je poserai en principe que tous les phénomènes de la nature émanent d’une même cause, cause première, cause suprême, qui apparaît à nos yeux comme le centre du cercle, dont les forces connues jusqu’à nos jours ne sont que les rayons. C’est cette cause , cette force universelle, cet impondérable, ce fluide générateur que je désignerai sous le nom d'od.

Ce mot forme la racine du "Vieux mot allemand Odin, le Dieu puissant, le Dieu présent partout et pénétrant tout. Aucun autre nom , en effet, ne semble pouvoir mieux désigner cette force primordiale et créatrice, ce fluide de Mesmer «universellement répandu et continué de manière à ne souffrir aucun vide, dont la subtilité ne permet aucune comparaison, et qui, de sa nature, est susceptible de recevoir, de propager et communiquer toutes les impressions du mouvement. » C’est la force qui anime la nature entière, c’est elle qui imprime à tout vie, mouvement, pensée ; c’est elle qui soulève, qui agite la matière inerte, qui attire, rapproche, sème, enfante, développe, puis renverse et détruit, pour recréer et enfanter encore ; qui, par la mort, met un terme à la vie et fait sortir la vie de la mort. C’est cet esprit divin qui, au commencement des temps, planait au-dessus de l’abîme, et qui, à la voix de l’Eternel : « Fiat lux » s’échappa de ses mains pour vivifier la masse informe et éclairer les ténèbres. Alors, sous son souffle générateur, les eaux de la terre se séparèrent, les herbes, les arbres se développèrent, les astres au firmament apparurent, les poissons, les oiseaux peuplèrent l'onde et les airs, les animaux couvrirent le globe , et enfin l’homme, le roi de la terre, vint compléter l’œuvre de l’esprit divin.

Si maintenant nous venons à examiner l'essence même de cctle force, nous voyons que cette essence est double, comme celle des antres forces qui en émanent. Peut-être cette dualité n’est elle pas réelle, mais du moins elle se montre telle à nos sens ; ainsi il nous faut l’envisager dans sa double manifestation et même employer pour désigner ces deux modes de manifestation deux expressions qui, bien qu’assez impropres , sont trop consacrées par l’usage pour que nous voulions tenter de'les débaptiser. 11 y a donc deux sortes d’od: Yod positif et Yod négatif. Chaque corps dans la nature, lorsqu’il est simple, est soumis soit en plus , soit en moins à l’une de ces deux influences : plus il est pur, plus cette influence est exclusive. Tout corps composé est soumis simultanément à ces deux influences, soit qu’il y ait égalité de composition, soit que l’une ou l’autre domine. Toutefois, comme tous les corps simples sont pénétrés à un degré différent et suivant une certaine échelle de gradation, de l’une ou de l’autre de ces influences, les mots positivité et négativité ne peuvent pas avoir un sens absolu ; ainsi tel corps, qui sera positif relativement à un second, pourra être négatif relativement à un troisième. Ces expressions ne pourront donc avoir de sens précis qu’autant qu’on prendra un objet quelconque, la libre nerveuse de l’homme, par exemple, pour terme de comparaison.

Nous avons dit que tout corps simple, tout atome élémentaire n’est soumis qu’à une seule de ces influences ; alors il est inerte, la vie chez lui est suspendue ; il erre vaguement dans l’espace. S’il rencontre un autre atome, que se passe-t-il alors? Puisque la loi qui préside aux phénomènes électriques et magnétiques régit également la force odique, si les atomes sont de même nature, c’est-à-dire appartiennent au même élément, ils se repoussent ; si, au contraire , leur élément n’est pas le même , comme tous les corps de l’univers sont polarisés d’une façon différente, ils s’attirent l’un l’autre et s’enchaînent.

Ici se présente une grave objection. Si cette loi était fondée , observeront les savants, il n’y aurait pas de cohé-

sion possible entre les atonies d’un môme élément, et cependant nous voyons une foule de. corps élémentaires qui so présentent à nous sous la forme liquide et sous la forme solide, et qui se trouvent par conséquent soumis à cette loi de cohésion.

Je suis désolé, messieurs les savants, de n'être pas avec vous d’accord à ce sujet ; mais la cohésion, comme vous l’entendez , n’existe paq dans la nature. Les molécules ne sont unies entre elles que: par des lois d'affinité. Du reste, je 11e prétends pas entamer avec vous une longue polémique. La loi que j’ai posée s’appuie, comme vous le verrez, sur trop de preuves pour que je puisse la laisser révoquer en doute; elle est du reste trop logique, trop rationnelle, trop en harmonie avec les lois générales de la nature , pour ne pas être certaine. Il faut vous résoudre à en subir les conséquences.

Nous ne connaissons de corps élémentaires dans un état de pureté parfaite que ceux qui s'offrent à nous sous la forme gazeuse. Dès qu’un corps se présente sous la forme liquide et surtout solide, c’est-à-dire soumis à la loi d’attraction moléculaire, il y a adjonction d’un élément hétérogène. Quel est-il? Jusqu'à présent, je l’ignore. Cependant, je le soupçonne : plue tard peut-être vous le dirai-je. Pour le moment, contentez-vous de savoir que vous êtes dans l’erreur. Quelque hardiesse qu’il y ait de ma part à vous contredire, l’avenir, j’en suis certain d’avance, se chargera tôt ou tard de justifier mon audace.

lîne preuve qui vient à L’appui de la proposition que j'avance , c’est que si vous mettez dans un mortier, d’après les proportions voulues , les molécules de deux de ces corps que vous dites élémentaires (par exemple, de la fleur de soufre et de la limaille de fer), vous ne pouvez , malgré toutes les triturations possibles, espérer autre chose qu'un mélange. Pourquoi ? — Parce que les molécules de ces deux corps sont chacunes unies à un corps hétérogène qui s’oppose aux lois des actions moléculaires ; mais si, au moyen de la chaleur, vous parvenez.à dégager cet élément hétérogène, aus-

sitôt les molécules redeviennent libres, se rapprochent en vertu de la loi d'affinité, et vous avez, au lieu d’un simple mélange, une combinaison (du sulfure de fer). Que se passe-t-il alors? Les pôles contraires s’attirent, s'enchaînent l’un l’autre avec une force d'autant plus grande qu'ils sont d’une nature plus opposée, et nous avons un composé homogène où chaque molécule est douée de polarité. — Dans cette combinaison cependant, comme dans toutesles combinaisons chimiques, il s’est passé deux phénomènes bien connus de tous les physiciens, un développement de calorique et un développement d’électricité. Si vous y ajoutez tous les phénomènes attribués aux autres forces de la nature et résultant du rapprochement, du choc, de la vibration , du frottement, de l’attraction des corps, vous verrez que tous proviennent de la même cause, et que si l’effet varie, cela ne vient que du mode de déplacement des polarités, de la rapidité des mouvements des molécules ou de la modification des milieux, où la force odique se développe. 11 nous sera facile, en étudiant l’un après l’autre tous ces phénomènes , de reconnaître qu’il n’en est aucun qui ne puisse s’expliquer par le simple elfet de cette force première. Mais nous verrons en outre qu’à part ces phénomènes qui rentrent dans le domaine des forces déjà connues, il en est encore d’autres qui ont échappé jusqu’à ce jour aux regards des savants, et qui appartiennent en propre à la force qui nous occupe ; c’est pourquoi nous les nommerons phénomènes odit/ues. Ils sont de deux sortes : phénomènes de sensation et phénomènes de vision. — Je ferai voir que chaque corps, soit simple, soit composé, présente au regard et au tact de l’homme doué de sensitivité une impression diverse suivant qu’il occupe un rang plus ou moins élevé dans l’échelle odique de positivité et de négativité, dont la fibre humaine sera le point de départ. — Cependant, je m’arrête ici, de crainte d’anticiper sur ce qui doit faire le sujet du chapitre suivant.

L’od, comme nous l’avons vu, s’unit à toutes les forces de la nature. Pour rappeler cette union dans les diverses études que nous allous en faire, uous joindrons son nom à celui de

la force ou du milieu dans lequel il se produit. Ainsi, uni à l’aimant, nous le nommerons Magnetod, uni au magnétisme terrestre Erdod, aux cristaux CristaUod, à la chaleur Thcr-mod, à l’électricité Eleclrod, la lumière Photod. S'il est produit par le frottement, ce sera le Tribod, comme résultat des combinaisons chimiques le Chiviod ; s’il est dû à l'action du soleil, de la lune, des astres, YUêliod, l’H écatod, Y As trod. Enfin, dans ses rapports avec les corps organiques et principalement avec l'homme, il prendra le nom de Biod; c’est par ce dernier que nous commencerons la série de nos études.

ÉTUDES.

UNE INITIATION.

DÉTAIL ET COMMENTAIRE DE QUELQUES EXPÉRIENCES.

La lecture des livres est bonne pour donner le goût de la science, elle est bonne pour compléter une instruction avancée ; mais elle est insuffisante pour former une conviction sérieuse : on n’y parvient généralement qu’à l'aide d’expériences faites par soi-même. C’est la voie que nous avons suivie. En entreprenant maintenant le récit de quelques phénomènes magnétiques qui nous ont servi de point de départ, nous ne pensons donc point arriver à former immédiatement des conversions, mais seulement à inspirer le désir d’expérimenter par soi-même, persuadé que bientôt, et, au plus tard, après quelques tâtonnements, la conversion sera faite ; tout esprit juste et libre aura saisi la vérité pour y demeurer attaché d’une manière inébranlable.

Sans idées bien arrêtées sur les faits magnétiques, nous venions de lire en 18/10 une brochure anonyme publiée sur

ou plutôt contre M. Laurent et Mlle Prudence. Cette critique nous avait paru des plus faibles et aller presque à rencontre de la thèse que voulait soutenir l’auteur ; elle nous inspira le le désir d’étudier la question. Mais alors Mlle Prudence voyageait; nous ne pouvions donc répéter ou voir les expériences controversées. Celte occasion ne nous fut offerte que deux ou trois années plus tard, époque à laquelle nous retrouvâmes Mlle Prudence, non plus avec M. Laurent, mais sous la direction de M. Lassaigne. Nous fîmes une partie d’écarté avec cette somnambule ; elle joua très-convenablement. Mais remarquant la position de M. Lassaigne, qui se tenait debout derrière elle, et la guidait évidemment par son influence flui-dique, nous lui demandâmes de s’éloigner. Refus de celui-ci et mauvaise humeur à notre endroit ; nous fûmes dès lors considéré comme un adversaire du magnétisme, peut-être comme un ennemi secret de Mlle Prudence. En réalité, cette personne (assez peu lettrée, nous a-t-il semblé) n’avait pas vraisemblablement l’habitude de jouer à l’écarté , et son inexpérience avait besoin du concours de son magnétiseur pour qu’il lui insufflât ses pensées et la guidât.

Cette somnambule, dans une soirée des plus pénibles et d’une durée de près de deux heures, se mit en rapport avec divers curieux, les suivit dans des voyages plus ou moins fantastiques, exprima par des poses ou des mouvements de physionomie les sentiments de personnages dont la position indiquée par écrit à M. Lassaigne lui était suggérée mentalement par celui-ci à l’aide de quelques passes ou même du simple regard.

C’en était assez pour nous avoir convaincu de la réalité de l’influence physique se manifestant comme par l'intermédiaire d’un fluide mû par la volonté, de la facilité d'établissement des rapports, etc. L’insensibilité magnétique fut aussi démontrée ; mais les phénomènes, assez improprement appelés vues à distance et à travers les corps opaques, n’étaient pas encore abordés.

Quelques années plus tard, nous nous trouvâmes dans un salon particulier, où quelques personnes avaient été réunies

pour observer un autre somnambule, M. Calixte Renaud, de Bordeaux. La lucidité de celui-ci est des plus grandes, et les expériences remarquables, dont nous fûmes le témoin cl en partie l'acteur, achevèrent de compléter nos convictions. Voici les deux expériences principales auxquelles nous provoquâmes ce somnambule.

Nous demandâmes au premier venu un livre quelconque pris au hasard dans une bibliothèque voisine. Nous 1 ouvrîmes après l’avoir renversé, c’est-à-dire la reliure seule étant visible pour nous, et le présentâmes dans celte position à M. Benaud, sans avoir regardé même le titre du volume : nous le priâmes de lire dans ce livre ainsi renversé. En deux ou trois minutes, M. Benaud lut ou plutôt épela une phrase de deux lignes, que plusieurs personnes écrivirent sous sa dictée pour en confronter l’exactitude. L’expérience eut un plein succès : le somnambule avait lu péniblement, mais avec la plus grande exactitude.

La seconde expérience, dans laquelle il commit une erreur, nous a paru des plus curieuses, précisément à cause de cette erreur qui démontre sa bonne foi et sa lucidité mieux que toutes les précautions et tous les masques que pourront inventer les sociétés savantes pour prévenir des fraudes. Nou3 primes notre montre, nous la renversâmes et imprimâmes aux aiguilles avec la clef un mouvement irrégulier, de manière à ne pas savoir nous-même quelle heure elles indiquaient. Nous la présentâmes toujours renversée àM. Renaud,en lui demandant quelle heure elle marquait; il nous répondit une heure et dix minutes. Alors seulement nous regardâmes le cadran : ce n’était pas une heure et dix minutes, mais onze heures moins dix minutes, chiffres placés dans des positions symétriques, c’est-à-dire à égale distance de midi, mais les uns à gauche, les autres à droite. Le somnambule avait bien vu la position des aiguilles, mais il avait fait abstraction du renversement du cadran et de la montre , et n’avait pas fait attention aux chiffres. Cette expérience se passait dans la soirée ; l’heure réelle était donc sans rapport aucun avec celle ■marquée par la montre. La vue à travers les corps opa-

ques, pour nous servir du langage adopté, était démontrée.

Le troisième somnambule, dont les expériences aient servi à nous éclairer, portait le nom de Julio et était magnétisé par M. Lassaigne, le môme qui actionnait quelques années aupa ravant Aille Prudence. Ici encore, c’est une erreur qui va le plus attirer notre attention.

Deux ou trois passes suffisaient pour endormir II. Julio et lui donner la lucidité. M. Lassaigne et son somnambule se mettant à la disposition de la société, un de nos amis placé à notre côté demande à M. Lassaigne, en lui parlant à l’oreille et il douze pas au moins de distance de M. Julio, q,ue ce dernier vînt auprès de lui, prît un porte-allumette placé dans une de ses poclies et mit le feu à une allumette. M. Lassaigne, après avoir reçu l’impression de ce désir, remonte sur son théâtre, dirige la main sur SI. Julio, qui part à l’instant, vient auprès de notre ami et prend non son porte-allumette, mais un pince-nez ou lunette. Encore cette fois, mauvaise humeur de M. Lassaigne, qui rappelle son sujet auprès de lui, et l’actionne de nouveau, pour lui faire mieux comprendre sa volonté. Quelques secondes suffisent, et M. Julio de dire : « J’avais enteudu lunette. » Il part, fouille notre ami, trouve le porte-cigare, et fait brûler une allumette, L’expérience était donc faite d’une manière très-satisfaisante.

Aucune parole, autre que celles pour le. rappel, n’avait été échangée entre M. Lassaigne et M. Julio pour lui faire connaître la nature de son erreur. Mais, l’expérience accomplie, M. Lassaigne ne put s’empêcher de dire à M. Julio : « Comment avez-vous pu me dire que vous aviez entendu lunette, puisque ma pensée vous arrive par le fluide qui vous pénètre ? Vous n'avez pu entendre, n

Beaucoup de magnétiseurs et nous-même alors, nous eussions tenu le même langage. Depuis, nous nous sommes expliqué ces paroles du somnambule par la faculté du déplacement de l’âme hors de l’enveloppccharnelle, faculté qui serait principalement i nhérente à ces états. Nouscreyons en effet que, lorsque AL Lassaigne avait quitté M. Julio pour s’approcher de notre ami, et savoir de lui quelle expérience devait être

faite, M, Julio s’était interposé en esprit entre eux deux et écoutait véritablement, de telle sorte que, se croyant sûr de son fait, il n’avait pas cherché ensuite à comprendre la pensée du magnétiseur et à recevoir son fluide.

Après ces diverses expériences, nous n’avions plus qu'à opérer nous-mômepourasseoirdéfiohivementnos convictions, si nous étions convenablement doué. C’est ce que nous avons fait avec succès. Plus de doute possible.

La lecture des livres de M. Cahagnet nous a mis sur la voie des faits de spiritualisme et d’évocation que les expériences n’ont pas tardé à confirmer aussi pleinement. Ainsi, nous n’avons pas hésité à admettre la réalité des évocations, malgré les réponses divergentes sur des points très-essentiels, pour lesquels il semble qu’il ne puisse y avoir qu’un parti à prendre, qu’une réponse à attendre, et malgré aussi l’incertitude que laisse quelquefois l’opération sur la présence réelle de l’esprit appelé. Mais ce ne sont pas là, croyons-nous, des raisons suffisantes pour nier la réalité des phénomènes dans un sens général. Les seules conséquences à tirer, c’est d’abord que les expériences ne réussissent pas toujours ; qu’il y a toujours quelque incertitude ; c’est enfin que l’omni-science n’appartient pas plus aux Esprits qu'à nous ; ces derniers ont seulement sur nous des avantages. L’omniscience, c’est Dieu seul, c’est Dieu même.

Le magnétisme, lui aussi,est-il donc infaillible? Non, sans doute. Consultez sur la même question , sur le même fait, trois ou quatre somnambules, vous aurez quelquefois autant de réponses diverses. 11 ne s’ensuit nullement de là que le magnétisme n’existe pas. Ce serait une autre exagération plus fausse encore que la crédulité aveugle.

Rentrons dans la vie ordinaire : qu'un malade conte ses douleurs à trois ou quatre médecins, c’est celui-là qui pourra dire lot capitu, toi senstts. Ce que l’un recommandera avec chaleur, l’autre le défendra comme un poison mortel. Il ne s’ensuit pas davantage de là que la médecine n’existe pas. La science est d’essence divine ; mais l’homme, qui la reçoit et l’applique, est borné et incomplet.

De môme la communication avec les morts est un fait réel, vrai, mais sujet à erreur, et alors môme qu’il y a identité dans l’évocation, l’erreur peut encore se glisser dans les réponses faites, erreur résultant soit d’ignorance, soit de présomption , soit d’habitude et de préjugés persistants chez les Esprits après la mort; mais l’erreur est d’autant moins à craindre que la mort remonte à une époque plus reculée.

Pour ces opérations, nous nous sommes presque toujours servi, comme M. Cahagnet, de vrais somnambules plutôt que de médiums, qui ne sont souvent que des somnambules incomplets. Avec les somnambules disparaissent, au moins dans un grand nombre de cas , les incertitudes touchant l’identité des personnes évoquées. Les décédés apparaissent en effet ordinairement visibles aux somnambules, et sous la forme d’ombres qui rappellent leur apparence avant leur décès. Le signalement qu’ils peuvent donner est le meilleur indice pour s’assurer qu’il n’y a pas fraude dans la substitution des personnes.

L’appel est d’autant plus facile et présente d’autant moins de chance à cette fraude, que l’évocateur ou le voyant possèdent , tiennent un objet ayant appartenu à la personne décédée ; car alors, comme dans la magnétisation, le rapport sera établi.

Un autre danger, dont on ne se méfie pas assez, et qu’il est bien plusdifficile de prévenir, estd’éviter que l’Esprit, les idées de l’évocateur ne jouent un rôle dans les réponses obtenues. Nous ne voulons pas dire qu’il n’y ait qu’un pur reflet, mais nous soutenons qu’il y a souvent, presque toujours , reflet partiel d’idées actuelles ou anciennes (1). L'évoqué n’est plus purement et simplement lui-même ; c’est un être mixte, formé généralement 1° en plus grande part de lui-même, 2° de l’évocateur, 3" du somnambule ou médium.

Ce sont ces difficultés et ces doutes qui ont tenu en dehors du sacré parvis beaucoup de bons esprits. Le nombre des

(1) Voir sur ce sujet l'expérience par nous rapportée dans ce journal, 1856, p. 408.

incertains pourra diminuer avec la vulgarisation des doctrines ; mais il y aura toujours des ergoteurs qui auront de leur côté quelque .apparence de raison, des esprits de négation dont il faudra bien prendre son parti ; puis, à côté de ceux-là, des enthousiastes exagérés et sans critique suffisante qui contribueront sans le savoir à entretenir les premiers dans l’erreur , en leur donnant quelques sujets de triomphe sans importance, mais vrais. Et, ce qu’il y a de plus bizarre, c'est qu’il semble que les plus obstinés contre le spiritualisme soient certains magnétiseurs. A ceux-là nous conseillons, comme sujet de méditation , la lecture du chapitre Xll, qui termine le tome i" de l’Histoire critique du Magnétisme, par Deleuze, et qui est intitulé : Digression sur les doctrines mystiques.

Deleuze se tient, il est vrai, sur ta réserve ; il ne reconnaît pas que la possibilité de communiqner avec les morts soit prouvée ; mais il dit qu’elle n’a rien d'absurde, et qu’il est de la justice de ne pas traiter de visionnaires ceux qui disent l’avoir fait. Nous avons assez de confiance dans son bon esprit pouï croire que, s’il vivait aujourd'hui, il reconnaîtrait que cette possibilité est démontrée. Il ne commet pas une moindre erreur, en disant que cette doctrine n’a rien de commun avec le magnétisme. Le magnétisme ne met en action, ne permet de communiquer aux somnambules que la partie de fluide en excès chez le magnétiseur, tandis que l’évocateur donne un moral et puissant auxiliaire daus le concours d'un Esprit rendu à sa pleine liberté par le dégagement des entraves corporelles. 11 y a donc un lien étroit entre les deux opérations ; la seconde n’est que le complément, le plein et complet développement de la première. Un fluide magnétique abondant peut mieux produire des effets analogues à ceux réalisés par la présence des Esprits, d’où nouvelle source d’erreur, en faisant attribuer à des Esprits ce qui n’est que l’effet du fluide, et faisant supposer la présence d’Esprils là où il n’y en a pas le moins du monde.

Sauf ces réserves essentielles, l’article de Deleuze est excellent , et nous croyons ne pouvoir mieux clore cet article,

qu’en lui empruntant quelques passages choisis parmi les plus essentiels.

a Si l’on admet l’existence des âmes après la mort des individus qu’elles ont animés, on reconnaît déjà l’existence d’un nombre infini d'Esprits qui sont dans un état de bonheur ou de souffrance proportionné au bien ou au mal qu’ils ont fait pen-dantla vie : ce n’est pas tout, unefoisqu’on est persuadé qu’il existe un ordre d^tres intelligents qui ne sont point mis à la matière, on doit admettre que tous ces êtres ne sont pas exactement semblables, et qu’outre ceux qui ont été unis pendant un temps à un corps, il y en a d’autres qui sont’des intelligences, de bons ou de mauvais anges. Cela n’est pas une suite nécessaire de l’immortalité de l’âme humaine, mais c’est du moins une analogie qui rend la chose vraisemblable. On ne peut savoir si ces intelligences ont la faculté d’agir sur la matière, et rien ne conduit à le penser ; mais elles peuvent certainement entrer en communication avec les autres intelligences, même avec celles qui sont unies à un corps, en leur donnant des inspirations, ou en leur communiquant des idées.

n Voilà donc l’univers peuplé d’une infinité d’êtres d’une nature analogue à celle de l’âme humaine et qui peuvent communiquer avec nous. (P. 283.)

o Les pratiques des théosophes ont pour objet de communiquer avec les Esprits dégagés de la matière, et, pour dernier but, de s’élever à un plus haut degré de perfection. Les moyens qu’ils prétendent avoir pour cela sont-ils réels ou illusoires ? C’est ce que peuvent décider ceux qui les connaissent, et qui, après les avoir consultés, ont cherché de bonne foi à s’éclairer. 11 me suffit d'avoir montré que leur théorie n'est point insensée, qu’elle n’est pas dangereuse, et qu’on les a calomniés lorsqu'on les a traités de fanatiques. (P. 302.)

« 11 n’y a rien à gagner aux opérations magiques dans lesquelles on prétend disposer des Esprits : d’après le système des théosophes, ces opérations sont même accompagnées des plus grands dangers ; car si l’homme manque d’énergie, s’il

cesse un instant d’être attentif, si sa volonté est incertaine , les mauvais Esprits peuvent lui faire beaucoup de mal.

«Les mauvais Esprits peuvent même s’emparer de l’homme, et c’est là l'histoire des possessions ; mais l'homme de bien , qui, rempli de confiance en Dieu, leur intime ses ordres, les chasse à l’instant.

« On voit que j’expose ici des opinions que je suis bien loin de regarder comme probables. Je veux seulement montrer comment cette théorie explique les prodiges qui, dans des siècles moins éclairés, ont été adoptés par les peuples. »

Nous nous arrêtous dans ces citations, malgré l’opportunité qu’il y a certainement aujourd’hui à. les continuer; mais le livre de Deleuze est assez répandu pour qu'on puisse y recourir facilement. Le lecteur a d’ailleurs compris que les opinions, que Deleuze ne regarde pas comme probables, nous paraissent à nous non-seulement probables, mais même certaines , quelle que soit la difficulté de leur démonstration. Deleuze répète d’ailleurs si souvent que ce ne sont pas ses opinions qu’il expose et qu’il n’est que simple rapporteur, que l’on est conduit à chercher les motifs d’un si grande réserve et à se demander s’il n’aurait pas au contraire un secret penchant pour ces doctrines qu’il craint tant que l’on suppose être siennes. Imitant sa prudence, nous laissons à chacun le soin de faire cette recherche et de découvrir ses motifs, s’il en a eus, comme nous croyons pouvoir le supposer.

L. Lamothe.

CONTROVERSE.

LE SIÈCLE ET LA PATRIE DEVANT LA VÉRITÉ, par Mabru.—Brochure (choz l'auleur, rue do Luxembourg, 5).

M. Mabru s’est érigé, comme on sait, en pourfendeur du magnétisme ; en publiant son gros livre, il s’était flatté d’écraser définitivement le monstre si souvent terrassé et qui ne s’en porte que mieux. La nouvelle brochure due à la plume du fougueux athlète prouve qu’il est loin d’être satisfait de son triomphe : il se plaint avec amertume des attaques auxquelles a donné lieu ce malheureux livre tant incriminé; il déplore l’obstination des hommes de lettres et des journalistes que n’a pu séduire son éloquence , et qui ont été peu touchés de ses arguments irrésistibles. Une profonde tristesse s’est emparée de lui, il se figure assister au Waterloo de l’intelligence et du bon sens. Il traduit devant le tribunal de la vérité le Siècle... de la rue du Croissant, et la Patrie... do M. Delamarre , et c’est à celle-ci qu’il applique, en se voilant la face, ces paroles d’un héros antique : Ingrate •patrie, tu n’auras pas mes os. Cette menace est vraiment tragique , et il faut croire que la Patrie avait compté sur les os de l’ancien pharmacien, soit pour orner de son squelette le temple d’Esculape-Allopathos, vainqueur des somnambules, soit pour préparer quelque recette chimique destinée à servir d'antidote contre les fluides magnétiques et spiritualistes. I.a Patrie, ainsi que la patrie, seront bien attrapées; mais elles n’auront que ce qu’elles méritent.

M. Mabru a eu surtout pour but, dans sa brochure, do blâmer les deux journaux qui ont refusé d’insérer ses réponses aux critiques qui avaient été faites de son livre. Il commence par une déclamation banale contre le journalisme ; il

toftne contre l'ignorance qui, selon lui, est la cause de tous les maux de l’espèce humaine (découverte qui vaut son pesant d’or). Quant au magnétisme, il ne présente aucun argument nouveau ; il se croit fondé à tirer avantage de ce que son prix de 3,000 fr., fondé en faveur de celui qui pourra lire sans le secours des yeux, n’a pu être gagné, et il déclare proroger le délai jusqu’au 1" janvier 18(50. Comme on a fait , grand bruit de cette espèce de défi, il est bon de présenter à ce sujet quelques réflexions propres à dissiper des erreurs où sont tombées des personnes peu éclairées sur cette matière.

Et d'abord, c’est s’abuser étrangement que de faire dépendre le magnétisme de la vue à travers les corps opaques. Le magnétisme a un tout autre but : il produit sur le physique et sur le motel des individus, des modifications plus ou moins considérables dont on peut tirer parti pour obtenir certains effets et surtout pour guérir un grand nombre de maladies, sans recourir au somnambulisme, sans mettre en jeu la lucidité. Si l’on veut vérifier son existence , étudier sa nature et ses effets , ce ne peut être qu'à l’aide d’expériences magnétiques, dans lesquelles il ne sera nullement question de vue anormale. Les magnétiseurs, il est vrai, admettent que plusieurs individus mis en somnambulisme jouissent momentanément de facultés extraordinaires et peuvent quelquefois voir à travers les corps opaques ; mais ils reconnaissent aussi que cette sorte de vision n’a lieu que rarement et qu’on ne peut la reproduire à volonté avec certitude. S'il arrivait qu’après un examen attentif, leurs prétentions à cet égard fussent jugées mal fondées, il s’ensuivrait seulement qu’il y aurait à retrancher un article parmi ceux qui sont accrédités dans l’école magnétique ; mais on ne pourrait aucunement en conclure que tout le surplus doive être rejeté et que le magnétisme n’ait pas d’existence réelle.

C’est donc égarer le public que dé proclamer bien haut, comme le fait M. Mabru, qu’on a mis au-défi les magnétiseurs et qu'ils ont avoué leur impuissance. D'après la nature du défi, ce n’est pas le magnétisme à proprement parler qui est en question , ce n’est pas non plus le somnambulisme , ce

n’est pas môme la lucidité en général, mais seulement un genre particulier de lucidité, la vue à travers les corps opaques. Il est donc important de bien restreindre la portée du défi.

M. Mabru se trompe gravement quand il affirme (p. 32) que c’est sur cette double vue, qu’est fondée « toute la science de la médecine illégale, tout le savoir des somnambules magnétiques qui, sans aucune étude médicale , voient tout à la fois le malade et le remède dans la nature. » — Quand les aveugles raisonnent en matière d’optique, ils ne peuvent manquer de commettre de lourdes bévues, et, par exemple, sachant, par ouï-dire , qu’on peut voir à travers un carreau de verre épais d’un centimètre , ils doivent logiquement en conclure qu’il est possible à fortiori de voir à travers une feuille de tôle d’un millimètre d’épaisseur, d’autant plus qu’en définitive personne n’a pii encore expliquer pourquoi certains corps sont diaphanes, et pourquoi les autres ne jouissent pas de cette propriété. — Eh bien , quand il s’agit de la lucidité, nous devons éviter de tomber dans des méprises semblables. La lucidité existe, c’est ce que tous les magnétiseurs déclarent en s’appuyant sur d'innombrables expérienT ces; mais c’est en quelque sorte un sixième sens dont ils sont privés ; ils ne savent ni quel en est le siège, ni à quelles conditions il peut s’exercer, ni par quelles lois il est régi. De ce que la vision a lieu dans un cas, on ne peut donc conclure qu’elle doive avoir lieu dans un autre ; et c’est très-mal raisonner, par exemple, qne de prétendre qu’il doit être aussi facile de voir l’intérieur d’une boîte fermée, que de découvrir certaines lésions dans l’intérieur d’un corps humain. L’expérience démontre le contraire : les somnambules en état de voir les maladies et les remèdes sont beaucoup plus communs que ceux qui peuvent, dans un but étranger à la santé d’autrui, voir à travers uu corps opaque. Les facultés animiques jouent un grand rôle dans le développement de la lucidité, et les meilleurs somnambules sont ceux qui, s'intéressant passionnément au sort d'une personne chérie, arrivent à une exaltation morale qui fait éclore la lucidité , et

peuvent ainsi découvrir les causes et la nature du mal et les moyens d'y remédier. Mais si l’on demande à ces mêmes somnambules de faire une recherche dans un but de vaine curiosité, comme ils ne seront plus soutenus par les mûmes sentiments, il arrivera souvent qu’ils ne pourront s’élever jusqu’à l'état anormal, grâce auquel ils étaient éclairés d’une lumière extraordinaire ; alors ils ne verront plus rien , ou même, ce qu’il y a de plus dangereux, ils se figureront encore jouir de la clairvoyance qu’ils avaient possédée dans d’autres circonstances, et ils prendront pour des réalités les fantômes enfantés par leur imagination.

Aussi, quoiqu’il existe plusieurs exemples de vue à travers les corps opaques, on ne peut se flatter de reproduire à volonté ce phénomène qui, de l’aveu de tous les magnétistes, est un des plus rares : et de ce que l’on aura plusieurs fois tenté sans succès, on ne pourra en tirer aucune conséquence contre la réalité des autres genres de lucidité, tels que la vue des maladies et des remèdes.

M. Mabm s’est donc placé sur un mauvais terrain en ne provoquant que la vue à travers les corps opaques, et surtout en voulant lier à ce genre particulier de phénomènes le sort du magnétisme tout entier.

Nous avons déjà eu occasion (1) de faire ressortir combien sont inacceptables les conditions qu’il a imposées arbitrairement à ceux qui voudront tenter l’épreuve par lui proposée. Nous regrettons que dans sa brochure il n’ait pas cru devoir modifier ces conditions qui font de son défi une bravade ridicule. Aussi nous concevons que beaucoup de magnétiseurs, pouvant disposer de sujets lucides, aient été rebutés par ses propositions déraisonnables et soient restés sourds à son appel. Quelque légitimes que soient leurs répugnances , nous regrettons leur silence et leur inaction. Il est évident qu’aux yeux du public peu versé dans ces matières, ne pas relever un défi, c’est s’avouer battu, et que M. Mabru pourra bien paraître comme un géant Goliath qui n’a pas encore rencon-

(I) Journal du Magnétisme, 1858, p. 359.

[ré de David. Nous pensons qu’il est de leur honneur et do l’intérêt de leur cause, de ne pas le laisser ainsi triompher sans combat.

Qu’y a-t-il donc à faire?... Nous voudrions que ceux qui disposent de somnambules d'une lucidité éprouvée, se missent en relation avec M. Mabru pour discuter au préalable les conditions de l’expérience : 011 lui proposerait, par exemple, de laisser aux somnambules la faculté de palper à loisir la boîte contenant l’écrit qu’il s’agit de lire, boite fermée à clef et dûment scellée. M. Mabru ne pourrait refuser d’accéder à une demande aussi raisonnable. Si pourtant il avait la maladresse de' refuser, on en serait quitte pour publier la relation exacte des conférences qui auraient eu lieu à ce sujet, et alors le public, édifié sur la vérité, saurait à quoi s’en tenir sur les rodomontades des adversaires du magnétisme. — Il est encore une autre précaution que nous conseillerons à ceux qui tenteront ces épreuves. Tout le monde sait que les somnambules sont d’une extrême susceptibilité : nous en connaissons plusieurs qui, sans avoir vu M. Mabru et sur le bruit de sa réputation, ont conçu contre lui une profonde antipathie, et ont déclaré qu’ils ne consentiraient jamais à rien faire en sa présence, ni même à se trouver avec des commissions académiques ou scientifiques , qu’ils regardent comme composées d’ennemissystématiques, décidésd’ avance ànier quand même, et que les succès les plus éclatants ne pourraient con-caincre.

Il est facile d’éluder cette difficulté. Il suffit de dire aux somnambules qu’on les conduit à une soirée d’amis : on nommera une des personnes de la réunion, pourvu qu’elle soit connue du sujet comme bienveillante, ou qu’elle lui soit inconnue , et l’on se gard era bien de laisser soupçonner qu’il s’agit de se trouver en présence du redoutable M. Mabru dont le nom suffirait pour produire le même effet que l’aspect de la tête de Méduse. Il devra être bien entendu que M. Mabru, ou tout autre incrédule fameux, devra s’abstenir de toute manifestation malveillante, de toute observation blessante, et assister impassible à tout ce qui aura lieu,

sauf à discuter, à l’avance et en arrière du sujet, les conditions de l’expérience.

En procédant ainsi, nous pensons qu’on aura toute chance de réussir, surtout si l’on consent à consacrer un certain nombre de séances : 011 parviendra à convaincre les incrédules de bonne foi et à confondre ceux de mauvaise foi, s’il en existe, ce que nous ne devons jamais supposer. Pour augmenter les chances de succès, on fera bien de ne pas borner les essais au genre d’expériences qui fait l’objet du défi. Si, par exemple, un somnambule lit quelques lignes d’un livre fermé et pris au hasard dans la bibliothèque du maître de maison, s’il révèle à celui-ci des choses connues de lui seul, s'il fait une partie d’écarté dans les conditions où Alexis a joué avec Robert Houdin (voir notre article du 25 avril, p. 21.3), chacun de ces faits sera tout aussi concluant que la lecture du billet contenu dans une boîte fermée. Le prix de 3,000 fr. ne sera pas gagné, soit ; mais ce n’est là qu’une question fort secondaire. L’essentiel est de vérifier la réalité de la lucidité. Qu’on prenne pour modèle la conduite tenue par M. de Mir-ville pour convaincre M. Robert Houdin qui, jusque-là, avait été incrédule, et qui s’est rendu à l’évidence des faits. Les conséquences seraient bien plus gravessil’on pouvaltprésen-ter des faits concluants à des écrivains connus par leur guerre acharnée au magnétisme.

Nous convions les magnétiseurs à cette entreprise. Qu’ils comprennent bien que rien ne serait plus funeste à leur cause que l’inaction en présence de provocations comme celle de M. Mabru. Qu’ils ne comptent pas se tirer d’affaire en disant que ce serait peine perdue que de chercher à convaincre certains esprits rétifs : le public n’accepterait pas une telle échappatoire et interpréterait le refus d’agir comme aveu d’impuissance. Les sujets lucides ne manquent pas. Des faits nombreux prouvent que l’incrédulité des spectateurs n’est point un obstacle insurmontable. 11 est à désirer qu’une question aussi controversée et aussi importante que celle de la lucidité soit enfin résolue d’une manière définitive. Qu’on se mette à l'œuvre et qu’on répare le temps perdu.

A. S. Morin.

VARIÉTÉS.

Un voyageur, qui vient de parcourir plusieurs provinces de l’île de Java, cite un exemple remarquable du pouvoir fascinateur des serpents. Les savants sont loin d’être d’accord sur ce phénomène important de la physiologie animale. Hans Sloane, P. Kalm, Linné, Lewson, de Catesby, de Bric-kel, de Golden, de Berverley,de Bancroft, deBartram, Benj. Smith Barton, le major Alexandre Garden, admettent la faculté stupéfiante des ophidiens jusque sur l’homme, mais elle est niée par Vosmaêr, Stedman , Pennant et beaucoup d’autres.

En ce qui touche l’homme, les partisans de la négative semblent plus fondés que leurs contradicteurs. Si l’homme a une horreur naturelle des serpents et les fuit instinctivement, même quand il s’agit d’un innocent homoderme, 011 prouverait difficilement que lorsqu’il ose braver les plus dangereux reptiles, il soit tenu immobile et abattu parleurs regards. La tradition et les voyageurs prouvent, au contraire, que l’homme peut suspendre la fureur, abattre les forces et réduire à l’obéissance des serpents justement redoutés. Chez les anciens, des peuplades de l’Arabie, les Psylles et les Marses, entre autres, savaient charmer ces reptiles.

Les Indiens font exécuter une danse au terrible naja; les bateleurs égyptiens forcent le célèbre aspic des anciens, l'liage des Arabes modernes, à exécuter plusieurs tours à leur commandement. Chateaubriand a vu dans le haut Canada un indigène apaiser la colère d’un durissus par les sons qu’il tirait de sa flûte ; les Floridiennes ornent leur cou du serpent corail; des femmes ont domestiqué la couleuvre à collier au point de la porter en bracelets , de la réchauffer dans leur sein et de s’en faire suivre dans leurs promenades. Ajou-

Ions, d'ailleurs, que les serpents, môme ceux qui pourraient le faire avec le plus d'avantage, attaquent rarement l'homme sans être provoqués.

Les savants qui admettent la puissance fascinatrice l’attribuent à la terreur qu’inspirent les ophidiens et à des émanations narcotiques qui s’échappent de leur corps, sinon con-stam nent, du moins à certaines époques. Quelles que soient les causes, de nombreux exemples attestent le fait et nous venons ajouter à la liste.

Le voyageur dont il est question commençait à gravir le Junjind , un des monts appelés par les Hollandais Peperge-bergte. Après avoir pénétré clans une épaisse forôt, il aperçut sur les branches d’un kijatile un écureuil de Java à tôte blanche, folâtrant avec la grâce et l’agilité qui distinguent cette charmante espèce de rongeurs. Un nid sphérique , formé de brins flexibles et de mousse, placé dans les parties les plus élevées de l’arbre, à l'enfourchure de deux branches, et une cavité dans le tronc, semblaient les points de mire de ses jeux. A peine s’en était-il éloigné qu’il y revenait avec une ardeur extrême. On était dans le mois de juillet, et probablement l'écureuil avait en haut ses petits, et dans le bas le magasin à fruits. Bientôt il fut comme saisi d’effroi, ses mouvements devinrent désordonnés, on eût dit qu’il cherchait toujours à mettre un obstacle entre lui et certaines parties de l'arbre : puis il se tapit et resta immobile entre deux branches. Le voyageur eut le sentiment d’un danger pour l'innocente bête, mais il ne pouvait deviner lequel. Il approcha, et un examen attentif lui fit découvrir dans un creux du tronc une couleuvre lien, dardant ses yeux fixes dans la direction de l'écureuil.

L’écureuil de Java est presque aussi grand que l'écureuil du Malabar, le plus grand des écureuils connus. La couleuvre n’avait pas plus de cinq pieds de long, et son diamètre était en proportion ; mais le voyageur savait que les ophidiens, à l’exception de quelques homodermes , chez lesquels les deux branches de la mâchoire inférieure sont soudées, peuvent tous avaler des animaux plus gros que leur propre

corps. Il avait Iules affirmations incroyables d’André Gleyer, qui trouva, aux Indes orientales, dans le corps d’un énorme serpent, un cerf de moyen âge encore tout entier, avec sa peau cl ses membres ; dans un autre, vin bouc sauvage avec les cornes; dans un troisième, un porc-épic avec tousses piquants. II savait que le prince Maurice de Nassau-Siegen, l'un des gouverneurs du Brésil pendant le dix-septième siècle, assurait quedes mammifères et même une femme hollandaise avaient été dévorés sous ses yeux par des serpents. Il n’ignorait pas davantage que le P. Gumilla , dans son histoire de l’Orénoque, déclarait que l’opliidien, nommé bujo,avait avalé un buffle dont la partie qui était arrivée dans l’estomac était déjà digérée avant que le reste fût entamé. Notre voyageur trembla donc pour le pauvre écureuil.

L’appareil destiné à la perception des sons est peu parfait chez les serpents, et ils ne paraissent pas avoir l’ouïe très-line. La couleuvre était d’ailleurs si attentive à sa proie qu’elle lie semblait nullement remarquer la présence d’un homme. Notre voyageur, qui était armé, aurait donc pu venir en aide à l’infortuné rongeur en tuant le serpent. Mais la science l’emporta sur la pitié, et il voulut voir quelle issue aurait le drame. Le dénoûment fut tragique. L’écureil ne tarda point à pousser un cri plaintif qui, pour tous ceux qui le connaissent, dénote le voisinage d’un serpent. Il avança un peu , essaya de reculer, revint encore en avant, tâcha de retourner en arrière, mais s’approcha toujours plus du reptile. La couleuvre, roulée en spirale, la tête au-dessus des anneaux, et immobile comme un morceau de bois, ne le quittait pas du regard. L’écureuil, de branche en branche, et descendant toujours plus bas, arriva jusqu’à la partie nue du tronc. Alors le pauvre animal ne tenta même plus de fuir le danger. Attiré par une puissance invisible, et comme poussé par le vertige, il se précipita dans la gueule du serpent, qui s’ouvrit tout à coup démesurément pour le recevoir. A utant la couleuvre avait été Jnerte jusque-là, autant elle devint active dès qu’elle fut en possession de sa proie. Déroulant ses anneaux et prenant sa course de bas en haut avec une agilité inconcevable, sa rep-

tation la porta en un clin d’œil au sommet de l’arbre, où elle alla sans doute digérer et dormir.

(Etrait du Siècle du 10 avril.)

I KII 1) Il ATION PRÉCIPITÉE.

11 s’est passé ces jours derniers à Saint-Colombe (Ille-et-Vilaine) uy événement qui a mis tonie la population en émoi, et que le journal de Rennes rapporte ainsi :

« On venait de porter en terre une femme de soixante-uu ans, domestique aux Lupins, qui avait fait une longue maladie. Les parents et les amis de la défunte avaient déjà quitté le cimetière. Comme le fossoyeur se préparait à jeter sur le cercueil les premières pelletées de terre, il crut entendre au fond de la fosse uu bruit étrange; stupéfait, il appelle à lui le sacristain qui, n’était pas encore éloigné. ; tous deux descendent dans la fosse, ils prêtent l’oreille et a’entendent rieu. Le fossoyeur remonte et se remet à sa besogne; mais le même bruit se renouvelle, et cette fois le sacristain 1 enteud très-distinctement.

« Ces deux hommes appellent les personnes encore présentes. On retire le cercueil, un médecin arrive et celui-ci constate que la pauvre femme est bien morte, mais qu elle vient à l’instant même de rendre le dernier soupir.

« L’autorité municipale a fait garderie corps jusqu’au lendemain matin neuf bernes.

« Les femmes qui avaient apporté le corps des Lupins à l’église ont déclaré qu’elles avaient bien entendu dans le trajet comme des coups frappés contre la bière, mais elles croyaient que c’était le cadavre qui ballottait.

« Il est vraiment cruel que toutes les précautions nécessaires ne soient pas toujours prises pour prévenir ces inhumations précipitées. » (Extrait de X Union, 2 mai 1859.)

Baron du POTET, propriétaire-gérant.

ERRATUM.

Les deux premières lignes delà page255 du n° 58, 23 mai,.doivent être transportées au commencement de la page 254.

COMPTE-RENDU OU BANQUET

Du 23 Mai 1859.

(Suite.)

Rien n’est propre à donner une grande idée du magnétisme comme ces assemblées annuelles où cliacnn apporte son tribut d’œuvres ou d’études ; et c’est alors que l’on déplore l’aveuglement des savants et surtout des médecins. Il est certain aujourd’hui que si les chirurgiens, les infirmiers, tous ceux enfin qui s’occupent des malades, savaient pratiquer le magnétisme, il est certain , disons-nous, que beaucoup de ces braves soldats qui succombent sur le sol étranger aux suites de leurs blessuresjYeverraient leur patrie. Le magnétisme, en effet, localise les maux , empêche toute résorption purulente , tout développement de fièvre traumati-que : Ne ferait-il que cela, qu’il mériterait là reconnaissance des hommes et surtout des médecins ! A force de frapper, on nous ouvrira, — on nous ouvrira trop tard pour ceux qui succombent aujourd’hui, et oa regrettera amèrement cette faute de la science.

Mais nous devons parler du banquet, et faisant trêve aux chagrins que nous éprouvons de ne pas voir nos idées partagées, nous publions quelques-unes des pièces qui ont été lues à l’assemblée.

Voici ce qu’un de nos zélés conviés a composé cette année ; tous les ans, sa muse offre un tribut à Mesmer : l’inspiration ne vient trouver que les gens de cœur.

Tome XVIII. — N® 59. — 2« Série. — 10 Juin 1859. H

La foi, l'amour, la raison, la sagesse,

Tout chancelait dans le doute et l'erreur ;

L'art de guérir flottait dans sa faiblesse,

Quand vint Mesmer, nouveau libérateur.

Du vrai savoir il était le Messie,

Mais les savants ne l'ont point reconnu.

Leur vue, hélas ! fût restée obscurcie,

Si Dieu lui-même auprès d'eux fût venu !

Et cependant quel sage ou quel génie,

Mieux que Mesmer, mérita des humains ?

Il nous montra comment l'esprit de vie,

Par le vouloir, peut jaillir de nos mains.

Ce flux puissant sur le mal homicide Lance sa foudre et le force à fléchir ;

Et du mourant parfois son jet rapide Vient arrêter lame prête à s'enfuir.

Mais, s’élevant, la science nouvelle Redouble encor ses divines faveurs :

Elle nous rend la lumière immortelle De qui nos sens étouffaient les splendeurs. Fluide-esprit, cette lumière innée C'est le rayon dont la source est en Dieu.

A son éclair, notre âme illuminée

Lit dans les corps, — dans les cœurs, — en tout lieu.

Le magnétisme est la clef des miracles ;

Et la matière, asservie à ses lois,

Peut se mouvoir et rendre des oracles ;

L’esprit de vie à tout donne une voix.

L'âme des morts, par lui, se manifeste Pour nous montrer que le trépas n'est rien.

0 doux bienfait ! ô lumière céleste !

Ne plus douter, c'est le suprême bien !

Et c'est ainsi que la terre éclairée Va s'élever pour égaler le ciel;

L’humanité sera régénérée Au souffle pur de l'amour fraternel.

C'est par Mesmer, grâce à Dieu, que le monde Verra combler ce vœu si doux, si cher.

Activons donc la science féconde !

Louange à Dieu ! gloire , honneur à Mesmer !

M. Baïhaut a été vivement applaudi. On a lu immédiatement après ce toast un discours envoyé par M. Dubourg, de Francfort, discours où se trouvent des vues nouvelles et un appel à la Concorde. Voici ce discours, qui reçut des applaudissements mérités :

« Messieurs et mesdames,

n C’est du cœur de l'Allemagne, c'est des bords mômes du neuve près duquel vit le jour celui dont vous célébrez aujourd’hui la naissance, qu’élève vers vous sa voix un compatriote qui, ayant établi passagèrement sa tète sur la terre étrangère, regrette de ne pouvoir prendre part au milieu de vous à cette fête de famille.

« Athlète toujours prêt pour défendre la sainte cause dont ce jour réunit les plus nobles champions, déjà il a brisé maintes lances contre la nation sceptique qui aujourd’hui encore ignore et renie même son plus grand homme et rejette dédaigneusement sa doctrine si consolante et si pleine d'avenir ; apôtre fidèle à suivre l'exemple du maître, il n’a pas seulement cherché à répandre la science nouvelle par sa parole, il s’est surtout efforcé de prêcher par les faits, et déjà de nombreux malades ont trouvé dans son aide la prolongation de leurs jours ou l’adoucissement de leurs douleurs ; ouvrier laborieux, bien qu’obscur, il ne s’est pas contenté de puiser aux meilleures sources tout ce que l’expérience des plus illustres praticiens nous a révélé sur la découverte de Mesmer, il s’est lui-même livré à des recherches sérieuses sur ce sujet si vaste et encore si peu connu; et ses efforts ont déjà été assez heureux pour lui donner l'espoir de pouvoir à son tour apporter une des pierres qui serviront à jeter les fondements de l’édi-difice où s’accomplira l’œuvre de la génération humanitaire ; mais qu’il ne nous sera pas accordé d'élever nous-mêmes, et dont nous devrons abandonner l’achèvement à nos petits— neveux.

« Et maintenant, s’il m’était permis à moi, ouvrier de lâ douzième heure, d’exprimer ma pensée sur les travaux de ceux qui m’ont précédé dans la carrière, et qui, appelés les

premiers à continuer l’œuvre du maître, ont déjà supporté an milieu de ce rude labeur toutas les fatigues et la chaleur du jour, je dirais que ce qui m’étonne le plus, c’est de voir combien ceux mêmes qui se disent ses disciples les plus fidèles, ceux qui entourent de tant d’hommages son auguste souvenir, se soucient peu , en élevant les assises du temple, de suivre le plan que ce grand architecte nous avait lui-même tracé. Chacun semble bien moins désireux de contribuer à la solidité, à l'harmonie et à la beauté de l'ensemble qu’à faire briller et ressortir la part de l’édifice qu’il s’est réservée. Au lieu de travailler humblement d'après ce plan primitif, si beau , si largement conçu , chacun veut devenir créateur et remanier l’œuvre au gré de sa fantaisie.

« Ou’arrive-t-il aussi, Messieurs ? il faut le reconnaître, c'est que nous ne produisons rien de grand, rien de stable, rien de durable. Chacun, pressé de jouir de l’idée nouvelle enfantée dans son cerveau, élève à la hâte sur le sable ce brillant échafaudage que demain un coup de vent ou un nouvel architecte renversera peut-être pour y substituer le sien.

« A quoi bon se creuser la tête pour construire ce château cil Espagne dont la durée sera si éphémère ? Il n’y a qu’une doctrine qui puisse résister à toutes les attaques, expliquer tous les phénomènes, satisfaire tous les esprits : un seul sys- * tème peut rallier sous un même drapeau tous les magnétis-tes, à quelque école qu’ils appartiennent. Ce système est à la fois le plus simple et le plus grandiose, le plus hardi et le plus rationnel. Il est applicable aux faits les plus journaliers et se prête en même temps aux spéculations les plus transcendantes. Tout rentre dans son domaine , tout est soumis à ses lois, puisque son agent est si subtil qu’il pénètre partout, et si répandu qu’il n'a d’autre? bornes que celles mêmes de l’infini.

« Vous le voyez , ce système c’est le système même du maître, cet agent c'est le fluide universel.

« Que chacun donc de nous renonce pour un moment à se? idées personnelles, et que nos efforts communs ne ten-

(lent qn’à développer le principe contenu en germe dans la pensée de Mesmer.

« Alors nous ne serons plus condamnés à errer au gré d'un aveugle empirisme : car nous trouverons dans cette vérité intuitive la base d’une science nouvelle qui réunira en elle à la logique d’une sage spéculation l’éloquence irrésistible des faits, science élevée et sublime, qui, prêtant son secours à ses sœurs aînées, dissipera bien des ténèbres, brisera bien des barrières, comblera bien des abîmes ; car c’est elle qui est destinée à servir de pont entre les sciences physiques et les sciences morales, entre les forces aveugles et nécessaires et les forces pensantes et libres, entre la matière et l'esprit, entre le destin et la volonté.

« Eli bien, messieurs, cette idée si grande et si belle, qui doit embrasser dans son immense horizon toute la science de l’humanité, ne pourrait-elle pas nous servir à nous-mêmes de point de ralliement? Vous le savez, dans l’union seule repose la force et la puissance ; sans unité tout pouvoir s’épuise et s’amoindrit. Depuis trois quarts de siècle que nous combattons contre les préjugés, le mauvais vouloir et l’incrédulité des hommes, la plupart de nosfrères en croyance, à commencer par celui dont nous célébrons aujourd’hui la fête, n’ont remporté de leurs luttes héroïques que la couronne du martyr. Pourquoi ont-ils succombé dans l’arène? c’est parce que leurs efforts étaient isolés.

" Reprenons pourtant courage, le joui- du triomphe approche ; mais la victoire ne répondra à, notre appel que le jour où nous marcherons sous îe môme drapeau. Que toutes les rivalités cessent donc entre nous ; que uotre seule ambition soit de faire triompher la cause qui nous est si chère à. tous! Resserrons nos phalanges et comptons nos forces. Un homme ayant foi en une idée peut lutter sans désavantage seul contre mille. Qu’un appel soit adressé à nos frères de tous les pays du globe pour conclure avec nous un pacte universel et indissoluble buse sur Vidée mesmèriçnne : car ce n'est 'lue par l’unité que noua serons une puissance et que nous

renverserons tous les obstacles : unité de principe, unité de méthode, unité de tendances.

« Que Mesmer, dont l’ombre en ce moment plane au-dessus de nous, écoute et sanctionne la devise que nous voulons inscrire sur l’étendard autour duquel nous appellerons tous ses enfants :

« Frères, à l’unité !

« A l’unité dans .Mesmer ! A la doctrine du maître !

« Au fluide universel ! »

M. Jobard, de Bruxelles, empêché de venir assister au banquet par des travaux impérieux, avait envoyé un exposé de la doctrine spiritualiste de M. Michel.

Bien que cette année les spiritualistes aient fait défaut au banquet, sans que nous sachions bien pourquoi ils se sont abstenus, nous donnons l’envoi de M. Jobard, voulant que la politesse et les prévenances soient de notre côté.

LA CLEF DU MAGNÉTISME Tirée île la Clef de la vie

PAR M. MICHEL.

L'omnivers est organisé hiérarchiquement comme une armée dont Dieu est le chef suprême, commandant les maréchaux (les univers centraux), commandant les généraux (les univers primaires), commandant les colonels (les tourbillons) , commandant les capitaines (les planètes), commandant les lieutenants (les hommes), commandant les animaux, soldats plus ou moins disciplinés, plus ou moins obéissants aux sous-officiers ou hominicules qui leur transmettent les ordres des chefs.

Tous les pouvoirs, comme vous voyez, émanent de Dieu, âme du monde, océan de lumière.

Cette armée du bien, du vrai, du beau, du juste, est tenue en échec par l’armée du mal, du faux , du laid , commandée

par le prince des ténèbres, l'adversaire, le compétiteur, le jaloux de Dieu et de son œuvre de progrès qu’il cherche à entraver, à vicier et à retarder dans sa marche ascendante, pour la faire retomber clans le chaos primordial où le bien et le mal, la raison et la folie, la force et l’inertie fermentaient sourdement dans le temps et l’espace.

La séparation de ces deux éléments contraires, neutralisés l’un par l’autre, commença du jour où le Verbe fit entendre le fiat lux, et se poursuit sans relâche en gagnant du terrain sur l'armée du mal, destinée à être un jour vaincue ; mais qui continue à se défendre avec des alternances de défaites et de victoires qu’on ne saurait méconnaître.

Ces temps d’arrêt ne peuvent s’attribuer qu’à la lâcheté des soldats réfractaires qui abusent de leur libre arbitre pour pactiser avec les émissaires de l’ange des ténèbres , et qui méprisent, insultent et crucifient les envoyés, les apôtres, les prophètes du Dieu de bonté, d’amour et de charité.

11 n’en est pas moins vrai que l’homme est officiellement le maître des animaux et de toutes les créatures inférieures, visibles et invisibles, y compris la race innombrable des ho-minicules intelligents qui obéissent d’autant mieux à leur déicule, qu’ils se rattachent à lui par une animule de nature divine qui les sépare des animalcules d’autant que l’homme est séparé des animaux proprement dits.

L’homme, ayant une mission et un avenir d’immortalité et de perfectibilité indéfinie , les hominicutes ont également la leur. De même que l’homme qui s’élève en faisant son devoir, l’hominicule s’élève en faisant le sien ; ils progressent l’un et l’autre par leurs transmigrations successives, en montant en grade, comme de braves ouvriers ou soldats qui peuvent espérer de devenir les aides-de-camp, les associés du maître.

Les hominicules demeurés ou retombés dans le chaos à l’état neutre ou cataleptique peuvent en être tirés parla volonté du déicule terrestre qui peut également paralyser les hominicules du mal passés dans les rangs ennemis.

Ceci nous donne la clef du magnétisme et de sa puissance

(le guérir, qui deviendra d’autant plus active que l’homme comprendra mieux ce qu’il fait et ce qu’il peut ; de là naîtra la foi, source des miracles dont le monde verra bientôt tant d’exemples qu’il los classera enfin parmi les faits naturels, et chacun les emploiera au soulagement de ses semblables et au sien propre.

On l’a souvent répété, l'homme ignore encore la puissance de commandement qui lui a été dévolue, et n’en use pas. Il sait, il est vrai, que d’ungeste il éloigne ou appelle un animal visible ; mais il ne sait pas que sa seule volonté peut agir de môme sur les hominicules invisibles qui lui obéissent quelquefois instantanément, sans Être retardés par l’espace, le temps ou la gravitation ; car tous ces obstacles n’existent pas pour la pensée, le désir, la volonté, qui se communiquent plus vite encore que l’électricité et la lumière.

Ceci posé, nous allons découvrir aux magnétiseurs un petit coin de l’immense cosmogonie du paysan du Var, qui1 embrasse Yomnivcrsti/ilé de la création soumise tout entière à la loi d’analogie, depuis l’infiniment petit jusqu’à l’infini— men t grand..

lin hommebien portant, se trouvant en présence d’un ôtre malade, n’a qu’à so faire ce simple raisonnement : le mal n'est point une chimère, il a une cause; rien ne vient de rien, et rien ne se fait sans ouvriers ; or, il y a tout à parier que ce sont des hominicules malfaisants qui sont à l’œuvre ; il s’agit de les disperser, de les paralyser et de les remplacer par des hominicules bienfaisants et réparateurs dont je porte en moi, des. myriades que je puis substituer à ces misérables artisans de troubles qui pullulent avec une incroyable fécondité, sur le point dont ils- se sont emparés, et qui ne tarderont pas a envahir le corps entier du malheureux qui les a laissés prendre pied chez lui, car tel est presque toujours le cas.

Vite à l'œuvre, touchez le mal et commencez la chasse, dispersez cette fourmilière, déblayez courageusement ce terrain, lancez tout cela dans la grande voirie terrestre, leur alambic d épuration, ou dans un végétal qu’ils tueront au lieu de tuer le malade.

Cela fait, appliquez la main guérissante, tnanus sanation sur le mal et cataleplisez les traînards qui ne résisteront pas à la puissance de leur maître. C’est seulement après cet exorcisme, qui aura chassé ces démons, que vous les remplacerez par les bons hominicules fluidiques que vous possédez ou que vous empruntez à ceux qui les possèdent, ou que vous demanderez à l’air, à l’eau, au feu, à toute la nature vivante, à Dieu surtout qui vous les fournira à flots pressés, à proportion de la force de votre prière et de votre volonté, aidées du consensus du malade ; voilà comment vqus accomplirez des miracles de guérisons subites dont vous êtes les premiers à vous étonner, tant elles vous surprennent quelquefois, parce que vous ne savez pas plus ce que vous faites que les apôtres qui imposaient les mains avec cette foi vive et simple qui s’est perdue au fur et à mesure que la science morte l’a remplacée et vouée au ridicule, à défaut de pouvoir s’appuyer sur des hypothèses le plus souvent absurdes dont les matérialistes se contentent pour être d’accord avec les erreurs consacrées par les maîtres qui les ont précédés.

Vrais magnétophiles , poursuivez votre œuvre philanthropique avec plus d’ardeur que jamais ; vous n’avez goûté jusqu’ici de la science vivante que ce que vous en avez puisé dans votre cœur et dans vos doigts ; vous sentirez vos forces se décupler quand vous pourrez puiser aussi dans votre intellect, votre jugement, votre conscience ; quand vous saurez que ce que vous faites est bien, et que le bien semé végète, grandit, fleurit et mûrit en son temps.

Imitez Dieu, persévérez et vous triompherez du mal, et la mort reculera devant vous.

M. Jobard avait également envoyé une fable de sa composition. Elle fut vivement applaudie.

LES QU1NZE-V1NGTS ET LES ACADÉMIES.

Dans lin salon des Qufowe-Vlngts Rempli d'aveugles de naissance,

Par un coup de la Providence,

(Le plus savant des médecins),

L'un d'entr'eux recouvra subitement la vue.

— 0 ! mes amis, j'y vois,

Et maintenant je crois A cette faculté que j'ai tant combattue,

De toucher les objets de loin avec les yeux ;

Dieu que c'est étonnant, inouï, merveilleux!

Croyez-moi, ce n'est point un conte !

Sans sortir de mon banc je vous touche et vous compte.

— Encore un de tnqué! s'écrie à l'unisson Le personnel de la maison,

Quand cette folie agrippe son homme,

11 faut qu'on le lie ou bien qu'on l'assomme;

Le seul moyen d'avoir raison des fous,

C'est de les faire expirer sous les coups !

Aussitôt dit, cette aveugle assemblée Se lève pour tomber d'emblée Sur le malheureux clairvoyant Qui s’esquive d'abord, et puis se ravisant,

Revient à pas de loup et sur leur joue applique Certain soufflet géométrique Qui leur fait voir incontinent Des milliers de chandelles,

D’éclairs et d’étincelles,

Ce qui termina leurs querelles Et les convainquit sur-le-champ.

Si les magnétiseurs pouvaient en faire autant Aux quinze-vingts de notre Académie,

Ils guériraient leur presby-myopie,

Car il s’en trouverait beaucoup Qui seraient convaincus du coup.

A discuter sur la lumière Avec un aveugle entêté,

On perd son temps et sa santé.

De tous les arguments contre la cécité Congéniale ou volontaire,

A mon avis il n'en est point D’aussi frappant qu'un coup de poing.

Jobard.

Nous abrégeons la série des toasts et des discours. Plusieurs de ces derniers nous avaient été envoyés, mais ils contenaient trop de détails et de faits pour être lus au banquet ; le temps d’ailleurs ne le permettait pas.

L’ordre adopté, les années précédentes, pour la distribution des médailles fut également suivi cette année , et c’est en terminant la fête que M. le baron du Potet, président du jury magnétique, proclama les noms des personnes qui avaient reçu du jury des médailles d’encouragement et de récompense. Dans une improvisation chaleureuse, M. du Potet établit leurs mérites, et c’est aux applaudissements de l’assemblée tout entière qu’il nomma d’abord :

VI. V. Duboui'g, de Francfort.

M. L. Lamotte, de Bordeaux.

M. Menouillard, de Paris.

M. Bauche, de Paris.

Tous ces Messieurs avaient reçu une médaille en bronze.

M. du Potet proclama ensuite le nom de deux personnes qui avaient reçu du jury une mention honorable :

M. Courageux, de Paris.

Mademoiselle Gauthé, d’Auch (Gers).

Cette fête, toute fraternelle, laissera chez tous ceux qui y ont assisté un doux souvegir : tout ce qui est fondé sur la bienfaisance et sur de3 principes humanitaires élève l’âme et la transporte dans les régions d’où viennent les découvertes et l’inspiration du bien.

ÉTUDES.

« Monsieur le baron,

« Veuillez me permettre de me servir de la voie de votre ineslimable journal pour poser une question d’un haut intérêt à tous ceux qui, comme vous, à l’aide du magnétisme animal, cherchent à pénétrer de plus en plus dans les secrets de la vie, qui est, sans contredit, le plus grand des mystères.

il Cette question, la voici ;

« Le fluide vital survit-il à celui qui Ca émis ?

« Et, remarquez-le bien, je vous prie, je n'entends pas seulement le fluide émané d’un organisme et qui a pénétré dans un autre, mais encore celui qui a été absorbé par un corps inorganique.

« Cette question, qui, jusqu’à présent, n’a point été posée, quejesacbe, est vraiment palpitante d’intérêt; et si jamais on parvient à la résoudre, si jamais surtout on arrive à conclure affirmativement, et d'une manière irréfragable, combien les bornes de notre horizon intellectuel ne seront-elles pas reculées, quel pas immense n'aurons-nous pas fait dans le ohamp si vaste et en même temps si obscur de la psychologie!

« Mais il faut, ne .nous le dissimulons pas, pour arriver à une telle conclusion, des hommes aussi grands qu’éclairés, des hommes qui ne se laissent point entraîner par l'amour du menreiUeux ; des hommes enfin qui, sans être matérialistes ni spiritualistes outrés, s’étudient sans cesse à découvrir la vérité, la seule vérité.

« C’est donc aux profonds penseurs que je m'adresse aujourd’hui, par conséquent à vous d'abord, monsieur le baron, qui pouvez mieux que personne, dans ce cas, faire briller la lumière ; et si je pouvais leur venir en aide par un fait qui tend à élucider et peut-être même à résoudre dans le sens affirmatif la question ardue que je leur pose ici, je m’estimerais trôs-heuroux, et me féliciterais d'avoir été ainsi favorisé par ce qu'on appelle ordinairement le hasard.

« Mais ce n’est qu’un fait, un seul fait ; et de combien d’autres ne devra-t-il pas être accompagné avant qu'il nous soit permis de voir sur ee sujet se dissiper complètement les ténèbres qui nous entourent ?

« 'Quoi qu’il en soit, je Tais le rekfter ce fait, persuadé que non-seulement il intéressera le lecteur, mais »qu’il servira de premier jator à l’aide duquel on pourra tracer 1a voie que nous avons à parcourir pour nous approcher de plus en plus du but auquel doivent tendre tous nos efforts.

« A la première apparition, à Varsovie, du phénomène dit des Tables tournailles, toute la ville s’agita, se convulsionna pour ainsi dire ; et je fus assailli parmi nombre infini de personnes qui voulaient îi toute force que je leur expliquasse ce qu’elles ne pouvaient comprendre, et ce que, de prime abord, je ne comprenais guère mieux qu'ellfes, je l’avoue.

« Cependant, après avoir longuement et mflfrement réfléchi sur ce qui m’avait d’abord para incompréhensible, je crus avoir trouvé le mot de l’énigme, — comme je le crois encore plus que jamais en ce moment, — et je me mis aussitôt à écrire pour éclairer autant que possible les personnes capables de me comprendre. C’est alors qu’on ne1 me laissa plus de repos, et que pour d’autres raisons, du reste, je dus me renfermer dans le silence et cesser mes publications.

« Mais comme cette question, bien que liée à celle qui nous occupe ici, n’est pourtant que secondaire, je la laisse, quoique à regret, pour arriver au fait capital.

« Je reçois, un jour, la visite de deux damîsqui m’étaient complètement inconnues, et qui me prient de me rendre avec elles auprès d’un moribond. C’était le père de ces dames.

« Comme j’avais très-peu de temps il moi ce jour-lS, que la distance à parcourir était très-grande, et) qu'enfin, d’après le rapport qui m’avait été fait, je n’avais aucune espérance de sauver le malade, je refusai net de suivre mes'visiteuses.

« — Ah! monsieur, s’écrièrent-elles les larmes aux yeux, il n’y a que vous ici qui puissiez sauver notre:père ; de grâce, ne nous refusez point.

« — 11 n’y a que moi, mesdames ? Et comment le savez-vous, ne me connaissant pas ?

« — C’est une table qui nous l’a dit, en’ nous donnant votre nom et votre adresse.

« A ces mots, je changeai subitement de résolution, montai dans la voiture de ces dame;, et m - laissai.conduire aveuglément, sans savoir encore à qui j’avais affaire, ni quel mode de traitement j’avais à employer : aucun détail ne m’avant été donné à ce sujet. ‘

« J'appris toutefois en route que c’était au magnétisme

que je devais avoir recours, préférablement à tout autre genre de médication ; et, sans en demander alors davantage, je voulus seulement savoir si la table parlante se trouvait chez le malade, ce à quoi il me fut répondu négativement. Dans ce cas, dis-je à mes interlocutrices, je vous prie de me conduire avant tout dans la maison où se trouve ladite table, car je ne veux rien commencer sans l’avoir consultée moi-même, et savoir enfin comment je dois magnétiser.

« L’ordre fut donc aussitôt donné au cocher de prendre une autre direction, et, au bout de quelques minutes, on me faisait entrer dans un salon rempli de inonde, et où, par extraordinaire, je ne rencontrai pas une seule personne de connaissance, Cependant, dès qu’on eut appris mon nom et le sujet de ma visite, chacun m’entoura, m’accabla de questions sur le nouveau phénomène qui bouleversait toutes les têtes, et l’on montra bientôt la plus vive impatience de voir ce qui allait se passer.

« Un petit guéridon d’acajou est placé au milieu du salon ; chacun s'assied, et le plus profond silence règne en un instant autour de moi. Mais qui donnera la vie et la pensée au guéridon? Ou au moins, pour ne pas trop effaroucher certaines gens, qui prouvera que les corps dits inertes ne le sont qu’en apparence, et que tout vit dans la nature? C’est une jeune fille, maladive et ayant à peine conscience de ce qu’elle fait.

« Quoique intimidée parla présence detantde personnes qui ont les yeux braqués sur elle, la jeune enfant ne perd rien de son pouvoir, et dès qu’elle a posé l’index de la main droite sur le guéridon, ce meuble s'agite si violemment que je crois qu’il va se briser.

« Tandis que les assistants, plongés dans la stupéfaction, admiraient ce phénomène, avec lequel j’étais déjà assez familiarisé, — j’expérimentais jour et nuit, — je méditai sur ce que j’avais à faire pour arriver à une entière conviction ; et voici comment je m’y pris d’abord :

« Je me retirai adroitement du cercle des spectateurs, et allai m’asseoir à l’un des angles du salon, après avoir prié la mère de la jeune fille, sans qu’on eût pu m'entendre, de

vouloir bien ordonner que la table vînt à moi. L’enfant 11e me connaissait point, et n’avait même pu me remarquer dans la foule, au milieu de laquelle elle 11e se trouvait que depuis un moment.

« A peine l'ordre est-il donné que le guéridon cesse ses mouvements saccadés, s’arrête un instant, puis part comme un trait en entraînant avec lui la jeune fdle, se fait passage à travers les spectateurs, et vient s'incliner profondément devant moi !

« La stupéfaction redouble et est générale ! Je suis assez ému moi-même, mais j’ai bientôt retrouvé le calme dont j’avais besoin en cette occurrence, malgré un brouhaha que j’ai bien de la peine à apaiser.

« Mais, me dira peut-être le lecteur impatient, vous sortez de la question que vous avez posée vous-même, et de la secondaire vous faites la principale.

« — Patience, lecteur, daignez me suivre jusqu’au bout.

« Convaincu plus que jamais par ce que je venais de voir qu’il y a là-dessous un grand mystère, que je crois, je le répète, avoir à peu près approfondi, mystère en tout cas qu’il faut être bien aveugle ou de bien mauvaise foi pour nier, je m’empressai ensuite, pour qu’il ne restât pas le moindre doute dans mon esprit ni dans celui des spectateurs, s’il était possible de poser quelques questions de physique, auxquelles il me fût chaque fois catégoriquement répondu.

« J’avais choisi cette partie de la science pour deux raisons : la première, pour mettre la jeune enfant dans l’impossibilité matérielle de répondre d’elle-même, et la seconde, pour convaincre, dans le cas où j’obtiendrais des solutions satisfaisantes (ce qui eut heureusement lieu, comme on vient de le voir ), un des assistants, professeur de physique, et ne croyant à rien en dehors de son a + b. Aussi resta-t-il pétrifié quand il vit qu’un morceau de bois en savait pour le m )ins autant que lui !

« Cependant, quand je vins à poser de3 questions d’un autre ordre, c’est-à-dire sur la thérapeutique, — remarquez

bien ceci, — le guéridon me dit : Je ne peux pas répondre seul.

« — Et de qui avez-vous besoin pour cela? lui'demandai-je.

« — Du docteur M.

« — Mais le docteur M. vient de mourir.

« — C’est précisément parce qu'il est moit qu’il peut m’être d'un grand secours; son esprit me dictera ce qu'il: faut répondre.

« — Evoquez donc l’esprit du docteur M., et je le consulterai par votre intermédiaire.

« — Je n’ai pas besoin de l’évoquer : il est dans un portefeuille qui se trouve ici, et que ledit docteur a longtemps porté sur lui. Qu’on apporte donc ce portefeuille ; qu'on le mette en contact avec moi, et il me communiquera à l’instant sa clairvoyance médicale. C’est lui, du reste, qui a déjà donné votre nom et votre adresse, en assurant que vous êtes le seul ici capable de guérir, le malade pour lequel vous êtes appelé.

« On apporta aussitôt l’objet désiré ; et dès qu’il Ait placé sur le guéridon, celui-ci s’agita de nouveau, tourna ensuite rapidement sur lui-même, et ne s’arrêta qu'après un assez grand nombre de rotations. C’est alors que je commençai à interroger l’esprit ; et, par les réponses que j'en obtins, je ne pus douter un seul instant que j’avais véritablement affaire à une intelligence supérieure, et d’autant plus supérieure qu’elle était dégagée des liens qui, naguère, l’étreignaient encore. Car ceux dans lesquels cette intelligence se trouvait alors engagée ne pouvaient agir sur elle comme le font et doivent nécessairement le faire sur l’âme les organes du corps humain.

« Maintenant, laissant de côté tous les détails secondaires, et qui, d’ailleurs, seraient' ici tout à fait superflus, même les instructions qui me furent données quant au traitement que j’avais à entreprendre, je reviens enfin à la question qui fait le sujet principal de cette lettre, et je demande si le portefeuille qui vient de jouer un si grand rôle recélait, en effet, l’esprit

du médecin décédé, ou simplement son fluide vital, toujours possédant et reflétant ce qui, du reste, ne peut pas plus

s’anéantir qu’un rayon de lumière projeté dans l’espace (1).....

la pensée du défunt.

« Veuillez agréer, monsieur le baron, les témoignages de la plus parfaite considération, avec laquelle j'ai l'honneur d’être,

p Votre très-humble et très-obéissant serviteur,

« Charles Péreyra..

o Varsovie, le 29 avril 1S59. »

GUÉRISONS SPIRITUALITES

Plusieurs journaux spiritualistes d’Amérique ont, à diverses reprises, entretenu le public des cures merveilleuses opérées par le docteur John Scott, qui passe pour le premier des médiums guérisseurs. Le Spiritual Telegrap/i contient, dans son. n° du 5 mars, une longue lettre signée de M. Dun-bar Moodie , qui donne de nombreux détails sur ce personnage extraordinaire ; l’auteur raconte un grand nombre de faits dont il déclare avoir été témoin. Voici quelques extraits de sa narration :

« Le malade qui attira le plus mon attention fut une dame dont le mal consistait en un fongus hematode (comme l’appelait le docteur), ou excroissance cancéreuse, s’étendant depuis l’œil droit jusqu’au-dessous du menton, en comprenant toute la joue droite ; la partie située sous le menton ressemblait à un sac charnu d’une épaisseur de trois pouces. Je demandai quelle avait été la cause de ce cancer, et la malade

(1) Qu'on .«oit pour Newton on pour Descartcs, pour le système d'émanation ou pour celui d'ondulation, cela ne cliange en rien ce Ihéorènie.

me répondit que c'était venu primitivement d’une irritation produite sur sa joue par son bonnet. Elle était, depuis deux ou trois semaines, remise aux soins du docteur Scott, qui traitait la maladie par des manipulations autour de la tumeur, sans employer aucun médicament à l’intérieur. Il y eut aussitôt de l’amélioration , l’excroissance de la joue diminua de volume, de sorte que l’œil droit se trouva entièrement sain. Je m'intéressai vivement à. ce cas, et j’observai de jour en jour les modifications qui se produisirent, tant que je résidai dans cette ville. Peu de jours après ma première visite, M. Scott me dit que l’excroissance sous le menton se gerçait et allait se détacher par morceaux. En effet, un ou deux jours après , toute la chair maladive qui était sous le menton, disparut, et à la place 011 vit la peau pleine d’ulcères hideux. Pour être entièrement édifié sur toute cette affaire, je demandai au docteur s'il voulait bien me permettre d’assister au pansement. Il y consentit volontiers et me dit de venir le lendemain matin. Je m’y trouvai et je vis la partie malade qui était dans le même état que la veille. Après que son aide l’eut lavée, il appliqua un simple bandage. En visitant New-York, quelques semaines après, j’appris que la peau de cette dame s’était détachée, qu’il ne lui restait plus qu’une petite tache à la joue gauche, et qu’en réalité la guérison était définitive.

« M. Scott m’assura qu’il ne manquait jamais de guérir les cancers au sein, du moins dans les cas ordinaires ; il me montra plusieurs noyaux cancéreux qu’il avait enlevés par la seule opération de l’imposition des mains, et qui étaient conservés dans des bocaux d’esprit-de-vin. Quand les malades demeurent trop loin, il se contente de leur envoyer des médicaments; mais il ajouta que le procédé de guérison par l’imposition des mains était beaucoup plus certain et plus rapide.

« ... A chaque cas qui lui est présenté, les Esprits lui apportent la pleine connaissance de la nature de la maladie et lui indiquent les termes techniques usités en médecine pour décrire chaque particularité de la maladie. Il m’assura que son éducation avait été très-bornée, et qu’il était redevable à

Finflaence des Esprits des connaissances qu'il a dans l’art de

guérir.

« Un jour, il me dit qu’il voyait que je serais .aussi médium guérisseur. Je lui demandai à quels signes il reconnaissait cette faculté, car j’étais fort sceptique, il me répondit qu’il le voyait, sans pouvoir expliquer comment cette connaissance lui parvenait. »

L’auteur, après avoir raconté comment, à la suite de communications d’Esprits, la prédiction de M. Scott s’est accomplie , rend compte de plusieurs cures par lui obtenues dès que sa qualité de médium eut été développée.

«Un sieur A. P... souffrait violemment, par suite d’une inflammation des reins. J’enlevai le mal en posant mes mains des deux côtés du corps pendant une demi-heure ; le mal n'a pas reparu. — Un maréchefl avait au poignet une entorse qui lui était arrivée en ferrant un cheval. Je tins le poignet entre mes mains pendant une demi-heure, après quoi il se trouva parfaitement sain et en état de frapper sur l’enclume.

— Un M. J. G... avait la goutte à la jambe ; le membre était rouge et enflé ; le mal durait depuis plusieurs semaines, et le malade ne pouvait ni marcher, ni appuyer à terre la jambe goutteuse. Je tins la jambe entre mes mains pendant une demi-heure ; l’enflure disparut graduellement, le mal se dissipa, et le malade put marcher avec facilité. — Madame M. C. D... avait un goitre au col : en appliquant les mains pendant une heure, j’obtins une diminution considérable. Malheureusement je n’eus pas occasion de continuer le traitement.

« Dans beaucoup de cas, il m’arriva, par la seule imposition des mains de guérir divers maux, tels que crampes, maux de tête, maux de dents, névralgies, etc. : le temps que j'y emploie varie de cinq minutes à trois quarts d'heure, d

BIBLIOGRAPHIE.

LES VOIX DE L'AVENIR, DANS LE PASSÉ ET DANS LE PRÉSENT, ou

Ut Oracles et Us Somnambules compares, par madame UoxgrubLi précédé d'une lettre de M. Edouard Fourbie». (Brochure in 8, chez Dejîtu,)

Madame Mongruel est une somnambule très - célèbre, qui a donné des séances fort brillantes dans beaucoup de villes, et dont. 011 vante la lucidité : l’ouvrage qu'elle vient de faire paraître prouve qu’elle est également distinguée par les qualités acquises; on y trouve beaucoup d’érudition, un style clairet élégant, des récits fort attachants. L’auteur, pénétrée de l’importance de sa fonction de somnamhule, est allée chercher dans l’antiquité ses titres de noblesse et a cherché à établir que les peuples anciens ont eu raison de croire aux oracles dont les somnambules sont les héritiers et les continuateurs. A l’appui de cette thèse, elle cite un grand nombre d’écrivains considérables et elle en nomme beaucoup d’autres dont elle revendique l’autorité.

C’est une question fort épineuse que celle des oracles, et sur laquelle il reste encore beaucoup à apprendre après les excellents travaux de Van-Dale et de Fontenelle. Nous aurions désiré que madame Mongruel, qui se proposait de donner sur ce sujet de nouvelles lumières , rapportât textuellement les ouvrages qu'elle invoque, au lieu de se borner à les mentionner. 11 n’est pas toujours facile au lecteur de recourir aux sources originales, ce qu’on ne peut faire à moins d’avoir à sa disposition une immense bibliothèque et un temps considérable, et de connaître i fond le grec et le latin ; madame Mongruel ne prend môme pas toujours la peine d’indiquer les livres et chapitres, de sorte qu'il faudrait des recherches fort longues pour vérifier quelle a été au juste l’opinion de t.l

écrivain. En mettant en regard les»extraits textuels, on aurait rendu facile la tâche du lecteur et on l’aurait mis à même de prononcer en connaissance de cause. Prenons un exemple pour justifier cette critique. Dans une noie delà page 23, on donne une liste des écrivains anciens qui ont admis la divination, et l’on y comprend Virgile : en effet, ce grand poëte fait figurer, dans Xlïnfide, plusieurs oracles ; il décri t notamment, au commencement du sixième livre, la sibylle de Cumcs; mais son poëme étant essentiellement mythologique, il est évident qu’il a dû recueillir les traditions populaires , qu’il s’est beaucoup plus préoccupé des beautés littéraires que de vérités scientifiques, et qu’il ne faut pas chercher au milieu de ces fictions son opinion personnelle et raisonnée sur la valeur des oracles. Une citation ferait comprendre le caractère de la narration du poëte, tandis que la seule indication de son nom peut induire en erreur sur la portée de son témoignage.

En général, 011 ne peut attacher une grande importance aux écrits des poètes pour lesquels une fable gracieuse vaut toujours mieux qu’une vérité aride. Quant aux écrivains plus sérieux de l’antiquité, on doit considérer que la plupart d’entre eux étaient obligés de ménager publiquement les dogmes établis et les coutumes reçues, et qu’011 ne pouvait sans danger discuter librement ce qui touchait à la religion ; Anaxa-gore, Euripide et bien d’autres, ayant osé froisser les préjugés populaires, ont couru les plus grands dangers, et Socrate est mort victime de sa hardiesse philosophique. On ne peut donc apprécier jusqu’à quel point les anciens auteurs étaient sincères quand ils parlaient des oracles avec Respect. Il en est parmi eux qui n’ont pas craint d’attaquer les croyances reçues et de se moquer des oracles. Ainsi Cieéron, dont on fait figurer le nom parmi ceux des parlisans de la divination sacrée, la tourne en dérision dans plusieurs de ses écrits, et il regarde comme forgés à plaisir les traits de lucidité rapportés par Hérodote et par Ennuis (De divin., 1.11, c. 56). — Enfin, quand même toute l’antiquité aurait cru à ce mode de révélation divine, nous n'y verrions aucun motif de soumettre notre

raison. Nous ne pouvons admettre, avec madame Mongruel, qu'une croyance, par cela seul quelle est universelle, doive être regardée comme nécessaire, et par suite soit nécessairement vraie (p. 88). Non : l’humanité n'a jamais été garantie contre l’erreur, la bonté d'une cause ne peut se mesurer sur lenombrede ses adhérents, et uneopinion fausse n'en reste pas moins fausse, quelle que soit la multitude de ses sectateurs. La vérité ne peut perdre ses droits, quand même elle serait universellement méconnue. Peu nous importe donc le nombre de ceux qui ont cm aux oracles. Ce qui est essentiel, c’est de rechercher dans les écrits anciens, des faits bien avérés de lucidité. Notre auteur en rapporte quelques-uns, et elle a raison de faire ressortir la ressemblance entre les lucides d’autrefois et ceux d’aujourd’hui. Mais, trop préoccupée du soin de glorifier la lucidité et de la venger des dénégations et des sarcasmes, elle n’envisage l’ensemble des faits que d’une manière incomplète et en donne une très-fausse idée. A l’entendre, on serait tenté de croire qu’il existait jadis des individus doués d’une science surhumaine, en état de donner sur toutes les questions des solutions parfaitement justes, on agissait sagement en les consultant sur les affaires les plus graves, sur les intérêts des empires, et l’on a commis une faute énorme en tarissant ces sources de vérité, en renversant les trépieds sacrés où la sage antiquité avait trouvé des lumières infaillibles.

Tout lecteur un peu instruit regardera un tel système comme un paradoxe, comme un jeu d’esprit. Si les oracles ont quelquefois rencontré juste, le plus souvent ils ont donné des réponses erronées, obscures , ambiguës, pouvant toujours s’expliquer après l’événement; l’imposture sacerdotale s’en est servi pour favoriser les princes ou les aristocrates, et pour les aider à tromper et à asservir le peuple; des oracles ont été corrompus à prix d’or, et l'on connaît notamment le mot de Démosthènes qui disait que la pythie philippistut, c'est-à-dire que l’or de Philippe lui faisait rendre des oracles favorables à la cause de ce prince. Enfin, même quand il arrivait qu’un oracle donnait des preuves de lucidité, ce

n'était pas une raison suffisante pour attribuer, comme 011 le faisait, sa réponse à une intervention miraculeuse de la divinité, et c’était là l’idée fondamentale sur laquelle était basée l’institution des oracles. C’est donc avec raison que la philosophie a lutté de toutes ses forces pour détruire une erreur aussi funeste et pour désabuser le genre humain. Personne, pas même madame Mongruel, ne songe à rouvrir l’antre de Trophonius, à relever le trépied de Delphes, à restaurer le propitiatoire, à reconstruire en un mot toutes ces superstitions dont la raison a fait justice. Seulement, au milieu de ce naufrage, sauvons le souvenir des faits qui peuvent éclaircir la science, tels que les faits de lucidité qui subsistent en dépit de toutes les théories. C’est là qu’on peut trouver de précieux renseignements; la comparaison de ces faits anciens avec ceux qui se passent actuellement au milieu de nous, peut servir à étudier les facultés extraordinaires dont sont doués quelques individus privilégiés, mais qui n’en sont pas moins naturelles et ne supposent aucune dérogation aux lois immuables de la création.

L’auteur, en comparant les anciens et les modernes lucides, insiste beaucoup plus sur les ressemblances que sur les différences qu’il serait cependant fort utile d’examiner. Ainsi les somnambules ne jouissent ordinairement de la lucidité qu’après avoir été plongés dans un état particulier par l'action d’un magnétiseur, dont le fluide est regardé comme la cause efficiente des modifications survenues dans le physique et le moral du voyant. Chez les anciens, au contraire, les extatiques ne subissaient pas d’action magnétique ni rien d’équivalent, et n’avaient besoin du concours de personne pour devenir lucides. Les moyens étaient divers : citons-en quelques-uns.

Aux temples d’Isis et d’Esculape, le malade venait s’endormir du sommeil naturel et n’avait recours à aucun être humain : le Dieu lui apparaissait en songe et lui indiquait les remèdes convenables. Quand on consultait l’oracle d’Amphia-raüs, on sacrifiait un bélier, on se couchait sur la peau de la victime, et l’on attendait les songes qu'il plaisait au demi-

dieu d’envoyer (1). A l’antre de Trophonius , le consultant recevait par inspiration la révélation de son avenir. La pythie de Delphes entrait eu crise dés quelle montait sur le trépied sacré d’où s’exhalaient des vapeurs aromatiques qui la jetaient dans une sorte d’ivresse. Si dous arrivons aux temps plus modernes , nous voyons que plusieurs extatiques célèbres, tels que Jeanne d'Arc, entraient spontanément en crise et devenaient lucides sans le concours d’autrui. D'après ces exemples, on peut se demander si jusqu’ici l’on n'a pas exagéré le rôle du magnétisme par rapport à la lucidité, et il serait intéressant de rechercher de quel côté estla plus grande dose de lucidité, si c'est chez ceux qui sont influencés par le magnétisme, ou chez ceux qui emploient d'autres moyens, ou enfin chez les individus qui deviennent spontanément lucides sans avoir recours à aucune préparation artificielle.

Pour bien apprécier la lucidité, il ne suffit pas de célébrer ses succès, il faut aussi tenir compte des insuccès, et c'est cé que n’a pas fait madame Mongruel qui ne nous montre que les victoires, sans même nous faire pressentir qu'il y a des revers. Or, soit dans l’antiquité, soit dans l’état actuel, l’expérience nous démontre que si les lucides peuvent quelquefois découvrir des secrets qui échappent au commun des hommes et manifester des facultés merveilleuses, souvent aussi iis commettent de lourdes erreurs tout en se figurant qu’ils découvrent la vérité. Les monuments anciens nous retracent une foule d’exemples des faussetés débitées par des oracles qui le plus ordinairement s’exprimaient avec une obscurité calculée, à tel point que l’ambiguïté des oracles est démeurée proverbiale. Quant aux somnambules, tous ceux qui les ont fréquemment consultés, savent combien ieur lucidité est variable, incertaine, et à combien de déceptions on s’expose en les consultant. Aussi ne peut-on sérieusement proposer d’en faire les successeurs des anciens oracles, de leur eu attribuer l’autorité et d’en faire les arbitres des intérêts publics et particuliers. On peut certainement s’en servir avec avan-

(1) Pausanias, 1. i, c. 24, p. 83.

tage, surtout pour le t aitement des ma’adies ; mais les plus sages magnétistes, il commencer par Deleuze, recommandent de n'accueillir leurs réponses qu’avec la plus grande réserve et en les soumettant au contrôle de la raison et de l’expérience.

Madame Mongruel, convainue de la haute mission'du somnambulisme et de la grandeur des services qu’il peut rendre, déplore les abus auxquels il donne lieu, s'élève avec'force contre les expériences puériles ou dangereuses, tes pratiques mensongères, les industries coupables, etelle demande cqu’une loi sévère, mais juste, vienne bientôt réglementer l’exercice du magnétisme, et qn’en fermant au somnambulisme des issues que la morale publique doit lui interdire, on lui ouvre, d’un autre côté, en l’appliquant àla médecine, une voie large, grandiose, profitable à l'humanité souffrante (p. 68). » Ce vœu est certainement inspiré parun sentiment généreux, et si, sans nuire aux droits de la science, sans entraver le progrès, on peut mettre fin à certaines exploitations honteuses, les honnêtes gens ne pourront qu’y applaudir. Mais prenonsgarde qu’en réprimant l’abus, on n’entrave ou ne supprime l’usage légitime. Il est bien difficile de réglementer une [industrie sans l’opprimer. Quant au somnambulisme, il nous semble prématuré de songer à le réglementer. En effet, pour lui imposer une police, une discipline, il faudrait que son existence même fût d’abord reconnue, il faudrait que la classe la plus éclairée fût fixée sur sa nature, sur l’étendue de son pouvoir, sur les moyens d’en tirer parti et d’en éviter les inconvénients. Or, à cet égard, tout est à faire. Non-seulement la lucidité est mise en question, mais elle est niée par la plupart des savants. Comment le gouvernement, les corps constitués pourraient-ils donc faire des règlements qui supposent la réalité de cette faculté?... L’auteur demande qu’en créant des certificats d'aptitude à l'exercice du somnambulisme, on l’antorise à venir en aide à la médecine pratique. L’idée nous parait excellente ; mais à qui appartiendra le droit de délivrer de tels certificats? 11 ne faut pas songer à l’Académie de médecine qui a décidé qu’elle jetterait au panier tout mé-

moire sur le magnétisme ou le somnambulisme; ni aux Facultés qui partagent cette incrédulité. Avant d’organiser le somnambulisme, il faut travailler .à le faire reconnaître, et cette tâche ne peut convenir qu’à des sociétés magnétiques ; mais il faut avouer qu'elles n’ont pas pris jusqu’ici les meilleurs moyens pour faire accepter les doctrines qu’elles professent. Qu'elles se livrent avec ardeur aux expériences, qu’elles recueillent les faits vraiment probants, et ensuite il ne leur sera pas dillicile de forcer à en être témoins les membres des académies et les incrédules les plus obstinés.

Elles pourraient provisoirement s’emparer de l’idée de madame Mongruel et s’ériger en académie ou jury chargé de délivrer des certificats d’aptitude aux somnambules qui se soumettraient à son examen. Ceux qui sont réellement lucides, s’empresseraient de subir des épreuves qui constateraient leur capacité et leur donneraient auprès du public une imposante recommandation. On dresserait procès-verbal des divers genres d’épreuves, on certifierait le nombre de celles qui ont réussi ; on arriverait ainsi à donner en quelque sorte aux consultants la mesure des chances favorables; on établirait par exemple qu’en fait de maladie, tel somnambule a vu juste 9 fois sur 10, telle autre 8 fois, 7 fois, et ainsi de suite. On pourrait prendre pour règle de refuser le certificat au candidat qui n’atteindrait pas à un chiffre déterminé de chances favorables ; si par exemple il n’atteint pas la moitié, comme en le consultant il y aurait autant de chances d’erreur que de vérité, le plus sage serait de s’abstenir. Les somnambules fort peu lucides, ceux qui ne le sont pas du tout, et à plus forte raison les individus qui simulent le somnambulisme, se garderont bien de se présenter devant le jury; mais leur refus vaudra comme aveu d’incapacité et les signalera à la défiance du public (1).

11 est facile de voir tous les avantages d’une telle institution : on ferait le triage des somnambules, on discréditerait

(l) Je me propose de développer ces idées sur les attributions d’une académie magnétique dans mon ouvrage intilulé : Du Magnétisme e( des sciences occultes, qui paraîtra prochainement.

ceux qui, ne jouissant d'aucune lucidité, abusent de l'ignorance et de la crédulité du public ; on mettrait en relief ceux dont les facultés précieuses peuvent fournir à la médecine un auxiliaire extrêmement utile. Le jury pourrait appeler à ses séances d’examen des médecins, des savants, et il se produirait devant eux des phénomènes qui certainement détermineraient leur conviction. Bientôt les savants eux-mêmes se mettraient à expérimenter, et la lucidité admise définitivement dans la science , au même rang que toutes les découvertes, ne serait plus niée. C'est alors seulement que l'on pourra s’occuper de réglementation.

Madame Mongruel, à l’appui de sa proposition, indique les expériences suivantes qui pourraient entrer clans le programme à remplir :

« 1° La somnambule, devant un jury de docteurs, serait mise en rapport avec un malade amené secrètement. Elle devrait faire le diagnostic complet de la maladie , indiquer le point de départ, les souffrances , la durée des crises s’il y en a, et leurs époques, si elles sont périodiques ;

« 2° La môme expérience répétée sur les cheveux d’un malade absent ;

« 3° Conduite dans un amphithéâtre et mise en face d’un cadavre, la somnambule devrait dire la cause ayant produit la mort, et indiquer les organes affectés ou les lésions existantes. Aussitôt, par l’autopsie, les médecins s’assureraient de la vérité de ses indications.

« Telles sont, ajoute-t-elle, les expériences que tout somnambule devrait produire dans des conditions données. Je suis prête moi-même à m’y soumettre, soit au sein des aca -démies, soit seulement pour donner au magnétisme de nouveaux prosélytes. Je les accepte, parce que j’y vois un but d’utilité réelle, parce qu’en les produisant mes efforts tendront à faire progresser l’art de guérir; mais je refuse formellement de me soumettre à des expériences qui ne tendent à satisfaire qu’une curiosité puérile ou ridicule. Telle est ma réponse à tous les prix Burdin , Mabru et autres, pour les-

quels j'accepterai de concourir, lorsqu’on m’aura démontré l’utilité qu’il y a de lire dans une boite fermée. »

L’assurance avec laquelle madame Mongi uel olfre de subir les épreuves, montre le sentiment de sa force : une telle offre ne peut manquer d’ètre acceptée. Ce serait aux sociétés magnétiques à procéder aux expériences indiquées et h publier ensuite le résultat des opérations : si, comme nous aimons à le croire, il est favorable, cette publication ne pourra manquer d’avoir un grand retentissement et de servir puissamment la cause du somnambulisme. D’un autre côté, M. Mabru ne peut refuser d’assister à des expériences tout aussi concluantes que celle de la lecture dans une boîte ; et si madame Mongruel accomplit les conditions de son programme, il serti bien obligé de reconnaître la lucidité. Nous devrons donc assister bientôt à une crise décisive : il faudra bien qu’enfin la vérité se fasse jour.

A. S. Morin.

Baron du POTET, propriétaire-gérant.

CONTROVERSE.

DES COUPS MYSTÉRIEUX.

Parmi les phénomènes du spiritualisme , un des plus communs consiste dans les coups mystérieux ; ce sont des bruits qui paraissent n’être dus ni à une action humaine, ni à aucune des causes physiques connues, fit comme la combinaison de ces coups donne des mots, des phrases, des discours , on en a conclu qu’ils sont dus à des êtres intelligents et invisibles, c’est-à-dire à des Esprits. Pour que cette explication soit acceptée, il faut qu’on puisse affirmer avec certitude qu’aucune cause naturelle ne peut produire ces bruits. On conçoit combien il est difficile de prononcer un pareil jugement. Aussi la question n’a-t-elle cessé d’être vivement débattue jusqu’ici. Il est clair que, dans l’examen de ces faits, il faut se mettre en garde contre toute supercherie, qu’il y a une foule de moyens de faire entendre des bruits tout en maintenant cachés les procédés employés, et que même, quand on ne parviendrait pas à découvrir ces procédés, on ne serait pas pour cela fondé à déclarer qu'il n’en a été employé aucun.

Souvent les moyens usités ont été des plus grossiers et ont eu cependant un grand succès : ce sont de simples mouvements de pied , soit contre les pieds de la table , soit sur le parquet. Dans beaucoup de cercles où l’on avait l’habitude d’obtenir à volonté des communications qui étaient attribuées à des Esprits supérieurs , un des spectateurs demanda que chacun mît ses pieds en évidence en les posant sur un barreau de chaise ou sur un tabouret : le médium refusa de souscrire à cette condition, alléguant que cette précaution était blessante pour sa dignité. Aux yeux de tout homme de bon sens, il n’en faut pas davantage pour ôter toute valeur aux expériences : du moment que le contrôle ne peut avoir lieu , le phénomène est suspect, et l’on peut croire que celui qui se TOUE XV11I. — N° «O. — 2« Sébie. — 25 Juia 1850. 12

refuse aux moyens de vérification, a quelque sujet de craindre que ses stratagèmes ne soient dévoilés.

On a imaginé plusieurs explications des coups mystérieux. La ventriloquie a été mise en avant ; il y a quelques années, le docteur SchifT, de Francfort-sur-le-Mein, a communiqué à l’Académie de médecine de Paris un moyen de faire entendre des coups « par le déplacement réitéré du tendon du muscle de la jambe, qui passe derrière la cheville, le long péro-nier (1). » Cette académie a eu encore à s'occuper tout dernièrement de cette question, à propos d’une communication faite par M. Jobert de Lamballe. Il s’agit, cette fois, non plus d'un fourbe qui, par le mouvement de ses muscles, serait parvenu à produire des bruits qu’il aurait fait passer pour surnaturels, mais bien d’un cas pathologique. Une jeune fille de quatorze ans était affectée , depuis six ans , de mouvements involontaires réguliers du muscle court péronier latéral droit. D’après le compte rendu que nous empruntons à l'Ami des sciences ( n° du 1er mai dernier), « Au niveau de la malléole externe droite, il était facile de constater, vers le bord supérieur de cette saillie osseuse, un battement régulier, accompagné d’une saillie passagère et d’un soulèvement des parties molles de cette région, lesquels étaient suivis d’un bruit sec succédant à chaque contraction musculaire. Ce bruit se faisait entendre dans le lit, hors du lit et à une distance assez considérable du lieu où la jeune personne reposait. Remarquable par sa régularité et son éclat, ce bruit l’accompagnait partout, ce bruit ressemblait quelquefois à un frottement, à ■un grattement, et cela lorsque les contractions offraient moins d’intensité. Ces mêmes phénomènes se sont toujours reproduits, que le malade fût debout, assis ou couché, quelle que fût l’heure du jour ou de la nuit où nous l’avons examinée. »

Dans le cas qui précède, les coups avaient lieu continuellement et ne dépendaient pas de la volonté du sujet. M. Schiff, ayant eu à examiner de3 individus chez lesquels les coups

(I) Journal du Magnétisme, 185*, p. 473.

semblaient réglés par une volonté intelligente, chercha quels organes pouvaient servir à produire ces résultats, et crut trouver dans les muscles péroniers l’appareil propre à jouer ce rôle. 11 s'exerça, et bientôt il fut à même > d’exécuter des bruits volontaires, réguliers, harmonieux ; il a pu devant un grand nombre de personnes imiter les prodiges des Esprits frappeurs avec ou sans chaussure, debout ou couché. »

M. Schiff en conclut que tous les coups prétendus mystérieux sont dus à la cause qu’il signale. M. Jobert de Lamballe adopte cette explication et termine ainsi : « Le bruit produit par les mouvements dont il s’agit est variable dans son in tensité, et l’on peut en effet y distinguer diverses nuances. C’est ainsi que depuis le bruit éclatant et qui se distingue au loin , on retrouve des variétés de bruit, de frottement, de scie, etc. »

M. Velpeau vient ensuite donner plus d’étendue à l’explication. « De tels bruits, dit-il, s’observent dans une foule de régions. La hanche, l’épaule, le côté interne du pied en deviennent assez souvent le siège. J’ai vu entre autres une dame qui, à l’aide de certains mouvements de rotation de la cuisse, produisait ainsi une sorte de musique assez manifeste pour être entendue d’un bout à l’autre du salon. Le tendon de la longue portion du biceps brachial en engendre facilement en sortant de sa coulisse, quand les brides fibreuses qui le retiennent naturellement, viennent à se relâcher ou à se rompre. Il en est de même du jambier postérieur ou du fléchisseur du gros orteil derrière la malléole interne. De tels bruits s’expliquent par le frottement ou les soubresauts des tendons dans des rainures ou contre des bords à surfaces synoviales. Ils sont par conséquent possibles dans une infinité de régions ou au voisinage d’une foule d’organes. Tantôt clairs ou éclatants, tantôt sourds ou obscurs, parfoishumides et d’autres fois secs , ils varient d’ailleurs extrêmement d’intensité.

M. Jules Cloquet, à l’appui de ces observations sur les bruits anormaux que les tendons peuvent produire dans diverses régions du corps, cite l’exemple d'une fille de dix-sept ans, que son père voulait exhiber comme phénomène vivant.

et qui, suivant lui, avait dans le ventre un mouvement de pendule. « Cette tille , par un léger mouvement de rotation dans la région lombaire de la colonne vertébrale , produisait des craquements très-forts, plus ou moins réguliers, suivant le rythme des légers mouvements quelle imprimait à la partie inférieure de son torse. Ces bruits anormaux pouvaient s’entendre très-distinctement à plus de vingt-cinq pieds de distance et ressemblaient au bruit d’un vieux tourne-broche ; ils étaient suspendus à la volonté de la jeune fdle et paraissaient avoir leur siège dans les muscles de la région lomba-dorsale de la colonne vertébrale. »

Enfin M. Jobert de Lamballe, tout en admettant les bruits produits par les divers organes, accorde une préférence marquée à ceux des muscles péroniers, au moyen desquels des personnes peuvent, suivant lui, exécuter des airs mélodieux, tels que la Marseillaise, la Marche bavaroise et là Marche française, avec une régularité parfaite.

Il résulte de ces documents qu’il est possible, dans certains cas, de produire des bruits sans appareil patent : seulement les docteurs qui ont pris part à cette discussion ont péché contre la logique en affirmant qne tous les coups dits mystérieux étaient causés par les moyens qu'ils désignent. Car ils ne peuvent savoir s’il n’existe pas une foule d’autres moyens de réussir aussi bien et même mieux. Et, en outre , leurs moyens sont évidemment insuffisants pour rendre compte de tous les bruits dont il est fait mention dans les relations spiritualistes , et qui présentent une immense variété comprenant depuis la brise légère jusqu’au coup de tonnerre, bruits de scie, de rabot, de tam-tam, etc. Il y a lieu de faire toutes réserves quant à la réalité de ces faits : nous nous bor* nons, sur ce point, à observer que, les faits étant supposés exacts, ne pourraient s’expliquer parle procédé de M. ScliifF. Ce docteur et ses partisans ont eu le tort d’être trop absolus. L’expérience, comme nous l’avons déjà dit, a fait parfois découvrir bien d’autres procédés employés pour faire croire à l’existence de coups mystérieux, et l’on ne peut se flatter d’en avoir fait un dénombrement complet.

Il est un mode bien plus simple de discerner si les coups ont une origine, purement humaine. Il est admis par les spiri-tualistes qu’un bruit isolé , quand même la cause en serait inconnue , n’a rien de concluant et qu’il n’y a aucune raison de l'attribuer aux Esprits. Les seuls bruits qui, selon eux, prouvent l’intervention des invisibles sont ceux dont la combinaison forme un langage et dénote l’action d’un être intelligent. Les questions auxquelles répondent les Esprits leur sont adressées ou par écrit ou de vive voix : on suppose donc que les Esprits sont en état de voir et d’entendre ce qui se passe dans la salle, et, dans ce système, le médium n’est qu’un intermédiaire purement passif, dont l’Esprit emploie les organes pour agir et transmettre ses réponses. S’il en est ainsi, vous pouvez soustraire au médium la connaissance des questions, et vous verrez si elles continuent à parvenir à l’auteur, quel qu'il soit, des coups. Or, à ma connaissance, chaque fois qu’on a opéré ainsi, les coups ont continué à se faire entendre, mais ont cessé de donner des réponses concordantes. Voici notamment ce qui eut lieu dans une réunion où se trouvaient plusieurs notabilités du magnétisme et du spiritualisme.

On entendait des coups dont la cause n’a pu être nettement établie, mais est demeurée suspecte par suite du refus du médium de poser ses pieds de manière que leurs mouvements ne pussent échapper aux regards. On avait laissé en réserve la question de la cause des bruits, et l’on s’occupait du mode de converser avec l’Esprit présumé. Les spectateurs et le médium étaient assis autour d’une table, sur cette table était posé à plat an alphabet : un des spectateurs parcourait successivement toutes les lettres avec la pointe d’un crayon, en s’arrêtant un instant à chaque lettre ; quand un coup se faisait entendre, la lettre sur laquelle se trouvait alors le crayon, était réputée choisie, et il en était pris note.

Les lettres ainsi désignées formaient par leur ensemble des discours suivis et des réponses aux questions qui étaient faites à haute voix. On voulut s'assurer jusqu’à quel point l’intelligence qui présidait à ces discours était distincte de

celle du médium. En conséquence, il l'ut convenu que le carton sur lequel étaient tracées les lettres de l’alphabet serait tenu de manière à ne pas être vu du médium. Une première expérience parut favoriser l’hypothèse spiritualiste : une réponse fut obtenue. Mais 011 trouva que la personne qui avait tenu l’alphabet s’était bornée à le placer devant elle, de manière à faire un angle d’environ /|5 degrés avec la table, et que le médium avait pu plonger ses regards pardessus et voiries mouvements du doigt qui pointait les lettres. II fallait donc procéder d’une manière plus rigoureuse. Une autre personne, assise vis-à-vis du médium, prit le carton et le plaça verticalement et tout près de sa poitrine, de manière que les mouvements de son doigt qui parcourait les lettres, ne pouvaient être vus que de cette personne et de ses deux voisins de droite et de gauche. Par surcroît de précaution , la personne, au lieu de suivre l’ordre habituel des lettres A, B, C, D, etc., allait au hasard ou dans un ordre arbitraire. Les coups tardèrent à se faire entendre. Un des voisins de la personne qui tenait l’alphabet notait, comme précédemment, mais en silence, chaque lettre qui se trouvait sous la pointe du doigt ou du crayon, quand le coup avait lieu. Mais il arrivait quelquefois que le coup était plus faible que d’ordinaire. On demandait alors si la lettre qui venait d’être écrite, et qu’on se gardait bien d’appeler tout haut, était bien choisie : le plus souvent la réponse était négative (il était entendu que deux coups de suite voulaient dire non). 11 fallait recommencer. Plusieurs lettres ne furent adoptées ainsi qu’après de nombreux tâtonnements. Les lettres n'arrivaient donc que lentement etdifficilement. Enfin, au bout d’un quart d’heure, on demanda si le discours était achevé : un coup, voulant dire oui, servit de réponse ; et le groupe, composé de la personne qui tenait l’alphabet et de ses deux voisins, fit connaître alors le résultat obtenu au moyen des lettres ainsi triées. C’était un assemblage de consonnes qui n’offrait aucun sens et ne pouvait pas même se prononcer. On renouvela plusieurs fois l’expérience avec les mêmes précautions, et les résultats furent toujours les mêmes.

On demanda à l’Esprit s’il voyait ce que chacun écrivait, et s'il pourrait frapper un nombre de coups indiqué secrètement par écrit. Sur la réponse affirmative, plusieurs des spectateurs écrivirent, chacun en secret, des nombres sur des feuilles de papier : des coups se faisaient entendre, mais les nombres de coups ne répondaient presque jamais aux nombres demandés ; il était évident que l’auteur des coups ignorait la demande et frappait au hasard. Quelquefois, après un certain nombre de coups très-nets , on en entendait un ou deux beaucoup plus faibles; puis, si le nombre des coups entendus distinctement était inférieur de une ou de deux unités au nombre écrit, les personnes disposées à se contenter de peu soutenaient que les petits coups devaient être comptés, sauf à les négliger dans un autre cas, s’ils sont de trop. Même en admettant comme bons les résultats équivoques, l'Esprit ne parvenait guère à rencontrer juste qu’une fois sur dix, et avec des nombres qui ne dépassaient pas dix ; c’était même inférieur à ce que la loi des probabilités donnerait en prenant au hasard.

Il était donc bien clair que les réponses n’étaient justes que quand le médium connaissait les questions, que les coups étaient produits par des moyens dont disposait le médium, et enfin que l'auteur des coups n’était autre que le médium lui-même. Il était dès lors peu important de préciser en quoi consistent ces moyens : il est certain qu’ils sont parfaitement humains.

Nous n'en concluons pas , comme les académiciens dont nous avons rapporté les opinions, que les médiums sont tous des fourbes qui exploitent la crédulité des sots. Sans doute, le spiritualisme a donné lieu à bien des fraudes, a fourni un nouvel essor au charlatanisme et même \ l’escroquerie. Mais aussi reconnaissons que beaucoup de médiums sont des âmes sincères et mystiques, entraînées vers le merveilleux par un élan irrésistible, aspirant sans cesse vers un monde supérieur : parmi ces individus, il en est qui produisent des mouvements inconscients, qui écrivent des discours dont ils ont la conviction de n’être pas les auteurs ; ils peuvent donc, dans cet

état et avec une entière bonne foi, mettre en jeu quelques-uns des procédés propres à produire des coups, et par suite d’idées préconçues, ils attribuent à des Esprits ce qui, en réalité, n’est dû qu’à eux-mêmes. Cette question est, au fond, la même que celle des tables tournantes , sur laquelle le Journal du Magnétisme a publié de nombreux articles et sur laquelle il estinutile de revenir. M. Schilf et consorts, en n’envisageant le phénomène qu’au point de vue physique et en ne s’occupant pas du rôle des facultés animiques, sont incapables de donner une sqjution complète du problème et n’cn soupçonnent même pas toute la difficulté.

A. S. Mobin.

Post scriplum. — Dans le dernier numéro de la Revue spiri-lualiste qui vient de paraître, M. Matthieu, auteur de plusieurs ouvrages estimés sur le spiritualisme, réfute le système qui explique les coups mystérieux par le jeu des muscles et des tendons, et maintient que ces bruits ne peuvent s’expliquer par aucune cause naturelle. Il fait un appel aux membres de lî Académie de Médecine, les invite à assister à ses expériences et se fait fort de les convaincre. Nous désirons que cet appel soit entendu ; que des savants veuillent bien étudier par eux-mêmes ces faits singuliers, et nous sommes persuadé que le concours d’hommes éclairés et consciencieux ne pourra manquer de contribuer aux progrès de la science : peut-être aussi trouvera-t-on enfin la solution de questions tant controversées» Mais n’esl-il pas à craindre que M. Matthieu ne s’abuse sur l'eflicacité des moyens qu’il propose? II ne peut avoir oublié que l’un des médiums dont il célèbre les hauts faits et auprès duquel il convie les membres de l'Académie de Médecine, a consenti à présenter ses expériences à la commission d’enquête nommée par la Société philantliropico-magnétique, et M. Matthieu, qui était présent, sait parfaitement que les résultats n’ont pas été satisfaisants. Les. membres de la commission ont, il est vrai, entendu des bruits dont la cause n’a pu être déterminée ; mais plusieurs d’entre eux ayant pensé qu’il fallait procéder d’une manière rigoureuse, et que les pieds des médiums pouvaient être pour quelque chose dans la production des bruits, on pria ce médium de mettre ses pieds en évidence en les posant sur un barreau de chaise, de manière que les mouvements pussent en être observés. Le médium s’y refusa, et M. Matthieu, à la bonne foi duquel nous nous plaisons à rendre hommage, re-

connut que, par suite de ce refus, les expériences perdaient beaucoup de leur valeur ; il avoua même que des coups obtenus dans de telles conditions ne suffisaient pas pour autoriser recourir à l’intervention des Esprits. Quant aux communications intellectuelles, M. Matthieu sait également que quand une question posée à l’Esprit supposé n était pas connue du médium, aucune réponse n’était obtenue, et qu’alors la désignation des lettres par les coups ne formait qu’un assemblage confus et même impossible à prononcer. Si donc Al. Matthieu ne dispose pas actuellement de faits plus probants que ceux qu’il a présentés à. la commission, il a été mal inspiré en en offrant la répétition aux membres del’Académie qui, certes, ss montreront au moins aussi difficiles. Si, au contraire, il lui est survenu de nouveaux moyens de produire des phénomènes plus significatifs, nous aimons à croire qu il n’en privera pas lacommission, qui, sans prévention m parti pris, cherche la vérité et qui est toute disposée à certifier la réalité des faits qu’elle sera mise à môme d’observer.

A. S. M.

ÉTUDES.

UN FAIT D’HYSTÉRIE GRAVE.

Liège,le 5 juin 1859.

ci Monsieur le baron, h L’empressement que vous avez mis à publier le travail synthétique que j'ai eu l’honneur de vous faire parvenir., il y a quelques mois , m’engage à vous communiquer l’analyse d’un article publié par les Annales cl Bulletins de la Sociétc de médecine de Gand, et intitulé : Observations d'un cas dhystérie, caractérisée par des symptômes extraordinaires (1). Tous les jours, le magnétisme arrache des confessions forcées aux corps savants ; c’est à nous à les enregistrer soigneusement pour pouvoir constater plus aisément le

(1) Seizième année 1850, cinquième livraison. Gand, chez Gyseljnck , éditeur.

progrès que font les idées magnétiques qui, d'uii pas lent mais sûr, tracent leur sillon dans le champ des sciences. J’aime surtout à recueillir les témoignages de la médecine , parce que c’est elle qu’on a été forcé de prendre constamment à partie , parce que c’est elle qui, dans la personne de M. Dubois d’Amiens , a jeté l’anathème sur le magnétisme, et que, par conséquent, toute adhésion de sa part ne peut être sujette à caution. C’est un acte de franchise , de loyauté et d’honneur que de ne pas reculer devant renonciation d’une conviction personnelle, quels que puissent être d’ailleurs les sarcasmes résevés à cette profession de foi, et je suis tout heureux d’avoir à signaler à votre attention un document médical belge qui se trouve dans ces conditions.

Autant que possible, je laisserai la parole à l’auteur ; j’aurai soin, eu égard à la nature du recueil pour lequel j’écris ces lignes, d’élaguer autant que possible tout ce qui a trait à la médecine.

« L’observation que j’ai l’honneur de soumettre à l’honorable société, dit l’annotateur, contient des faits si merveilleux et si extraordinaires, que, si je ne comptais sur ses profondes lumières, je ne me risquerais pas à la lui communiquer.

« La maladie dont je vais donner les détails a présenté des symptômes tellement remarquables et bizarres, que la narration, n’eût-elle aucun avantage pour le médecin, serait encore d’un intérêt bien grand pour le philosophe et pour toute personne qui a pris à tâche d’observer la nature, même dans ses écarts.

« Je ne doute nullement que je ne rencontre des incrédules parmi mes lecteurs. Mais je leur dirai pour les convaincre que je ne suis pas le seul médecin qui aie observé la maladie : MM. les docteurs Guislain , Van Meldert et Blariau, qu’on ne taxera pas d’hommes exclusifs ou amis du merveilleux , ont également été consultés et mis à même de constater comme moi les phénomènes remarquables qui font le sujet de mæ communication ; en outre, la famille que l’on peut interroger est prête à confirmer les faits que j’avance.

« La maladie qui fait le sujet de mon observation est une

jeune personne d’une belle stature, d'une superbe carnation , d un caractère très-doux et d’une humeur des plus enjouées. Jusqu’à l’apparition de cette maladie , dont elle ressentit la première atteinte à l’âge de vingt-deux ans , elle a toujours joui d’une bonne santé. >.

La mort d’une personne chérie qui expira quasi dans ses bras 1 impressionna profondément et fut cause de la maladie que 1 annotateur décrit minutieusement. Nous ne le suivrons pas sur ce terrain , seulement, pour l’intelligence du sujet, nous transcrirons quelques faits saillants.

« Les accès de dyspnée reparaissaient chaque soir avec une intensité épouvantable. La respiration devenait suspirieuse, sibilante, et tellement bruyante qu’on pouvait l’entendre dans la rue, à trente pas de sa demeure ; on aurait pu la comparer au bruit que fait la vapeur d’eau comprimée, lorsqu'elle s’échappe d’une chaudière. Après une demi-heure passée dans cet état, la respiration se supprimait tout à coup. Le cœur seul donnait encore quelque vraisemblance de vie. Dans les premiers temps de cette singulière affection, des mouvements convulsifs de tous les muscles vinrent souvent en compliquer les accès. Nous trouvâmes parfois la malade dans un état complètement cataleptique... On comprend que tous les antipériodiques possibles furent employés contre cette affection , mais sans la moindre apparence de succès. Toute autre médication que l’on put imaginer n’eut également aucun succès.

« Pendant les sept premiers mois qu’a duré cette horrible dyspnée, le seul moyen qui soulagea fut la saignée... On a été souvent forcé de répéter le même soir jusqu’à quatre fois cette émission sanguine. J’évalue à deux cent cinquante (250) le nombre de saignées qui lui ont été faites en sept mois ! Chaque accès qui en réclamait l’emploi était accompagné d’une expectoration sanguine assez considérable, ce qui augmentait encore de beaucoup la perte de sang éprouvée pendant ce laps de temps. Tous les moyens pour éviter la saignée furent employés inutilement... Un soir, le sommeil apparentqui accompagnait ordinairement la saignée ne se dissipa plus. Tous les moyens employés pour la réveiller furent inutiles. Les

battements du cœur, quoique très-faiblement perçus au moyen de l’auscultation, attestaient que la vie n'était pas éteinte.

« La malade resta à peu près deux jours sans donner signe de vie. Sa position devint de plus en plus précaire. D'accord sur la nature du sommeil dont elle dormait, que nous considérâmes comme l’effet d'un somnambulisme naturel, ressemblant d’ailleurs en tout au magnétisme artificiel, M. Guislain proposa de réveiller la malade parles moyens ordinairement employés pour éveiller les magnétisés endormis parle mesmérisme. Je m’appliquai donc à faire des passcsmngnitiques négatives. Je magnétisai, et, pour la première fois de ma vie, je magnétisai presque à contre-cœur; pour mieux dire, je démagnétisai la malade et ne fus pas pou surpris des effets que produisirent mespasses. Cettemanœuvreexercéependantun quart

d’heure amenaleréveil partiel d’abord,etenfm leréveilcomplet.

Que de singuliers phénomènes le réveil de la malade ne nous a-t-il pas fait observerl Pendant le somnambulisme , sa lucidité fut iparfois si parfaite, que non-seulement nous engagions avec elle toute espèce de conversation, mais encore qu’elle voyaitlespersonnes et les objets placés derrière les panneaux ou les rideaux de son lit. Il nous est souvent arrivé de lui dire : Mademoiselle, faites bien attention à nos paroles, tâchez de les retenir, je vais vous éveiller. Les yeux s’entr’ouvraient et semblaient appartenir à un cadavre, tellement ils étaient immobiles et ternes. La malade alors : Je ne vois pas encore, il y a un voile qui recouvre mes yeux..., mais je vais voir... et tout à coup, poussant un petit cri, la vue était revenue, elle voyait ; elle était dans l’étonncment et n’avait pas le moindre souvenir de ce que nous avions dit. Cette scène-là était ce que nous avions vu déplus curieux parmi les phénomènes quecette intéressante ¡malade nous avait fourni l’occasion d’observer. Permettez-moi ici une légère digression, pour vous‘entretenir un moment des phénomènes magnétiques singuliers qui ont accompagné, pendant denx mois entiers, la maladie de mademoiselle X. On s’.aperçut, au troisième jour de l'expérimentation, que la malade était lucide ; elle était extrêmement pétulante, se remuant constamment dans son lit, aga-

çant tous ceux qui s’en approchaient. Ses yeux étaient convulsivement fermés, et toute espèce île moyen extérieui, propre à occasionner de la douleur, restait inaperçue.

« D'abord, nous interrogeâmes la malade sur des sujets indifférents, et elle nous répondit toujours avec une précision qui ne cessait de nous étonner ; on ne se serait jamais douté qu'elle dormît. Nous passâmes à des exercices plus difficiles. Nous essayâmes de la faire lire, en lui posant un journal de botanique sur la région épigastrique. Elle en lut parfaitement le titre. Elle distingua plus difficilement des caractères plus petits. J’écrivis plusieurs phrases au crayoa quelle déchiffra sans hésiter. M. Guislain, pendant une de nos expériences, l’interrogea à diverses reprises sur ce qui se passait actuellement chez lui; après quelque temps de réflexion , elle donnait toujours une solution que. l'expérience démontrait Être juste. Dire ce qu’il tenait dans sa main , ce qu'il avait dans ses poches , n’était pour elle qu’un jeu dont elle semblait beaucoup s’amuser.

« Je demandai un jour à la patiente où se trouvait actuellement ma fille; elle a’hésita pas à me répondre qu’elle était à la station du chemin de fer. Sur mou observation, qu elle se trompait, elle réfléchit un peu, et me dit ensuite: qu’effectivement elle s’était trompée, que ma fille n’était pas à la station du chemin de fer, mais qu’elle se trouvait dans ma maison môme, en bas, près de sa mère, en m’attendant pour nous rendre ensemble à l’arrivée d’un couv.oi du chemin de fer, où nous devions rencontrer uu parent. Le fait était exact....

« Je demandai un autre jour à la somnambule ce que faisait ma fille; ne le sachant pas moi-même, j’étaiscurieux.de l'apprendre par une voie aussi extraordinaire. Bientôt les mains de la jeune personne commencèrent à. se promener horizontalement sur sa couverture, ses doigts firent des mouvements, et puis, pour donner à sa pensée toute la.clarté possible, elle ajouta : Elle joue du piano, elle joue du piano ! En rentrant che» moi, je constatai qu’à l’heure à laquelle j interrogeais la malade, ma fille prenait une leçon de piano. Cette expérience bouleversa toutes mes idées..

(i J’ennuierais peut-être mes lecteurs, si je voulais énumérer toutes les expériences auxquelles nous avons soumis notre malade, pour nous assurer de sa lucidité et pour nous convaincre jusqu’à quel point une somnambule peut prévoir, avec certitude, des événements dont elle n’a aucune connaissance. Pour éviter cetécueil, je me résumerai en disant que ces phénomènes remarquables sont venus corroborer notre foi pleine et entière dans le magnétisme animal, et que bien des choses merveilleuses que l’on raconte méritent un profond examen et le plus souvent une entière créance, pourvu qu’elles nous arrivent de bonne source.

« Un fait bien remarquable en fait de magnétisme est le suivant : quand je cherchais à réveiller la malade par des passes magnétiques régulières, les yeux s’ouvraient tout à coup, comme je l’ai déjà dit, sans qu’elle fût réellement éveillée. Dans cette période du réveil, on aurait dit qu’un courant magnétique s’échappait de son abdomen, courant qui paraissait fuir en ligne droite. Si alors je tenais la main à deux ou trois pieds de distance de son corps, la paume dirigée vers la région épigastrique, elle éprouvait une sçcousse violente qui ressemblait à celle produite par une forte décharge électrique. Plus j’éloignais la main pour obtenir cet effet, plus les secousses étaient fortes. J’essayai de m’éloigner du lit de quelques pas pour répéter la même expérience, et il se produisait des effets plus intenses encore. Je mis enfin 20 pieds de distance entre la malade et moi, et les secousses devinrent tellement violentes chaque fois que je dirigeai la paume de la main vers elle, que les parents, inquiets de voir les bonds que faisait leur enfant dans sa couche, me prièrent de cesser mes expériences. A cette même distance, je produisis un phénomène non moins remarquable, ce fut de pouvoir attirer mademoiselle X. vers moi, en faisant avec la main des signes d’attraction.

Lorsque j’employais ce moyen, elle se levait tout à coup sur son lit, et, quoiqu’endormie, elle se dirigeait vers moi à pas précipités, comme si une force irrésistible la poussait. Arrivée presque contre moi, soutenue par deux personnes qui

s’emparaient d'elle, j’achevais de dissiper le sommeil par de nouvelles passes négatives. Réveillée dans cette position, on conçoit tout l'étonnement de la malade de se trouver debout devant son médecin, appuyée sur des aides. Elle retournait précipitamment dans son lit avec humeur, comme si elle eût été l’objet d'une mystification.

11 nous fut facile de nous convaincre de la direction de ce courant qui s’échappait de l'abdomen. Son point de départ semblait correspondre à l’ombilic ; il s’élevait perpendiculairement de la surface abdominale, de façon que, lorsque la malade était couchée horizontalement sur son lit, le courant se perdait dans le ciel du lit; que lorsqu’elle se tournait sur son côté, il fuyait à travers la chambre en suivant une ligne horizonlale. Le magnétiseur s’assurait de cette direction par la position qu’il donnait à sa main ; s’il rencontrait le courant, il pouvait presque en mesurer le diamètre qui paraissait avoir 5 ou 6 pouces. Comme je viens de le dire, la somnambule était prise de mouvements convulsifs chaque fois que la main du magnétiseur se trouvait dans la direction de cet effluve, quoique à une distance considérable....

Plus loin, parlant des effets thérapeutiques obtenus : quoique la malade, dit l’observateur, ne rendit plus d’urine depuis longtemps, j’avais conservé l’habitude de la sonder chaque jour. Notre surprise fut bien grande lorsque, le lendemain «lu jour où elle avait été magnétisée par mon honorable confrère, elle rendit une énorme quantité d'urine, dont la sécrétion avait été entièrement supprimée depuis six mois. Cet effet était évidemment le résultat du mesmérisme... Je répétai la même expérience pendant deux ou trois jours avec le même succès, et j’obtins chaque lendemain une abondante évacuation d’urine. Ce qu’il y a de remarquable, c'est qu’une séance magnétique ne servait jamais que pour une seule évacuation d’urine... Le magnétisme était donc indispensable dansce cas, puisque, sans son intervention, la sécrétion des reins semblait impossible. Nous trouvâmes, dans cette circonstance, une occasion d’établir un parallèle entre le somnambulisme naturel et le somnambulisme artificiel.

Nous avons constaté que la malade était bien moins lucide lorsqu’elle était magnétisée, que lorsqu’elle était naturellement somnambule. Cependant elle répondait avec netteté à toutes les questions qu’on lui adressait. Seulement il m’a paru que ses réponses étaient beaucoup moins justes, quand on l’interrogeait sur des sujets que le magnétiseur ignorait lui-même. Mais elle manquait rarement de me satisfaire, lbrsque mes demandes étaient relatives à des choses dont j'avais intimement connaissance. On aurait dît qu’elle sentait ma pensée, qu’elle en avait des avertissements.

Toute impression extérieure était sans effet sur elle lorsque j’en étais éloigné. Après l’avoir endormie, j’ai quelquefois essayé de l’abandonner momentanément pour aller remplir quelqu’obligation. Elle ne tardait pas à s’apercevoir de mon absence ; elle me réclamait à grands cris ; on avait beau lui dire que j’allais revenir, elle ne cessait cependant de m’appeler ; elle était tout à fait sourde à la voix dte‘ ceux qui lui parlaient. Elle était d’une agitation indicible lorsque je tardais trop longtemps à la rejoindre, et dès que j'apparaissais dans son appartement, elle rentrait dans le calme et entendait parfaitement tout ce que je lui disais, quelque bas que je parlasse. »

Voilà à peu près les-principaux phénomènes magnétiques consignés dansle remarquable article que je viens d’analyser, et qui est dû à la plume du docteur Sotteau. La jeune personne qui fait le sujet de ce mémoire « peut être regardée comme entièrement rétablie de cette terrible maladie, » dit l’annotateur en terminant.

Permettez-moi de citer encore quelques lignes^ :

« Quant au somnambulisme naturel ou artificiel dont il est fait mention, je dois déclarer que: je ne suis point ce que Ton appelle vulgairement un magnétiseur; que ce n’e9t point dans le but d'amuser des spectateurs que je me suis livré à cette pratique, mais bien dans celui d'alléger les souffrances de ma patiente ; c'est enfin en médecin que j’ai voulu agir. Et si je me suis appliqué à faire remarquer les phénomènes extraordinaires de magnétisme qui se sont pré-

sentes à notre observation, c’est d'abord pour établir ii vos yeux l’existence de cet agent singulier, et démontrer ensuite les avantages que j’en ai retirés dans la maladie de

mademoiselle X. (1) • »

«... Je n’ai point écrit l’observation qui précède pour les hommes qui aiment le merveilleux et les histoires fantastiques.

« Je ne l’ai point écrite non plus pour les avocats de la théorie, dont la mission semble être de nier tout ce qu ils ne comprennent pas.

i J’ai écrit pour les vrais amis de la science, et pour ceux surtout qui aiment la vérité avant tout. Je l’ai écrite comme un fait remarquable qui appartient à. la pratique expérimentale, persuadé qu’il survivra à l'esprit de raillerie, et qu’un jour il servira à élucider des questions importantes.

«Pour nous, au moment actuel, tout est inexplicable dans le fait que nous venons de relater. »

Qu’ajouter à des paroles aussi vraies, aussi sensées ?

G. Goossens.

DES MIROIRS MAGIQUES.

Après tout ce qu’ont écrit sur ce sujet MM. le baron du Potet, Cahagnet, de Mirville, nous ne nous proposons point de traiter à nouveau ce vaste sujet, mais seulement d’ajouter quelques traits, ou, pour parler plus simplement, de reproduire sur ce sujet quelques extraits puisés dans divers ouvrages.

On sait qu’il y a des miroirs magiques d’une infinité de manières et de matières différentes. Les uns se servent d une carafe d’eau, les autres de charbon, soit pilé, soit poli, quel-quelques-uns d’une glace, ceux-ci d’une surface d'or comme

(l) Celte maladie, j'ai cru doYoir la considérer comme une hystérie grave.

une montre, ceux-là d’une encre épaisse (1). Le plus essentiel dans tout cela, qu’on ne s’y trompe pas, ce sont les facultés du voyant.

M. Charles Louandre, dans son Histoire de lu sorcellerie (2), a consacré un trop court passage au miroir magique, une des pièces, dit-il, les plus importantes de l’arsenal des sorciers. «Dans 1 antiquité païenne, les sorciers de Thessalie écrivaient avec du sang humain leurs oracles sur ces miroirs, et les oracles se réfléchissaient sur le disque de la lune, où on pouvait les lire comme dans un livre. L’usage de ces instruments devint extrêmement commun en France au seizième siècle, et l’on assure que Catherine de Médicis en possédait un à l’aide duquel elle apercevait d’un coup d’œil tout ce qui se passait en France et tout ce qui devait y arriver dans l’avenir. Pasquier rapporte qu’elle y vil un jour une troupe de jésuites qui s’emparaient du pouvoir ; à cette vue, elle entra dans une telle colère qu’elle voulut briser l’instrument révélateur ; mais on le lui arracha des mains, et, à la fin du dix-septième siècle, en 1688, on assurait que l’on pouvait encore le voir au Louvre. Les ennemis des jésuites accusèrent le Père Coton de faire voir à Henri IV, dans un miroir étoilé, ce qui se passait dans les cours et les cabinets de tous les princes. »

Le passage suivant est emprunté au Musée des familles, 1854, p. 248 :

« Jean Dée vivait à Londres au seizième siècle. Dans le Journal des magiciens, publié à Prague en 1584, il disait : « Il plut enfin à Dieu de m’envoyer la lumière que je lui de-« mandais depuis si longtemps par des prières infatigablos. « Je sentis que les esprits surnaturels avaient employé de « longues années à m’instruire, et avaient mis entre mes mains « un trésor, tel que nul homme n’oserait en espérer de sein-« blable. »

« Ce trésor était tout simplement un morceau de charbon

(1) Revue des Deux-Mondes. tom. III, p. 3SÎ, article de M. le comte de La!>orde. Il a été témoin do cette expérience au Caire.

(*) Bibliothèque dei chemins de fer, page 50.

de terre, soigneusement poli, taillé en forme circulaire et emmanché d’un morceau de bois. Tel est le miroir magique du docteur Dée, devenu si célèbre en Europe.

« A l’aide de cette pierre, dit Elias Ashmole, dans le Thea-trum c/iimcutn, on peut voir toutes les personnes que l’on veut, dans quelque partie du monde qu'elles se trouvent, fussent-elles cachées dans les appartements les plus secrets, ou même dans les profondeurs des entrailles de la terre.

a Ce fut la grande reine Elisabeth qui fit la réputation du miroir magique du docteur Dée. Dans un accès d’inquiétude jalouse, elle le fit venir à la cour et lui demanda ce que faisait lord Leicester au moment où elle parlait. Le docteur montra

sa pierre polie à la souveraine, et elle y vit.....ce qu’elle avait

dans la pensée :lord Leicester aux pieds d’Amy Robsart. Une enquête ayant confirmé le fait, la gloire du magicien s’éleva jusqu’aux nues. 11 devint le protégé d’Elisabeth et son conseiller intime jusqu'au jour où elle l’oublia et le laissa mourir de misère. »

Notre dernière citation est extraite des Conférences du droit français avec le droit romain, par Automne (tom. Il, p. 508). « En l’au 1595, dit-il, un jurât de Bordeaux, député pour les affaires de la ville, vint à Paris où il demeura cinq ou six mois. Un jour il lui prit envie de sçavoir des nouvelles de sa femme, la longue absence luy ayant engendré quelques fantaisies qui lui travailloient son esprit, ce qui fut cause qu’il s’en va de bon matin trouver une fille nécromancienne, luy descouvre son intention et le désir qu’il avoit de sçavoir ce que faisoit sa femme. Cette fille luy fait voir dans un miroiter sa chambre, et luy demande si c’est elle, il luy accorde, voyant les figures des tapisseries et la couleur des garnitures de ses lits, en après il voit dans ce miroir sa femme dans un lict et un moyne qui luy tient le bras tout nud, estant sur un petit placet ; luy demande si c'estoit sa femme, il répond qu’oüy, et qu’il reconnoit ce moine. Cette fille assure avec serment que c’est Testât auquel estoit sa femme. S’estant retiré en son logis, affligé de ces nouvelles, résoud de s'en retourner à Bordeaux, fort affligé par cette figure. lin son

voyage fait mille dessins de vanger ce lorl, travaille son esprit en la recherche des moyens de les exécuter. Estant arrivé chez luy, à Bordeaux, sa femme accourt, le salue, bien aise de le voir de retour, tous ses enfans et fdles se réjouissent de l’arrivée du père. 11 ne dit mot, ne salue personne, s’approche du feu, parce que c’estoit en temps d'hiver. Voyant sa femme près de luy, les enfant s’estant retirez, luy demande en colère ce qu’elle l'aisoit une telle matinée et qui estoit avec elle : à mesme instant cette damoiselle luy dit que descendant le degré, elle estoit clieute, et s'estoit rompu un bras, et que le religieux des Carmes luy reinettoit l'os disloqué de sa place, et qu’elle avoit esté fort malade de cette clieute. Ce pauvre mary fut estonné de la supercherie du diable, et depuis affectionna tant sa femme qu’il a fait un petit livre en vers françois en sa louange qui est très-bien fait ; car c’étoit un excellent esprit, et elle méritoit ces louanges; car c’estoit une damoiselle fort vertueuse. »

Nous aimons à penser que ce témoignage sur la vertu de la dame est mérité; alors môme qu’ü ne le serait pas, et que cette dame ne serait qu’une fausse Agnès, les détails de cette narratiou en seraient encore, ce nous semble, intéressants, au moins sous le rapport de la naïveté.

La môme circonstance se trouve racontée par le célèbre démonographe Pierre de Lancre (1) ; quoique la forme de son récit ne soit pas sans intérêt, nous préférons .celui d'Automne. Des notes manuscrites en marge d’exemplaires du livre de Lancre et révélant une écriture du xvu° siècle disant que le personnage, si tourmenté par la révélation de la sorcière et de son miroir magique, est le poëte bordelais Pierre de Brach. M. Dezeimeris, auteur d’une fort intéressante notice sur ce poëte, n’a donc pas hésité à lui attribuer cette aventure dans son travail. Il ne nous parait pas douteux qu’il ait eu raison.

Nous ne citerons pas, parce qu’il est trop connu, le curie ux récit, dans le môme genre, que fait Saint-Simon de la

(1) Du sortilège, etc., 1627, p. 151; de la Jlescrèance du sortilège, pag.256.

scène qui se passa , vers 1706, chez la Sery, maîtresse du duc d’Orléans (1). Un personnage, dont cet historien tait le nom, fit voir d’abord diverses scènes à une jeune fille dans un verre d’eau. Tous les faits qu'il prédit se réalisèrent ; mais bientôt la curiosité fut bien autrement éveillée, lorsque l’opérateur montra comme peint sur la muraille de la chambre, au bout d’un quart d’heure de simagrées , devant eux tous, la figure de M. le duc d’Orléans, vêtn comme il l’était alors et dans sa grandeur naturelle. Il portait en outre sur la tête, dans cette représentation, une couronne fermée à quatre cercles, que, plus tard seulement, l’on comprit être l'indication de la dignité de régent dont il fut revêtu.

Dans tous ces phénomènes, le rôle du miroir 11e nous paraît que d’une importance secondaire : ce n’est guère autre chose qu'une base d’opérations. Seulement, certaines substances, les métaux notamment, peuvent ajouter quelque force à l’action magnétique. Le fait essentiel, le point important est la magnétisation qui se retrouve toujours au milieu de toutes ces pratiques et qui en fait le fonds essentiel, alors même que les opérateurs croient ne pas s’en servir.

La distance et le temps, éléments caractéristiques du monde matériel, sont vaincus, au moins partiellement, par ces procédés, première et évidente preuve de la supériorité de l’état qui confère ces privilèges. Mais comment lès choses se pas-sent-elles? C’est ici que commencent les difficultés. Tout au plus, peut-on essayer des conjectures.

Pour les faits actuels et correspondants au moment même des opérations, nous croyons qu'il y a évocation , vue à distance , rapport. L’esprit du sujet, attiré partiellement hors de son corps, devient vis-à-vis du voyant participant de la vie spirituelle et lui livre ses secrets par pure pénétration, comme dans le monde supérieur.

(1) On peut lire ce récit dans deux volume» de la Bibliothèque des chemins de fer: l'un intitulé : Le Régent et la cour de France, extrait des Mémoires de Saint-Simon, p. 31 ; l'autre, Mesmer et le Magnétisme animal, par M. E. Beisot, p. Í16.

Pour des faits passés, des scènes accomplies , des événements futurs, quoique le problème semble se compliquer, la solution ne varie pas. Le passé n’est pas en elTet entièrement détruit, lorsqu’un acte, une action, sont accomplis; il se continue et subsiste, quoique avec moins de torce , tant qu il vit dans l’esprit de ceux auxquels il se rapporte; ils en portent en quelque sorte l'image fixée on eux et comme voltigeant dans leur atmosphère animique. Ce sont ces traces, ces images qu'il est possible de détacher d'eux par 1 évocation et de rendre visibles aux yeux d’un somnambule, armé^ou non d’un miroir magique.

Quant à l'avenir, le libre arbitre, dévolu à l’homme dans une certaine mesure, lui donne toujours un grand caractère d’incertitude. Cependant l’aptitude, le penchant est inné ; il dérive de la constitution de l’individu, qui dérive elle-même et des parents et de l’état des astres au moment de la naissance ou de la conception. A mesure que l’on approche d’une phase, d’une crise, l’événement qui va s’accomplir devient de plus en plus probable ; son image se forme et devient de plus en plus vraie et nette. Plus aussi la lucidité d’un observateur quelconque sera grande et plus il discernera de loin les chances et les probabilités. Par l’évocation , il entrevoit dans le fluide le tableau des scènes qui vont se dérouler; mais cette image est bien moins matérielle que celle laissée par le p issé, et surtout que celle qui reflète le présent.

On peut juger, d’après cela , à quel rôle nous réduisons le cerveau. Sa fonction est surtout celle d’un miroir réflecteur, d’un point d'assemblage des idées qui sont communément autour et en dehors de nous, mais toujours dans notre sphère fluidique, sorte de réservoir d’idées, magasin de tableaux de décors, de verres d’optique où se conservent les anciens, où s’élaborent les nouveaux. Le cerveau, c’est l'optique. N’est-ce pas là ou à peu près d'ailleurs la doctrine de saint Thomas d’A-quin sur les idées images?

Ces travaux se reproduisent d’eux-mêmes à la pensée, se reflètent dans le miroir du cerveau à notre insu, c’est-à-dire selon des lois supérieures inconnues à l’homme. Ainsi il ne

dépend pas de nous de déterminer l’objet auquel nous devons penser. La volonté agit bien sur nos actes, assemble les idées, les combine et en tire des conclusions ; mais la pensée première, comme le souvenir spontané, dérive de causes qui lui sont étrangères, c’est là le sens divin ou spirituel qui rattache l’homme à Dieu et aux esprits, et qui a sa plus grande liberté d’action, surtout au moment du réveil. C’est le développement extrême de ce sens qui a fait les prophètes , les extatiques, bien réellement inspirés de Dieu, c’est-à-dire par des esprits supérieurs qui ont pu leur révéler des faits à venir importants pour l’humanité.

L’assurance de l’esprit, son défaut d’exercice, lui donnent souvent de singulières aptitudes à recevoir ces inspirations d’en haut. Tout ce qu'a dit à ce sujet Balzac, dans son roman le Cousin Pons, ch. XIII, est aussi vrai que judicieusement exprimé ; on peut le résumer en quelques mots : c’est que la science produit souvent l’orgueil, et l'orgueil, qui est toujours principe du mal, ferme nécessairement les yeux à la lumière supérieure. Heureux donc, mais trois fois heureux ceux qui peuvent concilier la scienc e de l’esprit avec la simplicité du cœurl ceux-là sont vraiment les élus de Dieu.

* L. Lamoihe.

VARIÉTÉS.

COUR IMPÉRIALE DE LYON.

(Cbombre des appels correctionnels.)

Audience du 9 juin 1859.

Exercice illégal de la médecine. — Escroquerie.

Le sommeil magnétique est-il une vérité ? Bien qu’une foule d’industriels en aient abusé pour tromper grossièrement le

public, il nous est impossible, après avoir entendu les débats du procès de M"° Berney, de ne pas admettre que certaines natures exceptionnelles et maladives sont douées de cette faculté, et de 11e pas reconnaître en même temps que son exercice fréquemment renouvelé altère essentiellement la constitution du sujet, et que s’il est vrai qu’il peut guérir les autres (ce que nous nous gardons bien d’affirmer, laissant à chacun le soin de commenter les faits et d’en déduire les conséquences), il ne le fait qu’aux dépens de sa propre santé.

Voyez M“* Berney. Elle est jeune encore ; mais quel étalement, quelle pâleur maladive sur ses traits amaigris ! Observez-la attentivement : sa contenance, sa respiration pénible, les mouvements fébriles et Derveux qui fréquemment agitent ses membres, la souffrance que révèle sa physionomie, vous font craindre h chaque instant qu’elle ne s’évanouisse. A intervalles fréquents une toux sèche déchire sa poitrine.

La Gazette de Lyon du 9 mai dernier a donné à ses lecteurs le compte-rendu du commencement des débatsqui ont eu lieu le h du même mois et annoncé leur continuation pour le 11.

La Cour, à cette date, a rendu un arrêt ordonnant une nouvelle audition de témoins pour le 8 juin, car elle avait à statuer non plus seulement sur les questions d’exercice illégal de la médecine et de complicité du docteur Murât, signataire des ordonnances, mais aussi sur le chef d’escroquerie relevé dans le remarquable réquisitoire de M. Charrins, premier avocat général, à l’audience du h mai.

Le seul témoin cité à la requête du ministère public est M. Barraud, commissaire de police en congé , rédacteur du procès-verbal. 11 reproduit la scène par lui décrite de son entrée dans le cabinet de consultation de M“' Berney.

« Elle était assise, dit-il, tenant la main d’une dame. La seconde fois que le mot de commissaire de police a été prononcé, ellem’a paru se réveiller spontanément. Je crois, sans pouvoir l’affirmer, que le sommeil n’était pas sérieux. M. Mu-rat a fait pour la réveiller des passes que j’ai jugées inutiles,

lt> réveil élant consommé. Dans tous les cas, s'il y avait sommeil, il était fort léger. »

Onze témoins à décharge ont été produits par Mm* Berney. Voici leurs dépositions :

Mw Bordey, née Ducharne, le mari négociant à Ville-franche.

« J'étais en consultation pour mon enfant lors de l’arrivée du commissaire de police. Mn" Berney dormait bien réellement et n'a été réveillée que par le docteur Murât. Ayant aussi consulté pour moi-même, les remèdes prescrits par M™ Berney m’ont fait du bien. Depuis la visite dit commissaire de police j’ai encore consulté Mmt Berney pour mon enfant qui s’en est bien trouvé. »

M'“e Hauteinanière, propriétaire à Saint-Julien.

,i Dans ma pensée, Mmc Berney était bien réellement endormie le 5 février, lors de l’arrivée du commissaire de police. Bien que ce dernier ait fait beaucoup de bruit, c’est le docteur Murât qui l’a réveillée en la magnétisant. »

M. Pin, fabricant de fourchettes de parapluies, rue du Bœuf, H. C’est ce témoin qui est indiqué par la défense comme ayant été envoyé chez M"" Berney préalablement à la visite du commissaire de police.

« J’ai consulté M** Berney ; je ne sais si elle dormait ou non. Ses remèdes ne m’ont fait ni bien ni mal. n M. Adolphe Marix, négociant, rue Saint-Côme.

« Ma petite fille était gravement malade et j’avais recouru sans résultat aux sommités médicales de Lyon et de Paris. Je me suis décidé à consulter M“' Berney qui l’a complètement guérie. La première consultation a été faite sur la vue des cheveux de l’enfant malade. C’était alors son mari qui l’endormait. Le sommeil était bien réel. J’avais des doutes avant, je n’en ai plus eu après. J’ai d’ailleurs beaucoup à me louer delà probité et de la délicatesse de M“' Berney qui m’invitait à ne venir que rarement, tandis que j’étais disposé à venir beaucoup plus souvent. »

M. Maurice Huppenheim, négociant, quai de Retz, 26. n Mm* Berney m’a guéri en 1853. Elle n’est pas capable de

charlatanisme. J’ai remarqué que deux fois elle était très-souffrante en se réveillant. Elle m’a dissuadé de venir la consulter aussi souvent que je l'aurais voulu. »

M"" Blanc, née Chavanne, propriétaire à Cogny.

« En 1853, j'ai été guérie par M“e Berney. 11 n’y avait pas le médecin. Je suis convaincue qu’elle dormait réellement. » M. Stépliane-Lorrain, négociant à Villefranche.

« M“* Berney a guéri mon enfant qui était abandonné du médecin. Je suis sûr quelle dormait réellement. Elle m’a traité aussi moi-môme, et je m’en suis fort bien trouvé. »

M. Jean-Baptiste Bernand, maître teinturier à Villefranche. d Ma femme a eu recours à Mme Berney, et, depuis lors, s’est fort bien portée. Je l’ai vue deux fois ; je crois qu’elle dormait. Elle a sauvé plus lard un de mes enfants à qui l’on ne donnait pas vingt-quatre.heures de vie. »

M. Michalon, plâtrier à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or. »

« M,ne Berney a guéri ma femme. J’y suis allé sans confiance, j’en suis sorti convaincu. J'ai cru et je crois encore qu’elle dormait. »

M. Moretton, bijoutier, rue de Bourbon.

« Mm* Bemey a guéri ma femme abandonnée des médecins et à l’agonie. Elle m’a demandé une mèche de cheveux. Elle a été endormie par le docteur Murât. Je crois sincèrement qu’elle dormait. »

M. Pierre-Marguerite Descrand, propriétaire à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or.

« M”0 Berney m’a guéri en vingt-quatre heures. Ma belle-fille lui a porté de mes cheveux. Elle a-guéri aussi mon petit enfant. »

M* de Peyronny, défenseur de M”8 Berney, après un rapide aperçu sur l’histoire de la science magnétique depuis Mesmer, a combattu l’inculpation d’escroquerie. 11 a rappelé que les médecins allopathes faisaient la guerre aux homœopathes en même temps qu’à M11* Bressac, et fait remarquer que parmi les adversaires actuels de M"' Berney se trouvent deshomœo-pathes. 11 a parlé des séances de Mongruel et du chanteur pétrifié par sa volonté au milieu d’une note qu’il ne conti-

«liait à filer que sur l’ordre du magnétiseur. Nous aurions mieux aimé une danseuse arrêtée au milieu d’une pirouette et restant dans la position que l'on sait. M. Mongruel n’avait pas sans doute sous la main de sujet exerçant l’art chorégraphique. Une histoire qui est bien à M* de Peyronny et que nous nous permettons de lui emprunter, est celle du portier poitrinaire. Un des premiers médecins de Paris descend à la liàte de chez un client, et vingt autres l’attendent. La femme du concierge, tout en pleurs, l’arrête au passage :

— Par pitié, Monsieur, dites-moi ce qu’il faut faire à mon mari qui se meurt de la poitrine?

— Donnez-lui de l’eau de riz ! dit le docteur montant en toute hâte dans son coupé qui part de toute la vitesse d’un magnifique anglo-normand. Un mois après, le docteur revient.

— Ah ! monsieur, quelle reconnaissance ne vous dois-je pas pour avoir si bien guéri mon mari, et avec un remède si fort à son goût !

La bonne femme avait entendu eau-de-vie pour eau de riz.

Après cette digression et bien d’autres dont le sens est que le hasard est souvent le meilleur médecin, le défenseur discute les trois faits sur lesquels est basée l’inculpation d’exercice illégal de la médecine, et, renversant le système de la prévention, il fait du docteur Murât l’auteur principal, et de Mm* Berney, son aide, l’instrument dont il se sert pour arriver à formuler ses ordonnances. Enfin, sur la question des dommages-intérêts réclamés par les médecins parties civiles, il se fonde sur le récent arrêt de la Cour de Grenoble en faveur de M"* Bressac, pour soutenir qu’il n’y a, de la part de M"” Berney, préjudice ni moral, ni matériel pour le corps médical.

. M* Joly, chargé de la défense du docteur Murât, discute avec beaucoup de vivacité la déposition de M. Barraud, qu’il ne reconnaît pas comme compétent en matière de science. Abordant le chef d’exercice illégal de la médecine, il soutient que son client n’est pas coauteur et ne pourrait être déclaré que

complice d'un fait pour lequel la loi n’admet pas de complicité.

Mc Rougier, au nom des médecins, parties civiles, se borne à prendre des conclusions tendantes à ce que le docteur Murât soit déclaré coupable d’exercice illégal de la médecine conjointement avec M" Berney, et à ce que tous deux soient solidairement condamnés à 2,000 fr. de donimages-intérêts.

M. Charrins, premier avocat général, s’est abstenu de prendre de nouveau la parole.

La Cour a confirmé le jugement qui condamne M'“c Berney à 15 fr. d'amende pour exercice illégal de la médecine , et a condamné les parties civiles aux dépens.

il vis aux Abonnés.

Les séances en prime d'abonncmenfne reprendront leurs cours au bureau du Journal du Magnétisme que dans les premiers jours d’octobre. Un avis indiquera leur reprise.

Baron du POTET, propriétaire-gérant.

BANQUET DE LA SOCIÉTÉ DU MESMÉRISME.

Les membres de la Société du Mesmérisme se sont réunis en un banquet le 25 juin pour fêter l'anniversaire de la reconstitution de cette société : il,s’y trouvait en outre plusieurs amis du magnétisme et un certain nombre de dames. La réunion s'est tenue au restaurant du Banquet d’Anacréon. La fêteaété charmante, pleine de gaieté et do cordialité. Les convives, heureux de poursuivre avec dévouement et persévé-vérance le succès de la cause à laquelle ils . sont attachés, ont saisi avec joie cette occasion de resserrer les liens de fraternité qui les unissent; tous avaient du plaisir à rappeler les pénibles tribulations, les déchirements qui avaient amené la dissolution de l'ancienne société ; on s’applaudissait d’avoir, par une mesure énergique, banni les éléments de discorde et d’avoir fait régner la douce union, la sympathie. C’était vraiment une agape de famille.

Au dessert, M. le baron du Potet, président de la Société, a prononcé une chaleureuse improvisation dans laquelle il a esquissé rapidement l’histoire de la Société : il a rappelé les travaux auxquels elle s"est livrée, 'les services qu’elle a rendus, les circonstances fâcheuses qui ont nécessité sa transformation, la nécessité où elle s’est trouvée, pour ne pas faillir à sa mission, d’éliminer quelques individus qui, par des calculs perfides ou par un lâche oubli de leurs devoirs, avaient introduit le désordre et compromettaient Thonneur de la Société. Heureusement, dit-il, la Société a pu surmonter ces difficultés ; elle est sortie victorieuse de toutes ces épreuves, et, comme le Phénix, elle renaît de ses cendres, plus unie et plus forte que jamais. L'orateur a tracé le rôle qui lui reste à remplir et la lutte incessante qu’elle doit soutenir pour amener le triomphe définitif de ees doctrines; il a

Tosie XVIII. — N° «ï. —2'Série. — lOJuiLLtT 1859. 13

exhorté les amis du magnétisme à se consoler des amertumes, des railleries, des injustices auxquelles ils sont journellement en butte, en songeant aux malheureux qu’ils sou-lagent, aux malades qu’ils guérissent; les bénédictions de tous ceux qui leur doivent le rétablissement de leur santé, ne sont-elles pas la plus belle récompense de leurs travaux ?...

L’assemblée a vivement applaudi ce discours qui répondait si bien à ses sentiments. M. Vuillerme-Dunaud, vice-président de la Société, a lu ensuite un discours remarquable qui a été écouté avec beaucoup d’attention ; il a fait ressortir l’importance du magnétisme, ses relations avec la science, et a indiqué les moyens de le développer ; il a conclu à l’union des magnétiseurs de tous les pays.

M. le docteur Grandménil qui, depuis quelque temps, fait à la Société un cours très-intéressant sur l’ontologie, a prononcé une allocution sur le fluide vital, ses fonctions et ses applications: il a relevé l’aridité du sujet par des réflexions ingénieuses ; ses digressions pleines de bonhomie ont beaucoup amusé l’auditoire qui entend toujours avec plaisir sa parole et qui lui sait gré de ses efforts pour rendre la science attrayante.

M. Thuvenin a chanté quelques couplets de circonstance, qui ont été parfaitement accueillis.

M. Morin a porté un toast à l’Italie qui, dit-il, a tant de titres à nos sympathies ; non-seulement elle a été le berceau de la civilisation moderne, le foyer d’où les lettres et les arts ont rayonné sur tout l’Occident, mais aussi nous ne devons pas oublier qu’elle est, après la France, le pays de il’Europe où le magnétisme s’est le plus répandu-, qu’il y a notamment à Turin et à Gênes, des sociétés magnétiques, des infirmeries magnétiques, et que le jury magnétique de Paris v compte plusieurs correspondants instruits et zélés. Buvons donc à nos frères d’Italie qui partagent nos fatigues et nos dangers, qui sont animés des mêmes vœux et des mêmes espérances !...

Après plusieurs autres toasts, un membre en a porté un

aux magnétistes américains ici représentés par l’honorable M. Barthet, président de la Société magnétique de la Nou-velle-Orléans, ancien rédacteur en chef du Spiritiuiliste de la même ville.

M. Barthet a pris à son tour la parole, a remercié l'assemblée de son accueil sympathique, a exposé l’état du magnétisme en Amérique, où les partisans d’une môme doctrine font taire leurs dissidences sur quelques points et s’unissent pour la défense de la cause commune ; il a regretté qu’il n'en fût pas de même en France, où les magnétistes se préoccupent trop des divergences qui les séparent, au lieu de considérer les idées communes par lesquelles ils devraient s’unir. Cette allocution pleine de franchise a été vivement applaudie, et chacun est venu serrer la main du vétéran du magnétisme, du fervent apôtre qui n’a reculé devant aucun sacrifice pour découvrir la vérité.

. La série des discours étant épuisée, les sons du piano se sont fait entendre et ont appelé aux plaisirs de la danse la partie la plus jeune de l’assemblée, pendant que les hommes graves fumaient leurs cigares en jouissant du spectacle des illuminations du boulevard et devisaient, les uns sur le fluide, les autres sur le spiritualisme ; quelques-uns môme prenaient des leçons pour devenir médiums. Ce n’est qu’à deux heures du matin qu’on a donné le signal du départ, liien que les dames trouvassent la séance encore trop courte, il a fallu clore cette fête délicieuse dont tous ont emporté le plus doux souvenir.

A. S. M.

CLINIQUE.

GÜÊRISON BÏMARQTTATllE ?AR LE MAGNÉTISME.

Depuis six mois, une dame de la haute société bruxelloise était en proie à une névralgie universelle et à deuxîgrands médecins pleins de zèle qui avaient épuisé les dernières ressources de l'allopathie et de l’hoTnœopathïe, sans obtenir l'ombre d’une amélioration , bien au contraire, les crises et les cris redoublant, ils finirent par déclarer à son mari, ancien ministre, quils étaient obligés d’abandonner la partie et de se retirer vaincus par la ténacité du mal.

— Mais c’est impossible, vous ne pouvez abandonner ainsi une mère de famille ; il faut chercher, aviser, tenter tous les moyens humains et surhumains pour la sauver.

— Nous avons fait, croyez-le bien, tout ce qui est en notre pouvoir, nos visites de jour et de nuit vous sont garants de notre zèle ; le mot surhumain que vous venez de prononcer me fait penser au magnétisme, dit l’homceopathe, je ne vois plus que cela à essayer. — Eli bien ! dit le mari, où y a-t-il irn magnétiseur, faites-le venir à l’instant.

— Nous n’en connaissons plus, on les a fait condamner, emprisonner et émigrer de la Belgique , parce qu’ils guérissaient sans diplôme et même sans autre remède que l’imposition des mains, à l’exemple des apôtres ; la loi qu’ont obtenue les allopathes est précise ; il estdéfendu desoulager son semblable, sans diplôme; je ne puis vous dire qu’une chose, c’est que j’ai été témoin , il y a quinze à vingt ans, de plusieurs cures merveilleuses opérées en ma présence par M. Jobard, mais je ne sais s’il pourrait, voudrait ou oserait encore recommencer.

— Je le connais , je vais le voir ! s’écrie le mari. Dix mi-

nu te.5 après, il était dans mon bureau, racontant son malheur et me priant de venir à son aide.

— Impossible, malgré nia bonne volonté ; appelé à faire partie du jury de l’exposition de Dijon, je pars demain matin.

— Mais venez au moins la voir ce soir. Je le promis, à la condition que les deux médecins , dont celui du roi, seraient présents. — Us y seront.

Eu effet, ils y étaient, occupés à regarder la pauvre malade qui se tordait dans des angoisses d'une souffrance inexplicable. Je m'assis auprès de sa couche et saisis une de ses mains que je retins malgré ses efforts entre les miennes ; je sentais battre, non pas son pouls , mais des milliers de nerfs qui fourmillaient comme une poignée de petites au-guilles.

Si tout le système névralgique est dans cet état, je comprends les souffrances de la malade, me dis-je. Il faut ici déployer toute ma puissance anesthésique pour calmer cette émeute nerveuse et 11e pas me laisser gagner par elle, ce qui arrive à plus d’un magnétiseur inexpérimenté, qui double la crise quand il la partage.

Plus l’agitation est grande, plus yotre calme doit être profond, complet, inébranlable. C’est ce qui arriva dans le cas présent; après deux ou trois minutes.de concentration, sans distraction, je sentis les nerfs se détendre, je vis la malade laisser tomber sa tète sur l’oreiller, fermer les yeux et s'endormir.

Bon, dis-je, la voilà en somnambulisme, nous allons savoir et la cause du mal et le remède.

— Deinandez-lui si elle a été bien traitée, dit un médecin.

— Non , répondit la patiente, on m’a fait prendre trop de quinine, l’intestin qui se replie sous l’estomac est encombré, il n’y reste plus qu’un petit passage pour les liquides.— Examinez tous vos organes à partir de la poitrine. — Hélas ! ils sont tous bien malades. — Cherchez le remède qu’il vous faut. — Il n’y en apoint, tout est détraqué, c’est fini!

— Eh bien! dis-je au médecin qui a quelques notions du magnétisme, que feriez-vous après une pareille déclaration?

Vous accepteriez cela comme une condamnation sans appel? Mais moi, qui ai l’expériencedeceschoses, je vais obtenir une meilleure solution; et, m’adressant à la malade: — Madame! ne savez-vous pas que Dieu a mis le remède à côté du mal et que c’est à vous à le chercher? Faites un effort, il vous a donné la clairvoyance pour en user, cherchez et vous trouverez ! — Ah! oui : deux ventouses sur l'épine dorsale aujourd’hui, quatre demain, six après-demain, puis quatre, puis deux, et des irrigations le long de la colonne. — Avec de l’eau froide? — Non, non. — Dépoussiéré, en douches chaudes ou froides?

— Non, non, un courant d’eau tiède, cela me soulagera, mais ne me guérira pas. — Alors, je n’accepte pas ce palliatif; cherchez un remède qui vous guérisse radicalement. — Je n’en vois point. — Mais vous qui êtes bonne chrétienne, vous doutez que Dieu puisse faire un miracle ? Cherchez, je vous l'ordonne, car je sais que vous pouvez le trouver ; c’est pat-paresse et indolence d’esprit que vous ne voulez pas vous conserver à votre famille, c’est mal !

Soutenue par la fermeté de ma volonté, la sienne fit un su-prêmeeffort. Les magnétiseurs ne doivent pas oublier ce point capital de la science de guérir les incurables les plus désespérés : l'insistance. - Ah! oui, oui, c’est cela, dit la malade.

— Quoi donc ? — Urticaire. — Bravo ! Je savais en effet que l’urticaire est déterminée par l’éruption de l’inflammation des nerfs à la peau ; c’est un remède certain pour les névralgies si fréquentes aujourd’hui, et contre lesquelles la médecine s’avoue impuissante.

— C’est merveilleux, murmurèrent tout bas les médecins.

— Oui, Messieurs , c’est merveilleux ; mais si je guéris madame, vous avez le droit de me faire mettre en prison, car je n’ai pas de diplôme. Ils ne répondirent rien. — Que faut-il faire pour vous donner une urticaire ? — Eh ! mais, cela dépend de vous. — Quand voulez-vous l’avoir? — Demain matin. — Eh bien ! vous l’aurez et nous viendrons la voir évoluer (1).

(I) L'urticaire est une «fiction assez semblable à celle que produirait

I application de feuilles d’orties mr l’ipiderine.

Ayant quitté la main que je tenais pour parler avec les médecins, ils me prièrent de lui adresser encore quelques questions sur l’origine de son mal ; mais j’eus beau crier à son oreille, l’ouïe était disparue.

— Que feriez-vous, docteur, dans une pareille conjoncture?

— Je ne sais pas. — Moi, je le sais ; l'ouïe est passée dans quelque centre nerveux ; commençons par le plexus solaire. Je posai mon doigt sur l’épigastre, et lairalade répondit immédiatement que son mal avait commencé entre les deux épaules. — Ce n’est pas ce que ces messieurs désirent savoir, mais bien la cause déterminante de cette névralgie qui de locale devient universelle.

Cum mala per longas invaluere moras.

— Je ne veux pas te dire!

Ces mots furent accentués de telle sorte qu’on n’insista plus. Cela prouve une fois de plus que les somnambules ne perdent pas leur libre arbitre et ne disent que ce qu’ils veulent dire; cela devrait rassurer les dames qui redoutent de se laisser magnétiser, dans la crainte de laisser échapper leurs secrets. Or, je puis les apaiser sur ce point : jamais une somnambule ne se compromet, ni ne compromet les autres ; ce qui n’est pas toujours le cas, quand elles sont éveillées, et par conséquent moins clairvoyantes.

J'avais encore Oté mon doigt, et l'ouïe avait de nouveau délogé; je la retrouvai dans les papilles nerveuses de l’auriculaire de la main gauche. — C’est singulier, s'écria-t-elle, je n’ai plus de tôle, je ne vois plus que le reste de mon corps.

— C’est que votre esprit est dans l’espace, et si vous voulez évoquer quelque personne morte, vous la verrez.

A l’instant même, elle joignit les mains et s'écria eii sanglotant : a 0 Henri ! Henri ! le malheureux, comme il souffre ! Le mari me fit signe de la délivrer de cette douloureuse vision, ce qui fut fait d'un geste.

En ce moment, une crise tétanique des plus violentes se

déclara ; je n’eus que le temps de demander : — Que faut-il faire ? — La main entre les deux épaules !

Aussitôt que j’eus obéi à ses ordres, elle s’affaissa en disant : «Oh! que c'est bon, que c’est bon, merci ¡»Elle devint calme à la minute.

— Mais, lui dis-je, quand de pareilles crises vous saisissent, quelqu’un de votre famille, vos enfants, par exemple, ne pourraient-ils vous soulager? — Non, il faut un fluide étranger.

Pendant que je faisais remarquer cette étrange réponse aux médecins, elle ajouta : — Eux et moi c’est le même fluide; les fluides de même espèce se repoussent, et les fluides de nom contraire s’attirent.

Je dois dire que cette remarque fut pour moi un trait de lumière qui me donna la raison de la proscription des mariages consanguins par l’Église, en ce qu'ils ne donnent que de mauvais produits, à défaut de sympathie amoureuse entre trop proches parents.

Quand le Christ dit à ses disciples : J’aurais encore bien des choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter à présent, c'était là probablement une de ces choses qu’ils n’eussent pas comprises avant la découverte de l'aimant et de l’électricité ; donc le moment d’une révélation plus explicite est arrivé, et Michel (du Var) n’a pas tort en disant que les temps sont venus.

Nous terminâmes par quelques expériences sur la vue au loin, qui réussirent parfaitement : elle dit le nom d'une personne qui sonnait à la porte et vit un jeune enfant qu’on venait de mettre dans un certain lit qui n’était pas le sien.

De même que l’ouïe se transporte d'un endroit du corps vers un autre, de même la vue peut se mouvoir dans une sphère qui, si elle est bornée pendant la veille par les corps opaques interposés, ne l’est plus en somnambulisme.

Le lendemain matin je trouvai les deux médecins devant le lit de la malade qui se déchirait les doigts et les avant-bras avec ses ongles : c’est Y urticaire, disaient-ils; ne serait-il pas nécessaire d’appliquer les remèdes prescrits par le Codex en

pareille circonstance? — Gardez-vous-en bien, m’écriai-je, c’est sou salut; apportez une brosse ; la femme de chambre lui en remit une; elle l'essaya, et, la trouvant trop douce, elle la lança dans l’espace. — Une plus roide. On lui donna alors une brosse de tête avec laquelle elle se frictionna avec une sorte de frénésie, changeant de main quand l'une était fatiguée,

— Laissez-la faire, dis-je, jusqu’à ce qu’elle tombe de lassitude et s’endorme : c’est ce qui arriva en effet, et nous nous retirâmes , moi persuadé de la guérison, et les médecins fort inquiets des suites que pourrait avoir ce singulier remède qui ne figure pas dans leur pharmacopée. — Il faut l'y faire entrer, leur dis-je : on la discute en ce moment à la Chambre, Monsieur est représentant, vous êtes témoin des effets du magnétisme ; faites-le donc admettre comme un agent thérapeutique que vous puissiez ordonner au besoin, surtout dans les cas désespérés où vous vous trouvez à bout de voie, comme ici. — Mais elle n’est pas encore guérie. — Pour vous, non ; mais pour moi, oui : revenez demain.

.Je retardai mon voyage par curiosité, et le lendemain je trouvai la malade en toilette dans son salon, recevant ses parents et ses amis avec la même aisance, le même enjouement et la même amabilité que six mois auparavant.

Le mari vint me remercier en Bourgogne du service que je lui avais rendu, en se mettant à ma disposition pour tout ce qui pourrait m'être agréable. — Empêchez seulement, lui dis -je, que les magnétiseurs ne soient persécutés en Belgique. c'est tout ce que vous pouvez faire de plus juste et de plus utile en votre qualité d’homme d‘Etat.

J'ai eu occasion de revoir cette dame en parfaite santé ; mais, co nme j’avais eu soin de recommander de ne pas lui parler de ce qui s'était passé, elle n'éprouva aucun embarras de ma présence.

Nous recommandons à tous les magnétiseurs d en agir de môme ; la rétrospectivité peut raviver les mauvais germes paralysés, cataleptisés et anesthésiés par la puissance du bon germe.

Rappelez-vous que quand les médecins disent : est nerveux , nous n’y pouvons rien , les magnétiseurs peuvent dire : Amenez-nous vos incurables, nous pouvons beaucoup.

Jobard.

Conservateur du Musée d'industrie belge.

SOMNAMBULISME.

DE LA VUE RÉTROSPECTIVE.

« Monsieur le baron,

i Quoique j’aie bien moins souvent recours au somnambulisme qu’au magnétisme pur et simple dans les différentes cures que j’entreprends en dehors de la médecine proprement dite, il m'arrive cependant quelquefois, en désespoir de cause, après avoir provoqué le sommeil sur un sujet plutôt sain que malade, de chercher à développer en lui la lucidité médicale, afin d’arriver par ses conseils à guérir, s'il est possible, quelques-unes de ces maladies qui résistent à tous les moyens connus.

« Mais comme de pareilles guérisons ne sont pas rares, et que, par conséquent, je n'apprendrais rien de nouveau à ceux qui connaissent le magnétisme animal, si je me bornais à relater les principales cures que j’ai eu le bonheur de faire à l’aide du somnambulisme, je parlerai moins ici d’un traitement qui a été prescrit par un de mes clairvoyants, que de sa clairvoyance même, qui, en maintes occasions, a confondu bien des incrédules, et qui, une fois surtout, a fait le déses poir de la médecine.

« 11 s’agit d’un phénomène psychologique très-remarquable, connu déjà parmi nous sous le nom de vue rétrospective.

«Voyons d’abord quel est le sujet dont j'ai à parler, et ensuite comment il est tombé dans le somnambulisme.

« Pour ce qui est de sa personne, c’est un homme de cinquante ans environ, fortement constitué, d’un caractère jovial, et pris dans la classe la plus infime de la société.

«Quant à sa clairvoyance, on ne peut plus remarquable , voici en quelques mots comment elle s'est manifestée.

«Je magnétisais dans mon salon où se trouvait beaucoup de monde, une dame qui en général était très-sensible à mon action, mais qui, ce jour-là, ne ressentait aucun des effets que je produisais toujours sur elle presque instantanément. Etonné de ce qui m’arrivait pour la première fois avec cette dame, je cherchais à m’en rendre compte, lorsque j’aperçus dans une autre chambre dont la porte était ouverte, l’individu en question, qui se trouvait là par hasard et qui était plongé dans le plus profond sommeil. 11 me fut alors facile de comprendre pourquoi je n’avais pu agir sur ma somnambule, et j’en expliquai les raisons à l’assemblée ; après quoi je me dirigeai vers mon dormeur, qui n’avait jamais été magnétisé de sa vie, et qui cependant, par cette seule et simple action indirecte, était arrivé à un degré étonnant de lucidité.

« Je dois ajouter ici, chose assez remarquable , que cet homme, ancien soldat, avait été blessé à la poitrine, et qu’à la cicatrice qui lui restait s'était transposé le sens de la vue ; aussi voyait-il avec facilité et très-distinctement par cet endroit tous les objets qu’on y posait. Mais, chose plus remarquable encore, c’est qu’il lisait couramment dans le passé; ce qu’il nous prouva, du reste, par bien des faits plus étonnants les uns que les autres. [

« Avant de parler du fait qui doit être et sera le principal sujet de cette lettre, j’en citerai deux qui, quoique secondaires, ne sont cependant pas sans intérêt. Le premier, qui émut vivement tous les spectateurs, fut un acte de piété filiale qui nous étonna d’autant plus de la part de cet homme, que ses principes en général n’étaient guère basés sur la morale et la religion, quoiqu’il portât toujours une petite croix pendue à son cou.

« Un jour donc qu'il était magnétiquement endormi, et qu’il donnait des explications très-curieuses sur la nature du choléra, il s'arrête subitement au milieu d’un mot qu il avait commencé, tombe à genoux, et, fondant en larmes, s éciie . « Ma mère est morte il y a six mois ! » Sa douleur était tellement profonde et vraie, il l’exprimait par des accents si touchants, que la plupart des témoins de cette scène si attendrissante, mêlèrent leurs larmes aux siennes. A près avoir fait une courte et fervente prière, il détacha sa petite croix, me la remit et me pria de l’envoyer dans son pays pour qu’elle fût déposée sur le tombeau de sa mère, effectivement morte, comme nous l’apprîmes ensuite, à peu près àl’époque qu'avait désignée ce fils si pieux et si tendre pendant son sommeil. Quand je lui eus promis que je ferais ce qu’il désirait, il se releva et reprit le fil de son discours eu achevant le mol qu'il avait commencé et tout à coup interrompu, ainsi qu’on vient de le voir.

« Une autre fois, consulté par un de nos premiers médecins, assez incrédule alors à l’endroit de la clairvoyance magnétique, et qui avait demandé une consultation dans le seul but de nous confondre, il montra sur l’hygiène une lucidité telle, que ce fut le médecin lui-même qui resta confondu.

« A quoi attribuer, lui avait demandé le docteur en nous regardant d’un air passablement narquois, les maux de tête et les oppressions que je ressens tous les soirs ?

« — A quoi ? et vous , médecin , vous le demandez à un ignorant comme moi, repartit aussitôt le somnambule. G est cependant très-facile à comprendre, et surtout à éviter.

u — A éviter? Dites donc au moins à guérir, lui fut-il répondu d’un ton assez railleur.

A éviter/oui, à éviter, je le répète. Et d’ailleurs, oserais-je enseigner l’art de guérir à celui qui le possède à un aussi haut degré ?

*-«• Alors, expliquez-vous, je vous prie.

« — Je vais le faire à l’instant ; mais veuille» me prêter toute votre attention.

Je vous écoute.

, _ je vous dirai donc d’abord, quant à votre moral, que

vous êtes d’une nature excessivement impressionnable, et que, quoique vieux médecin , vous souffrez des souffrances d'autrui, ce qui doit naturellement influer sur votre physique ; mais cela ne serait que peu de chose encore si vous preniez les précautions que tout médecin prudent doit prendre, et auxquelles vous n’avez môme jamais songé de votre vie.

« — lit quelles sont ces précautions ?

« — Si moralement parlant vous êtes fort impressionnable, vous l'êtes physiquement bien davantage. Votre tissu cellulaire est lâche , vos pores s’ouvrent facilement et vous absorbez très-vite les miasmes qui s’échappent du corps de vos malades. Voilà donc la cause toute naturelle des maux dont vous vous plaignez, monsieur le docteur, et que vous pourriez facilement éviter, je le répète encore, si, chaque soir, avant de vous coucher, vous preniez un bain tiède, ou au moins si vous vous laviez tout le corps avec de l’eau légèrement acidulée. Mais le meilleur moyen prophylactique en ce cas serait de faire tous les matins des ablutions d’eau froide, afin de donner du ton à votre système cutané, que vous avez beaucoup trop négligé jusqu’à ce jour, et qui cependant, vous le savez beaucoup mieux que moi, joue un si grand rôle dans notre économie.

u Tel fut, presque mot pour mot, le langage de cet homme qui, éveillé, n’aurait jamais pu trouver une seule des expressions dont il venait de se servir, et encore moins formuler la moindre idée sur cette matière. Aussi on peut se figurer 1 impression qu’il produisit sur l'assemblée et surtout sur son interlocuteur.

« Je pourrais citer encore bien d’autres choses de ce genre, mais j’ai hâte d’arriver au fait principal.

« lin jeune garçon d’une dizaine d’années était condamné par les principaux médecins de la ville, et la mère de l'enfant, plongée dans le désespoir et ne sachant plus à quel saint se vouer, se décide enfin à consulter mou somnambule.

« Toutefois., avant d’accéder au désir de cette dame, je demande à examiner l’enfant, et, voyant à quel point il était réduit, je regarde comme inutile toute consultation. Pour-

tant, cette pauvre mère insiste , et je me laisse toucher par ses larmes.

« Je fais donc aussitôt venir celui dont, la veille , on se moquait encore dans cette maison ; et, sans lui dire de quoi il s’agit ni chez qui il se trouve, je l'endors comme j’avais coutume de le faire, par une seule insufflation sur la poitrine.

« Dès que la clairvoyance est suffisamment développée, j’appelle la mère du pauvre petit moribond (elle ne s'était pas encore montrée et avait exigé que je procédasse de la sorte), et la mets en rapport avec mon somnambule, qui, grâce aux précautions que je prends toujours en pareil cas, n’avait pas même pu se douter pourquoi je l’avais endormi. 11 est vrai de dire qu’une fois dans le sommeil, il lisait fort bien dans ma pensée, et que si je n’avais pas été sans cesse sur mes gardes avec lui, j’aurais souvent été la dupe de son étonnante perspicacité. Mais, comme 011 va le voir, il ne pouvait en être ainsi en cette occurrence.

« En général, pour articuler les premiers mots, mon somnambule avait besoin que je lui déliasse la langue ; mais, ce jour-là, surexcité par l’incrédulité de la consultante qui avait pris des détours pour l’éprouver, il parla de lui-même et avec tant de volubilité et de justesse que j’en fus stupéfait.

« — Ce n’est point pour vous que vous me consultez, madame, comme vous voudriez me le faire accroire, mais bien pour votre enfant que la médecine va laisser mourir, parce qu’elle n’a pas su remonter à la source du mal, et, par conséquent, en connaître la cause-, il est vrai que la chose était assez difficile, vu que la maladie de votre enfant date d'avant sa naissance.

« A ces mots, la dame, croyant moins que jamais à la clairvoyance somnambulique, quoiqu’elle vînt cependant d’en avoir une preuve éclatante, haussa les épaules et allait se retirer, lorsque celui qui lisait couramment ce qui se passait en elle, lui dit d’un ton assez impérieux : — Restez, madame, écoutez-moi jusqu’à la fin, et surtout suivez mes conseils, si vous voulez sauver votre enfant tandis qu’il en est temps encore.

« Oui, je le répète, votre enfant était déjà malade avant d’avoir vu le jour. Ne vous souvient-il donc pas de ce qui vous est arrivé au huitième mois de votre grossesse? N’avez-vous pas alors manqué de mourir et n’avez-vous pas été obligée d'avoir recours à des médicaments très-énergiques? Eli bien ! ces mêmes médicaments, s’ils vous ont sauvée, ont altéré les sources de la vie du fruit que vous portiez dans votre sein, et le poison infiltré dans le3 organes de l’être que vous avez laborieusement mis au monde, est la cause efficiente du mal qui l’a sourdement rongé par une cause accidentelle. Voilà, madame, ce que vos médecins n’ont pu voir et ce que je vois très-bien, moi.

« Je pris alors la parole et demandai à cette dame, qui était comme pétrifiée, si mon somnambule ne s’était pas trompé quant aux accidents arrivés pendant la grossesse, aux médicaments administrés, etc. ; en un mot, si son coup d’œil rétrospectif était juste.

« — Ah ! Monsieur, me répondit-elle en soupirant, tout ce qu’il a dit est à la lettre.

« — Eh bien, Madame, s’il a été aussi heureux dans son diagnostic, s’il a 9i bien reconnu la cause du mal, le traitement qu’il prescrira sera rationnel, soyez-en sûre.

« Après ce phénomène bien remarquable de vue rétrospective, un autre phénomène non moins étonnant peut-être se manifesta en mon somnambule.

« — Prescrivez le mode de traitement, lui dis-je, et dictez-moi les médicaments qu’il faudra employer, si toutefois vous avez quelque espérance de sauver l’enfant.

«— 11 est bien tard, me répondit-il; cependant, si l’on suit rigoureusement ce que je prescrirai, et surtout si l’on ne perd pas un instant, le malade sera hors de danger en moins de quinze jours. Quant à une guérison radicale, il ne faut pas l’espérer avant un an.

« J'avais déjà la plume en main pour écrire sous la dictée de mon clairvoyant, croyant que, comme à son ordinaire, il allait me désigner aussitôt les différents remèdes dont il fallait faire usage ; mais il n’en fut pas ainsi cette fois.

« — Dans aucune pharmacie, me dit-il, vous ne trouverez les simples qu’il nous faut, et moi-même je ne puis les découvrir, tant que vous me laisserez sur la terre : élevez-moi donc jusqu’aux limites de notre atmosphère, et de là je les verrai aussitôt et vous dirai ensuite où Ils se trouvent.

« C’était la première fois qu’une chose aussi singulière m’arrivait, et je balançai un instant, je l’avoue, à tenter de faire ce qui in’était enjoint.

«Cependant, à une seconde injonction plus formelle encore que la première, je retrouvai toute ma force de volonté avec la foi en mon pouvoir, et, en moins de temps qu’il n’en faut pour le décrire, le voyageur aérien était à son poste.

« Mais quel ne fut pas non-seulement mou étonnement, mais même mon effroi, quand il s’écria tout à coup : — J’ai vu, j'ai vu; redescendez-moi au plus tôt : je suis gelé! et il l’était en effet ! ! !

« Quant à moi, j’avais presque perdu la tête ; et, comme j’allais le démagnétiser : — Gardez-vous en bien, me dit-il, je serais perdu : piquez-moi le petit doigt de la maia gauche jusqu’au sang et je reviens à la vie.

« Je le piquai donc aussitôt, et à l’instant le froid glacial de ses membres disparut.

u II rae nomma et me dècrivitalors différents simples, que, le même jour, je trouvai juste à la place qu’il m’avait désignée; on les employa comme il l’avait prescrit, et, en moins des quinze jours annoncés, l’enfant allait déjà mieux. Mais, hélas ! il faut bien le dire, la médecine ne voulut point lâcher sa proie, et la mort ue tarda pas à emporter la sienne.

« Recevez, Monsieur le baron, l’assurance de ma considération la plus distinguée.

« Charles Pérhyha. »

SPIRITUALISME.

CONTROVERSE.

A M. le baron oc Poxet , directeur du Journal du Magnétisme.

Paris, le 29 juin 1859.

« Monsieur le baron, n L'honorable M. Morin m’ayant nommé dans son dernier article sur les coups mystérieux (1), permettez-moi de répondre quelques mots à ce qu'il a cru devoir dire de moi ; je serai bref, pour ne pas abuser de l'hospitalité de votre journal.

« M. Morin craint à tort que je ne m’abnse sur l’efficacité des moyens que je propose pour convaincre d’erreur les médecins éminents qui ont donné à l’Académie des sciences une si singulière, j’allais dire une si naïve explication du phénomène que nous appelons Esprits frappeurs. M. Morin doit bien se rappeler qu'à l'issue de la première séance expérimentale dans laquelle j’ai eu F avantage de me rencontrér avec lui, c’est moi-même qui lui ai reproché de n'avoir pas exigé, en sa qualité de membre d’une commission, que les pieds du médium fnssent mis en évidence. Il m’a répondu qu’il était difficile de montrer cette exigence envers une dame qui se mettait complaisamment, et avec un entier désintéressement, à la disposition de ses visiteurs. J’accordai ce point, mais dès lors je considérai les expériences faites et à faire comme n’ayant pas le caractère scientifique désirable. Je sais que, dans son article, M. Morin me rend cette justice, et je l’en remercie ; mais alors qu’il ne craigne pas, je le répète, que je propose jamais à aucun savant des expériences de cette nature. Dans les séances auxquelles il fait allusion.

(1) Voir lo numéro du 23 juin dernier, page 309.

.1 étais là comme ami, comme visiteur, mais nullement comme démonstrateur. Le jour où celte dernière mission me sera confiée, M. Morin peut être tranquille; les expériences seront faites scientifiquement, ou je déclinerai toute responsabilité, toute participation.

«Deux mots encore, je ne crois pas que M. Morin soit autorisé à dire : « Le médium s’y refusa. » Autant qu’il m’en souvient, et à moins que le fait n’ait eu lieu dans une séance à laquelle je n'assistais point, la demande de mettre les pieds en évidence n’a pas été adressée carrément au médium ; c’est dans ce cas-là seulement que le mot refus pourrait être articulé. Je déclare sur ma parole d’honnête homme qu’en présence d’un pareil refus, nettement formulé, j’aurais immédiatement cessé de prendre part à l’expérience. Ce qu'il y a, je crois, de plus positif, c'est que le médium, par une sorte de réserve et de galanterie que je comprends, n’ayant pas été mis en demeure de mettre ses pieds en évidence, a eu le tort de ne pas aller lui-même au-devant de l’objection. Mlle*** connaît bien mon opinion à cet égard ; je ne la lui ai pas dissimulée, et c’est parce que je ne la lui ai pas dissimulée, que je crois devoir, pour être juste envers tout le monde, la disculper du reproche de refus formel; ce refus a été tout au plus implicite, si je puis m’exprimer ainsi.

« Il me reste à vous dire, monsieur le baron, ainsi qu’aux lecteurs de votre estimable journal, que si je crois aux Esprits frappeurs, c’est que j’ai assisté à plus d’une expérience, où les pieds étaient parfaitement visibles. Il était naturel que je . commençasse par me donner à moi-même la satisfaction que je prétends donner aux autres ; et pour en revenir à la crainte manifestée par l’honorable M. Morin , il ne dépendra jamais de moi que cette satisfaction ne soit accordée à tout expérimentateur sérieux, de la façon la plus large et la plus complète.

« Agréez, je vous prie, Monsieur le baron, l'assurance de ma considération la plus distinguée.. ,

« P. -F. Mathieu ,

« ancien pharmacien de« années, elc. »

M. Mathieu cherche en vain à décliner les conséquences des séances auxquelles il a assisté avec la commission de la Société philanthropico-roagnétique : les expériences ont éti'-négatives. Ses observations m’obligent de donner quelque.; détails sur le lait que j'ai rapporté sommairement à la page 316.

Les membres de la commission, M. Mathieu et le médium étant assis en cercle autour d’une table, différents coups se firent entendre. M. Mathieu enchanté s’écria : a 11 n’y a pas à dire, c’est un Esprit qui fait cela, ou c'est l’un de nous. Or on ne m’accusera pas, j’espère, car mes mains et mes pieds sont en évidence ; que chacun en fasse autant. » Tout le monde se leva et s’éloigna de la table, à l’exception du médium qui resta assis. M. Mathieu lui adressa alors ces paroles : « Je prie Mademoiselle *** de poser ses pieds sur le barreau de lft chaise, comme je le fais maintenant. » Et il joignit 1 exemple à la parole. Mademoiselle *** ne répondit rien et conserva son attitude. Or ne pas obtempérer à une invitation claire et formelle, cela s’appelle refuser. La séance s’est encore prolongée, et M. Mathieu ne s’est pas retiré. Ce refus, je dois le dire, fit le plus mauvais effet. Désirant une solution bien nette, j’allai, quelques jours après, trouver le médium, et je lui demandai pourquoi elle n’avait pas donné la satisfaction proposée ; elle me répondit qu’elle avait été choquée d une précaution qui semblait dictée par la méfiance. Je cherchai à lui faire comprendre que le meilleur moyen de dissiper les soupçons était de se soumettre à des précautions qui ieraient briller dans tout son jour sa sincérité et qui donneraient gain de cause aux Esprits. Elle me dit que préalablement elle les consulterait... 11 faut croire que ces Esprits ont été aussi circonspects que ceux de MM. Allan Kardec, Delaage et de Guldenstubbé, et partagent leur aversion pour les épreuves; car on ne nous a pas fait connaître leur consentement à ce

que le médium opérât, les pieds posés sur le barreau de chaise; de sorte qu’il n’y a pas eu de nouvelle réunion.

Dans la séance où a eu lieu le refus dont je viens de parler, on a fait aussi l'expérience par l'alphabet, que j ai rapportée p. 313 à 315; il en est résulté que les réponses qui avaient été obtenues avec la phis grande facilité tant que le médium pouvait voir l’alphabet, n’ont pu se produire dès que l’alpha^ bet a été placé hors de sa vue, et que les coups onteessé de donner des nombres exacts dès que le médium n’a plus eu connaissance des questions écrites.

Du rapprochement de ces deux genres d'expériences, la commission a dû conclure que le moyen (quel qu’il soit) employé pour produire les coups dépendait du médium, exigeait 1"usage de ses pieds, et n'avait, par conséquent, rien que de parfaitement humain.

M. Mathieu, dans un entretien particulier que j’eus avec lui à ce sujet, avoua que les expériences n’étaient pas satisfaisantes, et que s’il n’avait vu que cela, il n’aurait pas de solides motifs pour admettre l’intervention des Esprits.

Dans un, article publié par Y Ami des sciences, M. Mathieu avait depuis longtemps exposé le phénomène des coups mystérieux, et s’était fait fort de le présenter à tous eaux qui voudraient l’observer par eux-mèmea. La commission dont il s’a-git, instituée pour rechercher et étudier les faits du spirituar-lismea fait un appel à tous les médiums et à toutes les personnes en état de présenter quelque chose de remarquable en ce genre; elle s'adressa à MM. Mathieu et Piérart qui ne dér signèrent que Mademoiselle comme médium disposé à se prêter aux expériences. Nos lecteurs savent maintenant à quoi ont abouti les expériences tentées par elle. Mettez à la place de cette commission des académiciens, des médecins, des savants, ou tous autres chercheurs, ils n’auraient pas vu autre chose que les laits qui se sont passés en notre présence et dont M. Mathieu » été obligé de confesser l'insuffisance. J’ai donc eu raison de dure qu’il éUit téméraire, après un tel insuccès, d’appeler des juges plus exigeants sans doute, à l’on n'a rien de curieux à leur offrir.

Si, au contraire, M. Mathieu peut actuellement présenter des faits plus significatifs, ou s’il croit pouvoir recommencer dans de meilleures conditions les expériences déjà faites, nous lui réitérons, au nom delà commission, notre invitation à ne pas la priver de ces nouveaux moyens d'instruction ; qu’il veuille bien nous indiquer les lieu, jour et heure auxquels nous devrons nous présenter ; nous sommes toujours prêts à. nous transporter partout où il y aura quelques découvertes à recueillir, quelque phénomène à observer. Bien qu'habitués aux déceptions, nous ne désespérons pas de parvenir à voir enfin quelques-unes des merveilles si vantées. Nous ne demandons pas mieux que d'examiner avec impartialité et sans prévention tout ce qui pourra contribuer aux progrès de la science. Persuadés que l’honorable M. Mathieu ne cherche, comme nous, que la vérité, nous sommes à sa disposition et nous serons heureux de lui devoir notre initiation.

A. S. Morin.

PHÉNOMÈNES AMÉRICAINS.

Les journaux spiritualistes américains continuent de publier une multitude de relations de prodiges plus ou moins étonnants. Voici, par exemple, un fait extraordinaire raconté dans le Spiritual Telegraph du 30 avril ; la relation est signée S. Hclen Lewis : « Pendant que nous demeurions à Ridgeway (Etat de New-York.) , il y a deux ans, nous eûmes un soir chez uous une réunion nombreuse ; -H s’y trouvait quatre ou cinq médiums. Après plusieurs expériences, on se décida à prendre uue lourde table de cerisier sur laquelle nous posâmes nos mains, dans l’attente de ce qui allait arriver. Aussitôt la table se renversa sur le côté et se mit à glisser sur le parquet à côté d’un des médiums Jeune fille de seize ans , puis courut tout autour de la salle. Quelqu'un dit : Redressez

la table, et elle ne fera plus rien. On redressa la table, et trois personnes seulement s'en approchèrent, savoir moi, la jeune demoiselle et un autre médium. La table se renversa aussitôt et se mit dans la même position qu’auparavant : nous touchions seulement la tablette de l'extrémité d'undoigt. Elle lit plusieurs fois le tour de la salle, puis elle s'éleva en l’air, emportant avec elle la jeune fdle : le tout se tint suspendu à quelques pouces du sol, de sorte qu’un monsieur passa plusieurs fois sa main en tous sens entre le parquet et la table. Cela se passa dans une salle parfaitement éclairée, et chacun put observer le fait tout à son aise. La jeune fille pesait environ 125 livres; elle se tenait entre les pieds de la table. »

Des faits semblables sont, nous dit-on , extrêmement fréquents en Amérique, et chacun peut tous les jours en être témoin. Nous avons déjà bien des fois émis le vœu qu’un des médiums de cet heureux pays vint en France répéter ces prodiges qu'il serait si intéressant pour la science de constater. Notre appel n'a pas encore été entendu, et nous en sommes réduits aux médiums parisiens qui n’opèrent qu'en petit comité de fidèles croyants, et se refusent obstinément à toute expérience (1). Nous prions notre confrère le directeur du Spiritual Telegrapk de prendre en pitié notre pénurie et de déterminer quelques-uns des sujets si communs dans son pays à traverser l’Atlantique et à venir parmi nous confondre l’incrédulité. Nous leur promettons un succès des plus fructueux , et s'il y avait pour condition le payement préalable des frais de voyage , nous ne doutons pas qu'une souscription des spiritualistes français ne fournît promptement la somme demandée. Nous promettons de nous inscrire en tète de la liste.

A. S. Moriis.

(1) Dernièrement encore, le lecrélaire de la commission nommée par la Société philanttiropico magnétique pour faire une enquête sur les faits lu spiiitualisme, s'adressa à M. le baron de Guldenstubbé, qui so vante d'obtenir de l'écriture directe des Esprits, et qui. dans son livre, offro de reproduire ce phénomène à volonté et devant des Incrédules quelconques, le baron-médium n’a pas même daigné répondre.

LE MERVEILLEUX.

C’est une tradition très-vulgaire et très-ancienne que l’état du ciel annonce les grands événements humains. Tout le inonde sait quel parti poétique Virgile a tiré de celle idée en peignant le trouble supposé que la nature ressentit à la mort de César. Qu’on ne suppose pas que nous allons chercher à démontrer que ce récit est exact ou qu’il puisse être vrai ; nous disons seulement que lepoëte a reproduit cette croyance populaire à une correspondance entre le ciel et la terre, et qu’il a saisi des traits qui, dès lors, avaient cours dans le peuple : notamment le bruitdes bataillons armés s’entre-cho-quant. dans les airs, des voix lamentables troublant le silence des bois, des fantômes se mêlant aux ombres de la nuit.

Un autre auteur, M. Washington-Irving, dans une notice sur l’Indien Philippe de Pokanoket, décrit les traditions qui se rattachent aux guerres de l’Inde avec la Nouvelle-Angle-terre. Voici ce passage qui nous parait avoir quelque intérêt au point de vue du merveilleux.

h Dans les anciennes chroniques de ces temps sombres et mélancoliques, nous trouvons plusieurs indications de cet état maladif de l’esprit public. La tristesse des idées religieuses et la dureté de la situation, au milieu de forêts incultes et de tribus sauvages, avaient disposé les colons aux rêveries superstitieuses, et porté leur imagination sur les chimères effrayantes de la sorcellerie et des apparitions. Ils étaient aussi très-disposés à la croyance aux présages. Les troubk's avec Philippe de Pokanoket et les Indiens furent précédés, dit-on, de terribles avertissements qui annonçaient de grandes et publiques calamités. La forme parfaite d’un arc indien parut dans l’air à New-Plymouth, il fut considéré par les habitants comme une apparition prodigieuse. A Hadey, Nor-thampton et d'autres villes voisines, on entendit le bruit d’uuc

grande pièce d’artillerie, avec un tremblement de terre et un écho remarquable; d’autres furent alarmés, un matin de beau soleil, par une décharge de fusils et de mousquets. Des balles semblaient siffler près d’eux, et le bruit de tambours résonnait dans l'air, semblant se diriger vers le couchant ; d’autres imaginaient qu'ils entendaient le galop de chevaux sur leurs tètes, et certaines naissances de monstres qui eurent lieu vers ce temps, inspirèrent aux personnes superstitieuses dans quelques villages de sinistres présages. Plusieurs de ces signes et de ces bruits de mauvais augure peuvent être attribués à des phénomènes naturels, aux clartés du Nord qui se présentent si vivement dans ces latitudes, aux météores qui éclatent dans l’air, à un vent violent dans le sommet des arbres delà forêt, au craquement d’arbres qui tombent ou de rochers qui se disloquent, ou à d’autres bruits inaccoutumés ou à des échos qui quelquefois étonnent la terre si étrangement, au milieu du profond silence de la solitude des bois. Ces phénomènes peuvent avoir frappé quelques imaginations mélancoliques, peuvent avoir été exagérés par l'amour du merveilleux et écoulés avec cette avidité avec laquelle nous dévorons tout ce qui est effrayant et mystérieux. Le cours universel de ces visions superstitieuses et la grave relation faite par un homme instruit du jour, sont étrangement caractéristiques du leinps. »

Comme Al. Washington-lrving, nous sommes disposé à mettre beaucoup sur le compte de l’imagination et de l’ignorance facile à transformer ses illusions en réalité. Cependant nous n'osons affirmer qu’il en soit ainsi pour tous les phénomènes mentionnés. L’arc qui parait dans l’air n’est pas plus extraordinaire que la croix de Aligné, ou que l’apparition d’une autre croix mentionnée dans une lettre de Al. l’abbé du Alage, rapportée par M. Piérart, dans la Revue spiritualisle, 1858, page 4/i0; les bruits dans l’air ne sont pas plus extraordinaires que les cris entendus après le massacre de la Saiut-Barthélemy et enregistrés par Al. Allan Kardec, d'après Sainte-Foy et Juvénal des Ursins, Revue spirile, 1858, page 25/j. Ainsi l’empire du merveilleux tend à se rétrécir

tons les jouis pour s’incorporer à celui des faits positifs et matériels ; l’esprit humain avance, il pénètre dans le monde surhumain. Cette aperception, quelque faible qu’elle soit, aura des conséquences dont il est difficile de prévoir et de mesurer la portée, mais que quelques esprits s’exagèrent, croyons-nous, puisque l’antiquité connaissait beauooup de ces phénomènes que nous observons aujourd'hui, et que nous n’avonsfaitsouvent qu’en retrouver laclef, un instant égarée. Il s’opère seulement de nos jours une divulgation complète qui ira toujours se propageant, et qui, éclairant de reflets nouveaux les doctrines philosophiques, pourra en réduire certaines à leur juste valeur, après avoir appris à distinguer ce qu’elles recèlent de vrai ou de divin de l’alliage impur, grossier, purement humain, qui a pu souvent les dénaturer et les vicier.

L Lamothe.

BIBLIOGRAPHIE.

PRINCIPES CN1VERSEI.S DE MAGNÉTISME HUMAIS appliqué au soulagement et à la guérison de loue les /Ire» malades, par Vassctr-Lok-hid. (Brochure, chez Ledoyen.)

Cette petite brochure n’a que 28 pages, préfaces déduites. Tout ce qu’on pourrait enseigner de magnétisme dans un cadre aussi étroit ne consisterait que dans quelques principes généralement admis, et dans des règles pratiques pour les cas les plus ordinaires. L’auteur, qui s’annonce comme un disciple du médium Michel, ne s’est pas renfermé dans un plan aussi modeste : il a exposé des systèmes fort aventureux sur l'astronomie, la cosmogonie, la biologie, etc., saus s’appuyer ni sur les faits ni le raisonnement, sans présenter au lecteur un motif quelconque pour le déterminer à adopter comme vérités ses doctrines iluidiques. Malheureusement l’énoncé en est fort

peu clair : nous n'aurons pas la témérité de le discuter ; il faudrait commencer par comprendre. Nous nous bornerons à en présenter quelques extraits à nos lecteurs qui pourront, s’ils ont du loisir, y trouver matière à exercer leur pénétration.

« La planète, au moyen d’un cordon fluidique arômal, respire dans l’atmosphère du soleil. L’atmosphère terrestre sert de poumons à la planète. Cette atmosphère s’alimente , par son aspiration, dans celle du soleil, des fluides vivants qui entretiennent la vie des quatre règnes et celle de la planète elle-même, à son centre intelligent. Le gaz azote est, dans l’air, le récipient inerte des fluides vivants, de la vraie vie, comme l’eau est le récipient liquide des fluides vivants qui l'animent, et la terre, celui des fluides vivants qui alimentent d’en bas les produits de la végétation. Les fluides vivants transmis à la planète et distribués partout, selon le degré de valeur de chaque partie, de chaque substance et de chaque être, sont les fluides vitaux et les fluides célestes dont le plus pur et le plus subtil est le fluide divin... Le fluide humain est' l’agent attractif vital spirituel qui anime toute chose ; mais raffiné, élevé en valeur à la hauteur de l'homme dans la nature... L’homme est plus apte que la femme à exercer la puissance magnétique, surtout à cause de son fluide attractif électro-aimanté , en dominance masculine ou positive ; la femme est moins apte à cause de son fluide métallo-ferrugineux en dominance féminine ou négative. » L’auteur, parmi ses moyens de thérapeutique, en indique un qui ne manque pas d'originalité : « Le choc que produit un magnétiseur en frappant sur du fer avec un marteau ou une baguette de même métal est très-puissant pour chasser, par l’action du fluide sonique puissant qu’il met en mouvement, les fluides impurs qui causent les affections douloureuses, rhumatismales, aiguës et autres, ainsi que les points du côté. » S’il en est ainsi, ceux qui ont le bonheur de demeurer dans le voisinage des serruriers et des chaudronniers, étant abreuvés de fluides soniques métallo-ferrugineux, doivent être les gens les mieux portants de la terre.

VARIÉTÉS.

TRIBUNAUX. — AFFAIRE BERNEY.

Dans le com pte-rendu qui a paru dans notre dernier numéro d’une affaire d’escroquerie et d’exercice illégal de la médecine, jugée par la Cour impériale de Lyon, nous avons dit, par erreur, que les médecins qui s’étaient portés partie civile, et auxquels il a été alloué des dommages-intérêts, avaient été condamnés à tous les frais; c’est, au contraire, la femme Berney, prévenue,, qui supporte d’abord les dépens du jugement de première instance qui l’a condamnée, et les frais en appel de tous les témoins à décharge qu’elle a fait entendre.

L’arrêt de la Cour confirmant le jugement du tribunal, consacre un principe d’un haut intérêt pour le corps médical, c’est qu’une somnambule ou toute autre personne non pourvue d’un diplôme qui, dans l’espérance de se soustraire aux poursuites du ministère public, fait signer par un docteur-médecin ou un officier de santé les ordonnances qu’elle dicte elle-même, n’en commet pas moins le fait d’exercice illégal de la médecine, prévu et puni par les art. 35 et 36 de la loi du 19 ventôse an xi.

La Cour a aussi consacré de nouveau le droit d’intervention des médecins comme partie civile.

(Sulul public, 15 juin 1859.)

LE CABLE TRANSATLANTIQUE ET LES MÉDIUMS.

Nos lecteurs se rappellent sans doute que la Revue spiri-tualiste de Paris avait fait grand bruit de l’offre faite à la

compagnie du câble transatlantique par plusieurs notables spiritualistes américains, de faire fonctionner le câble au moyen de médiums placés «ux deux extrémités et d’établir ainsi une télégraphie qui suppléerait le fluide électrique (voir notre n° du 10 avril, p. 188) : la Revue s’élevait avec indignation contre le refus de la compagnie. Eh bien , le Spiritual Telcgraph, dont les rédacteurs sont intimement liés avec MM. Edmonds et Tallmadge, auxquels on faisait jouer un rôle dans cette affaire, nous apprend, par son rr> du 50 avril, que la compagnie n’a point eu à refuser une offre qui ne lui a point été faite et que tonte cette histoire est un canard bruxellois, et fait observer que l’agent spiritnaliste peut traverser l’air, la terre ou l’Océan, sans avoir besoin de fil de cuivre ou de gutta-percha. La Revue en est pour ses frais de sensibilité sur les Martyrs de la science.

ÆRRA.TA.

Page 330, ligne 35, au lien de ces travaux se reproduisent, etc., lisez : Ces iabteam se reproduisent.

Page 3iH, ligne n, an lieu de l'assurance de l’Esprit, etc., lisez: L'ignorance de ftsprU.

Baron dc POTET, propriélaire-géranl.

SOMNAMBULISME. - JURISPRUDENCE,

Depuis quelques mois, de nombreuses poursuites oïit eit lieu contre des somnambules, sans qu’aucun indice autorise à croire qu’il s’agisse d'un système de poursuites; ce sont des faits isolés qui ne se rattachent à aucune règle. Nous avons déjà fait ressortir ce qu’il y a de déplorable dans cette absence de principes : un très grand nombre de somnambules ont des cabinets de consultation, exercent au su et vu de l’autorité qui leur accordent une sorte de tolérance, et laisse sommeiller les mesures législatives prises contre la divination et l’exercice illicite de la médecine. Mais de temps en temps quelques victimes sont sacrifiées , des somnambules sont déférés aux tribunaux et condamnés, sans que personne puisse dire pourquoi ils ont été l’objet d’une sévérité exceptionnelle, pourquoi ils ont été choisis au milieu de tant d'autres qui continuent à jouir de l’impunité. L’arbitraire est toujours mauvais ; il serait à désirer que la question fût clairement vidée, qu’on sût enfin ce qui est permis, ce qui est défendu ; on ne peut se faire à l'idée de trouver un coupable chez celui qui n’a fait que ce que font des milliers d’autres qui ne sont pas inquiétés ; la vindicte publique ne peut ainsi frapper au hasard, la loi doit traiter de même tous les cas semblables.

Nous croyons devoir mentionner un procès récent qui est propre à inspirer de sérieuses réflexions.

Le 23 juin, madame Paul Tirot, somnambule, comparaissait devant la 8* chambre de police correctionnelle. Voici le fait unique qui lui était reproché. Un individu, auquel un porte-monnaie avait été dérobé, vint la consulter pour connaître l’auteur du vol : elle lui dit que c’était un homme avec lequel il avait bu au cabaret ; elle l’engagea à le prendre en Tohe XVIII. — N» «*. — 2* Série. — 25 Juillet 1858. H

particulier et à l’accuser, et ajouta que s'il rougissait en entendant cette accusation, il n’y aurait piuï de doute sur sa culpabilité ; et que si ce moyen de le confondre ne réussissait pas, elle lui en indiquerait d’autres. Le consultant se borna à répandre dans le voisinage le bruit que l'homme indiqué était son voleur; et finalement il n’y eut au sujet du vol ni enquête ni certitude acquise.

C’est à raison de cette consultation que madame Tirot était poursuivie pour escroquerie. Le seul témoin est le particulier volé : il déclare être de Pontoise ; en le voyanton le croit sans peine arrivé de cette ville célèbre par ses veaux. 11 raconte sa mésaventure, son voyage à Paris pour consulter la somnambule, les conseils qu’elle lui a donnés, et il termine en disant : « Je n’ai rien fait de ce qu’on m’a dit, et rien ne m’a réussi.» Comme sa déposition estle seul documentde lacause, remarquons que rien ne confirme ni n’infirme la justesse des indications de la somnambule. Le ministère public demeure silencieux et se réfère à ses conclusions écrites. Le défenseur fait valoir surtout la tolérance générale qui couvre le somnambulisme et qui a dû inspirer aux somnambules une sécurité complète ; il rappelle les services que, dans plusieurs circonstances, le somnambulisme a rendus à la justice, par la découverte de crimes. Après quelques minutes de délibération du tribunal, M. le président prononce un jugement qui déclare la prévenue coupable du délit d’escroquerie, et, admettant les circonstances atténuantes, la condamne à 50 fr. d'amende et aux dépens. M. le président lui annonce que le tribunal a été indulgent, et qu’en cas de récidive il pourrait se montrer beaucoup plus sévère.

.Nous apprenons que le 25 juin, le tribuual de police correctionnelle de la Seine à eu à juger une autre somnambule accusée également d’avoir donné une consultation en matière de vol, l’a condamnée à huit jours de prison et a condamné en outre son magnétiseur comme complice. Les condamnés ayant, nous dit-on, l’intention d’appeler et de remettre ainsi li*ut en question, nous croyons devoir omettre les détails et jiîême les noms des parties.

Nous respectons les décisions judiciaires, et nous ne nous permettrons pas de les discuter. Maisil nous semble opportun de traiter, à ce sujet, la question d'une manière générale.

Dans l’état actuel de notre législation, quelle peine est ajr plicable ail somnambule qui donne des consultations?.... Dans la plupart des cas, les magistrats appliquent l’art. /i7i) (11“ 7) du Code pénal, qui punit d’une amende de 11 à 4 5 fr « les gens qui font métier de deviner et pronostiquer, on d’expliquer les songes. » D’autres appliquent, dans des cas parfaitement semblables, l’art. 405, d’après lequel « quiconque, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qualités, soit en employant des manœuvres frauduleuses pour persuader l’existence de fausses entreprises, d'un pouvoir ou d’un crédit imaginaire, ou pour faire naître l’espérance ou la crainte d’un succès, d’un accidentou de tout autre événement chimérique, se sera fait remettre ou délivrer des fonds, etc., et aura, par un de ces moyens, escroqué ou tenté d’escroquer tout ou partie de la fortune d’autrui, sera puni d'un emprisonnement d’un an au moins, de cinq ans au plus, et d’une amende de 50 fr. à 3,000 fr. ;> Ces deux manières de voir conduisent à des résultats extrêmement différents : dans l’une, une simple contravention de police et une amende légère ; dans l’autre, un délit infamant, une flétrissure plus honteuse même que celle qui s’attache au vol, et des peines énormes. 11 répugne à la raison et à l’équité que le môme fait puisse, au gré des magistrats , recevoir des qualifications si profondément dissemblables et être frappé de répressions si inégales : on vante l’harmonie de notre*législation, la clarté de nos codes qui définissent nettement les faits répréhensibles, et fixent d’une manière précise le degré de pénalité applicable à chaque infraction. Ces éloges seraient bien peu mérités si les deux appréciations du somnambulisme devaient être toutes deux justifiées et concurremment adoptées. Quelque opinion qu’on se fasse des facultés somnambuliques, on doit reconnaître que cette divergence est déplorable et qu’il est urgent de la faire cesser. 11 importe de remonter aux principes malheureusement méconnus.

Les auteurs lu Code pénal, en rédigeant l’art. /i70. ont l'.iit voir |ue pour eux l’art divinatoire était chimérique ; ils n’ont pas eu à se préoccuper spécialement du somnambulisme i[iii, à cette époque, était à peu près inconnu; ils ont eu en vue les sorciers, les tireurs de cartes, les individus qui exercent la divination au moyen du marc de café et d’une foule d’autres procédés traditionnels. Ils ont voulu interdire ces pratiques qui, à leurs yeux, étaient sans valeur, que repoussaient la science et le bon sens, et qui étaient propres à entretenir, dans les populations, l’ignorance et le superstition. Mais ces faits leur ont paru fort peu graves, et ils les ont classés parmi les simples contraventions, c’est-à-dire parmi cîs infractions qui ne consistent que dans la transgression matérielle de mesures de police, sans qu'il y ait à rechercher l'intention criminelle du délinquant ; et ils n'ont prononcé, pour tous ces cas que des peines très-douces. Ils n’ont pas distingué si le devin perçoit ou non une rétribution ; et il est de principe que là où la loi ne distingue pas, nul n’a droit de distinguer. On doit donc reconnaître que l’art. 479 est applicable à tout fait de divination, même quand le devin a reçu une rémunération du consultant, ce qui est le cas le plus ordinaire. Le mot métier, employé par le Code, indique bien que le devin tire un lucre de son art. II y a plus, on ne trouverait peut-être pas d'exemple de poursuites dirigées contre des individus qui auraient fait de la divination gratuite; on considère alors que c’est une simple récréation, et l’on n’ajamais songé à inquiéter les personnes qui, pour égayer une soirée, disent labonne aventure, car ces personnesn’ en font pas un métier.

Cela posé, il est clair que le somnambule qui, dans son cabinet, attend les clients, qui, consulté sur un sujet quelconque, cherche à découvrir par sa vue anormale, et fait part au consultant de ce qu’il croit apercevoir, ne fait pas autre chose que la divination prévue par l'art. 479 ; la loi n’a pas jugé à propos d’énumérer les genres de divination, elle ne le pouvait même pas, puisque ces modes varient à l'infini. Peu importe donc que le devin employe les cartes, le verre d’eau, la chiromanie, etc., ou le sommeil magné-

tique. Au point de vue légal, tout cela esl la même chose.

Qu’allègue-t-on pour appliquer à ces laits l’art. /i)5 ? (’.'est que le somnambule en annonçant au consultant qu’il jouissait de facultés exceptionnelles et qu’il pouvait découvrir ce qui échappe à la vue ordinaire, a employé des manœu-vres''frauduleuses pour persuader (existence d'un pouvoir imaginaire. 11 est facile de prouver la fausseté de ce système. Pour qu’il y ait délit, il faut qu’il y ait intention criminelle ; pour qu'il y ait manœuvre frauduleuse, il faut que celui qui les employé ait conscience de la fraude, sache qu’il trompe. De là une distinction essentielle : le devin croit-il ou non à son art? S’il n’y croit pas, et que néanmoins il le pratique, il feint par là d’y croire, il employe des procédés qu’il sait inefficaces, il exécute un cérémouial dont il se moque intérieurement et au moyen duquel il abuse de la crédulité du consultant; il se sert donc ainsi de manœuvres frauduleuses; il commet l'escroquerie. Mais si le devin croit à son art, il opère avec une conscience parfaitement pure, il applique des moyens qu’il croit propres à atteindre le but proposé ; s’il répand l'erreur, il le fait de bonne foi, il n’est donc coupable d'aucune fraude, d’aucun délit; on ne peut lui reprocher que l’infraction matérielle qui subsiste même sans aucune intention criminelle ; il n’est donc passible que des peines portées par l’art. /i"9. 11 résulte de là que la poursuite pour escroquerie 11e sera fondée qu’autant qu’on pourra convaincre les devins de mauvaise foi. Et comme la mauvaise foi ne se présume pas, ce sera au ministère public à la prouver, non par des inductions plus ou moins hasardées, mais par des faits précis.

Voici, par exemple, quelques cas où la mauvaise foi peut être établie. Un de nos correspondants nous écrit que dernièrement, à la foire d’Agen, une espèce de saltimbanque donnait, en baraque, des consultations à 30 centimes et s’annoncait au moyeu d’une inscription en lettres gigantesques, comme élève de M. Mesmer. Dans les fêtes patronales des environs de Paris, j'ai vu des opérateurs qui se vantaient de double vue, de lucidité à toute épreuve, promettaient de dé-

voiler à tout venant le présent, le passé et l’avenir, et prenaient le titre clc somnambule de M. du Potet. ('.es gens—là, en usurpant un titre qui ne leur appartient pas, en se mettant sous les auspices d’un personnage considérable auquel ils sont réellement étrangers, savent fort bien qu'ils trompent, ils employentlc mensonge pour se donner auprès du public un crédit qu'ils n’obtiendraient pas pour eux-mêmes ; il y a donc là manœuvre frauduleuse et escroquerie.

Mais, en l’absence de faits semblables, la divination en elle-même est une infraction toute spéciale prévue par l’article 479; faire de la divination elle-même une manœuvre frauduleuse constitutive de l’escroquerie, c’est supposer gratuitement la fraude et méconnaître les principes les plus sacrés de la justice qui défendent de condamner sans preuve; c’est commettre un excès de pouvoir en transformant arbitrairement une contravention en délit ; c’est mettre au néant l’art. 479 qui ne punit la divination que de peines de simple police, pour appliquer constamment et invariablement au même fait les peines de l’escroquerie.

Il y a là une violation de la loi tellement manifeste qu’elle devrait entraîner la cassation des jugements de condamnation. La Cour de cassation n’a pas, il est vrai, à remettre en question les faits réputés constants par les juges ; mais elle doit rechercher s’il a été fait une juste application de la loi. Or, quand le jugement constate que le prévenu consulté par une personne sur un objet perdu ou sur tout autre sujet inconnu, a fait au consultant une réponse présentée comme contenant la solution des questions proposées ; quand le jugement ajoute que le prévenu a, par ce fait, commis une manœuvre frauduleuse pour extorquer une partie de la fortune d’autrui ; un jugement ainsi motivé ne peut soutenir l’examen ; car le fait mis à la charge du prévenu constitue la divination ; et le jugement ne constatant ni la mauvaise foi, îii en quoi aurait consisté la fraude par lui employée, porte évidemment les caractères de l’excès de pouvoir.

Nous engageons les personnes qui pourront être appelées à la défense des somnambules, à bien peser ces considéra-

lions, et nous ne doutons pas qu'elles ne réussissent à faire abandonner une jurisprudence erronée.

Dans une société bien réglée, les décisions judiciaires sont toujours en harmonie avec les mœurs : certes, quand les tribunaux frappent un assassin, un voleur, la sentence est sanctionnée par l’opinion publique, et l’individu atteint par une telle condamnation est justement flétri. Celui qui est condamné pour escroquerie, est regardé comme un infâme, on se croirait souillé par son contact. Mais, nous le demandons à tout homme de bon sens, cette réprobation s’applique-t-elle au somnambule qui donne des consultations? Qu’il soit condamné pour délit ou pour contravention, le fait n’en aura ni plus ni moins de gravité devant l’opinion , et le condamné ne sera mis par personne sur la même ligne que les êtres hideux qui méritent le titre à'escroc»...

Nous n’avons envisagé la question qu’au point de vue légal et abstraction faite de la valeur du somnambulisme : la loi, comme nous l’avons dit, considère l’art divinatoire comme imaginaire et en punit l’exercice comme propre à entretenir des idées erronées. Des faits nombreux et bien établis ont prouvé depuis la réalité de ce qui avait été jugé impossible; la lucidité des somnambules découvre des secrets que ne peut atteindre l’homme dans l'état ordinaire ; il y a donc dans l’art divinatoire une partie qui a cessé d’être chimérique. 11 est donc fâcheux que ceux qui jouissent de facultés exceptionnelles ne puissent les exercer sans violer la loi. La science et l’humanité sont intéressées à ce qu’aucune des facultés ne reste sans emploi : car toutes ont une destination. L’art. 479 devra donc être révisé. Mais , avant de demander la révision de la loi sur la divination, il faudra que de nouvelles études permettent d’apprécier le parti qu'on peut tirer de la lucidité, à quelles conditions et avec quelles réserves on peut l’employer. Alors on se gardera bien de répudier un tel trésor, la science s’enrichira de nouvelles découvertes, et la loi, tout en prenant de sages mesures contre le charlatanisme, cessera d'interdire l’usage du somnambulisme. A. S. Morin.

DU MAGNÉTISME.

SA VÉRITÉ ET SON AVENIR.

— Il y a combat entre les sens et la volonté, donc ils sont deux : le corps et l’âme. (De Bonald.)

— Du moment qye nul homme n’est à même de distinguer par les sens, d’un fil ordinaire et indifférent, le fil que parcourt le plus puissant courant galvanique; quand nul ne peut, sans faire une expérience, découvrir l’action magnétique d’un appareil thermoinagnétique ; quand, en dehors de ces propriétés cachées, des lois suprêmes, comme celles de la pesanteur et de la gravitation universelle, inscrites au firmament en lettres de feu, ont dû attendre Galilée et Newton pour être révélées, alors que chacun sent leurs effets et que depuis l’origine du monde les savants en recherchaient le mystère, — nous n'avons plus le droit de nous étonner d’apprendre qu’il est très-possible que nous ne connaissons pas encore toutes les lois de la nature, que nous en découvrirons un jour de nouvelles , qui nous dévoileront de profondes erreurs dans bien des systèmes adoptés aujourd'hui.

(ZlMMERM ANN. )

Il est généralement connu aujourd'hui qu’il existe un fluide éminemment subtil, universellement répandu dans la nature, qui se manifeste ostensiblement par des actions inattendues, surprenantes, bizarres même.

Ce fluide incoercible explique tous les phénomènes de la lumière, de la chaleur, de l’électricité et du magnétisme. Ces phénomènes, malgré leurs nombreuses analogies, demeurèrent longtemps séparés. La découverte des courants électriques, due à Oersted et analysée plus tard par Ampère et Arago, ne laissa plus aucun doute sur cette identité.

Il existe donc dans la nature une force active qui est la source de la vie et du mouvement; mais cette force est-elle

matière 011 non? Nul ne le sait, l'imperfection de nos sens eM une barrière infranchissable que Dieu mit entre nous et le ; millions de mystères qui accablent notre raison , nous no pouvons que constater les effets de ces mystères , les cause.1-nous seront toujours inconnues.

Ce fluide universellement répandu , et pénétrant tous les corps, se modifie et présente des phénomènes si extraordinaires , si étonnants, que la raison humaine se sent accablée sous tant de merveilles, elle frémit et s’arrête , car elle prévoit que ce sont là les bornes de ses connaissances. Chercher à aller au delà , sans vouloir se donner la peine de se frayer une nouvelle route dans les sciences, c’est ne trouver autour de soi que ténèbres.

Dieu, dans son immense bonté, a répandu cette force dans l'espace; elle est partout; c’est la loi suprême de l’ordre et de l'arrangement ; sans elle, les animaux périraient, la végétation n’aurait plus de sève, l’attraction moléculaire cesserait dans les minéraux , et les mondes qui roulent dans l’infini, arrêtés dans leur immense orbite et déviés de la route que leur a tracée la main de l’Eternel, s’écrouleraient.

Cette force est l’ouvrage de celui qui a tout fait. C’est par elle que tout se meut, respire, s’aime, s’attire et vit pour ado rer l’intelligence qui préside à l’univers. C’est là une vérité que nul ne peut révoquer en doute. Qui oserait aujourd’hui émettre une opinion contraire à celle des Newton , des Ké-pler, des Arago? L’attraction et la gravitation des corps ne sont point une chimère, et pourtant qui sait si plus tard une autre vérité ne surgira point du sein de cette vérité même ? La nature est avare de ses mystères, elle ne les révèle pas ; tout le monde, il lui faut des génies , et c’est à eux seul -qu’elle daigne lever un coin du voile qui cache un nouvel avenir pour l'humanité.

Mais toutes les propriétés de ce fluide sont-elles réellement connues, n'en existe-t-il pas d’autres beaucoup plus étonnantes et surtout beaucoup plus nécessaires au bonheur des hommes ? Oui, il en existe, et la nature a parlé depuis longtemps ; mais qu’a-t-on fait et que fait-on encore aujourd hui !

On rejette, à priori, une vérité nouvelle et on embrasse aveuglément une erreur, pourvu que cette erreur ne dépasse point les limites du possible.

La nature n’a de bornes que pour les esprits étroits qui croient tout connaître, et qui, blessés dans leur amour-propre, empêchent toute innovation dans les sciences.

La vérité est là cependant ; ce serait une tentative inutile que de vouloir l'anéantir à force de mépris et d’ignorance ; elle s’est transmise à nous d’âge en âge et elle brille aujourd’hui sur le front d’un grand nombre d’hommes de lettres, de philosophes et de véritables savants. C’est par eux que le magnétisme animal triomphe de jour en jour, eux seuls réveilleront, par la quantité des phénomènes qu’ils produisent, l’apathie et l’insouciance des incrédules.

Il est avéré et connu aujourd’hui que le fluide magnétique circule comme le sang dans notre organisme, qu'il pénètre et vivifie tout, et que si, par des causes quelconques, il vient à manquer, l’animal cesse de vivre. La surabondance, au contraire, fatigue nos organes, nos sens s’alourdissent, les relations extérieures cessent, nos yeux se ferment involontairement et nous tombons dans un sommeil plus ou moins profond.

Parfois, ce fluide a le pouvoir de dégager notre âme de l’enveloppe charnelle des organes, alors il y a réveil, mais un réveil étrange ; les organes du corps sont anéantis, les yeux ouverts à la lumière ne voient que ténèbres, tandis que l'âme, se passant d’un organe dont elle n’a plus besoin, voit au travers des corps les plus opaques, et semble vivre un moment seule avec son immortalité. Cette vue intérieure, cachée, mystérieuse, n’a-t-elle pas le pouvoir de faire venir le nom de Dieu aux lèvres du plus acharné matérialiste ?

Lacordaire, sur la chaire de Notre-Dame, a prononcé ces remarquables paroles :

« L’homme, dit-il, plongé dans un sommeil factice , voit à « travers les corps opaques à de certaines distances, indique « des remèdes propres à soulager et même guérir les mala-« dies du corps ; il paraît savoir des choses qu’il ne savait

■( pas et qu’il oublie à l’instant même du réveil, car Dieu a « voulu prouver par là qu'en dehors môme de la religion, il n restait en nous des lueurs d'un ordre supérieur, des demi-ii jours effrayants sur le monde invisible, une sorte de cra-» tère par où notre âme, échappée un moment aux liens ter-« ribles du corps, s'envole dans des espaces qu’elle ne peut » pas sonder, dont elle ne rapporte aucune mémoire , mais « qui l’avertissent assez que l’ordre présent cache un ordre « futur devant lequel le nôtre n’est que néant. »

Le magnétisme animal existe, il est basé aujourd’hui sur l’existence ; celui qui ose soutenir le contraire est un homme à connaissances bornées. Le magnétisme animal est une vérité éternelle , il écrase par son mépris les incrédules et les charlatans qui l’exploitent ; il est la chaîne invisible qui unit la créature avec le Créateur, le signe certain de la vie future, la source de toute morale et de tout bonheur. Ceux qui le rejettent sans examen , craignent de sonder cet abîme de mystères, car ils prévoient que cette vérité nouvelle est un colosse autour duquel viendront se briser non-seulement quelques-unes, mais plusieurs de 110s connaissances.

Lorsque Arago , le patriarche de l’astronomie, en parlant du magnétisme animal, disait avec une sincère conviction qu'on ne doit plus ici-bas prononcer le mot impossible , les pygmées qui se disaient et qui se disent encore aujourd’hui ses disciples devaient ne point s’arrêter incertains devant la nouvelle route que leur ouvrait le grand astronome; ils devaient tâcher de chercher au delà de leurs connaissances si réellement il n'existe pas quelque chose de grand et de divin pour lequel ils devaient consacrer leurs veilles et leurs travaux ; mais non, cela fut pour eux une rôverie.qui les effraya apparemment, car ils scindèrent la question par le mépris, et allèrent à tâtons chercher ailleurs un peu de lumière dans les ténèbres que leur suscite continuellement leur entêtement.

Si le magnétisme animal est une erreur, si réellement rien n’existe de ce qu’on avance, si les grands hommes qui se sont occupés et qui s’occupent encore sérieusement de cette science

étaient trompés ou trompeurs , pourquoi. au lieu de tomber dan? l’oubli, résiste-t-il contre le ridicule qui tue?

Pourquoi avance-t-il toujours malgré les murs d’airain que lui opposent les savants incrédules?

Si toutes ces propriétés ne sont point encore connues jusqu’aujourd’hui, à qxii la faute, si ce n'est à l'ignorance et aux préjugés qui se déracinent si difficilement du cœur des hommes? Le stygmate du ridicule que les charlatans lui ont imprimé sur le front s’efface de jour en jour, ceux qui s’en occupent avec confiance et persévérance sont des apôu-es qui répandent dans le monde, basées sur l’évidence, les vérités de cette vérité divine.

Honneur ii ceux qui se livrent avec ardeur aux progrès de cette science ; les générations futures leur seront reconnaissantes, elles ne mépriseront que les incrédules, comme nous méprisons aujourd’hui les juges de Galilée.

Ce serait une honte pour l'humanité que de repousser le doigt de Dieu, que de vouloir anéantir la plus belle, la plus utile et la plus étonnante de toutes les sciences.

E. M. Rossi.

Smyrne, avril 1859.

FAITS ET EXPÉRIENCES.

FACULTÉS EXTRAORDINAIRES D’UNE SOMNAMBULE.

On sait que plusieurs somnambules naturels peuvent, dans leurs accès, exécuter des travaux d’une extrême difficulté, et dont ils seraient incapables dans leur état ordinaire. Voici un nouvel exemple qui nous paraît surpasser tout ce que l’on connaît dans ce genre. J'en dois la connaissance à l’obligeance de M. le docteur Garcin, auteur du livre remarquable intitulé : le Magnétisme expliqué par lui-mfnie.

Mlle Marie est sujet magnétique; elle est fréquemment

mise en somnambulisme, et a (m’a-t-on dit) donné des preuves nombreuses de lucidité. Elle est, en outre, sujette à des accès de noctambulisme, qui ont lieu principalement quand elle a l’esprit fortement occupé de quelque travail : alors elle se lève endormie, au milieu de la nuit, et exécute ce qu’elle avait conçu. Elle a fait de cette manière différents ouvrages au crochet. Uu jour qu'elle était endormie du sommeil magnétique, elle annonça son projet de faire, dans l’état de noctambulisme, une tapisserie dont elle exposa en détail le sujet : le château d’Amboise, uu paysage étendu avec montagne, forêts, rivière, etc. Les personnes qui l’entendirent, sachant qu’elle n’avait pas l’habitude de faire de la tapisserie et doutant de son habileté, lui demandèrent si elle avait un modèle, comme il est d’usage. Elle répondit qu’elle n’en avait pas besoin ; elle demanda seulement qu’on lui achetât un canevas et des soies dont elle indiqua les qualités et les couleurs, et qu’on mit tout cela dans un endroit qu’elle désigna; elle détermina d’avance comment elle s’y prendrait et le temps qu'elle employerait; elle ajouta que, dans l’intervalle de ses séances de travail, elle mettrait sou ouvrage dans une cachette, et elle recommanda bien que personne n’y touchât, sans quoi elle ne pourrait reprendre son ouvrage qui ainsi resterait inachevé.

On lui acheta ce qu’elle avait demandé. Au jour indiqué, à minuit, elle se leva de son lit et vint au salon qui n'était éclairé que par une lampe très-faible dont l’abat-jour était abaissé : la lampe étant posée sur la cheminée, trois personnes se placèrent en avant, de manière à intercepter la lumière. Mlle Marie se trouvait à l’autre extrémité de la salle, daus un endroit où il y avait si peu de clarté, qu’on ne pouvait ni lire ni distinguer de petits objets. Après avoir fait sa prière, elle se mit au travail. Tout le monde sait quelle dextérité exige une tapisserie en soie représentant un sujet. Le défaut de lumière présentait déjà une grande difficulté, et certainement une personne daus l’état ordinaire n’aurait pu travailler dans de pareilles conditions ; les meilleures ouvrières en ce genre ne travaillent qu’au métier et avec un modèle qu’elles sui-

vent point par point. On conçoit quelle prodigieuse difficulté il y a pour travailler sans modèle, comme un peintre qui, avec son pinceau, suit les lignes que lui trace son imagination. Ce n'est pas tout : ceux qui font de la tapisserie, choisissent un fil d'une certaine nuance, et l'employent pour revêtir un certain espace. Mlle Marie, au contraire, procédait par rangée horizontale, en allant de bas en haut, et était obligée ainsi, en faisant une rangée, de changer continuellement de soie. Il semblait que par là elle ait voulu augmenter à plaisir la difficulté. Il faut remarquer qu’elle n’avait tracé sur son canevas aucune esquisse, quelle n’avait mis aucun jalon, et que les points qui semblaient faits au hasard, se trouvaientce-pendant reliés harmonieusement et reproduisaient l'ouvrage conçu par l’artiste.

J'assistai à deux des séances : il y avait, outre M. le docteur Garcin, son frère, M. Marius Garcin, rédacteur de l'Amidelà Riligion, M. le capitaine Boisson, M. l’abbé Lavigerie, professeur à la Faculté de théologie, MM. Moland et d’Héricault, littérateurs distingués, M. Fauconnier, docteur en droit, et plusieurs autres personnes. La noctambule, tout en travaillant, se parlait à elle-même ; quand on la questionnait, 011 éprouvait quelque peine à se faire entendre, on y parvenait néanmoins, et elle répondait brièvement sans perdre un coup d'aiguille. Unefois, je fis éloigner la lampe, on se trouva dansune obscurité complète; seulement, comme les volets n’étaient pas fermés, il pénétrait par les fenêtres une très petite quantité de lumière. Mlle Marie dit alors : Ah I voilà la lune qui se cache. » Et elle continua de travailler sans paraître gênée le moins du monde.

Quand elle avait répondu à quelque question, elle paraissait oublier, un instant après, qu’il y eût du monde dans la salle, et elle se parlait à elle-même comme si elle eût été seule.

A la fin de chaque séance (dont la durée était d’environ quarante minutes), elle se levait et allait dans l'appartement chercher quelque cachette pour y mettre son ouvrage, puis elle allait se coucher tranquillement. Dans l'état de veille,

elle ne conservait aucun souvenir de ce qu'elle avait fait la nuit. Dans son sommeil magnétique, elle se rappelait ce qui s’était passé dans son état de noctambulisme; mais il n'v avait pas réciprocité, autant qu'on peut en juger par les quelques paroles qu’elle prononce dans ce dernier état. On ne put faire à ce sujet d'expérience suivie, parce qu'on observa que, quand on multipliait les questions, elle était contrariée; elle tenait, avant tout, à suivre son travail et elle ne voulait pas que son attention en fût détournée.

Quand elle avait fait une certaine largeur de tapisserie, elle la roulait, en ne laissant déroulé que la partie du canevas vide et celle où se trouvaient une ou deux rangées de points, de sorte que l'on ne pouvait se faire une idée de l’exécution, ni juger du degré d’avancement de son travail. Quelquefois, par suite d'observations qu'on lui fit, elle annonça qu'elle allait modifier sou plan, changer les dispositions des arbres, disposer les nuages, etc.

On était impatient de voir le résultat. Enfin, au moment qu’elle avait annoncé d’avance, elle déplia sa tapisserie, la couvrit de papier avec soin, fit une prière d’actions de grâces et alla se coucher. Dès qu’elle fut partie, on découvrit le tableau et l’on fut frappé d’admiration à la vue de cette œuvre reinarguable. C'est un paysage gracieux, où les teintes sont ménagées avec beaucoup d’art ; la perspective est charmante. Comme on avait exactement pris note du temps qu'elle avait employé, 011 trouva que le total montait à cinq heures un quart. Une dame qui se trouvait là, et qui est experte en ces sortes de travaux, assura qu’une bonne ouvrière, ayant un modèle et travaillant, bien entendu, à la lumière, aurait eu besoin d’au moins cent heures pour exécuter un pareil ouvrage. On voit donc que la noctambule, pour arriver à un tel résultat dans les circonstances que nous avons décrites, a dû jouir de facultés exceptionnelles.

Elle a depuis fait deux autres tableaux de tapisserie en opérant de même. Pour l’un d’eux, il y eut une particularité qu’il est bon de noter : étant dans le sommeil magnétique, elle discuta d'avance avec son magnétiseur le sujet et

les détails du tableau qu’il s’agissait de faire, et elle se conforma à toutes ses indications. On eut donc par là la certitude qu’elle ne pouvait pas suivre un modèle qu’elle aurait étudié en secret, mais qu'elle travaillait en artiste, tout en se mettant dans les conditions d’une excessive difficulté.

A. S. Morin.

VISION.

Nous extrayons de la Chronique de la Patrie du 12 juillet 1859 le récit de la vision du maréchal Blücher. Nous avons déjà publié dans le journal d’autres faits du même genre ; ils peuvent jeter quelque lumière sur la voyance et les conditions qui font naître cet état singulier :

« Le maréchal Blücher venait d’atteindre sa soixante-quatorzième année, lorsqu’il se résolut à se retirer dans ses terres dans un de ses châteaux. Là, un étrange changement se manifesta dans son caractère -, la solitude et l’obscurité lui faisaient peur, la moindre indisposition lui causait une terreur qui tenait presque du délire, il s'entourait de soins et de précautions exagérés. Aussi ne tarda-t-il pas à devenir sérieusement malade. « Mes enfants, répétait-il sans cesse à ceux qui l’entouraient, ne m’abandonnez pas, de peur que j’attente à mes jours. »

Au mois d’août 1810 , il alla passer quelques jours auprès du prince de Schw&rzemberg, et il le quitta brusquement sans même le prévenir de son départ. Arrivé à Krieblo-witz , il ne put continuer son voyage , comprit, non sans désespoir, qu’il allait mourir, et témoigna un désir ardent de voir le roi de Prusse. Celui-ci se hâta d’accourir près du mourant.

— Sire , lui dit Blücher, je savais que vous assistiez dans les environs à une revue d'automne ; j’ai voulu vous

voir pour vous confier un étrange secret. Cependant, avant que je vous le dise, daignez me regarder avec attention et vous bien assurer que je jouis de toute ma raison.

I.orsqn’en 1756, la guerre de sept ans éclata, mon père , qui habitait ses domaines de Gross-Renzow, m’envoya avec mon frère chez une de mes parentes, la princesse de Kraswisk, dans l'ile de Rugen. J’avais alors quatorze ans. Après quelque temps passé dans la vieille forteresse sans recevoir de nouvelles de ma famille, car Gross-Renzow et les pays environnants étaient devenus le théâtre de la guerre, j’entrai au service de la Suède dans un régiment de hussards. Je fus fait prisonnier à l’affaire de Suckow, et le gouvernement prussien me pressa de prendre du service dans ses armées. Je résistai durant une année; bref, je n’obtins ma liberté qu’en acceptant le grade de cornette dans le régiment des hussards noirs.

Je me réservai toutefois un congé de quelques mois , car, depuis trois années, de cruelles inquiétudes m’obsédaient sur le sort de ma mère et de mes sœurs. Je partis donc pour Gross-Renzow.

Je trouvai sur mon passage toute cette partie du Mec-klembourg-Schwerin horriblement ravagée. Comme ma voiture ne montait que lentement et avec difficulté la route escarpée qui conduisait au domaine de mes aïeux, je descendis de la chaise de poste, je me fis amener un cheval, et je partis à franc-étrier, suivi d’un seul domestique. C'était, il y a cin-quante-neuf ans, jour pour jour, le 12 septembre, et à peu près à l’heure que marque cette pendule : onze heures et demie. Une tempête horrible mugissait à travers les bois, la foudre éclatait, les éclairs brillaient et la pluie tombait à flots. Après avoir erré longtemps dans la forêt, j’arrivai devant la porte du château, et là, je m’aperçus que j’étais seul et que mon domestique ne m'avait pas suivi ; la tempête et l’obscurité lui avaient sans doute fait perdre mes traces.

Sans descendre de cheval, je frappai du manche de mon fouet contre la porte, revêtue de lames de fer et toute hérissée de gros clous. On ne répondit point à cet appel. Je recoin-

mençai trois fois inutilement. Alors, perdant patience, je mis pied à terre... La porte s’ouvrit d’elle-inêine.

Après avoir traversé l’avenue, je gravis le perron et pénétrai dans l’intérieur du château. Rien 11’était éclairé; aucun bruit ne frappait mon oreille... Je l’avouerai, mon cœur s« serra, et un frisson parcourut tous mes membres.

— Quelle folie! me dis-je. Le château est inhabité, ma famille l’a quitté en môme temps que moi et n’y est sans doute point revenue depuis notre départ général. N’importe! Puisque me voici dans ces lieux abandonnés, il faut que je m’arrange pour y passer la nuit le moins mal possible.

En me disant cela, je traversai plusieurs pièces et j’arrivai dans la chambre à coucher de mon père. Un feu à demi éteint brûlait sous les cendres de la cheminée. A sa lueur douteuse et vacillante, je reconnus mon père, ma mère et mes quatre sœurs, assis autour de l’âtre et qui se levèrent à ma vue. Je voulus me jeter dans les bras de mon père; mon père m'arrêta par uu geste solennel. Je tendis les bras à ma mère ; ma mère recula par un mouvement mélancolique. J'appelai de leurs noms chacune de mes sœurs; mes sœurs se prirent parla main, sans me répondre. Puis tous se rassirent.

— Ne me reconnaissez-vous point? m’écriai-je. Est-ce de la sorte qu’une famille doit recevoir un fdset un frère, après tant d’années de séparation? Avez-vous donc appris que je suis entré au service de la Prusse? Je ne pouvais faire autrement; ma liberté, le bonheur de vous revoir, étaient à ce prix ! Songez donc que depuis seize ans je n'ai point reçu de vos nouvelles! Séparé de vous par des guerres sans relâche , au service de la Suède, prisonnier de guerre, rien ne venait jusqu’à moi pour calmer mes inquiétudes et mes doutes.

Eh quoi ! mon père, vous ne répondez pas? Ma mère, vous gardez le silence! Avez-vous oublié, mes sœurs, la tendresse et les jeux de notre enfance? ces jeux dont ces lieux ont ôté tant de fois témoins?

A ces dernières paroles, mes sœurs parurent s’émouvoir. Elles se consultèrent, se levèrent et me liront signe d'approcher. L’une d’elles s’agnouilla devant ma mère, et cacha sa

tùie sur ses genoux, comme si elle eût voulu jouer à la main chaude. Surpris de cette étrange fantaisie dans un moment d’une (elle solennité, je n’en touchai pas moins légèrement, du l'ouet que je tenais, la main de ma sœur.

Une force mystérieuse me poussait à faire cela.

Alors ce fut mon tour à cacher ma tète sur les genoux de ma mère. O terreur ! je sentis à travers les étoffes de soie de ses vêtements des formes anguleuses et froides; j’entendis un bruit sec comme celui d’ossementsquis’entre-choquaient... Une main se jeta dans ma main..-. Cette main y demeura... C’était celle d’un squelette! Je me relevai en jetant un cri d’horreur. Tout avait disparu, et il ne me restait de cette épouvantable vision que les débris humains que je serrais convulsivement.

Hors de moi, je m’élançai dans la cour, j’y retrouvai mon cheval, et, après être montéen selle, je partis au grand galop, marchant au hasard à travers la forêt. Au point du jour, mon cheval s’abattit sous moi et mourut. Je tombai moi-même sans connaissance; mes gens, inquiets de ma disparition, me retrouvèrent au pied d’un arbre, sous mon cheval et la tête brisée. Je faillis mourir, et ce ne fut qu’après trois semaines de fièvre chaude, d’agonie et de délire, que je revins à la raison. Alors seulement j’appris que toute ma famille avait péii victim:*. dans la guerre sans pitié qui avait désolé le Luxembourg, et que le château de Gross-Renzow avait été pillé et saccagé à diverses reprises.

A peine convalescent, je me rendis une seconde fois au château pour rendre les derniers devoirs aux dépouilles mortelles de ma famille. Les plus scrupuleuses recherches ne parvinrent point à me faire découvrir ces restes sacrés, line main seule, une main de femme entourée d’une chaîne d’or, gisait dans la chambre où la fatale vision m’avait apparu. Je pris la chaîne d’or : la voici. La main fut déposée dans l’oratoire du château.

Il y a trois jours, je dormais étendu dans ce fauteuil où vous me voyez, quand un léger bruit m’éveilla. Mon père, ma mère

et mes quatre sœurs se tenaient devant moi, comme jadis au château île Gross-Renzow.

Ils se prirent par la main et tournèrent lentement autour de mon fauteuil.

— Justice! dit mon père.

— Pénitence ! murmura ma mère en penchant sur moi sa tête désolée.

— Prière! fit la plus jeune de mes sœurs.

— Glaive! soupira l’autre.

Puis j'entendis la troisième qui disait :

— Douze septembre.

Et la dernière ajouta :

— A minuit !

Ils tournèrent ainsi trois fois autour de moi en répétant les mêmes paroles. Après quoi ils unirent leurs voix funèbres pour s'écrier :

— Au revoir ! au revoir!

Je compris alors que madestinéeallait s’accomplir, et qu'il ne me restait plus qu’à recommander mon âme à Dieu et ma famille à Votre Majesté.

— Mon cher maréchal, dit le roi, pensez-vousque la fièvre et le délire ne soient pour rien dans ces deux visions? Prenez bon espoir. Vous guérirez bientôt et vous vivrez longtemps encore... N’est-ce pas que vous m’en croyez? Allons, donnez-moi votre main.

Comme Blücher ne répondait pas, le roi de Prusse prit la main du vieillard dans la sienne.

Cette main se trouvait glacée et minuit sonnait.

Le feld-maréchal Gerhart Lebrecht de Blücher venait de mourir. «

Sam.

MAGNÉTISATION DES OISEAUX.

Nous trouvons dans Y Union le compte-rendu suivant d’une séance de magnétisme ornithologique, donnée à Paris par AI. Tréfeu :

« Un petit salon meublé avec autant d’élégance que de sim -plicité a été transformé en salle de spectacle. Quelques personnes privilégiées occupent les banquettes du parterre. La scène, transportée sur une table, est cachée par un rideau de satin vert. Le rideau se lève, et une volière vide s’olïre à nos regards. Elle est faite avec un soin tout particulier et un luxe qui dit assez l’importance des comédiens. Le régisseur, M. Tréfeu, connu par quelques opérettes jouées avec succès, introduit les acteurs l’un après l'autre. Le premier est un petit bouvreuil aux plus riches couleurs, le second un de ces oiseaux d'Amérique à la huppe d’un rouge éclatant et que l’on nomme communément cardinal, le troisième, un serin qui tient à prouver qu’il ne l’est pas autant qu’on pourrait le croire, etle quatrième enfin, un bouvreuil un peu moins gros que le précédent. Chacun de ces oiseaux occupe un compartiment particulier de la volière, devant laquelle se trouvent, dans un casier long et plat, plusieurs centaines de cartes

Sressées les unes contre les autres et portant soit les figures u jeu de cartes , soit celles du domino , un grand nombre de prénoms d’homme et de femme , des chiffres et des mots tels que : Oui, non assez, etc., etc.

« On comprend que nous allons assister à une séance d’or-nillionuincie; un volume de M. Uelaage, le Monde occulte, ou Mystère du magnétisme, donne les explications suivantes : En

1 S/1/1, Ai. Tréfeu se lia en Angleterre avecun jeune homme qui, ayant vécu longtemps sur les bords du Gange, avait appris des Indiens à magnétiser les oiseaux et à obtenir des réponses frappantes. C’est au moyen du môme procédé que Al. Tréfeu est arrivé aux résultats les plus étranges.

« Voici cou ment il procède. 11 prend un oiseau dans son état le plus sain, le plus normal ; pendant plusieurs jours, il le soumet ii un régime progressivement débilitant, à l’aide

d’une liqueur propre à développer excessivement sa sensibilité nerveuse. Lorsque l'oiseau a atteint le degré voulu d'impression Habilité, il l'emprisonne dans une de ses mains, puis, après lui avoir soulevé les plumes par le souille, il glisse les doigts de l’autre main contre sa peau; après un temps calculé pour que son corps se soit emprégné de sa chaleur animale, il lui infiltre peu à peu, sous forme de fluide magnétique , son esprit, sa volonté, sa vie. Malheureusement, s'il dépasse la quantité voulue, il en résulte une asphyxie instantanée ou une crise nerveuse presque toujours fatale.

« Si l'oiseau résiste à ces premières épreuves , il arrive avec le temps (car à cespetils êtres si délicats, le fluide doit être donné à doses répétées, mais faibles) à passer au sommeil magnétique, au somnambulisme et à la catalepsie. Pour arriver à ce troisième degré, il faut en moyenne trois mois de travail d’une heure par jour. Tous les oiseaux ne jouissent pas de la faculté cataleptique ; dans la même espèce, on obtient un sujet parfait sur quatre. Le sujet soumis tout àfaitàson action magnétique fera instantanément, sans aucun signe de sa part, la plus difficile transmission de pensée, et atteindra de plus en plus à un degré de lucidité tel qu’il devinera ce qu’ignore son magnétiseur. »

—Cetextrait nous avait jeté dansleplusprofond étonnement, et nous avons voulu nous convaincre de la vérité de ces assertions. Pour la première expérience, un dé est remis aux mains d’une personne de la société. Elleest priéede choisir l’une des faces du dé et de le tourner devant elle, de manière à ce que l’oiseau voie bien dans quelle main il se trouve. M. Tréfeu fait ensuite sortir l'un de ses acteurs et lui demande s’il peut deviner le nombre porté sur la face du dé tournée du côté de la personne désignée. L’oiseau se promène un moment sur les cartes pressées et mêlées comme nous l'avons dit, et enfin avec son bec et avec de grands efforts, il en tire une qui porte le mot : Oui.

«—Cherchez,lui dit alors le magnétiseur. L’oiseau cherche et au bout de quelques instants, il tire une carte portant la face du dé pareille à celle qui a été choisie.

«Seconde expérience: Une personne C3t priée d’écrire son nom sur l’une des cartes du casier, qui est ens iite mêlée aux autres.

« — Trouvez la carte que j'ai placée dans le casier, ordonne-

.-on ii l’oiseau. La petite bête cherche et finit par la tirer du milieu des autres.

« — Quel est le prénom écrit ici ? lui demande encore AI. Tréfeu. Après quelques instants, l’oiseau amène une carte sur laquelle se trouve le prénom de Claire. C’est celui qui a été écrit. Cette expérience, renouvelée deux fois, a toujours réussi.

«Troisième expérience : Une pièce d’argent est placée dans la main d’un des assistants, qui met sur le papier la valeur, l'effigie et le millésime de la pièce. Ce millésime est multiplié par un chiffre connu seulement de la personne qui tient la plume. L’oiseau devra deviner non-seulement la valeur, l’effigie et le millésime de la pièce, mais encore le produit de la multiplication, et enfin le chiffre par lequel elle a été faite.

« 11 amène une première carte « non , » par laquelle il fait connaître qu’il ne peut deviner. C’était le bouvreuil qui avait donné cette réponse. 41. Tréfeu le fait entrer. Le cardinal sort et tire l’une après l’autre des cartes qui laissent voir le chiffre de 5 fr., l’effigie de la République, le millésime de 1851, le produit de la multiplication 3,702, et enfin le chiffre

2 multiplicateur. Tout s’est trouvé conforme.

« Nous ne parlons pas ici des tours de cartes qui sont aussi merveilleux. 11 y aune autre expérience encore pluscurieuse: chacune des personnes de la société pose sur un papier une question. Le papier est plié en quatre et mis dans un chapeau. Le magnétiseur, qui ne connaît pas la question, prend un des papiers pliés et demande à l’oiseau de répondre à ce qui lui est demandé. « Oui, répond-il. — C’est une réponse banale, dit M. Tréfeu. Répondez autrement. » L’oiseau demeure embarrassé, puis il tire un L, puis un A, et il forme ainsi l’amitié. On ouvre le papier, il portait : « L’or et les grandeurs donnent-ils le bonheur? L’oiseau avait voulu dire que l'amitié était préférable. »

« A une question posée de la même manière, l'oiseau sort la lettre N et déclare ensuite ne pouvoir continuer. Pendant ce temps, l’un de ses camarades bat violemment aux barreaux de sa cage. Tandis que l’un rentre, l’autre sort et vient former le mot volonté, en omettant l’.N déjà sorti. La question posée était celle-ci : « Quelle puissance le fait agir ? »

« Les expériences se sont arrêtées là. Mais à d’autres questions les oiseaux ont toujours répondu de la même manière, avec autant de lucidité et d’à-propos. On aurait tort de croire que c’est là le fruit d’une éducation longue et cruelle pour

eux ; ce serait déjà fort beau d’obtenir de tels résultats, ci il faudrait une patience surhumaine. Mais ils n’agissent que sousl’inlluen e du magnétisme, et ne sont pas mêm ; apprivoisés. Aux heures où ils ne travaillent pas, ils chantent, boivent et mangent, semblant, comme tous leurs pareils mis en cage, ne demander qu’une chose : la liberté.

« Tout cela n’est-il pas merveilleux ? Il a fallu creuser profondément dans les secrets de la science pour arriver à des faits pareils. Ils sont communs cependant chez les Indiens, et M. Tréfcu aura la gloire d’avoir le premier mis en usage en Europe ces pratiques magnétiques qui donnent de tels résultats. Qu’y a-t-il au fond de tout cela? Question terrible. L’oiseau répond lorsqu'on lui demande « qui le fait agir » : Volonté. A l'homme de se dire : Volonté de qui ?

« L. Ernest Daidé. »

Voici, en outre, l’appréciation des mômes expériences faite par M. Albert de la Fizelière, et extraite d’une chronique du Courrier de Paris du mois du mars.

ci On s’est toujours intéressé à ce qui pouvait dénoter chez les animaux quelque chose de supérieur à l’instinct que la plupart des philosophes s'accordent à leur attribuer, à l’exclusion de toute autre capacité plus noble et plus perfectible.

C’est toujours aussi avec une extrême circonspection qu:; des observateurs plus libéraux ou plus larges dans leurs vues ont donné à penser que ces êtres, placés au-dessous de nous sur l'échelle de la création, pourraient bien participer, au moins d'une manière rudimentaire, à nos attributs intellectuels.

La littérature française possède quelques traités timides sur l'âme des bêles ; le père Bougeant, plus comme ami de Gresset et commensal de M. de Chauvelin que par l’importance de ses œuvres, a failli encourir de cruelles disgrâces pour s’être amusé à chercher, sous le voile de l’anonyme, s’il ne serait pas possible de constater que les animaux se communiquent, sinon des pensées, au moins des sensations et des volontés.

De nos jours, un écrivain spirituel, un observateur qui a passé la plus grande partie de sa vie à la campagne, à la chasse

et toujours à portée J'éiudier les mœurs des animaux à l'état domestique on à l'état sauvage, Alphonse Tousscnel, n’a pas hésité à intituler un beau livre : Y Esprit des bêtes, et il a si bien fait, qu’il a eu le talent d’amener à son opinion la plus grande partie de ses lecteurs.

Le fait est que les acquisitions récentes de la science, •— bien qu’on les ait peut-être trop facilement flétries du nom d’empirisme, — tendent à prouver qu’il y a entre tous les êtres de la création une sorte de solidarité dont on sera sans doute amené un jour à découvrir les mystères.

L'étude des sciences de l’antiquité et des mæurs des civilisations antérieures de l’Asie nous démontrent à chaque instant des détails curieux sur les relations des prétendus sorciers avec les animaux et sur le rôle que ceux-ci jouaient, en Orient, dans les sciences occultes. Nous ne devons donc pas nous étonner des tentatives qu’on fait aujourd’hui pour renouveler ces phénomènes en les rattachant scientifiquement à ceux dont le magnétisme animal constate l’existence.

Les esprits habitués depuis cinq ou six ans avec les prodiges vulgarisés du somnambulisme, des tables tournantes, des esprits frappeurs, ne voient pas très-clair dans la nuit dont ces merveilles sont encore enveloppées ; mais ils en acceptent du moins la possibilité et n’attendent pins que des preuves entièrement dépouillées de charlatanisme pour en proclamer le principe.

Un savant modeste et infatigable, qui travaille dans la solitude et le silence depuis uue douzaine d’années, a enfin obtenu, après bien des tâtonnements et des déconvenues, des résultats irrécusables, ces résultats réunissant une somme de faits suffisante pour établir que l’homme possède sur les oiseaux une action magnétique d’une puissance telle qu’il peut acquérir le don de leur imposer sa volonté et bien plus de développer en eux une lucidité dont les manifestations tiennent du prodige.

Sûr désormais de sa puissance et convaincu qu’elle appartient à un ordre de phénomènes que la science ne tardera pas à s’approprier, il n’hésite plus à rendre publiques les ex-

périences qu il a répétées pendanI si longtemps dans le mystère de son cabinet.

Il m’a été donné d’y assister plusieurs fois depuis quinze jours et je dois déclarer que je suis sorti émerveillé des séances d’ornithomancie auxquelles M. Tréfeu a bien voulu m’inviter.

Avant-hier soir encore, M. Tréfeu a renouvelé devant dix 011 douze personnes, avec un succès qui ne s’est pas un instant démenti, des expériences qui avaient également réussi mardi dernier chez M. Léouzon-Leduc, en présence d’une nombreuse réunion de littérateurs et de savants.

Les acteurs de ces curieuses représentations étaient quatre jolis oiseaux d’Amérique, dont le plumage bizarre et les couleurs splendides ajoutaient encore à la singularité du spectacle.

C’était un cardinal, deux calfats et un verdier du Brésil, Leur gentillesse est égale à leur'esprit et à leur savoir.

Ces oiseaux sont enfermés chacun dans une des chambres d’une cage à compartiments. En avant de la cage est un casier de forme allongée dans lequel sont placés, sur champ, sans ordre et au hasard, six ou sept cents cartes portant des lettres de l’aphabet, des chiffres, des noms propres d’hommes et de femmes, des cartes à jouer, des points de dés, des dates connues, des valeurs de monnaies, etc.

Une dame prend un objet et le garde par devers elle. M. Tréfeu ouvre la cage au calfat n» 1, et lui ordonne de désigner ce que cette dame tient à la main. L’oiseau tire du casier, avec le bec, une carte portant le mot : dé.

— Quel est le point que madame a choisi ? demanda M. Tréfeu , après avoir prié la dame de regarder une des faces du dé.

Le calfat tire du casier une carte portant deux points; précisément le nombre choisi.

Une autre dame écrit son nom sur une carte marquée pour être reconnue. Cette carte est remise au hasard parmi celles du casier. Sur l’invitation de M. Tréfeu, le cardinal sort de sa cage, et retrouve cette carte, après quoi il tire du casier le nom de Sorti, imprimé qui faisait partie de la série des noms propres.

L’expérience est renouvelée par une autre personne qui se nomme Nadine. Le cardinal tire le nom tout fait de Nadia, diminutif russe du premier, et complète sa réponse en v ajoutant les lettres n et •, et en retranchant la lettre a.

On me prie de prendre une pièce de monnaie, et l’on demande au cal fat n° 2 la valeur de celle pièce, l'effigie et le millésime. L’oiseau répond : Dix francs, Napoléon III 1857; c’était exact. Je multiplie ce millésime par une unité, je retranche deux chiffres du produit ; l’oiseau, à l’aide dos chiffres tracés sur les cartons, me dit que j’ai multiplié 1857 par 7, que le produit est l 2,999, dontj’ai retranché 1 et 9, le premier et le dernier chiffre. Rien n’était plus vrai.

On prend un jeu de piquet. Une des personnes présentes le môle, coupe et garde le jeu dans la main.

Quatre autre personnes choisissent les nombres 3, 7,11 et 22.

— Quelle est la troisième carte du jeu? demande M. Tréfeu au verdier; et celui-ci, plus habile que M. de Caston,— car il n’a pas manié les cartes, et n’a pu faire sauter la coupe,

— répond avec assurance : Huit de cœur. — La septième?

— Dix de carreau. — La onzième? — Neuf de pique. — La vingt-deuxième? — Valet de cœur.

Il ne s’était pas trompé une seule fois.

Voici le plus fort :

Trois questions sont écrites sur trois carrés de papier. Ces papiers sont pliés, roulés et jetés dans un chapeau.

On en tire un, que M. Tréfeu serre dans sa main fermée, sans l’avoir lu.

Savez-vous quelle question renferme ce billet? i

— Oui, répond l’oiseau.

— Voulez-vous y répondre?

— Oui.

— Répondez.

L’oiseau forme lettre par lettre le mot Dieu.

On ouvre le papier, il contenait cette question : — Qui vous a instruits?

On tire le second billet, et la même cérémonie recommence avec le cardinal. Le cardinal reste immobile.

— Savez vous quelle est la question qu’on vous adresse?

-Oui.

— Voulez-vous y répondre ?

— Non.

— Répondez, je le veux I

Le cardinal s’agite, marche en piétinant, s’impatiente, et (luit par tirer avec rage uu carton portant ce mot : « Assez. »

Le billet ouvert, il contenait une question de controverse religieuse.

Le cardinal s’abstint scrupuleusement de faire connaître son opinion sur les affaires de son temps.

Le troisième billet demandait : u Sous quel ciel es-tu né?

Le verdier repondit « Amérique. »

On apporte une lettre à M. Tréfeu. Un passage complètement illisible interrompt le sens.

M. Tréfeu demande au cardinal de déchiffrer ce griffonnage et sans hésiter, le cardinal compose ces mots : « en passant rue Pigal. »

Robert-Houdin se trouvait mardi chez M. Léouzon-Leduc, tandis que M. Tréfeu faisait ses expériences. Quand il eut terminé la séance, le célèbre prestidigitateur s’approcha de lui et lui dit :

— Vous êtes fort, monsieur : je connais tous les trucs, et cependant voilà deux heures que je vous observe sans pouvoir découvrir le vôtre.

11 est certain que si M. Robert-Houdin se place au point de vue de la physique amusante, il ne découvrira jamais le truc de M. Tréfeu.

Mais Robert Houdin ne croit pas au magnétisme.

Quant à moi, croyant ou non croyant, je suis ébloui par l’évidence des faits, et j’attends que de plus savants trouvent la clef de ce mystère; en attendant, je le tiens pour un miracle irrécusable.

Baron du POTET, propriétaire-gérant.

CONTROVERSES.

L’AME HUMAINE PEUT-EIXE ÊTRE DÉMONTRÉE PAR LE MAGNÉTISME?

« Monsieur le baron,

, « Le sujet que nous allons aborder dans cette lettre, mais en ne faisant que l'effleurer toutefois, étant de nature à choquer bien des esprits, nous nous empressons de prévenirkle lecteur que. nous sommes loin de vouloir renverser une doctrine reconnue depuis longtemps par plus de la moitié de la terre, et si nous osons la mettre un instant en doute, si parfois nous paraissons même la combattre avec assez de force , ce n’est au fond que pour «engager les plus fervents apôtres de Mesmer à descendre dans les profondeurs de la sublime science qu’il nous a léguée, afin d’y chercher ce que nous n’avons malheureusement pu jusqu’ici y trouver nous-même î et s’ils sont plus .heureux que mous, c’est-à-dire s’ils reviennent de leur noble, mais périlleuse excursion avec des armes plus fortes et mieuic acérées que les nôtres, si enfin ils remportent sur nous la victoire, bous ferons aussitôt amende honorable, et remercierons sincèrement nos adversaires, ou plutôt les avocats de cette grande cause, de nous avoir fait rentrer l’espoir au cœur, en dissipant l’épais nuage qui obscurcissait notre vue, déjà bien faible par elle-même.

« Mais il est bien entendu que dans ce débat on n’emploiera aucune des argumentations de l'école ; que surtout on ne touchera en rien à ce que nous enseigne notre sainte religion, et qu’on n'aura recours qu’à ce que le magnétisme peut offrir de plus concluant, de plus probant k cet égard dans sa partie psychologique.

« Gela dit, nous terminons ce petit préambule pour entrer franchement dans la question.

Tome SVltt. — N° 65. — 2»Série. — 10 Aoci 1859. (5

(i Depuis que nous nous livrons à l'étude et à la pratique du magnétisme, dont nous cherchons de plus en plus à approfondir les mystères, une pensée nous a toujours fortement préoccupé, souvent même obsédé. C’est qu'aussi cette pensée, chaque fois qu'elle se présente à notre esprit, est comme un feu brûlant qui nous dévore, car elle porte sur un point de métaphysique tellement grave, que presque tous les autres, aussi importants qu’ils puissent être, disparaissent devant lui. Enfin, nous ne cessons de nous demander si le magnétisme, darts ce qu’il a de plus transcendant, peut nous prouver à posteriori qu’une émanation essentielle de la Divinité nous anime, ou plutôt, ce que nous préférerions, qu’une substance immatérielle, une intelligence distincte est en nous, et que cette même substance, grâce à son immatérialité, prolongera éternellement l’existence de notre être au délà du tombeau.

« Ce qui revient à dire : L'âme humaine peut-elle être démontrée par le magnétisme?

« Quant à nous, qui ne marchons qu’à pas chancelants dans le champ aussi vaste qu’obscur de la métaphysique , nous sommes forcé d’avouer que tout ce que nous avons magnétiquement tenté jusqu’à ce jour pour arriver à cette solution , ne nous a nullement satisfait, et que nous craignons, hélas ! si 1 on ne vient à notre aide, de ne pouvoir sortir du labyrinthe dans lequel nous nous sommes peut-être un peu trop témérairement engagé.

« Et si nous avons échoué dans nos recherches, si la moindre clarté n’est venue briller à nos yeux , si, en un mot, nos tentatives ont été vaines, nous devons ajouter, car il faut bien le dire, que tout ce que nous avons lu sur ce sujet dans les magnétistes spiritualistes nous a paru si faible, que nous n’avons pas même cru devoir les réfuter. Quoi qu’il en soit cependant, si la vérité jaillit toujours du choc des opinions, nous voudrions bien entrer aujourd’hui en lice avec eux, espérant toutefois que pour nous combattre ils se serviront d armes aussi courtoises que celles dont nous avons accoutumé de faire usage en pareille circonstance ; car lorsqu’une

discussion , surtout de ce genre, prend des formes tant soit peu acerbes, la question s’envenime, et il n'y a plus moyen de la résoudre.

i Prenons donc ce que nous avons trouvé de moins faible sur la matière, et voyons si le passage que nous reproduisons textuellement peut véritablement prouver l'existence de l'âme humaine.

« Preuve de l'existence de l’âme par le magnétisme animal. »

« La plupart des médecins et des physiologistes sont ma-« térialistes, parce qu'ils ne reconnaissent dans l’homme que « la matière et la force vitale ; tandis que les magnétiseurs « sont forcés de reconnaître un troisième principe, qui est « l’âme, et voici comment :

« Lorsqu’on magnétise, on se fatigue; si, ne tenant pas « compte de cette fatigue, on continue à magnétiser sans s’ê-« tre reposé, il est évident qu’une grande perte de forces « s’ensuivra. Cependant, aussi fatigué qu'on soit, les facul-« tés intellectuelles seront toujours les mêmes, au lieu de « s'épuiser dans la même proportion, comme cela ne man-« querait pas d'avoir lieu , si, d’après l’hypothèse des rnaté-k rialistes, l’âme n’était autre que la force vitale. »

« Quant au matérialisme de la plupart des médecins et des physiologistes , nous pouvons assez victorieusement réfuter cette assertion qui nous semble des plus fausses, mais nous ne le ferons qu’après nous être catégoriquement expliqué, pour ne pas avoir l’air de nous contredire dès le début même de la lutte.

« Certes, si l’âme n’était autre chose que la force vitale, l’auteur de l’article précité aurait raison de dire qu’en se fatiguant par l'action magnétique , les facultés intellectuelles s’épuiseraient dans la môme proportion que ladite force ; cela est clair et trop simple pour ne pas être compris à l'instant. Mais s’il n’en est pas ainsi; si, indépendamment de la vitalité, une autre force est encore en nous, s’ensuit-il qu’il faille absolument admettre l’âme humaine, c'est-à-dire lame iiuli-

\ iùuelle ? Nous ne Je croyons jtas, car la conséquence ne nous semble point rigoureuse.

a Sans vouloir répéter ce qui a été dit tant de fois, chose d'ailleurs très-admissible, qu'on ne saurait refuser à Dieu le pouvoir de donner la pensée à la matière, — hypothèse qui, transformée en vérité, serait déjà assez forte sinon pour annihiler complètement, mais pour affaiblir considérablement du moins la preuve que cherche à établir l'écrivain que nous combattons en ce moment, — nous dirons que si deux substances distinctes constituent l'homme, l'une matérielle et l’autre immatérielle, ce que, du reste, nous admettons sans peine, rien toutefois, pas plus magnétiquement que philosophiquement , selon nous, ne donne une preuve certaine de l'existence de l’àme individuelle ; tandis que presque tout, au contraire , semblj attester d’une manière irréfragable qu’une seule âme anime le monde entier en le pénétrant de toutes parts, et ce principe, moteur et plastique à ¡la fois, serait alors ce qu’on peut appeler avec raison l’âme universelle.

« Quoique nous sachions fort bien tout ce qu’on a pu dire jusqu'ici de plus fort contre ce système, que nous connaissions tous les arguments plus ou moins logiques dont on s’est servi pour le renverser, nous persisterons cependant à le soutenir tant que les magnétistes, mais les magnétistes seuls ne nous auront point fait revenir de l’erreur dans laquelle nous sommes peut-être plongé.

« Expliquons-nous maintenant, et tâchons surtout de nous faire comprendre de nos honorables collègues.

«Deux hommes sont en présence, l'un agissant magnétiquement sur l'autre. Dans ce cas, chacun de nous sait les phénomènes physiologiques plus ou moins étonnants qui se manifestent presque toujours. Comment les expliquer, ces phénomènes purement physiques? Par le mélange, ou plutôt la combinaison des deux fluides (1) ? Qu’on donne une autre

(I) Qu'on veuille bien se rappeler ici que Mesmer n’admet qu'un seul fluide rions la nature, modifié par les milieux qu'il traverse. Mais qu'on veuillo bien aussi comprendre — ce que Mesmer n’a pas dit — queco lluiile, devenu vital, est modifié lui-même à l’infini par les différents organismes dans lesquels il se trouve.

explication , si l’on veut ; que chaque magnétiseur en donne une toute différente, on sera toujours forcé de ne rien voir en cela que de physique. Mais comment analyser les phénomènes purement psychologiques qui se manifestent par le ma-gnétisms ? Dirons-nous qu’une âme agit seulement sur une autre âinc ? 11 faudrait pour cela , admettant que chaque liomme en ait une particulière, que les deux fassent absolument identiques , ce qui serait aussi impossible , qu’on nous passe cette comparaison, que de trouver deux feuilles semblables dans une forêt.

« Et si l’on nous dit, comme on le fera sans doute au premier abord, que nous tournons dans un cercle vicieux, puisque l’âme aussi bien universelle qu’individuelle est différente en chaque homme, nous nous empresserons de répondre qu’elle n’en est pas moins une de son essence , et qu’elle n’est modifiée, tout comme le fluide, que par les ceutres qui la recèlent.

« Mais, nous dira-t-on probablement encore, ne pourrait-il pas en être ainsi de l’âme individuelle dans tous les êtres (1)?

« Oui, quant à la modification, et non quant à l’essence ; car, dans l'hypothèse de l’âme individuelle, on sera bien forcé de reconnaître une âme différente pour chacun des différents règnes : l’âme de l’animal ne pouvant être entièrement identique à celle de l’homme, et cette dernière encore moins à celle de la plante et du minéral. Et cependant chacun de nous connaît le pouvoir magnétique de l’homme sur l’animal, sur la plante et même sur le minéral.

« On nous objectera peut-être que l'identité en question n’est pas rigoureusement nécessaire pour la production des phénomènes qui viennent chaque jour se révéler à nos yeux et confondre notre esprit, et que, par exemple, pour ce qui est de l’homme à l’égard de son semblable, une âme dure, cruelle, féroce même, peut agir sur une âme douce, tendre,

(1) Coque l’école péripatéticienne s’csl efforcée de poser en principe au moyen de l’entéléchic. Mais nous ne sommes d'aucune école, et nous croyons devoir répétor que nous ne cherchons il traiter cette question qu'au point do vue magnétique.

généreuse, et rire oersû; ce qui du reste, ajoutera-t-on sans doute, pour corroborer cette objection, se voit souvent dans la vie ordinaire.

« Ce dernier argument, que nous ne craignons point de produire nous-même, paraîtra au premier coup d’œil une arme très-forte dans la main de nos adversaires ; mais nous croyons qu’elle sera plus forte encore dans la nôtre , lorsque nous dirons que si, physiquement parlant, une corde pour vibrer en même temps qu’une autre doit être à l’unisson , il doit en être psychologiquement de même, et que dans l’hypothèse de 1 âme universelle, où l’unisson est parfait quant

l’essence, il est beaucoup plus facile de comprendre et d expliquer non-seulement les phénomènes ordinaires de la vie, mais encore ceux qui se produisent sous l’influence de l’action magnétique.

« Nous pourrions appeler analogiquement ici la phrénolo-gie à notre aide; cette science toute nouvelle pour ainsi dire et qui cependant croit déjà pouvoir n ous enseigner que l’esprit est un, et, qui plus est, que chaque homme en a reçu la même dose, le crétin comme le plus grand génie ; mais craignant de nous écarter un peu trop de notre sujet, auquel nous allons revenir à l’instant, nous laissons de côté cette proposition que nous chercherons peut-être une autre fois à élucider.

« Rien n’est donc plus rationnel, selon nous, que d’admettre, dans la question qui nous occupe , une âme unique animant tout dans la nature; et si nous avons été confirmé dans cette opinion , non-seulement en magnétisant des plantes, mais même des minéraux, notre conviction est devenue presque entière lorsque nous avons vu la matière dite inerte entrer en communication d’esprit avec nous. Ne faut-il donc pas pour cela que ce corps inorganique, cette table, par exemple, recèle le même principe moteur qui nous anime, et qui se met en vibration sous nos doigts par une espèce de surexcitation animique, et grâce en même temps à l’unisson parfait?

« Ah ! répondez-nous, chers et honorables collègues, et,

par un raisonnement plus solide que le nôtre, comme par des preuves aussi concluantes que possibles, faites rentrer la paix et surtout 1 espérance en notre âme, qui, grâce à vous, sera trop heureuse de se reconnaître individuelle.

« Nous ne voulons pas terminer cette lettre, tout en restant dans notre opinion, sans revenir un moment, ainsi que nous l'avons promis, sur le soi-disant matérialisme des physiologistes et des médecins.

n Non, nous en demandons bien pardon à l’auteur que nous avons osé combattre ici un instant, il est de toute im -possibilité qu'un médecin, qu’un physiologiste, tombent dans le matérialisme. '

« Nous en tirerons nos preuves de l’admirable phénomène de la mémoire.

« On sait que le corps de l’homme, jusqu’à un certain âge, se renouvelle entièrement tous les sept ans environ par le remplacement successif de toutes les molécules.

« Comment pourrait-il donc se faire alors, si nous n’étions que matière, qu'un vieillard, éloigné depuis fort longtemps de sa patrie, et qui aurait complètement oublié quelques faits particuliers de son jeune âge, se les rappelât tout à coup en revoyant le lieu de sa naissance ? *

« Or, puisqu’un tel souvenir serait physiologiquement impossible , il est également impossible qu'un physiologiste, qu’un médecin, soient matérialistes.

« Agréez , monsieur le baron, l’assurance de ma parfaite ■considération.

« Varsovie, le 19 juillet 1859.

« Charles Pébeyba. *

M. PARAMELLE.

Tout le monde connaît M. Pararaelle : depuis plus de trente ans, cet estimable ecclésiastique s’est livré avec une persévérance et une sagacité merveilleuses à la recherche des

sources d’eau et des signes auxquels on peut découvrir, d’après la configuration des terrains, non-seulement l’existence d’eaux souterraines, mais encore leur volume et la profondeur des couches à percer pour les atteindre. Il est parvenu à des résultats admirables ; une foule de localités qui étaient privées d eau lui doivent des sources abondantes qui fertilisent les terres et apportent la richesse et le bien-être. Certaines contrées ont été ainsi métamorphosées et bénissent l’homme de bien qui les a dotées de pareils trésors. On s’est demandé quel était son secret. Il n’a pas manqué de gens qui, disposés à attribuer à la magie tout ce qui les étonne, ont fait de lui un sorcier opérant par la vertu du grimoire et des talismans. D’autres, admettant que certains hommes jouissentde facultés transcendantes qui leur permettent de découvrir ce qui échappe à la vue ordinaire , ont pensé que M. Paramelle, comme Jacques Aymar, comme Bleton, avait une lucidité spéciale grâce à laquelle il perçait les profondeurs de la terre, et l’on a évoqué le souvenir des sourciers qui, pour de semblables découvertes, se servaient de la fameuse baguette divinatoire. M. Paramelle, pensant avec raison que le mystère ne convient qu’au charlatanisme, a publié tout ce qft’il savait, a fait part au public, sans aucune réserve, de ce que l’étude et sa longue expérience lui ont appris: il nest ni un sorcier, ni un sourcier, ni un voyant; il est géologue, et c’est en appliquant les principesde lascience qu’il est parvenu à ses découvertes; il explique comment il a trouvé, et il donne à ses lecteurs les moyens de faire aussi bien que lui en se conformant à ses préceptes. De cette manière , son, art ne périra pas avec lui, et la postérité profitera de ses leçons.

Il semble que pour un tel bienfaiteur de l’humanité la reconnaissance des populations doive être unanime, et qu’un homme qui ne s’est signalé sur son passage que par des services éclatants, ne puisse avoir d’ennemis. Hélas ! Il n’en est pas ainsi. M. Paramelle, comme nous l'avons dit, a passé , peut-être à son insu, pour un mage armé d'un pouvoir mystérieux : il n en a pas fallu davantage pour lui attirer la co-

1ère et les invectives du terrible ennemi du magnétisme, de M. Mabru qui voit des monstres dans tout ce qui se rattache de près ou de loin au magnétisme. Voici comment il s’exprime dans son gros factum : « M. Paramelle continue à faire annoncer son livre, intitulé : i Art de découvrir les sources. On sait qu’il s'agit encore ici de sorcellerie magnétique , et, par conséquent, d’un vieux replâtrage des sciences occultes. C’est une erreur de laquelle M. l’abbé Paramelle reviendra sans doute, et nous sommes persuadé qu’en lisant l’encyclique (I), il s’inclinera devant la décision du saint-siége et sera le premierà brûler son livre.— En attendant, qu’il nous soit permis, toujours pour l’édification du public, de citer ici le passage suivant que nous empruntons à Voltaire, l’apôtre dubonsens (commel’appelle M. de Lamartine) et l’ennemi implacable de tous les sorciers présents et futurs. Voici ce qu’il dit en parlant de l’art de découvrir les sources : « On trouve des sources d’eau, des trésors, au moyen d’une verge, d’une baguette de coudrier, qui ne manque pas de forcer la main.à un imbécile qui la serre trop et qui tourne aisément dans celle d’un fripon. » — Nous prions M. l’abbé Paramelle de vouloir bien jeter un coup d’œil sur la Baguette divinatoire, ouvrage publié par l’illustre M. Chevreul, l’un des membres les plus savants, les plus distingués de l’institut, et nous sommes persuadé que si cette question n’est pour M. l’abbé qu’une question de science, s’il n’en fait pasufie affaire de spéculation, il demeurera bientôt convaincu que l’art de découvrir les sources ou tout autre trésor n'est qu’une pure illusion. » (Les Magnétiseurs jugés par euT-mùmesA page ¿38.)

Ainsi le rigide censeur n'avait pas même ouvert le livre sur lequel il laissait tomber un blâme si dédaigneux ; il lui avait suffi, pour le juger, de recueillir de vagues rumeurs. Et comme le voltairien Mabru a bonne grâce à prêcher à un ecclésiastique la soumission aux sacrés canons qui interdisent l’examen et qur ordonnent de brûler les livres ! Dès que le pape est hostile au magnétisme, il devient un utile aux;-

0) L’encycliquedu 30 juillet 18581 carttro les «bas du nngnitisnil;.''

liaii c dont I autorité est souveraine, et, au besoin, M. Mabru servira d'enfant de chœur quand on fulminera l’excommunication majeure contre les magnétiseurs, somnambules, tourner s et autres suppôts de Satan. Par malheur, M. Mabru, le lauréat de l’Académie des sciences, s’est fourvoyé, et, croyant avoir affaire à un devin à baguette giratoire, il s’est escrimé contre un géologue, un savant dont il trouve moyen de suspecter la loyauté et le désintéressement. C’est une lourde bévue; mais elle lui a procuré le sujet d’une tartine contre les sciences occultes, et avec ces maudits magnétiseurs tout doit ÔUe de bonne guerre et de bonne prise.

A. S. Morin.

LES SONGES-

La mine la plus riche et la moins fouillée, c’est celle des songes, qui renferme des richesses incalculables, et sans lesquelles les sciences des écoles officielles ne peuvent se compléter. Nul savant n’a osé aborder cette étude ; très-peu d’hommes môme osent parler de leurs rêves, et pourtant ils décèlent une vie cachée, mystérieuse, et parfois révèlent les faits de l’avenir. Nous louons M. Conrot d’oser parler de ce qui lui est personnel. Puisse-t-il être imité par quelques êtres aussi sensitifs que lui, car ces récits présentent toujours «n grand intérêt et facilitent les études du somnambulisme, état encore si peu connu, comme tout ce qui tient aux facultés de l’âme.

M. Conrot a fait précéder l’historique de ses songes et de ses pressentiments d’une sorte d’introduction qu’il a modestement appelée Rêverie

Sedan, le 30 juillet 4*58.

Monsieur le baron du Potet, à Paris.

RÊVERIE.

Qu’est-ce que le magnétisme 7

C’est... c’est... c’est tout, ou bien je ne puis dire ce que c’est.

Eh bien, faites-nous une comparaison.

Le magnétisme, c’est le levier de l’intelligence, comme la vapeur est le levier de l’industrie, du progrès.

C’est le centre de gravité de la raison.

C’est le foyer de toute lumière, de tout amour, de toute vérité.

C’est le télégraphe électrique de l’âme ; que dis-je, le magnétisme est plus parfait en cela, plus ancien que l’électricité ; celle-ci a l’avantage d'être pratiquée ; elle a la vogue ; mais le magnétisme, comme télégraphe de l'âme, dépassera, éclip* sera l’électricité. Il aura son tour.

Mais quand?

Combien a-t-il fallu de temps pour faire taire les intérêts engagés dans les messageries et faire paraître la vapeur? Combien de temps pour convaincre les incrédules ? pour persuader les têtes dures? pour étouffer l’orgueil opposant? pour faire disparaître les craintes des pères préoccupés des dan*-gers de la nouveauté pour leurs ouailles? Combien de temps enfin pour détromper le monde et lui faire comprendre qu’il voit les choses à rebours ; que ce n’est pas le soleil et le firmament qui tournent, mais bien la terre?

Qui peut donc calculer les efforts qui restent à faire, lorsque l’on pense que l'avenir du magnétisme est de remanier la médecine, puis la législation, et de propager par toute la terre une religion unique au-dessus de toute atteinte, une religion

de conviction ?...... Quelle persévérance ne faut-il pas pour

démolir ce fort édifice de vieilleries, replâtré de ciments nouveaux et en reconstruire un du style et de la capacité de l’humanité actuelle?

Il faut, sur le nombre des hommes pensants, les trois cinquièmes de magnétiseurs éclairés, et alors de soi-même la société changera de mot d’ordre comme on change d’habit.

Encourageons-nous donc, propageons sans relâche et en silence. Imitons la nature qui travaille en secret, lentement et sûrement, et pii, au jour marqué, arrive toujours à son but.

Nouveau ver à soie, formons sous la vieille , la trop étroite peau qui nous revêt, une enveloppe plus large, plus souple et plus digne, et, quand les nouveaux liens dé la société seront parachevés, quelques tiraillements suffiront; la vieille croûte tombera, et l’homme apparaîtra sous son écorce véritable.

Le papillon sortira radieux de la chrysalide, Dieu et l’homme se verront (1). C’est le but de la Divinité qui se cache à ses enfants pour les amuser tant qu’ils ne sont qu'enfants.

Un peuple d’abord aura cette gloire, les autres l’imiteront •bientôt,

*'. SONGES ET PRESSENTIMENTS.

N° 1. Metz, vers 1818. — J’étais au lycée. Les lits, dans les ¡dortoirs, ne touchaient au mur que d'uD côté, la tête. L’été, entre le point du jour et l’heure du lever, s’il arrivait

(1) ru yu Dieu un jour en 6onge : quétait-ce? Rien, matériellement parlant ; tout, mentalement parlant.

Il se faisait voir, je dis sentir, loucher par l'esprit, au moyen des sensations que J'éproavais : gaieté, bien-être, bonté; oh 1 quelle bontél t générosité ; en iro mot, tout oe qu’il y a de bien et surtout de glorieux. Les parotep m peuvent donner une idée juste de celte vision ; le mot ivresse donne seul une teinte qui approche de l'éclat du tableau ; mais la bienveillance surtout me charmait. Oh I qu'il a bien raison de dire, le Fils de Dieu : Aimez-vous te* uns les autres.

• Inilram ftpientte timor Domini,

; PerftctDB lutem upientie, *>»»r Domini.

i: Oui, It i»ut s'aimer, et aujourd'hui encore on s’égorge légalement avet

la mol U 1« faut. Donc la société, le coulrat social est encore bien, impat' fait, si la guerre ost encore nécessaire, — vue de Dieu.

‘ Il n’est pas d’homme qui ne soll disposé à faire tous les sacrifices, à rendre tous les s«rvlees, à faire abnégation de toute« richesse», s'il avait seulement l'espoir de voir Dieu comme je l'ai vu, après son existence matérielle. L espoir de rentrer dans ce foyer de gloires, de toutes les gloires; dans ce centre de tout bien-être, dans cet ensemble de bienfaisance et de réciprocité, cet espoir seul suffit pour payer une vie entière de misères. Ohl si Je pouvais seulement vous faire comprendre ce que j'ai vu, ce que j’ai éproové, je suis certain que je vous procurerais te plus grand plaisir que vous ayez jamais ressenti.

Oui, j’ai vu Dieu, en 18«, comme l’homme vivant peut le vçir. Je crois ■nutHe dî dire >idVt était radleut : c'était toute tumièro.

au maître de sortir, il se trouvait toujours quelque élève éveillé qui profitait de cette absence pour faire à l’un de ses voisins endormi l’espièglerie de le pousser avec son matelas sur le plancher : c’est ce qui vint un jour it l'esprit de Joseph Cotard, un de mes bons condisciples. Nous étions séparés par trois ou quatre lits ; je dormais, et, de plus, je lui tournais le dos. Mais, quoique endormi, je devinai su pennée, et je me dis : il croit que je ne le vois pas, mais il se trompe ; le voilà au pied du lit d’un tel, puis d’un tel; il a beau s eüacer, se cacher, je le vois; il arrive à la ruelle de mon lit...; il pousse déjà le matelas... ; mais, vif comme la poudre, en me retournant, je lui porte un coup de poing sur la tète, en m é-criant : Ah, coquin!... et je m’éveille. Cotard était bien là et je l’avais bien atteint de mon poing : jamais il n a voulu croire que je fusse endormi.

N- 2. Sedan, 1827. — J’étais employé chez MM. Cbayaux frères, fabricants de draps. Nous eûmes un joui' quelques difficultés ensemble qui me ürent quitter la maison. La journée fut orageuse ; il y eut des allées, des venues, des démarches de part et d’autre. Le soir, tout en réfléchissant sur les faits de la journée, je reconnus que tout cela m avait été annoncé la nuit précédente par un songe allégorique. Je me reportai à ce songe, j’en étudiai la suite ; je vis que 1 épisode de la journée se terminerait à mon avantage. Sous 1 influence de ce songe, je repris toute mon assurance, et le lendemain, sans m’inquiéter de rien, je m'absentai toute la journée. Le troisième jour, M. Chayaux me fit appeler, convint qu’il avait eu tort et m’engagea à reprendre mes occupations, ce que je fis en effet.

. N» 3. Munô, 1829. — On peut prendre indifféremment ce qui va suivre pour la narration de mon songe ou de la réalité : l'un ne diffère pas de l'autre. C’était en automne : on venait de cueillir les fruits; notre bétail était dans un clos voisin de la maison; un profond ruisseau, d'un abord très-difficile et garni de buissons sur ses deux rives, le séparait d'un verger à fruits où mon frère et moi étions. De teinps à autre on allaitsurveiller le bétail que les buissons dérobaient à

notre vue. Pour aller du verger au clos, on franchissait le ruisseau dans un endroit, un peu éloigné, moins large et moins pénible. Mon frère et moi nous visitions les arbres et examinions si tout le fruit avait été bien cueilli. Me trouvant sous un pommier: « On en a laissé beaucoup, dis-je; il vaut la peine de monter dessus; » mais à ce moment, mon frère, que je croyais encore auprès de moi et qui avait franchi le ruisseau, m’appela d'un ton alarmé : «Viens, dit-il, la petite vache est tombée dans le ruisseau ! » Elle était près de vêler... Tout ému, je cours, je franchis le ruisseau à la première place venue, j’arrive en vue de la bête... qui mangeait tranquillement les feuilles du buisson tout en prenant son bain. Le calme de l’animal me rend le mien, et je me mets à rire. —Oui, c’est très-bien de rire, mais comment la ferons-nous sortir? — Ne sois pas en peine... Ici, comme chez M. Chayaux, je consulte la suite du songe qui m’avait présenté tous ces faits, pour savoir comment je m’étais tiré d’embarras, et je sus bientôt ce que j’avais à faire. Nous forçâmes l’animal à quitter son poste, et, moitié nageant, moitié marchant, nous le conduisîmes à un point indiqué par mon songe, où la rive plus douce permit à la petite vache de sortir fort tranquillement du ruisseau. Les détails les plus minutieux de mon songe s’étaient réalisés.

N* h. Paris, 1830 à 1835. — J’étais employé dans une maison de banque. Un jour, en déjeunant, je vis à un bureau de loterie : « Clôture de Bordeaux. » Sans cliercher, sans calculer (je ne jouais pas), je prends note des n°‘ 5», 00 et 61. Le lendemain ils étaient sortis tous les trois. — Un autre jour, nous passions sur la place du palais des Députés : « Demain, clôture de Paris. » Sans plus de réflexion, et sans plus d'usage du jeu, je voulais jouer ambe, terne et quateme sur les cinq derniers numéros sortis et qui étaient affichés comme toujours. Mes amis s'y opposèrent, croyant que j'avais bu au-delà de ma soif. Je cédai à leurs observations, tout en leur faisant observer qu'ils se trompaient sur mon compte; que je savais parfaitement que ces numéros devaient être les plus mauvais, suivant les probabilités. Néanmoins, le lendemain

quatre de ces cinq numéros étaient ressortis, ce qu'on n’a peut-être vu que cette seule fois.

1831. — Je me trouve sans emploi : la maison a failli. Je me mets à calculer les probabilités de la loterie, mathématiquement. Je me crée divers jeux, sur les finales, les jumeaux, etc. Je n’ose les expérimenter, de peur de me ruiner, malgré la probabilité, malgré le calcul. Que faire? Le matin, ordinairement, je parcourais des yeux les jeux qui se présentaient dans les conditions voulues de probabilité; ceux qui me souriaient je les jouais, mais sans examen, sans comparaison, sans discussion, et je gagnais... J’ai gagné plusieurs fois l'ambe déterminé : quatre fois sur cinq. Je me faisais un produit de 5 à 600 fr. par mois, jouant très-petits jeux.

Mes amis, mes parents, trouvent à redire à cette manière de vivre : j’y renonce et me mets à donner des leçons en ville. Ici je puis affirmer que, si j'ai perdu vingt leçons pour cause d’absence ou. d'indisposition de mes élèves, j’en ai été prévenu au moins dix-huit fois d’avance. Environ deux à trois Cents mètres avant que je ne fusse à la destination, mon pressentiment me disait : « Monsieur ou Mademoiselle ne prendra pas sa leçon, pour telle cause. » Et cependant je n’occupais pas mon esprit à l’avance de la leçon que j’allais donner : c’était comme entre parenthèse que ces mots m’étaient soufflés à l'oreille. — San3 intervertir l’ordre des dates, je dirai en passant que ces pressentiments ont été ici, à Sedan, en 1850, beaucoup plus loin : j’ai entendu plusieurs fois sonner l’horloge deux ou trois minutes d’avance : celle du Dijonval, celle de la paroisse (la mousqueterie, le canon également, j’entendais avant la fumée, puis encore après), j’entendais le Dijonval assez distinctement pour compter les heures ; deux ou trois minutes après l’horloge sonnait réellement, et l’on voyait frapper les marteaux, et toujours quand je m’en préoccupais le moins.

A la roulette, c’était de même •• lorsque j’étais bien placé, debout ou assis, que j'étais bien isolé, détaché de mon entourage, que je me trouvais mentalement seul avec la bille

et les numéros, je devinais le numéro sortant trois ou quatre fois de suite, assez à l’avance pour faire ma mise à l’aise. J'ai deviné jusqu’à cinq à six fois de suite la colonne ou les six numéros, groupe gagnant : en un clin d’ceil je gagnais 100 fr. par 2 fr. de mise. Je m’empresse de dire que je n’élais pas somnambule tous les jours, ni tous les jours disposé à entrer à la roulette : heureusement pour le tapis-vert, j’aurais bien pu le faire couler.

En 18S8, les somnambules de Marcillet m’ont dit que j’étais somnambule éveillé, que je n’avais pas, comme elles, comme eux, ce voile qui tombe quand on les magnétise, et qui rerient sur leurs yeux (je dis, moi, sur leur imagination) quand on les éveille; que je voyais les choses juste quoique éveillé. Oui,sansdoute,je vois deschoses vraies, maiscomment en être assuré d’avance ? Je ne dors pas facilement, quoi qu’en ait dit Alexis ; ni Marcillet ni d’autres plus forts n’ont pu me faire dormir, malgré les promesses des somnambules. Je crois pourtant qu'une certaine personne m’aurait endormi, si elle l’eût osé, par sa volonté seule ; elle n’a jamais osé.

N° 5. Carignan, 1835-1836. — Je vis plusieurs fois en songe des bâtiments assez élevés formant un ensemble bien ordonné. Cette vne m'était devenue familière pour m'avoir été répétée souvent et clairement en songe.

En 1836, décembre, je pars pour Sischbach, près Luxembourg ; jamais je n’avais vu ce village; j'allais y occuper un emploi. Quelques mois seulement après mon arrivée, je reconnus les bâtiments qui m’étaient apparus en songe; c’étaient le fourneau vieux, la halle, le logement, les constructions adjointes. Alors j'étais sur un rocher surplombant l'usine; je reconnus tout, et je devinai le chemin avec tontes ses sinuosités, tous les accidents de terrain jusque 100 pas et plus de distance. J'allai de suite m’assurer de la conformité du chemin et du terrain jusque 150 à 200 mètres. Tout était frappant de ressemblance ; je ne pouvais pas me persuader que c’était la première fois que je voyais ce tableau. Cependant je n’avais jamais été de ce côté de l'usine, mais seulement du côté de3 étangs.

N" 6. Sischbach. —De 1837 à 1843, j’eus à Sischbach des songes qui m’annonçaient la résidence de Gand que je ne connaissais pas alors ; j’en parlerai plus loin. Je vais parler de Schleifmuhl, à une lieue de Luxembourg (au delà), h lieues de Sischbach, usine également inconnue pour moi à cette époque, lin an au moins avant d’v aller, 18/i3, je fis ce songe, et, frappé de la clarté du présage, j’en écrivis tous les détails, qui étaient oubliés déjà à l’époque de mon entrée, et, je le jure, je ne me rappelai rien que quand le tout fut accompli; alors le tableau et la réalité m’apparurent dans toute leur conformité. Voici mon rêve :

« Mon frère me conduit par un sentier ; nous descendons à « travers desrochers, et nous entrons dansun établissement. « Des dames nous reçoivent; je venais pour teñirles écriture^, « et non pas pour parler de galanterie, je faisais le sourd; en-ii fin, forcéda comprendre, j’ai recours àune personne habl-« tant une maison qui a été incendiée. Cette personne me « donne tortet m’accuse de froideur. Seul contretous, jecher-« che à m’évader, je veax fuir ce lieu, mais j’y suis Tetenu'; a des enfants, pas d’emploi... je promène ma rêverie par-« tout, je m’adresse à la bonne Notre Dame de Luxembourg « (elle est très-renommée ; cependant ma confiance, en elle, « à l’état de veille, n’était pas très-marquée); je l’invoque,’ « elle m’apparait à une hauteur prodigieuse sur les murs de « Luxembourg ; je lui tends les mains, la hauteur des murs, « des rochers, diminue, les obstacles disparaissent, les issues « sont ouvertes, je puis fuir ce lieu qui me déplaît; mais « non, je veux en sortir par la voie qui m’y a conduit, par « mon courage, franchement, et sans même employer le « déguisement ; je le fais et je réussis. »

Tout ceci, quoique parfaitement exact, n’est pas intelligible pour tout le monde ; je dois ajouter la réalité (1) : La société de Sischbach se dissout : je suis sans emploi. Mon frère me place à Schleifmulh. Dans la maison il y a deux

(1) Je n’ni donné qu'un sommaire de mon songe. Le détail vérifié par la réalité, remplirait dix pages.

sœurs mariées, une troisième qui ne l’est point, très-gentille, mais juive comme tout le personnel de l’établissement. J'ainu: autant certains juifs que de bons catholiques, mais je suis veuf seulement depuis quelques mois, j’ai trois enfants; elle est toute jeune, aimable, et j’ai quarante ans; je ne puis me résoudre. Je consulte une veuve, leur parente ; elle me donne tort; elle habite effectivement dans une maison dont partie a été incendiée. Je m’abandonne à l’ennui ; je voudrais quitter l’établissement; mais un engagement écrit me retient. Néanmoins, sans chercher un autre emploi, sans rien déguiser, je sors quelques semaines après pour aller à Gand, du consentement de mes patrons, qui ne savent pas eux-mêmes comment ils ont pu consentir : nous étions amis et je crois sincères. Dieu leur a dicté le mot oui, pour non qu’ils devaient dire. (Premier principe de superstition, si l’on veut, de fatalisme, de prédestination ; il est bien difficile de résister au fatalisme quand on a eu vingt exemples aussi frappants que celui-ci. Que l’on me permette au moins ce mot, ce terme radouci : c’est Dieu qui l’a voulu.)

Conrot.

PRESSENTIMENTS. — SONGE.

Une froide mention nécrologique des grands journaux annonçait, il y a quelques mois, que M. Louis d’Assas, l’auteur de la Vénus de Milo, venait de mourir subitement.

On sait peut-être que M. L. d’Assas est d'une ville du Midi. 11 y avait plusieurs années que la petite pièce en vers était faite. 11 la trouvait belle comme la maison carrée de Nîmes. 11 disait presque chaque jour : « Ce sera un régal pour le Théâtre-Français. « Il s’est estimé heureux de la faire jouer à l’Odéon, e.t encore au milieu d’ennuis qui nous ont été révélés par un récent procès.

Cependant, à côté de lui, dans la famille, une voix qui devait lui être chère, lui disait :

— N'allez pas à Paris.

— Pourquoi ?

— Paris est un pays plus inclément que l’ancienne Tauride.

— Pourquoi ?

— Parce que tout y est lutte, misère, combat, pleurs, injustices, illusion déçue, surtout dans le domaine des lettres ; n’allez pas à Paris.

— Où aller dans ce cas ? 11 n’y a que Paris pour l’artiste, pour l’orateur, pour le poëte, pour le peintre, pour le musicien, pour l’utopiste, pour le savant, pour l’homme de cœur. On végète dans le reste du monde, on ne vit qu’à Paris. Laissons là les craintes chimériques. Dèsdemain, je fais mes malles, et j’y vais.

— Un dernier mot : n’allez pas à Paris. Pauvre ou riche, le talent n’en revient pas.

Mot terrible et vrai.

Un jour, pendant les répétitions de sa pièce, M. Louis d’As-sas recevait, me raconte-t-on, une lettre ainsi conçue, ou à peu près :

« Ne restez pas à Paris.

« Un songe me dit de vous prévenir. — Revenez.

« Revenez vite ! »

11 a tenu ce billet pour une plaisanterie, et il est mort.

(Extrait de la Chronique parisienne, 1" février 1869.)

GUÉRISONS SPIRITUALITES.

11 existe en Amérique un grand nombre de feuilles périodiques consacrées au spiritualisme, elles offrent un intérêt et une variété de matières qu’on ne trouve pas ordinairement dans les journaux spiritualistes de France. La plupart de ces dernières se bornent à faire du corbitlonnuge, enregistrent les dictées de saint Louis et de Dagobert, contiennent des sermons très-moraux sans doute, mais d’une vérité triviale, où l’on prouve, par exemple, que l’avarice est un vilain péché et qu’un bienfait n’est jamais perdu. En Amérique, aucon-

traire, les journaux spiritualistes renferment des discussions très-animées sur les points controversés, des recherches historiques, religieuses, scientifiques, des relations de séances où les incrédules sont admis à faire des objections et à indiquer des précautions. 11 parait que les médiums y sont tellement nombreux et tellement désireux de concourir à la propagande, que toutes: les personnes qui cherchent à s’instruire sont admises avec la plus grande facilité à être témoins des phénomènes : oe n’est pas comme en France où vous lisez des récits pompeux d'expériences miraculeuses, des philippiques violentes contre l’obstination des incrédules et le mauvais vouloir des savants; puis, quand vous vous présentez poui solliciter la faveur d'assister à quelqu’une de ces merveilles, 011 vous répond qu’on n’a pas de médium à sa disposition, ou mêiïie on ne vous répond pas du tout, ce qui n’empêche pas de renouveler les mêmes rodomontades... Et, à sujet, je rappelle au public ma souscription nationale pour faire venir d'Amérique un médium accessible aux simples mortels. . — •'

Le spiritualisme américain a, en outre, cet avantage sur celui de France, qu’il s’occupe activement d’applications utiles et pratiques ; il a la prétention d’offrir un moyen efficace de guérir un grand nombre de maladies et précisément celles que la science juge incurables. Nous avons déjà fait remarquer que le spiritualisme avait, à cet égard, la plus grande analogie, tantôt avec le magnétisme, tantôt avec la lucidité somnambulique. Plusieurs spiritualistes ont accordé qu’il y avait analogie seulement, mais non identité de causes, et prétendent que le spiritualisme obtient des résultat» admirables qui ne peuvent être attribués ni au magnétisme ni à la lucidité humaine. Pour que le public fût bien à même de se-prononcer sur cette question délicate, il faudrait que les auteurs des relations voulussent bien entrer dans plus de détails qu’ils ne le font sur les procédés empioyés : nous recommandons ce soin à nos confrères du Spiritual Ttlègrnph auquel nous empruntons les faits suivants :

a Le docteur Page, médium guérisseur à New-York-, a

guéri dernièrement un M. Philips, delà même ville, atteint de la maladie appelée ramollissement du cerveau, et que quatre médecins avaient condamné. Cet homme, ayant reçu un coup de barre de fer Sur la partie postérieure de la tète, était tombé sans connaissance, et était resté ensuite quatre mois au lit, insensible et ayant îi peine conscience de son existence; son état était désespéré. M. Page, en lui imposant les mains sous la direction des Esprits, lui procura dès la première séance une notable amélioration; en continuant d’opérer de même, il parvint à le guérir complètement. — Le même médium traita, il y a deux ans, M“* Travis, qui était malade de consomption. Elle était abandonnée des médecins. 11 la magnétisa sous la direction des Esprits. En très-peu de temps elle fut parfaitement guérie, et, depuis, sa santé a toujours été excellente. »

A. S. M.

Le Rév. S. B. Brittan, l’un des éditeurs du Spiritual Age, écrivait dernièrement, dans son journal, cet article que nous traduisons :

La valeur de la clairvoyance, comme moyen de reconnaître sûrement et de traiter avec succès les maladies, se démontre tons les jours, et, dans une foule de cas, la science médicale n’est guère, sans cet auxiliaire, qu’un guide aveugle. Le grand fracas et les spasmes prolongés auxquels donne lieu une simple méprise, semblent autoriser à conclure qu’il y a rarement des erreurs dans cette manière de fraiter les malades. Lorsque M”* Mettler ou quelque autre médium clairvoyant fort en renom commet une errreur (l’infaillibilité n’appartient pas aux mortels), quand même cela n’arrive qu’une fois sur mille, ces docteurs qui sont sujets h en avoir des convulsions, probablement parce qu’ils n’ont rien autre chose h faire, meltent le public en garde contre les « tromperies populaires, » et toutes les trompettes d’un sou de la presse sonnent l’alarme. C’est ainsi que les gens simples sont poliment avertis qu’ils peuvent « renoncer au diable » en faveur des méthodes scien-

tifiques les mieux approuvées, et n'avoir rien de commun avec les « charlatans qui faussent les voies de la Providence » en retenant ici bas des gens qui autrement mourraient en paix et d’une manière respectable.

Au nombre des médecins, dans les environs de New-York, qui emploient la clairvoyance comme auxiliaire indispensable dans le traitement des malades, M™' Tuft-s, de Jersey City, jouit depuis longtemps d’une réputation méritée, et tous les jours elle est visitée par de nombreux malades qui vont lui demander la santé. Mais il y a d’autres médecins de ce genre, et le docteur Dorman et sa femme, M""C.-E. Dorman, rue Broad, 361, à Nevvark (N.-J.), semblent être à présent l’objet d’une attention toute particulière. M™ D. est l’un des plus anciens médecins clairvoyants des Etats-Unis. Celui qui écrit ces lignes a eu, tout récemment, l’occasion d’observer les résultats des traitements de cette clairvoyante, dans plusieurs cas remarquables où elle a éclipsé les lumières scientifiques de l’allopathie.

Madame, — qui était depuis longtemps en proie à une cruelle maladie, s’adressa dernièrement à Mm" Dorman, pour un soulagement qu’elle avait demandé en vain à la Faculté. Il paraît que ses médecins s’étaient complètement trompés sur sa maladie. M“* Dorman, entrancée, dit à la dame que son mal provenait de calculs biliaires ; que les concrétions qui se formaient dans la vésicule et dans le canal hépatique étaient nombreuses, et qu’il fallait commencer par les expulser. Les remèdes qui furent prescrits par M"’ D. amenèrent des effets remarquables, ce qui prouve à la fois l’exactitude de sou diagnostic et l’habileté de ces autres docteurs de la vieille école à se méprendre sur les symptômes. Un grand nombre de pierres, quelques-unes démesurément grandes, ont déjà été expulsées, et la malade compte maintenant sur une prompte guérison... L’auteur de cet article a eu l’occasion de constater aussi les bons effets de la clairvoyance de AI1"' I). sur la personne d’une enfant bien chère, une fille de 15 ans...

— Nous abrégeons cet article de M. Brittan. Nous avons seulement voulu montrer quelques autres de ces guérisons

que la médecine officielle 11e sait pas produire, et il s’en lait tous les jours de quoi remplir des volumes. Nous voudrions que les médecins comprissent enfin que leur art est insuffisant, et qu’il dépend d’eux de le perfectionner.

Médecins de toutes les écoles, souvenez-vous-en ; renoncez à vos préjugés et cherchez le bien partout où il peut se rencontrer ; mettez-vous à étudier la science occulte : vous y trouverez la clef de bien des difficultés, et alors vous saurez guérir, souvent même prévenir, des maladies qui font aujourd’hui votre désespoir.

PHÉNOMÈNES SPIRITUALITES.

ATTRACTIONS d’OUTRE-TOMBE.

Une tante de Mm* ***, se trouvant sur le point de mourir, était fort affligée de laisser sur la terre une fille pour laquelle elle avait beaucoup d'affection. Voyant que cette fille était douloureusement affectée de la position de sa mère, celle-ci lui dit qu'elle reviendrait la chercher. Trois mois après, la jeune personne était morte.

En rapportant ce fait d’une de ses parentes, M"* ***, qui était atteinte d'une grave maladie chronique et qui sentait sa position, ajouta que, si elle mourait, elle reviendrait chercher un de ses enfants quelle désigna, parce qu’il était d’un caractère à ne pas être heureux sur terre. Comme l’amie à qui elle parlait ainsi lui disait de ne pas penser à de pareilles choses, qu’on ne revenait pas chercher sur terre ceux qu'on y avait laissés, elle ajouta : « Madame, je vous assure que si c’est possible, je reviendrai le chercher. » Quelque temps après cette conversation, M“' *** mourut un mercredi et ne put être enterrée que le vendredi suivant. Treize mois après, le fils désigné fut pris d’une maladie aiguë, dont les symptômes, d’une violence extrême, s’aggravèrent avec une ex-

cessive rapidité et en dépit de tous les soins possibles. L’enfant mourut uu mercredi et ne put être enterré que le vendredi.

Lorsque la personne avec laquelle avait eu lieu la conversation que nous avons rapportée, apprit la mort de 1 enfant, les paroles de M"" *** lui revinrent à la mémoire, et non-seulement à elle, maisencore à d’autres amies de cette daine auxquelles les mêmes paroles avaient été aussi dites.

M“* ***, qui était très-supertitieuse pour les 13 et les vendredis, semble vouloir donner une preuve que c’était bien elle qui revenait chercher son fils, en faisant paraître le nombre 13 dans l’époque de sa mort et le vendredi pour son enterrement, ce qui faisait, en outre, une coïncidence remarquable avec ce qui avait eu lieu pour elle.

VARIÉTÉS.

Matthiole, dans ses commentaires sur Dioscoride, livre VI, chap. XL, rapporte ce qui suit au sujet des guérisseurs de morsures de serpents :

.......... On dit qu’anciennement on trouvoit en plusieurs

endroits de la terre une certaine race de gens qui vivoyent ordinairement parmy les serpens, les maniant familièrement sans que jamais un d’eux en fût mordu. Pline en parle ainsi : Crates de Pergame dit qu’en Hellespont, à l’entour de Parie, on trouvoit une sorte de gens, que ceux du pais appelloient Ophiogenes, qui guérissoient toutes les morsures de serpens à les toucher seulement, de sorte qu’avec la main ils faisoient sortir tout le venin de la playe. Varro dit qu’il y en a encore au mêmelieu qui guérissent toutes morsures venimeuses avec leur salive seulement. Agatharchidesditque les Psylliens, qui étoit une race d’Afrique, descenduë du roy Psyllus, avoient cette propriété naturelle en leurs personnes, que par leur présence et odeur seule ils amortissoient les serpens, ayant

en eux un certain venin qui leur étoit pernicieux. Ils avoyent de coùtunie que quand un enfant de leur race étoit venu au monde, ils le jettoyent pariny les serpens : et ce pour éprouver si l’enfant étoit de leur race, et connoîtrepar ce moyeu la chasteté de leurs femmes. Car si l'enfant étoit à eux, les serpens s’enfuyoient incontinent, ce qu'ils ne faisoient aux autres. »

Puis, après avoir parlé des Marses et des charlatans qui trompent la crédulité du public, l’auteur ajoute :

« Pour celatoutesfois, je ne veux nier qu’il n’v ait de gens qui ont ce don de Dieu, d’être préservez des serpens. Car j’en ay connu plusieurs qui prenoient tous les jours des setr pens, aspics et vipères, sans user d’aucuns charmes, ny sans user d'aucun onguent; qui néantmoins ne furent jamais mordus des serpens encore que quekjuesfois ils les’pressassent entre leurs mains, ou leurs marchassent du pied dessus, et què même ils les portassent en leur sein. Je ne veux aussi nier qu’on ne puisse charmer les serpens; caron en voit trop d’expériences au contraire. Au reste, pour ne rien oublier de ce qui concerne ce discours, et ne rien dissimuler de ce que je sçay, encore que les médecins n’approuveront peut-être ce fait, je ne veux me taire d’une chose que j’ay veu expérimenter à un hermite mien aroy, qui se tenoit auprès de Ilome. Cet hermite guérissoit ceux qui estoient mordus des serpens à la manière que s’ensuit, même eux étant absens : car quand quelqu’un étoit mordu d’un serpent, il envoyoit un hume à cet hermite pour Être guéry. L’hermite interro-geoit ce messager, à sçavoir s’il voudroit prendre la médecine pour et au lieu du malade. Si le messager répondoit qu’ouy, l’hermite lui commandoit de déchausser son soulier droit, et mettre le pied nud sur terre : ce qu’ayant fait, il prenoit avec la pointe d’un couteau la forme du pied du messager, faisant une trasse tout à l’entour de son pied. Puis il disoit au messager qu’il levât le pied. Et avec ce même couteau il écrivoit les mots suivants dans la trasse qu’il avoit faite : care caruze, sanum reduce, reputa sunum EmanuelParacletus. Cela fait, il radolt avec ce couteau toute la terre, où il avoit écrit les-

dites paroles, de sorte qu’il n’y demeuroit un seul trait de lettre : et jettoit la terre qu’il avoit raclée dans un petit pot de terre qui étoit plein d'eau. Et ayant laissé rasseoir l’eau, il la passoit par la chemise du messager : et ayant fait le signe de la croix sur ladite eau, il la faisoit boire audit messager. Et de fait, c'étoit une chose admirable : car à l’instant même que le messager bevoit cette eau, le malade guérissoit, j’ay veu cela, et plusieurs autres que moy : et même c’étoit une chose commune audit lieu. Voilà donc comme cet her-mite guérissoit les morsures des serpens, et me dit que c’étoit le plus grand secret de ceux qui se disent être de la race de S. Paul. »

Puisque nous en sommes aux serpents, •voici un fait analogue à celui que le Journal du Magnétisme a cité il n’y a pas bien longtemps. C’est M. de Castelnau qui a vu ce fait dans le voyage qu’il fit, de 1837 à 1841, dans l’Amérique septentrionale.

« Nous étant égarés, nous fûmes obligés de camper cette nuit; en cherchant vers le soir à retrouver le chemin, je fus témoin d’un fait qui m’a semblé digne d’intérêt.

« Je venais de pénétrer dans des bois très-épais, lorsque le caquetage d’un grand nombre d’oiseaux attira mon atten- tion : j’en distinguai bientôt un groupe nombreux et composé d'espèces différentes, qui entourait un écureuil, alors perché sur une branche à environ vingt pieds de terre. Ce dernier semblait immobile, tenant sa queue élevée au-dessus de sa tête ; bientôt je le vis sauter ou plutôt se laisser tomber sur une branche inférieure, et il fut aussitôt suivi de son escorte ailée, qui continuait à l’accompagner de ses cris variés. Un autre saut le conduisit encore plus près de terre. Etonné de cette singulière manœuvre, je m’approchai sans bruit, et distinguai bientôt un gros serpent noir (coluber constrictor), arrondi en spirale et tenant sa tête élevée dans la direction de la pauvre victime, qui, bientôt, par un dernier bond, se laissa tomber à terre à environ un pied du reptile, sur lequel, et mû par un sentiment de pitié, je déchargeai mon fusil chargé de plomb, et je le mis en pièces. Les oiseaux s’envolèrent, et

j.; ramassai le pauvre écureuil, qui, immobile et roide, me

1 arut mort, mais qui revint bientôt à lui, et que je vis avec plaisir s’élancer dans les branches. Je sais que des faits de c> genre ont été souvent observés; mais comme beaucoup de personnes les révoquent en doute et que j’étais moi-même de ce nombre, j’ai cru qu’il était bon de consigner ici celui dont j’ai été témoin. Je ne chercherai pas à expliquer par quelle force bizarre la victime se trouve entraînée vers le serpent. Si c’est, comme on l’a souvent répété, que, glacée d’effroi, elle n’ait pas la force de s’enfuir, pourquoi, dans ce cas, ne reste-t-elle pas immobile, et pourquoi vient-elle d’elle-même au-devant de sa destruction? Quel peut être aussi l’effet produit sur les oiseaux, dont l’agitation était extrême? Comprenaient-ils le danger de l'animal, et s’étonnaient-ils qu'il ne cherchât pas à s’en garantir? Je soumets seulement ces questions aux naturalistes et recommande ce sujet aux investigations futures des voyageurs. »

Le Star, de Londres, raconte le fait suivant :

« Une actrice, récemment remariée, représentait Calista dans la Belle Pénitente, jouée au théâtre de North-Waltham. Au moment où elle posait sa main sur une tête de mort que son rôle .l’obligeait à toucher, elle fut soudainement prise d’un tremblement involontaire et tomba évanouie sur la scène.

• Le lendemain, se trouvant suffisamment rétablie pour parler, elle fit appeler le régisseur et lui demanda qui lui avait remis cette tête.

« — C'est le fossoyeur, répondit-il, qui m’a dit que c’était celle d’un acteur nommé Norris, mort il y a douze ans et enterré dans le cimetière de l’église.

« Norris était le premier mari de l'actrice, et c’était la tête de celui-ci qu’elle avait touchée. Cette révélation fit sur l’esprit delà malheureuse femme une impression si profonde et si terrible, qu’elle perdit de nouveau connaissance. Malgré tous les soins qu’on lui prodigua, on ne parvint point à la tirer de sa léthargie, et elle expira peu de temps après. >»

PUBLICATIONS NOUVELLES.

11 vient de paraître un nouvel organe du magnétisme. M. Lafontaine, magnétiseur fixé à Genève, a voulu, par la publicité comme par la pratique, servir à étendre le principe nouveau. Nous souhaitons à M. Lafontaine le succès qu’il s’est promis sans doute et l’absence des entraves que nous avons rencontrées.

Les matériaux préparés pour notre feuille et qui la remplissaient complètement, ne nous ont pas permis de faire plus tôt cette annonce. Le journal de M. Lafontaine se publie à Genève, quai des Bergues, 1 Zi, et paraît le 15 de chaque mois, sous ce titre : Le Magnétiseur, feuille in-8 de 16 pages.

NÉCROLOGIE.

La mort vient de nous ravir un ami dévoué au magnétisme. Homme d’un beau savoir, d’une éloquense persuasive, M. Salvat s’était servi souvent de son talent pour faire aimer et rechercher cette science nouvelle. Il a trop tôt payé sa dette, mais nul ne conaaît le.destin ; qu’importe après tout : lorsqu’on aservi la vérité et qu’on vécut en honnête homme, la mort abrège le sacrifice ; les regrets sont pour les vivants.

D’autres pertes sont venues jious toucher, mais sans affaiblir nos rangs qui grossissent chaque jour; et, ne le sait-on pas d'ailleurs, Ibs vérités ne s’établissent qu'à coup d’homme et de générations : ceux des ouvriers qui succombent à la première heure seront là-haut pour tendre la main à leurs survivants.

Baron du POTET, propriétaire-gérant.

Nous prenons clans l’ouvrage de M. Gürres, la Mystique, /Urine, naturelle, diabolique, traduit en français par AI. Charles Sainte-Foi, un chapitre sur le rr a g n Alisme. Cet extrait, quoique considérable, ne peut d'ailleurs donner qu’une idée très-imparfaite de cet ouvrage si remarquable.

Des rapports magnétiques. Du lien magique qui existe entre lo somnambule et ceus qui sont en rapportovee lui. De la faculté de se dédoubler. Le corps peut être enlevé à certaine distance.

Nous voici arrivés au magnétisme vital, à ce premier degré où il forme un lien magique entre le somnambule et ceux qui sont en rapport avec lui; Dans cet état, l’âme passe tout entière pour ainsi dire dans le monde interne des songes; la vie extérieure se ferme, tout disparaît, tout s’efface, et il ne reste plus à l'homme, de tout cet univers, que la personne avec laquelle il se trouve en rapport. Celle-ci peut à son gré le rappeler de cet état et l'y plonger de nouveau. Elle exerce sur lui un empire souverain, et placée, pour ainsi dire, aux limites des deux mondes, elle est pour lui , selon les circonstances, un guidera un séducteur. EHe est en dehors du cercle où le somnambule est renfermé; car elle reste dans le monde extérieur et ordinaire ; mais de là elle agit sur le somnambule, qui vit, de son côté, dans-un autre monde; de sorte que les souvenirs qu’il a gardés de sa vie antérieure et les visions qui lui arrivent des nouveHés régions où il se trouve sont réglés et déterminés par elle. Ainsi, ce qui caractérise ce premier degré, c’est la puissance absolue du magnétiseur et l’asservissement complet du magnétisé. Ee somnambule ne voit rien du monde extérieur avec ses propres yeux, et n’entend rien avec ses oreilles; ces deux sens sont entièrement fermés pour toutes les eheses du dehors. Il ne voit qu’avec les yeux et n’entend qu’avec les oreilles de celui qui le domine, et rien n’arrive à son esprit captif sans avoir passé par l’esprit de ce dernier. Il en est ainsi des sens extérieurs. Ce que le magnétiseur goûte et sent, ce qui affecte chez lui le sens commun est perçu par celui qu’il tient en sa puissance. Son empire s'étend jusque sur sa volonté. Le somnambule a perdu Tome XV111. — N» 6*. — 2* Série. — ïa Aoui 1Ï59. 10

on quelque sorte sa personnalité, qui est comme absorbée, l'une manière extérieure seulement, il est vrai, par son maître. Sa volonté est toujours libre dans son fond; mais au dehors elle est liée, et comme possédée par celle du magnétiseur, qui, devenant pour elle une seconde cause efficiente, la dirige et la détermine à son gré du dedans au dehors. Les pensées, les sentiments et les affections de l’un se reflètent dans celles de l’autre. Dans ce commerce réciproque, il s’établit un double courant allant de l’un à l’autre, et traversant toutes les régions de la personnalité humaine; de sorte que partout cependant ce qui vient du dehors est plus fort que le dedans et le domine, sans toutefois faire à l’âme aucune violence et sans employer autre chose qu'un certain attrait ou une certaine impulsion qui la séduit et l’enchante. Cette action du magnétiseur sur les somnambules ne tient pas toujours à sa présence immédiate; mais elle se produit à distance, comme toute action magique ; car dans tous les rapports d’un ordre supérieur il ne faut tenir nul compte de la quantité, qui s'exprime par le temps et l’espace, parla proximité ou la distance, mais seulement de la qualité, qui se manifeste par l’harmonie ou le désaccord, l'antipathie ou la sympathie. Comme le magnétiseur, tout en restant dans le domaine de la vie ordinaire, agitnéanmoins sur le somnambule, qui vit dans un monde séparé du premier par une distance infinie, on peut conclure de là que toute vie a une action à distance ; et que, si cette action passe inaperçue, c’est qu’ordinairement elle ne trouve point autour d’elle d’organisation assez mobile et assez impressionnable pour qu’elle puisse se manifester en elle.

Mais ce rapport par lequel le magnétiseur domine et tient sous sa puissance ceux qu'il magnétise en apppelle bientôt un autre tout opposé, où le premier est lié par ceux-ci. Dans ce cas, le sensorium commune, foyer de la vie, n’est plus dans le magnétiseur, mais dans les somnambules; et ceux-ci peuvent dominer la personne du premier, et d’une manière d’autant plus énergique que les forces internes, étant plus centrales et ayant à eau se de cela une périphérie plus étendue

ont aussi une action plus puissante que les forces extérieures. Dans le premier cas, le magnétiseur, même lorsqu’il est à une très-grande distance de ses somnambules, est visible pour eux sans qu'ils le soient pour lui. Dans le second cas, ce sont ceux qui, à toutes les distances, sont près du lieu et visibles pour lui. Leurs pensées, leurs images, leurs résolutions, aussi bien celles qui sont le produit d’une impulsion interne que celles qui sont le résultat de quelque excitation extérieure, leurs affections se reflètent dans son âme; de sorte que, dans toutes les directions, la vie ordinaire sert d’instrument à la vie extraordinaire qui s'est produite. Le premier rapport est le plus fréquent dans la magie naturelle, et le second ne se manifeste que rarement et dans les degrés supérieurs. Le magnétiseur peut élever artificiellement ses somnambules au-dessus de la vie ordinaire, ou les y rappeler à son gré; et ceux-ci, quoique leur personnalité soit élevée à une plus haute puissance, ne peuvent se défendre à l’égard du premier. Il leur faudrait pour cela une force surhumaine, capable de faire équilibre à la force humaine et naturelle de l’autre, capable de triompher des influences naturelles qu’ils en reçoivent et de dominer leur magnétiseur, qui n’est après tout à leur égard que le représentant de la nature et dont toute la puissance vient de celle-ci. On rencontre quelquefois ce pouvoir dans cette sorte d’extase qui a coutume de se manifester au moment de la mort. Parmi un grand nombre d'exemples de cette sorte que nous pourrions citer, nous nous contenterons de rapporter ici un fait très-remarquable et parfaitement authentique.

Marie, femme de J. Goffe de Rochester, est attaquée d'une maladie de langueur et conduite à Westmülling, à neuf milles de sa demeure, dans la maison de son père, où elle mourut le 4 juin 1691. La veille de sa mort, elle ressent un grand désir de voir ses deux enfants, qu’elle a laissés chez elle aux soins d’une bonne. Elle prie donc son mari de louer un cheval, pour qu’elle puisse aller à Rochester, et mourir près de ses enfants. On lui fait observer qu'elle n’est pas en état de quitter son lit et de monter à cheval. Elle persiste, et dit

qu elio veut au moins essayer : « Si je ne puis me tenir, dit— elle, je me coucherai tout du long sur le cheval ; car je veux voir mes chers petits. » Un ecclésiastique vient la voir encore vers dix heures du soir. Elle se montre parfaitement résignée à mourir et pleine de confiance dans la miséricorde divine : « Toute ma peine, dit-elle, c’est de ne plus voir mes enfants. » Entre une et deijx heurps du matin, elle a comme une extase. D’après le rappprt de la veuve Turner, qui veillait près d’elle pendant la nuit, sesyeux étaientouverts etfixeset sa bouche fermée. La garde approcha les mains de sa bouche et de ses narines, et ne sentit aucun souille. : elle crut donc que la malade était évanouie, et ne savait trop si elle était morte ou vivante. Lorsqu'elle revint à elle, elle racontai sa mère qu’elle était allée à Rochester, et qu’elle avait vu ses enfants : « C’est impossible, dit la mère ; vous n’êtes pas sortie tout ce temps de votre lit. —Eh hien, dit l’autre, jesuis pourtaut allée voir mes enfants cette nuit pendant mon sommeil. » La veuve Alexandre, bonne des enfants, affirma de son côté que le matin, un peu avant deux heures, elle avait vu Marie Goffe sortir de la chambre voisine de la sienne, où l’un des enfants dormait seul, la porte ouveste, et venir ensuite dans 1» sienne ; qu’elle était restée environ un quavt d’heure près.du lit où elle était couchée avec l’enfant le plus petit. Ses yeux se remuaient pt ses lèvres paraissaient parler, mais elle ne disait rien. La bonne se montra prête à confirmer par serment devant les supérieurs tout ce qu’elle avait dit, et à recevoir en-, suite les sacrements. Elle ajouta qu’elle était parfaitement éveillée, et qu’il commençait déjà à faire jour; car c’était un des plus longs jours de l’année. Elle s’était assise sur son lit avait regardé et observé attentivement l’apparition, et avait entendu sonner deux heures à la cloche qui. était sur le pont. Au bout de quelques instants, elle avait dit : « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, qui es-tu? » A ces mots, l’apparition s’était évanouie.

La bonne jeta vite sur elle ses vêtements ppur suivre le fan-, tòme; mais elle ne put découvrir,ce qu’il était devenu. C’est alors qu'elle commença à être saisie d’un certain effroi. Elle

sortit do la maison, qui était située sur le quai, se promena quelques heures eu allant voir les enfants de temps en temps. Vers cinq heures du matin, elle frappa à la porte de la maison voisine; mais on ne lui ouvrit qu’une heure plus tard, et elle raconta ce qui s’était passé. On lui dit qu’elle avait rêvé; mais elle répondit : « Je l’ai vue cette nuit aussi clairement que je l'ai vue jamais dans toute ma vie. » Unedes personnes qui l'entendaient parler ainsi, Marie, femme de J. Sweet, appprit le matin que madame Golïe était à la dernière extrémité et qu'elle voulait lui parler. Elle alla donc à Mailing le même jour, et la trouva mourante. La mère de la malade lui raconta, entre autres choses, que sa fdle avait beaucoup désiré de voir ses enfants, et qu'elle prétendait même les avoir vus. Marie se rappela les parole« de la bonne ; car jusque-là elle n’en avait point parlé, croyant qu’il y avait en illusion de sa part. Th. Tilson, curé d’Aylesworth, près de Maidstone, qu'. a publié ce fait, l'apprit d’une manière détaillée le jour de la sépulture de J. Garpeoter, père de M. Golfe. Le 2 juillet, il fit une enquête très-exacte auprès de la bonne et des deux voisins qu’elle était allée trouver le matin. Le lendemain la chose lui fut confirmée par la mér»de M. Golfe, par l’ecclésiastique qui était venu la voir le -soir et par la garde qui l'avait veillée la nuit. Tous furent unanimes dans leur témoignage; tous étaient des personnes intelligentes, calmes, incapables de tromper et qui d’ailleurs n'avaient aucun intérêt à le faire. Ce fait réunit donc toutes les conditions qui peuven:. \e rendre incontestable. (The spectre or neu>s from ihe invisible world; London 1836, p. 184.) Tilson raconte ce fait dans une lettre du 6 juillet 1691 à un théologien très-connu, nommé Barter, qui l’a inséré dans son livre publié en aile mand, à Nuremberg, sous le titre de : ta: Certitude des esprits démontrée par des histoires incontestables.

(La suite au prochain numéro.)

DES EXPÉRIENCES SOMNAMBULIQUES.

ArPEL AUX SOCIÉTÉS MAGNÉTIQUES.

Tous ceux qui se sont livrés d’une manière suivie à l’étude du somnambulisme, sont convaincus de la réalité de la lucidité; comme ils en ont eu sous leurs yeux des preuves irrécusables, ils voudraient pouvoir propager leur conviction, et ils déplorent la persistance aveclaquelle tant de gens dénient ces phénomènes, les raillent, les déclarent impossibles, absurdes, ridicules. La lutte se poursuit entre les prôneurs et les détracteurs, lutte acharnée et trop souvent envenimée. N'est-il pas à désirer qu’enfin la lumière se fasse sur une question aussi controversée? Bien des magnétistes désespèrent’de voir jamais luire le jour de l’harmonie : ils prennent tant bien que mal leur parti d’une contradiction dont ils se consolent en l’attribuant aux préventions, à l'entêtement, à la mauvaise foi, et ils renoncent à toute tentative de convertir des adversaires qu’ilsjugent incurables. C’est reconnaître implicitement qu'on a bien peu de confiance dans la bonté de sa cause : car, malgré tous les efforts de la cupidité ou de la mauvaise foi, il est impossible que la vérité ne finisse pas par triompher, et, si elle fait peu de progrès, c’est qu’elle est mal défendue. Certes, nous sommes loin de méconnaître les services rendus par les généreux athlètes qui, depuisPuységurjusqu’à nos jours, ont combattu avec autant de dévouement que d’énergie pour faire accepter la lucidité. Parmi eux, on doit surtout conserver avec reconnaissance le souvenir du docteur Frap-part, écrivain spirituel et plein de verve, pamphlétaire infatigable, qui savait si bien rétorquer l’ironie, et dont la vigoureuse dialectique flagellait si rudementla morgue académique. Nous rendons justice à tous ces soldats de la pensée, et nous rappelons avec satisfaction que leurs travaux n’ont pas été infructueux, puisque, grâce à leurs expériences habilement conduites, un grand nombre d’homme3 éminents en divers

genres ont été amenés à observer des phénomènes de lucidité et les ont même publiquement constatés. Mais leur œuvre est demeurée inachevée, et nous sommes obligé d’avouer que les amis actuels du magnétisme ne s'occupent pas assez de continuer leur tâche. Ce n'est pas par des écrits qu'on peut aujourd’hui faire avancer la question, c’est par des faits nombreux, éclatants, saisissants et surtout parfaitement accessibles. Si nombreuses, si imposantes que soient les relations, elles ne peuvent suffire pour produire de9 conversions; il y a des choses qu’on ne croit que quand on les a vues, et celui qui n’a pu en être témoin est excusable, non pas de les nier ni de les déclarer impossibles , mais de suspendre son jugement jusqu’à ce qu’il ait pu observer par lui-même. Nous voudrions que les magnétistes s'entendissent pour être constamment en mesure de présenter des phénomènes à tous ceux qui demanderont à en être témoins.

Nous avons déjà cherché à stimuler leur zèle à l’occasion de deux brochures récentes, l'une de M. Mabru, l’autre de M“* Mongruel : tous deux, par des motifs contraires, nous provoquent à agir. M. Mabru, rappelant les écrits des magnétistes où l’on vante la lucidité, où l’on cite des exemples de vision à travers les corps opaquês, réitère son défi insultant, et croit pouvoir d'avance triompher de l'impuissance du somnambulisme. D’un autre côté, M"* Mongruel, tout en affirmant avoir réussi dans le genre de lucidité qui fait l’objet du prix Mabru, ne croit pas devoir accepter son défi ; mais elle offre de se soumettre, devant des juges compétents, à des épreuves tout aussi décisives; elle est prête à indiquer, d'après une mèche de cheveux, l’état de santé d’un individu, et à décrire, au seul contact d’un cadavre, l'état des organes intérieurs et les causes qui ont amené la mort.

En présence de semblables propositions, il n'est pas permis aux représentants du magnétisme de demeurer dans l’inaction. Bien que les conditions fixées par M. Mabru ne soient pas acceptables, il serait bon qu'on le mit en demeure de les modifier et qu’on pût lui présenter un sujet capable, sinon de réussir dans le genre spécial de lucidité qu'il a

adopté, du moins de donner devant Ini des preuves de lucidité qui le missent dans la nécessité de se rétracter.

Quant à M“" Mongruel, sa proposition est une bonne fortune dont 011 doit s’empresser de profiter, et, si cette dame réalise ce qu’elle promet, il y a de quoi convaincre bien des incrédules.

A qui couvient-il.de parler«tid’agir au nom du magnétisme? Evidemment cette mission appartient aux deux sociétés magnétiques de Paris. Ce serait à elles à se concerter pour former une commission à laquelle on pourrait adjoindre quelques notabilités, afin de lui donner plus d’autorité. Elle serait chargée de procéder d’abord aux expériences si obligeamment proposées par M”* Mongruel, et ensuite à l’esa-men des autres somnambules qui voudraient bien lui prêter leur concours. Elle procéderait en secret en s’entourant des précautions les plus minutieuses, de manière que ses expériences fussent inattaquables. Elle constaterait, pourcfiaque somnambule, ses genres de lucki'ité, et elle fixerait approximativement le degré de lucidité en faisant la proportion des succès aux insuccès. Elle saurait ainsi combien elle aurait de chaaces de réussir dans tel ou tel genre d’épreuves, et, par suite, ellepourraitmesurerle degré de confiance que méritent les somnambules qu’elle aurait examinés. Quand elle aurait ainsi organisé ses moyens d’action et supputé ses forces, elle tiendrait, à titred’essai, des séances auxquelles elle admettrait quelques amis, puis des indifférents, puis des incrédules, des savants, et enfin on saurait bien y faire venir quelques académiciens qui ne pourraient refuser leur témoignage. Alors les corps savants seraient obligés de discuter ces pilécomènes si longtemps raillés, qui seraient enfin admis dans la science et ne seraient môme plus contestés.

Nous avons soumis ce plan à plusieurs magnétistes distingués; on nous a fait des objections auxquelles nous croyons utile de répondre ;

1° o Ce que vous proposez (nous dit-on) a déjà été fait, notamment par Pigeaire et Frappai t, et toujours sans succès. Vous ne serez pas plus habiles ni plus heureux qu'eux; il y a

îles gensendurcis qui nient toujours, qui nieront quand même, et auxquels vous n’arracherez jamais une adhésion. »

Sans doute, on a déjà fait l’analogue de ce que nous pro posons, et nous ne prétendons pas avoir fait une découverte. Ce qu’ont fait nos devanciers a beaucoup servi la cause ; mais on a agi d’une manière insuffisante, et l’on n’a pas assez persévéré. Frappart et Pigeaire n’avaient à leur disposition qu’un somnambule, deux tout au plus; ce n’est pas assez; car on sait que la lucidité est variable, et l'on est toujours exposé à un échec, même avec le sujet le plus brillant. Mais si l’on a cinq à six somnambules éprouvés, qui, en moyenne, soient lucides, par exemple une fois sur deux, 011 aura énormément de chances pour rencontrer, en une soirée, an moins un fait de lucidité, et c'est tout ce qu’il faut. 11 serait bon, en outre, que les personnes admises aux séances fussent prévenues que la lucidité n’est pas constante, et prissent, avant de commencer, l’engagement d’honneur d’assister à un nombre déterminé de séances, par exemple quatre ou cinq.'Gomme oü serait muni, je le suppose.de quatre 00 cinq sujets ayant fait leurs preuves, jl serait presque impossible qoe, dans le cours de quatre séances, aucun d’eux ne trouvât pas une veine de lucidité. On voit que le succès’ serait à peu près certain. — Quant à la ténacité des incrédules, il ne fa^it pas s’en faire un monstre. Combien de gens ne se moquent du somnambulisme que parce qu’ils jugent impossible tout ee qu’ils en entendent raconter, et qui, voyant de leurs propres yeux, sont ravis, enchantés, et passent subitement du dénigrement à l’admiration enthousiaste 11 y en a d’auti'es qui se sont prononcés très-haut et auxquels il en coûtede revénir sur ce qu’ils ont dit, mais qui, vaincus par l’évidence des faits, comprennent qu’il vaut encore mieux reconnaître qu’ils se sont trompés, plutôt que de se déshonorer par l’obstinadon et la mauvaise fbi. Quant à ceux qui détournent les yeux pour ne pas voir, ce n’est qu’u'ie faible exception que nous pouvons négliger; et, quand la vérité aura jailli de toutes parts, 11 faudra bien que les traînards lui apportent leur hommage tardif, sous peine d ôwe tués par

le ridicule. Quand on jette un coup d’œil sur le grand nombre d'hommes marquants qui, depuis quelques années, ont reconnu la lucidité, on ne doit pas douter de la possibilité de la faire accepter par l’élite de la population, par les personnages dont l’opinion entraîne celle de la multitude.

2° On nous objecte : « Quand, après bien des efforts, vous aurez réussi à rendre témoins des phénomènes dix, vingt, cent personnes, celles-là croiront, soit : mais celles qui n’auront pas vu, en seront toujours au même point. Il faudra donc recommencer indéfiniment. On ne peut pourtant pas agir de même vis-à-vis du genre humain tout entier. Vous voyez donc que cette tâche est impossible. »

Nous ne pouvons comprendre cette objection que de la la part de personnes qui, s’étant fait une opinion, ne tiennent aucunement à la faire partager, et voient avec une égale indifférence régner l’erreur ou la vérité. Mais ce n’est pas à ces gens-là que je m’adresse. Pour ceux, au contraire, qu’enflamme un saint amour de la vérité et qui croient remplir un devoir en propageant leurs convictions, pour ceux-là il est clair que chaque conversion individuelle est une conquête précieuse et un pas vers le succès complet. Sans doute il serait plus commode de gagner les masses en bloc ; mais les. masses étantcomposées d’individus, plus vous amènerez à vous d’individus, plus vous entamerez les masses qui, mêmeàpàrtir d’une certaine période, commenceront à s’ébranler collectivement et seront très-disposées à accepter une doctrine quand elles la verront suivie par les hommes les plus éclairés.

Et quand on devrait s’y prendre pour offrir à chacun les moyens de se convaincre par lui-même, sans s’incliner docilement devant une autorité, si haute qu’elle fût, nous verrions là un hommage rendu à la raison et à la liberté humaine. Prenons pour comparaison ce qui se fait pour l’électricité : bien qu’on puisse s’en faire une idée par la lecture des nombreux ouvrages qui traitent de cette matière, le gouvernement a jugé avec raison que ce moyen d'instruction serait insuffisant, et il a établi dans Paris six cours publics et gratuits où chacun est admis à s’initier aux éléments de la science

et peut voir opérer sous ses yeux les faits merveilleux dont il a entendu parler, et apprend la manière de les reproduire lui-même. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour la lucidité? A mesure que le nombre des magnétiseurs instruits se multiplierait, on formerait plus de sujets lucides, il s’établirait des centres de propagation et d’expérimentation où les membres des sociétés magnétiques opéreraient devant tous ceux qui auraient le désir d’être témoins de phénomènes. La mesure qui a interdit les séances publiques de magnétisme n’est point applicable aux réunions dont nous proposons l’organisation : il résulte des explications données à la police, que les sociétés magnétiques ont la faculté d’admettre à leurs séances un petit nombre d’étrangers. D’ailleurs les commissions peuvent tenir, dans l’appartement particulier d’un de leurs membres, des séances qui échappent à tout contrôle et où il leur sera loisible d’introduire auiant de personnes que la pièce pourra en contenir. Plus on avancera dans la voie que nous indiquons, plus le nombre des commissions en état d’expérimenter d’une manière efficace ira en s’accroissant; on pourra donc admettre à des séances utiles toutes les personnes qui en feront la demande, et alors les moyens d’étudier la lucidité seront mis à la portée de tout le monde,

3° Quant à la vision à travers les corps opaques, voici comment s’exprime M"' Mongruel : « Je refuse formellement de me soumettre à des expériences qui ne tendent à satisfaire qu’une curiosité puérile ou ridicule. Telle est ma réponse à tous les prix Burdin, Mabru et autres, pour lesquels j’accepterai de concourir lorsqu’on m’aura démontré l’utilité qu’il y a à lire dans une boîte fermée. » —Toutes les expériences doivent avoir un but utile, d’accord ; mais leur utilité, quoique n’étant pas immédiate, n’en est pas moins réelle. Les observations des astronomes sur les étoiles fixes, les nébuleuses et la voie lactée, ne sont pas d’un usage pratique, ne peuvent influencer en rien le cours de la bourse ou celui des denrées ; mais qui oserait taxer d’inutiles ces sublimesdécouvertes ? M“*Mongruel a eu un très-grand succès en exécutant des poses indiquées par les spectateurs dans des billets fermés : ce genre

d’exercice avait-il plus d'utilité pratique que la lecture dans l’intérieur d'une boite? Non, sans doute, et cependant elle a eu raison de se livrer à des exercices qui ont eu, entre autres avantages, celui de constater la faculté de communication de pensées. Nous lisons dans le compte rendu d'une séance de Al"* Mongruel (.Messager de Paris duo août), qu’elle a commencé par les bagatelles de la porte, telles que lecture dans un livre fermé, description d’un objet caché dans une boite (c’est-à-dire précisément l’épreuve Burdin et Mabru) : ni elle ni le chroniqueur ne pensent sans doute qu’elle ait fait là quelque chose de ridicule ou de puéril. La lecture dans une boite a cet avantage immense de mettre en évidence, de la manière la plus claire et la plus indéniable, une des plus hrillantes facultés du somnambulisme. Si elle a été choisie de préférence par feu Burdin, c’est que, comme il l'exposait àTAcadémie de Médecine, les autres expériences sont presque toujours sujettes àdes embarras, à des difficultés, et peuvent, même en cas de succès, laisser subsister le doute. Par exemple, qu’un somnambule décrive l’état d'un malade, ses indications peuvent être vagues, et, par conséquent, peu concluantes; si elles sont précises, il arrive parfois qu'on ne peut les vérifier ; la vue (le la pensée d’autrui satisfait celui dont la pensée a été découverte, mais ne suffit pas pleinement pour les antres personnes, et ainsi de suite. La vue à travers ua corps opaque est quelque chose de net, de décisif, après quoi il n’y a plus qu’à se rendre. Aussi plusieurs magnétistes dés plus éminents ont-ils iiiit tous leurs efforts pour ]>résenter ce genre de lucidité dont jouissait notamment M1“ Pigeaire, et, certes, les travaux des docteurs Teste, Pigeaire et Frappart n'étaient ni ridicules ni puérils. Ces champions courageux pensaient avec raison qu’il était très-important pour la science de faire reconnaître une faculté aussi prodigieuse, dont l’ad-missiott implique celle de beaucoup d’autxes. En effet, comme le fait remarquer Frappart, s’il est bien établi que certains individus peuvent voir à travers un bandeau ou le.* parois d’une boite, non-seulement la vue à travers un corpi* humain ne devra plus être repoussée comme une extravagance qui ne

mérite pas i'examen, mais elle deviendra extrêmement probable : bien plus, dès qu’il est prouvé que des somnambules jouissent d une faculté anormale, dont l’esistenoe est même contraire à toutes les prévisions de la science, il est évident qu on entre dans un ordre de choses tout nouveau , on est obligé de modifier ses idées sur les limites du possible, d’é-tudier ce« facultés extraordinaires dont on s’était inoqué, d en rechercher l’étendue et les applications : en un mot, on entre dès lors dans le camp des magnétiseurs, et, conur.e saint Paul, de persécuteur 011 devient apôtre. Tout cela peut être le résultat d’un fait bien constaté de vue à travers les corps opaques. Nous ne comprendrions donc pas qu'un sujet jouissant réellement de cette faculté dédaignât, par un vain scrupule, de concourir, et privât le somnambulisme d’une victoire éclatante. Il est toujours utile de prouver ce que peut la lucidité, et il est toujours désavantageux de us pas accepter le combat: le puhlioest malheureusement disposé à traiter de faux-fuyant les raisons de prudence qui empêchent un somnambule d’entrer en lice.

h° On nous objecte que les somnambules de profession refuseront leur concoure.

A cet égard, l’offre de M"* Mongruel a de qaoiaous rassurer : nous espérons bien que cette offre sera suivie d’effet et que les somnambules les plus lucides suivront sen exemple : une fois Pélan donné, les somnambules qui refuseraient de se prêter aux expériences avoueraient par là qu’elles 11’ont qu’une bien faible opinion de leur lucidité et qu’elles ne sont pas dignes de compter dans les rangs du bataillon sacré ; ce serait se déconsidérer aux yeux du public et renoncer pour toujours aux titres de sibyftc extra-tucirte et iforucltrireeom-parable. Si par-là il s’opère un triage entre les somnambules vraiment lucides et celles qui, ne l’étant pas, abusent Je la crédulité publique, ce sera un bienfait dont on eerareitevable à l'instittition de notre couhbwshwi, et le charlatanisme seul aura à s’-eii plaindre.

Comme les expériences auxquelles devra procéder la commission pourront devenir multipliées, nous concevons que les

somnambules de profession, après avoir donné quelques preuves de lucidité, soient avares d'un temps dont l'emploi est fructueux. Aussi devrait-on se munir de sujets de bonne volonté; il serait même bon de former des somnambules qui ne seraient pas destinés à tenir des cabinets de consultation, et chez lesquels on s'attacherait surtout à cultiver la sincérité et l'horreur du charlatanisme. Il faudra s’attendre à quelques dépenses : car il sera juste de dédommager les personnes qui voudront bien faire des sacrifices de temps et négliger leurs afFaires pour se prêter aux expériences. L’argent est le nerf de la guerre en tout genre, et une société ne peut poursuivre son but si elle n’obtient pas du dévouement de ses membres les moyens de faire face à toutes les exigences. Nous sommes persuadé que ce n’est pas le zèle qui fera défaut.

Nous appelons l’attention de tous les amis du magnétisme sur le plan d’expériences que nous venons d’exposer; nous recevrons volontiers les observations auxquelles il pourra donner lieu. La discussion pourra amener la modification des détails. Mais nous sommes persuadé que tous reconnaîtront la nécessité d’agir : il faut se mettre en mesure de pouvoir justifier ses prétentions et de les soumettre à des épreuves scientifiques. Le doute et l’incertitude ont trop longtemps duré. Un dernir combat doit décider de la victoire. Ne pas avancer, c’est reculer.

A. S. Morin.

DANGER DE LA CRÉDULITÉ EN MATIÈRE DE SPIRITUALISME.

Depuis quelque temps, l’étude des doctrines spiritualistes préoccupe un certain nombre de personnes. Pour les uns, le spiritualisme est une chimérique création de l’imagination , pour les autres c’est une vérité qui révèle le dernier degré, la plus parfaite des œuvres de la création.

En dehors des faits apparents, qui sont pour l’exigence de

la raison humaine la preuve la plus importante qui puisse entraîner la conviction, il me semble que le raisonnement peut apporter en faveur du spiritualisme (¡es principes dont l’existence renferme la possibilité (le la réalisation des faits.

Le premier de ces principes, formulé déjà dans mon ouvrage sur la physiologie et la métaphysique du magnétisme, est que l’âme humaine n'est pas le dernier terme de la création, et que comme, entre le minéral et l'homme, il y a une série d’êtres graduellement croissants en propriétés, facultés et intelligence, de même entre Dieu et l’homme, il y a une série d’êtres graduellement croissants en intelligence.

Le second principe est que le sentiment religieux et le sentiment du merveilleux étant inhérents à la nature humaine, ces sentiments doivent avoir leur objet de correspondance. Aussi l’idée de Dieu et du monde surhumain n'est pas illusoire.

Mais dece que l'existence des Esprits ne peutêtre révoquée en doute, il ne s’ensuit pas qu’il faille admettre coitome réelles toutes les communications prétendues spirituelles. Ce genre de manifestations n’étant évidemment pas dans l’ordre naturel de notre vie terrestre, on doit être très-circonspect lorsqu’il s'agit de déterminer la nature spirituelle d’un phénomène extraordinaire, et il faut se méfier des moyens d’analyse et d’appréciation dont on peut disposer. La science, l’art, la ruse ont bien rétréci la sphère des faits réputés jusqu’alors surnaturels.

Ces réflexions me sont suggérées par ce qui vient d'avoir lieu à Orléans. Voici l’histoire :

En juin dernier, il se répand par la ville que des Esprits viennent dans une maison et y bouleversent tout; chaises, meubles, poteries, objets divers sont remués parles invisibles. Cent témoins ont vu ce tumulte, quelques-uns ont reçu des objets sur eux; chaque soir la foule s’amasse devant la maison et entend les bruits dont d’autres personnes voient la cause, c’est-à-dire les objets déplacés. Un des locataires fatigué de ce trouble, va se plaindre à la police qui envoie un agent pour examiner; cet agent ne voit et n'entend rien, ma

dès qu’il est parti, tout recommence. Alors le commissaire fait venir auprès de lui une jeune fille qui habitait la chambre hantée par les Esprits, et sans ménagement il lui déclare qu’elle va aller en prison, attendu qu’elle doit savoir comment se passe cette comédie. La fille pleure , hésite, avoue enfin que c’est elle qui, à l'aide de fils cachés, fait manœuvrer les divers objets. Elle est rendue à la liberté et rien ne bouge plus.-

Si une autre marche avait été suivie dans cette affaire, les choses auraient continué longtemps, etles avis, certainement, eussent été partagés.

Je lisais dans le n° 6, 2” vol. de la Revue spiritualité uu article de M. Mathieu, ancien pharmacien, dans lequel cet estimable écrivain raconte une manifestation spirituelle par l’écriture. Pour M. Mathieu, le fait est irrécusablement le produit d’un Esprit, et sa conviction est assise sur une preuve irréfutable.

Le phénomène en question, tel qu’il est décrit, est très-loin dfi pouvoir couvaincre, car il est très-iacile de s’amuser à faire exactement la tnèma chose. Une feuille de papier pliée en quatre, tenue par uue personne derrière laquelle ou est assis sur une chaise, est ensuite ouverte et on y voit tracé au crayon le mot [ai, puis, apiès deux autres épreuves, ceux de en Dieu

Soyez ganté si vous voulez comme l’était la personne, écrivez en cachette sor le côté des doigts ou sur l'étoffe de votre robe à la place du genou, deux ou trois mots avec un de ces crayons à décalquer, leur impression est facile, puis, en prenant la feuille qu’on vous présente pliée -en quatre, et saDs méfiance, alors du moins, vous glissez le doigt écrit entre les feuillets que vous pressez aveeie pouce, «t.L'impression est faite.

Pour que l'expérience ne soulevât pas d’objection et qu’elle fût inimitable par l’adresse et la ruse, il fallait qu'une enveloppe cachetée renfermât te papier.

Des choses de cette valeur doivent avoir un caractère plus

sérieux et. inattaquable, autrement elles tournent contre le principe qu’on veut prouver. Qui veut trop prouver ne prouve rien, et la crédulité est aussi ennemie de la foi que l' ignorance et l'orgueil.

Dr CllARPIGNON.

Orléans, août 18f>9.

Dans le dernier numéro, nous avons donné à nos lecteurs la première série des Songes de M. Conrot, nous publions aujourd'hui la suite qui nous paraît toujours avoir un grand intérêt, et comme l’écrivain s’est prêté à notre désir, celui de le voir approfondir Tétat-dans lequel il s’est trouvé toute sa vie, nous imprimerons ce qu’il lui plaira de nous envoyer, persuadé que nous sommes que la science magnétique y trouvera son profit.

Le sommeil, les songes, la double vue, les prévisions attestent que l’âme a des facultés innées qui peuvent faire pénétrer certains mystères qui semblaient planer au-dessus de la raisou sans qu'elle pût jamais saisir leurs rapports et les lier aux choses, observables habituellement, dont on a trou vé les lois.

SONGES ET PRESSENTIMENTS.

(Suite) (!)•,

Venons aux particularités somnambuliques. ltzig est un village à une lieue de Schleifmülh; ma femme y avait ses grands parents. Jamais je n’y avais été; cependant j’en connaissais mieux les divers chemins qu’elle-même par mes , songes. — 11 y avait presque au sommet d’une côte escarpée une très-jolie fontaine dans une cave publique, je la connaissais aussi avant de l’avoir vue, etc., etc.

A Schleifmühl, toujours 1844. — lin de mes amis me demandait : « Eh bien ! comment se plaît-on à Schleifmühl ?

(1) Voir le numéro (lu 10 août, n* S9, p. 402.

— Nous y sommes très-bien, nous ne désirons pas d’êae ailleurs, nous n’avons aucun sujet d’ennui, nos occupations, nos promenades,nos parents, notre santé ne nous en fournissent aucun motif, et cependant un profond chagrin nous dévore..., cela finira mal.— Deux mois après j’étais veuf; —que de pressentiments précédèrent la mort de ma femme, que je croyais seulement indisposée ; j’éprouvais de la fatigue, de l’abattement auprès d’elle sans avoir veillé, ni rien fait qui pût occasionner la fatigue, au point qu’il me fut impossible de la magnétiser, les bras me tombaient I

En songe, j’avais vu travailler à un pont neuf à côté du pont couvert de Thionville; j’avais vu une construction en train dans la cour du lycée de Metz ; j’eus l’occasion de tout vérifier avant de quitter Schleifmühl. Enfin, huit jours avant la Noël 1844, je disais à mon frère (incrédule, anti-magnétique) : «Tout ce que je devais voir ici est accompli; il ne me « reste à voir s’accomplir que mon séjour dans une grande « ville, où je m’ennuierai beaucoup, mais où je serai content u de mon sort. — Te voilà encore avec tes superstitions I »

Dix jours après, on me demandait à Gand.

J’omettais de dire une particularité de Fischbach, en 1842.

Cette année, ma femme devint enceinte de mon troisième fils; aussitôt que j’en eus connaissance, mes songes me présagèrent les plus grands malheurs et pour la mère et pour le fils; l’avenir de l’un et de l’autre se peignait avec les couleurs les plus noires; ces songes m’affligeaient au delà de toute expression ; ma femme mourut un an après sa couche, et le fils ne vécut que trois ans et demi. — Je remarquais déjà, à cette époquede 1844 (départ pour Gand), que les choses indifférentes m’étaient montrées clairement en songe, pourvu que ce fussent des faits neufs, des objets hors ligne, remarquables. Mais, pour les chosesqui touchaient à mon bonheur ou à mon malheur, elles restaient enveloppées d’un nuage; elles ne m’étaient annoncées que sous une forme allégorique. J’en appienais assez pour être prévenu, mais trop peu pour reconnaître les circonstances qui devaient amener les faits

et pour les éviter. Ainsi je n’ai pu échapper à ma destine.

N* 7. 18/i5. Gund. — Plusieurs années à l'avance, et pin-sieurs fois par mois, pendant mon sommeil, mon esprit éi-.it préoccupé demon séjour dans une grande ville, du chiffre do mon traitement (â,000 fr), puis de mon changement, et d un voyage au midi de Gand, marqué par de fortes contrariétés. Je vais citer les choses prédites qui se sont réalisées.

Faits prédits plusieurs fois (je puis dire mensuellement tnt moins) et réalisés à Gand plusieurs années après.

1. — Nous habitions vers l’extrémité d’une rue assez éloignée de mon bureau et du centre de la ville (rue Neuve-Saint-Pierre, 89).

2. — Après ma sortie de la Banque, je pris un petit logement en face.

3. — Nous sortions fréquemment par une porte de la ville que l’on gagnait en traversant une grande place (plaine Saint-Pierre), laquelle, sur les derniers temps, était encombrée : nous devions nous détourner pour passer.

h. — On y faisait de nombreuses constructions ; elle était obstruée de matériaux. (Ces promenades étaient nos visiles au cimetière Saint-Pierre où est enseveli mon fils Eugène.)

5. — On travaillait dans la rue Saint-Perre, on creusait au milieu, sur une grande longueur (des égouts).

0. — J’allais fréquemment d’un certain côté (rue du Calvaire; j’y ai magnétisé pendant un an), changeant parfois, quoique rarement, mon itinéraire à travers les rues.

7. — Je suivais le quai quelquefois, mais presque toujours je passais sur un pont que je me figurais, pour la position, être le pont Louis XV.

8. —Laissant à gauche un grand bâtiment fermé, inachevé, que j’appelais les Tuileries.

9. — Puis je remontais le quai que je surnommais quai d’Orsay. Mais le tout était bien plus petit qu’à- Paris, et le pont, et la rivière, et le monument, et le quai. Ceux qui connaissent Gand et Paris verront à ces indications la route que je suivais. Je n’ai jamais su ce que j’allais faire dan s

ce quartier ; seulement j’y avais retrouvé ma chère épouse pour l’amitié, la confiance, les bons conseils, etc. ; mais, notez-le bien, mon bonheur n'était que confusément dessiné. Etcomment aurais-je pu comprendre d’ailleurs, puisque je n'étais pas veuf dans les premiers temps que je faisais ces rêves. Donc, obscurité encore suf le point capital et parfaite lucidité sur les choses indifférentes. *— Exempte.

10.—Dans un quartier nouveau pour moi, je crois couper au pluscourten prenant une certaine rue; toutàcoup jemetrouve au milieu d’une grande cour sans issue apparente; la honte ne me permet pas de revenir sur mes pas ; comment faire ? Je me rappelle que j’ai vu cela en songe ; comment m’étais-je tiré d’aflaire? J’avais pris la première allée qui s’était présentée à ma vue, et, par cette allée,j’avais gagné la rue dite des Femmes .-je le fis en réalité et me sortis d’embarras.

11. — L’arrivée d’un 3mi m’était, comme à Paris en 1833-35, annoncée par un pressentiment.

J’avais- déjà une telle confiance dans mes songes, quel*es-poir de les voir se réaliser me soutint pendant une maladie très-dangereuse que je fis en 1846. Mes trois fils tombèrent malades dans le moment où mon état devint le plus critique (je restai sans connaissance pendant huit jours) : le plus jeune d’entre- eux succomba.

12. — Le voyage désagréable que je devais faire au sud de Gand eut lieu en effet avec P. Vinc..., qui devaitnle procurer ua emploi. U prit jour pour partir à trois reprises différentes, et il changea trois fois au moment de se mettre en route ; il me fit perdre mon temps et ne me procura rien ; il fuyait ses créanciers.

Je quittai Gand en 1848. Un an auparaût, octobre 1847, j’avais commencé à revoir dans mes songe# la ville de Sedan que je connaissais; elle m’apparaisBait avec divers changements que j’ignorais avoir été accomplis, notamment celui de la porte du Méftil.

N* 8. 1850 à 1850. Séduit, c/*etni>i de fer. — En 18&7-

1838, à Fischbacà, dans le Luxemboorg, on parlait des chemins de fer : nous pensions, comme beaucoup d’autres, que

jamais nos pays de côtes, de rochers et de vallées escarpées, ne seraient traversés par un chemin de fer. Cependant, en

1839, je me vis, en songe , deux fois an-dessus de Neuf-château, mon pays natal; sur ma gauche se trouvait un bois qui m’en dérobait la vue; j’étais dans la direction de Bruxelles et tournais le dos à Luxembourg, Arlon ; ce lieu m’était tout à fait inconnu. Je vis venir à moi, dans cette direction, les locomotives d’un chemin de fer.

En 1850 , je n’avais rien oublié de ce rêve deux fois répété: je me rends à Neufchâtcau, à la position indiquée, et je reconnais que le chemin de fer est fait dans cette même direction, à cette môme place, au travers des mêmes côtes, des mêmes vallées, au-dessus du bois d'Hospau qui me dérobe la vue de Neufchâteau.

Pendant mon séjour àGand, j'ai vu et parcouru plusieurs fois le chemin de fer de Sedan à Carignan ; de Carignan à Floren-vüle, par le bois de Pure; de Florenville àMarbehan; il était dirigé de là, à angle droit, sur Arlon, à droite, et sur Neufchâteau, à gauche. Ces chemins de fer n’existent pas encore : une partie seulement est en voie d’exécution, et le tracé ne coïncide pas parfaitement avec mes songes ; mais des changements peuvent survenir, le tracé n’est pas définitivement adopté. On a fait un tracé direct de Neufchâteau par Miïnfi, et puis sur Florenville, sans savoir où en est ce tracé, mes songes me disent qu’il sera rejeté, et celui de Marbehan adopté.

Je passe sous silence plusieurs autres particularités sur les chemins de fer, et je reviens aux songes et pressentiments.

N° 8. 1850 à 1869. Sedan. Divers songes réalisés. — Des prédictions de Gand je vis se réaliser :

4° De fréquents voyages à un endroit entre Sedan et Keims (Boulzicourt), sur la droite de la directrice de Reims, ou sur la directrice de Sedan à Paris : je passais par une route dont la direction , le tracé très-convenable , facile, avait été changé pour un tracé absurde, et cela par l’eutètement d'un propriétaire. Dans la maison où je vais, on rit en me voyant; on

meconsidère attentivement, onritencore (je ressemble au papa beau-père à s’y méprendre). Un autre jourj’y mange... pardon du mot (on me sert de l'andouille dont les parties intégrantes, mal lavées, ont le goût d’excréments).

2° Des changements fréquents de domicile ; je vais d’abord dans un garni d'où l’on entendait tout ce que disait le voisin, et réciproquement (place d'armes), puis dans une maison mal famée, maudite. Un suicide s'accomplit dans cette maison (rue des Tanneurs).

3° La construction etl'agrandissementde plusieurs maisons.

û° L’audition de la voix d’une personne de connaissance, entendue deux fois sans que j’ai pu revoir cette personne (Vi-det-Bizot).

5° Enfin j’avais été averti en songe que mon cousin Pierre Félix Conrot irait en Afrique et n'en reviendrait pas : il est mort à Bone, chef d’escadron d'artillerie.

N° 8.1850,1859. — Je passe à la catégorie de faits annoncés à Sedan, réalisés à Sedan.

1. — Je me trouve dans l’usine d’un de mes amis, il est absent, une porte est fermée à clef, il est arrivé un malheur, la cuve de teinture, etc.

Un an environ après ce rêve, l’ami est retiré de sa cuve, et toutes les particularités de mon rêve sont réalisées.

2.—Je vois des enfants qui se baignent dans l’eau trouble, au Raidon, sur la prairie : tout le monde a pu voir une fois, en 1856, huit ou dix jours avar.tle temps de couper les foins, la rivière s’élever d’un mètre sur les prairies: j’avais eu deux fois ce songe, un an d’avance.

3. — M. *** est repêché à la rivière. Quoique je crusse comme beaucoup d’autres qu'il fût parti clandestinement, une voix intérieure me répétait : on va le rapporter. Je le vis passer en effet conformément à mon rêve ; mais contrairement à mon opinion raisonnée, il était ruiné.

A. — Tous les jours encore, en sortant, si j'oublie mon canif, ma clef, ma tabatière, une voix intérieure nie le dit ; et si je ne l’écoute pas, je mu trouve obligé de revenir chez moi le chercher.

5. — La mort de mon oncle me fut annoncée par son fils, il y a vingt-deux mois. Je l’avais vu ici en juillet 1857; il semblait devoir vivre encore longtemps ; en septembre 1857, un mercredi, je vois son fils (mort à Bone) en songe ; il ne me quitte que quand j’ai compris ; je m’éveille alors, et, éveillant mes enfants, je leur dis: notre cousin l’officier viefit chercher son père. Il mourut trois jours après, à Fontenville, (Belgique), à cinq lieues de Sedan.

Sensibilité nerveuse.

1.— J’ai ressenti lemal de têted’unepersonnequeje magnétisai pendant plusieurs jours, à plus de 1,200 mètres de distance. Nousavonsfaitàcetteoccasiondiversesexpériencespour savoir dans laquelle des deux têtes se trouvait le siège du mal, ou plutôt la perception directe.

2. — Ayant ressenti une douleur particulière dans le bas-ventre, certain qu’elle ne venait pas de mon organisme, de retour chez moi, je considérai attentivement mes enfants; l’aîné me parut souffrant. « Où as-tu mal? Au ventre? Y sens-tu de la chaleur ou du froid? Es-tu serré ou relâché? Ressens-tu des picotements, ou des contractions, etc. ? Tout chez lui était conforme à ce que j’éprouvais. Je fis passer aussitôt son mal et le mien en un quart d’heure.

3. — Madame Claus. F. avait chez elle un parent dangereusement malade ; il était au deuxième étage, etje ne l’avais d’ailleurs jamais vu. Un dimanche, étant au rez-de-chaussée avec un prêtre et madame Cl..., au bout d’une heure, je me trouve mal à mon aise, gêné de l’estomac, je suffoquais...,je dus sortir. Je rentrai après une demi-heure de promenade, et j’appris que le malade d’en haut avait éprouvé le même malaise que moi (madame Claus. avait servi sans doute à établir un rapport entre son parent et moi). Le lundi, à la Banque, de neuf à dix heures, j’éprouve le même malaise, et je dis à M. de Murât, employé : Je ressens un mal qui ne vient pas de mon être, il ne m’appartient pas. A midi je cours chez madame Cl..., son parent avait terminé ses jours, le matin même, entre neuf et dix heures.

h. -M. Hubert de Chémery, en 1850, me demande pour un malade qu'il traitait par le magnétisme. J’y vais sans nie préoccuper d’autre chose que de la beauté du pays que je ne connaissais pas. Arrivé à 5 ou (300 mètres du village, je ressentis tout à coup une certaine oppression d’estomac el en même temps nia pensée se porta vers le village. Je me dis : C’est un malade qui étouffe. J'arrive chez Hubert; son jeune homme est au lit; il est fortement oppressé, il ne peut respirer, inutile de rien essayer; le médecin appelé (Hubert était aux abois) arriva bientôt après; ce qu’il fit, je l’ignore, niais une demi-heure après, le jeune homme n’existait plus.

5.— Cette même année, passant la nuit chez un de mes camarades d'enfance; il me donne un bonnet de nuit... «Tuas mis ce bonnet pendant que tu avais mal à la tète? » 11 réfléchit,... c'est juste, dit-il. Il avait eu mal de téte le matin. J'ôte le bonnet, et mon mal se passe.

6. — J’ai donné ici encore quelques leçons :

ün problème d’arithmétique le plus simple, le plus banal, arrêtait mon élève (un homme ; jamaisun adulte ni un enfant), je voulais l’aider, tout il coup je partageai son trouble, j’étais perdu : perdu dans une multiplication. Quôi.faire ? Je fermais les yeux une seconde, ma lucidité revenait. Ce fait s’est renouvelé plusieurs fois avec un patron (sans doute embrouillé), qui venait me soumettre des difficultés de comptabilité. Je ne voyais plus rien, il m’était impossible de trouver une solution. Alors je secouais parina volonté cette hallucination, et je redevenais comptable voyant.

7. —Les dispositions d’esprit des personnes qui m’entourent habituellement, se transmettent à mon cerveau, à mes nerfs. Je l’ai recounu plusieurs fois avec un patron ; j’ai deviné bien des fois ses dispositions mentales sans regarder sa figure.

Je disais un joui- à une de mes sœurs : « Mais pour Dieu, occupe donc ton esprit d’idées plus agréables !» Nous ueparlions pas, et nous étions occupés tous les deux, chacun pour notre

compte. Elle avoua que son esprit voyageait dans un pays d’appaience sinistre.

Mèmechose avec une autre sœur et une nièce. « Mais, disais-je, en cliangcantla conversation baualequi nous occupait, vous venez ici m'apporter uu trouble d’esprit dont je u'ai que faire pour mes chiffres. — C’est vrai, mon oncle, noua venons chercher un peu de gaieté auprès de vous. »

8. — Suivait le temps, je suis gai ou triste. Par le plus beau temps du mande, je prévois la pluie-au moins 12 heures à l’avatipe; alors je deviens d’une susceptibilité qui me contrarie moi-mème, je me gronde. Mais il faut subir la loi de celui qui commande ce jour-là, tout en le désapprouvant. Je me figure qu’il y a en moi deux volontés dominant chacune à son tour suivant la disposition du temps. Conrot.

(La suite à un proc/uiin numéro. )

VARIÉTÉS.

Le fait divers suivant, que nous extrayons de Y Audience du 28 juin, démontre bien, surtout par sa petite préface, que les idées magnétiques sont maintenant acceptées par tout le monde. Non-seulement »m journal parle de la puissance magnétique sans crainte des railleurs, mais il fait toute une théorie de l'application du magnétisme à lvart militaire.

Tous les magnétiseurs et tous les gens qui ont manié l’ô-pôe savent que, dans un duel à l’arme blanche, l’reil de l’adversaire doit être surveillé avec phis d'attention que le fer.

Mais voici une vérité moins connue et que tous les colonels d’infanterie devraient mettre à l’ordre du jour de leurs régiments :■

Ityas une ch^rge à la baïonnette, l’enBeml, fasciné par un regard énergique, est vaincu d'avance.

d Ç|iez l’hommei et dans certains animaux , la puissance roagiy-tique de l’œil est incontestable ; ainsi, le serpent fascine- sa psoie rian.qu'ea la regardant; l’émouchet, du haut des airs, fait trembler l’oiseau, qui n’a pas même la force de

fuir, et certains hommes en forcent d’autres à baisser les yeux : ne serait-ce pas un peu pour cela que des troupes qui tiennent ferme quand il s’agit de faire feu à distance, perdent contenance et ne peuvent résister quand elles sont abordées à la baïonnette par des soldats qui ont plus d’élan, plus d’entrain, enfin, pour nous servir de l’expression consacrée, plus de chien dans le ventre.

« Avant-liier, dans l’après-midi, un cabriolet, attelé d’un superbe cheval noir, était emporté à fond de train le long des boulevards extérieurs, et, malgré les efforts de son conducteur pour le retenir, malgré les tentatives des passants pour l’arrêter, l’équipage filait avec une telle rapidité , que le moindre caillou, la moindre inégalité de terrain, lui imprimait des mouvements de roulis qui devaient aboutir à une catastrophe : le cheval avait pris le mors aux dents.

« Tout le monde suivait donc du regard le véhicule en détresse , et chacun s’attendait à le voir se briser en miettes d’un moment à l’autre, lorsque le nommé R..., ouvrier ébéniste, qui voit le cabriolet arriver de son côté, va se camper au milieu de la chaussée, et au moment où le cheval arrive sur lui, il lui lance un énergique holà! qui arrête court la bête haletante.

« Et comme les curieux que cette scène avait attirés s’étonnaient que d’un seul mot il eût obtenu un pareil résultat : « Eh bien ! et ces yeux-là donc, que vous ne comptez pas, dit l’artisan en donnant à son regard une expression d’énergie extrême, c’est avec cela que je faisais trembler les Bédouins quand j’étais aux chasseurs d'Afrique. »

Il y a cinq ou six ans, une jeune fille de Baguer-Morvan, arrondissement de Dol, demeura endormie pendant sept à huit mois, ne donnant à peu prè3 aucun signe de vie, et ne prenant d’autre aliment que quelques gouttes de vin qui lui étaient administrés à de longs intervalles, quand on réussissait à lui desserrer les dents. La malade fut réduite à un degré d’amaigrissement qui laissait peu de différence entre elle et

tt.i squelette. Aussi la rappeler à la vie semblait un prodige, bien que le cæur soulevât toujours de ses faibles battemens celte poitrine blanche et mince comme une feuille de papier. De l’aveu des nombreux médecins venusdefort loin pourla voir, c'était là le cas de catalepsie le plus étonnant que l'on eût encore observé.

Cependant, la jeune fdle revint à sa pleine santé et vaqua même à tous les travaux champêtres de sa condition. Elle pouvait rêver amour, mariage et sourire à toutes les espérances que se permet la plus florissante jeunesse, lorsque, vers la Toussaint dernière, elle a été prise d’nne indisposition que l’on a bientôt reconnue être sa première maladie. Au-jourd’hi, l’infortunée jeune fille gît, toujours vivante, mais immobile et roide, et sans conscience de ce qui se passe autour d’elle, sur un lit de paille que lui a préparé sa pauvre ni ère, dans la chaumière habitée par la famille. La malade reçoit, comme la premièré fois, de nombreuses visites. On la désigne dans les environs de Dol sous le nom de Belle-Endormie. (Extrait de XUnion, 3 août 1859.)

Il n’y a pas sans doute de magnétiseur à Baguer-Morvan, mais il y a des médecins... qui pourraient sauver cette jeune fille, s'ils osaient se mettre au-dessus des préjugés 1

Le Daity-News enregistre le cas suivant, qui doit être une leçon de plus contre les inhumations précipitées :

« Il y a quelques jours, une jeune fille de douze à treize ans, la nommée Amélia Hinks, demeurant dans sa famille, à Nuneaton (comté de Warwick) et malade depuis plusieurs semaines, ne donnant plus signe de vie, fut tenue pour morte par ses parents et amis, qui s’empressèrent de l’enterrer.

« Le corps livide et glacé fut enveloppé d’un suaire, de petites pièces de monnaie furent placées sur les yeux, selon la coutume, et le cercueil fut commandé. Il y avait quarante-huit heures que le corps était dans cet état, quand le grand-père, homme très-âgé, vint de Lannington à Nuneaton pour voir une dernière fois sa petite-fille. Le vieillard enleva de

dessus les yeux les j>etites pièces de monnaie qu’on y avait placées, et se mit à considérer attentivement le masque pâle.

« Tout à coup, il crut remarquer un léger tressaillement des paupières, et il communiqua son observation à la garde, qui en sourit d’abord, mais ne tarda pas à constater à son tour ce phénomène étrange. Le médecin fut appelé, quoiqu’il ne crut pas le moins du monde à ce qu’ou lui disait avoir vu, il vint, et ayant sondé la région du cœur , il reconnut que la mort n’était qu’apparente, que la malade était en léthargie.

« Par degré, la vie so manifesta de nouveau et bientôt même la jeune fille put parler. Alors elle rendit compte de tout ce qui s’était fait autour d’elle depuis l’instant où on l’avait crue morte. Elle nomma la personne qui lui avait couvert les yeux ; elle répéta les paroles qui avaient été prononcées pour commander acui cercueil, et rapporta les observations qui furent faites au sujet de son ensevelissement»

u Quand l’enfant revint à la vie, on voulut lui faire prendre quelque nourriture. D’abord elle refusa, et il fallut la contraindre; mais à peine eut-elle goûté à quelque chose qu’on dut s’opposer à la satisfaction d’un appétit exagéré. Depuis ce temps, son esprit e«L singulièrement, altéré. Elle parle de tuer son père et sa inèrc, et même elle s’est levée au milieu de la nuit pour mettre le feu au lit de ses parents.

« L’àecideirt' n’a pas eu de suites; mais on n’en a connu l’origine que par l'aveu fait par la jeune fille elle-même. Actuellement l'enfant est dans un état tel, qu'on ne sait si l’on ne doit pas regretter qt»’«He soit vivante. D’ailleurs, l'affaiblissement est si profond1, que ce n’est que par un examen très-minutieux qu’en s'assure que la vie n’a pas définitivement abandonné ce pauvre corps. Gçt événement a causé une grande sensation dans Nuneaton et les environs. »

Baron do POTET, propriétaire-gérant.

Parfc. — Jmpr. de Pommeret cl Moreau, rue Va vio.

CLINIQUE MAGNÉTIQUE.

Un jeune ouvrier terrassier, ayant été surpris par un éfcçfei! lement,fut gravement blessé et transporté à l’hôpital le plus' proche ; l’os de la cuisse gauche s’était brisé et faisait saillie à l'extérieur, après avoir déchiré les chairs et la peau. Le chirurgien fut obligé, pour remettre les parties en place, d'inciser fortement les chairs et d’agrandir la plaie. Le malade 11e supporta pas bien les suites de son accident ; lorsque la suppuration s’établit, elle fut si abondante, qu’il s’en trouva très-affaibli ; il perdit ses forces, et, au lieu d'un homme plein de la vigueur de la jeunesse, on n’eut bientôt plus qu’un corps décharné, aux yeux caves et enfoncés, et sentant le sapin d'une lieue. Le chirurgien, qui l’avait déjà condamné, le montra un jour à un médecin qui suivait quelquefois sa visite et le désigna comme un homme perdu. Chaque fois qu'il passait devant cette ligure cadavéreuse, il hochait la tète et faisait la grimace, discours éloquent qui en disait plus que des paroles.

Sur ces entrefaites , comme j’étais chargé du soin de ce malade, l’idée me vint d’employer le magnétisme. Je ne le lis ças ouvertement, car je n’eusse peut-être pas été trop favorisé ; mais, à l’insu des infirmiers, des sœurs et du malade même, je me mis à l’œuvre. En pansant sa plaie, je lui envoyais du fluide le plus que je pouvais, et je faisais durer le nettoyage un peu plus longtemps que d’habitude, afin de cesser moins vite la magnétisation. Après le lavage venait l’application de la charpie , des compresses et de l'appareil ; le tout, bien pétri entre mes mains et imprégné d’effluves magnétiques, était ensuite appliqué sur la plaie et ses environs, et continuait l’action commencée en nettoyant.

Bien que je ne pusse lui donner par ce moyen que fort peu de chose, et que le cas fût très-grave, désespéré même , sa bonne nature, aidée de cette petite aumône quotidienne, Tome XV1I1. — N° 03. — î» SÉRIE. — 10SgPTIHUII1159. n

lui fit surmonter le péril, et, au bout d'un certain temps de ce traitement inaperçu , un changement complet s’était fait remarquer dans notre homme. La suppuration avait fini par se tarir peu à peu, la plaie s'était refermée, les yeux avaient repris leur place et leur éclat, et les pommettes saillantes avaient fait place à de grosses joues roses.

Le chirurgien, surpris d’un pareil changement, fit appeler un jour le médecin auquel il avait montré le moribond, et, lui faisant remarquer le changement survenu : « Vous rap-pelez-vous, dit-il, cet homme qui était si malade? Hé bien , le voilà? » Oui, c’était bien lui en effet, pauvre victime du magnétisme !

Je cessai dès lors de le magnétiser; mais comme il était en si bonne voie, sa fracture acheva de se consolider, et il sortit de l’hôpital très-bien portant.

Dr Jouis dü Chéné.

MAGNÉTISATION DES OISEAUX.

o Monsieur le baron,

« Je viens de lire avec un bien vif intérêt, dans le dernier numéro du 25 juillet du Journal du Magnétisme, l’article intitulé : a Magnétisation des oiseaux,» et je ne peux m’empêcher de dire ce que j’en pense.

Quoique je n’admette jamais sans un sévère examen tout ce qui est en dehors du très-petit cercle de nos connaissances, et que les expériences de M. Tréfeu doivent paraître, au premier abord, chose à peu près incroyable, je suis cependant assez porté à croire que, s’il y a peut-être exagération dans le compte rendu, le fond de la question doit être vrai au point de vue magnétique; car, en la formulant ainsi : L'homme, dans de certaines limites, peut-il imposer sa volonté aux animaux? chacun de nous sera forcé de conclure affirmativement. Et comment d'ailleurs ne pas arriver à cette conclu-

sion, quant aux animaux, lorsqu'on sait que ce pouvoir s'étend jusque sur les corps dits inertes?Qui, par exemple, par la seule force de sa volonté n'a pas contraint une bague suspendue à un fil de tourner de droite à gauche ou de gauche à droite, etc., etc. ?

Si pourtant je suis] matériellement convaincu par ma propre expérience qu’à l’aide de passes magnétiques, d’insuflla-tions, etc., 011 peut développer à un très-haut degré ce qu’on croit devoir appeler instinct dans l'animal, il pourrait fort bien se faire aussi que l’expérimentateur, dans le cas qui nous occupe, eût recours à un genre de prestidigitation inconnu jusqu'à ce jour, et que, par conséquent, nous fussions tous grossièrement trompés.

Cependant, si je ne peux me vanter, comme Robert Houdin, de connaître tous les trucs, je peux dire au moins que je les devine à peu près tous, même assez facilement ; et qu’ici, malgré tous les efforts de mon imagination, je ne trouve rien en dehors du magnétisme.

Puisque le nom du fameux prestidigitateur vient de se présenter au bout de ma plume, je me rappellerai que c’est moi le premier qui, en 18/i5, l’ai démasqué à l’endroit de la soi-disant seconde vue de son fils, et qu’en quelques instants j’ai trouvé la clef dont il se servait. Je me souviens même qu'une discussion assez vivejjs’était alors engagée entre plusieurs magnétiseurs etmoij: mes collèguesaffirmant qu’il y avait bien véritablement seconde vue, je soutins, sans avoir même encore été témoin du prodige, que la chose était physiologiquement impossible, vu qu’elle ne pouvait se reproduire à volonté, chaque jour, à la même heure, etc. ; et, du reste, comme je viens de le dire, je ne tardai pas à prouver que le plié -nomène se réduisait à un simple tour d’escamoteur.

Mais quant aux expériences de M. Tréfeu, si toutefois elles sont bien constatées, elles doivent certainement reposer sur une autre base, et, je le répète, je ne trouve que la voie magnétique pour arriver à des résultats, sinon entièrement identiques, car ils confondent par trop l’imagination, mais approchant au moins de ceux qu'on dit avoir obtenus dans

différentes séances de magnétisme ornithologique, et qui n’ont pu qu'émerveiller tous les spectateurs.

Et si j’admets, non toutefois sans quelques restrictions jus-qu’à plus ample informé, que l’homme, après avoir imposé sa volonté à un animal quelconque, à un oiseau surtout, peut réaliser, en quelque sorte, ce que M. Tréfeu se vante de faire, c’est que j’ai déjà beaucoup obtenu moi-même dans cet ordre de choses, en produisant des phénomènes assez remarquables sur les animaux les plus rebelles en apparence à la magnétisation, tels, par exemple, dans les plus petits, la souris non apprivoisée et, dans les plus grands, le chameau. Mais laissons les mammifères pour ne nous occuper ici que de la gent volatile.

Je pourrais citer en ornithomagnétisation plusieurs faits assez curieux qui me sont personnels; mais je préfère entrer avec le lecteur, s’il veut bien m’y accompagner, dans la cellule d’un moine de ma connaissance, où un charmant petit serin va nous émerveiller, comme il émerveille tous ceux qui sont admis à le voir quand il est sous l’empire de la volonté de son maître.

Je dois dire, avant tout cependant, que le moine en question n’a aucune idée du magnétisme, mais il veut et cela lui suffit.

«Eh bien donc, cher lecteur, qui avez parcouru avec moi les longs et sombres corridors d’un couvent pour pénétrer dans le réduit d’un pauvre moine, levez la tête, et vous verrez voltiger au-dessus de vous notre petit canari qui jouit de toute sa liberté, autant qu’on en peut jouir dans une cellule, et qui vient s’abattre sur une table dès que son maître y a déposé une boite dont le couvercle se renverse complètement, grâce à une charnière assez lâche.

« Attention, je vous prie, à ce qui va se passer.

'i — Ouvre la boîte, dit le moine, et le couvercle est aussitôt renversé.

u Mais qu’y a-t-il dans cette boîte ? duchènevis.

h Jusque-là rien d’étonnant, car l’appât seul de la nourriture peut pousser l’oiseau à faire ce petit tour d’adresse.

« — Prends un grain, lui est-il dit ; et l’oiseau ne se le fait pas dire deux fois.

« Cependant il tient le grain dans son bec, en paraissant attendre un nouvel ordre de son maître ; c’est qu'en effet il sait que sa tâche ne se borne pas là, et qu’il doit encore donner des preuves de ce qu’on appellera son instinct, si l'on veut, mais de ce que j’appellerai, moi, son esprit.

« — Dépose le grain sur la table et referme la boîte, lui est-il ordonné cette fois.

«L'ordre n’est pas plutôt donné qu’il est exécuté par l’intelligent petit animal, qui, alors, regarde son maître d’un air qui semble dire : — Es-tu content de moi ?

« Et comment le maître ne serait-il pas content ? Aussi, en faisant une caresse à son élève, il lui dit : — Reprends le grain et va le gruger dans ta cage.

«L’oiseau bat des ailes de joie, s’empare de la récompense qu’il a certes bien méritée et vole droit dans sa cage, qui, au moins, n’est pas une prison pour lui, puisqu'elle est toujours ouverte.

« Ouvrir laboîte, comme je l'ai déjà fait remarquer, n’est pas une chose très-surprenante; mais la refermer après s’ôtre dessaisi du grain, cela, je crois, exige plus que de l’instinct et, en tout cas, commande l’admiration.

« Quoi qu'il y ait bien loin de ces petites expériences à celles de M. Tréfeu, elles n’en tendent pas moius à prouver, selon moi, que nous plaçons trop bas l’animal sur l’échelle des êtres, et que nous nous plaçons, nous, peut-être trop haut comparativement. Je sais que les métaphysiciens nous disent que, quoique les bêtes reçoivent et retiennent ensemble plu-seurs combinaisons d’idées simples, elles ne peuvent jamais assembler ces idées pour en faire des idées complexes; mais ceux qui avancent cette proposition se sont-ils donné la peine d’étudier les animaux? Si, comme nous l'assure un naturaliste distingué, la fourmi connaît la loi du levier, que n’aurait-on pas lieu d’attendre des animaux d'un ordre supérieur s'ils étaient observés plus attentivement?

. Elevons donc non-seulement avec soin, mais avec toute

la sollicitude possible, quelques-uns de ces êtres que nous plaçons tellement au-dessous de nous, quoique, physiquement parlant, leur organisme soit en général aussi admirable que le nôtre; et si, pour développer leur intelligence, nous avons encore recours au magnétisme, mais à un magnétisme bien raisonné, qui sait alors si l’animal ne fera pas quelquefois honte à l'homme ?

« Recevez, Monsieur le baron, l’assurance de ma parfaite considération.

« Charles Pêbeyra.

« Varsovie, le 13 aoùl 1859.

« P.-S. — Un fait assez remarquable venant de se passer à deux pas de chez moi, et m’ayant été communiqué au moment où j’allais cacheter cette lettre, je ne peux m'empêcher de le consigner ici afin de donner un exemple de plus, mais bien frappant, de ces sentiments assez difficiles à expliquer en dehors du magnétisme, et qu’on appelle sympathie et antipathie.

«Il s’agit du dernier.

«Deux dames, qui ne s’étaient pas vues depuis lontemps, se rencontrent dans la rue, s’arrêtent et entament une conversation assez animée. L’une de ces dames, que je sais sensible à l'action magnétique, éprouve tout à coup un malaise indicible à l’aspect d’un homme qui passe à côté d'elle, mais qu'elle ne connaît nullement et qu’elle n’avait même jamais vu de sa vie.

« — Qu’avez-vous donc ? lui dit son interlocutrice, en voyant le trouble qui se manifeste en elle, et que décèle l’altération subite de ses traits.

« — Je ne sais ; mais la vue de cet homme qui vient de passer m’a fait mal. Le connaissez-vous?

« — Si je le connais? mais très-bien : c’est le juge N...

« — Quoi ! le juge N... ?

« — Oui, lui-même.

(, — Ah ! ma chère amie, c’est lui qui vient de me faire perdre mon procès ! »

SPIRITUALISME.

LES COUPS MYSTÉRIEUX.

(Suile.)

Nous avons rendu compte dernièrement (page 309) des communications qui ont été faites à l'Académie des sciences sur divers procédés au moyen desquels, par le jeu de muscles et de tendons, certaines personnes peuvent produire divers bruits sans mouvement apparent, de manière à imiter les coups mystérieux des Esprits frappeurs; ce qui a conduit plusieurs savants à affirmer qu'on avait enfin trouvé la clef de ces phénomènes si fameux, et que les procédés indiqués suffisaient pour en rendre compte, et que tous les médiums étaient des fourbes exercés à se faire craquer les muscles. Nous avons combattu ces conclusions comme trop générales et trop absolues, et nous avons fait toutes réserves quant à la bonne foi d’une partie des médiums qui, dans un état mental particulier, peuvent exécuter des mouvements inconscients et employer, sans aucune fraude, des moyens parfaitement naturels. Ces réserves étant bien entendues, nous croyons utile de continuer l’examen de ce qu'on pourrait appeler la myo-technie spiritualiste.

M. le docteur Austin Flint, professeur de clinique médicale à l'université de Buffalo (Amérique), vient de publier une brochure sur ce sujet (1). Il raconte qu’il est allé plusieurs fois visiter la salle de Phelps-House, dans laquelle deux femmes de Rochester, madame Fisch et mademoiselle Fox, obtenaient avec la plus grande facilité des coups à l'aide desquels les assistants avaient la faculté de se mettre en relation avec les Esprits de leurs parents et amis décédés. La question était de savoir quelle était la cause de ces coups.

(1) Il en a été rendu compte d'une manière étendue dans l'Ami des Sciences (n°* des 26 et 31 juillet), auquel nous empruntons la plupart des renseignements ci-après.

Les spiritualistes ne font pas de difficulté de les attribuer à l’action des Esprits invisibles, et ils se fondent principalement sur l’absence de tout moteur physique, de tout appareil propre à produire de pareils bruits. Des comités de dames avaient examiné scrupuleusement les médiums et n’avaient rien découvert; on ne pouvait attribuer ces bruits à des mécanismes attachés aux portes, aux tables, etc., car 011 les entendait de divers endroits de la pièce où se tenaient les médiums. M. Flint cnit remarquer que la plus jeune d’elles semblait, pendant les exercices, faire un effort de volonté qu’elle ne pouvait prolonger longtemps sans fatigue : il se trouva conduit par le raisonnement à penser que les médiums devaient produire ces bruits par des contractions musculaires agissant sur une ou plusieurs articulations mobiles du squelette. A force de chercher, il put faire des expériences sur une dame de bonne volonté, qui jouissait de la faculté de produire avec le genou des bruits pareils à ceux qu’il s’agissait d’examiner : « En vertu de la relaxation des ligaments de la jointure du genou, et au moyen d'une action musculaire et d’une pression de l’extrémité inférieure contre un point d’appui, le tibia se porte latéralement sur la surface inférieure du fémur, produisant par le fait une dislocation latérale partielle; cela s’effectue par un acte de la volonté, sans mouvement apparent du membre, et occasionne un bruit fort; le retour de l’os à sa place est accompagné d’un second bruit. » L’intensité du son varie en proportion de la force des contractions musculaires, et la source apparente des coups peut aussi devenir plus ou moins distincte ; la différence d’intensité des bruits peut facilement faire croire qu’ils viennent de différentes distances.

M. Flint fut enchanté de sa découverte. Mais, avant d’aller plus loin, il est bon de remarquer que, bien avant lui, M. le docteur Schiff avait établi que des bruits sans mouvement apparent peuvent être produits par le muscle long péronier; puis, ii sa suite, des docteurs étaient venus indiquer dans le corps humain un assortiment complet d’instruments de musique, celui-ci donnant la préférence à la hanche, celui-là à

l’épaule, un autre au tendon du biceps brachial ou au jambier postérieur, etc. Il n'y avait que l’embarras du choix. Venir ensuite ajouter le genou à cette kirielle d'organes bruyants, c’est une chose sans importance. L’honneur de la découverte revient à celui qui le premier fit parler un muscle quelconque. Eh bien ! M. Schilï lui-même n’a pas droit au titre d’inventeur : plus de deux ans avant sa première publication sur le long péronier, deux médecins américains avaient exposé le même système.

Il ne suffisait pas de prouver que par certains mouvements volontaires et non apparents on peut imiter les coups mystérieux : M. Flintalla plus loin que ses devanciers en prouvant, non pas seulement que des médiums pouvaient employer ce moyen, mais que, de fait, ce procédé avait été mis en usage par des médiums fameux. Madame Fish et mademoiselle Fox consentirent à être examinées par une commission composée de M. Flint et des docteurs Coventry et Lee.

« Les deux frappeuses (le Rochester, dit la narration , étaient assises sur un divan. On demanda alors aux Esprits s’ils voulaient bien se manifester pendant la séance et répondre aux interrogations. Une série de coups suivit et fui interprétée comme réponse affirmative. Alors on fit asseoir les deux femmes sur deux chaises placées l’une près de l’autre, leurs talons reposant sur des coussins, les membres inférieurs étendus, la pointe des pieds en l’air et les pieds séparés l'un de l’autre. Le but de cette expérience était d’assurer une position dans laquelle les ligaments de la jointure du genou fussent tendus et les pieds sans point d’appui. Nous étions à peu près convaincus d'avance que le déplacement des os nécessaire aux bruits ne pouvait s’effectuer sans que les pieds posassent sur un corps résistant quelconque. Les assistants assis en demi-cercle attendirent tranquillement les manifestations pendant plus d'une demi-heure; mais les Esprits, d’ordinaire si bruyants, restèrent muets. On changea alors la position de la plus jeune sœur; on la fit asseoir les jambes étendues sur le divan; sa sœur aînée s’assit, à la manière ordinaire, à l’autre bout du canapé. Dans cet état de choses, les

Esprits ne jugèrent pas à propos d'indiquer leur présence, malgré les suppliques réitérées qui leur furent adressées. Cette seconde expérience nous confirma dans l'opinion que la plus jeune sœur avait seule la faculté de produire les frappements. On continua ces expériences jusqu’à ce que les frappeuses elles-mêmes avouassent qu’il était inutile de persister davantage ; qu’il n’y avait aucun espoir de manifestation. — Quand on leur eut rendu la position habituelle, leurs pieds posant par terre, les coups commencèrent bientôt à se faire entendre. On proposa alors quelque autre expérience, bien que les premières fussent, suivant nous, assez concluantes. Celle qu’on choisit consista à tenir fermement les genoux des deux femmes en y appliquant les mains de manière que tout mouvement latéral des os fût perceptible au toucher. Cette pression fut faite par-dessus les vêtements. On ne pouvait s’attendre à ce qu’elle empêchât complètement les bruits mais elle devait prouver s’ils venaient, ou non, de la jointure du genou. Il est clair que cette expérience devait avoir bien moins de poids aux yeux d’un observateur que les précédentes , car la seule évidence du mouvement des os était le témoignage de ceux dont les mains se trouvaient en contact avec l’articulation. L’expérience fut renouvelée fréquemment, pendant une heure et plus; chaque fois on appliquait les mains quelques minutes de suite. Le résultat fut toujours à. la confusion des frappeuses, c'est-à-dire qu’on entendait beaucoup de coups quand les mains étaient retirées, aucun quand on les tenait appliquées sur les genoux. Une seule fois le docteur Lee, ayant avec intention relâché l’étreinte, deux ou trois faibles coups simples furent frappés, et il constata immédiatement le mouvement sensible de l’os. On essaya aussi à plusieurs reprises de saisir les genoux le plus vite possible, au moment où les frappements commençaient ; cette expérience eut toujours pour effet d’imposer un silence immédiat aux Esprits. »

, Ces épreuves ont été, comme on le voit, significatives et ont constaté la fraude chez deux des médiums qui ont eu le plus de célébrité, chez celles qui ont donné naissance à l'é-

pidémie des coups mystérieux. Mais, quelque grave que soit ce résultat, 011 n'est pas autorisé à en conclure, comme le fait M. Flint, que tous les médiums sont des fourbes qui emploient le même stratagème. Le hasard, on peut dire, l’a bien servi : il avait porté ses soupçons sur les mouvements du genou, c’est sur le genou qu'il réunit toutes ses précautions, et il par-vient à acquérir la certitude que c’était là en effet l’organe frappeur chez les médiums soumis à ion examen. Mais que serait-il arrivé s’il avait eu affaire à ces sujets qui, d’après MM. Schiff, Jobert de Lamballe, etc., font aussi bien bruire le long péronier ou le jambier, l’épaule ou la cuisse? Les précautions prises par M. Flint et qui se bornaient aux genoux, 11’auraient rien empêché, les mains qui comprimaient les genoux n’auraient senti aucun mouvement intérieur, les coups se seraient fait entendre, au grand désappointement des commissaires incrédules et à la joie des spiritualistes qui n’auraient pas manqué d’en triompher, et pourtant les coups n’en auraient été ni moins naturels ni moins frauduleux.

Ce que nous concluons, c’est qu’on n'est pas fondé à affirmer qu’une même cause produit tous les coups mystérieux. 11 serait déraisonnable de supposer que des centaines de mille de médiums disséminés dans une foule de contrées fort éloignées l’une de l’autre, se fussent concertés pour exécuter tous le même stratagème, sans que rien ait transpiré au dehors, ou que, ces mêmes médiums ne s’étant pas concertés, le hasard leur ait fait adopter à tous le même procédé. Même quand, après examen minutieux, on ne peut découvrir la cause des bruits, on n’est pas autorisé pour cela à déclarer cette cause surnaturelle : car il est démontré que, par certains procédés, on peut produire des bruits sans mouvements apparents ; et, bien qu’on ait décrit quelques-uns de ces moyens, on ne peut se flatter de les connaître tous ; et quand même il serait établi que, dans un cas particulier, il n'a pas été fait usage des moyens connus, il ne s’ensuivrait nullement que les bruits fussent dus à un agent surhumain.

Le véritable critérium consiste à rechercher, non par quel

agent le bruit matériel est produit, mais quelle est l’intelligence qui se manifeste par la combinaison des coups. S’il y a réellement un Esprit qui se sert des coups comme moyen de communication, établissez avec lui un mode de relation qui vous permette de converser directement sans l’intermédiaire du médium qui alors ne prêtera que le concours matériel de sa présence. Ainsi faites à l’Esprit des questions inconnues du médium, ou bien invitez l’Esprit à s’entretenir parle frappement de coups au fur et à mesure que vous pointerez les lettres sur un alphabet qui ne sera pas vu du médium, vous verrez bien alors si c’est le médium qui dispose des coups, ou si c'est une intelligence qui lui est étrangère. Si les coups forment des discours suivis, des réponses convenables quand le médium a l’œil sur l’appareil, si ensuite, l’appareil étant retiré de la vue du médium, les coups frappent au hasard, sans pouvoir former une phrase qui ait du sens, il sera bien évident que c’était le médium qui, par un moyen quelconque, était l’auteur des coups et qui jouait le rôle de l’Esprit. C’est la conclusion à laquelle est arrivée la commission de la Société philanthropico-inagnétique lors des expériences dont nous avons rendn compte (n05 des 25 juin et 10 juillet).

Si les spiritualistes sont convaincus que les médiums ne sont que des instruments passifs dont se servent les Esprits qui seraient alors les véritables auteurs des communications, s’ils désirent si vivement propager cette doctrine qui, selon eux, est appelée à régénérer l'humanité, pourquoi éludent-ils les épreuves destinées à vérifier leurs doctrines, pourquoi fuient-ils la lumière et montrent-ils tant d’horreur pour l'examen? En Amérique, du moins, les médiums, comme on vient de le voir, ne reculent pas devant des expériences contradictoires ; mais à Paris ils ne se montrent que devant de3 sectaires enthousiastes qui, loin de prendre des précautions pour s'éclairer, repoussent l'examen comme blasphématoire; les docteurs en spiritualisme, si fiers en paroles, sont d'une timidité extrême dès qu’il s’agit d’opérer; ils ne sont jamais prêts ; ils ne peuvent consentir à des épreuves sans avoir au préalable consulté les Esprits qui ue veulent jamais se com-

promettre avec des gens clairvoyants. Une telle conduite est peu propre à inspirer de la confiance, et l’on ne peut s'empêcher de soupçonner que le médium qui refuse l’examen, craint de laisser dévoiler le secret de ses stratagèmes. Celui qui craint le grand jour, a rarement la conscience nette. Le médium sincère va au-devant des vérifications, persuadé qu’elles auront pour résultat de faire briller sa bonne foi dans tout son jour, et de manifester aux incrédules l’action des Esprits dont il est l’organe.

Dernièrement un de ces docteurs a cru se tirer d’affaire en disant que, pour être admis à assister aux manifestations, il n’est pas nécessaire d’avoir la foi, mais bien la bonne foi; mais cette bonne foi, il 11e la trouve que chez les adeptes de sa petite église. Voilà un moyen commode d'esquiver des épreuves embarrassantes. On avait déjà dit :

Nul n’aura Je l'esprit hors nous et nos amis.

Grâce au progrès des lumières, on dit maintenant :

Nul n’a de bonne foi hors nous et nos amis.

On n’est pas honnête homme quand on ne croit pas à nos révélations. Commencez par nous croire sur parole, et puis, 'si vous êtes bien docile, on vous admettra dans le sanctuaire, et l’on vous fera voir... les prodiges du corbillonnage.

A. S. Mori.v.

ÉCRITURE DIRECTE DES ESPRITS.

Dans le dernier numéro du Journal du Magnétisme, M. le docteur Charpignon a fait une critique très-judicieuse du prétendu phénomène d'écriture directe des Esprits, obtenu par M. Mathieu et célébré par lui pompeusement dans la Revue spiritualiste. M. Charpignon fait voir que, d’après la manière dont les choses sont racontées, il n’y a pas eu de garanties sérieuses, et il indique un artifice très-facile au moyen duquel une personne, opérant dans les mômes conditions que

le médium de M. Mathieu, peut faire paraître sur le papier quelques mots écrits.

Un membre de la Société philanthropico-magnétique m'a indiqué un autre procédé. Ayant l’ongle du pouce droit un peu long, il y place un très-petit bout de crayon ; il pose le papier plié en quatre sur son genou, comme a fait le médium dont il s’agit ; puis il met la main droite à plat sur le papier ; il suffit que le pouce glisse un moment sous la main étendue, et l’on écrit ainsi un ou deux mots qu’on peut même, avec un peu d’adresse, faire paraître quatre fois, aux quatre coins du papier.

Divers autres moyens, plus ou moins ingénieux, peuvent Être employés. Or, chaque fois qu’un fait peut s’expliquer par un tour d’adresse, il y a plus que de la candeur à l'attribuer à une action miraculeuse des Esprits et à en informer l’Académie des sciences, comme d’un immense événement.

Si l’on veut convaincre le public et se convaincre soi-même d’une manière rationnelle, il faut opérer dans de bonnes conditions qui rendent impossibles toute supercherie. M. Charpi-gnon propose que le papier destiné à recevoir l'écriture surnaturelle soit enfermé dans une enveloppe cachetée.

Le moyen est excellent. Peut-être objectera-t-on que les Esprits, dont le pouvoir est limité, n’accepteraient pas ce3 conditions et ont besoin d’un papier qui leur soit accessible.

Il est facile de les satisfaire, et voici, par exemple, l’expérience que j’ai proposée dernièrement à un.médium vanté , dans plusieurs écrits spiritualistes, comme ayant fréquemment obtenu de l’écriture des Esprits. — On lui fournira une feuille de papier qui sera paraphée par un ou plusieurs des spectateurs et qui sera déployée : le médium la saisira avec une pince à sucre et la tiendra suspendue en présence des spectateurs qui ne la perdront pas de vue. On aura ainsi l’avantage, en cas de succès, de voir s’opérer le miracle, d’en suivre les évolutions, s’il y en a; on saura si l'écriture se fait successivement ou par une action subite.

Le fait rapporté par M. Mathieu s'étant passé dans une église, c’est-à-dire dans un lieu public où la foule va et vient,

où se trouvent des indifférents et même des incrédules en matière de spiritualisme, on ne pourra plus alléguer que les phénomènes en question ne peuvent avoir lieu que devant un nombre très-restreint de spectateurs, ou sont entravés par la présence des incrédules. Les spiritualistes ne peuvent donc se refuser à les renouveler, avec les précautions convenables contre la fraude, devant une réunion nombreuse, par exemple devant une des sociétés magnétiques de Paris, ou mieux encore dans une assemblée complètement publique. L’expérience alors sera décisive; et si, comme nous l'espérons, il s’y trouve des membres de l’Académie des sciences, il ne manquera rien au triomphe de M. Mathieu, des médiums et du spiritualisme.

A. S. Mobin.

A Monsieur le baron du Potet, directeur du Journal du Magnétisme.

Paris,le Î7 août 1859.

Monsieur le baron,

Je viens de recevoir le numéro du 25 août de votre estimable journal, et je remercie beaucoup la personne inconnue qui m’a fait la gracieuseté de cet envoi (1). Bien qu’étranger depuis longtemps aux questions de magnétisme animal, je n'en lis pas moins avec un vif intérêt tout ce qui se rapporte à cette curieuse étude, dont le respectable Deleuze me donna lui-même, il y a quelque trente ans, les premières notions. Je me suis donc empressé de lire le numéro qui m’était adressé, convaincu d’avance que je ne perdrais ni ma peine ni mon temps. Le plaisir que j’ai éprouvé a répondu en effet à mon attente, et il a été d’autant plus grand que j'ai trouvé dans un des articles de ce numéro l’explication d'un fait qui m'a-

(1) Toutes les fois que la rédaction du Journal du Magnétisme a cru devoir critiquer des paroles, des actes ou des ouvrages , elle s’esl imposé le devoir do faire connaître sa critique aux personnes inléressées par l’envoi du numéro qui la contenait. C'est un acte de courtoisie qui ne témoigne que de sa sincérité et de sa loyauté. (Noie de la rédaction ■

vait donné, je l’avoue, beaucoup de tablature, je veux parler de Y écriture directe par les Esprits. Le phénomène des Esprits frappeurs m’avait déjà été expliqué à l'Académie des sciences par M. le docteur Jobert de Lamballe et par deux autres de ses honorables confrères. Me voilà maintenant pareillement édifié sur la seconde manifestation, qui m’avait paru, je dois le dire, tout aussi suspecte que la première. 11 y a cependant un malheur, c’est qu’une autre explication m'en a été fournie dernièrement, avant celle de l’honorable M. le docteur Charpignon. Dans cette explication antérieure, il est question d’une bague que porterait notre médium, M1" Iluet, et à la partie inférieure de laquelle se dissimulerait un petit morceau de plombagine. M"e Huet, en ayant l'air de poser tout simplement la main sur la feuille de papier, tracerait des lettres au moyen de cette bague, même — apparemment — lorsque ces lettres se trouveraient ensuite à l’intérieur de la feuille de papier ou sur le verso du dernier feuillet. A laquelle des deux explications faut-il donc donner la préférence? Je ne vois guère que M"e Huet elle-même qui puisse trancher la question, et je me propose de la lui soumettre à la première occasion....

En attendant, Monsieur le baron, permettez-moi de remercier de nouveau, par la voie de votre journal, la personne qui a bien voulu songer à moi pour ce numéro du 25 août. Plaisanterie à part, elle m'a fait connaître un exemple de plus de ce malheureux désir éprouvé par les incrédules les plus estimables, d’expliquer par le charlatanisme des uns et la niaiserie des autres, certains faits consciencieusement et sérieusement observés, mais qui répugnent à leurs connaissances acquises ou à leurs idées préconçues, et je lui en suis plus reconnaissant qu’elle ne croit.

Agréez, je vous prie. Monsieur le baron, l’assurance de ma considération la plus distinguée.

P.-F. Mathieu,

Ancien pharmacien des armées.

Le Journal du Magnétisme a toujours cherché à éviter le

blâme ; ses articles de critique se sont constamment maintenus dans la limite du juste ; il n’a voulu enfin que la vérité. Les spiritual istos s’imaginent donc que le public acceptera toute doctrine et tout fait sans examen et sans preuve péremptoire ! ils se trompent. Le spiritualisme, comme le magnétisme, doit faire ses preuves et ne laisseraucun doute dans les esprits, et c’est justement parce quenoussommesspiritualistes que nous avertissons les hommes trop confiants dans les médiums, qu’il y a parmi ceux-ci des charlatans, des trompeurs, des gens qui simulent admirablement, par des tours de passe-passe, les phénomènes si extraordinaires produits par des agents inconnus. Ce cas devait se présenter, le spiritualisme comme le somnambulisme n’en devait point ôtre exempt : beaucoup de gens ont simulé ce dernier élat et le simulent encore. Nous connaissons des hommes dont la crédulité va jusqu’à la folie, ils n’ont pour sujet de leurs démonstrations que des fourbes et des imposteurs dont les ruses sont des plus grossières, mais leur raison détournée du droit sens ne voit rien, n’entend rien : nul môme ne pourrait parvenir à l’éclairer. L’intolérance naît de la religion, et le spiritualisme en est une; il lui faut de faux miracles; il s’en produit : ceci indique clairement que ceux qui opèrent ne savent rien des causes, et que le principe qui conduit à la production des phénomènes merveilleux n’est pas arrivé à leur connaissance.

Je dis ceci en toute liberté, sans vouloir blesser tel ou tel ; je n’ai pas l’intention pourtant de discuter cette matière, et si j’en dis deux mots, c’est que la fourberie me révolte, et que je veux que la science soit pur? et sans souillure.

B°" du Potet.

Nous ferons paraître prochainement les observations qu’a suggérées à M. Conrotson état habituel de songeur et dévoyant éveillé. On n’ignore pas que ce fut aussi l'état d’Apollonius de Tiiyanes et de bien d’autres personnages des plus illustres, des plus vénérés ; maisce que l’on sait moins sansdoute, c’est que M. Lemoine, l’auteur de l’ouvrage sur le sommeil qui fut dans le temps couronné par l'Académie des sciences morales

et politiques, considère cet état et le somnambulisme comme une sorte de dégradation intellectuelle et morale. Cette thèse développée déjà par M. le docteur Lelut à propos de Socrate et de son démon familier, vient de recevoir une nouvelle confirmation dans un ouvrage du docteur Moreau de Tours, où il traite les hommes de génie, tous plus oumoinsvoyants.de fous; et il s efforce de le démontrer par l’examen de leurs actes, de leurs paroles, de leur caractère, de leur vie.

Nos lecteurs ne partagent pas sans doute la folie de ces jugements, aussi, tout incomplète qu'elle puisse être, une étude telle que la recherche des causes qui ont produit la voyance chez M. Conrot, qui l'ont entretenue et développée,

1 examen du rôle que les facultés de l'âme y remplissent, sera-t-elle de natureàexciter leur intérêtetleurcuriosité. Cette étude sera sans prétention, et c’est justement à cause de sa simplicité qu’elle plaira davantage aux lecteurs attentifs et curieux.

LA MAGIE CHEZ LES LAMAS TARTARES.

M. l’abbé Hue, ancien missionnaire , rapporte , dans son voyage dans la Tartarie et le Thibet, des cérémonies analogues à celles qui ont été citées dans le tome XV du Journal du Magnétisme, pages 18 et suivantes. Voici ce dont il est question :

En voyageant à travers les déserts, il aperçut un jour de nombreuses caravanes de pèlerins, se rendant tous au même endroit ; un peu plus loin , un vieux lama se trouva sur le chemin de M. l'abbé Hue qui engagea la conversation avec lui et apprit que tous ces pèlerins se rendaient à une lamaserie où, disait le vieux lama « un lama bokte fera éclater sa puissance ; il se tuera, sans pourtant mourir... »

Je cite maintenant les propres paroles du missionnaire :

« Nous comprimes à l’instant le genre de solennité qui mettait ainsi en mouvement les Tartares des Orlous. Un lama devait s’ouvrir le ventre, prendre ses entrailles et les placer devant lui, puis rentrer dans son premier état. Ce spectacle,

quelque atroce et quelque dégoûtant qu’il soit, est néanmoins très-commun dans les lamaseries de la Tartane.

« Le bokle, qui doit faire éclater sa puissance, comme disent les .Mongols, se prépare à cet acte formidable par de longs jours de jeune et de prière. Pendant ce temps, il doit s’interdire toute communication avec les hommes, et s’imposer le silence le plus absolu. Quand le jour fixé est arrivé, toute la multitude des pèlerins se rend dans la grande cour de la lamaserie, et un grand autel est élevé sur le devant de la porte du temple.

« Enfin le bokle paraît. Il s'avance gravement au milieu des acclamations de la foule, va s’asseoir sur l’autel, et détache de sa ceinture un grand coutelas qu’il place sur ses genoux. A ses pieds, de nombreux lamas, rangés en cercle, commencent les terribles invocations de cette affreuse cérémonie. A mesure que la récitation des prières avance, on voit le bokle trembler de tousses membres, et entrer graduellement dans des convulsions frénétiques. Les lamas ne gardent bientôt plus de mesure ; leurs voix s’animent, leur chant se précipite en désordre, et la récitation des prières est enfin remplacée par des cris et des hurlements. Alors le bokle rejette brusquement l’écharpe dont il est enveloppé, détache sa ceinture, et, saisissant le coutelas sacré, s’entr’ouvre le ventre dans toute sa longueur. Pendant que le sang coule de toute part, la multitude se prosterne devant cet horrible spectacle, et on interroge ce frénétique sur les choses cachées, sur les événements à venir, sur la destinée de certains personnages. Le bokle donne, à toutes ces questions, des réponses qui sont regardées comme des oracles par tout le monde.

« Quand la dévote curiosité des nombreux pèlerins se trouve satisfaite, les lamas reprennent, avec calme et gravité, la récitation de leurs prières. Le bokle recueille, dans sa main droite, du sang de sa blessure , le porte à sa bouche , souille trois fois dessus, et le rejette en l’air en poussant une grande clameur. Il passe rapidement la main sur la blessure de son ventre, et tout rentre dans son état primitif, sans qu'il lui reste la moindre trace de cette opération diabo-

lique, si cc n'est un extrême abattement. Le bo/cte roule de nouveau son écharpe autour de son corps, récite à voix basse une courte prière, puis tout est fini, et chacun se disperse, à l'exception des plus dévots, qui vont contempler et adorer l’autel ensanglanté que vient d’abandonner le saint par excellence.

« Ces cérémonies horribles se renouvellent assez souvent dans les grandes lamaseries de la Tartane et du Thibet. Nous ne pensons nullement qu’on puisse toujours mettre sur le compte de la supercherie les faits de ce genre ; car, d’après tout ce que nous avons vu et entendu parmi les nations idolâtres, nous sommes persuadés que le démon y joue un grand rôle. Au reste, notre persuasion à cet égard se trouve fortifiée par l'opinion des bouddhistes les plus instruits et les plus probes que nous avons rencontrés dans les nombreuses lamaseries que nous avons visitées.

« Tous les lamas indistinctement n’ont pas le pouvoir des opérations prodigieuses. Ceux qui ont l’affreuse capacité de s’ouvrir le ventre, par exemple, ne se rencontrent jamais dans les rangs élevés de la hiérarchie lamaïque. Ce sont ordinairement de simples lamas , mal famés et peu estimés de leurs confrères. Les lamas réguliers et de bon sens témoignent en général de l’horreur pour de pareils spectacles. A leurs yeux, toutes ces opérations sont perverses et diaboliques. Les bons lamas, disent-ils, ne sont pas capables d’exécuter de pareilles choses ; ils doivent même se bien garder de chercher à acquérir ce talent impie.

« Quoique ces opérations démoniaques soient, en général, décriées dans les lamaseries bien réglées, cependant les supérieurs ne les prohibent pas. Au contraire, il y a, dans l'année, certains jours de solennité réservés pour ces dégoûtants spectacles. L’intérêt est, sans doute, le seul motif qui puisse porter les grands lamas à favoriser des actions qu’ils réprouvent secrètement au fond de leur conscience. Ces spectacles diaboliques sont, en effet, un moyen infaillible d’attirer une foule d'admirateurs stupides et ignorants, dedonner, par ce grand concours de peuple, de la renommée à la lama-

série, et de l'enrichir des nombreuses offrandes que les Tar-tares ne manquent jamais de faire dans de semblables circonstances.

« S'entr’ouvrir le ventre est un des plus fameux sic-fa (moyen pervers) que possèdent les lamas. Les autres , quoique du même genre, sont moins grandioses et plus en vogue; ils se pratiquent à domicile , en particulier, et non pas dans les grandes solennités des lamaseries. Ainsi, on fait rougir au feu des morceaux de fer, puis on les lèche impunément ; 011 se fait des incisions sur le corps, sans qu’il en reste un instant après la moindre trace , etc., elc. Toutes ces opérations doivent être précédées de la récitation de quelque prière.

« Nous avons connu un lama, qui , au dire de tout le monde, remplissait à volonté un vase d’eau, au moyen d’une formule de prière. Nous ne pûmes jamais le résoudre à tenter l’épreuve en notre présence. Il nous disait que, n’ayant pas les mômes croyances que lui, ses tentatives seraient non-seulement infructueuses, mais encore l'exposeraient peut-être à de grands dangers. Un jour, il nous récita la prière de son sié-fa, comme il l’appelait. La formule n'était pas longue, mais il nous fut facile d’y reconnaître une invocation directe à l’assistance du démon : « Je te connais, tu me connais, di-« sait-il. Allons, vieil ami, fais ce que je te demande. Ap-« porte de l’eau et remplis ce vase que je te présente. Remit plir un vase d’eau, qu’est-ce que c’est que cela pour ta « grande puissance ? Jesais que tu fais payer bien cher un vase « d'eau ; mais n'importe ; fais ce que je te demande ,*et rem-« plis ce vase que je te présente. Plus tard, nous compterons « ensemble. Au jour fixé, tu prendras tout ce qoi te revient. »

— 11 arrive quelquefois que ces foi-mules demeurent sans effet; alors, la prière se change en injures et en imprécations contre celui qu'on invoquait tout à l'heure.

I)' JOUIS DU CllÉ.NÉ.

TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE DOUAI.

SOMNAMBULISME. — MALADIE OCCASIONNÉE A UN ENFANT •PAR DES PASSES MAGNÉTIQUES.

Le tribunal correctionnel de Douai était appelé, samedi dernier, à juger une affaire d'un intérêt peu ordinaire, peut-être unique. Une grande question scientifique était posée à la justice, après avoir été tant de fois, sans être jamais résolue, soumise au monde savant : Le magnétisme existe-t-il ?

M. X... dinait, il y a un an environ, à table d’hôte en compagnie de quelques amis. A la suite d’une conversation sur le magnétisme, Hippocrate disant une chose, Gallienune autre, on en vint au récit d’expériences et de preuves manifestes. M. X..., qui n’avait jamais magnétisé, offrit de magnétiser le premier individu venu. Le défi est accepté. M. X..., qui n’avait en vue qu’une mystification, prend un enfant d'une douzaine d’années, qui se trouvait là, le jeune Alfred Jourdain , neveu du maître d'hôtel; il le fait asseoir, et le voilà commençant à faire les passes et toutes ces simagrées qu’il avait remarquées dans les baraques de foire ou ailleurs.

L’enfant s’endort. M. X... est étonné de ce résultat ; il ne peut y croire lui-même. Le magnétisme existerait-il réellement? que de questions ne s’adressa-t-il pas ! il est comme magnétisé lui-même. Maintenant comment réveiller le sujet? Ici commence la gravité de l’alTaire. Laissons donc parler la science. Deux docteurs ont été appelés comme experts ; voici leurs dépositions qui résument d’ailleurs la cause :

Premier docteur.— J'ai été appelé le 15 août 1858, vers le milieu de la journée, chez les époux Lombard, pour y voir leur jeune neveu, l’enfant Jourdain , tombé brusquement malade. Je trouvai cet enfant en proie à une violente attaque convulsive; il se démenait avec énergie et poussait des sons inarticulés. Au milieu de ces accidents apparaissaient des phénomènes d’indigestion. Bientôt la scène changea : aux

contorsions violentes du système musculaire succéda un état de calme complet; il paraissait endormi, ses yeux étaient fermés, et pourtant, sous l’influence de ses occupations quotidiennes, il récitait des fragments de leçons, répondait aux questions qui lui étaient faites, et il écrivit même sur l'invitation d’une des personnes présentes. 11 était, en un mot, en état 4e somnambulisme. Je in’enquis des causes présumées de cette affection nerveuse, dont c'était la première manifestation, au dire des époux Lombard. Les assistants commensaux de l’hôtêl m’apprirent que l’un d’eux avait magnétisé l'enfant, et qu'aussitôt il était tombé dans l’agitation où je le voyais. Depuis ce temps, en août et dans le courant de septembre, j’ai revu deux fois l'enfant Jourdain souffrant des mêmes accidents sans qu'une cause nouvelle fût intervenue.

Je ne crois nullement à l’existence d’un fluide nouveau, d’un agent physique plus ou moins analogue au magnétisme terrestre, se développant dans l’homme, sous l'influence de passes, d’attouchements, etc., et qui produirait chez les sujets influencés des effets parfois miraculeux.

L’existence d’un tel fluide n'a jamais été sciemment démontrée. Loin de là, toutes les fois que des hommes difficiles à tromper, des membres de l’Académie des sciences, des médecins éminents, ont voulu vérifier les faits allégués, les princes du magnétisme ont toujours reculé; ils se sont retranchés derrière des prétextes trop transparents, et nilaques-tion de fait, ni, à plus forte raison, la question de doctrine, n’ont pu être élucidées. Il n’existe donc point pour le monde savant de magnétisme animal. Cependant suit-il delà que les pratiques des magnétiseurs ne produisent aucun effet, et, si on nie à bon droit le magnétisme, ne peut-on admettre la magnétisation ?

Je suis convaincu que si les imaginations exaltées, les imaginations nerveuses, impressionnables, sont tous les jours fortement remuées par les manœuvres dont il s’agit, c’est en elles-mêmes qu’il faut voir les phénomènes qu’elles présentent, et non point dans une sorte de rayonnement de la part de l’expérimentateur. Cette explication s’appliquerait au c.is

de Jourdain, si les attaques qui ont suivi la première, en la supposant déterminée par la magnétisation, avait été s’éloignant et s'affaiblissant : une impulsion unique doit logiquement produire des effets décroissants. Or, il en est tout autrement : à mesure que le temps s’écoule, les attaques s’accélèrent et augmentent d’intensité. Cette circonstance me déroute. Une influence indéterminée est évidemment eu jeu. Quelle est-elle? Les antécédents et la manière d'être physique de Jourdain ne me sont pas assez connus pour que je puisse l'attribuer à son tempérament, et je dois déclarer que je ne sais où la placer ailleurs.

Ici l'enfant est pris d’une de ses attaques. Le témoin, ainsi que son confrère, constatent des contractions musculaires générales chroniques, point d’insensibilité de la peau, ni de l’œil, qui se dérobe à l’action de la lumière quand on ouvre les paupières; point d’écume à la bouche, point de flexion des pouces dans la paume de la main. Le cri initial n’a pas eu lieu. L’accès d’ailleurs se termine graduellement en passant par la période somnambulique. Les docteurs déclarent que l’enfant n’est point épileptique, encore moins cataleptique.

Sur l’interpellation relativement au mol somnambulisme à l’effet de savoir si tout ne s’expliquerait pas en admettant que le sujet préalablement somnambule aurait eu, le 15 août, un accès de cette espèce de maladie, le témoin répond que, d’abord, il n’est pas établi que l’enfant fût somnambule, et qu’ensuite, ce phénomène se serait produit dans des conditions tout à fait insolites : au lieu d’arriver la nuit, au milieu du sommeil naturel, il serait venu eu plein midi et en pleine veille.

Les passes magnétiques me paraissent être la cause de l’état actuel de l'enfant : je n’en vois pas d’autre.

Deuxième docteur. — J'ai vu le jeune malade le 13 octobre •1858; il était dans un état somnambulique, jouissant de locomotion volontaire; il récitait de la grammaire, peut-être du cathéchisme. Mon fils le vit dans la nuit du 15, il était dans le même état et conjuguait le verbe pouvoir. Ce n'est que quelque temps après que je sus qu’il avait été magnétisé,

qu’un voyageur aurait dit : S'il n'est pas démagnétisé, il en a peut être pour sa vie. J’ai connu dans ma jeunesse un écolier dans le même élat, et qui, ayant été guéri sans moyens médicaux, est devenu un homme distingué dans la profession qu’il a embrassée.

L’Académie des sciences ne nous a point encore autorisés à admettre le magnétisme ou fluide magnétique; les accidents qu’éprouve le malade ne sont que des troubles nerveux du système cérébro-spinal, il n’y aucun symptôme d’épilepsie ni de catalepsie.

Le tribunal a rendu le jugement suivant :

« Considérant qu’il résulte des débats que, le 16 août 1858 en exerçant imprudemment, sur la personne du jeune Jourdain, âgé de treize ans, des attouchements, des approches qualifiées passes magnétiques, et tout au moins en frappant par cet appareil et ces manœuvres inaccoutumées la faible imagination de cet enfant, le prévenu a produit sur le patient une surexcitation, un désordre nerveux, et enfin une lésion ou une maladie dont les accès se sont reproduits depuis cette époque à divers intervalles ;

« Que l'action d'avoir, par ces manœuvres imprudentes, occasionné ladite lésion ou maladie, constitue le délit prévu par l’art. 320 du Code pénal ;

« Que le fait dont il s'agit a occasionné à la partie civile un préjudice qui doit être réparé ;

« Qu’il existe des circonstances'atténuantes;

« Le tribunal condamne le prévenu en ‘25 fr. d’amende,

I *200 fr- de dommages et intérêts, et aux frais et dépens du procès. »

Nous réservons nos réfléxions sur ce procès et les étranges témoignages qu’on y a entendus pour le prochain numéro.

C.OUR IMPÉRIALE DE TOULOUSE.

CHAMBRE DES APPELS CORRECTIONNELS.

Exercice illégal de la médecine. — Magnétisme. — Assistance d'un officier de santé.

Le magnétisme était aujourd’hui mis en cause devant la Cour.

Le tribunal de Muret, par jugement du 11 juin dernier, a condanné les nommés Clovis Sureville et Anouilh, forgeron, ii 15 fr. d’amende et cinq jours de prison ; la nommée Elisa Sureville à 15 fr., et le sieur Dupoutx, officier de santé à Mondavezan, à 15 fr. d'amende, comme convaincus d’exercice illégal de la médecine commis en commun.

Gratens est le berceau de ces disciples de Mesmer et le théâtre de leurs opérations mystérieuses. Voici comment ils procédaient (voir du reste Y Aigle du 19 mars 1859) :

Clovis Sureville et Anouilh sont les magnétiseurs ; Elisa Sureville, sœur du premier et une fille Soucaze, leur servante, étaient les sujets doués du sommeil lucide et du don de seconde vue.

A la rigueur, et lorsque les deux premiers sont absents, Elisa, change de rôle, de sujet devient agent, et magnétise la servante. A côté d’eux vient se placer, deux fois par semaine, l'officier de santé Dupoutx, qui recueille les réponses delà somnambule, transcrit l’oracle sur le papier, le signe et en fait une ordonnance exécutoire.

Il faut rendre cette justice aux prévenus, que si les ordonnances ainsi obtenues ne peuvent pas faire de bien, elles ne peuvent guère faire de mal. La plupart sont ainsi conçues : « Trois fumigations ; bouillon fait avec deux pieds de veau, un pigeoD, une laitue, un navet, des racines d’ortie, une feuille del'arbre de Vénus : en prendre trois prises par jour : prendre ensuite, sous forme de gargarisme, du café édulcoré avec du miel ; appliquer un emplâtre de ciguë.

Nota. — L'arbre de Vénus est un bel arbre, dont aucun prévenu ne sait dire le nom botanique, auquel le médecin at-

tribue des propriétés calmantes, et qui est excru danslejar.iin de la maison Sureville, àGratens.où il est bien facile de cueillir la feuille merveilleuse.

A côté d'une autre ordonnance prescrivant de boire une fiole deuu magnétisée, on en rencontre une autre où il est prescrit au malade de brûler deux fagots, de jeter dans ce feu une mèche de ses cheveux, d’en mettre dans la bassinoire, et avec cette dernière de bassiner le lit en tournant la bassinoire du côté de la porte.

Enfin, une jeune fille de dix-neuf ans qui, du reste, ne sait pas lire et n’a pu par elle-même prendre connaissance de l’écrit, qui ne représente pas non plus cet écrit, mais qui assure s’en être faitdonner lecture, soutient que les prévenus lui ont foumiune ordonnance enjoignant «de partager une pomme en « quatre, d’y mettre quatre pointes d’aubépine blanche, delà « faire ensuite bouillir avec un coq auquel on aurait préala-« blement coupé la tête ; de faire, en outre, un bouillon par-« ticulier avec la tête dudit coq; de prendre de chaque « boisson autant de cuillerées par jour, etc. » Chose non moins étrange ; quelques-uns des témoins entendus déclarent qu’eux-mêmes, ou leurs parents malades, ont été parfaitement guéris par l’exécution de ces ordonnances, et même guéris de maladies qui avaient résisté aux médecins de Car-bonne, Muret et Toulouse.

Les prévenus prenaient 5, 6 et 8 fr. par visite, quelquefois plus, quelquefois rien.

Le ministère public ayant vu dans ces faits l’exercice illégal de la médecine, commis de complicité avec un médecin, avait traduit les prévenus susnommés devant le tribunal correctionnel, et obtenu contre eux les condamnations ci-dessus. Sur l’appel des prévenus, M* Saint-Gresse, avocat de Clovis Sureville et d'Elisa Sureville, a soutenu que le tribunal avait à tort, sous prétexte de récidive, infligé au premier cinq jours de prison en sus de l’amende ; qu’en effet, la dernière disposition de l’art. 36 de la loi de ventôse an xi ne se rapporte pas à l’infraction prévue par l’art. 35, et systématiquement punie par ce dernier texte de la simple amende. En ce qui

touche Elisa, prévenue pour la première fois, l’avocat soutenait que ni elle ni les autres prévenus n’avaient commis l'infraction prévue par la loi de ventôse, mais tout au plus la contravention prévue par l’art. /i79, § 7 du Gode pénal, consistant à faire métier de deviner et de pronostiquer.

M” Ernest Astrié, chargé de défendre le prévenu Anouilh et l'officier de santé Dupoutx, a complètement adhéré, en ce qui concerne le premier, aux conclusions prises par son confrère au prolit de Clovis Sureville. Et relativement à Dupoutx, il a soutenu : 1° que Dupoutx, muni d’un diplôme, ne pouvait pas, lui, exercer illégalement ; 2° qu’il n’avait pu se rendre complice des autres prévenus exerçant illégalement la médecine, parce que l'infraction prévue par la loi de ventôse n’est qu’une contravention et non un délit ; que, dès lors, les art. 59 et 60 du Code pénal, touchant la complicité, ne lui sont pas applicables.

La Cour, qui avait hier renvoyé l’affaire à une autre audience pour l’arrêt être rendu, a réformé la sentence des premiers juges, et, faisant droit aux conclusions des deux défenseurs, ellea : l'misl’officier de santé Dupoutx hors de cause ; 2° retranché les cinq jours d’emprisonnement de la peine prononcée contre Sureville (Clovis) et Anouilh ; 3° maintenu contre Elisa Sureville la peine de 15 fr. d'amende.

(Extrait du Journal X Aigle, de Toulouse, du 13 août 1859.)

Publications nonvtllM.

Le Magnétisme s'enrichit do nouvelles publications. Hier c’était le journal Le Magnétiseur que nous annoncions; aujourd'hui c'est ¡a Revue contemporaine des sciences occultis et naturelles.

Elle est publiée par M. Manucs-Salhes, libraire ù Nîmes, avec le concours de médecins, d'avocats, de théologiens, desavants, de magnétiseurs, de médiums, de simples croyants, etc.

Cette Itevue parait par livraisons de 16 |«iges in-8 ; Î2 livraison» coûtent pour la France 13 fr.; pour l'étranger, la taxe en sus.

Baron du POTËT, propriétalrr^érarit.

,M. le baron du Potel ouvrira ses séances expérimentales de magnétisme vers la mi-octobre; elles auront lieu tous les mercredis, comme par le passé.

L’abonnement au Journal du Magnétisme donno seul droit d'enlrée à ces séances ; le public n’y est admis que par pure tolérance.

HISTOIRE DE LA MAGIE, par Elipiias Uivi, 1 vol.in-8“ (1860).-Ge«mer Baiu.ièrb, éditeur.

Cet ouvrage important, qui vient de paraître, mérite un examen approfondi : nous nous proposons d’en donner prochainement l’analyse. Nous nous bornons aujourd’hui à en extraire deux passages concernant Mesmer et M. le baron du Potet : ! >' >

« La grande chose du dix-huitième siècle, ce n’est pas l’encyclopédie, ce n’est pas la philosophie ricaneuse et dérisoire de Voltaire, ce n’est pas la méthapysique négative de Diderot et de d’Alembert, ce n’est pas la philanthropie haineuse de Rousseau ; c’est la physique sympathique et miraculeuse de Mesmer! Mesmer est grand comme Prométhée, il donne aux hommes le feu du ciel, que Franklin n'avait'su que détourner.

« Il ne manqua au génie de Mesmer ni la sanction de la haine, ni la consécration des persécutions et des injures; il avait été chassé de l’Allemagne, on se moqua de lui en France, tout en lui faisant nne fortune, car ses guérisons étaient évidentes, et les malades allaient à lui et"se disaient guéris par hasard, pour ne pas attirer sur eux fanimadversion des savants. Les corps constitués ne firent même pas au thaumaturge l’honneur d’examiner sa découverte, et le grand homme dut se résigner à passer pour nn adroit charlatan.

« Les savants seuls n'étaient pas hostiles au mesmérisme, les hommes sincèrement religieux s’alarmaient des dangers delà découverte nouvelle, et les superstitieux criaient au scan-Toiib XVIII. — N° ee.—î» Série. —25SEriEHiKi 1859. ir

dalcetàla magie. Les sages prévoyaient les abus, les insensés n’admettaient pas même l'usage de cette merveilleuse puissance. N'allait-on pas au nom du magnétisme nier les miracles du Sauveur et de ses saints? disaient les uns; que va devenir la puissance du diable? disaient les autres. Et pourtant la religion qui est vraie ne doit craindre la découverte d’aucune vérité; d’ailleurs, en donnant la mesure de la puissance humaine, le magnétisme ne donne-t-il pas aux miracles divins une sanction nouvelle, au lieu de les détruire ? 11 est vrai que les sots attribueront au diable moins de prodiges, ce qui leur laissera moins d’occasions d’exercer leur haine et leurs fureurs; mais ce ne sont certainement pas les personnes d’une véritable piété qui songeront jamais à s’en plaindre : le diable doit perdre du terrain quand la lumière se fait et quand l’ignorance se retire; mais les conquêtes de la science et de la lumière étendent, affermissent et font aimer de plus en plus au monde l’empire et la gloire de Dieu ! » (P. 416.)

« Parmi les hommes vraiment sérieux qui s'occupent de magnétisme, nous devons mettre au premier rang M. le baron du Potet dont les travaux consciencieux ont déjà fait faire un grand pas à la science de Mesmer. M. du Potet a ouvert à Paris une école pratique de magnétisme où le public est admis à s’instruire des procédés et à vérifier les phénomènes.

« Le baron du Potet est une nature exceptionnelle et particulièrement intuitive. Comme tous les contemporains, même les plus instruits, il ignore la kabbale et ses mystères, et cependant le magnétisme lui a révélé la magie; il a senti le besoin de révéler et de cacher cette science effrayante encore pour lui-même, et il a écrit un livre qu’il vend seulement à ses adeptes et sous le sceau du secret le plus absolu. Ce secret, nous ne l’avons pas promis à M. du Potet, mais nous le garderons par respect pour les convictions de l'hiérophante ; qu’il nous suffise de dire que son livre est le plus remarquable de tous les ouvrages de pure intuition; nous ne le croyons pas dangereux, parce que M. le baron du Potet indique des forces dont il ne précise pas l’usage. 11 sait qu’on peut nuire ou faire du bien, tuer ou sauver par les procédés magnétiques ;

niais ces procédés, il ne les indique pas d’une manière claire et pratique, et nous l’en félicitons d'ailleurs, car le droit de vie et de mort suppose une souveraineté divine, et cette souveraineté, nous regarderions comme un indigne celui qui, la connaissant et la possédant, consentirait à la vendre de quelque manière que ce fût.

; M. du Potet établit victorieusement l’existence de cette lumière universelle dans laquelle les crisiaques perçoivent toutes les images et tous les reflets de la pensée; il provoque des projections puissantes de cette lumière au moyen d’un appareil absorbant qu’il nomme le miroir magique : c’est tout simplement un cercle ou un carré couvert de charbon en poudre fine et tamisée. Dans cet espace négatif, la lumière projetée par le crisiaque et par le magnétiseur réunis, colore bientôt et réalise toutes les formes correspondantes à leurs impressions nerveuses. Dans ce miroir vraiment magique, apparaissent pour le sujet soumis au somnambulisme tous les rêves de l’opium ou du liatchisch, les uns riants, les autres lugubres ; le malade doit être arraché à ce spectacle, si l'on ne veut pas qu’il tombe dans des convulsions.

Ces phénomènes sont analogues à ceux de l’hydromanciede Cagliostro : l’eau, considérée attentivement, éblouit et trouble la vue; alors la fatigue des yeux favorise les hallucinations du cerveau. Cagliostro voulait, pour ces expériences, dessujets vierges et parfaitement innocents, afin de n’avoir pas à craindre les divagations nerveuses produites par les réminiscences érotiques. Le miroir magique de M. du Potet est peut-être plus fatigant pour le système nerveux tout entier, mais les éblouissements de l’hydromancie doivent avoir une influence plus redoutable sur le cerveau.

« M. du Potet est un de ces hommes fortement convaincus qui supportent courageusement les dédains de la science et les préjugés de l’opinion, en répétant tout bas la profession de foi secrète de Galilée : La terre tourne cependant. » (P. ¿91-493.)

MAGNÉTISME ET SQIYIMBULIS&IE.

Le magnétisme est l’arbre de la science du bien et du mal ; il ne faut pas y toucher, disent certaines personnes qui se piquent de faire d'heureuses et spirituelles comparaisons.

Le magnétisme est le souille impur des mauvais esprits : il dessèche et brûle tout ce qu’il rencontre sur son passage, disent encore d’autres personnes qui croient devoir enchérir sur les premières.

Enfin d’autres vont plus loin et tranchent hardiment la question en affirmant, comme par exemple un certain A. d’Orient, dans son livre intitulé : Accomplissement des Prophéties, que le magnétisme est l’œuvre du démon, qu’il pervertit et conduit à une infaillible ruine les âmes qui ont l’imprudence. de s’v fier (1).

Ne touchons donc plus au magnétisme, puisqu’il peut perdre une seconde fois le genre humain; évitons même de le rencontrer sur notre route, puisque son seul souffle peut nous empoisonner; enfin, frissonnons au seul nom de cet art infernal dont l’esprit des ténèbres est l’auteur, et qui doit infailliblement plonger nos âmes pour l’éternité dans le feu de la géhenne.

Si du reste il se trouvait quelques malheureux assez aveugles pour douter un instant encore de ces judicieuses assertions, il me serait bien facile de leur faire ouvrir les yeux à la himière, en leur citant pour preuve irrécusable de ce qui vient cTêtre dit avec tant de justesse, une quantité de faits plus détestables, plus horribles les uns que les autres.

Mais je me contenterai d'un seul pour aujourd'hui : voyons s’il ne prouvera pas suffisamment qu’il y a en effet dans le magnétisme un principe essentiellement mauvais et fatal à l’espèce humaine.

Dans un de ces cruels moments où le ciel, courroucé sans doute contre ta terre, y envoie quelque fléau pour en décimer les habitants, j’étais accablé par le nombre toujours croissant des malades qui venaient ou envoyaient me consulter, espé-(i) Tome III, p. 9.

rant que je pourrais alléger leurs souffrances. Ne sachant bientôt plus où donner de la tète, je magnétisai plusieurs personnes de bonne volonté en tâchant de développer en elles la lucidité médicale, et mes peines furent bientôt couronnées d’un succès qui dépassa même mes espérances, car j’eus à la fois deux sujets doués à un assez haut degré de la clairvoyance que je cherchais.

C’étaient deux jeunes filles d’une vingtaine d’années.

Secondé par de pareils auxiliaires, je repris courage et laissai venir à moi tous les malades que la médecine aban -donnait.

En quelques jours, mes deux somnambules étaient arrivées à un tel point de sensibilité magnétique, qu’un seul de mes regards suffisait pour les plonger dans le sommeil. Mais pour s’endormir et devenir lucides, chose assez particulière, elles devaient être couchées, et chacune dans une chambre différente de mon appartement.

Pendant leur sommeil, comme si chacun pressentait qu’il allait se passer quelque chose d’extraordinaire, de solennel même, le plus profond silence était religieusement observé par les spectateurs, pii semblaient être alors sous l’empire d’un sentiment indéfinissable.

C’est qu’en effet on allait être témoin d'un acte vraiment imposant.

A la dixième minute, les deux dormeuses se levaient én même temps, marchaient d’un pas assuré, mais grave, entraient dans mon salon où je me trouvais avec les malade«, allaient au-devant l’une de l'autre* se prenaient par la main, s’embrassaient, et enfin s’agenouillaient en s’inclinant profondément,

Je ne saurais rendre l’impression que cette scène produisait sur les assistants qui ne tardaient pas à être émus au plus haut point, lorsque les deux jeunes filles dont les traits devenaient to«t b, coup rayonnants, levaient les mains au ciel, et imploraient le secours à peu près en ces termes (1) :

« Dieu de bonté, nous ne sommes que de pauvres filles (t) Citaient des Polonaises, et elles priaient en leur langue.

« ignorantes, mais si vous daignez nous éclairer, si vous « daignez nous donner les moyens de soulager la souffrance,

« vous nous ferez goûter le vrai bonheur sur la terre, et nous « ne cesserons de bénir votre saint nom.

Après avoir fait cette prière simple et touchante, mais avec la plus grande ferveur, elles allaient se recoucher, et la clairvoyance médicale se manifestait aussitôt en elles.

Alors les malades consultaient indifféremment l’une ou l’autre de ces somnambules, et il était bien rare qu’elles se trompassent sur la nature du mal et par conséquent sur celle des remèdes à employer.

Une chose digne de remarque, surtout pour ceux qui connaissent le caractère de la plupart des somnambules, c'est que ces deux-là étaient presque toujours d’accord entre elles, et que, quand un malade désirait les consulter toutes deux, la prescription de l’une était en général approuvée par l'autre. Cependant il arrivait quelquefois que quand une seule était consultée, et même aussi basque possible, afin qu’aucun des assistants ne pût rien entendre, l’autre m’appelait pomme faire quelques observations sur le traitement prescrit par sa compagne, en me priant d’aller les lui soumettre. Celle-ci en reconnaissait aussitôt la justesse et disait : «Sa prière a été plus fervente encore que la mienne, et par conséquent plus agréable à notre divin Maître. »

Je crois nécessaire d’ajouter que lesdites consultations ont toujours été données avec le plus grand désintéressement, car ces jeunes filles, quoique pauvres, n’ont jamais voulu être rétribuées.

Ces mêmes somnambules voyaient aussi parfaitement à distance, et voici comment je pus m’en convaincre.

Le temps de la moisson étant arrivé, je me vis contraint d’aller passer quelque temps à ma campagne pour surveiller les paysans et diriger leurs travaux. Ne voulant point toutefois abandonner mes malades, je laissai la clef de mon appartement à la personne qui accompagnait toujours ces deux jeunes filles, et ayant réglé ma montre sur la sienne, nous

convînmes que les consultations auraient lieu comme de coutume, et que j’agirais à l’heure habituelle.

En effet dès que ma montre marquait l'heure voulue, je me recueillais et me concentrais un instant, et ma pensée messagère de ma volonté, traversant l’espace plus rapidement encore s’il est possible que l’étincelle électrique, plongeait instantanément dans le sommeil ces deux êtres qu’on pouvait regarder alors comme deux anges.

Mais il fallait, pour obtenir un pareil résultat, que je fusse excessivement calme, que je n’eusse aucune distraction, et qu'enfin ma pensée fût entièrement tournée vers le lieu.

Aussi, un jour, que je m'étais fâché contre quelques-uns de mes paysans et que je les avais môme fortement gourman-dés, la clairvoyance médicale de mes somnambules en souffrit tellement, qu’elles ne purent donner aucune consultation. « D’où vient cela? leur demanda la personne qui étaitauprès d'elles. — C’est que notre magnétiseur, qui (Lins ce moment écrit une lettre, non duns son cabinet, mais dans la salle à manger (1), s’est emporté contre ses paysans, et que la colère qui le domine encore ne lui a pas permis de se recueillir suffisamment, et d'élever son âme à Dieu. »

J'ajouterai, pour corroborer ce qui a été dit au commencement de cet article, qu’un chanoine étant un jour venu chez moi pour se convaincre par lui-même de ce qu’il pouvait y avoir de vrai et même de saint dans le magnétisme — ce furent ses expressions — la présence de cet homme vénérable redoubla la ferveur de mes somnambules, qui, après avoir prié plus ardemment que jamais, furent aussi plus heureuses que jamais dans leurs consultations.

Aussi le saint prêtre s’en retourna tellement édifié, qu’en me serrant cordialement la main, il remercia le ciel de ce qu’il ne craignait pas d'appeler un des plus grands bienfaits de la Providence.

Charles Pêreyra.

Varsovie, le 28 août 1859.

(1) C'était on ne peut plus juste.

PROCÈS DE DOUAI.

LE MAGNÉTISME DEVANT LES TRIBUNAUX.

Nos lecteurs se rappellent certainement l’étrange procès dont nons avous reproduit le compte-rendu dans notre dernier numéro : A la suite d une discussion sur le magnétisme, un M. X., commissaire-priseur, qui ne l’avait ni étudié ni pratiqué, fit par curiosité une tentative sur un jeune garçon de douze aus; il s’ensuivit le sommeil de celui-ci, qui depuis est sujet à de fréquentes attaques dans lesquelles il éprouve de violentes convulsions suivies d'un état de calme et de somnambulisme. Le pauvre magnétiseur, qui, pour son début, a produit des résultats si énergiques et si malheureux, a été traduit en police correctionnelle. Le tribunal a dû se trouver dans un grand embarras : car la science officielle dit que le magnétisme n’existe pas; or ce qui n’existe pas ne peut certainement faire de mal, et le prévenu étant auteur de rien, ce rien ne peut engager sa responsabilité. Ce raisonnement est logique sans doute : mais le faitcst là, fait visible, palpable, incontestable, qui vient donner un cruel démenti à la théorie. 1HM. Dubois (d’Amiens) et Mabru, qui affirment que tous les faits magnétiques sont dus à la simulation et à la jonglerie, se seraient tirés d’affaire en disant que le petit garçon n’était qu’un drôle qui jouait la comédie pour se faire allouer des dommages-intérêts. Maisce système commode, et qui dispense de tout examen scientifique, n'aurait pu faire fortune auprès des juges qui, connaissant parfaitement les faits matériels, savent que la maladie n’est que frop réelle : les médecins déclarent môme n'y rien comprendre et avouent qu’ils ne peuvent y remédier. On est donc obligé de reconnaître, après une instruction minutieuse, qu’il existe des faits magnétiques non simulés. C'est un point désormais hors de doute; et, tout en déplorant que cette conséquence ait été conquise au prix de la santé dun être humain, on doit recueillir avec

soin la constatation fournie par le hasard à une vérité scientifique.

Un ne pouvait mettre en doute que les actes de M. X. n’aient été la cause de ce qu’a éprouvé le jeune homme. Et cependant le tribunal, se trouvant en présence de faits aussi extrordinaires, devait naturellement chercher à s'éclairer en recourant aux lumières d'hommes réputés compétents pour déterminer si, dans l’état actuel de nos connaissances, on pouvait, entre les passes magnétiques et la maladie de l'enfant, établir une relation de cause à effet. Ce furent deux docteurs en médecine qui furent appelés, tous deux, de leur aveu, parfaitement ignorants dans cette matière, et même se glorifiant, en quelque sorte, de leur ignorance.

Le premier médecin, après avoir exposé l'état de l’enfant, dit ne pas croire au fluide magnétique (l’existence du fluide est, comme on sait, une des hypothèses adoptées par les magnétistes, mais dont la vérité est indépendante de la réalité du magnétisme). 11 ajoute que, « quand des hommes difficiles à tromper, des membres de l'Académie des sciences, des médecins éminents ont voulu vérifier les faits allégués, les princes du magnétisme ont toujours reculé, se sont retranchés derrière des prétextes trop transparents. » 11 fait voir par là qu’il ne sait pas le premier mot de l’histoire du magnétisme : il ignore que d’Eslon, élève de Mesmer, a fourni aux commissaires de l’Académie des sciences et de la société royale de médecine, tous les moyens de s’éclairer sur le magnétisme; il ignore que plus tard ce sont des magnétistes qui ont sollicité un nouvel examen et qui, par leurs instances, ont forcé en quelque sorte l’Académie de médecine à sortir de sa majestueuse apathie pour s’occuper de cette grave question ; il ignore les expériences faites dans les hôpitaux de Paris, en présence de médecins éminents, des hommes les plus difficiles à tromper ; il ignore que, lors de la formation des commissions nommées en 1826 et en 1837, les princes du magnétisme, loin de reculer devant un débat contradictoire, ont présenté des sujets, ont pris part à des expériences; il ignore le rapport Husson si favorable au magné-

tismc; il ignore que parmi les partisans du magnétisme se trouvent des savants tels que MM. ltard, Guéneau de Mussy, Guersant,Fouquier, Leroux, Marc, Thillayes, Rostan, J. Cloquet, etc.

Quand on ne sait rien de l’objet sur lequel on est appelé à donner des éclaircissements à la justice, on devrait tout simplement en convenir et se récuser, plutôt que de parler à tort et à travers en relatant des opinions toutes faites, puisées on ne sait où, et qu’on n’est pas en état de justifier.

Le témoin déclare que « ni la question de fait, ni à plus forte raison la question de doctrine n’ont pu être élucidées. i> Si la question n’a pu être élucidée, elle reste donc douteuse, et alors il est bien téméraire de la trancher sans l’avoir étudiée. S’il y a doute, le témoin ne peut affirmer que le magnétisme n’existe pas; en l’affirmant témérairement, il s’expose donc à induire le tribunal en erreur.

11 prétend « qu’il n’existe pas, pour le monde savant, de magnétisme animal. » Nous ne savons pas au juste ce qu’il entend par le monde savant. Si c’est l’ensemble des gens savants, ils sont loin d’être unanimes. Si le plus grand nombre nie, il n’en manque pas d’autres qui affirment, et nous en avons cité dont les noms ont du poids et de l’autorité; en général, ceux qui nient sont ceux qui n’ont pas examiné ; ceux qui affirment sont ceux dont la conviction s'est formée par suite de sérieuses études. C’est donc encore chez ces derniers qu’il y a le plus de présomption de vérité. Du reste, puisqu’on vient de dire que la question de doctrine n'a pu être élucidée, il s’ensuit que le monde savant n’a pu encore former de jugement arrêté, et l’on ne peut dire qu’il repousse le magnétisme.

Le docteur expert réservait, pour le bouquet la conclusion suivante : Si on nie à bon droit le magnétisme, ne peut-on admettre la magnétisation ?... Voilà qui est clair et qui ne-peut manquer de bien mettre les juges au courant de la1 question. Le magnétisme n’existe pas (c'est entendu) : mais la magnétisation, c’est-à-dire l’action de magnétiser, l’action de pratiquer le magnétisme, l’action de pratiquer ce qui1

n’existe pas, l’action de communiquer à autrui une chose qui n’existe pas: oh ! c’est bien différent; cette action est parfaitement réelle, c’est l’art de tirer parti du néant, et le sujet qui a reçu ce néant peut éprouver les perturbations les pli s violentes; le magnétisme est absurde, chimérique, imaginaire..., mais il ne s’agit que de savoir s’en servir, et alors de3 zéros additionnés produisent un total effrayant, une création ex nihilo... Voilà ce qu’on apprend, à ce qu’il paraît, sur les bancs de l’école. Vertu admirable du diplôme quidonne le privilège de débiter, en audience publique, d’aussi belles choses qui ne peuvent manquer de faire l’admiration du monde savant!

Quant au second docteur, il se tient dans une réserve prudente et timide : il n’ose se prononcer. « L’Académie des sciences (dit-il) ni la Faculté ne nous ont encore autorisés à admettre le magnétisme ou fluide magnétique. » Attendons que l’oracle ait parlé, et gardons-nous bien de devancer son jugement souverain et infaillible. Ainsi Thomas Diafoirus, avant d’embrasser sa future, se tournait vers son père en disant : Baiserai-je, papa?... Il était admis alors que les médecins devaient suivre en tous points les règles tracées par la Faculté et ne pouvaient se permettre de prescrire un remède non autorisé par le Codex, ni d’innover en quoi que ce fût, dût le malade en crevera. Maintenant la Faculté n’exige pas cette obéissance aveugle : il est de principe qu’un médecin diplômé peut soigner ses malades comme bon lui semble, suivant ses lumières et sa conscience, sans être lié par aucune autorité; qu’il peut, s’il le juge convenable, employer l’allopathie, l’homœopatbie, l’hydrothérapie, voire le magnétisme et le somnambulisme, et même consulter l’âme d’Hippocrate par le moyen des tables parlantes. Tout pouvoir lui est donné, purgandi, saignandi, etc. C’est donc se tromper d’époque et pousser trop loin la circonspection, que de n’oser avoir une opinion avant que la Faculté se soit prononcée. Un tel scrupule n’a pas arrêté les professeurs de cette même Faculté, lorsqu’entralnés par leur audace un peu aventureuse, ils ont prescrit des cigares d’arsenic et traité les malades par l’acide prussique.

Ce second docteur avait bien le droit de dire: Je ne sais pas. .Mais il avait tort de s’abriter sous le manteau de la Faculté qui n’est pas teuuede toutenseigneretquin’a pas la prétention d’être un concile, un arbitre suprême en matière de science.

Il est fâcheux que le tribunal n’ayant pu obtenir de renseignements plus précis de ces deux docteurs, n’ait pas jugé à propos d’appeler un expert ea’magnétisme, un de ces hommes qui ont consacré leur vie à magnétiser, qui ont traité par ce moyen une foule de maladies,qui ont vu se présenter tous les phénomènes que peut produire cet agent puissant : il est de ces hommes que recommande la renommée de leurs travaux, de leurs écrits, des cures éclatantes qu’ils ont obtenues. Un tel expert aurait appris au tribunal que le magnétisme est une force immense qui ne doit être employée que dans l'intérêt de l'humanité; qu’il est imprudent de la faire servir de vaine récréation ; qu’elle ne peut être maniée que par des mains habiles et expérimentées; qu’autrement elle peut devenir funeste, jnais qu’alors il faut s’en prendre, non à cette force elle-même, mais à l’im-péritie de ceux qui, sans la connaître suffisamment, ont osé s’en servir; de même qu’un enfant qui joue avec le feu peut causer des incendies. Cet expert aurait ajouté que le magnétisme répare le mal qu'il peut causer : il y a tout lieu de croire que si l’enfant dont il s’agit était confié aux soins d’un magnétiseur éclairé, on obtiendrait bien vite la cessation des accidents et le rétablissement de la santé. Il est à désirer que M. X. appelle du jugement qui l'a condamné, et qu’avant sa comparution devant la juridiction supérieure, les parents de l’enfaut prennent le parti que nous venons d’indiquer. Si le magnétiseur parvient à le guérir, la cause de M. X. y gagnera ainsi que celle du bon sens et de l’équité. Nous serions heureux d'apprendre qu’on a ainsi réparé une imprudence.

On voit que ce procès, dont les ennemis du magnétisme chercheront peut-être à se prévaloir, renferme un enseignement salutaire, et nous espérons que la leçon ne sera pas perdue. A. S. Mobiw.

Nous lisons en outre, et sur le même sujet, les réflexions suivantes, dans Y Indépendance belge :

i Les journaux ont raconté qu’un monsieur descendu dans un hôtel de Douai, à la suite d’une discussion sur le magnétisme, propose en riant de magnétiser le petit garçon de son hôte: et, bien qu’il ne crût pas à la puissance ni même à l’existence du fluide, bien qu’il opérât avec toute l’incrédulité qu’eût souhaitée l’académie des sciences, le jeune enfant s'endormit, tomba dans des convulsions qui depuis ne l’ont pas quitté, et le magnétiseur sans le savoir a été cité àraison de ces faits devant le tribunal correctionnel.

« Lesj uges, comme vous pensez, étaient dans un grand embarras; trancher la question du magnétisme par un arrêt, c’était grave. Décider que ce M. X. avait magnétisé, c’était introduire dans la jurisprudence la reconnaissance officielle du magnétisme, c’était peut-être s’exposer à la risée des savants.

«D'un autre côté, nier le magnétisme, quand on avait là, devant soi, un pauvre enfant, atteint d’un mal sérieux, et qui n’était peut-être pas réveillé depuis un an, c’était se montrer par trop esprit fort. Le tribunal, dans l’embarras, fit venir deux médecins. C’ était la meilleure façon de ne pas trancher la question. Les docteurs déclarèrent l’un et l’autre, en se contredisant un peu dans les détails, mais en se mettant d’accord sur le fond, que le magnétisme n’existait pas, que l'Académie des sciences, du moins, ne les autorisait pas à le reconnaître, et qu’en conséquence, l’enfant souffrait... du magnétisme.

« Le tribunal a rendu un arrêt qui condamne le magnétiseur à l'amende pour avoir, par des passes, excité imprudemment le système nerveux de l’enfant.

« J'espère bien que les magnétiseurs vont s’emparer de cet arrêt solennel. Il leur donne absolument gain de cause, car j’avoue que si l’enfant en question n’est pas épileptique, je ne comprends pas comment des passes inoflfensives faites par un sceptique qui riait sans doute au nez de l’enfant, tout en le magnétisant, ont pu opérer des désordres aussi profonds, aussi incurables.

« Puisque les médecins ont déclaré qu’ils ne connaissaient rien à cette étrange maladie nerveuse, pourquoi les parents n essayeraient-ils pas de faire traiter l’enfant par des magnétiseurs? Ce serait là l’occasion peut-être d'une expérience qui aurait bien sa portée.

«Pourma part, jene sais pas sije crois aumagnétisme ; mais je sais bien que j’aimerais à y croire. Ce n’est pas plus absurde, plus extraordinaire que tout ce qui arrive et qui reste inexplicable. Arago affirmait qu’il y avait bien peu de chose dans le domaine de la science (peut-être même a-t-il dit : rien), qu’on dût nier à priori. Les grands savants, snns être crédules, sont tolérants et accordent à l’inconnu beaucoup plus d’étendue et de puissance que tous les demi-ignorants. Si le magnétisme est une jonglerie, il est impossible de laisser condamner qui que ce soit, parce que cette personne se sera amusée à faire aller les mains au tour de la tête d’un enfant. Mais si le magnétisme a quelque chose de vrai (si petite que soit la part de vérité), il ne faut rien nier, ¡1 faut tout attendre.

« Soit que notre imagination invente et peuple un monde des âmes à côté et au-dessus de nous, soit que le monde dans lequel nous sommes, nous vivons et nous nous mouvons, existe réellement, il est hors de doute, pour moi du moins, que d'inexplicables accidents se produisent qui provoquent la science et défient la raison.

«Dans la guerre de Crimée, pendantunede ces nuits tristes et lentes qui prêtaient merveilleusement à la mélancolie, au cauchemar, à toutes les nostalgies du ciel et de la terre, un jeune officier se lève tout à coup, sort de sa tente, va chercher un de ses camarades et lui dit :

« — Je viens de recevoir la visite de ma cousine, de mademoiselle de T...

« — Tu rêves.

«— Non. Elle est entrée, pâle, souriant et effleurant à peine le sol trop dur, trop grossier pour ses pieds délicats. Elle m’a regardé, et après que sa voix douce m'a eu brusquement réveillé, elle m’a dit: «Tu tardes bien I prends garde ! quelquefois

on meurt de la guerre sans aller à la guerre ! » J'ai voulu lui parler, me soulever, courir à elle; elle s'est reculée! Et mettant un doigt sur sa lèvre : «Silence! m'a-t-elle dit, aie du courage et de la patience, nous nous reverrons. » Ah ! mon ami, elle était bien pâle, je suis certain qu'elle est malade, qu’elle m’appelle.

« — Tu dors tout éveillé, tu es fou, repartit l’ami.

« — C’est possible, mais alors qu’est-cedonc que ce mouvement de mon cœur qui l’évoque et qui me l’a fait voir?

« Les deux jeunes gens causèrent, et à l’aurore l’ami reconduisait vers sa tente l'officier visionnaire, quand celui-ci tressaillit tout à coup.

« — La voilà, mon ami, la voilà, dit-il, elle est devant ma tente.....Elle me fait signe que je manque de foi et de confiance.

« L’ami, bien entendu, ne voyait rien. Il fit de son mieux pour rassurer son camarade. Le jour parut, et avec le jour des occupations assez sérieuses pour qu’il ne fût plus question des fantômes de la nuit. Mais, par une précaution fort raisonnable, le lendemain une lettre partait pour la France, demandant instamment des nouvelles de mademoiselle de T... Quelques jours après, on répondait que mademoiselle de T... était assez sérieusement malade, et que si le jeune officier pouvait obtenir un congé, 011 pensait que sa vue aurait le meilleur effet.

u Demanderuncongéau moment des plus rudes fatigues, àla veille peut-être d’un assaut décisif, et faire valoir des craintes sentimentales, il ne fallait pas trop y songer. Toutefois, je crois me rappeler que le congé fut demandé et obtenu et que le jeune officier allait partir pour la France, quand il eut encore une vision. Celle-là était épouvantable. Mademoiselle de T... vint, pâle et muette, glisser une nuit sous sa tente, et lui montra le long vêtement blanc qu’elle traînait. Le jeune officier 11e douta pas un seul instant que sa fiancée ne fût morte ; il étendit la main, prit un de ses pistolets et se fit sauter la cervelle.

« En effet, la même nuit, à la même heure, mademoiselle de T... avait rendu le dernier soupir.

u Cette vision était-elle le résultat du magnétisme? Je n’en sais rien. Etait-ce de la folie? Je le veux bien. Mais c’était quelque chose qui échappe aux railleries des ignorants, et aux railleries plus malséantes encore des savants.

n Quant à l’authenticité de ce fait, je la garantis. Interrogez les officiers qui ont passé ce long hiver en Crimée, et il en est peu qui ne vous racontent des phénomènes de pressentiment, de vision, de mirage de la patrie et des parents, analogues à ce que je viens de vous dire.

« Qu’en faut-il conclure? Rien, si ce n’est que je finis mon courrier d’une façon bien lugubre, et que je sais peut-être le moyen d’endormir sans savoir magnétiser.

« Thécel. »

(Extrait de la correspondance de Y Indépendance belge du 2 septembre.)

BIBLIOGRAPHIE.

AVENTURES DE CAGLIOSTRO, par Jules de Sàist-Fêlix. 1 petit vol. Paris, Hachette, éditeur, 1854.

Il y a des hommes qui, après avoir joui d'une immense réputation., après avoir exercé une grande influence sur leurs contemporains, deviennent pour la postérité un sujet d’é-nigmeet semblent ne pouvoir ôtrejugés. Tels furent Simon le magicien, Apollonius de Thyane et Cagliostro. Pour les sectateurs dos sciences occultes, ce sont des maîtres vénérables, possesseurs de secrets merveilleux ; leur génie a pénétré dans les profondeurs de la magie, ils sont parvenus à exercer leur empire sur la nature, à dominer les êtres invisibles, à exécuter des prodiges admirables. Anx yeux de l’homme religieux et timoré, ce sont des magiciens pervers qui n’ont dû leur pouvoir qu’au concours des démons, et leurs œuvres ne doivent

inspirer que de l’horreur. Pour le sceptique, ce sont des fourbes, des charlatans dignes de mépris, et leurs prétendus miracles ne sont autre chose que des tours d’adresse. 11 est difficile de discerner la vérité au milieu de ces jugements contradictoires. Les documents que l’on possède sur ces personnages singuliers, n’offrent pas, en général, des garanties bien solides de certitude. 11 semblerait que pour Cagliostro qui vivait à une époque très-rapprochée de nous, on dût avoir des renseignements plus précis ; mais il s'en faut de beaucoup que, dans les écrits publiés sur lui, on trouve les éléments nécessaires pour apprécier les faits extraordinaires qu’on lui attribue. Le petit livre de M. de Saint-Félix est sans doute fort intéressant ; on le lit avec beaucoup de plaisir, et les aventures du héros sont tellement étranges que 1 histoire ressemble à un chapitre des Mille et une A uitt ; mais la critique est obligée de demander à l'auteur à quelles sources il a puisé, sur quels monuments historiques il s’est appuyé. Malheureusement il n’en cite aucun : seulement, à la page 60, il rapporte une anecdote connue tirée « des pièces authentiques qui servirent de témoignage contre Cagliostro, accusé de s'être livré, dans un but d’impiété, aux sciences occultes. » Or c’est devant la sainte inquisition que ce procès a eu lieu (1), et l’on sait que devant ce ténébreux et terrible tribunal la procédure est secrète, et que les archives en sont interdites aux profanes. Quand et comment a-t-on pu pénétrer dans cet antre redouté pour compulser les pièces du procès? C’est ce que l’auteur ne nous apprend pas. Il aurait dû cependant informer ses lecteurs des moyens par lesquels il a acquis la connaissance de ces faits mystérieux. Il aurait dû, en outre, expliquer si l'anec-

(1) Cagliostro n'a été traduit devaDt le tribunal do l'inquisition que comme accusé de franc -maçonnerie. Déclaré coupable de ce crime imaginaire, il avait encouru la peine de mort d'après les édita des très-saints et très-douj papes Clément XII (»4 janvier 1139) et Benoit XIV (18 mai 1731). Mais, malgré l'énormité d’un tel forfait, le papo Pie VI, dans sa bonté inépuisable, commua la peine en une détention perpétuelle dans une forleresso, enjoignant qu'il y soit étroitement gardé sa ni espoir de grâce (7 avril 1791).

doie en question a été racontée devant les juges par l’accusé ou par d'autres personnes, si celles-ci étaient des témoins oculaires, si elles ont été confrontées avec l'accusé, etc. On aurait pu juger par là du degré de confiance que méritait le récit. Mais comme il ne s’explique sur aucun de ces points importants, comme il ne précise ni la date des faits , ni les noms des personnes qui y ont joué un rôle, tout cela ressemble bien à un conte en l’air, que des familiers du saint-office ont pu recueillir par ouï-dire ou même inventer pour corroborer l’accusation et servir la bonne cause, en vertu du pieux principe que la fin justifie les moyens.

M. de Saint-Félix a-t-il au moins, en historien judicieux, employé avec sagacité les matériaux qu'il avait à sa disposition? On va en juger par quelques échantillons. Il nous dit (p. 77) que l’Alsace était dans ce tempsAà un pays habité par de bonnes gens. Après cette affirmation bien positive et contre laquelle nous sommes bien loin de faire aucune objection, il ajoute : Nous aimons à croire qu’il en est ainsi aujourd’hui. Il aime à croire, mais il n’ose se prononcer.il a des doutes. La moralité actuelle des Alsaciens est cependant bien plus facile à vérifier que celle de leurs ancêtres ; pour juger du passé, on est réduit à éplucher les archives, tandis que pour connaître le présent, il suffit de passer quelque temps dans le pays et d’observer par soi-inême. — L’auteur est obligé de dous tracer le portrait du cardinal de Rohan , qui acquit, par l'affaire du collier, une si triste célébrité. Tous les mémoires du temps, tous les documents historiques s’accordent à nous représenter ce personnage comme un sot bouffi de présomption , comme un prélat fastueux, prodigue et libertin (1). L’auteur ne peut accorder ce dernier point, et il en donne pour raison que « c’eût été contraire à sa timidité, à ses habitudes, au respect qu’il avait pour la dignité de sa race et pour le caractère sacré dont il était revêtu. » (P. 80.) Quand on raisonne d’une manière aussi candide,

(1) Lors de son ambassade à Vienne, sa conduite dans celle capitale fut tellement déréglée et scandaleuse, que l'impératrice Marie-Thérèse crut devoir demander son renroi à la cour de Franco.

on peut avoir des dispositions pour écrire la vie des saints, mais on est peu propre à démêler la vérité du milieu des fables et à apprécier sainement des aventures dont les fils sont continuellement embrouillés par l’astuce la plus raffinée.

Ce n’est donc qu’avec réserve que nous examinerons les récits de ftl. de Saint-Félix, auxquels nous ne pouvons accorder une autorité suffisante. Il fait une peinture peu flatteuse de son héros qui s’appelait Joseph Balsamo, nom sous lequel Alexandre Dumas le fait figurer dans un de ses romans les plus populaires. L’auteur nous le dépeint comme un misérable, voleur, escroc, faussaire, charlatan, fourbe, trafiquant de la beauté de sa femme. Cagliostro semble avoir eu un goût passionné pour les sciences occultes ; et quoiqu’il s’en soit servi pour faire des dupes, il est probable qu’il croyait à la magie, et que c’est sérieusement qu’il poursuivait le grand œuvre. 11 importe de savoir si ses longues recherches ont abouti à quelque découverte.

Ce qui est certain, c’est que dans les principales villes de l’Europe il a été accueilli et fêté par l’élite de la société, par des grands seigneurs, des savants et des hommes de lettres; qu’il a eu auprès d’eux un très-grand crédit et a passé pour produire des choses extraordinaires. S’il n’eût été qu’un charlatan, s’il n’eût pas donné des preuves du pouvoir qu’il s’attribuait, il serait difficile d’expliquer la faveur dont il a joui si longtemps et la haute opinion qu'avaient de lui tant de personnes éclairées.

Parmi les merveilleux secrets dont on lui fait honneur, il y en a qui sont évidemment chimériques, tels que l’élixir d’immortalité et la pierre philosophale servant à transmuer les métaux en or. Il y en a d'autres qui se rattachent au magnétisme, au somnambulisme et au moderne spiritualisme. Ce sont ceux-là que nous croyons utile de mentionner avec quelques détails.

Cagliostro, nous dit-on, opérait de nombreuses guérisons et souvent dans des cas désespérés : « il visitait des malades qui le faisaient appeler; mais il ne les visitait que sur des instances réitérées de leur part. J’entends parler de malades

ayant un nom et quelque importance ; car, pour ce qui regardait les pauvres, le médecin alchimiste les recevait chez lui, les traitait et souvent les guérissait; le tout gratuitement. Si un pauvre diable ne pouvait quitter son grenier, Cagliostro allait le voir, et il ne sortait jamais d’un misérable logis sans y laisser de l'argent. » (P. i>â.) Une telle conduite, il faut en convenir, est celle d’un vrai sage, d’un bienfaiteur de l’humanité; elle doit avoir la vertu d'expier bien des fautes, bien des égarements, et sans doute elle désarmera la sévérité de la censure. Nous n’avons pas de détails sur les procédés qu’il employait; seulement un cite, pour certains cas, l’emploi d'un élixir dont la recette, hélas! est perdue. Voici une des cures qui firent le plus de bruit. Le prince de Soubise était sérieusement malade de la fièvre scarlatine; son état était devenu alarmant; les médecins n’espéraient plus rien. Cagliostro se chargea de la cure, jurant sur sa tète qu’il le sauverait. La famille laissa faire. Cagliostro demanda à rester seul dans la chambre du mourant : on l’y laissa ; uneheure après, il appela le cardinal de Rohan et lui dit, en lui montrant le malade : « Dans deux jours, si l’on suit mes prescriptions, le prince de Soubise quittera ce lit et se promènera dans cette chambre ; dans huit jours il se promènera en carrosse ; dans trois semaines il ira faire sa cour à Versailles. » Aux visites suivantes, Cagliostro fit prendre au malade quelques gouttes d'une pe-pite fiole. Tout se passa comme il l’avait annoncé. La guérison de Soubise, réalisée au jour dit, eut nn retentissement énorme ; partout on chantait les louanges du moderne Escu-lape; la Faculté de Médecine était consternée et protesta contre des guérisons qui n’étaient pas faites suivant les règles de l'art, ce qui divertit beaucoup le public et augmenta son engouement pour l’alchimiste. Sa maison était remplie de béquilles offertes comme ex voto par les estropiés qu’il avait guéris.

Comme il parait avoir agi, dans beaucoup de cas, sans aucune médication, on a pensé qu’il avait, avant Mesmer, deviné le magnétisme. Celte opinion, qui sert de base au roman de Balsamo, nous parait fort vraisemblable. Il en ré-

suHeraitque Cagliostro n’étail pas un homme ordinaire. Peut-Être s’est-il entouré d’un prestige imposant pour empêcher qu’on ne connût le véritable principe de sa force; peut-être se trompait-il lui-même, et, se méprenant sur la force qu’il maniait, 1 attribuait—il à une pharmacopée secrète, résultat de ses travaux alchimiques. C'est ainsi que Mesmer, lors de ses premiers essais, croyait reconnaître, dans le contact de barreaux aimantés, la vertu curative qui n'était due qu’à son influence personnelle et dont plus tard il expliqua la nature.

Cagliostro a préludé au somnambulisme et à l’électro-biologie par des procédés propres à développet la lucidité. Voici ce que rapporte à ce sujet son historien : « 11 fit venir un enfant, fils d’un grand seigneur; il le plaça devant une table sur laquelle était une carafe d’eau pure, et derrière la carafe, quelques bougies allumées; ilfit autour de lui une sorte d'exorcisme, luiimposa les mains sur la tête, et tousdeux, dans cette attitude, adressèrent leurs prières à Dieu pour l’heureux accomplissement du travail. Ayant dit alors à l’enfant de regarder dans la carafe, celui-ci s’écria tout à coup qu’il voyait un jardin. Connaissant par là que Dieu le secourait, Cagliostro prit courage et lui dit de demander à Dieu la grâce de lui faire voir l’ange Michel. D’abord Tenfant dit : Je vois quelque chose de blanc, sans distinguer ce que c’est. Ensuite il se mit à sauter et à s’agiter comme un possédé en criant : Voilà que j’aperçois un enfant comme moi, qui me paraît avoir quelque chose d’angélique. Et il en donna une description conforme à l’idée qu’on se fait des anges. Toute l’assemblée et Cagliostro lui-même restèrent interdits. 11 attribua encore ce succès à la grâce de Dieu qui, à l’entendre, l’avait toujours assisté et favorisé. Le père de l'enfant désira alors que son fils, avec le secours de la carafe, pût voir ce que faisait en ce moment sa fille aînée qui était dans une maison de campagne distante de quinze milles de Mittau. L'enfant étant de nouveau exorcisé, ayant les mains du vénérable imposées sur sa tête, et les prières habituelles ayant été adressées au ciel, regarda dans la carafe et dit que sa sœur, dans ce moment , descendait l’escalier et embrassait un autre de ses

frères. Cela parut alors impossible aux assistants, parce que ce même frère était éloigné de plusieurs centaines de milles du lieu où était sa sœur. Cagliostro ne se déconcerta pas; il dit qu’on pouvait envoyer à la campagne pour vérifier le fait... On y envoya en effet : tout ce qu’on avait refusé de croire se trouva vrai. Le jeune homme embrassé par sa sœur venait d’arriver des pays étrangers... Une dame désira que le pupille ou lu colombe (c’est ainsi qu’il appelait les enfants dont il se servait) vît un de ses frères qui était mort encore jeune : l'enlant le vit en effet ; il paraissait gai et content, ce qui fit penser qu’il était dans un lieu de bonheur. » (P. 61.)

Cagliostro se trouvant plus tard à Strasbourg, et faisant des expériences semblables, on trouva que la carafe était un moyen matériel bien usé. Il se contenta d’opérer par l'imposition des mains sur la tète de l'enfant. « Quelqu’un soupçonnant que, dans ces sortes de travaux, il y avait quelque compérage entre la pupille etle maître, proposa d’amener une enfant étrangère et avec qui on ne se mettrait en rapport qu’au moment de l'opération. Cagliostro y consentit, ajoutant que tout ce qu’il opérait n’était qu’un effet de la grâce divine. La pupille fut donc amenée; les travaux réussirent heureusement, et même il voulut que la personne qui avait amené l’enfant fit elle-même l’imposition des mains. L’interrogatoire eut lieu, et les réponses de la voyante jetèrent toute l’assistance dans l’admiration. Les questions, dans cette circonstance et dans d’autres, tendaient toujours à découvrir les inclinations des diverses personnes, des faits connus d’elles seules, des causes de maladie et des remùdes efficaces. » (P. 84.)

On voit là des exemples de lucidité sans sommeil et amenée par des procédés tout différents de ceux qu’on emploie actuellement. En réunissant un grand nombre de faits semblables, on arriverait à pouvoir décider s’il y a des procédés préférables aux autres, ou si, au contraire, le choix des procédés est indifférent, l’essentiel étant de déterminer, n’importe comment, chez le sujet une certaine perturbation psychique propre à faire éclore des facultés anormales.

Cagliostro passait pour être en état d’évoquer les morts, de les faire apparaître et parler à son gré. Plus habile, en fait de mise en scène, que nos nécromanciens d’aujourd'hui qui logent lésâmes des morts dans les guéridons et les corbeilles, il imprimait à ses cérémonies magiques une solennité imposante, propre â agir fortement sur les imaginations, et peut-être produisait-il ainsi des hallucinations que ses adeptes prirent pour des réalités. Il y eut surtout une aventure célèbre dont les gazettes du temps entretinrent leurs lecteurs et dont le public s’émut beaucoup, ce fut le souper des encyclopédistes. Cagliostro annonça que, dans un souper intime, composé de six convives désignés parmi les hauts dignitaires de l’ordre maçonique, il évoquerait les morts qu’on lui désignerait et qu’ils viendraient s’asseoir au banquet, la table devant avoir treize couverts, et Cagliostro devant occuper la treizième place. Le souper eut lieu rue Saint-Claude. Les six francs-maçons et Cagliostro se mirent à table, puis les gens furent renvoyés avec menace d’être tués roiile, s’ils tentaient d’ouvrir les portes avant d’être appelés. Chaque convive demanda le mort qu’il désirait revoir. Cagliostro prit les noms, les plaça dans une poche de sa veste et annonça que, sans autre préparation qu'un simple appel de sa part, les Esprits évoqués allaient venir de l’autre monde, en chair et en os (car, suivant le dogme égyptien, il n’y avait point de mort). Ces convives d’outre-tombe demandés et attendus étaient : le duc de Choiseul, Voltaire, d’Alembert, Diderot, l’abbé de Voisenon et Montesquieu. Les noms furent prononcés à haute voix, lentement et avec toute la puissance de volonté dont était doué l'initiateur. Après quelques moments d’attente, moments de terreur et d’anxiété, les six personnages évoqués apparurent, vinrent prendre place au souper, y montrèrent toute la courtoisie qui les caractérisait de leur vivant, et répondirent aux questions qu’on leur fit (leurs réponses sont rapportées p. 103).

Cette anecdote fut tenue pour réelle par beaucoup de gens. Mais qui l'atteste? On ne nomma point les six convives vivants, sans doute par respect pour les secrets de l'ordre ma-

çonnique. Des qu’il ne se trouve pas un homme d’honneur qui atteste le fait par sa signature, cela ressemble un peu trop à nos chroniques d’aujourd’hui où l’on raconte des histoires charmantes arrivées au comte A, à la baronne B, au marquis C, etc... Allez plutôt leur demander si ce n'est pas vrai.

— Il y a encore une autre difficulté. Nos six morts bien portants, bien vivants, en chair et en os, bien mangeant et bien parlant, sont entrés dans la salle; mais on ne nous dit pas comment. Ont-ils passé tout bonnement par une porte ouverte ou par une fenêtre? sont-ils sortis de terre par une trappe comme à l'Opéra, ou ont-ils apparu brusquement en pénétrant à travers les murs, comme il convient à des Esprits? La relation est muette sur ce point : elle ne dit pas davantage comment ils se sont retirés. Ce défaut d’explication nous autorise à croire (en supposant l’histoire véritable) que six individus vivant de la vie terrestre se sont affublés du costume ordinaire du temps de Louis XV et ont joué le rôle des morts dont ils ont pris les noms. Les convives pouvaient ne pas avoir connu ceux qu’ils évoquaient et 11e pas être bien difficiles sur la ressemblance, d’autant plus qu’il est reconnu, par d’augustes exemples (1) que, quand on revient de l’autre monde, 011 est très-défiguré et méconnaissable, même pour ses intimes amis. Cette ruse aurait été bien grossière, mais souvent ces moyens-là réussissent parfaitement vis-à-vis de gens enthousiastes et disposés à tout admirer sans scruter. N’y a-t-il pas de nos jours des morts qui, répondant aux évocations, écrivent au moyen de corbeilles mues par la main des médiums, ont oublié leurs noms de baptême et toutes les circonstances de leur vie terrestre, au point de ne savoir que ce que sait le médium corbillonnant? Et l’identité de ces morts est crue durcomme fer. Autres temps, autres procédés, mais toujours même crédulité.

On ne pouvait manquer de faire de Cagliostro un prophète. Après avoir été enfermé quelque temps à la Bastille, comme impliqué dans l’affaire du collier, il passa à Londres

(1) Malli., XXÏ1II, 17; Marc, XVI, 12; Luc, XXIV, 16, 37-43; Jeao, XX, 14, 13; XXI, 4, 7.

et publia, en 17S7, une lettre au peuple français, qui l'ut répandue à profusion dans toute l'Europe. On a prétendu qu’il y avait clairement prédit les événements de la révolution. Nous regrettons de 11e pas avoir à notre disposition cet écrit, ce qui nous permettrait de vérifier la prophétie. Nous ne pouvons en juger que par les deux extraits suivants que cite M. de Saint-Fclix. u La Bastille sera détruite de fond en comble, et le solsurlequel elles’élève deviendra une promenade... (L’auteur annonce) le règne prochain d'uu prince qui abolira les lettres de cachet, convoquera les Etats généraux et rétablira la vraie religion. » Cette seconde partie est tout à fait en désaccord avec les faits. Quant à, la première, elle ne nous parait pas mériter l’admiration qu’elle a inspirée. Qu’un prisonnier, se croyant arbitrairement détenu , maudisse le régime qui permet au gouvernement de disposer capricieusement de la liberté des citoyens; qu’il maudisse la prison d'Etal, monument odieux de despotisme, cela est tout naturel; que, dans son indignation, il appelle des temps meilleurs où nul ne sera soumis qu’à la loi ; que, confiant dans l'avenir, il affirme que la prison d’Etat, n'ayant plus d’emploi sous un régime libre, disparaîtra, et que sa destruction sera une satisfaction accordée à l'opinion publique ; tout cela peut encore s’expliquer naturellement, l’écrivain ne déterminant ni l’époque, ni les circonstances. Nous ne voyons donc pas dans ces extraits de quoi justifier le don de prescience attribué à Cagliostro.

M. de Saint-Félix a réussi à faire passer à ses lecteurs une heure agréable; nous pensons même qu’il pourra leur inspirer le désir d’étudier plus à fond les graves questions qu’il a effleurées ; mais il n’a pas dissipé les ténèbres qui environnent la mémoire de l’homme extraordinaire dont il s’est fait le biographe, et la vraie vie de Cagliostro est encore à faire.

A. S. Morin.

VARIETES.

M. HOME

Nous trouvons dans la correspondance de Y Indépendance belge du 18 septembre, que M. Home a du traverser Paris ces jours derniers pour se rendre à Naples près de son grand ami S. A. R. le comte d’Aquila, frère du roi de Naples.

PRESSENTIMENT.

Mardi dernier, les époux X..., passementiers, s’étaient rendus au théâtre. En rentrant, X... dit tout à coup à sa femme : e Va me chercher ma fille, car je suis sûr de mourir cette nuit, je l'ai rêvé la nuit dernière. » En vain sa compagne lui objecta-t-elle l’inanité des songes, le passementier insistant, elle se miten route gour aller chercher leur enfant, placée en apprentissage chez une modiste de notre ville. En rentrant, M“* X... trouvait étendu, en chemise, au pied de son lit, son mari dont les tristes pressentiments ne s'étaient que trop réalisés, et qui venait de succomber à la rupture d’un anévrisme au cœur.

[Courrier de Lyon, du h septembre 1859.)

LES ESPRITS SAISIS AU DAGUÉRÉOTYPE.

Le Spiritual Telegraph rapporte, dans son numéro du

18 août, le fait suivant, que le directeur affirme tenir d'une personne de New-York parfaitement digne de foi.

Un homme âgé mourut dernièrement après avoir passé huit ans dans un état de prostration causé par la paralysie. 11 appartenait à la secte des nouveaux presbytériens, était très-ferme dans sa foi, et était regardé comme un homme de bien et comme un saint. Aussitôt après sa mort, ses parents firent venir une dame artiste pour faire son portrait au daguéréo-type. Le cadavre était assis dans un fauteuil. Quand on examina la plaque, on fut tout étonné d’y voir, non-seulement le défunt, mais en outre deux autres personnes, un homme et une femme, se tenant à ses côtés. Et pourtant il n’y avait eu dans l’appartement personne auprès du corps. L’habillement de la femme était tout différent de celui de l’artiste, et il n’y avait aucune autre femme dans l’appartement. L’épreuve était très-sombre. Les spiritualistes pensent que deux Esprits s'étant tenus près du corps, leur image a été réfléchie. Voilà les faits ; faites de ma relation tel usage que vous voudrez ; peut-être M. Partridge l’accueillera avec plaisir.

Poursuites contre les sorciers. — Le môme journal donne ces documents curieux d’après l’ouvrage intitulé Poets and poelry ofGermany. « Dans le cours du siècle où la sorcellerie a été le plus poursuivie en Allemagne, c’est-à-dire de 1580 à 1680, on compte plus de 100,000 victimes, dont les neuf dixièmes composés de femmes. On doit dire, à l’honneur de l’humanité, que quelques voix s’élevèrent contre cette rage sanguinaire, mais elles furent étouffées par la clameurgéné-rale. Dans toutes les parties de l’Allemagne, aussi bien chez les protestants que chez les catholiques, on commit les mômes atrocités. Enfin, en 1631, un homme d’un noble cœur, le comte Frédéric Stain, appartenant pourtant à l'ordre des jésuites, qui avait fourni les plus violents dénonciateurs de la sorcellerie, fit une démarche hardie et déclara que, parmi les nombreux condamnés qu’il avait accompagnés à l’échafaud, il n’y en avait pas un seul qu’il pût en conscience regarder comme coupable. Traitez-moi de même, ajouta-t-il, procé-

dez de même à l’égard des juges des sorciers, à l’égard des chefs de l’Eglise, soumettez-nous aux mômes tortures, et vous verrez si vous ne découvrez pas en nous tous des sorciers. Cet élan de généreuse indignation ne suffit pas pour calmer les bourreaux, et ce ne fut qu'en 169A que cette incompréhensible fureur s’apaisa. Le dernier individu qui ait été brûlé en Allemagne comme sorcier fut une pauvre religieuse, âgée de soixante-dix ans; elle fut exécutée à Berg, en 17 i9. A Claris, dans la Suisse allemande, une exécution de même nature a encore eu lieu en 1794 ; la victime était une jeune servante accusée d’avoir employé des pratiques diaboliques pour rendre estropié l'enfant de ses maîtres. Et l'Allemagne semble avoir vécu dans une atmosphère de sorcellerie ; tout le terrain que perdait la foi, la superstition se l’appropriait, »

Baron do POTET, propriétaire-gérant.

Quelques personnes s’élant laissé servir le Journal (leux, trois mois et plus en sus de leur abonnement sans se croire plus tard engagées à. payer même les numéros reçus, .l’administration, pour éviter des pertes onéreuses de numéros et de frais d’envoi, se voit forcée de cesser à dater de ce jour l’envoi du Journal à toute personne dont l’abonnement est échu et dont elle ne connaît point les intentions au sujet du renouvellement. La régularité de sa comptabilité et ses intérêts lui imposent cette règle, dont elle ne s’écartera plus désormais.

SÉANCES EXPÉRIMENTALES.

Les séances expérimentales de magnétisme de M. le baron du Port et, données en prime aux abonnés du Journal, seront reprises le 19 de ce mois.

Rien, absolument rien ne saurait remplacer ces séances pour qui veut se familiariser avec la production et la vue des divers phénomènes que provoque la magnétisation, et se débarrasser des incertitudes, des craintes, des angoisses parfois qui assaillent les commençants.

DANGERS DU WIAGliCTISWE.

Dans l’avant-dernier numéro du Journal nos lecteurs ont pris connaissance d’un singulier procès où le magnétisme se révélait, sinon dans toute sa puissance, du moins dans un de ses accidents; ils ont lu également les dépositions des médecins chargés de constater le fait qui servait de base à l’accusation. Aujourd’hui le Courrier de Lyon mentionne un nouveau fait, que nous donnons ci-après, d’une nature à peu près semblable. Cette fois le médecin avoue l’existence du magnétisme et se montre plus éclairé que ses deux coufrèresde Douai : ainsi, de tous les côtés, ta force se révèle et nos prévi-sioni touchant l’avenir du magnétisme se réalisent. Qu’on ne Tojik XVI». — N° 07. — 2* Série. — 10 Octobre 1859. 19

se laisse point effrayer par les phénomènes que l’agent nouveau développe, accidents toujours faciles à faire cesser et qui prouvent la puissance de l'homme : lorsque le corps se laisse pénétrer par cet agent, la richesse de la vie se montre et les forces médicalrices acquièrent un grand développement. Dans les deux cas cités, on ne doit accuser que l'ignorance des opérateurs; mais dans le dernier, on devait tout attendre de la nature, puisque la vie s'exaltait, la paralysie devait cesser.

Petit à petit le magnétisme arrive; il part d’en bas contrairement à la raison, car c’est la science officielle qui eût dû répandre la vérité nouvelle et avertir le monde de ses bienfaits et de ses dangers. Quelques esprits timorés nous savaient mauvais gré de nos attaques; nous allions trop loin selon eux et nous étions injustes; aujourd’hui nos académies sont responsables du mal qui se fait ou peut se faire, on doit les maudire pour le bien qu’elles ont empêché.

Toute notre vie s’est passée à enseigner les règles d’une saine pratique, et je ne pense pas qu’on accuse un de mes élèves d’une mauvaise application. J’espère donc que mes démonstrations seront d’autant plus suivies actuellement, qu'on sentira la nécessité de se pénétrer d’une méthode dont l’expérience a confirmé la sagesse.

Baron du Potet.

On lit dans le Courrier de Lyon :

« Les cris : Au secours! j’ai tué mon enfant! partaient, avant-hier, d’une maison des environs du Prado, dont tous les habitants ont été mis en émoi par l’appréhension d’une catastrophe.

« Voici les faits qui nous ont été rapportés : a La veuve X... habite aves sa petite fille, perdue d'une jambe, une petite mansarde. Tous les remèdes employés par cette femme pour guérir son enfant étant restés infructueux, elle eut, après une première leçon donnée par un voisin, recours au magnétisme. Lundi dernier donc, la femme X... couvrit sa fille de passes magnétiques qu’elle continua longtemps après l’avoir endormie.

u L’enfant, pris bientôt de spasmes nerveux, tomba dans d'affreuses convulsions; puis, roulant du lit, se fit en tombant une luxation au bras droit. Perdant la téte, la femme X... sortit en criant au secours. Les voisins accoururent, et l’un d’eux, se détachant, alla quérir un médecin, qui, après avoir rassuré la mère plus morte que vive, fit subir à l'enfant un traitement approprié à. son indisposition, et ne la quitta qu’après l'avoir ramenée à son état normal et avoir fait ii la mère les recommandations les plus sérieuses sur les dangers des opérations magnétiques, auxquelles elle s’était imprudemment livrée sans les connaître suffisamment. »

FAITS MAGNÉTIQUES.

Des rapports magnétiques. — Du lien magique qui existe entre le somnambule et ceui qui sont on rapport avec lui. — Do la facullé do se dédoubler. — Le corps peut être enlevé à certaine distance.

(Suite et fin (I).)

On voit que la catalepsie et le somnambulisme, en produisant une séparation de cette sorte dans les éléments dont se compose la personnalité humaine, permettent quelquefois à celle-ci d’être vue en plusieurs lieux à la fois. Mais cet état peut être aussi l’effet d'une disposition naturelle, comme le prouvent plusieurs exemples de personnes qui, quoique réunissant tous les signes d’une santé parfaite, ont cependant éprouvé cette division singulière. Un jeune homme de Londres, que connut Morton, était, d’après le témoignage de celui-ci, sobre, religieux, sensé, d’une imagination calme et modérée, instruit, réfléchi et sérieux; on n’avait jamais remarqué en lui ni goût pour le merveilleux ni dispositions à la folie, aux songes, aux illusions, comme il arrive souvent chez ceux qui voient des fantômes ; et cependant voici ce qui lui arriva. 11 était apprenti chez un marchand de Londres, et était sur le point de s’embarquer pour l’Amérique où son mai • 1) Voir le n« G4, 25 août 1859, pages 4il et suivantes.

ire avait un comptoir. Le vaisseau était prêt; son maître, ayant à faire des lettres et d’autres préparatifs nécessaires, ne put le prendre à table avec lui pour manger, et lui «lit de rester dans son cabinet jusqu’à ce qu’il vint le remplacer. Après avoir mangé, il descendit pour l’envoyer manger à son tour, et le vit par la porte du cabinet assis près du teneur de livres, comme il l’avait laissé auparavant. Obligé à l’instant même de remonter clans la salle à manger, d’où il venait de descendre, il laissa le jeune homme dans son cabinet sans lui parler; maisquand il fut en haut, il l’aperçut à table avec les autres gens delà maison. La chambre où ils étaient assis ouvrait sur l’escalier, de sorte que de celui-ci on pouvait très-bien y voir et qu’aucune illusion n’était possible. Le jeune homme n’avait donc pu monter l’escalier, et passer à côté de lui d’une manière naturelle, sans parler de l’inconvenance qu’il aurait commise en agissant ainsi. Le maître ne lui adressa pas la parole, ce dont il se repentit dans la suite ; mais comme il était bouleversé, il entra dans la salle à manger, qui était située à droite de celle des gens de la maison. 11 envoya aussitôt quelqu’un voir si le jeune homme était réellement à table avec ceux-ci, et on l’y trouva en effet, de sorte que ce qu’il avait vu dans son cabinet ne devait être que son image.

D’autres faits qui arrivèrent plus tard prouvent que c’était chez lui une disposition naturelle. Écrivant à son maître, de la ville de Boston, où il était depuis quelque temps, il lui demanda en post-scriptum des nouvelles de son frère ; car, disait-il, «dernièrement, le 20 du mois de juin, à six heures du matin, étant dans mon lit parfaitement éveillé, j’ai vu mon frère au pied du lit, ouvrant mes rideaux et me regardant sans rien dire. Quoique effrayé, j’eus cependant le courage de lui dire : Qu’as-tu, mon frère? Il avait la tête entourée d’un linge sanglant; il était très-pale et d’un aspect terrible. lime répondit : J’ai été tué indignement par tel et tel, il faut que je sois vengé; puis il disparut. » Son frère, en effet, étudiant à Londres, avait été assommé quinze jours avant la date de la lettre clans une batterie avec un tisonnier, et était mopt bien-

tôt après de sa blessure. Morton lut la lettre une heure après son arrivée à Londres : il connaissait très-bien la personne, l’écriture et le frère, et ne pouvait par conséquent être trompé. (Morton, on Apparitions.)

Si le fait que rapporte Tharsander, de même que plusieurs autres du même genre, sont vrais, la seconde figure peut être aperçue et par celui à qui elle appartient et par les autres en même temps. La femme d’un employé entre dans le cabinet de son mari, et, le voyant assis à sa place ordinaire, elle doute si c’est bien lui, car elle venait de le laisser dans sa chambre en bas. Elle descend bouleversée, etlui raconte ce qu’elle a vu en haut. Celui-ci, voulant juger delà chose par ses propres yeux, monte avec sa femme, et trouve le fantôme avec sa propre forme, habillé comme lui, assis et écrivant à sa place ordinaire. 11 s'avance vers lui, et lui dit : « Camarade, ce n’est pas là votre place, mais la mienne; vous n’avez rien à faire ici; allez-vous-en donc. » Comme il tirait la chaise en disant ces mots, le fantôme disparut.

Dans les cas que nous venons de citer, c’est une image du corps seulement qui est projetée au loin; mais il peut arriver que le corps lui-inêmesoit enlevé à certaines distances, déter-» miné par une sorte de tempête intérieure, résultant d’un dérangement dans l’équilibre des forces mécaniques de l’organisme. Fincellius raconte qu’à Halberstadt, eu 1557, le 25 novembre, Elisabeth "W edeiûng, femme respectable, et craignant Dieu, âgée de vingt-quatre ans, accoucha d’une fille qu’elle garda et soigna avec une attention' toute maternelle. Dans la nuit de l’immaculée Conception,, elle avait levé et allaité son enfant, puis l’avait couché dans son berceau en le recommandant à Dieu, et s’ôtait mise au lit, ayant une servante à côté d’elle. Au bout d’un quart d’heure, l’enfant se mit à crier si fort que laservaulefutobligée d’appeler la mère. Celle-ci n’entendit rien; de sorte que la servante, étonnée, pensa qu’elle devait avoir quelque chose pour dormir aussi dur, elle qui auparavant entendait les moindres cris de sa fille. Elle s'avance donc près du lit, et lui dit : « Madame, n’entendez-vous pas votre enfant crier? » Point de réponse.

Elle met la main sur le lit, et ne sent rien. Effrayée, elle appelle le mari, qui dormait dans une chambre à côté, et lui dit : « .Madame est partie. — Dieu garde, » répond le mari. 11 allume une lumière, prend son enfant, parcourt avec la garde tous les coins de la maison, appelle sa femme, et voit qu’elle n'a pu sortir ni par la porte de la cour ni par celle de la maison, car la terre était couverte de neige et l’on n’y apercevait aucune trace de pas. 11 court au cellier et l’appelle, mais il n’entend qu'un bruit dans l’eau : il y avait en effet dans le cellier un puits qui communiquait avec la cour des voisins; mais comme les portes sont fermées, il ne fait pas attention à ce bruit. On court dans la rue, on éveille à grands cris les voisins, on leur raconte ce qui est arrivé. Le voisin Schade entend ouvrir sa porte de derrière, que l’on ouvrait très-difficilement dans le jour, et dit à sa femme : « Entends-tu? il doit y avoir un voleur dans la maison. » La femme cherche à lui persuader qu’il se trompe.

Ceux qui cherchaient Élisabeth, entendant quelqu’un remuer dans la maison de Schade, croient que c’est sa femme qui s’est levée, et frappent à sa porte pour l’avertir. La porte s’ouvre, et ils aperçoivent celle qu’ils cherchaient. Ils lui demandent ce qu’elle a fait et ce qu’elle est devenue. Tremblante et fondant en larmes, elle a à peine la force de leur dire qu’elle est sortie du puits, et ses cheveux et tout son corps prouvaient qu’elle disait vrai. On lui demande comment elle a pu entrer dans le puits et en sortir, mais elle ne peutdonner aucune réponse. Le puits, en effet, était couvert dans la cour, et il n’y avait qu’un petit trou par où elle eût pu y entrer. Quoiqu’on ne vit pas la trace de ses pas sur la neige, on trouva cependant ses pantoufles à côté du puits; d’où l'on pouvait conclure qu’elle était entrée dans le puits en cet endroit, et qu’elle en était sortie par la porte qui donnait dans la maison du voisin : mais comment cela s’était-il fait? personne ne le savait. Elle resta très-faible pendant les quatre ou cinq jours qui suivirent cette aventure. Cependant le sixième jour, elle se trouva assez bien, mangea, but, se promena et soigna son enfant, de sorte qu’on put espérer qu’elle irait mieux désor-

mais; pourtant elle se plaignait toujours d'avoir 1111 poids sur le cœur et s’inquiétait de sou état. On la consola, en l'engageant à. avoir confiance en Dieu et il tâcher de dormir, ce qui lui était devenu très-difficile. Elle était persuadée elle-même qu'elle irait mieux si elle pouvait dormir. Elle désirait beaucoup de la bière d'absinthe, croyant que si elle en pouvait boire, elle dormirait, et elle ne cessa d'en parler pendant tout le jour le 13 décembre.»

Le lendemain, entre sept et huit heures, elle prit son enfant, l’allaita, l’emmaillota et le mit dans son berceau en le baisant et le caressant; puis elle se mità table pour déjeuner sans son mari. Elle envoya ensuite sa servante au couvent de Saint-Bernard chercher de la bière d’absinthe, de sorte qu'elle resta seule à la maison. Son frère, Hans Otto, vint pour avoir de ses nouvelles. Comme il entrait dans la chambre, il la trouva au lit couchée sur le dos, les yeux fermés. Il en fut très-content, croyant qu’elle dormait, ets’en alla vite, ne voulant pas la réveiller. Ayant rencontré la servante qui revenait avec la bière, il lui défendit d’entrer; mais elle lui dit : « Il faut que je la réveille, car elle me l’a ordonné. » Elle entre donc, va droit au berceau pour voir l’enfant, mais elle ne le trouve pas. Elle pense aussitôt au puits, y court, trouve l’enfant dans l’eau et ses langes pendant autour de ses jambes, quoique sa mère l’eût bien serré dans son maillot. Il fut retiré mort du puits, et visité par les deux échevins et par M. Conrad Perça, curé de Saint-Jean. Pour la mère, elle resta en extase vingt heures de suite sans bouger ni respirer. On la laissa donc tranquille, et l’on se mit à prier Dieu pour elle. Vers le matin elle fit quelques mouvements ; le curé et son mari approchèrent de son lit; ils eurent beau l’appeler et la secouer, elle ne répondit rien. Mais au bout de quelque temps, elle ouvrit les yeux, et leur dit : « Dieu vous assiste. » Le curé lui répondit : « Qu’il vous assiste toujours et vous aide ainsi que nous tous. —Amen, » reprit-elle. Son mari lui demanda si elle le connaissait. « Oui, dit-elle en pleurant, vous êtes mou cher mari, et celui qui est près de vous c’est le curé de Saint-Jean. » Puis elle leur dit en pleurant de prier pour elle, ce

qu’ils firent. » Pourquoi m'avez vous réveillée? leur dit-elle, j’étais si heureuse! J’ai vu mon Sauveur et les saints anges; pourquoi ne m’avez-vous pas laissée dormir? » Elle se plaignit aussi que la bouche lui faisait mal : c’est qu’on la lui avait frottée avec du vinaigre et des parfums, parce qu’on croyait qu’elle était évanouie. Elle se plaignit également d’une grande fatigne et d'un grand poids sur le cœur. Après cela, elle se reposa quatre heures, pendant lesquelles le curé resta toujours près de son lit. Après ce temps, elle se leva, mit la main sur le berceau à côté, et se mit à pleurer et à soupirer. On lui demanda ce quelle voulait; elle répondit qu’elle avait mislàson enfant, et qu’elle voulait l’avoir n’importe ofi il était. On chercha à éloigner cette pensée de son esprit; mais elle y revenait toujours et disait : « Je n’ai qu’un enfant, mon lait est bon; donnez-moi donc mon enfant; » et elle ne se remit un peu que lorsqu’on lui eut promis de le lui donner le lendemain. Depuis le 4h jusqu’au ’21 décembre, elle resta tranquille, parla peu, mais soupira beaucoup et ne demanda plus son enfant. Les témoins du fait sont Conrad Perça, curé de Saint-Jean ; Simon Becker, Laurent Schade.

Tel est le récit de'Fincellius, qui, comme il est facile de le voir, porte tous les caractères de la vérité, quoique l’on puisse regretter cependant qu’il ne se soit pas expliqué plus clairement sur certaines circonstances particulières. Cette femme était malade par suite de ses couches, comme le prouve ce poids sur le cœur dont elle se plaignait. Son mal était nerveux, comme le démontre l’insomnie continuelle dont elle souffrait. Ce sommeil de vingt heures, sans souffle ni mouvement, qui survient après l’insomnie, indique que son état était une catalepsiè, compliquée de somnambulisme spontané. Dans cet état, comme on le sait, les spasmes toniques, où tous les membres sont tendus et deviennent roides comme des barres de fer, alternent avec la souplesse du sys -tème musculaire tout entier et une légèreté telle que le moindre effort suffit ponr exécuter de grands mouvements, ou même pour maintenir le corps dans une position singulière. L’exemple précité prouve que dans ces états, certaines cir-

constances étant données, ¡1 peut survenir parfois comme une tempête interne qui enlève ceux chez qui elle se déclare, et les pousse corporellement vers un point quelconque, comme ici vers l'eau du puits. Les portes fermées par dehors et l’absence de tout vestige sur la neige démontrent que la malade n’est point arrivée au puits en marchant sur la terre, mais qu’elle est sortie probablement par la fenêtre, qui était ouverte, en planant dans l’air; qu’elle est descendue dans le puits et qu’elle en est remontée de la même manière, par suite de l’impression que l’eau aura faite sur elle; et la grande souplesse de ses membres explique comment elle a pu pénétrer à travers l’ouverture si étroite du puits. Quant au second fait, qui eut pour l’enfant de si tristes résultats, comme personne n’était présent, on ne peut savoir si sa mère l’emporta dans le puits de la même manière, ou si* par suite d’un rapport intime avec elle, il ne fut point enlevé comme elle par une tempête interne et transporté ainsi jusqu’au puits.

DE t’EXISTENCE ET DE LIMMATÊRIAL1TÉ DE L’AME CONSTATÉES PAR LES PHÉNOMÈNES DU SOMNAMBULISME MAGNÉTIQUE.

lin’y a dans le monde qu'une seule et unique science, qu’une seule et unique vérité qui puisse nous initier daas les mystères des phénomènes psychologiques, eteette science, aussi vieille que le monde, et si méconnue encore aujourd’hui, c'est le magnétisme.

Les physiologistes, et tous les partisans du matérialisme sont bien loin d'être de notre avis; nous le savons, mais nous qui sentons que la matière ne peut d’elle-mème mouvoir la moindre de nos libres, nous embrassons avec ardeur toute vérité nouvelle qui vient aplanir les innombrables difficultés qui se présentent lorsqu’on ose pénétrer bien avant dans le domaine de la métaphysique.

Il est vrai que nous sommes bien loin de connaître toutes

L's propriétés de la matière, nous en constatons seulement quelques-unes qui lui sont inhérentes ; nous savons qu’elle est divisible, poreuse, impénétrable, étendue, élastique, mais les sciences actuelles n'ont pu encore, et ne pourront peut-être jamais, affirmer d’une manière bien positive si le mouvement, l’attraction et la gravitation, qui ne sont cependant ni divisibles, ni étendus, lui sont aussi inhérents ou s’ils lui sont communiqués.

Nous sommes donc en droit de penser qu’il est contradictoire que la matière, qui est immobile de sa nature, communique le mouvement à une autre matière.

Si les matérialistes, dans leur orgueil et leur égarement, ont voulu étayer une quantité de systèmes illusoires pour soutenir le contraire, personne d’entre eux, nous en sommes sûr, ne crut, du fond de son cœur, à cette inconcevable hypothèse.

Locke lui-même, qui osa prononcer qu’il n’est pas impossible à Dieu d’ajouter le don de la pensée à un être étendu quelconque, n’a jamais imaginé que la matière pense d'elle-même, mais bien qu’elle reçoit cette faculté d’une puissance supérieure.

On a fait plus. Basé sur les systèmes étranges de quelques philosophes grecs, on pensa que l’existence de l’âme n’était point suffisamment démontrée aux yeux de la raison, et un célèbre naturaliste français, après avoir décrit et admiré les merveilles de la nature, n’osa proclamer absurde cette hypothèse.

Voilà où conduisent l’égarement et l’erreur, voilà les ténèbres qui se présentent naturellement aux yeux de celui qui, ne se lassant pas de nier ce qu’il ne peut comprendre, repousse, dans son orgueil ou dans son ignorance, le témoignage de ses propres sens, et parait douter quelquefois de sa propre existence. Nous qui sommes apôtre fidèle du magnétisme, nous avouons que nous admettons la matière sans la comprendre, mais la matière ou ces apparences n’ont aucun rapport avec notre essence divine.

Là, pas même d’apparences, un sentiment intérieur et mystérieux nousavertit que nous sommes quelque chose de plus parfait que cette matière ou cette apparence de matière.

Tous les peuples de la terre, depuis l’antiquité la plus reculée jusqu’à nos jours, se sont occupés de l’âme et de ses facultés. Presque tous les philosophes grecs la croyaient matérielle.

Les uns ne voyaient en elle qu'une ombre motivante, les autres pensaient qu'elle était un air subtil, une exhalaison, la plupart soutenaient qu’elle était d'eau, de feu, plusieurs la plaçaient dans le sang, et, chose étonnante, dans des temps beaucoup plus rapprochés, les premiers Pères de l’Eglise la croyaient aussi corporelle.

Platon seid eut le mérite de débrouiller, d’une manière’ plus satisfaisante, ce chaos et cette confusion de systèmes.

« L’hommme, dit-il, dans le principe, était un être spirituel, « c’est le péché qui l’a revêtu d'un corps, en sorte que ce que h nous voyons de l’homine n’est pas à proprement parler «l’homme. »

Si les systèmes de la plupart des philosophes de l’antiquité sont erronés, si presque tous embrassèrent le matérialisme, il y en a cependant parmi eux qui s’approchèrent plus ou moins de la vérité.

Et puis sommes-nous en état de juger l’antiquité? le peu d’ouvrages qui nous restent et qui font mention des peuples les plus anciens n'en peuvent donner qu’une idée bien superficielle.

Qui pourrait jamais savoir au juste ce que c’était que ces célébrations des mystères? quel est celui qui oserait aujourd’hui sonder la science des hiérophantes, qui, à n’en pas douter, se servaient, dans leurs temples, des forces magnétiques, et qui, méprisant la matière, interrogeaient l’âme pour soulager et consoler l’humanité?

Les philosophes modernesferont,sansdoute, de bien grands progrès dans la psychologie, mais il ne faut point, emportés par un sot orgueil, qu’ils demandent àia matière ce que c’est que l’âme, comme il ne faut point qu’un aveugle demande son chemin à un autre aveugle.

Nous remarquons avec chagrin que la plupart de nos métaphysiciens ne sont pas plus heureux. 11 est vrai que quelques-uns d’entre eux s’élevèrent, par la force de leur génie,

plus haut que le commun des hommes, mais malheureusement, le plus grand nombre fit et fait encore des systèmes aussi erronés que ceux des anciens. Je ne parle pas de ceux qui, niant un Créateur, pensent que la matière existe seule et qu’elle produit seule la sensation et la pensée.

Que s’ensuit-il de tous ces systèmes? C’est que les philosophes les bâtissent sur du sable mouvant, c'est que les uns voulant expliquer l'âme, interrogent la matière, et que les autres niant un principe vital, se croient de véritables machines.

Aujourd’hui une vérité mère va nous ouvrir le sanctuaire sacré de la psychologie. Embrassée par les uns, rejetée par lesautres, cette vérité, qui porte avec elle tout un avenir de bonheur et de consolations pour notre pauvre humanité, se fraye un chemin à travers mille obstacles; les ignorants l'évitent parce qu'elle les éblouit; les savants, au contraire, vont au-devant d’elle, rien ne les arrête, sarcasmes, mépris, tout passe sans les atteindre, ils l’attendent sans que sa présence les effraye ou les intimide, car ils voient qu’elle tient dans ses mains divines la clef de toutes les sciences.

Les ennemis acharnés du magnétisme veulent, nous dit-on, pour se convaincre,- voir de leurs yeux, toucher de leurs mains. Eh bien, qui les empêche : non-seulement ils peuvent voir et toucher, mais- encore ils peuvent expérimenter eux-mêmes, et s’ils ont le bonheur d’obtenir sur leur sujet le somnambulisme, alors ils verront de leurs propres yeux qu’on peut bien se passer de la matière et des organes du corps pourvoir et pour penser. Ils croiront comme nous que si nulle science au monde n’a pu jusqu’aujourd’hui les convainc cre de l'existence de l’âme et de son immatérialité, le magnétisme seul le prouve par l’évidence, qui est le critérium de la vérité.

Plus de doute, l’homme est double, et son essence immatérielle étant de penser, sans qu’elle ait besoin pour cela d’être étendue, forcément et: nécessairement elle pensera de toute éternité.

Si toutes nos idées nous viennent des sens, quels sont donc

les organes qui nous donnent des idées dans le sommeil, dans l’extase magnétique? Là les sens ne fonctionnent plus, ils sont anéantis. Eli bien, pourra-t-on jamais concevoir un pareil mystère, si on n’admeten nous un principe immatériel? N’est-il pas évident que notre âme peut se former par elle-même des idées auxquelles nos sens n’ont eu auoune part, et qu’elle peut, à l’approche de la mort, brisant peu à peu les liens matériels qui la retiennent esclave de notre corps, planer dans les régions d’un monde invisible pour nous,.voir et connaître des choses inénarrables?

« On en viendra un jour à démontrer, dit Kant, que-l’âme « humaine vit, dès cette existence, en une. communauté « étroite indissoluble., avec les natures immatérielles du « monde des esprits, que ce monde agit sur le nôtre et lui « communique des impressions profondes dont ¿’homme n’a « point conscience aussi longtemps que tout va bien çhez « lui. »

Si l’âme pense par elle-inême, et si elle doit penser éternellement,elle est donc une partie de la divinité, elle participe de la grande âme du monde; si, au contraire, elle a besoin des sens du corps pour penser, alors elle perd toute son auréole divine, elle participe de.la matière. •

Si elle est une propriété inhérente de la matière, sera-t-elle immortelle? Peut-être oui, car nous.voyons que la matière change de forme, mais qu'elle ne s’anéantit jamais. Peut-on cependant adopter sérieusement cette hypothèse lorsque nous sentons qu’il y a réellement quelque chose en nous qui, se passant de l’élément charnel, ne cesse d’agir et d’être?

Dieu estl’âme immobile, éternelle, immuable, c’estla source inépuisable d’où les âmes émanent ; cette vie qui est dans l’espace est une participation du grand Être, tout a été créé, excepté la vie, car tout puise la vie dans le sein de Celui qui n’a jamais été créé.

N’avons-nous pas tous un père commun, et notre intelligence ne vient-elle point d’une autre intelligence?

Pourquoi donc étant l’image de Dieu, sommes nous, ici-bas, si imparfaits et si malheureux? Pourquoi nous faut-il quel-

quefois des siècles pour arriver, à tâtons, à connaître ce pou que nous connaissons? Ne serait-ce point parce que notre âme, esclave de notre corps, subit, pendant la veille, l'influence de nos organes et que nos cinq sens étant si imparfaits, il est de notre destinée, sur cette planète, de ne point franchir les bornes que Dieu imposa à notre matière organisée?

Sous l’influence étonnante du magnétisme seulement, cette essence divine qui nous anime tâche de s’affranchir de ses liens terrestres; elle s’élance, sans cependant rompre tout à fait le fil qui la retient à la matière, vers des mondes inconnus, étranges.... Alors quelque chose d’angélique apparaît à nos yeux... L’extase, la contemplation, la félicité se peignent sur les traits des magnétisés, les passions et les vices disparaissent pour faire place au calme et au bonheur, et le scélérat, comme l’honnête homme, tombe à genoux et tend ses mains vers le ciel....

Ce principe divin, que deviendra-t-il après la mort?

Ici l’analogie sera notre guide, et si l’hypothèse .que nous allons hasarder ne peut être admissible, que ceux qui s'occupent de psychologie, en trouvent une meilleure, nous serons le premier à reconnaître notre erreur.

La matière changeant de forme à tous moments, tend toujours à redevenir ce qu’elle était dans le principe, c’est-à-dire corps simple. L’essence immatérielle étant indivisible de sa nature, et ne pouvant subir aucune transformation au moment de sa séparation du corps, se verrait isolée si elle ne trouvait immédiatement une autre matière à animer ; mais ce serait une contradiction évidente que de la supposer vivifiant un autre corps ici-bas. Nous voyons que depuis le zoosperme jusqu’à l’homme, la nature tend toujours vers la perfection, et qu’ainsi il faudrait à cette force éternellement agissante un moule différent du nôtre, un autre être de la chaîne immense des innombrables créatures qui peuplent les mondes.

L’âme en elle-même n’a pas besoin de cette perfection, elle est le type véritable du bon et du beau, mais la matière or-

ganisée n:arclie vers ce but, et elle serait bien impuissante si elle s'arrêtait à l’homme.

Voici à ce propos ce que pense Lamennais dans son Esquisse d'une philosophie.

« L’existence d'êtres intelligents autres que nous et plu-« sieurs même supérieurs à nous est-elle également certaine « de fait? Tous les peuples répondent affirmativement. Quelle « que soit l’origine de cette croyance, il n’en est point de plus « ancienne ni de plus universelle. On ne saurait nier que l’a-« nalogie ne lui prête au moins un haut degré de vraisem-« blance. Lorsque l’homme vient à se considérer tel qu’il est, « relégué dans un point imperceptible de l’univers, atome « rampant sur un atome, faible, ignorant, pouvant à peine « penser, agir sans rencontrer aussitôt la borne de son ac--« tion et de sa conception, quelque chose en lui répugne à « supposer qu’il soit le plus intelligent, le plus puissant, le « plus parfait des êtres créés. La conscience du genre humain « repousse non moins invinciblement que la reflexion philoso-« phique cette hypothèse orgueilleuse. Notre chétive planète «n’est pas le séjour exclusif de la pensée, et d’autres êtres, « nos aînés dans la création probablement, nous surpassent, « et de bien loin, en puissance, en intelligence. Au-dessous « de nous, de nombreuses existences, échappant à nos sens, « ne peuvent être constatées par l’observation. Pourquoi n’en «serait-il pas ainsi au-dessus de nous? Pourquoi, dans «l’immense série des êtres créés, n’y en aurait-il point de « plus élevés que nous ? De très-puissants motifs induisent à « présumer qu’il existe en effet de semblables êtres. »

Ecoutons maintenant Lacordaire dans une de ses conférences.

« Dieu créa deux lignes ou deux séries d’êtres, une série « descendante du côté du néant, une série ascendante du «côté de lui-même. L’une vous est connue par vos propes « sens et parles instruments dont la science a doué l’œil de « l’homme ; l’autre nous est révélée par la foi et aussi par les « inductions de l’analogie. Car comment croire que la création « s'arrête à nous et qu’ayant par notre corps une parenté in-

« féricnre qui s’étend jusque dans la région de l’impercepti-«c ble, nous n’ayons point une parenté supérieure qui s’en-« fonce jusque dans la région de l’infini substantiel? La foi « le dit, la raison nous le confirme, l’ordre de l’univers l’exige ii absolument. »

Voilà donc deux grands philosophes qui pensent de même. Notre destinée future étant cachée sous un voile impénétrable, nous ne pouvons former que des conjectures. L’analogie seule conclut que si l’homme est l’être le plus parfait sur cette terre, il ne s’ensuit pas de là que la création doive s’arrêter à lui. Est-ce que le moule matériel qui nous forme serait le dernier dans les mains de Dieu ? Cinq pauvres sens, ajoutés à ce moule, seraient-ils le plus grand effort de la création? Alors pourquoi ces sens sont-ils si imparfaits? Peut-on sérieusement présumer qu’entre nous et Dieu, il n’y a que le passage de cette vie à l’autre? Et que pense-t-on de ces innombrables globes qui roulent au-dessus de notre tète? Sont-ils donc créés en vain? Peut-on penser que Dieu, quiajetétousces mondes dans l’espace, et qui les a créés pour l’homme, les lui montrerait de loin , en lui en interdisant à jamais l’entrée?....

La métaphysique est une--mer sans bornes; la raison s’égare et on tremble d’entrer dans son domaine. Mais qui peut nous affirmer que les hommes ne parviendront pas un jour à pénétrer dans ce ténébreux labyrinthe? Tôt ou tard des vérités sublimes apparaissent surla terre. Ce sont elles qui font faire un pas immense à l’humanité. Malheur à ceux qui les repoussent, leurs noms méprisés passeront à la postérité....

E. M. Rossi.

Smyrne, co 12 septembre 1859.

BIBLIOGRAPHIE.

HISTOIRE DE LA MAGIE, avec une exposition claire et:prêcise de ses procédés, de ses rites et de scs mystères, par Eliphas Ltv'i. (i vol. in-8, i8>0. Germer Bailxikre, éditeur.)

Au nom seul àvmagie, l’imagination s’élance dansune sphère sans limites et conçoit les rêves les plus riants, voit apparaître les créations les plus Réduisantes; on se rappelle ces

contes si poétiques dont a été bercée l’enfance, on se demande s’il est un moyen de les réaliser, si l’homme, par un sublime effort, peut commander à la nature et enfanter des merveilles semblables à celles qu’il a imaginées. La froide raison , l'expérience, ont beau répondre négativement, il en coûte de renoncer k des illusions si brillantes, et l’on ne peut s’empêcher de prêter l'oreille aux paroles de ceux qui , comme le serpent du paradis terrestre , nous promettent de nous dévoiler toutes choses et de nous rendre semblables aux dieux. 11 existe une foule d’ouvrages sur la magie , et la lecture en est généralement très-rebutante : les maîtres de cette science n’écrivent pas pour le vulgaire, ils emploient un langage symbolique qui n'est destiné qu’aux adeptes, ils prodiguent les termes barbares, les emblèmes obscurs, les figures cabalistiques; ce sont des sphynx qui ont l’air de vous narguer en vous posant des énigmes indéchiffrables ; satisfaits d’avoir escaladé des roches abruptes, ils sont peu désireux de vous tendre l'échelle pour pénétrer dans le sanctuaire ; ils jouissent en égoïstes des connaissances qu’ilsont conquises par une vie de labour, et ils ne daignent pas en rendre l’accès plus facile à leurs successeurs. On se demande naturellement si ce trésor de science , fruit de si longues études,.vaut.le mal qu’il coûte, si cette sublime magie , hérissée de difficultés, a quelque chose de réel, ou si tout ce fatras d'hiéroglyphes ne couvre pas de vaines chimères.

M. Constant (nous ne croyons pas être indiscret en donnant son vrai nom à Eliphas Lévi) a voulu débarrasser la magie des ronces qui en obstruent les abords ; il a déjà publié à ce sujet plusieurs ouvrages dont la lecture est des plus attrayantes et des plus instructives. Qu’on adopte ou non ses doctrines, on est sûr de trouver en lui un causeur charmant, spirituel, dont l’érudition est parée de roses. Nous avons déjà rendu compte (1855, tome XIV, p. 660) de son livre intitulé : Dogme et rituel de la haute magie : le nouvel ouvrage n’est pas inférieur au premier. Y trouvera-t-on le moyen de devenir magicien ou d’opérer des œuvres magi-

ques ? sera-t-on enfin éclairé sur la réalité de pareilles œuvres? C’est ce que nous allons examiner.

Et d'abord qu'est-ce que la magie? L’auteur la définit la science exacte et absolue de la nature et de scs lois (p. 1). Alors c'est la science universelle, et elle comprend toutes les sciences qui traitent de la nature, telles que l’astronomie, la physique, la chimie, l’anatomie, etc. Cependant, ceux qui ont cultivé ces diverses sciences, ceux qui les ont le plus fait progresser, les Descartes, les Newton , les Laplace , les Cu-vier, les G3y-Lussac , les Arago , n’ont jamais été regardés comme magiciens ; on ne pourrait leur en donner le titre sans commettre une sorte de profanation envers leur mémoire vénérée, sans insulter au bon sens et à la grammaire. 11 serait déraisonnable de détourner les mots de leur signification consacrée par un long et constant usage. Si l’on ne sait pas au juste ce qu’est la magie, du moins on sait sûrement ce qu’elle n’est pas, et certainement elle n’est aucune des sciences que nous venons de nommer, elle ne comprend aucune des sciences positives. La définition est donc fausse; voilà donc, dès la première page du livre, le lecteur mis en défiance et ne sachant pas où l’on veut le conduire. Dans la conclusion , nous trouvons une autre définition : « La magie est la science absolue de l’équilibre. » (P. 529.) Mais malheureusement cette définition est celle de la statique. Quoi ! la balance et le levier appartiendraient-ils à la magie ? Cet embarras de l’auteur fait voir qu’il ne sait pas lui-même en quoi consiste la science qu’il veut enseigner : c’est quelque chose de mystérieux , d'indécis, de vaporeux, d’insaisissable. 11 dit que, pour les ignorants, la magie est fart de produire des effets sans cause (p. 1)-. Je crains bien que cette définition ne soit la bonne. En effet, si la magie n’est pas en état de prouver sa réalité par la production de certains effets, elle ne sera qu’un amas prétentieux de phrases creuses et dénuées de sens, de formes bizarres, calculées pour en imposer aux niais. Si, au contraire, elle produit des effets, ce ne peut être qu’en vertu de certaines lois naturelles , et du moment que ces lois seront connues, les effets qui ne parais aient extraor-

dinaires que parce qu’ils étaient insolites, deviendront usuels et cesseront d'être réputés magiques ; c'est ainsi qu'un aérostat qui, pour des sauvages seraitmiraculeux, n’excite plus, chez les habitants de nos villes, ni terreur, ni admiration, parce que, tout en étant hors d’état d’en comprendre le mécanisme, ils savent que c'est une œuvre humaine, une application des lois naturelles.

Le principe de la magie, la cause de ses effets, c’est la lumière astrale. Voici comment l’auteur la définit. « 11 existe un agent mixte, un agent naturel et divin, corporel et spirituel, un médiateur plastique universel, un réceptacle commun des vibrations du mouvement et des images de la forme, uu fluide et une force qu'on pourrait appeler en quelque manière l'imagination de la nature. Par cette force, tous les appareils nerveux communiquent secrètement ensemble ; de là naissent la sympathie et l'antipathie ; de là viennent les rêves ; par là se produisent les phénomènes de seconde vue et de vision extra-naturelle. Cet agent universel des œuvres de la nature, c’est Yod des Hébreux et du chevalier de Rei-chembach , c’est la lumière astrale des martinistes. L’existence et l’usage possible de cette force sont le grand arcane de la magie pratique. C'est la baguette des thaumaturges et la clavicule de la magie noire. La lumière astrale échauffe, éclaire, magnétise, attire, repousse, vivifie, détruit, coagule, sépare, brise, rassemble toutes choses sous l’empire de volontés puissantes (p. 18). La lumière astrale est l’àme vivante de la terre, âme matérielle et fatale, nécessitée dans ses productions et dans ses mouvements par les lois éternelles de l’équilibre. Cette lumière, qui entoure et pénètre tous les corps, peut en annuler la pesanteur et les faire tourner autour d’un centre puissamment absorbant. C’est à cette loi naturelle qu’il faut attribuer les tourbillons magiques au centre desquels se plaçaient les enchantenrs. » (P. 171.)

Cette exposition n’est pas parfaitement claire et laisse beaucoup à désirer. Comment s’assure-t-on de l’existence de celte lumière astrale , par quelles expériences en reconnaît-on la présence, par quels instruments mesure-t-on son intensité,

comment s’assure-t-on qu’elle est concentrée, augmentée ou diminuée ? Il aurait fallu répondre à toutes ces questions. Si ce n’est qu'une hypothèse , il faudrait qu’elle pût rendre compte des faits bien observés, et qu’en formulant les lois qui régissent ce fluide, on en trouvât la confirmation dans les phénomènes. Malheureusement, l’auteur se borne à des affirmations tout à fait dénuées de preuves, et n’établit môme pas sur quoi il se fonde pour les rendre vraisemblables. Voyons en détail le rôle qu’il lait jouer à sa lumière astrale.

Il nous dit que le gui dechêne et l’œuf de serpent sont des substances qui ont la propriété de l’attirer (p. 237), et il explique ainsi comment les druides étaient parvenus à faire du gui une panacée universelle. Si l’auteur est bien édifié sur ce fait, pourquoi n’emploie-t-il pas le gui pour en faire des panacées? comment se fait-il qu’on néglige un aussi puissant moyen de guérir tous les maux ? Comme l’auteur ne cite aucune expérience personnelle, et qu’il n’atteste pas qu’il en ait été fait récemment, il y a tout lieu de croire qu’il aura adopté de confiance les assertions de quelques auteurs ayant écrit plusieurs siècles après la disparition du druidisme , et ce sont là des guides bien suspects, pour ne rien dire de plus. Les auteurs1 qui vivaient du temps des druides, nous disent, il est vrai, que ceux-ci exerçaient la médecine, mais sans assurer qu’ils eussent le don de guérir tous les maux, et nos ancêtres les Gaulois n’étaient pas plus que nous exempts des infirmités humaines. Qu’ils se soient servis du gui comme d’une amulette , et que certains malades lui aient attribué la guérison, c’est fort possible ; mais on ne pourrait en conclure que le gui possède une vertu curative , ni qui attire la lumière astrale. En raisonnant comme M. Constant, on dirait, avec tout autant de raison, que les médailles de l’immaculée Conception ou l’eau de la Salette ont le privilège d’attirer la lumière astrale.

Eu général, M. Constant pèche contre la logique en cherchant à expliquer des faits dont il faudrait au préalable vérifier rigoureusement l’existence : c’est toujours l’histoire de la dent dor. S’agit-il, par exemple,, du mouvement des tables

sans contact, de la suspension des corps humains, rien de plus simple, grâce à la lumière astrale : « T.es masses même les plus lourdes peuvent être soulevées et promenées dans l’espace par cette force, car la pesanteur n’existe qu'en raison de l’équilibre des deux forces de la lumière astrale ; augmentez l'action de l’une des deux, l’autre cédera aussitôt. Or, si l’appareil nerveux aspire et respire cette lumière en la rendant positive ou négative, suivant les surexcitations personnelles du sujet, tous les corps inertes soumis à son action et imprégnés de sa vie deviendront plus légers ou plus lourds, suivant le flux et le reflux de la lumière qui entraîne dans l’équilibre de son mouvement les corps poreux et mauvais conducteurs autour d’un centre vivant, comme les astres dans l’espace sont emportés, balancés, et gravitent autour du soleil. » (P. i!>3.)

Est-ce là sérieusement une explication , ou n’cst-ce pas plutôt un logogriphe ?

Sunt verba et voces, præloreàque nibit.

L'auteur ne fait pas plus de difficulté d’admettre l’écriture directe des Esprits, par l’intermédiaire de M. le baron de Gul-denstubbé, et n’est pas plus embarrassé pour l’expliquer. Et cependant le fait valait la peine d’être soigneusement contrôlé. Quant à moi, j’ai vu comment procède M. le baron, et j en ai conclu qu’il n’y avait aucune garantie : il pose ses petits papiers sous les socles de statues dans diverses salles, emmène avec lui les spectateurs, puis, après un long circuit, il reprend les papiers qui, quand f y assistai.se retrouvèrent dans le même état, mais qui, dit-on , dans d’autres circonstances, sont couverts d’écriture. Personne n’ayant surveillé les papiers pendant le circuit des opérateurs, il est clair qu’on ne peut être assuré qu’une personne n’a pas profité de leur absence pour y tracer un barbouillage quelconque. J’ai demandé qu’on procédât dans de bonnes conditions, en ne perdant pas de vue les papiers ; mais M. le baron qui, dans son livre, avait offert de reproduire le miracle à la réquisition de toute personne, s’est prudemment esquivé

en alléguant îles prétextes futiles. J'ai donc de bonnes raison de croire que le prétendu prodige est chimérique et ne peut supporter l'examen d'un observateur attentif. M. Constant , qui n'a pas vu plus que moi, aurait sagement fait de réserver son jugement jusqu'à ce qu’on lui eût fourni de solides constatations, et d'attendre jusque-là pour hasarder des explications. 11 prétend que c'est le baron-médium qui écrit à son insu : « Vous avez, lui dit-il, par vos expériences multipliées à l’excès et par l’excessive tension de votre volonté, détruit l’équilibre de votre corps iluidique et astral ; vous le forcez à réaliser vos rêves, et il trace en caractères empruntés à vos souvenirs le reflet de vos imaginations et de vos pensées. Si vous étiez plongé dans un sommeil magnétique parfaitement lucide, vous verriez le mirage lumineux de votre main s’allonger comme une ombre au soleil couchant, et tracer sur le papier préparé par vous ou vos amis les caractères qui vous étonnent. Cette lumière corporelle, qui émane de la terre et de vous, est contenue par une enveloppe fluidi-que d'une extrême élasticité, et cette enveloppe se forme de la quintessence de vos esprits vitaux et de votre sang. » (P. 506.)

Ce sont là des hypothèses en l’air,'que rien ne justifie : ce que M. le baron n’a pu voir faute d'une lucidité suffisante, M. Constant l'a-t-il mieux vu?... Si ma main lluidique peut ainsi s’allonger à cent pieds de distance de mon corps pour écrire, elle pourra aussi bien faire mouvoir un poignard et frapper un ennemi ; les actions malfaisantes à distance , les envoûtements seront donc possibles, il faudra donc croire à ce pouvoir horrible attribué aux sorciers par la superstition. Et pourtant M. Constant, inspiré cette fois par le bon sens, répudie toute cette branche de merveilleux et définit la magie noire, l’art de se procurer et de procurer aux autres une folie artificielle (p. 75), ce qui exclut la réalité des œuvres des sorciers, et fait rentrer dans le néant tous les grimoires... M. Constant pense que ces exèrcices d’écriture sont très-dangereux pour la santé et doivent affaiblir M. le baron : nous sommes parfaitement tranquilles, à cet égard ; on peut ainsi

faire écrire longtemps les Esprits sans se fatiguer le moins du monde, ni le corps ni l’esprit.

Quant aux miracles de M. Home, et notamment aux apparitions de mains sans corps , M. Constant les avait précédemment attribués à l'hallucination (1), avait remarqué avec raison que le médium ne pouvait opérer que devant un petit nombre de témoins choisis par lui-même ; que parmi ces témoins il y en avait qui ne voyaient absolument rien ; que parmi ceux qui voyaient, tous ne voyaient pas la même chose; et il avait ajouté judicieusement: « Voir quelquechose avec M. Home, n'est pas un indice rassurant pour la santé de celui qui voit. » Maintenant, au contraire, quoiqu’il ne nous fasse pas connaître les motifs qui ont changé sa manière de voir, il admet la réalité des mains en question (p. 295 et Zi 56), seulement il ne les regarde que comme il demi corporelles; ce sont toujours , bien entendu , des produits de la lumière astrale.

C’est encore cette lumière qui vient éclairer la question si ardue du vampirisme. Depuis long-temps, les hommes sensés avaient relégué les vampires avec les ogres, les goules, les loups-garous et autres chimères enfantées par les imaginations de cerveaux malades. Mais M. Constant vient nous apprendre (p. 507 à 512) que les personnes enterrées vivantes peuvent vivre longtemps dans le tombeau, conservées par la lumière astrale dans un état complet de somnambulisme lucide : a Leurs âmes alors sont enchaînées au corps par une chaîne invisible ; si ce sont des âmes avides et criminelles, elles peuvent aspirer la quintessence du sang des personnes endormies du sommeil naturel, et transmettre cette sève à leur corps enterré pour le conserver plus longtemps. C'est cet effrayant phénomène qu’on appelle vampirisme. » 11 est assez difficile de concevoir comment le corps restant dans le cercueil, l’âme privée d’organes peut agir sur des corps, sucer le sang, et même bouleverser les meubles , battre les vivants, etc. (comme il est rapporté dans la relation de la page

(1) les Fantômes à Paris, ou Qu est-c! que M. Home? VEstafctte du 19 juillet 1857.

513) ; il est tout aussi difficile de comprendre comment le sang sucé par l’âme séparée du corps, peut être transporté par elle et arriver au corps à travers le cercueil et la terre qui le recouvre. Pour accomplir des choses aussi fabuleuses, il ne faut rien moins qu’une forte dose de lumière astrale.

Quant à la léalité de ces faits, il nous suffira d’observer qu’on n’a jamais cité un seul cas de vampirisme dans les pays où l’on n’y croit pas ; de même, dès qu'on a cessé de poursuivre les sorciers, il n’y en a plus eu; dès qu’on ne s’est plus occupé du diable , on n’a plus entendu parler de possessions. On peut en conclure que tous ces prétendus phénomènes sont dus à une maladie mentale qui se propage par imitation, et que l’oubli où sont tombées toutes ces horribles folies a été pour l'humanité un progrès dû à la philosophie. Il est fâcheux qu’un écrivain aussi distingué que M. Constant, s’efforce de rendre de laréalitéàdehonteuses chimères, justement flagellées par le ridicule, et travaille ainsi à faire revivre des croyances si fécondes en calamités.

Sa théorie de la lumière astrale prouve avec quelle facilité on peut se laisser entraîner à une sorte d’adoration d’un mot cabalistique, qu’on prend à tort pour une idée , et dans laquelle on se figure avoir trouvé une clef qui ouvre tous les arcanes. C’est ainsi que l’auteur du livre intitulé : Comment C esprit vient aux tables, avait fait du mot vibration un talisman quijexpliquait tout : tables tournantes et parlantes, vibrations; lucidité, vibrations; écriture des médiums, vibrations. Rien ne résistait à la magie de ce mot qui eût suffi pour résoudre les problèmes les plus transcendants. 11 eu est de môme de’M. Constant avec sa lumière astrale, qui n’est qu'un mot sans idée. En raisonnant comme lui, on peut tout expliquer à sa façon. Par exemple , si la Belle au bois dormant a dormi cent ans, c’est que la lumière astrale a coagulé son sang et ses humeurs, suspendu les forces vitales et embaumé les fluides. Si le Petit Poucet avait des bottes de sept lieues, c’est que dans chaque botte il y avait un réservoir de lumière astrale concentrée ; et chaque fois que le porteur faisait un effort de volonté pour tendre une de ses jambes en

avant, ¡1 projetait la lumière astrale (le son cerveau, laquelle déterminait la détente de celle de la botte, et il en résultait une secousse qui entraînait la botte et l’homme précisément à une distance de sept lieues. La citrouille de Cendrillon changée en carrosse n’est qu’un jeu pour la lumière astrale qui use du même procédé que pour fabriquer les mains de Home. Ces explications valent celles de M. Constant, et les faits expliqués valent pour l’authenticité ceux auxquels il applique sa théorie.

Dans la partie historique, l’auteur néglige d’indiquer'les sources où il a puisé ; et comme il s’agit le plus souvent d’événements fort invraisemblables, n’ayant aucune notoriété et contraires aux opinions généralement reçues, les lecteurs ne peuvent adopter de confiance les renseignements qui leur sont présentés et sur lesquels s’appuie l’bistorieu. 11 prétend, par exemple, que lu sainte kabbale a été emportée de Chal-dée par Abraham, recueillie par Moïse, révélée par Jésus-Christ à saint Jean ¡’évangéliste (p. 105) ; on ne trouve aucune trace de tout cela dans les monuments connus et faisant autorité. Il assure, sans plus de preuves, que Pythagore s’est instruit auprès des prophètes Daniel et Ezéchiel (p. 97) : or, d’une part, la Bible ne dit pas un mot de Pythagore ; d’un autre côté, les historiens grecs, qui font mention de ce philosophe, ignorent jusqu’à l’existence des prophètes juifs. Sur quoi se fonde-t-on pour établir des relations entre ces personnages ?... Un toi défaut de critique de la part d’un historien doit nécessairement mettre en défiance sur tout ce qu’il affirme. Ainsi, quand il nous raconte les succès des magiciens qui ont fait de l’or (l’alchimie, selon lui, est la haute magie mise en œuvre) (p. 3/i/i, 3/i5), ou qui ont trouvé la pierre philosopliale (aimant universel formé de lumière astrale condensée et fixée autour d'un centre) (p. 205) ; comme il s’agit de faits beaucoup moins vraisemblables qu’une entrevue de Pythagore et de Daniel, on peut croire qu’il n’a pas de plus solides documents dans un cas que dans l’autre, et il sera prudent de rester dans le doute.

M. Constant fait un grand éloge de Mesmer et de M. le ba-

ion du Potet; il reconnaît la haute portée et la puissance du magnétisme. A cet égard, au moins, il s’appuie sur des faits certains, positifs, et qui se reproduisent tous les jours. Pour le reste , pour tout ce qui tient à la magie, il se borne à affirmer. 11 déclare (p. 528) avoir retrouvé la toute-puissance des anciens mages : c’est possible, mais on ne le croira que quand il en aura montré des échantillons. Ce n’est que par des faits qu’il pourra convaincre de la réalité de son pouvoir magique. Se vanter de le posséderet ne jamais le montrer, toujours promettre et ne jamais tenir, c’est prolonger beaucoup trop une plaisanterie qui finit par manquer de sel.

Une des partiesles plus intéressantes du livre, c’est le récit des procès de sorcellerie. Nous avons regretté d’y trouver (p. 95 et 37â) la justification de ce déluge de poursuites qui, pendant tant de siècles, a ensanglanté l’Europe. L'auteur donne pour motif que plusieurs sorciers commettaient de véritables crimes, tels que des meurtres d’enfants : alors on n’aurait dû poursuivre que les meurtriers, et seulement pour ces meurtres, et non pas ériger en crimes des faits chimériques ou indifférents. L’auteur est obligé de reconnaître que, du temps de Pépin-le-Bref, les gens inconnus qu’on rencontrait dans les campagnes étaient accusés de descendre du ciel et tués sans miséricorde comme sorciers (p. 252); que, dans les temps d’ignorance, on prenait les grands politiques pour des possédés, et les savants pour des enchanteurs (p. 302) ; que les persécutions rendaient la folie contagieuse, que la rumeur publique accusait des innocents, et que les tortures leur arrachaient l’aveu de crimes imaginaires (p. 292). 11 considère Grandier comme un martyr (p. 385, 386), et il rapporte avec une généreuse indignation ces règles aussi odieuses qu’extravagantes, suivies en matière de sorcellerie, que le diable est l'auteur de tous les phénomènes qui ne s’expliquent pas naturellement, et que le diable dûment exorcisé est forcé de dire ta vérité et peut être admis à témoigner en justiee (p. 384). Des myriades d’innocents ont péri, victimes de la superstition et du fanatisme ; les auteurs de ces infamies méritent l'exécration de la postérité, et les institutions dont l’esprit a in-

spiré toutes ces horreurs, doivent être frappées île la mèu.o réprobation.

M. Constant professe pour l'Eglise catholique une soumission sans bornes, et il consacre un chapitre ii prouver la vérité du christianisme par la magie : tant de zélé et de docilité doit surprendre de la part d’un docteur ès-sciences magiques, sciences qui ont toujours senti le fagot. Malgré ces protestations, on peut douter de la pureté de son orthodoxie quand on le voit persister à nier l’existence personnelle du diable, qui forme un des dogmes fondamentaux de l’E-glise, et proposer d’enfermer comme fous ceux qui croient que Dieu leur a parlé (p. 129), ce qui comprendrait tous les prophètes, les apôtres et les évangélistes! Entraîné par. sa ferveur, il va jusqu'à proscrire l’examen en fait de religion. Ce sont, dit-il, des choses à croire ou à ne pas croire, « mais quiconque raisonnera là-dessus et voudra discuter scientifiquement lachose, méritera de passer pour sot. » (P. 18i.) Fort bien, gardons-nous de faire usage de notre raison, et te-nons-nous-en à la foi aveugle, la foi du charbonnier, c’est le plus sûr. Mais nous nous ôtons par là le droit de condamner ceux qui, avec une foi également robuste, croient autrement que nous. De quel droit M. Constant ose-t-il déclarer erronés le paganisme ancien, le brahmanisme et en général les religions autres que le christianisme? Les sectateurs de ces religions ont aussi leur foi de charbonnier, et ces fois se valent de part et d’autre. De quel droit nie-t-il le diable? Si c’est en vertu de sa raison, il méconnaît la règle qu’il a posée, il oublie l'anathèine qu’il a lancé contre ceux qui discutent : respect à la foi dans le diable. Il ne faudra même pas se moquer de l’enfant qui croit à Croquemitaine : c’est une affaire de foi, ça ne se discute pas....

Voilà dans quel abîme on tombe quand on ose interdire à l'homme l'usage de sa raison, c’est-à dire de la plus noble de ses facultés, de celle par laquelle il est semblable à Dieu. Et, à ce sujet, nous rappellerons à M. Constant ce qui se pratiquait dans une secte magique qu’il connaît parfaitement et que nous ne pouvons nommer.

Le récipiendaire était soumis à de graves et solennelles épreuves ayant pour but de constater sa force d’âme et la rectitude de son jugement ; il devait justifier qu'il était affranchi des superstitions, des préjugés du vulgaire ; il brisait une des idoles adorées en ce temps-là, et il était admis dans le sanctuaire où étaientécrits en lettres d’or ces vers de Virgile, qui était un des patriarches de la magie :

Félix qui poluit rerum cognoscere causas,

Atque metus omnes et inexorabile fatum Subjecit pedibusstrepitumque Acheronlis avari.

Si plus tard l’adepte s’écartait, par sa conduite, des principes au nom desquels il avait été admis parmi les sages, il était traduit devant l’assemblée des vénérables; s’il était convaincu d’avoir, par exemple, fléchi le genou devant les idoles, d’avoir caressé les vieilles erreurs, il était reconnu indigne de servir le grand œuvre, on l’excluait du sanctuaire, après lui avoir attaché par dérision un paularte très-singulier, qui se trouve chez quelques amateurs de sciences occultes. Le contour, au lieu de consister en un cercle ou un polygone régulier, est une ligne brisée, irrégulière, avec des angles rentrants et sortants; on y voit en tète la lettre hébraïque lamed S, puis un flambeau renversé, une écrevisse et un vautour. Voici la clef de ce pantacle. La ligne brisée indique indécision, manque de suite dans les idées. Le lamed est composé d’une branche qui s’élève en haut (aspiration vers la vérité), puis elle s’infléchit et se dirige horizontalement (symbole des goûts terrestres, culte de la matière) ; et après une nouvelle inflexion, la ligne se dirige en bas (déchéance, dégradation). Le flambeau renversé figure celui qui méconnaît les lumières de la raison; l’écrevisse est, comme on sait, l’emblème de la marche rétrograde. Quant au vautour qui dévore les cadavres, les chairs putréfiées, c’est le symbole de l'homme, qui. au heu de se nourrir de la vérité qui est la vie de l’âme, se nourrit de dogmes morts, de croyances vermoulues. A. S. Mobin.

Baron do POTET, proprièlairc-girant.

« Monsieur le Baron,

« Je fais le plus grand cas du journal que vous publiez et oii vous avez le courage d’accueillir des observations et des faits si étranges.

« Mais ce qui est encore plus étrange, c’est que, dans le même journal, on me renvoie aux contes de Croquemitaine et du Pelit-Poucet pour avoir admis dans mon histoire de la magic des faits moins extraordinaires et qui pour moi sont parfaitement avérés.

« M. S. Morin assure qu'on n’a jamais vu de vampires dans les pays où l’on n’y croit pas. Comment veut-il qu’on y croie dans les pays 0(1 l’on n’en a jamais vus, lui qui n’y croirait pas s’il en voyait ?

- La lumière astrale est, dit-il, un mot sans idée. Pourquoi ne pas avoir la bonne foi de dire seulement que c’est un mot qu’il ne comprend pas?

h Selon lui, l’auteur de ÎIIisloire de la Magie est entaché de superstition catholique,... ce qui nel'eropêche pas de sentir terriblement le fagot : j’avoue que j’ai respiré cette odeur de fagot dans une phrase de M. Morin, où il dit que ce serait une profanation que d'appeler magiciens des savants dont la mémoire est justement vénérée. Profanation ! mon cher monsieur, le mot est fort ! Cela sent un peu l’inquisiteur, et c’est vous qui nous accusez de superstition !...

Selon nous, la vraie superstition, c’est l’incrédulité en présence des miracles de la nature qui nous imposent la foi, pour sauver la raison du découragement et du désespoir.

« Les autres critiques de M. Morin prouvent qu’il a lu peut-être un peu légèrement notre livre; autrement il aurait trouvé Toüï xvilj. - N» «8. — â« StRiE. — 25 Octobre 1859. 20

dans le livre même la réponse aux questions qu’il veut bien nous faire.

Pour ce qui est du défi qu’il semble nous adresser de prouver notre pouvoir en magie, nous ne le prenons pas au sérieux, il nous serait pénible d’avoir à envoûter M. Morin pour le convaincre, et nous aimons mille fois mieux lui laisser le facile triomphe d’un doute qui semble être chez lui un parti pris.

« Nous le remercions d'ailleurs des choses gracieuses qu'il a bien voulu nous dire en commençant son article; et si jamais, dans son étude, encore inexpérimentée des sciences occultes, il lui arrivait une mésaventure semblable à celle du bon Apulée, nous lui renverrions les roses dont il veut bien parer notre médiocre érudition.

« Je compte sur votre obligeance, monsieur le baron, pour l’insertion de cette lettre dans votre plus prochain numéro et suis avec une haute considération.

«Votre très-liumble serviteur, « Éliphas Lévi. »

Réponse. — «Laissons de côté les questions personnelles et ne nous occupons que de la vérité. M. Éliphas Lévi doit reconnaître que ses affirmations sur le pouvoir de la magie ne peuvent être admises sans preuves. Qu’il produise donc des ■faits; il y a assez longtemps qu’on lui en demande; son ■refus prolongé ne peut être regardé que comme un aveu d’impuissance. Il n’y a pas chez moi, quoi qu'il en dise, de parti pris ni d’incrédulité systématique. Je cherche sincèrement à m’éclairer sur la réalité des merveilles prônées par la magie : malgré de nombreuses déceptions, je poursuis nies recherches et je serais charmé de pouvoir certifier de mon témoignage quelques-uns des prodiges annoncés. Si ma conviction nç peut être obtenue qu’au prix d’un envoûtement, je consens à en subir les inconvénients, et j'accorde d’avance l’absolution au magicien qui m’imposera cette épreuve. Si

M. Lévi ne méjugé pas digne, à cause de mon fluide d'incrédulité, d’assister à ses expériences, qu’il nomme une commission de vérification. La Société du Mesmérisme se fera un plaisir de donner son concours, et elle serait lieuieuse de proclamer un succès. « A.-S. Morin. »

La lettre de M. Éliphas Lévi et la note de M. Morin semblent ressusciter les querelles qui existèrent autrefois entre ceux qui croyaient à la magie et ceux qui en niaient la puissance. Nous qui admettons cette science profonde, lions sommes loin de nous révolter contre les doutes : on commence par douter, mais le doute entraîne à des recherches qui amènent quelquefois la conviction. Qui croit au magnétisme doit croire ou croira bientôt à la magie; car il en est le point de départ, il est l'agent qui soude le monde physique au monde moral, il est le principe de tous les miracles, il est la base de toutes les religions comme nous le prouverons bientôt, et cette vérité méconnue accuse l’ignorance du temps présent. Si nous avions des efforts à faire, ce serait près de ceux de nos amis qui nous ont appris à respecter leur opinion par leur dévouement au magnétisme ; mais nous devons avouer notre répugnance à les tenter : la magie n’est pas ce que nous aimons. Notre amour est pour un fait plus simple qui est maintenant du domaine de tous. Tant que je serai dans ce sentiment, je laisserai aller les choses et n’en voudrai point aux hommes honorables qui ne croiront point aux œuvres magiques.

Baron du Potet.

THÉORIE.

SYSTÈME PHYSICO-PnYSIOLOGIQUE TOUCHANT LES PHÉNOMÈNES ATTRIBUÉS AU MAGNÉTISME ANIMAL.

(Suite (1).)

III

Des manifestations de Code/ans ta nature vivante ou biod.

Sous ce nom nous pourrions comprendre les phénomènes que nous présente l’ensemble des êtres organisés du règne végétal et du règne animal; mais comme ces phénomènes diffèrent en bien des points dans ces deux classes d’êtres, nous réserverons un chapitre particulier à la manifestation de l’od dans les végétaux, et ne traiterons ici que du règne animal, et même spécialement de l’homme; car c’est en lui, c’est dans sa fibre nerveuse que nous trouverons le point d’appui de notre système. En effet, ce que l’électroscope est pour l’électricité, le thermomètre pour la chaleur, le baromètre pour la densité de l’air, la boussole pour l'aimant, l'homme doué de sensitivité l’est aussi pour l’od ; c’est donc lui qui nous servira d'odoscope ou d'odomètre.

Avant d'aborder les phénomènes du biod, ou fluide vital, il est une question préalable qui s’offre naturellement à l'esprit et qu’on aimerait à pouvoir résoudre, c’est celle-ci : Qu'est-ce donc que la vie? Malheureusement tous ceux qui ont voulu l’entreprendre se sont toujours vus arrêtés par un obstacle infranchissable. Bichat, qui plus qu’aucun autre s’est imposé la tâche d’approfondir ce sujet, définit la vie « l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort; » mais lorsqu’il s’agit d'aborder le point principal de la question, il est forcé de reconnaître que le principe, la cause première, le moteur suprême des phénomènes de l’existence est hors de notre portée. Quant à nous, s’il n’y avait pas presque témérité à

(1) Voir le n. 55, 10 mars, et le n. 58, 25 mai 1859.

émettre notre pensée sur un sujet qui fait le désespoir de la science, nous dirions que la vie est la manifestation de la tendance de la matière à réfléchir en elle, par un rayonnement de plus en plus lumineux, l’intelligence suprême, la volonté souveraine, la chose en soi, grâce à une étincelle primitive, la flamme odique, communiquée à la matière inerte au commencement des temps, entretenue au moyen des actions et des réactions résultant des lois de cet agent, transmise par la génération d'individu à individu et développée jusqu’à l’homme par une succession non interrompue et de plus en plus perfectionnée de genres, de familles, de règnes, de races.

Ce n’est là que le résumé de la conclusion à laquelle nous sommes parvenus en méditant dans notre for intérieur sur ce problème insoluble de la vie ; mais il faudrait, pour faire comprendre notre pensée tout entière, ajouter des développements dans lesquels l'objet qui nous occupe ne nous permet pas d’entrer présentement; nous y reviendrons sans doute plus tard ; pour le moment ce qui nous importe, c’est d’aborder l’exposition des phénomènes dans l'homme.

Nous avons déjà dit précédemment que dans les cristaux l’action odique semblait avoir été arrêtée dans son cours : la matière brute, après avoir été soumise, pendant la période de l’enfantement des inondes, aux révolutions incandescentes par lesquelles la force créatrice fit passer notre globe pour lui donner la forme sous laquelle il apparaît à nos yeux, la matière brute, dis-je, sortant de cet état d’ébullition, fut soustraite peu à peu à ce choc de polarisation qui est l’essence même du mouvement, soit organique, soit inorganique et retomba dans l’état d’inertie. Alors, à cette époque de refroidissement, les pôles cherchèrent à s’équilibrer : tout ce qui touchait à la croûte terrestre subit l’influence intrinsèque de la terre et resta positif, tandis que les sommets, par leur tendance vers l’éther, devinrent négatifs.

Dans les végétaux, nous voyons la suite de cette môme loi. Êtres à peine affranchis, ils' sont encore enchaînés au sol où ils prirent naissance : aussi chez eux c’est la force positive

qui domine et qui préside au développement; c'est elle qui envoie le tronc, les branches dans les airs, pour y aspirer les rayons de l’astre dont la chaleur les vivifie, et les racines dans la terre pour y puiser la nourriture. La tige de laplante est donc le siège de la force positive, tandis que dans les branches, les feuilles, les fleurs, réside la force négative.

A mesure que nous nous élevons dans l’échelle des êtres, nous voyons une transformation s’opérer dans la prépondérance de ces forces. Dans les vertébrés, la force négative l’emporte éminemment sur la force positive. L’organe qui chez ces êtres, et particulièrement chez l’homme, représente celle force, c'est le cerveau et en général tout le système nerveux. Néanmoins il faut distinguer dans cet organe lui-même deux grands centres d’action, qui diffèrent par leur forme, aussi bien que par leurs attributions, et dont chacun est soumis à une polarité opposée : l’encéphale, centre de la vie animale ou relative, est essentiellement négatif, tandis que ses extrémités nerveuses sont en général positives. Le système ganglionnaire au contraire, ainsi que tout ce qui dépend de la vie végétative, est, commeles végétaux, sous la prédominance, du pôle positif. On trouve d’ailleurs dans le corps humain une foule de polarités qui se mêlent, se croisent, se renforcent ou s’affaiblissent mutuellement, afin de contribuer à l'équilibre général qu’elles ont pour but de maintenir, dans l’homme à l'état de santé.

Nous trouvons ces polarités très-prononcées dans ses trois axes de longueur, de largeur, d'épaisseur. La polarité principale est celle de la largeur : ainsi tout le côté droit est dans son ensemble négatif, tandis que le côté gauche est positif. Cette polarité est surtout très-prononcée dans les membres supérieurs; aussi est-ce surtout à eux qu’on a recours pour les expériences où l’on a besoin d’un odomètre. La deuxième polarité est celle de la longueur : la tête, comme il a été dit plus haut, est od négative, tandis que les extrémités inférieures sont positives. Une troisième polarité qui découle naturellement du système de la vie végétative ou organique et de la vie animnle ou de relation, c’est celle d'an-

tériorité et de postériorité. L’épine dorsale et tout le dos se trouvant sous l'influence de l’encéphale, on voit se continuer dans cette partie l'action négative du cerveau, tandis que le plexus solaire, l’estomac et tous les intestins sont autant de centres d’od positif, (’.ette même opposition se retrouve dans •les faces antérieures et postérieures des bras et des mains, des jambes et des pieds. De cette triple source de polarité résultent une foule de combinaisons de polarités secondaires : ainsi, bien que le cerveau en général soit négatif, l’hémisphère gauche l’est beaucoup moins que l’hémisphère droit : le plexus solaire est positif par sa nature et par sa situation à la partie antérieure du corps ; niais cette positivité l'emporte encore dans le côté gauche sur le côté droit. Les pieds, les mains sont positifs, puisqu’ils reçoivent les extrémités des nerfs qui prennent leur origine dans le cerveau, mais de plus la main gauche et le pied gauche sont encore soumis à une seconde influence, celle de la positivité de largeur, et même ii une troisième, si nous considérons que la face interne subit la même influence que l’abdomen par rapport au dos.

Ici se présentent plusieurs objections au-devant desquelles je veux moi-même aller. D’abord une foule de gens ne manqueront pas de dire : Mais qui nous prouve que toutes ces assertions sont réelles, et quel moyen avons-nous de les constater ! A ceux-là je répondrai : Patience. Tous les faits que j'avance s’appuient sur des expériences rigoureuses, faites sur un grand nombre de personnes, et comme mon but est de les voir confirmés par tous les magnétistes sérieux et par les hommes de science, j'indiquerai un peu plus loin des moyens à la portée de chacun d’arriver à la conviction en renouvelant les mêmes expériences. Il est une autre objection beaucoup plus grave que me feront sans doute d’autres incrédules encore plus difficiles à contenter. Ceux-là, non-seulement refusent d’accepter des faits, mais même ils ne veulent consentir à tenter les expériences qu'on leur propose qu'après qu’on leur a donné au moins la raison plausible de ces faits; sinon ils qualifient de chimères tout ce qu’on leur avance et passent outre sans même prendre la peine d’expérimenter.

Voici cette objection : Nous admettrions volontiers les trois zones de polarité indiquées ci-dessus; mais comment expliquer que le système nerveux de l’hémisphère droit du cerveau, triplement négatif, d'abord, comme partie intégrante de l’encéphale, puis relativement à son axe de largeur, etenfin dans son axe d’épaisseur pour sa lace occipitale, puisse fournir deux nouveaux pôles négatifs dans le membre inférieur droit, zone transversale et face postérieure, si l'on admet le principe que chaque extrémité d un cordon nerveux présente un pôle opposé à celui de sa racine? La même objection se présente également pour l’hémisphère gauche. Cette objection assurément est très-sérieuse; elle n’aurait même pu être réfutée sans les travaux infatigables des anatomistes modernes sur la structure intime du cerveau ; mais, grâce à la découverte de Mistichelli, non-seulement cette difliculté n’en est plus une, mais même nous trouvons daus ces enchevêtrements de polarités, 1 explication toute naturelle du fait anatomique constaté par Mistichelli, jusqu’ici resté inexplicable. Quand nous avons devant nous un bulbe rachidien, et que nous le considérons daus sa partie antérieure, nous trouvons devant les olives deux corps appelés pyramides, dont l’une occupe la droite et 1 autre la gauche. Eh bien, d’après la découverte de Mistichelli, confirmée depuis par un grand nombre d’anato-mistes modernes, chacune de ces pyramides se divise en quatre faisceaux, dont les trois antérieurs gauches 3’entre-croisent avec les trois antérieurs droits eu formant ainsi une série d’;c, qui s étayent de bas en haut ; de sorte que les faisceaux de la pyramide droite se continuent avec les cordons latéraux gauches de la moelle, et vice versû. Le vaisseau le plus externe seul ne participe pas à l'entre-croisement et se continue directement avec le cordon antérieur formé par le corps oli— vaire.

Comparons maintenant les polarités, nous trouverons absolument les mêmes dispositions que dans ces faisceaux pyramidaux.

PYRAMIDES.

Blï.RE RACHIWEN

vu de face.

Extrémités inférieure».

(Safpey. Anatomie dncri/tfite, fi g. lftj, lomo II, 1" parli«.)

BULBE BACHIDIBW.

C6U droit.

1. N. polarité de hauteur.

2. N. polarité transversale.

3. N. polarité d’épaisseur, occiput.

A. polar, d'épaisseur, front.

EXTRÉMITÉS INFÉRIEURES.

Côté gauche,

1. N. potarilétlfi liauleur.

2. N- polarité d'épai&seur, occiput.

3. P. pol. d’épaisse or, front, U- P. polarité transversale.

CUè droit.

fi. N. polarité transversale.

1. P. comme partie inlé-rieure.

2. P. partie antérieure , dos du pied.

S. M. partie postérieure , plante du pied.

CôU gauche.

3. P. polarité transversale.

2. P. comme partie inférieure.

1. P. partie antérieure, do» du pied.

Û. N. partie postérieure, plante du pied.

Cette figure nous montre d’abord que charpie faisceau nerveux peut, au moyen de cet entre-croisemen t, avoir son pôle correspondant, puisque la négativité doit dominer dans la partie supérieure, car elle y est représentée par 5 pôles né-

natifs, tandis qu’on n’y rencontre que 3 pôles positifs. C’est justement le contraire dans la partie inférieure.

Par là se trouve donc motivé cet entre-croisement des faisceaux des pyramides, deptiis longtemps reconnu comme fait, mais dont on ne pouvait comprendre le but; c'est à cette môme disposition qu'il faut attribuer ce phénomène singulier, qu’une hémiplégie ou paralysie du côté gauche du corps annonce le plus souvent une lésion de l’hémisphère droit du cerveau, et réciproquement.

Du reste le système que je livre ici aux réflexions des personnes , aux expériences et à la critique des hommes de science, a pour lui cet immense avantage qu’avec son aide la plupart des rapports anatomiques et des faits physiologiques, qui étaient restés jusqu’à ce jour des problèmes insolubles, ne sont plus désormais que de simples conséquences de la loi d’équilibre des forces odiques.

Passons maintenant à un phénomène physiologique qui a déjà eu le privilège de soulever bien des tempêtes, la circulation du sang, et voyons si l’od n’y révélerait pas également sa présence.

Tout le monde sait que la circulation de l’homme et des mammifères consiste dans le mouvement incessant du sang dans toutes les parties du corps au moyen d'un système de canaux ramifiés. Le cœur, à l’aide de ses contractions, chasse le sang dans les artères. Celles-ci, en se ramifiant de plus en plus, le distribuent dans tous les organes par l’intermédiaire du réseau capillaire, puis il revient, en vertu d’une nouvelle impulsion, à travers les veines vers son point de départ.

Le cœur est séparé en deux par une cloison complète, de sorte qu’on peut admettre avec raison qu'il y a un cœur gauche et un cœur droit. En regardant le cœur comme le centre des mouvements du sang, on est fondé à dire qu'il y a une double circulation ou deux cercles circulatoires simultanés. L’un commence au cœur gauche, traverse les organes et aboutit au cœur droit; l’autre commence au cœur droit, traverse les poumons et revient au cœur gauche. Le premier étant plus étendu, prend le nom de grande circulation ou

circulation générale; on donne au second le nom de petite circulation ou circulation pulmonaire. La direction du sang des artères est centrifuge, celle du sang des veines est centripète. Le sang artériel ne diffère pas du sang veineux seulement par la direction de son cours, mais encore par ses caractères physiques et chimiques. Le sang qui va du cœur aux organes par les artères est rouge vermeil, celui qui revient des organes au cœur par les veines est d’un rouge brun. C est dans les poumons que le sang bran est revivifié ou oxygéné et redevient vermeil. Le cœur n’est pas seulement partagé en deux parties par une cloison verticale; chaque côté, gauche et droit, se trouve encore divisé horizontalement en deux cavités qui communiquent l’une avec l’autre. La cavité supérieure ou oreillette gauche communique largement avec la cavité inférieure ou ventricule gauche; il en est de même de la droite. Le sang est projeté de l’oreillette dans le ventricule et du ventricule dans les artères à l’aide de mouvements alternatifs de contraction et de relâchement. Le moment de la contraction du cœur a reçu le nom de systole. Le moment du relâchement ou du repos a reçu celui de diastole. Le premier mouvement est actif, le second passif. Lorsque le cœur se contracte, ses quatre cavités n’entrent pas simultanément enjeu. Les deux oreillettes se contractent ensemble, puis ensuite les deux ventricules, pendant que les deux oreillettes se dilatent. Il y a donc d’abord systole auriculaire simultanée avec diastole ventriculaire; puis systole ventricu-lai re accompagnée de diastole auriculaire : enfin vient un temps de repos ou diastole des quatre cavités. Pendant ce temps de repos, le sang veineux entre librement, par suite de l’impulsion qui lui est donnée, dans l’oreillette droite, tandis que le sang rouge qui revient des poumons pénètre dans l’oreillette gauche : alors survient la systole ou contraction auriculaire qui chasse le sang brun dans le ventricule droit et le sang rouge dans le ventricule gauche ; enfin arrive la systole ventriculaire qui chasse le sang veineux dans les poumons et le sang artériel dans l’aorte, d’où il se distribue dans tout le corps au moyen de l’aorte descendante et des carotides.

Ces quelques mots d'introduction suffiront, je pense, pour faire comprendre ce qui nie reste à dire des lois qui président à la circulation du sang.

Une chose m’a frappé, comme elle a frappé sans doute tous ceux qui ont cherché à se rendre compte du grand problème de la vie humaine, c’est l’impossibilité où se trouvent encore aujourd'hui les physiologistes d’expliquer d’une manière sinon satisfaisante, au moins plausible, la cause première qui préside aux mouvements de l’organe le plus essentiel à la vie, c’est-à-dire du cœur humain. La mort, dit Bichat, est la conséquence de tinterruption de la circulation, delà respiration, de l'action du cerveau. Puis il ajoute plus loin : I.e cerveau ne peut fonctionner que par suite d’une excitation que le sang exerce sur lui. Cette excitation ne peut-être produite que par le sang vivifié par la respiration. Ici, d’une part, il est évident que ces trois organes sont tous trois absolument nécessaires à la conservation de la vie; de l’autre, il faut reconnaître que l’existence du plus noble de ces organes est, pour ainsi dire, subordonnée au fonctionnement des deux autres, et que c’est dans la circulation du sang, entretenue par le jeu des poumons, que réside le principe essentiel, le grand moteur de la vie organique. Cette assertion se trouve confirmée par le fait que le cœur continue à battre quand il est séparé des liens qui le retenaient au système nerveux, et qu’on a vu la vie s’y conserver encore quelques heures après qu’il avait été arraché de la poitrine d’un animal : au contraire toute fonction du cerveau cesse aussitôt que la circulation se trouve interrompue. C’est donc dans la contraction et le relâchement alternatif de cet organe qu’il faut chercher le ressort qui meut toute la machine humaine.

Quand nous serons parvenus à découvrir la loi en vertu de laquelle fonctionne, avec une régularité si admirable, l’appareil circulatoire, nous aurons fait là sur la nature, si jalouse de ses secrets, une précieuse conquête, car nous nous trouverons par là initiés à la connaissance, non de la cause première, mais d’une des causes secondes de la vie, dont jus-

qu’à ce jour, malgré les infatigables recherches de la science, lions savons encore si peu de chose.

Si nous interogeons les écrits des plus grands physiologistes pour apprendre sur quel principe repose le double mouvement du sang du centre vers la périphérie et de la périphérie vers le centre, nous reconnaissons, d’une part, combien ils attachent d’importance à la solution de ce problème, et de l’autre, combien, malgré toutes leurs recherches, et leurs expériences, cette question conserve encore à leurs yeux de lacunes et d’obscurité : aussi, faute d’avoir pu éclairer le point principal, sont-ils forcés de se rejeter sur les points secondaires : la multiplicité des causes alléguées pour expliquer ce mécanisme si simple et si parfait, trahit déjà l’incertitude qui règne encore dans leur esprit. Aussi Béclard, après avoir épuisé la série des faits avancés par la science, s’écrie-t-il enfin avec un accent de désespoir : « Mais il reste toujours dans les contractions du cœur un inconnu que l'expérience n’a pas encore résolu, et sur lequel nous avons plus d’une fois insisté. C’est la question de savoir pourquoi le cœur séparé du corps de l’animal continue à battre spontanément pendant quelque temps. »

Nous ne prétendons point, nous néophyte de la science, dont le nom est encore inconnu, qu’il nous soit accordé d’approfondir un mystère que les travaux infatigables de tant d'hommes de génie n’ont encore pu parvenir à pénétrer : cependant nous ne pouvons résister à la tentation de soumettre à l’examen de ceux qui ne craignent pas de s’aventurer à la conquête d’une vérité, un système qui, après avoir subi l’épreuve de l’expérience, est peut-être appelé à ouvrir une nouvelle voie aux recherches des physiologistes, et qui a du moins pour lui le mérite de la simplicité.

Nous avons vu plus haut que l’homme présente dans son axe longitudinal une polarité. Nous supposons donc que cette polarité règne avec un redoublement de puissance au centre du mouvement circulatoire. La force od positive est inhérente à l’oreillette et au ventricule gauches ; la force od négative à l’oreillette et au ventricule droits. Le sang vivifié

et oxygéné dans les poumons et par conséquent chargé d'od négatif est attiré dans l’oreillette gauche en vertu de la loi d’attraction des pôles contraires. Arrivé dans cette oreillette, il imprime aux libres musculaires une contraction qui le chasse dans le ventricule gauche. Le vide s’étant opéré dans l’oreillette, la diastole succède à la systole, lin môme temps le ventricule gauche, influencé par l’ondée artérielle, subit son mouvement de systole, au moyen duquel le sang est poussé dans l’aorte. Le vide fait aussitôt cesser la contraction, et le cœur se trouve au moment du repos : alors survient une nouvelle ondée qui contracte de nouveau l’oreillette, puis le ventricule; et ce mouvement alternatif continue ainsi sans interruption. Le sang parvenu dans l’aorte se répand par suite de cette impulsion primitive, à l’aide des artères, dans toutes les parties du corps et parvient jusqu’aux vaisseaux capillaires.

Maintenant il reste encore un second point à éclairer, c’est celui de savoir en vertu de quelle autre influence, le sang parvenu dans le réseau capillaire retourne de la périphérie vers le centre. Ici, comme nous le jugeons facilement, vont s'accumuler de nouveaux obstacles : un des plus grands est sans contredit la loi de la pesanteur. Aussi est-ce sur ce point que les théories physiologiques sont encore moins satisfaisantes et qu’on cherche à suppléer par la multiplicité des causes à ce qui manque à chacune d’elles en certitude.

La principale cause qu’on allègue, à part les contractions du cœur, c’est la contraction musculaire. Assurément les mouvements en général, et surtout ceux de la locomotion sont propres à accélérer le cours du sang : mais si nous songeons que, d’après les calculs consciencieux faits sur la vitesse du sang, ceux de Hering par exemple, il résulte que le sang met environ 25 à 30 secondes à parcourir le cercle entier de la circulation, nous devrions avoirfort.’icraindrequeleshommes qui mènent une vie sédentaire et ceux qui se livrent à un sommeil de 9 à 10 heures, ne courent le danger de voir leur sang se figer dans leurs veines. Je ne parlerai pas davantage de l’influence que peuvent avoir les mouvements d’inspiration,

ni de celle que M. Tigri attribue aux battements des artères dans leur gaines communes avec les veines; ces causes ne paraîtront jamais suffisantes à ceux qui exigent, pour se rendre compte d'un phénomène, des raisons évidentes.

Essayons si en poursuivant notre idée première nous ne pourrons pas trouver une explication plus vraisemblable.

Nous savons que le sang parvenu dans les vaisseaux capillaires, subit une complète transformation chimique : pat-suite des combustions de la nutrition, il a perdu une partie de son oxygène, et contient par conséquent une portion plus considérable, relative du moins, d’acide carbonique. Nous pouvons donc supposer avec quelque raison que, vu cette perle d’oxygène, la polarité odique du sang s'est modifiée et que, de négatif, il est devenu positif. D’un autre côlé, si nous l’avons suivi dans sou cours t travers les artères, nous avons vu. que jusqu’alors contenu dans les parois élastiques des vaisseaux artériels, il avait été à peu près soustrait à l’action des fibres nerveuses; mais dans le réseau capillaire ce tissu protecteur tend de plus en plus à s'amoindrir : enfin dans les dernières ramifications de ce système, le contact avec les fibres nerveuses, alors multipliées à l'infini, ne peut manquer d’avoir lieu. Que résulte-t-il de ce contact? Les extrémités nerveuses od positives par opposition à l’encéphale, rencontrant le sang également positif, un choc a lieu, les capillaires se contractent et le sang repoussé se précipite dans les vaisseaux veineux, qui, en vertu de l'influence del’oreillette droite du cœur, subissent la polarité négative. Les expériences de MM. Bernard et Brovvn Séquart prouvent victorieusement cette assertion. Lorsqu’on pratique la section des filets cervicaux du grand sympathique destinés aux artères de la face, les capillaires, privés de leurcontractilité, se laissent distendre par le sang : les parties dans lesquelles se répandent ces artères offrent bientôt une congestion sanguine accompagnée d'élévation dans la température. L’excitation galvanique peut rétablir pour un moment la contractilité ; mais la congestion reparaît bientôt, quand l'excitation galvanique est supprimée.

Ainsi dans l’appareil circulatoire les artères et les veines forment les deux branches de celle force magnétique ou plutôt odique, dontles deux moitiés du cœur, gauche et droite, sont les points culminants; le réseau capillaire représente la la ligne neutre. Aussi le mouvement du sang assez lent en traversant ce réseau augmente-t-il de vitesse en s’avançant dans les vaisseaux veineux, et est-il encore plus rapide dans le voisinage du cœur. Le sang veineux arrivant dans l’oreillette droite produit une contraction semblable à celle qui s’opère dans le môme temps dans l'oreillette gauche : le môme mouvement a lieu l’instant d’après dans le ventricule droit, et le sang se rend dans les poumons. Les poumons (nous saurons plus tard pourquoi) sont sous la môme influence que le côté droit du cœur; ils sont od négatifs, aussi attirent-ils avec force le sang veineux; mais aussitôt que le sang, par suite de l’acide carbonique exhalé et de 1 oxygène absorbé parla respiration, est devenu négatif, il se trouve repoussé des poumons et vient affluer au cœur, où il est attiré par l’oreillette gauche, pour recommencer de nouveau son mouvement circulatoire.

Ce système, comme on le voit, est une conséquence rigoureuse des lois que j'ai posées en parlant des diverses polarisations de l’homme. A ceux qui n’y voient encore qu’une simple hypothèse, peut-ôtre heureusement combinée, je devrais présentement me contenter de répondre que la plupart des vérités admises parmi les hommes n’ont pas en général de fondement plus assuré que cette hypothèse. Mais comme je tiens à faire voir que ce n’est pas une spéculation bâtie au hasard et faite dans le but d’exciter la curiosité, je vais, avant de passer aux preuves expérimentales, chercher à appuyer mes assertions de quelques autre faits physiologiques constatés par des noms qui font autorité dans la science.

Un premier fait reconnu en physiologie, c’est que la tension du sang produite par la contraction ventriculaire du cœur gauche, est beaucoup plus considérable que celle qu'exerce le ventricule droit. L’ondée liquide chassée par le cœur gauche fait équilibre une colonne mercurielle de 15 centimètres

environ, tandis que celle qu'exerce le cœur droit est moindre de moitié. On explique d’ordinaire celle différence de tension en disant qu’elle vient de ce que la puissance musculaire du ventricule droit est moitié moindre que celle du ventricule gauche. Tout en reconnaissant la différence qui existe entre les parois des deux ventricules, je crois qu’il faut plutôt attribuer cette inégalité de tension au degré différent d’opposition polaire où se trouve chacun des ventricules avec le sang qu il chasse dans les artères qui lui servent de débouché. Les parois du ventricule droit, bien que moitié moins épaisses que celles du ventricule gauche, seraient néanmoins capables d’imprimer au sang une tension égale à celle que le ventricule gauche produit sur le sang artériel. Du reste il ne faut pas oublier qu’en vertu d’une loi générale qui préside à toute constitution organique, la contraction du ventricule droit n’est pas moitié moindre que celle du côté opposé, parce que les fibres musculaires sont moitié moins fortes ; mais ces fibres sont moitié moins fortes parce que la contraction que doit exercer ce ventricule doit être moitié moindre.

Nous ferons observer que le sang artériel qui arrive des poumons, étant par la richesse de sa composition oxygénique (suivant Magnus environ 38 parties d’oxygène pour 100 d’acide carbonique) fortement négatif, produit sur le ventricule gau;;he od positif une contraction beaucoup plus puissante que le sang veineux, lequel étant encore chargé de 25 parties d’oxygène ne présente pas une aussi grande opposition de positivité à la négativité du ventricule droit.

Un phénomène physiologique bien propre à prouver qu’il existe dans l’appareil circulatoire des rapports de polarité, et par conséquent des degrés différents d’attraction et de contraction, ce sont les modifications qu'on observe dans la tension du sang après l’administration de la digitale, du tabac, l’inspiration des vapeurs d’éther ou de chloroforme, et sous l’empire d’un grand nombre d’autres causes; comme aussi lacontractilité qui se manifeste sur une artère qu’on a mise à découvert.

11 serait facile, en partant des principes énoncés ci-dessus,

d’expliquer à quelle cause on doit attribuer les énormes changements qui s’opèrent dans le nombre des pulsations artérielles aux différents âges de la vie : mais ce point n’aurait qu’une importance secondaire pour l’objet qui nous occupe. Je préfère passer à des faits plus concluants, et dont la solution offre d’autant plus d’attraits qu’ils sont restés des énigmes pour ceux mômes qui les ont observés.

Ainsi que l’ont constaté les nombreuses expériences faites au moyen de l'hémodynanomètre par MM. Poiseuille, Lud-wig, Spengler, Valentin, etc., la tension du sang est à peu près identique dans tousles points de l’arbre artériel. Mais la tension du sang veineux est loin de présenter la même uniformité, M. Mogk a trouvé, à l’aide de l’appareil de MM. Ludwig et Spengler, que la tension du sang de la jugulaire fait équilibre au maxiraun à une colonne mercurielle de 13 millimètres; tandis que le sang de la veine brachiale soutient une colonne de 15 millimètres, et le sang de la veine crurale une colonne de 23 millimètres. Je pourrais joindre ici diverses autres expériences, toutes aussi concluantes, dues aux mêmes physiologistes, mais je m’en tiens à ces trois faits qui ont à mes yeux une valeur capitale. Si d’un côté nous devons admirer cette sage disposition de la nature qui a donné à chacun de ces grands courants une force d’impulsion d’autant plus grande qu’ils ont un trajet plus long à exécuter, de l’autre il nous faut reconnaître qu’il y a là un bouleversement complet des lois qui gouvernent notre planète et de celles auxquelles notre petit savoir attribuait la circulation de la périphérie vers le centre. La loi de la pesanteur nous aurait fait supposer que la jugulaire suivant dans son cours une direction centripète relativement à la terre, la tension du sang devait y être supérieure à celle des deux autres veines, et que la veine brachiale se trouvant soumise dans mainte circonstance à une position plus ou moins horizontale, devait avoir un cours plus rapide que la veine crurale. C’est précisément le contraire qui a lieu. La physiologie avait avancé qu'une des causes qui contribuent le plus au retour du sang veineux, à part celle de la contraction musculaire, était due aux mouvements

d'inspiration ; mais ici nous trouvons encore le fait en opposition avec la loi : plus un conduit est court, plus un mouvement d’inspiration doit se produire avec énergie; dans l’arbre veineux au contraire la tension la plus faible se rencontre dans le vaisseau le plus court, et la plus forte dans le vaisseau le plus long. Essayons si de notre côté nous serons assez heureux pour mettre le fait d’accord avec la loi. Prenons d’abord la veine brachiale. D’après les expériences de M. Mogk le sang de cette veine soutient une colonne mercurielle de 15 millimètres : nous considérerons ce mouvement comme lo terme moyen de la force de tension imprimée au sang veineux par l'action répulsive des filets nerveux sur le sang des réseaux capillaires. Le sang de la jugulaire ne fait au contraire équilibre qu’à une colonne de 13 millimètres, et cependant ici la loi de (apesanteur vient encore en aide au retour du sang vers le centre. Je serais même porté à croire que la plus grande partie de cette force de tension est due au poids de la colonne du sang, d’autant plus que les veines cérébrales sont dépourvues de valvules. En effet la force de tension n’est pas capable dans cette veine de lutter contre la loi de la pesanteur : aussitôt que la tête se trouve dans une position déclive par rapport au cœur, la pesanteur fait sentir ses effets avec une grande énergie, et le sang s’accumule promptement dans les veines cérébrales.

D'où vient donc cet amoindrissement de la force de la tension dans ces veines? 11 est impossible de l’attribuer à une autre cause qu’au cerveau lui-même. Les fibres nerveuses, qui accompagnent là, comme dans le reste du corps, les réseaux capillaires, pourraient bien y exercer aussi leur force répulsive, mais elle se trouve anéantie par la prépondérance de l’encéphale, centre principal de la polarité négative. Le sang qui parvient dans les réseaux capillaires cervicaux, ayant acquis par suite des combustions de la nutrition une polarité positive, il y a équilibre entre les deux-forces, et le sang ne retourne vers le cœur qu'en vertu des lois de la pesanteur, et aussi de la puissance d’attraction inhérente à 1 oreillette droite od négative. Le contraire a

lieu pour la veine crurale : une grande force o:l positive se trouve concentrée dans les extrémités inférieures, et la puissance de répulsion qui résulte de la rencontre des deux pôles semblables, porte la tension du sang veineux des membres inférieurs, malgré les obstacles qu’offrent ici plus que partout ailleurs les lois de la pesanteur, ii une supériorité manifeste, puisqu’il soutient dans l’artère crurale une colonne de 23 millimètres. Une autre cause encore contribue à augmenter cette force d’ascension, c’est le contact de ces mêmes extrémités avec le sol de la terre, laquelle, comme toutes les planètes, est essentiellement positive. Du reste c’est un fait déjà reconnu que la position a une grande influence sur les battements artériels en général : dans la position horizontale le pouls bat un peu moins vite que dans la position verticale; la même différence s’observe également pendant le sommeil comparativement à l'état de veille. Cette influence de la position sur le nombre des battements du pouls a été démontrée par M. Guy. Il plaçait les sujets en expérience sur un plan qu'on pouvait incliner et redresser à volonté. 11 a observé alors que la décroissance du pouls est proportionnelle à l'inclinaison : elle est d’autant plus marquée que l’on se rapproche de l’horizontale. Seulement la physiologie n’a pu jusqu’à présent rendre raison de ce phénomène* qui n’est comme on le voit, qu’une conséquence toute naturelle des lois odiquss.

Si nous résumons donc maintenant tout ce que nous avons dit, nous devons en tirer cette conclusion, que le phénomène de la circulation ne peut s’expliquer qu’en reconnaissant que chacune des deux moitiés du cœur possède une polarité qui lui est propre et qui doit être en opposition odique, ou chimique si vous le préférez, avec la composition du sang qu’elle est destinée à recevoir, et qui lui imprime son mouvement de contraction. Le sang qui vient des poumons étant plus riche en oxygène que le sang veineux, est od négatif, le cœur gau-doit être nécessairement positif ; et vice versâ.

Je terminerai ce que j’ai à dire de la circulation par une expérience proposé par M. Béclard dans sa Physiologie, § III, et que je rapporterai textuellement : elle prouve mieux que

tout le reste que le sang artériel seul est propre à stimuler les contractions de l’oreillette et du ventricule gauche, et que par conséquent il y a un rapport essentiel entre la composition du sang et les battements du cœur,

(. Tuez un animal à sang chaud; attendez que les mouvements respiratoires soient complètement suspendus, et que les contractions du cœur ne consistent plus qu'en un frémissement à peine sensible, il suffira de rétablir artificiellement la respiration pour réveiller les contractions du cœur, et les voir persister pendant quelques heures. Ce phénomène tend à prouver que le sang doit être considéré comme le stimulus naturel qui met en jeu la contraclilité du cœur. Il prouve de plus que le sang veineux qui abonde au cœur, lorsque la respiration est suspendue, est impropre à exciter ses mouvements normaux. En établissant une respiration artificielle, on redonne pour un temps au sang veineux les qualités du sang artériel. La circulation, qui n'était plus entretenue au moment où l'on commence l’expérience que par de faibles contractions du cœur, conduit vers cet organe un sang revivifié par l'air atmosphérique : bientôt l’activité du cœur se développe sous cette influence, et la circulation pulmonaire se rétablit pour quelque temps, ainsi que la circulation générale. »

JV. B. Les développements auxquels m’ont entraîné l’exposition des principaux centres de polarité dans l’homme, m’obligent de différer, jusqu'au prochain article, de satisfaire le désir que peuvent éprouver quelques personnes de connaître les expériences au moyen desquelles chacun pourra être à mêmede se convaincre de l'existence de ces polarités. Il suffira pour cela d’avoir à sa disposition un odoscope, c’est-à-dire un homme doué de sensitivité. Un pareil instrument n'est malheureusement que trop facile à trouver. Jusque-là que ceux qui doutent suspendent leur jugement.

V. D.

[Lti suite à un proc/uiin nutm'ro.)

LES SOCIÉTÉS SAVANTES ET LE MAGNÉTISME.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Tout le monde sait que l'Académie de médecine, à la suite de divers travaux ayant pour but de vérifier l'existence du magnétisme, a décidé qu’à l’avenir elle jetterait au panier, sans les lire, tous les mémoires qui pourraient lui être adressés concernant le magnétisme et le somnambulisme. Cet arrêt, dont elle aura un jour à rendre un compte sévère, a été prononcé en présence de plusieurs membres qui avaient constaté des faits magnétiques et en avaient publié des relations, tels que MM. Ilostan, J. Cloquet, Orfila, etc., qui sont restés silencieux quand il a été déclaré devant eux que les magnétiseurs étaient tous des fourbes ou des niais. Heureusement, en dehors de la docte Académie, il ne manque pas de gens instruits qui, sans se préoccuper de ses sentences , travaillent consciencieusement aux progrès de la science. 11 existe une Société appelée Médico-Psychologù/ne, composée de médecins et de philosophes, qui compte dans son sein des savants très-distingués, et qui s’occupe particulièrement des aliénations mentales et de tout ce qui tient aux rapports du physique et du moral de l’homme. Le magnétisme devait nécessairement appeler son attention. Nous croyons faire plaisir à nos lecteurs en leur présentant quelques extraits des comptes rendus de cette société, tirés du recueil mensuel qu'elle publie, intitulée : Annales médico-psychologiques.

Nous voyons, dans le n* d’octobre 1857, qu'à la séance du 27 avil précédent, une discussion a eu lieu concernant l'excellent mémoire de M. le docteur Puel sur la catalepsie (1).

M. Michèa. « Puisque M. Puel affirme avoir constaté un état d’hypéresthésie très-prononcé à la région épigastrique, il est à regretter qu’il n’ait pas songé à vérifier un point très-obscur et très-controversé qui se rattache à ce symptôme, je veux parler du déplacement des sens et en particulier du transport de la vue à lu peau de la région épigastrique. Dans (1) Voir Journal du Magnétisme, 18S6, t. XV, p. 413.

le Journal de médecine de Vandermonde, pour l’année 1765, on trouve l'histoire d'une cataleptique complètement insensible à la douleur, qui jouait aux cartes malgré l'obscurité la plus complète. Il y avait également vision par le creux de F estomac chez la cataleptique observée par le docteur Du-vard. La malade disait, sans jamais se tromper, si une montre, appliquée sur cette partie de la peau, était d'or ou d’argent, si elle marchait ou si elle était arrêtée. Elle reconnaissait et nommait toutes les pièces de monnaie qu’on plaçait dans sa main, mais elle ne pouvait dire au règne de quel souverain appartenaient ces pièces. 11 paraît même que cette malade réussit à épeler le mot commerce écrit en gros caractères qu’on avait placé au creux de l’estomac. »

M. Cerise rappelle les observations qu’il a publiées précédemment sur une femme qui avait des accès d’hystérie épi-leptiforme : il arriva à substituer, chez cette dame, un accès plus intense à une série d'accès, et à éloigner considérablement les accès les uns des autres , en déterminant chez lu malade ce qn'on appelle tétat magnétique. 11 rapporte aussi des phénomènes de sensibilité étranges qu’il a développés à distance , au moyen d’une canne tenue à trente centimètres au moins de la tête, de la poitrine, du ventre et des pieds.— « La deuxième observation rapportée par M. Cerise est relative à une malade que M. Bourdin a eu occasion devoir aussi : cette femme, d'abord hystérique, puis hypocondriaque, devint enfin cataleptique. Un accès de catalepsie se produisait chaque nuit. Sous F influence du magnétisme, cet accès est devenu, à la volonté de l’observateur, accès de jour promptement terminé, sans autre accès la nuit. - La troisième observation est relative à une femme tympanico-hystérique observée il l’hôpital Saint-Jean, de Turin. Devenue cataleptique et transférée à l'asile des aliénés, elle avait des accès à la volonté des médecins, toujours par le magnétisme. Pendant ses accès, Fépigastrc était l'intermédiaire des sens de fouie et du goût. En touchant son épiçjaslre d’une main et en parlant dans l'autre à voix basse, on obtenait des réponses, même quand plusieurs expérimentateurs formatent lu

chaîne. Elle n’entendait rien autrement pondant ses accès, môme un coup de pistolet tiré à peu de distance. Elle faisait mine de déglutition agréable, quand on mettait du sirop dans le creux de son estomac, et de déglutition extrêmement désagréable quand 011 y mettait du tabac délayé dans de l'eau. «

M. Moreau (de Tours) demande si, lorsqu’on parlait à l'extrémité de la chaîne en communication avec la malade, la personne la plus rapprochée d’elle entendait les sons articulés.— M. Brierre de Boismont demande aussi de combien de personnes se composait la chaîne.— M. Cerise répond que la chaîne, se composait de six ou sept personnes, et que la personne la plus rapprochée de la malade n’entendait absolu -ment rien.

M. Bûchez, « II ne serait peut-être pas nécessaire de chercher en dehors des règles ordinaires de la physiologie l’explication de pareils phénomènes. Il y a des faits vulgaires qui ont une grande analogie avec ceux que vient de raconter M. Cerise. Tout le monde sait qu’il y a, entre le cerveau et divers appareils de l’économie, des relations directes ou indirectes, mais qui sont tels que l’état de ces appareils exerce une influence sur nos dispositions morales. Cette influence se manifeste particulièrement dans l'état de rêve ; elle en détermine souvent la nature. Ainsi, nous rêverons bonheur ou malheur, voyage , combat, embarras de toute sorte ou triomphes de tout genre, selon que l’estomac, le cœur (côté gauche ou côté droitï, etc., seront sous une influence ou une autre. Rappelons-nous que l’école de Cnide avait établi tout un système de diagnostic sur la nature des rêves, etqu’aujourd’hui encore, 011 en tire souvent de précieuses indications. Dans le rêve, en effet, c’est l’instinct qui parle. Ceci me rappelle une observation que je vous demande la permission de raconter en abrégé. Il s’agit d’une jeune fille .atteinte, disait- on , d’une péritonite et qui avait été saignée en conséquence. A la suite des saignées, elle tomba dans le délire; je ne dis pas propter hoc, quoique ce fût post hoc. Ce fut alors que je la vis. L’état du faciès et celui du pouls me firent douter de la péritonite. Son délire était caractérisé par une agi-

tatiou assez vive et une mussitation presque continue. J'appuyai doucement ma main sur l’épigastre en y exerçant une pression lente, mais successivement croissante. Au fur et à mesure que je pressais davantage, la mussitation devint moins obscure et se convertit enfin eu une parole claire et distincte. Elle se croyait au bal. J’essayai de répondre à ce quelle disait ; j’y parvins tout de suite, et je pus l'interroger. Mes questions me firent penser qu’il ne s’agissait que d’uii délire nerveux ; l’opium et lassa fœtida ramenèrent comme par enchantement la malade à la santé. Que s’est-il passé ici? La pression épigastrique a augmenté la force du rêve, a

rendu la parole claire et nette----Sous l’influence d'une

congestion cérébrale commençante, ou mieux, lorsque l’hy-pérêmie n’est encore que de l'excitation, à la suite, par exemple , d'un travail prolongé, il se manifeste une susceptibilité des sens exquise et qui s’élève à ce point que l’oreille est blessée par des sons qui, dans un autre moment, eussent passé indifférents, que l’œil est offensé, ébloui par la moindre lumière, etc. Je me souviens, à ce sujet, d’avoir entendu raconter au docteur Vernières l’observation suivante : il avait magnétisé, en quelque sorte,par manière de passe-temps, une jeune demoiselle de ses parentes. 11 détermina chez elle une excitation extrême, mais il ne l'endormit pas. L’excitabilité était telle que, par le toucher, elle reconnut, au milieu de plusieurs pièces de monnaie, l’une d'elles sur laquelle on avait soufllé, et elle annonça qu’elle la reconnaissait parce qu'elle était humide. 11 y a plus, elle enteudait distinctement ce qu’on disait en parlant à voix basse à une extrémité éloi-guée d’un assez grand appartement. N’y a-t-il pas lieu de croire que les auditions et les perceptions dites merveilleuses qu'on observe chez les vrais somnambules et chez quelques hystériques, sont le résultat d’une excitation pareille ? » M. Brierre de Boismont remercie M. Cerise d’avoir qu la confiance et le courage de provoquer une discussiou sur les cas de névroses extraordinaires, et d’avoir commencé par les remarquables observations qu’il vient de faire connaître.

M. Des Etangs. « Je ne crois pas, comme M. Bûchez,

qu'on puisse demander à la physiologie l’explication de ces phénomènes encore si peu connus. Aux faits cités par nos confrères, je joindrai cet autre fait. A la suite de contrariétés assez vives, une dame à qui j’avais donné précédemment des soins, fut prise d’accidents nerveux; il y eut, pendant quinze ou vingt minutes, perte de connaissance, puis mouvements convulsifs. En reprenant conscience d'elle-même, cette dame s’assit devant moi sur un fauteuil et se plaignit vivement d'une lassitude extrême et d’un violent frisson. Voyez, me dit-elle, comme j’ai froid. Assis en face d’elle, je m'approchai davantage, et je tins en quelque sorte sa tête entre mes mains. Le visage, ordinairement très-coloré, était très-pâle et les joues très-froides. Au bout de quelques instants, je m'aperçus avec surprise que mes mains seules empêchaient la tête de tomber sur la poitrine, comme il arrive quand le sommeil nous surprend assis. Mais vous dormez, lui dis-je, et prenez garde , car vous allez tomber. J'avais peine, en effet, à la maintenir sur son fauteuil. Je ne pus obtenir que quelques mots confus, et le sommeil prit le dessus. L’idée me vint alors de répéter ce que j’avais vu faire suides personnes en état de somnambulisme; je fis quelques frictions sur les paupières, et, pour ne rien oublier,/»/ joignis ce que les adeptes appellent pusses magnétiques. Le sommeil me parut profond, et toutefois la malade répondait à mes questions. Je voulus naturellement pousser plus loin l’expérience, et j’exigeai que cette dame 3’étendit sur un lit de repos. En même temps, je fis disparaître la lumière, et je me mis en mesure de procéder à un nouvel interrogatoire. Mes souvenirs, à cet égard , me vinrent encore en aide, et je me rappelai que le professeur Andral conseillait de s’en tenir aux demandes les plus vulgaires, mais de nature à être vérifiées sur l’heure. 11 suffirait, par exemple, disait ce médecin, de demander aux sujets qui s’attribuent le sommeil lucide, combien on a de dents. Cette question si simple avait, en effet, troublé la lucidité d’une somnambule fameuse avec laquelle on m’avait mis en rapport, et j’en avais pris note : cette fois, je dois le déclarer, le succès fut complet, et la per-

sonne dont il s'agit ne se borna pas à exprimer un total qui, par hasard , aurait pu se trouver conforme à la vérité, mais elle désigna chaque dent une à une , de telle sorte qu'il me fut possible de suivre mon énumération avec son doigt. Je lui soutins cependant qu'il y avait erreur, et pendant qu'elle comptait de nouveau, j'introduisis furtivement dans ma bouche un petit bouton d'or, et la troisième fois enfin, une petite pièce d'argent de vingt-centimes. Cette dame, je le répète, sortit victorieuse de ces trois épreuves accomplies dans une obscurité complète. Mais je m'empresse d'ajouter que sa clairvoyance ne devait pas aller au delà. Je plaçai ma montre à l’occiput, ainsi que tant d'autres l’avaient déjà fait dans des circonstances semblables , et je pus constater seulement la souveraine inexactitude de la réponse qui me fut faite : il en fut de môme des autres interrogations, et je dus dès lors m'en tenir au doute philosophique.

— M. Bûchez. Cette dame croyait-elle au magnétisme?

— M. Des Etangs. Non, pas plus que moi.

— M. Peisse. Je ne vois pas ce que l’imagination aurait à faire dans tout ceci.

— M. Fcrrus, à l'exemple de M. Brierre, remercie M. Cerise d’avoir porté devant la société l’intéressante question des phénomènes nerveux extraordinaires, et de l'avoir fait en médecin qui sait se mettre en garde contre toutes les exagérations. ¡Vous ferions une grande brèche à nos connaissances, dit l’orateur, si nous refusions d’admettre tout ce que nous ne pouvons expliquer. M. Cerise, dont nous connaissons l’élévation d'esprit, l’intelligence et la bonne foi, pouvait mieux qu’un autre aborder l’étude d’un pareil problème. La preuve que les phénomènes psychologiques peuvent se concilier avec les explications physiologiques, c’est que nous sommes réunis iei, philosophes occupés des sciences abstraites, et médecins livrés à la recherche et à l'examen de ce qu’il y a de plus réel et de plus tangible dans l’hoinme, pour élucider ensemble les rapports de l’intelligence et de la matière. — Le magnétisme, assurément, telque le présententen général ses adeptes, est une chose folle et extravagante. Je l’ai repoussé vingt ans

!e nia vie ; toutefois,/«/ reconnu qu’il y avait là des finis méritant les préoccupations de la science— 3e propose àla société de s’occuper prochainement du somnambulisme naturel. Si elle le permet, je lui communiquerai, à cet égard, deux faits remarquables; M. Breesliet et M. le professeur Lallemand, de Montpellier, en ont été témoins. Quant an magnétisme artificiel et provoqué, outre qu’il a besoin de confirmation, je ne crois pas qu’on puisse en tirer médicalement parti (1). La discussion qui s’est ouverte a montré que les philosophes étaient loin de demeurer étrangers à cette étude ; les médecins doivent se joindre à eux.

Le numéro des Annales du mois de juillet dernier contient une analyse et une appréciation très-favorable, parM. Saurel, agrégé à la faculté de Montpellier, du livre remarquable de M. le docteur Macario, intitulé du Sommeil, des rêves et du somnambulisme dans tétat de santé et dans l'état de maladie (2), ouvrage où sont admises et décrites avec soin les facultés merveilleuses du somnambulisme artificiel.

On voit que les hommes de science s’inquiètent fort peu des anathèmes de l’Académie qu’on laisse s'entourer d’une muraille chinoise pour ne pas laisser pénétrer chez elle certaines vérités qui, malgré elle, font leur chemin. A. S. Mortk.

VARIÉTÉS.

La Gazetta delpopolo de Milan, numéros des 23 août et 2 septembre derniers, donné un compte rendu fort intéressant de quatre séances publiques de magnétisme, données à Milan par M. Guidi, dont les travaux sont connus de nos lecteurs :nous apprenons avec plaisir qu’il a eu un très-grand succès et que ses expériences ont vivement impressionné son nombreux auditoire. Grâce à son zèle et à ses efforts, le magnétisme est vulgarisé dans la Haute-Italie et y compte une foule d’adhérents.

(1) Nous pensons que M. Ferrus a voulu parler de l'emploi de la lucidité des somnambules, et non de l’usage direct du magnétisme.

(i) Un vol. in-8, chez Germer Bailliùre. Paris, 1857.

Baron do POTET, propriétaire-gérant.

Le nombre île primes d’abonnement en circulation étant devenu très-considérable, l’administration,désireusede se dégager de la dette qu'elle a contractée envers ses abonnés, les prévient qu’a dater du mois de juin 1800, ces primes n’auront plus aucune valeur : le nombre des séances qui auront lieu jusqu’à cette époque est assez considérable pour que l’administration se croie suffisamment autorisée à prendre cette mesure, sans avoir à craindre de léser le droit des abonnés.

On les invite, en outre, à se rendre à huit heures précises aux séances. Le dérangement, le trouble qu’occasionne tou.-, jours l'arrivée dos retardataires, forceront à ne plus aecû(\Ul|r; personne après huit heures et un quart.

CONTROVERSE.

Dans un des derniers numéros du journal (1), nous avons mis en doute la sincérité et les facultés de quelques médiums : nos observations ont choqué quelques spiritualistes que nous étions loin d’accuser. Est-ce que déjà ils seraient devenus intolérants comme des dévots ei ne pourraient supporter une objection ? On les croit trop confiants, on le leur dit, la vanité leur fait croire à une injure; on n'est pas niais cependant, parce qu’on ne prévoit ou qu’on ne découvre pas tout, parce qu’on n’a pas la clairvoyance de tout le monde , oulascience universelle... De la vanité blessée à la violence ou à la menace , de la menace à la grossièreté, il n’y a pas loin ; la pente en étant trop glissante même pour des spiritualistes, la menace est donc venue sur leurs lèvres, et l'on nous a presque sommés de nous arrêter dans la voie que nous avons choisie... C’est le pire des moyens, on ne nous empêchera point de soutenir notre dire, car c’est un devoir de repousser le mensonge. Est-ce qu'en Amérique plusieurs médiums renommés

(1) Voir le 10 septembre, n° 05.

tome XVIII. — N® 09. — 2* Sérih. - 10 Noveume 1850. SI

ii'onl pas avoii'î publiquement leur félonie, cl. racnnlé lis moyens dont ils s’étaient soi vis pour abuser de la crédulité publique? Est-ce qu’ici inèine plusieurs de ces instruments vicieux que nous pourrions nommer, nel'urent point démasqués? Tout cela devait être et est encore. J’ai vu de mes yeux des fraudes abominables. Est-ce donc à dire que des faits vrais n’existent point, et qu'il faille rejeter l'ensemble des phénomènes qui nous ont été présentés? Telle n’est pas notre pensée; mais nous dirons à beaucoup d’admirateurs passionnés de ces phénomènes si propres par leur nature à troubler la raison : la vérité nouvelle ne va point à votre génie ; vous pouvez bien comme moi la sentir, mais comme moi aussi vous êtes impropres à la mettre en lumière. Pour justifier notre jugement, nous ajouterons : comme des enfants à peine sortis du sein de leur mère, vous avez voulu vivre sans allaitement, en rejetant ou abandonnant l’agent de toutes ces merveilles, le magnétisme, et au lieu de poursuivre avec cette lumière l’étude des faits nouveaux offerts à l’observation , vous avez marché un bandeau sur les yeux , vous élançant dans un monde inconnu, sans tenir compte des défaillances d’une raison que rien ne guide. Il est arrivé que beaucoup d’entre vous ont perdu le sens commun. N’avez-vous pas vu le malheureux Ilennequin écrire un livre dicté par l’âme de la terre ? Un autre encore que nous ne nommerons point, s’entretenir familièrement avec la Vierge immaculée? N'avons-nous pas aujourd'hui même, sous les yeux, un spiritualiste plus avancé, qui promène partout l’influence divine qui l’obsède, triste expiation de son incrédulité et d’expérimentations inconsidérées?... Témoin chaque jour du délire de certains hommes, et la liste en est nombreuse, nous nous affligeons de chutes si soudaines , et voyons avec douleur l'affaiblissement d’intelligences qui jusqu'ici avaient brillé. Vous nous accusez d'un spiritualisme douteux, parce que nous n’avons point avec excès fait tourner des tables , ni tourmenter des guéridons, ni crayonné des rames de papier, parce qu’enfin nous n’avons point partagé votre folle ivresse! Ne serions-nous donc qu’un néophyte,entrant daus

la carrière avec les préjugés de l'école ou ceux de l’ignorance, nous qui, le premier, avons levé l'étendard nouveau et appelé les hommes de noire époque à l’étude de forces et d’agents inconnus? Qui, le premier, livra la liste des miracles nouveaux à la publicité ? Nous perdîmes cent de nos abonnés pour avoir obéi à la loi que nous nous étions imposée ? Nous avons fait mieux que voir, nous avons produit ; les uns nous trouvèrent alors téméraire ou crédule, d’autres trop tiède. Mais plus prudent que vous, nous avons su résister à la fascination de l’inconnu, et nousnous sommes arrêté pour considérer. L’immensité était ouverte devant nous ; les œuvres de nos mains et de notre intelligence nous paraissant effrayantes, loin alors de nous jeter à corps perdu dans ce que nous ne connaissions point, nous eûmes du moins cette sagesse de reculer d'un pas. Il nous eût été facile de faite des fanatiques et des insensés, il eût été à craindre que nous le devinssions nous-môme, c’est ce que nous voulûmes éviter : le fanatisme ne servit jamais à l’édification des sciences.

Nous pouvons maintenant, Messieurs, vous dire hardiment : Vous êtes comme M. Jourdain, qui faisait de la prose sans le savoir ; quand vos faits sont réels, ils appartiennent à la magie ; ils sontle résultatde l’agent que vous méconnaissez, lequel, par sa nature, se soude aux invisibles ; et comme le travail de votre esprit n’est point dégagé de vos erreurs et de vos préjugés, vous ne sauriez d'ailleurs faire ce travail d’alchimiste, il arrive que vous vous répondez à vous-mêmes et que vous n’obtenez plus qu’un incohérent assemblage d’ombre et de lumière, qu’un mirage trompeur bien propre à troubler l’entendement.

Croyez-vous donc, Messieurs, que si nous jugions le temps opportun, nous ne saurions sans table, sans corbeille et sans médium, comme vous prendre la parole, mieux même encore justifier du principe devenu méconnaissable dans vos théories ? Nous jugeons mieux que vous des hommes de notre époque , et si nous nous taisons, c’est parce que nous n’avons adonner qu’un trop vague sentiment, une intuition irop confuse, des conséquences que ces merveilles renferment, en

place des claires vérités que réclame l'humanité.Nous voulons montrer en outre que notre orgueil ne va point jusqu’à vouloir escalader le ciel et égaler les profonds génies de l’antiquité; nous voulons indiquer à ceux qui nous suivent en pensée que pour marcher en avant, ils doivent attendre que quelque découverte se soit faite en magnétisme, car la loi trouvée n'est pas complète. Jusque-là on doit craindre de tomber dans les égarements du spiritisme et d'être le jouet de fausses apparences et de faux médiums.

Baron nu Potet.

CORRESPNDANCE.

Mâcon, novembre 1859.

Mon cher maître,

Je ne reçois jamais votre Journal du Magnétisme sans éprouver une agréable émotion. Je le considère comme le digne réceptacle d’une vérité qui ne tardera pas à prévaloir , et celte vérité triomphante opérera dans le monde intellectuel ce que l’électricité et la vapeur ont opéré dans le monde matériel; elle unira tous les peuples dans une mfyne croyance.

Je coupe les feuilles de votre journal avec une fébrile impa- ' tience, et je me dispose à les lire comme le vieux soldat aime à caresser une arme dont il s’est longtemps servi et à l’aide de laquelle il a non-seulement combattu, mais remporté quelques victoires. Nombre de fois, mon ancienne ardeur se réveille et je me sens entraîné de nouveau dans la lice ; mais, en présence des vigoureux athlètes qui sont restés sur la brèche, j’ai la prudence de m’abstenir. J’admire votre infatigable collaborateur M. S. Morin ; je ne partage pas toujours son incrédulité magique et spirilualiste, mais je la comprends et je l’approuve.

Parfois en lisant cet axiome d’un nouvel initié : n’admettant pas te fluide magnétique, c'est déclarer que le magnétisme n’existe pas, je me sens pris, de l’envie de

lui demander quel rôle il fait jouer à ce fluide dans les phénomènes psychiques du somnambulisme ; puis je jette la plumeen réfléchissant qu’il y a tant de choses à écrire pour et contre, qu’il faut attendre encore pour poser un principe incontestable qui réunisse toutes les opinions.

Je ne vieiis donc pas aujourd’hui réveiller cette vieille lutte où brilla jadis mon honorable confrère le docteur Per-rier, je viens exposer quelques faits à l’appui de la transposition des sens. Aucun des docteurs passés et présents ne fut plus incrédule que moi en fait de lucidité somnambulique. Je ne craignis pas d’écrire, en 1840, dans un livre dont je voudrais pouvoir déchirer une page : « Les magnétistes affirment « qu’une somnambule lucide peut voir sans les yeux, enten-« dre sans les oreilles, goûter sans les organes du goût ; « mais, pour admettre des faits si contraires aux lois de la « nature, il faudrait non-seulement les voir, mais les tou-« cher, c’est-à-dire les obtenir soi-même. » Et quelques mois après je voyais et je touchais. Ces merveilleux phénomènes m’apparaissaient aussi évidents que la lumière.

Dans le dernier numéro de votre intéressant journal, je vois avec joie qu’une nouvelle société, qui s’intitule Médico-psu-chologiquc et qui se compose de médecins consciencieux, ne dédaigne pas de s’occuper des plus étranges phénomènes du magnétisme et Tle la catalepsie. Nous ferions une grande brèche à nos connaissances, dit Cun d'eux, M. le docteur Ferrus, si nous refusions d'admettre tout ce que nous ne pouvons expliquer.

M. le docteur Cerise, dont le profond savoir est apprécié de tous ses confrères de province, rapporte des faits incroyables qui n’excitent nullement l’incrédulité et encore moins l’anathème de l’assemblée. Pour corroborer ces faits, M. le docteur des Etangs raconte le cas intéressant d'une dame voyant sans le secours des yeux, et ses collègues l’entendent avec un vif intérêt.

La première fois que j'ai pu constater cette étonnante faculté de voir sans le jeu des organes de la vue, j’étais encore nnti-mugnétiste. Ayant dans un cas grave administré une

dose assez considérable d’extrait d’opium à une personne, je la vis tout à coup entrer, sous l’influence de ce médicament, dans un état de lucidité des plus merveilleux. Elle distinguait tout ce qui se passait dans la rue quoique couchée dans -le fond d’une alcôve au deuxième étage. Tous les objets que je touchais sous son lit, clef, lancette, pièces de monnaies étaient désignés à l’instant même. M. le curé de Saint-Lau-rent-les-Jlàcon, qui peut attester ces faits, appelé à cause de la gravité de l’affection, surpris de cet étrange phénomène, passa dans une pièce voisine et ne put toucher un objet, même faire un geste sans que la crisiaque ne l'indiquât avec exactitude.

Je crois que dans le cas il y avait réellement vision et non intuition, deux choses assez distinctes et que l’on confond trop souvent. Ainsi, lorsqu’on fait voyager une somnambule qui décrit des lieux, un appartement qu’elle n'a jamais vus, mais que son magnétiseur connaît, il y a plutôt intuition par suite de communications de pensées que ««¿on réelle, puis-qu’aussitôt qu’elle est conduite dans des lieux inconnus de ceux avec qui elle est en rapport, elle commet toujours une foule d’erreurs.

Cette même crisiaque , devenue plus tard somnambule lucide, présenta la vision par l’épigastre, avec des caractères tellement tranchés, qu’on ne pouvait plus dire elle lit plutôt dans la pensée de son magnétiseur que sur le papier. Ainsi, prenant une feuille de papier, j’écrivais une phrase de mon écriture habituelle et j’appliquais l’écrit sur l’épigastre de manière que, même en supposant une supercherie , les yeux ne pussent voir. La crisiaque épelait chaque mot et finissait par lire ma phrase avec une certaine peine, mais si j’écrivais en grosses lettres, elle lisait couramment sans épeler. Si j’employais des lettres majuscules bien espacées, ou le titre d’un livre quelconque, la lecture en devenait aussi rapide que dans l’état naturel. 11 y avait donc réellement vision. Le grand sympathique qui joue un si grand rôle dans la région épigastrique remplaçait les nerfs optiques et la rétine,

Transposition merveilleuse trop souvent observée pour être mise en doute.

J’avais déjà observé, bien avant l’époque où je m’occupais de magnétisme, un fait fort singulier de transposition d'un sens à l’épigastre sans magnétisation préalable et sans ombre de somnambulisme, soit naturel, soit artificiel. Je soignais un jeune homme, M. Guy, du Morez (Jura) , qui présentait à l’épigastre une fistule sous-diaphragmatique par suite d’un abcès. Cette fistule pénétrait à plusieurs centimètres de profondeur, et, depuis un an qu’elle existait, ne paraissait pas devoir se cicatriser. J’eus recours à des injections avec l’iodure de potassium , mais le liquide n’eut pas plutôt pénétré dans la plaie que le malade se plaignit du mauvais goût de ce médicament. Voulant m’assurer si, en effet, il percevait les sensations qui n’appartiennent qu’aux sens du goût, je fis divers essais qui me prouvèrent que le malade goûtait réellement par sa fistule. Ainsi, injectant sans le prévenir de l’eau sucrée, il la reconnut de suite , disant : Voilà une agréable injection, elle est douce comme du miel. Employant une autre fois à son insu de l’eau vinaigrée, il s’écria : En voilà une qui serait bonne en salade. Les divers vins, les diverses liqueurs injectées étaient appréciés comme s’ils eussent été introduits dans la bouche.

Quelques confrères , auxquels je fis part de ce singulier phénomène, le trouvèrent très-étrange, mais pouvant à la rigueur s’expliquer par une irradiation des nerfs du goût jusqu’au plexus solaire en rapport avec la fistule. Si le malade eût été magnétisé, ils ne se seraient pas donné la peine de chercher une explication, ils eussent nié le fait, accusant le malade et le médecin d’ètre compères et de vouloir se jouer de leur crédulité.

Depuis que je me suis occupé de magnétisme, j’ai obtenu presque à volonté la transposition des sens sur tous mes somnambules lucides. Ainsi on plaçait dans le creux de la main de M"‘ Marguerite ou de M. Catelat quelques gouttes d’un liquide quelconque, et la perception du goût et de la îialure de ce liquideétait aussitôündiquée, et comme preuve que cette

perception était réelle et non le reflet de ma pensée, je laissais aux étrangers à choisir à mon insu les liquides qui devaient servir aux expériences. Tous les magnôtistes tant soit peu favorisés ont pu fréquemment constater ces étonnanles transpositions des sens.

En présence des merveilleux phénomènes qui se succèdent et que détermine presque à volonté le magnétisme, il est bien de voir une société de médecins s’en occuper sérieusement ; c’est pourquoi nous applaudissons aux fructueux efforts de la nouvelle Société riiédico-psijc/iologiqtic.

Je présente mes salutions les plus amicales à notre infatigable et excellent baron du Potet.

P. C. Ordinaire,

Doctour-médeclD.

Màcon, 1er novembre 1859.

MAGNÉTISME ET PHRÉNOLOGIE.

Le magnétisme, en dehors de ses applications connues, devenues presque vulgaires, peut, par son alliance avec les autres sciences, devenir une source des plus fécondes en résultats utiles pour le progrès moral des sociétés. Aussi est-ce avec la plus grande satisfaction que nous avons reçu la communication suivante que nous transmet un de nos abonnés. Ses essais, l’idée n’en est pas nouvelle, mais avait été négligée, ont besoin sans doute d’être répétés et confirmés pour être acquis à la science ; mais il puisera dans ses premiers succès, bien mieux que dans nos encouragements, l’énergie nécessaire pour les poursuivre et les développer. Est-il bien certain cependant que la phrénologie soit, comme il le croit, indispensable pour la production des faits qu’il relate ? Voici sa lettre :

17 octobre 1859.

« Monsieur le baron du Potet,

« Jeprendslaliberté de proposer à votre expérience l’étude

d'un fait qui, selon moi, serait du plushaut intérêt pour l’humanité, si le monde voulait y prêter attention et la bien suivie. Je m’adresse à vous de préférence pour contrôler mes expériences, ayant remarqué dans tous les ouvrages que vous avez fait paraître jusqu’à ce jour, que votre désir sincère est le bonheur de l’humanité.

« La phrénologie est indispensable pour la nouvelle application que je propose du magnétisme, application qui ne tend à rien moins qu’à annihiler ou tout au moins diminuer l’influence des passions mauvaises dans l'individu. Voici mes expériences etmes procédés : Si c'est un homme âgé, j’exerce ma puissance sur les facultés que je veux développer ou que je veux annihiler. Si je veux faire naître une faculté qui n'est qu’en germe ou développper une vertu, je magnétise cette faculté les doigts en pointe et en attirant en haut; si, au contraire, c’est un vice que je veux anéantir, je presse sur cette faculté. Cette magnétisation est faite après, au préalable, avoir fait une invocation à l’Espritde lumière et de vérité, afin qu'il me donne la puissance et la force de produire ce que je désire. J’ai essayé sur un homme de 60 ans ; il avait la tête déprimée et bosselée en divers endroits. Je l’ai rectifiée dans vingt-deux ou vingt-trois facultés, etj’ai fait disparaître en entier toutesles dépressions et les bosses qu’il avait; seulement, pendant dix-huit mois après la magnétisation, il a éprouvé de fortes crises pen • dant lesquelles ses défauts se sont fait jour comme auparavant, à la différence qu’il était impuissant à les satisfaire; puis il est devenu tout à fait calme. J’opérais de trois à quatre minutes, surchaque faculté, par jour, pendant un mois. Par ce moyen, j’ai même sauvé du suicide trois individus qui m’ont plus tard avoué leurs sinistres pensées. Ces tentatives seraient plus fructueuses sans doute sur des enfants qui n’ont point encore connu le vice; mais oùl’ou obtiendrait des succès vraiment merveilleux, ce serait sur des enfants encore dans le sein de leur mère : six ou huit magnétisations d'une minute suffiraient pour obtenir le résultat. Dans ce cas, je mets les deux mains à plat sur le ventre delà mère sans la toucher, avec la volonté de. communiquer au fruit qu'elle porte

les facultés et les vertus que je désire. Je ne puis encore cous dire si le succès est infaillible, attendu qu'il y a encore trop peu de temps que j’ai expérimenté : je n’ai eu jusqu'ici l’occasion d’essayer que trois fois. Le premier sujet a six ans, le deuxième, quatre, et le troisième est né de la semaine dernière ; toutes les apparences semblent, pour les deux premiers, justifier ce que j’attendais d’eux. Un même phénomène s’est produit sur les trois enfants sur lesquels j’ai agi i le crâne était ouvert de l’avant à l’arrière et sur les côtés, le cerveau étant plus développé : ceci ne doit point effrayer ; cinq ou six magnétisations d'une minute, de deux jours en deux jours, suffisent pour le remettre à l'état normal. Je pense que vous vous êtes déjà fait la réflexion que toutes les mains ne seraient pas bonnes pour agir. Les hommes à passions, les hommes légers doivent être mis de côté ; il fautpour opérer des hommes vertueux et animés du vrai désir de faire le bonheur de l’humanité : ceux qui seraient, dans ce cas, les plus aptes seraient les maris. Pour le dernier enfant sur lequel j ai opéré, j'ai eu la pensée de lui donner la véritable beauté physique et morale, et je puis vous attester qu’au physique il parait mieux que ses frères et sœurs. Je pense même qu’on pourrait rendre l’enfant plus heureux et pour ainsi dire lui changer sa destinée, en appelant sur l’enfant les bons Esprits qui président au moment de la conception, ceux qui régnent au moment où il prend vie et ceux qui régnent au moment où il naît, pour descendre sur lui, le bénir, et éloigner pour toujours les Esprits contraires.

« Je vous prie, monsieur le baron, de prêter un peu d’attention aux faits que je vous signale si vous les trouvez dignes d’examen, et de vouloir bien m’en écrire un mot pour me dire ce que vous en pensez.

-(Recevez, monsieur le baron du Potet, l’assurance de ma hante considération.

« A. Faiaize. »

FAITS ET EXPÉRIENCES.

Nous trouvons; clans le PublictUcur de Lomriers, du 0 octobre courant, la relation suivante :

«Mon vieil ami.

«Je quitte Paris à l’instant môme, et c’est sous l’empire de l’impression enivrante de la vélocité d’un train express que je vous écris ces quelques lignes,

« La locomotive, volcan mobile aux entrailles de feu, dévore l’espace en jetant parfois ce cri lugubre que vous connaissez et faisant retentir les échos de ce mouvement strident et saccadé qui l’anime: feu, fer et eau !...

« Hélas ! si nos pères pouvaient pour quelques instants s’affranchir de leur éternel sommeil, leur surprise égalerait leur terreur et ils verraient aujourd’hui ce que peut la science humaine.

« Vapeur ! électricité ! magnétisme ! ! Vous serez bien sus-pris, mon ami ! en lisant ce dernier mot écrit par moi : Magnétisme ! science obscure que j’avais commencé à étudier et que j'ai abandonnée, le doute s’étant emparé de mon cœur.

o Cette science, encore en chantier, progresse bien lentement malgré la persévérance de quelques hommes de cœur répétant tout bas la profession de foi secrète de Galilée : « La terre « tourne cependant. » Peut-être cache-t-elle des vérités sublimes, qui, en affermissant notre foi chrétienne, nous feront adorer avec plus de ferveur encore le souverain Maître de toutes choses.

a Vous comprenez, mon ami, qu’emporté avec une rapidité de hO kilomètres à l’heure, ayant dcvantles yeux ces filsélec-triques sillonnant la ligne, aussi rapides que la pensée, puis songeant que tout ceci, il y a trente ans à peine, était presque inconnu, je dois bien humblement partager l’avis de notre illustre savant Arago, qui affirmait qu’il y avait bien peu de chose dans le domaine de la science qu’on dût nier à priori.

Or le magnétisme est aussi une science, et c’est pour vous raconter une petite aventure personnelle y ayant trait, que je vous ai jeté à la bâte ces lignes écrites sur mon carnet de voyage.

«Nous entrons sous un très-long tunnel, l’obscurité succède au soleil splendide qui rayonne au dehors, et cette course effrénée, souterraine, prête vraiment au recueillement.

«Vous me connaissez, je crois, assez pour avoir foi en mes paroles, vous savez que si j'ai étudié quelque peu le magnétisme, je me suis aussi entouré d’écrits qui le discutent ou le nient, et que comme beaucoup d’autres penseurs je cherche la vérité.

« Vérité confuse au miroir dépoli : 011 doute aujourd’hui, on est croyant demain.

h Voici le fait :

«Jusqu’alors je n’avais pas vu de séances expérimentales de magnétisme. J'assistai donc hier au soir pour la première fois, grâce à la bonno volonté d’un ami, à l’une de ces séances gratuites rue J.-J. Rousseau, 12, chez .\1"° Nidelay, somnambule dirigée par M. Etienne Join, magnétiste jeune encore, élève du célèbre baron du Potet.

« L’ami désigné plus liant, M. G...... et M“' de...... l’une

de mes parentes, avaient voulu m’accompagner.

« La réunion était nombreuse, 40 personnes environ hommes et dames. Néanmoins je me divertissais peu ; M. Etienne mettait pourtant beaucoup de bonne volonté, ses démonstrations étaient réellement sincères, et quelques expériences enfin parurent offrir quelque intérêt. Le silence était complet.

« Placé derrière un rang de personnes assises comme moi, je remarquai, en passant mon regard entre deux têtes, une dame modestement vêtue, au visage pâle, aux mains blanches et effilées dénotant une de ces natures impressionnables sur lesquelles le magnétisme doit indubitablement produite quelques effets.

« Je vous l’ai déjà dit, je connais un peu cette science, quelques essais assez heureux avaient sinon dissipé mes doutes,

du moins m’avaient donné à penser. Une idée subite me traversa l’esprit : il me prit envie d'agir sur cette daine qui m’était complètement étrangère.

« Placée à quelques pas en lace de moi et séparée par l'intervalle occupé par le magnétiseur et sa somnambule, je n’avais pu lui adresser la parole, et c'est à peine si son regard flottant se porta une fois ou deux sur la rangée de personnes au milieu desquelles j'étais confondu: toute son attention était d’ailleurs portée sur les expériences qui se faisaient assez près d’elle.

> Si le magnétisme possède l’influence qu’on lui attribue, me dis-je in pclto, je dois avec de la volonté produire un effet quelconque sur cette dame.

« A l'insu de tous, par la volonté et le regard seulement, je me mis à agir mentalement.

« Dix minutes, un quart d'heure se passèrent sans obtenir de résultat : j’allais y renoncer.

« Tout à coup je la vis passer une main, puis l’autre sur scs yeux, pour combattre, à ce qu’il me parut du moins, un commencement de sommeil. Un léger Iressalllement flefveux la saisit, elle ferma les yeux pendant une minute environ, puis les rouvrit aussitôt. Pour dissiper la vagiie impression qu’elle éprouvait, je le pensai ainsi, elle se leva subitement et vint se placer à un piano où elle se mit à jouer quelques pollcas.

« Je me crus battu, et riais intérieurement des mes essais infructueux : Science, me dis-je, ou plutôt folie, tu es donc un mensonge !

« Les polkas continuaient sous ses doigts effilés, on venait de mettre la somnambule en extase. Tout se passait avec le décorum le plus parfait, explications données, audition dévorante des spectateurs, silence interrompu parfois par des demandes et des réponses.

« Le piano était placé dans l’un des angles de l’appartement à ma droite, conséquemment la dame en question me tournait le dos, et entre nous deux, tout le long de la muraille à laquelle j'étais adossé, il y avait 7 à 8 personnes exclusivement occupées à regarder le magnétiseur et son sujet.

i Je l’avais vue combattre un sommeil naissant qui me parut sinon naturel au moins assez étrange ;et, ne pouvant me débarrasser de mon idée fixe d’agir sur cette dame (je voulais avoir le cœur net d’un doute et d'une vérité si souvent niée), je me recueillis de nouveau, parce que l’âme n’est forte qu’en concentrant ses iacultés, el mentalement encore je me mis à agir.

« La sensation que j’éprouvais moi-même était étrange, indéfinissable, un frisson me parcourait le corps, il me semblait sentir, chose singulière, des étincelles électriques jaillir de mon cerveau.

« Soudain, la main gauche d’accompagnement s’arrête sur les notes graves, la droite tombe inerte, la dame s’affaisse sur son siège, on s'empresse autour d’elle ; les questions se précipitent: « Qu’avez-vous ? vous trouvez-vous mal ? » Nulle réponse !

« On s’approche d’elle pour la soutenir, on l’entoure.

«M. Nidelay, père de la somnambule qu’on vient d’asseoir sur un fauteuil, s’approche avec le magnétiseur, et j’entends avec un battement decœurinexprimableprononcercesparoles d’une façon assez courroucée : « Messieurs, quelqu’un ici a magnétisé cette dame à son insu, c’est très-mal cela ; que la personne qui a commis cet acte se nomme, sinon qu’elle se retire. »

«Des mots approbatifs et improbatifs se succèdent. J’étais le coupable, j’eus la force de me taire cependant.

« Eh bien I messieurs, dit le magnétiseur, si c’est ainsi, puisque la personne n’a pas le courage de se faire connaître, je vais achever de magnétiser madame, et elle nous désignera elle-même celui d’entre vous, messieurs, qui l’a magnétisée.

« Bravo ! très-bien ! exclama-t-on de toutes parts.

« O amour de la science et de la vérité, ceux qui te comprennent apprécieront ma conduite en cette circonstance et se rendront compte du mouvement de satisfaction etd’orgueil qui me traversa l’esprit.

« Froid, impassible, j’attendis avec quelque peu d’anxiété.

il faut le dire, le fait étrange que par intuition je sentais devoir se produire.

« On ne pouvait rien lire sur mon visage, je m’étais assis. Personne, je vous l'affirme, n'avait pu deviner mes intentions.

« En effet, par quelques pusses, le magnétiseur achève d’endormir le sujet.

« Comment vous trouvez-vous? lui demanda-t-il.

« — Bien !

« — Vous êtes sous l’influence du sommeil magnétique ?

« — Oui 1 !

« — Cette influence vous l’avez subie à votre insu?

« — Oui ! ! !

« — Pouvez-vous désigner la personne qui vous a inagné-« tisée ?

« — Oui ! ! ! ! »

h Chaque point d’exclamation exprime ce que j’éprouvais, mon cœur et ma poitrine craquaient, je ne savais si j’étais sous l'influence d’un rêve stupéfiant ou sous le poids d’une hallucination indescriptible.

« — Désignez la personne.

« — C’est, dit-elle d’une voix lente et faiblement accentuée, s ce monsieur qui est près de la porte et qui a de la barbe. »

« Ses yeux étaient fermés, son bras était fixé vers moi.

« J’avais deux dames à droite, à gauche était ma parente, devant moi deux messieurs sans barbe, qui s’étaient retournés en se levant.

« — Le magnétiseur vint droit à moi : « C’est donc vous, monsieur? me dit-il.

« Des murmures se manifestaient déjà, tout le monde me regardait.

« — Oui, répondis-je avec autant de franchise que de fermeté, c’est moi, monsieur : depuis hier seulement à Paris que je n’habite pas, j’assiste pour la première fois à une séance expérimentale de magnétisme. J’v croyais peu, pour ne pas dire point ; mais le fait qui vient de se produire est tellement singulier, que je serais vraiment l'ou d’en nier l’évidence. Je vous

ie répète, je suis étranger, je cherche la vérité et je ne puis être accusé de compérage.

« — S’il en est ainsi, monsieur, me répondit M. Etienne avec la plus aimable courtoisie en me prenant la main, venez; vous avez magnétisé madame, c'est à vous de l’éveiller, et je suis vraiment heureux que vos essais aient aussi bien réussi ; il faut que vous soyez doué d’une bien grande force de volonté ; ces cas sont rares sans doute, mais aussi par cela môme assez concluants pour la science du magnétisme. Venez I »

«Je m’excusai sur mon peu d’expérience et lo priai do me remplacer) il n’en voulut rien faire. 11 m’enseigna le moyen de dissiper le sommeil magnétique, moyen que déjà je connais un peu.

«Pour la première fois, et en public surtout, je me sentis ému. Cependant je pris les mains de la dame; et, après quelques minutes, car mon imagination galopait sans relâche, je parvins à l'éveiller. Je la questionnai, mais elle n’avait plus conscience de ce qui s’étaitpassé. Je lui fis mes excuses ; puis, m approchant de M. Etienne : — Pouvez-vous me dire le nom de cette dame? lui demandai-je tout bas.

« — Oui, me répondit-il, c’est l’épouse de M. L...... docteur en médecine, rue St..., n°.....Cette dame a déjà été fréquemment magnétisée par son mari et par moi, c’est un sujet d’étude fort précieux. Quant à son mari, ile3tlàetne dit mot. Comme tous ceux qui s’occupent de magnétisme, rien ne l’é-tonne ; il observe, il étudie beaucoup, et a fait essayer maintes fois sur lui-même les effets du magnétisme pour s’en Tendre compte.

« Ce petit événement passé, on continua les expériences. J’en vis de fort singulières, notamment d’extase et d’insensibilité complète, qu’il serait infiniment trop long de vous narrer. D’ailleurs j’ai vu, touché, expérimenté moi-même : car, à la soirée, qui se termiua à minuit, et si je vous racontais ce que j’ai vu, vous me croiriez à peine.

« Cependant, pour le fait qui m'est tout personnel, je vous affirme sur l'honneur qu'il est vrai et je suis convaincu d'a-

vance qu’il ne vous viendra à l’esprit aucun cloute sur sa véracité.

« L’impression qu'il a produite sur moi est loin d’être fâcheuse ; car, rentré dans mon appartement, je me prosternai et priai Dieu avec ferveur.

« J’aime lascience pour la science, je vous l’ai déj:\ dit quelque part, et jesuisloin d’être partisan du charlatanisme : mon âge exclut d’abord touteequi peutillusionnner, vous connaissez mon caractère observateur, froid et positif.

« Voilà, ô mon ami ! ce que j’ai écrit sur mon carnet, en dévorant l’espace avec mon coursier de feu.

« Faites de cette lettre ce que bon vous semblera.

« Recevez, etc. ***• »

SPIRITUALISME ET SOMNAMBULISME.

Depuis qu’à la voix de l’Éternel, le monde est sorti du néant, et que la lumière s’est faite pour permettre ensuite à l’homme de voir et d’admirer les merveilles de la création, un grand mystère plane et planera sans doute jusqu’à la fin des siècles sur toute la nature. Mais si ce mystère doit toujours rester impénétrable aux plus profondes spéculations de l’esprit humain, puisque les efforts réunis de tousles hommes et de tous les temps ne sauraient soulever le voile qui nous le cache, est-il à dire pour cela que nous ne devions pas chercher à en sonder la profondeur, afin de dissiper, autant que possible, les ténèbres qui nous environnent, et qui malheureusement nous empêchent d’avoir quelques notions précises sur l’essence de notre être? Ne sentons-nous pas d’ailleurs en nous un besoin irrésistible, impérieux de nous initier de plus en plus aux secrets de la vie, tout comme à ceux de la mort? Et ce besoin, qui sans cesse nous aiguillonne, ne nous a-t-il pas déjà conduits àd’admirables découvertes? Ne nous en fera-t-il pas faire de plus grandes, de plus admirables encore ?

Est-il dit enfin que nous n'ayons plus un seul pas à faire sur le terrain de l’inconnu? Non., bien loin de là, tout nous prouve au contraire que ce terrain va s’aplanissant de plus en plus pour nous, et qu’avec du courage, de la persévérance, nous finirons par le défricher en partie, si nous ne pouvons jamais le fertiliser entièrement.

Maisest-ceseulement la science, la sciencedel’écolc qui nous viendra en aide et nous permettra d'exploiter la plus riche, la plus féconde des mines? Grâce aelle, il est vrai, la sphère de nos connaissances s’élargit de jour en jour; et l'homme, ce roi de la création, par la seule force de son intelligence qui va toujours se développant, semble rivaliser avec la nature elle-même, et opérer d'aussi grands prodiges qu'elle : il parle par exemple, et sa voix peut être instantanément entendue d’un pôle à l’autre ! 11 n’a qu’àse présenter un moment, tenant un certain appareil, et il est pour ainsi dire dédoublé! 11 pense, et sa pensée prenant aussitôt un corps, une figure, est reproduite à l'infini pour que chaque être pensant, n’importe en quel lieu de la terre, puisse en faire facilement et légitimement son profit, etc., etc.

Cependant, malgré les progrès incessants de la science et les immenses avantages que nous ne cessons d’en retirer, malgré les merveilleux résultats de nos vastes, de nos hardies spéculations; malgré, enfin, les secrets que, par des efforts redoublés, nous arrachons de temps en temps à la nature, l’homme ne peut se connaître lui-même : il ne sait ni ce qu’il est ni ce qu’ildoit être un jour, si toutefois il doit être quelque chose ; et pourtant rienne peut l’intéresser davantage, car tout est renfermé pour lui dans cette question malheureusement insoluble : Que mis-je cl que serai-je !

Eh bien ! homme, il est peut-être un moyen de satisfaire ta légitime curiosité, de contenter ce désir ardent qui te domine, en un mot de te rassurer sur ton avenir. Nous disons peut-être, car, hélas! nous devons avouer que nous sommes encore nous-même dans le doute à cet égard, et que, malgré notre ardente foi au magnétisme, qui seul, empressons-nous enfin de le dire, peut nous conduire au moins sur le seuil de la vie fu-

turc, nous n'avons pu dépasser jusqu'à présent la limite qui nous sépare du spiritualisme. Est-ce aveuglement de notre part? Nous ne le savons. En tout cas, ce n’est point cette hv-crédulité »7Y/M0K/»i>quirejette, qui repousse tout quand même, car nous pesons, examinons, analysons tout ; et lorsque nous n’avons point le bonheur d’arriver à une solution satisfaisante, quand, en un mot, nous ne trouvons point la vérité au fond de notre creuset, nous 11e nous en prenons généralementqu’à la faiblesse de nos moyens d'investigation, et nous demandons alors à ceux qui y voient plus clair que nous, de vouloir bien, s’il est possible, faire briller la lumière à nos yeux.

C’est ce dont nous allons les prier à l’instant, car il nous semble qu’après tant de vaines discussions et de controverses à peu près inutiles, il serait bien temps non-seulement de s’entendre, mais do redoubler mutuellement d’efforts pour découvrir enfin ce qu’il peut y avoir de vrai dans le somnambulisme spiritualiste.

A cette fin, et pour notre compte, nous pourrions citer plusieurs de nos somnambules qui sont môme arrivés jusqu’à l'extase, et qui nous ont fait de magnifiques descriptions des lieux enchanteurs qu’ils parcouraient et dans lesquels ils paraissaient entrer en rapport direct avec des êtres de beaucoup supérieurs à ceux d’ici-bas, et qu’ils nommaient esprits, anges, etc. Mais, ne voulant point nous laisser éblouir par le prestige de notre pouvoir magnétique, et craignant en même temps que nos somnambules n’aient vu en réalité, par leseulre-ftet de notre pensée, que ce que nous désirionsqu’ilsvissent, nous préférons produire ici, pour plus de sûreté, une somnambule qui n’est point nôtre, et qui, tantôt à l’aide d’une table parlante, et tantôt de son propre fonds, a déjà écrit un ouvrage de métaphysique.

Mais il faut dire que c’est une personne fort instruite, et surtout imbue des idées de Swedenborg.

Elle est en outre magnétisée par son mari, qui est à peu près dans les mêmes principes qu’elle.

Dès qu’elle est mise en somnambulisme, ce qui a lieu presque instantanément, la clairvoyance médicale se déclare, car

c’est toujours dans ce but qu’on l’endort, et elle donne souvent de très-bonnes consultations. Ensuite elle ne voit plus rien de ce qui l’entoure, et bientôt elle plane dans les régions supérieures. Mais comme notre esprit, qui malheureusement se révolte toujours en pareille occurrence, ne nous a jamais permis de lasuivre dans ses pérégrinations extatiques, etque d’ailleurs il est impossible de vérifier si ce qu’elle voit et entend alors existe réellement, ou si ce n’est qu’une hallucination mentale, ou un trouble physique dû à la surexcitation de quelques-uns de ses sens, nous ne rapporterons point ici des choses, qui, au surplus, nous conduiraient trop loin , et nous nous contenterons de soumettre à l'examen consciencieux des spiritualistes une révélation qui nous a paru tant 6oit peu moins illusoire que les autres, et qui pourrait peut-être même se vérifier en partie. 11 est vrai que la preuve qu’on pourrait en acquérir serait bien faible quant au spiritualisme proprement dit, mais elle servirait au moins à constater une admirable clairvoyance en ladite somnambule.

Voici le fait :

Nousconsultions un jour pour un malade qui nous intéressait beaucoup, et la clairvoyante, après nous avoir prescrit ce que nous avions à faire, ajouta : — En tout cas, même sans ma prescription, et quoique le cas soit grave, vous parviendriez à guérir votre malade, car vous êtes dirigé dans cette cure par votre ange gardien.

— Par notre ange gardien ! Est-il donc bien vrai que chaque homme en ait un?

— N’en doutez point; et c’estau vôtre que vous devez d’être tellement porté à soulager la souffrance.

— Et pourquoi nous a-t-il inspiré ce sentiment plutôt que tout autre?

— Parce que c’était ce qui le distinguait lui-même dans sa petite ville, lorsqu’il était sur la terre.

—11 a donc aussi fait partie du genre humain?

—Certainement, et il ne pourrait être angegardien sans cela, car pour remplir une pareille fonction, c’est-à-dire pour guider les hommes en ce monde, il faut absolument y avoir passé

quelque temps soi-même. Au surplus, si vous le désirez, ajouta la somnambule, je vous donnerai quelques détails biographiques sur co bon ange, qui ne vous quitte pas un instant.

Curieux de savoir ce qu’avait été notre ange gardien ici-bas, malgré nos doutes à cet égard, nous acceptâmes avec empressement la proposition qui nous était J'aite, et prîmes aussitôt la plume pour écrire sous la dictée de notre extatique la petite biographie suivante :

« l'rançois Périer, né à Bayonno en 1712, était passionné pour 1 histoire naturelle, surtout la botanique. 11 étudia avec le plus grand soin la flore des Pyrénées et du midi de la France, et parvint à connaître la vertu d’une quantité de plantes. Comme il était médecin et rempli de charité, il traitait gratuitement tous les pauvres de sa ville natale. 11 n’a rien publié, vu qu'il consacrait tous ses instants à ses malades. 11 n a jamais été marié; il mourut en 1771, et longtemps après sa mort, beaucoup de pauvres familles bénissaient encore sa mémoire. »

Non plus qu’une infinité d’autres révélations de ce genre, ce que nous venons de rapporter n’est certes point suffisant pour nous convertir au spiritualisme; mais, ainsi que nous

1 avons fait observer plus haut, si ledit François Périer avait véritablement existé et tel qu’on le dépeint, on aurait une forte preuve de plus d’une clairvoyance si controversée jus-quàcejour; et nous, tout sceptique que nous sommes en cette matière, notre incrédulité serait quelque peu ébranlée, et nous accepterions peut-être, au moins en partie, ce que, à tort ou h raison, nous avons toujours cru devoir repousser.

Si donc quelques-uns de nos honorables collègues se trouvaient à même de vérifier le fait, et qu’ils voulussent bien s’en donner la peine, ils nous rendraient un véritable service en publiant le résultat de leurs recherches, fussent-elles in-fructueuses; car nous saurions au moins à quoi nous en tenir, non certainement quant à la clairvoyance magnétique en général, mais quant à celle de la susdite somnambule.

Quoi qu'il en soit, avant de reléguer dans le domaine dea

illusions ces rapports plus ou moins intimes, qui semblent quelquefois s’établir entre certains somnambules et des êtres invisibles; avant môme de nier entièrement que dans leur extase, qui serait alors vraiment divine, ils puissent approcher du trône de l’Ètre suprême, nous nous adressons aux hommes sensés et graves, c’est-à-dire à ceux de nos collègues qui, ayant assez d’empire sur eux-mêmes pour envisager de sang-froid ce qui exalte tout enthousiaste, et qui surtout 11e voulant ni se laisser tromper, ni tromper les autres, n'admettent ni ne rejettent cependant rien sans un mûr et sévère examen. Persuadé qu’ils s’empresseront de répondre à notre appel, et qu’ils réuniront leurs efforts aux nôtres pour élucider autant que possible l’importante question qui nous occupe en ce moment, nous espérons que, grâce à leur concours, le jour tant désiré ne tardera pas à luire, et qu’on saura bientôt enfin, dans le cas où il y aurait véritablement un autre monde, s’il nous est donné de nous mettre magnétiquement en rapport avec lui.

Charles Péreyra.

Varsovie, le 2S septembre 1859.

BIBLIOGRAPHIE.

EXPLICATION DES TABLES PARLANTES, des médiums, des Esprits et du somnambulisme par divers systèmesde cosmologie, suivi de la voyante de Prévorsl, par Gourr. — 1 vol. in-8, 1860, Gebsibr Baillièrb, éditeur.

Cet ouvrage traite d’une foulede matièresqui, sans doute, dans la pensée de l’auteur, sont reliées entre elles, mais dont le lecteur aura de la peine à saisir l’enchaînement. Les tables parlantes, les médiums et les Esprits forment l'objet principal : pour y arriver, l’auteur traite les questions les plus élevées de physique et de cosmogonie, rend compte des systèmesde plu-

sieurs savants célèbres etd’expériencesdu plus grand intérêt. Nous avouons, pour notre compte, trouver peu satisfaisantes les déductions à l'aide desquelles 011 passe de l'étber, de l'électricité, des propriétés essentielles de la matière, à la question des tables. Mais ces préliminaires, quand même on les considérerait comme un bors-d’œuvre, n’en constituent pas moins un ouvrage très-curieux et très-instructif. M. Goupy discute encore une foule de questions concernant la religion, la morale, l’éducation, le commerce, l’association, l’économie politique et sociale, expose des idées très-hardies et d’excellentes vérités : malgré la sympathie que nous inspirent la plupart do ses théories, nous regrettons de ne pouvoir le suivre sur ce terrain, et nous devons nous renfermer dans la spécialité de cejournal.

Tout le monde se rappelle la vogue prodigieuse des tables tournantes : pendant deux ans, on pouvait croire que toutes les têtes allaient tourner avecles tables. Depuis le salon aristocratique jusqu'à la chaumière, il n’y avait pas de réunion où l’on ne se livrât à cet exercice, la passion du merveilleux enflammait tous les esprits, chacun entrevoyait un monde nouveau ; les systèmes se croisaient, les brochures pleuvaient, tous les esprits étaient en fermentation : il n’était pas permis de rester neutre, il fallait que chacun, bon gré mal gré, prît parti pour ou contre les phénomènes nouveaux... Puis tout ce bruit s’est apaisé, l'attention s'est portée d’un autre côté, et les tables décimes de leur grandeur éphémère, destituées de leurs augustes prérogatives, ont été réduites à leurs usages vulgaires. Mais au moins de cette polémique ardente et longtemps prolongée, à laquelle ontpris part tant d’hommes intelligents, est-il sorti une théorie qui rende compte des phénomènes, qui en montre la loi, qui satisfasse l’esprit, qui enrichisse la science ?... Hélas ! non. Les problèmes n’ont point été résolus d’une manière satisfaisante, les faits restent toujours enveloppés de la même obscurité ; et si l’on a cessé de s’en occuper, ce n’est pas que l’esprit ayant atteint le but proposé, puisse regarder àcet égard sa tâche comme remplie, c'est que la mobilité de notre caractère nous a fait délaisser capricieu-

sement ce qui avait captivé notre curiosité. On conçoit bien que les gens superficiels n’aient pas prolongé indéfiniment une récréation devenue monotone : mais les savants n’ont-ils pas fait preuve de légèreté en délaissant des questions demeurées indécises, en n’appliquant, pas leurs efforts persévérants à la découverte de la cause secrète de ce3 faits singuliers? Le problème des tables se rattache h la physique, puisqu’il y a des mouvements inexpliqués ; à la psychologie, puisque l'esprit humain y joue un rôle anormal et bien digne d’être étudié; àlamédecine, puisque'l’état nerveux y subitdes modifications ; aux sciences magnétiques, puisqu’on y voit éclore des facultés semblables à celles des somnambules ; à la théologie, puisque les tables se donnant, dans beaucoup de cercles, comme les organes d'êtres surhumains, professaient des doctrines, tantôt conformes, le plus souvent contraires aux religions révélées, et qu'elles ont donné naissance au spiritualismo moderne qui depuis a grandi et tend à se constituer comme «ne religion nouvelle. Il y avait donc une mine féconde à exploiter pour la science ; et l’on doit savoir gré à ceux qui, comme M. Goupy, ne considérant pas le sujet comme épuisé on indigne d’intérêt, cherchent consciencieusement à l'éclairer.

M. Goupy rend compte des nombreuses expériences auxquelles il s’est livré : il rapporte beaucoup de dictées de tables; il incline vers la théorie des Esprits, et trouve, avec raison, qu’il serait consolant d’admettre que les personnes que nous avons aimées , et dont la mort nous a séparés, continuent de vivre d’une vie différente de la nôtre et peuvent se manifester à nous, entretenir avec nous de nouvelles relations, nous aider de leurs conseils. Toutefois, il ne considère pas cette explication du mouvement et du langage des tables comme solidement démontrée; il expose ses doutes, il raconte avec une entière bonne foi tout ce qui, à sa connaissance, peut confirmer ou infirmer cette hypothèse. « Comment, dit-il, soutenir contre ces faits (dont il vient de donner la relation), avec une certitude complète d’avoir raison , que toutes les réponses sortent de nos têtes? Quant à moi, je suis bien loin d'avoir

la certitude que ce sont les morts qui m’ont parlé, mais je le voudrais de tout mon cœur. Excepté lapremière expérience, où le nom de ma mère a fait courir un froid dans tout un côté de mon corps, ces convcrsations-là ne m’ont donné que du plaisir et ne m’ont laissé qu’un regret, celui de n’être pas sûr de n’avoir pas causé avec moi-même et mes compagnons d’expériences. (P. 108.).... Si l’on aune phrase, un mot dans la tète, la table l’écrit et n’est plus qu’un reflet de notre propre cerveau. 11 serait donc possible que toutes ces réponses 11e fussent que le résultat d’un travail involontaire, instantané , fait par toutes les personnes assises à la table. Dans ce cas encore, le phénomène est extraordinaire. U y a parfois une espèce de lucidité, puisqu’on devine le nombre de pièces cachées au fond d'une poche. Mais je ne puis me convaincre de la présence d’un Esprit. Si les expérimentateurs ferment les yeux, la table remue encore sous les doigts, mais ne trouve plus ni phrase ni mot. Elle est complètement inintelligente. Est-ce que l’Esprit a besoin de nos organes visuels ? Est-ce au contraire que nous seuls avons écrit et par conséquent dirigé la table? Enfin, sauf quelques exceptions qu’on peut mettre sur le compte du hasard, je n’ai jamais vu la table écrire des choses au-dessus de nous, des choses que nous ne pussions savoir ou au moins deviner. Donc ces phénomènes sont pour moi très-extraordinaires, mais 11e prouvent pas d’une façon certaine la présence des Esprits. » (P. 117.)

Parmi les faits que rapporte M. Goupy, comme en ayant été témoin, il n’y en a aucun qui 11e puisse s’expliquer par les mouvements inconscients : il cite, en outre, des relations étrangères où l’on voit des mouvements sans contact; dans une lettre de M. Tallmadge (des Etats-Unis), tout le monde s’éloigne de la table sur laquelle est assis le narrateur, la table s’élève en l’air, est suspendue à six pouces du sol, se balance quelque temps, puis redescend tout doucement à terre. (P. 125.) M. Goupy s’abstient sagement de se prononcer sur ce fait merveilleux, à l’égard duquel le doute est bien permis jusqu’à ce qu’on soit parvenu à le reproduire et à le soumettre à des vérifications régulières.

Si M. Goupy n'a pas réussi à dissiper tous les nuages qui enveloppent la question des tables, 011 peut dire au moins qu'il a réuni des documents importants qui seront utilisés avec fruit.

Son explication de la lucidité 11e nous paraît pas heureuse. A propos d’un cas où une somnambule a montré une clairvoyance extraordinaire, il s’écrie: «Qui pourrait douter que l'éther soit l’intelligence universelle, que chacun de nous y puise la sienne, et que, lorsqu’un magnétiseur ajoute un peu de ce qu’il en a à ce qu’en possède un somnabule, il y ait fusion de cette ration d’intelligence, devenue trop forte pour son corps, avec cet éther immense et indéfini qui, pénétrant tout, voit tout, quels que soient la distance et les obstacles? » (P. 201.) — 11 peut arriver que le magnétiseur ne sache rien de plus que ce que sait le sujet, et soit par conséquent incapable de rien ajouter à l’intelligence de celui-ci. Tel sujet, bien que magnétisé et somnambulisé, est encore très-inférieur en intelligence à une foule de personnes éveillées ; on ne peut donc prétendre qu’il y ait chez lui une ration (Cintelligence excédant la capacité d'un corps humain. Beaucoup d’individus deviennent lucides sans avoir été magnétisés et par conséquent sans qu’une dose d’intelligence extérieure ait fait déborder la leur. Enfin de ce qu’une personne, dans un état particulier, peut jouir de certaines facultés anormales et voir ce qui échappe à la vue ordinaire, 011 ne peut aucunement en conclure que cette personne sût fusionnée avec l’être infini ou ait reçu de luiune assistance surnaturelle, pas plus qu’on n'attribue de pareille assistance aux hommes qui s’élèvent au-dessus de la foule par des qualités extraordinaires. La lucidité des somnambules, bien qu'offrant quelquefois des résultats admirables, est bornée et sujette à une multitude d'erreurs : elle n’appartient donc qu’à un être fini et faillible, et l’on 11e peut y voir le cachet de la perfection divine. M. Goupy, qui repousse avec force les systèmes antro-phomorphites et les révélations miraculeuses, est tombé dans une étrange inconséquence en faisant intervenir Dieu en personne pour souiller les consultations aux somnambules qui,

celles, sonl loin (le se douter d’une pareille collaboration.

La roi/mile de Prcrorsl est célèbre parmi les extatiques: son histoire a été écrite en allemand par le docteur Justinus kei ner, etM. Goupy a eu l’heureuse idée d’en offrir un abrégé aux lecteurs français. Ce précis est extrêmement intéressant; on y trouve des prodiges de tout genre. La voyante prédit l’avenir, voit les choses éloignées; elle guérit des malades en leur prescrivant les remèdes convenables ; elle en guérit d’autres par son action directe, elle guérit notamment un individu qui avait un ver solitaire, par l'apposition prolongée de sa main gauche sur l’abdomen du malade. (P. 138.) Elle reconnaît au toucher une foule de substances qui ne causent au commun des hommes aucune sensation particulière, et qui produisent chez elle des effets très-divers et très-énergiques : ainsi le saphir lui inspire un demi-sommeil, les autres pierres de couleur l’agitent, le cristal la lire du sommeil magnétique, le grès la met en catalepsie, le sable lui roidittous les membres ; le sabot de l’élan lui cause des attaques d’apoplexie, la corne du chamois la calme ; le rayon violet du soleil dirigé par un prisme sur sa main la met en somnambulisme, le rouge en catalepsie ; la présence de la houille et de la marne lui cause une sensation brûlante, celle du plâtre des contractions au cœur ; le laurier la magnétise, le coudrier la démagnétise. Le coudrier tourne dans sa main et indique les eaux souterraines et les mines. Sa présence suffit pour mettre en mouvement une foule d'objets, notamment une cuillère d’argent se trouve un jour éloignée d’elle à travers les airs, comme emportée par des mains invisibles. (P. 316.) Elle ne peut supporter l’eau, et quand elle va pour se mettre au bain, elle est repoussée par une force mystérieuse, ce qui fait dire au narrateur que si elle eût été jetée à la rivière, elle aurait infailliblement surnagé. (P. 320.) Elle voit un grand nombre de spectres dont quelques-uns, tout en demeurant invisibles pour les autres personnes, manifestent leur présence par des signes évidents ; ainsi, lors de l’apparition de l’un d’eux, on entend une explosion, on voit les carreaux se briser, les meubles et les chandeliers se déplacer ; un autre spectre ouvre et

ferme violemment les portes, remue la vaisselle, bouleverse les piles de bois, frappe de grands coups sur la muraille et semble se faire un jeu de changer de place il chaque instant. (P. 337.)

Nous ne connaissons pas assez M. Kerner pour savoir jusqu'à quel point son témoignage peut être admis ; nous ne savons s’il a observé par lui-même tous les faits extraordinaires qu’il raconte, s’il s’est mis en garde contre toute chance d’erreur, si les hallucinations ne peuvent pas rendre raison d’une partie de ces prodiges. Mais nous regrettons qu’il n’ait pas songé à fortifier ses attestations par des procès* verbaux signés de témoins respectables et en état de bien observer. On ne peut rien nier à priori; mais quand il s’agit de faits aussi étranges , aussi contraires aux lois connues , on ne peut se contenter d'un seul témoignage.

A. S. Morjn.

AVIS.

A dater du 10 janvier prochain, 1 e Journal du Magnétisme paraîtra illustré de gravures au trait représentant des scènes de magnétisme prises dans l'ordre miraculeux et humain. Chaque numéro contiendra au moins une gravure.

Le prix d’abonnement ne sera point augmenté pour les abonnés qui renouvelleront avant la fin de l’année. Passé cette époque, le prix sera élevé de 2 fr.

Baron ou POTET, propriélaire-girant.

AVIS.

A dater du 10 janvier prochain, le Journal du Magnétisme paraîtra illustré de gravures au trait représentant des scènes de magnétisme, prises dans l’ordre miraculeux et humain.

Chaque numéro contiendra au moins une gravure.

Le prix d’abonnement ne sera point augmenté pour les personnes qui renouvelleront leur abonnement avant le 31 décembre 1859. Après cette époque, il sera augmenté de deux Francs pour chaque catégorie d’abonné : cette augmentation s’explique par les frais considérables que nécessitera la préparation des gravures.

Nous renouvelons l’invitation qui a été faite, dans le précédent numéro, de se rendre à huit heures précises aux séan-• ces. Le dérangement, le trouble qu’occasionnent les retardataires forcera à ne plus accueillir personne après huit heures et un quart.

Nous avons reçu quelques observations de nos abonnés au sujet du terme fixé pour l’extinction des primes du Journal. N’ai-je donc pas, dans ma vie, fait assez de sacrifices pour soutenir la vérité magnétique ?.... On ne peut exiger plus que les forces humaines ne comportent. Dire aujourd’hui ce que ces démonstrations qui durent depuis quarante années m’ont coûté de peines, de privations et de sacrifices d’argent sans jamais avoir trouvé, parmi les milliers de personnes que j’ai initiées au magnétisme, un seul être qui m’ait offert de me venir en aide près des gouvernements qui se sont succédé (1) : pourtant il s’agit de l’humanité tout entière! En présence d’une semblable indifférence, le dévouement le plus complet s’étonne et recule. Mettant à terre aujourd’hui un peu de mon fardeau, je regarde et considère les savants de mon temps, la génération à laquelle j’appartiens et je me dis : Epar-

(1) Je publierai dans le mois de janvier le mémoire que j’ai fait remettre, il y a deux ans déjà, à Sa Majesté Napoléon III.

Tomk XVIII. - N° 90. — a» Série. — as Noyeiwie 1850. âi

gnoiis-nous désormais des fatigues, ne semons plus que le champ que nous avons défriché ; que le grain que nous avons amassé ne soit plus jeté sur une terre ingrate, réservons la force qui nous reste pour guérir quelques malades. Si plus tard je fais encore quelques expériences, je choisirai mon public et ferai des invitations. Que ceux donc qui ont des primes à faire valoir en jouissent (1), car le temps approche où je ne serai plus îi la disposition du premier venu, comme je n’ai cessé de l’ètre pendant toute ma vie.

Baron du Potet.

(!) plus de trois mille cartes sont encore en circulation.

CONTROVERSE.

Nous avons rendu compte à nos lecteurs des tentatives auxquelles s’est livrée une commission dont nous faisons partie pour observer les phénomènes du spiritualisme ( n° du 25 juin, p. 313 à 317; n" du 10 juillet, p. 355). Nous n’avions que des insuccès à constater : le rapport de la commission , publié dans ï Union magnétique, a confirmé nos* affirmations et nos conclusions. Nous avons rempli notre tâche avec tous les égards et les ménagements possibles. L’honorable M. Mathieu, qui avait assisté à toutes les expériences, a adressé à M. lebaror. du Potet quelques observations sur nos articles (p. 353), mais il n’a nullement infirmé notre témoignage ni suspecté notre sincérité, et sa critique a été pleine d'urbanité et de convenance, et telle qu’on devait l’attendre d’un homme de bonne compagnie. On devait croire cette polémique terminée quant aux faits particuliers, sauf à reprendre l’examen de la question générale si de nouvelles expériences venaient apporter plus de lumières et donner un démenti aux conclusions négatives tirées des premiers essais. Mais malheureusement le directeur de la Revue spiritualiste, qui n’avait pas assisté à la séance la plus décisive, et qui ne s'était pas môme donné la peine de lire nos articles , est venu

recommencer un débat stérile et scandaleux sur des questions de personnes : ne pouvant se résigner à avouer une défaite, et ne comprenant pas que le silence était pour lui le parti le plus sage jusqu’à ce qu’il fut en mesure de présenter des laits plus significatifs, il a cru que l’insolence pouvait tenir lieu de bonnes raisons; s'attachant uniquement à des circonstances qui, en définitive, n’avaient aucune importance quant à la réalité et à la valeur des faits controversés, il nous oppose grossièrement ses démentis et se livre à notre égard à une polémique injurieuse. Nous maintenons la parfaite exactitude de toutes nos assertions ; niais comme nous n’avons aucun goût pour cette guerre d’invectives où la science ni la vérité n’ont rien à gagner, nous renonçons à discuter avec un pareil adversaire ; nous le laisserons donc à l’avenir entasser comme bon lui semblera ses pompeuses narrations de miracles qui sans doute ne trouveront plus de censeur, se féliciter du retour des possédés, édifier ses lecteurs par les histoires d’incubes, de succubes et d'orgies de sabbat, fulminer contre ceux quf ne sont pas de son avis : quoi qu’il dise, nous ne lui opposerons que le silence du mépris. Libre à lui d’aflir-mer tout à son aise, comme vient de le faire avec son approbation un de ses collaborateurs dans le dernier numéro (p. 306) , que tous ceux qui ne croient pas à ses merveilles y compris, sans doute, les sonnettes de la rue du Bac et l’apparition de Satan sous forme de ramoneur (1) , sont des monstres couverts de crimes et dignes du dernier supplice. De tels emportements, qui rappellent la démonomanie de l’école Mirville, annoncent un dérangement intellectuel, et l'on peut craindre sérieusement que ceux qui écrivent de pareilles extravagances ne soient atteints de la spirito-folie (2) qui a déjà perdu l’infortuné V. Hennequin et tant d’autres. C’est là, du reste, la meilleure excuse qu’on puisse faire valoir en faveur de ces malheureux. A. S. Morin.

(1) Noua publierons bientôt cetle mémorable aventure, afin de ne pas mériter le reproche qui nous a été fait de laisser dans t'ombre les faits concluant».

(2) Expression do la Revue spirttualiste, t. t, p. 160.

IGNORANCE OU MAUVAISE FOI

DES SAVANTS.

c Monsieur le baron,

« Permettez-moi de vous adresser quelques lignes que j’extrais d’un numéro du Spectateur, Revue encyclopédique des sciences, des lettres et des arts, 11“ 2, p. ¿30, 20 février 185â. Je les crois dignes de figurer à côté des assertions lumineuses de MM. Dubois Damien, Bouillaud, Mabru et tutti quanti.

« L'auteur de l’article (M. N. Urbain) , racontant un cas de folie produit par empoisonnement, àlaMarette, près d’Ai-gues-Mortes, ajoute, en terminant : « l'odeur fétide et nauséeuse de la jusquiume suffit ordinairement pour empêcher les tentations qu’on pourrait faire de la rendre comestible. Elle est employée en médecine, dit-il, comme l’un des meilleurs succédanés du datura et de la belladone. Les charlu-tuns, qui font profession de somnambulisme , substituent ordinairement une racine de jusquiamc au panais qu’on est dans l’usage d'ajouter au bouillon dans les ménages. La jus-quiame, à dose légère, calme les névralgies; l'habitude de la mêler à la nourriture quotidienne prolonge la vie, mais dispose à cet état de demi-sommeil et de folie dont on se sert avec avantage dans les pratiques du somnambulisme. » Dignus, dignus intraro In nostro docto corporc.

« Recevez, monsieur le baron , les assurances de mon affectueux dévouement. M. s.

L’un do vos abonnis.

GUÉRISONS SPIRITUALITES.

Buffalo, 20 septembre 1859.

11 y a environ deux ans, je fus appelé dans le comté de Saint-Lawrencç pour traiter quelques malades. Je visitai

m .stress Norton qui demeure à quatre milles du village ,1e Canton. Elle m assura qu’elle était alitée depuis seize ans et que pendant ce long intervalle il ne lui était arrivé qu’une lois de sc tenu- su,' ses pieds. Elle était extrêmement maigre avau une toux op.niâtre, et elle expectorait abondamment.’ Après que je fus resté à peu près deux minutes dans la Zambie, en imposant mes mains sur la malade, elle se leva de son ht, se promena dans sa chambre ; et dépuis elle a été en état de marcher et de vaquer à ses affaires. Lors de la seconde mue que je lui fis, quelques jours après la première, je a tiouvai ayant toutes les apparences d’une bonne santé

1 embonpoint commençait à revenir. Elle a eu depuis uu superbe enfant qui maintenant est âgé de huit mois

à mIi'ih'm danS,lG f,ne teWpS n:istress Peck ’ demeurant a Madrid (dans le même canton); elle avait un cancer à l’estomac, ainsi que l’avaient déclaré tous les médecins qui avaient visitée, et qui tous l’avaient jugée incurable. Depuis que que temps elle ne se soutenait qu’en prenant quelques cuillerées de lait par jour. Quelques voisins l’engagèrent à s adresser au docteur aux Esprits, comme on m’appelait : mais elle répondit qu’elle aimerait mieux mourir que d'être guérie par le diable. Elle appartenait à la secte des Baptistes •

fait ve',u la visiter- Peu ^ temps auparavant, et avau fait des prières pour elle ; et il paraît qu’il lui avait persuadé que les guérisons par les Esprits ne sont dues qu’à

1 action du vieux monsieur au pied fourchu. Cependant

comme ses souffrances augmentaient, son mari et ses amis là

déterminèrent à me faire venir. Je la trouvai dans un état fort alarmant et en proie à de cruelles souffrances. Je fus influencé à poser mes mains sur la malade. La douleur cessa aussitôt. Je lui dis alors de se lever de son lit, ce qu’elle fit. Alors je la dirigeai pour qu’elle mit ses vêtements ordinaires*. Quand elle fut habillée, elle se promena avec moi environ

1 espace d’un demi-mille, fit sans peine un copieux déjeuner • puis elle sortit, monta à cheval et fit une douzaiue de milles; elle fit un bon dinor composé de roastbeef et d’autres mets succulents, puis elle revint chez elle. En quelques jours,

le cancer parut être délogé de l’estomac et fut expulsé en morceaux par les intestins. 11 y a une semaine, j’ai été la voir. Elle faisait son ménage ; elle se livre à tous ses travaux intérieurs et parait parfaitement portante.

Par la môme occasion, je visitai mistress Slasson qui était malade depuis onze ans et alitée depuis un an. Dès que je lui eus imposé les mains, elle se trouva également guérie et en état de marcher. Elle sortit de suite dans la rue pour rendre visite à quelques voisins, et elle disait qu’elle n’en avait pas autant fait depuis onze ans. Cette guérison fit grand bruit dans le pays. Les médecins dirent qu’il y avait dans le village un enfant de sept ans qui n’avait jamais pu ni marcher ni même se tenir debout, et que si je le faisais marcher, ils croiraient au spiritualisme. J’y allai, et en moins de temps qu’il ne m’en faut pour vous le raconter, l’enfant se tint sur ses pieds, marcha seul, et l’ou me dit le lendemain qu’il continuait à marcher.

Une autre fois, je vous donnerai la relation de nouvelles cures.

(Signé) le Dr A. G. Feixows.

(Spiritual Telegraph, 1“ octobre.)

Le même journal, dans son numéro du 17 septembre dernier, rapporte les faits suivants, d’après lesquels on voit que le mode d’opérer de certains médiums se rapproche beaucoup de celui de nos somnambules. M. J. Curl, docteur en médecine, écrit de Paris (Illinois) :

« En novembre 1858, je fus appelé à traiter le fils de M. B., âgé de quatorze ans, qui avait une fièvre typhoïde. La maladie n’était pas très-grave, elle eut son cours en deux semaines, et quind'je jugeai que le jeune homme était entré en convalescence, je cessai de lui faire des visites. Quelques jours après, le père m’envoya un messager en toute hâte. Quand j’arrivai, il m’apprit que son fils avait dormi profondément pendant trois heures, et qu’à son réveil il s'était plaint de ce que sa jambe droite était endormie, suivant son expression ; on l’avait frotté vigoureusement et l’on avait

employé les moyens ordinaires des familles, mais sans produire aucun effet. J'ordonnai un bain de pieds, très-chaud, des fomentations stimulantes, etc.; en résumé, l’on lit usage de tous les moyens les plus énergiques pour rétablir la circulation : le pied et la jambe jusqu'au genou restèrent froids et douloureux pendant trois jours. Le matin du quatrième jour, je vis avec épouvante que le pied et la partie inférieure de la jambe jusqu’à demi-distance du genou étaient noirs et tout à fait froids. Je reconnus que c’était un cas de gangrène sénile, cas tellement rare que sur mille médecins c’est à peine s’il y eu a un qui puisse le rencontrer; c’est une maladie presque toujours mortelle. Jedemenrai glacéd’horreur; il me vintàl’esprit l’idée de recourir à madame S.,de la ville de Terre-Haute, qui m’avait été recommandée comme un puissant médium. Je ne fis part à personne de mon projet, mais je coupai une mèche de cheveux du malade, et je partis par le premier train.

« J’allai trouver le médium : c’est une dame très-modeste et très-convenable. Je 11e lui expliquai pas de quoi il s’agissait : je la priai seulement de s’occuper d’un cas de maladie qui m’intéressait, sans faire mention du sexe ni de l’âge de la personne, ni du genre de maladie. Elle plaça pendant quelques instants la mèche de. cheveux à son front, puis elle me dit que le malade était un jeune homme d’environ quatorze ans, dont l'état était très-grave, qui était très-affaibli ; à l’intérieur, elle ne vit rien que quelques vers ; elle porta ensuite son examen sur l’extérieur, puis elle leva les bras au ciel en manifestant un grand étonnement, et elle me dit que le pied droit et la jambe étaient noirs, qu’elle n’avait jamais rien vu de pareil ni entendu parler d'un tel mal. Alors, elle décrivit l’état du malade d’une manière aussi précise et aussi minutieuse qu’aurait pu le faire un médecin assis auprès de lui. Tout à coup elle déclara que dans ce moment même il était en proie à un paroxisme de douleur très-aiguë : je pris ma montre et notai avec soin le moment. (11 me fut confirmé le lendemain par le père que, juste à ce même moment, son fils avait ressenti des douleurs extraordinaires.)

« Le médium me déclara, malgré toutes mes observations, qu il ne fallait pas faire d’amputation, vil qu’une telle opération aurait immédiatement des suites fatales. Je ne crus pas devoir suivre cet avis. Je pris la ligne de démarcation à demi-distance du pied à la jointure du genou, et, après avoir détaché les muscles de l’os, j’amputai la jambe en sciant l’os au-dessous de la partie saine. Le jeune homme a bien supporté l’opération, et il est guéri maintenant.

« Dans tout cela je trouvai une preuve positive de lucidité. Le médium n’avait pu entendre parler de la maladie ; car dès que je l'eus constatée, je partis par le premier train. Elle a décrit le mal aussi sûrement que j’eusse pu le faire en ayant le malade sous les yeux ; et elle le voyait même mieux que moi, puisqu’elle me fixa le moment où eut lieu le grand accès, ce dont je reconnus le lendemain l’exactitude. Ce ne pouvait être par conjecture ; car, en dehors des gens du métier, il n’y a peut-être pas une personne sur dix mille qui aient entendu parler de gangrène sénile. Elle n’avait certainement rien lu là-dessus, car c’est une personne sans instruction. Si c’est del’électricité ou du mesmérisme, je n’y comprends rien. Je ne comprends pas davantage comment la théorie de M. Jobert sur les os de la jambe peut rendre compte du fait. Le médium déclare qu’il estiniluencé par l'Espritdu docteur Rush, et que c’est un rayon de la lumière d’Égypte. »

NOUVELLES ET FAITS DIVERS.

M. HOME.

On écrit de Paris au Courrier du Havre :

« M. Home, le célèbre médium, dont il a été tant parlé 11 y a deux ou trois ans, et qui avait été à peu près oublié, vient de repasser par Paris se rendant en Amérique. M. Home a donné

deux ou trois soirées très-intimes, une entre autres, chez une grande dame polonaise. On prétend que dans cette soirée, M. Home a été plus extraordinaire que jamais il ne l’avait été au beau temps de sa vogue. 11 aurait, s’il faut s’en rapporter à ce que disent les privilégiés enthousiastes qui ont assisté à cette séance, non-seulement évoqué les ombres, mais il aurait fait parler de la façon la plus étrange des personnages morts célèbres , parmi lesquels le poëte allemand Henri Heine et l’illustre de Humboldt. 11 est bien entendu que je ne vous garantis pas l’exactitude de ces détails, mais une daine que j’ai vue et qui assistait à cette soirée était encore sous l’impression qu’elle avait éprouvée, et parlait de l’étrange influence du médium dans des termes tellement exaltés que, si je ne suis pas très-certain que M. Home évoque les morts, je suis au moins sûr qu’il trouble le cerveau des vivants. »

(Extrait de la Gazelle de France, 28 octobre.)

ON DEMANDE DES MÉDIUMS.

Le Spiritual Telegraph publie l’avis suivant dans son numéro du 3 septembre : « Les spiritualistes de Paris nous prient de leur envoyer un médium qui serait recommandé par nous, et capable de produire par sa présence des manifestations physiques qu’on ne pût attribuer à des causes terrestres. On offre à un médium, jouissant de pareilles facultés, de lui payer ses frais de voyage et de retour, ainsi qu’un dédommagement convenable pour le temps qu’il consacrerait. Nous souhaitons que cette annonce tombe sous les yeux d’une personne possédantles qualités requises et qui serait disposée à entreprendre un tel voyage ; elle pourra s’adresser dans nos bureaux ; nous nous offrons à constater ses facultés afin de pouvoir la recommander en toute confiance à nos amis de Paris ; et l'invitation directe de se mettre en route dépendra probablement de notre recommandation. »

Nota. Nous sommes peut-être pour quelque chose clans cet appel que nousavons plusieurs ibisprov oqué ; espérons qu’il ne demeurera pas stérile et que bientôt nous serons à même de voir de nos propres yeux, et d’étudier les merveilles transatlantiques dont les récits ont si vivement piqué la curiosité générale.

M. le docteur Clever de Maldigny parle dans le Journal du Magnflisme, t. .W, p. 72, d’un objet détaché d’un autre dans lequel il était enchâssé, et cela sans qu’il y eût touché, sans qu’il y eût rien de brisé, et sans pouvoir comprendre comment cet effet s’était produit. On trouve dans saint Augustin, Citédc Dieu, livre XXII, chap. VIII, un fait qui, avec d’aulres circonstances, offre quelque analogie avec le précédent ; le voici :

» Nous savons encore beaucoup de miracles opérés par le même martyr (saint Élienne) à Uzales, colonie d’Utique, qui possédait, grâce à l’évêque Evodius, des reliques du saint, longtemps avant Hippone. Mais là ce n’est pas, ou plutôt ce n’était pas l'usage de dresser des relations, car peut-être s’est-il établi depuis. Naguère, nous trouvant en ce lieu, nous avons, du consentement de l’évèque, engagé Petronia, femme delà plus haute condition, à rédiger, pour qu’on en fit lecture publique, le récit de sa miraculeuse guérison d’une longue et cruelle affection qui avait épuisé toutes les ressources de la médecine. Elle obéit avec empressement, et dans sa relation elle inséra un fait que je ne puis passer sous silence, bien que je me hâte d'atteindre le terme de cet ouvrage.

Elle dit qu’un Juif lui persuada de se ceindre à nu sous ses vêtements d’une tresse de cheveux où serait engagé un anneau monté d’une pierre trouvée dans les reins d’un bœuf. Ceinte pour ainsi dire de ce salutaire secret, elle venait à l'église du saint martyr. Mais un jour, partie de Carthage, elle s’était arrêtée sur l’une de ses terres, au bord du (leuve Bagrada, quand, se levant pour continuer son chemin, elle aperçut

l'anneau à ses pieds, et, tout étonnée, porta la main à la ceinture de cheveux où il était fixé. S'étant assurée de la solidité des nœuds qui retenaient cette ceinture, elle soupçonna que l’anneau s’était rompu et avait glissé ; mais l’ayant aussi trouvé dans une parfaite intégrité, et acceptant ce prodige comme le gage do sa santé recouvrée, elle détache cettte ceinture et la jette avec l’anneau dans le fleuve. »

D' J. D. Cu.

La cour d’assises du Haut-Rhin (Colmar), avait à juger dernièrement une affaire grave ; il s’agissait de coups à un ascendant d’une mère sorcière et d’un fils ensorcelé.

11 y a deux espèces de sorciers, les bons et les mauvais ; méfiez-vous des sorciers de la première catégorie, ils ne valent pas le diable ; par l’effet de leurs sortilèges, votre femme perdra la vue, vos enfants seront bossus, vos chevaux fourbus, et vous-même...

Je vous plains de tomber en ces mains redoutables !

Adressez-vous, d’ailleurs, pour de plus amples renseignements, à Joseph Zubler, tisserand à Issenheim, qui a eu maille à partir avec cette maudite engeance ; cet infortuné vous apprendra qu’une sorcière, se cachant sous les traits de sa mère, a jeté un sort sur ses chevaux, sur sa femme, et que toutes ses bêtes ont dépéri sous cette funeste influence ; il a cou-sulté les exorciseurs les plus distingués du pays; il a employé, pour conjurer l’esprit malin, les moyens usités en pareille matière, mais tout, jusqu’aux fumigations, a échoué contre la puissance de l’ensorcellement, et sa mère, sorcière de la pire espèce, a continué à le frapper dans ce qu’il avait de plus cher.

Un jour enfin, exaspéré par tant de malice et de maléfices, il s'est jeté sur cette mère si dénaturée, et l'a accablée de coups avec la conviction qu’il faisait un acte de bonne justice ; aussi paraît-il très-étonné de se voir traduire devant la cour d’assises pour y répondre à une accusation de coups à 1111 as-

Cendant, et le trop crédule tisserand reste, persuadé qu’il comparait devant le jury pour avoir battu une sorcière.

L’accusé, interrogé par M. le président, répond aveccalme aux questions qui lui sont posées sur scs antécédents, sur ses habitudes, niais ai} seul nom de sa mère, il s’emporte, il devient furieux, et couvre les sorcières de malédictions. «Oui, s'écrie-t-il avec conviction, ma mère est la plus détestable des sorcières ! Elle-même a osé me le déclarer plusieurs fois. Elle a attiré sur ma maison tous les malheurs. Combien de fois l’ai-je vue chevauchant sur un balai pour se rendre au sabbat et y conspirer contre mon repos ! Cette sorcière maudite prenait toutes les formes pour exercer ses maléfices, et un jour elle m’est apparue métamorphosée en souri. Je l’ai poursuivie, et malheureusement je n’ai pu atteindre cette bête malfaisante. »

Puis bientôt cette grande colère tombe, et l’accusé redevient le plus doux des hommes ; mais rien ne peut ébranler sa foi robuste dans le pouvoir surnaturel de sa mère : le tisserand Joseph Zubler est une déplorable victime de la sorcellerie.

En présence d’un pareil état mental, M. d’Hector de Roche-fontaine, substitut du procureur général, n’hésite pas à abandonner l’accusation.

M' Munschina présente quelques observations en faveur de ce malheureux atteint de la uionomanie la mieux caractérisée.

Le jury rend un verdict négatif, et la cour prononce l’acquittement de Joseph Zubler, qui, en se retirant, s’écrie en montrant le poing : « Oh ! les sorcières, Dieu vous en préserve ! »

Nota. On eût jadis loué cet homme et brûlé la sorcière ; il n’y avait alors ni science ni pitié. Aujourd’hui la science manque encore, mais la pitié est venue : c'est un progrès quo nous constatons. D.

On lil dans le Figaro du h octobre :

« Lord Brougbam allant dans ses terres de Cannes, a voulu passer par Paris. L'autre soir, dans un salon de la Chaussée-d’Antin, on parlait magnétisme. Lord Brougbam a déclaré qu’il croyait au magnétisme, et comme on s’en étonnait :

« —Oh ! dit-il, j’ai longtemps douté; mais un jour j’ai fait une épreuve qui m’a tout à fait converti.

« — Oh ! contez-nous cela, s’écria-t-on de toutes parts.

«—Volontiers, dit lord Brougbam.

« Et, se carrant dans son fauteuil, il croisa ses jambes l’une sur l’autre, se moucha, jeta les yeux autour de lui pour voir si tout le monde était bien attentif, et commença ainsi :

« — C’était en...... ma foi, j’ai oublié l’année, mais il y

a bien dix-huit à vingt ans de cela. J’avais formellement nié le magnétisme devant un avocat, M. Charles Ledru. M. Ledru, qui avait défendu devant les tribunaux plusieurs magnétiseurs et leurs somnambules, me proposa d’assister à des expériences qui me feraient changer d’avis. J’acceptai les expériences, bien résolu d'avance à ne pas changer d’avis. Je ne m’attendais pas aux prodiges qui allaient me frapper. r « M. Ledru avait réuni chez lui un grand nombre de personnes des plus distinguées. La réunion était des plus brillantes. M. Ledru nous présenta son magnétiseur et une jeune fdle appelée M11* Virginie. C’est cet enfant qui allait m’éblouir, comme un autre Saftl, aux clartés de la révélation.

« Vingt expériences avaient eu lieu, mais je persistais dans mon incrédulité. J'avais toujours sur les lèvres le demi-sourire du scepticisme. Enfin, je me décide à faire moi-môme un essai décisif. Je me retire dans un coin du salon ; j arrache une feuille de mon carnet, j’y écris un mot, je le plie, et le serrant de toute ma force dans ma main droite, je viens poser mon poing fermé sur le crcur de la somnambule.

v La somnambule fait de violents efforts, elle s’agite, elle se débat contre l’esprit, la sueur perle sur son front... Enfin, elle fait des efforts pour parler, elle balbutie, elle bégaie.

« C’est..., dit-elle, c’est un mot... anglais. Atten...dez..., je ne puis pas le prononcer..., je vais nommer les lettres...

«On l’entoure, on écoute avec anxiété..., et sa bourbe laisse tomber, l’une après l’autre, les lettres suivantes :

« C, H, E, S, T, E, R... Chester!

« Chester, c’était bien cela... A cette preuve si convaincante, pouvais-je n’être pas convaincu?... »

Nous empruntons au Diario de Barcclona un fait étrange qu’il ditavoir été communiqué par une personne digne de foi, et sur lequel il appelle avec raison l’attention des hommes scientifiques. Voici le récit de notre confrère catalan :

« Dans l’après-midi du 26 juillet, Thérèse Inglès, âgée de trente et un ans, épouse de Jaime, domicilié à Cervera, sortit de chez elle, à l’effet d’aller faire de l’herbe pour son pelit troupeau de brebis.

« Le jour se passa, Thérèse ne revenait pas, lorsque, justement inquiétée, sa famille commença à faire des recherches. L’autorité elle-même fut prévenue, tout le monde fut mis sur pied, on fouilla tout, montagnes et champs; les gardes civils, lesmozoz de Escuadra eux-mêmes coururent longtemps,.mais coururent en vain.

« C’était le moment d’avertir le juge du district, mais les recherches ordonnée s par ce magistrat ne furent pas plus couronnées de succès que celles déjà faites par les autorités et leurs délégués.

a Dix-neuf jours enfin après la disparition de cette femme, le maire de Valfogona prévint le juge qu’un pasteur avait trouvé le cadavre de Thérèse Inglès. La déposition du berger n’élait exacte qu'à demi, car celte femme n’était que prise d’un sommeil très-lourd, connu pathologiquement sous le nom de euro coma, et privée par conséquent de l’usage de tous ses sens, qu’elle ne recouvra, du reste, que deux jours après avoir été rendue à sa famille, c’est-à-dire le vingt

deuxième jour. Thérèse ne se souvient de rien de ce qui lui est arrivé depuis son départ de la maison conjugale jusqu’au moment où elle a recouvré ses facultés intellectuelles. Un mois auparavant, elle avait eu une attaque du même genre, mais son sommeil n’avait duré que fort peu de jours. »

(Extrait du Siècle du 22 septembre 1859.)

SOMNAMBULISME NATUREL.

Le Frce men de Détroit (États-Unis), rapporte une effrayante scène de somnambulisme arrivée récemment dans cette ville :

« Une servante, de dix-huit ans, fut aperçue, la nuit, se promenant sur l’étroite crête du toit de sa maison ; quand elle fut à l’extrémité du toit, au bord de l’abîme, elle se retourna prestement et reprit la route qu’elle venait de suivre.

« La maison est élevée, le toit est rapide, si le pied de la promeneuse eût glissé, la pauvre servante périssait certainement. Elle portait de temps à autre ses mains à son front ; elle semblait absorbée dans ses pensées ou en proie à la douleur. Sa tête était immobile.

« Une cheminée se dresse au milieu du toit ; la somnambule la tourna saus difficulté. Arrivée au bout du toit, elle s’assit et regarda fixement devant elle ; elle vacilla quand elle se leva pour recommencer sa promenade. Enfin, après plusieurs pérégrinations du même genre, elle descendit par une fenêtre dans sa chambre.

« Le maître de la jeune fille ayant réveillé sa femme, se rendit avec elle dans la chambre de la servante, et trouva la somnambule assise sur le bord de son lit et dans un état de préoccupation profonde. Elle n’avait aucunement conscience de ce qui était arrivé. »

Nota. Le magnétisme est sinon le seul, tout au moins le plus puissant des remèdes à opposer aux deux maladies pré-

cédentes. Il eût été le plus grand bienfait pour ces deux deux femmes qui, sans lui, deviendront inévitablement les victimes de leur maladie.

Un médecin bien connu, qui jouit d’une réputation méritée et dont on cite des cures véritablement merveilleuses, est depuis quelque temps assez gravement malade. On raconte qu’au grand étonnement de ses amis, il ne fait rien pour se soigner. Il y a plusieurs jours, ses amis les plus intimes lui faisaient de très-sérieuses observations à ce sujet, lui reprochaient son incürie, le traitaient môme de coupable.

« Mes amis, leur dit en souriant le docteur, je vous remercie de votre insistance. Croyez que j’y suis bien sensible. Mais si dans notre profession l’homicide n’est pas regardé comme un crime, il n’en est pas de môme pour le suicide. Or, je n’en veux pas charger ma conscience. »

(Extrait de la Patrie du 20 octobre 1859.)

BIBLIOGRAPHIE.

DU SOMMEIL, DES RÊVES ET DU SOMNAMBULISME dam l'ctal de rniilé et de maladie, pur M. lo docteur MîCario. —1 vol. in-8, 1857. Périsse, éditeur.

Un se rappelle qu’en 1851, l’Académie des Sciences morales et politiques mit au concours la question du sommeil et de toutes ses variétés, ce qui comprenait le somnambulisme artificiel. Cette proposition détermina plusieurs écrivains de mérite à étudier ce sujet important, et fit entrer, pour la première fois, au sein de cette Académie, la discussion du magnétisme. Bien que M. Lélut, dans son rapport, se soit montré peu bienveillant pour les phénomènes du magnétisme (1), cependant, comme les concurrents s’étaient crus obligés de les discuter, et que presque tous les admettaient, il fallut bien que la docte assemblée s’occupât de ces graves questions auxquelles elle était restée étrangère ; bien plus, elle prenait par là, en quelque sorte, l’obligation de les comprendre à l’avenir dans le cadre de ses travaux, et d’y consacrer l’attention qu'elles méritent.

L’ouvrage de M. Macario est un des plus remarquables parmi ceux que fit éclore le concours. Il a traité son sujet en médecin et en philosophe. Il décrit avec beaucoup de sagacité les caractères du sommeil, ses effets physiques, le rôle qu'y jouent l’intelligence et la volonté ; il traite des rêves des diverses espèces, du cauchemar, des visions, des pressenti -

(1) Voir ci-dessus, p. 147, noire analyse de ce rapporl.

nients, de la lucidité dans les songes ; il explique d’une manière rationelle et satisfaisante, par les dérèglements de l’imagination, les vampires, les incubes et succubes, le sabbat des sorciers, les loups-garous, et plusieurs autres phénomènes semblables qui, dans des siècles d’ignorance, étaient attribués à l’intervention des démons; il fait justice de ces honteuses superstitions dont on pouvait croire que la raison avait fait justice, etquedes spiritualistes modernes cherchent à ressusciter (1).

L’auteur se prononce nettement en faveur du magnétisme dont il discute les propriétés et les avantages; mais, en présence de la défaveur dont les corps savants l’ont frappé, il se croit obligé de demander, pour ainsi dire, pardon de son audace. « J’éprouve en vérité, dit-il, une grande répugnance à aborder ce sujet. Lorsque l’Académie de Médecine a décidé, par un vote solennel, qu’elle ne s’occuperait jamais de magnétisme animal et de somnambulisme artificiel, elle a jeté les médecins dans un grand embarras et les a mis dans une fausse position. Dans la crainte de se perdre dans l’opinion de ses confrères, aucun médecin sérieux n’ose plus, depuis ce vote, aborder l’étude des faits qui sont du ressort du magnétisme humain qui est dès lors tombé dans des mains indignes et étrangères à toute notion médicale. Les charlatans s’en sont emparés et en ont fait un objet de spéculation industrielle. Les savants et les médecins particulièrement répudient une solidarité qui les humilie, abandonnent le magnétisme humain comme une panacée universelle et ridicule à ces avides empiriques. Dans des mains indignes, le magnétisme perd tout caractère scientifique et devient une mystifi-

(I) La Revue spiritualistc raconte de nombreux cas récents de possessions (t. ), p. 208 ii 415), et ello vient do rapporter une scène de sabbat (t. 2, p. 23»),

cation, une jonglerie, une spéculation honteuse.....Quoiqu’il

en soit, I approbation ou la désapprobation des corps savants it l’endroit du magnétisme et du somnambulisme artificiel, la profanation que font de ces phénomènes la plupart des magnétiseurs, ne peuvent changer la nature des choses. Il serait bien plus sage cCétudier le magnétisme que de s'en moquer. Les dédains et les railleries ne peuvent rien contre les merveilles qu il nous a révélées. L’étude de tout ce qui se rattache au système nerveux, l’influence du physique sur le moral et réciproquement du moral sur le physique, ne sont encore et ne seront jamais que dans une perpétuelle enfance. Or, pourquoi rejeter un phénomène par cela seul qu’on n'en peut trouver Cexplication dans aucune des lois que nous connaissons? Ce n’est pas là raisonner sérieusement; et se conduire ainsi, c’est se tracer un cercle étroit au-delà duquel on nierait tout. Mais est-ce que tout n’est pas mystère dans la nature ?... La vie humaine elle-méme n’est-elle pas un mystère?» (P. 145 à 147.)

Après avoir cité les noms de beaucoup d’hommes illustres qui ont reconnu la réalité du magnétisme, après avoir fait voir combien serait absurde l’opinion d’après laquelle tant d’individus ayant proclamé par expérience les bienfaits du magnétisme, se seraient concertés pour exécuter une jonglerie, il conclut ainsi : « ...De tout cela il résulte qu’il y a réellement une forme singulière de la vie, un mode d’existence, un état dynamique du système nerveux qui comporte des facultés et des phénomènes sans analogues dans la vie normale ; qu’on voit dans certaines circonstances se produire une action directe, immédiate de l’homme sur l’homme; qu’il y a enfin un état somnambulique qui n’est pas plus contestable que l’état hystérique ou l’état cataleptique. A ce titre, le somnambulisme est une branche de la physiologie

et mérite d’ùtre étudié par les savants comme toute autre branche de la môme science. » (P. 15(5.)

M. Macario attribue les phénomènes magnétiques à l'action du fluide nerveux qu’il distingue du fluide électrique.

11 admet que, par le seul effort de sa volonté, l’homme peut agir, même à de très-grandes distances sur son semblable, sans frapper ses sens par aucun des moyens connus, et il explique ainsi certains faits de sorcellerie , comme nous le montrerons dans le prochain numéro. Nous ne savons si pour ces cas il admet le concours du fluide : s’il l’admet , nous regrettons qu’il ne l’ait pas exprimé formellement et qu’il n’ait pas cherché à expliquer suivant quelle loi un magnétiseur peut projeter son fluide à un kilomètre (c'est la distance indiquée dans un des cas qu’il rapporte), le faire arriver juste à sa destination, sans déperdition ni dissémination, douer ce fluide de la propriété de produire des apparitions de fantômes, et de faire entendre au destinataire, soit des bruits de chaudrons, soit des paroles articulées... Si, au contraire, le fluide n’est pour rien dans ces faits prodigieux, et que la volonté suffise, à plus forte raison devrait-elle suffire pour agir à proximité sur des personnes avec lesquelles on est en contact, et alors le fluide doit être répudié comme superflu.

L’auteur dit que le somnambulisme est toujours provoqué par l’action secrète de l’homme sur l’homme ; que c’est la volonté du magnétiseur qui est transmise instantanément par des voies mystérieuses et tout à fait inconnues au magnétisé ; que les passes, les gestes, les attouchements et les frictions sont très-souvent inutiles ; cju’îï suffit d'une volonté forte et énergique, dirigée exclusivement vers le but que l’on veut atteindre, sans distraction d'aucune sorte. « L'homme veut, et le somnambulisme naît. » (P. 177.) En accordant un tel

pouvoir à la volonté, il semble faire bon marché du fluide auquel il a cependant consacré une discussion fort étendue. Il nous semble qu’à cet égard, ses idées ne sont pas parfaitement arrêtées, et qu’il laisse ses lecteurs dans le vague.

Il fait ressortir les avantages que la médecine peut retirer du magnétisme par la production de l’insensibilité dans les cas chirurgicaux. Nous sommes étonné qu’il ait passé souâ silence (sauf une mention fugitive à la page 2â0) les autres applications bien plus nombreuses et bien plus usuelles du traitement des maladies par la magnétisation directe; il y a là toute une branche de thérapeutique qui mérite bien l’attention des médecins.

Abordant l'examen des facultés transcendantes, M. Ma-cario admet la transmission de pensée, la vue à travers les corps opaques, la pressensation organique et la vue de l’avenir. Quant à la première de ces facultés, il cite des faits bien attestés, dont l’un lui est personnel ; il remarque qu’on l’observe, non-seulement dans le somnambulisme, mais aussi dans plusieurs maladies, telles que l’hystérie et la catalepsie, et il donne l'explication suivante qu’il déclare empruntée aux docteurs Gromier et Bellanger. « Dans la génération des idées, il faut de toute nécessité admettre une modification encéphalique, car il est impossible que la pensée puisse se manifester sans une activité matérielle des fibres cérébrales.

11 nous parait donc certain que pendant cet acte mystérieux, il y a un ébranlement particulier, une vibration, une oscillation de certaines fibres cérébrales, une modification moléculaire de l’encéphale. Or, ces vibrations, ces oscillations doivent nécessairement imprimer à l’air des ondulations qui se propagent jusqu’au cerveau du somnambule, en y déterminant des mouvements analogues à ceux qui les ont produits. On conçoit, dès lors, qu’une pensée se répète d’un

cerveau dans un autre, comme une image se réfléchit d’un miroir dans un autre miroir, ou bien encore comme on voit, dans le pendule sympathique, les mouvements d’un des deux pendules imprimer bientôt des mouvements analogues au pendule qui était en repos. » (P. 192.)

Pour la vue à travers les corps opaques, M. Macario s’appuie principalement sur le rapport llusson ; il cite aussi les expériences de Mlle Pigeaire et plusieurs faits de lucidité dans lesquels les somnambules, et notamment Alexis, ont montré tout à la fois la vue à des distances considérables (200 lieues), la communication de pensée, la vue du passé et celle de l’avenir. L’auteur repousse certaines explications qui lui paraissent déraisonnables, et il avoue qu’il n’en a aucune autre à présenter. « Lorsque le somnambule, dit-il, voit sans le secours de la vue, il n’y a ni action de la lumière, ni réfraction des rayons lumineux, ni aucun des phénomènes ordinaires de la vision. Mais comment voit-il donc? Je l’ignore, et peut-être l’ignorera-t-on toujours. Le parti le plus sage, c’est de ranger ce phénomène parmi tant, d’autres que nous ne comprenons pas davantage, et auxquels cependant nous croyons. 11 n’est pas donné à l’homme d’expliquer ni de comprendre ce qui est de sa nature inexplicable et incompréhensible. Nous ajouterons seulement que le somnambule ne reçoit certes pas l’impression du monde extérieur comme dans la vie ordinaire, mais par une sorte d’intuition, de vision interne, dont il nous est impossible de concevoir les moyens et les lois. » (P. 205.) — Nous applaudissons à cette sage réserve : il vaut beaucoup mieux avouer qu’on ne sait pas, que de hasarder des explications aventureuses que dément la raison et que contredit l’expérience, telles que le déplacement de l’âme, la scission entre l’âme et l’esprit, etc.

La vue de l’avenir est peut-être la faculté qu'on a le plus

de peine à reconnaître, tant elle nous parait au-dessus du pouvoir de l’homme. M. Maoario ne fait pas difficulté de l'admettre ; il cite des auteurs généralement estimés, qui l’ont acceptée, et il rapporte un grand nombre de faits. Quelques-uns sont garantis par des autorités fort respectables, mais il cn'est d’autres que l’auteur nous semble avoir accueillis avec trop de facilité. Ainsi, d’aprés plusieurs écrivains, il affirme que Nostradamus a prédit une persécution chrétienne pour l’an 1792. La persécution annoncée parle grand astrologue devait au contraire durer n jusques icy à l'an mil sept cent nonante deux (1) », après quoi le peuple romain devait commencer à se redresser, etc.; il a donc pris le commencement pour la fin. La chanson appelée Prophétie turgotine n’est qu’une boutade d’un stationnaire qui, irrité des réformes du vertueux ministre de Louis XVI, lui attribua dérisoirement des projets dont quelques-uns, étant conformes aux vœux émis dès l’époque où la chanson a été faite, ont été réalisés par la Révolution ; mais la plupart des choses annoncées ne se sont pas réalisées, telles que la loi agraire, l’adoration de l'oignon, la loi autorisant l’inceste, Turgot présidant à la Révolution, etc.; c’est donc s’abuser étrangement que d’attribuer ce petit écrit à un esprit prophétique, à une vue de l'avenir. — M. Macario désigne des personnes qui affirment que la révolution de 1848 leur a ôté prédite : en général, on doit se défier des prédictions publiées après l’événement. Pour admettre la réalité du fait de la prédiction, il faut avoir une parfaite confiance dans la véracité de celui qui la rapporte, et c’est toujours une question scabreuse de laquelle on ne doit pas faire dépendre la constatation d’un phénomène aussi extraordinaire et dont la possibilité même est contro-

(1) Centuries de Nostradamu», édition de 1669, dédicace, p. 13.

versée, line foule de gens consultent journellement des somnambules, des tireurs de cartes, des médiums, des tables ou des corbeilles sur l’avenir du pays, et il n'y a pas de jour où ces divers oracles ne prédisent pour un avenir très-rapproché, soit des succès, soit des revers ; de sorte que, quand il arrive une catastrophe, elle se trouve nécessairement avoir été prédite. 11 n’y a certainement pas là de quoi crier au miracle : mais certaines personnes oubliaut les prédictions fausses et ne fixant leur attention que sur celle qui s’esl trouvée juste, en sont émerveillés, vont partout proclamer leur victoire, et à force de répéter la mirifique prédiction, y ajoutent de jour en jour de nouveaux embellissements, la transforment insensiblement, finissent par l’accommoder au fait accompli, et d’une annonce vague font une prédiction claire et précise; ce remaniement se fait tout doucement et sans mauvaise foi ; et voilà comment on devient prophète à bon marché I... La science ne peut se contenter de pareilles sornettes. Pour qu’une prédiction ait quelque valeur, il faut qu’elle soit consignée par écrit et qu’on lui donne une date certaine avant l’événement; puis on aura à vérifier si elle est claire et précise et concorde avec l’événement. Parmi les prédictions que cite l’auteur, combien peu (même celles des livres juifs) satisfont à toutes ces conditions I M. Macario n’a pas été heureux dans ses explications de la faculté de prévision. Il commence par poser en principe que l’âme dégagée de la matière doit saisir jusque dans ses moindres détails tous les mystères de la création ; « car, dit-il, pour l’âme libre, les conditions de temps et d’espace n’existent pas ; le passé, le présent et le futur se confondent en un seul point, et dès lors, elle saisit en un clin d’œil les rapports et l’ensemble de tout ce qui est. » (P. 233.) Ce sont là plutôt les rêveries d’un mystique que les raisonnements d’un

philosophe. Nous ne pouvons nous faire aucune idée de ce que serait une âme dégagée de la matière, ni concevoir comment celte âme, privée d’organes, peut se mettre en rapport avec les objets matériels et en percevoir les propriétés. Ce que nous pouvons affirmer, c’est qu’une âme humaine, si perfectionnée qu’on la suppose, 11e pourra jamais saisir jusque tlnns scs moindres dé/ails tous les mystères de lu création, ni saisir en un clin d'œil les rapports et l'ensemble de tout ce qui est ; car si elle pouvait tout cela, elle serait infinie, elle serait Dieu. — Poursuivons. Après ces prémisses, l'auteur rappelle un fait rigoureusement établi. C’est que, certaines causes physiques venant à produire une surexcitation du cerveau, l’espritpcut acquérir une plus grande pénétration ; alors (dit-il) «l’âme tend à rompre, à briser, pour ainsi dire, les entraves qui la rattachent à l’organisme ; ou, pour parler d’une manière moins métaphorique, sa sphère d’action s'étend indéfiniment au delà de sa limite ordinaire ; elle prend un essor inaccoutumé, et tend à revendiquer en partie ses attributs immortels, qu’elle ne recouvre en entier qu’après la mort du corps. Mais toujours est-il que, dans un état pareil, il est permis de supposer qu’elle peut entrevoir une partie des mystères de l’univers et y lire les secrets de Dieu. » Ici ce n’est plus de la science que fait l'auteur, mais du roman. L’âme qui tend, pour y voir plus clair, à rompre les entrares de C organisme, c’est une vieille chimère qu’on devrait bien enfin laisser aux écrivains qui, ne tenant qu’à la forme, sont satisfaits quand ils ont arrondi des périodes creuses à elfet lyrique. Faire lire par l’âme les secrets de Dieu, ce n’est pas donner une explication, c’est se rattacher à l’école théologique qui, chaque fois qu’elle est embarrassée, fait intervenir miraculeusement Dieu ou des êtres surnaturels. Du reste, l’auteur, dans une note de la page 233, dit qu’il ne repousse

pas d’une manière absolue l’intervention d'une influence surnaturelle clans les faits de prévision de l’avenir : une fois qu’on entre dans cet ordre d’idées, plus n’est besoin de se creuser la tète pour chercher le pourquoi et le comment des choses, on a à sa disposition la ressource commode des miracles, des esprits bons ou mauvais, les révélations viennent à point nommé nous apporter la solution de tous les problèmes et même au besoin nous donner, comme aux fidèles d’un certain cénacle spirite, la description des maisons de la planète Jupiter.

M. Macario repousse d’une manière absolue l’emploi du somnambulisme dans le traitement des maladies, et il donne poiir motif que «la surexcitation encéphalique ne peut, en aucune façon, remplacer l’éducation et les connaissances acquises (p. 249), » que les somnambules voient l’altération organique, mais ne la comprennent pas, etc. 11 avoue n’avoir pas pratiqué ni observé par lui-même le somnambulisme qu’il n’a étudié que dans les livres : il a dû y voir un grand nombre de relations de cures admirables dues aux lumières des somnambules; certainement, beaucoup de ces faits sont tout aussi bien constatés que ceux de transmission de pensée ou de vue à travers les corps opaques, qu’il ne faii pas difficulté d’admettre. Nous sommes persuadé qu’après un examen plus suivi, il reconnaîtra que 'a lucidité somnambulique est un précieux flambeau dont on aurait bien tort de ne pas faire usage et qui peut guider dans une foule de cas où la science médicale est impuissante. El même ce n’est qu’à la thérapeutique que les auteurs les plus recommandables appliquent la clairvoyance des somnambules.

L’auteur, frappé des inconvénients qu’oflVe le magnétisme, demande que la pratique et la surveillance en soient exclusivement confiés aux médecins (p. 240). Ce serait peut-être

s’exposer à supprimer l’usage pour mieux corriger l’abus. C'est là une question fort délicate qui a été traitée plusieurs fois dans ce recueil.

M. Macario, en définitive, donne à la cause du magnétisme le concours d’uti homme instruit et consciencieux. Son livre a surtout une haute importance, en ce qu’il fait voir que les hommes de science ne craignent pas de braver les anathèmes académiques, et qu’on ne peut traiter à fond les questions concernant le physique ou le moral de l’homme, sans aborder le magnétisme et le somnambulisme.

A. S. Mohin.

PUBLICATIONS NOUVELLES.

Le Magnétiseur, journal de M. Lafontàinc , en est à son huitième numéro ; il renferme une étude très-intéressante sur ce que l’on est convenu d’appeler la transposition des sens dans le somnambulisme, et sur la possibilité des rapports des somnambules avec les Esprits.

La Revue des sciences occultes cl naturelles en est à sa cinquième livraison :1e directeur de \& Revue, M. Manlius Salles, nous prie d’avertir que son adresse, jusqu’à nouvel avis, est : place du Champs-de-Mars, 12, à Valence (Drôme).

Le magnétisme vient de s’enrichir d’un nouvel organe ; voilà quelques jours déjà quenous avons reçu le premier numéro de la revue mensuelle, qui se publie à Bruxelles, sous la direction de M. Albert Léry. Nous y remarquons plu-

sieurs articlcsfort intéressants : un de notre ami M. Jnbard, un de M. Clialaiu, membre correspondant de la Société du Mesmérisme. Le directeur, daus un programme nettement tracé, indique le but qu’il se propose : il accueillera les faits, discuterais théories, ouvrira généreusement ses colonnes à l’exposé des diverses doctrines ; il fera une guerre sans merci au charlatanisme, « ce ver rongeur de toutes les découvertes utiles, >> et il tendra une main amie « à tous les hommes sérieux qui pratiquent consciencieusement le magnétisme ; » se défiant des chimères et des exagérations, il entend être de l’école du bon sens, autrement dite du rutionalime.

La Belgique, où le magnétisme est depuis longtemps enseigné et pratiqué avec succès, et qui compte tant de sectateurs éclairés, manquait d’une tribune spéciale. Nos sympathies sont acquises à nos nouveaux confrères.

On s’abonne à Bruxelles, rue d’Assaut, h, chez M. Albert Léry. Les prix sont: pour Bruxelles, 7 fr. par an ; pour la province, 8; pour l’étranger, 10; pour les pays surtaxés, 12. Le second numéro a paru.

Baron dd POTET, propriétaire-gérant.

AVIS.

A dater du 10 janvier prochain , le Journal du Magnétisme paraîtra illustré de gravures au trait représentant des scènes de magnétisme prises dans l’ordre miraculeux et humain.

Chaque numéro contiendra au moins une gravure.

Les personnes qui n'auront point renouvelé leur abonnement avant le premier janvier subiront l'augmentation suivante :

Paris, un an , 12 fr. au lieu de 10; 6 mois, 7 fr. au lien de 6.

Doparl, cl clrang. — 14 fr. au lieu de 12 ; — S fr. au lieu de 6.

Pays surtaxé, — 16 fr. au lieu de 11 ; — 9.fr. au lieu de 7.

L’administration ne reçoit plus d’abonnements de trois -mois. m*

L’augmentation ci-dessus s'explique par les frais:considérables que nécessitera la préparation des gravures.

Les primes d’abonnement n’auront plus aucune valeur après le premier juin 1800. Les abonnés sont invités à user de leurs droits d’ici à cfette époque. On leur recommandedese rendre il huit heures précises aux séances ; le trouble, le dérangement occasionné par les retardataires forcerait à r.e plus accueillir personne après huit heures et un quart.

AFFECTION HYSTÉRIQUE COMPLIQUÉE DE LA PRÉSENCE d’(W PRETENDU INSECTE DANS LE CRANE , GUÉRIE PAR DES PASSES DE MAGNÉTISME ANIMAL.

« Le magnétisme auimal, gagnant journellementdu terrain, nous paraît mériter l’examen des hommes de science. Je comprends parfaitement qu’un médecin a besoin de courage et d’abnégation pour descendre dans le cloaque de charlatanisme , de jongleries et d’exploitation où est tombé le magnétisme animal, et tâcher d’y démêler la vérité. Mais le berceau de l’astronomie ne fut-il pas l'astrologie, et celui de la Toue XVIII. - N» 71. — 2' Sème.— 10 Déceïbue 1850. K

chimie, l'alchimie? S’est-on jamais dégradé par le dévouement?

« Les expériences faites par une commission académique, et les discussions qui en ont été la suite ont prouvé que le magnétisme est susceptible de provoquer des phénomènes extraordinaires ; malheureusement l’Académie s’est laissé décourager par la tâche difficile de séparer le bon grain de l’ivraie. Est-il dit dès lors que tout le monde soit obligé de suivre cette réserve, trop prudente peut-être, pour laisser le champ libre à un mysticisme déplorable, à une exploitation manifeste de la crédulité publique, au lieu de sonder d’une main hardie le vrai ou le faux de cette science encore au berceau, et d’en faire l’une des branches de l’art de guérir, réservée exclusivement aux médecins ?

u Le seul but que je me propose, en publiant cette observation, est de décider quelques confrères courageux à expérimenter et à observer le3 phénomènes du magnétisme animal. Ce n’est pas un initié aux mystères du magnétisme qui parle, mais un ancien praticien qui, dans un état désespéré, a eu recours au magnétisme et qui a obtenu un résultat auquel il était loin de s’attendre, la guérison d'une personne condamnée depuis longtemps par un grand nombre de médecins.

«L. D.,âgée de vingt-trois ans, de tempérament nerveux, a été bien portante jusqu’à l'âge de dix ans. A cette époque, elle tomba du haut d’un escalier et se fit une plaie au cuir chevelu; le nez fut contusionné. A la suite de cet accident, la malade eut fréquemment des érysipèles du cuir chevelu et de la face, et se plaignit presque constamment de maux de tête.

« En 1847, étant en condition à Strasbourg, la malade eut un premier accès de convulsions hystériques à la suite d’une frayeur. Cet accès avait pour caractère particulier la singulière tendance de la malade à pencher la tête sur l'épaule droite et à la frapper contre un corps dur. 11 fut suivi d’un tremblement de la tête qui persista pendant plusieurs se-

maines. Les accès revinrent plusieurs jours de suite, et plus tard principalement vers l’époque menstruelle.

«Au mois de février 1848, pendant la menstruation, la malade fut prise de vertige et tomba dans l’eau ; cet accident fut suivi d'une maladie de trois mois et d’une aménorrhée de six mois environ. Depuis ce temps, la menstruation resta sujette à des irrégularités quant au temps et quant à la quantité.

« En 1849, de retour à Sainte-Marie-aux-Mines, la malade prit pendant longtemps l'indigo avec la poudre aromatique ; plus tard, la teinture de noix vomique, sans que j’aie pu remarquer la moindre amélioration.

« En 1850, elle entra en condition chez M. X..., à Sainte-Marie-aux-Mines. Les accès continuaient; dilïérents traitements furent employés, toujours sans succès.

«En 1857,1a malade étant placée comme cuisinière àl’hos-pice Chenal, j’eus l'occasion de l'observer plus attentivement. Sa physionomie exprimait de la souifrance et de la mélancolie, souvent traversées par un sourire forcé ; son regard était fixe ou égaré. Elle avait constamment des maux de tête pluç ou moins forts. Lorsqu’ils atteignaient un certain degré d’intensité, ils provoquaient ordinairement un accès convulsif. Quand la malade avait le temps de le faire, elle se couchait sur son lit ou s’asseyait sur une chaise ; d’autres fois, elle tombait à terre comme foudroyée, cequiarrivait ordinairement après une émotion ou une frayeur. Alors, les yeux convulsés en haut, les avant-bras fortement fléchis et serrés contre la poitrine, les poings fermés, la malade faisait des contorsions avec le corps, la poitrine se soulevait, le cou se gonflait, la respiration devenait saccadée, irrégulière, et, la tête penchée sur l’épaule droite , elle cherchait un corps dur contre lequel elle heurtait la tête avec une violence extraordinaire et d’une manière parfaitement rhythmique. Des éructations et un tremblement des extrémités inférieures marquaient la fin de l’accès , qui durait ordinaiiement de quinze à trente minutes. Après l'accès, la physionomie conservait longtemps encore une expression d’idiotisme.

« Vers l'automne de 1851, les maux de tète et les aooês augmentèrent tellement, que la malade fut obligée de quitter sa place. Rentrée chez ses parents, je la traitai par la belladone, la valériane, l’assa-fœtida, la strychnine, etc... Les accès diminuèrent sans cesser complètement.

«A la fin de juin 1852, la malade entra en condition chez moi. Jusqu’au mois d’août, elle n’eut que quelques légers accès la nuit; mais , quoique d’une intelligence assez développée, la malade avait toujours une physionomie empreinte d’une expression d’idiotisme; elle accusait constamment des douleurs dans la tète , et était sujette à des congestions fréquentes vers la tète. La menstruation était peu abondante, mais régulière.

« Le 12 août, un jeudi, un accès de trente minutes se déclara à la suite d’une frayeur. Depuis ce moment, les accès se répétèrent, principalement les jeudis.

«Le 7 octobre, à huit heures et demie du soir, à la suite d’un accès formidable, je me décidai enfin à essayer le magnétisme : quelques passes suffirent pour arrêter l’accès ; quelques moments après, je la démagnétise et la malade vaque à ses occupations. A dix heures du soir, la malade se couche et ne se réveille que.le 9 octobre à, onze du matin. Pendant c,e sommeil de trente-six heures, le pouls était à 65, régulier; la respiration normale ; la peau moite ; enfin, sauf une i/nes-lldsiccompUlede la peau, etl’état desyeux qui étaient convulsés vers le haut, ce sommeil paraissait tout à fait naturel.

« Le ÿ au soir, je trouvai la vessie énormément distendue, et le 9 au matin, le lit fut inondé par suite d’une miction involontaire. Au réveil, la malade fut étonnée d’avoir dormi si longtemps.

«Jusqu'au jeudi \h octobre, aucun accès. Cejour-là, vers dix heures du matin, un sommeil invincible force la malade à se coucher. Jlême sommeil que le 7. La vessie est de nouveau très-distendue , mais il n'y eut pas de miction involontaire ; il parait, au contraire, certain que la malade s’est le-v,ée pendant Ja nuit pour uriner, car le lendemain je trouvai son vase de nuit rempli d’urine. A son réveil, la malade pré-

tend cependant n’en avoir aucun souvenir. Le réveil eut lieu le 16, à huit heures du soir.

« La périodicité de ce sommeil me décida à employer le sulfate de quinine.

«Le 1B, menstruation.

« Le 20, reprise du sulfate de quinine. A troisheuresdusoir, en voulant chercher de l’eau à la fontaine, la malade est prise par le sommeil ; une personne est obligée de la conduire à la maison, ou elle dort jusqu’au lendemain 21, à six heures du matin.

« Le 21, reprise du sulfate de quinine.

« Le 26. Un peu de somnolence vers quatre heures du soir.

« Le 29, à 2 heures de l’après-midi, lamalade casse une soupière, ce qui occasionne un accès, qui est immédiatement arrêté par le magnétisme. A sept heures du soir, deuxième accès, combattu de nouveau par le magnétisme.

« Le 31. La malade accuse des maux de dents violents qui s’irradient sur tout le côté droit de la tête; elle se couche vers dix heures du soir. A onze heures, elle ressent de nouveau une somnolence lourde.

«Le 1" novembre, à dix heures du matin, elle dort encore profondément. La vessie est distendue, l'anesthésie complète; je la magnétise, et, pour la première fois, elle présente l’état cataleptique. Sur ma demande, elle ouvre les yeux, accuse de la somnolence; j’exige qu’elle tienne les yeux ouverts jusqu’il complète démagnétisation ; après quoi; elle se lève et vaque à ses occupations. Les maux de doits persistent toute la journée.

«Le 2 novembre, à huit heures du matin, elle se fait arracher la première molaire droite; l’opération est suivie d un accès terrible, combattu immédiatement par le magnétisme.

— A neuf heures du matin, second accès encore plus violent, arrêté instantanément par le magnétisme ; pour la première fois, je la questionne pendant son sommeil sur la cause de ses accès; elle me répond quelle a dans la tète un vers avec beaucoup île pattes.

«A une heure et demie après midi, nouvel accès.—Magné tisation suivie de lucidité.

« Première question. — Où est le siège de votre maladie?

« Réponse.—J’ai dans la tète un ver qui va du milieu de la tête jusque vers le nez.

« Deuxième question.— Comment peut-on vous débarrasser de cet insecte ?

« Réponse. — Les compresses d’eau sédative et les prises de camphre sont trop faibles pour tuer l’insecte ; il faudrait faire une incision et saisir le ver avec une pince.

« Troisième question. — Quand reviendront les accès ?

« Réponse. — A 7 heures du soir et à minuit.

1 Après cette réponse, la malade demanda une demi-heure de sommeil. A peu près 5 minutes avant la demi-heure révolue, je voulus la réveiller. Elle prétendit qu’à ma montre il manquait quatre minutes et demie pour que la demi-heure fût complète ; je tirai ma montre ; la malade disait vrai.

«J’invitai mon confrère M. Gros à assister à l’accès de 7 heures du soir. L’accès vint à l’heure indiquée, et je la magnétisai de suite ; je lui adressai les mêmes questions ; les réponses furent analogues. La malade nous donna une description plus précise de l’insecte et ajouta que la magnétisation affaiblissait l’insecte et qu’à la quatrième magnétisation il serait facile à saisir. Elle nous annonce de nouveau l’accès de minuit, et nous dit que la menstruation viendrait le 16 ; que ce jour-là elle aurait un accès à 9 heures du soir. Enfin elle demande un sommeil de 20 minutes. Au bout de 18 minutes je voulus la réveiller ; elle me dit qu'elle avait encore deux minutes à dormir.

« A minuit, survint un accès très-fort. Il me fallut plus de temps pour magnétiser la malade au lit qu’étant levée.

« La malade accuse de la pesanteur dans les membres, qui sont agités par un tremblement nerveux. Je la questionnai relativement aux quatre magnétisations qu’elle avait demandées le soir -, elle me répondit que la magnétisation actuelle était comprise dans ce nombre et qu’il ne fallait plus la magnétiser que trois fois, savoir : le 3 novembre, à une heure

de l'après-midi; le 4, à 3 heures; la troisième fois, le 5; quant à l’heure de cette séance, elle me dit qu’elle la fixerait demain. De plus, elle m’annonça que le sommeil anesthésique reviendrait le samedi soir à 10 heures et durerait jusqu’au dimanche matin à 10 heures, si on ne lui donnait pas de sulfate de quinine.

« Le 3 novembre, la malade est pâle ; du reste, elle est bien.

« A une heure et demie de l’après-midi je la magnétise en présence de M. Gros. — Elle nous dit que l'insecte est très-affaibli par le magnétisme et qu’il tend toujours de plus en plus à arriver sous la peau du crâne. Elle nous annonce de nouveau un accès et la menstruation pour le 16.

« Question. — Ne pourrait-on rien faire pour augmenter le flux menstruel ?

« Réponse. — Le magnétisme le provoquera. Ce matin j’ai déjà eu des flueurs blanches.

« La malade demande denouveauàètre magnétisée le lendemain à 3 heures ; elle se plaint que beaucoup de personnes autour d’elle la fatiguent ; enfin elle demande 20 minutes de sommeil.

« Après son réveil, la malade va à son travail de cuisine, laisse tomber à terre un couvercle en fer-blanc, ce qui provoqua un accès, immédiatement arrêté par le magnétisme. Le même soir, elle eut une seconde frayeur plus forte, qui ne produisit que des vertiges et un tremblement passagers.

— Elle prend le soir 20 centigrammes de sulfate de quinine.

■ Le 4 novembre, je magnétise la malade à 3 heures du soir, en présence de M. Gros.

u Première question. —A quelle heure voulez-vous être magnétisée demain ?

a Réponse. — A 5 heures du soir.

« Deuxième question. — Pourquoi toussez-vous après chaque magnétisation ?

« Réponse. — Vous ne me démagnétisez pas assez. Il me reste sur la poitrine une espèce de crampe qui me fait tousser.

« Troisième question. — Vous prétendez être guérie par quatre magnétisations ; pourquoi alors aurez-vous un accès le 16?

« Réponse. — Cet accès sera provoqué par les règles.

" Quatrième question. — Faudra-t-il vous magnétiser pendant l’accès ?

n Réponse. — Oui.

« Cinquième question.—Aurez-vous encore des accès après le 16?

« Réponse. — Non. —Chaque fois avec l’apparition des rè-règles j’aurai de légères secousses nerveuses qui iront toujours en diminuant.

n Sixième question. — Croyez-vous que quatre magnétisations suffiront pour vous guérir ?

n Réponse. — Non.—A la quatrième il faudra faire une incision sur la tête et extraire le ver.

n Septième question. — Trouverai-je l’insecte? n Réponse. — Oui.

« Huitième question.—Pourrez-vous me diriger pendant l’opération ?

« Réponse. — Oui.

« Neuvième question.—Comment l’insecte a-t-il pu trouver le crâne ?

« Réponse.—11 y a à cette place un trou dans le crâne par lequel passe une artériole et l’insecte passe à travers.

n Dixième question. —D'où vient-il que l’insecte a pu traverser le crâne et ne peut pas traverser le cuir chevelu ? a Réponse. — Le magnétisme l’a trop affaibli. a Onzième question.—Si on n’enlevait pas l’insecte, qu’ar-riverait-il ?

a Réponse.—L'insectei eprendrait ses forces et les accès reviendraient.

« Après ces questions, la malade demande une demi-heure de sommeil, puis demande un verre d’eau et quelques passes sur la tête, parce que l’insecte lui fait mal. — M. Gros essaye de la démagnétiser; la malade paraît en souffrir, et il me faut

beaucoup plus de temps pour la démagnétiser. Peu d’instants après, elle a deux syncopes.

«Le 5 novembre. Depuis son sommeil magnétique d’hier, la malade se plaint d’une douleur perçante au sommet de la tôte. Dans la journée, elle prend 15 centigrammes de sulfate de quinine.

• A cinq heures du soir, je la magnétise en présence de MM. les docteurs Neser et Gros. — Je renouvelle toutes les questions de la veille ; les réponses sont les mômes. La malade demande à être opérée, et nous indique une place au sin-ciput, un peu à droite de la suture sagittale,, comme ôtant le siège de l’insecte.

« Après avoir rasé les cheveux à la place indiquée, je fais une incision de 3 centimètres de longueur, parallèle à la suture sagittale. Du second coup de bistouri j’entame une artériole qui donne beaucoup de sang ; nous essayons inutilement d’en faire la ligature ou la torsion. Sur ma remarque que le sang nous empêche de voir, la malade me dit de faire une incision cruciale. Comme je donne le coup de bistouri elle s’écrie : « Vous coupez le ver. » Avec une pince je saisis le lambeau postérieur droit, et la patiente s’écrie : « Vous le tenez, vous le tenez. » — En donnant quelques coups de bistouri pour disséquer le lambeau, ce dernier m’échappe, ce qui arrache à la malade un cri de détresse. Nous épongeons le sang qui coulait à flots et je îlis à la malade : « Le sang nous empêche de voir le ver. » Elle me répond avec précipitation : « Introduisez mes doigts dans la plaie, je le saisirai facilement, « Nous soulevons sa main gauche au-dessus de sa tête, introduisons le pouce sous le lambeau. Avec l’indicateur elle en saisit la face supérieure et après quelqués secondes de tâtonnement, elle racle avec le pouce la face inférieure du lambeau et nous dit : «Je l'ai. » — Serrant toujours la main au-dessus de la tête de la patiente, M. Gros saisit l'insecte avec une pince entre l’ongle et la pulpe du pouce de la malade. « Vous, n’avez qu’un fragment, » dit la malade pendant que M. Gros le dépose sur un morceau de papier. M. Gros revint avec sa pince çt trouva un socond morceau. «Vous ne l’avez pas en-

core en entier, » dit-elle. M. Gros cherche de nouveau et trouve le dernier fragment. Le premier fragment a fait sur le papier, en rampant, une traînée de sang de 3 à h millimètres de longueur. — Nous fermons la plaie et y appliquons de l’eau hémostatique de Freppel pour arrêter le sang. — Après le pansement, la malade demande un quart d’heure de sommeil. — Avant de la réveiller, nous lui demandons encore comment cet insecte a pu sortir du crâne : elle nous répond qu’à cet endroit il y a un trou par lequel passe un vaisseau sanguin et que l’insecte a trouvé ce vaisseau. Puis , elle demande quelques gouttes d’Hoffmann pour prévenir une syncope, nous assure qu’il ne reste plus trace de l’insecte dans la plaie, et nous dit que la plaie sera cicatrisée dans trois jours. Enfin, elle se prescrit des bains de pieds sinapisés contre les vertiges qui surviendront jusqu’à l’époque menstruelle. — Au lieu de mettre les fragments de l’insecte dans de l’eau, nous les laissâmes sécher sur le papier avec le sang dont ils étaient entourés.

«Le 6 novembre. La malade a passé une bonne nuitet nous dit que pour la première fois depuis bien des années elle se sent débarrassée de ses maux de tête. Dans la journée, elle a beaucoup de vertiges, à tel point qu’elle tombe d’une chaise sur laquelle elle était debout.

« Le soir, elle prend un bain de pieds sinapisé.

« Le 7. Les vertiges ont cessé.

«Le 12. Lourdeur générale. — La malade croit que son époque menstruelle se prépare. — Bain de pieds sinapisé.

«Dans l’intervalle du 5 au 16, lamalade a éprouvé plusieurs frayeurs sans autre suite qu’un tremblement nerveux des extrémités inférieures.

«Depuis l’opération, l’empreinte d’idiotisme qui existait sur la physionomie de la malade a entièrement disparu.

« Le 16. Apparition des règles à midi.

« A 8 heures et demie du soir, plusieurs personnes, entre autres mes deux confrères, se trouvent réunies dans mon cabinet. — A 9 heures précises, nous entendons une chute d’un corps lourd sur le plancher, provoqué par la chute de la ma-

laile, qui était dans sa chambre à inscrire ses dépenses, et qui, dans sa chute, a renversé une chaise. — Nous la trouvons étendue sur le plancher, se tordant les bras et le corps; elle avait des éructations et la respiration entre-coupée des hystériques. — Nous la laissons dans cet état pendant 6 minutes environ, pour observer l’accès, et observons que, contrairement à ses accès antécédents, elle ne se frappe plus la tête d’une manière rhytlimique contre un corps dur. — L'ayant assise sur une chaise pour la magnétiser, après 5 minutes de passes, elle est endormie.

a Première question. — Cet accès sera-t-il le dernier?

« Réponse. — Oui.

« Deuxième question. — Quelle est la cause de cet accès ?

n Réponse. — Les règles et la faiblesse des nerfs.

«Troisième question.—Pourquoi ne vous êtes-vous plus frappé la tête ?

« Réponse. — Parce que l’insecte ne me fait plus mal.

n Quatrième question. — Pourquoi vous frappiez-vous la tète dans vos autres accès?

« Réponse. — Pour tuer l'insecte.

« Cinquième question.—Le magnétisme n’a-t-il pas une fâcheuse influence sur vos nerfs ?

« Réponse. — Au contraire, il les fortifie.

« Sixième question. — Voulez-vous qu’on vous magnétise encore ?

« Réponse. — Oui, tous les quinze jours.

« Septième question. —Serez-vous lucide ?

« Réponse. — Oui.

« Huitième question. — Comment cet insecte est-il entré dans votre tête ?

u Réponse. — Après une chute que je fis sur la tête, il s’est formé dans un caillot de sang.

« Neuvième question__Quelle est la forme de l’insecte ?

« Réponse. — Je ne le vois pas clairement.

« Dixième question. — Combien de temps voulez-vous dormir ?

i Réponse. — Une demi-heure.

«Après le réveil, la malade est gaie et demande à manger.

«Le 17. Les règles ont cessé.

« Le 10. Dès le matin, une forte oppression tourmente la malade. A 8 heures du soir, elle prend un bain de pieds sina-pisé. A 9 heures l’oppression est si forte que la malade croit étouffer. La face est d’un rouge violet, la peau froide. La malade a des vertiges. Je la magnétise.

« Première question. — D’oii vient cette oppression ?

« Réponse.— Je me suis levée à 5 heures du matin, il faisait froid, et pour ne pas faire de bruit, je suis restée pieds-nus.

« Deuxième question__L’oppression reviendra-t-elle?

«■Réponse. — EDtre 10 et 11 heures.

« Troisième question». — Que faut-il faire?

« Réponse. —Me donner un bain de pieds.

« Quatrième question. — Et les règles ?

« Réponse. —Elles ne sont pas revenues.

« Cinquième, question.— Quand reviendront-elles?

« Réponse. Je ne les aurai plus avant le 12 février. Jusque-là, j’;iurai de la pesanteur dans les membres et des vertiges.

« Sixième question. —Et les accès?

« Réponse. — Je n’en aurai plus.

«La malade demande 10minutes de sommeil. Au bout de ce temps, la malade me demande en grâce de la réveiller. Je lui demande pourquoi elle est si agitée ; elle me répond qu'à Strasbourg plusieurs messieurs sont réunis et discutent le magnétisme; que l’histoire de su maladie et de son opération est la principale matière de discussion; que ces messieurs me critiquent trop sévèrement et sc permettent même, d'attaquer ma probité ; elle me dit voir et entendre tout cela, mais d’ une manière confuse. On comprendra sans peine combien il m’importait de m’assurer de l’exactitude de ces faits et de connaître les noms de ces messieurs. Je lui demandai : Quels sont ces messieurs?—Elle merépoadii.: Je ne les connais pas tons; il y a M. le dbeteur Stamm. Pensant qu’il s'agissait d'une réunion !e médecins, j'en nommai plusieurs qu’elle me dit être présents à la discussion. M. Stamm m’a

écrit plus tard qu’excepté lui, aucun de ces messieurs ne se trouvait à cette réunion.

« Le -20 novembre. Oppression.

« Le 24. Dyspnée qui nécessite une saignée.

« Le 4 décembre. Le soir, après avoir beaucoup travaillé dans la journée, la malade se plaint de fatigue et de tremblements dans les extrémités inférieures.

« Le 6. Vertiges.

«Le 8. A 9 heures du matin, elle entre tonte désolée dans mon cabinet et me dit : « Monsieur, j’ai des 'vertiges, la tête prise, vous verrez que j’aurai un acGès. » Je lui dis de s’asseoir. Elle tombe sur une chaise comme une masse inerte. Quelques mouvements convulsifs des yeux, de légères secousses de tout le corps sans perte de connaissance, nne lourdeur générale et un gonflement de l’épigastre sont les seuls symptômes qui se présentent. Lorsqu’elle fut de norneau calme, je la magnétisai ; elle me dit alors : « .Mes règles devraient venir le 10, elles ne viendront pas. Le sang me travaille. Les mêmes symptômes reparaîtront au mois de janvier. Depuis plosieurs jours je suis oojistipée ; plus tard surviendront de la gastralgie et des vomissements. » Je lui prescrivis alors deux pilules purgatives pmir le soir et 6 le lendemain matin.

h Le 9. Vomissements pendant la nuit et le jour. La gastralgie la fait tellement souffrir, qu’elle se roule dans son lit, mais sans mouvements convulsifs et sans perte de connaissance.

o Elle prend 1 centigramme d’acétate de morphine.

« Le 10. La gastralgie diminue. L’épigastre est encore gonflé et douloureux à la moindre pression. Le soir, douleurs dans les lombes. Rétention d'urine.

« Le 11. Urines rares. Du reste, la malade est mienx.

« Le 15. La malade se réveille couchée sur le plancher devant son lit. Combien de temps y est-elle restée ? A-t-elle rêvé 1 A-t-elle eu un «ccès de convulsions ? Elle n’en sait rien. i.*'

«Elle médit, et sa mère confirme son dire, quedansle temps elle tombait souvent de son lit ; quelquefois à la suite d’un

accès, quelquefois aussi sans accè-. Quand il y avait eu un accès, la malade se sentait mal à son aise.

« Le 18. Depuis deux jours je remarque que la malade est de mauvaise humeur et phlegmatique : ses joues sont d'un rouge foncé, elle accuse delà lourdeur. Ali heures du matin, elle a des vertiges. A deux heures, les vertiges et l’oppression la forcent d’aller dans sa chambre et de s’appuyer la tête contre son lit. A 3 heures, en marchant elle tombe comme foudroyée, mais sans perte de connaissance et elle rêve immédiatement. A 5 heures du soir, je la magnétise.

« Première question. — Qu’avez-vous?

« Réponse. — Je suis malade, j’ai des vertiges, le sang me travaille.

« Deuxième question. — Quel rapport y a-t-il entre votre état actuel et les accès convulsifs que vous avez eus précédemment 7

« Réponse.—Les accès ont dérangé mon système nerveux, et par là mon époque menstruelle.

« Troisième question. — Votre santé se rétablira-t-elle ?

« Réponse. — Non, cela va mal. Le 10 janvier à 3 heures et demie du soir, j’aurai un coup d’apoplexie qui me tuera.

« Quatrième question. — Ne peut-on pas prévenir cette apoplexie ?

« Réponse.—Peut-être. Je mange trop, je fais trop de sang. (La malade a effectivement beaucoup engraissé depuis quelques semaines). Il faut me donner peu à manger;ne me donner ni viande, ni café, ni vin, peu de pain, et me faire beaucoup travailler. Il faut me faire une saignée demain et une le 5 janvier.

« Le 27. La malade aperçoit quelques gouttes de sang menstruel.

o Le 28. Léger point de côté.

«Le 29. Involontairement j’effrayai la malade, ce quilui occasionna des tremblements nerveux et un malaise qui dura toute la journée. Aucun accès ne survint, quoique la malade me dit qu’elle le sentait venir.

« Le S janvier 1853. La malade est bien ; cependant je la

magnétise pour la questionner sur ce qui ss passera le li> janvier.

( Elle médit que le danger n’est pas tout à fait passé, qu'il faut la saigner le 5 et le 10 janvier à 3 heures du soir, puis continuer encore le régime débilitant pendant trois semaines. Je lui demandai quel était le siège ordinaire de l’insecte. Elle me répondit qu'il se trouvait sous le crâne et cheminait quelquefois jusque vers le front et la région temporale ; qu’ordinairement il se tenait au sinciput près du trou qui existe en cette place.

» Le 5 janvier. Je pratique à la malade une saignée.

« Le 9. La malade accuse de la pesanteur, de l’engourdissement dans les membres, un abattement général,des vertiges, de la dyspnée. Elle a des quintes de toux sèche. A 3 heures du soir, elle retourne chez ses parents. Bain de pieds sinapisé le soir.

o Le 10 janvier. La nuit a été agitée par de l'oppression et une toux nerveuse.

«Le matin, je trouve la malade dans un état qui avoisine le coma. Les réponses sont courtes, lentes, mais justes. Après chaque réponse, elle retombe dans cet état semi-comateux. Le pouls est large, à 105; ronchus abondant dans toute la poitrine. On ne perçoit aucun choc, aucun bruit du cœur. Matité précordiale très-étendue.

« Je pratique une saignée. Il y a une légère amélioration après la saignée.— A midi, la dyspnée augmente, la malade est très-agitée. A 3 heures, tous les symptômes s’aggravent. Tout à coup, la respiration devient de plus en plus lente, et finalement est imperceptible, le visage se décolore, devient froid, le faciès se décompose, les yeux se convulsent, le pouls est presque insensible, à 110. La malade ne répond plus, ne fait aucun mouvement ; elle git dans son lit comme un cadavre. J’applique des compresses d’eau sédative concentrée sur le cou, le cœur et la tête, des sinapismes aux mollets, et je pratique une large saignée.

« Dès que le sang coule, lamalade rouvre les yeux, ses joues se colorent, la chaleur revient à la peau, la respiration rede-

vient normale et la malade nous parle. Nous laissons couler 7 à 800 grammes de sang et fermons la saignée. Le sang est noir et épais. Bientôt après, la malade a une syncope. — Après quatre heures, la même scène se renouvelle , mais moins forte et moins longue, puis la malade demande une tranche d’orange qu’elle mange avec appétit. — De cinq heures à huit heures il y eut plusieurs syncopes. — Nous ordonnons un peu de bouillon et quelques cuillerées de vin de Bordeaux pour la nuit.

« Le 11. La malade est bien.

«Le 12. Je magnétise la malade à trois heures du soir. Elle me dit que sa santé ne se remettra que le 12 février, la menstruation reviendra et dès lors régulièrement tous les quatre semaines. Elle demande qu’on continue encore le régime débilitant. Le soir, la malade reprend son service chez moi.

n Le 19. Pendant une partie de la journée, la malade lave dans une buanderie. Vers quatre heures du soir, elle se plaint d’un chatouillement dans la gorge, suivi de quintes de toux fatigantes. Malgré cela, elle continue son ouvrage.

« Le 20. La malade se lève avec des maux de tête atroces. A une heure après midi, les douleurs de tête deviennent intolérables. La malade se couche sur son lit et tombe bientôt dans un 'étal comateux.

« A deux heures, elle rentre chez ses parents. A cinq heures, je la magnétise. Dans son sommeil, elle me dit : «La suppression des règles, le froid et l’humidité aux pieds ont provoqué une congestion cérébrale, et à sa suite une inflammation des deux lobes antérieurs du cerveau. 11 faut m’appliquer sur la tête des compresses vinaigrées froides, me donner un bain de pieds sinapisé et me magnétiser demain il cinq heures du soir. »

«Le 21. Pas de selles ni d’urines depuis hier. Ce matin, céphalalgie. Sommeil comateux ; quelques rêvasseries ; narines sèches ; faciès décomposé; pouls petit, ii 72 ; langue chargée; pas de soif. — Je prescris 1 gramme de calomel et un pédi-luve sinapisé. A cinq heures du soir, je la magnétise en présence de sa mère. A une question que je lui adresse en aile-

mand comme toujours, la malade me répond en français : « Vous no devriez jamais magnétiser une malade devant ses parents, car leur inquiétude influence la somnambule ; renvoyez ma mère. » — Quand la mère fut sortie, elle reprit en allemand : « Ma maladie prend une mauvaise tournure ; je sèche. Les maux de tête augmenteront ainsi que l’inflammation du cerveau encore pendant six jours, puis ils diminueront, mais l’appétit ne reviendra pas et je serai toujours plus faible. »

« Question. — Combien de jours durera encore votre maladie après ces six jours 2

« Réponse lente, incertaine. — Encore sept jours.

« Question.— Et après ?

u Réponse.— Je ne vois plus rien.

« Question. — Quelle sera la marche de la maladie ?

u Réponse.— Je deviendrai toujours plus faible jusqu’au 3 février. Au delà, je ne vois plus rien.

« Question. — Mais vous avez dit. que vos règles reviendraient le 12 février ?

« Réponse. — Oui, si cette maladie n’était pas surveaae.

« Question. —Quelle maladie avez-vous?

Réponse. —Une inflammation de la substance cérébrale.

« Question.—Dois-je vous magnétiser encore quelquefois ?

« Réponse. —Oui, cela me soulage.

« Après ces réponses, elle se-prescrit 12 sangsues derrière les oreilles, 30 grammes d’huile de ricin, parce que.le calo-mel est resté sans effet, et des compresses d’eau sédative.sur la tête.

« Le 22. Onn’aappHqué que.six sangsues qui ont provoqué plusieurs syncopes pendant La nuit. La malade a eu & ou 10 selles avec des coliques et n’a pas.rendu d'urines. Les maux de tète et le sommeil comateux persistent ; le pouteest petit, à 65; un peu de soif; le soir, un peu de transpiration. Oui applique des compresses froides sur la tête. Diète absolue.

«Le 23, pendant la nuit, plusieurs selles avec descoliques.. Ce matin, soif ; pouls large et fort, à 115. Du reste,..mime état. Pendant la journée, la malade se plaint de courbature.

I.e soir, coma avec rêvasseries; pouls petit, à 82; ventre sensible à la pression : pas d’urine depuis 24 heures ; légère transpiration. Je prescris des sinapismes et des compresses sur la tète, un cataplasme sédatif sur l’abdomen.

« Le 24. Pendant toute la nuit la malade a'été tourmentée par des rêves lugubres. Pas d'urine depuis le 22 au matin. — Vessie distendue. — Ventre un peu plus ballonné et sensible à la pression. — Quelques coliques. — Soif. — Du reste, même état qu’hier. Je prescris 40 centigrammes de calomel, un cataplasme et des compresses comme hier. Je revis la malade à 6 heures du soir ; le calomel a provoqué deux selles. La malade a uriné.

« Elle accuse encore des coliques, un peu de mal de gorge, des points de côté voyageant de gauche à droite. Le coma et la céphalalgie persistent. Sur la demande de la mère, je magnétise la malade. Elle me dit que ses intestins sont fortement irrités. Je prescris des compresses d'eau sédative sur la tête et sur le cou, des cataplasmes sédatifs sur le ventre.

* Le 25. Même état, pouls petit à 65.

« Le 26. M. le docteurGros m’accompagne auprès de la malade. Nous la trouvons dans un sommeil comateux interrompu par de légers délires. Elle nous dit que lacépha'algie a diminué, qu’elle a des vertiges, des bourdonnements d’oreilles, que sa vue s’affaiblit. Le pouls varie d'un moment à l’autre de 66 à 70 pulsations. La malade a parfois des secousses dans les extrémités supérieures. L’intelligence est intacte.

« A 2 heures de l’après-midi je la trouve daus un état ady-namique complet, presque en syncope. Le pouls est filiforme à 60. La tête, les mains et les pieds sont froids. On a de la peine à la réveiller de son sommeil comateux. De temps à autre, elle récite des prières. Je fais appliquer des sinapismes aux mollets ; la malade revient lentement à elle et me dit : « J’ai rêvé qu’on m’enlevait de terre pour me porter au ciel où j’ai vu le Seigneur. »

«M. Gros et moi considéronscetteextrêmefaiblessecomme le résultat del’anorexieetde l’inanition ; et, partant delà, nous

prescrivons du vin de Bordeaux par cuillerées à bouche, et. du bouillon avec un jaune d’œuf.

« Le 27. La maladeabien dormi. Le réveil a été naturel. L: ventre est encore un peu douloureux au toucher. Lacéphalal-gie est presque nulle ; mais il y a des éblouissements quand la malade s’assied. Anorexie ; constipation. Je prescris un lavement, des cataplasmes sédatifs, du vin de Bordeaux et des bouillons.

« Le 28, les forces se relèvent; la tète est libre; ladysurie continue. Mômes prescriptions.

« Le 29, la malade entre en convalescence ; l’appétit revient, les selles et les urines sont normales.

u Le 12 février, la menstruation s’établit sans accidents.

«Le 12 mars, les règles paraissent plusabondantes que depuis bien des années.

«P. S.—L’insecte dont il est question dans cette observation a été examiné par une personne compétente, s’occupant beaucoup d’histoire naturelle, et qui l’a reconnu pour individu de la famille des myriapodes.

« Sainlc-Marle-aux-Mines, ce 1S mars 18ïJ.

* F. Dittmar, D. M. »

Cette relation n’a été publiée que six ans après la communication qui en avait été faite, parce qu’on ne saurait, dit le rédacteur du Moniteur des sciences médicales et pharmaceutiques, dans le numéro du 22 novembre 1859, d’où nous avons extrait cette relation, donner des preuves trop nombreuses et trop longtemps prolongées de circonspection en présence du merveilleux. Elle était précédée de la lettre d’envoi ci-après :

« Monsieur le rédacteur,

« Permettez-moi de vous adresser une observation médicale

Ïue m’a communiquée un de mes confrères, M. le docteur ittmar. Si vous n’êtes pas effrayé par sa dimension, veuillez prendre la peine de la lire et l'insérer dans le Moniteur des Hôpitaux si vous le jugez convenable. Je sais avec quelle répugnance les médecins touchent à tout ce qui, de près ou de loin, se rattache au magnétisme animal, et je crains que vous ne nous refusiez votre concours pour donner de la publicité au fait remarquable consigné dans cette observation et

dont j’ai été témoin , témoin très-peu crédule, je vous l'assure. Je crois cependant que la science n’a qu'à gagner ii l’étude du magnétisme et qu'il serait vivement à désirer que les faits réels observés par les homm?s consciencieux et instruits soient répandus dans le public médical. C'est le seul moyen d'arriver peu à peu à démêler la vérité de l’erreur et d'arracher des mains des charlatans une arme puissante dont ils usent et abusent contre le corp médical tout entier, et qui devrait être une branche des sciences médicales réservée exclusivement aux médecins.

« Agréez, etc. « Léon Gros, D. M. »

Nota. Tout est curieux dans cette observation : mais nous devons dire que, quoique les efforts des médecins aient été couronnés de succès, le médecin-magnétiseur a montré peu d’habileté magnétique : des remèdes ont été donnés qui n’étaient point nécessaires, et entre des mains expérimentées la cure eflt été plus rapide.

Quant à M. le docteur Castelnau, dont l’opinion se montre peu favorable à la vérité, nous pouvons l’adjoindre à ses deux éminents confrères de Douai qui doutent, ne savent point, et qui attendent patiemment que l’Académie de médecine se soit prononcée sur le magnétisme pour avoir une opinion. Nous, nous n’avons pas besoin qu’on nous dise qu’il fait jour en plein midi pour être certain de la lumière. Les médecins ont grand tort, en ce moment, on doit savoir gré des efforts de quelques-uns, mais le bien serait immense si, 11’attendant point un jugement qui tarde à venir, ils se mettaient résolument à pratiquer le magnétisme. Bientôt, émerveillés de leurs succès, une révolution aurait lieu dans la médecine, et cette science ténébreuse pourrait alors se vanter d’être utile aux hommes : jusqu’ici elle leur a fait plus de mal que de bien.

Baron du potet.

CONTROVERSE.

COUPS MYSTÉBIBDX ET APPARITION SATANIQBE.

Nous avons présenté à nos lecteurs divers documents pouvant servir à juger la question si controversée des coups mystérieux (1) ; nous avons rendu compte de plusieurs tentati-

(I) N°* du Î5juin (p. 303! et du 10 sci»lembre (p. *55).

ves fuites par une commission dont nous faisions partie pour constater des faits de spiritualisme. Les résultats, on se le rappelle, n’ont pas été satisfaisants, ce qui n’empêche pas quelques sectaires enthousiastes de chanter victoire. Sans nier la possibilité de communications d’êtres surhumains, nous avons insisté sur la nécessité de. prendre des précautions contre tous les genres d'erreur ; nous avons exposé plusieurs procédés ii l’aide desquels certaines personnes peuvent, sans mouvement apparent, produire des bruits variés, et nous avons rappelé cette règle du bon sens, qui défend de recourir à une intervention surnaturelle chaque fois qu’un fait peut s’expliquer naturellement. On a souvent allégué en faveur du système qui attribue les coups à l’action des Esprits, que ces bruits viennent de différentes directions, varient d’intensité, et par conséquent ne peuvent être dus ni à un jeu des musclesoude tendons, ni à aucun autre moyen physique dont disposerait le médium. On a répondu à cette objection en faisant voir que par de légères modifications des procédés, il est facile de faire varier les bruits de manière qu’ils paraissent venir de diverses directions et produits par différentes causes. Nous croyons utile de reproduire les explications données à ce sujet par M. le docteur Flint (1) : l’expérimentateur pourra en faire son profit, il saura ce qui peut être dû à des causes purement humaines , et il prendra ses mesures en conséquence. Du reste, nous déclarons n’accuser personne de fraude : plus poli et plus charitable que certains de nos adversaires, nous croyons qu’on peut discuter sans être obligé d’imputer à tout propos la mauvaise foi à ceux qui ne partagent pas nos opinions.

«Les bruits que fait entendre le médium par le jeu des muscles paraît quelquefois venir de loin : c’est une illusion provenant de ce que généralement ou apprécie mal les lois de

(i) Rochesler Knockirigs! Iliscovery anü exptanation source ofthe pheno-mena général!y Mnown as the ttirchester k'norkings. Bulialo, «»51. C'est il tort que, itens notre article du 10 septembre, nousavons placé chronologiquement les t avau* (le M. Scliiff aviïnt cent de M. 'Flint. La brochure de ce dernier a élé publiée? n 1861. et ce n'csl qu'en 18S4 que M. Schiff a f,.it ses communications à l’Acadéinie des sciences.

l'acoustique. Ordinairement nous ne parvenons à déterminer la direction d'où viennent les impressions transmises par l’air, qu’en combinantl'exercice de plusieurssens. Lesvariationsdans la distance supposée de l’origine du son peuvent être imitées simplemént parles variations dans l'intensité du son, pourvu que cette origine ne puisse être appréciée par les autres sens de la personne qui entend. C'est sur ces principes qu'on base l’art du ventriloque, et c’est ainsi qu'on explique les illusions qu’il produit. Le ventriloque ne transmet pas sa voix dans différentes directions ni à différentes distances, comme on le suppose ordinairement, mais il en gradue l’intensité de manière à faire paraître le son plus ou moins éloigné ; il dissimule en même temps tous les signes extérieurs de la production du son, et il s'applique à diriger, par sa conversation, l’attention des auditeurs vers les endroits d’où il veut que le son paraisse provenir. Chez les frappeuses de Rochester, le genou qui produit les coups (knockings) est enveloppé de vêtements, ce qui permet de dissimuler les mouvements légers ; c’est ce qui fait que les femmes réussissent mieux dans cet exercice. Le son est conduit par les corps solides quelconques en contact avec le membre ou le corps. Les frappeuses préfèrent que les visiteurs soient assis autour d'une longue table à l’extrémité de laquelle elles sont elles-mêmes assises. Quand elles placent alors la jambe en contact avec une partie de la table, les coups paraissent venir de dessus la table. Mais si le membre n’est en contact qu’avec le parquet, le son paraît venir d’en bas. Quelquefois les frappeuses , dans leurs exhibitions, se tiennent debout près d’une porte : si elles la touchent avec leur jambe ou si elles se tiennent tout auprès, le son paraît venir de la porte, et l’on peut la sentir vibrer; si elles se tiennent à quelque distance de la porte, les sons paraissent venir d’en bas. En réalité, les coups ne paraissent jamais venir d'une grande distance, à moins que l’illusion ne soit aidée par une vive imagination ou par une extrême crédulité. L'intensité des sons dépend du degré de force du moteur, de la promptitude avec laquelle se fait le déplacement, et des propriétés conductrices des

corps avec lesquels le médium est en contact.» (P. 1A.)

Le docteur Lee (Charles A.), qui avait assisté avec son confrère Flint à toutes les expériences sur les demoiselles Fox, inséra dans le Aew-York duily Tribune du 26 janvier 1851, une lettre sur le môme sujet ; elle est reproduite dans la brochure dont il s'agit ; en voici quelques extraits :

«On peut nous objecter que nos explications ne sont pas entièrement suffisantes, parce quelescoups se font entendre eu même temps dans différentes parties de la salle, quelquefois dans la table , ensuite dans le parquet, dans les murs de la chambre, à une certaine distance des frappeuses , etc. Nous avons employé plusieurs heures par jour, pendant trois jours, à observer mistress Fisli et mademoiselle Fox, et nous avons reconnu que les coups se faisaient invariablement entendre quand ils étaient demandés ; les sons ne paraissaient jamais venir de la porte, à moins que mademoiselle Fox n’en fût assez près pour la toucher de son talon ; les sons n’ont également semblé venir de la table que quand le médium en était, assez près pour toucher de son pied le pied de la table; mais généralement les sons paraissaient venir du parquet, dans le voisinage du médium, bien qu’on pût sentir le parquet vibrer à quelque distance, et la table tout entière vibrait quand elle plaçait un de ses pieds contre les pieds de la table. La confusion et les erreurs où l’on est tombé sur ce sujet viennent, sans nul doute, de l’ignorance des lois qui régissaient la propagation des sons. Rappelons que les sons peuvent être propagés de diverses manières.

« 1° Par réciprocité. Quand on excite des vibratious dans un corps sonore, capable de donner une certaine note, un autre corps susceptible de donner le même ton, et placé près du premier, résonne à l'unisson. Par exemple, si deux cordes de même longueur et de môme tension sont placées auprès l’une de l’autre, et que l’une d’elles soit mise en mouvement par un archet de violon, l’autre entrera en vibration réciproque; ou si la môme note est produite près de la corde, de toute autre manière, par une flûte ou un diapason, le même effet aura lieu. C’est ainsi que des verres à boire ré-

sonnent lorsque l’on joue du violon à quelque dislance. Deux montres, dont les battements ne sont pas concordants, battront à l’unisson quand elles seront posées sur une même table et près l'une de rautre. C’est en vertu du même principe que des corps sonores, tels que des tuyaux de fer, des pianos peuvent donner des sons dans une chambre oii les coups ont lieu , même à quelque distance. Une personne très-honorable m’assure que ce phénomène a eu lieu dans une chambre où les frappeuses donnaient une exhibition.

« 2° On peut avoir des vibrations par résonnance: c’est ce qui a lieu quand un corps sonore est mis en contact avec un autre ; alors une ou plusieurs parties de celui-ci peuvent vibrer isolément par réciprocité, bien que la noie propre du corps entier diffère du ton qui provoque la résonnance, ou même que ce corps vibrant intégralement ne soit pas susceptible de rendre un son musical distinct. Si l’on pose un diapason en vibration sur une table ou sur la tablette sonore, on trouvera que , bien que la tablette entière ne donne pas la note fondamentale , elle se divisera en plusieurs parties qui reproduiront par vibrations réciproques la note donnée, de manière à en accroître l'intensité ; et la même tablette pourra servir également bien pour des diapasons de divers tons; cependant si l'on emploie pour la résonnance des corps de trop petite dimension, il est essentiel qu’il y ait accord entre leur note fondamentale et celle du corps sonore, car autrement il ne se produirait pas de résonnance distincte. Ces principes sont bien connus en théorie musicale, et l’on a eu fréquemment occasion de les appliquer dans les séances de coups mystérieux.

« 3° A la rigueur encore, la propagation du son peut n’être due qu'à des vibrations par communication, et c’est ce qui a lieu le plus souvent pour les sons produits par les frappeuses. Ainsi, quand Mlle Fox produit des coups, ses pieds restant appuyés sur le parquet, le son, à cause des vêtements qui traînent tout autour de ses pieds, est quelque peu étouffé, et les vibrations se communiquant au parquet dans toutes les directions, il est presque impossible dedéter-

miner le lieu où le son a le plus d'intensité. Les personnes qui ont l’oreille délicate peuvent dans leur voisinage reconnaître le lieu d’origine du bruit; mais si leur attention est attirée vers une autre partie delà salle, il arrivera, comme pour le cas de ventriloquie, que le son paraîtra venir de là. C’est une chose bien connue que cette faculté de discerner les directions des sons s’acquiert principalement par l’habitude et varie considérablement suivant les personnes. Ainsi, lorsque des coups mystérieux se sont fait entendre en ma présence, j’ai souvent reconnu que chacun des assistants leur attribuait des points d’origine difféients. Nous jugeons de la direction des sons , principalement, sinon exclusivement, par la différence d’intensité des impressions produites sur les deux oreilles.

« En conséquence, si la production des sons a lieu dans des circonstances telles que la môme impression ait lieu sur les deux oreilles, alors nous sommes tout à fait incapables de déterminer d’où vient le son. G’estce qui arrive souvent dans de petites salles où il y a beaucoup de corps susceptibles de vibrer, quand on entend des coups étouffés, bien qu’on puisse, par une attention soutenue, reconnaître que le point où ils se produisent semble toujours dans le voisinage de Mlle Fox. L’idée que nous nous faisons de la distance du son n’est point du£ ii une perception directe.; nous la déduisons principale-îuentdu degré d’intensité de ce son, si nous n’avons pas d’autre indication pour nous guider. Quand nous ignorons complètement comment un certain son est produit, et que nous ne nous faisons pas d’avance une idée de l’intensité qu'il doit avoir, nous n’avons aucun moyen de juger à quelle distance de nous est le corps sonore, et nous pouvons supposer qu’il provient d’uue partie éloignée de la maison, bien que l’origine en soit à quelques pieds de nous. Le sifflement aigu d’une locomotive, bien que produit à une distance de plusieurs milles, nous semble être tout près de nous, tandis qu'un bruit sourd nous semble éloigné, bien qu’il soit produit dans notre voisinage immédiat. Ces principes, qui sont souvent dédaignés ou peu connus, serviront, je pense, à expliquer toutes les variétés

de bruits se rattachant aux coups de Rochester, et à concilier les opinions divergentes qui ont été émises sur le lieu de leur origine. » (P. 37, 38.)

Ces observations s’appliquent, non-seulement aux cas où les coups sont produits par le jeu des muscles, mais encore à tous les procédés à l’aide desquels on peut faire entendre des sons sans moteur apparent.

Ainsi, de ce que, dans un cas particulier, on ne pourrait assigner la cause des bruits qui se feraient entendre, on ne serait nullement autorisé par là à affirmer que cette cause soit surnaturelle. On connaît maintenant quelques-uns des moyens humains de produire ce phénomène avec toutes ses circonstances de variété dans l’intensité des sons et dans les directions d’où ils paraissent venir. Et personne n’est en droit de dire qu il n’existe pas d’autres procédés pour amener les mêmes résultats.

Soyons donc circonspects. Ne déclarons rien impossible; mais aussi que la difficulté d’expliquer un fait ne nous suffise pas pour déclarer de piano, comme la plupart des spiritualistes, qu il est dû à l’action d'êtres surhumains. Il y a une foule de choses qui, pendant quelque temps, ont frappé d’é-tonneinent et d’admiration, ont semblé inexplicables, ont été jugées miraculeuses, puis en définitive ont été reconnues parfaitement naturelles, et dont la cause était tellement simple, tellement ridicule, qu on s’est trouvé en quelque sorte humilié d’avoir pu un instant supposer une cause surnaturelle. Nous allons en citer un exemple récent, qui ne pourra manquer d’être instructif pour les modernes nécrolâtres.

Au mois de janvier dernier, je me trouvais un soir chez M. Piérart; il y avait, entre autres, M. Gérard, cent-garde, auteur d'un petit écrit sur le magnétisme, et une dame qui s'occupait de magie noire; elle nous assura qu’elle avait plusieurs fois pratiqué le rituel des grimoires et qu'elle avait toujours réussi à obtenir le but proposé. Ces récits piquèrent notre curiosité, et l’on proposa de tenter une expérience magique. La dame alla chercher ses six grimoires. Elle me dit en confidence quelle s’était munie en outre d'une bouteille

d’eau bénite ; je lui fis quelques objections sur l'incompatibilité entre le merveilleux sacré et le merveilleux diabolique ; elle me répondit qu'il fallait que ce fût ainsi et que ses succès lui avaient prouvé l’eflîcacité d’une telle combinaison. Je n'insistai pas. On choisit le grimoire d’Honorius, qui passe pour renfermerlesmeilleures receltes, et le maître delamaison prononça solennellement à haute voix l’invocation à Satan. Quelques personnes, en entendant ce sinistre appel au prince des enfers, éprouvèrent une pénible émotion, et l’une d’elles avoua qu’elle ne pouvait envisager sans effroi la communication avec les mauvais Esprits. On plaisanta sur ce scrupule, et l’on attendit avec une certaine anxiété l’effet de la formule magique, Au bout de quelques minutes, on entendit une voix étrange qui semblait venir d’en haut; c’était une sorte de gémissement composé de deux notes. Les mêmes sons recommencèrent à plusieurs intervalles. Plusieurs des assistants pâlissent, se troublent et regrettent déjà d’avoir été si tôt servis dans leurs souhaits. M. Piérart assure que c'est un Esprit qui se manifeste. J’objectai que ce jugement était bien précipité, qu’il fallait examiner plus mûrement avant de prononcer un tel jugement. M. Piérart me fit cette réplique, qui lui semblait péremptoire : « Si ce n’était pas un Esprit, que serait-ce donc ?... » Il se lève agité et va ouvrir la porte de la chambre ; il trouve sur le palier une servante qui déclare avoir entendu aussi ces gémissements singuliers et certifie qu’il n’y a personne dans les chambres voisines. Après un pareil témoignage, le doute n’était plus permis. C’est bien à un Esprit qu’on avait affaire. Il s’agissait d’entrer en relation avec lui. M. Gérard se mit bravement à l’interpeller, et lui dit : « Au nom de Dieu, qui es-tu ?... » Pas de réponse. « Eh bien ! alors, cria M. Gérard, au nom du diable, qui es-tu ?... » Pas de réponse. Je voulus voir si je seraisplus heureux ; je frappai trois coups sur le mur d’où les sons avaient paru venir, et je dis d’une voix impérieuse : «Qui es-tu?... — Auguste, répondit une voix enfantine. — Que fais-tu? — Je ramone. — Et au nom de qui ramones-tu? — Restaurant... Un immense éclat de rire accueillit cette révélation ; ceux qui avaient eu

le plus peur rirent plus fort que les autres; ¡1 y eut bien uu peu de confusion chez ceux qui avaient si résolument affirmé la présence d’un Esprit. ■ Eh bien, leur dis-je, n’y a-t-il pas là une bonne petite leçon ? Si le petit Auguste n'eût pas jugé à propos de répondre à mon interpellation, les gémissements venant à point nommé à la suite d’une évocation étaient définitivement attribnésà un Esprit dont la manifestation éclatante aurait fourni le sujet d’une magnifique relation pour la Revue spirituuliste, et l’auteur n’aurait pas manqué de tancer vertement l’incrédulité obstinée de ceux qui auraient refusé de se rendre à une telle preuve. Qu’aurait-ce donc été si le ramoneur, ayant entendu l’invocation, se fût amusé à jouer le rôle de Satan et eût répondu en son nom?... Combien de miracles n’ont rien de plus miraculeux que celui-là !

A. S. Mobin.

INSTITUTIONS.

— L’infatigable M. Guidi, qui a déjà fondé une société magnétique à Turin, qui, par ses journaux, ses livres, ses cours publics, ses expériences et ses travaux eu tout genre, a si puissamment contribué à la propagande magnétique, vient de fonder à Milan une nouvelle société à laquelle il a donné te titre d'institut zoomagnftiqitc, bien que, d’après les statuts que nous avons reçus, elle ne paraisse pasconsacrée spécialement à la magnétisation des animaux. Quel que soit le titre, cette société dont l’établissement prouve les progrès du magnétisme en Italie, ne pourra manquer de servir utilement notre cause.

BIBLIOGRAPHIE.

L’ouvrage de notre collaborateur, M. A. S. Morin, intitulé : du Magnétisme et des Sciences occultes , paraîtra à la fin de ce mois, à la librairie de Germer Baillièrc. 1 vol. in-8.

Baron du I'OTET, proprictairc-gérant.

AVIS.

Je vais donner au journal une partie des gravures destinées d’abord à ne paraître que dans mon ouvrage de la Thérapeutique divine et humaine. Ces dessins parlent d’eux-mêmes ; pour tout magnétiste, il n’y a pas besoin de texte.

J’espère donner ainsi un attrait tout nouveau à l’étude du magnétisme ; et, rapprochant le principe divin ou miraculeux du principe magnétique qui lui fait cortège,' qui en est même inséparable, les véritables procédés de magnétisation se trouveront dévoilés. Suivant pas à pas les traditions magnétiques en Egypte, en Grèce, en Italie et dans notre pays, bien aveugle sera celui qui conservera quelque doute en son esprit.

Quels que soient les sacrifices que je me sois imposés, j’y satisferai, et j’aurai prouvé ainsi que toutes mes pensées ont eu pour but d’éclairer les hommes sur des vérités sublimes que les savants s’obstinent à méconnaître : le temps et d’autres magnétistes dévoués achèveront l’œuvre commencée.

Baron du Potet.

Les personnes qui n’auront point renouvelé leur abonne-nement avant le 1" janvier devront 6e conformer aux prix suivants :

Paris, h an , 42 fr. an lie« de 10; 6 mois, 7 fr. au lien de 6.

Départ, el étrng, — 14 fr. a« lien de 12 ; — 8 fr. au lie* de 6.

Pays surtaxé, — 46 fr. an lieu de 14; — S fr. « lieu de 7.

On ne reçoit plus d’abonnements de trois mois. Les primes n’ont de valeur que jusqu’au moig de juin.

Tome XVIII. — N" J*. — 3» StWE. — ÎS DtCWME 1859. *4

PROGRÈS DU MAGNÉTISME.

HYPNOTISME.

L’Académie des sciences, dans sa séance de lundi 5 décembre , a reçu de M. Velpeau, le célèbre chirurgien , une communication des plus extraordinaires dont il ait été question depuis longtemps.

Un médecin ou un chirurgien des plus honorablement connus, M. Broca, a fait, d’après M. Velpeau, l’expérience que voici :

Placez devant le visage d'une personne, entre les deux yeux, à une distance de 15 à 20 centimètres, un objet un peu brillant. Invitez cette personne à regarder l’objet fixement. Au bout de quelques instants , elle louchera et ne tardera pas à tomber en catalepsie, à être spontanément privée de toute sensibilité.

Pans les expériences tentées, l’insensibilité du patient était telle, qu’on lui portait alternativement la tête d’un côté ou d’un autre; qu'on imprimait à toute sa personne des mouvements dont il n’avait aucune souvenance lorsqu’il était rentré dans son état normal.

Cette singulière découverte ne pouvait passer inaperçue pour un liomme intelligent. Elle lui donna, tout aussitôt, l’idée d’expérimenter si l’insensibilité obtenue par un procédé aussi simple serait assez complète pour remplacer celle que l’on procure à l’aide de substances anesthétiques. L’épreuve fut faite et réussit. On cite trois faits suivis de succès, syr cinq tentatives. Dans l’un des cas , un malade fut opéré d’un abcès qui avait exigé une incision importante. Dix à douze minutes après l’opération , l’insensibilité durait encore. Le malade n’eut pas même la conscience de l’épreuve douloureuse à laquelle il avait été soumis et qui lui procurait soulagement et santé.

Les expériences indiquées par M. Velpeau peuvent être facilement répétées. Un comprendra leur importance en se rappelant les dangers dont l'emploi de l’éther, du chloroforme , sont, les causes. Avec le moyen simple , naturel, facile, que le hasard vient de mettre à la disposition de la science, on n’a plus à redouter les accidents qui onteompro • mis souvent la vie de plusieurs personnes.

M. Velpeau, en annonçant la nouvelle découverte, s’est exprimé ainsi: « (’’est un phénomène étrange, un phénomène tellement étrange, que j'ai besoin, pour en parler à l’Académie, de prendre quelques précautions oratoires, d’être rassuré par le talent, l’honorabilité de celui qui me charge de lui donner une publicité utile , et en même temps assurer son droit à la découverte d’un fait si remarquable. »

M. Velpeau ne présente donc pas le nouveau système d’a-nesthésie comme une panacée universelle, mais il dit aux praticiens : « Usez-en, étudiez-le , expérimentez-le dans des circonstances utiles, et peut-être contribuerez-vous à doter la science d’un nouveau moyen de venir en aide à l’humanité souffrante. »

(Extrait de l'Union du 8 décembre.).

Nota. — Cette découverte n’est nouvelle que pour M. Velpeau et sans doute aussi pour quelques autres membres de l’Académie des sciences et de médecine.

En 1851, le Journal du Magnétisme publiait au mois de septembre une lettre du célèbre docteur Williams Gregory d’Edimbourg à M. le baron du Potet, dans laquelle il annonçait la publication d’un ouvrage sur le magnétisme, et où il parle des expériences dont il a été témoin en Angleterre, analogues à celles dont on a donné communication à l’Académie. Cette lettre, en outre, était suivie d’une analyse des procédés et des diverses méthodes employés pour l’obtention des mêmes faits ; ce résumé, nous le donnons plus bas, était encore dû à la plume d’un docteur. Mais il faut croire que si M. Velpeau et MM. les académiciens ne lisent point le Jour-

nul du Magnétisme, ils ne se lisent guère davantage entre eux.

Les mômes expériences, les mômes faits avaient déjà, un an auparavant, et sous différents noms, tels que : electro-biologie , electro-dynamie , hypnotisme , etc., préoccupé

I attention des Américains, comme 011 le verra par la lecture d un article de RI. Jos Barthet, qui parut dans le journal en octobre 1851, pages 520 à 574 (1).

Que dire de M. Velpeau qui, après dix ans et lorsque la connaissance de ces faits a été popularisée pour ainsi dire parles magnétistes, faute de pouvoir les faire accepter des savants, songe à assurer à M. Broca ou à M. Azam son droit à la découverte récente d'un fait si remarquable ?...

Que dire de l’intelligence ou plutôt de la conscience d’hommes pour qui ce même fait est resté si longtemps inaperçu ?...

Nous donnons l’extrait suivant pour nos abonnés qui n’ont point entre leurs mains la collection du journal, nous ne saurions le rendre plus considérable sans nous exposer, à rééditer pour ainsi dire, d’anciens numéros ; tel qu’il est d’ailleurs, il donne des indications suffisantes à ceux qui voudront expérimenter, (leux qui désireront être plus amplement renseignés devront se procurer les numéros mentionnés.

« Commençons par 1’Electro-biologie.

Cette méthode est généralement attribuée à un certain docteur Williams, de Washington. Ses associés ou imitateurs, Fiske et Doods, ont parcouru l’an dernier les États-Unis pour l’établir comme une science nouvelle. En vain les magnétiseurs ont-ils protesté , disant que les résultats étant identiques à ceux de leur pratique, il n’y avait de nouveau que le nom ; le mesmérisme ainsi déguisé n’en continua pas moins de se répandre en Amérique, et aujourd’hui AI. Fiske lait des élèves à Londres.

(1) On doit consulter cil outre le tome XI, p. 205; tome XII,p. 134,

433, 441, on y trouvera des détails, des faits, des expériences dont la connaissance sera utile à ceux qui vondront essayer ce procédé. On consultera aussi avec fruit l'ouvrage deM. A.-J.-P. Pbilipps, qui a pour litre : De l"Electro dynamisme vital.

M. Darlingest un de ces électro-biologistes ; mais il ne fait point, comme les autres, mystère île ses moyens, en sorte que M. Gregoryapu en déterminer le principe, et faire connaître à tous ce qui n'était transmis qu’à un petit nombre d'initiés, sous la foi du serment.

Cette méthode repose théoriquement sur les analogies électriques de la vie, et en fait sur l'afflux au cerveau de la vitalité propre du sujet, parla concentration de son esprit. Cette sorte d'abstraction amène un état particulier, dans lequel le sujet, tout ¿veillé et ayant conscience, éprouve tous les effets de volonté qu’on observe ordinairement dans le somnambulisme. C’est donc l’action personnelle substituée à celle d’autrui, l’automagnétisation enfin, employée pour produire les phénomènes physiologiques ; la partie morale ou l’action psychique est seule réservée au magnétiseur. La fatigue résultant de l’émission du fluide dans le procédé usuel est ainsi évitée : tout l’effort vient du sujet. On pourrait dire que celui-ci a toute la peine et l’autre le profit ; c’est l’inverse de ce qui se passe habituellement.

Voici comment agit A1. Darling.

11 place dans la paume de la main gauche de la personne qui se soumet à l’expérience une pièce de menue monnaie ou un petit disque biconvexe ayant le centre en cuivre et la circonférence en zinc ; il la prie de regarder fixement ce corps-Dans l’origine on supposait à ce disque une action directe électrique ou galvanique ; mais il paraît que sa composition est indifférente, et qu’il sert seulement à arrêter les regards. Il faut que la personne soit attentive, sans distraction, passive et consciencieuse ; car si, au lieu de s’isoler, d’être en quelque sorte absorbée dans la contemplation de l’objet en question, elle regardait ce qui l’entoure, était distraite par le bruit, résistait ou pensait à autre chose, il est clair que, ne remplissant pas les conditions, elle n’éprouverait pas les effets. Après dix ou quinze minutes de cette énergique concentration de l’esprit, produite par la vue active et prolongée d’un seul objet, l’opérateur s’approche du sujet et le prie de fermer les yeux. Ce qui étant fait, il lui passe rapidement les

doigts du milieu du front à l'angle externe des yeux , en déprimant les paupières, comme pour les coller ; puis il lui dit d’un ton assuré et quasi-impératif : Vous ne pouvez ouvrir les yeux. Si néanmoins les paupières se lèvent, c'est-à-dire si l’état impressible n’existe pas ou est incomplet, M. Darling prend une main du sujet dans la sienne, et le regardé fixement dans les yeux durant quelques instants ; après quoi il répète l’épreuve susdite. S’il échoue encore, il abandonne l’expérience pour le moment.

M. Gregory a été influencé de la sorte à la deuxième épreuve; mais beaucoup de personnes le sont à la première, d’où il conclut approximativement que huit sur dix individus peuvent être biologiste dès la première séance en renouvelant les essais.

Quand, par l’épreuve des yeux, M. Darling a reconnu que le sujet peut obéir à sa volonté exprimée verbalement, il le prie de fermer la bouche. 11 lui presse alors les lèvres l’une contre l’autre avec le bout de ses doigts, et lui fait une passe ordinaire sous la mâchoire inférieure, puis lui dit qu'il ne peut ouvrir la bouche, et cela réussit généralement. Quelquefois c’est le mouvement des bras qu’il empêche, soit eu comprimant les mains contre l’autre par un mouvement fort et rapide, à partir du poignet, et défiant de les séparer , soit en les faisant placer dans toute autre position et en empêchant le retrait volontaire, tant qu’il n’a pas prononcé les mots consacrés : Now you can, ou ail right, maintenant vous pouvez, ou, c’est bien.

11 agit de même sur les sensations. Ainsi il prive la main ou le bras de toute sensibilité, même à la plus vive douleur, et pervertit le tact et le goût, à tel point qu’un corps froid brûle le sujet ou le fait grelotter , qu’il prend l’eau pour du lait, de l’eau-de-vie ou tout autre liquide que l’opérateur dit être.

11 domine pareillement la volonté, soit, en Xempêchant ou le forçant, dans l'accomplissement d’un acte quelconque. Nous avons déjà cité la paralysie des bras : M. Darling défiant le sujet de lui donner un soufflet, sa main s’arrête contre

la joue du docteur. De même, s'il lui défend de sauter pardessus un mouchoir posó sur le sol, son élan dévie, et il tombe à droite ou à gauche de l’obstacle. S’il lui dit de dormir une minute, de siffler, etc., l'effet a lieu aussi régulièrement.

Le même empire s’exerce également sur la mémoire ; par exemple, le sujet oublie son nom, celui d’une autre personne, d’un objet quelconque, ou diverses lettres de l’alphabet, etc.

La vue n’échappe point à cette domination. Tel objet est pris pour un autre : comme une montre pour une tabatière , une chaise pour un chien ; c’est l’illusion ; ou bien le sujet voit des choses qui n’existent pas, tels qu’un livre dans la main vide de M. Darling, un oiseau dans une chambre qui n’en contient point : c’est l’hallucination.

La conscience est semblablement affectée ; et, comme dans les expériences magiques de M. du Potet, le sujet se croit être un personnage quelconque, et agit en conséquence de sa position fictive. Ainsi transformé en docteur Darling, père Mathew, prince Albert, duc de Wellington, il fait un discours sur l’électro-biologie, débite un sermon sur la tempérance , ou commande des troupes imaginaires, etc.

Enfin les émotions sont aussi profondément altérées que le reste des facultés. Le sujet supposé riant, l’opérateur l’arrête, le rend sérieux, triste, malheureux ; lui fait verser des larmes et se lamenter. Si cette impression pénible affecte les assistants, la face prend un air de béatitude, et cette expression est bientôt suivie de sourire , puis d’un rire incessant, sans que le sujet puisse indiquer plutôt la cause de sa tristesse que celle de sa gaieté.

Les variétés de cette influence sont infinies, et ne diffèrent, comme on le voit, nullement de celles qu'on obtient durant le sommeil magnétique. Elles sont aussi produites et détruites instantanément; mais les somnambuliques sont provoquées et anéanties tacitement, tandis que les électro-biologiques ne le sont que verbalement.

L’électro-psychologie nous vient aussi d’Amérique (1).

(I) Il y a bien encoró dans ce pays la chimico-psycliologie, la psycho-dynamie, le pathétisme, etc., clc.; niais ils n’ont point oc méthode distincte, ce sont seulement dos synonymes de magnétisme animal.

Elle est fondée sur la fausse théorie que 110s pensées, notre esprit, notre âme, sont de nature électrique. Ses procédés consistent aussi dans l’influence préalable du sujet par lui-mêmeau moyen également de la concentration des pensées; mais elle ne considère cet effort que comme produisant une ébauche, une rupture de l’équilibre nerveux favorable à la production de l’état impressible, qu’elle complète par des moyens usuels.

Le mode d’action de M. Lewis va préciser le caractère de cette méthode.

Il se place vis-à-vis de la personne qui désire éprouver les effets en question, et la prie de le regarder attentivement, ou quelque objet placé dans sa direction, tandis que lui-même la fixe avec la plus grande intensité. Au bout de cinq minutes environ, M. Lewis fait des passes et certains gestes qui expriment la concentration de volonté la plus énergique que l'auteur ait jamais vue, telle enfin que la langue anglaise n’a point de mot pour la peindre ; après quoi l’état impressible est ordinairement produit. Les autres conditions et accessoires sont les mêmes que dans l’opération de M. Dar-ling. Quant aux résultats, ils sont identiques dans l’une et l’autre méthode, à tel point que sous ce rapport on ne sait à laquelle des deux donner la préférence. Ce ne sont pas même deux méthodes, mais seulement deux modes différents, deux manières de mettre en œuvre le même principe.

« Tous les physiologistes, dit M. Gregory, s’apercevront que ces phénomènes, produits dans l’état de veille, dépendent de ce qu'on appelle suggestion. On a souvent mentionné ce principe, mais il était réservé aux magnétiseurs de notre temps de le rendre manifeste, en le faisant agir facilement, et avec la plus grande étendue, sur beaucoup de personnes, tandis que dans l’état ordinaire, un très-petit nombre d’individus en sont susceptibles, même en multipliant les tentatives.

« La cause qui produit la suggestibilité est, dans mon opinion, identique à l’influence magnétique exercée par le pro-

cédé ordinaire, parce que, si l’on insiste, le sommeil arrive, et avec lui tous les effets de: volonté précités. »

Ajoutons, pour compléter la vraisemblance, presque la démonstration de cette identité, que si, au lieu d’un faible degré d'auto ou de mixte magnétisation, on vient à démagnétiser incompUtemcnt un somnambule, celui-ci, ayant d’ailleurs l’air parfaitement éveillé et étant en rapport direct avec le monde extérieur, tel enfin que la nuance légère de magnétisme qui lui reste n’est appréciable que pour les gens prévenus , est illusionné et halluciné tout comme dans le sommeil (I).

Des faits qui précèdent ressortira peut-être une grande vérité pratique ; M. Gregory l’énonce en disant que si les effets suggérés et commandés, dont le sommeil puységurique paraissait être la condition, s’obtiennent dans l’état de veille et de conscience, c’est-à-dire apparemment normal, les autres facultés somnambuliques pourraient vraisemblablement se manifester de même. Pour la lucidité, par exemple, ne suffirait-il pas de diminuer la vivacité des impressions lumineuses pour que presque tous les sujets fussent voyants? 0» sera entièrement de son avis, si l’on considère combien la clairvoyance est fréquente à l’état de veille ; sans parler des prophètes et autres voyants de l’antiquité, ne la trouve-t-on pas endémique chez les montagnards écossais, épidémique chez les crisiaques, et sporadique dans certaines maladies, comme le prouvent les recherches de Reichenbach, enfin chez des somnambules et des extatiques ?

L’hypnotisme est aussi un mode d’auto-magnétisation par le regard fixe d’un objet. Il est dû à un Anglais, M. Braid; on peut le considérer comme le père de l’électro-biologie, tant parce qu’il est plus ancien que parce qu'il produit davantage.

Voici eu quoi il consiste :

La personne qui se soumet à l’épreuve tient d'une main, en avantet un peu au-dessus des yeux, un objet luisant qu’elle

(I) Voyez les comptes rendus des séances do lu Société du mesmérisme dans les premiers volumes de ce journal.

regarde attentivement : soit le bouton du ressort d'une boite à allumettes. 11 parait que la fixité du regard dans cette position incommode produit bientôt et facilement la rupture de l’équilibre nerveux par l’appel au cerveau, ou seulement dans une de ses parties, du fluide vital ou magnétique distribué dans les muscles, d’où résulte l’état où la suggestion est possible : le sommeil, la trance et l’extase. La plupart des personnes peuvent s’infiuencer ainsi, même celles qu’on ne peut pas plonger dans le sommeil magnétique. J’ai môme trouvé, dit M. Gregory, qu’il n’y a pas de meilleur moyen de s’endormir au lit, non-seulement quand on a de l’insomnie, mais aussi lorsqu'on essaye en résistant. 11 est même probable que le sommeil, qui nous gagne en lisant des ouvrages abstraits, ne vient que de ce que les yeux sont fixés attentivement sur les mots dont nous cherchons à pénétrer le sens ; dans ce cas, les axes visuels convergent en bas et en avant ; mais c’est toujours le strabisme, et la rétine reçoit de même la lumière réfléchie : la direction est inverse, voilà tout.

Quant aux résultats de cette pratique, ils sont en tous points semblables à ceux de la magnétisation ordinaire. 11 y a seulement cette différence que M. Braid n’a jamais observé la lucidité dans le sommeil produit par son moyen, et cependant il obtient jusqu'à l'extase ; cela dépend peut-être plutôt de lui que de son procédé ; car on sait qu’il y a des personnes qui font l’office d’éteignoirs à l’égard des clairvoyants.

11 est évident que les phénomènes de ces trois systèmes ôtant identiques entre eux et avec ceux du magnétisme animal, ils sont produits par la même cause, quoique différemment. Dans le premier cas, le cerveau s’enrichit aux dépens des autres parties, dans le second par le fluide qu’il reçoit du dehors. Il en résulte pareille inégalité relative entre l’encéphale et le reste du corps, mais dans des états différents. Ces divers moyens sont donc à examiner sérieusement, car ils ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients, dont on pent tirer parti selon les circonstances.

I)' Kcbller.

« Mon cher maître.

« Vous voilà bien vengé des académiciens qui ne voulaient pas croire aux effets du magnétisme, du somnambulisme, de la catalepsie artificielle de Mesmer, de la biologie de Philipps; les voilà qui croient maintenant à Y hypnotisme (1) de James Braid et à l'anesthésie de Paul Broca, qui sont identiquement la môme chose, sous des habits différents empruntés aux Grecs. Ne nous parlez donc plus du somnambulisme, mais de Yhypnobase ; ne vous appelez plus magnétiseur, mais hypno-baicou hypnologue, et vous serez admis dans le temple d'Es-culape. Ne dites plus : je vais vous endormir, mais vous hypnotiser, hypnomaiquer ou hypnoplastiquer, alors on vous comprendra et on se laissera guérir par Yhypnothêrapie. L’abbé Moigno ne vous poursuivra plus de ses railleries, depuis que son ami .Azam lui a certifié qu’il obtenait les mêmes effets que J. Cloquet pour les amputations sans douleur, que le docteur Esdaille a pratiquées par milliers à l’hôpital de Calcutta. Mais a beau mentir qui vient de loin! on n’a pas cru aux guérisons d’Esdaille.

« Si Philipps, au lieu de faire loucher ses sujets sur un point rouge placé au centre d’un disque de zinc tenu dans la main gauche, leur avait fait regarder dans des lunettes d'argent ou d’or, comme le grand prêtre des Mormons, pour les hypnostiquer par le pseudo-strabisme, il eût obtenu un véritable succès académique.

Quand on voit que l'influence des noms a plus de puissance sur les corps savants que les faits, on doit vraiment regretter de s’appeler

Jobard,

Membre étranger do l'Acadimie de Bruxellos.

(1) Hypnos: sommeil.

Au niomcnl de mettre sons presse, nous recevons île noire ami M. Jos Barlhet un article sur le? réflexions le M. .Morin, contenues dans notre dernier numéro. Au moins, M. Barthet se montre plein de convenance, et nous n'éprouvons aucun regret it accorder l'insertion (Ju’il demande. Baron ou Potei.

SPIRITUALISME.

GONTRO VEBSES.

Paris, 15 décembre, 1859.

« Monsieur le baron,

« J’espère en votre impartialité pour l’insertion des lignes suivantes dans le prochain numéro de votre excellent journal, attendu que certains articles de notre ami commun, l’honorable M. Morin, particulièrement le dernier, me semblent propres à égarer vos lecteurs sur la question essentielle du spiritualisme moderne, que M. Morin ne discute pas, il est vrai, mais dont il pourrait faire détourner l’attention, et je tiens beaucoup à prévenir les malentendus.

« M. Morin déclare franchement qu’il n’a rien vu ; mais il cite, comme bonne autorité, la petite brochure du docteur américain Flint. C’est à peu près, comme si, voulant nous édifier sur le mesmérisme, on s’en référait à M. Dubois (d’Amiens) ou à Montègre.

«La brochure en question fut envoyée d’Amérique par moi à M. Morin, il y a plus de quatre ans, alors que déjà elle était ancienne; et je ne lui fis pas cet envoi pour qu’il s’en servît plus tard comme d’une arme contre nous (il n’y a pas de quoi), mais seulement pour qu’il reconnût, une fois de plus, le danger des jugements précipités. En effet, le docteur Flint, comme plus tard MM. Faraday, Babinet et autres, compromit inutilement sa réputation de savant en parlant trop tôtdechoses qu’il n’avait pas suffisamment étudiées. Aveuglé par ses préjugés, il écrivitsa brochure, croyant sans doute

bien faire ; niais ses compatriotes sont, en général, sérieux et raisonneurs: ils voulurent voir eux-mêmes, expérimenter à leur tour, et aujourd’hui les spiritualistes se comptent chez eux par millions, tandis que la brochure de M. Flint y est moins estimée encore que ne le sont parmi vos amis les écrits de tant de magnétophobes que je pourrais citer.

« M. Morin s’attache principalement aUx « coups mystérieux, » et il recommande la circonspection. En cela il fait bien : nous la recommandons également. Mais ces coups ne sont que l’un des moyens employés par les Esprits pour se manifester aux mortels. M. Morin pense, d’après le docteur l'lint, que dans la famille Fox (il y a dix ans), ces coups étaient produits par les articulations des médiums, volontairement et dans le dessein de tromper. M. Morin se laisse abuser, car si le docteur Flint avait dit vrai, M"* Fish (aujourd’hui Mme Brown) ne serait pas encore, à l’heure qu’il est, le médium-frappeur le plus visité de tout New-York.

« Mais, quand bien même ces « coups » seraient un bruit des articulations ou des muscles, il ne faudrait pas les rejetet pour cette seule raison, pas plus qu’il ne faut repousser [‘inspiration écrite ou parlée, par cela seul qu’elle nous est transmise par le mouvement de la main ou de la langue. Quels que soient les signaux (bruits, mouvements, etc. ), il faut rechercher s’ils sont le fait volontaire du médium, ou s’ils procèdent d’une intelligence étrangère. Toute la question est là.

« Et d’ailleurs, n’y eût—il s dans les phénomènes modernes, qu’un moyen plus expéditif de trouver des clairvoyants que nous n’avons pas à endormir, et des magnétiseurs qui n’ont point à lire les livres de nos maîtres (magnétiseurs intuitifs, si l’on veut, pour ne pas effaroucher certains magné-tistes qui ne veulent absolument point qu’ôn leur parle d’Esprits) ; n’y eût-il, dis-je, que cela, les magnétistes éclairés auraient dû se montrer les premiers à hous écouter.

« Monsieur le baron, vous avez longuement et noblement répondu par des faits aux vaines dénégations des ennemis du magnétisme humain; je tâche, dans mon humble sphère, de vous imiter, en ce qui concerne la magnétisation angé-

lique et la communication entre les vivants et les « morts : » doctrine si grande, si consolante, que toutes les autres me semblent bien pâles. Comme vous, je recommande l’expérimentation en famille ; et puisque j'ai quelque expérience en ces matières, je la mets au service, non du public, mais des gens sérieux auxquels je ne demande que du silence et du recueillement. L’espoir de trouver parmi eux des médiums, et le bonheur de les convaincre ensuite, avec ces derniers, voilà ma récompense.

a Veuillez, Monsieur le baron, agréer la nouvelle assurance de mon attachement.

« Jos Barthet. »

J’ai toujours montré une tolérance excessive pour les opinions contraires aux faits ou aux résultats que j'ai pu produire ou publier. J’ai permis dans le Journal du Magnétisme, non-seulement la discussion, mais le doute ou le rejet de ce que je croyais vrai ; toute controverse y a été toujours admise lorsqu’elle s’est renfermée dans des limites où ne se rencontre point l’injure. Cette conduite réservée n’est point imitée par d'autres propagateurs de vérités ou d’inventions de systèmes ; ils veulent tout briser du premier coup, hommes et choses : si vous vous permettez le moindre doute, ils renfoncent leur chapeau sur leur tête et vôus regardent de travers. Ainsi fait M. Piérart, il se cabre, il piaffe, il rue et nous somme d’insérer au plus tôt sa réclame. Quand on a à son service un journal et les coudées franches pour dénaturer les opinions d'autrui, comme M. Piérart le pratique dans certains paragraphes de son journal, pourquoi donc réclamer l'office de sou voisin ? Mais ici la pensée se devine. Nous aurions pu refuser de donner la satisfaction qu’on nous demande, le réquisitoire de M. Piérart étant de beaucoup trop long, mais nos lecteurs ne seront sans doute pas fâchés de lire les éloquentes pages opposées au discours si simple de notre collaborateur M. Morin, et de voir terminer ce débat.

Baron du Potet,

A Monsieur Dupotet, directeur gérant du Journal du Magnétisme.

Monsieur,

Je lis dans le dernier numéro de votre journal, un article de M. Morin à mon adresse, conçu en des termes tels que je ne puis faire autrement que d'y répondre.

Comment M. Morin en est-il venu à écrire un semblable article?

Pour l'intelligence de la question et pour éclairer l'opinion de vos lecteurs, qu'il me soit permis tout d'abord de retracer en quatre mots 1 histoire de notre polémique, et des causes qui l'ont provoquée.

Depuis prés d« deux ans, Monsieur, à certains intervalles, votre journal n'a cessé d'insérer des insinuations désobligeantes et des critiques à mon adresse ou à celle de mes collaborateurs. M. Morin, notamment, a été l'auteur de ces critiques et de ces insinuations, vos lecteurs le savent, et ce n'est qu'à force d'ètre provoqué que je me suis décidé à répondre.

Si j’avais écoulé ceux qui unanimement m'engageaient à mépriser le3 attaques de M. Morin, comme n’ayant ni poids ni retentissement, celui-ci eut pu tout à son aise ergoter, nier et plaisanter. Mais le regardant comme un homme de cœur, de franchise et de capacité, reconnaissant en outre, dans ses arguments, ceux que l’incrédulité nous allègue en général, je n’ai point cru devoir laisser passer scs articles, pensant qu'en lui répondant je répondais en même temps à la plupart des contradicteurs actuels du spiritualisme.

M. Morin et vous avec lui, Monsieur, qui n’avez cessé de faire mention dans le Journal du Magnétisme de faits spiritualités tout aussi extraordinaires que ceux que je relate, et cela sans en administrer la preuve» vous m'avez accusé d'exagération et fait le reproche de ne pouvoir montrer aucun des faits dont je parlais Cette accusation a même pris la forme d'un défi dans un article de votre journal de l’automne dernier (1) où votre collaborateur, en parlant de la proposition que j’avais faite à M.Jourdan, rédacteur du Siècle, d’ètre témoin de quelque phénomène médianimique, dit que je serais bien embarrassé de tenir ma promesse.

La réponse à cela a été les séances offertes cinq à six fois différentes et avec le plus parfait empressement, par M11' Iluet à M. Morin.

Dans ces séances, M. Morin a entendu sur différents points du salon du médium, au plafond notamment, des coups intelligents dictant d après un mode alphabétique convenu, des phrases renvoyant avec précision et intelligence à des versets de la Bible, sans que l'on puisse attribuer à ces coups la moindre cause naturelle connue, comme je l'ai prouvé dans les n"‘ 10 et \ 1 de ma Revue, année 1859.

11 a plu à M. Morin de nier ces résultats, et de dire ouvertement en

(I) Voir le Jour nul du Magnétisme du 10 octobr« 1*58, p. 544.

public qu’ils n'étaient que de la jonglerie de la part de M"' Huet; bien plus, cette accusation a été répétée ou insinuée dans les numéros de votre journal des 25 juin, 10 juillet, 10 septembre et 19 octobre de la présente, année, comme le prouve fort bien M. Mathieu, mon honorable collaborateur dans le n» 12 de la Revue spiritualiste, dont je vous adresse un exemplaire.

Contredit par moi à ce sujet, M. Morin a prétendu n'avoir rien articulé de semblable et a invoqué le témoignage do AI. Mathieu et de M11' Huet, qui, selon lui, auraient reconnu, l'un la légitimité de ses négations, l'autre la parfaite bienveillance de sa manière d'agir.

Les deui lettres que viennent de m'adresser M. Mathieu et il11* Huet, et que vous trouverez insérées dans ma livraison 12 précitée, sont la meilleure réponse que l'on puisse faire aux dénégations de M. Morin.

Mon contradicteur m'adressant des démentis, je me suis borné à maintenir mes affirmations purement et simplement, indifférent à ses plaisanteries et ne m'attaquant qu’au seul argument qu’en fin de cause il ait maintenu. — Par cet argument M. Morin passant, condamnation sur ses dires et ses articles antérieurs, convenait de la parfaite sincérité de M11' Huet, et des coups intelligents entendus chez elle. Faisant ses réserves, toutefois, il écrivait à ce sujet la phrase suivante : Il est prouvé que des bruitspeuvent avoir fieu,sansmouvcmenlapparenl cI qu’on peu! mémo les modifier de manière qu'ils paraissent venir de différentes directions, et personne ne peut affirmer que les moyens décrits jusqu'ici soient les seuls capables de produire ces résultats.

A cela nous avons répondu en priant M. Morin de nous dire nettement, positivement, quels étaient les moyens naturels qu’il avait à signaler pour l’explication du phénomène en question, l’assurant que s’il en était ainsi, nous renoncerions à la théorie qui nous le faisait attribuer à des Esprits.

M. Morin ne nous a rien signalé du tout. Au lieu de cela, il vient de faire insérer dans votre journal une lettre où, désertant les faits en question, il accumule à mon adresse les invectives les plus blessantes, m’accusant d’insolence, de grossièreté, d'emportement, de dérangement de facultés intellectuelles, d’extravagance, me reprochant de l’avoir injurié, m’appelant un malheureux, un possédé, et disant qu'il renonce à discuter avec un pareil adversaire.

Il eût beaucoup mieux valu répondre îi l'engagement pris et m'épargner de telles invectives. Des injures ne sont pas des raisons, et nous n'avons pas autorisé M. Morin à sortir ainsi des bornes de toute discussion. Devant ses dénégations nous n'avons fait que maintenir nos assertions, notre sincérité ne nous servant tout au plus que de la qualification d'er-gotcur, que du reproche de manque de mémoire. Quand, dans mon argumentation, je parle de M. Morin comme d’un écrivain spirituel, plein de talent, de connaissances variées et d'urbanité, que je l’appelle 1111 homme honorable, estimable, de bonne compagnie, dont j'apprécie infiniment

le caractère indépendant et le cœur, je ne lui donne, certes, pas le droit de me traiter aussi violemment. Voudrait-il nie faire repentir de l'avoir aussi bien juge ? 11 y a tout lieu de le croire.

(,>ue, désertant la question, il m'accable d'outrages; que, pour avoir inséré une correspondance parlant d'Esprits i|ui ont été vus touchant d'une manière tangible le corps de médiums expérimentateurs, il m'accuse de raconter des histoires d'incubes, de succubes et de Sabbat, ce qui n'est pas vrai; qu’il m’adresse à moi, qui n'en peux, des reproches à cause des maximes générales formulées dans une autre correspondance où il n’est nullement question de lui, je ne puis que le plaindre sincèrement d’avoir recours à un pareil système de défense.

M. Morin, après m'avoir outragé, voudrait me rendit ridicule, me faire passer pour un imbécile, un fou, un niais.

Nous le prévenons que son but ne sera pas atteint.

Nous avons tout autant de bons sens et d'esprit critique qu’il peut en avoir. Nous ne sommes pas plus que lui halluciné et dupe de rien que ce soit. Nous avons de la franchise et de la logique ; nous aimons la vérité par dessus toute chose, voilà tout.

Nous terminerons donc en lui disant : Tout dotix, mon cher Monsieur. En ce moment vous me faites tout l'effet d’un chasseur fourvoyé, battant la campagne et très en colère d’avoir mal ajusté sa proie. Tâchez donc un peu d'y trouver quelque métairie afin de rafraîchir votre sang avec du petit lait et de pouvoir vous reposer sUr le frais gazon de l’aveu, à l’ombre de la logique et de la courtoisie. Tout eh ira pour le mieux, et votre chemin, sans doute alors, se retrouvera.

Agréez, Monsieur, s’il vous plaît, mes salutations empressées.

7.. PlfaUhf.

Cette fin surtout est charmante : 1’ombre de la Logîque ET DE T.A COURTOISIE, LA MÉTAIRIE, LE PETIT-LAIT, LE FRAIS gazon de l’aveu. Cet ensemble de phrases désarmera M. Morin, car il rira de bon cœur.

Baron du Potet.

VAIIIETÉS.

On nous écrit do Seichamps que le sieur Hachotte, cultivateur, audit lieu, ayant renvoyé un de ses domestiques, celui-ci s écria devant ses camarades qu’il les ferait tous danser par maléfice et sortilège. Dès le lendemain , en effet, on eût juré qu’un magicien était venu établir son domicile dans

1 écurie du sieur Hachotte. Tantôt les domestiques recevaient des coups sans qu’ils pussent savoir d’où ils venaient et qui les leur donnait. Tantôt ils étaient enlevés par une force invisible et juchés bon gré mal gré sur les stalles qui séparent les chevaux. L’un de ces infortunés a ressenti une telle frayeur que, durant quarante-huit heures, il n’a pu articuler une parole. Le maître de la maison, les voisins et les amis qu’il faisait venir recevaient à la tôte des brosses ou des sabots que personne ne voyait lancer. Bref, il y avait rumeur générale dans la commune et on criait de toute part au sorcier!

Cette situation ne pouvait se prolonger sans péril, et un soir, l’Esprit frappeur fut solennellement adjuré d’apparaître en présence de plusieurs personnes des plus notables de Seichamps. Le chef de cette expédition nocturne était armé d’une canne à épée qu’il brandissait dans tous les sens; Au bout de cinq ou six minutes d’un silence obstiné, une interpellation nouvelle et plus énergique est formulée. Aussitôt, on perçoi t le bruit d’un sabot voltigeant dans l'espace. Au mot de : « Recommencez ! » une brosse succède au sabot. Tout à coup, l’épée s’engage dans un corps dur dont on ne put deviner la forme. A un signal convenu, une lumière est soudainement allumée, et l'on trouve, gisant par terre, — une blouse et un pantalon.

On nous assure que la gendarmerie s’occupe de rechercher le secret de cette mystérieuse aventure.

(Extrait du Messager de Paris du 3 décembre.)

Baron du POTET, propriétaire-gérant.

TABLE

ANALYTIQUE

DES MATIÈRES DU TOME DIX-HUITIÈME,

INSTITUTIONS.

Fête de Mesmer : 125e anniversaire, 14e célébration à Paris. Discours et toast de MM. du Potet, 253 : Dubourg, 283. — Pièces de vers de MM. Baïhaut, 282; Jobard, 289.

— Distribution de médailles decernées par le jury magnétique, 291.

Institut zoomagnélique de Milan. Annonce de sa fondation par les soins de M. Guidi, 644.

Journal du Magnétisme. Coup d'œil sur la route déjà suivie par ce journal, et sur celle qui lui reste encore à parcourir, avec le concours do tous les magnétistes zélés, pour que la lutte entre la vieille et la nouvelle science arrive il son terme; par M. le baron du Potet, 3. — Avis divers, 505, 561, 588,

589, 645.

Journaux magnétiques et spiritua list s. Cessation de publication du Spiritualiste de la nouvelle-Orléans, par suite de maladie de M. Barthet, son fondateur et rédac-

teur, 84. — Annonce de publications nouvelles : Le Magnétiseur, par M Lafontaine, à Genève. 420, 615 ; la Revue des siciences occultes et naturelles, par M. Maulius Salles, a Nismes, 476, 615, la Ruche magnétique, par M. Albert Léry, à Bruxelles, 615.

Jury magnétique d’encouragement et de récompensé. Avis de la prochaine célébration de la féte do Mesmer, 197, 252. — Médailles et mentions décernées à divers ma gnétistes, 291.

Société du Mesmérisme de Paris. Fête anniversaire de sa reconstitution. Compte rendu, 339.

Société médico-psychologique de Paris. Conférence et discussion sur divers phénomènes analogues il ceux du somnambulisme magnétique, observés dans certains cas pathologiques Extrait du compte rendu et observations, par M. Morin, 554.

CLINIQUE.

CAS DE MÉDECINE. — Maux guéris ou soulagés.

Aménorrhée, 230.

Boulimie, 233.

Calculs biliaires, 414.

Cancer à l'estomac, 593. Céphalalgie, 227, 230, 233, 234.

Coliques, 234.

Consomption. 413.

Constipation opiniâtre, 143.

Contusions, 224.

Crampes hystériques, 228.

— d’estomac, 229. Croup, 225.

Diarrhée, 143.

Douleurs cérébrales, 113.

— humérales, 233.

— d'entrailles, 225, 230.

Dyspnée, 318.

Dyspepsie, 233.

Entorse, 299.

Epilepsie, 232 , 233,

Excroissance cancéreuse. 297.

Expulsion d'un ver logé dans la tête, 618.

Faiblesse des muscles locomoteurs, 593.

Fièvre gastrique, 225.

Fongus hématode, 297.

Gastralgie ancienne, 228.

Glande au sein, 235.

Goutte héréditaire, 229.

— aiguë, etc., 230, 299.

Hystérie grave. 317, 618.

Inflammation du cerveau, 225.

— des reins, 299.

Laryngite pseudo-membraneuse, 226.

Maux de dents, 225.

Mutisme accidentel, 141.

Névralgie sciatique, 89.

— trifaciale, 228,

— frontale, 229, 233.

— générale, 340.

Oppression de poitrine, 225.

Orcillon, 226.

Palpitation de cœur, 229.

Paralysie, 227.

Phlegmasie parotidienne, 227.

Phhisie pulmonaire, 225. Picotements dans la région du cœur, 225.

Plaie chirurgicale, 449.

Pleurésie aiguë, 229.

Plique dans l'estomac, 236.

Ramollissement du cerveau, 413.

Rétention d'urine, 323.

Rhumatisme aigu, 225, 227, 230, 233.

— chronique, 225.

Surdi-mulité, 228.

Tic douloureux, 228.

Toux opiniâtre, 225, 593.

Urticaire, 340.

ÉTUDES ET THÉORIES.

Ame (l’) humaine. De sa connaissance, par M. l'abbé Gratry. 177;

— de ses facultés, par M. l'abbé Bautain, 197 ; — de sa démonstration, par M. Péreyra, 593; — de son existence et de son immatérialité, par M. Rossi, 513.

Causeries magnétiques, par M. le baron du Potet, 29.

Clef (la) du magnétisme, tirée de la Clef de la vie. Exposé de la doctrine spiritualité de M. Michel, par M. Jobard, 286.

Clergé (le) et le magnétisme. Opinion de divers prêtres en faveur du magnétisme, 177, 197.

Don (du) des langues chez certains crisiaques, 138.

Evocation (de l') des esprits. Opinion de Deleuze sur la possibilité de communiquer avec les morts, et observations de M. Lamothe, 267.

Expériences (des) somnambuliques. Conditions dans lesquelles elles doivent avoir lieu pour dissiper tout soupçon de fraude et convaincre les incrédules. Appel aux sociétés magnétiques de Paris, par M. Morin, 426.

Fluide (du) vital ou magnétique. Sa manifestation au moyen du magnétoscope, 5, 116. — Ses analogies avec les autres agonis impondéra-

bles, comme dérivant d’un fluide unique ou universel, 127, 256, |373.

L'hypnotisme ou l'electro-biologie à l’Académie. Ses procédés, ses effets, 648 et suiv.

Lucidité somnambulique. Opinions diverses sur sa cause et son mode d'action, 174, 243, 246, 609.

Lumière astrale, principe prétendu de la magie, 520.

Magie. Recherches historiques sur la magie et l’astrologie, par M. Alfred Maury, avec observations, par M. Lamothe, 162. — Causes de la magie, par M. Eliphas Lévy, et réflexions critiques par M. Morin, 520.

Magnétoscope, ou instrument propre à montrer l'existence du fluide humain. Description par M. le Dr Léger, avec commentaires par M. de Guibert de Clelles, et observations par M. Petit d'Ormoy, 5.

— Autre appareil trouvé et décrit, par M. Lavezzari, 116.

Manifestations dites spiritualistes. Vues diverses sur leurs causes, leur réalité, les moyens de les simuler, etc., 46, 83, 208, 267, 291, 309, 352, 411, 434, 455, 523, 582, 590, 637.

Merveilleux (du). Recherches et réflexions, par M. Lamothe, 359.

Miroirs magiques. Leur connais sance et leur usage dans tous les temps, par St. Lamolhe, 325.

Od (de l’), ou fluide universel, et du biod, ou fluide vital, 130, 256, 536.

Phréno-magnétisme, ou moyens de développer les bons penchants et de paralyser les mauvais, en associant le magnétisme à la phréno logie. Indications curieuses, par M. Falaize, 568.

Physiologie. Système physico-physiologique, touchant les phénomènes attribués au magnétisme animal, par M. Dubourg, 121, 256, 536.

Psychologie. Union de l’âme avec le corps. 92. — Sommeil et rêves, 90, 148, 199. 605. — Connaissance de l'âme, 177. — Son existence et son immatérialité démontrées par les phénomènes magnétiques, 393, 513. — Facultés de l’esprit humain, 197. — Mode d’action de la vue à distance, 174, 246 ; — de la transmission de pensée, 243.

Réalité du magnétisme, prouvée par le grand nombre d’adeptes émi nents qu'il a comptés depuis Para celse et Van Helmont jusqu'à nos jours, 63. — Coup d’œil sur le même sujet, par M. Rossi, 372.

Religion (la) et lo spiritualisme, 208.

Sommeil (du), des rèves et du somnambulisme. Question mise au concours par l'Académie des sciences morales et politiques. Dissertation sur le système de M. Albert Lemoine, lauréat de ce concours,

par M. Lamolhe, 90. — Analyse critique du rapport de M. le Dr Lélut, sur les divers mémoires traitant de ladite question, par M. Morin, 149. — Examen des idées de M. le Dr Macario. l’un des concurrents, également par M. Morin, 605.

Somnambulisme magnétique. Recherches sur ce qu’il était dans l’antiquité, comparativement à ce qu'il est de nos jours, par Mme Mon-gruel, avec commentaires, par M. Morin, 300.

Somnambulisme naturel. Etudes et observations diverses. 68, 105, 554. Somniation, ou variété du som nambulisme.Théorie du Dr Franck, commentée par M. Goossens, 157.

Spiritualisme (du) et de ses dangers au point de vue du christianisme, par M, l’abbé Chesnel, 208.

Expérimentation spiritualiste en famille recommandée par M. Jos Barthet, 656.

Télégraphie spiritualiste. Prétendu moyen d’établir des communications télégraphiques entre l'Amérique et l’Europe, à l'aide de médiums placés aux deux extrémités du câble transatlantique, 188, 363.

Transmission (sur la) de pensée. Etude par M. Goossens, 245.

Volonté (de la) considérée comme cause des phénomènes magnétiques. 135, 608.

Vue à distance. Théories diverses sur son mode d'actioa, 92, 174, 246, 609.

CONTROVERSES.

Débats divers : sur le magnétisme et le somnambulisme, 5, 21, 33, 63, 149, 271, 484; — sur le spiritualisme, 46, 167, 188, 207, 309, 353, 434, 455, 461, 525, 561, 582, 590, 636; — sur l'homéopathie, 12, 57, 144 ; — sur la médecine extra-of ficielle, à propos du docteur noir, 237.

Homéopathie. Procès entre médecins allopathes et homéopathes. Réflexions et commentaires, par M. Petit d'Ormoy, 12. — Résumé des plaidoiries, sous forme comique, par M. Petit-Jean, avocat, 17.

— Discussion entre M. le Dr Roux et M. Petit d’Ormoy, sur la vertu des dilutions infinitésimales, 57, 144.

Imagination (Pouvoir de l’) sur les malades, dans les prescriptions thérapeutiques. Discussion amicale à ce sujet entre un médecin et M. Petit d'Ormoy, 21.

Magnétoscope (Du). Objections de M. Petit d'Ormoy sur les effets du magnétoscope, décrit par M. le Dr Léger, 11.

Magnétisme (Le) et la médecine. Lettres du Dr Frappart, au sujet

des préventions du corps médical contre le magnétisme et surtout contre son emploi thérapeutique, 33

Médecine (La) extra-officielle aux prises avec la médecine officielle. Chicanes suscitées à M. Vriès, médecin indien, surnommé le docteur noir. Compte-rendu et réflexions, par M. Morin, 237. Phénomènes spiritualités. Débats et divergences d'opinions sur la réalité et sur la cause des phénomè nes attribués à l'action des Esprits, 46, 167, 188, 207, 309, 353. 434, 455, 461, 525, 561. 582, 590, 636

Procès du magnétisme. M. Mabru fait la guerre aux journaux le Siècle et la Patrie, parce qu'ils ont refusé d'insérer ses réponses aux critiques qui avaient été faites de son livre, dont il reproduit les princi-paux arguments contre le magnétisme. M. Morin les réfute et indique des moyens pour confondre M. Mabru et convaincre les incrédules de bonne foi, 271, 426. — Observations sur le même sujet, par M. X., 63. — Deux médecins, appelés comme experts dans un procès où le magnétisme était en cause, se retranchent derrière les arrêts des Académies, l'un pour le nier, l'autre pour réserver son opinion, 470. — Réflexions à ce sujet, par M. Morin, 484; par M. Thé cel, 489.

Somnambulisme (Le) à l'Académie des sciences morales et politiques. Réfutation du rapport de M. le Dr Lélut, sur le concours relatif à la question du sommeil, par M. Morin, 149.

Spiritualisme. Observations et objections de M. Morin , relativement aux phénomènes attribués à l'action des Esprits, 46, 167, 188, 309, 353, 455, 461, 52., 582, 590, 636.

— Réponse de M. Mathieu aux objections de .M. .Morin, en ce qui concerne l'écriture directe des Esprits, 353 , 463. — Observations de M. le Dr Charpignon sur l'excès de cré dulité en matière de spiritualisme, 434. — Réflexions de M. du Potet, sur les fraudes exercées par quelques médiums, 465, 561. — M l'abbé François Chesnel voit un danger pour le christianisme dans les doctrines du spiritualiste moderne, 208. — L'Académie de médecine adoptant l'idée déjà émise par le Dr Schilf, attribue les coups mystérieux à des mouvements volontaires des muscles, des tendons ou des articulations, 310. — Même opinion exprimée par les Drs Flint et Lec, 455, 637. — Lettre de M. Jos. Barthet à propos de M. Flint. 656.

— Lettre de M. Piérart à M. le baron du Potet, 659. — Réflexions et commentaires sur cette question, par M. Morin , 309, 312, 459, 636.

FAITS ET EXPÉRIENCES.

Accidenls arrivés dans l'état léthargique. 28, 280, 447; — magnétique, 44, 506; — noctambulique, 50, 510.

Animaux magnétisés, 385, 450 ; — fascinateurs, 224, 277.

Apparitions désignés dans les airs, 251, 358; — de spectres, 382, 424, 508, 587; — de l'image de personnes vivantes, 490, 508.

Attraction magnétique, 171, 322 ; — d'outre-tombe, 384, 415.

Catalepsie pathologique, 446, 512, 554.

Charmeurs de serpents, 108, 416.

Clairvoyance ou lucidité en somnambulisme magnétique, 82, 175, 215, 244. 247, 263, 341, 347, 566. 573, 577, 593, 601. 621; — en somnambulisme naturel et on catalep

sie, 75, 321, 376, 555; — sous l'influence de l'opium, 565.

Communication par M. Velpeau à l'académie des sciences, sur un moyen, prétendu nouveau, d'anes thésie, 646.

Consultations somnambuliques et spiritualités, 114, 296, 341, 348, 580, 595.

Dédoublement de personnes vivantes, ou apparition de leur image, 490, 508.

Dictée des Esprits, 296, 580.

Esprits qui montrent les sphères célestes dans une lorgnette, 26; — qui font entendre des bruits, remuent des meubles, les soulèvent en l'air, etc., 294, 357, 587 ; — qui dictent des consultations médicales, 296, 580; — qui apparaissent, 382,

424, 508, 587 ; — qui se mettent en contact avec des personnes, 383; — qui parlent, 384, 490, 508: — qui se laissent saisir au daguerréotype, .502.

Evocation des morts, 499, 597 — involontaire, 103.

Exaltation de la sensibilité et des facilités physiques et morales, transposition des sens, etc. , dans quelques cas de somnambulisme naturel et de catalepsie, 70, 75, 105, 377, 555.

Extase magnétique, 245.

Fascination humaine, 445; — animale. 224, 277.

Guéiisons spiritualistes, 297, 411, 592

Guérisseurs de morsures de serpents, 417.

Hystérie compliquée de la présence d'un insecte dans le crâne, Rap port de M. le Dr Dittmar, 618.

Imagination. Ses effets dans les prescriptions thérapeutiques, 21.

Indépendance morale des somnambules, dans l'état magnétiqué, 43, 313.

Intuition médicale, 114, 341, 348, 577, 595, 622.

Irradiation magnétique. Personnes recevant le fluide adressé à d'autres, 88, 347.

Léthargie, 28, 280, 447, 602.

Lucidité. Voy. Clairvoyance.

Magie (Faits de) dans l'Inde, 108;

— chez les lamas-tartares, 466.

Magnétisation intuitive par M. Jos Barthet, 657 occulte, 573.

Magnétisme expérimental. Expériences de magnétisme et de somnambulisme pratiquées ou rapportées par MM. Goossens, 41, 244, 320 ; Dr Cricca, 87 ; — du Potet, 171 ;

— Bauche, 175, 247; — Robert Houdin, 215 ; — Lamothe, 262; — Jobard, 340: — Péreyra, 346, 480; — Morin, 376; — Dr Ordinaire, 566 ; — Divers, 44, 571, 601.

Magnétisme thérapeutique. Traitements opérés ou rapportes par MM. Dr Cricca, 87 ; — Mauger, 115 ; — Péreyra . 141, 235; — Manlius Salles, 224 ; — Dubourg, 225 ; — Guichon, 234; — Dr Sot teau, 318 ; — Jobard, 340. — Dr Jouis du Chéné, 449; — Dr Dillmar, 618.

Manifestations spiritualistes. Voy. Esprits.

Névroses extraordinaires. 68 , 75, 105, 509, 555, 618.

Oiseaux-médiums. Curieuses expériences de lucidité ornithologique, rapportés par MM. Ernest Daudé, 385; — Albert de la Fizelière, 338;

— Péreyra, 450.

Opérations chirurgicales dans les hôpitaux sur des malades hypotisés, 333.

Prédictions accomplies, 54. 223.

Pressentiments réalisés, 410, 490, 502.

Prévision en somnambulisme, 236, 646.

Somnambulisme magnétique. Faits de: lucidité, 82, 175, 215, 244, 247, 263, 341, 347, 566, 577, 595, 601, 621; — indépendance morale des somnambules, 43, 343; — intuition médicale, 114, 341, 348, 577 , 593, 622; — prévision, 236, 622 ; — transmission mentale de volonté. 244 ; — transposition des sens, 343, 347 , 566; — extase, 245;

— vue rétrospective, 216, 350; — vue à distance et à travers les corps opaques, 82, 175, 215, 247, 264, 601

Somnambulisme naturel, 50, 68, 75, 105, 319, 376, 603.

Songes et pressentiments. Faits remarquables rapportés par M. Conrot, 402, 437.

Sorcellerie. Persécutions contre les sorciers, 503, 530.

Spiritualisme. Expériences diverses, positives, douteuses, ou négatives, 293, 309, 357, 453, 580, 636.

Sympathie, nerveuse, ou ressentiment du mal d'autrui à distance, 443.

Thérapeutique magnétique, 87, 113, 141, 224, 225, 234, 317, 340, 449, 618; — spiritualité, 297, 411, 592. — (Pour le détail des maux soulagés ou guéris, voy. Clinique.)

Transmission mentale de volonté, 244.

Transposition des sens, 343, 347, 544. 566.

Ver logé dans le crâne d’une femme et expulsée l'aide du magnétisme, 618.

Visions magiques, 26, 327, 497 ; — fantastiques, 358, 382, 424, 490, 508, 587.

Vue à distance et à travers les corps opaques, 82, 175 , 215, 247 , 264, 601; — rétrospective, 216, 350;

— en songe, 404, 439.

Anecdotes, 28, 44, 50, 54, 224, 251, 280, 410, 415, 419, 435, 446, 502, 508, 642.

Anti-spiritualiste (L') américain. Un sieur Bly, de Bridgeport, se pose comme ayant reproduit par des exercices d’adresse la plupart des phénomènes attribués à l'action des Esprits, 46. — Idées analogues exprimées par divers, 309, 455, 636.

Appel aux Sociétés magnétiques de Paris , pour les inviter à procéder à des expériences de lucidité som nambulique, propres à convaincre les incrédules, 426.

Avis divers, 3, 84, 113, 168, 197, 252, 336, 477, 503, 561, 589, 615, 645. Banquets mesmériens à Paris. Comptes-rendus, 253, 281, 337. Cagliostro. Détails biographiques, par M. Jules de Saint-Félix, et commentaires par M. Morin, 492. Crimes et délits dans lesquels le magnétisme, le noctambulisme, la sorcellerie, etc., sont en jeu. Voy. Tribunaux.

Exercice illégal de la médecine. Voy.

Tribunaux.

Histoires de revenants, 380, 423, 490, 499, 587. ’

Hydroscopie. Renseignements sur l’abbé Paramelle, le savant hydros cope, par M. Morin, 399. Hypnotisme. — Inconséquence des médecins et mots nouveaux pour l’usage des adeptes, par M. Jobard, 655.

Inhumations précipitées, 28, 280, 447 Incrédules magnétisant pour rire et causant des accidents, 44, 470.

Jurisprudence des Tribunaux à l’égard des somnambules donnant des consultations. Examen de la législation applicable à la matière, par M. Morin, 305.

Justice (La) dans l'embarras, 50, 470.

Lorgnette magique, par le petit bout de laquelle les Esprits font voir la représentation des sphères célestes, 26.

Magiciens indiens, 108 ; — Tartares, 466.

Magnétisme (Le) en Allemagne, 225 :

— en Angleterre, 113 : — en Bel gique, 41, 340; — en Pologne,

141, 169, 235, 346, 480 ; — en Turquie, 87.

Médiums, voyants, thaumaturges, guérisseurs, 80, 251, 294, 297, 412, 416, 492, 502, 527, 587, 593, 596. Nécrologie. Mort des magnétistes : Philippe Hedde, 27; — Salvat, 420. Négation du magnétisme par des médecins appelés comme experts dans un cas de médecine légale, 470. — Commentaires à ce sujet, par M. Morin, 484.

Poésies diverses. Les bienfaits du magnétisme ; couplets par M. Baï haut, 282. — Les Quinze-vingts et les Académies ; fable par M. Jobard. 289.

Prise de bec entre médecins allopa thes et homéopathes, 12.

Récits de faits étranges, mystérieux ou merveilleux, 26, 54, 108, 277, 357, 380, 402, 415, 423, 566, 490, 499, 507, 587, 599.

Robert Houdin. Détails et commentaires sur ce célèbre prestidigitateur, par M. Morin, 213. Somnambules et magnétiseurs poursuivis pour exercice illégal de la médecine, etc. Voy. Tribunaux. Spiritualisme (Le) en Amérique, 26, 46, 83, 188, 251, 297, 357, 559, 363, 411, 455, 502, 592, 636; — en France. 79, 84, 167, 207, 309, 353, 434, 461, 525, 561, 582, 590, 596, 636 ; — en Pologne, 292, 577. Tribunaux. Procès entre médecins, homéopathes et allopathes, pour injures de ceux-ci à ceux-là, 12. — Poursuites contre une femme qui avait jeté son enfant par la fenêtre, dans un accès prétendu de somnambulisme naturel, 50; — contre un homme qui avait battu sa mère, parce qu'il la considérait comme sorcière, 599; — contre un amateur, incrédule en magnétisme, accusé d'avoir rendu un enfant malade, en lui faisant, pour s'amuser, des passes magnétiques, 470, 484 ; — contré des somnambules et leurs magnétiseurs, pour exercice illégal de la médecine, ou pour escroquerie, à Paris, 365 ; à Lyon, 80, 192, 331, 362 ; à Toulouse. 474.

Vovante (La) de Prévorst. Détails par M. Goupy, 587.

Aventures de Cagliostro, par Jules de Saint-Félix. Analyse et appréciation au point de vue du pouvoir thaumaturgique attribué à Cagliostro, par M. Morin. 492.

Connaissance (de la) de l’âme, par l'abbé Gratry. Citations et analyse par M. Lamothe, 177.

Esprit (l') humain et ses facultés, ou Psychologie expérimentale , par l'abbé Bautain. Fragment sur le somnambulisme, et réflexions par M. Lamothe, 197.

Explication des tables parlantes, des médiums, des Esprits et du somnambulisme par divers systèmes de cosmologie, suivie de la voyante de Prévorst, par Goupy. Examen critique par M. Morin, 582.

Histoire de la magie, avec une exposition claire et précise de ses procédés, de ses rites et de ses mystères, par Eliphas Lévi (M. Constant). Extrait, 477. — Examen raisonné et discussion par M. Morin, 520.

Histoire d’une névrose extraordinaire et compliquée, recueillie par le Dr Borlé. Exposé, analyse et citation, par M. Goossens, 68.

Magnétiseur (le). Journal bi-men-suel, fondé et publié à Genève, par M. Lafontaine. Annonce et mention, 420, 615.

Magnétisme (le) et les sciences occultes,, par A. S. Morin. Annonce de la prochaine publication de cet ouvrage, 644.

Mémoire sur l'histoire de l'astrologie et de la magie dans l'antiquité et le moyen âge, par Alfred Maury. Extrait et réflexions, par M. La mothe, 162.

Mystique (la) divine, naturelle, diabolique, par Gôrres; traduction de M. Charles de Sainte-Foi. Extrait concernant les rapports magnétiques, le lien qui existe entre la somnambule et ceux qui sont en rapport avec lui, la faculté de se dédoubler, etc., 421, 507.

Principes universels de magnétisme humain, appliqués au soulagement cl à la guérison de tous les êtres malades, par Vasseur-Lumbard. Mention et extrait, 361.

Qu'est-ce que le magnétisme ? ou Etude historique et critique des principaux phénomènes qui le constituent, etc., par Gromier. Analyse et examen par M. Morin, 133.

Revue des sciences occultes et naturelles, fondée et publiée à Nismes, par M. Manlius Salles. Annonce et mention. 476, 615.

Ruche (la) magnétique. Revue mensuelle publiée ù Bruxelles sous la direction de M. Albert Léry. Mention et annonce, 615.

Science (la) de l'homme, par Enfantin, simple mention, 84.

Siècle (le) et la Patrie devant la vérité, par Mabru. Examen et réfutation par M. Morin, 271.

Sommeil (du) del rêves et du somnambulisme dans l’état de santé et de maladie, par le Dr Macario. Citations et examen analytique, par M. Morin. 605.

Voix (les) de l'avenir, dans le passé et dans le présent, ou les oracles et les somnambules comparés, par Mme Mongruel. Examen et commentaires par M. Morin, 300.

LISTE NOMINATIVE

DES PERSONNES DONT LES ÉCRITS, LES ACTES OU LES OPINIONS

sonT insérés, analyés, cités, rapportés, commentés ou réfutés dans ce volume.

Alexis Didier, 215. Allan Kardec, 167. Andral (Dr), 33. Anouilh, 474.

Arago, 375, 490. Assas (Louis d'), 410. Dr Azam, 648, 655. Babinet. 655.

Astrié, 476.

Baïhaut, 282.

Bailly (lif), 33.

Barraud, 332.

Barthet, 84, 339,655.

Bauche, 177, 249, 291.

Bautain (abbé), 197.

Béclard (Dr), 552.

Belli-Gontard (Mme) 227.

Bernand, 334.

Berney (Mme), 332, 363.

Blanc (Mme), 334.

Blüoher (maréchal), 380.

Bly, 46.

Budisko, 171.

Bordey (Mme), 333.

Borlée (Dr), 68.

Bouillaud (Dr), 39.

Dr James Braid, 653.

Brierre de Boismont (Dr), 556.

Bressac (Mlle), 80.

Brittan. 413.

Broca (Paul), 648 , 655.

Brougham (lord), 601.

Broughton, 51.

Broussais (Dr), 36.

Brown (Mme), 651.

Buchez (Dr) 556.

Buck (Mme), 228.

Buller (de), 230.

Burdin (Dr), 432.

Cabanis, 90.

Cagliostro, 492.

Cahagnet, 79, 266.

Caron, 175.

Castelnau (de), 418.

Castelnau (Dr), 636.

Cerise (Dr). 555.

Chapelain (Dr), 66.

Charpignon (Dr), 437, 461.

Chayaux, 405.

Chesnel (abbé), 212.

Cloquet (Dr), 66, 311.

Cohorn(baron de), 54.

Conrot, 402, 437, 465.

Courageux, 291.

Cricca (Dr), 89.

Curl (Dr), 594.

Darling, 649.

Daudé (Ernest), 388.

Delaage (Henri), 385.

Deleuze, 268.

Descrand, 334 Des Etangs (Dr), 557.

Devergle (Dr), 67.

Dittmar (Dr), 635.

D'Orient, 480.

Doods, 618.

Dorman (Mme), 414.

Douillet (Dr), 33.

Dubourg, 118, 225, 234, 256, 283, 291, 536.

Duchesse d’Orléans, 103.

Ducros (Alexandre), 224.

Dunbar Moudie, 297.

Du Potet (baron). 4, 32, 173, 197, 208, 253, 291, 337, 465, 478, 506, 535, 564, 590, 645, 650, 661.

Dupoutz, 474.

Ebert, 225.

Enfantin, 84.

Etiphas Lévi, 576, 520, 534.

Elliotson (Dr). 67.

Esdaile (Dr), 655.

Falaize, 570.

Faraday, 656.

Feder, 77.

Fellows (Dr), 594.

Fcrrus (Dr), 559.

Fisch (Mme), 455, 639, 657.

Fiske, 648.

Fizelière (de la), 388.

Flint (Dr), 455, 637, 656.

Fornoue (de), 55.

Fournier (Edouard), 239.

Fox (demoiselles), 83, 454, 639.

Franck (Dr). 158.

Frappart (Dr), 4, 39, 41, 426.

Fritsch, 230.

Garcin (Dr), 376.

Gardner Adams, 26.

Gauthé (Mlle), 291.

Gérard, 643.

Giese, 230.

Goffe (Marie), 423.

Goossens, 44, 75, 108, 162, 246, 325.

Gorres, 421.

Goupy, 582.

Grandménil (Dr). 174, 338.

Gratry (abbé), 177.

Gregory (Dr). 647.

Grigs (Esther), 50.

Gromier, 133.

Gros (Dr), 625, 636.

Guibert de Clelles, 11.

Guichon, 335.

Guidi, 560, 644.

Guldenstubbé (baron de), 358, 525.

Guislain (Dr), 310.

Guy, 567.

Hahnemann (Dr), 13 , 57, 145.

Hautemaniere (Mme), 333.

Hedde (Philippe), 27.

Hinks (Amélia), 447.

Home, 502, 521, 596.

Horviath (de), 229.

Huo (abbé), 466.

Huet (Mlle), 464.

Hoppenheim, 333.

Inglés (Thérèse) 602.

Jobard. 286, 289, 346, 653.

Jobert de Lamballe (Dr), 310.

Join, 572.

Joly, 335.

Jouis du Chéné (Dr), 450, 469.

Jourdain, 470.

Julio, 265.

Kœller (Dr), 654.

Kerner (Dr), 587.

Knoll (Dr), 76.

Kollswart, 225.

Kup. 229, 233.

Lacordaire (abbé), 374.

Lafontaine, 420, 615.

Lamennais (abbé de), 519.

Lamothe, 103, 105, 167, 188, 207, 270, 291, 331, 361.

Lassaigne, 263.

Lauhinger (dames), 233.

Laurent, 263.

Lavezzari, 118.

Ledru (Charles), 601.

Lée (Dr), 639.

Léger (Dr), 5.

Lelut (Dr). 149, 605.

Lemoine, 90, 154, 4653

Léry (Albert), 615.

Lewis, 50, 357, 652.

Littré (de), 95.

Lombard, 470.

Louandre (Charles), 326.

Mabru, 65, 271, 401, 427.

Macario (Dr), 560, 605.

Mandel, 225.

Manlius Salles, 28, 224, 476, 615.

Margerand, 80.

Marie Mlle), 376.

Marix, 333.

Mathieu, 316, 354, 436. 361, 464, 590.

Mauger, 115.

Maury (Alfred), 162.

Menouillard. 291.

Mesmer (Dr). 127, 283, 477.

Metller (Mme), 413.

Michalon, 334.

Michéa (Dr), 554.

Michel, 286.

Mirville (de). 215.

Mœsner (Mlle), 225.

Moigno (l’abbé), 655.

Mongruel (Mme), 300, 427.

Moreau (Dr). 466, 556.

Moretton, 334.

Morin, 49, 87. 140, 157, 174, 191, 222, 243, 246, 276, 308, 316, 338, 353, 358, 371, 380, 402, 434, 461,

463, 488, 501, 532, 535, 560, 588, 591, 615, 644.

Mouchaanoff, 169.

Murat (Dr) 332.

Nidelay, 572.

Norris, 419.

Ogier (Mme), 234.

Ordinaire (Dr), 568.

Otteman, 227.

Page (Dr). 412.

Paramelle (abbé), 399.

Paul d’Yvoi, 85, 220.

Peck (Mme), 593.

Péreyra, 142. 144, 237, 297, 352, 399, 454, 483, 582.

Perrenaud (Mlle), 230.

Perry, 148.

Petit d’Ormoy, 12, 26, 57, 63, 144. Petit-Jean, 16.

Peyronny (de), 334.

Piérart, 642, 659.

Philipps, 648 , 656.

Pigeaire (Dr), 429.

Pin, 333.

Piorry (Dr). 24.

Prœler, 228.

Prudence (Mlle), 263.

Puel (Dr), 554.

Renard, 79.

Renaud (Calixte), 264.

Reynuud (Jean), 210.

Robert-Houdin, 213, 392.

Rossi, 376, 520.

Rouget (Ferdinand) 243.

Roux (Dr), 59, 148.

Sainte-Foi (Charles), 421.

Saint-Félix (de). 492.

Saint-Grosse, 475.

Salvat, 420.

Sam, 384.

Saurel, 560.

Scheppler (demoiselles), 233.

Schiff(Dr). 310, 455, 637,

Schulz (Dr), 75.

Scott (Dr), 251, 297.

Seguins-Vassieux (comte de), 54.

Sinimonds, 50.

Sinsel, 229.

Sotteau (Dr), 324.

Stéphane-Lorrain, 334.

Sterlingo, 115.

Sureville, 474.

Thécel, 492.

Thuvenin, 338.

Tirot (Mme), 365,

Toussenel, 389.

Tréfeu. 385, 430.

Tufts (Mme), 414.

Urbain, 592.

Vasseur-Lombard, 361.

Velpeau (Dr), 238, 311.

Verdier (Dr), 224.

Vernières (Dr), 557.

Virginie (Mlle), 601.

Vriès (docteur noir). 237.

Vuillerme-Dunand, 338.

Wart (Dr), 67.

Washington-Irving, .339.

Wesbacher (Mlle), 230.

Williams, 647.

Zimmermann (Dr), 372.

Zubler, 599.

FIN DU DIX-HUITIÈME VOLUME.