1857
JOURNAL
DU .
MAGNÉTISME
RÉDIGÉ
Par une Société de Magnétiseurs et de Médecins
SOUS LA DIRECTION
DE M. le baron DU POTET.
La vérité, n’importe par quelle bouche; le bien, n’importe par quelles mains.
TOME SEIZIÈME.
2e SÉRIE.
PARIS.
BUREAUX : RUE DE BEAUJOLAIS, 5
(palaib-boïal)
Après quelques oscillations que toute ceuvre d’un long'kt ur éprouve toujours dans sa marche, le Journal du Ma-itisme, se retrempant dans son passé, va prendre un uvel essor. Appuyé et soutenu par quelques collabora-
leurs dévoués et ne considérant point les sacrifices que tre nouvelle position nous impose, nous allons librement,
anchement, entrer dans le vif de la question sans nous éoccuper des corps savants et des opinions religieuses.
Ce qui se présente à nous ressemble à l’infini. Quand on lâche au magnétisme , on touche aux forces physiques, et f entre forcément dans le monde moral.
A nos yeux, le magnétisme se présente comme un principe volutionnaire, comme une vérité devant, avec l’appui du rpps, modifier dans le monde : religion, philosophie, îences physiques, sciences médicales. Tout doit s’ébranler i jour devant ce nouveau souffle de Dieu.
Le magnétisme n’est encore qu’un petit point lumineux à lorizon, mais sa lumière est si brillante qu’elle échauffe brûle ceux qui le considèrent et qu’ils ne sont plus maî-es d’en éloigner leurs regards. Fixés sur ce point, tous ntent que là est la rénovation des sciences, le nouveau ogrès de l’humanité dans sa marche toujours constante à ivers les siècles.
Pressentant peut-être plus qu’un autre l’avenir dumagné-me, j’ai consacré ma vie à l’étude de ce principe nouveau, en ne m’a coûté, aucun sacrifice ne m’a jamais paru mé-er une considération, et, joyeux de mon entreprise, vieux jourd’hui, je remercie Dieu de la tâche qui semble m’a-ir été dévolue. Ainsi, répandant la semence divine , sa-
chant pourtant que nulle récompense ne rr/attend et qi mon labeur ne doit en rien m’être ici-bas compté , on n verra jusqu’à la fin de mes jours appeler autour de me autour de nous, je puis dire , car nous sommes déjà non breux, tous ceux qui cherchent la vérité , tous ceux qui o: une âme grande et généreuse, tous ceux qu’émeut la piti tous ceux, enfin, qui cherchent dans la nature la preuve ( l’existence d’une âme immortelle.
Notre journal examinera donc, non seulement la questi«du magnétisme, sous son point de vue thérapeutique et ph siologique, mais encore tout ce qui se rattache à la psych logie et même à la vie future, tout ce qui sera du domain de ces faits de prévision, de pressensation , d’apparition jusqu’ici inexpliqués, tout ce qu’enfin les sciences pures n peuvent ou n’osent .aborder.
Notre feuille aura donc pour les penseurs un attrait tou jours nouveau. Après ces quinze volumes compacts, niainti liant derrière nous, archives impérissables et précieuses, voi venir une série nouvelle dans laquelle nous allons ajoute rassembler les faits qui se produisent partout, former d’au tfes annales plus riches encore que leurs devancières. Pou cela, avons-nous besoin de provoquer les encouragement de nos lecteurs ? Avons-nous besoin de leur dire : aide: nous ? Non. Nous serions seuls pour une aussi grande tâche pour d’aussi grands sacrifices, que nous les accomplirion sans murmurer, croyant en cela faire preuve de quelqu vertu. C’est à ceux qui se sentent attirés vers nous, à nou seconder, à nous aider. Mais nous ne les solliciterons jama plus directement.
Au fardeau ancien que nous continuerons de porter sai rien diminuer de son poids, nous joindrons nos démonstratior vivantes, nos expériences publiques, nous ajouterons tout c qui-semblera devoir venir compléter, enrichir la science noi velle. L humanité ne marche vers ses destinées que par dévouement de quelques-uns des siens. Ce ne sont jamais 1 masses, mais quelques hommes de cœur seulement qui 01 vrent de nouvelles routes et conduisent les nations. Ce soi
ceux qu’on appelle fous, ceux que l’on méconnaît longtemps, ceux qui n’excitent que le rire et le mépris qui ont tiré le inonde île son esclavage et de ses langes. Les corps savants ne vivent et ne brillent que par les découvertes que firent ces fous sublimes, fous dont Mesmer, qu’on le croie bien , n’a pas clos la liste. Mais c’est assez pour un simple avis. Les matériaux que nous voulons publier justifieront cet aperçu que rien d’ailleurs ne pourrait rendre complet, puisque nous toucherons constamment aux faits qui ne cessent de se révéler et dont la source est infinie. Toutefois, dans le choix de ces matériaux, nous obéirons toujours à notre devise :
La vérité, n'importe par quelle bouche;
Le bien, n'importe par quelle main.
Baron du Potet.
Paris, 15 février 1857.
le NOUVEAU rédachedr en chef dû journal Le Magnétisme
AUX LECTEURS DE CE JOURNAL.
Un changement vient d’avoir lieu dans la possession et 'administration du Journal du Magnétisme. D’une société factionnaires, ce journal est passé entre les mains de M. le aron du Potet, qui s’en est rendu l’unique propriétaire, /ancien gérant, l’honorable M. Hébert, cesse ses fonctions partir du 1er janvier 1857. C’est nous qui le remplaçons ans l’administration du journal. Nous avons été appelé à et honneur par M. du Potet, auquel nous prêterons en lême temps le concours de notre rédaction.
Si nos efforts répondent à, notre volonté, cette rédaction era aussi assidue qu’on peut le désirer.
Nous nous enrôlons sous la bannière du magnétisme mitant , nous devenons l’un de ses avocats avec toute la fer-eur d’un néophyte, le dévouement d'un apôtre, et nous eus proposons d’être un de ses plus vigilants champions*
Quoique converti depuis trois ans seulement à la cause du mesmérisme , nous croyons être suffisamment familiarisé avec elle. L’habitude des recherches historiques, un goût inné pour l’étude des sciences physiques, naturelles et médicales, nous y avaient avantageusement préparé. — Nous, avons longuement étudié la théorie de cette science sublime, et à nos connaissances théoriques, nous avons joint de nombreuses expériences pratiques. Nous avons multiplié ces expériences sur plus de trois cen ts sujets, et presque toujours elles ont été concluantes. Nous lavons à notre gré , chez un grand nombre d'entre eux, développé le somnambulisme le plus lucide, l’extase, la catalepsie, etc., et nous avons été assez heureux pour guérir, parfois en quelques secondes, une foule d’affections rebelles à l’action de la médecine , et dont plusieurs étaient devenues chroniques. Aussi, nous sommes-nous épris d’un enthousiasme inexprimable pour une science qui permet à l’homme de produire, parfois, avec si peu d’ef- i forts, tant de prodiges. Cet enthousiasme nous a fait négliger toute autre préoccupation. Nous avons laissé là nos pro-^ jets d’avenir, et décidés désormais à accorder une grande" part de notre vie au magnétisme, nous l’avons étudié plus que jamais. Nous l’avons étudié, et ajourd’hui nous nous croyons à môme de pouvoir en porter témoignage par la voie ^ de la presse aussi bien que par la parole. Des articles variés, examen défaits, cliniqueou thérapeutiquemesmérienne, étude des phénomènes du somnambulisme, de l’extase, des tables tournantes au point de vue de la physiologie, de la psycologie,. tels sont les éléments qui alimenteront désormais notre rédac- , tion. Mais il est un autre point de vue, sous lequel nous avons | été amené à envisager le magnétisme : le point de vue liisto— c rique. Les faits divers que les magnétiseurs reproduisent au-jourd’huise sont montrés à toutes les époques et chez tous lt^ peuples, soit spontanément par l’effet de crises naturelles, soi: pg par l’émission volontaire ou involontaire et selon les procéda dés les plus divers, du fluide merveilleux qui les produijet et qui, pour n'avoir point été signalé ou pour n’avoir poiftroj porté son nom actuel, n’en a pas moins existé de tout tempsi jy
Rechercher clans l’histoire ces faits divers, les sources authentiques ovi ils sont consignés, les examiner, les expliquer, s'il est possible, les confirmer en montrant qu’ils ne sont pas isolés et qu’aujourd’hui on peut les reproduire dans certaines circonstances données, telle est la tâche vers laquelle nous ont poussé notre goût naturel et l’habitude que nous avons des travaux historiques.
Guérir parles moyens magnétiques a été un art divin que les anciens, que nos ancêtres ont beaucoup pratiqué, soit qu’ils en aient connu le secret, soit qu’ ils y aient été portés spontanément sans avoir conscience de la force qu’ils employaient. Cet art fut en usage chez les Indous, dans l’antique Egypte au sein des temples d’Isis et de Sérapis, en Judée, chez les Perses, en Grèce dans l’enceinte des temples d’Iîsculape; il fut pratiqué par une foule de thaumaturges du temps des empereurs romains et au moyen-âge. Aujourd’hui encore , dans nos campagnes, des hommes simples , appelés toucheurs , qui n’ont pas la moindre idée du mot magnétisme, ne cessent, «n usant des mêmes moyens, de guérir et d’apporter remède à toutes sortes de maux.
D’un autre côté, l’extase, la catalepsie, le somnambulisme et leurs effets merveilleux ont existé chez les brah-mes de l’Inde, chez les ascètes et les thérapeutes d’Egypte, chez les prophètes, les pythonisses, chez les oracles de la Grèce, les sybilles, les crisiaques, les énergumènes, les visionnaires, chez ces êtres si dignes d’intérêt et de pitié qu’on appelait démoniaques et possédés au moyen-âge, et qu’on livra si souvent et si barbarement au bûcher avec une tranquillité d’âme incroyable. Rechercher minutieusement ce que ces faits ont de vrai, de probable, les uns aussi bien que les autres, en faire la critique, montrer leur identité •fivec les phénomènes du magnétisme, les enchaîner, les exposer d’une manière claire et intéressante, telle est la tâche que nous nous imposons. Et que n’y a-t-il pas à dire à ce su-
1 jet, à partir des prophètes Elie, Elisée, s’arrêtant à Pyrrhus,
5 roid’Epire , à Apollonius de Thyanes et à son disciple Jean, •-àDosithée et à Simon le magicien, à l’empereur Vespasien,
à Asclépiodote d’Alexandrie, passant en revue les miracles de saint Clair, abbé de Vienne, de saint Germain, de saint Martin , de saint Grégoire le thaumaturge, de saint Médard, de saint Bernard et de tant d’autres personnages, y compris Gassner et le fameux Gréatreakes, lequel 011 vit guérir, au dix- . septième siècle en Angleterre, tant de malades etd infirmes, rien que par le simple attouchement. Combien 11e fut-il pas grand aussi le nombre d’êtres doués des dons de seconde et double vue, de prévision, de pressensation, de divination, de prophétie, de pénétration des pensées, de l’étonnante faculté de découvrir les sources, les mines, les choses cachées à l’aide du pendule et de la baguette divinatoires, de voir îi travers les corps opaques, de parler diverses langues sans les avoir apprises, et de la faculté non moins précieuse de ressentir sympathiquement les maladies d’autrui et d en indiquer les remèdes,jetc., etc.; combien ne fut-il pas grand aussi le nombre de ceux dont l’action magnétique développa ces facultés sur autrui. Après les fakirs de l’Inde, les prophètes hébreux, les pythonisses, les oracles de la Grèce, . les sybilles, les druidesses gauloises, vinrent les ascètes de la Thébaïde, les saint Antoine, les saint Paul, les saint Arsène, les saint Macaire du désert, Montanus, l’riscille et Maximille , sainte Perpétue , Albigerius,. sainte Hildegarde , sainte Catherine de Sienne, sinte Gertrude et sainte Mech-tilde, sa sœur, les sainte Elisabeth deSchonawetdeSpaelbeck, sainte Brigitte, sainte Marie de l’incarnation, Madeleine de Pazzi, Marguerite de Cordoue, Madeleine de la Croix , Denys Anjerrand, le dominicain Robert, Huguetin, Jeanne d’Arc, Savonarole, Brandano, l’archevêqueCartho, Torralba, Catherine de Médicis, Cardan, Grebner, Elisabeth Barton, Brocard, Nicole Aubry, Jeanne Fery, Marthe Brossier, Madeleine Bavent, les quatre possédées du diocèse de Soissons, Jacob' Bœhm, Marie des Valées, Denyse Lacaille, Elisabeth de Ran-saing, Christine Poniatowa, Hotter, sainte Thérèse, Gau-fredy, Madeleine La Palud, Gichtel, Antoinette Bourignon, Engelbrecht, Valentin André, Marie de Sains, Didyme, L«uis et Simon Morin, Holzhauser, madame Guyon, Khul-
manu , Marie d’Agreda, Petersen , Marguerite Alacoque, Jeanne des llochcrs, Olivier Paulli, la bergère de Crest, Jacques Noël, Aymar, ïoniihart, Clausette, Poiret, Piuel, Anne Lée, Marie Volet, Marie Bucaille, les filles Léaupartie çt leur servante, Bleton, Jeanne Royer, Catherine Gadière et le jésuite Gérard, Grisel, le comte de Saint-Germain, Swedenborg, Bulow, Cagliostro, Cazotte, Beauregard, Cam-petti, Claire Lenoir, Clothilde Labrousse, Elisabeth Buclion, AlexandrineLanois, madame Iloutlle, les filles du charpentier Giroux de Mons, Alina d’Elder, Marie de Mœrl, madame Krudener, Werner, Prudence Bernard, Alexis, John Davis, Ct tous ceux que le Jounial du Magnétisme, depuis qu’il existe, a fait connaître.
A ces individualités plus ou moins célèbres, 'mais toutes douées de facultés étonnantes , il faut ajouter toutes celles gui surgirent dans les épidémies de possession des religieux bn religieuses de Rome, de Pise, de la Pouille et autres lieux d’Italie , des pénitents et flagellants du quatox-jième siècle, dans les différentes chorées d’Allemagne, Se Suède, dans les démonopathies de Brandebourg, de Rolande et d’Allemagne, de Lyon, de Nîmes, d’Auvergne, du ’uy en Vclay, d’Uvertet, du diocèse de Bayeux, de la pa-oisse de Londes, des bénédictins de Madrid, des augustines a Quesnoy, des religieuses de Louviers, des ursuliues de .ondun, des brigittines de Lille, des enfants de Hameln, 'Amsterdam, de l’hospice des pauvres de Lille et de Hoorn, es trembleurs du Vermandois, d’Allemagne, d’Angleterre, e l’indoustan, de la Turquie et des Cévennes, des convul-lionnaires de saint Médard, du "Wurtemberg, etc., etc., etc.
Combien de personnages étranges, curieux à étudier au *oint de vue des phénomènes magnétiques, et dont aucun •aite, aucun auteur moderne n’a cependant parlé. Ces personnages, nous en avons été retrouver l’existence au milieu de la poussière des bibliothèques et des dépôts d’archi-m, et rien que pour les seizième et dix- septième siècles, Ça a été pour nous l’objet d’une moisson que nous avons ttû moment pensé devoir être sans fin. Combien de faits
inexplorés, de documents ignorés pour l’histoire du magnétisme dans ces deux siècles ! Jamais on ne s’est autant occupé du merveilleux. C’était l’époque où on brûlait des provinces, des cantons, des localités tout entières, sous prétexte de sorcellerie, de magie : comme eu Allemagne, où il périt 15,000 victimes depuis le moment de la renaissance jusqu’en 1613 , et 100,000 depuis cette époque jusqu’en 1660; comme en Espagne, où l’inquisition dans scs beaux jours en fit périr un pareil nombre ; comme en Poitou, où elle en sacrifia 30,000, au dire de Bodin ; comme à Côme et à Genève, où l’on en exécuta 1,000 et 500 en 1515; comme dans le pays de Labourd et en Bourgogne, où les trop célèbres démonographes Delancre et Boguet répandirent partout la terreur et l’extermination ; comme à Ruremonda et à Douai, en 1613, où les bûchers s’allumèrent jusqu’à! soixante-quatre, et cinquante-quatre fois en quelques mois Aussi il est vrai de dire que jamais il n’y eut tant de possédés , de démoniaques, d’énergumènes, que dans ce: temps de passion , dans ces temps d'agitation politique, r«ligieuse et sociale, où la partie animique de l’homme ap parut dans toute sa force, tendant à s’épancher au dehors à montrer sa prédominance sur la matière. Aux ouvrages aux traités, aux recueils, aux dissertations, aux mémoires aux révélations, aux récits des Bodin, des Bekker, des Wie rus, des Delancre, des saint Martin, des Paracelse, de L Loyer, des Boguet, des Van-Helmont, des Jacob Bœlim, de Cardan, des Campanella, des Del Rio, qui parurent dans ce siècles, il faut ajouter les écrits moins connus des Agrippa des Castro, des Postel, des Cesalpin, des Cattani, des Men ghi, des Viaduna, des Hendrik Cornix, des Carenus, des Ri tins, des Mouy, des Alessandro, des Van Dale, des Jacque Besson', des Jérôme Mengo, des Boulœse, des Maxwell, d? Blendet, des Le Normant, des Du Bosroguer, des Castellin des Richard, des Dupleix, des Crespet, des Duvoir, des Bui; seret, desDomptius, des Taillepied, des Manescol, des Frar chillon, des Villapande, des Torreblanca, des Eynatten, de Fontaine, des Gichtel, des Engelbreclit, des Andée, d
sainte Thérèse, des Holzhauser, des saint André, des Poiret, des Pinel, des de Saint-Pierre, des Magny, des Jacques d’An-tin , des Grangeron, des de Rhodes, des Mallebranche , des Thomaseus, des Gaffarel, des Scheffer, des Menetrier, des Perreaud, etc., etc. Ces auteurs, nous les avons consultés et nous nous proposons de les consulter de nouveau avec ceux des écrivains de l’antiquité et du moyen-âge qui ont traité les mêmes matières, comme : Démocrite , Hippocrate, Aris-tote, Platon, Plutarque, Cicéron, Pline, Philostrate, Her-mas, Athénagoras, Apulée, saint Augustin, Jamblique, As-clépiodote, Wigbode , Avicenne , Thomas de Cantimpré, Taulère, Gerson , Savonarole, sainte Hildegarde, Bacon , Cesarius, sainte Brigitte, sainte Catherine de Sienne, sainte Gertrude et sainte Mechtilde, Robert, etc. Nous n’oublierons pas de consulter aussi de nouveau, avec le même soin, tous les auteurs des dix-huitième et dix-neuvième siècles qui ont écrit ou laissé des traités, des critiques ou des mémoires sur le magnétisme, la magie, le merveilleux, les visions, les apparitions, les révélations, les guérisons surnaturelles, tels que : Brueys, Hibbert, madame Guyon, Lebrun, Swift, Elie Marion , Fontenelle , Chais , Daugis, Lambertini , AnneLée, saint André, Carré de Montgeron , Grisel, Le-gendre, Lenglet du Fresnoy, Horst, Mortezinni, le comte de Saint-Germain , Cagliostr«, Mesmer, d’Eslon, Formey, Tiédeman, Doppet, Walter-Scott, d’Espine, Deleuze, Pete-tin, Puységur, Salgues, Calmeil, De Lausanne, Schopenhauer, de Cuvilers, Bertrand, Garinet, Colin de Plancy , Hecker, Kiéser, Abercrombie , Aubin-Gauthier, du Potet, Elliotson , Pigeaire, Charpignon, Teste, Brierre de Boismont, Chardel, Chevreul, deMirville, Agenor de Gasparin, Ferdinand Denys, Rousselle, Bersot, Capron, Gardon, Reichembach, etc., etc.
C’est à l’aide de tous ces documents minutieusement consultés , à l’aide des manuscrits, certificats, attestations, que nous avons recueillis ou fait recueillir en différents lieux, que nous écrirons notre ouvrage, que nous élèverons le nouvel édifice qu’il est temps, selon nous, de consacrer à un ordre de vérités trop longtemps méconnues, dédaignées,
travesties ou bafouées. De notre ouvrage, nous extrairons divers chapitres relatifs aux thaumaturges, aux extatiques, aux mystiques, aux médiums, aux possédés, aux démoniaques, aux crisiaques, aux convulsionnaires les plus célèbres, ou biendes chapitres qui contiendront les épisodes les plus émouvants des différen tes histoires ou procès'de magie, de sorcellerie, d’exorcisme, sujets déjà si dramatiques par eux-mêmes. Une publication comme \e Journal du Magnétisme ne doit pas seulement être une revue scientifique, elle a besoin encore d’être un recueil amusant pour ses lecteurs, surtout pour ses lectrices, et nous en comptons beaucoup. Des faits groupés d’une manière pittoresque, présentés avec l’intérêt du roman, n’ôtent rien à la valeur scientifique et au caractère sérieux d’une publication, du moment que ces faits sont véridiques et parfaitement authentiques.
I. PIÉRART.
CAUSERIES MAGNÉTIQUES.
A NOS LECTEURS.
J’ai résolu de toucher tout ce qui a rapport à l’application du magnétisme comme agent thérapeutique, de dévoiler une connaissance intime des procédés particuliers employés pour guérir. Cette connaissance que je vais dévoiler m’est venue par une bien longue pratique et par un examen toujours constant des manifestations de la nature, lorsque celle-ci est sollicitée par l’agent puissant du magnétisme.
Ce travail que je vais donner était destiné à former un ouvrage que le temps m’a empêché de compléter. J’ai intitulé ces fragments Causeries sur te magnétisme. Je crois que les personnes qui s’occupent magnétiquement de l’art de guérir pourront y puiser d’utiles renseignements.
Les loisirs ne me sont plus permis, ma vie est trop active et trop laborieuse, mais je regarde comme un devoir de dire mes pensées lorsque celles-ci peuvent être utiles. Seulement qu’on ne voie dans ces pages que ce que j’y ai mis : des ébauches. Peut-être un jour les reprendrai-je, afin d’y ajouter ce qui leur manque. Nous donnons aujourd’hui un de ces fragments, et chaque numér«désormais contiendra quelques-unes de es lignes inspirées par la vérité.
Baron DU POTET.
PREMIÈRE CAUSERIE MAGNÉTIQUE.
Patience et persévérance.
Le magnétisme paraît souvent lent dans sa marche, obscur dans son action. Parfois tout semble incertain ; rien ne
promet le succès. Le doute est autour de vous ; les visages sont mornes; votre assurance à vous, magnétiseur, paraît téméraire ; votre parole ne trouve point d’écho. On attend , sans espoir, une guérison annoncée et que rien n’indique.
C'est un moment bien critique, et s’il se prolonge, ce qui a lieu souvent, le magnétiseur perd toute considération : ce qu’on lui demande, c’est de hâter le résultat promis, comme s’il pouvait, simple instrument de la nature, faire plus vite qu’elle. On veut voir, du grain semé d’hier, l’épi déjà jauni. Ne vous tourmentez pas, magnétistes. Soyez plus calmes que ceux qui méconnaissent la puissance de cet agent invisible aux yeux et qui s’introduit sans bruit à travers les tissus. Attendez, fermez vos oreilles aux paroles démoralisantes que vous entendrez autour de vous ; car au moment où peut-être l’épreuve est sur le point de finir, au moment où , mécontent de vous-même, vous croirez n’avoir plus rien à attendre de la nature et de votre agent, un signe évident de son action viendra soutenir votre foi et votre courage. Ayez soin d'exercer vos sens dans ce qui échappe aux gens inattentifs , aux personnes prévenues ; distinguez bien ce qui vient de la maladie ou du magnétisme. Voyez si la magnétisation a développé un peu plus de chaleur à la peau, s’il se produit quelque petit mouvement nerveux dans les membres, une tendance au sommeil, une légère moiteur, des déplacements de gaz, car il faut bien vous persuader qu’il suffît d'une légère impulsion imprimée à la circulation des fluides pour déterminer les plus grands changements dans l’état du malade.
Reposez-vous souvent, évitez l’épuisement de vos forces ; sachez attendre en silence, sans cesser d’espérer.
Une guérison, dans beaucoup de cas, est un vrai miracle de la nature, car il a fallu pour qu’elle s’opérât le concours de quelque agent divin. En effet, les remèdes matériels ont été sans puissance , quelles que fussent d’ailleurs leurs vertus reconnues et leur énergie. Avant de vous appeler, magnétiseur, on a épuisé la série des médicaments, puis enfin, de guerre lasse, et reconnaissant l'incurabilité de la maladie.
incurabilité réelle au point de vue de la science, le malade vous a été abandonné, et comme la nature également a usé sa propre puissance dans la lutte, elle a laissé la mort envahir le domaine humain. Les forces matérielles du dehors pressent alors sur la vie, refoulent ce qu’il en reste jusqu’au dernier refuge qui, souvent, parait être le centre épigastrique. Mais la place est cernée, le siège s’en fait dans un délai rapproché, la mort aura vaincu la vie, la place sera prise. Mais, patience, vous lui apportez un secours inespéré par des voies mystérieuses ; les brèches déjà faites sont réparées à petit bruit par le fluide magnétique, les digues rompues sont refaites ; il y a même déjà des chances pour que l’ennemi soit repoussé bientôt des endroits qui le rapprochaient trop de la citadelle. Enfin la lutte générale peut reprendre avec le concours de l’auxiliaire puissant que vous apportez, et la mort peut dans certains cas être réduite à fuir.
Guérir par le magnétisme est donc une œuvre philosophique bien supérieure anx œuvres de la médecine. Nulle comparaison même ne peut s’établir entre les deux moyens de guérison. Nous le répétons, il y a quelque chose de divin dam l'art magnétique. On le sent bien mieux qu’on ne saurait l’exprimer.
Voyez à quel point celui qui magnétise doit moralement être différent du médecin ordinaire. Celui-ci ne s’inquiète point, il suit son chemin, distribuant ses spécifiques, prescrivant ses poisons, infectant les organes de gaz délétères et de matériaux corrodants, détruisant ainsi les mailles les plus délicates du tissu humain , altérant la sensibilité et jetant ainsi à chaque instant de l’huile sur le feu qui nous anime; et, dans son orgueil et sa vanité, le médecin ordinaire croit qu’il est véritablement médecin. Oui, il aura vu parfois des êtres survivre à tant de secousses, et loin de trembler à la vue des dangers que son art a fait courir aux malades, l’insuccès même l’enhardira et le rendra téméraire jusqu'au jour où les épreuves des remèdes seront faites sur lui même. Ce n’est qu’alors que son intelligence s’ouvre aux clartés divines et qu’il reconnaît son impuissance et sa vanité. La
médecine des écoles est devenue un mensonge, une illusion. Ce n’est plus une science véritable, mais un amas d’idées systématiques que ne peut plus soutenir la raison.
Le magnétiste, bien différent du médecin, doit écouter en lui ce qui s’y passe, recueillir son esprit ; il doit aimer, ne serait-ce qu’un instant, celui qu’il traite et magnétise. Il faut qu’il éveille doucement les forces engourdies de son malade ; qu’il évoque l’intelligence , non celle qui est acquise par l’étude, mais celle qui a bâti et soutenu l’édifice humain, et que, par une transfusion de vie, il donne au céleste ouvrier les matériaux qui lui manquent, c’est-à-dire un extrait de toutes les forces de la nature morte et vivante, l’agent enfin qu’on appelle magnétisme. Et, de là, ressort cette différence capitale entre les deux arts, entre la médecine des écoles et la médecine magnétique : la première, toute matérialiste, l’autre, au contraire, plus morale que physique. Celle-ci exige donc de la sensibilité et du dévouement, le calme de la prière, la foi en soi, toutes choses enfin que les faux savants méprisent et que les médecins rejettent encore loin d'eux, car ils se sont faits fils de la matière , industriels et trafiquants ; leur cœur est mort, leurs mains n’ont aucune puissance, mais l’ignorance humaine est si générale et si profonde, qu’ils sont et seront longtemps encore les ministres dé la santé publique. Mais forcément ou volontairement, il faut qu’ils viennent à nous ; plus ils tarderont, plus ils perdront en considération, et leurs intérêts seront compromis.
Baron Dü POTET.
CLINIQUE.
GUÉRISON D’UNE HERNIE.
On a déjà, cité de nombreuses cures réputées impossibles pour la médecine et qu’a opérées le magnétisme par sa puissance divine. Voici encore un de ces faits irréfutables qui viennent démontrer l’existence de cette force merveilleuse que nous possédons tous, dont Mesmer nous a dévoilé l'existence et qui doit régénérer l’espèce humaine.
M. Gilquin, marchand d’articles de literie, demeurant à Paris, rue de Rivoli, n° 57, était affecté depuis dix ans d’une hernie et portait un bandage. Dimanche dernier, après avoir transporté des ballots très-lourds et très-volumineux, il éprouva quelques coliques; le lendemain, comme il recommençait le même travail, les coliques revinrent, mais beaucoup plus violentes, la douleur devint intolérable, au point que Gilquin ne pouvait plus marcher ; sa hernie, malgré le bandage, prenait un développement considérable. Au moment où il arrivait avec bien de la peine à la porte de sa maison, il rencontra son médecin, qui est son ami, et qui, voyant sa physionomie altérée, s’informa de la cause de ses souffrances. M. Gilquin lui rendit compte de ce qu’il éprouvait : le médecin l’aida à monter chez lui, le fit coucher, l’examina et reconnut qu’il y avait une hernie étranglée ; il déploya toutes les ressources de sa science pour soulager son malheureux ami que la douleur affaiblissait visiblement ; mais il n’obtint aucune amélioration. Il ordonna un bain dans lequel le malade ne put pas rester, et quelques médicaments homœopathiques qui ne produisirent aucun effet. Enfin, après quinze heures de soins assidus, il se retira sans avoir amené aucun soulagement, en laissant pour toute consolation-les recommandations d’usage et des paroles d’espérance.
Il s’était passé un incident qui n’est pas sans intérêt. Mmt Gilquin, très-confiante dans le magnétisme, avait en-
gagé vivement le médecin à .appliquer sa main sur la partie malade et à magnétiser son mari, persuadée , disait-elle , qu’il en éprouverait du soulagement. Mais le médecin avait répondu dédaigneusement : « Laissez-moi donc tranquille, avec vos bêtises. »Le pauvre docteur ne se doutait pas qu’il recevrait promptement un démenti.
Le lendemain, dans la matinée, on vint me prier d'aller voir M. Gilquin, en m’annonçant le terrible mal dont il était affligé. Confiant dans la force dont nous disposons, et d’autant plus confiant que je savais que notre honorable vice-président en avait heureusement fait usage dans un cas semblable (1), je me transportai chez notre malade, et là, après deux heures de magnétisation, je vis avec grande joie mes efforts couronnés d’un plein succès ; car la protubérance, dont le volume équivalait à la grosseur d’un poing , avait complètement disparu.
Voici comment j’ai opéré et les remarques que j’ai faites durant la magnétisation :
J’appliquai directement ma main sur la partie saillante en exerçant de légères frictions de bas en haut, ainsi qu’un léger massage ; au bout d’un quart d’heure environ, je remarquai une diminution sensible. Je continuai ainsi pendant trois quarts d’heure, au bout desquels je fus obligé de céder la place au docteur. A la vue du changement qui s’était opéré à son insu, il ne put retenir une exclamation de surprise : « Oh ! c’est étonnant. Quel changement ! Allons, courage, courage... C’est surprenant, le progrès qui s’est fait depuis ce matin. Allons, allons ; nous en verrons bientôt la fin. »
11 termina en faisant au malade bon nombre de recommandations, entre autres, de ne pas bouger, de parler le moins possible, etc. Aussitôt le docteur parti, je me remis à l'œuvre et ne quittai plus mon malade que lorsque tout eut disparu et que je pus lui remettre son bandage. Mais, à mesure que la partie saillante diminuait, le malade éprouvait des
(1) Voir la relation par M. le docteur Léger de la guérison d'une hernie par le magnétisme, dans le Manuel de M. du Potet, p. 62 de la deuxième édition.
coliques atroces autour du nombril ; cette diminution s’effectuait par saccades, semblables à la chute de cailloux qui qui seraient rentrés les uns après les autres. Aussitôt les coliques calmées, des suffocations violentes se firent sentir; tous ces différents symptômes se succédaient avec une certaine régularité, sans interruption. Enfin , lorsque la protubérance eut disparu , de violents vomissements avec de grands efforts se déclarèrent, et une expectoration de bile assez abondante eut lieu. Durant ces efforts, j’eus soin de presser avec force la hernie, de manière qu’elle ne reparût pas ; enfin, je terminai par des passes dégageantes; le calme et le repos ne tardèrent pas à se rétablir.
Tels sont les heureux résultats que j’ai obtenus : puisse mon récit être semblable aux grains jetés dans une bonne terre et qui donnent des fruits abondants : puisse mon exemple entraîner dans cette voie de charité tous les hommes de bien I
MENOUILLARD ,
Membre de la Société du mesmérisme.
GUÉRISON d’une ANASARQUE AVEC SURDITÉ ET OPPRESSION DE POITRINE
On nous communique l’attestation suivante d’une guérison par le magnétisme. Nous nous sommes empressé de l’insérer, attendu qu’il est toujours bon de pouvoir justifier des résultats par des pièces authentiques dont l’autoritéest irréfutable :
Je, soussigné, docteur en médecine, résidant à Toulouse, certifie avoir soigné avec succès, en décembre et janvier derniers , l’enfant du sieur Belloc, carrossier dans notre ville. Cet enfant, âgé de cinq ans , était atteint d’une anasarque avec surdité et oppression de poitrine. Après trois semaines de convalescence, il y eut rechute. Les mêmes symptômes commençaient à reparaître, mais accompagnés d’une fâcheuse adynamie.
L’enfant connaissait et parlait difficilement. J’ajoutai au traitement les vésicatoires aux jambes ; en cette conjoncture les parents, à qui j’avais déclaré la gravité du moment,
désirèrent soumettre le malade, avec mon approbation et en ma présence, au traitement magnétique de M. Emile Bastie, magnétiseur praticien. Je dois àla vérité de déclarer qu’à la première magnétisation et sous mes yeux, les symptômes adynamiques disparurent pour ne plus reparaître. Le ma-. gnétisme fut cependant longtemps continué et l’enfant n’entra que trois mois après dans une seconde et définitive convalescence.
En foi de ce : Toulouse, le l*r août 1S5G.
PORTES, D. M. Signé.
THÉRAPEUTIQUE MAGNÉTIQUE.
A la suite d’une longue et douloureuse maladie, M“' F... était d’une faiblesse extrême ; elle ne pouvait marcher ni se livrer aux travaux de son ménage sans éprouver une courbature générale ; elle souffrait principalement du dos, la douleur croissait pendant toute la durée du jour et était très-vive le soir. Le sommeil lui donnait un peu de soulagement, mais dès qu elle était levée, le mal recommençait. Je pensai que le magnétisme pourrait lui faire du bien. Je fis des passes sur le dos, mais sans aucun succès. Je cherchai alors à employer un autre procédé, persuadé que les moyens doivent varier selon les individus et les circonstances. Je lis sur le dos des insufflations à chaud : à peine avais-je commencé, que la malade me dit qu’elle ressentait un bien-être extraordinaire et qu’elle éprouvait une chaleur brûlante, comme serait celle d’un fer rouge qu’on aurait passé près de son corps. Je n’avais pas opéré deux minutes, qu’elle me déclara ne plus avoir ni douleur, ni fatigue, et elle était soulagée d’un énorme fardeau et se sentait guérie. Je n’osais encore croire à un changement si prompt. Je revins le lendemain : M'"' F... me dit qu’elle était dans son état normal ; il en fut de même les jours suivants. Elle put faire d’assez longues marches et reprendre ses occupations habituelles, sans éprouver la moindre fatigue. En un mot, la guérison était complète. J'ai cru devoir rapporter ce fait comme exemple de cure instantanée.
A. s. MORIN.
CORRESPONDANCE.
«Paris, le 3 janvier 1831.
« Monsieur le baron,
« Je vous serais infiniment obligé si vous daigniez mefaire l’honneur d’insérer dans votre estimable journal les quelques pages que je vous adresse et qui contiennent mon adhésion, Xadhésion sincère d'un médecin, à la cause dont vous êtes, depuis longtemps, l’illustre représentant.
« C’est une faveur, monsieur le baron , c’est un honneur que j’espère devoir à votre bienveillance.
« C’est avec un profond respect, etc.
« Docteur Alf. DUBREUIL. »
A MADAME P. D......
Mon opposition d’hier, — et c’est là ma seule excuse, — était franche, loyale; ma conviction d’aujourd’hui est sincère, profonde : un simple repli du cœur sépare souvent deux sentiments opposés. J’avais tort de ne pas croire, comme vous me le disiez, Madame, que le magnétisme peut développer en nous le sentiment du beau, du vrai, du noble et du grand ; que l’esprit peut entrevoir, sans son impulsion , des horizons plus étendus, plus profonds dans le champ de la pensée, et que l'âme apprend ainsi à se dégager de cette enveloppe matérielle que Locke appelait les vitres sales de sa prison. Mais aujourd’hui, Madame, je crois comme vous, c’est-à-dire fermement, que le magnétisme spiritualité l’âme au milieu de sensations nouvelles et qu’il la conduit à reprendre ses premières aspirations, ses plus nobles élans, toute sa foi. Comme vous, je crois à cette sublime transformation qui la rend plus belle , plus pure dès u’elle se ressouvient de ses premiers rêves, de ses douces qxtases, du baiser d’adieu des anges qui la conduisirent aux
confins du ciel ; dès qu’elle revoit, en un mot, ce inonde de beauté et d’amour qui la faisait tressaillir d’une secrète volupté aux heures ineffables. Ame blanche, disait Horace, âme qui sent se dégager en elle cette divine étincelle qui doit un jour la faire reconnaître au ciel, dont elle vient et qu’elle réclame comme l’exilé la patrie absente.
Et lorsque je vous écoutais, — je vous en demande pardon, Madame, — avec un sourire d'incrédulité, j’aurais dû me souvenir de certaines impressions étranges, insolites qui m’ont fortement ému et que je peux encore retracer. J’aurais dû, entre autres, me souvenir de quelques soirées des tropiques, où le soleil couchant, — un spectacle féerique ,
— produisait au front des nuages, déroulés comme des flocons d’ouate, et sur chaque lame aux larges plis ourlés d’écume , des effets splendides et fantasques. L’air nous semblait plus pur, plus subtil, plus vivifiant, nous l’aspirions à pleines poitrines ; quelque chose d’enivrant, je ne sais plus quel âpre parfum de l’Atlantique, surexcitait les forces vives de nos âmes qui grandissaient devant ce magique tableau des nuages enflammés par d’ardentes couleurs et groupés d’une façon pittoresque, et se prenaient d’enthousiasme pour cette infinie beauté étalée, là, partout, dans toute sa sublime et souveraine grandeur. C'était un monde tout nouveau qui nous apparaissait, un monde de grandes et riches sensations dans lequel nous entrions avec le sourire de l’indépendance. Ainsi, le voyageur aborde les solitudes immenses des Pampas qu’il parcourt, libre et fier, n'ayant que Dieu au-dessus de lui.
J’aurais dû me souvenir, Madame, que le même sentiment d’admiration nous gagnait de proche en proche ; que a même émotion , — quelque chose de céleste , — courait comme un frisson dans les nerfs de chacun de nous , et que, que, par une admirable contagion, la même fièvre d’enthousiasme allumait notre sang qui battait à l’unisson dans nos artères. J’aurais dû me souvenir , car j’ai toujours remarqué, en pareille circonstance, que les causeries du pont se ressentaient vivement de l'influence que tous nous ve-
nions île partager. Elles avaient plus d’élévation , chacun se sentait meilleur ; on parlait plus volontiers de grandes actions , de choses surprenantes , de nobles aventures survies mers ; puis, le cœur débordant d’une véritable effusion de sentimentalité , 011 contait la désolante] histoire de ceux qui sont partis joyeux, et chacun songeait aux pères, aux mères qui :
Sont morts cil attendant, tous les jours, sur la grève,
Ceux qui ne sont pas revenus.... (1).
J’aurais dû me souvenir que lorsque tout était rentré dans le silence, on aimait à se replier en soi-même «(suivant du regard et comme par une véritable attraction, la mer phosphorescente et déjà brillantée par les feux des nuits tropicales. En effet, on restait sur le pont, indifférent à tout, n’écoutant que la brise, que le froissement des lames le long du bord, que la voix des souvenirs |murmurant à nos oreilles tant de sensations perdues jusqu’à ce jour, tant de fêtes du cœur, tant de joies de l’âme. C’était la)jeunesse, c’était l’amour, c’était l’amitié qui nous revenaient avec leurs éclats joyeux comme des fanfares, marchant la main dans la main , souriant à leur sœur, la poétique Espérance, et qui passaient devant nos yeux éblouis, enchantés, avec leurs rêves étoilés, leurs saintes extases, tous les beaux refrains de la vie ; c’étaient les mille chants d’autrefois, et la mer et les Ilots semblaient les redire, à leur tour, en mariant leurs voix dans les solitudes des tropiques dont elles troublaient les grands silences et les espaces infinis...
Evidemment il y avait là, Madame, une influence occulte, mystérieuse, une sorte d’attraction, un état anormal qui tenait de la fascination, quelque chose d’étrange, de fantastique qui nous dominait tous et nous tenait là, — entre le ciel et la mer — sous un charme vraiment inexprimable, en nous faisant éprouver un véritable mirage.
Maintenant, Madame, ce que je déplore avec vous, c’est que l’efficacité de l’agent magnétique ne soit pas encore reconnue par le corps médical, dont l'opposition est, sur ce
(1) V. Hugo.
point, généralement systématique. Et cependant, en s’engageant dans la cause du magnétisme , ne mériterait-il pas davantage le titre de bienfaiteur de l’humanité souffrante ? Les rapports du médecin avec son malade ne seraient-ils pas plus intimes? Son action serait plus grande sur le moral, qui est malheureusement trop négligé ; il ferait de la médecine des passions, conseil que nous adressons, en passant, nous qui croyons fermement que les maladies de l’âme tuent les cinq sixièmes des hommes. Par le magnétisme, par cette puissance mystérieuse, étrange, l’âme du médecin aurait plus d’empire sur l’âme de celui que tourmente la lutte des organes en délire ; par cette douce et bienfaisante influence, la sympathie, — ce premier talent du médecin, — s’établirait plus facilement, la confiance, qui se livre sans calcul ni discussion, en résulterait aussitôt, et Y espoir, — ce doyen de toutes nos facultés, — l’espoir qui berce l’infortune et endort la douleur, sourirait plus souvent au chevet des malades.
Cherchez le divin , recommande pourtant Hippocrate, qui ne craignait pas de dire que les songes indiquent quelquefois à l’avance les maladies du corps. Cherchez le divin, vous tous qui n’adhérez pas au magnétisme, vous tous qui déclarez si hautement l’impossible, et à qui on pourrait poser de nouveau cette simple question : connaissez-vous réellement, sûrement le possible ?
Il est d’autres adversaires que nous combattrons à outrance. Nous ne parlons pas de ceux qui insultent à toute croyance, à toute notion du beau, du vrai et du grand : il n’y a pas lieu d’en tenir compte. Incapables de conviction profonde, de foi sincère, ils sont tout entiers au progrès matériel de l’époque que nous traversons. Malheur 1 s’écrie un poète, malheur
A qui jette un poison dans les sources du ciel (1)1
En somme, le magnétisme, quelque opposition qu’on lui fasse, est passé à l’état de vérité basée sur des faits irré-
(J) Paul Régnier.
futailles, et, sous ce rapport, — je suis parfaitement de votre avis, Madame:—l’avenir ne saurait lui faire défaut. Toute vérité — c’est l’histoire du monde entier — ne reste jamais stationnaire ; elle ne peut rétrograder, sa marche est toujours en avant. Sans bruit et pouvant se passer des fanfares de la publicité et des acclamations de l’enthousiasme , elle s’achemine à travers les âges, confiante dans sa beauté qui séduit et dans sa puissance qui remue les masses. Elle s’en va lentement, mais toujours elle marche, mais toujours elle progresse, se jouant des obstacles amoncelés sur sa route et toujours les franchissant. Et lorsque la lutte se prépare autour d’elle, que l’on veut arrêter son essor, l’étouffer, — comme si toute vérité ne venait pas de Dieu, — elle se montre, elle apparaît à nos yeux dans toute sa sereine grandeur : elle défie tout combat, tout assaut, elle grandit dans la mêlée ! Clameurs, colères, oppositions de toute nature, sa voix, sa puissante voix domine tout; elle éclate, elle détone... et croyants et sceptiques, et chrétiens et athées, tous pêle-mêle , tous confondus sous les plis de la même bannière, se pressent et s’ébranlent... Alors la vérité, — telle est l’histoire de toutes les causes qui ont remué le monde, — la vérité triomphe dans toute sa majesté et poursuit sa route sans enivrement et sans orgueil. On arrêté les armées au pied des montagnes, dit Chateaubriand, une vérité les franchit toujours. Telle est la marche du magnétisme, tel sera son avenir ; avenir déjà dégagé des nuages dans lesquels on a voulu le perdre, et dont l’horizon nous apparaît avec de lumineuses clartés dans scs immenses profondeurs, comme pour guider sur cette mer de découvertes les hardis explicateurs de la science.
VARIÉTÉS.
LE MAGNÉTISME EN ITALIE.
La situation du magnétisme en Italie est ainsi décrite dans la Luce magnetica du 10 janvier dernier :
« A Naples, le magnétisme est prohibé et redouté. Un préfet de police, s’entretenant avec un célèbre magnétiseur, faisait le geste par lequel les Napolitains prétendent conjurer les sorts que peuvent leur jeter les jellatori. Le roi Bourbon , après une sérieuse discussion avec le conseil des ministres, permit à M. Lafontaine de rester à Naples, à condition qu’il ne reudrait plus l’ouïe aux sourds-muets et la vue aux aveugles.
« A Rome, le pape Pie IX et l’Eglise approuvèrent le bon usage du magnétisme ; mais, par une étrange contradiction, ils refusèrent de l’autoriser ; plusieurs ouvrages sur ce sujet sont mis à l’index avec la clause donec corrigatur. Les expériences publiques ne peuvent y être faites par de véritables magnétistes ; la tolérance de l’autorité, l’approbation supérieure, sont réservées aux charlataneries dites magnétiques des Pisenti et des Zanardéili.
« Dans le royaume lombard«- vénitien , le magnétisme soumis à la surveillance immédiate de la police autrichienne est placé, par le décret souverain du 8 octobre 1845, exclusivement entre les mains de MM. les médecins qui en sont par système les ennemis naturels (en exceptant un petit nombre d'honorables docteurs partisans du magnétisme, sur-out chez les hoinœopathes) , d’où il suit que ceux qui en ont le privilège le laissent paisiblement dormir et l’aideraieu même à mourir.
a Néanmoins on y a publié de bons livres sur le magnétisme et un journal renommé par sa rigueur scientifique, la Cro-nacodel magnetismo, par l’honorable docteur Terzaghi.
« Les duchés voisins et la Toscane subissent l’influence du décret impérial. Les médecins systématiques, réunis en corps d’armée par le professeur Zannetti, cherchent par tous les moyens à discréditer le magnétisme, et môme , quand on leur présente des faits incontestables, ils ne se rendent pas à l’évidence, ainsi qu’il est arrivé lors des expériences faites par le professeur de Consoni en présence d’une commission de la Société médico-physique de Florence, le 14 septembre 1850. Quant aux publications , un savant magnétiste de Florence nous écrivait dernièrement : «Dans cette Toscane, pire ci que la Béotie, on ne trouverait pas un éditeur qui voulût « accepter, même gratuitement, un manuscrit traitant du ma-« gnétisme. »
n Le Piémont est la seule partie de l’Italie où le magnétisme , grâce à la liberté d’association et à la liberté de la presse, garanties par la constitution , puisse librement être étudié et expérimenté. Les travaux des savants médecins magnétiseurs Borgna, Coddé , Gatti, Peano, du professeur Allix, et de plusieurs autres magnétophiles, le magnétisme a fait en peu de temps des progrès rapides qui ont frappé d’é-pouvante la caste des Esculapes ; ceux-ci ayant pris pour chef de file un certain docteur Demarchi, et s’étant associé quelques journalistes bavards et quelques immondes oiseaux de nuit, ennemis jurés de tout ce qui est bien, ont organisé d’abord à la sourdine, et ensuite ouvertement, un système de persécution contre le magnétisme et ses partisans, et, pour atteindre leur but, ne reculent pas devant les moyens les plus iguobles. »
(Traduit par A. S. MORIN.)
CHRONIQUE,
M. Guidi, membre du jury magnétique, rédacteur en chef du journal la Luce magne tien, vient de fonder à Turin une nouvelle société qui s'appelle Cercle magné ligue (l'instruction et de bienfaisance. Il existait déjà dans la même ville la Société philomagnétique.
Le médecin et la somnambule.
A. une séance publique dounée à Turin par le professeur Guidi, où se trouvait une nombreuse réunion, un médecin, le signor M..., s’approche de la somnambule Louise et lui présente une boîte contenant des cheveux d’une de ses malades. La somnambule, mise par ce moyen en rapport avec la dame éloignée, la désigne sans se tromper.
— Comment se porte-t-elle? demanda le médecin.
— Elle n’est pas malade, répondit la somnambule.
— Mais cependant...
— Elle a une enflure.
— Où?
— Au ventre.
— Et quelle en est la cause ?
— Une grossesse.
— Regardez bien. Ne vous semble-t-elle pas hydropique ?
— Je vous dis qu’elle est enceinte... de six à sept mois.
A cette assurance de la somnambule, le médecin bulbutia
et resta confus. Or, on nous assure que cette daine, qui est véritablement enceinte, a été longtemps traitée comme hydropique par ce même médecin qui lui a administré des remèdes de cheval.
(La Luce magnetica) (1).
(1) Quand nous donnons des extraits de journaux, nous nous faisons une loi d'indiquer la source où nous puisons. Nous ongageons à faire d«même ceux de nos confrères qui pourraient nous faire quelques emprunts.
Baron DU POTET, propriétaire-gérant.
ÉTAT DU MAGNÉTISME.
Quand le Journal du Magnétisme entre dans une nouvelle phase, quand son directeur, après tant d’années de labeurs consacrés au soutien de la cause dont il a toujours été le plus ardent défenseur, entreprend à ses risques et périls la tâche ardue de conserver au magnétisme son principal organe, il n’est pas sans intérêt de jeter quelques regards sur le passé et de mesurer l’étendue des progrès accomplis.
Si nous nous reportons à une trentaine d’années en arrière, combien le magnétisme nous apparaît faible et languissant ! Bien peu d’hommes alors étaient initiés à cette science sublime dont le nom ne réveillait dans le public que de fausses idées ; les arrêts des corps savants étaient acceptés comme des décisions sans appel ; on n’avait que des sourires ue compassion pour les téméraires qui avaient osé , comme de nouveaux Icares , s’élever au-dessus du niveau assigné à la puissance humaine ; les œuvres merveilleuses qu’ils se flattaient de produire, étaient réputées impossibles , contraires aux lois immuables de la nature ; ils avaient été cent fois terrassés , exterminés, anéantis ; le silence et l’oubli devaient bientôt faire justice de leurs folles rêveries. Et pourtant quelques entêtés avaient encore l’outrecuidance de ne pas se croire tout à fait morts ; sans se laisser abattre par le dédain et l’isolement, ils ne craignirent pas de protester contre les anathèmes académiques ; comptant sur la force irrésistible de la vérité, ils ne cessèrent de provoquer un examen sérieux et impartial ; ils répondirent aux dénégations par des faits, ils luttèrent avec l’énergie que donnent une conviction profonde et la con-
science du devoir. A force de persévérance, ils parvinrent à se faire écouter, ils étendirent successivement le cercle des adeptes, ils dissipèrent les préventions, et le nombre des partisans répandus dans tous les pays se trouva bientôt assez considérable pour commander l’attention de tous les hommes jaloux de suivre les progrès de la science. Il se forma partout des centres de propagation ; des publications importantes exposèrent les principes et les méthodes, des cures éclatantes et multipliées prouvèrent hautement l’utilité pratique du magnétisme et en firent pénétrer l’usage dans toutes les classes.
Aujourd’hui, bien que la lutte dure encore et ne soit pas près d’être terminée, le succès peut être regardé comme assuré. Il n’y a presque pas de grande ville en Europe et en Amérique, où il n’existe une ou plusieurs sociétés magnétiques, ayant pour but principal de donner des séances publiques d’expérimentation ; dans quelques-unes, il y a des dispensaires où journellement les malades sont traités par le magnétisme. Une foule de journaux sont consacrés spécialement au magnétisme, enregistrent les faits les plus intéressants et discutent les questions qui s’y rattachent.
C’est en Amérique surtout que le magnétisme joue un grand rôle. Il y est en quelque sorte lié au spiritualisme qui admet les communications avec les esprits ultramondains à l’aide de certains hommes appelés médium. Cette doctrine, dont l’invasion est peut-être un des principaux événements du siècle, est extrêmement répandue ; elle est constituée en religion , et déjà elle fait une concurrence terrible aux anciennes religions; des contrées où la civilisation a fait à peine ses premiers pas, telles que le. Texas et la Californie, comptent déjà par milliers les spiritualistes, fervents prosélytes, qui joignent la prédication à la pratique. Le magnétisme proprement dit n’est pas solidaire de ces théories ; mais les faits, soit que les explications qu’on en donne soient vraies ou fausses, se rattachent évidemment au magnétisme et ont pour principe le même agent : les médiums sont une variété des crisiaques et se rapprochent surtout des lucides
éveillés comme en développe parfois l’action magnétique ; les guérisons par le spiritualisme ont la plus étroite analogie avec celles qu’opère , soit la magnétisation directe, soit la clairvoyance des somnambules. Aussi les spiritualistes, tout en rapportant les résultats à l'intervention des esprits, font une large part au magnétisme dont ils sont les plus zélés défenseurs.
En France, où le spiritualisme a fait beaucoup moins de progrès, les tables tournantes et parlantes ont joui, pendant environ deux ans, d’une vogue prodigieuse qui a exercé une heureuse influence sur l’opinion publique : le scepticisme matérialiste a été ébranlé, les esprits se sont tournés vers le merveilleux, une foule de personnes ont pu observer et même produire des phénomènes étrangers à la science officielle, niés par elle et déclarés impossibles ; on a appris par là à se défier de ses oracles et à chercher par soi-même, 011 est entré dans un monde nouveau , 011 a vu surgir chez l’homme des facultés étranges , et dont on ne soupçonnait pas l’existence, on s’est senti attiré vers un horizon inconnu, on a été séduit par les premiers débuts et encouragé à poursuivre les recherches dans cette voie mystérieuse ; les modifications remarquées chez les sujets tourneurs de tables ont conduit naturellement au magnétisme qui en produit de bien plus considérables. La mode a délaissé les tables ; mais on peut dire que leur mission était remplie, et qu’elles ont servi de marche-pied au magnétisme.
Maintenant il est vulgarisé : bien qu’il soit encore exclu de renseignement universitaire et qu’on 11’ose pas même prononcer son nom dans les académies. il a pénétré partout, il n’est plus permis de l’ignorer, tout homme instruit doit en posséder au moins quelques notions. Des gens de toutes les classes l’appliquent au traitement des maladies ; des médecins l’acceptent comme un des plus puissants moyens de la thérapeutique ; les philosophes y voient un flambeau qui doit les aider à découvrir les mystères de la nature humaine; les théologiens en reconnaissent l'existence et le regardent comme un ennemi avec lequel ils
sont obligés de transiger. Plusieurs gouvernements, effrayés de sa puissance et frappés surtout du danger de l’abus qui peut en être fait, ont cru devoir en régulariser l’exercice. Il s’est glissé dans un congrès médical de Piémont, et le corps qui lui est le plus hostile a été obligé de subir sa présence et d’entendre son apologie.
Quand une doctrine a fait tant de chemin en si peu de temps, il est permis de prendre en pitié les traînards du passé qui semblent s’éveiller d’un sommeil semi-séculaire, se croient très-malins en nous demandant ce que c’est que le magnétisme, et nous défient de les convaincre. Que ne demandent-ils aussi ce que c’est que l’électricité?...
Quelques brillantes victoires que nous ayons remportées, notre triomphe est encore loin d’être complet. Le magnétisme a encore des ennemis, des détracteurs, tandis que les vérités définitivement acquises à la science, sont acceptées par tout le monde, même par ceux qui ont eu le plus d’intérêt à les combattre. A quoi tiennent ces longues résistances? Faut-il les attribuer, comme on l’a fait souvent, à la mauvaise foi, à l’orgueil, à l’esprit de secte, en un mot, à de viles passions ? Nous ne le pensons pas. Sans doute, parmi les ennemis du magnétisme, il y en a eu qui ont été mus par les sentiments les plus bas, il y en a qui n’ont pas vu, parce qu’ils ont volontairement fermé les yeux à la lumière ; mais aussi reconnaissons que bien des hommes de très-bonne foi ont dû être arrêtés par les difficultés inhérentes à la nature du sujet et que nous ne devons pas dissimuler.
Les sciences physiques s’appuient sur des faits obtenus en agissant sur la nature inerte : les corps se prêtent à toutes les transformations qu’on veut leur faire subir ; un fait annoncé comme pouvant conduire à une théorie, peut toujours être reproduit avec une parfaite conformité ; chacun peut donc, avec une extrême facilité , répéter l’expérience et se faire par lui-même une entière conviction ; dès lors la possibilité d’obtenir le fait ne peut plus être mise en question,
le doute n’est plus possible, et l’adhésion unanime est aussitôt acquise.
Il ne peut en être de même dans le magnétisme qui opère sur des êtres intelligents et libres. Il ne s’agit plus seulement d’exécuter certains actes, de satisfaire à certaines conditions matérielles, il faut de plus tenir compte des dispositions morales de l’opérateur et du sujet, dispositions qui peuvent varier à l’infini, et par suite amener une diversité indéfinie dans les résultats. On ne peut donc presque jamais annoncer à l’avance et à coup sûr une expérience, puisque mille accidents imprévus peuvent la faire échouer. Les hommes ne sont lias tous aptes à recevoir l’action magnétique , et ceux qui jouissent de cette aptitude, la possèdent à des degrés très-inégaux. Le même sujet n’est jamais parfaitement semblable à lui-même, et sa situation physique ou morale influe plus ou moins sur sa capacité magnétique. Il est donc toujours fort difficile d’offrir à un incrédule, pour un moment donné , des phénomènes parfaitement convaincants.
Cette difficulté n’est pas la seule. Le physicien sait très-bien que la matière qu’il soumet à ses essais, est indifférente et ne peut être l’objet d’aucune suspicion. Quand on opère au contraire sur des êtres humains, 011 peut toujours supposer une collusion pour tromper. Beaucoup de phénomènes magnétiques peuvent être simulés, tels que l’insensibilité, la catalepsie, l’attraction , l’obéissance à la suggestion, etc. L’observateur se croit donc autorisé à la défiance , et même quand il verra des faits prodigieux, inexplicables, il se demandera s'il n’est pas dupe de quelque adroit artifice, s’il n’a pas affaire à d’habiles compères, et il restera dans le doute.
Heureusement ces obstacles ne sont pas insurmontables. Un des moyens les plus sûrs de convertir un incrédule, c’est d’agir sur lui : pour peu qu’il soit sensible au magnétisme, il reconnaîtra l’action d’un principe nouveau pour lui, et comme il ne peut se défier de lui-même, son acquiescement sera certain. On aura beau jeu surtout si on peut lui pro-
curer le soulagement de quelque souffrance, ce que le magnétisme obtient le plus communément. On réussit souvent encore en déterminant le chercheur à magnétiser quelques personnes : il y a beaucoup de chances pour qu’il obtienne quelques résultats, et alors il observera beaucoup mieux que quand il s’agit de l’action d’autrui ; il remarquera des circonstances qui lui auraient échappé et qu’il jugera décisives, il se croira fondé à prononcer un jugement.
En dehors de ces deux moyens, le succès dépendra du choix des expériences. Dans une société de personnes qui se connaissent toutes,le magnétiseur, en agissant sur plusieurs, en rencontrera nécessairement quelques-unes de sensibles : quand même les résultats ne seraient pas très-considérables, ils pourront servir beaucoup à la conviction de ceux qui cherchent à s’éclairer, parce que chacun est sûr de la sincérité des autres, et qu’on sait qu’il ne peut y avoir de compères, surtout quand il s’agit d’expériences que les sujets ne pouvaient évidemment prévoir et qu’ils auraient certainement répudiées s’ils les eussent prévues. Par exemple, une dame connue de toute la société se trouve susceptible d'attraction et de catalepsie : le magnétiseur l’attire à son gré dans tous les sens, lui met les bras dans toutes sortes de positions qu’elle est obligée de garder, lui fait prendre diverses altitudes, parfois peu gracieuses ; elle excite les rires de l'assemblée et fait en vain des efforts visibles pour échapper à la domination du magnétiseur. Il sera clair pour tout le monde que tout cela ne peut être joué et que le sujet n’aurait, pas volontairement accepté un tel rôle.
Enfin quand on opère devant des inconnus, le mieux est de 11e présenter que des sujets préparés, de ne faire que des expériences qui, souvent répétées, ont toujours réussi, et de les choisir telles qu’elles ne puissent pas être simulées, et que, par conséquent, on n’ait pas besoin de la confiance des spectateurs. Nous en citerons quelques-unes. Les somnambules extatiques ont les yeux ouverts, les paupières restent complètement immobiles, et l’approche d’un (lambeau ne modifie en rien la dilatation de la pupille -, ce dernier trait
est impossible à simuler. Il y a des somnambules chez lesquels le magnétiseur peut à volonté, et suivant le commandement des spectateurs, accélérer ou ralentir le pouls. Voici encore une expérience très-concluante, qu'on peut faire avec les nombreux sujets susceptibles d’attraction. Le magnétiseur est dans une chambre et le sujet dans l’autre ; ils sont séparés par un mur, et par conséquent ne peuvent ni se voir, ni se faire des signes ; un spectateur se tient à la porte servant de communication entre les deux chambres, de manière à pouvoir observer ce qui se passe dans l'une et dans l’autre; il fait des signes convenus au magnétiseur, qui successivement attire et repousse le sujet ; si l’attraction et la répulsion concordent exactement avec les signaux , il est évident que le sujet aura obéi à une puissance étrangère aux lois ordinaires , puisque la volonté du magnétiseur ne se sera manifestée par aucun acte perceptible aux sens. On peut encore, en cas d’insensibilité d’un sujet, inviter un des spectateurs à faire sur lui inopinément des épreuves qui n'aient pu être prévues ni du magnétiseur ni du sujet, et qui déconcerteraient les ruses d’un fourbe simulant l’insensibilité.
Nous ne pousserons pas plus loin cette énumération. On comprend aisément que c’est à la sagacité du magnétiseur à choisir, suivant les occasions, les expériences les plus propres à faire impression sur les spectateurs. Il sera toujours possible de convaincre un homme de bonne foi qui, sans parti pris, cherchera à s’éclairer et qui voudra consacrer à ses recherches un nombre suffisant de séances. Mais beaucoup de personnes se rebutent si, du premier coup, le magnétisme ne leur présente pas tous les prodiges qu’elles ont imaginés : elles ne peuvent ainsi imputer qu’à elles-mêmes leur insuccès, puisqu’elles ne se sont pas donné la peine de s’instruire de la portée ordinaire du magnétisme, ni de s’assujettir aux conditions indispensables pour obtenir des effets satisfaisants. Il y en a qui se sont figuré une espèce de magie capable de produire les miracles les plus bizarres, de réaliser les contes des fées, et qui se récrient en présence de la réalité grandiose sans doute, mais toujours inférieure aux
rêves de 1 imagination. D’autres assisteront à une séance où dix expériences réussiront à merveille, puis une fera défaut : ils ne tiendront aucun compte des premières et ne cesseront d’objecter l’insuccès unique, en feront l’objet de leurs railleries et croiront par là. être en droit de nier le magnétisme. C’est commettre un défaut de logique dont on devrait se corriger par un peu de réflexion. D’autres encore n’ayant pas la plus légère connaissance de ce qu’ils veulent examiner, croient que le magnétisme n’a pour but que de produire la lucidité somnambulique, c’est-à-dire lephénomène le plus variable, le plus fugitif : ils assistent à quelque séance de somnambulisme, et, à la première erreur commise par le somnambule, ils jugent la cause entendue et ne veulent pas écouter davantage. Il est pénible de discuter avec de pareils adversaires, d’être obligé de leur dire que la méprise dont ils ont été témoins prouve seulement ledéfaut de clairvoyance de tel somnambule dans tel moment; qu’il ne s’ensuit pas que ce même somnambule ne soit pas lucide dans d’autres moments, ni encore moins que d’autres somnambules ne soient pas lucides ; qu’enfin , quand même la lucidité n’existerait pas, on ne pourrait rien en conclure contre le magnétisme qui produit des effets tout différents du somnambulisme. Mais, sur ce sujet plus encore que sur tout autre, il n’y a rien de si commun que les gens qui raisonnent tout de travers, et si l’on peut espérer que les gens de bon sens finiront par opérer sur notre pauvre humanité une sorte d’orthopédie intellectuelle, il faut convenir que la tâche sera rude et qu’elle est encore bien peu avancée.
Nous avons signalé quelques-unes des difficultés qui, le plus souvent, arrêtent les incrédules même de bonne foi. Il y en a aussi qui viennent de magnétistes compromettants. Les uns, en voulant expliquer le magnétisme, bâtissent des théories ridicules, multiplient à plaisir des hypothèses que rien ne justifie , raisonnent à perte de vue sur des sciences qu’ils ignorent, et commettent des balourdises qui dégoûtent les personnes instruites, peu tentées d’étudier sous de pareils professeurs. D’autres, enivrés des résultats qu’ils ont
obtenus, se livrent à des exagérations dont s’empare l’incrédulité, se posent comme des sorciers et font fuir les gens sensés. D’autres, au lieu de s’attacher aux phénomènes dont la reproduction est la plus sûre, promettent inconsidérément les faits les plus difficiles, tels que ceux de lucidité, et trop souvent ne montrent que leur impuissance dont la honte rejaillit sur le magnétisme. Il y a encore les magnétistes de tréteaux, qui donnent en spectacle des exercices de magnétisme et de seconde vue à la suite de tours de gobelet et de séances de chiens savants : le spectateur, sachant qu’il a affaire à un jongleur, met tous ses tours sur la même ligne et regarde le magnétisme comme une branche de la physique amusante.
Le magnétisme a donc autant à souffrir de la part de ses amis maladroits ou imprudents que de celle de ses ennemis, et il ne faut pas s’étonner si, trouvant tant d’obstacles sur sa roule, il n’est pas encore parvenu à conquérir l’assentiment universel. Il a fait des pas de géant, et rien ne pourra désormais arrêter sa marche glorieuse. Que ses amis concertent leurs eLorts, se pénètrent de l’importance de leur mission et des devoirs qu’elle leur impose : les derniers remparts de la routine et de la superstition s’écrouleront comme les murailles de Jéricho.
A. s. M0RIN.
LE SPIRITUALISME EN AMÉRIQUE.
LE SPIRITUALISME EX PRÉSENCE DES CORPS SAVANTS.
Les Américains ont l’esprit chercheur ; chez eux , les savants ne croient pas déroger en s’informant de la réalité des faits extraordinaires ; ils croient môme que leur devoir est d’être les premiers à recueillir, examiner, constater tout ce qui peut intéresser la science. Aussi est-il de bon ton chez nous de se moquer de ce singulier pays et de l’appeler le monde à rebours.
Le spiritual Telegraph du 13 décembre dernier contient la relation détaillée des expériences auxquelles s’est livrée la Société philosophique de l’institut mécanique de New-York. M,u' Coan, médium, a été admise en séance ; elle est montée sur une estrade préparée à cet effet et qui était élevée de trois pieds au-dessus du parquet ; le sujet était ainsi en vue de toute l’assemblée. Voici comment on procéda. Un des membres écrivit sur plusieurs petits papiers les noms de personnes décédées ; sur d’autres papiers, le degré de parenté de ces personnes avec l’opérateur ; sur d’autres, l’âge auquel ces personnes sont mortes ; sur d’autres, la cause de leur mort. On plia tous ces papiers séparément, on les roula en petites boules, puis on les mêla en tas et on les déposa sur la table. Le membre, qui alors était hors d’état de les distinguer, demanda s’il pourrait avoir des communications des esprits de quelques-uns de ces morts. La réponse affirmative eut lieu au moyen de trois coups entendus distinctement. Le membre demanda si quelqu’un de ces esprits était présent, et, après une nouvelle réponse affirmative, si l’esprit voudrait bien frapper un coup chaque fois qu’on lui présenterait un des papiers qui le concer-
liaient. Le mode de communication étant ainsi établi, l’interrogateur prit au hasard les papiers et les présenta successivement ; les coups en désignèrent cinq qui furent mis ;'t part; on les déploya, et il se trouva qu’ils formaient une série de renseignements sur une des personnes décédées, c’est-à-dire qu’on y trouvait indiqués son nom, son degré de parenté, l’âge, le lieu et la cause de sa mort. Le tout fut reconnu exact.
Plusieurs autres membres renouvelèrent cette expérience avec le même succès.
L’un d’eux procéda différemment. Il s’entretint avec l’esprit à l’aide de l’alphabet; il pointait successivement les lettres écrites sur un papier, les coups indiquaient le choix des lettres, et la réunion des lettres ainsi déterminées formait des mots. Il obtint ainsi le nom et l’âge d’une personne décédée.
Un autre fit des questions en allemand, langue inconnue du médium, et les réponses se trouvèrent justes.
On chercha à découvrir la cause qui produisait les coups ; on ne put y parvenir ; le son paraissait partir du médium et être dirigé vers l’interrogateur.
Trois grandes séances furent consacrées à la discussion de ces phénomènes. Le président Rosevelt les attribue à l’électricité ; il croit que les personnes les plus électriques sont les meilleurs médiums ; que les esprits du médium et de l’interrogateur sont comme deux nuages qui se rencontrent et qui déchargent leurs courants électriques ; que le caractère de la communication est déterminé par l’organe cérébral qui a été traversé le dernier par l’électricité avant la manifestation.
M. Charles Partridge, célèbre écrivain spiritualiste , que la Société avait eu la générosité d’inviter à prendre part aux débats et à exercer les droits de membre de la Société , traita fort longuement ce sujet qu’il a beaucoup étudié. Il commença par exprimer le regret que la discussion fût bornée à l’examen des faits qui s’étaient passés sous les yeux de la Société, faits peu nombreux et d’une importance rela-
tivement médiocre. Il exposa ses idées sur l’action des esprits dégagés des corps. Il conclut par les propositions suivantes :
1° Les réponses pertinentes dénotent une intelligence.
2« Les erreurs qui se rencontrent ne prouvent pas que l’auteur des réponses ait procédé par voie de conjecture, mais que l’esprit immortel, séparé de la forme terrestre, se manifeste dans des conditions défectueuses et avec des instruments imparfaits.
3» Il n’existe aucune loi connue des hommes, par laquelle on puisse produire sur des objets pondérables des sons, des vibrations ou des mouvements, sans contact matériel et sans effort musculaire.
à° 11 n’y a pas d’art d’escamoteur au moyen duquel des questions posées comme elles l’ont été puissent recevoir des réponses si uniformément exactes.
5° Il n’y a pas de loi intellectuelle qui rende compte de l’existence indépendante de l’esprit tant qu’il anime un corps mortel.
6“ Il n’y a pas de loi physique connue qui rende compte de phénomènes qui, môme produits devant des sceptiques, sont revendiqués comme ayant une origine spirituelle.
7° La prétention sur l’origine et l’usage de ces phénomènes, revendiqués comme due aux esprits, doit être admise jusqu’à ce qu’on en démontre la fausseté.
La discussion se poursuivit : nous en donnons l’analyse sans avoir à nous prononcer sur le mérite des arguments :
l°On a allégué que les coups et les mouvements des tables étaient produits par les médiums, et que c’était de leur intelligence qu’émanaient les manifestations intellectuelles.
On a répondu qu’il ne pouvait y avoir de tromperie par les médiums, ainsi que l’ont constaté le président de la Société, qui était assis tout auprès d’eux, les interrogateurs et les spectateurs sceptiques qui ont posé leurs mains sur le parquet, près des pieds des médiums, et qui ont déclaré que les coups n’étaient pas produits par ceux-ci, que même les coups paraissaient quelquefois venir d’une armoire à
livres ou du plafond ; cette circonstance a été confirmée par le président et par les autres membres qui étaient le mieux placés pour observer.
2° On a allégué que les médiums voyaient quels noms et quelles questions on écrivait.
On a répondu que les médiums 11e pouvaient voir ni connaître d'aucune manière les noms et les questions que presque tous les interrogateurs out à dessein écrit en secret, comme ils l’ont attesté ; que, du reste, tous les spectateurs ont pu s’assurer par eux-mêmes que les médiums étaieut dans l’impossibilité de voir ce qu’on écrivait, ni de le découvrir par aucune loi connue.
3° On a prétendu que l’intelligence qui se manifestait était d’origine terrestre, parce qu’elle ressemblait trop à l’intelligence humaine. On a répondu qu’en admettant cette ressemblance, il en ressort la preuve de l’origine spirituelle, attendu que tous les moyens de connaître à l’usage des hommes ont été reconnus impuissants pour rendre raison des faits produits.
li° On a objecté contre la certitude d’un commerce avec les esprits immortels, qu’il n’était pas supposable que l’esprit de Newton ou de Daily se mît à la disposition du premier venu qui voudrait l’appeler. Ou a répondu que les esprits n’étaient pas les instruments dociles des hommes, et que nous ne pouvions nous en faire obéir à notre gré, que nous ne pouvions nous autoriser des relations affectueuses qui ont pu exister sur terre pour annoncer que certains esprits communiqueront avec nous; si quelques-uns d’entre eux nous conservent leur affection , il peut se faire que les conditions ne soient pas favorables pour leurs communications.
5» Au système qui attribue à des esprits les manifestations, on a objecté que les faits ne répondent pas à la haute idée qu’on se fait de pareils êtres que la mort a dû éclairer d’une sagesse omnisciente ; pendant que d’autres objectent qu’un esprit qui, dans sa vie terrestre, ne connaissait qu’une langue, communique en outre en allemand ou en espagnol.
On 1 répondu qu’une fausse théorie ne peut infirmer un fait positif; que l'existence de l’Angleterre n'est pas niée parce qu’on reçoit de ce pays des lettres qui ne sont pas à la hauteur de l’idée qu’ou avait pu se faire de l’intelligence des habitants ; qu’il est plus rationnel de conformer les théories aux faits que les faits aux théories ; qu’on peut admettre qu’il y a dans le monde des esprits, des moyens d’apprendre et de progresser en fait de langues, comme en toute autre branche des connaissances humaines.
6° On a objecté aux manifestations données comme venant des esprits qu’elles ont lieu par des instruments matériels. On a répondu que l’homme ne connaît rien des esprits revêtus d’une forme terrestre, si ce n’est par leurs manifestations au moyen de la nature physique : puisque la matière est par elle-même incapable de mouvement, tout mouvement de la matière dénote l’action d’un esprit.
7° On a demandé pourquoi les esprits n’avaient pas annoncé d’avance la perte du vaisseau CArctic. On a répondu que les esprits avertissent quelquefois les hommes des catastrophes qui doivent arriver. L’incendie du Henry Clay dans la rivière du Nord a été révélé d’avance par l’organe d’un médium de Bridgeport; le naufrage du Pacific l’a été par l’intermédiaire du médium Porter; ces exemples prouvent que les esprits nous prédisent quelquefois certains événements.
8» On a objecté que les corps pondérables ne peuvent être mis en mouvement sans contact ; que la Bible enseigne que l’esprit n’a ni chair, ni os : les esprits ne peuvent donc mouvoir un objet matériel, ni être impressionnés, ni vus par les mortels.
On a répondu qu’aucune histoire ne peut infirmer des phénomènes constatés ; que nos sens sont notre autorité pour décider si des faits physiques existent ou n’existent pas. La citation des paroles attribuées au Christ ressuscité et ses apparitions aux hommes prouvent qu’il était revêtu de chair et d’os. Dans cet état, il a fait un appel aux sens des hommes et les a engagés à croire à l’immortalité, lui-même sur-
vivant au tombeau ; et pour leur prouver qu'il était bien lui, le Christ, il les a invités à le toucher et à palper de leurs mains la blessure de son côté, ce qui était un moyen de confondre leur scepticisme. C’est dans le même but qu’il a marché, causé, bu et mangé avec les mortels. Tout ce récit est une preuve de l’intervention spirituelle, du pouvoir qu’ont les esprits pour agir sur] la matière, pour se revêtir temporairement d’une forme matérielle, pour mouvoir des corps pondérables, comme la pierre qui obstruait l’entrée du sépulcre, comme nos tables, chaises, etc.
Tel est en abrégé le résumé de cette discussion qui a été close provisoirement. Une commission a été chargée par la Société de visiter les médiums, de se livrer à de nouvelles recherches et d’en rendre compte. On espère qu’alors la question sera de nouveau discutée d’une manière plus complète. La commission a déjà recueilli quelques faits très-intéressants.
On voit que les sociétés savantes d'Amérique ne jugent aucun fait indigne de leur examen , et qu’elles ne se croient pas, comme celles d’Europe, obligées par le décorum à mettre la science sur le lit de Procuste, et à se boucher les oreilles quand l’inconnu vient frapper à leurs portes.
a. s. MORIN.
CAUSERIES SUR LE MAGNÉTISME.
DEUXIÈME CAUSERIE
Patience et persévérance.
Voici pourquoi les médecins réussissent peu et parviennent difficilement à guérir des maladies chroniques : c’est qu'ils s’attaquent à ce qui est constitué et non à ce qui constitue ; c’est qu’ils prennent l’effet pour la cause et qu’ils ne remontent point à l’ouvrier spirituel, c’est-à-dire à cet agent mystérieux, en vertu duquel chaque être prend forme, et qu’ils ne saisissent que la matière comme étant un tout. Otez à la médecine trois ou quatre agents dont elle connaît à peu près l’action, agents qui n’agissent, selon nous, que par aversion des sens, la médecine est réduite aux abois. Les faits produits par tous les autres remèdes sont si peu certains qu’ils déterminent presque toujours des phénomènes non prévus et vous éloignent du but que l'on s’ôtait promis d’atteindre. Les homœopathes, au contraire des médecins allo-pathes, ont deviné quelque chose qui avait échappé à ceux-ci : ils ont chérché et sont parvenus à spiritualiser quelques-uns de leurs médicaments, et des succès sont venus couronner leurs efforts.
La médecine sympathique des derniers siècles était sur le chemin des vérités, mais ses adeptes reculèrent bientôt devant les difficultés de cette science, devant les préjugés et les passions mauvaises des hommes. Les savants poursuivaient de leurs sarcasmes ceux qui d’entre eux recherchaient ce qui est occulte; les prêtres les signalaient comme sor-
tiers, et la foule, toujours aveugle, leur faisait souvent un mauvais parti. Combien durent fuir leur patrie ingrate pour sauver leur vie et combien durent dénaturer les vérités qu’ils avaient découvertes pour mériter la tolérance ! C’est ainsi qu’aujourd’hui nous sommes obligés de les dépouiller de leur enveloppe, de déchiffrer des mots d’emprunt, mots incompréhensibles , si l’on n’est point initié aux découvertes nouvelles. Nos savants sont donc dans une grande erreur lorsqu'ils signalent ces hommes d’un autre âge comme des charlatans ou des imposteurs. Ils prouvent par là qu’ils ignorent l'histoire des sciences, bientôt même, sans doute, ils diront : Mesmer ne fut point chassé de l’Autriche, et pourtant c’est un fait d’hier.
Soyez donc bas et rampants, tuez, assassinez, empoisonnez, selon la formule, 011 ne vous blâmera point. Cherchez au contraire la vérité, approchez-vous-en seulement et venez vous vanter de vos trouvailles, vous serez poursuivi, décrié, comment, mais c’est àjuste titre : n’attaquez-vous point, en l’ébranlant, le commerce moral, le trafic scientifique ? De quel droit venez-vous troubler tant de braves gens dans la paisible possession de leur métier et de leur industrie ? A une époque peu éloignée, la philosophie vivait d’Aristote. C’était un grand génie, alors il se trouva un certain Ramus qui osa combattre cette philosophie régnante. Malheur lui en advint. Des écoliers, ameutés par de savants professeurs, précipitèrent cet homme par les fenêtres de sa maison , le dépecèrent et traînèrent ses membres mutilés à la Seine, C’était justice, et on en rit beaucoup.
Mais qu’est-ce que la mort V Est-ce donc un si grand crime de tuer qui nous déplaît? Non, ce n’est presque rien. On ne tue point l’esprit, il sort plutôt de son domicile et celui-ci tombe en ruines aussitôt. Les vers s’y glissent, mangent, rongent ou sucent la substance, et tout est dit. Non, c’est un être qui part pour un lointain voyage , ou qui fuit sa maison envahie , entamée ou brûlée par des assassins ou des voleurs. Quel malheur que l’esprit échappe ainsi, qu’on ne puisse le saisir et l’emprisonner, le tenailler ? Il est des gens qui ai-
nieraient à poursuivre leur vistime jusqu’au-delà du tombeau ; mais cette jouissance leur a ôté ravie. Dieu a donc bien fait ce qu’il fit. Il était prévoyant !
Quand les hommes auront affiné leurs sens, ils verront les âmes ainsi dégagées de la matière, et si les spiritualistes ne mentent point, des communications ont lieu de nos jours. Quelques esprits se sont déjà rendus visibles. Mais il ne faut parler de tout ceci qu’en petit comité , en quitter le récit, puis le reprendre. J’aime à toucher à tout, sans me fixer jamais. La nature pour moi n’a point d'horizon. — N’ai-je pas sous les yeux le spectacle constant de l’infini ? Mais nous nous éloignons de notre sujet, revenons à la médecine.
Il faut faire sortir des découvertes d’abord ce qu’elles ont d’utile et d’applicable, le reste viendra plus tard. Indiquons comment on peut guérir des malades sans l’emploi de poison, sans user de remèdes matériels.
Procéder en médecine autrement que le médecin paraît déraisonnable, et pour arriver à guérir, il n’y a pourtant aucune autre voie. Le médecin examine son malade, le palpe, frappe sur les cavités qui, à l’état sain , rendent un son donné, et qui, à l’état malade , rendent un son différent du premier. Il s’assure par là de l’existence des désordres; puis il veut connaître ce que le grand égout, les intestins, ou conserve ou rejette. Toutes ces investigations sont rationnelles, savantes môme, et les médecins français surtout excellent dans cette expertise. Ils peuvent se tromper sans doute ; mais en général ils jugent sainement : on leur doit jusqu’ici, pour leurs immenses travaux et pour leurs découvertes, des éloges mérités.
Mais cette exploration faite, le doute s’empare de leur esprit; la certitude s’évanouit, et si le mal est trouvé, la cause échappe , le médicament est incertain, le médecin voit fuir la lumière qui s’était un instant montrée, car le raisonnement commence et les moyens les plus divers se sont présentés à son esprit. Que va-t-il choisir?... Le médecin honnête homme hésite longtemps ; l’industriel ordonne le médicament à la mode, car, en ceci comme en beaucoup
d’autre chose, le mode s’établit pour un temps. Ce sont ordinairement des médicaments composés qui sont ordonnés. Le règne des plantes, des choses simples, est depuis longtemps passé. Actuellement c’est l’huile de foie de morue qui marche de pair avec les poisons fournis par la chimie , et c’est sur la chimie que la médecine a fondé toutes ses espérances.
Son erreur (celle du médecin ) vient de ce qu’il croit que tout en nous est chimique, de ce que tous les matériaux que nous offre la nature se trouvent dans le corps humain, selon des quantités variables, mais presque toujours appréciables. La nature fait de la chimie, elle a ses laboratoires, ses officines, son feu, ses alambics, etc., etc., il est vrai, mais son feu n’est point un feu de cuisine ou de charbon, mais ses vases ne sont point de grès, d’argent ou de platine, son soufflet, un soufflet de forge, bien qu’on l'ait comparé à cet instrument. Mais tout cela serait-il, qu’il resterait à connaître le chimiste lui-même, le secret de ses transmutations. Les matériaux sur lesquels il opère ne sont point ceux que l’on trouve dans le commerce. Avant qu’ils ne soient travaillés par lui, la nature leur a déjà fait subir un grand nombre de préparations. Le médecin a prétendu faire aussi bien que cet ar-chée, que ce génie inconnu, et la médecine est devenue sa vante, conception hardie autant que téméraire : la terre couvre les restes des victimes immolées, comme des holocaustes à cet art mensonger ; il n’en faut point parler. Beaucoup de vivants portent avec eux dans leurs os, dans leur sang, la cause inévitable d’une mort prématurée, et si la nature puissante un moment leur a laissé la faculté de produire leur successeur, ceux-ci apporteront en naissant le germe fatal d’une vie encore plus languissante et plus souffreteuse. Le magnétisme va réformer la médecine, sa destinée est d’être le premier des arts, la science des sciences. Science différente de la médecine , laquelle rétrograde au lieu d’avancer, et qui, tandis que tout progresse , que tout marche à pas de géant, n’a point fait un pas. C’est que la médecine a quitté la vraie route : elle a des matériaux en grand nombre et point d’architectes, c’est un grand corps
sans âme. Mais pourquoi les médecins sc plaindraient-ils? ils ont ce qu’ils ont rôvé : une médecine savante. La médecine de la nature, la science de Dieu, c’est-à-dire le magnétisme , ne se présente à leurs yeux que comme une vision , que comme un enfantement sorti d’un cerveau d’illuminé. Pourtant il n’en est point ainsi : l’homme porte en lui le principe nécessaire à sa conservation. En dehors de ses instincts qui font souven t défaut, car il les a pervertis, il a la science innée : Il sait et connaît. Ainsi, tel on vit plus d’une fois de soi-disant artistes, de mauvais barbouilleurs, couvrir les fresques des grands artistes par de mauvaises peintures, de môme nos savants ont placé une couche épaisse de leurs sales drogues sur les ouvrages de Dieu.
Patience et persévérance, magnétiseurs, vous forcerez les médecins à venir à vous et à vous rendre justice. Vous amassez le miel pour les frelons qui vous ont poursuivis de leurs piqûres ; qu’importe, votre rôle est le plus digne et le plus beau.
Baron Du Potet.
EXPÉRIENCES.
EXPÉRIENCES MAGNÉTICO-PHRÉN0LOGIQUES.
Tout le monde sait en quoi consiste le principe fondamental de la phrénologie, c’est que les différents lobes du cerveau sont le siège des passions et des facultés de l’homme, que le développement de certains lobes est toujours accompagné de la protubérance proportionnelle des parties correspondantes du crâne, d’où il suit que l’examen de ces protubérances peut servir à déterminer les qualités morales de chaque individu. Ce système, inventé par Gall, amendé par Spurzheim, compte, parmi les savants, de très-chauds partisans et des adversaires non moins ardents ; il a donné lieu à de très-vives discussions, auxquelles se sont mêlées les questions les plus graves de morale et de religion. Plusieurs magnétistes ont cru trouver un moyen de décider la victoire au profit de la phrénologie, et de démontrer en même temps la réalité et la puissance du magnétisme. On exerce une action magnétique sur un endroit du crâne d’un somnambule, et l’on voit se développer chez celui-ci la passion désignée par les phrénologues comme correspondant à cette partie du crâne. Si, par exemple, on actionne la bosse de la combatti-vité, le sujet entre en fureur, cherche querelle à ceux qui lui
1 tombent sous la main , menace, provoque, veut se battre et éprouve le besoin de distribuer des coups. Agit-on, au contraire, sur la bosse de la vMrution , le sujet exprime des sentiments religieux, sa physionomie reflète le mysticisme, il aspire au ciel. On peut varier les expériences en parcourant la série des divisions de la topographie du crâne.
On conçoit l’importance de ces sortes d’expériences qui, en les supposant conduites avec soin, démontrent, non seu-
lement la vérité du principe du la phrénologie, mais aussi l’exactitude de la localisation des sièges des passions.
Néanmoins un grand nombre de magnétistes ont pensé qu’on s’était trop pressé de tirer ces conséquences ; ils ont objecté que les effets obteuus sur leâ somnambules pouvaient être attribués à la transmission de la pensée du magnétiseur et à la pression morale exercée par la volonté de ce dernier : d’après cette explication , les résultats ne seraient pas dus à l’action sur le crâne, et en en magnétisant un endroit quelconque, pris au hasard, on fera toujours développer la même passion, savoir celle que le magnétiseur .-T'eue en vue, et ainsi il ne se produira rien autre chose que si le magnétiseur eût agi par la seule volonté, sans s occuper du crâne du somnambule.
Un des premiers magnétistes de l'Italie, M. Eugène Allix , a cherché d’une manière suivie à résoudre cette grave question , et, en réponse à l’objection que nous venons de rapporter, il cite (dans son excellent ouvrage intitulé Guid«ete-menture dcll«stridente mugnetizzalore) les expériences suivantes comme parfaitement concluantes :
« 1» Placez-vous entre deux somnambules endormis du sommeil magnétique : agissez, à l’égard de l’un, sur l’organe de la destructivité, et, à l’égard de l’autre, sur celui de la vénération. Vous verrez que le premier sera transporté de colère, pendant que le second s'agenouillera religieusement. Evidemment ce ne sera pas par un effet de transmission de pensée , car il n’est pas en votre pouvoir de désirer mentalement et en même temps deux choses aussi opposées.
« 2° Agissez sur l’organe de la causticité pendant que vous désirez que le sujet se mette en colère, et vous verrez que , nonobstant votre désir, le sujet sera pris d’un rire homérique.
« 3° Choisissez un somnambule non lucide ; agissez sur lui de manière à provoquer le rire , le chant, la colère, sans toucher aux organes cérébraux, et je puis vous assurer que vous n’obtiendrez aucun résultat; ou, si vous réussissez, c’est que votre somnambule est lucide. Pour moi, j’affirme
avoir obtenu la manifestation îles facultés en relation avec chacun des organes que j’excitais magnétiquement sur des somnambules qui n’étaient pas plus lucides que des pierres.
« 4° Procurez-vous, comme nous l’avons fait, un individu qui ignore ce que c’est que magnétisme et phrénologie : dites-lui de diriger un doigt sans contact vers telle partie du cerveau de votre somnambule , qu’il vous plaira d’exciter. Eloignez-vous durant son action , et vous verrez que l’effet produit sera en rapport avec la faculté correspondant à l’organe excité.
« D’ailleurs, un fait qui prouve que ceux qui se sont servis de cet argument de la transmission de pensée avaient bien peu expérimenté , c’est qu’un effet de transmission de pensée se détruit de lui-même, par cela seul que le somnambule a exécuté ce que vous lui avez ordonné. C’est ce qui ne peut arriver dans les phénomènes phrénologico-ma-gnétiques, parce que l’effet durera tant que vous n’aurez pas employé pour le détruire les moyens ad hoc. Et gare à vous si, en excitant, par exemple, l’organe de la destructivité, vous ne réussissez pas à temps à dominer votre sujet. L’état d’effervescence et d’irritation dans lequel vous l’avez mis s’accroît avec rapidité, et il peut en résulter des malheurs incalculables. Nous pourrions citer quelques exemples de ces funestes effets que nous avons parfois été appelé à calmer, et l’on peut juger par là de la prudence qu’on doit apporter dans ces expériences qu’il n’est pas donné à tout le monde d’exécuter. »
A. S. M.
VARIÉTÉS.
Un savant allemand, M. Rul, à la suite d’un ouvrage sur l’hydrotliérapie (1), rédigé d’après des notes manuscrites à lui remises par Priessnitz, s’exprime sur le magnétisme en des termes dont la science doit lui savoir infiniment de gré. Quant à nous, nous le remercions bien sincèrement de ses aveux et de sa franchise. Voci un des paragraphes de son livre :
OBSERVATIONS SÜR LE MAGNÉTISME.
« J’assistai pour la première fois, il y a vingt ans, à une séance de magnétisme. Je souris à tout ce que je vis, et je me retirai murmurant les mots de charlatanisme, de fourberie. Quelque temps après, je reçus la visite d’un docteur ès-scicnccs physiques, mathématiques, qui me dit avoir vu des expériences de magnétisme tellement surprenantes qu’il était obligé de se rendre à l’évidence. Je lui communiquai les impressions défavorables que les mêmes faits m’avaient inspirées, et, malgré son argumentation chaleureuse en faveur du magnétisme, je persistai dans mon incrédulité. « Hé bien ! me dit-il, essayez vous-même. — Comment? « sur qui ? lui demandai-je. — Sur moi-même, me répon-« dit-il. — Non seulement je ne crois pas au magnétisme, « mais encore, ajoutai-je, j’ignore comment je dois m’y « prendre. » Il m’expliqua en quelques mots la manière dont je devais faire les passes , et nous voilà tous les deux, debout, en face l’un de l’autre, mes yeux fixés sur les siens, ma volonté tendue, lui passif, moi actif. Quelques minutes se passent, et il me dit de cesser : « Vous me faites du mal, » vous avez une grande force magnétique ( ignota virtus ) , « mais elle a besoin d’être réglée. » Etonné de ce langage, je cède à ses conseils et je me rends chez M. Ricard pour y
(1 j Ci l on ■ i-l intitulé : Quatre ani à Grœfenbcrg, Manuel hygif-niquehydiOf*. . ■■•.s, etc. Paris, Denlu, Palais-Ruyat, galerie vitrée, 13. 1857,in-8.
suivre ses leçons. Je fus bientôt initié aux mystères de la science ; je lus assidûment tous les livres que M. Ricard mit à ma disposition, et je me mis à magnétiser tout ce qui me tomba sous la main. Mus amis, mes connaissances , leurs chiens, leurs chats, tout me devint des sujets d’expérimentations. — J'en lis de très-belles à Paris, en Belgique, en Allemagne : — des indispositions , dont quelques-unes fort graves, guéries en quelques minutes, — des cas de somnambulisme très-curieux..... — une foule d'expériences suivies
pendant dix ans me semblaient pouvoir exciter quelque intérêt.
« Je racontais dernièrement quelques-uns de ces faits à un de mes amis (docteur en médecine) avec lequel je suis lié depuis trente-deux ans, — et voici le conseil qu’il me donna :
« J’ai fait nécessairement quelques expériences magnéti-« ques ; elles m’ont conduit à admettre certaines influences, « mais les faits que tu viens de me citer sont tellement ex-« traordinaires, tellement en dehors des idées généralement « admises, que tu cours grand risque de nuire à ton travail « sur l’hydropathie en y joignant le récit de tes recherches u sur le magnétisme. Ce sont deux espèces différentes. »
« Rentré chez moi, je passai une partie de la nuit à réfléchir aux paroles de mon ami, et, après avoir balancé le pour et le contre, je jetai au feu mon traité du mesmérisme.
« Quelques années d’absence de la France m’ayant éloigné du foyer où s’étudie la science mystérieuse, j’ai été frappé, à mon retour, de trouver le désaccord dans l’école.
« Les uns disent que le magnétisme est un fluide électronerveux que la volonté d’un individu, placé dans certaines conditions, peut rejeter au dehors pour en imprégner son semblable.
v Les autres nient que ce soit un fluide émissible.
h Les uns recommandent les passes , les autres les rejettent.
« Une nouvelle école, enfin, proteste contre ces données scientifiques et affirme que tous les phénomènes du mesmé-
rismc sont produits par la corrélation qui s’établit entre l'état aniraique de deux ou plusieurs personnes placées volon-luirement dans de certaines conditions modificatrices.
« Où est la vérité absolue parmi toutes ces contradictions? Si je réfléchis que j’ai produit les phénomènes les plus intéressants du mesmérisme en magnétisant tantôt avec /es passes, tantôt sans [aide des passes, souvent en rapport immédiat, plus souvent à distance, et que la cure la plus énergique que j’aie faite, le phénomène le plus prompt, le plus saisissant que j’aie jamais produit, a eu lieu sans magnétisation, sans passes, sans contact, sans \ influence du regard, seulement a l’aide de la pbière , je puis concevoir la cause de cette divergence d’opinions qui divise les magnétiseurs.
« Mais s’il est démontré que les moyens opposés ont conduit au même but (en obéissant toujours à de certaines conditions morales, animiques) , pourquoi ne chercherait-on pas, de bonne foi, sans amour-propre, sans idées préconçues, à réunir dans une synthèse simple et forte la loi générale constitutive du mesmérisme ?
a Les disciples de la science qui se nomme science de l’univers, loi d’amour, d’harmonie, ne doivent-ils pas commencer d'abord par se mettre d’accord, et, forts du faisceau de leurs volontés étroitement, harmonieusement unies, opposer à l’incrédulité des corps dits savants, à l’indifférence de la masse, la puissance de la raison, la lumière de la vérité? Qu’ils débarrassent le mesmérisme de toutes ces pratiques équivoques, plus faites pour amuser les oisifs que pour convaincre l’homme avide de s’instruire ; qu’ils séparent l’ivraie du bon grain, l'erreur de la vérité, et puissent-ils, dans un langage simple, naturel, montrer que chaque créature a reçu du Créateur la puissance de modifier l’état physique et moral de son semblable ; qu’ils expliquent que la sublime doctrine de faire à autrui ce que nous voudrions que l’on nous fit, est plus qu’un devoir moral, qu’elle est une possibilité de tous les instants ! ! »
UNE SONNETTE MYSTÉRIEUSE.
Dans le cours de novembre dernier, les habitants d’une maison située à Chartres, cloître Sainte-Foi, entendirent le tintement prolongé de la sonnette extérieure ; la domestique courut à la porte et ne vit personne. Pendant qu’elle se demandait qui avait pu se faire ainsi un jeu de la déranger, la sonnette continuait de sonner ; on voyait le fd de fer agité par un mouvement de va-et-vient dans toute sa longueur, comme il arrive quand quelqu’un tire la poignée, et pourtant personne ne touchait au fil ni à la sonnette, et aucun moteur visible n’en approchait. Les jours suivants, ce carillon recommença cinq ou six fois par jour. La maîtresse de maison en éprouvait une vive contrariété ; des amis, des curieux, vinrent chez elle pour être témoins de ce phénomène bizarre qu’on cherchait en vain à expliquer. Ce fut dans la ville l’objet de toutes les conversations. Les avis étaient partagés sur la cause de ces faits insolites. La plupart inclinaient à croire qu’un voisin espiègle s’amusait ainsi à effrayer les habitants. Mais quel moyen employait-il ? C’est ce qu’il était impossible de découvrir. Quelqu’un suppose que ce devait être l’électricité : c’était facile à dire; mais il fallait de plus faire voir comment, par un appareil électrique, on pourrait produire des effets semblables à ceux qui avaient lieu. On fit venir le professeur de physique du collège, qui, après un examen attentif de la localité, déclara qu’il ne connaissait aucun moyen capable de mettre en mouvement le fil de la sonnette sans instrument visible. D’autres personnes versées dans les sciences, ayant également examiné les lieux, firent le même aveu et déclarèrent qu’elles n’y comprenaient rien. On se décida à casser le fil de la sonnette ; mais la sonnette n’en continua pas moins à se mouvoir, et l’on vit le bout de fil qui restait s’agiter comme s’il eût été tiré. En désespoir de cause, on s’adressa au commissaire de police, espérant qu’il intimiderait l'auteur, quel qu'il fût, d’une plaisanterie beaucoup trop prolongée. Ce
fonctionnaire fit faire le guet autour de la maison et n’obtint aucun renseignement qui pût mettre sur la voie. Il alla chez le voisin soupçonné qui se défendit énergiquement de toute participation à la sonnerie. On se perdait en conjectures sur la cause de ce tapage qui était devenu pour les habitants de la maison une véritable obsession. Quelques personnes firent un rapprochement avec les fameux coups d’Amérique et pensèrent qu’il pourrait bien y avoir des esprits sonneurs. On ne chercha pas, comme à Ncw-York , à lier conversation avec eux , et il est à, regretter qu’on n’ait pas tenté cet essai ; car peut-être les auteurs quelconques de la sonnerie se seraient-ils décidés à répondre par des coups et à manifester une intelligence, tandis que la sonnerie semblait aller au hasard et comme produite par une force aveugle. Au bout d’une quinzaine de jours , tout cessa. On rit beaucoup, comme d’habitude, de ce qui s’était passé, et l’on s’égaya surtout aux dépens de ceux qui avaient hasardé des explications. Mais rire n’explique rien, et il résulte en définitive de cette aventure qu’il se passe autour de nous bien des choses en dehors des lois que nous connaissons.
A. S. MORIN.
MM. les Abonnés dont l'abonnement expirait Dn décembre 183G sont priés de vouloir bien le renouveler le plus tôt possible, s'ils ne veulent éprouver de relards dans l'envoi du journal.
Les envois de fonds, les réclamations doivent ôtre adressés à M. le baron Du Potet, propriétaire-gérant, rue de Beaujolais, 5.
Baron DU POTET, proprictairc-gcrant.
THÉRAPEUTIQUE.
Variété «lu .Mesmérisme — Hlsousslon sur 1» thérapeutique inugué(i|ue.
La séance du 29 janvier a été consacrée à la lecture d’un long et remarquable mémoire de M. Guibert, consul de France à Soller (Mayorque), correspondant de la Société, qui satisfaisait aux conditions prescrites par les statuts pour pour l’obtention du grade de titulaire. La Société a accueilli avec une vive satisfaction ce travail consciencieux qui est un vrai manuel du magnétiseur ; l'auteur, fort de ses études et d’une pratique continuée avec persévérance depuis bien des années, expose nettement les principes du magnétisme et les règles à suivre dans les divers cas où il peut être utilement appliqué. — M. Guibert a été nommé à l’unanimité membre titulaire.
Son mémoire a donné lieu à une discussion intéressante sur un point difficile de thérapeutique. La question a été posée en ces termes par M. le docteur Louyet : « Tout en reconnaissant le mérite du travail de M. Guibert, je crois utile de signaler quelques erreurs relatives à certains procédés de magnétisation, erreurs qu’il est d’autant plus important de combattre, qu’elles émanent d’un magnétiste distingué.
« Le candidat, à l’occasion de l’apoplexie, donne le conseil de faire des insufflations chaudes sur la région du cœur, afin, dit-il, d’obtenir le dégagement du cerveau. Ce conseil, mis à exécution dans la maladie qui nous occupe, devra, ce me semble, produire un résultat opposé à celui que se propose d’obtenir M. Guibert; car les insufflations chaudes étant magnétisantes et toniques, doivent nécessairement
augmenter les contractions du cœur, et, par suite, amener un afflux de sang plus considérable vers le cerveau qui est
déjà trop congestionné.
« Il est donc plus rationnel de dégager la tète par des passes longitudinales faites sur les extrémités, procédé qui, d’ailleurs, est conseillé avec juste raison parle candidat.
n Je passe à la syncope. Le candidat propose deux procédés contre cet accident, un qui lui appartient, et un autre conseillé par une somnambule.
« Le procédé de M. Guibert consiste à faire des insufflations froides (il ne dit pas où) et des passes, à grands courants, de la tête au bas du tronc.
« Il est possible, d’après cette manière d’agir, que le candidat n’attache pas au mot syncope l’idée qu’on y attache généralement, car il se garderait bien d’employer les insufflations froides qui sont dégageantes, et les passes à grands courants qui ont la même vertu. En effet, la syncope consistant dans la suspension momentanée de l’action du cœur et de la respiration avec perte de connaissance, s’annonçant par un malaise général, le froid des extrémités , a pâleur du visage et la diminution graduelle du pouls, on conçoit la nécessité d’accumuler le magnétisme au cerveau et au cœur, et le danger qu’il y aurait de soustraire de ces deux organes importants le principe animateur qui leur reste et qui suffit à peine pour soutenir une vie défaillante.
« Le second procédé conseillé par une somnambule de M. Guibert, et auquel ce magnétiste donne avec raison la préférence, l’ayant toujours employé avec succès, consiste à faire de légères, mais très-énergiques frictions, en remontant en haut de la poitrine et môme jusqu’au larynx.
« Ou conçoit, dans ce moment suprême où la vie est sur le point de s’éteindre, l’avantage qu’il peut y avoir d’accumuler vers le cerveau, ce roi des organes, la plus grande quantité de principe vital disséminé dans les autres parties du corps..
« A propos de rhumatisme, notre collègue emploie les insufflations chaudes et les frictions descendantes, moyens
qui sont généralement employés avec succès ; mais il est un fait pratique sur lequel je crois devoir appeler l’attention de la Société, c’est qu’il y a des rhumatismes qui résistent aux frictions descendantes et qui cèdent à l’application de la main sur le point douloureux.
d Je connais un magnétiseur qui fit tous les jours sans succès, pendant six mois, des frictions magnétiques sur son bras gauche, affecté d’un rhumatisme, et qui finit par se guérir radicalement par trois à quatre applications de la main, pendant l’espace de dix minutes chaque fois.
« Il est une remarque que je crois nécessaire de faire à propos des fièvres intermittentes que notre collègue, suivant le principe de nos maîtres, traite dans l’intervalle des accès par une magnétisation générale et l’eau magnétisée. — Je ferai remarquer que cette manière de procéder est sans inconvénient quand il s’agit d'une fièvre intermittente simple et bénigne ; mais si le sujet est pris d’un accès pernicieux, caractérisé par une prostration profonde, avec fièvre intense et congestion considérable d’un organe important, il y aurait de la témérité à se borner au magnétisme ; car, dans ce cas, le malade pourrait être enlevé au second ou au troisième accès, et le magnétisme serait accusé, non d’avoir tué le malade, mais de l’avoir laissé mourir, ce qu’on aurait évité par l’administration du sulfate de quinine dont l’action est ordinairement plus prompte que celle du magnétisme dans ce genre de maladie.
« Je ne saurais passer sous silence une omission faite par le candidat, ainsi que par la plupart des auteurs à l’occasion de la paralysie, c’est qu’il ne suffit pas de frictionner et de masser la partie attaquée , mais il faut encore agir directement surle siège de l’épanchement,. cause immédiate de la paralysie. Ainsi la paralysie existant du côté droit du corps, c’est sur le côté gauche du crâne où existe l’épanchement qu’il faut agir. Si ce sont les muscles inférieurs qui sont paralysés, c'est sur le trajet de la moelle épinière, comprimée par les liquides, qu’il faut porter son action.
« Cette manière de procéder nous est suggérée par l’a-
phorisme du professeur Rostan : que la magnétisation active l’absorption. En effet, si nous agissons sur le siège de l’é-pancheuient, cause immédiate de la paralysie, nous facilitons la résorption des liquides, et la paralysie qui est souvent un effet de la compression de ces liquides, pourra disparaître. »
M. Petit il'Ormoy : « La parole du préopinant est trop grave et a sur la Société une autorité trop méritée ; son opinion a été motivée par des raisons trop bien déduites pour que je ne regarde pas comme un devoir de la combattre, dans la mesure de mes forces , en ce que je lui crois d’erroné.
« Notre secrétaire a blâmé la méthode de traitement de l’apoplexie indiquée dans le mémoire qu’on vient de vous lire. Je résume l’objection de M. Louyet, et je ne crois pas l’affaiblir.
« On recommande, a-t-il dit, dans le cas d’apoplexie, les insufflations chaudes au cœur ; cette méthode est dangereuse et doit être proscrite d’une manière absolue. En effet, les insufflations chaudes ou toute autre magnétisation énergique dans la région cardiaque doit avoir pour effet de rétablir les mouvements du cœur. Or les battements du cœur auront pour effet nécessaire, fatal, d’envoyer un afflux de sang au cerveau déjà surchargé, et l’on aggravera forcément le mal que l’on voulait combattre.
« Dans les sciences exactes, lorsque l’on a raisonné juste, la conséquence est indéniable, et tous les esprits droits l’admettent tout d’abord et sans conteste. Mais dans la pathologie, qui n’est rien moins qu’une science exacte, il n’en est plus de même ; et comme les principes sur lesquels on s’appuie sont complexes et incertains, il faut toujours examiner la question sous plusieurs faces. Rendons-nous donc d’abord bien compte de ce que c’est que l’apoplexie. Les vaisseaux capillaires, dont le réseau accompagne chaque circonvolution cérébrale, relâchés d’avance par une cause antérieure d’affaiblissement, ou trop vigoureusement distendus par un afflux artériel trop rapide pour que les capil-
laires veineux fournissent un écoulement suffisant, ont laissé épancher le sang qui n’appartient plus au torrent circulatoire, et qui, pressant la substance cérébrale comme le ferait tout autre corps étranger (voir les expériences île MM. Braschet et Flourens), paralyse les fonctions du cerveau. Ici le phénomène se complique. Par suite de la paralysie du cerveau, l’innervation cesse dans tout l’organisme, ou du moins dans les organes qui sont sous la dépendance directe du cerveau. Or le cœur, plus que tous les autres viscères, reçoit des filets nerveux du cerveau, et bien que l’innervation trisplanchnique ne lui soit pas étrangère, la cessation des fonctions cérébrales étein t presque les mouvements de systole et de diastole. Cercle vicieux qui rend si graves les accidents d’apoplexie cérébrale ! Le cœur qui ne bat plus n’envoie plus au cerveau le sang dont le cours régulier entretient sa fonction comme celle de tous les autres organes. Sans innervation point de circulation; sans circulation point d’innervation. Il est évident que l’envoi trop énergique du sang aux artérioles cérébrales encore ouvertes ou disposées à laisser échapper le sang, augmenterait le danger. Mais ileét certain, d’autre part, que si les mouvements du cœur ne rétablissent pas la circulation, le sujet mourra infailliblement. Il faut donc tâcher de réveiller les mouvements du cœur saus les exagérer. D’ailleurs, ce sang épanché, qui constitue l’accident premier pathologique, si l’on ne trouve pas moyen de le résorber promptement, changera de nature, se coagulera , et la résorption devenant pour ainsi impossible, rendra l’accident plus grave, sinon irrémédiable. Or, comment peut-il se résorber, sinon par les capillaires veineux, les seuls organes destinés à cette fonction ?
« Il est donc encore à ce point indispensable de réveiller les mouvements du cœur qui, en faisant le vide dans les veines (car le cœur n’est autre chose qu’une pompe à soufflet aspirante et foulante) aidera à la résorption du sang extravasé.
« Autre raison qui milite encore en faveur de l’opinion que nous soutenons ici ; le relâchement des artérioles, qui
permet au sang de s’extravaser, exige l’action nerveuse du cerveau pour que la contraction se rétablisse. La circulation, bien que faible, rendra au cerveau la force nécessaire pour remplir cette fonction. Il faut donc au cerveau une certaine activité. Emploierons-nous une action directe sur cet organe pour le surexciter? Evidemment non; et je suis ici parfaitement d’accord avec le docteur Louyet. C’est le cas de se rappeler l’aphorisme Ubistimulus, ibi fluxus. C’est donc sur le cœur qu’il faut porter l’action en dégageant la tète. Et ce faisant, nous serons aidé par la double nature de l’innervation cardiaque. Nous savons, en effet, que l’action magnétique est surtout sensible sur les organes dépendant du système ganglionnaire qui peut être excité sans que le système cérébral reçoive ébranlement. Je suis donc, avec M. Guibert, d’avis que, dans les cas d’apoplexie, on doit dégager le cerveau par des passes rapides, longitudinales ou transversales, par des insufflations chaudes et par une magnétisation active vers l’épigastre et la région précordiale , par des insufflations sur le cœur et des passes descendantes énergiques pour attirer le sang aux extrémités.
« Quant à la divergence d’opinion entre MM. Guibert et Louyet à propos de la syncope, je crois que ce n’est qu’un malentendu qui tient au vague du mot syncope qui s’applique à un effet plutôt qu’à une cause, et qui représente ainsi des phénomènes souvent très-divers. Ainsi, dans l’exemple proposé par le docteur, lorsque la syncope est occasionnée par une hémorrhagie, il est bien évident qu’une action énergique doit chercher à réveiller les mouvements du cœur, et surtout qu’il faut magnétiser avec une volonté âpre le cerveau pour y attirer le peu de sang qui reste au sujet, afin que l’action réparatrice de l’innervation prenne tout le développement qu’on pourra lui imprimer. J’en ■dirais autant dans les syncopes par faiblesse, des tempéraments affaiblis par le jeûne ou la diète, chez les sujets exténués par une fièvre lente (ataxique) longtemps prolongée, etc. Mais lorsque la syncope se présente brusquement çhez un sujet vigoureux par suite d’une émotion morale ou
d'un accident physique, traumatique, électrique ou thermique ; lorsque le sang abondant chez le sujet s’est retiré des extrémités, que la face est décolorée, on doit conclure que la cessation de l’innervation a pour cause une surexcitation trop forte, d’où une contraction artérielle qui empêche la circulation capillaire et arrête le sang dans les gros vaisseaux trop distendus. Cela est tellement vrai que, dans la plupart des évanouissements tels que nous les signalons, il se produit un peu de raideur par suite des contractions musculaires involontaires. C’est donc alors l’action anodine du magnétisme qu’il faut employer; il faut, comme on le dit, dégager la tête pour éviter une apoplexie imminente, dégager le cœur pour faire cesser la contraction, souffler chaud sur l’épigastre pour rétablir les fonctions organiques, masser les muscles pour les relâcher, la poitrine pour ramener le mouvement respiratoire, et faire des passes à grands courants pour rétablir l’équilibre harmonique de l'innervation. Je suis convaincu qu’avec cette distinction, l’auteur du mémoire et son savant contradicteur seront d’accord sur ce dernier point. Je n’ai d’ailleurs, sur l’ensemble de l’écrit de M. Guibert, qu’à me joindre à notre confrère pour en reconnaître le mérite et l’importance. »
M. Louyet : « Il est un point capital dans la question qui nous occupe, et d’où part M. Petit d’Ormoy pour édifier son système, c’est que chez les apoplectiques , le cœur cessant de battre, il faut le ranimer par des insufflations chaudes pour rétablir la circulation, fonction sans laquelle on ne peut vivre.
^ « Je ferai observer, d’après plus de cent observations dont j ai été témoin, que jamais dans les apoplexies le cœur ne cesse de battre ; seulement ses mouvements sont ralentis par suite de la compression du cerveau.
« Vouloir exciter les mouvements du cœur dont le ralentissement, et non l’inaction, est due à la compression du cerveau, c’est vouloir attaquer l’effet et non la cause de la maladie ; c’est faire plus encore , c’est exposer le malade à un nouveau raptus sanguin vers l’encéphale et lui faire courir
les chances d’être foudroyé par une nouvelle bémorrhagie cérébrale.
« Les médecins les plus haut placés n’ont jamais eu l’idée, dans cette maladie, d’employer des médicaments dans l’intention d'exciter les battements du cœur, persuadés que ce serait agir dans le sens du mal. Ils emploient la saignée, les sangsues à, la base du crâne, et les révulsifs sur les extrémités inférieures et sur le canal intestinal, afin de dégager le cerveau et le cœur consécutivement. On conçoit que la gêne des mouvements de ce dernier organe dépendant de la lésion du cerveau, celui-ci étaut débarrassé, l’organe central de la circulation doit s’en ressentir favorablement. Suùlatâ causa, tollitur effeelus ; la cause étant enlevée, l’effet disparait.
« Les magnétiseurs , d’après ces principes, doivent faire tous leurs efforts pour dégager la tête, et le moyen le plus avantageux pour y arriver n’est pas de faire des insufflations chaudes sur la région du cœur, ce qui pourrait être funeste, mais bien de faire des passes à grands courants sur les extrémités.
« Quant aux distinctions établies par M. Petit d’Ormoy à l’occasion de la syncope, je les crois superflues. Dès l’instant qu’il y a perte de connaissance, pâleur de la face, suspension de la respiration et de la circulation, il y a urgence de ianimer la vie par une magnétisation saturante sur le cœur et le cerveau, et grave danger de faire des passes dégageantes qui pourraient avoir pour résultat de précipiter le malade au tombeau. »
CAUSERIES SUR LE MAGNETISME.
TROISIÈME CAUSERIE
Patience et espérance.
Nous avons cherché à faire reconnaître la faiblesse des savants lorsqu’il s’agit d’expliquer les phénomènes de la nature vivante, et surtout à montrer qu’ils ne connaissent point l’homme, et que, dès lors, l’art de guérir leur est inconnu. Ils conviennent souvent que la nature en sait plus qu’eux, mais ils se mentent à eux-mêmes ; ils agissent toujours comme s’ils en savaient plus que la nature. Quand un homme s’est décrotté, lavé, lorsqu’il a fait sa barbe, lustré et parfumé ses moustaches, lorsqu’il s’est appliqué sur l’œil un lorgnon, il croit ne plus appartenir à la race commune, il oublie son origine, se croit supérieur aux gens qui ont le malheur de ne pouvoir choisir leur tailleur et leur bottier. Le savant, également, a paré ses vastes connaissances, doré ses livres ; il habite de beaux palais et vous regarde avec dédain, vous, pauvre hère ! Le savant est tout prêt à vous faire l'aumône, car vous lui faites pitié. Mais sa monnaie , semblable aux assignats, n’a qu’une valeur arbitraire que l’on accepte avec méliance , et qui, d’un jour à l’autre, ne valut plus rien. L’homme , habillé par l’art, a de la ouate dans ses habits pour couvrir ses os sans muscles ; il a des yeux malades, souvent une tête sans cervelle. La misère morale et l’orgueil sont des deux côtés.
L’homme que la nature a doté d’un gros bon sens doit
bien rire en apercevant les deux êtres que nous venons de décrire. A l’un, il pourrait dire : 116 ! mon gentilhomme, venez donc que je vous apprenne comment poussent les herbes et les grenailles qui vous font vivre ; à l’autre, il pourrait dire : Prenez garde, monsieur l'astronome, vous allez tomber dans un puits. Mais la folie de tous, c’est qu’ils ont chacun un système pour gouverner les hommes, les guérir et les préserver, et cela sans consulter la nature. Chacun a donc son Dieu , sa religion , sa croyance sur l’autre vie, son dédain pour tout ce qui n’est, pas sorti de lui. Que celui qui douterait de la justesse de cette assertion veuille bien assister à, une discussion politique dans un cabaret, entendre discuter la valeur d’un système dans une académie, suivre une controverse entre des religieux d’un ordre différent, de même, assister aux cliniques des médecins, et voir défiler ceux-ci devant un malade, et il verra si notre assertion est fausse.
Il y aurait aussi à écouter aux portes de tous les gouvernants et à lire les lumineux articles des feuilles publiques, lorsque les savants de l’ordre le plus relevé exposent leurs idées sur les affaires du temps. C’est pourtant la science des écoles qui parle par tant de bouches , car les savants n’ont-ils pas été nos instituteurs?
Il y a donc en chacun de nous un agent étrange plein de malice et de fourberie. L’humanité semble son partage. Rien de bon ne sortirait-il donc jamais de celle-ci ? Quelle erreur ! Dans la maison humaine, il y a plusieurs étages et plusieurs habitants, un parloir commun ; c’est comme à la conciergerie ou au séminaire, et de même qu’il y a dans notre peau toutes sortes d’insectes encore inconnus qui y nichent et y font leurs petits, qui cheminent, rampent où se promènent sur le domaine que nous croyons appartenir îi un seul, en dedans de nous, le même phénomène a lieu de la part d’êtres spirituels. Il y a pour ceux-ci des routes, des canaux, des fils électriques. Ils font en dedans de nous de la musique, de la chimie , delà physique. On y transmue les métaux, on y parle, on y rit, on y soupire et y pleure.
Quelle stupidité ! va dire un savant dont la tête contient le savoir académique, a-t-on rien vu de pareil, ne suis-je pas seul en moi V Mais une foule de voix peuvent lui répondre à l’instant: Pour qui donc nous prenez-vous, car tandis que vous parlez, qui est-ce qui prend soin de la maison, la nettoie, la purifie et en chasse les gaz délétères ? Qui est-ce donc qui y allume le feu? Mais non, rien de tout cela n’est vrai, la science explique tout autrement les choses : il y a des physiologistes qui ont réglé autrement que la nature ne l’a fait la loi des phénomènes de la vie et la vie elle-même. Ils savent tout et on doit les croire. Je me garderai bien de contester en rien la solidité de leurs systèmes et la valeur de leurs inventions. Ils sont brevetés par le gouvernement, décorés, pensionnés, je ne puis que leur souhaiter une longue vie, sans la leur assurer, parce que ce serait deviner, pronostiquer , et de notre temps encore les lois punissent la divination et la pronostication.
Si j’aperçois quelquè part M. Flourens, je ferai entrer dans son domicile un agent secret qui lui troublera la cervelle pour apprendre à cet homme, qui a nié effrontément le magnétisme, que l’on peut pénétrer chez lui par les portes secrètes, troubler et confondre ses vastes connaissances. En revanche, je lui permets de me faire la même niche. On verra alors quel est celui de nous deux qui est le plus savant, le plus malin.
Non, la vraie science n’est point avec les superbes, elle se trouve quelquefois chez les simples d’esprit. Celui qui la possède parle une langue étrangère, nul ne le comprend ; mais lorsqu’il se sert de la science qu’il possède en propre, pour opérer des œuvres supérieures au travail tout humain des académies, il est traité de charlatan et de fourbe. Jésus multipliait les pains, les savants multiplient les injures; Jésus rendait la vue aux aveugles, guérissait les malades , cette médecine divine est aujourd’hui proscrite par les académies. Récompense donc aux hommes de pharmacie et d’académie, et laissons subsister sur leurs temples cette ancienne devise :
De par le roi, défense à Dieu D«faire miracle en ce lieu.
Patience et persévérance, magnétiseurs, le temps viendra pour vous, ne comptez ni les jours, ni les mois, ni les années. Pour que la moindre végétation parût sur les masses de granit sorties du sein de la terre, il a fallu bien des siècles. Mais la terre que le feu avait vitrifiée s’est ramollie. Maintenant, elle offre de toute part des fleurs et des fruits. Le temps est le grand agent qui détruit et réédifie. Croyons donc qu’il anéantira toutes les erreurs, tous les préjugés , tout ce que les savants d’école enseignent de faux et de mensonger, et qu’enfin la vérité régnera sur le monde. Ne voyez-vous pas déjà chez tous les hommes une tourmente d’un bon augure, car ce qu’ils ont acquis ne leur suffit point. Ne vous semble-t-il pas que la barrière qui nous sépare des cieux se soit rompue, car on ne parle maintenant que de communications spirituelles, d’intermédiaires entre les esprits et nous. Les corps matériels semblent mus par d’invisibles agents et de soudaines inspirations arrivent à quelques privilégiés. Il se développe donc chez les humains, non des aptitudes nouvelles pour apprendre, mais de soudaines connaissances qu’ils n’ont rien fait pour posséder. Les agents qui sont en nous savent se frayer un passage, ils savent donner et recevoir sans que notre raison puisse encore expliquer ce mystère, en comprendre le vrai sens.
Nos savants en toutes choses vont s’épanouir, ils vont prendre l’humanité en flagrante illusion et signaler une épidémie véritable d'une maladie de l’esprit. Il faut leur laisser libre carrière. Qu’ils obéissent aux agents moqueurs qui sont en eux et qni ont ainsi réglé leur horloge. La phrénologie dira aux savants qu’ils étaient nés pour faire ceci plutôt que cela ; elle leur indiquera les saillies de leur boîte osseuse où se trouve le point de départ de leurs facultés, mais elle ne leur montrera point l’ouvrier qui a travaillé la substance et bâti le domicile. Nous, plus avancés, nous irons trouver cet ouvrier spirituel, nous lui parlerons par signes, il nous
(La suite au prochain numéro.)
en tondra. Une épée traverse, transperce le corps d’un homme. Une idée est plus aiguë que la pointe la plus acérée, elle pénètre la chair et va remuer, tirer de leur repos les forces, les agents pensants qne la volonté était tout à. l’heure impuissante à faire mouvoir. En adoptant comme vraies les épidémies morales, les savants reconnaissent implicitement les agents spirituels et montrent leur ignorance.
Quoi qu’il en soit de tout ceci, nous sommes entrés à pleines voiles dans cette mer inconnue ; nous y avançons sans boussole. Puissions-nous découvrir un monde nouveau , en rapporter, non ce qui corrompt, mais ce qui purifie, et la preuve de cette douce croyance : que l'homme ne péril point tout entier, qu’il se survit et va sans cesse s'améliorant dans ses transformations, dans ses transmigrations successives.
Baron Du Potet..
CHRONIQUE,
UN MAGNÉTISEUR POURSUIVI COMME SORCIER.
•
Les superstitions entretenues par ceux qui devraient être les premiers à les combattre au nom de la vérité dont ils se disent les représentants, se traduisent souvent par des faits tragiques qui prouvent que l’ignorance est le plus grand ennemi du progrès. On en jugera par la relation suivante que nous reproduisons dans sa naïveté inculte :
& Je , soussigné, certifie m’être présenté à la mairie des Gras afin de donner un certificat à M. Stevenin (Nicolas). Il y a environ quarante jours que j’ai eu connaissance que cet homme guérissait toujours. La quatrième de mes enfants tombait dans des accès que nul homme ne pouvait contenir : tout cela venait de frayeur. Nul homme ne peut dépeindre ces malheurs, s’il ne les a vus. Je cours du côté du Rozay. Je rencontre le desservant des Gras. Où allez-vous? me dit-il. — Je cherche le magnétiseur. — Dites donc plutôt le sorcier.
« Je recule d’effroi. Je ne le trouve pas. Mais quelle ne fut pas ma surprise, lorsque, rentrant chez moi le soir, j’aperçois un gros homme qui, d’un seul signe devant la poitrine de l’enfant, en était le maître ; depuis une heure après ma sortie, il faisait le trafic. Quelle fut ma surprise ! j’examine de près : la demoiselle dormait ; le prétendu sorcier lui parle ; elle lui répond et se dit guérie bientôt. Qui fut dit fut fait. Cela se termina à l’heure fixe et sans recommencer de sorcellerie. Le maire, le curé refusent de donner leur approbation. Je regrette beaucoup de n’avoir pas été là le jour du complot pour le tuer ; mais ma sœur s’y est trouvée et l’a sauvé de la bande des tracassiers des Gras.
n Signé GRANDNOGÜET.
Père de 13 enfants. »
A Grandmont, commune des Gras, 21 janvier 1857.
BIBLIOGRAPHIE.
DU SOMNAMBULISME MÉDICAL, ou Esquisse de nososcopie dynamo-
thérapique , par llilarion Iluguct, docteur en médecine. (Brochure,
1857).
Voici un médecin qui vient hautement confesser l’inanité et l’impuissance de la médecine, et qui propose de la destituer d’une mission qu’elle ne sait pas remplir, pour la confier à la lucidité somnambulique.
Il commence par constater l’incertitude des connaissances médicales : « La thérapeutique, dit-il, fondée sur une classification artificielle d’entités fictives qu’on appelle maladies , applique à tous, sur le vu de symptômes souvent communs à plusieurs états morbides, les mêmes procédés curatifs. Et pourtant, chez chaque homme, en raison de son idiosyncrasie et de circonstances sans nombre, de milieu atmosphérique, d’état moral, d’âge et de sexe, d’habitudes professionnelles, d’époque même, ce qu’on appelle maladie, non seulement diffère quant au degré d’intensité, mais encore se caractérise par une forme individuelle propre et spéciale. La cause qui l’a déterminée, fait de chaque cas particulier une manifestation unique, sans précédent et même sans analogue, où tout diffère du cas qui lui semble le plus complètement pareil. En fait, on peut dire, avec plus d'un maître, que s’il est des malades, il n’est point de maladies, mais des états morbides spéciaux plus ou moins nombreux... Rien n’est plus propre à jeter le discrédit sur une science dont la certitude intéresse la santé et le bonheur publics,
que le contraste singulier que présentent la rigueur absolue avec laquelle le corps médical repousse toute découverte nouvelle, et l’ignorance qu’il avoue dans son enseignement sur ses bases fondamentales et ses premiers principes. »
Si l’orateur est dans le vrai, aucune science thérapeutique n’existe ni ne peut exister, et toutes les recherches à ce sujet seraient parfaitement chimériques. Quel sera donc le flambeau qui nous servira à découvrir les moyens de soulager les maux de l’humanité? Ce sera l’instinct, guide des animaux et de l’homme primitif, et dont les lumières se trouvent encore chez certains individus : « Ces êtres possèdent la précieuse faculté de deviner, à l’aide d’un sens particulier qui se développe principalement dans un état exceptionnel de l’organisme général, les procédés les plus propres à rétablir, chez eux-mêmes et chez leurs semblables, l'équilibre dérangé des fonctions intellectuelles et physiques. » Ce sont les somnambules auxquels M. Huguet donne le nom de nososcopes, c’est-à-dire : voyant les maladies. Il pense que ce don étjit autrefois l’apanage de la nature humaine, mais que, par suite de la détérioration qu’elle a subie à mesure que la société s’est perfectionnée, cette admirable faculté est devenue de plus en plus rare ; qu’on la trouve chez certains grands médecins doués d’intuition, tels qu’Hippocrate, Ambroise Paré, etc. ; qu’élle existait chez les pythies, les ânridesses , etc. ; qu’elle éclate accidentellement chez certains malades, et que chez les somnambules magnétiques, elle se développe et est susceptible de culture et de progrès. C’est donc chez eux que nous devons chercher notre salut : « L’instinct ne se trompe jamais, le génie s’égare quelquefois. #
M. Hugnet entre dans quelques détails sur la manière «font procèdent les nososcopes qui sentent les maladies, qui donnent des consultations même pour des absents, en se mettant en rapport à l’aide d’üne mèche de cheveux ou même d'un mot ; il nous montre ces voyants qui décrivent exactement le physique et le moral du malade, qui parfois emploient les mots techniques sans les avoir appris, qui
annoncent d’avance et avec précision les différentes phases de la maladie, et qui (chose plus importante) indiquent des remèdes et vous guérissent. Il remarque qu’à l’opposé des médecins qui, pour nous guérir, commencent par nous empoisonner avec leur affreuse pharmacopée , les somnambules ne prescrivent le plus souvent que des simples, des moyens inoffensifs, des remèdes bizarres, mais efficaces. Il cite le trait suivant : « Une rétention d’urine, occasionnée par la précipitation chirurgicale d’un de nos plus illustres praticiens, a cédé à la première ingestion d’une décoction d’oignons vulgaires bouillis cinq minutes dans un litre d’eau, remède administrée par madame F... »
Le nososcope n’a point, comme le médecin , de remède applicable uniformément à toutes les personnes atteintes de la même maladie ; pour luiil n’y a pas deux cas semblables, et chaque cas demande un traitement particulier.
M. Huguet rapporte, comme exemples, deux guérisons remarquables dues à la lucidité somnambulique.
Selon lui, la nature, dans sa marche progressive, tend à entraîner, dans le torrent d’une évacuation continue, les principes morbides qui viennent accidentellement interrompre ou déranger le mécanisme du fonctionnement normal ; « la thérapeutique doit aider et accélérer au besoin ce mouvement si favorable à la conservation générale , et utiliser, dans sa pratique curative, les puissantes ressources que1 lui procure la circulation permanente des fluides de la vie ; ainsi entendue, nous l'appelons dynamo-thérapie, méthode complexe qui a pour but de ramener la santé en rétablissant l'équilibre des forces vitales et des divers éléments de l’organisme. » Il conclut ainsi : « Il faudra bien qu’un jour la médecine officielle ou plutôt artificielle s*abdique en faveur de la nososcopie et du mesmérisme qui doivent servir de base à la médecine naturelle. »
H cherche ensuite à expliquer les phénomènes de la lucidité : nous ne pouvons, dans une courte analyse d’une brochure de quelques pages, entrer dans l’examen de son système , ce qui exigerait une discussion snr les questions tes
plus ardues que présente le magnétisme. L’occasion pourra se représenter d’examiner les idées de M. Huguet. Pour le moment, nous tenons surtout à faire connaître aux lecteurs sa manière de voir sur les applications pratiques.
D’après son préambule et les extraits que nous avons cités, M. Huguet nous semblait avoir tout îi fait congédié le médecin ; niais dans son dernier chapitre, nous voyons qu’il lui conserve encore un rôle, fort modeste il est vrai, à côté du somnambule : Si le somnambule médical ne peut se passer de la science qui contrôle ses ordonnances, relève les lapsus de son ignorance pliraséologique, sans influencer en rien ses vues et ses procédés, en revanche, la science doit utiliser cette double faculté de diagnostiquer et de guérir que la nature a donnée à certains êtres de son choix. Souvent le médecin se trompe sur l’origine de l’état morbide qu’il a devant les yeux ; souvent encore, quand il la connaît, il ne sait quel remède convient au cas présent. Puisque d’autres le savent mieux que lui, pourquoi n’a-t-il pas recours à eux ? Le médecin se dédoublerait donc en deux personnes et ne conserverait personnellement que le droit d’appliquer les procédés curatifs indiqués par le nososcope ; il deviendrait le juge à côté du jury, l’administrateur qui se meut dans les limites de la législation. »
Il y a ici une inconséquence choquante. Si, comme on nous le dit, l’instinct ne se trompe jamais, on ne peut mieux faire que de suivre aveuglément la voix de l’instinct, c’est-à-dire du somnambule, et il n’y a nul besoin d’en contrôler les prescriptions. Pourquoi un médecin, qui n’aurait d’autre emploi que de relever les lapsus d’une ignorance phrasêo-logique? S’il ne s’agit que d’incorrections grammaticales, on conçoit qu’elles sont sans importance, et que du moment où les prescriptions sont suffisamment claires, on ne fera pas intervenir un médecin pour les traduire en langage hippo-cratique; le fond l’emportera sur la forme. Si l’on admet, au contraire, que le somnambule, par ses lapsus, peut faire des confusions, indiquer une chose pour une autre, et qu’il est nécessaire de faire redresser ces erreurs, alors la lucidité
n’est plus infaillible, elle perd toute son autorité et ne peut plus fournir que des indications fort problématiques. En effet, le médecin, n’ayant aucun critérium pour discerner si le somnambule est ou non en veine de lapsus, devra toujours apporter son contrôle, et n’acceptera les prescriptions somnambuliques, qu’autant qu’il les jugera conformes aux lumières de la science, c’est-à-dire que le somnambule ne sera plus rien, ou du moins qu'il ne fera plus autorité, et que ses indications seront de simples renseignements, parfois utiles, mais toujours sujets à révision.
Comme l’ensemble du travail de M. Huguet ne nous permet pas de croire qu’il ait pu aboutir à cette dernière conclusion qui est même diamétralement opposée à celles qu’il exprime formellement, il faut donc revenir à la première alternative ; ainsi le médecin ne sera plus qu’un grammairien, écrivant sous la dictée des somnambules, corrigeant les fautes de style, remplaçant un mot vulgaire par un terme tiré d«grec. Il n’y a vraiment pas besoin, pour faire une telle besogne, de s’être livré à de longues études, d’avoir soutenu examens et thèses , et d’être muni d’un diplôme, ü suffira du premier venu, pour peu qu’il connaisse passablement sa langue. Ou plutôt, comme l’utilité d’une telle révision académique n’est rien moins que prouvée, le mieux sera d’accepter les ordonnances telles que les somnambules nous les donneront, avec leurs lapsus phrasfologiques et leurs solécismes, ce qui n’en altérera pas l’efficacité et n’empêchera nullement la guérison.
Le juge à côté du jury a encore une fonction importante à remplir, il applique la peine dans les limites fixées par la loi. Tel ne peut pas être le rôle assigné par l’auteur au médecin ; car si celui-ci conservait le droit de choisir un moyen curatif ou même de déterminer les doses des médicaments, il courrait risque de dénaturer la pensée du somnambule et de substituer la science à l’instinct. Il ne peut donc être qu’un scribe, ou plutôt sa suppression est inévitable. C’est là que conduit invinciblement le système de M. H. Huguet, système beaucoup trop absolu et dont les exagérations se-
raient certainement plus funestes que l'ancienne doctrine qu’il combat.
Il a raison de préconiser la lucidité, de vouloir en tirer parti dans l’intérêt de l'humanité; mais il a fait une grave omission en passant sous silence l’instabilité , l’incertitude, auxquelles elle est exposée ; il a présenté la médaille sans son revers. Pour se faire une juste idée de la question , il faut l’examiner sous toutes ses faces, avec ses avantages et ses inconvénients, et savoir se préserver des dangers qui résulteraient des erreurs. Le somnambulisme peut faire beaucoup de bien ; mais il ferait énormément de mal si on se livrait à lui sans réserve, sans discernement.
M. Huguet annonce, en terminant, qu'il s’occupe assidûment de traiter les malades à l’aide de somnambules , qu’il consacre une soirée par semaine aux expériences propres à éclairer les incrédules, qu’il se propose de former des somnambules, qu'il délivrera des certificats à ceux dont il aura constaté la lucidité, et qu'il aura des sujets lucides à la disposition des médecins. Nous le félicitons d'avoir entrepris un tel établissement qui pourra rendre de très-grands services à la science, et nous sommes persuadé que M. H uguet, éclairé par l’expérience, n’accordera au somnambulisme qu’une confiance limitée et sentira la nécessité de l’environner de sévères précautions.
a. s. M0RIN.
LE SOMMEIL MAGNÉTIQUE EXPLIQUÉ PAR LE SOMNAMBULE ALEXIS EN ÉTAT DE LUCIDITÉ, précédé d'une introduction, par Henri Db-i**6B. (Un vol. in-12, 1856, Dontu, éd.)
De tous les somnambules sur lesquels il a été publié des observations, Alexis est certainement le plus remarquable; aucun n’a possédé à un plus haut degré les divers genres de lucidité. Beaucoup de voyants renommés n’ont eu qu’à de rares intervalles le don de voir juste ; chez Alexis, au con-
traire, la clairvoyance est extrêmement fréquente ; il se fait un jeu des difficultés, il les aborde résolument, crânement, comme le soldat une redoute ; il plonge avec une rapidité merveilleuse dans les horizons les plus éloignés , dans les scènes du passé, dans les profondeurs de la conscience; il possède des illuminations soudaines qui lui permettent de dépeindre l’objet de ses recherches avec une précision sans tâtonnements ; il s’exprime avec une aisance, un enjouement, un bonheur d’expressions qui rendent ses discours pleins de charmes. Il a rendu de nombreux, d'immenses services à ceux qui ont eu recours à lui, et il a puissamment contribué à propager le magnétisme en confondant une foule d’incrédules par des découvertes qui frappent d’admiration. Il était surtout ravissant à ces séances du jeudi, où, en l’espace d’une heure à peine, une vingtaine de personnes venaient successivement le mettre à l’épreuve : l’un apportait une mèche de cheveux d’un absent et demandait de ses nouvelles, un autre présentait une lettre close dont il fallait donner le contenu ; celui-ci apportant une boîte fermée, voulait qu’ on désignâtce qu’elle renfermait ; celui-là présentait un livre dont les pages n’étaient pas coupées et demandait que le somnambule lût à une page désignée. Alexis expédiait tous ces curieux, satisfaisait à toutes les exigences, mêlant par-ci par-là des mots spirituels, des réflexions plaisantes. C’était un feu roulant de prodiges, de tours de force étourdissants. Comment expliquer des facultés aussi merveilleuses et qui semblent dépasser la puissance humaine?...
Rien n’était plus propre à exciter la curiosité qu’un livre où Alexis, en état de lucidité, expliquerait lui- même ce qu’il voit, ce qu’il éprouve; son esprit, doué d’une pénétration transcendante, va-t-il enfin nous dévoiler ces mystères qne • na pu sonder la science, nous apprendre ce qne c’est que l’âme, son origine et sa destinée?,.. ■
Il serait intéressant d’entendre sur ce sujet un lucide aussi éminent qu’Alexis. Mais nous aurions voulu qu’il parlât seul et exempt de toute influence étrangère, comme ont fait l’Américain Davis et plusieurs autres médiums écrivains.
Mais il n’en a pas été ainsi. Ou nous avertit, dans l’introduction, que « le magnétiseur, comme l’on peut facilement s’en convaincre en lisant ce livre, a eu une puissante influence sur la nature des pensées de son sujet. » Ce magnétiseur est une dame qu’on ne nomme pas, mais dont on fait un pompeux éloge. « L’attirante magie de son regard rayonnant ayant éclairé le somnambule de sa lumière, ce livre se ressentira de l’enchanteresse qui l’a inspiré magnétiquement. » Il est évident dès lors que ce n’est plus l’œuvre d’Alexis : celui-ci a pu fournir son concours, mais il est impossible d’en apprécier l’importance; il n’y a aucun moyen de discerner, dans le livre, la part qui revient au lucide et celle qui appartient à Y enchanteresse ; la muse inspiratrice , en donnant le champ libre à sa personnalité, a effacé celle d’Alexis,et nous a privés d’une occasion précieuse d’apprécier le travail intellectuel d’une nature d’élite.
Ce n’est pas tout. M. Delaage sert d’introducteur au somnambule , et ceux qui le connaissent, savent qu’il n’est pas homme à se contenter d’un rôle accessoire ; appelé peut-être pour conseiller, il n’aura pu s’empêcher de diriger ; aussi est-il facile de reconnaître son style et ses idées dans le livre dont il a la modestie de ne se dire que l’éditeur. Du reste, cette modestie a bien son orgueil : Alexis, qui se déclare doué, dans le somnambulisme, d’une intelligence supérieure, qui voit tout, qui sait tout, déclare que, quant aux influences du magnétisme, il s’abstient de traiter ce sujet, dans la crainte de blesser a la juste susceptibilité de son ami Delaage qui ne le verrait pas avec plaisir traiter un sujet qu’il a plus étudié et qu’il sait mieux que personne. » Un tel suffrage , venant de si haut, a de quoi satisfaire l’amour-propre le plus exigeant.
Comme nous n’avons, sur l’origine du livre dont il s’agit, aucun document certain qui le distingue de tous les autres, ou qui doive lui conférer une autorité particulière, nous aurons à examiner librement la valeur des systèmes qui y sont exposés.
L’auteur, quel qu’il soit, voulant nous donner une idée
du somnambulisme, nous dit que le fluide magnétique concentre le fluide vital dans les centres nerveux et arrête l'impression donnée à l'activité vitale par ta volonté. Ces deux fluides, dont on ne définit pas les deux natures distinctes, et qui agissent l’un sur l’autre, sont des créations fort commodes pour celui qui tient surtout à ne pas rester court ; mais elles ne nous rendent pas compte des phénomènes ; elles n’expliquent rien, et même 011 nous dit, à la page suivante, que le fluide magnétique n’est nullement nécessaire pour produire l’état de lucidité. Le somnambulisme ne suspend pas l’activité vitale, puisque le somnambule se meut, agit avec réflexion et volonté , et que son esprit acquiert même une pénétration extraordinaire. Il n’y a donc pas besoin de recourir à deux fluides pour opérer une suspension qui n’a pas lieu,
Alexis nous déclare qu’une fois qu’il est entré dans l’état supérieur, son âme, affranchie des liens du corps, peut « se transporter d’un pôle à l’autre avec la rapidité de l’éclair, converser avec les Cafres, se promener en Chine, descendre dans les mines d’Australie, entrer dans le harem du sultan ; car, ajoute-t-il, l’âme, fille de Dieu, n’a qu’à vouloir pour, semblable à son père, être partout. Le lucide peut évoquer toutes les générations passées et les faire apparaître devant lui, etc. »
Il y a là illusion. Le lucide, comme nous l'avons reconnu, peut quelquefois voir des objets fort éloignés ou des scènes du passé, en vertu de facultés exceptionnelles dont il ne jouit que de loin en loin ; il ne peut à volonté les exercer, et même, ce qu’il y a de plus fâcheux, très-souvent il se croit lucide et il ne l’est pas; il prend pour la réalité des visions aussi chimériques que celles des rêves, et ni lui ni son magnétiseur ne peuvent distinguer ces deux états si profondément différents, bien qu’extérieurement semblables, celui où il voit par des moyens étrangers aux modes habituels de relation , et celui où il est abusé par de vains fantômes. Alexis reconnaît lui-même, en plusieurs passages, combien la lucidité est précaire ; il affirme qu’il n’existe pas
un sujet jouissant d’une lucidité constante, et il conseille même de ne pas consulter sur les vols , dans la crainte des erreurs préjudiciables auxquelles pourraient conduire les réponses des somnambules. Il n’en est donc aucun qui possède les facultés que s’attribue Alexis, de voir tout, de jouir d’une pénétration à laquelle rien n’échappe dans le présent et dans le passé. On conçoit qu’enivré par le sentiment d’une clair* voyance insolite, il ait été saisi de vertige et se soit figuré que sa puissance n’avait pas de bornes. Mais la première chute suffit pour le rappeler rudement aux misères de la nature humaine et pour le forcer d’avouer que sa clairvoyance est bien bornée. Grâce à ses humbles aveux , pardonnons-lui de folles exagérations qui ne peuvent pas ôtre prises au sérieux.
Il en faut dire autant de cette assertion, que « les obstacles matériels deviennent miraculeusement transparents à l’ordre de sa volonté. C’est généraliser ce qui n’arrive que par un coup de fortune. » Que de fois le somnambule déploie toute la force de sa volonté pour chercher à pénétrer du regard l’enveloppe même légère d’un objet très-proche, et n’y peut réussir 1 II ne lui suffit donc pas de vouloir pour que les corps deviennent pour lui translucides ; il faut de plus une réunion de circonstances que personne n’a pu jusqu’ici déterminer, et ce problème est aussi insoluble pour Alexis que pour le vulgaire.
La doctrine que l’auteur caresse avec le plus de complaisance, c’est que, dans l’état de somnambulisme, l’âme quitte le corps, c’est-à-dire sa prison, et que , grâce à ce divorce, « elle connaît tout, voit tout, vole d’un bout de l’univers à l’autre, se promène dans le temps comme dans son domaine, que rien ne lui est caché, etc. (page 39). »Cesontlàdes énormités qui ne supportent pas l’examen. Quand, dans l’état ordinaire , nous voyons le soleil et les étoiles, corps beaucoup plus éloignés de nous que ceux auxquels s’étend la vue des somnambules, personne ne s’avise de supposer que notre âme quitte notre corps pour aller visiter ces astres et venir nous rapporter ce qu’elle y a vu. Il est donc bien en-
tendu que nous nous mettons en rapport avec les objets extérieurs sans qu’il soit besoin que notre âme s’envole. Le somnambule, pour se mettre en rapport avec les objets extérieurs , peut employer l’action ordinaire des sens, comme quand il entend ou qu’il palpe ; il peut aussi employer des moyens autres que ceux qui nous sont habituels, quand, par exemple , il voit à travers un mur ; mais, dans ce dernier cas, bien que nous ne nous rendions pas compte de son mode de relation (et, à cet égard, les révélations d’Alexis nous laissent dans notre ignorance), rien ne nous autorise à affirmer que le somnambule ne se sert pas de ses organes. Quand le somnambule , ayant les yeux fermés, voit un objet qu’il tient à la main , personne ne prétend que son âme soit obligée île sortir de son corps pour aller dans sa main ; si l’objet est renfermé dans une boîte placée à sa proximité, on n’ose pas encore dire que l’âme ait besoin d’aller dans la boîte ; si l’objet est situé dans une chambre voisine, on ne sent pas encore la nécessité du voyage de l’âme. Et si c’est au bout de la rue, à une lieue, et ainsi de suite ? Où commence la distance à partir de laquelle l’action des sens ne suffit plus ? C’est ce que personne n’a osé déterminer. Ce n’est que pour les distances considérables, qu’on veut absolument faire sortir l’âme de sa cage : mais, comme nous l’avons fait remarquer, ces distances ne sont rien en comparaison de celles auxquelles nous pouvons atteindre par nos sens dans l’état ordinaire. A plus forte raison doit-il en être de même chez les somnambules dont les sens acquièrent une grande perfection.
Laséparation de l’âme et du corps, c’est la mort. Etre sans âme, c’est n’avoir pas conscience de son existence, être incapable de pensée et de sentiment ; c’est donc la destruction de la personnalité. La prétendue séparation temporaire est donc un non-sens. Pendant que le somnambule voit ce qui se passe en Chine , ses organes n’ont pas cessé d’être impressionnables, il entend au moins son magnétiseur. Mais ce n’est pas l’oreille qui entend, elle lie fait que transmettre les vibrations au cerveau , c’est l’âme qui reçoit la
sensation ; donc elle n’est pas absente. — Si l’âme était isolée du corps, elle ne recevrait plus l'impression des organes, donc elle serait incapable de sensation. — Enfin l’âme humaine, dans quelque état qu’elle se trouve, est toujours un être borné en toutes ses facultés ; car l’infini n’appartient qu’à Dieu. Il est donc souverainement absurde d’attribuer au somnambule l’omniscience qui est radicalement incompatible, non seulement avec la nature humaine, mais même avec la nature de tout être fini, si éminent qu’il soit.
Notre auteur se contredit manifestement quand il nous dit que l’âme du somnambule déplace le rôle des sens, se sert des doigts ou de l’épigastre pour lire ; car, s’il en est ainsi, il n’est pas vrai de dire qu’elle soit isolée des sens et étrangère au corps, qu’elle se passe des organes (p. 24). Cependant ces deux systèmes contradictoires sont soutenus simultanément. « Mon âme, soustraite à l’empire de la chair, rayonne spirituellement par l’épigastre... » Comme nous avons eu souvent le plaisir d’entendre en somnambulisme Alexis dont l’élocution est toujours nette et précise, nous ne pouvons le croire coupable d’un pareil amphigouri dont la responsabilité doit peser sur quelque enchanteur de l’un ou de l’autre sexe.
L’auteur, poursuivant sa prétention de dévoiler les secrets de la nature humaine , nous dit que l’âme , invisible aux sens, ne peut être aperçue que par des somnambules doués d’une très-haute lucidité (p. 38). Qu’est-ce qu’apercevoir une âme ? 11 ne peut être question d’une vue physique , puisque l’âme est immatérielle : apercevoir mentalement son âme, c’est avoir conscience de sa propre existence, ce qui n’exige aucune lucidité. Nous avons donc encore là des mots vides de sens. L’auteur ne cesse d’aflirmer qu’il est initié à la connaissance intime de la nature de l’âme, de son immortalité ; mais il ne prouve pas que le somnambulisme lui ait rien révélé de plus que ce que sait tout le monde, lui ait fait connaître un nouvel argument ; il répète ce qui a été dit cent fois avant lui, par exemple, que l’âme étant immatérielle ne peut périr par la décomposition des parties.
Sur le somnambulisme, l’auteur n’a rien de plus original, et il n’explique rien. Quand il nous dit qu’un somnambule, au contact d’une mèche de cheveux, y trouve déposé le fluide de la personne dont elle vient, il ne nous fait pas comprendre comment, sous l’impression de ce fluide, le somnambule découvre cette personne et peut la décrire au physique et au moral. Pour expliquer la transmission de pensée et de sensation, il suffit tout simplement, dit-il, de rappeler que le fluide magnétique est transmissible. Il est difficile de se contenter de si peu : par le contact, deux hommes se transmettent un fluide, la chaleur ; mais ils ne se transmettent pas pour cela leurs pensées. Tout autre fluide, si impondérable qu’il soit, n’en est pas moins matériel, et il n’est nullement simple de concevoir comment il peut être le véhicule de la pensée.
L’auteur se figure avoir démontré par le somnambulisme l’immortalité de l’âme; c’est là la thèse favorite de M. Delaage [qui y a consacré trois ou quatre volumes. Quelle preuve donne-t-il? C’est que le somnambule , en évoquant le souvenir d’une personne morte, parvient à la voir comme si elle était encore vivante et à reproduire l’image du passé. C’est ce que nous faisons tous à l’état de veille, quand nous pensons fortement à une personne décédée et que nous avons connue : ce qu’il y a de particulier chez le somnambule, c’est que, pour évoquer l’image de personnes qu’il n’a pas connues, il est obligé de puiser dans l’esprit du consultant ou même dans celui d’autres personnes, et il n’y peut prendre que les souvenirs qui y sont amassés ; il n’y a pas d’exemple de somnambule qui ait comblé une lacune historique quand la chaîne des traditions est rompue. De ce qu’on imaginera et se représentera comme vivante une personne morte, il ne s’ensuit aucunement que celle-ci continue de vivre dans un autre monde. Le lucide croit la voir telle qu’elle était sur terre, agissant avec un corps matériel, et non telle qu’elle est dans le monde spirituel; il n’y a donc là qu’une vue du passé, qui pourrait comprendre aussi bien des animaux et des corps bruts. L’immortalité de l’âme
est une grande et utile vérité dont il est bon de chercher à fortifier et à, multiplier les preuves. Aussi peut-on savoir gré à M. Delaage de sa bonne volonté , tout en regrettant l’inefficacité de ses efforts. Et, à ce sujet, il y a lieu de s’étonner qu’un catholique aussi orthodoxe qu’il dit être, applique au phénomène dont nous venons de parler le nom de communion des vivants et des morts ; le catéchisme lui donnera la définition de cet article du symbole.
Le chapitre XI du livre est le plus intéressant, c’est un recueil de traits de lucidité d’Alexis, dont plusieurs sont déjà connus et ont été publiés. Toutefois , on les relit avec plaisir ; car de pareils faits sont la plus solide preu ve de la réalité des facultés transcendantes chez les somnambules; la narration en est élégante et pleine d’intérêt. Nous sommes charmé que ce chapitre nous ait permis de terminer par un éloge.
A. S. MORIN.
MM. les Abonnés dont l'abonnement expirait fin décembre 1856 sont priés d«vouloir bien le renouveler le plus tôt possible , s’ils ne veulent éprouver de retards dans l'envoi du journal.
Les envois de fonds, les réclamations doivent être adressés à M. le baron du Potet, propriétaire-gérant, rue de Beaujolais, 5.
ERRATA.
Une erreur s’est glissée dans l«titre qui est en tit«d«la page 17 du n° l«r de 1857. Au lieu d«guérison d'une hernie, lisez : réduction.
Baron dd POTET, propriétaire-gérant.
M. HUME,
LE FAMEUX MÉDIUM AMÉRICAIN,
Articles de journaux et réflexions à son sujet; immortalité de l'âme.
Le phénomène des tables tournantes et parlantes et de la locomotion des objets inanimés, sous l’impulsion de forces invisibles, est un fait qui a beaucoup occupé les esprits en France il y a deux ou trois ans. .Mais, après s’être fortement engoué de ce phénomène , comme de tout ce qui est nouveau, les Français se sont mis à en rire, selon leur habitude, et ont en général délaissé l’examen consciencieux et persévérant d’une question aussi importante qu’elle est curieuse. Quelques esprits sérieux cependant s’en sont çà et là préoccupés, ont multiplié les expériences et constaté une foule de faits ; mais ces expériences et ces faits n’ont jamais eu l’éclat et le retentissement désirables.
A l’étranger, il en a ôté tout autrement. On y est parvenu à démontrer et à faire croire que les tables et autres objets magnétisés qui se meuvent d’eux-mêmes et répondent d’une manière si surprenante aux diverses questions qu'on leur pose sur des faits passés ou à venir, nelefont que sous l’impulsion d'esprits, d’êtres immatériels que l’on évoque ou conjure à cet effet. Le fluide magnétique don tles objets inanimés on t été saturés, et qui parait être le seul agent soumis à la volonté des esprits, leur seul moyen de manifestation, l’élément ambiant de leur existence (1) serait, selon toute apparence, l’intermédiaire
(1) Cet élément est appelé spirit dans un ouvrage anonyme qui s'imprime actuellement sur cette matière à Paris et dont le prospectus nous a été remis. Cet ouvrage est intitulé : Les Livret des esprits ou Principes de la doctrine spirite écrits tous la dictée et par ordre des esprits supérieurs. ün vol. in-8. Prix : 3 fr. Cliez Villarius, rue Jacob, 35.
à l’aide duquel ils peuvent se témoigner à nos sens. Mais c’est bien plus : les esprits ne parlent pas seulement à l’aide des objets magnétisés. De nombreuses expériences qui ont été faites tendent à démontrer que ce sont eux qui se manifestent par la bouche des somnambules, par la bouche ou l’écriture de ces personnages si curieux qu’on appelle médiums vivants et qui doivent leurs étonnantes facultés à un état magnétique tout particulier, à l’extase veillante , si nous pouvons nous exprimer ainsi. Depuis quelque temps, il s’est formé en Suisse une nouvelle église qui a pour base de sa foi un ensemble de doctrines révélées au moyen de ces médiums (1). Les adeptes de cette église semblent se rallier à cette idée si consolante et qui est comme innée dans le cœur humain : que Dieu n’a pas seulement parlé aux anciens, qu’il n’y a pas eu qu’une seule révélation dans le temps, mais qu’il en est de continuelles et de progressivement conformes aux besoins, aux lumières, aux tendances de l’humanité, doctrine de tout point analogue aux plus belles démonstrations de la philosophie de l’histoire , à la doctrine du progrès continu.
En Amérique , une église de ce genre tend à se propager de plus en plus. Mais il est vrai de dire que là les phénomènes du spiritualisme se passent sur une grande échelle. Les habitants de cette libre contrée, asile de toutes les vérités, ennemie de tous les préjugés, se sont mis de toutes parts à examiner ces phénomènes, et cela avec les dispositions qu’il convient d’y apporter : l’observation calme et raisonnée, la patience, le recueillement. Ils ont partout multiplié et accumulé les faits dans des séances où assistent parfois des milliers de personnes, et aujourd’hui il n’est pas de petit coin
(2) C'est aussi en Suisse, à Genève, berceau du calvinisme et patrie de Jean-Jacques Rousseau, que s'imprime, sous la direction du docteur Rœs-singer, la publication si curieuse qui a pour litre : Journal de l'âme individuelle et générale, s’occupant essentiellement des phénomènes d intuition ou de sentiment, et, en particulier, de ceux qu'on observe dans la prière, les songes, la contemplation, l'extase, les visions, la lucidité magnétique ou somnambulique, l’instinct des animaux , les phénomènes des tables et du crayon.
îles Etats-Unis où la croyance aux esprits ne soit répandue. Elle y a pour organe de nombreux et importants journaux, comme le Spiritual Telegroph de New-York, et des sociétés se sont instituées pour la reproduction, l’observation rai-sonnée et la sanction des faits sur lesquels cette croyance s’appuie. Jusqu’à présent, toutefois, nous n’avions eu en France pour nous édifier sur la valeur de telles merveilles que des attestations, des récits et des écrits d'au-delà de l'Océan, et nous nous renfermions dans un doute respectueux, n’infirmant ou n’affirmant en rien ce que ces récits peuvent avoir d’étrange et d’incroyable. Mais, depuis quelques semaines, notre doute tend à s’ébranler de plus en plus. Un jeune médium américain, M. Hume, personnage aussi respectable qu’extraordinaire, est parmi nous. Pans plusieurs circonstances, il a bien voulu donner des preuves des facultés étonnantes dont il est doué, et tous ceux qui en ont été témoins en ont été vivement émus. Il s’est rendu plusieurs fois au château des Tuileries, et si nous en croyons des personnes dignes de créance, là se seraient passés les faits les plus extraordinaires. Mais hâtons-nous encore de dire que nous n'avons pas eu l’honneur d’être témoin de ces faits et que nous ne les enregistrons ici que pour la curiosité de nos lecteurs. — Voici, du reste, à ce sujet, deux articles de journaux : l’un est extrait des Chroniqueurs, revue hebdomadaire qui l’a emprunté au journal le Nord, l’autre est extrait du Siècle,
Voici ce que dit le journal les Chroniqueurs :
En dépit des joies bruyantes qui escortent le carnaval jusqu’au mercredi des Cendres, son tombeau, il est en ce moment à Paris un homme qui a le privilège d’exciter une attention sérieuse et d’entraîner l’esprit des plus grands personnages, celui de l’Empereur tout le premier, dans les régions du surnaturel et de l’infini. Je veux parler de M. Hume, gentleman américain, qui est à la fois en relations suivies avec notre monde le plus distingué et avec les puissances immatérielles et invisibles de l’autre monde.
On s’entretient partout de M. Hume et des miracles qu’il opère. Comme peu de gens ont eu la bonne fortune de se rencontrer avec lui, et surtout d’être admis en tiers dans ses entretiens avec les esprits qui lui obéissent, quelques-uns le confondent avec ces gens habiles qui font métier de sorcellerie, et qui s’appellent Robert Houdin ou Hamilton.
Jl. Hume est un homme du monde, jouissant d’une position indépendante, qui, loin d’aimer à se donner en spectacle, n’admet que, par rare faveur, quelques amis intimes à être témoins de sa singulière puissance. Il lui a été offert maintes fois des sommes énormes pour donner ce qu’on appelle des séances. Il a constamment refusé.
C’est encore un très-jeune homme. Il appartient par sa mère à la terre classique des superstitions et des miracles, l’Ecosse. Il a à peine connu sa mère , mais fréquemment elle lui apparaît. C’est seulement après qu’elle lui est apparue qu’il a le don de commander aux esprits.
Par déférence pour un vœu de sa mère, il s’est fait catholique, et c’est un esprit éminemment religieux. Un des plus éloquents apôtres du catholicisme, le Père de Ravignan, le suppliait dernièrement de renoncer à tout commerce surnaturel. « Je le voudrais , je ne le puis, a répondu M. Hume. Il ne dépend pas de moi de me soustraire à la puissance qui, par moments, s’éveille en mon âme. C’est malgré moi que je l’exerce. »
Pour délivrer M. Hume de ces obsessions, M. de Ravignan lui a conseillé les distractions, les voyages, une vie active. Mais déjà il a essayé de tout cela sans parvenii à rétablir l’équilibre entre son âme et son corps.
Les abstinences que l’Eglise catholique recommande aux fidèles, dans le but d'alléger le poids de l'enveloppe matérielle de leurs âmes, et de faciliter l’essor de celles-ci, sont naturellement interdites à M. Hume, dont l’âme, au contraire, semble avoir besoin de lest.
Dernièrement il a émerveillé deux de ses amis, MM. de
B... et de C..., en donnant cours devant eux à ses facultés étranges. A sa yoîx, une tableja semblé vivre ; elle s’est agi-
toe, elle s’est renversée, elle a frappé des pieds, selon ses ordres. Il ne la louche pas, il lui parle. A sa voix, une cloche est montée le long de la jambe de M. de G..., qui éiait assis, puis s’est arrêtée sur sa cuisse. — « Prenez la cloche de vos deux mains, et serrez-la de toutes vos forces, » dit alors M. Ilume àM. de C... M. de G... obéit. M. Hume commanda alors à l’esprit d’enlever la cloche des mains de M. de
C..., et celui-ci a raconté qu’il avait senti des mains gantées (nous sommes en bonne compagnie, l’esprit ne se présente pas les mains nues) ouvrir les siennes et lui enlever la cloche, malgré sa résistance. Ladite cloche a ensuite descendu, comme elle était venue, le long de sa jambe.
L’Empereur a exprimé l’envie de voir M. Hume, et celui-ci lui a été amené. Mais très-peu de personnes, seulement huit ou dix , d’après la volonté formelle de M. Hume, que l'Em-pereur a voulu respecter, ont été admises dans le salon où il allait déployer un pouvoir sur lequel le plus puissant des monarques de la terre ne saurait empiéter.
Louis-Napoléon était assis sur un canapé ; il appuyait sa tète sur un coussin. Deux coups ont été frappés derrière sa tête, sur un désir exprimé par lui.
L’intérêt et la considération la plus entière ont été témoignés à M. Hume dans ce petit cercle privilégié, et personne n’a pu se défendre d’une sensation de crainte religieuse , en voyant la matière se faire l’agent intelligent de ses volontés.
Quelles curiosités, quels sortilèges de machiniste, ou quels enchantements sortis du cerveau d’un écrivain peut-on rêver, qui ne pâlissent à côté des miracles de M. Hume. Mais ceux-ci ne sont pas pour tout le monde.
Maintenant voici un extrait du journal le Siècle :
.......La superstition de la comète afaitplaceàune autre
superstition. Le médium américain, M. Hume, est pour le n'ornent le héros des récits les plus extravagants et des plus merveilleuses aventures. Au dire du plus grand noircie, il se promène à travers notre vie positive comme le chevalier Bertram à travers l’opéra de Robert le Diable, il évoqua
les esprits, cause avec les morts, et fait danser sans violon tous les meubles qui l’entourent. Connaissez-vous M. Hume? Avez-vous vu M. Hume? telle est l’interrogation qu’on m’adresse de toutes parts. J’ai vu M. Hume ; il existe véritablement en chair et en os, en os surtout. Je l’ai vu, le h du présent mois , ;'i un bal chez la princesse Czartoryska, où il portait une cravate blanche comme un simple mortel, et où il dansait le quadrille en vogue comme un simple lancier. Voilà, je l’espère, des renseignements positifs. M. Hume est un homme de vingt-cinq à vingt-six ans, très-maigre, avec l’œil très-vif et le pied très-leste. A la première vue, il représente le parfait gentleman débarqué de Piccadilly. Plusieurs personnes avec lesquelles je causais m’affirmaient qu’elles avaient vu le célèbre médium au milieu de ses élans extatiques, qu’il semblait alors obsédé par une force surnaturelle, et qu’il accomplissait les actes les plus extraordinaires. Dans ces moments, les tables se renversent sans qu’on les touche, et les objets qu’elles supportent restent immobiles en dépit de toutes les lois de la physique. Les murs gémissent, les meubles trépignent, les lustres se balancent, des voix inconnues pleurent dans le vide, toute la fantasmagorie du monde invisible peuple le monde réel, et les spectateurs de ces scènes étranges emportent, en sortant des séances de M. Hume, la conviction que ce diable d’homme a dû signer dans quelque forêt mystérieuse un pacte secret avec les puissances infernales. On dit aussi que M. Hume a été aux Tuileries ces jours derniers, et qu’il a étonné, pour ne pas dire stupéfait, les hauts personnages qui l’avaient fait venir. Je n’ai point encore été assez favorisé pour voir M. Hume dans l’exercice de ses extases, et c’est pourquoi je ine borne à raconter ce qu’on m’a dit, en me maintenant jusqu’à nouvel ordre dans le doute philosophique exprimé par ce libre penseur qui a nom saint Thomas.......
Edmond Texier.
Les deux articles qui précèdent doivent donner lieu à des remarques diverses. D’un côté, un grand prédicateur, une
— Gicles lumières de l’Eglise catholique, reconnaît comme véritables les facultés du médium américain, mais s'attache à en empêcher l’emploi, à tarir la source des manifestations spiritualistes; l’autre met en doute ces manifestations etles traite de superstition. D’un côté comme de l’autre, tendance à étouffer la vérité, le premier par l’intolérance, le second par le sarcasme. Ce rapprochement et ce contraste au sujet d’un même fait n'est pas un des traits les moins curieux de notre époque; mais, quel qu’il soit, il nous afflige, et nous nous croyons obligé de le signaler aussi bien que de protester. Quoi ! tandis que Ja foi disparaît de tous les cœurs, que le siècle se matérialise de plus en plus, que l’Eglise n’a plus pour faire croire à une autre vie que la parole du passé, que la seule autorité du dogme, que celle de livres saints auxquels la plupart ne croient plus, quand tous les esprits en sont là etqu’il se présente des circonstances heureuses, inattendues , où la doctrine si consolante de l’immortalité de l’âme est à même de recevoir visiblement sa sanction de la part de faits tangibles, irréfragables, c’est l’Eglise qui s’y oppose, ce sont ses docteurs qui emploient tout leur ascendant, toute leur habileté pour étouffer des démonstrations aussi grandioses ! Mais l’Eglise, dira-t-on, croit au pouvoir de Satan, cet ennemi du genre humain, et c’est tout commerce avec lui qu’elle veut proscrire. Sans doute, nous comprendrions à ce point de vue son hostilité, s’il s’agissait réellement ici de l’esprit malin, mais puisqu’il ne s’agit de rien autre que de l’âme de la mère du médium, d’une sainte femme qui lui a inspiré sa conversion au catholicisme, pourquoi , devant la constatation de ce fait et son admission, s’obstiner à ne voir là que le prince des ténèbres et ses œuvres, et pourquoi enfin, si l’on admet de mauvais esprits, ne pas en admettre de bons? Le fait de l’existence des uns n’est pas plus inadmissible que celui de l’existence des autres. Aussi, nous le disons encore : l’intervention hostile de M. de Ravignan, de l’illustre jésuite, dans cette affaire, nous surprend autant qu’elle nous afflige.
Maintenant les appréciations des hommes qui, comme le
collaborateur du Siècle, nient les phénomènes du spiritualisme, sont-elles plus acceptables? M. Edmond Texier, en parlant des étonnantes facultés de Hume et de la croyance que des témoins oculaires y ajoutent, dit que ce sont des superstitions. Si nous nous en rapportons à la signification du mot superstition d’après le vocabulaire de notre langue, c’est une croyance, ce sont des pratiques basées sur dcs'faits surnaturels erronés. Qui autorise M. Texier à dire que les phénomènes que produit le médium américain , que les révélations qui émanent de lui sont des choses fausses? En a-t-il été témoin? s’est-il mis dans toutes les conditions nécessaires pour bien voir? a-t-il examiné ces faits avec attention, patience et persévérance ? s’est-il posé dans le cas de les reproduire lui-même en se mettant dans l’état physique et moral, en se conformant au régime de vie qu’il convient d’observer pour arriver à être soi-même un médium ? — S’il ne l’a pas fait, s’il n’a été témoin de rien, de quel droit vient-il taxer des gens honorables de superstition, et plaisanter sur ce qu’ils ont affirmé ? — Qu’il demeure donc dans le doute, comme nous le faisons, et qu’en véritable disciple de saint Thomas il apporte dans son doute du respect et de la gravité, et qu’il se garde de nier et de rire, s’il ne veut affirmer.
Que le spirituel rédacteur du Siècle, que tous ceux qui lui ressemblent sont bien les fils de Voltaire ! Quelqu’un disait à ce prince des sceptiques qu’un fait historique n’était pas tel qu’il l’avait rapporté : « Mais il est bien mieux tel que je ,1’ai raconté, » répondit l’auteur de VEssai sur les mœurs. Tel fut, en effet, l’esprit qu’apporta Voltaire dans tous ses travaux historiques : tronquer les faits, n’en prendre qu’une connaissance superficielle, rire de ceux qui lui paraissaient surnaturels et ne point chercher par de profondes, minutieuses et laborieuses investigations à s’en rendre compte. C’est ainsi qu’on le vit sans cesse travestir l'histoire* n’en faire en quelque sorte qu’un divertissant pamphlet, juger de tout légèrement, superficiellement, au point de vue des idées, des préjugés de son temps, et ne recher-
cher clans les faits que leur côté risible, que ce qui lui permettait d’étaler sa facilité à manier le sarcasme , à faire des pointes d’esprits , à abonder dans de piquantes saillies. Veut-on une preuve, entre cent mille, de la légèreté de Voltaire , de sa mauvaise foi et de sa tendance à rire des faits les plus patents en les niant, à éluder les difficultés qu’ils présentaient à son esprit incrédule ? En voici une des plus remarquables, en ce sens que les choses se sont passées à Paris à côté de lui, et que son frère, M. Armand Arouet, y a été tout particulièrement mêlé. Nous voulons parler des con-vulsionnaires de saint Médard. Les merveilles, les guérisons miraculeuses, les phénomènes extraordinaires qui se rattachent à l’histoire de ces convulsionnaires se sont passés à la face du soleil, en présence de quiconque a voulu en être témoin ; ils out convaincu une foule d’esprits éclairés, d'hommes sérieux, comme le respectable Carré de Montge-ron, conseiller du parlement; jamais phénomènes n’ont été mieux prouvés, démontrés. — Eh bien ! voyez comment en parle Voltaire dans son Dictionnaire philosophique, son Siècle de Louis XI V et ailleurs , et vous vous demanderez s'il est possible que tant d’outrecuidance puisse s’allier chez un pareil homme à tant de légèreté.
Mais, disions-nous, Voltaire n’est pas mort, du moins il a laissé des disciples qui, comme lui, sont de la race incorrigible et impérissable des Zoïles et des Pyrrhon. Ce sont ces disciples qui ont bafoué, persécuté le magnétisme, quand, cette grande vérité fut retrouvée et formulée en corps de doctrine par Mesmer, d’Eslon et Puységur. Ce sont eux qui, malgré la bonne foi et les vertus du vénérable Deleuze, malgré les démonstrations incessantes, irréfragables et ouvertement concluantes de cet homme honnête, simple et désintéressé qui s’appelle le baron du Potet, ont cherché à enterrer cette vérité par l’intrigue, le sarcasme. Mais le mesmérisme et le somnambulisme ont fait leur chemin malgré tous les obstacles. Il en sera de même de la doctrine si consolante des esprits, du dogme de l’immortalité de l’âme, malgré les dénégations, les railleries des hommes qui tranchent sur
toutes les questions sans les avoir approfondies , qui nient sans avoir vu ou sans s’être donné patiemment la peine de voir et regardent leurs décisions comme autant d’oracles infaillibles. Mais pourquoi chercher à convaincre ces systématiques incrédules , ne sont-ils pas nés pour nier et rire? La négation quand môme n’est-elle pas au fond de leur âme? n’ont-ils pas existé de tout temps, et n’est-ce pas d’eux que le Christ a dit : Je vous assure en vérité que les pierres môme parleraient qu’ils ne croiraient pas, et n’est-ce pas aussi pour eux qu’ont été prononcées ces paroles du Psalmiste : Aures habent et non audient, oculos habent et non videbunt ?
A peine remettions-nous les lignes qui précèdent à l’imprimeur, qu’un main amie nous adressait un feuilleton de l’Estafette, signé Paul d’Ivoy, où on lit le passage suivant que nous nous empressons de reproduire et d’apprécier à son tour, tant il vient à l’appui de ce que nous venons de dire au sujet des railleurs et des incrédules.
M. Paul d’Ivoy, dans un compte-rendu de quelques-unes des brillantes soirées qui ont eu lieu cet hiver à Paris, dit :
« Parlons d’une soirée qui n’est ni dansante, ni dramatique, ni musicale : c’est une soirée d’esprits. Il ne s’agit ni de beaux esprits ni d’esprits forts , mais tout simplement d’esprits frappeurs.
a C’était dans un salon officiel. Une vingtaine de personnes étaient assises autour d’une table. M. Hume, le grand médium américain, était assis avec les autres.
« Les esprits attirés par sa volonté se sont manifestés par de3 coups mystérieux frappés sur la table, sur les boiseries ; par des grésillements d’étincelles sortant du tapis, par une sorte de pression singulière sur les genoux ou sur les mains des dames et des hommes.
« Une dame, la comtesse de L..., demande que l’esprit de telle personne, morte depuis longtemps, vienne lui effleurer la main.
« Si l'esprit consent, dit le médium , il l’annoncera en frappant trois coups sur la table.
«Moment de silence! Tous les cœurs battent.
« Tout à coup les trois coups sont frappés lentement sur la table. Ce sont des craquements plutôt que des coups.
» A peine le dernier coup retentissait, M. le baron de P..., placé derrière la comtesse de L..., se baisse, saisit vivement la main de celle-ci et la serre très-fort.
« Madame de L... pousse un cri :
« —Il m’a serré la main, s’écrie-t-elle, il me l’a serrée à me faire crier ; et, chose étrange, j’ai entrevu sa main et j’ai senti qu’elle était brûlante.
« Emotion générale ! tout le monde reste convaincu. M. Hume, grandi de vingt coudées, dit gravement :
« — Une manifestation pareille de l’esprit est fort rare , mais n’est pas sans exemple. Cela prouve, madame , votre foi et la puissance qu’elle vous donne sur les esprits.
« M. de P... étouffait une forte envie de rire ; mais le ton convaincu de M. Hume fit beaucoup d’effet, surtout après le cri si naturel et l’émotion si vraie de madame de L...
« Cependant un incident vint troubler les triomphes de M. Hume.
« Le général N..., qui n'est pas crédule, dit à M. Hume :
« Vos esprits sont invisibles, donc on ne peut les gêner en regardant sous la table.
« — Non, certainement.
« — Eh bien ! je vais me coucher sous la table, afin de ne conserver aucun doute, afin que ma foi ne soit troublée par aucun soupçon.
« — Vous m’obligerez beaucoup , reprit M. Hume avec empressement ; je vous l’aurais demandé, si j’avais osé.
n Le général N... se coucha en effet sous la table, et, à partir de ce moment, aucun esprit ne se manifesta. MM. les esprits n’aiment que la foi robuste qui ne veut rien approfondir.
« Cependant le cri de madame de L..., ce quelle racontait de l’impression que lui avait causée la main de l’esprit était tellement frappant, que l’on n’osait pas douter. M. de P... ne voulut pas tirer du doute madame de L... ni les au-
très , ce n’est que le lendemain qu’il raconta l’espièglerie qu’il avait faite.
« Mais on ne le croit pas. Il est bien plus simple de croire à l’esprit. »
Dans cet article, M. Paul d’Ivoy constate et admet : 1° que des esprits, attirés par la volonté du médium américain , se sont manifestés par des coups mystérieux frappés sur la table, sur les boiseries, par des grésillements d’étincelles sortant du tapis, par une sorte de pression singulière sur les genoux ou sur les mains des dames et des hommes ; — 2° que l’esprit d’une personne morte depuis longtemps a été évoqué à la demande d’une dame, et s’est manifesté par trois coups frappés lentement sur une table.
Croyez-vous que ces faits si étranges, si dignes d’attention , vont faire réfléchir le feuilletoniste de ï Estafette et qu’il va se mettre à les examiner attentivement, afin de s’en rendre compte, d’en expliquer ou du moins d’en trouver l’origine? Nullement. M. Paul d’Ivoy a bien autre chose à faire : il faut, non qu’il éclaire, mais qu’il divertisse ses lecteurs. Il délaisse la question avec une indifférence et une légèreté sans pareille, et s’empare d’un petit incident comique qui, selon lui, est tout à fait de nature à enterrer la chose, et à entourer de ridicule M. Hume et les démonstrations qu’il a l’excessive complaisance de faire.
Qu’un M. le baron de P..., se préoccupant de faire des niches dans des expériences qui demandent tant de sérieux , s’amuse à serrer la main d’une dame à son insu, afin de lui faire croire que cela vient d’un esprit et que cette dame le croie au grand amusement des assistants ; qu’un général N... se tienne sous la table, afin de pouvoir contrôler l’action des esprits, et que ceux-ci ne donnentplus, àla suite de cette précaution risible, le moindre signe de leur présence, cela ôte-t-il aux faits qui ont précédé leur valeur, cela les empêche-t-il de s’être produits, d’avoir été constatés? Non.
Mais que, réellement, les manifestations de spiritualisme fl’aient pluseu lieu après de telles espiègleries, il n’y arien là de surprenant. Pour tous ceux qui se sont longuement, profondé -
ment, sérieusement occupés de la théorie et de la pratique du magnétisme, ainsi que de la rotation des tables, il n’y a rien là (jue de très-naturel. Il est prouvé maintenant que les phénomènes que produit l’action magnétique sont un effet de la volonté, seule force motrice qui puisse agir sur le mystérieux agent, le modifier, lui donner l’impulsion à l’aide dp laquelle les phénomènes se produisent, et ceux qui douteraient de cette vérité n’ont qu'à lire les excellents et profonds ouvrages qu’un savant docteur allemand, M. Schopen-hauer, a publiés sous le titre de : Philosophie de la magie; Dumondc comme volonté et phénomène; De la volonté dui\s Lf. nature. Plus la volonté sera forte, plus le phénomène sera grand. C’est pourquoi l’on demande habituellement dans des séances de magnétisme, de somnambulisme et d’esprits frappeurs, non seulement une attitude passive, du recueillement, du sérieux de la part des assistants, mais encore de la bienveillance, une volonté active. Si la volonté du magnétiseur, du somnambule, du médium, peut produire certains effets, ces effets assurément seront plus grands lorsqu’à cette volonté se joindra celle des assistants, lorsqu’il y aura en quelque sorte un concours uniforme de vouloir dans un même but, lorsqu’il y aura enfin une action magnétique collective, comme dans la chaîna mesmérienne, par exemple, comme dans celle que l’on forme autour d’une table qu’on veut actionner. Mais la volonté implique au préalable une situation d’esprit qui ne doit être ni celui de négation, ni celui de critique, la foi en quelque sorte, du inoius jusqu'à preuve contraire, jusqu’à expérience non concluante. C’est pourquoi Jésus-Christ disait aux malades qu’il guérissait : «Allez, votre foi vous a sauvés, » et à ses disciples : « Je vous dis en vérité que si vous aviez de la foi aussi gros qu’un grain de moutarde et que vous ne doutassiez point, non seulement vous feriez sécher un arbre sur pied, comme je l’ai fait, mais encore si vous disiez à cette montagne : Ote-toi de là et te jette dans la mer, cela se ferait, et rien ne vous serait impossible. Mattb.,vii; Luc, xvu.
Ces dispositions, ces conditions diverses que nous venons
d’énumérer, sont colles qui régnent chez les Américains dans leurs expérimentations. C’est pourquoi elles sont tant couronnées de succès. Chez eux, vous voyez parfois des assemblées de plus de 2,000 personnes , animées d’un même esprit, d’une même volonté; chez eux, on procède aux expérimentations spiritualistes d’une manière calme, sérieuse, patiente et recueillie. On n’y voit point, comme dans la soirée dont parle le collaborateur de l'Estafette, des hommes légers, railleurs, qui arrivent avec l’intention de contredire, de critiquer, de nier quand même, de rire et de se divertir, et qui distraient l’attention, le sérieux d’une assemblée par des espiègleries comme celles de M. le baron de P... Aussi, à de pareilles gens, il ne sera point donné la satisfaction d’être témoins de merveilles éclatantes, et, à eux aussi, on pourrait dire ce que le Christ disait aux Juifs incrédules et hostiles : « Race méchante et adultère, tu demandes un miracle, mais il ne t’en sera point accordé. »
L’influence que peut avoir une volonté hostile ou bienveillante en magnétisme n’est plus aujourd’hui un fait contestable. Qu’on lise à ce sujet tout ce qui a été écrit sur semblable matière, ou qu’on assiste àdes séances de somnambulisme, on en sera parfaitement convaincu. Voici deux faits entre mille autres, dont nous avons été témoin et qui ne nous ont pas laissé le moindre doute à cet égard.
J’expérimentais un jour avec une somnambule lucide devant une société de curieux. — Déjà ils avaient été témoins d’une foule de faits surprenants, lorsqu’il prit envie à un des assistants, lesquels se trouvaient derrière la somnambule, de s’approcher doucement, de tenir la main sur le dossier de la chaise et de me prier de faire dire qui il était. La devineresse aussitôt de déclarer ses nom et prénoms et d’indiquer l’attitude dans laquelle il se tenait. Il en fut ainsi pour une foule d'autres, quand survint à la même place un homme qui, jusque-là, avait contesté l’existence du magnétisme, de la lucidité somnambulique, homme à volonté forte, énergique, au caractère hautain et dédaigneux, au cœur sec et mauvais. La somnambule ne put plus rien dire, eut tout à fait
ses facultés paralysées. Le contradicteur se retire, sort de la salle, d’autres plus bienveillants lui succèdent derrière la somnambule, et celle-ci de retrouver jusqu’au bout le don de divination dont elle avait jusque-là constamment donné des preuves. A la fin de la séance, je lui demandai la cause de son mutisme momentané : « C’est que ce monsieur était hostile et incrédule, dit-elle, que j’avais pénétré le fond de sa pensée, et que sa volonté agissait sur moi. » Questionné plus tard à ce sujet, notre homme finit par faire un aveu conforme au dire de la somnambule.
L’autre fait s'est reproduit dans une des séances hebdomadaires de M. le baron du Potet. On sait comment ce magnétiseur consommé procède dans ces séances, dont le public se renouvelle à chaque fois. Il n’a point de sujets à lui, préparés à l'avance, de là, impossibilité de l’accuser de compérage, de supercherie. Son action s’exerce seulement sur ceux qui veulent bien la recevoir, et dont les noms lui sont presque toujours inconnus. Parfois, il lui arrive de ne causer aucun effet, mais, tandis qu’il multiplie ses efforts sur un sujet rebelle à son action, il se trouve que l’agent magnétique, sortant de sa personne, et irradiant dans l’espace , va atteindre derrière lui et à son insu des organisations plus sensibles, plus impressionnables, lesquelles tombent soit en crises, soit dans le merveilleux sommeil. Une femme donc était ainsi tombée endormie derrière M. du Potet. Attiré vers elle par l’avis qui lui en fut donné, il s’occupa de régulariser son action et fit tomber la femme en somnambulisme. Déjà il lui avait adressé quelques questions auxquelles elle avait répondu d'une manière remarquable, quand tout à coup cette femme se met à contracter ses membres, à avoir des tremblements nerveux et à s’écrier ! « Monsieur ! je ne puis plus vous répondre : je souffre, il y a là, debout derrière moi, dans le coin de la salle, un jeune homme à la barbe noire, avec un gilet blanc, qui me magnétise et dont l’action est contraire à la vôtre, ce qui me fait beaucoup souffrir. Tous les regards se portèrent sur ce jeune homme qui, ayant les mains derrière le dos, était bien
loin d’être dans l’attitude d’un magnétiseur. Il convint du fait, ajouta qu’il avait magnétisé par la simple émission de sa volonté, afin d’expérimenter par lui-même un phénomène aussi curieux et de s’assurer du degré de force magnétique qu’il croyait posséder, mais que si l’on pensait que sa présence fût nuisible à la pauvre patiente, il voulait bien se retirer. M. du Potet lui répondit qu’il suffisait qu’il s’abstînt, qu’il demeurât entièrement passif, et le pria de ne plus recommencer une telle expérience; ce qu’il fit à la grande satisfaction de la somnambule, qui donna dès lors des preuves d’une grande lucidité.
Mais, pour croire à ces faits comme à ceux du spiritualisme , il faut avoir la bonne foi de les admettre quand on en est témoin , au lieu de les nier, de les dédaigner, d'en rire, d’en déserter l’examen. Au lieu de glisser superficiellement sur les graves questions qu’ils soulèvent, pour ne songer qu’à plaisanter, il faut être assez sérieux pour aborder ces questions, questions auxquelles se rattache un ordre de vérités incontestables, quoique extraordinaires ; questions jusqu’ici trop généralement méconnues, négligées, défigurées et ridiculisées. Pour arriver à croire, il ne faut pas faire comme M. le baron deP... avec madame la comtesse de L..., ni surtout comme leur historiographe M. Paul d’Ivoy, de tEstafette, digne confrère de M. Edmond Texier, du journal le Siècle.
Oui, quoi qu’on en dise, l’âme existe, elle est immortelle, il y a une autre vie. Cette croyance si douce ne ressort pas seulement des phénomènes actuels du spiritualisme ; comme ©n le sait, elle est innée dans le cœur humain, elle a été le •partage de toutes les générations passées, le domaine de toutes les religions ; de plus, elle est conforme à toutes les •notions de justice et d’ordre étemels. Un écrivain aussi illustre qu’infortuné, qui, à lui seul, a eu autant de sentiment , de profondeur, de prévision et de dialectique que tous les philosophes du dix-huitième siècle réunis, Jean-Jac-ques Rousseau, n’a-t-il pas dit : « Quand je n’aurais d’autres preuves de l’immortalité de l’âme que le spectacle du triom-
plie du méchant cl de l’oppression du juste en ce monde, cela seul m’empêcherait d’en douter : une si choquante dis— sonnance dans l'harmonie universelle me ferait chercher à la résoudre; je me dirais : Tout ne finit pas pour l’homme avec la vie, tout rentre dans l'ordre à la mort. »
A ces démonstrations tirées du sentiment de la justice, de l'harmonie et de l’ordre éternels, il nous a été donné en ces derniers temps, disons-le encore, d’en joindre d’autres tirées de faits visibles, méthodiquement et publiquement provoqués, parfaitement constatés, et ces faits nous ont expliqué en même temps qu’ils ont rendu probable ce que tant d’auteurs sérieux ont raconté de siècle en siècle sur les apparitions surnaturelles qui ont ému les peuples et convaincu tant d'hommes de bonne foi. Ces hommes n’ont pas tous été, qu’on le croie bien, ce que nos sceptiques savants appellent des hallucinés, pas plus que les expérimentateurs américains, pas plus que Hume, l’illustre médium. Ils ont vu, examiné dans toute la plénitude de leurs sens, et ils ont cru à l'immortalité de l’àme, à l’existence des esprits. Croyance sainte, pour douter de toi aujourd’hui, il faut n’avoir pas été comme nous dans un centre où tous les faits nouveaux de spiritualisme arrivent consignés avec leurs témoignages, leurs attestations, il faut ne plus avoir de sens moral, il faut être de ces êtres pervers que l’idée d’une autre vie effraie , ou de ces infirmes que l’orgueil d'une vaine science, que l'incrédulité et le matérialisme ont frappés d’aveuglement et de vertige.
Le Rédacteur en chef du Journal du Magnititmt,
Z. P1ERART.
BIBLIOGRAPHIE.
The astrologer of the nineteenth century, or, etc. — Astrology as il is ; not as il ts becn represented, etc.
COMPTE-RENDU.
De tout temps, les sciences qui se rapportent à l’art divinatoire ont eu un attrait particulier pour les Anglais. Aussi possèdent-ils des livres beaucoup plus complets, beaucoup plus hardis, beaucoup plus intéressants que nous sur ces matières. L’astrologie a donc eu toujours dans cette nation de fervents adeptes ; les noms des plus célèbres , Heydon, Bail, Thrasher, Poole, Mensforth, Sibley, Whita, sont connus par les ouvrages qu’ils ont laissés , et qui sont toujours consultés avec fruit. Les écrits du savant docteur Lee, le protégé et l’ami de Pierre-le-Grand , restés longtemps manuscrits, ont prouvé, dès qu’ils ont été mis au jour, que nous avons fait peu de progrès. Le père du grand Newton protégeait l’astrologie à laquelle il avait été initié par .Jacob Behm, le prince des astrologues. Et croit-on que tous les grands poètes, Shakespeare , Milton, Dryden, l’auteur des lettres de Junius, Byron , ne fussent pas tous des initiés, à un degré plus ou moins avancé ? Nous ne parlons pas des bardes sacrés, d’Ossian, dont les hymnes nuageuses peuvent sembler aujourd’hui avoir un fond de positivité dont on ne les aurait pas crues susceptibles. Mais un des livres contemporains les plus répandus, un de ceux qui, avec quelque désordre plus apparent que réel, ont le mieux codifié la science, est The astrologer of nineteenth century, etc., dont
nous avons sous les veux la septième édition publiée à Londres en 1825. L’auteur de ce curieux livre n’entend pas le sens du mot astrologue restreint seulement à l’influence des astres sur les destinées humaines ; il y fait aussi entrer la magie, les évocations, la connaissance du monde aérien. On voit dès lors le lien de parenté de ce livre avec le magnétisme dont il n’y est cependant pour ainsi dire pas fait mention. Le magnétisme est cependant, comme nous le disions il y a peu de temps , le point de départ de toute la magie, c’est l’instrument puissant qui a, dans tous les siècles, enfanté tant de prodiges, qui a le pouvoir d’agir aussi bien sur le inonde surnaturel que sur la terre. Le livre dont nous parlons, présente donc quelque injustice dans ce mutisme, on dirait presque affecté sur le compte du magnétisme. Cette dernière science aurait donc à se plaindre ; elle sera plus indulgente, et nous allons faire connaître sommairement l’ordonnance générale des matières traitées.
Ce volume de 560 pages avec gravures sur bois dans le texte et coloriées hors du texte, est divisé en dix parties. La première traite d’apparitions remarquables , racontées toujours avec beaucoup d’agrément, un peu trop peut-être pour un livre scientifique. On aurait droit quelquefois de réclamer moins de prolixité dans de si étranges matières où on a hâte d’arriver à la fin pour se former une conviction. Les détails romanesques nuisent non seulement à l’ordonnance du sujet, mais ils peuvent même jeter quelque défaveur sur le fond.
La seconde partie rapporte des exemples d’influences célestes et de prédilections vérifiées.
La troisième partie décrit la pratique des cérémonies nécessaires pour l’évocation des esprits; il donne souvent par gravure la forme des esprits de l’est, de l’ouest, du nord, du sud, des esprits du soleil et de la lune, de ceux des planètes. Il se termine par un aperçu sur le monde angélique, tiré des manuscrits du docteur Jean Pordage, recteur de Bradfield, et qui datent de 1650. On peut trouver, dans ce dernier travail, que la précision manque quelquefois ; mais
on peut—il être autrement? L’homme est-il o.ganisé pour s’élever si haut, et l’éclaircissement de tels mystères n’est-il pas réservé à notre fin terrestre? Dans tous les cas, ces vues nous paraissent bien supérieures, quoique antérieures, à celles de Swedenborg sur le paradis et l’enfer. Les révélations postérieures donnent un grand air de vraisemblance à plusieurs points et à l’ensemble ; les esprits parleurs et frappeurs d’Amérique n’ont guère rien appris au delà, et, dans un sujet où la certitude n’existera jamais, on doit reconnaître que cet aperçu est fort curieux et assez plausible.
Jusque-là, on le voit, il n’est pas question d'astrologie proprement dite ; mais plutôt de magie. C’est à partir de la quatrième partie seulement que nous voguons à pleines voiles dans le champ de l’astrologie. On y apprend notamment à construire la figure des cieux pour un moment donné.
La cinquième partie rapporte des prophéties remarquables dues à des astrologues célèbres, parmi lesquels Nostra-damus, traité avec des honneurs que nous ne croyons pas exagérés.
La sixième est un choix d’horoscopes de grands hommes.
La septième traite de la géomancie qui, selon l’étymologie du mot, est la divination à l’aide de points tracés sur le sable.
La huitième partie est un recueil de charmes, de talismans, etc.
La neuvième rapporte d’anciennes légendes qui peuvent avoir un fond de vérité et des points de contact avec la science dont il est ici question.
La dixième et dernière partie est intitulée mercuriana, ou fragments astrologiques et scientifiques.
Cette analyse, quoique fort sommaire, a pu paraître longue à raison de la date déjà ancienne du livre ; mais il est encore assez peu connu, croyons-nous, en France, et les voies nouvelles de spiritualisme positif dans lesquelles nous paraît, entrer le monde nous ont semblé lui donner aujourd’hui, une nouvelle importance.
Le dernier ouvrage, dont le titre est inscrit en tète de cet
article, ne date, lui, que de quelques mois, et il a des prétentions scientifiques beaucoup plus élevées que le premier. La partie de la magie peut se prêter quelquefois à des illusions; on peut être dupe de soi-même. L'astrologie tient de trés-près, et, au moins par ses procédés, à l’astronomie ; tous les anciens astronomes furent en même temps astrologues, peut-être même n’étaient-ils souvent astronomes que pour être astrologues. C’est ainsi que la découverte des logarithmes , cet instrument si utile à toutes les sciences et surtout à la navigation et à l’astronomie, est due à un astrologue écossais, Napier. L’histoire de ces deux sciences se confond pendant longtemps ; on ne peut étudier l’histoire de l'astrologie dans les temps anciens sans se trouver en pleine astrologie, à peu près comme, avant I.avoisier, l’histoire de la chimie n’était le plus souvent que ceile de l’alchimie.
Le calcul de la figure des cieux ou des maisons des planètes est le point de départ, le point capital de toute l’astrologie. Il y a plusieurs procédés pour ériger cette figure. Le •plus simple est de se servir des tables calculées à l’avance et qui sont publiées à Londres par Radkiel : c’est la seule méthode qu’indique le livre The astrologer. Mais ces tables ne peuvent servir que pour la latitude de Londres. Le dernier ouvrage astrology, plus complet que l’autre, donne aussi la méthode à l’aide des globes célestes, méthode un peu superficielle et qui expose à des erreurs ; mais il développe aussi la méthode à l’aide de la trigonométrie, la seule sérieuse et vraiment scientifique. On voit par là qu’il ne s’agit pas d’un livre dicté par un esprit d’empirisme, mais d’une œuvre sérieuse et qui repose sur les fondements des sciences -exactes.
Convaincu de cette opinion pour l’astrologie en elle-même, l’auteur a fait précéder son ouvrage d’un discours préliminaire, dans lequel il s’efforce de démontrer que cette science ne mérite pas l'espèce de discrédit dans lequel elle est tombée de nos jours. Elle s’enorgueillit des noms les plu3 célèbres, de noms immortalisés par des découvertes qui sont la
gloire de l’humanité. C'était bien là le meilleur mode de démonstration ; aussi les trop courtes pages que l’auteur a consacrées à résumer cette histoire, sont-elles des plus intéressantes. Nous avons cependant à faire quelques réserves sur des citations qui nous paraissent détournées de leur vrai sens.
Voir dans l’histoire de Saül cherchant les ànesses de son père Cis, et dans la consultation qu'il prend auprès de Samuel un fait astrologique , est une erreur ; les astres n’ont ici rien à faire ; la Bible de M. de Sacy appelle même Samuel un voyant. Quel que soit le mot adopté, n’est-il pas évident qu’il s’agit ici uniquement d’une vue à distance, assez semblable à celles qu’observent tous les jours les magnétiseurs ?
11 en est demêmede David consul tant Abiathar, par le ai oy an de l’éphod, pour savoir si les hommes de Ceïla le livreront à Saül. Les commentateurs ont beaucoup discuté sur ce mot èphod. C’étaitun vêtementquiapuvarierselon les temps, composé de plusieurs substances précieuses, et principalement, selon Josèphe, de fin lin retors. Nous retrouvons la tunique de lin dans les cérémonies indiquées au quatrième siècle par Ammien Marcellin pour découvrir l’avenir. L'ép/iod n’a pas vraisemblablement d’autre signification dans le passage de la Bible. Il indique, croyons-nous, une sorte de consultation des sorts, quelque chose d’analogue à nos tables tournantes. Nous nous refusons à y voir la moindre influence astrale.
Sauf ces réserves et quelques autres qui pourraient être réputées de pure chicane , cette partie historique est des plus intéressantes. Tout ce qui est dit sur Hermès, sur les doctrines égyptiennes, sur Moïse, sur Daniel, sur saint Paul, est fort bien pensé et nous a paru présenter souvent des aperçus nouveaux. Les pages qui suivent, font partie de cette introduction et précèdent les vues historiques. L’auteur cherche à y démontrer la réalité de l'astrologie comme science.
« Comment un homme ignorant de la science déclare-t-il absurdité et superstition le sujet que d'autres ont étudié pendant longues années, qu'ils étudient encore avec une
persévérance infatigable? Tous les hommes adonnés à l’astrologie seraient-ils des gens d’un esprit faible et qui ne pourraient supporter la comparaison avec d’autres ? Et que dirait-on donc d’un homme tel que Claudia Ptolémée, le plus grand astrologue que le monde ait vu, l’auteur du Te-trabilos, ou quatre livres sur l’influence des étoiles, cet homme, que sa science fit surnommer par les Grecs le plus sage, le plus divin ? 11 fut le premier, parmi les anciens, qui réunit les différentes observations d’Aristote, d’Hipparque, de Posidonius et d’autres, sur l'économie du monde , et en forma, après des années de profondes études, sa Megale surtasis : ce fut lui qui, le premier, donna naissance au système appelé après lui de Ptolémée.
« Un autre pincipal astrologue fut Placidus de Titus, mathématicien de Léopold-Guillaume, archiduc d'Austrie, qui, en 1647, formula la Méthode placidienne, ou Système de philosophie céleste , par l’analyse de trente naissances des hommes les plus éminents de son temps. Est-il possible que des hommes tels que Flamstead, Galilée, lord Napier, lord Bacon, Roger Bacon, Guid«Bonatus, Nostradamus, Valen-tin Naibod , le poète Dryden, Isaac Newton , et une foule d’autres dont le nom répandu dans le monde entier vivra autant que l'humanité, se soient laissés aller à croire à un tissu de chimères ? Non, cela n’est pas. Ces hommes étaient convaincus de la vérité de l’astrologie par leurs expériences. Et que serait-il advenu de la machine à vapeur, du télégraphe électrique et de mille autres inventions scientifiques et industrielles dont nous recueillons aujourd’hui les fruits, si chacun s’était borné à les déclarer des absurdités? C’est le nom qu’on lui donne en effet, lorsqu’une idée est émise pour la première fois. Quand les premiers chemins de fer furent construits, on avança avec assurance qu’il serait impossible à un train de dépasser une rapidité de seize milles à l’heure. Avec une vitesse plus grande, les conducteurs, disait-on , ne pourraient résister à la progression de la résistance de l’air; maintenant, quelques instants d’expérience suffisent pour démontrer la futilité d’une telle ob-
jeotîon. Cfest ainsi que, si les hommes étaient un pou plus familiarisés avec les questions astrologiques, üb ne commen--ceraicnt pas, avant même (le discuter, par parler d'impossibilités apparentes. Wilson, dans la préface de son Dictionnaire astrologique, observe que , quant à l’idée ridicule de supposer l’astrologie criminelle et présomptueuse, il rty ii qu'un être « de la dernière ignorance qui pourrait.s'y anré-« ter quelques instants. Si l'observation des astres était cri-« minelle, il serait donc criminel de prédire une éclipse, un « changement de temps, l’heure des hautes marées et même « l’heure de la journée à l’aide d’un cadran solaire. Ce qui « est criminel, c’est le contraire, c’est-à-dire de ne pasétu-« dier ces questions, et toutes celles que le Très-Haut nous « indique comme sujet d’observations : il n’y a ici d'autre n excuse que l'ignorance-et la grossièreté. » h La sagesse suprême a accordé le don de la prescience à tous, au plus grand comme au plus petit, non ■seulement à l'homme, mais à tous les ordres inférieurs die la Création. Beaucoup de gens peuvent prédire quel temps il fera demain ; d’autres iront plus loin et votis diront quel temps- il refît pendant toute une semaine, s’il fera beau ou s’il pleuvra. Les rats savent bien abandonner une maison qui va tomber; aussi, peu de martes s'aventurent-ils sur mer. dbns un vaisseau que ces animaux ont abandonné. Les fourmis ne manquent jamais d'abandonner un nid qu’ûne inondaition va envahir. Le paon crie des heures entières pour annoncer le passage du beau au mauvais temps. On peut répondre que c'est leur instinct qui les instruit. Soit : l’astrologue ne veut pas qu’il lui soit rien autre chose accordé, sinon une connaissance nette de ces cas et une étude sérieuse des règles de sa science. Cette partie de l’astrologie qui nous a été transmise par les anciens, nous savons qu’elle est vraie aussi'bien que les découvertes faites par l’expérience et les recherches des âges suivants. L'astrologue, après ttfut- ne professe pas l'infaillibilité ; il est aussi faillible qu'uri1 autre celui qui s’adonne à l’étude de la philosophie céleste. Qu’une éclipse survienne, qu’une comète, chose rare, soit stationnaire dans
les places propres au soleil ou il la lune, cela pourra tendre à annihiler un bien annoncé ou exagérer un mal. Dieu a accordé la prescience à l’homme, mais seulement dans de certaines limites, ei, dans tous les cas, suffisamment pour ses besoins. L’homme doit être content de ce qui lui a été accordé, et ne pas refuser ce qui est à sa disposition, parce que cela ne lui semble pas suffisant. Tous les mystères des cieux ne nous ont pas été découverts ; nous ne pouvons entrer dans le détail du caractère particulier de chaque direction en force ; nous savons que , dans quelque cas, une direction peut affecter une personne d’une certaine manière et une autre à un degré différent. Nous vous disons le sens général d’un événement;... nous sommes maintenant capables de prédire la force de la constitution, la durée de la vie , les maladies et leurs natures, la fortune, le mariage, le moment et le genre de mort, les circonstances heureuses ou malheureuses de la vie d’une personne ; il nous suffit pour cela de connaître le moment vrai de sa naissance.
« Mais voici qu’au seul nom d’astrologie, nous entendons encore le rire bruyant des esprits vides, la raillerie des prétendus philosophes, qui, avant d’apprendre l’A, B, C, D de la science et de juger pour eux-mêmes par leurs propres expériences, demandent à l’astrologue quelle influence est analogue, comment il l’explique ; ils attendront, disent-ils, de le comprendre avant de perdre leur temps à l’étude d’une science sans utilité. — Mais peuvent ils donc dire, ces philosophes, dans quelle partie du corps réside l’âme ; peuvent-ils expliquer l’attraction ou la gravitation , l’électricité, l’appel de l’aiguille aimantée vers le pôle? L’influence des astres se présente-t-elle donc comme plus incroyable que ces questions? Ce sont sans doute des mystères; mais nous sommes satisfaits de l’évidence de leur existence. A de telles questions, je ne fais donc pas de réponse ; j’invite ces personnes à examiner la vérité de cette sublime science.
..... Malè verum examinai omnis
Curruptus judex.....
« Au lecteur sincère et vraiment philosophe, je dis : Etudiez la science ; vous ne trouverez pas ses règles violées. Un homme dont l’horoscope montre qu’il est né pour une longue vie ne meurt pas dans l’enfance, et celui dont la naissance marque honneur et richesse ne mènera pas une vie d’infamie et de misère. Pourquoi les incrédules de cette science ne montrent-ils pas que, selon les règles de l'astrologie, Wellington était né pour avoir une vie d’ignominie, que le révérend Edouard Irving devait être une personne très-religieuse, que la reine Victoria ne devait pas se marier, et que le dernier empereur de Russie ne devait pas être ambitieux? qu’ils réfutent donc un horoscope authentique , s’ils le peuvent : ce n’est pas un argument que le ridicule ou la dénégation...
« Pour conclure , je pose aux incrédules quatre questions (elles ont été écrites par le Mercure, il y a quelques années) : 1° L’illusion de l’astrologie, comme ils l’appellent, aurait-elle subsisté comme elle l’a fait ( car, selon l’historien Jo-sèphe et d’autres auteurs anciens, elle est plus ancienne que la Bible), s’il n’y avait en elle quelque vérité ; et, s’il en est ainsi, cette vérité ne mérite-t-elle pas d’être recherchée ?
« 2° Quelqu’un peut-il rejeter une science qu’il n’a pas étudiée ?
« 3° Si l’astrologue mesure par les principes mathématiques les différents arcs de direction pour une naissance, et peut prouver que son problème est correct selon les données de la science astronomique, cela n’est-il pas une preuve, à quelque degré, que l'astrologie est une branche des mathématiques ; et, laissant ses pronostics hors de la question, n’a-t-il pas des titres pour être loué au moins comme astronome ?
« h° Si la phréuologie est une science aussi utile qu’elle est indubitablement une science curieuse, pourquoi l’astrologie ne serait-elle pas encore plus utile ; car, si l’une dit ce qui est, l’autre dit ce qui sera? »
Une des objections les plus sérieuses qui aient été faites et qui puissent être faites contre l’astrologie est la fatalité.
Si les aslres règlent les destinées de l'homme, il n’est donc pas libre, ("est l’objection commune à toutes les sciences qui traitent de la divination et aussi à la phrénologie. On ne peut, ce nous semble, mieux y répondre que par des exemples. Des somnambules, chose imprudente et condamnable, ont été quelquefois interrogés par certaines personnes sur l’époque de leur mort. Ils répondent toujours; c’est un de leurs travers. Non seulement nous avons bien rarement entendu dire à un somnambule : Je ne sais pas, mais ils ne savent pas même se servir d’une forme dubitative et incertaine ; ils ne connaissent que l’affirmation et donnent souvent pour certain ce qui n’est que probable. Il faut ajouter qu’ils ne se trompent que rarement ; dans ce cas, il arrivera fréquemment qu’à l’époque annoncée la mort ne frappera point la personne ; mais presque toujours une maladie grave surviendra, qui, si elle n’était pas convenablement traitée, entraînerait vraisemblablement la mort. Ainsi, ce sont les efforts humains qui arrêtent l’exécution de l’arrêt révélé, dont la réalité ne peut guère être méconnue. La fatalité, c’est donc une tendance ; elle existe à ce titre ; mais ce n’est rien de plus : l’homme a reçu le pouvoir de la combattre et de la neutraliser par ses efforts. Il en est sans doute ainsi des influences astrales qui existent ; mais que l’on peut annihiler, principalement par la prière à Dieu et par l’invocation des saints ou des parents décédés en odeur de sainteté. La foi peut transporter les montagnes ; elle peut aussi faire triompher sur des ennemis, sur des dangers semés sur votre route, et, sur le pire de tous, sur les passions ou mauvais esprits qui vous assaillent.
I)u reste, l’influence astrale nous paraît quelquefois singulièrement exagérée par les astrologues, lorsque, par exemple , tous à peu près d’accord, ils assignent certains caractères physiques et moraux aux personnes selon les signes du zodiaque, sous lesquels elles sont nées. Rien de plus erroné : nous avons voulu vérifier l’exactitude de ces caractères sur plusieurs personnes. Presque toujours il y a eu erreur. C’est donc un chapitre à retrancher, et c’est bien à tort que l’au-
teur prétend expliquer ainsi la dissemblance de beaucoup d’enfants avec leurs parents. Lorsque cette dissemblance existe, elle n’est souvent qu’apparente , et la ressemblance se trouvera avec un aïeul ou une aïeule. Ces dissemblances peuvent aussi provenir de causes fortuites et secrètes ; mais, en l’absence de ces causes, nous les croyons fort rares.
Comme conclusion, nous considérons les deux ouvrages dont nous avons parlé comme très-sérieux, très-graves ; nous les recommandons à l’attention et à, l’étude de tous les magnétiseurs.
L. LAMOTHE.
MM. les Abonnés dont l'abonnement expirait fin décembre 1856 sont priés de vouloir bien le renouveler l«plus tôt possible , s'ils ne veulent éprouver de retards dans l'envoi du journal.
Les envois de fonds, les réclamations doivent être adressés à M. le baron daPotet, propriétaire-gérant, ruode beaujolais, 5.
Baron d«POTET, propriétaire-gérant.
INSTITUTIONS.
Société dn Mesmérisme.
La Société du Mesmérisme a tenu, le 26 février, sa séance annuelle. M. le docteur Louyet, secrétaire, a donné lecture d’un rapport sur les travaux de la société pendant l’année qui vient de s’écouler. Nous en extrayons les renseigne ments les plus importants.
11 est entré, pendant l’année, 53 nouveaux membres , il en est sorti 28 ; il y a donc une augmentation de 25 membres. La société est en voie de progrès ; c’est au zèle de chacun de ses membres qu’est dû cet avantage, qui ne pourra que s’accroître, si la bonne confraternité continue de régner parmi nous.
Pendant l’exercice qui vient d'être clos, on a reçu trois membres honoraires, savoir : madame la baronne du Potet, M. Cosson et M. Allix (Piémont). Quatre membres, après avoir soutenu des thèses, ont été reçus titulaires ; ce sont madame Louyet, MM. Brissonnet, Paul (Eugène) et de Gui-bert (ce dernier correspondant). Vingt-quatre membres ont passé des examens et ont été reçus stagiaires. Espérons que la plupart d’entre eux prépareront des thèses et que leurs travaux jetteront un nouvel éclat sur la société.
Deux cours ont eu lieu. Notre intelligent et laborieux collègue , M. Arnette, a fait un cours élémentaire de magnétisme ; M. Petit d’Ormoy a fait un cours de chirognomonie (art de reconnaître le moral de l’homme d’après les formes de la main) ; ce cours, où le professeur a montré autant de
science qne de sagacité, a été suivi avec beaucoup d’intérêt par un grand nombre de membres de la société.
Nos archives se sont enrichies d’une foule de communications et de traductions qui ont été faites par notre honorable vice-président M. Morin, dont le zèle pour le bien de la société nous est connu.
Des observations intéressantes, tendant à prouver la puissance du magnétisme sous le point de vue thérapeutique , nous ont été communiquées par 21 collègues. Parmi ces observations, il en est une qui vous a été communiquée dans la dernière séance et dont vous avez accueilli la lecture par d’unanimes applaudissements ; cette observation de M. Me-nouillard est relative à une hernie étranglée dont les accidents, qui se succédaient d’une manière effrayante, faisaient craindre qu’on ne fût obligé d’avoir recours à une opération chirurgicale, opération qui, dans cette circonstance, est souvent suivie de la mort ; mais le magnétisme, employé avec discernement par notre habile collègue, a su triompher de tous les accidents et rendre à la santé un père de famille dont la vie était gravement compromise. Cette observation , qui est la troisième de ce genre que renferment nos annales, peut être citée avec orgueil à nos antagonistes.
C’est en multipliant,,en accumulant les observations, que nous assurerons le triomphe du magnétisme ; car les faits ont une éloquence qui porte avec elle la conviction.
Il est un ordre de faits sur lequel nous désirons appeler l’attention de la société : nous voulons parler des magnétisations faites aux séances publiques.
En 1856, il a été magnétisé au Waux-Hall 1149 personnes, dont 791 hommes et 358 femmes ; sur ce nombre, il y a eu 871 personnes sensibles, dont 360 hommes et 311 femmes.
Il résulte de là que le rapport des personnes sensibles, sans acception de sexe, est des trois quarts ou 75 pour 100; celui des hommes sensibles est de 7 dixièmes ou de 70 pour 100 ; celui des femmes, de 15 dix-septièmes ou 87 pour 100.
Il est à remarquer que nous ne donnons ici que la moyenne d’une année ; peut-être la moyenne des personnes sensibles subira-t-elle une légère différence lorsqu’elle sera prise sur plusieurs années. Toutefois, nous devons faire remarquer que la moyenne des hommes sensibles, qui a été donnée par M. Hébert à son cours, est exactement la même que celle que nous avons trouvée, c’est-à-dire de 70 pour 100. Mais il n’en est pas tout à fait de même de la moyenne des femmes sensibles : M. Hébert a trouvé qu’elle était de 80 pour 100, tandis que nous l’avons trouvée de 87.
Les personnes qui s’intéressent au progrès du magnétisme doivent voir avec joie le nombre toujours croissant des visiteurs qui se portent à nos séances. Ceux-ci doivent être généralement satisfaits, non seulement de la manière prudente et habile avec laquelle les magnétiseurs font les expérien-ces, mais aussi des discours chaleureux et éloquents du baron du Potet', qui porte d’une main si ferme le sceptre du magnétisme, et qui sait si bien faire passer dans l’âme de ses auditeurs le feu sacré dont il est animé.
Nous venons, Messieurs, de vous donner une idée succincte des travaux de la société. Espérons que l’année qui commence sera plus fructueuse encore que celle qui vient de s’écouler. Continuons d’étudier avec ardeur la grande question du magnétisme. Songeons à l’influence que peut avoir sur l’avenir de l’humanité la ferme volonté d’une société comme la nôtre, qui n’a d’autre ambition que celle de faire le bien. Un jour viendra, comme le disait ici avec une profonde conviction un de nos plus éloquents collègues, M. Salvat, où l’on tiendra à grand honneur d’appartenir à la Société du Mesmérisme, car ce sera un titre à l’estime et à la reconnaissance publiques.
L’affluence de la foule qui se presse à nos séances est une preuve que nos efforts ne sont pas infructueux. Le magnétisme, grâce à l’impulsiog que nous lui donnons, se généralise tous les jours. Il est aujourd’hui pratiqué dans la chaumière du pauvre comme dans le palais des grands. Nous apprenons avec satisfaction qu’il vient de faire son entrée à
l’hôpital Saint-Antoine, où l’on commence à l’employer contre l’épilepsie et l’hystérie, ce qui fait espérer que le magnétisme ne tardera pas à. avoir sa place marquée dans le domaine des sciences médicales. La Société du Mesmérisme n’est pas étrangère à ces résultats satisfaisants qui sont bien faits pour stimuler son zèle et pour lui donner l’espérance que ses efforts seront couronnés de succès.
Ce rapport lumineux a été accueilli avec une vive satisfaction :
M. Arnette, trésorier, a présenté la situation financière de la société.
Il a été procédé ensuite au renouvellement du comité qui se trouve ainsi composé pour l’année.
Président, M. le baron du Potet ; vice-présidents, MM. A. S. Morin et Petit d’Ormoy; secrétaire, M. Louyet; vice-secrétaire , M. Vuillerme Dunand ; censeur, M. Ogier ; vice-censeurs , MM. Paul, Courteaux , Brissonnet et Bacot ; trésorier, M. Arnette, et bibliothécaire-archiviste, madame Louyet.
CAUSERIES SUR LE MAGNETISME.
QUATRIÈME CAUSERIE.
Patience et persévérance.
Notre histoire, nos faits et gestes, notre vie complète, tout se trouve-t-il écrit d’avance dans un livre mystérieux qu’on nomme le destin? Sommes-nous des pantins dont un agent invisible fait mouvoir les ficelles, ou bien réglons-nous nous-mêmes notre propre destinée ? Nous appartenons-nous?
Le magnétisme jette-t-il quelque lumière au milieu de la sombre nuit qui nous environne? Oui, répondrai-je hardiment. Le somnambulisme, l’extase et la magie nous offrent des phénomènes dont la signification est claire et sensible pour toute intelligence sans prévention. Il faut donc croire à une sorte de fatalisme comme les Orientaux et accepter le bien et le mal, comme venant non de nous-mêmes, mais découlant d’une source cachée à tous les yeux, et que nul n’a pu découvrir.
Lecteur, vous croirez ce que vous voudrez de mon récit et de mes assertions. Ma croyance est encore incertaine d’ailleurs ; elle vous importe peu, mais les faits ont un caractère qu’il est impossible de mépriser.
L’homme qui n’admet que la vue des yeux a une bien courte vue. Celui qui n’a point reconnu la vue de l’esprit ressemble à un homme qui, apercevant un livre fermé, ne cherche point à l’ouvrir, ne fait nul effort pour en saisir le caractère, en deviner le contenu , et dit avec assurance,: il n’y a, rien d’écrit.
Non, il n'y a rien d’écrit, mais le présent est gros de l’avenir. Non, tu ne vois pas le chêne qui existe dans un gland. Il s’y trouve pourtant comme une pensée dans ton cerveau qui un jour se traduira par un acte. Tout est pesé, réglé dans la marche des astres et dans toute la nature. Où nous croyons voir la confusion, l’ordre existe ; où nous apercevons le hasard, il y a une chose réglée d’avance et qui devait apparaître. Notre raison est si faible, si bornée, qu’elle ne peut saisir que des apparences et croit pourtant saisir la vérité. C’est que toujours intervient la raison d’aujourd’hui qui ne sera pas celle de demain. Nous jugeons d’après nos sens , sens plus ou moins obtus, et qui, lorsqu’ils sont développés et parfaits, nous trompent souvent encore. L’illusion est notre compagne. Elle ne cesse son jeu cruel qu’à la mort. Peut-être même dans l’autre vie ne se dégage-t-elle pas entièrement de nous. Il faut bien que cela soit nécessaire , puisque Dieu l’a permis.
C’est ainsi que vous voyez la science faire et défaire à chaque instant ses systèmes. N’est-elle pas aussi pleine d’illusions lorsqu’elle remonte aux causes ? Le savant saisit les faits, et, plein d'orgueil, il s’écrie : Je sais. Tu sais, non comme on te l'a dit, mais tu sais que tu ne sais rien.
Nous avons une faculté que Dieu n’a point accordée aux animaux autant qu’à nous, c’est un privilège inestimable : nous raisonnons ; mais souvent nous sommes comme la cloche sur laquelle le marteau a frappé. Des sons sortent de nous sans que nous ayons la conscience du moteur de nos pensées, sans que nous saisissions l’agent mystérieux qui a fait mouvoir les ressorts qui ont produit le bruit. L’infaillibilité est le plus grand mensonge que les hommes aient jamais pu adopter comme une vérité ; car la vérité absolue est impossible dans les •choses abstraites, et les choses physiques sont fdles des choses abstraites. Un enfant peut à chaque instant couvrir de confusion le plus grand savant, en lui demandant : pourquoi ceci, pourquoi cela, qui est-ce qui a fait ceci, qui est-ce quia fait cela? Est-ce donc qu’il faille mépriser le génie et n’en tenir nul compte? Non, ce serait raisonner en insensé.
Mais pourquoi ne remonterions-nous pas à la source de nos erreurs et n’obéirions-nous point à cette loi qui nous pousse à rechercher sans cesse la vérité ? Comment, voici de nouveaux phénomènes qui nous montrent que notre âme peut percevoir sans les organes des sens, et que, plongés dans le plus profond sommeil, nous pouvons prendre connaissance des lieux éloignés de nous, voir ce qui s’y passe et l’indiquer clairement ; comment, l’âme humaine verra dans le corps, son domicile, les mouvements propres à la machine, en décrira les rouages, et, mieux qu’un Esculape, verra ce qu’il faut faire pour en réparer les désordres, et la science sera muette, et devant nous, qui annonçons ces phénomènes, les savants ne remueront pas plus que des bornes !
Des événements bien au-dessus du calcul humain sont annoncés ; ils viennent confondre notre raison et les philosophes se taisent. Les voyants peuvent apercevoir encore les Êtres morts depuis des dizaines d’années, lorsque ceux-ci leur étaient inconnus, décrire leurs mœurs, les habitudes -qu'ils eurent, les maladies qui les firent mourir, etc., et ces phénomènes, parfaitement constatés, ne trouventpàs parmi les savants un homme qui en cherche l’explication, un homme qui désire les voir et les produire ! Cela cache à nos yeux l’action de la Providence. Cet aveuglement, dont sont frappés les savants était nécessaire pour que la lumière se répandit en dehors du sanctuaire des sciences, de ce réceptacle des scories et des immondices de la matière. La science vraie sera bientôt dans toutes les familles , on n’ira plus aux •écoles de médecine chercher les idées systématiques de nos illustres professeurs sur les maladies et la santé, sur l’art de guérir enfin. Non, on donnera, au contraire, des leçons pratiques du nouvel art aux professeurs anciens, on leur montrera comment on guérit les maladies sans remèdes, quoique privé de leurs vastes connaissances.
Bientôt on n’introduira plus dans le sang de l’innocent un poison funeste pour détruire un poison moins dangereux. Nous voulons parler de la vaccine. La fièvre se guérira sans quinine, et sans que l’estomac ait à souffrir du remède. On
demandera h ce grand art médical, implanté dans les nations comme le gui sur des arbres vigoureux, de vouloir bien montrer son utilité dans les épidémies, de nous dire enfin quelles sont les maladies qu’il saitguérir, et tandis que la chirurgie restera inébranlable, mais restreinte dans sa pratique, la médecine verra bientôt sa décadence, comme ces vieux pouvoirs fondés sur la crédulité humaine qui croulèrent malgré l’appui que leur prêtèrent des milliers de docteurs bourrés de grec et de latin.
La vérité a ce privilège qu’elle détruit l’erreur : elle est comme le soleil qui chasse devant lui les ombres et fait cesser la nuit. La vapeur, l’électricité, le magnétisme humain, voilà les champions révolutionnaires de notre temps, le pivot physique et moral de la société nouvelle , la force matérielle, la force morale , l’agent de la vie comme principe de médecine, ce que révèle l’âme comme la loi religieuse. On rira de ces assertions, de la foi que nous avons. Ceci importe peu. Les hommes qui prédirent les plus grands événements ne furent crus de personne ; mais ils furent justifiés . par les faits. Quel est donc celui qui n’aurait pas traité de fou l’homme qui aurait annoncé, il y a un siècle, les clian-. gements survenus dans les arts industriels et dans les sciences -physiques par l’application des forces mortes découvertes. -Hé bien ! le magnétisme, force vivante, est aussi réel, mais supérieur en vertu à tous ces agents ; ce que quelques-uns en savent sera bientôt connu de tous, mais il restera à con-/Vertir les savants. Ils seront les derniers à entrer dans la voie du progrès. Me voilà bien loin de mon point de départ, «je'vais y revenir dans la prochaine Causerie.
Baron du Potet.
{La suite au prochain numéro.)
CONTROVERSES.
DOIT-ON RÉGLEMENTER LE MAGNÉTISME?
Beaucoup de magnétistes, et des plus distingués, frappés de 1 abus qui pouvait être fait du magnétisme, ont demandé que l'exercice en fût soumis à des règlements émanant de l’autorité publique, à l’instar de ce qui a lieu pour l’exercice de la médecine, de la pharmacie et de plusieurs autres! professions. Ces vœux jusqu’ici n’ont pas eu un grand re-' tentissement, et tout porte à croire qu’ils n’ont aucuns chance d’être prochainement exaucés, du moins en France.. Cependant, comme les progrès rapides du magnétisme doivent, dans un avenir plus ou moins rapproché, attirer sur cette question l’attention de quelques personnages influents, nous croyons utile de combattre, pendant qu’il en est temps encore, une tendance que nous croyons funeste, et de prémunir nos amis contre les dangers du régime qu’ils sollicitent.
Nous avons en France une foule de professions dont l’exer- • cice est soumis à des règlements inspirés par le besoin de' sauvegarder le public; le privilège en est réservé à des cor-: porations où l’on n’est admis qu’après certaines épreuves! ayant pour but de donner des garanties de moralité et de capacité; l’autorité publique ou des chambres syndicales exercent uûe surveillance sur les membres de la compagnie, maintiennent la discipline et travaillent à prévenir et’ à réprimer les abus. Nous ne nions pas l’utilité dé ces1 institutions pour certaines professions qui participent en quelque sorte des fonctions publiques. Mais on ne pourrait étendre ce régime sans porter de graves atteintes à la liberté,
et il y a une limite au-delà de laquelle le public aurait plus à souffrir du monopole qu’il n’aurait à profiter des garanties organisées en sa faveur. Ou peut se demander si cette limite n’est pas dépassée. Ainsi la médecine, bien qu’elle ne soit pas syndiquée, est réglementée ; nul ne peut exercer sans avoir obtenu le grade de docteur ou celui d’officier de santé. Eh bien, qu’arrive-t-il ? C’est que, d’une part, des docteurs confessent hautement l’impuissance des moyens de guérison dont leur diplôme leur confère le privilège. D’un autre côté, on voit surgir, en dehors de l’enseignement officiel, des procédés thérapeutiques accueillis par la faveur publique et justifiés par de nombreuses et éclatantes guérisons : rebouteurs , toucheurs, jugeurs d’eau , ho-mœopathes , disciples de Raspail, magnétiseurs, somnambules , etc., font à la médecine une rude concurrence; et , certes, les individus guéris d’une manière hétérodoxe s’applaudissent de la tolérance qui prévaut sur les règlements restrictifs. S'il en était autrement, si des peines sévères frappaient tous ceux qui enfreignent les règlements conservateurs du monopole , l’humanité serait privée des procédés bienfaisants que la médecine repousse. Dans les cas même oü la science avoue son insuffisance, il serait défendu au malade de recourir à ceux qui, sans caractère public, ont le pouvoir de guérir. Une telle conséquence est inadmissible. Et puisqu’en fait, une foule d’individus étrangers à la médecine guérissent sans être • poursuivis , ne vaudrait-il pas mieux en finir avec des règlements qui, de jour en jour, tendent à tomber en désuétude , et supprimer définitivement un monopole qui ne peut se justifier?
Aux Etats-Unis, il existe aussi des diplômes de médecins, qui sont pour le public une recommandation imposante, mais qui ne confèrent pas de privilège exclusif. La mortalité n’y est pas plus grande qu’en France, et personne ne s’y plaint de la concurrence illimitée. Ne vaudrait-il pas mieux aller chercher là des exemples, plutôt que dans quelques Etats despotiques qui ont cru devoir réglementer le magnétisme?.,,
En premier lieu, les abus du magnétisme sont-ils d’une telle gravité qu’il importe d’y porter remède par des mesures restrictives? La réponse ne peut être douteuse. Sans doute, pour appliquer efficacement le magnétisme au traitement des maladies, il est bon d’avoir fait quelques études ; mais ne nous exagérons pas l’utilité de l’enseignement théorique sur ce sujet. Les auteurs sont extrêmement divisés sur le choix des procédés ; on doit donc en conclure qu’aucun ne jouit d’une supériorité incontestable : tous réussissent , aucun n’est le seul nécessaire. L’homme de bien qui a la volonté énergique de soulager son semblable en lui communiquant l’excès de vitalité dont il dispose, et qui suit son instinct, obtient presque toujours autant que s’il s’assujettissait à des manipulations indiquées par les théoriciens ; pour peu qu’il magnétise fréquemment, il arrive à se perfectionner, il rectifie sa pratique, il s’attache aux procédés dont il a obtenu de bons résultats , et, tout ignorant qu il soit, il parvient à faire un excellent guérisseur. Puységur nous atteste que son domestique, homme illettré, mais plein de zèle et de dévouement, opérait des cures admirables. Le magnétiseur inexpérimenté réussira moins bien ; mais le pire qui puisse arriver, c’est que ses efforts soient complètement impuissants, et alors le malade ne sera pas dans une condition plus mauvaise que s’il n’avait pas eu recours au magnétisme. Il y a bien des cas où le magnétisme ne doit être employé qu’avec beaucoup de ménagement, tels que ceux de phthisie , d’hémorrhagie'; mais il suffit à cet égard d'une brève instruction pour que les novices s’abstiennent d’intervenir. Il ne peut donc arriver que bien rarement que l’emploi du magnétisme soit préjudiciable.
Quant aux abus du magnétisme, ils sont étrangers au traitement des maladies. Quelques individus, nous le reconnaissons, ont employé le magnétisme dans un but coupable; mais tous les règlements imaginables seraient insuffisants pour prévenir le retour de ces faits déplorables. Il est certain que les personnes qui en ont été victimes, ont eu à se reprocher une impardonnable imprudence. Car quiconque,
sans être malade, se fait magnétiser dans un but de curiosité , ne doit se confier qu’à un homme dont la moralité et la délicatesse lui soient bien connues, et les convenances lui font une loi de prendre toujours quelques témoins, comme l’ont prescrit Deleuze et les autres guides du magnétisme. Celui qui méconnaît ces sages prescriptions, doit s’imputer les conséquences fâcheuses de sa légèreté. Bien plus : ceux qui ont fait du magnétisme des applications condamnées par la moralité ou les bienséances, n’ont point manqué de sujets complaisants, disposés à se prêter sans réserve à tous les genres d’expérience, et qui, par conséquent, n’avaient pas le droit de se plaindre. Bien quoce concours ne suffise pas pour justifier cet emploi regrettable d’une faculté qui ne devrait servir qu’à l’amélioration de l’homme, il s’ensuit néanmoins que les abus du magnétisme ne sont pas à craindre pour les personnes qui, fidèles aux règles de la décence, trouvent dans les inspirations de leur conscience les moyens suffisants de se préserver de toute atteinte répréhensible. Il n’est donc aucunement besoin de loi pour empêcher de tels écarts.
Pour réglementer le magnétisme , il faudrait opter entre deux systèmes : ou n’en permettre l’exercice qu’aux médecins , ou l’accorder seulement à toute personne qui justifierait de sa capacité.
Le premier système est adopté dans le royaume lombard-vénitien. Ce n’est autre chose (comme l’a très-bien fait remarquer M. Guidi) que livrer le magnétisme à la discrétion de son ennemi. La plupart des médecins méconnaissent le magnétisme, refusent même de l’examiner, le dénigrent systématiquement : leur en confier le privilège, c’est leur permettre de le proscrire, c’est les délivrer sans coup férir d’un rival importun. Une telle mesure ne peut avoir été prise que dans le but de proscrire le magnétisme : il eût mieux valu le prohiber ouvertement que de le tolérer hypocritement sous des conditions qui équivalent à une interdiction.
L’accaparement du magnétisme par les médecins n’est ni rationnel ni équitable. En effet, si la médecine exige de Ion-
gues et laborieuses éludes, il n’en est pas de même du magnétisme, qui fournit line thérapeutique naturelle à l’usage de tout le monde, un'moyen universel pour les hommes de s’entr’aider ; quiconque a de la santé et un ardent désir de faire le bien, sera , s’il le veut, magnétiseur. Celui qui, voyant souffrir son ami, son parent, et qui, ému de pitié , lui apporte son concours charitable, doit-il attendre, pour agir, qu’un médecin diplômé soit venu lui en donner la permission ? 11 est évident que les médecins ne pourraient suffire à apprécier tous les cas. Et d’ailleurs, il ne faut jamais mettre un homme entre son devoir et son intérêt. Dans mille circonstances où le seul emploi du magnétisme peut guérir promptement le malade , croit-on que le médecin se bornera à conseiller un pareil traitement qui pourra être administré par le premier venu? Ce serait s’effacer, abdiquer son importance et renoncer aux avantages de sa position. On ne peut attendre de lui une pareille abnégation. Le médecin doit vivre de la maladie, comme le prêtre de l’autel. Même en lui supposant toute la probité, tout le désintéressement possible, il ne pourra se dépouiller de ses préjugés, répudier les doctrines de l’école , incliner la science devant la force toute-puissante de la nature : il ne faudra pas qu’on puisse dire qu’il est venu en vain, il fera donc des ordonnances, appliquera le codex et prescrira des substancespharmaceutiques.
Conviendrait-il mieux d’organiser un corps officiel de magnétiseurs brevetés? Mais il y aurait dès l’abord une grande difficulté : à. qui appartiendrait-il de conférer des grades? Ce ne pourrait être évidemment aux corps actuellement constitués, qui n’ont sur cette matière aucune compétence, et les seuls qui s’en soient occupés, ayant manifesté une vive antipathie contre le magnétisme. Il faudrait donc créer tout exprès une sorte d’académie magnétique : non seulement une telle création rencontrerait une violente opposition dans le monde savant, mais on peut dire de plus que la science du magnétisme est trop peu avancée pour qu’on puisse en composer une doctrine ayant pour organe un aréopage chargé de formuler des décisions.
En supposant établi un pareil corps, il aurait qualité pour constater les connaissances des candidats en magnétisme. Mais, comme nous l’avons déjà dit, le magnétiseur qui se borne à guérir, n’a nullement la prétention d'être un docteur en magnétisme, et il n’a pas besoin de science pour rendre service à son prochain. La mère, qui presse son enfant contre son sein et qui parvient ainsi à calmer subitement ses souffrances, fait du magnétisme sans s’en douter ; l’ami qui prend la main d’un malade , qui, par l’énergie de sa volonté et la puissance de l’amour, soulage ses maux , est aussi un magnétiseur sans le savoir. Leur interdira-t-on ces soins affectueux, à moins qu’ils ne soient pourvus de brevet? Non, sans doute. Mais à quels signes distinguera-t-on le magnétisme permis à tout le monde, et celui qui sera réservé aux diplômés? Ce ne pourra être d’après le mode de procéder ; car il y a de puissants magnétiseurs qui ne gesticulent pas et qui agissent par la pensée, par le regard, par la parole. On ne s’attachera pas au titre ; car les mots ne sont rien, et les hommes qui obtiennent le plus de résultats n’ont pas besoin de titres pompeux ; ils renonceront même à celui de magnétiseur, s’il doit entraîner pour eux quelques embarras, ce qui ne les empêchera pas de faire du magnétisme.
Il est impossible de déterminer la part de magnétisme à interdire au vulgaire non breveté, et toute interdiction aurait nécessairement pour résultat de priver la société d’une partie des avantages qu’elle peut tirer du magnétisme.
Le somnambulisme doit être apprécié d’après des considérations particulières. Ici les abus et les dangers sont évidents , personne ne peut les nier. Le somnambulisme sert de passeport à des exploitations honteuses. Un grand nombre d’individus donnent des consultations en simulant le somnambulisme ; d’autres sont réellement somnambules , mais ne possèdent pas la moindre lucidité. Ils abusent ainsi de la crédulité des consultants. Il est arrivé quelquefois que les magistrats ont poursuivi pour escroquerie ceux dont la conduite présentait les caractères du délit. La loi fournit à
cet égard les moyens de répression suffisants. Il est bien entendu qu’on ne peut atteindre ainsi que ceux qui se rendent coupables d’actes frauduleux. Mais quand le somnambule se croit lucide, ou môme quand rien ne prouve sa mauvaise foi, convient-il d’exiger de lui des garanties pour qu’il puisse tenir un cabinet de consultations ? En d'autres termes, doit-on assujettir les somnambules à faire vérifier leur lucidité par des juges compétents, avant de leur permettre d’exercer?... On ne peut songer sérieusement à employer un tel moyen. Car, tout ce que pourrait faire un jury d’examen, ce serait d’éliminer les candidats chez lesquels il ne reconnaîtrait aucune lucidité, et de délivrer, au contraire, à ceux qui auraient montré de la clairvoyance, une attestation où seraient même relatées les expériences qui auraient déterminé la décision du jury. La première partie de ce triage serait un bien; mais la seconde aurait d’énormes inconvénients. Il s’en faut de beaucoup que tout le monde se fasse une juste idée de la lucidité telle qu’elle existe chez les sujets où elle a pu être observée. Une foule de personnes regardent les somnambules comme des oracles infaillibles et se conforment aveuglément à toutes leurs décisions , soit qu’il s’agisse de maladies, d’affaires de famille, de détournements, etc. Nous avons eu plus d’une fois à faire voir les conséquences funestes de cette confiance illimitée ; nous n’avons cessé de rappeler que la lucidité était très-variable, même chez les sujets les plus éminents ; qu’il n’y avait ni pour ceux-ci, ni pour le magnétiseur ou le consultant, aucun moyen de discerner les cas où ils sont lucides, de ceux où ils ne le sont pas ; qu’il ne fallait donc faire usage de leurs réponses qu’avec la plus grande réserve et les soumettre à un contrôle sévère ; nous avons même cité dernièrement, à ce sujet, les aveux très-explicites du fameux Alexis et de son plus fervent admirateur. Si, malgré les avis réitérés des personnes versées dans le magnétisme, tant de gens persistent à prendre pour guides les somnambules, que serait-ce donc quand ceux-ci étaleraient une pancarte où leur lucidité serait officiellement et authentiquement con-
statée? Les consultants verraient clans un pareil titre un brevet d’infaillibilité délivré sous la garantie du gouvernement. L’engouement ne ferait que s’accroître, et l’autorité aurait à se reprocher tous les malheurs que son patronage aurait multipliés.
11 ne faut donc pas songer à faire intervenir, soit l’autorité publique, soit môme les sociétés magnétiques, pour classer les somnambules. C’est au public seul à faire ce discernement, et le devoir des hommés éclairés est de répandre de saines notions sur les secours qu’on peut attendre de la lucidité, et de prémunir contre les dangers d’une crédulité irréfléchie.
Les lois actuelles, si elles étaient rigoureusement exécutées, auraient pour résultat non la régularisation , mais la suppression du somnambulisme. Tous les somnambules qui donnent des consultations, peuvent être poursuivis, soit pour exercice illégal de la médecine, soit pour contravention à l’art, h79 (n° 7) du Code pénal, qui punit les gens faisant métier de deviner et pronostiquer ou d'expliquer les songes. Plusieurs somnambules ont été condamnés à des peines de simple police ; mais le nombre de ceux qui ont été poursuivis est extrêmement restreint comparativement à la multitude de ceux qui exercent; et, depuis plusieurs années, on n’entend plus parler de semblables poursuites ; on a sans doute compris, dans les régions élevées, que les lois faites ■À une époque où le somnambulisme était presque inconnu, ne peuvent être appliquées à un nouvel ordre de faits , qu’elles ont eu pour but d’empêcher les charlatans et les filous de se prévaloir de facultés imaginaires, mais qu’on n’est pas coupable en exerçant des facultés réelles qui, bien employées, peuvent rendre d’immenses services. On en est donc venu h une tolérance à peu près complète ; on laisse faire non seulement les somnambules et les médiums, mais aussi ceux qui, par des moyens plus problématiques, essaient de découvrir les choses inconnues.
Nous ne pouvons qu’applaudir à cette conduite libérale de -l’autorité. L’esercice de la divination entraîne des abus, sans
doute ; niais où en serait-on si, pour prévenir l’abus, on interdisait l’usage? On arrêterait la marche de l’esprit humain. Les meilleures choses entraînent avec elles des inconvénients , surtout au début : en les perfectionnant, on parvient à diminuer progressivement la part du mal et à faire prédominer celle du bien. C’est ce qui arrivera pour le somnambulisme. A mesure qu’on le connaîtra mieux, on apprendra à s’en servir sans danger, on l’appréciera à sa juste valeur. La science ne s’acquiert qu’à force de travaux et des tâtonnements : les chutes et les déceptions renferment leur instruction et nous apprennent à mieux nous diriger, à mieux réfléchir. Soyons nos propres éducateurs plutôt que d’implorer saus cesse une tutelle qui nous dispense de la lutte, mais qui ne nous préserverait des faux pas qu’en noua garrottant les membres.
En résumé, nous nous rattachons à la maxime des économistes : Laissez faire, laissez passer. Nous pensons que les, magnétistes feront sagement en acceptant le régime actuel : qu’ils ne fassent pas la faute de demander des verges pour se faire battre.
a. s. MORIN.
CLINIQUE.
GUÉRISON PAR I.E MAGNÉTISME D'UN CAS DÉSESPÉRÉ DE FIÈVRE TYPHOÏDE.
A Monsieur du Potet , président de la Société du Mesmérisme de Paris.
Je crois de mon devoir, et dans l’intérêt de la Société du Mesmérisme de Paris, de donner communication d’une cure opérée à l’aide du magnétisme dans un cas de fièvre typhoïde compliquée d’une congestion cérébrale sur une jeune personne de quinze ans et demi, ainsi qu’a pu l’attester notre honorable collègue M. le docteur Louyet, qui fut appelé à visiter la malade, et qui assura qu’elle ne pouvait être sauvée que par le magnétisme.
Désirant fournir un document précieux pour la Société du magnétisme et ajouter un nouveau fleuron à ses annales déjà si riches de preuves convaincantes par les bienfaits de son institution, j’ai relevé les détails qui vont suivre.
Dans le courant du mois de janvier dernier, je fus appelé par le père de cette jeune personne, M. Polac, tournèur-re-pousseur, rue Volta, n° 7. Il me fit prévenir, dis-je, que sa fille était à l’extrémité et que je n’aurais peut-être pas le temps de la voir.
Il était minuit. J’y fus en toute hâte, et je trouvai plusieurs personnes réunies croyant assister à une agonie.
De fait, la malade avait les yeux hagards et la parole lui était enlevée, l’ouïe paralysée. Depuis près de trois heures, la crise durait. A ma vue, retirant sa main renfermée dans celles de sa mère, elle me fit douloureusement signe, et, par un geste automatique, qu’elle était privée de la parole et de l’ouïe. Jeme baissai vers elle, lui soufflant sur la face, et, parla seule force de volonté, la parole revint comme par enchantement. Elle bégaya aussitôt et put prononcer presque instan-
tanément les noms chéris de papa et de petite mère, ce qui fit éclater en sanglots les parents et les personnes présentes, surprises de la rapidité de cette opération, et parmi lesquelles se trouvaient plusieurs incrédules.
Ceci se passait le sixième jour de la maladie, et quoique
M- le docteur C..... eût donné ses soins à la malade dès le
début, il n’avait encore apporté aucun soulagement, attendant, disait-il, que la maladie soit entièrement déclarée , ce qui ne l’empêchait point de constater les symptômes d’une fièvre typhoïde.
Veuillez m’excuser de la longueur de ces détails, mais ils sont importants.
La malade , ayant recouvré la parole, me fit la prière de passer la nuit près d’elle, disant qu’elle en serait bien heureuse.
Je lui accordai bien volontiers ce qu’elle appelait une faveur, et ce que je regardais, moi, comme un devoir. Je restai près d’elle en compagnie d’une personne qui consentit à veiller avec moi. Je la tins la nuit entière sous mon influence magnétique. Elle la passa très-calme.
Je suivis les progrès de la maladie de jour en jour ; j’en étudiai les phases jusqu’à entière guérison. Voici ce que j’observai : Vers le onzième jour de la maladie, les crises firent plus de progrès ; toutes étaient très-violentes et souvent répétées ; il y avait contraction des mâchoires, surdité complète, crampes et délire, etc. Les dents serrées et impossibles à ouvrir se relâchaient. Un égal succès avait lieu à l’égard de la surdité qui, beaucoup plus tenace, finit néanmoins par céder, surtout pour moi, que la malade entendait plus distinctement que les personnes étrangères.
Chaque soir, j’actionnai pendant deux ou trois heures, et le calme parfait dont la malade jouissait lui donnait assez de force pour résister et combattre la maladie, et en m’en allant, j’avais soin d’indiquer aux parents la manière de me suppléer. Ce qu’ils firent avec un courage sans égal. Enfin , vers la dernière période , un soir que je visitais la jeune fille, je la trouvai plus mal que les jours précédents,
le pouls variait de 120 à 160 pulsations par minute. Ce soir-là il était si bas qu’à peine je pouvais le sentir. Je reconnus une des crises d’où dépendent la vie ou la mort. J’essayai de combattre le mal ; je dégageai l'épine dorsale par des frictions. Je fis des passes à grands courants ; j'appliquai de la flanelle magnétisée. Les crampes étaient très-fréquentes, je les fis cesser, la fièvre était à son plus haut degré; lamaladeperditpresqueconnaissance; comme il était trop tard pour me procurer de la glace que je croyais nécessaire pour m’aider à dégager le cerveau, je pris en place de l’eau sédative que j’avais sous la main, et j’en appliquai des compresses sur la tête, aux poignets et aux chevilles. A peine étaient-elles posées qu’elles étaient sèches et fumaient comme un linge trempé dans l’eau bouillante. Ce traitement fut continué , et le calme ne revint que vers quatre heures du matin.
Voici les deux plus fortes crises que j’ai eues à combattre pendant vint-huit jours que j’ai magnétisé la malade.
Pendant ce temps, que faisait le médecin ? Il ordonnait de la tisane de fleurs de mauve et du sirop de groseilles jusqu’au dernier jour de la maladie ; car, ayant pour ainsi dire condamné plusieurs fois la malade, il n'osait l’aban-bonner, étant surpris de la retrouver chaque jour vivante, regardant cela comme extraordinaire et prodigieux (telles sont 9es propres paroles), et ne pouvant concevoir, disait-il, « qu’un si petit corps puisse supporter une si grande maladie. «
Disons en passant qu’ayant ordonné un vésicatoire volant à la cuisse, et les parents m’ayant manifesté le désir qu’il soit posé, croyant que cela pourrait être utile, la malade s’y; refusa. En ayant instruit le docteur, il en ordonna un second , mais beaucoup plus grand , pour appliquer depuis la naissance du cou jusqu’au milieu du dos. Cette fois, je m’y refusai, et la jeune fille s’en trouva bien. Le docteur alors finit par dire que l’on pouvait donner à la malade tout, oe qu’elle demanderait, qu’il n’y avait plus rien à faire pour lui. Il resta quelques jours sans revenir. Plus tard, comme je
l’ai énoncé plus haut, il dit : « C’est vraiment prodigieux. Les maladies ne se ressemblent pas, et la nature est parfois bizarre, » et il cessa tout à fait ses visites.
Avant de terminer, permettez-moi de remercier, au nom de l’humanité, M. Lejoint (marchand de rubans), qui, quoique n’appartenant à aucune société, a bien voulu, pendant quelques jours, me prêter son concours pour me suppléer pendant le jour avec une ardeur et une bonne volonté sans égale; car son caractère sympathique le force au bien qu’il peut faire chaque fois qu’il en trouve occasion. Les parents ont apporté également un zèle et une force morale admirables pour pouvoir soulager leur enfant. Puisse cet exemple Être suivi par les personnes qui peuvent douter de l’efficacité du traitement par le magnétisme, et, nous l’espérons, leurs efforts seront couronnés du succès par la preuve que nous avons conquise et la guérison obtenue ; car rien n’est resté de cette terrible maladie, sinon de la croissance et un embonpoint assez prononcé , et pour ainsi dire pas de convalescence, car la malade put sortir le cinquième jour.
Recevez, monsieur le Président, l’hommage de ces notes au profit de la Société du Mesmérisme de Paris.
Votre respectueux serviteur,
J. THUVENIN,
Membre stagiaire de la Société du Mesmérisme de Paris.
Je, soussigné, déclare que ma fille a été, selon ma conviction, sauvée par le magnétisme, et j’ai signé le rapport ci-joint comme remercîment à la Société du Mesmérisme.
polac ,
Tourneur, rue Volta, 7.
FAITS ET EXPÉRIENCES.
T.ÜCIDITÉ ; DÉCOUVERTE t)E DÉTOURNEMENTS.
Un commerçant honorable , dans la véracité duquel j’ai toute confiance, m'a dernièrement raconté le fait suivant :
« Ayant eu à faire un fort paiement à la fin du mois de janvier dernier, je m’aperçus qu’il manquait dans ma caisse une somme de 1,700 fr., et un examen attentif ne me fit découvrir aucune trace d'effraction. J’avais seul la clef de la caisse ; je ne savais à quelle cause attribuer ce déficit. Je ne soupçonnais personne. Trois individus seulement avaient quelquefois accès dans mon bureau , tous trois avaient ma confiance ; deux sont des parents qui viennent souvent chez moi, et le troisième est de la maison.
« Voulant pénétrer ce mystère et prévenir peut-être d’autres détournements, je m’adressai à madame Ogier, dont j’avais entendu vanter la lucidité. Son mari me'fit observer préalablement qu’en ces sortes de matières il ne fallait accueillir qu’avec beaucoup de prudence les réponses des somnambules , et que les plus clairvoyantes commettent des ■erreurs. Il endormit sa femme, à laquelle je présentai des objets ayant appartenu aux trois personnes en question. Elle les examina successivement. Quant aux deux premiers, elle me dit que ça venait de deux personnes qui étaient parentes , et qu’elles étaient étrangères au fait qui me tourmentait.
« Quand elle eut palpé le troisième objet, elle exprima une vive douleur mêlée d’effroi, et elle refusa de s’expliquer. J’insistai ; il me fallut de grands efforts pour vaincre sa régugnance. Enfin elle se décida à me faire des révélations qui lui coûtaient beaucoup. Il s’agit, dit-elle, d’une
personne de votre maison ; elle a trahi votre confiance, c'est elle qui vous a enlevé la somme qui vous manque. — Et elle me désigna minutieusement la personne ; le portrait était fort exact au physique et au moral.
« Hésitant encore à croire à cette découverte, je demandai par quels moyens avait été commise la soustration. Voici ce que me répondit la somnambule : I,a personne dont il s’agit a toujours sur elle un trousseau de clefs, parmi lesquelles i y en a une qui ouvre votre caisse, bien qu’avec un peu de peine ; c’est de cette clef qu’elle s’est servie ; il y a bien longtemps que dure ce manège, et elle’a détourné bien des sommes à plusieurs reprises ; elle a serré tout cela dans des meubles qu’elle ouvre avec les clefs de son trousseau , et elle change souvent de cachette ; cherchez dans tel et tel meuble ; il y a plus que vous ne croyez ; il y a quelques pièces d’or ; il y a aussi des billets de banque, ils sont pressés, froissés, et même un peu déchirés.
« Peu de jours après, je voulus vérifier l’exactitude de ces déclarations. Je trouvai moyen de m’emparer du trousseau, et je reconnus effectivement qu’une des clefs ouvrait ma caisse. Après avoir essayé les diverses clefs, je trouvai dans les endroits que m’avait désignés madame Ogier quelques louis et la somme de 5,500 fr. en billets de banque qui étaient froissés et déchirés, comme on me l’avait annoncé. 4
« Je fus atterré ; car la vérité était bien triste, et pourtant, en me dévoilant un abus de confiance dont j’ai été victime, on m’a rendu un service signalé. »
Des motifs de convenance m’empêchent de nommer l’auteur de ce récit qui fournit un nouvel exemple de l’utilité qu’on peut tirer du somnambulisme.
a. s. MORIN.
VARIÉTÉS.
l)n journal anglais, le Dai/y-Union, cite un cas de maladie fort extraordinaire qui a été constaté dans les derniers temps par le docteur Charles Summer, de Rochester.
Le sujet était,upe jeune fille de dix-neuf ans, d’un tem-, pérament nerveux, mais d’une excellente santé, la fille d’un respectable fermier de Butterauts, dans le comté d’Otsego-. Yorkshire.. Elle se présenta pour la première fois chez le docteur le 28 avril 1855, pour se faire extraire du bras droit une aiguille qui avait: dû y pénétrer par accident, pendant qu'elle s’occupait de quelque ouvrage de couture. Le docteur eut bientôt découvert l’aiguille , elle se trouvait à peu près au milieu de l’avanUjras, entre le coude et le poignet. On procéda à l’extraction , qui n’offrit pas la moindre difficulté.
A peu près une semaine après cette première visite., elle revint che* le docteur. Le docteur retrouva, presque» la.mêmp place que la précédente , une aiguille de la môme forme et de la même grandeur, qu’il se mit aussitôt en devoir d'exr-traire. La semaine suivante, il eut à extraire, toujours du même bras,, six aiguilles. Celles-là étaient enfoncées un peu plus profondément dans la chair, à trois pouces du coude. Le 29 mai, il en retira quatorze dans la partie inférieure de l’arrière-bras ; le 30 , il en découvrit dix-sept dans le bras et l’épaule. Plusieurs de ces dernières se trouvaient sous,lié* piderme, mais la plupart étaient enfoncées profondément dans les chairs, et quelques-unes sous le muscle biceps. Une aiguille très-grosse avait les deux tiers de sa longueur engagés dans l’artère brachiale.
Le total des aiguilles extraites fut de trois cent quatre-vingt-une. Cette jeune fille était sujette à des accès de som-
nambulisme. Elle souffrait si 011 extrayait les aiguilles pendant la veille ; elle ne s’en apercevait pas dans le sommeil.
Le docteur s’est occupé, pendant fort longtemps, des recherches les plus consciencieuses pour trouver les causes de cette singulière maladie ; niais jusqu’ici toutes ses peines ont été inutiles. Cependant, il est sûr que la jeune fille doit avaler ces objets, seulement elle déclare ne savoir aucunement quand, où, ni comment elles les prend. « Il est sûr que je les prends, dit-elle, mais je 11’en sais rien. » Elle est très-bien portante sous tous les autres rapports. »
Ce n’est pas le premier cas de cette étrange maladie que l’on a à constater. Il y a une vingtaine d’années qu’un cas semblable se présenta à Faringdoa, dans le Berkshire, et les journaux américains nous en ont cité un dernièrement complètement identique. Dans les faits divers de possession et les procès de sorcellerie, on a constaté une foule d’affections de ce genre, et nous aurions trop à faire s’il nous fallait citer tous les malheureux qui laissèrent sortir par diverses parties de leur corps des aiguilles, des épingles, etc. De Saint-André, dans ses Lettres sur la Magie, parle d’une jeune fille de son temps, qui, après avoir perdu le mouvement et la respiration, vomit pendant plusieurs mois des coques d’œufs, du verre, des coquilles, des clous de roues de chariot, des couteaux, des aiguilles et des pelotes de fil. On en vit d’autres voinir des serpents, des crapauds, des hiboux, etc. Comment expliquer ces faits? Ces objets avaient été avalés par les pauvres malades , à leur insu, dira-t-on. Soit. Nous voulons bien supposer des estomacs capables d’ingérer de telles substances. Mais comment se fait-il que des aiguilles prises par la bouche et descendues dans l’estomac s’en viennent ressortir par l’avant-bras? Ces divers faits sont un mystère bien inexplicable, qui devrait faire réfléchir nos savants et leur montrer qu’il y a encore bien des choses dont le secret leur est inconnu.
Z. PIÉRABI,
POURSUITES POUR EXERCICE ILLÉGAL DE LA MÉDECINE.
On lit dans les journaux :
«M. Fortin, curédeLevis, commune de l'arrondissement d'Auxerre, se présentait dernièrement devant la chambre des appels de police correctionnelle pour répondre à une poursuite d’exercice illégal de la médecine et de la chirurgie ; voici dans quelles circonstances : M. le curé de Levis est, à ce qu’il paraît, fort habile dans l’art de rebouter, c’est-à-dire de remettre en place les membres démis ou les muscles forcés. Sa réputation et son désintéressement étaient tels que les blessés affluaient chez lui de plusieurs lieues à la ronde. Or, dans le nombre, il s’en trouvait quelquefois qui avaient plus que de simples luxations. Il fut condamné, le 8 août 1856, par le tribunal d’Auxerre, à 1 fr. d’amende, pour exercice illégal de la médecine.
«C’était làunsimple avertissement; aussi, à partir de ce moment, refusa-t-il toutes espèces de soins lorsqu’il s’agissait d’autre chose que d’un simple reboulage, à moins que les blessés ne fussent assistés d’un officier de santé. Une lettre anonyme ayant dénoncé ces faits à l’autorité, une instruction eut lieu, et elle établit qu’il ne s’était plus livré qu’à de simples reboutages, et que toutes les fois que le cas paraissait grave, il faisait appeler un officier de santé. C’est ainsi qu’un employé des contributions, qui s'était donné une entorse violente que n’avaient pu réduire les traitements ordinaires, étant venu le trouver, il fit appeler l’officier de santé de la localité, leva l’appareil en sa présence et guérit l’entorse par de simples pressions, qui ont pour résultat de faire rentrer les muscles dans leur place et de faire disparaître l’engorgement. Plusieurs faits de ce genre étaient relevés contre lui, mais, dans tous les cas graves, il y avait eu assistance de l’officier de santé, et, dans aucun, M. le curé n’avait voulu recevoir la moindre récompense.
« Néanmoins, de nouvelles poursuites eurent lieu, et le tribunal n’ayant condamné M. le curé de Levis qu’à 15 fr. d’a-
mende, M. le procureur impérial d’Auxerre a interjeté appel à raison de ce que le tribunal n’avait pas appliqué les peines de la récidive. Mais la cour a repoussé cet appel, et, en outre, se fondant sur ce qu’il avait remis le fond en question, elle a rendu un arrêt qui renvoie complètement le prévenu des fins de la plainte. »
Les faits qui précédent montrent combien ces Messieurs de la faculté sont chatouilleux à propos de l’txercice illégal de la médecine. Les nombreux procès intentés à des somnambules sont aussi là pour le prouver. On a remarqué que de tous ceux qui traitent les malades sans diplôme, ils n’ont jamais fait poursuivre que les hommes bienfaisants dont les soins et les avis étaient constamment couronnés de succès (et ici nous n’avons pas besoin de rappeler les persécutions auxquelles fut constamment en butte un des plus charitables magnétiseurs de ce temps, le vénérable Laforgue , de Pau). Donc, employez les ressources divines de la médecine naturelle, rétablissez des organisations empoisonnées ou à moitié détruites par les esculapes officiels, des dénonciations , de6 lettres anonymes pleuvront contre vous au part-quet, et vous aurez beau prouver par une foule de témoignages authentiques que vous avez toujours sauvé vos malades, tandis que vos accusateurs ont toujours perdu ou compromis la santé des leurs, les tribunaux vous condamneront en vertu de la lettre d’une loi surannée. En Angleterre et aux Etats-Unis, la législation est beaucoup plus tolérante à ce sujet. Il est permis à tout le monde de traiter les malades, et on n’y a pris de précautions que contre ceux qui prescriraient des ■substances toxiques dangereuses. Dans ces pays, ce n’est point la quantité et la qualité des diplômes qui établissent la confiance publique, mais la quantité des guérisons obtenues et l’importance des obstacles surmontés. L’absence de clientèle, de crédit, est la seule punition que l’on inflige à ceux qui exercent maladroitement la profession de guérir, quels que soient leurs titres. Encore une fois, quand aura-t-on le bon sens de croire que l’art de la médecine n’est pas une vaine science, abîme de conjectures on ne peut plus di-
verses et contraires, basée sur des recettes empiriques, sur tout un arsenal de drogues corrosives, de topiques irritants ou débilitants ; qu’au lieu de consister à chasser un poison par l’ingestion ou l’application d’un autre poison , de guérir un mal par l’introduction d’un autre mal, cet art existe plutôt dans l’application de remèdes simples et doux, et qu’avant tout il e9t une affaire de tact, d’intuition, d inspiration naturelle? Quand se persuadera-t-on , enfin , que la science médicale consiste avant tout à aider le travail de la nature, à la mettre à môme de produire des crises salutaires, à réveiller et à renforcer le principe de vie chez les malades, au moyen d’une action à la fois physique et morale émanant directement de ceux qui les traitent?
z. P1ÉRART.
MM. les Abonnés dont l’abonnement expirait fin décembre 1856 sont priés de vouloir bien le renouveler le plus tôt possible , s'ils ne veulent éprouver de retards dan» l'envoi du journal.
Les envois de fonds, les réclamations doivent être adressés à M. le baron du Potet, propriétaire-gérant, rue de Beaujolais, 5.
Baron dd POTET, propriétaire-gérant.
Les auteurs qui écrivent sur le magnétisme se plaignënf, en général, soit de l’inimitié, soit du dédain de la science officielle à l’égard de Mesmer.
Il y a peut-être quelque exagération dans leurs plaintes ; mais il est certain qu’en général le magnétisme a plutôt rencontré chez les corps savants une hostilité malveillante qu’une impartialité judicieuse. Il faut bien toutefois se garder de confondre l’esprit de corps qui anime les assemblées scientifiques avec les opinions individuelles des membres qui les composent. Pris un à un, ceux qui composent les académies ne sont ni plus ni moins malveillants pour les idées magnétiques que les hommes qui restent en dehors de ce cadre assez restreint d’ailleurs. Presque tous ceux qui sont arrivés à une position éminente dans la science ont spécialisé leurs études ; ils se sont fait une voie dont ils se détournent peu, et c’a toujours été à nos yeux une faute de s’adresser aux académies pour faire juger une branche des connaissances humaines qui existe par elle-même et ne peut dépendre de la décision de quelques-uns, si éclairés qu’on les suppose d’ailleurs.
L’idée magnétique fait son chemin régulièrement, en pénétrant petit à petit dans les masses par la pratique, en s’insinuant insensiblement dans les esprits même à l’insu de ceux qui en adoptent les principes.
On n’a qu’à se rappeler l’expédition que M. Babinet a faite dans lu Revue des Deux-Mondes contre les tables tournantes. Il a été forcé, à cette occasion , d’examiner les phénomènes dus à l’influence des êtres les uns sur les autres, et il a clairement déclaré la fascination comme un principe acquis à la science physiologique. Il a donc admis le principe
THÉORIE.
fondamental de la doctrine magnétique, l'action des êtres les uns sur les autres, sans l’intermédiaire des fonctions habituelles de relation.
Nous avons entendu dernièrement un membre de l’institut proclamer F influence mystérieuse de l’homme sur l’homme.
Encore un qui professe nos principes. En accepte-t-il les conséquences ? Nous l’ignorons, mais il est bon d’enregistrer ce témoignage à la suite des autres.
M. de Quatrefages, docteur en médecine, membre de l’institut , fait en ce moment, au Jardin des Plantes, un cours d’anthropologie.
Examinant la cause de la disparition des races inférieures devant les races supérieures, il croit qu’en dehors des causes évidentes et palpables de destruction, — la guerre que les colons européens font aux sauvages pour les déposséder du sol qu’ils occupent ; le changement d’habitudes de nations que l’on force à reculer devant la civilisation ; la famine qui résulte pour des peuples chasseurs de la diminution de leur territoire ; la variole dont nous leur avons fait présent, ou pour mieux dire que nous leur avons , par un échange assez malencontreux, importée en retour de la syphilis ; — les spiritueux — l’eau de feu — plus terrible aux sauvages que tous les fléaux que nous venons d’énumérer;
— il croit qu’en dehors de toutes ces causes, les races supérieures exercent parleur secrète présence une influence mystérieuse délétère (nous citons textuellement les paroles du professeur) sur les races inférieures.
Il a appuyé son opinion sur des faits privés qui nous semblent fort intéressants pour le magnétisme, d’autant que ces faits nous semblent, non seulement prouver l’action de races supérieures sur des races plus infimes, mais établir d'une façon générale l’action de l’homme sur l’homme par le simple rapprochement.
La première observation, en effet, que M. de Quatrefages ait citée à l'appui de son opinion s’applique à l’île de Saint-kilda, du groupe des Hébrides à la pointe occidentale de l'Ecosse. Or, les habitants des Hébrides ne sont autres
que les Pietés qui habitent aussi les montagnes de 1 t-cosse. Ils appartiennent à la race caucasique, et dans cette race au rameau celtique, branche des Gaëls ou Gaulois. Dans la plus grande partie des anciennes Gaules, l’occupation romaine, les invasions multipliées des peuples du Nord ont singulièrement modifié cette race, qui ne s’est conservée pure que dans l’Armorique (Bretagne bretonnante) et dans les montagnes de l'Ecosse. La lingustique, — par l’identité des dialectes breton et gaélique d’Ecosse, — et l’histoire, sans lacune depuis l’invasion romaine, qui a commencé à modifier la race des Gaules , démontrent cette origine des Pietés.
Or un ouvrage fort estimé du docteur Mac-Cullock, sur les êtres de l'Océan britannique , constate que toutes les fois que des étrangers abordent chez eux, les habitants de Saint-Kilda éprouvent un sentiment de froid. Il est vrai que le docteur, embarrassé de ce fait, qu’il ne peut expliquer, l’attribue à un préjugé. Mais préjugé ou non, l’expression ressentie est un fait constant.
D’ailleurs, ce qui prouve surabondamment qu’on ne saurait attribuer cette impression de froid à un préjugé, c’est que le fait n’est pas isolé.
Van-Couver signale la même observation faite à Otaïti.
Dielfembach a remarqué aussi cette impression chez les habitants de la Nouvelle-Zélande.
Voici donc trois observateurs qui, sans avoir aucun système préconçu, signalent, dans des localités fort éloignées l’une de l’autre, chez des races très-diverses, cette action singulière de l’homme sur l’homme.
C’est, du reste, un fait bien connu que les populations qui vivent isolées et sans commerce habituel avec des étrangers sont animées d’un sentiment de patriotisme exagéré, et, comme les Grecs, qui appelaient barbares tous ceux qui n’étaient pas de leur race, ils sont animés à l’endroit des étrangers d’un sentiment de méfiance très-prononcé.
Celui qui écrit ces lignes s’est occupé de l’étude de l’homme par les caractères de la main, et il a observé que les gens
timides, susceptibles ou défiants, — ce ne sont que des gradations d'un même sentiment, — éprouvaient, au contact subit d’une main qui presse la leur, une espèce d’horripila-tion, un soulèvement des pupilles écailleuses de l’épiderme qui ne peut s’apprécier qu’avec un toucher très-délicat, et beaucoup d’attention , attendu que le phénomène a très-peu de durée.
Qu’on rapproche cette observation de ce qu’on peut remarquer sur la peau d’un individu brusquement saisi par le froid , et l’on verra de suite l’analogie avec ce que l’on appelle vulgairement la chair de poule.
Si l’on a quelquefois touché la peau d’une personne dans un accès de fièvre, on aura remarqué cette rigueur cutanée toute spéciale caractéristique de cette affection. Cet état de la peau dans la fièvre n’est autre chose que la persislance du phenomène qui se développe et diaparait au contraire dans un temps très-court, lorsqu’on touche la main des personnes douées d’une sensibilité de sensitive.
Or les fiévreux éprouvent des frissons, c’est-à-dire un sentiment de froid par illusion, alors que la surface de leur corps est à une température suffisamment élevée.
Tous ces faits ont une analogie frappante et prouvent que le» impressions de froid qui ne viennent pas de la température ambiante sont dues à un état nerveux particulier.
Ne serait-il pas intéressant, au point de vue de l’étude du magnétisme animal, d’examiner si les races qui ont servi de sujets aux observations que nous venons de recueillir, en même temps qu’elles paraissent offrir un caractère physique commun, attestant leur susceptibilité nerveuse, ou, ce qui pour nous est tout un, leur sensibilité magnétique, n’ont pas aussi quelque caractère moral commun qui viendrait corroborer l’analogie?
Les Celtes ont toujours eu la prétention de compter chez eux beaucoup d’individus doués de facultés mystiques très-développées. L’idée religieuse a toujours eu un grand empire sur les esprits dans la race celtique, et nous trouvons chez les Druides la croyance aux communications ultra-mon-
daines, une foi vive clans l’immortalité de l’âme, un respect profond pour les objets consacrés.
Dans la Bretagne et dans les districts écossais, encore aujourd’hui occupés par les descendants des Gaëls, nous voyons une foi robuste à la divination ( seconde vue), aux pressentiments, etc. ; tout cela peut être mêlé à des superstitions.
A Otaïti, où les premiers missionnaires ont prétendu trouver le dogme de la Trinité chrétienne dans un Dieu Père, un Dieu Fils et un Dieu oiseau, mais où M. Ellis, qui a étudié à fond les mœurs et coutumes de l’île, a reconnu un polythéisme complexe mêlé à un naturalisme très-avancé, l’idée religieuse était aussi toute-puissante ; les tendances superstitieuses prononcées.
A la Nouvelle-Zélande, la race, beaucoup moins élevée sur l’échelle de la civilisation, professe une religion plus grossière ; mais comme à Otaïti, et s’appliquant d’une façon plus générale que clans cette île, on y trouve la loi du tabou, qui consacre les êtres ou les objets désignés par le prêtre, et les rend inviolables.
Les populations chez lesquelles on a remarqué l’impression de froid causée par la présence des étrangers, ont donc à un haut degré le sentiment de la vénération religieuse, que nous reconnaissons dans les sujets magnétiques de haut titre.
En ce moment où l’on parle tant à Paris de M. Hume, il n’est peut-être pas sans à propos de signaler qu’il est Ecossais et non Américain , comme l’ont dit presque tous les journaux. Nous n’avons pour notre part été témoins d’aucun des phénomènes qu’on a racontés à son sujet. Nous avons eu sa promesse de nous faire assister à une de ses séances, mais la promesse n’a pas été suivie d’effet.
Lorsque nous l’avons vu, nous lui avons demandé de quelle partie de l’Amérique il était originaire, et il nous a déclaré être Ecossais et non Américain. Son aspect seul, d’ailleurs, dénote sa race. La forme de son crâne, son regard annoncent des tendances à la rêverie mystique. Sa main, que
nous avons étudiée avec soin, a les caractères les plus prononcés du mysticisme. Nous avons trouvé chez lui à un haut degré le diagnostic dont nous parlions plus haut, de la susceptibilité timide, et, de plus, la peau présente aussi au premier contact un frémissement qui est pour nous la preuve qu’il éprouve à première vue , pour ceux qui l’approchent, un sentiment vif et prononcé de sympathie ou d’antipathie. Il a été frappé de ces appréciations qu’il a trouvées de la plus grande justesse.
11 m’a semblé utile de recueillir ces documents qui fournissent en faveur des principes du mesmérisme des arguments d’un ordre encore peu exploité. Mais, après les avoir été chercher dans les témoignages coïncidents de voyageurs qui ne peuvent être soupçonnés de s’être entendus, nous avons été frappé de ce fait que l’impression de froid occasionnée par la seule présence de certains individus était reconnue de tout temps par l’assentiment universel et constaté par le langage usuel. Qui donc introduit dans toutes les langues ces expressions figurées auxquelles l’usage nous empêche de faire attention ? Ce ne sont pas à coup sûr les savants officiels qui, produit d’une civilisation avancée, ont trouvé la langue toute faite , et ne tendent à la transformer, — doit-on dire à la perfectionner? — qu’en mode positif. Le langage figuré usuel prend naissance dans les civilisations commençantes, où la poésie est la seule littérature, disons lus où*les poè^s — les ®tres essentiellement sensitifs — ^'dépositairesdes traditions à 1» fois littéraires, scientifiques, philosophiques et religieuses. .
C’est dans leurs impressions plus délicates que celles de la foule ; c’est dans les traditions de l’âge d’enfance des peuples qu’ils ont trouvé ces expressions : J’en frissonne d’horreur ; _ cela fait dresser les cheveux sur la tête. Peut-on rapporter à une autre origine ces locutions : — Je suis glacé d’épouvante ; — la présence de cet homme a glacé l’assemblée..., et autres qui. pour le plus grand nombre, sont une figure qu’ils emploient sans y faire attention, mais qui, pour
les sensitifs, rendent un compte exact de l’impression qu’ils éprouvent?
Nous avons insisté sur ce point indiqué par M. de Quatre-fages comme prouvant une influence mystérieuse des êtres les uns sur les autres. Il nous a semblé, en effet, parfaitement concluant à cause de la coïncidence des témoignages qui le relatent, et d’ailleurs il est parfaitement d’accord avec les observations des magnétiseurs auxquels il fournit un bon et solide argument.
M. de Quatrefages a cité d’autres observations très-remarquables, et qu’il regarde aussi comme tendant à établir la preuve de cette influence mystérieuse.
Les habitants de l’île Pitcairn affirment que toutes les fois qu’un Européen débarque dans leur île, ils sont sûrs que quelque maladie se déclare. — Le professeur n’a pas dit & quel témoignage il avait emprunté cette observation.
J. Williams, missionnaire en Océanie, dit que toutes les fois qu’une navire européen a abordé une des îles océaniennes, il développe au premier contact des maladies à caractère endémique et surtout des fièvres, des dyssenteries, quoique l’équipage soit dans un état de santé excellent (1).
Cette influence pernicieuse semble encore à M. de Quatrefages venir à l’appui de son opinion. Cependant il a cité, sans la réfuter, une objection assez spécieuse du docteur Der-win, qui, en étudiant les maladies variées des races humaines, a attribué à des miasmes les endémies causées en Océanie par les équipages bien portants des navires européens.
Voici son hypothèse :
Les miasmes, suivant lui, provenant des hommes accumulés dans un petit espace, des salaisons rancies, miasmes qu’une aération imparfaite finirait par rendre pestilentiels ,
(1) Une compilation intitulée : Voyage pilloreique autour du monde , en relatant une épidémie occasionnée par la visite du capitaine Dillon à Ticopia (Océanie), énonce que la présence d'un Européen isolé ne produit aucun résultat fâcheux. — Aussi accueillent-ils les déserteurs. — Ce fait ne serait pas d'accord avec ce qui est raconté par les habitants de l'tle Pitcairn.
seraient cependant sans action sur les gens de l’équipage qui, montés d’abord sur un navire sain , se seraient petit à petit acclimatés à cette atmosphère vicide. Cette cause morbide sans action sur eux n’en serait pas moins pour les insulaires un foyer d’infection qui les décimerait. Le docteur cite du reste, à l’appui de son explication , un fait assez remarquable.
Sous le règne de Georges III, un prisonnier, renfermé depuis longtemps dans un cachot infect, n’en jouissait pas moins d’une bonne santé. Extrait de sa prison et transféré dans une autre par quatre gardes qui voyagèrent dans la même voiture, il leur communiqua une fièvre putride si grave que deux en moururent.
Mais quelque ingénieuse que soit cette théorie, elle tombe d’elle-même devant cette considération que les mêmes navires , quand ils abordent sur des côtes habitées par d’autres races que les races océaniennes, ne leur communiquent aucune maladie. On ne saurait donc attribuer les endémies occasionnées dans les îles de l’Océanie par le contact des Européens à des miasmes latents qui auraient une action aussi énergique sur toutes les races.
Que l’on admette du reste ou que l’on rejette cette influence pernicieuse par le simple contact des races humaines les unes sur les autres, il reste bien établi que la présence seule d’un homme occasionne, dans certaines circonstances, une impression de froid à d’autres hommes, ce qui démontre en principe l’action d’un être sur un autre sans l’intermédiaire des fonctions habituelles de relation. Or, c’est là la base de la doctrine mesmérienne , indépendamment de toute hypothèse théorique.
C'est cette preuve que nous avons voulu enregistrer.
A. PETIT D’ORMOY.
CAUSERIES SUR LE MAGNÉTISME.
CINQUIÈME CAUSERIE.
Patience et persévérance.
Le travail répugne à l’esprit, et les intelligences vulgaires ne font point d’efforts pour surmonter la paresse inhérente à la nature humaine. On n’apprend communément que ce que l’on est forcé de savoir et ce qui suffit pour prendre rang parmi les hommes de sa caste , de sa robe ou de son métier. Pour qu’une découverte ait quelque succès, il faut quelle puisse devenir une source de fortune. Quelque valeur qu’elle ait d’ailleurs , elle sera négligée si elle n’offre de jouissances qu’à l’esprit et au cœur. De nos jours, l’utilité , la valeur d’une chose s’apprécie par ce qu’elle rapporte.
Les vérités morales aujourd’hui sont dédaignées, leur utilité pratique contestée. On attaque même le sacerdoce qui, avec les mœurs actuelles et en présence des sciences dites exactes, semble n’avoir plus sa raison d’être. Il n’y a même plus de philosophes ni de chrétiens.
Le magnétisme n’offre donc qu'un côté attrayant, le côté merveilleux, auquel, il faut le dire, les hommes seront toujours un peu enclins. Ce n’est donc pas sous le point de vue médical qu’on le saisira d’abord. Non. Tout agent qui guérit ruine la médecine ; ce n’est pas non plus comme principe et base d’une philosophie nouvelle. A quoi bon, puisqu’on ne reconnaît point à cette science d’utilité? Aussi voyez-vous la science officielle ne pas reconnaître l’agent découvert par Mesmer, la médecine également n’en veut point comme force médicatrice. Le magnétisme serait donc tombé dans l’oubli, si le somnambulisme n’était venu offrir un ensemble de phénomènes inconcevables où le merveilleux se montre à chaque instant. Aussi, pendant un temps.
qui donc parlait du magnétisme ? Personne. On ne s’occupait que du sommeil dont il est pourtant seul la cause. Il y a toute une physiologie nouvelle dans les faits de magnétisme simple. Nul ne s’est occupé de la constituer. Cent fois j’ai convié les magnétistes à cette étude , leur indiquant une route nouvelle, la base enfin d’une science vraie. Après avoir vu les phénomènes susceptibles d’une étude rationnelle, ils retournaient au somnambulisme. Cependant, à force de persévérance, plusieurs ont compris que j étais dans la bonne voie, et que là était la source de toute connaissance positive. Est-ce donc à dire que la science est faite? Oh ! non. Bien loin de là. Il faut l’étude suivie, la persévérance dans l’observation, l’amour de la vérité, le dévouement et le sacrifice, toutes choses considérées comme niaises par les habiles de ce temps.
Magnétistes, voulez-vous forcer les médecins à étudier le magnétisme, guérissez les malades riches et faites-vous payer. Tant que vous ne guérirez que des pauvres, les médecins ne bougeront point, mais si vous guérissez les riches, c est bien différent. Humainement ils ne valent pas mieux que les pauvres, mais ils seront toujours préférés par les médecins, et je n’ai pas besoin d’en indiquer la cause.
Magnétistes, voulez-vous que les ministres de toutes les religions étudient le magnétisme, produisez les faits de l’ordre animique, vous remuerez le corps entier de vos antagonistes d’aujourd’hui. Tirez hardiment les conséquences rigoureuses des phénomènes produits, vous jetterez le trouble dans le camp des oisifs, des dédaigneux ou des nonchalants. La mémoire du passé leur reviendra ; ils vous maudiront ; mais un jour ils vous sauront gré de les avoir tirés de leur long sommeil.
Voulez-vous voir renaître la philosophie, la psychologie et la médecine, ayez de la patience, une persévérance à toute épreuve, la passion qui vous possède, cette passion éclora un jour dans le champ de l’indifférence. Les temps te suivent et ne se ressemblent point, proverbe qui sera toujours vrai. Il viendra, au jour marqué, un homme qui fera
révolution. Il apportera non l«magnétisme, nous l’avons, mais l’idée de sa loi et de sa valeur réelle, et alors prêtres, médecins, vrais savants, faux savants, philosophes, académiciens de tout rang, tous les hommes enfin qui pensent ou croient penser, tous prendront la fièvre de propagande , beaucoup môme auront besoin de douches , parce qu’ils iront trop loin. On ne s'entretiendra que de nouveaux miracles : le magnétisme vaudra de l’or; avec lui le médecin battra monnaie , le prêtre redonnera un lustre nouveau aux génies et aux dieux , les savants auront enfin un os à ronger. Il y a si longtemps qu’ils jeûnent, la société entière magnétisera ; la vérité aura l’éclat de la lumière du soleil, effet merveilleux du temps et de la patience. Quelques hommes qu’on oubliera bientôt auront produit ces grands changements , ils auront modifié l’ordre social, répandu de nouveaux germes sur le monde et réalisé le progrès que la philosophie a vainement cherché. Et que seront devenus les adversaires de la vérité ? La justice humaine exigerait au moins que leurs noms fussent conservés pour servir d’exemple aux générations à venir, afin d’empêcher que des luttes opiniâtres ne se reproduisent pour d’autres découvertes, pour d’autres vérités. La justice humaine est très-indul-gente, elle admet toujours des circonstances atténuantes, elle permet même qu’à la mort de misérables et coquins fieffés on chante sur tous les tons leur beauté morale et physique. Aussi bien, cette justice ne s’exerce que pour la forme, c’est sur le vivant, au lit du mourant, qu’elle devrait intervenir pour être efficace. Mais alors où prendrait-on les juges , qui d’entre eux jetterait la première pierre? Magnétistes, vous aurez fait votre œuvre de bien, donné la main à ceux qui vous ont poursuivis.
Ce qui soutient l’édifice religieux , ce n’est pas le haut clergé, on a trop de reproches à lui faire, ce sont de braves et dignes prêtres, honneur du sacerdoce , chez qui l’amour de Dieu égale l’amour du prochain. La véritable vertu ne recherche point les grandeurs, l’élévation ne (latte que l’orgueilleux. Pour l’homme simple de cœur, les dignités de-
mandent d’excessives qualités. Ah ! si le clergé avait beaucoup de ces hommes divins, de ces génies bienfaisants, les liens des familles seraient plus difficilement rompus, les gouvernements trouveraient leur tâche plus facile.
Le cœur se dilate au bien, il se resserre au mal. Le prêtre devrait toujours avoir un grand cœur, l'âme élevée ; on devrait le reconnaître de loin et son approche devrait suffire pour apaiser les passions... Quelle puissance il pourrait posséder, s’il savait ce que l’âme renferme de trésors inconnus ; s’ils connaissaient le magnétisme, quel bien ils pourraient répandre autour d’eux, dans les campagnes, où l’ignorance ne demande qu’à comprendre, où le génie du mal est si facile à chasser, où la science fausse n’a point encore perverti l’intelligence ! Les instincts généreux ne sont point éteints, on est près de la simplicité , c’est alors que l’éloquence vraie exerce un puissant empire sur les âmes et que les vérités morales sont goûtées et comprises.
La résistance du prêtre envers le magnétisme est venue d’en haut. On a fait un crime à de dignes prêtres de s’être approchés d’une science dont instinctivement ils devinaient et la portée et les bienfaits. On leur a défendu l’étude du principe nouveau. Obéissants, ils s’en sont éloignés. Que ne puis-je leur dire à tous : éclairez-vous, le magnétisme, c’est la foi renaissante, c’est le Christ en esprit, c’est la révélation constante des vérités d’en-haut, c’est pour vous le saint ministère et F œuvre des apôtres. Avec le magnétisme , vous pouvez continuer leur sublime mission, donner suite à ce qu’ils ont commencé, vous pouvez chasser l’esprit des ténèbres et rallumer le feu sacré qui s’éteint.
Puissent-ils entendre ma voix et sauver d’une ruine certaine des hommes imprudents qui, par de faux calculs ou par ignorance, se sont éloignés des vérités fondamentales de la religion, du vrai culte et de Dieu !
Baron D«Potet.
(La suite au prochain numéro.)
CLINIQUE MAGNÉTIQUE.
A Monsieur le baron du Polet, à Paris. u Monsieur,
n Je ne puis résister au désir de porter à votre connaissance des faits à mon avis très-merveilleux, et d’autant plus merveilleux encore qu’ils ont été produits par moi ignorant, ou tout au moins bien peu instruit en magnétisme, science sublime à ties yeux, et dans laquelle j’ai le désir le plus ardent de m’initier plus complètement.
« Vous voudrez bien, Monsieur, excuser l’incorrection de mon style et de mon écriture, et, afin d’éviter de devenir prolixe, me permettre de vous exposer tout simplement les faits sur lesquels je désire vivement que vous vouliez bien me donner votre opinion en même temps que vos conseils, afin de m’éclairer à l’avenir, le cas échéant.
« Ayant en mes connaissances médicales une confiance aveugle et que je suis loin de mériter, un de mes amis me sollicita vivement de visiter une dame T...., qui, depuis de longues années, était constamment souffrante, et qui, ayant entendu parler de moi, s’était formé de mon piètre mérite et des avis médicaux que je donnais parfois, une idée extraordinaire.
* C’était à Oran (Afrique), au mois de juin de l’an dernier.
« Je me rendis à la prière de mon ami et vis cette dame
qui est mariée et a été mère de deux enfants morts en bas âge.
« Elle me dit qu’à la suite d’une couche fort pénible, elle avait été atteinte d’un ulcère à la matrice, laquelle fréquemment tombait et lui causait de constantes douleurs.
u Les relations avec son mari étaient fort douloureuses, aussi les redoutait-elle beaucoup.
« Cet état durait depuis sept ans, et cette dame avait été successivement traitée à Montpellier et à Marseille, sans obtenir aucun résultat satisfaisant.
« Je la visitai en présence de son mari et trouvai un peu au-delà du col de la matrice un point douloureux , proéminent , mais de la nature intime duquel je ne pus m’assurer, n’ayant pas de spéculum.
« Je rencontrai en outre, à la partie supérieure du clitoris et sous les grandes lèvres, une sorte d’excroissance charnue , très-rouge, ne suppurant pas, mais quelquefois sanguinolente et siège de douleurs atroces, dans quelque position que fût la malade. Cette excroissance correspondait, comme douleur, au point qui existait à l’extérieur du col.
« La malade avait usé, d'après les conseils de plusieurs médecins successivement appelés, d’injections, de tisanes, de bains, de pilules, etc., le tout sans succès positifs. Depuis sept ans, sa vie n’était qu’un long martyre.
« J’imaginai une sorte de suppositoire formé d’un intestin de porc percé de trous d’épingles à une extrémité et contenant de l’huile camphrée mélangée à une solution d’iodure de potassium ; ce suppositoire touchait juste l’endroit du col où je supposais l’ulcère; je brûlai avec de l’alcool camphré, et non sans des précautions inouïes, l’excroissance au-dessus du clitoris; enfin, je prescrivis l’usage non interrompu d’un sirop dépuratif.
«Tous les jours, je veillais aux pansements faits par la malade elle-même, dont le courage était digne de tout éloge.
u Au bout d’un mois, les douleurs étaient moins vives , mais des flueurs blanches, qui existaient déjà avant le trai-
tement, étaient devenues tellement abondantes qu’elles fatiguaient la malade.
« Cette dame avait pris en moi beaucoup de confiance, et de mon côté, charmé de son courage et attiré d'ailleurs par des qualités morales des plus distinguées, j’avais voué à ma malade un dévouement sans bornes ; je ressentais, pour ainsi dire, ses souffrances, et j’éprouvais le regret le plus amer de n’avoir pas des connaissances plus étendues , afin de calmer plus promptement ses douleurs.
« Un jour, c'était vers la fin de juillet dernier, madame T.... me demanda en riant si je savais magnétiser, et je fus bien obligé de lui avouer que, quoique connaissant assez superficiellement le modus faciendi du magnétisme , j’en ignorais complètement la théorie; que, par conséquent, je ne pouvais l’appliquer, quelque désir que j’en eusse d’ailleurs, sans avoir au préalable étudié cette belle science dans les ouvrages qui en traitent.
« — Madame T.... Je voudrais cependant bien être magnétisée par vous, et je suis convaincue que cela me guérirait.
« — J’en suis réellement bien fâché, madame, mais je ne le puis pas.
« — Madame T.... Oh 1 si vous le vouliez, il suffit, m’a-t-on dit, de la volonté et d’une intention bienveillante, très-énergique ; or, à cet égard, je vous crois dans les meilleures dispositions que je puisse rencontrer chez un magnétiseur ; essayez, je vous en prie.
« — J’ai peur, je vous l’avoue, d’employer ainsi un agent de la puissance duquel je n’ai jamais essayé. Je crains que, malgré mon bon vouloir, mon ignorance s’oppose au bien que je désirerais vous faire, et devienne cause d’un mal dont je ne saurais mesurer la portée, et auquel je ne pourrais remédier. »
n La chose en resta là pour ce jour, mais le lendemain, nouvelle demande, nouveau refus de ma part.
« Je fus une troisième fois sollicité par cette dame et son mari. — Poussé dans mes derniers retranchements, je me
vis obligé de consentir à ce vœu qui était devenu une idée fixe.
« — Un jour donc, — le 18 au 19 juillet, — en présence de M. T...., je magnétisai cette dame, à une distance d’un mètre environ , au moyen de grandes passes de la tête aux genoux.
« Dieu me pardonne mon ignorance, j’étais bien embarrassé.
« J’avais la main gauche en pointe à la hauteur du sternum , — la malade assise et moi debout, — je faisais les passes de la main droite, — je l’avais priée de me regarder, croyant cela utile.
« Au bout de deux minutes : — Je ne puis vous regarder davantage ; vos yeux sont trop brillants, et d’ailleurs ma paupière s'alourdit.
« — Fermez donc les yeux et ne vous occupez pas de ce que je fais. »
« Elle sourit ; — j’étais un peu fatigué, je changeai de mains et continuai les passes dans le même sens.
« Au bout de sept à huit minutes, je la crus endormie et m’arrêtai.—Dormez-vous? lui dis-je, croyant toutd’abord avoir obtenu un résultat complet.
«—Non, me répondit-elle, mais je suis dans un état bien agréable ; je ne sens aucune douleur. Laissez-moi donc ainsi, je tous prie. Oh ! que je serais heureuse si je pouvais toujours être comme ça.
« Je continuai les passes deux ou trois minutes encore et m’arrêtai de nouveau ; puis, la laissant de côté, je me mis à causer avec M. T.... de cette singulière chose, etc.
c Au bout de trois quarts d’heure au moins, nous nous retournâmes vers madame T...., qui n’avait pas pris part à notre conversation, ayant gardé la même attitude et les yeux toujours fermés.
«— Comment te trouves-tu ? lui dit son mari.
« — Que tu es ennuyeux, je suis si bien ; ne me dérange donc pas.
«— Eli bien, madame, lui dis-je, je vais me retirer un instant ; couchez-vous bien vite, je vous magnétiserai encore un peu, lorsque vous serez au lit, et notre épreuve n’eût-elle d’autre résultat que de vous procurer une bonne nuit, que ce serait déjà quelque chose.
« Il fut fait ainsi que je l’avais proposé. — Le lendemain,
— nuit délicieuse, quoique sans sommeil profond,— les douleurs sont moins vives, — les selles un peu plus abondantes que de coutume, — pas de pansement ce jour-là, la malade en étant ennuyée, dit-elle.
v Le soir même, prière de recommencer ; je m’y refuse, me sentant moi-même un peu indisposé.
« Le 23 juillet, je magnétise de nouveau, mais au lit, la malade s'étant couchée de bonne heure, ce qui lui arrive rarement, et ayant dit à son mari qu’à 'heure à laquelle je l’ai précédemment magnétisée, elle éprouve le besoin de se coucher.
« Je fais les passes comme je l’ai déjà fait ; il me paraît, an bout de dix minues, que la malade dort réellement, — le visage est moite et coloré, — la respiration calme et large,
— les yeux fermés, un sourire gît au coin des lèvres, — toute la physionome exprime le bien-être.
« Dort-elle du sommeil magnétique?... je n’ose croire à tant de bonheur. Je prie tout bas son mari de l’appeler à haute voix, — elle ne répond pas, — son visage indique qu’elle n’a pas entendu.
« Ma foi ! je suis si joyeux et si fou de mon succès inespéré, que je fais quelques nouvelles passes, et, arrêtant mes deux mains à la hauteur du front, je formule en moi-même l’ordue de dormir à madame T.... jusqu’au moment où ma volonté l’éveillera.
« Je souhaite le bonsoir à M. T.... que j’engage à ne pas troubler le sommeil de sa femme.
« Je demeure à cinq cents mètres environ de M. T...., mais ma chambre est en face de la sienne, quoiqu’un rang de maisons me cache celle où il habite.
a Néanmoins, le lendemain matin, à cinq heures, je m’é-
veille, et, pensant à madame T...., je fais quelques passes dans la direction de sa demeure, et lui ordonne mentalement de s’éveiller.
« Je m’habille et me rends chez M. T...., qui est debout et vient m’ouvrir. — Sa femme a dormi toute la nuit ; quoiqu’il ait eu lui-même le sommeil très-agité, se soit levé, ait allumé du feu, fumé, promené dans la chambre à plusieurs reprises, — elle n’a rien entendu et vient de s’éveiller depuis cinq minutes.
« Je quitte Oran trois jours après. Madame T.... est au désespoir; elle voudrait que je restasse pour continuer à la magnétiser; elle est beaucoup mieux, — les flueurs blanches la fatiguent encore cependant beaucoup, mais les nuits sont plus calmes et les douleurs moins vives. La fréquence des selles a persisté.
« Je lui promets en riant de la magnétiser de Mostaga-nem (il y a vingt-deux lieues) chaque soir en me couchant, lorsque je m’y trouverai disposé. — Elle reçoit cette promesse avec enthousiasme et me sollicite vivement de ne pas l’oublier.
« Je suis à Mostaganem, et cinq à six fois en quinze jours, me souvenant de ma promesse, plein de bons tentiments à l’égard de M. et madame1,T...., j’exécute chez moi des passes dans la direction d’Oran.
« Je les fais avec une confiance imperturbable, — mais, dès que j’ai fini, je me sens fatigué , puis je doute de pouvoir, à cette distance, produire un effet quelconque, — cependant j’ai recommencé plusieurs fois.
« Un mois après, je reçois une lettre de M. T.... Sa femme est très-bien, elle ne souffre plus, ou du moins très-peu et pas constamment ; elle prend de l’embonpoint, de la gaîté, presque plus de flueurs blanches.— On me demande si j’ai tenu ma parole, je réponds affirmativement. On attribue à ce fait un sommeil régulier et réparateur que, depuis longtemps, la malade n’a pas goûté.
Trois mois après, — septembre 56, — je retourne à Oran et fais visite à M. et madame T.... Cette dernière va très-
bien ; elle ne sent plus rien du mal«qui l’a si longtemps affligée. Elle se croit enceinte de deux mois au moins !
« Que dois-je penser de ce miracle ? qu’elle est la meilleure source à laquelle je puisse puiser, afin de cultiver et développer mes facultés magnétiques ?
« Voilà, monsieur le baron , ce à quoi je vous prie bien humblement de vouloir me répondre.
« Je serai bien heureux si vous daignez m’honorer d’une réponse et me permettre de vous soumettre, le cas échéant, les phénomènes dont je pourrais être à l’avenir le témoin ou l’auteur, en vous priant de vouloir bien me guider et m’é-clairer dans la voie où j’ai le plus ardent et le plus ferme désir d’entrer.
« J’ai l’honneur d’être, etc.
« ANDRÉ, n
JurlKprinlcacc nia gni tique.
ARRÊT DE LA COUR DE LIMOGES.
SOMNAMBULISME ET EXERCICE DE LA MÉDECINE.
La cour de Limoges, par arrêt infirmatif d’un jugement du tribunal correctionnel, a décidé qu’une somnambule ne commettait point le délit d’exercice illégal de la médecine, et qu’il n’y avait point complicité de la part du magnétiseur lorsque l’un et l’autre agissaient sous la direction d’un officier de santé régulièrement inscrit, lequel signait les consultations à ses risques et périls et sous sa propre responsabilité. Elle a jugé aussi que l’officier de santé ne pouvait , dans le même cas , être poursuivi pour complicité de l’exercice illégal de la médecine.
Sans qu’il soit besoin d’apprécier, a dit l’arrêt, le magnétisme considéré comme constituant un ensemble de phénomènes naturels physiques et physiologiques, sous le rapport de sa valeur comme science pratique ou comme faculté d’intuition appliquée à l’art de guérir, il suffit, pour régulariser aux yeux de la loi les pratiques médicales des trois personnes en cause, que l’officier de santé, suivant son droit et sa qualité, à l’abri de son privilège, ait prescrit les médicaments et signé les ordonnances. Peu importe qu’il ait suivi ou non pour agir ainsi les indications de la somnambule, il a, d’après la loi, le droit absolu d’exercer la médecine, abstraction faite du mode de traitement employé ; il a suivi ce que dans ses appréciations libres il a cru le mieux ; c’était son droit, sauf toute juste cause de responsabilité. La prévention dans l’espèce n’avait signalé aucun accident comme étant la conséquence des actes incriminés.
Voici à ce sujet des détails que nous empruntons au 20 Décembre, journal de Limoges :
VARIÉTÉS.
« L’arrêt que nous recueillons ici est sans précédents dans la jurisprudence. La solution donnée par le tribunal de première instance aux questions posées avait été contraire à celle qui a été adoptée par la cour. Un pourvoi a été dirigé par le procureur général contre l’arrêt qui prononçait l’acquittement des prévenus. C'est assez dire que la cause soulevait de sérieuses difficultés.
« En 18i3 , la dame Cheyroux, somnambule, et le sieur Audiguet, magnétiseur, avaient été traduits devant le tribunal de police correctionnelle de Limoges, sous la prévention d’exercice illégal de la médecine. Ils furent l’un et l’autre condamnés à 15 fr. d’amende.
« A cette époque, les prévenus avaient donné des consultations nombreuses. Ils n’étaient assistés ni d’un médecin , ni d’un officier de santé. La cause ne pouvait donc être douteuse en droit.
uDepuis cette condamnation, ils ont demandé le concours d’un homme de l’art. Divers médecins ont successivement assisté aux consultations de la dame Cheyroux, ont pu contrôler la réalité de ses indications et ont rédigé sous forme d’ordonnances, en les modifiant ou non , les prescriptions de la somnambule. Le sieur Laporte, officier de santé à Limoges, s’est ainsi associé dans ces derniers temps aux actes de la somnambule et du magnétiseur. Suivant lui, la somnambule n’aurait été entre ses mains qu’un puissant instrument de diagnostic. Il est vrai qu’elle indiquait des remèdes que le médecin adoptait ou repoussait, mais elle n’était, dans tous les cas, que le moyen par lequel il arrivait à la découverte de la vérité et exerçait l’art de guérir. La prévention soutenait, au contraire , que sa présence aux consultations données était purement passive, et qu’il devenait le complice de la somnambule en s’associant aux actes émanés d’elle. Dans ce système, il était mis au même rang que le magnétiseur, dont l’assistance constituait aussi la complicité.
« Vers la fin de 1856, des poursuites ontété dirigées contre la dame Cheyroux, prise comme auteur principal du délit
d’exercice illégal de la médecine, et contre les sieurs Au-guet et Laporte, pris comme ses complices.
« Hâtons-nous de dire que nulle des consultations signées par Laporte , sur les indications de la somnambule , n’avait entraîné le moindre accident. Au contraire, une foule de témoins sont venus déposer devant la justice des guérisons surprenantes. Des certificats nombreux émanés de personnes très-honorables donnaient une nouvelle force à ces dispositions. »
RÊVES PROPHÉTIQUES.
Un gentilhomme, demeurant à quelques milles d’Edin-bourg, eut occasion de passer la nuit dans cette ville. Au milieu de la nuit, il rêva que sa maison était la proie de l’incendie et qu’un de ses enfants était au milieu des flammes. Il s’éveilla, et l’impression qu’il éprouvait fut tellement forte qu’à l’instant il sauta du lit, sella son cheval et accourut chez lui au galop. Conformément à son rêve, il trouva sa maison en flammes ; il s’y élança et sauva la vie à sa petite fille, âgée de dix mois, qui avait été oubliée dans une chambre où allait pénétrer le terrible fléau.
Nous empruntons le second fait à la relation récente d’un médecin. Une mère était inquiète de la santé de son enfant qui était en nourrice hors de chez elle : elle rêva qu’il avait été enterré vif. Cette horrible pensée l’éveilla, et elle se détermina à se rendre auprès de lui sans perdre un moment. A son arrivée, elle apprit qu’après une subite et très-courte maladie, il était mort et venait d’être enterré. Elle devint comme folle en recevant cette affreuse nouvelle ; elle exigea qu’on exhumât son enfant, et dès que le couvercle du cercueil fut enlevé , elle se jeta sur le corps inanimé et le serra dans ses bras. Bientôt elle sentit son enfant respirer, et les soins maternels le rappelèrent à la vie.
Le jésuite Malvenda, auteur d’un commentaire sur la Bible, vit une nuit en rêve un homme qui, plaçant une main
sur sa joue, lui annonça qu’il mourrait bientôt. Il jouissait alors d’une parfaite santé; mais bientôt après il fut atteint d’une maladie «le poumons qui l’emporta. Ce fait est raconté par le sceptique Bayle, qui le regarde comme trop authentique pour que môme un apôtre du pyrrhonisme puisse le révoquer en doute.
Nous terminerons par l’anecdote suivante qui, non seulement est certifiée par le témoignage du plus illustre de nos chimistes modernes, mais encore est rapportée comme étant arrivée à lui-môme.
Sir Humphrey Davy rôva une nuit qu’il était en Italie et qu’il était tombé malade. La chambre où il se voyait couché, le frappa tout particulièrement; il remarqua surtout les détails de l’ameublement, et observa combien tout cela était différent de ce qui existe en Angleterre. Il vit aussi dans son rêve une jeune fille qui le soignait avec beaucoup d’empressement, et dont les traits réguliers et délicats restèrent gravés dans sa mémoire. Quelques années plus tard, Davy voyagea en Italie, il y tomba malade , et il se trouva précisément dans la chambre qu’il avait vue en rêve, et il fut soigné par la jeune fille dont la vue avait fait une profonde impression sur son esprit. Le lecteur n’a pas besoin qu’on lui rappelle que l’authenticité de cette histoire repose sur le témoignage d’un homme éminent qui était trop ami de la vérité pour avoir voulu tromper, et trop intelligent pour pouvoir être trompé.
(Spiritual Te/egraph du 7 mars.)
BIBLIOGRAPHIE.
ESSAIS SCIENTIFIQUES , par Victor Meunier. Tome I ( ïn-12, au bureau de VAmi des sciences).
M. Meunier est connu par de nombreux travaux scientifiques dans lesquels il s’est attaché principalement à faire la synthèse des connaissances humaines; il expose ses idées avec une clarté admirable, et il excelle à vulgariser les conquêtes de la science. Dans le petit livre qu’il vient de faire paraître et qui n’est que le prélude d’un ouvrage plus étendu, il expose d’une manière lumineuse la loi de progrès qui régit l’humanité ; il fait voir quels immenses résultats ont été obtenus par le génie de l’homme; il exalte le rôle magnifique qn’a joué la science et celui qu’elle doit remplir dans l’avenir; il fait justice des systèmes arriérés qui veulent arrêter la marche de l’esprit humain , qui maudissent la terre comme une vallée de larmes, comme le séjour fatal voué à. la colère d’Ahrimane. M. Meunier prophétise à l’humanité les splendides destinées que lui préparent les progrès de la science dont les récentes découvertes sont bien faites pour nous inspirer une salutaire confiance. M. Meunier veut organiser lës efforts des savants, coordonner les études, et il présente un plan de constitution de la science. Nous aimons à, croire que cette généreuse initiative ne sera pas sans fruit, et que ses paroles éloquentes rallieront à sa doctrine de nombreux adhérents.
Nous avons remarqué un passage où l’auteur parle du magnétisme. « En ce moment, dit-il, une collection de faits dont le charlatanisme s’est emparé, que la routine académique a dédaignée, et dans laquelle les esprits sans prévention ne peuvent faire encore avec certitude la part du vrai et du faux, le magnétisme occupe la place centrale où s’élèvera une science sublime, celle des rapports du monde des esprits avec le monde des corps. » (P. 50.)
Il y a là une appréciation très-judicieuse de la nature du magnétisme et de la place qu'il doit occuper dans l’échelle des sciences ; nous devons savoir gré à M. Meunier de ce langage noble et bienveillant qui nous dédommage bien de l’obstination morose et encroûtée de certains savants. Mais nous sommes étonné qu’un aussi habile observateur que M. Meunier ait écrit qu’on ne pouvait faire encore avec certitude la part du vrai et du faux. Quelques lecteurs pourront voir dans cette déclaration un aveu que le magnétisme, ne reposant pas sur des faits suffisamment constatés, n’est encore qu’une belle hypothèse, qu’un système séduisant, mais qui attend sa confirmation de l’exp'érience. Nous ne pouvons croire que telle soit l’opinion de M. Meunier. Dire qu’il est difficile de faire la part du vrai et celle du faux, c’est admettre qu’il y a une part de vrai, c’est reconnaître la réalité du magnétisme. Et quant à ce triage qu’il regarde comme si difficile, il nous semble , au contraire, être à la portée de quiconque veut sérieusement étudier cette matière.
Parmi les faits du magnétisme, il en est un grand nombre qui se répètent journellement et qu’on reproduit avec la plus grande facilité ; rien de plus simple que de les constater. Il en est d’autres plus ou moins rares, soit parce qu’on ne les obtient que sur quelques sujets heureusement doués, soit parce qu’ils ont été favorisés par un concours de circonstances particulières ; ne pouvant être témoin de faits semblables, on est réduit à discuter, suivant les règles ordinaires de la critique, quel degré de confiance méritent les relations, ainsi qu’on le fait dans beaucoup d’autres sciences, notamment dans la zoologie et dans la médecine, dont les annales contiennent le récit de faits exceptionnels qu’on n’a pas le pouvoir de reproduire à volonté. Enfin il y a aussi dans le magnétisme des relations fort suspectes, dont les auteurs manquaient des qualités nécessaires pour observer convenablement : les faits qui ne reposent que sur une autorité aussi faible, doivent être élagués, non pas que nous soyons en droit de les regarder comme impossibles, ou même d’affirmer qu’ils n’ont pas eu lieu ; mais dès qu’ils ne sont pas suffi-
samment établis, ils ne peuvent être recueillis tout au plus que comme de simples renseignements ; ils ne sont pas acquis à la science.
En procédant comme nous venons de l’indiquer, on suit une marche vraiment philosophique, on apporte dans 1 examen du magnétisme le même esprit qui sert à l’étude des autres sciences, on prend toutes les précautions désirables pour se mettre à l’abri de l’erreur ; et les faits dont on peut vérifier scrupuleusement la réalité, sont assez variés et assez importants pour qu’on soit obligé de reconnaître la réalité de cet agent merveilleux à l’aide duquel l’homme peut exercer une influence pliis ou moins considérable sur ses semblables, sans l’emploi des moyens ordinaires de relation. Dès lors on admet le magnétisme. Connaître ses lois, son principe, les limites de son action, c’est ce qui ne nous appartient pas : mais du moins les travaux accumulés depuis Mesmer auront facilité la tâche à nos successeurs. Que sera donc dans l’avenir cette œuvre que déjà M. Meunier traite de sublime ? La loi de progrès, dont il est le fervent apôtre, nous autorise à dire que les prodiges de l’avenir dépasseront tout ce qu’aura rêvé l’imagination la plus féconde. Malgré ses réserves, dont le sens n’est peut-être pas assez clair, remercions-le et félicitons-le d’avoir salué l’aurore de la science des rapports du monde des esprits avec le monde des corps.
A. s. MORIN.
PHILOSOPHIE, DOCTRINES, INSTITUTIONS CRITIQUES , MŒURS ET BIOGRAPHIES MÉDICALES, par Louis Peisse.
C’est un excellent livre bien écrit, bien pensé, et qui fait beaucoup d’honneur à son auteur. Le manque d’espace nous empêche de l’apprécier convenablement; mais voici un passage du compte-rendu qu’en a fait M. Taxile Delor, l'un des collaborateurs du Siècle :
u M. Louis Peisse, dit M. Delor, n’est pas parmi les négateurs absolus de ces phénomènes magnétiques que l’on discute depuis soixante ans, et qui se sont compliqués dans
ces derniers temps d’autres phénomènes qui dépassent en étrangeté toutes les merveilles connues jusqu’à ce jour. Il est d'avis, au contraire, que la science, sommée de s’expliquer sur ces prodiges, doit répondre sous peine de faillir à sa mission. Il reproche en outre à la science de n’avoir pas compris les conditions logiques de l'examen des questions soulevées par l’avénement du somnambulisme, des tables tournantes et parlantes, des esprits, des revenants, etc. II pense que la réalité des phénomènes somnambuliques étant une vérité d’observation, il s’agit de savoir s’ils sont démontrables ou véritables par l’expérience. Dans ce dernier cas, ils doivent être acceptés purement et simplement à titre de faits, quelque discordants qu’ils paraissent avec les notions les plus certaines de la physiologie et de la psychologie.
« Cette théorie est aussi celle des magnétiseurs; les savants en ont une autre ; ils reconnaîtraient bien à la rigueur certains faits quoique inexplicables ou inexpliqués, ce qui revient au même, mais ils se croient obligés de repousser les phénomènes magnétiques, • non point parce qu’ils sont inexplicables, mais parce qu'ils sont impossibles. Or,qu’est-ce que l’impossible ? C’est ce qui n’est pas. La réalité est pour l’homme la seule mesure de la possibilité. Ne pouvant savoir sur cette réalité que ce qui lui est révélé par l’expérience, il n’a pas le droit de dire que telle ou telle expérience ne pourra jamais être faite, et, par conséquent, d’affirmer l’impossibilité d’un fait quelconque. S’il n’y a pas de faits impossibles, il y a des faits extraordinaires ; lorsque les Parisiens virent, le 2/i novembre 1783 , deux hommes s’élever dans les airs dans un globe de feu, ils furent témoins d’un fait extraordinaire, devenu fort ordinaire aujourd'hui, car le sentiment de l’ordinaire et de l’extraordinaire n’existe que dans l’esprit, et non dans la nature même des choses.
« Les phénomènes du magnétisme ne sont pas plus extraordinaires que ceux que nous montre à chaque instant le monde physique. Un individu éprouve certaines modifications psychiques et physiologiques en présence d’un autre indi-
vidu, c’est le magnétisme; la mer s’élève lorsque la lune est arrivée à un certain point du ciel, c’est Y ut tract ion. Comment le magnétisme est-il plus extraordinaire que l'attraction ? La science cependant repousse le premier et admet la seconde, en quoi la science se montre fort inconséquente. L’extraordinaire peut être 1111 motif de suspicion , mais non de négation. La science ne doit nier à priori (jue les faits posés en termes qui impliquent une contradiction et qui s’excluent mutuellement. Les théologiens musulmans prétendent que Mahomet a rais la lune dans sa poche. Nous le voulons bien, si la lune est assez petite pour entrer dans la poche, ou la poche assez grande pour contenir la lune. Sachons seulement s’il y a de telles poches et de telles lunes. L’expérience nous dit que non. Dès lors, les théologiens musulmans soutiennent une chose impossible et absurde, quand ils affirment qu’un corps de 782 lieues de diamètre a trouvé place dans un espace de 6 pouces carrés ; mais les phénomènes magnétiques n’étant ni contradictoires, ni opposés aux phénomènes ordinaires, comme ceux que racontent les théologiens musulmans ou autres, mais seulement différents, on ne doit pas, ajoute M. Peisse, les exclure de la nature et de la science, comme les académies ont eu tort de le faire.
« La partie qui traite des faits dits impossibles, extraordinaires , surnaturels , et de leur application au magnétisme animal, aux tables tournantes, etc., est sans contredit une des plus intéressantes du livre de M. Louis Peisse. Jamais le rationalisme n’a parlé un langage plus clair, plus sensé, plus méthodique, plus élevé, plus libéral. »
Taxile Delor.
Baron du POTET, propriétaire-gérant.
CONTROVERSES.
GUÉRISONS MIRACULEUSES.
L'Univers annonce que, le 16 mars dernier, on a célébré à Rome l’anniversaire d’un des miracles de saint Philippe de Néri, qu’il raconte en ces termes :
« Le 16 mars 1584, dans l’une des chambres du palais de Mossini, le jeune Paolo, âgé de quatorze ans, était à l’agonie ; l’enfant, se sentant mourir, demanda qu’on envoyât chercher Philippe de Néri, qui avait promis de l’assister à ses derniers moments. Le messager trouva le saint célébrant la messe ; et quand, après le saint sacrifice, Philippe se hâta d’accourir au chevet du malade, il n’était plus temps. Paol«était mort.
« Déjà le corps avait étélavé, et l’on s’apprêtait à l’ensevelir ; muis Philippe se mit en prières aux pieds de l’enfant, il l’aspergea d’eau bénite, il le toucha tout tremblant, interrompant ses oraisons par des appels suppliants: Paol«ï Paolo!... A cette voix puissante auprès de Dieu , le jeune homme se releva sur sa couche funèbre au grand saisissement de l’assistance. « Voulez-vous mourir ou vivre ? lui demanda le saint. — J’ai entrevu au ciel ma mère et mi sœur, j’aime mieux mourir, répondit l’enfant. » Et il retomba inanimé dans les bras de saint Philippe.
« Chaque année, ajoute le correspondant de l’Unirrrs, le retour de la date de cet événement domestique est célébré avec solennité dans la famille des Mossini. »
Les annales du catholicisme renferment un grand nombre
de pareils faits ; 011 en trouve également clic/, toutes les sectes religieuses qui n’hésitent pas à attribuer ces résultats merveilleux à une action miraculeuse, à une interversion des lois ordinaires de la nature. Le caractère surnaturel de ces laits semble à l’école rationaliste un motif suffisant pour les rejeter péremptoirement, la raison ne pouvant admettre de dérogation aux lois éternelles et immuables qui régissent l’univers. Malheureusement d’un principe vrai on a déduit une critique erronée ; en haine des croyances superstitieuses, on a condamné en bloc tout ce qui était présenté comme miraculeux ; 011 a témérairement jugé impossible tout ce qu’on ne pouvait pas expliquer, tout ce qui s’écartait des notions accréditées par la science ; on a été conduit ainsi à refuser d’examiner tout un ordre de faits, à napporter qu’un dédain superbe au lieu de discussion. Une telle conduite est indigne du philosophe qui doit rechercher sincèrement la vérité et l’accepter de quelque part qu’elle vienne. Dans les récits de prodiges, il faut toujours avoir grand soin de distinguer le fait en lui-même, et les explications plus ou moins hasardées qu’en donneront telles ou telles sectes qui s’efforceront de le mettre au service de leur cause.
11 peut arriver que le fait soit vrai ( ce dont on s’assurera par les règles ordinaires de la critique ) , sans qu’on soit obligé d’accepter les systèmes qui voudront s’y rattacher. Ainsi, par exemple, les anciens nous assurent qu’une comète a été envoyée spécialement par les dieux pour annoncer au monde la mort de Jules César : qu’ils se soient trompés dans leur appréciation de la nature et du rôle des comètes, qu’ils aient eu tort d’assigner un caractère surnaturel à un événement parfaitement naturel, c’est ce qui est hors de doute pour tout le monde ; mais, malgré les erreurs palpables contenues à ce sujet dans les anciens auteurs, leur récit n’en doit pas moins faire foi du fait matériel, de l’apparition d’une comète l’année de la mort du dictateur. Les récits de miracles en général doivent être soumis au même critérium et examinés sans prévention ; c’est manquer d’esprit philosophique, que de se borner à les railler, sous pré- ,
texte de bizarrerie ou d’invraisemblance. L'étrangeté des faits allégués n’est pas un motif pour les rejeter, mais c’en est un pour apporter la plus grande sévérité dans leur examen ; plus ils s’écartent des lois que nous connaissons, plus nous avons droit d’être exigeants quant aux preuves.
En ce |qui concerne les résurrections de morts, il est indispensable de bien fixer le sens des mots qu’on emploie, afin que l’on sache sur quoi l’on discute. La mort est la cessation de toutes les fonctions vitales. Dès que ces fonctions ont existé chez un individu à deux instants donnés , on en conclut qu’elles ont existé dans l’intervalle. Un individu vivait avant-hier, il vit aujourd’hui, donc il vivait hier. Ceux qui allèguent une résurrection, sont obligés de prouver qu’à une certaine époque le ressuscité avait cessé d’être vivant. Mais la médecine avoue que cette preuve est impossible. Tout ce qu’elle peut constater, c’est la suspension apparente des fonctions, et il est reconnu que cette suspension ne suffit pas pour constituer la mort. Ainsi, chez l’individu frappé de léthargie, non seulement il n’y a ni mouvement, ni exercice d’aucune des fonctions de relation, mais encore le pouls est arrêté, le cœur ne bat plus, la respiration ne se fait plus, ou du moins rien ne la constate, et pourtant cet état si semblable à la mort n’est pas la mort ; et si le sujet recouvre la santé (comme il y en a de nombreux exemples), on ne peut dire qu’il ait été ressuscité. Or, dans toutes les relations de résurrection (en laissant de côté toutefois celles qui appartiennent évidemment à la mythologie), tout ce qu’affirment les narrations (notamment celle que cite f Univers), c’est que, pendant un certain temps, l’individu était dans un état semblable à la mort, et par conséquent semblable à la léthargie : cette assertion , en la supposant même parfaitement exacte , ne suffit donc pas pour nous autoriser à dire qu’il ait été mort.
Il ne restera donc plus à examiner que des guérisons étonnantes, inespérées, dont les spectateurs, frappés d’admiration, ont cru, mais sans aucune raison solide, qu'elles n’a-
vaient pu s’opérer naturellement et qu’elles étaient dues à une action miraculeuse.
On doit rechercher d’abord si les faits sont bien avérés, si les auteurs des observations offrent toutes les garanties désirables de véracité et de sagacité. Pour le cas rapporté plus haut, nous igndtans entièrement sur quels documents il est appuyé. Nous ne pouvons donc en constater les témoignages. Nous nous permetti ons seulement de remarquer combien il est peu admissible que saint Philippe, après avoir adressé à Dieu de' ferventes prières pour obtenir le rétablissement de l’enfant, au moment où il se voit exaucé, au lieu de s’applaudir de ce retour à la vie d’une personne chérie, ne songe qu’à lui demander si elle veut revivre ou remourir : ce dialogue rend extrêmement suspect tout le récit qui a bien l’air d’avoir été arrangé pour faire briller la puissance surnaturelle du saint.
Ces réserves étant faites, la guérison n’a rien d’impossible : bien plus, elle rentre dans la classe des effets prodigieux que peut accomplir la volonté humaine et que le magnétisme nous a rendus familiers. Un enfant tombe malade, perd connaissance, ne donne plus signe de vie ; on le croit mort. Un ami, animé d’une charité ardente, accourt pour lui prodiguer ses soins affectueux : sans se laisser rebuter par le3 signes d’une mort apparente, ni par la consternation de parents qui déjà déplorent la perte de leur enfant, il sait que rien ne résiste à une volonté énergique ; il veut de toutes les forces de son âme, il veut de toute la puissance de l’amour; il se met en contact avec le corps inanimé, il l’asperge de l’eau imprégnée de ses effluves, il pénètre de sa chaleur le pauvre enfant et répand sur lui son excès de vitalité ; il a tellement foi dans le succès de ses efforts , qu’il ne craint pas d’interpeller celui que tout le monde croit mort, et il attend avec confiance qu’à cette voix sympathique réponde bientôt une voix vivante. Qui peut calculer la portée d’un dévouement aussi actif? Là où la science avait échoué, où aucun moyen médical ne pouvait sauver, le salut a été dû à l’influence mystérieuse que l’homme possède, qui se manifeste
sous l’empire de fortes passions, et dont Mesmer nous a révélé l'usage. Il n’y a là rien que de naturel, et les archives du magnétisme nous offrent de nombreux exemples de cures tout aussi étonnantes.
La (in du récit n’est pas plus dillicile à expliquer. L’enfant a une extase dans laquelle il voit ses parents morts; comme tous les extatiques, il se complaît dans sa vision, il se croit transporté dans un séjour imaginaire qu’il ne veut pas quitter pour rentrer dans la vie réelle. La violence de la crise, succédant brusquement à un état d'extrême faiblesse, brise les ressorts de cette frêle organisation et amène la mort qui, cette fois, est bien réelle. Il n’est aucunement besoin de miracle pour rendre compte de tous ces faits.
Le magnétisme, comme on voit, jette un nouveau jour sur les faits réputés surnaturels, apprend à les apprécier par le rapprochement avec des faits semblables qui se produisent journellement en dehors de toute intervention mystique : dès lors, la science, au lieu de répudier de nombreuses observations, pleines d’intérêt et fécondes en enseignements, les réduit à leur juste valeur, les dépouille du prestige dû à l'ignorance, et les classe parmi les phénomènes dont l’esprit humain peut saisir la loi.
A l’appui de ces réflexions, nous remarquerons que souvent, dans les récits de miracles, le thaumaturge ne se borne pas à la prière, ce qui devrait être s’il avait la conviction de ne recourir qu’à une intervention miraculeuse : il y ajoute aussi des manipulations ou gestes auxquels il attache sans doute quelque vertu , et qui rappellent l'action magnétique. C’est ce qu’on voit dans saiut Marc ( vm, 23-25 ) ; c’est ce qui est surtout évident lors de la résurrection attribuée à Elie. Le prophète ayant pris des mains de la mère le corps de son enfant, le porta dans sa chambre et le mit sur son lit ; puis il cria au Seigneur, et fit une prière. « Après cela, il se mit sur l'enfant par trois fois en se mesurant sur son corps, et il cria au Seigneur et lui dit : « Seigneur mon Dieu, faites, je vous prie, que l’âme de cet enfant rentre dans son corps.» Et le Seigneur exauça la voix d’Elie, lame de l’en-
fant rentra en lui, et il recouvra la vie (m Rois, xvji , 17-22.) — On sait qu’un des moyens de magnétisation les plus énergiques consiste à employer le contact général pour ranimer la circulation et faire participer le malade à la vie et à la santé de magnétiseur.
La conduite d’Elisée, disciple d’Elie, rappelle encore mieux les procédés du magnétisme actuel. Une femme de Sunam, qui avait donné l’hospitalité à Elisée, ayant perdu son fils , porta le corps sur son lit et alla trouver le prophète, comme assurée d’avance qu’il avait le pouvoir de le rappeler à la vie. Elisée chargea son disciple Giezi de le suppléer auprès de cette femme, et il lui fit cette recommandation singulière : « Ceins tes reins, prends un bâton et va-t’en. Si tu rencontres quelqu’un, ne le salue pas, et si quelqu’un te salue, ne lui réponds pas, et met ton bâton sur le visage de l’enfant. » — Le maître veut que son disciple évite tout ce qui pourrait le distraire de l’acte important qui lui est confié, et sur lequel toute son attention doit être concentrée ; il veut agir à distance par l’intermédiaire d’un objet magnétisé qui doit transmette son influence.
Giezi met le bâton d’Elisée sur le visage de l’enfant ; mais ce moyen est insuffisant, l’enfant ne recouvre pas le sentiment. Giezi revient auprès de son maître et lui annonce son insuccès. Alors Elisée se rend à la maison ofi il trouve le corps de l’enfant couché sur le lit : il ferme la porte, prie le Seigneur ; il monte sur le lit et se couche sur l'enfant. Il met sa bouche sur sa bouche, ses yeux sur ses yeux et ses mains sur ses mains ; il se courbe sur l'enfant et la chair de celui-ci s'échauffe. « Ensuite étant descendu, il se promena et fit deux tours dans la chambre. Il remonta encore sur le lit et se coucha sur l'enfant. Alors l’enfant bâilla sept fois et ouvrit les yeux (iv Rois, iv, 213-0.) »
11 n’y a pas à se méprendre sur la valeur de ces actes qui composent évidemment un traitement magnétique. Rien, dans le texte, n’indique que la guérison ait été due à un miracle ; le soin qu’a pris le narrateur, de détailler minutieusement les moyens employés, prouve l’importance qu’avaient pour lui
toutes ces circonstances ; les efforts réitérés, l’inefficacité d’une première tentative, la nécessité de l’emploi de moyens différents, tout cela ne pourrait se concilier avec l’action d’un homme à la voix duquel l’ordre naturel serait interverti ; car alors la puissance divine se manifesterait instantanément , sans avoir besoin du concours humain. On voit là, au contraire, la mise en œuvre des facultés d# l’homme qui n’atteint son but qu’après une lutte opiniâtre qui témoigne de son pouvoir borné.
C’est donc méconnaître le sens des Ecritures que de considérer comme miraculeuses des guérisons qui, bien qu’é-tonnantes, ont été dues à l'action dont l’homme dispose : ces exemples, qui seraient stériles pour nous s’il s’agissait d’interventions miraculeuses et exceptionnelles, renferment une leçon grandiose et salutaire, si, comme nous le pensons, il ne s’agit que de faits naturels : car on nous montre ainsi quelles œuvres nous pouvons accomplir. Elie et Elisée n’ont pas emporté leur secret dans le tombeau, et ce n’est pas en vain qu’un maître encore plus grand qu’eux a dit : « Ils imposeront les mains sur les malades, et ils les guériront. (Marc, xvi, 16.) »
a. s. MORIN.
CAUSERIES SUR LE MAGNETISME.
SIXIÈME CAUSERIE.
* Patience et persévérance.
Lorsque, devant un magnétiste, an exprimait des doutes sur l’existence du principe nouveau, c’est absolument comme si on niait la lumière du soleil devant un liomme qui n’est point aveugle. Il n’est pas d’instants pourtant où le fait ne se produise. Je ne crois pus , je ne peux pas admettre ceci, cela; on ne me fera jamais admettre ce qui pu gn e à ma raison, etc., etc., et certains magnétistes se démènent, gesticulent, s’enflamment et bouillonnent. Ils cherchent dans leur esprit un argument, une réponse péremptoire, au doute exprimé, et ils n’en trouvent point de valable aux yeux de l’incrédule. Les doutes s'enracinent davantage quand de la dispute naît l’acrimonie du langage. J’ai vu naître ainsi des querelles, et on arrivait de part et d’autre jusqu’à l’injure. C’est ainsi que des duels ont eu lieu. Belle raison, ma foi, poulie vainqueur! Qu’est-ce que prouve un démenti, un soufflet donné ou reçu , un coup d’épée? Absolument rien , vous montrer seulement que vous êtes gens vulgaires, que vous n êtes point apôtres, vous magnétiseurs ; car la foi est calme et exclut la dispute, et toi, incrédule, tu prouves que lu n’es qu un sot présomptueux , un enfant qui devrait retourner à l’école.
Comment! va-t-on m’objecter, mais ce sont les plus instruits des hommes qui ont donné l’exemple des dénégations, ce sont les académiciens, les lettrés, les médecins renommés. Sans doute, et nous le savons trop bien. Mais cet exemple prouve, à défaut d’autres preuves, que nos lettrés ne sont point philosophes, qu’ils n’ont que des passions communes, qu’ils sont vains et présomptueux , car le premier devoir d’un juge est d’écouter, d’entendre la partie avant
de juger : le premier soin d'un savant doit être celui de l’examen, c’est ainsi que leur légèreté a été la cause de tant d’erreurs et de faux jugements. Quand on parlait de magnétisme et de somnambulisme devant nos savants, ils dansaient, ils trépignaient comme s’ils eussent été piqués de la tarentule. Je ne veux point citer de noms propres : j’en aurais trop à inscrire. J’ai vu l’hypocrisie et le mensonge aussi bien clicz les savants que eboz les dévots, j’ai vu des hommes qui passaient pour avoir un jugement sain, une grande capacité et beaucoup de vertu, qui mentaient avec impudence , qui dénaturaient les faits, afin de les rendre ridicules, et cette conduite, loin de leur attirer le mépris public , augmentait encore leur renommée , et donnait un lustre de plus à leur fausse sagesse.
Voyez quel chemin nous avons fait déjà, combien notre patience et notre persévérance nous ont servi! On ne rit plus de nous , môme à l’Académie. On ne parle plus de nous envoyer au château de Charenton ou dans d’autres lieux d'une égale plaisance. C’est ainsi que tout ce qui est grand est d’abord nié, puis rapetissé jusqu’à ce que la vérité soit admise par sa partie matérielle. Elle tombe ainsi dan3 le domaine de l'industrie , et on l’exploite comme une marchandise. L’idée de Dieu a rapporté des milliards. Ce qui était vrai dans son principe, par sa nature en dehors des spéculations humaines, a été au contraire souillé par un vil commerce, puis rejeté des écoles comme une chose de nulle valeur. Ce qui pouvait donner la vie aux sciences , une âme au corps, n’a plus eu sa raison d'être.
Le magnétisme n’est-il pas l’idée de Dieu? Ne prouve-t-il point l’existence de l’âme humaine, et c’est justement parce qu'il est pure essence que les hommes de science l’ont rejeté de leur sanctuaire comme étant le fruit de l'illusion et né d'une aberration de l’esprit. Traités comme des ignorants ou des fanatiques, )es magnétistes ont fait rire nos grands hommes, parce que ceux-ci pensaient qu’à notre tour nous venions exploiter la crédulité publique. D'un autre côté, tout ce qui vivait des erreurs humaines, tous les médecins, se
sont émus à notre venue; leur science étant conjecturale, fausse et mensongère, ils ne pouvaient souffrir qu’on vint porter la lumière sur les obscurités qui les font vivre.
Patience et persévérance, magnétiseurs, vous tenez le germe de ce qui sera , que nulle pussance ne pourra désormais empêcher de s’établir. Voyez comme la sagesse divine apparaît. La vérité nouvelle ne fera point couler de sang humain : elle s’établira doucement, tranquillement, sans compromettre d’abord les existences fondées sur le travail, sans trouble dans les intérêts. Les antagonistes du premier jour sont morts sans que leur opposition ait rien empêché. Ceux du second jour et qui ont remplacé leurs pères furent déjà moins hostiles à nos idées, ceux qui arrivent maintenant sont pour la plupart à nous et à la vérité. Malheur à ceux qui ont fait couler le sang humain, se disant apôtres de vérité ! Dieu a rendu leur œuvre stérile et les a abandonnés comme des maudits. Nos armes, à nous, ont été la persuasion , la douceur, des œuvres de bien, la guérison des malades , le soulagement de ceux que nous ne pouvions guérir. Plus de vertu sans doute aurait hâté notre triomphe, plus de lumière l’eût rendu plus éclatant, mais chacun s’est inspiré de lui-même. Nous n’avons point eu de maîtres , la différence des terrains donne aux mêmes fruits des qualités différentes. C’est aux hommes nouveaux qu’il appartiendra bientôt de les distinguer et d’en corriger l’essence.
Félicitons-nous, magnétiseurs, d’avoir vécu dans ce siècle de doute et de tolérance. Rappelons-nous que toujours on brûla nos pareils, pour la plus grande gloire de Dieu et de celle de tous les saints du paradis. Rappelons-nous que toujours la science fut considérée comme un mal par les hommes chargés de nous enseigner la morale, et enfin 11’ou-blions point de rendre grâces à Dieu de nous avoir choisis pour les instruments de sa providence.
Baron du Potet.
[La suite au prochain numéro.)
CORRESPONDANCE ET CLINIQUE.
Les faits magnétiques abondent de toutes parts, et nous sont mentionnés dans une foule de lettres. Ces lettres, nous ne pouvons, faute d’espace, les reproduire toutes. Cependant en voici quelques-unes que nous avons jugé devoir insérer :
A Monsieur le baron du Potet.
Mon cher Maître,
Je croirais manquer à mon devoir si je ne vous donnais pas connaissance de mes guérisons magnétiques ; car c’est vous qui m’avez fait connaître la science divine à l’aide de laquelle je les ai produites, et tant qu’il me restera un souffle de vie dans le cœur, je vous rendrai cet hommage. Plût à Dieu que les hommes fussent tous aussi sensibles à votre voix que je l’ai été. Ils apprendraient à connaître la vérité et à rendre service à l’humanité souffrante...
Je me suis mis à l’œuvre pour faire connaître cette vérité, car, dans le pays où je suis, elle y était inconnue jusqu'à ce jour. Mais à présent qu’on voit les guérisons que le magnétisme opère, 011 vient en foule me trouver.
Le premier que je magnétisai, c’est un jeune homme de dix-huit ans, atteint d’une espèce de rachitisme scrofuleux. Il y a plus de quatre ans qu’il en souffrait. Le ramollissement des os avait produit une grosseur dans le dos, au bas de l’omoplate , et une suppuration en bas de l’externum, accompagnée de douleurs dans les reins et dans l’épaule. Depuis qu’il s’est soumis au magnétisme, les douleurs dans les reins et dans l’épaule ont disparu comme par enchantement , la grosseur diminue et la suppuration est presque
disparue. La carie des os s’est arrêtée et les glandes scrofu-leuses sont en partie toutes dissoutes. Ses forces augmentaient chaque jour. Une grande amélioration s’est faite en lui. La guérison est prochaine, et le somnambulisme s’est déclaré avec une lucidité très-exacte.
Le deuxième que je traite a une maladie lymphatique : les humeurs se sont transportées avec trop d’abondance dans des vaisseaux, ce qui en a produit la rupture, et le sang s’est porté avec abondance dans l’estomac , de là des vomisse-nientsdivers, particulièrement do sang ; ils’est dirigé dans les voies basses. Je crois que, sans le magnétisme, il y aurait eu des hémorrhagies mortelles. Depuis que le malade est soumis à cet agent, les accidents n’ont point reparu. Hier, au soir, à la suite d’une magnétisation , il me dit qu’il s’était fait un grand changement en lui et dû à mon action.
Le troisième malade avait des douleurs dans les reins, qui étaient produites par descharges trop fortes portées sur le dos. Depuis six mois, il ne pouvait pas se tenir couché sur les reins. Lorsqu’il toussait ou éternuait, il éprouvait des douleurs horribles. Il en était de même quand il marchait. En trois magnétisations, sans qu’il y eût de sommeil, il a été guéri radicalement.
Hébaud ,
A Magot, près Fransèches (Creuse).
A Monsieur le baron du Potet.
Monsieur,
Je vous donne connaissance d’un fait magnétique produit sur un cheval en peu de temps. Le 21 décembre 1857, je me trouvais avoir un cheval malade. Je fis venir un homme assez habile pourreconnaître et traiter la maladie. Mais, après avoir employé les moyens les plus usités, nous n’avons rien obtenu de bien. Le mal augmentait toujours, le pouls devenait mauvais, l’oreille et le nez froids, et tous les symptômes de la maladie annonçaient une mort prochaine. L’homme
dont je vous ni parlé ci-dessus finit par me dire que c’était la maladie régnante du pays, et qu’il fallait que le cheval mourût. A la vérité , c’était une maladie du sang produite par une espèce d’engorgement, d'inflammation dans les intestins , et contre laquelle on n’a point encore trouvé chez nous de remède. Dix mois auparavant, j’avais déjà perdu un autre cheval. Voyant qu’il n’y avait pas de remède, je résolus donc de magnétiser la pauvre bête ; car, depuis peu, j’avais eu connaissance du magnétisme par M. Thurin, de Meaux, et j’avais assisté à quelques-unes de ses séances. Craignant le ridicule, jè ne voulais pas trop me déc'arer à l’homme qui était avec moi. J’aurais désiré qu’il sortit, mais le moment était pressant, et il n’y avait pas trop à attendre. J’ai commencé par magnétiser l’animal, disant à mon compagnon de faire comme moi des passes sur la partie malade, avec la ferme volonté de faire sortir le mal par derrière. J’étais heureusement bien tombé, car l’homme avec qui j’étais avait aussi eu quelques notions de magnétisme, et nous avons magnétisé, un de chaque côté, le cheval, avec la même fermeté. Au bout de vingt-cinq minutes au plus, l’animal a commencé à relever la tête et à se trouver mieux. Environ dix minutes après, il a commencé à manger, ce qui nous encouragea beaucoup, car nous nous trouvions vraiment surpris d’un changement aussi prompt. Nous avons continué à le magnétiser pendant une heure et demie, et ainsi de suite, et alors le cheval s’est secoué et s’est mis à manger la paille qui lui servait de litière. Nous l’avons magnétisé les quatre jours suivants, et il n’est plus malade. Il fait son service comme s’il n’avait jamais rien eu : aussi depuis nous magnétisons chaque fois que l’occasion se présente et ne pouvons pas nous empêcher de dire : Honneur à Mesmer ! qui a découvert le magnétisme, à M. le baron du Potet, qui en donne l’élan , et à M. Turin , qui nous en a donné connaissance ; car, avec ce mystère, les hommes bons et généreux pourront guérir beaucoup de maux et faire du bien.
G. COPEAUX.
Etrépilly, près Meaux, -20 mars 1857.
A madame Vedeaux, en son château de Malbousqnet, près
Toulon.
Madame,
Les mots de remercîment et reconnaissance sont trop peu de choses pour une personne à laquelle je dois la vie de ma fille. Je voudrais trouver quelque chose de plus expressif pour vous témoigner toute ma gratitude.
Oui, j’aime à l’écrire, non pour vous, madame, qui savez tout le bien que peut faire le magnétisme, mais pour les mères qui, comme moi, n’auront pu recevoir aucun bien de la médecine.
Ma fille Claire, âgée de vingt-trois ans, fut prise, le 22 septembre, d’une attaque. Elle tomba par terre; le lendemain elle tomba deux fois ; un médecin fut appelé du premier moment ; malgré les soins et l’emploi de tous les remèdes, nous ne pûmes empêcher la maladie de parcourir une période effrayante.
Le 15 mars, je présentai ma fille à un somnambule, qui déclara que la médecine était impuissante pour sa maladie. Le magnétisme seul, dit-il, peut la sauver. Ne pouvant mettre à profit ses conseils, je m’en retournai auprès de ma fille, et la maladie continua avec plus d’intensité. Le 21 du même mois, ma fille était à toute extrémité ; je fus prier madame Vedeaux de vouloir bien la magnétiser. Elle se rendit immédiatement à la ville. Après avoir examiné ma fille, elle déclara qu'elle ne la magnétiserait qu’après une consultation de trois médecins : la consultation eut lieu immédiatement. Les deux médecins, appelés par le nôtre, accusèrent une maladie hystérique et gardèrent un profond silence sur la magnétisation que cette dame et nous proposions. Ils ne dirent mot sur le traitement à suivre. Il en fut autrement de notre médecin, mais d’une façon bien hostile. Il déclara qu’il ne prêterait pas la main au magnétisme, et qu’il se retirerait si on employait un pareil moyen. Il conclut à un nouveau traitement qui se composait d’un bain et d’une friction au laudanum sur l’abdomen.
Je me jetai aux pieds de madame Vedeaux à ces dernières paroles, en lui disant : Puisque vous étiez venue pour magnétiser devant ces messieurs, n’abandonnez pas ma fille à présent que notre médecin s’est déclaré contre le magnétisme ; elle prit sa montre et fit constater l’heure. Trois minutes après, ma fille était guérie ! Elle mangea immédiatement une soupe, elle se promena, se coucha à sept heures du soir et se leva à six heures du matin, sans avoir bougé de la nuit, et après avoir fermé portes et croisées, chose dont nous étions privés depuis sept mois, tant notre malade avait la respiration gênée.
Le lendemain matin, après ce sommeil réparateur, ma fille s’achemina vers le château de sa magnétiseuse, à une demi-lieue de Toulon , allant la prier d’achever cette belle guérison et lui donnant la double satisfaction de ce que pouvait la médecine de Dieu.
Celle-ci magnétisa jusqu’au mardi soir pour faire disparaître l’oppression qui existait encore un peu, et le mardi soir 24, c’est-à-dire quatre jours après, ma fille était totalement guérie.
Je dois ajouter qu’en allant remercier madame Vedeaux de sa généreuse charité, puisqu’elle guérit sans exiger aucun salaire, sa réponse fut celle-ci :
« Vous ne me devez rien. Je ne suis que le serviteur, vous devez tout à Dieu. »
Nous : frères et sœurs, tantes et oncles de la malade, nous nous joignons à notre mère, sœur et nièce pour adresser nos remerciments et notre reconnaissance à madama Vedeaux.
Ont signé : claire laporte, veuve laporte, lapobte,
AUBERT, VICTORINE LAPORTE, ÉTIENNE LAPORTE.
Toulon, le 8 avril 1857, rue la Glacière, n. 8.
VARIETES.
ZOOMAGNETISME.
On sait que plusieurs hommes ont exercé l’action magnétique sur des animaux et ont «tenu des résnlats d’autant plus remarquables qu’il était bien impossible alors d’alléguer l’objection banale de compérage île la part des sujets. On a cité particulièrement les expériences de M. Bard qui a actionné d’une manière très-marquée des chevaux et des bêtes féroces du Jardin des Plantes. Tout le momie ne peut également exercer celle influence : des magnét'stes qui avaient déployé une très-grande puissance en agissant sur des hommes, n’ont pu rien produire sur des animaux. Il est impossible, dans l’état actuel de nos connaissances, d’assigner la cause de ces anomalies et de déterminer à quoi tiennent les facultés étonnantes dont jouissent certains individus. Il est présumable que chez quelques-uns, l’aptitude naturelle ne s’est développée que par un long exercice et s’est aidée de quelques m yens artificiels. Le public parisien a admiré l’empire des dompteurs de monstres sur les animaux de leur ménagerie; les Martin, les Carter, les Van Amburgh, avaient obtenu, des lions et des tigres , non seulement une soumission absolue, mais une docilité attentive, affectueuse, semblable à celle du caniche pour son maître. Ils n'ont pas fait connaître leurs secrets, s’ils en ont; mais il est impossible de ne pas reconnaître chez eux l’action magnétique.
Quelques personnes possèdent une influence extraordinaire sur les animaux, qui se-manifeste spontanément, sans aucun art et même sans la volonté de ces personnes. Il semble qu’à leur vue les animaux reconnaissent tout à la fois
un maître et un ami, et soient empressés de venir leur offrir le tribut de leurs hommages.
Ainsi, il y a quelque temps, M. Barri était au Jardin des Plantes devant les loges des bêtes féroces, et essayait de les influencer. Un des gardiens s’approcha du groupe où était M. Barri, et dit à celui-ci : « Vous essayez, je vois, de magnétiser les animaux; mais il vient ici, de temps en temps, un homme qui n’a besoin ni de gestes, ni d’efforts quelconques. Dès que les animaux l’aperçoivent, ils bondissent rie joie , les yeux étincelants ; ils s’attachent aux barreaux rie leurs cages et recherchent avec avidité un regard rie cet homme pour lequel ils paraissent éprouver une vive affection , bien qu’il ne s’occupe aucunement d’eux. »
M. Bonnemère, dans l’excellent ouvrage qu’il vient de faire paraître, intitulé Histoire des Paysans, rapporte l’anecdote suivante, d’après les documents sur Jeanne d’Arc : « Jeanne était encore bien petite, que les oiseaux des bois et des champs, quand elle les appelait, venaient manger son pain dans son giron, comme privés, et jamais, quand elle gardait les brebis de ses parents, le loup ne mangea ouaille de son troupeau. » L’auteur ajoute à ce sujet la note suivante : « Nul ne sait quel pourrait être et quel sera très-certainement un jour le pouvoir de l’homme sur les animaux delà création. En attendant, tout le monde a pu voir, dans le jardin des Tuileries, une dame que les moineaux suivent par centaines, et sur les bras et les épaules de laquelle les ramiers se disputent les meilleures places pour chercher leur nourriture dans sa main et jusque entre ses lèvres. — Il est bien difficile , lorsqu’il s'agit de Jeanne d’Arc , de cette créature surhumaine, de marquer le point précis où finit l’histoire et où commence la légende. Pour moi, j’ai vu trop souvent l’extase obéir à ma volonté, j'ai vu trop souvent l’extase surgir spontanément et naturellement, et j’ai vu se réaliser trop de faits de prévision extraordinaires, pour ne pas croire à Jeanne d’Arc extatique, à Jeanne d’Arc inspirée par ries manifestations ri’un ordre supérieur, à Jeanne d’Arc douée ri'une seconde vue prodigieuse et d’une prévision in-
faillible, dans un certain ordre d’idées. Maintenant, grâce aux habitudes d’une piété extrême et tout ascétique, son imagination ne transporta-t-elle pas dans le monde extérieur, des faits du domaine intérieur, ne crut-elle pas voir et entendre en dehors d’elle ce qui se passait en elle-même et dans son âme ? A ces objections, je n'ai rien à répondre , et je laisse les philosophes discuter à.leur aise. (Tome 1 , p. 3(52.) »
M. Bonnemère a fait pressentir à ses lecteurs une grande vérité. L’homme est le roi de la création terrestre, et son empire doit s’étendre sur la nature animée, aussi bien que sur la nature inanimée. 11 est de tradition que, dans le paradis terrestre, tous les animaux étaient soumis à l’homme, et plusieurs prophéties, notamment celle d’Isaïe (ch. xi), enseignent que cet état de choses reviendra lors de la grande palingénésie humanitaire. Il faut voir dans ces mythes l’écho d’un sentiment instinctif qui avertit l’homme des prérogatives que doit lui conférer sa nature supérieure. Seulement ce n’est pas dans un passé fabuleux, qu’il faut chercher la plénitude du développement de ses facultés ; il ne doit pas non plus l’attendre, dans l’avenir, d’une rénovation due à des événements surnaturels ; c’est en se perfectionnant par ses propres efforts, qu’il atteindra le but et se mettra en possession complète du magnifique domaine que le Créateur a mis à sa disposition. Les animaux les plus féroces, par la facilité avec laquelle ils se soumettent à certains hommes, font voir suffisamment qu’ils sont susceptibles de domestication et qu’ils sont prêts à se ranger sous notre sceptre. S’ils ne s’attachent ainsi qu’à quelques hommes , c’est que sans doute ils reconnaissent chez eux certaines qualités physiques et morales qui devraient être l’apanage de l’humanité entière et qui se généraliseront quand nous aurons accompli de nouveaux progrès ; le ralliement des animaux se fera quand nous aurons su nous en rendre dignes. •
En attendant, les animaux guidés par l’instinct montrent parfois un discernement qui a de quoi nous confondre et qui dépasse de beaucoup notre pénétration. S’ils accourent
d’eux-mêmes avec joie vers un individu en qui ils distinguent à la première vue un ami, c’est qu'il y a chez lui une nature noble, douce, aimante, quelque chose d’angélique, de supérieur à l’humanité actuelle , ou au moins c’est que les animaux ont senti la prédominance de quelque qualité à laquelle ils ajoutent plus de prix. Ainsi l’attrait des animaux pour la touchante héroïne de Domrémy était bien justifié par son exquise bonté. Ainsi ce Bucéphale, qu’aucun écuyer n’avait pu dompter, n’hésita pas à se laisser monter par Alexandre, et fut fier d’être le serviteur d'un tel maître. Ainsi journellement on voit, dans un groupe nombreux, un chien choisir un homme qu'il ne connaît pas, lui faire des caresses et des offres de service : c’est qu’il a reconnu chez lui une nature aimante. Souvent, au contraire, un homme dur, au cœur sec, à la conscience peu nette, quoiqu'il soit, du reste, parfaitement couvert et que sa tenue soit irréprochable , est tout étonné de voir un chien lui chercher querelle, lui lancer des regards de colère, accompagnés de grognements menaçants : c’est que la brave bête a distingué le coquin à travers son enveloppe dorée, c’est que, comme les chevaliers errants, elle brûle de faire un acte de justice, en lui enlevant son masque.
A mesure que le magnétisme se répandra, il permettra de rallier à nous un plus grand nombre de races d’animaux ; mais je suis convaincu que nous ne réussirons largement dans cette voie, que quand notre moralité nous aura misàla hauteur de notre rôle, quand nous aurons cessé, non seulement de maltraiter cruellement les animaux , comme on le fait trop souvent, mais aussi de nous faire réciproquement la guerre, de nous torturer et de nous exploiter, quand les cœurs ne seront plus aigris par la haine, quand prédomineront les sentiments généreux ; car c’est alors que viendra le règne de Dieu prédit par Isaïe.
A. s. MORIN.
FAITS ET EXPÉRIENCES.
A Monsieur le baron du Potet.
Lors de mon dernier voyage à Paris, je vous avais fait part de quelques expériences que j’avais faites sur l’incul-cation des rêves; je vous envoie une petite relation, et, si vous trouvez, Monsieur, que ces faits peuvent être utiles à la cause que nous propageons, vous pourrez en disposer.
Votre tout dévoué et sympathique élève, »
P. GAUTIER.
Le Mans, 21 mars 1857.
Parmi les nombreuses expériences auxquelles peut donner lieu le magnétisme, il en est une dont il est parlé peu souvent et que j’ai voulu répéter bon nombre de fois venant de vous en donner connaissance. Je veux parler de Y inculcation des rêves.
Il y a longtemps déjà, je magnétisais une demoiselle employée chez mon père : je pouvais facilement et à une distance quelconque la plonger dans un profond sommeil, et chaque fois que je la magnétisais, je lui imposais un rêve pour la nuit suivante. J’ai pu faire également la même expérience sans magnétisation préalable sur cette demoiselle et sur beaucoup d’autres personnes.'
Un soir, je dis à mon sujet : Vous rêverez à votre futur mari. Le lendemain, questionnée sur le sommeil de la nuit, elle me dit avoir vu un jeune homme de la ville. Quelques mois après, ce jeune homme fit faire quelques démarches qui furent refusées. Deux années s’étaient écoulées, et, en confirmation du rêve, il fit une nouvelle demande qui, cette fois, fut acceptée. Aujourd’hui ils sont mariés.
U y a quelques jours, une dame me présenta ses deux enfants et me demanda si je voulais les endormir, afin d'obtenir quelques renseignements.
Je magnétisai et endormis les deux jeunes gens, en leur
suggérant mentalement île faire la nuit suivante chacun un lève qui lépondit au désir de leur mère; puis, sans leur faire aucune question, je les réveillai et dis à la mère : de-m;iwi, madame, les renseignements que vous désirez vous seront donnés par vos enfants : ils verront pendant leur sommeil le sujet de vos recherches. Le lendemain, la mère questionne scs deux enfants, et, à sa grande surprise, ils avaient eu le même rêve. Cette dame revint me trouver et me pria de magnétiser sa fille de nouveau, afin de savoir si, dans son sommeil magnétique, le rêve se trouverait con-iirmé.
Endormie, elle ne fit qu’affirmer la vision de la veille.
Cette manière d’employer le magnétisme peut aussi être appliquée sur des personnes malades pour leur faire découvrir des moyens de guérison. Entre autres faits , entendant une personne se plaindre d’être souffrante, je lui mis la main sur le front, et lui dis : Rêvez à ce qui doit vous guérir; la nuit suivante , elle vit des graines de lavande qu’elle devait mettre infuser dans une tasse d’eau; elle prit cette infusion et fut guérie.
L’inculcation des rêves donnera peut-être une nouvelle explication de ces révolutions inconnues que nous appelons rêves et qui pourraient bien être un état lucide de l’à ne dont l’homme, dans son ignorance, n’aurait pu encore se rendre compte.
CAS DE LUCIDITÉ d’üNE TABLE.
Mon fils et moi faisons quelquefois mouvoir une table par l’imposition des mains. Il y a peu de jours, j’eus l’idée d’interroger ce véritable voyant sur la destination à donner à un auvent placé dans une cour de campagne et que son état disgracieux me faisait porter à renverser. Voici la conversation qui s’établit entre la table et moi :
Question. — Faut-il renverser mon auvent placé à... ?
Réponse. — Non.
Q. Faut-il le conserver dans son état actuel ?
R. Non.
Q. Faut-il le reconstruire ?
R. Non.
Q. Mais alors que faut-il faire ? Je ne te comprends pas. Indique ton idée par un mot.
R. Serre.
Et, en effet une serre est la seule destination à donner à cet auvent, destination qu’il peut recevoir à très-peu de frais.
Cette pensée n’était pas plus dans l’esprit de mon fdsque dans le mien. Nouvel exemple que le fluide accumulé dans une table constitue bien une individualité d’un genre sinon supérieur, au moins distinct de colle des expérimentateurs. Nous ne croyons pas pour cela à l’intervention d’un esprit ayant eu vie animalisée, à moins qu’il ne fût appelé d’une manière nette et formelle, ou de voix ou d’intention.
Il nous est arrivé quelquefois d’obtenir, pour toute réponse , des mots fort sales que leurs initiales seules indiquent suffisamment, M.... ou F.... Interrogée sur la cause de ces réponses , la table a répondu : ou qu’elle ne voulait pas répondre, parce que la demande était indiscrète, ou que l’expérience durait depuis trop longtemps.
L. LAMOTIIE.
RÊVES PROPHÉTIQUES.
Le 25 avril 1854, vers minuit, entre Nice et Antibes, deux bateaux à vapeur, CHerculanum et la Sicile, se heurtèrent si violemment que le premier fit naufrage avec les deux tiers de son équipage. Parmi les personnes qui échappèrent à la mort comme par miracle se trouvèrent sir Robert Peel et la femme de chambre de deux dames, la mère et la fille ; cette dernière avait voulu retarder son départ par suite des pressentiments qu’elle avait eus la nuit qui avait pré-
cédé son embarquement, et qui lui annonçaient quelque grave malheur dans leur voyage.
Le père de cette demoiselle, conseiller à la cour royale de Dijon, eut, au moment du naufrage, un songe épouvantable dans lequel il vit un bâtiment se perdre à la mer, et sa femme et sa fdle , entourées de victimes , lutter contre la mort.
S’ôtant éveillé sous l’oppression du cauchemar, il appela ses domestiques qui lui tinrent compagnie jusqu’au jour ; il lui fut impossible de se rendormir ni de chasser de son esprit l’image affreuse dont il avait été frappé.
Peu de temps après, il apprit par le télégraphe toute la vérité sur la catastrophe qui était arrivée. Sa femme et sa fdle avaient été englouties par les Ilots..., et dans son rôve, il avait vu leur agonie !
[La Luce magnetica.)
SOMNAMBULISME.
(.La police de Hambourg,dit le Précurseur d.' Anvers, vient d’expulser une prétendue marquise de San-Milan, qui s’était établie dans cette ville au mois de décembre, après avoir exploité pendant des années l’Allemagne méridionale, nommément Bade et Munich. Elle faisait des cures en qualité de somnambule, et, quoiqu’elle fitpayer ses consultations 100 fr., elle en avait cependant beaucoup, au point qu’une supplique a été adressée au Sénat pour faire révoquer l’ordre d’expulsion. »
Nous ne connaissons nullement ce que peut être cette femme que le Précurseur d’Anvers appelle une prétendue marquise ; mais ce qui paraît certain, c’est que cette somnambule avait l’avantage de guérir des malades dans des circonstances remarquables, car on ne doit pas supposer qu’elle ait pu, sans cela, s’attirer une confiance qui lui ait
valu des consultations nombreuses payées à raison de 100 fr., plus l’appui des personnes qui ont intercédé pour elle auprès du sénat d'Hambourg. Cette somnambule, comme tant d'autres, est peut-être la victime de la sottise ou de l’ignorance, ou de la jalousie des esculapes dont elle a guéri les malades. En France, n’avons-nous pas vu condamner des magnétiseurs comme escrocs ou pour exercice de la divination et de la médecine, bien qu’ils n’aient fait que guérir et que rendre dans toutes les occasions les plus grands services?
FAITS MYSTÉRIEUX.
L’Abeille des Vosges raconte le fait suivant :
« Un fait assez curieux vient de se passer à Neufchâteau : Deux vieux soldats de l’Empire, MM. Robert et Simon, engagés volontaires le même jour, licenciés à la môme époque, ayant reçu le même jour, comme soldats de l’île d’Elbe , la somme accordée par le testament de l’empereur, sont morts le même jour. »
(L’Union, 11 avril.)
BIBLIOGRAPHIE.
Journaux magnétiques.
LE SPIRITUALITE DE LA NOUVELLE-ORLÉANS.
Le spiritualisme vient d’établir un nouvel organe intitulé : le Spiritualiste de la Nouvelle-Orlèans, sous la direction de notre ami et correspondant M. Jos. Barthet, connu de nos lecteurs par d’importants travaux concernant le magnétisme. Le premier numér«contient une introduction remarquable où l’auteur expose les principes du spiritualisme qui, selon lui, est appelé à régénérer la religion, à établir un lien entre le monde terrestre et le monde supérieur, entre les morts et les vivants, à consoler et perfectionner l’homme en lui donnant une connaissance de plus en plus étendue de son immortalité et de son avenir.
On sait que les communications s’obtiennent à l’aide de personnes douées de facultés exceptionnelles et appelées médiums. Ce que dit à ce sujet M. Barthet intéresse particulièrement les magnétistes : « Il y a, parmi les médiums, comme parmi les somnambules, une infinité de nuances. On voit des médiums-écrivains qui, dans les communications
« qu’ifs nous transmettent, ont conscience du travail qui se fait en eux, à mesure qu’il s'opère, et il semble que les mots mêmes sont dictés par l’esprit qui communique ; mais on reconnaît aussi que l'esprit ne fait souvent que suggérer les idées au médium, et c’est à celui-ci de les développer, à peu près comme un écolier fait une composition sur un thème donné, et il le fait pareillement avec d’autant plus d’élégance qu’il a lui-même plus d’instruction, et sans doute aussi
avec d’autant plus de fidélité, qu’il a mieux saisi la pensée. C’est donc le sens qu’il faut étudier, quel que soit le style, et l'on comprend combien un cœur pur et un esprit droit sont de précieux avantages.
« On voit d’autres médiums qui ne savent pas ce qu’ils xpriment (je ne parle point de ceux qui sont entrancés, car pour eux cela va sans dire). Il y en a même qui écrivent malgré eux , et quelquefois des choses bien différentes de ce qu’ils voudraient énoncer (je dirai même de ce qu’ils ont la volonté d’écrire, car il y a des esprits-forts qui font de ces expériences-là). On voit aussi des médiums chez lesquels la parole et la main servent deux intelligences antagonistes ; c’est quelquefois une véritable dispute... Il y a donc lieu de croire encore que l’esprit agit quelquefois directement sur la main du médium quand il veut le faire écrire, ou sur l’organe vocal, lorsqu’il veut le faire parler : les imitations d’écritures et les communications dans des langues inconnues du médium seraient le résultat d’une extrême docilité organique...
a On entrevoit donc, dès à présent, l’explication de tant de faits insolites que l’on a observés toujours et partout ; les manifestations spirituelles éclaireront bien des choses qui sont restées dans l’obscurité... Tout n’était pas erreur dans les ouvrages si nombreux, tant anciens que modernes, qui traitaient de la magie, de la sorcellerie , des apparitions, etc. Le mesmérisme l’a démontré de mieux en mieux, à mesure qu’il s’est propagé davantage ; mais il ne pouvait pas sans doute triompher seul du scepticisme soi-disant philosophique de notre temps, et le spiritualisme lui est venu en aide. Le premier effet de celui-ci a été de réhabiliter l’autre dans l’opinion de beaucoup de gens qui s’en étaient moqués jusque-là, et qui se sont tout de suite écriés : C’est du magnétisme 1 »
Le premier numér«du Spiritualité reproduitplusieurs communications données comme émanant de personnages fort éminents. On termine par quelques anecdotes qui nous ont paru propres à jeter de la lumière sur le rOle des médiums.
« Un de nos amis, qui fut médium pendant un an, mais qui, malgré tout ce que sa main a écrit de remarquable, est resté incrédule, tant il y a chez lui de préjugés, d’obstination , voulant faire une niche à un visiteur, s’assit devant lui pour lui écrire cette plaisanterie qui n’aurait pu venir à la pensée d’aucun d’entre nous : \1. *** fraude son vin de Champagne et son eau de Seltz (ce ne fut qu’après la séance, bien entendu, qu’il nous en fit l'aveu). Sa main fut longtemps et violemment agitée ; il y avait lutte entre deux volontés ; mais elle partit enfin. J’étais convaincu, nous dit-il ensuite, que j’écrivais ce que je voulais, et lorsque ma main s’est arrêtée, j’étais sûr de l’avoir écrit. Voici ce qu’il avait écrit : La main de l’aveugle nous a fait assez voir pour ce soir. — Ce n’était point un reflet de nos pensées.
« Le 4 décembre 1853, nous reçûmes la dernière communication spirituelle qui nous ait été faite par ce médium, et il faut remarquer que nous étions seuls, en tête à tête. On lit dans cet article : Et maintenant que vous tenez tout ce que nous avions à vous faire savoir par ce médium , engagez-le à écrire de la sorte, étant mu par sa propre volonté, et vous verrez qu’il sera impuissant à le faire. Nous n’écrirons par lui que lorsqu’il sera croyant et qu’il tiendra à honneur que tout le monde le sache.
« Eh bien, sa main n’a plus été agitée. Nous avons fait de vains efforts, et nous avions l’un et l’autre la meilleure volonté, et, qui plus est, l’espoir de réussir, parce que déjà, plusieurs fois, on l’avait suspendu de ses fonctions pour lui rendre , quelques jours après , l’usage de cette faculté. — Y avait-il là un reflet de nos pensées ?
« J’étais un jour assis à une table avec madame S..., et nous n’avions pas de témoins. Nous nous occupions d’une malade pour laquelle les invisibles dictaient des prescriptions. Tout à coup, la main du médium, madame S..., s’arrêta, et celle-ci me dit : On veut me faire écrire un nom que je ne sais pas. Eh bien, répliquai-je, de même quevous composez des phrases en assemblant des mots qui vous sont familiers, de même vous formerez ce nom avec des lettres
que vous connaissez, et aussitôt la main écrivit Chmnédris. Oli ! s’écria le médium, qu’est-ce que Cha médris? (Et elle prononçait la première syllabe comme dans chat.) J’allais répondre que... je n’en savais rien, ce qui était vrai, lorsque la main reprit ainsi : Qiia-mé-dis ; c’est une plante ; cherchez dans un dictionnaire (à Chu.) — Ce n’était pas non plus un reflet de nos pensées.
« L’autre soir, madame H..., son mari, leur fille et moi, étions h une table, seuls dans le salon. L’esprit qui nous parlait était un ancien marin, et vraiment son langageétait trop goudronné pour aucun de nous. Entre autres choses, M. R... lui demanda s’il voulait répondre à une question qu’il lui poserait mentalement. « Mentalement, répondit-il ! « Qu’est-ce que c’est ? Je ne l’ai jamais entendu. Expli-« quez-le-moi, pour que je vous réponde. » — Est-il nécessaire de dire que nous savions tous la valeur de ce mot?
Nous recommandons le nouveau recueil à tous ceux qui se livrent à l’étude de la science nouvelle et qui voudront suivre la marche de la révolution intellectuelle qui s’opère en Amérique.
A. s. MORIN.
MM. les Abonnés dont l'abonnement expirait fin décembre 1856 et fin mars 1857 sont priés d«vouloir bien le renouveler le plus tôt possible, s’ils ne veulent éprouver de retards dam l’envoi du journal.
Les envois de fonds, les réclamations doivent être adressés à M. le baron du Potet, propriétaire-gérant, rue de Beaujolais, 5.
Baron du POTET, proprièlairc-gcrant.
Les manifestations spiritualistes de 11
ENCOBE M. HUME ET LES JOU
SPIR ETUALISM
d’occuper les journaux depuis le jour, où nous avons consacré un article à l’illustre médium américain. Les uns ont continué à rire de ces manifestations sans les connaître et sans s’être donné la peine d’en examiner patiemment la source; d’autres les ont niées; d’autres les ont assimilées, sans plus ample information, aux tours de prestidigitation de RobertHoudin et d’Hamilton; quelques-uns enfin n’ont pas eu assez d’anathèmes pour ces manifestations et pour le magnétisme qui s’y rattache tout particulièrement, et, tout en en reconnaissant la vérité, les ont signalées comme étant des pratiques abominables que l’Eglise devait réprouver de toute sa force et de tout le poids de sa juridiction. Au nombre et à la tête de ces derniers journaux, figure i’Univers.
L’Univers, dans un article du 19 mars, où il fulmine comme d’habitude contre les impies et les mécréants , réprouve et condamne le magnétisme sous toutes ses formes, et, chose étrange, attribue l’engouement qui se produit de toute part en faveur des faits étonnants de magie, de somnambulisme et d’évocations d’esprits, aux libres penseurs, aux philosophes rationalistes de l’école de Voltaire. Il emprunte à Dom Gueranger des paroles de proscription contre ces faits, et s’écrie avec lui : « Sont-ils chrétiens ou ont-ils « perdu le sens? On ne saurait répondre, surtout quand de « nos jours on les voit se livrer à des consultations sacrilé-« ges du démon, à l’aide de moyens renouvelés des siècles « du paganisme, sans qu’ils paraissent se rappeler ni même
u savoir qu’ils commettent un crime que Dieu, dans l'ancienne . loi, punissait de mort, et que la législation de tous les « peuples chrétiens, durant un grand nombre des siècles, a « frappé du dernier supplice. » (Dom Guéranger, année liturgique, le Carême, 278.)
Nous ne répondrons pas à cette sortie qui n’exhale que trop l’odeur des fagots du saint-office. Nous aurions beaucoup à dire, et ce n’est pas ici le moment. Nous y reviendrons cependant. Mais en attendant de traiter comme elle le mérite cette croyance au diable et à sa prétendue intervention dans les phénomènes magnétiques, qu’il nous soit permis d’opposer aux reproches que ïUnivers fait aux libres penseurs l’article du Journal des Débats que voici :
« Nous avons en ce moment à Paris un sorcier à la mode ; c’est l'Univers qui nous apprend cette grave nouvelle, et tout ce qu’il nous raconte à ce sujet nous intéresse au plus haut degré. Ce sorcier, récemment débarqué d’Amérique , évoque les esprits des morts et leur fait exécuter mille tours incroyables. Malheureusement il fait son métier en homme habile, et il ne se prodigue pas; il ne joue pas pour tout le monde : « On ne le voit guère que chez les personnages. » C’est /’Univers qui l’affirme. L'Univers est scandalisé du succès que le nécromant obtient dans le grand monde, et il compare cette nouvelle fantaisie parisienne à celle des tables tournantes. Si le sorcier américain exerçait ses talents à Rome, au lieu de les exercer à Paris, l’Univers irait tout simplement le dénoncer au tribunal de la sainte inquisition, qui procéderait suivant les règles et dans les formes canoniques. Mais cette précieuse institution manque à la France, ■et l’Univers en est réduit à crier et à prêcher dans le désert. Nous en sommes venus au point que nous n’avons plus peur du diable et que nous n’y pensons plus. Voilà le grand mal de l’époque. A qui s’adresse le sermon de l’Univers? A qui la faute si le diable fait fureur à Paris en plein carême? Ce journal plaisante assurément quand il accuse les philosophes et les libres penseurs de se faire les complices d’un sorcier ; il sait très-bien que les libres penseurs sont inno-
cents du péché qu’il met si gratuitement à leur charge. Mais ce qui est plus sérieux, ce qui explique l’indignation de l’U-nivers, c’est qu’il y a des chrétiens qui souffrent que devant eux on se livre à de pareilles pratiques, et qui recherchent les occasions d’y assister ou même d’y prendre part. Voilà les vrais coupables. L’Univers cite l’évêque de Saint-Luc pour apprendre à ces chrétiens égarés qu’il ne leur est pas permis de s’amuser avec le diable. Quant à nous, qui ne prenons pas la leçon pour nous, puisque nous n’avons pas l’honneur de figurer parmi les clients de l’illustre Américain, il nous sera permis d’adresser à notre tour à /'Univers un petit sermon dont il fera son profit, on doit l’espérer. Nous lui dirons donc que les journaux qui remplissent leurs colonnes de fausses légendes et de faux miracles ont beaucoup plus fait que les libres penseurs pour accréditer et propager la croyance à la sorcellerie et à la nécromancie. La croyance aux faux miracles et la croyance à la sorcellerie viennent de la même source ; elles viennent de l’ignorance et de la superstition. L’Univers, qui s’en prend aux philosophes de ce qui se passe en ce moment, voit la paille dans l’œil de son voisin, et il ne voit pas la poutre dans le sien ; il oublie que c’est lui qui a été le premier compère du sorcier américain. »
(Débats du ‘20 mars.)
Comme on le voit, ce ne sont pas les libres penseurs, les philosophes du jour, qu’il faut accuser d’avoir ressuscité la croyance aux esprits, au surnaturel, bien au contraire. Us n’ont fait, à ce sujet, que rire des faits les plus patents, les mieux prouvés, s'efforçant de les enterrer sous le ridicule.
Le journal tAssemblée, tout en approuvant les vertes censures de l'Univers et en jetant aussi la pierre aux libres penseurs, ajoute cependant que quant à M. Hume, il n’y a pas trop lieu de s’émouvoir des phénomènes qu’on lui voit provoquer, attendu que ces phénomènes n’ont rien que de très-naturel, et que si on veut se donner la peine d’aller chez Robert Houdin ou Hamilton, 011 en verra de semblables. Nous ne discuterons point ici celte assertion de l’Assem-~,t ^ ÎSous aimons
mieux nous en rapporter aux faits seuls et opposer aux affirmations si pleines d’assurance du journal de la rue Ber-gère, l’article suivant, emprunté à C Indépendance belge. Voici ce que dit au sujet de M. Hume M. Auguste Ville-mot, un des correspondants de ce journal :
« Mardi, une séance, intéressante pour tout le monde, et démonstrative peut-ôtre pour ceux qui ont la foi, a été donnée par Hume, au Palais-lloyal, chez le prince Napoléon.
— En défiance contre tous les escamotages, le prince avait convoqué M. Moreau-Sainti qui, quoique simple amateur, connaît mieux que Robert-Houdin toutes les ficelles de la magie noire et blanche.
«Les assistants étaient en très-grande majorité des réfrac-iaires, c’est-à-dire dans une disposition d’esprit qui exclut toute idée de compérage par préméditation ou par entraînement.
« On procéda aux expériences : Dix personnes s’assirent autour d’une table très-massive en y imposant les mains.
« L’effet fut nul.
« Il y a trop de monde, dit Hume.
« Quatre des assistants durent se retirer. La séance étant reprise, on demanda à l’esprit s’il voulait se mettre en communication avec les assistants. — Un coup frappé sur la table impliquait une réponse négative ; — deux coups, réponse dubitative ; — trois coups l’affirmative.
« L’esprit manifesta son bon vouloir par trois coups très-distincts ; — la table commença à s’agiter par un mouvement de trépidation qu’on peut comparer à celui d’une charrette cahotée sur le pavé. — Bientôt elle se dressa sur ses deux pieds ; — enfin elle quitta le sol en s’élevant d’un demi-pied environ. Pendant ce temps, le commandant F. P.., aide-de-camp du prince , une bougie à la main , et couché sur le tapis, cherchait le truc et la ficelle. — On ne découvrit rien. M. Moreau-Sainti, de son côté, déclara que ces résultats déroutaient toutes ses notions en prestidigitation.
« Ensuite, M. B... mit son mouchoir sur la table, le tenant à la main; bientôt il sentit un tiraillement très-vif, qu’il
compare à celui d’un chien qui, en jouant, aurait voulu le lui enlever ; un dernier effort plus violent le lui arracha, et ce mouchoir se trouva placé, à l’autre extrémité de la table, sur les genoux du prince Napoléon.
« line sonnette déposée sur la table s’y promena en décrivant un cercle et tintait en sautillant.
« Il était onze heures. — Hume était attendu chez la princesse Braoiska. — Il laissa les assistants, non convertis en majorité, mais très-surexcités.
« On convint de se rendre rue Saint-Florentin , chez le comte de K..., qui a fait de son hôtel l’auberge de Satan.
— On trouve là, outre le maître de la maison, M'"' la princesse de B... et miss E... —C’était une bonne fortune, car Satan a du goût pour les femmes, probablement à charge de revanche.
«Là, nouveaux phénomènes : un accordéon, voyageant sur les genoux des assistants d’un bout à l’autre de la table, joua des airs. — Tout se termina lorsque, vers trois heures du matin, Hume tomba dans une espèce de catalepsie.
«Je vous ai dressé, avec autant de simplicité que possible, le procès-verbal de ces deux séances. Je ne conclus à rien ; mafoinevapasau-delade l’étonnement, mais j’avoue l’étonnement. Les témoignages qui m’arrivent sont de ceux que je puis le moins récuser. Ce soir peut-être, si l'esprit est docile, je verrai par mes propres yeux et je vous dirai ce que le de visu aura ajouté à mes impressions.
« Auguste Vjllemot. » [Indépendance belge.)
Quant à ceux qui plaisantent sans les connaître et sans s’être donné la peine de les approfondir les phénomènes du spiritualisme, le nombre en a diminué. Ainsi, à ne parler que des deux journalistes dont nous avons combattu les articles dans notre numér«du 25 février dernier, MM. Edmond Texier et Paul d’Ivoy, il s’est opéré dans leur esprit, à l’égard de ces phénomènes, un bien grand changement. L’un, dans des articles subséquents, a parlé en termes plus sérieux des médiums et paraît disposé à croire àleur existence ; l’autre s’est
fait le fidèle éch«d’un des faits extraordinaires dus à la puissance évocatrice de M. Hume , et le présente comme lui ayant été raconté par un ami de bonne foi. Voici un passage de lui que nous empruntons à l'Estafette du 31 mars : h M. Hume passait, il y a un mois, la soirée chez M1"' la princesse C. — 11 évoquait les esprits, et les esprits obéissants accomplissaient des prodiges et jetaient l’assemblée dans un étonnement mêlé de terreur.
oUn jeune homme, M. Armand de T., de qui je tiens ces détails, se leva en tremblant, et s’approcha de M. Hume.
«— Ernest R..., mon parent et mon ami, lui dit-il, est gravement malade; l’esprit peut-il me dire s’il est possible de le sauver, ou si, dès à présent, je dois renoncer à tout espoir ?
« — C’est une question grave, répondit M. Hume, à laquelle je ne puis répondre. Interrogez l’esprit vous-même.
« Le jeune homme écrivit sa question sur une feuille de papier qu’il posa sur la table. M. Hume se recueillit et s’éloigna ; toute l’assemblée était plongée dans une sorte d’épouvante mystérieuse. On vit la feuille de papier s’agiter, courir sur la table, puis s’arrêter.
p — L’esprit a répondu, dit M. Hume.
« Onpritla feuille de papier. A l’envers, précisément sous la question écrite, une main invisible avait tracé ces mots : « Dans deux jours vous serez averti. »
« Ici je laisse parler M. Armand de T... lui-même, n — Cette réponse singulière m’émut profondément. Je rentrai chez moi plein d’anxiété. Le second jour se passa sans avertissement. Le soir je restai près d’Ernest jusqu’à minuit; sa sœur était seule auprès de nous. Je le quittai en lui promettant de revenir le lendemain matin. La nuit j’eus un songe singulier et qui m’agita violemment. Nous étions, Ernest et moi, au coin du feu, et nous devisions en regardant pétiller la flamme. II avait le visage que je lui connaissais avant sa maladie, et il riait. Cependant on frappa à la porte trois coups. Nous nous regardâmes avec inquiétude ; les trois coups nous heurtèrent au cœur. Nous ne les entendîmes pas,
nous les sentîmes. La porte s’ouvrit d’elle-même, celui qui entra était le même que celui qui était assis auprès du feu, seulement il avait la face morne, l’œil creux, le regard éteint, la couleur terne, effacée et livide. Il était d’ailleurs encore plus défiguré et plus sinistre dans mon rêve que la maladie ne l’avait fait. A voir ainsi cet être double, toute cette santé d’un côté et toute cette pâleur de l’autre, on eût dit un vivant en face de son spectre. L’elfroi me prit et je m’éveillai. Je me hâtai de me lever et je courus chez mon ami. La sœur d’Ernest vint à moi. Je lui demandai comment allait son frère. — Pas plus mal qu’hier, me répondit-elle. — Je respirai. Elle ajouta : — Mais vous me voyez tout épouvantée d’un rêve horrible que j’ai fait, d’un rêve qui m’d torturée toute la nuit. — Ce songe qui lui causait tant d’effroi et qu’elle avait raconté en s’éveillant à sa mère, c’était précisément le même songe que j’avais fait. Je restai stupéfait à le retrouver sur les lèvres de la jeune fille, tel qu’il m’était apparu la,nuit dans sa sombre nudité et sa douteuse horreur.
— Je courus chez M. Hume. Je lui demandai en pleurant ce qu’il fallait attendre. Il leva les yeux au ciel et me répondit :
— Dieu est grand ! Je ne puis lui arracher une autre réponse. Quinze jours après, à minuit, Ernest est mort.
« Voilà le récit d’Armand. Je déclare que je ne mets pas en doute sa bonne foi, et que je ne crois cependant pas au pouvoir surnaturel de M. Hume. Voilà le mystère, l’explique qui pourra.
« Paul d’Ivoy. » (Estafette.)
Dans un autre article M. Paul d’Ivoy écrit les lignes suivantes :
« M. Hume ne procède ni comme Mesmer, ni comme Ca-gliostro. Il ne dit pas :
« — Je suis né au milieu de la mer Rouge; j’ai été élevé sous les voûtes de la grande pyramide d’Egypte..., etc.
«Lorsqu’il initie des adeptes, il nefaitpas ce que faisait Ca-gliostro, lequel exigeait que chaque dame, en entrant, quittât son cul, sa bouffante, ses soutiens, son corps, son faux chi-
gnon , et revêtit une lévite blanche avec une ceinture de couleur. — Surtout au moment de mystère, il ne crie pas : «— Filles de la terre, dépouillez ces vêtements profanes, et, si vous voulez entendre la vérité, montrez-vous comme elle ! (■Ordre auquel les dames s'empressaient d’obéir en 1785. « Non ! M. Hume est un jeune homme pâle, ayant l'air mélancolique ; il a des yeux qui semblent regarder en dedans, à moins qu’il ne les lève vers le ciel. Il est simple dans ses gestes, sobre dans ses paroles. Il est excellent catholique.
« Avant de venir à Paris, M. Hume est allé à Rome afin de consulter le pape sur la puissance surnaturelle qui se manifeste en lui. Le pape, après l’avoir écouté patiemment, lui répondit, en lui montrant un crucifix :
« — Je ne reconnais pas d’autre puissance que celle du divin Sauveur.
«A Paris, M. Hume alla consulter M. l’abbé de Ravignan qui lui dit :
«— Je n’ai pas d’autre réponse à vous faire que celle que vous a faite le Saint-Père : je ne reconnais pas d’autre puissance que celle du divin Sauveur.
« R1. Hume, ne se contentant pas de cette réponse, s’adressa à M. l’abbé Deguerry, qui lui répondit :
« — Vous pouvez user de toutes les puissances qui sont en vous, pourvu que vous eu usiez dans l’intérêt de la religion.
« Fort de cette autorisation, M. Hume a cru pouvoir, dans quelques soirées, donner des preuves de sa puissance.
dOn raconte qu’aux Tuileries il demandai l’Empereur s’il voulait voir la Providence. L’Empereur ayant répondu affirmativement , M. Hume plaça sur une table une feuille de papier blanc. Aussitôt les lumières pâlirent, une demi-obscurité régna dans le salon et on aperçut une main, indécise et rayonnante comme un nuage lumineux, qui traçait des lignes sur le papier. Ces lignes mystérieuses ont été remises, dit-on, à l’Empereur qui les conserve comme un talisman.
« Paul d’Ivoy. » (Estafette du 24 mars.)
Si ces faits, avancés par un sceptique, un rieur qui s'é-
tait d’abord moqué de M. Hume, ne suffisent pas, qu’on lise les deux articles suivants, dont l’un est emprunté à M. Méry, collaborateur de lu Presse, littérateur célèbre, dont le sérieux et le jugement sont bien connus, et dont l'autre est extrait du Messager du Midi, qui l'a inséré d’après le témoignage d'une personne honorable actuellement à Paris.
Voici ce qu’on lit dans la Presse :
« La fable seule a trouvé l’univers crédule; toute vérité a fait sourire le premier auditeur. Le premier pâtre, qui a dit que son bâton ferré avait été retenu par une montagne, a trouvé un peuple de Saint-Thomas. Puis , on a examiné le bâton et la montagne, et on a découvert l’aimant. Le pâtre avait raison. Le premier qui a parlé des antipodes a soulevé des éclats de rire , et saint Augustin lui-même les a niés. Le premier qui a annoncé la découverte de la boussole a été traité de fou , comme Galilée ; le premier qui a parlé d’uu monde transatlantique a failli ne pas le découvrir ; on lui a donné deux caravelles trouées pour se débarrasser de IuL Plus tard, c’est d’Amérique que l’étonnement nous est venu ; on a nié Fulton et Franklin , deux autres fous provoquant les douches. Puis, nous avons tous voyagé à la vapeur, et nous avons posé partout des paratonnerres, même sur la Bourse et le trois pourcent! Eh bien! avec ces antécédents, et une foule d'autres laissés dans l’oubli, je n’ai pas osé trouver un sourire sceptique devant un troisième mystère, qui nous arrive d’Amérique sous le nom de Hume, ce cornac de l’esprit frappeur; Je pense toujours à cette pierre noirâtre qui attire à elle une aiguille d’acier, et l’aimant mort me fait croire à l’aimint vivant. On a tant ri des paradoxes dont j’ai parlé tout à l’heure, que je n’ose plus rire. Qui sait! ! !
« M. Hume est un jeune homme de vingt-quatre ans; il est grave, taciturne, peu communicatif, et mystique de maintien. Catholique de fraîche date, il a trouvé à Paris deux directeurs spirituels. M. l’abbé Ravignan et M. l’abbé De-guerry. Le premier lui a ordonné de rompre son bail avec les esprits invisibles et peu orthodoxes. Le second, plus tolé-
rant, lui a permis un commerce inolTensif avec l’esprit frappeur. M. Hume a écouté le second.
« Le jeune Américain n’a pas du tout l’air de viser à l'éclat; il ne se prodigue point, il ne demande aucun salaire; il ne va au-devant de personne ; il choisit son inonde, et ne semble être à l'aise que dans les salons de madame Ris.... et de M. de C.... Tout Paris le réclamait; il a trouvé un excellent moyen de concilier la curiosité générale et les devoirs de la politesse : il est parti pour l’Amérique, en promettant un retour prochain !... Nous reviendra-t-il? S’il est bien inspiré par son esprit, il restera de l’autre côté des mers.
« Je prends toutes les précautions oratoires dont je crois avoir besoin pour arriver au récit, car on répugne à raconter l'inçroyable , surtout dans notre siècle éclairé au gaz. Heureux temps, où l’auditoire croyait à la pythonisse d’En-dor, au spectre de Brutus, au fantôme d’Apulée, au convive Banc«! En ce temps-là, il n’était pas nécessaire de s’envelopper de préambules pour annoncer une chose aussi naturelle qu’une séance de M. Hume, l’Américain :
O le beau temps que celui de'ces fablos
Des bons démons, des esprits familiers !
s’écrie le sceptique Voltaire lui-même, et il ajoute :
Le raisonner tristement s’accrédite,
On court, liélas I après la vérité.
Ali! croyez-moi, l'erreur a son mérito!
« Voltaire est un hypocrite d’incrédulité; il croyait à tout, quand il écrivait pour lui. Il croirait à M. Hume, en 1857, surtout s’il avait assisté à la séance de l’autre soir, dans la maison qui fait l’angle du quai Voltaire et de la rue du Bac, la même maison où ces vers charmants ont été écrits en l’honneur des esprits familiers. Et, n’en déplaise à l’abbé Ravignan , le pape Grégoire XIII aurait ajouté foi aussi aux miracles de M. Hume, et il se serait montré tolérant comme l’abbé Deguerry. Deux ans après la bataille de Lépante, en 1573 , je croîs, le fameux joueur d’échecs Boy-le-Syracu-sain , qui avait eu l’honneur de battre Charles-Quint, don
Juan d’Autriche et Michel Cervantes, c’est-à-dire les plus vaillants de l’échiquier, trouva son maître en Italie, et attribua sa défaite à l’influence d'un esprit intermédiaire. — Le tien est plus fort que le mien! s’écria-t-il devant un dernier échec et mat impossible. Ayant l’insigne honneur de faire sa partie avec Grégoire XIII, au Vatican, il raconta son malheur mystérieux au pape, et son opinion sur l’invisible esprit, conseiller aux échecs. Grégoire XIII approuva en tous points le Syracusain, et lui donna une recette pour combattre l’invincible adversaire. Cette fois, ce fut Y esprit de Boy qui l’emporta sur l’autre, et tout cela fut trouvé très-naturel par Charles-Quint, don Juan d’Autriche et Michel Cervantes , personnages qui nous valaient bien tous tant que nous sommes aujourd’hui.
« Puisque le raisonner s'est accrédité tristement, comme dit Voltaire, nous raisonnerons quelque jour, peut-être , sur M. Hume; aujourd’hui, nous raconterons.
« Voici ce que j’ai la hardiesse de garantir avant le raisonnement :
« M. Hume s’est assis devant une table de moyenne grandeur , et couverte d’un tapis. Il a appuyé ses deux coudes sur la table, et sa tête sur ses mains, comme pour recueillir sa pensée, ou converser avec l’invisible. La table s’est soulevée sur ses deux pieds, et non sur quatre , comme l'affirment ceux qui voient double ; elle a poussé aussitôt ces plaintes criardes qu’on entend la nuit, dans les paquebots à vapeur, lorsque la mer est mauvaise et semble vouloir détraquer la coque ; puis la table s’est mise au repos, et on a vu son tapis onduler, comme ces toiles de théâtre qui ont la prétention de copier les vagues de l’Océan à grands renforts de têtes de comparses. Il était de toute évidence qu’aucune préparation n’avait eu lieu et que la table n’avait eu aucun rapport avec la table mécanique de Crammer, ou avec les engins à ressorts de Robert Houdin. Ceci étant admis, une personne de notre société a eu l’héroïsme d’endurer sur le gras de sa jambe les piqu intes espiègleries d'un chat joueur et invisible, et la figure pâle du patient attestait une cer-
taine émotion sur un léger sourire forcé. Un mouchoir a été agité dans des doigts invisibles et arraché violemment pour s’envoler comme un grand papillon dans une autre main. Ensuite..., oh ! par exemple, je n’ose aller plus avant, car le domaine de l'incroyable a ses bornes. Hasardons-nous pourtant, au risque d'être accueilli comme les premiers propagateurs de vérités impossibles... Une main , une véritable main blanche et fine , composée de cinq doigts , aux ongles de nacre, s’est montrée sans l’obligé supplément d’un bras, et deux lèvres de héros ont déposé un baiser respectueux sur cette apparition, en courant la chance de recevoir un soufflet. La main a été polie et n’a témoigné aucune irritation, comme une main de reine espagnole habituée au baisemain.
« Il n’y a pas eu étonnement, mais prostration. Chacun récitait en esprit le verset du Pange : « Il faut que la foi donne son supplément ù ce qui nous manque du côté de nos sens imparfaits (1).
« Méry. »
(Presse du 28 mars.)
Voici ce qu’on a écrit de Paris au Messager du Midi :
« Vous n’êtes pas sans avoir entendu parler de la grande curiosité parisienne du jour, M. Hume, le célèbre évocateur d’esprits frappeurs, et cependant qui peut se flatter de l’avoir vu? Il y a vingt-quatre heures, j’aurais volontiers révoqué en doute son existence, et je considérais en tous cas les prodiges qu’on lui prête comme autant d'inventions destinées à amuser la crédulité publique. Mais, aujourd'hui que j'ai vu M. Hume, qu’il a travaillé devant moi, je ne dirai pas seulement que rien n’est plus réel que cet homme, j'ajouterai que sa puissance ou son habileté sont également incompréhensibles, et que, comme toutes les personnes présentes , j’ai été plus effrayé encore qu’étonné du spectacle auquel il m’a été donné d’assister.
« Ecoutez seulement le récit de ma dernière soirée, et
(1) Pnestcl fides supplomonlum sensuum dufectui.
vous serez, je crois, de mon avis. Hier soir, je me trouvais chez un très-grand personnage, que je vous demanderai la permission de ne désigner ici que sous celte simple initiale, M. X... La réunion était composée d’une vingtaine de personnes, parmi lesquelles plusieurs dames, et on ne s’attendait nullement à, voir M. Hume, lorsque, sur les dix heures environ, un monsieur fut introduit et présenté aussitôt par le maître de la maison comme étant le célèbre évocateur d’esprits frappeurs, si à la mode en ce moment. M. Hume est un homme de taille moyenne, ni gras ni maigre, ni brun ni blond, de traits assez réguliers et portant favoris et moustaches, vêtu comme tout le monde, un homme, une individualité comme il s’en rencontre dans tous les salons.
« Après quelques paroles prononcées en excellent français, M. Hume, se plaçant contre la cheminée, dit qu’il se mettait à la disposition de l’honorable assemblée, et que tout ce qu’on voudrait bien lui demander de possible il tâcherait de l’exécuter. Aussitôt une dame le pria de faire tourner la table qui se trouvait au milieu du salon. Je m’attendais à des passes, à un contact plus ou moins prolongé de M. Hume avec la table ; il n’en fut rien : M. Hume, accoudé à la cheminée, ne bougea pas de place ; seulement il sembla se concentrer en lui-même comme pour rassembler toute sa puissance nerveuse, sa figure se contracta légèrement, et enfin, après moins d’une demi-minute employée à cette sorte d’évocation , il étendit la main dans la direction de la table, qui se mil aussitôt à tourner lentement, puis plus vite, puis enfin tellement rapidement qu’elle semblait une véritable toupie. On invita M. Hume à arrêter la table, et il 1 arrêta aussitôt.
« Après cela, ce furent les pendules de deux des salons dont M. Hume fit marcher et arrêter les aiguilles à volonté, seulement en étendant la main. Puis toutes les sonnettes furent subitement agitées ; et une dame, ayant demandé si on pouvait bien lui faire venir un livre qu’elle désigna, et qui se trouvait dans une bibliothèque placée à l’autre bout de la pièce , la porte vitrée de la bibliothèque s’ouvrit tout à
coup avec bruit, et le livre, comme jeté par une main invisible, vint tomber sur les genoux de la personne qui l'avait demandé. Après ce tour, ou plutôt ce prodige, qui causa une vive impression, M. llume fit jouer à un pian«plusieurs airs qui furent indiqués ; puis, des mouchoirs furent arrachés des mains de quelques messieurs qui avaient défié l'é— vocateur.
« Enfin 011 demanda à 11. Hume d’agir d’après ses propres inspirations, pour donner une preuve frappante de l’intervention des esprits, qu’il prétend faire obéir. La demande était à peine formulée que j'éprouvai pendant quelques secondes une sensation indéfinissable, sensation partagée , du reste , par toutes les personnes présentes : il nous sembla que le plancher fuyait sous nos pieds, ou plutôt que nous étions suspendus en l’air ; puis soudain, toutes les bougies qui se trouvaient dans l’appartement s’éteignirent. On entendit les meubles se remuer avec bruit, les portes s’ouvrir et se fermer avec fracas; puis, les bougies se rallumèrent subitement, mais il n’y avait plus de M. Hume : il avait disparu quelques instants après, et alors chacun essayait de se remettre de cette scène, qui avait causé une stupéfaction générale. Un domestique annonça que 11. Hume venait de quitter l’hôtel, et qu’il priait l’assemblée de l’excuser s’il était parti sans prendre congé d’elle comme il aurait dû le faire. Naturellement, les scènes qui venaient de se passer furent l’objet de toutes les conversations chez M. X...; mais elles avaient trop impressionné pour que chacun pût conserver sa galté et sa liberté d’esprit; aussi la soirée s’est-elle terminée de bonne heure. »
Voilà, entre une infinité d’autres, quelques-uns des articles que la presse a cru devoir consacrer à M. Hume. Les faits contenus dans ces articles, tout extraordinaires qu’ils paraissent, n’en sont pas moins reconnus comme étant très-véridiques et possibles par une foule de personnes de bonne foi qui en ont été témoins ou qui s’occupent depuis longtemps de spiritualisme. De tous côtés nous arrivent des attestations verbales ou écrites relatives à d’autres faits tout aussi extraordinai-
rcs et ayant la même source qui se seraient passés en France et surtout à Paris, où la présence de M. Hume a partout ressuscité l’engouement pour les esprits frappeurs. Nous ne donnerons, quant à présent, au sujet de tous ces faits, ni commentaires, ni explications. Nous les laisserons s’accumuler jusqu’à ce que l’heure soit venue de prendre la parole, et de faire à leur endroit des conclusions solennelles et définitives. En attendant, nous ne pouvons nous dissimuler que l’esprit humain fait en ce moment un grand pas et que nous sommes peut-être à la veille de voir surgir d’immenses vérités, la plus sublime des transformations morales.
z. PIÉRART.
CONTROVERSE.
Marche lin Spiritualisme.
Réflexions inspirées par la lecture des arliclos de la Civilla caltolica sur la nécromancie moderne, articles reproduits par L' Univers.
Les articles de la Civilta cattolica, de Rome, sur la nécromancie moderne (1), à propos d’un ouvrage publié à Ferrait; sur la pratique du magnétisme animal, prouvent,' en dépit de leur conclusion inadmissible et rétrograde pour toute intelligence de progrès, que le spiritualisme américain , ainsi que l’appelle lu ilevue romaine, fait des pas de géant dans le monde intellectuel et moral, malgré la vive opposition des sceptiques d’un côté, et des superstitieux de l’autre, qui lui sont également hostiles.
Quiconque lira le résumé de ce travail accompli sous une influence ennemie de la science nouvelle reconnaîtra, s’il est de bonne foi et n’a point de parti pris à l’avance, une contradiction flagrante dans l’exposé des principes discutés et reconnus , puis ensuite dans la condamnation de par le sentiment chrétien, des effets pratiques qui sont la conséquence forcée de ces mêmes principes.
Nous ne comprenons pas trop, il est vrai, la nécessité de faire intervenir deux principes dans la question du magnétisme spiritualiste, l’un naturel, l’autre surnaturel ; et ce passage où l’auteur se torture, dans l’obscurité la plus complète, à décrire sans chercher à le résoudre le problème insoluble pour quiconque ne veut point voir de ces effets merveilleux, fera sourire tous les initiés de la science dont nous sommes, sinon les apôtres, au moins les fervents adeptes.
« Comment, dit la Civilta cattolica., rendre raison de pareils phénomènes? Voudrons-nous recourir, nous aussi, àjc ne sais quelles causes occultes, quelles forces encore inconnues de la nature ; à des explications nouvelles de certaines facultés, de certaines lois qui, jusqu’à présent, étaient demeurées inertes
(1) Voir /’Univers des 5 et 6 avril 1837.
et comme endormies au sein de la création? Autant vaudrait confesser ouvertement notre ignoranceet envoyer le problème grossir le nombre de tant d’énigmes dont le pauvre esprit humain n'a pu jusqu'à présent et ne pourra jamais trou ver le mot. Du reste, nous n’hésitons pas, pour notre compte, à confesser notre ignorance à l’égard de plusieurs des phénomènes, en question , dont la nature est si équivoque et si obscure que le parti le plus sage nous parait être de ne pas chercher à les expliquer. En revanche, il en est d’autres pour lesquels il ne nous parait pas difficile de trouver la solution ; il est vrai qu’il est impossible de la chercher dans les causes naturelles ; mais pourquoi alors hésiterions-nous à la demander à ces causes qui appartiennent à l'ordre surnaturel? Peut-être en serions-nous détournés par les objections que nous opposent les sceptiques et ceux qui, niant cet ordre surnaturel, nous disent qu’on ne peut définir jusqu’où s'étendent les forces de la nature ; que le champ qui reste à découvrir aux sciences physiques n’a point de limites ; que nul ne sait assez bien quelles sont les bornes de l’ordre naturel pour pouvoir indiquer, avec précision, le point où finit celui-ci et où commence l’autre. La réponse à une pareille objection nous paraît facile ; en admettant qu'on ne puisse1 déterminer, d’une manière précise, le point de division de ces deux ordres opposés, l’ordre naturel et l'ordre surnaturel , il ne s’ensuit pas qu’on ne puisse jamais définir avec certitude si tel effet donné appartient à l'un ou à l'autre de' ces ordres. Qui peut, dans l'arc-en-ciel, distinguer le point précis où finit une des couleurs et où commence la coupleur suivante ? Qui peut fixer l'instant exact où finit le jour et où commence la nuit ? Et cependant il ne se trouve pas un homme assez borné pour en conclure qu'on ne puisse pas savoir si telle zone de l'arc-en-ciel est rouge ou jaune, si, à telle heure, il fait jour ou nuit. Qui ne voit que pour connaître la nature d'un fait il n'est aucunement nécessaire de passer par la limite où commence, où finit la catégorie à laquelle il appartient, et qu'il suffit de constater s’il a les caractères qui sont propres à cette catégorie? »
Appliquant cette remarque à la question qui la préoccupe, la Revue romaine déclare que, parmi les phénomènes des tables parlantes, il en est plusieurs qui manifestent un caractère appartenant de la manière la plus évidente à l’ordre surnaturel. Il s’ensuivrait donc de là que certains de ces faits appartiendraient de leur côté à l’ordre naturel, tout bonnement parce qu’on peut les expliquer d’une manière ou d’une autre plus ou moins concluante.
Mais tout n’est-il pas surnaturel pour l’être borné qui ne peut comprendre les effets en remontant aux causes? Et ces déductions ne sauraient être justes que relativement au degré d’intelligence de chacun.
Dans quel étrange dédale d’incohérence vous plonge ce système qui consiste à compulser des faits pour les classer tantôt dans un ordre , tantôt dans un autre, selon que l’esprit peut remonter à la cause première, et plus ou moins bien la comprendre ! Evidemment c'est là s’amuser aux détails futiles de l’entrée, tandis qu’on a tout un palais de féerie à explorer de fond en comble, bien autrement rempli de merveilles.
Le sage admettra toujours que tout effet produit dans ce monde est naturel , quel qu’il soit, et s’il ne lui paraît pas tel au premier abord, c’est que son défaut de lumière lui en dérobe la cause ; mais cette cause existe, parce que l’effet se produit.— Nous pouvons dire aussi qu’en dehors des choses matérielles, toute cause est nécessairement surnaturelle, ce qui ne veut pas dire qu’elle soit pour cela incompréhensible ; mais il suffît pour qu’elle soit dans cette condition, qu’elle existe en dehors de notre monde, quoique influant sur lui par des moyens qu’il nous est permis de découvrir et d’apprécier, et qui ne sont autres que les rayonnements d’une sympathie magnétique.
Nous ne pouvons comprendre, par exemple, que les tables tournantes puissent procéder en certaines circonstances, pas plus que les tables parlantes, d’une cause purement naturelle, celle d’une impulsion mécanique, du fluide magnétique simple, de l’électricité des corps, etc. ; car si vous ad-
mettez une fois l’intervention des esprits , comme vous êtes forcés de le faire lorsque, poussant le phénomène jusque dans ses dernières limites , vous comprenez que le langage des tables par le fait de sa manifestation surprenante, émane nécessairement des esprits ultra-mondains, vous ne sauriez vous égarer dans les explications naturelles, et qui le sont bien peu , dont les savants ont si souvent abusé pour expliquer le phénomène à leur manière.
Ce qui doit enfin confondre l’étroite appréciation des corps savants, ce sont les faits si communs en Amérique, et qu’un médium de premier ordre, M. Hume , vient de reproduire à Paris, dans plusieurs salons, d’une manière si concluante, et je puis dire si terrifiante pour les incrédules, faits qu’il est physiquement impossible d’expliquer par une cause natu-
La conséquence de ceci, c’est que les savants qui n’ont point vu nieront ; mais ceux qui auront vu, que diront-ils ? Oh ! pour ceux-là leur matérialisme sera confondu , et ils croiront dans le mutisme, en rougissant quelque peu de leur outrecuidance passée : les cœurs droits et vrais seuls confesseront hautement leur erreur.
Nous ne saurions trop nous féliciter que la conversion de l’organe religieux soit déjà faite, et qu’elle ait devancé celle de la science officielle des académies ; car il n’est pas de petit triomphe pour la sainte cause du spiritualisme. — Après avoir admis l’intervention des esprits non permanente, mais dans certains cas, voici comment il s’inquiète de leur orthodoxie.
« Mais ces esprits, quels sont-ils? Sont-ce de bons ou mauvais esprits ? des anges ou des démons ? des âmes bienheureuses ou des âmes réprouvées ? La réponse à cette dernière partie de notre problème ne saurait être douteuse pour que l’on considère d’une part la nature de ces divers esprits ; de l’autre, le caractère de leurs manifestations. C’est ce qu’il nous reste à faire voir. »
Nous avions pressenti quelle serait la réponse dès le début de ces lignes.
Après avoir établi qu’un certain nombre de faits spiritualistes est dû à l’intervention des purs esprits, la Civil!a cat-tolica pose en principe que ce sont tous des démons sans exception aucune , et pour preuve de cette supposition toute gratuite, elle cite « l'incohérence, la légèreté, l’extravagance ridicule, et, pour ainsi dire, bouffonne de leurs actes , ce mouvement circulaire , cette danse des tables , les coups qu’elles frappent, leur course effrénée à travers les appartements, la sotte légèreté avec laquelle ils répondent aux questions les plus oiseuses, et ce qui est pire, les coupables doctrines qu’ils enseignent, doctrines impies, immorales, blasphématoires et plus ou moins hostiles à l’Eglise, etc. »
Nous ne comprenons pas comment, si l’on est vraiment animé d’un sentiment de justice et d’impartialité, on peut décider qu’un esprit est plutôt un démon qu’un ange, d’après la manière dont il.se manifeste. — Cette première preuve n’est doue qu’une fausse présomption ; elle tombe d’elle-xnême; quant à la seconde; elle est aussi peu concluante, on parle de doctrines plus ou moins légères et coupables, d’hostilité envers l’Eglise ; qu’est-ce que cela prouve ? qu’il y a de mauvais esprits, mais non qu’ils soient tous de la sorte. — Autant vaudrait envelopper le genre humain dans un môme anathôine ; car lui aussi professe souvent des maximes perverses, et cependant vous admettez chez lui autant de bon que de mauvais.
Sans doute , dans le nombre des manifestations dues aux esprits, il s’en est rencontré de semblables à celles que vous indiquez ; mais il s’en est trouvé aussi, et c’est le plus grand nombre, qui sont humaines, philosophiques et consolantes, religieuses surtout, môme au point de vue de l’Eglise.
Certes, c’est plutôt là le langage des anges que celui des démons.
Le royaume de Satan serait-il divisé ?
Lisez les journaux d’Amérique pour être édifiés sur ce point, entre autres le Spiritualiste de la Nouvelle-Orléans, qui vient de lancer son premier numér«, avec cette épigraphe :
« Ils ne sont pas morts.
« Parlez-leur : ils vous répondront. »
Oui, parlez aux esprits avant de décider qu’ils appartiennent au monde des ténèbres, car vous aurez bientôt acquis la preuve que leur lumière peut faire pâlir la vôtre, et vous pourrez vous dire dans une sorte d’effroi : Où suis-je, et que suis-je donc, si les anges des ténèbres sont plus éclairés et plus parfaits que moi-même?
Mais non, il s’agit bien de parler aux esprits , la Civilta cattolicu, après avoir fait briller un instant la vive lumière d’une dialectique presque spiritnaliste, s’empresse de l’éteindre sous le boisseau de l’obscurantisme , qui, de tout temps, fut la ressource de ceux qui sont jaloux de voir l’œuvre de Dieu s’ouvrir une autre route que celle dont ils se sont institués de leur propre autorité les zélateurs intéressés. Aussi s’empresse-t-elle de désapprouver toute étude des sciences occultes, « assurant que ces pratiques sont autant de superstitions qui tendent à lier l’homme au démon par les chaînes d’un commerce et d’une servitude expresse ou tacite, et qui s’opposent à. l’ordre providentiel établi de Dieu dans l’univers, ainsi qu’au culte suprême qui n’est dû qu'à lui seul. »
Qui donc s’oppose à la marche de l’ordre providentiel ? Des esprits se manifestant par cet ordre même ? ou des hommes intéressés à détourner la science que Dieu veut répandre gratuitement sur le genre humain ? Et tous ceux qui, dans tous les temps, ont voulu marcher par des voies ténébreuses ne redoutent-ils pas cette lumière de la vérité devant laquelle pâlit toute foi hypocrite et mensongère?
Vous appelez ces pratiques des superstitions ; mais vous avez déclaré vous-même qu’elles étaient réelles, que les esprits parlaient et se manifestaient par les tables et les médiums. — Il n’y a donc pas là de superstition. — Il y a, au contraire, une manifestation bien évidente de la vérité.
Vous faites intervenir l’autorité des écritures d’abord, et de l'Eglise ensuite, pour condamner ces pratiques, et vous terminez en disant :
« Qu'il n’est pas besoin de tant de raisonnements pour détourner de ces folles et ténébreuses pratiques les catholiques sincères qui ont conservé vivant dans leur cœur le flambeau divin delà foi et qui sentent toute leur dignité de chrétien, pour leur inspirer une légitime défiance à l’égard de cette nouvelle nécromancie originaire d’Amérique, et les porter maintenant plus que jamais à ne la voir qu’avec mépris et avec horreur. »
A ces vaines et creuses déclamations, nous répondrons d’abord que, bien loin de blâmer le spiritualisme, les écritures tendent, au contraire, à l’insinuer pour ainsi dire goutte à goutte dans le cœur de l’homme matériel des premiers temps ; elles ne sauraient donc condamner en quoi que ce soit les moyens révélés par Dieu môme pour concourir à ce but.
Nous terminerons donc, en opposant simplement à nos adversaires cette parabole du Christ, si profonde et si vraie dont ils auraient dû se pénétrer avant de porter un jugement téméraire.
La voici, non d’après le texte sacré, mais telle qu’elle s’est gravée dans notre mémoire :
Au jour du banquet royal et divin, comme les invités tardaient à venir, retenus par leurs affaires et leurs intérêts particuliers, le roi envoya ses serviteurs par les carrefours, les rues de la ville et dans les campagnes, pour lui amener les étrangers, les mendiants, les vagabonds , les premiers venus.
Telle est l’explication métaphysique des phénomènes spi-ritualistes.
Les invités au banquet du Seigneur ont presque tous déserté leur mission en prenant des prétextes pour ne point répondre à son appel, et le Seigneur s’adresse, de nos jours, à tout étranger chez lequel il se trouve une âme sympathique à l'amour divin, et capable d’aspirer au festin de l’immortalité.
D. BURET.
VARIÉTÉS.
LE MAGNÉTISME ET LA CHANSON.
On nous entend répéter sans cesse : « La vérité se répand et pénètre partout ; c’est la lumière qui, de plus en plus, chasse et dissipe les ténèbres. » Nous en offrons encore une preuve.
Un de nos collaborateurs, M. le docteur baron de Glever de Maldigny, dont la santé, détériorée à de longues et nombreuses expériences sur le vaste domaine de nos études, se rétablit de jour en jour par l’emploi d’un traitement magnétique , aidé de distractions convenables , a voulu consacrer jusqu’à ses plaisirs au service de la cause mesmé-rienne.
Le docteur, en se faisant recevoir à la société du Caveau, cette joyeuse réunion, connue depuis plus d’un siècle par son lyrisme anacréontique, s’est présenté gaiement au cénacle, sous les couleurs de notre bannière. Voici les couplets chantés lors de la réception de notre collègue, le 3 avril 1857.
Inutile de prévenir que, comme de raison, le mesmérisme de l’auteur se ressent du terroir où s’est implantée sa muse, et qu’il professe tout à fait dans le rituel de Momus; mais, n’importe, c’est une manifestation du principe ; et cette forme, toute frivole qu’elle se montre , toute scabreuse qu’elle puisse paraître à certaine critique, n’en est pas moins une voie bonne , puisqu’elle donne à la vérité le bénéfice d’un nouveau passeport de popularité.
Quant à la seconde chanson de M. de Maldigny, bien qu’elle
ne traite pas nominalement de notre sujet, elle est trop dans la communion et le développement de nos idées en spiritualisme, pour que nous hésitions à la transmettre à nos lecteurs :
LE MAGNÉTISME.
Air : Ça m’est toujours très-agréable (Ebgèse Désaügiers).
Il parait qu'il existe en nous Un feu, de puissance divine,
Que l’amant ou le tendre époux Au fond de lui toujours devine.
Source de vie, esprit, éther,
Ce principe, — eu son paroxisme ! —
Est la foudre de Jupiter :
On le nomme le magnétisme.
Son culte est une œuvre d’amour,
Pour L’homme habile à le comprendre;
De l'adepte il veut, sans détour,
Ea foi!... qui fait tout entreprendre.
Appuyé sur la volonté,
Avec le bien pour aphorisme,
On est certain, en vérité,
De merveilles en magnétisme.
A l’univers il dit ses lois ;
C’est le pivot de l’harmouie :
La gloire lui doit ses exploits ;
Et la science, le génie.
La sympathie... est son attrait;
Mais, blessé de l’antagonisme,
Il ne livre pus son secret Aux opposants du magnétisme.
Malgré Mesmer et du Potet,
J’en riais !.. — soit doute ou paresse ; —
Un pauvre enfant qui sanglotait,
Un soir, m’exprima sa détresse.
Il me priait I... U avait faim !...
Ma bourse fut sans scepticisme ;
Et, dès cette soirée enfin,
Je fus croyant du magnétisme.
Je goûte, aux plaisirs d'un banquet,
La chanson aux franches coudées;
Et les vôtres sont le bouquet Des plus joviales idées.
Sans aucuns vœux récalcitrants,
Avec un joyeux atticisme,
Vous m’avez admis dans vos rangs :
N’est-ce pas là du magnétisme?
...........(1).
Par calcul, ou d‘un trait soudain,
Chacun en fait en toute chose,
Comme ce bon Monsieur Jourdain,
A son insu, faisait sa prose.
Pour nous, heureux de nous revoir Pleins d’âme et de tolérantisme,
En dignes fils du... gai savoir,
Propageons le gai magnétisme !
TERRE ET CIEUX.
Musique de Mademoiselle Passerieu de Varez.
Vous, qui, courbés sur notre route,
Nobles pionniers du devoir,
Le front toujours ombré de doute,
Cherchez la foi qu’il faut avoir.
L’amoiir est l’ange salutaire!
L’amour est l’hymne précieux l Tout le bien qu’il fait sur la terre,
C’est un encens qui monte aux deux.
Sous le chaume ou sous la couronne,
Qui peut prévoir le lendemain ?
Puisque l’ombre nous environne,
Marchons en nous donnant la main.
Aimer, c’est croire ; et nul mystère Pour le bonheur n’est plus pieux :
Le bonheur goûté sur la terre,
C’est un secret qui vient de3 cieux.
(1) Ici nous croyons devoir supprimer un couplet qui n’a été écrit qu’en vue de la Société du Caveau.
Versons le baume à la souffrance ; Aux plus blessés notre faveur :
La moindre obole est l'espérance. Quand on la donne avec ferveur.
Rien ici-bas n'est solitaire,
Un grain de bien conduit au mieux ; Et le progrès né sur la terre,
C’est un fruit d'or semé des deux.
Au jour présent la fleur vermeille,
Le souvenir pour le passé;
Un doux rayon pour chaque abeille, Aux ingrats seuls l’oubli glacé.
A Dieu nos vœux, notre prière,
Ech«du cœur triste ou joyeux :
Dieu, c’est le bon droit sur la terre, C’est l'Eternel au sein des cieux.
Pourquoi des pleurs sur une tombe? Un ami hors de nos destins,
C’est, au soir, un soleil qui tombe Pour embrasser d’autres matins.
Naître!... c’est une chance austère, Dans notre monde soucieux ;
Mais, quand le Juste a fui la terre, C’est une fête dans les cieux.
Il se trouve dans le Moniteur du 20 avril un compte-rendu très-intéressant des Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, dû à la plume de M. Sainte-Beuve. Nous extrayons de ce compte-rendu un passage curieux, un de ces faits de prévision, d’apparition prophétique si curieux dont l’histoire offre tant d’exemples. A la veille de la bataille d’Eylau, dit M. Sainte-Beuve, il arriva au général Pelleport/un événement fort extraordinaire, dont on pensera ce qu’on voudra, et qui serait de nature à justifier l’apparition du fantôme à Brutus, à la veille de Philippes : « L’on va rire de moi, n’importe... La veille de la bataille
d’Eylau, je dormais profondément, lorsque je fus réveillé par un bruit léger : une femme belle et richement habillée était devant moi : « Tu seras blessé, me dit-elle, et griève-« ment. Ne crains rien, tu t'en sortiras encore1 .> Vivement impressionné par cette étrange apparition, j’allais répondre, lorsque je m’aperçus que ma fée avait disparu... Le lendemain, je recevais trente coups de sabre, et j’étais sauvé par un miracle. Cette histoire est étrange, mais elle est vraie. » Je laisse aux physiologistes à expliquer cette espèce de projection et de réflexion visible de la pensée interne à l’état de mirage : une seule remarque à faire quand on est simple académicien, c’est que la dame ou la fée parlait cette nuit-là un français un peu risqué.
Le lendemain, après la bataille, un soldat de son régiment déterra littéralement Pelleport, enseveli qu’il était sous un monceau de cadavres durcis par la neige.
_
11 n’est bruit, dans la commune du Tilleul, canton de Criquetot-l’Esneval (Seine-Inférieure), que d’un jeune homme de dix-neuf ans, qui est sujet au somnambulisme naturel. Etant domestique à la Poterie, dans une ferme, on l’a vu plusieurs fois, pendant son sommeil, se livrer aux travaux de son état avec tout autant d’ardeur et d’adresse que s’il eût été éveillé ; il vidait les écuries, puisait de l’adresse à la mare et se transportait d’un village à un autre avec une vitesse incroyable.
La rumeur publique ayant accusé ce jeune homme d’un attentat à la pudeur, commis dans l’état de somnambulisme, M. le commissaire de police du canton de Criquetot-l'Esne-val s'est immédiatement rendu sur les lieux et a procédé à une information.
Un pareil fait est de nature à éveiller l’attention des savants et à soulever des questions d’un haut intérêt, relativement aux phénomènes plus ou moins étranges que peut présenter le somnambulisme naturel.
(Union du 21 avril.)
Le magnétisme fait de jour en jour des progrès en Piémont et s’y organise de manière à rendre des services à la science et à l’humanité. M. Guidi, professeur de magnétisme à Turin, auteur d’un ouvrage fort estimé sur le magnétisme, rédacteur en chef de la Luce magnctica, vient de fonder une Société mcsmérique d'instruction, de pr opagande et de bienfaisance qui réunira la théorie et la pratique et s’occupera d’appliquer le magnétisme au traitement des maladies ; elle entrera en exercice le 23 mai, anniversaire de -la naissance de Mesmer. Espérons que cette date lui portera bonheur et que les disciples marcheront glorieusement sur les traces de leur maître.
,1 ERRATA.
Quelques fautes typographiques se sont glissées dans le numér«du 10 avril dernier. A la page 179, dernier paragraphe , au lieu de sternum, lisez ilernutn; et, au bas de la page 183, au lieu d«madama Vedeaux, lisez madame.—Dans l«numér«du 43 mars, aux pages 166 et 168, lisez : Taxile llelord au lieu de Delor.
Baron n«POTJBÏ, propriétaire-gérant.
CONTROVERSES,
LE SOMNAMBULISME DEVANT LES TRIBUNAUX.
Nous avons rendu compte, dans notre numér«du 25 mars dernier (page 160), d’un arrêt de la Cour impériale de Limoges, qui acquitte une somnambule poursuivie pour exercice illégal de la médecine, et l«médecin qui l’avait assistée dans scs consultations et qui était poursuivi comme son complice. Cette décision importante a été vivement combattue par M. E. Martin, avocat, dans deux articles insérés au Moniteur des hôpitaux (numéros des 9 et 10 avril). Comme la question intéresse à un très-haut degré tous ceux qui s’occupent de magnétisme, nous croyons utile d’entrer à ce sujet dans quelques détails.
Les faits de la cause sont rappelés dans notre précédent numéro. Voici le texte du jugement rendu par le tribunal de police correctionnelle de Limoges :
« Attendu que nul ne peut, sans titre , exercer l’art de guérir ; que les prohibitions de la loi s’étendent aux somnambules comme à toutes autres personnes, et qu’elles ont pour but de protéger la santé des citoyens contre l’ignorance et le charlatanisme ;
« Attendu que la dame Cheyroux a donné des consultations, prescrit des traitements aux malades, et qu’elle a ainsi exercé la médecine sans diplôme ni certificat ; que Audi-guet (son magnétiseur) n’ignorait pas que la dame Cheyroux se livrait à l’exercice illégal de la médecine , et qu’en la facilitant dans ses pratiques, il s’est associé et s’est rendu son complice;
« Attendu que s’il est possible d’admettre qu’un médecin, auquel s’adresse un malade puisse se servir du magnétisme (1) comme d’un moyen de diagnostic ou de théra-
(1) Il est probable que les juges ont voulu dire du somnambulisme.
peutique, c’est qu'alors il ne le fait qu’en engageant sa responsabilité d’homme de l’art, qui se trouve directement et principalement mise en jeu, et que sa science et son habileté sont un contrôle et un correctif de ce que les indications du somnambulisme peuvent présenter de hasardé et de dangereux ; mais qu’il ne saurait en être de même lorsque le médecin , sans voir ni consulter le malade, sans s’assurer par lui-même de l’utilité des remèdes ordonnés, appose aux ordonnances d’une somnambule une signature aveugle et sans examen ;
« Attendu que, dans l’espèce, ce n’est pas à Laporte ( le médecin), que s’adressent les malades (suit l’indication de circonstances de fait établissant, aux yeux du tribunal, que l’assistance de Laporte n’avait pas un caractère suffisamment sérieux) ; que ces diverses circonstances impliquent nécessairement la complicité légale de l’homme qui a ainsi prêté son concours. »
Sur l’appel des condamnés, a été rendu l’arrêt suivant :
« La Cour...., attendu que Laporte est régulièrement inscrit comme officier de santé sur les listes de l’administration ; que ce titre, de sa nature indélébile, lui confère le droit absolu d’exercer la médecine dans les limites fixées par la loi, abstraction faite du traitement employé, et sauf toute juste cause de responsabilité ; qu’il n’a perdu aucune des prérogatives et immunités qui y sont inhérentes , bien que , par une participation peu conforme à la dignité de sa profession, il se soit associé à la femme Cheyroux, somnambule, et il Audiguet, son magnétiseur, au domicile desquels il est dans l’habitude de se transporter, et que, dans l’exercice de son art, il ait recours, en dehors de ses connaissances personnelles, aux indications diagnostiques et thérapeutiques qui lui sont fournies par la femme Cheyroux , pendant son sommeil magnétique ;
« Attendu que, sans qu’il soit besoin d’apprécier le magnétisme considéré comme constituant un ensemble de phénomènes naturels, physiques et physiologiques, sous le rapport de sa valeur comme science pratique ou comme faculté
d’intuition appliquée à l’art de guérir, il suffît, pour régulariser aux yeux de la loi les pratiques médicales des trois prévenus, que Laporte, en sa qualité d’offîcier de santé, suivant son droit, à l'abri de son privilège, mais sous la garantie de sa responsabilité personnelle comme homme de l’art, ait prescrit des médicaments et signé des ordonnances, conformément aux indications qui lui étaient fournies par la somnambule, et qu’il s’appropriait, soit en rectifiant ou non, soit en les modifiant ou non, après inspection ou visite des malades, ou sur renseignements donnés par les tiers consultants, soit même d'après la divination somambu-lique de la femme Cheyroux ;
« Attendu que, dans l’état des faits, tel qu’il résulte de l’instruction et des débats, et quelle que soit la sollicitude de la loi pour la santé publique, aucun des prévenus ne saurait, en l’absence de prohitions formelles, être considéré comme s’étant rendu coupable, en qualité d’auteur principal ou de complice, d’exercice illégal de la médecine ; qu’ainsi la prévention manque de base légale, alors surtout qu’aucun accident n’est signalé comme la conséquence de leurs actes; « Par ces motifs, infirmant, relaxe les trois prévenus. » Ces deux décisions, bien que contraires en résultats, admettent un même principe qui, du reste, a déjà été consacré par plusieurs arrêts, c’est que le médecin est à l’abri de toute poursuite quand il se sert de la lucidité d’un somnambule , soit pour déterminer la maladie, soit pour indiquer les remèdes. Il y a même lieu de s’étonner qu’une pareille question ait pu être controversée. Le médecin , muni d’un diplôme, a légalement le droit d'exercer la médecine , sans être assujetti à aucune doctrine privilégiée, sans ôtre enchaîné par aucune autorité. Il n’a point pris, comme le récipiendaire du Malade imaginaire, l’engagement
De non jamais se servire De remediis aucuni»
Quàm de ceux seulement doclœ facultatif, ilaladus dût-il crevare Et mori de su«malo.
Le médecin a toute latitude, peut puiser dans tous les systèmes , choisir parmi tous les procédés, s’éclairer par tous les moyens; il a le droit de consulter des personnes non graduées, de peser leurs avis et d’en profiter si sa raison les approuve. Rien ne doit donc s’opposer à ce qu’il consulte des somnambules, et qu’il ne tire parti de leurs réponses, s'il y trouve d’utiles renseignements. Il demeure toujours libre de contrôler ces indications d’après ses propres lumières , de les modifier et même de les rejeter en tout ou en partie ; s’il les adopte, il les fait siennes et les revêt de son autorité personnelle.
Mais nous reconnaissons, avec les juges de première instance, qu’il y a lieu de décider tout autrement quand le médecin « sans voir ni consulter le malade, appose aux ordonnances une signature aveugle et sans examen ; » alors, ce n’est plus en réalité le médecin qui se sert du somnambule, c’est le somnambule qui se sert du médecin comme d’un prête-nom , d’un homme de paille. Le médecin ne peut plus alléguer son droit illimité de former sa conviction par tous les moyens en son pouvoir; car il n’exerce plus, il ne sait plus ce qu’il fait, il n’a personnellement aucune connaissance de la maladie, il couvre complaisamment de sa signature des ordonnances dont il ignore l’exactitude ; il a complètement abdiqué son caractère, il s’efface au point de n’être plus qu’une griffe, un accessoire inconscient, moins utile que le fauteuil sur lequel s’assied le somnambule. Il importe peu, dans ce cas, que le médecin qui joue un tel rôle possède un diplôme, c’est-à-dire un certificat authentique de capacité, puisque le médecin devenu machine et ne faisant aucun usage de son intelligence, rend sans effet la garantie que par sou titre il offrait à la société. Non seulement la signature apposée au bas des ordonnances cesse d’être une garantie, mais elle constitue alors un odieux mensonge, une fraude coupable, puisque le médecin abrite sous son titre des ordonnances auxquelles il est étranger, et peut inspirer par là une confiance pleine de dangers.
Il y a donc à apprécier, pour chaque affaire, les circon-
stances. Si c’est au médecin que les malades s’adressent, s’il examine les malades, les interroge, si ensuite il assiste à la consultation de la somnambule et y prend part, si, après cette consultation, il reste maître de l’ordonnance , il est évident qu’alors c’est le médecin qui agit, qu’il a conservé son indépendance et a usé de ses lumières : 011 ne peut lui reprocher de s’être aidé du concours de somnambules.
Mais s’il ne /oit pas le malade, s’il ne fait rien pour apprécier par lui-même la maladie, s’il est un instrument passif, s’il se borne à signer sans examen, sans vérification, ce qu’a dicté le somnambule, c’est alors ce dernier qui est le véritable auteur de l’ordonnance et qui a réellement exercé l’art médical : on ne peut donc nier qu’il y ait contravention.
Les décisions récentes sont donc conformes à la saine doctrine et à la raison , et c’est bien moins à ces décisions qu’à la loi elle-même que s’attaque M. Martin qui pense que la dignité du médecin est compromise par le concours des somnambules, et que le privilège médical n’est pas suffisamment sauvegardé par la législation actuelle.
Quant aux médecins qui consentent à se louer comme machines à signature, nous les abandonnons au mépris qu’ils méritent, et il est peu probable que personne prenne leur défense , pas même ceux qui leur paient leur salaire. Mais pour le médecin qui, convaincu de l’avantage qu’il peut y avoir à recourir aux lumières des somnambules, en use consciencieusement, tout en maintenant son libre examen, il ne déroge aucunement; il remplit noblement son devoir en ne négligeant aucun moyen de s’éclairer; il supplée à l’insuffisance d’une science dont tout le monde reconnaît les imperfections; il multiplie les moyens de guérison; il agit donc rationnellement et se met en état de rendre plus de services à l’humanité. Bien des médecins fort honorables ont ainsi mérité la reconnaissance publique, en introduisant le somnambulisme dans la pratique médicale ; plusieurs ont même publié à ce sujet des ouvrages recommandables dout nous avons rendu compte.
Nous n’avons parlé jusqu’ici que des somnambules agissant avec le concours réel ou simulé des médecins : pour les somnambules bien plus nombreux qui dédaignent d’éluder la loi par une fraude et qui se passent de médecins, la question ne peut être douteuse en droit : ils ne peuvent éviter d’être condamnés quand ils sont poursuivis. Heureusement les poursuites sont très-rares, et il est impossible au public d’apprécier fes motils qui, de temps en tenais, dirigent les sévérités du ministère public contre quelques individus qui ne semblent en aucune manière plus coupables que tant d’autres laissés impunis. Ces choix, qu’on serait tenté de croire faits au hasard, ont quelque chose de choquant, et il serait à désirer que l’autorité s’arrêtât à des règles uniformes , afin que chacun sût quand il peut exercer en toute sécurité , et quand au contraire il s’expose aux poursuites.
Le mieux serait d’abandonner un privilège qui ne peut se justifier et qui tend de jour eu jour à tomber en désuétude. La confiance ne s’impose pas. Qu’on laisse les malades recourir à qui bon leur semblera et chercher leur salut là où ils auront l’espoir de le trouver. Que les médecins puissent en être blessés dans leurs intérêts pécuniaires, c’est là une considération fort insignifiante en présence de l’intérêt de la santé publique qui demande qu’aucun moyen de guérison ne puisse être interdit. Alors personne ne sera obligé d’employer des subterfuges pour satisfaire aux exigences de la loi. Qu’on s’en rapporte au bon sens public du soin de faire justice des charlatans. C’est par les résultats qu’on jugera tous ceux qui se mêleront de guérir; la foule se portera vers ceux qui réussiront, qu’ils aient ou non des diplômes , et l’on en finira avec les prétentions de ceux qui veulent mettre la lumière sous le boisseau.
A. s. MORIN.
CAUSERIES SUR LE MAGNETISME.
SEPTIÈME CAUSERIE.
Patience et persévérance.
PRÉLIMINAIRES d'üN TRAITEMENT MAGNÉTIQUE.
A moins que vous n’ayez à traiter une maladie aiguë, car, dans ce cas , vous n’avez point de temps à perdre , il y a urgence , il faut commencer de suite votre traitement magnétique. Vous devez, dans les maladies ordinaires , dites chroniques, voir votre malade une ou deux fois avant de commencer son traitement ; vous devez causer avec lui, faire naître dans son esprit l’espoir que sa maladie n'est point incurable , que peut-être vous avez le moyen de la guérir. Il faut lui demander des détails sur ses longues douleurs, comment elles ont commencé, quels ont été les traitements suivis et les divers accidents survenus pendant la durée de leur application;
Bien vous assurer quel est l’organe malade et l'intensité des désordres que vous voulez combattre. Il faut indiquer au malade, autant que vos connaissances le permettront, les divers changements que le magnétisme doit successivement amener. Calmez l’âme du malade, car en lui, souvent, tout ressemble à une mer agitée, et le magnétisme agit d’autant plus que l’esprit du malade s’occupe moins de sa maladie.
Bien que vous n’ayez pas absolument besoin que celui que vous voulez guérir croie au magnétisme , il faut tâcher doucement, habilement, de l’amener à votre sentiment. Le magnétisme semble exiger ces choses. Les anciens en étaient persuadés. Ils disaient que pour réussir dans ces opérations , il fallait un consentement mutuel des esprits et des cœurs.
Lorsque vous aurez fixé les heures du traitement, il faut que vous soyez d’une exactitude scrupuleuse, le vide vital qui s’est produit attend votre retour pour être comblé, et si vous tardez, la souffrance commence. Il y a ici un lien bien mystérieux : les magnétistes exercés sentent en eux-mêmes quelque chose qui les incite et les appelle à accomplir ce qui, on doit le dire , est un devoir. Les animaux , éloignés de leurs petits, sont poussés, par un irrésistible instinct à s’en rapprocher lorsque vient l’heure de l’allaitement. Tout semble être attraction ou répulsion dans la nature : les antipathies et les sympathies, énigmes pour la science, sont le produit d’une loi cachée, à laquelle obéissent tous les êtres. Il y a des courants réparateurs, il en est qui détruisent.
Le médecin honnête et convaincu de son art agit moralement sur ses malades, mais le magnétiseur ayant la foi exerce un double empire : il agit physiquement et psychiquement. Cette double action est nécessaire, et lorsqu’elle a lieu, elle assure le succès. Le magnétiste ne donne point de drogues ; il lui faut donc faire mouvoir les ressorts cachés de l’âme et du corps. Sa présence, lors même qu’il inspirerait la plus grande confiance, ne déterminerait qu’un de ces mouvements incertains dans leur effet sur la maladie. Mais il a de plus que le médecin cet agent précieux , le magnétisme, qui rayonne sur le malade, et qu’il fait ensuite pénétrer jusque dans la profondeur des organes.
Il est donc bien nécessaire que le magnétiste gagne d’abord la confiance de celui qu’il veut guérir ; il lui faut moins de l’esprit que les qualités réelles du cœur. Rieu dans sa pratique ne doit être simulé ; les malades ont un sens parfait : ils découvrent dans le langage ce qui est banal et ce qui est senti ; ce qui paraît partir d’idées arrêtées et d’une bouche convaincue. Bientôt idées, paroles, se repercutent de l’un à l’autre ; le magnétiste sent en lui ce qui se passe physiquement et moralement chez son malade, et celui-ci, à son tour, éprouve l’effet puissant de ce double jeu ; mais pour qu il en soit ainsi, il faut que la magnétisation soit sérieuse. Il ne s’agit pas seulement d’éventer le visage par
le mouvement rapide des mains, mais tout dans le corps du magné liste doit concourir à ce grand acte.
Sans ces conditions, toute magnétisation est imparfaite , non pas qu’on ne puisse jamais guérir sans les remplir, les exemples sont 1;\ pour nous prouver le contraire, mais les choses difficiles ne se font point sans elles. Toutes les maladies ne cèdent point aux premiers efforts. Le magnétisme est déjà un grand art ; celui qui le connaît peut montrer sa supériorité à puissance égale, car il fera bien plus que celui qui ignore ses secrets.
Ce n’est point en se gorgeant d’aliments et en buvant des vins généreux qu’on acquiert la force magnétique. Le contraire est plus vrai. Vie toujours sobre, esprit toujours libre, les préoccupations de l’esprit produisent l’effet d’une digestion laborieuse. Les forces sont distraites de leur cours régulier et ailleurs employées. Ce qui en reste manque de la direction d’intention. Elles sont viciées au lieu d’être pures. Instinctivement les magnétistes sentent qu’il en est ainsi. Ils cherchent à redresser en eux les écarts de l’intempérance et rappellent leurs idées au but qu’ils se sont proposé d’atteindre.
Un magnétiste doit être alerte et vigilant. Il doit chercher constamment à faire prédominer en lui les fluides sur les solides ; il lui faut une organisation nerveuse, ayant toujours un trop plein, prêt à être déversé sur autrui. Qui n’a rien ne peut rien donner, et le pauvre est mal venu lorsqu'il adresse sa prière à l'homme dont la bourse est vide.
Je pourrais étendre bien plus loin les observations ; mais, dans cet aperçu, je dis ce que je puis dire dans l’état actuel des esprits. Des choses plus avancées, également vraies, seront dites dans d’autres temps.
(La suite au prochain numéro.)
Baron Du Potet.
SPIRITUALISME.
LE SPIRITUALISME EN AMÉRIQUE.
Le Spiritual Tclegraph du 21 mars contient la relation suivante, datée de Harrisburgh :
« Je ne doute pas que vos lecteurs n’apprennent avec intérêt les progrès qu’a faits le spiritualisme dans notre contrée. Je suis heureux de vous informer qu'il est peu de personnes qui n’aient fait quelques efforts pour s’instruire des vérités du spiritualisme. Les progrès n’en sont pas bruyants, mais la marche est lente et sûre. Les manifestations ont un tel caractère qu’il ne peut rester l’ombre d'un doute dans l’esprit de quiconque cherche sincèrement la vérité. Nous vous avons déjà rendu compte de la manière dont les esprits font en personne des communications, et ils ont écrit un livre qu’ils destinent à être publié en temps opportun, pour l’avantage du genre humain. Ces communications ne s’écrivent point par l’intermédiaire des médiums, ou avec aucune coopération humaine; mais, chose étrange, ce sont les esprits eux-mêmes. Notre rôle consiste uniquement à tailler une douzaine de crayons; nous les plaçons dans un pupitre que nous fermons à clef et dont je mets la clef dans ma poche. Nos amis les esprits fournissent le papier, prennent à leur volonté un ou plusieurs des crayons, les extraient du pupitre, bien qu’il soit fermé à clef, et écrivent leurs communications ; quand un crayon est émoussé, ils le jettent sur la table devant nous, comme pour nous le faire retailler. Ils ont aussi fréquemment apporté des crayons dont aucun de nous ne connaissait l’origine.
« Le nombre des communications ainsi obtenues est d’environ 200 ; toutes ont été copiées avec soin sur du grand pa-
picr blanc et forment I1 h pages; les originaux, enfilés avec ordre , sont précieusement conservés dans une boite qui est enfermée sous clef dans le pupitre. Malgré ces précautions, il est arrivé souvent cpie les esprits ont retiré de la boite quelques-uns de leurs écrits et nous ont ordonné de corriger les copies; la personne qui avait copié, ayant par mé-garde commis quelque erreur d’un mot ou d'une lettre.
« Pendant environ trois mois , les réunions générales ont cessé chez moi, par suite de l’affliction où était plongée ma famille ; nia fille unique était alitée, malade de consomption , et il ne restait plus d’espoir de la sauver. Nous n’avons que de petites réunions de famille dans la chambre où ma fille est couchée. Souvent nous recevons la visite de quelques membres de notre société. Nous n’avons plus habituellement de communication écrite de nos amis les es-piits depuis cette interruption des séances générales : cependant il nous en est arrivé quelquefois par exception ; un soir, entre autres, nous en avons reçu cinq. Ils nous disent qu’ils répareront le temps perdu et qu’ils compléteront leur ouvrage.
« Les communications, écrites, comme je l’ai dit, avec des crayons, renferment la doctrine la plus sublime, la plus consolante qui ait jamais été donnée à l'homme.
« Deux de nos sociétaires se sont développés comme médium guérissant et ont obtenu des cures qui auraient été réputées miraculeuses avant qu’on fût accoutumé aux nouveaux phénomènes.
« Les esprits nous ont donné des dessins et des peintures fort extraordinaires. Ils nous ont apporté un tableau exécuté sur une grande feuille de papier -, le coloris en est admirable. Quelques artistes, après l’avoir examiné, ont déclaré qu’ils n’avaient jamais vu de pareilles couleurs. Quelquefois ils ont apporté des peintures inachevées, les ont remportées, puis, plusieurs jours après, nous les ont rendues achevées.
« Les esprits qui nous visitent, sont très-secourables. Beaucoup de cures admirables ont été opérées par eux seuls, sans concours de médium, pendant nos séances. Un malade a été
guéri d'un cancer ; le mal a disparu , presque sans douleur. Des personnes ont recouvré l’ouïe et la vue. Je cite ces faits pour répondre à ceux qui demandent à quoi sert le spiritualisme. Depuis que ma fille est malade, les esprits ont montré pour elle les soins les plus affectueux : ils 110 disent pas qu’ils la guériront, mais qu’ils feront tout ce qui est en leur pouvoir.
« Voici encore un fait curieux. Il y a trois semaines, un samedi soir, les amis et les voisins qui étaient venus visiter ma fille, s’étant retirés vers dix heures, je dis à ma femme que j’étais averti intérieurement de former un cercle. Il n’y avait personne dans la maison que moi, ma femme et ma fille qui paraissait prête à rendre le dernier soupir. Ma femme et moi, nous nous assîmes, et immédiatement nos amis les esprits manifestèrent leur présence. Je me mis à chanter un hymne, et aussitôt une voix de femme se joignit à la mienne; elle était aussi claire et aussi forte que l’aurait été la voix d’une personne vivante et assise auprès de moi. Ma femme n'avait jamais chanté, et ma fille qui, autrefois, avait été une bonne chanteuse, était trop faibl^ pour se livrer à un tel exercice. Je demandai qui m’avait accompagné. La réponse fut que c’était ma sœur Anne qui était morte depuis vingt-deux ans. Je lui demandai s’il y avait un chant qu’elle préférât ; elle me répondit : Oui, chante Corne thou, founl of every blessing (Viens, ô toi, source de toute bénédiction), annonçant qu’elle m’accompagnerait. Je fis ce qu’elle me demandait, et la voix spirituelle se joignit à la mienne. Je chantai ensuite : Children of t/ie keavenly king (Fils du roi des cieux) ; alors ce ne fut pas seulement la voix de ma sœur Anne qui m’accompagna, mais aussi celle de ma fille, bien que celle-ci nous parût près d’expirer ; elle chanta avec autant de force que quand elle était bien portante.
« Je demandai ensuite si quel qu’un des esprits qui nous visitaient, pouvait guérir ma fille. La réponse fut : Nous ferons tout ce qui sera en notre pouvoir. Ma fille me dit alors : « Mon père, iLy a un homme qui me soutient la tête. » Je lui dis
de ne rien craindre, et qu’on ne lui ferait pas de mal. Alors les esprits la levèrent de son lit, la portèrent dans la chambre et la posèrent entre sa mère et moi, près de la table ; ensuite ils l’enlevèrent de nouveau, la reportèrent délicatement dans son lit, et remirent sur elles les couvertures. Après quoi, deux esprits s’assirent sur le lit, chacun d’un côté, et lui caressèrent les joues avec ses mains. Oh ! quelle vue magnifique! La chambre était pleine de messagers célestes; ma fille alla beaucoup mieux, et le jour suivant, elle fut en état de marcher seule dans la chambre et d'aller, sans être aidée, s’asseoir sur le sofa.
«Mafemme et ma fille sont médiums voyants ; elles voient entrer les esprits dans la chambre et nous avertissent de leur présence.
« Depuis qu’il n’y a plus chez moi de cercles réguliers, il s’en tient chez plusieurs de mes amis. Il y a trois soirées par semaine chez M. Brother Lewis ; 0Il y a des communications fort intéressantes et pleines d’onction. Un sujet s’est développé comme médium parlant, et il n’est inférieur à aucun de ceux dont nous avons lu des relations. Nous obte-nous des manifestations seuil.labiés à toutes celles qui ont eu lieu dans les autres cercles. Presque tous les soirs, une table est enlevée au plafond et se meut en musique ; elle est renversée et adhère si fortement au plancher, qu’un homme a bien de la peine à la soulever ; elle est retournée, les pieds tantôt en l’air, tantôt en bas; à notre commandement, elle est transportée de l’un à l’autre des membres de la société, tout autour de la chambre ; elle s’est souvent transportée auprès de ma fille malade, et se place de manière que celle-ci puisse y poser les mains. O11 entend des coups gradués, depuis les sons les plus faibles, comme s’ils venaient de l’esprit d’un enfant, jusqu’aux bruits les plus intenses, semblables à ceux que produirait un homme en frappant fortement sur la table. On entend ces coups dans toutes les parties de la maison. Nous avonr prié les esprits de jouer du violon ; ils ont fait quelques efl'orts en promenant l’archet sur les cordes, tantôt doucement, tantôt avec force. Ils ont pincé les
cordes, puis ils ont remis le violon entre nos mains, en faisant un bruit semblable à celui qu’on produirait en brisant l’instrument, bien qu’il ne fût aucunement endommagé.
« Ils nous disent qu’ils sont habitants de la cinquième sphère; qu’ils étaient, les uns docteurs, les autres ministres des différentes églises, quand ils habitaient la terre. Souvent, quand nous sommes dans l’obscurité, si nous leur demandons de nous montrer de la lumière, ils inondent la chambre d’une lumière extrêmement brillante. Quelquefois on a vu des boules lumineuses tomber sur la table et briller de manière à éclairer la chambre.
« En un mot, les communications et les manifestations ont le caractère le plus éclatant, le plus propre à convaincre. Ils ne nous permettent pas encore de publier leurs communications, quoique tout le monde ait la faculté de les lire et de les examiner. Loin de nous lasser, nous sommes déterminés à continuer d’expérimenter dans cette voie.
« LUKE B. C. HOPKINS. »
FAITS ET EXPÉRIENCES.
INSENSIBIL1TÉ MAGNÉTIQUE.
Je viens de constater pour la onzième fois l’efficacité du magnétisme comme agent d’insensibilité dans l’arrachement des dents.
Je viens de pratiquer, sur la femme d’un de nos sociétaires, sans la ' manifestation d’aucune espèce de douleurs, l’extraction de deux racines molaires et l’ablalion de la table externe du maxillaire inférieur dans l’étendue de cinq centimètres.
Madame Ogier, la patiente , pendant vingt minutes qu’a duré l’opération, n’a pas seulement poussé un soupir. Loin de là, elle indiquait, chaque temps de l’opération, le moment d’agir, le moment de suspendre le temps à lui donner pour respirer, en un mot, elle présidait les manœuvres opératoires.
Tout occupé du mal de notre chère malade et ne songeant qu’à la débarrasser le plus vite possible , je ne pus réfléchir qu’une fois l’œuvre terminée, et alors j’entrai dans cette espèce de joie hébétée où l’on ne profère que des phrases décousues comme celle-ci.
« Et dire qu’on nie des choses aussi palpables !
Pourquoi n’ai-je pu amener ici tous les chirurgiens de Paris? 0 Mesmer, que de bien tu as à faire encore !
M. Ogier, n’ayant jamais assisté à une opération de ce genre, prodiguait en tremblant les secours de l’eau magnétisée; il ne disait mot, tant il était émotionné. Car, il faut bien l’avouer, rien n’était projeté. Je ne pensais qu’arracher une dent, mais trouvant une carie , je me hâtai, séance tenante, de conquérir encore une nouvelle gloire pour le magnétisme.
Voici l’observation exacte :
Le mercredi 18 mars 1857, madame Ogier vint me trouver pour lui arracher une dent du côté droit; j'examinai et je vis deux chicots à ras des gencives. Comme elle appréhendait beaucoup d«souffrir, je tentai de la mettre dans le sommeil magnétique ; ce fut long ! A chaque instant, elle se levait en ouvrant ses grands yeux convulsés et en proférant des paroles inarticulées. C’était la peur qui neutralisait le magnétisme.
Enfin elle dormit : « Ah ! ah ! fit-elle, nous allons opérer. Ils tiennent bien, je vous avertis. »
Je saisis une pince, mais quand je vins pour l’approcher, madame Ogier poussa des gémissements et se prit à trembler de tout son corps.
— Mais qu’avez-vous donc? lui dis-je, je ne vous touche point encore.
— Oh ! j’ai peur, vous allez me faire mal !...
— Mais non, puisque vous êtes en sommeil.
— Si, je vais souffrir.
— Mais je puis vous en empêcher.
— Oh! non, non.
— Voyons, calmez-vous, cherchez vous-même comment je dois m’y prendre pour que vous ne ressentiez aucune douleur.
— Attendez!... magnétisez-moi la tête, bouchez-moi les yeux et les oreilles, et allez sans crainte ; magnétisez vos outils pour qu’ils me soient invisibles et que je ne sente point leur contact.
— Voilà qui est fait. Ouvrez la bouche !...
Et d’un... — et de deux. Ah ! celui-là tenait bien fort, hein ? Laissez-moi bien saigner... C’était madame Ogier qui parlait ainsi.
11 suffit au lecteur de relire cette dernière phrase pour le convaincre de l’insensibilité de la patiente, et je dois assurer que la dernière racine tenait très-fort ; elle était recour-
bée en crochet, et tellement adhérente à l’alvéole, qu’un fragment de la table interne vint avec elle.
Madame Ogier resta calme, impassible ; elle se nettoya la bouche et me dit : — Mais j’ai un abcès dans l'os.
— Que me dites-vous là?
— Examinez i
— J’examine et je trouve une tumeur grosse comme une noix qui soulevait la table externe de l'os maxillaire au niveau des racines que je venais d’enlever. En pressant fortement sur cette tumeur, je sentis l’os fléchir un peu.
— Mais vous avez bien vu, dis-je à madame Ogier, c’est un abcès dans l’os. Vous deviez souffrir horriblement et depuis longtemps.
— Depuis trois mois.
— Pourquoi n’êtes-vous pas venue plus tôt ?
— Parce que j'avais peur de l’opération.
— C’est de l’enfantillage, puisque vous saviez ne pas sentir.
— C’est vrai ; mais quand je regardais mon mal et quand je voyais l'opération à côté, le frisson me prenait, et je me gardais bien de parler de vous. Ce n’est que, vaincue par la douleur et conseillée par mon mari, que j’ai dû venir aujourd’hui.
— Eh bien ! que dois-je faire ?
— M’opérer.
— Mais?...
— Allons, n’allez-vous pas avoir peur aussi ?
— Eh bien ! allons...
Et je m’arme d’un bistouri à lame triangulaire. J’appuie la pointe sur le milieu de la tumeur; d’un coup sec de la paume de la main donné à l’extrémité du manche, je l’enfonce à travers la paroi osseuse, qui se laisse traverser. Je baisse la lame en bas et la table éclate en déchirant la gencive. lin flot de pus remplit la bouche de la malade.
— Ah ! que c’est mauvais, dit-elle, laissez-moi cracher, pouah ! que c’est amer ! Donnez-moi de l’eau.
Je lui donne de l’eau, elle se lave tranquillement la bou*
che, et, renversant sa tête sur le dossier du fauteuil : — Continuez , fit-elle en souriant...
— D'où viennent ces larmes ? lui dis-je. (L’œil droit tout seul pleurait.) — (C’est te nerf dentaire qui réagit suc celui des yeux). — Mais je ne sens rien.
Je saisis alors une cisaille aiguë , je l’enfonçai dans l’ouverture que j’avais pratiquée, je coupai la table osseuse sur une étendue de trois centimètres en arrière d’abord ; ensuite je la coupai perpendiculairement et j’obtins un fragment mobile que j’arrachai avec un davier. Je repris la cisaille, et j’enlevai tout ce qui restait de portions nécrosées sur le bord alvéolaire.
Alors, avec le doigt, je sentis une esquille mobile dans la profondeur de la cavité que je venais d’ouvrir, je dus m'y reprendre à deux fois pour l’extraire, tant elle était bien enclavée. Je pus enfin la retirer, et alors un nouveau (lot de pus jaillit dans la bouche.
—Ah! fit la donneuse, c'est bien opérer, cela, cher docteur; tâtez ma joue, au lieu d’une grosseur j’ai un trou maintenant.
J’examinai la plaie ; tout ôtait pour le mieux ; je nettoyai la figure de l'opérée. J’enlevai mes outils, les serviettes, la cuvette et je l’éveillai.
— C’est drôle , nous dit-elle, comme je me sens faible , les sueurs me perlent sur le corps ; mais qu’est-ce que j’ai donc ?
— Je vous ai arraché vos dents.
— Ah ! tiens, c'est vrai ; mais je n'ai pas souffert. Ah ! je vous remercie bien , car j'avais une appréhension extrême.
Mais, fit-elle, tout à coup ma joue est toute creuse, et j’avais une bosse sur l’os de la mâchoire !
■— Eh bien ! je vous l'ai enlevée.
— Ah ! mon Dieu. Et la pauvre opérée se prit à pâlir, moitié de joie, moitié de crainte; mais, en promenant sa langue dans sa bouche, elle demeura convaincue que l’opéra-
lion était faite, car elle rencontra les deux trous des chicots et la grande ouverture de l’os carrié.
Sans désemparer et avant de lui donner le temps de réfléchir, on amena la table devant elle et nous la fîmes déjeuner.
Bien nous en prit, car la joue se mit à gonfler au point qu’au bout d’une demi-heure, madame Ogier ne pouvait plus ouvrir la bouche, et force lui fut, pendant quatre jours, de s’en tenir au bouillon.
Aujourd’hui, la malade est remise complètement, et sa lucidité a repris toute sa splendeur; elle avoua que les intermittences nuageuses qu’on avait remarquées, depuis trois mois dans son somnambulisme étaient dues aux douleurs de l’abcès qui se formait.
J’ai donné tous ces détails pour mettre le lecteur à même de juger de l’état de la somnambule.
Quand on cause aussi tranquillement, il est incontestable qu’on ne souffre pas. Quand on ne souffre pals dans une pareille opération , il est clair qu’on est insensible. Quand on n’a respiré ni le chloroforme, ni l’éther, ni aucun des anesthésiques chimiques; quand on n’a subi que l’influence du magnétisme, il est clair que cet agent peut rendre insensible aux opérations les plus douloureuses.
Mais il est une chose sur laquelle je dois appeler toute l’attention des praticiens magnétiseurs.
C’est que l'appréhension fait pousser des cris aux êtres insensibles ; ils ne souffrent point, mais ils crient de peur.
Or, si l'on veut éviter cela, il faut complètement isoler le sujet, et magnétiser tous les instruments dans l'intention de les rendre invisibles et insensibles au toucher, sans quoi les patients peuvent pousser des cris forcenés rien qu’à la vue, rien qu’au contact de ces instruments. Et n’est-ce pas bien simple à comprendre ? ce sont des objets en dehors de leurs relations magnétiques qu’il faut harmoniser avec cet état transcendant.
Voici deux autres observations à l'appui de ce fait :
En ibào, j'avais à arracher la canine gauche d’une som-
naii'oule ; elle était insensible aux piqûres, aux pince-ments
Je lui fis ouvrir la bouche ; lorsque j’approchai la clef, elle se prit à pousser des cris si violents que je reculai tout dé-, concerté.
— Est-ce que vous n’êtes pas insensible ? lui dis-je.
— Si vraiment. Mais je vois...
— Eh bien !
— Ah ! que vous êtes bête, mon Dieu! Je vois vos instruments et ils me font peur !... Magnétisez-les donc.
Je les magnétisai.
Elle ouvrit la bouche et je pus^extraire la dent, sans qu’elle fil le moindre mouvement.
Autre fait. — Vers le 5 mars de cette année, une somnambule étant allée pour se faire arracher une dent, le dentiste lui persuada de se la faire couper au niveau de la gencive, afin de se servir de la racine restante pour implanter le pivot d’une fausse dent; la coquetterie s’en mêlant, la demoiselle se laissa faire , et, à peine quelques jours écoulés, elle souffrit comme une damnée.
Je la magnétisai ; elle m’ordonna en sommeil d’arracher la racine... Je m’armai d’un davier, j’ouvris la bouche; mais à peine avais-je touché la dent, que la malheureuse poussa des cris inouïs. J’essayai de m’y reprendre à plusieurs fois; elle criait de plus en plus fort, je renonçai pour l’instant à l’avulsion. Mais, l’ayant laissée reposer, elle dit à la personne présente : — Je pourrais bien ne pas sentir, je sais le moyen, mais je ne veux pas le dire... J’ai trop peur de l’opération.
Avis m’étant donné de la chose, je l’isolai en lui enjoignant de ne voir, ni de sentir, et la dent, bien que fort difficile à saisir, fut arrachée sans le moindre sourcillement.
C’était à ce point d’insensibilité que le sang, emplissant la bouche s’en étant allé sur la glotte, provoqua une suffocation si violente , que tout autre qu’un chirurgien habitué à manier le magnétisme en eût eu frayeur. D’une passe tout cessa ! La gorge étant, comme le reste du corps, insensible,
le sang avait pu se glisser dans le larynx et obstruer la voie de l’air; d'une passe , la sensibilité revint, et le sang fut chassé (1).
Peut-on faive cesser ainsi l'action du chloroforme? Non, aussi ne doit-on l’employer dans aucune opération de l’ar-rière-gorge : le magnétisme a donc avantage sur lui dans ces cas.
Je conclus donc de ces trois opérations qu’il est essentiel pour le magnétiseur de se souvenir que l’insensibilité n’empêche pas de crier, qu’il faut, pour être tranquille en opérant, boucher toutes les portes de l'âme, confisquer tous les sens des patients, sans quoi, pour fixer par un proverbe mon idée dans tous les cerveaux, les patients peuvent, comme les anguilles de Melun, crier avant qu’on ne tes écorche.
Dr E. y. LÉGER.
A monsieur le baron du Potet.
Cher et honoré maître,
Je profite de l’occasion de l’article que je viens de corriger pour vous envoyer la note d’une très-singulière expérience.
Je me faisais photographier par notre collègue Brissonnet, quand l’idée me vint d’imprimer à l’épreuve un caractère magnétique.
Je concentrai donc toute ma virtualité fluidique dans mes yeux, avec l’intention qu’au même moment où la lumière de mon visage agirait sur l’appareil, cette lumière se saturât de toute la puissance magnétique dont je pourrais disposer.
Le jour où l’on m’apporta les épreuves, je me trouvais justement posséder une somnambule. Je la laissai au hasard prendre une épreuve; elle la regarde,... ouvre de grands yeux,... frissonne,... baisse les paupières... et s’endort!
(1) Plusioars sociétaires peuvent certifier les détails de ces opérations.
mais du vrai sommeil magnétique, du sommeil lucide que j’obtenais par la magnétisation directe.
— Eli! vous dormez donc? lui dis-je.
— Sans doute...
— Mais je ne vous ai point actionnée.
— Non... c’est drôle... d’où vient donc ?... Ah ! ah ! je vois vos tours de sorcier... Mais c’est une excellente idée que ce portrait; il y a quelque chose à faire dans cette voie...
J'afiïrme n’avoir parlé à qui que ce soit de mon idée avant cette expérience.
Le résultat a dépassé mon attente; mais l’imagination n’a pu entrer pour rien dans. ce cas non énoncé ii l'avance.
Je viens, avec deux autres épreuves, d’obtenir les mêmes résultats-sur deux autres sujets sensibles; mais j’étais présent aux trois expériences, et on pourra me dire : Le portrait n’agissait pas par lui-même, il n’était qu’une occasion d’influence-, il mettait le sujet en état d'absorption-, vous le magnétisiez à votre insu.
Je réponds par un fuit : line personne qui s’endormait tous les jours avec des flanelles magnétisées, s’endormit huit jours avec la même épreuve, sans que j’aie eu besoin de la magnétiser. Donc cette épreuve possède bien en elle-même la vertu magnétique.
Il faut si peu pour engendrer de grandes choses : un vouloir... et tout un monde s’ouvre à nos yeux... un souille... et bientôt une tempête éclate autour de nous...
Les forces sont par elles-n êmes de nature ascendante; une fois immobilisées, elles grandissent, le tout est de les éveiller!
Heureux, cher maître, si j’ai pu dans cette note vous prouver qu’au milieu du tracas des grandes affaires l’étincelle sacrée que vous m’avez transmise, loin de mourir en moi, est digne encore de votre perpétuelle jeunesse... en magnétisme.
Votre élève bien dévoué,
l)r E. V. LÉGER.
LE MAGNÉTISME EN POLOGNE.
L’étude du magnétisme se propage partout, lin des descendants des Choiseul-Gouffier, dont la famille est fixée en Pologne depuis la fin du siècle dernier, nous adresse une lettre sur les expériences auxquelles il s’est livré dans le pays qu’il habite. Nous nous empressons de reproduire cette lettre qui, outre qu’elle renferme plusieurs faits curieux, montre comment est accueilli et considéré le magnétisme sur les bords de la Vistule :
Monsieur le baron,
En 1852 , j’assistai plusieurs fois à vos intéressants séances de magnétisme; vos expériences me remplirent tellement d’admiration et d’enthousiasme pour cette science sublime , que je résolus, aussitôt de retour dans la Pologne russe, de faire moi-môme des expériences , afin de voir si je possédais aussi une étincelle de cette puissance invisible qui vous avaitfaitopérerdesprodigesenmaprésence. Jeréussis au-delà de mon attente, car j’cuslc bonheur de découvrir une excellente somnambule en la fille de notre jardinier, âgée pour lors de quatorze à quinze ans et dont la lucidité augmentait chaque jour. Elle lisait couramment avec les yeux bandés , et lorsque, doutant encore, je lui appuyais la main sur le bandeau, elle s’écriait d’un ton fâché : « Mais vous voyez bien que mes yeux sont bien fermés et que ce n’est qu’avec l’âme que je lis. « Les paupières étaient tellement chargées de fluide, que si je les ouvrais de force, elles se refermaient brusquement comme mues par un ressort. Cette jeune fille indiqua à plusieurs personnes malades qui la consultaient, même par correspondance, des remèdes salutaires qui furent approuvés par les médecins. Elle guérit l’enfant d’une dame qui vint la consulter. Elle était déjà endormie et avait les yeux bandés , lorsque cette dame entra ; malgré cela, elle décrivit les plus petits détails de son costume, devina le motif de sa visite, disant que l’enfant malade demeurait à quatre lieues de là et avait le corps couvert de plaies, qu’il fallait
guérir avec un onguent qu’elle indiqua; mais non, s’écria-t-elle, il ne faut pas fermer ces plaies avant d’avoir détruit l’origine delà maladie qui gît dans l’intérieur du corps, sans cela l’enfant mourrait ; il faut lui faire prendre d’abord intérieurement du soufre en poudre ; le remède fut administré selon la recette d’un médecin, et l'enfant fut guéri !
Je priai un médecin du voisinage de venir assister à une de mes séances. J’endormis préalablement la somnambule qui aperçut de suite, à un kilomètre de distance, le médecin sortant de sa maison et se dirigeant vers la nôtre.
Elle s’écria en gémissant :« Voilà M. J..., qui vient ici pour m’examiner ; réveillez-moi, j’ai peur, je ne dirai rien devant lui, le voilà qui passe par la rue de..., il entre dans la nôtre, il s’approche, le voilà entré ici. Effectivement la porte s’ouvre, et le docteur se présente. La jeune fille se cacha la tète dans ses mains, et refusa obstinément de répondre à aucune question. Probablement elle pressentait que ce médecin lui causerait de vifs désagréments, en parlant d’elle à un fonctionnaire de la police du district, qui fut enchanté d’en faire un rapport officiel au gouverneur de la province. Celui-ci ordonna une enquête judiciaire, avec défense de pratiquer le magnétisme, s’il était prouvé que cela avait réellement eu lieu. Cependant, malgré sa défense officielle , le gouverneur écrivit secrètement au fonctionnaire du district, en le priant de consulter en grand secret ladite somnambule, afin de lui demander un remède pour une maladie chronique dont il souffrait depuis longtemps. Cette demande faite au nom du persécuteur à la somnambule persécutée , à cause de sa faculté, fit beaucoup rire tout le monde. La science magnétique vint à mon secours pour dérouter les limiers de la police.
J’endormis la jeune fille, et, en faisant le signe pour la mémoire, je lui ordonnai de nier hardiment qu’elle eût été jamais magnétisée, et de dire que ce qui avait pu faire croire au magnétisme avait été un jeu pour amuser différentes personnes, et qu’elle avait lu les yeux couverts d’un bandeau, au moyen d’une ouverture qu’on y avait pratiquée. Du reste,
ajoutai-je, je te défends d’avoir peur, ne crains aucune menace, je serai en pensée auprès d«toi. L’enquête eut lieu, la timide jeune fille se montra courageuse, nia tout, malgré les terribles menaces de deux fonctionnaires à mine rébarbative, et d’un prêtre qu’on avait fait venir exprès, de sorte que tout finit pour le mieux, faute de preuves. Quelque temps après, je demandai à la jeune fille comment elle s’en était tirée. Mais, Monsieur, répondit-elle, je ne pouvais rien avouer, quand même ou aurait voulu me tuer, car je sentais en moi une volonté plus forte que la mienne qui m’ordonnait de nier, il me semblait entendre votre voix me répétant ce que vous m’aviez dit dans mon sommeil. Je fis ensuite diverses expériences de magnétisme sur plusieurs personnes qui me réussirent assez bien. La plus curieuse de toutes, qui, je le crois, n’a pas été faite par d’autres que moi, est la suivante : Je magnétisai seulement les oreilles d’une personne très-sensible au magnétisme, afin de la rendre sourde; ensuite j’établis un courant magnétique des oreilles de la personne mentionnée à la bouche d’un individu quelconque qui dut s’éloigner à reculons et dans le plus profond silence à l'extrémité d’une ou deux chambres ; laissant les portes ouvertes, et parvenu à la distance v oulue, il dit très-bas deux ou trois mots, les répétant jusqu’à trois fois. .Nous revînmes en silence vers la personne magnétisée, j’enlevai le fluide des oreilles , elle parut réfléchir un instant, comme si elle écoutait parler, et me répéta exactement les paroles prononcées si bas une minute auparavant, qu’elle n’avait entendues que lorsque j'enlevai le fluide qui obstruait le canal auditif. Je réussis à attirer d’une chambre à une autre, les portes étant fermées, des personnes qui suivaient exactement en marchant les cercles que j’avais faits sur le parquet, et s’arrêtaient brusquement devant une ligne tracée en l’air, qu’il leur était impossible de franchir. L’eau magnétisée, pour ces personnes , changeait de goût et devenait la boisson que je voulais; aussi m’est-il arrivé d’enivrer complètement deux paysannes, qui avaient cru boire de l’eau-de-vie. Je magnétisai une fois la bouche et les yeux d’un Juif, qui alors, sans s’en
douter, sc mit à manger de la viande impure de cochon , en place d’un hareng qu’il avait cru voir, et pour sc désaltérer, je lui fis boire un demi-seau d’eau qui lui parut de la bière. I.e lendemain, les coréligionnaires du malheureux Juif lui donnèrent, dans leur synagogue, une punition publique pour cette infraction à la foi de Moïse.
Une femme de charge vint un jour me demander ses gages, je lui donnai trois sous ou pièces de cuivre que j’avais magnétisées; elle les prit pour des écus d’argent. Le lendemain, je vis qu’elle pleurait, car, disait-elle, on m’a volé mes trois écus d’argent, et j’ai trouvé trois gros sous de cuivre à leur place.
Je mis plusieurs femmes en état de catalepsie ou de paralysie, en leur magnétisant successivement tous les membres qui devenaient complètement raides, et puis au seul son de ma voix le charme disparaissait. J’essayai aussi mon pouvoir magnétique sur le régisseur de notre terre, homme d’une grande taille, mais dont le système nerveux était très-affaibli, et se prêtait par conséquent aux expériences du magnétisme. Je lui donnai une grande envie de priser du tabac, qui lui apparut si délicieux, qu’il vida et remplit plusieurs fois sa tabatière, toutefois en me suppliant de le délivrer de celte envie qui le tourmentait horriblement ; mais, voyant que cela ne finissait pas, il prit le parti de briser sa tabatière. Le lendemain, rougissant d’avoir subi la puissance du magnétisme, il prétendit avoir feint d’avoir eu envie de prendre du tabac. Pour le punir de son mensonge, je l’invitai deux jours plus tard à manger des bonbons. Lui ayant fait rapidement, et presque à son insu , quelques passes devant les yeux, je lui donnai une poignée de poivre et de sel qu’il avala avec le plus grand plaisir ; mais lui ayant enlevé aussitôt le fluide fascinateur, le malheureux régisseur, toussant et crachant, et tout confus, dut rendre hommage à la puissance du magnétisme. Je le trompai encore une fois en lui faisant apparaître une jeune fille qu’il aimait et voulait épouser. Un sale marmiton barbu s’assit sur une chaise, le régisseur fut appelé, je lui fis de nouveau des passes devant
les yeux, en lui annonçant l’arrivée de la jeune fille, et bien qu’incrédule d’abord, il finit par s’approcher insensiblement du marmiton métamorphosé en syrène, et sur mon invitation, aidée de passes dans le dos, il se mit â genoux et baisa avec transport la main sale que lui tendait le marmiton. Je le tirai à l’instant même de sa douce illusion, et, entendant retentir de nombreux éclats de rire, le malheureux régisseur, honteux et confus, s’enfuit en jurant, mais un peu lard, qu'on ne l’y prendrait plus. Un jour, une de mes somnambules ne voulait pas se laisser magnétiser, je lui dis alors d'une voix forte : A genoux, et m’éloignai sans la regarder. Au bout d’une demi-heure, je la retrouvai agenouillée et faisant de vains efforts pour se relever. Une autre fois, étant derrière elle, je lui fis à son insu quelques passes dans le dos avec l’intention de l’irriter, et lui montrai un domeslique qui passait. Aussitôt cette fille, naturellement très-tranquille, s’élance et frappe cet homme; je la calme aussitôt, et elle se confond en excuses pour faire oublier sa fureur. Etant à Varsovie, le comte U..., mon parent , me pria de faire quelques expériences de magnétisme devant plusieurs personnes qui devaient se réunir chez lui. La femme de chambre en question refusa de se montrer en public, mais lui ayant magnétisé les yeux, je l’emmenai en voiture au palais du comte U..., lui persuadant que je la faisais marcher dans sa chambre. Je l’introduisis dans un beau salon rempli de monde, elle ne vit rien. Plusieurs personnes s’approchèrent de la jenne fille, et, lui voyant les yeux ouverts, crurent que c’était une supercherie. Pour leur prouver le contraire, je lui promenai sous le nez la flamme d’une bougie , je la piquai avec une aiguille, je lui passai entre les paupières la lame d’un couteau ; elle ne bougea pas. Je lui donnai ensuite des charbons éteints à manger en guise de gâteaux , elle fuma un cigare croyant sucer un caramel. Une chaise magnétisée fut placée sur une table, elle s’élança immédiatement dessus. Elle voulut s'enfuir du salon, mais ies portes ayant été magnétisées, elle ne put les franchir. Je lui touchai légèrement le cou en lui disant qu’elle avait la
tête coupée. Elle poussa aussitôt un cri de terreur, croyant la voir sur la table et sentir son sang couler. En passant la main devant la tète d’une personne, je la lui faisais voir, le reste du corps restant invisible. Pour un instant, je lui enlevai le voile ou brouillard magnétique qui lui couvrait la vue ; elle fut bien surprise de voir oh elle était, mais je lui fis de nouveau une passe devant les yeux, et elle ne vit que sa chambre. En la renvoyant seule en voiture, elle faillit se tuer, voulant sauter par la portière qu’elle prenait pour une porte. En un mot, monsieur le baron, pendant les deux années que j'exerçai le magnétisme , je ne cessai de faire de nouvelles expériences qui me procurèrent le plus grand plaisir que j’aie jamais éprouvé. Je regrettais vivement de ne pouvoir vous remercier de vive voix pour m’avoir initié aux secrets merveilleux du magnétisme. Je me proposais d’employer ma force magnétique au soulagement de l’humanité souffrante, mais les persécutions de la police me firent renoncer à ce projet.
Je suis heureux, monsieur le baron, d’avoir réussi, grâce à vous, dans mes diverses expériences, et de m’être convaincu par moi-mème que le magnétisme existe réellement et qu’il est destiné, en dépit de ses adversaires, à occuper un jour la première place parmi les sciences humaines, et à rendre d'immenses services à l’humanité.
Agréez, monsieur le baron , l’assurance de ma considération la plus distinguée, Comte de Choiseul.
ERRATA.
line faute et une négligence typographiques se sont glissées dans les couplets du précédent numéro, dus à M. de Mnldigny. Au dernier vers du quatrième couplet, au lieu de je fus croyant du magnétisme, lisez : je suis croyant du...
A la suite de la première partie du premier couplet d«Terre et Cieux, mettez deux points, et lisez les huit vers de chaque couplet sans avoir égard aux intervalles qui les séparent, intervalles dus à une inadvertance du correcteur.
Baron d«POTET, propriétaire-gérant.
FAITS CURIEUX.
LES AÏSSAOCAS.
Un des produits des plus fréquents du fanatisme religieux, c’est l’apparition de sectes de dévots qui, pour montrer une sainteté superlative, exercent sur eux-mêmes d’affreuses tortures et donnent le hideux spectacle de leurs contorsions, de leurs dislocations, de leurs plaies saignantes. Aucun système religieux n’a su se préserver entièrement de cette déplorable aberration : celui qui se livre sans mesure à la contemplation, finit souvent par éprouver des crises voisines de l’extase , pendant lesquelles la sensibilité physique est suspendue : il se fait alors une joie sauvage d’être le bourreau de ce misérable corps dont il voudrait être affranchi ; il n’est sans doute pas insensible à, l’orgueil de se montrer supérieur aux faiblesses humaines et de braver les lois qui régissent le vulgaire, mais dont est exempt l’élu du ciel.
Chez les anciens, les prêtres de Cybèle, à certaines fêtes, entraient en fureur, se faisaient des incisions et d'effroyables blessures. On connaît les supplices que, de tout temps, se sont imposés les fakirs indiens. Les chrétiens ont eu leurs confréries de flagellants et leurs stigmatisés: dernièrement encore, dans le Tyrol, deux saintes montraient au peuple leurs mains et leurs pieds percés comme ceux du Christ, et desquels le sang ne cessait de couler. Le jansénisme, pendant sa courte, mais bruyante carrière, a eu ses convulsionnaires dont les phénomènes extraordinaires, parfaitement constatés, font le désespoir du savant. Au Thibet, suivant divers voyageurs, et notamment l’abbé Hue, missionnaire, certains lamas ou religieux s’ouvrent le ventre avec un sabre, en extraient les
entrailles qu’ils mettent en évidence, puis les remettent en place ; la plaie se referme immédiatement et ne laisse pas la moindre trace. Chez les mahométans, plusieurs classes de derviches subissent différentes tortures avec une joie frénétique et sont ensuite soudainement guéris. (Nous avons publié, à ce sujet, dans ce journal, 185(5, page 18, la curieuse relation de la princesse Belgiojoso.) On trouve îles pratiques semblables chez les tribus de l’Algérie.
M. le colonel Neveu, dans son livre des Khouans, récemment publié, nous fait connaître en détail les mœurs bizarres des petites sectes religieuses qui vivent sous le patronage de marabouts en renom , et particulièrement des Aïssaouas qui vénèrent la mémoire d’un saint nommé Aïssa. Il raconte qu’il a assisté à une séance où se trouvaient de nombreux spectateurs. Nous pensons que nos lecteurs suivront avec intérêt les singulières expériences dont nous allons leur transmettre le récit d’après un article de M. Emile Carrey, inséré dans le Moniteur du 10 avril dernier.
Sept musiciens, frappant sur des tambours de basque, produisaient un bruit monotone qui devait sans doute contribuer à exciter les opérateurs. Au milieu de l’espace demeuré libre, était un réchaud dont un nègre était chargé d’entretenir le feu ; on y répandait, de temps en temps, de l’encens et de la poudre d’aloës. Cinq ou six hommes, vêtus de bournous, se penchèrent au-dessus du fourneau pour en aspirer les émanations aromatiques , destinées à agir sur le cerveau et à produire l’exaltation. « Tout à coup, l’un de ces hommes se redressa brusquement en poussant des cris gutturaux comme ceux d’une porte qui geint ou d’un chat qui miaule. Puis, sans cesser de crier, en se démenant ainsi qu’un épileptique, l’inspiré vint tomber aux bras d’une espèce de cornac chargé de recevoir les illuminés aux premiers tressaillements de l’esprit divin... L’illuminé, après s’être laissé revêtir d’une espèce de vêtement sacré, apporté par l’hiérophante, se prit à sautiller d’un mouvement rapide, semblable à celui d’un homme qui court sous lui-même en hiver, afin de se réchauffer ; et, tout en sautant, il agitait
fréquemment sa tête de haut en bas, comme s’il arait eu les vertèbres du col disloquées, à l’instar de ces petites statuettes de plâtre qui balancent leurs faces mobiles ; et, tout en se démenant, en grimaçant, il hurlait par cris d’indiens farouches, avec des variations de hoquets en mal de mer; et, d’instant en instant, l’esprit divin le torturant plus fort évidemment, ses cris se faisaient atroces, ses bons devenaient de cabri, sa tète battait pendante ; puis les démè-nements réguliers reprenaient. Cependant les tambours ron-ilaient toujours, le vieux nègre jetait à poignées sur le feu l'encens et l’aloës; et les cris du possédé, le bruit, les fumées, la chaleur grisant les tètes, nous voyions dans l’ombre scintiller les yeux des Arabes et frissonner la foule. A travers l’ivresse, la crédulité montait. Pendant sept à huit minutes environ , sans entre-acte , l’Aïssaoua, religieusement et tout à son aise, mais sans heurter personne , sans écarts, sans sortir de son champ de manœuvre, se démena. Lorsqu’il eut ainsi gagné beaucoup de sueur et d’ivresse factice , quand sa voix fut bien rauque à force de crier, sa bouche écumante à force de course, l’esprit divin vainqueur le saisit et du coup le jeta par terre.
« Là, durant deux minutes, il se roula hurlant et se tordant, comme en colique de miserere ; si bien que le cornac se crut obligé de le calmer un peu en lui caressant l’épaule à petits coups, ainsi qu’un magister encourageant un élève troublé, ou un buveur resté debout rappelant à la raison son camarade en ivresse...
« A peine le premier sujet fut-il à terre, qu’un autre prit sa place, sautant, grimaçant, criant comme l’autre , mais d’une manière plus calme et pendant moins longtemps. En deux minutes, l’esprit vint à bout de celui-là, et le fit se rouler sur le sol, à côté de son co-inspiré. »
Les tambours ayant fait une pause , le premier Aïssaoua saisit une feuille de cactus, semblable parla forme un battoir de blanchisseuse, hérissée d’épines comme une branche de groseillier à maquereau, plus épaisse que la main et large comme deux mains ; il roula avec volupté sa face sur
cette feuille épineuse, puis ladévora avidement en manifestant sa joie, comme un gourmet qui se délecte d’un mets délicieux.
« Ce festin absorbé, 011 servit la pelle : c’était une pelle large, bien et dûment rouge, vraiment ; nous avons senti sa chaleur et vu la lueur embrasée qu’elle répandait en sortant du brasier. L’Aïssaoua principal la saisit et commença par l’embrasser sur son plein, à l’endroit le plus rouge ; puis il la lécha de bout en bout, sortant sa langue tout entière et la passant sur le fer en feu, comme un enfant sur une cuiller à confitures ; après quoi, l’écartant de sa tête, il la battit à tappes prolongées et se prit à dessiner dessus, avec le bout de ses doigts, des signes cabalistiques ; au second signe, l’un de ses ongles, dépassant probablement les extrémités endurcies de sa main, rencontra le feu et brûla (contre le programme) ; car une odeur de corne brûlée s’éleva, comme si on avait ferré un cheval. Cependant la pelle, encore rouge dans le milieu, noircissait sur les côtés ; il se la mit aux dents , et, toujours à gnoux, tendant la tête et le col dans l’attitude d’un chien bien dressé qui rapporte, il offrit le manche à. son gardien. »
Vint ensuite ce que l’auteur appelle le second plat. « Deux nouveaux inspirés d’Aïssa montèrent tour à tour sur le tranchant d’un sabre affilé que deux cornacs leur soutinrent eu l’air comme une courte échelle. Puis ils se couchèrent sur le tranchant, la tête et le buste pendant d’un côté, les reins et les jambes de l’autre , dans la situation du soi-disant singe soi-disant mort qu’on sort du Cirque des Champs-Elysées , après la farce. Le sabre était allilé comme un rasoir ; chacun de nous avait pu vérifier son état ; cependant, après l’exercice, les deux hommes montrèrent leurs pieds et leur ventre qui n'étaient pas môme rouges.
u Et, l’admiration grandissant, quelques spectateurs criaient au miracle ; d’autres rêvaient démons, esprits infernaux, Satan.
« Le troisième plat servi fut un serpent : un pauvre petit serpent, inoffensif, habitué à tout, s’enroulant avec une
grâce parfaite autour du col de l’Aïssaoua, se laissant prendre en tout sens, et gardant sans broncher, pendant une minute entière, sa tête inoffensive dans la bouche ouverte de son gardien.
« Le quatrième plat, la pièce principale du festin , fut le bâton dans l’œil. Après une série de simagrées qui se passèrent de la même manière que les précédentes, un nouvel adepte, au lieu de garder, comme les autres, son crâne couvert de ses bournous, secoua tout coup l’espèce de turban qu’il portait : aussitôt ses cheveux noirs tombèrent à flots par longues mèches grêles, voilant son visage fauve, s’é-pandant de tous côtés sur son vêtement blanc; ses bras nus s’agitèrent à travers sa crinière échevelée ; sa danse devint furieuse, précipitée, haletante , sa figure tortionnante , ses cris féroces.
« Alors le vieil augure du fond lui fit passer un bâton pointu d’un bout, et de l’autre terminé par une boule. L’Aïssaoua le prit sans discontinuer ses bonds ; puis, écartant à deux mains ses crins épars, il se logea dans l’œil la pointe du bâton. Quelques sous-cornacs s’en furent attiser les quin-quets et les suifs, afin que chacun pût mieux voir ; lui, pendant ce temps, toujours hurlant et sautant, roulait rapidement entre les paumes de ses mains la boule du bâton dont l’autre bout était dans son œil ; et cette pointe semblait entrer peu à peu comme une vrille dans du chêne ; enfin elle entra si bien que, sous elle, chassé, l’œil sortit de l’orbite , sanglant : un œil arraché ! Et cependant l’inspiré roulait toujours son bâton comme pour l’entrer dans sa cervelle à jour ; et cessant de crier, puis de danser, de son autre œil il regardait la foule avec orgueil, parcourant la scène, allant d’une lumière à l’autre, renversant sa tête pour se montrer mieux. Cet homme était hideux !
« Et tous les coréligionnaires, dressés d’orgueil religieux, regardaient l’assemblée avec ces airs superbes d’un faiseur d«tours qui vient de réussir ! Et la foule admirait I
« Cela dura ainsi plus de cinq minutes, après quoi l’Aïs-saoua laissa son œil se replacer, et alla prendre rang parmi
les acteurs des pièces jouées, laissant la scène à d’autres.
« Un nègre le remplaça, portant des charbons enflammés entre ses dents, promenant devant l’assistance sa bouche démesurée et flamboyante; puis, laissant tomber son feu h terre et l’y prenant avec scs dents, comme un cheval dressé d’hippodrome; et enfin, dans un accès d’extase, saisissant le réchaud du vieux nègre, le répandant à terre et l’éteignant tout entier jusqu’au dernier charbon, sous ses pieds nus et trépignants. »
L’auteur, qui certifie tous ces faits de son imposant témoignage, loin de partager l’admiration de la foule, les raconte comme il ferait d’un spectacle de la foire, comme s’il s’agissait de tours d’adresse bien exécutés. Toutefois , en homme de bonne foi, qui cherche sincèrement à. s’éclairer, il crut devoir prendre quelques renseignements sur ce qu’il avait vu. Il raconte qu’en sortant delà maison où avaient eu lieu ces exercices, il rencontra sur le seuil, assis, prenant l’air et fumant une cigarette, un des illuminés, n II avait (dit-il) un œil intelligent et une figure sympathique qui nous firent lui demander s’il savait le français. « Oui, Monsieur, nous dit-il.
« — Voulez-vous me permettre deux ou trois questions ? Si je suis indiscret, vous me le direz franchement.
« —Volontiers, nous ne faisons mystère de rien.
« — Pourquoi faites-vous ces exercices ? Pour être agréable à Dieu? ou comme expiation ? ou pour gagner de l'argent ?
(I — pour être agréable à Dieu, et parce que ces cérémonies sont prescrites par le Saint que je sers. Cela nous coûte, au lieu de nous rapporter.
« — Combien ?
« — Quarante à quarante-cinq francs, chaque fois, pour rafraîchissements, tapis, banquettes, encens. Les musiciens et les divers Aïssaouas comme moi font cela pour bon cœur.
« — Faites-vous cela souvent ?
u — Oui, chacun de nous, à son tour, prête sa maison.
Aujourd’hui, c’est mon tour : vous êtes chez moi. Je donne la cérémonie. (Et il disait cela comme en France on dit : C’est moi qui rends le pain beni.)
« — Voulez-vous me permettre de regarder vos mains et de vous tâter le pouls? (Il venait de jouer du sabre cinq minutes avant.)
« — Volontiers.
« — Nous regardâme ses mains : elles étaient parfaitement nettes, moites, très-propres ; son pouls battait à temps réguliers et calmes.
« — Vous n'éprouvez donc aucun mal à faire ces exercices?
« — Vous voyez !
« — Comment cela se peut-il? A votre place, je serais malade et brûlé. Vous vous y ôtes habitué peu à peu?
« — Non. Cela m’est venu tout à coup par l’esprit divin qui est descendu en moi et m’a poussé à. faire ce que vous m’avez vu faire.
« — Mais pour avoir cet esprit divin , n’avez-vous rien fait, rien pris ?
« — Si : le prêtre, le marabout (nous ne savons plus quel nom il donna à son préparateur) m'a fait boire des boissons et exécuter certaines pratiques de religion que j’ai accomplies pendant longtemps, et à la suite desquelles la foi m’est venue. Aujourd’hui, je suis l’un des principaux parmi les Aïssaouas.
« Et en achevant ces mots, rappelé par ses devoirs, ennuyé de nos questions, il nous quitta en nous disant adieu avec le plus gracieux de tous les sourires, et retourna parmi les cérémoniants. »
M. Carrey ne voit rien d’extraordinaire dans tous ces phénomènes; il n’éprouve ni étonnement ni hésitation, et c’est du ton le plus affirmatif qu’il prétend nous donner, comme il suit, la clef de tout qu’a observé M. le colonel Neveu.
« Quant à. vous donner l’explication de ces choses, le plus jeune médecin du plus petit village vous la donnera mieux que nous. Nous vous dirons seulement que le cactus ne fait
pas mal ; que , dans certaines conditions très-connues des chimistes, telles que moiteur, etc., le l'eu ne brûle pas ; que la peau des hommes du midi, et surtout des nègres, est de beaucoup plus poreuse et suante que celle des hommes du nord ; que, dans 1 Amérique du Sud, cent fois nous avons vu des nègres tenir à la main, sans se brûler, le charbon pour leur cigare ou celui de leur maître ; que des tranchants de sabre et môme de rasoir posés droit ne coupent pas ; que l’œil humain peut sortir de l’orbite et y rentrer sans danger ; et enfin, n’en déplaise aux sectateurs d’Aïssa, qu’ils ne font, selon nous, que des cérémonies parfaitement expliquées : rien de divin ! »
Cette décision tranchante est bien légèrement motivée. Pour ce qui concerne en particulier l’expérience du bâton dans l’œil, nous doutons qu'un seul médecin , soit de ville ou de campagne, accepte la prétendue explication deM. Car-rey. Sans doute, le globe oculaire, sorti de l’orbite', peut y Être réintégré ; mais ce que nous nions, c’est que cette double opération puisse s’exécuter comme une partie de plaisir, c est qu aucun homme dans l'état ordinaire puisse en faire un jeu habituel, sans manifester ni souffrance , ni émotion. Quand le globe sort de l’orbite, il y a distension prodigieuse des muscles, souffrance atroce, effusion de sang : un individu dans cet état est certainement incapable de se donner en spectacle pendant cinq minutes , d’agiter un bâton en le poussant dans la cavité de l’œil (ce qui aggrave encore l'accident déjà très-alarmant) , de se promener paisiblement pour mieux se faire voir, et de conserver une physionomie impassible; la réintégration du globe est une opération grave et fort pénible, à la suite de laquelle il y a une énorme inflammation de tout l'organe et une douleur excessive qui dure fort longtemps. Celui qui a passé par ces épreuves est hors d’état de montrer un visage riant, de causer tranquillement comme un acteur qui a joué son rôle, et de fumer sa cigarette sans même prendre aucun souci de bassiner la partie malade et d’appliqueras compresses sédatives.
Evidemment, pour quiconque examine sans prévention ,
il y a là quelque chose d’extraordinaire. Qu’il n'v ait pas de miracle , soit ; mais ce qui se passe est en dehors des faits vulgaires, il y a de quoi éveiller l’attention de tous ceux qui veulent approfondir la nature humaine ; il y a là un mystère qui, bien étudié, peut nous mettre sur la voie de quelque loi inconnue ou mal définie.
Nous remarquons que, d’après la réponse de l’illuminé , l’initiateur lui a fait prendre des breuvages particuliers et l’a soumis à certaines épreuves. Il y a lieu de croire que ces préparations ont quelque analogie avec les épreuves qu’imposait à ses disciples le Vieux de la Montagne , qui faisait d’eux des séides prêts à braver tous les dangers et à endurer toutes les tortures. L’homme arrive ainsi artificiellement à un état d’exaltation dans lequel, non seulement il est insensible à la douleur, mais, de plus, ses organes acquièrent des facultés exceptionnelles et résistent à des lésions qui, dans l’état ordinaire, auraient causé la mort ou au moins les plus graves infirmités. C’est ainsi que les con-vulsionnaires de Saint-Médard pouvaient impunément se faire crucifier, être foulés au pied, recevoir le choc de coups capables de défoncer des murs et qui auraient dû écraser leurs viscères et briser leurs os, etc. On peut, par le magnétisme, produire des modifications semblables, mais dont 011 ne peut déterminer la limite , la prudence faisant une loi de ne jamais faire d’expérience qui puisse mettre en danger la vie ou la santé des sujets. Seulement les expériences bien connues d’insensibilité, de foudroiement, de catalepsie, et quelques autres, nous autorisent à croire qu’en exagérant la force dont dispose le magnétisme, 011 arriverait aux mêmes résultats que présente le fanatisme des diverses sectes dont nous avons parlé.
Nous déplorons, avec l’auteur, le délire du fanatisme et les exercices dégoûtants qu’il offre en spectacle à des populations dépravées par la superstition ; l’indignation publique flétrirait avec juste raison ceux qui, dans un but de curiosité ou même dans un intérêt scientifique, chercheraient à reproduire (m anima vili) ces horribles saturnales. Mais
— 26-2 —
quand les faits se présentent, il est lion d«les soumettre à un examen raisonné et d’en tirer un enseignement salutaire sur les facultés humaines, sur l’extension ou la transformation qu’elles peuvent recevoir de causes morales. Il y aurait même à examiner si cette puissance extraordinaire qui sc révèle alors, au lieu de n’enfanter que des divertissements vains et barbares, ne pourrait pas être appliquée à produire des effets salutaires et grandioses, des œuvres utiles à l’humanité. Mais c’est fairepreuve d’une légèreté inexcusable que d’apporter le dédain au lieu du raisonnement, et de ne voir dans ces phénomènes bizarres que des tours de jonglerie.
A. s. MORIN.
GYMNASTIQUE MAGNÉTIQUE.
RELATION D’UN TRAITEMENT MAGNÉTIQUE.
Nous croyons devoir insérer cott«relation empruntée aux procès-verbaux de la Société du Mesmérisme, parce qu’elle nous a semblé intéressante à plusieurs titres.
Note de la Rédaction.
Nous nous abstenons habituellement de parler des traitements magnétiques, auxquels il arrive de nous livrer. Il nous semble en effet qu’il faut, pour que la publication d’un traitement magnétique ait de la valeur, deux conditions importantes : l’authenticité — des noms propres, et, autant que possible des attestations signées, — la gravité du cas maladif qui donnent quelque valeur à la relation.
Nous venons cependant faire part à nos collègues d’un traitement qui n’a rien de singulier en lui-même, qui s’applique à un cas pour ainsi dire banal pour chacun de vous, et nous nous dispenserons de citer le nom du sujet de notre
observation. C’est qu’il s’agit moins ici du traitement en lui-même que de la méthode qui l’a dirigé, et que nous soumettons à vos appréciations.
Nos collègues pourront s’étonner que nous, qui avons toujours attaché peu d’importance aux procédés dans la magnétisation, nous venions parler de la méthode comme d’un point grave. Les uns y verront une inconséquence, les autres une distinction un peu bien subtile. A nos yeux, le principe de l’action magnétique, c’est la volonté. Les passes, les contacts, les insufflations, etc., les procédés, en un mot, ne nous semblent avoir d’autre valeur que celle d’un geste énonciatif de la volonté qui nous aide à la formuler d’une façon précise dans notre pensée, et à la communiquer au sujet par une sorte de pantomime que la parole remplace quelquefois avec avantage.
Quant à la direction à imprimer à la volonté, ce n’est plus une affaire de procédé, et il n’est pas indifférent de chercher à porter son action ici ou là, quand on a à poursuivre un but déterminé. Ceci est affaire de méthode.
Quelle que soit son école médicale , quels que soient ses procédés de traitement, — système de Brown, système de Broussais, — système de Baspail, — allopathie, — homeeo-pathie ou hydrothérapie, ou tout autre des mille et un systèmes médicaux à la mode ou tombés dans l’oubli, le médecin cherche toujours à diagnostiquer le mal, c’est-à-dire à remonter de l’effet à la cause, avant de tâcher de la combattre. Nous ne prétendons pas qu’il y arrive toujours — au contraire ; — nous disons seulement qu’il cherche ou qu’il fait semblant de chercher à connaître la lésion d’où dérivent les mêmes symptômes. Souvent, il est vrai, ce diagnostic se borne à traduire en termes dérivés du grec ou du latin les symptômes accusés par le malade, ce qui n’avance guère le patient ni le praticien. — Exemples : — Vous vous plaignez d’un mal de tête. — Après quelques questions et de mûres réflexions, le médecin vous déclare gravement que vous êtes atteint d'une céphalalgie (c’est-à-dire, en français, d’un mal de tête). — Vous souffrez d’une
articulation , les tissus adjacents sont tuméfiés, les veines gonflées, la peau tendue, violacée. Le docteur, en fléchissant l’articulation, vous procure une angoisse, et — toujours après de mûres réflexions, — vous apprend que votre douleur est une douleur arthritique (en français, une douleur d’articulation).
Le diagnostic est une première difficulté commune à toutes les écoles médicales. Celte difficulté disparaît souvent poulie magnétiseur. Là où se manifestent les symptômes, il dirige sa volonté ; et comme l’expérience a démontré que le système nerveux, lien mystérieux des effets pathologiques par sympathie, est, en même temps le canal, mystérieux aussi, qui conduit l’action bienfaisante du magnétisme, le point lésé, môme inconnu, se trouve atteint jusque dans les profondeurs intimes de l’organisme.
Le praticien , au contraire, réduit aux remèdes pondérables, après un diagnostic que nous supposerons excellent, se trouve en présence de deux nouvelles difficultés, le choix du remède et le mode d’application. Comment, en effet, faire pénétrer à tel ou tel point déterminé, souvent inaccessible, la substance utile ? A part les cas fort rares où l’empirisme indique des remèdes spéciaux dont l’action, mystérieuse pour la science, se porte électivement sur tel organe, la médecine substantielle est réduite à des palliatifs.
On croirait peut-être que pour les cas chirurgicaux, oîi le mal est externe ou peu profond, toute difficulté disparait pour le praticien, et qu’il reprend l’avantage sur le magnétiseur. Ceci est vrai toutes les fois qu’une action mécanique est nécessaire, qu’il s’agisse d’une opération traumatique ou d’une réduction ; mais, en dehors de ces cas, la chirurgie n’a pas moins de services à attendre du magnétisme que la médecine interne.
Nous prions nos collègues de nous pardonner cette digression un peu longue, qui nous a peut-être moins éloignés de notre but spécial qu’ils ne le croiront, et qui, dans tous les cas, ne nous a point écartés de notre but général, 1 étude du magnétisme.
C’était un cas chirurgical que nous avions à traiter.
Jl. M***, pour vérifier des travaux extérieurs dans la rue Saint-Antoine, était monté au sommet d’une longue échelle. L ue voiture de boucher, imprudemment conduite, comme il arrive trop souvent, heurta de sa roue le pied de l’échelle, M. M*** fut jeté à, terre, et le conducteur prit le galop pour échapper aux conséquences de son imprudence.
Heureusement que M. M*** eut la présence d’esprit ou l’instinct de se raccrocher à quelque obstacle, et que la chute fut amortie. Quand il se releva, il avait tout l’appareil articulaire de l’épaule droite démis. Le chirurgien chargé de l’opération manqua une première fois la réduction à. cause de l’enflure générale. Ce ne fut que quelques jours après la chute que la luxation fut réellement réduite. Il restait d’ailleurs de vives douleurs dans la région de l’omoplate, de l’articulation de l’humérus, et une incapacité complète de mouvement de tout le bras et de la main. Dans ce fouillis de muscles de l’épaule, du bras, de l’avaut-bras et de la main, comment reconnaître ceux qui étaient irrités et contractés , ceux qui étaient relâchés et atones ? Comment distribuer et répartir à ceux-ci les émollients et les adoucissants, à ceux-là une médication tonique?
M. M***, à qui le magnétisme n’était point étranger, demanda au médecin qui le soignait, — ce n’était pas le chirurgien qui avait fait l’opération, — s’il ne ferait pas bien d’avoir recours à la magnétisation. — Certainement, répondit celui-ci ; si vous connaissez un bon magnétiseur, quelques passes vous feront plus de bien que mes compresses et mes cataplasmes. Nous regrettons de ne pas pouvoir citer le nom du docteur ; mais vous savez combien nous devons être réservés, et tel médecin convaincu de nos principes n’oserait pas les professer ouvertement. N’ayant pas l’autorisation du médecin et ne connaissant son nom que par le malade, notre devoir est de nous abstenir.
En fait de magnétiseur, M. M*** ne devait pas avoir l’embarras du choix ; il n’en connaissait qu’un, c’était moi. Quand il réclama mes bons offices, tout le bras, comme je l’ai dit,
était sans mouvement. Je commençai, comme je le fais presque toujours, par une magnétisation générale de quelques minutes, comme si je voulais endormir le sujet. L’expérience m a démontré en effet que si le sujet était sensible, les actions, même locales, étaient bien plus énergiques lorsque le malade était dans l’état magnétique. J’obtins une sorte de demi-état de charme, sans pouvoir le dépasser.
Je magnétisai alors l’épaule et le bras; puis, m’aidant de la parole, j engageai le malade à imiter mes mouvements. En même temps, je faisais des mouvements très-légers des doigts (1). Ils furent bientôt reproduits, d’abord péniblement, puis avec assez defacilité. Il était évident pour moi qu’en opérant moi-même les actes que je voulais faire exécuter, je portais indirectement et sympathiquement l’action de ma
(1) Après cctt«communication, un membre de la Société ayant demandé pourquoi, le siège principal du mal étant à l’épaule, l’opérateur, au lieu de diriger tous ses efforts sur ce point, s’était occupé des doigts, puis de la main, puis du bras, et en dernier lieu seulement d«l’épaule, M. Petit d’Ormoy répondit ainsi à l’objection :
C est encore là affaire de méthode. Chaque méthodejdoit être appropriée au caractère de celui qui s'en sert. — De quoi qu'il s’agisse, problème de géométrie, problème mécanique , effort musculaire ou action magné-tique, Je cherche d'abord à démêler la diflicuité principale et les difficultés secondaires. — Puis, m’attaquant d’abord à celles-ci, dont on triomphe toujours assez facilement, je m’en débarrasse, et, par ce moyen, je puis, après avoir éloigné tout ce qui grossissait la question principale, l avoir réduite à sa plus simple expression, appliquer toutes mes forces au point utile, et triompher là où j’aurais échoué en disséminant mes efforts. J«délie le fagot, et je casse les broutilles, avant de chercher à rompre la maîtresse trique. Si j’avais à faire franchir à une voiture pesamment chargée une côte assez raide pour exiger tous les efforts d«l’attelage, j«commencerais par écarter les pierres du chemin, de peur qu’un caillou , placé devant la roue, ne rendlrinfructueux des efforts qui eussent sufû à franchir la pente du terrain.
Le mal de l’épaule était évidemment l’obstacle principal. L’engourdissement ou la contracture des muscles du bras et de la main n’étaient que les difficultés secondaires, les cailloux qui pouvaient obstruer la voie, ajouter à la difficulté principale. Je m’en suis lout d’abord débarrassé.
Chaque muscle auquel je rendais l’action, et qui eût rendu plus difficiles les mouvements de l'épaule, devenait’un auxilaire, car il pouvait aider le sujet quand ses efforts se sont joints aux miens pour obtenir l'action mécanique dans la partie lésée.
volonté sur les muscles qui devaient prendre part à la manœuvre. Je fis ainsi exécuter successivement tous les mouvements possibles des doigts, puis de la main, puis du poignet, en ayant soin de magnétiser de temps en temps directement, pour communiquer de la force, et reposer le malade de la fatigue occasionnée par les elforts. Les mouvements de rotation du poignet ne s’obtenaient que difficilement, j’aidai doucement par un effort extérieur accompagné d’une volonté énergique. Après quelques exercices de ce genre, le malade put reproduire seul les mouvements. Je terminai la séance en magnétisant toute la partie souffrante et en dégageant le sujet de l’état magnétique. Le lendemain , le sujet faisait sans trop de peine ni de souffrance tous les mouvements obtenus la veille, mais n’en pouvait faire d’autres. Je m’y pris exactement de la môme façon, agissant moi-même pour déterminer l’imitation du sujet, aidant au besoin lorsque l’acte était pénible , ne passant d’un mouvement à un autre que lorsque le premier s’exécutait facilement, combinant le dernier progrès avec ceux que j’avais déjà obtenus, enfin ayant bien soin de faire exécuter toutes les manœuvres possibles par chaque articulation avant de m’occuper d’une articulation supérieure.
En quatre séances consécutives de jour à jour, je parvins ainsi à obtenir tous les mouvements si compliqués du bras et de ses annexes, et je vous prie de remarquer cette circonstance, qu’au commencement de chaque séance , le malade qui, d’après mon conseil, s’était exercé dans l’intervalle des magnétisations, ne pouvait exécuter que les mouvements obtenus dans les séances précédentes.
Une cinquième séance fut consacrée à une magnétisation ordinaire faite avec autant d’énergie que j’en pouvais développer, pour donner de la force aux parties gravement lésées naguère , et déterminer la résorption d«l’enflure qui persistait vers la pointe supérieure de l’omoplate, ainsi que du sang extravasé des ecchymoses vers l’articulation de l’humérus et de l’omoplate. J’ignore , — le malade ne l’a pas observé, — si cette résorption a marché promptement.
Ce que je sais , c’est que M. M*** a continué à avoir tous les mouvements parfaitement libres, et a pu reprendre ses travaux.
D’après le conseil de son médecin, pour consolider la guérison, il a, pendant quelques jours après le traitement magnétique , pris des bains de vapeur russes, c’est-à-dire des bains de vapeur à haute température, alternés avec des douches froides.
Pour résumer la méthode que nous avons employée, et qui nous semble susceptible de nombreuses applications , on voit qu’elle consiste dans une sorte de gymnastique magnétique , pour laquelle nous avons eu recours à l’action magnétique directe combinée avec la suggestion, qui n’est autre chose qu’un moyen de déterminer l’auto-magnétisa-tion , c’est-à-dire la magnétisation du sujet par lui-môme. On fait ainsi concourir harmonieusement au môme but la force du magnétiseur et celle du magnétisé. Nous engageons nos collègues à employer, quand ils en trouveront l’occasion, cette méthode qui, dans tous les cas, ne peut avoir d’inconvénients. Qu’ils nous permettent de leur en signaler une application qui nous paraît d’une certaine importance.
Les enfants sont par nature portés à l’imitation , et chez presque tous la suggestion est facile. Une gymnastique intégrale de tous les mouvements du corps, si utile au développement des forces de l’enfant, deviendrait, notre instinct et le raisonnement nous le persuadent, infiniment précieuse si elle était dirigée magnétiquement par la volonté bienveillante des parents, à qui l’exercice d’ailleurs ferait en môme temps le plus grand bien.
A. PETIT D’ORMOY.
CAUSERIES SUR LE MAGNÉTISME.
HUITIÈME CAUSERIE.
Patience et persévérance.
Je ne puis voir approcher de moi un Être humain sans le considérer attentivement. J’éprouve ce qu’il doit éprouver lui-même, un ébranlement mystérieux, car ce n’est ni du froid, ni du chaud que je sens, c’est un effet différent. Je cherche curieusement ce que cache la chair et ce qui est cause de cette sensation nouvelle. Lorsque je magnétise quelqu’un dans mes expériences publiques, ma vue n’a rien que de naturel, mais mon entendement, mon regard intellectuel , cherchent à pénétrer profondément à travers la cuirasse du magnétisé pour aller chercher sans doute un des habitués de ce lieu, et le provoquer à une sorte de combat. Il faut,bon gré ou mal gré, qu’il vienne, qu’il apparaisse sur la brèche faite, que je le voie ou plutôt que je le sente, que je le tâte enfin intellectuellement. S’il est faible, mon interrogatoire est doux et tranquille ; s’il est fort, je suis impérieux et véhément, et c’est sans langage parler que ces faits ont lieu ou plutôt c’est la langue des esprits , langage qui existait sans doute lors de la création des êtres et que l’on a remplacé depuis par des sons bruyants produits par un grand nombre d’organes, sons à chacun desquels on a donné une valeur de convention.
Plus d’une fois, ce langage muet m’a rendu devin, sorcier, magicien , tout ce que vous voudrez. Les magnétiseurs ont essayé de donner l'explication du fait, en disant : communication clc pensées. C’est bientôt dit un mot ; passons. Non , il y a lutte ou accord, obéissance, victoire ou défaite, car plus d’une fois c’est moi qui fus vaincu.
La chair est-elle pour quelque chose clans tout ceci? Non, elle est passive. L’imagination joue-t-ellc un rôle? Je ne le crois pas ; car, clans la profondeur du sommeil naturel, mes antennes, mon stylet invisible, peuvent également agir en laissant la chair endormie, mais en tirant l’esprit de son assoupissement, ('.'est une évocation plus réelle qu’on ne pense et qui n’est pas encore comprise dans son vrai sens. Le voile soulevé ne Rabaissera plus. On a bien pu laisser aux mains des prêtres de toutes les religions le pouvoir spirituel et la liberté de l’enseignement de ces mystères. Les temps ne sont plus les mêmes, chacun examinera et jugera, lin sentiment général, car il est aussi bien chez le sauvage que chez le civilisé, a toujours averti l’homme qu’au-delà de la chair et du tombeau, il y avait quelque chose, et que de son vivant une secrète communication avait lieu entre son âme, entre le principe qui animait sa chair et celle des êtres vivants ou qui avaient quitté la terre. La différence des temps permet donc aujourd’hui l’examen. La question que je ne fais qu’effleurer dans cet instant reviendra demain ; car elle demande à être résolue. L’ignorance des prêtres de notre temps est telle qu’ils ne comprennent plus leurs signes sacrés, que les mots qui avaient une valeur réelle n’en ont plus maintenant pour eux, parce que le mouvement de leur esprit n’a plus lieu et qu’ils ne sont plus que des sépulcres blanchis, comme disait Jésus.
La science ancienne va revivre et forcer les hommes du sacerdoce à en savoir quelque chose, mais chaque homme aussi voudra connaître, ou du moins en rudiment, la science des anciens temples. Aujourd’hui, un homme salarie un autre homme aussi ignorant que lui pour le soin de sa santé. Il entretient d’autres hommes pour le salut de son âme, parce qu’il leur suppose un pouvoir spirituel particulier ; il verra désormais que la lumière est en lui-même, que Dieu y a inscrit ce qu’il lui faut pour le guérir , qu’il fait partie du grand tout, qu’il est enfant delà Divinité, qu’il peut être son médecin et son guide moral.
Si Dieu avait permis que de nos jours l’humanité sortît
de scs langes, il faudrait bien ne pas s’en montrer courroucé et rejeter la révélation qui lui serait faite. N’est-ce pas évident pour tous qu’il se passe quelque chose d’étrange dans le monde actuel? N’est-il pas évident qu’une transformation s’opère dans les idées des peuples, et que les esprits comprennent plus clairement les choses? On dit que c’est la raison humaine qui a grandi son horizon. Sans doute; mais d’où lui vient cette soudaine lumière? D’un travail intérieur qui n’a pu s’accomplir de lui-même. Ce travail, ce changement a sa cause dans une source plus pure, plus relevée, 11 appartient à la volonté divine. De même qu’elle a dit aux ilôts : Vous vous arrêterez ici, vous n'irez pas plus loin, elle a bien pu rompre les liens qui attachaient l'homme à la terre, et permettre îi son âme de prendre un peu son essor.
L’homme, pendant longtemps, n’eut pas le sentiment de la liberté : il lui est venu et sa liberté a été conquise. Qui a fait naître ce sentiment nouveau , si ce n’est une inspiration d’en haut ? Longtemps il vécut comme vivent les bêtes, n’ayant que leurs grossiers instincts. Il s’est séparé de la pure animalité, et les animaux sont restés ce qu’ils étaient.
11 arrive aujourd’hui à, concevoir ses véritables destinées, il y marchera envers et contre tous ; car il obéit à la loi du progrès dont Dieu veut l’accomplissement, et ce magnifique résultat sera-t-il obtenu avec le concours des savants ? Nullement. C’est moi, c’est vous, c’est nous tous, qui le prépa- t rons par une force intérieure qui nous incite et nous pousse en avant. C’est, en outre, cette force révélée, ce magnétisme enfin qui apparaît avec son cortège de merveilleux phénomènes ; n’avertit-il pas nos sens que nous sommes sur un nouveau terrain, que nous pouvons y marcher ?
Mais par cela seul que l’inconnu se révèle, il ne faut pas, dans un instant de surprise, dire : c’est le démon , c’est Satan, l’esprit du mal qui vient nous perdre. Ce serait accuser Dieu d’impuissance, en faire le vassal d’un être au-dessous de lui, car le mal serait au-dessus du bien. Mais l’argument mis en avant par des idiots ne doit arrêter personne. Il est vrai de dire qu’autrefois cet argument avait force de chose
jugée dans les questions moins graves; car il est Lien vrai que l’on brûlait \ ils tous ceux qui ne s’y rendaient point. Des bêles furieuses tuaient les gens de sens et d’intelligence, afin de rester méchants et bêles. C’était de la bonne politique. Sociale buvait la ciguë, Jésus était mis en croix , Galilée à genoux demandait grâce pour avoir eu trop tôt raison. Jeanne d’Arc sur le bûcher expiait la faveur qu’elle avait reçue Iu ciel. Il serait facile d«récriminer contre les temps passés, contre nos pères, car ce sont eux-mêmes qui furent persécuteurs. Ce que Dieu a permis avait un but ; des crimes ne prouvent rien contre sa boulé , car ses vues sont insondables et ses fins inconnues.
La lumière aujourd’hui vient frapper nos esprits, soyons reconnaissants, surtout ne persécutons point ceux qui ne pensent pas comme nous. Le temps va venir où des passions nouvelles naîtront des faits dont Dieu permet l’éclosion. Les hommes méchants et habiles se lèveront et chercheront à faire tourner ces faits à leur avantage personnel : ils les exploiteront en les dénaturant; mais les multitudes s’éclairent chaque jour davantage , le fanatisme semble avoir fait son temps. Jésus a dit qu’un jour tous les hommes seraient voyants. N’ayons donc nul souci de l’avenir et marchons résolument en avant. Les chefs des peuples du passé avaient en main une épée; ils frappaient des gens qui ne ripostaient point. Il n’en serait plus de même maintenant. Le glaive n’aurait plus rien de sacré ; on le leur arracherait des uiains et on le retournerait contre eux. D’ailleurs qui vivra verra. Je n’ai pas la prétention de faire accepter mes prophéties et prédominer mon sentiment. Revenons à, notre thème des esprits.
Lorsqu'un homme approche de vous, vous voyez une masse charnue s’avancer. Mais cette grossière matière cache une intelligence, une force qui n’a rien de matériel; ce n’est pas la chair qui parle ou qui examine, qui vous écoute et vous considère, la matière n’a point d’yeux et point d’oreilles, je le suppose du moins. C’est une double chose que vous avez devant vous, vos sens ne vous laissent apercevoir
qu’une forme, mais le principe même de la vision n’est pas dans 1 organe visuel, c’est pourquoi rien encore n’a pu vous faire saisir le principe spirituel renfermé dans celui qui s’est approché de vous. J’espère arriver à une complète démonstration de son existence.
Baron du Potet.
(La suite à la prochaine Causerie.)
FAITS ET EXPÉRIENCES.
ACTION DE LA VOLONTÉ SUR LES CORPS INERTES.
Plusieurs magnétistes prétendent avoir obtenu , par leur volonté , des mouvements de corps inertes, sans contact. M. Lafontaine, entre autres, rapporte, dans ses deux ouvrages , les succès qu’il a obtenus dans ce genre : ainsi il a fait dévier l’aiguille du galvanomètre ; expérimentant sur une aiguille d’égale grosseur dans toute sa longueur, suspendue par un fd de cocon non tordu et placé sous un globe hermétiquement fermé, il a magnétisé à travers le verre sans le toucher, et il a obtenu également une déviation de l’aiguille.
Nous ne nions aucunement la réalité de ces faits, vu que nous ne pouvons fixer les limites de la puissance humaine. Mais nous ferons remarquer à notre confrère de l’Union magnétique, qui les rapporte dans son numér«du 25 avril, que le plus sage est de rester dans le doute, tant qu’il n’y a pas de constatation régulière. Or ici l'affirmation de M. Lafontaine ne peut être tenue pour une autorité suffisante. En effet, cet éminent magnétiseur, au mérite duquel nous nous plaisons du reste à rendre hommage, avoue que quant à l’expérience du galvanomètre, il a agi avec M. Thilorier, seule personne dont il invoque letémoignage; queM. Thilorier, s’é-
tant présenté devant une commission composée de membres de l’Académie des sciences pour les rendre témoins de cette expérience, ne put la répéter. M. Lafontaine attribue cet insuccès l’insuffisance de 11. Tliilorier : soit. Mais alors il aurait dû prendre sa revanche en se présentant lui-même, soit devant les mêmes académiciens, soit dans toute autre réunion composée d’hommes marquants et capables de bien observer. Quand on est en état de produire des faits aussi extraordinaires et aussi concluants, on doit leur donner une notoriété qui les fasse accepter définitivement par la science. Et la chose est des plus faciles : on ne rencontrerait pas les mêmes obstacles que quand il s’agit de l’action de l’homme sur l’homme. En effet, quand on agit sur des êtres humains, la grande difficulté est d’obtenir des faits qui ne puissent être simulés. Mais quand on veut agir sur des corps bruts, on n’a pas à craindre l’imputation de compérage des sujets. L’accusation de jonglerie peut également être écartée si l’opérateur, au lieu d’agir chez lui et avec ses propres instruments, consent à se transporter partout où l’on voudra et à se servir du premier appareil qui sera mis à sa disposition. Comme il ne s’agit point ici d’intervention d’esprits plus ou moins capricieux, ni des dispositions variables d’un médium, comme on peut alléguer l’influence contraire de l’incrédulité , comme, en un mot, ce qu’on veut mettre en évidence, c’est l’exercice d’une faculté humaine, il est extrêmement facile de procéder à une constatation éclataute qui ne laisse rien à désirer. Il est inconvenable que M. Lafontaine ne l’ait pas encore fait.
Pour moi, j’avoue avoir essayé sans succès l’expérience qu’il indique : plusieurs magnétiseurs de ma connaissance n’ont pas été plus heureux. M. Lafontaine est-il doué d’une puissance magnétique supérieure ? C’est possible. Mais c’est ce qu’il faut démontrer victorieusement par des faits. Nous ne savons si notre confrère de i Union a été plus heureux et s’il a été mis à même de voir. En ce cas, nous l’invitons, au nom de la science, à nous donner les moyens de nous convaincre.
Nous remarquerons, à ce sujet, que bien des ouvrages sur le magnétisme sont pleins de merveilles que personne ne produit, et même que personne n’a vues, sauf celui qui dit les avoir obtenues. Ces relations imprudentes compromettent la cause du magnétisme et contribuent en éloigner beaucoup de gens de bon sens qui ne demanderaient pas mieux que d’accepter les faits dont on les rendrait témoins, et qui, indisposés par ce qu’ils regardent comme des forfanteries, éprouvent de la répugnance à s’occuper môme de la partie du magnétisme la mieux établie.
Souvent des magnétiseurs de très-bonne foi croient avoir produit des prodiges, et quand on examine avec soin leurs prétendues découvertes, on s’aperçoit qu’ils se sont laissé égarer par un enthousiasme irréfléchi et qu’ils ont mal observé. Avant de publier une conquête du magnétisme, il faudrait la faire certifier par des témoins dignes de foi et être en état d’en prouver la réalité par de nouvelles expériences. Si le magnétisme a fait tant de progrès, c’est parce qu’il s’exerce à la lumière du jour, c’est parce qu’il met tout le monde à même de voir et d’opérer. Mais comment ne pas se défier de merveilles qui n’ont heu que dans un petit cénacle et dont l’accès est interdit’aux profanes?...
A. s. JIORIN.
CORRESPONDANCE.
» « -
" » ^ ___
CONTROVERSE ET CLINIQUE MAGNÉTIQUES.
A Monsieur le baron du Potet.
Monsieur,
Vous êtes en droit de vous étonner du silence de celui qui fut pendant dix ans l’un de vos plus actifs correspondants. N’allez pas l’attribuer au découragement ; avec vous , j’ai foi dans l’avenir ! Ne l’attribuez pas non plus à ma coupable
indifférence ; je dois trop au magnétisme, dont j’ai été l’adversaire , et dont je suis aujourd’hui l’un des plus fervents adeptes, pour ne pas suivre avec intérêt sa marche lente, bizarre même, mais certaine. Nombre de fois j’ai pris la plume pour vous adresser quelques communications, et, après m'être mis à l'œuvre , je m’arrêtais découragé ; je trouvais mes observations arriérées en présence des phénomènes spiritualistes qui vous arrivent d'outre-mer, et donnent à votre journal un intérêt tout particulier.
Je suis loin de me plaindre de me voir ainsi dépassé, et je ne vous reprocherai pas, avec M. Guibert de Clelles (11" 239) , de donner depuis longtemps trop il’importance aux esprits cl pas assez à la matière.
Pendant bien des années depuis Mesmer et de Puységur, ces deux grands restaurateurs de la science, le magnétisme a été matérialisé, puisqu’on ne pouvait l’admettre sans une base, visible et tangible pour certaines crisiaques, et qu’on nommait te /laide magnétique. L’un des premiers, j'ai combattu , sinon l’existence, du moins le mode d’action de ce prétendu fluide; j’étais le seul de vos collaborateurs qui osât émettre une telle opinion ; aussi suis-je classé parmi les ma-gnétistes spiritualistes, et la lutte que j’eus à soutenir avec mon honorable confrère, le docteur Perrier, ne fut pas sans un certain retentissement. Vous reconnaîtrez avec moi que mon spiritualisme d’alors a été singulièrement dépassé et outrepassé. Les esprits d’Amérique sont venus, passez-moi l’expression, donner un croque en jambes aux esprits français, et le mien , esprit médiocre en présence d’esprits si transcendants, a dû tout naturellement se retirer de la lutte et attendre le résultat de la course au clocher de ses collègues d’outre-mer.
Depuis quelques années, ils ont bien frappé , ces esprits tapageurs, ils ont bien crayonné, bien raisonné et plus souvent déraisonné ; ils ont agité bien des tables et tourné bien des têtes, et quel avantage la science et l’humanité en ont-ils retiré ? Aucun. Le magnétisme animal a marché , parce que rien ne saurait l’arrêter, mais, loin de prendre un nouvel
essor, loin de trouver un appui sur toutes ces merveilles nouvelles, il semble s’ôtre annihilé comme 110 pouvant suivre le mouvement qui l’entraîne trop brusquement hors de sa sphère, et prête de nouvelles armes à l’incrédulité et à la mauvaise foi.
N’allez pas conclure de ce qui précède que je ne suis plus spiritnalisle et que je reviens au baquet de Mesmer. Je reste bien et de plus en plus persuadé que le magnétisme n’est autre qu’une action purement animique. Je magnétise, c’est dire que mon âme, qui a pour arme la volonté, fait le siège d’une autre âme qui a pour elle l’abnégation. Si l’âme magnétisée a une volonté contraire et supérieure à la mienne, je suis sans action, et, bien plus, je subis les conséquences de mon infériorité. Je ne repousse pas l'action matérielle, puisque j’admets que l’homme étant corps et esprit agit sur le corps à l’aide d’un agent que je veux bien désigner sous le nom de fluide magnétique. Mais , avant tou t, il agit sur l’âme ou l’esprit, sans intermédiaire, ce qui e jpliquehs magnétisations à de grandes distances , magnétisations qui sont incontestables.
Mon spiritualisme date de plus de dix ans. J’ai écrit dans votre intéressant journal à une époque où les esprits d’Amérique ne se manifestaient pas si bruyamment, et où les médiums étaient encore inconnus; j’ai écrit : du polype, qui est la dernière des intelligences attachées à la matière’ jusqu’à Dieu qui est le summum des intelligences, puisqu’il les résume toutes, existe une série ; non interrompue. L’homme est le chaînon qui unit les intelligences unies à là matière, aux intelligences sans corps. Ces dernières, qui constituent le monde des esprits, entrent fréquemment en rapport avec les crisiaques, et c’est à ces rapports que j’attribuais les révélations somnambuliques et la grande lucidité. Je terminais en disant : Le magnétisme est appelé à nous révéler un monde nouveau, le monde des esprits. Je pressentais donc les médiums, aussi je crois en la puissance de M. Hume, parce qu’elle vient confirmer une de mes prévisions. M. Hume peut prêter à rire aux sceptiques, mais il
fera mûrement réfléchir les hommes sérieux, s’il ne fait pas avancer rapidement la science.
Mais laissons les théories de côté et venons à la pratique magnétique, si féconde en heureux résultats. Jamais je n’ai si peu parlé magnétisme et jamais je ne l’ai pratiqué avec plus d’ardeur et .avec plus de succès. Je le pratique sans ostentation, clandestinement pour ainsi dire, non que je redoute l’opinion publique ; j’ai assez prouvé le cas que j’en fais lorsqu’elle s’égare. Je me cache pour faire le bien, afin d’éviter une foule de susceptibilités. C’est ainsi que je fus appelé dernièrement pour donner des soins à la femme Gauthier, de Flacé, près Màcon, âgée de soixante-cinq ans, atteinte de coliques violentes, ayant tous les caractères du misère. Cette femme éprouvait une angoisse et une agitation extrêmes : On m’arrache l’estomac, on me déchire les boyaux, disait-elle, je me sens mourir. Sa figure était livide et décomposée ; elle vomissait les boissons qu’on lui administrait, et si nous nous fussions trouvés à une époque d’invasion cholérique, on l’eût certainement classée parmi les personnes gravement atteintes. Le curé du lieu était au chevet du lit de la patiente, l’exhortant à la résignation. J’arrive, et je ne dis pas : Arrière les topiques, les boissons, les linges chauds, les lavements que l’on multipliait ; arrière la pharmacopée ! je vais magnétiser !...
Le prêtre eût été scandalisé, puisque Rome a mis le magnétisme à l’index ; la malade, très-religieuse, ne s’y serait certainement prêtée qu’avec répugnance. Je dis simplement : Procurez-moi de l’huile de quelque nature qu’elle soit; à défaut d’huile, donnez-moi du saindoux ou du beurre. On m’apporte de l’huile dans une assiette ; je trempe ma main droite et je l’applique sur l’épigastre de la malade en formulant énergiquement cette pensée : Douleur disparais, Dieu puissant, calmez cette douleur! Trois minutes étaient à peine écoulées, que cette femme, si agitée, si angoissée, reste calme et murmure : « Que cette huile est bienfaisante! Je sens ma douleur diminuer comme par enchantement sous son influence. » Je magnétise pendant quinze minutes à peine
et je laisse cette femme en paradis, suivant son expression. Je l’ai revue le lendemain et plusieurs fois depuis : elle jouit d’une parfaite santé. Une seule magnétisation a suffi pour la guérir. Elle regarde l’huile d’olives comme un puissant calmant des coliques; elle ignore, la bonne femme, que derrière cette huile, assez insignifiante, se tenait le magnétisme tout puissant.
Huit jours après, je fus appelé dans la nuit pour donner des soins à madame Montbarbon, femme de l’instituteur de Saint-Laurent-lôs-Màcon. Elle présentait les mêmes coliques que dans le cas précédent. Les thés, les langes chauds, les lavements, rien ne la calmait. Je fais venir de l’huile, je magnétise comme précédemment et avec le même succès. La magnétisation dut se prolonger vingt minutes, mais elle fut victorieuse et sans retour de nouvelles crises.
Je me borne à citer ces deux faits que je pourrais multiplier, car j’emploie constamment le magnétisme avec succès dans tous les cas semblables, et je ne saurais trop engager mes confrères à suivre mon exemple.
Un mois auparavant, j’avais été appelé dans la même commune de Flacé pour donner des soins au petit-fils de la femme Gauthier dont j’ai parlé plus haut. Ce jeune homme, âgé de dix-sept ans, d’une forte constitution, était atteint d’une hernie provenant de la descente tardive du testicule gauche dans sa bourse. A la suite d’un eflbrt, cette hernie s’étrangla ; on fit de vains efforts pour la faire rentrer, et de graves symptômes se montrèrent : coliques violentes, agitation, vomissements, sensibilité excessive de la tumeur, qui égalait la grosseur d’un œuf de poule.
Je trempe ma main dans l’huile d’olives, je l’applique sur la tumeur sans pression sensible, et je magnétise. Cinq minutes étaient à peine écoulées qu’un léger borborygme se fait sentir, et bientôt la tumeur disparaît, la hernie se trouve réduite sans les efforts du taxis.
Quelques jours après, je pars pour Lyon, où je reste quarante-huit heures ; à mon retour, j’apprends qu’on est venu plusieurs fois me chercher pour le même malade dont la
hernie s'était de nouveau étranglée, et qui se trouvait dans un état alarmant. Un médecin appelé avait fait appliquer les sangsues, mettre des cataplasmes, fait de vains efforts pour obtenir la réduction. J’arrive, j’applique ma main sur la tumeur, et, en quelques miqutes, elle rentre comme précédemment.
J’ai obtenu, il y a quelque mois, une réduction aussi facile sur un vieillard de quatre-vingt-neuf ans, et j'en passe sous silence une foule d’autres qui présentaient moins de gravité, et dont le magnétisme a été victorieux.
Enfin j’allais vous expédier ces observations, lorsque, le 1" mai, je fus appelé pour voir le nommé Paria, voiturier à Replonges (Ain), âgé de cinquante ans , doué d’une forte constitution et atteint, depuis la veille, à la suite d’un refroidissement, d’une pleurodynie du côté droit, qui le tenait doué dans son lit. Le malade pouvait à peine respirer, le moindre mouvement du tronc était impossible et très-douloureux. Je fais venir de l’huile d’olives, je place nia main sur le côté malade, et, en moins de cinq minutes de magnétisation , j’entends le patient dire en souriant : Mais vous m’ôte z mon mal avec la main. Un quart d’heure après, il pouvait s’asseoir sur son lit, et le lendemain , Paria était en convalescence.
En présence de tels faits qui prouvent l’excellence du magnétisme dans une foule d’affections, on se demande si les médecins consciencieux fermeront encore longtemps les yeux à la lumière qui les éblouit. Une seule réponse est à faire : la lumière se fera, et le magnétisme prendra le rang qu’il doit occuper dans le traitement des malades , aussitôt qu’il se trouvera un assez grand nombre de médecins consciencieux.
Votre très-affectionné,
H. C. ORDINAIRE , D. M.
Baron dd POTET, propriétaire-gérant.
12' CÉLÉBRATION.
23 mai 1857.
Nous allons rendre compte de notre fête qui, plus encore que celles des années précédentes, marquera dans nos annales par l’adjonction nouvelle d’hommes intelligents et dévoués.
Les vastes salons de Lemardelay étaient remplis de partisans sincères et éclairés du magnétisme qui, en l’absence de M. le baron du Potet, s’y étaient donné rendez-vous. On remarquait parmi eux plusieurs médecins, des militaires de distinction , des artistes, des savants , et enfin plusieurs dames dont les écrits ont enrichi la littérature contemporaine. Cette fête avait quelque chose de doux et de charmant. Elle avait établi entre tous ceux qui en faisaient partie une sorte de confraternité visible et si sentie que , pendant les discours, il ne semblait y avoir qu’un cœur et qu’une pensée. Oui,c’est bien là l’harmonie ; oui, c’est un spécimen des joies et des fêtes que le magnétisme prépare. Pas une seule déclamation, aucune de ces sorties brusques justifiables pourtant en présence d’ennemis, mais qui, là, auraient paru déplacées.
Nous allons donner en substance les tostes qui ont été portés, les discours qui ont été prononcés.
M. le baron du Potet, président du banquet, de retour la veille seulement d’un long voyage de propagande en Allemagne et qui n’avait pas eu le temps de prévenir un grand nombre d’amis du magnétisme, a trouvé , à sa grande sur-
Tome XVI. — N" II. — 2*Sêhie. — 10 Juin 1857. 11
BANQUET ANNIVERSAIRE DE LA NAISSANCE DE MESMER.
prise, une assemblée d’élite empressée à l’accueillir et lui témoigner la satisfaction qu’elle éprouvait le le revoir. M. du Potet a remercié l'assemblée et a ouvert par quelques paroles que nous allons transcrire la série des tostes préparés pour cette fête.
Discours de M. le baron du Potet.
Mesdames et messieurs,
Tandis (pie vous vous apprêtiez à célébrer l’anniversaire de la naissance de Mesmer ; tandis que vous songiez à payer dignement votre tribut au génie bienfaisant que la France accueillit jadis,
Moi, mesdames et messieurs, j’allais vers l’Allemagne, sa patrie, y reporter son nom glorieux que les savants y avaient effacé ;
J'allais le premier parler d’ingratitude à ces bons Allemands, j'allais leur dire en face ces propres paroles :
« Votre plus grand génie de vous est ignoré, vous ne savez pas même où repose sa cendre, et c’est un étranger, un homme de la généreuse nation française, qui vient vous avertir que le temps est venu de déchirer la page qui salit votre histoire, et de réhabiliter le plus digne, le plus grand d’entre vous, celui enfin que dans un autre temps vos savants ont persécuté.
c Oui, la démarche que je fais près de vous aujourd’hui est un honneur qui m’était réservé, et j’en remercie la Providence.
« Si mes paroles vous paraissent téméraires, j'ai en moi ce rayon de feu divin découvert par Mesmer. J’ai cet agent magnétique dont son génie a su trouver la source.
« J’ai cette force que dans leur aveuglement tous vos savants ont niée.
d Oui, je viens m’assurer si les têtes allemandes sont accessibles aux idées philosophiques les plus fortes, aux vérités profondes. En France, 011 a cette opinion,—je vous
apporte ce qu’il faut pour exercer votre génie, afin que nous sachions bientôt ce que nous devons penser de vous. »
Oui, chers collègues, j’ai tenu ce langage devant une réunion d’hommes où se trouvaient représentées la richesse et l’intelligence, mais où se trouvaient également le doute et l’incrédulité. Ma parole eût donc été impuissante autant que téméraire, si je n’avais sur l’heure pris l'engagement sacré d’offrir à tous les regards les faits vivants qui motivaient mes paroles et justifiaient ma mission.
Vous le comprendrez, chers collègues, mon honneur, celui du magnétisme, se trouvaient engagés dans cette partie; j ai su sortir de cette situation et triompher des doutes. Le magnétisme est resté vainqueur, mais pour cela il a dû bien souvent s’échapper brillant de mes mains, car le scepticisme était enraciné.
Mais comment à la fin résister à la vérité lorsqu’on me voyait, dans un instant, attirer à moi les personnes qui m’étaient inconnues, agiter et faire trembler celui qui tout à l’heure était sûr de sa force et semblait me défier 1
Comment ne pas croire, lorsque l’on me vit dans un moment de puissance et à plusieurs reprises engourdir, stupéfier, réduire les forces humaines chez plusieurs jeunes gens, au point de faire de leur corps une espèce de mannequin , que l’on pouvait promener et faire mouvoir sans qu’ils aient conscience d’eux-mêmes et comme si leur vie n’eût appartenu qu’à moi seul?
Voilà, chers collègues, comment j’ai procédé pour vaincre les doutes, et amener au magnétisme les hommes de bonne foi.
J’ai ainsi payé ma dette à la mémoire de notre maître. J’ai semé notre grain béni dans une ville libre et florissante de l’Allemagne.
Il germera, ce grain, car je l’ai enfoncé avec mes doigts nerveux , plus que par mes idées, dans les cerveaux allemands.
Mesmer sera content de moi.
Chers collègues, pendant cette longue absence, mon cœur n’a point cessé de vous appartenir, mais j’ai voulu prouver par un nouveau trait de nia vie que j’étais toujours digne de votre amitié, de cette légion qui s’est aujourd’hui rassemblée sous la bannière de Mesmer et du magnétisme. J’ai voulu prouver que si l’âge glace parfois les plus fermes courages, il n’ôte rien à la pensée de l’homme de foi. La force peut disparaître, niais l’idée reste et survit à la vie.
Soyez-en certains, chers collègues, lorsque mon bras faiblira, si uia bouche s'ouvre encore, ce sera pour vous dire : Allez, amis! travaillez pour l’avenir, connue nos pères ont travaillé pour nous ! Continuez de porter le flambeau déposé en nos mains, sa lumière est faible encore, mais chaque jour vous la verrez grandir et devenir plus brillante. Un jour elle finira par éclairer le monde.
Continuez ; car si la vérité est avec vous , votre devoir est de la répandre. Quelquefois, il est vrai, en devenant son champion, on court le risque de troubler un instant sa vie. Mais la vérité est fille du ciel, elle n’est pas comme le vice ou le mensonge, jamais elle ne déshonore celui qui lui a donné sa foi.
Plus heureux déjà que ceux que nous n’avons pu encore vaincre , l’avenir nous sourit. Les voyez-vous, ces ennemis d’eux-mômes s’acheminer vers la tombe, le regard triste et l’œil abattu, croyant que sous une froide pierre se termine leur dernier destin. Pour nous, au contraire, notre espoir est tout autre, la tombe n’est plus qu’un chemin que nous suivons comme tous , mais que notre .âme quitte bientôt en se séparant de son enveloppe grossière. Nous savons qu’elle repart plus joyeuse et plus fière et va dans l’espace pour y trouver plus de lumière, de bonheur et de liberté !
Gloire donc à Mesmer, à son heureux et consolant génie ,
— que son nom soit pour nous comme symbole, celui de l’immortalité! — A Mesmer!
Ces quelques paroles, car M. du Potet n’avait pas eu le temps de préparer un discours, ont été vivement applaudies, car on y retrouvait la pensée constante qui ne l’a pas
quitté pendant son long apostolat : l'expression vraie et sincère de la vérité magnétique. M. du Potet a remercié rassemblée et a donné la parole à M. Morin. Tous nos abonnés connaissent ce nom et regardent celui qui le porte comme un des avocats les plus distingués et les plus dévoués de la grande cause mesmérienne. Il est venu, comme les années précédentes, payer sa dette de conviction, et son discours spirituel prouvera que le magnétisme a trouvé des organes capables de le défendre. Voici le discours qu’il a prononcé :
au progrès!
Si un insecte, se cramponnant à une locomotive lancée à toute vapeur, s’évertuait à lui imprimer un mouvement rétrograde, il ne réussirait sans doute pas à en ralentir la marche ; bien plus, il serait malgré lui entraîné en avant. Tel est le sort malheureux des adorateurs du passé : ils ont beau s’exténuer pour ramener la société en arrière, pour ressusciter le bon vieux temps : non seulement ils y perdent leur latin, mais encore ils participent, même à leur insu, au progrès qui est la loi universelle.
Ainsi le magnétisme a toujours des ennemis , et l’on remarque surtout parmi eux les adversaires systématiques de la lumière, les gens dont le métier est d’exploiter l’ignorance. Mais ces chevaliers de l’éteignoir se croient en vain immobiles : eux aussi ils marchent avec le siècle ; et pour nous en convaincre, il suffit de jeter un coup d’œil sur la tactique dont ils usent contre nous. Ils ont, comme vous savez, réuni récemment le ban et l’arrière-ban des magné-tophobes, de tous ceux auxquels le nom de Mesmer suffit pour donner des horripilations, et qui, rien qu’à entendre parler de fluide, font par précaution un signe de croix. Eh bien, tous ces graves et dévots personnages , après mûre délibération sur les meilleurs moyens d’exterminer radicalement l’hydre mesmérienne , n’ont trouvé rien de mieux que de déclarer solennellement ubi et orbi que le magnétisme avait été vomi par l’enfer, et que ses œuvres étaient dues à la puissance des démons.
On s’est permis de rire de cette sentence de l’inquisition,, et pourtant elle décèle une profonde sagesse. Ne doit-on pas juger l’arbre par ses fruits? Si donc le diable est l’auteur du magnétisme , c’est qu’il n’est pas si noir qu’on se l’était figuré, c'est qu’en vieillissant il a compris la nécessité de se transformer, de s’accommoder aux idées nouvelles, c’est qu’en un mot il a progressé. Voyez , en effet, quelle métamorphose ! 11 avait pris jadis, dans le but de faire peur, un accoutrement tant soit peu grotesque, c’était un gaillard de mauvaise compagnie et de fort mauvais goût. Ses cornes de bœuf, ses pieds de bouc, sa queue de sapajou et sa fourche empruntée à feu Pluton , faisaient de lui un vilain croque-mitaine ; et cet appareil n’est plus de mise, même dans les féeries de l’Ambigu. Le sabbat, auquel il conviait ses adeptes, sentait le soufre; ou s’y rendait sur des manches à balai , vu que les chemins de fer n’étaient pas inventés et que les routes étaient fort mal tenues par les hauts barons qui avaient bien autre chose à faire ; ces réunions n’étaient que des cohues désordonnées ; les chauves-souris et autres volatiles nocturnes qui en faisaient l’ornement, n’avaient rien de bien récréatif ; les cérémonies qui s’y accomplissaient, composaient une mise en scène maussade et ridicule; enfin, la cuisine y était détestable, ce qui aujourd’hui serait un crime irrémissible. Le diable a eu le bon esprit de s’apercevoir que toute cette défroque était usée jusqu’à la corde, et, en tacticien habile, il a changé de batteries. Il n’exige plus, ni conjuration à voix de Stentor, ni pacte signé et scellé : il vient sans qu’on le demande, sans qu’on pense à lui, sans même que l'on croie à son existence ; puis, s’il nous voit embarrassés dans notre besogne, il se met charitablement à nous aider, sans imposer de conditions, sans demander de remerciments, sans même nous avertir qu’il nous a rendu service. On ne peut pousser plus loin la courtoisie, le sa-voir-vivre.Et quels sont les actes où il se plaît à nous donner si bénévolement son concours? C’est quand nous travaillons à guérir nos semblables, quand nous nous appliquons de toutes nos forces à dissiper les maladies, à sou-
lager les maux de toute nature. C’est dans ces œuvres de bienfaisance, que le diable s’empresse de nous assister. Que feraient de mieux Montyon, saint Vincent de Paul, l’IIoinme au petit manteau bleu? Nous nous figurons, il est vrai, que c’est par notre force magnétique , par la puissance de notre fluide, que nous avons obtenu ces résultats salutaires, tandis qu'ils ne sont dus (à ce qu’il paraît) qu’au diable qui a la modestie de ne pas se montrer, sans doute dans la crainte que nos compliments ne le mettent mal à l’aise. Une conduite aussi louable ne mérite-t-elle pas le prix de vertu, et l’Académie ne devra-t-elle pas prendre ces titres en considération ?
Quand nous consultons nos somnambules, c’est encore lui qui vient mettre à notre disposition sa science surhumaine. S’il les fait quelquefois bavarder à tort à travers, c’est que ces jours-là il est en humeur folâtre, ou qu’il n’a pas bien essuyé les verres de ses lunettes; mais souvent aussi il leur communique la vérité, leur dévoile toutes sortes de secrets, et se sert de ces intermédiaires pour nous indiquer des remèdes efficaces, pour retrouver des objets perdus, pour déjouer des machinations coupables, pour nous donner des nouvelles de personnes absentes et qui nous sont chères. Ce sont là certainement de bien bonnes œuvres dont l’auteur a droit à toute notre reconnaissance.
Comme la vertu n’exclut point une honnête gaîté , notre associé anonyme (ou pseudonyme) s’amuse aussi à faire tourner et danser des tables, à toquer des meubles (sans les endommager), à faire entendre des coups mystérieux, et même à faire mouvoir corbeilles et crayons qui souvent battent la campagne et écrivent d’assez piètres tartines. Mais, comme dédommagement, nous obtenons aussi quelquefois des réponses ingénieuses, des traits spirituels, de sages avis et de très-belles leçons où respire la morale la plus pure. Ce sont donc des jeux fort innocents qui ne dénotent ni la sombre perfidie , ni l’horrible astuce de l’ancien Lucifer.... Non : le prince des enfers a fait peau neuve ; et en redevenant jeune, il a un peu des caprices et de l’espièglerie de la
jeunesse. Somme toute, c’est évidemment un bon diable; et, puisqu'il ne se signale que par des bienfaits, nous ne pouvons éprouver pour lui les sentiments d’horreur et d'effroi que voudraient nous inspirer les bons pères de l’inquisition.
Bien plus , nous regrettons que ces vénérables Gérontes n’assistent pas à ce joyeux banquet: ils apprendraient ici ce qu’est un sabbat au dix-neuvième siècle. En contemplant cette fête charmante où règne la cordialité, où les cœurs sont unis par une pensée commune de dévouement à l’humanité, en voyant de près les dames gracieuses qui tiennent la place occupée autrefois par d’immondes sorcières, ils reconnaîtraient que la sorcellerie moderne n’a rien d’effrayant ni de sinistre , ils se laisseraient attendrir (si toutefois un inquisiteur en est capable), ils croiraient au progrès, et peut-être, dans un moment d’entraînement, iraient-ils jusqu’à tendre la main... à la main purifiée de celui qu’ils ont anathématisé.
Laissons-les donc répéter que c’est le diable qui opère dans le magnétisme. A quoi bon nous émouvoir d’une telle décision ? Elle ne peut être désavantageuse pour le magnétisme : seulement elle est très-avantageuse pour le diable qui doit leur en savoir beaucoup de gré.
Les grands cœurs pressentent l’avenir. Sainte Thérèse disait de Satan : Le malheureux, il ne peut pas aimer ! Elle éprouvait donc pour lui de la compassion, de la sympathie : elle le croyait susceptible de revenir au bien. Les proverbes qui sont, comme on sait, la sagesse des nations, annonçaient depuis longtemps que le diable, en devenant vieux, se ferait ermite, c’est-àjdire saint homme. Cet adage populaire n’était que l’éch«de la doctrine des anciens mages de la Perse qui enseignaient qu’Arimane ne serait pas toujours méchant, qu’il viendrait un temps où il se réconcilierait avec Ormuzd. Ces temps s’accomplissent. Le mal n’est que l’ombre du bien. Plus la lumière se répand , plus elle dissipe les ténèbres et en réduit l’étendue. Chaque progrès entame la sphère du mal, la rétrécit et tend à la faire disparaître. Le mal se
change on bien , et Héelzébub régénéré reprend sa place au rang des anges.
Salut au progrès universel qui est confessé par ceux-mêmes qui croient en être les ennemis; au progrès qui a pour avant-garde le magnétisme!
Vivement applaudi et remercié par l’assemblée, M. Morin a cédé sa place à un autre défenseur zélé du magnétisme, dont la haute intelligence et la précieuse érudition se sont fait remarquer dans les colonnes de notre journal. M. Petit d’Ormoy, car c’est de lui que nous voulons parler, s’est exprimé en ces termes :
AUX ENNEMIS DU MAGNÉSISME.
Mesdames et Messieurs,
En portant devant vous la santé des ennemis du magnétisme, nous ne sommes pas précisément mu par cette prescription religieuse — assez peu pratiquée d’ailleurs—qu’il faut vouloir du bien, même à ses ennemis. Si, comme individu, nous pouvons pardonner à nos ennemis, comme magnétiseur, nous sommes résolu à la lutte, décidé à combattre
— loyalement toujours, mais de toutes nos forces — les ennemis de notre foi. Cependant c’est avec une entière sincérité que nous portons la santé des ennemis du magnétisme. Ils sont trop utiles à sa cause pour que nous n’ayons pas le désir de les voir continuer à la combattre.
Un homme, grand par le cœur et par l’intelligence, un inventeur, qui, pendant bien des années, n’a rencontré que de l’indifférence, sollicitait une critique, soupirait après un ennemi, sans pouvoir trouver personne qui se donnât la peine d’examiner ses idées.
N’a pas qui veut des ennemis. — On ne se passionne, dans un sens ou dans un autre, que pour ce dont on a compris l’importance.
Lorsqu’une idée est produite, vraie ou fausse, elle doit appeler la discussion. Une fois la lutte engagée, sérieusement engagée, — si elle a des partisans dévoués et des en-
nemis résolus — il est certain que la vérité triomphera. C’est une affaire de temps.
Avons-nous une foi complète, absolue dans nos doctrines,
— souhaitons des ennemis.
C’est une conviction bien molle, une foi bien tiède que celle qui craint la lutte.
Parmi les magnétiseurs, les uns pratiquent sans se préoccuper du bruit qui se fait autour d'eux ; les autres, se sentant possesseurs d’une vérité utile à l’humanité, veulent la propager et la répandre. Bien que chacun de ces modes d action ait son utilité, il est certain que, jusqu’au moment définitif du triomphe de la cause sacrée du magnétisme, c’est le camp armé, le groupe de ceux qui pratiquent d’une main et combattent de l’autre, la fraction militante, en un mot, qui rend le plus de services.
Nous voyons les animaux combattre pour atteindre un but spécial et déterminé, pour écarter ou anéantir ce qui se place entre eux et l’objet de leur désir. L’homme, l’être doué de raison, a, seul, l’instinct inné de la lutte pour la lutte. C’est que seul il est destiné à progresser indéfiniment, et qu’il a reçu pour cela l’esprit de lutte qui est l’instrument, du progrès.
Que si trop souvent cet instinct de combat produit des effets subversifs de guerre inutiles au développement de l’humanité, n’accusons pas la tendance elle-même destinée au bien universel, et à qui nous devons déjà toutes les grandes améliorations accomplies.
Chaque être a une organisation en accord avec ses instincts. L’instinct propre de l’homme — le roi de la création
— c’est le progrès, et l’esprit de lutte est la faculté, 1 organe spécial qu’il a reçu pour accomplir sa mission. Mais que l’homme se rappelle que beaucoup d’animaux lui sont supérieurs au point de vue physique, et que c’est par 1 intelligence qu il règne.
Oui, la lutte est sainte, mais dans le domaine intellectuel seulement. Jésus-Christ, qui ne voulut pas être défendu par
i’épée avait dit cependant : « Je suis venu pour apporterai! « monde non pan la paix, mais la guerre. »
Quand même nos ennemis ne nous rendraient d’autre service que de tenir en éveil les liomines de propagande dont le zèle s’amortirait bientôt contre une molle indifférence, nous leur déviions des actions de grâce.
La lutte est de sa nature retentissante. Comme, à des degrés divers, chacun en possède l’instinct, elle est contagieuse, et c’est notre moyen d’action le plus puissant pour faire sortir les niasses de leur état d’apathie et d’engourdissement intellectuel.
Nous avons deux sortes d’ennemis. Le plus grand nombre,
— c’est une honte pour l’esprit humain, mais c’est une vérité dont nous faisons tous les jours l’expérience — le plus grand nombre nous attaque sans avoir étudié nos doctrines. Les autres, plus logiques, étudient la question pour devenir des adversaires plus sérieux.
Les premiers, puisqu’il faut leur faire l’honneur de s’en occuper, nous fournissent, devant ceux qui n’ont pas de parti pris, de trop faciles triomphes, pour que nous ne leur en soyons pas quasi-reconnaissants, et que nous ne souhaitions pas, tant qu’il en sera besoin, rencontrer sous nos coups ces instruments vides et retentissants, qui ont du moins pour nous le mérite d’éveiller l'attention publique. Et puis, comme toutes les causes, le magnétisme a — nous pouvons l’avouer ici, en famille — des amis terribles dont l’imprudence et la légèreté, dont les affirmations hasardées, les vanteries maladroites compromettraient, — temporairement du moins — notre cause, si les fautes de nos adversaires ne rendaient pas sous ce rapport les chances égales.
Ceux qui étudient le magnétisme pour le combattre sont des ennemis plus sérieux, mais aussi bien plus utiles. Ce sont eux qui nous obligent à creuser les questions, qui nous forcent à rectifier nos erreurs.
Qui donc nous pousse dans la voie scientifique? Nos ennemis. C’est pour leur opposer des faits péremptoires que nous recueillons des observations bien faites. C’est pour les
combattre avec des armes solides que M. du Potet a produit ses belles expériences de l’Hôtel-Dieu. Il a dans le môme but publié ses ouvrages de polémique auxquels le magnétisme doit ses plus heureux progrès. L'esprit de lutte nous a valu les meilleures publications sur le mesmérisme; et si maintenant les artistes, les auteurs nous prêtent un concours indirect si utile; si le drame et le roman, empruntant à nos théories, à nos expériences leurs plus saisissants effets, font pénétrer dans les masses la croyance à nos principes, c’est k la lutte sérieuse, à la polémique des journaux et des brochures que nous devons la conquête de ces auxiliaires précieux.
Non certes ! nos ennemis n’auront pas été étrangers à nos succès, et nous serions des ingrats si nous ne portions ici leur santé.
Et d’ailleurs, j’en appelle à la conscience de tous ceux qui viennent aujourd'hui célébrer avec nous l’anniversaire de notre maître ! Une grande partie de ceux qui combattent dans nos rangs n’est-elle pas composée des gens de bonne foi qui, repoussant d’abord l’étrangeté de nos assertions, ont voulu étudier pour nous combattre; puis, éclairés par la discussion, convaincus par l’évidence des faits, sont devenus des magnétiseurs dévoués, de zélés propagandistes.
Combien ne comptons-nous pas d’adversaires devenus néophytes après le combat ! Que de Saint-Pauls ont été terrassés par la vision mystérieuse !
Nous pourrions citer bien des ennemis ralliés ànotre cause. Pourrait-on nommer beaucoup de magnétiseurs dont la conviction se soit évanouie?
Soyons fermes et inébranlables dans le combat, mais toujours prêts à excuser l’aveuglement des hommes de bonne foi. Il ne peut être que passager.
Que la cause de l’humanité nous enflamme pour sa défense d’une sainte colère contre le groupe qui nous combat, mais qu’individuellement nos adversaires trouvent en nous la bienveillance qui doit être l’attribut essentiel des magnétiseurs. La cécité est une maladie. Combattons le mal sans
trêve, sans relâche; mais que cela n«diminue pas notre sympathie pour les malades, ('.'est le principe de tout traitement magnétique.
Magnétiseurs, travaillons avec énergie et ne craignons ni fatigues ni efforts. Mais que l’envie nous soit étrangère; et, bien que le triomphe soit prochain, soyons toujours disposés à accueillir fraternellement les ouvriers de la douzième heure.
AUX ENNEMIS DU MAGNÉTISME1.
a la lutte ! A la lutte franche, énergique et loyale qui doit assurer la victoire à notre cause et doter l’humanité d’un nouveau progrès.
A NOS ENNEMIS D AUJOURD'HUI 1
A NOS AMIS DE DEMAIN !
A peine l’assemblée avait-elle fini d’applaudir M. Petit d’Or-moy, que M. du Potet invitait madame Alphonsine Masson, qui, l’an dernier, avait déjà prononcé à pareille occasion de si touchantes paroles, à vouloir bien exprimer encore les sentiments qui l’animent en faveur de la grande vérité mesmérienne. Madame Masson s’y est prêtée avec une grâce charmante, et, d’une voix douce et pénétrante, a prononcé le discours suivant :
Messieurs et Mesdames,
Je me fais un devoir de vous remercier aujourd’hui des témoignages si touchants d’approbation dont vous avez daigné m’honorer l’an dernier, à pareil jour, quand j ai laissé parler devant vous un cœur tout rempli de gratitude pour notre digne président.
Je constate avec bonheur que la cure de mes yeux a été sans rechute. C’est bien à la science certaine de notre illustre maître que je dois ma guérison.
Enhardie par votre indulgence, j’ose apporter mon grain de sable à l’édifice que nous fondons en commun, frères et sœurs que nous sommes en religion. Cette religion se traduit par ces mots : Aimez-vous les uns les autres. Fout est
là! Ces paroles de Jésus-Christ sont mieux comprises par les magnétistes sincères que par nul au monde. N’exercent-ils pas incessamment cette loi d’amour? Apôtres d’une foi désormais affermie, ils marchent sans crainte dans leur voie laborieuse, heureux et calmes, car ils ont en eux la bonté qui console, et le pouvoir qui guérit. Science admirable du magnétisme ! des horizons nouveaux par toi nous sont ouverts, nous te devons le retour de la magie. A ce nom de magie, l’esprit s’éveille ; il est secoué fortement ; un pouvoir inconnu semble s’en emparer ; il rêve aussitôt d’enchantements, d’apparitions, d’évocations mystérieuses; l’épouvante le saisit, et pourtant il a soif de connaître ! Ne serait-il pas sage de chercher les lois d’une science qui paraît destinée à cesser d’être occulte? L’Amérique en ce moment est impressionnée par des faits qui dépassent les idées reçues, le surnaturel y a droit de cité. Presque chaque famille a, dit-on, son médium, témoignant d’une science nouvelle, d’une science sublime, établissant, selon l’heureuse expression de M. Victor Meunier, les rapports du monde des esprits avec le monde des corps. Quoi ! c'est en notre noble pays de France qu’on se laisse dépasser par un peuple né d’hier? Oublions-nous donc que notre place, partout et toujours, est à la tête des nations intelligentes, et que rien de ce qui se produit de grand, ou de surprenant dans le monde ne doit nous trouver indifférents? Parce qu’il est difficile, effrayant même de se mettre en rapport avec les esprits, les plus hardis reculeront-ils? On commence toujours par avoir peur de l’inconnu. L’intelligence a été donnée à l’homme pour vaincre les obstacles s’opposant à sa volonté souveraine. N’a-t-il pas déjà asservi à sa puissance le feu et l’eau, l’électricité et la vapeur ? N’en doutons pas, les arcanes de la magie nous seront dévoilés, et ce qui nous épouvante tant aujourd’hui, demain nous viendra aussi facile, aussi familier que la plupart des actes de la vie, dont nous oublions de nous émerveiller, par l’habitude que nous en avons. Quant à moi, je ne puis penser à la mort sans que ma raison ne me dise : Tout n’est pas fini là!... Est-ce qu’une mère peut jamais
cesser d'être la mère de son enfant ? La tombe n’est qu’une porte qui se ferme sur un monde, et qui s’ouvre sur un autre!... Nous trouverons certainement le moyen d’éclaircir les ombres qui enveloppent encore les faits du spiritualisme.
Nous le savons tous, Messieurs et Mesdames, c’est en cherchant persévéramment que notre vénérable président M. le baron du Potet a retrouvé la science bafouée, déshonorée, abandonnée de Mesmer. Comme ces deux illustres maîtres, faisons le bien pour le bien. Soyons dignes, et de ceux qui nous ont enseigné, et de nous-mêmes. — Tâchons aussi que le respect s’attache au titre de magnétiste. M. le baron du Potet, en consacrant sa vie à cette œuvre morale, a su faire de son nom le synonyme d’honnête homme ; et, remarquez-le, Messieurs, c’est parce que l’homme qui a porté ce drapeau du magnétisme est l’incarnation de la bonté et de l’honnêteté, que le magnétisme est aujourd’hui reconnu, accepté et béni par des cœurs reconnaissants ! Que chacun de nous se rallie à cette bannière sainte, et que, sur ses plis déroulés au souffle des airs, on lise ces mots : La vérité, n’importe par quelle bouche ; le bien, n’importe par quelles mains! Et, croyez-le, celui qui tiendra haute et ferme cette bannière fera plus pour le bien de l’humanité que n’a fait le plus grand des conquérants. Le devoir est de ne pas s’arrêter. Qui de nous voudrait le déserter? Le devoir est de faire le bien pour le mal ; qui de nous reculerait devant cette condition ? Aimer est notre loi suprême. C’est en aimant nos semblables comme nous-mêmes, que la grande aurore des temps modernes se lèvera, et que le ciel et la terre deviendront une même patrie !
Alpiionsine Masson.
Bien vivement applaudie comme elle le méritait, madame Masson, dont la modestie nous était bien connue, a dû voir pourtant combien elle avait ému et intéressé l’assemblée.
Parmi les étrangers qui assistaient au banquet, se trouvait M. Ruiz Pons, savant professeur d’histoire naturelle des universités espagnoles, ancien membre des cortès constituantes,
qui avait demandé à M. du Potet la faveur de prononcer quelques mots relativement au magnétisme en Espagne.
Ce savant s’est exprimé ainsi :
Je porte un toste au progrès du magnétisme en Espagne.
Mesdames et messieurs,
On croit généralement que l’Espagne, mon pays natal, est en retard dans le grand mouvement intellectuel de notre siècle. Cela n’est pas; cela u'est pas surtout pour le magnétisme. — Ex-membre des cortès constituantes de mon pays, ancien professeur d’histoire naturelle dans six universités, je puis surtout à cet égard vous parler en connaissance de cause. En effet, mesdames et messieurs, à Madrid , dans la Galice, la Catalogne et autres contrées, il y a beaucoup d’hommes éminents qui se sont voués à l’étude des vérités mesmériennes, et qui les appliquent avec succès. Il devait en être ainsi. Les Espagnols, pour la plupart, portent en eux le sang de cette race arabe si célèbre par sa tendance à la mysticité, par son imagination et son chaleureux dévouement à toutes les vérités nouvelles, surtout à celles qui, comme le magnétisme, sont environnées d’un caractère mystérieux et grandiose. — L’Espagne, qu’on se le rappelle bien, est la patrie de Marguerite de Cordoue, de sainte Thérèse, de Marie d’Agreda, de Cisnéros et de tant d’autres personnages célèbres par leurs facultés extatiques ou par la connaissance qu’ils eurent des phénomènes de la magie.
Seulement, ce qu’il manque en Espagne, c’est d’y voir réunir tant d’efforts , de travaux isolés, sous une impulsion commune, c’est d’y voir grouper sous un môme drapeau tous les partisans du magnétisme. On y manque encore d’un organe de cette science.
Je porte donc un toste au progrès du magnétisme en Espagne et ii la prochaine fondation d’un journal destiné à le propager.
L’assemblée a remercié M. Pons par des bravos répétés,
et lui a témoigné ainsi sa reconnaissance pour les idées de progrès et de propagande dont il s’est fait l’organe.
La parole a été ensuite accordée à M. le docteur Clever deMaldigny, ancien incrédule et ennemi du magnétisme, et aujourd’hui l’un de ses adeptes les plus fervents.
Voici comment il s’est exprimé :
L’anniversaire que nous célébrons estla fête d’une vérité puissante. A peine entrevue ;i son aurore, elle témoigne déjà de ce que l’on est en droit d’attendre de sa connaissance. Il importe qu’elle se propage. Aussi, pour ceux qui s’occupent de son étude , pour ceux qui, de manière ou d’autre, en ont reçu des bienfaits, est-ce un devoir que de coopérer à. la manifestation du 23 mai.
C’est à ce double titre que j’ai voulu lui payer ma dette. Mais le sujet m’ayant entraîné plus loin que je ne le pensais, sa communication vous prendrait trop de temps ce soir : je chargerai le journal de notre président de vous offrir mon tribut.
Aujourd’hui, soyons tout à cette fête. Nous avons la bonne fortune de posséder M. de la Chesneraye, un des membres les plus distingués de la Société lyrique du Caveau : j’oserai demander à cet aimable convive de nous chanter quelques-unes de ses productions. Je m’adresse à riche et noble source ; car ce vrai fils d’Apollon est à la fois l’auteur de la poésie et de la musique des charmantes choses qu’il sait si bien faire goûter.
Je prie M. de la Chesneraye d’accéder à ma demande, et j’ai l’honneur de porter un toste à vous, mesdames ! à vous , messieurs ! à tous les efforts unis pour la recherche et la divulgation de la lumière !
C’est alors que M. de la Chesneraye nous chanta d’une voix d’artiste une Mesmérienne spiritualistc de la composition de M. de Maldigny.
DIEU SEUL EST MAITRE.
Air de La Treille de sincérité.
Dieu seul est Maître!
Mais, peut-être,
En nous aidant, saurons-nous bien Chercher le vrai, trouver le bien.
Le siècle marche ; il n’est personne Qui ne s’avise d’y songer :
Au progrès des temps l'heure sonne Où chacun doit s’interroger. L'homme, ce sublime problème,
Ce fils du ciel, qu'il a quitté,
N«veut plus de voile et d'emblème : Ce qu’il veut, c'est la vérité.
Dieu seul est maître, etc.
Ce noble besoin de connaître,
Dont le penseur est dominé,
Un souffle d’en-haut le fait naître Dans notre instinct prédestiné.
Esprit et corps, âme et matière, L'essor humain, s’il se comprend, Commande h la nature entière :
Qu'il en soit donc le conquérant. Dieu seul est maître, etc.
Source éternelle où tout s’émond«Et s'éroeut de fécondité,
L'infini nous livre le monde, inépuisable royauté.
Dans cette parabole immense Chaque trace offre une leçon :
Selon le bien qu’on ensemence,
Le fruit apporte sa moisson (1).
Dieu seul est maître, etc.
Le mal est fils de l'ignorance;
Il peuple aux ombres de la nuit. Voulons-nous vaincre la souffrance, Osons éclairer ce qui nuit.
Ministre aveugle, obscur symbole De l’Étre qui sait tout donner; L’homme a créé sa fausse idole (2) ;
A l’homme de la détrôner.
Dieu seul est maître, etc.
(1) Voici 1 loi partout suivie :
Rien qui n'ait son rayonnement,
Le bien au bien prête la vie ;
Le mal au mal, fatalement.
(2) La soperstitioB et l'incroyance.
De Mesmer, vaillante phalange,
Unissez en vos faits nouveaux La main du mage au cœur de l'ange,
El Dieu bénira vos travaux.
Jamais d'indigne jalousie,
Point de discords, point de débats;
Pour tous une part est ciioisie Au but de notre œuvre ici-bas.
Dieu seul est maître, etc.
De ce banquet qui nous rassemble Ne perdez point le souvenir ;
La (6te où nous sommes ensemble Prépare les jours à venir.
Que l’univers soit notre temple;
Aimons, adorons son auteur :
En paix, le sage les contemple Et meurt sans douter... du bonheur.
Dieu seul est Maître!
Mais, peut-être,
En nous aidant, saurons-nous bien Chercher le vrai, trouver le bien.
M. de Maldigny alors s’est levé de nouveau et a pris la parole en ces termes :
Monsieur le président, veuillez me permettre de porter un toste spécial à l’un de mes collègues à l’étranger. M. le docteur Rœssinger, de Genève, se dévoue avec courage à la démonstration spiritualiste. Il est le fondateur d’un journal qui lui coûte des sacrifices. Rendons hommage à ses généreux efforts : au docteur Rœssinger ! à l’heureuse issue de ses travaux !
Les tostes et la chanson de M. de Maldigny ont été accueillis chaudement par les convives qui ont remercié et l’auteur des paroles et le ravissant interprète des couplets.
Un des élèves de M. du Potet, M. Gérard, s’était proposé de lire une petite pièce de vers en l’honneur de Mesmer; mais son service l’ayant rappelé au château des Tuileries , M. Morin a bien voulu se charger d’être son interprète, et il a lu les vers suivants qui ont été également applaudis, car ils émanaient d’une âme ardente et d’un esprit convaincu.
A MESMER.
Entends ma voix , 6 notre maître ,
Toi qu'on chérit dos qu'on peut te connaître!
Ton éclat et ta gloire ont rempli l’univers.
Avaut toi nous marchions dans une nuit profonde.
Ton génie éclaire le monde;
Et, franchissant et les monts et les mers,
Ton souflle inspirateur a vaincu l'ignorance.
Tes ennemis sont réduits au silence.
La sainte vérité brille enfin ù leurs yeux.
Maître chéri, du haut des cieux,
Au jour sacré de ton anniversaire.
Reçois les vœux d'un cœur qui te révère.
Mesmer, sois notre guide et sois notre soutien.
Tu nous apprends à guérir la souffrance.
La mort, quand tu parais, a perdu sa puissance :
Tout cède à ton pouvoir divin.
Gérard,
Cent-Garde de S. M.
A MESMER.
Oh 1 je te rends grâce, divin maître Mesmer,
Par la voix de nous tous, nous tous qui t’aimons bien, Propageant ta doctrine par les monts et les mers,
Tu trouveras en nous de fidèles soutiens.
A tes nobles vertus nous rendons noire hommage,
Immortel vingt-trois mai, jour de ta naissance,
Sois à jamais béni, sois à jamais l’image De tout magnétiseur, qui, plein de constance,
Aux pieds d'un malade, conservera les jours
De ceux qui nous sont chers, de ceux que nous aimons,
Et qui, selon nos vœux, devraient durer toujours.
Pour ce soir seulement changeons notre devise Et portons :
La joie n’importe par quelle voix,
Le bonheur n’importe dans quel cœur.
GUn.uto,
Cent-Garde de S. M.
Le 25 mai 1857.
Cette première partie de la soirée s’est terminée au milieu d’une expansion pleine de joie. On était heureux de trouver tant de fraternité et de dévouement,"chose si peu commune dans les réunions dont le but a un caractère différent.
Alors, M. le président invita l'assemblée à vouloir bien passer dans un salon qui était préparé pour la distribution
tics médailles offertes par le jury magnétique à ceux des magnétiseurs qui lui ont été signalés comme les plus méritants , et, après une demi-heure d’intervalle , consacrée à des causeries intimes, M. du Potet demanda le silence, et procéda à la distribution des médailles et à la proclamation des personnes qui avaient reçu une mention honorable ; mais, avant de publier ces noms, le président du jury fit connaître comment cette institution avait pris naissance, et dit ce qu’il pensait de l’avenir qui lui était réservé. Cette liste déjà nombreuse où se trouvent les noms les plus honorables, bien que de diverses conditions, offre par son caractère, que nous pourrions dire officiel, la preuve évidente que le magnétisme peut devenir l’œuvre du bien et porter les hommes à la vertu.
Des médailles de bronze ont été décernées :
1* A M. Teste, docteur en médecine de la Faculté de Paris, auteur d’ouvrages estimés sur le magnétisme qui ont fait et feront de nombreux prosélytes ;
2° A M. Thurin, pour avoir introduit, propagé et pratiqué le magnétisme à Mcaux avec le plus grand succès, et pour y avoir opéré des cures remarquables ;
3“ A M. Cervell«de Palerme, pour avoir eu le courage d’élever la voix en faveur du magnétisme dans un pays où la raison est bâillonnée, où le progrès est suspect et où les novateurs courent les plus grands dangers, et, de plus, pour y avoir publié un excellent petit livre où il rend un compte détaillé d’une guérison obtenue par le magnétisme ;
û° A M. de Guibert de Clelles, pour avoir pratiqué avec le plus grand succès le magnétisme dans l’île de May orque, et pour ses travaux comme correspondant de la Société du Mesmérisme ;
5- A M. Wuillermé Dunand, secrétaire adjoint de la Société du Mesmérisme, pour avoir déployé beaucoup de zèle et d’activité pour la propagation du magnétisme ;
6° A M. Mougue , membre de la Société philantropi co-magnétique, pour son dévouement au soulagement des malades et les services qu’il rend à l’humanité.
Des mentions honorables ont été accordées :
1° A M. Paul, magnétiste distingué, artiste de mérite, pour avoir personnifié l'extase dans sa belle statue de Jeanne d’Arc ;
2" A M. d’Hérisson, conseiller de préfecture en Corse, pour s’être occupé de l’examen du somnambulisme, et s’être livré à ce sujet à d’intéressantes et instructives études;
3° A madame Vedeaux, au château de Malbousquet, près Toulon, pour une cure admirable par laquelle elle a rendu la vie à une jeune folle abandonnée des médecins et ramené la joie dans une famille consternée.
En prononçant le nom de chacune des personnes ci-dessus nommées, M. le président a fait ressortir leurs titres et leurs mérites respectifs bien mieux que nous le faisons dans cette sèche analyse, aussi tous ont-ils été unanimement acclamés. Les médailles ont été distribuées, séance tenante, à ceux des lauréats qui assistaient au banquet et qui les ont acceptées avec la plus vive satisfaction, car ils savaient que ces récompenses ne sont accordées par le jury magnétique qu’après mûr examen, et qu’elles n’ont jamais été que la récompense des travaux et des services les plus utiles et les mieux constatés.
Cette dernière phase du banquet n’a pas été la moins intéressante de la soirée. L’expansion et la fraternité la plus grande n’ont cessé d’y régner. Elle a répandu dans le cœur de nouveaux sentiments d’espérance et de foi à l’égard de la grandeur et de l'avenir du magnétisme.
A la fin de la séance et au moment de se séparer, une dame, qui n'avait pu pendant la première partie du banquet lire une pièce de vers de sa composition adressée à la mémoire de Mesmer, a été priée par M. du Potet de vouloir
bien prendre la parole, et voici ce que madame Jobey de Ligny a prononcé :
SUR L'ANNIVERSAIRE DE LA NAISSANCE DE MESMER.
23 mai 1857.
Le voilà revenu ce grand jour de naissance Quand les (leurs du printemps ramènent l’espérance,
L’un vient d'un bord lointain, l’autre a franchi la mer,
Nous sommes réunis, c’est pour fêter Mesmer.
Science, extase du génie,
11 a retrouvé vos secrets,
Dans cette sphère d’harmonie,
Chaque jour élail un progrès,
Pour prix de son travail sublime,
Méconnu souvent et victime,
Par son pays déshérité,
Dans une infatigable course,
Mesmer a retrouvé la source Du beau fleuve de la santé.
Le voilà, etc.
Comme une lumineuse étoile Qui laisse un sillon précieux,
Mesmer a soulevé le voile
Qui nous cachait l'azur des cieux.
Si l'un de nous jamais s’égare,
Pour lui, tu deviendras le phare Qui doit éclairer son chemin;
Pour lui tu seras la boussole,
Il répétera ta parole :
« Marchons pour le bonheur bumain ! »
Le voilà, etc.
Hélas! pendant nombre d'années,
Le scoptique au rire moqueur,
Ouvrant des luttes acharnées,
Voulait briser l’homme de cœur I Les graines du savoir ancées En vain ont été dispersées Par ces mille souffles divers.
Une puissance les emporte ;
Cette puissance immense et forte Les fait germer dans l'univers.
Le voilà, etc.
De l’Amérique aux bords du Gange, Nos frères se sont étendus;
Honneur à lu sainte phalange Dont les cœurs se sont entendus!
De l’horizon où naît l'aurore,
Du couchant que le soleil dore, Mesmer, arrivent tes enfants :
L’Italie et la brune Espagne,
Et la vallée et la montagne,
Portent leurs hymnes triomphants.
Le voilà, etc.
Défendons bien notre bannière,
Car sa cause est l'humanité.
Le flambeau de notre lumière Est pur, il est la vérité ;
Avec la foi des temps antiques, Laissons, laissons tous les sceptiques Rire, tandis qu«nous croyons;
Dieu nous .accorde des oracles,
Nos cures, parfois, sont miracles Comme de bienfaisants rayons.
Le voilà, etc.
Tandis que l'oublieuse foule Court après des moments heureux, Que pour nous l’heure qui s'écoule Puisse guérir un malheurcuxl Qu'il est doux de sécher des larmes, D’enlever toirtes ces alarmes, Précédant l'heure de la mort;
Puis, soulageant celui qui souffre,
De l'arracher des bords du gouffro,
Et, guéri, l’amener au port.
Le voilà, etc.
Le ciel a de nouvelles sphères Pour le voyant et pour l’élu,
Notre flamme aux deux hémisphères Ne va pas chercher l’absolu. Qu’importe que l’orage gronde,
Le bonheur fugitif du monde Passe et fait sur l’aile des vents ;
A nous la mission de l'âme.
Car en nos mains est un dyctame Que le Tres-IIaut donne aux fervents . Le voilà, etc.
Vous qu'on est heureux de connaître,
Vous avez rendu la santé;
Soyez bénis, frères et maître,
Tous vous avez bien mérité.
Votre science est la divine,
Car sur vos fronts chacun devine En vous les instruments de Dieu ;
Entants , si Mesmer nous contemple,
Que notre sein lui soit un temple.
Fêtons ce soir : demain, l'adieu I Le voilà, etc.
Disciples, courez dans l'arène Où Mesmer entra tout d'abord;
Que son exemple vous entraîne,
Il lutta courageux et fort.
Puység'ir, Delcuze, 011 honore En vous ardeur qui Gt éclore Tant de merveilles autrefois ;
A toi, le puissant chef d’école,
A toi, du POTLT l'auréole;
Nous t'admirons tous à la foisl
Le voilà, elc.
A MESMER.
Gloire à cet homme de génie,
A l’art, Seigneur, qu'il tint de vous :
Du haut de la sphère infinie Il préside au milieu de nous.
Que ton Ame passe en notre âme,
Qu'elle nous guide et nous enflamme,
MESMER, à jamais immortel.
Sois béni par ce qui respire.
Quoi de plus saint que ton empire 1 Nos cceurs te dressent un autel.
L«voilà, etc.
C. JOBEY DE LlGMT.
Parmi les communications qui nous ont été faites relativement à la fête de Mesmer, nous avons distingué une fable d’un des vieux amis du magnétisme que le banquet de Mesmer a plusieurs fois compté au nombre de ses convives, le spirituel et savant M. Jobard, conservateur du musée de l’industrie à Bruxelles. Voici la pièce qu’il nous a fait parvenir ;
LE VIEUX SOURD ET LES CHEMINS DE FER.
DÉDIÉ AU BAItON DU POTET.
Cher grand-papa, je vous l’assure,
Je viens de voir par la serrure De la porte du vieux jardin Passer une longue voilure Qui, sans chevaux, allait grand train ;
Les animaux de la prairie S'enfuyaient en cabriolant Devant un noir dragon portant la tète au vent.
— Toujours la môme rêverie!
— Orné d'un beau panache blanc;
— Votre crédulité nie passe.
— Il courait comme un ouragan,
Éternuant, ronflant, beuglant.
— Taisez-vous ou bien je vous chasse.
— Le voici déjà qui repasse,
— Et l’on entend d’ici le sifflet retentir.
Bah,! bah! ce sont des bruits que Rothschild fait courir !
Ne racontez pas de merveilles Aux aveugles privés d'oreilles,
Et ne parlez pas des esprits A ceux qui n'en sont pas pétris;
Surtout pas de tables tournantes Dans les sociétés savantes,
Des imbéciles vous prendraient Pour un fou. mais les fous diraient A tous les échos de la ville :
Ce pauvre diable est imbécile I
Le sot niera toujours ce qu’il ne peut comprendre ;
Pour lui, le merveilleux est dénué d'attrait;
Il ne sait rien et ne veut rien apprendre.
Voilà de l’incrédule un üdèle portrait.
Jobard.
Une dame de Meaux, guérie par le magnétisme d’une maladie extrêmement grave et opiniâtre, voulant payer sa dette de reconnaissance à la mémoire de Mesmer, nous a fait parvenir la pièce ci-jointe que nous nous sommes également empressés de reproduire.
« C’est à un sentiment tout à la fois de justice et de profonde reconnaissance que j'obéis aujourd’hui, en faisant le
récit fidèle et sincère des souffrances auxquelles j’ai été en proie pendant le cours de six années.
« Ma maladie avait été jugée , par tous les médecins, être une névrose, tantôt du cœur et du poumon, tantôt de l’estomac. Lorsque la névralgie envahissait les bronchesqui portent l’air au poumon, la respiration devenait pénible jusqu’à la suffocation et présentait les effrayants effets de l’asthme le plus prononcé; quand elle atteignait l’estomac, ce qui avait toujours lieu lorsque cet organe était libre de tout aliment, les douleurs étaient si aiguës, que la vie devenait pour moi une torture insupportable. C’est dans ce triste état que, cédant aux conseils de quelques amis, j’eus recours au magnétisme. Ce traitement simple, facile, exempt de tous médicaments, rétablit la circulation du sang et des humeurs, porta le calme dans le système nerveux, et, après m’avoir considérablement soulagée, me guérit de l’asthme, sans aucune rechute, depuis le mois de décembre dernier. Restaient encore à combattre les douleurs de l’estomac ; mais ces dernières, après avoir sensiblement diminué d’intensité pendant deux mois, viennent enfin de disparaître, en me laissant dans le plus complet état de bien-être et de santé.
« Après un tel succès, je me fais un religieux devoir de déclarer ici que cette double cure si étonnante, en raison de l’ancienneté de la maladie, est due aux soins éclairés de M. le baron du Potet, et, sous l’inspiration de ce maître habile, à son intelligent disciple, M. Thurin, de Meaux.
« Je m’empresse donc de rendre à ces deux hommes de bien, ainsi qu’à l’art bienfaisant qu’ils professent, mon tribut sincère de reconnaissance, de dévouement et d’affection.
« C. B. »
Mcaux, le 6 mai 1857.
VARIÉTÉS.
Nous apprenons qn’un dispensaire magnétique est établi à Paris, rue Saint-Honoré, 11° 267, sous la direction de MM. Huguet père et fils, médecins, et Millet, membre de plusieurs sociétés magnétiques : on doit y réunir les traitements par le magnétisme et les consultations somnambu-liques.
— Le docteur Hare, auteur de plusieurs ouvrages estimés sur le spiritualisme, rapporte, dans le Spiritual Telcgraph du 18 avril, un fait extrêmement remarquable et qui lui est personnel. Il a obtenu la traduction du français en anglais du livre de M. de Gasparin sur les tables tournantes, à l’aide d’un médium qui ne sait pas le français; pendant que ce médium écrivait la traduction, il ne se trouvait auprès de lui aucune autre personne que M. Hare lui-même, et aucun des deux ne voyait l’original.
— L’Univers a découvert un nouveau capucin volant, c’est saint Joseph de Cupertin, qui avait le privilège de s’élever en l’air et de s’y maintenir pendan t un temps fort long : la feuille dévote nous demande si le magnétisme peut en faire autant. Les lecteurs des Mille et une A'uits pourraient, à leur tour, demander à l’Univers si son saint Cupertin serait en état de faire toutes les choses ébouriffantes dont les fées se faisaient un jeu. Quand il 11e s’agit que de conter, il il importe peu de savoir à qui sera le prix, quelle sera l’imagination la plus féconde. Le magnétisme ne se donne pas pour mission d’exhumer de vieilles histoires, il procède par des faits qu’il soumet journellement à l’observation , et met en évidence l’existence de facultés humaines et apprend a en tirer parti pour le bien de l’humanité.
Baron nu POTET, propriétaire-gérant.
Paris. — Imprimerie de l'cuMtaci et llgsuo, 17, qu»i dos Augujlins.
LE SPIRITUALISMEIEN FRANCE.
Des mémoires venant de bonne source, des rapports três-circonstanciés, faits par des hommes de mérite et qui ont vu, de leurs propres yeux vu, les faite qu’ils racontent ; des récits qui chaque jour nous sont faits par d’honnêtes et consciencieux magnétiseurs spiritualistes ; tout nous fait un devoir d’accorder dans notre journal une place pour y inscrire les nouveaux faits, afin que les annales du magnétisme contiennent tout ce qui semble produit, enfanté de la découverte de Mesmer.
Je cède pourtant avec regret à cet entraînement des esprits; je voudrais ne point quitter le terrain solide du magnétisme avant du moins que cette science naissante ne portât en elle toute sa destinée. J’éprouve une sorte de répugnance à lancer mes lecteurs dans ce monde inconnu où les merveilles abondent. Je crains que leurs jugements irréfléchis d’abord ne saisissent pas parfaitement le but de cette excursion. Qu’ils sachent donc qu’il ne m’est pas permis de rester en arrière; que, par position, par devoir, je dois tout saisir, tout voir, tout entendre etrépéter ce qui m’a paru vrai,, sans cela des reproches pourraient m’atteindre un jour, et ou pourrait m’accuser d’avoir mis la lumière sous le boisseau.. Mais si, d’un côté, j’arbore le drapeau du spiritualisme, je ne veux point faire perdre de vue ce magnétisme simple, ce principe de guérison, cet agent de merveilles saisissables qui a opéré cette révolution déjà si profonde et qui a été la cause de tant de bien. C’est donc pour obéir aux voix qui me poussent, que ce mélange vase produire dans notre journal. Il serait à désirer que tous ces matériaux nouveaux fussent inscrits dans nn recueil à part, et si j’avais les moyens de le faire, je tenterais cette entreprise pour dégager le journal d’un superflu de richesses produites pardes causes que le magnétisme ne revendique point encore. Quoi qu’il en soit de tout ceci, nos lecteurs vont prendre connaissance Tomk XVI. — N° lt. — 2« Série. —25 Juin 1857. J2
le faits inouïs et approchant du miraculeux, ('.'est comme une avalanche, tant les mémoires sont nombreux ; mais nous ne donnerons que ceux d’entre eux qui viennent de bonne source, et qui sont signés de noms de nous connus.
Parmi ces mémoires, nous avons distingué un travail de M. de Maldigny, intitulé : Confession d'un Spiritualisle. Ce travail, il nous en avait promis la communication dans son toste au banquet de Mesmer, pour lequel il l’avait préparé.
Les exigences du journalisme nous obligent à scinder ce mémoire , d’autant que, n’ayant plus sa destinée première, celle d’une allocution au sein d’une brève réunion de famille, nous avons engagé l’auteur à le compléter par quelque développement et quelques observations. Mais, pour les esprits attentifs, un travail aussi sérieux n’aura pas à souffrir d’un court intervalle dans sa lecture.
C’est à nos instances que nous devons cette nouvelle profession de foi, d’une conviction laborieusement échue. M. de Maldigny ne se souciait pas de rentrer dans la discussion publique.
Nos lecteurs connaissent M. de Maldigny. Il n’était pas, comme nous l’avons dit par erreur, ennemi du magnétisme; mais il en était un des incrédules. Depuis, à la suite de nombreux faits dont il a été témoin, il a trouvé son chemin de Damas. Ses croyances se sont modifiées. Nous le comptons aujourd’hui parmi nos adeptes les plus fervents.
Ami de la retraite , il étudie patiemment, sévèrement, hors de toute préoccupation de système, comme de toute vue étrangère à la recherche de la vérité. Plus que jamais il croit, non pas encore à la science (nous reconnaissons comme lui ce qu’elle attend de l’avenir!), mais à la destinée du magnétisme. Dans aucune occasion, il n’hésite à formuler carrément sa croyance. Il livre avec courtoisie ses \dées, tâchant toujours de les asseoir sur ce qui lui paraît le plus probable. H respecte la sincérité des pensées les plus opposées aux siennes. Il serre cordialement la main aux magnétistes studieux de toutes les écoles. Que peut-on lui demander de plus? Baion Dü roTET-
CONFESSION D’UN SPIRITUALITE.
Il faut oser dire ce que l'on croill
Un des derniers convertis à la doctrine introduite en France par Mesmer, il ne m’appartenait guère de prendre la parole en cette solennité. Pourtant, si des expériences consacrées à la vérification des bienfaits du magnétisme sont un titre à votre accueil, si le résultat de ces expériences comporte l’obligation de le communiquer aux personnes sérieusement désireuses de l’approfondir, il m’est permis aujourd’hui de causer un moment avec vous.
Je me hâte de le déclarer, il ne s’agit point d’un discours, il ne s’agit non plus, — tant s’en faut! — d’une prétention dogmatique. Je ne veux heurter ni combattre les interprétations, les oppositions d’aucun dissident, d’aucun adversaire. Je vais simplement vous conter ce que j’étais avant d’arborer votre drapeau, ce que je suis depuis qu’une certaine lueur semble s’être faite à mes regards.
Mes études magnétiques ne datent que de 1853. Mais ma profession de médecin m’avait attaché de bonne heure \ l’examen des choses naturelles.
Une philosophie toute positive dirigeant mes plus hautes inductions, s’il m’était impossible de me soustraire à la reconnaissance impérieuse d’une Cause Primordiale Souveraine," je ne pouvais qu’admirer sa sagesse , me bornant, quant au mécanisme du inonde, à l’envisager sous un point de vue général.
Comme tous les observateurs, je disais : la génération de l’univers, autant qu’il est loisible de la saisir dans sa marche et ses détails, présente un incommensurable empire; vaste
ensemble de systèmes harmoniés, se reliant et s’élevant par transitions successives ; sc peuplant de corps et d'êtres divers, plus ou moins doués des facultés de la vie ; facultés se traduisant au moyen d’organes, et par une filiation telle que, d’une manière quelconque, le privilège éminent des règnes supérieurs possède, résume, développe constamment la multiplicité, la variété croissante et convergente des puissances d’action , dévolues avec une inégalité de plus en plus restrictive au caractère des espèces inférieures. Si bien que, partant du règne le moins favorisé (les corps bruts), et franchissant la distance jusqu’au type hominal, on découvre d’innombrables séries ascensionnelles, distribuant à chaque étape de la route une dose de plus en plus riche de l’étendue de l’existence.
Cet aperçu , très-défectueux, du domaine visible et tangible de la vie, appréciée surtout en son activité terrestre, n’en constate que l’instrumentation grossière, vulgairement appelée matérielle. C’est la densité, d’abord inerte... en apparence, puis s’émouvant, se perfectionnant jusqu’à dévoiler une destinée intelligente, selon les degrés ascendants d’une contexture plus complexe et plus délicate. En un mot, c’est l’automate, c’est la machine progressive qu’un ressort caché met en jeu.
Quel est ce ressort ?
Question très-épineuse et fort grave, que les sciences modernes étaient incapables de résoudre par des expérimentations concluantes.
Je l’ignorais donc.
Considérant uniquement le masque vital, ne parvenant à dépasser la gangue et l’intrication de l’organisme , on ne laisse pas cependant que de reconnaître le mouvement toujours plus avancé de la matière. D’où, sans supposer beaucoup que, dans nos conditions présentes , il pût nous être accordé de suivre de plus près le mot de notre énigme, je n’en préjugeais pas moins pour nous les phases d’une évolution fort au-delà de nos bornes actuelles.
Telle était en bloc ma pensée philosophique , et, je l’a-
voue, peut-être n’y sourcillais-je pas trop devant cette dé-claration de Broussais : « Tout homme complètement orga-« nisé a le sentiment d’une cause ou force première qui « lie tout et enchaine tout, mais je ne puis la définir, et « je ne me sons pas le besoin d’un autre culte que celui « que lui rend ma conscience (1). »
(1) Le fragment suivant d'un morceau de versification que j'avais autrefois essaye sur ce sujet, confessera mieux mes idées.
L'homme, être faible, audacieux génio.
Impatient de sa fragilité,
Ange d’un Dieu que parfois il renie,
Est un éclair vers l’immortalité.
Par la raison s'il règne sans partage,
Combien aussi n’a-t-il d'instincts grossiers;
Sceau d'origine, implacable héritage,
Qui lui redit ses chemins devanciers.
C’est qu'au parcours de ce chef-d'œuvre immense Qui nous confond par sa sublimité,
L'homme n’est pas la lettre qui commence,
Kl moins cncor le point de sommité.
Du sol qu'il foule habitant transitoire,
Qu’était-il hier? Que sera-t-il demain?
Hier, vermisseau, larve de notre histoire;
Demain, peut-être, humble fossile humain.
plus pur foyer de plus pure lumière,
Une autre race issant de l’avenir,
Heine à son tour de la race prçmière,
Sur nos débris, un jour, peut advenir;
Car l'alphabet de la cosmogonie,
En son ensemble allant à l’oméga,
Nous casera, sur sa route infinie,
Aux rudiments que le passé légua.
Ainsi vers vous a marché notre monde.
Et, s’il ue doit faillir à ce destin,
Dans son essor notre poussière immonde ltesplendira d'un plus brillant matin.
Tels qu'aujourd'hui nous résumons nous-mêmes Les premiers pas de tous les premiers nés.
Dans ce trajet nos sentiments suprêmes Avec plus d'art nous seront redonnés.
En 1853, plusieurs circonstances décidèrent de ma conversion au magnétisme. On se l'imagine aisément, ce n'est point à la légère que je me suis rendu. J’avais déployé la résistance universitaire, greffée sur cent doublures de saint Thomas. Ne riez pas : je vais m’expliquer.
Ces Ilots d’amour qui nous exaltent l'âme,
Cette tendresse, appui de nos douleurs,
Mieux éclairés, plus fixes dans leur flamme,
Sc transmettront, plus exempts de malheurs.
Oui, l'univers, cet orbe d’harmonie,
Gravite entier : tout surgit à son point;
Et l'ordre saint ne serait qu'ironie,
Si nos liens ne s'y conservaient point.
Puisant ainsi dans les générations du passé mes présomptions du déroulement des temps, je tenais ces témoignages pour des jalons indicateurs, et, sans rien de préois sur l’essence motrice, échappant à mes analyses, je me certifiais la continuation de la vie dans l'inconnu d'un avenir indispensable.
La mort, qui m'avait si cruellement privé d«mes plus chères affections ; la mort, plus facilement acceptée désormais, et dépouillée de ses inquiétudes funèbres, m’entretenait d’un«calme rêverie. Oui , me di-disais-je,
C’est de la sorte, éternelle spirale.
Que se relie aux mouvements divers De nos trépas la chaîne sépulcrale.
Sans interrompre un fait de l'univers.
Dieu, tout amour, toute bonté fidèle.
Chérit son œuvre et la suit pas à pas :
Jusqu’à son but, rien ne s«distrait d’elle;
Nous transmigrons, mais 110 périssons pas.
Loin de n'offrir à nos yeux ses merveilles Que par mépris de chétifs moribonds,
Ce Dieu nous dit : « Je me livre à vos veilles ;
« Instruisez-vous, aimez-vous, soyez bons.»
Aht croyons-le. La prière est l'étude :
Par le travail soyons religieux ;
Quoi qu’il survienne, avec mansuélude Espérons tout d’uu ciel prodigieux.
C'était là mon langage : aspiration du cœur par dessus tout, et raisonnement à la remorque d’une nécessité de consolation.
Mes recherches ont magnifiquement avancé depuis.
Les superbes travaux du savoir classique, les efforts qu'ils poursuivent avec un si noble courage et dont il ne sied à personne de faire litière, pouvais-je les soupçonner de porter la cause fatale de leur incrédibilité? Non ! Et pourtant, c’est leur situation présente'qui leur retarde le dévoilement du vrai.
Sévère à juste droit sur plus d’un fétichisme vide, la science a jugé devoir se tenir dans une rigueur magistrale, et, blessée de ce qui sent le thaumaturge ou les tréteaux, elle repousse le moindre contact d'un indigne voisinage.
Or, sous l’enveloppe des symboles que nous matérialise l’héritage sacerdotal, il se trouvait originairement une pénétration profonde, inaltérable h la rouille des ans, indéniable aux progrès de la raison, et que la vénération de nos pères qualifiait de divine. A travers les ombres mêmes du somnambulisme exerçant pour la foule, il se rencontre des éclairs d’intuition, pauvres étincelles obscurcies ou dégradées. Et le dédain trop absolu, trop exclusif, nous empêche d’apercevoir quelques-unes des traces lumineuses qui serviront à fonder au grand jour le code humanitaire. Car c’est la science qui doit édifier ce code, et, sans elle, on se heurte partout à plus d’une déconvenue.
Une dizaine d’années donc , avec la plus franche loyauté possible, et bien que saisie de surprise de temps en temps, mon incroyance avait souri dédaigneusement à de vains essais tentés pour me convaincre. Puis, à la longue, des preuves évidentes finirent par triompher.
Parmi les circonstances décisives, je me plais à citer une cure capitale, inutilement entreprise par les ressources de la médecine ordinaire, et parfaitement accomplie entre les mains de M. du Potet. J’ai suivi les phases de cette guérison : elle appartient de droit aux annales magnétiques; veuillez me permettre de vous la relater succinctement.
Une jeune femme, madame Cécile Menant, avait été frappée de paralysie générale, dépendante d’une méningite tuberculeuse. L’emploi des inhalationsdu chloroforme (j’ignore comment on avait été conduit à leur usage) ayant déter-
miné chez la malade une grande lucidité somnambulique , le dernier médecin traitant (et l’on en avait consulté beaucoup l) avait profité de cette source, m’a-t-on dit, pour se diriger dans le traitement. Aussi les ravages du mal avaient-ils diminué d’étendue et d’intensité. Néanmoins, l’amélioration demeurant stationnaire et d’autres considérations étant intervenues, la jeune femme fut abandonnée aux pratiques mesmériennes.
Madame Menant recevait depuis peu la magnétisation de M. du Potet, lorsque, par faveur, on consentit à me laisser assister aux séances de ce mode curatif.
Une amie de la malade, madame Mayen, lui faisait respirer quelques gouttes de chloroforme sur le coin d’un mouchoir ; aussitôt elle entrait en crise, et, dans la précision d’une clairvoyance étonnante, elle examinait sa position , rendait compte des changements obtenus r des bénéfices prochains et des accidents à conjurer ; elle se prescrivait son régime, sa médication, rarement officinale, et toujours magnétique. On exécutait ces prescriptions, et le rétablissement avait reconquis ses gages de succès.
Quand je fus admis près de cette dame, elle était atteinte de paraplégie complète (paralysie des extrémités inférieures) , avec atonie extrême de l’appareil digestif. Le magnétisme opéra promptement sur les fonctions de l’abdomen.
Bientôt madame Menant nous annonça qu’elle recouvrerait le mouvement et la sensibilité de ses jambes au bout de six semaines. Elle prédit le nombre des séances de magnétisation nécessaires, et l’événement justifia la prophétie.
La guérison s’est cousolidée : elle demeure définitive.
Cette cure, n'est-ce pas, méritait de vous être racontée ?
Ma conviction décidément établie, je me livrai, plein d’ardeur , à la piste de cette voie extraordinaire, si réelle, si puissante et si remplie d’écueils.
A force de travail, de déceptions et de patience persévérante , je parvins à des découvertes qui font passer pour
fou l’enthousiaste assez irréfléchi pour les divulguer inconsidérément.
Hélas! dans combien de déboires et de défaillances j’ai pensé renoncer à la tâche ! Et maintenant combien je m’applaudis de n’avoir pas désespéré !
Je ne doute pas plus des phénomènes du magnétisme que de mes actes les plus usuels, et j’étends la réalité de ces phénomènes aux horizons les plus merveilleux et les plus dignes d'intérêt.
Ces prévisions d’une autre vie , ces pressentiments d’une destinée immanquable, qui se dessiuaient vaguement au fond de mon intelligence, l’art magnétique en démontre la vérité. Par des issues qui vont aux profondeurs de l’âme , il prouve qu’il peut lire les secrets les plus intimes ; par des explorations, qui réclament encore excessivement d’étude, il effleure presque l’essence immédiate des agents au milieu desquels nous existons ; par des vues et des auditions transterrestres , il nous fait voir, entendre les amis pleurés de notre deuil, et qui vivent au-delà de nos corporéités.
Dès le début de mes essais, dans trois expériences de ce dernier genre, avec trois sujets étrangers l’un à l’autre, en des lieux éloignés et différents dans leurs conditions , j’eus trois réussites d’une fidélité flagrante, et chacune avec des particularités distinctes.
Les académiciens, bien des magnétiseurs même, vous diront : Ce sont des hallucinations, des créations de fantaisie.
Jugez-en par un exemple que je prends parmi mes faits personnels.
Au mois de novembre 1854, je faisais une première visite à madame et mademoiselle X, que j’avais vues aux soirées du comte d’Ourches. Nous causions beaux-arts et littérature. Mademoiselle X, médium très-remarquable, sortait de me lire des vers écrits sur son album par le poète Jasmin. Ecoutez-en d’autres qui m’intriguent passablement, ajouta-t-elle; j’ai beau chercher, je ne devine pas d’où me vient cet hommage anonyme. Les voici :
Sur cet album vous permettez d’écrire.
Eli bien ! je crains l'honneur que vous me proposez.
J'en écrirais bien plus que je n'en voudrais dire,
Bien moins que vous n'en pourriez lire;
Ce serait trop sans être assez.
— Ces vers ne sont pas nouveaux , répondis-je. Ils ont été composés par M. de P... pour madame de ***, au commencement de la Restauration. Je me souviens de l’écriture de l’auteur ; c’est une petite écriture fine.
— Oui.
— La personne à laquelle ils furent adressés n’est plus ici-bas. Voulez-vous que nous l’interrogions ?
— Volontiers.
Nous nous mettons à l’œuvre, et nous recevons, d’outre-terre, la confirmation de mes paroles.
Je pris ensuite congé de ces dames.
Plus tard, quand je les revis : « Oh ! s’écrièrent-elles, après votre départ, nous avons appris bien d’autres choses qu il nous tardait de pouvoir vérifier 1 Nous sommes trop femmes pour avoir voulu laisser inachevée une conversation qui nous avait tant intéressées. Nous avons prié cette personne de nous confier quelques détails sur ses jours en ce monde. Elle ne nous les a pas refusés. Pourriez-vous nous dire si nous devons y croire ? »
J’eus alors le récit de choses toutes particulières, très-exactes, touchant madame de ***. Ce n’étaient nullement des banalités.
« Et ces vers de M. de P..., continua mademoiselle X, je ne les avais pas au complet : il en manquait un , elle me l'a dicté. Voici le texte original :
Sur cet album vous permettez d'écrire.
Eh bien ! je crains l'honneur que vous me proposez.
J’en écrirais bien plus que je n'en voudrais dire,
Bien moins que vous n’en pourriez lire :
En me lisant si vous m'aimiet,
Ce serait trop sans être assez.
Je tressaillis d’admiration ; car je me ressouvins tout de suite de ce vers omis, et si prodigieusement reproduit.
Qu’en dites-vous? Est-ce là le fantôme d’une chimère? Le magnétisme, dans ses bonnes occasions, renouvelle souvent ces miracles. N’en faisons pas un objet de plaisanterie, et surtout n’en concevons point de frayeur. L’ignorant seul s’épouvante.
A. En créant l’homme le roi du monde qu’il habite , Dieu l’a doué de ce qui le relie à tout ce monde. C’est à nous, par l’éducation de nos facultés, à jouir de notre royaume» Et ce royaume, ce n’est pas uniquement le globe solide où nous traçons nos lignes de fer, et que nous creusons pour y déposer nos dépouilles ; c’est toute sa sphère d'activité » tant visible que transitoirement invisible. Et l’homme, comme je le désigne, c’est toute la sphère d’action de l’âme humaine.
Au dire des belles voyances du somnambulisme, tous les corps, quels qu’ils soient, toutes leurs actions et modifications émettent une effluence très-subtile, très mobile et spéciale. C’est un rayonnement, d’apparence ignée (1), déversant au sein de l’espace , d’une manière occulte pour notre obtusion commune, l’image plus ou moins brillante de la forme de ces corps et l’essence de leurs qualités, comme autant de types photographiques et sensibles sur une trame de mouvement universel. Ces images se montrent d’autant plus belles, que, spiritualisées davantage, elles s’épanouissent d’un éclat plus limpide , véritable robe d’épuration, à mesure qu’elles se libèrent mieux des étreintes inférieures de la matière.
A vingt-trois siècles de notre époque, deux illustres philosophes de la Grèce , Leucippe et Démocrite, préconisaient déjà l’existence de ces émanations, et pensaient que les images pénètrent jusqu’au centre de notre jugement.
Dans les anciens mystères, c’était à la plus éclatante dia-phanéité de ces transfigurations, examinées par les extatiques du temple, que l’on conférait le privilège, bien rare „ du suprême degré de l’initiation.
(I) Les cabalistcs le nomment le translucide, le diaphane.
Enfin , au plus lointain de l’histoire, deux mille ans avant l’ère chrétienne (1), le génie le plus transcendant de la haute civilisation de l’Egypte, le savant qui fut glorifié du surnom de trois fois grand, Hermès Trismégiste, avait posé, pour hases de la connaissance de l’univers, les deux divisions extrêmes de sa composition, savoir : le subtil et Y épais ; l'un , la substance première, l’intelligence, la force expansive, imprimant la vie et déterminant les formes ; l’autre , la matière modifiable, la plastique passive, aveugle, et, par cela même, essentiellement absorbante, essentiellement égoïste. Bien des noms leur furent donnés par la suite : nous n’avons pas à nous en occuper. Nous savons comment on les appelle de nos jours : le ciel et la terre.
Hermès, instruit de la corrélation d’existence et d’influences réciproques de ces deux mondes, se mouvant sans cesse de l’un à l’autre par des courants sympathiques, sources constantes d'échanges similaires (chaque essence ne perpétuant naturellement (2) que son fruit) ; Hermès,
(1) Cinq oents ong avant Moïse, qui, l’élève des prêtres égyptiens, s«servit de lour langue littérale (') au plus pur degré de sa perfection, pour déposer dans un livre cosmogoniquc, le Bercusuitb (la Genèse), un système colossal, sous le voile de l'allégorie. La connaissance d«cette langue s’étant perdue (**) après la captivité de Babylone, l’ignorance deB traducteurs a malheureusement défiguré {"'), matérialisé la signification spiri-tualiste de cet ouvrage, transmis ainsi décapité dans notre Bible, où les lecteurs ne peuvent le comprendre. Consulter F*bre-d’Olivet (La langue hébraïque restituée, etc. Paris, 1815),
(2) Dans le Séphor de Moïse, une des racines de l’expression hébraïque adaptée aux conceptions de la nature, « implique l'idée de l'égalité et de l'équité distributive. » C'est comme s'il eût dit : elle donnera pour chacun autant et salon que chacun lui demandera.
(*) Outre leurs hiéroglyphes, cm prèlres avaient une écriture littérale.
(••) • Pré* d«ail ai Mies avant J.-C., les Hébreu», devenus Juif*, ne pariai*! ni n'entendaient plus leur laague originelle. Ils se servaient d'un dialecte, appelé araméen, a formé par la réunion (le plusieurs idiomes de l'Assyrie al de la Phénicie, aS'i-z différent «daajatiathàjn qui, «II*Mit d'Herbelot, était le pur cluldalque. [Bïklùlh. ori. p. 514). a
(•") La version hellénistique, dite desStftonte ( k cause des soixante-dix jngesdu sanhédrin qui l'approuvèrent) ; cella de saint Jérôme [la Fulgalt, acceptée par le concile de Trente et défendue par les bûchers de l’inquiailion), ae sonl que des traduction» erronée*. Et cependant saint Jérôme avait pris un guide parmi les rabbins de l’école de Tibériade. Hais ceui-ci, delà secte des Esséniens, la seule véritablement instruite, auraient enduré le supplice plutôt que dlillunainer, pour des chrétiens, le aen» spirituel caché sous 1a lattre extérieure du trésor mosaïque.
pour figurer cetle double génération d’un cercle électromagnétique, tournant indéfiniment sur lui-même, à l’instar des deux branches mobiles d’une chaîne continue , ascendante et descendante, le symbolisa par des signes démonstratifs de la grande et de la petite création (celle de Ta Toute-Puissance et celle du pouvoir de l’homme) ; hiéroglyphes qu’il encadra d’un serpent (-1) enroulé, dont la bouche engloutit l'extrémité.
Puis, pour mieux faire comprendre la solidarité, la réciprocité des mondes (principalement de ceux qui planent sur nos corporéités compactes et sur nos images diaphanes, au-delà desquelles s’élèvent des régions de plus en plus célestes, puis d’autres encore, montant de plus en plus vers le royaume divin, en observant toujours dans leurs sphères actives la gradation des mêmes lois) ; il grava ces hiéroglyphes sur une table d’émeraude, en les accompagnant de cette légende hardie,,la plus forte synthèse des investigations de l’antiquité : « ce qui est en
HAUT EST COMME CE QUI EST EN BAS ; CE QUI EST AU-DESSOUS EST COMME CE QUI EST AU-DESSUS (2). 0
Le principe est net, le symbole clairement intelligible, et les initiés ne pouvaient s’y tromper.
Ce n'est pas tout. L’Egypte ayant reconnu, comme nos lucides contemporains, l’ignition latente de toutes les parties cosmiques, éthérées ou denses; la lumière, dans sa pureté la plus inimaginable, fut divinisée et déclarée l’essence (l’agent efficace), de l’Eternel.
Pour notre état précaire, quelque confiance qu’impose le critérium de l’analogie, l’audace de ces sublimes conjectures paraîtra probablement s’élancer jusqu’à la témérité. Prétendre embrasser l’infini, n’est-ce pas, objectent les es-
(1) Emblème du dragon primitif, aujourd’hui privé de ses ailes ; c'est-à-dire le représentant de la force devenue rampante par la perte des facultés trans-mondaines.
(2) Pour plus de facilité d'enseignoment, voir l’ouvrag«récent d’Eu-puas Lévi ( Dogme et Rituel de la Haute-Magie, chez Germer-Baillière, 1856).
prits(l) craintifs, une entreprise où se briseraient les liens de notre nature terranéenne? Soit!... pour la tranquillité de ces âmes timorées 1 Mais qu’elles ne se mêlent pas d’étudier foncièrement le magnétisme. Saluons ensemble, du moins, La Cause Suprême, toute excellente. La question, sous cet aspect, ne souffre pas de litige. L’athée lui-même ne peut douter d’une cause, sauf à, lui de l’interpréter comme il lui plaît.
Après cette réserve envers les sommets de la métaphysique, revenons aux contingences plus accessibles de l'essor humain.
D' Ciever de Maldigny.
(La suite au prochain numéro.)
(1) L’esprit ne connaît point d'espace;
D’an trait il franchit l'univers :
Le corps, c'est la chaîne qui passe Sur nos chutes et nos travers.
VARIÉTÉS.
THÉRAPEUTIQUE MAGNÉTIQUE.
Le Journal du Magnétisme ( n° 3, 2* série ) ayant rendu compte de la discussion à laquelle a donné lieu le travail que j’ai eu l'honneur d’adresser à la Société du Mesmérisme pour l’obtention du grade de membre titulaire, qu’il me soit permis de présenter, sur les points controversés, quelques mots d’explications qui feront mieux comprendre ma pensée.
En indiquant, dans les cas à'apoplexie , les insufflations chaudes sur la région du cœur pour obtenir le dégagement du cerveau, j’aurais dû dire : « pour aider à obtenir; » je m’aperçois de cette grave omission en vérifiant mes notes , car je n’ai jamais employé ces insufflations, sans avoir commencé d’abord à opérer, à partir de la tète, par des passes longitudinales pour établir le courant et attirer aux extrémités. Par ces insufflations , pratiquées ensuite, je réveille alors les mouvements du cœur, — selon l’heureuse expression de l’honorable M. Petit d'Ormoy, — je dissipe l’espèce de torpeur qui l’a atteint, sans avoir & craindre le nouvel afflux sanguin que redoute notre savant secrétaire et ami, M. le docteur Louyet, et le sang reprend plus promptement sa circulation normale.
M. Louyet, ayant paru croire , d'après le traitement indiqué pour les syncopes, que je n’attachais pas à ce mot l’idée qu’on y attache généralement; voici les signes auxquels je reconnais cet accident, qui s’est présenté tantde fois dans ma pratique , que je ne le compte plus depuis longtemps : défaillance, évanouissement, perte de sentiment et de mouvement, avec diminution notable des battements du
cœur et du pouls , et quelquefois, leur apparente suspension complète et celle de la respiration ; pâleur, et même , mais très-rarement, lividité à la face.
Quant aux deux modes si différents de traitement que j’indique, l’un conseillé par ma somnambule et approuvé exclusivement par M. Louyet, et l’autre m'étant propre, que le docteur prohibe complètement : à peine sa sentence était-elle prononcée que le condamné en a appelé avant même qu’elle lui fût connue, et qu’il a prouvé victorieusement, selon inoi, qu’il devait avoir droit de cité dans la thérapeutique magnétique. Voici le fait :
Le samedi 21 mars dernier jle n" 3 du journal devait être sous presse), à l’issue de la séance journalière que je donne depuis plusieurs années à une parente, et pendant son somnambulisme, elle fut atteinte d’une forte syncope qui lui arriva subitement, tandis que, habituellement, elle en ressent les prodromes quelques secondes d’avance , — la tête lui tourne, — souvent même assez tôt pour que j’aie le temps de prévenir l’am'.s; dans ce cas, il me suffit de dégager rapidement la tête par des passes transversales et du souffle frais.
De suitej’employai avec énergie les frictions en remontant jusqu'au larynx, telles que je les ai indiquées dans ma thèse ; mais, nonobstant toute la force et la volonté que je mis à cette opération, et bien que j’y eusse employé trois fois autant de temps que d’habitude, et que je fusse en naga et harassé de fatigue, aucune amélioration ne s’était produite ; la malade était toujours sans mouvement.
Je changeai alors mon mode d’opérer, et je procédai par des passes ou frictions légères du larynx à l’abdomen, et par de légères insufflations fratc/ies sur la face, le front et le cerveau. Après dix minutes, la malade commença à donner signe de vie par de légers spasmes, puis elle reprit ses sens peu à peu, mais elle restait la bouche ouverte, ne pouvant ni respirer, ni parler. Je crus comprendre aux sigues qu’elle me fit alors de la main , que j’agissais convenablement, mais qu’il fallait actionner plus fortement à partir
du gosier ; ce que j’exécutai avec le plus grand bonheur, puisque , quelques minutes après, elle était remise complètement, quoiqu'un peu fatiguée de la poitrine. Eveillée ensuite, elle soupa légèrement, mais avec appétit.
Le lendemain , à la promenade, il survint à ma cousine une grande faiblesse dans tout le corps, accompagnée de vomissements qui m’inquiétèrent, car ils sont très-rares chez elle; aussi, le soir, pendant sa séance ordinaire, je l’engageai à en chercher la cause, ainsi que celle de la syncope de la veille. Après quelques instants d’examen, elle dit que les deux indispositions provenaient de la môme cause :«Les nerfs fatigués , flats, abattus par la température très-humide que nous subissons depuis longtemps, et mon sang, qui est très-épais et qui ne circule pas facilement. De sorte qu’hier je manquais complètement d’air, j’étouflais ; c’est ce motif qui a rendu infructueuses les passes en remontant. Si j’avais eu le moindre air dans le corps, huit de 'ces passes, faites feulement du ventre au cou, auraient suffi pour me rappeler à la vie ; comme il n’en restait pas, pour activer davantage, il aurait fallu m’en donner en me soufflant dans la bouche, c’était le motif de mes signes. Peu d’insuffiations faites ainsi eussent été nécessaires , tandis qu’avec de simples passes du cou au ventre et du souffle fVais au visage et au front, il a fallu bien plus de temps pour obtenir le même résultat. »
Aussitôt que j’eus connaissance de la discussion soulevée par ma thèse au sujet des syncopes (voir le Journal du Magnétisme, n° 3), je demandai quelques explications à ma somnambule. Elle me répondit que les syncopes ou faiblesses provenaient d’une infinité de causes, mais que toutes, à part celles causées par indigestion ou manque d’air, pouvaient être dissipées par les passes en remontant ; et qu’il suffisait de huit passes lentes, très-lentes, mais énergiques de volonté, pour la rappeler à elle ; qu’il fallait toujours commencer par ces sortes de passes, quand on n’avait aucun moyen pour reconnaître les causes d’une syncope, attendu que les faiblesses qu’elles dissipent sont bien plus fréquentes
que les autres ; mais que je pouvais, eu toute sûreté, changer mon mode d’opérer si les huit passes en remontant n’avaient rien produit, et alors agir énergiquement en attirant par le bas et en lui souillant dans la bouche.
Ce dernier procédé, que j’essayai d’inspiration, il y a plusieurs années, m’avait réussi parfaitement en diverses circonstances. Je l’abandonnai cependant, parce que, l’employant un jour presque sans résultat sur ma cousine en état lucide, elle m’indiqua par signes les passes en remontant qui la guérirent instantanément. Plus tard, je la fis s’expliquer, et elle me donna ces passes comme souveraines pour elle. Elle ne s’expliqua pas sur les différentes causes des syncopes, son attention n’étant dirigée que sur la naturede celles qui l’atteignaient alors.
L’application de la main , conseillée par M. le docteur Louyet, ensuite d’un fait pratique, dans les cas de rhumatisme, est un moyen précieux à noter, et ne doit pas être mis en oubli.
Il en est de même dans les cas de fièvres intermittentes, lorsqu’un accès pernicieux survient, et je suis d’autant plus de l’avis de mon judicieux ami, que, dans divers cas, — autres que celui qui nous occupe, il est vrai,
— ma somnambule m’a dit souvent que l’action du magnétisme étant trop lente, il fallait recourir à des remèdes plus prompts et plus énergiques, remèdes qu’elle indiquait ensuite.
L’observation de M. Louyet au sujet du traitement de la paralysie peut être très-rationnelle, et la longue expérience pratique de notre collègue le met bien mieux que moi en état de se prononcer sur cette grave question avec toute connaissance de cause. Je me bornerai donc à faire remarquer que j’ai complètement réussi et vu réussir avec les moyens que j’ai indiqués. Ce motif seul m’a engagé à les faire connaître, et ce motif aussi doit engager les praticiens du magnétisme à prêter quelque attention à ces procédés, dans le cas même où ils croiraient devoir en employer d’autres.
Dans la partie de ma thèse qui traite des cas où il est prudent de ne pas magnétiser, j'ai dit, en parlant de divers effets produits par la magnétisation « qu’elle active ou ralentit la circulation du sang. » Quelques doutes ayant été émis sur l'exactitude de la deuxième partie de cette assertion, — le ralentissement de la circulation, — je pourrais répondre que, d’après mes observations particulières, très-souvent ce ralentissement serait un des premiers effets du commencement de chaque magnétisation , effet qui persiste parfois pendant toute la séance, mais qui, souvent aussi, diminue peu à peu, et, passant par l’état normal, arrive à Y accélération. Mais, afin de ne pas entrer dans des développements que le cadre de ces explications ne permet pas, je me bornerai à rappeler, comme base de l’opinion que j’émets, des faits bien connus de tous les magnétiseurs :
Si très-souvent lamagnétisation fait monter le pouls au-des-sus de son étalordinaire, quelquefois aussi elle le fait descendre au-dessous ; dans ce dernier cas, la circulation est donc évidemment ralentie. Lorsque nous amenons l’état d’insensibilité , et tant que cet état dure, persiste, le sang ne jaillit jamais des piqûres faites au patient ; il ne paraît que lorsque la sensibilité est revenue. Evidemment, dans ce cas, il y a ralentissement de circulation, au moins de la partie du sang qui parcourt les vaisseaux capillaires, et que, pour l’intelligence de cette observation, on pourrait appeler sous-cutanée ; on pourrait même avancer avec quelque apparence de vérité qu’elle est interrompue.
Si ces observations sont exactes, mon assertion , qui en est la conséquence forcée, l’est donc également : La magnétisation active et ralentit la circulation du sang.
S......ce 20 avril 1857.
GUIBERT DE CLELLES.
THÉRAPEUTIQUE MAGNÉTIQUE.
Nous extrayons des archives de la Société du Mesmérisme le récit de deux faits intéressants :
Premier fait. Somnambule guérie à l'aide de sa propre lucidité-
Le docteur Teste avait pour cliente une jeune fille de seize ans qui était sujette, depuis quelque temps, à des accès de folie. Elle se plaignait, depuis le commencement de sa folie, de douleurs dans la région du cœur, entre les sixième et septième côtes. Mise en somnambulisme, elle devint d’une grande lucidité : elle déclara qu'elle avait, pendant ses accès , avalé des épingles et une aiguille à broder la tapisserie; que sa douleur de cœur était occasionnée par cette aiguille qui traversait la pointe de cet organe et gênait telle-lement ses mouvements, qu’il ne battait plus que quarante fois par minute; qu’elle ne voyait qu’un moyen pour être débarrassée de ce corps étranger, c’était de la jeter à l’eau par surprise et dans l’état de veille ; qu’elle éprouverait alors une forte secousse dans la région du cœur, secousse qui déterminerait le déplacement de l’aiguille , et, par suite, la cessation de la douleur; que, plus tard, il se développerait un abcès dans la région du cœur, et que l’aiguille sortirait par l’ouverture de cet abcès.
Sur cette indication, M. Teste se détermina, non sans appréhension, à exécuter les prescriptions de la somnambule, et la conduisit éveillée à une école de natation ; là,, il la saisit à l’improviste et la jeta à l’eau. Dès qu’elle y fut plongée, elle sentit un mouvement violent et douloureux dans la région du cœur, à la suite de quoi la douleur disparut. Un mois après, un abcès se forma entre les sixième et septième côtes ; et lorsqu’il creva, la pointe de l’aiguille apparut et fut retirée par M. Teste, en présence d’une dizaine de personnes. L’ouverture de l’abcès se cicatrisa, et la jeune fille rendit des épingles par les vomissements, à plusieurs jours d’intervalle.
Second fait. Affinité magnétique.
M. le docteur Louyet a communiqué la relation suivante :
« Je fus appelé, dit-il, le 11 avril dernier, chez madame Férand, rue Saint-Sauveur, n° 5 , pour donner des soins à cette dame qui était affectée d’une angine de poitrine, maladie pour laquelle elle avait déjà réclamé mes soins huit jours auparavant. Les principaux symptômes qui caractérisaient cette affection étaient les suivants : douleurs vives dans la région du cœur, s’étendant jusqu’au creux de l’aisselle et se prolongeant le long etau-dedans du bras gauche, jusqu’aux doigts annulaire et auriculaire. Cette névralgie, dont les accès se répétaient souvent trois à quatre fois par minute, était accompagnée de suffocation, de pilleur et sueur froide de la face. Ne pouvant, malgré mes efforts, obtenir aucun amendement par le magnétisme, je me déterminai à faire une application de sangsues sur le lieu douloureux, en même temps que je fis poser sur le sternum un vésicatoire dont la plaie fut recouverte de deux centigrammes de chlorhydrate de morphine. Je vis la malade le lendemain , et j’appris que les douleurs, loin d’être diminuées, étaient infiniment plus vives et tout aussi fréquentes. Il y avait alors quinze heures que la malade souffrait presque saus interruption. Je voulus encore essayer l’usage du magnétisme ; et, loin de diminuer les souffrances de la malade, il ne fit que les augmenter.
« Au nombre des personnes qui entouraient madame Férand, se trouvait son cousin qui lui tenait de temps en temps la main. Je m’aperçus que , lorsqu’il cessait de la lui tenir, le mal augmentait; je pensai alors que l’action du parent sur la malade serait plus salutaire que la mienne , et je lui montrai la manière de magnétiser sa cousine. Le procédé consistait à faire des frictions suivant le trajet de la douleur, c’est-à-dire depuis la région du cœur jusqu’à l’aisselle, puis le long du bras jusqu’au bout des doigts.
Deux minutes de magnétisation suffirent pour faire dispa-
rattre les douleurs et pour plonger la malade dans un soin-meil profond qui ne dura pas moins de huit heures.
« On voit, d’après cet exemple, qu'il ne suffît pas toujours, pour magnétiser, d’avoir l’intention de faire du bien au malade ; mais il faut encore que notre magnétisme lui soit sympathique. Aussi serait-il à désirer que l’on pût connaître la concordance de tempérament qui doit exister entre le magnétiseur et son sujet. »
Nous avons annoncé, dans notre numér«du 15 janvier dernier (page 38), que la Société philosophique de l’institut mécanique de New-York avait nommé une commission pour s’enquérir des faits du spiritualisme. Le Spiritual Telegrapk du 9 mai reproduit le rapport de cette commission, duquel il résulte qu’elle a consacré plusieurs séances à l’examen de faits nombreux qu’elle a constatés et qui acquièrent ainsi un caractère d’authenticité. Ces faits étant à peu près semblables à ceux que nous avons rapportés dans notre article du 25 janvier, nous ne croyons pas devoir en donner le récit détaillé. Nous ferons seulement remarquer que plusieurs des phénomènes étrangers qui sont si fréquents en Amérique et qui occupent à un si haut degré l’attention publique, sont actuellement attestés par un corps savant : les personnes qui jusqu’ici n’en ont parlé qu’avec un superbe dédain , croiront peut-être qu’il y a lieu à une sérieuse discussion.
FAITS CURIEUX DE PRESSENSAT10N.
Nous avons cité, dans notre numér«du 25 avril dernier, un fait de pressentiment curieux arrivé au général Pel-leport la veille de la bataille d’Eyleau. En voici de non moins remarquables arrivés dans des circonstances semblables à d’autres généraux de l’empire.
On lit dans les Etudes sur Napoléon, du colonel deBau-dus, ancien aide-de-camp du maréchal Bessières :
On parle souvent des pressentiments dont quelques militaires ont été favorisés sur l’époque précise de leur mort. J’en pourrais citer plusieurs exemples bien remarquables; je me bornerai à parler de celui que me présentèrent les dernières heures de la vie du maréchal Bessières ; elles offrent , sous ce rapport, des circonstances tout à fait singulières.
Le 30 avril 1813, le quartier-général impérial passa la nuit à Wessenfels ; le maréchal, qui commandait toute la cavalerie, y coucha également. Le lendemain , déjeûnant tête à tête avec lui, je le trouvai triste, et je fus longtemps sans pouvoir lui faire accepter un seul des mets que je lui offrais ; il me répondait toujours qu’il n’avait pas faim. Enfin, lui ayant fait observer que nos védettes et celles de l’ennemi étaient en présence , et que nous devions par conséquent nous attendre à une affaire sérieuse qui ne nous permettrait probablement de rien prendre de toute la journée , il finit par céder à mes instances en prononçant ces paroles extraordinaires : « Au fait, si un boulet de canon « doit m’enlever ce matin, je ne veux pas qu’il me prenne « à jeun. » Ces paroles me surprirent d’autant plus qu’il lui était arrivé plusieurs fois, lorsque nous nous trouvions exposés à un feu meurtrier, de nous dire en riant : « Gare à « vous, messieurs! Pour moi, il ne m’arrivera rien. »
En sortant de table, le maréchal me donna la clef de son portefeuille et me dit : « Faites-moi le plaisir de me cher-
« cher les lettres de nia femme. » Je les lui remis; il les prit et les jeta au feu. Jusque-là le maréchal les avait toujours soigneusement conservées ; madame la maréchale me l’a souvent assuré depuis, en ajoutant qu’avant de partir pour cette campagne, le maréchal avait dit à plusieurs personnes qu’il u’en reviendrait pas.
L’empereur était monté à cheval, le maréchal le suivit. Sa figure était si triste et si pâle que, frappé de cette circonstance et la rapprochant de ce qui venait de se passer entre lui et moi, je dis à un de nies camarades : « Si nous nous battons « aujourd’hui, je parierais que le maréchal sera tué. » L’affaire s’engagea. Le duc d’Elchingen ayant enlevé le village de Rippach, occupé par l’ennemi, le duc d'istrie s’empressa de reconnaître le défilé dont nos troupes venaient de prendre possession pour le faire traverser à une partie de sa cavalerie. En arrivant sur la hauteur qui domine ce village, lorsqu’on en sort par la route de Leipzig, il se trouva en face d’une batterie d’artillerie que les Prussiens venaient d’établir pom- enfiler la grande route. Le premier boulet qui en partit emporta la tête d’un maréchal-des-logis des chevau-légers polonais de la garde qui, depuis quelques années, faisait auprès du maiéchal le service d’ordonnance. Cette perte l’afiligea ; il s’éloigna au galop. Cependant, après avoir examiné pendant quelque temps la position de l’ennemi, il revint près de ce malheureux cadavre, accompagné du capitaine Bourjolly, de son mameluk Mirza et de quelques ordonnances, et leur dit : « Je veux qu’on fasse enterrer ce « jeune homme. D’ailleurs, l’empereur serait mécontent « s’il voyait un sous-o(licier de sa garde tué là ; car, si ce « poste était repris, il serait fâcheux qu’à la vue de cet uni-« forme nos adversaires se persuadassent que la garde a « donné. » Un boulet lancé par la même batterie le tua raide au moment où il achevait de prononcer ces paroles. Le maréchal remettait sa lunette dans sa poche. U eut la main gauche, qui tenait les rênes , fracassée , le corps traversé et le coude droit brisé. Sa montre, quoiqu’elle n’eût pas été touchée, s’arrêta sur le coup ; elle marque encore
aujourd’hui l’heure fatale de la mort du maréchal; elle n’a jamais été montée depuis.
Nous lisons dans CUrion du 23 juin : « I.a veille de la bataille de Wagram, le général La Salle écrivait à Napoléon ; « Sire, je serai tué demain ! » Ft le lendemain, il tombait sur le champ de bataille. Son émule en talent comme en gloire, Montbrun, était persuadé qu’il serait tué lorsqu’il monterait un cheval de petite taille. A la bataille de la Mos-kowa, il conduit la première charge sur un cheval de haute stature : il part confiant; son cheval est tué sous lui, mais Montbrun n’est point atteint. On lui amène un petit cheval; il l’enfourche sans hésiter, mais il ne peut s’empêcher de dire : « Allons, il paraît que ma dernière heure a sonné ! » et se rue sur l’ennemi. Quelques minutes plus tard, Napoléon envoyait le général Caulaincourt pour remplacer Montbrun, tué comme La Salle.
Le général Picton , l’un des plus illustres lieutenants de Wellington, eut aussi le pressentiment de la mort qui l’attendait sur le champ de bataille de Watterloo.
FAITS RELATIFS A M. HUME.
M. Hume est de retour d’Amérique ; mais on dit qu’il est dans un de ses moments d’intermittence. Rien n’est plus vrai. Il a perdu son pouvoir sur les habitants invisibles de l’autre monde , à la suite d’une soirée chez un prince polonais où il s’est passé des choses réellement miraculeuses.
A un moment donné, tous les assistants attendaient dans un état de curieuse anxiété, tous les cœurs battaient, un silence solennel régnait dans le salon ; Hume était debout, en extase, les yeux levés au ciel, les mains étendues. On eût
dit qu’il ne tenait déjà plus à la terre et que, comme le saint Cupertin , il allait s’élever dans les airs... Tout à coup des lampes et des bougies ne s*éteignent pas, mais elles cessent d’éclairer. Leur flamme pique l’obscurité du salon de points brillants, comme les étoiles piquent sans l’éclaircir le voile noir de la nuit. Les assistants cessent de se voir les uns les autres. Leur religieuse terreur s’accroît encore. Alors on aperçoit une main lumineuse, entourée d’une sorte de vapeur phosphorescente. Cette main plane sur une jardinière remplie de roses; elle en cueille une et vient l’offrir à la comtesse de K...; elle en cueille successivement trois autres et les offre à trois autres dames.
Le pian«est ouvert, la main s’en approche et improvise des mélodies célestes, des mélodies qui rappellent un peu, par le sentiment tendre et voilé, celles de Chopin. Cette musique étrange et charmante qui, pendant une heure, tient l’auditoire en extase, il semble qu’on ne l’entend pas avec les oreilles, mais qu’on l’entend avec le cœur. Rien ne peut rendre le sentiment de mystérieuse douceur qu’éprouvent tous les assistants.
La musique s’arrête, la main s’évanouit, les lumières recommencent à répandre une clarté faible, opaline. On semble sortir d’un rêve. Alors d’autres prodiges s’accomplissent. Un Russe, le prince Constantin B,.., voit sur le pian«la clef qui sert à l’accorder. — « Je veux, dit-il, que cette clef vienne à moi. » A l’instant même la clef s’avance du pian«et tombe dans la main du prince Constantin B..., qui s’évanouit , tant il est ému du prodige. — Un autre assistant évoque une sœur qu’il aimait tendrement ; il sent un souffle qui lui passe sur le front ; il entend à son oreille une voix qu’il reconnaît et qui lui dit des secrets connus de lui seul. Comme le prince B..., il s’évanouit. Jamais Hume n’a eu autant de puissance. — Le lendemain, il l’avait perdue tout entière. Il la retrouvera sans doute dans quelques jours.
M. Hume porte à la chaîne de sa montre un bijou très-précieux qui lui a été donné par l’Empereur. C’est un petit médaillon qui renferme d’un côté le portrait de l’Empereur
et de l'autre celui de l’impératrice, photographiés tous deux par M. Olympe Aguado.
paul d’ivoi, (Extrait du journal le Courrier de Paris).
LES ESPRITS EN CHINE.
Il n’y a presque pas de découverte en Europe, qui n’ait été faite antérieurement par la Chine. Il paraît que ni l’Europe, ni même l'Amérique, ne sont fondées à revendiquer la priorité d’invention pour les tables tournantes et parlantes qu’on a trouvées chez Tertullien et Ammien Marcellin, et qui ensuite, après bien des siècles d’oubli, ont apparu dans le Céleste-Empire. C’est ce qu’atteste le Nori/i China Herald du mois de mars 1854 ; le docteur Macgowan, médecin résidant en Chine depuis fort longtemps, certifie que, dans la ville de Ningpo, rien n’est plus commun que les tables animées, les coups mystérieux et généralement les manifestations spiritualistes, et qu’il les y a observés dès l’année 1844 ; il ajoute que les procédés des Chinois sont tout à fait semblables à ceux des Américains. Ce savant a publié, à ce sujet, divers articles dont nous extrayons ce qui suit, d’après le Spiritual Telegrap/i du 30 mai dernier :
« D’après la croyance des habitants et de beaucoup d’étrangers qui fréquentent ce pays, les démons et les âmes des morts exercent une influence continuelle sur les affaires humaines et répondent aux invocations qui leur sont régulièrement adressées... Tous les catholiques romains et même bien des ministres protestants attribuent à l’action des démons les manifestations spirituelles ou réputées surnaturelles, qui ont lieu en Chine. Il serait à désirer qu’un homme, exempt de préjugés, se livrât, dans l’intérêt de la science , à des recherches suivies pour élucider ce sujet. Il serait particulièrement curieux d’étudier les superstitions des Miau-
tsé, tribu montagnarde, qui se croit aborigène, et chez laquelle on se livre la géomancie et à d’autres pratiques de magie, il y aurait encore un riche sujet d’instruction dans l’histoire du Tsiang-Tiense (ou Précepteur céleste) , grand-prêtre héréditaire des Tanistes qui cultivent l'alchimie et se disent la secte de la Raison. Ce singulier personnage a été reconnu sousplusieursdynastiessuccessivescomme exorciseur général de l’empire. Son palais est dans la province de Kiang-si, préfecture de Nankang. Quand des personnes ou des lieux sont maléficiés par les esprits infernaux, on l’appelle , et, après avoir reçu une rétribution honnête, il écrit sur des amulettes qui produisent immédiatement l’effet désiré ; ou bien il envoie des baillis spirituels pour saisir le malencontreux démon qui est aussitôt enchaîné comme ils devraient l’être tous... Quant aux tables animées , c’est une pratique fort ancienne. »
Baron d«POTET, propriétaire-gérant.
CONFESSION SPIRITUALISTES
que, on voit poindre cette énonciation d’une force effluente, comme agent d’activité de notre principe moteur.
Tlialès : « L’âme est la puissance de mouvoir (2) , de mouvoir sans cesse (3), de se mouvoir elle-même (/i). Elle parcourt l’univers avec une extrême rapidité (5). »
Anaximène : « L’âme est de l’air. L’air est à la fois le principe des corps (6) et le plus subtil d’entre eux. De là vient que l’âme a la double puissance de connaître et de mouvoir.
« En tant que formée du corps le plus subtil, elle meut.
« En tant que principe, elle connaît (7). »
Héraclite : « Le feu , plus subtil que l’air, le plus incorporel , le plus fluide des éléments : voilà le principe. Eternellement existant, puisqu’il ne passe pas, éternellement mu, puisqu’il devient sans cesse dans un flux sans lin de mo* difications fugitives; il est à la fois l’invariable fond de l’existence, et la source intarissable de la vie. Une étincelle de ce feu universel et divin ; voilà l’âme de l’homme.
(1) C'est par suite d'une erreur typoliraphique que le précédent article (voir le n° 12 du journal) porte pour titre Confession d'un Spiritualiitl. Le titre qui doit étr«conservé est celui d’aujourd'hui.
(2) Arist., de Ànim., i, 11, ±i.
(5) Plutarq., de Plac., iv, 2.
(4) Stobée, Ecl. pliys., ch. xi, p. 93.
(5) Diogène Laérce, Vie des philosophes, 1. i, 35.
(6) La chimie moderne tient d«nouveau ce langage : « Les plantes et les animaux dérivent de l'air, n«sont que de l'air condensé; ils viennent de l’air et y retournent, a (Dumas, Leçon sur la statique chimique des êtres organisés.)
(7) Arist., de Anim., t. u, p. 23.
Deuxièmc article.
B. Dès les premières ébauches de la philosoplihr-gféc-
« Etant le plus subtil des éléments, le feu occupe la région du monde la plus élevée. Mais, dans l’infinie série de ses modifications, son essence devient de moins en moins rapide; chacune de ses métamorphoses est une déchéance. Il tombe ainsi dans les régions moyennes, qu’il traverse, pour arriver enfin à la région inférieure, au plus grossier des éléments, la terre, où expire presque toute vie avec tout mouvement (1).
« Qu’est-ce que l’homme ? Une organisation qu’anime une étincelle du feu divin...
n Emanée du feu divin, la pensée humaine tend à. s’y réunir. Elle s’y réunit en effet, grâce aux organes des sens qui ouvrent de faciles passages du dedans au dehors, et du dehors au dedans. Or, notre intelligence, confondue ainsi avec l’intelligence universelle, change de caractère et de nature, et recouvre dans son rapport avec le feu divin la puissance rationnelle (2), qu’elle avait perdue dans son rapport à nous. Devenue, de particulière et humaine, commune et divine, elle est aussi forte et vaste qu’elle était faible et restreinte ; elle peut embrasser le monde entier dans ses recherches, et comprendre jusqu’à l’infini.
« Parcelle du feu divin , elle s’allume ou s’éteint, selon -qu’on la réunit au feu universel ou qu’on l’en sépare. Tel un charbon s’enflamme, s’il est approché d’un foyer ardent, et meurt dès qu’on l’en éloigne...
u Tout est en mouvement...
« Qu’est-ce que le monde ? Une unité vivante, savoir le feu, laquelle se résout perpétuellement en une infinie multitude de modifications toujours diverses (3) ; et inversement, une multitude de modifications sans fin, laquelle se résume incessamment dans l’unité permanente du feu éter-
(1) Diogène I.aërce., ix.
(2) La puissance îc connaître.
(3) De là le mot : univers, soit qu'il dérive des racines : unô, ensemble, et verlcre tourner; 011 du sens elliptique de celle phrase : t'n un«diversui, diversité dans l'unité.
nel. En d’autres termes , le général qui tombe dans le particulier, le particulier qui remonte au général (1).
« Isolée, l’intelligence humaine perd la puissance de se souvenir; réunie au tout, elle recouvre la puissance rationnelle (2). »
Tel est l’enseignement des plus anciens maîtres connus de la philosophie grecque. Et ce qu’ils professaient, leur maître à tous, Trismégiste, l’avait enseigné dans son Pi-mandre ( la bouche du mystère (3) ) , quatorze cents ans avant eux et mieux qu’eux :
a La lumière pénètre et circule partout ; continuellement elle monte de la terre au ciel et descend du ciel à la terre, pour remonter et redescendre sans interruption , au travers des mobilités indéfinies de nos pensées, de nos actes et de toutes les transformations de la matière.
« La lumière est en haut, où tout resplendit de félicité ; le feu, (l’extinction de la lumière captive) est en bas, où se font entendre les gémissements de la souffrance, les colères et les grincements de dents.
« Dieu est le père du monde, et le monde est le père des choses du monde.
« Les astres sont appelés dieux, à cause des actions que Dieu leur donne à dispenser.
« La volonté de l’homme opère au monde ; elle peut atteindre le bien et surmonter toutes les difficultés.
« Tout ce qui est au monde se meut, soit par diminution, soit par augmentation (h). »
On le voit, il n’est pas moyen de s’y méprendre. Cette
(1) Arist., de Mund., i, 1.
(S) Des Théories de l'entendement humain dant Vantiquiti, par Emmanuel Cliauvet. Caen, 1855.
(3) Traduit en français avec commentaires, par De Font de Candalk, Bordeaux, 1579.
(4) Bouillet (Dictionnaire d’histoire et de géographie) assure que les écrits hermétiques nesunt que la personnification du sacerdoce égyptieü, et non l'ouvrage d’un seul homme. On en dit autant des œuvresd’Homère et d'Hippocrate. D'ailleurs, peu nousimporte! Une telle imputation n’ite rien au mérite de la profession de fol de l'antiquité la plus reculée.
formule embrasse à la fois : le mouvement, ou les différents degrés de lu vie de l’univers, la force ignée, la source tialive-lumineuse, et capitalement lu puissance de ta volonté.
De leur côté, les cabalistçs nous entretiennent d’une lumière qui n’est pas celle que nous percevons communément et qu’ils nomment astrale.
En magnétisme, on nous parle également de cette lumière astrale, sans nous la définir; et quand j’ai demandé ce que c’était, on m’a répondu : C’est la lucidité magnétique.
Erreur étrange et singulière façon de confondre l’agent, le réceptacle de toutes nos photographies vivantes , avec le phénomène de la vision au sein de ce miroir universel.
Qu’est-ce donc que cette lumière?
Notre lumière astrale (car chaque globe a la sienne), c'est, si je ne me trompe, le Jamais (l'efficace perpétuel) de Tris-môgifite (1) ; c’est la chaîne d'or d’Homère ; c’est la somme d’exhalation du fluide sus-et-intrà-terrestre que Pythagore appelait l’mne de la terre ; c’est le tourbillon de Descartes (2) ; c’est la masse émergente que nos lucides qualifient du nom de soleil spirituel; c’est la collection de tous les effluves occultes-ignés, qui, dans l’assujettissement réciproque d’attractions et de dégagements entre les couches aériennes du subtil et le coi-ps épais de notre astre, du fond de ses entrailles à sa surface, contribue à ce fameux cercle expliqué précédemment (3) : cette continuité d’actions et de réactions mutuelles et constantes ; ce courant ù'aller et de retour des incessantes synergies de la jumelle existence de notre monde (l’une évidente, l’autre ordinairement inaperçue), où progresse, dans l'évolution des âges séculaires, notre double perfectionnement (celui de notre ciel et celui de notre planète). En un mot, c’est l’atmosphère. Son aspect d'ignition latente, ainsi que la nôtre individuel-
(I) Le Pimandre, chap. xi, sect. 7.
(î) Il avait reconnu que la soleil, les astres et notre terre sont le centre d’aulant de tourbillons d«matière subtile.
(S) Le corcle d’Iiermès : Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, etc. Voir len° iî de ce journal, page 321.
lement, résulte du mouvement moléculaire intime des effluves ; comme l’éclat du jour provient, pour nous, des vibrations plus énergiques de l’éther, lorsque le soleil agit sur l’horizon.
La nature bien déterminée de ce soleil spirituel serait un grand pas de fait. Et tout semble appuyer mon assertion.
Les lucides distinguent parfaitement notre rayonnement individuel, on le sait, et j’en réitérerai la preuve. A fortiori le rayonnement général doit-il leur apparaître. Seulement , pour leurs perceptions affinées, cette énorme fournaise flamboyante projette une irradiation si vive, qu’ils peuvent à peine en supporter la vue. Ils ne pénètrent guère que dans la pénombre, ou les régions inférieures.
Oui, de l’analyse des données nouvelles, des doctrines anciennes et des faits historiques, il est rigoureux d’inférer que l’atmosphère est un occulte foyer, embrasé pour les voyants, et le répertoire des prodiges opérés par le magnétisme.
Voulez-vous connaître ce qu’en écrit Eliphas Lévi ?
Lisez :
«Dans la lumière astrale se conservent les images dès personnes et des choses. C’est aussi dans cette lumière qu’on peut évoquer les formes de ceux qui ne sont plus dans notre monde, et c’est par son moyen que s’accomplissent les mystères aussi contestés que réels de la nécromancie...
« Après la mort, l’esprit divin qui animait l’homme retourne seul au ciel, et laisse sur la terre et dans l’atmosphère deux cadavres : l’un terrestre et élémentaire, l’autre aérien et sidéral : l’un inerte déjà, l’autre encore animé par le mouvement universel de l’âtne du monde, mais destiné à mourir lentement, absorbé par les puissances astrales qui l’ont produit. Le cadavre terrestre est visible ; l’autre est invisible aux yeux des corps terrestres, et ne peut être aperçu que par les applications de la lumière astrale au translucide (1) qui communique ses impressions au système
(1) Notre âme, ou le corps diaphane qui réside en nous.
nerveux, et affecte ainsi l'organe de la vue jusqu’à lui faire voir les formes qui sont conservées et les paroles qui sont écrites au livre de la lumière vitale.
« Lorsque l’homme a bien vécu , le cadavre astral s’évapore comme un encens pur en montant vers les régions supérieures ; mais si l’homme a vécu dans le crime, son cadavre astral, qui le retient prisonnier, cherche encore les objets de ses passions et veut se reprendre à la vie...
« Les âmes qui doivent vivre, mais qui ne sont pas encore entièrement purifiées, restent plus ou moins longtemps captives dans le cadavre astral, etc...
« Ce sont ces cadavres aériens qu’on évoque par la nécromancie. Ce sont des larves, des substances mortes ou mourantes, avec lesquelles on se met en rapport ; elles ne raisonnent ordinairement qu’en réfléchissant ou nos pensées ou nos rêves.
« Mais, pour voir ces formes étranges, il faut se mettre dans un état exceptionnel, qui tient du sommeil et de la mort, c’est-à-dire qu’il faut se magnétiser soi-même etarri-ver à une sorte de somnambulisme lucide et éveillé. La nécromancie obtient donc des résultats réels, et les évocations de la magie peuvent produire des visions véritables. Nous avons dit que, dans le grand agent magique, qui est la lumière astrale, se conservent toutes les empreintes des choses, toutes les images formées, soit par les rayons, soit par les reflets; c’est dans cette lumière que nous apparaissent nos songes, c’est cette lumière qui enivre les aliénés et entraîne leur jugement endormi à la poursuite des fantômes les plus bizarres. Pour voir dans cette lumière, il faut écarter les reflets par une volonté puissante et n’attirer à soi que les rayons. Rêver tout éveillé, c’est voir dans la lumière astrale ; et les orgies du sabbat, racontées par tant de sorciers dans leurs jugements criminels, ne se présentaient pas àeux d’une autre manière...
« C’est dans cette lumière que l’empereur Julien vit autrefois apparaître les dieux , mais vieux , malades et décrépits : preuve nouvelle de l’influence des opinions courantes
— sas —
et accréditées sur les reflets de ce même agent magique qui fait parler les tables et répond en frappant contre les murailles (1). »
Voilà ce que dit Eliplias Lévi.
Chardel exprime quelque chose d’analogue en ce qui regarde les visions du catholicisme, .le cite textuellement: « La religion du Christ est tout amour, et dans le ciel il semble aux chrétiens que Jésus n’a été sur la terre qu’une incarnation humanifiée de la lumière divine, qu’ils retrouvent dans le soleil spirituel (2).
« Comme l’amour est l'élément de la vie des âmes, il en résulte chez les anges une relation entre eux et l’astre divin (3).
« Chaque ange reçoit le ciel qui est hors de lui, selon le ciel qui est en lui...
« Les démons, au contraire, ne voient jamais activement le soleil spirituel, parce qu’ils disposent de l’élément de leur vie dans un esprit d’égoïsme et d’orgueil qui le détourne de son origine (i). »
« Les âmes sont immortelles, mais le prince de l’activité de leur vie se consomme (5) et se renouvelle sans cesse. Il en est à peu près de même du mouvement des planètes, qui semblent aussi impérissables. »
« Dans les cieux, avait écrit déjà Swedenborg, il y a une grande lumière qui surpasse d’un grand nombre de degrés la lumière de midi sur la terre.
« Il n’existe point d’esprits ni d’anges qui ne soient du genre humain.
« Les esprits de chacune des terres sont aux environs de leur terre, parce qu’ils en ont été les habitants et qu’ils sont d’un génie semblable à celui de ses habitants, et ils doivent leur servir.
(1) Dogme et Ritueldtla haute magie, tome I", pages 191, 19Î, 193 194, 195, 202.
(2) Psycologie physiologique, p. 365.
(3) Psycologie physiologique, p. 364.
(4) Psycologie physiologique, o. 365.
(5) Psycologie physiologique, p. 366.
« L âme qui vit après l«a mort est l’esprit de l'homme, qui, dans 1 homme, est l’homme lui-même ; et, dans l’autre vie, elle apparaît aussi en parfaite forme humaine.
« L homme peut parler avec les esprits et les anges ; et les anciens dans cette terre ont parlé fréquemment avec eux. Mais aujourd’hui c’est dangereux, i\ moins que l’homme ne soit dans la véritable foi.
« La vie de chacun lui demeure et le suit après la mort (1). »
L’Eglise n’enseigne-t-elle pas que Satan (2), l’esprit trompeur, est te Prince de l’air ?
Il paraît évidemment, par le texte de Moïse, que cet écrivain hiérographe regardait les foyers célestes comme des lumières sensibles, destinées à propager la lumière intellectuelle, et à l’exciter sur la terre. Cette physique prête beaucoup à réfléchir. » ( Versions littérales de la Cosmogonie de Moïse, p. 46, Fabre d’Olivet.)
« Votre Dieu, s’écrie le hiérophante guerrier (3), est un Dieu dévorant...
« Vous approchâtes du pied de cette montagne, dont la flamme montait jusqu’au ciel, et qui était environnée de ténèbres, de nuages et d’obscurité.
« Le Seigneur (i) vous parla du milieu de cette flamme. Vous entendîtes la voix qui proférait ses paroles (5)...
« Il s’est signalé par une main forte et un bras étendu, et par des visions horribles, etc. (6).
« Il n’y a point en effet d’autre nation , quelque puissante qu’elle soit, qui ait des dieux aussi proches d’elle, comme notre Dieu est proche de nous (7). »
(1) Des terrât dans notre monde solaire, gui sont nommées planètes, et des terres dans le ciel astral, par Emmanuel Swedenborg, traduit du latin sur I édition de l.ondres de 1758, par J. P. MoSt, 18-J i.
(2) Cette dénomination n’épouvante plus personne, puisqu’elle n’est positivement que l’étiquette de l’ignorance et des idées de nos prédécesseurs sur la terre.
(3) Deutéronome, chap. iv, v, 24.
(4) Co mot (senior) signifie l'ancien.
(5) Deutéronome, chap. iv, v, 11 et 12.
(6) Deutéronome, chap. 17, v, 34.
(7) Deutéronome, chap. iv, v, 7.
- SAS -
Au désert, il « a marché devant vous dans tout le chemin... la nuit, par ht colonne de feu, et le jour par la colonne de nuée (1). •>
Ne ressort-il pas de ces citations variées que la lumière astrale est bien cette photosphère occulte quenous indiquons? Je dis nom, car, je le présume, votre avis est très-près du mien, s’il 11c le partage entièrement. Je multiplie les textes d’auteurs, parce que les libres intelligences y remarqueront un fond d’identité qui ne varie que dans l’interprétation, soumise nécessairement à l’esprit des diverses époques de l’histoire.
L’atmosphère (2) semble véritablement de moitié dans notre vie ici-bas. Les hautes parties de son rayonnement astral constitueraient la magnificence de cette illumination spiritualiste, où nos lucides placent le calme et le bonheur. Ses cimes éblouissantes (aux vues magnétisées) exalteraient toutes les sublimités, comme ses rouges laves inférieures (l’enl'er des catholiques (3)) agiteraient toutes les ébullitions
(1) Deutironome, chap.r, v, 53.
(2) Les jardiniers cl les agriculteurs ne doutent pas que le dessus et le dessous ne se donnent la main. Interrogez la sagacité d«ces hommes pratiques, ils vous répondront :
« La terre et l'air sont les deux grands magasins du bon Dieu, tly a là de quoi nourrir les herbes et les arbres; c'est là que sont les vivres.
« Les racines des plantes prennent leur manger dans la terre, parmi les sels que tu 110 vois pas et que tu n«connais pas encore ; les feuilles prennent quelque chose dans l'air, parmi les gaz et les vapeurs que tu n«vois pas toujours et que tu ne connais pas non plus.
« Les arbres des forêts et les plantes des friches n«vivent pas autrement; ils demandent à la terre et à l’air de quoi faire leurs tiges, leurs rameaux et leurs feuilles. » (P. Joioheaux, Instruction! agricoles.)
Eh bien ! cette correspondance cachée (terranée-atmosphërique) paraît exister pour tous, moralement et physiquement.
Ce serait une constitution simultanée, que nous fabriquerions à nos risques et périls, sons soupçonner que nous sommes aiüsi tous et chacun los artisans de nos troubles et d«nos mécomptes.
(5) C'est précisément aux alentours de la terre que l’air, plus dense, est , plus pourvu d«chaleur. 1 Pendant les ascensions aérostatiques les météorologistes ont constaté que dans les régions d’où l'extrême rareté de l’air tiendra toujours les hommes éloignés, et surtout qu'en dehors d«l'atmo»
grossières. Le corps sidéral trop matérialisé devrait s’y régénérer, s’y brûler, avant que son esprit puisse prendre essor vers les sommités heureuses. La généralité des \ 0yance9 de tous les temps et de tous les pays s’accorde sur ce point.
C’est aux ténèbres du volcan que s’épancheraient et que se nourriraient les colères et les brutalités de nos instincts animaux ; c’est aux sublimations splendides que le poète, l’artiste et les plus nobles types humains recueilleraient et réfléchiraient leurs pures inspirations. Même concordance encore entre nos temps et l’antiquité dans ces témoignages.
A part la communauté, la presque unanimité des dires anciens et nouveaux sur ce sujet, les lois de cette physiologie universelle ne semblent pas répugner à la raison, puisque, dès le berceau de notre globe, des êtres bons et mauvais en composent les populations, et que, dans l’orbe planétaire* s’exercent leurs éléments corrélatifs.
« Rien n’est donc indifférent dans la vie, et nos déterminations les plus simples en apparence décident souvent d’une série incalculable de biens ou de maux. » ( Haute Magie, tom. 1", p. 86.)
Quand on sera bien persuadé que nos pensées, nos paroles, sont des élémentisations fécondes, on se gardera d’ensemencer son terrain d’embarras et d’abîmes.
Ce corps sidéral (notre diaphane particulier), formé, développé longtemps à l’avance par les émanations successives de toute notre carrière basse-mondaine ( et que va rejoindre notre principe animique , à l’heure où la tombe le sépare définitivement de son enveloppe la plus matérielle), ne devient un vrai cadavre que de l’époque, plus ou moins éloignée, où notre esprit le quitte sans retour pour s’élever aux migrations divines. Jusque-là, cette existense sidérale vit de sa nouvelle activité, tant par ses aspirations ascendantes que par le reste de ses relations avec notre
fphère, dans les espaces indéfinis, sillonnés par les planètesde notre système, et sous le rayonnement stellaire, la température demeure à Mou GO degrés au-dessous de zéro. (F. Arago, Éloge historique de Joteph Fourier.)
planète, en môme temps que (comme le pense le docteur itœssinger, de Genève) (1), l’achèvement de désagrégation de ses constituants terrestres lui transfuse les derniers vestiges de leur fluide.
Et l’existence de ce corps aérien paraît être longue, puisque, en 1851, Eliphas L6vi, d’après son ouvrage, a vu le spectre d’Apollonius de Tliyane. Toutefois, l’écrivain de La limite Magie suppose que ce n’était qu’un corps sans âme, n’exhibant que le galvanisme d’un simulacre vide. Supposition qu’il est difficile d’admettre en lisant les détails de l’aventure. Surtout, si l’on s’édifie au récit d’une autre histoire que je tiens de cet écrivain lui-même, et qu’il ne ma point défendu de répéter.
u J’avais, dit-il, employé ma journée à mes travaux sur la cabale, et je m’étais étonné que Paracelse, qui pénétra si loin, n’ait pas eu son pantacle (2) particulier, le sceau de
(1) Docteur en médecine et en chirurgie, auteur d’un livre sur I’électri* cité universelle, ou attraction mutuelle, etc., etc.
(2) Le pantacle est un signe synoptique, hiéroglyphe allégorique, résumant les principaux termes d'une philosophie. Ainsi le triangle, par exemple, est un pantacle qui figure l'unité trinitaire de la Divinité. La Vierge écrasant sous son pied la tête du serpent, est le symbole de l'intelligence triomphant de l'aveuglement organique. Ce sont de semblables si«nes qu'adorent les sectes superstitieuses, sans atteindre au sens profond qu'ils comportent.
Ce fut l’urgence de fermer ù l'humanité le goufrede l'idolâtrie des forces aveugles, qui contraignit Muïseàdes rigueurs extrêmes envers son peuple, tombé servilement dans la plus basse dégrudalion.
Le christianisme, en nous radielant de ces forces, pour nous relier à La Cause Toute-Puissante et Suprême, fut réellement l'œuvre d’un Sauveur. Et, puisque l'homme, intelligence supérieure dos créatures d«la terre, est dieu de celte terre, aussi bien qu’il est l«fils de Dieu, par le fait qu’il relève de la Suprême Création, la nature humaine et la déification du Christ se concilient. Il n'est pas d'autre manière vraie de les entendre. Ce qui n'infirme en rien les immenses bienfaits que les siècles ont retirés de son culte, malgré les horreurs du fanatisme. Tout en marchant à l'avenir, sachons nous garantir d'ingratitude pour le passé, dont notre ignorance a causé les fautes.
« C’est en envisageant ce point de vue de la vérité, nous répondait une manifestation spirituatiste.que l’on peut se rendre compte déjà des incalculables améliorations obtenues par le monde moderne sur le monde an-
sa doctrine. Le soir venu, je me couchai. J’étais endormi depuis peu, lorsqu’un songe me conduisit à Vienne, au temps de Paracelse, et dans son logement. Je vis ce grand alchimiste, tel que vous savez : habillé d’une espèce de robe, Comme une vieille femme. Une sorte de gibecière lui pendait au côté gauche.
« En l'abordant, je me sentis fort à l’aise ; il me semblait que nous étions d’anciennes connaissances, de vieux amis.
— « Maître, lui dis-je, il est surprenant que vous, le grand Paracelse, vous n’ayez pas eu votre pantacle pour vous représenter dans la science.
— « Ah ! tu crois que je n’en ai pas.
a 11 ouvre sa gibecière, en tire une médaille de cuivre et me la montre de face. Elle offrait le relief d’un trident.
— « Regarde.
— « Oh ! merci, maître, merci ! Que ne puis-je le posséder !
— « Regarde-le bien.
— « Oui, mais, quand je serai là-bas (j’imagine qu’Eli-phas voulait dire : quand je serai de retour au séjour des choses! quand je serai réveillé!), je ne m’en souviendrai plus.
— « C’est juste. Pourtant, je ne puis te donner celui que je te montre. Attends !
a Sans transition aucune, nous nous trouvons transportés à Paris, sur le Pont-Neuf, par un brillant soleil. Paracelse me désigne du doigt un pavé très-éclairé. J’y dirige mes
Clen. Vos prétendus esprits forts ne se doutent guère qu’ils sont aujourd'hui redevables des succès qui les gonflent de tant d’orgueil, aux pieuses invocations des âmes simples, agenouillées sous la bannière de la foi.
«Combien ces succès deviendront gigantesques alors qu«les masses au-ttrnt appris ce qu'il est déféré de pouvoir à la volonté (lu plus privilégié des colons de la terre. Demandes et vous recevrez ! Méditez, étudiez ces paroles; employez-les au bonheur solide et vous arriverez pertinemment au but.
« Et cette phrase puissante : Délivrez-nous, pbéseuvez-socs du mal I Hommes, comprenez bien !... cl vous aimerez intelligemment la glorifica-tiou immortelle du divin Martyr. »
regards, et, dans ma joie insigne, j’y découvre un autre exemplaire du trident. Je m’en empare, et je dépose, en échange, une pièce de menue monnaie.
« Le lendemain matin, j’étais si convaincu d’avoir en ma possession ce trésor précieux , que je me mis à le chercher partout. A la fin , je reconnus que j’avais rêvé. Cependant, ayant réfléchi que ce rêve pouvait être un avertissement secret, je me rendis sur le Pont-Neuf. J’en inspectai chaque pavé sans y rien apercevoir. J’allais me retirer, le chagrin dans le cœur, quand, en relevant la tète, je vois sur le parapet, au bout du pont, l’étalage d’un marchand de vieilles médailles, parmi lesquelles je découvre immédiatement colle du maître. Je l’achète à vil prix, et je m’en reviens enchanté.
« Voilà comment je suis détenteur du rare pantacle de Paracelse. »
Après une pareille carte de visite, l’auteur de La Haute Magie peut-il sérieusement supposer que les voyances de ce genre ne sont que la fantasmagorie d’un cadavre astral?
Eh quoi! prêtez-vous créance à de telles fables? vous objectent les non-voyants et les non-croyants. Et, je l’avoue, autrefois j’aurais parlé comme eux.
A présent, pour mon acte de contrition, je leur livre l’extrait que voici de ma première séance d’expérimentation particulière sur la clairvoyance magnétique.
« Le 3 septembre 1853 , à deux heures de l’après-midi, j’endormis, chez moi, madame 1*..., une des meilleures somnambules de Paris. Elle ne me connaissait que pour m’avoir vu deux ou trois fois à des réunions publiques de magnétisme.
« Dans les circonstances actuelles, nous étions seuls. Elle ne pouvait être préparée à me répondre, attendu que, pris pour ainsi dire àl’improviste par une occasion dont je voulus instantanément profiter, je n’avais aucun programme dressé d’avance pour le champ de mes recherches. Je savais uniquement que cett«jeune femme, qui m’avait été recommandée , était une personne honnête et probe , et mèr«de famille.
« Dès que je l’eus endormie et qu’elle fut en état de lucidité, l'idée me vint de lui demander l’emploi de ma journée précédente.
— « Je vous vois, le matin , dans un endroit planté d’arbres, me dit madame P... au bout d’un moment d’examen; vous êtes avec des militaires.
— « C’est bien. Veuillez me suivre au sortir de là.
— r Vous allez dans la rue Saint-Lazare.
— « C’est vrai.
— « Vous montez un grand escalier.
« Oui, c’est celui de l’embarcadère du chemin de fer. Je vais à Versailles. Je me hâte de vous en instruire, parce que je veux vous aider et vous amener au plus vite en cette ville. Prenez-moi maintenant à mon arrivée.
— « Vous êtes avec un monsieur.
— « Non.
— « Je vous vois avec un monsieur.
— « C’est juste. Je me trompais. Je me rappelle maintenant avoir dit bonjour au chef de gare, avec lequel j’ai lié conversation.
— « Vous allez dans une maison où vous êtes attendu.
— « Examinez mon trajet : je ne me suis pas rendu directement dans cette maison.
— « Magnétisez-moi la tête , et dégagez l’épigastre ; il m’étouffe.
« Je fais ce qu’elle me dit.
— « Est-ce bien comme cela ?
— « Oui.
— « Suivez exactement ma route à présent.
« Elle cherche en elle-même.
— « C’est drôle ! Je vois comme un monument : on dirait une église.
— « Non.
— « Je lui magnétise encore le front à distance.
— . Je vois un jardin... Oh ! ! !... (avec frissonnement) c’est un cimetière ! Je le prenais pour une église, parce qu’il y a sur la porte une croix.
— 351 —
— « Pourquoi tremblez-vous de la sorte?
— v Mon Dieu, je n’ai pas peur des morts quand je suis éveillée ; mais, en somnambulisme, je ne suis pas maîtresse d’une pareille émotion.
— « Eh bien, arrêtons un instant ; remettez-vous. Pour vous assister autant que possible , je vous déclare que vous êtes dans le vrai. Le but de mon voyage à Versailles était la commémoration d’un triste anniversaire.
« — Oui, je vois la tombe. C’est celle de la personne dont vous avez des cheveux, etc.... Cette tombe est entourée d’une grille; mais ce n’est pas une tombe ordinaire , c’est un caveau de famille. Une seule place est occupée ; les autres attendent. La pierre tumulaire est grande... Elle est comme cela (madame P... indique exactement la forme par un signe des mains).
« — Je vous fais souffrir... je souffre aussi I... Cependant j’aurais bien envie de vous parler de cette personne, dans un moment, si ce n’est pas trop exiger de vous.
« — Comme vous voudrez. Tout à l'heure.
« Je lui donne des cheveux, et bientôt elle me retrace une scène suprême : la plus douloureuse de ma vie.
« J’étais profondément ému. Je n’oublierai jamais cette épreuve qu’aucune expression ne transmettrait dans sa réalité!
« J’avais reçu, parmi ces détails, quelques assurances consolantes dont je ne pouvais douter, tant était fidèle tout le reste du récit. D'ailleurs , j’étais entraîné, subjugué par ce prodigieux mystère, impénétrable à ma raison. Quelque pénible qu’il me fût de poursuivre l’acquisition de ce positivisme invincible, je résolus d’en avoir le courage.
— « Pardonnez-moi de continuer, dis-je à madame P..., c’est indispensable ; je veux m’enlever même un prétexte de rétroactivité. La suite de vos réponses deviendra la pierre de touche de l’avenir de ma foi. Vous me comprenez, n’est-ce pas?
— u Oh I sans doute !
— « Regardez donc... et dépeignez-moi comment cette personne est ensevelie.
«Après une pause, madame P... ajoute :
— « Elle est habillée... de vêtements blancs. Elle a des fleurs.
— « Quelle est sa position ?
« Tournant spontanément la tète à droite, et se plaçant la main droite sur la poitrine, en arrondissant et fermait les doigts :
— « Comme ça.
— « Et puis ?
— « Elle a des cheveux à la main.
u Effectivement, ces vêtements, ces fleurs, cette position, tout est vrai. Cette personne tient, de la main droite , un bouquet placé sur son cœur, ainsi que des cheveux de sa mère et des miens.
— « La bière est garnie... et pourtant elle brille... en dedans ; c’est comme du métal.
— « Vous avez bien vu ; c’est un cercueil de zinc, soudé clans un autre en chêne. Assez !... assez !
« Et je suspendis l’expérience. »
Le 26 octobre de la même année, à trois heures de l’après-midi, dans une petite chambre du Faubourg-Saint-De-nis, chez M. Alphonse Cahagnet, que je ne connaissais que par ses publications, j’eus une autre séance , par une autre somnambule k laquelle j’étais tout à fait étranger.
— « Qui souhaitez-vous que voie Adèle, me dit le magné-tiste.
— « Madame *•*. »
Adèle, les yeux clos et les paupières agitées de secousses convulsives, parut prononcer quelques mots à voix basse, en m’annonçant qu’elle priait pour être mise en présence de la personne désirée.
Après peu de minutes, nous fûmes prévenus de la réu9-site de la vision.
— « Vois-tu réellement bien cette dame ? — La vois-t» bien? répéta M. Cahagnet.
— « Oh ! très-bien. Elle est très-lumineuse. Je la vois parfaitement.
— « Tu pourras nous la dépeindre ?
— « Oui.
— « Fais-nous son signalement. De quelle couleur sont ses cheveux ? etc. »
Le signalement complet est dépeint. Le caractère, les goûts, les habitudes , les talents sont indiqués avec exactitude.
— « Elle aimait beaucoup les fleurs, reprit Adèle. Je lui vois en ce moment un bouquet de violettes à la main. »
Je me récriai de surprise ; car j’étais allé déposer, la veille, ce bouquet sur sa tombe.
— « Madame me charge de vous rappeler ce qu’elle vous redisait... bien avant d’être malade.
— « Qu’elle mourrait jeune 1
— « Madame ajoute que (comme vous devez vous souvenir qu’elle vous l’assurait de son vivant), bien que le sang vous tourmente parfois, vous ne mourrez pas de cela. Cependant elle vous engage à vous soigner. C’est ce que vous négligez trop. »
Je confesse que toutes ces choses m’avaient été vraiment dites pendant le cours d’une chère existence. La terminaison de la séance fut aussi satisfaisante.
Qu’en pensez-vous? Ai-je accepté trop crédulement ces préludes initiateurs?
Depuis, j’ai continué des expérimentations nombreuses, dans des idées très-diverses, des vues bien opposées, et par une foule d’expédients.
Enfin, j’ai fini par apercevoir moi-même cette lumière latente.
Dr Clever de Maldigny.
(La suite au prochain numéro.)
LE SPIRITUALISME
©AINlâ LA PR188S ©ïJOTOIIfMMI.
La presse quotidienne, après avoir longtemps nié, bafoué le magnétisme, a fini par en parler sérieusement. — En ces derniers temps, de nombreux faits ont été enregistrés et commentés par elle favorablement aux conclusions de la doctrine de Mesmer. Elle a même été plus loin, elle a fini par témoigner en faveur du spiritualisme. Des articles de la Presse, de f Indépendance belge, d q i Estafette, du journal le Nord, etc., reproduits par nous dans quelques-uns des numéros de notre recueil, ont suffisamment montré combien les doctrines nouvelles font de progrès dans les esprits.
Mais de tous les journaux quotidiens de la capitale , celui qui aie plus franchement arboré nos couleurs, c’est, sans contredit, le Courrier de Paris. Dernièrement, il consacrait une suite de feuilletons intéressants à l’histoire des médiums, des voyants, des extatiques les plus célèbres. Chaque jour, dans sa Chronique, il a quelque chose à dire sur le magnétisme, le somnambulisme et les esprits frappeurs'; aujourd’hui, il consacre aux manifestations spiritualistes une suite d’articles où la franchise se mêle aux traits d’une spirituelle causerie. Ces articles , intitulés Mémoires d'une planchette, sont précédés d’une lettre de l’auteur au rédacteur du journal pour le féliciter d’avoir osé s'occuper des médiums. Nous commencerons par reproduire cette lettre, et nous la ferons suivre de la première partie des Mémoires d'une planchette, où l’auteur, M. Mathieu, donne quelques détails curieux , et sur les expériences diverses auxquelles il s’est livré avant d’arriver à de premiers résultats et sur ces premiers résultats même. t- piébart.
A M. te Rédacteur du Courrier de Paris.
Monsieur,
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt les articles que vous avez publiés dernièrement sur les médiums. Si tous les faits qui y sont relatés ne paraissent pas également acceptables, attendu que le narrateur s’est montré prodigue , ils sont tous, du moins, exposés avec une entière bonne foi, et c’est au lecteur à faire ses réserves sur ceux d’entre eux qui ne lui offriraient pas toutes les garanties suffisantes d’authenticité. Mais comment se peut-il, monsieur, que vous ayez accordé l'entrée de votre journal à un pareil travail? Vous n’êtes donc pas de ceux qui tournent le dos et haussent les épaules quand on leur parle des faits extra-naturels (donnons-leur provisoirement cette qualification) qui se sont produits en Amérique et en Europe dans ces dernières années? Vous ne croyez donc pas, comme tant de vos honorables confrères en journalisme, qu’il s'agisse là d’une immense sottise et d’une honteuse mystification? Vous ne craignez donc pas, enfin , pour votre cher Courrier de Paris, les foudres de l’Académie des sciences , et les traits piquants de l’honorable M. Babinet ne vous inspirent donc aucune inquiétude? Eli bien, je vous en félicite sincèrement, et je vous en ai, pour ma part, une obligation des plus grandes. Voilà quatre ans environ que je m’occupe de ces curieuses expériences. Je croyais avoir semé un peu de bon grain dans ce nouveau champ de la science, et je n’ai guère récolté jusqu’à présent que de l’ironie et de mauvais compliments de la part des hommes qui auraient dû le plus encourager mes efforts.
Les savants plus ou moins éminents dont j’ai recherché les suffrages, s’ils ne m’ont pas accusé personnellement de charlatanisme et de jonglerie, m’ont tout au moins regardé comme un homme assez simple pour se laisser abuser, assez niais — tranchons le mot — pour ne pas s’apercevoir que ses collaborateurs se moquaient de lui. Cela ne m’a pas em-
péché, il est vrai, de persévérer; mais cela a jeté quelque amertume dans mon esprit. Il est un peu dur, en effet, quand on tient une vérité dans la main et qu’on la présente avec confiance aux personnes intelligentes qui vous entourent, de voir ces personnes vous rire au nez sans plus de façon que si vous n'étiez qu’un illuminé ou un imbécile...
Cela devait m’être d’autant plus pénible que si je n’ai malheureusement point l’honneur d'être un savant, je ne suis pas, du moins, entièrement étranger aux sciences naturelles. Avant de figurer comme aujourd’hui dans la grande armée pacifique de la bureaucratie , j’ai fait partie pendant plusieurs années du service de santé militaire. J’ai puisé jadis dans l’enseignement de nos maîtres d’assez bonnes leçons, et, bien que je touche à mon demi-siècle, je n’ai pas tout oublié. Je connais encore la valeur d’une démonstration, les conditions d’une bonne expérience ; je sais la différence qui existe entre la piiysique des cours publics et celle du théâtre; et quelque estime que je professe pour l’habileté de nos prestidigitateurs en renom, je ne prendrai pas M. Bosc«pour M. Biot, ni M. Hamilton pour M. Regnault. Ceci soit dit, monsieur, pour établir que je n’appartiens pas exclusivement à cette classe d’hommes, fort estimables sans doute, mais souvent fort ignorants eu matière de science, que les savants appellent un peu dédaigneusement les gens du monde.
Si cette dernière considération — qu’en toute autre circonstance j’aurais vraiment honte de faire valoir — vous inspire un peu de confiance en moi, je vous demande la permission d’ajouter quelques pages au travail dont vous vous êtes constitué le bienveillant éditeur. L’auteur de ce travail avoue qu’il n’a pas vu les tables écrire ; moi, je les ai vues, ou plutôt j’ai vu cent fois les planchettes se livrer à ce merveilleux exercice. Je puis donc vous raconter quelques-uns des résultats que j’ai obtenus. J’ai en portefeuille les Mémoires d’une planchette et je vous en communiquerai bien volontiers quelques extraits. Ces mémoires ne donneront lieu, je l’espère, comme certains mémoires plus ou
moins historiques, à aucune récrimination fâcheuse ; tout au plus exciteront-ils une certaine incrédulité : j'affirme pourtant que tout ce que j’v raconte est de la plus scrupuleuse exactitude, et je signe cette déclaration des deux mains, avec la même sincérité que je me dis, monsieur,
Votre très-humble et très-dévoué serviteur,
P. F. MATHIEU ,
Ancien pharmacien dos armées.
Rue Volie-Méricourl, 61, Paris.
MÉMOIRE D’UNE PLANCHETTB.
Premier article.
L’histoire de Jullie, ou plutôt des visites faites par Jullie, est le morceau capital des Mémoires de ma planchette ; je vais donc commencer par elle et la donner en raccourci, c’est-à-dire en me bornant aux faits qui me paraîtront les plus dignes d’intérêt, car je ne veux pas abuser de la patience du lecteur.
Quelques détails préliminaires me semblent toutefois indispensables.
Qu’est-ce d’abord que ma planchette ?
Ma planchette est un morceau de bois de noyer (elle pourrait être aussi bien en acajou, en chêne ou en sapin), de cinq à six millimètres d’épaisseur, ayant vingt-cinq centimètres de long sur dix-sept de large ; un trou pratiqué au milieu, dans le sens de la longueur, à deux centimètres environ du bord supérieur, donne passage à un crayon qui dépasse de trois à quatre centimètres. Comme le crayon est solidement fixé dans ce trou, la planchette, placée sur une feuille de papier blanc, forme un plan légèrement incliné , espèce de petit pupitre sur lequel deux médiums n’ont qu’à poser chacun une main. Au bout de quelques minutes, la planchette
s'anime et se met en marche, entraînant les mains de gauche à droite. Les mouvements qu’elle exécute sont nécessairement reproduits par le crayon, et le résultat de ces mouvements se trouve être des lettres, des mots, des phrases. Ce n’est pas plus difficile que cela ; mais entendons-nous. Je suppose la planchette impressionnée par des médiums, c’est-à-dire par des personnes ayant — je ne sais ni pourquoi ni comment— l’influence nécessaire; car autrement la planchette pourrait bien rester immobile , ou , s'il lui plaisait de se mouvoir, 11e tracer que des caractères baroques et sans signification aucune. Les médiums, au contraire, obtiennent presque immédiatement des communications lucides, et les choses les plus étranges, les plus diverses, se produisent alors sous leurs mains.
Prenant, pour l’instruction du lecteur, les faits d’un peu plus haut, je dirai que ce n’est point par cette curieuse manœuvre de la planchette que j’ai débuté dans mes expériences. Quand une science est nouvelle, on ne va pas aussi vite en besogne, et mes commencements furent plus humbles. Je fus d’abord invité par des amis (il y a de cela environ quatre ans) à poser avec eux les mains sur un chapeau, sur une corbeille, sur un guéridon, afin de constater le phénomène de rotation dont tout le monde s’entretenait à cette époque. J’étais alors fort incrédule , et je m’étais mis d’avance du côté des railleurs. Mais je ne tardai pas à observer que les objets ainsi impressionnés acquéraient en effet la singulière propriété de s’agiter et de tourner sous les mains des opérateurs. Je crus voir là le résultat d’une action nerveuse plus ou moins volontaire , la mise en jeu d’une sorte d’électricité animale ; mais je ne raillai plus, et j’éprouvai, au contraire, le désir sérieux de chercher jusqu’où cela pourrait conduire. Je considérai que, malgré tant de découvertes modernes, nous étions encore loin de tout connaître. Je songeai à ces beaux vers de notre poète Lemierre :
Croire tout découvert est une erreur profonde, C'est prendre l'horizon pour les bornes du monde.
Je me rappelai les grenouilles de Galvani, qui devaient aboutir un jour à notre merveilleux télégraphe électrique, la marmite de Papin, qui devait nous donner un jour notre navigation à vapeur et nos chemins de fer, et, sans savoir précisément où j’allais, je marchai en avant. Quelques amis dévoués m’accompagnèrent, sans se soucier plus que moi de ces railleries inintelligentes, de ces négations à priori qui se rencontraient sur le chemin , et je leur en sus beaucoup de gré, car je n’aurais rien pu faire sans eux.
Ce ne fut bientôt plus seulement un guéridon qui tourna sous nos mains, ce fut un guéridon qui leva successivement ses trois pieds et qui entra en conversation avec nous, après qu’il eut ôté convenu qu’un des pieds indiquerait, en frappant, la réponse oui ; qu’un autre pied indiquerait la réponse non, et que le troisième indiquerait les lettres en frappant un nombre de coups égal au rang occupé par chacune d’elles dans l'alphabet. Les entretiens les plus étranges se produisirent alors, des entretiens dans lesquels la volonté et la pensée actuelle des opérateurs n’entraient généralement pour rien. C’est ce dernier point que les savants (ceux du moins, et en très-petit nombre, qui ont bien voulu apporter quelque attention à ces phénomènes) ont obstinément contesté. Ils accordaient que les opérateurs agissaient avec bonne foi ; mais ils affirmaient que les réponses obtenues par ce langage de convention étaient dues sans exception à; des mouvements que ces opérateurs produisaient à leur propre insu ; de sorte qu’il n’y avait dans tout cela qu’un reflet pur et simple de pensées. Rien ne put leur persuader^d’aller au-delà. Mais ceRubicon, qu'ils n’osèrent franchir, nous l’eûmes bientôt franchi, mes amis et moi, en présence de tous les faits remarquables qui vinrent se multiplier sous nos yeux. Les choses les plus spontanées, les plus inattendues, les plus bizarres, se présentaient chaque jour dans nos expériences, et c’eût été folie que d’y voir le reflet de notre pensée du moment. Il devenait évident que l’action était en dehors de nous , ou que , si elle était en nous, elle était du moins le fruit d'un travail inconscient et tout à fait inexplicable du
cerveau , qui méritait à lui seul d’appeler toute l’attention des physiologistes. Cependant, je le répète, les savants qui avaient montré une certaine sympathie pour nos premiers essais, lâchèrent pied dès que nous voulûmes les entraîner sur ce nouveau terrain. Il faut dire aussi que beaucoup de maladresses furent commises , qui expliquent et justifient jusqu’à un certain point cet abandon. Dans différents cercles, plusieurs opérateurs se prêtèrent, par un zèle imprudent, à laisser considérer les tabües comme autant de pythonissescon-naissant le présent, le passé et l'avenir, ou comme des êtres doués de science infuse, capables de répondre sur les questions les plus difliciles et les plus ardues, de traiter de tout, en un mot... de omni re scibiti et quibusdam aliix. Ce fut là un grand tort, car l'expérience prouvait que les tables n’étaient en général que de pauvres pythonisses et de pauvres savantes. Ce qu'il s’agissait d’établir, ce n’était pas qu'elles avaientledon de sorcellerie, c’était qu’une force inconnue leur imprimait un mouvement d’intelligence apparente, leur communiquait une sorte de vie éphémère pendant laquelle elles échangeaient avec nous des paroles et des idées de toute espèce, et c’était déjà bien joli. Au lieu de s’en tenir à cette faculté, on permit donc à des incrédules, à des savants, de leur adresser des questions de seconde vue et de science infuse ; et comme ces manifestations de haute lucidité ne se produisent qu’exceptionnellement dans les expériences des tables parlantes, les incrédules et les savants n’obtinrent pour la plupart que de sottes réponses, à la suite desquelles ils se retirèrent en haussant les épaules, et ce fut bien fait. Que les opérateurs dont je parle en fassent leur meâ culpà.
Pour ma part, je m’en lave les mains, car j’ai toujours regardé ces sortes d'épreuves comme déplorables en matière de démonstration, et ce n’est jamais qu’à titre d’essais et d’études particulières que j’ai consenti à m’y livrer.
Quoi qu’il en soit, ce langage des tables par les mouvements de leurs pieds était un procédé long et fatigant. On
eut alors l’idée d’adapter un crayon à une corbeille ou à une simple planchette en bois, comme celle que j’ai décrite tout l’heure, et de communiquer l’animation, par l’imposition des mains, ces instruments graphiques d’un nouveau genre. Deux opérateurs suffirent, et les résultats dépassèrent toutes les espérances. Je n’oublierai jamais la vive impression que nos premiers succès, sous ce nouveau mode, nous firent éprouver. Ce fut un enchantement continuel, surtout quand des pièces de vers, souvent faibles, quelquefois remarquables, se produisirent sous la main môme d’opérateurs tout à fait étrangers à la pratique de la poésie.
Je rentre ici dans mon sujet principal, et j’en reviens à notre Jullie. Aussi bien, c’est elle qui fut notre première visiteuse à la planchette, et en m’occupant d’elle d’abord, je ne fais que lui conserver le rang qu’elle occupe dans les procès-verbaux de mes expériences, ou , si l’on veut, dans les mémoires de ma planchette.
Un jour donc (c’était en mars 1854), la planchette , que l’on commençait à peine à impressionner, traça tout à coup et sans que nous nous y attendissions le moins du monde , les lignes suivantes :
« Pourquoi m’arrêter dans mon vol rapide, méchants que vous êtes? Pourquoi m’enchaîner ici-bas, quand le printemps ramène les fleurs? Du papillon j’envie le bonheur. Comme lui je veux être vive et légère, et comme lui je veux respirer le parfum des fleurs. Oh ! oui, laissez-moi librement voler dans les nues. »
Emerveillés de cette tirade, couramment écrite, nous demandâmes le nom de l’être quelconque qui l’avait tracée, et la planchette écrivit aussitôt le nom de Jutlie. Ce nom, contre l’usage, était écrit avec deux /, et un paraphe elliptique entourait la signature ; orthographe et paraphe se sont identiquement reproduits dans toutes les expériences subséquentes. Ainsi nous étions visités par un esprit qui portait ou qui prenait le nom de Jullie. Puisque j’ai prononcé le mot esprit, qu’il soit bien entendu que je ne me
sers ici lc cette expression que pour la commodité du langage et sans rien préjuger. Plus tard, s’il y a lieu, je pourrai dire ce que j'en pense; aujourd’hui, que ce soit seulement, entre le lecteur et moi, un mot de convention.
Qu’était-ce que cette Jullie, dont nous recevions si inopinément l’aimable visite? A en juger par la naïveté de son langage, ce devait être une jeune fille. Elle ne tarda pas, en effet, à nous apprendre qu’elle était morte à quinze ans et neuf mois ; qu’elle était née à Nantes, et qu’elle y .avait été une des victimes de 93 ; que son corps était resté dans les eaux, où il était aussi bien qu’ailleurs, vu le peu d’importance du corps, et que son âme était avec Dieu ; qu’elle s’occupait à soulager des infortunés par de bonnes pensées. Elle ajouta que son père était propriétaire à Nantes (sans vouloir faire connaître la rue qu’il habitait) ; qu’elle était née sur la paroisse Notre-Dame, et qu’elle avait fait sa première communion le 12 mai 1790, au Bon-Pasteur (1). Voilàdonc, en deux mots, ce qu’était Jullie. Quoi qu’il en fût de la véracité de cette petite histoire, le personnage nous intéressa prodigieusement, et nous eûmes la bonne fortune de conserver ses visites pendant un an. Rien de charmant comme les entretiens que nous eûmes durant tout ce temps
(1) L'auteur ne dit pas s'il a écrit à Nantes pour s’assurer si Jullie avait effectivement existé dans cette ville. C'était un renseignement bon à prendre cependant. A Paris, rue Tiquetonne, 12, dans une réunion spiritualité où des manifestations remarquables sont faites au moyen d’un et même de deux médiums, un fait semblable s’est présonté, et les assistants n’ont pas manqué de recourir à la source pour se renseigner. Voici le fait : Un esprit s’est présenté sous le crayon mèdianimique, a déclaré se nommer Batet, être mort il y a quelques années h Fougères, département d’Ille-et-Vilaine, y avoir exercé l’état de menuisier et y avoir laissé plusieurs enfants. Une lettre fut écrite au maire d«cette villo. afin de savoir si, en effet, un tel personnage avait existé. Le mair«répondit affirmativement et donna des détails en tout conformes à ce que l’esprit avait dit des principaux actes de sa vie terrestre. Nous garantissons l'authenticité de ce fait. Nous avons été témoin de la manifestation , et nous avons eu sous les yeux la réponse du mair«d«Fougères. La chose s'est passée dans le courant du mois de mai dernier.
(Noie de la rédaction.)
Z. PltRAHT.
avec cette mystérieuse Jullie. Je pourrais invoquer le témoignage de plus de cinquante personnes qui m’ont fait, à cette époque, l’honneur de venir chez moi pour assister à nos expériences. Ces personnes, parmi lesquelles des magistrats , des professeurs, des hommes de lettres, diraient comme moi combien ces conversations avaient d’attraits. Il advint un jour qu’une dame, entraînée par un mouvement irrésistible de sympathie, posa naïvement les lèvres sur la planchette, comme si elle eût embrassé Jullie elle-même...
J’ai parlé tout à l’heure de vers obtenus au moyen de la planchette par des personnes qui ne savaient point les faire. C’est dans nos relations avec Jullie que ce curieux phénomène s’est surtout produit. Les deux médiums qui avaient la faculté de faire venir Jullie, — et elle ne venait cju’avec eux,— ces deux médiums, dis-je (des jeunes gens des plus honorables, appartenant à lamême administration que moi), sont d’excellents employés, mais ne sont pas même de mauvais poètes, attendu qu’ils sont inhabiles à rimer. Rien n’égala donc notre surprise lorsqu’il prit un jour à Jullie la fantaisie de nous répondre en vers. C’était au sujet de ses parents. Nous lui demandions ce qu’étaient devenus son père et sa mère, et s’il existait encore de ses parents à Nantes ou ailleurs. Elle répondit :
Pourquoi vouloir d«moi des choses indiscrètes?
Pourquoi vouloir des morts un triste souvenir?
Laissez mon âme en paix dans ses ferveurs secrètes...
Il y avait une dizaine de vers, et cette première production nous mit singulièrement en goût. Nous avions obtenu autrefois des vers au moyen d’un guéridon , mais sous les mains de médiums qui cultivaient la poésie, et cela nous avait beaucoup moins frappés. En obtenir avec des médiums qui ne connaissaient même pas à fond les règles de la proso-dicétait bien autrement saisissant. Aussi, depuis la séance dont je parle, n’y en eut-il pas une dans laquelle on ne demandât des vers, et presque toujours on en obtint. J’ai une petite
fille qui avait alors dix ans. Jullie lui adressa un soir les vers suivants :
Oh 1 comme toi j'étais jeune et folâtre,
Et d'ici-bas j’ignorais les douleurs.
Sur ton front pur et blanc comme l'albâtre Je dépose de blanches Heurs.
Plus tard, enfant, et garde souvenance,
Si tu sortais jamais du droit chemin,
Soit par malheur, soit par ton imprudence,
J«serais là pour te tendre la main.
Une autre fois... mais c’est assez de merveilleux pour aujourd'hui. Si le lecteur s’y intéresse, avec la permission du Courrier de Paris, nous y reviendrons.
P. F. MATHIEU.
Baron dd POTET, propriclairc-gérant.
CONFESSION SPIRITUALITE'”.
Troisième article.
C. J’ai tracé le plus succinctement que je l’ai pu les relations naturelles , psyco-physiologiques, de l’atmosphère avec notre planète, tant dans la collectivité de sa com-plexion que dans celle de ses habitants. J’ai tâché de faire toucher du doigt à tous les magnétistés le réservoir puissan-tiel où leurs actes .vont puiser les principiatiom (les essen-ces-principes (2) ) qu’emploient insciemment ou sciemment les appels du magnétisme (je devrais dire de la vie) , en toutes ses œuvres.
Si je n’ai pas la possibilité d’une démonstration expérimentale pour rendre saisissable à tous les regards l’évidence du rayonnement terrané-photosphérique, appelé soleil spirituel par le sensitivisme de nos lucides, j’espère du moins la placer dans une élucidation relative, par la preuve de l’aspect igné de nos émanations individuelles.
(1) Voir les numéros 12 et 11 de ce journal.
(2) Contrairement à la pensé» des magnétiseurs qui déclarent nedéfer-miner qu’une illusion sur le goût ou l’odorat d’un sujet chez lequel ils opèrent la sensation d'une saveur ou d’une odeur, je crois qu'ils soutirent de la lumière astrale une essence réelle, dont ils usent à leur insu pour le succès de leur frivolité.
« L'âme s'unit intimement à tel objet qui lui plaît; la distance, la « grandeur, etc. ; rien ne peut nuire à telle union ; lorsque l’âme le veut, « elle se fait, et se fait en un instant, «(Bu»fon.)
« La volonté parvient aux choses elles-mêmes , comme un poids qui « s’incline vers elles; voluntas fertur ad res iptas, tanquàmpondus in-« clinant ad illai. a (S. Thomas.)
C’était l'ophiléia (le secours) des Stoïciens, qui, certes, ne supposaient pas que l’on pût produire quelque chose de rien.
Quant à la réalité de cette effluence rayonnante de chaque individualisme, je n’ai pas à l’établir: les témoignages en sont nombreux.
Les auteurs mentionnent des faits de notoriété concernant des personnes et même des familles entières, qui, sans aucune apparence de nature nuisible, possédaient une émanation toxique, à ce point que leur présence pouvait rendre malades et jusqu’à faire périr les plantes et les animaux. Ces gens étaient maîtres de modifier ou d’arrêter volontairement l’intensité de leur influence.
En Ethiopie, la sueur ou le simple contact des Phamuces donnait la peste. « Phnmaces in Æthiopiâ esse, qui pesti-fer«sudore cl luctis corporibus tabem affermit. » (Pline, 1. 6,c. 2.)
Sous l’eflluve de leur regard, les Marses, en Italie, charmaient les serpents, dont ils savaient, avec leur salive, guérir la morsure (1).
Les Psyltcs, peuple de Lybie, les Ophyogènes (2) de l’île de Chypre, les faisaient de même s’engourdir et mourir. D’où ce vers de Lucain :
« Humnnoque cadit serpens aCIlata veneno. » (Phars.,1. 6.)
Le serpent meurt au souffle empoisonné de l'homme (3).
Un autre poète a dit en parlant des maléfices d’un vieillard :
Cernere erat subit«aftlatos languescerc flores. » (Vida, 1. i, Bombyc.)
Il fallait voir les fleurs languir à son approche.
(1) « Héliogabalc fit recueillir des serpents par les prêtres marses, et les « fit jeter dans le cirque à l'instant où le peuple y accourait en foule : « Beaucoup de personnes périrent des morsures d«ces serpents, que les a Marses avaient impunément bravés. » (EosI-.be Salve rte. Des Sciences occultes, elc.)
(2) « Dont Caton, ù celelfel, entretenait un grand nombre, pendant son « vovage on Afrique. » (Deltade, Bio-Psychologie des Mages primitifs, etc., p. 163.)
(3) Pline observe que les Ophj-ogùncs exhalaient, surtout au printemps, une forte odeur vireiise.
Elien et Silicus llalicus soupçonnent que ces individus sc frottaient
Platon, Aristote, Galien , Avicenne, Gassendi, témoignent du pouvoir de cette effluence; Alkindius, Algazel,
le corps de certaines herbes. C’est possible. Mais cela n’inflrme pas une concomitance naturelle, à laquelle ils aidaient par tout ce qui pouvait la corroborer.
« Voici ce qu'attesteraient encore des milliers de témoins oculaires : des « Psylles qui prétendent, ainsi que Bruce (‘) l'a rapporté, tenir de leur « naissance la faculté qui les distingue, vont de maison en maison offrir " leur ministère pour détruire les serpents d«toute espèce, etc.
a A les croire, un instinct merveilleux les entraîne d'abord vers le lieu « où se cachent les serpents. Furieux, hurlant, éeumant, ils s'y jettent, « ils s'y traînent, saisissant les reptiles sans redouter leurs morsures, et « les déchirant avec leurs ongles et avec leurs dents. » (Eusèbe Salvertr.)
Ovide n'a-t-il pas écrit :
« Ore su«volucresque vagai retinere solebat. •
Sa voix paralysait l’oiseau dans sa volée.
Tibulle :
« Cantut et irala delinel anguis iler. »
La conjuration fascine le serpent.
Pétrone :
« Ilircanique tigres, et jussi starc dracones. n
J'ai vu, rien qu’à mon ordre, au fond de l'IIircanie Le tigre et le serpent contraints de s’arrêter (*').
Ce que tout homme bien constitué ferait certainement, affirment C'else et d’autres auteurs, et même vis-à-vis d’un animal enragé.
■ Noslrœ igitur culpœ et imbecillitaiis, quod nos lœdent serpentes ve-« noque hujus generis, quœ solà fide valemus superare. » (D. Marc, c. 4.) C’est notre pusillanimité qui nous rend victimes du venin des serpents.. Ot nous sommes à mém«de la surmonter par le seul pouvoir de In foi. »
L’élan de la confiance est d’une vertu puissante. Sou« son empire, le dévouement du faible impose aux mauvais instincts du fort, la poule, naturellement craintive, fait fuir le chien , dès qu'elle a des petits à défendre.
Tout le monde, sans s'édifier à celt«leçon, répète l'histoire du lion d«Florence, abandonnant sa proie sous le regard foudroyant d’une mt-.e en alarmes.
Sachez vous y prendre, avance Diogène d«Laürce, et vous dompterez les fureurs de la tempête. « Compcscesque truces venlorum rite proccllas. n
|-) Voya/pi aux toureti du Nil, t. is. p. Û02 et suivantes.
Pen.-écs île poètes! dira-t-on. Rives de l'imagination ! Mais la poésie ancienne ^Init nn re fiel fortement philosophique de la science d'alors.
Roger Bacon, Pomponace, Ficinus, Van Helmont, etc., reconnaissent qu’elle peut agir malgré la distance, per merum imperium, nudam appréhension cm scu nutum animée : par puissance virtuelle, appréhension immédiate ou volonté de l’âme.
Leibnitz confirme cette assertion.
u Les Monades (1) sont douées de la force d’agir hors d’elles.
u L» distance n’est qu’un phénomène qui résulte des déve-« loppements successifs de l'être et non d’une étendue réelle « et interposée. On appelle distant ce qui a besoin d’une « longue préparation pour recevoir l’action d’une force. Or, « un être peut sans préparation ultérieure agir immédiate-« ment (nonobstant la distance) sur un être éloigné, et cola « par une disposition de force particulière dont il est re-« vêtu. »
L’authenticité de cette force, si supérieure à ce que l’on nous enseigne officiellement, est reconnue par les magnétistes , bien que les conditions de son exercice ne se répartissent encore que très-différemment parmi les praticiens.
La projection lumineuse du rayonnement des corps est avérée de même : des milliers d’expériences la proclament.
Un illustre physicien de l’Allemagne, M. de Reichembach, appelle Od (2) la lumière secrète qui s’échappe de tout, et que les sensitifs de cet expérimentateur ont unanimement discernée.
u Nous traînons avec nous, dit-il, d’immenses jets d’invisibles rayonnements, qui, comme existences substantielles, sont encore entourés d’une atmosphère lumineuse, qui nous environne et marche avec nous (3).
u Cette lumière odique, émanant de chaque individu, n’est
(1) Le P. Boscovick expliquait aussi la nature par des points simples, doués de forces atlractives et répulsives.
(î) Ce mot, tiré du sanscrit, signifie : Force qui pénètre tout.
(3) « Le premier somnambule de Deleuze lui désignait chaque personne
« qu’il rencontrait, en lui disant voilà un fluide qui passe. » (Cbahdïl, Psychologie physiologique.)
pas toujours semblable ; elle diffère chez chacun, à peu près d«la môme manière que le goût et l’odorat, comme la lumière dans les couleurs, le son dans la gamme; elle est uu peu différente chez la femme et chez l'homme, du jeune au vieux, du sanguin au colérique , chez l’homme sain et le malade; elle diffère encore entre les malades, etc. »
M. de lleichembach divise nos deux sexes en trois catégories, selon que les personnes peuvent ou non percevoir le phénomène qu’il a mis hors de contestation. Il nous classe sur ces trois échelons : les hauts sensitifs, les moyens sensitifs, les non sensitifs.
Il indique ce procédé d’expertise :
« Conduisez un bon sensitif moyen ou un haut sensitif dans l’obscurité ; prenez avec vous un chat, un oiseau , un papillon et plusieurs pots de fleurs. Après plusieurs heures de séjour, vous entendrez votre sujet dire des choses étonnantes : les fleurs sortiront de la nuit et deviendront perceptibles, d'abord sous forme d’un nuage gris isolé ; plus tard, les points s’éclairciront; à la fin, l’ensemble se séparera , les fleurs deviendront distinctes et de plus en plus manifestes.
« Un jour, dans une telle expérience, j’essayais la vision de M. Eudlicher, professeur de botanique renommé, bon sensitif moyen. Il s’écria dans un émerveillement mêlé de frayeur : • C’est une fleur bleue 1 c’est une gloxinie. » J’avais effectivement placé devant ses yeux un pot de gloci-nia speciosa, variété cœrulca, qu’il avait vue et reconnue à la forme, à la couleur, malgré l'obscurité profonde.
« Pour voir si positivement, il faut la présence de la lumière. D’où provenait-elle? De la plante elle-même. Germes, anthères , pistils, corolles , tiges , tout ressortait finement éclairé ; les feuilles mêmes se faisaient remarquer, quoique plus mates. Tout paraissait dans une délicate incandescence ; les parties sexuelles plus distinctement, la tige plus claire que la feuille.
« Le papillon , l’oiseau, le chat, tous appraîtront dans l’obscurité. Parties de ces êtres deviendront lumineuses et
et se mouveront avec vous çà et là. Bientôt le sensitif vous déclarera qu’il vous voit vous-même. Tantôt vous lui semblerez comme un homme de neige informe, tantôt cuirassé, un haut casque en tête, enfin redoutable comme un géant luisant. Faites regarder au sujet sa propre forme, un peu confuse, elle se trouvera luire de même. Ses bras , ses pieds, ses jambes, sa poitrine, tout son corps à travers scs habits sera dans une fine incandescence. Fixez son attention sur ses mains : d’abord elles auront une faible ressemblance avec une fumée grise ; ensuite elles ressembleront à une silhouette sur un fond faiblement éclairé; enfin les doigts paraîtront avec leur propre lumière ; ils auront l'apparence de gagner en volume, et deviendront diaphanes comme lorsqu’on place la main devant une bougie. Cette main s’étendra plus longue qu’en réalité. Chaque doigt émet un prolongement luisant, et de son extrémité s’élance un appendice de lumière, qui, selon les circonstances, gagne de la longueur totale ou de la moitié de la mesure des doigts corporels. Moyennant ces jets flamboyants, la main outrepasse le double de sa grandeur j les dernières phalanges sont les plus claires, ainsi que la racine des ongles, qui rayonne de plus de clarté.
« Questionnez votre sensitif, il vous apprendra que les couleurs des diverses parties du corps sont dissemblables ; que les mains droites luisent d’un feu bleuâtre, pendant que celles de gauche se montrent d’un jaune rouge, et que, par cette raison celles-là sont plus sombres et celles-ci plus claires; qu’il en est sensiblement de même de toute l’étendue de nos deux moitiés symétriques. »
Dans le Wurtemberg, la fameuse malade du docteur Ker-ner, la voyante du village de Prevorst, madame H..., devenue célèbre par ses perceptions des plus extraordinaires ; madame H... fut la preuve extra-merveilleuse des vérités que nous venons de parcourir, et de bien d’autres encore qui dépasseraient les limites de cet entretien.
Fiancée à dix-neuf ans, le jour de la mort d’un prédicateur qu’elle vénérait, elle accompagna la dépouille de ce
pasteur jusqu’au lieu de son enterrement, et, les pieds sur cette tombe, elle ressentit subitement un agrandissement d’intelligence.
Elle éprouvait tout à coup des frissons, au milieu des champs, au moment où souvent elle était le plus gaie ; ces frissons revenaient constamment dans les cimetières et les églises, et dépendaient de la présence souterraine de quelque cadavre (1).
Elle voyait sur elle une masse de feu, distribuée en lignes innombrables et ténues, courant dans la direction de se» nerfs.
Elle disait souvent qu’elle ne vivait.que d’air et des émanations des personnes qui l’entouraient, et de ses parents plus précisément, à cause de la plus grande affinité de leur constitution avec la sienne. Ceux-ci sentaient, en effet, leurs forces diminuer auprès d’elle. Quand, par hasard, c’était un être plus qu’elle faible qui l’approchait, elle s’affaiblissait elle-même.
Ses yeux projetaient un éclat singulier. Elle sentait aux végétaux, aux métaux, aux corps bruts, une âme comme aux animaux. La parole écrite lui projetait des esprits qui l’agitaient.
Les yeux des hommes lui lançaient des rayons blancs ; ceux des femmes, des rayons bleuâtres. Pendant les orages on tirait de son corps des étincelles.
Les tons bémols lui faisaient plaisir et l’endormaient. Des sons d’harmonica sur un verre d’eau qu’elle allait boire le lui rendaient délicieux.
Malgré l’absence d’un bras ou d’une jambe amputés, le rayonnement lumineux de ces membres en persistait pour elle.
Sa propre image lui devenait visible, en dehors de sa personne, et projetée au sein de l'atmosphère.
Elle allait, sans se déplacer, frapper chez qui bon lui
(t) Des chevaux ont prouvé de pareilles sensations, en refusant de rester dans une écurie sous laquelle on a trouvé des corps morts.
semblait, et déclarait que ce n’était pas avec son âme, mais avec son esprit et par le moyen de l’air qu’elle frappait ainsi.
Ne voilà-t-il pas bien des réseaux de correspondance occulte? Et pourtant tous lumineux.
Ces irradiations phosphorescentes , ces traînées d’incandescence sillonnant comme des serpents de flamme, un avocat de ma connaissance, Al. Bellée, a pu les distinguer très-bien à leur évasion des mains de M. du Potet, pendant une leçon de magnétisme.
Pour les inesmériens, ces rayonnements sont généralement une monnaie de bon aloi. J’en ai publié plusieurs démonstrations (1) convaincantes. J’en inscris ici deux nouvelles observations.
Première observation. Le 10 décembre dernier, je venais d’arriver après toute l’assemblée à la conférence hebdomadaire de M. du Potot. Madame Prosp..., somnambule d’uneimpressionnabilité très-sensitive, était assise au premier rang de l’auditoire. Elle me tournait le dos. Elle ne me connaissait, ni ne m’avait aperçu : j’avais pris place au troisième rang, tout à fait derrière. Tout à coup elle tombe en convulsions, en poussant des gémissements. On l’emmène dans une pièce voisine : je m’v rends, afin d’aider de mes conseils, si l’accident persiste. On endort madame Prosp... pour la calmer. Dès qu’elle est en sommeil, elle m’interpelle vivement : C'est votre cœur qui me fait mal, monsieur !... Il est là... dans ma poitrine. Il m’oppresse, il m’étouffe !»
Je souffrais effectivement d'une névrose du cœur. Madame Prosp... en absorbait si fort les effluves, qu’il fallut J’en dégager très-énergiquement.
Deuxième observation. Madame A..., souvent en proie à de la céphalalgie, était dans l’intensité de l’un de ses accès. Le mari de cette dame, très-bon mesmériste, avait en ce moment un sujet sous la main. Il le plonge en crise magnétique et l’invite à le renseigner sur la santé de sa femme.
(1) Journal du Magniliime, mois de février, mars, avril 1856.
Le sujet s approche de madame A..., mais en laissant entre elle et lui 1 intervalle de plus d’un pied. Là , ne saisissant que l’image rayonnante, il se met à tâter la tête... dam l’air, en désignant les endroits endoloris, qu’il touche successivement ; puis il ordonne le remède convenable.
Ces deux observations, très-curieuses, n’aident-elles point beaucoup à lever l’incertitude?
Une des plus charmantes expériences que j'aie vues et qui décèle combien la magie de ce rayonnement peut à volonté transporter d’influence intelligente, c’est une séance des oiseaux (1) médiums de mademoiselle Emilie Vander-mêersch.
Un casier ouvert contenait une quantité de petits carrés de carton mince, portant chacun le caractère imprimé d’une lettre de l’alphabet, ou bien d’un de ces chiffres : 0, i, 2 , 3, à, 5, 6, 7, 8, 0.
Vous disiez à la maîtresse de ces oiseaux le mot ou le nombre que vous désiriez faire écrire. Sur-le-champ, l’un ou l’autre de ces jolis oracles s’échappait de la volière , et, sans hésiter ni se tromper, et sans qu’on le touchât, il allait , de son bec inspiré, tirer du casier chaque lettre ou chaque chiffre nécessaire, jusqu’à la terminaison exacte du mot ou du nombre demandé, quelque composé qu’il fût (2).
(1) Leur affectivité se laisse impressionner puissamment : Il ne faut, pour cela, qu«de la patience et de la bonlé. Leur éducation devient alors quelque chose de prodigieux.
« El volucrum linguas, et prwpetis omnia pennœ. » (Æneid, 3.)
Tu diriges le chant et le vol des oiseaux.
Les chiens, les chevaux et d’autres animaux sont pluséducables encore que l'on ne le présume communément.
(2) Celte physique amusante s'est répétée dernièrement sous le secret d'un artiste. Ou lit dans l'un des feuilletons de Paul d’Ivoy :
a M. Treffeu, l'auteur de Croqusfer, nous fit une surprise avec ses oiseaux savants, qui rendraient des points à MU. Hume et de Caston. Figurez-vous des pinsons et des bouvreuils tirant les cartes, devinant des charades, enseignant l'histoire, débitant des madrigaux, maniant l'alpha-
Et ce rayonnement occulte, si miraculeux , si terrifiant quelquefois pour les gens qui ne peuvent s’en rendre compte, il agit malgré les répulsions, soit inconscientes, soit calculées, s’il les domine naturellement, ou s’il parvient à les réduire sous le joug d’une résolution ferme.
Le à juillet 1856, madame du P..., sa belle-sœur et moi, nous allâmes chez madame 0..., réputée pour de beaux faits de lucidité. Madame 0... fut endormie : ces dames lièrent conversation avec elle. Quand ce fut mon tour, je priai la voyante de vouloir bien nous instruire de ce qu’elle pouvait savoir sur ces forces que nos meubles révèlent partout.
— Les esprits?
— Soit! si c’est le nom qu’il vous plaît de leur donner.
— Je ne crois pas aux esprits. Mon mari, qui n’y croit pas non plus, s’est aventuré vainement à la découverte de ce peuple invisible; il s’obstine à demeurer un mythe pour nous.
— Est-ce que vous en auriez peur ?
— Pas du tout.
— Voulez-vous que ces dames vous prêtent leur assistât comme des protes d’imprimerie, etc. C'esl incroyable, inimaginable.
« On demandait à l'un d'eux (en présence de Duprez) quel est le premier chanteur du siècle. L'oiseau s’élance sur l'alphabet et tire du bout de son bec, les lettres: D, U, P, R, E... Ici les applaudissements l’interrompent et il rentre dans sa cage. Cinq minutes après, on réclame le mot d’une charade. L'oiseau repart, et avant de donner le mot, il présente, devinez quoi î le Z qu’on ne lui avait pas laissé le temps de montrer tout à l'heure. »
Un hommage analogue s'est renouvelé récemment pour M. de Lamartine.
Le rayonnement naturel Ct une merveille de ce genre, lors de notre première époque impériale.
Un homme, admis devant l’empereur et l’impératrice, ouvrit un «ac renfermant des abeilles. Aussitôt, à la suite de la main de cet hnmme qui décrivait en l'air le nom de Joséphine, elles en destinèrent admirablement les lettres, qui papillonnaient loutes vivantes par la trace an.mée des insectes. Le fit du prestige, c'est que l'homme cachait en sa main la rein» abeille, que suivait instinctivement l'essaim dans ses évolutions, après lesquelles il rentrait au logis par le même mystère.
lance? Vous serez peut-être plus heureuse dans une plus forte tentative.
— Je ne demande pas mieux.
Madame du P..., sa belle-sœur, madame 0..., puis moi, nous plaçons nos mains sur une table voisine, en invitant quelque puissance mystérieuse à se manifester. La table s agite et fait entendre des bruits de plus en plus sonores.
Je vous en prie !... s’écrie madame 0..., toute changée dans son aspect et dans le ton de ses paroles , appelez mon mari !... vite!... et donnez-moi papier et crayon.
On se conforme à ses désirs.
M. 0... se présente. Il nous interroge sur ce qui s’est passé. Je le lui raconte.
— Des esprits!... s’exclame-t-il en riant. Voilà quinze mois que nous essayons de briser leur porte, et toujours elle reste solidement close. Si bien que moi qui ne croyais pas avant mes essais, je crois moins encore depuis leur campagne perdue.
— Ne parle pas ainsi ! dit doucement madame 0...
Son mari, d’après mon invitation, pose ses mains avec les nôtres sur la table.
La somnambule éprouve de3 tremblements saccadés ; sa figure s’impressionne profondément.
— Est-ce que vous voyez quelque chose ?
— Non ! mais je vais les voir... je les sens !
A l’instant, la lucide a la bouche contractée , les dents violemment serrées ; elle pose un doigt sur ses lèvres qu’elle ne peut plus écarter, et, pur sa mimique, elle nous annonce qu’elle est devenue muette. Elle s’empare du crayon et du papier.
M. O... regarde sa femme avec un air étonné.
Je demande si d’habitude elle écrit, lorsqu’elle est dans l’état magnétique.
— Jamais.
Soudain , à deux pas de nous, dans un coin et de l’inté-
rieur de l’appartement, on frappe (1) de petits coups, d’un rhytlnne doux et discret, niais d’une sonorité parfaite.
_ Madame 0... s’incline, en avançant la tête vers l’endroit d où sort cette cadence improvisée. On écoute silencieusement, car nul ne doute alors de la signification du phénomène.
Le frappement s’interrompt, et madame 0... trace rapidement ces mots sur le papier : « C’est mon père! Il est heureux. Il est avec ma mère... dans la planète de Jupiter (2). »
SI. et madame 0... sont très-émus, leur visage est inondé de larmes.
Le colloque se continue par alternatives de coups frappés et de phrases écrites par la somnambule, qui nous interprète successivement le langage de ces bruits, très-éloquents dans leurs modulations, précipitées ou ralenties, plus retentissantes ou plus douces , suivant le sujet que traite l’orateur invisible.
Au bout de trois quarts d’heure environ, après m’avoir fait transmettre quelques paroles encourageantes, il nous dit qu’il se retire, et la muette recouvre la voix.
M. 0... fut malade pendant trois jours des suites de son saisissement.
Le 17 juillet, dans une seconde réunion, les choses prirent une marche différente.
A peine les mains furent-elles sur la table , que la somnambule , endormie préalablement, retomba dans le mutisme; mais, cette fois, sa figure devint jubilante; de petits rires entrecoupés s’échappaient du fond de son gosier ; ses doigts ne pouvaient diriger son crayon, qui gambadait par-ci, par-là, jusque hors du papier. Madame O..., quand il était possible qu’elle formât des lettres, écrivait des phrases dans
(1) Plusieurs fois, chez Mm«du P..., de ces coups mystérieux sont venus inopinément su mêler au discours d’un interlocuteur.
(S) Bien entendu que je rapporte littéralement cette manifestation, sans autre râle que celui de chroniqueur.
le goût de celle-ci : « Je te paierai, pour la Noël, une soirée « charmante ; tu boiras, tu mangeras, tu danseras, tu chan-« teras et tu riras. » Suivait la signature : Un Follet. » Ses compliments ne brillaient pas de la line lleur de politesse. Il me répliqua des impertinences, quand je voulus faire finir ses exercices de clown.
Madame O... riait aux folies qu’elle voyait, qu’elle entendait, et qu’il ne lui laissait pas la liberté de nous transcrire.
Nous nous réunîmes tous d’un expressif vouloir, et le visiteur s’apaisa. Mais il revenait à chaque minute.
Dans une intermittence, le mouvement d’une impulsion grave écrivit ces lignes :
« Tu es sous la puissance d’un mauvais esprit. Voilà, ma « chère fille, tout ce que ton père te dira aujourd’hui.
« Signé : Lardière. »
Nous levâmes la séance. M. O... me dit que, pour lui, c’était une expérience négative.
— Comment ! lui répondis-je, ne s’est-il pas produit plusieurs choses capables de provoquer vos réflexions ? Ne se-raient-ce que ces propos peu flatteurs qui m’ont été décochés. Estimez-vous qu’ils provenaient de quelqu’un d’entre nous ?
— Oh ! certainement non!
— Ils partaient donc d’un acteur étranger?
— Vous avez raison (1).
Ainsi, dans deux essais, au domicile et sous les yeux d’un anti-spiritualiste formel, nous avons eu spontanément ce que, dans le répulsif inconscient de sa pensée opposée, il avait en vain poursuivi pendant quinze mois. Si notre pôle d’attraction n’eût été plus actif que le pôle adverse, nous eussions échoué (2).
(1) M. 0... fait partie du bureau d«la Société du Afeimêriime. On a, par conséquent, grande latitude pour contrôler la fidélité de cette relation.
(ï) Toute action est la résultante du plus ou moins de déploiement de l’une de ces deux forces. Tel est le théorème puissantiel de la foi. Cette proposition anticipe sur mes conclusions; mais, dans une causerie familière, on me le pardonnera.
(le fut le sort de Jésus à Nazareth. Les dérisions de ses compatriotes paralysèrent sa puissance. Il en naquit ce proverbe : « Nul n’est prophète en son pays. »
L’antiquité savait toute la fâcheuse influence de ces dissolvantes promiscuités.
« L’homme qui veut consulter un oracle doit s’imposer de l'indifférence touchant le pour et le contre. » (Epictète, Enchiridion. »)
Démontrons actuellement que le rayonnement individuel est une transfusion de la nature et de l’entité vitale du corps émissif.
Le moyen péremptoire de cette démonstration, c’est de suractiver outre mesure l’expansion de l’effluve constitutif humain, de l’attirer puissamment sur un objet mobile quelconque, d’en saturer cet objet, où l’existence de l’individu que l’on jette ainsi dans une prostration physique momentanée (1) s?ra greffée en quelque sorte, et vous donnera le spectacle factice d’un Sosie.
Je vais vous en communiquer deux exemples dignes d’attention.
1° Le 26 octobre 1855, à neuf heures et demie du soir, mademoiselle Octavie, le comte de Vauréal, son fils Charles (2} et moi, nous apposâmes les mains sur un guéridon, en appelant à haute voix l’esprit de M"' P... (3), qui s’était placée à peu de distance de nous, dans une situation à demi couchée.
Au bout de quelques secondes, le guéridon s’agita. Ma-
(1) Je me suis acquis celle voie d’expérience, 'en servant d’abord moi-mime de.-uji-t.
(2) Elève en médecine.
(S) Os essais, qui, pour délivrer l’esprit, autant que possible, de ses idées personnelles, exigent une tension exaltée et soutenue de l’énergie dominatrice, peuvent êlre dangereux, s'ils ne sont conduits par un expérimentateur éclairé, nu» moins que prudent.
Il faut savoir, «n outre, convenablement réhabiliter le sujet après l’épreuve.
dame P... s’assoupit graduellement, puis elle perdit connaissance et s’endormit très-profondément.
Alors, comme cette dame, avant l’expérimentation, avait manifesté de l’inquiétude sur un de ses fds qu’elle savait malade dans le midi, nos tentatives eurent pour principal but de sonder la possibilité d’un voyage en ce pays, et de nous en télégraphier les renseignements désirables. Le guéridon s’agitait toujours et d’une manière tourmentée.
— Madame P..., demandai-je, qu’avez-vous V
— Je suis mal il l’aise : emparez-vous de moi davantage.
Nous appelâmes plus résolument, et sous la ténacité de
plus de concentration.
— Etes-vous bien maintenant ?
— Oui.
La tabie s’agite cependant encore, en se penchant obstinément sur le comte de Vauréal.
— Qu’est-ce donc? Pourquoi cette impatience?
— Je ne veux pas que le comte se fatigue (M. de Vauréal a soixante-quinze ans).
— Vous désirez qu’il se retire de la table?
— Oui.
Le comte se retire et le guéridon se calme ; puis il indique, d’après nos usages convenus, qu’il veut parler.
— Eh bien 1 qu'est-ce encore?
— La lettre que je souhaite !
— Ah! tant mieux. Allez voir Arthur.
— Je vais près de lui. (Le guéridon se repose quelques instants , ensuite il reprend : ) L'état est sérieux , mais il n’amènera point de danger. Le côté gauche est pris; l’enfant est amaigri ; mes soins lui seraient bons, je le vois ; ils éviteraient de rester au lit dix-sept ou dix-neuf jours. Je suis sans puissance, moi, sa mère!... Croyez-le, l'impuissance maternelle est la plus cruelle des souffrances, etc.
— La situation n'inspire point de crainte , c’est l’essentiel. Il faut borner là votre excursion.
— Je le quitte bien à regret !... Et, si près de lui, je ne puis le lui dire !
— Revenez.
— Je souffre un peu, continue la table, après une pause. Veuillez me rappeler parmi vous !...
Je m’approchai de madame P... : elle était pâle et froide. Je la réveillai.
Le lendemain, une lettre du jeune homme apporta de bonnes nouvelles.
2» L’un de nos magnétistes les plus distingués, le docteur du Planty, ne croyait point aux phénomènes du spiritualisme, et recherchait une occasion de s’en convaincre. Sur sa demande , RI. d’Ourches lui donne rendez-vous. Le 22 mai 1856, nous nous réunissons cinq personnes rue de la Chaussée-d’Antin, 38.
Après plusieurs singularités qui convertirent mon collègue (1), je lui dis : Je veux vous démontrer que votre propre fluide animique est susceptible de venir, à notre appel, causer avec nous par les mouvements de cette table. Placez-vous dans un fauteuil à l’extrémité du salon, et vous en jugerez.
Nous étions fatigués (nous touchions à la fin d’une séance qui dura près de sept heures) ; j’étais le seul des coopéra-teurs dont la fermeté résistât (l’un d’eux fut atteint de défaillance, et j’étais obligé de stimuler à chaque instant l’action de ses voisins) ; cependant j’appelai d’une telle volonté que du Planty tomba dans une profonde somnolence, et que la table, assez volumineuse (une table à manger pour
(1) La table, qui s'était remuée, agilée toute seule, avait f,iit entendre des chocs très-sonores à différentes places désignées d’avance, au choix des assistants. One manifestation, déclarant se nommer Dominique, avait annoncé qu’elle connaissait le docteur, pour l'avoir vu, dans l’été de 18i7, à l'Ile Maurice. En rappelant ses souvenirs, il nous avait certifié qu'il s'y trouvait effectivement eu ce temps-lè.
Pour combler sa persuasion, j'avais prié le néophyte de composer mentalement un air de chanson , et de bien observer ce qui s'ensuivrait. Il l’avait fait, et les coups de la table s'étaient mis h jouer immédiatement l’air ignoré de nous lous. Un autre , de facture plus difficile, avait été composé de mémo, et l'esprit frappeur l’avait répété sans le moindre Anou-ncment.
quatre personnes), se dressa presque droite sur deux pieds. Puis, ayant repris sa position, elle narra, par des mouvements très-paisibles, diverses choses inconnues de nous, et concernant le donneur.
Lorsque je le réveillai, notre ami, de qui la figure avait manifestement pâli, ressentit de légers frissons et recouvra l’usage de ses sens.
11 nous affirma n’avoir nulle conscience de la torpeur où nous 1 avions réduit, ni de rien de ce qui venait de s’y passer.
Que conclure de ces faits ? Ne semblent-ils pas empreints des qualités d’une preuve rationnelle?
Nous y trouvons :
1° Perte individuelle des phénomènes de la vie de relation, par expansion forcée du fluide vital ;
2° Transport, ingestion de cc fluide et de ses phénomènes sur un mobile inerte ;
S1 Apparente identité de l’intelligence de ces phénomènes avec l’esprit de la personne soumise l’expérience;
h° Caractère lumineux de ce rayonnement (établi par une démonstration précédente).
Répandez tout cela sans cesse, et de chaque molécule de la masse et des habitants du globe, aux couches de son atmosphère , et vous avez le soleil spirituel ou la lumière astrale qui contient toutes les spiritualisations de notre planète. Et, par un appel attractif, vous pouvez en soutirer des éditions spéciales aussi multipliées qu’il vous plaira; puisque, par un vivant et continuel effluve d’ensemble, il s’y meut, il y fonctionne des milliards de sources d’émissions continues.
Ne vous récriez donc pas et ne vous étonnez plus dorénavant des prodiges et des miracles de tous les temps et de tous les pays. Vous avez la clef de Salomon, les clavicules de toutes les sectes et de toutes les thaumaturgies. Vous saurez tous, quand vous serez suffisamment forts et convenablement préparés, atteindre aux merveilles les plus incroyables, et les plus capables d’affermir en vos efforts une confiance
indélébile en la justice de D'eu , comme une consolation infinie au milieu des épreuves les plus pénibles, Rappelez-le-vous :
a A chacun selon ses œuvres ! «
Car, vous ne pensez, vous ne dites, vous ne faites la moindre chose qui ne sème un germe fécond, dtms les essences de sa nature. Et comme, en définitive, il est dans la loi divine que toute projection soitsuivie d’une rénitence; attendu qu’il n’est pas de vide, et que tout réagit sur la tangente et dans sa direction, vous n’avez pas le droit de vous plaindre quand vous êtes frappé du coup que vous avez porté. Le principe est mathématique.
A présent, que vous avez un indice de la richesse magique de notre immense photosphère ambiante, vous comprenez que l’on en puisse abstraire, à ses risques et périls, toutes sortes de forces.
Chez le comte d’Ourches, dans une grande réunion, nous avons pu voir, un malin, une table sur laquelle nous allions déjeûner au nombre de plus de douze convives, s’enlever d’un seul mouvement, sans aucun contact des spectateurs. J’ai vu la même table, débarrassée de ses ralonges, faire ainsi vingt-une ascensions de suite ; puis , après la vingt-unième, planer en l’air pendant quelques secondes.
Au musée des antiquités du Louvre, j’ai vu, par l’influence occulte de M. de G..., un papier blanc, plié quatre fois et placé sous une colonne tumulaire, en être extrait avec la signature d’un nom latin, écrit dans l’intérieur des feuilles, et que nous lûmes ensuite au bas d’un portrait de femme, sculpté sur le socle de ce mausolée.
Admirez jusqu’où peut s’étendre l’art magnétique.
Cependant, cet art, poussé si loin par ses adeptes, constitue-t-il pour eux une science? Ici je me tais. La divergence des théories, le contraste et l’inanité des opinions se chargent de répondre.
Et, n’en doutez pas, j’applique avant tout à mes appréciations l’impartialité de ce jugement. Arrivé tard sur
— 383 —
une plage nouvelle pour notre siècle, je cherche à m’orienter : au plus profond que porte mon intelligence, je tâche de découvrir le chemin légitime, et, de mon for intérieur, je réfléchis parmi vous.
Mais la nature, ce maître infatigable, nous illuminera l’enseignement divin.
Dr Clever de Maldigny.
(La fin au prochain numéro.)
ERRATA : Dans la précédente livraison, page ô43, au lieu d«: mai» le prince de l'aclivilé, lisez : le principe de.... A la page 345, à l'avant-der-nii-r paragraphe de la note t, au lieu île : parait exister pour tous moralement... lisez : pour tout... A la pag«346, au 5e paragraphe, au lieu de : nos paroles sont des élimentisalions, lisez : nos paroles et nos actes sont ies...
LETTRES D’UN VOYAGEUR
SUR
LE SPIRITUALISME AMÉRICAIN.
Il y a un an nous annoncions à nos lecteurs qu'un de nos collègues, homme de mérite et de sens ( Voir p. 37(5 du précédent tome), venait de partir pour l’Amérique afin d'examiner spécialement les phénomènes du spiritualisme. Après un long voyage fructueusement employé, notre collègue est enfin de retour en France et doit nous remettre une série de lettres dans lesquelles seront consignés les faits nombreux dont il a été témoin. Ces lettres nous en commençons aujourd’hui la publication. Toutefois, en les publiant, nous éprouvons un regret qui sera partagé, nous le craignons, par nos lecteurs ; c’est que notre correspondant ait cru ne pas devoir donner son nom au public. Nous devons reconnaître toutefois que les motifs de cette détermination, que nous avons combattus, nous ont paru légitimes et respectables au point de ne pas nous permettre d’insister. Pour nous dédommager de cette réserve regrettable, et aussi coinm«expression spontanée de notre pensée, nous ajouterons deux nnts : N>tre voyageur américain nous est personnellement connu depuis plus de dix ans comme un homme sérieux et parfaitement estimable. Il compte, dans le monde littéraire et dans le monde politique, des amis nombreux et des mieux placés qui, nous le savons, n’hésiteraient pas h se porter garants de sa bonne foi. Du reste l'auteur anonyme de cette lettre
n’est pas tout à fait étranger aux lecteurs de notre journal, dans lequel a paru de lui un discours remarquable prononcé à un de nos banquets du 12 mai, et un intéressant exposé du magnétisme extrait d’un recueil philosophique dans lequel cet écrit fut primitivement publié. Nous terminons en faisant
remarquer que \I. le docteur X..... réunit, en sa qualité
de médecin, des conditions de science et de scepticisme, complément heureux de la confiance qui nous est inspirée par son caractère.
PREMIÈRE LETTRE.
A Monsieur le baron du Polel, directeur du Journal du Magnétisme.
Mon cher maître, il y a un an , je venais, à la veille de partir pour les Etats-Unis, vous faire mes adieux, et, en vous serrant la main, je prenais l’engagement de vous faire part des observations que je me promettais de recueillir sur les phénomènes du spiritualisme dans ce pays qui en est le grand foyer. Ecloses au soleil du Nouveau-Monde, et semblant jusqu’à ce jour ne pouvoir acquérir que là leur entier développement, ces productions exotiques si merveilleuses exigeaient qu’on vînt les étudier sous leur ciel natal ; vous mettiez donc quelque prix à ce qu’un de vos élèves, en possession de votre confiance depuis longues années , acceptât cette tâche et vous instruisît du résultat de ses recherches pour votre édification et celle de vos nombreux lecteurs. Mon entreprise a rencontré certaines difficultés imprévues , et c’est là mon excuse pour avoir différé jusqu’à ce jour l’accomplissement d’une promesse qui n’est pas sortie un instant de ma mémoire, et dont je suis heureux de pouvoir enfin m’acquitter.
Jusqu’aux derniers temps de mon séjour en Amérique , le soin de mes affaires personnelles ne m’avait pas permis d’observer directement, dans la grande variété des prodiges répandus autour de moi, ceux qui donnent à cette classe de faits mystérieux son caractère le plus positif et le plus tran-
ché, mais qui aussi sont les plus rares ; ceux qui ont le plus d’importance pour les mesméristes, parce qu'ils sortent entièrement du cercle d’action de l’agent avec lequel ils sont familiers, et qui fournissent les arguments les plus graves à la doctrine spiritualiste, puisque, à l’égard des effets particuliers auxquels je fais ici allusion, toutes les théories rivales sont réduites à nier ou à se taire. Je veux parler, vous le devinez, de ce que l’on est convenu d’appe'er les manifestations physiques. Débarrassé des occupations qui avaient pris jusque-là tout mon temps, j’allais me livrer à l’étude de cet intéressant sujet avec toute l’attention et tout le loisir nécessaires, quand des nouvelles inattendues vinrent me rappeler précipitamment en France. Rassurez-vous cependant, mon cher maître, je tenais pour sacrée la dette que j’avais contractée envers vous et nos amis, et d’ailleurs, je ne pouvais me résoudre à faire le sacrifice d’une chance unique de m’éclairer sur la question sombre qui fut toujours le grand cauchemar de la philosophie... et le mien : je voulus peser de ma propre main les prétentions de l’école nouvelle qui, chaque jour plus imposante par le nombre et la qualité de ses prosélytes, se flatte fièrement de transformer l’incrédulité la plus invétérée du sceptique et la foi languissante des croyants aveugles en une lumineuse et inaltérable certitude, par des preuves d’une évidence tangible, par une démonstration expérimentale et sensible de l’immortalité de l’âme. Je pris donc immédiatement le chemin de fer, et, dans une course de près de quinze jours, à travers le Nord, l’Ouest et l’Est (je ne fais pas mention du Sud, parce que l’atmosphère de l’esclavage y a étouffé, jusqu’à présent, les germes du spiritualisme) ; j’allai frapper à cent portes diverses pour y demander la lumière dont j’étais avide.; je conversai avec les principaux adeptes de la croyance, et j’eus la vive satisfaction de pouvoir observer par mes sens et soumettre à une investigation rigoureuse les phénomènes de l’ordre le plus inouï, et je puis dire le plus fabuleux, et cela dans des conditions diverses, en différents endroits, chez des personnes d’une honorabilité incontestée, la plupart
étrangères les unes aux autres , et vivant séparées par des centaines de lieues de distance.
Il nie reste maintenant à raconter, en témoin fidèle qui promet sur son lionneuret sa conscience de dire la vérité, toute la vérité, et rien que la vérité. Mais la vérité ici est tellement peu vraisemblable qu'elle semble fort être de celles qui « ne sontpasbonnesàdire. »Rien n’estplus vrai qu’il gèlequelque-fois à Amsterdam ; néanmoins, un certain ambassadeur hollandais s’étant avisé de conter au roi de Siain comme quoi, dans son pays, les rivières se durcissaient en hiver au point que des éléphants auraient pu marcher dessus, eut la mortification de se faire donner un démenti par cette ignorance couronnée. Il eût dû se taire. Ne devrais-je pas me taire aussi ? Non, car je m’adresse à mieux que le roi de Siam ; non , car si mes paroles peuvent exciter chez quelques-uns des doutes désobligeants, en revanche, j’espère qu’elles ouvriront les yeux du plus grand nombre sur l’importance de faits au fond desquels, j’en ai acquis naguère la conviction irrévocable, gît la solution du problème capital dans lequel se résument toutes les questions de science physique, morale, religieuse et sociale, auxquels, en un mot, se rattachent tous les intérêts humains. Et d'ailleurs, mon cher maître, comment les mesméristes, pour qui j'écris ces ligues sur votre invitation, pourraient-ils nier la sincérité de mon récit sans se réduire à emprunter à leurs détracteurs les belles raisons dont ces derniers s’autorisent pour jeter l’outrage à la face de tant d’honnêtes gens ? Du reste, mes assertions les plus incroyables porteront la garantie d'une foule de noms consacrés par le sulf/age unanime d'une grande nation, et dont certains même sont tenus en haute estime par les hommes éminents de tous les pays.
Nous avons à nous entretenir du spirituamsmb ; mais nous devons d’abord nous demander ce que c'est que le spiritualisme, car ce mot a, dans le cas qui nous occupe, une acception spéciale et locale qu’il n’a revêtue que depuis peu d’années, et qui n’est guère admise encore qu’en Amérique. Dirons-nous que c'cst une religion, une secte, un parti, une
doctrine , un art ? C’est tout cela à la lois, mais comme l’ensemble de ces diverses choses n’a pas encore de nom en français, nous nous servirons d’un mot que les Anglais ont heureusement imaginé pour faciliter certaines définitions embarrassantes. Disons donc que le spiritualisme est un isme (!) exposant, 1° un ensemble de phénomènes d’un ordre nouveau, et dont les sciences constituées sont impuissantes à rendre compte ; 2° une théorie tendant à donner une explication rationnelle de ces phénomènes ; 3° une doctrine de philosophie intégrale déduite en partie de la considération raisonnée de ces mêmes phénomènes, et fournie en partie par des enseignements attribués à des intelligences occultes, transmis d’une façon particulière, et formulés par l'organe de ces phénomènes eux-inèmes.
Décrire les faits qui constituent la base et le point de départ du spiritualisme, et présenter les témoignages qui en établissent la réalité ; exposer la théorie spiritualiste de ces Jaits, les objections et accusations qu’elle rencontre, et la réfutation qui leur est opposée; faire connaître les doctrines ontologiques, théologiques, cosmogoniques, religieuses et morales du spiritualisme et leur influence sur les esprits; le mode et les progrès de son prosélytisme, et l’opposition qu’il a à combattre ; tel est le sommaire de l’analyse que j’espère placer bientôt sous vos yeux , dans une prochaine communication.
En attendant, j’ai l’honneur de vous présenter, mon cher maître, l’assurance de mon affectueux respect.
X..., D. M.
(1) Isme, mol plaisamment formé de la terminaison des mots christianisme, muruionisine, catholicisme, etc.
VARIÉTÉS.
HUME EN AMÉRIQUE.
Le Spiritual Tetegraph du 16 mai dernier donne de curieux détails sur le séjour en Amérique de Hume, le fameux médium qui, précédemment à Paris, avait si vivement excité l’attention publique. Il désavoue comme controuvés tous les récits publiés par les journaux, de ses séances chez d’illustres personnages à la demande desquels il devait prochainement revenir en France. Il déclare que toutes ses expériences ont eu lieu en petit comité, en présence de très-peu de personnes qui se sont engagées au secret. Il est très-réservé sur ce sujet, et il dit que les journaux qui en ont parlé, n’ont pu que conjecturer et ont recueilli au hasard les propos tenus par des personnes qui ne savaient absolument rien. Cette petite leçon profitera, nous l’espérons, aux feuilletonnistes qui, une autre fois , commenceront par prendre sérieusement des informations au lieu de parler au hasard de ce qu’ils ignorent, et de se livrer, soit à un lyrisme effréné, soit à un dénigrement amer, suivant leurs préventions.
Quoi qu’il en soit, Hume qui, à Paris, ne voulait avoir pour spectateurs que des altesses ou au moins des excellences, s’est montré en Amérique beaucoup plus accommodant, les mœurs du pays lui ayant sans doute inspiré quelque chose de démocratique. Il a été très-accessible, et bous allons repro-
duire la relation d'une de ses séances d'après la feuille du New-York.
« A Boston, lundi dernier, une séance spi ri tu al iste a eu lieu avec Huine et\\ dis, l’étudiant de Cambridge, pour médiums. Quelques-uns des rédacteurs du Travelcr et du journal et d’autres écrivains s’y étaient rendus sur invitation ; il y avait en tout quatorze personnes. La salle où l’on était réuni était éclairée au gaz, et il y avait pour chacun toute facilité de vérification. Les phénomènes habituels de mouvement de tables et de pianos s’exécutèrent avec un plein succès, par une clarté parfaite ; un sceptique aux yeux de lynx était placé sous la table , et une douzaine d’autres personnes observaient avec le plus grand soin les médiums dont les pieds étaient attachés. La table qui fut mise en mouvement, était massive, de dix pieds de long, et l’on y ajouta, lors d’une des expériences, le poids d’un journaliste dont l’embonpoint peut donner crédit à l’opinion générale sur la prospérité de cette profession à Boston. Une des feuilles de la table a été enlevée sans agent visible et placée sur les autres. Un tapis ayant été mis sur la table, une main, ou du moins un objet qui, au toucher, semblait être une main, fut à plusieurs reprises agité sous ce tapis. Plusieurs des spectateurs saisirent cette main qui s’évanouit sous leur pression. Ces messieurs affirmèrent qu’ils avaient parfaitement palpé ses doigts dont le contact était exactement semblable à celui de doigts humains. Pendant que cela se passait, les mains des médiums et celles des spectateurs étaient posées sur la table et visibles pour tout le monde.
« M. Hume prit un accordéon d’une main en ne touchant que l’extrémité de l’instrument, pendant que l’autre main était étendue dans une direction opposée. Plusieurs airs furent joués sur cet instrument par un agent invisible. Un des rédacteurs examinait minutieusement l’accordéon ; il voyait les soufflets s’enfler et les clefs s'agiter, exactement comme si une personne en jouait, et ce manège se continua , même pendant que l’instrument était isolé dans l’air, à quelques pouces de ses yeux.
« lin résumé, le résultat a été des plus satisfaisants; tout le monde est resté convaincu que les faits accomplis n’avaient pu être l'œuvre des médiums, et que toute explication à l'aide de jongleries était ridicule et inadmissible.
" Nous n’entrons pas dans plus de détails, parce qu’il ne s’agit là que d’un impromptu à l’occasion de la visite de Hume. Une séance régulière et scientifique aura lieu prochainement avec Wilis pour médium; des savants et des notabilités de Boston et de Cambridge y assisteront ; et il en sera publié un compte-rendu authentique et détaillé. »
Il est bien à désirer qu’il nous vienne d’Amérique ou d’ailleurs quelque médium qui nous permette enfin d’observer par nous-mêmes ces faits prodigieux. Les spiritualistes d’Amérique rendraient à leur cause le plus éminent service en envoyant à Paris quelque sujet éminent qui, loin de fuir les regards et de se réserver pour un petit cercle privilégié, exhiberait publiquement ses facultés transcendantes et permettrait à tous ceux qui recherchent la vérité, de constater et d’étudier des phénomènes qui intéressent la science à un si haut degré. D’après les journaux américains, les médiums pullulent dans leur bienheureuse contrée, les faits merveilleux y sont vulgaires et accessibles à tout le monde. Ils ne peuvent refuser de nous faire part des lumières qui chez eux surabondent. Chez nous, au contraire, les sujets sont peu nombreux et très-faibles, la plupart bornant leur pouvoir à l’exercice fort suspect de la corbeille ou de la planchette ; les faits de l’ordre spirilualiste sont très-rares et manquent d’authenticité ; quelques illuminés se vantent, il est vrai, de produire des merveilles, mais en secret, et avouent que la seule présence d’un incrédule ou même d’un douteur suffît pour paralyser leur pouvoir, de sorte que la première condition pour obtenir la vue des faits sur lesquels doit se ba-er la conviction, est d’avoir à l’avance la conviction, et que l’objection la plus mesurée est accueillie comme une témérité sacrilège. L'humanité a besoin d’être fixée sur la réalité de ces phénomènes qui, s’ils sont vrais, fourniraient une preuve palpable de la communion des vivants et des
morts. La France, jusqu’ici déshéritée, a soif de connaissances, et, dans sa pénurie, elle implore les pays plus favorisés. Espérons que cet appel sera entendu de nos frères transatlantiques.
A. S. MORIN.
La Luce magnctica annonce, d’après une lettre du docteur Oppert, que le roi de Prusse vient de fonder un hôpital de cent lits, où les malades seront traités uniquement par le magnétisme. Cette importante nouvelle a besoin de confirmation. Si le fait est exact, ce sera un événement capital qui amènera le triomphe du magnétisme et fera le plus grand honneur au souverain éclairé, auteur d’une telle initiative.
Baron dd POTET, propriétaire-gérant.
CONFESSION SPIRITUALITE(t).
Quatrième et dernier article.
D. — Sur la parole des hommes sérieux qui se sont occupés de ce sujet, si l’on n’écoute que la volonté de s’instruire au sein des forces naturelles ; si, dégagé de la prévention gé-nérale, on se rappelle que, dans le plus savant sacerdoce de l’antiquité , l’acquisition certaine des conséquences que nous annonçons fondait une philosophie sanctionnée par d’austères études , aussi bien que par les plus nécessaires sentiments de l’humanité, l’on arrivera, sans déraison ni faiblesse, à des affirmations peu croyables d’abord, mais qui ne sont repoussées aujourd’hui que sur des motifs en dehors des faits convenablement observés.
Pour moi, je l’avoue, je regarde comme du réalisme positif :
1° La perpétuation d’un fluide infiniment expansible, paraissant animer (2) tout l’univers, dans le parcours inconnu de myriades indéfinies de classes d’existences, sous l’empire d’une loi souveraine.
2° L’émanation , occultement ignée, de l’image et de la composition, ainsi que des phases successives et jusqu’aux plus intimes, de chaque individualisme de notre globe.
3° La possibilité de constatation fortuite (3) ou volon-
(1) Voir les numéros 12, 13 et 14 d«ce journal.
(2) Anima, ème, dérivé du mot grec Ancmos, air, vent.
(3) L«ragle {'), l«mirage et toutes les espèces d'cntranimenli (•*), au
(•) Mol arabe, signifiant : 17ni a tu dam lt diirrl.
(") Néologisme importé d’Amérique, cl qui veut dire : «nlr/« «n fr«ni«, «cbtfVnwtini profond/.
- —
taire de formes aériennes, représentant un objet réel, prochain ou lointain, ou bien la ressemblance de personnes décédées ou non, toutes rayonnant plus ou moins lumineusement, et parfaitement intelligibles et visibles, surtout lorsque l’on est parvenu dans l’état qui constitue le champ de la voyance et des opérations magnétiques.
!\° La virtualité puissantielle et le degré d’influence de ces rayonnements et de leur centre d’action, en raison de ' leur nombre et de leurs ressources d’entretien, mais surtout de leur classification dans les trois ou plutôt les quatre règnes naturels, vrais critériums de la suprématie de force et de variétés d’activité sur l’échelle des mouvenientalions de toute la vie planétaire.
5° La présence, au sein de l’air, d’une foule incalculable du globules translucides (1), étincelants, très-alertes, de
désert et sur les mers australes, semblent très-bien s oxpliquer par l'effet d'un sensitivisme né subitement, ou simplement exalté sous les extrêmes tensions électriques de l'air ambiant.
(1) Pour l'apercevance decescorporéilés et de celles dont il est question dan s le cours de ce paragraphe, il faut une comploxion particulière, sensitive et non hallucinée, soit maladive, soil congéniale; ou bien une aptitude suraffcctive, fruit d’une grande concentration habituelle, avec une sorte d'aviilité sensoriale, que j«ne conseille à personne d’envier ni de rechercher, à cause de l’excès de susceptibilité nerveuse qu’elle perpétue, et des dangereuses anomalies qui peuvent en survenir. Cette diathése est toujours coïncidente d’une atonie museulair«et d’une diminution des globules sanguins. M. le docteur Louyet en a très-bien diagnostiqué l'un des signes physiologiques, dans le bruit d«souffle carotidien. Déjà Faria nous avait signalé la tluidité de l'hématose comme l’un des véhicules de la voyance. « U faut en conclure, dit-il, que dans cet état, la portion de a l’espèce humaine, faible par la liquidité extraordinaire du sang, est a préférable à l’autre. Elle donne d«très-grands aperçus sur la condition a de l’homme primitif, et s’en approche autant qu'il est permis à sa m-
o turc pervertie et dégradée, l-'étal lucide n'est qu'un état naturel d«a l'homme, et porte l’initiative d«son indestructibilité. » (De la Cause du sommeil lucide, ou Etude de la nature de l'Iiomme, p. S", par l'abbé de Fakia, braminc, docteur en théologie et en philosophie, ex-professeur de philosophie à l’Univcrsilé d«Franco, etc., etc. Paris, 1819.)
En Effet, la libre charnue, la plus matérielle des molles substances de l’organisme, se nourrit de la partie cruorique du sang ; tandis que l'albu-mi.ic de ce liquide sécrète quelque cliosj île plus délicat à I élément ner-
— 395 — couleurs cl île grandeur variables, se mouvant, s’agitant à
veux. De celle remarqua, sans doute, surgirent les jeunes et les abstinences le l'ascétisme antique ; et, par continuation, les marnes rites s'insliluèrent dans l'IJçlise catholique, pour la liturgie (l«travail public)de scs sanctifications, c'esl-à-dire île ses consécrations au spiritualisme.
J’ai médité les ouvrages du docteur LOI u I, et, malgré le respect qu'ils méritent comme œuvres consciencieuses, courageuses même dans leur savante élaboration physiologique, ils sont bien loin de me convaincre de 'a prétendue folie de l'immortel philosophe d'Athènes. Autrefois j’aurais dit et j'aurais cru pouvoir prouver, non pas avec le talent et l'éruiiitiou de l'auteur, certaine partie de ce qu’il dit et croit prouver. Maintenant j’ai la persuasion, mieux renseignée, de sa loyale erreur. L'extase et la folie sont deux choses bien différentes. Socrate était un extatique, un. Jiaut sensitif ; oui! mais il n'était pas fou.
o Les idées, au lieu de se vicier dans leurs rapports, s'altèrent dans « leur nature , elles en changent ; elles prennent un tel caractère d«vi-« vacilé, qu elles deviennent d«véritables sensations. Quand cela a lieu à u l’occasion de l’action des objets extérieurs sur les surfaces sensitives, « ou, ce qui est très-rare, par l’effet d'une maladie de ces mêmes sur-« faces, ce sont les illusions; lorsque, au contraire, cela arrive sans que « rien agisse sur les organes des sens, et sans qu'ils soient aucunement « allérés, ce sont les hallucinations. » (Du Dcmon de Sacrale, p. 260, par F. Lé lut, médecin surveillant de la division des aliénés de l'hospice de Bicctrc, etc. Paris, ÎSSO.)
Comment l'honorable M. Lélut a-t-il pu se fourvoyer à la formule d’une déduclion aussi peu sévère? Comment rien peut-il produire une sensation 1
Comment, par une singulière logomachie, aimc-l-il mieux arguer de cet aphorisme boiteux : « I.'existencc d'un état intellectuel, essextiei lk-« ment coNsiiîitiï par DE pausses sF.xsATi i.xs, et jusqu'il un certain point « compatible avec l'exercice de la raison la plus entière, quelquefois même « la plus PUISSANTE » [l'Amulette de Pascal, p. Ô5G, par F. Liîlut, membre de iInstitut de Frunce, etc., Paris. 1843), plutôt que de j oser celui-ci, n'eùt-ceélé qu'à titre dubitatif : Des modifications d«l’état nerveux paraissent amener des perceptions insolites, qui semblent naître d'une im-pressionnabilité plus exaltée que celle de nos pcrccptior>s.ordinaires ?
e alinit natura, aliii'l sapienlia ilicil. • (Juvcua!.)
Jamais un sage avisn'inlirme la nature.
Le docteur Roche entre bien plus dans la vérité, lorsque, pour expliquer l'essence des névroses, il pense que ces maladies consistent dans l'accumulation du liuidc nerveux; accumulation aussi réelle que celle du sang au parenchyme des tissus enflammés, quoique non visible comme elle, parce que le lluide nerveux se dérobe à la vue. Cette théorie élucide .'a plu-
I a l d s .iva le u! xii:S des :.é . :0S s, comme leur piùison
l’envi les lins des autres, dans des directions ostensiblement intelligentes. Quelquefois des ombres solitaires, d'une teinte brune ou d’un noir très-foncé, d’une forme plus étendue et plus vague, d’une marche lente et presque rasant le sol. D’autres fois, comme des éclairs lapides qui vous effleurent les yeux ; ou de gros tortis de feu très-vif qui descendent sur vous ; ou bien un flot électrique à peine remarquable au regard et qui vous arrive brusquement, vous traverse le corps , eu vous secouant des pieds à la tète. Des es-carboucles resplendissantes qui se posent à l’improviste au milieu de votre chambre. Des scintillations qui vous entourent, vous approchent et se profilent dans vos orbites. De douces figures gracieuses qui viennent tendrement vous sou-
subil«par une vive impression morale; tandis qu elles avaient été rebelles pendant plusieurs années à toutes les armes de la thérapeutique. (Eléments de Pathologie médic.-chirurg., par Roche et Sanson.)
Malgré l'édit des aliénistes, je déclare donc, en parfaite quiétude, avoir vu, très-bien vu, réellement vu tous les objets rapportés dans ce cinquièm«paragraphe de mes conclusions. J'attest«avoir entendu, très-bien entendu, réellement entendu, comme je l'indique, les bruits et les chocs très-sonores qu'il mentionne. Quantité de personnes, très-saines d'esprit et de corps, sont dans l«méo\p cas, et s'octroient, en pleine justice, une franche immunité d'hallucination.
En butte, pendant vingt-trois ans, aux ridicules dont l«poursuivit Aristophane, Socrate n’en persista pas moins dans son assurance, très-fondée d’après ce qui s«passe aujourd'hui, d’avoir des relations avec un èlr«extra-terrestre.
Le Tasse, malgré les efforts de l'amitié pour l«dissuader, soutenait de même qu’il conversait avec un de ces êtres mystérieux. Ces entretiens, que l’on s’obstinait à regarder comme du délire, étaient admirables e t n’avaient rien que la plus parfaite raison n’eùt accepté, sauf l'invisibilité de 1 interlocuteur que repoussaient les railleries d«l'incroyance. « Qu elquefois il « questionnait, et quelquefois il répondait, et, par ses réponses, je devinais « le sens de ce qu’ilavaitentondu. L«sujet de sa conversation était si élevé, « et les expressions si sublimes, que je tombai moi-mème dans une espèce « d'extase. Je n’osai ni l'interrompre, ni l'importuner de questions, et sa « vision dura longtemps. Je fus averti que l'esprit avait disparu , lorsque a Le Tasse, en se retournant vers moi, me dit : A l’avenir vous ne doute-« rez plus. — Dites plutôt, répondis je, que je serai plus incrédule que ja-« mais, car je n'ai rien vu. » (Notes historiques sur la Vie du Tasse, ex-t faites des Mémoires de Manso, marquis de Villa, publiés après la mort du poète, son ami.)
l'ire (1.) et que vous reconnaissez pour celles d’âmes ché-rios, disparues (je no, dis pas anéanties) par la mort. Des spectres cornus, faunes à jambes de bouc, raines grimaçâmes et tâchant de vous terrifier, espèces de simulacres de diables, auxquels vous ne croyez pas, mais qui naturellement ont leurs électro-typies (2) photographiées sur la
(1) Trois jours de suite, M010 II'" (la voyante de Prévorst) se sentit magnétiser par l'esprit de sa grand'mère, qu’elle apercevait seule. Mais, sur
i attestation de témoins dignes de foi, plusieurs objets qui, peut-être, auraient pu lui nuire, une cuillère d'argent, par exemple, furent éloignés de son lit ii travers les airs comme par des mains invisibles.
Elle fut prévenue, pendant deux jours consécutifs, par la vue d'un cercueil contenant le corps de son grand'père, de la mort prochaine de ce parent, qui mourut dans la semaine.
La voyante disait qu'une enveloppe nervique renferme l’âme, quand celle-ci quitta notre organisme. C'étaientces enveloppes que M™0 11"' avait la faculté de voir, sans devenir pour cela tout à fait étrangère à ce monde. Et les visions paraissaient beaucoup mieux-à la clarté du soleil (■) ou de la lune que dans l'obscurité. Les âmes, altirmait-elle, n’ont point d'ombre. Elles peuvent non seulement parler, mais exhaler dos gémissements, des soupirs, produire des frôlements de soie ou d«papier, des coups sur les murs ou sur les meubles, des bruits de chaussures traînées sur le sol, etc. Plus les âmes sont souffrantes, plus les bruits, qu'elles affectent au moyen de l'air et de leur esprit nervique, peuvent être forts. Ces âmeshabitent des régions plus ou moins élevées, suivant qu'elles ont plus ou moins bien vécu. Leurs fautes leur font une pesanteur morale qui les retient près de la terre, comme la pesanteur matérielle y retenait leur corps.
L'amélioration de leur sort est dix fois plus difficile pour elles, dans ce monde aérien, qu’elle ne l'eût été durant leur séjour parmi nous.
(2) C'est par celle électro-plastie que se produisent, pendant la gestation, ces phénomènes bizarres, appelés vulgairement signes de naissance, envies de lemines grosses. Chardol en cite un, fort curieux.
« J’ai vu, eu 1811, dit-il, ù la fêle de Sainl-Cluud , un singulier effet de « raction spirituelle sur une jeune tille, alors ûgée de dix-sapt ans; elle « portait écrits autour d«la prunelle de ses beaux yeux bleus les mots : « Xapolêon, empereur. Celte enfant jeta loin d'elle, avec un geste impé-« l ieux, la loupa d'un observateur qui la fatiguait. » (Psychologie physiologique, p. 550, par C. Cuardel, conseiller à la Cour de cassation, etc. 1844.)
J er. connais l'.MiriCüLiÉRKMExr un autre fait qui présente une circonstance fort compromettante, du nos jours, pour sa valeur historique. Je le
CYljil auiâi quuii.l le soleil tri'Uil sur la fcuélrc du Tjiïc qu il düüuguail micu*. tan visilcur familier.
trame de fantasmagorie universelle , puisque l’homme en a
confesse d'avance et hautement (car je ne renie point le souvenir de me» convictions opposées), je n aurais pas publié celle phènomènalitê (dans la crainte d'une superstition bien involontaire), si, par l'application d'une physique avancée, je n'en concevais l’explication naturelle.
Je crois positivement aujourd'hui, d'après mes expériences, que rien n'existe sans un rayonnement fiuidique. Je crois que tonte action de la vie, action élcctro-puissanliclle, comporte d’autant plus de force efficiente, qu'elle émane d'individus plus élevés dans l’ordre des êtres; que ces individus agissent avec plus de conscience déterminée; que leur vouloir a plus d’énergie ; enfin que leur but est plus salutaire, — la nature se montrant partout éminemment conservatrice.
En partant de ces prolégomènes, je demande à tout magnétiste s’il reconnaît, au point de vue que je viens d’exposer, quelque chose en notre monde qui réunisse mieux ces qualités et leurs vertus, que la foi d’une mère pieuse... priant pour son enfant! Si l'on m'accorde qu'il n’est point de magnétisme à comparer à celui-là, je puis déjà dire : sachez, quoi que le public prétende, mesurer l'essor vivifiant de la prière vraie et fervente. Ne vous étonnez plus des visions, des apparitions dans les cloîtres ascétiques, sans cesse en appel (on invocation) aux transports exaltés d'un mysticisme qui se noie en son délire. C'était d«leur ferme croyance et de la fidélité de leurs pratiques religieuses que les anciens rois empruntaient leur pouvoir de guérir, qu«nous avons eu tort de révoquer. Non que je songe au retour de cet aveuglement de la foi ; mais je veux fixer l'attention sur les inconcevables résultats que des lumières bien do-rigées doivent acquérir d’un bon usage d«cette vérité.
Je reviens à mon anecdote.
Mme duB..., étant enceinte depuis peu de mois, alla passer quelque temps au château de ***, près d'Albert, en Picardie. Un jour, au sortir du dîner, elle se promenait au jardin, en compagnie de plusieurs peisonnes. Elle remarqua sur un groseillier rouge une belle grappe, qui lui donnait le désir d’y goûter. Madame du B... s'apprêtait à satisfaire ce désir, mais la pensée qu’elle s'attirerait peut-être, sur sa situation, des plaisanteries qu’elle voulait éviter, lui retint la main, qu'elle porta machinalement à son front, comme quelqu'un qui se résigne avec regret. Les mois s’écoulèrent. Au terme d«sa grossesse, Mm«du B... accoucha d'une fille très-bien conformée, sauf que le visage élait imprimé de la malheureuse grappe, d’une très-vive couleur pourpre. La rafle commençait au milieu du front, descendait sur la joue gauche, qu’elle couvrait aux trois quarts de sa hauteur. C’était un masque affreux. Madame du B..., au désespoir que sa petite fille fût ainsi défigurée, entreprit une neuvaine et fit bénir les linges qui servaient à l’enfant. Au bout des neuf jours, la grappe n'était plus qu’une ombre de son apparence première : le reste s’effaça jusqu'au dernier vestige.
Avant de communiquer publiquement ce fait, j'ai dû peser, on le com-
composé les idéalisations, et que la lumière astrale renferme toutes les images des procréations humaines. Ou bien encore des bruits, des chocs de différentes résonnances, frappés sur les vitres, les boiseries, les murailles ou les meubles, avec une intention marquée et spontanément perçue par l’intuition. Bref, quantité de choses insolites, qui se
prend, tout ce qu'il soulèverait contre lui. Je le maintiens, parce qu’il est positif. Mes amis me connaissent assez pour accepter sérieusement ma parole, dès que j'en affirme la teneur exacte. Quaul aux détracteurs, qu’ils suspendent un moment leur décision, et, s’il est entre eux des hommes qui veuillent déchiffrer la loi physiologique de cette cure, au lieu de s'abandonner à l’ironie, qui ne détruit pas la realité d’une chose réelle, et qui n'avance guère le progrès de l’intelligence, je leur dirai : Voyons ! lorsque vous voulez engendrer une idée, une œuvre artistique ou littéraire, un coup de négoce, un plan d’industrie, que faites-vous? Vous vous concentrez, vous appelez l’inspiration, et vous réfléchissez sur ce qui trotte aux chemins d«votre cervelle. Analysons cela. Se concentrer, c’est rassembler son dynanisme sur un point central; appeler l'inspiration. C’est attirer à soi, de quelque part.un (luide, un souflle ( inspirâtio); réfléchir, c’est réagir par son esprit sur ce qui nous arrive à l’imagination, celte faculté procréatrice des idées (Ei'îüî, image) au moyen d'un organe spécial, attractif des élémentisalions qu'il puise en un milieu, tel quel. Toute cette besogne est une opération délectro-magnétisme et d’électro-dia-magnétisuie. C'est en partie ce qu'a fait Mnle du B...
Par une galvano-plastie interne, elle avait, dans l’appétence (*) du fruit du groseillier, typographie sa grappe sur la passivité du foetus en train de se former. Ensuite, par une puissante électrisation dia-magnétique (contre-magnétique, ou de répulsion), irradiant des vœux, des prières des regards, des attouchements de la jeune mère, ainsi que des linges bénis (électrisés bienfaisam.vent pour la disparition de l'image fâcheuse), M“» du B... réussit à chasser, sous uue couche d’estompe, l'édition qu'elle .ne voulait pas.
Qu'apercevez-vous là qui choque la logique et le bon sens? Est-ce que l'électricité dia-magnétique n'a pas le pouvoir de décomposer, d«désagréger, comme l'électricité magnétique (ou d’attraction) a celui de rassembler et de composer? Est-ce que (si vous croyez ù l'âme, qui doit nécessairement séjourner quelque part après avoir quitté le corps) ce diamagnétisme ne peut pas agir simultanément par la coopération sympathique d’une âme invoquée, et par le pouvoir de la sollicitude maternelle? Au lieu de mépriser un procédé si merveilleux, bénissez-le vous-mêmes, £t réjouissez-vous de ses promesses pour la progression de la race et pour la rédemption des peuples.
Appeitrt, chercher b prendre.
familiarisent promptement avec votre aptitude inopinée à les comprendre ; tous phénomènes très-changeants et qui surviennent à l’instant que l’on y songe l«moins.
6° I.a présomption très-plausible, j’allais dire l’évidence, que cescorpuscuîes aériens, sphéroïdes animés, épanouissant ou rapetissant leurs dimensions, multipliant leurs diapru-res, sont des points d’émanation et de réceptivité (1) ; monades sensibles, esprits vivants (2), ayant appartenu, selon
(1) Toute molécule, si réduite que nous puissions l'apercevoir, sem-Wc être encore une sphère des mondes infiniment petits. — Non seulement elle a ses pôles d'attraction et de répulsion, mais chacun de ses imperceptibles composants subsiste par l'activité de tels pôles, et chaque diminutif d'individualité vit, en quelque manière, à sa petite fantaisie dans ces régions infimes, jusqu’à ce qu'une actiou'de la volonté du mondonu-dessus vienne les soumettre à son empire. Les reliements harmoniques, des minimes aux immenses univers, s'accomplissent dans cette analogie relative sur toute l'incompréhensibilité d«l’intini. C’est ce qui faisait dire au coup d'œil philosophique de l’un des doyens de nos anciens médecins militaires, le docteur P.évcillé-Parisc : « Dans l’harmonie de la création, l’existence des inexprimablement microscopiques est une preuve d«l'existence des indiciblement grands, élevés à leur plus sublime puissance d'expansion. »
(2) « En ce moment, une collection de faits dont le charlatanisme s’est « emparé, que la routine académique a dédaignée, et dans laquelle les es-« prits sans prévention ne peuvent faire encore avec certitude la part du a vrai et du faux, le magnétisme occupe la place centrale où s’élèvera « une science sublime, celle des rapports du monde des esprits avec le « mond«des corps.
« Alors la physique, la physiologie et la psychologie , étant unies par « leurs bases, les grandes lignes de l'édifice unitaire seront définitivement « tracées ; il ne restera plus à innover que dans les détails. A l'ire con-« fuse des sciences succédera l'ire lumineuse de la science.
«Et les divers compartiments de nos connaissances ne seront plus que « les chapitres distincts de la doctrin«universelle du fini et de l'infini, du « ciel et de la terre, de l'esprit et des corps, de la nature et d«l’histoire, « du passé, du présent et de l’avenir, créée par l’homme à son éternelle «gloire et pour son usage.
« Augurerons-nous trop de la puissance du temps où nous sommes, en « pensant que le siècle ne passera pas avant que ce résultat sublime soit, a je ne dis pas acquis, mais nettement entrevu ? Il est certain, du moins, « que tel est l«but de l'investigation scientifique, et tôt ou tard elle l’at-ti teindra.
« Alors la science cessera d’être la propriété exclusive du géomètre et de « l’industriel, pour devenir l’inspiratrice de l'art, le (lambeau de la foi. la
toutes les probabilités, à notre habitation terrestre, dont ils partagent proportionnellement les affinités et les passions.
7° La preuve relative que l'atmosphère, océan diaphane immensément peuplé, récipient actif d’inénarrables collectivités d’êtres, doit épandre, pour l’extra-sensitivité des voyants, les clartés de cc foyer splendide qu’ils nomment soleil spiril uel, et les cabalistes lumière astrale.
« source où s'abreuveront les sympathies généreuses, le flambeau où s’etn-« brasseront tous les enthousiasmes.
« Elle appellera les âmes rêveuses et tendres en même temps que les es-«prils iKisitifs, ceux qui ont besoin d«croire autant que ceux qui ont « besoin de connaître, ceux qui cherchent dos consolations, comme ceux « qui cherchent des triomphes, et les esprits son retourneront illuminés, « les Ames finli liées, les cœurs soulagés. » (VApostolat scientifique, t. i, p. 50 et 57, par Vicro» Meunier, rédacteur en chef de l Ami des sciences. Paris, 1857.)
l‘ne des belles expériences tendant h propager l'adoption du spiritualisme. eslsansconlrcûit celle que relate, parmi tant d'autres, une brochure tris-iulércüsante.
« l.e 2i juillet 1S5r>, rue d«la Chausséc-d'Antin , 5, autour d'une table « qui a tout écrit au moyen de coups frappés pour chacune des lettres « dont elle avait besoin, nous étions cinq hommes dont aucun ne s'est as-a sez occupé de sciences pour pouvoir formuler une seule des définitions « qu'on va lire. Quand la table a commencé de sémouvoir sous nos mains, « nous avons prié l’esprit qui l'animait d'écrire son nom. Il s’y est refusé. « Nous lui avons alors demandé si, tout en gardant l’incognito, il vou-« drail bien répondre à des questions. Il a répondu : Oui. — Quel sujet il « préférait? — Sciences. — Quelle partie? — Définitions.
« Pouvez vous nous dire, avant chaque définition, en combien de mots « vous la ferez? — Oui. — Définissez-nous Éléments de philosophie. — n (Presqu«instantanément.) J'emploierai vingt-deux mots : Connaître « l’organisme de l'homme, ses sensations , scs phénomènes physiques et « moraux, ses rapports avec la cause ou Dieu, et avec ses semblables.
« — Définissez-nous Électricité. — Douze mois : Force directe d«la « terre émanant de la vie particulière aux mondes.
. — Définissez-nous Magnétisme. Douze mots : Force animale, enchat-« ne ment des êtres entre eux, lien de la vie universelle.
« — Définissez-nous Somnambulisme. — Douze mois : Etat particulier « de la sensation chez certains êtres organisés supérieurement aux autres.
« — Définissez nous Extase somnambulique. — Trois mots : Transport «somnambulique concentré. »
« D‘“ »
(Qüæhe ei Invenies, par M. G’. Paris, 1853.)
S' La loi vitale, pour notre pianète i) ci scs habitante, île fournir et de recueillir à l’occultisme de cette constellation discrète, la so'iir de nos destinées, toutes les émanations électro-types de la marche et du progrès des temps.
9’ Le pouvoir de l'homme d’y semer et d’y puiser, dans des limites et des conditions providentielles, tout ce qu'il reut (2), à sa charge de subir le reflet et la filiation de ses actes.
(1) Le même régime gouverne apparemment toutes les autres, sous la hiérarchie de domination de leur système solaire.
(2) « Tout l'imaginable existera, * répétait souvent Iiclvétius. Il avait raison. Il parlait comme un inspiré. Son langage élait celui d'un initiateur.
Imaginer, t 'est procréer. El l'intelligence de l'homme n'a-t-elle pas déjà colonisé sur notre globe les métamorphoses d'innombrables procréations ? Agissez, agissez toujours! Le mouvement, c’est le logos divin, c'est la puissance d'extraire de la quintessence universelle toutes les essences qu'elle distribue à l'infinité de forces répandues dans ses œuvres.
Une médecine qui date d’hier et qui grandira plus qu’cll«ne le souçonne, l’homœopathic, a savamment compris cette loi suprême, et s'en est fait une des bases de son efficacité.
« Tout médicament recèle un principe spécifique, désigné en liomœo-« pathie sous le nom d'esprit ou d«miasme, et qui n'est autre chose qu'un « impondérable ayant la propriété d’activer, ralentir ou pervertir, dans « l'organisme, le développement des fluides qui président aux actes phy-« siologiques.» (Georges Weber, Vynamologie organique et thérapeutique, p. 23, Paris, 18 47.)
« Pour les uns, le principe actif des médicaments est de nature éthéréc,
« impondérable, analogue aux lluidcsélectro-niagnétiques, mais différente « dans chaque substance; pour les autres, c’est un miasme, virus ou « esprit, capable d'influencer directement ta vie, c'est-à-dire que le médi-« cameut est envisagé comme perdant ses propriétés matérielles, et n'a-« gissant qu’en vertu de quelque chose d’indéfini, d’immatériel. » (Georges Weber, Etudes de Pharmacologie, p. 2t. Paris, 1851.)
Le mouvement développe l'électricité. Celle-ci, de plus en plus développée, augmente la verlu de l’agent. C’est ainsi que, par des sur-électrisations successives, chaque degré des ingrédients déplus en plus mouvementés, est appelé dynamisation. Il est bon que les magnétistes ne demeurent pas étrangers à cet arcane, qui, pour les médecins, offre une ressource très-précieuse.
« Ou sait que dans le plus polit grain de matière il existe une quantité « immense d’électricité. M. Becquerel, dans une des séances de l’Académie, « confirmait dernièrement c«fait; il s'ensuit donc que, si l'électricité « est la cause première d«l’affinité et delà médicalitè, il doit exister,
!0" La notion de survivre au trépas, contendante des manifestations postlimnes. Non qu’elles ne pullulent de substitutions apocryphes, qui n’en prouvent pas moins des
« dans le plus petit grain d«matière une immense quantité d'affinité
* el de médicalilé; mais que, de même que pour produire des phéno-« mènes chimiques de combinaison ou d'aflînilé, il est nécessaire d«« diviser la matière ot de la rapprocher de l'élu! alomistique, de même « pour produire les phénomènes dus à la inédicalité, il faut aussi se rap-« procher de cet état.
ii On peut donc en conclure que le rayon de la sphère d ation , soit « li'afliuité, soit de niédicalité, augmente dans un rapport encore inconnu, « lorsque la matière diminue de volume et se rapproche de l’alôme.
« L’affinité et la médicalilé proviennent, disons-nous , d«l’électricité. Il u est facile d'expliquer naturellement l'augmentation de médicalilé quac-n quiert la matière lorsqu'on produit sa division par des secousses « réitérées; il est évident que ces secousses produisent des frottements, et « que ces frottements doivent modifier l'élut électrique des molécules, des n atômes, et, par suite , augmenter leur affinité et leur médicalilé.» (Lettre de M. l’oumu, professeur de physique à l'école d'èlat-major de Paris, au docteur Jsiiii.)
L'avantage que présente en outre, à mon avis, la matière extrêmement divisée, c'est d’être ainsi plus favorable à l'accession d'une dose d'électro-magnétisme, intervenant à votre volonté, pour modifier l'agent comme vous le jugez convenable.
Ces! de la sorle que je m’en sers. Elle devient, en mes mains, de la dynam«thérapie infinitésimale. C'est une manière très-commode, non fatigante, d«magnétiser une foul«d«malades plus ou moins énergiquement, selon qu'il le faut, et d«ne pas s'astreindre au joug de la routine. Bien entendu que je m'adresse exclusivement aux médecins. Comme je ne fais que d«la médecine gratuite, j’achète les médicaments chez un pharmacien homœopatbe, cl je les administre gratuitement, après les avoir actionnés comme je t'entends.
Laissez dire ceux qui prétendent que magnétiser, ce n’est pas électriser, et demandez-leur ce que c’csl que l'électricité.
n Quelle est donc la nature de ce singulier principe, qui devient tour « à tour, suivant les circonstances, lumière, chaleur, puissance chimique, «magnétique ou physiologique 1 Est-ce un lluide matériel, impondérable, « ou bien un mouvement vibratoire de l'éther, pouvant se partager en «doux autres possédant chacun des propriétés physiques et chimiques « opposées, et qui se neutralisent l'un l'autre ?-La science reste muette à « cet égard, bien qu’elle ait déjà enregistré des milliers de faits qui nous » font connaître la grande influence que cet agent exerce sur les phéno-n mènes naturels. » (Électricité, par XI. Becqleiiel, Encyclopédie du m* siècle, p. 314.)
tires vivants; car des cadavres ne parlant pas, ne racontent pas leur passé, ne divulguent pas leurs secrets. Et, puisque des pseudonymes peuvent, au-delà du tombeau, se jouer de nos importunes crédulités, pourquoi de vrais amis ne sauraient-ils nous témoigner de leur souvenir cl de leur affection?
Voilà ce que me paraissent, dans leurs principaux caractères, les merveilles du magnétisme. Leur portée morale se déduit aisément.
La pensée d’une existence impérissable est la plus grave leçon de la vie. Elle implique la garantie de la justice. Elle relie la nécessité du bonheur à l’indispensabilité du devoir. Effectivement, aux perspectives d’une carrière sans fin, l’adepte sait lire cette sentence équitable : Solidarité.
Mais, aux échos fie la route, il sait entendre aussi ces exhortations réconfortantes : Courage au fond de l'abîme, pour le labeur et le mérite du relèvement; —Patience à travers les épreuves, par l’assurance de la propitiation ; — Sécurité dans la paix de la conscience , qui constitue la force (1).
« Ampère attribue le magnétisme à des courants électriques particu-« laires, c'est-à-dire circulant autour des molécules. Ces courants existe-« raient dans l«is les corps sensibles au magnétisme. Dans les substances « magnétiques à l’état neutre, les courants particulaircs seraient dirigés « ou orientés au hasard dans tous les azimuts et sa neutraliseraient les « uns les autres. L’ellct de l'aimantation serait d«ramener tous ces cou-ci ranls particulaircs à marclier dans le même sens et dans des plans ten-« dantyau parallélisme. » (Les Phénomènes de la nature, par le docteur W. F. A. Zimmekmass, t. Ier, p. 390.)
Dans cette hypothèse, magnétiser, ce serait s’emparor électriquement de toutes les forces vagues atomistiques d'un foyer quelconque, et, disciplinant leur influence propre, les soumettre à l'action maîtresse d'un courant central, pour lui fournir des faisceaux auxiliaires de dynamisme.
Les Lamas du Thibet, à ce que m’a certifié M. l’abbé Hue (') ont une telle spontanéité de celle puissance, qu'il leur suflit d'écrire le mot kina sur un morceau de papier, et de l'administrer en le roulant entre leurs doigts, pour que, dans une üèvre intermittente, le malade traité parce mode homeeopathique guérisse très-promptemenl.
(1) Dn axiome pour les vraies connaissances du magnétisme, c'est quo
(•) Ancien mâtionnaira en Chine, auteur dci Sauscin tun Voy»gt «n Tnrt.ru, ne., •I üe YEmpirt chinois.
A l’abri d’une pareille égide, on reste sans crainte comme sans désespoir.
Rt cette égide, l’homme a l’obligation de s’en revêtir. Il est le chef des hôtes de la terre : à ce titre incombe la plus belle, mais en même temps la plus impérieuse mission, celle de contribuerai! bonheur tic tous, quelque modeste que soit le rang où l’on ait sa place.
Pour cela, le premier soin de l’homme digne de ce nom doit être d'élendre le plus possible ses facultés de connaître, et, — s’imposant l’instruction de tout ce qu’il faut savoir, — de prendre à tâche d’y parvenir par le devoir de tout ce qu’elle commande. Jugez si les superstitions nous en facilitent l’accès.
Toute activité, dans notre nature humaine, exige le concours de deux coopérateurs : l’esprit (1) , la puissance ; le corps, l’instrument. L’esprit réside en notre âme. C’est le principe incompréhensible qui paraît posséder et développer les formes. Le corps, il n’est si mince parleur qui ne s’avise d’en traiter comme s’il en avait créé les lois et l’organisation. Pourtant les recherches de la science, déjà si magnifiques de conquêtes, montrent vis-à-vis de lui plus de réserve. On les accuse injustement de n’y voir que rouages et matière. Lisez les lignes suivantes de l’ouvrage monumen-
l'âmc pure, le cœur droit n’ont rien à craindre du mauvais emploi des forces magnétiques. Par son origine salutaire, la volonté , dès que l’on en fait usage, est un abri protecteur. Toujours l«mal est soumis au bien, quand on l«veut. J’en ai cité des faits exemplaires dans le précédent numéro.
« Toute action hyperphysique qui tend à contrarier le sens moral, en u général, ne doit son efticacilé qu'au trop peu de contronilence de l'âme «du passif. » (Dbltade, Bio-Psychologie des mages primitifs, p. 152.)
• Non nocent, niii ex debilitate anima illorum, etc. pratereà nequt t fortibus viris, neque sapientibus talia nocent, etc., sed vilioribus. » (Cahdan, de Subtilit. 1. 18.) Les maléfices n’atteignent leur but que par la faiblesse d'âme des victimes, etc.; c’est pourquoi les forts, les sages ne sont point attaquables; ces indignités ne font leur proie que du commun des êtres.
(1) En lalin, Mens, du mot grec, Menos, esprit, principe actif.
— AOfi —
tal de notre époque, et vous vous désabuserez de ces déclamations.
« On reproche à la science d’être matérialiste; c'est une « grande erreur. Cette imputation, qui serait grave si elle « était fondée, heureusement ne s’adresse qu’à l’opinion v intelligente, et même encore bien peu méditée, dequel-« ques-uus de ceux que l’on appelle savants. Mais la science, « qui n’est que l’application de l’esprit de l’homme à l’his-« toire des œuvres de la nature, ne peut mener qu’à la u cause première de tous les êtres. Loin donc qu’elle con-« duise au matérialisme, c’est elle , au contraire, qui ren-« ferme les arguments les plus positifs en faveur du spiri-« tualisme, et elle en fournira d’autant plus à l’avenir, « qu’elle sera mieux comprise et plus avancée (1). »
(1) Le docteur Bourgery, Traité complet de l'anatomie de l'homme, t. 5, p. 34. Paris, 1844.
« J«viensd«tracer, dit-il, le tableau des éléments de l’intellect. Tout se « déduit, en apparence, de ce mécanisme, qui semble répondre à tous les « cas. Eh bien I ce tableau si satisfaisant pour la science est incomplet; « cette organisation si savante n'est point encore un organisme; à tous ces « instruments il manque un esprit moteur; pour toutes ces activités diver-« gentes, on cherche en vain un centre de convergence où elles puissent € se fondre dans l'unité. Çe qui manque enfin à tant de facultés éparses, « ce n’tst pas moins qu'un chef su ptém«d«toute la hiérarchie intellec-« tuelle. Or, ce principe supérieur existe ; il se déduit logiquement d«« l'harmonie intellectuelle, et se prouve par scs actes. Indispensable « dans la théorie de l'organisme, on ne comprend pas comment tour à i tour invoqué, puis mis en oubli plutôt que nié, pendant plus de deux « mille ans, de Platon à Sthal, il ne s'est pas toujours maintenu ferme et « incontesté dans la science...
« D’après le témoignage réciproque et les concordances de toutes les no-« tions que l'homme possède, l'âme assurément est un principe, et un « principe différent de tout ce que nous avons reconnu jusqu'à lui...
« C’est de cette heureuse alliance de quelque émanation de l'âme avec « les facultés intellectuelles, que paraissent résulter cessons inestimables « du vrai, du juste, du bon et du beau, sans lesquels l'organisation la plus a savante des intérêts matériels ne suffirait pas pour maintenir l'ordre t dans les sociétés humaines...
a Enfin c’est d«l'âme, commode leur source commune, que découlent « tous ces nobles sentiments, de quelque nom qu’on les appellera monnaie a du cœur humain, les plus vrais trésors de l'homme, le sanctuaire de son u bonheur et de sa tranquillité morale, et, au milieu des agitations et des
Le corps est un harmonieux organisme qui, de siècle en siècle, dévoile un de ses mystères, pour mieux nous amener à saisir combien la Providence a mis en nous toute voie de satisfaction.
Son principal pivot consiste en deux systèmes nerveux.
Le premier, indispensable à la fondation comme à la conservation de notre vie matérielle, est le système nerveux nutritif ou glanglionaire. C’est la plus profonde retraite de l’âme; c’est le seuil qu’elle quitte le dernier, quand, au trépas, elle s’échappe de notre enveloppe terrestre.
Le second est le système rachidien-cérébral, ou des fonctions de relations. Par lui-, nous entrons en rapport avec les objets extérieurs. Sans tuer la vie, on peut détruire en partie ce système, pourvu que l’on en respecte l’axe incitateur. Des animaux ont vécu très-longtemps après qu’on leur eut enlevé la totalité du cerveau : seulement il fallait leur placer la nourriture au fond du gosier; l’animal avalait alors, et le reste de la nutrition s’effectuait au grand bénéfice de la santé.
Vous voyez là deux sources remarquables d’existence. La première qui fait vivre le corps, la seconde qui nous donne des moyens de communiquer intelligemment avec le dehors. Disons tout de suite que, dans bien des cas, les nerfs du premier système peuvent suppléer ceux du second, envers les fonctions crébrales; tandis que jamais ceux-ci n’ont la propriété de remplacer les autres.
« tristes réalités de la vie, son refuge assuré, sans lequel il ne pourrait « toujours supporter le poids de sa raison.
« Revêtue de facultés nouvelles pour des besoins d'un ordre supérieur, « faite pour sentir bien au-delà du terme où elle a cessé de comprendre, « arbitre de ses actes, douée de la notion d«son Créateur et de la con-« science de sa haute mission, l'âme humaine se proclame le but final et « le principe dominateur de l’organisme supérieur qui résume et com-« mande tous les autres. » tBoinCEnv, Exposé philosophique du système nerveux, p. 16, 17 et 33.)
J'ai voulu vulgariser ce bulletin de la science, afin d«mettre en garde quelques magnétiseursqui s'imaginent, peut-être, communier avec elle, en refusant de croire au spiritualisme.
Los rentres de ces deux systèmes (les plexus et leurs ganglions, la moelle épinière et i’cncéplialc) paraissent être des condensateurs, des magasins d’approvisionnement du fluide vital, élaboré dans l’intricature des organes; fluide variable en ses qualités et ses spécialités dans chacun des départements, chacun des petits chefs-lieu.x, et môme chacune des parcelles de notre machine (1), et que les excitations de l'âme font agir partout selon que de convenance.
Les filets (les nerfs) sont les conducteurs électro-magnétiques, reliant, embrassant jusqu'à la plus minime infimité corporelle, où leurs réseaux in portent, exportent inquali-fiablement des quantités d’effluences, correspondant à tous les actes du dedans au dehors et dit dehors au dedans de notre individualisme si compliqué.
Mais ces filets, ces conducteurs, si simples en apparence, que sont-ils dans leurs linéaments?
« D’après le témoignage des faits, soit que l’on rattache « leurs fonctions propres à eux-mêmes ou à leurs épanouis-« sements périphériques, les nerfs seraient tous spéciaux ; « chaque nerf, et, sous ce nom, il faut entendre chaque « filet, chaque fibre primitive , chaque fibrille, non seule-« ment imperceptible à tous les instruments, mais même « à ce degré qui touche à l’infini, serait en quelque sorte « un être distinct, adjoint, dans un même cordon, à des « milliers d’autres, entre eux plus ou moins analogues , « différents ou étrangers.
« Si cette distinction que j’ét ablis est fondée, le nerf, en « ce qui concerne ses fonctions propres, représente une « collection de petits individus sensitifs, agglomérés sous « une môme enveloppe, pour cheminer avec les aqueducs « vasculaires. Mais, au lieu que les vaisseaux sanguins et « lymphatiques sont presque identiques pour leur texture « et les fluides circulatoires qu’ils charrient, les nerfs, au « contraire, sont différents, sinon absolument par leur struc-
(1) Tout confirme la pensée que notre organisme est une des plus riches batteries électriques.
turc, ilu moins pur les influences qu'ils Iransinellenl. Lue
comparaison complétera cette idée.
« Soit une voiture publique qui renferme un nombre de « voyageurs. Tous se ressemblent et sont des individus iso-« lés du grand organisme social; tous, en partant, sont « compris sous une même enveloppe, dans un véhicule « commun, mais là cesse l’identité. En eflet, tous sont • différents de mœurs, d’idées, de relations, de destina-« tion, en un mot, d«fonction sociale. Emportés d’abord « dans une même direction, à mesure que la route s’avance, « il s’en détache quelqu’un pour aller à un but connu de « lui seul et ignoré des autres : celui-ci s’arrête bientôt ; « celui-là va plus loin ; ces autres plus loin encore ; ce der-« nier va jusqu’aux extrémités du monde: voilà les nerfs...
« La spécialité d’incitation et de perception aurait sa « cause dans le centre nerveux ; la spécialité d’impression a dans l’épanouissement périphérique. Entre les deux est « tendu le nerf ou le cordon de communication. Veut-on, « pour cette conductibilité des nerfs, une comparaison em-« pruntée d’une application scientifique toute récente? Soit a le télégraphe électrique : des fils métalliques, séparés les « uns des autres par une couche isolante, sont agglomérés « en faisceaux : ici tout est identique, la matière, le volume, « l’agent de transmission ; la fonction seule, la significa-« tion donnée aux extrémités est différente, un avertisse-« ment à un bout, un ordre à l’autre, qui se partagent l’ini-« tiative selon les cas ; ce sont là de vrais nerfs artificiels, « des nerfs du grand corps social (1). »
Instruits que vous êtes de la complexité très-multiple des moindres fibrilles nerveuses, quand je vous aurai dit que c’est de leur agglomération et peut-être d'adjonctions inconnues que se forment les centres condensateurs, ces chambres de la force vitale , ces états-généraux des serviteurs de l’esprit, vous ne douterez pas que ces grandes assemblées ne soient d’une complexion bien plus infinie
(1) Boubceht, Erpoii philosophique du lyttimc nerveux , p. 9 et 10.
cncere, aUcn lu qu’elles réunissent et coordonnent les innombrables libères d:'. tout le territoire corporel.
Bornons-nous ;ï parler du cerveau, parce qu’il est l'intermédiaire de l'intelligence humaine en lace des univers. Ce qui le distingue et le sépare de ceux de la chaîne bestiale, c'est qu'il se couronne d’une série organique transcendait talc qui lui déploie les hautes perceptions des meilleurs sentiments et des plus sublimes lumières, comme un phare divin sur les facultés abstraites de l’entendement. La raison del’homme, équilibrée dans l’expansion complète du jeu régulier des appareils cérébraux, serait le règne normal de notre prototype. Mais, à l’étape actuelle de notre humanité, si chacun a droit de revendiquer le libre exercice d’une universalité d’organes, combien d’entre nous, sur le sommet des convocations spirituelles, ont bien des places muettes, si ce ne sont môme des places vides, par le sommeil, ou l’absence des représentants en défaut.
Exercer un organe, c'est y lancer des impulsions fluidi-ques, c’est en condenser toutes les forces que l’on stimule et que l’on dirige; en un mot, c’est l’aimanter, c’est le magnétiser.
La persistance de cette opération , soit de transmission héréditaire ou d’habitude inconsciente, soit de détermination de la volonté, conduit à des prédominances facultatives qui peuvent devenir prodigieuses. C’est une sorte $ entrainement , analogue h celui des chevaux pour la vélocité de la course. Une fois dans le courant, la fonction va toute seule, à la plus légère incitation. La confiance acquise ou spontanée vous emporte sans obstacle , parce que les pôles virtuels (soit attractifs, soit répulsifs) de chaque molécule agissent dans leur vocation de coutume , ou dans le sens voulu d’un courant bien déterminé. Telle est la clef merveilleuse de la puissance de la foi pour ou contre.
Tout marche donc admirablement, tant que l’on se tient dans les sentiers de prédilection ou sur les chemins routiniers ; mais si, tout à coup, s’avisant de se frayer passage en des contrées que l'on a laissées en friche ou dont on
ignorait l'existence , on pense y procéda- sans peine et sans résolution , oii ! l’on sc trompe beaucoup!
Nous avons tous, en vertu de notre espèce humaine,l«type organique, universel; mais il est en nous comme le germe est dans la semence ; il faut qu’il se développe. N’espérons donc pas tout d’abord des abruptes résistantes, des âpres escarpements de tous les fanatismes, ce qui ne peut être que le travail d’une refonte et le résultat du progrès. N’importe ; le magnétisme avance à pas de géant, sa cause est gagnée, et ceux de ses adeptes qui s’égarent, dans des efforts d’esprit, à nier ou repousser l’esprit, ne tarderont pas à s’apercevoir qu’ils s’escriment contre eux-mêmes. Nous traversons une de ces époques périodiques où le monde enfouit ses décrépitudes pour renaître d’un plus riche essor. Telle est la fin des temps que le vulgaire prend pour une destruction matérielle , et qui n’est, bien loin de là, que l’élargissement et la rénovation de la vie.
Nous, spiritualistes, plus que jamais croyons à l’immortalité de l’âme ; conservons la pensée pieuse du souvenir : elle nous rattache aux êtres chers qui nous précèdent à la tombe.
N’est-ce point une superbe conquête que celle de ce nouveau positivisme, où nous voyons qu’en disparaissant d’ici-bas, nous ne faisons que changer de domicile, et que, selon nos actes, nous pouvons nous préparer de bons gîtes sur nos chemins posthumes !
C’est là ce sublime arcane où sont allés s’instruire les législateurs religieux primitifs, et qu’ils ont transmis sous une révélation symbolique , appropriée aux temps, ainsi qu’au pays , et seule capable alors de maîtriser une barbarie hors d’état de recevoir toute la vérité. Ce symbolisme, qui n’est plus nécessaire maintenant, a rendu d’éminents services. Il serait injuste de l’accuser à sa naissance ; il serait criminel désormais de ne pas illuminer ses ruines, dernier refuge de la superstition, et fragile piédestal du scepticisme.
Les divers cultes reposent donc sur un science-mère ; ils
connu n.lt’iiL tous le respect et la toiôranoc ; car ils sont d«grandes chaînes magnétiques, reliant les âges cl les parentés de famille, de croyance et d'affections. Ce sont les rameaux d’un seul arbre qui s’élève à Dieu.
Tous les cultes ont eu leurs miracles (1), parce que, sur
(1 A cette occasion, on ne pourra lire qu’avec fruit l'extrait que je transcris d'un ouvrage digne de confiance, par l'honorabilité générale et le caractère de son auteur.
■ Vers le milieu du xiv® siècle de notre ère, un pasteur d«la contrée
* d'Amd«C), nommé Lombo-Moke, avait dressé sa tente noire au pied a d’une montagne, tout près de l'ouverture d'un large ravin, au fond du-« quel serpentait, sur un lit rocailleux, un ruisseau assez abondant. Lom-« bo-Moke partageait, avec son épouse Chingtsa-Tsio, les soins de la vie
* pastorale. Ils ne possédaient pas d«nombreux troupeaux; une vingtaine « de chèvres, et quelques sarliyucs ou bœufs à long poil, étaient toute « leur richesse. Depuis plusieurs année, ils vivaient seuls et sans enfants « au sein d«celte solitude sauvage. Lombo-Moke conduisait ses bestiaux « dans les pâturages d'alentour, pendant que Chingtsa-Tsio, demeurée « seule dans la tente, s'occupait à préparer les laitages, ou à lisser, selon « l'usage des femmes d'Amdo, une toile.'grossière avec les longs poils des « sarligues.
« Un jour, Chingtsa-Tsi«étant descendue au fond du ravin pour puiser « de l'eau, éproQva un vorlige, et tomba sans connaissance sur une large « pierre où étaient gravés quelques caractères en l’honneur du Bouddha « Cltakdja-Mouni. Quand Cldngtsa-Tsi«se releva, elle ressentit une grande a douleur au côté, et comprit que cette chute l'avait rendue féconde. Dans « l’année de la poule île feu ^1357), neuf mois après cet événement mjsté-« rieux, elle mit au monde un enfant que Lombo-Moke appela Tsong-« Kaba, du nom de la montagne au pied de laquelle il avait planté sa a tente depuis plusieurs années. Cet enfant merveilleux avait, en nais-« sant, une barbe blanche, et portait sur sa figure une majesté cxlraordi-« naire. Ses manières n’avaient rien de puéril. Dès qu’il vit le jour, il fut « capable de s’exprimer avec clarté et précision, dans la langue d’Amdo. « Il parlait peu; mais ses paroles renfermaient toujours un sens profond « touchant la nature des êtres et la destinée d«l’homme.
« A l'âge de trois ans, Tsong-Kaba résolut de renoncer au monde et « d’embrasser la vie religieuse. Chingtsa-T.-i«, pleine de ic.-pcct pour le « saint projet d«son fils, lui rasa elle-même la tète, et jeta sa belle et « longue chevelure à l'entrée de la tente. De ces cheveux naquit sponta-« nément un arbre dont le bois répandait un pai lum exquis, et dont cha-« que feuille portait gravé sur son disque, un caractère de la langue sa-« crée du Thibet. Dès lors, Tsong-Kaba vécut duns une si grande retraite,
{•; L'une de^ gorges les plut Irlslc* et les plus sautages d;. Tlr.be1.
le parcours de l'humanité, les nuits de ténèbres ont besoin d’éclairs pour découvrir le but du voyage. Les miracles d’autrefois imposaient la crainte et l’obéissancc brute, au
>1 qu'il fuyait mém«jusqu'à la présence île ses parcnls. Il se relirait au « sommet des montagnes les plus sauvages, au sein des plus profonds « ravins, et passait les jours et les nuils dans la prière et la contem-« plalion des choses éternelles. Ses jeûnes étaient longs et fréquents. Il «respectait la vie des plus petits insectes, et s’interdisoil rigoureusement « l'usag«de toulc cspèee de viande. i>
Suit la continuation pittoresque de la sainteté de Tsong-Koba, qui devint un des réformateurs les plus célèbres , et le fondateur d’une florissante lamaserie, appelée Jiounboum, de deux mois thibélains, signifiant dix mille images, par allusion à l'arbre, qui , suivant la légende, naquit de la chevelure de ce saint, et porte un caractère sacré sur chacune de ses feuilles. Après ces détails, l'auteur ajoute :
« On doit naturellement s'attendre à ce que nous disions quelque chose « de cet arbre. lixisle-t-il encore? L'avons-nous vu? Qu'oflVe-t-il de parti-« culier? Que faut-il penser de ses feuilles merveilleuses? Voilà tout au-« lant de questions qu’on est en droit de nous faire. Nous allons donc tâ-« cher d'y répondre autant qu’il nous sera possible.
«Oui, cet arbre existe encore ; et nous en avions entendu parler trop n souvent durant noire voyage, pour que nous ne fussions pasquelque peu « impatients d’aller le visiter. Au pied de la montagne où est bâtie la la-« mascrie, et non loin du principal temple bouddhique, est une grandeen-« ceinte carrée, fermée par des murs en briques. Nous entrâmes dans « cette vaste cour, et nous pûmes examiner à loisir l'arbre merveilleux dont « nous avions déjà aperçu de dehors quelques branches. Nos regards se ci portèrent d'abord avec- une avide curiosité sur les feuilles, et nous fûmes « consternés d’élonnement en voyant en effet sur chacune d'elles des ca-n ractères thibélains très-bien formés; ilssontd'une couleur verte, quel-« quefois plus foncée, quelquefois plus claire que la feuill«elle-même. « Notre première pensée fut de soupçonner la supercherie des Lamas; « mais, après avoir touteiaminé avec l’attention la plus minutieuse, il « nous fut impossible de découvrir la moindre fraude. Les caractères nous n parurent faire partie de la feuille, comme les veines et les nervures; la « position qu’ils affectent n’est pas toujours la même, on en voit tantôt « au sommet ou au milieu d«la feuille, tantôt à sa base ou sur les côtés; « les feuilles les plus tendres représentent le caractère en rudiment, et à n moitié formé; léeoree du tronc et des branches, qui se lève à peu près « comme celle des platanes, est également chargée de caractères, qui déjà « commencent à seriner; et, chose singulière, ils diffèrent assez souvent « de ceux qui étaient p;ir-dessus. Nous cherchâmes partout, mais toujours « vainement, quelque trace de supercherie; la sueur nous en montait au « front. D’autres, plus habiles que nous, pourront peut-être donner des
profit du despotisme (1). Les miracles de notre siècle,
« explications satisfaisantes sur cet arbre singulier: pour nous, nous dc-«vons y renoncer. On sourira sans doute de notre ignorance, mais peu « nous importe, pourvu qu'on ue suspecte pas la sincérité de notre re-« talion.
« L'arbre des dix mille images nous parut très-vieux; son tronc, que trois « hommes pourraient à peine embrasser, n’a pas plus de huit pieds de haut; « les branches ne montent pas, mais elles s’étendent en panache, et sont « exti émement touffues; quelques-unes sont desséchées et tombent de vé-« tusté. les feuilles demeurent tou jours vertes; le bois, d'une couleur rou-i geâtre, a une odeur exquise et qui approche un peu de celle de la canif nelle. Les Lamas nous dirent que, pendant l'été, vers la 8° lune, il « produisait de grandes tleurs rouges d’une extrême beauté. On nous a as-« suré aussi que nulle part il n'existait d'autre arbre de cette espèce, « qu’on avait essayé de le multiplier par des graines et des boutures, dans «plusieurs lamaseries de la Tartarie et du Thibot, mais que toutes ces « tentatives avaient été infructueuses. » (Souvenirs d'un voyage dans la Tarlarie, le Thibet et la Chine, pendant les années 1844, 1845 et 1846, par M. Hue, prêtre-missionnaire delà congrégation de Sainl-Lazare, t. II, p. 101, 103, 106, 113, 114 et 113. Paris, 1853.)
Ecoutez encore ce fait des plus curieux que le même auteur, M. l'abbé Hue, m’a raconté dovant plusieurs personnes; fait qu’il tenait, disait-il, d'un vénérable Lama, de la véracité duquel il répondrait.
Un autre Lama possède un tableau phénoménal. A le voir simplement, ce n’est qu’un morceau de toile grossière, recouvert de la peinture d’un paysage agreste. Mais lorsqu'on accroche ce morceau d«toile à la muraille d'un lieu plongé dans la plus noire obscurité, la nuit, pendant la durée d«la présence de la lune, tout à coup ce tableau magique offre une image fidèle et resplendissante du cours de notre satellite, on suivant ses phases très-exactement, et répandant, au milieu de l'endroit hermétiquement clos, une lumière égale à celle dont l'astre naturel brille au dehors.
(l)La placidité, l'abnégation, le dévouement duChrist s'élevèrent jusqu’à son immolation pour le salut de tous: mais les chefs de son Eglise marchèrent-ils sur les traces du maître? Est-ce la douceur du Saint-Esprit qui dictait des colères de l'espèce qu’on va lire?
Eiriuir d'uns bulle donnée au coxcile de troves, en 878, paii le pape JEAN VIII.
«S’il se trouve quelque opposant à nos décrets, nous rejetons de la com-«munion du corps du Christ, de la société de leurs frères, c'est-à-dire de « l'assemblée des chrétiens, tous ceux qui auraient commis un tel crime. « Nous les damnons et les excommunions par tous les anathèmes. Qu’ils soient maudits dans la cité, miudits dans lu campagne! que le fruit a de leur champ soit maudit! que leurs pensées, que leurs actions soient « maudites 1 que le ciel au-dessus de leurs tètes soit d'airain, que la terre
voire même ceux que l’esprit retardataire s’obstine à dire surnaturels, grandissent de tous côtés en nombre comme en qualités. Ils perfectionnent la raison qui ne refuse pas de les suivre dans leurs lois de haute nature ; ils bonifient le cœur qui sait les comprendre; ils sont au profit de tous, par le bien-être qui peut résulter de leur étude et de leurs applications.
Je termine par un dernier échantillon de thaumaturgie où vous retrouverez une confirmation surprenante de ce que serait susceptible d’atteindre la constance de notre pouvoir (1).
« qu’ils foulent soit de fer! que leur prière devant Dieu s«tourne en pé-« chél Comme Dathan et Abyron, qu’ils aillent vivants dans l’enfer ! que « tous ceux qui auraient communiqué et mangé avec eux, ou, sachant « cette malédiction, auraient entendu volontairement leurs chants mau-« dits, qu'ils soient les compagnons de Judas Iscariote, le traître qui a li-« vré le Christ! que leur eau se pourrisse, que leur vin s’aigrisse, que la «rouille dévore leur pain, que le ver ronge leurs vêlements ! Que faut-il n de plus ? Que toutes les malédictions du Nouveau et de l'Ancien-Testa-« ment s'accumulent sur eux jusqu'à ce qu’ils aient apaisé convcnable-« ment l'Eglise par une pénitence digne de leur crime I »
Ces imprécations, héritage du plus barbare paganisme, subsistèrent dans les actes ecclésiastiques jusque vers le milieu du uv° siècle. Et pourtant ces fauteurs n’ignoraient pas que « Jésus n'a été reconnu Dieu u qu’au concile de Nicée, par 318 évêques contre 80, 325 ans après sa « mort. Il n'avait jamais dit qu’il fût égal à Dieu, et saint Paul avait dit « expressément, dans une épitre aux Hébreux, que Dieu a créé Jésus in-« férieur aux anges. La Vierge, sa mère, date du concile d’Ephèse en 431 ; « et c’cst en 1059, par le concil«de Latran, que le pain et le vin de la « messe ont été déclarés son corps et son sang.
u Rappelons-nous qu'à l’époque même où un Egyptien fut tué et’mangé « tout cru pour s’ètre permis, dans une dispute, une raillerie sur ce que « l’Egypte mangeait ses dieux, leurs prêtres, sans le dire au peuple, ne re-« connaissaient qu’un Être suprême, etc. ; et puisque saint Auguslin a « dit : Oinnia per allegoriam dicla, tout est dans la religion allégorie, ne « craignons pas de demander aux sciences que Dieu nous a permis|d’ac-« quérir ce qu'il y a au fond d«nos mystères et des dogmes de l'anti-« quité. » (QU.ERE ET ISVENIES, p. 90.)
(1) J«rappelle ici, pour mémoire, la merveille de ce fakir qui se faisait enterrer vivant et, dix mois après, opérait sa résurrection. Mon intention avait été de rapporter cette histoire; mais elle est dans la collection du Journal du Magnétisme. Voir le n» 136 de l’année 1851.
u A Barochc, dit le voyageur Tavernier (I), les Anglais « ont un l'ort beau logis, et je me souviens qu’y arrivant un a jour, en revenant d’Agra à Surate, avec le président des « Anglais, il vint aussitôt des charlatans (2) lui demander « s’il \oulait qu’ils lui montrassent quelques tours de leur « métier : ce qu’il eut la curiosité de voir.
« La première chose qu’ils firent fui d’allumer un grand « feu, et de faire rougir des chaînes de fer dont ils s’en-« tortillèrent le corps, faisant semblant qu’ils en ressentaient
quelque douleur (3), mais n'en recevant au fond aucun « dommage. Ensuite, ils prirent un petit morceau de bois, « et, l’ayant planté en terre, ils demandèrent à quelqu’un « de la compagnie quel fruit il voulait avoir. On leur dit « que l’on souhaitait des mangues (h) , et alors une de ces « charlatans, se couvrant d’un linceul, s’accroupit contre « terre jusqu’à cinq ou six reprises. — J’eus la curiosité de « monter à une chambre pour voir d’en haut, par une ou-« verture du linceul, ce que cet homme faisait, et j’aperçus n que, se coupant la chair sous les aisselles avec un rasoir,
(1) Voyages en Turquie, en Perse et aux Indes, 1G79. Tavernier était de Paris; il mourut en Russie, en 1G89. « Ces Voyages sont regardés « comme parfaitement véridiques et sont remplis de détails curieux. » (BoUlLLET, Dictionnaire universel d'histoire et de géographie.)
(2) Dans l’origine, c«mot n’élail pas synonyme d«fourbe. Il vient du mot italien ciarlatano, dérivant du ciarlare, parler beaucoup. En philosophie magnétique, cette signification est d’un grand sens, si l'on n'oublia pas que la parole est une principialion.
(3) Il paraît que, pources phénomènes d’insensibilité, l'âme agissant sur son expansibilité, la refoule et la condense dans les principaux centres du svstéme nerveux ganglionairo. C'est uu refoulement analogue qui s'opère par l’intromission d'un fluide étranger, soit d un magnétiseur, soit d'uue force astrale, sous l’empire desquels surviennent le somnambulisme et ces singuliers changements que l’on nomme transpositions des sens. Dans ce cas, ils ne seraient véritablement point transposés; leurs organes de perceptions restent toujours dans le cerveau; niais les moyens d'y parvenir ont seuls varié. Ce sont les nerfs du système ganglionair«qui, par leurs anastomoses (abouchements) avec le système cérébral, y deviennent des conducteurs suppléants.
(4) Fruit du manguier, arbre de 10 à 12 mètres de hauteur, qui produit des fruits rafraîchissants, très-savoureux, et très-rcchercliés dans l'iode.
« il frottait de .«on sang le morceau de bois. A chaque fois « qu’il sc relevait, le bois croissait à vue d’œil, et, à la troi-« sièine, il en sortit des branches avec des bourgeons. A la « quatrième fois, l’arbre fut couvert de feuilles , et, h. la h cinquième, on lui vit des (leurs.
« Le président des Anglais avait alors son ministre avec
« lui, l’avant mené à Amadabat pour baptiser un enfant du
« commandeur hollandais, et dont il avait été prié d’être le
« parrain ; car il faut remarquer que les Hollandais ne
« tiennent point (le ministres que dans les lieux où ils ont
« ensemble des marchands et des soldats. Le ministre an-
« glais avait protesté d’abord qu’il ne pouvait consentir
« que des chrétiens assistassent à de semblables spectacles ;
c et dès qu’il eut vu que, d’un morceau de bois soc, ces
« gens-là faisaient venir, en moins d’une demi-heure, un
« arbre de quatre ou cinq pieds de haut, avec des feuilles
« et des fleurs comme au printemps, il se mit en devoir de
« 1’«aller rompre, et dit hautement qu’il ne donnerait ja-
« mais la communion à aucun de ceux qui demeureraient da-
« vantage voir ces choses. Cela obligea le président de
« congédier ces charlatans, n
('/est dommage que la peur du diable ait arrêté ces mangues en si beau chemin. Est-ce que véritablement vous ne croyez point au diable ? me demandera-t-on. Pour ma péroraison, je déclare, une seconde fois, que je l’ai vu , mais que je n’y crois point comme on l’entend généralement. Je crois en Dieu, c’est vous dire que, pour moi, son principe négateur n’est qu’une mauvaise parade. Avez-vous vu des fantasmagories ?
Vous ont-elles empêché de dormir? Oui! Vous devez alors repousser ce spectacle et commander à ses histrions de se retirer.
Saluons avec respect et reconnaissance La Toute-Puissance Créatrice ; livrons au bien toutes les forces qu'elle nous ac corde ; purifions, embellissons la terre ; éclairons, perfection-
nons l'entier développement de son .■Iduin, l'Iiomme uuhrr-si l (1) : nous agrandirons son pouv oir et son bonheur.
1)' C LE VER Dli JlALDICNV.
(1) Le sens propre du mot hébraïque Ailam, sons conservé par !a version samaritaine, ne sign i lie pas l’homme, mais l'cire universel.
« Moïse, dit Fabr«d’Olivet, ne tomba point ici dans l'erreur moderne, « qui fait de nous un genre particulier dans le règne animal ; mais, après « avoir terminé tout ce qu'il voulait dire, et sur le règne élémentaire, et n sur le règne végétal, et sur le règne animal, il passe à un règne distinct « et plus élevé, qu’il nomme Adam, l'universel. » {Noies sur les versions littérales de la Cosmogonie de Mo'ise,)
Le règne adamique, aulreinent dit l«règne de l'universalité de notre être, dans la parfaite possession d«son type fondamental, n’est encore, il faut en convenir, qu’en bien faible voie d’ébauche.
FIN.
VARIÉTÉS.
Le magnétisme n’existe pas, disent les princes de la science, ou s’il existe, ses effets ne sont tout au plus qu’un produit de l’imagination ; et, partant de là, dédain superbe pour l’examen de cette science. Au lieu d’être la base, le point capital, le principe vivifiant de l’art de guérir, elle est même rayée des programmes, et, dans les cours, les cliniques, on n’en parle que le sourire sur les lèvres. Qu arrive-t-il de là, c’est que tout médecin qui s’en rapporte aux affirmations de l’école et rejette avec un superbe dédain l’étude du magnétisme, se prive du secours de l’agent le plus divin, le plus puissant qui puisse venir en aide à son art. Combien de médecins, et même des plus savants, ont laissé mourir leurs malades faute d’avoir eu recours aux pratiques de Mesmer! et combien n’auraient pas commis ce que nous pourrions appeler un homicide par vnlOlcniatl, s ils avaient seulement
pris la peine île s’occuper quelque peu de l’emploi de ces pratiques ! Ce que nous disons là est de la plus parfaite vérité, et chaque jour une foule de faits viennent à l’appui de ce que nous avançons ici. En voici un entre mille, qui vient de se passer à Paris en plein public. C’est un cas de catalepsie, état que le magnétisme combat avec tant de puissance et ■ lont fait souvent sortir en quelques instants de simples mouvements émanés de tout homme qui a quelque connaissance des procédés du mesmérisme. Faute d’avoir eu recours à ces procédés, un homme allait être tiré de la Morgue et enterré tout vivant avec la meilleure confiance du monde qu’il était mort et bien mort: un médecin l’avait déclaré.
P1ÉRART.
On lit dans les journaux du 8 au 11 août :
« Un fait curieux s’est passé avant-hier à la Morgue. Vers midi, un monsieur très-bien vêtu traversait la passerelle qui remplace le pont Saint-Michel qu’on démolit en ce moment, lorsque tout à coup on l’entendit prononcer ces mots : « Ah ! mon Dieu ! » Puis 011 le vit chanceler, tomber et rester inanimé. Des passants s’empressèrent de le relever et de le transporter dans la boutique de M. Alexandre Dumas..., le liquoriste. Des soins lui furent prodigués; on lui fit respirer des sels, mais il 11e donna pas signe de vie ; un médecin , qui se trouvait dans la foule rassemblée par cet événement, s’approcha, palpa le corps, et se retira en disant : « Il est mort d’apoplexie ! » Le cadavre fut trans-porté aussitôt à la Morgue. O11 l’examina de nouveau , il était froid, et présentait toutes les apparences de la cessation de la vie occasionnée par une congestion cérébrale.
« Eue recherche opérée daus ses vêtements n’ayant fait découvrir aucun papier, et l’identité de cet individu étant inconnue, les employés le déshabillèrent, et, pour l’exposer aux regards du public, afin d’amener sa reconnaissance par sa famille, ils le placèrent sur une des dalles destinées à celle exposition. Les employés , leur besogne terminée, allaient se retirer pour rouvrir îe-r portes de l’établissiimaut au
nombreux public stationnant au dehors, lorque l’un dit à l’autre :
kTiens, il me semble que le mort vient de remuer un œil. »
« Et en efTct, ils virent l’œil droit grand ouvert en plein d’une vivante expression; puis tout coup il se ferma; l’œil gauche s’ouvrit à son tour. Plusieurs fois, les deux yeux s’ouvrirent et se refermèrent alternativement ; ils restèrent enfin tout à fait ouverts, et leur expression semblait dire : Je suis vivant!... Un des employés se tenait penché sur le corps, cherchant s’assurer si les voies respiratoires fonctionnaient; subitement, le bras droit du cadavre se lève, se détend, sc recourbe, entoure le cou de l’employé et le tient ainsi serré si fortement, que c’est avec peine qu’il parvient à s’en dégager.
« Plus de doute, cet homme vivait encore ! Aussitôt on l’enlève, 011 le transporte dans la salle, on le frictionne, et, en quelques minutes, scs membres perdent leur raideur, reprennent leurs fonctions, la voix revient au moribond, il parle et fait connaître qu’il est sujet à des accès de stupeur cataleptique pendant lesquels il a conscience de ce qui se passe autour de lui. On sait que cette affection imprime au système musculaire une raideur comme tétanique, donnant au sujet qui en est atteint toutes les apparences d’un mort.
« Quelques instants après, le ressuscité sortait très-bien portant de la Morgue, et montait dans une voiture de place pour se soustraire à la curiosité de la foule, avide de le contempler. »
Baron nu POTET, proprictairc-gérant.
LE SPIRITUALISME,
M. HUME ET LE SPIRITUAL TELEGRAH.
Koufeaui phcnomèncs produits par l’illustre médian.
Le magnétisme, pendant longtemps, nous a trouvé sceptique on indifférent. Depuis plus de quinze ans nous avions entendu parler, par des hommes sérieux et dignes de foi, des phénomènes curieux de cette science, et pendant tout cet espace de temps il ne nous était pas venu à la pensée de l’étudier, de fixer nos convictions à ce sujet. Non seulement nous étions sceptique, et, ce qui est plus grave , nous étions sceptique sans connaissance de cause. Depuis, certaines circonstances nous ont amené à l’étude du magnétisme; non seulement nous l’avons étudié, mais encore non3 l’avons mis en pratique, nous avons multiplié no9 expériences, et toutes ont été concluantes. Alors nous avons cru au magnétisme, au somnambulisme et à tout ce qu’on en peut tirer de bienfaisant ou d’extraordinaire.
Il en a été de même de nos convictions à l’égard du spiritualisme.
Comme tant d’autres nous avons nié l’existence de forces, d’intelligences invisibles, mouvant d’elles-mêmes la matière, agissant sur elle, se manifestant par l’écriture, se révélant dans des réunions d’hommes par les faits les plus étonnants de divination, de pénétration de choses éloignées, cachées ou inconnues des assistants. Nous révoquions ces forces en doute, même contre les affirmations des hommes les plus convaincus, les plus sincères, qui nous disaient les avoir vues en œuvre, et qui nous citaient à ce sujet toutes les circonstances de temps et de lieu les plus précises. Nous répondions
à ces affirmations par de constantes et systématiques négations; nous nous disions, le sourire sur les lèvres: (les pauvres hommes sont des hallucinés ; ils sont atteints de la maladie de superstition, triste infirmité, plus grande qu'on 11e croit, ou bien ils ont été la dupe de jongleurs habiles, des plus étranges illusions. Les faits qu’ils racontent, nous disions-nous, sont impossibles, donc ils 11’existent pas. Et, en cela, nous avions tort encore. D’abord, il ne faut jamais rien déclarer d’impossible. Qui connaît les bornes du possible ? Combien de vérités, de grandes découvertes qui avaient été reléguées au rang des fables, sont devenues ensuite des faits clairs et palpables pour tous! Que de phénomènes niés, parce qu’on ne pouvait en expliquer le sens, la cause, la nature, sont aujourd’hui passés à l’état de choses simples et vulgaires! L’homme lui-même se connaît-il? a-t-il résolu le problème de son existence, trouvé l’énigme de sa destinée? Non, et cependant il vit, il sent, il pense, il raisonne. Qu’est-il, d’où vient-il, où va-t-il? Nul ne le sait. Doit-il se nier, parce qu’il n’a point encore trouvé de solution aux grandes difficultés que ces questions présentent à son esprit? Non certainement. Nous croyons tout savoir, nous tranchons sur tout, et, dans notre orgueil, nous nions, nous affirmons avec assurance, nous élevons des théories que nous croyons inébranlables et que bientôt les faits viennent renverser de fond en comble. Disons plutôt que nous 11e savons rien ; ne soyons donc pas si orgueilleux, si tranchants à l’égard de faits, de phénomènes nouveaux qui nous sont attestés par des gens de bonne foi. Disons plutôt : Il faut voir ; qui sait ? Provoquons les faits, soyons témoins, examinons et ne nous hâtons pas de prononcer.
Pour notre compte personnel voilà ce que nous aurions dû faire à l’égard des phénomènes du spiritualisme. Voilà pourtant ce que nous n’avons pas fait ; ces phénomènes nous ont d’abord trouvé incrédule, léger, railleur, ergoteur, et nous en étions là quand nous avons été appelé par les circonstances à la rédaction du Journal du Magnétisme.
Ces nouvelles fonctions nous ont mis en rapport avec
tous les abonnés, les correspondants, les lecteurs que ce journal possède dans les cinq parties du monde. Chaque jour nous recevions d’un grand nombre d’entre eux des notes ou des lettres dans lesquelles nous étaient attestés les faits les plus extraordinaires de spiritualisme. Ces attestations diverses, continuelles, émanées de personnes étrangères les unes aux autres, qui venaient des quatre points de l’horizon et qui, certes, n’avaient pu se concerter et qui, cependant, concluaient toutes de la même manière, nous firent profondément réfléchir. Nous nous empressâmes d’é-tudier la matière, nous nous rendîmes témoin de manifestations spiritualistes remarquables; nous primes connaissance de toutes celles qui sont consignées dans l’histoire, et nous arrivâmes à nous faire une conviction parfaite à ce sujet.
Sur ces entrefaites, arriva à Paris M. Hume, le fameux médium. La puissance étrange que possède ce jeune homme, le don qu’il a de provoquer les phénomènes les plus merveilleux, nous furent certifiés par des hommes dignes de foi qui avaient vu ou qui étaient en relation avec des personnes que M. Humeavait admises à ses expériences. D'un autre côté, M. le baron du Potet et d’autres personnes aussi honorables et aussi dignes de foi nous disaient avoir la plus grande créance dans le pouvoir de M. Hume, même sans l’avoir vu à l’œuvre, attendu que les phénomènes qu’il produisait, ils les avaient eux-mêmes produits en partie. Bientôt des journalistes, qui s’étaient d’abord moqués de ces phénomènes, se sont mis à les enregistrer avec le plus grand sérieux du monde. Les uns en avaient été témoins, d’autres déclaraient les tenir d’amis, de personnes de bonne foi, et tous citaient des noms propres, indiquaient des circonstances de lieu et de temps qui n’ont jamais été démenties. Nous nous sommes dit alors : Puisque les faits attribués à la puissance de M. Hume ne sont pas isolés, puisque d’autres que lui ont pu les provoquer, puisqu’ils se trouvent attestés par tant tie gens et qu’ils n’ont jamais été démentis, il y a de grandes présomptions pour qu’ils soient véritables. Pourquoi notre
journal, qui a déjà inséré une foule de faits semblables sur la foi de témoignages verras d'Amérique, n'insérerait-il pas ceux qui viennent de se passer, tout près de nous, à Paris? Pourquoi nous, dont la mission est de rendre témoignage aux vérités de ce genre lorsqu’elles sont bien constatées, leur refuserions-nous une place dans notre recueil? Et, là-dessus, nous nous sommes mis à reproduire les différents articles par lesquels la presse a rendu compte des faits étranges qui ont fait de M. Hume l’homme le plus à la mode de Paris.
Aujourd’hui un journal d'Amérique, 1e Spiritual Tclegrapk de New-York, journal fondé tout exprès pour la cause du spiritualisme et qui a certifié des faits bien plus in-■croyables encore que ceux qui se sont produits dernièrement à Paris, désavoue ces derniers comme controuvés, attendu qu’ils se sont passés en petit comité, en présence de très-peu de personnes qui se sont engagées au secret ; que les journaux qui en ont parlé n’ont pu que conjecturer et ont recueilli au hasard les propos tenus par des personnes qui ne savaient absolu ment rien-, et, à la suite de cela, qui le croirait, le Spiritual Tclegrapk cite une série de phénomènes on ne peut plus extraordinaires, produits à Boston par M. Hume lui-même, concurremment avec M. Wilis, étudiant de Cambridge (1).
Ainsi donc, le Spiritual Telegraph admet parfaitement la la vérité, la possibilité des phénomènes provoqués par M. Hume, mais à Boston seulement. A l’entendre, ce qu’il a fait là, il n’a pu le faire ailleurs , et la raison en est qu’à Paris ses expériences ne se seraient passées qu’en petit comité, qu’en présence de très-peu de personnes qui se seraient engagées au secret. D’abord, nous ne voyons pas que les expériences de Boston aient eu un bien grand nombre de témoins, quatorze assistants au plus, et certes, c’est là bien peu de monde en regard des réunions de Paris ; et s’il est vrai que si, dans ces réunions, on s’est engagé au secret, il
(i) Voir notre numér«du 25 juillet dernier,p. 590,
faut convenir que ce secret a été bien mal gardé. Le Spiritual Telegraph dit que les.journaux qui, en France, ont parlé des expériences de M. Hume n’ont pu que conjecturer et ont recueilli au hasard les propos des personnes qui ne savaient absolument rien, et la conséqueuce qu’il tire de là, c’est qu’on doit regarder ces expériences comme controu-vées. D'abord, tous les journalistes de Paris n’ont pas parlé sur la foi d’autrui. Plusieurs ont vu, et, de ce nombre, est M. Méry, rédacteur de la Presse. Mais eussent-ils parlé sur la foi d’autrui, qu'ils seraient certes aussi croyables que le Spiritual Telegraph, qui lui-même chaque jour insère, sur la seule foi d’autrui, une foule de faits tout aussi extraordinaires, plus extraordinaires même que ceux qu’on attribue à la puissance évocatrice de M. Hume. En effet, parmi ces faits nous voyons des esprits écrivant dans des tiroirs fermés à clef, écrivant dans des langues inconnues au pays, y mouvant des choses inertes, lançant des livres après des personnes éveillées, les arrachant à leur sommeil pour les frapper, les rouer, les meurtrir de coups de canne, et nous ne sachions pas que le Spiritual Telegraph, qui affirme ces faits, qui les présente comme s’étant passés sur divers points de l’Amérique, à des distances considérables de New-Yorck, nous ne sachions pas, disons-nous, qu’il en ait été témoin. Il les affirme aussi sur la foi d’autrui, et cela étant, nous ne voyons pas pourquoi il vient révoquer en doute des faits bien moins étranges quand ils se sont produits à côté de ceux-là même qui les attestent, dans une grande ville qui est avant tout celle de la publicité, de la contradiction et du scepticisme, où rien de ce qui est faux n’a jamais pu se produire sans démenti ou demeurer l’objet d'une croyance sérieuse.
Aussi, sans nous laisser ébranler par les raisonnements du Spiritual Telegraph, et jusqu’à ce que des contradictions plus fondées, plus unanimes, plus compétentes, plus motivées se soient produites, continuerons-nous à insérer ce que disent certains journaux relativement à M. Hume. Aujourd’hui nous reproduisons quelques nouveaux proJiges dus
aux facultés si extraordinaires de l’illustre médium. Parmi ces prodiges figure la guérison presque instantanée d’un enfant sourd. Nous nous sommes enquis de ce fait, nous sommes allé aux sources, nous avons vu de nos propres yeux, nous avons recueilli tous les éclaircissements désirables, et nous pouvons garantir sur l’honneur que le fait de guérison rapporté par le Courrier de Paris est de la plus exacte vérité.
Z. PIÈRART.
On lit dans le Courrier de Paris du 19 juillet :
Jusqu’à présent les manifestations de M. Ilome étaient affaire de pure curiosité. Nous recevons d’un abonné une lettre intéressante. Si le fait qu’il nous raconte était vrai , les esprits frappeurs auraient une utilité directe et matérielle. Au reste, nous laissons la parole à notre correspondant et toute la responsabilité de son récit qui nous parait un peu bien fort. Nous ne supprimons de sa lettre que ce qui est étranger au fait lui-même :
Monsieur,
Madame de **', qui habite le faubourg Saint-Germain, a un fils âgé de treize ans. Depuis cinq ans, elle s’affligeait de voir tous ses efforts impuissants pour guérir cet enfant d’une surdité dont il était resté affecté à la suite d’une grave maladie. Quand cette surdité était plus intense que de coutume,, la mère magnétisait elle-même son enfant par insufflation , et lui procurait ainsi une audition faible et fugitive.
Un jour elle se recueillait avant de magnétiser l’enfant, lorsqu’une vapeur légère et brillante s’éleva tout près d’elle. Dans cette vapeur, une forme humaine se dessina peu à peu, devint de plus en plus distincte, jusqu’à ressembler à un très-jeune homme blond. Puis, la mère entendit ces paroles, doucement murmurées : « Si je touchais ton enfant, je le guérirais 1 » Et l’apparition s’évanouit.
Fort émue et vivement frappée de cette vision , madame
de *** en parla. Sur le portrait quelle traçait de celui qui s’était manifesté à elle, on lui dit que ce devait être Dun-glas Home (1). Elle s’enquit île la demeure du médium, lui écrivit ce qui était arrivé et se présenta ensuite avec son fils. D. llome se montra fort empressé , fit à l’enfant beaucoup de caresses, lui posa les deux mains sur la tète, et, au bout d’un quart d'heure, l’ouie était revenue.
Ceci se passait le 21 mars dernier, jour du départ de M. Home pour New-York. Il dit à madame de*** qu’il serait de retour dans sept semaines, et lui fit promettre de lui ramener l’enfant.
Le lendemain, le surlendemain, les jours suivants, 1 enfant entendit : il n’était plus sourd !
Au retour de Home, madame de *** se hâta d’exprimer et sa joie et sa reconnaissance à celui qui avait guéri son fils. Home éprouva une grande satisfaction de cet heureux résultat, et une vi\e sympathie s’établit entre ces trois personnes.
Au commencement de ce mois, Home devait s’absenter de Paris. Madame de *** le pria de lui laisser un objet magnétisé par lui, et dont elle pût faire usage si la surdité revenait.
Home prenant un chapelet, dit à madame de *** , en le lui donnant : « Voici pour mon enfant (c’est ainsi qu il le nommait) ; c’est mon chapelet (2).»
Agréez, G”*
Paris, le 17 juillet 1857.
On lit dans le journal les Chroniqueurs du 19 juillet :
M. Home était privé de sa puissance. Il y a quelques jours, il passait la soirée chez madame la duchesse d’IIa-
(1) Tel est le nom véritable de l'illustre médium, d'après les lettres mêmes qu'il a adressées à la mère de l'enfant qu’il a guéri d«sa surdité, et que nous avons lues. Désormais, en parlant de lui, nous n’emploierons plus d'aulre orthographe.
(2) Ce chapelet est en tout conforme à ceux qu'on distribue à Rome, après qu’ils oui été bénits par la main du pape. Il émane en effetdu Saint-Père.
milton , lorsque tout à coup des craquements se firent entendre , des souffles se firent sentir, des mains invisibles pressèrent les genoux des assistants; c’étaient les esprits qui revenaient, c’était la puissance qui était rendue à l’illustre médium.
L’intermittence a été moins longue qne d’habitude. Ce retour imprévu de ses facultés surnaturelles a décidé le jeune médium à ne pas quitter Paris, les esprits le lui ont défendu.
A son arrivée en France, M. de Morny s’est arrêté à Plombières. L’Empereur lui a parlé de Home et lui a raconté les miracles dont il avait été témoin. M. de Morny a déclaré à Sa Majesté qu’il était complètement incrédule , qu’il n’admettait point cette intervention des esprits, et qu’il resterait incrédule.
Samedi, M. Home est allé passer la soirée cher. M. le comte de Morny. La soirée s’est prolongée pendant à peu près toute la nuit. M. Home, en possession de toutes ses facultés, a fait des prodiges.
Craquements, vents violents, abaissement de 'la température, attouchements de mains invisibles, mains lumineuses, tables maintenues en l’air à plusieurs pieds du sol, conversations d’esprits, évocations d’ombres , révélations faites à iM. de Morny de choses que lui Beul pouvait savoir ; en un mot, tous les phénomènes les plus ordinaires et les plus rares du répertoire de M. Home se sont produits avec une persistance, une netteté, une énergie qui ne pouvaient laisser aucun doute à M. le comte de Morny. Aussi, on assure que M. le comte de Morny a cessé d’être incrédule et qu’il est complètement convaincu.
M. Home a des antipathies et des sympathies. Devant une nature qui lui est antipathique, il ne produit aucune manifestation , ou du moins il ne les produit que péniblement. Ainsi, M. Fould et M. le comte Walewski lui sont tout à fait antipathiques. M. le comte de Morny, au contraire, lui est très-sympathique.
Hier matin, je devais me trouver chez M. Gigoux avec
M. Home* qui a beaucoup de sympathie pour l'6minent artiste. Nous espérions voir quelques manifestations. Malheureusement, M. Home, fatigué de la nuit qu'il avait passée chez M. le comte de Morny , se sentait incapable d’aucun acte de sa puissance. Les manifestations avaient été si abondantes chez M. de Morny, que M. Home est obligé de preudre quelques jours de repos.
U y avait chez M. Gigoux plusieurs personnes tout aussi désireuses que moi de voir : M. Larrey, le savant médecin, M. Cheuavard, le comte Georges Mitszchek, gendre de madame de Balzac, etc., etc., etc. Tout ce que nous avons vu, c’est M. Home lui-même.
M. Home est un grand jeune homme, d’un blond un peu hasardé, qui a bien le type écossais. Son visage est peu expressif ; seulement son regard a quelque chose d éirange. U semble ne pas voir près de lui et ne voir qu’au-delà du milieu où nous sommes. On prétend qu’à la vue de certaines personnes qui lui sont particulièrement antipathiques , sou regard s’allume de lueurs fauves et phosphorescentes.
Ce qui frappe le plus en M. Home, c’est son air de sincérité enfantine, de bonne foi naïve. La plupart des hommes qui se donnent pour posséder des facultés surnaturelles sont pour ainsi dire divisés, en deux moitiés, et l’une des moitié» se moque incessamment de l’autre et du public. Chez M. Home, rien de cela. Il a quelque chose de fatal et de canvaincu , quelque chose de singulier et de tout simple , quelque chose de fantastique et cependant de tout uni ; figurez-vous Werther représenté par Levassor.
Sa conversation est tout à fait ordinaire ; jamais aucune réflexion philosophique, aucun aperçu des pays qu’il a parcourus ; il ne parle même pas de lui ni de ses sensations.
Le docteur Larrey, sentant bien que la science doit être suspecte aux héros du surnaturel, se montrait très-réservé et très-disposé à croire; il nefaisait pas la moindre objection, aussi Home ne paraissait nullement le redouter. Le comte Georges est un croyant plein de ferveur ; M. Chenavard a dit un seul mot : il a exprimé l’opinion qu’on pouvait expli-
qner par des lois physiques les phénomènes en apparence surnaturels produits par SI. Home. Celui-ci a aussitôt manifesté la plus vive contrariété. Il n’a pas disputé, il n’a pas répondu , mais il semblait inquiet, mal son aise, et il est sorti.
Il est toujours ainsi. Il ne discute pas, il exige qu’on croie, et il ne se manifeste pas devant les sceptiques et les railleurs. Il se sent tout à fait à son aise devant les gens convaincus ou qui ne demandent qu’à l’être. — Au bout d’une heure, M. Hume, qui était allé voir sa sœur dans son couvent, est revenu. Mais il a continué à rester aussi inctec-Irique que possible.
Peut-être un jour je serai plus heureux, et je verrai.
PAUL d’ivoi.
On lit encore dans le Courrier de Paris :
M. Home, qui est encore à Baden pour cinq ou six semaines, est fort recherché dans ces sociétés aristocratiques, et les préfère au salon de conversation, où il est examiné avec une curiosité indiscrète et souvent gênante.
La semaine dernière M. Home allait, pour la première fois, le soir, chez madame de K... Il y allait en homme du monde faisant une visite, et non point en médium, avec l’intention de faire des expériences. En entrant dans le salon, Home se sentit tout à coup mal à son aise ; il essaya de surmonter cet état de gêne, mais sa souffrance ne fit qu’augmenter. Ses nerfs étaient agités, il éprouvait une sorte de tremblement convulsif, un étouffement pénible ; il s’affaissait sur lui-même, il se relevait, s’étendait, essayait de se calmer, restait immobile comme partagé entre une grande fatigue et une sorte de contemplation douloureuse ; puis il recommençait à trembler, son front ruisselait de sueur, tandis que ses dents claquaient de froid.
On s’empressa autour de lui, on lui demanda ce qu’il avait. Lui, se leva.
— Bien, rien, dit-il d’une voix émue, ce n’est rien !
Et faisant un grand effort, il s«secoua comme un homme qui chasse une vision, essuya son front, saisit sa chaise d’une main qui tremblait encore, et s’écria comme s’il eût été inspiré, en montrant du doigt le parquet :
— Là, là... J’ai entendu un bruit horrible... Je l’entends encore... J'entends les soupirs étouffés, les râlements d'un homme étendu par terre, et en proie à une douleur violente... Il est agité de mouvements convulsifs ; il se cramponne au sol avec ses ongles déchirés ; il se traîne, il se tord sur la terre... J’entends le froissement de son pantalon sur le parquet... Dans ce pantalon* il y a la jambe d’un mort... Le malheureux ! personne ne prie donc pour lui ?
Et, ne pouvant plus contenir son émotion, il pria la comtesse de K... de l’excuser, et sortit à la hâte. L’air frais de la nuit ramena le calme dans son cœur.
Le lendemain 011 lui demanda compte de ses souffrances ; on lui demanda s'il pressentait la cause des impressions qu’il avait ressenties.
— Oui, dit-il ! je suis sûr que dans cette pièce, à la place que j’ai montrée, un homme esh mort de mort violente... et, chose affreuse, qu’il est mort coupable.
O11 s’étonne, on s’informe si dans l’hôtel et dans l’appartement habité par madame de K... un crime a été commis. Les gens de l’hôtel se troublent et commencent par nier. Puis le maître de l’hôtel avoue que, six ans auparavant, dans cette chambre, un jeune homme, un joueur malheureux s’est brûlé la cervelle; il s’était mal tué, et il est mort en se débattant contre d’horribles convulsions. Il cachait cette histoire, parce que certaines personnes ont l’esprit frappé de ces accidents et ne veulent pas de la chambre où ils sont arrivés; d’ailleurs la ferme des jeux recommande le plus grand silence sur ces dénoùmsnts fréquents d’une soirée de roulette.
Home dîne au restaurant des jeux, où sont en abondance les poissons les plus délicats et les gibiers de haut lignage. Mais 011 remarque qu’il mange très-peu. C’est un trait de
ressemblance de plus avec Swedcinborg, à qui déjà Home ressemble par tant de points.
On sait que le jour delà première entrevue du Snedemborg avec Dieu, laquelle eut lieu eu 1745, le fervent illuminé dînait dans une auberge. Il vit tout à coup un homme au milieu d’une vive lumière, qui lui cria d’une voix formidable :
— Ne mange pas tant !
Le même soir le Seigneur, vêtu de pourpre, resplendissant de lumière, apparut à Swedemborg et commença à lui dicter ce qu’il devait écrire. paui. d’ivoi.
Aux faits qui précèdent, il faut ajouter celui qui est cité dans le Siècle par Edmond Texier. Pendant les fortes et longues chaleurs qui ont eu lieu dernièrement, on manquait d’eau à Baden-Bade. Confiants dans les étonnantes facultés du médium américain, des habitants de cette localité le prièrent de vouloir bien les appliquer à la recherche d’une source quelconque. M. Home y consentit et s’en fut explorer le terrain où l’on désirait trouver de l’eau. A peine avait-il, dans cette intention, arpenté quelques mètres de terrain, que, s’arrêtant, il frappe du pied et dit : Fouillez ici, je sens un courant d’eau. On fouilla, et, peu d’instants après, on vit jaillir une source abondante. Cette source n’était que de l’eau minérale, dit en badinant le collaborateur du Siècle. Minérale ou non, ce n’en était pas moins une source, et le fait n’en est pas moins précieux, comme servant à constater, une fois de plus, les facultés étonnantes du jeune médium. Ainsi donc, comme Bleton, comme une foule d’hydroscopes, que l’on vit, à l’aide de la baguette et du pendule devinatoires, découvrir sous terre des filons de métaux aussi bien que des sources d’eau, Home doit être rangé au nombre des plus célèbres sourciers. Cette circonstance, que nous nous sommes empressé d’enregistrer, jettera peut-être un nouveau jour, si ce n’est sur la question des esprits, du moins sur l’existence de cet agent magnétique tant contesté, tant bafoué. z. pierart.
FAITS ET EXPÉRIENCES.
\
LE SOMNAMBULE TOIT-IL A DISTANCE , OU Si SE DÉPLACE-T-ELLE?
Telle est la question qu’a semblé poser et résoudre en même temps M. A. S. Marin , en rendant compte, dans le Journal du Magnétisme (n* 3, 2" série), de l’ouvrage de M. Alexis Didier, — lisez Henry Delaage, — le Sommeil magnétique expliqué, etc., etc.
En s’élevant dans cet article contre la doctrine que l’auteur caresse avec le plus de complaisance, celle par laquelle il prétend que, dans l’état de somnambulisme, l’âme quitte le corps, c’est-à-dire sa prison, et que, grâce à ce divorce, elle connait tout, voit tout, vole d’un bout de F univers à Vautre, se promène dtms le temps comme dans son domaine, que rien ne lui est caché, etc., notre savant critique s’est demandé avec l’ironie spirituelle qu’il manie si bien : jusqu’à quelle distance s’étend la vue magnétique ? Et à quelle distance, par conséquent, commence pour CAme du somnambule la nécessité de se déplacer par suite de C insuffisance de l’action des sens ? C’est, ajoute M. Morin, ce que personne n’a osé déterminer.
Cette question, si importante pour la magnétologie, du dé-placementde la partie intellectuelleouspirituelledenotre être, m’a frappé depuis longtemps, car une parente que jemagné-tise depuis environ douze ans et qui est douée d’une grande lucidité , dans chacune de ses vues ou consultations à distance, s’est toujours servi des termes : je vais, je vient, je murche,.je touche, je sens, j’éprouve, etc., etc. Mais, comme elle est d’une bien faible santé et que la moindre fatigue la
fait tomber on syncope, je me suis, jusqu’à présent, borné à profiter de sa clairvoyance qui jamais ne m'a fait défaut pour les conseils thérapeutiques, sans trop chercher à approfondir le mode de sa vision. Il répugnait à ma raison cependant de croire à ces déplacements , à ces migrations momentanées de l'âme humaine, et, comme M. iMorin, je m étais dit bien souvent : la séparation de l'âme et du corps, c est n’avoir pas conscience de son existence, être incapable de pensée et de sentiment; c’est la destruction de la personnalité, en un mot, c’est la mort; la prétendue séparation temporaire est donc un non-sens. Et, comme preuve du non déplacement de l’âme, M. Morin prétend que pendant que le somnambule voit ce qui se passe au loin, ses organes n ont pas cessé d’être impressionnables, et qu’il entend au moins son magnétiseur.
Je ne puis être aussi absolu, car si cette assertion est vraie pour quelques-uns, elle ne l’est pas pour tous les somnambules , et, depuis douze ans, je suis journellement témoin du contraire avec celle dont je viens de parler. Lorsque, pendant les sommeils lucides, cette somnambule voit à distance ou va voir ce qui se passe au loin, ou même qu’elle consulte pour quelqu’un qui est près d’elle, elle n’entend personne, pas même moi, son magnétiseur, quelque bruit que je fasse. Le rapport en cela est complètement suspendu, interrompu, pour n’être repris qu’après no/; retour de voyage, ou lorsqu’elle sort de la concentration qui l’a isolée de tous. J’ai vu cet isolement se présenter chez beaucoup de somnambules au moment de leurs consultations; j’en ai vu , il est vrai, beaucoup d’autres chez lesquels cet état ne se produisait pas, mais j’ai toujours pensé que ces derniers étaient loin d’avoir atteint le degré de perfection des premiers.
La lecture de l’article bibliographique de notre honorable vice-président fit naître en moi le désir d’essayer si je pourrais jeter quelque clarté sur la question , et, trouvant ma cousine en d’assez bonnes dispositions , j’eus avec elle , en plusieurs séances, l’entretien suivant :
1° « Quand je te dis de voir ce qui se passe dans un lieu
plus ou moins éloigné, mais séparé de toi par des murs, des montagnes, etc., comment peux-tu voir?
« J'y vois.
2" — « lit lorsque je te dis de regarder un objet éloigné de toi, quoique dans la même pièce à l'autre extrémité du salon, par exemple?
« Je m’en approche ; je pourrais le voir sans cela, mais moins bien, moins net, aussi je m'approche toujours de l’objet.
3° — Mais si l’objet est gros : une pendule, un chapeau, un fauteuil, n'y jettes-tu pas les yeux dessus pour le voir comme tu le ferais dans ton état normal?
« Non, je m’en approche à. le toucher, parce que, comme je l’ai dit, je vois plus net ainsi.
4» — « De quelle manière t’en approchcs-tu, puisque ton corps reste sur son siège sans faire aucun mouvement ?
« C’est comme quelque chose qui est en moi, qui est moi, qui va, qui s'élance, et je m’y trouve ; je vais tâcher de me faire comprendre par une comparaison : Si notre âme sort de notre corps, celui-ci reste sans mouvement, sans vie, l’âme emportant tout avec elle ; eh bien, il en est de même quand je me livre à une recherche, loin ou près ; aussi, dans ces moments-là, si tu me parles , je ne t’entends pas; si tu fais du bruit, je ne l’entends pas non plus; je ne sens plus ni bonne ni mauvaise odeur, et mes bras soulevés retombent par leur propre poids inertes et sans force (tout cela est exact chez elle) ; enfin, je ne suis plus là, mon corps seul y reste jusqu'à ce que j'y revienne.
5» — « Mais si ton âme quittait ton corps, celui-ci cesserait d’exister; cependant tu continues à respirer; ton sang circule toujours; ton pouls se fait sentir, toutes les fonctions matérielles de la vie suivent leur cours ordinaire?
« Je n’ai pas dit que l'âme quittait le corps , j’ai seulement essayé celte comparaison pour tâcher de te faire comprendre l'état dans lequel je me trouve, ou ce qui m’arrive lors d'une recherche, et encore ne le puis-je clairement, car cet état est tellement différent de celui de la vie ordinaire,
qu’il me manque des expressions pour en faire comprendre le peu que j’en comprends moi-môme. Tout ce que je puis dire, c’est que je vois les objets de près, et comme si je les touchais, quelle que soit leur distance de mon point de départ ; c’est que je vais à eux; comment, je ne le sais et ne puis l’expliquer. Cependant, ce qui prouve que je vais à eux, tant loin soient-ils, et que j’y vais tout entière, à part le corps, c’est que je vois de près, non seulement ceux sur lesquels tu as appelé mon attention, mais encore d’autres dont tu ne soupçonnais pas même l’existence , non plus que moi ; c’est que je les touche, que je triture, manipule, dose et mêle les divers ingrédients que je trouve propres à composer les tisanes et autres médicaments que je juge propres à guérir les maladies pour lesquelles je suis consultée; f en fais Cessai ; je les goûte quand je le crois utile, et je les change en totalité ou en partie, ou j’en varie les doses jusqu’à ce que j’aie trouvé ce qui est mieux et je ne les indique qu’alors. J’entends ce qui se dit autour de moi dans les lieux où je me suis transportée ; je sens les odeurs qui y sont répandues ; je suis atteinte par les diverses influences de la température, et j’éprouve parfois les divers accidents qui pourraient m’arriver en route à mon état naturel, même le mal de mer, ce qui a eu lieu une fois, il y a quelques mois.
6° — « Te rappellerais-tu et pourrais-tu citer quelques faits à l’appui des motifs que tu viens de donner, faits qui ont été reconnus exacts ?
« Oh oui ! beaucoup..... Il y a dix à douze ans, tu m’as
envoyée plusieurs fois de Val... à Mont... (douze lieues de distance), pour voir M. Dril..., ton ami, et lui doimer des consultations, quoique je n’eusse aucun objet pour me mettre en rapport avec lui et. que je ne fusse jamais allée dans la ville qu’il habitait. Pendant ma route qui, chaque fois, durait deux à trois minutes, je (is, un jour, un soubresaut (sur sa chaise) , et, sur ta demande , je te dis que , voyant venir sur le chemin un cheval lancé au galop, je m’étais jetée de côté, et que, dans ma précipitation, j’avais marché
sur un caillou rond qui m’avait, tourné sous le pied. Arrivée chez M. Dril—, j’ai glissé en descendant, dans un endroit très-obscur, deux escaliers fort usés ; dans une autre visite au même, je tressaillis encore et je te dis que ce n’était rien : eu montant l’escalier pour arriver au premier étage, j'avais mis le pied sur le bord de ma robe. Je te décrivis tout ce qu’il y avait dans deux des pièces de la maison et bien des choses que tu ignorais y être. J’y vis, sur la cheminée , des œillets rouges que je touchai et sentis, et qui avaient une bien bonne odeur ; mais je n’osai pas en prendre un, parce que M. Dril... n’y était pas pour le lui demander. L’ayant trouvé dans une autre pièce, je te dis à quoi il s'occupait , je lui visitai le corps et donnai la relation de sa maladie, ainsi qu’une consultation qu’au même instant tu fus mettre à la poste avec le reste de la séance, écrit au crayon à mesure que je le détaillais. Et sa réponse, arrivée le surlendemain, te prouva que j’avais dit vrai sur tous les points, même sur les douleurs qu’il ressentait et que tu ignorais , et sur les œillets.
« Lorsqu’en 1851, tu me fis assister à un assassinat commis à Pal... depuis trois jours, et que tous dans la maison nous ignorions, à part toi, je vis les assassins attendant leur victime, cachés dans un endroit où tu me soutenais qu’un homme ne pouvait se placer, tandis qu’il y en avait trois. Le lendemain, tu reconnus que j’avais raison par l’inspection que tu fis des lieux. Je suivis le malheureux jeune homme depuis la sortie de son atelier jusque sur le lieu du meurtre, et je vis et te dis tout ce qu’il avait fait en chemin ; il sifflait un air que je te désignai (celui du prince de Join-ville), et portait, avec ses deux mains jointes derrière son dos, son mouchoir plein de copeaux de bouchons de liège, le tout recouvert de son manteau, dans les manches duquel il n’avait pas passé les bras. Je le vis saisir au cou par les deux plus jeunes des trois assassins pour l'empêcher de crier,, et, le troisième , lui donner par derrière et tout près de l’anus, le coup de couteau dont il mourut après s’être débattu un court instant. Tremblant de frayeur, ainsi que
de peur d’être aperçue par ces misérables que j«touchais presque, mais soutenue par ta volonté, puis par la promesse que tu me fis alors qu’ils ne me verraient pas, je te décrivis tous les détails de cette scène épouvantable , et te répétai mot à mot ce que se dirent les assassins, lorsque les deux plus jeunes serraient le cou à leur victime ; cependant, éveillée, je ne comprenais pas leur langage (c'était à l’étranger). Je vis et te dis ce qu’ils firent ensuite ; les copeaux de liège qui étaient épars et qu’ils recueillirent dans le mouchoir de leur victime entre les jambes de laquelle ils le placèrent (exact; on le trouva ainsi le lendemain) ; la fuite de chacun d’eux séparément et par quelles rues; puis enfin je te donnai leur signalement.
« Quand,plus tard, ces misérables furent arrêtés, sans m’en rien dire, tu me fis visiter la maison de ville où ils étaient renfermés, sous le prétexte que tu désirais savoir ce que contenait chacune des pièces, chambres, etc. J'y fus et je trouvai les trois assassins dans trois chambres séparées ; tu
■ lois te rappeler mes cris d’effroi en me retrouvant en présence de chacun d’eux, à mesure que je parcourais la maison commune. Je te répétai alors leur signalement, en tout conforme au premier, et, comme ils furent mis en liberté faute de preuves, tu as pu en vérifier l’exactitude, puisque tu les as rencontrés souvent dans la rue. Tu me fis faire cette visite comme épreuve.
« Quelques mois après, en rentrant de la promenade , tu nous dis un jour, à madame et à inoi en nous montrant la boutique d’un fabricant de clous : u Voilà un cloutier que je n’avais pas encore remarqué. ■> La chose nous étant indifférente, nous n’y prêtâmes aucune attention ; mais, le soir, m’ayant mise en somnambulisme, tu me rappelas cette circonstance et me dis de voir qui se trouvait alors chez ce cloutier et ce qu’on y faisait. J’y fus, et en entrant je jetai un cri de terreur : je venais de reconnaître dans un des travailleurs celui des trois assassins par qui j’avais vu donner le coup de couteau. Le saisissement m’occasionna une crise de nerfs que tu eus assez de peine à calmer, et qui te fit re-
gretter de m’avoir soumise à celte seconde épreuve pour t’assurer que j’avais bien vu lors du meurtre.
« Éveillée, je n’ai jamais connu ces misérables, et j’ai pu les rencontrer souvent sans les remarquer plus que d'autres, attendu que j’ignore’tout ce que j’ai vu en état magnétique.
« Plus tard et pendant uue soirée d’hiver, tu me dis de voir chez M. Bot..., ton collègue d’Angleterre et ami, une de scs filles qui était malade. Un instant après, je te dis qu’il faisait une pluie froide et trop mauvaise pour sortir ; sur ta demande comment je le savais, je te répondis que, sans rien dire, j'clais allée sur le balcon, et qu’ayant très-chaud (l’appartement était chauffé à 20 degrés par un poêle), j’avais été mouillée et saisie par le froid , d’où me résulta un enrouement qui se prolongea pendant tout le temps de la séance , mais qui ne persista pas après le réveil. Tu t’assuras qu’en effet il tombait une pluie fine, froide et très-pénétrante, ce que nous ignorions tous, le temps ayant été beau toute la journée. »
DE GUILR. CL.
(La fin au prochain numéro).
VARIÉTÉS.
SUR LES PHÉNOMÈNES D’ÉLECTRICITÉ, DE CHALEUR ET DE FROID DÉVELOPPÉS PAR LE MAGNÉTISME ANIMAL.
A la lecture de l’article inséré au tome viii du Journal du Magnétisme (1849, p. 374) sur le Développement extraordinaire des phénomènes d’électricité, de chaleur et de froid chez les somnambules artificiels, d’après les expériences des médecins Buchanan et Persiston, je me proposai d’en faire la vérification sur une de mes somnambules lucides, ilose Fornasari.
Je réunis quelques amis et collègues, nous prîmes toutes
— MO -
les précautions convenables pour n'être pas séduits par des illusions ou des préventions. J’agis sur le sujet en élat de veille et qui ignorait ce dont il s'agissait. Je reconnus l’existence de l’organe du froid. Dans une autre séance, on constata ceux du froid et de l’électricité.
Je fis part de ces résultats à mon collègue le professeur Alis«, propriétaire et directeur du journal II Mesmerita, de Turin, qui publia ma relation, p. 194, tome m de ce recueil. Je m’abstins de réflexions, laissant à des esprits plus éclairés à expliquer les phénomènes , à décider s’ils viennent d’un agent chimique , physique ou physiologique , et si l’excitation des organes ne diffère pas de la stimulation phréno-magnétique.
Le Journal du Magnétisme, ayant inséré au tome xv (1856, p. 245) un article par lequel le savant M. Max demande que ma relation fût complétée par quelques éclaircissements, je m’empresse de répondre à sa gracieuse invitation.
Quand j’ai développé la chaleur et l’électricité sur la somnambule, je n’ai pas obtenu les degrés de chaleur et de froid indiqués par MM. Buchanan etPersiston, ni les résultats constatés par eux au moyen de l’immersion des pieds dans l’eau glacée pour le premier cas, ni par l’emploi de l’eau chaude pour le second cas.
Ce que j’obtins en agissant sur l’organe de la chaleur, ce fut la coloration de la face, une excitation générale dans le corps : en plaçant le thermomètre dans la bouche je trouvai 38 degrés Béaumur. En excitant l’organe du froid, j’obtins un abaissement considérable de température. Nous étions au mois de juin.
Quant ii l’électricité, on obtint des secousses dans tout le corps, principalement aux extrémités supérieures et inférieures : ces secousses se répétaient à chaque seconde.
Voici les procédés que j’ai employés. Le sujet étant mis en somnambulisme,, pour produire la chaleur, j’agis avec les doigts réunis en faisceau et approchés le long du menton pendant une demi-minute. Pour produire le froid,je
pratique de même sur la pointe du nez, à une distance d’un pouce. Pour produire l’électricité, j’agis en même temps avec les deux mains, les doigts réunis en faisceau, entre les deux jeintures du genou non mis à nu (1).
Bien que les degrés de température obtenus sur Rose Fornasari diffèrent beaucoup de ceux qu’indiquent MM. Bu-chanan et Persiston (2), on ne peut nier qu’il n’y ait déjà des résultats fort remarquables, et les sujets doués de pareilles facultés doivent nécessairement présenter des différences quant à l’intensité du chaud ou du froid.
Pour l’électricité, je la démontrai sans écarter le sujet du plancher.
Le sujet, interrogé sur l’utilité de ces développements, répondit que, quant aux deux premiers, je pouvais en tirer parti dans l’intérét de sa santé, pour neutraliser l’excès de la chaleur ou du froid qu’elle éproute dans l’examen des malades qui la consultent, de sorte qu’on pourra lui restituer, suivant les cas, des doses de froid ou de chaleur, et établir une compensation. Pour l’électricité, elle indiqua l’utilité d’y recourir quand elle se trouvera en contact avec des personnes atteintes de maladies nerveuses et anciennes, compliquées de vices organiques.
Quant à la cause de ces phénomènes, je la crois tout à fait magnétique, et je pense qu’elle est due à l’excitation des organes que j’ai indiqués, laquelle diffère de la stimulation phréno-magnétique. Il y a le concours d’agents phy-•sique et physiologique; car en essayant autrement de développer les mêmes phénomènes sur mes somnambules, même en employant toute la force de ma volonté, je ne suis jamais parvenu à aucun résultat.
LE n' CHARLES VANDONI.
(1) Los observateurs américains indiquent 1a rotule comme organe de l'électricité.
(2) Ces messieurs ont constaté, dans le premier cas, 60 degrés centi-■grades, et, dans le second, * et demi.
BIBLIOGRAPHIE.
L'ARBRE DE LA SCIENCE, par Eugène IIuzar. 1 vol. in-S.Paris, 1357, Dcntu, éditeur.
Un des signes les plus évidents des progrès qu’a faits le magnétisme depuis quelques années, c’est le nombre toujours croissant d’écrivains distingués qui, dans leurs ouvrages, en parlent d’une manière avantageuse et se plaisent à en constater la merveilleuse puissance : pour eux, il s’agit d’une conquête définitive de la science, d’un des sujets les plus féconds et les plus grandioses sur lesquels puisse s’exercer l'esprit humain. Chacune de ces adhésions à notre cause est saluée avec joie par tous ceux qui, bravant les sarcasmes et les difficultés de tout genre, ont été depuis longtemps les champions de la vérité méconnue.
M. Huzar, dans l’ouvrage dont nous allons exposer le plan, rend hommage au magnétisme ; il rappelle le parti qu’on en tire pour produire l’insensibilité et faciliter les opérations chirurgicales, en affranchissant le patient de la douleur. Il assigne encore au magnétisme un rôle fort important, en en faisant une des voies données à l’homme pour découvrir la vérité, la voie de la foi, dcï intuition, opposée à celle de la science expérimentale. C’est ainsi que les prophètes, les sorciers, les pythonisses, les devins, et aujourd’hui les somnambules et les médiums, doués d’une vue supérieure, pénètrent parfois dans des profondeurs (’jue la science ne peut atteindre, dévoilent des horizons nouveaux et peuvent reculer les bornes des connaissances humaines. Mais ces illuminations mystérieuses dont quelques natures d’élite sont gratifiées et qu’on a souvent attribuées à des révélations d’êtres surhumains, sont des guides fort incertains : si elles peuvent conduire à de sublimes vérités, elles peuvent aussi n’être qu’un mirage trompeur, le produit d’une imagination exaltée. On doit donc, sous peine de s’exposer à de graves erreurs, n’accueillir qu'avec réserve les révélations de l’intuition, et les contrôler par la science. M. Huzar nous promet un livre intitulé l’Arbre de vie, où il
traitera d’une manière spéciale de l’intuition et surtout du rôle qu'elle a joué dans le passé : c’est alors que nous pourrons mieux connaître scs vues sur le magnétisme et les discuter d’une manière plus étendue.
Aujourd’hui nous ne pouvons qu’enregistrer ses témoignages sympathiques. Néanmoins nous croyons qu’il ne sera pas sans intérêt pour nos lecteurs de leur présenter un aperçu du système de l’auteur, et de l'enchaînement d'idées qui l’a amené à attribuer une importance capitaleàla lucidité.
Selon lui, l’humanité actuelle n’est pas la première qui ail habité le globe terrestre. Celle qui nous a précédés immédiatement, après être parvenue au plus haut degré de civilisation , à l’harmonie générale, s’est perdue par l’abus delà science dont les applications imprévoyantes ont amené la détérioration du globe et la fin du monde; un épouvantable cataclysme a exterminé toutes les espèces vivantes, un incendie colossal a tout consumé ; puis le refroidissement graduel a donné lieu à la formation d’une nouvelle croûte; la vie a reparu, de nouvelles espèces ont surgi, et enfin l’homme, père de l’humanité actuelle. La nouvelle humanité tombe dans les mêmes fautes que la dernière et court au même abîme : déjà les progrès de la science suivis d’essais imprudents ont vicié les climats, bouleversé les saisons et causé d'affreux désastres : biçntôt de nouveaux progrès feront fleurir la période d’harmonie ; mais cette fleur brillante, si richement épanouie, renfermera aussi dans son sein un ver rongeur, et l’abus de la science, en accélérant la ruine du globe, déterminera encore la fin du monde. Et ainsi de suite, in sœcuta sœcidorum ; car les êtres ne font que répéter ce qu’ont fait leurs devanciers ; et, bien qu’ils croient progresser, ils tournent dans un cercle fatal et ne montent que pour descendre. Tout ce qui a été sera, et le passé est le miroir de l’avenir. Ce passé, pour apprendre à bien le connaître , il ne suffit pas d’interroger la science, dont l’enseignement est insuffisant ; il faut consulter les livres sacrés où des révélateurs éclairés par le flambeau de l’intuition, nous retracent fidèle-
nient les annales du monde. Moïse, le plus grand de tous., nous apprend , sous une forme emblématique, que la dernière humanité représentée par le mythe d’Adam, est arrivée à l’Eden, c’est-à-dire au plus haut degré de développement , et s’est perdue eu mangeant le fruit de l’arbre de la science, qui a été pour elle un poison mortel.
Ce système, que nous croyons avoir exactement résumé, est aussi original que peu consolant. Nous regrettons dene pouvoir nous livrer ici à une réfutation complète, la spécialité de ce journal ne nous permettantpas de uous étendre sur une pareille matière. Nous nous bornerons à quelques observations critiques. Pour qu’une doctrine affirmative puisse Être, nous ne dirons pas adoptée, mais même accueillie comme une hypothèse spécieuse ayant quelque valeur, quelque apparence de probabilité, il faudrait qu’elle reposât sur une base sérieuse , que les faits allégués fussent attestés par quelque témoignage imposant, par quelque indication de la science. Ici, rien de semblable. L'auteur crée de toutes pièces un roman en l’air, comme a fait Cyran«de Bergerac dans sa relation du Voyage dans la Lune. Tout ce que nous enseigne la scieuce (et encore est-elle à cet égard loin d’une certitude complète), c’est que le globe terrestre a été incandescent, puis s’est refroidi, que la croûte solide a subi de nombreuses révolutions, que diverses classes d’animaux se sont succédé et ont précédé l’apparition de l’homme. Mais, quant à ce qui a précédé la période d’incandescence, elle ne sait absolument rien et ne craint pas de confesser son ignorance, ce qui vaut beaucoup mieux que de bâtir des chimères eu donnant cours à son imagination. A défaut de la science, prendra-t-on pour guides les livres sacrés qui prétendent nous révéler l’origine de toutes choses?... Il faudrait d’abord s’expliquer sur le degré d’autorité qu’on reconnaîtra à ces livres. Les prendre pour des oracles infaillibles, émanés de Dieu même, c’est déserter le terrain de la science pour entrer dans celui de la théologie ; c’est immobiliser à jamais l'esprit humain en lui interdisant de jamais faire une découverte qui donne uu démenti aux textes divins ; c’est
consacrer les doctrines môme dont la raison démontrera la fausseté ; c'est abdiquer son intelligence, c’est se ranger du côté de l’inquisition contre Galilée... Si, au contraire, on ne veut voir dans les livres sacrés que des ouvrages humains, toutes leurs assertions seront sujettes à vérification r comme celles du premier venu ; s’il s’agit d'un fait, il ne suffira pas, pour nous le faire admettre, qu’on nous dise qu’il est rapporté dans tel livre sacré, il faudra le contrôler par les règles ordinaires de la critique, peser la valeur du témoignage ; et si c’est un fait antérieur à l’humanité, il est évident que le prétendu témoignage n’en est pas un.
Bien que M. Huzar parle de la Genèse avec le plus profond respect et l’invoque comme une autorité souveraine, on doit croire qu’il ne la regarde pas comme une œuvre divine, car il la traite avec un sans-façon que le croyant ne peut se permettre. Il n’y prend que ce qui favorise son système, rejette le reste, supplée à ce qui manque, entend dans un sens allégorique des récits évidemment faits pour Être pris à la lettre. Un livre inspiré ne peut comporter une telle liberté d’interprétation. L’auteur de la Genèse en particulier a pris toutes les précautions pour que le lecteur sût bien qu’il s’agissait de faits réels; il donne lesnoms des descendants d’Adam, établit leur généalogie, donne l’âge auquel ils ont eu des enfants, des détails circonstanciés sur leur vie, la date de leur mort, et continue la filiation des générations d’Adam à Noé, de Noé à Abraham, etc. ; d’où il suit qu’Adam est bien présenté comme un individu père de la race humaine actuelle. L’Eglise chrétienne, sans distinction de secte, admet bien comme réel le récit du paradis terrestre et de la chute, puisque c’est sur ce fait ainsi raconté qu’est basé le dogme de la rédemption , sans lequel il n’y a pas de christianisme. Interpréter la Genèse comme le fait M. Huzar, c’est reconnaître que l’auteur de ce livre a voilé un système vrai au moyen d’un récit imaginaire et a trompé le lecteur en accumulant une foule de circonstances en réalité fausses et qui devaient nécessairement faire prévaloir le sens littéral. Or, si le livre est faux en partie, il ne peut être divin.
Si ce n’est qu’un livre humain, qu’on nous dise quelle confiance il mérite quand il s’agit de faits antérieurs à l'homme, ou même de faits humains, mais séparés de l’auteur par un si prodigieux intervalle de temps, qu’il n’a pu à cet égard avoir de renseignements certains. Et comment croire cet auteur qui ne dit pas un mot des sources auxquelles il apuisé?
Ainsi, chose étrange, M. Huzar n’appuie son système si étrange (pie sur un livre dont le texte pris dans le sens le plus naturel lui donne un démenti formel, à tel point que si son interprétation était juste, l’auteur de la Genèse mériterait le reproche d’avoir présenté, au lieu d’une vérité accessible pour la postérité, une énigme dont le sphynx ne viendrait qu’au bout de 3,500 ans, et comme son explication est arbitraire et que le texte en comporte d’autres au moins aussi plausibles, notamment celles qui ont prévalu jusqu’ici, rien ne nous garantirait que nous possédons, même avec M. Huzar, le véritable sens de l’auteur qui, en définive, aurait écrit pour n’être pas compris. Il serait donc bien peu digne des éloges hyperboliques adressés à son œuvre, et il ne pourrait faire autorité sur quelque matière que ce fût, puisque , chaque fois qu’on le citerait, il y aurait toujours doute sur le sens dans lequel doivent être prises ses paroles. C’est le sort de Nostradamus qu’on peut citer sur n’importe quoi, et dans lequel, avec quelques efforts d’interprétation , ou trouve tout, mais jamais rien de clair.
M. Huzar ne nous dit pas dans quel sens Moïse doit être pris pour révélateur : il nous promet à cet égard des éclaircissements dans son prochain ouvrage où il nous expliquera comment l’intuition peut suppléer à la science. Nous lui soumettons dès à présent cette observation. Les intuitifs se trompent quelquefois, car les livres sacrés, n’étant pas d’accord entre eux, ne peuvent être tous vrais en toutes leurs parties. Or, aucun critérium connu jusqu’ici, ne pouvant servir à discerner l’intuition qui voit la vérité, de celle qui ne voit que des chimères; il s’ensuit que les révélations de l’intuition sont toujours équivoques, et qu’on ne peut en admettre aucune sans contrôle.
— htu —
Il reproduit avec une grande confiance cet argument qu'il emprunle à M. Nicolas [Essai philosophique sur le christianisme). Moïse est reconnu avoir dit la vérité dans son récit de la création ; donc il doit également être cru dans celui du paradis terrestre et de la chute de l'homme. Malgré les citations pompeuses empruntées à des écrivains qui paraissent n’avoir pas lu la Bible, le premier point est l’antipode de la vérité : la science n’a nullement confirmé la Genèse en ce que celle-ci fait créer le soleil, la lune et les 'autres astres , après que la terre était déjà couverte de végétaux : ni en ce qui regarde le firmament, voûte solide supportant les eaux pluviales qui s’écoulaient par des robinets ; ni quant à l’absence de pluie après que la création était depuis longtemps complète, ni quant à l’arc-en-ciel qui n’aurait commencé à paraître qu’après le déluge, etc. Et quand môme le récit de la création serait de tout point confirmé par la science, il s’ensuivrait seulement quel’auteur a été exact à cet égard, mais nullement qu’il doit être cru dans toutes les autres parties de son ouvrage , même à défaut de toute confirmation. Les auteurs les plus recommandables, bien qu’ayant enseigné une foule de vérités incontestables, paient toujours le tribut à la faiblesse humaine, et aucun n’est entièrement exempt d’erreur : il n’y a donc pas de raison pour que l’auteur de la Genèse (étant écartée l'hypothèse de l’inspiration divine) échappe à cette inévitable imperfection. On insiste en disant que la géologie n’existant pas de son temps, ce n’est pas par une science humaine qu’il a pu être instruit, mais par une communication divine, ce qui met son témoignage au-dessus de toute critique. Mais nous ne pouvons savoir jusqu’où s’étendait la science égyptienne dans laquelle Moïse était initié, et dont la tradition est perdue, et rien ne nous autorise à affirmer que, soit par des moyens analogues à ceux des modernes, soit par d’autres moyens, soit même par de simples conjectures, les savants de cette époque n’ont pas eu un système sur les créations successives des espèces animales, qui se serait trouvé juste sur quelques points. Et, enfin, quand même la Genèse serait un livre inspiré, ce ne serait même pas une raison suffisante pour admettre le système de M. Huzar qui ne s’y rattache qu’en se livrant à des interpré-
tâtions problématiques.Quant au danger de la science, on peut dire que, comme la lance d’Achille, elle guérit les blessures quelle fait. Les premiers essais sont toujours imparfaits et entraînent, dans l’application, des inconvénients qui nous avertissent d’être sur nos gardes, et nous forcent àchercher des perfectionnements; puis bientôt la découverte se complètent devient pour nous une source inépuisable de bienfaits. S’il avait fallu, avant de mettre en pratique une conquête delà science, la connaître à fond, l’homme n’aurait jamais pu s’élever au-delà de la brute : il aurait répudié l’usage du feu, agent terrible, qui, même dans nos sociétés avancées , cause encore si souvent d’horribles sinistres. Mais ce n’est qu’en maniant tous les engins industriels, qu’on a pu en étudier la nature, trouver les moyens de les perfectionner et d’écarter les inconvénients qu’ils présentaient d’abord. L’homme a dû agir avec audace et s’élancer dans la voie du progrès, en bravant même les dangers qui lui barraient le passage, comme le monstre qui, dans le poëme du Camoëns, se dresse devant l’héroïque Gama et lui défend d’aller plus loin. Les obstacles n’ont fait qu’accroître son énergie, que stimuler son courage : les calamités semées sur ses pas lui ont même servi de leçon et lui ont appris à s’en préserver. En accomplissant cette noble tâche, l’homme a évidemment rempli une mission providentielle, car il est le roi de la création terrestre, et il doit la façonner, l’approprier à ses besoins; l’harmonie doit être l’hymen de l’homme et de la nature. Nous ne pensons pas que les lugubres prédictions de M. Huzar effraient bien des lecteurs, ni qu’elles arrêtent l’essor de la science ou de l’industrie. Les sages précautions contenues dans la conclusion nous semblent la partie la plus utile et la plus rationnelle du livre : du reste, nous applaudissons à sa riche imagination, à son style élégant et à ses conceptions ingénieuses. a. s. morin.
Baron du POTET, propriétaire-gérant.
Parje,—Jmp, de PouMKreT et Momad, û2, rue Varia (pris le Luscroboarg).
I.cs séances expérimentales d«magnétisme consacrées aux abonnés ont élé forcément suspendues par les grandes chaleurs. M. l«baron du Potet les reprendra le mercredi 1G septembre pour ne plus les interrompre. Elles auront lieu comme de coutume ii huit heures précises du soir.
RÉPONSE
A M. VIENNET ET A M. PAUL D’IVOY,
a rnoros de spiritualisme.—ayons la foi, les temps sost proches.
La pire espèce clos sceptiques sont ceux qui nient carrément sans avoir vu ou examiné, sans connaissance de cause enfin, ou ceux qui, après avoir vu, nient encore et rient quand ils devraient réfléchir, examiner et confesser sérieusement les choses dont ils ont été témoins. Ces deux catégories de sceptiques sont assez communes en France. Combien de fois ne voyez-vous pas, dans ce beau pays du rire et de la frivolité, des gens trancher sur des choses qu’ils ne se sont pas donné la peine d’étudier, et traiter effrontément de jongleurs, de charlatans, des hommes honorables par ce seul fait que les phénomènes que ces derniers produisent surpassent leur entendement? Combien, d’un autre côté, n’y voyez-vous pas aussi d’hommes que le hasard et les circonstances ont rendus témoins, clairement témoins de choses graves, de faits formidables, rire de ces faits, les enterrer sous le sarcasme et la négation par cette seule raison qu’ils tiennent du prodige et sortent des opinions reçues? Du nombre des premiers est M. Viennet, membre de l’Académie française ; au rang des seconds figure M. Paul d’Ivoy, rédacteur de la chronique du Courrier de Paris.
M. Viennet, dans la séance annuelle des cinq académies qui
a eu lieu le 17 août 1857, a lu une pièce de vers où nous remarquons le passage suivant :
lie plus tristes objets tenteraient mon courroux,
Si l'âge et la chaleur ne me rendaient plus doux.
Que ne dirais-je pas de l'étrange folie D'un peuple d'esprits forts (pii croit à la magie,
Oui. poursuivant partout les superstitions,
Fait au nom du progrès des révolutions,
F.t prend au sérieux les visions cornues Du premier charlatan qui lui tombe des nues !
J'ai vu mille insensés, l'œil tendu vers leurs mains,
D'une table tournante attendre leurs destins;
Ecouter en tremblant si la table est frappée Par quelque âme invisible à la tombe échappée.
Que vois-je maintenant : tout Paris est en l'air Pour suivre et consulter un jongleur d'outre-mer.
Ses tours de gobelet passent pour des miracles;
Les salons, les journaux répètent scs oracles,
Tandis que, sur la foi d'un rêveur allemand,
Ce peuple croit touchera son dernier moment;
Et, malgré Babinet, tremble qu'une comète Ne vienne en mille éclats briser notre planète.
Ainsi donc, selon M. Vientiet, cette tendance invincible que le cœur humain a vers le spiritualisme, vers le sentiment inné d’une autre vie, cette tendance qui porte une foule d’esprits à se rendre compte de tant de phénomènes psychiques enregistrés par l’histoire, à les voir se confirmer par la reproduction de. phénomènes semblables et, par là, de trouver une affirmation de plus en faveur du dogme sacré de l’immortalité de l’âme, tout cela n’est que Xétrange folie d'un peuple d’esprits forts qui croit à lu magie.
Et si, au milieu de cette tendance invincible de certaines âmes de s’arracher aux tristes négations du matérialisme pour s’élever à des affirmations plus nobles et plus consolantes ; si, au milieu des expérimentations qui ont pour but d’é-tayer ces affirmations sur une base positive, inébranlable, apparaît un homme simple, honnête, désintéressé, qui élève ces expérimentations à la hauteur des prodiges les plus merveilleux, sans autre but oue celui d’avoir exercé une su-
büme faculté, répondu à un besoin irrésistible et rempli une grande et sainte tâche, cet homme ne sera qu’un charlatan, un jongleur il’outre-mer dont les tours de gobelet passent pour des miracles!
Ainsi M. Home, ce jeune homme si timide, si ombrageux, qui ne s’appartient pas, qui est l’instrument de forces dont il a à peine conscience, et qui se témoignent par lui presque à, son insu , M. Home, qu’il faut supplier, solliciter avec force pour qu’il consente à rendre quelqu’un spectateur des phénomènes qui s’opèrent par son intermédiaire, M. Home, ce jeune homme si doux, si religieux, si sincère, n'est autre chose qu’un faiseur de passe-passe. C’est M. Viennet qui l’a dit.
Mais qui vous autorise, monsieur l’académicien, à traiter ainsi ce jeune homme, à ie salir ainsi que ceux qui le prennent au sérieux, lesquels, selon vous, ne seraient que des dupes, des esprits atteints de l’étrange folie de croire à la magie et à des visions cornues?
Ou vous avez été témoin des phénomènes que produit M. Home, ou vous n’en avez pas été témoin. Si vous n’en avez pas été témoin, il ne vous est pas permis de vous en moquer; si vous en avez été témoin, votre devoir est de dire et prouver en quoi tant d’hommes sérieux et honorables ont été des dupes, et en quoi consistent les ficelles de M. Home. Mais c’est ce que vous ne pouvez faire. Vous savez fort bien qu’on ne peut assimiler les faits de spiritualisme du médium américain à des tours de prestidigitation. Un moment on avait cru pouvoir user de telles explications, alors on a fait intervenir des prestidigitateurs consommés, tel que M. Moreau Sainti (voir notre numér«du 25 avril dernier), et force a été de convenir qu’il n'y avait aucune des pratiques ordinaires de la prestidigitation dans tout ce que faisait M. Home. Mais qui ne voit jusqu’où va l’inconséquence des railleurs? On veut absolument que les phénomènes spiritualisles qui ont occupé tout Paris soient de la prestidigitation, et l’on cite en s’enréjouissant, en raillant, une foule de circonstances où M. Home n’a pu rien produire ; preuve, dit-on, de 1 absur-
dité, du peu de fondement des récits dont il a été l’objet. Si M. Home ne produit rien ou s’il ne produit pas quand il veut, il n’est donc point un prestidigitateur, caries prestidigitateurs ont toujours la certitude de faire mouvoir leurs ficelles et, pour eux, le moment et les spectateurs, quels qu’ils soient, ne sont jamais des obstacles. Il faut donc attribuer des causes d’un tout autre ordre la puissance de M. Home et les éclipses dont cette puissance est parfois l’objet; il faut donc les attribuer à des causes d’un ordre plus élevé, causes qu’on ferait mieux d’examiner, d’approfondir sérieusement plutôt que d’en nier les effets ou d’en rire, en s’accompagnant de l’injure comme le fait M. Viennet.
Nous dirons donc ii l’illustre académicien que sa sortie contre M. Home et ceux qui l’ont pris au sérieux n’est pas plus raisonnable qu’elle n’est courtoise, et qu’il donne 1 à une bien pauvre mesure de son jugement et de l’esprit dont il est animé; nous lui dirons que ses sarcasmes et ses épithè— tes ne valent guère mieux que le choix et l’accouplement de ses rimes (l),etqu’il pourrait bien,s’il n’y mettait un terme, mériter le calembourg par lequel le C/utrivari a travesti son nom.
Pauvre vieillard ! arrivé aux portes du tombeau, à cet âge où se dépouille le vieil homme pour faire place à une enveloppe plus austère, l’idée de l’immortalité de l’âme lui fait peur, et au lieu de se recueillir en face des faits nouveaux qui devraient le remplir de joie, il ne sait que railler et brûler de l’encens sur l’autel de la négation et du matérialisme. Oh! combien n’a-t-il pas raison de dire que :
Son Pégase essoufflé ne bat plus que d'une aile!
Et :
Que rimer à son âge est d'un cerveau fêle,
Que doit mettre à Bicètre un État bien réglé (2)1!
(1) Voir à ce sujet la critiquc.qu’a faite le Siècle de la versification d«M. Viennet, dans lu compte-rendu de la séance académique.
(2) Ce sont les propres paroles dont se sert en se les appliquant M. Viennet en tête de son épltre.
Maintenant voici ce qu’écrit, clans l’Estafette, M. Paul d’Ivoy de la catégorie des sceptiques qui nient et raillent môme après avoir vu, clairement• vu, de leurs propres yeux vu.
« Il y a quelques jours, nous assistions à une séance de tables tournantes et parlantes. Les expériences réussissaient à merveille : la table tournait et se levait, les esprits étaient obéissants et souples ; ils répondaient à ravir et avec à propos. Les uns disaient leurs noms, noms illustres ou noms obscurs. Les autres refusaient de dire leurs noms et ne se faisaient connaître que par leur numéro. On entendait dans le plancher, dans les portes, dans les panneaux des bruits étranges et mystérieux.
« C’était étrange, mais ce qui nous paraissait bien plus étrange, c’était la foi que les personnes présentes avaient dans ces apparences, c’est le sang-froid avec lequel des hommes de bon sens admettent que l’on peut, sans sacrilège, aller troubler les âmes des morts dans leur sommeil, pour les forcer à venir dans des tables imiter le bruit de la scie, ■du maillet d’un tonnelier, ou répondre aux questions saugrenues d’une caillette mécontente des cartes et du marc de café.
. i Vraiment le merveilleux est fatal à notre temps, il conduit l’imagination humaine à la bouffonnerie ; ce que ses folies ont de lugubre ne les arrache pas à cette nécessité pour la folie d’unir l’épouvante au grotesque.
(. Ceux qui s’adonnent au merveilleux se croient spiritua-listes ; ils sont attachés à la matière, et aucun effort ne peut les en séparer.
« Le merveilleux appartient à ce qu’il y a de plus bas, de plus fragile dans l’homme, à cette partie de lui que travaille la fièvre du sang, la fièvre de la pensée. La tradition populaire nous apprend que les ruines des vieux châteaux, des manoirs d’autrefois, sont hantées par les esprits. Ce sont surtout les ruines des intelligences qu’habitent les fantômes.
« Voilà pourquoi nous enregistrons avec quelque exacti-
tutle tous les faits de cette nature qui nous sont racontés ou que l’on prétend nous faire voir; le plus souvent nous ne discutons pas, nous nous bornons à constater les symptômes de la maladie mentale qui afflige notre temps. »
M. Paul d’Ivoy est un des journalistes qui s’étaient d’abord moqués de M. Home (voir notre numér«du 25 février); puis, voyant l’engouement général qu’avait excité le médium américain , voyant qu’il était devenu un homme à la mode, il s’est tout à coup ravisé, et, pour être aussi un écrivain à la mode, il s’est mis à enregistrer beaucoup plus sérieusement les différents phénomènes de spiritualisme qui parvenaient à sa connaissance. Mais l’Académie s'inscrivant en faux contre ces phénomènes et venant, par l’organe de M. Viennet, les traiter de jongleries , de tours de gobelet, M. Paul divoy a cru voir là un retour, une réaction de l’opinion. Alors il s’est ravisé de nouveau, et, sans doute afin qu’on ne le mît point au nombre des superstitieux dont se moque le vieil académicien, il s’est dépêché de s’excuser de l’empressement qu’il avait apporté à recueillir les faits de spiritualisme par la déclaration que nous venons de reproduire.
M. Paul d'ivoy nous dit que pins on sait et moins on sent, et que c’est de là que nous vient cette fièvre de merveilleux qui nous a pris nous autres sceptiques. Quelle contradiction ou plutôt quel amphigouri ! Les phénomènes psychiques, le spiritualisme sont des choses de sensitivité bien plus que de raisonnement, et de là vient qu’ils sont plus communs aux femmes, aux enfants, aux simples, aux intelligences peu cultivées, qu’à tout autre; qu’ils sont plus recherchés par les gens de sentiment, d’instinct que par ceux de science. Ce ne sont donc point les savants, les sceptiques, l’expérience ne le prouve que trop, que saisit la fièvre du merveilleux, et il n’est pas logique de dire que plus on sait et moins 011 sent quand à une telle proposition on laisse établir pour corollaire que : pourtant moins on sent plus on est affecté des phénomènes de senstivité. Quel galimatias I
M. Paul d’Ivoy dit qu’il a assisté à des séances de tables
tournantes et parlantes, que les expériences ont réussi à merveille, qu'il y a clairement vu les choses les plus étranges, mais ce qui lui paraissait plus étrange encore, c'était la foi (pie les personnes présentes avaient dans ces apparences. Voilà un saint Thomas qui déclarait ne croire qu’après avoir vu et lorsque les circonstances font qu’il a vu, bien vu, de ses propres yeux vu, il se demande encore comment on peut croire à ce qu’il appelle ces apparences! Alors que faudra-t-il pour croire? Faut-il que, comme le M. Marphurius de Molière, notre sceptique soit roué de coups parles invisibles jusqu’au point d’être obligé de faire panser ses plaies? La chose n’a pas élé épargnée à certains sceptiques, comme on peut le voir par un article inséré ci-près (1). Mais serait-il bien sûr que, le cas échéant, le rédacteur du Courrier de Paris voulût en croire ses yeux et ses sens, et qu’en allant montrer ses apparences de contusion à un chirurgien il ait la bonne foi de convenir que la chose lui est venue par l’opération, non du Saint-Esprit, mais d’un esprit frappeur?
M. Paul d’Ivoy s’étonne du sang-froid avec lequel des hommes de bon sens admettent que l’on peut sans sacrilège aller troubler les âmes des morts dans leur sommeil pour les forcer à venir dans les tables imiter le bruit de la scie, du maillet d’un tonnelier ou répondre à des questions saugrenues. D'abord nous dirons au rédacteur du Courrier que les âmes des morts, si on s’en rapporte à leurs dires, ne donnent pas, qu’elles sont au contraire bien plus veillantes que nous, et que, loin d’appartenir à des morts, elles décla-rentque c’est nous qui sommes morts, emprisonnés, esclaves que nous sommes, dans de grossiers liens matériels, pauvres êtres limités, bornés, ignorants, pleins de préjugés et de sotte science, qui nous débattons et pataugeons au milieu de notre enveloppe terrestre.
Sans doute il serait à désirer qu’on évoquât les esprits, qu’on les appelât à se manifester d’une manière plus sérieuse que par des coups imitant la scie, le marteau du tonnelier, le
(1) Voyez page 489 d«la livraison suivante.
bruit du maillet, etc; mais si c’est là le plus souvent le seul mode de manifestation qui soit à la portée des esprits, il faut bien s’en servir, l’accepter tel qu’il est, sans toutefois s’y arrêter, si ce n’est à ce qu’il a de significatif, aux grandes vérités qu’il révèle, aux graves réflexions qu’il fait naître. Plus tard, quand la science nouvelle aura progressé, on verra sans doute partout se produire d’autres phénomènes, des manifestations d’un ordre plus élevé. Avec la foi, un ensemble de volontés collectives, persistantes et recueillies, on obtiendra certainement d’une manière constante des faits d’une nature plus grandiose , comme en Amérique, par exemple, pays de gens sérieux, recueillis et patients. Mais, pour que la science progresse, il ne faut pas que des éteignoirs comme H. Viennet et Paul d’Ivoy viennent l’enterrer sous le sarcasme, les dénégations les plus systématiques, traiter à tort et à travers de jongleurs, de charlatans, de bouffons, les médiums les plus remarquables, de visions cornues et d’apparences grotesque les phénomènes les mieux constatés.
M. Paul d’Ivoy dit que ceux qui s’adonnent au merveilleux se croient spiritualistes, mais qu’ils sont, contre tout effort, attachés à la matière, et qu'ils s’adonnent à ce qu’il y a de plus bas, de plus fragile dans l’homme, à cette partie de lui que travaille la fièvre du sang, la fièvre de la pensée, et il conclut que ce sont les ruines de l’intelligence qu'habitent les fantômes. Fi du compliment ! il est peu flatteur pour les personnes qui s’occupent de spiritualisme. Passe encore s’il avait la moindre apparence de vraisemblance. Mais la phrase qui le renferme est aussi absurde qu’inconséquente, manque d’aussi peu de logique que de convenance. Nous avions toujours cru jusqu’à présent que la croyance à l’âme, à son immortalité, à la vie future, que la persistance à affirmer d’autres forces, d’autres existences que notre existence et nos forces matérielles, était l’attribut particulier de notre espèce, ce qui la distingue le plus de la brute ; que c’étaient là des opérations propres aux intelligences, aux caractères nobles et élevés, mais nous n’avions jamais laissé dire que c’était ce qu’il y avait de plus bas dans l’homme. Et d’ailleurs
qu’est-ce que cette assimilation de la fièvre du sang à celle de la pensée? Qu’y a-t-il de commun entre ces deux genres d'affection, dont l’une est le propre de l’homme physique et l'autre touche de si près à l’homme moral, dont l’une provient si souvent de l’action des passions sensuelles, et l’autre des combats, des travaux de l’intelligence, celle-ci ayant son siège au cerveau, la partie la plus noble de notre Être, celle-là l’ayant partout ailleurs?
M. Paul d’Ivoy dit que de même que , selon la croyance populaire, les fantômes habitent les ruines des vieux châteaux , les esprits habitent les ruines des intelligences. Les ruines d’une intelligence clans un homme font supposer qu’une intelligence y a existé. Doit-on en dire autant à l’égard de M. Paul d’Ivoy? Nous lui savons trop d’esprit, nous lui trouvons trop de savoir, de verve et de facilité littéraire pour soutenir que chez lui il n’y a pas l’ombre d’une intelligence. Cependant, qui sait? A force d’écrire des articles dans le genre de celui que nous commentons ici, des gens qui ne le connaissent pas, qui n’ont pas la moindre idée de son mérite, pourraient fort bien finir par le ranger au nombre de ceux qui peuvent se flatter qu’on ne trouvera jamais dans leur intellect la matière propre à faire une ruine quelconque.
Tel est le triste sort de la grande vérité que nous défendons. Les uns la raillent sans la connaître et sans s’être donné la peine de provoquer eux-mêmes les phénomènes qui s’y rattachent ou de s’en rendre témoins; les autres la traitent de chimère, de visions cornues, de songes creux; ceux-ci (les prêtres), au contraire, n’en reconnaissent que trop l’existence et appellent toutes les malédictions, toutes les foudres, tous les glaives et toutes les flammes sur les soi-disant sacrilèges qui se vouent à sa démonstration ; ceux-là qui ont été témoins nient ou raillent. Tous n’ont pour elle que le dédain, l’injure, l’anathème ou le sarcasme. Devant de tels obstacles, devant laligue de tant de légèreté, d’ignorance, de mauvaise foi, de sottise et d’intolérance, aurais-tu pu te propager, ô sainte vérité, si tu n’avais eu pour toi les desseins de
la Providence, qui a permis que, par dos faits nombreux , constants, éclatants et irrécusables, les âmes sincères, les cœurs honnêtes et les esprits droits soient frappés de ton existence et aient le courage de te confesser ? Te propager, non jamais tu ne l’aurais pu. Mais la Providence a voulu que tu prisses racine parmi nous, et (pie bientôt, grandissant et florissant, malgré tous les efforts du mensonge et (le l’incrédulité , tu portasses des semences que les vents emporteront aux quatre points de l'horizon. Eh ! dans quel temps parais-tu? A l’époque où plus que jamais il était urgent que tu fisses invasion dans le monde, ô grande lumière du spiritualisme! Déjà une fois dans les âges tu t’étais manifestée par les phénomènes, les prodiges les plus suivis, les plus éclatants. C’était, comme aujourd’hui, à une époque de décadence et de transition, où les esprits, après avoir secoué les croyances du passé, ou languissaient dans l’attente d’une foi nouvelle, ou croupissaient au milieu des fanges de l’athéisme et des préoccupations de la matière. C’était à une époque d’iniquités, de corruption, de débauches, d’orgueil humain et de fausse science où la force brutale, le veau d’or, étaient devenus les seuls dieux du monde. Alors, comme de nos jours, tu fus contestée, honnie, conspuée, raillée, persécutée par les princes des prêtres, les docteurs, par ceux qui, par position, avaient reçu la mission de t’accueillir, de t’abriter , de te propager. Ce n’est qu’au milieu des simples, des rangs du peuple que tu trouvas un asile, des défenseurs, des âmes droites prêtes à te porter témoignage jusqu'à la mort, et alors tu t’élevas de bas en haut, tu confondis l’orgueil, la superbe des grands et des savants, et tu renversas tout un vieux monde d’erreurs et d’iniquités pour lancer l’humanité dans les voies de Dieu , pour imprimer à son char une puissante secousse dans la carrière du progrès. Aujourd’hui, de nouveaux progrès sont à conquérir, de nouvelles erreurs , de nouvelles iniquités , des orgueils semblables restent à renverser, à confondre, et tu emploies les mêmes fins, tu te sers des mêmes instruments pour prévaloir contre ces erreurs, ces iniquités, ces orgueils. Place
donc au règne de Dieu et à sa justice, à l’esprit de vérité, au consolateur annoncé par le (’.lirist! Voici sa venue prochaine annoncée par un accord de prodiges de plus en plus nombreux, de plus en plus manifestes, et contre lesquels l’esprit de mensonge,le génie du ma!, déploieront en vain une dernière ligue d’efforts désespérés.
Z. PIÉRART.
M. LE BARON DU POTET
A M. VIENNE! ET A M. FLOURENS.
M. Viennet alu, à la séance publique des cinq académies, une épltre de sa façon.
Le langage qu’il y tient serait pardonnable sortant delà bouche d’un des rédateurs du Charivari, il est indigne venant d’un académicien. Il est précieux pourtant, car il nous donne une idée du grand savoir académique; il nous prouve qu’en fait de science psychique et morale , nos savants n en savent pas plus que leurs cuisinières et leurs valets. Le vrai mérite pour ces messieurs est de ne rien croire ; ceux qui d en-trenousont des sens, voient, entendent ou produisent des phénomènes spiritualistes, sont des saltimbanques ou des jongleurs. Il est impossible de pousser plu3 loin le mépris de la vérité et d’insulter plus injustement d’honnêtes gens qui enrichissent chaque jour la vraie science de faits constants et irrécusables. M. Viennet n’a pas voulu prouver seulement qu’il avait de l’esprit comme quatre, nous lui en accordons comme quarante.
Ainsi les destinées humaines, les croyances, le progrès, sont réglés par un corps qui, parce qu’il a un savoir incontesté sur tout ce qui est d’ordre vulgaire, sc croit autorisé à traiter du haut de son mépris et de son dédain tous les I dis qui sortent des sentiers battus ; il sc trouve que le pouvoir a besoin d'une initiative et de mesures presque violentes pour faire enregistrer les vérités nouvelles qui sortent l’humanité du cercle fatal que ces messieurs de l’Académie dans leur orgueil avaient tracé.
Courage, magnétiseurs spiritualistes, ne vous montrez point blessés du coup de pied que vous lance M. Viennet. Cette ruade n’aura d’effet que sur sur ses collègues, sur ceux qui se désaltèrent à la même source et mangent au même râtelier.
Un autre savant, M. Flourens, a attaqué de nouveau le magnétisme dans le cours qu’il fait au Jardin des Plantes. C’est pour lui une bonne fortune quand , tous les ans , le jour vient où l’ordre des matières qu’il traite lui permet d’insulter la vérité. C’est un moyen d’agir sur quelques personnes et de les empêcher d’ouvrir les yeux sur les faux mérites des gens chargés de l’enseignement public. Le magnétisme divulgue et montre leurs misères, et quand on tient à passer pour un grand homme, on flatte d’abord ses collègues, puis on cherche à étouffer les vérités qui montrent l'impuissance et le néant de leurs conceptions.
Qui est-ce qui a fait le cict et la terre? Parbleu, cest M. Flourens, et s’il dit que le magnétisme n’existe pas, que nous sommes des hallucinés ou des charlatans, il sait ce qu’il dit. Il connaît tous les ressorts secrets de la nature, les forces qui en entretiennent le mouvement et la vie, et comme il n’a pas fait le magnétisme, le magnétisme n existe pas.
A nos yeux, le plus grand mal qui puisse exister pour une nation, c’est d’avoir à sa tête de faux savants, des orgueilleux et des hypocrites. Le progrès s’arrête et tout languit. Nous en avons la preuve aujourd’hui. Ces bavards d académie, tout remplis qu’ils sont de leurs faux mérites, laissent dessécher et périr tous les germes nouveaux que Dieu avait
fait tomber sur le sol. Quand l’un de ces germes tend à se développer et à prendre vie, il se trouve un Flotirent qui cherche à l’écraser du pied.
Ceci retarde «le bien peu sans doute le triomphe de la vérité mesméricnne. Cette vérité est la conquête du peuple sur les savants, c’est sa philosophie nouvelle et sa vraie médecine. Il aura fallu conquérir ces choses sur tous les lettrés, sur tous les sophistes et sur tous les ministres des sacerdoces. Oh ! la conquête de la Kabylie était bien plus facile. Porter l’Evangile eu Chine, porter la religion chrétienne en Turquie était chose facile et aisée relativement aux efforts que les magnétiseurs auront dû faire pour faire prendre racine à la vérité chez le peuple le plus spirituel de la terre.
Mais chacun a ses destinées, la nêtre à nous tous magnétiseurs, était de combattre et de vivre au milieu de l’insulte et du sarcasme.
Baron Du Potet.
LETTRES D'UN VOYAGEUR
SUR
LE SPIRITUALISME AMÉRICAIN
DEUXIÈME LETTRE.
A M. le baron Du Potet.
Mon cher Maître,
De tous les prodiges du spiritualisme, il en est au moins un qui ne peut Être contesté par personne, c’est son existence môme avec la rapidité inouïe de ses conquêtes parmi les intelligences les plus cultivées, dans les classes les plus élevées de la société et chez un peuple renommé pour être le plus positiviste de la terre. Voilà un premier fait bien établi, et ce fait, dont les conséquences sont faciles à déduire , ne saurait manquer de changer les dispositions de ceux qui, jusqu’à présent, n’auraient eu , pour la question qui nous occupe, qu’indifférence ou dédain.
Chacun est libre d’appeler fables ces prétendues communications d’une nature sensible et matérielle qui établiraient un rapprochement inespéré et d’une valeur immense entre ceux que la mort avait séparés, et dans lequel les morts, se proclamant plus vivants que les vivants eux-mêmes, nous initieraient aux secrets d’une vie future, nous découvriraient les encourageantes perspectives d’un monde jusqu’alors invisible, et, communiquant à nos âmes, ainsi qu'à nos organes, les pouvoirs transcendants d’une existence supérieure, viendraient imprimer une impulsion décisive au développement de la race humaine ici-bas. Libre à chacun de
(1) Voir le n° du 25 juillet dernier.
ne voir clans tout cela qu'un conte absurde à ajouter à celui des .Mille et une Nuits, mais ce que chacun est bien forcé d’admettre en même temps , c’est que tous les détails de ce conte r-ont tenus pour autant de vérités, prouvées jusqu’à l'évidence la plus irrésistible , par une foule d’hommes qui, pour le moins, nous valent, par des hommes occupant une position telle que personne n’oserait se donner comme leur supérieur, soit on savoir, soit en discernement, soit en valeur morale. C'est le docteur Hare, professeur à l’université de Philadelphie, un des premiers chimistes et physiciens de ce siècle, dont le nom se rencontre à chaque page dans nos traités de chimie, associé à une multitude de découvertes ; cest l’honorable M. J.-W. Edmonds, de Newv-York, ancien juge à la cour suprême et président du sénat, universellement regardé comme un jurisconsulte prééminent, comme un juge intègre et sagace, et comme un des plus dignes caractères de la nation américaine; c'est l’honorable M. Tall-madge, gouverneur du Wisconsin; c’est M. le professeur Mapes, le Mathieu de Dombasle des Etats-Unis , rédacteur du IVorking-Farmer, ingénieur et chimiste de distinction et agronome de premier mérite que ses innovations et ses succès en agriculture ont fait surnommer « le grand fermier de la Nouvelle-Angleterre. » Ce sont encore vingt membres du congrès, c’est M. Owen, le vénérable patriarche de la philantropie et de la philosophie matérialiste ; c’est le docteur Wilkinson, regardé comme un des premiers écrivains de l'Angleterre ; ce sont des médecins, des ingénieurs , des magistrats, des ministres de l’Evangile, des journalistes , des artistes, des hommes d’affaires, des hommes de science et de littérature, qui viennent par milliers déclarer solennellement devant le public qu’à la suite d un examen attentif des faits mystérieux vulgairement qualifiés de « manifestations spirituelles, » ils ont été réduits à reconnaître, contrairement à toutes leurs prévisions, que ces faits sont conformes aux relations les plus invraisemblables qui en ont été publiées, que leur authenticité ne pent faire l’objet du moindre doute, qu’ils attestent évidemment
l’action d’une classe de forces jusqu’à ce jour ignorées ou méconnues, et que, quant à la nature de ces forces, toutes les probabilités disent qu’elles sont en réalité ce qu’elles-mêuics sc disent être, c’cst-à-dirc des hommes et des femmes que lu mort a transfigurés.
Eli ! sans aller prendre mes citations au-delà des mers, ne pourrais-je pas nommer un membre de l’institut de France, conservateur d’un de vos musées impériaux , qui raconte d’une voix encore tout émue et a écrit même dans un livre sérieux , qu’une puissance occulte s’étant un jour emparée de sa canne et de sa carafe, ces deux objets sortirent tout à coup de leur inertie naturelle , le premier pour cxécutier un effrayant moulinet à deux pouces de la figure de son maître , l’autre pour remplir officieusement son verre, sans que le bras d’un bâtoniste et d’un échanson pussent être aperçus de qui que ce soit durant ces étranges exercices ?
Les déclarations multipliées, répétées et persistantes de ces liounnes graves sont un fait avec lequel force est de compter ; c’est un fait qu’il n’est pas possible d’escamoter ; il faut de toute nécessité en faire quelque chose. Croira-t-on échapper à la difficulté en prononçant d’emblée que des esprits d’entre les plus distingués par leurs lumières et la force du caractère se sont laissé imposer par des jongleurs de place publique à l’égal du plus stupide paysan, au point de prendre des tours de gobelet pour des miracles de bon aloi ? Mais encore, pour prétendre qu’il y a mystification , faudrait-il pouvoir désigner les mystificateurs. Or il se trouve que rien n’est plus difficile , car les « manifestations spirituelles» se produisent ordinairement, au début, dans le sanctuaire de la famille, dans la retraite solitaire du cabinet de travail, et souvent devant un témoin unique.
Si les coryphées du spiritualisme ne sont point les dupes d’une imposture, seraient-ils eux-mCmes les coupables? Dans ce cas, il faudrait supposer que des hommes placés au faîte des honneurs et de l’estime publique se seraient un beau jour donné le mot en cent pays divers pour se faire les acteurs d’une jonglerie sacrilège dont le prestige serait
nécessairement éphémère, et qui devrait les mener inévitablement à la ruine de leur considération et à la perte de tous les avantages d’une haute position dans la société. Mais, pour accueillir cette explication originale, il faudrait, on doit le comprendre, deux fois au moins de bonne volonté comme il en faut pour croire tout bonnement aux merveilles dont elle a la prétention de nous démontrer l’inanité.— Hé bien,—ripostera-t-on,—le docteur Hare, le juge Edmonds, M. de S..., l’académicien, le docteur Wilkinson, Owen, ' tutti çwtfÿ/inesontni trompés ni trompeurs, soit; mais alors ce sont des hallucinés, ce sont des maniaques, ce sont des fous, et le spiritualisme n’est lui-même qu’une immense folie épidémique et contagieuse. — Très-bien. Mais alors que les pathologistes grands et petits ne dorment donc point quand la santé publique court de si grands dangers. Qu’ils se mettent à l’œuvre sur-le-champ avec ce zèle et ce noble dévouement tant de fois éprouvés, pour arracher le secret de sa désastreuse puissance à cette nouvelle peste qui a déjà violé jusqu’au sanctuaire de la faculté, et qui môme se caractérise, dans le choix de ses victimes, par une sorte d’attraction élective pour les enfants d’Hippocrate. Que le docte corps songe donc à la grave responsabilité qui pèse sur lui ; qu’il y songe : le fléau menace la société de la racine jusqu’au sommet; il sème ses ravages dans les académies, dans les cours de justice ; il pénètre jusque dans les augustes conseils qui veillent à la conservation des Etats,
Et la gard«qui veille à la porte du Louvre N'cn défend point nos rois ! ! 1
Mensonge, illusion ou vérité, le spiritualisme est une énigme qu’il s’agit de débrouiller, c’est un problème qu’il importe de résoudre. La solution, quelle qu’elle soit, qu’elle donne raison à ceux qui affirment ou à ceux qui nient, aura tout au moins l'avantage de faire cesser une erreur funeste. Mais elle aura, en outre, un autre résultat, quelle qu'elle soit, et ce résultat est immense et inévitable, et ce n’est pas vous, ô mon maître, qui vous en affligerez , quoique d’autres puis-
sent bien en penser différemment. Ce résultat, c’est tout simplement d’anéantir à jamais dans le monde l’esprit de secte et de superstition contre lequel le rationalisme s’escrime en vain depuis des siècles. Ne vous hâtez pas de m’accuser d’exagération , et veuillez prêter votre attention à ce que je vais vous dire.
En parcourant le tableau des œuvres que s’attribuent les modernes thaumaturges, il est impossible de ne pas Être frappé de leur similitude parfaite avec ces « signes miraculeux » que les différentes doctrines religieuses prêchées sur le globe présentent respectivement, et avec des prétentions exclusives, comme la preuve irrécusable et la marque évidente de leur origine céleste et de leur fondation sur le rocher immuable de la vérité. De ce côté-là comme de ce côté-ci, ce sont les mêmes récits de visions et d’inspirations, de prophéties, de harangues sublimes débitées en langues étrangères par la bouche d’ignorants qui n’ont pas conscience de ce qu’ils disent, de guérisons subites, par l’imposition des mains, de maladies réputées incurables, de résurrections de morts à l’aide du même procédé, de voix mystérieuses et d’apparitions de personnages connus pour avoir quitté depuis longtemps ce bas monde, d’ascensions d’hommes dans les airs, etc., etc. Or, je vous prie tout d’abord d’observer que les miracles du spiritualisme ont sur les miracles des religions l’incontestable avantage de ne pas nous renvoyer pour leurs preuves aux témoignages posthumes de personnages plus ou moins historiques qui passent pour avoir vécu il y a de cela mille ans ou plus, mais d’être attestés par des témoins vivants et connus, au nombre de plusieurs centaines de mille, que l’on coudoie à tout instant, et dont les déclarations en bonne forme et dûment enregistrées, sont renouvélées journellement par écrit et de vive voix.
Ainsi, les prodiges de la thaumaturgie du présent offrent, sans contredit ( sauf pour cette classe spéciale de raisonneurs qui partent du principe cred«quia ubsurdum), des garanties d’authenticité bien supérieures à, celles que nous
trouvons dans les prodiges de la thaumaturgie du passé. Donc, sans faire du tort à cette dernière,—et au contraire,— nous pouvons considérer les deux classes historiques de faits mystérieux, en tant qu’ils coïncident dans leur description, comme étant identiques dans leur nature intrinsèque, comme étant les produits d’une même cause dont l’activité s’est exercée à deux époques différentes. Si donc les faits spiritualités existant actuellement en permanence, et s’offrant aux investigations directes et quotidiennes du premier curieux venu, sont reconnus, après un examen auquel concourent les moyens d’observation les plus sûrs, n’être qu’illusion et mensonge, que devons-nous donc penser en bonne logique de ces faits miraculeux que nous trouvons rapportés sous la même forme dans de vieux récits traditionnels dont une foule d’erreurs manifestes sont loin d’établir l’infaillible exactitude? Par exemple, que l’on parvienne à démontrer qu’au grand jour du dix-neuvième siècle des fantasmagories de lanterne magique ou des tours d’escamotage ont pu en imposer à plus d’un million d’hommes jusque-là réputés sensés au point de bouleverser en un instant toutes leurs croyances et d’imprimer une direction toute nouvelle à leur conduite, ont pu en imposer à des hommes d’Etat que l’on croyait en garde contre toute espèce de surprise, à des magistrats formés, par une longue pratique des recherches judiciaires, à la défiance et à la perspicacité, à des maîtres de la science, à des observateurs d’élite, au point de biffer d’un trait les idées les plus arrêtées de ces intelligences au col raide, et de leur faire embrasser les opinions qui leur étaient le plus antipathiques ; au point de faire proclamer sur les toits l’existence d’un monde spirituel par des physiciens vieillis et illustrés dans les rangs du matérialisme, certes il n’est plus difficile dès lors de comprendre comment la simplicité de pauvres pêcheurs de la Galilée, de femmes ignorantes et crédules — sur les déclarations desquels repose cependant la foi chrétienne , — aurait pu tomber dans un piège que tant de sagesse n’a pu éviter.
Que si, au contraire, 011 est forcé de reconnaître, en der-
nière analyse, que les assertions du spiritualisme sont tout autre cliose qu’un tissu de mensonges ou d’aberrations mentales, il doit en résulter une prévention favorable à toutes les assertions identiques contenues dans les livres sacrés, non pas seulement d’une secte religieuse privilégiée, mais de toutes, et à titre égal. Et, en môme temps, une vérité nouvelle , plus précieuse peut-être que toute autre , se trouve ainsi arrachée, comme tant d’autres le furent successivement, du sanctuaire, depuis longtemps envahi par les ténèbres, d’une théocratie jalouse et jadis en possession du monopole des lumières, pour être restituée enfin au domaine public de la science et pour que la raison moderne l’épure et la vivifie.
Toujours est-il, dans un cas comme dans l’autre, qu’un point important est enfin et définitivement réglé, c’est que les miracles prouvent également pour toutes les religions, ou ne prouvent rien pour aucune ; c’est que les innombrables théologies qui se disputent l’empire des consciences ne peuvent plus être admises à présenter à l’appui de leurs prétentions rivales les triomphes légendaires de leurs magiciens, et à établir le poids de leur autorité divine par le poids de leur bagage thaumaturgique ; c'est que toutes les doctrines religieuses qui prétendent à la direction de l’homme devront désormais prouver leur valeur et leur supériorité, uniquement par la valeur et la supériorité intrinsèques de leurs enseignements, c’est-à-dire par leur harmonie avec les données positives de la science et avec l’universalité des lois et des besoins de la nature humaine.
Les manifestations spirituelles considérées simplement dans leur nature apparente, c’est-à-dire dans ceux de leurs effets qui nous frappent à première vue, et sans avoir égard à la cause problématique qui les engendre, s’offrent à nous comme des anomalies plus ou moins excentriques et de caractère très-varié, mais pouvant toutes être ramenées à l'un des trois ordres, psychique, physiologique et physique.
Celles des deux premières catégories méritent certainement de nous intéresser au plus haut degré, car, à la faveur de la suspension momentanée de ce que nous appelons Y é-tat normal, elles soulèvent un coin du voile qui dérobe à notre connaissance les plus riches trésors de l’âme humaine, desserrent les bandelettes qui arrêtent l'essor de scs plus nobles facultés. Mais les phénomènes de cette classe ont une analogie manifeste avec ceux que nous offre parfois le mesmérisme et la psychopathie (autrement dite Hec-tro-biologie), et les nombreux adeptes de ces connaissances ont une tendance assez naturelle à, les revendiquer tous au profit de leur art. Les observations expérimentales que nous soumettrons à leur jugement dans le cours de cet exposé seront, si je ne me trompe, de nature à rendre leur opinion sur ce point beaucoup moins absolue et moins exclusive. En attendant, comme mon objet ici est principalement de faire apprécier la force de l’hypothèse spiritualiste, qui nous présente ces productions mystérieuses comme le résultat de l’action des morts sur nos âmes, sur nos organes et sur la matière inerte, je dois m’occuper d’abord des faits qui fournissent à ceite hypothèse ses meilleures raisons et qui prêtent le moins à la controverse. Passons donc en revue les manifestations physiques du spiritualisme, en nous réservant de revenir ensuite sur les manifestations d’une autre espèce qui auront alors un attrait plus attachant pour le lecteur, parce qu’il aura été préparé à saisir leur véritable nature, à comprendre leur rôle et leur portée.
Le fait le plus caractéristique et le plus concluant du spiritualisme réside, disons-nous, dans ses manifestations physiques. L’analyse radicale de ce fait nous donne trois propositions qui se succèdent dans la progression suivante :
-1° Des effets physiques sont produits par l’action d’une force dont la nature et le mode d’application nous restent cachés , mais que l’étrangeté et la capricieuse bizarrerie de ses opérations nous interdisent cfassimîler à aucun des agents naturels dont la science a déterminé les lois ou même
dont l’existence a été simplement constatée par l’observation générale.
Ainsi, des objets de toute substance, de tout poids, de toute forme et de toute dimension, tels que tables, pianos, instruments de musique, objets d’ameublement ou de toilette, et des personnes même , sont vus enlevés, soutenus et promenés dans l’espace pendant des heures entières , dans un étal complet d’isolement mécanique. Des bruits sont entendus , se produisant par les vibrations spontanées d’objets sonores, tels que timbres d’horloge, tambours, portes et cloisons d’appartements. Des formes lumineuses et tangibles apparaissent et disparaissent dans l’obscurité aux yeux de la science interdite et forcée de se déclarer impuissante à dire d’où elles viennent et où elles vont. Parfois un éblouissant météore vient surprendre une famille paisiblement attablée devant le foyer domestique ; il a pu pénétrer dans la salle dont toutes les ouvertures sont pourtant fermées, il sillonne l’espace et vient s’abattre dans le verre d’un des convives, il y fait explosion , et le cristal vole en éclats, etc., etc. : à pluribus disce omnes.
2° La cause mystérieuse de ces effets est incontestablement douée d’intelligence et de volonté. En vertu d’une convention proposée par les assistants et acceptée par le générateur occulte des vibrations sonores que je viens de mentionner, ces bruits , ces coups retentissants deviennent des signes alphabétiques, et ces signes deviennent à leur tour l’expression d’une pensée, et de là des mots, des phrases et de longs discours dont les idées frappent souvent par leur élévation, leur profondeur, leur originalité, et quelquefois aussi par une vulgarité choquante. Des centaines et peut-être des milliers de volumes, parmi lesquels on cite quelques chefs-d’œuvre, sont dus à ces communications télégraphiques. Une autre expérience entre mille , qui fournit une démonstration non moins récréative que convaincante de la nature intelligente du phénomène, ce sont les excellents concerts — dont il a été plusieurs fois donné à votre eer-
viteur de jouir, — exécutés sur des instruments placés hors de la portée de toute main mortelle.
3- La cause (cause intelligente, comme nous venons de le faire entendre) de ces opérations inexpliquées, étant interrogée sur sa nature, répond uniformément, non pas seulement en Amérique, mais encore en Europe, en Afrique et en Asie (je l’ai vérifié moi-môme pour trois de ces continents) , mais partout et dans toutes les langues : « Je suis Pierre, Paul ou Jean, » ayant soin d’expliquer ensuite, s’il est nécessaire, qu’il s’agit par là d’une personne qui vécut xme fois sur cette terre, et, le plus souvent, qui fut le parent ou l’ami de ceux à qui s’adressent ces communications inattendues.
En résumé, la croyance à un commerce individuel et personnel, moral, intellectuel et sensible, entre les Vivants et les Morts, croyance constituant la base de ce que 1 on est convenu d'appeler le spiritualisme, repose principalement sur trois faits généraux qui paraissent surabondamment établis par les expériences d’une multitude de bons observateurs. Ces faits sont, premièrement, la production de phénomènes mécaniques et physiques, d’un caractère étrange attestant l’existence d’une force qui ne s’est révélée jusqu’ici que par ces surprenants effets ; secondement, l’exhibition manifeste faite par cette force d’un degré d’intelligence et de volonté, et de sentiments, en tout semblables à ceux qui caractérisent l'espèce humaine ; troisièmement, les déclarations de cette force s’affirmant obstinément et invariablement un être, une individualité humaine, vivant actuellement dans des conditions et dans un lieu d’existence dans lesquels entreraient tous ceux qui sortent, par la porte de la mort, du théâtre
de cette vie d’ici-bas.
Voilà, dans son intégrité, la donnée essentielle du problème posé par les « manifestations spirituelles. » Cette donnée suffit-elle pour justifier les conclusions du spiritualisme? A chacun d’apprécier avec sa raison. Mais, avant de se prononcer sur une question aussi grave, les esprits sages voudront sans doute faire connaissance plus intime avec les
— un —
faits sur lesquels doit reposer leur jugement. En attendant qu’une occasion favorable mette chacun à même d’observer directement les manifestations extraordinaires que je viens de signaler, on trouvera, sans doute à. propos que je précise les faits avec soin dans un récit circonstancié de mes observations personnelles. Tel sera l’objet de ma prochaine lettre.
Pour'répondre à un regret que vous avez sans doute éprouvé avant bien d’autres, mon cher maître, et qu'un de vos collaborateurs exprimait naguère, aussi afin de m’acquitter envers mes commettants sans plus de retard , permettez-moi de me décharger ici, par la voie de votre journal, d’un message qui me fut confié aux Etats-Unis pour tous ceux qui s’intéressent en France à la grande question du spiritualisme. M. Hume est l’avant-garde d’une armée de médiums américains h la veille d’envahir la France. Le gros des troupes doit arriver prochainement à Paris pour y prendre ses quartiers d’hiver, et, comme cet ennemi vient combattre seulement contre des préjugés et des erreurs, il invite par ma voix tous les esprits libres et amis de la vérité à sc prononcer pour lui et à tenir prêts ses logements.
Conservez-moi votre bienveillance , mon cher maître, et recevez l’assurance nouvelle de mes sentiments respectueux et dévoués.
x..., D. M.
BIBLIOGRAPHIE.
Le Spiritnaliste de la Nouvelle-Orlèans, éch«mensuel, tel est le litre d’un journal qu’un de nos ainis, le respectable Jos Barthet, a fondé au commencement de cette année pour défendre la cause du spiritualisme. Nos anciens abonnés connaissent .\1. Jos Barthet. Ils sav ent qu’il a constamment été un des apôtres les plus fervents du magnétisme, qu'il l’a propagé et fait connaître de toutes ses forces dans le pays où il s’est fixé ; que, depuis, il nous a religieusement mis au courant des progrès et des faits divers produits en Amérique par les doctrines de Mesmer.
Aujourd’hui, M. Jos Barthet, convaincu par l’évidence, est devenu l’un des plus fervents adeptes du spiritualisme. Il s’est mis à en étudier les phénomènes avec la persévérance, l'intelligence et la bonne foi qui le caractérisent. Depuis plusieurs années il a formé à la Nouvelle-Orléans une société de médiums des deux sexes, à l’aide desquels il est parvenu à faire faire à l’importante question des esprits frappeurs un grand pas. Ces médiums se réunissent sous sa direction, comme l'aurait pu faire chez les druides, au temps des sybilles, un collège de jeunes voyants, et là, après quelques minutes d’un religieux recueillement, les esprits agitant, successivement, ou tous à la fois , la main des médiums, se manifestent par des communications fort curieuses et parfois d’un caractère très-élevé. Des discours dans des langues inconnues aux médiums, des points de science, de morale, de théologie, de controverse religieuse, etc., sont traités fort souvent dans ces communications, lesquelles ont parfois pour auteurs les âmes de personnages qui ont joui autrefois sur notre terre d’une grande célébrité. C’est ainsi que Léon X, le père Bridaine, Bossuet, Fénelon, Pascal, Jean-Jacques Rousseau, Mirabeau, Danton, M“” de Staël, etc., s’il faut en croire des signatures spontané-
meut, librement apposées an bas de charpie communication, s’en viennent tour à tour manifester leurs opinions sur une foule de questions qui leur paraissent compétentes. Parfois aussi l’esprit de quelque grand médecin, comme Mesmer, Husson, Dupuytren, llahnemann, intervient pour donner des consultations médicales qui , presque toujours, lorsqu’elles sont scrupuleusement exécutées, produisent les meilleurs effets. Des prédictions, que M. Bartîiet garde pour lui, jusqu'à ce que le temps soit venu de les divulguer, ont aussi été faites dans les réunions spiritualistes que préside notre ami. D’illustres poètes, dont nous déplorons la perte, sont aussi venus payer à ces réunions le tribut de leur talent. C’est ainsi qu’on a parfois obtenu des pièces de vers remarquables signées Gilbert, Delphine Gay, Alfred de Musset, etc.
Les communications de la Nouvelle - Orléans diffèrent de celles qui ont lieu à Paris, en cela qu’elles ne sont nullement provoquées, qu’elles sont toutes libres et spontanées de la part des invisibles. C’est une règle admise par M. Barthet qu’il ne faut nullement contraindre par la volonté, un désir quelconque, les esprits à se manifester sur tel ou tel sujet donné et à l’Occasion de telle et telle circonstance actuelle. Il ne faut même pas exiger qu’ils signent de leurs noms les communications qu’on leur doit. En agir autrement, évoquer nominativement certains esprits, leur poser des questions de pure curiosité ou leur donner des difficultés à résoudre, c’est s’exposer à des mécomptes. Il n’y a, disent les spiritualistes d’Amérique, aucun gage de bonne foi, de sincérité dans les manifestations ainsi provoquées. On s’expose à être la dupe d’esprits impurs, mauvais, follets ou mensongers. Ce n’est que que quand les invisibles vous engagent d’eux-mêmes à les questionner ou qu’ils y sont consentants, qu’il convient de le faire. En agissant ainsi, 011 est plus certain de recueillir d’eux des avis, des vérités utiles. Voilà ce qu’01111e fait pas à Paris. Et voilà ce qu’on y devrait faire.
Le Spiritualiste de la A’ouvelle-Or/àans, renferme une grande variété de communications diverses ainsi provoquées. Elles sont çà et là entremêlées de commentaires et d’explica-
tionsdeM. Barthet. Elles font de cejoumal une des publications les plus curieuses et les plus utiles qui soient consacrées aux phénomènes de la science nouvelle, utile surtout en ce sens que les faits, les doctrines, les principes, les révélations qu’elle enregistre serviront île documents, de matériaux, de points de comparaison lorsqu’il s’agira d’ériger en doctrine définitive et sur des bases inébranlables l’ensemble des phénomènes spirituels.
Le journal de M. Barthet ne coûte que 12 fr., rendu en France, ù domicile. Il est écrit en français. On s’abonne au bureau du Journal du Magnétisme, où un grand nombre de livraisons sont déposées comme spécimens.
Z. I'IERART.
VARIÉTÉS.
AUTOMAGNÉTISATION.
Le docteur François Orioli, savant professeur italien, qui, dans le cours de l’année dernière, a été enlevé par la mort à sa patrie et à la science, raconte dans ses F/ilti relui ivi a mesmerim«c cure mesmeric/ie, ouvrage très-intéressant, publié à Corfou en 1842, que, dans beaucoup de circonstances, il a pu acquérir la certitude qu’il avait le pouvoir de se magnétiser soi-même, et, par ce moyen , de dissiper très-facilement les maux légers, d’adoucir les graves souffrances et même de s’en guérir tout à fait. C’est ainsi qu’il parvint à arrêter les progrès de l’affection maladive qu’il avait au cœur, en calmant le grand arc de l’aorte, en apaisant les pulsations des carotides et généralement des grosses artères, et qu’il fit cesser les douleurs, présage menaçant de l’anévrisme. Il se magnétisait avec l’intention seule, et, après quelques efforts de volonté , il sentait courir en lui le fluide magnétique dans la direction exacte que sa pensée avait déterminée.
Il faisait souvent usage de substituts magnétiques ; pour lui un substitut magnétique était toute chose qu’il avait tenue ou sur laquelle il avait fait des passes avec intention de produire la santé, et il appliquait cet objet sur la partie malade. Des faits innombrables ont justifié son procédé.
Pendant trois ou quatre ans, il avait souffert, sans pouvoir trouver aucun soulagement, une vive douleur à la cuisse droite, dans la partie interne, depuis le genou jusqu’aux deux tiers de la cuisse. La douleur avait un siège fixe; elle était tantôt violente, tantôt légère et tantôt nulle ; la suspension était très-courte et n’avait lieu qu’à longs intervalles. Il en souffrait quand il vint à Paris en 1823. Une nuit, étant plus tourmenté que d’habitude , il posa sur la partie malade un mouchoir pour y attirer la transpiration. Chose merveilleuse ! au bout de quelques minutes, la douleur se calma et il put s’endormir.
Le lendemain matin, étant animé de l’intention de se soulager, il entoura sa cuisse d’une bande très-large, après l’avoir assujettie aux hanches. A partir de ce moment, il fut tout à fait délivré de son mal. Par la suite, il se débarrassa de la bande qu’il jugea inutile. Mais, trois ans plus tard, la douleur ayant reparu, il eut recours au même remède et avec le même succès.
Maintes fois, quand il lui arrivait de se coucher ayant quelque indisposition , il se magnétisait, d’abord par des frictions, puis par la seule intention , alors il s’endormait en éprouvant un bien-être causé par la vertu salutaire et calmante du fluide , bien que parfois il éprouvât de petites douleurs nerveuses qui prenaient fin en même temps que le mal qu’il combattait ; à la suite de quoi le sommeil lui apportait le repos.
Luce magnetica.)
Baron du POTET, propriétaire-gérant.
Paris.—lmp. de Foxmibet et Moule, 42. rue Vtvin (près l«Luxembourg).
SOCIÉTÉ DU MESMÉRISME.
CONFÉRENCE SUR L’USAGE DU SOMNAMBULISME.
La Société a consacré plusieurs séances h la discussion de cette question : si les réponses des somnambules doivent être contrôlées. Ont pris part à la discussion MM. Ar-nette, Vilmin, Ogier, Louyet, Moriii et Petit d’Ormoy. Voici le résumé des observations présentées de part et d'autre.
D’une part, il a été dit que les connaissances des somnambules s’acquéraient, non par l’enseignement, mais par l’intuition, par une sorte d’instinct ; qu’une voix intérieure leur révélait une foule de secrets : négliger les lumières qu’on peut ainsi obtenir, ce serait priver l’humanité d’immenses services. Si l’on veut en tirer parti, il faut accepter de confiance les réponses des somnambules dont la lucidité est éprouvée. Dès qu’ils ont donné des gages de clairvoyance, il n’y a plus lieu à contrôler leurs réponses. Chercher à vérifier, c’est faire intervenir le doute, c’est, en réalité, rejeter le somnambulisme. — Quand il s’agit de maladies, ce qui est le cas le plus ordinaire, le contrôle ne pourrait être exercé que par les médecins qui sont les ennemis naturels du somnambulisme et qui ne manqueront pas d’en condamner toutes les prescriptions. — Les ordonnances des somnambules ne consistent le plus souvent qu en médicaments simples et inoffensifs ; il n’y a donc pas à se préoccuper du danger qu’on aurait à courir en se conformant à leurs avis. Il existe pourtant, par exception , des observations où des somnambules ont prescrit des remèdes héroïques; mais ces cas sont tout à fait favorables à l'opinion de ceux qui ont foi dans la lucidité somnambulique. — Les somnambules ne se trompent jamais quand il s’agit d’eux-mêmes, et l’on a
cité plusieurs cas où ils sc sont prescrit des médications qui, d’après la science, auraient dû être mortelles, et qui néanmoins les ont sauvés.
L’exemple le plus remarquable est celui que rapporte M. du Potet dans son Manuel (p. 139 de la 2" édition). Une femme affectée d’un anévrisme, étant entrée en somnambulisme, annonça qu’elle guérirait si l’on suivait exactement les prescriptions qu’elle indiquerait, quelle qu’en fût la nature. Elle s’ordonna d’abord l’application de cent cinquante sangsues, puis une abondante saignée de bras pour le lendemain. Après une seconde saignée qui ne donna qu’une espèce de lymphe rosée, la malade, bien qu’extrêmement épuisée, se prescrivit encore pour le jour suivant une troisième saignée dont elle fixa le volume. RI. du Potet et deux médecins appelés en consultation étaient consternés; la malade était arrivée à un tel état de faiblesse, qu’il semblait évident que la moindre émission sanguine devait lui enlever le peu qui lui restait de vie. On se décida néanmoins à exécuter jusqu’au bout ses prescriptions. L’épuisement de la malade était extrême. Laissons parler RI. du Potet : « On n’apercevait plus, chez la malade, qu’un faux rayon de vie errant par intervalle. Trois hommes de cœur se regardaient alors avec une sorte d’effroi et de frémissement nerveux. Une espèce d’assassinat venait d’être commis par eux; leurs intentions étaient pures cependant : ils n’étaient animés que du désir de sauver une pauvre créature condamnée à mourir jeune ; ce n’était pas même la pensée de s’éclairer sur un grand fait qui les guidait; entraînés presque malgré eux et par degrés à suivre des prescriptions terribles et d’une efficacité qui n’était point douteusfc, mais qui leur parut telle alors, ils se croyaient dans cet instant coupables aux yeux de Dieu et de la justice humaine; car l’emploi du magnétisme n’est pas reconnu par les facultés. Quelle excuse, en cas de mort, pouvaient-ils alléguer? La pureté de leur conscience? Riais, aux yeux des hommes qui eussent été appelés à se prononcer dans une semblable cause, nous aurions été ou des fous ou des assas-
sins. Moi surtout, qui avais dit : Faites, ne craignez rien, agissez selon que la malade vous conseillera ; moi pourtant qui ai horreur du sang humain ainsi versé , j’eusse été représenté comme le principal acteur d’un drame terrible et sans exemple ! Oh ! je dois l’avouer, mes cheveux grisonnèrent pendant ces quelques jours ; et, quoiqu’il y ait déjà quinze ans d’écoulés, en me rappelant cette époque, je crois encore avoir sous les yeux ce terrible drame. » L’expérience périlleuse réussit, et la malade recouvra la santé : elle avait vu plus juste que les médecins.
Ceux qui repoussent le contrôle ont cité l’opinion des principaux écrivains magnétistes qui , surtout dans les cas où les somnambules se prescrivent à eux-mêmes une médication, déclarent qu’on doit obéir aveuglément. Cet argument tiré des auteurs leur paraît très-puissant, bien qu’ils reconnaissent qu’à cet égard ils ne sont pas unanimes, et que chacun d’eux n’a pas toujours été d’accord avec lui-même..........
D’un autre côté, on a répondu que la lucidité des somnambules était nécessairement faillible comme toute faculté humaine, ce qui entraîne la nécessité du contrôle. La vue somnambulique est essentiellement variable et précaire. Les admirateurs les plus passionnés du somnambulisme n’ont pas osé dire qu’il ait existé un seul somnambule qui ne se soit jamais trompé. Bien plus, ils ont tous reconnu la fragilité des sujets, même les plus éminents. Ainsi, MM. Marcillet et Delaage, tous deux prôneurs fort ardents du fameux Alexis, avouent que parfois sa lucidité est en défaut. Ce qu’il y a de plus fâcheux, c’est que ni le somnambule ni son magnétiseur ne peuvent discerner les moments où il voit juste de ceux où , ne voyant que de vains fantômes, il se figure que ses perceptions sont exactes et croit posséder la vérité. Le somnambule le plusjlucide, celui qui a présenté les phénomènes les plus étonnants, a des moments où il est dupe de rêves trompeurs, et rien ne l’avertit de cette déviation : quand il voit faux, ilja la même confiance en lui, la même assurance que quand il voit juste. Il est donc bien
évident que, même en s’adressant aux sujets les plus renommés par leur clairvoyance, on courra grand risque d'èlre induit en erreur, puisqu’aucun moyen ne pourra vous faire reconnaître si, ou non, il est dans un d«ses moments de lucidité. Si vous rencontrez bien, vous obtiendrez peut-être un remède capable de vous guérir : mais, dans le cas contraire, la prescription n’aura pas plus de valeur que si elle émanait du premier venu n’ayant ni lucidité, ni connaissance aucune en thérapeutique : il y aurait môme plus de risque , car l’ignorant hésite ordinairement k se prononcer sur des choses graves qu’il ne connaît pas, tandis que le somnambule qui a été lucide et qui croit encore l’être, même quand sa lucidité lui échappe, est encouragé par ses succès précédents et n’hésite pas à, trancher sur toutes les questions. Suivre en pareil cas tout ce qu’il indique, c’est jouer sa santé sur un coup de dé, c’est commettre une imprudence énorme.
Il s’en faut de beaucouj) que les prescriptions des somnambules soient toujours simples et inoffensives. L’exemple rapporté plus haut prouve que parfois ils ordonnent des médications qui peuvent mettre la vie en danger ; il y en a qui ont prescrit des substances toxiques. On cite, il est vrai, des cas où les personnes qui ont osé courir les chances de cette espèce de loterie, s’en sont bien trouvées ; mais on peut dire qu’elles ont été plus heureuses que sages. Le résultat a seulement prouvé qu’il pouvait s’y trouver de bons numéros, soit : mais comme on ne peut distinguer les bons des mauvais , il y aurait plus que de la témérité à livrer ainsi aux caprices du hasard la vie d’un être humain.
La prudence fait donc une loi d’appeler un contrôle sévère, ce qui, quoi qu’on en dise, n’entraîne nullement le rejet du somnambulisme. S’il s’agit, par exemple, d’un vol, et que le somnambule désigne une personne comme auteur du détournement, on n’ira pas, sur cette seule indication, la condamner ni même la mettre en jugement : car il faut admettre comme possible que le somnambule se soit trompé; accepter sa déclaration comme un oracle, ce serait donc
s’exposer à, flétrir injustement un innocent. Comme , d'un autre côté, il est possible que le somnambule ait vu juste, ou aurait tort de ne tenir aucun compte de ses indications. On devra chercher à les compléter en recueillant de nouveaux renseignements, et peut-être ainsi parviendra-t-on à. découvrir la vérité. C’est ce qui est arrivé pour les soustractions dont l’auteur a été signalé par madame 0., ainsi qu’il est raconté au n° 5 du Journal du Magnétisme (1857, p. 13ft) ; en profitant adroitement de ses avis, on a pu, non seulement connaître le coupable, mais recouvrer les objets détournés.
Quand il s’agira de maladie, il faudra s’assurer si les remèdes prescrits sont inoffensifs. S’il en est ainsi, on peut en user sans inconvénient, puiqu’au pis-aller, en cas d’insuccès, l’état du malade ne sera pas plus mauvais que s'il n’avait pas consulté de somnambule (et encore y a-t-il des réserves à faire pour les cas urgents où ne pas agir peut mettre la vie du malade en danger). Mais si le consultant ignore les propriétés du remède prescrit, il devra s’éclairer à cet égard ; et, le plus souvent, il ne sera pas obligé de s’adresser à un médecin , il lui suffira de s’enquérir auprès d’une personne compétente, soit d’un ami plus instruit, soit d'un pharmacien ou herboriste, ou même de consulter un ouvrage sur la matière. Pourtant il y a des cas où le plus sage est de recourir à un médecin, c’est par exemple quand la substance prescrite est dangereuse et ne devient salutaire qu’autant qu’elle est prise à une certaine dose qui varie suivant la constitution ou l’état du malade, ou d’après d’autres circonstances qui ne peuvent être appréciées que par un praticien.
S’il y a des médecins ennemis systématiques du somnambulisme, il en est aussi, et de fort distingués, qui ne négligent aucun moyen de s’éclairer et de suppléer à l’insuffisance de la science, qui non seulement n’hésitent pas à donner un avis consciencieux sur l’appréciation des consultations somnambuliques, mais qui môme emploient dans leur clinique le concours des somnambules et ont eu à se félici-
ter des heureux résultats qu’ils ont ainsi obtenus. Les docteurs Teste, Louyet, Loger, Louis Séré, Huguet, etc., ont publié à ce sujet des relations pleines d’intérêt qui prouvent que la médecine et le somnambulisme, loin d’être nécessairement ennemis, peuvent s’unir pour le bien de l’humanité.
11 est reconnu par tous les observateurs que les somnambules montrent généralement plus de lucidité quand il s’agit de leur propre santé, que quand il s’agit de celle d’autrui : aussi beaucoup d’auteurs ont-ils proclamé, de la manière la plus affirmative, que le somnambule doit être scrupuleusement obéi dans tout ce qu’il se prescrit à lui-même. L’expérience a fait voir que cette règle est beaucoup trop abso-ue, et que bien des somnambules , même parmi ceux dont la lucidité avait été constatée, sont tombés dans l’erreur en voulant se traiter eux-mêmes et se sont prescrit des médications qui auraient été mortelles si l’on s’y fût conformé. M. Hébert, dans son cours, cite une somnambule qui s’est prescrit de la strychnine, c’est-à-dire un des poisons les plus violents, et elle en fixa la dose : il y avait de quoi faire mourir un grand nombre de personnes. Cette substance à faible dose est un médicament qui, dans le cas particulier, pouvait être efficace. Mais quel malheur aurait-on eu à se reprocher si l’on n’eût pas fait venir un homme compétent pour corriger la dose ! — M. O. a rapporté deux exemples qui lui sont personnels. Sa femme , dont la lucidité est bien connue, se trouvant en somnambulisme au mois de mars dernier, prédit que prochainement, à une date qu’elle détermina , elle serait idiote et que cet affaissement intellectuel durerait douze jours. Un peu avant l’époque fixée, son mari l’ayant endormie, lui demanda ce qu’il y avait à faire pour empêcher cet accident. F.lle répondit qu’elle avait le cerveau vide, qu’elle avait besoin d’électricité, qu’il fallait qu’elle se promenât tous les matins au soleil, et qu’on ne lui parlât pas, à l’état de veille, de ce qu’elle avait annoncé. On se conforma à ses prescriptions. Au jour indiqué, il n’y eut rien de changé dans son état, sinon quelques rica-
nements bizarres qui semblaient annoncer un certain égarement; mais il y «avait bien loin de là à l'idiotisme. Interrogée en somnambulisme sur ce qu’il convenait de faire, elle s’ordonna un bain d’eau froide. Comme sa santé est des plus délicates, et qu’elle ne peut, même dans la belle saison, prendre de bains froids, M. O. éprouva beaucoup d’hésitation. Il consulta une autre somnambule d’une lucidité éprouvée, qui lui répondit : « Gardez-vous bien de lui faire prendre un bain froid ; car le mal se fixerait sur la poitrine. Ne l’endormez pas avant quatre jours. Qu’elle fasse ecs promenades, et ce 11e sera rien. » En rentrant chez lui, M. O. trouva sa femme qui se plaignit de maux de reins et annonça que ses règles étaient venues depuis une heure. On s’est abstenu , pendant six jours, de la magnétiser, et elle est revenue à son état normal. Ainsi elle s’ôtait trompée gravement sur elle-même , d’abord en annonçant une perturbation qui 11’a pas eu lieu, et ensuite en s’ordonnant un bain froid qui, dans son état, eût pu être mortel. — La même dame s’étant trouvée, pour cause de santé, dans la nécessité de suspendre ses consultations, M. Gréa, médecin, se présenta pour recourir à sa lucidité : on fut obligé de refuser, et on lui en donna le motif. Alors il conseilla d’endormir madame O. dans son propre intérêt, afin de chercher si elle trouverait un remède pour sa position. Madame O., ayant été mise en somnambulisme, [ou lui présenta une boite homéopathique : elle choisit six flacons, tira de chacun un globule, dit qu’il fallait mettre ces six globules dans cinq cuillerées d’eau, et lui faire prendre chaque matin une cuillerée de la dissolution. M. Gréa la pria de bien réfléchir, lui demanda si elle était certaine de voir juste, et si la dose n’était pas trop forte. Sa réponse ayant été la confirmation de la première, M. Gréa cessa d’insister, persuadé que les somnambules ne se trompent jamais sur eux-mêmes. Madame O. prit deux des cuillerées ; ensuite elle refusa de continuer en disant qu’elle ressentait dans la tête des douleurs étranges. Le lendemain, interrogée dans son sommeil, elle dit qu’il fallait cesser, qu’elle
s’était trompée, et que ce médicament lui ferait plus de mal que de bien. Ainsi, elle s’était encore trompée sur elle-même, et dans une circonstance où, bien loin d'être influencée par le médecin , elle avait lutté contre celui-ci qui avait trouvé la dose excessive.
Ces deux derniers faits ont d’autant plus de poids, qu’ils sont attestés par un de nos collègues qui, pratiquant le som-bulisme, a plus de motifs pour en reconnaître l’excellence et l’utilité, et qui néanmoins a la bonne foi d’en avouer les imperfections et les dangers.
Autre exemple. Dernièrement, une dame D***, qui a été en rapport avec la plupart des membres du comité de cette Société, se croyait enceinte depuis trente-neuf mois, et demandait instamment qu’on lui fit l’opération césarienne. Notre collègue, M. Louyet et plusieurs autres médecins éclairés l’examinèrent avec le plus grand soin et constatèrent qu’elle n’était pas enceinte. Cette femme mise en somnambulisme déclara voir l’intérieur de son corps; elle décrivit un fœtus monstrueux et vivant, placé en dehors de la matrice, dans une des trompes de Fallope, et elle réclama, avec la plus grande énergie, qu’on lui ouvrît le ventre pour en faire l’extraction. Il ne s’agissait pas ici d’un remède simple, mais d’une opération terrible et probablement mortelle, eu égard à son état de santé. Que devient donc l’aphorisme que les somnambules ne se trompent jamais sur eux-mêmes?...
On a cherché à atténuer le danger d’une confiance illimitée dans les prescriptions des somnambules, en disant que le consultant se guiderait d’après son intuition qui l'avertirait si le somnambule est, ou non, en veine de lucidité. C’est, en d’autres termes, contrôler, par sa propre lucidité, celle du somnambule. Pour que ce contrôle fût efficace , il faudrait que le consultant fût lui-même lucide et à l’état de veille (ce qui est extrêmementjrare ) , et, en outre, qu’il pût s’assurer qu’il est dans un de ces moments privilégiés où il jouit de sa clairvoyance, ce qui ne fait que reculer la difficulté. Comment s’en rapporter à son inspiration sur
l’appréciation de facultés mentales qui ne se manifestent par aucun signe extérieur ? Celui qui compterait sur une telle ressource, ne s’exposerait-il pas à prendre pour une lumière intérieure son désir d’obtenir une solution , et sa confiance basée sur des succès antérieurs dont le renouvellement est toujours incertain ?...
11 serait bon que ceux qui se livrent à l’élude du magnétisme, et dont le jugement peut avoir une certaine influence sur l’esprit du public, fissent connaître le résultat de leurs recherches et prissent à tâche de préserver les personnes ignorantes d’un engouement irréfléchi qui donne lieu journellement à de grands malheurs. Une foule de gens regardent les somnambules comme de véritables oracles, pouvant répondre avec une certitude infaillible sur toute espèce de matière, sur le passé, le présent et l’avenir, et se conforment aveuglément à leurs avis, qu’il s’agisse de leur santé, de leur fortune, ou môme des intérêts de famille les plus graves. Des procès scandaleux ont fait voir combien cette crédulité superstitieuse peut être funeste. Il peut en résulter pour la cause du magnétisme une déconsidération qui retarde les progrès de la vérité, le public malveillant n’étant que trop souvent disposé à rendre une doctrine solidaire des abus qui se parent de son nom. Nous devons donc, dans l’intérêt bien entendu du magnétisme, non moins que dans celui de la science et de l’humanité , proclamer les vrais principes et donner hautement au public de salutaires avertissements.
Ces arguments ont conduit ceux qui les ont présentés à conclure que la lucidité est une faculté admirable, capable de rendre les plus grands services, mais que pour en faire usage il faut beaucoup de prudence et de sagacité, et que les réponses des somnambules sont toujours sujettes à être contrôlées, soit qu'il s’agisse d'eux-mêmes ou d autrui.
La discussion ayunt été close, la Société , consultée pour savoir si elle devait émettre une opinion,
« Considérant que les questions scientifiques ne se déci-
« dent pas à la majorité des suffrages, mais seulement par « la force des arguments ; considérant que chez les magné-« tiseurs on a eu le bon esprit de ne point formuler d’or-n thodoxie, et qu’il serait regrettable d’établir un précédent « de cette espèce ; n A déclaré qu'il n’v avait rien à voter ; et elle a pensé
« que le procès-verbal contenant le résumé des arguments
« pour et contre serait la meilleure réponse à la question « qui vient d’être discutée, et que la publicité donnée à ce « résumé lui semblait devoir rendre service à la cause du « magnétisme. »
Pour extrait, a. s. MORIN.
INSTITUTIONS.
L’infirmerie mesmérique de Londres, fondée en 1846, sous la direction des honorables MM. Elliotson et Copern, et soutenue par le zèle d’un grand nombre de magnétiseurs recommandables, continue de la manière la plus heureuse de remplir sa mission de bienfaisance. Le journal The suit, du 22 juin dernier , contient à ce sujet d’intéressants renseignements. La prospérité de cette utile institution n'a cessé de s’accroître d’année en année. En 1855, les recettes, composées des cotisations des membres de la Société et des offrandes de quelques personnes riches, se sont élevées à 17,721 francs. Dans cette même année, on a traité par le magnétisme 247 malades, et il a été obtenu des guérisons admirables, parmi lesquelles on peut mentionner particulièrement :
Une fièvre de Crimée sur un soldat des gardes; guérie en une séance ;
Douleurs résultant (le blessures sur trois autres soldats de l’armée d’Orient;
Six ras de rhumatisme de diverses natures ;
Deux rhumatismes nerveux, dont l'un datait de vingt-cinq ans et l’autre de vingt ans;
Trois cas de goutte ;
Un tic douloureux;
Une amaurose.
Le Zoïst rapporte aussi des cas de paralysie, de rhumatisme, de névralgie, de graves maladies nerveuses, d'épilepsie, etc. Toutes ces maladies, qui avaient été traitées sans succès par les plus habiles médecins, à l’aide de diverses méthodes, ont été guéries par l’emploi du magnétisme : on remarque que très-peu de malades sont tombés dans le somnambulisme.
A la réunion annuelle des membres de la Société, qui a eu lieu cette année, le major-général Bagnold, qui la présidait , a prononcé un discours dans lequel il a chaleureusement fait ressortir les bienfaits du magnétisme et a raconté comment d’incrédule il était devenu ardent prosélyte.
M. Jabez Inwards a rendu compte des travaux de l’année précédente. L’infirmerie a reçu 266 malades, dont 63 ont été guéris ou soulagés. Plusieurs malades qui s’attendaient à une guérison subite, n’ont pas voulu suivre le traitement pendant un temps suffisant. Parmi les relations détaillées de cures, nous avons remarqué celle qui suit :
Un jeune homme de quinze ans, nommé William Ibez Rowland, demeurant Gould’s-Hill, n° 1, fils d’un soldat du train, était depuis trois ans employé comme mousse à bord d’un vaisseau destiné au transport du charbon. Le 11 janvier 1856, sa mère vint à bord du bâtiment lui apprendre que son père était mort à Balaclava, le 1 " décembre précédent. A cette nouvelle, le jeune homme fut saisi de frénésie et tomba comme si son cœur se fût brisé ; il passa la nuit sans sommeil. Le lendemain matin, il fut pris d’un accès d’épilepsie, et il en eut six ou sept dans le cours de cette journée et de la suivante. La mère eut recours à l’as-
sistance publique : son fils fut envoyé avec deux autres jeunes gens à la maison de Barnet établie pour les orphelins des militaires morts en Grimée; il y demeura un an. Les accès ne cessèrent pas ; ils avaient lieu deux ou trois fois par jour et devinrent tellement violents qu’il y eut démence furieuse et qu’on jugea nécessaire de le transporter dans un hospice d’aliénés. Un peu avant Noël il se trouvait à l’hospice de Westminster ; mais comme son état empirait toujours, il fut porté moribond à l’infirmerie mesmérique, le 18 avril, avec l’autorisation de M. Jloss, attaché à la maison des Orphelins. Celui-ci, qui s’attendait à lui voir administrer des médicaments, fut étonné de voir qu’on se bornait à lui faire des passes sur la figure. Dès la première séance, le malade s’endormit; et ensuite , chaque lois qu’on lui faisait quelques passes il s’assoupissait en peu de minutes. A la fin de la première semaine, les accès étaient déjà plus rares et moins violents, et le jeune homme était devenu plus calme et plus traitable. Le 19 mai, après son dîner , il dit à son magnétiseur qu’il avait eu un accès vers dix heures du matin, qu’il avait rêvé qu’il en aurait encore deux, l’un le mardi suivant, et l’autre le samedi d’après, tous deux à dix heures du matin. Il était impatient d’arriver aux époques ainsi fixées par son rêve. Effectivement, il eut encore ses deux attaques aux heures qu’il avait prédites, et dès ce moment elles cessèrent tout à fait. Il fut parfaitement guéri, et dès le 29 mai il fréquenta les écoles. Ajoutons que ce jeune homme assistait à laséance et avait toutes les apparences d’une excellente sauté.
On voit, par cette séance mémorable, que ce magnifique établissement, qui compte déjà plus de dix ans d’existence, a répondu à l’attente de ses fondateurs, et a prouvé de la manière la plus éclatante tout le parti qu’on peut tirer du magnétisme dans l’intérêt de l'humanité. Espérons que ce noble exemple excitera une salutaire émulation dans tous les pays où le magnétisme compte des partisans, et qu’ils sentiront la nécessité de s’associer pour faire le bien et pour vaincre les derniers obstacles qui retardent le triomphe de la vérité. a. s. mobin.
MANIFESTATIONS PHYSIQUES SPIRITUELLES.
« Dans les Etats du Nord, on s’occupe beaucoup plus de spiritualisme qu’en Louisiane, et l’on y voit conséquemment plus de médiums et des phénomènes peut-être plus étranges, mais pas plus utiles. Dans nos cercles de la Nouvelle-Or-léans, les invisibles s’attachent plus particulièrement à substituer de saines doctrines aux vieilles erreurs dogmatiques, et à guérir les malades. Cela n’exclut pas tout à l'ait les démonstrations physiques ; mais, pour en obtenir de très-remarquables, il faudrait que l’on expérimentât plus généralement qu’on ne le fait encore.
« Ces sortes de phénomènes éveillent Tattention; mais ils ne convainquent pas toujours, surtout quand les séances ont lieu dans l'obscurité. Chez M. Koons, par exemple, on a avait pas la liberté nécessaire à l’investigation ; il en est autrement, dit-on, chez II. Poston, qui demeure dans l'Indiana, près de Laporte, non loin du chemin de fer qui conduit de Cair«-et Saint-Louis à Cincinnati. M. Poston a fait construire une « chambre aux esprits » à quelques pas de sa maison, et toutes les dispositions ont ôté prises pour la commodité des visiteurs. Un voisin, l’honorable Ch. W. Cathcart, ex-membre du congrès, et dont nous avons déjà parlé (p. Il2), écrit que les médiums peuvent être attachés de manière qu’il soit évident qu’ils ne peuvent atteindre aux instruments de musique, et les sceptiques les plus obstinés jusque-là s'en retournent convaincus que les phénomènes sont bien réellement l’œuvre des esprits.
« Pour donner un aperçu de ces choses., et du prix que l’on doit attacher à l’opinion de M. Cathcart, disons que celui-ci était d’abord fort incrédule, et qu'à l’exemple du professeur
Ilare, il 110 s’est occupé du spiritualisme que pour démontrer l’illusion ou démasquer la supercherie ; mais il s’est convaincu pareillement que ses préjugés l’aveuglaient, et il a eu, lui aussi, le courage et la loyauté de reconnaître son erreur. Nous allons résumer ici un court passage de sa première lettre au Spiritual Telegraph, de New-York ; nous l’avons déjà traduit pour le Journal du Magnétisme, de Paris, mais la plupart de nos lecteurs n’en ont probablement pas eu connaissance.
« M. Cathcart avait été admis à une ou deux séances dans une de ces spirit rooms où l’on place d'avance quelques instruments de musique, et où, dans une parfaite obscurité, on entend le bruit de ces instruments, et même quelquefois une voix qui parle ; on y voit une main qui écrit, et diverses mains qui voltigent, ayant été préalablement rendues lumineuses à l’aide de phosphore ; on va même jusqu’à toucher cette main. Nous avons été témoin de ces choses, dans l’Ohi«; mais il ne nous a pas été permis de faire la preuve d’une manière parfaitement satisfaisante. N. Cathcart, dans un cas analogue, croyant à des compères, s’est muni secrètement d’une petite boîte dans laquelle il avait mis quelques préparations chimiques dont le mélange, résultant du simple renversement de la boîte, devait produire subitement une éclatante lumière ; et, lorsque le concert a été le plus bruyant, il a posé sa petite machine infernale sur la table , au centre de la chambre , en retournant la boîte. Aussitôt, à la stupéfaction de toute l’assemblée, on a vu le maillet de la grosse caisse battre celle-ci comme s’il eût été tenu et conduit d’en haut par une main invisible (il est à remarquer que tout le monde en était éloigné d’au moins huit pieds). Le maillet, après avoir frappé encore quelques coups, s’est élevé un peu plus, pour descendre ensuite lentement, par une longue courbe , et s’abattre enfin sur l’épaule de missPoston. M. Cathcart a interrogé dix-sept personnes qui étaient présentes, et toutes ont déclaré avoir vu exactement la même chose.
« Voici un autre fait étrange : c’est M. W. M. Lanning, de Baltimore, qui a écrit la lettre suivante au Dr H. F. Gardner,
d«Boston, et le New England Spiritualist, de cette dernière ville, l’a publiée le premier :
« Mon cher ami, v«us vous rappellerez peut-être qu’après vous avoir entendu raconter ce qui avait eu lieu dans la nuit que vous aviez passée avec lui (M. Redman, de Boston), à Washington, j’exprimai le désir de voir quelques-unes de ces manifestations, et j’obtins, non sans peine, de passer une nuit avec ce médium, avant qu’il s’en retournât. Je ne m’arrêtai point à son apparente indifférence, et dimanche au soir, 20 avril, je m’installai chez lui pour la nuit.
Il y a quelques années, alors que je n’étais pas encore un adepte de la nouvelle philosophie, j’avais invité un M. Savage, médium pour les manifestations physiques, et Goodall, acteur qui promettait beaucoup et que je connaissais depuis son enfance, à passer une nuit avec moi pour être témoins des étranges phénomènes que l’on disait se produire, la nuit, en présence de M. Savage. Rien de remarquable cependant ne s’offrit en cette occasion, si ce n’est que quelques bruits se firent entendre sur les murs, le plancher, etc., au moment où nous uous couchâmes. Je me levai, le matin, et, tout en m’habillant, l’idée me vint de jouer un tour à Goodall qui, alors, dormait profondément, ainsi que Savage. Pour cela , je me glissai sous son lit, et me mis à frapper sur le plancher, les pieds et les côtés du lit. Ces bruits réveillèrent bientôt Goodall, qui s’assit dans le lit et se mit à interroger ce qu’il croyait être un esprit ; et, après avoir demandé que les coups fussent frappés en divers endroits, ce que je fis avec beaucoup de difficultés, mais apparemment à son entière satisfaction, il en témoigna sa reconnaissance à l’invisible en disant, très-gravement : Je vous remercie ! à quoi je répondis, avec le même sérieux , et en lui montrant ma tête : Vous êtes bienvenu. Il s’élança hors du lit, fort mécontent, et me poursuivit ; mais j’avais pris les devants et je lui échappai, cette fois.— Voici le reste (Goodall est mort depuis cette époque) :
Avant-hier au soir, en entrant dans la chambre de M. Redman, j'eus bien soin de fermer la porte, de l’essayer ensuite, et de m’assurer que tout était bien : nous étions seuls. Nous
avions à peine éteint la lumière cl gagné le lit, que clos bruits sourels se firent entendre sur le mur éloigné; ils devinrent de plus en plus forts, et parurent se rapprocher de nous. Je levai la tète pour tâcher de mieux découvrir d’où ils partaient, et alors un livre fut jeté sur le lit. Je le pris : il faisait, clair de June, et je pouvais à peu près lire le titre de l'ouvrage. Cinq coups rapides furent alors frappés; c’était pour demander l'alphabet, et il fut épelé : Nous en allons acuir île belles ! Un autre livre vola dans la chambre et vint frapper la persienne, et, au même instant, notre ami Rcdman me dit de le retenir, parce qu’on le tirait hors du lit. Je le saisis; mais je fis de vains efforts : une puissance supérieure me domina, Redman fut tiré hors du lit, puis entraîné sous le lit. Nous nous étions à peine recouchés, lorsqu’un autre livre fut violemment jeté contre la persienne, d’où il vint tomber sur le lit, ce qui nous fit tirer la couverture par-dessus nos têtes ; et aussitôt nous nous sentîmes assez rudement frappés avec une petite came qui était dans un coin de la chambre lorsque nous nous étions couchés. Redman essaya de mieux garantir sa tête, à l’aide de la couverture ; mais il découvrit ses pieds, et il poussa un cri de douleur en recevant un coup sur un cor.
Pensant que ce jeu finirait, si je m’asseyais dans le lit, je me décidai à mieux observer, et à voir, si c’était possible, comment ces choses se produisaient. Je m’assis donc, et je vis distinctement la caime levée sur moi, puis me frapper à diverses reprises. Redman était toujours sous la couverture. J'apercevais clairement la canne tout entière ; mais je ne distinguais, à l’un ou à l’autre de ses bouts, rien qui la fit mouvoir. Les coups devenantdeplus en plus forts, je crus prudent de faire intervenir encore la couverture, et je me recouchai. Alors, je sentis comme si quelqu’un piétinait sur moi. La lampe fut jetée aussi sur le lit. L’alphabet ayant été redemandé, il fut encore épelé : Vous êtes bienvenu. Je demandai si c’était mon vieil ami Goodall, et la réponse fut affirmative , en même temps que des bruits, en signe de divertissement, se faisaient entendre en divers endroits de la chambre.
Redman paraissait très-effrayé, et il craignit quelque mauvais tour, lorsque le pot à l’eau et d’autres vases se déplacèrent, et qu’il sembla se manifester une détermination de nous faire sortir. Ce fut en vain que nous priâmes qu’on nous laissât dormir : ils se montrèrent intraitables. Une fois encore nous nous couvrîmes , et alors nous fûmes tirés hors du lit, tous les deux, comme collés l’un à l’autre ; puis, étendus sur le plancher, la canne fut encore assez activement employée sur nos épaules cl sur le dos. Je parvins à m’en saisir, et à désarmer ainsi l’invisible, qui ne la reprit pas. Encore nous arrangeâmes le lit et y remontâmes , et l’alphabet ayant été redemandé, il fut de nouveau épelé : Vous êtes bienvenu (1). Nous entendîmes alors les bruits les plus étranges-, et, craignant pour le mobilier, nous jugeâmes plus prudent d'aller loger ailleurs. Ne trouvant pas d'allumettes, nous dûmes nous habiller sans lumière : mon mouchoir fut roulé autour du cou de Redman, pendant que des livres et des journaux étaient jetés à notre ami et volaient dans la chambre. Nous sortîmes ; et, en descendant l’escalier, Redman fut frappé sur le dos avec quelque chose comme une natte ; la table, dans le vestibule, se leva lorsque nous passâmes près d'elle, et un livre frappa Redman à la tête, au moment où celui-ci ouvrait la porte extérieure. Nous nous trouvâmes enfin en plein air, et nous nous félicitâmes d’en avoir fini. Nous nous rendions chez moi, lorsque, en passant sous une enseigne placée au-dessus d’une porte voisine, nous y entendîmes des coups ; puis, quand nous entrâmes dans ma demeure , quelque chose nous fut encore jeté. Les bruits se reproduisirent lorsque nous nous couchâmes ; mais il nous fut permis de dormir, sans être mo-léstés davantage.
C’est ainsi que finit l’histoire de ces frappantes manifestations, et je comprends pourquoi Redman tenait si peu à ce que je passasse une nuit avec lui. Quant à moi, je n’avais aucune crainte, et je m’amusai bien de l'affaire, que j’aurais bravée
(1) Ou bieavcuus : welcome. ThaD.
jusqu’au bout; mais les invisibles avaient fait «les menaces qui firent craindre à Redman la reproduction de ce qu'ils avaient fait déjà une fois auparavant, et il ne voulut pas rester plus longtemps.
J’ai oublié de dire qu’il était une heure et un quart lorsque nous arrivâmes chez moi, et qu’au matin, l’entrée, l’escalier, ainsi que la chambre, étaient parsemés île livres et autres objets que les domestiques eurent à ramasser. »
M. Laning a écrit une autre lettre concernant une seconde séance non moins frappante que la première, et le New En-gland Spiritualist l’a publiée également, en la faisant précéder de ces lignes :
« Ce dont nous avons été personnellement témoin, en la présence de M. Redman et d’autres médiums, nous fait croire à ce qui va suivre ; mais nous confessons que, sans cela, notre incrédulité naturelle s’y refuserait. Evidemment le mot impossible devient de moins en moins applicable. »
FAITS ET EXPÉRIENCES.
LE SOMNAMBULE VOIT-IL A DISTANCE OU SON AME SE DÉPLACE-T-ELLE (1)?
Deuxième et dernier article
« A la môme époque, j’ordonnai un soir à madame des fulmigations d’encens mâle pour ses gencives. Sur ton observation qu’il ne s'en trouvait pas dans la localité (bourg de 1,800 habitants à l’étranger), je répliquai :« Je vais voir, moi, si j’en trouve, » et je partis ; mais je remontai de suite (un entresol et un étage) et te dis qu’il pleuvait et que je venais prendre un parapluie, puis je repartis. Quand je rentrai, l’humidité m’avait donné un fort enrouement qui, cette fois, persista pendant plusieurs heures après le réveil, et qui m’étonna beaucoup pour m’être survenu sans que je m’en fusse aperçue : je crus même que tu avais fait ouvrir la fenêtre pendant mon sommeil^magnétique.
« Pour chercher cet encens, je fus chez M. Dur..., pharmacien , j’en trouvai et te désignai le grand pot bleu dans lequel il était ; plié dans un papier placé tout au fond et au-dessous d’une assez grande quantité d’autres paquets de drogues diverses, le pot en était rempli.
« Je te dis, en outre, qu’au moment où f y étais à chercher, il y avait trois personnes, MM. Alv..., Gail... et le pharmacien ; qu’on y parlait de toi et que j’avais entendu Alv... dire qu’il voudrait bien que tu t’étouffasses en mangeant, parce que, travaillant trop, tu allais trop souvent aussi le prier de t’aider à des traductions (je connaissais très-peu alors la langue du pays). Je le répétai ses propres expressions telles que je les entendis, quoiqu’il s’exprimât dans une langue étrangère, mais je la comprenais alors. Tu
(1) Voir le numér«du 25 août.
courus chez le pharmacien , et lu y trouvas effectivement les trois personnes (pie je t’avais désignées, et une dame qui y entrait. Tu demandas l’encens qui fut sorti du fond du vase que je t'avais signalé, après que tous les paquets qui étaient par-dessus en eurent été extraits.
« Le lendemain, tu rencontras le notaire Alv... qui avait tenu les propos de la veille, et tu lui en parlas sans.lui dire que tu savais qu’ils venaient de lui ; il ne sut que répondre et balbutia, supposant que sans doute on t’avait induit en erreur; tu F affirmas de nouveau, puis, m’ayant mis en somnambulisme pour savoir ce qui résulterait, je retournai chez le pharmacien Dar..., et là, je vis et entendis Alv... reprocher à Gail... et à Dar..., en présence d’autres personnes, de t’avoir répété ce qu'il avait dit : ceux-ci nièrent, et il en résulta une assez forte dispute entre eux. Cette dispute et les motifs qui y donnèrent lieu te furent confirmés le soir même par M. Bot..., qui s’y trouva présent.
« A peu près à la môme époque, je cherchai un chat que j’aimais beaucoup et qui nous manquait depuis trois jours; je me reportai au moment où il était encore à la maison ;jc le suiris et je vis qu’emportant un morceau de viande qu’il avait volé sur le potager du cafetier d’en face au moment où sa femme se disposait à le faire cuire, le mari lui jeta une chaise après pour lui faire lâcher sa proie, et la pauvre bête tomber morte du coup. Le cafetier et sa femme, désolés, se demandaient ce que tu dirais en apprenant qu’ils avaient tué ton chat, lorsqu’un individu, bossu et couvert d’un manteau, entra, et, ayant appris ce qui s’était passé , pour les tirer d’embarras, mit le chat sous son manteau et l’emporta. Je le suiris pour savoir ce qu’il allaiten faire, et je t’entendis dire à un enfant qu’il rencontra, en lui offrant le chat : «Tiens, voilà un lapin pour ton dîner. » L’enfant répondit : « Merci, c’est bon pour vous, ces lapins-là. » Néanmoins, il le prit et fut le jeter à la mer, accompagné d’autres enfants qui s’en amusèrent le long du môle en le faisant sauter, etc. Dans cette circonstance encore, je te répétai mot pour mot
tout ce qui fut dit de part et d’autre, et tu pus le lendemain t’assurer de la vérité.
« Il y a six à sept mois, tu me dis de voir ce que deviendrait un gros paquet de papiers que tu envoyais au courrier et dont je ne connaissais pas la destination. Je le suivis et le vis partir pour le chef-lieu , puis , de là on le porta sur un bateau à vapeur avec beaucoup d’autres lettres ou paquets ; il y en avait un sac plein. Je montai sur le bateau ; mais pendant la traversée, j’eus peur, et, de plus, je fus si malade du mal de mer, que je ne fus pas plus loin et que je revins par le vapeur-courrier de retour ; j’eus des hoquets et je vomis même un peu ; tu dois t’en souvenir, car tu cherchas en vain à me soulager, je ne le fus qu’après mon retour et aussitôt que j'eus louché la terre.
« Ainsi donc , à part la. vue dont je ne dirai rien , puisqu'elle n’est pas mise en doute, si je compose avec les plantes et autres ingrédients que je trouve convenables, les remèdes que je crois propres à guérir, et que je les éprouve ensuite pour en voir les effets avant de les indiquer; si te pied m'a tourné sur un caillou sur la route en allant chez \l. Dril... ; si, lors d’un autre voyage chez le même, j’ai mis le pied sur ma robe en montant son escalier; si j’ai glissé en le descendant parce qu’il est très-usé ; si j’ai senti la bonne odeur des œillets qui étaient sur la cheminée ; si fui ressenti l’impression du froid et de l’humidité au point d'en être enrouée un instant; si je l'ai ressenti davantage dans une autre circonstance, et que l'enrouement ait persisté même après te réveil; si, en cherchant l’encens et le chat, et lors de l’assassinat, f ai entendu ce qui a été dit chez le pharmacien, chez le cafetier, par le bossu, l’enfant et par les assassins ; si j'ai eu le mal de mer ; comme tu as pu t’assurer de la réalité de tous ces faits, hors ceux relatifs à la scène même de l’assassinat, je vais donc sur les lieux, non seulement avec le sens de la vue, mais aussi avec ceux de l’ouïe , du goût, de l’odorat et du tact; mon moi intérieur?/radonc complètement, comme je l’ai dit hier, et, de plus, je m’y vois telle que je suis : corps, vêtements, etc.
« Tu as dû remarquer encore que loutes les fois que tu as attiré mon attention sur des objets éloignés, j«restais plus ou moins de temps pour arriver jusqu'à eux, suivant que la distance était plus ou moins grande. On ne peut pas penser que pour voir seulement, cette différence de temps provienne de l’éloignement de l’objet, comme il en est de certaines étoiles dont la clarté met plusieurs années à nous parvenir, puisqu’il ne s’agit jamais que de 2, 50, 100 ou 200 lieues au plus, et que, dans mon état de veille, j’aperçois aussi promptement les objets auxquels peut atteindre ma vue que ceux que je puis toucher.
p Des astronomes prétendent qu’il nous faut sept k huit minutes pour voir la clarté du soleil qui est plus de trente millions de lieues ; comme j’ai besoin de presque autant de temps pour faire deux ou trois cents lieues, pour l’employer il faut donc que j’y aille, car, si je ne faisais que voir de loin, un instant me suffirait. Eh bien! l’intervalle de temps qui s’écoule entre le moment où je me dirige vers un objet éloigné et celui où j’y arrive, je l’emploie à m’en approcher. C’est par ce motif que plus l’objet est éloigné, plus il me faut de temps pour l’atteindre.
« Maintenant, que ce soit mon câme qui y aille, mais je ne crois pas qu’elle abandonne le corps, et tu m’assures que celui-ci reste à sa place ; alors, dire ce qui va, je ne le puis; je l’ignore ainsi que tant d’autres choses, et peut-être ne le saura-t-on jamais. Serait-ce que nous sommes composés d’une âme, d’un corps, et d’une troisième partie que je désignerai par le mot esprit, et que ce soit cet esprit qui se déplace accompagné de sens spirituels aussi, et qui seraient nos seuls et vrais sens ; lesquels, lorsque je reviens, rentrent dans l'enveloppe matérielle que nous leur connaissons : yeux, nez, oreilles, etc., etc., comme dans un étui, un appareil que leur a assigné la nature pour qu’ils puissent nous servir à l’état de veille? — Je ne le sais, mais il semble qu’il doit en être ainsi, à moins qu’on ne suppose que, la vue magnétique atteignant à des distances immenses sans être arrêtée par aucun obstacle, nos autres sens soient doués
de la môme perfectibilité et cpie nous puissions toucher, entendre, goûter, sentir à ces mêmes distances, comme nous pouvons voir. Tout ce que je puis affirmer, c’est que, quelles que soient ces distances, dont d’ailleurs je n’ai plus conscience, ou plutôt qui n’existent plus pour moi, puisque je les ai parcourues, les objets me paraissent être aussi près de moi que ceux que je puis toucher à l’état de veille.
« Ceux qui liront les explications que je viens de te donner, et dont elles froisseront les idées, s’en moqueront, surtout de ma robe, sur le bord de laquelle j’ai mis le pied en montant un escalier; sais-tu pourquoi ? C’est que, si ce sont des magnétiseurs, — comme cela doit être, puisque je ne parle que pour eux, — ils auront trop tôt oublié qu’avant de croire au magnétisme, ils se sont moqués des merveilleuses vérités qu’ils proclament si haut maintenant. De ces moqueries, je m’en inquiète peu ; fais comme moi, toi sur qui principalement elles vont tomber : laisse rire, et dis de ma part aux rieurs que le magnétisme est encore a la mamelle, ET qu’il MET a PEINE SA PREMIÈRE OENT.
« Je n’ai cité aucun fait de prévision à l’appui de mes déplacements pour voir ou savoir les choses sur lesquelles tu appelles mon attention ; ils n’auraient rien prouvé de plus sur cette question. Mais c’est encore, cela, une étude bien intéressante aussi, et sur laquelle tu aurais beaucoup à dire si tu appelais l’attention sur tous les faits que je t’ai donnés depuis tant d’années, et qui, tous sans exception, se sont réalisés à heure fixe, quoique annoncés des semaines et même des mois à l’avance. Il est vrai que, ne concernant en grande partie que moi et ma maladie, ils auraient peu d'attraits pour d’autres que nous ; mais tu devrais néanmoins faire connaître quelques-uns des principaux. »
Ici finit cette conversation qui nous prit deux longues séances ; et, au sujet de sa dernière remarque en effet, la somnambule aurait pu citer un bon nombre de faits de pré. vision, tous réalisés, comme elle en a cité quelques-uns, vus dans le passé; ils auraient servi à justifier, en quelque sorte, ces paroles de M. Delaage : « Elle (l’âme du somnambule
séparée «lu corps) sc promène dans le temps comme dans son domaine. » Je dis : paroles de M. Delaage, parce que, moi aussi, j'ai eu la satisfaction de voir et d’entendre bien souvent Alexis dans ses séances du jeudi, chez Marcillet, et1, si son Ame parcourt l’espace, « son élocution toujours nette et précise, » comme le dit fort bien M. Morin, ne se permet pas «le voyages dans les nuages de la poésie.
Voici un fait tout récent qui viendrait à l’appui «le l'opinion émise par ma somnambule sur son mode de vision :
Dans l'après-midi du 17 de ce mois , il me survint à, l’œil gauche un nuage obscurcissant, ou plutôt ellaçant le centre de ce que je fixais. J'en fus inquiété par suite de quelques points de ressemblance que je crus y trouver avec un commencement d'amaurose dont je fus atteint en 1854.
Le soir, pendant la séance journalière que je donne à ma cousine, et aussitôt le somnambulisme produit, je l’interrogeai à ce sujet. Après m’avoir décrit les effets que j’avais ressentis, leur cause, — qui n’était pas celle que je craignais, — les remèdes que je devais y opposer, elle ajouta :
« Il faut te servir de tes lunettes montées en acier, de préférence à celles en écaille, soit pour lire , soit pour écrire, et surtout pour aller dehors et au soleil, et ne l«;s quitter, si cela est possible, que quand tu ne fais rien. »
Sur ma demande, si c’était à cause de la couleur des verres que l’une des besicles était préférable à 1 autre (les verres de celles préférées sont bleuâtres ; les autres sont plus gris), elle me répondit : « Non, la couleur n’y est pour rien ; c’est quelque chose que je comprends bien , mais que je ne puis expliquer de même ; c’est comme qui dirait : la qualité.
—« Comment, repartis-je , la qualité ? mais est-ce de la qualité du verre , de la matière, alors même qu elle serait brisée, en poudre, que tu entends parler?
— « Non, pas de la matière elle-même, mais du verre.
_„ Je ne te comprends pas; tâche de texpliquer plus
clairement, et donne-moi les motifs «le ton conseil.
— « Je uic comprends bien, moi ; mais Je ne sais pas com-
ment dire; au surplus, cela n’y fait rien; l’essentiel, c'est que j’ai fait l'essai îles deux paires de luncltes, et j’ai trouvé que celle dont il ne faut pas que tu te serves, rassemble plus que l’autre la chaleur sur le globe de Cœil; la différence est très-grande, surtout au soleil ; je ne sais comment expliquer pourquoi l’une conserve ainsi bien mieux la vue que l’autre; mais cela est. »
Cette explication me donna de suite la clef de ce que la somnambule ne pouvait expliquer, et elle a cela de remarquable que ma cousine n’a jamais touché mes lunettes qui, toutes deux, sont des conserves, et qu’au contraire de son opinion, j’avais toujours pensé que celles montées en écailles étaient meilleures et préférables aux autres, parce que les verres en sont périscopiques (convexes en dehors et conca\ es en dedans, en conservant partout la môme épaisseur), tandis que celles quelle recommande d’employer ont les verres plats comme du verre \ vitres; faits que madame Arn„. ignore complètement, aujourd’hui encore, dans son état de veille comme en sommeil magnétique. Ce n’est donc, comme elle l’a dit et répété plusieurs fois, qu’en en faisant l'essai spirituellement ou comme ou voudra, qu’elle a pu s’apercevoir de la différence des deux effets sans pouvoir se rendre clairement compte de la cause. Or, en y réfléchissant, il est évident que les verres périscopiques, ayant à peu près la forme de l’œil qu’ils emboîtent pour ainsi dire, doivent par cela môme y amener et y concentrer bien davantage la chaleur, que les verres plats, résultat auquel cependant je n’avais jamais pensé avant cette remarque de la somnambule.
Je n’émettrai aucune réflexion sur les faits qui précèdent, non plus que sur la conversation que j’ai rapportée, et dont je n'ai été que l’interprète, ou, mieux, le secrétaire; mais je ferai observer, et l’on a remarqué sans doute le soin que j’ai eu de ne pas poser à la somnambule de questions qui continssent, même en germe, l’esprit de la réponse ; d’ailleurs, si j’eusse eu l’intention de dicter les réponses, cette intention eût-elle été chez moi seulement à l’état latent, ces réponses, transmises à la somnambule par le rapport in-
timc, auraient été conçues dans un sens tout à fait opposé, attendu (pie, si les raisonnements de madame Ain... à l’état lucide, tout appuyés qu’ils sont de faits qu’elle a rappelés sommairement, mais dont je connais bien tous les détails ; si, dis-je, ses raisonnements m’ont quelque peu ébranlé, je ne suis pas convaincu : je reste dans le doute jusqu’à de nouvelles preuves.
C’est du choc du silex que jaillit l’étincelle, mais, très-souvent, il faut y revenir plus d’une fois pour obtenir la lumière.
Au reste , je ne sais si c’est parce que , dans le principe, je me suis abstenu de diriger ma somnambule vers l’espèce de vue intérieure que nous nommons : transmission de pensée, ou parce qu’elle n’y était pas portée par sa nature, mais elle a le bonheur de ne pas jouir de cette faculté, tant prisée par beaucoup de magnétiseurs à expériences, et que je considère comme un malheur, car c’est de là presque toujours que viennent les erreurs des somnambules. Aussi j’ai sur ces magnétiseurs l’avantage de pouvoir affirmer que, par suite de l'isolement complet dans lequel se trouve ma cousine, lorsque, dans son état lucide, elle se livre à quelques recherches, il n’est pas à ma souvenance qu’elle ait commis une seule erreur notable depuis douze ans. Lorsqu’elle ne trouve pas, ce qui est assez rare, elle l’avoue simplement en se promettant d’être plus heureuse à la séance suivante. J’ai remarqué cependant qu’il n’y avait guère à l’espérer, car elle a bien rarement trouvé, dans une deuxième ou troisième séance, ce qu’elle n’avait pu rencontrer dans la première.
Je dois ajouter qu’à bien peu de variation près, j’ai toujours aussi rencontré chez elle la même lucidité , — excepté néanmoins pendant les div erses époques où elle a ôté frappée de cécité magnétique complète, tout en restant somnambule : — observation très-curieuse que je ferai connaître sous peu. — Aussi je ne crains pas de le répéter : quand elle a vu, toujours elle a bien vu. de guib. de cl.
Cu *2 avril 1857.
P. S. L’article qui précède était écrit depuis quelques jours, lorsque, lisant l’ouvrage du comte Szapary : Magnétisme cl Magnét«thérapie, j’y ai rencontré la presque affirmation de l'hypothèse, dubitativement émise par ma somnambule, d’une deuxième partie spirituelle de notre être qu’elle a désigné par le mot esprit, et qui, avec l'âme et le corps, formerait l’unité humaine, mais qui cependant pourrait s’en séparer momentanément pour se transporter à des distances quelconques.
Voici en quels termes M. de Szapary émetceite doctrine:
« N° 264. Qu’est-ce que le somnambulisme?
« Le somnambulisme est un tiers-état du corps, dans lequel l’esprit, par l’exaltation de l'ame, est en relation telle avec le corps, qu’il possède des facultés d’une espèce différente et d’un degré supérieur et presque infini.
« N° 265. Quel est l’état du corps dans cette situation de l’esprit ?
« Le corps est beaucoup plus abandonné à la
nature universelle et plus vivement agité par les rêves, » — M. de Szapary nomme rêves les faits de la lucidité magnétique — « que dans le sommeil ordinaire, et les fonctions de ses différents organes sont alors régies par des règles toutes particulières, qui quelquefois pourraient faire supposer que, dans cet état, L'ESPRIT est séparé du CORPS. »
Dans ce qui suit, l’auteur devient plus explicite encore, bien qu’avec une quasi-réticence :
« N° 279. Pourquoi l’état somnambulique se présente-t-il plus rarement chez les hommes que chez les femmes?
« Parce que les muscles sont plus forts chez les
hommes, et que, par suite, le lien qui unit l’esprit au corps les rattache de telle manière, qu’il leur devient plus difficile d’agir séparément. Chez la femme, au contraire , l’esprit et le CORPS NE SONT POINT SI SOLIDEMENT UNIS. Aussi se présente-t-il des conditions où l’esprit est capable de se SÉPARER PRESQUE DU CORPS ET de CONTINUER NÉANMOINS A vivre , niais dans une sphère bien plus élevée. C’est le cas du somnambulisme. »
Sans tirer aucune conséquence de ces aphorismes, j’ai pensé qu’ils seraient bons à faire connaître pour tâcher de jeter quelque clarté sur cette question si obscure; mais, en en môme temps, si intéressante et si importante île. la science magnétologique. de g. de c.
Nota. Pour n’altérer en rien les eit. li nsqni précèdent, j'ai conservé en taliques les mots qui sc trouvent ainsi soulignés dans le texte, et j'ai employé les grandes et petites majuscules ii ceux sur lesquels j'ai désiré appeler l’attention.
VARIÉTÉS.
Im routine et le progrès. — Dernièrement M. Flourens, ayant à rappeler, dans son cours au Jardin des Plantes, les titres des savants qui ont le plus contribué au progrès de l’histoire naturelle de l’homme, cita lliolan comme le médecin le plus instruit de son époque : il connaissait à fond tout ce qui avait été écrit en anthropologie. Seulement, une fois qu’il eut déterminé le cercle des connaissances acquises jusqu’à lui , il prétendit le murer hermétiquement et ne plus y laisser rien pénétrer ; il fermait rigoureusement l’oreille aux nouvelles découvertes , telles que la circulation du sang et la chylification, et il eut assez de crédit pour les exclure de l’enseignement de la Faculté de médecine et de celui du Collège de France. Heureusement le pouvoir de ce vizir de la science ne s’étendait pas jusqu’au Jardin des Plantes, où le gouvernement eut le bon esprit de créer nne nouvelle chaire tout exprès pour y faire enseigner les vérités repoussées par la Faculté. M. Flourens ajouta malicieusement : Il y a encore des lliolan. Le magnétisme ne s’en aperçoit que trop bien.
Baron du POTET, propriétaire-gérant.
CONTROVERSE.
Vi e a distance; déplacement de l’ame.
Monsieur le Baron,
J’ai lu avec d’autant plus d’intérêt les deux articles de M. de G. de C. (1), sur la question de savoir si les somnambules voient à distance, ou si leur «âme se déplace, que déjà, dans les expériences auxquelles je me suis livré, je m’étais demandé comment les choses devaient se passer. J’adopte l’opinion de ce magnétiseur, mais en lui faisant subir de l’extension. Ainsi il y a, selon moi, deux manières de procéder : la première, celle indiquée par M. de G. de C., consiste à ordonner aux somnambules de lancer leur âme dans telle ou telle direction, à la découverte de tel fait ou de tel objet ; la deuxième est de faire comparaître le fait, la scène ou l’objet recherché, sans déplacement aucun de l’esprit du somnambule. Si j’ai quelquefois employé le premier mode, je me suis plus souvent servi du second.
Mais d’abord, au sujet du premier mode, je dois ajouter quelques explications pour bien faire comprendre ma pensée : je ne sais si je serais d’accord avec votre collaborateur. Je ne crois pas que les somnambules puissent émettre toute leur âme ; il doit toujours rester en eux des attaches, des amorces. S’ils pouvaient émettre ainsi au-dehors leur âme entière, la crise serait nécessairement fatale et entraînerait la mort définitive au bout d’un certain délai. Pendant combien de temps, en effet, serait-il ainsi permis à l’âme de rester isolée du corps, avec chance de venir 1 y rejoindre ou
(l)Voir Journal du Magnétisme, n° 16 et 18. 1857.
d’elle-même ou à l’ordre du magnétiseur? Ce serait là une nouvelle question à traiter, et dont la solution varierait sans doute avec l’étatdes opérateurs. Mais plutôt que de croire ii une séparation complète, absolue, j’aime mieux adopter seulement l'idée d’une séparation partielle et fragmentaire. Même à l’état de veille, notre âme peut se séparer ainsi partiellement de notre corps. Ce phénomène se présente toutes les fois que nous pensons à une personne éloignée, et que par la pensée nous nous unissons à elle : c’est ainsi que l’on peut influencer, magnétiser à distance. Dans l’état de sommeil ordinaire, cette faculté de séparation entre l'âme et le corps est plus prononcée ; elle le devient encore davantage dans l’état de somnambulisme; mais elle n’est complète qu’après la mort. Et encore peut-on la retenir artificiellement dans le corps, même après l'heure fixée pour le décès ; alors cette union artificielle et forcée produit en quelque sorte l’effet d’un embaumement. Lorsque cette volonté tierce vient ensuite à rompre le nœud, le temps, qui ne perd jamais ses droits, rachète en un instant son arriéré par une décomposition rapide et immédiate (1).
Cette explication étant donnée au sujet du déplacement de l’â:ne des somnambules, je passe à ma deuxième thèse, dont je crois pouvoir aussi soutenir la vérité, concurremment avec celle défendue par M. de G. de C. Mon opinion n’est peut-être même que la conséquence de la sienne; car, évoquer des scènes, des objets, des personnes absentes, ce n’est pas autre chose que faire déplacer le souvenir, l’image que leur existence a laissée, ce n’est autre chose qu’évoquer une âme éloignée. Ces évocations, je les fais ordinairement
(I) Sur ce dernier sujet, lisez la curieuse révélation d'Edgar Poe, la Vérité sur le cas de 31. Valdemar. Il va sans dire que je rejette bien loin l’opinion d'aprôs laquelle les biographes de cet auteur, M. Baudelaire (tome 2, nouvelles Histoires extraordinaires) et M. Etienne [Revue contemporaine, juillet 1851), ne considèrent ce récil que comme un roman donl l'imagination de l'auteur aurait fait tous les frais. Pour moi. comme pour plus d'un philosophe anglais dont ou s’est moqué, c'est le récit e.vucl d’un fait vrai.
parla méthode de Gagliostro, c’est-à-dire à l’aide d’uu verre d'eau. On peut se servir de tout autre miroir magnétique, tel qu'une montre, de l’encre, etc., etc.; mais aucun ne lixe et 11e retient mieux les images que l’eau circonscrite parle verre. Là, on peut faire apparaître des personnes absentes, évoquer des scènes passées, même celles que l’on gnore: cela m’est arrivé et j’ai pu en vérifier après cou;> l’exactitude; l’âme du somnambule n’a pas alors àse déplacer, car elle est eu communication avec le verre d’eau qu’il tient lui-même dans ses mains. Du reste, ces évocation* d’êtres vivants sont reconnues par plusieurs magnétiseurs. Voici ce que dit à ce sujet M. Allan Kardec (1) : « Une personne vivante évoquée répond comme elle le ferait directe--meut elle-même; seulement, dans cet état, son esprit, quoique toujours sous l’influence des passions terrestres, ne tient plus à la matière par des liens aussi intimes; Ifest pourquoi il peut juger les ciioses plus sainement et avec moins de préjugés, et peut, jusqu’à un certain point, être accessible aux impressions qu’on veut lui faire subir, et ces impressions peuvent influer sur sa manière de voir dans l’état ordinaire.
« Une personne vivante évoquée n’en a point conscience dans son état normal ; sou esprit seul ie sait, et peut lui en laisser une vague impression, comme d’un songe.
« L’esprit rayonne quelquefois vers le lieu de révocation sans quitter le corps. Dans ce cas, la personne évoquée peut conserver toutou partie de ses facultés de la vie de relation. Si elle est présente, elle peut interroger sou propre esprit et se répondre à elle-même.
« L’évocation d’une personne vivante n’est pas toujours
(1) Le Livre des Esprits, p. Il1. C«livre remarquable ne peut être apprécié ici eu quelques lignes. Cependant, sans contester qu’il oit été écrit sous ladictée et publié par l'ordre d'esprits supérieurs, ainsi que le porte le titre, nous sommes forcé d’en admettre toutes les propositions. L’auteur 110 dit pas par quel procédé les esprits qui ont dicté ce livre se sont nullités tés. Cela cependant eut été très-essentiel; car, scion le procédé employé, la part du secrétaire peut litre supposée plus ou moins grande.
sans inconvénient. La brusque suspension des facultés intellectuelles pourrait offrir du danger, si la personne se trouvait en ce moment avoir besoin de toute sa présence d’esprit. Si elle est affaiblie par l’âge et les maladies, ses souffrances pourraient être augmentées, en relâchant les liens qui unissent l’âme et le corps.
Ces dernières lignes indiquent quelques-uns des inconvénients qui peuvent être attachés à ces opérations. Il y en a bien d’autres, au premier rang desquels nous devons placer l’incertitude des résultats. Ce serait, en effet, se ménager de fréquents mécomptes qu’agir d’après des donnéesjainsi obtenues. Cependant ces erreurs, quelque nombreuses qu’elles soient, ne suffisent pas pour infirmer la règle. C’est ma conviction ; ce sera celle de tout esprit doué de quelque sens critique et qui se sera livré à un nombre suiïi-sanffl’expériences pour pouvoir conclure en sûreté de cause.
Veuillez agréer, Monsieur le Baron, etc.
L. Lamothk.
CLINIQUE.
Lettre à M. le baron nr Potkt, sur lu guérison de diverses maladies ob lent tes par le magnétisme.
Le magnétisme, après avoir été clans notre siècle accepté tantôt avec enthousiasme, repoussé tantôt comme un ridicule et odieux mensonge, commence aujourd’hui à occuper les esprits les plus sérieux. On peut dire même qu’il est une science nouvelle, dont les lois ne sont pas encore assez connues pour prendre une formule précise, mais dont les résultats, si divers et si salutaires, sont incontestables. L'esprit humain est fait de telle sorte qu’il repousse d'abord et sans examen tout ce qui vient déranger ses calculs routiniers; la puissance de la vapeur, les étonnants mystères de l’électricité appliquée aux télégraphes, sont aujourd’hui des choses simples admises par tous comme si elles dataient de plusieurs siècles, et pourtant, il y a peu d’années, on traitait de fous ou d’imposteurs les hommes qui annonçaient ces merveilles. Il en est ainsi du magnétisme : un jour, lorsque ses bienfaits multipliés par ses adeptes auront pénétré dans toutes les demeures, lorsque celte science aura posé ses principes, ses lois, lorsqu’elle agira comme agissent l’électricité et la vapeur, l'on s’étonnera qu’à (pielques années de distance 011 ait traité de folie, de charlatanisme, de sorcellerie, de mensonge, les essais ou les effets de cette puissance magnétique dont quelques hommes sont doués.
Aujourd’hui le magnétisme offre deux voies àceux qui, pleins de foi dans cette puissance, cherchent à étudier, à pénétrer ses étonnants mystères. Les uns s’occupent de la partie que j’appellerai spiritautiste, c'est-à-dire cherchent à expliquer ce qu'il y a de vrai, de possible dans les expériences si connues
aujourd'hui d«divination, d«seconde vue, de somnambulisme. Le magnétisme peut-il nous faire connaître l'avenir, 011 même nous montrer des faits qui reposent loin de nos yeux? lisi-il vrai qu’il ait la puissance d’évoquer nos esprits ? d«voir enfin au-delà de la tombe? Laissons résoudre ces questions par les hommes sincères qui les traitent, et attendons patiemment le résultat d«leur recherche.
La deuxième voie offre plus de preuves ou plutôt des prouves plus claires, plus palpables de la puissance magnétique. Le magnétisme appliqué à la médecine, ou plutôt, si vous voulez, le magnétisme devenu puissance curative a fait depuis quoique temps de grands progrès. L’étude de cette partie du magnétisme, l’observation, les expériences répétées nous conduiront sans doute à expliquer des faits étranges qui font partie du domaine spiritualiste. Mais n’aurions-nous pour résultat de nos recherches que les effets curatifs, que nous devrions nous trouver heureux d’avoir aidé à divulguer une science qui apprend à tous si facilement, les moyens de guérir on de soulager au moifis nos semblables.
Permettez-moi de vous soumettre quelques cas assez rares de maladies guéries par le magnétisme. Je ne veux aujourd’hui, afin de ne pas abuser de votre attention, que vous citer deux cas. Des tumeurs de plusieurs sortes et rebelles à tout traitement médical, des hernies étranglées, des névralgies faciales, réputées incurables par la médécine officielle, ont été guéries radicalement par moi au moyen du magnétisme. Ces expériences doivent vous ê»re connues, car elles sont très-communes aujourd’hui; mais je n'ai point encore entendu dire, et peut-être êtes-vous comme moi, que l’on ait essayé du magnétisme pour détruire les vers lombrics si nuisibles aux enfants. C’est sur mon enfant, garçon de dix-huit mois, que j’ai fait le premier essai. Cet enfant souffrait depuis quinze jours ; j’attribuai ses souffrances à la dentition, mais l’expérience me prouva que les vers lombrics étaient cause des douleurs qui le réveillaient la nuit en sursaut. T.a constipation vint s’ajouter à ce malaise: je lui fis alors boire un verre d’eau magnétisée, 20 minutes après il rendit une grande quantité de matières et
un ver long d«19 centimètres : au bout d'une heure, un second ut: enfin, deux heures après, il rendit encore trois vers. Le lendemain je continuai le môme traitement, c’est-à-dire l’eau magnétisée, et après une nuit parfaitementcalme, l’enfant évacua encore quatre vers. Aujourd’hui nous en sommes au trentième. J'ai conservé tous ces lombrics comme preuve pour les hommes de bonne foi, delà puissance du magnétisme. L’enfant est maintenant en parfaite santé, mais je continue néanmoins le traitement, car je ne le crois pas entièrement débarrassé de ces hôtes incommodes.
Le deuxième cas offre aux incrédules une preuve effrayante de la puissance magnétique appliquée comme remède. Le 2 février 1852, je fus appelé par M. B. pour donner mes soins à sa sœur âgée de vingt-six ans, etquise trouvait en cemomentdans unétat désespéré au dire même des médecins qui la traitaient depuis six mois. Voici, en peu de mots, quelles étaient les causes qui avaient insensiblement amené cette personne â deux doigts de la mort. Toute jeune et déjà très-forte, elle abusait du corset, mangeait peu, buvait chaque jour quantité d’eau pour faire disparaître ou affaiblir le développement trop fort, selon ses idées, que prenait son corps. En 1848, elle fut subitement saisie d’une peur fiévreuse à la vue des cadavres qui couvraient encore certaines rues aux tristes journées de juin. Depuis cette époque, elle fit trois maladies graves dont elle n’avait jamais été parfaitement guérie et qui lui avaient laissé, avec de très-forts battements de cœur, une faiblesse extraordinaire surtout chez une femme forte en apparence. La dernière maladie commença le 3 septembre 1851; depuis ce moment jusqu’au 2 février, elle a été livrée aux soins du docteur F... Voici quel était le traitement pratiqué par ce médecin : Tisane, eau de laitue; purgatifs, eau de sedlitz, huile de ricin, scamo-née, colomélusse; lavements au miel mercurict et autres, préparés par le pharmacien et dont je n’ai pu retrouver les ordonnances ; médicaments, sirops de morphine, de digitale poudre de fer, quantité de quinine ; plusieurs frictions d’huile de cre-tone faites sur le dos, compresses sur le cœur de teinture de digitale et de chloroforme.
Malgré Inus les efforts de la science officielle, malgré ces remèdes d'une violence extrême, la malade restait dans le même état, ne pouvant rien évacuer et souffrant de plus eu plus. A ce moment, 011 proposa au docteur le magnétisme: scandale incroyable : proposer à un homme sensé une chose stupide, acceptable seulement par des insensés! (’.e sont les mots employés par ce savant Esculape. Le magnétisme fui donc repoussé bien loin ; il demanda une consultation avec M. Andral (un des princes de la science), de laquelle il résulta un traitement qu’on pratiquait à cette époque à Saint-Louis. Ce traitement consistait à mouiller le dos de la malade avec de l'eau glacée. Non seulement ce traitement lut impuissant, mais encore 011 vit le mal empirer au point que le docteur sensé annonça aux parents de la malade qu'elle ne passerait pas la nuit. Agréable prédiction ! heureux résultats de six mois de traitement de la part du médecin et de souffrances du côté de la victime de la science infaillible !
Je fus alors appelé : qu’avait-on à craindre? la malade était condamnée à mourir de par la Faculté de médecine. O11 me mit donc en présence de la malade ; c’était presque un cadavre: les chairs, la face surtout, axaient pris cette teinte livide et jaune semblable à la cire, la tète était penchée en arrière, le cou tendu et raide, la peau sèche, la partie inférieure du corps froide, le ventre tendu et dur, enfin les symptômes les plus visibles de la mort frappaient mes yeux et m’épouvantaient sur le résultat de mon entreprise. Néanmoins, confiant dans le magnétisme, je me mis à l’œuvre ; je magnétisai à grands courants jusqu’à la partie inférieure du corps; au bout d’une heure de magnétisation je remarquai que le corps était agité par un tremblement léger, et je commençai à espérer. Après une heure de repos, je recommençai à magnétiser, et cette seconde magnétisation produisit chez la malade une évacuation abondante de matières de toutes sorte?; le tremblement avait cessé, le corps était réchauffé et souple, la peau reprenait ceUe tiède humidité qui annonce une circulation plus active et heureuse ; enfin la condamnée revenait à la vie et donnait un démenti à la Faculté.
,\u lioul de quatre licures de ce mode de traitement, les menstrues, qui n'avaient point paru depuis vingt-trois mois, jaillirent avec abondance, et aussitôt la malade se trouva soulagée.
Je continuai ce traitement dix-sept jours, magnétisant deux Ibis par jour: la malade buvait de la tisane de lichen, de l'eau magnétisée : elle av ait sur le cœur et le ventre des cataplasmes de graines de lin et des compresses d'eau de guimauve sur le cou : c«dernier remède avait été indiqué par la sœur de la malade chez laquelle, dans l’espace des huit derniers jours, j'avais reconnu une lucidité extraordinaire. I.a malade lut complètement guérie au bout de dix-sept jours ; aujourd'hui elle se porte à merveille et sc rit des prédictions funestes des doc-leurs. Voilà, racontée dans tous ses détails, une cure assez extraordinaire pour des hommes insensés.
Permettez-moi, maintenant, de vous remercier de l'honneur que vous avez bien voulu m’accorder de faire partie de cette société d’hommes dont les études et les efforts ont rendu déjà et rendront encore de grands services à l'humanité; c'est à ce titre que je suis lier d’être un de ses membres, m’engageant à coopérer par mes faibles lumières et par mes travaux à la propagation de cette sublime science dont Mesmer, notre vénéré maître, nous a légué les propriétés fécondes.
BERNARO,
Mcmbr«adhérent de la société du Mesmérisme.
20 Août 1S5Ï.
HYSTÉRIES PROVOQUÉES ET GUÉRIES PARJ.E MAGNÉTISME.
Mon cher Maître,
Une toute petite place, s’il vous plaît, pour enregistrer un gros fait.
M. Briquet, médecin à la Charité, consigne comme cause d’hystérie la magnétisation.
C’est écrit en toutes lettres dans le numér«de C Union médicale d’aujourd’hui mardi 1" septembre 1857.
Oui, la magnétisation entre dans le tableau statistique qu’il donne, comme cause provocatrice de l’hystérie deux fois sur A30 ; — je dis c’est là un gros, un très-gros fait; c’est une confession grosse , très-grosse de conséquences pour nous.
Ah ! le magnétisme provoque l’hystérie?
En raisonnant similia similibus, donc il la guérit !
Si je ne vous donnais là qu’un raisonnement, ce serait peu de chose, mais nous avons les faits.
Ou’on récapitule les attaques hystériques que nous produisons depuis si longtemps au Waux-Hall, qu’on mette en l'ace les cas de guérison que nous avons obtenus, et l’on obtiendra ce fait comme avéré.
Nous produisons et nous guérissons l’hystérie à volonté.
Mais une autre chose me frappe encore dans la récapitulation de M. Briquet.
Sur le même chiffre, neuf femmes devinrent hystériques pour avoir vu des hystériques tomber en attaque.
Je dis moi, ce sont neuf magnétisations de plus, car c’est une magnétisation véritable que cette influence.
Il y a là un génie inconnu.
L’art ne procède que longtemps après la nature, c’est une magnétisation naturelle que cette attaque transrnissible ; nous l'avons fait artificielle depuis que vos leçons nous ont éclairés dans la marche des pénomènes magnétiques, et nous ont montré à dominer le génie inconnu.
Je vois encore, dan9 le même tableau, la frayeur entrer pour tente-cinq cas.
Est-ce que la frayeur n’est pas transrnissible aussi ? — Est-ce que ce n’est pas encore une magnétisation ?
On raconte que dans les savanes, les animaux sauvages se trouvent pris de Yestampada, c’est-à-dire d’une sueur qui se communique de l’un à l’antre et les pousse par milliers à se sauver jusqu’à tomber morts de fatigue.
La peur a mis des armées en déroute; c’est une estam-pada d’hommes!
•Te trouve encore, dans le même tableau, les émotions morilles venir compter pour trente cas.
Est-ce que les émotions ne sont pas toutes transmissibles, la joie comme la peur, le plaisir comme la peine?...
Mais pourquoi vous signaler ces choses? Lisez vous-même, comptez bien, et je suis sûr que vous allez comme moi trouver la magnétisation naturelle entrant pour moitié dans la provocation de l'hystérie.
Lisez encore les tableaux de Georget, qui donne la frayeur comme cause quinze fois sur vingt-deux; de Beau, dix fois sur dix-neuf; de Louyer Willermé, quinze cas sur soixante.
Mettez en face nos observations bien comptées, et jugez qui l’emporte en connaissance dans l’étiologie et le traitement de l’hystérie, de nous, pauvres hères taxés d’ignorance, et des plus fines lames médicales qui s’avouent aux abois... devant le génie inconnu.
Pedes habent et non ambulabunt.
Dr Léger.
MALADIE DE FOIE GUÉRIE PAR LE MAGNÉTISME.
Chaux-de-Fonds, 16 septembre 18Ï7.
A M. le baron du Potet.
Monsieur le Baron,
Forcé de me rendre en Allemagne, où m’appellent quelques affaires d’intérêt, j’ai voulu faire sur ma route un peu de propagande. Depuis quatre mois je parcours la Suisse à cet effet, mais l’état du magnétisme dans ce pays laisse encore beaucoup à désirer. La ville de Genève seule fait exception, grâce aux travaux de M. Lafontaine, qui l’habite depuis plusieurs années. Dans presque toutes les villes que j’ai traversées, il m’a fallu lutter contre une indiflérence à laquelle vous auriez peine à croire. A Lausanne cependant,
après des efforts, je suis parvenu à attirer l'attention du public par mes expériences, qui, ainsi que vous ie verrez par le compte-rendu qu'en a publié le Nouvelliste rantlois, dont je vous envoie un numéro, ont fait sensation.
Je suis en ce moment à la Chaux-de-Fonds, oii nie retiennent quelques malades dont j’ai entrepris le traitement. Cette ville est, après Genève, celle de la Suisse où le magnétisme a le plus d'adeptes. Je viens d'y l'aire une cure importante, dont voici la relation :
Madame B..., âgée de vingt-un ans, d’un tempérament hjmphatico-nerveux, était affectée depuis quatre ans environ d'une maladie de foie, pour laquelle elle avait épuisé en vain toutes les ressources de la médecine. Voici quel était •son état lorsqu’elle eut recours au magnétisme : douleur aiguë à l’hypocondre droit, vertiges, nausées, douleur sympa-tlque à l’épaule, anorexie, et enfin une constipation telle que la malade ne pouvait aller à la selle qu’à l’aide de lavements. Il y avait, en outre, inflammation de la matrice avec flueurs blanches, et les règles étaient supprimées depuis plusieurs mois.
Du 21 août au 30 du même mois, c’est-à-dire en dix jours de magnétisation, il y eut une amélioration sensible dans l’état de la malade. De fortes douleurs des aines et de l’abdomen indiquaient, en outre, que la menstruation, au rétablissement de laquelle je travaillais énergiquement, ne tarderait pas à paraître.
Le 2 septembre, la malade se sentait déjà si bien, qu’elle voulut faire un petit voyage d’agrément. A.peine s’étail-elle mise en route que la menstruation se déclara., mais la,pluie étant survenue T madame B... se mouilla et eut très-froid, ce qui fut cause d’une nouvelle suspension du flux menstruel. L!état de malaise qu'en éprouva, madame B... la força à revenir promptement se mettre au lit. Le lendemain, instruit de,son retour, je me hâtai d'aller la. visiter ; je la trouvai dans un état fort alarmant. Une fièvre très-forte s’était déclarée , et le cerveau était le siège de douleurs tellement
violentes, qu’une congestion, accompagnée de délire, semblait imminente.
Je me mis à la magnétiser sans perdre de temps, et, en une heure d’une magnétisation très-énergique, les souffrances diminuèrent et la malade s’endormit. Encouragé par ce commencement de succès, je continuai à la magnétiser dès qu’elle fut réveillée. Enfin, à huit heures etdemie du soir, c’est-à-dire après avoir fait quatre magnétisations dans l’espace de dix heures, j’eus le bonheur de voir la menstruation «'établir, et la fièvre et les douleurs céphaliqties se calmer. La nuit fut très-bonne, la malade dormit parfaitement.
Tout en agissant pour rétablir la menstruation, j'avais ou soin de diriger en outre, de temps en temps, mon action sur le foie, ce qui provoqua de ce côté-là aussi une crise salutaire, car il y eut, pendant la nuit, des vomissements d’une grande quantité de bile de mauvaise nature.
Bref, deux jours après , madame B... était debout, et le troisième, elle reprenait ses occupations habituelles. Aujourd’hui, elle est très-bien portante, les douleurs hépatiques ont cessé, des évacuations séreuses, qui ont duré quatre jours, ont mis fin à la constipation, l’appétit -est revenu, les flueurs blanches n’ont pas reparu et les douleurs de la matrice ne se font plus sentir. Le teint, qui avait auparavant un aspect ictér-ique , est aujourd’hui d’une fraîcheur vermeille. Néanmoins, son mari, qui, à la vue des merveilles qu’a opérées le magnétisme sur sa femme, est devenu un de mes élèves, continue à la magnétiser de temps en temps pour consolider la guérison.
Agréez, monsieur le baron, l’assurance de ma parfaite considération.
ü. ALUX.
SOMNAMBULE NATUREL GUÉRI PAR LE MAGNÉTISME.
Un père de famille très-honorable, qui occupe à Bruxelles une haute position sociale, vint un jour me faire part du
grave embarras où il se trouvait : son fils, jeune homme de treize à quatorze ans, venait d'être exclu du collège comme étant affecté de somnambulisme nocturne. La faculté de médecine, consultée à ce sujet, proposait de le purger à mort ou de le saigner à blanc, pour éviter de plus grands malheurs. Une telle alternative ne pouvait plaire ni au patient ni à sa famille.
Quand on n'a plus d’espoir du côté des savants officiels, on a recours aux charlatans. Ce fut peut-être là le motif qui détermina M. A... à venir me trouver.
« Vous qui savez tout, me dit-il, pouvez-vous guérir mon fils?
— « Aussi facilement, lui dis-je, que je puis souffler sur ce brin de paille. Mais je n’ose le faire. Je n’ai pas le droit saignandi, purgandi et occidendi impuni per totam ter-ram. Si je guéris gratuitement et en un instant votre fils que l’on sait posséder une maladie superbe, de la valeur d une trentaine de mille francs, je serai sûr d’être mis en prison comme un voleur.
— « Oh ! ce n’est pas possible. Vous plaisantez !
— a Je ne plaisante pas. J’en ai vu de belles pour avoir furtivement guéri en quelques minutes, en contravention aux règles de la pharmacopée, quelques membres paralysés et affectés de rhumatisme, qui ont fait crier au miracle leurs propriétaires, bien qu’on leur eût recommandé le secret.
— « Mai? finalement vous n’aurez pas la barbarie de refuser de guérir mon fils.
— a Je refuse positivement; je ne veux pas même le voir. Mais je vous donnerai le pouvoir de le guérir vous-même. Veillez près de son lit ; et aussitôt qu’il se disposera à se lever, prenez-le amicalement par la main , et entrez de suite en rapport et en conversation avec lui ; faites-lui connaître les dangers auxquels il s'expose et les chagrins que causent à sa famille ses courses nocturnes. Quand vous le verrez convaincu, vous lui ferez promettre de ne plus se lever la nuit, et vous lui mettrez un doigt sur le front, en lui
ordonnant de se rappeler sa promesse. Il retournera à son lit, et il sera guéri.
— « Est-ce tout?
— « C’est tout. Mais n’oubliez rien. »
Le pauvre père partit ; mais le jour suivant, il revint désolé : la prescription n’avait pas produit d'effet.
— « Lui avez-vous impérativement ordonné de se souvenir de son serment?
— « Je l’ai oublié!
— « Faites-le jurer sur l’Evangile ou sur le crucifix. Ayez foi, et il sera fait suivant votre foi. »
En ellet, le succès fut complet. Ce jeune homme, que l’on voulait purger et saigner impitoyablement, se trouva parfaitement guéri, et il est actuellement un des bons chimistes de Paris.
Je puis affirmer à la société de médecine pratique que le somnambulisme et la catalepsie naturels (comme toutes les autres maladies dérivant du désordre du système nerveux) peuvent facilement se guérir au moyen du magnétisme artificiel, similia similibus curantur.
(Extrait de l'Ami des sciences.)
JOBABD.
VARIÉTÉS.
ENCORE M. HOM E.
M. Home, qui était à Bade depuis près de deux mois, est en ce moment à Biarritz. Il a passé, avant de repartir, quelques jours à Paris. Home est en ce moment en possession de toute sa puissance. Il y a quelques jours, nous avons passé la soirée avec lui chez un écrivain dont le nom est illustre. Home, assis dans un coin, ne s’occupait de personne et l’on ne s’occupait point de lui. On n’avait pas voulu le fatiguer en lui demandant des expériences. Néanmoins, des manifestations singulières se faisaient; on entendait des craquements dans les boiseries et des appels précipités dans le parquet et dans les meubles. Le refroidissement de l'atmosphère était si sensible, qu’une dame a été obligée de jeter sa pelisse sur ses épaules, sans pouvoir se réchauffer.
Home paraissait endormi dans l’angle d’un divan. En réalité, il était tombé dans un état d’extase singulier, état qui, sans être une maladie comme les affections convulsives , me paraît devoir y prédisposer singulièrement. Chez Home, cette extase produit une exaltation morale portée au plus haut degré. C’est alors qu’il a le plus de puissance. Mais 011 conçoit, en le voyant, la fatigue qu’il doit éprouver, fatigue de laquelle résultent les intermittences que l'on a plusieurs fois signalées.
Interrogé avec une vive curiosité, Home a d’abord refusé de répondre. Puis, pressé, il a répondu qu’il avait en lui un esprit qui venait pour une personne absente. On a voulu en savoir davantage, il a répondu qu'il s’agissait de secrets qui n’étaient pas les siens. Interrogé de nouveau sur la na-
turc d«l'esprit qui l'agitait et sur la manière dont cet esprit descendait en lui, il a répondu :
« Quelle sotte demande ! Puis-je vous dire comment je le sais? Je le sais parce que je le sens, et qu’une voix m’en avertit. »
Home a voulu partir après ces paroles. U a quitté le salon avec le comte B..., qui l'accompagnait. La porte du salon, restée ouverte derrière lui, s’est tout à coup refermée sur ses pas avec une violence telle, que les meubles en ont été agités et qu’une porcelaine, placée sur une console, est tombée et s’est brisée. Il ne faisait cependant pas de vent et aucun courant d’air n’avait pu pousser la porte.
A peine Ilome était-il parti quela température s’est élevée de cinq degrés dans le salon; on a pu le constater à un thermomètre placé dans l’embrasure d’une croisée.
(Extrait du Courrier de Paris.)
UN MAGNÉTISEUR MIS EN PRISON POUR AVOIR GUÉRI DES MALADES, SANS DIPI.ÔME, EïJpUOIQUE ASSISTÉ DUN MÉDECIN.
Bruxelles, septembre 1857.
Mon cher Maître,
Le temps des persécutions magnétiques n’est point passé. Les médecins belges usent d'une façon impitoyable de la loi qui leur accorde le monopole de tourmenter leurs semblables , en vertu de la peau d’àne qu’ils ont achetée plutôt! que méritée. Ils ont dénoncé et fait emprisonner, préventivement ce bon M. Brunet pour avoir guéri une douzaiue d’incurables qui lui en ont délivré certificat.
Ce sont ces certificats- que le ministère public, invoque comme un aveu d’avoir exercé l’art de guérir sans diplôme.
Comment, disait le comte de Mérode à. la chambre pendant la discussion de cette loi, il me sera défendu d admir-
nistrcr un lavement à mon chien , à moi qui ai le droit de le tuer ! ('.'est absurde !
Il n’est pas même permis de guérir avec des passes aux laïcs; on devrait donc interdire au clergé de donner la bénédiction, d’imposer les mains et encore plus les saintes huiles qui suffisent quelquefois pour guérir un malade !
Enfin, après deux mois de prison, M. Brunetfut acquitté du chef d’escroquerie, accompagnement obligé de toutes les accusations contre les magnétiseurs ; mais, sur l’insistance d'un charlatan, méprisé de tout le pays, le ministère public en appela; mais il fut encore débouté , et M. Brunet vient d’être mis en liberté avec 53 fr. d’amende. On a écrit partout pour faire une enquête sur ses précédents, et on n’a trouvé à lui reprocher qu’une dette de 3 florins dans une auberge d’Allemagne, dont il possédait la quittance.
Mais qui l’indemnisera de ses deux mois et demi de prison préventive ? Ne devrait-ce pas être son dénonciateur ?
Prévenez les magnétiseurs, dites-leur bien d’éviter une terre inhospitalière pour eux ; ils ne peuvent même exercer avec un médecin, car M. Brunet en avait un , et il ne donnait aucune séance de pronostication. Invidia medicorum pessima, a dit Boerhave, c’est toujours vrai. Quand donc aura-t-on la médecine libre comme aux Etats-Unis ? Car la médecine n’est pas une science , mais un instinct, un don naturel qui ne s’acquiert pas avec un diplôme.
Empêcher quelqu’un de soulager son semblable et le punir, c’est comme si on punissait un homme pour avoir éteint un incendie sans diplôme de pompier.
La même guerre existe ici contre et entre les homœopa-thes qui se sont formés en congrès, où ils n’admettent que ceux qui ont un diplôme d’allopathes. Ceci nous fait l’effet d’une assemblée des premiers chrétiens où l’on n’aurait pu pénétrer qu’avec un brevet de (lamine de Jupiter.
Ces inconséquences nous semblent dériver de l’amour immodéré du monopole et du lucre qui s’ensuit. Il est à espérer que les magnétiseurs ne tomberont pas dans ce travers.
Vous voyez bien que l’humanité ne se corrige pas et qu’on brûlerait encore les sorciers, si le (Iode ne s’y opposait pas; le seul changement apparent entre l’homme d’autrefois et l'homme d’aujourd’hui, c’est l'habit: nous avons des tigres en paletot et des biches en crinoline, et voilà tout.
La nature de tous les animaux reste la même , pourquoi relie de l’homme changerait-elle?
Laissez-le avoir faim, et il mangera son père comme cer-lains sauvages. Ce qui m’étonne, c’est qu’Ugolin n’ait pas mangé ses enfants dans sa prison ; mais c’est parce qu’ils étaient enchaînés loin l’un de l’autre. Voilà l’explication de ce miracle.
Remplissez donc la gueule aux cent millions de tètes de l’hydre populaire, si vous ne voulez pas qu’elle vous croque.
Un Correspondant.
INQUISITION AUTRICHIENNE. — RETOUR VERS LE MOYEN-AGE.
On nous écrit de Vienne, à la date du 16 septembre :
(.Le Journal universel allemand de Francfort, dans une de ses correspondances de Prague, avait inséré ce qui suit comme ayant produit une grande sensation en Bohême au commencement du mois d’août :
« Un cordonnier de Budweisqui, depuis des années, passait pour niais et idiot, déclarait devant témoins que, seul, il tenait de Dieu le pouvoir de chasser le diable, et qu’à lui seul cédait cet esprit malin ; quiconque se sentait possédé pouvait, en toute sûreté, lui demander sa délivrance. Ce pauvre fou ne s’en tenait pas là : bien que la comète du 13 juin n’eût pas fait son apparition, disait-il, la ruine totale du monde pécheur n’en était pas moins certaine p >ur une époque très-rapprochée ; mais il était excepté de cette ruine totale, lui, le cordonnier aimé de Dieu.
«Immédiatement avant la catastrophe, un cheval ailé, blanc
; :iiïim«la neige, devait le Iransporler diroc! "ment de la terre au ciel : il aurait même eu le droit d'admettre avec lui, comme compagnons de voyage, un certain nombre d’élus et de frères en croyance, qui, se cramponnant à la queue et aux jambes de l’animal, seraient arrivés au ciel par la même occasion, moins commodément que lui-même, il est vrai, et un peu comme des voyageurs de 3e classe.
« La bonne \ill«de liudweis s’amusait depuis longtemps de son pauvre fou de cordonnier. Tout à coup on requit contre lui le bras séculier à titre de perturbateur de la religion. Aussitôt le tribunal ordonna une enquête et lança un mandat d'arrêt contre le cordonnier; mais la procédure devint de jour en jour plus délicate, attendu que les paroles et les actes de cet homme ne pouvaient que démontrer son irresponsabilité morale.
« Dans cet état de choses, le tribunal résolut de consulter la faculté de médecine de Prague sur un cas aussi épineux. Toutss les pièces du dossier, qui, réunies, formaient une liasse pesant dix-neuf livres neuf onces de Vienne, furent remises à la faculté. Peu de jours après, sur les conclusions du rapporteur, un de nos plus célèbres médecins judiciaires, la faculté constata comme il suit la pleine et entière irresponsabilité morale du cordonuier :
«En présence, des nombreux indices de folie que nous «avons remarqués dans cet homme, nous sommes restés « convaincus du dérangement de ses facultés intellectuelles, « principalement parce qu'il croit à l’existence réelle et cor-« porelle du diable,, croyance tout à fait inconciliable «avec les « idées actuelles..»
« La Press de Vienne se hâta de réimprimer ce fait, et les jours suivants les divers journaux d’Autriche en faisaient autant. Bientôt survint une communication officielle,.adressée nominativement à tous les directeurs de journaux, et ainsi conçue :
(c la haute direction de la police a souvent fait avertir les « rédactions des journaux que la réimpression d’articles ou de « simples faits, publiés par les feuilles étrangères doit se faire
« avec précaution, môme si ces feuilles circulent sans empêchement en Autriche, 1rs réductions autrichiennes étant « aussi responsables de pareilles réimpressions que de leurs « articles originaux.
« La publication de la correspondance susmentionnée « était d’autant moins admissible par un journal autrichien, « qu’elle touche de près à un dogme chrétien dont la discus-« sion n’est point permise dans les journaux profanes. Men-« tionnantles arrêtés n°‘ .... nous rappelons l’attention delà «grande rédaction sur l’inadmissibilité des faits et articles « par lesquels, d’avance, on pourrait craindre de soulever «une controverse sur des dogmes religieux. Sinon, 011 se « trouverait forcé de sévir contre de pareilles publications « dans la presse autrichienne.
« Vienne, '28 août 1857. « Signé : czapka. »
Pour extrait : e. pauchet.
Les faits qui précèdent en laissent supposer d’autres. Il est impossible, il est incroyable qu’un simple cordonnier idiot ait attiré l'attention de tout le monde sur lui par le seul fait qu’il se soit lui-même donné comme ayant le pouvoir de chasser le démon et pour avoir annoncé la fin du monde et son ascension au ciel. D’un autre coté, on ne comprend pas comment la haute police autrichienne se soit tant émue de ces seuls faits, et ait pour un si mince motif déféré le pauvre homme aux tribunaux. Il est plus que probable que, comme tant d’individus connus dans l'histoire, le pauvre cordonnier de Budweis, est réellement doué de la force magnétique nécessaire pour apaiser les démoniaques, c’est-à-dire pour guérir l’épilepsie , l’hystérie et autres allections nerveuses. Il est probable aussi qu’il est doué de la faculté de prévision, de divination, car, s’il s’était borné à ne prédire que la prétendue fin du monde, 011 ne voit pas pourquoi il eût été l’objet de l’attention et des poursuites de l’inquisition autrichienne.
Nous le disons, pour cet homme comme pour tant d’autres de son espèce, comme pour cette pauvre voyante de l’Aragon, récemment excommuniée et conspuée par l'évèque
de Lerida, il y aurait une enquête à faire, de plus amples renseignements à prendre de la part d'hommes initiés à b science magnétique. v.. piérart.
MAGNÉTISEUR INEXPÉRIMENTÉ ET MÉPRISE D’UN JOURNALISTE.
Samedi dernier, à la suite des fiançailles d’une jeune fille du quartier Perrache, plusieurs personnes , réunies dans les salons du père de la fiancée, causaient sur le magnétisme et les tables tournantes.
Un des assistants, grand partisan de Mesmer, mais trop nouvellement initié aux mystères du fluide magnétique, proposa à une jeune dame d’expérimenter sur sa personne.
L’offre est acceptée; notre homme se met à l’œuvre, et, au bout de vingt minutes, la dame s’endort profondément. Tout d’un coup, et sans qu’il fût possible de prévenir son dessein, la somnambule se lève, traverse rapidement le salon, met en pièces une cave à liqueurs placée sur un guéridon, et vient ensuite tomber dans un fauteuil, en proie aune violente crise de nerfs que tous les efforts de l’opérateur inexpérimenté ne purent comprimer.
Epouvanté par cette catastrophe magnétique inattendue, le maître de la maison envoie chercher un médecin qui, après avoir, avec mille peines, débarrassé le sujet trop impressionnable du fluide magnétique dont elle était saturée, la fit mettre en voiture et la conduisit chez elle où il resta une partie de la nuit ; ce n’est que dimanche dans la journée qu’il a pu enfia rassurer la famille alarmée et répondre du réveil et de la guérison de cette victime du mesmérisme.
(Courrier de Lyon.)
La conclusion de l’auteur de l’article qui précède est fausse et inconséquente. La femme dont il s’agit ici n'était pas victime du mesmérime, mais du mauvais emploi du mesmérisme , mais de son application par des mains inexpérimentées.
Il est heureux pour cette pauvre clame qu’elle ait trouvé un médecin qui croyait au magnétisme et savait le pratiquer. Bien souvent il n’en est pas ainsi. Souvent on appelle malencontreusement pour conjurer des crises magnétiques des médecins qui n’y entendent pas un mot et qui emploient les ressources ordinaires de leur art si impuissantes en pareil cas. L’état du malade ne fait qu’empirer, et les plus grands désordres nerveux peuvent s’ensuivre. Nous ne pouvons à ce sujet que recommander encore l’étude assidue du magnétisme et répéter ce qui a été dit tant de fois par les maîtres de l’art : Ne magnétisez jamais sans être parfaitement initié aux pratiques du mesmérisme ; ne perdez jamais votre sang-froid et n’abandonnez jamais votre sujet lorsque vous l'aurez mis en crises, et surtout ne vous livrez jamais par pur passe-temps à des magnétisations de simple curiosité. z. piérart.
FAITS MYSTÉRIEUX.
NOUVELLE PROPRIÉTÉ DU FLUIDE ÉLECTRIQUE.
Il vient d’arriver à. Paris, du département de Seine-et-Marne, une paysanne qui doit être présentée à l’Académie des sciences. Cette femme, il y a peu de jours, se trouvait dans un champ, pendant un orage, occupée à garder une vache. L’orage ayant éclaté avec plus de violence, elle se réfugia sous un arbre ; mais au même instant une forte détonation se lit entendre : la vache fut tuée par le fluide électrique, et sa gardienne resta étendue sans mouvement sur le sol. Après ce coup de foudre, l’orage s’éloigna. Plusieurs personnes survenues en cet endroit reconnurent que la paysanne vivait encore. Quelques soins empressés lui rendirent le sentiment de l’existence. Ce qu’il y a de singulier, c’est qu’en écartant ses vêtements pour la secourir, on aperçut, parfaitement gravée sur la poitrine, l’image de la vache dont il vient d'être question. ’e phénomène curieux n'est pas sans précédents. Franklin
raconte l'histoire d'un homme qui, pincé sur le seuil d'une maison, v it la foudre tomber sur un arbre vis-à-\ is de lui. Sur la poitrine de cet homme, 011 remarqua la contre-épreuve de l'arbre foudroyé.
Objet d’un rapport lu en 178(> à l’Académie des sciences, ce fait fut attribué à une suffusion sanguine fortuite. Le daguerréotype n'était pas inventé; Moser 11’avait pas découvert les images qui portent son nom, et Fusinieri n'avait pas émis ses idées sur les transports de matières opérés par la foudre.
En 1 S'il, dans le département d’Indre-et-Loire, la foudre tomba sur un magistrat et sur un garçon meunier, dans le voisinage d’un peuplier. Sur la poitrine de l’un et de l’autre, on remarqua des taches semblables à des feuilles de peuplier.
Dans les comptes-rendus de l’Académie des sciences (séance du 25 jnn\ ier J 8/1"), on trouve qu’une dame de Lugano, assise près d'une fenêtre pendant un orage, éprouva tout à coup une commotion dont elle ne ressentit aucun mauvais effet; mais une (leur, qui se trouvait apparemment sur le trajet du fluide électrique, fut parfaitement dessinée sur la jambe de cette dame, qui conserva cette image tout le reste de sa vie.
En septembre 1825, le brigantin Jl-Biion-Serr«était à l'ancre dans la baie d’Armiro, à l’entrée de la mer Adriatique, quand il fut frappé de la foudre. D’après certaines idées superstitieuses, les mariniers ioniens ont la coutume d’attacher au mât de misaine un fer de cheval. Au moment où éclata la foudre, un des hommes du bord était assis au pied du mât de misaine; il fut tué sur le coup; ses habits ne portaient aucune trace de brûlure ni de déchirure, mais on remarqua sur son dos l’image exactement reproduite du fer cloué au mât.
Un autre brigantin, appartenant au docteur Micalopoulo, était dans la rade de Zante. La foudre l’atteignit. En ce moment, cinq mariniers se trouvaient à la proue; trois veillaient, les autres dormaient. Un de ces derniers fut tué. Lorsqu’on le déshabilla, on vit imprimé sous sa mamelle gauche un numér«hl, grand et bien formé, que tous ses
camarades attestèrent n’y avoir jamais vu, mais qui se trouva identique à un numér«de métal attaché à un des agrès l'.u bâtiment dans le trajet suivi par la foudre.
Une observation plus extraordinaire encore est due à M. le docteur Dicapulo. Le fait s’est également passé près de Zante. Voici un extrait du rapport lu à ce sujet :
« Ayant dépouillé entièrement le jeune Politi (qui venait d’ôtre tué par la foudre), nous vîmes autour de ses reins une bande de toile serrée, et dans la doublure de cette ceinture nous trouvâmes quatorze pièces d’or enveloppées de papier, en deux paquets : l’un, du côté droit, contenait une. pistole d’Espagne, trois guinées et deux demi-guinées; celui du coté gauche renfermait une autre pistole espagnole, quatre guinées, une demi-guinée et cinq sequins de Venise. Ni ces pièces, ni le papier, ni la toile ne présentaient la moindre trace de brûlure. »
Voici le prodige ;
k Le cadavre avait au milieu de l’épaule droite six cercles qui conseï valent leur couleur de chair et paraissaient d’autant mieux tranchées sur la peau noirâtre. Ces cercles, l’un à la suite de l’autre, se touchant en un point, étaient de trois grandeurs différentes, correspondant exactement à celles des monnaies d’or que le jeune homme avait du côté droit de la ceinture, ce que le juge instructeur et les témoins ont vérifié après comparaison faite.
« Je ne conçois pas, dit le docteur Dicapulo, que six pièces placées en pile l’une contre l’autre, soient ici représentées distinctes et alignées. »
S’il nous fallait nier tout ce que nous ne pouvons expliquer, où en serions-nous?
Nous renvoyons ces faits curieux aux cinq académies, et, en particulier, à M. I-'lourens, dont le grand génie a décou-\ert que le magnétisme n’existait pas. Il trouvera sans doute pour ces phénomènes nouveaux une explication aussi rationnelle que celle qu’il a donnée pour le magnétisme.
Baron Du Potet.
BIBLIOGRAPHIE.
—e^P-DO-vî/»—
DÉCOUVERTE DES CAUSES PREMIÈRES ET FINALES comprenant la circulation de l'électro-magnétisme, le principe des sciences et l'art dt vivre , de guérir, de rajeunir, par M. le docteur Mankst. Brochure in-8. Saint-Gaudens, 1857.
On voit par ce titre que l’auteur s’est proposé une tâche immense, la solution des problèmes les plus ardus ; il traite de l’origine et de la formation du monde , des lois qui ont présidé à la création des êtres organisés e’t qui régissent la vie ; et c’est en 107 pages seulement qu’il a pu concentrer tout son système et exécuter un plan aussi vaste. Le succès a-t-il justifié l’audace d’une telle entreprise? C’est ce quu nous ne prendrons pas sur nous de décider. On conçoit que nous ne pouvons ici discuter les questions de métaphysique, de cosmogonie, d’astronomie, de physique, de physiologie , etc. Mais nous remarquons avec plaisir que M. Ma-nent est partisan très-prononcé du magnétisme animal, auquel il fait une large part dans sa théorie, et dont.il célèbre la puissance bienfaisante. Voici un des passages oit il en est fait mention (p. 86-89) :
« De même que les alcooliques et autres stimulants produisent graduellement, par le mélange de leurs particules diffusibles et de leur abondant magnétisme intégrant avec l’électro-magnétisme individuel, le confort, l’allégresse, l'esprit, l’ivresse, la stupeur, etc., de même le magnétisme animal communiqué au patient, même à distance, par la puissante volonté d’une personne bienveillante quelconque, par ses paroles, ses actes, ses gestes, par son regard pénétrant, ses passes enivrantes, ses insufflations stupéfiantes, aug-
mente graduellement l’énergie, et pour ainsi dire la masse de son électro-magnétisme vital et animal, transporte dans son cerveau l’image, les idées, les sentiments, l’esprit, les penchants, les volontés du magnétiseur, pénètre, inonde , remplit, déborde son système nerveux , son organisme tout entier, le plonge graduellement dans la joie , les délices , la somnolence, le somnambulisme, la lucidité, l’insensibilité, l’ivresse, l’extase, le subjugue et s’approprie, pour ainsi dire, son corps ainsi que son âme qui se confond avec la sienne, et peut communiquer avec celle d’autres personnes mises en rapport. Suivant les différents procédés de magnétisation, le patient dont l’organisation faible ou détériorée, privée d’énergie, réactionnaire, subit l’impulsion du magnétisme étranger ajouté au sien propre, réagit contre les causes morbifiques, éprouve des crises générales et locales ; la circulation électro-magnétique , sanguine, lymphatique , le rayonnement de la chaleur animale, la nutrition, les sécrétions et les excrétions acquièrent graduellement assez d’activité pour disperser les fluides fluxionnaires et les molécules des dépôts liquides et solides, pour éléminer les particules désassimilées, hétérogènes , et les fluides diathési-ques, virulents, miasmatiques. Gomme l’action des excitants et des spécifiques, dépendant de leur capacité magnétique ou de leur diffusibilité et de leur spécialité moléculaire, des doses et du mode d’administration , peut être graduée , généralisée ou localisée à l’intérieur, ainsi qu’à l’extérieur, la magnétisation, par ses divers procédés, gradue, généralise ou localise l’intensité et l’action du magnétisme et de la chaleur vivifiante et du magnétisme auimique du magnétiseur dans le faible organisme et dans l’électro-magnétisme peu intense du magnétisé. Le magnétisme animal au service de 1 ame spirituelle, qui le dirige à volonté, se porte insensiblement dans les organes affectés, y appelle modérément les fluides et les liquides résolutifs, réparateurs, sature, enivre délicieusement le magnétisé, en lui communiquant l'énergie vitale nécessaire aux crises salutaires. Le magnétisé , joignant sa projjre intelligence à celle du magnétiseur
et du magnétisme ambiant, affluant spontanément dans ce centre anormal d’activité ou de circulation magnétique, acquiert une clairvoyance extraordinaire proportionnée à l’intensité du magnétisme absorbé. Son électro-magnétisme augmenté, refoulé par celui du magnétiseur, obstrue son système nerveux de la vie de relation, reflue dans celui de la vie organique, dans les organes internes où peut s’étendre la lucidité, ainsi qu’à l’occiput, à l’épigastre et autres régions externes ; et comme au fur et à mesure de son accumulation , il rayonne sur les objets du monde extérieur et jusqu’au sein du magnétisme absolu, il transporte instantanément la pensée à travers l’infinité des espaces, et peut, par conséquent, en affluant sur des objets éloignés, les voir et se mettre en rapport avec la pensée identique d’une autre personne placée aux antipodes, soit par leurs communications artificielles ou seulement par la constance de leur amour dirigeant vers l'une l’autre à travers le centre de la planète leurs courants animiques ou magnéto-spirituels, s’entrc-croisant comme s’entre-croisent les courants terrestres des deux principes magnétiques boréal et austral qui, se dirigeant l’un vers le nord et l’autre vers le sud, dirigent dans ce sens l’aiguille aimautée sur laquelle se dédouble et se polarise le magnétisme ambiant. »
Baron du POTET, propriélairc-géranl.
r>E LA VUE SOMNAMTÎULIQUE.
Plusieurs des écrivains qui ont traité du magnétisme ont cherché h expliquer comment les somnambules se mettent en rapport avec les objets éloignés ; quelques-uns ont cru qu’on ne pouvait rendre compte de ces étranges phénomènes qu’en supposant que l’âme du somnambule se sépare de son corps, parcourt l’espace, visite et apprécie les objets sur lesquels on a attiré son attention, puis rentre dans sa cage et conserve le souvenir de ses pérégrinations. Nous avons, en plusieurs circonstances, combattu de toutes nos forces cette doctrine, et cherché à prouver que la séparation, pendant la vie, de l’âme et du corps, était un non-sens. Un des plus honorables correspondants de la Société du Mesmérisme, voulant élucider cette question, a consulté une excellente somnambule dont il a souvent éprouvé la clairvoyance, et a publié dans les numéros 16 et 18 de ce journal (25 août et 25 septembre) une relation fort intéressante, contenant la réponse de sa somnambule qui, sans être positivement affirmative, tend à faire prévaloir l’opinon contraire. La somnambule déclare que quand, en somnambulisme, elle veut examiner un objet éloigné, elle s’y transporte, que non seulement elle le voit, mais qu’elle le palpe, le flaire, en examine toutes les propriétés, est témoin des scènes qui s’y passent comme si elle y était réellement présente ; elle cite des faits qu’elle a ainsi observés et en conclut qu’elle s’y est transportée de sa personne.
Nous admettons bien que, pour elle, l’impression et le souvenir sont les mômes que si ce transport avait eu lieu effectivement ; mais nous contestons les conséquences qu’on paraît vouloir en tirer.
CONTROVERSE.
Nous ne reproduirons pas ici les arguments que nous avons fait valoir contre l’hypothèse de la séparation de l’âme et du corps ; nous rappellerons seulement cette objection qui nous paraît sans réplique, que le somnambule, pendant qu’il décrit l’objet de ses recherches, continue d’être en rapport au moins avec son magnétiseur, l’entend, répond à ses questions, et souvent même est guidé par lui dans ses recherches ; il rend compte de ses impressions au lur et à mesure qu’il les perçoit, écoute les avis, en tient compte aussitôt, porte son attention sur les circonstances qu’on a intérêt à connaître, constate le résultat de ses recherches; dans cet entretien, ses sens ne cessent de fonctionner, ses organes reçoivent donc des ébranlements qu’ils transmettent au cerveau qui continue d’être actif ; les sensations se produisent, la volonté agit sur les organes vocaux et les met en mouvement ; en un mot, l’union intime de l’âme et du corps se manifeste comme dans la vie ordinaire;, donc, pendant que le sujet observe des objets plus ou moins éloignés, il ne s’est point déplacé, et il est toujours resté présent de sa personne auprès du magnétiseur et des autres personnes qui assistent à son sommeil. — On a répondu qu’il n’en était pas ainsi de la somnambule de M. de G. de C. qui, pendant ses recherches, est complètement isolée et insensible. Mais peu importe ce fait exceptionnel. Du moment que, chez la plupart des somnambules, les choses se passent comme nous venons de le dire, on est fondé à en conclure que chez eux la vue à distance s’opère sans qu’il y ait séparation de l’âme et du corps ; il n’est donc pas nécessaire de recourir à cette hypothèse pour expliquer la vue somnambulique ; dès lors il n’y a pas de raison pour supposer qu’il en soit autrement même chez les somnambules qui, par exception, restent insensibles pendant leurs recherches, ni pour prétendre que le mode d’action n’est pas le même chez les uns et chez les autres.
Quant aux affirmations des somnambules qui disent : Je vais, je viens, je touche, etc., nous avons déjà fait remarquer que chez eux, comme chez les personnes qu rêvent pendant
le sommeil ordinaire, l’imagination domine, et le résultat-des impressions n’est pas contrôlé par la raison. Quand un dormeur fait en rêve des voyages, il prend pour des réalités tout ce que lui retrace son imagination : ce n’est qu’au réveil que la réflexion lui apprend qu’il a été le jouet d’illusions. Le somnambule, tant que dure sa crise, confond également l’illusion et la réalité ; comme au réveil il perd le souvenir, il est incapable de redresser par lui-même les erreurs où il est tombé ; que, dans une nouvelle crise, il soit entraîné vers les mêmes objets de recherches ou d’observations, il se figurera, comme la première fois, avoir réellement parcouru les lieux visités par sa pensée ; il éprouvera les mêmes impressions que lors des premières pérégrinations ; il n’hésitera pas à. les déclarer aussi réelles les unes que les autres. Mais le contrôle consistera dans le témoignage des assistants qid savent parfaitement qu’au moment où le somnambule se croyait transporté à des distances immenses, il n’avait pas quitté son fauteuil. Quand le somnambule nous décrit ses excursions, ce n’est pas seulement en âme qu’il prétend les avoir faites, mais bien de sa personne complète, car'souvent il rend compte d’actes matériels qu’il a exécutés, de discours -qu’il a tenus à des personnes qui lui ont répondu, de mouvements qu’il a exécutés avec ses membres : or comme nous-’ savons, à n’en pouvoir douter, qu’au moment même où il;, croyait faire tous ces actes il était immobile à la même place*, nous sommes donc en droit d’affirmer qu’il a été trompé par ; son imagination, non pas sur l’exactitude de la peinture de._ ce qu’il dit avoir vu, mais au moins sur la réalité de ce qu’il dit avoir fait. Donc son affirmation sur ses prétendus transports et sur la manière dont il les a effectués, n’a aucune valeur.
En examinant les relations que font les somnambules de leurs excursions, il est facile de voir qu’elles sont complètement imaginaires. Par exemple, si, pour savoir ce qui se passe au loin, vous les priez de s’y transporter, et qu’il faille, pour s’y rendre, traverser la mer, le somnambule qui suit l'itinéraire oue nous lui prescrivons, nous déclare.
qu’il monte à bord d’un bâtiment, puis il dit avoir le mal de mer; si par quelques précautions 011 11'abrégeait pas la traversée, il éprouverait des vomissements. Le mal est donc bien réel. Qui est-ce donc qui est allé sur le vaisseau ? Certes, ce n’est pas le corps, puisqu’il ne nous a pas quitté. On nous dit que c’est l’àme. Mais l’âme n’a ni muscles ni estomac, ni sécrétion bilieuse ; une âme sans corps 11e pourrait donc avoir le mal de mer. En tout cas, ce serait son affaire ; puisqu’on la dit séparée du corps, celui-ci n’en ressentirait rien ; on pourrait donc laisser l’âme avoir tant qu’elle voudrait des hoquets et des vomissements (des vomissements d’âme ! !) ; le corps en rirait dans sa barbe et y serait aussi étranger qu’à ce que peuvent éprouver les habitants des Antipodes.... Mais non, cette prétendue insolidarité de l’âme' et du corps n’est qu’une chimère, car le somnambule, bien qu’il se croie naviguer dans les mers lointaines, est ici sous 110s yeux, éprouve véritablement tous les symptômes du mal de mer ; c’est bien son vrai corps qui est agité de spasmes douloureux. Que s’est-il donc passé? Quelque chose de bien simple. La pensée d’une traversée a suffi pour lui en faire concevoir toutes les circonstances habituelles ; il se les est figurées comme présentes et réelles, et il en a éprouvé les désagréments. Un résultat tout semblable a souvent lieu dans l’état ordinaire. Quand une personne sort de table, qu’on vienne à lui faire des révélations (vraies ou fausses, peu importe) sur certains ingrédients entrés dans la composition de ses mets, ou sur la manière dont la cuisine s’est préparée, il n’en faudra pas davantage pour la faire vomir. Quand j’étais enfant, je ne pouvais voyager en diligence sans avoir le mal de mer : le souvenir qui m’en restait était si répugnant, que, quand je passais à côté d’une diligence au repos et que je ressentais l’odeur spéciale qui s’en exhalait, je me sentais mal à l’aise, j’éprouvais une salivation fétide, des nausées, en un mot, les prodromes du mal en question ; j’avais hâte de m’éloigner pour échapper au danger qui me poursuivait. Sans doute, on 11e dira pas que mon âme me quittait pour aller en diligence..,.
Les perturbations physiques causées par l’imagination peux eut avoir une grande gravité et persister après la cessation de la cause qui les a produites. Nous ne sommes donc pas étonné que la somnambule de M. G. de G., bien qu’assise commodément au milieu d’un appartement confortable, voyageant en imagination dans un lieu froid et humide, ait gagné un enrouement. Nous avons vu des somnambules qui, dans un cas pareil, avaient été atteintes de rhumes de cerveau qui duraient encore quelque temps après le réveil. Mais si l’âme eût voyagé seule, elle ne se serait pas enrhumée, car le rhume d’une âme est une chose tout à fait fantastique ; et si ou suppose cette âme isolée et par conséquent indépendante du corps, comme nous ne pensons pas qu’on aille jusqu’à dire qu'elle rentre mouillée dans son gîte et y rapporte l’humidité, il ne pourrait en résulter un rhume pour le corps.
Dans les voyages de la somnambule dont il s’agit, son pied tourne sur un caillou rond, et elle marche sur le bord de sa robe. Si c’est l’âme isolée qui voyage, dirons-nous que cette âme a eu le pied tourné, qu’elle a marché sur la robe? Mais la robe est restée attachée au corps. Sur quoi a donc marché l’âme? Ce sera donc sur une robe spirituelle; ce sera sans doute aussi un pied spirituel qui aura tourné ; ce sera comme dans l’enfer de Scarron où l'ombre d'un cocher prend l’ombre dune brosse pour brosser l’ombre d’un carrosse. Le système des séparatistes tombe au niveau des boutades du poète macaronique.
Du reste, la somnambule de M. de G. de C. a le bon esprit de se borner à rendre compte de ce qu’elle éprouve, et de rester dans une réserve prudente quant aux systèmes. « Maintenant, dit-elle, que ce soit mon âme qui y aille, mais je ne crois pas qu’elle abandonne le corps, et tu m’assures que celui-ci reste à sa place; alors, dire ce qui va, je ne le puis ; je l’ignore ainsi que tant d’autres choses, et peut-être ne le saura-t-on jamais. » Nous applaudissons à la sagesse de cette conclusion ; elle contraste avec le ton tranchant de tant de somnambules qui, gâtés par les éloges, se croient
en droit de résoudre souverainement toutes les questions. .Noire estimable collègue, en reproduisant ces réponses, les donne comme des documents pouvant être utiles à la science, et il reste dans le doute; toutefois il incline visiblement vers le système de la séparation, ou du moins vers l’hypothèse présentée en ces termes par sa somnambule : « Serait-ce que nous sommes composés d'une âme, d’un corps, et d’une troisième partie que je désignerais par le mot esprit, et que ce soit cet esprit qui se déplace accompagné de sens spirituels aussi, et qui seraient nos seuls et vrais sens ; lesquels, lorsque je reviens, rentrent dans l’enveloppe matérielle que nous leur connaissons; yeux, nez, oreilles, etc., etc., comme dans un étui, un appareil que leur a assigné la nature pour qu'ils puissent nous servir à l’état de veille ?... » M. de Szapary admet, mais seulement comme probable, cette hypothèse, et dit qu’on pourrait supposer que, dans cet état (l’état som-nambulique) l’esprit est séparé du corps; il se présente (selon lui) des conditions où l’esprit est capable de se séparer presque du corps et de continuer néanmoins à vivre, mais dans une sphère bien plus élevée (Magnétisme et Ma-gnétothérapie).
Ceux qui distinguent ainsi Yâme et Yesprit, loin de contribuer à éclairer ce sujet difficile, ne font que l’obscurcir davantage ; et nous doutons qu’ils se comprennent eux-mêmes. Ils ne définissent pas ce qu’ils entendent parrfrne et esprit, ni comment ils répartissent entre ces deux substances les facultés de l’âme, telles que l’intelligence, la volonté, la mémoire, et surtout la première de toutes, la conscience du moi. A défaut de cette définition, les mots dont ils se servent ne présentent aucun sens, et la discussion, privée de boussole, flotte dans un vague déplorable. Nous nous bornerons à faire remarquer que toutes les considérations que nous avons présentées pour prouver la fausseté du système des pérégrinations de Y âme séparée du corps s’appliquent également à Y esprit. Vous avez beau laisser dans le corps l’âme comme gardienne, dès que l’esprit s’en détache pour voyager, il n’v aura plus, en dehors de lui, qu’un être incomplet,
incapable de recevoir des impressions, de les exprimer et d’agir, ce qui n’a pas lieu, puisque le somnambule, pendant ses recherches lointaines, entend son magnétiseur, lui parle, et par conséquent meut ses organes. Que ce soit Y esprit (et non 1 âme) qui ait le mal de mer ou qui s’enrhume à l’humidité, que ce soit l’esprit qui se heurte contre un caillou ou qui marche sur le bord de sa robe, ce ne sera pas moins absurde que si c’était Yâmc, le corps n’en sera pas moins étranger à ce que fera et éprouvera l’esprit voyageant au loin. On aura beau donner l’esprit d’organes spirituels, il n y aura pas moins de difficulté à lui donner aussi une robe spirituelle. M. de Szapary, avec son presque, fait voir qu’il n’y a dans ses explications rien de net ni d'arrôté, et qu’il lui suffit de se payer de mots. Car il n’y a pas de milieu entre séparation et non séparation : quand le somnambule croit voyager en Chine, son esprit y est-il réellement ? S’il y est, c’est la séparation du corps ; s’il n’y est pas, il n’y a aucune séparation. Le presque ne repousse aucun des deux systèmes, n’en adopte aucun ; c’est l’expression en quelque sorte involontaire, mais embarrassée du doute de l’auteur. H valait beaucoup mieux dire je ne sais pas, que d’accumuler ainsi des phrases qui en définitive n’expriment rien.
Nous avons cru devoir insister sur ce sujet, parce que bon nombre de magnétiseurs sont encore engoués du système que nous combattons, et qu’il est très-important, pour la cause du magnétisme, de ne pas la rendre responsable d’une erreur dont un peu de réflexion suffit pour désabuser.
Les considérations présentées dans le dernier numér«par M. Lamothe, sur un système intermédiaire , nous paraissent nécessiter une réfutation : ce sera le sujet d’un prochain article.
A. S. MORIN.
CORRESPONDANCE.
CLINIQUE. —FAIT REMARQUABLE DE VUE A DISTANCE. — CADAVRE RETROUVÉ PAR UN SOMNAMBULE. — L’iNQUISITlON ROMAINE ET LE MAGNÉTISME. — SOMMEIL MAGNÉTIQUE FRUCTUEUSEMENT PROVOQUÉ ET CONJURÉ CONTRAIREMENT A TOUTES LES RÈGLES ORDINAIRES.
Cliaux-dc-Fonds, 2 octobre 1857.
A Monsieur le baron (lu Potet.
Monsieur le baron,
Je vous envoie la relation de quelques faits qui, je crois, ne peuvent manquer d’intéresser les lecteurs du Journal du Magnétisme.
Insomnie. — Madame D..., âgée de soixante-mx ans, dont le gendre avait été magnétisé par M. Lafontaine et en avait éprouvé un grand soulagement, me fit appeler, il y a un mois, pour me prier de là magnétiser, afin de combattre, s’il était possible, un état d’insonmie qui durait depuis plus d’un an et lui causait une grande agitation. Soumise à l’influence du magnétisme , pendant l’espace de cinq semaines environ, elle a retrouvé un sommeil cahne qu’elle croyait avoir perdu pour toujours.
Attaques d'épilgpsie. — Mademoiselle A..., affectée depuis plusieurs années de cette terrible maladie, avait, il y a quelques jours, des attaques qui, depuis dix-huit heures, se succédaient régulièrement d’heure en heure, lorsque j«fus appelé auprès d’elle pour tâcher de mettre fin le plus promptement possible à cette horrible position. Après une magné-
lisation énergique d’une heure trois quarts, il s’écoula un intervalle de trois heures et demie sans qu’elle eût d’accès, et encore celui qui survint alors était-il beaucoup moins fort et sans râle ni écume à la bouche, ainsi que cela avait eu lieu clans les précédents.
Après deux autres magnétisations d’une heure chaque, elle resta six heures et demie sans avoir d'attaques ; après la quatrième séance, huit heures et demie, et enfin, depuis cette époque jusqu’à ce jour, il n’y en a plus eu aucune. Les deux dernières avaient été très-faibles. Je continue maintenant à magnétiser la malade pour combattre dans son principe cette horrible maladie ; mais, je dois l’avouer cependant, c’est une rude tâche, car elle est déjà presque réduite à un étal d’idiotisme. Espérons néanmoins.
Mon ami Thierry, qui vous a fait dernièrement une visite, m’écrit que vous lui avez témoigné le désir d’avoir la relation de l’expérience faite par lui pour retrouver, à l’aide du somnambulisme , l’acteur Villars, et qui a été insérée dans mon journal 11 Mesmeritu. Je m’empresse donc de vous en adresser la copie.
« Mon cher Allix , il m’est arrivé une chose bien singulière, dans laquelle ie magnétisme a prouvé combien de services il pourrait .rendre à la société, si tant de gens encore ne le repoussaient obstinément et à priori. Je.te livre le fait tel qu’il s’est passé. Vers le 15 octobre (1855), tout à coup le Théâtre du Gymnase, au moment de lever le rideau pour une des représentations du Demi-Monde, fut plongé dans la plus vive angoisse par la disparition de l’un des personnages de la pièce , M. Villars. Toutes les recherches faites pour le retrouver ayant été vaines, force fut.à l’administration de changer le spectacle. Deux jours s’étant écoulés sans qu'on eût de nouvelles de Villars, je fis offrir aux artistes du Gymnase, par Lubize le vaudevilliste, de leur donner une séance de magnétisme. : —gratis, bien entendu, à 1 effet de découvrir la trace du fugitif.
« Le troisième jour, mon offre ayant été acceptée, je me rendis au théâtre, accompagné de mon somnambule, M. R... •
Napolitain (il désire garder l’anonyme), et là, dans la loge même de Villars (la loge est l’endroit où s’habille l’artiste), en présence de MM. Dupuis, Berton, Lesueur et deux ou trois autres témoins, je commençai l’expérience.
« Mon somnambule endormi par moi fut mis en communication avec Villars au moyen d’une cravate laissée par lui la veille de sa disparition.
Demande au somnambule. — Pourquoi sommes-nous ici ?
Réponse du somnambule. — Pour retrouver quelqu’un qui a disparu depuis trois ou quatre jours.
D. Décrivez cette personne.
B. De quarante-cinq à cinquante ans. Il est petit, gros. (Ici le somnambule dépeint le portrait de Villars et indique jusqu’à sa résidence ordinaire.)
D. Où est-il en ce moment ?
B. Il y a ici un de ses amis : qu’on me mette en rapport avec lui.
Dupuis, qui était en effet intimement lié avec Villars, se met en communication avec le somnambule qui lui prend la main droite, tout en conservant dans la gauche la cravate ci-dessus mentionnée.
Le somnambule, après avoir reconnu Dupuis, tressaille et dit spontanément : Votre ami a disparu, vous ne le reverrez plus... il est mort... il s’est suicidé!
D. Dites comment il s’est tué.
B. Il s’est noyé !
U donne des détails sur les circonstances qui ont précédé le suicide.
D. Pourquoi s’est-il suicidé ?
B. Il y a longtemps qu’il nourrissait ce projet. De plus T il avait un affaiblissement du cerveau.
D. Où s’est-il noyé?
Après un instant de silence, pendant lequel le somnambule éprouve une crise nerveuse, il reprend : — 11 est sous l’eau , accroché dans des herbes. — Oh ! est-il vilain t ça me fait mal de le voir. Réveillez-moi.
D. Dites où il s’est jeté à l’eau, où il est en ce moment.
II. Il s’est suicidé du côté de Neuilly. — Je ne puis dire l’endroit exact où je le vois, il y a trop d'eau par dessus lui. Demain, à la même heure (trois heures), vous m'endormirez et je vous le dirai, si le corps a changé de place ou remonte sur l’eau.
Je réveille le somnambule qui, bien que l’expérience n’ait duré que quinze minutes environ, semblait accablé sous le poids d’une grande fatigue. Ainsi se fit cette première séance, au grand étonnement des témoins dont les uns étaient atterrés, les autres souriaient d’un air d’incrédulité.
Malheureusement, la chose ayant été ébruitée dans le théâtre, le commissaire de police fit avertir la préfecture qui envoya défense au somnambule de réitérer l’expérience... Huit jours après, on lisait dans les journaux : « Nous savons parfaitement ce qu’est devenu M. Villars, — il était fatigué de la vie, «V s'est retiré dans un établissement religieux ; seulement, voulant rester à jamais ignoré, il refuse de dire où il est. »
Tout Paris artistique savait ce que j’avais fait. Juge de ma position, mon cher Allix ; j’étais en butte aux sarcasmes hypocrites de la foule.— Je dis hypocrites, car personne n’eût osé me dire en face : Vous avez menti ! — Lorsque, le quinzième jour, on relut dans les mêmes journaux : a C’est par erreur que nous avions annoncé que Villars s’était retiré dans un couvent; son corps mutilé a été retrouvé hier an Bas-Meudon par des bateliers, et a été transporté à la Morgue. »
Deux jours après, tout Paris était convoqué à ses funé-railes. Bref, il s’était noyé à Neuilly, était resté accroché pendant quatorze jours sous l'eau et emporté par le courant dans la direction de Bas-Meudon, situé à quelques kilomètres de Neuilly.
Je rencontre Berton, l’un des témoins, à l’enterrement :
— Eh bienl mon cher Thierry, me dit-il en me serrant la main, vous aviez raison. Et ainsi de suite jusqu’au dernier.
S’il le fallait, je ferais attester le fait par les personnes
dont j’ai cité les noms, et qui jouissent d’une grande réputation dans l’art dramatique.
Voilà, mon cher Allix, encore une preuve du magnétisme sous la forme la plus désintéressée ; fais-en ton profit, si tu crois qu'elle puisse être de quelque utilité à la science. » Tout à toi,
Emile TniEimv,
Artiste du théâtre des Variété».
Maintenant voici un petit article que j’extrais du Journal de Genève :
«On lit dans la Gazelle Saint-Galloise qu’un médecin bernois, nommé Held, a été traduit à Rome devant la Sacra consulta, parce qu’il avait fait usage du magnétisme comme d’un remède contre certaines maladies. »
11 parait que nous n’avons pas encore fini avec la sainte inquisition. Toutefois les progrès du magnétisme, et c’est là ce qui doit nous rassurer, ne sont nullement retardés par ses encycliques. Il n’y a que les sots qui puissent prendre au sérieux de tels actes.
Voici un de ces faits qui, comme la plupart de ceux que l’on rencontre chaque jour dans la pratique du magnétisme, déroutent la raison ët réduisent souvent à néant les plus belles théories :
Depuis un mois, je magnétise une demoiselle X... pour un cas d’hystérie dont j’aurai à vous reparler si, comme je l’espère, je parviens à obtenir la guérison. Je n’ai obtenu autre chose chez la malade qu’ un état de somnolence assez prononcé , pendant lequel les paupières sont si fortement contractées qu’il ne lui a jamais été possible d’ouvrir les yeux sans dégagement préalable ; et même, depuis une quinzaine de jours, il m’était devenu impossible de les lui faire ouvrir par les moyens ordinaires : le souffle froid, les frictions et les passes transversales. J’ai dû employer un autre procédé, le seul qui m’ait réussi et qui consiste à appliquer la paume des mains, après les avoir trempées dans de l’eau bien fraîche, sur les tempes en faisant une forte aspiration.
Or, hier (1" octobre), à peine était-elle depuis vingt mi-
Tintes dans l’état de torpeur dans lequel je la laisse habituellement une heure, qu’elle ouvrit brusquement les yeux en s’écriant : « Je 11e dors plus ! >> — Je m’empressai de lui faire des passes pour la plonger de nouveau dans le sommeil ; mais quel ne fut pas mon étonnement en voyant qu’au lieu de l’endormir, cela achevait au contraire de la réveiller! Persuadé alors qu’il était inutile de continuer la séance, je me mis en devoir de la dégager complètement en faisant du souille froid et de fortes passes transversales après m’être mouillé les mains. Cette fois encore, mon attente fut trompée , car ce procédé qui aurait dû la dégager, la rendormit contre toutes les règles de la pratique. Je me décidai alors à la laisser dormir, lorsqu’au bout de quelques instants elle éprouva une forte secousse avec contraction du diaphragme. Redoutant nne crise, je me hâtai de rétablir le calme. Tout semblait dès lors aller pour le mieux, quand tout à coup elle se plaint d’une douleur à la tempe droite : j’y pose la main pour la calmer, mais aussitôt elle s’éveille. J’essaie encore de la dégager tout à fait, mais pour la deuxième fois encore, mon action démagnétisante produit le sommeil. Je la fais alors mettre à la croisée, en pensant que la nature serait peut-être plus heureuse que raoi ; mais l’air, quoique très-vif, au lieu de la réveiller, semble au contraire accroître le sommeil. Enfin, après avoir duré près d’une heure, cette scène se termina par un réveil incomplet ; mais une promenade de quelques instante au grand air rendit la malade à son état normal.
Agréez, monsieur le baron, l’assurance de ma parfaite considération. e. «lux ,
Professeur de magnétisme et' meinbr«du Jury magnétique.
Antre fait de vue à distance. — l’n cadavre de noyé également retrouvé à l'aide d'un médium.
Les journaux américains ont raconté dernièrement une • découverte qui a beaucoup d’analogie avec celle dont on vient de lire le récit.
Le T taveler, de Boston, rapporte que , dans la ville de Clielsea, un jeune garçon de neuf ans, fds de M. Samuel Ward, contre-maître d’une maison de teinture , disparut tout à coup. Sa famille étant fort inquiète, un ami de son père alla trouver un médium dont le journal donne l’adresse, et qui est connu sous le nom de Médium , écrivain de lettres. Le consultant enferma dans la poche de son habit une lettre cachetée avec soin, dans laquelle il demandait des renseignements sur l'enfant perdu, et il demanda la réponse à cette lettre. Le médium, sans ouvrir la lettre, écrivit la réponse suivante : « Celui que vous cherchez n’est pas présent. C'est le jeune fils de Ward. Je ne le vois pas ici-bas, je ne le vois pas non plus dans le pays des esprits. Je pense que tout ira bien, et que bientôt son corps sera rendu à son malheureux père. S’il est dans l’eau, je ne puis pas bien voir ; il nous est difficile de voir dans la profondeur de l’eau. Je chercherai de nouveau. »
Le même jour, M. Mansfield consulta dans le même but un autre médium, madame Manson, qui, sans avoir été informée de ce qu’on voulait savoir, donna une description exacte de l’enfant et de ses vêtements, et écrivit : « Il est mort et plongé dans l’eau. Il est étendu sur le dos, et une de ses mains est élevée et placée tout près du visage. La famille aura le corps avant que vous soyez de retour à Chelsea. » Toutes ces indications furent trouvées exactes ; le corps de l’enfant a été trouvé dans l’eau et dans l’attitude désignée, et il a été rapporté chez son père au jour dit.
En rapprochant cette découverte de la précédente, on voit qu’elles ont la plus grande ressemblance, que toutes deux sont dues à la lucidité de personnes douées de facultés remarquables : dans un des pays on appelle médium» ce que, dans d’autres, on appelle somnambules.
a. s. MORIN.
CHRONIQUE.
SOMNAMBULISME. — DÉFI PORTÉ AUX ACADÉMIES.
On lit dans le Siècle du 10 octobre :
A M. le Rédacteur en chef du journal le Siècle.
« Monsieur le rédacteur,
« Permettez-moi de relever une erreur assez grave qui s est glissée dans presque tous les journaux de la capitale , erreur qui ne peut qu’être propagée dans une feuille aussi répandue que la vôtre, et conséquemment si souvent reproduite.
« Vous rapportez, monsieur le rédacteur, que par l’intermédiaire du Boston Courier, des expériences sur le merveilleux ont été tentées par des médiums américains en présence de savants, et que ces expériences n’ont point réussi ; cela peut être. Mais vous ajoutez que Y Académie des sciences de France reçut mission de décerner un prix de 25,000 fr. au sujet magnétique qui lirait les yeux bandés. Ici est l’erreur, attendu qu’aucune académie française n’a jamais offert de prix d’une pareille valeur au somnambulisme, préférant en nier l’existence, comme une chose plus facile et moins dispendieuse.
. Je sais qu’à une époque bien antérieure à celle que vous assignez, monsieur le rédacteur, un docteur en médecine, M. Burdin, offrit un prix modeste de 3,000 fr. au somnambule qui lirait sans le secours des yeux ; je sais aussi que le docteur retira trop tôt son prix, car, soit dit sans vanité, mon sujet Alexis l’eût gagné, si à cette époque il eût été somnambule ; mais aussitôt que je fus assuré qu’il pouvait lire dans des livres fermés, voire même à travers des mu-
railles, j’écrivis à M. le docteur Burdin une lettre ainsi conçue :
a Monsieur,
« Vous avez offert un prix au somnambule qui lirait malgré l’occlusion des yeux : depuis, il m’a été assuré que vous aviez retiré ce prix. J’ose espérer qu’en l’offrant, vous n’avez pas eul’intention de jeter un défi au somnambulisme, mais bien, au contraire, d’avoir cherché à l’encourager. En conséquence, je viens vous prier, monsieur le docteur, de vouloir bien faire admettre mon lucide Alexis eu présence d’un jury ad hoc, désireux de lui prouver qu’il lira à. travers les corps opaques.
« Veuillez agréer, monsieur le docteur, mes sincères salutations.
« MAKCILLET. »
« N’ayant reçu aucune réponse à ma lettre, je la fis publier dans plusieurs journaux, afin de pouvoir au besoin en constater (’authenticité, ce qui m’autorise à pouvoir dire aujourd’hui : Le docteur Burdin a redouté Cexpérience. Je dirai plus, et sans forfanterie : Je porte le défi, à mon tour, à toutes les académies du monde de mettre un prix à la disposition d’Alexis ayant pour condition qu’il lira dans un livre sans le secours des yeux.
« Je compte sur votre justice, monsieur le rédacteur, pour donner à cette lettre une publicité qui certainement ne la fera pas briller au point de vue de sa lucidité, mais qui, du moins, aidera à rétablir les faits tels qu’ils ont eu lieu. Cette publicité aura encore l’inappréciable avantage de désabuser un nombreux public, qui, magnétiquement parlant, croit encore, hélas !' aux prétendues victoires académiques.
a J’ai l’honneur d’être, monsieur le rédacteur, votre très-dévoué serviteur, « marcillet ,
« Il , rue Geoffroy-Marie.
« Paris, e«l*r octobre 1857. »
Nous croyons parfaitement à la sincérité de M. Marcilletetà la lucidité si remarquable de son sujet. Nous qui avons eu des
somnambules qui lisaient sans le secours des yeux, nous ne faisons aucun doute qu'il en soit de même d’Alexis ; seulement nous ne serions pas étonnés d’apprendre que, sommé de faire ses preuves devant une commission académique, Alexis est demeuré tout à fait impuissant. Un tel mécompte est arrivé à bien d’autres somnambules également lucides et sincères. Pour s’expliquer ce fait, il faut être initié aux lois qui gouvernent la force magnétique et président au développement des facultés somnambuliques. L’action magnétique est un pur effet de volonté psychique, et les facultés somnambuliques qu’elle développe sont entièrement subordonnées à cette volonté ainsi qu’aux circonstances où elle s’exerce (voir à. ce sujet notre article du 2ô février 1857, n°4, du Journal du Magn.). Magnétisant chez lui, seul ou en présence de personnes bienveillantes, passives ou croyantes, le magnétiseur obtient souvent les plus beaux résultats: sa volonté à lui, dans ce cas, n’est pas contrebalancée par des volontés contraires, et même elle est renforcée par l’action collective des autres volontés qui l’entourent. Il en est autrement devant un cercle d’examinateurs incrédules, qui arrivent avec la ferme intention de contèster à priori les effets du somnambulisme, d’ergoter, d’élever des difficultés à leur endroit et par conséquent d’en paralyser la source. Contre ces volontés réunies dans un but intentionnellement hostile, le magnétiseur est obligé de lutter avec sou seul vouloir, sa seule action ; et, dans un tel duel, il faut toujours qu’il s’attende à être vaincu. C’est ce qui est arrivé à tant d’autres dans des circonstances dont 011 a fait grand bruit contre le magnétisme, c’est ce qui vient d’arriver à l’occasion de l'expérience spiritualiste de Boston, c’est ce qui arriverait à Marcillct. Mais, dira-t-on, si, pour voirreproduire des phénomènes somnambuliques et spiritualistes, il faut à l’avance y croire, tandis que la foi implique au préalable une conviction basée sur des faits dont on aurait été témoin, il n’y a donc aucun moyen pour les non initiés de se convaincre? Nous n’avons pas seulement indiqué la foi comme condition nécessaire, mais.no.us avons aussi parlé d’assistants étant ani-
mes d'un esprit passif, bienveillant, sérieux, expectant, du moins jusqu’à preuve contraire, jusqu’à expérience non concluante. Or, c’est ce qui n’arrive presque jamais de la part des savants, des gens du monde et des académiciens. On conteste, on nie, on raille, on multiplie les difficultés, on veut que les expériences soient faites contrairement aux conditions inhérentes à la nature de l’agent qu’on veut voir en action. De là insuccès. Nous le disons encore, incrédules ! voulez-vous arriver à croire, voulez-vous vous édifier sur la valeur de forces, de vérités formidables, trop longtemps méconnues, apportez dans leur examen un cœur simple, une âme sincère et désireuse de voir; ou plutôt, étudiez la matière et expérimentez par vous-mêmes, c’est la meilleure voie. Toutes les convictions inébranlables se sont formées et se forment ainsi, et aujourd’hui que le magnétisme est une science positive formulée dans mille traités divers, dans une foule d’instructions pratiques, il n’y a plus d’excuse pour ceux qui, désirant arriver à la connaissance de la vérité, sont encore incrédules.
M. Marcillet, en parlant du prix Burdin, dit que ce prix, on ne sait pourquoi, est demeuré bien peu longtemps sur le tapis, et que, lorsqu’il s’est adressé pour concourir à celui qui l’avait offert, il n’en reçut aucune réponse. Il aurait pu aller plus loin et rappeler ce qui s’était passé en 1838, lorsque le docteur Pigeaire, de Montpellier, vint à Paris avec sa fille, jeune somnambule qui avait le don de lire sans le secours des yeux. M. Pigeaire fit alors, devant un grand, nombre de personnages, des expériences qui les frappèrent vivement. Parmi eux figuraient : MM. Adelon, Gueneau de Mussy, Bousquet, Delens, Ribes, Esquirol, Orfila, J. Cloquet, Pelletier, Reveillé Parise, Arago, Pariset. Plusieurs d’entre eux, tels que : Bousquet, Ribes, Orfila, Reveillé Parise, Pariset signèrent même des procès- verbaux où l’heureuse issue des expériences est constatée en forme et dans les termes les plus favorables. Dans ces procès-verbaux, à côté des signatures de ces princes de la science médicale, figurent aussi les noms d’hommes illustres dans la littérature ou la politique ; tels que George
Sand, Léon Faucher, etc. Malgré ces attestations authentiques, malgré les affirmations de MM. les docteurs Roustanet Georget, qui assuraient avoir constaté la vision par l’occiput, il se trouva que MM. Cornu, Gerdy et Bouillaud ne furent pas convaincus et nièrent les facultés de mademoiselle Pigeaire.
L’appareil au travers duquel voyait cette jeune somnambule se composait d’une bande de calicot, d’une petite pelote de coton, et enfin d’un bandeau de velours noir opaque. Le bord inférieur de celui-ci était collé à la peau voisine au moyen de petites bandelettes de taffetas gommé. M. Gerdy parla des contorsions de la jeune fille au commencement de l’expérience, et prétendit voir aussi bien qu'elle à travers le bandeau. Aussi quand il fut question de se présenter à l’Académie, la commission nommée par elle ne voulut plus du premier appareil. Elle en imagina un autre. M. Pigeaire proposa à l’Académie, si elle avait quelques soupçons sur l’opacité complète du bandeau usité, qu’elle en fit construire un de la même forme, pour ne pas contrarier la somnambule qui avait contracté l’habitude de ce bandeau. L’Académie tint à ses conditions, M. Pigeaire aux siennes; on ne parvint pas à s’entendre. Devant ces faits, un homme de bonne foi, le docteur Berna, proposa, au nom d'une société de croyants, un prix de 50,000 fr. à celui des académiciens qui lirait avec le bandeau de mademoiselle Pigeaire. C’était là une belle occasion pour M. Gerdy de gagner le prix tout en montrant sa clairvoyance. Mais il en fut dédaigneux, paralt-il, car on ne vit pas qu’il s’offrit à concourir pour les 60,000 fr. On préféra rire du magnétisme et des somnambules. C’était plus facile. Quant à M. Burdin, il se dépêcha de retirer sa proposition et on n’en entendit plus parler, comme en fait foi la lettre de M. Marcillet reproduite ci-dessus.
Ah! messieurs les savants, messieurs les académiciens, messieurs les sceptiques et messieurs les rieurs, que vous nous faites bien rire à notre tour ! Le magnétisme, que vous aviez enterré, est plus vivant que jamais; ne craignez-vous pas que tout à l’heure ce ne soit lui qoi vous ensevelisse? Si
vous aviez un petit grain de franchise, vous en conviendriez; car il faut convenir qu’à l’heure qu'il est il vous fait furieusement peur. Z. Piérakt.
VARIÉTÉS.
PRESSENTIMENT.
Nous trouvons dans le Courrier de Lyon :
« Dans la nuit du 27 au 28 septembre deruier, un cas singulier de vision intuitive s’est produit à la Croix-Rousse, dans lus circonstances suivantes :
« Il y a trois mois environ, les époux B..., honnêtes ouvriers tisseurs, mus par un sentiment de louable commisération , recueillaient chez eux, en qualité de domestique, une jeune fille des environs de Bourgoin, légèrement idiote, qu’ils rencontraient sur la route de Bourgoin , où est située leur campagne.
« Dimanche dernier, entre deux et trois heures du matin, les époux B... furent réveillés en sursaut par les cris per-sauts poussés par leur domestique qui couchait dans une soupente de l'atelier contigu à leur chambre.
« Madame B..., allumant uue lampe, monta sur la soupente et trouva sa domestique qui., fondant en larmes et dans un état d’exaltation d’esprit difficile à décrire, appelait, en se tordant les bras dans d'afireuses convulsions , sa mère qu'elle venait devoir mourir, disait-elle, devant ses yeux.
« Après avoir de son mieux consolé la jeune fille, madame B... regagna sa chambre. Cet incident était presque oublié lorsque, mardi, dans l’après-midi, un facteur de la poste remit à M. B... une lettre du tuteur de la jeune fille, qui apprenait à cette dernière que, dans la nuit du dimanche à lundi, entre deux et trois heures du matin, sa mère était morte des suites d’une chute qu’elle avait faite en tombant du haut d’une échelle.
« La pauvre petite idiote est partie hier matin même pour lîourgoin , accompagnée de M. B..., son patron , pour y recueillir la part de succession qui lui revient dans l’héritage de sa mère, dont elle avait si tristement vu en songe la fin déplorable. »
AVERTISSEMENTS SPIRITUALITES. — OISEAUX MÉDIUMS.
f
l.n navire, le Central-America, revenant de la Californie, chargé de près de 700 passagers, fit dernièrement naufrage dans des circonstances que Jes journaux on t rapportées. Près de 500 passagers avaient déjà péri et les 170 survivants n’attendaient plus que leur dernier moment, quand ils furent tout à coup sauvés par un navire norvégien, miraculeusement détourné de sa route. Un oiseau mystérieux, s’il faut en croire le récit des journaux, aurait frappé trois fois la face du capitaine de ce navire, ce qui l’aurait engagé de se détourner de trois points, déviation nécessaire pour qu’il se trouvât dans la direction du navire naufragé. Une lettre de New-York fait les réflexions suivantes au sujet de ces faits :
u Le fait le plus digne de remarque de ce drame lugubre, c’est le commun accord qui s’est manifesté pour sauver les femmes et les enfants, sans qu’il s’échappe de cette multitude une seule réclamation et un seul murmure , alors que la mort était à peu près inévitable : c’est une de ces scènes d’héroïque abnégation qui méritent de passer à la postérité.
v Que dire maintenant de ce schooner qui, sachant que le vapeur va périr, promet de ne pas s’éloigner, et qui disparaît à l'instant même? Que penser de ce capitaine norwé-gien qui se trouve à vingt milles du sinistre, et qui, frappé trois fois de suite à la face par un oiseau inconnu, se détourne de sa route de' trois points, chiffre égal aux trois avertissements mystérieux qu’il croit avoir reçus, et arrive, grâce à cette déviation , au milieu de vivantes épaves dont il recueille quarante-neuf pour sa part ? Aux incrédules, il ré-
pond que c’est une croyance de la Scandinavie, et c’est, du reste un digne et noble marin que le capitaine de l'EUen. Après un jour entier de croisière, il s’est détourné de son voyage pour toucher à Norfolk et accomplir jusqu’au bout sa mission d'humanité. Il a déposé à bord de l’Empire-City son précieux fardeau, et quand les magistrats et la Compagnie lui ont parlé de salaire et de rémunération , il a demande quelques vivres qui lui étaient devenus indispensables, et a repris la mer. »
(Extrait de la Presse du 7 octobre.)
A côté du fait qui précède doit figurer un fait analogue rapporté dernièrement par la Presse dans le compte-rendu qu’elle a consacré aux excursions de différents voyageurs dans le centre de l’Afrique. Au sujet d’un de ces voyageurs, la Presse raconte :
« Une nuit, lorsqu’il était encore à Zinder, Richardson avait vu, pendant son sommeil, un oiseau descendre du ciel sur une branche ; puis la branche s’était cassée, et l’oiseau était tombé. Un sorcier du pays avait déclaré que ce rêve annonçait la mort prochaine du voyageur. Richardson n’était pas superstitieux. Cette prédiction pourtant l’avait fiappé, et, à quelques jours de là, le 4 mars, il expirait à Unguratua. On l’enterra au pied d’un arbre. Ses papiers et ses effets furent remis au docteur Barth. »
Nous renvoyons ce fait, ainsi que les deux précédents, aux cinq académies, et, en particulier, à M. Viennet, pour qu’il dénonce au monde et fustige de sa verve poétique ces infâmes charlatans, ces idiots, ces oiseaux qui, paralt-il, ont un sens de plus que les académiciens.
Baron d«Potet.
M. HOME PROPHÈTE.
J’ai vu hier un de mes amis, que j’appellerai Eugène, arrivé la veille de.Biarrits, et qui m’a annoncé le très-pro-
chain retour de Home. Home a été à Biarrits l’objet d'une curiosité qu’il ne s’est point empressé de satisfaire. Il a vécu entièrement isolé des autres habitants de Biarrits, et n’a produit aucune de ses manifestations. En revanche, voici une étrange histoire dont Eugène est le héros, et à laquelle Home se trouve mêlé d’une façon mystérieuse et effrayante :
Il y a quelques mois, Eugène était triste et agité, il avait de secrets pressentiments, des besoins d’expansion, de vagues désirs, des hallucinations singulières. Home lui dit un jour :
— Ne soyez pas inquiet... vous allez aimer.
On fut surpris de cette prophétie ; Home parle rarement de ce qui doit arriver; Home croit cependant à la possibilité de prévoir, et il appelle la seconde vue du nom expressif de mémoire de l'avenir. Ce jour-là il fut amené à promettre à Eugène qu’il lui ferait voir le fantôme de celle qu’il devait aimer. Je laisse parler Eugène lui-même, me racontant comment Home avait tenu sa promesse.
« Home, me disait Eugène, m’avait promis qu’il me ferait voir l’ombre de celle que j’allais aimer. Il se recueillit pendant un quart d’heure sans parler et sans lever les yeux sur personne. Enfin il se leva, s’approcha de moi et me dit :
— « Allez jeudi prochain , à huit heures du soir, dans une église qui est tout au bout de la rue Montmartre et dont j’ai oublié le nom. Celle dont votre âme cherche l’âme vous y apparaîtra.
« Je me rendis donc à Saint-Eustache le jour et à l’heure indiqués. Il faisait nuit sombre. J’errai un instant le long des bas-côtés de la nef, où les piliers jetaient sur moi de larges ombres et où les lampes des chapelles étoilaieut çà et là un fond vaste, ténébreux et calme.
« L’église, d’ailleurs , était vide. Je n’entendais que le bruit creux de mes pas sur les dalles. C’était un silence solennel. La lune se levait dans l’une des rosaces et semblait la prunelle de cet œil cyclopéeu ; on était au mois d avril.
J’entendis sonner sept heures et demie à l'horloge des loui s. J’avoue que je sentis alors ma foi défaillir.
« Cependant la chapelle du fond, qui est dédiée àl a Vierge , s’éclaira ; il y eut comme un voile de lumière qui descendit derrière le chœur et qui releva vivement en ténèbres le profil massif et sombre de la nef. Quelques larves de vieilles femmes se traînaient lentes et voûtées le long des piliers; il y eut des mouvements dans l’ombre. Quand huit heures sonnèrent, des voies invisibles qui semblaient partir, au milieu des Ilots de lumière et des bouffées d’encens, de la bouche mystérieuse des statues, m’apportèrent aux oreilles de graves versets delà Bible. Ce spectacle était singulièrement attachant. Je meprisàjouir de la clarté, de l'ombre, dusilcnce, du '.bruit, et quand ces mots funèbres arrivèrent jusqu’à moi, rendus plus sinistres par la voix caverneuse des chantres : Non limcbis a timoré nocturno, a sagittâ volante in die, a negoti«perambulanle in tenebris, je sentis redoubler l’horreur silencieuse de ces voûtes sombres et la solitude humide de ces longues allées de colonnes ; je pensai alors que j'étais moi-même cette chose fabuleuse et vague qui pérambule, la nuit, dans les ténèbres ; et j’oubliai le motif qui m’avait fait venir. Home m’eût-il trompé cette fois, je ne lui en aurais pas voulu à cause du douloureux plaisir qu’il nie donnait.
« Tout à coup j’entends dans l’ombre un léger bruit ; une robe et un voile noir frôlent contre un pilier. Auprès de moi s’agenouille une femme , ou plutôt une forme suave ; elle s’incline, penche la tète comme pour prier, mais elle tourne son visage de mon côté ; un doux regard s’allume sous son voile ; c’était elle. »
— Comment! c’était elle, qui, elle?
— C’était, reprit Eugène , celle que j’épouserai le mois prochain... elle ou son image, je ne sais. Ce qui est certain, c’est que je l’aime, c’est que je l’ai rencontrée dans les Pyrénées cet été, que j’ai appris à la connaître, qu’elle m’aime et que je l’épouse.
— Etait-elle allée à Saint-Eustache ce soir-là? fis-je.
— Elle n’y est pas allée depuis trois ans.
— Cette vision touche de bien près aux miroirs enchantés. Te souviens-tu que Saint-Simon, avec sa gravité d’historien r affirme avoir été témoin qu’un sorcier de son temps faisait voir les personnes absentes dans un verre d’eau ?
(Extrait des Chroniqueurs du h octobre.)
TÉLÉGRAPHIE SP1RITCALISTE.
BIBLIOGRAPHIE.
En ces temps de merveilles magnétiques et spiritualistes où ceux qui les produisent n’ont plus à craindre le bûcher qui atteignait autrefois les sorciers, mais seulement le sarcasme de gens qui tranchent sur tout sans connaître, il ne sera peut-être pas sans intérêt de savoir qu’au seizième siècle on croyait à la possibilité de communiquer à distance, à l’aide d’un système de télégraphie spiritualiste qui ressemble beaucoup à ce qu’on dit de la transmission des nouvelles d’un lieu à l’autre à l’aide d’esprits messagers. Ce système de télégraphie a été décrit par le jésuite Strada, l'auteur de l’histoire des Guerres des Pays-Bas, dans un recueil de poésies latiues publié en 1713 à Venise. Pendant longtemps il était demeuré inaperçu. Mais aujourd'hui le retour aux croyances spiritualistes l’a remis à la mode. Il a été expérimenté avec succès en Allemagne, et un de nos correspondants, M. Siemelink, magnétiseur à Amsterdam, nous écrit pour nous dire qu’il en a fait aussi usage avec succès.
Voici le procédé décrit par Strada, page 256 de son re-reueil de poésies intitulé : Proclusion.es academicœ.
« Voulez-vous faire savoir quelque’ chose à un ami éloigné auquel ne peuvent parvenir vos lettres, prenez un plateau circulaire sur les bords duquel vous tracerez les lettres de l’alphabet dans l’ordre où on les fait apprendre aux en-
fants ; placez au centre une aiguille aimantée disposée de façon à pouvoir en tournant toucher la lettre que vous voudrez. Fabriquez encore un autre disque semblable , pareillement garni d’une aiguille de fer aimanté. Votre ami en partant emportera l'un des deux. Il conviendra avec vous du jour, de l’heure où il consultera l’aiguille et en observera les indications. Ces mesures prises, si vous voulez secrètement entretenir votre ami que retient un pays lointain , prenez votre appareil, et avec la main dirigez l’aiguille mobile sur les lettres dont vous avez besoin pour former vos m ots, de la pointe vous touchez tantôt l’une , tantôt l’autre, jusqu’à ce que le fer, àforce de tours et de détours, ait traduit toute votre pensée. Chose merveilleuse! votre ami, tout loin qu’il est, voit le fer mobile s’agiter sans le secours d’aucune main et courir tantôt ici, tantôt là ; il sait tout ; étudie la marche de l’aimant, recueille les lettres, les rassemble en mots, devine ce que vous lui voulez, et c’est l’aiguille qui vous sert d'interprète. Bien plus, lorsqu’il la voit s’arrêter, il écrit à son tour et par le même moyen, répond à son ami. »
Aux procédés qui précèdent, M. Siemelink a eu l’idée d’en ajouter un autre qui en forme le complément peut-être indispensable, à savoir : de substituer à l’aiguille le crayon magique et de le placer de sorte qu’il puisse de lui-même tracer des caractères sur un papier. A cela, il ajoute qu’il convient, surtout si on se sert du plateau alphabétique , de le placer sur un guéridon qui a été actionné magnétiquement, c’est-à-dire qui a tourné, qui a frappé et s’est renversé dans de précédentes expériences. Alors, dit-il, les expériences sont encore plus intéressantes et réussissent plus promptement. Nous ne savons qu’en dire, n’ayant pas expérimenté la chose, et nous ne pouvons que nous en rapporter aux affirmations qui précèdent tout en engageant nos lecteurs à en faire 1 essai. Des faits seuls, et des faits bien attestés, portant avec eux leurs témoignages , sont, en semblable matière, les meilleures preuves qu’on puisse invoquer contre les railleurs et les incrédules.
M. Siemelink est le même dont nous avons parlé à
la page 552 du Journal du Magnétisme, année 1856, comme ayant provoqué des faits de magnétisme et de somnambulisme remarquables. M. Siemelink , comme nous venons de le voir, est devenu depuis magnétiseur spiritualiste. Loin de ressembler à ces inagnésiseurs inconséquents, qui, oubliant que le mesmérisme proprement dit a été traité de chimère à son apparition et l’est même encore , et qui jettent la pierre au spiritualisme, le traitent de folle manie, sans ni l’avoir examiné ni expérimenté, loin, dis-je, de ressembler à ces éteignoirs, M. Siemelink a voulu juger par lui-même des vérités nouvelles, et les faire passer au creuset de la pratique. Ses essais ont été concluants, et il s’est cru obligé de confesser sa foi. Aujourd'hui il fait plus, il publie en hollandais un livre où sont consignées ses convictions magnétiques et spiriualistes, et c’est le premier en ce genre qui paraît dans ce pays des brouillards et des marécages, où surgirent pourtant tant de grands hommes, où s’élaborèrent tant de fécondes idées et qui fut la patrie d’un si grand peuple. Le livre de M. Siemelink a déjà réuni un grand nombre de souscripteurs parmi lesquels figure pour deux exemplaires sa majesté la reine des Pays-Bas. Voici, du reste, au sujet de ce livre, un article qui le fera parfaitement connaître et que nous traduisons du Ilandelsblad du 13 août 1857 :
« Prochainement paraîtra un ouvrage du sieur Siemelink, magnétiseur en ville, et auquel est donné le titre suivant :
L Immortalité "dévoilée ou la vie après la mort du corps, démontrée et affirmée par le magnétisme. Suivant le prospectus, l’ouvrage sera divisé en six chapitres : le premier donnera une déclaration du somnambulisme; le second contiendra quelques renseignements pour le progrès de la santé; le troisième sera consacré à l’examen des lettres odiques-magné-, tiques du baron de Reichenbach, savant allemand ; le quatrième traitera de l’âme envisagée comme un être indépendant ou substantif et immatériel ; le cinquième contiendra la biographie et antécédents de M. Home, l’immortalité de l’âme, et le sixième donnera un extrait d’une nouvelle doc-
trine spirituelle ou de l’éternité. Ce prospectus promet, ;ï notre vue, assez pour attendre avec curiosité et intérêt l’édition de l’ouvrage. z. piêrakt.
Le magnétisme et l'inquisition.— L’honorable professeur Guidi, rédacteur en chef de la Luce mugnalica, rapporte (n° du 19 septembre dernier) que la sacrée congrégation de l’index, par décret du 7 avril 1856, a rangé au nombre des livres prohibés le Traite théorique et pratique de magnétisme animal, de M. Guidi, avec la clause donec corrigatur.
Au mois de septembre 1856, un lithographe d’Ancône reçut la visite d’un délégué de l’évêque qui, ayant trouvé dans sa bibliothèque un exemplaire de cet ouvrage, le saisit. L’auteur, désirant connaître quelles étaient les corrections exigées pour obtenir la levée de l’interdit lancé sur son livre, s’adressa à la congrégation qui indiqua plusieurs corrections. M. Guidi les transcrit eu regard des passages condamnés. On y remarque la justification des supplices infligés pour cause de magie. En adhérant à cette doctrine et en acceptant quelques autres changements de la même force, M. Guidi pourra trouver grâce devant la censure pontificale.
BIBLIOGRAPHIE.
M. E. Allix, qui a publié en italien un excellent traité du magnétisme dont nous avons rendu compte, vient de faire paraître en français un Cours théorique et pratique de magnétisme animal (brochure in-12). C’est un petit résumé clair et méthodique de toutes les connaissances que doit posséder le commençant. Nous l«recommandons à nos lecteurs.
Baron du POTET, propriétaire-gérant.
Paris. — Imprimerie de PoxHntt et Monetti, 17, qnii des Augustin:.
INSTITUTIONS.
Sorictc du Mesmérisme.
Les archives de la Société du Mesmérisme offriront un jour une lecture attrayante; elles seront un recueil de chroniques et de faits curieux que noire Journal n’enregistre guère que par exception. Nous donnons aujourd'hui un d«scs procès-verbaux pour indiquer sommairement la nature des communications qui lui sont faites et des matières qui fixent son attention.
Extrait du procès-verbal d«la séance particulière du 13 août 1837.
Après lecture et adoption du procès-verbal, M. Morin fait savoir que, depuis la dernière séance, quelques membres de la Société se sont réunis chez M. Bàcot, notre collègue, pour essayer, comme il avait été convenu, la magnétisation à distance sur une somnambule de M. Dcschamps. Cette somnambule n’ayant pu venir, M. Dcschamps a animé deux jeunes gens sensibles au magnétisme, et sur lesquels il a agi à distance, mais l’expérience a été négative.
M. Petit d’Ormoy fait connaître ensuite ;l’expérience suivante faite sur madame Louyet, mise dans un état magnétique peu avancé, état dans lequel il y avait clôture des yeux. L’expérimentateur était M. Morin , qui, après avoir magnétisé madame Louyet, magnétisa une soucoupe entre douze. Cette soucoupe ne fut pas reconnue par madame Louyet, qui déclara être trop près de l’état normal ; magnétisée de nouveau par M. Morin , elle eut la perception d’une vapeur bleuâtre que quelques magnétiseurs désignent sous le nom de fluide magnétique.
RI. Morin magnétisa ensuite un verre placé parmi trois
autres par M. Petit d’Ormoy, hors de la présence de M. Mo-rin et de madame Louyet. L’expérience, renouvelée six fois, madame Louyet reconnut toujours le verre magnétisé, bien qu'il eût été mis à une place différente relativement aux autres, ce qui équivaut, dit M. Petit d'Ormoy, à reconnaître un verre magnétisé parmi 4,095 qui ne le seraient point.
M. Morin et M. Petit d’Ormoy se proposent de renouveler cette expérience avec madame Louyet.
M. Paul, notre collègue, lit ensuite un long article favorable au magnétisme, dans un feuilleton de la Gazelle de France du 11 août dernier. Cet article est de M. Bernard de Lunel.
M. Petit d’Ormoy appelle l’attention de la Société sur un discours inséré dans le feuilleton de l'Union magnétique du ‘25 juillet dernier.
Ce discours, favorable au magnétisme, et qui sera suivi de plusieurs autres, a été prononcé à Boston, en présence de plus de deux mille personnes par M. Dod, ministre protestant.
M. Louyet, après avoir obtenu la parole pour une communication, s’exprime ainsi :
MAGNÉTISATION MÉDICALE.
Je fus appelé le 10 juillet dernier, chez M. Gauthier, rue des Lions-Saint-Paul, n° 11, pour donner des soins à sa fille, jeune femme d’environ vingt-quatre ans. Cette femme , accouchée depuis trois mois et demi, et qui nourrissait son enfant, était affectée depuis trois semaines, d’un violent mal de tête qui présentait souvent des redoublements pendant lesquels elle voulait se jeter par la fenêtre.
Malgré l’état de souffrance de la malade , la tête était fraîche, mais le pouls était petit et fréquent et les yeux hagards. _ •
Les vaisseaux du col explorés présentaient un bruit de souffle continu. La tête ayant été prise pendant dix minutes
entre les mains, l’une sur le front, l'autre à l'occiput, la malade passa au sommeil , pendant lequel je pus impunément la piquer, sans qu’elle témoignât la moindre douleur ; l’analgésie était complète. Je ne me suis pas assuré s’il y avait anesthésie, c’est-à-dire si elle était sensible à toute autre impression qu'à la douleur, tels que le chatouillement, la chaleur, le froid, etc.
La sensibilité à l’attraction était très-manifeste, n’importe clans quel sens.
Vu bout de vingt minutes de sommeil, la malade fut réveillée ; elle se sentit alors la tête très-légère et entièrement débarrassée de son mal. Elle demanda son enfant qu’on avait éloigné pour ne pas être troublé par ses cris pendant la magnétisation ; il prit aussitôt le sein, mais, au bout de deux à trois minutes, il le quitta pour se livrer au sommeil pendant lequel il se mit à ronfler.
Deux jours après, je vis la jeune femme et j’appris que son mal de tête n’avait pas reparu , qu'elle avait sué abondamment pendant la nuit qui a suivi la magnétisation, et que l'enfant, contre son habitude, avait eu une nuit très-tranquille et n’avait jamais dormi aussi profondément.
Cette absorption par le nourrisson du magnétisme dont sa nourrice était saturée, me rappelle le fait suivant dont j’ai entretenu la Société il y a quelques années :
Une de mes clientes vint un jeudi se faire magnétiser au \\ aux-Ilall ; elle n’éprouva qu’un engourdissement général, accompagné de pesanteur des membres. Le magnétiseur, malgré ses efforts, ne put la démagnétiser que d’une manière incomplète. Ce ne fut pas sans peine que cette dame gagna son domicile en traînant les jambes.
Arrivée chez elle, elle donna à téter à son enfant, le mit ensuite dans son berceau et se coucha. Elle ne fut pas réveillée pendant la nuit, comme d’habitude , par les cris de son enfant ; et lorsqu’elle se réveilla, il dormait profondément , et le sommeil se prolongea jusqu’au soir, ce qui fait environ dix-huit heures de sommeil non interrompu, malgré les efforts de la mère pour réveiller son nourrisson.
11 est évident que, dans ces deux exemples, le magnétisme avait fait éprouver au lait de la nourrice une modification dont les phénomènes éprouvés par l'enfant étaient l’expression.
M. Morin fait à la Société les communications suivantes :
•1" La Patrie du 7 août contient un article dans lequel on annonce que la Société médico-psychologique tiendra, à la fin de ce mois, une séance publique ou extraordinaire où seront discutées les graves questions du magnétisme et du somnambulisme, et où se fera entendre le P. Lacordaire. M. Morin a pris des renseignements auprès du trésorier de cette société, M. le docteur Brochin, rue Larrev, 1, et voici ce qu’il a appris. Le fait annoncé par lu Patrie est controuvé. La Société médico-psychologique ne tiendra même pas à la fin de ce mois sa séance annuelle ordinaire ; elle ne tient jamais de séance publique ; elle est peu nombreuse, composée de médecins aliénistes et de philosophes ; elle s’occupe particulièrement des maladies nerveuses et des phénomènes anormaux qui, parfois , se manifestent spontanément dans quelques-unes de ces maladies, telles que l’hystérie et la catalepsie ; mais elle ne s'occupe pas des phénomènes provoqués par le magnétisme artificiel ; la plupart de ses membres n’v croient même pas ; toutefois la société est loin de partager, à cet égard, le dédain et l’aversion de l’Académie de médecine ; elle serait prête à accueillir les mémoires importants qui pourraient lui être communiqués sur cette matière, et si l’on avait à lui présenter des faits curieux , elle les ferait examiner par une commission. La société aura donc par là un moyen de faire pénétrer le magnétisme dans les corps savants.
*2° Dans un autre article inséré au Journal des Débats du 28 juillet dernier, le célèbre physicien, M. Babinet, dit que M. Victor Hug«ne peut lui pardonner de ne pas croire aux tables tournantes et aux esprits pythons du dix-neuvième siècle. Le grand poète est donc authentiquement désigné comme un fervent sectateur des sciences occultes.
3° M. Constant a publié, depuis la dernière séance parti-
culièiv de la Société, trois nouveaux feuilletons dans l'Estafette, complétant son travail intitulé : les Fantômes à Paris, ou (hi'csl-ee que M. Home?
Cette seconde partie renferme les mêmes qualités que la première, et l’on y remarque les mêmes contradictions. L’auteur termine par une appréciation très-sévère du Livre des Esprits de Allan Kardec, et demande ironiquement si l’on peut admettre que les esprits des plus grands hommes de l’antiquité étaient constamment aux ordres du premier tourneur de tables venu, et du haut des sphères supérieures interrompent leurs occupations sublimes pour venir dicter des pauvretés et même des grossièretés. Le même auteur donne sérieusement les formules pour évoquer à volonté les esprits des quatre éléments.
Zi" La Luee magnctica, journal intéressant rédigé par notre correspondant M. Guidi, rapporte , dans un de ses derniers numéros, les deux anecdotes suivantes :
M. Jobard, de Bruxelles, a été consulté par un bourgeois de cette ville, dont le fils avait des accès de noctambulisme, ce qui l’avait fait exclure de son collège. Jl. Jobard dit au père : Il ne tient qu’à vous de le guérir vous-même. Tenez-vous auprès de votre fds pendant son sommeil. Dès que vous le verrez faire des mouvements pour se lever, prenez-lui la main, parlez-lui d’abord avec douceur, il vous répondra, et ensuite faites-lui jurer solennellement de ne plus jamais se lever la nuit. Ce moyen réussit. Ce succès, dont il a été parlé plus en détail dans le numér«du Jour mil du Magnétisme du 10 octobre , prouve jusqu’où peut s’étendre l’empire de la suggestion.
M. Orioli, savant italien , membre du jury magnétique, a publié à Corfou un livre dans lequel il s’occupe beaucoup du magnétisme. Il raconte que par le magnétisme il s’est guéri lui-même de plusieurs graves maladies, notamment d’une affection du cœur et d’une douleur névralgique dont le siège était à la partie interne de la cuisse. Il a employé, outre les passes, l’applcation prolongée d’objets magnétisés par lui-même.
5° L'I nion magnétique (lu 10 de ce mois raconte qu'une somnambule a fait dévier la boussole. MM. Morin et Petit d’Ornioy ont assisté à une de ces soirées où l’expérience devait être répétée. Il y a eu insuccès, et il résulte des renseignements par eux recueillis que l’expérience dont le journal a rendu compte n’a pas été faite avec l«soin convenable et que ladite relation ne peut être acceptée. Il serait à désirer que les magnétiseurs , avant de publier un fait aussi extraordinaire , prissent toutes les précautions convenables pour le constater régulièrement.
(5° Le Journal du Magnétisme, du 10 de ce mois, contient un long article de M. Clever de Maldigny. L’auteur raconte qu’en sa présence, chez M. le comte d’Ourches, une table s’est élevée vingt-une fois de suite , et qu’à la vingt-unième elle a plané en l’air. Malheureusement, ce magnétiste, dont la véracité ne peut être révoquée en doute , ne donne aucun détail sur ce fait étonnant ; il ne dit pas à quelle hauteur la table s’est élevée, ni les précautions prises pour que toutes les personnes en fussent éloignées pendant l’ascension.
7“ On joue actuellement à l’Ambigu-Comique un drame fantastique intitulé : la Légende de l'homme sans tête, où le magnétisme joue un grand rôle ; un des personnages exerce à distance une action irrésistible sur une femme, l’attire, la fascine et la contraint par la puissance de sa volonté à l’épouser. — Depuis quelque temps , l’emploi du magnétisme est très-commun au théâtre et dans les romans.
8° L’Histoire académique du magnétisme animal, publiée en 1841 par MM. Burdin jeune et Dubois d’Amiens, bien que très-hostile au magnétisme, est très-instructif. M. Morin se propose d’en rendre un compte détaillé à la Société dans une des prochaines séances. Il se borne aujourd’hui à deux citations. Il résulte du rapport de Bailly que Desion avait affirmé, devant les commissaires de l’Académie des sciences, que le magnétisme passait à travers le papier, contrairement à l’affirmation postérieure de M. du Potet. — M. Husson, dans son rapport très-favorable au somnambu-
üsme, reconnaît que rien n'est plus variable que la lucidité.
0° M. Morin a assisté dernièrement à une séance de mademoiselle Bodin , médium célèbre. Dix personnes se sont assises autour d’une table et ont formé la chaîne avec leurs mains posées sur la table. Les personnes ont ensuite frappé successivement la table avec leurs doigts, et aussitôt le même bruit se répétait comme un éch«qui semblait partir de la table ; puis les coups se sont produits à commandement et d’après les rythmes indiqués.
Après le départ de M. Morin, suivant ce que lui ont rapporté les personnes qui sont restées , la table s’est soulevée sans contact, s’est tenue quelque temps sur un seul pied , pendant que les personnes étaient à quelque distance et s’assuraient de son isolement.
MORIN.
D' LOUYET.
CONTROVERSE.
Al TO-M A G NÉT1SATJON.
Pans le numér«du iO (deuxième série) du Journal du Magnétisme, M. Petit d’Ormoy nous l'ait connaître un fait d’auto-magnétisation très-remarquable, soit par suite de l'état du malade, soit par les procédés qui l’ont guéri, et qui, bien que fort logiquement mis en pratique , — le succès et le raisonnement l’ont prouvé, — sont le contraire de ceux mis en usage ordinairement.
Conséquent avec natre maxime de grouper les faits de même espèce , afin de les appuyer les uns par les autres et d’en former des faisceaux, nous en apportons un aujourd’hui qui nous est tout personnel, et qui pourra prendre rang à la suite de celui cité par notre honorable vice-président.
Après deux ans de séjour à Paris, je devais de nouveau quitter la France pour l’Espagne, et, le 25 mai 1855 , sortant de faire quelques visites d’adieu qui m’avaient attristé, je m’acheminais lentement vers la rue de Malte, absorbé par les réflexions quelles avaient fait naître , lorsque, à l’angle de la place du Louvre et de la rue des Fossés-Saint-Germain, j’en fus brusquement tiré par le choc d’un cabriolet en course, dont l'un des bouts du brancard vint me heurter le bras gauche. Le coup fut si violent qu’il me fit faire un tour sur moi-même et me rejeta, debout cependant, sur le trottoir d’où j'étais descendu sans y prendre garde : mouvement fort heureux pour moi, car autrement la roue m’eût infailliblement jeté à terre et passé sur le coips. Il va sans dire qu’ainsi que cela arrive toujours en ces sortes
tVoccasions, le coclicr redoubla de vitesse et qu'il fut bientôt hors de vue.
Vu reste, je ne m’en occupai guère, car mon bras, qui me causait de vives douleurs, était tombé inerte le long du corps, tellement engourdi, que, malgré mes efforts, je ne pus faire aucun mouvement des doigts : je le crus cassé.
Vidé par un passant, mon bras fut relevé et la main placée dans mou gilet pour la soutenir, puis, quoique tout étourdi encore, je refusai une voiture qu’on m’offrit, et je continuai ma route à pied, bien lentement il est vrai, et, pendant tout le trajet, que je mis plus d’une heure à parcourir en me traînant péniblement, je me magnétisai le bras par des passes de l’épaule au bout des doigts, mais plus souvent à partir du coude seulement, quoique le coup fût au gras du bras.
Bien des gens durent me prendre pour un fou , en me voyant ainsi gesticuler, car beaucoup s’arrêtaient pour me regarder et me montraient du doigt les uns aux autres ; je n’en pris nul souci, ne pensant qu’à me soulager. Plusieurs fois, j’essayai bien de mouvoir mes doigts, mais ce fut toujours en vain. Enfin instinctivement, je dois le dire, avec ma main droite que je plaçai en face et près de la gauche toujours inerte, je fis des doigts quelques mouvements comme pour les indiquer à l’autre et les lui faire répéter; quel ne fut pas mon étonnement, lorsque je sentis les doigts de la main malade se mouvoir peu à peu comme d’eux-mêmes et faire, quoique moins marqués, les mêmes mouvements que faisaient ceux de la droite! Encouragé par ce succès inespéré, je redoublai d’efforts et d’énergie, et, en peu de temps, la douleur, qui d’abord avait envahi tout le bras, disparut, ainsi que l’engourdissement, et les doigts reprirent toute leur élasticité première.
Pour venir à l’appui de la bonté des procédés indiqués par M. Petit d’Ormoy, que je mis en usage en cette circonstance par instinct, je l’ai dit, et aussi par fatigue lorsque mes passes ne partaient que du coude , je dois ajouter que les doigts se murent d’abord et avec douleur, que la douleur
ne partit qu’après, et que celle du bras ne disparut qu’ensuite , et lorsque tout l’avant-bras fut rendu à son état normal.
Arrivé chez moi, je n’eus plus que le souvenir de mon accident ; car, ayant quitté mes vêtements pour voir l’effet du coup , je fus très-surpris de n’y pas trouver de noir, mais seulement une légère teinte jaune-livide comme celle que laisse toujours longtemps une ecchymose, vieille déjà et guérie. Ce fut au point que, devant partir le lendemain et seul, je ne dis rien de cet événement à ma famille , afin de ne pas l’inquiéter sur ses suites lorsque je serais loin d’elle.
Je crois devoir faire connaître ce fait, quoiqu’il ne soit pas rare sans doute et qu’il soit bien simple, afin de prouver une fois de plus les puissants effets de l’auto-magnétisation. Ce fait sera trouvé aussi bien matériel peut-être par M. le docteur Ordinaire, qui, après un repos que nous avons trouvé bien long, vient enfin , — heureusement pour la science que nous cultivons, — de redonner signe de vie.
En effet, le spirituel négateur du fluide, dans la lettre (voir le n° 10) par laquelle il fait sa rentrée, prétend que j’ai reproché à M. le baron du Potet de donner depuis longtemps trop d’importance aux esprits et pas assez à la matière. (N° 239, 4" série.)
Je n’ai rien voulu dire, et je crois n’avoir rien dit de semblable , et le satirique ex-rédacteur de la Mouche étend trop loin sa puissante faculté de résumer. Aussi M. du Potet ne s’y trompa-t-il pas, puisque dans les réflexions dont il fit suivre ma lettre, cet honorable ami déclare, avec la franchise qui lui est habituelle, que jamais il n’a pu concevoir la pensée de lâcher le drapeau qu’il a planté et qu’il porte si haut et si ferme depuis quarante ans, mais seulement de réserver dans le journal une place à l’étude des nouveaux et étranges faits qui se produisent par de là l’Atlantique et même chez nous, et qui paraissent au premier coup d’œil devoir être rangés parmi ceux du spiritualisme : nous ne demandions pas autre chose.
Au reste, peut-être ai-je mal interprété, — et je le crois,
— le sens attaché par M. le docteur Ordinaire à la phrase de lui que j’ai citée, car, plus loin , non seulement il m’approuve , mais il va même jusqu’à résumer le principal point de ma lettre à M. du Potet pour en faire sa propre opinion. Aussi je m’estime heureux de l'entendre se demander,
— comme je l’ai fait, — quel avantage la science et l'humanité ont retiré des esprits frappeurs, tapageurs, crayon-neurs, raisonneurs ou déraisonneurs, tourneurs de tables et surtout (le têtes ? et, se répondre, — comme moi encore ,
— avcun; au contraire, cela retarde la science en prêtant de nouvelles armes à l’incrédulité et à la mauvaise foi.
Puis, le docteur s’installant, — à bon droit et à notre grande satisfaction, —en ancien ami de la maison, dans la place que nous avions prié de réserver à la clinique magnétique, nous cite quelques beaux faits de sa pratique, produits par ce qu’il nomme, paraît-il, magnétisation de la matière.
M. Ordinaire termine par ces remarquables paroles :
« En présence de tels faits qui prouvent l’excellence du magnétisme dans une foule d’affections , on se demande si les médecins consciencieux fermeront encore longtemps les yeux à la lumière qui les éblouit. Une seule réponse est à faire : la lumière se fera, et le magnétisme prendra le rang qu’il doit occuper dans le traitement des malades, aussitôt qu’il se recontrera un assez grand nombre de médecins consciencieux. »
Le docteur aurait pu ajouter : « et qui auront le courage d’avouer les moyens qu’ils emploient pour guérir, sans s’arrêter aux susceptibilités qu’ils pourraient froisser. » Car il faut, avant tout, avoir le courage de son opinion , courage si rare en France lorsque cette opinion est contraire à celle de la majorité, ou qu’elle peut déverser le ridicule. Mais, comme dit fort bien le docteur Frappart (Lettres, page 37): « Le ridicule ne tue que la petitesse ou la sottise. » Au reste, ce n’est pas à nous à indiquer ces préceptes à celui qui a payé si cher un genre de courage plus périlleux que celui dont nous parlons.
Le docteur Ordinaire n’est pas le seul dont nous ayons à citer l’approbation ; une autre à laquelle nous sommes fort sensible nous est venue bien plus tôt : c’est celle du docteur Charpignon, d'Orléans (n°2/il), qu’ainsi que M. Ordinaire (11° 125, décembre 1850), nous aimons à saluer comme un maître. Aussi avons-nous regretté beaucoup que le savant docteur ait pris le change sur quelques passages de notre lettre, et qu’il ait cru devoir récriminer sur celle opposition injuste cl ignorante contre la médecine.
C’est contre les mêdecins qu'il aurait dû dire , et alors, s’il eût trouvé cette opposition ignorante, — ce que j'admets amplement en ce qui me concerne, attendu que je suis sans prétentions à cet égard, et que, d’ailleurs, je suis placé, comme on va le voir, en très-bonne compagnie quant à ce ,
— il ne l’aurait pas trouvée injuste, puisque lui-même a dit, dans l’introduction de son excellent ouvrage : Physiologie , médecine et métaphysique du magnétisme (page 3) , ces proies qui devraient être gravées sur l’airain :
h Combien.sont donc coupables ceux qui, par intérêt, par ignorance ou par de ridicules préventions, viennent entraver la marche de cette science nouvelle! Que peut 17-goistne, que peut la sottise, que peut l’apathie, que peuvent de vains scrupules devant la vérité? Quelque temps d'arrêt, quelques luttes, quelques hommes sacrifiés, voilà ce que peut le vertige insensé, d’un esprit révolté. Et que pèse cela dans l’éternité?... Ce qui est vrai triomphe toujours ; les hommes passent et la vérité demeure. » i Citons encore :
« L’art de guérir aussi sera profondément modifié ( par le magnétisme) dans scs principes et dans sa pratique. (Page h.)
« 'Nous croyons que l’étude approfondie du magnétisme doit remet ire dans la voie qui mène à la véritéla physique, la médecine et la philosophie. (Page 5.)
« La confiance dans la lucidité est tellement indispensable au magnétiseur, que sans elle il peut compromettre la rie du malade ; car s'il veut modifier les prescriptions du sont-
nambule, il dérange complètement leur effet. Ou ne saurait donc trop chercher les caractères du somnambulisme lucide.
« Une fois la confiance acquise, il faut IRRÉVOCABLEMENT SE RENDRE ESCLAVE des volontés du somnambule qui prescrit un traitement. Je sais combien on se trouve parfois embarrassé; car, dans des maladies graves, les somnambules demandent souvent une médication tout opposée aux connaissances de la médecine classique , et qui, selon ses règles, devrait inévitablement causer la mort. IL..N’Y A PAS DE TRANSACTION POSSIBLE ; c’est à vous de consulter vos forces morales avant d’entreprendre un traitement magnétique. » (Page 207.)
Plus loin, et après avoir cité les ordonnances d'une somnambule qui se guérit d’une hydropisie au cœur, M. Char-pignon s’écrie :
« Mon Dieu, que sommes-nous donc avec nos prétentieux systèmes ? Quel médecin ne m’eût écrasé en me voyant saigner jusqu’à défaillance cette hydropique presque sans pouls? »
Et plus bas :
...... La médecine naturelle doit être dégagée de nos
idées et de nos systèmes (ceux des médecins). » (Page 210.)
Je m’arrête ; car il faudrait citer tout, l’ouvrage qui, de l’alpha à l’oméga, est une spirituelle et trop véridique satire contre nos savants de l’école et leur médecine conjecturale. Mais je ne puis résister au désir de citer encore les derniers mots de ce livre qui devrait être dans les mains de tous les magnétiseurs ; les voici :
« ..... Où est l’enseignement (du magnétisme), tel que
la gravité et la question le demande ?... J’interroge, et partout où quelque lueur de vie se manifeste, je ne trouve que. travail incomplet ou danger !... Nous en prendrons-nous aux magnétiseurs? Oh ! non, la plupart ont assez dépensé de leur repos, de leur vie, de leur fortune, pour arriver à quelque bien ; ils étaient un contre dix mille et sans autre appui que leurs croyances. Mais c’est aux facultés savantes, aux
pouvoirs qui gouvernent, qu'il fuit renvoyer le mal qui s'est fait et celui qui se fera longtemps encore !... »
Je me suis élevé, il est vrai, contre les médecins et même un peu, et par voie de conséquence, contre leur médecine ; mais, bien que je lusse inspiré beaucoup des écrits du savant docteur Charpignon , dont je reconnais et apprécie la bonté et la portée, je n’aurais osé me permettre d'aller aussi loin que lui. Il me doit donc, je crois, une absolution complète sur ce chef.
Et d ailleurs, chacun apportant, selon sa force, sa pierre h l’édifice de la science magnétologique , celui qui la fournit et l’apporte à ses frais est bien excusable, si son moellon est moins gros ou moins bien taillé queceux de tels de ses collègues qui, à l’abri de leur fructueux bonnet doctoral, peuvent le fournir plus gros ou le polir davantage. Libre à eux de polir aussi celui qui leur paraît ne pas l’être assez . je dirai même que c’est en quelque serte un devoir; mais le trouver trop petit, trop mesquin, ils n’en ont pas le droit.
Au surplus, si chaque médecin magnétiseur pouvait ou voulait sonder son for intérieur, certainement il y trouverait, inconscient si l’on veut, mais à l’état latent au moins, le germe sucé dans les écoles de la faculté toujours prêt a surgir au moindre jour. Comme le vieillard en s’affaiblissant est dominé souvent par les préjugés qui lui furent inculqués dans son enfance et qu’il croyait avoir dépouillés dans l'âge mûr : ceci est dans l’ordre naturel des choses, et nul ne peut le nier.
11 ne peut en être ainsi des magnétiseurs non médecins, ils sont exempts et affranchis des préjugés de l’école, et pour ne citer qu’un des avantages de leur position sur celle de leurs collègues médecins , ils guérissent ou soulagent sans réticence, — qu’on me passe le mot, — sans que leurs connaissances médicales, puisqu’ils en sont dépourvus, déteignent — encore un mot à me passer, ils expriment si bien ma pensée! — sur l'esprit de leurs somnambules au moment d’une consultation, par suite d'une opinion préconçue qu’ils ne peuvent avoir, et qui, au contraire , se ren-
contre ! ou jours, inévitablement, finalement, chez le médecin magnétiseur. Ce danger très-grave, selon nous, n'a pas échappé à la sagacité de M. le docteur Charpignon ; il y insiste fortement, au contraire, dans plusieurs passages de son ouvrage, et notamment page 210.
De tout ce qui précède, je devrais, dira-t-on, tirer des conclusions; mais, comme je n’ai eu pour but que de justifier mon injuste opposition aux yeux du savant docteur Charpignon, en le plaçant en face de lui-même, et non de soulever une polémique à laquelle mon ignorance m’empêcherait de répondre, je préfère puiser encore ces conclusions chez M. Charpignon, et dans les lettres qu’il cite et accepte de son célèbre et regretté confrère, le docteur Frappait , notre nouveau, spirituel et logique Beaumarchais, comme il le dit aussi avec vérité (page 100 de l’ouvrage cité) :
« Ce sont (les facultés) des despotes qui ne cèdent que ce qu’on leur arrache, qui n'admettent que ce qu’on leur impose, qui n’avancent que quand on les en traîne, qui ne tombent que quand on les abat. «(Page 10(5 de l’ouvrage de M. de Charpignon, et 224 du Recueil des Lettres du docteur Frappart.)
u A cela qu’ajouter ? C’est que si réellement les médecins ne font jamais mieux qu’un bon somnambule, s’ils font rarement aussi bien, et souvent pis, à QUOI SERVENT-ILS DONC ? Je le laisse à deviner et me borne à dire que LES MÉDECINS QUI, DE BONNE FOI, TRAITENT LES PARTISANS DU MAGNÉTISME DE JONGLEURS OU DE DUPES, SONT BIEN A PLAINDRE , ET QUE CEUX QUI SAVENT CE QUE LE MAGNÉTISME RECÈLE ET QUI LE TAISENT SONT BIEN COUPABLES. Oui, COUPABLES AU PREMIER CHEF, CAR ILS TUENT, CAR ILS LAISSENT TUER. » (Page 133 de Physiologie, etc., et 246 du Recueil des Lettres.)
De ces conclusions, pleines de vérité et de logique, je conclus , à mon tour, que si quelque médecin consciencieux et convaincu vient à nous , nous pouvons bien lui ouvrir nos rangs, mais ne pas chanter HOSANNA !
J’ai encore à noter une approbation qui m'est bien pré-
cieuse aussi, quoique je l’eusse désirée plus ample, plus complète , puisque . à vrai dire, elle n«porte que sur un des points secondaires de ma lettre à M. du Potet du 21 juin 185(5 ; c’est celle de l’honorable M. Petit d’Onnoy, qui, dans l'observation que j'ai rappelée en commençant, fait si bien sentir par sa spirituelle ironie, à l'endroit des termes barbares de la science olliciellc, l'absurdité de les employer à propos de la médecine de la nature ; médecine pour laquelle on doit au contraire employer, — ainsi que je l’ai demandé aussi, — les termes les plus simples, les plus usités, aliu de la (aire pénétrer plus facilement dans les masses.
Nos collègues nous pardonneront cette longue digression qui peut-être, nous l’espérons, ne sera pas sans fruit. Nous revenons, pour en finir, à l’un des principaux motifs qui nous ont fait prendre la plum e.
Al. Petit d’Ormoy nous permettra, sans doute, d’émettre ici une réflexion qui nous est suggérée par le savant et lumineux préambule de son observation.
Notre honorable collègue, — et il l’est, croyons-nous, à plus d’un titre, — pense que, pour donner de la valeur à un traitement mignâtique, deux conditions importantes sont indispensables : — « l’authenticité — des noms propres, et, autant que possible, des attestations signées, — la gravité du cas maladif, qui donnent quelque valeur à la rédaction. »
Nous ne sommes pas de cet avis, et nous pensons, au contraire , que l’affirmation d’hommes comme Al: Petit d’Ormoy et comme tous les magnétistes qui apportent des observations de faits à la masse commune, ne doit ni ne peut plus maintenant être mise en doute. Trop de faits se sont produits au grand jour pour qu’il en soit autrement, et ceux sur lesquels nous appelons journellement l'attention, ne sont ni plus extraordinaires, ni plus incroyables que ceux connus depuis longtemps déjà. Aussi ne sont-ils cités, presque toujours, que pour l’instruction de tous ou pour en corroborer d’autres qui leur sont analogues.
Le médecin qui fait part à l’Académie , à la faculté, d’un fait de sa pratique, ou qui en envoie l’observation à un jour-
nal de médecine, y joint-il des certificats de véracité? Non, il affirme ; cela suffit et doit suffire.
A plus forte raison doit-il en être ainsi de notre affirmation, à nous tous qui n’avons nulle prétention de nous créer en magnétisme une réputation nécessaire à nos intérêts, ni même celle de nous faire un nom, et qui nous bornons, comme je le disais tout à l'heure, à apporter notre modeste pierre à l’édifice que nous construisons avec une ardeur d’autant plus louable que nous y sommes portés par le seul amour de l’humanité.
On objectera, sans doute, que plus les faits que nous annonçons sont extraordinaires , moins ds peuvent être acceptée sur parole. Si ce que nous venons de dire sur l’innombrable quantité de faits qui se sont produits jusqu’ici, ne suffit pas pour réfuter cette objection, nous ajouterons que tous ces fait%se sont produits au grand jour; que constamment il s’en produit de semblables ; que Chacun peut les produire comme nous s’il suit vouloir, attendu que nous ne mettons sous le boisseau ni les moyens, ni les procédés que nous employons; et qu’enfin ces faits, tout extraordinaires qu’ils paraissent, sont, au contraire et si l’on y réfléchit, bien plus ordinaires , bien plus communs que ceux cités par les médecins, puisque ces derniers ne peuvent être produits que par eux ou leurs drogues, tandis que les nôtres peuvent l’être , je le répète, par tous ceux qui voudront et sauront vouloir. Mais ceci aurait besoin de développements que le cadre de cet article ne permet pas ; nous y reviendrons.
M. Petit d’Ormoy doit se bien persuader que nous ne sommes plus au temps où Puységur croyait devoir faire dresser des procès-verbaux de chacune de ses cures pour les déposer chez des notaires, d’où, bien certainement, personne n'est allé les exhumer. Nous avions bien un meilleur moyen de nous édifier de la véracité de ces cures : c’était d’en produire de semblables, et c’est ce que tous nous avons fait.
Que notre digne vice-président ait donc plus de confiance en lui-même, en sa valeur morale et en celle de ses collègues, et qu’il se dise bien que son affirmation ou celle de
i un de nous vaut au moins celle d’un médecin, quelque haut placé qu'il soit sur l’échelle sociale.
Pendant bien assez longtemps, trop même pour l’intérêt du magnétisme, Messieursde la faculté ont été priés, suppliés dise convaincre par des expériences et des faits, et de prendre ensuite le magnétisme en mains pour l’exercer seuls ; grâces au ciel, ils s’y sont refusés ; leur amour pour la science n’a pas été assez fort pour les pousser jusqu’à se rendre à une évidence qui les blessait de trop de manières. Il est temps enlin de cesser ces supplications ; il est temps de nous lever, nous sommes trop longtemps restés à genoux ; il est. temps d'élever autel contre autel, faculté contre faculté ; les sociétés du magnétisme seront les nôtres, et leurs journaux nos organes.
GUIBERT DE CLELLES.
*
S... (Espagne), ce * juin 1857.
BIBLIOGRAPHIE.
HISTOIRE ET TRAITÉ DES SCIENCES OCCULTES, ou Examen descroyan ces populaires sur les êtres surnaturels, la magie, la sorcellerie, la divination, etc. .depuis le commencement du monde jusqu'à nos jours, par M. le comte de Résie. 2 vol. in-8. Pa. is, 1857 : Vivès, éditeur.
C’est une grande et curieuse étude que celle des diverses mvthologies, des croyances populaires qui ont régné à diverses époques; rien n’est plus intéressant que de rechercher l’origine de ces croyances, d’en suivre la filiation chez les différents peuples, d’assister à leurs transformations et à leur décadence, de discerner ce qu’elles pouvaient contenir de vérité et d’erreur, de démêler la réalité du milieu des ac-
cessoires ajoutés par la crédulité aveugle et par l’amour du merveilleux. Cette tâche est des plus ardues; il ne suffît pas, pour la remplir, d’une vaste érudition, il faut encore l’esprit philosophique qui se dégage de tous les préjugés, qui examine impartialement avec le flambeau de la raison. Tout accueillir sans contrôle, ou rejeter tout ce qui, au premier abord, semble invraisemblable et par cela seul qu’on ne ne peut l’expliquer, ce sont deux écueils que doit également éviter une saine critique.
M. de Ilésie s’est livré à des recherches innombrables et a recueilli de précieux matériaux; son ouvrage, fruit de longs travaux, sera consulté avec profit. Mais malheureusement l’auteur, dominé par une idée systématique, n’est pas dans les conditions convenables pour apprécier les documents qu’il rassemble et pour découvrir la véritable valeur des croyances qu’il enregistre. M. de Résie est un amant passionné du moyen-âge qui, pour lui, est le type de perfection des sociétés humaines ; il a en horreur tout ce qui est venu gâter cet idéal ; il ne peut pas entendre parler de progrès, d’améliorations, d’idées philosophiques, et tout ce qui se rattache à la révolution de 89, est son cauchemar. Il estime d’autant plus un peuple qu’il a plus de croyances superstitieuses, c’est là le critérium d’après lequel il juge de son mérite et de son bonheur. Il veut la conservation intacte de toutes les routîhes, des vieux usages, des pratiques transmises par les ancêtres, et il s’emporte contre les novateurs qui cherchent à faire évanouir les êtres mythologiques, fées, lutins, revenants, ondines, loups-garoux, farfadets, etc. Pour lui, ce sont de vrais anges gardiens; une croyance est toujours vénérable quand elle est ancienne ; aussi accueille-t-il avidement les contes de nourrice, les récits de veillée ; ce sont autant d’articles de foi, de paroles d’Evangile ; il admet par exemple que le diable qui exerce journellement une influence immense sur les affaires de ce monde, prend, pour en venir à ses fins, toutes les ruses les plus raffinées; il revêt la forme de toutes sortes d’animaux ou même d’objets inanimés; un jour, s’étant métamorphosé en laitue, il a été
mangé on salade par une religieuse qui s'o.st trouvée ainsi possédée; prenant la forme d’un saint évêque, il fréquentait les lupanars île la \ilie et ternissait ainsi la réputation du prélat qui était un modèle de chasteté, etc., etc. il admet également les incubes, les succubes, le sabbat, les présages des comètes et dos éclipses... Enfin, il ne s’arrête pas dans le merveilleux; tout lui est. lion; plus une superstition est niaise, puérile, plus, en l’acceptant, il sc flatte de jouer pièce aux esprits forts.
Celui qui travaille à se fausser le jugement en imposant silence à la voix de la raison, qui s’étourdit pour se bourrer l’esprit des fables les plus ineptes, celui-là est peu propre à la discussion. Il a pour symbole : cred«quia absurdum. Laissons-lui sa foi robuste et ses illusions. Mais M. de Ré-sie ayant dirigé contre le magnétisme les attaques les plus violentes et les plus inconsidérées, nous ne pouvons les laisser passer sans réponse. Avant d’aborder cette question, nous croyons devoir présenter quelques considérations sur les théories de l’auteur.
Les faits qui se rattachent au merveilleux, sont susceptibles d’être prouvés par tous les moyens les plus ordinaires; seulement plus un fait est étrange, invraisemblable, plus on devra exiger que la constatation en soit faite par des témoignages imposants. Chaque fois qu’il «.'agira d’une croyance populaire, on ne devra pas, à priori, la rejeter, sous prétexte qu’elle serait ridicule ou en opposition aux lois connues de la nature ; mais on devra discuter sérieusement avec les partisans de cette croyance ; ce sera à eux à faire la preuve, ils devront produire des témoignages; il y aura ensuite à en peser la valeur, à vérifier si les témoins étaient dans de bonnes conditions pour observer soigneusement, si l’on a écarté toute chance d’erreur, d’hallucination. Qu’on applique ces règles aux diverses croyances, et il est certain t[ue la majeure partie ne supportera pas l’examen. Il restera sans doute des faits étranges, bizarres, dont la science s’accommodera comme elle pourra. C’est en procédant ainsi par un triage logique, rationnel, qu’on a éliminé tant d’erreurs
qui, autrefois, passaient pour fies vérités ; mais il n'est pas exact de dire que la philosophie s’est bornée à nier sans discuter; elle a rejeté tout ce qui n’était pas solidement établi, et le naufrage a entraîné bien des croyances auxquelles M. de Résie porte une si vive allée tion.
Doit-on regretter cette perte qui lui inspire de si lugubres lamentations?... L’erreur est toujours mauvaise en soi; l’homme est fait pour connaître et aimer la vérité, et tout tout ce qui l’en éloigne, tend à amoindrir sa nature. Ou doit * donc toujours se féliciter d’une vérité acquise, d’une erreur détruite ; et le Pire du mensonge pourrait seul s'affliger de la réduction de son empire...; mais du moins ces croyances populaires qui régnaient au moyeu-âge, avaient-elles une influence utile sur les mœurs? Pour répondre à cette question, il suffit de considérer, dans l’ouvrage même dont nous rendons compte, les effets des superstitions. Nous y voyons , par exemple, que, suivant les anciennes croyances, les fées enlevaient souvent des enfants des femmes et leur substituaient leurs propres enfants qui étaient toujours malingres, chétifs ; pour faire reparaître l’enfant volé, on faisait rôtir le marmot regardé comme fils de la fée. Ainsi, d’après cette tradition, toutefemme qui avait un enfant mal-venant, pouvait le considérer comme fils de fée et s’en débarrasser. Voilà donc une croyance erronée qui engendre l’infanticide. La croyance à la sorcellerie a produit tout ce déluge de procès qui sont la honte de l’humanité, et qui ont fait couler des flots de sang innocent. M. de Résie juge avec sagacité ,les procès de sorcellerie qui se sont faits chez les nations protestantes. Comment ne comprend-il pas que la question était la même chez les nations catholiques ou une foule d’innocents ont été poursuivis, torturés, suppliciés, pour des crimes imaginaires; tant de bûchers allumés par la superstition prouvent que toutes ces croyances dont la raison fût justice, sont aussi funestes qu’insensées. Maintenant encore, malgré le progrès de l’instruction, il reste encore une partie de la population ignorante et attachée à ces croyances du temps passé. Eh bien ! M. de Résie le constate, c’est chez
ces populations qu’on voit encore des actes de démence et de férocité dus à ces abominables superstitions; ainsi tout ce qui arrive de fâcheux à un paysan est attribué à l’action du diable qui se mêle de tout; c’est l'effet d’un sort jeté par quelque sorcier ; on croit connaître le coupable, on l’arrête, 011 le torture pour le contraindre à lever le sort; sur son refus, on le soumet à quelqu’une de ces épreuves cruelles du bon vieux temps. Par exemple, on lui lie les membres et on le jette à l’eau ; s'il va au fond, il est innocent, niais dûment noyé; s'il surnage, c’est qu’il est soutenu par le diable, et alors on le tue comme sorcier. Voilà des faits comme il s’en est passé récemment en France et en Allemagne. Ajoutons que dernièrement la cour d’assises d’un département du Midi a jugé un misérable qui avait coupé la tète d'un enfant, en croyant que ça lui servirait de talisman pour se rendre invisible, dominent peut-il se trouver encore un homme de cœur qui s’apitoie sur la décadence des croyances qui amenaient de tels résultats? Comment ne pas reconnaître que l’humanité ne peut que gagner en répudiant des sottises aussi fécondes en crimes? Et l’école philosophique ne mérite-t-elle pas des éloges quand elle travaille à guérir les populations de semblables préjugés ?
C'est surtout contre le magnétisme que M. de Résie accumule les foudres de son éloquence; à ses yeux, c’est une œuvre infernale, et tout ce qui se produit en fait de magnétisme, de somnambulisme, de tables tournantes et parlautes, est dû à l’action des démons.
L’école à laquelle appartient cet écrivain fait du démon le prince de ce monde (t. h, p. 234); elle lui attribue une foule de fléaux, de maladies, et même des phénomènes qui, sans avoir rien de malfaisant, sont vus par elle d’un mauvais œil ; elle lui fait une part si belle, que nous ne savons ce qui restera à Dieu; l’empire se trouve ainsi partagé en deux puissances rivales, c’est le manichéisme restauré; et certes nous pouvons à juste titre appliquer à ces prôneurs (le Satan le titre de dhnonohUres, dont l’un d’eux s’est servi fort improprement pour désigner les magnétistes.
Leur argumentation habituelle que j’ai déjà signalée en répondant à M. de Mirvillc, consiste à attribuer au démon tout ce qui leur paraît inexplicable ; c’est vraiment vouloir déraisonner à plaisir. L’homme ne connaît qu’une bien faible partie des lois de la nature; et de ce qu’un fait ne rentre pas dans le système des lois qu’il a formulées, il ne s’ensuit aucunement que ce fait soit surnaturel. Pour le sauvage du désert, une boussole, un fusil sont bien au-dessus des lois connues; sera-t-il fondé à déclarer ces instruments surnaturels ou diaboliques? Avant que l’on connût la télégraphie électrique, n’aurait-on pas regardé comme dépassant la puissance de l’homine, une communication instantanée entre les lieux les plus éloignés ? Aurait-on néanmoins été autorisé à la déclarer surnaturelle? Non, sans doute; chaque progrès de la science renverse une barrière, recule les limites du possible, et fait découvrir de nouvelles lois ; et même quand nous ne pouvons expliquer un fait à l’aide des lois que nous connaissons, ce n’est pas une raison pour lui donner le titre de naturel; mais nous devons croire qu’il est régi par d’autres lois que peut-être de nouveaux progrès feront découvrir.
Il n’y a aucune raison pour faire du magnétisme quelque chose de surnaturel. Nous savons qu’un homme agit par sa volonté sur son semblable et parvient ainsi à produire chez lui une modification dans son organisme, d’où résulte quelquefois de nouvelles facultés. Nous sommes loin encore d’un système qui explique d’une manière satisfaisante comment ces choses se passent ; mais ce qui est certain, c’est que les faits de magnétisme sont extrêmement communs, c’est que, malgré leur variété considérable, ils peuvent se classer méthodiquement, et que même, quand il s’agit d’individus déjà étudiés, on peut prévoir exactement ce qui va se passer; que, sur un nombre donné de personnes à magnétiser, 011 sera en état de donner d’avance les résultats, d’après les moyennes ; que les circonstances d’âge, de sexe, de tempérament, de caractère, etc., exercent une influence calculable approximativement. Il y a donc là enchaînement de causes
et d effets, action constanle de lois; par conséquent, «:iicune nécessité de recourir à l’intervention d’êtres surhumains, ni de supposer des miracles divins ou diaboliques.
Rappelons à nos adversaires que la plupart des magnétistes n'appliquent le magnétisme qu'au traitement des malades; que souvent ils les guérissent, et quand ils n’y réussissent pas, du moins ils n’aggravent pas leur mal, et que dans ces opérations il n’y a ni somnambulisme, ni divination. Or, admettant la réalité du diable, on se demande quel pourrait être son but en venant effectuer ces guérisons. Il n’y a là rien qui ressemble à un pacte, on ne promet rien au diable, on ne s'occupe même pas de lui; comment cet être essentiellement pervers ferait-il ainsi du bien sans profit pour lui? II faudrait donc lui supposer plus de sottise que de méchanceté: ou plutôt l’être qui se conduirait d’une manière aussi bienfaisante ne peut être identique au Satan dont nos adversaires sont les champions.
M. de Résie se trompe gravement quand il affirme, nous ne savons sur quelle autorité, que le magnétiseur invoque une puissance du fond du coeur (tome n , p. 197). Beaucoup de magnétiseurs ne croient pas au diable, et, par conséquent, ne peuvent pas l'invoquer : ils n'en magnétisent pas moins bien. Et nous affirmons de la manière la plus positive que les magnétiseurs, soit qu’ils croient ou non au diable, regardent la magnétisation comme une œuvre parfaitement naturelle et ne font aucune espèce d’évocation. Mais chacun peut à cet égard s'assurer par lui-même de la vérité de notre assertion. Tout le monde peut magnétiser (bien que la puissance varie suivant les sujets). Qu’une personne pieuse, invoquant le nom de Dieu ou ceux des saints, magnétise, elle réussira parfaitement ; ce n’est donc pas le diable qui est l’auteur du fait produit.
On nous oppose l’rction contraire d’objets bénits, etM. de Résie met au défi les magnétistes d’expliquer le fait suivant, sur lequel, dit-il, Deleuze ne s’est pas prononcé : « Un général français se rendait de Paris à Bordeaux , avec son fils âgé de neuf à dix ans, et un ami bon catholique. Pendant la
route, le général magnétisa l’enfant qui se mit à parler un langage extraordinaire. Le catholique étonné pensa que peut-être un démon s’exprimait par la bouche du jeune somnambule. Il l'interrogea en conséquence au nom de Jésus-Christ, et la bouche de l’enfant prononça l’aveu d’une possession diabolique. Le père ayant attribué ce prodige à l’imagination de son fds, le catholique cherchait un moyen de le convaincre d’une manière frappante de la réalité de la possession, quand, ayant aperçu dans une auberge une branche de buis bénit, il en arracha quelques feuilles qu’il mit secrètement dans un des plis du bonnet de l'enfant. Il invita ensuite le général à magnétiser son fds, afin de faire, disait-il, une expérience. Le père réussit à le rendre encore somnambule, mais il ne pouvait plus, malgré toutes les ressources de la magie magnétique, obtenir de lui une seule parole. Le catholique, invoquant alors le nom de Jésus-Christ, commanda au démon de déclarer pourquoi il gardait le silence : C’est, répondit celui-ci, parce qu’un objet bénit m’a empêché de parler. Le catholique montra aussitôt au général les feuilles de buis. » — Nous ferons d’abord remarquer que celte anecdote est tirée d’une brochure anonyme contre le magnétisme , qu’on ne cite ni les personnages ni les témoins, que, par conséquent, il y a toute réserve à faire sur l’authenticité du fait dont quelques circonstances pourraient bien avoir été défigurées en passant de bouche en bouche. Mais supposons le tout parfaitement exact. Le catholique, s’intéressant passionnément à l’expérience, a pu se mettre en rapport avec l’enfant (on ne nous dit pas s’il l’a touché) et exercer sur lui une influence supérieure à celle du magnétiseur; il l’aurait ainsi amené par sa volonté à déclarer tout ce qu’il voulait ; il lui fait dire alors qu’il est possédé et que le buis bénit rompt le charme, quoiqu’il n’ait pas empêché le somnambulisme. Combien de fois ne voit-un pas une personne qui apporte une volonté énergique, inculquer ses idées aux som-nambu.es aussi bien qu’aux médiums et aux tables?... Pour achever de réfuter ce qu’on allègue de la prétendue influence des objets bénits, nous citerons l’anecdote suivante,
dont nous avons été témoin. Lu jour, chez Marcillet, nous avons vu M. l'archevêque de Babylone consulter Alexis qui a parfaitement décrit son appartement situé ;ï Bagdad. I.e prélat, émerveillé de cette lucidité dont il n’avait pas encore vu d'exemple, prit goût au magnétisme, et, devant nous. se mit à faire ses premières armes. Il endormit une jeune personne : en magnétisant, il se servait, comme d’habitude, de sa main droite, il avait au doigt l’anneau pastoral et au col sa croix d’or, objets dont la sainteté vaut bien celle, d’une feuille de buis empruntée à une auberge. Néanmoins, tout s’est passé comme d’ordinaire, le succès a été complet, et Satan n’a pas laissé paraître le plus petit bout de queue... Nos démonolâtres doivent donc renoncer à la vertu de leurs amulettes pour annihiler le magnétisme.
On nous objecte les abus du magnétisme. C’est une objection cent fois réfutée. Il n’y a rien dont on ne puisse abuser. Les meilleures inventions, celles même dont l’humanité retire le plus d’utilité, sont trop souvent détournées de leur but par la perversité de quelques hommes. De ce qu’une chose peut être employée à mauvaises fins, il ne s’ensuit certainement pas qu’elle soit diabolique, et si l’on appliquait ce critérium à ces croyances superstitieuses que l’auteur défend avec tant de chaleur, on devrait, d’après le mal qu’elles ont fait, les déclarer infernales. Pour apprécier une découverte, il faut mesurer le bien et le mal qu’elle peut produire, et si la part du bien l’emporte de beaucoup , 011 n’hésite pas à l’accepter. Or le magnétisme, employé comme moyen de guérison, sert tous les jours à rendre la santé !.i une foule de personnes : quant aux inconvénients que les magnétistes ont été les premiers à signaler, rien n’est plus facile que de s’en préserver : il suffit de ne se laisser magnétiser que par une personne digne de confiance.
Tout ce que dit M. de Résie des tables parlantes n’est que la répétition de ce que les docteurs de la même école ont écrit sur cette question que nous avons encore eue à discuter récemment. Nous nous bornerons, sur ce sujet, «à constu-
ter qu'il est faux que les tables refusent, comme le prétend l'aiileur, de répondre sur Jésus-Christ. Tout dépend des personnes qui opèrent : leurs opinions, leurs préjugés, leurs passions, leurs désirs sont exprimés par les tables. Dans les cercles catholiques, les tables, soit qu’elles tiennent un langage pieux, soit qu’elles soient censées les organes des démons , sont toujours dans l’orthodoxie ; elles s’inclinent au nom de Jésus-Crist, le contact des objets bénits les met en convulsion, etc. Dans les réunions de libres penseurs , au contraire, les tables supportent indifféremment les objets bénits; elles s’expriment librement sur Dieu et discutent la nature de Jésus-Christ : nous en avons été fréquemment le témoin. Ainsi, non seulement l’impossibilité dont M. de de Résie se fait un argument, est chimérique, mais cette conformité entre le langage des tables et les opinions des opérateurs est exclusive de l’intervention d’êtres surhumains et tend à prouver que le médium et les membres de la chaîne sont les seuls auteurs des phénomènes produits.
Quant à la nature des êtres intelligents et étrangers à l’humanité terrestre, la raison ne nous apprend rien, la science est muette; l’Eglise catholique enseigne l’existence des anges, des démons et des âmes des morts; mais elle n'a jamais affirmé qu’en dehors de ces catégories, il n’existe pas d’autres classes d’êtres capables d’agir sur notre monde. L’admission de tels êtres n’a donc rien de contraire à l’orthodoxie. Telle paraît être l’opinion de M. de Résie, qui a un faible pour les fies, et qui déplore les poursuites exercées, sous prétexte de sorcellerie, contre « ceux qui faisaient des œuvres charitables en effectuant souvent des remèdes mystérieux qu’ils prétendaient leur avoir été enseignés par les fées, êtres négatifs, n’étant ni anges, ni diables, ni âmes de décédés, et disposés, sous certaines conditions qui ne paraissent pas contraires au salut, à être utiles à l’homme (tome i, p. 447). » Ceci établi, quand même M. de Résie regarderait certains faits, tels que ceux du magnétisme, comme exigeant l’intervention d’êtres extra-humains, il devrait regarder au moins comme possible que ces êtres fussent autres
que des démons, et que, par exemple, les guérisons magnétiques qui ont tant de ressemblance avec celles qu’il cite, fussent dues à ses bonnes amies les fées, ou à quelque autre classe d’êires inoll'ensifs. Du moment où rien ne lui dénote d'une manière évidente la nature diabolique de ces coopéra-teurs supposés, il y a de sa part une témérité bien coupable de lancer une affirmation qui, en c ’s d’erreur, serait une odieuse calomnie contre tous ceux qu’il accuse d’être sciemment les instruments de l’esprit du mal. Heureusement cette ridicule imputation ne peut être prise au sérieux. Le bon sens public n’admettra jamais que le mal puisse être l’auteur du bien. Les hommes dévoués qui, «à l’exemple des Puységur et des Deleuze, consacrent leur vie au soulagement de leurs semblables , trouvent dans le témoignage de leur conscience et dans la vue du bien qu’ils font, la plus douce des récompenses ; et ceux qui ont dû leur salut à la sublime découverte de Mesmer, la bénissent comme un don du ciel, sans s’émouvoir des clameurs frénétiques des apologistes de l’inquisition, des héritiers de Loyola et de Torquemada.
A. s. MORIN.
Baron dü POTET, propriclairc-gérant.
SPIRITUALISME.
UN MOT SUR I.E SPIRITUALISME.
Le magnétisme, ce principe dont la nature est encore inconnue, mais que les anciens appelaient le char de l’âme, semble, comme la lumière, se décomposer et fournir clans certains cas plusieurs éléments d’action. En effet, tantôt nous voyons ses rayons produire des phénomènes en tout ' semblables à ceux que détermine l’électricité : des soubresauts, des secousses étranges qui remuent l'édifice humain jusque dans ses fondements. Tantôt encore, agissant comme le fluide galvanique, il produit dans les tissus une action douce et pénétrante, un fourmillement et des courants incontestables ; puis encore, comme le fait un aimant sur le fer, il détermine de véritables attractions et des répulsions. Ces premiers effets sont susceptibles d’une étude rationnelle; ils frappent les sens ; ils sont visibles à la vue, sensibles au toucher. Celui qui les éprouve ne saurait même les dissimuler. Ils offrent donc un point de départ fixe pour l’étude du magnétisme. Ici rien d’illusoire, rien qui ne soit exact et ne puisse se lier avec les phénomènes produits par d’autres agents. Cette force nouvelle extraite de nos organes ne peut être contestée. Elle a d’ailleurs quelque chose de brutal et de matériel qui la fait reconnaître dès les premiers instants. Quelquefois même scs jets sont tellement abondants qu’ils foudroient celui sur lequel on les dirige.
Voilà l’outil des magnétiseurs; 011 est donc averti déjà qu’on ne peut jouer impunément avec un semblable instrument. Mais si vous sortez de ce cercle, qui paraît tout physique, vous perdez bientôt pied , vous entrez dans une mer sans rivage, vous avez devant vous l’infini. Beaucoup de ma-
gnétistes veulent que l’on mette des bornes à cette puissance. Ils en rétrécissent tant qu'ils peuvent les vertus, blâment fortement ceux qui en font l’étude et qui veulent pénétrer ces mystères. Imitant les adversaires du magnétisme , ils attaquent,ils injurient les novateurs et les traitentd'illuminéset de fous. Est-ce donc une raison pour que l’on s’arrête devant leurs jugements , que l’on tienne compte de ce qui vient de l’ignorance? Non, sans doute. Aussi plusieurs de nos amis se sont élancés à la découverte, et le grand mot de spiritualisme a été jeté de nouveau au monde, car des phénomènes d’un ordre nouveau sont venus confondre la raison des expérimentateurs. Enfin les médiums se sont révélés et sont aussi venus donner un degré de plus de certitude à des faits que l’on n’osait avouer tout haut, tant ils paraissaient extraordinaires et surnaturels.
Voilà pourquoi, ne voulant pas rester immobiles en présence de ce grand mouvement imprimé à la science nouvelle, nous avons pris la défense de ce que nous croyons vrai et enregistré dans notre journal un spécimen de faits incontestables qui se sont souvent produits devant nous et en divers lieux devant nos élèves et nos amis. Nous devions d’autant plus en agir ainsi, que pour nous tout découle du magnétisme , qui à nos yeux encore n’a point dit son dernier mot.
Nous laissons discuter la valeur des faits, mettre en doute leur existence même, regardant comme un devoir de laisser librement la critique s’exercer, les opinions contraires se manifester, bien certains que ceux de nos amis qui doutent encore , non du magnétisme, mais de ses nouveaux produits, se rendront bientôt à l’évidence et à la vérité.
Baron dü Potet.
UN MÉDIUM.
M. HOME.
La réputation de M. Home est controversée. Beaucoup ne savent comment sur lui baser leur opinion, et parmi les personnes qui ont assisté ses démonstrations, il n’en est, je crois, aucune qui ait osé publier franchement, résolument les faits qui s’étaient produits et dont elles avaient été les témoins.
Ech«de tous les bruits, notre journal s’en est fait le rapporteur avec cette impartialité qui nous distingue ; nous n’avons point recherché M. Home lui-même, sachant d’ailleurs que nous le rencontrerions un jour et qu’il nous serait donné d’être témoin oculaire des manifestations qui semblent inhérentes à sa nature et se produire en dehors de sa volonté.
Nos lecteurs savent combien nous apportons de discernement dans nos examens, et que ce n’est point à la légère que nous constatons un fait, mais, lorsqu’un fait est évident, on sait aussi que rien ne petit nous empêcher de le consigner et d’en soutenir la réalité. Je devais donc, en présence de M. Home, apporter toute la réserve commandée par la prudence et par notre position. Il serait d’ailleurs difficile de nous abuser. Nos sens ne sont-ils pas toujours ouverts et notre attention en éveil ? Nous laisser tromper, /ui/tiiciner, mais nous ne sommes point un enfant. Notre imagination n’est point vagabonde, et plus les phénomènes sont inaccoutumés , inconcevables, étranges, surnaturels, et plus nous sommes froids et impassibles. Ces conditions, pour bien voir
et bien observer, ont été, clans les circonstances dont nous voulons parler, parfaitement remplies, cl voici, sans autre préambule, le résultat de notre examen.
Invité par une très-lionorable famille venir prendre ma part d'un dîner offert à M. Home, mardi 10 novembre dernier, j'acceptai cette invitation, et c’est pendant ce repas que je fis connaissance du célèbre médium. Nous parlâmes de voyage, du magnétisme, du spiritualisme, sans toutefois nous appesantir sur aucun de ces sujets. Tout était grave clans cette maison ; le vide, d’ailleurs, s'y était fait naguère : un fils bien-aimé avait cessé d’exister. Nous nous trouvions seulement cinq personnes: le général 1)..., Madame et leur fille, unique maintenant. Je faisais donc la cinquième personne. Nul autre n’avait été invité. Après le dîner, nous passâmes dans un salon de moyenne grandeur, où rien n’avait été dérangé ou préparé pour cette réception et où jamais M. Home n’avait mis les pieds. Aucun domestique n’entra dans la pièce lorsque nous nous y fûmes établis.
Depuis les premiers instants de la présence de M. Home en ce lieu, de petits coups étaient frappés distinctement, tantôt sur les murailles, tantôt sur le pkrquet. Je les entendais parfaitement, mais je n’en disais rien. J’attendais que l’attention de tous fût éveillée par ces étranges bruits. M. Home nous en avertit d’abord, mais les autres personnes les percevaient très-bien. M. Home nous invita à nous placer à une table qui se trouvait dans ce salon. Ce meuble, construit en bois d'érable, avait à peu près cinq pieds de long sur trois pieds de large. Il formait, par conséquent, un carré long. Il était à ce moment couvert de livres de toutes sortes. Parmi eux des in-quarto, des in-folio, tout ce qui enfin orne une table de salon dans une famille où la science et la littérature sont quelque chose. Cette table n’avait point de tapis. Elle pouvait peser cent cinquante livres ; une lampe avec son pied était posée dessus. Au reste, le salon était parfaitement éclairé. Le dessous de la table recevait de tous côtés la lumière des lampes, tout pouvait y être remarqué. Cette table reposait sur quatre pieds. Deux minutes ne s’étaient pas écoulées depuis
que nous nous en citons approchés et que nous y avions mis Je bout des doigts, que ia presence d’une force étrange, singulière!, s’y lit remarquer par un bruit de coups frappés çà et là, coups bien distincts, et dont le son ne peut être confondu avec celui pr«iuit par un autre choc quelconque. Ces coups mystérieux furent bientôt suivis d’oscillations. La taille se mut d’elle-nièine; elle obliqua tantôt à droite, tantôt à gauche, Lu de ses bouts même quitta le sol. La déviation de la lampe de la perpendiculaire nous marquait parfaitement les mouvements de la table. Dans cet instant plusieurs phénomènes particuliers se manifestèrent. Ils ravivèrent bien des douleurs et m’émurent singulièrement. Mais, comme ils intéressent particulièrement la famille dont j’étais l’hôte, je ne puis m’arroger la mission d’en rendre compte. Mais, après ces faits, voici ce qu’il y a eu d’étrange. Cette table, toute chargée de livres, quitta le sol entièrement, se balança dans l’espace, y resta suspendue, obéissant ainsi à d’autreslois que celles de la pesanteur.
Nons suivions la table dans son ascension; nous ne la quittâmes que lorsque nos coudes se trouvaient trop élevés. Un instant elle resta debout, demeura elle-même toujours suspendue à une hauteur que je ne puis indiquer d’une manière exacte ; mais on peut s’en rendre compte par ce fait que son tablier était à la hauteur de nos yeux.
Elle retomba doucement sur le sol, sans bruit, sans choc, mais la main placée alors sur sa surface sentait en elle une sorte de palpitation.
Ce phénomène fut précédé par un fait plus singulier encore : nos sièges à tous (c’étaient de lourds fauteuils) furent secoués, remués d'une singulière sorte, absolument comme si nous nous étions trouvés placés sur le pont d’un vaisseau pendant une mer agitée. Le parquet semblait onduler sous nos pieds. Une sorte de fluide parcourait nos nerfs, et quant àrnoi, j’ai pensé dans cet instant que j'allais être enlevé dansl’espace. Tous ces faits durèrent assez longtemps pour être bien saisis, bien observés. Aussi ne laissent-ils sur leur certitude aucun
doute dans mon esprit, et je les affirme sans aucune crainte de m’être trompé.
Je ne veux point, dans cet instant, entrer en discussion sur l’agent qui détermine la production de ces phénomènes, mais je dois avouer qu’il nie parait tout psychique el venant de forces intelligentes existant dans l’espace. Aucun homme ne pourrait produire quelque chose de semblable par lui-même : il y a indubitablement un concours inconnu : le temps révélera sans doute bientôt sa véritable essence.
Baron nu potet.
CORRESPONDANCE ET CLINIQUE.
APOPLEXIE NERVEUSE, ÉPILEPSIE, RHUMATISME ARTICULAIRE CHRONIQUE ET GOU TTE, ULCÉRATIONS DE L’OESOPHAGE ET MAL DE FOIE, CHOLÉRA ÉPIDÉMIQUE, NÉVRALGIE 0CCIP1T0-FR0NTALE, GUÉRIS OU SOULAGÉS PAR LE MAGNÉTISME.
Mon cher maître,
Depuis plus d’une année , je ne vous ai plus donné de mes nouvelles. La visite même que j’étais dans l’habitude de vous faire à l’époque de l’anniversaire de la naissance de Mesmer n’a pu avoir lieu, comme par le passé, pour une cause tout à fait étrangère à ma volonté et à mes désirs.
Qu’avez-vous dû penser de mon silence pendant un si long intervalle?... Que je n’étais plus de ce monde, peut-être !... ou que , encore vivant, j’avais déserté la cause du magnétisme!... Rassurez-vous, mon cher maître, vous n’avez à déplorer ni l’une ni l’autre de ces choses. Je suis en
assez bonne santé pour oser espérer, Dieu aidant, que mon séjour ici-bas se prolongera quelque temps encore ; et mes sentiments à l’égard du magnétisme n’ont nullement changé, au contraire, ils sont plus ardents que jamais.
Si je suis en retard avec vous, mon cher maître, il ne laut l’attribuer qu’au peu d’instants dont je pouvais disposer pour la rédaction de ma correspondance ; des affaires de famille m’avaient temporairement distrait de mes études favorites. Aujourd’hui, plus rien ne me préoccupe sérieusement, libre comme l’air, je peux disposer de tout mon temps à la pratique du magnétisme ; aussi ma correspondance deviendra, je l’espère, beaucoup plus active.
Le magnétisme fait des progrès sensibles à Toulouse, malgré les manœuvres déloyales de certains antagonistes, magnétophobes insensés qui ne s'aperçoivent pas que le ridicule qu’ils cherchent à soulever contre nous finira tôt ou tard par les écraser.
Quoi qu’il en soit, le magnétisme avance toujours, on l’accepte,on leréclamemêmecommemoyen de traitement. Depuis une année à peu près, j’ai eu l’insigne honneur d’être appelé plusieurs fois en consultation par des confrères à titre de médecin magnétiseur, pour émettre mon avis et appliquer le magnétisme dans des cas désespérés où la médecine avait dit son dernier mot. — J’ai obtenu quelques succès éclatants, et j’ai été doublement heureux dans ces diverses circonstances d’avoir redonné d’abord la santé aux malades qui m’étaient confiés, et ensuite d’avoir pu prouver à nos antagonistes, malgré sa simplicité, la supériorité de notre mode de traitement.
Le dispensaire un peu délaissé par le départ imprévu de quelques-uns de mes collègues va recevoir très-incessamment une activité nouvelle et certaines améliorations qui rehausseront son utilité et sa valeur aux yeux de tout le monde. C’est, je le crois, de tous les moyens de propagande celui qui présente les meilleures garanties, car j'ai essayé de créer une société magnétique, mais les obstacles que j’ai rencontrés, de la part même des adhérents, ont été tel-
lement nombreux, que j’ai dû y renoncer. Je ne désespère pas d’y arriver pourtant ; mais il faut attendre qu • lus idées de mes très-chers compatriotes soient devenues plus favorables au sujet que je médite.
Les guérisons obtenues depuis la fondation de notre établissement sont nombreuses et durables. J’ai pensé vous être agréable en vous faisant part de toutes celles qu’il est en mon pouvoir de vous faire connaître. Je débute aujourd’hui par la relation de quelques-unes qui ont eu lieu en dehors du dispensaire , dans ma pratique privée. Si quelquefois je ne donne pas en entier le nom de famille d’une personne dont je décris le traitement, c’est que je n’v aurai pas été autorisé , mais mon journal est suffisamment en règle pour prouver l’authenticité.
Avant de clore ma lettre, permettez-moi, moucher maître, de vous témoigner toute ma reconnaissance pour la confiance que vous avez eue en moi, en m’envoyant dans les environs de Rodez pour soigner, à l’aide du magnétisme, une personne très-dangereusement malade. Je suis parti quelques heures après avoir reçu votre dépêche (I). Le cas était pressant, la médecine aux abois ne savait plus h quel saint se vouer. J’ai trouvé le malade dans une situation désespérée , aux prises avec les suites d’une apoplexie nerveuse : il était étendu sans mouvement dans son lit depuis une huitaine de jours ; le pouls insensible , la respiration presque nulle, la face livide, le nez et la bouche contournés, les paupières fermées, les extrémités froides , enfin une atonie complète de tout le corps. Il n’y avait pas un instant à perdre, la vie semblait ne plus tenir que par un fil. Je me mis à l’œuvre aussitôt arrivé près de lui, et j’ai eu la satisfaction de le laisser en pleine convalescence après cinq jours d’un
(1) I,a famille du malade avait fait demander par la voie télégraphique à M. le baron du Potct un lion médecin magnétiseur. Celui-ci lit dire aussitôt par la même voie à M. Bégué de se rendre immédiatement du Toulouse aux environs de Rolez. Voilà donc encore un des beaux cûlés de cette admirable Invention.
traitement îles plus laborieux. Je pense que vous avez dû recevoir une lettre à ce sujet.
Veuillez agréer, mon cber maître, avec mon attachement l’assurance de mon dévouement sans bornes,
l!É(iUÉ, M. M.
»
Première observation. — Madame Pauline Candel, vingt-neuf ans.
Epilepsie, cinq ans.
Cette dame est venue me consulter le 2 décembre 1853. Elle ne se rappelle point avoir jamais éprouvé la plus légère maladie jusqu'au moment de l’invasion de cette dernière. Elle prétend que celle-ci se manifesta à la suite d’une grande frayeur, et pendant qu’elle était enceinte pour la deuxième lois, il y a environ cinq ans.
Dans le principe , les crises n’éclataient qu’une fois tous les mois, principalement vers l’époque critique , mais elles sont devenues si fréquentes depuis deux années environ, qu’elles se répètent aujourd’hui trois, quatre et môme jusqu’à cinq fois dans la même semaine.
Après huit jours de magnétisations générales, les crises se sont arrêtées. L’usage de l’eau magnétisée en boisson détermine des selles copieuses.
Le neuvième jour du traitement, je fais apparaître une crise artificielle en ne magnétisant que l’épigastre seulement , mais je dus dégager bientôt à cause de suffocations violentes qui en furent la conséquence. Néanmoins, je ne me laissai pas intimider par cet incident, car les jours qui suivaient je réitérai la même opération, et j'acquis la certitude que ce procédé était très-puissant pour obtenir une guérison plus prompte et plus certaine. Eu effet, un mois après, les crises naturelles n’avaient pas reparu. Quelque temps après, cette dame quitta Toulouse, son état était très-satisfaisant.
Deuxième observation. — Madame de Séverac, quarante-trois ans.
Rhumatisme articulaire chronique et goutte , huit ans (juillet 1853).
Au début de mes visites, je trouvai cette malade dans un état épouvantable : percluse de tous ses membres, avec des douleurs atroces dans les articulations, à ce point qu’il était impossible de la toucher sans les exciter et lui arracher des cris déchirants ; accès névralgiques à la tète revenant régulièrement toutes les nuits; œdèmes des extrémités ; constipation opiniâtre ; fièvre presque continuelle ; plus de sommeil et mille autres accidents qu’il serait trop long d’énumérer, compliquaient cette maladie.
Magnétisée tous les jours pendant une demi-heure, j eus la satisfaction de voir disparaître l’accès névralgique après la septième séance. L’œdème des membres inférieurs avait disparu, et ceux-ci avaient même repris assez de force pour pouvoir la soutenir sans trop de difficulté. Quelques jours plus tard, les bras, qui n’avaient encore pu jouer librement, fonctionnaient avec assez d’aisance pour pouvoir être ramenés sur la tête, sans faire éprouver la moindre douleur. Le sommeil s’était rétabli, la fièvre n’existait plus ; les selles avaient repris leur cours périodique sous l’influence de l’eau magnétisée. Enfin, une amélioration notable résultant du traitement par le magnétisme s'établissait et ne fit qu augmenter jusque vers la trentième séance , lorsque le docteur en titre, jaloux du succès que j’avais obtenu en aussi peu de temps (lui qui médicamentait en vain depuis huit ans), trouva le moyen de faire prendre à la malade et à mon insu les perles d’éther du docteur Clertan et quelques autres anti-spamodiques, pour détruire (jen fus convaincu plus tard) le soulagement que le magnétisme avait déterminé. Il réussit au-delà de ses espérauces, car, quelques jours après, la malade retomba dans son état primitif avec le cortège des souffrances qui ne l’avaient jamais abandonnée jusqu’au jour où le magnétisme lui avait été administré.
Ce traitement, malgré la réapparition des désordres morbides , dxjit être considéré comme ayant produit un bon résultat, attendu que les symptômes divers qui caractérisaient
la maladie et ceux qui la compliquaient surtout avaient entièrement disparu sous l’inlluciice du magnétisme. Cette dame aurait été rétablie sans l’administration intempestive de certains médicaments.
L’observation suivante, quoique incomplète, mérite d'ètre rapportée cause de certains faits qu’il m’a paru intéressant de faire connaître. Ils pourraient être le point de départ d’une direction nouvelle dans l'application du magnétisme.
Troisième observation. — Mademoiselle Bue, vingt-sept ans.
Le traitement entrepris sur cette demoiselle n’a pu être réalisé en son entier, à cause d’une circonstance inouïe, sans exemple, qui mériterait à son auteur les oreilles du roi Mi-das pour emblème de son iguorance.
Un prêtre de l’église métropolitaine , directeur spirituel de la malade, lui refuse l’entrée du confessionnal sous le prétexte qu’elle se fait magnétiser, u Cet acte est très-répréhensible , dit-il, il vous met sous la domination de Satan ! h , Ces paroles firent une impression pénible sur cette demoiselle , qui, pour ne pas déplaire à son confesseur, préféra abandonner le seul moyen de guérison qui lui restait, car elle avait mis en usage toutes les médications possibles depuis une dizaine d’années sans obtenir une apparence de soulagement.
Je fus appelé à lui donner mes soins dans le courant du mois de janvier 1854. — Le somnambulisme se montra dès la première séance ; mon influence lui fut très-salutaire.
La clairvoyance fut un peu douteuse jusque vers la quatrième ou la cinquième séance, mais le sixième jour elle fut complète et surtout médicale. Elle répondit avec précision à toutes les questions que je lui adressais concernant son état. Afin de faciliter ses recherches, elle me pria de placer une de mes mains sur sa tête, et, quelques instants après, elle me fit le récit suivant sur sa maladie et ses diverses complications.
« Mon état est très-alarmant, me dit-elle ; d est temps de
porter remède au mal affreux qui me dévore. Depuis un an que je n’ai plus été magnétisée (1), les désordres sc sont accrus , et il est à craindre une terminaison fâcheuse. Si le magnétisme eût pu être continué sans les circonstances qui nécessitèrent le départ de mon magnétiseur, je serais aujourd’hui radicalement guérie. — En ce moment, je vois l’œsophage parsemé d’ulcérations, moins étendues peut-être que l’année dernière, mais plus profondes. Ce qui est le plus inquiétant, c’est une dilatation en forme de poche située à la partie inférieure gauche de ce même conduit, et se dirigeant vers la pointe du cœur : sa grosseur égale celle d’une pomme ordinaire. Quand je prends des aliments, ils s'y arrêtent, et, comme ils ne peuvent être digérés, leur décomposition excite le vomissement, et je les rends à peu près comme je les ai pris. Je rendais beaucoup de sang autrefois, aujourd’hui il est plus rare, mais il y en a quelquefois après des efforts violents. — Lorsque la poche est pleine, elle touche le cœur et l’irrite; je suis prise alors de palpitations violentes et de syncopes. — Le lobe inférieur du poumon gauche est en partie desséché vers la pointe ; il fonctionne difficilement. •— Le foie est aussi très-malade; dans sa partie movenne existe une tache blanchâtre qui pénétre dans la substance et une fissure qui s’ouvre en dessous de cet organe. Je souffre horriblement de cette région. »
Après qu’elle eut terminé son récit, j’eus la pensée de lui proposer la fermeture de la poche et sa section par la puissance seule du magnétisme. Quand elle eut adhéré , je dirigeai avec mes doigts réunis en pointe un courant de fluide vers la base de cette dilatation , avec l'intention de la refouler dans le conduit œsophagien. Je réussis à merveille en très-peu d’instants, mais ce fut excessivement douloureux pour la malade. Puis, j’eus l’intention qu’une membrane se formât à son ouverture pour empêcher d’abord que la poche
(1) Elle avait été précédemment magnétisée par l’ordre et en présence de M. G..., docteur-liQuia-opalhe , qui avait vu, lui aussi , échouer ses moyens.
ne revint sur elle-même, et ensuite protéger le cœur et les autres viscères contre l’écoulement îles liquides dans le cas où la section aurait réellement eu lieu. Ces préparatifs terminés, je commençai avec mes doigts le simulacre de l'opération et voulais que la poche, en se détachant, tombât dans l’estomac où elle aurait été digérée ; mais la douleur qui survint et aussi la frayeur de voir une opération sanglante se pratiquer dans l’intérieur de son corps lui firent une telle impression, que je dus renoncer à ce nouveau procédé opératoire et dus me contenter de vouloir qu’elle s’applatît contre l’une des faces de la membrane que je venais de créer. Elle devait se sécher en cet endroit et se détacher peu à peu.
Les jours qui suivirent, tout allait pour le mieux, rien ne paraissait l’incommoder. Le sommeil était revenu, ainsi qu’un appétit des plus satisfaisants , suivi de bonnes digestions. Les vomissements, les palpitations et les symptômes avaient disparu ; le mal seul au foie se traduisait encore par une assez vive douleur vers la région de cet organe.
Huit ou dix jours après un rétablissement aussi parfait, elle dut sacrifier le magnétisme et sa guérison prochaine pour le fait dont il a ôté question en commençant.
Quatrième observation. — M. And... Raymond , vingt-huit ans.
Choléra épidémique.
Pendant la nuit du 15 au 16 octobre 1854, vers deux heures du matin, je fus appelé auprès de ce monsieur qui venait d’être saisi par une crise de choléra épidémique. A mon arrivée près de lui, je le trouvai en proie à une agitation fébrile très-intense , avec angoisse extrême. Le pouls petit, serré et fréquent ; les extrémités glacées; la l'ace pâle, anxieuse, les yeux enfoncés dans leur orbite , les évacuations claires diarrhéiques, très-réitérées (trente à quarante selles en moins de deux heures) ; vomissements bilieux très-fréquents , tous les symptômes enlin de la période d’invasion.
Je le magnétisai sur l’heure. — Pour tout procédé, j’ap-
pliquai une main sur l’abdomen, l'autre à l'épigastrc ; vingt minutes ne s’étaient pas écoulées que les vomissements et les diarrhées cessèrent. Des passes à grand courant de la tête aux extrémités inférieures, tout en calmant l’exaltation produite par ces divers désordres, amenèrent de la chaleur et de la moiteur dans tout le corps. Une demi-heure plus tard , je le laissai en bonne voie de guérison.
Le lendemain, ;ï huit heures du matin, il suait encore abondamment. La diarrhée et les vomissements n’avaient point reparu, tout allait à merveille. Nouvelle magnétisation. Deux jours après, le malade sortit parfaitement rétabli.
Cinquième observation. — Madame Marie And..., vingt-quatre ans.
Choléra épidémique.
Quelques jours après la crise qu’avait éprouvée son mari, madame And... paya son tribut à l’épidémie régnante.
Les symptômes caractéristiques apparurent dans la matinée du 19 octobre, sans qu’aucun signe précurseur ne lui eût fait appréhender ce qui allait arriver. L’invasion fut pour ainsi dire foudroyante ; le début fut signalé par des frissons, aussitôt accompagnés d’une très-forte diarrhée et de vomissements violents, glaireux et striés de sang ; en môme temps, les extrémités devinrent glacées ; l’épigastre douloureux à, l’excès : des agitations dans les muscles ; la respiration précipitée et pénible; le pouls très-faible et fréquent. La face devint livide, les lèvres se décolorèrent, et les yeux, rentrés dans l’orbite, étaient à demi voilés par les paupières dont le pourtour était bleuâtre.
Le magnétisme, appliqué sans retard , arrêta la diarrhée et les vomissements en moins d’un quart d’heure. Le somnambulisme , s’étant montré presque en même temps, fut d’un puissant secours pour obtenir une prompte guérison. — La seule médication qu’elle se formula fut la continuation des passes magnétiques à grand courant et quelque peu d'une infusion magnétisée de mélisse ou de tilleul.
Une heure après cette séance, le foie avait repris sa colora-
— iO:$ —
tion normale ; la fièvre, le froid et tous les symptômes alarmants avaient disparu ; une légère moiteur se déclara et devint de plus en plus intense. — Elle sua abondamment jusqn* au soir. Je la remis en somnambulisme, et j’appris avec joie qu’il ne restait plus rien de cholérique, seulement un peu d’irritation à l’estomac, causée par les fortes contractions dont cet organe avait été le siège. La magnétisation du soir fit tout disparaître, et, le lendemain, cette dame allait à merveille et put reprendre ses occupations habituelles.
Sixième observation. — M. Jules, Galiber, vingt-trois ans.
Névralgie occipito-frontale.
Appelé chez ce malade en février 1855, je le trouvai dans la situation suivante : Les muscles du cou étaient tendus, raides ; impossibilité de tourner la tête à droite ou à gauche s is exciter de vives douleurs dans ces mêmes muscles, et des élancements dans les branches nerveuses. Il existait une douleur au sommet de la tête, fixe , gravative, s’irradiant par moments et pénétrant dans le globe oculaire gauche. Le malade ne pouvait supporter la lumière ni le bruit ; il gardait le repos le plus absolu.
La névralgie présentait le type intermittent quotidien et se montrait vers le milieu de la journée, pour disparaître un instant le matin, entre huit et neuf heures. La sueur accompagnait ordinairement la fin de la crise et durait jusqu’à l’accès prochain. L’insomnie était permanente, quoique le pouls ne présentât aucune modification sensible.
La maladie était déclarée depuis une vingtaine de jours, quand je commençai le traitement. Déjà, depuis l’invasion jusqu’au 6 février, le docteur qui m’avait précédé avait inutilement administré tout ce que sa science avait pu lui suggérer. J’ai magnétisé six jours, trois quarts d’heure chaque fois, sans interruption , plaçant ma main gauche tantôt au sommet de la tête, d’autres fois à la base , et, de ma main
— 604 —
droite, je cherchais à entraîner la douleur en faisant des passes du cou au bassin.
Le septième jour, — le malade avait paru insensible jusque-là, — la douleur se déplaça et disparut en quelques instants. Les muscles du cou se détendirent, il ne restait qu’un sentiment de pesanteur vague dans la tète. La nuit qui suivit fut bonne, le sommeil reparut.
Le lendemain, tout allait pour le mieux, rien ne vint nous faire présumer que la crise pouvait reparaître. Trois ou quatre jours après, la guérison était parfaitement établie, et ce monsieur put reprendre sans inconvénient ses occupations interrompues jusqu’à ce moment.
(Im suite à bientôt.)
35 octobre 1857.
CHRONIQUE.
Paris, le 5 novembre 1857.
Mon cher maître,
Je vous ai promis, en recevant vos bons conseils, de vous donner avis de tout ce qui m’arriverait.
J’espérais donc vous donner quelques détails au sujet d’une cure superbe et pleine d’attrait pour le magnétisme, mais de fâcheuses circonstances ont enlevé ce nouveau triomphe à notre belle science; cependant, comme vous allez le voir, les honneurs n’en sont pas restés à la médecine.
Je commençai, le 25 janvier dernier, le traitement d’une jeune fille, âgée de dix-neuf ans; après mûr examen de son état,
je reconnus qu’elle était atteinte de scrofules , et que cette humeur, n’ayant pu avoir son écoulement naturel, s’était formé en dépôt au genou droit.
Après un traitement médical de quatre ans, j’était étonné d’apprendre qu’elle se trouvât dans un état plus désespérant que le premier jour où le digne apôtre d’Esculape entra chez cette pauvre malade!....
Aujourd’hui, cela ne m’étonne plus !...
Je commençai donc ce traitement lorsque tout fut épuisé, science, espoir et argent. Où s’arrête la médecine, le magnétisme commence !...
Après quelques jours d’une magnétisation énergique , sa jambe se désenfla, et le sommeil lui revint, mais je la magnétisai trois mois sans pouvoir obtenir le somnambulisme qui devait me seconder dans une maladie aussi grave ; j’eus enfin le bonheur de l’obtenir.
Quelle fut ma joie ! moi, si désireux de connaître toutes les phases du magnétisme, j’étais heureux de constater par moi-môme la sûreté des principes de votre théorie ; enfin , après un mois de somnambulisme qui lui développa sa lucidité, elle me prédit ses crises successives, le jour, l’heure et la minute ; elle devait en avoir quatre pour obtenir sa guérison. Les deux premières avaient complètement réussi, et j’étais près d’obtenir la troisième, lorsque mon service m’appela hors de Paris.
J’accompagnai l’Empereur au camp de Châlons, où je devais rester quarante jours ; pour moi, c’étaient les quarante jours de désert, privé que j'étais de ma nourriture magnétique, ma manne à moi, c’était l'espoir... mais je fus mis à la diète et toutes mes belles illusions furent anéanties.
En partant pour ce voyage, je priai un de mes amis, Charles 15..., de vouloir bien me remplacer auprès de ma malade ; il s’empressa de me prouver son amitié en pareille circonstance, et je partis tranquille.
Le malheur voulut que cet ami fût cloué sur son lit deux jours après à la suite d’une chute qu’il fit avec son cheval : ainsi cette pauvre jeune fille fut abandonnée à elle-même.
Comme eu passant du froid au chaud, il résulte une sensation pénible, de même le magnétisme cessant brusquement, la malade ressentit quelque chose d’analogue ; elle eut d’abord des étourdissements, puis, deux jours après la fièvre, ce qui lui supprima les menstrues qu’elle devait avoir à cette époque.
Voici où commence le but de ma lettre.
Où le dévouement s’arrête, la calomnie commence.
Il fut facile d’insinuer à la pauvre mère qu’il était temps de recourir à la médecine; que le magnétisme n’avait fait que du mal à sa fille, et que ses époques étant arrêtées, cela n’était pas naturel. Il est si facile de jeter un germe de défiance en se retranchant derrière un semblant d’amitié.
C’est ce qui fut fait par les sceptiques du lieu en matière magnétique ; à dater de ce moment, je n’étais plus pour la mère cet homme loyal qu’elle avait connu pendant six mois au chevet du lit de sa fille; je n’étais plus que le militaire cherchant à s’amuser, que le jeune homme profitant du somnambulisme pour abuser. « Comment voulez-vous, disaient les commères de la maison, que ce jeune homme, soit venu pendant six mois faire quatre kilomètres, monter un septième étage, pour autre chose? Ce n’est pas par intérêt, vous n’avez plus rien! Ce n’est pas philantropie.... il est jeune, il est militaire et surtout magnétiseur, c’est donc par amour. »
Voilà, cher baron, les soupçons injurieux auxquels j’ai été en butte après tant d’abnégation ; je ne vous parle même pas de mon désintéressement pour cette pauvre famille, ce serait entrer dans des détails qui n’ont aucun rapport avec le magnétisme, mais voilà comme j’ai été récompensé.
Oui, en effet, j’avais de l’amour... mais un amour bien pur, celui que vous avez fait germer en moi, celui de notre belle science !
Depuis Mesmer jusqu’à nos jours, le magnétisme a toujours été plein d’écueils : vous en avez été des exemples plus que tout autre, puisque encore aujourd’hui, après quarante ans d’une pénible carrière, vous n’en êtes pas exempt ; c’est
— tiOT —
pourquoi je soulage mon cœur saignant dans le vôtre si bien trempé , et vous recommande un peu de courage. Je continue mon récit. — La mère de cette jeune fdle alla chercher un docteur, qui, ayant su quelle avait élé magnétisée , la condamna à première vue.
En effet, grâce à une médication bien entendue , quatre jours après elle rendait le dernier soupir, se magnétisant elle-même, regrettant son sauveur, comme elle se plaisait à m’appeler, et maudissant son bourreau ; telles sont ses dernières paroles peu glorieuses, comme vous voyez, pour son honorable médecin, que j’espère remercier un jour pour avoir laissé planer sur moi l’épithète d’infâme, ayant les preuves à sa disposition pour me réhabiliter dans l’estime des parents, et pour avoir dénaturé le mot arnica mal écrit par moi avant mon départ, et avoir lu et fait lire armoise, potion em-ménagogue, disait-il, dont je ne devais pas ignorer le but.
Cet officieux personnage se retira en débitant la tirade d’habitude, morte d’une fièvre cérébrale amenée par un appauvrissement du système nerveux.
Je crois que cet appauvrissement est moins à craindre que celui de l’intelligence, mais il parait que ce dernier ne fait pas mourir aussi vite.
Voilà , mon cher maître, le récit succinct de ce qui m’est arrivé; vous pouvez l’insérer dans votre journal, je serai heureux que cela puisse prouver combien il est difficile au magnétisme de triompher malgré sa supériorité.
J’ai l’honneur de vous saluer et de vous présenter mes respects.
Votre élève tout dévoué,
GÉRARD.
P. S. Si ma qualité de cent-garde de S. M. l’Empereur peut être de quelque poids pour assurer l’authenticité de mon récit, ne l’oubliez pas.
VARIÉTÉS.
EXPÉRIENCES. — SOMNAMBULISME.
Les frères Bonheur ont exécuté, à une des dernières séances publiques du \\ aux-Hall, des expériences très-curieuses de somnambulisme, qui ont été accueillies du public avec une vive satisfaction.
La Société du Mesmérisme, dans une séance particulière, s’est livrée à l’examen de ces faits intéressants. Parmi ces expériences, il en est qui sont connues de tous ceux qui ont assisté à des scènes de somnambulisme ; nous allons seulement rendre compte de celles qui nous ont paru remarquables.
1° Le sujet est posé à terre, couché sur le dos ; on relève sa tète qu’on appuie sur une chaise, et ses pieds, dont l’extrémité est appuyée sur une seconde chaise ; le magnétiseur, par des gestes sans contact, exerce l’attraction sur le ventre, le corps du sujet quitte le sol et prend la position horizontale, n’étant appuyé sur les deux chaises que par la tête et les talons; le ventre s’enfle, prend un volume extraordinaire, est ballonné et dur au contact comme la peau d'un tambour. On mesure la circonférence du corps , qui, avant l'opération, était de 81 centimètres, et l’on trouve 92 : l'augmentation est donc de 11 centimètres; à la taille , elle est de h centimètres. Quelques passes du magnétiseur produisent le désenflement qui se fait graduellement, comme on s'en assure par le toucher, et le corps reprend son état normal.
Voilà, certes, des résultats qui ne peuvent être simulés et qui prouvent invinciblement la puissance du magnétisme.
2” Al irait ion. — Rien n'est plus commun que l’attraction magnétique. Mais la plupart de ceux qui l’exercent négligent de se mettre dans des conditions telles que le l'ail puisse avoir une valeur probante, surtout vis-à-vis des incrédules. Si, par exemple, le magnétiseur se place devant le sujet et fait des gestes pour l’attirer, ou si, placé d’un autre cOté, il annonce à haute voix ce qu’il va faire, le spectateur peut douter si l’attraction produite est due à une suggestion. Voici comment on a opéré à la Société du Mesmérisme pour prévenir cette objection.
Le sujet étant endormi, le magnétiseur s’est retiré dans une salle voisine, puis un des spectateurs a bandé les yeux au sujet, l'a fait tourner plusieurs fois sur lui- même, afin de le désorienter, et l’a ensuite abandonné à lui-même, ('.es précautions prises, un autre spectateur, qui accompagnait le magnétiseur, lui a donné par geste l’ordre d’agir ; le magnétiseur a fait des gestes en silence : aussitôt le sujet, qui tournait le dos au lieu d’où venait l’impulsion, et qui n'avait pu être averti par aucun moyen sensible de ce qu’on voulait faire de lui, s’est dirigé à reculons et par secousses vers son magnétiseur, comme s’il eût été tiré par une corde. Cette expérience a été trouvée concluante et de nature à satisfaire les plus exigeants.
a. s. MORIN.
JEUNE FILLE ÉLECTRIQUE.
Fait renversant. — Avis à MM. les Académiciens.
On lit dans t’Union bourguignonne : '
« Une personne sérieuse et à laquelle il est impossible de prêter la moindre idée de mystification, nous communique la note suivante. Toutefois , les faits qu'elle constate sont tellement étranges, que nous ne les publions que sous réserve.
« Il se passe en ce moment dans un village du département de la Côte-d’Or, à Ghevigny-en-Valière , arrondissement de Beaune, des faits extraordinaires, qui rappellent les prodiges des tables tournantes et des esprits frappeurs.
« l ne jeune fdle de ce village, qui n'a que seize ans, d’une intelligence ordinaire, dont l’éducation s’est bornée aux éléments de la lecture et de l’écriture, a depuis quelque temps la singulière propriété d’attirer à elle les mottes de terre et les pierres.
« Cette attraction, dont elle se passerait volontiers, s’est manifestée pour la première fois il y a environ deux mois. Revenant un soir de la journée, car elle est ouvrière, elle se sentit tout à coup atteinte par plusieurs pierres et crut d’abord qu’elles lui étaient lancées par quelqu’un de sa connaissance ; mais elle reconnut bientôt son erreur, personne ne se trouvait sur son passage ; aussi son étonnement fut-il grand.
« C’était une première manifestation de l’esprit frappeur qui la poursuit depuis cette époque.
k Employée comme vendangeuse chez différents propriétaires, elle s’est vue constamment assaillie par des mottes de terre se détachant du sol et venant la frapper en diverses parties du corps, ;ï la distance de plusieurs mètres. Maintenant elle est en butte à. d’autres projectiles; travaillant la semaine dernière dans une maison du village, elle a été frappée à diverses reprises et dans la môme journée par des briques se détachant de l’âtre et des pierres tombant de la cheminée. On cite entre autres faits mie pierre de trois kilogrammesplacée sur le seuil de la porte ouverte, et poussée avec une grande violence par une force mystérieuse et invisible aux pieds de cette jeune fille.
« Plus de cinquante témoins de visu de ces phénomènes incroyables sont prêts à les attester.
« Avis donc aux amateurs du merveilleux et aux savants qui ont pour mission d’expliquer au vulgaire les singularités de la nature. »
LES TABI-ES TOURNANTES ET FRAPPANTES CONNUES EN TARTARIE ET AU MOGOL DE TEMPS IMMÉMORIAL.
AI. Hue, missionnaire qui a habité pendant longtemps la Chine et la Tartarie, assure que la pratique des tables tournantes et frappantes était connue des prêtres ou devins 1110-gols et déjà usitée au fond de la Tartarie dès le treizième siècle. (Le Christianisme en Chine, t. i, page 250.) llu-bruquis, dans la relation de ses missions chez les Mongols, rapporte que le soir de l’Ascension, la mère de Mangou-Khan fut fort tourmentée de maladie, et que le premier de ses devins fit faire quelque sort par le frappement (l'une table. — 11 est bien probable que ceux qui, il y a cinq ans, se livrèrent aux exercices des tables et les mirent à la mode en France et en Amérique, n’avaient aucune connaissance de ce qui s’était jadis passé chez les Mongols, non plus que de Tertullien ni d’Ammien Marcellin. Il" est étrange que le même procédé reparaisse en divers lieux, à des siècles d’intervalle, et malgré l’interruption des traditions.
TÉMOIGNAGE 0E BROUSSAIS EN FAVEUR DU MAGNÉTISME.
On trouve, dans une notice sur Broussais, par son fils François Broussais, ce passage, où il est ditque c’est en Italieque l’illustre médecin constata l’existence des émanations zooma-gnétiques : n La modification magnétique ou l’influence d’un homme sur un autre, de manière à le plonger dans un état soporeux, est réelle. Je m’en suis convaincu par des expériences nombreuses, lorsque j’étais jeune médecin en Italie. » (Broussais, Cours de pathologie, etc., t. v, p. 26.)
(Le Siècle du 18 octobre.)
SUR I.E CHOLÉRA.
La consullalioii somnambuli(|ue suivante nous a été transmise par un de.nos amis et correspondants, .M. lu docteur Gatti, directeur de l'institut liomœopatliique de Gènes. Nous nous empressons de la reproduire à litre de renseignement curieux et peut-ôtre utile.
J’analyserai primitivement les causes qui produisent le choléra, après la nature du mal, enfin je dirai la manière de le curer.
Je vois des atomes infinis , des substances végétales et animales, qui en s’attrayant, en se repoussant, tendent à s’organiser par un mouvement uniforme d’attraction et de répulsion qui constitue la vie : cette force universelle est produite par le fluide qui est répandu dans l’univers.
Sous certains changements de l’atmosphère, ces atomes se corrompent et sont miasmes ; ne pouvant ni s’organiser, ni sc dissoudre, ils sont poussés dans l'air par des grands courants à des distances très-considérables, et corrompent tout ce qu’ils rencontrent.
Le choléra n’est rien autre que la corruption des atomes très-infinis de quelque part de l’univers.
Corrompant tout ce qu’ils rencontrent, poussés, comme j’ai dit, par de grands courants, l’homme qui sur tous les animaux possède dans le dernier degré la force d’attraction et de répulsion est le plus facilement atteint.
Ensuite le miasme s’attache à un individu ; la partie qui est la plus facile à se corrompre se dissout rapidement , et cette partie sont les intestins. C’est pour cette raison que se produisent les douleurs, la diarrhée, les vomissements. Le visage devient livide aussitôt par consentement , le fourmillement est l’arrêt de la circulation du fluide, et ne dérive pas du sang; la voix s’éteint par contraction spasmodique du plexus solaire.
Quand l’individu est pris par le mal, prenez une cuvette d’eau, frictionnez avec les mains toute la personne pour la
décharger, avec l’intention de jeter les molécules gâtées dans l’eau avec les doigts ; surtout tâchez de décharger J’épi-gastre.
Ceci fait, donnez à boire de l’huile d’olive fraîche, avec du jus de citron. L’huile préserve les intestins de la corruption , le citron paralyse les forces corruptives.
Déchargez pour dix ou vingt minutes (second cas) le malade , faites-lui quelques passes magnétiques pour rétablir l’équilibre du fluide, et il sera guéri.
Quand le miasme n'est pas modifié par le passage à travers les corps organisés, il est plus difficile à vaincre, ayant les atomes corrompus, une force de destruction presque immédiate. Pour cela, les premiers cas sont toujours presque les plus fulminants.
Quand j’ai dit que les atomes corrompus ne peuvent ni s’organiser, ni se dissoudre, j’ai entendu pour force propre. Les êtres organisés les modifient et rétablissent l’ordre.
POLÉMIQUE SUR- LE MAGNÉTISME.
La ville de Strasbourg est une de celles où le magnétisme a jeté le plus vif éclat du temps de Puységur ; c’est là qu’une société, composée d’hommes dévoués, se livrait à une propagande active, appliquait le magnétisme à la guérison des malades et publiait d’excellentes relations dont le f recueil est toujours consulté avec fruit, et figure avec honneur dans les annales de la science nouvelle. Les semences répandues par nos estimables devanciers ont produit d’abondantes moissons, et l’Alsace compte un grand nombre de zélés sectateurs de notre cause. Mais là aussi le magnétisme eU en!) u tte aux attaques d’ennemis acharnés. Le Veilleur de nuit, album d’Alsace et de Lorraine, a voulu sans doute justifier son titre en se rangeant du côté des oi-
seaux de nuit pour insulter à la lumière; le numér«du mois d'avril dernier contient un violent factum dans lequel le docteur kocberlé attaque le magnétisme de la manière la plus violente, et supplée aux arguments par de grossiers outrages et de misérables bouffonneries.
Heureusement il s’est trouvé 1111 athlète qui a pris courageusement en main la défense de la vérité. M. Chalin, membre correspondant de la Société du mesmérisme, dont nous avons eu plusieurs fois à signaler les utiles travaux, a publié un mémoire concis et substantiel, dans lequel il réfute victorieusement son adversaire; il pulvérise ses objections, rappelle des faits éclatants, des expériences décisives; fait voir combien a été déraisonnable la conduite de beaucoup de savants qui ont nié sans vouloir rien vérifier, qui ont opposé de méprisables chicanes à l’évidence des faits, et se sont efforcés d’étouffer une grande vérité, parce qu’ils ne pouvaient ni l’expliquer ni la rattacher à leurs systèmes. M. Chalin énumère les noms des hommes éminents qui professent ou pratiquent le magnétisme, les services innombrables qu’il a rendus; il conclut en ces termes : « Comme agent thérapeutique, son efficacité est supérieure à celle de la plupart des médicaments ; le nombre des cures qu’il revendique est immense, et leur diversité justifie en partie la proposition mesmérienne. La nature offre un moyen universel de guérir et de préserver les hommes. La chirurgie y a eu recours plusieurs fois dans le but d’insensibilité, et les plus graves opérations ont été faites sans douleurs ; on a pu de môme panser des plaies très-vives et réduire des hernies. Il pense rendre d’incalculables services à la psychologie , à la morale, à la législation, aux beaux-arts et à l’industrie. En modifiant certaines fonctions, il permet : d’éludier l’action d’organes dont les physiologistes n’ont pu encore préciser le rôle; de considérer l’âme dans ses manifestations qui révèlent des facultés dont les philosophes ont jusqu’à présent méconnu l’existence. La morale montrera les liens spirituels que les hommes ont entre eux, et les rapports de leur âme avec Dieu.... En dévoilant l’homme dans
tonies ses passions, il aide à faire concorder les lois avec la nature. Aux beaux-arts, la statuaire et la peinture trouvent dans la catalepsie et l’extase des poses qu’aucun modèle ne peut prendre et garder, et l’expression de sentiments que ne peut rendre l’imagination des plus grands maîtres. Dans l’industrie, la lucidité a déjà découvert des mines, des sources; elle indiquera peut-être des procédés, des machines, ou mettra sur la voie de perfectionnements vainement cherchés. La lucidité sagement gardée donne des résultats qui sont utiles, mais qui demandent beaucoup de prudence et de discernement. Tel est le but du magnétisme, qui doit grandir môme au milieu de ses ennemis....
lin autre journal de la môme ville, la Phrtnologie se prononce en faveur du magnétisme. Voici comment s’exprime le docteur Richard : « Les phénomènes du magnétisme animal, sagement interprétés et rattachés aux lois générales de la nature, nous montrent par quelles voies organiques certains hommes ont pu exercer une grande influence propice ou funeste sur d’autres hommes, comme ils ont pu les faire vouloir ce qu’ils voulaient, les électriser, les entraîner, les fasciner. Constater la réalité de cette action, c’est engager les savants sincères et modestes à l’étudier dans toutes ses manifestations, c’est les porter à en chercher les limites, les correctifs, c’est travailler enfin au profit de la plus grande puissance de l’homme. »
Une appréciation si judicieuse nous dédommage bien des quolibets surannés du Veilleur de nuit, qui, loin de rcillcr aux intérêts de la science, nous fait l’effet de dormir du sommeil d’Epiménide.
FAITS ET EXPÉRIENCES.
Application de /’électro-magnétisme à la magnétisation humaine. — La Luce magnetica du 22 août dernier contient un article fort curieux du docteur E. Gasparini sur la manière
île développer les phénomènes magnétiques sur des personnes , ail moyen de l’électro-magnétisine. (le savant se sert d’un appareil d’induction qu’il appelle pile roltu- fira-diquc à la Keme:, dont il donne la description , et à l’aide de laquelle il produit sur le sujet des secousses très-légères. Il déclare avoir obtenu ainsi le somnambulisme et la lucidité chez des personnes qui n’avaient pas été préalablement magnétisées, et que , chez, ceux qui l’avaient été , la lucidité a été bien plus grande que dans l’état amené par le fluide nerveux (ou magnétique humain). Il soutient que les effets produits ne peuvent être attribués à l’action d’une volonté étrangère. Les sujets soumis à ces expériences s’étonnent de leur propre lucidité, distinguent le fluide électro-magnétique du fluide nerveux, et affirment que tous ceux sur lesquels on essaiera ce mode d’action arriveront tôt ou tard à l’état magnétique. Ils éprouvent un bien-être délicieux, et, à leur réveil, se sentent soulagés de leurs maux. M. Gaspa-rini prétend avoir trouvé par là un moyen de remplacer avantageusement la magnétisation. Il est à désirer que ses expériences soient répétées ; car, en cas de succès, ce ne serait rien moins qu’une révolution dans le magnétisme.
Baron dd POTET, propriétaire-gérant.
LETTRES D’UN VOYAGEUR
SUR
LE SPIRITUALISME AMÉRICAIN ">
TROISIÈME LETTRE.
A Monsieur le baron du Potet.
Mon cher maître,
C’est à Londres, en 1852, que je me trouvai pour la pre-mièrefoisen présence des esprits frappeurs. Un médium américain , madame Hayden , était arrivé depuis peu dans cette ville. J’allai le voir en compagnie de M. le baron des Et..., un riche propriétaire du midi de la France, que des affaires de famille avaient appeléen Angleterre. Mon compagnon,— quej’ai depuis perdu de vue, —était d’un tempérament éminemment positiviste , sans la moindre inclination apparente au merveilleux , catholique exclusif, mais d’ailleurs homme d’instruction et de caractère. Nous fûmes introduits dans une grande salle dont deux vastes croisées livraient passage à toute la lumière que le soleil de midi peut répandre dans les habitations de la brumeuse capitale. L’aineublement était des plus simples et ne présentait absolument rien de particulier : c’était une grande table ronde, un canapé, un ou deux fauteuils, quelques chaises, et des livres sur une étagère. Le parquet disparaissait entièrement sous lin épais tapis ; un feu de houille brûlait dans l’àtre sur une grille de fer. Enfin nous nous trouvions bien réellement et prosaïque-dans un parlour pareil ti tous , sans que rien autour de nous fût le moins du monde de nature à nous reporter à nos souvenirs classiques des antres de la sybille de Cumes ou de Trophonius, de mystérieuse et sombre mémoire. Du reste, comme nous étions seuls, nous profitâmes de l’absence des
(1) Voir les numéros des 25 juillet et 10 septembre 1857.
— GIS —
maîtres pour soumettre les lieux à une inspection scrupuleuse. Nos recherches ne purent amener la découverte d’aucune trappe, d’aucun ressort mystérieux, d’aucune ficelle. Enfin , il fallut prendre son parti de voir d’avance , dans les prodiges annoncés, un mystère plus sérieux que dans ceux que la foule ébahie admire chez Auderson ou Robert Hou-din. Après une demi-heure d’attente, nous vîmes entrer M. et M’"' Hayden, deux personnes dont l’aspect n’a rien de plus étrange, ni de plus solennel que le sanctuaire tout bourgeois de leurs opérations théurgiques. Nous nous assîmes autour de la table, la dame, M. des Ht... et moi, et 31. Hayden alla, en spectateur indifférent, s’installer confortablement au coin du feu. Après un quart d’heure de causerie sur divers sujets et sur le spiritualisme en particulier, un petit bruit étrange vint frapper notre attention ; c’était comme une sorte de batterie maçonnique qui aurait été exécutée du bout des ongles sur le bois de la table par un frère caché sous ce meuble. Ma tôte se pencha instinctivement pour l’y découvrir. Dans cette position , j’entendais toujours les mûmes sons, sans pouvoir leur assigner aucun point de départ bien précis.
Dès que les premiers coups s’étaient fait entendre, madame Hayden nous avait avertis que les esprits étaient pré-sentr,, et que ce que nous entendions , c’était le toc-toc de leur télégraphe électrique, c’étaient lcs« coups mystérieux », les raps célèbres dont tous nos amis ont sans doute entendu parler. Elle nous invita à interroger les invisibles à l’aide de l'alphabet, qui se trouvait tracé en gros caractères sur plusieurs carrés de papier placés sur la table pour notre usage. La manière de s'en servir était celle-ci : le consultant, te-.nant l'alphabet dans sa main gauche , indique successivement chaque lettre du bout du doigt. Avec quelque précaution, cette manœuvre peut s’opérer aisément à l'abri de tout regard étranger. Quand l’indicateur arrive sur la lettre que les esprits veulent désigner, un rap se fait entendre, et la lettre est enregistrée. Des mots, des phrases et enfin des communications plus ou moins étendues s’obtiennent au moyen de cette télégraphie dont le mécanisme est, comme on voit, très-simple, sinon pour ceux qui ont à expédier les dépêches, du moins pour nous qui n’avons qu’à les recevoir. Mon voisin adressa les premières questions; les réponses parurent le confondre, et je trouvai qu’il y avait de quoi. Ce qui fut épelé pour moi contenait aussi des marques très-saisissantes de l’existence d’un commerce de pensées entre
nous et des intelligences occultes. Une de ces intelligences, qui se donnait un nom où entre la lettre ç, témoigna par un roulement de coups semblable à un trépignement son impatience de ne pas rencontrer ce caractère dans l’alphabet anglais, le seul à sa disposition , et dut. laisser sa signature inachevée. Mais parlons des coups en tant que manifestation physique du monde des esprits, puisque tel est le sujet spécial de cetle lettre.
La nature de ces sons, que j'ai eu l’occasion d’observer plusieurs fois depuis, semble indépendante des qualités sonores de l'objet d’où ils nous paraissent procéder, car, bien qu’ils frappent l’oreille comme une succession de petits chocs, aucun genre de percussion exécuté sur la même substance ne peut en tirer des sons d’un timbre identique. Il est permis, dès lors, de supposer que les coups ne sont pas plus dûs aux vibrations sonores du bois de la table que les crépitations accompagnant la production des étincelles électriques ne résultent elles-mêmes des vibrations sonores de l’électro-phore.
Les coups ne sont pas les seuls effets physiques qui se produisirent chez madame flayden. La table exécuta plusieurs mouvements de rotation et de bascule très-prompts et très-énergiques. Elle se pencha vers moi à plusieurs reprises et se maintint pendant vingt ou trente secondes, avec cette attitude fortement inclinée, dans un équilibre que ne peuvent certainement expliquer les lois de lastatique. Je désirai soumettre à une autre épreuve l’action motrice des esprits : je formulai intérieurement, et sans communiquer ma pensée à personne, cette prière, que si nous avions réellement affaire à des forces intelligentes capables de culbuter des meubles et de lire au fond de notre âme, ces forces voulussent bien, pour me convaincre d’une vérité aussi importante, faire que la table sc dirigeât vers un point de la salle que je désignais mentalement. L’expression tacite de mon désir était & peine achevée, que le meuble s’élança par une impétueuse glissade, non pas précisément dans la direction voulue, mais sur une ligne voisine.
Pendant toute la durée des expériences, le médium s’entretenait avec nous et causait avec toute l’aisance et la liberté d’esprit d’une personne dans l’état le plus normal. Rien, soit dans l’expression de ses traits, soit dans le ton de sa voix , soit dans son maintien, n’indiquait qu'une modification physiologique quelconque se fût opérée dans son être depuis son entrée dans la salle-11 importe, d’un autre côté, de constater
que, durant les évolutions de la table, le médium ne semblait être en rapport avec cet objet que par le contact de ses vêtements, ou même parfois que par un Irès-proche voisinage, sans contact réel. Du reste, son attitude était telle, et nous avions toute sa personne si bien en vue, que la pensée d une tricherie de sa part n«traversa pas même notre esprit. Mon honorable voisin était devenu pensif, et quelques-unes de ses remarques me firent comprendre que son incrédulité venait de céder la place à certains scrupules religieux et presque à d s regrets.
Quatre ans plus tard, me trouvant encore en Angleterre, un de mes amis, à la veille de s’embarquer avec moi pour New-York, me présenta chez une famille honorable de Londres, qui entretenait un commerce assidu avec les intelligences du monde invisible par le médium d’ une jeune personne de quatorze à quinze ans, dont la position de fortune, l’éducation parfaite et la charmante naïveté offraient un abri inviolable à son précieux ministère contre l’envie et les accusations auxquelles il est en butte chez d’autres moins bien protégés.
Nùus nous assîmes à une longue table à rallonges qui venait de servir pour un repas d’une douzaine de couverts. Des craquements se produisirent bientôt dans le bois, et, peu après, je vis distinctement plusieurs feuillets de la table se, soulever séparément sur l’un de leurs bords latéraux, et 1 autre bord, en retombant, frapper plusieurs fois sur le châssis, comme un battoir. Toutes les personnes du cercle ayant les dix doigts de leurs mains étendus sur la table, il était mécaniquement impossible que ce mouvement fût produit par l’action musculaire d’aucun d'eux. Il faut donc supposer qu’ils étaient l’œuvre d’un compère accroupi sous la table, et se dérobant instantanément par une trappe, à mes regards inquisiteurs, ou bien qu’ils étaient, comme chacun autour de moi semblait le croire , une manifestation spirituelle. Du reste, les exercices physiques de cette soirée perdirent beaucoup de leur intérêt devant une manifestation plus imposante, la manifestation d’une éloquence merveilleuse qui éclata tout à coup par la bouche du médium passé en trance , dans une allocution saisissante prononcée d’un ton grave et solennel qui contrastait bien étrangement avec l’enjouement folâtre de la jeune fille que j’avais vue tantôt s’ébattre dans le jardin avec ses compagnes. — Les personnes dont il est question ici ne sont pas une fiction ; il s’agit de l’excellente famille de M. Rymer, avoué à Londres,
• !1 , fin risque de déplaire à scs clients, publie hautement >• c'.mictions spiritualistos cl, fait les plus généreux efforts pour répandre autour de iui les démonstrations matérielles ( ii ; «'•. istibles de la grande et consolante vérité dont il estime aujourd’hui la connaissance le plus précieux de tous ses biens.
Le deuxième dimanche du mois de mai dernier, je me trouvais if Buffalo, sur le lac Erié , où je m’étais rendu dans !c but spécial de visiter une famille de médiums célèbres qui habitent ordinairement cette ville. On m’apprit qu’ils l’avaient quittée depuis peu. et j’aurais eu à regretter mon voyage, si je n'avais recueilli tout d’abord un dédommagement qui m’eût fait oublier de plus grands mécomptes. M’étant rendu k la réunion dominicale des spiritualistes de la localité, j’eus la satisfaction aussi vive qu’inattendue d’y rencontrer ie plus remarquable de tous les nombreux médiums orateurs qu’il m’a été donné d’entendre. Cet orateur, M. Thomas Gales Forster, est un homme de quarante-cinq à cinquante ans, ancien officier de l'armée américaine , ayant fait la campagne du Mexique, et, en dernier lieu, gérant commercial d’une feuille périodique de Saint-Louis. Il a été arraché , dit-il, de cette résidence et à ses affaires, par les esprits qui l’ont contraint aller catéchiser le peuple de Buffal«sur des matières de religion dont il n«s’est jamais occupé lui-même, et sur lesquelles il s’affirme aussi ignorant que qui que ce soit. Il nous donna deux discours des plus vigoureux et des plus solides, sans ie moindre haut de note entre les mains pour aider sa mémoire. — 11 n’aurait d’ailleurs pu en faire usage, car il parlait les yeux fermés. — Il étala une érudition théologique et historique vraiment prodigieuse par la profusion et la précision parfaite des détails. Son argumentation était pressante et sa dialectique toujours sûre, et, ce qui ne me frappa et ne me plut pas moins que tout le reste, c était le naturel touchant de son langage, la sage maturité de sa pensée, et une élocution sobre et rassise qui, soit dit en passant, n’est point la qualité distinctive de l’éloquence médiate. A la clôture de la séance, j’allai présenter mes félicitations à l’orateur : il me répondit que mes compliments revenaient à un autre que lui, qu’il n’était lui— même qu’un homme de paille, dont l’organe de la voix venait d’être mis en jeu par une pensée qui n’était point la sienne , et qu’il ignorait jusqu’au premier mot des belles choses qui venaient d’être dites par sa bouche. J aurai occasion de reparler de M. Forster à propos de la classe de
médiums dont il fait partie, et de deux curieux pastels qu’il m’a présentés comme spécimens de ce que j’appellerai l’art intennondain.
Ayant exprimé mon désappointement de ne point rencontrer les Davenport, dont la renommée m’avait conduit à Buffal«, le rédacteur du journal spiritualiste de celte ville, l'Af/e du Progrès, me recommanda à quelques personnes présentes qui voulurent bien m’introduire chez un'de leurs amis dont le fils est un médium moteur remarquable. -le lus reçu parle père et par le fils avec une hospitalière cordialité. Malheureusement, le jeune homme était souffrant, et portait encore sur la figure une éruption critique survenue à la suite d’un accès de fièvre. Il s’offrit néanmoins à faire tout son possible pour m’être «agréable, et consenlit même à se mettre sur-le-champ à la besogne ; mais il était onze heures du matin, et les plus belles manifestations physiques semblent réclamer l’obscurité. On chercha bien à créer une nuit factice en bouchant toutes les ouvertures qui donnaient accès à la lumière, mais, soit qu’on ne put y parvenir complètement , soit par toute autre cause (pie j'ignore, les esprits ayant montré peu d’empressement à répondre à notre appel, la séance fut levée pour être reprise après le meeting spiritualiste du soir. Je fus invité à dire quelques mots devant cette réunion, ce qui me conduisit à faire la connaissance d'un certain nombre de personnes dont quelques-unes, informées que des expériences allaient avoir lieu chez un de leurs amis, en l’honneur de l’étranger, voulurent être de la partie. Le groupe se composait de sept à huit personnes dont plusieurs dames. Tous mes voisins me firent f effet de gens intelligents et bien élevés. Ou se réunit dans un appartement de rez-de-chaussée, composés de deux petites pièces communiquant entre elles par une porte. Cette porte fut laissée ouverte; toutes les autres furent soigneusement fermées et consignées. Une des deux pièces fut livrée toute entière au médium. Les autres personnes s’assirent en cercle, en se tenant par la main, sur le seuil delà porte de communication ; j'eus le privilège d’être placé de façon à en fermer et commander l’entrée.
Les lumières furent éteintes, et, au bout de quelques minutes, les raps commencèrent sur un des murs et apparemment proche du plafond. Une conversation télégraphique s’ensuivit avec les esprits (ou ce qui est présumé tel) sur les dispositions à prendre pour rendre la séance aussi fructueuse que possible. Les instructions des invisibles ayant été
reçues, une lampe fut allumée. Je profitai de cet intermède de clarté pour promener un regard scrutateur dans tous les coins de la salle , sous le piano, sous la table , sous les chaises. Rien de suspect ne s’offrit k mes yeux. Avant de me faire rentrer dans les ténèbres obligées, on me présenta une corde de la grosseur du petit doigt, longue de plusieurs mètres et formée, dans toute sa longueur, d’une seule pièce. Un m’invita à en garrotter le médium et k l’attacher pieds et poings liés aux barreaux de la chaise sur laquelle il était assis, ("est ce que je fis avec le plus grand soin. Mon sujet était fortement assujetti sur son siège, et ses pieds et ses poignets fixés au meuble de façon à n’en pas pouvoir bouger d’une ligne. Après avoir passé et repassé vingt fois la corde autour des membres du patient, il me restait encore les deux bouts avec une longueur d’environ un pied; je les nouai ensemble vigoureusement cinq ou six fois; puis, je séparai les brins de ce qui restait encore do. libre, et je réunis ensuite les brins d’un chef avec ceux de l’autre par une série croisée de petits nœuds dont la réunion formait l’entrelacement le plus complexe. Les mains du médium étaient attachées derrière le dos et liées à un barreau du dossier : au moyen d’un cahier de musique glissé entre le dos et le dossier, je bouchai l’intervalle des barreaux de manière à enlever aux doigts toute liberté d’action. Après ces préparatifs , je repris ma place sur la porte , le médium fut laissé seul dans sa pièce, k trois pas de moi, et aucun membre du cercle ne pouvait aller à lui sans me passer sur le corps : nous rentrâmes dans l’obscurité.
Une batterie de coups télégraphiques commença aussitôt pour nous apprendre que les esprits allaient se mettre immédiatement k l’attaque de mon nœud gordien. Bientôt le médium signala leur présence auprès de lui, et assura qu’ils étaient en train de jouer des ongles après la corde. Quelques secondes d’une anxieuse attente, et j’entendis le signal indubitable de ma défaite : c’était le frottement de la corde sur les bords de la chaise indiquant nettement le dévidement de chaque tour de ma ligature par un grincement distinct. Mon émotion à cet instant fut incompressible, et elle éclat .....‘ illation irréfléchie au médium,
récriait, mais il avait à peine articulé quelques mots que la corde, après avoir accompli le dernier cercle de sa révolution rétrograde, fut lancée vers moi k travers les plus épaisses ténèbres, et vint me frapper en plein dans la figure,
exprimant
passivité de son rôle. Il se
toutefois sans me l’aire aucun mal. I.es lumières reparurent, et je lus impatient (l’examiner la corde. Tous hk nœuds, gros et petits , avaient été déliés, sauf uu seul que j’avais fait par méprise sur un des brins de corde lui-même, et qui, par conséquent, ne servait point à unir les deux chefs. •Nous fûmes replongés encore une fois dans l’obscurité, et les esprits nous annoncèrent qu’ils allaient lier le médium à leur tour. La corde avait été laissée à terre , un frôlement sur le plancher marqua l'instant où elle était enlevée. Bientôt le jeune homme lit entendra des exclamations de douleur. A mes questions, il répondit que les esprits le garrottaient avec une violence impitoyable, et qu’il nous priait de le, détacher sur-le-champ. Lue lumière à la main, je vais au in dium, et je le trouve littéralement cordé comme une caisse de voyage avec tout l’art et la solidité qui indiquent un emballeur expert et peu soucieux de la sensibilité de ses ballots. La circulation était arrêtée à la hauteur des poignets, et les menottes se perdaient sous le bourrelet des tissus tuméfiés. Bref, les esprits avaient fait beaucoup mieux (pie je n’aurais pu ni osé faire.
Troisième acte de la séance. Le jeune homme ayant été lié de nouveau par moi de la même manière que je l’avais fait précédemment, quelques notes isolées furent touchées sur un pian«situé à deux ou trois mètres de la chaise du médium. Les baguettes d’un tambour d’enfant, posé sur une table , s’entre-choquèrent, et firent entendre un ou deux coups sur l’instrument, après quoi la caisse roula à terre. Après quelques autres tâtonnements de ce genre, les invisibles nous firent savoir, par les rupx, que les conditions défavorables, créées par l’état d’indisposition du médium, les forçaient à renoncer pour ce soir-là à nous régaler de leur musique. La séance fut close par l’expérience que voici : Le médium et moi nous assîmes l’un en face de l’autre, à une petite table carrée à quatre pieds ; le jeune homme me donna ses mains à tenir. Tout à coup son siège fut brusquement tiré de sous lui, et il dut s’accrocher à la table pour ne pas tomber. Nous nous avisâmes alors de nous tenir debout, et, les mains de mon compère dans les miennes, je les éle\ai et les retins à la hauteur de sa tête. Au bout de quelques secondes, je sentis la table se soulever lentement en frôlant ma poitrine, et enfin elle arriva jusqu’à mes coudes où elle s’arrêta comme à un obstacle à son essor vers le lambris. — Je n’avais pas eu le temps de songer au parti qu’il était possible de tirer de ce phénomène, quand le charme se rompit tout à coup, et la
table retomba sur le plancher. A propos de cette ascension, le jeune homme me raconta qu’il avait une lois été enlevé en personne jusqu’au plafond, ('.'était dans I obscurité, niais le père, resté à terre , touchait les pieds de son fils suspendus au-dessus de sa tète. Dans cette situation critique, l’enfant voulut parler ; ses paroles firent évanouir la force qui le soutenait dans l’espace, et il retomba lourdement à terre.
Il existe en Amérique une classe nombreuse de médiums qui, ainsi que nos somnambules de profession, attendent une rémunération des personnes qui les visitent (et je suis loin de leur faire un crime de réclamer ainsi leur morceau de pain quotidien en retour de l’inestimable service qu’ils rendent à leurs frères en vouant tout leur temps les éclairer). Avant de prendre congé de la famille au milieu de laquelle je venais de passer cette intéressante soirée, j’éprouvai un grand embarras à ne pas savoir si je me trouvais chez elle à titre d invité ou à titre de client. Je consultai furtivement un de mes voisins à ce sujet : il m’apprit que nous étions chez un gentleman (exerçant, si je ne trompe, la profession d'ingénieur), qui ne s’est déclaré spiritualiste que pour la part des inconvénients attachés encore à ce titre, et qui, paria volontaire , ne cherche d’autre dédommagement à son sacrifice que dans la joie de contribuer aux progrès de la vérité.
Deux jeunes garçons, qui entrent à peine dans l’adolescence, se sont rendus célèbres depuis cinq ans entre tous les médiums moteurs des Etats-Unis ; ce sont les frères Davenport. Je fis, pour les voir, un voyage de plus de cent lieues. Ne les ayant pas trouvés à Buffal«, je me rendis à Rochester où je fus plus heureux. Ces enfants voyagent accompagnés de leur père, et convient le public à venir observer les phénomènes surprenants auxquels leur présence paraît donner lieu, et se soumettent de bonne grâceà toutes lesépreuves que l'imagination peut suggérer à chacun comme moyen de découvrir la cause mystérieuse de ces effets. Les Davenport perçoivent en général une rétribution de ceux qui assistent a leurs séances, mais ce tribut devient illusoire pour eux par lé désintéressement exagéré qui en règle la perception. M. Davenport père, qui reçoit lui-même les deniers a la porte, refusa obstinément d’accepter mon argent dès la deuxième séance à laquelle je me présentai, sous prétexte que j étais déjà un converti, et que les infidèles seuls devaient payer pour leur instruction. Il opposa en ma présence le même refus invincible à d’autres personnes qui insistaient avec énergie et
(lurent sc rendre de guerre lasse. Cependant, M. Davenport est loin d’ôtre riche des biens de ce inonde, et, tel que le vrai disciple dont parle l’Evangile, il a laissé là ses aiïaires et sa maison pour se livrer tout entier à sa vocation apostolique. D'autre part, la simplicité de ses manières d’homine du peuple, son air de parfait bon homme, et son peu d«tenue devant le public, nuisent au succès de ses séances, en éloignant la foule qui tient absolument à être imposée par des dehors charlatanesques, et ne juge le contenu que par 1 étiquette du contenant. Tout cela fait queM. Davenport ne saurait compter sur ses recettes pour l’entretien de sa famille, quelque modestes que soient ses besoins, et qu’il serait fort en peine si la fraternelle hospitalité de ses coréligionnaires ne venait en aide, ce qui heureusement a lieu, comme j’ai été à même de m’en assurer à llochester. Ceci soit dit pour montrer que, dans les expériences que je vais décrire, l’observateur n’avait pas devant lui, suivant toutes les apparences, de rusés industriels contre l’habileté desquelstoute sa vigilance et sa sagacité pouvaient se trouver en défaut, mais bien plutôt de bons israélites, des cœurs simples et naïvement dévoués à une idée. ,
Qu’on se figure une salle de concert' au deuxième étage d’une maison dans la rue principale d’une grande cité des Etats-Unis. A la place de l’orchestre figure une sorte de petite baraque en planches, de forme quadrangulaire, adossée au mur, et élevée sur quatre pieds de bois à la hauteur d un mètre. Elle a trois mètres de façade, un mètre cinquante de haut, et autant de profondeur. Elle présente une porte a sa partie antérieure ; un trou rond d’environ vingt-cinq centimètres de diamètre, est pratiqué au haut de la porte pourl aréage de l’intérieur. La porte est posée sur des gonds de fer, et elle est année d’un verrou placé en dedans. L’intérieur de,cette boîte est garni de bancs fixés aux parois, et pouvant recevoir de cinq à six personnes. Ils présentent, en outre, la disposition particulière que voici. Par intervalle d’un demi-mètre, ils sont percés, d'outre en outre, de deux trous jumeaux laits il la tarière. On verra plus loin quel en est l’usage. Deux violons, un porte-voix en fer-blanc, et aussi, je crois bien me rappeler, un tambourin, gisent sur les bancs. On aperçoit par son manche une guitare posée sur le ciel de la baraque, extérieurement. Une cinquantaine de personnes causent et se promènent dans la salle. L’appareil que je viens de décrire attire principalement leur attention, et il est soumis à un examen minutieux. Il est trois heures de l’après-midi : des lumières
sont apportées et le jour est exclu au moyen de tentures épaisses jetées sur les fenêtres. La porte d’entrée est fermée à ciel, et les assistants prennent, pince sur des sièges disposés en demi-cercle au-devant de la mystérieuse boîte.
Les médiums, qui étaient restés jusque-là mêlés au public, grimpent dans ce réceptacle. Puis on invite les spectateurs à déléguer quelques-uns d’entre eux pour lier les médiums sur leurs sièges. Je réponds immédiatement à l’appel, et, muni d’une bonne corde, j’assujettis fortement les mains d’un des sujets derrière le dos; je passe ensuite les deux bouts de la corde dans les deux trous dont j’ai parlé tout à l’heure, et les pieds sont liés à leur tour après avoir été ramenés sous le banc aussi loin et aussi haut que possible, les talons touchant la planche, qui est ainsi la seule séparation entre les mains et les pieds. Je m’assure ensuite que les quatre membres de l’autre sujet ont été enlacés de façon à en rendre tout mouvement impossible dans l’ordre normal des choses. Je reprends ma place, et les médiums restent seuls dans leur loge; la porte en est ouverte, et le public continue à les voir attachés et immobiles sur leurs sièges comme deux criminels au pilori. M. Davenport se présente ensuite devant le demi-cercle formé par les spectateurs , avec un long cordeau à la main. Afin de garantir les personnes bien intentionnées contre la possibilité d’une participation frauduleuse d’aucuns de leurs voisins aux opérations qui auraient lieu, le cordeau est passé successivement dans la boutonnière de chacun, et les bouts ramenés vers le centre du groupe, sont remis entre les mains des spectateurs. Dans de pareilles conditions, nul ne peut quitter son siège sans que tout le monde en soit averti. M. Davenport se soumet comme les autres à cette mesure de précaution. La salle est vide autour de nous, et il est clair que tout le monde présent s’y voit à moins d’être invisible par nature. M. Davenport souille la lampe, et nous voilà dans une nuit profonde. Deux secondes passent, deux secondes à peine, et la porte de la cellule se ferme avec violence et le verrou roule bruyamment dans les crampons. La porte était close, et, d’après les lois connues de la matière, ce ne pouvait être que par une force située dans la cellule même, où cependant ne se trouvaient, quelques secondes auparavant, que deux enfants réduits à l’immobilité de caryatides. La première minute n’était pas écoulée qu’un véritable vacarme de sabbat se fait chez les médiums : on dirait qu’il y a des lutteurs aux prises, et que la légère construction retentit de leurs chocs et va être brisée par la violence de la lutte. Quel-
ques instants «l’un pareil tapage, et les médiums nous crient qu'ils sont détachés. La lumière reparaît, et je cours droit à eux : je les trouv e complètement libres, et les cordes dénouées à leurs pieds.
Nous revenons à nos places respectives; les médiums restent dans leur case, mais cette fois sans être attachés ; la lumière fait place encore une lois à l’obscurité. Bientôt j’entends les médiums pousser plusieurs fois ce cri, « O! John , 01 you hurtme, », ce qui veut dire Oh! Jeun, vous me faites mal. Mon voisin m’apprend que ce Jean est l’esprit tapageur et le chef de la troupe invisible dont nous sommes venus pour admirer les exercices. Les médiums ne tardent pas à lions crier: Allumez, (le qui est aussitôt fait. Nous trouvons les enfants liés de main de maître plus fort et surtout plus artiste-ment qu’ils ne l’avaient été par moi.
Cet examen terminé, 011 regagne ses places , et nous sommes replongés dans l’obscnrité, A l’instant même la porte roule sur ses gonds et le verrou cric. Bientôt des sons articulés se produisent avec un bruit étrange ; on dirait un ventriloque parlant à t ravers un porte-voix. Les paroles sont loin d'être sublimes, ce sont des remarques familières et plaisantes adressées à l’auditoire. Cette voix inconnue, c’est, m’assure-t-on, la voix de John ! La voix sc tait, et voilà que les violons commencent à grincer sous l’archet : les instruments d’accord, l’exécution commence...
Des airs populaires divers furent joués successivement avec un ensemble parfait et.d’une manière fort agréable. Le dernier coup d’archet était à peine donné, que la lampe se rallume, et les jeunes Davenport nous apparaissent immobiles, dans la position exacte où nous les avions laissés, et cloués sur leurs bancs à ne pouvoir bouger, comme 011 dit, ni pied, ni patte. Ajoutons que tous les assistants avaient le cordeau à la boutonnière : par conséquent, pas un d’eux ne pouvait être soupçonné d’avoir déserté sa place pour prendre un rôle dans la scène ténébreuse qui venait de se jouer.
Nous rentrons dans l’obscurité pour la quatrième fois. La guitare, que nous avons vue tout à l'heure sur le dessus de la cellule des médiums, commence bientôt à rendre quelques sons qui semblent partir de ce point. Mais voilà que les sons, de plus en plus forts et pressés, paraissent se rapprocher de nous par degrés, et enfin l’instrument se fait entendre directement au-dessus de ma tête, apparemment à une distance de deux mètresdans la même seconde, je l’entends à l’extrémité opposée de la salle, et toujours à la même hauteur apparente. Maintenant, la marche de l’instrument s’abaisse au ni-
veau de nos genoux ; la guitare semble pincée à pleine main et à tour de bras, et son bruit est comme un tourbillon bourdonnant qui passe, comme un vent impétueux, (levant le front de l’auditoire. Puisque j'ai promis de dire toute la vérité, je dois déclarer que j'éprouvai en ce moment-là une émotion très-vive qui ressemblait fort à de la peur ! J’étendis instinctivement le pied au-devant de ma ligure par mesure de protection.
J’assistai à deux autres séances données par les mêmes. Voici les faits nouveaux que j’y observai. Je m’enfermai avec les médiums dans leur antre formidable. Nousnousassîmes sur les sièges fatidiques, et j’attendis, résigné d'avance à mon sort. Tout à coup la voix du dieu, la voix creuse et saccadée de John, vibre à mes oreilles. La familiarité de sa parole n’a toutefois rien que de rassurant. Il m’invite à contribuer de tous mes efforts à la diffusion des nouvelles vérités, et j’en prends l’engagement solennel. Après cela, John me fait une caresse par un tapottement léger du bout du porte-voix sur ma figure. J’empoigne l’instrument, mais mie force supérieure l’arrache de mes mains et le lance avec violence contre les planches. Jedemande à éprouver lecontact immédiat de l’esprit, et à l’instant la pulpe de quatre doigts s’applique sur mes joues et se fait nettement sentir. Je tends la main à John : il en presse le bout des doigts avec les siens, qui restent cependant insaisissables. Me trouvant assis le dos et la tête appuyés contre la cloison de la cellule, je demande à l’esprit de me faire sentir sa main sur la nuque ; aussitôt les cinq doigts et la paume d’une main de grandeur ordinaire s’appliquent derrière ma tête, et sont promenés pendant une minute sur toute la région de l’occiput.
Je terminai mes observations, malheureusement trop précipitées, sur les médiums Davenport, par l’expérience suivante qui fit taire beaucoup d’objections que les précédentes avaient suscitées dans mon esprit. Après la clôture d une séance publique, je restai seul dans la salle avec les deux frères. Je pris soin de fermer la porte moi-même et de me livrer à une inspection en règle des lieux, de laquelle résulta pour moi la certitude qu’en fait d’êtres humains visibles pour mes yeux matériels, nous n’étions que trois dans la salle. Les deux jeunes gens s’assirent ensuite aux deax bouts d’une petite table, et je me plaçai entre eux. Les médiums rapprochèrent leurs pieds respectifs et les étendirent, ainsi rapprochés, sous la table. Cela fait, je posai mon pied droit sur les deux pieds de mon voisin de droite, et je posai de la
même manière mon pied gauche sur les deux pieds de mon voisin de gauche. Ensuite, j’appliquai une main sur le front de chacun des deux enfants, et leurs deux mains embrassèrent respectivement mon bras et s’y appuyèrent fortement. Il me paraît impossible que, dans des conditions pareilles, ces enfants aient pu accomplir le moindre mouvementde leurs jambes, de leurs bras onde leur tête à mon insu. Comment donc pouvaient-ils être les auteurs de ce qui allait.-se passer? Sur la table était une petite lampe, nn violon et un porte-voix. Je souille la lumière, et, coup sur coup, retentit à deux pouces de mon oreille un how d«you d«? prononcé de cette voix caverneuse et cassée que nous supposons être celle de John. Il n’en fut pas dit davantage. Mais, après les paroles, les actes. J’entends comme un violon frapper en guise de massue sur la tête de mon voisin de gauche qui se plaint à John de ce qu’il n’y va pas d’une main plus légère. Mon tour arrive : ie violon, comme si une main le maniait par le manche, frappe de la panse sur le haut de ma tête, d'abord faiblement., et puis plus fort, et plus fort, et enfin si fort, que je suis obligé de demander à ce que cela finisse. Je prie John de me faire grâce de tels arguments que je l’engage à réserver pour les têtes dures en grand nombre, qui, impénétrables à toute la raison, s’obstinent à nier contre l’évidence.
Si les faits que je viens de raconter ne sont pas l’œuvre d’une puissance ultramondaine, ce sont des tours de prestidigitation qui confondent le savoir et anéantissent la renommée des artistes les plus célèbres dans ce genre, des Ander-son, des Houdin, des Bosco, etc. ; et les Davenport sont encore, à ce compte, des prestidigitateurs d’autant plus surprenants, qu’ils débutèrent dans leur art subtil à l'âge de dix ans, qu’ils y montrèrent tout d’abord une habileté consommée à laquelle cinq ou six ans d’exercice n’ont pu rien ajouter, et que, de tous ceux qui les ont connus et vus journellement depuis leur naissance, pas un n’est capable de dire qui a été leur maître, et à quelle source ils puisèrent le secret de ce merveilleux savoir. Etranges imposteurs que ces médiums ! En se présentant franchement comme des joueurs de gobelet de bon aloi, ils pouvaient, grâce à leurs tours sans pareils, éclipser toutes les illustrations rivales, et conduire dans leurs maigres bourses les ruisseaux d’or que la curiosité publique fait couler dans celle des escamoteurs en renom , et ils ont préféré sacrifier la fortune et la gloire, sacrifier leur chétif avoir et une bonne réputation, — le seul bien de quelque valeur qu’ils possédaient, — à la sotte entreprise d’accré-
diter parmi nous des contes de possédés et de revenants qui font hausser les épaules à la foule, et qui même n'en imposent plus aux petits enfants...
Des juges d’une compétence incontestable ont soumis à des investigations suivies les faits présentés par la famille Davenport. Le résultat de leurs recherches a été toujours le même : on n’a pu découvrir le procédé! M. le professeur Ma-pes, qui m’engagea fortement à voir ces médiums, les avait soigneusement étudiés lui-même, et sa conversion au spiritualisme avait été le fruit de celte étude. Or, tout ceux qui connaissent le savant et honorable professeur savent aussi qu’il n’est pas à leur connaissance d’observateur plus fin et plus sévère et d’esprit mieux gardé, soit contre les entraînements d’un enthousiasme irréfléchi, soit contre les pièges du charlatanisme.
M. F. YVillis est un jeune homme d’environ vingt-cinq ans, d’une constitution frêle et maladive. Sa figure a une expression grave et intelligente mêlée de douceur et de modestie. Ses manières, d’une simplicité distinguée, dénotent la fréquentation habituelle de la meilleure compagnie ; son éducation paraît avoir été soignée, et il possède l'instruction sérieuse que l’on doit attendre d’un candidat au grade de docteur en théologie. M. Willis appartenait en effet naguère à l'université de Cambridge du Massachusetts; il avait constamment mérité l’approbation de ses maîtres, l'estime et l’affection unanimes de ses camarades, lorsqu’il plut aux esprits de faire de lui un médium. En cette qualité, il effectua quelques cures merveilleuses sur plusieurs élèves. Mais la présence d’un médium dans les murs d’une université, dans une citadelle de préjugés philosophiques et religieux , était une criante anomalie : M. Willis, en conséquence, fut prié poliment de ne plus se présenter au collège, et, sur son relus, il fut pris contre lui un arrêté d’exclusion qui fera à jamais la honte de ceux qui l’ont rendu, et un jour aussi leurs remords, je l’espère du moins pour eux. Je n’ai plus en ma possession le texte de cette pièce mémorable ; la teneur en est en substance celle-ci: «Article premier. Attendu que M. Willis a été accusé de se livrer à des jongleries pour en imposer et faire accroire à un pouvoir surnaturel dont il se prétend doué,
il est invité à suspendre ses relations avec le collège jusqu'il ce qu'il ail prouvé son innocence;
«Art. *2. Le conseil des professeurs, considérant qu’il n'est pas dans ses attributions de se constituer en tribunal, se déclare d’a\ ance incompétent pour juger le différend de M. Wil-lis. »
Vous le voyez, mon cher maître, le puritanisme américain a aussi ses Escobards qui ne le cèdent à d’autres ni pour l’iniquité des décisions, ni pour l’effronterie du sophisme.
M. "W illis semble réunir toutes les attributions médiales à. un haut degré... Mais me voilà déjà bien loin par delà les bornes raisonnables d’une épître. Arrêtons-nous. A une prochaine lettre la continuation du récit que j’ai à vous faire sur l’ex-étudiant de Cambridge, un sujet éminemment digne de notre intérêt.
A vous, mon cher maître, avec un entier dévouement.
X..., O. M.
CORRESPONDANCE.
EXCELLENTS EFFETS DU MAGNÉTISME DANS LES CROSSESSES ET COUCHES LABORIEUSES. — LE MAGNÉTISME AGISSANT A DISTANCE \ I.’INSU DE MAGNÉTISEUR ET I»E MAGNÉTISÉ.
A M. le baron du Potet.
Monsieur,
Depuis que j’ai le bonheur d’exercer les bienfaits du magnétisme , j’ai été assez heureux de porter du soulagement chez quelques familles, je dirai môme quelques guérisons, non pas que je veuille m’en attirer delà gloire, car c’est à Dieu seul que nous devons attribuer cette grâce. Permettez que je soumette à votre juste appréciation un fait qui, selon moi, mérite d'être mentionné.
Dans la maison que j’habite, rue Chanoinesse, n° 20, demeure aussi une jeune dame, nommée Berson, épouse d’un coiffeur ; étant enceinte, elle dit un jour : J’ai bien du chagrin, me voilà comme dans mes autres grossesses, touchant à mon huitième mois, et obligée de garder ma chambre, faute de pouvoir marcher par suite des douleurs terribles que j’éprouve dansle côté droit. Me voilà comme dans mes autres gros-sesses pendant deux mois. Toujours confiant dans les bienfaits du magnétisme, je lui en citai plusieurs exemples qu’elle parut croire; je lui proposai d’en essayer, ce qu’elle accepta; nous nous mîmes à l’œuvre le môme jour; le lendemain, je lui demandai comment elle se trouvait : elle me dit que ses douleurs de côté l’avaient laissée reposer toute la nuit ce qui n’existait pas depuis plusieurs semaines ; alors
tous les soirs nous renouvelâmes );i magnétisation, et cnli.i, les deux derniers s'écoulèrent, et elle pouvait continuer scs travaux habituels, ce qui la rendit bien joyeuse. Le jour tant désire par elle arriva, elle se trouvait chez nous à causer, elle remonte chez elle. Une heure après, sa voisine descend dire à ma femme de monter, que madame Berson éprouve des douleurs qui annoncent sa prochaine délivrance; l’on fut chercher la sage-femme, ma femme était restée avec elle ; je me trouvais seul chez nous, personne alors ne pouvait me distraire dans les intentions que je nourrissais à son égard. Je pris un verre d’eau que je me mis à actionner avec une force que je ne m’étais jamais connue. Arrivons au dénouaient ; tout au plus au bout d’une heure et demie de légères souffrances, elle mit au monde deux jolis petits garçons. Cette dame m’a dit elle-même que, pour ses deux autres couches, elle avait été trois jours à souffrir avant la délivrance. Je laisse au jugement des personnes qui s’occupent de cette belle science, si ce fait peut s’attribuer aux bienfaits du magnétisme.
Comme un autre fait se rattache à celui qui précède, permettez que je vous en entretienne. Je magnétise une dame qui reste rue St-Honoré, vis-à-vis le passage Delonne ; cette personne était prise par des douleurs qui la retenaient chez elle ; il lui fut ordonné par son médecin, consciencieux je le crois, il lui fut ordonné, dis-je, des bains fort chers ; me trouvant chez elle, je lui proposai le magnétisme qu’elle accepta avec plaisir, car elle en avait vu des expériences. Nous remplaçâmes les bains par deux magnétisations par semaine. Aujourd’hui, elle vaque à ses affaires et s’incline devant le magnétisme. Pour revenir à ce qui se rattache de cette dame à madame Berson, c’est que je ne peux magnétiser l’une sans que l’autre éprouve les mêmes effets que quand je suis auprès d’elle. Madame Berson me dit : Hier, à telle heure, n’avez-vous pas magnétisé madame P... de la rue Saint-Honoré? j’avais un grand mal de tête et froid aux pieds, instantanément mon mal de tète s’est passé et mes pieds se sont réchauffés. C’était effectivement l’heure où je magnétisais
madame 1’... I nc autre Ibis, celte dernière médit : Tel jour, il parait que vous a\cz juge que j’allasse me coucher; car, à dix heures, c’était, le soir, je me suis sentie actionner comme quand vous êtes auprès de moi, cl je m’endormais, obligée de quitter mon ouvrage pour me livrer au repos, et c’était l’heure que je magnétisais madame Bcrson. Je me suis rappelé à ce sujet pareille circonstance, mentionnée dans le Manuel du Mu g né limite, arrivée à M. du l’otet. Encore un mot. La semaine dernière, présent mois de novembre, une dame de nos amis me parle des inquiétudes qu’elle concevait pour sa fdle, jeune personne de dix-huit ans, malade depuis plusieurs mois, et privée de ce qui avait habitude de paraître régulièrement. Je lui dis de se rappeler l’époque, et elle veut me l’amener quatre jours avant ; nous essaierons du magnétisme, ce qu’elle accepta. A la seconde séance, le tout avait repris son cours, et la pauvre mère me remerciait d’une cure aussi belle.
Un de vos élèves et abonné à votre journal et dévoué,
Lefeuvbe.
Je laisse donc, Monsieur, à votre appréciation, celui de de juger si ces faits méritent de remplir une place dans votre Jonmal du Magnétisme pour l’encouragement de bien des magnétiseurs indécis.
Paris, le 18 novembre 1857.
VARIÉTÉS.
Les procès-verbaux transcrits plus bas m’ont été remis par une brave femme dont les premiers accès de somnambulisme se développèrent dans mes expérimentations faites pour nos abonnés. Rentrée chez elle, cette femme a vu ses accès de somnambulisme se reproduire, et «à lasuitedephénomènes de vision extraordinaires, une affluence considérable de personnes s’est portée chez elle. Mal lui en a pris. Elle fut dénoncée comme sorcière, comme divinatrice et poursuivie pour fait d’escroquerie, car il y a dans notre Code une lot barbare qui punit les divines facultés de l’âme et qui vient au secours de l’ignorance des faux sages de ces temps.
J’ai pensé que Ges certificats, qui seront suivis d’autres tout aussi singuliers, mais tout aussi importants, viendraient à l’appui de tous les faits de vision que nous avons déjà, publiés. Baron nu Potet.
ATTESTATIONS AUTHENTIQUES DES FAITS LES PLUS REMARQUABLES DE LUCIDITÉ.
Je, soussigné, Christophe Hutin, propriétaire à Bovée, certifie avoir consulté madame Thiriot de Ligny dans son état de somnambulisme, qu’elle a très -bien satisfait à la confiance que j’avais en elle, en m’indiquant le dépôt d'un paquet perdu par mon épouse depuis environ un mois et demi, et détaillé tous les objets qu’il renfermait, et que la personne m’en a fait remise à ma satisfaction.
Ce que je certifie sincère et véritable.
Bovée, 2U janvier 1834.
CH. 1ILTIX, BURTÉ.
Vu pour la légalisation de la signature du sieur Hm:n Christophe.
Bovée, 2G janvier 1854.
Le maire, Simon.
Nous, soussignés, tous les habitants de la ville d«Ligny, attestons et certifions, pour rendre hommage à la vérité, que le !\ novembre 1854 , avons consulté dans son sommeil magnétique madame Thiriot, demeurant audit Ligny, à l’effet de connaître par elle ce qu’était devenu le sieur Fau-dot, dudit lieu, disparu de son nomicile depuis le 29 octobre, même année. La somnambule étant endormie, nous lui avons remis un bonnet de coton appartenant ;ï la personne absente, et posé cette question : Voyez-vous ce qu’est devenu le mari de madame Faudot qui est ici devant vous ? Environ trois minutes après, elle poussa un soupir et répondit : il est mort ! ! De quelle mort ? je le vois dans un bois pendu après un chêne au moyen d’une hart au cou. Dans quelle direction du bois et à quelle distance, le voyez-vous? Sa réponse ne se fit pas attendre. Le bois n’est âgé que de cinq à six ans, dit-elle, et c’est bien à cinquante pas dans le bois , le long d’un sentier gauche du grand chemin.
Des recherches furent par nous tentées ; mais le mauvais 'temps qu’il faisait ce jour-là nous empêcha de pénétrer dans l’enceinte du bois que nous avait désigné la somnambule ; par suite, nos recherches devinrent infructueuses.
Enfin, le 14 janvier présent mois, un habitant de la commune de Nançois-le-Petit, le sieur Laurin , se trouvant par hasard dans ladite forêt, retrouva le malheureux Faudot, pendu après un chêne, une hart au cou, la hauteur du sol d’environ trente centimètres , exactement ce que nous avait dit madame Thiriot lors de notre consultation , \ quarante pas. Le bois , dans lequel Faudot s’est donné la mort, se nomme Malval, territoire de Nançois-le-Petit.
Délivré à Ligny, le 2 janvier 1855.
Ont signé : Veuve J. P. Faudot, Remy Faudot, Jean Jacques Krickler, François l’ensey, Chréiieu, N. Cuendin, Léon Auguste, Varlet, Lorrain de Kançois-le-Petit.
Vu pour légalisation de M. J. P. Faudot de Lignv et autres.
Ligny, 25 janvier 1855.
Le maire, Simon.
Nous, soussigné, Hussenot, maire de la commune de Ci-vrauval, canton de Ligny, département de la Meuse, certifie, pour rendre hommage à la vérité, que le 19 août 1855, avons consulté dans son sommeil magnétique madame Thi-riot, demeurant à Ligny, à l'effet de connaître par elle ce qu’était devenu mon fils, disparu depuis deux jours de mon domicile. Madame Thiriot, étant dans son sommeil magnétique, nous lui avons demandé : Voyez-vous ce qu’est devenu notre fils, absent depuis deux jours? Peu de temps après, elle nous a répondu , il est mort. Nous lui avons demandé : de quelle mort ? je vois qu’il est tombé dans la rivière. Ce qui était vrai. Nous lui avons demandé aussi l’endroit où il était tombé : elle nous l’a fait connaître. Nous sommes allé au lieu indiqué, et nous avons retiré notre fils de l’eau, qui était bien mort. C’est pourquoi nous lui avons délivré le présent certificat pour lui servir en cas échéant.
*
Givrauval, l«22 août 1855.
Le maire, c. hussenot.
Je, soussigné, Pierre Charlier, propriétaire, demeurant â Cuisy, canton de Montfaucon, département de la Meuse, certifie avoir consulté madame Thiriot, somnambule de Ligny, le 22 janvier 1856, étant dans son sommeil magnétique.
Je lui ai demandé : Pouvez-vous me dire ce qu’est devenue ma montre, qui m’a été soustraite il y a environ quinze jours? Deux minutes environ après cette question , la somnambule me répond : Votre montre n’est pas bien éloignée de chez vous. J’ai demandé à ladite somnambule ce que le voleur voulait faire de ma montre et s’il ne la vendrait pas parce qu’il aurait peur d’être connu, attendu qu’il y avait quelque chose de remarquable à ma montre qui ne se trouve pas sur les autres montres. Ce qui était vrai. Je lui ai demandé ce qu’elle voyait de remarquable à ladite montre. Elle m’a répondu qu’elle voyait du côté qu’on la remonte un
cercle d’une couleur bleuâtre, et même le verre qui était cassé, ce qui était encore vrai. Mais elle me dit aussitôt de ne pas me tourmenter; quelle \ oyait la personne qui avait soustrait la montre avoir peur de la somnambule, et qu’elle croyait que d'ici à quelques jours , l’on rapporterait la montre, de manière à ne pas être vu. En eiïet, deux jours après la consultation, vers les six heures du soir, ma femme étant sur le point d’aller rendre une visite clans une maison voisine, ouvre la porte de notre maison et aperçoit aussitôt ma montre accrochée en dehors de ladite porte après la clanche.
Ce que je certifie sincère et véritable.
Cuisy, le 5 février 183G.
CHARLIER PIERRE.
Nous, soussigné, maire de la commune de Tronville, certifions que, le 6 avril dernier, le sieur Naudin, instituteur de ladite commune, étant à se promener sur le chemin vicinal de Tronville à Salmagne, passant sur le pont que traverse la rivière de l’Ornain, il avait aperçu dans ladite en aval du pont un cadavre arrêté sur le gravier. Il est venu aussitôt m’en donner connaissance. Je me suis au même instant transporté sur le lieu dit. J’ai reconnu que c*étuit la vérité. Au même instant, j’ai fait retirer le cadavre qui m'était inconnu, et je l’ai fait garder par un peloton de garde nationale, et en prévins la justice.
Le lendemain 7, la gendarmerie est venue pour faire la levée du cadavre. Il s’est présenté Anne Bleuse, femme Jac-queminet Marie Jacquemin, femme llenard, lesquelles m’ont déclaré bien reconnaître ce cadavre. Anne Bleuse me dit : C’est bien certainement mon mari, et la femme Renard reconnaît que c’est bien son gendre. Après cette déclaration , j’ai de suite procédé à l’inhumation du corps suicidé. Afin de pouvoir régulariser l’acte de décès dans toutes les formes, je me suis transporté à Ligny, afin de m’assurer. Etant au domicile de la femme Jacquemin, j’ai eu en rencontre madame Thiriot, dite somnambule, demeurant aussi à Ligny. Madame
Thinot me dit que, étant dans son sommeil magnétique, elle avait donné connaissance à Anne lîleuse, femme Jacqucmiu, que snp mari s’étaitjeté à la rivière sur le territoire de I.igny, près les bateaux, et que ladite femme Thiriot lui avait même donné le signalement de tous ses vêtements, et leur avait même dit que ses souliers étaient nenfs, qu'il manquait même un clou îi celui du pied droit.
Moi. maire , je certifie avoir visité les souliers étant à ses pieds, avoir reconnu que c'était la vérité. La femme Anne Bleuse et la femme Renard m’ont certifié que tout ce qu’elle me disait était vrai.
Ont signé : Veuve Jacquemin. — F. Renard.
C’est pourquoi nous avons délivré le présent à madame Thiriot pour lui servir au besoin.
Tronvillo, le 8 avril 1857.
Le maire.
J. D. MAYEUR.
FACULTÉS EXTRAORDINAIRES CHEZ UN SAUVAGE.
•
Il n’y a pas de peuple chez lequel on ne trouve des personnes jouissant de facultés semblables à celles de nos somnambules et médiums. Le Spitiuil Tclegrap/i du 10 octobre dernier rapporte, d’après le Daily Tribune , journal du Détroit, des faits très-curieux qui se sont passés parmi la tribu indienne des Chees-a-Kee ; des individns priv ilégiés entendent des voix qui ne sont audibles que pour eux, voient les esprits des morts sous forme d’oiseaux , perçoivent les choses éloignées, ébranlent des tentes sans moyen physique appréciable, etc. On cite aussi des guérisons qui paraissent être dues à une action magnétique, et de prodigieuses influences exercées h distance , soit en bien, soit en mal, et comparables à celles qu’on attribue à la sorcellerie. Nous ne garantissons pas la réalité de tous ces faits mervei leux ;
niais en retrouvant les mêmes croyances à, toutes les époques, chez tant de nations si profondément différentes par leurs mœurs, leurs langues, leurs institutions et leur religion, on ne peut s’empêcher d«reconnaître dans cette conformité quelque chose de digne d’attention et qui ne peut s’expliquer qu’autant que ces croyances sont basées sur un certain fond de vérité.
M. Wiliam Johnson, qui a vécu chez ces sauvages , raconte qu’il a particulièrement connu parmi eux un devin ou thaumaturge nommé Wau-chus-Co, qui est mort en 1839 ou 40, h Round Island, près de l’île de Makinac. (’.e personnage était devenu chrétien plus de dix ans avant s:i mort, avait embrassé la secte presbytérienne, et avait mené une vie fort édifiante. M. Johnson le pria un jour de lui dire toute la vérité sur les prodiges qui lui étaient attribués, et notamment de dire qui est-ce qui ébranlait la cabane et faisait entendre des voix, quand il exerçait son art magique. Le devin fit une l'éponse d’où nous extrayons les passages suivants : « Je sens que j’ai bien peu de temps à, vivre; et prêt à paraître devant Dieu, je suis incapable d’altérer la vérité. Personne ne me donnait de concours. Etant jeune, j’ai jeûué dix jours suivant une coutume de ma tribu; à la suite de quoi, mon corps était très-faible, mais il me semblait que mon âme avait accru sa puissance, et que je pouvais embrasser d’un coup d’œil toute la contrée. Je vis apparaître des animaux de toute sorte de forme, dont quelques-uns étaient d’un aspect effrayant, des serpents monstrueux, des oiseaux très-variés. Une intelligence supérieure me détermina à faire choix d’un oiseau ressemblant à un milan. C’était un esprit qui conversa avec moi,'me dit de l’évoquer quand j’aurais besoin de lui, promettant de m’aider. La première fois que je pris .part une expédition, nous nous dirigions vers Chang«; le péril était urgent, notre chef craignait une surprise de la part de l’ennemi et eut recours à mon ministère. Après m’être préparé, j’entrai dans la cabane des Chees-a-Kce, et aussitôt la présence de l’esprit se manifesta par des mouvements violents de cette cabane.
! Dis-nous où sont les ennemis, criaient du dehors le chef et ses guerriers. Aussitôt un vaste horizon se déploya devant moi, je vis tous les objets distinctement; les ennemis étaient dans des villages où nous ne soupçonnions pas leur présence ; je distinguais leurs actes et leur conversation. Notre tribu manœuvra en profitant de ces avis : le lendemain, nous nous étions procuré en abondance les vivres qui nous manquaient, et un trophée de chevelures signala notre retour.
« Souvent je manifestai mon pouvoir dans ma tribu, et, pour convaincre les incrédules, je me fis attacher solidement par des cordes : à peine l’ébranlement de la cabane annonçait-il la présence des esprits , que les cordes s’échappaient, et j’avais les membres libres. Souvent, en ouvrant la cabane, 011 voyait une lumière brillante, et la voix des esprits se faisait entendre aux assistants, mais ils n’en pouvaient comprendre le sens.
« En 1815, la garnison américaine de ce port attendait un vaisseau du Détroit avec des provisions pour l’hiver. Il s’était déjà écoulé un mois depuis l’époque fixée pour son arrivée, la disette commençait à sévir. Le commandant de la ville m’appela et me requit d’exercer mon art. J’y consentis : en conséquence, après une préparation convenable, j’entrai dans la cabane des Chees-a-Kee, qui était entourée d’indiens et de blancs. A peine eus-je commencé à chanter en agitant ma sonnette, que les esprits arrivèrent ; le bruit qu’ils firent et le son de leur voix furent entendus de tout le monde. Les esprits dirigèrent mon attention vers l’extrémité méridionale du lac Huron, qui m’apparut avec ses baies et ses des. L’atmosphère en était brumeuse ; sa vue s’arrêtait un peu au-dessous de l’embouchure de la rivière Saint-Clair. Il s'y trouvait le vaisseau attendu; il était désemparé, et les marins étaient occupés à en réparer les voiles et la mâture. Je vis qu’il serait prêt dans deux jours , et que, dans sept jours, il arriverait à Mackinac par le canal du Sud , ce qui était un itinéraire inusité alors. Je fis part de tout cela à ceux qui m’avaient questionné. Au jour par moi indiqué, le
scliooner se montra par le canal du Sud, et le capitaine confirma tout ce que j’avais annoncé...
« J’ai possédé une puissance , ou une puissance m’a possédé : je ne puis ni l’expliquer ni la définir. J’ai eu communication avec des êtres surnaturels qui agissaient sur moi, en révélant les choses éloignées ou cachées. »
On annonce la prochaine publication de la biographie de cet Indien devenu chrétien et à demi civilisé. Il est h désirer que l’auteur, en recueillant tous les faits extraordinaires, s’appuie sur des témoignages dignes de foi.
A. s. MORIN.
l'incrédulité des savants jugée par arago.
a Les Chinois croyaient que les apparitions des aérolithes étaient liées aux événements contemporains, et c’est pourcela qu’ils en formaient des catalogues. Je ne sais pas, au reste, si nous aurions Irop le droit de rire de ce préjugé. Les savants d’Europe étaient-ils plus sages, lorsque, se refusant à l’évidence des faits, ils affirmaient que deschutesdepierres, venant de C atmosphère, étaient impossibles? L’Académie des sciences ne déclara-t-elle pas, en 4769, que la pierre ramassée au moment de sa chute, près de Lucé, par plusieurs personnes qui l’avaient suivie des yeux jusqu’au point où elle atteignit le sol, n’était pas tombée du ciel ; enfin, le procès-verbal de la municipalité de Juliac, constatant que, le 24 juillet 1790, il tomba dans les champs, sur les toits des maisons, dans les rues du village, une grande quantité de pierres , ne fut-il pas traité, dans les journaux de l’époque, de conte ridicule fait pour exciter la pitié, non seulement des savants, mais de tous les gens raisonnables ? « Les physiciens qui ne veulent admettre que des faits dont ils entrevoient une explication nuisent certainement plus à l’avancement des sciences , que les hommes auxquels on peut reprocher une trop grande crédulité. » (Arago, Astronomie populaire, tome iv, p. 204.) — Avis aux savants qui, sans examen, rejettent le magnétisme comme impossible...
On lit dans le Pays du 7 décembre :
« L’ambassadeur de Perse, S. Exc. Ferrouk Khan , et sa suite , se sont rendus hier rue Saint-llonoré , au siège de la Société plnlantropico-magnétique, où ils ont été reçus par M. le baron du Potet, président de celte société.
« L’envoyé du shah de Perse, dont la curiosité était vivement excitée par la nature des travaux auxquels se consacre cette société savante, a adressé à M. le baron du Potet, à M. Henri Delaage et à quelques autres membres présents à l’entrevue, un grand nombre de questions.
« Son secrétaire-interprète a consigné avec soin les réponses sur des tablettes, et l’ambassadeur, en se retirant, après avoir remercié le président de la complaisance qu’il avait mise à lui donner des explications sur un sujet nouveau pour lui, a dit qu’il les utiliserait plus tard pour s’initier aux mystères d’une science si diversement appréciée par les savants eux-mêmes. »
Cet article est erroné en ce qui concerne M. du Potet. Il n’est pas président de la Société philantropico-magnétique et il ne s’est nullement trouvé à l’entrevue dont parle le Pays.
RECTIFICATION.
ERRATUM. — C’est par erreur que, dans notre dernier numéro, page 615, nous avons indiqué le journal la Phrénologie comme étant publié à Strasbourg : ce journal se public à Paris, a pour rédacteur en chef M. Béraud, qui est un des défenseurs les plus éminents de la cause du magnétisme.
C’est aussi par erreur que, dans notre numér«du lOseptembre, en rendant compte du Spirilualiste de la Nouvelle- Orléans, nous avons dit que ce journal coûtait 14 fr. rendu à domicile : c'est rendu sur le territoire français que nous aurions dù dire; car, chose que nous ignorions alors, il parait que la plupart des publications étrangères ne circulent franc«que jusqu'à notre frontière. A partir de là l'administration des postes les soumet i uue taxe.
Baron d«POTET, propriélaire-giranl.
A NOS ABONNÉS.
Tous nos lecteurs savent nous rendre cette justice, que nous n’avons rien négligé pour donner plus d’intérêt à notre journal. En effet, il s’enrichit chaque jour de nouveaux phénomènes, et la nouvelle science prend un corps visible pour ceux qui réfléchissent. Loin de ralentir notre marche, nous allons au contraire doubler le pas, et, loin d’imiter ces magnétismes dolents et timorés, 011 ne nous verra pas flatter la fausse science des écoles et courber la tête devant elle ; au contraire, nous allons attaquer tous ces vieux corps pourris, Ges savants qui, comme des rais d’église,vivent de miettes* ces hommes qui, sans instinct, sans génie, laissent, sans en connaître, les plus magnifiques vérités descendre dans le peuple. Est-ce donc là la destinée des choses les plus grandes? Serait-ce qu’en détournant du centre des sciences les principes féconds, la providence voudrait ainsi préparer un nouvel avenir? Oui, c’est un acte de démolition que nous voulons ; à bas tous ces systèmes, toutes ces fausses doctrines que les savants imposent, et qui, au lieu de vivifier l’esprit, ne sont propres qu’à empêcher son essor. Ah ! j’admire ce que fait le gouvernement dans ce vieux Paris, qu’il démolit pour y porter de l’air et de la lumière, sans écouter les cris et les clabau-deries de la foule insensée. Mais c’est sans indemnité que nous voulons que l’on démolisse ces vieux repaires du matérialisme 3 cette gangrène qui ronge le cœur de tous les hommes.
V enez, aidez-nous, vous tous qui comprenez l’importance
de la vérité mesniéricnne et qui ave* saisi d'un coup d’œil les changements dont elle doit être la cause ; hâtez-vous, le temps, dans sa marche rapide, exige qu’on fasse vite, et ce n'est qu’ainsi, qu’en ne laissant nul repos aux savants, vous les forcerez un jour à vous accueillir. Mais frappez-les, prenez le fouet, prenez la verge, car il est inouï, honteux, que des phénomènes si merveilleux qui sortent de vos mains ne soient point accueillis et que cette richesse immense soit seulement pour la foule ignorante et crédule, car dans son enthousiasme, peut-être dans son délire, tournera-t-elle la vérité contre elle-même.
Pour nous, nous allons vous donner l’exemple du dévouement et de l’abnégation. Le repos que jai tant envié comme un bienfait, et qui doit arriver vers la fin de la vie de tout
travailleur, je n’en veux point...... car tant que je pourrai
formuler une pensée, produire un fait, tant que ma bouche pourra prononcer un mot, je vous crierai : En avant, rainons touchons à la terre promise; le ciel est devant nonÿ cl ses habitants n’attendent,pour se communiquer à nous, que nos communs e/forts.
BARON DÜ POTET.
VARIÉTÉS.
On lit dans le journal le Nord :
Nous extrayons de notre correspondance particulière de Smyrne, du 17 novembre, le fait curieux qui suit :
« Depuis quelques jours , il nous est venu d’Andrinople une femme juive. Le bruit a couru par la ville qu’elle est possédée du démon, et beaucoup de gens ont couru à l’hôpital juif pour la voir. Chacun a donné à son retour une version différente : plusieurs n’ont pas manqué d’affirmer que réellement le diable a pris possession de celte femme. J’ai voulu voir cette possédée de mes propres yeux et mettre à l’épreuve l’esprit qui l’obsède. Voici le résultat de ma visite :
« Je me suis rendu dimanche à l’hôpital juif. Dès qu’on a su l’objet de ma visite, on m’a fait entrer chez Louna, c’est le nom de cette femme ; elle était assise sur un pince matelas, étendu sur le plancher, dans un coin de la chambre : elle donnait le sein à un enfant de neuf mois, bien gras et bien portant ; elle était bien mise, et sa toilette comme sa pose avait quelque chose de coquet; elle est de taille moyenne : elle a les cheveux blonds et le tempérament nerveux-sanguin. Elle peut avoir de trente à trente-cinq ans ; elle est légèrement pâle et assez maigre. Sa physionomie exprime une vive souffrance morale.
« Un bel homme, dans la vigueur de l’âge, se tenait assis sur une chaise, tout près d’elle ; c’était Ezra, son mari. Il y avait, un peu plus loin, trois juifs qui étaient venus voir aussi la possédée du démon.
« Je m’approche d’Ezra, et je commence à le questionner sur le mai de sa femme, sur l’état de santé antérieur,
ses habitudes, etc. Voici en résumé les réponses qu'il a laites à mes demandes :
« Louna a eu trois fois le choléra. La dernière fois elle est restée longtemps sous le coup de la pour ; la moindre des choses l’ellrayait. Quelquefois même elle miaulait avec les chats et aboyait avec les chiens. Elle gravitait, depuis quelque temps, dans cette triste sphère, lorsqu’un jour l’horizon de sa vue s’agrandit et son regard lut dans l’avenir. Elle prédit à ses amies et à son mari qu’un étranger viendrait à Andrinople et qu’il volerait la Bible du rabbin ; mais que, deux jours après, on saisirait le voleur et qu'on se remettrait en possession du livre sacré. La prédiction fut accomplie exactement.
« Depuis, il y a quinze mois, Louna n’a pas cessé de se plaindre d’un mal erratique qui lui prend tous les muscles, mais qui paraît avoir son siège dans le ventre et à la tète, et depuis, elle ne cesse de répéter que l’âme d’un juif de Ro-dost«(mort depuis dix ans en cette dernière ville, d’après les informations qu’on a pu recueillir) , a pris possession d’elle. Louna ajoute que l’âme de cet homme lui parle. On la voit, en effet, entrer en conversation avec un être invisible. L’âme du juif déclare, par la bouche de Louna, qu’elle est condamnée pour ses péchés, par la justice de Dieu, à passer par diverses transmigrations successives jusqu’à ce qu’elle se rende digne de voir la face du Seigneur; qu’elle a déjà habité un chat, un chien et un âne, et qu’arrivée à Andrinople avec ce dernier, elle a conçu le désir (dès qu’elle a vu Louna) de prendre possession d’elle avec la ferme résolution de ne la plus quitter.
« Ezra donna ensuite à notre correspondant des détails tout à fait techniques sur la constitution et le tempérament physique de Louna, ainsi que sur certaines particularités assez bizarres de sa grossesse. Nous passons sous silence ces renseignements et nous continuons.
« Ezra comptait partir le lendemain pour Jérusalem avec sa femme.
« Après tous ces détails, j’ai tâté le pouls de Louna et
IVi trouvé fort, plein et lourd. Elle avait la peau sèche cl quelque peu brûlante. Sa langue était pâle et elle avait quelques taches rougeâtres. J’ai posé sur Louna un gros morceau d’aimant, et quelques instants après son sein s’est parfaitement gonllé , son visage s’est vivement coloré , sa figure a pris une grande animation : ses yeux s’agrandirent et devinrent hagards, sa respiration étouffait dans son larynx ; elle commençait à ressentir un tremblement général, et paraissait en proie à de fortes douleurs. J’ai eu pitié de la voir dans cet état et j’ai retiré l’aimant. Alors elle est revenue peu à peu à son état normal. Je l’ai pressée de demandes, je n’ai pu recueillir aucune révélation de sa bouche. Elle me répondait toujours : Ce n'est pas mon lieurel et elle a fiui par quitter la chambre. Son mari m’a dit qu’elle a peur des médecins et qu’elle ne veut pas prendre de médecine.
« D’après tout ce que je viens de rapporter, il est certain que Louna n’est pas possédée du démon, puisqu’elle dit elle-même que c’est l’âme d’un mort qui l’obsède. Son mal donc ne saurait être qu’une hallucination. Mais quelle en est la cause ? Le choléra aurait-il dérangé ses facultés intellectuelles? Commenta-t-elle pu prédire un fait à venir? Etait-elle en ce moment en somnambulisme lucide?Pourquoi l’aimant l’a-t-il fait entrer dans l’état que j’ai décrit plus haut? Enfin, la violence de ses passions, les difficultés et les troubles qu’elle a toujours éprouvés dans la fonction la plus importante de la femme, une affection locale provoquée par la grossesse, tout cela ne serait-il pas la cause de la perte de sa raison ? Voilà des questions que je livre à la sagacité des hommes compétents. »
On lit dans C Ami des sciences du 29 novembre :
BRUITS SANS CAUSE APPARENTE.
« Paris, 16 novembre 1S57.
« Monsieur,
« Ce que je vais avoir l’honneur de vous dire, je le signe en toutes lettres, en ajoutant à mon nom mes faibles titres et
qualités, en y ajoutant même l’indication de mon domicile. C’est afin que mon identité soit bien établie, que ma responsabilité soit pleine et entière, et que la vôtre soit aussi dégagée qu’il est possible. Ces précautions prises, nie donnerez-vous la parole pour quelques instants dans votre journal, où mon nom a déjà eu l’avantage de figurer deux ou trois fois? Je n’ose l’espérer, parce qu’il s’agit aujourd’hui de quelque chose de bien grave et de bien contesté ; mais si vous m’accordez cette nouvelle faveur, j’en serai d’autant plus reconnaissant.
J’ai étudié assez de physique pour savoir qu’un bruit ne peut se produire sans qu’un choc matériel ait ébranlé les molécules d’un corps, dont les vibrations, se communiquant à l’air ambiant, font éprouver à notre oreille, par l'intermédiaire de celui-ci , ce qu’on appelle la sensation du son. J'aime, en outre, assez la vérité en toutes choses pour n’accepter un nouveau phénomène, en contradiction manifeste avec la science, qu’après l’avoir vérifié avec le plus de soin possible, plutôt dix fois qu’une. Aussi ai-je constaté pendant plusieurs mois celui dont il s’agit avant d’oser vous en parler. Mais de quel phénomène s’agit-il donc ? Mon Dieu, il s'agit de bruits produits sans cause apparente, de sons perçus par l’oreille sans qu’aucun choc matériel ait eu lieu sur le corps mis en vibration ; rien de plus, rien de moins.
Oui, voilà six mois environ que, pour la première fois, mes amis et moi, nous avons obtenu le phénomène en question , et vous devez bien penser que depuis, nous ne nous sommes pas lassés de le renouveler. Il est devenu pour nous presque usuel. Nous nous réunissons sept ou huit autour d’une table, sur laquelle nous posons tranquillement les mains, et les bruits dont je parle ne tardent pas à se produire. Ces bruits, sur notre demande, se prolongeraient pendant une heure, s’il nous plaisait de donner cette durée à la séance, car ils montrent dans leur production , sinon une docilité complète, du moins une certaine docilité. Ils répondent aux questions par oui et par non , étant convenu qu’un seul bruit entendu signifiera oui et que deux signifie-
ront non. Ils ressemblent au bruit que l'on produit en frappant sur une table avec l’articulation d'un doigt fermé; ce sont de véritables coups, accompagnés d’une vibration sensible dans les molécules du bois. Si l’on veut obtenir des réponses plus longues que par oui et par non , on récite tout haut les lettres de l’alphabet, et le coup se fait entendre sur la lettre qui doit entrer dans la composition du mot; avec un peu de patience, 011 obtient ainsi plusieurs mots à la suite. Enfin ces bruits battent, note par note, les airs que l’on indique, imitent différents frappements, au gré de chacun, etc. La physique est impuissante à expliquer ce phénomène, étranger à toutes les règles de la production des sons; et comme il n’y a là que nous qui étudions , comme nous ne sommes ni mécaniciens, ni ventriloques, ni prestidigitateurs d’aucune sorte, nous restons confondus en présence de ces effets merveilleux d’une cause inconnue...
«Voilà, Monsieur, ce que j’ai voulu vous communiquer et que je voudrais pouvoir crier sur les toits, parce que c’est la pure vérité et qu’il y a là une bien curieuse étude à faire, destinée peut-être à reculer les bornes de la science et à ouvrir de nouveaux horizons à l’esprit humain. Je n’en dirai pas davantage, dans la crainte d’en trop dire; peut-être môme en ai-je déjà trop dit; vous en jugerez.
« Agréez, etc.
« P. F. MATHIEU ,
« Ancien pharmacien des armées, membre de la Société philo-technique et de l'Athénée desarts de Paris, rue Folie-Méricourt, 61. »
Réflexion sur ce qui précède. — M. Mathieu croit aux esprits dont il a attentivement, froidement, minutieusement constaté l’existence dans tant d’occasions, dans une foule d’expériences. Mais il s’est tenu sur la réserve en écrivant dans un journal de science par crainte d’effaroucher les savants. Ces messieurs, tout doctes et érudits qu’ils sont, n’eu sacrifient pas moins aussi sur l'autel du préjugé, et toute vérité , par cela qu’elle est nouvelle, a besoin de s’insinuer chez eux petit à petit, progressivement en s’amoindrissant d’abord; sans cela ils sortiraient hors des gonds, comme ces
pauvres enfants à qui on fait voir trop à bonne heure l’ef(He de Croquemitaine.
Toutefois nous n’en devons pas moins savoir gré à M. .Mathieu d’avoir levé un lièvre sur un pareil terrain, comme nous devons savoir gré au rédacteur en chef de Y Ami des sciences d’avoir prêté les mains à cette petite expédition.
z. p.
FAITS DE P RESSENS ATION.
On lit dans la Patrie du 22 septembre :
n Faut-il ou ne faut-il pas croire aux pressentiments et à certains faits de l’ordre surnaturel ? — Chacun répondra à sa façon ; ici je ne raisonne pas en philosophe ; je raisonne en écho; l’éch«ne se permet point de discuter ce qu’il répète.
« Dans une ville de province vivaient deux frères, l’un peintre, l’autre avocat. Ils s’aimaient tendrement, et logeaient ensemble ; ils avaient tous deux l’esprit cultivé, et leurs entretiens tournaient souvent aux plus graves sujets. Ils s’inquiétaient en particulier de la vie future , et cherchaient à percer d’impénétrables mystères. « Le premier de « nous qui mourra, se dirent-ils maintes fois, reviendra don-« ner un signe au survivant. »
« Dernièrement, le peintre monta à cheval et se rendit à une campagne peu éloignée de la ville ; son absence devait durer jusqu’à une heure avancée de la nuit.
« En rentrant au logis, l’avocat traversa la chambre de son frère pour gagner la sienne. Il était à peu près onze heures ; la maison était vide , et le voisinage silencieux; il faisait un beau clair de lune. Un large rayon de lumière éclairait le lit de son frère ; spontanément il regarda de ce côté ; le lit était occupé.
— « Tiens ! tu es rentré?
« Point de réponse. Il approche; il aperçoit son frère couché sur le clos, les yeux à demi fermés, la bouche entr’ouverte, le visage couvert d’une effrayante pâleur, les bras le long du corps et le corps immobile. Il appelle de nouveau, le silence continue; il tend la main et touche une peau froide et des membres raidis.
« Epouvanté, il allume une bougie, il regarde... le lit est v ide !
— « Suis-je fou? dit-il. Quelle est cette lugubre hallucination ?
« Le cœur lui bat si fort, il a l’âme si bouleversée, qu’il ne peut ni se coucher, ni même rester dans la maison.
« Il sort ; il vient à peine de fermer la porte qu’il voit de loin un groupe d’hommes qui se dirigent vers lui. Ces hommes approchant, il reconnaît qu’ils portent un blessé sur un brancard. Il s’élance à leur rencontre : « C’est mon « frère ! » s’écrie-t-il d’une voix déchirante. On cherche à l’é-loigner:« Ce n’est rien, monsieur, M. votre frère est tombé de « cheval ; mais l’accident n’aura pas de suite. — Je vous dis « qu’il est mort ! » répète-t-il en s’efforçant d’arriver jus-« qu’au corps.
u II le touche, c’est un cadavre.
« M. de S..., neveu de la comtesse K..., habite l’Angleterre. Un sou-, il rentre chez lui, l’esprit fort tranquille. A peine a-t-il allumé sa bougie, qu’il entend un bruit étrange. Il se détourne, et voit sur la table une main qui trace rapidement quelques lettres sur le papier et disparaît. Il s’approche et lit : Goilefruy. C’est le nom d’un de ses amis qui voyageait alors dans l’Amérique du Nord.
« A1. de S... a pris note précise du joui- et de l’heure de cette apparition ; quelque temps après, il a su officiellement que ce même jour, à la même heure, son ami était mort au Canada. L’impression que cet événement a produite sur lui a été si vive, qu’il vient de renoncer au monde et d’entrer aux Oratoriens de Londres. hekry d’audigieb. >»
POUVOIR DE L’IMAGINATION.
Un fripier, employé dans une maison de commerce considérable de Philadelphie, Market-Street, et qui est sujet à des maux d’estomac, n’a trouvé rien de mieux pour les apaiser que de prendre le matin un petit coup de cognac, et la bienfaisante liqueur est placée chez lui dans un endroit d’un facile accès. Un portefaix, nommé Bill, affligé de la même infirmité et grand partisan du même remède, trouva moyen d’arriver à la cachette et s’administra le breuvage salutaire en assez grande quantité pour que l’emprunt fût visible. Le fripier, certain que c’était Bill qui était l'auteur de la soustraction , voulut le punir de sa friponnerie : en conséquence, il enleva l’eau-de-vie et mit à la place une bouteille de whiski très-faible et mélangé d’eau , coloré avec du caramel. Le portefaix, en deux visites, absorba toute la liqueur en murmurant contre la qualité. Quelques minutes après, le fripier se plaignit très-haut de la disparition de sa liqueur, et affectant une grande inquiétude, il s’écria : « Qui est-ce qui m’a pris ma bouteille de mort-aux-rats? — Quelle mort-aux-rats ? demanda Bill, — C’est la bouteille que j’avais mise ici, qui contenait du whiski et de l’arsenic.
— Comment, il y avait de l’arsenic I s’écria Bill qui devint d’une pâleur affreuse et dont les membres tremblèrent de frayeur? — S’il y en avait! La dose d’arsenic suffirait pour empoisonner vingt personne. — Je n’en sais rien, balbutia le pauvre Bill que démentait sa contenance accusatrice. » Et au même moment il tomba à terre, incapable de se soutenir. Il fut pris de vomissements violents et de douleurs si atroces que les employés envoyèrent chercher un médecin et crurent à la réalité de l’empoisonnement. Il s’écoula une heure avant l’arrivée du docteur qui trouva notre homme semblable à un moribond, présentant les symptômes de l’empoisonnement par l’arsenic, comme s’il avait réellement pris cette substance à haute dose. On apprit alors la vérité au malade
dont la guérison fut aussi rapide que l’avait été l’attaque. Le médecin déclara confidentiellement que, sans la révélation qui venait d’être faite, le malade serait mort victime des effets de l’imagination , et avec les horribles sensations de l'empoisonnement par une substance corrosive.
(A’orlh American.)
GUÉRISON INSTANTANÉE PAR LE MAGNÉTISME.
Le 2 octobre dernier, le professeur Guidi, rédacteur en chef de la Luce magnetica, passait à Lyon près le bureau des Messageries Bonafous, rue Neuve, n° 17, lorsqu’une dame, descendant de voiture, glissa du marche-pied et se fit une entorse tellement grave, que cette dame, hors d’état de marcher, fut transportée au bureau voisin, où l’on chercha pour elle des secours. La douleur lui arrachait des gémissements : M. Guidi accourut fort à propos, se mit à magnétiser vigoureusement : en peu de temps, il parvint à dissiper la douleur et enfin à la guérir si parfaitement, qu’elle put repartir à pied. On sait qu’ordinairement une entorse dure au moins quarante jours.
Nous profitons de cette occasion pour annoncer à nos lecteurs que la Luce magnetica, qui se publiait à Turin et qui avait été momentanément interrompue, reparaît maintenant à Nice.
BIBLIOGRAPHIE.
LES MANIFESTATIONS DES ESPRITS, réponse à M.Vicnnct, par Paul Adgikz. I! roch. in-3. Paris, Don tu et G. liaillière. — COURS DE MAGNÉTISME ANIMAL en douze leçons, par M. Millet. Un petit vol. in-lü. Chez l’auteur. — DÉLIRE DES ÉPILEPTIQUES, et MES TRAVAUX ET FONDATIONS. 2 broclu, par Joseph Tissoi.
Nos lecteurs se rappellent sans doute que M. Viennet, à. la dernière réunion des cinq académies, a lu un discours en vers, dans lequel il raille le spiritualisme. Il ne fallait peut-être pas attacher une grande importance à cette boutade d’un poète, qui, en général, ne prend guère les choses au sérieux, et qui a l’habitude de faire des revues satiriques qui, pour le fond, valent à peu près autant que les vaudevilles de MM. Clairville et consorts. Toutefois, on conçoit que des hommes de cœur, pénétrés de la vérité de la doctrine dont ils sont les apôtres, ne puissent la laisser bafouer ni rester silencieux en présence de telles provocations. On n’est qne trop porté en France à prendre des quolibets pour des arguments. Le titre d’académicien ne peut conférer le privilège de parler au hasard de ce qu’on ne connaît pas ; une plaisanterie a beau être cadencée en majestueux alexandrins , alignés suivant les règles de la prosodie , le mérite de la forme ne peut suppléer à la stérilité du fond, et l’on ne peut demander des idées à celui qui, non seulement ne s’est pas donné la peine d’étudier un sujet, mais qui se fait un mérite d’y être étranger. Un de nos collaborateurs a déjà fait justice de ces pasquinades (n° 17 du 10 septembre). M. Paul Auguez, déjà connu par des publications estimables, a pris la plume à son tour, a fait ressortir toute la gravité du sujet et a fait un appel aux hommes de bonne foi.
Il commence par prouver qu’on ne peut jamais d’avance et sans examen déclarer un fait impossible, et, en rappelant le sort de tant d’inventeurs méconnus, il fait voir qu’une
foule de découvertes, réputées d'abord impossibles, ne s’cn sont pas moins réalisées, malgré les dédains d’une science présomptueuse qui avait cherché à les étouffer (I).
M. Auguez cite ensuite un grand nombre de faits dans lesquels il croit voir l’intervention d’êtres surhumains : quelle que soit la valeur de cette hypothèse admise par un grand nombre de personnes du plus haut mérite, il est certain du moins qu’il y a là des phénomènes dont ne peuvent rendre compte les lois connues; s’ils sont dus à des facultés humaines qu’on ne soupçonnait pas , il est indispensable d’étudier ces facultés qui agrandissent notre domaine ; c’est par là qu’on pourra se rendre compte de tant d’événements que contiennent les annales de tous les peuples, événements qu’un scepticisme irréfléchi trouvait commode de nier, bien que plusieurs soient attestés de la manière la1 plus authentique. La nouvelle science est appelée enfin à déchiffrer ces énigmes, à porter la lumière dans les croyances antiques.
L’auteur, prenant à tâche de venger le magnétisme des dédains de certains personnages, cite l’opinion favorable d’un grand nombre d’écrivains éminents et de savants de premier ordre, parmi lesquels nous sommes heureux de compter Laplace et Cuvier. Certes, ce n’étaient pas de petits esprits, des gens faciles à duper, des cerveaux fêlés , dupes de folles imaginations. Quand de pareils hommes reconnaissent l’existence de tout un ordre de faits, il y a bien de la présomption à déclarer péremptoirement et sans enquête, que ce ne sont que des chimères, bonnes pour amuser les badauds, et indignes de fixer un instant l’attention d’un savant.
(1) Dans les Dernières Chansons de Béranger se trouve l'Uisloire d'une idée. Le couplet suivant nous a paru avoir tant d’à propos, qu'on le dirait fait à l'adresse de M. Viennet :
De l'institut les souverains Disent : Sachez, petite lille, üue nous ne servons de parrains Qu'aux enfants de notre famille.
Une idée a frappé chez nous,
Fermons notre porte aux verroux.
Nous félicitons RI. Auguez du courage et du talent avec lequel il a défendu le magnétisme. Nous nous permettrons seulement une critique du passage relatif à l’épreuve qui, d’après plusieurs journaux, a eu lieu dernièrement aux Etats-Unis : Une réunion d’incrédules fit, par l’intermédiaire du Boston Courier, un défi aux spiritualistes et ollïit une prime de 500 dollars à celui qui reproduirait quelques-uns des phénomènes attribués aux médiums ; le défi fut accepté par le docteur Gardner, les demoiselles Fox et plusieurs autres personnes qui se vantaient d’être en communication avec les esprits ; une séance eut lieu en présence de plusieurs savants distingués, et l'épreuve fut négative. — M. Auguez en conclut que cet incident, loin de porter atteinte à la réalité des manifestations spiritualistes, en est la preuve ta plus évidente, et il en donne pour raison que les tours d’escamoteur réussissent toujours, tandis que les phénomènes de l’ordre psychique sont variables de leur nature. Quoi qu’en dise notre auteur, qui sans doute aura été entraîné par l’élan de la foi, un insuccès ne peut avoir la valeur d’un succès ; que d'une tentative infructueuse on ne puisse conclure à la non existence, et surtout à l’impossibilité d’un fait, soit : mais on ne peut en conclure non plus à la réalité de ce fait, et les expérimentateurs qui n’ont pas vu se produire les phénomènes annoncés, ne peuvent raisonnablement se baser sur cet échec pour affirmer la réalité de ces phénomènes.
Ils sont variables, sans doute : il s’ensuit que quiconque veut sérieusement les étudier, ne doit pas se borner à un seul essai, ni se hâter de nier après un insuccès , mais multiplier les expériences et réserver son jugement jusqu’à ce qu’il ait été fait un nombre suffisant de tentatives. Si tes faits spiritualistes sont en Amérique aussi fréquents qu’on nous le dit, il n’y aura pas besoin d’un grand nombre de séances pour résoudre la question. Si les auteurs du défi n’ont pas voulu faire une vaine bravade, s’ils cherchent sincèrement la vérité , ils doivent maintenir leurs conditions pendant un certain temps et se mettre à la dis-
position de ccux qui viendront leur offrir des moyens d'expérimentation.
M. Auguez admet que « le rayonnement de l'incroyance, plus fort que celui des médiums, avait annihilé en ceux-ci la puissance de la foi au moyen de laquelle ils obtiennent habituellement le secours des forces invisibles (p. 1 /i 2). » Ce seraient de. bien faibles esprits que ceux qui se laisseraient ainsi paralyser par l’incrédulité de quelques hommes , et le but des esprits devant être de convaincre l'humanité de leur intervention, l’incrédulité devrait être pour eux un motif de plus de manifester leur puissance, afin de répandre la foi. Si, au contraire, la foi est une condition préalable pour être témoin des faits , celui qui n’a pas eu l’avantage de voir, ne pourra donner un assentiment qui ne serait pas suffisamment motivé, et restera toujours incrédule. Il y a là un cercle vicieux. En fait de magnétisme, ceux qui étaient incrédules, se sont convertis en voyant des faits et surtout en en produisant eux-mêmes. Quant aux phénomènes que plusieurs théories attribuent aux esprits, il en est un certain nombre qui se produisent devant des incrédules, tels que le mouvement, le langage des tables. Il n’y a pas de raison de croire qu’il en doive être autrement des phénomènes plus extraordinaires ; plusieurs organes des plus accrédités du spiritualisme nous annoncent la prochaine arrivée en France de puissants médiums qui, loin de se confiner dans un petit cercle inacces-ble, comme certain thaumaturge fameux , se mettront à la disposition de tout le monde et vulgariseront ces merveilles que nous ne connaissons encore que par les relations trans-atlanèiques : espérons que bientôt la lumière se fera, et que la vérité luira pour tous les yeux (1).
(1) La Patrie, journal très-bienveillant pour las sciences occultes, contient. diins son numér«du H de ce mois, un article favorable sur le livre rie M. A liguez, et cite un extrait fort curieux des mémoires de mademoiselle Clairon. Cette célébré tragédienne avait repoussé les hommages d’un M. S"‘, qui mourut de désespoir amoureux, et qui, en mourant, déclara qu'il poursuivrait l'ingrate et la forcerait de penser h lui. Effectivement, mademoiselle Clairon entendit souvent des cris perçants, des fusillades, et autres bruits également perçus par les personnes de la société, et qui se reproduisaient à sa volonté : il y eut aussi des lueurs visibles et autres phénomènes très-étranges.
M. Millet, archiviste d«la Société philanthropico-magné-tique, gérant de Y Union magnétique, membre honoraire de la Société du Mesmérisme, est un vétéran de la. cause du magnétisme, un de ceux qui l’ont servie avec le plus de zélé et de dévouement. Le Cours rtc magnétisme qu’il vient de publier est la reproduction des leçons qui ont déjà paru par fragments dans son journal. C’est un petit manuel fort instructif et d’une lecture attachante. L’auteur y a réuni presque toutes les notions que doit posséder celui qui veut s’initier au magnétisme ; puisant dans les souvenirs de sa longue expérience et de sa laborieuse et utile pratique , il cite, à l’appui de chaque précepte, des exemples qui, pour la plupart, lui sont personnels, et il donne ainsi à son enseignement de l’attrait et de l’autorité. Il est toujours inspiré par une pensée religieuse, celle de propager le plus possible les moyens de faire du bien aux hommes. Son livre est l’œuvre d’un homme de bien, et sa conviction a quelque chose de communicatif.
Nous regrettons seulement qu’il n’ait pas apporté dans son travail plus de méthode et qu’il n’ait pas su éviter les redites qui font tache dans un ouvrage aussi court. Quant à la doctrine , on voit qu’il a suivi les opinions les plus répandues parmi les magnétistes, sans les discuter, ce qui n’entrait pas dans son plan. Nous nous bornerons sur ce sujet à quelques observations.
M. Millet déclare que « le somnambule, réellement bon somnambule, est infaillible tant qu’il s’agit de lui-même (p. 61). » On entend par bon somnambule, non pas celui qui ne s’est jamais trompé, car il n’en existe pas, maft celui qui a donné de nombreuses preuves de lucidité et qui le plus souvent voit juste. Sans doute, de tels sujets offriront le plus de chances de clairvoyance quand il s’agira d’eux-mêmes. Et pourtant, les auteurs qui ont posé en principe l’infaillibilité de ces somnambules, ont été beaucoup trop loin et ont ainsi donné une régie sujette à bien des dangers. On a cité des exemples de somnambules d’une lucidité éprouvée , et qui, en voulant se prescrire un traitement,
sont tombés clans île graves erreurs. Le plus sage est de soumettre toutes leurs prescriptions à un contrôle sévère. On peut voir la discussion qui a eu lieu sur cette question dans la Société du Mesmérisme (Journal du Magnétisme, n° 18 du 25 septembre).
Suivant M. Millet, le meilleur somnambule serait celui qui, par la seconde vue, pourrait découvir le mieux le système intérieur du corps, et saurait diagnostiquer un état morbide en conséquence : « Mais , ajoute-t-il, il serait inu-lile cl même dangereux qu'il eût des prétentions thérapeutiques ; dans ce cas, il y aurait quiuze chances sur vingt pour qu’il ne soit qu’une seconde édition du magnétiseur (page 128). » Le môme auteur cite, dans le cours de son ouvrage, de très-beaux exemples de guérisons dues à la lucidité des somnambules ; il exalte sans cesse cette précieuse faculté, et quand il trace le plan de l’hôpital magnétique dont il désire la réalisation, il demande que les malades, classés par catégories, soient traités par des somnambule» correspondants à chacune d'elles, et que la lucidité y serve de /lambeau pour te choix des modes de traitement applicables à chaque cas (p. 146.) On ne s’explique pas cette contradiction ; nous aimons à croire que c’est dans ce dernier passage qu’est la véritable pensée de M. Millet, et qu’il n’entend pas réduire le rôle des somnambules à la description des maladies, ce qui, dans bien des cas, n’apprendrait rien aux malades. L’intervention des somnambules est surtout salutaire dans l’indication des remèdes ; souvent leur instinct voit plus juste que la science médicale.
Après avoir raconté la mésaventure d’un spéculateur qui, en jouant à la Bourse, se laissait guider par les prévisions d’une somnambule, M. Millet fait les réflexions suivantes :
a Le hasard suit quelquefois le somnambulisme ainsi dirigé, mais il ne peut présenter aucune garantie. D’ailleurs on doit reconnaître que le Créateur n’a pas dû permettre qu’on fît un mauvais usage d’une aussi précieuse faculté (p. 128). » — Cette dernière considération n’a aucune valeur philosophique. Dieu, en nous donnant des facultés, nous
laissa la liberté d’en faire, sous notre responsabilité, un bon ou un mauvais usage , et, quand nous nous disposons à en abuser, il n’intervient pas miraculeusement pour en suspendre l'action. Celui qui commet les crimes les plus odieux, vol, assassinat, etc., montre certainement beaucoup plus de perversité et fait plus de mal à la société, que le joueur déloyal qui cherche à tricher en connaissant les cours d’avance : il n’y a donc pas de raison pour supposer une intervention providentielle dans le dernier cas, plutôt que dans le premier, à l’elfet de retirer momentanément à l’homme quelqu’une de ses facultés. Il est plus rationnel d’admettre que la faculté de prévision est excessivement rare, et que, même chez les sujets qui en sont doués, elle est très-précaire : comme on ne peut à aucun signe certain distinguer entre la vraie et la fausse prévision , ce n’est qu’après l’événement qu’on en obientla vérification ; d’où il suit que la prévision somnambulique ne peut jamais servir de guide, et qu’en en suivant les indications dans les spéculations, on s’expose à des désastres.
Malgré ces quelques divergences sur plusieurs points de théorie, nous nous plaisons à payer un tribut d’estime pour le livre et de sympathie pour l’auteur.
M. Joseph Tissot, dans une des petites brochures dont nous avons donné le titre plus haut, rend compte des travaux qu’il a entrepris pour l’amélioration du sort des aliénés, des asiles qu’il a fondés , des malheureux qu’il a guéris : ce sont là d’excellentes actions qui mé ritent la reconnaissance publique. Il est fâcheux que ce bienfaiteur de l’humanité se soit amusé à forger des systèmes : en cherchant à expliquer lacause et la nature des maladies qu’il a traitées, il a prouvé qu’un homme de bien , tout en menant à bonne fin d’excellentes œuvres, pouvait être un détestable théoricien. Selon lui, une foule de maladies, telles que la folie, l’épilepsie, la catalepsie, la danse de Saint-Guy, etc., sont causées par les démons que des sorciers malfaisants ont le pouvoir de faire entrer dans le corps
des malheureux, et d’en faire sortir à leur volonté ; il met sur la môme ligne les exorcistes, devins, magiciens, des magnétiseurs, tourneurs de tables mouvantes et parlantes, tous également scélérats et travaillant de connivence avec les esprits infernaux. Ce n’est point par des moyens humains, par les ressources de la médecine, que l’on doit combattre ces lléaux, non plus que par les pratiques dévotes qu’il traite d’idolàtriques, mais bien par le jeûne et la prière. Il recommande de se défier des guérisons fallacieuses obtenues par les sorciers ou magnétiseurs, et qui ne sont que des suspensions du mal combinées d’accord avec le démon qui possède le malade.
On ne discute pas de pareilles aberrations. Nous avons cm devoir mentionner cet opuscule, parce que nous y voyons une sorte de recrudescence de la démonomanie ; c’est un genre de folie qui, pour peu qu’il se propage, exigera aussi un traitement spécial et peut-être des asiles particuliers. C’est un grave sujet de réflexion pour le philosophe , que cette faiblesse de l’esprit humain qui se cramponne aux vieilles erreurs, et à peine sorti du bourbier, s’y replonge avec une espèce de frénésie.
a. s. MORIN.
Avis aux Abonnés.
Les personnes dont l'abonnement expire au 1" janvier prochain sogt ■ priées de le renouveler le plus tôt possible si elles n«veulent éprouver de relard dans l'envoi du Journal.
Baron d«POTET, propriétaire-gérant.
TABLE
ANALYTIQUE
DES MATIÈRES DU TOME SEIZIÈME.
INSTITUTIONS.
Cercle magnétique d'instruction et de bienfaisance, à Turin; sa fondation par M. Guidi, rédacteur en chef du journal la Luce magnetica, 28. — Avis de l'ouverture de cette société le 23 mai, 224.
Dispensaire magnétique de Paris, pour le traitement des maladies par le magnétisme et les consultations somnambuliques. Sa fondation sous la direction de MM. Huguet père et fils, et Millet, 308.
Fête de Mesmer: 123e anniversaire, 12e célébration à Paris. Discours et tostes de MM. du Potet, Morin, Petit d'Ormoy , Ruiz Pons, Clever de Maldigny, et madame Alphon-sine Masson. Pièces de vers par MM. Clever de Maldigny, Gérard, Jobard, et madame Jobey de Ligny. Distribution de médailles décernées par le jury magnétique, 281 à 306.
Infirmerie magnétique de Londres. Indication des principales cures opérées dans cet établissement, 486.
Journal du Magnétisme. Change-
ment de possession : M. du Potet, seul propriétaire ; son nouveau pr«gramme comme directeur, 3 ; — celui de M. Piérart, comme rédacteur en chef, 3.
Jury magnétique d'encouragement et de récompense. Médailles décernées à divers magnétistes, 301.
Société du Mesmérisme de Paris. Discussion sur la thérapeutique magnétique à l'occasion d'un mémoire adressé par M. Guibert de Clelles pour l'obtention du grade de membre titulaire , 57. — Séance annuelle : Rapport de M. le docteur Louyet, secrétaire, sur les travaux de la société pendant l’année 1856. Renouvellement du comité, 113.— Relation d’un traitement magnétique, par M. Petit d'Ormoy, 262.— Conférence sur l'usage du somnambulisme, 477. — Communications diverses, 328, 561.
Spiritualiste (le) de ta Nouvelle-Or-léans, journal fondé sous la direction de M. J. Barthet, 193.—Vues de ce journal, 473.
CLINIQUE.
§ 1. — CAS DE CHIRURGIE. — Opérations supportées sans douleur. Extraction de racines molaires, 239. | Ablation de la table maxillaire, 239. § II. — CAS DE MÉDECINE. — Maux guéris ou soulagés.
Abcès dans la région du cœur, 328. Amaurose, 487.
Anasarque avec surdité, etc., 19. Anévrisme, 478.
Angine de poitrine, 329.
Apoplezie nerveuse, 596. Battements de cœur, 511.
Choléra épidémique, 601.
Coliques violentes. 278.
Contusions graves, 265, 568. Couches laborieuses, 633. Courbature générale, 20. Douleurs de reins, 180.
— résultant de blessures, 487. Entorse, 655.
Epaule démise, 265.
Epilepsie, 487, 540, 597. Faiblesse générale, 511.
Fièvre de Crimée, 486.
— typhoïde, 130.
Flueurs blanches, 154.
Glandes scrofuleuses, 179.
Goutte, 487, 598.
Hernies étranglées, 17. 279. Hystérie (attaques d'), 182. Insomnie, 540.
Maladie lymphatique, 180.
— de foie, 515, 599.
Maux de tète, 562.
Névralgie occipito-frontale, 605.
— à la poitrine et à l'estomac, 307. Noctambulisme, 517.
Paraplégie complète, 315. Pleurodynie, 280.
Rachitisme scrofuleux, 179. Ramollissement des os, 179. Rhumatisme nerveux, 487.
— articulaire chronique. 598. Suppression de menstrues, 513, 516. Surdité, 426.
Syncope, 324.
Tic douloureux, 487.
Ulcérations de l'œsophage, 599. Ulcère à la matrice, 153.
Vers intestinaux, 510.
ÉTUDES ET THÉORIES.
Anthropologie. Suivant M. le docteur de Quatrefages, les races supérieures exercent par leur présence une influence mystérieuse délétère sur les races inférieures. Développement de celte thèse et faits à l'appui, par M. Petit d’Ormoy, 141.
Astrologie. Etude sur l'art divinatoire à l'aide des astres. Extraits d’ouvrages anglais, et examen par M. La-mothe, 102.
Causeries magnétiques. Vues philosophiques de M. du Potet sur l'application du magnétisme comme agent thérapeutique, 13, 44, 65, 117, 149, 176, 231, 269.
Choléra. Des causes qui le produisent et des moyens de le combattre.
Consultation somnambulique communiquée par M. le docteur Gatti, 612.
Démonologie. Doctrines ultra-catho-liques qui font du démon le moteur de tous les phénomènes de magnétisme et de spiritualisme. Examen et réfutation par MM. Buret, 212;
— Morin, 285, 582.
Etat du magnétisme. Coup d'œil sur la situation actuelle du magnétisme et sur les moyens de vaincre les difficiles qui arrêtent encore son admission comme vérité scientifique, par M. Morin, 29. — Vue synthétique du magnétisme, par M. le docteur Manent, 530.
Immortalité de l'âme. Considérations affirmatives tirées des phénomènes du somnambulisme, par M. Delaage, 83 ; — du sentiment de la Justice, de l'harmonie cl de l'ordre éternels, ainsi que des phénomènes actuels du spiritualisme, par M. Piérart, 100.
Lucidité (de la) somnambulique. Vues
diverses sur sa cause, son mode d'action et son usage, par MM. Huguet, 72 ; Alexis, 76; Morin, 79, 533 ; Guibert de Clelles, 433, 495 ;
— Lamothe, 505 ; — Divers, 477.
Métaphysique. Elude sur le spiritualisme, par M. le docteur Clever de Maldigny, 311, 337, 365, 393.
Nososcopic dynamothérapique. Théorie sur l'instinct particulier qui donne aux nososcopes, ou somnambules , la faculté de voir ou de sentir les maladies et d’indiquer les remèdes curatifs, par M. le docteur Huguet, 72.
Philosophie du magnétisme thérapeutique. Guérir par le magnétisme est une œuvre philosophique bien supérieure aux œuvres de la médecine.
Développement de cette proposition, par M. du Potet, 13 44, 65, 117, 149, 176, 231, 269.
Procédés (des) de magnétisation. Observations diverses. par MM. Rul, 53 ; — docteur Louyet, 57, 63 ; — Petit d’Ormoy. 60, 262.; Guibert de Clelles, 323, 568.
Progrès. Le magnétisme occupe la place centrale où s'éléver une science sublime, celle des rapports du monde des esprits avec le monde des corps. Vues de M. Victor Meunier, et réflexions par M. Morin, 164.— Le progrès tourne toujours dans un même cercle, et l’abus de la science, détériorant sans cesse notre globe , ramène fatalement la fin du monde. Système de M. Eugéne Huzar, examiné par M. Morin, 442.
Somnambulisme (du). Théories diverses sur la cause et le mode d'action de la lucidité somnambulique, et
principalement de la vue à distance, 72, 76, 433, 495, 505. 533 ; — sur l'usage du somnambulisme, notamment en ce qui concerne les prescriptions thérapeutiques des somnambules, 477.
Spiritualisme. Exposé îles principes et de l'état du spiritualisme américain, par MM. Morin, 38; — Barthet, 193, 473; — docteur X., 385, 462 —Confession spiritualiste, ou étude métaphysique des phénomènes du spiritualisme, par M. le docteur Clever de Maldigny, 311, 337, 365, 393. — Discussion sur les mêmes
Catholicisme (le) et le magnétisme. Guérisons prétendues miraculeuses, rapportées par le journal l'Univers. Réflexions de M. Morin tendant à démontrer que ces guérisons ne sortent pas du domaine des faits naturels et sont dues à l'action dont l'homme dispose, 169.
Corps (les) savants et la science nouvelle. Discussion sur les phénomènes du spiritualisme à la Société philosophique de l'institut mécanique de New-York. Analyse du compterendu, par M. Morin, 38. — Attaques d'académiciens français contre le magnétisme et le spiritualisme. Réponse par MM. du Potet, 459;
— Piérart, 449.
Médecine (la) et le magnétisme. Débats divers entre médecins et ma-gnétistes, 513, 613.
Méthode de magnétisation. Diversité de vue sur le mode et la valeur des procédés dans certains cas de thérapeutique magnétique. Observations de MM. Louyet, 57 , 63; — Petit d'Ormoy, 60, 262; — Guibert de Clelles, 323. 568.
Prescriptions somnambuliques. Divergences d'opinions sur la foi qu'on doit accorder aux consultations des somnambules et sur le contrôle à y apporter, 74, 477.
Réglementation du magnétisme. Divers magnétistes voudraient que l'exercice du magnétisme fût réglementé officiellement, à l'instar de ce qui a lieu pour la médecine, la pharmacie, etc. M. Morin combat cette idée en s'appuyant sur des considérations puisées aux seules sources du bon sens, 121.
phénomènes à l'institut mécanique de New-York, 38.
Télégraphie spirilualiste. Système de transmission de pensée à distance, décrit par Strada et M. Siemelink 557.
Volonté (de la). Dans les expériences de mesmérisme et de spiritualisme, les effets sont généralement en raison directe de la volonté des assistants. Démonstration de cette vérité par M. Piérart, 96, 549.
Zoomagnétisme. Aperçu concernant l'influence naturelle de l'homme sut les animaux, par M. Morin, 184.
Somnambulisme (le) devant les tribu naux. M. Martin, avocat, critique avec vivacité l'acquittement d'une somnambule poursuivie pour exercice illégal de la médecine, et du médecin qui l'assistait dans ses consultations. M. Morin examine la question au point de vue du droit, et montre que le privilège invoqué par le corps médical tend de jour en jour à tomber en désuétude, 225.
Spiritualisme. Les ultra-catholiques attribuent au démon toutes les manifestations dites spirituelles. Réfutation par MM. Buret, 212; — Morin, 285, 582. — Les voltairiens ne voient dans ces manifestations que des tours de passe-passe. Démonstrations contraires appuyées sur des faits, par M. Piérart, 89, 197, 421, 449. — Réflexions sur le même sujet, par M. du Potet, 439.
Thérapeutique magnétique. Discussion entre MM. Louyet et Petit d'Ormoy sur certains points de thérapeutique magnétique, à l'occasion d’un mémoire adressé à la Société du Mesmérisme, par M. Guibert de Clelles, 57. — Opinion de ce dernier, et faits à l'appui, 323.
Vue somnambulique. Le somnambule voit-il à distance, ou son âme se déplace-t-elle? Question examinée par M. Morin, à propos d'une théorie du somnambule Alexis , 79. — Dissertation à ce sujet par MM. Guibert de Clelles, 433, 493 ; — La-mothe, 505. — Réplique de M. Morin, 533.
FAITS ET EXPÉRIENCES.
Aiguilles et autres objets extraits de diverses parties du corps. Faits curieux rapportés par MM. Piérart, 136 ; — docteur Teste, 328.
Anesthésie magnétique. Opération chirurgicale supportée sans douleur à l’aide du magnétisme. Rapport de M. le docteur Léger. 239.
Animaux magnétisés, ou attirés spontanément par une influence mystérieuse, 180, 185.
Apparition de mains. 208, 334, 490 :
— de lumières, 238; — de l'image de personnes vivantes, 426, 555.
Apport d'objets matériels par les es prits. 234.
Ascension et transport de personnes et d'objets par les esprits, 200, 208, 237, 334, 390, 490, 593, 624, 628.
Attraction magnétique, 249, 609; — spontanée, 183.
Automagnétisation. Faits rapportés par M. le docteur Orioli, 475; — par M. Guibert de Celles, 568.
Bruits sans cause apparente.
Cadavres de noyés et autres retrouvés par la lucidité de somnambules ou de médiums. Faits rapportés par MM. Thierry, 541 ; — Morin, 546; divers, 637.
Catalepsie (faits de) magnétique, 230;
— pathologique, 419.
Clairvoyance ou lucidité somnambu-
lique. Faits, 28, 134, 247, 316, 328, 350, 436, 478, 495, 541, 546, 600, 637.
Communication avec des esprits s'annonçant comme ayant vécu sur la terre, 38, 236 , 334, 361.
Contact de personnes avec des esprits, 94, 207, 629.
Conversation des esprits, 236, 629.
Coups et autres bruits mystérieux attribués à des esprits, 38, 55, 94,
200, 237, 376, 492, 567, 593, 618 à 630.
Créations matérielles des esprits : lettres, tableaux, etc., 234.
Dictées attribuées à des esprits, 195, 318, 361, 376.
Ecriture tracée par les esprits, 202,
234, 361, 563.
Electricité atmosphérique. Image d'objets matériels imprimée sur le corps de diverses personnes, par l'action du fluide électrique. Faits
curieux rapportés par M. du Potet 527.
Electricité humaine. Jeune fille attirant involontairement à elle et sur elle des projectiles de toute sorte, 609.
Electro-magnétisme. Tentatives de MM. Lafontaine et Thilorier pour faire dévier l'aiguille du galvanomètre par l'action de la volonté, 273.— Production du somnambulisme lucide au moyen de l'électro-magné-tisme, par M. le docteur Gasparini, 615.
Erreurs des somnambules, 482.
Espiégleries et voies de fait commises par des esprits, 207, 464, 610, 623, 630.
Esprits qui dictent à des médecins, 195 , 318, 376; — qui déplacent, enlèvent et transportent des personnes et des objets, 200, 208, 237, 334, 390, 490, 593, 624, 628;— qui jouent de divers instruments, 201, 210, 238, 334, 390, 490, 628 ;— qui chantent, parlent, causent des bruits, des fusillades, 659, 236, 334, 490,628; — qui font apparaitre des mains, des lumières, etc., 208, 238, 334, 490 ;
— qui donnent des preuves d’identité, 39, 334; —qui agitent des sonnettes, 55, 201, 209; —qui éteignent
et rallument des bougies, 210;_
qui se mettent en contact avec des personnes , 94, 207, 629 ; — qui commettent des espiègleries et des voies de fait, 207 , 46 4, 494 , 610, 623, 630;— qui écrivent, 202, 234, 361 ; — qui apportent des lettres, des tableaux, etc., 234;— qui guérissent des malades, 235;— qui composent des vers, 363;—qui frappent dans les tables, 631.
Evocation d’esprits, 38, 236, 334, 361.
Expériences et faits de magnétisme et de somnambulisme, 28, 134, 157, 188, 245, 247, 350, 435, 439, 475, 541,
561, 608; — de spiritualisme, 38, 94, 195, 234, 317, 334, 357, 374, 390, 428, 433, 489, 567, 591, 617; — de phréno-magnétisme, 49;—d’élec-tro-magnétisme, 273, 615: — de physiologie magnétique, 459.
Facultés extraordinaires chez un sauvage, 640.
Illuminisme et magie. Faits extraor-dinaires d'exaltation artificielle et d'insensibilité physique observés chez les Aïssaouas, par M. le colonel Neveu, rapportés par M. Emile Carrey, et commentés par M. Morin. 253.
Imagination (Pouvoir de l'), 654.
Inculcation de rêves, 188 ; — de volonté, 248, 518.
Intuition médicale, en somnambulisme. 247, 316, 328, 478, 500, 600.
Lumières éteintes et rallumées par des esprits, 210.
Magnétisme expérimental. Expériences de magnétisme et de somnambulisme pratiquées ou rapportées par MM. Guidi, 28 ; — Morin, 134, 608 ;— André, 157; — Gautier, 188;
— docteur Léger, 239, 245; — comte de Choiseul, 247 ; — docteur Clever de Maldigny, 250;— Guibert de Clelles 495 , 475; — docteur Vandoni , 439 ; — Allix , 541 ; — divers, 478, 561.
Magnétisme mystique. Cures opérées au moyen de la prière, 169.
Magnétisme thérapeutique. Traitements opérés ou rapportés par MM. Menouillard, 17;—docteur Portes, 19; — Morin, 20;— Thuvenin, 130;
— André, 153; — Héraud, 179 ; —
docteur Léger, 239, 513; — Petit
d'Ormoy. 262 ; — docteur Ordinaire, 2’75; — Thurin, 397; — Guibert de Clelles, 323, 568 ; — docteur Teste, 328; — docteur Louyet, 329;— Capern, 486;— Bernard, 509; Allix, 515. 540; — Jobard, 517; — dorteur Begué, 394; — Lefeuvre, 633; — madame Vedeaux, 182.
Malades guéris par des esprits, 255.
Manifestations spirituelles. Faits rapportés par MM. Morin, 38, 55, 390, 567; — Paul d'Ivoy, 94, 202, 334, 428, 453;— J. Barthet, 195, 473;— Villemol, 200; — Méry, 205;— Luke Hopkins, 234; — docteur Clever de Maldigny, 317, 374 ; — Mathieu, 357 ; — docteur X, 462, 617 ; — du Potet, 591;— Johnson, 614; — divers, 208, 489.
Médiums, ou intermédiaires dans les manifestations spirituelles. Faits relatifs à M. Home, 85, 145, 197,
333, 389 , 421, 520, 554, 591 ; — à divers autres médiums,38, 195, 237, 317, 375, 546, 567, 617 à 631, 640.
Musique des esprits, 201, 210, 236,
334, 390, 490, 628.
Oiseaux-médiums. Etonnantes preuve-d'intelligence données par îles oi seaux, 373. — Avertissements prophétiques également donnés par des oiseaux, 555.
Phréno-magnétisme. Expériences magnétiques paraissant confirmer les principes de la phrénologie, par M. Allix, 49.
Physiologie magnétique. Phénomènes d'électricité, de chaleur et de froid développés par le magnétisme animal. Observations de M. le docteur Vandoni, 439.
Portrait magnétisé par le regard et agissant sur des somnambules. Fait rapporté par M. le docteur Léger, 245.
Possession. Fait de possession d'une femme par un esprit, 647.
Rêves et pressentiments réalisés, 162, 190, 203, 223, 331, 348, 552.
Somnambulisme magnétique. Faits de lucidité, 28, 134, 247, 316, 328, 350, 436, 478, 495, 541, 546, 600, 637; — vue à distance et à travers les corps opaques, 134, 247, 495, 541, 546, 637;— vue rétrospective, 350, 431, 437; — transmission de pensée ou de volonté, 157, 248; — intuition médicale, 247, 316, 328, 478, 500, 600; — suspension et perversion des sens, 219.
Somnambulisme naturel. Faits, 136, 223, 517.
Sonnettes agitées par des esprits, 55,
201, 209.
Suspension et perversion des sens, dans l'état magnétique, 249.
Tables et autres objets qui se meuvent, sautent et s'enlèvent sans cause d'impulsion visible, 55, 200, 209, 237, 359, 379, 382, 390, 567, 593, 619;— qui répondent, 189, 200,359, 379, 618, 651;— qui écrivent, 361.
Transmission de pensée ou de volonté, 157, 248.
Vers écrits par une planchette, 363.
Visions fantastiques, 203, 222, 426, 555, 641.
Voix des esprits, 236, 334, 490, 628.
Voleurs découverts au moyen du somnambulisme, 134, 638.
Vue à distance et à travers les corps opaques, 134, 247, 495, 541, 546; 637;—rétrospective, 350, 431, 437, —en rêve, 162, 190, 202, 348, 552.
Zoomagnétisme. Cheval guéri d'une inflammation intestinale au moyen du magnétisme, par M.Copeaux, 180.
VARIÉTÉS.
Académiciens (les) et la science nouvelle, scepticisme, railleries, chicanes de la part de divers académiciens, à l'endroit du magnétisme animal et du spiritualisme, 443, 459, 547.
Aïssaouas (les). Secte d’illuminés en Algérie, 253.
Banquet mesmérien à Paris, 281.
Biographie de médiums en renom : Home, 87, 143, 198, 389, 423, 520, 554 : — les frères Davenport, 625;
— Willis, 631.
Défi porté à toutes les académies du monde, par M. Marcillet, de mettre à la disposition du somnambule Alexis un prix ayant pour condition qu’il lira sans le secours des yeux, 548.
Dessins gravés par la foudre, 527.
Emprisonnement préventif d’un magnétiseur, en Belgique, pour avoir guéri sans diplôme, 521.
Incrédulité (l') des savants jugée par Arago, 643.
Inquisition autrichienne. Un pauvre idiot arrété comme perturbateur de la religion, 523.
Inquisition (l') romaine et le magnétisme, 26, 544, 560.
Magnétisme (le) en Italie, 26, 560; — à Hambourg, 191 ; — en Pologne, 247 ; — en Angleterre, 486 ; — en Suisse, 515;— en Belgique, 521.
Magnétiseur (un) inexpérimenté, et méprise d'un journaliste. 526.
Médecin (un) confondu par une somnambule, 28
Mémoires d’une planchette, 357
Mort (le) vivant, 419.
Pièces de vers par MM. Clever de Maldigny, 220, 298, 313;— Gérard 300;—Jobard. 306;—Viennet, 150— par madame Jobey de Ligny, 303-
— par un médium, 318; —par une planchette, 364.
Profession de foi magnétique de M. le docteur Dubreuil, 21.
Récits de faits étranges, mystérieux ou merveilleux, 55, 192, 200, 222
235, 253, 334, 426, 490, 527, 592, 609, 617, 640.
Revue des journaux, 28, 70, 87, 160, 197, 222, 308, 419, 426, 526, 552;
Sonnette (une) mystérieuse, 55.
Sorcellerie. Un magnétiseur poursuivi comme sorcier, 70.
Spiritualisme (le) en Amérique,38, 193, 234, 384, 389, 424, 462, 489, 621, 640;—en France, 85, 197,309, 354, 373, 423, 449, 554, 591, 610:
— en Angleterre, 617 ; — en Chine. 335, 611.
Tribunaux. Poursuites contre des somnambules , magnétiseurs et rebouteurs, pour exercice illégal de la médecine, 138, 161, 225, 521.
BIBLIOGRAPHIE.
Arbre (l') de la science, par Eugène Huzar. Analyse et examen raisonné, par M. Morin, 442.
Astrologer (the) of the nineteenth cen-tury, or, etc.— Astrology as it is ; not as it is been represented, etc. Analyse et extraits de ces deux ouvrages, en ce qui concerne la magie, les évocations, les charmes, talismans, etc., par M. Lamothe, 102.
Cours de magnétisme animal, par M. Millet. Compte-rendu de cet ouvrage, par M. Morin, 660.
Cours théorique et pratique du magnétisme animal, par M. E. Allix. Annonce de cet ouvrage, 560.
Découverte des causes premières et
finales, comprenant la circulation de l'électro-magnétisme, le principe des sciences et l'art de vivre, de guérir, de rajeunir, par M. le docteur Manent. Extrait des plus favorables au magnétisme, 530.
Délire des épileptiques et mes travaux et fondations, par M. Tissot. Compte-rendu de M. Morin, 662.
Essais scientifiques, par Victor Meunier. Passage sur l’avenir du magnétisme, avec réflexions, par M. Morin, 164.
Histoire et traité des sciences occultes, ou examen des croyances populaires sur les êtres surnaturels, la magie, la sorcellerie, la
divination, etc., depuis le commencement du monde jusqu'à nor jour , par le comte de Résie. Exa men philosophique et critique, pas M. Morin, 578.
Immortalité (l') dévoilée, ou la vie après la mort du corps, démontrée et affirmée par le magnétisme, par M. Siemelink. Programme de cet ouvrage et renseignements par M. Piérart, 559.
Manifestations d'esprit. Réponse à M. Viennet, par Paul Auguez. Compte-rendu de cet ouvrage, par M. Morin, 636.
Philosophie, doctrines, institutions critiques, mœurs et biographies médicales, par Louis Peisse. Extrait (en ce qui concerne le magnétisme) du compte-rendu de cet ouvrage dans le journal le Siècle, par M. Taxile Delord, 166.
Quatre ans à Grœfenberg. manuel hygiénique hydropathique , etc.,
par M. Rul. Extrait de cet ouvrage, relativement au mesmérisme, auquel l'auteur est parfaitement initié, 52.
Sommeil (le) magnétique expliqué par le somnambule Alexis en état de lucidité, précédé d’une introduction par Henri Delaage. Examen et critique raisonnée, par M. Morin, 76.
Somnambulisme (du) médical, ou Esquisse de nososcopie dynamo-thérapique, par Hilarion Huguet, docteur en médecine. L'auteur confesse hautement l'inanité et l’impuissance de la médecine, et propose d'y substituer la lucidité som-nambulique. Analyse cl discussion, par M. Morin, 71.
Spiritualiste (le) de la Nouvelle-Or-léans, éch«mensuel établi par M. J. Barthet. Extraits et vues de ce journal, avec appréciation, par M. Morin, 193 ; — Piérart,473.
LISTE NOMINATIVE
DES PERSONNES DONT LES ÉCRITS, LES ACTES OU LES OPINIONS
sont insérés, analysés, cités, rapportés, commentés on réfutés dans ce volume.
Alexis, 76, 548.
Allan Kardec, 507, 565.
Allix, 27, 50, 113, 517, 545, 560.
Ampère, 404.
André, 159.
Arago, 645.
Arnette. Il3.
Audiguet. 223.
Auguez Paul), 656. Babinel.141, 355.
Bagnold (général), 487.
Bard, 184.
Barthet (Joseph), 193, 473. Bastie (Emile), 40.
Baudus (colonel), 345. Becquerel, 403.
Bégué (docteur), 597.
Bellée, 374.
Belloc, 19.
Bernard, 515.
Berson (madame), 633. Bessières (maréchal), 331.
Bill, 654.
Bodin (mademoiselle), 567. Bonheur, 608.
Bonnemére, 183.
Borgna, 27.
Bourgery (docteur), 406.
Briquet (docteur), 513.
Brissonnet, 113.
Broussais (docteur), 313, 611. Brunet, 521.
Bue (mademoiselle), 599.
Buchanan (docteur), 439.
Buret, 128.
Burdin (docteur), 547.
Cahagnet (Alphonse), 352.
Candel (madame), 597.
Capern, 486.
Carrey (Emile), 254.
Cathcart, 489.
Cervell«(docteur), 301.
Chalin, 614.
Chardel, 343, 397.
Charpignon (docteur), 572. Chesneraye (de la), 297.
Cheyroux (madame), 161, 225. Choiseul (comte de),252.
Clairon (mademoiselle), 659.
Clertan (docteur), 598.
Clever de Maldigny (docteur), 219,
297, 310, 353, 383, 418, 566.
Coan (madame), 38.
Coddé (docteur), 27.
Consoni, 27.
Copeaux, 181.
Cosson, 113.
D'Audigier, 653.
Davenport, 625.
Deguerry (abbé), 204.
Delaage (Henri), 76, 499, 644. Demarchi (docteur), 27.
Derwin (docteur), 147.
Deschamps, 361
D'Hérisson, 502.
Dicapul«(docteur), 529.
D'Ourches (comte), 582, 566. Dubreuil (docteur), 21.
Du Potet (baron), 5, 13, 16, 48, 69, 99, 115, 120, 152, 178, 233, 273, 281, 310, 461, 478, 529, 554, 590 594, 636, 644,645.
Edmonds (juge). 465.
Eliphas Levi, 541, 347.
Ellis, 145.
Elliotson (docteur), 486.
Endlicher, 369.
Férand (madame), 329. Ferrouk-Khan, 644.
Flourens, 67, 459, 504.
Forster, 621.
Fortin (abbé), 138.
Galiber, 605.
Gasparin ( de), 308.
Gasparini (docteur), 615.
Gatti (docteur), 27, 612.
Gautier, 188.
Gautier (femme), 278.
Gérard, 299, 607.
Gordi (docteur), 551.
Gilquin (M. et madame), 17. Grandnoguet, 70.
Gréa (docteur), 485.
Guéranger (dom), 197.
Guidi, 28, 224, 560.
Guilbert de Clelles, 57, 113, 301, 327, 439, 502, 578.
Hare (docteur), 308, 465.
Hayden (madame), 617.
Hébert (de Garnay), 5, 115, 482. Héraud, 180.
Home, 85, 145, 197, 215, 333, 389, 421, 451, 520, 555, 591.
Huc (abbé), 255, 404, 414, 611. Huguet (docteur), 71, 508.
Humphrey Davy, 165.
Huzar (Eugène), 442.
Jabez Inwards, 487.
Jobard, 306, 519, 565.
Jobey de Ligny (madame), 303. Johnson, 641.
Kocberlé (docteur), 614.
Lafontaine, 26, 273.
Lamothe, 112, 190, 508.
Lanning, 490.
Laporte, 161, 226.
Laporte (famille), 183.
Larrey (docteur), 429.
Lefeuvre, 635.
Léger (docteur), 244, 515.
Lejoint, 133.
Lélut (docteur), 395.
Louna, 647.
Louyet (docteur), 57, 63, 113, 130.
323, 329, 562.
Lourd (madame), 113, 561.
Luke Hopkins, 238.
Mac-Cullock, 143.
Macgowan (docteur), 335.
Malvenda, 162.
Mansfleld, 546.
Manent (docteur), 530.
Manson (madame), 546.
Mapes, 463.
Marcillet, 548.
Martin, 223.
Masson (madame), 293.
Mathieu, 357, 651.
Mayen (madame), 316.
Menant (madame), 315.
Men ouillard, 19, 114.
Méry, 208, 660.
Meunier (Victor), 164, 400.
Millet, 308.
Montbarbon (madame), 279. Montbrun (général), 333. Moreau-Sainti, 200.
Morin (A. S.), 20, 27, 37, 43, 56, 76, 84, 114, 129, 135, 166, 175. 187, 196 , 230, 262, 275, 285, 392 433, 448, 486, 488, 539, 546, 561, 588, 609, 643.
Morny (comte de), 428.
Mougue, 302.
Napoléon III, 89, 204, 328.
Napoléon (prince), 200.
Neveu (colonel). 254.
Octavie (mademoiselle), de Passarieu 378.
Ogier (madame), 134, 239.
Ordinaire (docteur), 280, 570.
Orioli (docteur), 475, 565.
Owen, 463. Paria. 280.
Partridge, 39.
Paul d'Ivoy, 94, 203, 430, 453.
Paul (Eugène), 113, 302.
Peano, 27.
Pelsse (Louis), 166.
Pelleport ( général), 222.
Persiston (docteur), 439.
Petit d'Ormoy, 60, 113, 148, 268, 289, 335, 561, 568.
Pie IX, 26.
Piérart, 12, 101, 137, 140, 211, 354,
362, 419, 426, 432, 459, 475, 526, 552, 560.
Pigeaire (docteur), 530.
Pisenti, 26. Polac, 130.
Portes (docteur), 20.
Poston, 489.
Poudra, 403.
Quatrefages (docteur de), 142. Ravignan (R. P.), 88, 204.
Redman. 491.
Reichembach (de), 578.
Résie (comte de), 615.
Richard (docteur), 615.
Richardson, 554.
Riolan (docteur), 504.
Roche (docteur), 395.
Rœssinger (docteur), 86, 299.
Rose Fornasari, 439.
Rosevelt, 39.
Rowland, 487.
Ruiz Pons, 295.
Rul, 52.
Rymer, 620.
Sainte-Beuve, 222.
Salvat, 115.
Savage, 491.
Schopenhauer, 97.
Séverac (madame de), 597.
Siemelink, 557.
Stevenin, 70.
Summer (docteur), 136. Szapary (comte de), 503, 538. Talmadge, 463.
Taxile Delord, 166.
Terzaghi (docteur), 27.
Teste (docteur), 301, 328.
Texier (Edmond), 90, 201, 432. Thierry (Emile), 541.
Thilorier, 273.
Thiriot (madame), 636.
Thurin, 181, 301, 307. Thuvenin, 133.
Tissot, 662.
Vandoni (docteur), 441.
Vauréal (comte de), 378. Vedeaux (madame), 182, 302. Viennet, 449, 459.
Villars, 541.
Villemot (Auguste), 201.
Ward, 546.
Weber (docteur), 402. Wilkinson (docteur), 463. Williams, 147.
Willis, 390, 424, 651.
Wilson, 108. Wuillermé-Dunand, 301. Zanardelli, 26.
Zaunetti, 27.
Zimmermann (docteur), 404.
FIN DU SEIZIÈME VOLUME.