(1855) Journal du magnétisme [Tome XIV]
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(1855) Journal du magnétisme [Tome XIV]

1855

JOURNAL

DU

MAGNETISME

RÉDIGÉ

Par une Société de Magnétiseurs et de Médecins

SOCS LA DIRECTION

OE M. le baron DU POTET.

La vérilé, n’importe par quelle bouche; le bien, n’importe par quelles mains.

TOME QUATORZIÈAIE.

PARIS.

BUREAUX ; RUE DE BEAUJOLAIS, 5

(palais-koval)

JOURNAL

DU

MAGNÉTISME!

INSTITUTIONS.

DlupcnMtlrc magnctothéraplqae de Toulouse.

Grande et bonne nouvelle pour commencer l’année ! M. le Dr Bégué, qui a, comme nous, senti le besoin de faire servir les traitements magnétiques à des observations précises, ouvre aussi un dispensaire. Les bases de ce nouvel établissement philanthropique sont exposées dans un prospectus où nous remarquons les lignes suivantes :

( La nature opérant toute guérison, et le magnétisme étant, ■de tous les moyens médicinaux l’agent le plus inoffensif, et, dans le plus grand nombre des cas, le plus efficace pour aider la nature (maladies aiguës), ou pour la réveiller (maladies chroniques), ce serait une faute grave de se priver, à cause du discrédit qu’on se plaît à déverser sur cette science, d’un auxiliaire aussi puissamment bienfaisant.

« Les consultations auront lieu tous les jours, et seront données par M. J. Bégué, médecin, et non au moyen du somnambulisme, dont les lumières sont généralement incertaines et quelquefois dangereuses.

« Les malades seront reçus et traités gratuitement, sur la présentation d’un certificat d’admission délivré par MM. les ecclésiastiques, par MM. les médecins, ou par des personnes établies, dont le caractère sera suffisamment connu. »

Pour intéresser ses concitoyens à son œuvre, et encourager la pratique du magnétisme, notre confrère annonce en outre, qu’il publiera un bulletin de ses travaux et des faits produits

Toïe XIV. — K° *03. — 10 JANVIER 1855. 1

par les personnes qui voudront l’imiter. Voici les termes et conditions de cette promesse :

« Messieurs les partisans ou adeptes du magnétisme et de la magnétothérapie, qui s’intéressent à la propagation de cette science, apprendront aussi avec plaisir, qu un Journal spMal, organe des faits magnétotliérapiqires et niagnétolo-giques va bientôt paraître.

« L*administration recevra toutes les communications qui lui seront adressées relativement aux cures obtenues par ce moyen, ainsi que les faits divers qui sont du domaine de la science en général.

« Dans l’exposé d’un traitement, on devra déterminer, autant que possible, les causes, la nature, les symptômes de la maladie , et faire connaître avec détail les procédés magnétiques mis en usage pour la combattre. »

La publication qui doit contenir ces résultats de la magnétisation est depuis longtemps en projet; nos lecteurs doivent se le rappeler. Elle groupera sans doute les magnétis-tes toulousains autour de son fondateur, et sera le lien d’une société magnétique dont cette ville est privée.

HÉBERT (de GaTnayV

IMKpcnNalrc mngnétiqne de Paris.

Avis du Directeur.

Presque tous les malades qui recourent au magnétisme ont épuisé les ressources de la médecine ordinaire; beaucoup ont en outre essayé de l’homéopathie , de l’hydriatrie, de l’électricité, etc., avec peu ou point de succès ; aussi la plupart sont-ils regardés comme incurables. L’usage, l’abus même qu’ils ont fait de tant de moyens autorise cet affligeant pronostic ; car si leur mal eût été de ceux dont l’art triomphe, ils auraient été guéris. Ajoutons que très-souvent la misère vient encore assombrir le tableau, pour les personnes qui fréquentent un traitement gratuit. On n'a donc guère que des gens affaiblis par de longues maladies, des traitements nombreux et des privations. Quelle que soit

alors l’énergie déployée parle magnétiseur, la dose de fluide émise et la sensibilité du sujet, le résultat se fera attendre, la cure d’un semblable état ne pouvant être prompte, instantanée comme cela se voit quelquefois.

Les premiers malades qui sont venus nous demander le soulagement ou la guérison de leurs maux étaient dans ce* conditions malheureuses. Plusieurs ont éprouvé de l’amélioration en quelques jours, d'autres plus tardivement ; mais la guérison n’a été complète qu’après des efforts longtemps continués. Voilà pourquoi, depuis quatre mois que le dispensaire fonctionne, nous n’avons encore publié l’histoire d'aucun cas. Maintenant plusieurs cures sont achevées, et celles qui ont été entreprises à la suite se succéderont régulièrement. C’était la mise en train qui demandait du temps, et le principal est fait. Nous allons publier, peut-être dès le prochain numéro, les observations déjà recueillies; nous suivrons l’ordre numérique, mentionnant les cas favorables, nuls ou contraires, afin qu’on puisse les apprécier tous, et proposer, pour ceux qui auront résisté, des modes de traitements autres que ceux employés.

J’ai promis de faire connaître les adhésions des magnê-tistes qui voudront bien me prêter appui ou m’honorer de leur sympathie ; voici la lettre d'un homme qui est toujours prêt quand il y a des sacrifices à faire pour le triomphe de la cause magnétique.

« Mon cher ami,

« J’applaudis de grand cœur au Dispensaire magnétique. Je considère cette institution comme le critérium et l’avenir de la science mesmérienne. Je m'empresse donc de me porter au nombre de vos souscripteurs. ..........

« Je n’ai rien à vous recommander concernant votre louable entreprise. Vous avez promis votre dévouement ; il nous est acquis: Votre expérience répond du reste.

« Veuillez agréer mes salutations les plus cordiales.

» l. GADTIER. »

Lo Mans, 24 décembre 1854.

Rapport du Secrétaire-général à l'Assemblée générale du 16 mai 1852.

(Suite— Voyez tomo XIII, page 715).

4° M. Th.-C. HARTSHORN, homme de lettres, demeurant à Providence (États-Unis).

Le savoir, le talent ou la vertu ne rendent pas célèbres tous les gens qui les possèdent. Il y a des hommens éminents qui restent ignorés, tandis que d’autres, plus heureux, se font un nom avec une valeur médiocre. M. Hartshorn est un de ces êtres dont la réputation est loin d’égaler le mérite et qui souvent meurent avant d’avoir occupé la renommée. Est-ce le savoir faire qui leur manque? Sont-ce les circonstances qui les dominent? Je l’ignore ; mais soit que l’on invoque l’inaptitude ou la destinée, l’exemple de leurs œuvres n’en est pas moins perdu pour les générations qui suivent leur passage sur la terre. 11 faut donc mettre en relief ces noms obscurs afin que les efforts qu’ils représentent leur portent gloire et profitent à l’humanité.

Bien que Mesmer eût porté lui-même le magnétisme en Angleterre, il n’eut point la satisfaction de l’y voir progresser, et près d’un demi siècle s’écoula avant que la langue de ce pays ne possédât un livre sur ce sujet. Ce n’est pourtant pas que quelque chose eût été négligé pour cela; au contraire, car dans une allocution latine, retrouvée dernièrement dans les archives du collège des chirurgiens de Londres, Mesmer exhortait ces messieurs à l’étude et à la vulgarisation de ses principes. Mais soit que le caractère national ne se prêtât pas aux sacrifices qu’exige la propagation de cette doctrine, soit que les mœurs d’alors s’y opposassent, le fait est que la science mesmérienne ne germa pas dans ce royaume, où tint d’autres découvertes s’étaient si bien développées.

Ainsi, nul ouvrage n’existant en anglais, les peuples qui

parlent cette langue se trouvaient sans moyen de s'instruire à l’égard du magnétisme. Quelques personnes érudites avaient bien pu étudier cette science dans les livres français ou allemands, mais elles n’en transmettaient les notions que par la parole, et à un petit nombre d’élus. M. Hartshorn, plus liardi ou mieux inspiré, s’est au contraire mis à écrire pour faire des prosélytes, et a publié dans ce but une traduction de l’Instruction pratique de Deleuze.

Cet ouvrage est suivi d’un appendice où le traducteur expose sa propre conviction, relate les faits qui ont été produits en Amérique, et cite des documents propres à donner confiance à ses lecteurs. On y trouve, entre autres pièces curieuses, une lettre du fameux général Lafayette au libérateur Washington, dans laquelle notre compatriote se glorifie d’être élève de Mesmer, et proclame l’existence du magnétisme. Dlverses cures et expériences racontées avec une loyale simplicité, font de cet appendice un opuscule qui ajoute encore à l’attrait du livre qu’il complète.

Malgré sa valeur intrinsèque comme œuvre scientifique, cette publication n’eut qu’un succès limité : c’est le propre des choses qui commencent ; néanmoins il s’en vendit assez pour donner l’impulsion ; et si aujourd’hui la pratique du magnétisme est tant répandue dans l’État de New-York et autres circonvoisins, c’est à elle qu’en revient l’honneur. Cependant M. Hartshorn n’est cité nulle part pour avoir pris l’initiative de cette propagande, et très-peu d’adeptes savent même qu’il existe. Voilà pourtant comment s’exerce parfois la reconnaissance : un homme rend un service au public, et le seul témoignage qu’il en reçoit est l’oubli !

Puissiez-vous, messieurs, partager l’avis de votre Comité sur les services de M. Hartshorn, et lui décerner, en conséquence, la médaille de bronze; ce sera un encouragement bien mérité. (Accordé.)

Lieut.-Colonel Ch« MAC-SHEEHÏ.

(La suite prochainement.)

CONTROVERSES.

M. BEGAZZONI ET LE MAGNÉTISME A FRANCFORT.

Les journaux (le Francfort-sur-le-Mein signalèrent, il y quelques mois, la présence en cette ville d’un magnétiseur italien, M. Regazzoni. Il fit des séances qui furent louées d’une manière immodérée par les uns et injustement dénigrées par les autres. Enfin, une ardente polémique s’établit, d’abord entre les rédacteurs des journaux dans leurs feuilles, puis entre M. Regazzoni et ses adversaires, dans deux brochures, l’une allemande et l’autre française, dont il conviendrait peu de faire ici l’analyse. Non content de ses exploits d’outre-Rhin, l’un des champions de cette lutte passionnée, M. le Dr Schiff, a transporté le débat à Paris. Ce médecin, qui a triomphé naguère devant l’iustitut par une explication des coups mystérieux au moyen du croisement des tendons des muscles péronniens, espère probablement recevoir une nouvelle ovation en attaquant le magnétisme. C’est la Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie qui a l’avantage de lui servir d’organe en cette circonstance. Voici la communication qu’elle publie en feuilleton dans son numéro du 10 novembre 185â.

Expérience« physiologiques

SUR LES PRÉTENDUES SOMNAMBULES DE M. REGAZZONI.

« 11 y a quelques semaines que M. Regazzoni, de Ber-game, qui se donne le titre de professeur de magnétisme, est arrivé à Francfort, conduisant avec lui quelques jeunes filles sur lesquelles il se proposait de montrer les effets miraculeux du magnétisme animal. Ses deux premières soirées

furent très-suivies; le public, et même deux médecins de notre ville s’étonnèrent beaucoup de ses expériences mira-raculeuses; et bientôt il eut un nombre assez considérable d’élèves auxquels il enseignait les manipulations magnétiques sur les mêmes sujets qu'il avait employés dans ses soirées, et qui ne manquaient jamais de s’endormir.

« Les phénomènes principaux qu’il prétendait produire sur les somnambules étaient :

« Io L’insensibilité complète et absolue de toutes les parties du corps. Il traversait la main, le bras et plusieurs endroits de la face avec de longues épingles, sans produire aucune apparence de sensation ; il brûlait la main avec de la cire à cacheter, sans occasionner de douleur ;

« 2° L’immobilité des muscles avec roideur tétanique. Le bras restait étendu aussi longtemps qu’on le demandait, et il fallait appliquer une force très-considérable pour le ployer ou pour fermer la main.

« 3° La paralysie des sens et de la langue, et quelques autres phénomènes du même genre.

« Après que plusieurs médecins, qui avaient assisté à ses exhibitions, eurent déclaré que toutes les expériences de M. Regazzoni étaient bien loin d’être concluantes, et qu’avec un peu d’exercice il était facile de se faire percer la main et le bras avec des épingles sans donner des signes de douleur, et que l’on pouvait même s’accoutumer à la brûlure par la cire à cacheter ; après que deux confrères eurent démontré sur leur propre corps l’exactitude de leurs assertions, M. Regazzoni invita les médecins de Francfort à venir chez lui pour s’assurer des faits, et surtout pour vérifier l’insensibilité complète et l’immobilité des membres paralysés ; mais toutes ses démonstrations ne furent que la répétition des expériences qu’il avait faites dans ses séances publiques. Pour prouver l’insensibilité de ses somnambules à l’effet du courant galvanique, il les fit traverser par le courant d’une machine dont je décrirai plus tard la construction singulière. Les somnambules tremblaient un peu, mais elles supportaient très-bien ce courant, tandis que s’il galvanisait en apparence de la même manière les hommes les plus forts, ceux-ci ne pouvaient supporter un seul moment un courant d’una telle intensité. M. Regazzoni offrait encore aux incrédules de magnétiser d’autres personnes qui lui seraient entièrement étrangères; mais, sur ce chapitre, il n’a jamais réussi, ni devant moi ni devant d’autres médecins.

« Je pensais que des expériences décisives ne pourraient

être faites que sur les propres somnambules de M. Regaz-zoui, chez lesquelles tous les phénomènes, à ce qu’il disait, s’étaient développés clans leur plus grande perfection ; et je me rendis chez lui le lundi, 23 octobre, pour lui proposer d’expérimenter ensemble. Il ne voulut pas venir dans mon laboratoire, faute de temps, mais il me permit d’aller dans la soirée à son domicile, où je trouverais la plupart de ses amis, et où je pourrais assister à des épreuves péremptoires. Je lui répondis que toutes ses expériences ne me satisfaisaient pas, et que je voulais en faire plusieurs autres très-simples qui ne seraient nullement nuisibles à la santé de ses somnambules. Il y consenti!, à la condition que je viendrais seul, ou seulement avec un ou deux de mes amis, parce qu’il avait déjà trop de monde.

« Le soir, je me rendis donc chez lui avec M. Friedleben et M. Stein, deux médecins très-distingués, et j’apportai plusieurs instruments et une grenouille vivante. Nous trouvâmes dans sa chambre un très-grand nombre de personnes dont plusieurs nous étaient déjà connues comme enthousiastes de mesmérisme, et tous les élèves du thaumaturge.

« A l’aspect de nos instruments, et surtout de mon petit électro-moteur, il s’éleva un toile général. L’assemblée ne voulut pas nous permettre d’expérimenter à notre guise, mais seulement de répéter les épreuves de M. Regazzoni avec les instruments qu’il avait employés lui-même. Le bruit augmenta encore lorsqu’on se fut convaincu que mon électromoteur était très-faible et qu’on n’en sentait presque pas. l’effet dans la main ou même dans la langue. Comment voulez-vous, me dit-on, réveiller la sensibilité avec cette chétive machine chez une personne insensible qui ne sent pas même les coups foudroyants de la machine de M. Regazzoni?

« De quelle valeur sera votre témoignage? s’écriait le ma-« gnétiseur. Si je m’étais présenté avec un tel instrument « devant l’Académie de Montpellier, elle se serait moquée

• de.moi et ne m’aurait pas fait un accueil aussi brillant. Ce « sont seulement mes coups foudroyants qui l’ont persuadée. »

c A ma menace de me retirer sur-le-champ si l’on ne voulait pas me permettre de faire mes expériences avec ma faible machine, et de constater publiquement cet étrange refus; à ma promesse que si la soi-disant somnambule avait bien supporté les effets de l’électro-moteur, non-seulement je souscrirais le témoignage qu’on me demanderait, mais que j’engagerais aussi les autres médecins qui avaient écrit

contre M. Regazzoni à révoquer leurs doutes, on se calma, et j’entendis plusieurs personnes se prononcer d’une manière fort douteuse sur le bon sens d’un homme qui proposait des expériences si insignifiantes.

« Cependant je nie fis montrer la machine galvanique de M. Regazzoni, et j’aperçus aussitôt ce qui avait échappé jusque-là aux autres médecins : c’était une machine à induction, dans laquelle l’interruption du courant primaire, qui se fait, non par la machine même, mais avec la main, pouvait être suspendue presque entièrement par un secret mouvement de l’expérimentateur. Le même mouvement, selon que la main appuyait plus ou moins fortement, pouvait produire dans la spirale inductrice un courant interrompu ou un courant continu ; et puisque c’est seulement le courant interrompu qui donne des effets physiologiques prononcés, il est clair que cette machine était fort commode pour l’expérience comparative dont nous avons parlé plus haut. Ce n’était pas aux somnambules qu’on réservait les fortes secousses.

« Je demandai à M. Regazzoni de nous amener son meilleur sujet; mais, dès que la fille vit mon faible électro-moteur, elle s’enfuit dans une autre chambre, en s’écriant qu’elle ne se prêterait pas à mes expériences. M. Regazzoni la suivit et la ramena après quelques minutes en lui montrant que ma machine était très-faible ; cependant on avait encore de la peine à la persuader. Cette répugnance est la seule trace de clairvoyance que j’aie observée chez les somnambules de M. Regazzoni. Elle craignait les effets d’une machine qui lui était étrangère.

« Je fis magnétiser cette fille dans un coin reculé de la chambre, et alors M. Regazzoni la conduisit vers ma table sans la toucher, seulement par la force attractive de ses mains. En marchant, elle parut avoir les yeux fermés, mais sa démarche était naturelle. Pendant qu’elle posait à terre la plante d’un pied, elle levait déjà le talon de l’autre pied, et elle marchait lentement, mais d’un pas ferme ; elle n’avait pas enfin la démarche caractéristique de ceux qui, avec la conservation de la motilité, ont perdu dans les pieds la sensibilité qui doit guider les mouvements. Ces personnes, comme on sait, tombent très-facilement si elles ne regardent pas leurs pieds. Les bras de la somnambule, ainsi que ses doigts, étaient étendus et roides.

« Lorsqu’elle fut assise, je demandai à M. Regazzoni de lui rendre les membres supérieurs tout à fait insensibles, de lui fermer les doigts de la main droite, et de lui

ordonner de saisir fortement l’index de ma main gauche, que je lui présentai. 11 le lit, en me disant que je ne pourrais plus retirer 111011 doigt de la main de la somnambule, si le magnétiseur, par ses tractions, ue rouvrait pas la main. Je laissai mon doigt tranquille pendant quelques moments, et lorsque je sentis que sa main s’était relâchée, je fis un très-léger mouvement de mon doigt, et je sentis que, dans ce moment, elle redoublait de force pour le retenir. Cette expérience, répétée plusieurs fois, me donna la conviction que sa main insensible conservait encore toute sa sensibilité. Mais il fallait prouver cela à tout le monde.

« Je fis ouvrir la main, et je retirai de ma poche quelque chose que je ne montrai qu'à M. Regazzoni, en le priant de ne parler qu’italien. C’éiait la grenouille. 11 la vit, et me dit en riant

« Cette Lête innocente n’aura pas plus d’effet que votre « machine galvanique.

« Una rana vivante , dit-il à une somnambule italienne t qui se montrait très-inquiète de ce que j’allais faire. »

« En tenant la grenouille par ses pattes de derrière et en la couvrant de l’autre main, je l’approchai de la main droite étendue de la somnambule i et cette fille, qui s’attendait bien à des piqûres ou à des brûlures, fut si effrayée par l’attouchement de cette bête froide et gluante, qui la chatouillait de se* pattes de devant, qu’elle retira la main, remua le bras gauche et tourna la tète vers cet objet étrange.

« Qu’est-ce que cela? s’écrièrent les élèves. >

« La grenouille leur fut montrée. Le maestro resta pâle et terrifié, mais bientôt il se remit en prononçant d’une voix tremblante :

Cela ne signifie rien ; une grenouille neutralise le ma- gnétisme ; c’est bien connu !

* C’est bien connu ! repétèrent les élèves. »

Je m’excusai de n’avoir pas su cela, en exprimant le regret que le magnétiseur ne me l’eût pas dit plus tôt, lorsque je lui avais montré l’animal innocent.

Je fis magnétiser la fille de nouveau, et rendre encore complètement insensibles les deux membres inférieurs et le côté gauche de la tête. Alors je lui enfonçai deux aiguilles le long du nerf radical gauche. Pas de trace de sensation ; mais lorsque je touchai les aiguilles avec les pôles de ma ma-

chine galvanique, non-seulement le bras gauche se remua convulsivement, mais encore il y eut fies mouvements dans le bras droit, et la face donna des signes d’une douleur intense que la somnambule s’efforcait de surmonter. M. Re-gazzoni, elTravé de l’effet inattendu de ma faible machine, s’écria qu’il n’avait rendu insensible que le système nerveux, tandis que j'agissais sur les muscles par le courant galva-vanique, de là l’effet convulsif; que l’on pourrait produire le même résultat sur des cadavres même quatre jours après la mort, et qu’il n’y avait pas de douleur malgré l’apparence. M. Friedleben lui fit remarquer que le cadavre ne remue jamais la main droite si l'on irrite les muscles de la main gauche ; et moi.... je continuai mes expériences.

Je demandai si la moitié gauche de la tête était encore bien insensible. Le magnétiseur, après y avoir fait passer son souffle, m’assura que l’on pourrait maintenant la couper tout entière sans provoquer aucune sensation. J’enfonçai une aiguille derrière et au-dessous de l’oreilie, à la sortie du nerf facial, et urffe autre en avant sur le trajet du rameau moyen du facial ; je galvanisai. et la face contractée prit l’expression de la plus forte douleur; les mains se fermèrent convulsivement; j’entendis une forte inspiration à travers les dents fortement serrées; je vis quelques larmes rouler dans les yeux. Le spectacle affreux de cette fille accoutumée aux douleurs, qui 9e donnait toute la peine possible pour vaincre une sensation plus forte que celle qu’elle avait jamais éprouvée, et dont la moindre manifestation devait compromettre toute son existence et celle de son maître, me détermina à en finir avec mes épreuves aussi vite que possible. Je pris une des aiguilles et la plaçai sur le grand rameau communiquant (figuré si bien par Meckel), qui vient du sous-orbitaire peur se réunir aux rameaux labiaux du facial, et qui jouit d’une sensibilité exquise. Aussitôt que je galvanisai, la fille poussa un cri affreux, comme un lapin dont on touche le nerf trijumeau ; elle porta rapidement la main droite à sa face, et se leva de son siège ; mais avant qu’elle pût toucher la partie douloureuse ou s’enfuir, les élèves de M. Regazzoni saisirent ses bras, et je pus retirer mes aiguilles. La galvanisation n’a duré qu’un instant, mais l’effet en a été démonstratif.

« Après un moment de silence, un bruit effroyable s'élève dans la chambre :

« Vous avez touché les nerfs, s’écria le maestro avec une « voix furibonde. Les nerfs ne sont pas insensibles ! »

« Nous lui répondîmes avec un éclat de rire.

« Voulez-vous encore des expériences plus décisives? lui demandai-je. »

« A cette question, les lilles qui étaient présentes s’enfuirent dans un autre appartement pour s’y enfermer; elles 11e voulurent pas même, au commencement, laisser entrer M. Regazzoni. « C’est le diable! » s’écria l’italienne, parlant de moi. Quant à l’italien, après avoir fait coucher la somnambule maltraitée, il revint dans la chambre, criant vengeance et parlant de me briller avec sa machine électrique. On veut me saisir; mais dans ce moment M. Stein, médecin militaire, s’avance, et le respect que l’on avait pour son épée et les armes qu’il portait nous a sauvés des mains de ces enthousiastes furieux.

« Mais nos expériences avaient fait justice de M. Regazzoni. 11 ne lui restait que huit adeptes fidèles, parmi lesquels un rédacteur d’une feuille d’annonces, et pas un homme de science. C’est dans cette feuille que ces huit adeptes n’ont pas cessé depuis de me calomnier, de nier l’exactitude de mes expériences, et de chanter l’apothéose de M. Regazzoni. Je fais cette remarque, parce que ce dernier produira sans doute ailleurs les articles de lnlriligenz-Blatt comme le seul jugement de la presse de Francfort sur ses œuvres, que toutes nos autres feuilles ont jugées comme moi.

« Je dois ajouter que, peu de jours avant ces expériences, une fille me fut présentée par un des élèves deM. Regazzoni, comme possédant à un haut degré l’insensibilité magnétique. Je la fis magnétiser en présence de deux médecins et d’un étudiant en médecine. Lorsque le bras était insensible, j’y plantais plusieurs épingles sans amener le moindre signe de sensation ; mais dès que je mettais ces épingles en contact avec les pôles d’une faible machine à induction, elle retirait les bras, ouvrait les yeux en s’écriant : Oli ! non. » Le magnétiseur me fit remarquer que, chez cette fille, la rigidité musculaire était plus prononcée que l’insensibilité. En effet, elle avait une musculature très-forte. Je la fis magnétiser de nouveau et rendre le bras (dans l’extension) très-rigide. 11 fallait beaucoup de force pour fléchir seulement un doigt. Après cinq ou six minutes, lorsque je pensai que la sensibilité de la peau dans le bras étendu et insensible se serait émoussée, et que l’extension ne se soutenait plus que parce qu’elle regardait constamment ce membre à travers les paupières mal fermées, je demandai au magnétiseur si cette extension durerait encore longtemps. « Aussi longtemps que

vous voudrez, » dit-il. Alors je lui fis bander les yeux, et le bras tomba lentement, mais immédiatement. Cette expérience fut répétée plusieurs fois avec le même succès, jusqu’à ce que le magnétiseur fût bien convaincu que cette extension était volontaire. Dans les mouvements volontaires forcés, il faut toujours qu’un sentiment nous avertisse de l’état de nos membres ; mais le sentiment dans la peau (je n’admets pas de sentiment musculaire excepté dans les muscles de l’œil) devient bientôt confus si le membre reste tranquille dans une position forcée, et alors il n’y a que la vue qui puisse guider l’action musculaire. I,’épuisement des muscles ne vient que très-lentement si l’excitation continuelle par la vue n’est pas empêchée.

* La seule chose qui m’ait paru nouvelle dans toutes ces expériences magnétiques, c’est une turgescence de toute lu glande mammaire par les attouchements magnétiques. Il est clair que le soi-disant magnétisme n’y entre pour rien. Mais dans un autre mémoire, où je traiterai cette matière, je prouverai, d’après les recherches qui m’ont été suggérées par ses expériences même, que partout dans le tissu cellulaire qui s’insinue entre les éléments de la glande mammaire, et non pas seulement dans la mamelle, il existe une trame de muscles organiques (fibro-cellules musculaires de Kœli-ker). Ces muscles n’appartiennent pas aux parois des tubes glandulaires, mais leur sont interposés.

« J’ajoute encore qu’à l’époque où j’ai fait ces expériences, une des somnambules a quitté le service de M. Regazzoni pour chercher une place de servante. Elle nous a fait des confessions qui confirment entièrement le résultat de mes expériences. Le craquement des ongles de M. Regazzoni désigne le moment où les somnambules doivent tomber comme mortes. Avant la séance, les filles prennent certaines gouttes destinées à augmenter encore la rigidité de leurs membres. Si M. Regazzoni touche leur tête en différents endroits, elles doivent rire, pleurer, chanter, etc., selon qu’on le demande dans les expériences phréno-magnétiques. A chaque séance, chacune des somnambules reçoit 8 à 12 florins (18 à *26 fr.) pour prix de ses douleurs. Chaque doigt de M. Regazzoni signifie un certain mouvement. L’exercice le plus difficile était, pour cette fille, de s’accoutumer aux différentes odeurs de l’ammoniaque, du soufre, etc. C’est une chose, dit-elle, qui demande toujours de longues préparations, qui sont répétées très-souvent, surtout si M. Regazzoni attend des médecins, etc., etc. Quelquefois il les fait

compter jusqu’à un certain nombre, pour exécuter alors un mouvement convenu d’avance.

« Dr SCHIFF. »

Le même journal, sommé par M. Regazzoni d insérer sa réponse à l'article qu’on vient de lire, a publié dans son numéro du 5 janvier, la lettre suivante :

A M. le Rédacteur en chef de la Gazette hebdomadaire.

« Ayant lu, dans le numéro du 10 novembre de la Gazette de Médecine et de Chirurgie, un article signé du Dr SchifF (de Francfort-sur-Mein), lequel article, tant par les nombreuses inexactitudes qu’il renferme que par les insinuations dont il est rempli, peut porter le plus grand préjudice à ma réputation, j’ose attendre de votre impartialité, et au besoin de mon droit, que vous vouliez bien admettre, dans votre plus prochain numéro, la réfutation de quelques-unes des erreurs que contient le récit de ce n édecin.

« M. SchifF insinue que ma machine galvanique est con-stru te de telle façon, que je pouvais, à volonté, produire un courant interrompu et un courant continu, à l’avantage de mes somnambules, dans l’expérience comparative. A cela, je réponds que M. Schiff, à force de vouloir voir trop clair, y a cette fois vu trouble. Ma machine est tellement simple, et mes expériences tellement loyales , que j’ai laissé cette même machine entre les mains de mes élèves de Francfort, dont, certes, on ne suspectera pas la bonne foi ; et M. Schiff pourra voir ces derniers renouveler, quand il le voudra, les mêmes expériences avec le même instrument, dont il sera à même de contrôler la manipulation et d’éprouver sur lui-même les effets, ce à quoi il s’est refusé dans cette soirée, et ce qu’il ne confesse pas.

« Pour donner plus ae poids à son jugement, il s’appuie du témoignage de MM. Fnedleben et Stein, «deux médecins très-distingués», dit-il. M. Friedleben n’est nullement célèbre à Francfort.

« M. Sciiiff oublie également que M. Stein, qui y est entièrement inconnu, puisqu’il est étranger, ne l’appuie nullement de son témoignage ; car, bien qu’il eût été amené à cette soirée par le Dr Schiff, M. Stein a fait insérer dans le même journal où était la déclaration de huit témoins en réponse à un article du Volsfreund (qui, s’il n’est point écrit par le D1 Schiff, l’a été sous son inspiration, car il contient les mêmes erreurs) :

« 1° Qu’il n’avait assisté aux expériences des D" Schiff et Friedleben que comme spectateur, et n’y avait nullement pris une part active ;

« 2° Qu’il était entièrement étranger à l’article et à l’écrivain de l’article de Y Ami du Peuple ( Vo/lsfrrund), journal à lui complètement inconnu ; que l'accusation du numéro du Journal lnte/ligenzblatt de la veille n’atteignait donc que l’auteur de cet article, et que c’était sur lui que retombait la responsabilité des faits qu’il avait avancés.

« Quant aux paroles qu’on me fait prononcer, au moment où M. Schiff présenta son électro-moteur, relativement à l’Académie de Montpellier, c’est une pure invention de l’écrivain.

« Pour ce qui regarde le récit même des expériences, je m’en réfère absolument à une relation toute contraire de huit témoins, insérée dans X lntelligenzblatt le 29 octobre, auxquels pourrait se joindre, au besoin, le témoignage de trois ou quatre autres, c’est-à-dire de la totalité des personnes présentes, sauf les deux D" Schiff et Friedleben. Je veux seulement, en passant, relever quelques assertions erronées.

« Il est faux, par exemple, que la somnambule ait été de nouveau magnétisée après avoir été soumise au contact de la grenouille. Il est également faux de dire que j’ai prétendu n’avoir « rendu insensible que le système nerveux, tandis « qu’on agissait sur les muscles par le courant galvanique ; » il est enfin absurde de me prêter ces paroles, « que l’on pour-« rait produire le même résultat sur des cadavres, même « quatre joui s après la mort. »

« Enfin , tout ce qui est dit des expériences sur la joue gauche de la sonmmambule est encore en tous points contraire à la vérité.

« Les cris de vengeance que j’ai, dit-il, fait entendre, sont assurément une idée assez heureuse pour donner une teinte dramatique à son récit ; néanmoins je dois dire qu’ils n’ont existé que dans l’imagination effrayée du docteur. Et pour ce qui est de sa fanfaronnade au sujet du respect que l’on a dû avoir pour l’épée et les armes que portait M. Stein, c’est du courage placé bien mal à propos dans une circonstance où ces messieurs en ont montré si peu. M. Stein était revêtu d’une énorme capote boutonnée jusqu’en haut, et n’était un bout de galon qu’il portait au collet de son habit, nous n’aurions guère pu soupçonner que c’était un militaire.

« Je n’ai eu contre moi que deux articles publiés dans le Journal allemand de Francfort, par quelques médecins de cette ville, et ceux qu’ont fait insérer MM. Friedleben et Schiff

dans les Pctitcs-Affic/ies des rues (Strassen A nzeiger) et dans Y Ami du Peuple , journal ami de ces messieurs. On a au contraire rendu un témoignage très-favorable de mes expériences dans plusieurs numéros du Journal français de Francfort et dans \lntelligcnlzblalt, dont le rédacteur, M. J.-G. Holtzvvart a bien voulu, chaque fois, faire la relation de mes séances, et cela d’une manière tout à fait désintéressée.

« Le fait dont parle le Dr SchiiT, relatif à une fille qui lui fut présentée par un de nies élèves, m’est tout à fait inconnu, ce qui m’étonne ; ainsi donc, je ne puis rien en dire jusqu’à plus amples informations. Mais, par contre, je nie complètement la fable inventée au sujet de cette somnambule qui a quitté mon service pour chercher une place de servante. Je n’ai eu à mon service, à Francfort, outre mes deux somnambules , qu’une fille que j’ai gardée vingt-quatre heures. Après l’avoir magnétisée deux ou trois fois, je l’ai fait paraître dans une séance publique, et je l’ai congédiée le lendemain, n’ayant plus besoin d’elle, en lui donnant 3 florins pour sa peine. Il y a bien loin de là à cette étude du rôle qui, suivant le personnage imaginaire de M. Schiff, demande de longues préparations qui sont répétiez très-souvent, etc.

« Je termine, monsieur le rédacteur, en vous annonçant que, loin de redouter l’examen et la critique des médecins pour mes expériences magnétiques, je veux au contraire les provoquer et m’y soumettre. Mais j’espère trouver à Paris des juges loyaux, de bonne foi, prêts à tout examiner avec impartialité et à rendre témoignage à la vérité quand elle se présente à leurs yeux.

« Veuillez agréer, etc.

« Antoine REGAZZONI. »

Paris, ce 26 décembre 185t.

Il y a une chose triste à dire, c’est que partout les contradicteurs du magnétisme ont usé des mômes moyens dont s’est servi M. Schilf, pour détruire les résultats d’expériences positives. Agir moralement sur le magnétiseur, lui commander au lieu d’observer simplement ce qu’il détermine ; proposer toujours des expériences nouvelles, jeter le trouble dans l'instrument, c’est là la tactique de nos adversaires. C’est à nos yeux une faute que d’appeler, pour rendre témoignage à la vérité, les gens dont l’intérêt est que la vé-

rité ne soit pas. Pendant dix ans de nia vie j’ai commis cette faute, aussi rien n’avançait. Reconnaissant enfin mon erreur, j’ai jeté le magnétisme à la foule. J’ai dit à tous : Ve~ nez ! c'cst vous tous qui allez vie servir d’instruments ! Et maintenant tous les SchilT du monde, renforcés môme de tous les journaux de médecine, sont et seront impuissants à arrêter l’essor du magnétisme.

Les expériences de M. Regazzoni devaient parfois être incomplètes; le milieu qu’il s’était choisi était mauvais. Tout magnétiseur doit commander au lieu d’obéir; il ne doit rien céder à qui cherche à lui faire obstacle. Il est, lorsqu’il opère, maître absolu ; c’est à cette condition seulement que l’on doit tout ce qui est régulier. Les expériences négatives sont dues à un mélange d’action produite par des tiers ; nul n’est assez maître de soi pour ne subir aucune influence. Le magnétisme étant différent des agents connus, pourquoi donc vouloir en changer la nature et le leur assimiler? Mais bien des magnétistes ne comprennent qu’à demi ce qui établit les différences, et leur défaut de savoir rend leur mission encore plus difficile.

Daron DU POTET.

VARIÉTÉS.

Cauacric«. — Nos grands seigneurs de l’Académie de médecine ne veulent point que le magnétisme soit un fait. En niant l’existence de l’agent, ils nient du môme coup ses vertus, et les voilà sortis d’un double embarras. Le magnétisme n’étant pas, rien n’est dérangé dans la science; il n’y a point à refaire de système, à détruire de doctrine. C’est du temps gagné pour le repos. Toutes les guérisons opérées et obtenues au grand jour sur des malades abandonnés par la haute science des écoles n’étant que le fruit du mensonge et de l'imposture, on ne doit point s’en émouvoir.

Ah ! messeigneurs, bientôt les charlatans auront plus de vraie science que vous; car, je vous le dis, ils font des choses merveilleuses qui .vous laissent loin derrière eux. Bientôt, tout votre bagage scientifique ne vous sauvera pas de la honte qui s’attache à la mauvaise foi.

N’est-ce pas déjà un scandale public que de voir une vérité puissante et bienfaisante entre les mains de milliers d’êtres, sans que les savants veuillent s’arrêter pour considérer cette vérité? Illustres docteurs, vous ne craignez donc pas qu’on jette enfin les yeux sur le fond de votre savoir, et que l’on vous demande compte de vos insuccès et de vos fautes ?

Vous riez de mes menaces, car vous ôtes perchés si haut que le chasseur ne peut vous atteindre. Vous riez surtout de l’ignorance humaine, qui n’exige de l’homme chargé du soin de la santé qu’une capacité de convention, sans obligation de faire ses preuves publiques et de répondre de ses œuvres.

Grands seigneurs de la science médicale, prenez garde

qu’une voix inspirée ne parte de quelque point et ne soulève la tempête! Les éléments en sont partout accumulés et n’attendent que l’étincelle. Jamais chute pareille à la vôtre n’aura eu lieu, et la justice humaine aura cette fois du moins été la justice de Dieu.

Grands princes de la science, pourriez-vous nous donner des nouvelles du fameux rapport de votre défunt collègue Husson, d’honorable mémoire, rapport contenant toutes les preuves, non-seulement de l’existence du magnétisme, mais de son effet curatif, ainsi que de la réalité de la clairvoyance somnambulique ? Qu’avez-vous fait de ce rapport si sagement élaboré, contenrmtles travaux d’une commission deonze membres de l’Académie? Le travail consciencieux de cinq années méritait au moins quelque attention! Non ; vous avez rejeté loin de vous l’œuvre de vos collègues et passé l’éponge sur une vérité qui faisait tache comme tout ce qui porte avec soi quelque pureté dans le lieu malsiin où elle avait été introduite.

La vérité vous a fût peur, grands princes de la science!

En effet, l’erreur est bien plus profitable. Ne se prête-t-elle point à toutes les combinaisons ! Perpétuant les maux, elle nécessite les remèdes, et chacun s’en trouve bien, excepté cependant les malades. Oh ! quant à ceux-ci, c’est leur affaire de s’éclairer !

Qu’in porte, après tout! Ai-je le pouvoir de changer ce que les siècles ont établi? 11 fallut une révolution pour déraciner les droits féodaux et la dtme, droits établis par la conquête et la force, ne faut-il pas une révolution nouvelle pour abolir l’affreux tribut levé sur l’ignorance !

J’ai vu des gens, dont les douleurs étaient insupportables, se laisser écorcher, croyant ainsi adoucir leurs maux. D’autres malheureux, pour apaiser des douleurs d’entrailles, avalaient des breuvages contenant du feu ou du poison.

J’ai vu par milliers des martyrs de la fausse science, mourir sans proférer une parole de malédiction contre l’art mensonger qu’ils avaient appelé à leur secours.

A la vue de ces faits, je pensais à la science divine de

Mesmer, et je me disais : Quand l'opiniâtreté de nos grands seigneurs aura fait place à un sage examen, l'humanité respirera, car la moitié de ses maux disparaîtra comme par enchantement. Quand nos savants le voudront, la médecine fera un progrès inespéré et prendra le premier rang parmi les autres sciences.

Mais ce pas en avant, la science médicale ne le fera que lorsqu’elle y sera forcée et contrainte ; trop d’intérêts sont liés à ce qui est pour y rien changer.

Magnétistes de tous les pays, c’est à vous d’éclairer les masses. Agissez, guérissez, montrez comment on guérit ou soulage les maux, publiez bien haut vos faits, rendez tous les hommes témoins de vos miracles. Laissez de côté les Es-culapes de mauvaise foi, mais appelez à vous tout médecin consciencieux et qui ne prétend pas en savoir plus que la nature ; initiez-le, afin qu’il n’ignore plus que ses mains portent un baume plus efficace que celui des pharmaciens.

Magnétistes, n’ayez surtout aucune crainte; ce n’est point à vous de trembler, mais à l’erreur et au mensonge qui viendront de compagnie pour vous barrer le passage et vous empêcher de continuer vos œuvres. Ne craignez rien de ces vivants fantômes ; ne dit-on pas que les démons s’enfuient au signe de la croix ? Ceux que nous vous signalons ne tiendront pas devant votre regard ; car la vérité monte du cœur au cerveau et se répand au dehors comme une divine flamme. Ne craignez rien des embûches de vos ennemis; le doute rend lâche, et ses coups ne sont point à redouter.

Nul ne rencontra, dans le cours de sa longue carrière, plus d’obstacles à surmonter, plus de difficultés à vaincre qu’il ne s’en présenta devant moi.

Je n’ai jamais compté le nombre de mes ennemis ; leur colère, leurs passions m’ont trouvé calme et plein d’espoir dans le succès. N’avais-je point, pour m’encourager, les œuvres si merveilleuses obtenues de mes mains et des guérisons-presque miraculeuses produites par l’agent magnétique !

Afin de montrer que mes attaques ne sont point injustes, je vais raconter les méfaits de la science officielle, les dis-

cours de ses-héros, l’impuissance des remèdes vantés et le triomphe du magnétisme là où tout espoir était perdu.

Baron DU POTKT.

Xéeroloffle. — M. Victor Hennequin, avocat distingué, ancien représentant, qui a tant occupé le monde par l’excentricité d’un écrit censé dicté par l’àme de la terre, vient de mourir. Il avait précédemment adhéré à la doctrine magnétique, et en parla plusieurs fois avec autant de savoir que d’éloquence. A la fin ses idées sur les esprits et leur commerce avec l’homme avaient altéré manifestement sa raison.

Revue des Journaux. — La Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie, citée plus haut, déclare que la réfutation des expériences du Dr Schiff, par M. Regazzoni, ne l’empèche pas de les regarder comme concluantes.

Ce journal, qui occupe un rang distingué dans la presse médicale et montre assez de sympathie aux choses nouvelles, traite le magnétisme non pas avec dédain, comme la plupart de ses confrères, mais d’une manière ambiguë. 11 n’ose pas nier qu’il y ait des faits, il en reconnaît même formellement l’existence, mais il les dénature par des explications dont les magnétiseurs ont maintes fois fait justice. Est-ce ignorance, mauvaise foi ou timidité? C’est un peu tout cela, car son langage est obscur et ses interprétations spécieuses.. A peine a-t-il concédé un fait, que les restrictions théoriques abondent et l’amoindrissent, si elles ne le détruisent totalement.

Ces remarques s’appliquent surtout à une analyse de l’ouvrage du général Noizet, insérée dans le numéro du ‘21 avril 1854 , et signée A. Dechambre ; mais le même esprit se montre dans d’autres articles qui nous restent à signaler.

HÉBERT (de Garnay).

BIBLIOGRAPHIE.

L’ESPRIT SAINT DES TABLES ANIMÉES, démonstratif de l'innocence des corps et du péché des Esprits, de l’inexistence d’autres démons que les méchants, et d'autres peines après la vio que les peines spirituelles voulues par les Esprits eux-mêmes, ou les Tables encore inconnues.1’ Brochure in-8. Paris, Dentu, 1854.

S’il suffit d’un titre bizarre pour appeler l'attention publique, cet ouvrage a de belles chances de succès : la lecture de la couverture suffira pour donner le frisson, car l’auteur date sa publication du milieu du dernier siïcle ¿les six mille ans prfdits au monde ordinaire. Le genre humain peut donc s’apprêter à faire son testament. L’écrivain anonyme qui nous avertit ainsi de la venue prochaine du cataclysme final, est un chrétien imbu de l’Écriture, et particulièrement de l’Apocalypse, dont le texte, malheureusement si obscur, peut se prêter à tous les systèmes, peut fournir des pro -phéties s’adaptant à tous les événements possibles ou impossibles. 11 trouve dans la Bible des armes pour renverser le dogme de l’enfer, celui des démons et bien d’autres encore. Il ne nous appartient pas de le suivre dans ses joûtes théologiques, qui sont en dehors de la spécialité de ce Journal. Il traite néanmoins quelques matières qui sont de notre compétence, et c’est ce qui nous a engagé à entretenir nos lecteurs de sa brochure. Il identifie le magnétisme avec l’imposition des mains qui, d’après les Évangiles et les écrits des apôtres, étaient le mode de guérison usité chez les premiers chrétiens. 11 soutient avec force la doctrine de la communion des vivants et des morts, il admet la communication des esprits, il regarde les tables parlantes comme l’or-

gane le plus éminent de ces communications, et il s’exprime sur ce sujet avec l’enthousiasme du voyant.

« La parole par les tables, dit-il, absolument inconnue dans le monde, on peut le dire, il y a peu d’années, s’est trouvée en quelques mois la plus connue, la plus occupante, la plus nommée, mais aussi la plus redoutée de toutes les merveilles sur la surface de la terre. Rien, rien, rien ne peut lui être comparé dans l’histoire des merveilles depuis la création , (jue la création même. C’est cent mille fois plus et mieux, et plus impressionnable que la résurrection de Lazare, que celle de Jésus-Christ lui-même, etc.

«Les tables d’âmes parlantes, ou plutôt répondantes et co-respondantes sont réalisées, ou rien n’aura été réalisé jamais; les choses les plus grandes que les plus grands miracles de Jésus-Christ, annoncées par Jésus-Christ comme devant être l’apanage, non pas des apôtres, mais des disciples, mais (les fidèles seulement de Jésus-Christ. — Les tables sont sacrées, elles sont inspirées, et elles le seront toujours jusqu’à l’ouverture du règne de mille ans. C’est la cène nouvelle et la plus belle, la cène des âmes. »

L’auteur, comme on voit, s’élance du premier bond à l’a-vant-garde des Américains, qui voyent dans les nouvelles manifestations spirituelles les éléments d’une nouvelle religion ; il invoque avec profusion les textes sacrés à l’appui de sa doctrine, il glorifie les instruments du nouveau culte , il se laisse aller aux fantaisies de son imagination exaltée, au point de signaler une relation étymologique entre le mot guéridon et le don de guérir. Une partie du clergé anathé-matise les tables et les déclare possédées du démon, infectées d’un poison infernal; voilà qu’un chrétien ardent en fait au contraire la demeure de l’esprit saint, la chaîne qui établit l’union entre la terre et le ciel. Entre ces deux extrêmes, l’homme de science cherchera la vérité.

A.-S. MORIN.

INSTRUCTION EXPLICATIVE DES TABLES TOURNANTES, etc.; par Ferdinand SILAS. Précédé« d’une Introduction sur l’action motrice du Fluide magnétique par Henri Dïlaàge. Brocli. in-8. Paris. Dentu, 1853.

Il y a des écri»s éphémères par leur nature et qui ne survivent guère aux circonstances dont ils naissent; celui-ci est de ce nombre. Dans les premiers jours de la danse des tables, lorsque tout Paris était ému et surpris des récits venant d’Allemagne, M. Silas a traduit les articles de divers journaux, et, en les réunissant, a formé une brochure. Ces sortes de publications satisfont un jour l’avidité du public, et le lendemain d’autres les remplacent; ainsi plusieurs passent même inaperçues; ce n’est que quand le tourbillon a cessé que les hommes spéciaux trouvent quelques-uns de ces ouvrages et signalent les points par lesquels ils se distinguent.

Ici c’est surtout un passage de la préface écrite par M. De-liage qui mérite attention. Cet écrivain, d’ordinaire si prolixe et nuageux, a rendu sa pensée d’une manière claire et concise. Il croit que le magnétisme est la cause du mouvement des meubles et établit, pour expliquer ce fait, une théorie dont il termine ainsi l’exposé :

« La volonté, nous disait un jour Balzac, est la force mo-« trice du fluide impondérable, et les membres en sont les « agents conducteurs. »

« Cette admirable formule une fois comprise, il est aisé de concevoir comment l’homme peut infiltrer sa vie, son essence, sa force, dans les membres d’un autre par les passes magnétiques, et, pour ainsi dire, vivre en lui ; et, au gré de sa volonté, lui transmettre ses pensées, l’impression de ses impressions et en faire un instrument docile de ses fantaisies. Non-seulement l’homme peut animer de sa vie un être vivant, mais encore un objet inanimé qui absorbera son essence vitale; car une des propriétés de l’esprit étant le mouvement, les personnes rangées autour delà table ne font que communiquer à cette table la source de tout mouvement en lui transmettant cette flamme de la vie que Dieu a mise en nos membres pour commander en souverain à la nature et triompher de ses rebellions ; c’est le sceptre d’or de notre royauté terrestre.

« Ces phénomènes, comme tous les phénomènes magné-

tiques, sont fugaces, et. leur caractère constant sera la variabilité. Aussi, nous ne pensons pas qu’ils puissent être d’aucune utilité pratique. Le seul avantage qu’ils auront, c’est de faire connaître aux hommes l’une des propriétés de l’esprit qui les anime et de tourner les regards vers le magnétisme, cette clef d’or des sanctuaires antiques qui, chez certains êtres privilégiés, produit le somnambulisme, la seule science qui démontre l’immortalité de l’âme. De même que les astres dans la course harmonieuse de leur globe d’or qui roulent avec majesté au-dessus de nos têtes, selon la belle expression du prophète David, racontent la gloire de Dieu; de même ces tables qui tournent sous une influence magnétique viennent proclamer la vérité de nos doctrines, etc. »

Une remarque qui n’est pas sans importance et qui a été confirmée depuis par M. Ogier, dans des recherches sur l’agent du mouvement des tables, se trouve à la page 14. Il s’agit d’une épreuve de danse de table faite par un ouvrier berlinois. Après le récit des faits obtenus par cet artisan, le narrateur ajoute ;

« L’expérience réussit mieux dans une chambre chauffée et lorsque les mains elles-mêmes sont chaudes. »

Ce point de ressemblance frappera l’esprit de toutes les personnes qui ont magnétisé dans des conditions analogues.

La même observation se retrouve, quelques pages plus loin, consignée dans le récit d’un fait que nous n’avons vu cité nulle part, et qui mérite pourtant bien de l’être. Le voici, tel que le rapporte M. Silas :

« C’étaiten 1842, à Chatillon-sur-Marne. Unedame veuve, très-effrayée d’entendre les meubles de sa'chambre se heurter et s’entrechoquer pendant quinze nuits consécutives, toujours à l’heure de minuit, sans qu’aucune cause apparente pût expliquer ce phénomène, vint trouver le somnambule Victor Dumez, dont la lucidité merveilleuse commençait à faire grand bruit, pour lui demander l’explication de cet inquiétant mouvement et connaître le moyen de le faire cesser. Victor, endormi par un député honorable, M. Lois-son de Guinaumont, déclara que le prétendu sort n’était autre chose que le résultat de certains courants magnétiques qui s’étaient concentrés en cet endroit, et que le phénomène

disparaîtrait sous l’influence d’un changement de température. M. Loisson, qui savait par expérience combien était grande la lucidité de Victor, prit note du fait et eut le bonheur de voir la prédiction du somnambule se réaliser à la lettre. »

On le voit, dans tout ceci, il n’est pas question d’esprits ; les auteurs ne mettent en jeu que les forces orgauiques, et cette explication suffit à tous les cas. Il est vrai qu’alors l'on n’avait en vue que le mouvement et non la conversation ; depuis, ces messieurs ont peut-être changé d’avis.

HÉBERT (de Garnay).

DES PRÉSERVATIFS à mettre en usage contre le Cholera-morbus épidémique, et de son traitement curatif. Brochure in-12. Perpignan, Alzine, imprimeur, 1854.

Cet opuscule a été dicté mot pour mot par une dame somnambule ; la préface seule est du Dr P. M***, médecin magnétiseur. Les remèdes prescrits sont un peu bizarres, comme tous les moyens des somnambules. Les frictions avec des liniments jouent le principal rôle; de la camomille pulvérisée magnétiquement, c’est-à-dire «avec la volonté que le médicament produise le bien qu’on veut obtenir » est indquée au nombre des préservatifs. Le reste n’offre rien de particulier à noter. En somme, si l’on ne savait pas que les prescriptions formulées dans ce petit écrit émanent d’une personne endormie, on croirait que c’est l’œuvre d’un médecin.

BRUYAS.

Le Gérant : IIEBERT (de Garnay).

CLINIQUE.

CURES MAGNÉTIQUES FAITES PAU M. CAPERN.

Londres, 30 octobre 1854.

Monsieur le baron du Potet,

Je prends la liberté de vous envoyer ci-inclus, afin que vous en preniez connaissance, ainsi que M. Hébert (de4Gar-nay), la liste de quelques-unes des maladies que j’ai traitées et guéries tant à Londres qu’à Paris. J’espère que vous serez satisfaits de cette petite statistique, que je me suis efforcé d’expliquer de mon mieux.

I. — Relevé de quelques unes des Cures opérées à Londres

NOMS. MALADIES. Séances. Sommeil.

1. Catherine Brown. — Crises nerveuses très-violentes,

qui en étaient au 449e accès........................! Pas.

2. Henry Couten. — Goutte à une main................1 ici.

3. Benjamin üickenson. — Goutte à ta cheville d'un

pied et aux orteils..................................1 id.

4. William Keating. — Douleur dans le dos............1 id.

5. Samuel Gibbs. — Rhumatisme........................* id.

6. Anne Doegj. — Tic douloureux......................1 Sommeil.

7. James Abdelleh. — Névralgie de la face..............1 Pas.

8. Thomas Key. — Aveugle..............................1 id.

9. Elisabeth Key. — Aveugle............................1 id.

10. Daniel Holyson. — Douleur à l’épaule................1 id.

11. Thomas Buttinam (enfant). —Contraction des mus-

cles du cou .......................................1 td*

12. Elisabeth Rodwell. — Roideur du cou et paralysie

du gosier. (Aphonie)................................t id.

13. Thomas Hoges. — Douleur au pied..................1 id.

14. Willi.nns Gibbons. — Douleurs et froid dans les

épaules..............................................1 Sommeil.

15. MaitheSealy.—Névralgie de la face..................i Pas.

t6. Williams Ellicott. — Fièvre intermittente............4 id.

17. Emma Newland. — Hyslérie..........................1 Sommeil.

18. Christine Matthews. — Hystérie....................1 id.

19. Anne Smith. — Douleurs de poitrine................2 Pas.

Tome XIV. — N> *©4. _ 95 janvier lât>5. 2

2f! NOMS. MALADIES. Sfanc ps. Sommeil, l’as.

21. id.

2*2. id.

23. Gcorgine Cougins.—Tic douloureux. . . ..... 8 id.

2t. id.

23. Robert Reynclbrd. — Goutte sereine. . . . ..... O id.

26. James Sons. — Rhumatisme......... ..... G id.

27. Anne Mellows. — Epilepsie.......... ..... 8 Sommeil

Los cas suivants ont exigé un traitement de trois à dix semaines.

NOMS. MALADIES.

28. Susanne Smylh. —Ver solitaire..............Sommeil.

9. Elisabeth Brown. —Maladie fonctionnelle du coeur. ... id.

30. Georges Arnold. — Rhumatisme goutteux..........Pas.

51. Id. —Paralysie du gosier. (Aphonie)..........id.

52. Marie Clcrkson.—Contracture des pieds, rhumatisme. . . Sommeil.

53. James Gladwcll. — Rhumatisme goutteux....................Pas.

5t. James Kiider. — Paralysie.................Sommeil

35. Marie Mac Carthy. — Epilepsie..............................id.

56. Thomas Roberts. — SurditcS.................Somnol.

57. Marie Workman. — Surdité................................Sommeil.

38. Georges Townsend. — Arthrite du genou....................Pas.

39. John Inkle. — Rhumatisme goutteux........................id.

*0. E. Newland Seplien. — Affection de la tête..................id.

Il est à remarquer que tous les malades, depuis le n° 1 jusqu’au n“ 16, furent guéris en une seule séance. C’est vraiment si merveilleux que c’en est presque incroyable.

Ceux des n“ 17 et 18 n’eurent plus aucune attaque après la première séance; je les ai seulement magnétisés ensuite pour leur donner des forces.

Les malades des n°‘ 19 au 27 furent guéris dans l’espace de deux à huit séances. Les autres exigèrent un traitement plus long.

Le cas n° 1 est probablement la guérison la plus remarquable obtenue par cette sainte influence. La malade se trouva parfaitement bien après son unique séance. Elle ne revint plus, et je ne la revis que dernièrement, après deux années écoulées. Elle était complètement guérie.

Les deux cas de cécité sont également bien extraordinaires :

c'était probablement une paralysie du nerf optique. Thomas Key fut guéri sans qu’il fût nécessaire de lui faire plus d’une seule passe.

Emma Newland et Christine Mathews n’eurent plus d’attaques après la première séance; elles ne furent plus magnétisées que pour leur donner des forces.

Du n° 20 au n° 24 inclusivement, ce sont des cas de tic douloureux. Vous verrez en regard de leurs noms le nombre «le séances pour chacun d’eux.

Le n° 27, Anne Mellows, épileptique. Elle prédisait chacune de ses attaques, qui avaient lieu en effet à l’heure précise qu’elle avait annoncée. La dernière surtout fut effrayante.

Depuis le n° 28 jusqu’au n° 40, la guérison n’a pu être obtenue qu’après trois semaines au moins, jusqu’à dix et douze au plus. 11 est bon de dire que plusieurs de ces malades ne se présentaient pas toujours avec régularité.

Indépendamment des cas cités, j’en ai eu encore environ une vingtaine d’autres, et parmi ceux-ci un cas de démence que je me propose de publier, en l’ajoutant aux autres; mais je ne l’ai point encore fait, parce que j’ai pris pour principe de ne citer aucun malade traité par moi sans y joindre, comme garantie d’authenticité, le nom et l’adresse. C’est le seul moyen qui me permette de compter sur le respect de la part des médecins. —Le malade dont je vous parle offrait un cas de démence bien constatée, et une semaine a suffi pour sa guérison.

J’ai l'intention de faire imprimer les listes ci-jointes, ainsi que le modus operandi au moyen duquel j’ai obtenu les guérisons. — Si la souscription est suffisante pour me le permettre, je me propose d’y ajouter quelques gravures dans le genre de celles que je vous ai montrées à Paris; ce dont je vous enverrai des exemplaires.

Mon but est de prouver que le sommeil n’est pas indis-pensablement nécessaire pour la guérison des maladies. En se reportant à la liste ci-dessus, on verra que seulement un petit nombre de ces malades a été endormi.

11. — Malades traités ù Paris.

1. Mm* S. . . (Champs-Elysées). Suite* de paraplégie.

2. Joséphine Foy (près de l'arc de triomphe de l'Etoile. — Rhumatisme

goutteux.

5. Mario Paulin (rue d’Angouléme). — Douleurs névralgiques de la face

i. Henri Pierre (Cité de PEtoile). Atrophie.

5. N. Moon. Débilité nerveuse.

Le il” 1 est un cas très-satisfaisant d’une dame anglaise qui a été extrêmement soulagée et aurait été guérie si j’étais resté plus longtemps à Paris. Elle tn’a écrit une lettre de remerciements, dont voici la copie :

« Monsieur Capern,

« J’ai le plus grand plaisir à reconnaître tout le bien que le magnétisme, dans vos mains, a produit sur moi dans le cours de quatorze séances.

« Je soulfrais depuis bien des années de cruelles douleurs causées par une violente inflammation de l’épine dorsale, à. tel point que mes jambes s’étaient repliées sur mon corps. Je fus traitée et guérie de cette maladie, mais il m’en resta toujours une grande disposition à des inflammations de la poitrine, etc. J’éprouvais toujours une pesanteur et une roi-deur très-grandes dans la colonne vertébrale, qui me rendaient tous mouvements, et particulièrement celui de la marche, très-fatigant. ZL.T.T..,

« Maintenant, grâce à vous, je marche avec une sensation de vie nouvelle dans l’épine dorsale, sensation que j’avais

Sresque oubliée, et avec un degré de confiance et de sûreté ans les jambes que je n’espérais plus jamais éprouver.

« Si votre séjour à Paris se fût prolongé, et que vous eussiez pu me continuer vos soins, je ne mets point en doute que toute ma vigueur et mon énergie ne m’eussent été complètement rendues. Mais ma faiblesse et la prostration de mes forces étaient telles lorsque vous avez commencé à me traiter, et j’éprouve aujourJ hui un si heureux changement dans toute ma santé, que cela me semble plus que suffisant pour que je vous adresse mes sincères remerciements.

« Je suis, etc.

« a. s“\ »

Le n° 2 est une femme qui avait la goutte aux mains. Voici l’extrait d’une lettre qu’elle a écrite à une de ses amies :

« M. Capern m’a magnétisée la tête seulement six fois, et

les douleurs que j’éprouvais ont disparu. Je suis heureuse de vous l'annoncer et en même temps de le recommander à votre chère mère pour ses douleurs. >

I.e 11" ?> est une domestique demeurant rue d’Angoulême : elle m’a donné un certificat dont voici la copie littérale, avo;-sa mauvaise orthographe : (le terme /hissions est bien bon.;

« Je certifie que monsieur Capern m’a geries d’un très-grands maux de dens que j'ai eut pendant quatre jours et par ses tinssions qu’il m’a fait, il m’a très-bien gerie.

« Marie PAULIN.

« A l'année 1854, le 27 septembre. »

Le n° 4 concerne un enfant ; c’est un cas d’atrophie extrê. mement remarquable. Nos médecins de la Faculté en seront étourdis. Le père de ce malheureux petit être m’a donné l’attestation qui suit :

« Je certifie que M. Thomas Capern a rendu des soins à mon enfant, qui était malade depuis huit mois. Il n'avait pas de chair sur les os. Il avait le ventre comme un tambour.

— Depuis, la gaîté de l’enfant a reparu, son ventre a diminué, et aujourd’hui il est en parfaite santé. 11 mangeait continuellement , et aujourd’hui il ne mange pas de la moitié. Toute sa nourriture ne lui profitait pas du tout.

« L’enfant, à l’heure qu’il est, est hors de danger; il se nomme Henri et est âgé de quatorze mois.

« J.-D. PIERRE, crémier.

« Cité de l’Étoile, 18 septembre 1854. »

Le n° 5 est une personne qui n’a pas éprouvé Une guérison complète, mais il y a eu de grands progrès en mieux. Voici le petit mot qu’elle m’a écrit pour constater ce fait :

« Monsieur Capern,

« Je souffrais depuis assez longtemps de douleurs dans le côté, auxquelles s’était jointe une grande faiblesse et une perte complète de l’appétit. Je me plais à déclarer que, malgré le peu de temps que j’ai reçu par vous les secours du magnétisme, j'ai éprouvé un soulagement notable et une amélioration générale de ma santé.

« Je suis, etc., votre...

« N. MOON.

« Paris, 28 septembre 1854. »

Dans plusieurs autres cas, les malades, sans être complètement guéris, furent aussi soulagés, niais je n’en ai point pris note.

Tel est, monsieur le baron, le résumé de ma pratique. Vous n’y trouverez rien qui soit nouveau pour vous, aussi n’est-ce qu’à titre de simple renseignement que je vous l’adresse.................

J’ai lu avec le plus grand plaisir la relation des procédés des Indiens qui guérissaient du choléra à Cadix, et dont parle votre Journal. C’est du magnétisme tout pur, et leur manière d’agir mérite d’être étudiée. Je suis convaincu que la magnétisation serait extrêmement salutaire, si on essayait de l’employer au début de cette terrible maladie; mais les préjugés contre l’emploi de ce moyen curatif sont si enracinés, que même les amis des malades sont les premiers à s’opposer à ce qu’on y ait recours.

Nous avons bien des oppositions à vaincre, monsieur le baron, aussi est-ce avec une bien vive satisfaction que j’ai été témoin du cas décisif dont vous nous avez donné l’expérience dans la séance à laquelle j’ai assisté chez vous. Ces grands succès doivent être attribués, je pense, au calme parfait de votre esprit. J’ai le ferme espoir que, dans un temps qui n’est pas très-éloigné, il me sera possible de revenir vous voir pour assister plus à loisir aux phénomènes que vous obtenez.

Ayez la bonté de présenter mes amitiés à M. Hébert, et lui dire que j’espère vivre assez longtemps pour voir vos souhaits fervents réalisés.

Veuillez, monsieur le baron, agréer l’assurance de mes sentiments, et me croire votre très-obéissant serviteur.

Th. capern.

(Traduit de l’anglais.)

VARIÉTÉS.

(aiiscries. — Les opposants au magnétisme sont de plusieurs classes ; nous ne parlons ici que de celle des médecins; elle est la moins nombreuse, mais en revanche la plus difficile à vaincre. Ce n’est pas, je dois le dire de suite, son talent qu’elle oppose à la vérité ; non, c’est un habile savoir faire, des dénégations sarcastiques, des moqueries quelquefois spirituelles, puis parfois une apparente bonne foi qui consiste à dire : — « Notre devoir est de guérir. Si le magnétisme existait, pourquoi nous priverions-nous volontairement de son concours ? Mais nous n’avons reconnu, dans les pratiques auxquelles il a donné naissance, qu’un moyen de tromper les gens crédules et de créer un nouveau genre de charlatanisme. » D’autres affectent de croire au magnétisme : — « Mais, disent-ils, c’est un moyen dangereux, gardez-vous d’en user, le magnétisme porte sur les nerfs ; il les irrite et provoque des crises. Son emploi n’a aucune efficacité, etc. »

La société est donc enlacée par des hommes dont la profession est respectable, imposant leur titre et leur autorité quand il s’agit de santé. On les croit, on adopte leur jugement sans s’informer en rien s’il n’y a point quelque intérêt caché, quelques motifs puissants qui commandent, qui dictent cette duplicité. Aux yeux de chaque famille, de chaque malade, le magnétisme n’est plus qu’une illusion dangereuse, une pratique funeste pour les mœurs et souvent contraire à la santé. Ce jugement inique, prononcé sans contrôle, établit l’opinion, et ce qui est un remède souverain se trouve rejeté au loin sans regret ni scrupule.

Pauvre public, comme on le trompe! Malades, comme oit abuse de votre ignorance ! comme on se joue de vos souffrances ! 11 n’est pas facile de lever le voile qui cache le mensonge. Comment espérez-vous convaincre, vous qui n’êtes que bien rarement en présence de l’imposture ! Ce n’est jamais devant vous que l’on discutera, et votre voix ne trouvera point d’écho. Vous êtes tenus pour incompétents ; votre antagoniste est tout. On le croit, on est son ami ; dans le cas contraire, il s’impose ; on le craint. 11 a le secret de la famille ; il est comme le confesseur; il est tout, vous n’êtes rien!

Divines clartés de l’âme, ne venez plus inspirer les hommes et leur révéler le vrai des choses II y a profit à rejeter les dons de la Çfovidence ! il y a misère et abandon pour celui qui a raison contre tous ! Oh ! ne maudissons point ! Que jamais de ma bouche ne sorte un blasphème ! Les gens que je combats sont tous plus malheureux que moi! Obligés de mentir chaque jour et de se parjurer, ils cheminent à tâtons où nous marchons en plein jour. Victimes de leur propre système, la nature se venge de ces faux amants en leur laissant leur aveuglement !

Lorsque ma plume court rapide sur le papier, j’oublie souvent ce que d’abord je m’étais promis d’écrire, je saisis ce qui à l’instant me vient à la pensée, et c’est lorsque déjà je suis loin de mon sujet qu’il me faut retourner sur mes pas.

Je disais donc : les médecins ne veulent point user du ma-gnétisme comme remède : ils en ont peur. Ils considèrent comme un traître tout confrère qui touche à l'objet maudit ! ils lancent sur lui le mépris, le traitent comme une brebis galeuse ; on le rejette du troupeau.

Cette résistance a plusieurs causes ; la première, et la plus puissante, c’est celle-ci : pour guérir par le magnétisme, il faut s’éprendre de passion pour l’humanité, il faut dépenser ses forces en les donnant libéralement à celui qui souffre. Une constance à toute épreuve est nécessaire ; car il faut savoir attendre le moment où la nature parlera, puis faire bon marché de la reconnaissance des malades.

Un médecin magnétiste ne peut donc traiter qu’un petit

nombre de malades. Il doit lui-même être bien portant; sou dévouement doit être de tous les instants, et s’il veut sentir et voir, il doit cesser de vivre de la vie commune, et abandonner les plaisirs qui usent en tarissant l’huile qui est dans la lampe ; c’est à ce prix que la nature vous accorde le don de faire des miracles. Toute guérison prompte ruine le médecin. Cinq ou six malades, à moins qu’ils ne soient tous de la classe riche, ne peuvent entretenir sa maison en lui donnant les moyens de satisfaire aux nécessités de la vie. Ce qu’il faut au médecin ordinaire, c’est une nombreuse clientèle, de la souffrance partout et toujours. Aurait-il la goutte, la gravelle ou des rhumatismes, son estomac refuserait-il les aliments la fièvre serait-elle en permanence dans ses tissus; aurait-il enfin toutes les maladies, le médecin n’a pas besoin de la santé pour exercer, je ne dis pas pour guérir. La sottise humaine est si grande que l’on voit les malades aller souvent demander la guérison de leurs maux aux hommes qui ne savent point se débarrasser des leurs propres. Le médecin n’a besoin que de petits carrés de papier et d’une plume ; il peut de la sorte traiter quarante ou cinquante malades et assister à plusieurs consultations en un jour. Il est vrai encore que le temps lui a manqué pour examiner chacun des malades ; mais son œil d’aigle a tout vu; le reste est l’affaire du pharmacien.

Voilà un art facile et qui conduit à la fortune ! Pourquoi donc le changerait-il, cet art, pourse jeter dans une pratique qui exclut la fortune et demande sans cesse et sans relâche le plus grand dévouement? La médecine actuelle est donc une industrie; le magnétisme est un sacerdoce: voilà son crime! Faites qu’il devienne un instrument propre à battre monnaie, il aura immédiatement un grand nombre d’adeptes parmi ses plus rudes adversaires ; mais on ne peut changer la nature des choses !

L’obstacle est là ; nous venons de le signaler. Ces faux semblants d’indignation, ce mépris affecté pour le magnétisme cachent ce que tout le monde devinera, la peur da principe nouveau. Le magnétisme guérit, sans remèdes, beau-

coup de maladies ; il soulage les maux que la nature refuse do guérir. Tous les hommes peuvent être médecins sans aller aux écoles de nos adversaires. Sachant ce qu’ils peuvent en empruntant à la nature ce puissant agent nouveau, tout homme peut, nous osons l'affirmer, défier publiquement les plus habiles médecins et faire plus qu’eux tous, jusqu’au jour seulement où, consentant à devenir simples instruments de la nature et magnétisant leurs malades, leur science leur venant en aide pour remonter jusqu’aux causes ; car alors ils seront plus forts, plus puissants que tous les autres hommes. Ce moment venu, les magnétiseurs sans science n’auront plus qu’à courber la tète et à suivre le chemin tracé par les médecins ; mais ce jour sera long à venir, peut-être même ne viendra-t-il jamais ! Dans ce cas, la médecine tombera de plus en plus bas dans l’opinion; on comparera les œuvres du charlatanisme avec celles de la haute science ; le mépris public atteindra celle-ci ; les autels des faux dieux seront abandonnés.

Baron DU POTET.

Tribunaux. — Mmc Roger a adressé au journal Y Union de ta Sarthe, la lettre suivante, qui a été insérée dans son numéro du h janvier :

« Monsieur le rédacteur,

h Dans le compte-rendu des débats ouverts devant la Cour d’assises de la Sarthe, sur l’assassinat du malheureux Gre-nouilleau, je lis les faits suivants :

« M. le procureur-général, interpellant le témoin Vallée,. « commissaire de police de Beaupréau, relativement aux « somnambules qu’il serait allé consulter pour découvrir les « auteurs de l'assassinat, lui dit : Vous n’êtes pas allé trouver « M. du Potet et M°‘c Roger ? Savez-vous ce que c’est que « Mmc Roger, il y a trois mois qu’elle a été condamnée pour « escroquerie. »

« En face d’une semblable accusation, j’ai dû, monsieur, vous demander la rectification d’une erreur grave commise, soit par M. Métivier, procureur-général, soit par votre journal.

. « S’il est vrai que, comme somnambule, j’ai été consultée,

il est complètement inexact de dire que j’ai été condamnée ni même jamais poursuivie pour escroquerie.

« Agréez, monsieur, etc.

« j. koger. »

Le Droit, du 18 janvier, a reproduit cette réclamation ; il était juste que nous en fissions autant.

Revue !cs Journaux. — Voici un fait de clairvoyance spontanée rapporté par la Gazette (le Lyon, du 17 décembre dernier.

« Samedi dernier, une jeune dame de Tarare, mariée depuis peu, était venue à Lyon pour assister à la noce de sa sœur. Après le repas vint le bal, auquel elle prit une large part. Au milieu d’une valse très-animée, elle quitte son cavalier , va prendre le bras de son mari assis à une table d’écarté, et le presse de faire atteler parce qu’elle avait vu sa mère étendue à terre, dans son salon de Tarare, et livrée aux soins d’une femme étrangère.

« Le mari, surpris de cette hallucination, refuse de croire aux pressentiments de sa femme, mais elle menace de quitter le bal et de partir seule. Enfin, entraîné par elle, il monte en voiture, et la première chose qu’il apprend en rentrant chez lui, c’est que sa belle-mère est tombée en paralysie.

« Jamais la jeune dame n’avait assisté à une séance de magnétisme. »>

— La Presse publie un roman de M. Paul Féval, intitulé le Paradis des Femmes, dans lequel il paraît devoir se trouver plusieurs scènes de somnambulisme. Le feuilleton du 17 janvier est consacré à l’exposition des moyens de magnétiser et des effets de sommeil qui en résultent.

HÉBERT (de Garnay).

BIBLIOGRAPHIE.

LA BONNE AVENTURE, roman; par Eugène Sue. 1 vol. in-4°. Paris.

Michel Lévy, et journal le Siècle, 1853.

Un de nos conteurs les plus féconds et les plus spirituels, Eugène Sue, a donné au roman une telle importance, qu’il en a fait un des modes d’enseignement les plus utiles et les plus efficaces. En lui faisant revêtir les formes les plus variées, il a su s’en servir pour propager, d’une manière gracieuse et attachante, des idées qui, exposées d’une manière didactique, n’auraient certainement pas fait aussi vite ni aussi sûrement leur chemin. D’autres font de l'art pour Fart ; pour lui, l’art, malgré tout son prestige, n’est jamais un but, mais un moyen ; bien plus, c’est un sacerdoce. Après avoir traité, à sa façon, les plus graves questions de morale, de religion, de science sociale, il a abordé les sciences occultes. Dans Gilbert et Gilberte, il a exposé les doctrines druidiques sur la transmigration des âmes, il a usé largement du merveilleux et a fait communiquer l’homme avec les êtres supérieurs. Dans la Bonne aventure, il a pris, pour pivot de l’action de son roman lu prévision.

Dès le début de cet ouvrage, l’auteur nous transporte dans l’antre de la sibylle. C’est une femme qui mène une vie des plus excentriques; elle a de temps en temps des accès c’e léthargie ou de catalepsie qui durent plusieurs jours ; dans ses intervalles de santé, elle dit la bonne aven-tuie à ceux qui viennent la consulter. Ses moyens de lire dans l’avenir sont multipliés ; elle examine la main et la physionomie du consultant; elle a recours aux cartes; de plus, le consultant prend un certain nombre de médailles de dif-

férents métaux et les laisse tomber dans un verre conique rempli d’eau ; il met aussi quelques médailles dans une boite qu’il ferme et qu’il agite ; la devineresse observe les combinaisons qui en résultent. Cette femme est représentée comme line extatique de bonne foi ; elle ne donne de réponse que dans ses crises ; alors elle est exaltée, de nouveaux horizons se découvrent à ses yeux, elle voit l’avenir.

Trois femmes qui ne s’étaient jamais vues, et qui appartiennent à des conditions sociales très-différentes, viennent ensemble pourconsulter ; le hasard les a réunies. L’une est une duchesse fière de son rang, imbue des préjugés aristocratiques ; elle est sceptique et railleuse, et ne cache pas son dédain pour les opérations auxquelles elle vient prendre part ; elle n’attend point de révélation ; elle n’a voulu que satisfaire une fantaisie. Une autre, Clémence Duval, appartient à la haute bourgeoisie; c’est la fille d’un colonel qui commandait en Algérie et qui a disparu à la suite d'un combat sanglant. Ce n’est pas une vaine curiosité qui l’attire, elle est dirigée par le motif le plus pieux : elle veut savoir si son père vit encore. La troisième, Maria Fauveau, est une petite boutiquière d’un naturel vif, enjoué, plein de franchise et de bonté ; elle adore son mari, et elle en est adorée ; elle veut savoir lequel des deux survivra à l’autre. Ces deux plébéiennes, par la candeur et le sérieux qu’elles apportent dans leur consultation, font un contraste avec l’orgueilleuse duchesse qui, par caprice, a voulu s’amuser quelques instants d’un art qu’elle méprise.

Les opérations cabalistiques commencent ; on nous en décrit minutieusement les détails ; la scène devient grave, émouvante ; la devineresse voit les destinées de ces trois femmes unies par un lien fatal ; un mauvais génie exercera sur elles une sinistre influence ; l’avenir sera des plus sombres; de terribles catastrophes les attendent. La duchesse mourra empoisonnée ; Maria, si douce, si bonne, si aimante, périra sur l’échafaud. Quant à Clémence Duval, ange de pureté, le sort qui lui est réservé est encore plus affreux ; elle sera frappée d’une condamnation infamante, elle sera

enfermée dans le séjour du crime, confondue avec ces femmes abjectes qui sont l’opprobre de leur sexe et le rebut du genre humain.

Toutes ces prédictions sont d’une invraisemblance ridi-dicule, et pourtant, après des événements variés, dont le récit est plein de charme et d’intérêt, tout s’accomplit de point en point. Seulement l’auteur, après nous avoir fait aimer sa délicieuse création de Maria Fauveau, nous a épargné la douleur de lui voir trancher la tête. Kl le est étendue sur la planche de la guillotine; son heau col est emprisonné dans la hideuse machine ; déjà le bourreau porte la main à la corde dont le jeu va faire tomber le couperet fatal... Dans ce moment critique arrive la grâce de la condamnée, dont l’innocence est reconnue. Le lecteur se remet de sa poignante émotion, la bonne aventure n’en était pas moins une vérité : la sorcière avait vu Maria ayant la tête sous le couteau de la guillotine, et elle avait vu juste.

La plupart des lecteurs auront regardé tout cela comme un jeu d’esprit, comme une œuvre d’imagination destinée à leur amusement et n’ayant pas d’autre prétention. Est-ce que l’artiste, nous dit-on, croit à ses conceptions ? L’auteur du Petit Poucet craignait-il d’être dévoré par l’ogre? Wal-ter-Scott, qui a employé le merveilleux comme machine à effet, dans quelques-uns de ses romans tels que Y Abbé et le Monastère, n’en a-t-il pas fait justice dans son Traité de la dbnonologie, où il souffle sur toutes ces chimères et les fait évanouir?

Nous n’admettons pas qu’un véritable artiste se joue ainsi du public et prostitue son talent en cherchant à nous séduire par un mirage dont il ne serait pas dupe, et qui ne serait qu’un tour de fantasmagorie. Il est maître des détails, des accessoires, sans doute, et il a le droit de semer les fictions à pleines mains. Mais il doit croire à son idée, ou bien, au lieu d’être un poète, il ne sera qu’un froid assembleur de mots sonores; au lieu d’une Iliade, il ne donnera qu’une Henriade. Homère pliait les genoux devant les dieux qu’il chantait; les auteurs des Mille et une Nuits croyaient cer-

tainement aux fées; si Pygmalion devient amoureux de sa statue, c’est qu’à force de génie il a su lui donner la vie.

Nous n’avons pas l’honneur de connaître personnellement Eugène Sue; mais en le lisant, nous sommes devenu de ses amis; nous croyons le connaître et pouvoir répondre de sa sincérité. lin écrivant son roman, il a eu un but sérieux, il a voulu appeler l’attention du public sur la grande question de la divination ; il a voulu relever les sciences occultes et les venger du mépris injuste et irréflchi dont les a frappées le matérialisme des sciences positives.

Quoi qu’il en soit des convictions de l’auteur, il faut lui savoir gré d’avoir profité de son influence sur ses innombrables lecteurs pour leur avoir fait entrevoir ce qu’il y a de profondément grave dans ce sublime sujet. Est-il au pouvoir de l’homme de pénétrer les secrets de l’avenir? Existe-t-il un art qui donne les moyens de soulever le voile qui nous en dérobe la vue ? A ces questions le savant hausse les épaules de pitié, ne daigne pas répondre et nous demande si nous voulons rétablir les vieilles superstitions à jamais écrasées par la massue de Voltaire.

Les grands mots ne nous effrayent pas. La superstition consiste à attacher de la vertu à une pratique qui n’en a pas. Pour décider si la pratique est superstitieuse, il faut s’assurer si elle est bien réellement sans vertu, il faut donc expérimenter de bonne foi et sans prévention. C’est être superstitieux que de persister à observer la pratique reconnue vaine et sans efficacité ; mais celui-là n’est pas moins superstitieux qui, refusant de vérifier, déclare d’avance, de piano, que la pratique ne peut pas être bonne, et a la prétention de mettre ses raisonnements théoriques au-dessus des faits. Pour bien des gens encore, le magnétisme est une superstition : à plus forte raison, les tables tournantes et parlantes et les médiums. Le superstitieux n’est-il pas plutôt l’incrédule encroûté, qui nous déclare que quand même il venait il ne croirait pas?

Bon nombre d’anathèmes sont retombés comme de lourds pavés sur la tête de ceux qui les avaient lancés. Ne nous

laissons donc pas intimider par les déclarations d’impossibilité, et ne nous lassons pas de chercher.

Il y a un ordre de faits à l’égard duquel l’homme voit incontestablement l’avenir, bien que d’une manière très-bornée : quand il s’agit de faits qui lui sont familiers, qu’il a observés souvent, il en connaît l’enchaînement, il sait comment les uns découlent des autres. En astronomie, par exemple, la prévision est portée extrêmement loin ; on fixe, bien des .années d’avance, la position exacte des astres et leurs diverses phases. Le jardinier qui vit au milieu de ses plantes, connaît d’avance, jusqu’à un certain point, les degrés de développement par où elles passeront. Le médecin, qui par une longue pratique a acquis un coup d’œil pénétrant, est parfois en état d’annoncer les progrès et l’issue d’une maladie et de prédire rigoureusement l’heure de la mort. Nous pourrions multiplier les exemples. Ceux-là suffisent pour prouver que la faculté de prévision appartient à l’homme.

Peut-elle s’exercer sur des faits qui dépendent du libre arbitre? L’affirmative n’est pas douteuse. Quand on connaît le caractère, les goûts et les habitudes d’un individu, il n’est pas difficile de prévoir le parti qu’il prendra dans un cas donné. Quand on assiste aux débats de certains procès et qu’on a quelques connaissances sur le personnel du tribunal, sur la jurisprudence, etc., ne peut-on pas annoncer d’avance le jugement qui sera rendu ? Lors de la convocation de la commission ecclésiastique dont le pape s’est entouré avant de prononcer sur le dogme de l’immaculée Conception, ne pouvait-on pas, à coup sûr, prédire que le dogme serait proclamé , de l’avis conforme de la commission ? et cependant le pape et ses conseillers étaient libres. Qu’on ne sache comment concilier le libre arbitre et la pré* vision, peu importe quant à la question qui nous occupe. Ne croit-on que ce qu’on explique?... Sans doute, en prévoyant des faits qui dépendent du libre arbitre, on ne peut pas prononcer avec une certitude absolue, il reste toujours quelques chances d’erreur. Le nombre de ces chances dépend de la nature des actes prévus et de la perspicacité plus ou moins

grande de celui qui prévoit. 11 peut se faire que dans certains cas les chances d’erreurs soient réduites à si peu de chose qu’elles deviennent négligeables.

Celte faculté de prévision qui existe chez tous lea hommes à un degré plus ou moins élevé, peut se développer d’une manière extraordinaire chez quelques individus, surtout sous l’empire de circonstances qui produisent une excitation du cerveau. Ainsi tous ceux qui ont assisté à des expériences de somnambulisme, savent combien, dans l’état somnambu-lique, les facultés intellectuelles acquièrent d’intensité ; combien la lucidité devient pénétrante. 11 n’est donc pas étonnant qu’alors la faculté de prévision surpasse prodigieusement le niveau habituel et donne des résultats admirables.

Tout s’enchaîne dans le monde. 11 ne se passe aucun fai qui n’ait d’influence sur les faits à venir et qui ne laisse des traces de son existence ; et il n’y a pas un fait à venir qui ne soit contenu en germe dans les faits présents, comme le chêne l’est dans le gland. 11 s’ensuit qu’à une époque quelconque, le présent suffît pour révéler le passé et l'avenir à celui qui sait lire et observer. 11 n’est aucun de nous qui, à chaque instant, ne déduise du présent le passé et l’avenir. Seulement nous gémissons sur notre courte vue qui ne nous permet pas de pénétrer plus avant ; mais il existe des voyants dont le regard est doué par intervalles d’une force prodigieuse et qui plongent à des profondeurs que nous n’osons envisager.

Chez tous les peuples et à toutes les époques, il s’est trouvé des hommes qui ont passé pour jouir de cette magnifique prérogative. Selon les temps et les circonstances, ils ont été regardés comme inspirés de Dieu ou comme agents des esprits infernaux. Que les explications qui ont été données de leurs facultés exceptionnelles aient été plus ou moins téméraires, plus ou moins ridicules, il n’en reste pas moins le fait d’une tradition constante et unanime. Si cette autorité a peu de poids quand il s’agit de doctrines qui doivent avant tout s’appuyer sur la raison, elle en a beaucoup quand il s’agit d’attester une série de faits. On ne peut donc s’empê-

cher de reconnaître |Ue, dans cette masse de témoignages il y a quelque chose d’imposant. Prophètes, mages, pythies, sibylles, devins, sorciers, extatiques, somnambules, illuminés, composent une légion formidable : parmi les faits merveilleux qui leur sont attribués il y en a beaucoup de con-trouvés ou au moins de suspects ; soit, mais il y a incontestablement une grande part de vérité. Beaucoup d’auteurs ont soumis à un examen critique et recueilli les prédictions les plus authentiques. Nous citerons en particulier Deleuze, Mémoire sur lu faculté de précision, et Bareste, la Fin des temps. Les prédictions de Jeanne d’Arc sont un des événements historiques les mieux avérés ; la prophétie de Cazotte, rapportée par La Harpe, parait encore bien constatée. Nous ajouterons deux faits qui sont à notre connaissance personnelle.

M"* S***, de Nogent-le-Ilotrou qui, dans son somnambulisme spontané, montrait une grande lucidité, annonça un an d’avance, et à plusieurs reprises, que son frère aurait à la conscription le numéro 113 et se trouverait par là affranchi du service militaire. Tout se passa comme elle l’avait prédit.

Une jeune et charmante demoiselle eut la curiosité de consulter sur son avenir et s’adressa à Mlu Cœlina Japhet, qui est tout à la fois somnambule, médium et cartomancienne. C’est aux cartes qu’on eut recours. La devineresse y vit que la consultante épouserait un homme veuf, d’un âge mûr et ayant une petite fdle ; qu’elle n’obtiendrait pas le consentement de son père et qu’elle serait obligée de lui faire des sommations respectueuses. La consultante se récria et déclara qu’elle aimerait mieux rester fille que de faire un tel mariage. Mais une année ne s’était pas écoulée, et tout ce qu’on lui avait annoncé s’était réalisé de point en point. 11 est à remarquer que, lors de sa consultation, elle ne connaissait aucunement celui qui depuis est devenu son mari, et que par conséquent la devineresse n’a pu ni lire dans sa pensée, ni procéder par conjecture.

Bien des personnes seraient assez disposées à reconnaître

la réalité de la faculté de prévision ; niais elles repoussent comme un outrage au bon sens l’usage (les moyens employés par la plupart île ceux qui font profession tle prédire l’avenir: les caries, le marc de café, la chiromancie, etc., tout cela leur paraît un misérable attirail de jonglerie digne du mépris public et de la rigueur des magistrats.

Ce dédain, qui semble si légitime et si rationnel, vient de la fausse idée qu’on se fait des appareils. Quelques extatiques entrent d’eux-mêmes dans l’état de crise où se produit leur lucidité, soit spontanément et sans aucun travail de leur part, soit par une concentration qui exige un effort de volonté. D’autres n’arrivent à cet état que sous l’in-lluence des causes extérieures, et ces causes sont extrêmement variées. Le somnambule aura besoin d’être endormi par son magnétiseur; pour un autre il suffira du contact d’un objet magnétisé ou de certains corps auxquels il attache une vertu particulière. 11 y a des crisiaques qui ne sont lucides que sous l’empire de certaines maladies ; de là l’idée si répandue chez les anciens, que les mourants avaient le don de lire dans l’avenir. Il y en a qui, pour entrer en crise, recourent à des drogues, à l’opium, au haschich, etc. ; les voyants du Caire, dont parle M. de Laborde dans ses voyages , n’avaient qu’à contempler une goutte d’encre versée dans le. creux de leur main; les moines du mont Thabor contemplaient leur nombril; les derviches tourneurs, en tournant comme des totons, arrivent à l’extase ; les sibylles se soumettaient à l’action de vapeurs aromatiques qui s’échappaient de dessous le trépied sacré. Certains, lieux renommés pour leur vertu fatidique, tels que l’antre de Tro-phonius, la devaient aux exhalaisons qui s’en échappaient et qui agissaient sur le cerveau des consultants. Le choix et la disposition de certains locaux pouvaient amener l’état de lucidité : les malades qui couchaient dans les temples de Sérapis et d’Esculape, éprouvaient des visions où le dieu leur enseignait les moyens de guérison. Des devins ont recours, soit aux cartes, soit à l’inspection des mains ou à celle des urines, soit à la baguette giratoire, soit à des procédés en-

la réalité de la faculté de prévision ; mais elles repoussent comme un outrage au bon sens l’usage des moyens employés par la plupart de ceux qui font profession de prédire l’avenir: les caries, le marc de café, la chiromancie, etc., tout cela leur paraît un misérable attirail de jonglerie digne du mépris public et de la rigueur des magistrats.

Ce dédain, qui semble si légitime et si rationnel, vient de la fausse idée qu’on se fait des appareils. Quelques extatiques entrent d’eux-mêmes dans l’état de crise où se produit leur lucidité, soit spontanément et sans aucun travail de leur part, soit par une concentration qui exige un elfort de volonté. D’autres n’arrivent à cet état que sous l’in-lluence des causes extérieures, et ces causes sont extrêmement variées. Le somnambule aura besoin d’être endormi par son magnétiseur; pour un autre il suffira du contact d’un objet magnétisé ou de certains corps auxquels il attache une vertu particulière. 11 y a des crisiaques qui ne sont lucides que sous l’empire de certaines maladies ; de là l’idée si répandue chez les anciens, que les mourants avaient le don de lire dans l’avenir. Il y en a qui, pour entrer en crise, recourent à des drogues, à l’opium, au haschich, etc. ; les voyants du Caire, dont parle M. de Laborde dans ses voyages , n’avaient qu’à contempler une goutte d’encre versée dans le. creux de leur main; les moines du mont Thabor contemplaient leur nombril; les derviches tourneurs, en tournant comme des totons, arrivent à l’extase ; les sibylles se soumettaient à l’action de vapeurs aromatiques qui s’échappaient de dessous le trépied sacré. Certains, lieux renommés pour leur vertu fatidique, tels que l’antre de Tro-phonius, la devaient aux exhalaisons qui s’en échappaient et qui agissaient sur le cerveau des consultants. Le choix et la disposition de certains locaux pouvaient amener l’état de lucidité : les malades qui couchaient dans les temples de Sérapis et d’Esculape, éprouvaient des visions où le dieu leur enseignait les moyens de guérison. Des devins ont recours, soit aux cartes, soit à l’inspection des mains ou à celle des urines, soit à la baguette giratoire, soit à des procédés en-

ceux qui cultivent la divination. Le triage est difficile, d’ac -cord ; mais, quand à force de recherches, de travaux et de discernement, on en rencontre un lucide, quel trésor inestimable ! et qu’on est bien dédommagé alors des déceptions par lesquelles il a fallu passer !

Le roman d’Eugène Sue suggère une réflexon très-importante. Maria Fauveau, à laquelle on prédit qu’elle mourra sur l’échafaud, commence par rire de cette prédiction; mais plus tard elle en a l’esprit frappé, puis obsédé. Les malheurs inattendus qui lui arrivent, lui semblent autant d’avant-coureurs de la catastrophe dont elle se croit menacée. Un concours étrange de circonstances l'amène, quoique innocente, sur les bancs de la cour d’assises; là, au lieu de se défendre et de repousser l’accusation dont elle est l’objet, elle perd la tète; elle déclare qu’elle sait bien qu’elle mourra sur l’échafaud, que c’eut sa destinée, que rien ne peut la détourner ; fatiguée des questions qui lui sont adressées, et persuadée que son arrêt est écrit d’avance, elle répond avec égarement qu’elle a versé le poison ; elle aime mieux en finir ainsi que de prolonger une lutte inutile. Elle fait tout pour se faire condamner, et elle n’y réussit que trop bien.

C’est là une peinture fidèle des effets déplorables que produisent les prédictions sur une foule d’individus. Que la réalisa^ tion d’une partie ou même toute autre cause leur inspire une confiance aveugle dans la prédiction, ils feront tout ce qui dépendra d’eux pour qu’elle s’accomplisse. Courbés devant un fanatisme inflexible, ils perdront toute énergie, toute activité, toute spontanéité ; au Heu de lutter contre le mal, ils se résigneront à le subir comme une loi souveraine ; leur organisme obéira à ces arrêts terribles, et si on leur a prédit telle maladie ou même la mort pour une époque déterminée, la maladie ou la mort viendra à point nommé ; car le devin n’a pu se tromper, et l’on ne change pas sa destinée.

On voit par là les dangers d’une curiosité indiscrète. 11 est bien imprudent de chercher à lire notre avenir, dont la connaissance serait le plus souvent un présent funeste. Soit que nous obtenions des révélations exactes, ce qui est assez rare,

soit qu’on ne nous donne qu’un vain bavardage prétendu prophétique et accepté comme tel, il peut en résulter pour nous une impression fâcheuse qui influe de la manière la plus triste sur notre santé, sur notre raison, sur notre conduite. 11 faut être bien sûr de soi pour oser sonder ces secrets redoutables. Le mieux serait de laisser de côté toute préoccupation personnelle et ne chercher de solution que sur des sujets qui ne nous affectent pas aussi profondément. Mais il serait encore plus sage de ne pas provoquer de prédictions de la part des lucides, et d’attendre que la faculté de prévision fasse explosion spontanément quand l’esprit prophétique s’emparera du voyant. Qu’on se garde bien de regarder comme un jeu ces expériences dont les suites peuvent avoir tant de gravité ; qu'en y recourant on ne soit mû que par l’amour pur et désintéressé de la science et par le désir de faire du bien.

Nous terminerons en citant les réflexions judicieuses que notre auteur met dans la bouche du docteur qui joue dans le roman le rôle d’homme de la Providence :

« Les divinations des somnambules ou des personnes soumises à l’influence magnétique se réalisent parfois d’une manière surprenante. La science a encore tant de secrets à pénétrer! Aussi, en présence de ces faits, qui confondent notie raison, serait-il plus sage de ne pas crier à. l’impossible, à l’absurde, au hasard. L’on n’a pas eu assez de dédains, de saréastnes et de sauvages persécutions contre l'alchimie, et pourtant elle a été la source des merveilles positives de la ciiimie.......... . . . .

« Ayons espoir dans la marche toujours progressive de la science humaine; seule elle peut élucider, elle élucidera les plus étranges phénomènes de la nature. »

A. S. MORIN.

LES TABLES MOUVANTES f.t LES MIRACLES DU XIX® SIÈCLE, ou la Nouvelle Magic, par un Croyant de Chambéry. \ vol. in-12. Turin, Cugini Poinba et C®, 1853. — A Paris, chez Genner-Baillièro.

Ce livre est déjà vieux, puisqu’il date du moment où les tables se sont mises à tourner, à marcher, à frapper, etc. ; et s’il 11e relatait que ces phénomènes, il aurait aujourd’hui perdu son plus puissant attrait, la nouveauté. Mais il y est beaucoup parlé de Mesmer, du magnétisme, du Dr Despine, du somnambulisme, etc., et c’est toujours avec plaisir que les magnétisles prennent connaissance de ce qu’on en dit ; il n’y a point d’actualité pour cela.

L’auteur de cet écrit, qui signe un Croyant, n’est rien moins qu’un savant titré, un chimiste connu, et c’est peut-être parce qu’il fait partie d’une académie qu’il a voulu garder l’anonyme. Du reste, il se montre grand ami du progrès, et gourmande beaucoup les corps savants de leur résistance aux faits nouveaux en général, et spécialement au mesmérisme. Pour ses collègues, et les autres académiciens, qui sauront bien le reconnaître dans son œuvre, le reproche portera coup, et pour le public, ce ne sera pas la discorde mise au sein de la docte famille.

L’ouvrage est divisé en sept chapitres, dont voici les titres respectifs; Historique. — Manière d’opérer, etc. — Phénomène en action. — Causes du phénomène. — Accidents. — Utilité. — Comparaison avec les faits du magnétisme animal.

Le premier chapitre constate ce que tout le monde sait sur l’antiquité, l’origine du mouvement des tables et la réapparition moderne de ce phénomène. L’auteur voit dans ce retour « un avenir de science inconnue ou niée», et dans le fait lui-même «les préludes du triomphe du magnétisme»; parce que ces expériences lui «semblent être une démonstration des forces magnétiques encore si peu connues. »

Le second renferme plusieurs propositions dont l’évidence paraît incontestable ; ainsi, en parlant de la composition de la chaîne, l’auteur dit :

« De petits enfants et des personnes âgées ne paraissent

pas aussi propres, attendu qu’il n'ont ni assez de fluide, ni assez de volonté, ce qui rentre, du reste, dans les lois connues du magnétisme animal.

« Comme il s’agit, dans ces sortes d’expériences, de faire servir tout son fluide à atteindre le but désiré, il fout naturellement éviter toutes les causes capables de soutirer de ce fluide aux dépens du résultat. Le mélange des sexes présentera donc des inconvénients, si les personnes qui forment la chaîne sont de nature à se causer réciproquement des distractions involontaires. Ainsi une chaîne composée d’hommes et de femmes étrangers les uns aux autres, doués de la force et de la vigueur de l’âge où les yeux sont pleins de fluide, le cœur en ébullition et l’imagination enflammée, cette chaîne, disons-nous, fera toujours tourner plus de tètes que de tables... »

Et h. propos des modifications que subit la chaîne par suite de l’addition, du remplacement ou de la retraite d’un ou de plusieurs opérateurs , il note ceci :

« On a remarqué que la retraite de certaines personnes contribuait à augmenter l’énergie du fluide magnétique, et que tous les phénomènes se reproduisaient avec plus de promptitude et de spontanéité que lorsqu’elles participaient activement à l’expérience.

h Souvent aussi, par un effet contraire, le meuble se trouve invinciblement entraîné du côté de l’une des personnes de la chaîne, ce qui ne peut s’expliquer que par une plus grande abondance de fluide, et une plus forte volonté chez elle que chez les autres. »

Enfin, résumant sa pensée, il trouve que deux conséquences découlent de ce phénomène.

« 1° La réalité du mouvement imprimé à un corps inerte par la chaîne magnétique;

« 2° L’influence de la volonté humaine sur le corps magnétisé , et la sensibilité communiquée par cette opération au meuble employé.

« Cette sensibilité est manifestée par des symptômes dont la précision est aussi extraordinaire que propre à confondre les idées reçues. Ce second point, le plus étrange, est une merveille de plus acquise à la science physiologique.

« La table soumise à l’influence magnétique semble s’animer elle-même et s’identifier avec les personnes qui forment

la chaîne, dont elle s’empresse de satisfaire les moindres volontés. Lui commande-t-on de tourner à droite, à gauche, d’aller plus vite, elle le fait ; de se transporter vers la porte, la fenêtre, etc., elle obéit en glissant sur le parquet, et toujours suivie des personnes qui lui ont communiqué le mouvement rotatoire....................

« Cela prouve donc que l’homme peut communiquer à la matière insensible une partie de sa force propre de locomotion, s’en faire obéir, et, plus encore, lui transmettre, jusqu’à un certain point, la faculté de seconde vue propre au somnambulisme et à la catalepsie. »

Le chapitre 111 11e renferme rien que nos lecteurs ne connaissent, tous les laits saillants rapportés par les journaux de l’époque, et que le nôtre a reproduits, y sont consignés dans l’ordre de leurs analogies : inutile de les rappeler ici.

Le quatrième chapitre est, avons-nous vu, consacré à l’examen des causes; l’auteur y expose les diverses opinions qui ont été émises pour expliquer la danse des tables, et finalement donne sa propre manière de voir à cet égard. C’est là le nœud de la question. Voyons comment il l’interprète.

« Je crois, dit-il, avoir suffisamment démontré, pour des hommes sensés du moins, que l’influence musculaire est complètement étrangère aux mouvements de rotation et de translation de certains objets inertes soumis à l’action d’une chaîne animale dans des conditions déterminées ; les expériences les plus concluantes, les plus palpables, ont mis hors de doute que les divers mouvements 11e peuvent être l’effet d’une simple statique.

« Si telle n’est pas la cause de ces faits singuliers, il faut une autre théorie du phénomène, une autre explication des résultats qui l’accompagnent, et il paraît nécessaire de rechercher I une et l'autre dans l’étude d’un fluide impondérable nouveau, ou dans les effets encore inédits des impondérables connus.

« D’après ce qui a été constaté par un grand nombre d’hommes spéciaux, il n’est pas possible de méconnaître la présence et l’intervention d’un fluide quelconque, se communiquant aux meubles soumis à l’expérience, et communiquant à ceux-ci les propriétés des aimants.........

(i Quoi qu’il en soit, constatons d’abord comme un progrès, comme un pas fait dans la voie de la solution qui nous occupe, que la grande majorité des expérimentateurs est d’accord pour attribuer la cause du phénomène de la danse des tables à l’électricité ou au magnétisme, ou ii l'influence combinée de ces deux fluides. Cette opinion est appuyée par tout ce que la science du magnétisme animal nous a dévoilé jusqu’ici.......»

Il passe en revue quelques autres hypothèses scientifiques et théologiques, les discute tour à tour, et conclut en ces termes, page 161 :

« S’il m’est permis de faire à ce sujet ma profession de foi, je dirai que tout concourt à prouver que ce phénomène, dont le monde entier s'occupe, se produit sous une influence magnétique ou électro-magnétique, dans certaines conditions et avec des modifications qui ont besoin d’être étudiées. La danse des tables n’est donc que l’application de ce principe si souvent nié, que tant d’esprits étroits n’ont su combattre qu’avec les armes du ridicule, mais qui, je le prédis, sortira bientôt vainqueur de la lutte dans laquelle ses ennemis l’ont entraîné dès sa naissance. »

On ne peut revendiquer plus hautement, et dans un langage plus mesuré, les droits du magnétisme dans cette question. Si, au lieu d’invoquer des suppositions métaphysiques , les magnétistes qui ont voulu donner leur avis s’étaient appuyés sur des raisonnements semblables, il est à croire que la théologie ne se serait pas mêlée du débat, et qu’aujourd’hui nous aurions une théorie démontrée au lieu de simples conjectures.

On objectera peut-être qu’alors les tables ne parlaient pas encore, et que l’intelligence manifestée par leurs coups compliquait le problème. Sans doute ; mais était-ce une raison pour abandonner la science, et demander à la religion le mot de l’énigme? Ne valait-il pas mieux chercher dans l’homme la source de cette intelligence? S’il donne le mouvement à des objets inertes, ne peut-il pas aussi leur transmettre une partie de son intelligence? N’est-ce pas une por. lion de sa vie, de son âme qui passe en eux et les doue pro-

visoircmeiit de facultés identiques à celles des somnambules? Croit-on que le fluide magnétique soit une force purement mécanique, un agent physique? Mais tous les jours on constate des effets qui révèlent une action élective et quelque chose de psychique.

On s’est évidemment trop pressé de conclure ; avant de recourir au surnaturel, soit angélique, soit démoniaque, il fallait explorer la nature humaine en tous sens et épuiser la mine. Quelques hommes seuls ont compris la nécessité de cette recherche, et le peu qu’ils ont fait a éclairé la route. Une fois connu, ce succès engagera certainement quelques pionniers à revenir sur leurs pas, et, dégagés de préoccupations mystiques ou dogmatiques, ils recommenceront l’étude sur de nouveaux frais.

Dans le cas qui nous occupe, l’auteur, sachant que le progrès s’obtient plutôt par le travail que par la révélation, a suivi la voie scientifique et est arrivé ainsi à des conclusions très-plausibles. Voici comment il rend compte des accidents dont le détail forme son chapitre V :

« Comme les tables paraissent être mises en mouvement par le fluide magnétique, ou un autre analogue dégagé par les personnes formant la chaîne, la gravité des accidents doit être en raison directe de l’aptitude spéciale des expérimentateurs à dégager une quantité plus ou moins grande de fluide, de l’ardeur qu’ils mettent à cette action, de la durée des expériences et de la fréquence des répétitions. Ainsi, une personne très-mobile, très-impressionnable, s’y livrant longuement et plusieurs fois par jour, se débilitera nécessairement par une émission trop abondante de fluide, et cette débilitation entraînera des accidents divers qui se manifestent plus spécialement sur tout ce qui dépend immédiatement du système nerveux. »

A l’appui de cette thèse, il cite l’exemple d’une dame de Chambéry, qui est morte à la suite d’abus de cette nature.

« Elle se livrait depuis plusieurs jours, avec passion, aux expériences des tables tournantes, lorsqu’un affaiblissement et une prostration très-grande vinrent mettre fin à ces dangereux exercices......»

Lui-même, qui est d’une bonne constitution et se porte fort bien, a eu les fonctions digestives troublées, et souffre de l’estomac chaque fois qu’il participe à une chaîne. Bien des gens pourraient en dire autant pour quelque autre organe; moi, ça me courbature les avant-bras et me retire le sommeil pour une ou deux nuits.

Quant aux usages, objet du sixième chapitre, l’auteur déclare qu’il ne voit pas l’utilité pratique de ce fait. Ce n’est encore qu’un amusement pour les uns, un moyen d’investigation pour les autres ; mais cela pourra devenir applicable au même titre que le somnambulisme, puisque des tables, consultées par des malades, leur ont prescrit des remèdes. Seulement gare aux erreurs! car si les clairvoyants se trompent, les tables leur ressemblent, et les surpassent même.

Le dernier chapitre offre le tableau des analogies du magnétisme avec la danse des tables. Là l’auteur expose des faits très-frappants de lucidité et de transposition des sens dont l’a rendu témoin feu le bon I)' Despine, faits dont la relation a déjà paru en partie dans le Journal du magnétisme (1), et que cela nous dispense de citer. Le fond de sa pensée est que les tables sont comme un miroir qui réfléchit les idées, les sentiments, etc., des opérateurs : elles ne prévoient pas.

Cet ouvrage est dédié aux dames! — Courtoise attention que la préface explique, et dont chaque lectrice sera justement flattée.

(1) Voyez tome XII, page 351.

HÉBERT (de Camay.)

Lt Gérant : IIKIlKItT (de Garnay).

FAITS ET EXPÉRIENCES.

HISTOIRE n’i'.NE CONVERSION AU MAGNÉTISME.

Mon clier monsieur Hébert,

Facit indignatio versum! On dit que quelquefois l’indignation a fait des versificateurs, sinon des poètes. Ce fut un défi moqueur qui fit de moi un adepte de la belle découverte de Mesmer, que M. le baron du Potet et vous défendez avec autant de courage que de talent. Vous m’avez vu au début de cette transformation, laissez-moi donc vous en raconter les circonstances.

Ce fut en 4840, à Lyon, chez un vieux négociant, que j’entendis pour la première fois parler de magnétisme et d’une somnambule que l’on se proposait d’aller consulter. Je fus admis à être de la partie, et nous arrivâmes au nombre de trois chez M. Laurent, médecin, qui, sur notre demande, fit venir M"* Prudence, et l'endormit après quelques signes que je ne comprenais point alors.

Le vieux négociant se mit en rapport avec la somnambule, et, satisfait de sa consultation autant que j’en étais étonné moi-même, nous sortîmes.

A quelques pas de là, j’entrai chez un de mes amis à qui je voulus faire part de ce que je venais de voir :

« Eh quoi ! me dit-il, vous donnez dans ces bêtises-là? Vous avez eu affaire à un charlatan et un compère. »

Bref, en me quittant, il appela tous ses commis pour leur montrer un homme qui croyait avoir vu, et me dit r

« Vous voyagez? Eh bien ! voyagez pour le magnétisme !

« — Acte de votre parole, répondis-je. »

Dès lors je commençai par m’entourer de divers ouvrages

Tome XIV. — N° *05. — 10 février 1S53. 3

publiés sur cette science par MM. du Potet, Teste, Ricard et autres, ce qui excitait chaque jour l’hilarité des commensaux de l’hôtel où je logeais; mais ce fut bientôt à mon tour de reprendre l'offensive par une circonstance qui m’amena un vigoureux défenseur.

Un soir que j’avais été, comme d'habitude, le point de mire des lazzis de ces messieurs contre le magnétisme, survint tout à coup un vieux commandant retraité :

« Arrivez-donc... s’écrièrent-ils. Venez, commandant, admirer un magnétiseur!... »

Mais aussitôt la scène changea de face.

« Messieurs, dit le commandant, de cet air qu’il devait avoir quand il commandait le feu en face de l’ennemi, ne plaisantez jamais du magnétisme en ma présence, car je lui dois la vie et celle de ma femme!....

« J’étais, continua-t-il, il y a quelques années à Paris. La veille du jour où je devais en partir pour retourner chez moi (au Pont-dc-Beauvoisin), quelques personnes formèrent le projet d’aller consulter une somnambule que l’on disait fort célèbre alors. Rendez-vous fut pris pour se trouver rue de Grenelle-Saint-Honoré, chez elle, à trois heures. Je fus exact ; mais mes amis ne vinrent pas. Au bout d’une heure d’attente, je voulus tenter une expérience et me présentai seul à la consultation. La somnambule me prit la main et me dit presque aussitôt :

« Monsieur le commandant, vous avez bien fait de venir « aujourd’hui 1 II n’était que temps ! »

« A ces mots je restai ébahi. La somnambule continua :

« La blessure de votre jambe gauche vient de se rouvrir,

« et vous étiez menacé d’apoplexie...... Mais rassurez-vous;

« je vous ai dit que vous étiez venu à temps, et nous pou-« vons y porter remède. Dans quelques jours, peut-être, je a n’aurais pu vous en dire autant. »

« 11 faut vous dire, messieurs, reprit le vieux militaire, que depuis près d’une année, toutes les nuits, j’étais pris d’étouffements et tounnenté de cauchemars épouvantables, chaque fois que, par inégarde, mon bras se trouvait placé sur mon cœur. Quant à ma blessure à la jambe gauche, ce n’était que depuis quelques jours qu’elle s’était rouverte. Fort surpris de ces révélations si lucides, j’acceptai l’ordonnance

de la somnambule, et j’ai eu le bonheur d’être promptement et complètement rétabli.

« Arrivé dans mon château de Savoie, je m’empressai de raconter mon aventure à mon épouse, qui, depuis bien des années, souffrait d’une maladie que l’on ne pouvait combattre et la tenait dans un état de marasme continuel.

« D’après mon récit, elle se décida à me donner de ses cheveux, que nous envoyâmes à Paris. La réponse ne se fit pas attendre, et les détails sur sa maladie étaient si frappants que ma femme, craignant une connivence entre la somnambule et moi, se décida instantanément à partir en chaise de poste avec sa fille, et se fit descendre rue de Grenelle-Saint-Honoré. Elle demanda aussitôt une consultation. On lui répondit qu’il aurait fallu se faire inscrire d’avance ; que toutes les heures étaient retenues ; mais comme elle avait annoncé être venue de Vertailles tout exprès, on lui offrit d’attendre l’intervalle entre deux consultations qui pourraient permettre de lui accorder quelques instants. Une demi-heure après, elle était en présence de la somnambule qui, lui prenant la main, lui dit tout d’abord :

« Madame, votre état n’a pas changé !

« — Comment ! mon état n’a pas changé ! Mais j’arrive de «Versailles, et c’est la première fois que je vous vois.

„ — Oui, madame, c’est bien la première fois que vous « me voyez, vous; mais moi, j’ai consulté pour vous à cent n cinquante lieues d’ici, et pour votre mari, M. le comman-i dant; je vous répète que votre état n’a pas changé de-« puis le jour où j’ai consulté sur vos cheveux... »

« Attérée, mais convaincue, ma chère dame fut on ne peut plus heureuse d’avoir fait le voyage, prit une nouvelle et bien sérieuse consultation, et put s’en retourner et continuer son traitement chez elle. Le résultat a été le même pour elle comme pour moi; nous nous portons bien maintenant. Vous devez comprendre, messieurs, si je dois être un défenseur sincère du magnétisme et du somnambulisme ! »

Un peu plus tard, je fus témoin d’autres faits.

Mme B***, ma belle-mère, était une de ces femmes nerveuses et impressionnables, condamnées à passer la moitié de leur existence entre la vie et la mort, et toujours dans les remèdes. Lui ayant fait part de l’aventure du commandant, elle détacha une mèche de ses cheveux et me la confi? pour aller consulter une somnambule célèbre à Lyon. M“*Mou-

nereau. Depuis vingt-cinq ans cette dame recevait chez elle, tous les jours, de cinq à six personnes qui venaient se faire inscrire des semaines d’avance pour avoir leur tour. Le mien étant venu, et le résultat ayant été satisfaisant, j’y retournai bientôt pour d’autres malades. Par suite de nos relations, M. Monnereau m’initia aux premières notions du magnétisme, que je désirais étudier avec calme et modération. Aussi, malgré les preuves nombreuses de lucidité parfaite que j’avais obtenues, je voulus un jour tenter une expérience que je considérais comme décisive.

Je dis donc à M. Monnereau que je connaissais à Paris un monsieur, espèce d’hypocondriaque toujours maladif, qui serait peut-être bien aise de connaître le fond de sa maladie. On m’invita à faire venir de ses cheveux , que je reçus effectivement quelques jours après.

Le monsieur en question n’était autre que ma femme, partie de Lyon depuis peu de temps, et restée à, Paris av ec sa fdle âgée de quatorze ans. Elle n’avait d’autre maladie qu’un commencement de grossesse à l’âge de quarante et un ans, et comme l’enfant tardait à donner signe de vie et que la taille de la malade prétendue avait plutôt l’air de s’amincir que de s’arrondir, elle craignait une autre cause de maladie. Elle m’envoyait donc, dans une lettre, une mèche de ses cheveux, et une de ceux de sa fille.

Quelques heures après, j’étais en présence de la somnambule ; mise aussitôt en état de somnambulisme par son mari, à qui je remis une des mèches de cheveux, celle-ci commença ainsi une des consultations les plus remarquables que j’aie jamais entendues.

« Ma mie ! Veux-tu aller à Paris, voir ce monsieur?

« — Oui... Je vois un pont... puis une place plantée d’arbres ; mais toujours des arbres... »

Elle a pris, dis-je alors, par les boulevards. Allez toujours. La somnambule continua :

« Ah ! me voici enfin dans une rue à droite, et une autre qui monte, au milieu de la rue, au quatrième étage... »

Nous demeurions effectivement, vous le savez, rue des Martyrs, n° 54, au quatrième.

« Mais pourquoi, reprit-elle, n’ouvre-t-on pas cette porte ?

i — Entre toujours,et cherche-nous ce monsieur...

« — D’abord, dans la première pièce, il n’y a personne... Dans la seconde, je vois deux dames... Il y en a une qui est enceinte!... Dans les autres pièces , il n’y a qu’une petite iille, et dans la cuisine, une domestique...

«— Mais le monsieur?...

« — Mais il n’y a point de monsieur... dit-elle avec force, en nous tendant la main qui contenait les cheveux. Je ne vois qu’une dame qui est enceinte!... »

M. Monnereau se retourna alors vers moi tout effrayé, me suppliant de lui dire si c’était une expérience que j’avais voulu tenter ou si l’on m’avait trompé moi-même.

Sans lui déclarer encore toute la vérité, je me bornai à lui dire qu’effectivement c’étaient bien les cheveux d’une dame ; mais, d’après ce que l’on m’avait écrit, je dis que je croyais que la somnambule se trompait en prétendant que cette dame était enceinte...

Rassuré sur ce point, M. Monnereau recommença ses questions :

« Ma mie ; es-tu bien sûre que cette dame soit enceinte ?

« — Mais certainement qu’elle l’est ! Comment ne le voyez-vous pas vous-même ? »

Les somnambules s’imaginent qu’on voit comme eux.

« Pourrais-tu nous dire le sexe de l’enfant?»

Elle eut l’air de chercher pendant quelques instants, puis elle termina par ces paroles, qui me frappèrent autant que tout le reste :

- « Non ! Je ne puis vous le dire aujourd’hui, attendu qu’il y a .trop peu d’instants que l’enfant bouge... »

Tousces détails, envoyés à Paris, il me fut répondu qu’effectivement l’enfant avait remué dans la matinée du jour où nous consultions à Lyon.

Je fis changer la mèche de cheveux de la maman et donnai celle de sa petite, et nous l’entendîmes aussitôt s’écrier :

« Ah ! voici l’autre!... mais c’est une jeune personne de quatorze à quinze ans !... »

Et elle nous en fit un portrait exact, indiqua l’état de sa santé et donna un traitement à suivre.

Tout ceci fut reproduit tel que la somnambule l’énonçait et envoyé immédiatement à Paris, par la poste, dans une série de lettres que j’ai conservées sous forme de journal.

Quinze jours après cette nouvelle expérience, dont les résultats m’avaient tant étonné, je voulus en tenter une autre, que je retrouve dans une lettre du 30 décembre 1841.

Ma fille suivait alors les cours de M. Lévi, rue de Lille, n° 17, et tous les mercredis, de deux à quatre heures, sa mère s’y rendait avec elle. Je choisis donc ce jour là, et à deux heures précises, sur ma demande, la somnambule de Lyon était endormie.

Je présentai d’abord la mèche de cheveux de la maman. II lui fallut au moins trois minutes avant de nous répondre. Ce n’était pas trop long pour faire cent vingt lieues et chercher deux personnes qui devaient ne pas se retrouver dans l’endroit où elle les avait vues la première fois. Cependant je commençais à craindre quelque chose d’extraordinaire; enfin elle s’écria d’un ton chagrin :

« Mais, qu’est-ce donc que cette chambre? Ce n’est pas là où je l’ai vue, cette dame... La blonde, je la reconnais bien... Mais elle n’était pas dans cette maison la première fois! »

Comme cela paraissait la fatiguer, je m’empressai de la rassurer. Je la fis prier seulement de nous dire comment elle la trouvait,

( Mais elle va bien, celte dame... Elle est assise dans uue grande ctlamtre... Elle lit... » Puis tout à coup : «Tiens! voici aussi la petite que j’ai déjà vue ! C est ici une grande pièce, et il y a une grande table... Ah ! la voilà qui se lève, cette dame qui est enceinte... Elle va prendre une autie

feuille... C’est pour cette petite... Je voudrais bien pouvoir lire... Cela m’intéresse... C’est une leçon pour cette jeune personne... Elles sont nombreuses... 11 y a encore d’autres dames... Ah ! mais, c’est une école, cela!... Attendez voir... Oh! mais, c’est qu’il y a beaucoup de monde, et cela fait un brouillard, comme de la fumée, et cela m’empêche de voir ce monsieur qui parle là-bns... »

Elle fit pendant une heure des efforts inouïs pour lire le cahier de la petite, qui lui paraissait si joli, et entendre ce que l’on disait et qui lui plaisait si fort. Impossible de l’arracher de là. Enfin, comme dans le cours, qui dure deux heures, il y a toujours un moment de repos, ce ne fut qu’à ce moment là qu’elle parut revenir à nous répondre en commençant par nous dire que ces dames seraient encore là pour une heure.

« Dans quel état trouvez-vous la mère?

« — Elle est bien satisfaite... Mais elle a des fatigues qui viennent de sa grossesse... Elle n’a pas fait ce que je lui avajs ordonné... » (C’était vrai.)

« — Et la petite? A-t-on fait pour elle un remède?

« — Oui ; on lui en a donné, et c’est assez. Elle est joliment contente, la jeune personne. Ne lui parlez pas de remèdes en ce moment; elle rit trop avec ses compagnes... »

Impossible de rien entendre de plus exact que cette vue à distance, aussi écrivais-je à ma fille :

« Autrefois, les papas et mamans avaient leurs petits doigts, d’autres avaient mille secrets pour connaître ceux de leurs enfants... Et bien, moi, j’ai mon bon ange, qui me parle par la bouche et voit par les yeux (de l’esprit) d’une bonne dame à qui tu as fait hier tant de plaisir qu’elle ne voulait plus te quitter, mais qiii pourra aussi me dire quand tu ne seras pas sage ! »

Ceci me rappelle une conversation que j’avais un jour à ce sujet avec un brave curé de campagne, à qui je racontais ces divers cas de lucidité extraordinaire.

«Mais, me disait-il, s’il en est ainsi, il n’y aura désormais rien de caché.

« — Oui, répondis-je, c’est le cas de dire que nous liabi-

terons clans des maisons de verre, et cela pourra peut-être avoir Y inconvénient de forcer tout le inonde à être ou devenir vertueux.

« — Pourtant, dans nos campagnes, disait encore le cligne prêtre, il peut arriver qu’une jeune fille commette une faute. Cette faute, restée cachée, la jeune fille peut encore devenir par la suite une bonne mère de famille... Avec vos somnambules, qu’arriverait-t-il?

et — 11 arriverait d'abord qu’on empêcherait un honnête homme d’être trompé! Car vous conviendrez, monsieur le curé, que le garçon qui épouse une première faute, n’en est pas moins trompé.

« Mais encore, j’admets que cela puisse présenter ces petits dérangements pour le passé.... ; que sera-ce pourlVmm- /

« Dans tous vos sermons, dans toutes vos instructions aux jeunes filles de votre village, vous 11e cessez de leur recommander la sagesse et la vertu, en leur disant : Faites attention 1 Dieu vous voit ! mais arrive le moment de la tentation ; le séducteur aimable dit aussi à la pauvre victime : Dieu seul nous voit, et vous pouvez compter sur ma discrétion.'....

« Croyez-vous donc, monsieur le curé , que si la jeune filTe pouvait se dire en elle-même : Non-seulement Dieu me voit, mais encore la somnambule me regarde, ou peut me trahir, elle ne saura pas résister davantage à la séduction !

« Et ceci peut s’appliquer à bien des criminels qui seraient certaiment retenus sur le bord du précipice, s’il pouvait une fois entrer clans la pensée et la conviction de tout le monde, que la lucidité des somnambules est une vérité contre laquelle les incrédules combattront en vain ! »

J’aurai par la suite occasion d’en citer de nombreux exemples qui se sont passés sous mes yeux, ne voulant toujours vous entretenir que de ce que j’ai vu et contrôlé par moi-même en présence de témoins irrécusables.

Si toutes les personnes qui sc sont occupées de magnétisme consentaient à apporter ainsi leur petite pierre à l’édifice que vous élevez, en peu de temps il n’y aurait plus d’incrédules; et quel service imminent serait rendu aux souffrances physiques et morales de l’humanité!

De grands pas ont été faits. L’avenir est à nous. Espérons !

L’aillé BF.SSON.

VARIÉTÉS.

('nuKcricN. — Est-ce donc la haine qui me pousse chaque jour à l’attaque? Non. Mon plus grand désir est d’être réduit au silence, et j’en offre aussi chaque jour le moyen : lorsque je verrai le magnétisme enseigné dans les écoles de médecine, lorsque je le verrai pratiquer dans les hôpitaux, mon rôle sera rempli, mon but atteint. Mais, témoin chaque jour de merveilles, constatant à chaque instant des résultats inouïs obtenus par le magnétisme, je ne suis heureux qu’à demi. Beaucoup d’hommes seraient satisfaits et s’inquiéteraient peu de l’indifférence des savants et des médecins ; je ne sais ce qui me pousse en dehors du cercle où tout être trouve le repos. Est-ce donc qu’il faille pour produire de grandes choses, que l'âme soit toujours émue, afin que les forces, ses instruments, puissent recevoir l’empreinte de la pensée et porter au dehors ses divins produits; serait-ce ainsi seulement que l’on aurait action sur ce qui nous environne, et que l’on forcerait la nature à obéir aux injonctions de l’âme.

Mais pourquoi raisonner; les faits que nous allons citer sont incompréhensibles, ils se constatent, s’inscrivent, et nous devons nous borner à désirer qu’ils soient partout imités.

Tandis que beaucoup de magnétistes croient que nons nous bornons à la seule expérimentation, à ces démonstrations si luxuriantes de choses étranges tenant de la magie, nous occupons au contraire les instants qui nous sont laissés à des traitements de maladies dites incurables, et rendons à la santé ceux que la science officielle a condamnés ; nous

montrons ainsi les merveilleuses propriétés du magnétisme sous toutes ses faces.

Chacune des œuvres que nous allons citer demanderait une longue description, exigerait, par son importance, des développements circonstanciés intéressant la science tout entière; mais le temps ne m’appartient plus, je cours sans m’arrêter jamais, je suis le Juif errant de la science, j’ai toujours un fait à ma portée, mes mains sont inépuisables : seulement il ne fout pas me demander une grosse somme à la fois.

Magnétistes, rappelez-vous cette femme que l’on apportait à mes séances ; cette malade si intéressante par sa jeunesse, que l’on déposait sur un siège comme on dépose un paquet, et qui restait ainsi, terne et décolorée, pendant tout le temps de mes expériences : c’était une incurable ! Paralysée des membres inférieurs, à la suite d’une longue maladie, je pourrais dire d’une longue agonie, cette personne était sans espoir, la mort était prochaine ; en effet, quinze mois de maladie, six mois d’un délire continuel accompagné de vomissements de sang, épuisée par les émissions sanguines et par les remèdes de toutes sortes, le jugement de la science devait bientôt recevoir son exécution.

Vous, membres de la Société du Mesmérisme, MM. les Dr‘ Destrem, Louyet et Léger, et MM. Brunellière, Morin, etc., choisis pour suivre le traitement magnétique auquel était soumise la malade, vous vous rappellerez les épisodes de ^cette cure merveilleuse, du jour où la sensibilité parvint jusqu’aux extrémités paralysées, du jour où je commandai à la malade de se lever et de marcher. '

Instant plein d’émotion, de doute et d’incertitude ! Vous vîtes la mort s’enfuir des parties envahies, la chair morte revivre au seul jet de ma pensée, à l’injonction de ma volonté ! —Miracle ! criiez-vous, et cent personnes vous servaient d’écho. Eli bien ! ce qui paraissait ne devoir durer qu’ un instant est devenu inaltérable entre mes mains. Ce serait en vain aujourd’hui que l’on chercherait une trace de ce mal. — Les intestins avaient, ainsi que la vessie, été également frappés de.

paralysie; le magnétisme, dans un moment, amené par de longs soins, a tout réparé et rendu libre.

Chercher de semblables exemples dans les annales de la science serait inutile, il ne peut y en avoir, la nature sollicitée par la vie, peut seule opérer de semblables miracles; car ce n’est point ce qui tue qui peut donner la vie, à nous donc appartient un art tout nouveau, à nous seuls appartient de faire renaître l’espoir! — N’avons-nous point en nous le feu créateur, et ne le portons-nous pas jusque dans la profondeur des organes d’autrui! Lorsque le savant dit : « Il n’y a rien à faire, » notre rôle commence, et en faisant plus que lui nous nous vengeons noblement, nous répondons à ses dédains par des faits propres à rabaisser son orgueil ; n’attendant rien de la reconnaissance humaine, nous croyons seulement obéir à un devoir sacré.

«Si vous guérissez cette malade, nous disait, un médecin distingué, le major Cléver, je croirai tout possible, et signerai des deux mains tout compte-rendu qu’il vous plaira de donner. »

Et lorsque la malade fut conduite chez lui, et qu’entrant sans soutien , elle alla jusqu’à son cabinet, le Docteur, n’en croyant pas ses yeux, la fit marcher, tandis que lui-môme tremblait de tous ses membres. Il nous avoua depuis que l’émotion qu’il avait éprouvée était sans égale.

Je ne réclame point ici son témoignage, bien certain que la contestation de ce fait de guérison soulèverait chez lui une véhémente indignation, et qu’à mon appel il accourerait pour dire : « Dans sa description, M. du Potet reste au-dessous de la vérité. »

Vous, M,n0 Hérold (1), qui étiez retenue sur un lit de douleur depuis plus de quatre mois, les soins de toutes sortes vous avaient été prodigués sans succès, et déjà votre jambe amaigrie attestait la gravité du mal qui existait dans l’articulation de la cuisse ; la science avait dit son dernier mot, et vous étiez condamnée à souffrir jusqu’au jour où la

(1) M1"0 Hérold est la veuve de l’illustre compositeur.

Providence venant à votre secours vous eût permis de marcher avec un membre plus court que l’autre. Que vous ai-je dit en vous voyant dans ce piteux état. Je vous ai dit :

«Dans sept jours vous marcherez comme avant votre maladie. »

Et, doutant de ines paroles, vous souriiez de mon assurance, la trouvant sans doute téméraire. Eh bien ! à la septième magnétisation , je vous laissai en vous disant :

(( Aujourd’hui vous vous promènerez seule et sans soutien. »

Je sortis, ne voulant pas jouir du miracle qui allait s’accomplir.

Qu’est-il advenu 1 Vous vous êtes levée et vous avez marché au grand ébahissement des personnes qui vous entouraient; la foi vous vint après le succès, et depuis rien n’a pu vous arrêter, vous avez marché comme quatre, sans que la douleur vous reprît.

Vous avez proclamé votre guérison , dit par quel moyen elle s’était produite ; mais quelle déconvenue ! Partout vous avez trouvé la sottise humaine contestant ou rejetant le principe même de votre guérison. J’en excepte pourtant votre médecin qui, dans sa loyauté, vous fit un devoir de dire comment vous aviez été guérie, et par qui vous l’aviez été. Cette recommandation était superflue pour vous, madame ; car, douée d’un esprit élevé, aucun motif ne pouvait chez vous commander le 6ilence.

Laissez l’incrédulité avoir sou cours, c’est la maladie de l’ignorance. N’ai-je pas vu moi-même rejeter l’évidence même de faits plus éclatants que la lumière ; c’était, selon ces personnes, un jugement de haute raison, elles croyaient faire preuve d’une grande sagesse en insultant l’homme qui cherchait à débarrasser leurs yeux de la cataracte qui les empêchait de voir.

Et lorsque mettant à nu le principe si vrai de la magie, croyant, dans ma simplicité, trouver des imitateurs zélés qui, comme moi, amis de la science, suivraient les règles

imposées par la nature, je me suis vu soupçonné d’un odieux trafic. C’est que la vérité n’est point saisie d’abord, les hommes tournent tout autour sans vouloir la reconnaître ; ils aiment mieux le chemin de l’erreur. Trop loués par ceux qui m’ont compris, je devais en revanche subir le dédain des esprits vulgaires.

Jouissez, madame, de votre guérison, elle est magique plutôt que médicale; n’espérez donc point la faire comprendre.

Et vous, M"10 Piat, puisque vous voulez qu’on vous nomme (1), votre maladie était incurable ; vous le deviniez, on l’avait dit; les illustrations de la science officielle avaient prononcé. Qu’aviez-vous donc en vous qui pût motiver un semblable jugement? Hélas ! votre maladie était visible ; vous ne pouviez la cacher : une tumeur volumineuse dans l'ovaire gauche et par suite un épanchement énorme d’eau dans l’abdomen ; vous ne pouviez plus marcher sans souffrir, et la respiration était déjà difficile. Les soins non plus ne vous manquèrent point, les remèdes vous furent prodigués. L’un de vos Esculapes, grand médecin s’il en fut, car il approche du monarque, n’avait-il pas dit :

« Tout ce qu’elle prendra, ce sera comme si elle donnait à boire à ses petits chats. »

Vous étiez sans espoir et le terme fatal approchait ; vous

en aviez le triste pressentiment, et c’est en vain qu’on voulait vous en distraire. Que vous ai-je dit en voua donnant mes soins :

« Vous tousserez, vous transpirerez et vous aurez des garde-robes, à ne pas les compter. »

Vous ne croyiez point, vous vous découragiez sans cesse, mais ma foi vous a sauvée : vous avez toussé, transpiré pendant plus d’une semaine, et cinquante-sept garde-robes séreuses sont venues vous débarrasser heureusement d’une affreuse maladie.

(1) Mnl° Piat est la femme de l’ancien notaire de BelIevillc.

Miracle évident, complet. Il n’y a plus qu’un ventre pla1 à la place d’une montagne, et ce changement stupéfie aujourd’hui ceux qui naguère doutaient encore du magnétisme ; et heureuse au-delà de tout, vous aimez à rendre hommage à la vérité, et iriez, si l’on ne vous retenait, la proclamer de porte en porte.

J’aime cette ardeur, elle est rare, car on se cache parfois d’un bienfait comme s’il était une mauvaise action, 011 dissimule tout au moins pour se soustraire à la reconnaissance ; vous n’avez point voulu vous montrer ingrate , je vous en félicite dans l’intérêt de la science que je défends.

Mais ces œuvres sont difficiles, chacune d’elles exige une grande dépense de forces, une constance à toute épreuve, du calme dans les crises, car celles-ci présentent quelquefois un danger très-réel ; la foi, enfin, qui ne doit point vous quitter, puis encore savoir se servir du principe divin remis en nos mains par la vraie Providence.

Jouissez, madame, soyez heureuse ; ne m’avez-vous pas à moi-même donné un très-grand contentement, ¿’aime, comme vous, à contempler mon ouvrage, ma fierté ne dépend point du résultat obtenu, elle a quelque chose de plus relevé : c’est d’être l’initiateur d’une vérité si sainte. Oui, l’homme porte en soi ce qui doit à jamais le distinguer de toute l’animalité , Dieu lui a donné en partage le don de guérir ses semblables, et cette révélation doit un jour changer le genre humain.

Je viens de pécher contre les règles de la science ; mes descriptions sont incomplètes, car elles ne sont point faites selon l’art. Les termes employés par les écoles ne s’y trouvent point ; mais les faits restent, cela me suffit.

J’aimerais à prolonger cette causerie, mais l’espace me manque. J’ajourne au numéro prochain la mention d’autres faits.

Baron DD POTET.

BIBLIOGRAPHIE.

Dü MODE D’ACTION DES EAUX MINÉRO - THERMALES DE PLOMBIÈRES, par Léopold Tuuck , docteur-médecin de la Faculté de Strasbourg. 1 vol. in-8. 4° édit. Plombières, Blaize, libraire.

Je m’étais imaginé que Paris était le seul pays des savants, et voici que je viens de faire la découverte d’un vrai savant à cent lieues de la capitale, à quatre cent quarante-quatre mètres au-dessus du niveau de la mer, dans les gorges granitiques des Vosges, à Plombières.

Le Dr Turk est non-seulement un médecin des plus distingués de France , mais encore un ami du mesmérisme, ce qui veut dire homme de progrès et de science humanitaire.... Si les pauvres de Plombières le perdaient, ils manqueraient à la fois d’assistance publique et de bureau de bienfaisance... Tout ce que le docteur gagne dans la saison des eaux, me disait un de ses amis, lui sert à nourrir les indigents pendant l’hiver, etc., etc. ; en un mot cet homme est comme le quinquina, il cache sous une écorce modeste des vertus et des qualités innombrables....

Vous savez, lecteur, que l’admiration est une vapeur qui se condense avec le temps et la distance, eh bien, mes sentiments sympathiques pour cet aimable confrère sont aussi chauds aujourd’hui que le premier jour où j’eus le bonheur de le connaître.

Ceci étant dit pour l’homme de bien, apprécions le savant par quelques passages tirés de son livre des Eaux, et relatifs au fluide nerveux considéré comme source de l’électricité humaine, normale et morbide.

«Le délire est le résultat d’une action toute nerveuse; quel rôle la peau joue-t-elle pour le produire?

« Mon frère aîné, dans ses travaux sur la goutte et sur les maladies goutteuses, a donné la solution de cet important problème. 11 a démontré d’abord, par des expériences faciles à répéter, que le tissu cellulaire est un tissu isolant tant qu’il n’est pas blessé. Ce tissu, présent partout dans l'économie, est chargé d’arrêter l’électricité qui s’y produit partout, mais principalement dans les sécréteurs, et de la forcer à suivre les conducteurs qui lui sont préparés, les filets nerveux. 11 a démontré aussi que la graisse avait à remplir une fonction analogue à celle du tissu cellulaire, et il a expliqué ainsi pourquoi la nature l’avait accumulée en masse si considérable autour des reins. Plus récemment, M. le I)r Lacauchie, dans ses études hydrotomiques, nous a montré les globules de graisse entourant partout les glandes, même les plus petites, comme elle entoure aussi, pour les isoler, les libres musculaires. Le travail du chirnrgien du Val-de-Grâce ne fait donc que confirmer sous ce rapport la doctrine de mon frère, en étalant sous nos yeux le merveilleux appareil dont se sert la nature pour conserver et pour utiliser dans l’économie vivante le fluide électrique. Mon frère a démontré aussi, par des expériences que j’ai répétées bien des fois avec lui, que la peau est électrisée négativement, et que sa tension électrique est d’autant plus grande que ses sécrétions sont plus abondantes et plus acides. Il a prouvé que les sécréteurs repoussent de leur tissu, après les avoir séparées du sang, les substances électrisées comme eux ; il a donc découvert la loi des sécrétions organiques et la double nature ainsi que ta source du fluide nerveux.

« Il est facile dès lors de comprendre comment la peau surexcitée occasionne le délire. C’est que tantôt elle produit trop d’électricité, qui par sa tension , devenue morbide, exerce sur les manifestations du cerveau et les contractions musculaires une action d’autant plus puissante, que l’équilibre des forces nerveuses se trouve détruit par la prédominance du système négatif de l'économie. »

A nous, mesméristes, ces idées nous expliquent pourquoi nous calmons le délire par des passes à grand courant ; nous rétablissons l’équilibre en faisant écouler l’électricité surabondante par les extrémités des doigts et des orteils. C’est, en un mot, la légalisation des principes de M. duPotet

par des médecins qui sont à la fois des physiciens distingués.

Ici je dois, ami lecteur, vous faire une petite confidence : les ennemis les plus-entêtés du magnétisme, parmi les médecins que je connais, sont tous des ignares fieffés en physique.

Voici un passage sur l’épilepsie, la catalepsie et l’hystérie. On y trouvera des idées d’où les pages mesmériques vraiment sérieuses n’auraient jamais dû s’écarter.

« Ainsi on voulait étudier l’épilepsie sans savoir ce que c’est que le fluide nerveux, sans connaître les lois de sa production et de sa distribution dans l’économie. C’était vouloir l’impossible : mais non-seulement on ne connaissait pas le fluide nerveux, on ne connaissait pas môme les nerfs. Les discussions sur leur solidité ou leur perforation se sont renouvelées jusqu’à ces derniers temps. Bogros, anatomiste renommé de Paris, en injectant des nerfs avec du mercure, avait cru y voir un canal central, mais M. Raspail a démontré jusqu’à l’évidence que Bogros s’était trompé et que les nerfs ne sont pas des tubes creux.

n Ilippocrate admettait des esprits animaux, séparés par le cerveau et conduits à l’aide des nerfs dans les différentes parties du corps. Après lui, quelques médecins, au rapport de Galien, considérèrent les nerfs comme des espèces de cordes élastiques agissant par vibration. Galien les croyait des tuyaux de la plus grande finesse, destinés à contenir un fluide d’une finesse proportionnée et sécrété par le cerveau. Cette opinion du médecin de Pergame fut adoptée par les Grecs qui vinrent après lui et par tout le moyen-âge.

« Quelques médecins du seizième siècle, Argentarius Ca-brol et Charles Pison entre autres, nièrent cette doctrine, admirent la solidité des nerfs et proscrivirent les esprits animaux, mais ils remplacèrent la théorie reçue par des hypothèses moins soutenables : du reste, les opinions d’Hippo-crate et de Galien continuèrent à prévaloir pendant tout le dix-huitième siècle dans la plus grande partie de l’Europe, l’école de Stahl seulement admit, avec son maître, l’âme à la place des esprits animaux.

« Les médecins allemands Prochaska, Reil, Ritter, Auten-rieth et d’autres, en présence des magnifiques découvertes de la physique et delà chimie, au siècle dernier, entrevirent

bien tout le parti que lamédecine pouvait en tirer ; mais, faute d’observations exactes, ils ne sortirent pas plus que leurs prédécesseurs du champ des hypothèses. De nos jours, Fré-dérick Tiedman, pour expliquer l’action nerveuse, ne trouve rien de mieux qu’un mouvement se continuant dans le nerf depuis l’organe sensitif jusqu’au cerveau, mouvement du reste qu’il reconnaît n’avoir pas encore été constaté, et Bur-dach en est réduit à adopter l’opinon de Prochaska, qui regarde la sensibilité comme une cause puissante, comme celle entre autres de la circulation, tandis qu’elle n’est elle-même qu’un effet.

« Les physiologistes français ne sont pas, sous ce rapport si fondamental, plus avancés que les savants d’outre-Rhin. Richerand, dans sa physiologie, n’ose pas aborder le grave sujet de la puissance nerveuse. M. Adelon rappelle que Broussais et Legallois pensaient, avec Reil et Prochaska , que les nerfs jouissent de leurs forces et de leurs propriétés, sans les emprunter, ainsi que le veulent beaucoup de physiologistes, aux grands centres nerveux ; du reste, il déclare que nous sommes dans la plus profonde ignorance sur l’essence même de l’innervation.

« Georget, dans sa Physiologie du système nerveux, et Olivier d’Angers, dans son Traité de la moelle épinifre, ne nous en apprennent pas davantage. Les nombreuses vivisections de M. Magendie n’ont pas non plus donné la solution de ce problème. La question est-elle entièrement neuve? Il n’en est heureusement pas ainsi, et nous pouvons maintenant connaître la nature du fluide nerveux, ses sources et la manière dont il se distribue; nous pouvons donc déjà soulever un coin du voile qui nous cachait la nature de l’épilepsie, et les moyens de la guérir; mais il faut pour cela nous adresser à un autre ordre de savants, et demander aux physiciens les faits et les explications que les médecins nous refusent.

«Au rapport de Cotugno, un élève en médecine disséquant, à Bologne en 1780, une souris vivante, éprouva une commotion électrique dans la main en touchant le nerf phré-nique avec la pointe de son scalpel. Ce fut trois ans plus tard que Galvani commença les expériences qui ont immortalisé son nom. Je perdrais trop de temps à retracer ici l’histoire de ses travaux, de ceux de son neveu Aldini et d’une foule d’autres savants qui tous confirmèrent ce que l’élève de Bologne avait entrevu déjà : l’existence de l’électricité dans l’économie animale.

« Béclar et après lui M. Prévost, de Genève, trouvèrent tous deux qu’une aiguille de fer doux, plongée dans le nerf crural ou dans le nerf sciatique d’un homme vivant, s’aimantait comme si elle était traversée par un courant électrique. Philippe Wilson, Clark, Abel, firent digérer des lapins et des chiens après la section du pneumo-gastrique, en appliquant à la partie postérieure du nerf coupé, un des pôles d’une petite pile, l’autre pôle étant en rapport avec l’épigastre. Tout tendait donc à établir que la puissance nerveuse et l’électricité étaient identiques, mais on ignorait encore comment la nature produisait le fluide électrique au sein de l’économie vivante; s’il était sécrété par les centres nerveux et par les nerfs, ou s’il avait une autre origine.

« Benoît Maujon, Wollaston, Orioli, cherchèrent à prouver, comme l’avait entrevu Galvani, que les sécrétions se faisaient sous l’empire des puissances électriques; mais tombant tous dans une erreur commune, ils attribuèrent à l’électricité positive les phénomènes dus à l’électricité négative, et à celle-ci les phénomènes de l’électricité contraire.

« Un médecin connu pour avoir répété quelques-unes des expériences micrographiques de nos prédécesseurs, M. le Dr Donné, soumit en 1834 à l’institut le résultat de tentatives faites également pour déterminer le rôle que joue l’électricité dans l’économie animale, mais il se trompa aussi de pôle, et-ses essais n’ont laissé après eux d’autre trace qu’une preuve du zèle de leur auteur.

« Ce fut alors que mon frère aîné prouva, par des expériences nombreuses et souvent répétées, que la cellule la plus mince du tissu cellulaire a, tant qu’elle n’est pas blessée, la propriété d’arrêter un assez fort courant électrique.

« On comprend dès lors pourquoi la nature a tant prodigué ce tissu : c’est pour arrêter partout, dans l’économie, le fluide électrique qu’y produisent surtout les séciéteurs au contact du sang et l’envoyer, à l’aide des nerfs, là où le réclament les besoins de la vie, et surtout dans le cerveau et la moelle épinière, qui n’en sont que les collecteurs et non les producteurs.

« Mon frère ne borna pas là ses recherches. 11 voulut, comme M. Donné, trouver la loi des sécrétions organiques ; mais, plus heureux que lui, il ne se trompa pas dans l’appréciation des phénomènes électriques, et il eut le bonheur de découvrir l’électricité négative à l’état de tension dans la peau de l’homme sain , en quantité d’autant plus considérable que la peau fonctionne davantage et sécrète des ma-

tières plus acides. Il reconnut également que les lotions acidulés font disparaître cette électricité, que les lotions alcalines redoublent son énergie et rendent les sécrétions cutanées plus acides; il montra en un mot que les grandes lois de la matière s’appliquent aux corps organisés comme à tous les autres, que les sécrétions organiques s’opèrent sous l'influence des puissances électriques, que les sécréteurs alcalins sont électrisés positivement et les sécréteurs acides négativement, qu’il y a donc deux pôles dans l’économie comme dans une pile.

« Cette découverte dominera la plus grande partie des questions médicales. Elle r. déjà jeté de vives lumières sur

1 apoplexie, la goutte, la folie et les maladies de la poitrine. A son aide on arrivera, je n’en doute pas, à guérir le cancer, le hideux cancer ! Elle m’a fourni, dans une grave épidémie de suette miliaire, les plus précieux moyens. Appliquée aux vieillards, elle apprendra à combattre les funestes effets de l’âge, caractérisés , comme dit le savant Burdacb , par l’abaissement de la vie périphérique. Celte découverte réalisera donc, autant qu’elle peut l’être, la prévision de l’illustre et infortuné Condorcet, en prolongeant beaucoup la moyenne de la vie humaine. C’est sous son inspiration que je vais examiner ¡’épilepsie.

« L’accès épileptique est caractérisé, dit Joseph Franck, par les mouvements anormaux des muscles, l’anéantissement des sens et. des facultés de l’âme, désordres dont le malade ne garde aucun souvenir. La plupart du temps ces désordres revêtent des formes si hideuses qu’Arêté n’en a été que l’historien fidèle alors qu’il disait : «Ut si se tnuitto in accessio-nibus spectantes œgroti, qiurcnmque patinntur cernerait, non -ultra vitam ducere tolerarent. »

« A quoi peut être dû ce cortège effrayant de symptômes? Ne serait-ce pas à ce que l’une des deux électricités du corps s’étant accumulée d’une manière anormale dans un point quelconque de l’économie, finit par acquérir une tension assez forte pour rompre les obstacles que lui opposent les tissus isolants, et. pour s'élancer sur les parties du cerveau qui ont l’électricité contraire? •

« Cela ne serait qu’une hypothèse difficile à soutenir si l’accès d’épilepsie arrivait toujours prompt comme la foudre, sans symptômes précurseurs, et s’il n’était pas habituellement facile à un médecin observateur de constater chez les épileptiques les lésions de sécrétion qui président presque

toujours comme cause au développement et à la durée de cette redoutable maladie.

« Très-souvent l’accès épileptique commence par la sensation d’une vapeur s’élevant d’un point quelconque du corps vers le cerveau, et les convulsions n’ont lieu qu’au moment où la sensation a atteint cet organe. Si ce souffle, cette aura epikptica a commencé à l’extrémité d’un membre et que le malade ait pu lier fortement le membre au-dessus de la sensation qu’il éprouve, il arrive souvent que l’accès n’a pas lieu, mais aussi, dans ce cas, le malade est la plupart du temps en proie à une agitation pénible, qui dure aussi longtemps que l'accès n’est pas tenu rétablir l'équilibre, et cet accès alors peut acquérir une violence telle qu’on l’a vu tuer immédiatement le malade. Qu’est-ce que ce souffle? Que fait la ligature? A quoi attribuer cette agitation morbide qui a besoin d’un trouble si grand pour se calmer? Le souffle n’est qu’un courant électrique anormal portant dans une portion quelconque du cerveau une électricité opposée à celle qui y siège et qu’elle neutralise. Bonnet, dans son Se-pulchrctum, nous raconte qu’il vit à Neufchàtel, en 1656, un homme à qui il survenait de temps à autre un gonflement à l’aine gauche, d’où partait un sentiment de fourmillement qui se portait lentement jusqu’au pied pour remonter rapidement au cerveau et, occasionner de fortes convulsions du côté gauche. Une ligature au-dessus ou au-dessous du genou, dès que l’accès commençait à se faire sentir, réussissait toujours à l’arrêter; mais, un soir, le malade ne fit pas la ligature à temps et l’iiccès le tua.

« La ligature, déjà employée au temps de Galien, et qui trompe souvent l’attente du médecin, au dire de Joseph Franck, après quelques heureux essais, en ajoutant aux angoisses et en rendant les paroxysmes plus fréquents, guérit un ma'alade du docteur I.iLoschitz, de Wilna, chez qui l’accès commençait par le pouce. Mais il fallut que cette ligature fût permanente, l’accès revenant dès qu’elle était enlevée. Evidemment ici la ligature n’agissait qu’en comprimant , avec tous les autres tissus, le nerf quelconque qui servait de conducteur à l’électricité accumulée dans son voisinage. Ici aïtte ligature agissait comme celle que l’on pratique sur les nerfs des animaux vivants et qui arrête tout passage de l’influx nerveux, de la partie inférieure du nerf lié au cerveau, comme du cerveau à cette partie. v

« La ligature produit aussi le même effet, mais momentanément seulement, que la sectioii du nerf au-dessus de

Y aura ou que l’amputation de l’orteil ou du doigt, oit que l'ustion du point quelconque d’où cette aura s’élevait. J’ai soigné et guéri il y a vingt-deux ans une fille jeune alors, qui demeure à l’Arrière, commune du Val-d’Ajol, en appliquant un puissant moxa sur le point d’où s’élevait l’aura epileptica au centre de la dernière côte asternale gauche. Cette lille était épileptique depuis deux ans et avait dix ou douze accès par année.

« Mais on comprend bien que, si la cause qui détermine l’accumulation anormale de l’électricité dans une portion de notre économie persiste, et a une grande puissance, l’électricité acquerra une force de tension telle qu’elle opérera sa décharge sur le cerveau, malgré tous les obstacles que la ligature, la section du nerf, l’amputation d’une des extrémités ou l’ustion pourraient lui opposer ; c’est donc à sa cause qu’il faut remonter, en s’armant, pour la découvrir, de beaucoup de patience et en appelant à son aide toute sa sagacité, tout son jugement.

« Si cette cause est un obstacle physique tel qu’une esquille, une tumeur, un corps étranger, on comprend facilement qu’ici la chirurgie vaudra infiniment mieux que la médecine, dont les moyens seraient alors presque toujours impuissants ; mais si elle résulte, comme cela a lieu si souvent, d’une lésion de sécrétion, cette lésion bien connue, rien n’arrêtera plus le médecin dans la détermination du traitement à prescrire, ou du moins le plus grave obstacle sera franchi. Il le serait plus facilement encore si l’on avait reconnu que -l’épilepsie était occasionnée par la présence de vers dans le tube intestinal, comme cela arrive quelquefois.

« De toutes les lésions de sécrétions qui produisent l’épilepsie, la plus fréquente est celle de la peau ; aussi Tissot dit-il, dans son traité sur cette maladie : « Ce sentiment de « froid aux extrémités est assez commun à toutes les personnes « sujettes aux maux de nerfs ; je l’ai surtout remarqué très-« souvent chez les épileptiques, qui sont toujours d’autant « mieux qu’ils l'éprouvent moins. » N’oublions pas ici que la frayeur est une cause puissante du développement de l’épilepsie et que la frayeur a pour premier elfet le refroidissement de la peau. « Mœstitia et timor itnpediunt perspirationem crassorum cxcrementorimi perspirabilium : et perspiratio, impedita a quacumque causa, mœstitiam et timorem facit, » dit Sanctorius. Aussi Morgagni dit-il : « Vous me demande-« rez peut-être si Albertini fit tirer du sang ; il en avait fait « tirer immédiatement après le premier accès, et il l'aurait fait

( quand même cette grande frayeur n'aurait pas été suivie de « l’épilepsie : car c’était son habitude, et je crois qu’il en agis-« sait ainsi parce qu’il avait remarqué après Malpighi, ce que « j’ai observé aussi quelquefois, qu’après des affections 1110-ii raies de cette nature, le sang est porté à se coaguler. » Ainsi Sanctorius nous dit que la frayeur et la tristesse diminuent la transpiration insensible ; Morgagni nous apprend que le sang des personnes qui viennent d’être effrayées s’épaissit, suite nécessaire de la diminution d’action de la peau ; enfin Tissot a reconnu que, dans les maladies nerveuses et surtout dans l’épilepsie, les extrémités sont habituellement froides, et que les épileptiques sont d’autant moins malades que cet accident est moins prononcé. Ainsi les meilleurs observateurs s’accordent dans ce cas, de quelque point de vue qu’ils envisagent cette grande et importante question.

« Je crois avoir suffisamment démontré, dans les deux derniers chapitres et dans tout le cours de cet ouvrage, que le fluide nerveux est en tout identique au fluide électrique et que ses sources principales sont les sécréteurs. Les expériences de Béclar et de M. Prévost ont prouvé en effet qu’une aiguille de fer doux, plongée dans un nerf d’un homme vivant, s’aimantait comme si elle était traversée par un courant électrique ; celles de mon frère ont démontré que la peau de l’homme vivant contient toujours de l’électricité négative à l’état de tension, et en quantité d’autant plus grande que la peau sécrète davantage. Elles ont prouvé aussi la propriété isolante du tissu cellulaire qui est la trame de tous nos organes. L’acupuncture des Japonais et des Chinois, dont j’obtiens souvent de merveilleux effets, qui se produisent dès le premier instant de la pénétration de l’aiguille dans nos organes, ne vient-il pas encore déposer en faveur de l’opinion que je soutiens ici, et remarquons bien que si ces aiguilles sont en acier ou en fer doux, au lieu d’être en argent ou en or, comme celles qu’emploient les Chinois et les Japonais, leur action diminue à mesure que l’oxidation vient diminuer aussi leur propriété de conduire l’électricité.

« Les effets si remarquables que l’électricité produit par les nerfs de la grenouille ou par ceux d’un homme mort récemment de mort violente, et qui sont la reproduction fidèle de tous les mouvements de la vie, ne sont-ils pas une nouvelle preuve à l’appui de la doctrine que je défends.

« J’étais donc fondé à dire que, quand l’épilepsie est due au développement d’une tumeur ou à la présence d’un corps étranger dans l’épaisseur des tissus, elle vient de la près-

sion de ces corps sur un filet nerveux, pression qui accumule au-dessous du point où elle s’exerce l’électricité que ce filet nerveux devait conduire au cerveau jusqu’à ce qu’elle ait acquis un degré de tension capable de lui faire surmonter violemment l’obstacle qui s’opposait à sa marche.

« .Tétais également fondé à dire que, sous l’influence d’une lésion de sécrétion, l’électricité se distribuant d’une manière inégale, peut s’accumuler dans quelque portion de nos tissus, s’y dissimuler comme dans la bouteille de Leyde, jusqu’au moment où son accès de tension amènera la décharge ; l'accès épileptique ne sera point précédé par une mira, si l'accumulation de l’électricité a lieu très-près du cerveau ou dans une dépendance des nerfs de la vie organique dont les fonctions échappent à notre conscience.

« Nous pouvons voir aussi nos sécréteurs eux-mêmes, sous l’influence de certaines excitations morbides, accumuler beaucoup trop d’électricité et devenir ainsi le point de départ en même temps que la cause de l’accès épileptique. Le foie, l’estomac, le pancréas, les intestins, les glandes mé-sentériques, ont été souvent signalés par les auteurs comme le lieu où se préparait l’accès du mal dont nous nous occupons; les ouvrages de Bonnet, de Morgagni en fournissent beaucoup d’exemples ; Tissot et Portai en citent un grand nombre, puisés dans leur pratique et dans celles de leurs contemporains et de leurs prédécesseurs, et nous trouvons dans Esquirol une observation très-curieuse où le >}*lus important des sécréteurs, la peau, joue évidemment ce rôle. Un jeune Américain s'endormit sous la ligne, sur le pont d’un navire et eut un coup de soleil sur la tête ; il devint épileptique. Esquirol le guérit par des affusions d’eau froide sur la tête. La cause du mal, la nature du remède et sou heureux effet prouvent bien que le point de départ de l’épilepsie était dans le cuir chevelu. La peau de ce jeune homme représentait dans ce cas le plateau de résine de l’électrophore partiellement électrisé.

« Quand l’accès épileptique est précédé par une aura épi-leplica s’élevant d’un membre, nous avons vu qu’une forte ligature pouvait en arrêter le développement, mais nous avons vu que souvent alors les malades étaient en proie à une vive agitation qui ne cessait qu’à la suite d’un nouvel accès. C’est qu’en se bornant à empêcher la communication anormale des deux électricités sans songer à rétablir l'équilibre entre elles, on ne fait que grossir l’orage, qu’ajouter

au mal au lieu de le guérir, aussi voyons-nous les épileptiques renoncer la plupart du temps à leurs ligatures, forcis même de rechercher tes occasions qu'ils savent capables de déterminer leurs accès, afin de se délivrer de l’agitation pénible qui leur en annonce et le besoin et l’approche.

. En combattant la cause de ce grave désordre, ainsi que je viens de l’indiquer, on pourrait, je le crois, obtenir d’excellents résultats de l’acupuncture. 11 faudrait laisser pendant quelques jours à demeure des aiguilles d’or que l’on ferait pénétrer à travers un large pli de la peau comme le ruban d’un séton. On pourrait en placer plusieurs au-dessus du point où se déclare Y aura et sur ce point-là même ; si l’accès épileptique venait sans avant-coureur, ce serait à la nuque et sur la tête qu’il faudrait les placer. On pourrait encore en appliquer alors sur les parois abdominales pour peu qu’on soupçonnerait les viscères qu’elles recouvrent d’être causes de la maladie. Ces aiguilles n’agiraient qu’en soutirant l’électricité interne, mais cette action serait à elle seule très-puissante. Je soigne maintenant plusieurs épileptiques d’après les principes que je viens d’établir, et tous me disent ou m’écrivent qu'ils vont beaucoup mieux.

« L’hystérie et la catalepsie sont aussi de graves désordres nerveux qui reconnaissent habituellement des causes analogues à celles qui produisent l’épilepsie et qui nécessitent un traitement à peu près pareil. 11 est très-probable que, chez la plupart de ces malades, il n’y a pas seulement trouble dans les sécrétions et par suite dans la production et la distribution du fluide nerveux, mais qu’il y a aussi insuffisance dans la nutrition de la pulpe nerveuse. »

Le dégagement par les extrémités, dans le traitement de ces maladies, est, comme on le voit, le même que celui de l’acupuncture. Et les nombreuses guérisons attestent l’efiica-cité et la logique du traitement.

Quand nous magnétisons une épileptique, nous suscitons deux, trois attaques coup sur coup ; cette méthode a pour but de provoquer la tension électrique, qui ne se serait produite qu’à la longue; quand on ne fait que calmer l’attaque sans la provoquer, ou met le malade dans le même état d’angoisses que quand on a arrêté Yaura avec une ligature.

On peut donc, par la volonté magnétique, lier l'attaque, comme disaient les sorciers, c’est-à-dire empêcher sa muni-

fcstnlion tcmpcstueme; mais le malade n'est soulagé et guéri que si l’attaque a eu lieu, c’est-à-dire si la tension électrique a été détruite.

Vous voyez que les MM. Turk sont dans le môme sentiment que les magnétiseurs de l’école du Potet, et que, par des voies différentes, ils tenc’e it au but si clairement indiqué par Mesmer.

Voici, sur le massage, un extrait qu’on pourrait croire écrit exprès pour nous.

« Le massage qui, à lui seul peut, en quelques jours guérir des entorses qui sans lui auraient duré plusieurs mois, est alors de la plus grande utilité. Au reste, le massage doit compter au nombre de nos remèdes les plus précieux et les plus actifs.

« Le massage, si bien apprécié par les orientaux qu’il est tombé chez eux dans le domaine de l’hygiène publique, est à peine connu en France, et cependant son action est des plus fortes, son influence des plus heureuses.

« Bien plus puissant que les simples frictions, il peut donner à la peau la plus grande énergie. A son aide, on guérit une foule d’irritations chroniques du tube intestinal; à son aide aussi, on peut se débarrasser de rhumatismes anciens. Beaucoup d’asthmatiques lui devront de longs relâches à leurs maux. Les personnes qui ont une grande tendance à l’apoplexie, lui devront un soulagement plus réel qu’aux saignées dont on est si porté à abuser dans ce cas. Les vieillards enfin, à son aide, prolongeront souvent beaucoup leur vie. C’est au massage et aux étuves suivies de bain froid, que les Russes de toutes les classes prennent chaque semaine par suite de leurs idées religieuses, c’est à ces moyens surtout qu’ils doivent de compter un si grand nombre de vieillards vieux comme les patriarches.

« Le massage fixera bientôt l’attention du monde médical en France, et bientôt aussi on le rangera au nombre des remèdes les plus utiles. J’ai habitué à masser plusieurs individus des deux sexes, que j’ai choisis jeunes et forts, et je puis dire que cet utile moyen a rendu déjà de grands services à beaucoup de mes malades, sans nuire à aucun.

« 11 y a plusieurs manières de masser, le massage des Chinois est le plus facile : il consiste en trois coups cadencés,

frappés avec la main du masseur sur les membres et le bas du tronc; celui des autres orientaux consiste surtout en frictions exécutées, ii l’aide de deux doigts seulement, le long des muscles sous-cutanés, que l’on pince plus ou moins fortement. Ce massage bien exécuté peut en quelques minutes développer une sueur abondante. Les Russes se massent dans leurs étuves avec des balais de bouleau garnis de leurs feuilles.

« Le massage avec les deux mains enveloppant tout le membre et le pressant très-doucement, en exécutant une légère friction toujours d irigée de haut en bas, est un remède excellent à opposer à la pl upart des en torses. Un quart d’heure de ces frictions, en apparence si peu puissantes, suffit souvent pour faire disparaître la douleur et le gonflement, quelque considérables qu’ils soient, et en les renouvelant deux fois par jour, il faut moins de jours pour guérir ces accidents, habituellement graves, qu’on n emploie ordinairement de semaine à l’aide d’autres traitements.

« Le massage a tant de puissance, qu’exercé en frictions douces, de haut en bas, le long du corps et des membres, même par dessus les vêtements, il suffit souvent pour enlever en quelques minutes de grandes fatigues. » f «

« Je viens de revoir un malade ; il y a six semaines qu’il a quitté Plombières, et le mieux qu’il doit à nos eaux se soutient; seulement, quand il oublie un jour de se faire masser les extrémités abdominales, les jambes se refroidissent et sa respiration devient plus pénible. »

Tout le monde comprend que le massage pardessus les vêtements , et même à distance, est un magnétisme pur et simple. M. Turk, qui est un croyant, attribue franchement à l’agent mesmérien la majeure partie des effets du massage. Moi qui ai guéri des entorses par le massage, qui consé-quemment proscris dans leur traitement, les sangsues, les ventouses, l’eau froide, j’ai établi une règle pour l’indication du massage quand j’ai vu que, dans beaucoup de cas, de simples passes magnétiques suffisaient.

Je magnétise tout d’abord, et je ne masse que quand la magnétisation n’a pas suffi.

Croiriez-vous, lecteurs, qu’un médecin magnétiseur est venu s’établir à Plombières, et a cherché à faire une con-

currence peu édifiante à un homme aussi savant et aussi convaincu du magnétisme que l’est M. Turk.

* Voici la mention de ce fait :

.... « Je me contenterai de dire que, l’année dernière, il était chaudement recommandé par une somnambule qu’il magnétisait, et que cette femme, après avoir conseillé une foule de remèdes, et entre autres Y autopsie, avait bien soin de dire que pour que ces remèdes fussent efficaces, il fallait qu’ils fussent administrés, dirigés, surveillés par le savant Dr Hutin. »

Ces quelques lignes sont la seule récrimination du docteur Turk. C’est la vengeance d’un homme de bien et la condamnation des charlatans, qui ne se servent du magnétisme que comme d’une méthode qui grossit la bourse.

Dans un prochain numéro je ferai connaître les idées de ce savant sur les moyens de prolonger la vie ; comme l’action des puissances vitales est profondément étudiée dans le chapitre de la vieillesse, nous y trouverons beaucoup de renseignements aussi utiles au point de vue matériel qu’au point de vue moral.'

E. V. LÉGEH.

II vient de paraître chez Dentu :

1° Une brochure de l’abbé Almignana, sur le somnambulisme , les tables tournantes et les médiums.

2° Une brochure du Dr Beau, intitulée : De l’influence de la magnétisation sur le développement de la voix et du goût en musique.

Le Gérant : IIIUÜCUT (de Garnay).

CLINIQUE.

PUISSANCE DU MAGNÉTISME.

Le fait que nous allons rapporter nous a été certifié par les deux personnes qui y ont joué un rôle ; nous les connaissons intimement, et nous avons parfaite confiance dans leur témoignage.

M"‘° *** est une somnambule des plus remarquables, et nous avons eu souvent des preuves frappantes de sa lucidité.

Dans la nuit du 22 au 23 janvier- dernier, elle fut obligée de se lever au milieu de la nuit. En traversant, les jambes nues, un corridor et un escalier, elle fut saisie de froid; elle était à son époque, l’écoulement menstruel cessa tout à. coup. Quand elle rentra dans son appartement, elle se sentit tout le corps glacé ; le sang avait reflué au cœur et au cerveau, suivant ce qu’elle vit plus tard dans son état lucide. Son mari chercha vainement à la réchauffer. Les extrémités étaient froides comme du marbre et insensibles ; elle s’endormit alors d’un sommeil naturel qui fut très-pénible et agité. Elle fut en proie à un cauchemar affreux ; elle vit en rêve une cousine nommée Emma qu’elle avait tendrement aimée, qu’elle avait soignée affectueusement dans sa dernière maladie, et qui était morte un mois auparavant d’une congestion cérébrale. Emma lui apparaissait gisant sur son lit de mort et l’appelait en lui disant à plusieurs reprises : Viens ! viens avec moi ! 11 lui semblait en même temps que la morte l’entraînait vers elle.

La violence de l’émotion réveilla M,nc ***. Elle était haletante, oppressée, les dents serrées; il y avait congestion cérébrale et délire ; elle croyait voir encore les objets qui l’a-

to.vu XIV. — N° SSOO. — 25 février 1853. t

vaient impressionnée dans son rêve, et elle s’écriait : Emma ! Emma!... La crise où elle se trouvai tétait semblable à celle qu’avait éprouvée sa cousine lors de sa mort.

On conçoit l’effroi et la consternation du mari en présence d’une situation aussi alarmante. Plein de foi dans le magnétisme, qu’il cultive depuis longtemps avec grand succès, il conçut de suite l’idée de recourir à ce moyen souverain pour arracher une épouse chérie au danger dont elle était menacée. Mais lui-mème commençait à peine à sortir d’une longue et douloureuse maladie qui avait épuisé ses forces, et il en était réduit à demander au magnétisme de ramener cbez lui la santé et la vigueur ; n’importe, quoique débile et horriblement fatigué, il n’hésite pas. Sans ¡/inquiéter du possible, il n’écoute que son zèle ardent et son désir énergique de faire du bien. Persuadé que la volonté peut tout, il magnétise en faisant des passes dans toute la longueur du tronc; il s’anime, il s’enthousiasme, il retrouve momentanément une force dont il ne se serait pas cru capable une heure auparavant. Cependant, comme le rhumatisme articulaire dont il était atteint l’empêchait d’élever les mains jusqu’à la hauteur de l’épaule, il y suppléa en magnétisant par le contact général du corps. Sa femme fait entendre quelques paroles confuses qui s’échappent avec peine. Au milieu de phrases désordonnées et dues au délire, quelques éclairs de raison jaillissent de temps en temps, elle parvient à donner des conseils sensés sur la manière de la magnétiser, et elle rend compte des effets à mesure qu’ils se produisent.

Après une demi-heure d’efforts inouis, un mieux sensible se manifesta ; le cerveau et le cœur étaient dégagés ; Mme *** entra spontanément en somnambulisme ; sa respiration était devenue calme et régulière ; la physionomie avait repris son aspect habituel, et la fonction interrompue son cours. Elle déclara qu’elle ne souffrait plus, qu’elle avait subi nne crise terrible, et que sans le secours de la magnétisation de son mari, elle serait morte. Elle demanda qu’on la laissât dans cet état jusqu’au lendemain matin.

Le lendemain, il ne lui restait des événements de la nuit

qu’un accablement général dont elle ignorait la cause, car elle n’avait conservé aucun souvenir de ce qui s’était passé. Elle avait recommandé, pendant son somnambulisme, qu’on ne lui parlât pas, dans son état de veille, de ce qu’elle avait éprouvé, de peur qu’elle n’en ressentît une impression funeste.

Les magnétisations d’un ami firent promptement cesser cet accablement. Quant au mari, les efforts auxquels il s’était livré avaient augmenté son épuisement, et il avait peine ii concevoir comment, dans son état de faiblesse extrême, il avait pu communiquer à sa femme une force que lui-même 11e semblait pas avoir.

A.-S. MORIN.

INSTINCT DES REMÈDES.

Voici un fait de clinique médicale qui mérite de trouver place à côté des intuitions somnambuliques. MM. Trousseau et Pidoux, parlant du traitement de la fièvre typhoïde, disent, tome II, page /il 5 de leur Traité de thérapeutique :

« Prendra-t-on pour rien, dans l’appréciation du traitement tonique, l’instinct des malades qui recherchent et demandent

des boissons fortifiantes, du vin, etc. ?.......

. . Nous avons entendu les malades réclamer leur vin ; nous les avons vus le boire avec avidité; nous nous rappelons surtout un étudiant en médecine frappé de la forme adyna-mique la plus terrible : trois attaques d’éclampsie s’étaient ajoutées à cet état déjà si grave, et on sait combien cette complication est funeste. Indépendamment de l’extrait de quinquina, ce malade prenait par jour huit à dix onces de vin de Malaga. Un jour il avala d’une seule fois toute la quantité qui devait être distribuée dans les vingt-quatre heures. La nuit suivante il dormit mieux, et guérit rapidement, sans convalescence. »

INSTITUTIONS.

Dispensaire magnéto?li£rfl|>lfiic de Toulouse.

A Monsieur le baron du Polel.

Mon cher maître,

' Je vous demande mille pardons pour le retard que j’ai mis à vous donner de mes nouvelles. La cause de cette interruption est toute naturelle, aussi j’espère que vous m’absoudrez aisément lorsque vous en connaîtrez le motif.

Vous n’ignorez pas que mes occupations sont toutes portées vers le magnétisme; ma pratique privée me fournit assez de travail pour que je ne sois pas distrait par autre chose. Mais en dehors de ce qui m’est personnel, je n’étais pas satisfait, parce que le monde doute facilement de la vérité des guérisons obtenues à, l’aide de notre moyen, alors surtout qu’on ne peut les livrer à la publicité. Pour obvier à cet inconvénient et faire que le magnétisme pût jouir dans nos provinces d’une valeur méritée, j’ai pensé que le meilleur moyen que nous avions à opposer à l’indifférence et à la mauvaise foi de messieurs les contradicteurs, était de rendre nos traitements publics;

A cet effet, je me suis entouré de quelques amis dévoués, et avec leur aide j’ai fondé au centre de la ville un dispensaire magnétique. J’en ai pris la direction et la responsabilité. Au reste, vous avez dû recevoir une circulaire qui vous l’a annoncé.

Nous avons donné à cette création la plus grande publicité possible. Dans le principe, il nous semblait que nous rencontrerions des obstacles insurmontables; eh bien, pas le

moins du monde ; tout s’est passé pour le mieux. Mais nous ne pouvons prévoir ce que la jalousie de messieurs nos demi-savants suscitera pour l’avenir de notre œuvre. Quoi qu’il puisse arriver, nous ne les craignons point ; nous les attentions de pied ferme. Notre détermination étant bien assise, désormais rien ne pourra nous faire reculer. Si, plus tard, il leur prenait fantaisie de nous attaquer, nous leur répondrions; mais, jusqu’à ce moment, nous nous tiendrons dans une sage réserve. Nous les avons engagés à venir se rendre compte de la pureté de notre intention et du sentiment philantropique qui nous a guidés.

Depuis quinze jours à peine que nous avons ouvert les portes de notre dispensaire, nous avons enregistré de nombreuses adhésions. Des personnes assez influentes, appartenant au clergé, au barreau, même à la médecine, sont venues nous féliciter et nous assurer de leur coopération. Tout, jusqu’à ce moment, semble nous faire présager des jours heureux. Les malades sont encore peu nombreux, mais nous avons la certitude qu’ils arriveront bientôt.

Afin de répandre, autant qu’il sera possible, la supériorité du magnétisme considéré surtout comme agent curatif, et faire connaître les cures obtenuesdansnotredispensaire, nous avons l’intention de publier un journal spécial. Nous avons aussi prévenu MM. les magnétiseurs que nous accepterions avec reconnaissance et que nous publierions toutes leurs observations, pourvu toutefois qu’elles fussent rédigées dans le sens que nous avons formulé ; c’est-à-dire que l’on devra faire connaître avec détail, soit la nature, les causes, les symptômes des maladies, et surtout bien faire connaître les procédés magnétiques dont on se sera servi pour les combattre ; c’est ainsi que nous l’avons adopté dans notre règlement.

Je n’ai pas besoin de vous dire, mon cher maître, que nos idées sont les vôtres ; il ne peut en être autrement. L’enseignement que nous sommes venus chercher plusieurs fois auprès de vous en est la meilleure garantie. Nous ne dévierons jamais des principes que vous nous avez donnés ; aussi, nous accepterons toujours avec joie toutes les observa-

tions qu’il vous plaira de nous adresser, et nous modifierons notre programme ainsi que vous le jugerez convenable.

Nous aurions une prière à vous adresser. Si vous daignez la recevoir, comme nous aimons à le croire, je ne doute pas un seul instant du succès qui nous attend. Nous désirerions, si toutefois vos travaux vous le permettent, une réponse de vous-même et qui servirait à donner à notre œuvre et à notre journal en particulier une confirmation scientifique d’une extrême valeur.

Nous avons la confiance que vous voudrez bien ne pas nous abandonner en cette occasion, et que nos premiers essais, dans une route aussi difficile, seront dirigés par le plus savant et le meilleur des maîtres.

Recevez, mon cher maître, l’assurance de mes sentiments respectueux.

1. BÉGUÉ.

Toulouse, 11 février 1835.

A Monsieur le docteur Bègui.

Mon cher collègue,

Absorbé par une incessante pratique, je n’ai pu répondre de suite à votre lettre flatteuse et vous remercier de la bonne nouvelle que vous me donnez, nouvelle qui intéresse le monde magnétique.

Je viens donc aujourd’hui accomplir un devoir bien doux, je viens louer et encourager votre entreprise. Ne voulez-vous pas, mon cher ami, faire triompher la grande vérité mes-mérienne en en établissant la réalité par des œuvres de bien ? Ne voulez-vous point vous poser en face des préjugés et des erreurs de la foule et dire à tous les hommes : i Venez ! Soyez témoins de faits qui attestent l’existence d’une force nouvelle ! Venez apprendre à soulager les maux en tirant de votre sein le feu que Dieu, dans sa prévoyance et sa bonté, y a déposé pour ce sublime usage ! Venez nous aider à établir sur la terre un art providentiel qui doit un jour unir tous les hommes entre eux. >i

Cette mission, que vous vous êtes imposée, et que vous remplirez dignement, je n’en doute point, exige un dévouement sans bornes, une patience peu commune; car les hommes sont aveugles. Ils vous méconnaîtront d’abord! Ils nieront vos œuvres de bien; et ceux-là mômes qui devraient vous aider dès vos premiers pas, seront d’abord contre vous et ne se rendront que les derniers! Qu’importe pour vous! Vous n’avez pas espéré vaincre sans combat ! Vous savez où est l'ennemi! Vous connaissez ses armes!... ¡Mais ne m’imitez point ; prenez vos antagonistes par la douceur. La haine, en province, est plus redoutable qu’à Paris. Ici, je puis aller droit au nid de guêpes et braver toutes les piqûres. Je puis dire toute ma pensée ; 011 laisse faire et dire le fou.

Mais vous, mon cher collègue, vos paroles seront commentées, vos intentions dénaturées, et vous aurez à courber la tête plus d’une fois devant des maîtres en imposture. Je connais votre esprit conciliant; vous ferez quelques sacrifices à l’orgueil humain et vous pardonnerez à l’injure. Ce qui serait faiblesse chez moi sera vertu chez vous, et je n’aurai qu’à vous louer de votre sage réserve.

Plantez donc hardiment le drapeau du magnétisme sous le beau ciel du midi ! Guérissez les malades et soyez leur Providence! Votre entreprise fait revivre en moi plus d’un souvenir! Elle me rappelle mes luttes à Montpellier, mes > procès, mon triomphe !... Hélas! elle me rappelle aussi l’ingratitude humaine !

Puissiez-vous supporter courageusement les adversités qui attendent tout novateur; mais si un jour vous vous sentez défaillir, pensez à celui que vous voulez bien appeler votre maître, à celui qui survit à tous ses ennemis etdontla foi dans le succès ne fut jamais ébranlée ; vous redeviendrez joyeux et reprendrez courage, et par de nouveaux travaux, vous hâterez le triomphe de la vérité dont vous vous ôtes déclaré l’apôtre.

Abnégation et persévérance! Telle doit être ladevise des ma-gnétiseure. Il est glorieux d’ouvrir aux générations qui nous poussent le vaste champ de l’avenir, de faire enfin pour nos

fils ce que nos pères avaient fait pour nous. Mais rien ne pourra peindre l’étonnement de ceux qui vivront après nous lorsqu’ils connaîtront les difficultés que nous avons eu à surmonter, les obstacles qu’il aura fallu vaincre pour établir le principe nouveau. Croyez-le bien, mon clier collègue, on citera nos noms comme on cite encore aujourd’hui ceux des vaillants soldats du passé ! Combattre pour la vérité ! Mais c’est être l’élu du Dieu qui gouverne les mondes! C’est obéir à un commandement et remplir une sainte mission !

Le temps des clameurs insensées est passé. On ne brûle plus. Nous n’avons plus à subir la torture. Encore un peu de temps, et cette lumière nouvelle que nous répandons éclairera le monde.

Publiez vos travaux, afin de trouver des imitateurs. Soyez discret quand vous toucherez aux choses merveilleuses, et marchez droit au but sans regarder en arrière. Quelques-uns d’abord vous suivront, puis enfin la foule acceptera ce que la science des écoles refuse de voir et de comprendre.

Recevez donc, mon cher ami, l’assurance de mon inaltérable attachement, et croyez que je serai glorieux de vos propres œuvres.

Baron DU POTET.

Paris, 25 février 1855.

VARIÉTÉS.

i nc loi inéilicalc. — I,’Union médicale de la Louisiane vient de signaler des abus qui peuvent résulter de la loi que la législature vient de voter pour ressusciter la libre pratique de la médecine, et elle émet le vœu que la presse quotidienne leur donne une plus grande publicité. Le défaut de place ne nous permettant pas de reproduire son article, nous nous contentons de dire que les motifs qu’elle allègue sont fort graves, et méritent d’être pris en considération ; mais nous saisissons l’occasion pour ajouter, à notre tour, que si le public retire un peu sa confiance aux médecins, c’est moins à cause de leur insuccès que pour leur opposition systématique à toutes les idées nouvelles. Par exemple, le public voit tous les jours que le magnétisme guérit des malades qui ont été inutilement, douloureusement et longuement traités par les remèdes ordinaires; et les savants auront beau répéter que «le magnétisme n’existe pas,» jamais ils ne convaincront ceux qui voient le contraire. La science n’est pas encore faite, et le médecin vraiment digne de ce nom ne doit rien juger qu’après un consciencieux examen. Qu’importe que la médecine parisienne s’obstine «à ne pas sortir de son ornière! L’éclectisme des Américains est plus philosophique, et on sait qu’il existe à Cincinnati un Institut éclectique de médecine où on étudie tout, même le magnétisme, l’homéopathie, l’hydrothérapie.....Il ne sied pas plus à un médecin de dire ; •. Le

magnétisme est une bêtise; je le repousse instinctivement», qu’à un prêtre de dire à sa pénitente : « Ne vous faites plus magnétiser, nous le défendons >». l)e la part de ce prêtre il y a un abus de pouvoir ; et de la part de ce médecin il y a un autre genre d’abus, et le public, qui juge en dernier ressort, finit toujours par traiter les hommes selon leurs mérites.

Les médecins regagneront la confiance publique, et la loi sera rappelée quand ils le voudront, c’est-à-dire quand ils ne seront plus exclusifs.

J. BARTI1LT.

Causerie«. — La santé étant le plus souverain bien, tout doit être employé pour éloigner de nous la maladie lorsqu’elle s’introduit en nous. 11 faut la chasser de nos organes le plus promptement possible; car, sans cela, la vie n’est plus qu’un funeste présent. La science médicale, dans son aveuglement, est parvenue à faire de nous de véritables martyrs. Bientôt, si on la laisse faire, il n’y aura plus un seul corps sain, un seul être bien portant.

Voyez déjà cet amoindrissement du genre humain ! Examinez ces restes dégradés de beaux types ! Cherchez parmi ces masses une riche nature, un corps chez qui la vie déborde ; vous ne le trouverez point ; et pourtant, à un certain âge, le vase humain doit avoir un trop plein, une sève exubérante, car ce n’est qu’ainsi que l’être doit et peut recevoir son complément de perfection physique et morale, les forces surabondantes sont nécessaires pour préparer les germes de nouvelles générations et donner à cclles-ci un ensemble de perfection.

La nature n’est point marâtre. Le mal que nous signalons, s’il vient un peu de nos vices, a pour cause aussi l’ignorance des gens chargés de veiller sur la santé publique. Il vient, ce mal, de l’abus des remèdes empoisonnés, de ces préparations où les métaux les plus dangereux entrent en profusion ; le mal enfin vient de l’abus de la saignée. 11 faut donc tout changer, et voyez déjà ce que l’homéopathie a produit l N’est-ce point une grande révolution commencée? La différence qui existe entre l’homéopathie et l’allopathie n’est-elle pas aussi tranchée que celle du blanc au noir? Quel est donc le système vrai ? Pour nous, nous n’hésitons point ; nous préférons celui qui fait le moins de victimes, celui qui laisse agir la nature et qui n’étrangle point ta maladie par des saignées coup sur coup (j’emploie le terme consacré) ; par cet

abus monstrueux de drogues funestes et qui laissent souvent des traces si profondes.

Grands princes de la science officielle, 011 fera bientôt votre histoire ; 011 dira ce que vous fûtes, ce que vous ôtes et ce que vous pourriez être ! On saura un jour que ce qui restait d’instinct médical, de vraie science, s’était réfugié chez quelques médecins de campagne, et que la science enseignante, si elle savait faire des savants en toutes choses, ignorait l’art de faire des médecins.

Citons quelques faits à l’appui de notre opinion.

Voici une jeune femme prise d’un sommeil incessant. Elle dort en mangeant ; elle dort en marchant, ce qui ne l’empêche pas de dormir toute la nuit. Les médecins les plus renommés sont appelés pour faire cesser cet inquiétant état. On saigne cette femme, on lui fait prendre du café noir ; on lui administre des excitants en masse ; rien n’opère, rien ne la tire de son sommeil. Soumise au magnétisme, cet agent la réveille, rétablit l’équilibre et lui rend la santé! Voilà, tous les escijlapes en déroute devant un magnétiseur !

Citons un autre exemple.

Voici un homme affecté d’une maladie nerveuse ; il est fou ou comme fou. Son état est difficile à peindre. Il veut parler, il ne le peut. En vain fait-il des efforts. Il tombe alors dans des convulsions affreuses, et plusieurs hommes sont impuissants à le tenir. Il sort de ces crises avec la fièvre et le délire. On consulte des médecins en grand nombre, on choisit les plus illustres, on suit leurs ordonnances. La maladie empire; les crises, qui n’arrivaient que de temps à autre, deviennent permanentes. On envoie le malade au bain chaud, puis au bain froid. On lui tire du sang, on lui donne des douches, etc., etc. Rien ne le guérit, rien ne le soulage. Voilà un homme dans la force de l’âge que l’on doit séquestrer, car il devient méchant, car dans ses colères il brise tout ce qui se trouve sous ses mains. On me l’amène. A peine l’ai-je touché qu’il est pris de crises terribles. Il casse un fauteuil; me secoue à me rompre. Mais, ne discontinuant pas mes passes, je le vois tomber dans le sommeil le plus profond et

le plus doux. Je l’interroge, il me répond sans bégayer et plein de raison. Il dit qu’il sera bientôt guéri si l’on continue les magnétisations. Je n’avais donc garde d’y manquer, et au bout de quelques jours, cet homme, qui ne pouvait sortir de chez lui sans être accompagné de plusieurs gardiens, cet homme, pris de délire à chaque instant, jouit, au bout de quelque temps, de la plus florissante santé. Voilà le magnétisme plus heureux, j’allais dire plus savant que toute la Faculté.

Si ces cas ne prouvent rien aux yeux des plus entêtés, peut-être ceux que nous allons citer auront-ils plus de puissance.

Voici un sous-intendant de l'armée d’Afrique dont les travaux, les campagnes ont d’abord altéré la vue. On le traite d’une manière savante, et bientôt il n’y voit plus. 11 arrive à Paris pour consulter les grands maîtres; il va partout avec un guide chercher un remède à son malheur. On perce sa nuque ; on lui couvre le front et les tempes de vésicatoires ; la vue ne revient point. Je le magnétise, et à force d’excitations douces, il retrouve d’abord ce que les traitements lui avaient fait perdre, le sentiment, de la lumière ; puis, à force de soins, il parvient à distinguer, à apercevoir, tantôt un gros objet, puis enfin les lettres en titre d’un journal, puis un jour les plus petites... O miracle! la vue se rétablit complètement. 11 dit adieu à son guide, n’en ayant plus besoin. Le désespéré jouit de la lumière !

Ici encore la science avait dit son dernier mot. Un ignorant, un magnétiseur donne au médecin une leçon de vraie médecine.

Passons à d’autres faits :

Voici une jeune fille lymphatique dont la tête est d’une grosseur monstrueuse ; elle peut à peine marcher, tant elle est indolente et remplie d’humeur. Jamais son sang ne s’était assez échauffé pour qu’il en résultât une transpiration. Malade depuis son enfance, elle a maintenant vingt-deux ans. Cette jeune fille a suivi tous les traitements. Toujours en quête d’un médecin sauveur, elle‘a trouvé des médicaments, et sa maladie a toujours augmenté. Je fais pénétrer le feu magnétique dans cette argile humaine, et ce que la science

n’avait pu obtenir se produit. 11 survient des transpirations abondandes, des garde-robes innombrables, et on voit les tissus se dégonfler en se nettoyant. La malade retrouve le bien-être et la santé.

Je n’aime point à citer mes propres œuvres ; mes écrits en font foi ; car ce que je fais, d’autres le font ou peuvent le faire. C’est un résultat forcé de l’application du magnétisme au traitement des maladies, et c’est pour qu’il en soit ainsi que l’on m’entend dire chaque jour : La science médicale sera réformée. C’est une honte aux médecins d’abandonner aux mains des ignorants le soin de faire leur besogne. C’est un crime, pourrais-je dire ; car le nombre des infirmes est incalculable, et dans son impuissance volontaire, la science n’en prend nul souci. Son devoir n’cst-il pas d’étre utile aux hommes?

En dénonçant cette conduite coupable, nous espérons provoquer quelque scandale, afin que la vérité, que l’on cherche à étouffer par le mensonge, que l’on dénature lorsqu’on ne peut la repousser, sorte triomphante d’une lutte inévitable et bien plus prochaine que l’on ne croit.

Ah! grands maîtres des écoles! vous haussez les épaules quand on vous parle de magnétisme. Vous souriez d’un air supérieur et méprisant en présence des gens sincères qui ont selon vous la faiblesse de croire au magnétisme. Si c’est par ignorance que vous agissez ainsi, je vous plains, et c’est à vous d’apprendre ce que vous ignorez. Si, au contraire, sachant la vérité, vous niez, ne voulant point d’un art qui peut vous nuire, vous êtes coupables à nos yeux autant que la mère qui étoufTe son enfant.

Je voudrais revenir sur les guérisons que je viens de citer, traduire les diverses crises qui se sont manifestées, indiquer le travail merveilleux de la nature, montrer et rendre sensible aux yeux de tous ce qui prépare et assure le succès. Je n’ai plus le temps nécessaire pour accomplir des travaux de cet ordre. Devenu machine magnétique, mon intelligence s'en ressent. J’ai des ressorts, voilà tout i

Baron DU POTET.

BIBLIOGRAPHIE.

MANUEL DE PHYSIOLOGIE, par Mueller , professeur à l'Université de Berlin. Deuxième édition , traduite de l’allemand par Jourdan et annotée par E. Littré, de l'institut. 2 vol. ¡11-8. Paris, J.-B. Baillière, 1851.

Cet ouvrage nous a déjà une fois occupé, et nous en avons cité un passage assez hostile au magnétisme (1). L’auteur, qui a écrit sur ce sujet d’après le rapport de MM. Dubois et Burdin, n’aurait pu changer d’avis qu’en se livrant lui-même à des expériences régulières, mais il a mieux aimé s’en tenir aux affirmations de ces messieurs que de vérifier les faits. Cette paresse l’a conduit à une nouvelle faute : l’appréciation erronée du somnambulisme. Se fondant sur les conditions physiques de la vision, il nie que la faculté de voir à l’aide de la peau soit possible par une exaltation ou par un changement, un déplacement de la sensibilité :

« On sait, dit-il, qu’il ne nous est pas donné de connaître les couleurs avec les doigts, quoique nous puissions parvenir à distinguer au moyen du toucher, le corps ou le grain de quelques matières colorantes étalés en couches épaisses, parce qu’elles offrent des inégalités, et qu’elles contractent de l’adhérence avec les parties qui y touchent. La nécessité d’appareils optiques, soit en mosaïque, soit collecteurs, pour la formation d’une image sur une membrane sensible, réfute suffisamment la prétendue vision par le creux de l’estomac ou par le bout des doigts, dans l’état qu’on appelle magnétisme animal. Quand bien même la peau de la région épigastrique et du bout des doigts aurait la faculté de sentir la lumière, ce qui n’est pas, il n’y aurait cependant point encore pour elle possibilité de voir, puisqu’il n existerait aucun appareil capable de reporter la lumière venant des dif-

(1) Voyez t. VIII, page 383.

férents points a, b, r, (/.... n, d’un objet aux points a, b,

c, (I.....v de la surface sentante. Or, sans de tels appareils,

le creux de l’estomac et les doigts, fussent-ils môme aptes à sentir la lumière, ne pourraient que distinguer le jour de la nuit.

« Mais, comme ces parties n’ont point la capacité de sentir la lumière, et comme il n’y a point de sensation qui puisse se déplacer, un individu plongé dans ce qu’on appelle l’état magnétique ne saurait, dans aucun cas, distinguer, même vaguement, le jour de la nuit à l’aide de ses doigts ou de sa région épigastrique, et s’il y parvient, ce n’est qu’au moyen de ses veux, auxquels il est si difficile, même en les bandant, d’enlever la faculté de voir le jour, qui peuvent même très-bien apercevoir les objets au-dessous du bandeau, comme ont dû s’en convaincre tous ceux qui se sont amusés au jeu de colin-maillard. Qu’on se couche horizontalement, comme le font les individus plongés dans le prétendu sommeil magnétique, et un bandeau placé sur les yeux n’empêchera pas qu’on voie par dessous l’étendue tout entière d’une chambre.

« Quel est le médecin instruit qui pourrait ajouter foi à de pareils contes? Du point de vue scientifique on conçoit qu’une personne qui dort ait des visions semblables à celles

Su’on éprouve quelquefois, les yeux fermés, avant de s’en-ormir ; car les nerfs optiques peuvent être sollicités à sentir par une cause interne tout aussi bien que par des causes extérieures. Tant que les magnétisés n’accusent rien autre chose que les symptômes nerveux ordinaires qui s’observent dans d’autres maladies nerveuses, tout est croyable ; mais, dès qu’ils se donnent pourvoir avec les yeux bandés, ou avec les doigts, ou avec l’épigastre, pour distinguer ce qui se passe dans la maison voisine, ou pour faire des prophéties; de pareilles jongleries ne méritent aucun égard, et, au lieu d’admirer niaisement, il faut crier tout haut au mensonge, à la déception. »

Nous avons déjà fait remarquer, en rapportant l'opinion d’autres physiologistes sur le même sujet, que tout cet échafaudage d’objections ne repose que sur un mot mal employé. En effet, si l’on substitue, pour peindre la clairvoyance, de3 expressions telles que perception, intuition, à celle de vision , l’argument tiré de l’absence d’organes visuels ou appareils d’optique disparaît immédiatement. Est-il besoin de dire que les magnétiseurs n’ont jamais prétendu que la lucidité

somnambulique fût identique à la vision ? Le mot de seconde vite implique une différence capitale. Quant à l’explication du phénomène au moyen de l’écartement du bandeau par les ailes du nez, elle est indigne d’un savant du poids de M. Mueller. Quiconque s’est donné la peiue d'examiner un somnambnle a pu voir que non-seulement les paupières sont fermées, mais les yeux convulsés; en sorte que la vision normale, par ce seul fait, est impossible, les paupières fussent-elles même ouvertes.

L’invraisemblance de cette «argumentation est si patente, que M. Littré n’a pas craint de lui opposer, en annotant le chapitre du Sommeil, un extrait de l’ouvrage du I)r (’.arpenter, Cyclopœdia of Anatomy and Physiology, dans lequel la question du somnambulisme est largement traitée. Voici cette précieuse citation tout entière, et mot pour mot.

« Les phénomènes du somnambulisme sont si variés, qu’il est très-difficile d’en donner une définition les comprenant tous, et nous préférons caractériser cet état eu disant qu’on peut le considérer comme un rêve en action, différant du rêve ordinaire dans les deux points qui suivent. D'abord, la suite des pensées est plus sous la direction des sensations venues du dehors ; en second ■ lieu, le système musculaire est tout à fait sous le contrôle de l’esprit, de sorte que non-seulement il donne l’expression aux émotions de l’âme, mais encore agit conformément aux ordres de la volonté. Dans le vrai somnambulisme comme dans le rêve, il y a, ce me semble, défaut absolu de la volonté pour régler le cours de la pensée, mais il n’y a pas le même degré d’activité mentale; et, en particulier, l’opération du principe associatif est tellement restreinte, qu’on n’y observe peu ou point de cette incohérence ou incongruité d’idées qui est si spéciale au rêve ordinaire. Au contraire, le raisonnement y procède parfois avec une clarté et une correction extraordinaires, l’esprit s’y fixant avec force à l’exclusion de toute autre considération. Ce caractère exclusif est, en effet, un des traits les plus remarquables de cet état. Tant que l’attention demeure attachée sur" un objet quelconque, soit perçu par les sens, soit accusé par un acte de conception, rien autre chose n’est senti. De celte façon peut surgir une complète insensibilité à la souffrance corporelle, attendu que le

somnambule n’a d’attention que pour ce qui se passe en son esprit. Mais, en un instant, en dirigeant l’attention sur les organes des sens, l’anesthésia peut être remplacée par la sensibilité la plus vive. De même aussi, quand l’attention est lixée sur un certain enchaînement d’idées, tout ce qui se dit d’accord avec les idées est entendu et apprécié par le somnambule ; mais tout ce qui est en désaccord passe entièrement inaperçu. Le caractère des opérations intellectuelles offre la même particularité. Comme il vient d’être dit, les procédés du raisonnement sont ordinairement conduits avec exactitude, de sorte que la conclusion sera bonne, pourvu que les données aient été correctes. Ainsi un mathématicien résoudra un problème difficile, un orateur fera un discours approprié à un sujet donné. Mais le défaut ordinaire des opérations conduites d’après cette condition, c’est que, conformément à cette intensité même, l’attention est détachée des considérations qui devraient les modifier ; de la sorte, il arrive que le résultat est souvent d’une inconséquence palpable avec les enseignements de l’expérience ordinaire, et le somnambule le reconnaît dès que ces enseignements lui sont remis devant l’esprit.

« L’état de somnambulisme peut se transformer en celui de rêve ordinaire, de sorte qu’il est difficile de tirer une ligne de démarcation entre les deux. Ainsi, le parler ordinaire dans le sommeil peut être rapporté à l’une ou à l’autre condition, suivant la définition qu’on adoptera dans la nôtre ; ce parler appartient au somnambulisme, parce que les mouvements vocaux sont l’expression de ce qui se passe dans l’esprit, et parce que, dans la plupart des cas de ce genre, le parleur en rêve entend et comprend ce qui lui est dit, pourvu que cela s’accorde avec le cours de ses propres pensées, et il répondra raisonnablement, de manière à soutenir une conversation. Ainsi nous avons connu une jeune fille qui, dans le temps qu’elle était à l’école, se mettait souvent à pailer une heure ou deux après s'être endormie; ses idées roulaient presque toujours sur les événements du jour précédent ; et, si 011 l’encourageait par des questions qui la guidassent, elle rendait un compte très-distinct et très-cohérent, révélarit souvent ses propres peccadilles et celles de ses compagnes, et exprimant un grand repentir pour les siennes tout en paraissant hésiter à faire connaître les autres. Mais, pour tous les sous ordinaires, elle semblait parfaitement insensible ; un binait fort l’aurait éveillée, mais il n’était pas perçu dans l’état de sommeil parlant ; et, si l’interlocuteur lui adres-

sait des questions ou observations qui ¡rentraient pas dans le cours de scs idées, elles ne faisaient aucune impression. Toutefois, avec un peu d’adresse, on pouvait la faire parler sur toute espèce de sujets, il suffisait de ménager graduellement les transitions.

« Le cas bien connu de l'officier dont parle le docteur James Gregory appartient à cette classe intermédiaire, plus près, nous pensons, du somnambulisme que du rêve ordinaire. Cet officier, qui servait dans l’expédition, à Louisburgli, en 1758, avait l’habitude de jouer ses rêves, et l’on pouvait en diriger le cours en murmurant à son oreille, surtout si cela venait d’une voix qui lui fût familière. Aussi ses compagnons, dans le voyage, s’amusaient-ils perpétuellement à ses dépens. Une fois, ils le conduisirent à travers toute une scène de querelle qui finissait par un duel ; et, quand les parties furent supposées au rendez-vous, un pistolet fut mis dans sa main, il lâcha la détente, et le bruit le réveilla. Une autre fois, le trouvant endormi sur un coffre dans la cabine, ils lui firent croire qu’il était tombé par dessus le bord et l’exhortèrent à se sauver en nageant; aussitôt il imita les mouvements de natation. Alors ils lui dirent qu’un requin le poursuivait et le supplièrent de plonger pour échapper au péril. 11 le fit à l’instant avec une telle force qu’il se lança du haut du coffre sur le plancher, ce qui lui causa des contusions et naturellement le réveilla. Après le débarquement de l’armée à Louisburgh, ses amis le trouvèrent un jour endormi dans sa tente et manifestement très-ennuyé par la canonnade. Ils lui firent croire qu’il était au feu, sur quoi il exprima une grande crainte et une disposition évidente à s’enfuir. Là-dessus ils lui firent des remontrances ; mais, en même temps, ils accrurent ses craintes en imitant les gémissements des blessés et des mourants; et quand il demandait, ce qu’il faisait souvent, qui était tombé, ils lui nommaient ses amis particuliers. Enfin ils lui dirent que l’homme qui, en ligne, était le plus près de lui venait de tomber ; aussitôt il sauta hors de son lit ; s’élança liors de sa tente, et fut tiré du péril et du rêve en trébuchant sur les cordes des piquets. Après ces expériences, il n’avait point de souvenir distinct de ses rêves, mais seulement un sentiment confus d’oppression et de fatigue ; et, d’ordinaire, il disait à ses amis être sûr qu’ils lui avaient joué quelque tour. Ceci est un autre point de conformité avec le sommambulisme dont c’est un des traits les plus caractéristiques de ne conserver, dans l’état de veille,

aucun souvenir des pensées ni des actes survenus dans le cours de l’accès soinnainbulique.

• Un cas remarquable de somnambulisme spontané que nous avons observé nous-même servira à éclairer plusieurs des traits les plus spéciaux de l’état dont il s’agit. Le sujet était une jeune dame d’un tempérament très-nerveux ; et l'affection survint dans le cours d’une longue et pénible maladie durant laquelle toutes les formes de l’hystérie, de l’é— pilepsie, du coma et de la paralysie s’offrirent successivement. Quoique d’habitude le somnambulisme naturel naisse du sommeil ordinaire, toutefois, dans cette circonstance, la patiente avait coutume de passer directement de l’état de veille à l’état de somnambulisme ; la transition était immédiatement manifestée par l’expression particulière de la physionomie. Danscette situation, les idées étaientd’abordfixéesentièrement sur un seul objet, la mort de son frère unique, qui était arrivée quelques années auparavant. Elle lui avait été très-at-tachée et l’avait soigné dans sa dernière maladie. Elle parlait constamment de lui, retraçait toutes les circonstances de sa maladie, et ne percevait rien de ce qui lui était dit sans avoir un rapport direct à ce sujet. Une fois, elle prit le mari de sa sœur pour le frère qu’elle avait perdu, s’imagina qu’il était venu du ciel pour la visiter et tint avec lui une longue conversation sous cette impression. Cette conversation était parfaitement raisonnable de son côté, déduction faite de l’erreur fondamentale de sa donnée. Une autre fois, il arriva que, quand elle tomba en cet état, sa sœur, qui était présente, se trouva porter un bracelet contenant des cheveux du frère défunt. Aussitôt que la patiente aperçut ce bracelet, elle s’efforça violemment de s’en emparer, et ne fut satisfaite que quand e’ie l’eut en sa possession. Avoir reconnu ce bracelet sans reconnaître en môme temps que c’était sa sœur qui le portait est un fait très-curieux qui peut être expliqué de deux façons, toutes deux d’accord avec les lois du somnambulisme; ou bien la concentration de ses pensées sur cet unique objet la fit se rappeler seulement ce qui était immédiatement en connexion avec son frère ; et n’avoir pas conscience de la présence de sa sœur pourrait être dû à l’absence de cette dernière lors de la mort du fière, d’où résultait que cette sœur était moins attachée à lui dans les idée6 de la somnambule; ou bien il se peut qu’elle eût été dirigée vers ce bracelet par le sens de l’odorat, qui est souvent exalté d’une façon très-singulière dans le somnambulisme. La sensibilité de la patiente était tellement excitée par

la possession du bracelet, qu’on jugea prudent d’en interrompre le cours; et comme elle était inaccessible à toutes les prières sur ce sujet, la force fut employée pour le lui Oter; mais elle était tellement déterminée à ne pas s’en séparer et si irritée de la douce violence qu’on lui faisait, qu’on dut renoncer ii la tentative. Au bout d’un peu de temps, elle se calma et enfin entra dans le sommeil ordinaire qui, pour elle, était le successeur au lieu d’être le prédécesseur du somnambulisme. Avant de s’endormir, toutefois, elle mit le bracelet sous son oreiller, disant : « Maintenant, je l’ai bien ca-« ché, on ne nie le prendra pas. » Le lendemain matin, en s’éveillant, elle n’avait pas la moindre conscience de ce qui s’était passé; niais l’impression de l’irritation éprouvée persistait, car elle dit à sa saur : « Je 11e sais ce qui me fait « éprouver ce sentiment; mais, chaque fois que S... s’ap-« proche de moi, j’ai un reste de frisson. » S... était un serviteur qui, en raison de ses soins, avait gagné l’attachement de la patiente, mais qui avait été le principal acteur de la veille. Ce sentiment s’éteignit peu à peu. Quelques jours après, le somnambulisme revint ; et, alors, étant dans son lit, la patiente commença de chercher le bracelet sous son oreiller ; comme, dans l’intervalle, 011 l’avait ôté pour ne pas réveiller sa sensibilité, elle ne put le trouver; sur quoi elle exprima un grand désappointement, et continua de tâter pour le chercher, répétant : « 11 doit être ici, je l’y ai mis il y a quelques € minutes, et personne ne peut l’avoir pris. » Dans cet état, sa colère contre S... revint. La patiente éprouva plusieurs attaques subséquentes ; et, à chacune, le ressentiment contre S... reparaissait. De la sorte, son état était très-voisin de la double conscience, très-curieuse affection où le sujet semble mener deux vies distinctes, A et B, l’une ne ss souvenant pas de ce qui se passe dans l’autre; mais chacune, ce semble, continue avec elle-même.

« Le cas précédent est très-propre à éclaircir le caractère général du somnambulisme. Nous avons maintenant à noter quelques-uns des phénomènes particuliers que présentent les cas individuels.

Le premier à signaler est l'exaltation extraordinaire de la sensibilité aux impressions externes par l’intermédiaire d’un ou de plusieurs organes des sens. Nous en avons nous-mêmes été particulièrement frappé dans le somnambulisme amené parle procédé hypnotique deM. Braid (1). Nous avons

(1) Voyez sou ouvrage intitulé : JVeurypnology, or the ralionale of ner-votts t\eep, considered in relation u'ilh animal magnelism.

vu des preuves incontestables que l’odorat avait été porté à une acuité égalant au moins celle des animaux ruminants ou carnivores qui ont le meilleur nez; que l’ouïe était devenue également très-perçante; et que le toucher avait gagné, surtout par rapport à la température, un degré à peine croyable, si ces phénomènes n’étaient en pleine concordance avec l’exaltation des autres sens. Nous ne remarquons pas que la vue ait éprouvé une modification semblable ; chez la plupart des somnambules, elle est complètement suspendue ; et ceux qui prétendent posséder la faculté de clairvoyance, de lire des mots enfermés en des boîtes opaques, etc., rapportent une telle faculté, non pas à aueune acuité extraordinaire de leurs organes visuels, mais au développement d’un pouvoir entièrement nouveau, qui n’a pas besoin d’un instrument optique tel que l’œil. Parmi les sens le plus communément exalté dans le sommnambulisme, est le sens musculaire, par lequel tous nos mouvements volontaires sont guidés ; et il paraît assez croître en acuité pour remplacer complètement la vue dans beaucoup d’opérations pour lesquelles l’œil est ordinairement requis. Ainsi nous trouvons que des somnambules cheminent sur le toit des maisons, traversent d’un pas ferme des planches étroites, et même gravissent des précipices, et cela avec bien moins d’hésitation qu’ils ne le feraient pendant la veille. De fait, ils paraissent n’avoir aucune conscience du danger couru, et toute l’attention étant fixée sans distraction sur les indications du sens musculaire, ils accomplissent, sous sa direction, avec fermeté et assurance, les mouvements nécessaires. Ainsi encore, il est bien connu que des somnambules écriront, avec leur degré habituel de netteté et de régularité, si quelque chose les y détermine, bien qu’il soit certain qu’ils ne peuvent voir. Nous en avons nous-mêmes été témoins dans des expériences hypnotiques sur deux sujets, et nous nous sommes assuré que la vision ne fournissait aucun secours, car nous avons tenu un gros volume entre les yeux et la main de l’écrivain. Non-seulement les lignes étaient bien écrites et à distance convenable, mais encore les i étaient ponctués et les t barrés ; et, dans un cas, l’écrivain remonta une ligne et demie pour faire une correction, barrant un mot et écrivant un autre au-dessus avec autant de précision que s’il eût été guidé parla vision. L’impression donnée ici par le sens musculaire peut être comparée à celle que nous en recevons nous-mêmes quand, dans l’obscurité, montant ou descendant des escaliers ou traversant un passage dont nous avons l’habi-

tude, nous savons que nous sommes au bout sans avoir compté nos pas ni observé en aucune façon notre acheminement, mais simplement par l’information que nous recevons du sens musculaire.

* Le second point à noter, c’est la facilité avec laquelle les pensées peuvent être dirigées dans l’état de somnambulisme, par le principe de suggestion. Ceci se montre peut-être plus dans le somnambulisme artificiel ou provoqué que dans le somnambulisme naturel ; car, dans ce dernier, il y a fréquemment, comme il a été déjà dit, quelque idée dominante de laquelle l’attention du somnambule ne se laisse pas facilement détourner. Mais, dans le premier, l’esprit est comme une girouette sans la moindre fixité ou empire sur soi-même et susceptible d’être tourné dans toutes les directions par les impressions auxquelles on le soumet. C’est une des plus curieuses et importantes découvertes de M. Braid, que les suggestions introduites par l’intermédiaire du sens muscula re sont, parmi les influences, les plus capables de dé terminer le cours de la pensée. Mettez le visage, le corps ou les membres dans l’attitude exprimant un sentiment particulier, ou, en somme, dans une condition correspondante à celle où ils seraient pour l’accomplissement d’une action volontaire quelconque, et aussitôt l’état mental correspondant sera éveillé. Ainsi, la main étant placée sur le vertex, le somnambule, la plupart du temps, se redressera spontanément de toute sa hauteur et rejetera légèrement la tête en arrière; alors sa contenance prend l’expression de l’orgueil le plus vif, et son esprit en est manifestement possédé. Si ce premier acte ne provoque pas le reste, il suffit d’étendre les jambes et l’épine et de porter un peu la tête en arrière pour susciter le sentiment et l’expression correspondan te avec une pleine intensité. Durant la plus complète domination de ce sentiment., courbez la tête en avant, fléchissez doucement le corps et les membres du somnambule, et la plus profonde humilité y succède. De rechef, si l’on écarte doucement l’un de l’autre les coins de la bouche comme dans le rire, une disposition gaie est aussitôt produite, et la mauvaise humeur en prendra immédiatement la place en tirant les sourcils l’un vers l’autre et en bas. Non-seulement nous avons été témoins de tous ces effets souvent reproduits sur nombre de sujets hypnotisés, mais il nous a été affirmé par un ami très-intelligent qui avait donné une attention particulière à la partie psychologique de ces expériences que, s’étant soumis aux manipulations de M. Braid, et ayant été in-

complètement jeté clans {'hypnotisme, il se rappelait distinctement tout ce qui avait été fait et pouvait se retracer l'action insurmontable exercée sur son état mental par ce traitement de son appareil musculaire.

« Non-seulement de simples émotions, mais encore des idées déterminées peuvent être excitées de cette façon. .Ainsi, levez la main du somnambule au-dessus de sa tète et fléchissez les doigts su" la paume, l’idée de grimper, de se balancer, de tirer une corde, etc., est provoquée. Si, au contraire, on fléchit les doigts tout en laissant pendre le bras le long du côté, l’idée qu’on excite est celle de soulever un poids; et, si les doigts sont fléchis, le bras étant porté en avant dans la position de donner un coup, c’est l’idée de boxer qui surgit. Le pouvoir de l’opération pour régler l’état mental de tels somnambules est presque illimité et parait incroyable «à ceux qui ne discernent pas le très-simple principe dont il dépend. La facilité avec laquelle des sentiments ou des idées particulières peuvent être ainsi excitées, est soumise, bien entendu, au caractère donné et aux habitudes du somnambule.

« Un degré extraordinaire de force peut être produit dans des muscles déterminés, comme l’a montré M. Braid, soit par une suggestion appliquée directement, si l’on peut parler ainsi, à ces muscles mêmes, soit par une suggestion indirecte en provoquant l’état mental le plus propre à susciter dans ces muscles une grande énergie. Ainsi on excitera la contraction des muscles extenseurs d’un membre en frottant doucement ou comprimant la peau qui les recouvre ; et cette contraction, non-seulement soulèvera le membre, mais encore le tiendra fixé d’une façon cataleptique bien plus longtemps qu’aucun effort de la volonté n’aurait pu faire. On fera cesser cette contraction quand on voudra en dirigeant sur cette même peau un courant d’air par lequel l’attention semble détournée des muscles sur cette membrane. Pour susciter une force extraordinaire dans un groupe de muscles par un procédé mental, il suffit de suggérer l’action et d’assurer au somnambule qu’il peut le faire avec la plus grande facilité, s’il le veut. Ainsi nous avons vu un des sujets hypnotises de M. Braid, un homme remarquable pour la pauvreté de son développement musculaire, soulever un poids de 14 kilogrammes sur son petit doigt seul et le faire tourner autour de sa tète sur la seule annonce qu’il était aussi léger qu’une plume. Nous avons toute raison c’e croire que le caractère de cette personne la plaçait au-dessus du soup-

çon de fraude, et il est clair que s’il avait eu la pratique d'un tel tour de force, tour que, même les hommes les plus forts, ne pourraient exécuter sans exercice, cela aurait été visible dans le développement de son système musculaire. La même personne se déclara tout à fait incapable de soulever un mouchoir de dessus la table après plusieurs efforts en apparence énergiques; il est vrai qu’on lui avait assuré que c’était un poids trop lourd pour lui. Sans doute, en ce cas-ci, il n’y a pas la même preuve d’absence de fraude que dans le précédent; mais si la réalité du premier est admise, le second ne peut faire difficulté, car tous deux sont des manifestations de cette condition mentale qui, nous l’avons vu, caractérise un tel état, à savoir la possession de l’esprit par une idée dominante, idée qui, infusée ce semble par le principe de suggestion, dirige les mouvements corporels et n’est pas corrigée par les enseignements de l'expérience ordinaire ni même par des sensations actuelles, pourvu que l’assurance donnée à l’esprit soit assez forte pour les faire mettre de côté.

f Quant aux causes du somnambulisme, on ne peut en rien dire de précis. Chez quelques personnes cet état revient fréquemment ou même habituellement ; chez d’autres, par occasion. Ceux chez qui il se présente spontanément sont dits somnambules naturels ; mais le somnambulisme peut être provoqué, non-seulement chez eux, mais encore chez des sujets qui n’y ont manifesté aucune prédisposition, par des procédés artificiels. En beaucoup de cas, cela peut être effectué par l’esprit seul, la simple attente du résultat suffisant pour l’amener. Ainsi l’abbé l'aria était dans l’usage de provoquer le somnambulisme en plaçant son patient dans un fauteuil et après lui avoir recommandé de fermer les yeux et de faire attention sur soi-même en prononçant d’une voix forte et d’un ton impératif le mot : dormez, ce qui généralement produisait sur le sujet une impression assez forte pour donner une légère commotion et causer de la chaleur ou de la transpiration et parfois le somnambulisme. Le cas suivant est un autre exemple de l’effet de cet état d’attente, concurremment avec l’immobilité de l’attitude. Le sujet en était une dame qui, précédemment, avait montré beaucoup de susceptibilité pour les procédés mesmériques et hypnotiques. Nous lui demandâmes de demeurer paisiblement au coin du feu, de penser à ce qu’elle voudrait et de regarder où il lui plairait, excepté sur nous-même. Nous nous plaçâmes derrière son siège, lui disant que nous essayons un nouveau

procédé et qu’olic le troublerait si elle se retournait. Alors, très-tranquillement, nous prîmes un volume qui se trouvait sur la table, et nous nous en amusâmes pendant environ cinq minutes quand, levant les yeux, nous pûmes voir, par les physionomies excitées des membres de notre petite société, que la jeune dame avait été de rechef magnétisée. Nous apprîmes, de ceux qui l’avaient attentivement sur-\eillée durant notre petit stratagème, que tout avait marché exactement comme dans les autres procédés. La dame même, avant d’avoir été détrompée, déclara avoir eu l’impression distincte de nos passes le long du cou.

« Peut-être le plus efficace de tous les procédés pour provoquer le somnambulisme est celui qui a été découvert par M. Braid et pratiqué par lui sur une grande échelle sous le nom d'hypnotisme. Voici la description de son procédé : prenez un objet brillant (par exemple un porte-lancette) entre le pouce et les doigts indicateur et médian de la main gauche ; tenez-le à une distance de 8 à 15 pouces des yeux, dans une position telle, au dessus du front, qu’il exerce le plus d’action sur les yeux et les paupières, et qu’il mette le patient en état d’avoir le regard fixé dessus. On fera entendre au patient qu’il doit tenir constammentles yeux fixés sur l’objet et l’esprit uniquement attaché à l’idée de cet objet. On observera qu’en vertu du consensus des yeux, les pupilles se contracteront d’abord ; bientôt après elles se dilateront; et, après s’être ainsi considérablement dilatées et avoir pris un mouvement de fluctuation, si les doigts indicateur et médian de la main droite, étendus et un peu séparés sont portés de l’objet vers les yeux, il est très-probable que les paupières se fermeront involontairement avec une sorte de vibration. Après un intervalle de dix ou quinze secondes, en soulevant doucement les bras et les jambes, on trouvera que le patient a une disposition il les garder, s’il a été fortement alfecté, dans la situation où ils ont été mis. S’il n’en est pas ainsi, vous lui demanderez avec une voix douce de les garder dans l’extension ; de la sorte, le pouls ne tardera pas à s’accélérer beaucoup, et les membres, au bout de quelque temps, deviendront rigides et complètement fixes. On trouvera aussi que, à part la vue, tous les sens spéciaux, y compris le sens pour le chaud et le froid, le sens musculaire et certaines facultés mentales, sont d’abord prodigieusement exaltés, comme il arrive dans les eflèts primaires de l’opium , du vin et de l’alcool. Toutefois, après un certain point, à cette exaltation succède une dépression beaucoup plus grande que la torpeur

(lu sommeil naturel. Les sens spéciaux et les muscles peuvent passer instantanément, les uns de la plus profonde torpeur et les autres de la rigidité tonique îi la condition opposée, extrême mobilité et sensibilité exaltée; il suflit de diriger un courant d’air sur l’organe ou les organes que nous désirons exciter ou les muscles (pie nous désirons rendre souples et qui avaient été dans une sorte de catalepsie. Par le seul repos, les sens rentreront promptement dans leur premier état. Nous avons souvent été témoin nous-même de la production du somnambulisme par cette méthode: et, tout en admettant la pleine efficacité, nous devons dire que le. succès presque invariable qu’elle a entre les mains de il. Braid lui-même paraît en partie dû à la condition mentale du patient qui d’ordinaire est prédisposé à Y hypnotisme par l’attente qu’il sera produit certainement, et par l’assurance d’un homme à volonté ferme, déclarant qu’il est impossible d'y résister. Toutefois, quand l'état hypnotique a été ainsi provoqué un certain nombre de fois, le sujet peut d’ordinaire s’endormir lui-même facilement en regardant son doigt placé assez près des yeux pour causer une convergence sensible de leurs axes ou même simplement en se tenant tranquille et fixant le regard sur un point éloigné. En tout cas, la fixité des yeux est la circonstance qui a le plus d’importance, quoique la soustraction des autres stimulants ait une influence décidée pour favoriser la production de l'effet. La condition particulière du sens musculaire, en tant que perçu à travers la branche ophthalmique delà cinquième paire, semble avoir une relation plus intime avec l’état subséquent que n’en a la condition du sens de la vue, car le même effet peut être produit de nuit ou sur des sujets aveugles si les yeux sont tenus dans une situation fixe, spécialement dans une situation qui produise un sentiment de tension musculaire; et c’est, ce me semble, en facilitant cela que le sens de la vue intervient dans l’opération ci-dessus décrite.

« A notre avis, les recherches expérimentales de M. Braid jettent sur les phénomènes du mesmérisme plus de lumière qu’il n’en est venu de toute autre source. Que, dans ces phénomènes, il y ait beaucoup de réalité mêlée à beaucoup d’imposture, c’est une conclusion à laquelle est arrivé plus d’un observateur qui y a donné quelque attention ; et nous ne doutons pas qu’une investigation conduite d’après les résultats de R1. Braid ne mène à une distinction passablement correcte entre la réalité et l’imposture. La production du somnambulisme mesmérien nous paraît pleinement explicable

par les faits rapportés plus haut, quant à l’influence de la condition mentale du patient, savoir l’attente et par surcroît la confiance née de l'impression produite par l’opérateur, et quant à l’effet de la fixité de l’œil. Les phénomènes ordinaires du somnambulisme mesmérien lui-même sont, à beaucoup d’égards, identiques à ceux de Xhypnotisme, excepté en ceci, qu’il paraît exister une relation particulière entre le somnambule et le mesmériseur, laquelle n’existe pas entre le somnambule et tout autre individu, si ce n’est quelque autre qui est en rapport avec le magnétiseur. 11 n’est peut-être pas déraisonnable de regarder cette relation comme le résultat d’une idée dominante qui possédait l’esprit au moment de tomber endormi et qui continue à l’influencer aussi longtemps que dure le somnambulisme. Nous avons étudié l’histoire de beaucoup de cas où il était affirmé que le sommeil mesmérique avait été provoqué sans que le sujet eût aucune conscience de l’action qu’on voulait exercer sur lui ; mais nous n’avons jamais pu nous convaincre qu’il en fût vraiment ainsi. Quand le patient attend/lit l’opération et se tenait tranquille pour qu’elle commençât, l’attente seule suffisait pour amener le sommeil. Quand le patient n'avait pas une telle attente, toutes les tentatives pour produire le sommeil ont, à notre connaisance, complètement échoué. En conséquence, nous sommes fortement enclin à croire que la relation entre le mesmériseur et le somnambule a un caractère purement mental et n’est pas le résultat d’une nouvelle faculté physique.

« Quant à ce qui a été nommé les phénomènes supérieurs du mesmérisme, extase, apparitions, etc., nous croyons que, sans les regarder comme le résultat de la fraude, la plupart sont susceptibles de recevoir une très-simple explication d’après les principes déjà posés. En effet, dans le somnambulisme, les sens ou quelques-uns d’entre eux sont souvent doués d’une merveilleuse acuité ; d’où résulte que l’esprit est déterminé à agir par des impressions que l’on affirmerait trop faibles pour être perçues, et ces impressions suggèrent des pensées et provoquent des actes corespondants qui sont souvent tels que la volonté ne pourrait les produire.

« Venant à la réalité de la clairvoyance attribuée au somnambulisme, les expériences que nous avons faites là-dessus nous ont conduit à une conclusion négative. Les sources d’erreurs sont dans les causes qu3 nous avons mentionnées, et aussi dans la tendance de la part des assistants à venir en aide par des questions suggestives ou dirigeantes et par leur

disposition à transformer la moindre ombre de ressemblance à une coïncidence complète; cette considération suffit pour diminuer grandement la surprise qu’on éprouve en trouvant une ferme croyance à ces phénomènes en des personnes douées d’ailleurs d’un excellent jugement et de beaucoup de sagacité. »

On est surpris qu’après avoir lui-même rapporté ci-dessus, page 105, un exemple de ce qu’on est convenu d’appeler lucidité, l’auteur conclue ici que cette faculté n’existe pas. S’il entend dire que les yeux ne jouent aucun rôle dans ce fait, et qu’il n’y a pas clairvoyance ou vision exaltée, tout le monde sara de son avis; mais est-ce bien là sa pensée? L’explication qu’il donne plus haut touchant le sens musculaire, laisse supposer qu’il regarde le contact comme indispensable, et que ce que les somnambides disent voir est seulement senti par eux. L’interprétation de ce phénomène a déjà été bien des fois controversée, et tant que les observateurs ne tiendront compte que d’un petit nombre de faits, ils ne s’entendront pas. M. Carpenter affirme trop de faits pour qu’on doute de l’indépendance de son caractère; mais il est permis de croire qu’il n’a pas vu assez de cas pour former sa conviction sur tous les points qui font l’objet de ce débat.

M. Littré en prenant cet article sous son patronage, en accepte naturellement la responsabilité; c’est un acte d’adhésion implicite, qui nous vient en ligne droite de l'institut, et dont nous lui sommes profondément reconnaissants.

HÉBERT (de Garnay).

Le Gérant IIKRRRT (de Garnay).

INSTITUTIONS.

Société «lia .tlcNBiiérismc «le Paii^.

DES TABLES TOURNANTES ET DES DIVERS PHÉNOMÈNES QUI s’y RATTACHENT (1).

En prenant pour sujet de thèse le phénomène des tables tournantes, phénomène si controversé déjà quoique né d’hier, n’ai-je pas entrepris, moi homme de labeur, une tâche au-dessus de mes forces ? Certes, la tâche est rude, et si déjà vous ne vous étiez montrés bienveillants lors de mon premier examen, jamais, je l’avoue, je n’aurais osé aspirer à un grade supérieur. Et si je l’obtiens, ce grade, soyez per-

* suadés, messieurs, que j’en serai fier, mais de cette fierté qui oblige et élève le cœur vers le bien.

Les grandes découvertes scientifiques de la fin du dernier siècle et du commencement de celui-ci ont certainement une importance considérable pour l’humanité; mais elles sont purement physiques. La découverte de Mesmer n’est pas moins grande, et de plus elle est non-seulement physique, mais encore morale. Quoique niée ou encore méconnue, elle est appelée à jouer un rôle immense dans l’avenir de l’humanité. Et quelle force, en effet, pourrait être comparée à celle-là? Physique, elle agit sur les organes qu’elle répare; morale, elle agit sur l’âme, à laquelle elle fait croire, et qu’elle débarrasse de ses souillures !

Je parlerai brièvement de la rotation des tables et autres instruments. Je m’étendrai un peu plus sur le phénomène

(I) Abrigô d'une Thèse pour I’oblentlon du grade de membre titulaire présentée le 4 mai 1S54.

jomeXIV. — N° *07. — |0 mars 1S55. 5

des médiums. Je terminerai par l’exposé fies principales expériences que j’ai laites, après quoi je poserai des conclusions.

Du mouvement et du langage des tables.

Depuis le mois de mai dernier, je me suis occupé avec soin du phénomène de la rotation des tables, non par désœuvrement, mais parce qu’il m’a paru présenter des effets dignes d’étude. Je ne prétends pas résoudre le problème, mais poser seulement une pierre à l’édifice mesmérien.

En général, les personnes qui réussissent le mieux à faire tourner les tables, sont les somnambules. Viennent ensuite celles à tempéraments nerveux et sanguin.

Nous avons remarqué que lorsque ces derniers actionnent une table, leur pouls s’accélère. Il y a des personnes qui, malgré toute l’énergie de leur volonté, ne peuvent obtenir aucun résultat. C’est que beaucoup ne possèdent de l’agent producteur que juste ce qu’il faut pour vivre. Ainsi les êtres qui s’affaiblissent en magnétisant sont inaptes à la production de la rotation des corps inertes. Je connais une famille dout les membres, quoique sympathiquement unis, sont dans ce cas.

Aujourd’hui, le public semble se partager en deux opinions parfaitement tranchées. Pour les u^s, la cause du phénomène est dans le fluide électro-magnétique; pour les autres, elle est dans les esprits.

J’ai cherché, par des expériences, à savoir ce qu’il pourrait y avoir de vrai dans chacune de ces manières d’envisager le phénomène.

J’ai remarqué que, dans une chaîne magnétique, si une ou plusieurs personnes étaient antipathiques, il y avait obstacle. Que d’autres, faisant éponge, prenaient le fluide qui était destiné à la table. Dans ce dernier cas, il n’y a qu’à attendre ; car, bientôt saturés, ces êtres restitueront ce qu’ils ont pris et la table tournera.

Que dire de l’antipathie, et comment la reconnaître ? J’ai opéré avec des personnes dont la figure était avenante et dénotait la santé, et rien ne s’est produit avec leur concours.

Ne pourrait-on trouver l’explication de ce fait dans une analogie de l’agent magnétique avec l’électricité, dont les pôles de nom contraire s’attirent et ceux de nom semblable se repoussent? (’.’est une hypothèse que je hasarde.

Lorsqu’on se trouve placé dans de bonnes conditions, avec une température variant de 15° à 25°, voici que l’on observe :

Après un laps de temps plus ou moins long, la table, saturée de fluide, fait d’abord entendre quelques craquements, puis des coups sourds, que l’on dirait frappés avec les doigts ou un morceau de caoutchouc ; puis vient la rotation et les oscillations sur l’un ou l’autre pied, suivant le commandement qui en est fait.

Beaucoup de personnes croient qu’une volonté ferme et soutenue est nécessaire à l’obtention du phénomène. Je reconnais l’influence de la volonté; mais je puis affirmer qu’elle n’est point indispensable : j’ai obtenu le fait sans son concours. Les personnes possédant le plus de fluide attirent la table à elles ; en émettant leur volonté, elles peuvent lui imprimer telle ou telle direction et se faire obéir.

Du mouvement des personnes.

La même action exercée sur des personnes y détermine des effets analogues, mais plus prompts et plus énergiques que sur les meubles. A l’appui de cette opinion, voici un fait qui s’est passé chez moi.

Un de nos collègues ayant appliqué ses mains sur les omoplates de M. ***, le fit tourner malgré sa résistance. Attentif à ce qui se passait en lui, M. *** nous a déclaré avoir ressenti d’abord dans la tête un mouvement giratoire qui bientôt avait gagné le corps et l’avait contraint d’obéir.

Soumis à l’action magnétique, certains sujets éprouvent des effets identiques à ceux des tables ; comme celles-ci, ils répondent par des coups frappés ou de toute autre manière convenue. J’ai été plusieurs fois témoin de ce fait.

Par exemple, on actionne un bras que le sujet tient hori-

zontalement étendu sur une table. Aux questions posées, telles que celles-ci :

«Combien ai-je de pièces de monnaie sur moi? Quel est mon âge? Dites l’heure it ma montre, »

La main se soulève et frappe un certain nombre de coups

• en réponse. Comme avec les tables, ces réponses sont parfois justes, le plus souvent fausses.

Dégagé, le sujet n’a pas souvenir tle ce qui s’est passé.

Des médiums.

Des personnes douées de cette faculté croient que des esprits leur apparaissent et qu’ils nous parlent par leur intermédiaire.

Assistons à une séance de ce genre.

Les spectateurs forment la chaîne, soit en se tenant par la main, soit de toute autre manière, après quoi chacun se recueille pendant environ dix minutes, ainsi que le médium, qui, resté isolé de tous, fait alors une prière mentale ou orale, en suite de laquelle il invite quelqu’un it faire une évocation dont voici la formule :

« Au nom de Dieu, esprit de...., manifeste-toi parmi nous ! »

Après quelques instants d’un silence absolu, le médium éprouve une secousse plus ou moins forte, tantôt dans un bras, tantôt dans le tronc, etc., secousse qui le fait bondir sur sa chaise comme s’il était poussé par un ressort, ou lui imprime des mouvements en tous sens.

La différence des sensations est due, suivant eux, à la différence des esprits. Ce qui ne m’est pas prouvé du tout, puisque, ayant évoqué trois fois le même esprit, chaque fois le crisiaque a été impressionné d’une manière différente. J’ai évoqué dos êtres imaginaires, et le sujet s’est livré à. des mouvements extravagants. Bien plus, j’ai déclaré faire une évocation que je n’ai point faite, ce qui n’a pas empêché le médium d’éprouver une secousse et de voir même l’esprit que je n’avais pas appslé. Au surplus, j’ai remarqué que

chaque évocateur faisait éprouver aux médiums des effets différents, bien que l’esprit évoqué fût le môme. I)’où je conclus que c’est en nous que réside la cause de la sensation, et non aux esprits quels qu’ils soient, en supposant qu’on en admette.

J'ai demandé si l’on pourrait de même évoquer l’esprit d’une personne actuellement existante, et il me fut répondu affirmativenent.

« Dans ce cas, observai-je, que deviendra la personne dont l’esprit sera parmi nous !

« — 11 y aura absence d’esprit. »

J’avoue que j’ai été tenté de croire que l’interlocuteur se trouvait précisément dans ce mauvais cas.

En général, tous ceux qui croient à l’intervention des esprits ont une doctrine différente. Et cependant, pour chacun d’eux, l’esprit qu’ils évoquent est infaillible. Jésus est Dieu pour les uns ; pour les autres, c’est un homme qui a reçu une mission divine.

Je connais un jeune homme de province auquel l’esprit de Socrate a révélé qu’il y avait un enfer. Paul Louisy, dans son livre intitulé Lumière, affirme qu’il n’en existe pas. Il admet que l’homme a deux âmes (il est généreux) ; que l’amour, la foi, ainsi que toutes les vertus et les bons penchants, sont des esprits supérieurs et de lumière; les mauvais penchants forment les esprits inférieurs ou de ténèbres. En résumé, l’auteur spiritualise tout, les facultés phrénologiques, les vertus théologales, les péchés capitaux, etc. ; c’est un panthéon en miniature. 11 attribue aux esprits la rotation et le langage des tables, bien qu’il pense que la chaleur accélère le mouvement, tandis que le froid le paralyse, « par la raison que la chaleur est un principe de vie et le froid un dissolvant. » Dans ce cas, comment les esprits pourraient-ils traverser les couches froides d’air raréfié pour arriver dans les tables ?

Contrairement à Victor Hennequin, il soutient que l’àme de la terre n’existe pas, quoiqu’il admette un esprit des mondes.

Les uns croient à l’immortalité de l’âme individuelle, les autres à son immortalité collective, d’autres encore à. sa migration et admettent la métempsychose. Nous connaissons un de ces derniers qui se rappelle avoir été le bon Larron, le grand Condé, etc. Le vendredi-saint, il fait des contorsions étranges et son corps prend pour quelques secondes l’attitude d’un crucifié.

Ce médium évoque souvent l’esprit d’un certain Javary, celui de tous ses esprits familiers qui l’influence «au plus haut degré. Ce Javary était de son vivant animé par l’âme de Jésus, et sa somnambule par celle de Jeanne d’Arc, ce qui leur permettait de faire beaucoup de miracles dont personne n’eut jamais connaissance.

Un soir que j’assistais à une séance chez le grand Coude, la somnambule de notre hôte évoqua l’esprit d’un nommé Charles. Le grand Condé que vous connaissez fit un bond sur sa chaise, ce qui, pour les assistants, était la preuve que l’esprit évoqué était descendu parmi nous. A ce moment notre somnambule tomba en extase. Grand ravissement de la part des croyants, tout annonçant quelque révélation imminente. On éteignit les lumières et un grand silence se fit. Pendant ce temps, l’extatique revint au somnambulisme. Le grand Condé lui fit alors les questions suivantes :

« Est-ce bien l’esprit de Charles qui est parmi nous?

« — Oui.

« — Le voyez-vous ?

« — Oui. »

Pendant ce dialogue, un faible bruit se faisait entendre dans un placard de l’appartement.

« Charles, est-ce toi qui t’annonces par ces petits coups ? »

Et le bruit continuait.

« Charles, au nom de Dieu, si c’est toi qui es là, frappe huit coups très-distinctement. »

Les oreilles tendues, c’était à peine si l’on osait respirer; cependant le bruit se répétait toujours de même : Toc, toc,

/oc. La somnambule finit par dire que Charles ne se ferait pas entendre autrement.

Le lendemain, j’entendis un bruit semblable dans ma cuisine. Comme je n’avais évoqué l’esprit de qui que ce fût, je l’attribuai à l'insecte ciseleur qui fait sa résidence dans nos meubles.

Ce fait me rappelle la mystification des exorcistes de Lou-dun par le comte de Lude.

L’état dans lequel entrent les médiums n’est, croyons-nous, qu’un degré différent du somnambulisme et de l'extase artificiels, et soumis dès lors aux mêmes lois ; il parait avoir pour cause déterminante tantôt la magnétisation étrangère, directe ou indirecte, tantôt la réaction du sujet sur lui-même ou au-tomagnétisation. 11 y a même des êtres qui entrent en crise en faisant les cartes, ce qui expliquerait la célébrité de M11* Lenormand et la confiance que certaines gens avaient dans ses oracles. La Bible, l’antiquité païenne et l’histoire sont remplies de faits dont la cause, connue ou non à ces époques reculées, nous est révélée par la découverte de Mesmer.

l’ar expérience, nous maintenons que les prévisions, révélations , etc., obtenues à l’aide des tables ou même des médiums, sont inférieures à celles obtenues par de bons somnambules, en ce qui peut se contrôler toutefois.

Des procédés.

Je passe maintenant à la description des procédés dont je me suis servi.

A l’origine de la découverte, je fis comme tout le monde, j’essayai d’obtenir le phénomène nouveau, sans oser croire à sa réalité, tant il me paraissait en dehors des lois naturelles connues. Il avait d’ailleurs contre lui des illustrations scientifiques.

■le me conformai d’abord aux procédés usités alors, faisant la chaîne par la superposition des petits doigts, et nous obtînmes la rotation. J’abandonnai bientôt ce procédé vicieux, auquel j’avais reconnu l’inconvénient d’influencer trop di-

rectenient les personnes sensibles à l’action magnétique. Je rompis la chaîne, et chacun, les mains posées à plat sur la table, ne communiquait plus que médiatementavecses voisins.

Je n’observai aucune différence dans le temps employé dans ces deux manières de procéder.

¡Malgré la réussite de ces tentatives, ou peut-être à cause d’elle, je doutais encore.

Afin de m’édifier sur ce qu’il pouvait y avoir de vrai au fond de tout cela, je m’adjoignis deux personnes dont la bonne foi m’était connue et chez lesquelles j’avais cru remarquer une puissance plus grande. La table qui servit cette expérience était en acajou, cinq rallonges, et du poids de quarante-cinq kilogrammes environ. Je la couvris de sciure de liège, afin que les doigts ne pussent lui imprimer de mouvement. Malgré ces précautions et son poids, la table se mut au bout de douze minutes, sans déplacement de la sciure.

Désormais il ne m’était plus permis de douter, et j’étais édifié sur la justesse de l’opinion des antagonistes du mouvement des tables et la valeur des explications qu’ils en donnaient.

J’ai vu depuis des tables se soulever sous les mains d’un seul opérateur.

Le 26 février, opérant en compagnie de notre collègue M. Menouillard et de son fils, le petit guéridon que la Société a fait construire pour ces essais tourna en six minutes. Un thermomètre placé sur la table accusa 12° ; placé sous la main de l’un de nous, il monta à 25°.

Ce guéridon fut ensuite couvert de sable très-fin, de manière que les mains ne pussent adhérer au bois. L’expérience recommença. Après quinze minutes d’attente vaine (le thermomètre marquait 20“), je retirai le sable, et la rotation avait lieu après deux minutes.

Enfin, je couvre la table d’un linge mouillé. Elle tourne trois fois dans l’espace de dix-sept minutes.

Débarrassé etséché, leguéridonatournéaprès trois minutes.

Des feuilles de plomb très-mince, puisdu verre h vitre interposés, ont également empêché la production du phénomène.

Le 29 mars, j’ai continué mes expériences avec M. Bar-tin (1). C’est le plus puissant expérimentateur que j’aie vu. De son aveu, il y a des jours que ses meubles ainsi qu’une cloison voisine de son lit font entendre des craquements qui feraient croire à leur dislocation complète. Ce jeune homme attribue ces bruits aux esprits.

Après en a\oir obtenu l’autorisation de M. Burtin, j’attachai au gros orteil de chaque pied un fil de laiton dont l’extrémité libre aboutissait à une dissolution saline de deux kilogrammes environ de sel marin pour quatre litres d’eau. Dans cette position, je le priai de placer ses mains sur la table recouverte d’une feuille de papier.

La surprise de M. Burtin fut grande de ne pas voir la table tourner.

J’enlevai le papier et le remplaçai par du sablon. Môme résultat, c’est-à-dire pas de mouvement.

Dans sa naïve créduUté, ce jeune homme me dit que le papier et le sable ne plaisaient point aux esprits, et que d’ailleurs il sentait àses jambes que la table ne tournerait pas.

Je débarrassai le sujet des fds de laiton, je nettoyai la table, et après deux minutes elle se mit en mouvement. Cette table est celle de quarante-cinq kilogr. dont il a été parlé.

L’expérience ci-dessus décrite me fut suggérée par le souvenir d’un fait à peu près semblable rapporté par M. du Potet (2).

Voilà pour le mouvement des tables.

Voici maintenant une expérience relative aux réponses faites par les mêmes objets, et que j’ai répétée plusieurs fois :

Ayant écrit sur un morceau de papier un nombre connu de moi seul, je pliai soigneusement ce papier et le posai sur la table. Interrogée, elle se trompait sur le nombre écrit. Ma main posée sur la table et celle-ci interrogée de nouveau, la réponse était juste.

(1) Voir Journal du magnélitme, n° du 10 mars 1854, page 153.

(2) Voir io Manuel de l'Étudiant magnétiseur, 5e édition, p. 108 il 111.

llémmê.

D’après ce qui précède, nous avons vu que relativement

la rotation des tables , le succès est dû à l'action de certaines personnes d’abord, ensuite à des conditions physiques encore peu connues, mais au nombre desquelles on peut ranger dès à présent une certaine élévation de température. De même que l’insuccès peut être attribué à des personnes d’un tempérament différent de celui des premières, ainsi qu’à des agents physiques tels que le froid, l’humidité, le sable,, le verre, le papier, le plomb, le sel, etc.

Conclusion.

De tous ces faits et de bien d’autres du même genre, peut-on conclure que la cause du phénomène et par suite le phénomène lui-même soient purement physiques ? Mais alors, comment expliquer les preuves d’intelligence obtenues dans ces expériences ?

Faut-il l’attribuer à des esprits vivant en dehors de l’humanité? Dans ce cas, comment expliquer l’insuccès dû aux agents physiques?

L’extrait suivant, d’un Mémoire lu dernièrement à la Société par M. Arnette, me semble répondre aux questions que je viens de poser et servir de conclusion à mon travail :

«.....Je sais bien que l’on m’objectera, à l’appui de la

croyance aux esprits, que les réponses obtenues de tables ou de médiums, sont en opposition avec la pensée ou au-dessus des connaissances des personnes présentes. A cela je réponds que nos idées d’hier ne sont pas celles de demain, lesquelles ne nous sont point encore connues, quoique en germe cependant dans notre intelligence. Supposez-le Giotto gardant, toute sa vie des troupeaux, est-ce que ses merveilleuses facultés artistiques n’en auraient pas moins existé? Elles fussent restées enfouies dans son cerveau, voilà tout. Il en est de même de toutes les facultés humaines. Que de trésors ignorés le nouveau phénomène pourra dévoiler un jour! Science infuse ! idées innées! criera-t-on. Qu’importe. J’aime

micuv croire aux trésors intellectuels de l’esprit humain se manifestant d’une manière insolite, que d’admettre gratuitement je ne sais quels êtres fantastiques. Le magnétisme n’a pas dit son dernier mot, ses lois nous sont encore inconnues. Le champ est à peine exploré, que déjà on le déserte pour courir après une chimère.

« Si la cause du phénomène était en dehors de nous, il ne serait pas nécessaire de se mettre dans de certaines conditions pour l’obtenir, et surtout ce ne serait pas un privilège accordé à quelques-uns. Tout le monde obtient de l’électricité avec une machine électrique. Jusqu’ici on avait attribué à une organisation spéciale les facultés somnambuliques et extatiques, et l’expérience prouve la justesse du raisonnement. Les médiums ne viennent pas renverser la loi. 11 en est de même des tables, leurs mouvements et leurs réponses dépendent de la présence de certaines personnes. Sont-ce des esprits qui révèlent aux somnambules et extatiques la connaissance de faits ignorés ou éloignés; qui font de celui-ci un musicien, un philosophe, un politique, etc., bien qu’il soit très-ignorant à l’état normal? Sont-ce des esprits qui interviennent dans le phénomène de la transmutation des objets que l’on magnétise intentionnellement? 11 serait téméraire de l’affirmer, car il est impossible de justifier cette affirmation, (’.’est une hypothèse, dit-on, à l’aide de laquelle on peut expliquer le phénomène en question. Mais sur quoi repose-t-elle cette hypothèse? sur les hiérarchies théogo-niques. Ce n’est pas une nouveauté.

« Une autre hypothèse a été proposée. C’est celle qui attribue à l’âme des morts les réponses faites par les tables et les médiums. Si l’âme est un pur esprit et qu’il lui soit donné de commercer avec les vivants, elle doit au moins le faire à l’aide d’un moyen qui lui soit propre. Car tout est réglé dans la nature, rien n’est livré au hasard. Or, en voyant une table se soulever, n’est-on pas amené logiquement à reconnaître l’intervention d’une force purement physique? Ainsi voilà l’âme, pur esprit, agissant absolument comme la matière.

« Je suis loin de nier l’existence de l’âme et son immortalité ; je l’affirme au contraire. Quant à son commerce avec nous lorsqu’elle est séparée du corps, il n’est pas suffisamment prouvé, et j’ai trop bonne opinion d’elle pour admettre qu’elle se serve du moyen ridicule de communication qu’on lui prête. 11 serait plus logique, suivant nous, d’attribuer la production du phénomèue à l’âme pendant son union avec e corps, al ors qu’elle commande aux forces physiques et in-

tellectuelles qui nous sont dévolues ot dont les effets tombent sous nos sens. Dans ces forces, il y en a qui n’ont point encore été étudiées ou qui ne l’ont été qu’imparfaitement, témoin le magnétisme, (les forces sont de deux ordres, physiques et psychiques. Jecrois que là seulement réside la cause du phénomène des tables, des médiums, des somnambules et extatiques, etc., et qu’on fait fausse route en la cherchant ailleurs. »

Je suis heureux de pouvoir citer encore l’opinion d’un jeune savant dont la plume élégante est bien connue. Voici comment s’exprime notre collègue le Dr Léger, dans une note qu’il a mise à mon travail :

« Les facultés de l'homme sont inconnues dans leur dynamisme essentiel, et nous ne voyons pas pourquoi on irait chercher des forces ou des entités en dehors de nous pour expliquer des phénomènes qui tombent sous nos sens, quand nous ne connaissons ni l’étendue ni la limite de nos facultés. Invoquer des esprits ou des êtres en dehors de nos relations pour expliquer ces faits ne me paraît en aucune façon nécessaire, dès que les facultés dynamiques de notre organisation n’ont pas de limite déterminée. Ces faits dépassent notre science actuelle; mais, dans un temps donné, le progrès doit nous mener à leur solution. Quelle que soit l’excentricité d’un fait, cette excentricité ne saurait être que momentanée ; le temps est la puissance qui nous mènera à la connaissance de ses causes, ou le monde changerait de nature et passerait à une organisation supérieure. Quant à présent, je ne saurais croire qu’à des causes physiques inconnues encore, mais non à des esprits. »

Telle est, chers collègues, ma manière devoir à l’égard des faits complexes dont l’étude vous occupe, j’espère que l’analyse à laquelle je me suis livré simplifiera la question, et qu’à ce titre vous voudrez bien lui faire un accueil favorable.

OGIER.

VARIÉTÉS.

Revue «le« Journaux. — Un journal catholique Y Ami de la Religion, qui s’est jusqu’ici montré plutôt hostile que favorable au magnétisme, vient de prendre une attitude toute contraire en publiant, dans son numéro du 29 janvier, l’analyse d’un ouvrage intitulé le Magnétisme expliqué par lui-tnême. L’auteur de cet article, M. l’abbé Coignat, admet nettement le principe de la science, et ne fait de réserves que pour les appréciations qui sont contraires à ses croyances comme prêtre.

— L’Union de ces jours derniers relatait le fait de prévision suivant, dont nous enregistrons chaque année des exemples :

« Il y a quelques jours, dans une commune du Dauphiné, un conscrit s’approche de l’urne du sort et fait le signe de la croix avant d’y plonger la main. Ce témoignage de foi chrétienne est accueilli par des éclats de rire que le sous-préfet réprime aussitôt en disant à la jeunesse qui l’environne, qu’il n’y a rien de risible à ce l’homme recoure aux actes religieux dans les circonstances importantes de sa vie. Le maire appuie les paroles du sous-préfet, qui présidait la séance, et tous deux vérifient ensuite le billet du conscrit : il avait amené l’avant-dernier numéro. »

nécrologie. — On lit dans la Gazette de Lyon, citée par le Journal des Débuts du 5 mars.

« Un sieur Waldener, plus connu sous le nom de Fritz, compromis dans les troubles de la Croix-Rousse et gracié depuis, vient de mourir à Essequebo, ancienne colonie hollandaise, appartenant aujourd’hui à l’Angleterre. Il laisse à ses parents un héritage des plus considérables gagné par lui en quelques années en donnant dans le pays, conjointement avec une somnambule, des consultations magnétiques dont la moindre n’était jamais payée moins de 80 à 100 fr. »

BIBLIOGRAPHIE.

LA THÉORIE DES RELATIONS considérée comme base de la science et du progrès actuel, par M. l’abbé Caupert, professeur de philosophie au grand séminaire de Versailles. 1 vol. in-8. Paris, Méquignon, 1852.

Nous avions annoncé, dès l’année dernière, que nous rendrions compte de l’ouvrage de M. l’abbé Caupert. Si nous avons quelque peu tardé îi remplir notre engagement, c’est que le livre de l’abbé Caupert n’est point de ceux que l’on puisse se permettre de traiter légèrement, et d’analyser avec le pouce, suivant l’expression de Montaigne.

L’œuvre du savant professeur, de la plus haute portée philosophique dans son ensemble, a en outre un intérêt tout spécial par la place importante qu’il y donne à ses recherches et à ses études sur le magnétisme humain ; de plus, le caractère particulier dont est revêtu l’auteur, la position éminente qu’il occupe dans l'enseignement ecclésiastique, la nouveauté des idées physiologiques émises dans cet écrit spécialement destiné au clergé, et auxquelles nous sommes heureux de le voir s’initier de plus en plus chaque jour : toutes ces causes réunies étaient autant de titres à un examen sérieux, à une étude approfondie et à une analyse consciencieuse de la Théorie des relations. C’est ce que nous avons essayé de faire avec toute l’impartialité et le soin dont nous sommes capable.

Ce n’a pas été, toutefois, avouons-le, un travail exempt de difficultés, que celui de chercher à distinguer toujours, dans cet ouvrage protéiforme, l’intention du philosophe à côté delà réticence du prêtre; d’apprécier la formule du penseur convaincu, au milieu du réseau de circonlocutions et de précautions oratoires dont l’idée est presque toujours enveloppée; enfin, de découvrir d’une manière évidente la proposition

acceptable de celle qu’il faut rejeter, et la vérité que nous devons applaudir, de l’erreur qu’il importe de combattre. En un mot, disons-le ici tout d’abord, et afin de résumer sommairement notre opinion générale sur l’ensemble de la Théorie des relations, c’est l’œuvre d’un esprit élevé, convaincu, ami de la vérité et avide de la dire ; mais dont la plume, enchaînée par la robe qui lui commande, ne peut laisser échapper la moindre hardiesse consciencieuse sans qu’aussitôt elle ne fasse apercevoir le lien de convention qui l’entrave; et il est évident pour nous que c’est elle qui lui impose des contradictions qui doivent coûter à son amour-propre de logicien ou des démentis qui ne doivent pas moins affliger sa loyauté d’écrivain sincère.

L’ouvrage de l’abbé Caupert, précédé d’un aperçu général fort remarquable et qui expose très-clairement l’objet et le but qu’il se propose, est divisé en trois chapitres principaux : le 1", delà Nature; le 11“, de l’Homme; le 111°, de Dieu.

Passant rapidement sur ce qui est purement théologique et d’enseignement canonique, nous nous sommes attaché particulièrement à extraire de chacun de ces chapitres tout ce qui se rattache à la question du magnétisme humain, traitée avec tant de profondeur par un des membres les plus importants d’un corps qui aurait dû, dès longtemps, se placer à la tête d’une science dont le maniement lui a, dans l’antiquité, presque exclusivement appartenu, et au milieu duquel le savant professeur du grand séminaire de Versailles se distingue, dans cet écrit remarquable, par une grande sincérité, une modération exemplaire, une convenance parfaite, ainsi que par les justes et fondamentales concessions auxquelles a droit, depuis si longtemps de la part de l’ordre auquel il appartient, l’évidence des vérités dont nous nous sommes faits les apôtres.

La définition de son livre, M. Caupert nous la donne en trois lignes ; la voici :

« La théorie des rapports, dit-il, c’est la science expérimentale du progrès moderne dans ce qu’elle a de plus phi-

losophique et île plus secret; c’est là le point de vue où la philosophie doit se placer pour bien apprécier tout ce qui se présente de nouveau dans le inonde des intelligences. »

Cette définition, qui n’en est pas une tant elle est abstraite, reçoit elle-même heureusement un peu plus loin une explication qui commence à éclaircir tout ce qu’elle renferme de nuageux.

« Cette théorie, ajoute-t-il, unit par un lien secret, mais réel, les choses et les idées; car le monde intellectuel a son magnétisme, non moins que le monde physique; et dans cet univers éminemment perfectible, nous pouvons pénétrer chaque jour de nouveaux rapports et agrandir la sphère de nos connaissances à mesure que nous suivons le cours du temps. La société n’est pas, ne peut jamais être stationnaire, il faut qu’elle marche en avant ou en arrière, qu’il y ait toujours décadence ou progrès; et de fait il ne se pa^se guère de jour qui ne voie éclore quelque découverte, et cha-

3ue découverte passant tôt ou tard des idées aux faits, ou e l’individu à la société, vient l’enrichir de nouveaux avantages ou d’un nouveau bien-être. »

Voilà qui est plus clair et commence à devenir suffisamment explicite : le mot de magnétisme, on le remarquera, se trouve déjà prononcé, et dès 1« début de l’ouvrage et dans la définition même de son essence ; mais allons plus loin, et elle va se compléter elle-même.

« Les relations entre tous les êtres créés sont infinies, et nous pouvons dire que chaque pas que nous faisons, que chaque découverte qui surgit au milieu de la société n’est qu’une relation nouvelle saisie entre plusieurs êtres, et dérobée au silence mystérieux dont s’enveloppe la nature. »

Maintenant, nous le*demandons, n’est-ce pas là la plus belle, la plus simple et la plus nette introduction que l’on puisse faire à la théorie du magnétisme même? .Ainsi donc, notre grand principe, les relations entre tous les êtres créés sont infinies, est la base même sur laquelle s’appuie toute la théorie du savant abbé. Pour lui, comme pour nous, tout être créé est une cause, toute cause est une force ou une collection de forces douées d’activité à différents degrés actualisant

leur tendance, déterminant certains effets en rapport avec leur nature et constituant par là les lois naturelles. Ainsi, contrairement aux panthéistes, contrairement aux mallebran-chistes, l’enseignement religieux ne balance pas à placer, ainsi que nous, l’essence de tous les ùtres dans quelque chose de dynamique, tant pour les esprits que pour les corps. Nier cette force ou ces forces relatives à chaque être et subordonnées à sa fin spéciale, serait nier l’existence de ces êtres et tomber dans le spiritualisme de Berkeley ; dire que Dieu est cette force, ou que cette force est une manifestation divine, c’est professer le panthéisme, c’est affirmer que Dieu fait tout, que Dieu est tout, dans tous les êtres et dans chacun d’eux en particulier, et ce dogme est énergiquement repoussé par l'Église, qui défend d’attribuer au Créateur ce qui appartient aux créatures. Or, il y a dans les êtres un nombre infini de rapports dus à cet élément dynamique : Dieu seul les connaît; l’homme les ignore communément, et voilà pourquoi les découvertes rares, dues au hasard ou au génie de la science, ont été embrassées par les uns avec enthousiasme et combattues par les autres avec un acharnement qui tenait de la fureur.

« Pauvres mortels ! s’écrie l’abbé Caupert, attendez encore quelques jours, que Dieu laisse un rayon de lumière pénétrer dans votre esprit, et la vérité triomphera; alors surgira la loi bien simple qui occasionne et explique ces faits pour ou contre lesquels vous vous passionnez tant, et avec si peu de raison ; loi nouvelle, qui, tombant dans le domaine des sciences, fait connaître à l'homme les rapports qu’il ignorait naguère, lui met eu main la clef de la nature et lui découvre une partie de ses secrets. Et cette découverte récente, fécondée à son tour par le génie de l'homme ou par de nouvelles inspirations d’en haut, deviendra peut-être le premier anneau d’une chaîne immense d’autres vérités qui plus tard coustitueront une science entière. 11 y a tout un passé à faire renaître et un avenir à fonder ou à faire valoir; il y a des secrets qui furent et ne sont plus ; il y en a d’autres qui ne sont pas arrivés, mais dans le cercle des faits possibles, et les laits déjà obtenus en. présagent d’autres que le ciel nous cache derrière ses voiles impéné-

trahies. Los hommes, il est difficile de le nier, el un certain nombre de monuments échappés à la faux du temps le confirment, les hommes des temps qui ont précédé le Christ paraissent donc avoir eu sur l’ordre naturel et divin des connaissances qui échappent à tous nos moyens d’analyse, et que n’a pas daigné encore nous apprendre la suprême sagesse. Un grand nombre de philosophes de nos jours pensent même, et de ce nombre est le célèbre Père Lacordaire, que cette puissance prodigieuse n’est pas absolument perdue, et qu’elle se manifeste naturellement dans certains états transitoires où l’âme peut se trouver. »

Il est impossible, ce nous semble, d’être un plus fidèle organe de nos propres opinions, et d’établir d’une façon plus catégorique le principe, les causes et les effets, la naissance et l’avenir du magnétisme humain, ainsi que du somnambulisme magnétique et de ses plus éclatants phénomènes. On croirait ces lignes échappées de la plume de Deleuze ou de Puységur.

Après cet exposé philosophique, si clair, si lucide, de notre doctrine, l’auteur, entrant dans le vif de la matière, pose et résout très-nettement la grande question physiologique du fluide nerveux ou principe vital. Rejetant l’opinion qui fut partagée par Aristote et par saint Thomas, qui ne voulaient voir dans la vie qu’une propriété ou une action particulière de l’âme, représentée par trois manifestations différentes, selon qu’elle produit des phénomènes intellectuels, sensibles ou vitaux , l’auteur n’admet pas davantage le sentiment de quelques-uns des philosophes modernes, tels que De Maistre, Tandel et Ubaghs, qui regardent le principe vital comme une seconde âme, moina parfaite que l’âme raisonnable, mais esprit comme elle.

L’abbé Caupert se range à l’opinion de ceux dont nous faisons aussi partie , qui regardent la vie comme un principe matériel très-subtil et analogue aux fluides électrique, galvanique, calorique, etc. ; et pour soutenir son système, il emploie, entre autres, un argument fort remarquable dans sa bouche.

« Si l’on nous objectait, dit-il, que la sainte Ecriture ne

fait nulle part mention de cette troisième substance (l’âme et le corps sont les deux premières), nous dirions pour toute réponse qu’elle ne parle pas non plus de l’existence du Nouveau-Monde, ni des découvertes de l’astronomie. »

Et c’est cependant cette malheureuse objection du silence des Écritures qui arrêta jadis l'essor de tant de grandes vérités ; qui menaça Galilée du bûcher et fit tant de martyrs des sciences et de l’intelligence. C’est elle qui, dans le siècle dernier, s’opposa avec tant de passion au magnétisme renaissant , et qui de nos jours encore , chez quelques membres du clergé moins consciencieux ou moins éclairés que l’abbé Caupert, sert à le battre en brèche auprès des ignorants ou des timides. Quant au savant abbé, il l’avoue lui-même avec cette haute loyauté quil’honore tant à nos yeux, après avoir pendant trois ans entiers nié et combattu le magnétisme, ou électrisation humaine, c’est le nom qu’il lui donne et sur lequel nous ne le chicanerons pas, il crut, pour l’acquit de sa conscience et de sa raison, devoir soumettre cette science nouvelle à une étude sévère, à un examen expérimental , d’oit il résulta pour lui une constatation tellement abondante de faits positifs, incontestables, qu’il se déclare convaincu et croyant, et ne s’occupe plus que de rechercher quelles limites rationnelles la prudence ordonne d’imposer à cette croyance.

Avec un adversaire de cette trempe, la discussion est facile, on est sûr qu’elle ne s’égarera pas dans les faux-fuyants de la chicane, et d’ailleurs l’abbé Caupert n’est pas un adversaire pour nous ; c’est un membre de la même doctrine, sur quelques points de laquelle nous pouvons bien n’être pas d’accord, mais que nous devons, dès lors que nous nous entendons sur la base fondamentale du principe, étudier, analyser et discuter ensemble.

Suivons-le donc pas à pas sur ce terrain brûlant où lui-même ne s’avance plus qu’avec une certaine réserve, et voyons s’il a dit tout ce qu’il pouvait, ou seulement tout ce qu’il devait dire.

Et tout d’abord, rendons justice à l’appréciation saine et

judicieuse qu’il fait des obstacles qui sc sont élevés et s’élèvent encore contre le magnétisme.

« Ces obstacles, dit-il, proviennent principalement de trois sources, savoir : de l'ignorance, des préjugés, et de la nouveauté an moint apparente de celte découverte.

« L'ignorance. — Si la pratique de l’électrisation humaine n’exige ni études ni connaissances préliminaires, il n’en est pas de môme de sa théorie, ou de l’explication philosophique et satisfaisante qu’on peut en donner. Nous l’avons dit, plus une question est compliquée et renferme de relations, c’est-à-dire de causes et d’effets, plus il faut y apporter de lumières et réunir de connaissances pour l’embrasser dans toutes ses parties. La question de l’électrisation humaine est de ce genre; tous ceux qui voudront l’analyser sans de longues et fortes études préliminaires ne pourront que tomber dans de grands et nombreux égarements. Les données fournies en même temps par la science, la raison et la foi, nous paraissent indispensables pour étudier et expliquer convenablement une question si épineuse. On comprendra l’importance de cette remarque, si l’on considère que certains fluides impondérables très-subtils, et l’âme humaine, considérés dans tous leurs rapports, paraissent jouer ici le rôle principal. »

Nous croyons surabondant de compléter la pensée de l’auteur en faisant remarquer que lorsqu’il dit que « la pratique de l’électrisation humaine n’exige ni études, ni connaissances préliminaires », il ne veut parler que de la possibilité physique de magnétiser prise d’une manière générale, mais non de la pratique comme moyen curatif, ou servant à faire naître et développer les phénomènes du somnambulisme. En effet, chaque personne douée par son organisation d’une puissance suffisante, peut, sans nul doute, on lésait, exercer l’action magnétique; mais ce ne serait pas toujours sans de graves inconvénients et des dangers sérieux que cette action serait pratiquée par des mains ignorantes et dirigée dans l’un des deux buts que nous venons d’indiquer.

« Préjugés. — En dehors, et antérieurement à toute découverte, il est des croyances communes, des habitudes intellectuelles qui ont jeté de profondes racines ; et quelle répugnance n’éprouve pas le sentiment universel pour se rap-

procher des résultats nouveaux de la science ! Qu’on en juge par l’histoire de la question présente. A en croire certains auteurs, il fallait regarder le mesmérisme comme la médecine universelle et comme la clef mystérieuse de tous les phénomènes naturels; d’autres, au contraire, se croyant en possession de toute science et de toute vérité, ont répondu

ii cette prétention par le dédain et le sourire, et quand 011 a voulu leur proposer de voir, ils ont détourné la tête et refusé de voir la lumière.

« C’est que la saine et calme raison n’était ni d’un côté ni de l’autre; c’est que l’enthousiasme des fanatiques, de môme que l’hostilité aveugle et quand môme des adversaires, sont des mobiles également faits pour entretenir les esprits loin de la vérité. »

Ceci, nous l’avons dit depuis longtemps : les enthousiastes passionnés du magnétisme ne sont pas ceux qui lui ont été les moins funestes; mais cet enthousiasme n’était, il faut le dire aussi, que la conséquence de l’acharnement apporté à l'attaque, et la passion s’en mêlant, il était bien difficile que l’on fût juste d’un côté ou de l’autre; mais maintenant que les esprits sont plus calmes, le jour se fait partout, sous l’empire de la raison et sous la direction de l’étude ; et nous n’en voudrions pour exemple que la définition même que nous donne du magnétisme l’abbé Caupert, son ancien ant :goniste.

« Nous entendons par électrisation humaine l’influence physique et morale que l’homme exerce sur son semblable, sur lui-même, sur les animaux, les végétaux, et en général sur toute la matière organique ou non organisée. Cette action, considérée seulement en nous, se compose d’une série d’effets ou phénomènes insolites, et par là même extraordinaires, que l’homme développe sur un autre homme avec plus ou moins de succès, selon les dispositions physiques et morales, dans lesquelles ils se trouvent l’un et l’autre placés. Ces phénomènes sont dus à différentes causes dont la première parait être un agent très-subtil, et connu dans la science sous les divers noms de fluide vital, nerveux, électrique ou magnétique; c’est ce fluide dont la nature nous échappe, mais dont on ne peut guère (ah ! M. l’abbé Caupert, ce gutre-lk est-il bien de vous?) nier l’existence, qui parait produire entre deux individus une influence réciproque ou une série de rapports inexplicables. La puissance de

cet agent est telle, d’après les partisans de cette théorie nouvelle, que, mise à la disposition et sous la direction de l’âme humaine, elle agirait à des distances considérables, opérerait des guérisons incurables par le secours ordinaire de la médecine, développerait des facultés nouvelles d’une manière prodigieuse, etc., etc. »

Nous le demandons de bonne foi, est-ce bien le temps conditionnel qui devait être employé dans cette dernière phrase? Cette tournure semble indiquer le doute, et le doute à l’égard des différents phénomènes, produits journaliers du somnambulisme, est-il permis à l’abbé Caupert, qui a étudié, expérimenté pendant deux années, et qui a amassé une masse (le faits qui ont fondé sa conviction ? C’est là une de ces mille contradictions dont fourmille son livre à mesure que le sujet devenant plus épineux pour son ancienne orthodoxie, il veut et n’ose pas toujours être lui-même de son avis. Cela est si vrai, qu’un instant après voici ce qu’il ajoute :

« Demander si l’électrisation humaine, et le somnambulisme qui l’accompagne quelquefois, existent, est une question qui ne peut être résolue que par les faits eux-mêmes ou par la discussion des témoignages qui les rapportent. Or, en partant de ce principe et en mettant de côté l’expérience personnelle que tout homme peut avoir en tout temps sur cette question, nous disons que celui qui, dégagé de tout préjugé, considère le nombre et la qualité des savants distingués qui, doués d’une raison froide et d’un esprit éclairé, s’occupent sérieusement de cette science à Paris, à Lyon, à Bordeaux, à Cherbourg, dans toutes, nos grandes villes, en Angleterre, en Prusse, en Allemagne, en Suède, en Russie, en Asie, en Amérique ; nous disons que celui qui considère cet imposant témoignage d’autorités dans les ouvrages publiés sur cette matière, ne peut révoquer en doute la réalité de l’électrisation humaine, et que nier une vérité si bien constatée serait ériger en dogme le scepticisme le plus universel sur tout ce dont nous ne sommes pas nous-mêmes les témoins. »

Ceci, du moins, est net et précis, et c’est bien l’abbé Caupert qui parle. La division en trois groupes principaux des nuances et des variétés dans les effets produits par le magné-

tisHie, quoique incomplète, n’est pas moins explicite ; voici comment il l’établit :

:l° Les phénomènes sensibles qui se manifestent sans sommeil;

2° Le sommeil magnétique lui-même;

3° Enfin, le somnambulisme.

Dans l’énumération des faits qui se rattachent à chacun de ces groupes, l’auteur constate tous les phénomènes physiques et physiologiques qui en constituent l’essence distincte, et dans le somnambulisme en particulier, considéré sous le double rapport physique et moral de 1 'électrisé, il admet tout ce que nous admettons :

« Affectibilité exquise, sensibilité exagérée ou insensibilité complète; vision toute particulière qui ne connaît d’obstacles ni dans l’opacité des corps, ni dans les distances; prévision intérieure et extérieure; communication de pensée, etc., etc. »

Mais, chose bizarre, après avoir manifesté son adhésion à ces faits, après avoir recherché et expliqué la cause physique et-naturelle des effets physiologiques de la magnétisation simple, c’est-à-dire celle qui n’amène point pour résultat le somnambulisme, il déclare que quant à celui-ci, tout en n’en contestant point les effets, il croit qu’il ne serait pas sans danger et sans témérité de vouloir se prononcer d’une manière absolue sur la cause ou les causes qui le produisent. 11 se borne en conséquence à mettre en regard les deux opinions adverses : l’une qui veut que le somnambulisme soit l’œuvre du démon, et l’autre à la tête de laquelle se trouvent des prélats romains, des grands-vicaires et des professeurs dans les grands et petits séminaires, et qui le considère simplement comme un mode de l’âme humaine , un état sui gcneris que l’ancienne et moderne philosophie a toujours supposé, et que peut facilement déterminer cet agent physique connu sous le nom de fluide nerveux, vital ou magnétique.

Et toutefois, après cet exposé, se sentant mal à l’aise dans l’indécision qu’il a d’abord manifestée entre ces deux opi-

nions si extrêmes et qui l'empêche de conclure, il formule discrètement la sienne sous une apparence générale, en s’appuyant des paroles de l’archevêque de Reims, dans son remarquable ouvrage intitulé : Théologie morale.

«Dans le doute, dit le savant prélat, si un effet doit être « regardé comme naturel ou diabolique, on doit le présumer « comme naturel. »

Puissent ces paroles si pleines de sens et de haute raison avoir parmi le clergé un écho dont il est si étrange qu’au XIXe siècle une science quelconque se trouve avoir besoin pour pouvoir être jugée par les seules lumières de l’expérience et de l’étude. C’est l’appréciation que nous avons toujours réclamée, que nous réclamerons sans relâche pour le magnétisme. Sa valeur morale, l’abbé Cauperl la lui assigne en le plaçant au rang de nos facultés naturelles, telles que celle de la parole, de l’éloquence, des arts, des sciences, en le déclarant soumis aux mêmes lois, entraînant les mêmes obligations, rien de plus, rien de moins ; de même qu’en physique, en chimie, en médecine, comme partout en un mot, le bien ou le mal moral dépend de l’usage que l’on fait de ces facultés et de la fin qu’on s’en propose.

Enfin il conclut par ces mots décisifs :

« Par conséquent, si, animé d’une intention droite, l’homme a de justes motifs d’user de ce moyen comme d’un remède ou d’un art dont il espère obtenir quelque heureux résultat , il le peut encore sans obstacles, la morale sagement entendue lui en donne le plein droit.«»

Nous sommés parfaitement d’accord avec l’abbé Caupert quant aux dangers de la pratique du magnétisme par des mains ignorantes ou malveillantes. Mais à qui la faute, si l’on ne s’occupe point de parer à ces dangers ? Est-elle à nous, qui demandons sans cesse que le magnétisme, admis à la place à laquelle il a droit parmi les sciences les plus élevées, soit étudié, réglementé et confié exclusivement à des mains capables, sérieuses, éclairées et consciencieuses ? Ou bien à ceux qui, soit en le niant, soit en le combattant

aveuglément et le traitant de charlatanisme, le condamnent en ell'et à rester à la merci du charlatanisme, de l’ignorance et de l’abus qu’ils en peuvent faire?

Résumons-nous. Nous croyons fermement que la mission des écrivains se rapporte particulièrement au travail des idées, aux développements de l’esprit public, la propagation des principes et des vérités essentielles à l’existence de la société et au bonheur de l’humanité. Nous croyons que, dans les temps où l’esprit public est saisi et entraîné par l’intérêt des grandes luttes scientifiques, il y a toujours utilité à préparer par l’étude, à éclairer par la discussion, à développer par l’expérience les progrès qui ne peuvent manquer d’occuper l’activité sociale quand les périodes de pratique succéderont aux époques de discussions et de théories. On a pu remarquer un besoin particulier à notre époque, réclamé, du reste, par un vœu universel assez hautement exprimé, celui de voir le jeune clergé initié aux études physiologiques, et de prévenir aujourd’hui plus que jamais le divorce qui menace de s’établir entre la science et la foi.

« Quelque vaste que soit la science sacrée, s’écrie le dernier « Concile provincial de Paris, les besoins de notre temps, « la direction imprimée aux esprits, la nécessité de les at-« teindre là où le courant du siècle les a entraînés, tout cela « rend indispensable quelques modifications dans les études « ecclésiastiques, qui doivent désormais contenir au moins « les éléments des sciences profanes. »

Ce vœu, qui avait été également émis par le dernier Concile provincial de Lyon, a été entendu. Des princes de l’E— glise, des évêques, des vicaires généraux, de savants professeurs y ont donné leur adhésion et l’appui de leur haut caractère. Les chaires de la Sorbonne, des basiliques et des séminaires ont enfin entendu la reconnaissance du magnétisme humain proclamée par des bouches aussi éclairées qu’éloquentes. Nommer les Gousset, les Gury, les Maupied, les Guillois, les Lacordaire, c’est dire assez. Ecoutez-les :

« Nous avons la confiance, dit l’abbé Maupied, professeur n d’Ecriture sainte à la Sorbonne et membre de plusieurs

« sociétés savantes, nous avons la confiance que les théolo-« giens qui voudraient peser les faits et les ¡ois physiques el « physiologiques que nous avons invoqués dans notre thèse « du magnétisme ne se hâteront pas de traiter de supersti-« tieiix et de diabolique ce qui peut, en définitive, s’expli-« qtier par les analogies des lois et des faits naturels connus. « Nous le répétons, ce sont des phénomènes naturels qui ne « peuvent être mauvais en eux-mêmes. »

« 11 y a sans doute bien des faits magnétiques qui tom-« lient dans le domaine de la jonglerie et du compérage, dit « le pieux et savant curé du Mans, l'abbé Guillois ; mais il « en est d’autres qui sont attestés par des hommes dont on « ne peut mettre en doute ni les lumières, ni la prudence, « ni la probité, et qui, quoique inexplicables, ne paraissent « pas sortir de la classe des faits physiques et physiologi-« ques. »

« Oui, disait, en 18A6, à Notre-Dame, le R. P. Lacor-« daire, l’homme plongé dans un sommeil factice voit à tra-« vers les corps opaques à de certaines distances, il indique « des remèdes propres à soulager ou à guérir les maladies ;

« il paraît même savoir des choses qu’il ne savait pas dans « l’état ordinaire, mais qu’il oublie à l’instant du réveil. »

Enfin le judicieux et docte archevêque de Reims, le cardinal Gousset, vient ajouter à ces témoignages le poids de sa science et de sa dignité :

« Les effets étonnants de l’électricité, les résultats non « moins frappants du galvanisme, les phénomènes physio-« logiques du magnétisme animal, n’ont jamais été des mira-(' des qu’aux yeux des ignorants. Sans en découvrir ou en « expliquer suffisamment la cause, l’observateur n’a jamais « douté qu’elle n’existât dans la nature, puisque les effets « répondent constamment et proportionnellement à des opé-« rations identiques et naturelles. »

En citant seulement des plumes ecclésiastiques et des noms si connus, nous pouvons nous considérer comme dispensé d’y ajouter d’autres témoignages que la scolastique du moyen-âge et la Légende-Dorée elle-même nous fourniraient nombreux et puissants. Nous ne parlerons donc que pour mémoire de saint Jérôme et de saint Clément de Rome, de saint Justin martyr, de Théophile d’Antioche, de Tertul-

lien, de saint Thomas, tic saint Grégoire-le-Grand, de saint Augustin, dont 011 dit qu’il valait à lui seul tout une école, lesquels admettent tous la divination, les sibylles, leurs prophéties, et, sans qu’ils lui donnent un nom spécial, cet état tout particulier du somnambulisme où l’âme se dégage momentanément de son enveloppe matérielle et accomplit des phénomènes dont ils ont été les témoins. Tous ces grands ou saints génies 11c diffèrent entre eux que dans la manière dont chacun cherche à expliquer, suivant une donnée naturelle, les faits extraordinaires qu’ils ont vus.

Nous serions bien en droit, peut-être, en nous appuyant de telles autorités, de demander comment il se peut que le magnétisme humain ainsi posé, défini et reconnu par tout ce qu’il y a de plus élevé et de plus respectable dans l’E-glise, ait trouvé et trouve encore tant d’opposants parmi les membres du clergé, alors qu’ils n’en ont cependant eux-mêmes ni étudié l’histoire, ni analysé les phénomènes, ni suivi la marche toujours progressive; alors qu’on pourrait avec justice leur appliquer ces paroles dont se sert l’abbé Caupert pour stigmatiser d’une manière générale ceux qui dédaignent ou négligent l’étude des vérités déjà découvertes ou à découvrir :

« La vérité, fille de la sagesse éternelle, demande du feu sacré dans l’âme qui la recherche; elle commande des études, des travaux, des sacrifices; et les esprits insouciants ou prévenus n’aiment que la vie commode, leur bien-être, la tranquillité de leur esprit et de leur corps, et se croient, à ce prix, amplement dédommagés des lumières dont ils se privent et de l’ignorance dans laquelle ils ont établi leur repos. »

Ne sont-ce pas là de beaux et nobles préceptes, et n’est-ce pas en même temps ou un blâme bien amer du dédain de nos adversaires, ou une terrible condamnation de leur injustice ?

Nous nous arrêterons là. Quelque incomplet que soit ce travail, nous croyons en avoir assez dit sur le remarquable ouvrage dont nous nous étions chargé de rendre compte

pour donner une idée de son importance aux différents points de vue d’où nous l’avons considéré, et nous terminerons cette étude du beau livre de l’abbé Caupert par cette dernière citation que nous lui empruntons :

« Quand il s’agit de science expérimentale, le seul parti à prendre entre la crédulité aveugle et l’incrédulité systématique nous semble être l’étude éclairée et consciencieuse des faits. Or, puisque l’électrisation humaine est un fait, que tout fait est une vérité et que toute vérité, comme telle, est un bienfait de la Providence, il suit que ce nouvel art peut devenir utile à la société ; mais comme la pratique en est très-périlleuse, quoique les dangers n’en soient pas inévitables, pourquoi, dirons-nous alors, le livrer presque exclusivement aux mains d’une curiosité criminelle ou d’une vénalité égoïste? Et ne doit-on pas exprimer le vœu que la clef de ces mystères de la nature ne soit confiée qu’à une science éclairée et droite, et que ceux qui la manient ne le fassent que dans des vues d’utilité publique, avec un dévouement sans bornes et un religieux respect? »

Nous aussi nous nous joignons à ce vœu du savant et consciencieux abbé, et nous nous plaisons à y voir un appel au clergé de se mettre à la tête de l’étude et de la pratique du magnétisme; nous nous y joignons de toute« nos forces, persuadé que dans ses mains cette science est appelée à rendre à l’humanité les plus éminents services, et à s’élever à toute la hauteur et la sainteté d’un sacerdoce ; c’est toujours ainsi que nous l’avons comprise : que le clergé la comprenne de même à son tour. La Théorie des relations, qui serait mieux nommée Théorie du magnétisme, car elle en est l’analyse et le développement le plus saisissant que nous connaissions au point de vue théologo-phvsiologique, est le guide le plus sur que nous puissions lui souhaiter pour arriver à la vérité et à la justice.

E. DE MALHERBE.

Le Gérant : UKItKKf (de Garnay).

ÉTUDES ET THÉORIES.

1° TABI.ES. — SPIRITUALISME.

A Monsieur Jos. Burthet, New-Orléans.

La Havane, 15 oclobre 1854.

Monsieur et cher collègue,

J’ai reçu, le 10 courant, votre honorée du 20 septembre dernier, que j’ai lue avec beaucoup de plaisir.

Les plus bienfaisants des hommes sont les magnétiseurs qui se sont consacrés corps et âme au bien de leurs semblables, tant en soulageant et guérissant leurs misères corporelles et leur enseignant le chemin de la vertu, qu’en éclairant leur intelligence par la manifestation des vérités cachées que la Sagesse divine n’a point voulu et ne veut point faire connaître autrement que par l’entremise de l’agent dont ils disposent, et qui est une émanation sacrée de la livinité elle-même.

Quand je dis magnétiseurs, je n’entends point parler de ces hommes qui endorment un somnambule ou magnétisent un meuble par passe-temps, ou pour en obtenir des réponses puériles et frivoles. Par magnétiseurs, j’entends ces hommes vertueux, amis du bien et de la sagesse, qui ne consultent jamais un oracle sans un but sérieux et déterminé, et sans l’espoir d’obtenir des réponses pleines de sens et de conviction, d’où il résulte une utilité positive et fructueuse tant pour la science même du magnétisme que pour celles dont l’influence sur l’humanité est positive, incontestable.

Toutes les croyances humaines ont eu dans leurs commencements un chef, un apôtre, des confesseurs et des martyrs qui ont été persécutés, sacrifiés, torturés par leurs Né-

I0VÏ XIV. — N° *08. — 25 mars 1855. 6

rons, leurs Caligulas, leurs Dioclétiens respectifs. I! m’a été donné de remplir à moi seul les rôles d’apôtre, de propagateur, de confesseur et de martyr du magnétisme, et ù mes compatriotes de se charger de ceux des Néron, des Cali-gula, des Dioclétien. Ils m’ont persécuté, déshonoré et dépouillé; il ne leur a manqué que de me sacrifier; mais ils le feront à la première occasion.

Malgré tant d’obstacles et de souffrances, j’ai toujours poursuivi, sans hésitation et sans crainte, le cours de mes études et de mes observations, dont je vous transmettrai le résultat, afin que vous le communiquiez aux sociétés magnétiques constituées.

Lorsque apparut la découverte du phénomène des tables et des meubles magnétisés, ainsi que des esprits qui en dépendent et qui s’agitent, se réjouissent ou s’affligent et se manifestent, en agissant, comme s’ils étaient doués de raison et éclairés par la sagesse infinie, avec tous les dons que nous attribuons aux esprits, tels que, intelligence illimitée, vue que rien n’arrête, faculté de prophétie, etc. ; ii cette époque, dis-je, je m’occupai aussitôt d’étudier cette merveilleuse nouveauté, afin de lui attribuer, sans prévention en sa faveur, de môme que sans préjugés contraires, le rang auquel elle a droit dans les connaissances humaines. Je m’efforçai de me placer sur l’autel de l’impartialité et de peser les faits dans la balance de l’analyse.

Je ne pouvais pas douter de l’existence des esprits ; mes somnambules en voyaient et leur parlaient. J’avais moi-mûme communication avec eux, et je crois même en avoir vu.

Je n’ai jamais cru que mon chien et moi nous soyons égaux, ni dans la vie, ni dans la mort. Le jour où je serais fermement convaincu de mon absolue matérialité serait pour moi celui du suicide ; mais j’ai acquis toutes les preuves que j’indique bien des années avant la découverte des tables parlantes.

Il n’est pas douteux qu’il y a un immense avantage ii pouvoir obtenir, parle moyen d’un meuble peu coûteux et maniable ce nous n’obtenons des somnambules qu’avec

tant de peines, de risques et d’inconvénients. Si je pouvais découvrir une couple de somnambules aussi discrets, aussi obéissants que 111a table et mon lavabo, de ce moment je renoncerais à tous les meubles et à tous les esprits. Les somnambules seraient heureux et moi aussi.

Ce qu’il convient de vérifier, c’est si l’esprit qui parle se trouve effectivement dans la table, ou si c’est le bois qui remplit les fonctions du corps endormi d’un somnambule, et si tous les prodiges accomplis par la table ont lieu au moyen du fluide qui lui est communiqué; enfin si c’est l’esprit qui voit, entend, répond, prédit, de môme que le somnambule, accomplissant de semblables phénomènes par l’effet du fluide dont il a été saturé et qui le met en communication avec le monde extérieur et immatériel, laissant le corps réduit à la môme nullité que les objets inanimés.

Je ne me crois pas suffisamment éclairé encore pour donner mon vote de conscience magnétique sur tous ces détails. J’ai toutefois observé que parmi les esprits il y en a de bons, de très-bons, de méchants, de très-méchants, de sincères, de menteurs, d’honnètes, d’impudents, de vifs, de paresseux, d’ignorants, de sages, de religieux, d’athées, etc., et même quelques-uns qui remplissent habilement tous ces rôles comme des acteurs de tréteaux. Il faudra donc que l’on en vienne à les classer chacun suivant sa valeur, entreprise sérieuse et aussi ardue que s’il fallait faire le portrait de chaque individu de la race humaine.

J’ai remarqué aussi que souvent une personne, en évoquant des esprits bienfaisants, se voyait l’objet de la persécution des mauvais; qu’à quelques-uns, ce sont constamment des esprits lubriques qui répondent ; à d’autres des esprits athées ; à d’autres de religieux ; enfin, qu’entre l’individu qui évoque et l’esprit évoqué il y a une certaine analogie et certains points évidents de contact moral et de sympathie.

Dans beaucoup de circonstances il est arrivé, et il arrive journellement que c’est Lucifer lui-même qui se présente et répond. Or, je m’avance, par exemple; je pose la main sur

la table ; celle-ci commence à trembler convulsivement ; Lucifer a peur; il m’obéit; je lui ordonne de se taire et il devient muet; de s’éloigner, et il se retire. D’où vient ceci? Suis-je donc plus fort que le prince des ténèbres ? Par le fait, Lucifer me craint-il réellement? Qui pourra résoudre ce dilemme d’une métaphysique si redoutable? Ce ne sera assurément pas moi quant à présent, et s’il m’arrive de pouvoir donner une solution à cette question, il faudra qu’elle soit aussi évidente et aussi incontestable qu’un axiôme de géométrie. En attendant, observons, étudions, travaillons, cherchons la vérité de bonne foi, et nous la trouverons. Surtout ne nous enlaissons pas préoccuper. La préoccupation conduit à l’erreur, et les magnétiseurs doivent être les apôtres de la vérité.

Je vous envoie ci-joint le compte-rendu des communications que j’ai eues avec l’esprit d’Abdallah-Me-Cani, et qui me paraissent mériter d’être répandues parmi les hommes. Vous trouverez dans ses réponses les preuves de l’intelligence véridique et élevée de cet esprit avec lequel mes somnambules d’Espagne redoutaient toujours de se trouver en rapport, parce qu’ils ne le voyaient jamais que l’air furieux, armé de toutes pièces, monté sur un cheval et couvert de sang. Abdallah se montre à moi comme un homme et un ami fidèle.

D’autres esprits se manifestent également à moi de même qu’Abdallah, particulièrement celui d’une de mes malades, Maria de la Crux Marquez, qui est morte il y a plus de quinze ans. Quand il se présente devant moi quelque esprit mauvais, menteur ou inconvenant dans son langage, je le réprimande, et il me craint et m’obéit. Ces sortes d’esprits ne viennent jamais directement à moi ; ils se présentent quand ce sont d’autres que moi qui magnétisent les meubles, et j’ai remarqué qu’il y a certains esprits qui adhèrent à des individus comme s’ils étaient l’ombre de leur corps.

J’ai magnétisé, il y a quinze jours, un avocat qui ne l’avait encore jamais été. Entre autres choses, il prononça avec un accent de conviction et de foi évidentes la prophétie

magnétique \ue je vous envoie ci-jointe. Cette prédiction fut faite spontanément et parfaitemement détaillée et précisée. Il me confia en secret le nom de la victime dont il est question. Je vous en ferai part à vous seul quand l’occasion s’eu présentera. Depuis, cet homme n’a plus voulu être magnétisé. Telle est l’inconséquence habituelle des somnambules, et elle est pour moi une telle cause de dégoûts que, si je pouvais compter sur la persévérance et le concoure sincère d’un esprit bon et intelligent, je ne magnétiserais plus jamais personne, excepté les malades.

On ne parle ici que d’un somnambule anglo-américain d’une grande réputation, nommé Davis, et de ce qu’il a écrit sur les esprits. Ayez la bonté de me faire connaître quels sont ces travaux, et quand vous m’aurez fait savoir votre opinion sur leur valeur, de me dire si cet ouvrage a été traduit en français.

Tout le contenu de cette lettre, à l’exception de ce qui concerne mes affaires personnelles et les communications d’Abdallah, peut sans inconvénient être publié et envoyé à la Société centrale de Paris, pour que M. le baron du Potet l’insère dans le Journal du Magnétisme, s’il trouve que cela mérite la peine de voir la lumière.

Je finis en me disant toujours votre affectionné collègue et ami, qui vous baise les mains.

Francisco de PAULA GOIZUETA.

{Traduit de l'espagnol.)

2° MAGIE. — APPARITIONS.

A Monsieur le baron du Potet.

Monsieur le baron,

J'ai longtemps médité votre savant et remarquable livre la Magic dévoilée; si je n’ai pas encore une croyance ferme et bien arrêtée, je ne suis pas éloigné d’admettre des forces

intelligentes, causes de tous les faits magnétiques, magiques ou miraculeux, quoique je ne puisse comprendre clairement leur nature et leur fin.

La pensée, l’âme humaine, est-elle un fluide invisible, une sorte d’électricité épurée, transformée par le cerveau et sécrétée par cet organe, dont le mécanisme serait mis en mouvement par la circulation du sang et le jeu compliqué de la vie? Dans cette hypothèse toute matérialiste, l’homme ne serait qu’une machine électrique perfectionnée, dont la mort briserait pour toujours les merveilleux rouages.

Le principe vital qui nous anime est-il répandu partout dans l’air que nous respirons aussi bien que les êtres vivants; et, à la dissolution des éléments divers dont l’ensemble constituait l’individu, retourne-t-il à son principe, à sa source intarissable, pour s’en séparer peut-être de nouveau et animer des milliers d’autres existences, mais sans conserver le souvenir de ses vies passées? Cette croyance panthéiste ne serait pas plus consolante que la première : ce serait toujours le néant sous une autre forme; car il ne peut y avoir d’immortalité si l’individualité est détruite.

Ou bien, enfin, sommes-nous doubles. 11 y a-t-il, sous notre enveloppe de chair un être fluidiforme, quintessence de la matière, indivisible, immortel, et qui après sa séparation du corps continuerait son existence dans le temps et dans l’espace? Pour cela il faut admettre que l’âme est simple, et non un composé de fluides différents ; car, dans ce dernier cas, elle ne pourrait échapper à la loi qui régit les choses matérielles : la désunion de leurs parties.

Si j’ai bien compris, on agit dans les œuvres magiques sur des essences spirituelles dont les atomes, si je puis m’exprimer ainsi, sont autant de germes que le fluide du magicien fait éclore. 11 en résulte des créations mixtes, probablement semblables à celles des magiciens de Pharaon, mais qui sont étrangères aux esprits des morts. C’était l’opinion de saint * -♦ «Vautres écrivains eççîésjastirjues, comme oi^

Je ne vois donc, au fond de tous ces prodiges, qui

agoni de la nature bien merveilleux sans doute, puisqu’il lui seul il suffirait peut-être pour expliquer l’inexplicable création ; mais l’âme comme je la conçois, une, indivisible, reste encore à trouver, si elle existe.

Cependant, il faut vous le dire, j’ai un doute sur la réalité elle-même de ces créations magiques. En déposant le fluide sur une surface préparée, l’opérateur a l’intention bien arrêtée de produire des phénomènes surnaturels; sa pensée, je l’admets, n’a précisé aucune forme particulière, mais cette volonté générale 11e suffit-elle pas pour agir sur l’esprit du patient par un magnétisme indirect et pour produire une transmission de pensée, sinon quant aux détails, du moins quant à l’ensemble et à la nature des objets ainsi perçus. Dans cette supposition, il n’y aurait là, peut-être, qu’un fait de fascination ou d’hallucination magnétique.

Trois personnes sur quatre ont vu dans des disques que j’avais préparés en me pénétrant de l’esprit de votre livre. Elles ont vu avec surprise, mais sans effroi, sans accidents ; rien, en un mot, ne paraissant changé dans leur état ordinaire. L’une de ces personnes a parfaitement distingué un grand nombre de figurines qui remuaient, changeaient de place et s’effaçaient pour en laisser paraître de nouvelles. La tête seule était visible dans ces apparitions, mais elle avait beaucoup d’expression ; les yeux étaient ordinairement levés vers le ciel avec un sentiment de douleur et de privation. Quand le voyant en formulait tacitement l’ordre, elles fixaient sur lui un regard où se peignait la colère ou la contrariété. Les deux autres n’ont vu dans mes miroirs magiques qu’une petite figure de satyre à laquelle j’étais loin de penser en les formant, et qui avait été perçue aussi par le premier voyant. Ces êtres, regardés comme fabuleux, existeraient-ils donc?

J’ai fait aussi tous mes efforts pour voir moi-même, mais je n’ai pu y réussir : les facultés extatiques me font, je crois, complètement défaut.

C’est sans doute à l’aide du miroir magique , mais en dehors de sa surface, que vous avez obtenu ces images animées et agissantes, mais encore vagues et ne pouvant être

vues que clans une semi-clarté. Je désirerais bien savoir si vous êtes parvenu à rendre ces apparitions visibles au grand jour pour toute une assemblée, ce serait une preuve plus grande, sinon péremptoire, de leur réalité.

En effet, si pour voir il faut être magnétisé directement ou indirectement, si les purs voyants doivent eux-mêmes cette seconde vue à une sorte de somnambulisme naturel, il sera toujours très-difficile de démêler la vérité de l’erreur.

Mais en admettant que ces créations magiques existent par elles-mêmes, rien ne prouve que ce soient les âmes des morts. La croyance à l’esprit n’emporte pas nécessairement celle aux esprits ; j’avoue que j’ai la compréhension difficile à l’endroit de ces derniers.

Voici cependant un fait qui m’a été raconté, il y a peu de temps encore, par un vieux parent, homme d’un jugement très-sain, très-droit, et dont il m’est impossible de suspecter la véracité et la bonne foi.

« C’était par une matinée de septembre, entre huit et neuf heures, il faisait donc grand jour ; j’avais alors neuf ans, et j’étais encore couché, mais parfaitement éveillé. La servante qui me donnait ses soins était en ce moment debout devant son miroir, occupée à sa toilette. Tout à coup, et sans que je l’y eusse vu entrer, j’aperçus dans la chamb.ie un être étrange , revêtu d’une longue robe de chambre à ramages. Sa figure s’allongeait vers le bas, en museau de chien ; une sorte de tic nerveux faisait contracter sa face et clignoter ses yeux; il bâillait fréquemment et laissait voir une langue pendante. Saisi de terreur à cette vue, je m’enfonçai dans mon lit et tirai vivement la couverture pardessus ma tête. Mais la curiosité l’emportant sur la peur, je risquai aussitôt un œil pour épier les démarches de ce singulier visiteur. 11 s’avança en sautillant jusqu’à ce qu’il fût près de la servante, celle-ci l’aperçut en se retournant, et, sans dire un mot, lui appliqua plusieurs coups sur les jambes avec là serviette qu’elle tenait à la main. Le battu recula, toujours en sautillant, et arrivé au bout de l’appartement, il disparut au travers d’une boiserie. Je vois encore la place.

« — C’est incroyable, dis-je après avoir entendu ce récit.

«— Rien cependant n’est plus vrai, reprit le narrateur.

«— Vous étiez bien jeune alors, et....

« — Si la même chose m’arrivait aujourd’hui, vous diriez que je suis bien vieux, n’est-ce pas, et que je radote?

« — Je voulais dire que, dans la jeunesse, les rêves laissent parfois des impressions si profondes, qu’il est possible de les confondre avec la réalité. Si ce n’est point un rêve que vous avez fait; comment se fait-il que la servante n’ait point montré d’effroi à la vue de cette effrayante apparition, n’ait point crié, appelé au secours, au lieu de se contenter de chasser silencieusement cet escogriffe avec une simple serviette ?

« — J’ai toujours pensé que cette fille avait été initiée par ses maîtres aux œuvres cabalistiques dont la maison même avait été le théâtre, comme je l’ai su plus tard, ce qui m’explique pourquoi elle ne cessa d’être hantée par les esprits depuis ce moment.

« — En avez-vous donc revu depuis ?

« — Jamais ; mais mon frère aperçut un jour, dans le salon, une forme d’animal que nos parents ne voyaient pas. Vous savez que l’enfance jouirait d’une seconde vue, si l’on en croit certains auteurs. Enfin tous ceux qui ont habité cette maison, aujourd’hui détruite, y ont entendu des bruits dont la cause leur est toujours restée inconnue.

« — Votre père était élève de Mesmer, il avait pour amis plusieurs cabalistes de cette époque ; il a dû apprendre d’eux, » peut-être de Mesmer lui-même, bien des choses touchant les sciences occultes?

« — Mon père m’a toujours dit que le courage lui avait manqué pour une initiation complète. Je sais seulement que les opérateurs traçaient un cercle autour d’eux, et que, pour plus de sûreté, ils étaient armés d’un sabre ou d’une épée; car les esprits, m’a-t-on dit, craignent les pointes, et, enfin, qu'ils faisaient une sorte d’évocation, Ces opérations n’étaient point sans danger. Un gentilhomme des environs, doué d'une force musculaire peu commune, qui assistait à une de ces expériences, sortit du cercle malgré ses amis et marcha vers l’apparition ; mais il fut terrassé à l’instant, et faillit payer cette témérité de sa vie. Un des amis de mon père me racontait que, dans une de ses évocations magiques, il avait vu apparaître devant lui un être si effroyable, et qui lui avait demandé d’une voix tellement formidable ce qu’il lui voulait, qu’il en avait été d’abord terrifié. 11 paraît que c’était, au dire du cabaliste, un habitant de Saturne. »

Où est la vérité dans tous ces récits? je n’en sais rien, et

j’attendrai, pour avoir une opinion à ce sujet, le résultat de vos dernières découvertes,

Je finis cette trop longue lettre en réclamant votre indulgence pour mon bavardage, et en vous priant de m’accorder encore un peu de vos lumières, dont j’ai grand besoin.

Agréez, monsieur, l'hommage de mon respect et de mon entier dévouement.

D*’** fils.

Eu, 2 mars 1853.

Réponse à Monsieur /)****.

Monsieur,

J’ai à vous féliciter de vos tentatives, bien que les résultats soient encore incomplets. Vous avez franchi le premier obstacle, celui qui arrête ordinairement les gens timorés, ceux qui croient qu’il n’y a rien au-delà du sensible. Vous êtes enfin entré dans le domaine du merveilleux, et si vos expériences laissent encore à désirer quelque chose, elles font pourtant entrevoir des réalités saisissantes.

J’ai souvent étouffé dans leur germe des créations mystérieuses, par un défaut de force ou de résolution ; mais lorsque ces créations arrivent à certain dégré de formation, l’effet qu’elles produisent sur les voyants est indescriptible. Jamais je ne vis ceux-ci rester calmes et impassibles : la crainte, la terreur s’emparait de leur âme, et c’est alors seulement que tout était beau et terrible en même temps.

Ce n’est point ce qu’on désire qui arrive; c’est l’inattendu, l’inouï, le surnaturel, enfin. Rarement un seul personnage se présente ; au contraire plusieurs êtres apparaissent en môme, temps et semblent appartenir à la même catégorie. Leurs, mouvements indicibles, leur joie ou leur colère impressionnent également, et rendraient fou bientôt l’opérateur, si l’instinct de conservation ne l’avertissait de rompre sans délai, de briser le cercle ou les signes magiques qu’il a formés.

Voilà où plusieurs fois je suis arrivé; une seule fois j’ai vu, et cette vision a été si prompte , si inattendue, si surnaturelle, que je ne sais pas comment je perçus, et je crois qu’il

est impossible, faute de mots, de rendre ce qui s’est présenté à moi; j’essaierai cependant de le peindre un jour, au risque de ne point être compris.

Je ne doute point qu’on ne puisse, dans une grande assemblée, rendre les images sensibles pour tous les spectateurs, mais ce fait n’aura lieu que le jour où chacun sera dans une situation méditative et silencieuse; le jour où les rieurs, les niais et les trembleurs ne seront pas en majorité. 11 faut pour celui qui opère, un milieu tranquille, un recueillement profond; tout doit avoir quelque chose de solennel, de religieux , et c’est une grande pitié de voir la conduite des assemblées d’aujourd’hui devant de simples démonstrations du pouvoir magnétique.

Nous allons, monsieur, faire beaucoup rire les savants qui nous liront, ces hommes forts vont se tenir les côtes. 11 faut bien se garder de les troubler dans leurs plaisirs. Pour moi, je les tiens pour si inférieurs quand il s’agit de phénomènes de l’ordre moral, que je regarde leur opinion, leur jugement , comme une marque de profonde bêtise.

J’aurai l’occasion de revenir bientôt sur cet intéressant sujet. Beaucoup de personnes attendent de moi quelques éclaircissements, mais souvent ma plume se refuse à tracer ce que nia pensée me livre ; c’est un combat, une lutte intérieure entre des forces dilférentes. Ah ! je sens qu’ici encore je touche aux choses occultes, et c’est assez en dire aujourd’hui !

Votre très-reconnaissant serviteur.

Baron DU POTET.

INSTITUTIONS.

Société iiin#»é(liHC de Turin.

A M. Hébert (de Garnay.)

Monsieur,

Dans nia dernière lettre, je vous ai signalé en passant les progrès que fait chaque jour le magnétisme eu Piémont ; m’ayant fait l’honneur de le mentionner clans le Journal du magnétisme, j’ai cru devoir vous donner quelques détails sur ce qui a le plus contribué au succès qu’obtient ici nia propagande. Je me propose en outre, par une correspondance assidue, de vous tenir désormais au courant de nos travaux. Si dans l’accomplissement de cette tâche le talent me fait défaut, le zèle et la bonne volonté y suppléeront.

Je commence dès aujourd’hui par l’envoi de quelques articles détachés du MagnétofUo, sur lesquels j’appelle votre attention. Vous y trouverez la relation d’un pari ridicule entre deux médecins, à propos duquel j’ai cru devoir les combattre tous les deux, afin de prouver au public que le magnétisme n’était pour rien dans cette course au clocher entre le scepticisme et l’ignorance.

Vous trouverez aussi, parmi les pièces que je vous envoie, l’exposé d’un fait de clairvoyance qui, par sa coïncidence avec le pari en question , a promptement fait disparaître l’impression fâcheuse que commençait à produire l’issue de ce pari. On eût dit vraiment que la Providence, veillant sur le magnétisme, lui assurait un succès éclatant au moment même où l’imprudence d’un enthousiaste inepte semblait devoir lui faire subir un échec.

Ce fait a eu un immense retentissement, huit journaux italiens l’ont reproduit; et, d’après eux, un journal allemand en a fait mention. Depuis ce moment chacun se dispute la faveur d’assister à nos séances hebdomadaires; il n’est pas jusqu’aux incrédules les plus acharnés, qui s’étaient fait jusque là un mérite de leur indifférence, qui n’aient alors témoigné le désir de voir, et à cet égard je puis vous assurer que pas un ne s’en est allé sans être convaincu ; car nos expériences sont de celles qui ferment la bouche au plus habile argumentateur. (Je procède en cela absolument comme .\I. Lafontaine.)

Ma propagande, très-active en Piémont, s’étend en outre dans toute la Toscane, les États du Pape, voire môme dans le royaume de Naples, bien que le magnétisme y soit à l’index. La presse est ici on ne peut plus favorable au magnétisme; seize journaux ont salué spontanément, par des articles pleins d’encouragement, l’apparition du Magneto-füo, et tous continuent à prêter à ma propagande un appui sincère et désintéressé.

La Société magnétique de Turin, dont le règlement ne satisfait plus aux besoins de la propagande, va être réorganisée prochainement pour fonctionner à l’avenir sur le pied de celles de Paris. Plusieurs autres Sociétés sont à la veille d’être fondées par les soins de mes élèves dans différentes villes du Piémont.

Vous le voyez, monsieur, j’avais donc raison de vous écrire que le magnétisme fait ici de rapides progrès, et surtout au sein de la médecine ; je n’en veux pour preuve que l’exemple suivant :

Un mois après sa fondation, le journal il Magnetofilo ne comptait parmi ses abonnés que quatre médecins ; aujourd’hui il n’en compte pas moins de vingt-huit, pour la plupart convertis par les faits dont ils ont été témoins.

Les choses ont trop bien marché depuis neuf mois (ma propagande a été inaugurée par la célébration de l’anniversaire de la naissance de Mesmer) pour que je m’arrête en aussi beau chemin, aussi espéré-je pouvoir mettre bientôt

à. exécution le projet que j’ai formé de fonder h Turin un dispensaire magnétique, pour l’organisation duquel j’aurai recours à vos conseils qui, j’ose l’espérer, ne me feront pas défaut.

Agréez l’assurance de ma parfaite considération.

Président de la Société et membre correspondant de la Société l’hilanthropicomagnétique de Paris.

E. ALL1X,

Turin, 27 février 1855.

Société Plillauthroiiico-Mingnédqtic de l'arls.

La Société, qui, par suite de la retraite de son président, avait réduit provisoirement le nombre de ses séances, vient de publier l’avis suivant, qui annonce implicitement la cessation de cette mesure transitoire.

« Nous sommes heureux d’annoncer à nos lecteurs et aux amis de notre Société, que M. le Dr du Planty ayant appris, au retour de son voyage, que la Société Philanthropico-ma-gnétique de Paris lui avait décerné le titre de président d’honneur, qu’elle a créé pour le remercier des grands services qu’il lui a rendus, vient de nous en témoigner sa gratitude en acceptant de nouveau la présidence du bureau, qu’il avait d’abord refusée.

« Pour la Société,

« Le vice-président,

« VERMEIL. »

CLINIQUE.

A Monsieur lié ber t (de Camay.)

Monsieur,

J’aurai bientôt un volume à vous expédier touchant les guérisons obtenues par moi à l’aide du magnétisme. Pour le moment je me borne à vous citer les suivantes :

D’abord celle de mon beau-père, dont je vous ai parlé l’an dernier.

Puis un cas d’aliénation mentale.

Un rhumatisme goutteux.

Une lèpre.

Une affection dartreuse qui couvrait les mainsdepuissix ans.

Une surdité datant de trois mois déjà, et suite d’une fièvre cérébrale. (Celle-ci en une seule séance.)

Je ne puis résister au désir de vous parler aussi d’un jeune garçon dont la naïveté nous a diverti, mais dont la cure vraiment remarquable a fait beaucoup en faveur du magnétisme dans ce pays.

Il était atteint d’une douleur de dents si violente, qu’il prétendait que pour un peu plus il allait hausser (enrager.) En deux minutes je le guéris.

A quelques jours de là un de ses amis le rencontre et lui demande si le mal de dents n’est pas revenu.

« Oh, bien sûr que non ! répondit-il; allez, M. Coupry me l’a trop bien conjuré. »

Nous sommes enchantés du dispensaire que vous fondez, et nous faisons des vœux pour sa prospérité.

J’ai l’honneur d’être, etc.

M. COl’PRY.

Baugé, 1er janvier 1855.

Mon cher monsieur Hébert,

Mes occupations, de plus en plus nombreuses, ne me permettent pas de m’occuper de magnétisme autant que je le voudrais. Je Iis toujours avec beaucoup d’intérêt votre Journal; lorsque l’occasion se présente, je ne refuse pas l’emploi bienfaisant du magnétisme.

Depuis ma lettre de l’année dernière, j’ai pu constater, sur trois personnes, combien l’emploi de cet agent curatif est favorable dans les accouchements pour diminuer les douleurs et faciliter le travail.

Dernièrement j’ai fait une séance à un jeune homme qui, la veille, avait pris une entorse qui l’empêchait de nfarcher. 11 était venu en voiture et fut très-étonné de se sentir en état de pouvoir, après la séance, s’en retourner à pied.

Je donne de temps en temps de l’eau magnétisée pour les fièvres intermittentes. J’ai remarqué depuis quelle temps que les cas réfractaires sont plus communs que dans le principe et se trouvent en général chez les gens qui savent qu’ils boivent de l’eau magnétisée, à laquelle probablement ils n’ont pas grande confiance. C’est ici le cas d’appliquer cet axiome des alchimistes : «Le doute tue l’œuvre. »

J’ai observé que chez les enfants, qui ne savent ce qu’ils boivent, et chez les personnes qui ignorent ce qu’il y a dans cette eau et la boivent avec confiance sans raisonner, il y a générale nent guérison ; mais les raisonneurs qui boivent par complaisance ne guérissent pas. Cette remarque mérite les réflexions des esprits sérieux.

Je crois qu’une pensée accompagnée d’une intime conviction et d’un énergique appel à l’âme peut, par l’imposition de la main sur l’eau, la transformer en un remède applicable, soit aux autres, surtout lorsque le rapport magnétique est bien établi, et même à soi-même. Je fonde cette opinion sur plusieurs faits, deux me sont propres.

En juin dernier, je fus assez gravement indisposé; j’éprouvais le besoin de vomir sans pouvoir le satisfaire malgré l’eau tiède bue en assez forte quantité. Le lendemain, après avoir donné un coup d’œil à ma pharmacie, où je ne trouvai rien qui me convînt, j’eus l’idée de faire un vomitif magnétique. A cet effet, je pris un verre d’eau et j’imposai la main dessus environ deux minutes avec l’idée que cette eau me servît de vomitif et amenât ma guérison. Je bois cette eau et m’asseois, attendant l’clTet du remède. Environ dix minutes après, je sens un léger frisson s'uivi de la fièvre : c’est bien, dis-je en moi-même, voici une crise favorable. En effet, un quart d’heure à peine écoulé, j’éprouve de fortes nausées et envie de vomir. Je me lève avec précipitation et je vomis avec abondance des matières vertes. Je renouvelle mon expérience avec le même succès. Je veux essayer une troisième fois ; je n’obtiens pour résultat qu’une nausée. 11 paraît que le vomissement n’était plus nécesssaire, car l’appétit, le sommeil, les forces reviennent très-promptement; enfin la santé la plus parfaite, assez gravement compromise depuis six jours dans lesquels j’avais eu plusieurs accès de fièvre, est parfaitement rétablie.

J’ai fait, il y a environ vingt jours, un nouvel essai de médecine magnétique. J’avais des coliques depuis deux jours, et de mauvaises selles. Les lavements n’ayant pu me débarrasser de cette incommodité, j’ai eu recours à un verre d’eau magnétisée prise le matin à jeun en guise de médecine. Cette eau a produit l’effet d’un purgatif et m’a parfaitement guéri.

Si ce que je viens de dire ne vous paraît pas sortir des limites de votre Journal, je ne mets aucun obstacle à ce que vous fassiez figurer mon opinion dans les pages de votre estimable Revue.

Veuillez, etc.

L. CUPIER.

Suintc-Amélic, 24 février 1855.

FAITS ET EXPÉRIENCES.

1° SORCELLERIE.

On lit dans le Times de la fin de février, sous la rubrique de Langport (Soinersetshire), l’histoire suivante qui, quoique rapportée sous le titre de Superstition, m’a paru mériter d’être traduite.

« Il y a quelque temps, un homme de cette ville fut atteint de convulsions épileptiformes que les médecins ne purent guérir. Après avoir essayé de différents remèdes, il s’a^ dressa à un devin qui demeure dans le voisinage, et celui-ci lui déclara qu’il avait reçu un mauvais regard, autrement dit, qu’il était ensorcellé; mais que lui possédait un secret au moyen duquel il répondait de le délivrer entièrement du sortilège, et même d’en faire retomber les effets sur la personne qui en était l’auteur. En conséquence, on convint d’une nuit pour que le devin se rendit à Langport et accomplit la cérémonie magique qui devait produire ce résultat, et pour lequel il devait recevoir un souverain.

Dans l’intervalle, notre dupe se fourra en tête que c’était la femme de son propriétaire qui l’avait ensorcellé, et il fit part de cette idée au devin lorsqu’il le revit au rendez-vous convenu entre eux. Celui-ci commença par lui tirer les cartes, après quoi il fit brûler dans le feu plusieurs bouteilles d’une liqueur contenant un grand nombre d’épingles ; puis il lut trois fois, et au rebours, le psaume 37. Enfin il prit une autre bouteille de la même drogue, qui contenait en outre un cœur couvert d’épingles et parfaitement bouchée; le bouchon lui-même était couvert d’épingles. Il fit quelques signes magiques et prononça une prière pendant laquelle la bouteille fut enterrée sous le plancher, où, suivant le dire du sorcier, aussi longtemps qu’elle demeurerait, il y aurait danger de mort imminente pour la personne qui avait jeté le sort. Ainsi se termina la farce magique.

« Peu de jours après ceci, il arriva que la femme du propriétaire en question tomba malade, se plaignant, dit-on, de

douleurs qui !,■>. piquaient comme des épingles. Toute l’habileté des médecins échoua dans les tentatives faites pour la soulager, et les avis même ne purent s’accorder sur la nature de la maladie. A la fin, une personne de l’endroit qui avait assisté à la scène de conjuration magique dont nous avons parlé, raconta au mari de cette fenune tout ce dont elle avait été témoin. Sur ce, la bouteille ensorcellée fut déterrée, et (chose étrange ii ajouter et qui n’est pas peu prolire à augmenter la réputation du sorcier) la malade a depuis été en recouvrant chaque jour de plus en plus la santé. »

Bien que cc fait paraisse étranger au magnétisme, je suis disposée à l’y rapporter. L’analogie des causes me porte à attribuer l’eflicacité des procédés suivis à la puissance magique (autrement dit magnétique) du praticien.

Anna BLACKWELL.

2° TURGESCENCE MAMMAIRE.

On lit dans la Presse du 15 mars :

« Le lundi 5 de ce mois, pendant que la foule encombrait les théâtres et les concerts, un certain nombre de médecins, de savants, et les notabilités du monde mesmérien, se dirigeaient vers Y Athénée- Valois, le point central des exhibitions néo-scientifiques et anthropologiques. Là, M. Antoine Regazzoni, professeur de magnétisme, tout récemment arrivé à Paris, donnait une séance extraordinaire pour démontrer aux incrédules la vérité du fluide magnétique et sa puissance sur l’organisme humain. Ce mesinériseur italien a obtenu, sur plusieurs sujets endormis, la catalepsie, Xextase, Y insensibilité totale ou partielle du corps, la transmission de pensée, et une multitude d’autres phénomènes plus curieux encore, qu’il ne nous est pas permis de relater ici.

Ces démonstrations pratiques, consacrées aux hommes de l’art, et dans lesquelles le somnambulisme joue un rôle très-restreint, nous semblent infiniment préférables aux séances publiques, où nul contrôle n’est possible, où la foule est toujours disposée à crier à la fraude et au charlatanisme. »

Le phénomène auquel il est fait allusion dans cet article est un gonflement et un durcissement des seins, que nous nous proposons d’examiner soigneusement avant d’en entretenir nos lecteurs.

HÉBERT (de Gornay).

VARIÉTÉS.

Nécrologie. — Beaucoup d’hommes, en ce monde, travaillent pour eux seuls; ils cherchent, autant qu’ils le peuvent, à arrondir leur domaine, et lorsqu’ils ont beaucoup d’or et beaucoup de terre, ils contemplent avec délices les fruits de leur industrie et de leurs travaux. Hélas ! ils se sont préparés un riche corbillard, et la société ne leur est redevable en rien : elle ne leur doit aucun souvenir. Leur disparition ne laisse aucun vide dans l’humanité ; rien ne monte et rien ne descend; la société reste ce qu’elle était.

Mais lorsqu’un homme à forte pensée, lorsqu’un songeur profond disparaît de ce monde, ayant employé sa vie à rechercher ce qui pouvait être utile à l’espèce entière, s’oubliant lui-même pour grossir le trésor commun, pour augmenter par des efforts de travail la somme des connaissances humaines, à celui-là on doit un souvenir, car il a bien mérité; sa mort laisse un vide difficile à combler.

M. Durand, professeur de philosophie au collège de Cherbourg , fut un de ces rares esprits dont Dieu se sert pour tracer la route du progrès. Dès leurs premiers pas 011 les voit, dédaignant les préjugés vulgaires, sonder la nature dans ce qu’elle a de mystérieux et de caché, et distinguer le vrai des choses.

C’est ainsi qu’il y a vingt-cinq ans je dus de compter eu M. Durand un fervent disciple de la science nouvelle. Il vit mes expériences, suivit un de mes cours, et chercha par lui-même un degré de certitude plus absolu en produisant de sa main et de sa pensée les œuvres dont il avait été le témoin.

La science lui doit de belles expériences sur l’insensibilité

et les beaux résultats chirurgicaux consignés dans le Journal du Magnétisme (1).

Le Jury magnétique donna à M. Durand une marque éclatante de sa sympathie ; il lui conféra une médaille de bronze, en exprimant le regret de ne pouvoir faire davantage.

Aujourd’hui nous avons à déplorer la perte de notre collègue ; il iit son œuvre , et son nom conservé parmi nous attestera les services rendus à la cause magnétique. M. Durand apprit à la chirurgie un moyen de suspendre la douleur physique pendant de cruelles opérations ; quand la science le voudra bien, il ne restera plus dans l’humanité que les douleurs morales! Celles-ci sont quelquefois nécessaires, elles témoignent en faveur de l’âme humaine; celle que je ressens aujourd’hui sera certainement partagée par un grand nombre d’hommes, et c’est un tribut que nous payons ainsi à notre estimé et malheureux collègue.

Baron DU POTET.

Revue de« Journaux.. — L’Union du 3 mars rend un compte très-favorable du livre du Dr Garcin, récemment publié. Cette analyse impartiale est signée L. Molard.

— Un recueil de médecine domestique, le Médecin de la Maison, du 15 mars, reproduit presque en entier l’article Magnétisme du Dictionnaire de Tardieu, rédigé par le docteur Durand'Fardel, lequel n’est qu’à demi conforme aux idées magnétiques.

— VEntr’aete du 20 mars relate la cure instantanée d’un danseur de l’Opéra, faute duquel la représentation devait être ajournée. M. J. Lovy profite de cette heureuse circonstance pour faire ressortir les avantages du mesmérisme employé comme agent curatif.

HÉBERT (de Garnay).

(1) Tonie I, pnge 492.

BIBLIOGRAPHIE.

DU SOMNAMBULISME, DES TABLES TOURNANTES ET DES MÉDIUMS considérés dans leurs rapports avec la théologie et la physique; examen des opinions de MM. de Mirville et Gasparin ; par M. l'abbé Almignana, docteur en droit canonique, théologien, magnétistc et médium. — Brochure ln-12, 185t. Paris, Dentu, éditeur.

L’étrange cumul des titres de l’auteur suffirait pour piquer la curiosité et appeler l’attention sur cet opuscule qui se recommande d’ailleurs par le récit d’expériences fort intéressantes. M. Almignana ayant le privilège d’être médium, est parfaitement à même de nous instruire sur les phénomènes qui se produisent dans cet état singulier. Il se sert des faits dans lesquels il a été témoin et auteur, pour combattre, et la démonologie de M. de Mirville, et le rationalisme de M. de Gasparin. .

A l’égard du premier, il fait valoir cet argument que nous avons eu occasion de présenter dans notre polémique à ce sujet :

« L’enseignement catholique sur les possessions diaboliques donne à la prière, aux saints noms de Dieu et de Jésus, au signe de la Croix, à l’eau bénite et aux exorcismes, la vertu de chasser le démon des possédés. Or ni la prière, ni les noms sacrés de Dieu et de Jésus, ni le signe de la croix, etc., n’ont pu chasser les démons des somnambules ni des tables qui, suivant M. de Mirville, sont de vrais possédés. Donc renseignement catholique, en donnant à la prière, aux saints noms de Dieu et de Jésus, etc., la vertu de chasser les démons des possédés, est dans l’erreur. »

Or M. Almignana, en bon catholique, ne peut admettre cette proposition ; donc l’opinion qui attribue aux démons les phénomènes des tables et des somnambules est erronée.

M. Almignana a employé tous les moyens réputés par l’E-glise comme les plus efficaces pour chasser les démons; un évêque a fait en sa présence des signes de croix sur un guéridon. Toutes ces cérémonies n’ont rien arrêté ; les somnambules ont continué de parler, les tables de tourner et de jaser à leur manière, les médiums d’écrire; une table a même salué la croix et déclaré quelle confessait Jésus-Christ. Il y axait de quoi mettre en fuite toutes les légions infernales, si les diables eussent été pour quelque chose dans tous ces faits. Et si les spécifiques souverains contre le démon n’ont rien empêché, c’est qu'il n’y avait pas de démon. Nous en sommes fâché pour M. de Mirville et pour le journal la Table parlante, mais il est évident que ce simple raisonnement renverse de fond en comble tout leur système.

M. Almignana a employé un autre argument qui est loin d’ètre concluant et que nous croyons devoir signaler. Le rituel ecclésiastique compte, au nombre des signes auxquels on reconnaît les cas de possession, le fait de parler en langues inconnues. Ceux qui ont établi ce critérium ont pensé, avec quelque apparence de raison, qu’un homme ne peut parler une langue qu’il n’a pas apprise, à moins d’être assisté d’un être surhumain. M. Almignana en conclut d’abord qu’il est de dogme que les diables savent toutes les langues, bien que l’Eglise n’enseigne rien de semblable. Bien plus; étant k l’état de médium et écrivant en vertu d’une force qui lui est étrangère et sans avoir conscience de ce qu’il écrit, il interpelle l’auteur inconnu de cette écriture a des entretiens avec lui, et le somme d’écrire en certaines langues, par exemple en valaque et en anglais. Mais il ne peut obtenir d’écriture que daus les langues connues de lui Almignana. 11 en conclut que l’esprit qui se sert de sa main ne sait pas le valaque, et que par conséquent il n’est pas un diable... Puisqu’on discute ici dans l’hypothèse de la réalité de la démonologie catholique, on peut répondre victorieusement à M. Almignana, que Dieu seul a la science infinie, absolue; que tous les autres êtres, même les plus éminents, n’ont et ne peuvent avoir qu’une science bornée et

ignorent par conséquent une foule de choses; que la langue valaque peut très-bien être une des choses qu’ignore tel esprit ou tel diable; qu’en outre, un diable sachant le valaque pourrait très-bien, par un motif quelconque, refuser de converser dans cette langue et même feindre de l’ignorer; qu’il pourrait, par exemple, recourir à cette ruse dans le but de faire croire qu’il n’est pas un diable et d’inspirer une confiance dont il tirerait ensuite parti pour séduire et entraîner au mal, etc.

On voit que M. Almignana, raisonnant au point de vue catholique, s’est engagé dans une voie sans issue. Il aurait mieux fait de s’en tenir à son premier argument, qui est pê-remptoire.

Il est curieux de lire les entretiens de l’auteur avec l’esprit qui meut sa main. La discussion y est vive et devient une querelle violente. Est-ce Almignana lui-même qui se dédouble, qui a deux moi aussi antipathiques l’un à l’autre, dont l’un n’a jamais, à quelque instant que ce soit, conscience de ses actes ni de sa propre existence? C’est ce qu’admettent sans broncher, et comme la chose la plus simple, ceux qui regardent la doctrine des esprits comme une monstruosité révoltante.

Il aurait été à désirer que M. Almignana exprimât catégoriquement son opinion sur ce point important, et la motivât. Bien que, dans sa seconde partie, dont nous allons parler tout à l’heure, il se montre partisan des esprits, il y a plusieurs passages de la première où il semble incliner vers l’opinion contraire. Ainsi :

1° Il prétend que les mouvements des tables sont infailliblement arrêtés si l’on enveloppe avec de la soie les mains des expérimentateurs, d’où il semble insinuer que la cause de ces mouvements est un agent physique à l’égard duquel la soie est un mauvais conducteur. Nous savons au contraire, par expérience, que la soie n’arrête, ni les phénomènes du magnétisme animal, ni ceux des tables. Et quand même certains corps les arrêteraient, on n’en pourrait rien conclure ni pour ni contre l’hypothèse des esprits ; car ces êtres sont

nécessairement soumis à ties lois, et il serait possible qu’ils ne pussent se manifester qu’à la condition de certaines combinaisons physiques;

2° Le je ne sais quoi avec lequel l’auteur s’est entretenu, ne parle et ne comprend que les langues que sait l’auteur lui-même. Celui-ci en conclut seulement qu’il n’a pas eu affaire à un diable. Mais à qui a-t-il eu affaire? lîst-ce à un esprit connaissant précisément toutes les langues que savait l’abbé et n’en connaissant aucune autre ? Ce serait une coïncidence singulière. Ne semble-t-il pas plutôt donner à entendre que cette force, qui ne peut exprimer d’autres connaissances que celles de l’écrivain, émane de ce dernier, qui ne ferait que traduire ses propres pensées sans s’en douter. Mais alors qu’il nous explique ce dualisme de l’écrivain et du moteur mystérieux de sa main. Nous observons à ce sujet que, d’après de nombreuses relations américaines, des médiums écrivent dans des langues qu’ils ne connaissent pas et qui sont mène ignorées de tous les spectateurs. Ajoutons à l’appui un fait qui s’est passé récemment à Paris et que je tiens d’un témoin oculaire, homme grave, digne de foi et écrivain distingué. Une demoiselle médium a écrit en hébreu, bien que ni elle-même, ni aucune des personnes présentes ne sût cette langue et ne connût même la valeur des lettres hébraïques ; un hébraïsant érudit, auquel on présenta le papier écrit par la jeune médium, y lut une phrase irréprochable et remarqua avec étonnement qu’il s'y trouvait des caractères des trois époques. Nous avons cru devoir citer ce fait pour le mettre en balance avec l’impuissance en linguistique de l'esprit de M. Almignana.

Dans la seconde partie, l’auteur oppose plusieurs faits au système de M. de Gasparin qui explique les connaissances extraordinaires que montrent certains extatiques par le développement que reçoit accidentellement la faculté de la mémoire. M. Almignana, étant en état de médium, prie la force occulte d’écrire quelque chose sur la création. A peine le vœu était-il exprimé que la main entraînée écrivit sans interruption une dissertation sur la création. Il rappela tous

ses souvenirs, il compulsa toutes ses notes, tous les ouvra-ges qu’il avait lus, il n’y trouva rien qui ressemblât, même de loin, ä ce qu’il avait écrit. Il n’avait donc pas puisé dans sa mémoire ; ce n’était donc pas de lui qu’émanait ce discours.

Il cite ensuite les expériences fameuses de nécromancie de M. Cahagnet, auteur des Arcanes de la rie future dévoilée. Les consultants évoquaient un mort qu’ils désignaient ; la somnambule voyait apparaître le défunt, en faisait une description qui ordinairement était reconnue exacte, et rapportait ses discours. On ne manquait pas d’objecter que la somnambule lucide lisait dans la pensée des consultants et en composait des apparitions qui n’existaient que dans son imagination. M. Almignana, bien que très-satisfait de plusieurs apparitions qu’il avait obtenues, voulut parvenir à une certitude complète, et voici l’expérience qui eut lieu. Il demanda à une personne les noms d’un individu tout à fait inconnu de lui ; on lui nomma Joseph Moral. Puis, en l’absence de celui qui avait donné ces noms, on pria une somnambule de faire apparaître Joseph Moral ; elle déclara le voir et elle en donna un signalement dont personne ne pouvait en ce moment constater l’exactitude. La séance terminée, M. Almignana alla trouver la personne qui avait donné les noms et lui communiqua le signalement, qui fut trouvé d’une exactitude frappante.

M. Almignana rapporte une autre anecdote arrivée dans sa famille et qui est encore plus probante : on évoqua, par le moyen d’une somnambule, le frère de l’auteur, pour s’assurer de l’emploi d’une somme qui lui avait été confiée ; le défunt apparut, donna les éclaircissements demandés et invoqua le témoignage d’un autre mort qui apparut après lui et confirma sa déclaration ; c’était un moine dont l’existence et le nom même étaient tout à fait inconnus dès consultants et des personnes présentes. Ce n’était donc pas dans la pensée de ces personnes que la somnambule avait pu puiser les renseignements sur ce moine.

L’auteur conclut (et cette fois explicitement) que :

« Les somnambules, clans les communications avec les morts, ne voient pas la simple image des défunts dans la mémoire des consultants, mais bien les âmes des personnes décédées, comme la pytlioniss3 d’Endor vit l’âme de Samuel, d’après la Bible. »

A.-S. MORIN.

LE PARADIS DES FEMMES, roman, par Paul Féval. Paris, Journal la Presse, 1855.

La Presse vient de terminer la publication d’un feuilleton intitulé le Paradis des Femmes, par M. Paul Féval.

Ce n’est point notre tâche d’apprécier au point de vue littéraire cette œuvre remarquable d’un écrivain dont le talent n’est pas à son coup d’essai. Ce soin est dévolu à nos habiles confrères qui, chacun sous leur ch apeau, consacrent un feuilleton hebdomadaire à l’analyse des œuvres d’imagination.

Mais il est dans ce roman un fait qui est essentiellement de notre domaine, et sur lequel nous devons naturellement fixer notre attention d’une façon toute particulière. Le héros du livre deM. Paul Féval est un médecin magnétiste, et tous les phénomènes de la science de Mesmer et de Puységur sont appelés tour à tour à former le nœud ou la péripétie des scènes les plus saisissantes du drame. Le somnambulisme, dans ses phases variées, la catalepsie, l’extase, la transmission de pensée, la vue à distance, sont passées en revue et mises en œuvre avec une justesse et une habileté qui indiquent au premier coup d’œil, chez l’auteur, une étude approfondie et sérieuse de la science dont il a fait un si heureux emploi. M. Paul Féval est en effet un des élèves de M. le baron du Potet, et son esprit observateur et studieux, sa ténacité bretonne et investigatrice n’ont point reçu en vain les leçons de l’illustre professeur dont nous avons, dans plus d’une de ces pages que nous venons de parcourir, retrouvé la doctrine exposée dans toute sa pureté, et les principes formulés dans toute leur limpidité magistrale.

Nous ne pouvons qu’applaudir à cette œuvre qui, en employant l’attrait de la fiction du roman comme passeport de

la science sérieuse près des esprits avides d’émotions dramatiques, et que la science toute seule, dans sa nudité austère effrayerait, aura pour résultat inévitable de répandre dans les masses et de populariser le nom du magnétisme, dont les détracteurs acharnés s'efforcent encore aujourd’hui de faire ou une négation ou un épouvantail.

Le roman-feuilleton jouit de privilèges précieux ou redoutables, comme on voudra, mais à coup sûr d’une puissance incontestable, qui fait la force de la presse quotidienne : celle de s’adresser chaque jour à des millions de lecteurs sur toute la surface du globe, et d’infiltrer lentement, mais régulièrement, ses idées dans tous les lieux de réunions publiques où se puisent et se discutent les opinions. Plus d’un, nous en sommes sûr, en lisant le Paradis des Femmes, frappé des merveilles produites par l’énergique puissance du Dr Sulpice, merveilles expliquées avec tant de simplicité et de netteté, voudra tenter à son tour de mettre en œuvre les préceptes d’où elles tirent leur naissance, et sur tous les degrés de l’échelle sociale le magnétisme recrutera de nouveaux champions.

Que les corps savants y prennent donc garde, le temps de mépriser cette puissance est passé. La littérature, la presse, le théâtre, les chaires des écoles et celles des basiliques s’ouvrent pour elle. Aujourd’hui il faut compter avec le magnétisme , et si les savants ne veulent pas marcher avec lui, il marchera sans eux, malgré eux, et peut-être contre eux.

E. DE MALHERBE.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

CLINIQUE.

EXTRACTION DE DENTS SANS DOULEUR.

Mon très-cher ami Hébert,

Je vous transmets deux faits que vous pouvez faire figurer dans les annales de notre science, si vous les en jugez dignes.

Le 27 octobre dernier, je fus appelé pour donner des soins à M“10 Lapière. Cette dame souffrait depuis plusieurs jours d’une odontalgie que lui occasionnait la carie d’une grosse molaire; je magnétisai cette dame, et les douleurs cessèrent presque instantanément; mais au bout de quelques heures on me fit rappeler; je magnétisai de nouveau et fis l’extraction de la molaire. Mon opération terminée, la patiente était encore en état de somnambulisme, elle s’opposait à ce que je lui arrachasse sa dent; alors je me mis en devoir de la démagnétiser, et elle reconnut avec un étonnement indicible que je l’avais débarrassée de sa molaire.

Le 26 mars, dans une réunion, M"° Touchard, de Fouille-tourte , près le Mans, venait d'être magnétisée par un de mes amis ; cette dame souffrait depuis longtemps d’une grosse molaire d’en bas, qu’on avait cassée en voulant l’extraire.

Je proposai à cette dame d’en faire l’extraction, elle accepta. Après m’être assuré de l’insensibilité du sujet, par des piqûres, je me mis à la besogne.

L’opération fut longue et difficile, car les racines étaient presqu’entièrement recouvertes par la gencive, enfin je parvins à extirper jusqu’à la plus petite parcelle sans que Mmc Touchard éprouvât la moindre douleur.

Votre tout dévoué et sympathique élève.

J. GAUTIER, dentiste.

Le Mans, 9 avril 1855.

ToiiE XIV. — X“ *01». — 10 avril 1455. 7

INSTITUTIONS.

Société «lu .UcNiiiérlMinc de Purii«.

PROFESSION DE FOI D’EN MÉDECIN MAGNÊTISTE (1).

Aujourd’hui que le magnétisme animal est bien connu dans son essence, ainsi que les phénomènes moraux et physiques qu’il produit et les cures merveilleuses qu’il opère ; aujourd’hui que d’habiles médecins, des savants de premier ordre en font l’objet de leurs écrits et de leurs travaux, il convient de dire hautement nos dispositions à profiter de la puissance de cet agent et à en user, dans de sages limites, pour le traitement médical.

Voici comment nous croyons devoir classer l’emploi des nouveaux moyens de guérir :

Traitement homéopathique et hydrothérapiqne ; dans les maladies de nature inflammatoire et toutes celles dont le principe repose dans le sang.

Magnétisme ; pour le traitement des affections qui ont pour cause l’altération des fluides et du système nerveux.

Lucidité somnambulique ; pour reconnaître le siège de la maladie et choisir les médicaments.

Cette opinion, que j’énonce, j’ai eu lieu de la fonder, de la manière la plus convaincante, sur un nombre considérable de faits que j’ai observés, constatés et étudiés par moi-même dans la salle des expériences magnétiques du Dr Charles Dugnani, dont le Dr B.... et moi sommes les collaborateurs. Cependant nous étions d’abord fortement incrédules et opposés au magnétisme. Le Dr Dugnani, défié pour ainsi dire par nous, nous mit à même de nous convaincre par le témoignage irrécusable de nos sens, par des expérimenta-

(I) Extrait d'un Mémoire adressé à la Soci-'té, par le Dr Casati, pour Vobtention du titre de membre correspondant ¡1 Milan.

lions personnelles, et de reconnaître toute la grandeur de ce principe par lequel Dieu, dans sa bonté, élève l’homme presque jusqu’à lui en permettant à son âme de manifester ses plus sublimes facultés !

(le fut le hasard qui me mit entre les mains le cas très-remarquable que je vais citer, et qui fit, pour la première fois, jaillir la lumière à nos yeux.

Je fus appelé à donner des soins à un homme, somnambule naturel, atteint d’une affection de poitrine. A certaines époques, cet homme était atteint de somnambulisme, sortait la nuit de sa maison, déchaussé, en chemise, et se rendait à la boutique, assez éloignée, où il travaillait d’ordinaire. 11 en ouvrait la porte avec la clef qu’il avait prise d’avance à cet elfet, préparait ses outils, sortait ensuite, refermait soigneusement la porte et revenait se coucher.

Sa femme ou l’un de ses enfants le suivait toujours dans ces excursions nocturnes, afin de le préserver d’accidents ou de le défendre des curieux qu’un semblable spectacle devait nécessairement attirer.

L’autorité administrative voulut môme à plusieurs reprises le faire enfermer dans un hospice, et je fus moi-même consulté par elle à cet égard ; mais je réussis à démontrer tout le danger qui pourrait résulter pour cet homme de lui faire connaître qu’il était atteint d’une infirmité dont il ne se doutait pas, et qui, l’accès passé, ne l’empêchait nullement de vaquer à ses travaux et de se conduire comme tout le monde. Les conséquences sur son moral pouvaient en être fo;*t graves ; sans parler des inconvénients qui en résulteraient pour sa famille et de la difficulté de le persuader lui-inême de se laisser enfermer dans un hôpital.

Cet état de choses paralysait complètement le traitement que j’avais entrepris pour la maladie de poitrine, laquelle, ayant eu pour cause première un refroidissement, ne pouvait qu’être aggravée par les ntempéries de l’atmosphère et le froid de la saison auquel le malade s’exposait sans le savoir.

Préoccupé de cette idée, j’en parlai à un de mes parents qui connaissait le Dr Dugnani et qui m’engagea à tenter l’em-

ploi du magnétisme, m’assurant que ce médecin avait déjà guéri de la sorte plusieurs somnambules naturels.

Je communiquai cette proposition à mon ami et confrère en médecine et en incrédulité, le Dr B...., et celui-ci me conseilla en riant de l’accepter. Nous engageâmes donc le malade à se présenter au Dr Dugnani, et, non sans quelques difficultés de sa part, nous réussîmes à le lui amener.

Le Dr Dugnani consentit sans hésiter à entreprendre le traitement. 11 fit asseoir immédiatement le malade devant lui, et quel ne fut pas notre étonnement de voir cet homme, après environ quinze minutes de passes magnétiques, profondément endormi et répondant aux questions que lui adressait le docteur; parlant de sa maladie, précisant les époques des crises à venir, indiquant celles où il devrait être magnétisé et prescrivant tous les moyens nécessaires à sa guérison.

Leur application n’exigea pas moins d’une année de traitement magnétique, à la suite duquel il se trouva parfaitement guéri non-seulement du sommamhulisme naturel, mais en môme temps de son affection de poitrine. Il y a de cela plus de trois ans déjà et, depuis, il ne s’est ressenti en aucune façon ni de l’une ni de l’autre.

Un fait aussi extraordinaire suffit pour renverser tous nos doutes, et notre conviction fut fixée ensuite par de nombreux cas d’épilepsie traités et guéris sous nos yeux, entre autres un d’épilepsie soliloque extrêmement rare. Enfin, les faits devinrent si nombreux, si éclatants, que, remplis de foi et d’enthousiasme, nous nous unîmes au Dr Dugnani pour coopérer avec lui à soutenir et à propager cet admirable moyen de soulager et de guérir l’humanité.

Je me suis, depuis lors, livré à des études approfondies sur cette science, et j’ai recueilli, sur la clairvoyance en particulier, des observations fort curieuses. Celle-ci surtout m’a frappé : la voix du magnétiseur, lorsqu’elle frappe l’oreille du somnambule acquiert, à ce qu’il paraît, un volume proportionnel à la lucidité de ce dernier; et il y a tels d’entre eux pour lesquels ces sons se trouvent grossis de soixante et

môme quatre-vingts fois leur volume réel. Je recommande ce fait bizarre, que j’ai vérifié pour mon compte, à l’expérimentation scientifique de tous les magnétiseurs.

J’ai également recueilli, de la part de certains sujets extrêmement lucides, des notions toutes nouvelles et fort remarquables sur ltîs divers courants des fluides qui circulent dans le système nerveux avec le sang ; sur la manière dont ces fluides vont, au fur et à mesure, se répandre, par le système capillaire, à la superficie du corps, et se manifestent aux somnambules sous l’apparence d’une sorte de vapeur qui forme, pour ainsi dire, une atmosphère propre à chaque corps. Ils en déduisent une théorie d’atmosphères internes et externes par suite des continuels courants de fl uides entrants et sortants, dont la loi, déjà inscrite par Mesmer, me parait mériter une étude sérieuse et approfondie.

Je crois que l’on pourrait surtout retirer un immense avantage de la clairvoyance dans le traitement spécial des maladies mentales. De nombreuses guérisons ont été déjà obtenues dans des cas de délire, de subdélire, de monomanie, d’hallucination, que les [somnambules expliquent par une surexcitation des organes cérébraux due à l’accumulation, sur lin point particulier, d’un fluide qui se trouve hors de proportion et en détruit l’harmonie et l’équilibre. Or, suivant la force absorbante ou répulsive du malade, cette accumulation sera momentanée ou permanente. De là la différence de gravité des affections mentales par suite de la lésion ou de l’altération de l’organe que la médecine est complètement impuissante à constater, si ce n’est, lorsqu’il n’est plus temps, par l’autopsie. N’est-ce pas ici ou jamais le cas d’avoir recours à la clairvoyance, alors que le malade est lui-même hors d’état d’exprimer ses souffrances, d’en indiquer le siège, à;plus forte raison d’en expliquer la cause; bien plus, alors que le malade ne croit pas à sa maladie et se considère comme parfaitement sain de corps et d’esprit? N’est-ce pas ici que doit être appliquée cette perception admirable du somnambule qui, comme une loupe microscopique, découvre les plus petits vaisseaux des vases sanguins, les plus

petites taches sur les tissus internes, que dis-je, les atomes les plus ténus, les courants des fluides, les corps impondérables eux-mêmes?

J’ai été précisément témoin de la guérison d’un jeune homme atteint de monomanie mélancolique dont un des symptômes était une aversion invincible pour tous les aliments et qui, depuis longtemps, languissait dans une maison de sauté, à Milan. Son père apporta à notre somnambule lucide une mèche des cheveux du malade, et à peine celle-ci l’eut-elle dans les mains, qu’elle déclara aussitôt que la cause de cette affection était toute morale, et prescrivit qu’avant toutes choses on retirât le jeune homme de la maison où on l’avait confiné et qu’on le lui amenât. Lorsqu’il fut devant elle, elle le magnétisa pendant un certain temps à la tête afin, disait-elle, de modifier le fluide qui y était en surabondance. Peu à peu le fou devint parfaitement calme et prit même part à une conversation qu’engagèrent avec lui les personnes présentes, et dont la somnambule avait indiqué la matière et le cours.

Ce traitement bien simple et combiné par la somnambule de manière à placer le malade dans des circonstances physiques et morales homogènes à sa disposition ordinaire d’esprit , fut continué pendant un certain temps, au bout duquel il guérit complètement ; et depuis huit mois que date cette guérison, et qu’il a repris ses travaux, il n’a plus donné aucun signe d’aliénation.

11 est à remarquer que la somnambule nous avait fait part d’une lésion organique de la membrane qui sépare les deux grands hémisphères du cerveau, qu’elle avait constatée de la manière la plus précise et la plus détaillée à la première inspection du malade.

Dans ce cas particulier, j’ai pu me convaincre de l’application très-intelligente qu’elle fit spontanément de la grande loi de l’homéopathie : similia similibus rurantur, et qu’elle déclara le seul moyen de guérison applicable. La maladie étant de nature mélancolique et ayant pour cause première un profond chagrin de cœur, la somnambule avait ordonné

qu’on ne tint au fou que des discours extrêmement tristes et qu’on ne le menât promener que dans des lieux lugubres; enfin, qu’on ne lui fit voir et qu’on ne l’entretînt que de malheurs plus grands que le sien.

Ainsi que je l’ai dit, le succès fut complet et justifia parfaitement le traitement qu’elle avait choisi.

On a fait aussi des éludes importantes sur l’application du magnétisme au traitement de l’hydrophobie. Tous les somnambules s’accordent il déclarer que cette affection est plus morale encore que physique. D’après cela, on pourrait, je crois, en venir à classer les individus mordus dans différentes catégories. Suivant les diverses phases de l’affection dénotées par des caractères distinctifs et, d’après ces caractères, la clairvoyance servirait à établir les remèdes appropriés à chaque individu, ou à employer concurremment l’application opportune de la magnétisation.

Le Dr Dugnani et moi, nous nous proposons de saisir toutes les occasions de nous livrer à cette expérimentation d’une manière toute spéciale.

Nous attendons, d’autre part, la concession très-prochaine d’une salle de clinique particulière pour le traitement magnétique, dont les autorités nous ont fait la promesse, et qui sera annexée au grand hôpital de Milan.

Je suis heureux de pouvoir vous donner ainsi la preuve que le magnétisme est loin d’être négligé en Lombardie, et qu’au contraire il y est dans une voie largement progressive d’études et de succès.

Plaise à Dieu que nos travaux opiniâtres et nos observations infatigables nous mettent à même d^pouvoir vous communiquer une masse imposante de faits dont le caractère curieux et nouveau, ainsi que l’authenticité incontestable dont nous aurons soin de fournir en même temps toutes les garanties désirables, sera la pierre que nous apporterons, pour notre part, à la construction du grand édifice de la science magnétique.

c. CASATl, Docteur en médecine cl en chirurgie.

FAITS ET EXPÉRIENCES.

1° HISTOIRE D’UNE CONVERSION AU MAGNÉTISME.

(ic article. — Voy. page 58.)

Mon cher monsieur Hébert,

Puisque vous avez cra pouvoir donner la publicité de votre intéressant Journal à ma petite histoire de conversion, je vais en continuer le récit.

J’ai dit que de grands pas avaient été faits, et que nous n’avions qu’espérance à avoir ; que l’avenir était à nous. J’en ai acquis la preuve dans un voyage que je viens de faire de Paris à Lyon. La conversation ayant été amenée sur le terrain du magnétisme, à l’occasion d’une daine qui souffrait de douleurs névralgiques, on eût dit d’une réunion d’adeptes parmi les gens de toutes classes qui remplissaient le wagon. Chacun avait à citer un exemple de cures plus ou moins merveilleuses produites par le magnétisme ou par les soinsde divers somnambules, entre autres M“** Franchouquet et Piron, qui depuis vingt-cinq ans se trouvent souvent appelées dans ces parages.

Une autre preuve, que nous devons considérer comme un pas immense, c’est une lettre qui m’a été remise à mon arrivée, et que m’adressait une religieuse d’un des monastères de Paris, dont la mère est dangereusement malade, au point que les médecins en désespèrent.

Cette bonne religieuse avait eu connaissance, il y a une dixaine d’années de la guérison que l’on considérait comme miraculeuse, de M"" V...., dont le mari était alors commandant du fort d’ivry. Voyant aujourd’hui que la médecine est impuissante à soulager sa tendre mère, elle écrit à une de ses soeurs pour avoir l’adresse de «celui qui a servi d’instrument à la puissance d’en haut pour sauver M“' V.... du mal si dangereux qui avait ir.enacé ses jours. »

J’avais donc bien raison en écrivant il y a une quinzaine

d’années à mon frère, alors élève du grand séminaire de Saint-Sulpice, de dire qu’à mon avis on verrait bientôt des chaires de magnétisme établies dans tous /es séminaires. Quel bien ne pourrait pas faire dans sa paroisse un curé initié aux secrets et à la pratique du magnétisme !

Et comme, à l’appui de mes opinions, je puis toujours citer des faits (et des faits qui me sont tout personnels), j’intervertirai l’ordre chronologique pour rappeler ce qui m’arriva en J8Æ2 dans la vallée de Bardonêclie, fontières du Piémont, près de Briançon.

A quelques prêtres réunis, j’exprimai l’opinion émise auprès de mon frère, et j’en vins à parler des sorts, si redoutés par les gens de la campagne, et qui tomberaient d’eux-mêmes si ces braves gens pouvaient une fois se persuader que M. le curé pourrait les mettre à l’abri de l’influence maligne et la conjurer.

On m’amena bientôt une pauvre femme qui prétendait que depuis nombre d’années on lui avait jeté un sort.... Elle n’osait sortir de chez elle qu’en tremblant, n’avait plus d’appétit et paraissait dans un dépérissement complet. M. le curé l’avait prévenue que c’était un monsieur de Paris qui pouvait la guérir et chasser le sort, et pour la rassurer davantage l’opération eut lieu dans la cure. Après quelques passes à grands courants, j’appliquai ma main vers l’épi— gastre. Une légère somnolence s’ensuivit aussitôt, et une demi-heure après elle était tout en moiteur. Je la dégageai, et lui dis avec confiance que son sort était parti, et qu’elle pouvait maintenant se livrer à ses occupations comme à l’ordinaire. L’action magnétique ayant redonné du ton à son estomac délabré par les jeûnes forcés, et la chaleur étant revenue dans toute sa personne, la pauvre femme en rentrant chez elle avala avec appétit une bonne assiettée de soupe, et s’en alla dans la commune raconter sa guérison ; si bien que le lendemain j’avais sur les bras les gens de toute la vallée, qui voulaient me garder parmi eux comme médecin.

Imitez-moi, dis-je aux bons curés en les quittant, et vous serez bientôt les seuls médecins du corps et de l'âme!

Alais revenons à mes premiers essais.

Après ma dernière expérience sur Mmc Monnercau, pleinement convaincu de la lucidité des somnambules et du parti que l’on pourrait en tirer pour le bien de l'humanité, je voulus moi-môme tenter de rendre quelques services par l’imposition des mains; mais je désirais auparavant savoir si je me trouvais dans les conditions nécessaires de force et de santé; car 011 m’avait cité divers exemples de magnétiseurs qui, loin de faire du bien, ne faisaient qu’irriter le système nerveux de leurs malades, et les jetaient dans un état pire que celui dont ils avaient prétendu les tirer.

M. Monnereau, avec sa complaisance habituelle, consentit à. endormir sa femme et à me permettre d’essayer sur elle l’effet de mon fluide. Ce fut la somnambule ensuite, qui me tendit le bras en m’indiquant des passes longitudinales en secouant mes doigts après chaque opération. D’après ses impressions et les étincelles qu’elle voyait sortir de mes mains, elle jugea que j’avais le fluide (dirai-je le mot?) excitant et curatif, et que si je voulais me livrer avec confiance au magnétisme, je pourrais rendre bien des services ;, mais qu’il fallait surtout que je n’eusse pas peur!

J’ai eu par la suite à comprendre la portée de ces dernières paroles, car il est des circonstances où il faut que le magnétiseur soit bien confiant en lui-même, et surtout ne. prenne pets peur. Je laisserai parler les faits.

La première malade sur laquelle j’eus occasion de faire l’essai du fluide curatif qui m’avait fait sourire malgré moi* fut précisément une personne de ma famille.

Je vous ai dit que M”* Bremond, ma belle-mère, était souvent malade; j’avais pour elle consulté la somnambule; mais comme la malade était une vraie tisanophobe, et qu’elle, avait fait tant de remèdes en sa vie, elle avait négligé le traitement ordonné. La nuit elle se levait souvent pour se promener dans la chambre, ce qui lui avait procuré certains, refroidissements, et par suite des étouffements, des spasmes* des irritations, et l’avait mise dans toutes les conditions d’une véritable décomposition.....

Tel était son état quand j’arrivai auprès d’elle le 5 décembre 1841, qu’on craignait à tout moment de lui voir rendre l’àme. lille était comme perdue dans son fauteuil, avec une figure cadavéreuse et ne pouvant iirononcer quelques mots qu’avec les plus grands efforts.

Le médecin appelé n’avait plus su qu’ordonner pour la tirer de cet état de prostration complète.

11 est bon de vous dire qu’avant de connaître le magnétisme, personne plus que moi ne redoutait de se trouver en présence d’un malade; que j’osais à peine en approcher et encore moins le toucher. Mais alors, m’armant de courage et me rappelant du conseil de la somnambule, je demandai ii ma belle-mère si elle voulait que j’essayasse de la magnétiser. Elle me répondit par un signe d’épaules voulant dire : Faites ce que vous voudrez.

« Où souffrez-vous ? » lui demandai-je.

De la main elle me désigna son côté droit...

Je posai aussitôt la main droite sur l’épaule gauche de la malade, et de la main gauche j’essayai quelques passes sur

la partie souffrante..... Au bout de quelques instants cette

pauvre mère put me dire combien cela la soulageait.... et qu’elle voudrait bien dormir.... (Depuis deux jours elle n’avait pas fermé l’œil.)

Sur le mot de dormir, encouragé que j’étais par les premiers effets produits, je ne craignis pas de me placer en face de cette malade, à laquelle on aurait pu donner le nom de squelette ; je lui pris les mains, puis après quelques passes sur les épaules et le long du bras, je la vis fermer lesyeux... Je crus tout d’abord que ce n’était que l’effet de la fatigue et d’un pur bien être, et je lui demandai :

« Comment vous trouvez-vous?

« — Bien.... très-bien 1

« — Souffrez-vous?

« — Non...

« — Mais vous ne sentez aucune partie de votre corps malade ?

« — Non !.... Mais je n’ai point de mal!... »

Tout étonné moi-même d’un résultat aussi inattendu, je me hâtai d’appeler tout le monde de la maison, et je renouvelai mes questions, qui furent suivies des mêmes réponses. Je repris :

« Donnez-vous?

« — ¡Mais non, puisque je vous vois !

« — Eh bien , ouvrez donc les yeux!....

« — Mais je vous vois assez bien !....»

J’essayai de soulever ses paupières, les yeux étaient complètement convulsés. Je l’invitai à ne pas se fatiguer, et lui demandai si elle voulait se reposer un peu. Elle me répondit :

h Oui.

« — Combien de temps?

« — Une demi-heure. »

La demi-heure écoulée, je lui demandai si elle voulait être réveillée. Sur sa réponse affirmative, je rassemblai toutes mes forces; car, comme c’était la première fois que j’essayais ce genre d’opération, j’avais besoin de nie dire qu’il ne fallait pas avoir peur... Au bout de quelques passes transversales, cela réussit parfaitement; et voilà la pauvre mère qui ouvre les yeux petit à petit, et qui tout étonnée de me voir devant elle, me demande :

« Est-ce que j’ai dormi, par hasard?

« — Je ne sais pas si vous avez dormi ; mais je sais que depuis trois quarts d’heure nous faisons la conversation.

« — Ai-je dit des bêtises ?

« — Mais non, à moins que ce ne soit de prétendre que vous n’avez point de mal.

« — Mais effectivement, reprit-elle, je me sens on ne peut mieux. Dieu, que j’ai cbaud ! »

Nous fîmes à l’instant même bassiner son lit ; on la coucha sans souffrance, et elle s’endormit d’un sommeil paisible pour ne se réveiller qu’au bout de plus douze heures, bonheur dont elle ne se rappelait pas avoir joui une seule fois depuis plus de trente ans.

L'aîné BESSON.

ERRATl'M. Page 64, ligne 57 ; service imminent, lisez : éminent.

2° MAGNÉTISATION A TEMPS.

Le somnambule dont j’ai parlé l’année dernière (t. XIII, page 48), présente un phénomène tellement extraordinaire que j’ai hésité jusqu’à ce jour à le signaler, et j’ai eu besoin, pour m’y déterminer, de répéter bien des fois l’expérience merveilleuse que voici, et que je vais tâcher de préciser de la manière la plus claire possible.

Le sujet, à son état normal, est placé dans la chambre où je me trouve, lui à une extrémité, moi à l’autre, et nous tournant mutuellement le dos.

Un des spectateurs me présente sa montre et la remet immédiatement dans sa poche. Je constate l’heure qu’elle marque (supposons 8 heures), et que personne que moi n’a pu voir.

J’ordonne alors au sujet, d’un ton très-ferme et qui veut l’obéissance, de s’endormir lorsque la montre de tel spectateur indiquera précisément 8 heures 44 minutes, 2 secondes, par exemple.

A dater de ce moment je ne m’occupe plus de lui. La conversation s’engage dans l’appartement. Le sujet ÿ prend part. On cherche à la lui rendre intéressante, à captiver son attention, à lui faire oublier l’ordre qu’il a reçu de moi. Vains efforts! Au milieu des rires des incrédules, des haussements d’épaules des dédaigneux, des affirmations contraires que l’heure fixée est encore éloignée ou qu’elle est depuis longtemps passée, le sujet tombe tout à coup comme foudroyé. La montre est consultée aussitôt en présence de tous..... Il est 8 heures 44 minutes, 2 secondes !

Quel est celui qui nous donnera l’explication d’un phénomène si merveilleux, si exceptionnel?

Toutes les précautious les plus minutieuses ont toujours été prises. J’ai môme plusieurs fois exigé des spectateurs une immobilité complète, un silence absolu. Le résultat a toujours été le même.

M. COUPRY.

BIBLIOGRAPHIE.

THÉORIE PSYCHOLOGIQUE DU MAGNÉTISME ANIMAL, article de M. Am. Jacques, publié par la Revue nouvelle du l6r mal 1847.

Il y aurait un livie curieux à écrire : ce serait l’Histoire de la Vérité.

L’intérêt ne manquerait pas à l’étude de cette série de lattes qu’ont été appelés à soutenir les faits éclatants, niés d’abord, et qui marquent aujourd’hui comme autant de jalons dans la chronologie des peuples. Il est effectivement digne de remarque que pas un seul d’entre eux n’a pu arriver de plein saut à la place à laquelle il avait droit, ni exercer sans conteste l’action que la sagesse providentielle lui avait assignée sur l’humanité. Il a fallu que chacun passât par ces différentes étamines de l’esprit de l’homme qui forment comme les phases de la période vitale des grandes découvertes.

Un fait se produit-il, juste en face vient se poser aussitôt «a négation absolue, radicale : voilà son acte de naissance. Puis vient la lutte acharnée de la passion pour et de la passion contre ; exagération d’une part et mauvaise foi de l’autre, et conséquemment faiblesse pour tous : c’est son enfance. II croît cependant au milieu de ce choc, il se développe lentement, péniblement, repoussant le boisseau sous lequel il étouffe, et jetant peu à peu ses racines. Jusqu’à ce qu’enfin la force des choses amène pour lui la discussion sage et modérée, la discussion basée sur l’étude, sur l’expérience, et s’appuyant avant tout sur la loyauté. C’est alors que, rejetant hardiment les langes qui le garrottaient, et, revêtant la robe virile, il brise, il éclate, il brûle, écrasant de son évidence le doute qui hésite encore, et prenant d’autorité le rang auquel il a droit dans l’histoire de l’humanité.

Ces réflexions nous sont inspirées par la lecture de deux

ouvrages également dignes d’attention, chacun à leur point de vue, et sortis de deux plumes bien différentes, mais considérables toutes deux et dont les écrits ont dans le monde de la science et de la philosophie un poids trop sérieux pour qu’on puisse se dispenser de compter avec eux. L’un, qui fait le sujet de cet article, de M. Amédée Jacques; l’autre de M. Ragon, que nous analyserons ensuite.

Or, en voyant le philosophe et le savant, ces deux grands ouvriers de l’intelligence humaine, prendre également pour sujet de leurs études et de leurs écrits un fait ou une pensée, nous nous disons qu’il faut que ces hommes aient reconnu que ce fait, cette pensée, étaient sérieux, utiles et susceptibles de résultats féconds. Nous nous disons qu’alors est arrivée aussi pour le magnétisme humain la période de l’étude honnête et sincère, de la polémique loyale, et qu’il entre enfin carrément dans l’âge de la virilité, armé de toute sa force et de tous les éléments de triomphe prochain.

Non point que nous ayons trouvé dans les deux écrivains que nous venons de nommer, deux partisans complets de nos doctrines, ou deux adhérents, même à demi convaincus de nos opinions; il s’en faut de beaucoup pour l’un d’eux, M. Jacques, dont nous allons nous occuper le premier, comme étant le plus ancien en date, et dont le travail presque tout entier, établi sur une base radicalement vicieuse, mérite une réfutation sérieuse et approfondie. Mais du moins une œuvre comme celle-là présente toujours une discussion facile et sans amertume, parce qu’elle-même a été conçue sans passion, écrite sans hostilité, et que les erreurs de l’écrivain proviennent non de la mauvaise foi, mais du manque d’études suffisantes de son sujet, et par suite de l’ignorance de certains faits capitaux ou de leur fausse appréciation qui l’ont entraîné dans une voie complètement à côté du vrai. Toutefois, disons-le avant tout et hautement, M. Jacques cherche la vérité, il la cherche sérieusement, consciencieusement, et s’il ne l’a point trouvée ce n’est point faute de bonne volonté.

Nous n’en voulons pour exemple que cette citation d’un

autre ouvrage : Considérations sur les rapports du physique et du moral, par M. de Biran, que M. Jacques place au commencement de sou article :

« Il convient de soumettre à un examen impartial et plus approfondi ces phénomènes encore si obscurs du magnétisme, à l’égard dssquels il me semblerait ssge de se garder d’un scepticisme absolu comme d’une crédulité aveugle et superstitieuse. »

Mais pour suivre à la fois le conseil et les exemples de M. de Biran, comme il le dit, M. Jacques n'aurait pas dû se placer à un point de vue unique et n’étudier la question du magnétisme que du côté qui pouvait satisfaire ses idées philosophiques. Il a eu le tort de demander à la psychologie seule la lumière qu’il voudrait faire luire sur les mystères du magnétisme, écartant complètement ainsi le concours de la physiologie, qu’il considère ici comme hors de la question, parceque «enfermée dans la recherche des causes externes, qui sont ici secondaires, elle est aveugle sur les vraies causes qui sont en nous. »

C’est là une grave erreur. Un raisonnement bien simple suffira pour le démontrer. Partons d’abord du point duquel doivent procéder tous les raisonnements afin d’éviter les équivoques ou les malentendus, c’est-à-dire des définitions. Qu’est-ce que la physiologie? C’est la science des principes de l’économie animale, de l’usage et du jeu des organes, la science, en un mot, de la vie et de la nature animée. La psychologie, elle, est la partie de la philosophie qui traite de l’àme, de ses facultés et de ses opérations. Or, sur quelles bases cette dernière science a-t-elle pu être établie ? Sur quelles observations a-t-elle pu s’appuyer pour arriver à une formule? Par quelles études matérielles, par quelles démonstrations tangibles cette science toute idéale en est-elle venue à être une science positive, sinon en concluant du principe physique au principe moral. Toutes les déductions de la psychologie sont dues à la physiologie. Supprimez cette dernière, vous faites du môme coup disparaître l’autre, qui ne repose plus, dès lors, sur rien de sensible; et de l’homme,

sujet qui seul peut fournir l’élément de cette étude connexe, vous faites un être impossible.

11 n’est donc pas permis de séparer ces deux sciences d’une manière absolue, et l’étude d’une troisième, qui s’appuiera sur l'une d’elles devra forcément avoir recours à l’autre et puiser ii cette source commune les principes indispensables à une démonstration qu’une seule ne peut lui fournir et qui satisfasse en môme temps le philosophe et le savant.

Cette vérité, d’une application générale, était particuliè-ment nécessaire à établir pour ce qui concerne spécialement le magnétisme. Dans les phénomènes, variés d’une manière innombrable, qu’il produit, le rôle des sens et celui de l’âme sont unis d’une manière si étroite, leur mélange est si complet et si intime, que vouloir, par une théorie exclusive, expliquer quelques-uns de ces phénomènes, c’est être amené nécessairement à la négation de beaucoup d’autres auxquels elle ne peut pas s’appliquer.

Aussi n’est-il pas étonnant que, partant du principe qu’il s’est posé de tout rapporter absolument et exclusivement aux opérations de l’âme, M. Jacques prenne pour axiôine les conclusions du rapport de Bailly, considère comme décisif l’arrêt prononcé à cette époque par l’Académie des sciences et déclare tout net que « la théorie du fluide est jugée depuis longtemps, et qu’il ne veut point la ressusciter.» Nous pourrions bien ici, si cela n’avait été fait depuis longtemps, et beaucoup mieux que par nous, discuter la compétence de Bailly et demander pourquoi la docte assemblée choisissait un rapporteur si étranger à la matière qu’il était appelé à examiner ; mais Beaumarchais, son contemporain, a bien voulu, à peu près à la même époque, répondre pour elle. C’était un médecin qu’il fallait, on prit... un astronome.

Au reste, nous pourrons dire à notre tour, nous aussi : Oui, la théorie du fluide est jugée; mais jugée avec gain de cause, mais victorieuse, triomphante et éclatant par une somme de faits et de preuves si abondantes, si indiscutables, que la négation de Bailly n’est même plus admise. L’action physiologique de l’agent nié par M. Jacques est reconnue par

quiconque a étudié les phénomènes qu’elle produit, phénomènes dont un grand nombre est de l’ordre essentiellement matériel et ne peut en aucune façon être rattaché aux opérations de l’âme. Nous n’en citerons qu’un seul, le plus grand, le plus merveilleux peut-être, et, pratiquement parlant, à coup sûr le plus utile de tous, c’est-à-dire la puissance curative du magnétisme employé comme agent thérapeutique. De la part du magnétiste nous admettrons bien encore le produit de la volonté dont l'âme peut concentrer toutes les forces vers la guérison qu’elle se propose comme but à atteindre; mais de la part du malade souvent incrédule par système et railleur par tempérament, quelquefois insensible par abrutissement ou inanimé parla maladie même, qu’on nous dise où est l’action psychologique ? Où est cette action chez l’homme endormi? chez l’enfant qui vient de naître ? Et tous cependant reçoivent à un degré plus ou moins sensible, subissent d’une manière plus ou moins marquée l’action salutaire de la magnétisation. Or, si votre raisonnement pèche par ce point, toute la base de votre théorie s’écroule, parce que vous la posez d’une manière absolue et exclusive, et qu’en n’y admettant point de modification possible ou d’élément même accessoire, une seule lacune suffit pour la réduire à néant.

Il est vrai que M. Jacques se débarrasse commodément de ces faits, qui ne sont plus à prouver aujourd’hui, et dont l’existence gêne son système :

« Je ne compte pas parmi les expériences sérieuses, dit-il, ces comédies ridicules ou coupables qui se jouent dans les salons pour l’amusement d’un public frivole, ou derrière le rideau, sous prétexte de guérir. »

Avec ces trois lignes, tout est dit. La frivolité du public devant lequel l’expérience a lieu entraîne, à ce qu’il paraît, comme conséquence forcée, la frivolité de l’expérience ; et le rideau dont s’enveloppe le traitement d’une maladie, par une déduction logique analogue, frappe virtuellement de nullité la guérison obtenue. Le choix du mot prétexte nous semble particulièrement heureux. Ainsi les milliers de pro-

cès-verbaux signés de médecins mêmes, prétexte; les enquêtes légales des magistrats constatantes faits, prétextes; les innombrables témoignages certifiés par les autorités civiles, prétexte ; les cures accomplies dans les hôpitaux en face de toute une population, prétextes encore. Sans doute, et nous l'avons répété à satiété, le charlatanisme et la cupidité ont profité et profitent encore tous les jours du magnétisme pour l’exploiter par des manœuvres qu’on ne peut trop flétrir; mais l’abus d’une chose détruit-il cette chose? La vertu curative d’un médicament devra-t-elle être niée parce qu’un fou ou un méchant s’en sera servi pour empoisonner ; et les jongleries des bateleurs font-elles mettre en doute la physique et la chimie ?

Au reste les négations coûtent peu à M. Jacques, et il ne s’en fait faute. A propos de la prédisposition d’esprit dans laquelle doivent se trouveV les individus qui se soumettent à la magnétisation, nous remarquons ces mots :

« Je constate d’abord que les manœuvres des magnétiseurs sont toujours sans action sur les incrédules décidés ; elles n’ont d’effet, quand elles en ont, que sur des gens qu’une prévention contraire dispose à admettre la puissance du fluide, comme les possédés reconnaissaient celle du diable, les trembleurs celle du Saint-Esprit, les convulsionnaires celle de la grâce. Cela prouve, il est vrai, que le fluide magnétique est une chimère qui n’a d’existence que dans l’imagination du somnambule ; mais je n’ai pas entrepris de défendre la théorie du fluide, et il importe peu qu’il existe ou non ; pourvu que le magnétisé y ait foi, il subira l’action de cette cause imaginaire tout aussi bien que si elle était très-réelle. »

Il est impossible, à ce qu’il nous semble, de formuler, dans un plus petit nombre de lignes, un nombre plus considérable d’erreurs capitales; mais que répondre à cela? Du moment que les expériences sont déclarées illusoires, que les épreuves sont tenues pour non avenues et les faits considérés comme œuvres mortes, quels raisonnements pourront convaincre un parti pris aussi nettement accusé? Quelle est la logique à laquelle se rendra une résolution aussi for-

melle de fermer les yeux et de se clore les oreilles? Nous n’aurions pas môme cette ressource de lui dire : Venez, et voyez, il y a, dans l’histoire du magnétisme, co nnie au reste dans presque toutes les croyances, mais cependant plus particulièrement encore dans celle-ci, un fait extrêmement remarquable. Ce fait est que de tous ceux qui adhèrent fermement à la doctrine du magnétisme, c’est à peine si on en trouverait un sur mille qui l’ait admise pratiquement par suite d’enseignement ou d’études. Pour tous, il a fallu des preuves matérielles, personnelles et à la portée de leurs sens. Et cela se conçoit au reste facilement ; ces phénomènes, quels qu’ils soient, répugnent toujours à l’ignorance de notre pauvre nature humaine que nous appelons notre raison, et pour croire, il faut que nous touchions. Tous étaient des incrédules décidés, comme dit M. Jacques, et cependant ils ont été convaincus, non-seulement par ce qu’ils ont vu, mais parce qu’un grand nombre d’entre eux, pour ne pas dire tous, ont individuellement éprouvé. Tous, et il nous suffit pour parler ainsi de faire un appel à nos propres souvenirs et à ceux de nos amis, tous nous nous sommes soumis à l’épreuve dans les conditions les plus fatales à son succès, les plus impossibles suivant le système de M. Jacques, avec l’épigramme à la bouche, le sourire du dédain sur les lèvres, et au cœur une incrédulité, nous ne craignons pas dele déclarer, aussi ferme que celle de M. Jacques lui-même. Et cependant beaucoup d’entre nous ont subi l’influence magnétique au plus haut degré ; chez quelques-uns le somnambulisme s’est déclaré, chez tous il s’est manifesté une sensation quelconque. Où étaient donc cependant la foi et la prédisposition mentale prétendues nécessaires ?

Ce sont des faits cela; mais il est convenu avec M. Jacques que les faits ne comptent pas. Nous ne lui demanderons donc pas non plus où se trouvera la foi chez cet homme qui n’aura jamais entendu prononcer le nom de magnétisme, sur lequel je ne ferai point de ces passes qui semblent si ridicules à M. Jacques, et qui, les yeux grands ouverts et tout en se livrant à la conversation, se trouvera

complètement délivré d’une douleur dans une partie quelconque du corps par la simple imposition de ma main sur cette partie? Nous ne lui demanderons pas davantage quel est l’agent de ce phénomène, essentiellement physiologique, et dans lequel l’âme n’a pas, que nous sachions, grand chose à faire? Nous ne le lui demanderons pas, puisqu’il a décidé à tout jamais que le fluide était une chimère, mais nous nous bornerons à exprimer le vœu qu’il trouve du moins quelque chose pour le remplacer là où l’action psychologique se trouve faire défaut.

11 était au reste difficile qu’il en fût autrement, le point de départ de l’auteur étant essentiellement vicieux par l’abstraction complète qu’il fait dans cette étude de tous les phénomènes magnétiques autres que ceux du somnambulisme. Pour lui, magnétisme et somnambulisme sont synonymes; il a pris l’effet pour la cause. De là l’erreur. Dans tous les individus qui se soumettent à la magnétisation, il ne veut voir que des somnambules confirmés ou des extatiques. Son opinion à cet égard ne saurait être douteuse, il suffit de lire le portrait dramatique et coloré qu’il en fait.

« Voilà donc, comme on dit, le sujet disposé ; il attend, dans l’angoisse d’une inquiétude craintive ou avec l’ftnxièté de l’espérance, que se révèle en lui l’influence de cette vertu mystérieuse qui doit s’emparer de sa personne et le ravir à lui-même. Elle tarde et il l’appelle; il s’annule par avance pour lui donner plus de prise. D’ailleurs le magnétiseur lui prescrit l’immobilité, l’abandon de soi; son air est impérieux, son attitude est celle du commandement, son regard exprime un ordre. Quelle sera, je le demande, l’action de cette volonté toute pleine d’une confiance vraie ou feinte et qui s’annonce avec toutes les apparences d’une autorité, chimérique assurément, mais enfin reconnue pour véritable par celui qui la subit? Quelle sera, dis-je, son action sur cette volonté timide, dans une organisation souvent faible, qui se livre d’ailleurs et croit, dans le moindre trouble de ses sens, apercevoir le signe de l’influence espérée ou redoutée? Vous étonnerez-vous qu’elle succombe quelquefois quand vous savez que de plus fortes n’ont pas résisté à des épreuves moins rudes ? 11 faut remarquer enfin que les sujets les plus

accessibles à l’influence prétendue magnétique sont ceux à. qui la débilité d’une organisation fragile ou malade ne laisse qu’un pouvoir volontaire déjà chancelant, dont la moindre atteinte pourra consommer la ruine, toujours imminente ; ce sont les enfants, les femmes, les malades, et encore, parmi ces derniers, principalement les victimes de ce genre d’affections qui attaquent surtout les organes du mouvement volontaire ; l’épilepsie, les dispositions apoplectiques, la catalepsie. Cette remarque peut Être étendue à toutes les espèces d’extatiques ; les convulsionnaires étaient surtout des femmes ; la possession ne sévissait guère autrefois que sur ce sexe ; et, parmi les inspirés des Cévennes, il y avait plus d’enfants que d’hommes faits. Enfin le mysticisme, seul entre toutes les doctrines philosophiques, n’a-t-il pas compté des femmes au nombre.de ses représentants les plus éminents ? Qu’on se rappelle sainte Thérèse et M'"' Guyon. »

En donnant cette longue citation, nous n’avons point d’autre but que de mettre à môme le lecteur de se faire une idée du point de vue auquel s’est placé M. Jacques dans son appréciation psychologique du somnambulisme dont, suivant lui, la suspension de la volonté est le principe invariable, la loi unique, la condition sine i/uii non, tandis que, pour nous, il est de notoriété prouvée et incontestable qu’elle n’en est qu’un des traits secondaires et que l’obéissance du somnambule, spontanée le plus souvent, mais parfois aussi commandée, varie avec les sujets, se modifie suivant mille circonstances, et disparait complètement dans un grand nombre de cas pour leur laisser en entier leur libre arbitre et la conscience du moi physique et moral. Or, en partant comme principe de l’hypothèse contraire, M. Jacques arrive, par un raisonnement qu’il a le droit d’en tirer très-logiquement, à une conclusion assez étrange.

« Avec la perte totale du pouvoir volontaire, et, partant, de la conscience, toute sensibilité va s’abolir. Qu’en subsisterait-il en effet ? Une douleur dont on n’a pas conscience, c’est une douleur qui n’est pas. La conscience supprimée, il ne reste, à la place de la sensation qui avorte, que sa cause ou occasion organique, c’est-à-dire qu’un certain jeu des fibres et des nerfs, auquel le moi absent demeure indifférent. De là, par une conséquence nécessaire, l’insensibilité. »

Voilà donc tous les somnambules nécessairement insensibles; mais alors, comment M. Jacques qualifiera-t-il l’état do ceux qui ne le sont pas et qui cependant, hors cette circonstance d’insensibilité, se trouvent en tout pareils pour les différentes autres conditions. Pour être conséquent avec lui-même, il doit nécessairement déclarer qu’ils ne sont pas somnambules.

Ainsi l’auteur de la théorie psychologique, qui a commencé d’abord par confondre le somnambulisme avec le magnétisme, confond à présent l’insensibilité avec le somnambulisme. Mais ce n’est pas tout. Comme les théories ne lui coûtent pas plus que les négations, il établit un peu plus loin un système tout nouveau ; c’est celui de Y ouïe à distance remplaçant la vue à distance ; attendu, dit-il, « que dans la plupart des cas pareils, l’ouïe supplée la vue, presque toujours empêchée par l’interposition d’objets voisins»; et il attribue cette délicatesse plus exquise de l’ouïe « à l’habitude de l’excitation nerveuse qui concourt à produire l’extase.' » Nous avouons ingénuement notre insuffisance, non-seulement à expliquer cette dernière phrase, mais même à en comprendre l’intention ; car nous ne voyons pas pourquoi l’habitude de cette excitation nerveuse développerait d’une manière plus particulière l’ouïe que la vue, l’odorat que le goût, en un mot un sens plutôt qu’un autre. Ce qui en résulte de plus clair pour nous, c’est que, d’après le système de M. Jacques, tous les somnambules devraient être extatiques, autre confusion du somnambulisme avec l’extase ; et encore devrait-il nous expliquer comment, dans son hypothèse , le somnambule peut entendre les objets renfermés dans une cassette, les lettres renfermées dans un portefeuille, les pages d’un livre fermé. C’est une interprétation toute nouvelle du sens de l’ouïe que celle-là.

Non, disons-le ici, puisque l’occasion s’en présente, non, le somnambule ne voit pas, le somnambule n’entend pas, ne sent pas, ne goûte pas. Aucun des sens ordinaires qui fonctionnent pour l’existence de l’homme à l’état de veille ne sert à l’homme enlevé par le magnétisme à la vie matérielle, et

leur dénomination distincte et spéciale n’est applicable à aucun des actes qu’il accomplit dans ce nouvel et mystérieux état. Transporté dans cette vie merveilleuse, le somnambule (et nous parlons ici seulement de certains sujets rares et privilégiés) se trouve pourvu d’un sens non moins merveilleux qui y est approprié et les résumant tous avec une puissance qui ne connaît point de bornes et une énergie qui brave tous les obstacles. Que l’on appelle cette faculté inouïe, perception, sensation, instinct, peu importe. Quand la science l’aura définie, elle lui donnera un nom ; en attendant, ne cherchons point à l’assimiler, car ce serait la méconnaître.

Il en est de même pour la transmission de pensée, qui n’est explicable par aucun des sens connus, excepté cependant pour M. Jacques qui, lui, tout simplement, la traduit, soit par l’organe de l’ouïe, soit par celui de la vue.

« 11 est difficile, dit-il, que la pensée la plus secrète ne se manifeste pas au dehors par quelque signe. Vous avez beau dissimuler, un geste, un mot, le son de votre voix vous trahit. Imperceptibles pour les autres et inaperçus de vous-mèmes, ces indices ne seront pas perdus pour le somnambule dont l’activité organique est toute tendue à démêler les pensées, les sentiments et les volontés du magnétiseur, à la puissance duquel son imagination le soumet. 11 obéira alors à un ordre que vous croirez n’avoir pas exprimé du tout et que réellement vous aurez traduit par quelque signe involontaire et fugitif. Voilà tout le secret de cette illusion des partisans les moins éclairés du magnétisme ; et au milieu des expériences contradictoires recueillies, celles-là seules ont en elles-mêmes une apparence d’authenticité qui s’explique de cette façon : où les signes de la pensée manquaient ab -solument, le somnambule ne les a jamais devinés ; où il a pu s’en décéler quelques-uns, il les a recueillis et interprétés subtilement ; mais qu’un homme, même endormi, puisse lire directement la pensée d’un autre en son âme, cela passe toute possibilité et toute croyance. Dieu seul lit dans les cœurs. »

On le voit, c’est toujours le même système, la négation absolue de tout ce qui paraît passer toute possibilité, système dont la formule brutale, sous forme d’argument, est

celle-ci : Je vois, mais je ne crois pas, parce que cela ne doit pas être possible. Et M. Jacques ne s’aperçoit pas que cet argument, dont une aussi haute raison que la sienne devrait repousser l’usage, est celui qui a toujours accueilli, à leur début, les grandes découvertes qui choquaient la raison ou la science des hommes aux époques où elles ont pris naissance ; que c’est encore celui de tous ceux qui rejettent et nient complètement le magnétisme parce que leur ignorance 11e leur permet pas de l’expliquer d’une manière satisfaisante pour eux, exerçant ainsi sur le tout l’ostracisme que AI. Jacques n’applique, lui, qu’à une partie, précisément celle qui se trouve en opposition avec la théorie au moyen de laquelle il démontre l’autre à sa façon.

Nous ne nous attacherons donc pas à discuter minutieusement chacune des allégations auxquelles les faits, connus de tous, apportent journellement une réponse bien autrement concluante et péremptoire que notre argumentation. Ainsi ferons-nous à l’égard des phénomènes de ta prévision, qui selon lui n’ont rien de très-surprenant et qu’il explique par « les lois ordinaires d’association qui régissent plus de la moitié des actions de notre vie. » Selon lui, la prévision chez le somnambule est parfaitement identique à celle de l’homme qui, ayant fortement attaché à l’idée d’une époque précise, encore future, celle d’une action de quelque importance peut, dans l’intervalle qui sépare la détermination de l’exécution, vaquer à ses affaires habituelles, sans souci de la résolution prise, et chez lequel, lorsque le temps sera venu, les signes qui le lui annonceront, ramèneront dans le cercle de ses idées, avec la notion de ce temps, celle de l’acte qu’il y aura lié. M. Jacques trouve cette comparaison d’autant plus satisfaisante qüe les somnambules ne prévoient, suivant lui, que des crises nerveuses ou des attaques d’é-pilepsie, qui, à l’heure prédite, par les seules impressions qui la signalent et en vertu de la liaison préétablie, donnent le premier branle à l’organisation et par suite de leur nature qui échappe à toute volonté, une fois commencées, se succèdent avec une violence irrésistible. Il n’y aurait à tout cela,

celle-ci : Je vois, mais je ne crois pas, parce (pie cela ne doit pas être possible. Et M. Jacques ne s’aperçoit pas que cet argument, dont une aussi haute raison que la sienne devrait repousser l’usage, est celui qui a toujours accueilli, à leur début, les grandes découvertes qui choquaient la raison ou la science des hommes aux époques où elles ont pris naissance ; que c’est encore celui de tous ceux qui rejettent et nient complètement le magnétisme parce que leur ignorance ne leur permet pas de l’expliquer d’une manière satisfaisante pour eux, exerçant ainsi sur le tout l’ostracisme que M. Jacques n’applique, lui, qu’à une partie, précisément celle qui se trouve en opposition avec la théorie au moyen de laquelle il démontre l’autre à sa façon.

Nous ne nous attacherons donc pas à discuter minutieusement chacune des allégations auxquelles les faits, connus de tous, apportent journellement une réponse bien autrement concluante et péremptoire que notre argumentation. Ainsi ferons-nous à l’égarcl des phénomènes de ta prévision, qui selon lui n’ont rien de très-surprenant et qu’il explique par « les lois ordinaires d’association qui régissent plus de la moitié des actions de notre vie. » Selon lui, la prévision chez le somnambule est parfaitement identique à celle de l’homme qui, ayant fortement attaché à l’idée d’une époque précise, encore future, celle d’une action de quelque importance peut, dans l’intervalle qui sépare la détermination de l’exécution, vaquer à ses affaires habituelles, sans souci de la résolution prise, et chez lequel, lorsque le temps sera venu, les signes qui le lui annonceront, ramèneront dans le cercle de ses idées, avec la notion de ce temps, celle de l’acte qu’il y aura lié. M. Jacques trouve cette comparaison d’autant plus satisfaisante qüe les somnambules ne prévoient, suivant lui, que des crises nerveuses ou des attaques d’é-pilepsie, qui, à l’heure prédite, par les seules impressions qui la signalent et en vertu de la liaison préétablie, donnent le premier branle à l’organisation et par suite de leur nature qui échappe à toute volonté, une fois commencées, se succèdent avec une violence irrésistible. Il n’y aurait à tout cela,

celle-ci : Je vois, mais je ne crois pas, parce que cela ne doit pas être possible. Et M. Jacques ne s’aperçoit pas que cet argument, dont une aussi haute raison que la sienne devrait repousser l’usage, est celui qui a toujours accueilli, à leur début, les grandes découvertes qui choquaient la raison ou la science des hommes aux époques où elles ont pris naissance ; que c’est encore celui de tous ceux qui rejettent et nient complètement le magnétisme parce que leur ignorance ne leur permet pas de l’expliquer d’une manière satisfaisante pour eux, exerçant ainsi sur le tout l’ostracisme que M. Jacques n’applique, lui, qu’à une partie, précisément celle qui se trouve en opposition avec la théorie au moyen de laquelle il démontre l’autre à sa façon.

Nous ne nous attacherons donc pas à discuter minutieusement chacune des allégations auxquelles les faits, connus de tous, apportent journellement une réponse bien autrement concluante et péremptoire que notre argumentation. Ainsi ferons-nous à l’égard des phénomènes de ta prévision, qui selon lui n’ont rien de très-surprenant et qu’il explique par « les lois ordinaires d’association qui régissent plus de la moitié des actions de notre vie. » Selon lui, la prévision chez le somnambule est parfaitement identique à celle de l’homme qui, ayant fortement attaché à l’idée d’une époque précise, encore future, celle d’une action de quelque importance peut, dans l’intervalle qui sépare la détermination de l’exécution, vaquer à ses affaires habituelles, sans souci de la résolution prise, et chez lequel, lorsque le temps sera venu, les signes qui le lui annonceront, ramèneront dans le cercle de ses idées, avec la notion de ce temps, celle de l’acte qu’il y aura lié. M. Jacques trouve cette comparaison d’autant plus satisfaisante qüe les somnambules ne prévoient, suivant lui, que des crises nerveuses ou des attaques d’é-pilepsie, qui, à l’heure prédite, par les seules impressions qui la signalent et en vertu de la liaison préétablie, donnent le premier branle à l’organisation et par suite de leur nature qui échappe à toute volonté, une fois commencées, se succèdent avec une violence irrésistible. Il n’y aurait à tout cela,

celle-ci ; Je vois, mais je ne crois pas, parce (pie cela ne doit pas être possible. Et M. Jacques ne s’aperçoit pas que cet argument, dont une aussi haute raison que la sienne devrait repousser l’usage, est celui qui a toujours accueilli, à leur début, les grandes découvertes qui choquaient la raison ou la science des hommes aux époques où elles ont pris naissance ; que c’est encore celui de tous ceux qui rejettent et nient complètement le magnétisme parce que leur ignorance ne leur permet pas de l’expliquer d’une manière satisfaisante pour eux, exerçant ainsi sur le tout l’ostracisme que M. Jacques n’applique, lui, qu’à une partie, précisément celle qui se trouve en opposition avec la théorie au moyen de laquelle il démontre l’autre à sa façon.

Nous ne nous attacherons donc pas à discuter minutieusement chacune des allégations auxquelles les faits, connus de tous, apportent journellement une réponse bien autrement concluante et péremptoire que notre argumentation. Ainsi ferons-nous à l’égard des phénomènes de ta prévision, qui selon lui n’ont rien de très-surprenant et qu’il explique par « les lois ordinaires d’association qui régissent plus de la moitié des actions de notre vie. » Selon lui, la prévision chez le somnambule est parfaitement identique à celle de l’homme qui, ayant fortement attaché à l’idée d’une époque précise, encore future, celle d’une action de quelque importance peut, dans l’intervalle qui sépare la détermination de l’exécution, vaquer à ses affaires habituelles, sans souci de la résolution prise, et chez lequel, lorsque le temps sera venu, les signes qui le lui annonceront, ramèneront dans le cercle de ses idées, avec la notion de ce temps, celle de l’acte qu’il y aura lié. M. Jacques trouve cette comparaison d’autant plus satisfaisante qüe les somnambules ne prévoient, suivant lui, que des crises nerveuses ou des attaques d’é-pilepsie, qui, à l’heure prédite, par les seules impressions qui la signalent et en vertu de la liaison préétablie, donnent le premier branle à l’organisation et par suite de leur nature qui échappe à toute volonté, une fois commencées, se succèdent avec une violence irrésistible. Il n’y aurait à tout cela,

celle-ci : Je vois, mais je ne crois pas, parce que cela ne doit pas être possible. Et M. Jacques ne s’aperçoit pas que cet argument, dont une aussi haute raison que la sienne devrait repousser l’usage, est celui qui a toujours accueilli, à leur début, les grandes découvertes qui choquaient la raison ou la science des hommes aux époques où elles ont pris naissance ; que c’est encore celui de tous ceux qui rejettent et nient complètement le magnétisme parce que leur ignorance ne leur permet pas de l’expliquer d’une manière satisfaisante pour eux, exerçant ainsi sur le tout l’ostracisme que AI. Jacques n’applique, lui, qu’à une partie, précisément celle qui se trouve en opposition avec la théorie au moyen de laquelle il démontre l’autre à sa façon.

Nous ne nous attacherons donc pas à discuter minutieusement chacune des allégations auxquelles les faits, connus de tous, apportent journellement une réponse bien autrement concluante et péremptoire que notre argumentation. Ainsi ferons-nous à l’égard des phénomènes de ta prévision, qui selon lui n’ont rien de très-surprenant et qu’il explique par « les lois ordinaires d’association qui régissent plus de la moitié des actions de notre vie. » Selon lui, la prévision chez le somnambule est parfaitement identique à celle de l’homme qui, ayant fortement attaché à l’idée d’une époque précise, encore future, celle d’une action de quelque importance peut, dans l’intervalle qui sépare la détermination de l’exécution, vaquer à ses affaires habituelles, sans souci de la résolution prise, et chez lequel, lorsque le temps sera venu, les signes qui le lui annonceront, ramèneront dans le cercle de ses idées, avec la notion de ce temps, celle de l’acte qu’il y aura lié. M. Jacques trouve cette comparaison d’autant plus satisfaisante qüe les somnambules ne prévoient, suivant lui, que des crises nerveuses ou des attaques d’é-pilepsie, qui, à l’heure prédite, par les seules impressions qui la signalent et en vertu de la liaison préétablie, donnent le premier branle à l’organisation et par suite de leur nature qui échappe à toute volonté, une fois commencées, se succèdent avec une violence irrésistible. Il n’y aurait à tout cela,

celle-ci : Je vois, mais je ne crois pas, parce (pie cela ne doit pas être possible. Et M. Jacques ne s’aperçoit pas que cet argument, dont une aussi haute raison que la sienne devrait repousser l’usage, est celui qui a toujours accueilli, à leur début, les grandes découvertes qui choquaient la raison ou la science des hommes aux époques où elles ont pris naissance ; que c’est encore celui de tous ceux qui rejettent et nient complètement le magnétisme parce que leur ignorance ne leur permet pas de l’expliquer d’une manière satisfaisante pour eux, exerçant ainsi sur le tout l’ostracisme que M. Jacques n’applique, lui, qu’à une partie, précisément celle qui se trouve en opposition avec la théorie au moyen de laquelle il démontre l’autre à sa façon.

Nous ne nous attacherons donc pas à discuter minutieusement chacune des allégations auxquelles les faits, connus de tous, apportent journellement une réponse bien autrement concluante et péremptoire que notre argumentation. Ainsi ferons-nous à l’égarcl des phénomènes de ta prévision, qui selon lui n’ont rien de très-surprenant et qu’il explique par « les lois ordinaires d’association qui régissent plus de la moitié des actions de notre vie. » Selon lui, la prévision chez le somnambule est parfaitement identique à celle de l’homme qui, ayant fortement attaché à l’idée d’une époque précise, encore future, celle d’une action de quelque importance peut, dans l’intervalle qui sépare la détermination de l’exécution, vaquer à ses affaires habituelles, sans souci de la résolution prise, et chez lequel, lorsque le temps sera venu, les signes qui le lui annonceront, ramèneront dans le cercle de ses idées, avec la notion de ce temps, celle de l’acte qu’il y aura lié. M. Jacques trouve cette comparaison d’autant plus satisfaisante qüe les somnambules ne prévoient, suivant lui, que des crises nerveuses ou des attaques d’é-pilepsie, qui, à l’heure prédite, par les seules impressions qui la signalent et en vertu de la liaison préétablie, donnent le premier branle à l’organisation et par suite de leur nature qui échappe à toute volonté, une fois commencées, se succèdent avec une violence irrésistible. Il n’y aurait à tout cela,

celle-ci ; Je vois, mais je ne crois pas, parce (pie cela ne doit pas être possible. Et M. Jacques ne s’aperçoit pas que cet argument, dont une aussi haute raison que la sienne devrait repousser l’usage, est celui qui a toujours accueilli, à leur début, les grandes découvertes qui choquaient la raison ou la science des hommes aux époques où elles ont pris naissance ; que c’est encore celui de tous ceux qui rejettent et nient complètement le magnétisme parce que leur ignorance ne leur permet pas de l’expliquer d’une manière satisfaisante pour eux, exerçant ainsi sur le tout l’ostracisme que M. Jacques n’applique, lui, qu’à une partie, précisément celle qui se trouve en opposition avec la théorie au moyen de laquelle il démontre l’autre à sa façon.

Nous ne nous attacherons donc pas à discuter minutieusement chacune des allégations auxquelles les faits, connus de tous, apportent journellement une réponse bien autrement concluante et péremptoire que notre argumentation. Ainsi ferons-nous à l’égard des phénomènes de ta prévision, qui selon lui n’ont rien de très-surprenant et qu’il explique par « les lois ordinaires d’association qui régissent plus de la moitié des actions de notre vie. » Selon lui, la prévision chez le somnambule est parfaitement identique à celle de l’homme qui, ayant fortement attaché à l’idée d’une époque précise, encore future, celle d’une action de quelque importance peut, dans l’intervalle qui sépare la détermination de l’exécution, vaquer à ses affaires habituelles, sans souci de la résolution prise, et chez lequel, lorsque le temps sera venu, les signes qui le lui annonceront, ramèneront dans le cercle de ses idées, avec la notion de ce temps, celle de l’acte qu’il y aura lié. M. Jacques trouve cette comparaison d’autant plus satisfaisante qüe les somnambules ne prévoient, suivant lui, que des crises nerveuses ou des attaques d’é-pilepsie, qui, à l’heure prédite, par les seules impressions qui la signalent et en vertu de la liaison préétablie, donnent le premier branle à l’organisation et par suite de leur nature qui échappe à toute volonté, une fois commencées, se succèdent avec une violence irrésistible. Il n’y aurait à tout cela,

celle-ci : Je vois, mais je ne crois pas, parce que cela ne doit pas être possible. Et M. Jacques ne s’aperçoit pas que cet argument, dont une aussi haute raison que la sienne devrait repousser l’usage, est celui qui a toujours accueilli, à leur début, les grandes découvertes qui choquaient la raison ou la science des hommes aux époques où elles ont pris naissance ; que c’est encore celui de tous ceux qui rejettent et nient complètement le magnétisme parce que leur ignorance ne leur permet pas de l’expliquer d’une manière satisfaisante pour eux, exerçant ainsi sur le tout l’ostracisme que M. Jacques n’applique, lui, qu’à une partie, précisément celle qui se trouve en opposition avec la théorie au moyen de laquelle il démontre l’autre à sa façon.

Nous ne nous attacherons donc pas à discuter minutieusement chacune des allégations auxquelles les faits, connus de tous, apportent journellement une réponse bien autrement concluante et péremptoire que notre argumentation. Ainsi ferons-nous à l’égard des phénomènes de ta prévision, qui selon lui n’ont rien de très-surprenant et qu’il explique par « les lois ordinaires d’association qui régissent plus de la moitié des actions de notre vie. » Selon lui, la prévision chez le somnambule est parfaitement identique à celle de l’homme qui, ayant fortement attaché à l’idée d’une époque précise, encore future, celle d’une action de quelque importance peut, dans l’intervalle qui sépare la détermination de l’exécution, vaquer à ses affaires habituelles, sans souci de la résolution prise, et chez lequel, lorsque le temps sera venu, les signes qui le lui annonceront, ramèneront dans le cercle de ses idées, avec la notion de ce temps, celle de l’acte qu’il y aura lié. M. Jacques trouve cette comparaison d’autant plus satisfaisante qüe les somnambules ne prévoient, suivant lui, que des crises nerveuses ou des attaques d’é-pilepsie, qui, à l’heure prédite, par les seules impressions qui la signalent et en vertu de la liaison préétablie, donnent le premier branle à l’organisation et par suite de leur nature qui échappe à toute volonté, une fois commencées, se succèdent avec une violence irrésistible. Il n’y aurait à tout cela,

les réduisait à des conjectures quand ils voulaient analyser physiquement leur théorie.

Après ces hommes célèbres, Haller, le créateur de la physiologie expérimentale, vint asseoir sur des bases plus sérieuses l’existence des esprits animaux. Ce savant renverse tout ce que les théories anciennes avaient d’hypothétique, et à la place des esprits animaux il met le /hiidus nervosus.

a Ce fluide, dit-il (1), doit avoir mobilité, fluidité et ténuité extrême, privation de saveur, et odeur de toute qualité pouvant affecter les sens; car autrement le sensoriitm percevrait ces qualités. C’est un élément doué d’une grande rapidité, capable de produire le mouvement, de transmettre les sensations, moins subtil que le feu, l’éther et l’électricité, puisqu’il peut être contenu dans des tubes (nerfs), et arrêté dans sa marche par une ligature ; un élément qui peut être réparé par les aliments. Enfin, dit-il, cet élément est d’une nature spéciale, connu seulement par ses effets et distinct de tout autre élément, comme on avoue que la chaleur, la lumière, l’air, l’électricité et l’éther sont distincts entre eux. »

Après Haller, un autre homme de génie, Barthez, sut restreindre le rôle de l’agent dynamique aux fonctions vitales de l’organisme, et rendre ce principe solidaire des organes tout en étant la cause de leur vie.

Cependant Barthez, tout en ayant renoncé aux idées trop métaphysiques des anciens sur la nature du principe vital, croit encore à l’existence de ce principe comme force essentielle et capable de conserver sa nature en dehors de l'organisme. Ainsi il dit à la fin de ses Éléments de la science de l'homme :

«Lorsque l’homme meurt, son corps est rendu aux éléments matériels, son principe vital se réunit à celui de l’univers , son âme retourne à Dieu qui l'a donnée et qui lui assure l’immortalité.»

Telles furent les phases que parcourut la physiologie de la vie du corps humain jusqu’au commencement de ce siècle, où les travaux de Bicliat vinrent renverser ce que la doctrine

(1) Éléments de Physiologie, t. IV, p. 389.

du vitalisme avait conservé de métaphysique malgré ses transformations.

Depuis une cinquantaine d’années, la physiologie des académies, si je puis m’exprimer ainsi, a rompu avec la croyance au principe vital, et elle l’a remplacé par des propriétés inhérentes aux tissus, et produisant par leurs réactions réciproques les phénomènes de la vie ; aussi, après Bichat, les nomme-t-on : propriétés vitales.

Mais en circonscrivant la vie dans des appareils, dans des tissus, a-t-on défini et trouvé quelle était sa nature? Et la question n’est-elle pas seulement déplacée? Ainsi, quand l’école dit avec Bichat : La vie, c’est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort; ou bien : C’est la manière d’être, l’attribut de l’agrégat moléculaire qu’on nomme corps organique; le problème est-il résolu? Non, certes; car aussitôt je demande quelle force a formé cet agrégat que vous appelez de suite corps organique. Ces propriétés initiales, que je reconnais bien aux tissus, ne sont pas autres que la sensibilité et la contractilité. Or, ces propriétés ne sont pas inhérentes aux tissus comme les propriétés physiques le sont aux corps inorganiques; car, après la mort, combien de tissus n’ont pas subi de désordres, et qui cependant n’ont plus en eux et par eux ni l’irritabilité ni la contractilité.

Ce n’est donc pas expliquer ce qu’est la vie, que de dire : Un corps organique est celui qui permet à la vie de se manifester.

L’entraînement matérialiste, ou plutôt organiciste, que la doctrine des propriétés vitales a fait subir à la physiologie n’est donc pas sérieusement philosophique. Cette doctrine spécieuse, en détrônant le principe vital, a satisfait aux exigences de l’analyse anatomique, mais elle demeure impuissante à donner les explications d’ontologie que l’intelligence est en droit de demander et d’obtenir de toute doctrine qui a la raison du vrai en elle.

Si, jusqu’à ce jour, la physiologie était en droit dobjecter au vitalisme le fond hypothétique sur lequel sa doctrine prenait sa base, le vitalisme à son tour peut reprocher à la doc-

trine des propriétés vitales son insuffisance pour rendre raison des grands phénomènes des fonctions intimes des corps \ ivants. La physiologie moderne connaît la limite où ses démonstrations viennent s’arrêter, et en orgueilleuse despote, elle préfère dire que l’esprit humain a des bornes pour ses investigations plutôt que de reconnaître à une doctrine nouvelle le pouvoir d’expliquer ce qui pour elle est un mystère ou même le néant. Quant à nous, nous pensons que le ma-gétisme est appelé à élucider la question si controversée de l’existence d'un agent impondérable dans l’organisme humain ; nous croyons que cette doctrine peut seule combler l’immense lacune que nous avons vu s’ouvrir entre le spiritualisme de M. Piorry et l’organicisme de M. Bouillaud.

Le magnétisme rationnel, épuré des exagérations doctrinales , et non de fait, car tous les faits cités par les diverses écoles de inagnétistes sont vrais, c’est leur interprétation qui seule est fausse; le magnétisme, dis-je donc, doit achever de faire connaître l’homme. Les faits qui éloignent les savants académiciens de l’étude de cette science sont exacts, donc tôt ou tard il faudra qu’on les accepte et qu’on les rattache à une doctrine. Je l’ai dit au commencement de cet article, le langage académique a changé depuis dix ans; encore autant de temps et le magnétisme sera réhabilité. *

D' CHARPIGNON.

Orléans, avril 1855.

CONTROVERSES.

La Gazette des Hôpitaux, du 23 décembre dernier, a publié un long article de M. le Dr Masson, ayant pour titre : Ouverture spontanée d’un kyste dans l’intestin. Cet article est rédigé avec un esprit de parti et de mauvaise foi si évidents, que je regrette de n’en avoir pas eu plus tôt connaissance pour rétablir les faits sur-le-champ et mettre le public à même de les apprécier avec justice et impartialité. J’y suis personnellement intéressé, je le prouverai, et je tiens à ce que la vérité soit connue. Que M. Masson et la Gazette des Hôpitaux ne partagent point mes opinions médicales, ni ma pratique, je suis loin de leur en faire un crime, ils sont parfaitement dans leur droit; mai9 je ne veux passer ni pour un ignorant, ni pour un charlatan, ni même pour un sauvage, suivant l’heureuse comparaison de M. le Dr Masson, et ceci est mon droit aussi.

En deux mots, voici le fait :

M. Masson avait donné ses soins à la jeune personne qui fait le sujet de l’observation, et malgré les moyens le plus judicieusement combinés, elle allait de plus mal en plus mal. Ce fut alors que les parents, désolés de voir leur enfant condamnée à une mort certaine, et ayant appris que j’avais réussi à guérir la femme d’un officier du 21' de ligne, à peu près dans les mêmes conditions et également abandonnée de la médecine ordinaire, me prièrent d’essayer de sauver leur fille. J’y consentis malgré son état déplorable, et j’eus le bonheur d’obtenir un plein succès.

Comme on le voit, il n’y avait là rien de bien extraordinaire, et tous les jours nous voyons dans la pratique un malade changer de mains et de traitement, et le nouveau mode

du second médecin réussir là où celui du premier avait échoué. Mais malheureusement (ou heureusement plutôt) le traitement que j’avais adopté dans ce cas sort tout à fait du nombre de ceux prescrits par la Faculté, lit il a réussi ! Imlè irœ !

Voici, afin qu’on juge de la convenance et de la loyauté de l’attaque, comment M. Masson en rend compte à sa façon :

« On conçoit que je ne puis raconter que bien imparfaitement le traitement suivi alors, que je ne connais que par ce que des amis et des parents m’ont rapporté, sachant l’intérêt que je continuais de porter à la malade; je sais qu’on a pratiqué deux ponctions, et qu’à la seconde le liquide était trouble et odorant; on m’a parlé aussi de lavements d’urine, d’herbes choisies et apportées par la personne chargée de diriger le traitement, de plaques métalliques placées sur la tumeur, de gestes et de démonstrations bizarres, etc. Que ce qu’on m’a rapporté soit exact 011 non , le mal empirait ; un œdème général s’était manifesté; la confiance de la personne qui dirigeait le traitement avait disparu, elle disait avoir été appelée dix mois trop tard, et n’osait plus eufin monter chez la malade avant de s’être informé si elle vivait encore.

« Tout secours humain paraissait inutile ; une amie conseilla à la jeune malade de faire un appel à la puissance divine , et pendant une neuvaine lui fit boire l’eau de la Fontaine miraculeuse de la Salettr.

«Quelques jours après, la malade fut prise d’une diarrhée considérable et d’une fétidité extrême ; on crut qu’elle touchait à ses derniers moments; mais on s’aperçut que la tumeur avait perdu de son volume et s’amoindrissait en proportion du liquide rejeté. L’estomac, débarrassé du poids qui l’opprimait, toléra quelques aliments, les forces revinrent peu à peu, et on peut espérer aujourd’hui un rétablissement complet et durable.

« L’art ne pouvait rien pour obtenir cet heureux résultat, et le traitement le plus étrange ne pouvait non plus l’empêcher. La guérison est due entièrement à la nature, dont les ressources sont parfois merveilleuses.

« Les personnes religieuses ont cru reconnaître dans cette cure inespérée l’intervention divine, et le bruit d’un miracle s’est répandu dans le quartier. La malade et ses parents, heureux de cette résurrection inespérée, l’ont attribuée à la

médication quelque peu étrange qu’on a fait subir à la malade ; ignorants qu’ils sontdes moindres notions de la science, il ne peut en être autrement. Les peuples sauvages croient bien que lorsque la lune est éclipsée, elle serait dévorée par le dragon noir sans les hurlements de leurs jongleurs (1). »

L’avant-dernier paragraphe résume toute l’argumentation et toute la modestie de son auteur ; car, en la traduisant en style un peu cru, voilà ce qu’elle veut dire :

L’art ne pouvait rien, puisque les soins de M. Masson avaient échoué ; le traitement autre que le sien était fort étrange et aurait dû empêcher cet heureux résultat, puisque la Faculté ne l’admet point au nombre de ses prescriptions ; et enfin c’est la nature seule, et non le médecin, qui a opéré la guérison, puisque c’était moi qui étais le médecin.

Car il est bon de le dire à M. Masson, puisqu’il feint d’ignorer non-seulement le mode de traitement mais même le nom du confrère qui lui a succédé près de la malade. La personne chargée de diriger le traitement, c’était moi. Le traitement, ces gestes et ces démonstrations bizarres, c’était le magnétisme , et l’application de ces plaques métalliques c’était le galvanisme.

Si l’honorable auteur de l’article n’avait point attaqué, sans le discuter, ce traitement basé sur les lois précises de la physique et de la chimie qui, malgré la bonne opinion que je veux avoir de ses hautes capacités, semblent lui être tant soit peu étrangères, je ne serais pas sorti de mes habitudes et j’aurais gardé le silence, préférant un travail utile à une polémique presque toujours stérile ; si enfin, rempli de ce grand intérêt qu’il affiche pour son ancienne malade, il avait été désireux de connaître la véritable cause de cette résurrection, il aurait pu s’adresser ou aux parents qui 11e sont point eux non plus, il devrait le savoir, des sauvages, ou à moi-même, qui n’ai pas l’habitude de hurler, et je crois que j’aurais réussi

(1) L’Aeadémic avait bien cru qu’après le hurlement do tous scs membres contre le magnétisme, celui-ci cesserait d’exister. Il n'y a déclips6 ¡ci que cette pauvre médecine; car en vérité elle fait triste figure 1

Baron ou Potkt.

;i lui démontrer de quelle immense ressource sont pour le praticien ces lois électro-chimiques qu’il traite si dédaigneusement, et avec un ton très-doctoral, assurément, mais nullement scientifique.

S’il les avait connues, il aurait su pourquoi les moyens employés par lui n’avaient pas réussi et devaient être remplacés par des agents plus décisifs et surtout plus en harmonie avec la nature de la malade pour lui aider à combattre cette cruelle affection ; il aurait su que ces agents si bizarres suivant lui, parce qu’ils ne les comprend pas, prouvent tous les jours leur supériorité dans les cas désespérés, lorsqu’ils sont rationnellement employés. 11 aurait compris enfin, qu’avant de les railler, il faudrait savoir ce que c’est que le magnétisme, le galvanisme et le massage ; et, bien que ces noms résonnent fort mal à ses oreilles, ils réussissent tous les jours auprès des malades que les médecins comme lui abandonnent.

Quant à l’emploi des herbes, ces auxiliaires innocents bien connus pour aider, modifier ou activer les deux premiers agents que je viens de citer, je ne suppose pas que M. Mas-son veuille leur faire aussi leur procès par cela seul que c’est moi qui les ai choisies, et les rayer en conséquence du Codex ; et ces lavements d’urine qui semblent lui donner des nausées ne sont nullement de mon invention et ont été pratiqués bien avant moi, dans des cas semblables, par des hommes dont le nom fait autorité dans la science. Il devrait cependant apprécier l’emploi de ces nouveaux moyens de guérison, lui qui n’en connaît, dit-il, que deux : le premier, qu’il n’a vu qu’une seule fois, et le deuxième, aussi dangereux que le premier, est rare ; déclaration qui me paraît peu consolante pour les malheureux atteints de cette affection et qui ont recours aux soins de M. le D' Masson.

Celui-ci, au reste, est parfaitement dans le vrai quand il dit que je m’étais plaint que l’on ne m’eût pas appelé dix mois plutôt. Sans doute je l’ai vivement regretté, parce que, appelé à cette époque là, j’aurais pu éviter la ponction, et que, pour moi, elle devenait ici une complication sérieuse,

étant surtout forcé, par les progrès qu’avait déjà fait le mal, de la répéter. Mais cette circonstance, en augmentant les difficultés de la maladie à combattre, ne me semble pas un argument heureusement trouvé pour diminuer le mérite d’en avoir triomphé.

11 est vrai qu’il y a cet autre argument irréfutable que M. Masson et consorts ont toujours à leur disposition dans des cas semblables : C’est la nature qui a tout fait. Et puis tout est dit. Rien à répondre.

Mais voyons donc un peu si cette nature, qui n’était plus que l’ombre d’elle-même, avait encore assez de forces pour réagir seule, et de quelles ressources elle pouvait disposer.

J’ai fait trois ponctions très-rapproclièes. Dans la première , le liquide était trouble ; dans la deuxième, il était plus foncé et odorant; dans la troisième, il était purulent et répandait une odeur infecte. La décomposition marchait rapidement avec tous les désolants phénomènes qui l’accompagnent : hoquet, délire, faciès cadavéreux, yeux cernés et enfoncés dans l’orbite, coma, soubresauts des tendons, prostration et marasme portés à leur dernière période. Je demande si, de bonne foi, avec un groupe de symptômes aussi effrayants, cette pauvre nature, presque anéantie, pouvait seule produire le moindre mouvement de réaction ?

Une diarrhée est survenue, dit M. Masson. Oui, sans doute, mais non déterminée par la nature, qui eu était tout à fait incapable. Depuis plusieurs jours, j’avais préparé les organes à cette crise salutaire; je m’y attendais, et le père de la malade avait été lui-même prévenu, dès le commencement du traitement, de tout ce qui est arrivé. Les six ou huit selles qu’avait la malade, loin de l’affaiblir, comme 011 le prétend, lui procuraient un bien-être qu’elle n’avait pas encore éprouvé, et le moment que M. Masson croyait être celui de la dernière heure, était précisément celui où commençait la guérison.

La nature reprenait le dessus, non par ses seules forces, mais bien par la puissance de cet agent qui est elle-même, qui résiste, combat et triomphe avec elle. Il fallait de la vie,

ou plutôt un abondant surcroit de vitalité supérieure au principe morbide pour changer la nature de cet infect liquide ; remettre les organes dans des conditions favorables, afin d’empêcher la reproduction du liquide, et, par là, obtenir, sans inflammation , l’adhérence des parois avec l’intestin.

Eh bien ! ce sont ces moyens pour lesquels M. Masson affiche tant de dédain, qui ont fait tout cela. La nature, réconfortée, a obéi et est rentrée dans la vie par la vie. C’est cette puissance qui se multiplie par le danger que j’ai employée avec toute la force de volonté dont je suis capable dans les moments suprêmes, et c’est elle qui a suffi pour opérer cette résurrection si inexplicable, disons le mot, si désagréable à M. Masson. A tel point désagréable, en effet, que, pour un peu plus, si on n’avait pas eu sous la main l’argument ordinaire de la nature, MM. les esprits forts de la Faculté allaient presque se décider à faire encore plutôt honneur de cette cure aux eaux miraculeuses de la fontaine de la Salette que de l’accorder au magnétisme, auquel elle appartient. Quand on en est arrivé là, c’est signe qu’une cause est bien malade.

Pour moi, au lieu de répondre aux railleries et aux ana-thèmes par des arguments de la même force, je préfère dire à M. Masson, qui n’a point, à ce qu’il paraît, l’habitude de voir des cures dans le genre de celle-ci : Si vous voulez en voir, non-seulement de pareilles mais de bien d’autres espèces encore, venez chez moi, chez ceux qui font comme moi, et vous pourrez vous satisfaire. Peut être aussi, et Dieu le veuille, le désir d’apprendre et de faire comme nous vous viendra-t-il en même temps que la conviction, et alors vous opérerez, vous aussi, des résurrections, et voüe clientèle ne s’en plaindra pas.

ANDRAKD, médecin électro-magnétiste.

FAITS ET EXPÉRIENCES.

CLAIRVOYANCE. — ENFANT RETROUVÉ.

Nous extrayons du Magnctofilo la lettre suivante, adressée au directeur de ce journal et traduite littéralement.

« Monsieur,

« Désirant vivement que le magnétisme, qui m’a rendu tout récemment un immense service, reçoive dans votre journal un témoignage public de la reconnaissance infinie à laquelle il a tant de droits de ma part, je vous prie de vouloir bien accueillir la relation sincère, d’un fait qui intéresse à un si haut degré la science que vous soutenez si noblement et avec tant d’énergie. Je serai heureux de le voir figurer dans le prochain numéro de votre excellente feuille, et recevoir une publicité à laquelle je tiens d’autant plus que, si je fus autrefois incrédule au magnétisme, aujourd’hui je m’incline plein de reconnaissance et de respect devant sa puissance bienfaisante.

« Voici le fait, avec tous ses détails, que je soumets à l’at-

1 tention de vos lecteurs, et cela pour rendre hommage à la pure et simple vérité, ainsi qu’à la science.

« Mon fils, Ernesto Bernardi, âgé de onze ans environ, ayant reçu une réprimande fort sévère du directeur de l’école où il étudie, disparut tout à coup de cette maison le 29 novembre dernier, à deux heures et demie après-midi. Sa fuite fut constatée peu d’heures après, et je laisse aux pères de famille à juger quelle dut être notre inquiétude à sa mère et à moi. Le 29 et le 30, nous épuisâmes pour le retrouver tous les moyens dont pouvaient disposer les autorités locales, qui nous secondèrent avec tout le zèle imaginable. Nous eûmes même recours au télégraphe, et toujours en vain ; nous étions donc, dans la journée déjàavancée du 1" décembre, plongés dans la douleur et l’angoisse, quand un de nos amis vint nous voir et nous conseilla d’avoir recours à M. Allix,

aliu do savoir de lui si, par le moyen du somnambulisme, il serait possible de retrouver mon enfant, ou du moins de nous procurer quelqu’indice qui nous mit sur la voie.

« Je dois dire avec une profonde reconnaissance, et à la louange (le l’honorable professeur, qu'il fut vivement ému au récit de ce déplorable événement, et que, prenant part à ma douleur de père, il consentit à tenter immédiatement l’expérience que je lui demandais.

« Mais avec la loyauté et la prudence qui le caractérise, il me dit tout d'abord :

« Le malheur qui vous frappe me fait déroger à mes lia— « bitudes à l'égard de l’emploi du somnambulisme. Afin « d’essayer, autant qu’il est en mon pouvoir, de vous venir « en aide dans cette triste circonstance, je consens à y avoir « recours ; mais rappelez-vous bien que je vous préviens d’a-« vance de tout ce que la clairvoyance des somnambules pré-« sente d’incertain, et que s’ils réussissent souvent dans leurs « recherches, il arrive aussi qu’ils se trompent parfois. »

« Je compris toute la sagesse des paroles de l’habile magnétiseur, et l’assurai que, quel que dût être le résultat, je n’en tirerais aucune conclusion défavorable soit à l’expérience tentée en ma faveur, soit au magnétisme lui-même.

«Je lui remis en même temps la chemise et le bonnet de nuit de mon fils enveloppés dans un papier. Le Dr Zanetti et le professeur Corio, mes amis, étaient tous deux présents. Alors M. E. Allix endormit sa somnambule, et lui mit entre les mains, sans les dépaqueter, les vêtements que je lui avais

- remis, et qu’elle tint en les appuyant sur ses genoux ; quelques minutes après, il commença à interroger la somnambule , et lui demanda si elle savait ce qu’était devenu l’enfant, où il était, ce qu'il faisait. Elle lui répoudit sur-le-champ :

« Je le vois ! je le vois! Ne craignez rien, il ne lui est rien ■ « arrivé de fâcheux ; il n’est pas à Turin... Je vois de l’eau ; «* il y a 1111 pont.... Quel est donc cet endroit-lii?... Ah ! c’est « Moncalieri !.... Je vois l’enfant de près; comme il est gai ! « il joue avec un chien ; il poursuit des poules. »

« En ce momont elle se mit à rire de tout son cœur. Le magnétiseur lui demanda ce qu’elle avait à rire.

« Je n’en sais rien, dit-elle; c’est l’enfant qui rit. C’est « un vrai lutin : le chien avec lequel il joue est de couleur « foncée. »

« Enfin, interrogée si elle savait pourquoi l’enfant s’était enfui, elle répondit que lui-même avait raconté qu’ayantperdu

son père et sa mère, il avait été obligé de quitter la maison qu’ils habitaient.

« Le savant professeur me dit alors que si je pensais que tous ces indices ne fussent pas suffisants pour retrouver mon fils, il espérait que dans une ca tase naturelle, le soir même ou dans la nuit, comme elle en a souvent, la somnambule le découvrirait infailliblement; mais celle-ci déclara qu’il était tout à fait inutile d’attendre l’extase, et ajouta :

« Croyez-inoi, je l’ai déjà retrouvé. »

« En effet, étant sorti de chez M. Allix vers les trois heures après midi, accompagné de mon ami le Dr Zanetti et d’un de mes parents, nous partîmes par le chemin de fer pour Moncalieri, et je n’ai pas besoin de dire quelle fut ma joie, à peine descendu du vagon, de trouver mon fils qui était à jouer avec d’autres enfants, lesquels nous dirent spontanément, avec l’ingénuité de leur âge, qu’il leur avait raconté qu’il s’était enfui de la maison paternelle après la mort de ses parents. Je lui demandai alors à lui-même ce qu’il faisait là, et il me répondit, que peu d’instants auparavant, et en présence de ses petits camarades, il avait joué avec un chien noir qui ressemblait à celui que nous avons chez nous, et s’était amusé à poursuivre des poules qui passaient sur la route.

« Voilà, dans sa plus simple et plus exacte expression, le fait dont le magnétisme a été l’agent, et je vous prie, monsieur, de lui donner toute la publicité possible, comme un hommage de ma vive gratitude et de mon éternelle reconnaissance. Qu’il serve en même temps à prouver combien il est nécessaire que cette admirable science soit religieusement étudiée et cultivée, en raison des immenses services que la connaissance et l’application de ses lois sont appelées à rendre à l’humanité.

« Veuillez, monsieur et honoré professeur, agréer l’expression des sentiments d’estime et de respect avec lesquels j’ai l’honneur de me dire, votre dévoué serviteur,

«Giov. Costaszo BERNARD1.

« du collège de Pharmacie,

« rue San Tomaso. »

BIBLIOGRAPHIE.

LA MAÇONNERIE OCCULTE, suivie de L’INITIATION HERMÉTIQUE, etc.; . par J. M. Ragon. 1 vol. iu-8. Paris, Dentu, 1853.

Nous n’avons, heureusement pour nous, pas toujours que de la critique à faire ; car nous avouons être d’une opinion diamétralement contraire à celle du grand Despréaux, et si l’art est difficile, ce que nous sommes loin de contester, nous déclarons cependant que la critique est un rude labeur aussi.

Ce n’est pas toujours une douce tâche, on peut nous en croire, que de disséquer des volumes entiers, pour ne retirer souvent au bout du scalpel que des théories creuses et sonores, ou des systèmes ambigus basés sur des arguments de mauvaise foi et ressassés jusqu’à la banalité. La discussion honnête et sincère n’est pas chose commune, et, de nos jours, les principes et les croyances ne courent pas les rues. Le siècle où nous vivons est bien le fils de celui des encyclopédistes; ils nous ont légué le doute et les petites arguties, l’hésitation aussi bien en fait de science qu’en fait de morale, d’économie politique ou de religion. Ou a peur de croire, et quand on croit on a peur de le dire.

Aussi remercions-nous grandement notre étoile lorsqu’il nous tombe entre les mains un écrit franc, net, tranché, et fruit d’opinions consciencieuses carrément exprimées, nous fût-il hostile ; au moins on sait à qui l’on a affaire. A plus forte raison sommes-nous satisfait lorsque cette netteté de principes et cette franchise de langage se trouvent émaner d’une plume amie et d’un esprit dont les convictions sympathisent avec les nôtres.

C’est ce que nous avons éprouvé en nous occupant de ce travail, que nous avions promis dans notre dernier numéro,

sur l’cxcclleiit ouvrage de M. Ragon. (le polit in-S°, (,ui n'a pas plus de 200 et quelques pages, résume avec 1111 rare talent la matière de bien des in-f"*, et contient plus de science et de vérités qu’il n’est gros. Ce n’est point, à proprement parler, un ouvrage théorique : c’est une analyse rapide, mais substantielle de toutes les sciences occultes, dès leur origine dans l’antiquité la plus reculée jusqu’à nos jours; depuis les grands mystères des Egyptiens jusqu’à la franc-maçonnerie du xix* siècle.

M. Ragon passe successivement en revue la puissance des nombres de Pythagore, la philosophie occulte d’Agrippa, la philosophie rationnelle de Carddn, le système philosophique et médical de Paracelse, la philosophie iatrique, le magnétisme, la thaumaturgie, la phrénologie, l’alchimie, la kabbale, l’astrologie, le magisme, la maçonnerie hermétique et la science des hiéroglyphes qui en dépend, enfin les tables tournantes ainsi que les esprits, et le nouveau système odique de Reichenbach.

Comme on le voit, ce n’est pas la matière qui manque, et il y a de quoi satisfaire tous les goûts. Nous n’avons point, quant à nous, bien entendu, la prétention de suivre M. Ra-gon dans cette revue de sciences à l’égard de la plupart desquelles nous déclarons notre parfaite ignorance. Nous ne sommes malheureusement point magicien ou magiste, comme on voudra; astrologue ou kabbaliste, pas davantage; nous n’entendons rien aux hiéroglyphes et nous n’avons pas même 1 l’honneur d’être franç-maçon. Notre travail se trouve donc renfermé dans les limites du drapeau sous lequel nous combattons, limites assez étendues, il est vrai, puisqu’elles touchent à toutes les sciences humaines, et quand nous aurons analysé la partie de cet ouvrage qui traite du magnétisme et de tout ce qui s’y rattache directement, ou de ses corollaires plus éloignés, nous aurons accompli tout ce que l’on était en droit d’attendre de nous, c’est-à-dire tout ce qui était en notre pouvoir.

M. Ragon, au reste, nous a rendu la tâche facile et agréable, car nous n’avons point, avec lui, à discuter les princi-

pes, et si nous différons d’opinions sur quelques points de détails, nous nous entendons parfaitement quant au fond. Voici en effet comment il s’exprime au commencement du chapitre VIII, qui traite du magnétisme.

« Pratiqué dans l’antiquité par les gynmosopliistes de l’Inde, par es mages de la Perse et parles initiés aux grands mystères, le magnétisme paraît ne l’avoir été que sous le rapport médical. Il est redevenu, depuis Mesmer, une chose neuve, belle, extraordinaire, digne du plus haut intérêt et de l’étude sérieuse du philosophe et du maçon. Nous ne croyons pas exagérer en disant qu’au point, quoique imparfait encore, auquel est parvenue la science magnétique, elle est la voie qui ouvre un vaste avenir au monde de ta vérité et de la lumière. Elle illumine, elle éclaire ses adeptes, et, seule, elle peut les fixer dans la croyance du vrai et résoudre plus tard le grand problème de l'absolu.

« Elle a pour appui la substance universelle, dans laquelle tout est dévoilé pour le voyant. Dans son état magnétique, il y a une absence complète de toute distraction, une suspension entière du commerce de l’âme avec le corps, et, pendant son union intime avec l’âme universelle, la nature n’a plus de secrets pour elle. Le pas qu’il reste à faire est immense, "sans doute, mais les effets prodigieux, recueillis des études faites, ne laissent pas le résultat douteux > résultat dans lequel l’homme pourra trouver jusqu’à l’accomplissement de sa destinée, si incomprise jusqu’à présent. »

Il est bon de dire que l’épigraphe de ce même chapitre le résume pour ainsi dire, et annonce nettement que M. Ra-gon ne laissera aucun magnétiseur en arrière et qu’il en devance beaucoup. Cette épigraphe ne contient que cinq mots, mais ils sont significatifs ; les voici :

« Tout est possible en magnétisme. »

Les .plus fervents n’accuseront pas M. Ragon de timidité, nous aimons à le croire, et franchement nous ne voyons pas ce que l’exigence la plus chaude pourrait réclamer de plus. Pour nous, qui n’avons pas été gâtés à cet égard, nous avouons que nous nous serions contentés même de moins, mais nous devons déclarer en môme temps que ce sont cette grande foi, cette chaleureuse conviction qui amènent les

grandes découvertes et qui produisent les miracles. Qui peut plus, peut moins.

De même, nous ne pouvons que donner une approbation sans réserve aux définitions suivantes :

« Cet agent physique, ou fluide magnétique, est le fluide vital ou nerveux, qui, émané de l’homme, participe de sa chaleur, du principe de sa vitalité et de son intelligence.

« Magnétiser ou faire usage de son fluide magnétique, c’est donc disposer de son existence, de son principe vital, de sa vie pour déployer, étendre et augmenter chez un autre le principe de vitalité et d’intelligence dont il est déjà pourvu. »

A tout ceci, il n’y a rien à ajouter, rien à retrancher; mais nous n’en dirons pas autant d’une proposition que nous trouvons quelques lignes plus loin et que nous ne saurions admettre sous la forme absolue où elle est présentée.

« Les effets magnétiques sont certains et toujours les mêmes, parce que la substance universelle est invariable. »

Sans doute la substance universelle est invariable dans son germe et son principe; mais d’une part, l’individualité propre de chaque êlre la modifie profondément, et en tant qu’application, elle se trouve soumise à des conditions physiologiques et psychologiques qui en dénaturent complètement le caractère général tel qu’il doit exister à la grande source où puisent tous les êtres ; et c’est ce qui fait qu’au lieu d’être certains, comme l’avance M. Ragon, et toujours les mêmes, les effets magnétiques sont, .au contraire, éminemment incertains et variables. Comment, en effet, expliquer autrement que nous venons de le faire les degrés si différents de sensibilité magnétique, ainsi que les degrés de puissance ? Comment, en s’appuyant sur le principe qu’émet M. Ragon, se rendre compte de l'insensibilité complète de quelques-uns ou de l’impuissance magnétique non moins frappante de quelques autres? Ces différences si remarquables, et dont nous sommes témoins tous les jours, dépendent évidemment de l’organisme particulier de chaque individu et se rattachent à des causes physiques ou morales, aux unes et aux

autres la fois peut-être, et qu’il ne nous est pas donné d’apprécier.

Nous ne pouvons pas accepter non plus comme « constaté par l’expérience » que le magnétisme et l’électricité soient une seule et même chose. Pour certains somnambules, nous le savons, la couleur du fluide magnétique est celle de l’étincelle électrique ; niais ce rapport apparent ne constitue pas pour nous nécessairement une assimilation indispensable des deux fluides-, elle dénote tout au plus une analogie. En effet, dans un grand nombre de maladies pour la guérison desquelles l’électricité se trouve impuissante, le magnétisme réussit à merveille ; et réciproquement, là où le magnétisme a échoué, l’électricité réussit. En serait-il ainsi si les deux fluides étaient identiques ? Les expériences du D' Duchêne ne laissent d’ailleurs aucun doute à cet égard. Cet habile électricien n’a-t-il pas démontré que les muscles frappés de paralysie saturnine restent immobiles sous l’influence d’un courant galvanique , et que cet effet persiste même après la guérison, c’est-à-dire lorsqu’ils sont redevenus perméables à l’agent vital? Il y a donc une différence radicale entre les deux agents, puisque, dans ce cas, l’un produit la contraction et l’autre pas.

A part ce que nous venons d’indiquer, tout est excellent dans ce huitième chapitre du livre de M. Ragon. Nous y trouvons, entre autres idées heureuses, une hypothèse qui ne doit point tomber dans le vide et qui mérite d’être recueillie, c’est ce qu’il dit au sujet de la volonté :

« Ce levier, le plus grand que l’homme ait à sa disposi-sition, est peut-être lui-même à l’état de fluide. »

Et pourquoi n’en serait-il pas ainsi ? La plasticité de la substance fluidique et calorique, invisible elle aussi, qui émane des corps et qui permet au chien de saisir, en son arôme, la trace de son maître et la piste du gibier, permet également aux somnambules lucides de suivre la ligne typique d’un individu éloigné. L’élasticité si subtile du fluide lumineux peut être fixée par le daguerréotype et, par une

opération physiologique que l'on peut comparer à celle de cet instrument, la pensée, quoique inédite, conçue dans le cerveau du magnétiseur, s'y daguerréotype de manière à devenir lisible pour le somnambule. N'est-il pas possible que ce soit par une opération analogue à l’une de celles que nous venons de signaler que la volonté se projette dans le cerveau du somnambule, la volonté n’étant, après tout, qu’une pensée dirigée vers un certain but?

11 y a dans cette seule question, envisagée sous ce jour nouveau, matière à d’importantes études.

Le chapitre IX, qui traite du somnambulisme, porte en épigraphe :

« Ceux qui ne voient qu’avec les yeux de la chair sont bien près d'être aveugles »,

Il n’est pas moins remarquable que le précédent ; seulement nous doutons que la classification suivante, que l’auteur y donne des différentes sortes de somnambulisme soit la bonne, et nous lui préférerions celle du Dr Bellanger, qui est moins étendue.

« La science, dit M. Ragon, compte quatre sortes de somnambulisme : le naturel, le symptomatique, le magnétique et l’extatique.

« Le somnambulisme naturel et le somnambulisme symptomatique sont deux états essentiellement différents, en ce que l’un n’a lieu que la nuit; l’autre le jour comme la nuit, et que les actions du sujet ne sont pas les mêmes.

« Le somnambulisme magnétique et le somnambulisme extatique différent en ce que l’un est commandé et l’autre ne l’est pas; le premier est artificiel et l’autre naturel. Dans le premier, le sujet est dépendant; dans le second, il s’appartient; voilà pourquoi le somnambulisme artificiel guérit le naturel quand il y est substitué.

« On voit que le magnétisme et le somnambulisme, dans l’état où ils se trouvent, sont deux choses très-distinctes.

« Quand le somnambulisme est produit chez les malades par l’action magnétique, il cesse après la guérison. »

Cette dernière opinion, à laquelle se range M. llagon, était celle de l’ancienne école ; c’était celle de Deleuze, de

Puységur, tic Desion. Cependant clic est combattue par quelques-uns des premiers d’entre les magnétiseurs modernes qui soutiennent, au contraire, que la faculté somnam-bulique artificielle persiste très-bien après la guérison, et qui en citent de nombreux exemples. Sans nous prononcer sur cette question, nous nous bornerons à dire que nous croyons toute loi absolue à cet égard, formulée un peu prématurément, et qu’il est nécessaire que la statistique des cas pour et contre, recueillis avec soin, vienne fournir les pièces à l’appui de ce procès. De là pourra se déduire la règle; en attendant : ndhuc sub judice lis est.

M. Ragon explique d’une manière que nous croyons nouvelle, mais, en tout cas, fort ingénieuse, quoiqu’elle ne laisse pas que d’ètre fort controversable, la vision des somnambules à travers les corps opaques.

« Tous les corps se meuvent au sein de la lumière que radie le soleil. Toute lumière dégage infailliblement de la chaleur, à laquelle sont perméables tous les corps. 11 en résulte que les rayons solaires, lumineux et caloriques à la fois, transpercent tous les corps qui, extérieurement et intérieurement, demeurent éclairés par la lumière qui se dégage de leur chaleur relative, suivant leur nature et leur porosité. De là, deux sortes de lumières : la lumière apparente à notre vue et celle qui est invisible à nos organes, quand le soleil, source de la vie, nous est caché. La chaleur étant inhérente à la lumière, comme la lumière l’est à la chaleur, tous les corps pénétrés de la chaleur solaire sont éclairés par une lumière phosphorescente qui se dégage de la chaleur des corps et qui, dans l’obscurité, guide et éclaire certains animaux noctures ou fouilleurs, tels que le hibou, la taupe, etc.

Cette continuité de lumière invisible que parcourt la perception du voyant, avec plus de rapidité que ne peut faire l’étincelle électrique censée glisser sur son (il de fer, fait que, pour lui, les corps ont perdu leur opacité. »

Quoi qu’il en soit de cette théorie, toujours est-il qu’elle est éminemment favorable aux arguments utiles à employer pour détruire la croyance banale du vulgaire à deux mondes distincts. 11 devient bien facile ainsi de lui démontrer qu’il ne peut y en avoir qu’un, celui où nous vivons, et que nous

sommes encore si loin de bien connaître. L’air, les odeurs, les fluides, les influences terrestres, atmosphériques, etc., sont invisibles ; ils appartiennent cependant à notre inonde et seraient impropres à en former un second. C’est ce monde invisible à nos organes qui devient celui des somnambules.

Mais M. Ragon \a plus loin, et poussant sa théorie jusqu’à ses plus extrêmes conséquences, de déduction en déduction, il en arrive à cette conclusion hardie :

« L'âme du monde, incréée, génératrice, dont tous les corps sont pénétrés et dont notre animation fait partie sous le nom à'âme humaine, ne forme point un second monde. Elle est invisible, incorporelle, mais non immatérielle.

Y!âme humaine, dans l’état d’extase soit naturelle, soit causée par l’addition d’un fluide analogue à sa nature dirigé par un mignétiseur, s’accumule dans le réservoir cérébral aux dépens des autres parties du corps, privées non de vie, mais de sensations. N’existant plus que dans le cerveau, elle peut mettre en fonctions toutes les facultés cérébrales sans l’emploi des organes ordinaires et matériels, et, ainsi dégagée, elle entre en communication immédiate, puisqu’elle en fait partie, avec l’âme universelle. Or, comme celle-ci pénètre tous les corps, l’âme humaine y pénètre aussi ; elle voit et en rend compte. Et comme l’âme universelle forme un tout sans interruption, il est facile à l’âme humaine de voir également partout et à des distances considérables.

Les objets visibles qui composent notre monde sont autant de parties concréfiées par absortion et assimilation, de la substance universelle, dont ils sont alors la manifestation. Après leur déconcrétion par émanation et décomposition, ils se fluidifient, s’éthérisent et s’universalisent. Ainsi rendus au grand tout, toute manifestation est disparue ; ils sont devenus invisibles. D’où il résulte clairement que les deux mondes prétendus n’en sont qu’u/j, puisque c’est toujours la substance univerelle, avec ou sans manifestation, c’est à dire la subtance fiuidique matérialisée ou la substance matérielle fluidifiée. »

Cette citation, un peu longue peut-être, mais que nous ne pouvions tronquer sans dénaturer la pensée de l’auteur, contient, comme on le voit, l’exposé et le germe d’un système tout entier. Mais nous avouons que, pour nous, ce sujet

nous paraît sentir un peu trop le fagot, et bien qu’aujourd’hui ou ne brûle plus guère les magnétiseurs (si ce n’est à l’Académie, peut-être, et encore en effigie), nous ne nous sentons point disposés à suivre M. Ragon dans une voie où la question théologique nous semble mêlée à un tel point avec la question scientifique, qu’il y aurait des volumes de controverse à écrire avant qu’elle ne fut vidée. Et encore ! La controverse est, de sa nature, pareille au tonneau des fdles de Danaüs.

Nous avons seulement cru devoir constátenme opinion que nous laissons à de plus téméraires et surtout à de plus habiles que nous à traiter comme elle le mérite.

Mais il y a un point qui est plus de notre ressort, et dont nous ne saurions nous dispenser de demander compte à M. Ragon, c’est de ce qu’il dit dans son XIVo chapitre, qui traite du magisme, et où, établissant que les sujets lucides sont les premiers instruments de prédiction, il prétend que pour rendre lucide, le magisme doit employer un fluide végétal.

Nous voudrions bien savoir ce que c’est que ce nouveau fluide introduit ainsi dans la magnétisation, et si par hasard celle-ci se compose de fluides de différentes qualités ou natures, suivant les cas où les besoins. M. Ragon établirait donc ainsi une espèce de pharmacie magnétique, un arsenal de fluides où chaque catégorie aurait sa case et où il n’y aurait qu’à puiser suivant la circonstance. Ceci, nous ne pouvons sérieusement l’admettre, nous dont les connaissances jusqu’à ce jour n’ont pas été plus loin qu’à constater l’existence d’un seul et unique fluide magnétique dont la puissance multiforme nous semble, il est vrai, déjà bien assez inexplicable par les merveilles qu’elle accomplit et plus que suffisante aux besoins de l’humanité par les bienfaits que celle-ci en retire sous toutes les formes.

Pour en finir avec la critique (car, où ne se glisse-t-elle pas?) nous dirons que l’auteur, si éclairé sur tout ce qui concerne la théorie du magnétisme, nous semble tomber dans une grave confusion de classification, quand il avance,

quelques pages plus loin, que «les somnambules peuvent sans le. secours d’un magnétiseur, sc mettre eu somnolence, en catalepsie, en extase, et provoquer tur eux-mêmes, par leur propre volonté, tous les phénomènes que jusqu’à présent les magnétiseurs ont attribué à leurs forces vitales. »

Ce qu’il attribue ici au somnambulisme n’est autre chose que l’extase proprement dite, état bien distinct du précédent, en ce qu’il peut être tout à fait spontané et se produire non-seulement chez certains somnambules, assez rares du reste, dans lesquels sa manifestation se développe parfois au moyen du magnétisme et rend ainsi l’extatique obéissant à la volonté du magnétiseur, mais encore chez des individus qui n’ont jamais subi l’influence de cet agent, et auxquels l’enthousiasme ou le fanatisme de certaines idées donne la faculté de se concentrer et de s’absorber ainsi en eux-mêmes.

Cette erreur, plutôt de mots que de faits, indique la nécessité d’une bonne classification des différentes catégories des états si variés où peut se trouver l’homme par suite de l’action magnétique, et cette classification, encore à faire, ne serait elle-même qu’une partie d’un ouvrage bien important et que réclame impérieusement la science : le dictionnaire magnétique. En mettant d’accord sur les termes les magnétiseurs de tous les pays, un pareil livre empêcherait bien des discussions oiseuses, bien des polémiques inutiles, lesquelles ne reposent souvent que sur un mot mal défini el que chacun interprète à sa façon.

Nous signalerons en passant, dans le même chapitre XIV, une recette bizarre dont nous entendons parler pour la première fois, et que l’auteur indique comme propre à entretenir la lucidité des somnambules.

« Les somnambules, dit-il, sont d’autant plus lucides qu’ils sont plus souffrants de la maladie organique à laquelle est due leur lucidité. Si elle diminue, faites-les jeûner. »

Le remède nous semble quelque peu barbare; mais enfin, malgré son originalité apparente, et bien que nous ne sa-

cliions sur quelle autorité s’appuie l’auteur pour le recommander, il mérite d’être constaté d'abord et étudié ensuite dans ses conséquences physiologiques. M. Ragon est un homme trop savant et trop sérieux pour avancer à la légère un fait de cette valeur; il doit naturellement attirer l’attention des magnétiseurs.

Quant à la lucidité proportionnelle à l’intensité de la maladie, et qui est une proposition passée généralement à l’état d’axiôme depuis Mesmer, et adoptée comme telle par ses disciples d’abord et par toute l’école moderne, nous devons dire qu’il y a cependant un des premiers et des plus habiles magnétiseurs de nos jours, qui la repousse comme radicalement vicieuse, et affirme que, par suite de ses nombreuses expériences et de sa longue pratique, il est à même d’établir que c’est au contraire parmi les individus en santé et vigoureusement organisés qu’il a toujours remarqué le plus de dispositions à la lucidité et obtenu les somnambules les plus clairvoyants.

11 ne nous appartient point, bien entendu, de nous prononcer à cet égard ; devant de semblables autorités nous ne pouvons que nous incliner, en cherchant à nous former par nos propres observations une opinion raisonnée, à l’appui de laquelle nous appelons de tous nos vœux les observations de tous.

Mais si nous pouvons douter à cet égard, nous répondrons hardiment, et de la manière la plus affirmative, à une question de l’auteur, et qui semble l’embarrasser et le laisser dans un doute qui n’existerait pas chez lui s’il était plus familier, ainsi que nous l’avons remarqué plus haut, avec la pratique du magnétisme.

11 a vu une somnambule « qui prétendait pouvoir se faire rendre le souvenir après le réveil. Voici le moyen qu’on employait : le magnétiseur lui appliquait un doigt sur le front et un doigt sur le creux de l’estomac, en lui ordonnant de se rappeler. Le sommeil était-il vrai, ou lu volonté du magnétiseur suffisait-elle ? »

Oui, le sommeil était réel ; oui, la volonté du magnétiseur

t-itUi buiiibiiiiic. LîC iiiii, cou il u cio* ions itîs ind^iiciiscurs, produit par tous et par des procédés identiques, ceux indiqués ici, est journellement obtenu dans certains cas où il est nécessaire, et nous l’avons pour notre part cent fois produit nous-méme.

Que M. Ragon mette en usage la science théorique qu’il possède si bien, qu’il pratique, et toutes ces légères différences d’opinions que nous avons été à même de signaler disparaîtront entre nous. La bienveillance pour l'humanité, qui le caractérise à un si haut degré dans l’ouvrage que nous venons d’analyser imparfaitement; l’amour de ce qui est bien, utile et profitable pour tous qui s’y manifeste à chaque page avec une sincérité si naturelle ; enfin, la direction droite, sérieuse et observatrice de son esprit, jointe à son instruction si profonde et si variée, le mettent à même de rendre à la science du magnétisme d’éminents services.

11 n’en pourrait être autrement de celui qui, franc-maçon lui-même, à ce qu’il paraît, et probablement un des grands dignitaires de l’ordre, réclame instamment dans chaque société maçonnique l’établissement d’une Académie magnétique «qui trouverait bientôt la récompense de ses travaux dans le bien qu’elle produirait et les heureux qu’elle ferait» ; de celui qui recommande «au maçon, digne du beau titre de père de famille, de devenir magnétiseur, afin d’en pouvoir être avec fruit, à la fois, le législateur, le prêtre et le médecin; de celui, enfin, qui dit que «le magnétisme, cette œuvre de charité, autant que de patience et de dévouement, est le critérium absolu qui seul pourra expliquer l’univers. »

E. DE MALHERBE.

Le Gérant : HKliKKT (de (jarnay)-

CLINIQUE.

CONVULSIONS. —AMÉNORRHÉE. —ENCÉPHALITE, ETC., ETC.

Le magnétisme animal gagnant journellement du terrain, nous paraît mériter l’examen des hommes de science. Je comprends parfaitement qu’un médecin a besoin de courage et d’abnégation pour descendre dans le salmigondis de charlatanisme , de jongleries et d’exploitation dans lequel est tombé le magnétisme animal, et tâcher d’y démêler la vérité. Mais le berceau de l’astronomie ne fut-il pas l’astrologie, et celui de la chimie, l’alchimie ? S’est-on jamais dégradé par le dévouement?

Les expériences faites par une commission académique et les discussions qui en ont été la suite ont prouvé que le magnétisme est susceptible de provoquer des phénomènes extraordinaires; malheureusement l’Académie s’est laissé décourager par la tâche difficile de séparer le bon grain de l’ivraie. Est-il dit dès lors que tout le monde soit obligé de suivre cette réserve, trop prudente peut-être, pour laisser le champ libre à un mysticisme déplorable, à une exploitation manifeste de la crédulité publique, au lieu de sonder d’une main hardie le vrai ou le faux de cette science encore au berceau, et d’en faire l'une des branches de l’art de guérir, réservé exclusivement aux médecins.

Le seul but que je me propose en publiant cette observation, est de décider quelque confrère courageux à expérimenter et à observer les phénomènes du magnétisme animal. Ce n’est pas un initié aux mystères du magnétisme qui parle, mais un ancien praticien qui, dans un cas désespéré, a eu recours au magnétisme, et qui a obtenu un résultat auquel

TOME XIV. — N» *11. — 10 MAI 1855. 9

il était loin de s’attendre, la guérison d'une personne condamnée depuis longtemps par un grand nombre de médecins.

L.... I)...., âgée de vingt-trois ans, de tempérament nerveux, a été bien portante jusqu’à l’âge de dix ans. A cette époque, elle tomba du haut d’un escalier et se fit une ploie au cuir chevelu ; le nez fut contusionné. A la suite de cet accident , la malade eut fréquemment des érysipèles du cuir chevelu et de la face, et se plaignit presque constamment de maux de tôte.

En 1S/i7, étant en condition à Strasbourg, la malade eut un premier accès de convulsiona hystériques à la suite d’une frayeur. Cet accès avait pour caractère particulier la singulière tendance de la malade à pencher la tête sur l’épaule droite et à la frapper contre un corps dur. 11 fut suivi d’un tremblement de la tête qui persista pendant plusieurs semaines. Les accès revinreut plusieurs jours de suite et, plus tard, principalement vers l’époque menstruelle.

Au mois de février I8/18, pendant la menstruation, la malade fut prise de vertiges et tomba dans l’eau; cet accident fut suivi d’une maladie de trois mois et d’une aménorrhée de six mois environ. Depuis ce temps, la menstruation resta sujette à des irrégularités quant au temps et quant à la quantité.

En 1849, de retour à Sainte-Marie-aux-Mines, la malade prit pendant longtemps l’indigo avec la poudre aromatique, plus tard la teinture de noix vomique, sans que j’aie pu remarquer la moindre amélioration.

En -1850, elle entra en condition chez M. X...., à Sainte-Marie-aux-Mines; les accès continuaient; différents traitements furent employés, toujours sans succès.

En 1851, la malade étant placée comme cuisinière à l'hospice Chenal, j’eus l’occasion de l’observer plus attentivement. Sa physionomie exprimait de la souffrance et de la mélancolie souvent traversées par un sourire forcé ; son regard était fixe ou égaré. Elle avait constamment des maux de tête plus ou moins forts. Lorsqu’ils atteignaient un certain degré d’intensité, ils provoquaient ordinairement un

accès convulsif. Quand la malade avait le temps de le faire, elle se couchait sur son lit ou s’asseyait sur une chaise; d’autres fois elle tombait à terre comme foudroyée, ce qui arrivait ordinairement après une émotion ou une frayeur. Alors, les yeux convulsés en haut, les avant-bras fortement fléchis et serrés contre la poitrine, les poings fermés, la malade faisait des contorsions avec le corps, la poitrine se soulevait, le cou se gonflait, la respiration devenait saccadée, irrégulière, et, la tète penchée sur l’épaule droite, elle cherchait un corps dur contre lequel elle heurtait sa tête .avec une violence extraordinaire et d’une manière parfaitement rhythmique. Deséruc-tuations et un tremblement des extrémités inférieures marquaient la fin de l’accès, la physionomie conservait longtemps encore une expression d’idiotisme.

Vers l’automne de 1851, les maux de tête et les accès augmentèrent tellement que la malade fut obligée de quitter sa place. Rentrée chez ses parents, je la traitai par la belladone, la valériane, l’asa-fœtida, la strychnine, etc. Les accès diminuèrent, sans cesser complètement.

A la fin de juin 1852, la malade entra en condition chez moi. Jusqu’au mois d’août elle n’eut que quelques légers accès la nuit; mais, quoique d’une intelligence assez développée, la malade avait toujours une physionomie empreinte d’une expression d’idiotisme ; elle accusait constamment des douleurs dans la tête, et était sujette à des congestions fréquentes vers cette cavité. La menstruation était peu abondante, mais régulière.

Le 12 août, un jeudi, un accès-de trente minutes se déclara à la suite d’une frayeur. Depuis ce moment, les accès se répétèrent principalement les jeudis.

Le 7 octobre, à huit heures et demie du soir, à la suite d’un accès formidable, je me décidai enfin à essayer le magnétisme ; quelques passes suffirent pour arrêter l’accès; quelques moments après je la démagnétise, et la malade vaque à ses occupations. — A dix heures du soir, la malade se couche et ne se réveille que le S) octobre, à onze heures du matin. Pendant ce sommeil de trente-six heures, le pouls

était 65, régulier, la respiration normale, la peau moite; enfin, sauf une anesthésie complète (le lu peau et l’état des yeux qui sont convulsés vers le haut, ce sommeil paraissait tout à fait naturel. Le 8 au soir, je trouvai la vessie énormément distendue, et le 9 au matin, le lit fut inondé par suite d’une miction involontaire. Au réveil, la malade fut étonnée d’avoir dormi si longtemps. Jusqu’au jeudi 1 h octobre, aucun accès. Ce jour-là, vers dix heures du matin , un sommeil invincible force la malade à se coucher. Môme sommeil que le 7 ; la vessie est de nouveau très-distendue, mais il n’y a pas de miction involontaire ; il paraît, au contraire certain que la malade s’est levée la nuit pour uriner, car le lendemain je trouvais son vase de nuit rempli d’urine. A son réveil, la malade prétend cependant n’en avoir aucun souvenir.

Le réveil eut lieu le 16, à huit heures du soir.

La périodicité de ce sommeil me décida à employer le sulfate de quinine.

Le 18, menstruation.

Le 20, reprise du sulfate de quinine. A trois heures du soir, en voulant chercher de l’eau à la fontaine, la malade est prise par le sommeil ; une personne est obligée de la conduire à la maison, où elle dort jusqu’au lendemain 21, à six heures du matin.

Le 21, reprise du sulfate de quinine.

Le 2(>, un peu de somnolence vers quatre heures du soir. Le 29, à deux heures de l’après-midi, la malade casse une soupière, ce qui occasionne un accès qui est immédiatement arrêté par le magnétisme. — A sept heures du soir, second accès combattu par le magnétisme.

Le 31, la malade accuse des maux de dents violents qui s’irradient sur tout le côté droit de la tête ; elle se couche vers dix heures du soir. A onze heures, elle ressent de nouveau une somnolence lourde.

Le 1er novembre, à dix heures du matin, elle dort encore profondément. La vessie est distendue, l’anesthésie complète; je la magnétise, et, pour la première fois, elle présente l’état

cataleptique. Sur ma demande, elle ouvre les yeux, accuse de la somnolence ; j’exige quelle lienue les yeux ouverts jusqu’à complète démagnétisation ; après quoi, elle se lève et vaque à ses occupations. — Les maux de dents persistent toute la journée.

Le 2 novembre, à buit heures du matin, elle se fait arracher la première molaire droite; l’opération est suivie d’un accès terrible combattu immédiatement par le magnétisme. A neuf heures du matin, second accès encore plus violent, arrêté instantanément par le magnétisme. Pour la première fois, je la questionne pendant son sommeil sur la cause de ses accès ; elle me répond qu’elle a dans lu tête un ver avec beaucoup de pattes.

A une heure et demie après midi, nouvel accès. Magnétisme suivi de lucidité.

« Où est le siège de votre maladie ?

— J’ai dans la tête un ver qui va du milieu de la tête jusque vers le nez.

— Comment peut-on vous debarrasser de cet insecte?

— Les compresses d’eau sédative et les prises de camphre sont trop faibles pour tuer l’insecte; il faudrait faire une incision et saisir le ver avec une pince.

— Quand reviendront les accès?

— A sept heures du soir et à minuit. »

Après cette réponse, la malade demanda une demi-heure de sommeil. A peu près cinq minutes avant la demi-heure révolue, je voulais la réveiller. Elle prétendit qu’à ma montre il manquait quatre minutes et demie pour que la demi-heure fût complète; je tirai ma montre : la malade disait vrai.

J’invitai mon confrère, M. Gros, à assister à l’accès de sept heures du soir. L’accès vint à l’heure indiquée, et je la ir.a-gnétisai de suite ; je lui adressai les mômes questions ; les réponses furent analogues. La malade nous donna une description plus précise de l’insecte et ajouta que la magnétisation affaiblissait l’insecte, et qu’à la quatrième magnétisation il serait facile à saisir. Elle nous annonça de nouveau l’accès de minuit, et nous dit que la menstruation viendrait le 10; que ce jour-là elle aurait un accès à neuf heures du soir. Enfin

elle demanda un sommeil de vingt minutes. Au bout de dix-huit minutes, je voulus la réveiller; elle me dit qu’elle avait encore dix minutes à dormir.

A minuit survint un accès très-fort. Il me fallut plus de temps pour magnétiser la malade au lit qu’étant levée. La malade accuse de la pesanteur dans les membres, qui sont agités par un tremblement nerveux. Je la questionnai relativement aux quatre magnétisations qu'elle avait demandées le soir. Elle me répondit que la magnétisation actuelle était comprise dans ce nombre, et qu’il ne fallait plus la magnétiser que trois fois, savoir : le 3 novembre, à une heure de l’après-midi; le h , à trois heures; la troisième fois, le 5; quant à l’heure de cette séance, elle me dit qu’elle la fixerait demain. De plus, elle m’annonça que le sommeil anesthésique reviendrait le samedi soir à dix heures, et durerait jusqu’au dimanche matin à dix heures, si on ne lui donnait pas de sulfate de quinine.

Le 3 novembre, la malade est pâle ; du reste, elle est bien. A une heure et demie de l’après-midi, je la magnétise en présence de M. Gros. Elle nous dit que l’insecte est très-aflaibli par le magnétisme et qu’il tend toujours de plus en plus à arriver sous la peau du crâne. Elle nous annonce de nouveau un accès et la menstruation pour le 16.

« Ne pourrait-on rien faire pour augmenter le flux menstruel?

— Le magnétisme le provoquera. Ce matin , j’ai déjà eu des flueurs blanches. »

La malade demande de nouveau à être magnétisée le lendemain à trois heures ; elle se plaint du grand nombre de personnes qui l’entourent et qui la fatiguent. Enfin elle demande vingt minutes de sommeil.

Après son réveil, la malade va à ses ouvrages de cuisine, laisse tomber un couvercle en fer blanc, ce qui provoque un accès immédiatement arrêté par le magnétisme. Le même soir, elle eut une seconde frayeur plus forte, qui ne produisit que des vertiges et un tremblement passager. Elle prend le soir 20 centigrammes de sulfate de quinine.

Le A novembre, je magnétise la malade, à trois heures du

soir, en présence de M. Gros.

« A quelle heure voulez-vous être magnétisée demain?

— A cinq heures du soir.

— Pourquoi toussez-vous après chaque magnétisation ?

— Vous ne me démagnétisez pas assez. 11 me reste sur la poitrine une espèce de crampe qui me fait tousser.

— Vous prétendez être guérie par quatre magnétisations; pourquoi alors aurez-vous un accès le 16?

— Cet accès sera provoqué par les règles.

— Faudra-t-il vous magnétiser pendant l’accès?

— Oui.

— Aurez-vous encore des accès après le 16?

— Non. Chaque fois avec l’apparition des règles, j’aurai de légères secousses nerveuses qui iront toujours en diminuant.

— Croyez-vous que quatre magnétisations suffiront pour vous guérir?

— Non. A la quatrième, il faudra faire une incision sur la tête et extraire le ver.

— Trouverai-je l’insecte?

— Oui.

— Pourrez-vous me diriger pendant l’opération?

— Oui.

— Comment l’insecte a-t-il pu traverser le crâne?

— Il y a à cette place un trou dans le crâne par lequel passe une artériole, et l’insecte passe à travers.

— D’où vient que l’insecte a pu traverser le crâne, et ne peut pas traverser le cuir chevelu?

— Le magnétisme l’a trop affaibli.

— Si on n’enlevait pas l’insecte, qu’arriverait-il?

— L’insecte reprendrait ses forces, et les accès reviendraient. »

Après ces questions, la malade demande une demi-heure de sommeil, puis demande un verre d’eau et quelques passes sur la tête, parce que l’insecte lui fait mal. M. Gros essaie de la démagnétiser; la malade parait en souffrir, et il me faut beaucoup de temps pour la démagnétiser. Peu d’instants après elle a deux syncopes.

Le 5 novembre. Depuis son sommeil magnétique d’hier, la malade se plaint d’une douleur perçante au sommet de la tête. Dans la journée, elle prend 15 centigrammes de sul-

fate de quinine. A cinq heures du soir, je la magnétise en présence de JIM. les D" Xeser et Gros. Je renouvelle toutes les questions de la veille, les réponses sont les mêmes. La malade demande à être opérée, et nous indique une place au sinciput, un peu à droite de la suture sagittale, comme étant le siège de l’insecte. Après avoir rasé les cheveux à la place indiquée, je fais une incision de 3 centimètres de longueur, parallèle à la suture sagittale. Du second coup de bistouri j’entame une artériole qui donne beaucoup de sang ; nous essayons inutilement d’en faire la ligature ou la torsion. Sur ma remarque que le sang nous empêche de voir, la malade me dit de faire une incision cruciale. Comme je donne un coup de bistouri, elle s’écrie : «Vous coupez le ver! » Avec une pince, je saisis le lambeau postérieur droit, et la patiente s’écrie : («Vous le tenez, vous le tenez! » En donnant quelques coups de bistouri pour disséquer le lambeau, ce dernier m’échappe, ce qui arrache il la malade un cri de détresse. Nous épongeons les sang qui coulait à îlots, et je dis la malade : «Le sang nous empêche de voir le ver»; elle me répondit avec précipitation : «Introduisez mes doigts dans la plaie, je le saisirai facilement.» Nous soulevons sa main gauche au-dessus de sa tête, introduisons le pouce sous le lambeau; avec l’indicateur, elle en saisit la face supérieure , et, après quelques secondes de tâtonnements, elle racle avec le pouce la face inférieure du lambeau et nous dit : «Je l’ai! » JL Gros saisit l’insecte avec une pince entre l’ongle et la pulpe du pouce de la malade. « Vous n’avez qu’un morceau de l’insecte,» dit la malade, pendant que M. Gros le dépose sur un morceau de papier. M. Gros revient avec sa pince et trouve un second morceau. «Vous ne l’avez pas encore en entier», dit-elle. M. Gros cherche de nouveau et trouve le dernier fragment. Le premier fragment a fait sur le papier, en rampant, une traînée de sang de 3 à h millimètres de longueur. Nous fermons la plaie et y appliquons de l’eau hémostatique de Freppel pour arrêter le sang. Après le pansement, la malade demande un quart d’heure de sommeil. Avant de la réveiller, nous lui demandons en-

core comment cet insecte a pu sortir du crâne? Elle nous répond qu’à cet endroit il y a un trou par lequel passe un vaisseau sanguin , et que l’insecte a traversé ce vaisseau. Puis elle demande quelques gouttes d'Hoiïinann pour prévenir une syncope, nous assure qu’il ne reste plus de trace de l’insecte dans la plaie, et nous dit que celle-ci sera cicatrisée dans trois jours. Enfin elle se prescrit des bains de pieds si-napisés contre les vertiges qui surviendront jusqu’à l’époque menstruelle. Au lieu de mettre les fragments de l’insecte dans de l’eau, nous les laissâmes sécher sur le papier avec le sang dont ils étaient entourés.

Le 6 novembre, la malade a passé une bonne nuit et nous dit que, pour la première fois depuis bien des anuées, elle se sent débarrassée de ses maux de tête. Dans la journée, elle a beaucoup de vertiges, à tel point qu’elle tombe d’une chaise sur laquelle elle était debout. Le soir elle prend un bain de pieds sinapisé.

Le 7, les vertiges ont cessé.

Le 12, lourdeur générale. La malade croit que son époque menstruelle se prépare. Bain de pieds sinapisé. Dans l’intervalle du 5 au 16, la malade a éprouvé plusieurs frayeurs, sans autre suite qu’un tremblement nerveux des extrémités inférieures. Depuis l’opération, l’empreinte d’idiotisme qui existait sur la physionomie de la malade a entièrement disparu.

Le 16, apparition des règles à midi.

A huit heures et demie du soir, plusieurs personnes, entre autres mes deux confrères, se trouvent réunies dans mon cabinet. A neuf heures précises, nous entendons une chute d’un corps lourd sur le plancher, provoquée par la chute de la malade qui était dans sa chambre à inscrire ses dépenses, et qui, dans sa chute, a renversé une chaise. Nous la trouvâmes étendue sur le plancher, se tordant les bras et le corps ; elle avait des éructations et la respiration entrecoupée des hystériques. Nous la laissons dans cet état pendant six minutes environ pour observer l’accès, et observons que, contrairement à ses accès antécédents, elle ne se frappe plus la tête d’une manière rhythmique contre un corps dur#

L’ayant assise sur une chaise, je la magnétise ; après cinq minutes de passes, elle est endormie.

« Cet accès sera-t-il le dernier ?

— Oui.

— Quelle est la cause de cet accès ?

— Les règles et la faiblesse des nerfs.

— Pourquoi ne vous êtes-vous point frappé la tète ?

— Parce que l’insecte ne me fait plus de mal.

— Pourquoi vous frappiez-vous la tête dan s vosautres accès?

— Pour tuer l’insecte.

— Le magnétisme n’a-t-il pas une fâcheuse influence sur vos nerfs ?

— Au contraire, il les fortifie.

— Voulez-vous qu’on vous magnétise encore ?

— Oui, tous les quinze jours.

— Serez-vous lucide?

— Oui.

— Comment cet insecte est-il entré dans votre tête?

— Après une chute que je fis sur la tête, il s’est formé dans un caillot de sang.

— Quelle est la forme de l’insecte?

— Je ne le vois pas clairemsnt.

— Combien de temps voulez-vous dormir?

— Une demi-heure. »

Après le réveil, la malade est gaie et demande à manger. Le 17, les règles ont cessé.

Le 19, dès le matin, une forte oppression tourmente la malade ; à huit heures du soir, elle prend un bain de pieds sinapisé. A neuf heures, l’oppression est si forte que la malade croit étouffer. La face est d’un rouge violet, la peau froide. La malade a des vertiges. Je la magnétise.

a D’où vient cette oppression?

— Je me suis levée à cinq heures du matin, il faisait froid, et, pour ne pas faire du bruit, je suis restée pieds nus.

— L’oppression reviendra-t-elle?

— Entre dix et onze heures.

— Que faut-il faire ?

— Me donner un bain de pieds.

— Et les règles?

— Elles ne sont pas revenues.

— Quand reviendront-elles ?

— Je ne les aurai plus avant le 1 ? février. Jusque-là j’aura de la pesanteur dans les membres et des vertiges.

— Et les accès ?

— Je n’eu aurai plus.

La malade demande dix minutes de sommeil. Au bout de ce temps, elle me demande en grâce de la réveiller. Je lui demande pourquoi elle est si agitée ; elle me répond qu’à Strasbourg plusieurs messieurs sont réunis et discutent le magnétisme; que l’histoire de sa maladie et de son opération est la principale matière de discussion ; que ces messieurs me critiquent trop sévèrement, et se permettent même d’attaquer ma probité ; elle me dit voir et entendre tout cela, mais d’une manière confuse. On comprendra sans peine combien il m’importait de m’assurer de l’exactitude de ces faits et de connaître les noms de ces messieurs. Je lui demandai : «Qui sont ces messieurs?i) Elle me répondit : «Je ne les connais pas tous ; il y a M. le Dc Stainm. » Pensant qu’il s’agissait d’une réunion de médecins, j’en nommai plusieurs qu’elle me dit être présents à la discussion. M. Stamm m’a écrit plus tard qu’excepté lui aucun de ces MM. ne s’était trouvé à cette réunion.

Le 20 novembre, oppression.

Le 24, dyspnée qui nécessita une saignée.

Le 4 décembre, le soir, après avoir beaucoup travaillé dans la journée, la malade se plaint de fatigue et de tremblements dans les extrémités inférieures.

Le 6, vertiges.

Le 8, à neufheures du matin, elle entre toute désolée dans mon cabinet, et me dit :

« Monsieur, j’ai des vertiges, la tête prise ; vous verrez que j’aurai un accès.

Je lui dis de s’asseoir ; elle tombe sur une chaise comme une masse inerte. Quelques monvements convulsifs des yeux, de légères secousses de tout le corps sans perte de connaissance, une lourdeur générale et un gonflement de l’épigastra sont les seuls symptômes qui se présentent. Lorsqu’elle fut de nouveau calme, je la magnétisai ; elle me dit alors :

« Mes règles devraient venir le 10, elles ne viendront pas; le sang nie travaille. Les mêmes symptômes reparaîtront au mois de janvier. Depuis plusieurs jours, je suis constipée ; plus tard surviendront de la gastralgie et des vomissements. »

Je lui prescrivis alors deux pilules purgatives pour le soir, et six le lendemain matin.

Le 9, vomissements pendant la nuit et le jour. La gastralgie la fait tellement souffrir qu’elle se roule dans son lit, mais sans mouvements convulsifs et sans perte de connaissance. Elle prend un centigramme d’acétate de morphine.

Le 10, la gastralgie diminue. L’épigastre est encore gonflé et douloureux à la moindre pression. Le soir, douleurs dans les lombes, rétention d’urine.

Le 11, urines rares-, du reste, la malade est mieux.

Le 15, la malade se réveille couchée sur le plancher, devant son lit. Combien de temps y est-elle restée ? A-t-elle rêvé, a-t-elle eu un accès de convulsions? Elle n’en sait rien. Elle me dit, et sa mère confirme son dire, que, dans le temps, elle tombait souvent de son lit, quelquefois à la suite d’un accès, quelquefois aussi sans accès. Quand il y avait eu un accès, la malade se sentait mal à son aise.

Le 18. Depuis deux jours, je remarque que la malade est de mauvaise humeur et phlegmalique; ses joues sont d’un rouge foncé ; elle accuse de la lourdeur. A onze heures du matin, elle a des vertiges. A deux heures, les vertiges et l’oppression la forcent d’aller dans sa chambre et de s’appuyer la tête contre son lit. A trois heures, en marchant, elle tombe comme foudroyée, mais sans perte de connaissance, et elle se relève immédiatement. A cinq heures du soir, je la magnétise.

« Qu’avez-vous?

— Je suis malade; j’ai des vertiges, le sang me travaille.

— Quel rapport y a-t-il entre votre état actuel et les accès convulsifs que vous avez eu précédemment?

— Les accès ont dérangé mon système nerveux, et par là mon époque menstruelle.

— Votre santé se rétablira-t-elle ?

— Non; cela va mal. Le 10 janvier, à trois heures et demie du soir, j'aurai un coup d’apoplexie qui me tuera.

— Ne peut-on pas prévenir cette apoplexie ?

— Peut-être. Je mange trop. Je fais trop de sang (la malade a effectivement beaucoup engraissé depuis quelques semaines). Il faut me donner peu à manger, ne me donner ni viande, ni café, ni vin, peu de pain, et me faire beaucoup travailler. Il faut me faire une saignée demain et le 5 janvier. »

Le 27, la malade aperçoit quelques gouttes de sang menstruel.

Le 28, léger point de côté.

Le 29, involontairement j'effrayai la malade, ce qui lui occasionna des tremblements nerveux et un malaise qui dura toute la journée. Aucun accès ne survint, quoique la malade me dît qu’elle le sentait venir.

Le 3 janvier 1853 ; la malade est bien ; cependant je la magnétise pour la questionner sur ce qui se passera le 10 janvier.

Elle me dit que le danger n’est pas tout à fait passé, qu’il faut la saigner le 5 et le 10 janvier, à trois heures du soir, puis continuer encore le régime débilitant pendant trois semaines. Je lui demandai quel était le siège ordinaire de l’insecte. Elle me répondit qu’il se trouvait sous le crâne et cheminait quelquefois jusque vers le front et la région temporale ; qu’ordinairement il se tenait au sinciput, près du trou qui existe en cette place.

Le 5 janvier, je pratique à la malade une saignée.

Le 9, la malade accuse de la pesanteur, de l’engourdissement dans les membres, un abattement général, des vertiges, de la dyspnée ; elle a des quintes de toux sèche. A trois heures du soir, elle retourne chez ses parents. Bain de pieds sinapisé le soir.

Le 10 janvier, la nuit a été agitée par de l’oppression et une toux nerveuse. Le matin, je trouve la malade dans un état qui avoisine le coma. Les réponses sont courtes, lentes, mais justes. Après chaque réponse, elle retombe dans un état semi-comateux. Le pouls est large, à 105 ; ronchus abondants dans toute la poitrine. On ne perçoit aucun choc, au-

cun bruit du cœur. Matité précordiale très-étendue. Je pratique une saignée. 11 y a une légère amélioration après la saignée. A midi, la dyspnée augmente, la malade est très-agitée. A trois heures, tous les symptômes s’aggravent;tou t à coup la respiration devient de plus en plus lente et finalement imperceptible ; le visage se décolore, devient froid, le faciès se décompose, les yeux se convulsent, le pouls est presque insensible, à 110. La malade ne répond plus, ne fait aucun mouvement, elle gît dans son lit comme un cadavre. J’applique des compresses d’eau sédative concentrée sur le cou, le cœur et la tête, des sinapismes aux mollets, et je pratique une large saignée. Dès que le sang coule, la malade ouvre les yeux, scs joues se colorent, la chaleur revient à la peau, la respiration redevient normale, et la malade nous parle. Nous laissons couler 7 à 800 grammes de sang, et fermons la saignée; le sang est noir et épais. Bientôt après la malade a une syncope. Après quatre heures, la même scène se renouvelle, mais moins forte et moins longue ; puis la malade demande une tranche d’orange qu’elle mange avec appétit. De cinq à huit heures, il y eut plusieurs syncopes. Nous ordonnons du bouillon et quelques cuillerées de vin de Bordeaux pour la nuit.

Le 11, la malade est bien.

Le 12, je magnétise la malade à trois heures du soir. Elle me dit que sa santé se remettra, que le 12 février la men-truation reviendra et dès lors régulièrement toutes les quatre semaines. Elle demande qu’on continue encore le régime débilitant. Le soir, la malade reprend son service chez moi.

Le 19, pendant une partie de la journée, la malade lave dans une buanderie. Vers quatre heures du soir, elle se plaint d’un chatouillement dans la gorge, suivi de quintes de toux fatigantes; malgré cela, elle continue son ouvrage.

Le 20, la malade se lève avec des maux de tête atroces; à une heure après midi, les douleurs de tête deviennent intolérables. La malade se couche sur son lit et tombe bientôt dans un état comateux. A deux heures, elle rentre chez ses

parents; à huit heures du soir, je la magnétise. Dans sou sommeil, elle me dit :

« La suppression des règles, le froid et l’humidité aux pieds ont provoqué une congestion cérébrale et, à sa suite, une inflammation des deux lobes antérieurs du rer\etiu. Il faut m’appliquer sur la tête des compresses vinaigrées froides, me donner un bain de pieds sinapisé et me magnétiser demain à trois heures du soir. »

Le 21, pas de selles ni urines depuis hier. Ce matin, céphalalgie intense; quelques rêvasseries; narines sèches; faciès décomposé ; pouls petit, à 72. Langue chargée, pas de soif. Je prescris un gramme de calomel et un pédiluve sinapisé. A cinq heures du soir, je la magnétise en présence de sa mère. A ma question, que je lui adresse en allemand, comme toujours, elle me répond en français :

« Vous ne devez jamais magnétiser un malade devant scs parents, car leur inquiétude influence le somnambule ; renvoyez ma mère. »

Quand la mère fut sortie, elle reprit en allemand :

« Ma maladie prend une mauvaise tournure; je sèche. Les maux de tête augmenteront, ainsi qne l’inflammation du cerveau, encore pendant six jours, puis ils diminueront ; mais l’appétit ne reviendra pas, et je serai toujours plus faible.

— Combien de jours durera encore votre maladie après les six jours?»

La malade répond d’un ton lent et incertain.

« Encore sept jours.

— Et après?

— Je ne vois plus rien.

— Quelle sera la marche de la maladie ?

— Je deviendrai toujours plus faible jusqu’au 3 février, au-delà je ne vois plus rien.

— Mais vous avez dit que vos règles viendront le 12 février?

— Oui, si cette maladie n’était pas survenue.

— Quelle maladie avez-vous?

— Une inflammation de la substance cérébrale.

— Dois-je vous magnétiser encore quelquefois ?

— Oui, cela me soulage. »

Après ces réponses, elle se prescrit douze sangsues derrière les oreilles, trente grammes d’huile de ricin, parce que le calomel est resté sans effet, et des compresses d’eau sédative sur la tète.

Le 22, on n’a appliqué que six sangsues qui ont provoqué plusieurs syncopes pendant la nuit. La malade a eu huit il dix selles avec des coliques, et n’a pas rendu d’urines. Les maux de tète et le sommeil comateux persistent, le pouls est petit, à 65, un peu de soif. Le soir, un peu de transpiration. On applique des compresses froides sur la tète. Diète absolue.

Le 23, pendant la nuit, plusieurs selles avec des coliques. Le matin, soif, pouls large et fort à 115 ; du reste, môme état. Pendant la journée, la malade se plaint de courbature. Le soir, coma avec rêvasserie, pouls petit, à 82, ventre sensible à la pression, pas d’urines depuis vingt-quatre heures, légère transpiration. Je prescris des sinapismes et des compresses d’eau sédative sur la tête, un cataplasme sédatif sur l’abdomen.

Le 24, pendant toute la nuit, la malade a été tourmentée par des rêves lugubres. Pas d’urines depuis le 22 au matin ; vessie distendue, ventre un peu ballonné et sensible à la pression, quelques coliques, soif, du reste même état qu’hier. Je prescris ¿0' centigrammes de calomel, un cataplasme et compresses comme hier. Je revis la malade à cinq heures du soir ; le calomel a provoqué deux selles, la malade a uriné. Elle accuse encore des coliques, un peu de mal de gorge, des points de côté voyageant de gauche à droite, le coma et la céphalalgie persistent. Sur la demande delà mère, je magnétise la malade. Elle me dit qu’elle ne voit pas clair à. cause de l’état du cerveau, que le magnétisme calme la céphalalgie , que la maladie augmentera encore pendant deux jours, qu’elle ne voit pas plus loin. Elle me dit que ses intestins sont fortement irrités. Je prescris des compresses d’eau sédative sur la tête et sur le cou, des cataplasmes sédatifs sur le ventre.

Le 25, même état, pouls petit, à 65.

Le 26, M. le I)r Gros m’accompagne auprès de la malade. Nous la trouvons dans un sommeil comateux, interrompu par de légers délires. Elle nous dit que la céphalalgie a diminué, qu’elle a des vertiges, des bourdonnements d’oreilles, que sa vue s'affaiblit. Le pouls varie d’un moment à l’autre de 56 à 70 pulsations. La malade a parfois des secousses dans les extrémités supérieures. L’intelligence est intacte.

A deux heures de l’après-midi, je la trouve dans un état adynamique complet, presque en syncope. Le pouls est filiforme, à 60. La tète, les mains et les pieds sont froids. On a de la peine à la réveiller de son sommeil comateux. De temps à autre elle récite des prières. — Je fais appliquer des sinapismes aux mollets, la malade revient lentement à elle, et me dit :

« J'ai rêvé qu’on m’enlevait de terre pour me porter au ciel, où j’ai vu le Seigneur. »

M. Gros et moi nous considérons cette extrême faiblesse comme le résultat de l’anémie et de l’inanition, et partant de là, nous prescrivons du vin de Bordeaux par cuillerées à bouche et du bouillon avec un jaune d’œuf.

Le 27, la malade a bien dormi. Le réveil a été naturel. Le ventre est encore un peu douloureux au toucher; la céphalalgie est presque nulle, mais il y a des éblouissements quand la malade s’assied; anorexie, constipation. Je prescris un lavement, des cataplasmes sédatifs, du vin de Bordeaux et des bouillons.

Le 28, la malade entre en convalescence ; l’appétit revient, les selles et les urines sont normales.

Le 12 février, la menstruation s’établit sans accidents.

Le 13 mars, la menstruation est plus abondante que depuis plusieurs années.

Dr DITTMAR.

(Gazette médicale de Strasbourg.)

CONTROVERSES.

SPIRITUALISME* — TABLES PARLANTES.

A M. le baron du Polet.

Monsieur,

Le numéro du 10 mars dernier de votre estimable Journal vient de me tomber par hasard entre les mains. Dans un article où l’honorable M. Ogier taille et rogne en plein drap dans les difficiles questions soulevées par le phénomène des tables tournantes, écrivantes, etc., il me désigne sous le nom de bon larron, de grand Condé, et dénature complètement les faits concernant Javary et moi. Permettez-moi de rétablir la vérité sur ce point.

Dans le paragraphe dans lequel M. Ogier croit traiter et trancher en trois pages la question des medium, il affirme :

1“ Que l’esprit d’un certain Javary est celui de tous mes esprits familiers qui m’influence au plus haut degré. Erreur. Ou M. Ogier observe mal, ou il a peu de mémoire.

2° Que Javary se disait animé par l’âme de Jésus. Nouvelle erreur. Javary n’a jamais eu cette prétention.

3° Et sa somnambule par l’âme de Jeanne d’Arc. Erreur. Je ne lui ai jamais connu de somnambule.

4° Que je me rappelle avoir été le bon larron. Erreur. Je n’ai aucun souvenir à cet égard. Plusieurs somnambules, avant l’apparition du phénomène des tables tournantes, m’ont déclaré que j’avais été le bon larron, ce qui est bien différent. A elles la responsabilité de cette assertion.

5° Que je me rappelle avoir été le grand Condé. Je n’ai aucun souvenir à cet égard ; ni somnambule, ni table ne m’en ont dit un mot.

L’honorable M. Ogier prétend en outre que « tous ceux

qui croient à l’intervention des esprits ont une doctrine différente et que cependant, pour chacun d’eux, l’esprit qu’ils évoquent est infaillible. » Grave erreur qui témoigne encore du peu d’esprit d’observation de M. Ogier. Tous les êtres étrangers à l’humanité avec lesquels on serait en rapport au moyen de cette étrange télégraphie électrique se déclarent faillibles, disent que Dieu seul est infaillible, que leurs communications avec nous sont difficiles, que la mémoire du passé est souvent confuse pour eux, qu’ils peuvent commettre des erreurs de noms, de dates, etc.; qu’en outre, ils aiment souvent à s’amuser et à rire à nos dépens, que notre ignorance et notre outrecuidance leur en donnent souvent l’occasion ; qu’il y en a parmi eux de fort ignorants, de moqueurs, de menteurs, de grossiers. C’est un fait dont il est facile de s’assurer pour peu qu’on ait observé ce phénomène avec la plus vulgaire attention.

M. Ogier dit encore : « On invite quelqu’un à faire une évocation ; après quelques instants de silence, le medium éprouve une secousse plus ou moins forte. » Souvent, au contraire, le mcilium n’éprouve aucune secousse. Ainsi, dans le cas dont vous parlez, la somnambule, qui est le véritable medium, n’éprouve jamais de secousse ; moi, au contraire, qui ne suis pas précisément medium, j’en éprouve. Les êtres sensibles sont influencés chacun d’une façon particulière d’après leurs dispositions.

«J’ai évoqué, dit-il, des êtres imaginaires, et le sujet s’est livré à des mouvements extravagants. » Eh ! qu’importe ! Quiconque a pu observer sérieusement ces phénomènes , sait que souvent des esprits moqueurs viennent à la place des personnes appelées, et nous plongent dans l’erreur. Mes secousses, dans ce cas, attesteraient la présence de pareils êtres, non un fait purement psychologique. Ou bien encore, dans ce cas, un esprit familier, bien intentionné, arrive, cherche à deviner qui l’on a évoqué pour ensuite l’appeler, et, échouant dans cette recherche, se retire sans répondre.

M. Ogier a déclaré avoir fait mentalement une évocation qu’il n’avait point faite, ce qui n’a pas empêché le medium d’éprouver une secousse et même de voir l’esprit censé appelé. Même explication que dans le cas précédent. A sa fausse déclaration d’évocation mentale, un esprit familier a pu m’agiter; j’ai pu être le jouet d’un esprit moqueur.

« Ayant, dit-il, évoqué trois fois le même esprit , chaque fois le crisiaque a été impressionné d’une manière différente; chaque évocation fait éprouver aux medium des effets bien différents, bien que l’esprit évoqué soit le même, d'où je conclus que c’est en nous que réside la cause de la sensation et non aux esprits... » Oui le même être peut agir différemment sur le même sujet. Quoi d’étonnant dans cette circonstance ? Les différents medium ressentent des effets différents suivant leur sensibilité. Quoi d’étonnant encore? Celui-ci voit facilement, celui-là entend, tel autre est secoué. En présence d’un beau paysage, plusieurs personnes ressentiront des impressions différentes ; M. Ogier en conclura-t-il que le paysage est une chimère? Les êtres qui nous apparaissent ainsi ont la faculté de prendre diverses formes, de se manifester, au même moment, aux uns d’une façon, aux autres d’une autre. Ce sont là des faits dont l’expérience convainc, quoique nous ne puissions les expliquer. Où en serions-nous, dit Arago, si nous rejetions ce que nous ne pouvons expliquer?

J’ai rectifié les faits me concernant, défigurés parJl. Ogier; j’ai refuté les conséquences qu’il en tire.

Je conclus : Je ne saurais admettre l’opinion soutenue avec talent par MM. de Gasparin et Alcide Morin, reproduite ici par M. Ogier et que M. Petit d’Ormoy a déjà développée dans votre Journal. Suivaut moi, elle ne saurait rendre compte des faits bien observés, bien constatés. Mais l’observation des faits est difficile, la recherche de leurs lois encore plus, surtout en présence de nos préjugés et de notre présomption. Ce n’est pas après un examen léger de quelques semaines que l’on peut trancher ces questions.

11 faut, ou ne pas s’en mêler, ou s’en occuper avec la patience, la persévérance du chimiste et du physicien.

En outre, de môme que le paysan passe avec indifférence devant tel débris de mastodonte que Cuvier recueille avec soin et qui lui révèle un monde évanoui, de môme tel fait que l’on juge insignifiant aujourd’hui pourra peut-être servir à la solution du problème que M. Ogier a voulu trancher.

Je compte sur votre loyauté et votre impartialité pour la publication de cette réponse dans votre prochain numéro.

Veuillez agréer, etc.

ROUSTAN.

Paris, ce 8 mai 1S55.

Ma réponse à ces objections sera courte et simple.

11 n’est pas exact de dire que j’ai la prétention de trancher la question des médiums. Je déclare au contraire n'avoir pas la prétention de résoudre ce problème.

Lorsque M. Roustan faisait des expériences rue des Martyrs, j’ai toujours remarqué que l’évocation de Javary le mettait dans une situation étrange.

J’affirme qu’il ra’a été dit à cette époque, par une personne qui a bien connu Javary, que-celui-ci se croyait animé par l’âme de Jésus-Christ.

Quant à la croyance d’avoir été lui-même le bon larron , la mémoire de M. Roustan est ici en défaut ; car non-seulement il m’a affirmé ce fait, mais quelqu’un l’a répété chez moi en présence de plus de quinze personnes. Relativement au fait de la migration de l’âme du grand Condé dans sa personne, il m'a été affirmé par quelqu’un qui n’est plus.

M. Roustan trouve que j’ai mal observé. 11 ne peut en être juge, car il est trop intéresssé. Celui qui attaque une doctrine observe trop ou trop peu, suivant ses apôtres, qui, eux, n’observent pas du tout.

En terminant, je ferai observer que le nom de M. Roustan n’a pas été prononcé dans mon article; si ce que j’ai dit n’était pas vrai, comment aurait-il pu se reconnaître?

OGIER.

VARIÉTÉS.

Tribunaux. — On lit clans le Siècle du 29 avril, à l’article Chronique hebdomadaire, la mention suivante, accompagnée de commentaires.

« La semaine qui vient de s’écouler a vu la défaite des devins et des pythonisses. Depuis quelque temps surtout, des docteurs en jupon avaient si bien réussi à captiver la confiance du public, que la Faculté craignait d’être un jour ou l’autre abandonnée par les malades. Eprouvait-on quelque malaise ? Ce n’était plus le médecin mais la somnambule que l’on appelait. Le malade guérissait ou trépassait en dehors de toutes les règles; les tribunaux, sollicités par la docte confrérie, ont mis bon ordre à cet état de choses irrégulier. Mesmer a été condamné à la prison et à l’amende dans la personne de ces adeptes, et le vieil Esculape, cet immortel burgrave, a repris le cours de ses triomphes et de ses visites.

« Ce n’est pas la première fois qu’on poursuit ces somnambules dont les annonces s’étalent à la quatrième page des journaux, et qui, moyennant dix francs, s’élancent à toute heure du jour et de la nuit dans les vagues régions de l’extase. Cependant, si le charlatanisme a exploité delà manière la plus audacieuse cette branche de l’art médical, cela ne doit diminuer en rien l’importance des faits prouvés et bien établis. La physiologie de l’extase est restée station-naire depuis une quarantaine d’années, parce que la Faculté et les Académies se tiennent barricadées dans leur vieille citadelle ; mais le phénomène de l’extase n’est pas nouveau. Le monde extatique, dont Mesmer et Van Helmont ont retrouvé la clef, avait été entrevu par les anciens.

« Connue depuis la plus haute antiquité, cultivée longtemps dans les temples à l’état de science secrète, pratiquée dans l’Inde par les disciples de Bralima sous le nom de ravissement en Dieu, l’extase s’est manifestée chez tous les peuples, empruntant à leurs mœurs, à leurs habitudes, à

leur caractère, à leur génie spécial, les formes sous lesquelles elle s’est produite. Les oracles les plus célèbres devaient leur renommée à des faits d’extase, autrement dit de magnétisme. Sénèque définissait ces oracles : La volonté des dieux ou de la nature exprimée par la bouche des hommes. Ici une prêtresse convulsionnaire servait de communication entre l’interrogateur et la vie universelle, — la Pythonisse de Delphes ou Velléda, selon les lieux et les peuples. — Ailleurs, le dieu répondait en songe à celui qui l’interrogeait ; mais, pour obtenir les songes désirés, il fallait un sommeil propice auquel on se préparait par des jeûnes, des ablutions et des sacrifices.

« Depuis sa réapparition dans le monde sous la forme de somnambulisme magnétique, l’extase, en dépit des charlatans qui ont tout fait pour la compromettre, a été quelquefois utilisée au point de vue médical ; il n’y a plus guère aujourd’hui que les esprits forts qui puissent nier son efficacité.

«Edmond TEXIER. »

Nous ne savons à qui se rapportent les condamnations dont on vient de lire l’énoncé. 11 n’y a, croyons-nous, pour le moment, qu’un seul procès de cette nature pendant devant la justice, et c’est à Lyon. La Gazette des Tribunaux, du 6 courant, contient le résumé des débats de cette affaire, qui concerne M. et M“’ Mongruel. Le tribunal a ajourné à huitaine le prononcé de son jugement. Nous publierons le tout ensemble, dans notre prochain numéro, si le compterendu du banquet du 23 mai nous en laisse la place.

HÉBERT (de Garnay).

BIBLIOGRAPHIE.

IL MAGNET0F1L0 , giornale délia Società uingnctica di Torino.

Nous connaissons un brave monsieur, excellent homme du reste, mais auquel il ne nous a jamais été possible de persuader que le télégraphe électrique n’est point une mystification. On a eu beau lui faire parvenir en un instant des nouvelles qu’il aurait été impossible d’avoir en moins de trois ou quatre jours par les moyens ordinaires, rien n’y a fait, sa conviction n’en a pas été ébranlée, et quoiqu’il ne puisse pas expliquer comment cela s’est passé, il persiste encore à soutenir que ce ne peut certes pas être l’œuvre du télégraphe électrique.

Il y a bien des gens d’esprit de noire connaissance, que nous voyons rire d’ici à la lecture de l’étrange ténacité d’opinions de cet incrédule, et qui cependant ne se cachent guère de nier, avec une persistance au moins égale, la réalité des faits mesmériques. Pourquoi cela ? Nous allons vous le dire. La philosophie du dix-huitième siècle a déteint , bon gré malgré, sur la société du dix-neuvième siècle, et le sarcasme voltai-rien s’est infiltré dans le sang de toute la génération qui en a récolté les fruits. Mais on se méprend d’une manière étrange lorsqu’on veut appliquer le même système de critique à des faits qui ne sont pas du même ordre. Prenez la métaphysique et mordez-y a belles dents, nous vous la livrons pieds et poings liés, vous n’aurez guère de peine à la mettre en pièces. Mais la physiologie, mais les faits d’un ordre purement expérimental, comment voulez-vous les attaquer par l’ironie et les abattre par le ridicule? Or, le mesmérisme est au nombre de ces faits accomplis, de ces vérités palpables auxquelles il est aussi peu raisonnalble de ne pas prêter foi, qu’il est absurde de nier le télégraphe électrique.

Mais on nous répond de toutes parts : Nous ne comprenons pas comment cela se fait, doue nous ne croyons pas.,.

Est-ce que vous comprenez comment la vibration lumineuse partie du soleil arrive en huit minutes treize secondes jusqu’à la terre? Est-ce que vous comprenez comment l’onde électrique peut faire en une seconde dix fois le tour du globe ? Est-ce que vous comprenez de quelle manière votre main se meut quand vous cherchez à la mouvoir? Pourquoi le fou qui se croit un ballon immense étoulfe-t-il en passant à travers une large porte cochère? Avouez qu’il y a presque autant de pourquoi insolubles qu’il y a de faits naturels, et cela à cause du mystère qui enveloppe l’essence môme de la substance. Or, en présence de ces inconnues si nombreuses, de quel droit refuserons-nous d’ajouter foi à un fait par cela seul que nous ne pouvons pas le comprendre ? Un fait a d’ailleurs cela de bon que pour exister il n’a pas besoin d’être cru ; il existe, donc il peut exister ; et qnelque absurde qu’il puisse paraître, il a dans son existence même la preuve de sa non-absurdité.

Le mesmérisme a maintenant presque un siècle d’existence, et on est encore à soulever contre lui les mêmes objections que les beaux-esprits faisaient à Mesmer en 1780. Cependant les faits mesmériques se multiplient, on étudie chaque jour davantage ces manifestations de la puissance vitale, et pour peu qu’on n’y prenne garde, le mesmérisme va devenir une chose aussi vulgaire que le hoquet et que l’éternuement, que personne jusqu’ici n’a osé révoquer en doute.

En veut-on une preuve ? Voici un journal de mesmérisme que l’on imprime à Turin, et qui en est à sa seconde année. A Milan, la Cronica del Magnetismo animale existe depuis beaucoup plus longtemps, et les petites brochures, et les ouvrages de longue haleine publiés jusqu’à ce jour sur les phénomènes mesmériques, formeraient une bibbothèque sinon très-intéressante, au moins très-copieuse.

Le Magnétophile turinais est l’œuvre d’un M. E. Allix, que nous n’avons pas l’honneur de connaître, mais auquel, en qualité de confrères, nous nous permettrons de soumettre quelques observations bienveillantes. Et d’abord pourquoi ce titre : le Magnétophile?

On aura sans doute remarqué, et si on ne l’avait pas fait on pourra le faire à présent, que dans le cours de cette revue, nous n’avons pas fait usage une seule fois du mot magnétisme, et pour cause. Il y a longtemps que nous avons protesté hautement contre cette dénomination, qui a fait écrire et soutenir tant de choses absurdes.

La vogue des cures magnétiques opérées par le P. Hell, et quelques analogies plus ou moins acceptables induisirent Mesmer à donner le nom de magnétisme animal aux faits dont il venait de faire la découverte. De là à l’assimilation du magnétisme de l’aimant au magnétisme de l’homme, il y avait si peu, que Mesmer tomba lui-mCme dans le piège qu’il avait tendu, et qu’il basa toute sa théorie sur un jeu de mots. Cependant, entre les phénomènes de l’aimant et ceux du mesmérisme, il y a l’infini. Les uns sont toujours identiques, parce qu’ils appartiennent à la matière ; les autres ne peuvent être ni régularisés, ni reproduits avec constance, parce qu’ils ont la volonté pour point de départ.

Aussi est-il résulté la plus étrange confusion de l’emploi irréfléchi d’un mot impropre. Ici c’est un mesmériseur qui prétend faire des miracles à l’aide de gros barreaux aimantés ; là, c’est un autre qui croit dévier l’aiguille des boussoles avec son regard ou attirer les nuages par l’énergie de sa volonté. N’est-ce pas triste d’assister à de pareilles aberrations et de voir couvert de ridicule un phénomène parfaitement sérieux et digne de la plus grande attention ?

Veut-on la preuve de ce que nous venons d’énoncer ? Le fascicule du Magnétophile de M. Alix, que nous avons sous les yeux, contient un long article sur les variations magnétiques et sur l’aimantation propre du soleil que le R. P. Sec-clii, directeur de l’Observatoire romain, en a déduite comme conséquence nécessaire. Cet article de pure physique est suivi de quelques réflexions par lesquelles M. Allix s'efforce d’établir l’identité des principes magnétique et mesmérien. Bien entendu que les aphorismes de Mesmer sont invoqués à l’appui, et que ce pauvre éther, ce fluide universel dont les physiciens ne parlent jamais qu’avec crainte et comme

«l'un être purement hypothétique, devient, sous la plume de M. Allix, le véhicule incontestable de la volonté humaine. « L’homme, dit-il, employant à son gré cet agent, s’en sert pour obtenir sur son semblable des phénomènes identitiques à ceux du magnétisme terrestre. » Eh bien, non ; cette identité n’existe pas, ces faits n’appartiennent point à la môme catégorie ; toutes les analogies de Mesmer et de M. Allix tiennent à l’abus du mot magnétisme ; mettez mesmérisme à la place, et il ne viendra jamais à la pensée de qui que ce soit de comparer l’aimant avec l’homme, d’établir un rapport d’identité entre l'attraction magnéiique et l’obéissance passive d’une personne conduite par une volonté prépondérante.

Voilà ce que nous voulions dire au rédacteur du Magné-topkile avant de donner à son recueil les louanges qu’il mérite.

Si le mesmérisme n’est pas encore entré dans le domaine des sciences, cela tient à ce que la plupart des mesméristes, praticiens ou littérateurs, ont passé à côté des grandes questions métaphysiques, physiologiques et physiquesdontils parlaient à chaque instant, et ne s’y sont jamais arrêtés. Ils ont trouvé des mots et des principes tout posés, et ils y ont souscrit sans discussion ; et après cela ces messieurs oseraient prétendre que les savants fissent attention à leurs discours, et qu’ils les suivissent dans leurs aberrations pour glaner, au milieu d’un fouillis inextricable, quelques vérités dignes d’être recueillies et conservées ! Que les mesmériseurs apprennent, et les savants seront avec eux.

Nos lecteurs nous pardonneront-ils ce long article auquel nous nous sommes laissé aller, entraîné que nous étions par la nature du sujet? Nous avions d’abord l’intention de ne parler que du Magnétopkile de Turin, et peu à peu notre esprit, abandonnant le journal de M. Allix, s’est porté ailleurs. Cependant, si nous avons quitté le livre pour nous occuper de la chose, notre intention a toujours été de faire comprendre tout l’intérêt que nous attachions à des publications de cette nature.

Nous espérons que le Magnêtophile aura longue vie, tt nous lui souhaitons surtout le concours d’houimes ver-

sés dans les sciences et dans le langage scientifique , pour que le mesmérisme en soit émondé, mis au net et rangé définitivement dans la classe des faits certains qui peuvent jeter quelque jour sur les relations qui existent entre la pensée de l’homme et les êtres qui l’environnent. A ces conditions, les faits découverts par Mesmer seront acceptés par tout le monde...........................

Ainsi parlions-nous dans la Revue franco-ilutienne du 29 mars ; depuis, nous avons reçu un fascicule. 11 est presque entièrement rempli par les débats d’une grande querelle entre deux médecins, l’un partisan déclaré, l’autre adversaire acharné du magnétisme. Lettres, réponses, défis, récriminations , rien n’y manque, et chacun chante victoire de son côté.

Nous n’entrerons point, bien entendu, dans une polémique dont nous ne sommes point à même d’apprécier les faits, nous nous contenterons de former des vœux pour la bonne cause, celle de la justice et de la vérité, et nous ne doutons pas que notre honorable confrère de Turin ne finisse par la faire triompher. Mais, qu’il nous permette de le lui dire, ce triomphe n’en serait pas moins un , s’il parvient à obtenir de ses concitoyens une modération dans l’attaque qui n’exclut pas la fermeté, et un sang froid dans la défense qui n’a rien d’incompatible avec l’énergie. L’aigreur de la discussion et les gros mots n’ont jamais amené la conviction, et la violence ne convient qu’à la tyrannie. Éclairons et persuadons, c’est notre mission, et contentons-nous de plaindre celui qui ne veut pas voir la lumière.

Nous extrairons toutefois des pièces de ce grand débat, une lettre du sieur Costanzo Bernardi, membre du collège de pharmacie de Turin, laquelle contient un fait remarquable de clairvoyance qui rentre dans les attributions du domaine général de la science, et qui intéressera nos lecteurs, nous aimons à le croire.

G. GOVI.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

INSTITUTIONS.

Jury magnHli|uc

d'encouragement et de récompense.

121e Anniversaire de la Naissance de Mesmer. — 10° célébration à Paris.

Depuis la fondation du banquet mesmérien, cette fête annuelle des magnétstes, bien du temps déjà s’est écoulé, et nous avons pu constater les résultats moraux de ces réunions, l’influence qu’elles eurent même sur les antagonistes du magnétisme. Nous marchons à. petits pas, il est vrai, mais nous marchons : et qu’importe la longueur du chemin ; dans les sciences, la lenteur s’explique par les difficultés. Ne fallut-il pas des siècles pour établir ce faisceau de connaissances qui nous rend si glorieux, et qui pourtant encore laisse tant à désirer? Les hommes ne manquèrent point; mais le génie n’apparaît qu’à de rares intervalles. On compte les esprits supérieurs dont le monde s’honore. Les ouvriers-qui, comme nous, établissent, généralisent les découvertes, ont leur utilité, mais on ne les nombre pas ; cependant, sans ces derniers, rien ne serait fécondé, tout resterait stérile.

Nous remplissons donc, du mieux que nous pouvons, le rôle qui nous fut départi. A défaut de géme, nous avons le courage ; nous travaillons avec persévérance sans songer à la rémunération. Puis un jour, chaque année, nous nous rassemblons pour témoigner tous ensemble que la foi est en nous, et dire à tous : Venez, imitez-nous, faites le bien, si vous voulez éprouver des jouissances pures ! Venez, éclai-rez-vous, si vous ne voulez point un jour payer votre tribut à l’ignorance. Nous nous sommes affranchis de bien des

TOME XIV. — K» *1«. — 25 MAI 1855. 10

préjugés, et le but que nous voulons atteindre est le salut de tous !

Ne nous reprochez point les actes coupables de quelques charlatans. Voulez-vous éviter les pièges que vous tendent ces faux amis de la vérité ? étudiez, rendez-vous compte des effets produits par l’arme qu’ils ont subreptissement saisie; l’abus alors ne pourra plus avoir lieu. Ce qui fait leur force, c’est votre ignorance. 11 n’existe peut être pas unç découverte qui ne serve à des œuvres blâmables ; mais, entre toutes, aucune, nous pouvons l’affirmer, ne fera plus de dupes que celle du magnétisme. Cela tient à sa nature propre, au merveilleux de ses effets, à la difficulté d’expliquer les innombrables phénomènes qu’il produit. La fraude est possible à. chaque instant, et la cupidité a trouvé dans ce qu’il y a de plus admirable au monde, le moyen de faire d’innombrables dupes.

La science officielle est en ceci la seule coupable. Elle s’est complue à nier ce qui est aussi certain que la lumière. Elle a, par son imprévoyance, laissé le champ libre à tous les esprits aventureux. Par elle la justice a été laissée dans l’ignorance; que tout le mal retombe donc sur ces esprits rebelles ; qu’ils portent la peine de leur mensonge et de leur déloyauté !

Le jury magnétique cherche constamment ceux qui, d’entre les magnétistes, se sont distingués. Il les honore autant qu’il est en lui, et la fête de Mesmer offre l’occasion de proclamer leurs noms.

§ I. — BANQUET

Cette année, les salons de Lemardelay recevaient tout ce que le magnétisme compte d’hommes d’élite parmi ses défenseurs. Tous étaient venus au premier appel? Est-il besoin le réclame pour réunir les hommes qui se connaissent et s’estiment? N’est-ce point un lien sacré qui les unit? Lorsque l’un d’eux dit : Venez! c’est aujourd’hui la fête de Mesmer! c’est en tel lieu que nous nous rassemblons, il est toujours suivi.

Là, point de clameurs insensées, point d’amour-propre froissé ; la rivalité y est inconnue ; une même pensée existe. On ne sort point du cercle tracé ; Mesmer est le héros de la fête, tout se rapporte à lui.

Sans doute plusieurs magnétistes distingués manquent chaque année au banquet, mais les sympathies nouvelles comblent le vide, et nous savons, à n’en pouvoir douter, que le cœur et la pensée des absents sont avec nous.

Rien n’avait été négligé pour donner à cette fôte quelque éclat, et pour qu’il en fût ainsi, nous nous étions imposé un sacrifice. Ayant commencé modestement, nous voulons que la vérité s’élève aux plus hautes régions ; nous allons à ceux qui ne viendraient point à nous. Qui donc oserait nous faire un crime d’un luxe utile à notre cause ? Nous voyons au contraire le jour où toutes les splendeurs de l’art seront déployées, où rien ne sera de trop quand il s’agira du magnétisme ! Ne porte-t-il point l’empreinte de la divinité? N’est-il pas le céleste rayon qui vivifie toute la nature? Que l’on nous pardonne donc de rêver pour lui l’édification d’un temple, et pour prêtres les plus parfaits d’entre tous les hommes ; voilà notre désir, et ce que le temps doit seul amener.

Le repas terminé, comme président, il m’appartenait de prendre la parole; je prononçai le discours suivant :

« Mesdames et Messieurs,

« Tandis qu’en grande pompe on célèbre à Paris la fête de l’industrie, et que tout un peuple contemple avec orgueil et ravissement les productions du génie de l’homme, productions recueillies sur le globe, et rassemblées dans un palais splendide.

« Tandis que nos artistes, la gloire des temps modernes, voient leurs chefs-d’œuvre exposés à l’admiration d’une foule empressée et avide d’émotions. Tandis qu’un gouvernement éclairé s’apprête à tresser des couronnes pour les offrir aux auteurs de tant de chefs-d’œuvre et de merveilles divers, nous, messieurs , à l’écart dans cette même cité des arts et des sciences, nous nous sommes assemblés sans bruit, sans

éclat, pour honorer la mémoire d’un homme dont le génie fut méconnu, d’un homme dont le destin pourtant placera le nom bien au-dessus de tout ce qui fut grand dans ce siècle si fertile en renommée. Nous osons, messieurs, devançant les temps, prédire et proclamer hautement ce que notre cœur nous dicte, et ce qu’un jour, sans doute, l’histoire ratifiera. »

Ce siècle, messieurs, appartient tout entier aux arts, à l’industrie ; chaque instant voit naître une invention , une découverte; à peine si les hommes ont le temps de respirer, tant les yeux sont éblouis et l’esprit captivé. .Mais tout fait, toute idée, toute vérité, tout ce qui enfin s’écarte du domaine purement physique, et ne peut servir au commerce, n’est point encouragé; nos savants n’ont de paroles louangeuses que pour les industriels, et, nous devons le dire, la science elle-même n’a plus de caractère moral, elle s’est faite industrie !

« Est-ce qu’il n’y a pas dans l’homme d’autres besoins, d’autres aspirations; est-ce que Dieu ne nous a pas donné yn cœur pour aimer, une intelligence pour comprendre; est- ce qu’il n’y a point en nous autre chose que des rouages, des poulies et des cordages ; est-ce que la science de l’homme est complète ; est-ce qu’en ceci il n’y a plus à admirer et à apprendre? Le temps seul, messieurs, peut rétablir le calme dans les cerveaux troublés par cette philosophie incomplète qui domine aujourd’hui, et nous pouvons prédire une réaction puissante contre le temps présent.

«Voyez, messieurs, ce que cette philosophie a produit déjà. Tout ce qui existait de noble et de généreux s’est éteint sous son souille. Les croyances religieuses se sont affaiblies, mais l’hypocrisie a pris leur masque; les arts perdent chaque jour de leur poésie. L’homme ne sait plus rien des choses divines; tout se réduit à un mercantilisme fiévreux, l’amour de l’or s’est emparé de tous les hommes, et les sciences spéculatives n’existent plus que de nom. Peut-être, messieurs, avons-nous en nous tout ce qu’il faut pour leur redonner un nouvel essor.

« Messieurs, qu’est-ce que la science physiologique de nos jours? Un amas d’hypothèses appuyées il est vrai sur la connaissance de quelques organes du corps humain, ce que le scalpel a permis cle découvrir; mais le principe même de la vie reste inconnu. L’agent qui fait mouvoir la machine, après l’avoir construite, quel est-il? le physiologiste ne le

sait point, sa vanité est telle qu’il espère pouvoir se passer de cette connaissance.

« Qu’est-ce que la médecine des Écoles? La réunion de mille systèmes différents, un monstrueux assemblage d’idées contradictoires propres seulement à éterniser des querelles. Le plus sage de nos médecins est celui qui ne croit point à la médecine et abandonne, par conscience, le soin de guérir les maladies à l’agent inconnu caché sous l’enveloppe humaine; mais dans leur ignorance de la vie et de ses lois, nos grands médecins s’égarent de plus en plus dans une route qui n'a pour terme que le néant.

« (l’est à nous, messieurs et chers collègues, qu’il appartient de les tirer de leur erreur, en les conviant sans cesse à l’étude du magnétisme. C’est à nous à leur apprendre les secrets qu’ils ignorent, et, dussions-nous éprouver encore mille nouveaux refus, l’humanité nous fait un devoir de persister dans notre appel.

« Qu’est-ce que la psychologie actuelle? Une science indéterminée et vague, où l'âme reste à l’état de problème; science qui vous laisse le doute au coeur. Plus vous avancez dans le labyrinthe où elle vous entraîne, et moins vous pouvez en sortir. Sur un sujet si grand, nos chaires d’enseignement sont muettes; nos savants sont tellement faibles qu’ils n’osent même point aborder l’étude des faits occultes qui sortent chaque jour de nos mains, impuissants qu’ils se sentent à en découvrir les lois, et forcés qu’ils seraient de revenir à un passé qu’ils ignorent complètement.

« Qu’est-ce que la philosophie du XIXe siècle? La négation du juste et de l’injuste; assemblage confus d’idées fausses et mensongères sur la nature de l’homme et sur ses destinées. Des maximes propres à faire prédominer partout l’égoïsme sur tous les sentiments généreux. Quant à la vertu, MM. nos philosophes ne savent point ce qu’elle est, ou si seulement elle fut. Tout se borne à une sorte d’éclectisme, réunion de lambeaux de toutes choses, véritable habit d’arlequin dans lequel se drapent nos modernes sages; aussi 11’ont-ils plus à. la main le bâton des anciens mages, mais une batte. Et pourtant ils croient posséder la sagesse !

« Voici en deux mots l’inventaire de ce qui se trouve au fond du sac de nos sommités scientifiques ; ce qui est sorti de nos têtes les plus fortes !

« Pauvreté sera vice ! dit M. Pecqueur, couronné par l’institut. Vertu! hypocrisie; dévouement: sottise; sacrifice! folie. Curtius sera un niais! dit M. liouvier-Duraolard; Socrate uo

radoteur ; le conseiller Molé, une dupe ; et, selon M. Cousin, la Victoire sera la Justice.

« Je me prive volontairement, messieurs, de vous parler des croyances religieuses, et sur quoi elles se fondent; ne vous ai-je point déjà signalé trop d’ignorance ! D’ailleurs, je respecte ce qui est sincère. La vérité ne détrônera que l’erreur, comme aussi elle doit un jour faire disparaître ce qui reste de barbarie parmi nous.

« Vous ne l’ignorez point, messieurs, la divination, la prévision, les plus nobles attributs de l’intelligence, et que nous voyons chaque jour se manifester dans le sommeil magnétique , eh bien ! la divination, la prévision sont encore rejetées. Il y a dans nos codes un article qui flétrit et punit les êtres d’élite qui jouissent de cet heureux don. Aujourd’hui Jeanne d’Arc, que l’on vient de déifier, apparaissant de nouveau parmi nous, serait traînée devant un tribunal, et il se trouverait des juges qui, sans scrupules, condamneraient cette divine voyante à des peines correctionnelles, tant nos magistrats sont gens du monde et peu instruits des secrets de la nature I

« Ne vous effrayez pas, messieurs, de cet abaissement et de cette ignorance, vous n’en connaissez pas encore tous les fruits amers ; la plainte, d’ailleurs, doit avoir un terme, je m’arrête ; mais c’est (juand les maux sont arrivés au pis que l’on en trouve parfois le remède. Peut-être allons-nous vous l’indiquer en vous parlant de Mesmer.

« Messieurs, le jour où Mesmer remit aux mains de nos pères le principe nouveau qu’il avait découvert, comme un génie puissant, la vérité a déployé ses aîles sur le monde; ce jour qui doit marquer dans les fastes de l’humanité, vit éclater la colère de nos sages, et les échos lointains répétèrent leurs paroles : Mort à ta vérité !

« Ne vous y trompez point, messieurs, c’était d’abord l’esprit du mal, l’athéisme, qui, troublé dans son repaire, jetait son cri d’alarme, et semait l’épouvante; c’étaient nos grands philosophes, nos docteurs ès-sciences, l’élite des sophistes qui, dans le nouveau venu, reconnaissant Hercule, se voyaient déjà vaincus.

« Ainsi, lorsque la lumière jaillit au milieu des ténèbres, les funèbres oiseaux déchirent l’air de leurs cris.

« Impuissantes clameurs dont la crainte seule est cause !

« Voyez, messieurs, le plus profond silence règne maintenant dans les lieux où naguère encore le seul mot de magnétisme soulevait une tempête.

ci Pourquoi donc ce changement? Ne le savez-vous point, messieurs? C’est que ce qui, aux yeux des savants, signifiait mensonge, est devenu vérité ; c’est que ce qu’ils signalaient comme œuvre d’imposture est la plus incontestable des réalités ! Voilà pourquoi le silence s’est fait; voilà pourquoi, ayant montré au monde toute la faiblesse de la science des Écoles, nos illustres calomniateurs cherchent, par un mutisme de mauvais aloi, à cacher leur défaite.

« Ainsi toujours, messieurs, lorsque les lois morales défaillent et s’affaissent sous les elïorts redoublés d’une philosophie mensongère, Dieu inspire quelques hommes, il révèle à leur esprit de grandes vérités cachées, et leur souffle bienfaisant redonne la vie aux nations.

« De même, lorsque tout se dessèche sous l’ardeur brûlante du soleil, la main bienfaisante de DieuTerse l’eau avec abondance pour que tout renaisse. Quelquefois, il est vrai, messieurs, le tonnerre gronde et la foudre éclate, brisant tout ce qui se trouve sur son passage ; mais cette colère des éléments peut être comparée à celle des hommes, elle est nécessaire au rétablisssment de l’équilibre.

« Chaque année, messieurs, voit s’accomplir un progrès pour la vérité que nous enseignons ; nul même ne serait assez puissant aujourd’hui pour l’arrêter dans sa course.

« La vérité s’est frayée une route à travers des marais putrides et empoisonnés, et c’est sur des terrains fangeux assainis par nos mains que nous avons répandu cette semence céleste. Oui, chers collègues, nous remplissons une sainte mission, car elle est providentielle ; nul de nous, pourtant, n’en espère la gloire ou la fortune; nous préparons l’avenir des choses les plus grandes et les plus merveilleuses, et peut-être n’aurons-nous aucune mention de nos travaux dans le temps présent, mais un jour nous aurons cet honneur insigne d’avoir été les instituteurs des hommes, et supérieurs en vraies lumières à tous les corps savants de cette époque. Ce n’est point l’orgueil qui nous fait vous parler ainsi, et pour exalter chez vous le mérite que vous avez eu de croire à la vérité et de produire des œuvres de bien ; non, vous avez obéi docilement à la voix de votre conscience et au divin principe qui vous incitait. En un mot, comme des messagers fidèles, nous n’avons point brisé l’enveloppe du pli qui nous étaitremis, nous avons simplement transmis le fait et Vidée magnétique ; mais lorsque le jour sera venu où les divines paroles seront lues par tous, nous n’existerons plus, cela est certain, mais devons-nous cesser pour cela d’être les initia-

teurs du genre humain , et nous venger ainsi de nos contemporains ; aucun de vous ne peut avoir cette pensée. Plantons au contraire l’arbre de vie au milieu des ingrats, pour que leurs enfants aient un jour une ombre protectrice et des . fruits salutaires.

« Ah ! messieurs, s’il est vrai qu’un rayon de la sagesse éternelle ait lui un instant à nos yeux, ne laissons point perdre ce qu’il nous permit de voir et d’apprendre. Transmettons les vérités acquises sans les altérer par le mensonge. Gardons-nous d’exhiber devant la foule ce qui peut rendre le magnétisme odieux, ses faits rendus monstrueux par l’exagération et le besoin qu’éprouvent certains hommes de montrer une grande puissance. Abandonnons à eux-mêmes ces faux-amis du magnétisme, car ils n’ont saisi celui-ci que pour le salir et le dégrader. Ils rendent ainsi la vérité douteuse là même où ils ne l’ont point rendue méprisable.

« Je ne puis être plus explicite, messieurs, cela ne m’est pas permis, mais vous avez vu et vous verrez succomber tout ce qui n’est point fondé sur les lois morales. La religion même, cette fille du ciel, ne peut impunément fausser son principe, et les savants qui nient les vérités sont bientôt obligés de courber le front devant elles.

« Le progrès qui va s’accomplir dans l’humanité nous sera donc dû, soyez-en certains, et nous pouvons dès aujourd’hui en constater le développement. Ne fut-il pas un temps, messieurs, où on niait l’existence d’un Dieu ? Naguère encore Fâme humaine n’était-elle pas mise en doute? Et nous tous, Écoutant le raisonnement de nos faux sages, le scepticisme n’avaiuil pas envahi nos esprits ; l’indifférence en nous ne s’était-elle pas fait une large place, et, comme tous les savants, nous regardions la terre, ce vaste cimetière, comme terme et fin de toutes choses.

« Qui donc nous tira de cet assoupissement mortel? Le magnétisme, messieurs, cette flamme si pure; c’est lui qui nous redonna la fierté et nous rendit l’espoir en dirigeant notre regard jusqu’au séjour de ceux qui ne sont plus ! Sans doute, messieurs, ici la science n’est point encore faite, mais nous savons à n’en pouvoir douter, que tout un monde existe en dehors de nous. Ah, ne rejetons point cette pensée, qu’un rapport intime peut s’établir entre ce monde et nous à la faveur du magnétisme !

« Voilà ce qui, en ce moment, émeut l’Amérique et excite chez nous l’esprit de recherche. Voilà ce qui trouble les mauvaises consciences. Laissons la fausse science nous ré-

pondre le scalpel à la main, elle n’empêchera point la vérité d’avoir son cours; les physiologistes comparent la mort à la vie, et où il y a lumière nous montrent les ténèbres. Répétons-leur ce que disait un barbare, un homme des anciens temps, qui voulant faire tenir debout un cadavre, et ne pouvant y parvenir, s’écria: «Par Jupiter ! il y a quelque « chose là dessous ! » Cette apostrophe, ce mot renfermait l’énigme déchifrée par Mesmer; et voilà pourquoi Mesmer est notre héros ! Voilà pourquoi Puységur et Deleuze nous sont chers ! Placez en regard de ces noms que nous vénérons, ceux des hommes qui du haut de leur tribune, ou dans leurs écrits, flétrirent la vérité ou persécutèrent nos maîtres, nul ne les connaîtra; et pourtant, hier encore ils étaient, ils vivaient! Leur mort a été une fuite; et, comme des larrons, ils se sont en mourant dérobés à la justice.

« Incomparable agent magnétique découvert par Mesmer, tu réunis en toi les vertus éparses dans la nature ! Tantôt tu nous apparais sous la forme de l’électricité ou du galvanisme , puis tu deviens aimant vivant, attirant ou repoussant les corps organisés. Il semble que la vie se soit plue à déposer en toi son essence et son activité, et que l’homme puisse, avec ton concours, non s’égaler à Dieu, mais ajouter quelque chose à son divin ouvrage, afin de le rendre plus parfait.

« Nous portons donc en nous le principe même de la création et de la conservation des êtres ; nous pouvons en devenir les dispensateurs, et c’est ainsi que souvent on nous vit réparer les erreurs de la fausse science et guérir les in-* fortunés auxquels elle avait enlevé jusqu’à l’espoir.

« 0 Mesmer ! fais que nous soyons toujours tes dignes disciples! nous t’offrons aujourd’hui les prémices d’une glorification universelle, accepte nos humbles hommages, jusqu’au jour où une bouche éloquente saura plus dignement servir d’interprète à ton vaste génie.

t A MESMER I

« Au plus grand des réformateurs ! car il fut aussi profond que juste. Son nom sera placé au-dessus de celui de Franklin , car si ce philosophe s’empara de la foudre, Mesmer, mieux inspiré, trouva le feu sacré.

« A MESMER ! »

L’assemblée applaudit ii mes paroles, et nie donna ainsi un témoignage de sa sympathie. Ensuite, l’un de nos collaborateurs, M. A.-S, Morin, prononça le discours qui suit :

. A LA MÉMOIRE 1)E MESMER!

«Les amis du magnétisme célèbrent comme un des jours les plus heureux qui ait marqué dans les fastes de l’humanité, l'anniversaire de la naissance de leur maître ; et plus le magnétisme fait de progrès, plus nous nous sentons pénétrés de reconnaissance et d’admiration pour l’auteur de cette sublime découverte, plus nous éprouvons le besoin de le glorifier, de nous unir à lui par une communion sympathique et de puiser dans ses souvenirs la force nécessaire pour continuer son œuvre. Aucun sujet ne peut être pour nous plus fécond en enseignements que l’étude de sa vie si bien remplie, dont toutes les phases ont eu sur le monde une si salutaire influence.

« Dès ses premiers pas dans la carrière de la science, Mesmer révèle la hauteur de son génie, et fait pressentir le système auquel il doit donner son nom. Il prend pour sujet de thèse de l’influence des Planètes. Certes, après la réprobation qui s’était attachée à l’astrologie, il fallait une dose de courage peu ordinaire pour oser traiter une pareille matière; mais quand on est animé d’une foi profonde, quand on est décidé à poursuivre à tout prix la recherche de la vérité, on ne se laisse pas arrêter par les sarcasmes et les quolibets, on marche d’un pas ferme à son but avec une persévérance inébranlable. Mesmer se donna bien de garde de ressusciter les vieilles erreurs dont la|raison avait fait justice ; mais il comprit que dans les systèmes qui avaient joui de la faveur publique, il pouvait se trouver quelques parcelles de vérité qu’il ne fallait pas laisser perdre, qu’il fallait au contraire dégager de l’alliage impur où elles avaient été enfouies. 11 ne craignit pas d’aflirmer que toutes les parties de l’univers étaient harmonieusement unies, que les astres étaient coordonnés pour concourir à un but commun et devaient nécessairement avoir une influence réciproque les uns sur les autres; que ce n’était pas seulement par leur masse qu’ils agissaient sur la terre, mais aussi par des échanges de fluides qui exercent sur les êtres animés des modifications plus ou moins importantes. Tant que ces idées aventureuses ne seront pas confirmées par l’expérience, ce 11e seront que des hypothèses; mais elles n’en ont pas moins une haute

valeur; ces hypothèses reposent sur des conceptions rationnelles, sur une intuition religieuse de l’œuvre de Dieu. Ce sont des matériaux précieux que la science utilisera. Et à ceux qui seraient tentés d’en condamner la témérité, nous rappellerons que les lois de Kepler ont commencé par n’être que des hypothèses.

« Mesmer poursuivant l’idée du fluide universel, fut conduit à ramener à une cause unique les phénomènes de la chaleur, de la lumière, de l’électricité et du magnétisme minéral. Son explication ingénieuse eut peu de succès et nuisit même à la grande découverte dont ses premiers essais n’étaient que le prélude. Si elle n’est pas démontrée, si l’existence du fluide annoncé par lui est demeurée problématique, du moins on peut dire que l’hypothèse est devenue probable, et qu’elle a servi à jeter une vive lumière sur cette branche si intéressante des connaissances humaines.

« Mesmer entra dans l’exercice de sa mission providentielle quand il formula la grande loi du magnétisme animal, quand il affirma que tous les êtres animés exercent une influence plus ou moins considérable les uns sur les autres ; que par une volonté ferme, aidée de l’emploi de certains moyens, on peut élever cette action à une très-grande puissance, la diriger, causer ainsi dans l’organisme des perturbations importantes et les faire servir au soulagement des malades. 11 résuma sa magnifique théorie dans ce fécond aphorisme qui nous sert de devise :

h La nature a donné à l’homme un moyen universel de « préserver et de guérir. »

« Ce fut là une révélation sans exemple. La médecine fut ébranlée sur ses bases ; la science antique fut bouleversée. Comment admettre que par des procédés aussi simples on puisse produire d’aussi grands résultats? Quoi! le premier venu, par une opération mentale et quelques gestes, obtiendrait plus que toute l’école d’Hippocrate armée de son grimoire et de son attirail pharmaceutique! A quelle loi connue pouvait-on rapporter de tels prodiges qui ne trouvaient d’analogie que dans les légendes miraculeuses?......

Aussi l’annonce de phénomènes aussi étonnants fut-elle accueillie par une explosion générale d’incrédulité, par des rires de pitié. L’orgueil humain , si prompt parfois à s’humilier devant les rêveries les plus extravagantes, prend sa revanche en refusant d’accepter ce qui ne peut être expliqué; comme si l’on pouvait expliquer quelque chose, comme

si nous étions en droit de fixer les limites du possible, cunime si la nature ne déployait pas autour de nous à profusion des merveilles qui défient toutes les ressources de notre science si bornée !

« Mesmer comprit que le meilleur moyen de convaincre était de vulgariser tout ce qu’il annonçait, de le mettre en pratique sous les yeux de chacun, d’appeler les incrédules, les indifférents, les douteurs et les chercheurs à voir, à toucher par eux-mêmes, puis à reproduire à leur tour les phénomènes nouveaux. Fort des grands résultats qu’il avait obtenus, des guérisons éclatantes qu’il avait opérées, sûr de son pouvoir dont il avait mesuré l’étendue par de nombreuses expériences, il voulut frapper un grand coup en prenant pour théâtre de son enseignement Paris, cette ville

Srivilégiée où s’élabore la pensée du genre humain, où af-uent toutes les grandes idées, foyer d’où part l’étincelle qui éclaire et agite le monde.

« Il y forme bientôt un petit cercle d’adeptes, un cénacle d’hommes choisis, la plupart distingués par leurs talents en tous genres et par leur position sociale : ces disciples saisissent aussitôt tout ce qu’il y a de beau, de divin, dans la découverte du maître; ils s’empressent avec ardeur de se faire initier, et deviennent de zélés propagateurs. Ils prennent pour bannière /'harmonie, dont ils sont véritablement les apôtres.

« L’attention publique est vivement excitée ; il n’est plus question que du fameux baquet de Mesmer. La vogue y attire la foule avide de nouvelles émotions. Les effets qui s’y produisent sont tellement étourdissants que, même après avoir vu, l’on doute encore, tant la raison est confondue. Les promesses de l’Évangile se réalisent : les aveugles voient, les sourds entendent, les paralytiques recouvrent l’usage de leurs membres depuis longtemps frappés d’inertie; des maladies de toute espèce se dissipent comme par enchantement, grâce à l’action magique du> thaumaturge. L’enthousiasme est à son comble, le magnétisme paraît devoir triompher ; un gouvernement ami du progrès fait au novateur des offres brillantes, et, en se disposant à donner à sa découverte une sanction ofiScielle, semble devoir lui assurer un succès dès lors incontestable. Mais cette victoire n’était qu’apparente ; il fallait encore passer par bien des épreuves avant que cette noble cause fût définitivement gagnée.

« Une découverte scientifique doit nécessairement compter avec les corps savants, presque toujours rebelles au progrès

et enclins à opposer la routine aux idées trop hardies qui ont le tort irrémissible de déranger leurs systèmes. Les Académies nommèrent des commissaires qui furent témoins des faits et qui néanmoins persistèrent à les nier, cherchèrent des explications plus ou moins ridicules pour en atténuer l’importance, luttèrent contre l’évidence et firent tous leurs efforts pour étouffer le magnétisme dans son germe. On alla jusqu’à frapper d’interdiction les médecins qui oseraient enfreindre les décrets du docte aréopage et avouer leur adhésion à la science proscrite. Superbe décision, bien digne de figurer à côté de celle qui condamna Galilée ! Mais, en dépit de l’inquisition la terre tourne; et, en dépit de la Faculté, le magnétisme existe, et il inonde le globe de sa lumière bienfaisante.

« Les foudres académiques furent le signal d’une foule d'attaques passionnées, injurieuses, de diatribes envenimées. Le public français, avec la mobilité qui le caractérise, passa de 1 engouement au dédain et au dénigrement, se fit un jeu de conspuer ce qu’il avait encensé. On a dit depuis longtemps que rien ne résiste à l’arme puissante du ridicule.... Oui, sans doute, le ridicule est terrible, mais pour tout ce qui n’est pas né viable, pour tout ce qui n’a en soi aucune valeur et qui a usurpé la faveur capricieuse de la mode. Quand des erreurs parées d’un vernis brillant ont joui d’une vogue „ passagère, l’ironie, qui n’est alors que la voix acérée de la raison, suffit pour faire justice de ces chimères séduisantes : ce sont des bulles gonflées d’air, il suffit d’une piqûre pour les faire évanouir. La vérité, au contraire, loin d’être entamée par les morsures du ridicule, grandit et s’affermit sous les coups. Les persécutions lui sont nécessaires pour prouver sa légitimité ; c’est une sorte de baptême qui loi sert de consécration, c’est le crible qui sépare le bon grain de l’ivraie.

Loin de nous affliger du déluge de sarcasmes et d’imprécations qui ont poursuivi le magnétisme, félicitons-le d’avoir eu à traverser ces pénibles épreuves d’où il devait sortir plus vigoureux. Gomme Hercule, il a montré sa divine origine en étouffant les serpents dès son berceau.

« Le magnétisme sembla éprouver une éclipse : après avoir occupé toutes les bouches de la renommée, il s’effaça de* vant le grondement de la tempête révolutionnaire. Pendant de longues années, on put le croire anéanti. Un petit nombre de sectateurs obscurs, fidèles à la foi nouvelle, furent seuls chargés d’entretenir le feu sacré ; leur faible voix parvenait

à peine à franchir les limites de leur retraite et ne pouvait vaincre le dédaigneux oubli du public et des corps savants. Mesmer subit noblement ce revers de fortune : l’abandon momentané de sa doctrine n’altéra en rien la sérénité de sa grande âme. Que lui importaient les éloges ou les railleries d’une multitude capricieuse? L’avenir n’était-il pas à lui? 11 voyait d’avance le magnétisme sortir glorieusement de son tombeau, comme le Christ, et ressusciter pour ne plus mourir. S’il ne lui fut pas donné d’assister à ce triomphe, il s’en consola en contemplant par la pensée l'humanité heureuse de sa découverte ; il goûtait l'ineffable félicité que cause à l’homme vertueux le sentiment du bien qu’il produit ; il entendait déjà les concerts de reconnaissance qui plus tard salueraient son nom et béniraient sa mémoire. Il éprouva le sort commun à tous les novateurs qui n’ont pas le bonheur d’être témoins du succès de leurs idées. Comme Moïse, qui ne put entrer dans la terre promise, il eut la satisfaction de l’apercevoir de loin, et l’honneur d’y conduire son peuple.

« Le magnétisme, délivré des obstacles qui arrêtaient ses premiers pas, n’a cessé de poursuivre sa marche radieuse. Il n’est pas parvenu à entraîner toutes les convictions, à réduire au silence tous ses détracteurs; mais il a envahi toutes les contrées civilisées; il s’y manifeste journellement par des faits tellement nombreux et tellement éclatants, que son existence est aussi visible que celle du soleil : les malades qu’il a guéris, les personnes qui ont senti son action, chantent ses louanges et forment un chœur si imposant qu’il couvre la voix chevrotante des traînards du passé, obstinés à nier quand même et à fermer les yeux pour ne pas voir.

« Nourris des traditions du maître, nous profitons du fruit de ses labeurs et de la coopération de ses dignes continuateurs, les Puységur, les Deleuze, les du Potet ; nous n’avons plus qu’à féconder le sillon par eux péniblement tracé. Si notre tâche est moins glorieuse, elle n’est ni moins importante ni moins utile. Dévoués comme eux au bien de l’humanité , nous nous inspirons de leurs exemples et de leurs leçons. Si nous ne les égalons pas en science, si nous ne sommes pas doués comme eux, par la nature, de ces puissantes facultés qui enfantent les miracles, ne leur soyons inférieurs ni en courage ni en zèle. A l’œuvre, élèves de Mesmer, le monde nous appartient. »

Écouté avec recueillement, M. Morin fut vivement applaudi, et reçut les félicitations de ses collègues.

M. Baïhaut lui succéda et dit, avec tout l’entrain et le inique qu’on lui connaît, la plaisanterie que voici :

MAGNÉTOPHOCIE

BOUTADE (1).

Messieurs, depuis longtemps, je crois au magnétisme,

Et je le sais par cœur,... comme mon catéchisme.

Oui, je crois au principe actif, obéissant,

Que Mesmer maîtrisa de son doigt si puissant.

Je crois que ce principe, — esprit, âme ou fluide, —

Toujours agile et prompt, toujours souple et rapide,

Embrasse l’orbe entier du terrestre univers,

Et qu’il peut dominer, par des moyens divers,

L’homme blanc, rouge ou noir, portant ou non du linge,.

L’esclave et le tyran,... peut-être aussi le singe.

Voilà ce quo je crois. Sur ce, messieurs, salut!...

Mais ne concluez point de ce pompeux début,

Que j'estimo votre art, que j’y sois favorable :

Je crois au magnétisme, ainsi qu’on croit au diable...

Ah ! ah! ce nom maudit vous réveillo en sursaut ;

Vous y voyez déjà le signal d’un assaut,

Et vous avez grand peur... Bon ! je tourne casaque,

Pour braquer contre vous mes gros canons d’attaque.

Après avoir bravé les plus savants docteurs,

Vous narguez les avis de nos dignes pasteurs (2) ;

Et, couverts du manteau do la philanthropie,

Vous propagez partout votre science impie.

* Or, nous savons très-bien qui vous représentez,

Quel est votre mot d’ordre, et quels lieux vous hante«.

Quels lieux? n’en citons qu’un (c’est le plus redoutable) :

Le salon du Potet ! arsenal formidable,

Où l’on entre à tâtons, par un couloir suspect;

Où tout, jusqu'au portier, prend un sinistre aspect ;

(1) Cette boutade, qui vise à la charge, et nullement à la satire, a été inspirée par la lecture de diverses publications récentes où la question du magnétisme est traitée d'un point de vue ultra-catholique. — Voyez, notamment , l’ouvrage intitulé des Esprits et de leurs manifestations flui-diques, par M. le marquis Eudes de Mirville.

(S) Plusieurs magnétistes ont eu l’irrévérence de critiquer les mandements et lettres pastorales de divers prélats , qui interdisent les expériences de tables tournantes, l'évocation vraie ou prétendue des esprits, etc.

B.

Où Mesmer, en statue et peint à l'cncaastiqnc,

Eclmngeavec le maître un regard satanique ;

Où tant d'infortunés, sur un arbre fourchu,

Sont forcés de lutter contre l'ange déchu ;

Où le charbon possède un pouvoir fatidique;

Où chacun voit sa mort dans un miroir magique;

Où le maître, évoquant les esprits animaux,

Les contraint d'obéir h de certains signaux,

Pour qu’ils attirent là leurs plus ofTreux semblables,

Les esprits ambiants (1) / et cent mille autres diables! 1 !...

Voyons votre mot d'ordre. En tête du Journal Publié par les soins de votre général,

On Ut une épigraphe... honnête en apparence,

Mais où le verbe actif brille par son absence.

On lit donc simplement : « Le bien, par toute main ;

Le vrai, par toute bouche. »... Ah' gros esprit malin,

Tu voudrais te cacher sous l’ellipse d’un verbe,

Comme un petit serpent se dérobe sous l’herbe I Mais on le connaît trop, cc verbe criminel,

Ce mot sous-entendu, dont l'effet est mortel!

De la Morale en pleurs, qui prendra la défense?

Aujourd'hui la censure est d'une toléranceI...

Tremblons! l’ordre odieux d'où le mal va sortir,

Le voici tout entier : « Il faut ANÉANTIR Le bien par toute main, le vrai par toute bouche. »

■¿nsanit'r I c'est lè ce verbe si farouche Devant qui l'imprimeur lui-même a reculé,

Bien que le rédacteur ne l'eftt point formulé!...

Et l’on s'étonne encor de nos penrs légitimes,

Quand le monde est penché sur le bord des abîmes! llonnequin l’a bien dit : « Sauvons le genre humain! »

Mais c’était un démon qui dirigeait sa main ;

Voilà juste pourquoi, messieurs les bons apôtres,

Vous mettez Hennequin sur la liste des vôtres.

Bêlas! où marchons-nous?... Je reviens au Journal Que, deux fois chaque mois, par un abus légal,

(1) Tous les élèves de M. du Potet connaissent ses intéressantes expériences sur l’arbre fourchu, ou de Pythagore ; l’emploi qu’il fait du charbon dans diverses opérations de magio naturelle; enfin, sa théorie sur le miroir magique, où il parle effectivement d'esprits animaux etd esprits ambiants, mais dans on sens auquel nous donnons ici un travestissement burlesque. B.

La poste va porter dans le sein des deux mondes.

Tel un affreux typhus franchit parfois les ondes,

Abrité par les flancs d’un vaisseau de l'Etat,

Et garde pour le port son foudroyant éclat :

Ainsi court prudemment votre feuille fatale Jusqu'aux points où Unit la fonction postale ;

Mais là tous les poisons que vos presses de fer Ont préparés daus l'ombre avec du noir d’enfer,

S'épandcut tout à coup pour infecter les âmes,

Et leur inoculer vos fluides infàmesl 0 fléau corrupteur 1 qui donc t'arrêtera?

Plus actif que la peste et que le choléra,

Tu dévores le cœur de la jeune Amérique;

Et la mer nous apporte, en vapeur méphitique,

Les émanations que soulève tou cours :

Des livres, des journaux, dont l’immense concours Nous montre incessamment les puissances occultes Sébaslopolisant (1) les objets do nos cultesl 11...

Dites, magnétiseurs, quel mobile secret

Vous pousse à pervertir, au grand jour, d’un seul trait,

Touto une nation, que dis-je, tout un monde,

Par le jet continu de votre effluve immonde!

N’était-ce pas assez de tant d’horribles coups Portés à la façon des nocturnes filous?

Mingrat, Contrafatto, Papavoine, et bien d’autres,

Disaiont exactement toutes leurs patenôtres :

S'ils ont failli, c'est grâce ou redoutable agent Déohalné par vos mains. Et ce pauvre sergent Qui déterrait les morts 1 Et frère Léotade,

Martyr qui de Toulon sanctifia la rade (2) 1 Et ce jeune insensé qu'au théâtre, à Lyon,

La peur de trépassor sans extrême-onction.

Poussa fatalement jusqu'au plus grand des crimes 1 Magnétiseurs maudits, voilà de vos victimes! 11...

Ainsi vous poursuivez votre but odieux,

D'un pas tantôt furtif, tantôt audacieux,

Et vous osez toujours invoquer votre maître Comme l’aimable dieu de la vertu champêtre I...

(1) Lo verbe tiàastopoliser signifie t'occuper à détruire. Ca mot est emprunté du vocabulaire académique.... des zouaves.

(8) Voy. Des £iprt(i,I[>ar M. de Mirville, lta éd., page 193, note 2- B.

Ali ! l'on connaît enfin l'artifice infernal,

Disciples de Mesmer ; car Mesmer... C’EST LE MAL! Oui, Mesmer c'est le mal ; car, ne vous en déplaise, C’est lui qui prépara l'affreux Quatre-vingt-treize ; Car (d'une telle tige, inévitable fruit!)

Ses dignes successeurs ont fait Quarante-huit;

Car, toujours et partout, messieurs du Mesmérisme, Vos fluides errants font naître un cataclysme ;

Car la guerre actuelle a, pour vous, des appas,

Et c'est vous qui montiez la tète à Nicolas;

Car... mais c’est bien assez pour h présent, je pense : L’avenir est à Dieu, qui protège la France ;

Et Dieu dépistera tous vos agents secrets,

Ces membres du Jury, véritables furets,

Qui surveillent partout l'effet de vos fluides (1).

Oui, vous serez déçus dans vos desseins perfides;

Et ces baskirs-frappeurt, ces eosaques-esprits,

Que le czar des Enfers veut lancer sur Paris,

Fuiront au seul aspect des secours qu’ii toute heure,

La sainte Eglise accorde à sa fille majeure (2).

11 est bien démontré que Mesmer c'est le mal,

Puisque mal sous-entend magnétisme animal :

Or le mal c'est Satan ; donc Mesmer c’est le diable.

Qui magnétise vit de son souffle exécrable :

Or son souffle c'est lui, c’est son esprit retors;

Donc les magnétiseurs ont tous le diable au corps. Vous voyez bien, maudits, que toute feinte est valno, Et qu’on vous reconnaît sous l’enveloppe humaine. Vous êtes bien rusés, mais notre monde, à nous,

En a mis à quia de plus malins que vous;

Allez donc, et bientôt nos modernes Caïphes Sauront vous transformer: vos doigts seront des griffes, Vous aurez une queue, et des cornes aussi ;

Et déjà, mes très-chers, vous sentez le roussi.

Oui, démons incarnés, la divine justice Rallumera pour vous les feux du Saint-Office :

(1) Le Jury magnétique d'encouragement et de récompense compte des membres dans tous les pays où l’on s’occupe do magnétisme.

(2) La France a été quelquefois appelée la fille aînée de 1‘Eglise, par extension du titre qu’on donnait à ses rois. B.

Vous avez fait la nique à nos plus grands abbés (1) !

Par saint Laubardemont (2 ! vous serez tous flambés!...

Pour hâlor ce beau jour, nous vous ferons la guerre Kn vous attribuant tous les maux de la terre.

Circonvenus partout, vilipendés toujours,

Vous serez pourchassés comme d'affreux vautours;

Et pour mieux assurer notre sainte vengeance,

Pour frapper droit au cœur votre maudite engeance,

Ce sera sur vos chefs que porteront nos coups;

Ils ont soufflé le mal : qu’ils répondent pour vous.

Autrefois, nous disions, en faussant la grammaire:

« C'est la faute à Rousseau, c'est la faute à Voltaire ; »

A présent, nous dirons, quel que soit le sujet :

« C'est la faute à Mesmer, la faute à du Potet. »

M. Baïliaut fut prié de redire plusieurs passages de cette boutade, et l’assemblée lui témoigna sa satisfaction par des bravos répétés.

M. Jobard, inopinément retenu par ses fonctions de commissaire belge auprès de l’exposition universelle, nous a adressé le lendemain la lettre suivante, avec les jolis vers ci-après transcrits, qu’il se proposait de réciter.

« Mon cher maître,

«J’ai grand regret d’avoir manqué au banquet; mais le moyen de respirer dans un volcan, et de se retrouver avec soi-même, dans ce grand Paris, où les jours passent aussi vite que les heures en province. Enfin, ce sera pour l’année

prochaine, qui arrivera vite aussi ;...... si elle arrive encore

pour celui qui vous presse la main.

« JOBARD. »

(1) Allusion aux mandements critiqués par divers magnétistes.

(2) Suivant M. de Mirville, Laubardemont s’est comporté saintement dans le procès d'Urbain Grandier. — Voy. ouvrage cité, page 129. B.

ODE A LA CALOMNIE.

Ne blâmons point la calomnie,

Ne médisons point de l’envie,

Source des chefs-d'œuvre divers Qui brillent dans tout l’univers.

Le coursier double de vitesse Dès qu’un vil insecte le blesse,

Souvent même quand il n’entend Que son lointain bourdonnement.

Plus d’un poète de mérite Ne doit le succès de ses chants Qu'il la colère qui l’irrite Contre les sots et les méchants.

L'artiste s’endort dans sa vervo,

Le roi dans le repos s'énerve,

Le bœuf trace mal son sillon,

S'ils no sentent pas l’aiguillon.

Pins d’un prince de noble race,

Ne fait des miracles d'audace,

N’abat l'ennemi sous ses coups Quo pour écraser les jaloux. *

Plus d'un mesmériste dépense Tous les trésors de sa puissance Pour convertir, i ses dépens,

Des ingrats et des médisants.

J’ai la conviction profonde Que le bon Dieu n'a fait le monde Que pour confondra Lucifer Et fermer la bouche à l'enfer.

Cette pièce devait trouver ici sa place. Nos lecteurs ne sont-ils pas d’ailleurs certains que notre fête annuelle comptera au nombre de nos convives les plus illustres, M. Jobard ? Ne savent-ils pas également que cet ami du magnétisme aime à payer sa dette à la science? L’esprit lui coûte peu, et d’ailleurs ne sait-il pas qu’il est aimé de nous tous? Nous sommes donc toujours certains de son actif concours.

Comme président du Jury magnétiqne, j’eus l’honneur de proclamer les noms des personnes auxquelles il avait été accordé des distinctions. L’accomplissement de cette tâche me fournit l’occasion de faire ressortir les mérites divers de celles qui ont mérité les suffrages du Jury.

J’aime à louer les œuvres d’autrui; je sais trop combien les belles choses sont difficiles à produire, et lorsque je rencontre le courage, le dévouement, l’abnégation, la science, l’heureux instinct, je suis heureux d’être le premier à applaudir au succès.

Le Journal du Magnétisme devant plus tard faire connaître les œuvres qui ont mérité à leurs auteurs les distinctions accordées, je dois me borner ici à, une simple mention des noms et des distinctions.

En voici la liste :

MM. HÉBERT (de Garnay). Médaille d'argent.

GARCIN. Médaille de bronze.

DRIVON. Id. Id.

LÉAUMONT. Id. Id'.

BÉGUÉ. Id. Id.

CODDÉ. Mention honorable.

OGIER. Id. Id.

Cette fête n’a rien cédé à ses anciennes ; vive, animée jusqu’à sa fin, elle a resserré les liens qui nous unissent. Chacun de nous paraissait être au milieu de sa famille. N’est-ce pas le plus bel éloge que nous puissions faire de cette réunion ; le magnétisme, d’ailleurs, n’est-il pas l’harmonie ? En nous retirant, nous n’entendions aucune plainte, mais au contraire un ardent souhait de se retrouver au même lieu le 23 mai 1856.

Baron DU POTET.

VARIÉTÉS.

Tribunaux. — Voici le compte rendu du procès dont il a été question dans notre dernier numéro :

TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE LYON.

Présidence de M. de Ricussec. — (Audience du 2 mai.)

SOMNAMBULISME. — MAGNÉTISME. — ESCROQUERIES.

Les époux Mongruel, dont le nom a plusieurs fois retenti déjà devant les tribunaux, sont prévenus d’escroqueries commises à l’aide du magnétisme et d’exercice illégal de la médecine.

Les dépositions suivantes font connaître les charges de la prévention.

MUo Bonner, premier témoin appelé, ne s’est pas présentée ; mais sa déposition dans le cabinet de M. le juge d’instruction établit qu’ayant consulté Mm” Mongruel sur un vol dont elle avait été victime, celle-ci lui avait parfaitement décrit les objets soustraits, mais qu’elle n’aurait pas donné un signalement applicable à la personne qui, depuis lors, a été condamnée comme auteur de ce vol. Elle a payé 10 fr.

Le second témoin est une dame Françoise Vachot, femme Philippe. Elle dépose que M"* Mongruel a parfaitement désigné les objets volés, sans être renseignée sur leur nature, et qu’elle a donné le signalement du voleur d’une manière si complète, que la dame Philippe a cru reconnaître dans cette désignation l’un de ses locataires; que la somnambule a de plus donné la description exacte de son logement. Elle ajoute, sur la demande du défenseur de M. et de M™' Mongruel, M” Pezzani, que tout lui avait paru vrai dans les déclarations de la somnambule ; mais que cependant elle n’a pas

donné suite à l’affaire, attendu qu’elle n’avait pas lespreuves matérielles du vol. Elle a payé 10 fr.

Le troisième témoin, M11' Rosalie Corretel, blanchisseuse de profession, avait eu une certaine quantité de linge brûlé par de l’acide chlorhydrique versé à son insu dans la lessive, et elle eut l’idée de consulter Mm* Mongruel pour connaître l’auteur du méfait. Mais, empêchée alors, elle y envoya une de ses ouvrières, à laquelle il fut répondu que le fait avait eu lieu sans méchanceté et par suite d’une méprise; que son auteur était une des personnes qu’elle employait habituellement, mais qu’il ne fallait ni lui en vouloir ni la rechercher, parce qu’elle avait pris une bouteille d’acide pour une bouteille d’eau de javelle. M"° Corretel ajoute qu’elle a reconnu plus tard l’exactitude de ces indications. Elle a payé 10 fr.

M" veuve Chataing, marchande chapelière, rue Grenette, dépose à son tour qu’avant été volée, elle est venue, un mois après en avoir fait la déclaration à la police, interroger la somnambule; que celle-ci lui a décrit avec beaucoup d’exactitude son appartement, la somme dont elle avait été volée, s’élevant à 1,500 fr., et que même elle lui a désigné ponctuellement en quelles sommes d’or, d’argent et de billets se décomposait la valeur totale ; qu’enfin elle lui avait dit des particularités qui ne pouvaient être connues que d’elle ou des gens admis dans l’intimité de sa maison. Elle complète son témoignage en disant que Mm* Mongruel lui avait indiqué, comme auteur du larcin, une personne brune, aux cheveux noirs, etc. La description faite par la somnambule lui avait paru d’une application si facile, qu’elle hésita un instant pour livrer cette personne à la justice ; mais qu’en l’absence de preuves matérielles, elle n’intenta point de poursuite. Elle a payé 10 fr.

« N’a-t-il pas été question d’une consultation générale du prix de 50 fr., au moyen de laquelle on vous dirait le nom, la rue et le numéro du voleur ?

« — Oui, monsieur.

« — Expliquez-vous sur ce fait. »

M. Mongruel nie formellement avoir jamais fait cette proposition ni au témoin ni à qui que ce soit ; et M“* Chataing ajoute qu’effectivement c’est elle qui en avait fait l'offre, parce qu’elle eut volontiers dépensé le double de cette somme pour avoir la preuve du vol, mais que la séance n’a pas eu lieu.

M. Perrin, demeurant rue de la Liberté, atteste que sa femme a consulté Mm* Mongruel sur diverses questions de famille, et que celle-ci a fait preuve d’une rare lucidité ; que si le tribunal voulait entrer dans des détails plus circonstanciés, il aurait à raconter sur cette somnambule des choses vraiment prodigieuses.

Le témoin ajoute que sa femme étant allée, quelques jours auparavant, demander le prix d’une consultation, il lui avait été répondu que ce prix était 10 fr., et qu’ayant remis à M. Mongruel une pièce de 20 fr., elle croyait que celui-ci en rendrait la moitié, mais qu’il la garda entière et préten-tendit même n’être pas largement payé.

Appelé à s’expliquer sur le fait, M. Mongruel expose qu’à M“* Perrin, comme à tous les autres consultants, il avait été répondu que 10 fr. était le prix d’une consultation ordinaire de quinze à vingt minutes; mais qu’il exigeait davantage si ce temps était dépassé; qu’au surplus, Mm Perrin était accompagnée de deux autres dames, dont l’une était sa mère ; qu’elles donnèrent successivement la main à la somnambule ; qu’il y eut deux consultations au lieu d’une, et, qu’au surplus, la séance dura plus de trois quarts-d’heure.

M. Hémery, commissaire central de police, dépose sur les faits déjà connus, et ajoute, ce qui ne figure pas dans l'instruction, qu’il est également à sa connaissance qu’une dame du monde, dont le nom reste inconnu et qui n’est pas appelée à témoigner du fait, est allée deux fois consulter Mmo Mongruel, et que celle-ci lui aurait indiqué en quel3 lieux son mari, joueur et dissipé, passait une partie de ses nuits. Cette dame, ajoute-t-il, a payé 20 fr. chaque consultation.

Là s’est terminée l’audition des témoins assignés à la requête du ministère public.

Les prévenus n’en avaient pas fait appeler à décharge.

La parole est à M. Chevalier, substitut de M. le procureur impérial,

Il soutient avec force la double prévention d’escroquerie et d’exercice illégal de la médecine, en disant qu’une certaine mise eu scène constitue les manœuvres, telle que la réception préalable dans un salon, les signes faits par M. Mongruel pour endormir sa femme et l’invitation aux consultants de donner la main à la somnambule, toutes pratiques qui ont pour but d’inspirer de la confiance aux consultants. Ces manœuvres constituent, selon lui, les éléments de la fraude et revêtent le caractère de l’escroquerie, lorsque les prévenus se [font remettre des sommes d’argent pour le prix des expériences ou consultations.

Quant à l’exercice illégal de la médecine, quoiqu’il ne soit produit aucun fait de médecine dans la cause et qu’aucun témoin n’ait déposé que Mm* Mongruel lui ait donné de consultation médicale, M. Chevalier soutient que le fait par M"* Mongruel de définir les causes de la maladie, de décrire les symptômes morbides des consultants, soit dans lea Séances publiques, soit dans les séances particulières, constitue à lui seul le délit d’exercice illégal de la médecine.

M" Pezzani, avocat des époux Mongruel, prend la parole ejL combat les deux chefs de la prévention.

Il établit, en citant divers jugements de première instance de Cours d’appel et de la Cour de cassation, que les faits purement relatifs à la pratique du magnétisme ne sauraient, dans l’état actuel de la jurisprudence, constituer le délit d’escroquerie prévu par l’art. Zi05 du Code pénal. 11 pose ensuite ce dilemme : ou il faudra, pour condamner 6JL-‘ Mongruel, admettre que le magnétisme n’existe pas, que le somnambulisme est une chimère, et que, par conséquent, la lucidité n’est qu’une illusion et une manœuvre ; ou, en admettant la réalité de ces phénomènes, supposer que Mmc Mongruel n’est pas somnambule, qu’elle ne dort pas, qu’elle

n’est pas lucide. Or, si la question scientifique du magnétisme .était mise en jeu, le tribunal ne saurait s’ériger en académie pour trancher la question qui préoccupe si vivement tous les savants de notre époque ; et, dans le second cas, si les dépositions mêmes des témoins n’étaient une preuve évidente de la lucidité et par conséquent du somnambulisme de M"'° Mongruel, et si le tribunal pouvait conserver, après les faits de la cause, quelque doute sur son état et ses facultés, il y aurait lieu à ouvrir une enquête, à constituer une commission chargée d’expérimenter près d’elle, et il propose de la soumettre à des épreuves spéciales en présence des juges.

Audience du 9 mai.

Le tribunal avait remis à huitaine le prononcé du jugement; à l’audience du 9 mai, M. le président a donné le texte du jugement suivant :

« Attendu qu’il est constant que les époux Mongruel donnent à domicile des consultations aux personnes qui ont été volées ou qui se trouvent victimes d’autres délits, dans le but de leur faire découvrir les coupables ; que Mongruel endort sa femme ou feint de l’endormir, et que, dans cet état de somnambulisme vrai ou supposé, celle-ci fournit les indications réclamées ; qu’après la séance, une somme plus ou moins élevée, et habituellement de 10 fr., est remise aux époux Mongruel;

« Attendu que, dans tous les cas de consultations dont il a été déposé devant le tribunal, il n’a été fourni par la femme Mongruel aucun renseignement, aucune indication qui aient amené une découverte réelle et utile ;

« Attendu que, dans une circonstance même, ces indications ont été tellement fausses et erronées, que, tandis qu’elle désignait, comme auteur du vol, une personne habitant la même maison que la victime et dont elle donnait un signalement très-détaillé, la justice découvrit le véritable coupable

3ui était tout-à-fait étranger à la maison et à la personne ésignée, et que ce coupable, trôuvé nanti de la plus grande partie des objets volés, était condamné, sur scs propres aveux, à une peine sévère ;

« Attendu que, sans entrer dans la question délicate de sa-

voir quelle est la valeur scientifique du magnétisme, et si ses effets divinatoires ont un fondement réel ou ne sont qu’une chimère, il est certain qu’il est loin d'être infaillible; que les erreurs qu’il commet sont nombreuses, que les adeptes sont obligés d’en convenir, que les prévenus eux-mêmes l’ont avoué à l’audience dans une certaine mesure, et que c’est abuser de la crédulité publique que de l’appliquer à des révélations de la nature de celles auxquelles se livrent les époux Mongruel ;

« Attendu qu’il est évident que ces derniers donnent à, leur art une certitude qu’il n’a pas et s’attribuent ainsi frauduleusement un pouvoir imaginaire ; que non-seulement ils trompent ainsi les personnes qui les consultent, mais qu’encore, ce qui est plus grave, ils exposent des innocents à des soupçons injustes, même à. des poursuites sans fondement, et compromettent, ainsi légèrement l’honneur et la sécurité des citoyens ; que de pareilles pratiques ne sauraient rester impunies ;

« Attendu qu’il résulte des circonstances ci-dessus énoncées, que les moyens par eux mis en cause pour capter la confiance du public, promesses pompeuses, passes magnétiques, sommeil vrai ou simulé, sont autant de manœuvres frauduleuses ;

« Attendu, dès lors, que s’étant fait remettre, à l’aide de ces manœuvres, pour prix de révélations vagues et inutiles, et dont quelques-unes même étaient complètement fausses et erronées, diverses sommes d’argent soit de la veuve Philippe et de la veuve Chataing, soit de lleine Bonner, les époux Mongruel ont escroqué une partie de la fortune d’autrui, et ont ainsi commis le délit prévu et puni par l’art. â05 du Code pénal ;

« En ce qui touche l’exercice illégal de l’art de guérir;

« Attendu que les époux Mongruel nient le délit qui leur est imputé, et qu’aucun témoignage certain n’ayant pu être produit, le tribunal n’a pas les moyens d’apprécier s ils ont réellement exercé la médecine, contrairement à la loi ;

« En ce qui touche l’application de la peine :

« Attendu que les époux Mongruel, peuvent invoquer quelques circonstances atténuantes, notamment la tolérance dont jusqu’à présent ils auraient été l'objet;

« Par ces motifs, le tribunal déclare les époux Mongruel coupables du délit d’escroquerie, et, par application de l’art. ¿05,

« Les condamne, solidairement, chacun à 100 l'r. d’a-

mende et aux dépens; prononce qu’ils sont renvoyés de la plainte relativement au second chef de prévention. »

{Gazette des Tribunaux.)

Appel est, dit-on, interjeté déjà de ce jugement.

Causeries. — Les savants ne voient que ruse et charlatanisme lorsqu’il s’agit de faits qu’ils ne comprennent pas, ou dont la cause leur échappe. Ils ne sont pas rusés, eux, mais grossiers, insolents, pleins d’orgueil et de vanité ; ils excellent à tirer parti du peu. qu’ils savent. On pourrait avancer que c’est en ceci surtout qu’ils donnent la plus grande preuve de leur habileté.

Il existe un ordre de faits mystérieux qui se dévoile à nos yeux par le magnétisme humain, la rotation des tables, et' par la rhabdomancie, ou baguette divinatoire. Ces faits son; ainsi appréciés et jugés par M. Chevreul, membre de toutes les académies..

« Tous les phénomènes de mouvement des corps inertes paraissant obéir à des lois mystérieuses, ne sont que des tours de charlatan, ou des manifestations de nos penses par l’intermédiaire des organes, sans le concours explicite de la volonté. »

Voilà donc le dernier mot de l’Académie sur les faits en. question; voilà jusqu’où va la science officielle dans son appréciation des phénomènes modernes.

Il faut donc, pour ne point passer pour des charlatans, que nous renoncions à croire à ce qui est vrai, à ce que la nature manifeste chaque jour, et qu’enfin, voyant le soleil nous disions qu’il fait nuit en plein midi. Au lieu du blâme, c’est l’éloge qui nous serait décerné, et fussions-nous nègre, nous passerons pour uu blanc aux yeux de nos savants.

Baron DU POTET.

Le Gérant : IIÉBEKT (de Camay)-

INSTITUTIONS.

Société «lu llcsniériMiic de l'nrls.

DE LA CURABILITÉ DES MALADIES PAR LE MAGNÉTISME.

THÈSE POUR L’OBTENTION DU GRADE DE TITULAIRE.

Messieurs et chers collègues,

En choisissant l’importante question qui fait le sujet de la thèse que je viens aujourd’hui soumettre à votre indulgente appréciation, je ne me suis pas plus dissimulé la grandeur de la tâche que je m’imposais, que je ne me suis fait illusion sur ma propre insuffisance pour l’accomplir.

Complètement étranger aux études médicales, qui, seules, peuvent permettre de traiter, d’une manière complète et satisfaisante pour la science, cette matière si variée et si étendue, je n’ai pu trouver de ressouces que dans mon bon vouloir et d’encouragement que dans le souvenir des bontés dont vous n’avez cessé de me donner des marques si flatteuses. J’ai beaucoup lu, beaucoup observé, beaucoup comparé ; voilà mon seul mérite, et ces études ont fait naître en moi une conviction que je veux essayer de vous faire partager. Si je ne réussis point, n’en accusez que ma faiblesse, et ne condamnez pas la proposition à cause de l’insuffisance de son défenseur. Je n’ignore point que deux fois déjà, devant vous, elle en a trouvé de bien plus éclairés et de bien plus habiles, mais, en leur accordant votre approbation et vos éloges, vous avez trouvé que la matière était encore loin d’être épuisée, et c’est là ce qui m’a donné la présomption d’oser venir à mon tour m’efforcer d’ajouter quelques arguments en sa faveur. Bien d’autres encore pourront venir après mes de-lo*'e XIV. — S1 313. — 1 .■ juin lSjS. 11

vanciers et moi et trouveront beaucoup à dire sur une question dont l'étendue n’a pour ainsi dire point de limites, puisqu’elle embrasse toutes les maladies de l’humanité. Mais si je n’ai point d’autre mérite dans ce travail, j’aurai du moins à vos yeux celui de la franchise et de la netteté de principes.

J’ai dit que cette matière comprenait toutes les maladies ; et, en effet, le principe que je pose est que toutes sont curables par le magnétisme.

Une formule aussi absolue et qui, à première vue, peut paraître choquante en rappelant les idées fantastiques de la pierre philosophale et de panacée universelle, ne doit toutefois être comprise que sous certaines conditions, qui, seules, peuvent en faire admettre la possibilité et lui donner une valeur positive et pratique.

Ainsi je dis d'abord que la maladie doit être prise à temps, c’est-à-dire avant qu’il n’y ait lésion d’un organe ;

Que le magnétiseur doit être celui dont le fluide convient, par analogie sympathique, à celui du malade;

Enfin, que la magnétisation doit être administrée à temps, aux doses et aux distances convenables ; et, comme corollaire, qu’à ces moyens immédiats doit être ajoutée l’aide de la clairvoyance somnambulique comme moyen médiat.

Ces conditions satisfaites, aucune maladie, suivant moi, ne résistera à la puissance curative de l’agent magnétique.

Mesmer, ne l’oublions pas, a dit que le magnétisme prévenait toutes les maladies ; et, peut-être, pour me conformer à cet aphorisme de notre maître, aurais-je dû me servir de 1”expression préservatrice en l’appliquant à la puissance du magnétisme, au lieu de celle curative que j’ai employée ; mais je crois qu'en faisant usage de cette dernière, j’ai non dénaturé, mais développé la proposition de Mesmer, et qu’ici, et dans ce cas seulement, l’une est synonyme de l’autre, comme elles l’étaient dans sa pensée; c’est ce que je vais essayer de vous faire comprendre comme moi.

Je crois, en effet, que tous ceux qui ont écrit sur la thérapeutique magnétique n’ont pas bien saisi cette pensée du

fondateur de la science, beaucoup étant étrangers à ces vastes connaissances. Rien de connu de son temps ne lui était étranger, et les notions étendues qu’il avait de toutes les sciences lui donnaient une profondeur que tout le monde ne pénètre pas. Or, en prenant au pied de la lettre et dans son sens purement grammatical le mot préserver, peut-on supposer que Mesmer ait voulu dire que le magnétisme empêchait qu’on ne contractât aucune maladie? S’imagine-t-on qu’il ait cul’intention de prescrire le magnétisme comme une de ces amulettes du moyen-âge, comme un de ces talismans de l’Orient qui étaient censés prévenir tous les accidents et mettre à l’abri de tous les malheurs, en faisant ainsi une espèce de médecine de précaution que l’on aurait sans doute administrée suivant de certains principes, conformément à certaines règles ? Mais, môme dans cette hypothèse puérile, ces principes, ces doses, ces règles, il les eût au moins formulés! Non, messieurs, l’idée n’en est pas même admissible. Médecin distingué, Mesmer connaissait trop parfaitement les frêles ressorts de cette machine compliquée et mystérieuse que nous appelons notre corps, pour supposer l’existence dans la nature d’un agent quelconque doué d’un pouvoir capable d’empêcher cette machine de s’altérer.

Mesmer n’entendait évidemment par préserver, que l’action d’en arrêter à temps les altérations ; mais pour appliquer l’action médicatrice, il faut une indication, un symptôme, un signe morbide qui indique ces altérations ; il faut ce que l’on est convenu d’appeler une indisposition ; or, qu’est-ce qu’une indisposition, sinon une maladie qui commence? Donc, en détruisant l’indisposition, vous préservez de la maladie, vous la guérissez avant qu’elle ne soit devenue inguérissable ; en attaquant le mal au moment opportun, vous en avez détruit le germe, vous avez en même temps prévenu et guéri la maladie en la prenant à temps ; c’est ce que je voulais vous démontrer, messieurs ; et, avoir prouvé, en la traduisant , que la pensée de Mesmer est la base de la proposition que j’ai énoncée comme sujet de cet essai, devrait me

sembler suffisant lorsque je m’adresse aux habiles continuateurs de sa science.

Mais les paroles de Mesmer ne font foi que pour nous autres, ses disciples et ses admirateurs. Ceux qui sont étrangers, les indifférents, les incrédules, nos adversaires de toutes classes ne se contenteraient pas d’un raisonnement qui repose sur un ordre de faits et d’idées dont ils contestent les premiers et raillent les secondes. Heureusement leur propre arsenal me fournira une arme pour les combattre ; ce sont les expressions mêmes de M. le l)r Gerdy, un de nos plus ardents antagonistes; et l’opinion de ce professeur renommé, partagée par tous ceux qui se rattachent à son école, ne saurait être repoussée par aucun d’eux sans les mettre dans l’obligation de donner un démenti à leur propre principe.

Pour bien vous faire comprendre toute la portée de mon raisonnement, permettez-moi, messieurs, d’entrer à ce sujet dans quelques détails.

Il est important de savoir d’abord que le corps médical est séparé en deux camps bien distincts : la secte des orga-nicistes, qui n’admet pas de maladie sans lésion matérielle, et la secte des vitalistes, qui pense que toutes les maladies tiennent aux aberrations de la force vitale.

Entre ces deux écoles extrêmes, le magnétisme et l’homéopathie tiennent le milieu, établissant que, à part les accidents traumatiques, les affections virulentes, et celles par cause chimique toutes les maladies commencent par une lésion de fonction ou de faculté.

Or, M. Gerdy se trouve sur ce point d’accord avec nous ; il professe que, les maladies que nous venons de citer exceptées, toutes les autres commencent par une altération de la sensibilité; en d’autres ternies, que la lésion fonctionnelle est antérieure à. l’organique.

« Les matérialistes, dit-il, qui croient pouvoir tout expliquer par une altération anatomique et qui ne comprennent rien sans un changement matériel préliminaire, disent : Comment peut-on admettre une lésion de faculté, etparcon-séquent un changement dans les phénomènes qui en dé-

pendent, sans une lésion matérielle antérieure? Comment? mais c'est qu’il n’est pas possible de s’y refuser quand on raisonne avec sévérité et qu’on ne s'en laisse pas imposer par les axiomes d’un matérialisme grossier.....

« Qu’on le sache bien, l'altération matérielle n’est antérieure la lésion vitale qu’autant qu’elle a été causée pat-un agent chimique ou mécanique assez puissant pour produire immédiatement une altération intime des tissus.

« .N’est-il pas évident, en effet, qu’une lésion organique résulte nécessairement d’une lésion des propriétés vitales qui tiennent les parties dans leur état normal, sous le rapport matériel ?»

Les faits journaliers justifient ces principes. Qui ne sait que toutes les maladies naissent avec le même cortège de symptômes, et qu’il n’est possible de les caractériser que lorsqu’elles se localisent? Le fond est le môme, mais la manifestation diffère par la prédominence des symptômes spéciaux, d’où il arrive que chaque médecin donne à la même affection un nom différent selon qu’il considère tel ou tel symptôme. On conçoit, dès lors, que si le début des maladies est pareil, le traitement doit l'être aussi; c’est-à-dire que le même moyen curatif est applicable à toutes.

Or, je vous le demande, messieurs, quel est l’agent thérapeutique applicable généralement à toutes les maladies, si ce n’est le magnétisme? Ne remplit-il pas cette indication au suprême degré? Quand hésiterez-vous à l’appliquer tout d’abord et le diriger contre les symptômes généraux, afih de faire du moins jouir le malade de son admirable propriété de soulager alors même qu’il n’est plus temps de guérir ? Les adjuvants ne lui sont nécessaires que quand le mal, de fonctionnel, est devenu organique; appliqué à temps, il en aurait seul prévenu le développement. Par cela seul qu’il est éminemment polychreste, le magnétisme n’est spécifique d’aucune maladie, il s’applique à toutes.

Et n’est-ce pas, je vous le demande aussi, exactement la confirmation du principe que je me suis efforcé de développer devant vous, principe que viennent établir, et les paroles de Mesmer et les opinions mêmes des adversaires de la science

qu’il a fondée? ;i savoir que : le magnétisme appliqué à temps guérit toutes les maladies. Ce point capital prouvé, je ne m’étendrai pas sur les conditions secondaires que j’ai indiquées en commençant, et dont chacun de vous, messieurs, a pu, par une longue pratique et par des expériences journalières, constater l’indispensable nécessité, la valeur positive.

Que de malades, en effet, n’avez-vous pas vus, sur lesquels restait inefficace l’action répétée du magnétisme, et qui, découragés, n’attendant plus de guérison, doutant même du soulagement, appelaient en désespoir de cause un autre magnétiseur, et éprouvaient aussitôt l’influence bienfaisante cherchée en vain jusque là! Le soulagement immédiat et la guérison qui suivait n’étaient-ils point dûs à l’analogie appropriée ou sympathique de fluide que présentait ce dernier magnétiseur et qu’on n’avait point trouvé jusque là chez les magnétiseurs précédents ?

Que de sujets rebelles à deux, à trois, à dix magnétiseurs successifs, deviennent, entre les mains du onzième, de remarquables somnambules! Quelle variété dans les impressions reçues! Quelle différence dans les effets produits, suivant la distance ou la direction de l’action, suivant la dose, la force ou la qualité du fluide administré !

Quant aux merveilles inouïes, foudroyantes pour la médecine et obtenues depuis si longtemps dans la guérison des maladies par le concours du somnambulisme lucide, je ne vous en parlerai pas, messieurs, convaincu que, sur ce sujet, votre expérience et vos lumières fourniraient à chacun de vous mille exemples de faits auxquels il est inutile de rien ajouter. Votre opinion n’est point à faire à cet égard, et pour croire, nous n’avons tous qu’à consulter nos souvenirs de la veille ou attendre le témoignage du lendemain. Permettez-moi cependant, quelque présomption qu’il puisse paraître y avoir en cela de ma part, de vous parler d’un fait qui m’est tout personnel et auquel je bornerai presque mes citations.

11 y a un proverbe qui dit : Mieux vaut tard que jamais. C’est en m’appuyant sur ce proverbe, comme excuse, que je soumets à votre appréciation le récit suivant, recueilli dans

(les souvenirs bien éloignés déjà, mais scrupuleusement notés par moi à l’époque même où eut lieu le fait.

Au moins d’octobre 1838 , quelque temps après m’être établi à Troyes, je fus atteint d’une fièvre légère qui céda bientôt à l’usage de quelques tasses d’infusion de petite centaurée. Je me croyais complètement débarrassé, et mon médecin partageait ma confiance; mais la science d’Hippocrate 11’opère point de prodiges, et je n’étais malheureusement pas au bout.

Après quelques jours de répit seulement, la fièvre revint avec plus d’intensité. Alors, mon digne Escidape me dit : Cette fois, je ne vous amuserai plus aux bagatelles de la porte ; vous allez voir jouer la pièce tout entière. Et sur ce, les pilules de sulfate de quinine d’aller leur train et le pharmacien de faire ses affaires ; mieux cent fois eût valu pour moi prendre des pilules de mie de pain et boire de bon bouillon et de bon vin, mon corps et ma bourse s’en seraient mieux trouvés; mais rien n’y faisait. Cette cruelle fièvre empira bientôt au point de me causer d’affreuses douleurs dans tout le corps, au cœur, dans la vessie, dans les reins, sur les côtés, partout enfin, et ces souffrances devinrent si vives que je me pris bien des fois, pendant plus de six mois que dura ce déplorable état, à invoquer la mort comme unique soulagement à mes peines. La Faculté y employa toutes ses drogues : inutile. J’eus recours aussi aux remèdes des commères : pigeons vivants ouverts et appliqués sur le cœur, peaux de moutons saignantes pour envelopper le corps, jeunes chiens, etc., etc., tout fut inutile encore. Les avis ne différaient pas moins que les remèdes. Un savant docteur me croyait atteint de la pierre ; un autre, non moins savant, me voyait phtisique ; un autre encore m’attribuait une hépatite ou bien une péritonite ; enfin, je ne savais auquel entendre. Ce qu’il y a de bien certain pour moi, c’est qu’ils n’y voyaient pas mieux les uns que les autres, et ils m’en donnèrent la preuve en me conseillant, en désespoir de cause, d’aller prendre les eaux de Vichy, ce champ de repos où ils

envoient hénignement mourir loin d’eux ceux qu’ils savent ne pouvoir guérir.

Je partis donc pour Vichy avec une provision de pâte de coings et de sirop de gomme, ma seule nourriture, et Dieu sait quelle consommation j’en ai fait! Eu passant à Châtillon-sur-Seine, je vis un vieux médecin qui me demanda où j’allais. Je lui dis que c’était à Vichy, et la cause qui m’y conduisait. Là-dessus, il haussa les épaules en disant : Voilà bien les médecins, qui ne savent ce qu’ils ordonnent! Et il me quitta en me plaignant. Pour moi, je remontai en voiture et continuai mon voyage.

Arrivé à Vichy, mon premier soin fut d’aller voir M. le docteur Prunel, médecin en chef des eaux ; lequel, après m’avoir longuement interrogé, visité, palpé, ausculté, se trouva tout aussi embarrassé que ses confrères, et finit par me prescrire de me baigner et de boire chaque matin une demi-douzaine de verres d’eau chaude. En sortant de chez lui, après avoir payé la consultation, bien entendu, je nie rendis chez M. Petit, médecin en second de l’établissement. Celui-ci jouissait dans le pays d’une grande réputation et était surtout fort à la mode auprès des lionnes de l’endroit ; c’était, il faut le dire, un homme fort beau de visage, de grande taille, très-élégant, un véritable Adonis, enfin.

Je fus introduit chez lui par un laquais en habit rouge, galonné sur toutes les coutures, et je m’aperçus, hélas ! que ce qu’il y avait de plus brillant dans la science du maître, c’étaient les galons de la livrée du domestique. Après une inspection aussi minutieuse que celle de M. Prunel, son collègue en médecine mais non en beauté, M. le Dr Petit, conclut lui, à l’usage des bains, et pour boisson , l’eau de la source des Célestins, qui est extrêmement froide. Leurs con* sultations ne se ressemblaient pas plus que leurs visages. Je payai encore et m’en fus plus embarrassé en sortant de chez lui que je ne ne l’étais en y entrant, et très-indécis sur celui des deux systèmes, du chaud ou du froid, auquel je devais donner la préférence.

Enfin, supposant, à tort ou à raison, au plus vieux de mes

deux conseillers, une expérience et un savoir supérieurs à ceux de son confrère, je me décidai pour l’eau chaude et me mis consciencieusement chaque matin à m’entonner les six verres prescrits qui, par parenthèse, ne me réchauffaient et ne me fortifiaient pas du tout. Cela alla ainsi pendant onze jours, lorsque le douzième, en me mettant dans mon bain, je m’aperçus d’une tumeur qui s’était développée à la partie gauche de la poitrine, juste au-dessous du cœur. Je ne sais quelles imaginations absurdes me passèrent alors par la tête, mais je me figurai que c’était un symptôme de guérison, et mon médecin, qui les partagea, cela va sans dire, me prescrivit trente sangsues, sans doute afin de me tirer le peu de sang qui me restait, en me disant : Voilà l’abcès interne qui était la cause de tout votre mal ; le voilà maintenant attiré en dehors. Vous êtes sauvé.

Plein de joie et de confiance , je partis alors pour Moulins, où j’avais un frère pharmacien, et dont la fille se mariait la semaine d’ensuite. Mon frère, enchanté de la bonne nouvelle que je lui donnais relativement à ma guérison, envoya chercher un médecin parent de sa femme afin qu’il me fit l’ouverture de l’abcès en question. Après l’opération, ce médecin me déclara que je n’en avais maintenant tout au plus que pour huit jours jusqu’à ma guérison complète. Mais la guérison n’arriva pas après les huit jours passés et aussi l’époque de la noce, où je fis une bien triste figure, étant obligé de jeûner et courbé en deux par les douleurs.

Mon frère me conseilla alors d’aller essayer les eaux plus énergiques de Bourbon-l’Archambault et me donna une lettre de recommandation pour M. Faye, son ami, et médecin en chef de l’établissement.

Celui-ci m’examina à son tour comme ses confrères de Vichy, me souda le côté et finit par me déclarer que je n’avais rien de mieux à faire que de m’en aller au plus tôt chez moi et de me livrer à un traitement tout différent, attendu qu’il y avait un commencement de carie à deux côtes, et quç les eaux de Vichy, et les siennes surtout, ne pouvaient que me faire du mal.

11 n’avait malheureusement que trop raison clans cette derniere assertion, et je m’en revins fort triste, sa consultation à la main, chez mon frère, qui appela de nouveau son parent afin d’avoir son avis. Celui-ci m’examina encore, me sonda, et nous dit que M. Faye s’était trompé en tous points et qu’il n’y avait point de carie.

Autre embarras ! Me voilà donc encore une fois entre deux avis entièrement opposés. Enfin, voulant m’éclairer au foyer môme de la science, je partis pour Paris et allai consulter M. Andral. Ce praticien renommé m’examina soigneusement à son tour, sonda mon côté, et me déclara que M. Faye ne s’était pas trompé. 11 me prescrivit, en conséquence, une certaine quantité de drogues nouvelles que j’aurais à absorber aussitôt de retour chez moi.

Je consultai ainsi successivement, ne guérissant pas, les docteurs Velpeau, Bérard, Jules (’.loquet, Leroy, Turk, etc.; vingt-cinq, enfin, dans cinq ou six voyages que je fis exprès à Paris pendant cette longue période de martyre qui ne dura pas moins de vingt mois. L’avis de M. Jules Cloquet, en particulier, était qu’il n’y avait pas de temps à perdre et que je ne devais pas hésiter à me faire pratiquer l’amputation des deux côtes malades. Merci! Je me demande ce qui serait advenu de moi si j’avais suivi ce traitement héroïque.

Les choses étaient dans cet état, lorsqu’un dimanche, jour heureux s’il en fut jamais pour moi ! lisant dans mon lit de douleur le Journal de l’Aube, j’y vis qu’un certain M. Fu-gère, magnétiseur, se faisait fort de guérir, par son système, les maladies les plus invétérées et les plus rebelles. C’était bien mon affaire ; mais j’étais incrédule, très-incrédule en fait de magnétisme, que je ne connaissais encore que de nom. Cependant, comme le noyé qui s’accroche à un fétu de paille, je résolus d’aller encore demander la santé à celui-là. Dans mon impatience, il me semblait même que je n’arriverais jamais assez tôt à l’hôtel du Commerce, où il était descendu. C’était heureusement à deux pas de chez moi, etjem’y rendis de mon mieux, quoique non sans peine. Arrivé chez ce monsieur, je lui demandai tout d’abord ce que c’était que

!e magnétisme, il me répondit que c’était la faculté d’endormir; qu’il pouvait, lui, généralement endormir deux ou trois personnes sur cinq ; que c’était en outre l’art qui produisait des somnambules auxquels on faisait dire ensuite les moyens propres ii la guérison des maladies.

Je le pris pour un charlatan et un faiseur de dupes; et, bien que persuadé qu’il ne saurait y réussir, je consentis à me soumettre à ce qu’il fit sur moi l’épreuve de ses talents. 11 essaya en effet, mais n’obtint aucun résultat, et je ne ressentis rien. On peut penser si je me moquai de lui. Il in’assura alors que si je pouvais lui trouver quatre ou cinq jeunes personnes sur lesquelles il tenterait la môme expérience, il était certain d’en endormir au moins une ou deux sans leur faire prendre quoique ce soit. Je consentis et l’engageai à venir chez moi, où se trouvait ce nombre de demoiselles de magasin, et comme parmi elles il y en avait une fort jeune et maladive, qui n’était point encore formée, je lui dis en le raillant que ce serait elle sans doute qui se laisserait endormir. Elle n’y manqua pas. J’avais été prophète sans m’en douter, et elle fut, ainsi qu’une seconde, endormie en moins de deux minutes. Mon étonnement, on le conçoit, fut extrême, et toute ma famille le partageait. Mais ce n’est pas tout, nous dit le magnétiseur; cette jeune fille va devenir somnambule, et c’est elle qui vous dira ce que vous devrez faire et les remèdes que vous devrez prendre pour vous guérir; et cela, elle le fera demain. Après quoi il se retira.

Le lendemain, en effet, à la môme heure, il vint chez moi endormir la jeune personne comme il avait fait la veille, et commença à l’interroger ; elle répondit aussitôt, et très-nettement, qu’elle se faisait fort de me guérir. Parmi les vingt-quatre médecins que j’avais consultés, je n’en avais pas trouvé un seul aussi hardi que cette jeune fille, et on peut se figurer la joie qu’elle me fit éprouver par cette déclaration si formelle. Je me considérais déjà comme guéri, lorsque par malheur arriva de Paris un médecin ami du magnétisme, qui eut l’idée de se mêler de l’affaire et conseilla à la somnambule de me faire appliquer trois cautère3

à la poitrine et un vésicatoire à la cuisse. Me voilà donc emplâtré de nouveau de toutes les manières et encore par le fait des médecins.

J’ai su depuis cpte ce M. Fugère n’était qu’un ignorant, connaissant à peine même l’A, B, C de la science dont il s’intitulait professeur, et son séjour à Troyes fut même, par cette raison, bien funeste au magnétisme.

En attendant, il venait chez moi tous les jours, et lorsqu’on me posa les cautères au moyen de la potasse caustique, Maria (c’était le nom de notre somnambule), qui était présente aussi, me conseilla, pour calmer les douleurs atroces que j’éprouvais, des frictions d’éther qui réussirent à merveille, et sans lesquelles je crois que je serais devenu enragé. Chaque jour on lui faisait faire des expériences plus curieuses les unes que les autres, elle opérait des cures merveilleuses, enlevait des douleurs invétérées, et, pour ce qui me concernait particulièrement, ses conseils me furent d’une bien grande utilité.

Un jour, entre autres, que j’étais extrêmement oppressé et que j’avais beaucoup souffert de la plaie que j’avais à la cuisse, et qui était très-vive-et très-enflammée, Maria, après l’avoir examinée, prescrivit vingt minutes de magnétisation; l’oppression cessa et les douleurs se calmèrent aussitôt ; et ayant examiné ma cuisse, je fus très-étonné de voir cette plaie un moment auparavant d'un rouge vif, devenue d’un brun foncé ; je pus constater dès lors combien l’action du fluide magnétique sur le sang avait été énergique. Une autre fois que cette même plaie me causait la nuit de si violentes douleurs, qu’il m’était impossible de dormir, j’eus encore reconrs à Maria, qui descendit aussitôt et me prescrivit ce qui m’était nécessaire pour me calmer; cinq minutes après toute douleur avait disparu.

Enfin, quelques jours plus tard encore, les douleurs revinrent plus vives que jamais, et telles que je crus devoir me lever de mon lit afin d’essayer si je parviendrais à les rendre plus supportables et éviter ainsi de déranger de nouveau de son sommeil et de faire descendre cette pauvre fille

dont je ne voulais pas fatiguer la bonne volonté; mais je fus, bien malgré moi, contraint d’avoir recours à elle, de l’aller chercher, ayant tenté, mais inutilement cette fois-ci l’application du dernier calmant qu’elle m’avait prescrit, et qui la première fois avait si admirablement réussi.

Aussitôt qu’elle fut dans ma chambre, je l’endormis (il me suffisait pour cela de lui dire : dormez), et lui demandai, de me soulager, manifestant en même temps mon étonnement de l’insuccès que j’avais éprouvé dans l’emploi ilu même médicament qu’elle m’avait précédemment indiqué avec tant de bouheur.

« Vous ne voyez donc pas, me dit-elle. (Vous aurez remarqué comme moi, messieurs, combien cette tournure de phrase est familière aux somnambules, et quel cachet énergique de vérité naïve elle donne à cette lucidité qu’ils semblent s’étonner de ne pas trouver chez les autres comme elle est chez eux.) Vous ne voyez donc pas que vos douleurs ne

J>roviennent pas de la même cause que l’autre jour? Cette bis là c’était le sang qui vous fatiguait, aujourd’hui ce sont les nerfs qui souffrent. »

Elle me magnétisa dix minutes environ, et je fus parfaitement calmé.

Ainsi, remarquez-le bien, messieurs, mêmes symptômes, mêmes douleurs, et exactement du même genre et cependant causes différentes; la médecine ordinaire appelée dans ce cas aurait certainement insisté sur le moyen qui avait précédemment réussi. Son raisonnement, eût été logique suivant nos organes et notre raison : il eût été complètement faux par le fait dont l’existence ne peut nous être constatée par cette raison et ces organes si faibles pour arriver à la vérité, qui pour les somnambules n’a pas de voiles.

.Voici encore un second exemple de cette voie erronée où peut nous entraîner cette logique dont nous sommes si fiers, que nous étudions avec tant de soin et de peine et qui est si peu de chose cependant comparée à la clairvoyance du somnambule le plus primitif.

Ln jour que je soutirais beaucoup du cote et cie la cuisse, Maria me dit de me mettre sur le côté un cataplasme de farine de graine de lin au moment où je me coucherais > je lui manifestai l’intention d’en mettre également un sur la cuisse; elle s’y opposa; je persistai; elle s’opiniâtra de son côté dans la défense, et M. Fugère, qui était présent, lui dit qu’elle était une sotte ; qu’elle ne savait ce qu’elle disait et que nous nous y entendions mieux qu’elle; je le soutins et appuyai sur l’usage des deux cataplasmes. Un moment après Maria se trouva mal ; nous la fîmes soigner par sa compagne, celle que M. Fugère avait aussi endormie et qui était somnambule ; elle se calma presque aussitôt, et nous n’y pensâmes pas davantage.

Le soir, en me couchant, je m’appliquai les deux cataplasmes : toute la famille se retira vers dix heures, et je restai seul dans ma chambre. Il y avait à peine une demi-heure d’écoulée, que je ressentis une forte démangeaison au côté, m’imaginant que c’était un symptôme d’amélioration , je m’en réjouissais déjà, lorsque je m’aperçus que ce sentiment de démangeaison augmentait à chaque instant, et qu’il s’y joignait un gonflement de cette partie qui croissait proportionnellement. Ces symptômes s’accrurent et s’aggravèrent avec une telle rapidité, qu’au bout d’une heure j’étais enflé de tout, le corps et couvert de gros boutons remplis de sang. Ils étaient aussi rapprochés que le sont les pustules dans la variole, et il me semblait que toute la peau de mon corps, à l’exception de celle de jambes, allait éclater.

J’eus beau jeter le maudit cataplasme qui m’avait été défendu, le mal était fait, et il était réellement si affreux, que je me croyais perdu ; et telle fut aussi l’impression qu’éprouvèrent, en entrant dans ma chrmbre, les personnes que j’appelai à mon secours, de même que Maria, qui se montra fort effrayée en me voyant dans cet état déplorable.

Je l’endormis sur le champ, et elle se calma aussitôt, me rassurant moi-même en me disant :

« Cela ne sera rien, ne vous inquiétez pas ; mais une

autre fois, écoutez mieux mes conseils. Pour ce soir, heureusement, vous serez débarrassé avant une heure d’ici; mais ne me désobéissez plus. »

Elle me fit mettre les pieds dans un bain d’eau dont elle régla elle-même le degré de chaleur, et auquel on ajouta une certaine quantité de cendres. Au bout de quelques instants, il me sembla que j’allais perdre connaissance ; je le lui dis ; elle me répondit que je ne m’évanouirais pas ; que c’était l’effet du passage trop précipité du sang dans le cœur, et que je ne devais pas seulement y faire attention.

En effet, moins d’une demi-heure après tous les symptômes fâcheux avaient disparu; j’étais calme, je ne souffrais plus, cela tenait vraiment du prodige.

Cependant, et malgré tous les soins, l’époque de ma guérison était encore éloignée, me disait ma somnambule elle-mêine ; elle voulait que je me rendisse à Nice pour l’accélérer; mais, fatigué de la lenteur des progrès, je me résolus, convaincu que j’étais dès lors de la toute-puissance du magnétisme, d’aller à Paris avant d’aller à Nice, consulter le Dr Frappai t, qui obtenait de grands succès par le moyen de cet agent. Le conseil m’en avait été donné parle Dr Hublier, de Provins, qui s’occupait lui-même d’études sur ce sujet.

M. Frappai t avait à cette époque une somnambule extrêmement remarquable, qui avait, disait-elle, donné des soins à Broussais lui-même. J’étais accompagné de Maria, qui soutint sa thèse devant cette somnambule et le Dr Frappart, qu’elle me guérirait aussi. Enfin, cette femme me déclara que j’étais fort malade, et qu’il ne faudrait pas moins de quatre mois encore pour me guérir; qu’elle voyait trois cautères et un trou pratiqué sur la poitrine, que j’avais deux côtes cariées, une plaie très-grave au côté ; enfin elle me détailla minutieusement ma maladie, et m’indiqua le traitement qu’elle lui croyait approprié. Je le suivis très-scrupuleusement pendant quatre mois, et il s’en manquait de huit jours seulement qu’ils fussent accomplis, lorsque M. le Dr Bérard fut appelé à Troyes pour un malade. M. Dublanc, mon voisin, pharmacien , et ami de ce médecin distingué,

le pria de venir me voir. M. Bérard, après un examen attentif, me dit qu’en outre de l'affection des côtes, les vertèbres commençaient aussi à se carier ; il me fit une ordonnance en conséquence, et sortit en disant qu’il me considérait comme en très-grand danger, et qu’il ne me donnait pas huit jours à vivre. 11 faut dire qu’à cette époque, bien que celle que la somnambule du D' Frappart avait fixée comme devant amener ma guérison parfaite fût presque accomplie , et bien que j’eusse observé avec la plus grande exactitude le traitement qu’elle m’avait prescrit, mon état se trouvait en effet beaucoup plus grave encore que lorsque j’avais commencé le traitement, et je commençais moi-mème à perdre tout espoir.

Je me trouvai donc encore une fois dans les mêmes doutes et les mêmes embarras que j’avais éprouvés jadis, ayant à choisir et me prononcer sans délai entre les ordonnances de IL Bérard et celles de la somnambule : je me décidai pour ces dernières. J’avais vu le magnétisme accomplir sous mes yeux et sur moi tant de miracles que je résolus de pousser jusqu’au bout, et de continuer, pendant les huit jours qui restaient pour le compléter, le traitement qu’elle m’avait prescrit. Bien m’en prit de cette persévérance, et je fus grandement récompensé de ma confiance opiniâtre. Lecent-vingtième jour, un mieux sensible commença à se manifester ; à partir de ce moment, il marcha avec une rapidité foudroyante, telle que, quinze jours après, toutes mes plaies étaient fermées, et j’étais redressé ; toutes mes douleurs évanouies, la force, le sommeil, l’appétit revinrent ; j’étais guéri enfin, et si radicalement guéri, que depuis cette époque, il y a quinze ans de cela, je n’ai plus rien ressenti de cette longue et affreuse maladie.

J’avais oublié de vous dire qu’avant de recourir au magnétisme, que je ne connaissais point encore, et frappant à toutes les portes en désespoir de cause, après avoir épuisé les célébrités médicales aÜopathiques, je m’étais adressé à l’homéopathie dans la personne du célèbre Hahmiemann, son inventeur. Il me fut répondu, qu’à cause de son grand

âge, celui-ci ne pratiquait plus, mais que sa femme le remplaçait et me donnerait la consultation que je désirais. Madame Halmnemann me reçut, m’écouta et ine donna les conseils qui n’amenèrent aucun résultat.

•l’eus recours aussi au fameux docteur Benech, innovateur d’un système tonique au moyen duquel il se vantait de guérir tous les malades abandonnés par les plus grands médecins, en raison de quoi il avait fait répandre dans la ville de Troyes une brochure où il annonçait toutes les merveilles qu’il prétendait opérer. Pour mon compte, voilà ce qui m’arriva avec lui, et qui n’a rien de très-merveilleux. Je lui envoyai le détail circonstancié de ma maladie en lui demandant s’il voulait en entreprendre la cure. Il me répondit qu’il s’en chargerait volontiers et m’enverrait les remèdes appropriés moyennant 75 fr. par mois. Je lui écrivis que je lui donnerais, non pas 75 fr., mais 1000 fr., s’il voulait s’engager à me guérir en quatre mois, et que, dans le cas où ses remèdes ne me guériraient pas où me tueraient, ce serait lui qui paierait cette somme à ma famille. Cet arrangement ne plut pas à ce grand guérisseur d’incurables, car il refusa.

Ainsi, là où la médecine scientifique, la médecine officielle, avait échoué dans ses deux écoles reconnues, le magnétisme nié, méconnu, persécuté, produisit un de ces miracles qui lui sont si ordinaires, léguant aux Velpeau, Andral, Bérard et autres célébrités retentissantes, les regrets de leurs pronostics erronés, car j’ai su depuis qu’ils m’avaient tous condamnés et disaient hautement que j’étais un homme perdu ; et cependant me voilà devant vous, messieurs, pour donner un démenti à leur vaine science et bénir les bienfaits du magnétisme.

Quelque long que soit déjà ce récit, permettez-moi, chers collègues, d’abuser encore quelques instants de votrepatience en vous signalant quelques cures accomplies par cette somnambule Maria, et à la même époque où elle nie traitait moi-même. Elles eurent lieu sous mes yeux, et je puis en garantir l’authenticité. D’ailleurs, vous verrez qu’elles ne sont pas tout à fait inutiies à la conclusion de mon sujet, et vous corn-

prendrez aisément les conséquences que je me propose d’en déduire.

Le fils de M. Mathé, maire de Cliézy (Allier) fut guéri, en trois mois, d’un catarrhe pulmonaire dont il était atteint depuis quinze ans.

M. Magnien, confiseur à Troyes, fut radicalement guéri d’une arthrite du genou dont il était atteint et souffrait cruellement depuis cinq ans ; toutes les ressources de la médecine y avaient été épuisées.

M. Déchanesls, fils du propriétaire de l’hôtel du Bouloy, à Paris, fut également guéri d’un rhume fort ancien qui l’avait fait condamner comme poitrinaire par les médecins.

Ma femme fut débarrassée d’un ténia qui la faisait souffrir depuis plusieurs années et dont les médecins n’avaient nullement deviné la présence, la traitant à tâtons pour la cause qu’il leur plaisait d’imaginer.

Cette somnambule remarquable guérit également, par les traitements appropriés qu’elle m’indiqua, des chevaux et des animaux domestiques sur lesquels l’art vétérinaire restait sans succès.

Je n’en finirais pas si je voulais citer tous les cas de curcs importantes dont je fus témoin par la lucidité de cette fille. Ainsi donc, voici, messieurs, pour mon compte personnel, une affection de l’estomac, une fièvre continue et diarrhée, une carie aux vertèbres et aux côtes, une plaie chirurgicale tous guéris. Voici, sous mes yeux, des affections invétérées de la poitrine, un cas de ver solitaire, une arthrite chronique, des maladies ressortissant de l’art vétérinaire guéris encore. Je ne vous parle point de centaines d’autres cures dont j’ai été en outre depuis le témoin ; bien moins encore vous parlerai-je de celles dont j’ai moi-même été l’auteur depuis que, plus éclairé dans cette science admirable, j’ai joint, pour en répandre les bienfaits par la pratique, mes faibles efforts aux vôtres. Cependant, messieurs, ce n’est là, veuillez le remarquer, que la part d’un seul individu.

Or, que chacun de vous veuille bien à son tour faire son compte; qu’il ramasse la masse de faits semblables qu’il a

vus s’accomplir sous scs yeux; qu’il groupe le nombre des guérisons opérées par ses mains ou par les conseils des somnambules qu’il a dirigés. Quelle immense variété de maladies ; quel chiffre énorme de cures de toute nature ne donnera'pas la somme authentique de tous ces témoignages réunis! et cependant ce n’est rien encore, messieurs, car je ne vous parle ici que d’un seul point de la France, et quoique non la moins illustre, cette société n’est qu’une bien faible partie, numériquement parlant, de l’école mesmé-rienne qui maintenant s’est répandue pour le bonheur de l’humanité sur tout le globe. Eh bien! supposez, par la pensée, le calcul dont je vous parlais tout à l’heure accompli par tous les magnétiseurs, non-seulement de la France entière, mais de toute l’Europe, de l’Asie, de l’Amérique surtout, et dites-moi si la somme immense de ces faits médicaux, si le chiffre formidable de ces guérisons, que l’imagination n’ose pas môme formuler ne vous présenteraient pas la réunion de toutes les maladies de l’espèce humaine sous quelque forme variée qu’elles puissent se présenter?

Cette démonstration matérielle, cet argument pratique, si je puis m’exprimer ainsi, je croyais les devoir à l’appui de la démonstration théorique par laquelle j’ai commencé. Vous jugerez maintenant, et si le principe de la curabilité de toutes les maladies par le magnétisme, que je me suis efforcé de développer devant vous, ne ressort point de cette argumentation, évident et incontestable comme les faits eux-mêmes, que du moins votre indulgence veuille bien en accueillir l’exposé, tout imparfait qu’il soit, en attendant qu’un défenseur plus habile et plus expérimenté lui fasse occuper la place à laquelle il a droit dans la science de guérir.

J. SALLARD.

Poris, 31 mai I8!>5.

IHs|>rnsnirc ji«nft»éiotlii-i*nj>înie «le Toulouse.

A Monsieur le baron du Polct.

Mon clier maître,

La lettre que vous avez eu la bonté de m’écrire m’a procuré une bien vive satisfaction. Les conseils que vous me donnez, tout en encourageant mes premières tentatives, ont aussi fortifié mon espérance. Votre amitié, surtout, dont je m’honore, sera pour moi le meilleur guide pour me conduire au but que je me suis proposé d’atteindre, llien ne m’arrêtera désormais, et les travaux dans la carrière où je me suis engagé, et dans laquelle vous m’avez soutenu d’une manière si bienveillante, vous prouveront un jour que j’en étais digne.

Tous nos efforts sont dirigés vers l’affermissement de notre dispensaire; mais, au milieu de la joie que nous éprouvons d’avoir pu donner au magnétisme pratique une sanction scientifique encore inconnue dans nos départements, viennent s’immiscer quelques contrariétés qui, à ce qu’il paraît, sont la conséquence inévitable de toute création sérieuse et humanitaire.

D’une part, nous avons à lutter contre la jalousie de certaines personnes mal intentionnées, et ce qui est plus affligeant pour le mérite de notre œuvre philanthropique, c’est le peu de bienveillance de la part des malades en général.

Malgré ces incidents divers, le travail n’a point discontinué, et quelques résultats sont obtenus. Les guérisons qu’il nous tardait de voir se réaliser, se montrent peu à peu ; mais les circonstances au milieu desquelles nous avons débuté, pendant un hiver des plus rigoureux et des plus variables, ont un peu retardé la cure de certaines affections qui, en toute autre circonstance, n’auraient pas manqué de se produire plus tôt.

Nos premiers soins ont été donnés à une série de malades dont l’âge et le genre de maladie nous faisaient prévoir un rude travail. Ces individus sont de ceux que la science offi-

eiellc abandonne après avoir essayé vainement toutes ses ressources. Ils languissaient dans la souffrance et n’avaient d’autre espoir que dans une mort prochaine pour mettre un terme à leur misère ainsi qu’à leurs douleurs. — Plusieurs d’entre eux avaient un âge très-avancé; c’étaient pour la plupart des septuagénaires, et chez certains, les infirmités dataient de plus de vingt à vingt-cinq années.

En présence de telles circonstances, nous ne nous sommes pas dissimulé qu’une guérison radicale était sinon impossible, du moins fort difficile ; la nature d’ailleurs ne pouvait seconder nos efforts. Cependant, après les avoir longtemps soumis à nos magnétisations, et essayé divers procédés, ils , ont éprouvé un soulagement tel que nous l’avons considéré comme une guérison. Quelques-uns, à la suite de rhumatismes chroniques des plus invétérés, de paralysies diverses, qui ne se mouvaient qu’avec la plus grande difficulté, ont en partie recouvré l’usage de leurs membres, et les douleurs qu’ils ressentaient, et qui les faisaient violemment souffrir, ont tout à fait dispara.

Chez ces individus, je le répète, l’âge avait considérablement affaibli leurs forces vitales, et si nous n’avons pu parvenir à les rétablir dans un état parfait, cela tient plutôt à, cette cause qu’à l’insuffisance du magnétisme.

Après cette série, en est arrivée une seconde composée d’épileptiques, hommes et femmes, et quelques jeunes filles hystériques. Dans ce genre d’affections, le magnétisme a une incontestable supériorité sur toutes les méthodes médicales connues. Cependant, je dois dire que depuis que ces malades sont entre nos mains ils ne sont pas entièrement rétablis, mais certains d’entre eux ont éprouvé un soulagement marqué. — Lorsqu’ils étaient abandonnés aux seuls efforts de la nature, ou qu’ils se faisaient traiter par les médecins ordinaires, les crises apparaissaient plusieurs fois par mois; depuis qu’ils sont magnétisés elles s’éloignent sensiblement, et ont même beaucoup perdu de leur intensité. Chez la plupart de ces malades il nous a été impossible de les provoquer artificiellement par la magnétisation ; au contraire, chez les hystériques, quel-

ques-unes tombent en crise aussitôt qu'on les magnétise, et le somnambulisme suit de près ce premier état; une entre toutes présente une lucidité remarquable; dans le nombre s’en trouve une autre d’une constitution frêle et délicate, chez laquelle le magnétisme provoque des crises d’une violence inouïe ; il est des moments où une rigidité tétanique s’empare de tout son corps. Les muscles du cou, surtout de la poitrine et des épaules, se contractent avec une si grande force, que nous avons craint plusieurs fois de la voir se briser entre nos mains. — Pour si épouvantable que cet état paraisse, il n’y a point à s’en alarmer, il n’est pas dangereux. D’ailleurs, nous le faisons cesser à volonté rien qu’en souillant à froid de la tête au bassin seulement.

Je ne vous ferai point la nomenclature des diverses affections que nous traitons, ce serait un travail beaucoup trop long. Les observations sont consignées, et paraîtront plus tard dans un journal.

Je vous ferai savoir pour le moment qu’entre toutes les maladies qui sont en cours de traitement, les rhumatismes, les paralysies, les névralgies de toute espèce sont en plus grand nombre, Les malades qui ne peuvent se rendre au dispensaire, à cause de leur état de souffrance , sont visités à domicile.

Le magnétisme semble faire quelques progrès dans le public, on commence à s’y familiariser. Mais il existe encore certains préjugés qu’il est fort difficile de faire disparaître. S’il répugne à quelques personnes de venir se faire soigner par notre système, c’est qu’elles croient généralement que le sommeil est indispensable au soulagement de leurs maux. En second lieu, il est une autre crainte d’un ridicule désespérant qui nuit considérablement au succès de notre œuvre, la voici. Depuis que les tables ont tourné, au moyen de la chaîne magnétique, et que le bruit a couru que le diable était de la partie, il est de la plus grande difficulté de désabuser beaucoup de gens. Ainsi il n’est pas de semaine que nous n’ayons à subir et à répondre à la question suivante : Le diable n’y est pour rien, au moinsf

Ne croyez pas que celte question nous soit adressée par des personnes de peu d’éducation seulement, elle nous a été aussi exprimée par des gens d’une instruction solide et occupant une position distinguée dans la société.

A cet égard, voici ce qui nous est arrivé il y a fort peu de temps encore.

Un monsieur, membre de plusieurs sociétés savantes de notre ville, s’était livré à l’exercice de la table tournante, avec une ardeur indicible. Après qu’il eut fait longtemps tourner, cabrioler divers meubles de sa maison, fatigué de ces sortes d’expériences, il demanda à l'esprit animateur s’il n’y avait pas d’autres moyens de communication, et si sa main, par exemple, armée d’un crayon, ne reproduirait pas les réponses qu’il voudrait bien lui adresser. Il fut fait ainsi qu’il le désirait. Un crayon placé dans sa main droite écrivit immédiatement. Ce fut une occupation de tous les jours, de tous les instants. Cependant, au bout d’un certain temps, cet esprit, tourmenté par les demandes nombreuses et ardues que lui adressait son évocateur importun , se fatigua, et résolut de lui jouer un tour de sa façon. Un jour, pendant que ce monsieur était en train de vouloir élucider quelques questions de métaphysique, Cesprit lui déclare se nommer Satan, et lui fait savoir que le bras et la main qui avaient servi d’intermédiaire aux réponses données seraient pris d’un besoin incessant d’écrire. — En effet, à partir de ce moment il n’y eut plus de repos possible ; la moindre pensée formulée mentalement recevait aussitôt une réponse, et la main était obligée de se saisir de n’importe quel objet pour écrire. Tantôt, lorsqu’elle ne rencontrait rien, c’était le doigt qui traçait; à table, les couteaux, les fourchettes; les mouvements se faisaient avec une rapidité incroyable, il lui était impossible de les ralentir.

Cet état ne dura pas longtemps; le bras fatigué d’un exercice aussi violent et continuel, fut pris de douleurs atroces dans les articulations, et une sorte de paralysie musculaire s’en suivit. La tète commençait aussi à se déranger, — Le directeur de cette personne ayant appris ¿’où provenaient

ces désordres, parvint, non sans peine, à empêcher le retour de pareils faits. On l’isola complètement, et je crois même qu’il fut question de l’exorciser. Le Diable, avant de le quitter, fit tracer la main ces derniers mots : Tu n’es qu’un sot et tin imbêcille.

Depuis lors les communications furent interrompues, et la raison n’eut plus aucune atteinte.

Mais la douleur ne s’en alla point, malgré les soins de toute sorte qui lui furent prodigués à cet eflet; au contraire elle parut s’aggraver. Elle siégeait tout autour de l’articulation du coude, et les mouvements de l’avant-bras et de la main étaient presque abolis.

Ce monsieur vint nous consulter dans le courant du mois de février dernier. Lorsque nous eûmes fait l’examen de son bras, nous lui assurâmes qu’après cinq ou six magnétisations il n’en resterait plus de traces. En effet, le troisième jour il pouvait déjà remuer le bras dans tous les sens, et soulever des fardeaux. Mais la douleur du coude, qui avait été enlevée dès les premiers jours, reparut ce jour là avec moins d’intensité, et vint se fixer vers l'extrémité inférieure du cubitus. Ce déplacement, que le malade apprécia fort bien, l’impressionna tellement, qu’il ne voulut plus continuer de se faire magnétiser. Nous lui en demandâmes la raison, et, tout partisan dévoué du magnétisme qu’il était, au moins à ce qu’il nous assura, il nous fit l’aveu que depuis la première séance jusqu’à celle de ce jour, il n’avait cessé de répéter mentalement : « Je ne veux pas de Satan ! Je ne veux pas de Satan ! » Il croyait que le magnétisme était aussi l’œuvre du démon.

Ce qui, entre toutes choses, nuit considérablement aux progrès de notre science, ce sont les exhibitions en plein vent des somnambules de toute espèce, et Toulouse, entre toutes les villes, a le triste privilège d’en posséder un bien grand nombre. Les unes donnent des consultations médicales, malgré les poursuites incessantes de la police correctionnelle. D’autres, plus privilégiées, amusent le public en exécutant des tours de force prodigieux. Le monde, toujours

à la recherche du merveilleux, ne manque pas de se porter en foule vers ces endroits, et conclut, après examen des lieux et des personnes, que le magnétisme n’est qu’un simple amusement.

Ce que je dis là est l’opinion généralement la plus accréditée, et voici pourquoi. — A part les somnambules qui s’occupent de la recherche des objets volés ou perdus, de celles qui donnent des consultations médicales, il en est d’autres qui sont livrées tous les jours aux regards des curieux et des amateurs sur des théâtres peu en harmonie avec le respect que l’on doit à la science du magnétisme.

Dans cette dernière catégorie, je citerai la fameuse somnambule P***, qui a fait longtemps les délices de MM. les Parisiens dans la salle Bonne-Nouvelle.

Toulouse possède, depuis environ deux ou trois mois, ce trésor merveilleux, et tous les soirs nous pouvons aller l’admirer dans un élégant salon situé en face de la place du Capitole. — M. Lassaigne, son mari, le plus célèbre des prestidigitateurs, après avoir diverti son public par des tours de passe-passe, termine ses soirées par faire exécuter à sa somnambule des poses graves à caractère historique, et diverses expériences démontrant la communication de pensée.

Je ne blâme point la chose en elle-même, mais j e condamne sévèrement la démonstration de pareils phénomènes sur un tréteau, au milieu d’étagères remplies de boîtes.à double fond et d’une infinité d’instruments de physique amusante.

— Le public qui vient d’assister à la multiplication de la muscade et à l’escamotage d’une dame de la société, ne manque pas de conclure que les phénomènes du magnétisme qu’on lui représente, ne sont que la continuation d’un adroit compérage.

Après de semblables faits, quelles difficultés ne devons-nous pas rencontrer? — Mais il faut prendre patience ; ne savons-nous pas que toutes les sciences utiles ont eu dans leur enfance des propagateurs aussi malencontreux !

Messieurs les magnétiseurs de la ville et du département,

à qui nous avions fait part de la création du dispensaire, et des rapports scientifiques que nous désirions voir s’établir entre nous, soit au moyen d’une correspondance, ou en les engageant de venir prendre part aux travaux divers de l’établissement, n’ont pas daigné répondre à notre invitation toute désintéressée. Nous ne comprenons pas un pareil silence de leur part. Auraient-ils été contrariés de voir enfin le magnétisme mis en pratique d’une manière sérieuse? Le nombre des magnétiseurs est pourtant fort considérable îi Toulouse, mais ces messieurs, il faut le dire, ne pratiquent que le somnambulisme, et lorsqu’ils auront vu que cette partie du magnétisme n’était pas celle que nous poursuivions de préférence, ils auront été désappointés. C’est, je crois, ce qu’il y a de plus certain. Seulement, il est fâcheux de constater un pareil état de choses.

La publication d’un Journal que nous avions annoncé comme devant avoir lieu prochainement se trouve retardée. Le motif en est tout naturel. Avant de livrer à la publicité le résultat des traitements qui se poursuivent au dispensaire, nous avons jugé à propos d’en avoir un certain nombre en réserve, et surtout que la durée des guérisons pût être sûrement constatée.

Nous aurons le plaisir de vous entretenir de temps en temps des nouvelles qui peuvent intéresser le monde magnétique, c’est un devoir que nous nous imposons et auquel nous 11e faillirons pas.

Veuillez me rappeler au souvenir de M. Hébert, et daignez agréer, mon cher maître, l’assurance de mon dévouement.

J. BÉGUÉ, médecin.

Toulouse, 16 mai 1855.

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d’un mal de genou par des magnétisations d’un de nos confrères. Toutes les drogues avaient échoué; l’Esculape du souverain était boiteux, ce qui rendait sa situation fort désagréable.

La bêtise humaine est à ce point chez les grands, quand il s’agit ne leur santé, qu’ils prennent pour veiller sur leur vie dss gens qui ne savent pas même gouverner la leur propre.

Baron DU POTET.

— L'Illustration du 24 février rend compte en termes fort convenables d’un livre de M. Bersot, intitulé : Mesmer et le Magnétisme animal, ouvrage qûi est parvenu à sa seconde édition, et dont nous ferons nous-mêmes l’analyse détaillée.

— L'Univers du 11 mai contient l’annonce d’un nouvel écrit en faveur de la cause magnétique, par un jeune médecin de Paris. En voici l’intitulé :

« Application du Somnambulisme magnétique au diagnostic et au traitement des maladies; sa nature, ses différences avec le sommeil et les rêves ; par le D' L. de Séré. Prix : Zi fr. Chez l’Auteur, rue du faubourg Saint-Honoré, 6. »

Dès que nous aurons pu lire ce travail, nous nous empresserons de constater ce qu’il a de remarquable.

HÉBERT (do Garnay).

Le Gérant : 1IÉBEKT (de Garnay).

CONTROVERSES.

THÉORIE DU MAGNÉTISME.

Un journal, dont la rédaction a déjà signalé ses tendances anti-magnétiques, la Gazette hebdomadaire de médecine et île chirurgie, a publié, il y a près d’un an, dans ses numéros des 28 juillet, 11 et 18 août, un feuillon signé L. A. Segond, et portant pour titre :

Théorie positive des phénomènes étudiés sous la dénomination de Magnétisme animal, tables tournantes, esprits frappeurs, etc.

Nos lecteurs ont dû, à cette époque, s’étonner de notre silence; car nous n’avons point pour habitude de laisser sans réponse la manifestation de certaines opinions prétendues scientifiques, lorsque nos adversaires veulent bien se risquer à les proclamer par la voie de la presse. Mais, absorbés par d’autres travaux d’une utilité plus grave et plus urgente, nous avons été obligés de différer de jour en jour la réfutation des élucubrations de ce nouvel antagoniste. Nous avions même fini par complètement les oublier, lorsque, la semaine dernière, en déplaçant quelques imprimés jetés au rencart, le nom de M. le Dr Segond frappa nos regards et nous rappela tout à, coup le compte que nous avions à régler avec lui. Bien que passablement tardive, nous allons donc nous occuper de cette liquidation, et nous ferons en sorte que l’auteur n’ait rien perdu à attendre.

M. Segond est docteur, professeur agrégé et sous-bibliothécaire de la Faculté de médecine de Paris; à ces titres divers, il ne pouvait pas, en conscience, faire moins, pour prouver

TOME XIV. — N° *14. — 25 juin 1S55. 12

sa gratitude et son dévouement filial, que de venir, à son tour, rompre une lance contre l’épouvantail traditionnel de cette mère indulgente qui l’a comblé de tant de faveurs. Et que l’on ne considère pas comme purement oiseuse rémunération complaisante que nous venons de faire des honneurs qu’elle s’est plu à faire rayonner sur un de ses enfants favoris. Cette liste des dignités que nous connaissons, sans préjudice de celles qui ne nous ont pas encore été révélées, indique assez que M. Segond est un homme qui aurait tout le pouvoir et tous les droits nécessaires pour se caser largement et à son aise à la plus belle place du premier étage de la feuille médicale qui a donné asile à son système; et s’il s’est contenté de l’humble rez-de-chaussée oit l’a relégué la composition, nous sommes en droit d’en conclure du peu d’importance qu’il attachait lui-même à son travail pour lequel il a trouvé cette modeste place très-suffisante ; à moins que dans ce petit coin, et à l’aide du très-petit cicéron du feuilleton, il n’ait espéré se mettre à l’abri d’une discussion et éviter le ridicule dont il a une si terrible peur.

Quoi qu’il en soit, pour nous dont c’est le devoir de prendre au sérieux, de quelque plume qu’il émane, tout écrit qui a trait à la science, dont nous sommes fiers de nous dire hautement les champions, pour nous qui savons braver le ridicule quand il s’agit de proclamer la vérité et qui appelons le débat afin de la faire triompher, nous nous croyons obligés de répondre à M. Segond et de l’analyser quand même.

Toutefois, et en attendant que vînt notre tour, le gant avait été immédiatement relevé par l’honorable Dr Bellanger qui, dans un article aussi spirituel que vigoureux de Y Abeille médicale (août 1854), réduisit à, sa juste valeur la théorie de M. Segond. Nous nous permettrons d’emprunter plus d’une citation à la plume incisive de notre savant auxiliaire, dont le travail n’a que le tort de presque toutes les bonnes choses, celui de n’être pas assez long. Ce sera notre tâche de nous efforcer de le compléter.

Nous ne renouvellerons donc point, en conséquence, pour notre compté la petite querelle que le D‘ Bellanger se voit

à regret obligé de faire tout d’abord à M. Segond. Celui-ci commence, en effet, par cet aveu candide :

«... J’étais arrivé îi réduire en un certain nombre de principes généraux l’appréciation des phénomènes du magnétisme, mais j’aurais longtemps encore renoncé à les publier dans la crainte d’encourir le ridicule. »

Mais la Gazelie hebdomadaire, ayant pris l’initiative sur cette matière, dans un de ses précédents numéros, il s’est senti le courage de suivre l’impulsion. A ce propos, le Dr Bellanger ne peut s’empêcher de trouver qu’il faut que l’amour de la vérité soit bien peu ardent chez M. Segond, s’il a pu rester si longtemps la main fermée quand il lui suffisait de l’ouvrir pour nous éclairer.

« Cet aveu n’est pas sans portée dans la question, ajoute leDr Bellanger; M. Second aura des adversaires; qui n’en a pas? On lui dira qu’il n’est pas donné de pénétrer les plus hauts mystères du magnétisme à qui montre tant de circonspection et de prudence. On lui objectera qu’il y a des actes d’initiative, de spontanéité, des miracles de volonté qui sont interdits à ceux qui ne savent agir qu’après avoir vu agir les autres. Pour nous, nous ne déclinerons pas la compétence de M. le Dr Segond, même s’il n’a pas cet amour brûlant de la vérité, ce feu sacré, qui fait, au besoin, braver tout respect humain, toute crainte du ridicule ou de l’excentricité. »

À ceci, nous n’ajouterons rien; et, passant condamnation sur l’extrême timidité de l’auteur de la Théorie positive du magnétisme, nous lui demanderons, à notre tour, dans quels ouvrages spéciaux à la matière, dans les écrits de quels magnétiseurs renommés, dans les opinions controversées de quels auteurs compétents il a pu puiser les éléments de cette théorie, lui qui à l’aveu naïf, que nous avons cité plus haut, ajoute celui-ci qui a bien son prix aussi :

Le mémoire de Mesmer sur la découverte du magnétisme animal et le mémorable rapport de Bailly furent pendant longtemps les deux écrits sur lesquels se fondèrent mes opinions personnelles en fait de magnétisme; ayant observé plus tard une certaine régularité dans la manifesta-

tion de quelques-uns des phénomènes qui dépendent de la pratique des magnétiseurs, je dus en chercher la théorie positive, afin de renoncer à l’état purement négatif dans lequel m’avaient naturellement laissé la médiocre métaphysique de Mesmer et l’admirable critique de Bailly. »

Or que fit M. Segond, qui, il nous le confesse lui-même, en est resté si longtemps à cet élat élémentaire qui date de 1784; que fit il pour arriver sûrement, sérieusement, d’une manière honnête et logique, au but de cette recherche ? Après s’en être tenu pour toute nourriture scientifique (en fait de magnétisme bien entendu, nous sommes loin de contester les talents de M. Segond comme médecin, voire même comme professeur ou comme sous-bibliothécaire de la Faculté), après s’en être tenu, disons-nous, aux deux ouvrages qui annoncèrent l’avénement du magnétisme (1784), il compléta ses laborieuses études en lisant l’ouvrage de Thouret sur cette matière (encore en 1784), puis l’article de Mon-tège dans le Dcctionnairc clcs sciences médicales (1819) , et enfin les écrits du Dr Bertrand (1823-20). De compte fait, cinq ouvrages en tout; et sur ces cinq, quatre sont hostiles au magnétisme. Voilà la justice! voilà la science! voilà l’étude! Depuis Mesmer plus de 1,500 volumes ont été publiés sur la science qu’il a mise au jour. Mais ses adversaires se gardent bien de les lire. Qu’importe que ces œuvres soient signées de noms comme ceux de Lavater, de Cuvier, de Huflland, de Laplace, de Broussais, de Puységur, de Jussieu, de Berzélius, de Rostan, de Koreff, de Gregory, d’Elliotson, de Jobard, d’Oken, de Deleuze? Qu’importe à M. Segond? il ne s’en inquiète guère. 11 a lu l’admirable rapport de Bailly, et, comme l’abbé de Vertot : Son siège est fait. Seulement il a soixante-dix ans de date.

Quant au rapport de Jussieu, qui en fit un particulier, en refusant de signer celui de Bailly, et à celui fait à l’Académie par le Dr Husson en 1831, ce sont également lettre morte pour M. Segond, auquel nous ne pouvons nous refuser de rendre hommage comme bibliothécaire accompli pour le

grand respect qu’il a des trésors qui lui sont confiés et auxquels il se garde bien de toucher.

Ainsi M. le IV Segond en est encore à 1826 ; ni les quarante années qui ont précédé, ni les trente qui ont suivi ne comptent pour lui. Chose bizarre! lui qui établit d’une manière si décidée et si dogmatique les trois âges de l’esprit de l’humanité, comme nous le verrons plus loin dans sa théorie, il a pu se figurer que le magnétisme était resté à l’état d’embryon où il lui a plu seulement de l’entrevoir; et que ces soixante-dix années, qu’il tient pour non avenues, se sont écoulées sans porter leurs fruits, sans que l’enfant grandit et parvint à l'âge viril. Gomme si la science pouvait rester stationnaire à son point de départ, comme si le gland foulé aux pieds ne devait pas, un jour, dresser dans le ciel la tige puissante du chêne et si de l’œuf fragile l’aigle ne devait pas s’élancer vers le soleil !

Enfin, riche de ces puissantes études, M. Segond s’est décidé à faire jouir le monde du fruit de ses travaux ; il crée sa théorie positive et il commence par déclarer comme première découverte que :

« les phénomènes magnétiques sont ou physiologiques ou pathologiques. »

Quelle profondeur! Il a découvert que l’on se porte bien ou que l’on est malade !

« Avait-il imaginé par hasard, dit spirituellement le Dr Bcllanger, que les magnétiseurs aient placé au nombre de leurs miracles un état qui ne fût pas la santé ou la madie ? »

Quant à la possibilité queces phénomènes soient également psychiques et que l’âme y entre pour quelque chose, il n’en est pas même question. M. Amédée Jacques, dont nous avons, dans le temps, discuté aussi la théorie, veut, lui, que l’âme soit pour tout dans ces phénomènes. M. Segond veut qu’elle n’y soit pour rien. On voit que nos adversaires, s’ils sont peu disposés à s’entendre avec nous, sont encore assez loin de s’accorder entre eux. 11 y a un point, cependant, sur lequel ils se rapprochent volontiers. C’est leur horreur

commune pour le fluide magnétique. Naturellement M. Segond ne veut point en entendre parler.

« Pour tous les bons esprits, dit-il, la théorie du fluide magnétique fut ruinée le jour où la célèbre commission nommée par l’Académie des sciences prouva par des expé-riénces que, sans invoquer un fluide, on pouvait produire les mêmes effets que les magnétiseurs. Imagination ! tel fut le mot très-judicieuxpar lequel 011 répondit à tous les miracles des magnétieurs. »

La fameuse expérience que cite M. Segond ne prouvait rien du tout con tre l’existence du il uide. Les prémices étant fan sses, la conséquence devait l’être également, et le raisonnement manque complètement de justesse, parce qu’on se plaît à attribuer aux magnétiseurs une opinion qu’ils n’ont jamais mise en avant. Jamais, en effet, nous n’avons prétendu nier le pouvoir de l’imagination, et nousavons, tout au contraire, soutenu qu’elle pouvait, dans certains cas, produire des phénomènes parfaitement identiques à quelques-uns de ceux auxquels donne naissance le fluide magnétique lui-même. Les possédés des temps bibliques, les démoniaques du moyen-âge, les convulsionnaires de l’histoire moderne, les extatiques de nos jours en sont des exemples que nous avons souventeités. Tous subissaient l’influence particulière d’une exaltation cérébrale, fruit de certaines idées, qui absorbait complètement tout le reste de l’organisme et produisait une sorte d’automagnétisation. Inférer de là que c’est l’imagination seule qui fait exclusivement les frais de cet état anormal, nenous semble pas logique. Qu’elle en soit la cause, le principe, c’est notre avis ; mais quel est l’agent qu’elle met en mouvement pour produire la partie physiologique de ces phénomènes? C’est ce qu’011 devrait bien nous dire, si on ne veut pas du fluide magnétique. Si judicieux que M. Segond trouve ce mot d’imagination, il ne répond à rien, car il laisse tout dans le vague.....de l’imagination.

Pour nous, qui aimons les théories positives tout autant que l’auteur de celle qui nous occupe en ce moment, nous

disons que ces phénomènes sont dus à l’accumulation du fluide magnétique concentré sur les organes cérébraux; que cette concentration ait lieu par le fait d’autrui ou par celui de l’individu môme. De cette manière l’identité de faits se comprend, puisque l’agent dont on s’efforce en vain de nier l’existence étant partout le même, ses manifestations doivent nécessairement être partout semblables. La déduction du moins ici est rationnelle et satisfait également le bon sens ainsi que les lois de la physiologie et de la psychologie.

Mais nous irons plus loin. Admettons, pour un moment, comme le voudrait M. Segond, que l’imagination, par sa propre tension, puisse à elle seule produire certains de ces faits, serez-vous pour cela en droit de conclure qu’ils doivent tous être attribués à elle seule? Ne voyez-vous pas tous les jours les même effets produits par des causes bien différentes cependant ? L’état d’ivresse produit par l’inhalation de l’éther vous fera-t-il nier la puissance du chloroforme? L’opium, le haschisch, et tant d’autres toxiques, ne produisent-ils pas sur l’organisme humain des effets parfaitement semblables? Non, quoique se manifestant d’une manière identique, vous êtes obligé d’admettre l’existence des uns et des autres. Or, s’il en est ainsi dans l’ordre physique et relativement à ce qui est perceptible par vos organes, pourquoi ne pas vouloir l’admettre lorsqu’il s’agit d’une autre catégorie de faits et d’idées? L’imagination ne peut-elle pas être une cause et le fluide magnétique une autre cause donnant naissance à des effets identiques ?

Mais rassurez-vous; fussiez-vous disposé à nous la faire, nous n’accepterions pas cette concession, dont nous n’avons pas besoin ; car, pour nous servir de vos propres expressions, nous vous dirions à notre tour : Pour tous les bons esprits, la théorie de l’imagination fut ruinée du jour où la magnétisation pratiquée sur l’homme endormi, sur l’enfant au berceau, sur le malade privé de ses sens, sur les animaux eux-mêmes, on vit se reproduire des phénomènes parfaitement semblables à ceux obtenus sur l’homme à l’état de veille et jouissant de toutes ses facultés intellectuelles. A dater de ce

jour, le problème était résolu et la négation impossible pour tous les esprits droits et impartiaux. L’existence d’un agent tout puissant, unique, toujours et partout le même était démontrée d’un manière irrécusable.

Dès lors, en même temps, tomba de lui-même cet argument dont 011 a tant abusé et qu’il 11e manque pas de reproduire, à savoir :

« Que toutes les manœuvres des magnétiseurs n’avaient pour effet réel que de frapper l’imagination de certains individus, d’ailleurs parfaitement disposés à cela par leur constitution cérébrale. »

L’imagination, nous l’avons démontré, ne pouvant plus y être pour rien, il fallait, de toute nécessité, que les manœuvres des magnétiseurs eussent un autre but que d’agir sur elle en la frappant d’une manière sensible ; il'fallait qu’elles eussent une action directe, spéciale, féconde, que l’on ne pouvait plus méconnaître. Que ces phénomènes fussent le résultat d’un certain nombre de lois cérébrales, la chose 11’est pas douteuse ; mais il était également démontré que les procédés employés pour les développer n’étaient point de purs artifices, ainsi qu’on le prétendait, et qu’ils ne sauraient varier, puisqu’ils sont une condition essentielle de ces mêmes phénomènes.

Mais pour confesser ceci, il faudrait non pas seulement du simple bon sens, de la rareté duquel se plaint si vivement M. Segond, par parenthèse, il faudrait encore un peu de bonne foi et de justice. Or la Faculté de Médecine est essentiellement distincte de la Faculté de Droit et n’a rien à faire avec la logique et la justice que l’on enseigne chez sa voisine. Comment voudrait-on que les professeurs de la rue de Poitiers reconnussent qu’ils ont erré ? Le roi Sicambre a bien pu courber la tête sous la main de saint Rémi et abandonner ses idoles; mais, pour ces messieurs, il n’en est pas ainsi, et ils ne veulent à aucun prix, même \ celui du bon sens et de la loyauté, adorer ce qu’ils ont brûlé et regarder sans horreur la main d’un magnétiseur. On a beau leur dire comme à l’apôtre douteur : Voyez et touchez. Celui-ci, qui

n’était point de l’Académie, il est vrai, vit, toucha et confessa ; mais, eux, ils ferment les yeux, enfoncent leurs mains sous leur manteau et répondent : Vous êtes des fous.

Exemple :

h Pour ne pas rester, à l’égard de ces phénomènes, dans un vague préjudiciable, dit M. Segond, je vais ici en caractériser un certain nombre, afin de mieux préciser les diverses théories employées et celles qu’il convient d’y appliquer aujourd’hui. Il faut d’abord faire justice d’un certain nombre de faits acceptés comme réels ou comme possibles, et dont l’énoncé seul aurait dû, à tout jamais, aux yeux du simple bon sens, couvrir les magnétiseurs de ridicule ; mais, il faut bien le reconnaître, ce n’est pas chose commune que le simple bon sens. Ainsi, on accepte sans peine qu’un individu magnétisé voit sans le secours des yeux et contemple, à Paris, ce qui se fait à Pékin ; ou lit dans l’avenir comme dans un almanach ; ou, ce qui est plus curieux encore, on sait l’anatomie sau . avoir jamais touché le cadavre d’un animal, et la médecine sans avoir observé un malade ; et, pour comble d’inconséquence, on rencontre souvent, parmi ces croyants, des voltairiens orgueilleux ou des déistes qui font fi des miracles catholiques. »

Hélas ! hélas ! monsieur Segond, autant de mots, autant d’erreurs ! Une négation n’est pas une preuve. Vous avez beau railler, les faits vous crèvent les yeux ; et, vous le savez, Broussais a dit : Bien n’est brutalement concluant comme un fait. Pascal l’avait aussi dit avant lui. Mais tous deux se sont trompés. Non, il y a quelque chose dont les conclusions sont plus brutales encore, et ce quelque chose, c’est l’orgueil, l’orgueil qui voit le fait, qui le touche et qui dit : Je ne comprends pas, donc c’est impossible.

Ce qui est réellement impossible, avec de pareils arguments (on appelle cela des arguments), c’est la discussion ; ou plutôt c’est dans le but même de la rendre impraticable qu’on les emploie à tour de bras : la raison n’ayant, à ce qu’il paraît, rien à faire dans ce débat. Mais vous vous trompez si vous croyez lasser notre patience, et, pour répondre à chacune de vos négations par une affirmation que vous ne pourrez peut-être pas contester, nous nous servirons des armes que

vous nous fournissez vous-même, monsieur Segond , lout le premier.

Ainsi vous dites :

« La vue sans le secours des veux, est une hérésie physiologique dont l’escamoteur Robert-Houdin a donné la clef. ;>

Eh bien! puisque voici enfin un nom, un fait, quelque chose de précis et de nettement formulé, puisque c’est le témoignage de Robert-Houdin que vous invoquez, soit : nous l’acceptons. Qu’il prononce entre nous.

Disons d’abord que M. Robert-Houdin, traité par M. Segond avec un sans-façon un peu trop médical, est un homme d’une éducatioo parfaite, d’une instruction remarquable, et, par dessus le marché, tout simplement un des premiers mécaniciens de France, c’est-à-dire du monde. Et il y a aussi, je crois, à l’Académie des Sciences, une section de mécanique, dont Vaucanson faisait partie... si cet escamoteur allait s’y asseoir un jour I

Mais laissons-le répondre pour nous à M. Segond.

Voici deux lettres qu’il écrivait à M. le comte de Mirville, après avoir assisté précisément comme expert et comme juge à deux séances du somnambule Alexis, et dans lesquelles celui-ci avait joué avec lui aux cartes, avait lu une lettre cachetée ainsi que des papiers renfermés dans un portefeuille, et donné encore nombre d’autres preuves de cette clairvoyance dont l’admission semble si souverainement ridicule à M. Segond. Ajoutons que tous ces faits, il les les avait accomplis ayant sur le visage un masque fait avec de la ouate et deux foulards pliés en plusieurs doubles et posés par M. Robert-Houdin lui-même, qui doit s’y connaître. C’est à la suite de ces deux séances que Robert-Houdin s’écriait en sortant :

« C’est écrasant ! S’il y avait dans le monde entier un escamoteur capable d’opérer de semblables merveilles, il me confondrait mille fois plus, comme escamoteur, que l'agent mystérieux que vous venez de me montrer» »

Voici la première lettre sous forme de déclaration :

« Quoique je sois bien loin d’accepter les éloges que veut

bien me donner AI. le comte deMirville, éloges que j'aurais mieux aimé ne pas rencontrer ici, et tenant surtout à ce que ma signature ne laisse en rien préjuger mes opinions en faveur du magnétisme ou contre lui, je ne puis cependant m’empôclier de déclarer que les faits rapportés ci-dessus sont de la plus complète exactitude, et que, plus j’y réfléchis, plus il m’est impossible de les ranger parmi ceux qui font la base de mon art et l’objet de mes travaux.

«ROBERT HOUD1N.»

« Ce 16 mai I8i7. »

Voici la seconde, écrite quinze jours plus tard :

« Monsieur,

« Comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, je tenais à une seconde séance, et celle à laquelle j’assistais hier a été plus merveilleuse encore que la première, et ne me laisse plus aucun doute sur la lucidité d’Alexis. Je fus à cette séance avec l’arrière-pensée de bien surveiller la partie d’écarté qui m’avait tant étonné. Je pris, cette fois, de bien plus grandes précautions encore qu’à la première ; car, me méfiant de moi-même, je me fis accompagner cl’un de mes amis dont le caractère calme pouvait apprécier froidement et établir une sorte d’équilibre dans mon jugement.

« Voici ce qui s’est passé, et l’on verra si jamais des subtilités ont pu produire (les effets semblables à celui que je vais citer.

« Je décachète un jeu apporté par moi et dont j’avais marqué l’enveloppe afin qu’il ne pût être changé. Je mêle. C’est à moi de donner. Je donne avec toutes les précautions d’un homme exercé aux finesses de son art. Précautions inutiles 1 Alexis m’arrête, et, me désignant une des cartes que je venais de poser devant lui sur la table :

« — J’ai le roi, me dit-il.

« — Mais vous n’en savez rien encore, puisque la retourne n’est pas sortie !

« — Vous allez le voir, reprend-il. Continuez.

« Effectivement, je retourne le huit de carreau, et la sienne était le roi de carreau. La partie fut continuée d’une manière assez bizarre, car il me disait les cartes que je devais jouer, quoique mon jeu fût en ce moment caché sous la table et serré dans mes mains. A chacune de ces cartes jouées, il en posait une de son jeu, sans la retourner, et toujours elle se

trouvait parfaitement en rapport avec celle que j’avais jouée moi-même.

« Je suis donc revenu de cette séance aussi émerveillé que je puisse l’être et persuadé qu’il est tout à fait impossible que le hasard ou l’adresse puissent jamais produire des effets aussi merveilleux.

« Recevez, monsieur, l’assurance, etc. »

« ROBERT HOÜDIN,

Que dira, à présent, 51. le Dr Segond, et trouve-t-il suffisant le témoignage qu’il a lui-même invoqué? Avouera-t-il que, si un somnambule peut bien voir des cartes dans un jeu caché sous une table et tenu serré dans les mains, il ne doit pas lui être plus difficile de découvrir les organes renfermés dans le corps humain, d’en donner la description minutieuse, et de faire de l’anatomie même sans avo 'r touché le cadavre d’an animal. Et ce sens nouveau, innoMmé, indescriptible, qui se joue de l’opacité des corps, ne peut-il point, par analogie, ne pas tenir compte des distances ? Est-il plus impossible, en un mot, de voir à cent lieues qu’à travers une planche de chêne ?

Reconnaître ceci ne serait que justice, car c’est une con-séqeunce logique du jugement formulé si nettement par l’expert que vous avez choisi. 51ais, non, qu’on ne s’y trompe pas ; le jugement n’ayant pas été conforme à ce qu’on attendait, et Robert-Houdin s’étant prononcé dans un sens diamétralement opposé à celui qu’on lui prêtait gratuitement d’avance, expert et expertise, vont être classés dans la même catégorie que les magnétiseurs eux-inèmes. Cet escamoteur ne connaîtra même plus son art; ce sera un aveugle ou un idiot; on haussera les épaules et tout sera dit. Il serait cent fois voltairien, mille fois déiste et ferait fi du meilleur de son cœur des miracles catholiques, qualités qui cependant passent pour n’être point trop antipathiques à l’Académie de médecine, peu importe. 11 admet l’action de l’agent magnétique ; c’est un homme jugé. Quiconque peut ajouter à sa signature le d. m. sacramentel a le droit et le devoir de conspuer ce fou qui croit ce qu’il voit, qui a le

courage de le dire et la loyauté de le signer, et alors 01111e craint pas d’écrire des lignes comme celles-ci :

a Quant à la singulière prétention des magnétiseurs à métamorphoser un butor en fin anatomiste et en judicieux médecin, elle se comprend quand 011 réfléchit que les niais 011 les fourbes devant lesquels se passent de telles scènes sont eux-mêmes fort ignorants en médecine et en anatomie. »

Les termes sont durs, et M. Segond n’y va pas de main morte, 011 le voit ; mais à qui s’appliquent-ils? C’est ce qu’il ne serait pas mauvais d’examiner ; car, enfin, il faut bien que ce butor soit métamorphosé en quelque chose qui vaille pour le moins un médecin, si judicieux soit-il, puisque ce butor guérit des malades que le médecin a abandonnése. Et les niais et les fourbes témoins de ces scènes, le lit d’un agonisant n’admettant d’ordinaire que deux catégories de spectateurs, les parents et le médecin, doivent sans doute Être ces parents désolés et ce médecin qui a reconnu l’impuissance de sa science et qui s’adresse, pour sauver une vie à, un pouvoir supérieur au sien ; car il est bon que M. le Dr Segond sache que, bien que la Faculté n’ait pas encore admis cet agent thérapeutique, il y a déjà bon nombre de médecins qui ont la conscience (M. Segond dirait la niaiserie) de se servir du magnétisme pour éloigner la mort qui se lit parfois des remèdes traditionnels du Codex. Il est vrai que M. Segond pourrait aussi bien dire que ce sont les parents qui sont les niais et le médecin le fourbe, eux pour vouloir sauver l’objet de leur affection, môme par le magnétisme, et lui pour en faire usage en dépit des anathèmes académiques. Nous aimerions à le voir sortir de ce dilemme 5 nous lui laissons le choix.

E. DE MALHERBE.

(La suite au numéro prochain).

CLINIQUE.

Bien que les faits publiés soient plus que suffisants pour convaincre nos antagonistes, je pense que les magnétistes, loin de se décourager, doivent encore en augmenter le nombre; car la logique des faits sera toujours la plus éloquente. C’est à ce titre que je vais relater la guérison d’un cas de surdité.

Il y a dix-huit mois, un enfant de cinq ans et demi reçut d’un de ses camarades quelques coups de poing sur la tête ; des douleurs vives survinrent dans le crâne et furent suivies de l’ouverture d’un abcès par l’oreille droite, à la suite de laquelle ouverture les douleurs disparurent et furent remplacées par une surdité complète de cette même oreille, surdité qui fut attaquée sans succès pendant dix-huit mois par des médecins spéciaux.

M“' W.,.., mère de cet enfant, en désespoir de cause, s’adressa au magnétisme.

Ayant appris que M. du Potet avait eu beaucop de succès dans ce genre de maladie, je lui demandai conseil sur le mode opératoire. Le procédé, qu’il m’indiqua pour cet enfant, consiste à mettre un doigt dans chaque oreille, de manière que la pulpe de ce doigt soit le plus près possible de la membrane du tympan.

Au bout de sept à huit minutes d’une action énergique, l’enfant entendit très-distinctement les battements d’une montre, pendant que la bonne oreille était bouchée avec du coton par dessus lequel on avait mis de la cire à modeler; précaution qui avait été prise aussi avant l’opération et qui nous a mis à même de constater alors la surdité absolue de l’oreille droite.

La même opération, continuée, pendant huit jours, à la même heure, a suffi pour guérir radicalement cet enfant.

11 n’est pas besoin de faire observer que cette maladie n’est susceptible de guérison par le magnétisme, qu’autant qu’elle n’est pas produite par un vice organique.

Depuis cette cure, j’ai été à même de me convaincre, en lisant un ouvrage du Dr Teste, intitulé : le Magnétisme animal expliqué, que Jésus-Christ avait employé le même moyen sur un sourd-muet.

Il est dit, en effet, dans un passage extrait de l’Evangile selon saint Marc, chap. 7, vers. 32-33.

Et quelques-uns lui ayant présenté un homme qui était sourd-muet, le suppliaient de lui imposer les mains. Alors Jésus, le tirant de la foule et le prenant à part, lui mit ses doigts dans les oreilles et de sa salive sur la langue, et la guérison s’en suivit »

On voit dans les mémoires de de Puységur un passage qui vient à l’appui de cette manière de procéder dans cette maladie.

Comme Ribault, valet de chambre de de Puységur, magnétisait un sourd en présence du jeune Amé, somnambule, celui-ci, questionné sur la manière la plus avantageuse de toucher ce sourd, dit : t C’est avec le pouce d’une main dans une oreille et le petit doigt dans l’autre, » ce dernier doigt étant, d’après ce somnambule, celui qui, après le pouce, a le plus de force magnétique.

Dr LOOYET.

FAITS ET EXPÉRIENCES.

A M. Iléberi {de Garnay.)

Clxer et honoré confrère,

Je magnétisai au Waux-Hall, il y a six semaines, une dame qui donna des preuves d’une grande sensibilité. L’opération terminée, je la démagnétisai ; mais à peine retournée «i sa place, elle reçut du magnétisme par irradiation, et quitta la séance, ayant la tête embarrassée et les jambes lourdes. Arrivée chez elle, elle donna à téter à son enfant et se coucha aussitôt ; mais elle fut agitée pendant la nuit ; l’enfant eut au contraire un sommeil paisible, et lorsqu’au matin, la mère voulut lui donner à téter, il prit bien le sein, mais il avait les yeux tellement fermés, qu’il semblait que les paupières fussent collées l’ime contre l’autre. Les bras et les jambes étaient dans un état de résolution complète; les muscles du col ne soutenaient plus la tête. Il n’y avait que les muscles qui concourent à la déglutition qui fussent disposés à fonctionner.

Cet état, déterminé par le magnétisme que l’enfant avait puisé dans le lait de sa mère, dura vingt-quatre heures.

Cette observation, cher confrère, confirme la loi que vous avez établie, que le magnétisme se transmet par voie d’hérédité, loi dont nous avons maintes fois constaté l’exactitude; et tout porte à croire que si la dame en question avait, dans son état de saturation magnétique, donné à téter à un enfant provenant de parents insensibles à. cette action, cet enfant n’aurait pas été influencé comme le sien propre.

Agréez, cher et honorable confrère, l’assurance de mes sentiments sympathiques.

D' LOUYET.

20 juin 185*.

INSTITUTIONS.

SoelHé «lu iiit^iK'dsme «le Paris.

Dans une vente d’autographes, qui a eu lieu dernièrement, à Paris, un de nos amis a trouvé la lettre suivante, qui est inédite et fait connaître l’opinion de Puységur sur des questions qui ont été vivement agitées dans ces derniers temps.

Elle ne porte point de suscription ; mais son contenu rend probable qu’elle était adressée à M. de Montferrier, désigné sous le pseudonyme de de Lauzanne :

« B., près Soissons, ce 6 Janvier 1816.

« En apprenant par Mr de Lauzanne, Monsieur, l’Etablis-sement d’une société du Magnétisme, ça ôté une très grande satisfaction pour moi de vous savoir le Vice président de cette société, c’est une obligation véritable qu’elle vous aura, ainsi qu’à M. Deleuze de lui avtfir prêté l’appui de vos deux noms justement considérés; j’ignore encore le moment où je pourrai me réunir à vous et féconder vos travaux, mais us sont en si bonnes mains, que je ne puis qu’applaudir d’avance, à tout ce que votre zèle et votre sagesse vous suggérant à cet égard.

« Parmi les Articles réglementaires de la société, il en est deux le 26e et le 33e, sur lesquels je vous soumetterai quelques rellexions.

« A l’égard du premier de ces articles, il me semble que l’engagement de «pratiquerle magnétisme sans autreBut que « celui de se rendre utile etc... » est trop général et qu’il conviendrait de ne pas l’étendre aux médecins ni à ceux des membres de la société, qui seraient reconnus par elle digne d’exercer la médecine magnétique et d’en faire exclusivement à tout autre emploi de leur teins leur état et leur profession. Voici les Baisons qui motivent mon opinion.

«La faculté Magnétique dans l’homme ne pouvant s’exercer qu’à l’aide et par le secours de la Volonté, et la volonté n’étant que l’actif résultat de la pensée, il s’en suit que moins la pensée est distraite plus la volonté qui en dérive acquiert de force et d’énergie. C’est d’après ce Baisonnement, tondé

par ma longue expérience du Mécanisme moral (si je puis m’exprimer ainsi) de l’acte Magnétique, que j’ai si fortement manifesté dans mes écrits mon désir de voir les médecins s’occuper et s’emparer de la pratique ostensible de celte humaine faculté, parla raison que leur intérêt personnel coin-sidera toujours avec leur devoir pour maintenir la fixité de leur pensée vers le But auquel le magnétisme médical doit toujours tendre. Ne point admettre comme membre ou ar-retter d'exclure de la société du Magnétisme tous ceux qui voudraient retirer de l’exercice de leur faculté magnétique leurs moyens d’existence, serait donc en exclure tous les médecins, et se priver par là des appuis et des soutiens les plus recommandables de cette belle et simple Doctrine. J’en dis autant à l’égard de tous les membres de la société qui n’étant point médecins désireraient néanmoins se vouer comme magnétiseurs au soulagement de l’humanité !

Eb quoi, lorsque l’esprit decorps, l’Orgueuil scientifique et lespréjugés vulgaires opposent tantd’entravesà la Reconnaissance universelle d’un Magnétisme dans l’homme et à l’évidence de ses salutaires effets, comment dis-je ne nous empresserions nous pas d’encourager ceux d’entre nous qui forts de leur Foi en leur puissance Electro-magnétique pleins d'Espérance d’en faire un bon emploi, en Brûlant de Charité, forceraient bientôt par leurs œuvres, et leurs exemples tous les bons médecins à les imiter. Ah! sans doute avant d’accorder à ces derniers l’autorisation d’exercer ostensiblement la médecine Magnetique, il y aurait à leur égard beaucoup de précautions à prendre, mais cela serait alors l’objet d’un règlement particulier par lequel seraient spécifiées toutes les conditions qu’ils auraient à remplir envers la société du magnétisme, laqu’elle leur accorderait cette faveur avec d’autant moins de légèreté qu’elle seule demeurerait toujours Responsable envers le public éclairé d® toutes les fautes et de tous les abus qui pourraient en résulter.

«Quand à l’Article 33 relatif à la correspondance des magnétiseurs, je désirerais que la société lui fixa des bornes qu’elle ne pourrait dépasser, et cela par la raison qu’en lui laissant trop de latitude, il y aurait toujours à craindre qu’elle ne s’étendit sur des matières qu’il serait indiscret, si ce n’est même dangereux, aujourd'hui d’aborder; telles sont toutes les questions relatives aux divers cultes des hommes envers la Divinité, tous ;les systèmes des Spiritualistes, des Mystiques et des Illuminés, ensemble tous les rapprochemens que l’on pourrait être tenté de faire des pratiques magnétiques et de

leurs Etonnants résultats avec les mystères, les prodiges on les miracles sur lesquels on a l’appui desquels toutes les religions du monde sont fondées; questions qui ne pouvant tendre qu’à diviser les lionnnes ne peuvent s’accorder avec l’esprit de charité qui seul doit régner parmi les magnétiseurs et guider constamment leurs travaux.

. Je sais bien qu’en annonçant par le môme Article 33, que tout ce qui serait jugé par la société ne pas devoir être inséré dans les Annules du Magnêlismv resterait déposé dans ses archives, on a prévu et en partie remédié aux abus et aux dangers que je signale ici, mais n’y au-rait-t-il pas toujours à craindre que cette mesure de prudence ne soit interprétée comme une réticence utile à la réussite éloignée de quelques vues secrètes, ou de dessins prémédités. Je voudrais donc que par un exposé clair et précis de ses principes et par une déclaration Authentique du seul But auquel elle veut tendre savoir : le soulagement des peines et des maux de L’humanité, la Société du Magnétisme se mette pour toujours à l’abri des atteintes de l’ignorance et de la Malignité.

« J’avais écrit ces observations, Monsieur, avant d’avoir reçu le premier numéro des Annales du Magnétisme de cette année 1816, et ce que je viens d’y lire n’a fait que me confirmer dans mes craintes à l’égard des correspondances des magnétiseurs. Je ne doute pas que Mr de Lauzanne ne fasse aisément appercevoir l’erreur dans la qu’elle sont les magnétiseurs de Stockolm, et ne prouve que les révélations de leurs somnambules ne sont que les reflets des opinions admises dans leur école; mais comme il est impossible de prouver leur erreur en magnétisme sans iinprouver en même temps les opinions et les systèmes de Swedembourg leur maître et des partisans de sa doctrine, voilà justement ce queje regarde comme contraire à la Charité dont les apôtres ne doivent jamais s’iinmiser de juger ou de condamner la croyance ou les opinions des hommes sur lesquels ils la doivent indistinctement exercer.

« La lettre que la société a cru devoir écrire en réponse à un article de Y Aristaque dirigé contre elle, et qu’aucun Journal n’a voulu publier me porte encore a appuyer d’avantage sur la nécessité de ne pas laisser le moindre prétexte à soupçonner la Société de vues secrètes et de desseins cachés. J’approuve beaucoup cette lettre, à la qu’elle j’ai vu mon nom apposé, ce qui permettez-moi de vous le dire n’est cependant pas trop correct puisque n’étant point à Paris, je

n’ai pu en avoir connaissance, et qu’en l'absence du président d’une Société ce doit être toujours, ce me semble, au vice-président qui s’y trouve ¡ï signer toutes les délibérations. Mais il est, à l’égard de cette lettre, une reflexion que je ne puis me défendre de vous communiquer, c’est que, tout en applaudissant à la sagesse qui l’a dictée, je voudrais néanmoins je l’avoue qu’elle n’eut pas été écrite. Toutes espèces de récriminations quelconques en effet par les Magnétiseurs contre des soupçons offensans élevés contre leur doctrine, ou contre les doutes qui pourraient encore se manifester aujourd’hui contre l’existence d’un magnétisme dans l’homme soumis à l’empire de sa volonté devraient leur être interdites par la seule raison que le caractère le plus distinctif en même tems que la plus grande preuve qu’ils puissent donner de la vérité qui les rallie, est la foi qu’il lui porte et la persuasion intime dans la qu’elle ils sont que jamais le Mensonge, l’ignorance ou l’incrédulité ne pourront porter la moindre atteinte à son intégrité.

« J’ai l’honeur d’Etre avec Estime et considération

« Monsieur

« Votre très humble et obéissant Serviteur « CHASTENET DE PUYSÉGUR. »

Copié sur l’original et communiqué par A. Dubois, membre de la Société du Mesmérisme de Paris, ce 17 mai 1855.

BIBLIOGRAPHIE.

LA QUESTION DES ESPRITS, ses progrès dans la science, etc., par le marquis Eudes de Mirville. 1 vol. in-8. Paris, 1855.

En prenant part à la lutte scientifique entre M. le marquis de Mirville et M. le comte de Gasparin, je ne me suis proposé d’autre but que celui d’engager ces deux savants à donner de plus amples développements à des doctrines qui, en jetant de nouvelles lumières sur une question ardue, en bâteraient la solution.

Al. de Mirville ayant répondu à mon appel, dans un ouvrage qu’il vient de publier sous le titre de la Question des Esprits, etc., a bien voulu consacrer quelques pages de réponse aux arguments présentés dans ma brochure contre l’intervention du démon dans le triple phénomène du somnambulisme, des tables tournantes et des médiums.

Je ne saurais vraiment comment témoigner ma reconnaissance à Al. de Mirville, pour l’empressement qu’il a mis à satisfaire mes désirs; mais, tout sensible que je suis à cette faveur, je vois néanmoins avec peine que la question n’est pas encore tranchée comme il serait à désirer qu’elle le fût En effet, malgré les efforts et toute l’éloquence de ce savant pour combattre mes arguments, ils restent toujours dans leur statu quo.

Al. de Mirville, après avoir parlé de l’impossibilité dans laquelle moi et les personnes qui firent des expériences avec moi, nous nous trouvâmes d’arrêter les tables dans leur mouvement de rotation, malgré l’application des moyens que l’enseignement catholique offre pour chasser le démon, s’exprime ainsi

* C’est avec un certain embarras que nous nous permet-

tons de faire observer ii M. l’abbé Almignana, que la vertu de l’exorcisme est d’autant plus rare, qu’on semble la croire plus facile et plus commune.

« On dirait, à l’entendre, et cela tient sans doute à la brièveté de sa brochure, que l’Ecriture, les Pères, et l’Eglise ont toujours promis cette puissance à quiconque voudrait se donner la peine d’essayer.

« C’est le contraire qui serait exact, et nous n’avons guère besoin de rappeler ici ce drame saisissant qui nous montre les apôtres, les apôtres!... échouant dans la guérison de l’enfant lunatique, et le Sauveur leur en donnant cette raison :

« C’est à cause de votre incrédulité.....cette sorte de dé-

« inons ne se chasse que par la prière et le jeûne. »

Je ne m’occupe pas, maintenant, des exorcismes proprement dits, vu que ni moi, ni les ecclésiastiques qui ont expérimenté avec moi, n’avons essayé d’exorciser, ne nous trouvant pas autorisés par notre évêque, comme le rituel l’exige.

Je me bornerai à parler des autres moyens auxquels l’enseignement catholique reconnaît la vertu de chasser les démons tels que, la prière, les noms de Dieu et de Jésus, le signe de la croix et l’eau bénite.

D’après M. de Mirville, si ces moyens ne réussissent pas parfois, cela dépend du peu de foi de ceux qui s’en servent.

Je regrette que les pages 12 et 13 de ma brochure soient passées inaperçues pour M. de Mirville ; car, il aurait vu que cette objection, je me la suis faite, et que j’en ai donné la solution.

Je vais répéter ici ce que j’ai écrit à cet égard.

« On va me dire que si les moyens que l’enseignement catholique offrent pour chasser le démon restent parfois sans résultat, cela dépend du peu de foi de ceux qui les emploient. Voici ma réponse à cette objection :

« Les païens n’ont pas une grande dose de foi, et cependant Origène dit que : Le nom de Dieu prononcé, même par un païen, chasse les démons (Origenus contra Celsum). »

' Il y a un grand nombre de personnes parmi lesquelles figurent de pieux ecclésiastiques et des laïques approchant souvent des sacrements, qui ont fait avec moi des expériences ;

qui ont prié avec moi, qui ont invoqué les noms sacrés de Dieu et de Jésus avec moi, etc. ; est-il donc croyable que parmi ces personnes il ne s’en trouve pas une, ayant au moins la dose de foi d’un païen, qui, selon Origène, suffisait pour chasser le démon par le nom de Dieu? Je ne peux pas le croire. »

« Quoi ! le vénérable évêque qui a expérimenté avec moi et qui, pendant quarante ans, s’est sacrifié en propageant la foi dans des pays lointains, n’aurait pas autant de foi qu’un païen? Ce serait insulter l’œuvre sainte delà propagation de la foi dans la personne d’un de ses meilleurs apôtres. »

Cette solution que je me suis empressé de donner à mon argument est la même que je donne à la première réponse de M. de Mirville; cependant, M. de Mirville aurait encore un moyen de faire disparaître toute la force de cette solution et de l’anéantir. Ce serait de me prouver que les pieux ecclésiastiques et les laïques approchant souvent des sacrements, surtout le’digne évêque dont j’ai parlé, et moi, nous étions sans foi ou du moins avec une foi moins grande qu’un grain de sénevé qui, suivant J.-C., suffit pour changer les montagnes. Mais M. de Mirville est trop prudent pour entreprendre une tâche aussi difficile-, et cependant, sans cela, mon argument reste debout.

M. de Mirville, après nous avoir rappelé le drame saisissant des apôtres échouant dans la guérison du lunatique à cause de leur incrédulité et de leur peu de foi, nous parle du P. Ventura paralysant complètement les tables diaboliques dans leur rotation, par une courte et simple prière qu’il fait dans une pièce voisine du lieu des expériences.

Il est à croire que le R. P. Ventura était, dans cette occasion, plus crédule et avait plus de foi que les apôtres lors de la guérison du lunatique !

Si cela était ainsi, et que la foi du R. P. n’eût poiut perdu encore de sa puissance, voici ce qu’à sa place je n’hésiterais pas à faire dans l’intérêt de la vérité et de la religion.

Saint Athanase, pour prouver la puissance du nom de Jésus pour chasser le démon, s’adressant aux païens, leur disait : Celui qui voudrait l’éprouver, qu’il vienne; et, au

nom de Jésus, il verra comment le démon fuit et comment les oracles cessent. Moi, m’adressant à mon tour aux somnambules, aux tourneurs de tables et aux médiums, je leur dirai : Celui d’entre vous qui voudrait l’éprouver, qu’il vienne, et il verra que, par une courte et simple prière, le démon s’enfuira devant moi, et alors les somnambules perdront leur lucidité, les tables resteront immobiles et muettes, et les mains et les bras des médiums seront complètement paralysés.

Si le R. P. Ventura, animé des mômes sentiments que saint Athanase, voulait suivre son exemple, je me charge de faire connaître ses intentions à tous les somnambules, magnétiseurs, tourneurs de tables et médiums de ma connaissance, dont quelques-uns ne manqueront pas de répondre à l’appel du R. P., j’en suis certain.

Si le R. P. réussissait dans cette sainte entreprise, ce serait moi le premier qui, comme l’aveugle-né, m’empresse» rais de prôner partout ce fait miraculeux, sans que ni les sarcasmes, ni les railleries des matérialistes, des incrédules, des antidemonolâtres, ni même des académiciens, pussent m’arrêter un seul moment-dans ma course ; car, je sais tout braver dans l’intérêt de la vérité, comme j’en ai déjà donné assez de preuves.

Après avoirjparlé du fait miraculeux du R. P. Ventura, rapporté par M. de Mirville, je vais, de mon côté, en citer un autre qui, quoique d’un autre genre que le premier, a eu un résultat semblable.

Un guéridon tournait avec vitesse, un vénérable évêque, dans la crainte que ce fût le démon qui imprimât au petit meuble un mouvement si rapide, fit le signe de la croix sur ce guéridon, et plaça en outre sur lui sa croix pectorale ; mais, le guéridon ne s’arrêta pas. Dans cet état, une personne présente plaça sa main sur le guéridon, effleurant à peine sa surface, et sans penser ni à Dieu ni à ses saints; le guéridon s’arrêta tout court, par le seul acte de la volonté de l’expérimentateur.

Ce fait parut si extraordinaire à Mgr, que S. G. s’adressant

à ladite personne, lui dit : Madame, vous êtes plus forte que le démon, puisque vous l’arrêtez dans le mouvement qu’il avait imprimé au guéridon.

Moi, j’en tire une autre conséquence, savoir : que la simple main d’un laïque, sans rien de plus que sa volonté, a plus de puissance que le signe de la croix tracé par les mains d’un évêque ; ou plutôt que, le démon étant étranger au mouvement du guéridon, il ne s’agissait simplement que d’un phénomène physique.

C’est à M. de Mirville à choisir entre les deux extrêmes.

Ce qu’il y a de particulier, c’est que ce phénomène, qui pour la première fois s’est passé sous les yeux d’un prélat catholique, est aujourd’hui très-commun, et que ces mêmes mains qui arrêtent les tables dans leur mouvement, placées à une certaine distance des mains des médiums, les paralysent lorsque ceux-ci sont en train d’écrire.

Je regrette vivement que M. de Mirville ne m’ait pas fait l’honneur de venu- me voir1 comme il me l’avait fait espérer, ni de m’inviter à aller le trouver, invitation que j’aurais acceptée avec autant de plaisir que de reconnaissance. C’est là que, dépouillé comme je le suis déjà de tout esprit de parti, école, secte et intérêt personnel, et en dehors de toute influence étrangère, nous aurions fait des expériences, et, nous en aurions jugé uniquement d’après le témoignage de notre conscience.

Des entretiens semblables auraient pu, peut-être, modifier les opinions de M. de Mirville ainsi que les miennes, car je n’ai pas la sotte prétention de me croire infaillible.

Je vois avec plaisir que M. de Mirville, d’accord avec moi, avoue que le R. P. Lacordaire, loin de qualifier le somnambulisme de satanique, le présente du haut de la chaire de vérité comme appartenant à l’ordre prophétique, quoique placé au dernier degré de l’échelle prophétique : cela me suffit. Si Mgr Sibour ne voit pas le démon dans les idées exprimées par les somnambules, mais le reflet de la pensée de leur magnétiseur, c’est parce que S. G. possède quelques connaissances magnétiques ; car, parmi les diffé-

rentes facultés dont sont doués les somnambules, la science reconnaît celle de lire dans la pensée de leurs magnétiseurs tout en reconnaissant le pouvoir qu’auraient ceux-ci d’influencer leurs somnambules.

Quant à ces quatre évêques qui ne partagent pas l’opinion de Mgr Sibour au sujet du somnambulisme, je n’ai autre chose à dire sinon qu’un de ces vénérables prélats ayant été consulté pour savoir si c’était le démon qui faisait tourner les tables, S. G. répondit qu’il n’avait pas admis, dans ses écrits, que les expérimentateurs se fussent réellement mis en communication avec aucune sorte d’esprit, et que leur imagination pourrait fort bien être regardée comme la source de l’illusion générale.

C’est à M. de Mirville a en tirer la conséquence, puisque, dans sa Pncumatologie, le somnambulisme, les tables et les médiums sont tous produits par le démon.

Si M. de Mirville désire connaître l’auteur de ladite consultation , il me sera très-facile de lui en faire faire la connaissance.

Quant à l'explication que M. de Mirville me donne sur le chap. IV de la 1" épître de saint Jean, je l’accepte mais ; je prie M. le marquis d’en faire part à son ami M. Gougenot des Mousseaux qui se trouve dans le même cas que moi. (Voyez son ouvrage des Mœurs et Pratiques du démon, page 120).

M. de Mirville, pour me prouver que je suis en contradiction avec moi-même lorsque, refusant aux tables la faculté de parler des langues inconnues, je reconnais cette faculté chez les somnambules, phénomène qui tire son origine de la même source que les tables, me fait l’observation suivante :

« M. l’abbé ne s’aperçoit pas que le somnambule qu’il oppose dans sa seconde partie au naturalisme de M. du Gasparin, justifie complètement la théorie adverse! Cette somnambule, en évoquant un Père Mario dont M. l’abbé n’avait jamais entendu prononcer le nom et dont cependant l’existence très-réelle fut confirmée depuis, cette somnani-

bule, disons-nous, prononçait tout à la fois un mot inconnu et racontait une histoire très-exacte dont personne ne se doutait. »

Je regrette vivement que M. le marquis se soit si complètement trompé dans la narration du fait du P. Mario, rapporté dans ma brochure ; car, tandis que SI. de Mirville nous dit que la somnambule en question avait évoqué le P. Mario, ma brochure porte le contraire.

Je vais citer textuellement le passage qui a rapport à ce fait.

(. Mon frère défunt, étonné de mon langage, me dit ne devoir rien personne et que, quant à l’argent en question, il l’avait donné au P. Mario, avant de mourir, pour être distribué aux pauvres et que, pour me le prouver, il allait faire venir le P. Mario

« A peine mon frère m’avait tenu ce langage, que la somnambule me dit voir un homme avec mon frère, et, par le signalement qu’elle m’en donna, je crus reconnaître un moine capucin. Ce moine, interrogé par mon frère, confirma ce que celui-ci m’avait dit. »

Où voit-on dans ce rapport une seule ligne où il soit dit que la somnambule en question ait évoqué le P. Mario? Ne voit-on pas, au contraire, que ce fut mon frère qui le fit venir, et que c’est lui-même qui interrogea le moine ; la somnambule se bornant à me dire ce qu’elle avait vu et ce qu’elle avait entendu de la bouche de mon frère et du P. Mario évoqué par mon feu frère.

Je crois en avoir assez dit pour prouver que ce n’est pas à tort que j’ai dit à M. de Mirville qu’il s’était trompé en rapportant le fait du P. Mario.

M. le marquis parle ensuite de cet esprit qui écrit le Pater en espagnol, en italien et en latin; qui prétend l’écrire aussi en valaque et en russe, et refuse de le faire en anglais et en allemand sous prétexte que je ne connais pas ces deux langues.

Si M. le marquis veut connaître mon opinion à l’égard de cet esprit, je lui dirai que c’est à mes yeux -un mauvais esprit qui se plaît à tromper, mais sans être pour cela un

démon; car, sans être un démon, on peut être un mauvais esprit et, je m’en rapporte à la jeune Catherine, décédée au Pérou, citée par l’auteur des ñ/aurs cl Pratiques du détnou, à la page 31, qui, sans ôtre un démon pris, dans le sens catholique, fit cependant voir par ses affreuses manifestations (jusqu’à arracher une image de N. S. J.-C. collée sur le mur en présence de tout le inonde et la déchirer), qu’elle était loin d’être un bon esprit.

« Au reste, continue M. de Mirville, nous sommes tout disposé à la capitulation suivante. D’accord sur les esprits comme nous le sommes, nous retirons, s’il le faut, le mot de démon pourvu que M. l’abbé Almignana maintienne ses expressions de fripon et d’infâme. »

Eh bien! si en retirant le mot démon M. le marquis s’engage à ne pas le remplacer par un autre ayant la même signification, dans le sens catholique, je m’engage non seulement à maintenir les expressions de fripon et d’infâme, mais encore à y ajouter toutes les épithètes du même genre que M. de Mirville voudrait donner à l’être qualifié par moi.

Je donne d’autant plus d’importance à ce double et mutuel engagement, que je le crois comme un grand pas de fait vers un rapprochement, dans les idées sur les esprits, entre M. de Mirville et moi ; et, d’adversaires que nous étions, nous pourrons devenir amis et alliés pour combattre ensemble les théories de l’écho et de la réminiscence de M. de Gasparin.

l’abbé ALMIGNANA.

Batignollcs, 25 mai 1853.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay)*

CONTROVERSES.

THÉORIE DU MAGNÉTISME.

(2« arlicle. — Voyez page 309.)

Ce serait une trop longue tâche de relever toutes les contradictions dont fourmillent les trois articles de M. le D' Segond auquel nous avons déjà commencé à répondre dans notre précédent numéro ; nous nous bornerons à une dernière citation qui prouve mieux encore peut-être que toutes les autres ce qu’ont de sérieux et de solide ses opinions. Nous avons vu qu'il établit s

« Qu’il fallait concevoir les phénomènes du magnétisme comme le résultat il’un certain nombre de lois cérébrales, tandis que les procédés employés à les développer n’étaient que de purs artifices qui pouvaient varier, sans que, dans aucun cas, ils pussent être considérés comme condition essentielle des phénomènes. »

Deux pages plus loin, il dit :

« Les phénomènes les plus constants, résultés de la pratique des magnétiseurs, sont, etc.»

Est-ce clair ? Ces procédés, t raités d’abord de purs artifices, et ne contribuant en rien à la naissance des phénomènes qui ont à présent pour résultat constant de produire ces mêmes phénomôues? Nous n’irons pas plus loin; nous ne pouvons franchement nous résigner à suivre M. Segond dans cette voie de variations perpétuelles en renonçant à savoir ce qu’il veut ou ne veut pas et laquelle de toutes les opinions est la véritable, si tant il y a qu’il tienne à l’une plus qu’à l’autre. Voyons comment il apprécie, en les dénaturant, afin de pou-

Tome XIV. — N» «*5. — 10 juillet l»üû. 13

voir les appliquer à son sjstèmr, les phénomènes magnétiques eux-Tiiiiics. D’après lui. ils consistent uniquement dans les manifestations suivantes :

« L’engourdissement des membres, la pesanteur des paupières, la tendance à la transpiration. Souvent ces phéno-nomènes sont suivis d’un sommeil profond ou seulement d’un court assoupissement, accompagné d'une rêverie vague. Dans d’autres circonstances, parmi les sujets magnétisés, les uns tombent en syncope, les autres en convulsion. Enfin, chez un petit nombre, les pratiques du magnétiseur amènent un état particulier d’extase variant suivant les individus, variant aussi d’un instant à l'autre, (liiez l‘S uns, les organes des sens continuent ¡1 fonctionner: d’autres ne voient réellement que quelques objets, 11e sentent que certaines odeurs, nesont impressionnés que par certains attouchements; d’autres n’ont que des hallucinations de la vue, de l’ouïe, du toucher, et ce qu’il y a de plus ordinaire, c’est une absorption résultée d’une concentration absolue des facultés méditatives sur un certain nombre d’images subjectives. »

A ceci, le docteur Bdlanger répond fort spirituellement, dans le numéro cité de l’Abeille :

• Ainsi voilà tout ce qu’il y a dans le magnétisme? A moins de ne pas avoir le sens commun, 011 11e peut pas croire à autre chose. Mais, s’il en est ainsi, comment se fait-il qu’il y ait tant d’incrédules? Comment surtout y en a-t-il tant parmi les médecins? Tout ce que M. Segond nous raconte, les médecins le voient chaque jour. Les premiers phénomènes se montrent infailliblement chez tout homme fatigué et qui a besoin de dormir. Tous les autres sont des signes ou des effets de maladies que les médecins observent depuis trente siècles, qu’on voit signalés dans tous les livres de médecine. On concevrait qu’un médecin dise qu’il 11e peut pas toujours comprendre ou expliquer ces choses, mais on ne concevrait pas qu’il ne voulût pas croire à leur réalité! On n’entendrait jamais, si M. Segond 11e s’abuse pas, un médecin dire que le magnétisme n’est qu’un ramassis ridicule d’extravagances et de chimères !

« 11 y a autre chose que tout cela dans le magnétisme, monsieur Segond. Vous faites comme tous ceux qui disputent sans jamais s’entendre; vous parlez d’une chose quand il s’agit d’une autre ; et, parce que vous avez raison sur certains faits que vous mettez eu discussion, vous croyez

avoir anéanti ceux que vous ne connaissez pas, auxquels vous ne croyez pas. Vous raisonnez très-bien sur le magné-lismc tel qu’il a été introduit ou plutôt renouvelé dans le monde par Mesmer ; mais de ce que le lluide magnétique est une conception hypothétique et incertaine encore, de ce que les faits et les actes produits par les pratiques des magnétiseurs peuvent naitredo mille autres manières, de ce qu’ils ont été exagérés, dénaturés, affirmés quand ils n’étaient p; s, ou vus autrement qu’ils n’étaient, de toutes les folies, en »ni mot, qu’il peut vous plaire d’accumuler, pouvez-vous conclure qu’il n’y a pas un mode singulier d’existence qu’on appelle somnambulisme magnétique ? Pouvez-vous affirmer que ce mode d’existence ne comporte pas des facultés extraordinaires sans analogues dans la vie normale? Pouvez-vous enfin prouver que cet état ne peut pas être provoqué par les magnétiseurs?

« Il y a dans le magnétisme deux ordres distincts de phénomènes : l°ceux qui appartiennent au mesmérisme ; 2° ceux qui caractérisent le somnambulisme. Vous connaissez, vous discutez très-bien les premiers, mais vous paraissez ne pas connaître les seconds. 11 est facile d’en juger à la réprobation dont vous frappez, par exemple, ceux qui croient qu’on peut voir sans les yeux dans le somnambulisme, chose que vous appelez une hérésie physiologique.

i Nous savons, croyez-nous, tout aussi bien que vous, que c'est avec les yeux que nous voyons. Nous croyons même aux causes finales; nous croyous fermement que les yeux nous ont été donnés pour voir et que nous ne les avons pas seulement appliqués à cet usage, parce qu’ils se sont trouvés par hasard entre nous et les objets visibles; mais la chose n’est cependant pas aussi simple que vous le croyez. Sans parler encore du somnambulisme, ne vous arrive-t-il pas bien souvent de rêver? Ne voyez-vous pas alors une foule de choses, sans les yeux? Nous savons bien que vous nous répondrez que le cerveau reproduit des images qui lui ont été apportées antérieurement par les yeux; que vous ne voyez dans vos songes que des choses que vous avez déjà vues, au moins une première fois, avec vos yeux. Nous le savons comme vous, mais on n’a pas toujours su donner cette explication, dont on se contente aujourd’hui; beaucoup de gens ne la connaissent pas ; ils devraient donc soutenir que l’on ne voit jamais rien en songe, et qu’il est contraire au sens commun de croire le contraire. Eh bien ! monsieur, nous en sommes tous là encore relativement à la vision

exercée dans le somnambulisme sans le secours des yeux. Sans doute la même explication ne peut pas ici nous tirer d’affaire ; mais est-ce une raison pour nier un fait lont la réalité repose sur d’innombrables, d’irrécusables, d’invincibles preuves? Vous nous direz que vous ne l’avez jamais vu, que vous ne le croyez pas. Nous vous répondrons que nous l’avons vu un grand nombre de fois et que vous le verrez vous-même quand vous le voudrez.

« Seulement, ne vous montrez pas incrédule par anticipation ; ne dites pas : Cela n’est pas, parce que cela n’est pas possible, parce que je ne le comprends pas, parce que cela échappe à. ma Théorie positive. L’expérience est certes bien facile ; elle ne demande que la plus vulgaire prudence et une parfaite bonne foi. Essayez-la, monsieur, ne fût-ce que par simple curiosité. Si vous le faites, nous osons vous prédire que vous serez immédiatement convaincu. »

Le conseil par lequel le D' Bellanger termine cette vigoureuse réponse est celui que nous-même ne cessons de répéter

tous et à chaque instant. C’est le seul sensé, le seul juste et raisonnable; aussi est-ce bien certainement le dernier qu’adoptera M. Segond. Il lui faudrait, en effet, s’il le pratiquait, reconnaître non-seulement la vision exercée sans le secours des yeux, pour laquelle il paraît avoir une si profonde répugnance, mais encore un second fait qui ne s’appliquerait pas mieux à sa 'Théorie positive; à savoir : que les somnambules ont aussi la faculté, plus étonnante encore peut-être, de pénétrer les pensées et les sentiments. Que de choscs curieuses ne verrait pas sans doute, dans le cerveau de XI. Segond lui-même, le somnambule sur lequel il tenterait l’expérience, et que d’étranges révélations n’aurait-il pas à lui faire peut-être ! Qui sait s’il n’en résulterait pas, pour l’auteur delà Théorie positive, une explication de cette théorie qui le surprendrait lui-même ?

En tout cas, nous avouons que, pour nous-même, cet auxiliaire nous serait extrêmement précieux, car le développement du système découvert par M. Segond nous semble, dès son début, s’asseoir sur des bases tellement nuageuses , que nous prévoyons une peine infinie ii le suivre dans ce monde d’abstractions et de fantaisies où il se lance

à tire d’ailes sur un Pégase qui nous semble bien plus poétique que positif. Essayons cependant.

S’attachant à un certain ordre de faits seulement, c’est-à-dire à ce qui concerne exclusivement l’extase et les convulsions (notez bien cela), M. Segond dit :

« En interrogeant des époques reculées, et môme en observant actuellement les peuplades dont l’état social répond aux époques initiales du développement de l’humanité, on retrouve des faits analogues. Il devient dès lors indispensable de se demander comment, à ces différentes époques, on a théorisé sur ces phénomènes. Une telle recherche nous est facilitée par la connaissance de la loi des trois ¿hits qui éclaire aujourd’hui la philosophie de l’histoire. »

Nous ne contestons nullement cette proposition, pas plus que la classification des trois états théoriques distincts par lesquels M. Segond veut qu’ait passé l’esprit humain, dans tous les ordres de phénomènes.

« Dans la naïveté de son enfance, il (l’esprit) rattache spontanément à des êtres surnaturels tout ce qui ne se prête pas à une grossière analyse. L’avenir se révèle à lui par le chant et le vol de certains oiseaux, par l’éclat et le mouvement de la flamme qui consume les offrandes faites aux dieux, ou par l’état des entrailles des victimes. Dans son adolescence, l’entité prend la place de l’être surnaturel. Ce n’est plus un Dieu qui, pour tel ou tel effet, se manifeste, demande, récompense, punit ; c’est un être métaphysique, insaisissable, vague, subtil : c’est un /luide, digne fruit de cet âge orgueilleux et raisonneur, s’émancipant par ce premier artifice de la tutelle des dieux. Enfin, dans 1 't)ge viril, la raison humaine, renonçant aux hypothèses arbitraires et à la recherche de l’absolu, s’attache fermement à l’étude des lois des phénomènes, et c’est dans la contemplation de l’ordre extérieur que l’honune prend enfin des habitudes de résignation et un juste sentiment du progrès. La fiction chimérique, l’abstraction nuageuse, la loi positive, telles sont les trois phases de tout développement intellectuel. Cette détermination générale va recevoir, dans le sujet actuel, une application rigoureuse, quoique très-spéciale. Je vais montrer, en effet, que, relativement aux phénomènes du magnétisme, 011 a commencé par employer des hypothèses absolues, d’abord fictives, puis abstraites, et que le moment est arrivé d’en faire

île relatives. I)e telle sorte qu’il faut successivement examiner la théorie théologique, puis la théorie métaphysique, enfin la théorie positive des phénomènes étudiés sous la dénomination de magnétisme animât. »

Voilà, certes, de grandes vues, fort brillantes et très-brillamment exprimées; mais en quoi peuvent-elles conduire à expliquer des phénomènes qu’on ne connaît pas, bien plus, auxquels on ne croit même pas? Ceci est encore une de ces contradictions dont M. Segond possède seul le secret. Quand même nous saurions, comme lui, multiplier les formes du langage et représenter les trois périodes immuables, à ce qu il dit, du moins, de l’esprit humain, peut-on penser que cette savante division d’âge ou d’époque servirait beaucoup pour élucider la question? Qu’il nous représente ensuite la pythie du temple d’Apollon, à Delphes; qu’il nous dise le nombre de ses jeunes et celui des verres d’eau qu’elle avalait ; qu’il nous montre les sybilles de Cumes, d’Erythrée, de Babylone, le démon de Socrate et la nymphe Égérie, les magiciens de Pharaon, les possédés de Loudun et les convul-sionnaires de Saint-Médard, nous en arriverons tout bonnement à constater l’erreur grossière qui sert de conclusion à sa théorie Ihéologiqitc, quand il dit :

« 11 doit rester évident qu’entre le magnétisé moderne, le possédé du moyen-âge et le visionnaire antique, il y a de profondes analogies. »

11 eût été dans le vrai s’il eût dit Y extatique et non le magnétisé; car, nous l’avons fait observer, n’oublions pas que c est sur 1 état d’extase ou de convulsions que portent toutes les investigations de M. Segond et le système qu’il veut en faire découler comme conséquence. Pour lui, tous les autres états intermédiaires n’existent pis. C’est tout simple, ils gêneraient sa théorie et lui ôteraient tout moyen d’être. 11 ne veut que l’extase, n’admet comme possible que l’extase, attendu qu’elle a, dans certains individus, un caractèie do spontanéité et d’action automagnétique qui dispense même île la nécessité d’un fluide hypothétique. Aussi, quand il entre dans l'établissement de la théorie métaphysique (se-

coud âge de l’esprit lnimain), M. Segond s’en donne-t-il à. cn'iir joie avec ce pauvre fluide.

« I.c fluide magnétique administré de nos jours, dit-il, n’est qu’une fraction très-minime d’un fluide universel au moyen duquel il s’établit (suivant la théorie des magnétiseurs) mie influence mutuelle entre les corps célestes, la terre et les corps animés. »

Quand lions disions que M. Segoml en était encore aux théories de 1784 ! Mais poursuivons :

> En remontant au berceau des théories abstraites, on reretrouve des entités semblables qui, sous le même nom ou sous celui d’âme du monde, servent à relier obscurément les connaissances humaines, et surtout à contenter le désir de tout expliquer à des âges où l’orgueil dogmatique se payait facilement de mots vides de sens. Du reste, partout où les notions positives se trouvaient refoulées par la complexité des phénomènes, les fluides étaient pris pour arbitres, et nous les voyons, au seizième et au dix-septième siècle, former la base de la médecine. A mesure que l’esprit humain frayait plus nettement sa route dans les différentes parties du domaine scientifique, les fluides sont spécialisés. Nous avons eu le fluide calorique, le fluide lumineux, le fluide électrique. Un des biologistes les plus distingués du commencement de notre siècle, trop empreint des habitudes du siècle précédent, avait même proposé le fluide résonnant, et était même parvenu faire admettre le fluide nerveux. Au milieu de tous ces êtres de raison que les bons esprits n’emploient plus aujourd’hui qu’à titre d’artifices logiques, le fluide magnétique a seul gardé 1111 semblant de réalité. 11 est vrai que ce fluide était d’une subtilité à nulle autre comparable. »

Voilà, ce nous semble, un assez beau massacre de fluides de toute nature. Est-il heureux, ce bon M. Segond, et en épargne-t-il aucun? Plus de lumière, plus de chaleur, plus d’électricité ! Qu’01111c lui parle plus de ces fadaises. C’était bon de croire à ces billevesées dans ces âges primitifs qu’il a si savamment classés; mais de nos jours, avec notre théorie positive, allons donc! Ne vous semble-t-il pas lire la scène du Médecin malgré lui et le fameux : Nous avons changé tout cela de Sganarelle ?

Mais ce n’est pas tout. Une fois lancé en si beau chemin, M. Segond n’est pas homme à s’arrêter. La volonté est un agent d’un autre genre qui le gênait aussi. Supprimons-la, s’est-il dit.

« Comment, en effet, parvenir à prouver l’existence d’un être invisible, impalpable, impondérable et qui ne prête à aucun genre d’observation directe? »

Quant au fluide magnétique, oh 1 c’est bien pis encore !

« Ce fluide, qui n’a pas plus de réalité que les autres fluides (nous acceptons la concession avec reconnaissance), et qui n’a jamais été vu que par des extatiques ou des gens qui dorment ; ce fluide universel de Paracelse, de Van Hel-mont, de Maxvvel, de Wirdy, n’est plus qu’un petit fluide sécrété et accumulé dans le cerveau, et auquel les nerfs serv ent de conducteur. Reproduirai-je ici les considérations bouffonnes dans lesquelles Mesmer ou les Sociétés de l'harmonie ont résolu les plus hauts problèmes, sur la formation des astres, la création des animaux, la santé, la maladie? Il faudrait recommencer ici les réfutations entreprises dans le dernier siècle avec tant de patience et de bon sens. »

M. Segond, on le voit, en est toujours à 178â ; impossible de le sortir de cette année fatale à laquelle il s’attache avec l’opiniâtreté de l’homme qui se noie, de même qu’il s’obstine, par une confusion bien étrange si elle est sincère, bien peu loyale si elle est volontaire, à faire du mesmérisme et du somnambulisme une seule et même chose. Eh 1 oui, sans doute, il serait bon que l’on recommençât les réfutations entreprises dans le dernier siècle ; car alors, le magnétisme venait de naître ; les faits manquaient par conséquent ; les assertions étaient individuelles et isolées, et la négation facile. Tout le corps médical se réunissait pour écraser la science qui les épouvantait par l'avenir qu’elle ouvrait, et on y eût réussi si le germe ainsi attaqué n’eût contenu la vérité, qui finit toujours par triompher. Aujourd’hui, les faits abondent, les preuves sont innombrables, accablantes ; les lois qui en découlent, réunies en faisceau , formulées, contrôlées, et parmi ses défenseurs et ses champions les plus éclairés, le

magnétisme voit aujourd'hui marcher en tète des médecins célèbres de tous les pays et les sommités de l'intelligence dont s'honore le dix-neuvième siècle. Avec de tels éléments de défense, il ne craint point l’attaque, pas même celle de M. Segond, dût-il emprunter ses arguments aux mémoires surannés qu’il cite avec tant de complaisance. Tous les esprits n’ont pas fait comme le sien : ils ne se sont pas arrêtés à une date, ils ont suivi la marche de la science, ils ont étudié, ils ont vu, ils ont comparé et se sont fait des armes, finit d’une conviction réformée, contre lesquelles le ridicule et l’ironie ne sont plus de force. Il faut discuter pied h pied aujourd’hui, et non railler. Le dédain n’est plus de mise. Et où en seraient nos adversaires, à leur tour, si nous voulions, nous aussi, nous servir contre eux de ces amies discourtoises dont ils ont tant abusé? Ne nous serait-il pas bien facile cependant, et bien permis peut-être aussi, de crier au bouffon et au grotesque en voyant M. Segond, cet ennemi de tout ce qui est invisible, intangible, impondérable, hypothétique, se réfugier, pour établir sa Théorie positive, dans les brouillards de la plus hypothétique des sciences, la phrénologie? Car c’est pour en arriver à ce pauvre enfantement que la montagne ôtait en travail, liisum teneatisl Mais non, ne rions pas ; nous sommes sérieux, nous autres, môme en face des imaginations les plus fantastiques de ceux qui nous attaquent, et, quelle que soit l’idée, nous la discutons sérieusement. Tant pis pour qui l’a mise en avant et pour ce qui doit en ressortir. Voyons donc ce que va nous donner la théorie positive, ce troisième âge de l’esprit humain, et aussi le plus parfait, suivant M. Segond.

« Depuis que l’illustre Gall a inauguré l’étude positive des fonctions intérieures du cerveau, et surtout depuis les importantes améliorations apportées à la théorie cérébrale, par M. Auguste Comte, l’obscure conception des idéologues sur l’âme humaine a été remplacée par la notion de pluralité dans les organes intellectuels ; et la dispersion viscérale des passions de Cabanis a fait place à leur réunion nécessaire dans un seul appareil, le cerveau, dont les masses tabulaires ne sont plus désormais qu’une réunion d’organes

reliés entre eux par des commissures el rattachés par do pédoncules au centre commun de réaction. Si, dans cet •■■■ pareil, toute détermination est encore prématurée, ou y peut néanmoins, à l’égard des principales masses, faire des inductions que l’ensemble des données fournies par l’observation directe, l’expérimentation et la comparaison tend de plus en plus à confirmer.

« Le sujet que nous avons éclarcir dépend entièrement de la théorie des fonctions intellectuelles et morales, et c’est ainsi que l’on s’explique le crédit prolongé d’une grossière erreur qui se maintient par cela seul que le terrain sv.rleqti"l on pourrait définitivement la juger est hérissé lui-même îles plus grandes difficultés. Quoi qu’il en soit, en nous servant ici du dernier système proposé, nous pourrons au moins déterminer la vraie nature des phénomènes du magnétisme animal, et leur Oter tout le prestige métaphysique qui les voile si bien encore aux yeux de tant de personnes. »

Tel est le point de départ de l’auteur. Ceci est donc positivement la clef de voûte de son système, la source où il va puiser tous ses raisonnements. Il est par conséquent important de l’examiner avec soin et d’en bien peser le mérite, afin de n’avoir point le double et inutile travail à faire de répondre à des arguments qui reposent sur une base erronée. Chaque expression a donc sa valeur et doit avoir naturellement été choisie comme celle qui rendait le mieux la pensée de celui qui l’employait, soit qu’elle lui convînt spontanément, soit qu’elle lui fût imposée par la nature des faits et la force des choses. Or, que voyons-nous tout d’abord, et comme donnant une idée générale de la solidité du terrain sur lequel se place M. Segond ? La négation de l’âme humaine remplacée, pour lui, par un appareil d’organes, à tégard duquel toute détermination spéciale est encore prématurée, mais sur lequel 011 peut faire des inductions !

Cet exposé a pour sous la valeur d’un aveu el nous met à l’aise pour répondre à des arguments qui ne s’appuient que suides prémices aussi incertaines; mais tout en le suivant pas à pas, comme c’est notre tâche, dans ces inductions qui composent tout l’arsenal où il doit puiser ses ressources, nous 11e pouvons que nous affliger de voir une légèreté si grande

dans les idées s'appuyer sur une âpreté aussi dogmatique dans les formes et se traduisant, en définitive, par l’emploi d’hypothèses reconnues pour répondre à ce que l'on veut appeler des hypothèses. Que M. Segond soit matérialiste, peu nous importe ; ce n’est point notre affaire ; mais qu’il veuille abolir l'âme, comme il a supprimé la chaleur, la lumière, la volonté, le tout pour le plus grand honneur de son système, c’est ce que nous ne poin tus lui accorder, dussions-nous, pour cela, être à ses yeux cent fois plus charlatans et plus idéologues. Le mécanisme par lequel il lui plaît d’expliquer les opérations du cœur et du cerveau se basant, d’une part, sur la proposition de (iall que ce qu’il y a de prépondérant dans la nature humaine, c’est le cœur, et, d’un autre côté, sur la rectification de ,M. Auguste Comte, qui établit que nos moteurs affectifs sont des penchants dans l’état actif et des sentiments dans l’état passif, 11e prouve nullement que ces deux organes suffisent à eux seuls à notre être moral, ('.’est un système de plus, et voilà tout; et certes, depuis que l’orgueil humain , se révoltant contre la Divinité, a cherché à expliquer les deux principes, il ne manque pas de systèmes de ce genre où chacun de ces soi-disant philosophes s’est plu à convertir ces vieilles déceptions en lois de sa façon qu’il a toujours présentées comme le chef-d’œuvre de la raison. Aujourd’hui, comme .autrefois, l’homme accueille avec la même satisfaction, la même crédulité personnelle, les sophismes (pii flattent sa misérable vanité ; il a la même opposition contre la vérité qui la gêne, contre la loi divine qui la réprime ; le même délire le porte à s’isoler de Dieu, àse confier en lui-même et lui persuade qu’en agissant ainsi, il fait preuve d'un esprit supérieur dont chacun doit admirer les lumières et la perspicacité.

Et chose digne de remarque, c’est encore alors que l’âme qu’il veut nier, l’âme créée pour être raisonnable et qui 11’est souvent que raisonneuse, lorsqu’elle se sépare de son principe, manifeste toujours néanmoins le type qui la caractérise; elle a tellement besoin d’avoir raison, de se croire dans l’ordre que, même dans ses écarts, elle emploie ses plus

liantes facultés il combattre ce qui la condamne, il détruire la loi, ii semer des nuages sur les vérités, à rationaliser le désordre. Elle forge des théories pour démontrer sa propre non existence et ne craint pas de ravaler son essence divine en la transformant en un muscle ou une substance grise qui doivent un jour fertiliser la terre pour laquelle elle a le droit de n’avoir qu’un légitime dédain.

M. Segond, à cet égard, n’a fait ni mieux, ni pis que les autres. Il veut que le cœur comprenne dix facultés irréductibles, sept personnelles et trois sociales; que l’esprit jouisse de cinq facultés à propos desquelles il établit l’inanité de l’attraction, de la mémoire et de la volonté ; il veut qu’il y ait deux sortes de conceptions, deux modes de contemplation, deux de méditation, trois de communication ; que le caractère se décompose en trois fonctions essentielles ; et il déclare compléter ainsi sa théorie cérébrale au moyen de laquelle il prétend analyser et réduire à néant tous les phénomènes du magnétisme animal. Mais toutes ces divisions, subdivisions, catégories, sections et sous-sections cérébrales lui paraissent assez confuses, et nous ne pouvons dire qu’il ait tout à fait tort à cet égard ; il juge nécessaire de les résumer d’une manière plus systématique dans un tableau synoptique qui a un air de famille incroyable avec ceux de Fou-rier, mais qui, nous l’avouons humblement, ne nous en semble pas plus clair pour cela. La raison, la voici : c’est que ce système hypothétique n’a été si laborieusement composé par M. Segond que pour donner des raisons d’ètre à sa première hypothèse, la création fantastique de ces trois âges de l’esprit humain, et pour en conclure que magnétiseurs et magnétisés en sont à la première de ces périodes, celle du fétichisme. Il y a longtemps que ce vieil argument a été mis en avant, et M. Segond n’avait certes pas besoin de se donner tant de peine pour ressusciter cette appréciation malencontreuse des premiers adversaires du magnétisme, dont l’observation, l’expérience et les faits ultérieurs ont démontré surabondamment l’inanité; et s’il était nécessaire d’y ajouter une preuve de-plus, nous ne voudrions point en invoquer d'autres que

la nécessité imposée à M. Segond lui-mème par la vérité contre laquelle il se débat, de parsemer sa théorie si absolue de correctifs et de concessions exceptionnelles qui la réduisent à néant, et telles que celles-ci :

« Au milieu des faibles portions de l’humanité, qui sont arrivées à voir tes choses comme elles sont, on rencontre un grand nombre de cerveaux dont l’économie générale répond soit aux époques tliéologiques, soit à l’état métaphysique....

« Dans l’état de pleine maturité, les plus saines intelligences peuvent, sous l’influence d’un grand nombre de circonstances, s’aliéner accidentellement....

u Chez les personnes douées du meilleur jugement, on peut, par des moyens purement artificiels, développer un état cérébral dans lequel le dedans prend le dessus sur le dehors et nous fait voir les choses autrement qu’elles sont.... »

Mais, en parlant ainsi, M. Segond ne fait pas attention que son argument peut être retourné contre lui-mème, et que nous pourrions, dans sa vénération stationnaire et fanatique de la vieille médecine, voir passer le bout de l’oreille du fétichisme ; que nous pourrions lui demander si ce n’est pas son cerveau, dont l’économie générale répond à l’époque théologique; ou eucore (qu’il veuille bien nous pardonner cette supposition à laquelle son exemple nous autorise), si son intelligence, que nous tenons volontiers pour des plus saines, ne se trouve pas, sous l’influence de certaines circonstances, accidentellement aliénée. Il le dit, en elïet, lui-même ;

« L’aliénation mentale confirmée n’est que la persistance de cet état dans lequel nous faisons, sur les phénomènes observés des hypothèses trop compliquées. »

Cette définition trouverait parfaitement son application dans l’espèce, attendu les hypothèses très-compliquées auxquelles se livre M. Segond, mais elle nous semble assez étrange comme généralité, puisqu’elle ne conduirait à rien moins qu’à faire de tous les savants une collection de fous.

Enfin , aussi imprudent dans le choix de ses citations que

dans celui de ses argument , il invoque comme personnification de cet état pathologique un cas poétique.

« Ce qui, dit-il, liicn mieux que li > savantes considérations de ccu.\ qui croient avoir décou\ert la monomanie, peut servir de type dans la démonstration actuelle: c'est la conception si profonde du Don Quichotte de Cervantes. »

Hélas! cher monsieur Segond. pourquoi, en nous rappelant ce monomane célèbre auquel les livres de chevalerie avaient tourné la tète, nous faire penser à ceux sur lesquels l’horreur du magnétisme a produit le même résultat, et qui, comme lui, la lance au poing, poursuivent, avec un acharnement tout caractéristique, leurs chevaleresques aventures contre un moulin ou contre un fluide? et encore pour n’être pas plus heureux contre l’un que contre l’autre. Puissent-ils, du moins, à l'instar du pauvre paladin contusionné après ce glorieux combat, reconnaître, comme lui, qu’ils s’étaient heurtés à la réalité et jurer, un peu tard il est vrai, qu’on ne les reprendra plus à cette malencontreuse croisade ?

Mais, en attendant, nous sommes loin d’en avoir fini avec M. Segond, qui, après cette heureuse citation, déclare que « nous touchons enfin à l’interprétation des singuliers phénomènes du magnétisme animal, >> et qui va nous rendre compte, à sa façon , de la manière dont ils s’accomplissent. La description est curieuse :

« En effet, line personne étant déclarée propre à exercer l’influence magnétique (déclarée par qui ? Nous voudrions bien le savoir), et étant, du reste, disposée par son éducation aux croyances correspondantes, se familiarise avec l’administration du fluide magnétique. Lue fois son apprentissage technique fait, il s’eu va magnétisant, et bientôt il n’a plus qu’à paraître pour que telle personne éprouve une émotion profonde, une autre des syncopés, une autre des convulsions. »

O magnétiseurs, que dites-vous de cette manière d’administrer le fluide magnétique? Que pensez-vous de cette puissance que vous révèle M. Segond, et de la formidable faculté dont il vous dote de produire des convulsions rien qu’en

vous montrant ? Voyez combien nous sommes injnslo envers nos adversaires que nous accusons de ne point connaître le magnétisme et qui nous apprennent îles laits que nous ne soupçonnions même pas! l’lûtau ciel qu’il en IVii ainsi rpie le veut bien dire M. Segond, plus facile serait notre ministère auprès du malade et plus abondante notre moisson de gué-risons, déjà si fructueuse cependant avec la faiblesse réelle de nos moyens ! Mais continuons.

« Or, je le demande, cette attitude , ce geste, ce mouve-vement du magnétiseur, sont-ils autre cliose qu’un pur artifice au moyen duquel on développe. riiez une personne convenablement préparée, un état subjectif plus ou moins prononcé et qui peut aller jusqu’à l'extase caractérisant le sommeil magnétique? »

Sans doute, l’objection aurait une certaine valeur s’il ne s’agissait jamais de pratiquer le magnétisme (pie chez une personne convenablement préparée, comme il le dit. Mais de quel poids peut-elle être vis-à-vis de l’enfant, vis-à-vis du malade insensible, vis-à-vis de l’homme endormi? Que dire quand le magnétisme est pratiqué à l’insu du sujet, en un mot? Nous n’aurions que l’embarras du choix parmi les millions de faits à citer à ce sujet. Prenons-en uu seul, celui de mademoiselle Samson, à l’Hôtel-Dieu. M. du Potet, enfermé dans un cabinet noir d’ofi il ne pouvait 1; /oir et où elle ne soupçonnait pas sa présence, la magnétise à un signal convenu et donné par un des médecins, et en trois minutes elle était en état de somnambulisme complet.

M. Segond nous dira-t-il quelle était la préparation de ce sujet et comment les artifices du magnétiseur agissaient sur lui? Et les incrédules, les railleurs, les hosti es endormis malgré eux, le sourire ou l’épigrannneà la bouche, étaient-ils également préparés d’une manière convenable?

L’argument mis en avant ne nous semble pas avoir besoin d’autre réfutation; il tombe de lui-même devant les faits, qui sont toujours, pour nous, la réponse la plus concluante.

)•:. DE MALHERBE.

(La fin au prochain numéro.)

CLINIQUE.

1“ Relation d'une opération chirurgicale au sein, sans

douleur, i«r «ne jeune fille en état magnétique, par le

D' Louïet.

L’état d’anesthésie complète dans lequel ce sujet est mis tous les soirs sous l’influence magnétique de M. Regazzoni, le magnétiseur à la mode ; toutes les expériences du feu, des aiguilles, etc., auxquelles elle est parfaitement indifférente, nous autorisent, jusqu’à un certain point, à reproduire cette observation telle qu’elle nous est communiquée.

i M"* Anna-Aimée Pierre, de la Chapelle-Saint-Remy, arrondissement du Mans, avait au sein gauche, depuis six mois, un petit bouton de la grosseur d’une tête d’épingle. Ce bouton, survenu sans cause connue, grossissait depuis trois à quatre jours, quand elle reçut un coup de coude sur le sein, après quoi l’inflammation augmenta en étendue et en profondeur; les douleurs se propagèrent jusque sous l’aisselle.

« La fièvre et le délire survinrent pendant la nuit qui suivit l’accident. Des cataplasmes laudanisés avaient été appliqués d’une manière permanente, sans produire de soulagement.

« Le surlendemain, ce bouton avait acquis le volume d’une petite noix, et présentait une légère fluctuation vers le centre. Le Dr Burq et moi jugeâmes que cette inflammation si douloureuse pouvait durer plusieurs semaines avant de passer à une suppuration complète, et que, pour mettre un terme aux souffrances de la malade, on pourrait, puisqu’elle est très-accessible au magnétisme, la mettre dans

1 insensibilité par cet agent, et profiter de l’état où on l’aurait mise pour faire prématurément l’ouverture de cet abcès.

« Dans l'état de veille, la jeune personne s’était fortement opposée à l’opération, qui lui inspirait beaucoup de frayeur, ftl. Ileg ozzoni, pour lui éviter les douleurs du bistouri, la fit passer instantanément au somnambulisme. L’insensibilité était des plus complètes.

« C’est alors que je fis l’ouverture de l’abcès, sans que la malade manifestât la moindre douleur; elle fut seulement un peu efirajée, lorsqu’au réveil, elle vit du sang sur son fichu. Deux jours après, tout était rentré dans l’ordre, et la malade put se livrer à ses occupations habituelles.

« La nécessité d’employer le magnétisme pour produire l’insensibilité chez les personnes qui doivent sub'r des opéra-fons chirurgicales, ressort naturellement des conclusions d’un rapport que lut, il va quelques mois, le D“ Robert à la Société de chirurgie.

« Le chloroforme, dit ce médecin distingué, quoique manié « par des mains habiles, peut causer des accidents et même « la mort, comme les annales de la chirurgie en fournissent » malheureusement de trop nombreux exemples. »

t D’après ces considérations, l’humanité ne fait-elle pas un devoir aux chirurgiens d’essayer de produire l’insensibilité par le magnétisme, quand ils sont dans la malheureuse nécessité de faire des opérations? »

(Extrait de la lie vue médicale du 15 juin 1855.)

2° Mouvements et circulation rendus plus actifs chez un fœtus qu’on croyait mort.

Parmi les innombrables services que le magnétisme est appelé à rendre à la médecine, il en est un sur lequel je crois devoir appeler l’attention des médecins magnétistes, et qui consiste à employer cet agent comme moyen de diagnostic pour mettre en évidence, dans le sein de la mère, l’existence d’un fœtus moribond.

Le fait suivant montre le service important que peut rendre le magnétisme dans pareille circonstance.

.Te fus appelé dernièrement, rue Geoflroi-Lasnier, 28, pour donner des soins à M1"* Joutul, affectée de la fièvre typhoïde. Celte dame, enceinte de six mois, ne sentait plus remuer son enfant depuis dix jours, ce qui lui fit penser qu’il

(•lili: mm i. Les deux médecins qu’elle avait eus avant moi i> i i.i41MH ut s.i manière de voir et basaient leur opinion sur l'im possibilité où ils avaient été de constater les battements .lu rirur du ficius. sur l’abaissement du ventre et sur . .ippariMi'c, comme chez les nouvelles accouchées, d’une í¡• \ it* mc luit caractérisée par la turgescence des mamelles, suivie de leur flaccidité et d'une sérosité laiteuse qu’elles iiii>siii 1.1 ('chapper. Partant de cette idée que le fœtus était iiiuri. ¡I fut fortement question de provoquer l’avortement, considérant la présence de ce fœtus comme un corps étranger qui pouvait compromettre l’existence de la mère.

Avant d’en venir au moyen extrême qui avait été proposé, celle dame voulut avoir l’avis d’un troisième médecin ; c’cst alors que je la vis, et qu’après avoir appliqué le stéthoscope sur différents points du ventre, je finis par entendre, comme (iaiis le lointain, dans un endroit très-limité, les battements presque imperceptibles du cœur du fœtus ; mais leur faiblesse était telle qu’elle faisait craindre la mort prochaine de ce petit être.

Dans cet état de chose, j’employai le magnétisme, autant dans l'intérêt de la mère que dans celui de l’enfant. Une : ain appliquée sur le front et l’autre sur le ventre, je magnétisai avec toute l’énergie dont j'étais susceptible, et fus assez heureux pour, au bout de cinq à six minutes, provoquer les mouvements du fœtus, au point de les rendre très-sensibles pour la mère et pour moi. Pendant dix minutes que ma main resta appliquée sur le ventre, ces mouvements se. firent sentir une douzaine de fois, et ramenèrent dans le cœur de la mère l'espérance qu’elle avait perdue.

Le stéthoscope, appliqué de nouveau sur le ventre, me lit percevoir les battements du cœur du fœtus, dix fois plus intenses (pie ceux (pie j’avais entendus avant la magnétisai ion.

On voit, d’après cet exemple, que le magnétisme peut, non seulement être considéré comme un bon adjuvant à la médecine, mais qu’il peut, dans certains cas, servir à éclairer le diagnostic du médecin. Puissent nos confrères ac-

cueillir avec empressement ce nouveau moyen d’investigation.

Dr LOI'VET.

Monsieur II¿berl [de Garnay).

Nantes, te 15 juin 1853.

Monsieur,

Ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le dire lors de mon départ, j’avais l’intention, en revenant ici, de me remettre à l’œuvre, et depuis mon arrivée, j’ai eu la satisfaction d’obtenir quelques guérisons dont voici succinctement l’énoncé :

Extinction de voix depuis sept mois, suppression des menstrues depuis dix-huit mois : 15 magnétisations et eau magnétisée.

Maux de tète, depuis huit mois, deux et trois fois par semaine, et durant vingt-quatre heures : 10 magnétisations ont sulli pour la guérison.

Fièvre tierce depuis dix-huit mois, chaque accès de trois heures. Ayant fait apparaître la fièvre à la première magnétisation, elle n’a duré que trois quarts d’heure. Le malade n’ayant pu continuer, eut de nouveau recours aux soins de son médecin, qui, par suite de cette magnétisation unique, put le guérir en huit jours.

Suite de l’onanisme, habitude contractée depuis l’âge de dix ans par un jeune homme de vingt-deux ans. Toux, maigreur, débilité, mauvaise digestion, dégoût, insomnie, démoralisation complète, désir même du suicide : la magnétisations ont sulli pour changer le physique et le moral d’une manière surprenante, produire même un embonpoint sensible.

Ophtalmie et douleurs vagues, suite du choléra depuis onze mois. L’intensité des douleurs ne laissait ni repos ni

sommeil : guérison après > magnétisations : eau magnétisée comme boisson cl lotions.

Maux d’estomac, palpitation de cœur, faiblesse générale (suppression des menstrues depuis quinze mois), depuis deux ans : 30 magnétisations, eau magnétisée.

Erysipèle à la tête : 4 magnétisations.

Panaris charbonneux au petit doigt de la main gauche : 4 magnétisations et compresse d’eau magnétisée. (La malade venait d’en avoir un au médius de la main droite. Il avait duré quarante jours, pendant lesquels elle avait beaucoup souffert.)

N’ayant pu assister cette année à l’anniversaire de la naissance de notre illustre maître, veuillez en faire agréer mes regrets à M. le baron du Potet, notre vénéré président, et le prier de croire, ainsi que vous, Monsieur, aux sentiments de haute considération et de profond respect avec lesquels j’ai l’honneur de me signer

Votre très-humble et tout dévoué,

J. GRAVÉ.

ÉTUDES ET THÉORIES.

QUESTIONS RELATIVES AU MAGNÉTISME ANIMAL (1).

L’Ame, les songes, la folie, dis-moi,

Grand philosophe, comment les expliqueras-tu?

A l’époque où nous vivons, époque de vastes recherches et d’études sérieuses, il n’est pas un esprit grave qui 11e connaisse et ne proclame l’absolue nécessité du doute philosophique , (le ce doute qui, préservant l’esprit d’un aveugle enthousiasme, lui impose l’obligation d’un examen consciencieux. Mais de là au scepticisme systématique, de là à l’incrédulité , il y a un abîme ; car, si l’un est une preuve d’énergie et de réflexion, l’autre n’est bien souvent qu’un indice voilé de paresse, d’impuissance ou d’orgueil. Quand le doute touche la lumière, l’incrédulité détourne ou ferme les yeux pour ne pas en être éblouie. Si l’un est la voie qui mène aux progrès, l’autre, avec son apparence de grandeur, n’est qu’un désert aride et sans issue. Entre deux routes si contraires, quoique semblables au premier aspect, quelle est celle que doit suivre le médecin digne de porter ce titre, l’homme qui a voué sa vie entière à la conservation de ses semblables ; l’homme dont le cœur ne bat que pour les généreuses pensées, dont l’intelligence, nourrie d’utiles méditations, ne craint et 11e repousse aucune vérité, puisque toute vérité profite à l’amélioration de l’humanité, éternel objet de sa sollicitude et de ses recherches ? La réponse est trop naturelle pour que je me croie dans la nécessité de la formu-

(1) Mémoire la à la Société de Médecine d’Angers, et publié par les An-nalet midico-piychologiqutt, avec une noteapprobative du docteur Cériso.

1er. El pourtant, do quelles préventions injustes ne sera-t-il pas assailli, de quels sarcasmes ne se verra-t-il pas déchiré, le niédécin assez courageux pour se faire l’avocat ou du moins le rapporteur d’une cause perdue avant que toutes les pièces aient été scrupuleusement examinées? De quelle foi ardente et généreuse n’cst-il pas soutenu celui qui se dévoue à jeter dans le inonde des idées, une idée nouvelle, ou bien encore une idée dès longtemps mise au rebut ?

Il est fou ! crie le vulgaire. 11 est fou ! disent les académies. Académies et vulgaire se touchent en ce point. Seulement l’un est incapable cle comprendre et déjuger ; les autres veulent bien juger, mais sans se donner la peine d’approfondir, fortes du cercle au milieu duquel elles se reposent, et qui, elles le pensent au moins, est assez rempli pour ne plus admettre de richesses étrangères. Comme si le champ de la science était trop profondément labouré! comme s’il ne devait pas toujours rendre au centuple la semence féconde qui lui est confiée!

Et cela se conçoit et s’explique pour celui qui connaît la nature humaine, pleine, hélas ! de misère et d’infirmités; car une idée nouvelle réduite en actes, c’est un grand nombre d’existences compromises, de réputations détruites, d’a-niours-propres froissés ; et quoi de plus irritable, de moins oublieux que l’amour-propre ?

11 serait long à. dresser le catalogue de toutes les découvertes scientifiques qui, à leur naissance, ont été foulées aux pieds et n’ont appelé sur leurs auteurs que la haine ou le mépris.

C’est que, je l’ai dit, l’homme est niveleur de sa nature ; il prend en défiance les sommités qui dominent la foule ; il lui en coûte de sortir de sa sphère habituelle pour s’élever dans ces régions sublimes et vierges encore où veulent l’entraîner quelques intelligences d’élite, qu’un rayon d’en haut est venu guider dans leurs courses. Oh ! pourtant, dussent-ils se tromper ces hommes, vous leur devez quelque reconnaissance, au moins pour les veilles passées à l’étude, pour les sacrifices patiemment endurés, pour l’injustice dont assez d’autres,

sans vous, sauront les poursuivre. Dussent-ils se tromper, je vous dis que les sueurs de leurs fronts ne seront pas stériles, qu’une fois répandues sur le sol qu’elles arrosent, elles y feront éclore, si ce n’est aujourd’hui ce sera demain, quelque semence féconde, quelque fi nit précieux dont le monde un jour sentira bien le prix.

.Nous n’avons certes pas la prétention d’apporter au monde scientifique une idée nouvelle, chose rare et précieuse en notre temps, comme toujours; nous voulons seulement indiquer de quel point de vue nous envisageons l’étucle du magnétisme animal, dont les phénomènes ont été et sont encore ;i présent combattus par des raisonnements aussi bien que par la plaisanterie.

Raisonnements et plaisanterie, si nombreux et concluants que soient les uns, si ingénieuse que l’autre se fasse, ne prévaudront pas contre des faits rigoureusement observés et rapportés avec conscience par des esprits sans partialité.

Mais comment croire ce qui est absurde? demande-t-on. Comment ajouter foi à des faits en opposition complète avec les lois du bon sens?

Pour crier à l’absurde, à l’impossible, à l’inexplicable, quelques conditions préliminaires me semblent nécessaires :

1° Connaître exactement les limites du raisonnable et du possible; 2° n’être pas habitué regarder comme possibles et raisonnables des phénomènes tout aussi difficiles à expliquer que ceux qu’on refuse d’admettre. Or, je le demande, est-il un homme au monde qui puisse dire qu’il satisfait pleinement ces conditions? Qui vous prouve, lui répondrai-je, que ce que vous croyez impossible l’est en effet ? Qui osera, comme Dieu à la mer, poser des limites au possible? L’expérience... Mais l’expérience ne rétrograde pas, j’imagine : elle avance, s’accroît de siècle en siècle, d’année en année, de jour en jour; si bien que l’expérience de demain sera plus vieille et plus complète que celle d’aujourd’hui ; si bien que l’expérience de demain pourra démontrer comme existants des faits que vous niez aujourd’hui... Hier, vous l’avez vu, on niait la puissance de la vapeur; aujourd’hui

on l’applique à tout comme force motrice. Hier, car un siècle n’est rien dans la vie de l’humanité, on eût ri du médecin qui, avec une goutelette de liqueur transparente, eût prétendu neutraliser le germe destructeur de la variole; aujourd’hui la vaccine a répandu ses bienfaits sur la terre. Si la pensée de Newton n’eût pas conçu et formulé les grandes lois de l’attraction, celle-ci serait peut-être encore une impossibilité, et nous ririons de celui qui prétendrait que la pesanteur retient les astres dans leur orbite.

Dites que tel phénomène vous semble incroyable, qu’il répugne à votre raison d’en admettre l'existence; libre à vous; vous êtes dans votre droit; car c’est là une affaire de conscience ou même de réflexion, si bon vous semble. Mais l’impossible, sachez-le donc, est de sa nature chose absolue, invariable, n’admettant jamais ni le plus ni le moins. Il est impossible que deux et deux fassent plus ou moins de quatre, ou bien toute certitude mathématique serait détruite. Il est impossible que les monstrueusès amours de Pasiphaé deviennent fécondes ; car ce serait le renversement des lois éternelles établies par Dieu. Voilà pour la première condition. Quant à la seconde, quelles merveilles ne voyons-nous pas tous les jours, que nous sommes habitués à regarder connue choses naturelles, quoique, en vérité, notre embarras fût grand s’il fallait en présenter une explication tant soit peu satisfaisante. Un homme est tourmenté de longues et pénibles insomnies; quelques atomes d’opium lui rendent le calme et le sommeil. Cette jeune fille est en proie aux douleurs d’une fièvre pernicieuse; c’est le second accès déjà, vienne le troisième ou tout au plus le quatrième, elle aura vécu ; mais le médecin a reconnu la nature du mal qui la menace, il administre le quinquina... la santé revient comme par enchantement. Un garçon de dix-sept ans est mordu par un chien qu’il ne croit pas enragé ; il en est quitte pour quelques déchirures de la peau, passe plusieurs mois sans avoir un seul jour interrompu ses travaux habituels ; mais, malheur! une parole indiscrète lui apprend que l’animal dont il fut mordu a, dans le même jour, inoculé le virus à

d’autres animaux qui sont morts enragés. L’infortuné rentre cljcz lui, annonce qu’il va être pris de la rage, et le lendemain il meurt dans (l’affreux accès d’hydrophobie. Oh ! je vous le demande, si l’opium fait dormir, savons-nous pourquoi? Oui, comme le personnage de Molière qui répond; parce qu’il a une propriété soporifique ! Savons-nous pourquoi le quinquina triomphe de la fièvre ? ¡Nous voyons des phénomènes qui se succèdent ; mais de là à les comprendre, à les expliquer les uns par les autres, il y a loin. Et la rage, que vous en semble? Comment l’inoculation du viras producteur est-elle suivie souvent d’effets immédiats, tandis que, dans le cas cité plus haut et dans un grand nombre d’autres analogues, il n’a manifesté sa présence qu’après un long temps écoulé ? 11 sommeillait donc au sein de l’économie, comme l’étincelle cachée sous la cendre peut produire un incendie si une cause vient à la réveiller? ou plutôt, l’effroi produit par une imprudente révélation a-t-il suffi pour développer un mal qui, sans lui, ne serait pas né? L’imagination seule est donc assez puissante pour devenir, sous le moindre choc qui l’ébranle, un foyer de désordre et de destraction.

Si la terreur, c’est-à-dire un agent immatériel, insaisissable, moral, peut produire des ellets physiologiques ou pathologiques plus ou moins remarquables ; si l’imagination plus ou moins fortement frappée mène à l’hydrophobie, et personne ne peut mettre en doute de telles causes et de tels ellets, qui osera dire que l’homme est un simple agrégat de molécules, arrangées de telle ou telle sorte ? Qui osera dire qu’étant matière, il ne peut être impressionné que par des corps matériels comme lui? Qui osera dire que le magnétisme, le fluide magnétique, par cela seul qu’il échappe à l’analyse de nos sens, est un être idéal fictif, hors d’état, en aucun temps, eu aucune circonstance, de modifier, n’importe comment, l’état habituel de l’homme qui lui est soumis?

S’il est vrai que l’aiguille aimantée se dirige invariablement vers un même point de l’horizon ; s’il est vrai que l’aimant appelle le fer par des propriétés dont l’essence intime

nous est entièrement inconnue ; s’il est vrai enfin que la terre est un vaste réservoir magnétique dont la force occulte agit sur un grand nombre de corps et peut être augmentée, diminuée, changée par des causes naturelles, comme les tremblements de terre, les éruptions volcaniques, les aurores boréales, pourquoi donc l’homme, ce petit monde des anciens, l’homme sur lequel l’électricité, le galvanisme, ont une influence incontestable, ne serait-il pas susceptible, dans des circonstances particulières, de recevoir d’un autre homme un ébranlement, une modification tels qu’il en résulte certains phénomènes dont l’ensemble constitue le magnétisme animal ?

Certes, à priori, je ne vois rien là qui répugne à l’esprit, soit que ces phénomènes aient pour cause productrice le système nerveux dont la nature et la puissance pour nous sont couverts encore d’un voile épais, soit qu’ils dérivent d’un agent particulier, d’un fluide inconnu qui ne se révèle que par ses effets incontestables. Ces effets eux-mêmes, en rejetant tout ce qui n’a pas été observé par des hommes dignes de foi, tout ce que le charlatanisme a trouvé moyen d’y ajouter de merveilleux (le charlatanisme se glisse partout), qu’offrent-ils donc de si étrange que nous ne puissions rien leur trouver d’analogue dans certains états de l’économie? dans le sommeil, par exemple, etsurtout dans le somnambulisme naturel ? Pour ne parler que de ce dernier, quel est le sens, je vous prie, qui veille alors que le monde extérieur semble étranger à celui qu’il possède? Les yeux sont ouverts, et pourtant ils ne voient pas, l’oreille ne perçoit pas les sons, le toucher seul peut-être s’exerce. Mais le toucher, si actif et développé qu’il soit, ne suffit pas à produire la merveilleuse adresse du somnambule ; l’habitude des lieux qu’il parcourt, des objets sur lesquels il agit, n’en rendra pas mieux compte ; car, essayez dans la nuit, les yeux ouverts, de vous diriger à travers les lieux que vous fréquentez tous les jours, de vous servir d’objets qui vous sont familiers, oh ! certes, vous serez loin de le faire avec facilité ; il vous manquera la lumière naturelle ou artificielle dont le somnambule n’a pas besoin ; il

vous manquera cette lumière intérieure, inexpliqué*, inmi -nuo, car la science en revient toujours au ii/nni m. celle lumière pour qui les ténèbres ne sont pas. qui peut • •• éclaire nos rêves, qui a fait les pythonisses et, dirai-je. 1rs prophètes !

Ce qui a lieu ainsi par une prédisposition individuelle toute particulière, 11e peut-il se manifester à la suite de l’action magnétique ? Et pour grouper en faisceaux distincts es faits relatifs au magnétisme animal, nous poserons les qu -lions suivantes :

Existe-t-il, en dehors des phénomènes réguliers «mm constituent la vie et la santé, d’autres phénomènes assez 1 marquables, assez exceptionnels pour avoir mérité un ¡111 particulier, celui de magnétisme animal ?

2“ Ces phénomènes sont-ils produits par un homme su autre, sans intervention d’agents matériels visibles, par I’ 1 fluence de la volonté sur la sensibilité, sur la foi, et j::. • l’intermédiaire probable du système nerveux?

3“ Le somnambulisme magnétique donne-t-il à celui i, en est atteint la faculté de suppléer aux sens dont l’exercice suspendu, par d’autres parties inaptes à de telles fonctions après comme avant le somnambulisme ? Le magnétisé voit -il sans le secours des yeux, par l’occiput, l’épigastre, etc.?

/r Se développe-t-il, sous l’empire du magnétisme, une aptitude particulière à découvrir certains objets ou certai.is faits plus ou moins éloignés, plus ou moins inconnus, de telle sorte que les distances ne paraissent plus exister ..i pour le temps ni pour l’espace ?

5° Cette puissance va-t-elle, chez celui qui n’est pas médecin, jusqu’à découvrir la structure intime de ses organes, à signaler les lésions dont ils peuvent être atteints, à indiquer les remèdes qui doivent être appliqués ?

6° Le magnétisme animal est-il, entre les mains du médecin qui sait le diriger, un moyen thérapeutique propre à combattre certaines maladies?

7° Inconsidérément ou trop longtemps employé, est-il susceptible d’amener lui-mêine le développement de quelques

maladies? C’est dire que l’élude du magnétisme doit Cire considérée sous le triple rapport de la physiologie, de la pathologie et de la thérapeutique.

Nous ne sommes pas magnétiseur ; nous ne sommes provenu ni pour ni contre le magnétisme; mais tout ce qui se rattache de près ou de loin à la science de la vie, tout ce qui, en particulier, a quelque rapport avec des phénomènes si complexes et si obscurs du système nerveux, nous semble d’une telle importance, que nous appelons de tous nos vaux l’examen des hommes sérieux sur les questions qui précèdent. Ce ne sont ni des incrédules ni des charlatans, ni la prévention injuste et irréfléchie, ni l’enthousiasme aveugle, qui feront jamais briller la lumière là où est encore incertitude et ténèbres.

Dr T. IUDART.

Nota.— Depuis la rédaction de cet article, deux médecins sont venus à Angers étaler en public le spectacle des phénomènes merveilleux obtenus par l’action du magnétisme. A ce sujet, nous avons engagé et soutenu contre un journal de la ville une discussion dans laquelle nous combattions, en grande partie, au moins, les prétentions des magnétiseurs. Vainement nous avons essayé de les amener l’examen et au jugement de la Société de médecine. Ces messieurs se sont contentés de répondre par une fin de non recevoir, fondée sur la prévention défavorable du corps médical et sur son inaptitude à comprendre les phénomènes magnétiques. Quoi qu’il en soit, nous séparons le magnétisme des magnétiseurs, et nous persistons ù. appeler de nouvelles études et des recherches consciencieuses.

Dr n.

Le Gérant : I1ÉBE11T (de Garnay).

CONTROVERSES.

THÉORIE DU MAGNÉTISME.

(3' article. — Voyez page 337.)

Pour expliquer une chose, même tle travers, ¡1 faut avoir au moins une idée de cette chose, afin que, si l’interprétation en est fausse, du moins le fait auquel on l'applique mal

propos soit exact et réel. Or, c’est ce que n’a pas compris M. Segond, qui prétend nous donner la Théorie positire des phénomènes magnétiques et qui ne les connaît même pas. Ainsi, pour lui, « l’extase, beaucoup moins fréquente que le simple assoupissement, est ce qui caractérise le sommeil magnétique, » tandis qu’il n’y a pas de débutant magnétiseur, si inexpérimenté en théorie et en pratique soit-il, '|iii ne sache que, entre l’assoupissement, premier et plus simple degré du sommeil magnétique, cl l’extase, qui en est la période extrême et la plus intense, il se trouve cinq autres .'e-giés intermédiaires, parmi lesquels les quatrième ei cinquième constituent le somnambulisme proprement dit (J). Aussi, quel désordre dans les idées ! Quelle confusion dans l'analyse ! Quel chaos de mois et de choses!

Dans cet élal (l’extase), la croyance ou demi-croyance à titi pouvoir Lotit puissant développe dans l’esprit !a patient des ¡maires abstraites d’une intensité telle que t u • contemplation concrète est abolie. »

'.ci se rapporte aux deux modes de contemplation inventés |>ai il. Segond et dont l’un, le concret ou syulhéti

(l; i't>ui cett»: da-•iiicutiou , le Petit OUhè'JtiiiM !•. M 1U*!•.* ! y .'lition, i>. ¿0.

XcJii: XIV. — — -23 jriLLLi îSjj. il

que, se rapporte aux êtres et procure des notions réelles, et l’autre, l'abstrait ou analytique, se rapporte aux événements, et probablement procure des notions fausses. Or, il résulterait de là que, chez l’individu en état d’extase telle qu’il la dépeint, la contemplation abstraite agissant seule, celui-ci ne devrait être absorbé que par les événements, et jouir d’une faculté analytique toute particulière ; et comme

« Les organes méditatifs viennent encore s exercer sur les produits de la contemplation abstraite, l'extatique peut elfcc-tuer une série de raisonnements assez cohérents ; et si, de plus, les impressions auditives commencent à s’opérer, il peut s’établir entre le magnétiseur et le magnétisé des rapports assez suivis; mais dans les cas réels d’extase, les réponses du sujet sont aussi vagues que celles de la sybille, et au milieu des croyants, le magnétiseur les interprète toujours à la grande admiration de tout le monde. »

Telle est l’extase, suivant M. Segond. Maintenant, ouvrez le premier venu et le plus élémentaire des traités de magnétisme, observez le premier extatique que vous présentera votre pratique ou qui sera soumis à votre examen, et vous lirez daus l’un, vous constaterez chez l’autre les caractères réels de l’extase, c’est-à-dire : attitude de rêverie, mutisme absolu, raideur cadavérique ; surdité qui isole mîme du magnétiseur, domination par une idée unique, presque toujours religieuse; agenouillement ; jonction des mains comme pour la prière; ravissement de l’esprit se manifestant parfois par des exclamations et exprimant le désir de mourir; enfin, dans des cas excessivement rares, audition parle creux de l’estomac et le bout des doigts et communication de pensées par une sorte de pénétration intime des âmes.

Voilà comment M. Segond a observé ! Aussi n’est-il pas étonnant qu’il dise ensuite avec une naïve complaisance :

i, Les phénomènes convulsifs s’expliquent encore plus facilement que les phénomènes du somnambulisme. »

Et ileite, à l’appui de cette proposition, certains miracles frauduleux dont les ellets étaient de produire sur les assistants crovants des émotions profondes ou des convulsions; mais,

par cela seul qu’il y avait fraude, comme l'ont démontré les investigations judiciaires, il y avait, non pas un miracle réel, mais la simulation d’un miracle auquel il n’y a rien d’extraordinaire que le témoignage des sens ajoutât foi et dont le moral devait naturellement subir le contre-coup. La statue, dont il parle, inclinait réellement la tète, le tableau saignait réellement, et le spectateur, abusé dans sa piété par de coupables manœuvres, voyait bien s’accomplir sous ses yeux un fait positif matériel, une image concrète du dehors et non une hallucination abstraite intérieure. Ils voyaient les choses comme elles étaient ; le fluide n’avait rien à faire là, entre la statue ou le portrait et les convulsionnaires, etees faits, que la physiologie la plus simple suffit à expliquer, n’ont rien de commun avec les crises curatives produites par l’action magnétique directe, que M. Segond passe complètement sous silence, probablement comme trop faciles à expliquer aussi.

Toutefois, M. Segond, jugeant nécessaire de donner plus de force à sa logique par une intervention personnelle, un argument ad hominem irrésistible, après avoir cité ces faits dans lesquels, suivant lui, « une croyance suffisante nous place dans la situation de Don Quichotte (encore Don Quichotte) et nous fait voir au-dehors ce que nous voyons au-dedans, » M. Segond, disons-nous, ne craint pas de nous faire une touchante confidence, pleine d’une mélancolie rétrospective, à la façon d’un Richelieu du quartier latin.

« Et nous tous, qui avons commencé par rire d’une pa reille simplicité (celle des témoins du miracle qu’il cite), que de fois, sous d’autres impulsions, n’avons-nous pas éprouvé des hallucinations semblables ! Qui peut se flatter de n'avoir été souvent, surtout pendant l’âge heureux des illusions, trompé par des images subjectives ? Quelle est l’existence dans laquelle 01111e retrouve pas un peu du Don Quichotte ? »

Et de trois!... Décidément le chevalier de la Manche est le héros de M. Segond, et nous 11e sommes plus surpris qu’avec une admiration aussi exclusive pour ce célèbre halluciné, M. Segond 11c veuille voir partout qu'hallucinations et nous dise :

« Je le répète, c’est dans une telle disposition cérébrale que se trouve l’explication de tous les elfets singuliers du magnétisme, abstraction faite de toutes les jongleries dont on l’a entouré, effets variables suivant les pratiques du magnétiseur, suivant la crédulilité et la disposition cérébrale du magnétisé. S’il s’agissait d’un agent aussi puissant qu'on le dit, personne ne pourrait s’y soustraire ; non, sans doute, tandis que l’on ne magnétise pas (pii l’on veut. Ceux qui résistent le mieux sont ceux qui ont le gros bon sens ou de vraies connaissances positives. Les plus sensibles sont les esprits métaphysiques; il n’est peut-être pas un idéologue en mesure de se soustraire à l’émotion humiliante (juc peut faire éprouver le plus grotesque des magnétiseurs. »

Il est évident qu’avec la disposition cérébrale de M. Segond, je veux dire celle dont il parle et qui fait la base unique de son système, il explique facilement un état extatique de sa composition, inventé pour le besoin de sa cause ; mais pourquoi ne nous explique-t-il pas également certains autres phénomènes qui ont cependant bien quelque mérite aussi, tels que la catalepsie, l’insensibilité, l’abolition des sens, dont il a grand soin de ne pas due un mot? C’est que l’hallucination ne rendrait pas aussi facilement compte de ces faits matériels que de ceux qu’il lui a plu d’arranger pour l’extase. Il est vrai qu’il aurait eu la ressource de recourir à la jonglerie.

Ainsi le cas de Starin, malade à l’Hôtel-Dieu, à qui le D‘ llécamier applique lui-même un moxa sur la cuisse droite, et produit une escarre de 17 lignes de longueur et de 11 de largeur sans que le somnambule donne la plus légère marque de douleur, soit par cris, mouvements ou variation du pouls. Jonglerie sans doute?

Celui de la dame Plantain, opérée par le célèbre chirurgien Jules Cloquct, sans éprouver la moindre douleur d’une des plus cruelles «opérations, celle du cancer au sein. Jonglerie aussi ?

L’amputation de la cuisse, opérée, sans douleur, en ISA», à Cherbourg, sur une jeune personne, par les D1 Loyselut Gibon. Jonglerie ?

Assez de citations comme cela. Nous n’en finirions pas si nous voulions rapporter ici les milliers de faits semblables acquis à la science et auxquels M. Segond ne trouverait pas de réponse dans sa théorie cérébrale. On ne se laisse point couper une jambe ou enlever un sein sans crier, par crédulité ou par complaisance, et il a agi prudemment en passant cette série de phénomènes sous silence ; mais a-t-il agi loyalement? C’est une autre question.

Quant à ne point magnétiser qui l’on veut, M. Segond est dans le vrai en parlant ainsi, s’il a entendu par là que les effets sonmambuliques ne peuvent être obtenus indifféremment sur tous les individus ; mais s’il a voulu dire que l’action magnétique était sans influence d’une manière quelconque, il est dans une erreur complète, car cette action a lieu toujours à un degré plus ou moins énergique, quoique quelquefois latente dans le moment immédiat, mais se manifestant plus tard par une modification pathologique ou physiologique, et souvent à l’insu de celui qui la subit. En tout cas, nous ne saurions comprendre la distinction que M. Segond veut établir dans ses catégories d’individus plus ou moins influençables, car il y a contradiction évidente dans l’appréciation qu’il en donne. De deux choses l’une : ou ce sont ceux qui ont le gros bon sens, comme il le dit, ou ce sont ceux qui ont des connaissances positives qui résistent le mieux ; mais à coup sûr ce ne peut pas être l’un et l’autre; car autant vaudrait dire que personne ne peut être magnétisé, à l’exception des crétins ou des idiots, et lui-même déclare, deux lignes plus loin, que les plus aptes à subir l’action magnétique sont les idéologues et les esprits métaphysiques : or, il nous semble que, parmi ces derniers, ce n’est d’ordinaire, ni le sens, ni les connaissances qui manquent. Non, ce ne sont pas plus ceux-ci que ceux-là. M. Segond veut encore systématiser ici ce qui ne peut point l’être, et le magnétiseur, fût-il aussi grotesque qu’il peut plaire au bon goût de M. Segond de l’imaginer, l’action du fluide, l’action physique et psychique à la fois, dans des proportions indéterminables, aura lieu sur tout individu qui s’y soumettra, et

se manifestera plus ou moins énergiquement, suivant que l'organisation de celui-ci sera plus ou moins apte à la recevoir, peu importe qu’il soit savant ou illettré, métaphysicien ou matérialiste, organiciste ou vitaliste. Et si cette règle générale devait être modifiée par des exceptions, ajoutons qu’elle le serait plutôt encore dans le sens diamétralement opposé \ celui que se figure M. Segond, car il est reconnu que les somnambules les plus nombreux et les plus remarquables ont été rencontrés presque toujours parmi la classe des cultivateurs et des gens de métiers, classe dont le bon sens et les connaissances positives sont beaucoup plus reconnus que le penchant à l’idéologie.

Voilà ce que saurait Al. Segond s’il avait expérimenté lui-même ou observé seulement ce qu’il veut expliquer; c’est ce qu’il n’a point fait, aussi est-ce chose admirable que l’assurance avec laquelle il ose écrire les lignes suivantes :

(. Le profit qui revient à la science d’une telle discussion, c’est l’observation d’une masse de faits propres à éclairer la nature humaine. Et pendant que les grands problèmes de la vie végétative cèdent chaque jour quelque chose à l’expérimentation ; tandis que la physiologie éclaire déjà les questions complexes de l’action des nerfs, nous voyons autour de nous de purs empiriques provoquer les phénomènes les plus intéressants pour l’établissement des fonctions cérébrales et pour la théorie d’un grand nombre de maladies du cerveau. En un mot, les personnes les moins faites pour apprécier l’action du moral sur le physique sont celles qui ont aujour-d’hui le monopole des expériences les plus propres à le dévoiler. Que la physiologie et la pathologie interviennent donc pour ravir aux charlatans des artifices dont elles apprécieront mieux la valeur et dont elles tireront de vrais résultats scientifiques. »

Et à qui la faute, monsieur Segond, si cette science, dont vous êtes obligé de reconnaître la fécondité, se trouve exclusivement entre les mains de ces hommes que, sans distinction ni exception, vous ne craignez pas de frapper en masse du nom d’empiriques et de charlatans? A qui la faute? A vous ou à nous? A nous, constamment et dédaigneusement repoussés, sans examen, dans nos instances pour que les corps savants

sc saisissent en effet de la science que nous leur apportons et recueillissent les fruits de l’arbre que nous avons cultivé à la sueur de nos fronts et que nous leur abandonnions ? ou à vous, médecins et membres des académies qui, par ignorance, par orgueil ou par cupidité, par tous ces trois mobiles à la fois peut-être, avez toujours redouté la récolte de ces fruits qui venaient détruire une à une vos doctrines routinières, démontrer l’inanité de cette vaine science dont vous êtes si superbes, parce que le vulgaire ne la comprend pas (la comprenez-vous vous-même?), et apporter la vie là où vous ne semez que la mort? Quels sont les vrais coupables de vous ou de nous, encore une fois? Non, non, l’humanité, sachez-le, ne s’y trompe pas, et c’est à son tribunal que vous et les vôtres serez cités par l’histoire pour répondre de la proscription du magnétisme, comme vos prédécesseurs ont à répondre de celle de la circulation du sang, de la vaccine, de l’émétique et de tant d’autres bévues scientifiques qui, par les résultats mortels qu’elles ont produits, sont devenues des crimes.

Laissons cela et passons à la dernière partie de la question au point de vue de M. Segond : « du degré d’utilité pratique du magnétisme animal, * qu’il divise en deux questions techniques : l’une relative à son emploi comme procédé expérimental, l’autre à son administration comme agent thérapeutique, division à propos de laquelle il écrit ceci :

« Je me débarrasserai tout d’abord de cette dernière question (celle de la thérapeutique), afin de me consacrer, en terminant, à la première, qui me paraît offrir un véritable intérêt. »

Qu’en dites-vous? N’est-ce pas là un propos bien digne, par son insouciance et sa cruauté, de ces médecins dont nous parlions tout à l’heure? Eh quoi ! vous avez à votre disposition un agent spécial, unique, tout puissant, si vous «avez le comprendre et l’appliquer avec discernement; on vous le met en main, on vous le donne, et, au lieu de l’étu-dier dans ses propriétés curatives et bienfaisantes, vous ne songez à cette étude que pour vous en débarrasser et vous

consacrer, au lieu de ce noble et saint but, à l’examen de sa puissance connue producteur d’expériences plus ou moins curieuses qui seules ont de l’intérêt à vos yeux ! L’aveu est, 011 en conviendra, barbarement naïf. Voyons donc comment M. Segoud va se débarrasser :

« Pour bien juger le remède, dit-il, il faut ici rappeler quelques particularités sur son administration. J’emprunterai les prescriptions suivantes à diverses écoles. »

Et il cite en effet les procédés usités en 178(5 par la Société de l’Harmonie d’Ostende, ceux de Barbarin, élève de Mesmer et de l’abbé Faria, se contentant d’ajouter : « Telles sont les principales méthodes, plus ou moins modifiées par nos magnétiseurs modernes. » Voilà tout. Le bagage scientifique de M. Segond, on le voit, n’est pas lourd quant à l’étude des procédés dont la valeur a une certaine importance cependant, puisque, avec eux, varient les effets thérapeutiques obtenus. Sera-t-il plus riche dans l’exhibition des faits qu’il juge discutables? Non pas, et il se donnera bien de garde de rien citer. Il dit : « Voyons maintenant quels sont les effets curatifs. » Et il ne trouve pas autre chose à examiner et à apprécier que ce qui suit :

u Déplacement des douleurs par la main du magnétiseur.

« Valentin Greatrakes, qui tenait de Dieu le don des miracles, pratiquait en Angleterre, à la fin du dix-septième siècle, la médecine d’attouchement, et il déplaçait ainsi les douleurs. De nombreuses expériences nous ont depuis longtemps édifiés sur cette propriété.

« J’extrais, d’un mémoire de Desion, docteur régent de la Faculté de médecine de Paris, l’indication de quelques maladies contre lesquelles le magnétisme fait merveille :

« Marasme. « Flux hépathique.

« Cancer occulte. « Paralysie commençante.

« Obstructions compliquées. « Rhumatisme à la lôte.

« Jaunisse et pâles couleurs. « Contre-coup à la tôte.

« Ces titres seuls sont assez significatifs pour que je sois dispensé ici de tout commentaire. »

Ainsi M. Segond, qui d’abord avait paru vouloir demeurer stationnaire à son année de prédilection 178/i, se décide à

faire un pas... en arrière, et nous reporte en 1665 pour nous citer les pratiques magnétiques du chevalier Greatra-kes, qui, à cette époque, était si célèbre par les cures qu’il opérait, qu’il fut, l’année suivante, mandé ii la cour de Wite-liall, où il en opéra en grand nombre ainsi que dans les hôpitaux de Londres, auxquels il finit par se consacrer exclusivement. Le dédain avec lequel M. Segond traite ces faits en les qualifiant de miracles n’est pas plus de mise que la simple négation par laquelle il croit les anéantir, en disant vaguement que «de nombreuses expériences ont depuis longtemps édifié sur cette propriété de Greatrakes. » Les témoignages de Joseph Glanville, chapelain du roi et théologien distingué, du savant évêque de Dromore, des célèbres médecins Faireclow et Astelius, qui ont suivi soigneusement la pratique de Greatrakes et contrôlé les guérisons opérées par lui, enfin celui de la Société royale de Londres qui, par l’organe de son président, le fameux Robert Boyle, a soutenu la réalité des faits, tous ces témoignages éclatants, disons-nous, dont M. Segond a grand soin de ne pas nous parler, ont bien, quoi qu’il en pense, une valeur supérieure au sien ; et puisqu’il aime la citation de listes de maladies guéries par le magnétisme, nous lui offrirons précisément celle des cures de Greatrakes ; il pourra la comparer avec celle qu’il emprunte à Desion :

«Paralysie. « Fièvres de tous genres.

r Cécité. « Goutte sciatiquo.

« Surdité. « Tumeurs.

« Hydropisio. « Cancers.

« Pleurésie. « Scrofules.

Qu’en pense M. Segond ? Et si les titres de Desion (nous voilà revenus à 1784) lui semblent si significatifs, que dira-t-il de ceux-ci?

Maintenant nous passons à 1785 et à l’extrait de la correspondance de la Société royale de médecine relativement au magnétisme animal, donné par Thouret.

« On sait que la méthode magnétique s’était répandue dans toutes les provinces. Or, les différents corps de médecine qui en surveillaient les effets s'élevèrent unanimement

contre ce prestige, et surtout contre les inconvénients île ces pratiques ; ils s’appuyaient en cela sur un grand nombre d’observations dans lesquelles il y avait eu aggravation do maladie et surtout beaucoup de cas d’aliénation mentale développé par ces procédés. »

Aussi Tiiouret conclut-il, d’après une grande quantité de documents :

« Qu’il n’y a en France aucunes compagnies de médecine qui aient adopté la doctrine du magnétisme animal; qu’elles ont fait, au contraire, tous leurs efforts pour combattre cotte erreur ; que les facultés, les collèges, les corps des médecins; même dans les petites villes, sont d’accord à ce sujet, et la Société de Paris étant la seule compagnie qui entretienne une correspondance très-étendue avec tous les médecins de ce royaume, c’était à elle à apprendre le résultat au public.

« lit, ajoute-t-il, nous savons par notre correspondance que la doctrine du magnétisme n’est adoptée dans aucune des universités des villes étrangères. »>

Voilà ce que disait Thouret en 1785, et voici, sans autres études, sans autre examen, sans ajouter un mot à ces conclusions surannées, ce que conclut à son tour M. Segond en 1854 :

« En résumé, si l’on veut considérer sérieusement les véritables guérisons opérées par les magnétiseurs, on verra qu’elles ont la même valeur que les guérisons de la médecine sympathique, et que l’on guérit avec le fluide magnétique comme Pyrrhus guérissait les maladies de la rate par des frictions opérées avec l’orteil de son pied droit, propriété qu’il partagea avec Achille et Vespasien. »

Que Thouret parlât ainsi qu’il l’a fait, cela se comprend encore jusqu’à un certain point. Le magnétisme venait de renaître sous les mains de Mesmer ; le merveilleux de la découverte et sa nouveauté portaient naturellement au doute ]es meilleurs esprits auxquels l’étude et les observations manquaient encore ; les faits étaient peu nombreux et vivement controversés ; les expérimentateurs étaient rares, peu instruits eux-mêmes et ne connaissaient pas encore toute la puissance de l’agent dont ils recherchaient les effets. De plus la persécution était ardente ; l’anathême des corps savants,

effrayés (le cette lumière qui commençait à poindre, menaçait quiconque de leurs membres eût osé professer l’hérésie naissante. Thouret avait donc raison de dire que la doctrine nouvelle n’était adoptée nulle part et. que dans les petites villes même le corps médical la repoussait.

Mais en dirait-il autant aujourd’hui? Et M. Segond peut-il de bonne foi appliquer les paroles de Thouret sur l’état du magnétisme de son temps au magnétisme tel qu’il est devenu de nos jours? Que la très-docte académie de médecine de Paris continue à le repousser avec une opiniâtreté digne d’un meilleur sort, cela est vrai encore, et nous savons, tout le monde sait pourquoi. Mais la correspondance que celle compagnie en/relient avec tous (es médecins de l’empire, si elle était publiée aujourd’hui, n’apprendrait-elle pus au public des résultats bien différents de ceux de Thouret? Sans parler de Paris, où ils abondent, il n’v a peut-être pas dans toute la France une seule ville, si peu importante soit-elle, qui ne compte dans son sein plusieurs médecins magnétiste.s. Parmi les confrères de M. Segond, il y en a autour de lui et des plus illustres, qui ne croient pas au-dessous de leur dignité et de leur science d’étudier, de pratiquer ou d’autoriser le magnétisme. Dans toute l’Allemagne, en Suède, en Danemarck, en Angleterre, en Amérique, le magnétisme a deschaires et des hôpitaux. Et les uns et les autres ne lui ont été accordés qu’après qu’il a eu fait ses preuves et démontré que les guérisons qu’on lui doit ont une valeur que M. Segond et consorts seuls peuvent nier ou faire semblant de méconnaître. Une bouffonnerie peut être fort gracieuse dans un salon, même dans la bouche d’un médecin qui veut ótre bouffon, mais, dans une discussion scientifique, elle est peu à sa place et à son agréable citation de l’orteil de Pyrrhus, nous nous contentons de répondre par une autre citation, une seule, mais un peu plus sérieuse et un peu moins contestable.

Le ‘28 février 182fi, une commission permanente de onze membres est nommée par l’Académie de médecine, afin d’examiner, de faire un rapport sur le magnétisme. L’un d’eux.

le docteur Itard, est magnétisé à plusieurs reprises par RI. du Poiet et éprouve immédiatement des ellets très-sensibles, puis se trouve, par suite de cette magnétisation, guéri en deux jours d’une entérite chronique dont tous les remèdes de la médecine n’avaient pu le débarrasser, et il vient lui-mème en adresser ses remcrciments à M. du Potet.

Nous n’en dirons pas davantage, et nous ne voulons point métamorphoser ce travail de quelques pages en un in-folio de procès-verbaux contenant le récit des guérisons authentiques obtenues par le magnétisme. Que M. Segond se contente de consulter les docteurs Husson, Georget, Filas-sier, Fouquier, Cloquet, Guersent, en France; Klliotson, Gregory, KorciT, .en Angleterre; Huileland, Esdaile, Wol-lart, à Berlin; Malfatti, à Vienne; Stofïreshen, en Russie; et il pourra, de ces maîtres illustres, apprendre que l’action curative du magnétisme n’est point, comme il lui plaît de le dire, une pure illusion.

Mais, pour dire ici franchement notre pensée, nous croyons que toutes les lumières réunies des plus grands praticiens ne parviendraient pas à pénétrer la robuste opiniâtreté de M. Segond, ou son mauvais vouloir non moins opiniâtre qui fait dire :

* Ce n’est pas assez d’établir qu’un magnétiseur ne guérit rien; il faut établir qu’il rend malades ceux qui ne le sont pas et plus malades ceux qui le sont. »

Après ces paroles nous sommes en droit de conclure qu’il y a évidemment chez lui un parti pris d’hostilité incurable, et qui, suivant sa Théorie positive des fonctions cérébrales, caractérise une monomanie bien établie.

Finissons-en donc. Avec l’hallucination on ne doit point discuter ; avec la mauvaise foi on ne le peut pas. Que M. Se-gond se donne à lui-même un satisfecit pour le système qu’il a si laborieusement mis au jour, c’est une jouissance qu’il ne se refusera certainement pas et à laquelle nous l’abandonnons volontiers. Et, pour n’être point en reste avec lui, nous ne craignons pas, nous, de lui faire trop d’hou-

neur en lui appliquant ces paroles de Dezeimeris, un autre matérialiste :

« Comment espérer d’obtenir par des discussions l’abandon d’un système dans lequel on se complaît, dans lequel un s’admire, dans lequel 011 se sent fier de posséder un génie capable de pénétrer les mystères de notre existence et d’expliquer les merveilles de l’univers ! »

Quand nous disons que nous ne voulons pas être en reste avec M. Segond, nous nous trompons. 11 y a un point sur lequel nous demeurerons toujours en arrière, un terrain sur lequel nous 11e le suivrons jamais, c’est celui des inconvenances de langage et du manque d’égards. Même avec un adversaire le bon goût 11’est pas de trop, et il y a des expressions dont la discussion même la plus ardente ne justifie pas l’emploi. C’est donc avec un regret sincère que nous avons vu M. Segond, enveloppant dans une injure générale une classe d’hommes, égarés peut-être, suivant lui, dans une voie qu’il croit absurde, mais honorables après tout par leur caractère, leur amour de la science et leur persévérante recherche de la vérité, s’oublier jusqu’à user de la qualification de « charlatans, d’idéologues de bas étage, d’imposteurs ou de sots vaniteux, etc., etc. » Qu’il flétrisse de ces épithètes les spéculateurs éhontés qui abusent du magnétisme dans le but de satisfaire leur cupidité en prélevant un impôt sur la crédulité des ignorants, nous dirons qu’il a cent fois raison, et, nous les premiers, nous avons prouvé et nous prouvons tous les jours que nous considérons comme un devoir de flageller, non seulement par le mépris, mais par la mise au jour la plus éclatante, les honteuses manœuvres de ces frelons qui viennent souiller notre ruche. Mais cette flétrissure ne doit pas retomber sur la science elle-même, ni être jetée à la face de ceux qui ont le droit de s’honorer du titre de magnétiseurs.

Eh! mon Dieu! la médecine n’a-t-elle pas aussi ses empiriques, et 11’a-t-elle point été de tout temps, n’est-elle point encore exploitée par le charlatanisme le plus effréné? Le corps médical en est-il moins honorable pour cela, et la

profession de médecin doit-elle être avilie parce que parmi eux il s’en trouve d’indignes d’en porter le nom ? Pour nous, nous sommes persuadés du contraire. Nous ne voudrions pas prendre la peine de faire l’honneur de discuter avec des gens que nous estimerions si bas. Nous respectons nos adversaires, parce que nous avons le droit et la volonté d’en être respectés. Aussi quand nous nous trouvons en face d’eux, laissant Sacripant, àRodomont et à tous les héros de l’A-rioste les déiis injurieux dont ils sont si prodigues , nous sommes heureux de nous rappeler, pour imiter nos pères, que nous sommes les descendants de ces gardes-françaises qui saluaient les Anglais àFontenoy avant de faire feu sur eux.

Que M. Segond, dans sa polémique, prenne exemple sur nous, et s’il n’a point raison dans le fond, du moins il n’aura pas tort par la forme. Nous n’avons point l’honneur de le connaître, et nous entendons parler de lui pour la première fois; mais s’il est aussi arriéré dans l’étude delà science qu’il doit professer, il a cependant droit à quelque indulgence, absorbé qu’il est, nous assure-t-on, par le culte exclusif qu’il rend à une des neuf sœurs du Parnasse. A laquelle de ces divinités classiques s’adresse son encens ? Est-ce Euterpe ? est-ce Terpsichore ? Peu importe. En tout cas il doit aimer à être vu ou écouté. Eh bien! qu’il apprenne à voir et à entendre à son tour. Nous ne lui demandons que cela pour juger sainement le magnétisme, et la conviction lui viendra de force. Mais s’il se refuse au témoignage de ses sens, si, comme ces pécheurs endurcis dont parle le Psal-miste, il a des yeux pour ne point voir et des oreilles pour ne point entendre, il nous forcera à lui dire :

Vous avez lu l’article de Montègre dans le Dictionnaire des sciences médicales, et vous trouvez fort remarquable ce travail qui date de 181*2. C’est un des trois ouvrages auxquels, de votre aveu, se bornent vos études théoriques en magnétisme. Eh bien 1 puisque vous aimez les articles des dictionnaires, veuillez prendre la peine d’ouvrir le Dictionnaire de médecine publié en 1825. Entendez bien qu’il sagit ici de la première édition et non de celle de 1832, dont vos

pareils ont réussi à faire disparaître ce qui les gênait. Or, à l’article Magnétisme de cette première édition (1) écrit par un homme dont le nom fait loi dans la médecine, dont le savoir est profondément considéré même à l’Académie, par un homme qui est votre supérieur dans la chaire, comme par l’âge, l’expérience, la pratique, le savoir et la réputation, à cet article, disons-nous, vous trouverez quelque chose à apprendre encore. Mais, bien mieux, vous devez avoir, dans quelque coin obscur de la bibliothèque dont vous tenez les clefs une brochure publiée pour répondre aux attaques dont cet article avait été l’objet. Cherchez-la bien ; elle doit être dans le plus voilé de vos rayons, avec les ouvrages à l’index, et les opinions proscrites , vous y lirez, avec quelque fruit peut-être les raisons que l’auteur donne de sa conviction.

Les indications que nous venons de fournir à M. Segond sont très-précises, et nous pourrions nous dispenser de lui nommer l’homme dont nous invoquons le puissant témoignage; mais pour qu’il ne se trompe pas, disons-lui que c’est le professeur Rostan.

Maintenant, que M. Segond veuille bien comparer ses opinions, en fait de magnétisme, à celles de son illustre confrère, et qu’il daigne ensuite répondre à ce dilemme très-élémentaire :

Ou, lui, M. Segond a raison, il est seul sage, seul savant ; sa théorie est réelle et sérieuse, et M. Rostan est un « idéologue de bas étage, » comme qui dirait un fou. Or, l’enseignement de M. Rostan étant très-suivi, il est à supposer que beaucoup de médecins sont, par sa faute, imbus de démence et d’erreur ; et, comme de tels êtres sont dangereux pour la santé publique, il faut l’envoyer à Charen-ton, afin qu’il ne pervertisse pas plus longtemps l’esprit de la génération médicale. Ou bien, c’est une des gloires de la médecine moderne, un des plus grands praticiens

(1) Il n'est pas inutile de noter ici que, dans cette édition, qui existe à la Bibliothèque impériale, le 15° volume, où se trouve l'article Magnétisme, est PLHOU.

et des plus savants professeurs et son appréciation du magnétisme est exacte ; et, dans ce cas. c’est M. Segond qui

est.....dans l’erreur. Or, comme il professe aussi, les élèves

formés par ses leçons ne peuvent être que dans une fausse voie, et conséquemment la Faculté est coupable de leur avoir donné un tel maître.

Il n’y a pas de milieu, il faut choisir !

E. DE MALHERRE.

ÉTUDES ET THÉORIES.

JEANNE D’ARC.

Dernièrement on a rendu à Jeanne d’Arc d'éclatants hommages. La ville d’Orléans, délivrée par son héroïsme, lui a payé d’une manière pompeuse un tribut de reconnaissance. Le temps, loin d’affaiblir la vénération qu’inspire son souvenir, semble ajouter de jour en jour à la grandeur de cette noble et touchante figure. Le clergé, par la bouche éloquente d’un des prélats les plus distingués, a dignement célébré ses louanges et n’a pas craint de faire l’apothéose d’une victime de l’Eglise. C’est un riche et curieux sujet d’étude pour la science, que la vie si étrange, si prodigieuse de l’humble bergère qui a eu l’insigne honneur de sauver la France. Ses contemporains n’ont pas hésité à voir dans ses actes l’intervention miraculeuse. Les uns ont attribué à une action spéciale de Dieu tout ce qui leur paraissait s’écarter des lois naturelles, pendant que d’autres, frappés également du caractère surnaturel des mêmes événements, ont déclaré que c’était l’œuvre des démons ; et comme, au point de vue théologique, il n’y a pas de critérium pour distinguer les miracles de Dieu de ceux du diable, ou du moins, comme les prétendues règles posées à ce sujet sont arbitraires et capricieuses, il ne faut pas s’étonner de l’impuissance où l’on a été de part et d’autre d’arriver à une solution satisfaisante, et si chacun s’est prononcé suivant ses passions et ses intérêts ; de sorte que les Français ont salué comme envoyée de Dieu celle dont les miracles avaient puissamment contribué au succès de leur cause, tandis que les Anglais et les mauvais Français vendus à l’An-

gleterre ont maudit comme une affreuse sorcière, comme un émissaire de l’enfer celle dont les prodiges avaient changé leurs succès en revers.

Plus tard, l’école philosophique, systématiquement hostile aux miracles de toute espèce, éprouva un grand embarras pour apprécier Jeanne d’Arc. Partant de cc faux principe qu’on ne doit admettre que ce qu’on peut expliquer, et ne pouvant expliquer les actions de Jeanne d’Arc, elle se trouva amenée à les nier ou du moins à. les amoindrir, à les défigurer et à répudier une des gloires les plus pures de la France. Et dans la crainte que ces faits empreints d’une couleur chrétienne ne servissent la cause du christianisme, on alla jusqu’au dénigrement, jusqu’à l’outrage. De là, ce poëme célèbre, si étincelant comme œuvre d’art, mais si déplorable comme acte d’iniquité et d’ingratitude.

Les progrès de la science, et surtout l’avénement du magnétisme, permettent d’asseoir sur la vierge illustre de Domrémy, un jugement plus sain, plus rationnel. Nous comprenons enfin qu’on n’a jamais le droit de repousser un fait sous prétexte qu’il est embarrassant et qu’il s’accommode mal avec une doctrine préconçue. Les faits merveilleux qui abondent dans la vie de Jeanne d’Arc sont parfaitement authentiques et ne laissent rien à désirer sous le rapport de la certitude historique. Elle a eu des visions, elle a entendu des voix, elle a reçu d’une source mystérieuse des avis dont les événements ont démontré la sagesse, bien qu’ils fussent en contradiction avec l’opinion des hommes les plus expérimentés, et bien qu’on ait été fondé d’abord à les traiter de rêves insensés. Elle a reconnu le roi, qu’elle n’avait jamais vu, eteela, malgré les ruses employées pour la dérouter ; elle a montré une justesse de coup d’œil et un tact des affaires hors de toute proportion avec son éducation villageoise ; elle a prédit l’avenir en plusieurs circonstances.

Tout cela, sans doute, est très-étonnant, très-extraordinaire; mais de ce qu’elle a manifesté des facultés supérieures à celles du commun des hommes, s’ensuit-il qu’elle les devait à une intervention miraculeuse? Nous concevons qu’on

se soit prononcé pour l'affirmative dans un siècle d'ignorance où tout ce qui semblait s’élever au-dessus des faits vulgaires était réputé miracle ou nmvre de sorcellerie. Mais aujourd’hui, nous ne craignons pas de reconnaître que notre savoir est bien borné, et que, par conséquent, ne connaissant qu’une bien faible partie des lois de la nature, nous ne pouvons jamais affirmer, à l’égard d’un fait quelconque, qu’il soit contraire à ces lois. Les prodiges de Jeanne d’Arc ont la plus grande ressemblance avec ceux que produit l’extase naturelle ou artificielle. Les trembleurs des Gévènes, les convulsionnaires de Saint-Médard, et, île nos jours, bien des somnambules, servent à. expliquer des merveilles qui, aux yeux de l’enthousiasme, étaient réputées supérieures à l’humanité.

Bien des extatiques voient des apparitions et entendent des voix ; du moins ils le déclarent, et leur déclaration est sincère. Le Tasse, notamment, entendait des voix, et l’on n’a jamais songé à faire de lui un thaumaturge ni un possédé du démon. Mais ces voix ne sont entendues que de l’extatique ; lui seul voit les apparitions. Les personnes qui se trouvent avec lui ne voient rien, n’entendent rien. La perception est donc subjective et non objective. Tout se passe dans l’esprit de l’extatique ; il y a délire des sens, hallucination. Mille causes peuvent produire ce phénomène, qui tient le plus souvent à un état maladif et qui se manifeste aussi dans l'extase artificielle qu’amène le magnétisme. Tout le inonde connaît les hallucinations causées par l’emploi du haschisch ; le désordre amené dans l’organisme par cette substance suffit pour détérminer les aberrations les plus étranges et les plus variées. Le sujet voit successivement se dérouler devant lui le spectacle d’une infinité de choses qui n’ont aucune réalité; il converse avec des êtres imaginaires qu’il voit, qu’il entend, qu’il prétend palper; et, comme il n’est pas isolé du monde réel, si quelqu’un conteste l’existence de ces interlocuteurs fantastiques, il s’emporte, il assure que rien n’est plus réel que tous les êtres dont il fait la description.

Il y a de« personnes qui, sans aucune cause connue, arrivent à un état permanent d’allucinalion : certains bruits ou certains spectacles les suivent partout et les obsèdent. De là, la monomanie. Que la perturbation des sensations, au lieu de se borner à un objet déterminé, s’étende à un plus grand nombre, le sujet tombe dans la folie.

Que d’événements légendaires, d’anecdotes des vies des saints, d’histoires de démoniaques s’expliquent de cette manière ! Le caractère de l’hallucination est naturellement en rapport avec tout ce qui a fait l'objet des études et des conversations de la personne hallucinée, avec les impressions dont elle a été nourrie. Celui dont l’esprit a été frappé de la peur du diable verra des démons, le croira et se dira possédé. Celui qui s’est livré aux rêveries mystiques, comme sainte Thérèse, Mme Guyon, Marie Alacoque et tant d’autres voient les anges et conversent avec Jésus-Christ. Le criminel, poursuivi par ses remords, est obsédé par sa victime, qui sans cesse lui reproche ses forfaits et ne lui laisse pas un moment de repos. De nos jours, M. Ratisbonne, juif que depuis longtemps harcelait la propagande catholique, et auquel on avait répété à satiété que, s’il consentait à porter sur lui la médaille miraculeuse, la Vierge ferait un miracle pour le convertir, vit en effet la Vierge qui tint la promesse faite en son nom par ses émissaires. Le calviniste persécuté entendait des voix mystiques qui prophétisaient la chute du catholicisme ; le derviche entre en communication avec Mahomet, et ainsi de suite.

Quelle devait Être la nature des hallucinations de Jeanne d’Arc? Elle était animée d’une foi vive, d’un ardent patriotisme; elle entendait gémir sur les calamités de la guerre et accuser l’ambition du roi d’Angleterre qui voulait injustement dépouiller les fds de saint Louis de leur patrimoine ; son extase mit en action les sentiments dont elle était imbue. Elle se rendait souvent à l'arbre des fées qui, d’après la tradition, avait été le théâtre de nombreux miracles, et c’est là qu’elle vit les saints pour lesquels elle avait une dévotion particulière, et qu’elle reçut d’eux la mis-

sion de délivrer son pays et de chasser les Anglais. Le travail intérieur de son esprit suffit pour expliquer comment elle a cru voir et entendre tout ce qu’elle a raconté. Son exaltation a fait le reste en développant des facultés qui étaient jusque-là restées à l’état latent. Sa vue à distance, sa prévision, sa lucidité sont des attributs des extatiques de haut titre, et bien des somnambules présentent également ces magnifiques prérogatives.

En présentant cette explication, qui simplifie singulièrement un des événements les plus étonnants de notre histoire, nous sommes bien loin de vouloir abaisser en rien les vertus héroïques de Jeanne d’Arc, dont nous sommes un des plus fervents admirateurs. Bien plus, c’est à elle-meme que nous rapportons tout ce qu’elle a fait de grand, sans être obligé de recourir au concours d’êtres surhumains. Non pas que nous repoussions, en principe, l’existence de ces êtres et la possibilité de leurs communications .avec l’humanité, mais on ne doit attribuer à ces communications rien de ce qui peut s’expliquer par les lois connues, et la vie de Jeanne d’Arc est tellement conforme à tout ce que nous savons des effets de l’extase, qu’il n’y a aucunement besoin, pour l'expliquer, de faire intervenir les esprits ni de sortir du domaine de la psychologie humaine.

a. s. AIORIN.

ANIMISME. — MATÉRIALISME.

L'Ami de ïEvangile, journal qui compte en Suisse un grand nombre d’abonnés, vient de publier un article de psychologie qui a donné, à M. le Dr Ordinaire, l’occasion de poser la question du magnétisme devant les lecteurs de cette leuille. Voici la lettre qu’à ce propos il a adressée aux rédacteurs :

« J’ai lu avec intérêt l’article intitulé : Le Christianisme

et les médecins, inséré clans le numéro de Y Ami de l’Evangile du 15 juillet.

« Vous accusez la généralité des médecins de ne croire qu’à l’existence de la matière. Cette accusation est fondée, et la cause s’en trouve clans l’examen trop superficiel des phénomènes de la vie.

« Il est vrai que le plus grand nombre des médecins, à, l'exemple des Bichat, des Broussais, des Cabanis, des llo-clioux, des Gai], etc., répudiant l’âme, font du cerveau l’organe essentiel de l’intelligence élaborant le sens commun à. l’aide des ventricules, /’imagination au moyen des corps calleux, la mémoire avec le secours des corps striés.

« Ils considèrent le cerveau comme l’estomac de l’intelligence digérant les idées comme le gaster digère les substances nutritives. Ils repoussent la dualité humaine, âme et corps, pour n’admettre que Y unité anatomique, corps seul, mu par le principe vital. Ils ne veulent pas reconnaître que le cerveau n’est qu’un agent intermédiaire entre le corps qui obéit et l’âme qui commande.

ci Dans leur singulier matérialisme, quelques grands maîtres ont bien voulu admettre l’âme ; mais ils ont fait une substance de cette essence toute divine, et l’ont placée dans la glande pinéale.

« Une preuve que les organes sont tout, disent-ils, c’est que l’âme ne peut rien sans eux, elle ne peut voir sans les yeux, elle ne peut entendre sans les oreilles, elle ne peut déguster sans les organes du goût. Étrange erreur!... Il est avéré pour eux que des cataleptiques, des crisiacpies, ainsi que cela a été mainte fois observé, peuvent voir parl’épi-gastre, par la nuque, entendre par la plante des pieds, comme l’a remarqué le docteur Pétetin à une époque où le magnétisme était encore ignoré. Mais les médecins matérialistes vous répondront que ce sont des cas exceptionnels qu’on doit attribuer à une exaltation nerveuse, à une perturbation physiologique qui amène cette singulière transposition de sens.

« Ces cas exceptionnels, que le magnétisme multiplie à volonté, sullisent à l’observateur sans prévention pour démontrer que l’âme qui perçoit peut réunir les cinq sens, les déplacer à, volonté et les transporter dans toutes les régions du corps. Il n’en serait certainement pas ainsi si le principe vital seul vivifiait les organes; toute transposition deviendrait matériellement impossible.

« Un médecin matérialiste nous disait un jour : Comment

ne pas admettre que tout en nous ne soit matière en présence du fait suivant : «Je cheminais un jour avec un homme « d’une haute intelligence qui me charmait par ses vastes « conceptions et son esprit brillant. 11 fait un faux pas et « tombe lourdement. Je le relève ; cet esprit, cette élocu-« tion, qui me charmaient, ont disparu ; cet homme balbu-« tic, divague et ne me reconnaît plus. Une simple commo-« tion du cerveau a tout anéanti; dune le cerveau est tout «pour l’intelligence, l’âme n’est qu’une chimère. »

« Je répliquai : voici dans ce salon un magnifique piano d’Érard qui produit sous les doigts d’un artiste des sons harmonieux qui charment et ravissent. Nous allons le jeter par cette fenêtre. 11 est certain (pie lorsqu'on le relèvera, l’artiste n’en tirera plus que des sons confus, discordants. En conclurez-vous que l’artiste n’est qu’une chimère parce que l’instrument brisé aura perdu ses accords?

« Notre antagoniste ne sut trop que répondre.

« Nous aussi, nous avons été matérialiste. Disciple de Broussais, nous partagions les idées et les préventions de notre maître. Aujourd’hui, nous sommes spirit un liste, et nous le devons, non pas à des raisonnements toujours impuissants pour convaincre, mais à. des faits tangibles, palpables, évidents comme la lumière, nous le devons au magnétisme, que nous avons longtemps traité de jonglerie et que nous avons même attaqué dans un ouvrage publié. Le magnétisme nous a démontré d’une manière évidente l’existence de l'âme, aussi dirons-nous aux médecins assez désireux de s’instruire et assez indépendants pour braver les sarcasmes des sceptiques : Suivez notre exemple, et votre matérialisme tombera comme le nôtre est tombé, comme tombera celui de tout homme consciencieux qui désire s’éclairer.

P.-C. ORDINAIRE, d.-m.

Le comité de rédaction a fait suivre cette communication d’une note ainsi conçue :

« Bien qu’un célèbre prédicateur français, le R. P. La-cordaire, ait dit dans une conférence : « Le magnétisme est « une parcelle brisée d’un grand palais; c’est le dernier « rayon de la puissance adamique, destiné à confondre la « raison humaine et à l’humilier devant Dieu. C’est un phé-« nomène qui appartient à l’ordre prophétique. Plongé dans v un sommeil factice, l’homme voit à travers les corps

« opaques, distingue ce qui se passe à de grandes dis-« tances, etc., etc. »

« Rien que l'archevêque de Paris, s’adressant aux mêmes fidèles assemblés, ait ajouté, : Mes /'rires, c‘est Dieu qui a ■parti par la bouche de l'illustre dominicain, allez et répandez ces vérités, nous ne sommes pas assez versés dans la science de Mesmer pour nous prononcer. Nous croyons aux phénomènes extraordinaires du magnétisme, nous sommes loin de penser que ces phénomènes doivent être attribués à l’esprit de Python, nous voulons même admettre, avec M. le l)r Ordinaire, que le magnétisme prouve tangiblement l’existence de l’âme ; mais pour nous prononcer sur toutes les merveilles qu’on lui attribue, sur tout le bien qu’il est possible de produire, nous attendrons que l’expérience, que des études ultérieures viennent aussi le faire admettre comme une incontestable vérité. »

Malgré ces restrictions, l’aveu de ces messieurs nous a paru bon à enregistrer. On voit poindre par là l’opinion du clergé dans un pays où la pensée s’exprime librement.

HÉBERT (do Garnay).

FAITS ET EXPÉRIENCES.

HISTOIRE d’une CONVERSION AU MAGNÉTISME.

(3° article. —Voir page 176.)

Si le bonheur de Mmc B... fut grand, d’avoir ainsi retrouvé un sommeil réparateur, le mien n’était pas moindre de me trouver tout it coup à la hauteur des maîtres dont j’avais lu les ouvrages; aussi, le lendemain dimanche j’arrivais chez la malade, accompagné par Jl. Monnereau que j’avais tout naturellement invité à venir juger de mon triomphe et m’aider de ses conseils.

En moins de deux minutes notre malade fut de nouveau plongée dans le sommeil magnétique ; mais comme le père 15... tison retour de vêpres, avait l’air de craindre que ce ne fussent des inventions diaboliques, l’opération ne fut pas prolongée cette fois-là, et nous convînmes d’en ajourner la reprise jusqu’il ce qu’il eût pu s’entourer des conseils des prêtres de sa paroisse, lesquels ; je dois le dire, s’empressèrent de le rassurer il cet égard, et toute liberté d’agir nous fut laissée pour la suite.

Le lundi et les jours suivants, la magnétisation fut continuée sans nouveaux incidents; M,U0B... en sortait chaque lois les \ éléments inondés de sueur. (Elle toujours si g¡acée !)

A quelque temps de là, M. Monuereau me jugeant assez fort, nie conseilla d’endorinir ma malade de loin. Je résistais à tenter une expérience qui ne me paraissait pas sans danger; je m’étais fait une loi, dont je ne nie suis pas départi depuis, de ne jamais tenter des expériences de pure curiosité pouvant compromettre la santé des malades et retarda la guéiiïvn. Xuu* entourâmes toutefois .îotro tentative de

tant de précautions, que je pus m’y livrer sans crainte et réussir d’une façon tout à fait satisfaisante.

J’étais dans l’usage de magnétiser ma belle-mère à. quatre heures précises, et je lui avais recommandé, comme j’avais toujours peu de temps de libre, de se tenir, à l’heure dite, toute prête dans son fauteuil.

Le jour de la tentative projetée, M. Monnereau s’était rendu avant quatre heures, rue du Rempart d Ainay, auprès de Mmt 15... pour s’assurer qu’elle serait bien dans son fauteuil à m’attendre, et pour empêcher en même temps que personne ne vînt déranger ni occuper la malade.

A l’heure dite, je me plaçai dans ma chambre rue de la Poulaitterie (autrement dit à 2 kilomètres de distance), la face tournée dans la direction d’Ainay ; je fis toutes les passes comme si la malade eût été placée en face de moi... Après quoi je me hâtai de franchir pédestrement la distance, et en arrivant je trouvai M. Monnereau faisant la conversation avec M"" B... qui ne se doutait de rien. Je me plaçai en face d’elle complètement endormie, et je commençai mes questions ordinaires.

Réveillée quelques instants après, la malade parut tout étonnée de me voir à côté d’elle, et me demanda comment je me trouvais là, ne m’ayant pas vu entrer, se doutant encore moins qu’elle venait de passer si longtemps dans cet état de somnambulisme.

L’expérience avait donc bien réussi, mais je ne saurais trop recommander la plus grande prudence pour toutes expériences et surtout pour cette opération à distance qui n’est pas toujours sans danger, ainsi que cela m’est arrivé à Paris.

Une dame d’un certain âge, habitant le faubourg Saint-Marlin, atteinte d’hydrocéphalagie, après quinze jours de magnétisation, avait eu le bonheur de passer à l’état de somnambulisme et de pouvoir m’indiquer un traitement qui lui faisait le plus grand bien. Cependant un jour elle me dit qu’une heure, que je lui consacrais journellement, ne lui suflisait pas. J’oll'rais de faire mon possible pour lui donner plus de temps.

— Non, me ilit-ellc, cela vous dérangerait trop ; et moi j’ai mes affaires qui me retiennent ; mais vous pourriez m'endormir le soir de chez vous.

— A quelle heure?

— A dix heures et demie.

Je réglai ma montre sur sa pendule, et, pensant qu’à cette heure la malade serait couchée, je partis sans la prévenir au réveil de ce qui allait se passer.

Le même soir, à dix heures et demie, j’étais dans ma chambre, rue des Martyrs (assez éloignée du faubourg Saint-Martin), et, suivant la prescription de ma malade, je lui envoyai le sommeil magnétique. Puis, ilans la nuit, comme elle me l’avait encore indiqué, m’étant réveillé suivant mon habitude, je lui ordonnai de se réveiller.

Le lendemain, il l’heure ordinaire de nos séances, je l’endormis et je m’empressai de lui demander des nouvelles de ce qui s’était passé la veille, et comment elle s’en était trouvée.

« 0 Monsieur, dit-elle, quelle imprudence ! — Il ne faudra pas recommencer. —Imaginez-vous que j’étais dans ma boutique, au fond de mon comptoir vitré, occupée à lire le feuilleton de mon journal ; ma tante était à côté de i.ioi. (Et fort heureusement, elle seule de ma famille, savait que je suivais un traitement magnétique.)

« Tout à coup, je me sens saisie..., mes yeux se ferment, j’abandonne le journal en me levant pour sortir : ma tante essaie un instant de me retenir pour achever le feuilleton; mais, s’apercevant bientôt que j’avais les yeux clos et que je passais devant elle sans broncher, et montais l’escalier avec aisance, elle se borna h me suivre. Elle me vit prendre une tasse de lait préparée sur le feu, me déshabiller et me coucher en tombaut dans l’insensibilité la plus complète.

« Heureusement, répétait-elle, que ma tante qui avait eu sa fille guérie de la même manière, connaissait cet état, et qu’elle ne fit rien pour chercher il m’en faire sortir... Mais si j’avais eu près de moi toute autre personne, en me voyant ainsi sans mouvement, 011 aurait cru à quelque syncope, on aurait couru chercher le médecin qui n’aurait pas manqué d’employer les anti-spasmodiques... elon m’aurait fait beaucoup demal... 011 111 aurait tuée peut-être... tandis que j’ai

bien dormi ; j’ai bien senti quand vous m’avez ordonne dt me réveiller... J’ai passé d’un sommeil à l’autre, et me suis levé plus tard qu’à l’ordinaire et dans un état de repos parfait... Mais cest égal, dit-elle encore, c’est imprudent!

— « Que faut-il donc faire alors, et pourquoi ne pas continuer, puisque cela vous fait tant de bien? On pourrait prendre des précautions.

— « Non, me dit-elle en tirant de son doigt un anneau en acier qu’elle portait ordinairement ; prenez ceci, portez-le sur vous pendant quelques jours et vous me le rendrez ensuite. — Il sera bien magnétisé, et quand je me sentirai le besoin de dormir, je m’en servirai. »

C’est ce qu’elle fit avec le plus grand succès, et en bénissant le magnétisme qui lui avait procuré un soulagement et un repos qu’elle ne connaissait pas depuis longues années.

Bien que je me sois fait une loi de ne citer que des faits qui me sont personnels, je 11e saurais trop insister sur les dangers des expériences à distance en racontant ce que j’ai appris de personnes dignes de foi.

De deux jeunes gens, gardcs-du-corps sous la Restauration, l’un avait tout empire sur l’autre, et bien des fois il lui était arrivé d’endormir de loin son camarade qui s’y prêtait sans se plaindre jamais : cependant un matin, la plaisanterie ayant été renouvelée par le magnétiseur qui voulait prouver sa puissance et convaincre des incrédules, on se rendit à la caserne... et l’on trouva, étendu sur le sol avec la figure ensanglantée, le pauvre magnétisé qui leur apprit qu’on avait eu l’imprudence de le surprendre au moment où il se faisait la barbe. Avec son rasoir il s’était lait une entaille à la figure.

De tels laits montrent que le magnétisme est une chose avec laquelle il n’est pas permis de jouer par imprudence ou par légèreté.

L uiiiO liliSSON.

Le Gérant 11ICBKUT (de Garnay).

INSTITUTIONS.

•Société du TIcsmérisaiic «le Paris.

DU MAGNÉTISME COMME MOYEN NATUREL DE FAIRE LE LIEN. ruusE püuii u'jciE.xriuN du urad:: dl vksiuri: tituuirë

Messieurs et chers collègues,

Les êtres agissent les uns sur les autres de manières diverses. Et comme l’être peut être considéré sous son double aspect —physique et intellectuel, — l’action de l’être, et pour préciser davantage en restreignant la proportion, l’action de l’honnne sur l’homme s’opère matériellement sur le corps, ou moralement par le raisonnement.

L’action matérielle, bien que sa cause et son but puissent être purement moraux, est celle du corps sur le corps ; mais les corps oni les uns sur les autres des modes d’action différents de l’impulsion et qui opèrent à distance. Gravitation, chaleur, électricité sont des propriétés générales des corps dont les eifets peuvent se produire sans contact.

De même les êtres animés exercent, les uns sur les autres, et, pour maintenir notre restriction, les hommes agissent sur leurs semblables par un mode qui paraît mixte, tenant à la fois du mode moral et du mode matériel, non seulement tome XIV — N» *15. — lu AOBJ IR55.

S'il est un conte usé, commun ot rcl»atu.....

Lafomaike, Ma'rone d'Éphitu

I. — Dtfinition du man»'ijisme animul.

sans contact, mais encore sans employer l'intermédiaire habituel des fonctions de relation.

Universellement reconnu, plutôt par l’inctinct des masses que par la science, ce mode d’action, sans jamais recevoir de définition précise, a été désigné sous plusieurs noms, dont le plus expressif est sans contredit celui de sympathie (qui signifie à peu prés sensation communiquée).

Si les quelques mois préliminaires qui précèdent ont été compris, cette brève définition : action directe et sympathique des êtres les uns sur les autres, sans l'intermédiaire des fonctions de relation, donnent peut-être une idée assez nette de cette action rayonnante des êtres que, depuis Mesmer, 011 désigne sous le nom de Magnétisme animal.

II. — Le magnétisme dans ht tradition.

Rien de nouveau sous le soleil. Voici un aphorisme faux peut-être, mais bien commode à coup sûr pour les niais qui peuvent ainsi, avec une phrase stéréotypée, très-courte, et qui, par conséquent, n’exige pas même de grands efforts de mémoire, se donner la satisfaction de nier le génie qu’ils ne sont pas susceptibles de comprendre.

Si ce que vous appelez Magnétisme animal n’est autre chose que ce qui a toujours été compris sous le nom de sympathie, alors Mesmer n’a rien découvert, il n’a pas d’autre mérite que celui des neuf dixièmes de nos chimistes modernes qui passent leur vie à inventer des noms nouveaux pour des substances déjà connues. — Eh bien ! non, Mesmer n’a pas plus inventé le magnétisme animal que Newton n’a inventé l’attraction, que Franklin 11’a inventé le tonnerre.

Non seulement le principe de la sympathie universelle qui sert de base aux travaux de Mesmer était soupçonné; mais presque toutes les branches du magnétisme ont été entrevues de toute antiquité. Le grand mérite, le génie de notre maître consiste à en avoir reconnu le bien et découvert les lois fondamentales.

La perspective, la théorie des ombres, la coupe des pierres, la charpente existaient avant Monge, et avaient de beaucoup dépassé l’état embryonnaire des brandies du magnétisme que la tradition a transmises jusqu’à Mesmer. — Les méthodes des projections et des rabattements étaient connues et employées, cl non pas seulement soupçonnées comme le principe de la sympathie universelle, et cependant, en réunissant en un corps de science les procédés et les méthodes de ces divers arts, en créant la géométrie descriptive, Monge s’est acquis, sans conteste, la réputation méritée d’un homme de génie.

Quelle que soit leur intention, ceux-là tressent à Mesmer un des plus beaux fleurons de sa couronne, qui recherchent, dans la tradition des sciences occultes, ou dans les traditions religieuses, les éléments épars du magnétisme animal.

Le chef de l’initiation grecque, qui était descendu aux enfers pour en ramener Eurydice — qui avait demandé à la mort le secret de la vie, — cet enchanteur tout puissant — parce qu’il était tout rayonnant de passion et d’enthousiasme, —Orphée, le grand initié, fut mis en pièces, et ses membres dispersés. Mesmer a compris le mythe caché sous la tradition et qui contenait 1'arcane des mystères. — 11 a rassemblé les membres épars du Mage.......

.........disjcctaque membra poetœ.

Guidé par le flambeau du maître, essayons de classer régulièrement les modes d’action du magnétisme que nous avons défini, et, tout en retrouvant sur notre passage, indiquée en peu de mots, la tradition des diverses époques, nous serons conduit au sujet de notre thèse plus naturellement peut-être que n’aurait pu le faire croire la route un peu longue que nous avons choisie.

III. — Essai de classification du magnétisme.

Le magnétisme, en agissant sur le sujet, modifie quelqu'une ou quelques-unes de ses fonctions. La modification

porte généralement à des degrés plus ou moins profonds sur toutes les fonctions de toute espèce. Nous n’en avons pas moins le droit de distinguer les actions pour les classer.

Si la modification produite est celle des fonctions intellectuelles, on voit alors se présenter le phénomène désigné par Mesmer sous le nom de crise, et dont l’état le plus avancé est l’extase , désignée aussi par certains mystiques sous le nom île transe, état parfait, état de grâce. Ce n’est pas ici le lieu d’examiner cette sorte d’état magnétique, sur lequel nous avons déjà adressé quelques mots à la Société du mesmérisme — à propos des tables tournantes. Disons seulement que c’est à cet état que se rapportent les désignations que l’on trouve dans les traditions diverses : Inspirés, — Pythonisses, — illuminés,— Phamtù/ues (1), — etc.

Il faudrait distinguer ensuite les états divers de crise intellectuelle, en examinant celle des facultés intellectuelles sur laquelle porte principalement la modification ; mais, pour arriver à notre sujet, nous n’avons besoin que de la simple division en classes.

La modification, en tant que se faisant sentir sur les fonctions physiques, peut porter sur les fonctions de relation ou sur les fonctions organiques.

Dans les fonctions de relation, il y a deux ordres bien distincts, d’où résulteront deux ordres dans l’action magnétique. Ces deux ordres sont les fonctions des sens qui se subdivisent, comme chacun sait, en cinq genres, et les fonctions dites de relations générales qui se bifurquent en deux genres, sensibilité et mouvement. — Au premier ordre, se rattachent, dans la tradition, — les gens à double vue, les devins, les sorciers, etc.; — au second, — d’une part, les convulsionnaires, les marabouts, derviches et fakirs, etc., qui affrontent avec la plus complète insensibilité des tortures intolérables,—et de l’autre, les phénomènes magiques,

(1) Si nous écrivons phanalique, ce n'est point une affectation dar-claisme orthographique ; c'est qu’en changeant d'orthographe, le mot a changé de sens. — Phanalique était pris, à peu près, dans le sens moderne de — lucide.

les philtres et beaucoup de mouvements involontaires qui ont donné lieu à la croyance aux possessions, au sabbat, aux loups-garoux.

Nous n’avons pas besoin de répéter que ces phénomènes de différents ordres, que nous avons disjoints pour les classer, se trouvent souvent réunis dans un même cas. — Mais il sera bon de faire observer que, dans tous les genres énoncés, il faut distinguer avec soin deux modes, le mode harmonique et le mode subversif, selon que l'action est en accord ou en désaccord avec le développement normal, le but général et les tendances naturelles de l’ôtrc sur lequel elle s’exerce.

Cette distinction devient indispensable surtout, lorsqu’on arrive au dernier ordre, qui va surtout nous occuper, et qui a trait aux fonctions organiques. — En mode subversif, c’est à cet ordre que se rapportent les faits traditionnels vrais ou faux de sortilèges, envoûtements, maléfices, etc.

Au contraire, c’est à cet ordre, mais en mode harmonique, que se rattache l’objet de cette thèse, l’action magnétique considérée comme moyen naturel de guérir. Qu'est-ce, en effet, que guérir? sinon apporter aux fonctions organiques les modifications nécessaires pour les ramener à l’état normal, les rendre capables de remplir le but auquel elles sont destinées.

IV. — Objet spécial de cette thèse.

La guérison par le magnétisme appartient à cet ordre ,• mais comme on peut agir sur des organes sains pour les aider dans leur développement, augmenter leur force et leur vitalité, sans altérer leur équilibre, l’ordre qui concerne la modification aux fonctions organiques contiendra, dans chacun de ses genres, deux subdivisions correspondant à l’état physiologique et à l’état pathologique : — l’éducation des organes et la guérison par le magnétisme. C’est cette branche de la science que Mesmer avait en vue lorsqu’il écrivait son aphorisme, qui sert de devise à notre Société :

« La nature offre un moyen universel de guérir, etc. »

Bien que nous ayons rangé dans les fonctions tle l'ordre physique les fonctions organiques, il ne faut pas oublier que l'un des organes matériels est le cerveau, l’organe de la pensée ; et à ce litre, les fonctions organiques doivent Cire considérées comme appartenant à un ordre mixte formant transition entre l’ordre intellectuel et l’ordre purement physique. Par conséquent, sous le rapport de l’éducation et du traitement, l’homme moral et intelligent, l’homme, en tant qu’être pensant, n’est point étranger à notre thèse.

De plus capables que nous, en grand nombre, —presque tous ceux qui ont écrit sur le magnétisme, ont parlé de son application au traitement des maladies; et, bien que le sujet soit loin d’être épuisé, nous ne voudrions pas le traiter dans sa généralité, et nous nous sommes restreints à le considérer sous un rapport tout à fait spécial, c’est-à-dire au point de vue religieux et au point de vue civil.

Mais d’abord, établissons notre thèse.

V. — Lu pratique du magnétisme n’exige pas (l’art.

Comme nous venons de le dire, nous n’aborderons pas le point de vue général de la question, regardant comme mis hors de doute, par des expériences multipliées et par de bons travaux théoriques, — entre autres par plusieurs thèses fort remarquables soutenues par quelques-uns de nos collègues, — ce principe « que le magnétisme est un moyen de guérir. » Ce que nous tenons en ce moment à démontrer, c’est que ce moyen de guérir est un moyen naturel.

11 devrait nous suffire, devant des disciples de Mesmer, de répéter l’aphorisme, que nous citions tout à l’heure : « La nature , etc., * en soulignant le mot nature. Et cependant, si ce travail devait être connu de beaucoup de magnétiseurs, il y en aurait plusieurs pour qui cette énonciation serait choquante, parce que, ayant la prétention de posséder un art, ce serait pour eux comme si on leur faisait un tort personnel, comme si on commettait à leur égard une sorte de violation de privilège?. — Ainsi, certains privilégiés (notre

comparaison remonte à des temps éloignés), se regardaient comme menacés de spoliation, sinon comme déjà volés, lorsqu’on disait devant eux que tout le monde avait le droit naturel de vivre.

Nous savons combien certains magnétiseurs attachent d’importance aux procédés, — soit pour le traitement des maladies, soit pour l’obtention du somnambulisme ou de tout autre effet magnétique, — par exemple à faire, dans tel cas, les passes de telle ou telle façon, en tel ou tel nombre. Nous croyons cette importance fort contestable, et, dans tous les cas, nous sommes sûr qu’on est foit loin d’avoir, à cet égard, des règles de quelque valeur, attendu que, si les procédés ont par eux-mêmes quelque mérite, l’art, pour les employer, devrait d’abord reconnaître l’idiosyncrasie du sujet, ce que l’on ne sait pas encore faire.

Puységur disait, en parlant de son domestique : « 11 n’a pas de théorie, mais il réussit mieux que nous tous. »

Deleuze n’employait et recommandait de n’employer que les passes à grands courants. 11 y joignait souvent la prière.

L’abbé Paria imposait les mains.

Laforgue imposait les mains et priait.

Lorsqu’on voit ceux qui réussissent le mieux n’employer qu’un procédé pour tous les cas, n’est-il pas permis d’affirmer que l’on peut opérer sans art?

Chaque magnétiseur a d’ailleurs son système de procédés. Tous sont bons, car tous réussissent. Peut-on raisonnablement prétendre qu’il y ait un art — un art constitué, — là où l’on voit les méthodes les plus diverses conduire au même résultat ? D’où vient donc que tant de gens attachent de l’importance à leur méthode et la regardent comme bonne à l’exclusion de toute autre? — Ils ont essayé d’employer d’autres systèmes que leur système habituel, et ont moins bien réussi. Affaire d’habitude! — Ce qui est vrai indépendamment — des procédés, des systèmes et des méthodes, c est qu’une des conditions de succès, c’est la confiance en ses propres forces, la foi en soi-même, et que la foi a faibli chez eux quand ils ont employé — et par suite sans succès, —

une méthode qui cependant réussit à celui nui a eu elle une confiance absolue.

lit tout cela est bien simple. La faculté de guérir, — la vertu curative, comme on disait autrefois, — appartient à tous, niais à des degrés divers, comme toute autre faculté. Celui qui est le mieux doué réussit mieux qu’un autre, et comme il se fait des habitudes, il finit par croire que les procédés qu’il a adoptés sont supérieurs à d’autres. D’ailleurs, comme toute faculté naturelle, celle-là se développe et se fortifie par l’exercice, et l'on attribue souvent à l’habileté acqidse dans les procédés ce qui n’est qu’un accroissement de force dû à une gymnastique spéciale (1).

Peut-on, à quelque égard que ce soit, considérer comme un art constitué, le magnétisme animal, lorsque l’on voit les plus habiles (comme cela arrive à tous, chacun prendra la réflexion pour lui, et sera flatté de cette qualification de plus habile), lorsque l’on voit les plus habiles, non seulement obtenir un effet autre que celui qu’ils cherchent, mais encore obtenir cet effet sur un autre que le sujet dont ils s’occupent. Y a-t-il en un mot, un art véritable là où l’on atteint celui qu’on ne vise pas, où l’on paralyse quelquefois une jambe quand on cherche à rendre un bras insensible? Permettez-moi, à cet égard, de citer une expérience qui m’est personnelle.

VI. — Peu il’ importance des procédés.

Pendant fort longtemps, par suite d’une affection maladive, j’avais été sujet à des froids aux pieds subits, et sans cause apparente, surtout au lit. A force de tâtonner, j’avais trouvé moyen de me réchauffer les pieds en appliquant la

(1 ) Depuis que ceci a ¿té écrit, nous avons tu, dans l'Vnion magnétique, un article de M , qui énonce, mieux sans doute que nous

n'avons su le faire, une idée analogue. Nous sommes heureux de nous rencontrer avec notre confrère, et si nous ne trouvions pas utile de laisser subsister les nuances qui dilTêrencient nécessairement les conceptions in-divduelles— quelque analogues qu’elles puissent être, nous aurions remplacé ce passage par une citation de son arlicle.

paume de la main droite sur la région du cœur, les doigts en pointe dirigés vers la hanche gauche ; le bras gauche étendu, son coude touchant la pointe des doigts de la main droite, et la main gauche portant sur la partie externe de l’articulation du genou gauche, — avec la v olonté de faire affluer le sang et concurremment la chaleur au pied gauche.

Le plus souvent (car je manquais quelquefois mon coup), au bout de quelques minutes, quatre à cinq, je sentais comme une chaleur interne se développer dans le pied gauche, et, dedans en dehors, le pied tout entier se réchauffer. — Le pied droit se réchauffait presque aussitôt après, comme spontanément. J’attachais une très-grande importance au procédé que je viens de décrire, auquel je croyais une vertu toute spéciale, lorsqu’un jour d’hiver, voyageant dans le coupé d’une diligence avec une dame de ma connaissance auprès de moi, je voulus essayer de mon procédé pour réchauffer mes pieds, complètement engourdis par le froid.

Bien encoigné, enveloppé dans mon manteau, je prends mes dispositions, et me voici attentif, développant toute la puissance de volonté dont j’étais capable, lorsque.....

o Quelque chose de bien singulier, dit la dame, j’ai les pieds comme des glaçons, et voici que je sens dans le pied gauche comme s’il me coulait de l’eau chaude à l’intérieur. »

Cela rendait assez bien compte de l’effet par moi ressenti quand mon procédé me réussissait.

« Mais mon pied gauche se réchauffe rapidement, continuait-elle, bien que le droit soit toujours gelé. »

Je forçais de volonté pour échauffer mon pauvre pied, qui restait parfaitement glacé.

« Ma foi, c’est toujours bien drôle, disait ma voisine ; je ne sais pas comment ça se fait, mais voici mon pied qui me brûle à cette heure... Tiens, l’autre qui s’échauffe.......

Et cette dame eut les pieds chauds pendant tout le reste du voyage, trois ou quatre heures environ. Quant à moi, je

ne pus, ceüe lois, malgré le s >iu scrupuleux que je mettais à suivre mou procédé, réussir à tiédir seulement un de mes orteils.

A partir de ce moment, j'eus une confiance moins absolue dans mon procédé, et après en avoir employé plusieurs qui, en moyenne, réussissaient à peu près aussi bien les uns que les autres, j’ai fini par me borner k me recueillir et à m’imaginer (ce qui est cependant matériellement impossible) que je fais des passes sous mes pieds, comme je pourrais en faire sous les pieds d’un autre. — Et je* ne réussis, ni mieux, ni moins bien.

J’ai vu souvent des sujets, habitués à mon action, se magnétiser à mes dépens sans que nia volonté y fût pour rien. Quelquefois je m’en suis aperçu, quelquefois je ne m'en suis pas même douté ! — Est-ce un art que l’on exerce ainsi sans le vouloir et même à son insu ?

Que l’on médite sur ce passage de l’Évangile, sur lequel nous ne ferons point de commentaire :

Le Christ est au milieu d’une foule. — « Qui m’a touché ? »

demande-t-il..... — « Quelqu’un m’a touché !... Une kokce

(rirtus) est sortie de moi... » Et en effet une guérison vient de s’opérer (1).

(1) Ce passsage mérite une attention particulière ; le voici suivant saint Marc :

V, 25. « Une femme qui avait une perte de sang qui durait depuis douze ans,

26. « Avait été torturée de mille façons par les médecins, et y avait dépensé tout .son bien sans que rien y fit, et qui, au contraire, s’en allait de mal en pis,

27. « Ayant entendu parler de Jésus, s’en approcha par derrière dans la foule et toucha son vêtement,

28. « Car elle se disait : Que je touche tant seulement son vêtement, et je serai guérie;

29. « Et aussitôt son flux de sang s’arrêta, et elle sentit en elle-même qu’elle était guérie de son infirmité;

?0. « Et aussitôt Jésus, reconnaissant en lui-même qu’une force (virtus) était sortie de lui, se tournant vers la foule, disait : Qui a touché mon vêtement?

7>i. « Et ses disciples disaient ï Vous voyez la foule qui vous serre de tous côtés, et vous demandez ; Qui m’a touché?

32. « Et il cherchait des yeux autour de lui pour voir qui avait fait cela.

33. « La femme cependant, honteuse et tremblante, sachant ce qui s’ü-

Si l'expérience magnétique a rendu quelque chose évident, c’est ceci : — que les meilleurs magnétiseurs pour les malades sont les somnambules lucides. — Or les somnambules ont-ils étudié un art ? Suivent-ils des règles préétablies ? Non, ils obéissent ii l’instinct qui prend chez eux un développement extraordinaire.

VII. — 1. c meilleur guide dans la magnétisation c’est l’instinct.

On peut donc, et c’est là ce qu’il nous importe d’établir, magnétiser fructueusement, pour le soulagement de ses semblables, sans art et naturellement. Et pour celui qui est réellement doué du don de guérir, le mieux est de se laisser aller à l’inspiration. Nous disons pour un magnétiseur bien doué, car nous regardons qu’il y a une sorte de lucidité pour le magnétiseur comme pour le somnambule. En présence d’un être à soulager, sous l’empire d’une charité active, le magnétiseur s’enthousiasme; sa poitrine se gonfle, il entre dans une crise spéciale; sa main se porte d’elle-même au siège de la douleur; il opère sans raisonner ses actes; ses forces sont centuplées ; il peut enfanter des miracles.

Est-ce à dire pour cela que l’on ne doive attacher aucune importance aux procédés? Nous sommes loin de vouloir l'affirmer d’une manière absolue.

La faculté curative, comme toutes les autres facultés naturelles, est plus ou moins susceptible d’éducation. L’exercice, nous l’avons déjà dit, la développe et en accroît l’énergie. Dans ce sens, elle est susceptible de se perfectionner par une sorte d’art. Ce qui nous suffit, pour notre thèse, c’est de faire voir que la magnétisation, appliquée au soulagement de l’humanité, ne suppose pas, d’une façon indispensable, l’étude d’un art.

tait passé en elle, vint, et, se prosternant devant lui, lui déclara touto la vérité. »

Luc, rapportant le même fait, dit au lieu du f 32 do Marc :

VIII, -4G. « Quelqu'un m a touché ! car j’ai senti une force s’échapper do moi. >*

Le langage est pour l'homme un moyen naturel de communiquer sa pensée, parce que le langage est une faculté naturelle chez l’homme ; parce que, partout où l’on trouve l’homme, à toutes les époques, on trouve un langage. Irons-nous, pour autant, nier qu’il existe un art oratoire? Non sans doute, mais l’existence de l’art oratoire n’empêche pas le langage d’être une faculté naturelle l’homme.

Le geste, et le jeu physionomique qui est compris dans le geste, sont aussi naturels l’homme ; et, bien que la mimique constitue un art, le geste n’en est pas moins un moyen naturel d’énoncer la pensée. — Et ici, cette considération a non seulement une valeur à titre d’analogie, mais encore elle a une grande importance pour rendre compte de reflet utile du geste dans certains cas de magnétisation.

Tout magnétiseur sait qu’une fois que le sujet est en crise, même imparfaite, sa faculté relative est amoindrie, — presque anéantie, — et que la suggestion a sur lui une grande puissance. Or le geste, étant un mode d’énonciation de la pensée, devient un moyon de suggestion. C’est ce que chacun a pu observer, notamment quand il s’agit de produire des attractions ou la raideur des membres. — Les passes de haut en bas devant les yeux font fasier les paupières et incitent au sommeil. Les doigts présentés devant le visage et soulevés lentement, attirent le regard vers le ciel, d’où résulte une position qui prédispose à l’extase.

Tous ces procédés, et ceux du même genre, indiquent au sujet la volonté du magnétiseur, et rentrent par conséquent dans les procédés de suggestion (1).

Que ceux qui attachent de l’importance aux procédés n’objectent pas que l’action magnétique mal dirigée peut augmenter le mal. Sans vouloir entrer dans la discussion

(I) Beaucoup Je magnétiseurs énoncent aux assistants le résultat auquel ils veulent parvenir, et emploient ainsi, volontairement ou involontairement, la suggestion.

A une séance récente de la Société, notre président, M. Hébert, a indiqué, on peu de mots, d'une façon claire et saisissante, ta valeur du geste comme procédé de suggestion.

l’aucun système, — le magnétisme peut, suivant la volonté de l'opérateur, — stimuler l’action organique ou l'amoindrir. 11 suffit du plus grossier bon sens pour comprendre que, si l’action excitante aggrave le mal, il faut employer l’action directement contraire. — Dans l’hypothèse du fluide, qui rend le langage plus clair : — si en chargeant on aggrave le mal. il est évident qu’il faut soutirer, et réciproquement.

Cette règle, dictée par l’instinct, ne peut s’appeler un art. D’ailleurs, on a pu voir, et nous avons déjà dit, que nous ne nions pas d’une manière absolue la valeur des procédés dans la magnétisation ; mais aussi à ceux môme qui regardent le magnétisme appliqué à la guérison des maladies comme un art, nous demandons de reconnaître que le magnétisme est un moyen naturel (nous n’osons dire instinctif) de préserver et de guérir, ou, plus justement, de faire le bien ; car, ainsi que nous l’avons fait observer en classant notre sujet dans l’ordre des faits magnétiques, le magnétisme s’applique aussi bien à l'éducation morale et physique, qu’à la guérison du mal physique ou moral.

VIII. — Exemples de magnétisation instinctive.

Qui niera l’influence morale et physique de la nourrice sur l’enfant’? Eh bien ! que l’on examine leurs rapporta, et l’on verra qu’il y a, de la part de la mère ou de la nourrice, une action magnétique incessante. Le regard, le contact, la caresse, la chanson, les causettes adressées à cet être qui ne sait pas encore comprendre les paroles, ne sont-ce pas là des actes magnétiques instinctifs?

Qui apaise les cris de l’enfant ? Le regard et les caresses,

— passes magnétiques qu’exécute naturellement la mère.

Que l’enfant qui commence à parler se heurte, et il présente en pleurant son Iront ou sa main souffrante. — « Tiens, dit la mère, en prenant la main entre les siennes avec des

mouvements de massage instinctifs, tiens..... je vais faire

mignon au bobo. Tu seras guéri. » Et les cris de l’enfant

s’apaisent ; sa douleur est enlevée. La guérison est due à l’emploi instinctif du magnétisme.

Nous attachons une très-grande importance à cet exemple très-connu des nourrices, parce que, dans les races très-domestiquées — et l’homme civilisé est dans ce cas, — c’est surtout pendant la gestion et l’allaitement qu’on remarque le retour à l’instinct. Ainsi, la lice gratte la terre et fait des trous ; quoique depuis longtemps domestique, la race canine semble avoir abandonné complètement ses instincts terriers primitifs.

Mais si cet exemple d’instinct chez la mère est remarquable et concluant, il en est un autre tout aussi digne de remarque, quoiqu’il ait peut-être moins attiré l’attention.

Impressionnable comme il l’est, et en contact si intime avec sa mère que, pendant l’allaitement l’enfant lui semble attaché par un lien magnétique aussi fort que le lien charnel qui les unissait naguère, — le moral de l’enfant est immédiatement affecté de tout ce qui impressionne vivement la mère. Voilà ce que nous apprendrait l’étude, ce que nous montre l’observation; voilà ce que l’instinct révèle aux mères qui sont réellement dignes de ce nom. — Voyez cette mère accablée de chagrins, rongée de soucis d’autant plus cuisants qu’ils concernent, non pas elle seulement, mais l’avenir de son enfant; voyez-la essuyer ses yeux, rasséréner

son front et trouver un masque de gaîté..... Que dis-je ! un

masque. Non, l’oubli est venu, complet pour un instant. Le calme est dans son âme. C’est qu’elle approche de son enfant et que l’instinct lui fait connaître que le trouble de son esprit troublerait le calme indispensable à cette frôle créature, qu’elle doit lui communiquer le bonheur et non la peine, trop lourde pour ses forces naissantes.

Il y a, dans cette seule observation, le germe des principes qui doivent diriger le magnétiseur toutes les fois qu’il a à exercer une influence morale. On n’a pas, ce nous semble, assez appliqué le magnétisme dans ce sens, quoique on trouve dans tous les traités, et dans les recueils d’observations, des faits bien propres à encourager dans cette voie-

¡\otre sujet nous conduira plus tard à nous occuper île ce mode d’action, et nous avons dû noter en passant ce fait d’instinct qui devra nous servir de point de départ.

Citons encore, comme faits de magnétisation instinctifs, les frictions intentionnelles que l’on fait subir machinalement, à la suite d’un heurt, et qui ne sont qu’un mode d’automagné-tisation.

IX. — Faits usuels de magnétisme bienveillant.

Mais des faits instinctifs portant sur des points spéciaux, et pour ainsi dire exceptionnels, indiquent bien que la faculté de soulager autrui est inhérente à, la nature humaine; mais il nous importe de prouver que, comme méthode naturelle de faire le bien, le magnétisme a toujours été employé;

— que la race, en un mot, n’a point laissé prescrire ses instincts.

Nous n’avons jamais entendu aucun magnétiseur expliquer l’usage universel du Dieu vous bénisse! adressé à celui qui éternue, et cependant c’est un acte tout magnétique. Seulement, — comme toutes les formules que l’on répète machinalement, par suite d’une tradition dont le sens s’est perdu, — la formule n’a plus aucune vertu.

Mais qu’avec la volonté bien précise de calmer la quinte d’éternuement, on prononce cette formule : Dieu vous bénisse! ou toute autre qui attire l’attention de celui sur lequel on veut agir, et qu’on le surveille en continuant à vouloir, et la crise sera brusquement arrêtée. C’est une expérience que jai faite cent fois, que j’ai fait répéter par beaucoup de personnes, et qui ne m’a jamais présenté d’insuccès. — A. ce titre, elle m’a servi plus que des expériences extraordinaires à ébranler des incrédulités, et je la recommande aux magnétiseurs.

Citons encore en deux mots l’usage tout français de trinquer avant de boire, ce qu’il ne faut pas confondre avec le toast, d’origine toute différente. — Quel sens attribue-t-on à cet usage, si l’on n’y reconnaît un acte magnétique (ma-

gnétisation de la boisson) ? Sans cela, comment rattacher ce choc du verre au vœu qui l’accompagne : « \ votre santé ?»

.Mais les faits usuels, qui sont continuellement sous les yeux, sont ceux que lions remarquons le moins. Il semble que ce qui est continu et incessant n’attire pas notre attention. Nous ne sentons pas le myuveinent uniforme du bateau qui nous entraîne ; — clans une occupation monotone, nous n’avons pas l’idée du temps qui s’écoule, — nous n’avons pas conscience de notre respiration régulière.

Aussi, qui songe à voir un fait magnétique, toujours le même, toujours nouveau, dans l’échange habituel de sentiments qui constitue la caresse ? — La caresse ! expression sympathique et rayonnante des sentiments affectueux. Quel monde de pensées n’échange-t-on pas, à chaque instant, par le simple contact de la main, par le baiser? — Nous mettons de côté tout contact voluptueux, toute jouissance vénérienne, qui cependant emprunte aux effluves mystérieuses du magnétisme cette essence éthérée qui distingue l’amour de la brutalité !...

Eli bien i tous les sentiments affectueux et tendres, amour, amitié, affection de famille, tous ces sentiments différents se résument par les mômes caresses, qui ne peuvent produire qu’un seule impression sur les sens, et qui, sous l’empire de passions diverses, transmettent l’expression de chacune, et communiquent des sentiments divers. Il faudrait être paralytique ou fou, pour ne pas reconnaître dans la caresse autre chose qu’une sensation de tact, pour croire à l’identité de sensation causée par des baisers matériellement identiques donnés sous l’empire d’une tendre passion pour une amante, — avec des idées chastes par une mère, —ou avec un sincère abandon par une amie.

En quoi diffèrent, sinon dans le rayonnement magnétique, une pression voluptueuse de la main, et la poignée de main amicale? — Qu’on remarque d’ailleurs que si, parmi les caresses, le baiser, et seulement à titre amoureux, a été dévolu en partage à quelques rares espèces d’oiseaux privilégiées entre toutes, la poignée de main n’appartient qu’à l’homme

et se retrouve chez tous les peuples symbolisant l’alliance amicale contractée, et hâtons-nous de le dire, nous, magré-tistes, contribuant pour une grande part à établir le lien sympathique qu’elle symbolise.

Ces faits instinctifs de magnétisme ont bien le caractère de généralité de temps et de lieu nécessaires pour établir qu’ils sont naturels à l’honune.

X. — Identité de lu magnétisation èi titre bienveillant et de la bénédiction.

Mais entrons plus profondément dans l’examen de la question.

La magnétisation, au point de vue spécial que nous considérons, consiste dans une volonté bienveillante, accompagnée de gestes dirigés vers relui à qui l’on veut faire du bien.

Il est impossible, au point de vue magnétique, de rendre un compte plus exact du mode d’action curative du magné-liseur. — Que l’on nomme sujet celui sur lequel on cherche à agir ; que l’on appelle passes les gestes dirigés vers le sujet, cela abrégera le discours, rendra le langage plus facile, mais n’ajoutera ni ne retranchera rien au sens de la définition.

Or, cet acte ainsi défini est si bien instinctif, ou du moins naturel à l’homme, qu’il se trouve partout, à toutes les époques ; et si les magnétiseurs ne désignent pas ce cas spécial par un nom particulier, cela ne lui fait pas perdre le droit â son vrai nom, qu’il possède de toute antiquité, et qui aie mérite d’exprimer parfaitement le but de l’acte : Bénédiction (1).

(1) Les ci loi ¡uns suivantes, empruntées au Nouveau Testament, mentionnent des bénédictions en vue de guérisons.

Mathieu, parlant d'un lépreux, dit :

VIII, « Et Jésus, étendant la main, le toucha, disant : Je le veux, sois purifié de la lèpre, et aussitôt sa lèpre fut guérie. »

Jésus trouve le beau-père de Pierre retenu au lit par la fièvre.

VIII, 15. « Il lui toucha la main, et la fièvre le quitta. II se leva et les suivit. »

La bénédiction est-elle autre chose qn une volonté bienveillante, accompagnée de gestes dirigés vers celui à qui l'on veut faire du bien ?

Que si la bénédiction peut être mentale, la magnétisation ne nécessite pas 11011 plus de gestes, et si nous les avons fait entrer dans notre définition commune des deux expressions appliquées à un acte unique, c’est que, presque toujours, par un mouvement instinctif, sous l’empire d’un sentiment de bienveillance exalté, l’imposition des mains, ou une passe lente et grave accompagne l’acte volitif de celui qui bénit.

Nous faisions voir tout à l’heure que la caresse n’était que l’expression magnétique d’un sentiment affectueux. La caresse est usuelle, elle affecte des allures familières. La bénédiction, au contraire, a quelque chose de solennel, et, bien que partant aussi d’un sentiment affectueux, elle est moins tendre et plus dominatrice. Ne pourrait-on pas dire de la bénédiction qu’elle est une caresse de mode supérieur, — la caresse élevée sa plus haute puissance?

J’ai rencontré des gens qui pouffaient de rire de ce que ( un grand garçon comme moi croyait qu’on pouvait faire du bien à quelqu’un en lui adressant un geste analogue à celui d’un coiffeur qui poudre une perruque. » — Ils trouveraient ridicule sans doute le fils inclinant le front sous la main de son père qui le bénit.

XI. — De la bénédiction dans la tradition.

Qu’on se rappelle seulement combien Jacob, après avoir acheté à Esaii son droit d’aînesse, se donne de peine, de complicité avec sa mère, pour escroquer la bénédiction pa-

Le prince do la synagogue vient le prier de toucher sa fille pour la ressusciter.

IX, 2 t. « Eloignez-vous, car l'enfant n’est pas morte, mais elle dort ! »

25. « Et dès que la foule se fut retirée, il entra. 11 prit alors la raaiu do la jeune fille, et elle se leva. »

XIX, 13. « On lui amena alors des enfants pour qu'il leur imposât les mains, et qu’il priât, et scs disciples les gourmandaient. »

15. « Et après leur avoir imposé les mains, il s’en alla. »

Marc, X, 1G, relatant le môme fait, emploie le mot bénédiction.

tcrnolle, et l’on verra, par ce récit biblique, que, de tout temps, on a attaché la plus grande importance à la bénédiction paternelle, et qu’on lui a reconnu des vertus spéciales, une action réelle et non symbolique, transmise d’individu à individu.

I.a bénédiction semble surtout, dans l’antiquité, avoir ce caractère familier. Mais la famille, — aux temps antiques où la période de civilisation se rapprochait davantage du patriarcat, — avait une importance relativement plus grande que dans nos sociétés modernes. L’adoption qui reste encore parmi nous, mais peu usitée, comme vestige des législations anciennes, était alors fréquente; la vieillesse conférait des droits ii une vénération filiale de la part des jeunes gens.

Aussi, dans les époques reculées, la bénédiction, tout en conservant un caractère familial, n’en paraît pas moins étendue ni moins générale. — Ce caractère familial, il nous semble que nous le retrouvons dans les rapports entre le magnétiseur et le magnétisé. N’y a-t-il pas, dans l’acte magnétique lui-même, dans l’autorité parfois si absolue et si terrible que le magnétiseur prend sur le sujet, — autorité acceptée par le magnétisé, — tous les caractères d’une adoption momentanée qui rend plus stricts et plus sacrés les devoirs qui incombent à celui qui prend ainsi charge d’âmes?

Cette obligation, qui se déduit de l’influence morale et physique exercée par le magnétiseur, — influence.qui peut être si salutaire ou si funeste, est un des points qu’a le mieux traité Dcleuze, Deleuze au caractère patriarcal, qui prêchait avant tout d’exemple en demandant au magnétiseur d’être un modèle de vertu. Quoique nous révoquions en doute que les procédés magnétiques constituent — dès à présent — un art, nous croyons qu’on peut adresser d’utiles enseignements à ceux qui veulent se consacrer à faire du bien à leurs semblables. Un des meilleurs avis qu’on puisse leur donner, c’est d’apprendre à se connaître eux-mêmes pour savoir ce qu’ils peuvent tenter utilement pour les autres, et sans inconvénient pour eux. — Jamais celui qui aura la migraine ne guérira un mal de tôle. — Ils doivent aussi s’assurer qu’ils sont

bien maîtres d'eux ; et nous avons noté, comme un principe dicté par la nature à la mère, qu’il faut se mettre, par un effort de la volonté, dans la situation d’esprit dont le sujet a besoin.

C’est en effet là le point de départ pour celui qui veut exercer une influence morale salutaire, — surtout sur l'enfance, — ce qui importe le plus au point de vue familial (1).

XII. — Le magnétisme appliqué à l'éducation. — Conséquences.

L’éducation n’a et ne peut avoir que deux sortes de leviers, — la contrainte — ou l’attrait. Le magnétisme peut aussi employer ces deux sortes de leviers. — Nous connaissons des magnétiseurs qui emploient toujours la domination sur leurs sujets, qui les écrasent de l’autorité sans borne qu’ils ont conquise sur eux ; ceux-là peuvent obtenir des effets remarquables; ils peuvent produire des résultats curieux et rendre à la science des services réels en frappant l’attention, en éclaircissant les principes physiologiques de l’action magnétique, mais ils ne sont point propres à tenter des éducations magnétiques.

Si, ayant le choix entre les deux méthodes de la contrainte ou de l’attrait, un être tout-puissant, pouvant imposer aux créatures de l’attrait pour accomplir ses volontés, quelles qu’elles fussent, les soumettrait à la contrainte, cet être, quoique tout-puissant, serait non seulement méchant, mais imbécile; car il est toujours plus facile de faire faire aux gens ce qui leur convient.

(1) Les cITorls que l’on fait sur soi-même pour se mottre dans une situation d'esprit favorable au sujet, ne sont pas sans exercer une influence personnelle sur celui qui les tente. Il est impossible & celui qui est sympathiquement doué, de prendre une physionomie calme et enjouée sans ressentir un calme et un enjouement réels résultant d’une réaction du physique sur le moral.

Les phénomènes électro-biologiques, ou, comme d autres les appellent, magiques, c'est-à-dire ceux qu'on observe dans la crise magnétique imparfaitement développée, présentent de belles applications de suggestions morales produite« par la réaction du geste imposé au sujet.

Or le magnétiseur partage, dans de certaines limites, cotte puissance d’imprimer à son sujet l’attrait pour ce qui lui convient. (¡’est donc par l’attrait (pie le magnétiseur doit diriger l’éducation de son sujet. D’ailleurs, c’est à titre familial, du moins adoptif (le lien naturel donne plus (le puissance et permet une action continue et de tous les instants) (pie l’on entreprend une éducation. Eli bien ! le principe familial, c’est l’affection. C’est en inondant le sujet d’effluves affectueuses qu’il faut vaincre toutes les résistances.

C’est en se montrant à lui tout rayonnant d’amour qu’il faut s’en rendre maître. Le magnétiseur ne doit pas absorber la personnalité de son sujet, l’anéantir pour le dominer. 11 doit au contraire l’aider à s’agrandir, à s’identifier avec lui pour s’assimiler les qualités supérieures ou la force plus grande que lui présente son éducateur.

Comme disent les mystiques chez qui le feu symbolise toujours l’amour : « 11 faut brûler le vieil homme. »

Nous considérons plutôt ici la magnétisation comme méthode d’éducation morale et intellectuelle, développant à la fois le cœur et l’esprit et leur donnant des forces, que comme méthode d’instruction spéciale. Celle-ci suppose en effet le sujet arrivé au somnambulisme lucide — ce qui est l’exception et non la régie, — tandis qu’en ce qui concerne l’éducation, le magnétisme peut toujours s’employer, — disons plus, — est toujours en jeu, qu’on en ait. ou non conscience. Aussi ne faut-il pas s’étonner de trouver les qualités et les vices moraux héréditaires dans certaines familles comme les vices ou les qualités physiques. 11 y a une sorte de création, puis de gestation intellectuelle, comme il y a génération et gestation physiques. Et, pour le dire en passant, lorsqu’un père s’est sérieusement occupé de l’éducation de son enfant, quand arrive le moment où celui-ci atteint la virilité, pense et agit par lui-méme, se détache enfin, petit à petit ou brusquement de celui qui s’était .attaché à lui par toutes les fibres de son cœur, il y a là une crise douloureuse dont l’analogie avec la parturition physique est frappante.

Qu’on ne craigne donc pas de gâter, c’est-à-dire d’aimer

les enfants. A part l’indication tic la nature et ce que nous enseigne clairement la connaissance des lois magnétiques, il y a l’observation qui prouve que, sur cent enfants choyés et caressés, gâtés en un mot par excès d’amour (et non pas ceux à qui l’on cède tout pour n’en être pas obsédé, mais dont 011 fuit la présence), il y en a quatre-vingt-dix aimants et bien doués, tandis que sur cent — malvenus de ceux qui les entourent, malmenés et soumis au régime de la contrainte,

— il y en a dix à peine qui soient remarquables par les qualités du cœur. Nous répétons que tout cela 11e s’applique pas à l’instruction.

L’instinct que nousavions signaléchez la mère pendant l’allaitement qui lui fait trouver la force de sourire à son enfant au milieu de ces pleurs, cet instinct se trouve plus remarquable encore dans les transformations morales qui se produisent fréquemment chez ceux qui ont un enfant. 11 semble que les précautions physiques dont la mère entoure sa grossesse, le couple les prend au moral pour veiller au développement de l’âme de l’enfant. — C’est dans ce sens qu’il est vrai de dire que la famille est essentiellement moralisatrice.

Que ceux dont l’éducation morale a été refaite par la naissance de leur enfant, que ceux-là ne craignent pas de se charger à leur tour du soin de son éducation. Leur contact lui est bon, car ils sont titrés en paternité.

XIII. — Education privée. — Éducation collective.

On a beaucoup discuté les avantages réciproques de l’éducation familiale et de l’éducation publique. La question est loin d’avoir une importance aussi générale que le pensent certaines gens. Il en est de cela comme de l’allaitement maternel, deux thèses connexes auxquelles le talent de J.-J. llousseau a donné un retentissement immense. 11 y a plus de quatre-vingt-dix-neuf familles sur cent pour qui la question est oiseuse; il leur est matériellement impossible de payer des mois de nourrice ou des trimestres de pension ; mais bien que s’appliquant à un nombre restreint, la ques-

tion n’en .1 pas moins une certaine valeur. Voyons donc si nous, magnétiseurs, nous n’aurions pas à apporter notre argument clans la discussion.

Nous avons vu que la méthode familiale d’éducation à employer était l'attrait, et que la base d’opération, le point de départ de l’action magnétique dans l’éducation, c’était l’amour. — Les conséquences sont faciles à tirer des prémisses. — Aimez-vous les enfants? Les aimez-vous d’une affection vive, ardente, exclusive et presque jalouse? fttes-vous disposé à excuser leurs fautes, à subir bruit et fracas sans impatience, à éprouver déboires et rebuffades sans colère? En un mot, vous sentez-vous pour eux à la fois l’amour d’un père et d’une mère, ou, ce qui est la même chose, vous sentez-vous pour eux 1111 attrait irrésistible? N’hésitez pas, vous êtes éminemment propre à former le cœur de vos enfants. Vous leur communiquerez la force de recevoir d’autrui l’instruction que vous 11e pourrez leur donner.

Mais si la turbulence des enfants vous impatiente ; si leurs fautes vous irritent ; si vous vous sentez disposé à exiger d’eux qu’ils vous rendent en amour ou en reconnaissance la moitié seulement de ce que vous leur aurez donné en amour et en services ; si c’est le raisonnement qui vous guide à leur égard et non une sympathie aveugle et déraisonnable, — vous pourrez faire un homme d’Etat célèbre, un juge irréprochable, un négociant considéré, — tout ce que vous voudrez, — un héros peut-être ; mais la nature 11e vous a pas doué pour l’éducation des enfants. Envoyez les vôtres, si vous le pouvez, en pension, où les émanations rayonnantes de leurs égaux en âge, librement groupés sous l’influence mystérieuse, mais toute-puissante de la sympathie magnétique, leur sont plus saines que votre contact involontairement hostile.

Nous le demandons à tout homme de bonne foi, à tout homme de sens, — cette conclusion, déduite des principes du magnétisme, c’est-à-dire de la nature elle-même, n’a-t-elle pas la simplicité et l’évidence d’une vérité presque trop naïve? — Et qu’011 le remarque bien, — lorsque les con-

clusions philosophiques sont déduites d’un système, au lieu d’être empruntées à la nature ellc-mèine, elles restent littn morte, parce qu’elles n’ont point de sanction ; tandis que celle-ci qui dit : « Consultez votre cœur, laites abstraction des préjugés, suivez votre attrait; prenez la devise du curé deMeudon qui, sous un langage grotesque et drolatique, voulait l’intime alliance de la raison et du cœur : « Fais ce que vouldras. » — Celle-ci a l’avantage d’être vraie et d'être pratique.

XIV. — Facultés héréditaires. — La bienrcillance des gardes-malades et les remèdes.

Ce serait ici le lieu de traiter la question de l’initiation, qui rentre dans le cadre de l’éducation ; mais il faudrait des développements qui allongeraient trop cette thèse. Nous regrettons cependant de passer sous silence certains détails sur la transmission héréditaire des facultés mystiques, que des circonstances particulières nous ont mis à même de connaître et d’observer. Du reste, il n’est personne, dans les campagnes, — surtout dans les vieilles provinces, qui ont conservé une physionomie propre, comme la Bretagne, le Perche, le Berry et les pays de montagnes, — qui ne connaisse quelque famille en possession de secrets pour la guérison de tel ou tel mal, soit des hommes, soit du bétail.—Nous sommes convaincu que si le charlatanisme est pour beaucoup dans ces prétentions, presque toutes ont pour base une véritable puissance héréditairement transmise et entretenue par l’usage. Nous croyons même que la race royale de France qui a commencé à toucher les écrouelles devait avoir réellement alors des facultés curatives contre cette affreuse maladie.

Nous avons eu connaissance de pratiques secrètes de famille donnant d’excellents résultats, et qui, — une fois divulguées, — n’ont plus rien produit. Ceux qui, par un sentiment fort louable d’ailleurs, ne voulaient pas rester exclusivement possesseurs d’un moyen de soidager les autres, attribuaient à des procédés ce qui était dû à leurs facultés et à la foi qu’eux-mêmes et les malades avaient en eux.

Ici se trouve peut-être l’explication de ce mot charmant du 1)' ('.haussier, à propos d’un remède à la mode : «Dépêchez-vous d’en prendre pendant qu’il guérit. »

Par exemple, le gouvernement fit marché, avec un ofii-cieren retraite, moyennant 100,000 fr., pour un remède contre la f/oulte, avec lequel ¡1 avait guéri nombre de personnes sans aucun insuccès. 11 donne la recette ù la commission chargée de l'examen du i cmède ; on lui fournit les ingrédients ; le remède est préparé sous sa direction, essayé sur toutes sortes de goutteux, qui furent délivrés de leur infirmité. — Le secret est payé, le remède formulé ; tous les pharmaciens le préparent, et depuis, son application n’a presque jamais été suivie de succès.

Que l’on considère certains remèdes indiqués par des somnambules, et qui, malgré leur insignifiance apparente pour ceux qui connaissent la matière médicale, ont paru guérir des cas désespérés. — N’auraient-ils pas été préparés dans la famille même avec des intentions curatives énergiques? et n’en serait-il pas de môme de ces remèdes secrets, merveilleux tant qu’ils ont été préparés avec intention, insignifiants lorsqu’ils sortent d’une pharmacie ?

Et les globules homœopathiques, et les frictions de la méthode Raspail, croit-on que le magnétisme, — c’est-à-dire la foi des malades ou la bienveillance intentionnelle de ceux qui les entourent ne puissent leur communiquer aucune vertu ?

A. PETIT D’ORMOY.

(La suite au prochain numéro.)

■naÿiu((i(li'i'iipli|tH> de Toulouse.

A Monsieur le baron du Polet.

Mon cher maître,

Une guérison, bien rare encore dans les annales du magnétisme, vient de se produire sur une malade admise au traitement de notre dispensaire.

Je ne dirai pas que nous avons été surpris du résultat que nous avons obtenu, parce que ce serait diminuer l’importance reconnue de l’agent magnétique ; mais je vous avouerai franchement que nous avons été ravis de la promptitude avec laquelle cette malade a été débarrassée, en très-peu île jours, d’un calcul de la vessie d’un assez gros volume, dont la formation paraissait remonter à quelques années.

Plusieurs fois la malade avait éprouvé beaucoup de difficulté pour uriner, très-souvent des coliques violentes. Elle attribuait ces désordres à une tout autre cause qu’à celle qui existait réellement. Un sentiment de pudeur déplacé lui avait fait supporter des crises atroces plutôt que de se soumettre à la visite d’un médecin, qui n’aurait pas manqué d’employer les moyens usités en pareil cas pour arriver à la connaissance de la maladie.

Je vais décrire cette observation sans commentaires, laissant chaque lecteur libre de l’apprécier comme il l’entendra. Seulement, qu’on ne perde point de vue le rôle important que peut jouer le magnétisme dans les maladies de cette nature, ainsi que dans un grand nombre d’autres dont la guérison paraît, sinon impossible, du moins difficile, et qui, en réalité, ne l’est pas plus que dans celle dont je parle.

M"10 Leroy (Alexandrine), âgée de trente-cinq ans, d’un tempérament nerveux, très-impressionnable, a été sujette, depuis son mariage, à des maladies diverses pour lesquelles elle avait été déjà magnétisée et rendue somnambule par d’autres que par nous. Lorsqu'elle est venue nous consulter pour la première fois, elle souffrait d’un relâchement de matrice. Après les questions d’usage, elle fut magnétisée. — La clairvoyance qu’elle présente pendant le sommeil som-nambulique nous a paru très-incertaine, ce qui tient sans doute à la mauvaise direction que lui ont imprimée ses premiers magnétiseurs, néanmoins, elle est douée d’une grande sensibilité.

Il y a un mois et demi environ, celte dame fut prise d’une métrorrhagie abondante pendant sa période menstruelle. Prévenu presque aussitôt que l’accident fut arrivé,

je fus assez heureux pour l'arrêter à son début; mais, par une imprudence inqualifiable, nue cause qu’il est inutile de nommer, l’hémorrhagie reparut trois jours après avec une plus grande intensité que dans le principe. Dans l’intervalle d’une semaine, elle perdit de dix à douze litres de sang ; c’est ce que me confirmèrent les personnes qui l’entouraient. — Je la magnétisai deux fois par jour : mais j’éprouvai cette fois une plus grande difficulté pour la faire cesser, parce que l’utérus avait été profondément lésé. Cependant, tout danger disparut bientôt. Elle favorisa l’action du magnétisme en gardant un repos absolu dans son lit, afin que la cicatrisation des vaisseaux rompus pût s’opérer sans obstacle.

Quelques jours après, lorsqu’elle fut parfaitement rétablie de cet accident, elle nous dit qu’elle éprouvait depuis fort longtemps de la difficulté pour uriner, et que si elle ne l’avait pas encore avoué, c’était dans la crainte qu’on ne l’eût soumise à l’opération du cathétérisme. 11 y avait quatre ou cinq jours qu’elle n’avait pu verser une seule goutte d’urine. — L’hypogastre était tendu, douloureux, la moindre pression sur cette région la faisait souffrir. La sueur exhalait une odeur ammoniacale très-prononcée. Je la mis en somnambulisme. Une fois dans le sommeil, je l’engageai de bien s’assurer de la véritable cause de cette maladie, afin que je fusse suffisamment éclairé par le diagnostic qu’elle allait porter. Après une recherche de quelques instants, elle nous certifia que cette rétention d’urine avait pour cause la présence dans la vessie d’un calcul plus gros qu’un œuf de pigeon. —Malgré toute la difficulté que le cas semblait présenter, je puis vous assurer que je n’eus pas un seul instant la pensée d’employer aucun moyen chirurgical pour l’en débarrasser.

Je lui fis des passes sur la région hypogastrique, d’abord pour apaiser la douleur, et puis pour faire dilater le sphincter de la vessie. Quelques gouttes d’urine s’échappèrent et occasionnèrent, en touchant l’orifice externe, des douleurs tellement cuisantes qu’elles lui arrachèrent des cris comme si elle eût enfanté.

Le lendemain, je fus pris d’une indisposition qui, quoi -que légère, me retint quelques jours chez moi. M. Paris, mon ami ef mon collègue, dut me remplacer, et terminer ce traitement, qu’une opération chirurgicale seulement semblait devoir réaliser. — Le soir même où M. Paris la magnétisa, elle rendit une quantité prodigieuse de petits grains de sable. Le jour suivant les graviers commencèrent à sortir ; ils étaient généralement de la grosseur d’un grain de millet ; quelques-uns d’un volume plus grand. Enfin, après trois jours de manœuvres diverses, le dernier, qui était le plus considérable, s’engagea dans le canal de l’urètre, et ne put être expulsé que le soir même du troisième jour, pendant que la malade était placée dans un bain de siège. Les frictions magnétiques sur l’hypogastre furent d’un grand secours ponr aider à sa sortie. 11 était de la grosseur d’une petite fève et rempli d’aspérités. Elle nous assura, pendant son sommeil, que le magnétisme, dirigé avec une ferme volonté vers la vessie, avait sulli pour faire rompre la pierre en plusieurs morceaux. Quoi qu’il en soit de l’aveu qu’elle venait de nous faire, nous en avons reconnu la justesse lorsque nous eûmes examiné les débris qu’elle avait rendus. Le côté de ces morceaux qui s’était trouvé en contact avec la vessie ôtait d’un gris blanchâtre, sale, uni ; tandis que les parties extérieures se reconnaissaient parfaitement au brillant et aux aspérités qu’elles présentaient, ainsi qu’à leurs bords aigus et tranchants. Évidemment la séparation éuùt récente.

S^Le travail qui avait dû s’opérer pour l’expulsion avait occasionné une légère inflammation de la vessie, qui s’était communiquée aux organes voisins; mais l’eau magnétisée, bue en abondance, et quelques bains de siège suffirent pour la faire disparaître. Depuis, cette dame jouit d’une santé parfaite. * Agréez, mon cher maître, l’assurance de mon dévouement sans bornes.

J. BKGUÉ, médecin.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

INSTITUTIONS.

Société «lu Mesniérlsinc Ie Paris.

DU MAGNÉTISME COMME MOYEN NATUREL DE FAIRE LE BIEN.

IJIÈ5E pour l’obtention du grade DE MEMBRE titulaire.

(Suilc. — Voyez page Ô03.)

XV. — De la bénédiction dans lu tradition religieuse.

Nous avons, et sans transition, — tant les deux actions sont connexes et offrent d’analogie dans leurs principes, — été conduits de l’action morale du magnétisme à l’action curative.

Celle-ci non seulement se trouve comprise, d’après la définition, dans la bénédiction, mais encore !e christianisme l’a posée comme prescription religieuse et en a fait un devoir aux fidèles.

«... Ils imposeront les mains aux malades, et ceux-ci js’en trouveront bien. » (Marc, XVI, 18.)

Saint Paul, dans sa première ¿pitre aux Corinthiens, indique que tous ne sont pas doués des mêmes dons (1), et parmi

(1) Ce passage est asez difficile à traduire; il a un sens fort remarquable, mais incompréhensible pour ceux qui ne connaissent pas les facultés magnétiques actives et passives.

XII, 28. u Et Dieu a distingué dans l'Êglisc: premièrement, les Apôtres; deuxièmement, les Prophètes; troisièmement, les Docteurs; enfin, les Puissances (ceux qui ont les facultés magnétiques, virtutes), qui se subdivisent en ceux qui ont lu faculté de guérir, de consoler (ojntulari), «lo dominer (guberuulorcs), de parler toutes 1rs langues (generis linguarum), de les comprendre jnterpretatores scrmonum .

-29 « Tous sont-ils Apôtres? Tous sont-ils IVopiiêls? Tous sont-ils Docteurs?

50. « Tous sont-ils des Puissances? Tous ont-ils la fac iltü de guérir, celle de parler les langues, celle de les comprendre ? »

Tome XIV. - ZiS. — 25 août 1*55. 16

les dons divers indiqués, se trouvent énumérées les facultés magnétiques (rirlutcs), parmi lesquelles se trouve spécifiée celle de soulager les malades.

Si le christianisme a Tût de la bénédiction aux malades une prescription générale, le catholicisme l’a introduite dans ses rites et l’a universalisée en l’appliquant dans tous ses détails. La bénédiction se donne aux individus, et de mille façons ; on a la bénédiction individuelle, en vue d’une guérison spéciale et déterminée ; et, à chaque chapelle, 011 trouve des bénédictions appropriées à tel ou tel cas plus 011 moins restreint, et cela dans tous les pays catholiques. C’est toujours le bon saint un Ici qui est chargé plus spécialement, soit des maux d’yeux, soit des maux de jambes, etc., et aux chapelles de qui se donne la bénédiction.

Vient ensuite la bénédiction collective, qui s’élève jusqu’à la bénédiction universelle lorsque le pape bénit Rome et le monde, — urbi cl orbi.

La bénédiction, au lieu d’être directe, peut porter sur des objets matériels destinés aux individus, et alors le geste est dirigé vers l’objet à bénir, auquel le bénisseur fait généralement toucher une portion de son vêtement.

La bénédiction, dans ce cas, peut être donnée à tous les objets indifléremment et s’appliquer à toute intention et même à tout désir, pourvu qu’ils n’aient en eux rien de blâmable ni de ridicule.

Dans tous les cas, le rite a non seulement formulé les prières à prononcer, mais fixé les gestes et les mouvements du bénisseur (1).

Que celui qui assiste à un mariage — par exemple, — considère la bénédiction des époux, puis ensuite la bénédiction de la couche nuptiale, qui 11e se donne plus que figurativement lorsqu’on étend le drap symbolique (poêle) entre les époux et l’assistance, il verra l’ofliciant se tourner vers les conjoints, les fixer et diriger sur eux, à distance, la main droite, les doigts rassemblés en pointe.

(1) Argument pour ceux qui regardent les procédés comme essentiels. — Voyez ci-après, p. 425.

Los vêtements cl 1rs a!iiuli:lt.ns sont bénits, soit au point tic vue préventif, soit au point de vue curatif, et nous évitons à dessein de signaler l’identité trop évidente de la bénédiction catholique et de ses modes divers avec la magnétisation et ses divers procédés.

De même que la magnétisation, la bénédiction chrétienne, s’applique aussi aux objets à prendre à l’intérieur, et — ce que ne fait pas ressortir la formule de bénédiction traduite en français, —où bénissez peut paraître adressé à Dieu, — la bénédiction doit être donnée par tous les assistants. — Benedicite ne peut s’adresser qu’à plusieurs personnes.

XVI. — De la prière.

Bien que nous n’ayons pas de certitude mathématique à cet égard, nous croyons, et nous avons déjà eu l’occasion de nous prononcer sur ce sujet à propos des communications spirituelles (1). —Nous croyons au lien entre l’homme et des êtres extérieurs à l’humanité, et ce lien doit être de même nature sans doute que l’action magnétique. Il en résulte que la prière, à nos yeux, peut avoir par elle-même une valeur intrinsèque, puisqu’elle sollicite un secours extérieur possible ; mais, sans considérer la prière sous ce rapport, qui est du ressort purement religieux, elle nous semble avoir une grande importance au point de vue magnétique, et nous n’en négligeons jamais le secours lorsque nous magnétisons en vue du soulagement des malades, — en priant nous-inêmo et en engageant le sujet à prier, si nous l’en croyons capable.

La prière, en effet, pour celui qui a le sentiment religieux, a pour conséquence d’exalter les forces morales et mystiques, — en établissant, suivant nous, une chaîne avec les êtres supérieurs dont nous empruntons ainsi les forces, et,— ce que personne ne pourra nier, si notre opinion particulière est contestée, en exaltant la foi du magnétiseur dans sa puissance, et par suite en augmentant sa force de volonté,

(I) Voy. Journal du magnétisme, t. XIII, page 2S5.

Elle doit, parla même raison, exalter chez le sujet sa croyance à la guérison, et sa puissance de désir, conditions tout à fait favorables à l’action magnétique.

Les mots volonté et désir appliqués au magnétiseur et au magnétisé auraient besoin d’explications qui se rattacheraient à la question du rôle de la volonté dans la magnétisation et nous entraîneraient en dehors de notre sujet. 11 nous suffira, pour préciser notre pensée à cet égard, — sans nous jeter dans un hors-d’œuvre, — d’indiquer comme exemple le mode de prière employé et indiqué par nous à une jeune fille d’un caractère très-religieux, très-intelligente, et susceptible de l’oraison jaculatoire, ce qui suppose une grande faculté de concentration.

— « Pardon, mademoiselle, veuillez me donner la main... ... Recueillez-vous... Concentrez-vous en vous-môme.... Portez votre attention sur votre personnalité et surtout sur le mal dont vous êtes affectée!..... — Faites un acte d’espérance.....

« .....— A ne considérer que vous et l’infirmité de votre

nature, votre acte d’espérance ne peut être qu’une humble prière. Mais vous n’êtes point un être isolé. Par les liens de la famille, de l’amitié, vous êtes liée à des êtres qui s’intéressent à vous; votre cœur et vos sentiments religieux vous apprennent que vous êtes unie par des liens innombrables à toute la création. Perdez le sentiment de votre personnalité ; et, par une expansion religieuse, confondez-vous avec la création et avec le Créateur..... —

Acte de charité ou d’amour universel.....

« ..... — Que tous les êtres avec lesquels vous venez

d’entrer eu communication vous bénissent et veuillent bien me choisir pour leur instrument.....— Acte de foi. »

Par la manière même dont la prière est amenée, il est facile de voir que, chez le sujet, l’acte d’espérance implique désir, et chez le magnétiseur, volonté. — En un mot, le désir est une espérance passive, absorbante, si j’osais m’exprimer ainsi ; la volonté — une espérance active, émissive et rayonnante.

On voit aussi combien la prière peut servir à nouer fortement la chaîne magnétique entre le magnétiseur et le sujet, par une espèce de communication de pensée, par une sorte de contact moral.

J’ai supposé que le sujet avait la faculté de prier sans formules arrêtées d’avance. La récitation de patenôtres, quoique moins bonne au point de vue magnétique, en ce qu’elle exalte moins le sujet et le dispose moins à une crise favorable, a du moins pour effet de concentrer son attention, de l’empêcher de vagabonder, ce qui soustrairait en grande partie le sujet à l’action de l’opérateur.

Or cette valeur, que nous attribuons aux formules pour ceux dont l’attention a besoin d’être soutenue, nous l’accnr-dons aussi aux procédés, .aux cérémonies, qui sont en quelque sorte des formules matérielles de l’acte magnétique. — Si l’action magnétique s’exerce sans l’intermédiaire des fonctions de relation, ces fonctions peuvent lui servir d’auxiliaire. Ainsi la parole (1), le geste, l’expression de la physionomie aident certainement l’action. De même qu’il y a desjgens qui ne comprennent bien que ce qu’ils lisent des lèvres, de même il y a des gens qui ne peuvent concentrer leur volonté qu’en la formulant ; et tous arrivent à une plus grande tension de la volonté lorsqu’ils l’expriment, sinon par la parole;—Nous connaissons des magnétiseurs qui marmottent en dedans : « Dormez... » ou toutautre ordre qu’ils veulent faire exécuter au sujet, — du moins par le geste et l’expression physionomique; et comme il y a beaucoup de personnes qui n’improvisent pas la prière et qui ont besoin de la rédiger

(1) Non seulement la voix exerce une action par le sens qu'elle exprime, mais il y a une action toute spéciale dans le son, dans la musique des paroles. Il est hors de doute que les amoureux trouvent charmantes des redites monotones et qu’ils ne font aucune attention au sens. —Le murmure de leurs voix est une musique qui les charme.

La tourterelle n’a que deux notes, et les répète toujours sans jamais se lasser, sans jamais lasser sa compagne.

d’avance ou d’en réciter des formules toutes faites, il s’en trouvera aussi qui ne sauront pas improviser leurs gestes, et à qui il sera bon d’en indiquer de tout rédigés et qu’ils seront obligés d’apprendre par cœur.

XVIII. — Lieux et objets magnétisés. — Des reliques.

Indépendamment des formules, des rites et des cérémonies qui fixent et concentrent l’attention, tout ce qui peut exalter l’âme ou les sens doit être auxiliaire de la puissance magnétique.

Ainsi les monuments consacrés au culte peuvent avoir, dans leur architecture , dans leur décoration intérieure, quelque importance en dehors du fait de la réunion. Il n’est pas besoin de dispositions artistiques bien développées pour reconnaître que les monuments gothiques, avec leur demi-jour mvstérieux, la fraîcheur sombre de leurs voûtes élevées, leurs pilastres cannelés si élancés à l’œil qui dirigent le regard vers le ciel, comme pour prédisposer l'extase, inspirent plus de recueillement et préparent mieux les fidèles à l’enthousiasme d’une foi commune que les églises coquettes de goût italien, aux arceaux surbaissés inondés de lumière, qui invitent à la distraction, et où l’on semble aller plutôt pour voir ou être vu que pour prier ou se recueillir.

Les chants, la musique, les chefs-d’œuvre des arts, tout cela peut agir d’une même action sur l’imagination des assistants et contribuer à resserrer le lien magnétique. — Les anciens employaient les chants comme mode d’action mar gnétique, d’où nous est resté le mot d’enchantement. Les fanatiques des Gévennes employaient aussi le chant pour faire entrer en extase leurs enfants prophètes.

Mais, à nos yeux, les églises, comme lieu habituel de réunion et de prière, nous semblent avoir une vertu particulière analogue ?i celle des objets magnétisés.

Le baqur-t de Mesmer agissait plus énergiquement lors-p: : h; saüu >r;v;-pic tsiups de lieu de réu-

i.io:i.

M. du Potet aifirmcrait-il qu’il aurait immédiatement les

mêmes succès s’il changeait le local de ses séances?

Enfin, toujours au point de vue purement humain, et sans pii dire plus qu’un mot, — l’objet magnétisé perd-il sa vertu ¡»nr la mort du magnétiseur? Si une canne magnétisée par Pierre ou par Paul agit en son absence sur des sujets sensibles, pourquoi Elisée u’aurait-il pas envoyé son bâton avec l’espoir d’agir sur l’enfant de la Sanamite (1) ? Pourquoi le

(I) Voici le passage (lu livro IV îles Rois, relatif à cette action du prophète.

§ II, Résumé. — Une dame de Sanam, Vilbé, que fréquentait Éliséo,lo logo et le nourrit avec toutes sortes d égards quand ¡1 y séjournait. Son mari était déjà vieux; mais Elisée lui lit cependant obtenir un fils;

ÿ 17. « Cette femme conçut ensuite, et elle enfanta un fils au mémo temps et à la même heure qu’Elisée lui avait dit.

§ III. f 18. « L’enfant crut ; et étant un jour allé trouver son père, qui Clait avec les moissonneurs, ÿ la. « Il lui dit : La tèto me fait mal, la tète me fait mal. Son père dit à un de scs serviteurs : Prenez cet enfant, et menez-le à sa mère.

f 20. « Il le prit et le porta à sa mère ; et elle, l’ayant tenu sur ses genoux jusqu'il midi, il mourut.

f 21. « Elle monta ensuite(à la chambre de l'homme de Dieu.—Addition de Le Maistrc de Sacy), et elle mit l'enfant sur son lit; et ayant fermé la porte, elle vint trouver son mari.

f 22. « Et lui dit : Envoyez avec moi, je vous prie, un de vos serviteurs, et je prendrai l'ânesse pour courir jusqu'il l’homme de Dieu ot m’en revenir.

>*■ 23. « Son mari lui répondit : D'où vient quo vous l’allez trouver? Ce n’est point aujourd’hui le premier jour du mois ni un jour do sabbat. Elle lui répondit : Je suis bien aise d’y aller.

fil. « Elle fit donc seller l’ânesse, et dit à son serviteur : Menez-moi en diligence ; que rien ne m'arrête en chemin, et faites tout ce que je vous ordonne.

ÿ25. « S’élantdonc mise en chemin, elle vint trouver l'homme de Dieu sur la montagne du Cartnel: et l’homme de Dieu l’ayant aperçue qui venait il lui, dit à Giézi, son serviteur : Voilà cette Sanamite;

f 26. « Allez au-devant d’elle, et dites-lui : Tout va-t-il bien chez vous? Vous, voire mari et votre fils se portent-ils bien? Elle lui répondit : Tout est bien.

f 27. o Et étant venue trouver l'homme de Dieu sur la montagne, elle so jeta à ses pieds, et Giézi s'approcha pour la relever; mais l'boni me de Dieu lui dit : Laissez-la, son âme est dans l'affliction , et lo Seigucur nu me l'a point fait connaître.

i 28. « Alors cette femme lui dit : Y°us ai-je demandé un fils, Monseigneur? Ne vous ai-je pas dit : Ne me trompez point?

t 29. « Elisée dit i Giézi : Ceignez vos reins, prenez mon bâton à votre main , et allez-vous-en. Si vous rencontrez quelqu’un , ne le saluez point; et si quelqu’un vou» salue, ne lui répondez point! et mettez mon bâton sur le visage de l'enfant.

f ÎO. « Mais la mère do l’enfant dit à Eliséo : Je vous jure par le Seigneur et par votro vie que je no vous quitterai point. Il alla donc avec elle et la suivit.

t 31 « Cependant Giézi était allé devant eux, et il avait mis le bâton

manteau d’Élie n’aurait-il pas été, pour Élisée, un héritage précieux ?

Enfin, pourquoi ne reconnaîtrait-on pas une valeur magnétique aux vêtements de certains individus morts, et surtout aux restes de leur corps, qui conservent une sorte d’identité qui les fait reconnaître des somnambules lucides?

En un mot, la foi aux reliques, toute spéciale au catholicisme, n’a-t-elle pas pour les magnétiseurs une base magnétique, et l’adoration, ou, mieux, — pour employer le mot technique, — le culte (le doulie, rendu à des reliques ou à une image, ne peut-il leur communiquer, à un degré éminemment énergique, les vertus des objets magnétisés par une chaîne magnétique (1) ?

XIX. — Observation à l’appui de ce qui précède.

Les neuvaines, et toutes les prières périodiquement renouvelées pour un même but, doivent avoir aussi, suivant la foi et les facultés de ceux qui y prennent part, une vertu magnétique indépendante de leur vertu religieuse.

VoiciTordonnanced’une guérisseuse, dont l’exécution a été

d’Éliséc sur le visage de l'enfant: mais ni la parole ni le sentiment ne lnl étant revenus, il retourna au-devant de son maJlre et lui vint dire : L'enfant n’est point ressuscité.

■f 32. u Élisés entra ensuite dans la maison, et il trouva l'enfant mort couché sor son lit.

f 33. « Il ferma aussitôt la porte sur lui et sur l'enfant, et il pria le Seigneur. »

(Rien n'indique comment on a connu les détails suivants, qui n'eurent point de témoins.)

fit. a Après cela, il monta (sur le lit) et sc coucha sur l'enfant. 11 mit sa bouche sur sa lx>uche, scs yeux sur ses yeux et ses mains sur ses mains, et il sc courba sur l'enfant, et la chair de l'enfant fut échauffée.

f 35. « Et étant descendu de son lit, il se promena et fit deux tours de chambre. Il remonta encore (sur le lit) et se coucha sur l'enfant. Alors l’enfant bâilla sept fols et il ouvrit les yeux.

f 36. « Elisée app«ela ensuite Giézi et lui dit : Faites venir cette Sana-mite. Elle vint aussitôt et entra dans la chambre. Elisée lui dit : Emmenez votro fils. »

(i) N'a-t-on pas observé qu’une table qui avait souvent déjà élé actionnée se prêtait mieux aux expériences suivantes? C'est-à-dire que, comme objet déjà magnétisé, elle agissait plus vite sur les sujets sensibles de la chaîne.

suivit' lo la cicatiisalion d’un ulcère de mauvaise nature du nez ci des lèvres : ulcère carcinomateux, suivant deux des médecins qui l’avaient traité sans succès pendant deux ou trois ans.

Le mari devait faire trois pèlerinages à trois saints désignés, et réciter à la chapelle de chacun, pendant trois jours, des prières aussi désignées. Chaque pèlerinage — le dernier était au point de départ, — exigeait trois jours de marche de dix lieues chacun. Les dix lieues de chaque journées devaient être faites à jeûn, et les trois jours de séjour à chaque station étaient des jours de jeûne. Pendant ce temps, la malade devait faire trois neuvaines à trois couvents désignés près dé son domicile, et porter sur la bouche, pendant chaque neuvaine — à laquelle la communauté entière prenait part (faveur toute spéciale), — un linge bénit le premier jour de la neuv aine.

Au bout de ces vingt-sept jours, et pendant un mois, la malade devait mettre chaque jour, en compresse, un mouchoir blanc imbibé de l’eau du puits banal du village, puisée avant que personne en eût encore tiré.

Qu’on examine en détail l’ordonnance, et l’on verra qu’il est impossible de mieux combiner les actes pour soutenir l’attention et la volonté du mari qui désirait ardemment la guérison de sa femme (disons-le au risque d’ôter toute poésie sentimentale et villageoise à notre récit; — la femme avait toute la fortune, et le ménage n’avait pas d’enfants).

Dix lieues à jeûn pour qui sait ce que c’est que la régularité d’appétit d’un paysan et la puissance digestive de la marche, ce n’est pas une petite alfaire, et à. partir de la seconde lieue, son estomac, à défaut de son cœur, devait lui rappeler le but de son pèlerinage. Les prières à chaque saint ne duraient que trois jours, le temps juste de se reposer, et non celui de s’oublier dans la monotonie des récitations.

Pendant ce temps, tendait au même but une masse de volontés rendues convergentes par la neuvaine, et soutenues par la vue affreuse de l’infirmité de cette femme, — cette retraite d’une étrangère dans le couvent étant exception-

ne]le chez des sœurs qui n’étaient point destinées au service des malades.

Enfin, pendant un mois, le mari était forcé de veiller auprès du puits pour attendre minuit et être sûr ainsi d'être le premier à puiser de l’eau. — Or, cela le forçait à couper la nuit, car minuit, dans un village, est une heure où tout le monde dort depuis longtemps. Aussi, quand ¡1 trempait la compresse, — qu’il avait tenue dans ses mains pendant toute la veillée, soyez sûrs que le linge et l’eau étaient bien magnétisés. Je n’hésite donc point à attribuer l’amélioration dans l’état de la malade à l’exécution de cette ordonnance, qui ne ressemble en rien à celles de la Faculté (1).

Nous connaissons une dame qui ne pratique pas le catholicisme et n’y croit pas, et qui, par un illogisme explicable, est parfaitement dévote à la Vierge Marie. — Lorsqu’une personne à laquelle elle s’intéresse est malade ou affligée, elle fait brûler des cierges devant une image de la madone et fait dire des neuvaines. Elle-même participe à ces neu-vaines et prie avec ferveur. Elle a recours aussi à la bénédiction par des prêtres catholiques d’objets destinés aux malades — lorsqu’il s’agit de maladies.

Il nous semble hors de doute, à la suite d’observations multipliées, que ces pratiques sont suivies de succès. Nous devons ajouter qu’elle n’accepte pas la bénédiction du premier venu, et qu’elle attache une grande importance à ce que, comme elle le dit, l’objet soit bien bénit. J’ai connu quelques-uns des prêtres dont la bénédiction lui semblait insuffisante, et j’en ai vu opérer dont elle acceptait la bénédiction. Je l’ai interrogée à ce sujet ; voici ce que j’ai reconnu : elle veut que le bénisseur réunisse la grâce à la majesté, ce qui constitue, d’après elle, la beauté du prêtre, — quand môme il ne serait pas joli de visage.

(I) Je n’avais plus entendu parler de la personne en question depuis que j’avais noté le fait. La citation que j'en fais m'a décidé à prendre des renseignements au lieu de résidence des époux J'ai appris que deux ans après l'amélioration dont j'ai parlé et qui avait fuit croire à uuc guérison absolue, le mal avait reparu.

11 m’a semblé qu’elle excluait les gens ?i mine sensuelle; et tous ceux dont elle accepte le ministère paraissent rayonnants de foi et de volonté dans l’acte de la bénédiction.

Croit-on que nous hasardions beaucoup en attribuant au magnétisme la plus grande part des succès de cette dame ?

XX. —Autre observation.

Il n’est personne qui n’ait entendu parler des guérisons obtenues par les prières du prince d’Hohenlohe. Nous avons été témoin d’une de ces cures à distance, et comme nous ne sommes lié par aucun devoir de convenance ni de discrétion, nous pouvons citer les noms propres.

M. Victor Levassor, appartenant à. une famille catholique très-pieuse de Chartres, très-dévot lui-même, était en proie à l’une de ces maladies rebelles à tous les secours de l’art. Depuis deux ans, il offrait à la fois les symptômes mal définis de la phthisie pulmonaire avancée, d’une gastrite chronique et d’une maladie du cœur. Tous les organes paraissaient attaqués à la fois; il allait s’affaiblissant, en proie à une consomption graduelle. Ses amis, ses parents et tous les médecins, avaient pronostiqué qu’il mourrait bientôt comme son frère aîné qui, trois ans plus tôt, avait offert les mômes symptômes, et avait, à vingt ans, succombé à une décrépitude précoce.

Ce fut à cet instant qu’appuvée de chaudes recommandations cléricales, la famille adressa la demande d’une neu-vaine au prince d’Hohenlohe (1). On reçut immédiatement de la chancellerie d’Hohenlohe une réponse : « que les prières du prince étaient promises pour un temps assez long, et

(1) Co prince faisait encore ses prières pour des cas déterminés. Depuis, il adopta un autre système. De telle dateà telle date, il faisait une neu-vaine à l’intention des personnes habitant l’Allemagne; puis une aulre destinée à la France, — à l’Italie, — à l’Angleterre. Les personnes qui désiraient participer au bénéfice de ces prières devaient se joindre à la neuvaine destinée à leur pays en suivant un rite qui leur était communiqué par la chancellerie d’IIohenlohe.

que dès qu'on pourrait fixer une époque pour la neuutine demandée, 011 s’empresserait d’en donner a\ is ii la famille. »

Kn effet, au bout d’un temps moins long que ne pouvait le faire supposer la première lettre, on en reçut une autre fixant le jour où la neuvaine du prélat commencerait, et engageant. faire dire, au lieu d‘ résidence du malade, des messes et des prières spéciales indiquées, pendant toute la neuvaine, à laquelle devait prendre part le malade — autant que faire se pourrait, — ses amis et ses parents, — et, toutes les personnes pieuses qui voudraient bien se joindre aux prières du prince.

Je fus, comme parent, prévenu officiellement de ce que je viens de raconter, et n’ayant, à cette époque déjà éloignée, aucune notion de magnétisme assez précise pour me donner l’idée d’en faire le rapprochement avec des faits d’ordre religieux, — parfaitement incrédule d’ailleurs au catholicisme et à tout ce qui y tenait, —je m’attendais à une légère amélioration de l’état du malade à la suite de la nouvelle qui devait lui donner une sorte d’espoir, puis à la reprise prompte et fatale de la maladie.

Le mal, au contraire, continua d’empirer lentement pendant les trois semaines qui s’écoulèrent entre l’avis et le commencement de la neuvaine, et à l’époque indiquée, le malade était dans un état pitoyable.

Pendant les neuf jours de la neuvaine, le mal diminua graduellement, et lorsque la neuvaine fut terminée, le malade était évidemment entré en pleine convalescence. La guérison fut bientôt complète, sans rechute, môme momentanée; et le jeune homme, —jeune alors, — a fait depuis comme les princes dans les contes des fées : il §e maria et eut beaucoup d’enfants.

Est-il possible de méconnaître la connexion entre les faits que nous venons de citer, et ceux du même ordre, — et les faits magnétiques?

XXI. — Du maléfice.

Il faudrait, pour examiner toutes les faces du sujet, étudier l’action magnétique de mode subversif, celle qui tend’à nuire au lieu de tendre à faire le bien. C’est le seul mode d’action que le monde officiel, avant ces derniers temps, voulait bien reconnaître ; et quiconque avait agi magnétiquement, quiconque avait des facultés supérieures, était poursuivi comme magicien, sorcier, envoûteur ou donneur de maléfices, et comme tel, bien et dûment traité par le fèu,

— rôti d’ailleurs ou bouilli, suivant le goût du juge ou la mode du moment.

Le sujet vient d’être remis à l’ordre du jour par MM. de Mirville et de Gasparin. Tout en regardant cette question des maléfices comme très-importante au point de vue historique, nous ne voulons pas nous y intéresser comme magnétiseur — ardent à propager le magnétisme comme moyen de faire le bien, ce qui est son but véritable, mais ne nous dissimulant pas qu’on peut en abuser, comme de toutes les forces qui ont été données à l’homme.

Nous sommes donc loin de nier qu’on puisse nuire à autrui par la volonté malveillante, comme on peut lui faire du bien par une volonté bienveillante. Seulement nous y trouvons cette différence que la bénédiction agit en général avec le concours volontaire du sujet, et lors môme qu’elle a lieu à son iosu, son action n’est point combattue par la lutte.in-stinctive }ue la nature oppose à ce qui contrarie sa marche.

Aussi pensons-nous que ces faits de maléfices ont souvent été exagérés par la crédulité publique, souvent même par la vanterie absurde de ceux qui se compromettaient eux-mêmes en amplifiant le mal qu’ils avaient fait ou qu’ils avaient voulu faire. Mais, malgré la dénaturation des faits, il est facile de reconnaître qu’il y a un fond de vérité dans les croyances populaires aux sortilèges, et il serait presque tou-

jours intéressant de retrouver l'origine «les préjugés ou des superstitions (1).

Le sai.bat paraît avoir été la réunion de certaines sociétés secrètes, réunion où s’accomplissaient certains actes magnétiques; et les témoignages môme des malheureux qui avouaient leur participation à ces assemblées semblent fondés sur des visions plus ou moins lucides que les sujets auraient eues dans l'état de crise imparfaite.

Il est probable qu’on s’occupait d’actes magnétiques collectifs qui, s’ils étaient bien combinés, auraient une puissance dont Mesmer avait voulu tirer parti, et dont les procédés de magnétisation individuelle nous ont malheureusement trop détournés. — Nous doutons d’ailleurs que ces réunions aient jamais eu de but criminel ; d’abord parce que, dans tous les procès où il en a été fait mention, l’accusation est presque toujours vague, ou, si l’on veut, ne précise guère qu’une accointance plus ou moins intime avec le diable, — et ensuite — parce que, l’accord de volontés, — facile à réaliser pour faire le bien — et qui peut donner tant de force aux actes magnétiques collectifs, — devient impraticable pour ainsi dire lorsqu’il s’agit de nuire. Et nous doutons que, môme sous Néron, — si Néron eût été impopulaire,

— on eût pu décider une masse de gens à le maudire à heure fixe, ce qui eût constitué un mode assez bizarre d’application par anticipation du suffrage universel, ou qui aurait correspondu, si l’on veut, en mode inverse à l’opération des prières de quarante heures ordonnées par l’Église pour la santé des princes.

Nous n’en regardons pas moins les faits d’envoûtements, de maléfices comme possibles, sans attacher plus d’impor-

(1) On prend en général en mauvaise pari ces deux mots, et l’on a tort.

Préjugé veut dire opinion reçue par tradition, et, par suite, jugement port*.1 d avance.

Superstition a à peu près le mémo sens : opinion qui est restée dans l’esprit public. La superstition, c'est le préjugé dans la masse.

Ces opinions peuYent être vraies ou fausses, et leur acceptation sans examen, — pour être blâmable au point de vue philosophique, — no préjuge rien à cet égard.

tance aux procédés pour jiMcr des sort« qu'aux procédés pour bénir; regardant les nas et les autres comme îles moyens de concentrer la pensée sur un sujet unique et île donner plus d’énergie à la volonté.

XXII. — De l'exorcisme.

Ou trouve dans la tradition historique un acte qui, par sa nature, nous parait participer à la fois de la bénédiction et du maléfice, c’est-à-dire de l’influence bienveillante et de l'influence malveillante que les êtres peuvent exercer l’un sur l’autre. Nous voulons parler de l’exorcisme.

Il est bien entendu, dans tout ce que nous allons dire, comme dans tout ce que nous avons dit sur les actes religieux , que nous mettons de côté tout ce qui pourrait être attribué à l'intervention divine, et ne considérons que le résultat humain des actes. Or, — quel que soit le ministère dont sont revêtus les exorcistes (1), — ils ne cessent pas d’être hommes, et à ce titre leur action doit être étudiée au point de vue humain. Mais le magnétisme peut seul rendre compte de ce genre d’action qui appartient à

(i) 1/Ancien Testament ne mentionne guère les procédés magnétiques, et le petit nombre de faits analogues a plutôt le caractère de la consécration que celui de la magnétisation.

11 n'en faudrait pus conclure que les procédés magnétiques n’étaient pas en usage. L’exorcisme, acte essentiellement magnétique, était pratiqué chez les Juifs, au moins dans les temps qui se rapprochent de Jésus-Chiist.Cela résulte d’une réponse de Jésus aux prêtres qui lui reprochent son alliance avec Satan, lequel lui donne, — selon eux, — pouvoir sur les démons.

« Ce n’est, disent-ils, qu’au nom do Bclzébut qu’il chasse les démons.

27. « Et si je chasse les démons au nom de Belzébut, au nom de qui vos fils les chassent-ils? C’est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges. » (Math., XII, 2-4, et Luc, XI, 19.)

Les actes des Apôtres en font aussi mention. jLcs prodiges opérés par Paul excitaient l’envie des exorcistes juifs.

Act. XIX, 13. « Quelques-uns essayèrent d’invoquer, sur ceux qui avaient de mauvais esprits, le nom du Seigneur Jésus, disant: Je vous adjure par Jésus, que prêche Paul.

15. « Un méchant esprit leur répondant, dit : Je connais Jésus, et je sais ce qu’est Paul; mais vous, qui êtes vous? »

l’influence rayonnante des Êtres les uns sur les autres. Nous ne pouvons donc nous empêcher de jeter un coup d'œil sur cette question.

Quoiqu’il en soit delà fonction primitive des exorcistes, elle avait pour objet, au moyen-âge, de délivrer les possédés du pouvoir du démon.

11 est évident qu’en principe l’opération a un but bienveillant pour le sujet qu’il s’agit de soulager ; mais que l’on considère la position d’un homme à qui nous supposons la foi, qui pense être en présence de l’ennemi de Dieu et des hommes, et qui se croit appelé à le combattre comme en un champ clos ; qu’on lise les formules portant le cachet de la haine et de l’imprécation, et l’on sera convaincu que bien peu d’hommes étaient capables d’ètre à la fois bienveillants pour le sujet et hostiles au démon à combattre. Aussi devait-il arriver nécessairement que l’un des sentiments triomphait de l’autre, et, le plus souvent, le sentiment le plus passionné résultant — du fanatisme allumé dans l’esprit de celui qui se croit le champion de Dieu — de la crainte suggérée par la puissance supposée de l’ennemi, — enfin de l’émulation développée par l’esprit de lutte.

C’est pour cela que nous disions qu’au point de vue magnétique — le seul,.répétons-le, qui nous occupe — l’exorcisme tenait à la fois de la bénédiction et du maléfice. Et suivant le caractère de l’opérateur, selon que le type de l’accord ou du discord prédominait en lui, — selon qu’il était plus préoccupé de la créature visible qui avait droit à son intérêt — ou de l’esprit de ténèbres qui allumait son courroux, — on lui voyait calmer les crises du sujet, — ou bien les exalter ou bien les faire naître.

Un prêtre plein de foi, et dont le caractère incline à la douceur, en me consultant pour savoir si, dans les opérations magnétiques, j’avais recours à l’intervention du démon (ceci est rigoureusement exact), l’abbé B***, m’a déclaré avoir fait une expérience qui lui semblait établir la possession des sujets magnétiques.

Il était alors chapelain catholique à Londres; et, préoc-

cupé de cos questions déinonologiqucs, il assistait ii une séant e excessivement nombreuse donnée parM. du Potot. — Parmi beaucoup d’expériences remarquables, — d’après sa déclaration, — l’une exigeait que le sujet de l'expérience, une somnambule, parcourût la salle. Au moment où la somnambule venait de passer auprès de lui et lui tournait le dos.

— concentrant toute sa volonté (je rapporte textuellement son récit), il lança brusquement vers elle lin geste en pronon-çantmontalcmcnt la formule de l’exorcisme. — N’est-ce pas exactement l'expérience, — que nous n'aimons pas d’ailleurs, — du foudroiement magnétique?

Aussitôt le sujet, qu’il n’avait pas touché et qui n’avait pu voir le geste, tomba, en poussant des cris affreux, dans les spasmes et dans les convulsions.

Magnétiquement parlant, le résultat ne pouvait être différent, car il est évident que l’abbé B*** ne faisait aucune distinction entre la somnambule et le démon dont il la croyait possédée. — Il déclare d’ailleurs qu’il ne songeait qu’au démon en lançant son imprécation.

Qu’arriverait-il à un tireur placé entre le soleil et un promeneur s’il voulait atteindre l’ombre de celui-ci ? — J’ignore ce que l’ombre éprouverait, mais je sais que si le coup était bien visé, le corps serait atteint.

A ne parler que des cas qui ont laissé des traces historiques, il est impossible de méconnaître, dans la plupart des sujets soumis à l’exorcisme, les qualités qui distinguent les sujets sensibles au magnétisme ; ce sont généralement des femmes, surtout des jeunes filles, souvent des religieuses soumises aux régies de la claustration, à l’isolement, au célibat, toutes causes qui prédisposent à l’hystérie, — et l’on sait combien la sensibilité hystérique a de rapport avec la sensibilité magnétique.

Généralement aussi, les faits qui font croire à la possession du sujet ou qui le font soupçonner, se présentent à la suite d’un événement qui frappe vivement son imagination; —ou bien c’est une sorte de contagion morale, et la possession devient à la mode. Or, si à une femme impressionnable ainsi

préparée, un homme qui a sur elle une influence immense antérieurement acquise, son directeur, vient dire qu'elle est possédée ; si quand, elle revient à l’état normal après une crise nerveuse, chacun de ceux qui l’entourent vient lui raconter les phénomènes qu’elle a éprouvés, et qui semblent en faire un être tout à fait en dehors des autres, — comment veut-on que son imagination ne s’exalte pas, que sa sensibilité magnétique ne soit pas outrée au dernier point?

Qu’il se présente alors un exorciste qui, .avec un grand appareil, une volonté énergique, vienne agir sur cet être magnétisé pour «ainsi dire d’avance, il est certain qu’il obtiendra les effets les plus étranges. — Mais il va craindre de briser cette frêle machine ; il va trembler devant les effets qu’il obtient; sa volonté va faiblir; il va chercher à calmer ce trouble désorganisateur. — Point. — Le sujet de chair et d’os qu’il a devant ses yeux n’existe pas pour lui. C’est Satan lui-même qu’il combat; il n’a rien à ménager. Plus les phénomènes deviennent effrayants, plus il doit redoubler d’efforts dans la lutte, car c’est le démon qui fait rage. — Les convulsions, les spasmes : grimaces diaboliques.

Nous n’avons point à juger de ce qui aurait dû se passer entre le prêtre et le diable auquel nous ne croyons pas ; mais, comme magnétiste, nous pouvons affirmer que, dans ce cas, il n’est pas de fait bizarre, d’accident terrible, de phénomène curieux, d’effet inoui qui n’ait dû se présenter.

Il serait intéressant d’examiner, avec les données magnétiques que nous possédons, tous les détails de quelque procès célèbre où la possession ait joué un rôle. Mais notre cadre ne nous permet pas de nous étendre davantage sur ce point.

M. de Mirville a traité de la question magnétique au point de vue démonologique. Nous croyons qu’il serait utile de considérer la question démonologique au point de vue magnétique, et nous recommandons cet examen aux magnétiseurs érudits.

Le grand argument de ceux qui veulent faire intervenir le diable dans les faits magnétiques, — nous allions écrire : le grand argument des partisans du diable, — est dans l’ana-

logie frappante entre certainsfaits magnétiques et les faitsattri-bués au démon par la jurisprudence religieuse au moyen-âge.

Il est peut-êlre maladroit à ceux qui voudraient nous faire rétrograder au bon temps de l'inquisition de signaler une analogie qui peut si facilement être rétorquée contre leurs prétentions, et qui permettrait d’expliquer humainement ces laits de possession et bien d’autres qu’ils tiennent beaucoup à présenter comme surnaturels... — Mais c’est leur affaire et non la nôtre.

XXIII. — La bénédiction et te ministère ■public.

Nous avons dit que nous n’attribuions à l’action magnétique malveillante qu’un pouvoir restreint et limité. Un acte d’ailleurs dont les moyens d’exécution résident tout entiers dans la volonté de le produire, est si difficile à prouver, les abus auxquels les lois contre les sorciers ont donné lieu ont été si graves et les avantages si nuls, que le bon sens public, le sens commun, a fait rayer de nos lois tout ce qui concernait la sorcellerje. Mais, ce qui est au moins bizarre, c’est que si, à notre époque, en France, où l’on trouverait difficilement des gens qui oseraient braver le ridicule en requérant des peines contre un sorcier ou un envoûteur (1), il s’en trouve qui requièrent condamnation contre un magnétiseur pour exercice illégal de la médecine, — c’est-à-dire — qui demandent que l’on condamne un homme sous prétexte qu’il guérit ; car on n’a jamais pu produire contre les magnétiseurs d’autre preuve d’exercice illégal de la médecine que le témoignage des malades par eux guéris.

Ainsi on a aboli les lois qui reconnaissaient à la volonté humaine le pouvoir de mal faire et en punissaient l’exercice, et, par une sorte de compensation au moins bizarre, on vient reconnaître à la volonté humaine le pouvoir de faire le bien , mais on lui en conteste le droit.

(1) Dans l'affaire de Cideville cependant, le juge semble avoir regardé les coups de hflton comme un argument légitime contre un individu soup-

i'Ui'.ni desoitüvjj;.

D’une part, le parquet accuse !'• scrcjijiii'rïc matçnéli-seurs qui se font payer, prétendant qu'ils ont extorqué de l’argent, sous le prétexte d'un pouvoir imaginaire auquel il* ne croyaient pas eux-mêmes.

Puis, d’autre part, on poursuit pour exercice illégal de la médecine les magnétiseurs qui ont opéré gratuitement.

Ou l'action de la volonté peut guérir, et alors il n’\ a pas fraude à présenter la volonté comme une force curative;

— ou la volonté humaine est sans action curative, et son exercice est un acte nul cl insignifiant qui ne constitue pas, qui ne peut pas constituer l’exercice illégal de la médecine.

(le n’est peut-être pas le même individu qui a soutenu les deux accusations contradictoires; mais la contradiction n’en est pas moins flagrante, puisque c’est dans un même pays, en vertu des mêmes lois, que les deux systèmes ont été soutenus.

Bien qu’il y ait eu d’autres actions juridiques contre les magnétiseurs, l’accusation d’exercice illégal de la médecine,

— pour avoir guéri ou tenté de guérir par le magnétisme, — est la seule qui ait trait à notre thèse.

Les jugements sur cette matière n’ont pas tous été d’accord, et la question n’a pas épuisé tous les degrés de juridiction. Le trop regrettable Laforgue, condamné eu première instance à Pau, n’a pas voulu interjeter appel. 11 n’a pas voulu gaspiller dans des tracasseries judiciaires le reste de forces que lui laissait la vieillesse pour le soulagement de ses semblables. Mais nous sommes convaincu que la question bien présentée serait immédiatement, et sans difficulté, résolue dans un sens contraire au jugement du tribunal de Pau.

XXIV. — La loi permet de bénir les malades.

La première chose à faire devant un tribunal serait d’é-carter du débat le terme de magnétisme, terme très-impropre,

— bien que nous l’employions pour nous conformer à l’usage,

— mot mal défini d’ailleurs par ceux qui s’occupent de la chose, et qui, n’étant défini ni dans la loi, ni dans aucun

livre faisant autorité par rapport à la langue, laisse un vague et une incertitude qui ne peuvent être avantageux qu’à ceux qui n’ont pour eux ni le droit ni la raison.

Toutes les fois que l’occasion s’en est présentée, j’ai cherché à employer pour soulager autrui les forces curatives que Dieu a mises en moi, et mes efforts n’ont pas été sans succès. Je suis toujours dans la même disposition, et jamais, je l’espère, je ne chercherai à déguiser ni ma pensée, ni mes actes. Mais, quoique disposé à accepter, à prendre même habituellement la qualification de magnétiseur, tout en la trouvant impropre, je la repousserais carrément, si elle m’était appliquée dans une intention malveillante et comme une accusation.

J’ai le plus grand respect pour les lois en général, bien que, — venant des hommes, — il soit possible, à la rigueur, qu’elles ne soient pas toutes d’une perfection absolue. — Je respecte les juges chargés de les interpréter, sans me dissimuler que, n’étant pas Dieu, ils ne sont peut-être pas infaillibles. On regarde aussi comme ayant droit au même respect dans tous les temps et dans tous les lieux ceux qui en requièrent l’application, les gens qui, sous quelque désignation ou quelque robe que ce soit, font état d’accuser, quoique,... — i)Q mettons pas de quoique, — pour abréger, soit donc ! Je ne demande pas mieux que de les respecter tous en bloc et sans distinction.

Mais si l’on doit respecter l’accusateur public, quel que soit son titre officiel, on n’est pas tenu au même respect envers l’accusation. Et il faut bien reconnaître qu’à diverses époques, il y a eu de ces accusations manquant de clarté et de précision, dont le succès gisait presque toujours dans un mot vague et mal défini ou détourné de son sens naturel. La magie, la sorcellerie n’ont jamais été nettement définies par la loi.

Et, sans remonter si haut, — quel mot a jamais exprimé une qualité moins agressive que celle fa modéré? — Quelle appellation a jamais été plus dangereuse que celle-là, en France, vers l>3 ? Croyez-vous qu’alors celui qui avait la con-

fiance de mériter par son calme l’épithôte de modéré, dans le sens rpic lui donnait le Dictionnaire de l’Académie, eût dû par re'a seul ¡vcopter l’wcusKtion de modérantisme? Non, certes, et je »’accepterais ¡>.is plus aujourd'hui, — !.• la part de celui qui, en vertu île sou état, m'accuserait d'avoir guéri sans diplôme, — la qualité de magnétiseur.

a Enoncez les faits, lui dirais-je ; magnétiser et magnétisme sont des mots vagues que ni la loi ni le dictionnaire n’ont définis, des mots qui ne peuvent qu’obscurcir la question. J’ai le bon droit et la justice pour moi ; je tiens à ce que la discussion soit claire. Quels sont les faits que vous m’imputez à mal?

« Est-ce d’avoir dirigé mes mains vers autrui dans l’intention de lui faire du bien? — Soit, je l’ai fait et ne le nie pas. Vous n’avez pas besoin d’appeler des témoins. Nous sommes appointés en fait; et si vous éprouvez le besoin, pour abréger le discours, d’énoncer le fait en un seul mot, il y en a un qui est reçu de tout temps, et que je ne repousse pas : c’est le mot de bénédiction.

« Oui, j’ai béni les malades, et, bien que les actes de l’hounne intérieur ne soient pas de votre compétence, lorsqu’ils ne se traduisent pas par des faits extérieurs, j’ai prié pour eux. Si à vos yeux c’est une aggravation de mon prétendu crime, requérez des peines plus sévères.

« J'ai béni les malades et j’ai prié sur eux. 11 m'est peut-être môme arrivé de bénir les objets qui étaient destinés à leur usage, soit externe, soit interne. Est-ce là l'exercice illégal de la médecine? Et d'abord il vous faudrait prouver (pie la bénédiction est un moyen curatif, et, si vous le faisiez, vous rendriez un grand service à la doctrine de Mesmer; car voici près d'un siècle que ses disciples cherchent à démontrer cette vérité au monde qui refuse de la reconnaître. Puis, quand vous l’aurez démontrée cette vérité, — et c’est votre affaire, car vous êtes demandeur (1).

— Vous aurez fait une bonne œuvre, mais vous n’en serez pas plus avancé pour obtenir une condamnation. »

Voici comment je croirais devoir choisir le terrain de la

(1) L'exercice illégal de la médecine constitue une contravention et non un délit. En matière do contravention, on ne considère que le fait et non Tinlention. Assimiler la magnétisation à la médication est donc recon-Jiuitre la puissance curative du magnétisme ou bénédiction.

défense; et, plaidant au fond, sans vouloir décliner le déliât, invoquant le témoignage de tous les temps, j’élablirais, comme je l’ai fait devant vous, que la bénédiction, comme moyen curalif, est un moyen valnrel, résultant d’une faculté naturelle, et, parlant, que l’exercice de cette faculté est de droit nulurel pour tous, indépendant de l’art de guérir enseigné avec plus ou moins de succès (1).

J’ajouterais que la bénédiction ne suppose aucune étude, et qu’en admettant même qu’on puisse créer un art de la bénédiction, — ce qui n’est pas encore fait, les ignorants n’en conserveraient pas moins le droit naturel et religieux de bénir ceux ii qui ils veulent du bien.

Le droit religieux,... et j’insisterais sur ce point, caries juges, chargés surtout d’appliquer le droit écrit, sont trop habitués à le voir en opposition avec le droit naturel pour se préoccuper outre mesure de celui-ci. — Aussi al tacherais-je, au point de vue légal, la plus grande importance à l’assimilation entre la bénédiction telle que la donnent les mes-mériseurs et la bénédiction religieuse; et, non content de signaler, connue je l’ai fait ci-dessus, l’identité de nos procédés et de ceux du rite chrétien, je ferais voir, par des citations précises et nombreuses, —choisies parmi de plus nombreuses encore qu’on pourrait y ajouter, — je ferais voir, dis-je, que l’ancien et surtout le nouveau Testament, qui servent de base à toutes les religions et sectes religieuses de l’Europe, ont consacré l’usage de la bénédiction mentale ou exprimée, — soit par le geste, — soit par la parole, et son application spéciale à la guérison des maladies.

Les tribunaux civils n’ont pointqualité pour distinguer entre les pratiques permises aux laïques et les pratiques réservées aux prêtres par le rite catholique. Dans un pny t>ù i ègne la liberté légale de conscience, toutes les indications de l’ancien et du nouveau Testament sont licites pour tous; car bien

M. -T. do Rovèrc a plaidé clans ce sens, et a pourtant poivîucn appjJ ci s Cik.SM.tion. — Y C'Y. Journal du t XII, pag. IU.

Ilf.ii :.iT (k* (junsy).

des sectes n’admettent pas l'ordination qui constitue seule cette distinction entre prêtres et laïques.

D’ailleurs la bénédiction, et nous reproduisons à dessein la définition : Lit volonté bienveillante accompagnée de gestes dirigés vers relui à qui Con veut faire du bien, la bénédiction est et reste du domaine commun pour tous les chrétiens, sans perdre son caractère religieux, comme à toutes les époques elle a été du domaine commun dans toutes les religions. Elle a toujours et partout été comme l’exercice d’un sacerdoce naturel et patriarcal sans autre privilège que celui du dévouement.

Et il serait bien étrange que l’on ne pût faire comprendre à des sages :

Que la bénédiction, soit des individus, soit des objets qu’ils doivent porter, ou bien encore de la nourriture ou de la boisson qui leur est destinée, ne peut être illicite dans un pays où l’État salarie un culte qui en fait un devoir religieux.

C’est en effet au prêtre et non au médecin qu’on doit assimiler celui qui bénit. — La médecine et le mesmérisme ne sont point rivaux, et c’est par une étrange aberration que la plus parfaite sympathie n’unit pas le médecin et le mesmériseur, qui devraient, fraternellement sympathiques, marcher par des voies diverses à leur but commun, le soulagement de leurs frères qui souffrent.

La médecine constitue une science. Nous respectons, nous honorons la science dans la diversité des branches qui la constituent, mais sans la confondre avec l'acte simple et nu de la bénédiction. Celle-là procède de l’esprit, celle-ci procède du cœur : la première est du domaine du raisonnement, l’autre appartient tout entière au sentiment.

Du savant, du médecin, exigez l’étude, un diplôme. Il ordonne un traitement et peut se tromper.

Suivant le vieil aphorisme : « Medicus curât, non sanat # (ce n’est pas le médecin qui guérit, il ne fait que traiter).

Le mesmériseur, au contraire, ne traite pas, il guérit j il

n’a pas l’étude, il a la foi; il n’a pas l’expérience, il a la volonté (1).

11 n’a pas la science, il a la puissance; il n’ordonne pas les remèdes, il est lui-même le remède; il partage avec celui qui souffre et ses forces et sa vie, et pour bénir il n’a pas besoin de diplôme, il ne lui faut que la charité.

XXV. — Conclusions.

De ce que nous venons de dire, nous nous croyons en droit de conclure :

Conclusion principale.

1° Le magnétisme est un moyen naturel.

Conclusions accessoires.

2" Comme moyen naturel de faire le bien, le magnétisme a toujours été employé sous la désignation de bénédiction,

— et la bénédiction a généralement été considérée comme un acte religieux.

3“ Les religions modernes ont consacré la pratique de l’acte magnétique de la bénédiction.

h° Enfin, la loi civile ne prohibe point, et ne peut pas prohiber l’usage de la bénédiction, ou, ce qui est la même chose, de l’acte magnétique en vue de faire du bien.

Telles sont, chers collègues, les propositions que nous sommes disposé, suivant nos moyens, à soutenir par la discussion dans les séances suivantes.

A. PETIT D'OBMOY.

Paris, 0 août 18115.

(1) Sous avons indiqué, page 424, l'identité de l'espérance et deia volonté chez le magnétiseur, comme aussi de l'espéranceet du désir chez lesujet.

FAITS ET EXPÉRIENCES.

3BS LA DANSE DE SAINT -GUV A LA NOUYELLE-ORLÊANS.

Depuis quelques jours, les amateurs du merveilleux, qui pullulent dans notre bonne ville, comme dans tous les grands centres dépopulation, racontent des histoires qui nous transportent, d’un bond, près de neuf siècles en arrière, dans ce moyen-âge si fécond en scènes étranges, où le bouffon cheminait constamment côte à côte avec les choses les plus graves. 11 nous est donné, dans l’an de grâce 1855, d’assister, à (la Nouvelle-Orléans, au spectacle qui était connu au dixième siècle sous le nom de Dmisc ile Sainl-Guy ou Danse de Sainl-Weit.

Cette affection, comme chacun sait, était contagieuse à cette époque, et se manifestait spontanément. Dès qu’un individu en était atteint, ou croyait l’être, il quittait sa demeure pour errer à l’aventure. Arrivé à un carrefour ou une place publique, il était saisi involontairement d’une envie frénétique de danser, et se mettait incontinent en train.

Ses mouvements, d’abord lents, s’animaient par degrés; puis, arrivé au paroxysme de cette étrange monomanie, ses membres disloqués exécutaient des contorsions qui ne le cédaient en rien aux horribles contorsions des muscles de sa face. Alors les curieux qu’avait attroupés cette scène dégoûtante, ¿semblaient être pris de vertige, et se sentaient irrésistiblement attirés, comme par un fluide magnétique, vers le maniaque. Bientôt leurs mains se touchaient, s’enchaînaient; et, formés en un cercle qui allait grandissant, ces malheureux finissaient par tomber d’épuisement. En repre-

liant leurs forces, ils quittaient leur localité et partaient par bandes pour renouveler ailleurs les mûmes scènes de désordre, et multiplier à l’infini les membres de leur confrérie. Car ils étaient organisés régulièrement, et parcouraient les villes et les campagnes, en vivant de la charité publique. De sorte qu’en peu de temps le lléau s’était étendu sur la plus grande partie de l’Europe.

Pi •ès d’Ulm, en Souabe, se trouvait une chapelle dédiée à saint Weit. Les gens du pays, attaqués de la fureur cho-rlographique, y allaient en pèlerinage, et prétendaient avoir été guéris par l’intercession du saint.

Tel est le spectacle auquel on peut assister en se transportant dans line certaine maison située sur le chemin de Gentilly. L’homme qui l’habite avec sa femme est attaqué, ainsi que cette dernière, de l’étrange affection que j’ai décrite plus haut.

Ils sont parfaitement calmes tant que le soleil est à l’horizon ; mais dès que cet astre annonce la fin du jour, en disparaissant à l'occident, leurs yeux deviennent hagards; ils se sentent pris de frayeur sans cause apparente, et saisis de mouvements nerveux. Ils ne tardent pas alors à se démener comme de vrais possédés.

L’accès frénétique dure toute la nuit, jusqu’aux premières lueurs du crépuscule du matin. Alors ils tombent dans un état d’anéantissement physique et moral que l’on comprend facilement. Ils restent ainsi jusqu’au soir, pour recommencer de nouveau. Encore quelques nuits semblables, et ces malheureux succomberont infailliblement. La femme, surtout, se trouve dans un tel état de marasme, qu'on peut facilement préjuger sa fin prochaine. (Quoique médiocrement constituée, et déjà considérablement affaiblie par les déperditions de forces vitales non renouvelées par le sommeil, il a été impossible à quatre hommes robustes de la contenir dans un de ses accès.

La danse que ces gens exécutent a lieu chez eux, et les spectateurs nombreux qu’elle attire semblent médiocrement disposés au penchant de l’imitation, qui était si commun

chez les badauds du moyen-age. Cependant on parle 1 un certain policenum du troisième district, qui, arrivé sur les lieux pour opérer l’arrestation de ces danseurs forcenés, se serait mis, bon gré mal gré, de leur partie.

Le vulgaire attribue généralement l’état des deux époux à quelque sortilège que leur aurait jeté une vieille bohème du voisinage. Tel, en ellet, pourrait être le cas, si l’on lient compte des poisons encore peu connus, dont font usage les peuples primitifs. Nous avons tous vu, ou entendu parler, en Louisiane, d’empoisonnements mystérieux, accompagnés de symptômes étranges, et dont les causes échappaient presque toujours à une enquête scientifique.

La science moderne a qualifié cette affection du nom de CItorée. Cullen et Sauvages l’ont classée parmi les affections spasmodiques, et Pinel, parmi les névroses de la locomotion. Ces praticiens prescrivent lé traitement à suivre en pareil cas; mais généralement la maladie résiste opiniàtré-ment à tous les moyens thérapeutiques connus.

Cependant, s’il faut en croire la rumeur publique, la femme aurait été soumise à l’action du magnétisme animal, et le premier essai donnerait lieu de penser que le mal finirait par céder complètement sous l’influence de cet agent.

[Abeille île lu Nouve/le-Orléans.)

C. HEYNES.

Le Gérant : llliltKKT (de Garnay).

ÉTUDES ET THÉORIES;:

DU RACLE ET DES HALLUCINATIONS.

Il y a longtemps que les savants cherchent l’explication des visions et autres aberrations des sens connues sous le nom d’hallucinations, et rien de plausible n’est encore sorti de leurs travaux. De nouvelles observations sont évidemment nécessaires pour résoudre ce problème; mais les sources anciennes paraissent épuisées. Le haschish et le chloroforme, qui ont donné lieu naguère à des recherches fort actives et dont 011 espérait beaucoup, n’ont fourni aucun résultat satisfaisant. Le magnétisme présente bien des faits qui peuvent éclairer cette question ; mais les hommes spéciaux en dédaignent l’étude, en sorte qu’ils sont comme n’existant pas et perdus pour la science. Il faut donc que les magnétistes étudient eux-mêmes ce sujet intéressant et y rapportent les produits de leurs mains qui peuvent en dissiper les ténèbres.

Voici des phénomènes nouvellement observés, peu connus, peut-être môme totalement ignorés de ceux' qui s’occupent du magnétisme et par cela seul dignes de fixer davantage leur attention. Ils y trouveront, j’espère, quelques éclaircissements sur la nature des visions en général, sur l’évocation des esprits et leur apparition, sur les coups mystérieux et les frappements des tables, en un mot sur tout ce qui tient à peu près aux croyances spiritualistes, telles qu’on nous les présente dans l’étude toute sérieuse du magnétisme actuel.

Ces observations ont été faites, en mars et avril dernier, sur lui-méme, par M. le comte d’Escayrac, attaché à la mission de .M. Ferdinand de Lesseps pour le percement de

TOJIK XIV. — K* — 10 Sül'ICïliUE ItoD. 17

l'isthme de Suez, et sont consignées dans une brochure extraite de la bibliothèque de la Société de géographie.

Voici comment l’auteur rend complo de ses impressions et cherche à faire saisir les causes et les rapports de l’état singulier auquel il a été en proie.

« Un voyageur, pressé d’atteindre le terme éloigné doses fatigues, marche nuit et jour; accablé de lassitude, il ne tarde pas à être pressé par le sommeil ; sa volonté cherche à se raidir contre les exigences de sa nature : une sorte de lutte s’engage. Cet état de repos et do veille qui se succède et qui est sa condition ordinaire de la vie, fait place chez lui à un état tout particulier qui n’est plus ni le repos ni l’état de veille : ses yeux sont ouverts; il entend; sa main sent et agit, son esprit raisonne; et, malgré cela, notre voyageur est le jouet des hallucinations les plus bizarres.

« Le terme d’hallucination est trop général pour bien désigner ce phénomène; mais celui d’hallucination du désert aurait l’inconvénient de faire supposer qu’il ne se produit que dans le désert, tandis qu’il se produit partout, quand C homme est dans /es conditions physiologiques voulues. Je propose donc de faire passer dans la langue française le nom arabe de ce phénomène, nom aussi bref que sonore, et d’une articulation facile pour tout le monde.

« Ce nom est mgl, qui s’écrit en arabe avec un ré, unkaf et un htm; nous pourrions écrire ru g le, ce qui serait plus conforme ànos habitudes orthographiques. Les \rabes disent raglann (il a traversé le désert; il a marché rapidement) pour désigner celui qui est sous l’influence du ragle.

« 11 est rarement donné aux habitants de l’Europe d’observer le ragle, à part toutefois quelques courriers expédiés à franc-étrier, à de grandes distances, puis aussi à quelques étudiants qui, voyant approcher le jour des examens, emploient leurs nuits à repasser ce qu’ils ont appris. Ce phénomène est parfaitement connu du soldat; il ne se manifeste à lui qu’en temps de guerre et dans des circonstances peu ordinaires, comme des marches de nuit forcées, des veilles prolongées en temps de siège, le qui-vive perpétuel de la sentinelle avancée et une crainte continuelle.

t( Contrairement au soldat, il n est donné qu’au vova^eur plus complaisant pour lui-même d’écrire ses impressions; mais, comme les voyageurs ne se fatiguent pas trop, il arrive presque toujours qu’ils ne connaissent le ragle que de nom et que par ouï dire. Ils ont pour la plupart si peu d’idées de

ce phénomène qu’ils le confondent toujours avec le mirage.

h Lorsque je voyageais à dos de dromadaire dans le Kelad-es-Soudan, il m’est arrivé plus d’une fois de faire tout d’une traite un voyage de cinq journées de marche ordinaire. Je passais alors en route sur le dos de mon animal trois nuits et deux jours au lieu de cinq nuits et cinq jours (I). La fatigue causée par une aussi longue privation de sommeil produisit chez moi toutes les hallucinations du ragle; je ne songeais pas malheureusement à noter toutes rnes impressions, et je n’en ai conservé qu’une réminiscence générale que j'ai consignée en ces termes dans un ouvrage intitulé : le Désert cl le Soudan.

« J’ai souvent souffert de la privation du sommeil, qui est . « la plus cruelle de toutes : peu à peu je sentais le trouble « se mettre dans mes idées; c’est en v ain que je causais avec « mes guides, que je chantais, que je descendais pour mar-« cher un peu, que je me baignais le visage d’eau fraîche;

« il me semblait que l’horizon s’élevait autour de moi comme une muraille; le ciel formait âmes yeux la voûte immense « d’une salle fermée de tous côtés. Chose bizarre ! les étoiles .«n’étaient plus que des milliers de feux brillants qui,

« comme des lustres, éclairaient cette salle; puis mes yeux .« se fermaient, ma tête se penchait en avant, et tout d’un •« coup, sentant que je perdais l’équilibre, je me rattrapais « à ma selle et je cherchais en chantant à écarter de nouveau i l’ennemi factice qui m’assiégeait sans cesse. » n Je ne songeais point à revenir sur cette description, -exacte mais très - incomplète, lorsque l’occasion m’a été •donnée d’en faire une étude, sinon nouvelle, du moins plus (étendue, qui a réveillé chez moi d’anciens souvenirs.

« Voulant tout dernièrement rejoindre à Suez M. Ferdinand de Lesseps, pour visiter avec lui ce port dont la création d’un canal joignant les deux mers peut changer toU'k-juient la face, je partis du Caire sur un dromadaire de t.i poste. Ce voyage très-court, car il employa un peu moins de trente heures, n’eût certainement point donné naissance au ragle, si je ne me fusse trouvé dans des circonstances physiologiques toutes particulières. Je venais d’être malade et n’étais pas encore parfaitement rétabli : un malentendu fut cause que je n’emportai point de vivres; je vous laisse à penser ce qu’on trouve au désert ! De plus, il y avait au moins deux ans que je n’étais monté à dos de dromadaire.

(I) Au désert, les Européens voyageurs se reposent pendant le jour, à cause de 1 intensité de 'a chaleur.

« Enfin, ayant quitté le Caire assez tard dans la soirée, je fus forcé de passer deux nuits sans sommeil : le ragle se développa avec assez d’intensité pendant la seconde nuit. J’en parlai avec les gens qui me servaient de guides, et je retrouvai parfaitement mes souvenirs, et les réflexions que ce sujet intéressant m’inspira nie conduisirent quelques considérations générales, en un mot à une sorte de théorie et pratique du ragle.

h Ainsi donc une longue privation de sommeil et la fatigue qui en résulte, sont les causes ordinaires du ragle. 11 peut se développer aussi sous l’influence d’une soif excessive, de la faim ou d’une émotion violente qui frappe l’imagination.

« Les sens sont émoussés, leurs perceptions deviennent confuses et ne satisfont point l’esprit qui cherche à les compléter. Une sensation imparfaite sert de point de départ et devient le rudiment sur lequel s’élèvent les constructions de la fantaisie; l’enchaînement des idées accomplit cette transformation qui a lieu suivant la pente des aspirations habituelles du sujet ou dans le sens de ses préoccupations du moment.

« Les aberrations peuvent se rapporter à la vue, à l’ouïe, au goût, à l’odorat, même au toucher, ce qui est très-rare. Celles de la vue sont beaucoup plus fréquentes en raison que c’est l’organe que nous exerçons le plus et à qui il faut plus de repos pour se réparer. L’obscurité complète lui fournirait ce repos, tandis que cette demi-obscurité le fatigue àchercher la forme et les détails des objets dans ces ténèbres visibles.

« Les autres sens sont soumis à une cause analogue de fatigue. Le cas peut se prétenter aussi pour l’ouïe; par exemple lorsqu’au milieu du tumulte d’un combat, à travers le bruit du canon, l’éclat de la mousqueterie, l’ébranlement communiqué au sol par le galop des chevaux et le roulement des fourgons, les cris des blessés, les appels qui se heurtent, le roulement des tambours, la sonnerie infernale des clairons, le soldat cherche vainement avec une attention soutenue à distinguer la voix de ses chefs.

« La nature des aberrations ne présente pas pour un même sujet et dans les mêmes circonstances une grande variété.

u Je dirai qu’en général, pour ce (pii concerne la vue, les petites pierres deviennent autant de gros rochers ou de3 édifices; la trace des gros animaux, les ornières donnent la route l’apparence d’une terre labourée et d’une prairie ; les ombres portées, lorsqu’il fait clair de lune surtout, figurent des puits, des précipices, des ravins profonds; les ombie3

moindres présentent l’aspect (Vôtres animés. Il me semblait que je voyais pnsser devant moi une multitude de chameaux, des voitures, des troupes nombreuses dont je distinguais même les uniformes. Ou \oit s’élever aussi devant soi ou tout autour de soi, toute une forêt d’arbres minces et peu touffus, mais d’une grande hauteur et dont le feuillage cache une partie du ciel sans toutefois voiler les étoiles. »

Dans un désert parfaitement aride, cette hallucination me paraît trouver son rudiment dans l’engorgement sanguin des petits vaisseaux de la conjonctive qui se trouvent en face de la cornée transparente; suivant que l’œil est plus ou moins ouvert, ces objets prennent une apparence différente. Les images ne paraissent souvent pas éloignées de l’œil de plus de cinquante centimètres à 1111 mètre; elles 11e s’en rapprochent pas davantage, ce que je crois, par le souvenir de perceptions analogues, auxquelles j'ai été sujet.

« Pour mon compte personnel, reprend M. d'Escayrac, il m’est arrivé de traverser des murailles que je trouvais toujours devant moi : tout naturellement j’allongeais mon bras pour toucher la maçonnerie et je n’y parvenais jamais; elle semblait s’ouvrir pour me livrer passage, et je puis vous certifier (pie j’avais les yeux parfaitement ouverts.

« Une hallucination fréquente est le redressement des surfaces horizontales. Des treilles s’élèvent au milieu de la route, l’horizon devient un mur, une enceinte ou une immense cuve : il vous semble être au milieu d’un cratère, l'n fait de nature analogue est la transformation de la partie du ciel qui est devant vous on une longue et étroite bande de gaz.

« Nous rapportons toujours les perceptions de notre \ue aux effets de la lumière î\ laquelle non« sommes le plus habitués : c’est pour nous celle qui, dans nos climats, se produit le jour. Cette lumière, qui se produit sur les plans horizontaux avec uue réflexion très-vive, laisse les plans vertical! x dans l'ombre ; tou le surface peu éclairée est considérée à "prioricomme plan vertical ; et la nuit ne nous offrant que des objets confus sur des surfaces obscures, nous n’y reconnaissons plus les plans horizontaux. Ceci est un effet de mirage. Les tochéis, les maisons et tous les objets qui présentent un*' sulace vertical»' paraissent pins élevés qu’ils ne le sont, sans cependant paratlr- plus large«: ainsi une maison d’un étage paraît un r,\oi: ai* moins deux.

« Le rudiment de toute aberration étant nécessairement une perception confuse , il est facile d’en conclure que la perception des objets éclairés ou lumineux ne donnera naissance îi aucune aberration, à moins toutefois que l’éclat de ces objets ne puisse pas être soutenu par l'œil ; c’est pourquoi, dans le ragle, si on se trompe quelquefois sur la nature des étoiles, on ne m: trompe jamais sur leur nombre, leur situation et leur grandeur.

« Le ragle se mainileste quelquefois le matin, le soir et même au milieu du jour. Dans ce cas, l’hallucination est. causée par une lumière insupportable et trop éblouissante. Ce phénomène est alors compliqué du mirage de la première espèce, à savoir : indécision sur la forme et la dimension des objets; déplacement et flottement des images.

« Les hallucinations de l’ouïe, moins fréquentes qne celles de la vue, atteignent surtout ceux qui sont à jeûu, les hommes voués à l’état monastique, les voyageurs soumis à l’influence du simoun et dont les oreilles sont fatiguées par le vent, irritées par le sable, et surtout les fiévreux qui ont eu recours au sulfate de quinine ; les gens sujets aux bourdonnements d’oreilles. Des sons réels confusément perçus sont transformés par l’imagination ; le frôlement des herbes du désert, le choc d’un caillou, le mugissement du vent deviennent des chants mélodieux, des cris de détrese, le grondement de la foudre ou des coups de fusil, etc., etc., etc.

« CepenJant, une nuit, j’entendais le tic-tac régulier d’un moulin. Je cherchai à me rendre compte de l’origine du bruit; j’y parvins, mais avec peine : c’était la boucle de mon ceinturon qui flottait sur le pommeau de la selle ou j’avais accroché mon sabre, suivant l’usage du désert.

« Je dirai aussi quelques mots des aberrations de l’odorat et du goût. Cet enchaînement d’idée, qui donne naissance au ragle, a lieu suivant la pente des aspirations naturelles du sujet, ou dans le sens de ces préoccupations du moment. Des aspirations naturelles d’hommes de la même race ayant reçu la môme éducation ne sauraient différer beaucoup. 11 en sera de même de leurs préoccupations lorsqu’ils seront soumis à l’empire des mêmes circonstances. De mêmes rudiments seront la source de mêmes aberrations ou à peu près ; aussi, arrive-t-il presque toujours que des voyageurs, pris simultanément du ragle, voient se dérouler devant eux les mêmes images, si l’un voit une montagne, une maison, une forêt, l’autre verra aussi une montagne, une maison, une fo-

ict ; toutefois, cependant, ces objets pourront différer les uns des autres, et notablement.

« Un de nos archéologues distingués et des plus instruits traversait, en compagnie d’un habile paysagiste, le désert de Suez ; tous deux furent pris du ragle; et, se rendant mutuellement compte de leurs impressions, ils reconnurent qu’elles étaient pareilles, et ils en furent très-surpris. I)e temps en temps, l’un disait à l’autre : Je vais vous décrire ce que vous voyez... Tenez, voilà que vous voyez telle chose, telle autre chose ; vous devez voir un troupeau de gazelles qui fuient devant nous. Et cette description était en tout point exacte; ils voyaient l’un et l’autre absolument la même chose. »

Notons, sans voulor contredire l’opinion de l’auteur, que, dans ce cas, il pouvait y avoir une influence semblable à celle qu’on met en jeu dans les expériences d’électro-biolo-gie, c’est-à-dire une véritable suggestion. Les magnétiseurs produisent si fréquemment ces effets, qu’il est permis de supposer que les deux voyageurs hallucinés s’influençaient ainsi à leur insu.

M. d’Escayrac continue :

« Chez les gens de race et d’éducation différente, les hallucinations présenteront, dans les mêmes circonstances, une certaine analogie, mais elles seront rarement semblables. Par exemple, un bédouin qui n’aurait jamais vu d’arbres (et il y en a beaucoup dans ce cas-là) ne saurait voir s’élever autour de lui une forêt. Là où nous verrons une voiture, l’Arabe verra un chameau; là où nous verrons un clocher, il verra la flèche d’un minaret, et ainsi de suite.

« Une forte préoccupation a sur la nature des hallucinations une influence remarquable; en voici un exemple frappant :

« Un médecin français, habitant le Caire, fut appelé de nuit aux Pyramides pour donner des soins à un voyageur grièvement blessé. Cet homme était sous l’influence d’un sommeil profond quand on vint le requérir; joignez à cela que l’impatience d’arriver à temps pour arracher ce voyageur à la mort, lui faisait paraître la route bien longue. Préoccupé du moment où il verrait distinctement les pyramides devant lui, il ne tarda pas à les voir surgir du sein des ténèbres, et il croyait les atteindre, quand elles firent place au vide. 11 les

revit, puis elles disparurent encore. Celte impitoyable vision se renouvela plus de vingt fois pendant deux heures sans qu’il lui fût possible de s’en débarrasser.

« James Ricliardson raconte que, s’étant perdu dans le désert, pareil l'ait lui arriva :

« J’étais, dit-il, accablé de fatigue; mes sensations res-« semblaient à celles d’un homme ivre. Tantôt je croyais en-« tendre des voix qui m’appelaient, tantôt je voyais des luit mières, puis un homme, puis deux, puis trois, dix hommes « montés à dos de dromadaire envoyés à ma recherche. Ce « qui me paraissait le plus extraordinaire, c’est que toutes « mes impressions étaient d’une vérité complète ; elles ap-« partenaient bien à ce monde, et non à un monde surna-« turel. .Te voyais à tout moment des gens qui me cher-« chaienl et qui m’appelaient : Yakob ! Yakob ! (c’est ainsi « que les Arabes me nommaient). J’étais d’autant plus le « jouet de ces illusions qu’il faisait grand jour et que je ne h croyais jusqu’alors qu’aux déceptions de la nuit.

« Chaque bouquet d’herbe, chaque broussaille, chaque k butte de sable devenaient pour moi un chameau, un mou-ci ton, un homme, un être animé courant çà et là. »

« Dans les tristes circonstances où il se trouvait, M. Ri-chardson était constamment préoccupé de retrouver sa caravane. Delà, toutes les hallucinations dont il parle. Cela me fait souvenir que moi-même, il y a quatre ans, je rencontrai, dans le désert de Bycharis, entre Soackem et Ber-Ber, un noir qui s’y était égaré. Depuis soixante heures, ce pauvre diable n avait rien pris; il était en pro'.e au ragle, et il n’a-

Ssrcevait autour de lui que des sources d’eau vive ; l’air sec u désert lui apportait des effluves humides; puis il marchait avec précaution, croyant se trouver sur un sol détrempé. Quelquefois, il apercevait le Nil ; il le sentait. Il courait alors, ou il se traînait jusqu’à ce que ses forces vinssent à le trahir. Cet homme ne dormait point, il n’était

Eoint le jouet d’un rêve, mais bien d’hallucinations. Il a>ait eaucoup de fièvre, mais le délire avait commencé avant la fièvre.

« On demandera peut-être comment ce noir pouvait s’imaginer qu’il s’abreuvait alors qu’il était an centre d’un désert aride dépouillé de toute humidité. Eh bien ! voici comment :

« La peau de cet homme était brûlante, sa langue était couverte d’un enduit jaunâtre assez épais; la muqueuse de la bouche, de la gorge et du nez était le siège d’une forte

inflammation. Le contact de cet air qui, pour nous eût été chaud, devait lui paraître, à lui, trës-i'rokl; il devait confondre ces aspirations d’air a\cc celle que lui eût fait éprouver nue gorgée d’eau fraîche.

■. Nous avons \ u M. Richardson être frappé de la netteté des impressions qu’il avait du ragle ; ces perceptions fausses ont une vérité plus grande même que celles de nos rôves. Elles sont si distinctes que nous les rapportons à nos sens, si subtiles que nous en saisissons les moindres détails et les plus fugitives apparences des objets créés par notre imagination.

; (’,’est ainsi que, marchant la nuit dans une grande plaine, il me semblait côtoyer de hautes montagnes. A ma gauche, je voyais se dérouler une immense vallée ; sur les bords d’une petite rivière qui coulait au milieu de cette vallée, je vis un champ de trèfle ; je comptais les folioles de ce trèfle imaginaire ; je distinguais môme les étamines de ses fleurs ; mais je finis par m’endormir, et là commençait le rêve.

« Les sens perdent cependant en clairvoyance ce que l’imagination gagne. L’œil, quoique ouvert, finit par ne plus voir, et les plus grands efforts sont, vains pour faire voir l’objet même le plus près. J’entends par là une chose, un objet quelconque mis devant les yeux.

« Pendant une nuit, je voyageais sur une route très-belle, très-fréquentée et très-apparente; mon guide se tenait à quelques pas de moi. J’étais en proie au ragle : « Tu « n’es plus dans ta route, me cria-t-il, appuie à gauche... » Ce que je fis, mais je coupai la route sans m’en apercevoir. Rappelé de nouveau, je pris la droite ; je coupai encore la roule sans la voir davantage : « Je ne vois plus le sol, dis-je « au guide, passe devant, et je te suivrai... » Mais voilà que lui-même, devenant le jouet de pareille aberration, il lui fallut descendre de sa monture pour chercher la route avec les pieds et les mains. Nous étions tous deux sous l’influence du ragle.

« Les sens sont émoussés, l’imagination devient folle, la raison, toujours en éveil, n’est cependant pas trompée par les jeux de la fantaisie. On voit un palais, on en compte les fenêtres ; mais on sait très-bien qu’il n’y a pas plus de palais que de fenêtres là où on est sensé le voir. Les plus beaux raisonnements n’y font rien ; on fait tout ce que l’on peut pour ne pas voir, et c’est là ce qu’il y a de plus curieux. On sait très-bien que cela n’existe pas; on agit comme s’il

»’existait pas; maison voit toujours, à moins toutefois qu’on ne vienne à penser sérieusement à autre chose on que l’imagination ne fasse de ce palais une ville, une forteresse ou toute autre chose. L’hallucination la plus épouvantable esi la vue d’un lion ou d’une toute autre bête féroce; l’illusion est tellement complète, qu’il est arrivé quelquefois à des Arabes de faire feu sur l’animal imaginaire.

« Sous l’influence du ragle, j’ai déclamé des vers en psalmodie, des versets du Corail sans me tromper d’une syllabe; j’ai soutenu des conversations très-longues et sans embarras; mais aussi, sans le moindre soulagement. J’ai essayé de résoudre des problèmes de mathématiques, j’y ai réussi. Dans mon voyage dernier, j’ai fait plus : pendant que j’étais en proie au ragle et qu’il m’obsédait, je pris dans ma poche mon carnet, et comme j’écris très-facilement dos de chameau, je notai toutes les impressions que je recevais du ragle. Ce qu'il y a de plus drôle, c’est que j’étais obligé d’écrire à tâtons ; je ne voyais mon carnet que par intervalle. Je repassai le lendemain mes notes de nuit ; leur rédaction témoignait de la parfaite lucidité qui y avait présidé.

« Lorsqu’on parcourt une route sur laquelle on sait qu’il n’y a pas de forêt, on peut, par l’effet du ragle, s’en voir entouré sans que la raison s’y trompe un seul instant; et si, par contre, on se trouve sur une autre que l’on ne connaît pas, on peut fort bien ajouter foi à des impressions contre la fausseté desquelles on n’est point en garde à l’avance : croire, par exemple, qu’il existe une rivière là. où on en voit une. On peut très-bien connaître une route et qu’elle soit bien frayée, l’avoir suivie cent fois et ne pas la voir où elle est et la voir très-bien là où elle n’est pas ; et, tout en ne dormant pas le moins du monde, tout en causant, tout en chantant, vous pouvez vous égarer très-bien dans le désert comme je vous le dis, en voyant la route très-distinctement où elle n’est pas.

« Ceci parait invraisemblable, hors du sens commun. A cela, je répondrai qu’il faut avoir vu pour croire, et avoir été sous l’influence du ragle. »

Cette observation peut servir à résoudre une question de médecine légale qui peut à chaque instant être portée devant un conseil de guerre. Par exemple, un guide qui ne peut prétexter son ignorance, a égaré de nuit la colonne qu’il devait conduire d’un lieu à un autre, peut-il être cou-

pable de trahison ? Quelquefois oui ; niais, dans quelques circonstances, non. Généralement, on emploie un paysan. Cet homme, souvent fatigué des travaux de la journée, est requis brutalement, le pistolet sous la gorge, sans qu’on lui donne même le temps de prendre des aliments. Peu habitué à monter à cheval, et sous l’influence de la crainte et des menaces qu'on lui a faites, cet homme marche, il se trompe, il s'égare sans la moindre intention. Dans cette acception, il est bien certain qu’il n’est pas coupable.

« Voici, reprend l’auteur, à peu près comment onpeut savoir qu’un homme a le ragle :

« Si on le voit étendre les bras en avant comme pour écarter un objet, un obstacle ; l’écarquillement des yeux ; quand il chancèle sur son cheval ; quand il agit sur la bride sans motif apparent. S’il est à pied, quand on le voit marcher comme un homme ivre, entendre des bruits imaginaires et les écouter avec attention, puis se détourner de la route unie pour chercher à tourner un obstacle qui n’existe pas. Ces phénomènes sont rares eu Europe, parce que le bien-être matériel est très-répandu, même dans les classes les plus nécessiteuses. Les Arabes se guident ordinairement sur les étoiles quand ils voyagent de nuit au désert. Chose bizarre ! les étoiles ne trompent jamais les Arabes sous l’influence du ragle. D’ailleurs, toute la caravane reconnaît l’étoile choisie par le guide, et s’il venait, soit à dormir où à être pris du ragle, elle ne sortirait pas pour cela du bon chemin.

« Dans ce pays, les Arabes sont moins sujets au ragle que les hommes du nord. Ce sont des hommes qui habituellement dorment peu et sont brisés à toutes les fatigues du désert; leur misérable manière de vivre est peut-être la seule cause qui les y expose. L’Arabe du désert ne mange quelquefois pas tous les jours ; j’en ai cité plus haut un exemple dans le désert de Bycharis.

« Le ragle se produit entre minuit et six heures du matin ; il disparait ordinairement pendant le jour. Le ragle de jour, tel que Richardson le décrit, est affreux, parce qu’il ne se montre jamais qu’à, la suite de l’épuisement et de fatigues excessives. Le ragle se manifeste par accès, dont la moindre durée est de quelques minutes. Le ragle continu constituerait l'hallucination des délirants, comme le rêve continu constitue l’illusion des maniaques. L’accès commence subitement

sans que l’on puisse s’en défendre; il cesse tout d’un coup sans cause appréciable.

« Au début, quelques distractions, des lotions d’eau fraîche peuvent mettre fin à un accès ; ou bien encore il faut fixer les yeux sur les étoiles. Le café est employé avec beaucoup d’avantage. Pour moi, le seul remède que je connaisse, c’est le sommeil et les bains. Un bain, si toutefois on trouve de l’eau, puis un sommeil de quinze minutes, donnent un soulagement qu’il est difficile de décrire. Mais il arrive parfois que l’irritation nerveuse rend le sommeil impossible.

« 11 est aujourd’hui hors de doute que certains animaux ne connaissent que le demi-sommeil. Nous savons qu’il y a des fous qui passent des mois sans dormir.

« Le ragle précède le sommeil de l’homme et. en marque la fin. C’est pendant cet état de somnolence que des esprits timorés ou crédules aperçoivent des fantômes et entendent des voix mystérieuses ou des coups frappés dans les murs de leur maison ou dans les meubles de leur appartement. Je ne doute pas que la faiblesse d’esprit, ordinaire à ceux qui éprouvent ces hallucinations, fait passer l’état de maladie mentale des aberrations passagères chez d’autres. On peut compulser l’ouvrage du Dr Mordu (de Toursl, qui donne à ce sujet des explications que je connais parfaitement, mais qu’il développe mieux que je ne pourrais le faire.

« Le ragle se présente souvent dans le cours du sommeil. Un bruit soudain, un choc, la piqûre d’un insecte peuvent en provoquer l'apparition. C’est alors que la raison, réagissant contre les impressions du rêve, nous fait souvenir qne nous dormons, et que ce qui nous préoccupe ou nous apparaît n’a point d’existence réelle. Nous gardons au réveil le souvenir îles rêves que le ragle est venu interrompre ; nous per-donstout souvenir des autres; c’est ainsi, du reste, que le somnambule ignore les actes qu’il a accomplis pendant son sommeil.

« Le ragle et le sommeil sont assez soment difficiles à distinguer l’un de l’autre; il arrive un moment où ils se confondent. Ce moment est celui où s’accomplit le passage de l’un à l’autre de ces états.

« Le ragle présente le plus grand rapport avec l’ivresse produite par des boissons alcooliques ou avec celle due à l’usage de l’opium, duhaschisli, du café, du safran, de l’ambre gris, de la belladone, de l’éther, etc., etc., même avec le délire de la fièvre ou les hallucinations de quelques fous; c’est cependant une espèce bien caractérisée et d’un même genre.

Le ragle, l’ivresse et l’hallucination diffèrent du l ève en ce qu’ils se produisent en dehors du sommeil sans que l’éréthisme normal des organes de la vie animale soit suspendu entièrement et sans que la raison perde totalement sa puissance ; secondement, en ce qu’il procède toujours de la sensation confuse de quelques objets; en un mot, d’un rudiment réel, tandis que le rêve prend sa source dans un simple souvenir. 11 est vrai que ce souvenir se présente à l’esprit par suite d’un enchaînement d’idées dont la première est née de quelque sensation qui a précédé le sommeil ; mais il n’y a aucun rapport dans cette sensation et le rêve.

« Pour me résumer, je dirai que la vision du ragle diffère de celle du mirage en ce que, dans ce dernier phénomène, ce que l’on voit existe réellement ; ainsi, si on croit voir de l’eau, c’est qu’il s’est produit réellement l’image d’une surface bleue miroitante et un peu agitée ; notre esprit se trompe seulement en supposant que l’existence de l’eau est inséparable de la production d’une telle image. »

11 est peut-être bon de faire observer ici que le terme d’iï-lusioii, employé souvent dans le cours de cette narration, est un peu détourné de son sens habituel. En effet, les illusions diffèrent des hallucinations, en ce que les premières se rapportent à des objets réels faussement appréciés, tandis que les secondes ne reposent sur rien de matériel. Mais ces distinctions et réserves faites, il ne nous reste qu’à remercier l’auteur de la possession de son précieux récit.

DU PARC LOUTREU1L.

CONTROVERSES.

CLAIRVOYANCE, PRÉVISION.

Genève vient d’être mis en émoi par une somnambule qui a annoncé que le 18 août, la ville entière disparaîtrait par suite d’un tremblement de terre.

M. Lafontaine a cru devoir, pour rassurer la population, publier, clans les journaux de la localité, une lettre dans laquelle il soutient qu’il n’est pas donné à une somnambule de lire dans l’avenir et de prédire un événement futur.

Cette assertion, d’un professeur de magnétisme, est trop absolue, et si elle a pour but de rassurer une population effrayée, elle n’est pas exacte. Une crisiaque peut fort souvent se tromper, mais il n’en est pas moins constaté que parfois une somnambule annonce avec exactitude des faits futurs.

Comment reconnaître l’erreur de la vérité ? Voilà où gît la difficulté. Aussi est-il prudent d’être sur ses gardes et de ne pas ajouter foi à toute révélation, et plus sage encore de ne pas livrer à la publicité les prédictions d’une crisiaque, quelle que soit sa prétendue lucidité.

P.C. ORDINAIRE, d.-ï.

VARIÉTÉS.

TriiHMinux. — Plusieurs somnambules viennent d’être poursuivies pour exercice illégal de la médecine.

Mme Barthélémy, condamnée par le tribunal de police correctionnelle de Lyon, a interjeté appel de ce jugement, et a été aquittée, le jour même que Mme Mongruel était condamnée.

Une clairvoyante remarquable, M“* Danviller-Lahaye, fdle de la fameuse maréchale, magnétisée par le marquis de Puy-ségur, et appelée la Somnambule de Soissons, vient d’être trois fois traduite devant la justice.

Dernièrement, le 28 août, elle a été condamnée à 50 fr. d’amende et aux frais par le tribunal de Soissons ; et cela, dit-on, par suite de plaintes émanant des médecins de l’endroit.

C’est une grave question pour les juges que l’application de la lucidité somnambulique au traitement des maladies. La plupart la résolvent dans le sens de la fraude, les autres n’y voient qu’un simple délit. Les nombreuses discussions que ce sujet a soulevées depuis quelques années n’ont guère changé les dispositions des magistrats à cet égard ; mais il est probable que les études qui se poursuivent de toutes parts amèneront des changements de croyance, et, par suite, une modification de la loi qui régit cette matière.

HÉBERT (de Garnay).

BIBLIOGRAPHIE.

QUESTION DES ESPRITS; ses progrès dans la science; examen de faits nouveaux et de publications importantes sur les tables, les esprits et le surnaturel, parM. de Mirville. 1vol. in-8. Paris, Delaroque ; iîdit.1855.

Celui qui veut étudier le magnétisme ne peut borner son examen à la découverte de Mesmer, si nombreuses et si variées qu’en soient les applications. Il est entraîné malgré lui à. explorer un domaine de plus en plus vaste. Le magnétisme se rattache à la plupart des sciences qu’il contribue à éclairer et à agrandir ; il sert à expliquer, dans le passé, une foule de faits qui jusque-là avaient été mal appréciés ou étaient restés comme des énigmes indéchiffrables. Par les merveilles qu’il enfante, il tient aux sciences occultes, il soulève les questions les plus ardues, celles du surnaturel, de la magie, delà démonologie; et, quoi qu’il fasse, il ne peut éviter d’avoir des comptes à régler avec la théologie. Dès le temps de Mesmer, il s’est trouvé des écrivains qui ont attribué au magnétisme une cause infernale et ont prétendu établir entre lui et la sorcellerie une étroite parenté. Ces imputations, cent fois réfutées, n’ont pas cessé de se reproduire ; nous ne devons pas nous lasser de les combattre et de défendre la cause de la vérité. Parmi les auteurs qui ont cherché récemment à rajeunir la doctrine des démons, M. de Mirville se recommande par un mérite auquel nous nous sommes plu à rendre justice. Le succès prodigieux qu’a obtenu son livre dus Esprits est un des événements les plus bizarres de notre époque. Il y a quelques années à peine, il eût sans doute été impossible d’attirer l’attention publique sur un sujet aussi suranné et dont l’énoncé n’aurait excité qu’un sourire de dédain. Le diable avait fait son temps et

était allé rejoindre Croque-mitaine et les ogres des contes des fées. Les tables tournantes et parlantes, les coups mystérieux ont remis en faveur la question des esprits en général. L’occasion était belle pour faire revivre les dénions dont 011 ne parlait plus. O11 en est donc venu à discuter sérieusement, comme au moyen-âge, sur l’existence et l’intervention de ces êtres maudits qui avaient donné tant de tourments h nos aïeux, et dont le prétendu concours avait jadis servi de prétexte à tant de persécutions et de procès fameux.

Nous sommes bien loin de nous plaindre de cette exhumation de vieilles thèses sur lesquelles la philosophie n’avait pas dit son dernier mot et que le septicisme du dernier siècle avait traitées trop légèrement. Les annales anciennes contiennent un grand nombre de faits importants qu’il était trop commode de nier pour en finir, mais dont la science doit chercher à se rendre compte. En voyant reparaître de nos jours des phénomènes analogues, on doit les examiner sérieusement et chercher la loi qui les régit.

Encouragé parle succès de sa première publication, M. de Mirville vient de faire paraître un second ouvrage dans lequel il ajoute de nouveaux développements à sa théorie ; il rend compte des ouvrages qui oirt para récemment sur le même sujet, et il répond aux objections qui lui ont été présentées ; il consacre une note à la critique du jugement que nous avons porté sur son premier livre (Ij. Nous n’y avons trouvé aucun nouvel argument, aucune démonstration de nature à ébranler nos convictions. Nous croyons devoir soumettre à l’auteur ainsi qu’au public quelques considérations à l’appui des opinions que nous avons émises.

M. de Mirville nous reproche de rejeter dédaigneusement, en les quai i fi an t d’/i istoriet tes confrontées, quelques-uns de ces récits de diableries. Il nous sera facile de prouver qu’il n’a pas toujours apporté 1111 soin rigoureux dans le triage des faits sur lesquels il base son système.

Ainsi il raconte ( des Esprits, page 383 ) qu'un curé de

(i) Journal du magnétisme, année 1853, p. 03.

la Seine-Inférieure ayant à lutter contre les maléfices de sept sorciers conjurés, tira des coups de pistolet, que les balles obéissantes allèrent trouver à domicile chacun des sept sorciers habitant tous sa paroisse, et que le lendemain, ces scélérats, qui n’avaient pas quitté leur maison, gardaient tous le lit avec des trous de balle dans les jambes, l’exorciste ayant eu ainsi le bonheur de les atteindre tous à la même partie du corps.

Quand on veut s’appuyer sur des faits aussi prodigieux, il faut d’abord les soumettre à un contrôle sérieux et faire part à ses lecteurs des preuves que l’on a rassemblées. Or, on ne nous cite aucun document, aucun témoignage, on ne nomme pas un seul des auteurs de ce drame étrange, on ne nous dit pa3 même en quelle commune il s’est passé, de sorte que nous ne pouvons en aucune manière vérifier le récit de l’auteur. Peut-il donc se flatter qu’une narration aussi vague, aussi incomplète et aussi improbable sera acceptée d’emblée et servira le moins du monde à étayer sa doctrine sur la sorcellerie, sur les exorcismes et sur la répercussion des coups portés dans le vide à l’adresse des sorciers?...

M. de Mirville se livre à des dissertations fort bien raison-nées sur la valeur du témoignage en général, et il réfute avantageusement les écrivains qui prétendent soustraire un certain ordre de faits à l’autorité du témoignage. Mais quand il s’agit d’appliquer ses principes, procède-t-il avec une saine logique? Il nous donne un épisode inédit de la fameuse aventure de Cideville :

« A l’heure même prédite par un sorcier, un violent coup de tonnerre se fit entendre au sommet de l’une des cheminées du presbytère, après quoi le fluide descendit avec un fracas épouvantable dans cette cheminée, renversa les croyants et les dénégateurs qui se chauffaient devant elle, et, après avoir rempli la chambre à'animaux fantastiques, repartit par la même voie et non moins bruyamment. »

Ici, on nous désigne bien, il est vrai, le lieu de la scène, mais 011 ne donne pas les noms des témoins, ce qui eût dû être facile, puisque l’auteur possède l’enquête faite devant

lü juge de paix. f-a Table parlante, journal de la démono-logie, a publié cette enquête, et nous n’v avons pas trouvé les laits que nous venons de rapporter. Mais allons plus loin, et supposons que M. de Mirville, comblant cette lacune, pu-plie dans une prochaine édition les attestations de ces phénomènes; quelle devra en être la valeur d’après toutes les circonstances que nous connaissons? Voici des hommes qui, depuis quelque temps, voient se passer autour d’eux des phénomènes bizarres qu’à défaut d’autre explication ils croient pouvoir attribuer au démon ; ils ont l'imagination frappée, la peur trouble leur cerveau, ils 11e rêvent plus que diablerie, ils ressembent à l’enfance qui s’effraie des ténèbres ; le vent qui siffle leur semble un ricanement de Satan, l’ombre d’une mouche leur apparaît comme la corne de Béel-zébuth. Pendant qu’ils sont dans cette situation d’esprit, un orage éclate; on rapproche ce fait de quelque vanterie du prétendu sorcier, on y voit l’accomplissement de ses menaces. Un coup de vent pousse la fumée dans la chambre; nos gens, croyant voir s’échapper les exhalaisons de l’enfer, sont renversés de peur; et comme la frayeur trouble la vue, chacun croit voir... des animaux fantastiques... dont il aurait au moins fallu donner la description; et il aurait été bon aussi de s’assurer si chacun a vu les mêmes animaux, si au contraire (ce qui est plus probable) chacun n’a vu que les fantômes éclos dans son imagination malade.

De pareilles relations ne réussiront pas plus à épouvanter qu’à convaincre les lecteurs judicieux. M. de Mirville, pour les rendre plus acceptables, fait un rapprochement entre le récit que nous venons de citer et un rapport fait à l’Académie des sciences, d’après lequel un habitant de la rue Saint-Jacques aurait vu un tclair en boule ayant la forme d’un jeune chat ; et il résulte bien évidemment, de la manière dont l’auteur présente ce dernier phénomène, qu’il lui attri-tribue la même cause qu’aux animaux fantastiques de Ci-deville, et que c’est aussi une œuvre diabolique.

Remarquons que l’habitant de la rue Saint-Jacques n’a point déclaré avoir vu, à la suite de la foudre, se produire de

chat ni aucun autre animal, mais un globe lumineux ; et pour rendre compte de la forme de ce météore, il la compare à celle d’un chat pelotonné sur lui-mêine. L’admission de ce fait n’autorise aucunement à conclure la possibilité d’animaux éclos d’un fluide.

Ou voit par ces exemples (et nous pourrions facilement en grossir le nombre) que ce n’est pas sans raison que nous avons reproché à M. de Mirv ille son défaut de critique. Avant de discuter à perte de vue sur les conséquences d’un fait, il faut commencer par s’assurer, au moyen d’une vérification sévère, si ce fait &st authentique, et ne pas renouveler la célèbre histoire de la Dent d’or.

Nous avons cru pouvoir analyser tout son travail par cet aphorisme : « Tout ce qui ne s’explique pas doit être regardé comme l’œuvre du démon. » On conçoit «i quoi se réduit un ouvrage qui peut se résumer ainsi. 11 suffit d’en présenter ainsi la quintessence pour faire écrouler tout son échafaudage si laborieusement construit. M. de Mirville ne se donne pas la peine de discuter l’objection, qui cependant méritait bien une réponse ; il se borne à une petite note ainsi conçue : « Oii cela se trouve-t-il, s’il vous plaît? » Nous allons le satisfaire et montrer que le paradoxe que nous présentons comme sa devise, ressort de toute son argumentation, de tous ses récits, et qu’en définitive son livre ne renferme pas autre chose.

A propos de l’histoire de l’éclair en boule, M. de Mirville cite, en lettres capitales, ces paroles de l’illustre Arago :

(» Ces globes sont une pierre d’achoppement pour les mé-« téorologistes de bonne foi: devant toutes les questions « qu’ils soulèvent, la science reste muette. »

Que conclure d’un aveu si sage ? Que la science humaine est bornée. Qui le nie ? Qu’il y a des phénomènes qu’elle n’est pas parvenue à expliquer... Soit. De nouveaux travaux pourront éclairer des points actuellement obscurs et reculer les bornes de la science qui, quoiqu’on fasse, sera toujours bien restreinte. En attendant, ne craignons pas de confesser notre

ignorance plutôt que de recourir gratuitement à des intervenions démoniaques. C’est ce dernier parti que préfère M. de Mirville qui, sans formuler nettement son jugement sur ce cas particulier, le présente évidemment comme un phénomène infernal.

Dans bien d’autres circonstances, il s’exprime de la manière la plus explicite. Ainsi il nous raconte (Question dis Esprits, p. 187), d’après un ouvrage encore inédit et sans nous dire sur quelle autorité il re fonde, que Christophe Colomb débarquant en Amérique, fut assailli par un ouragan si violent qu’on n’en avait jamais vu de pareil ; sans donner du reste aucun détail propre à prouv er que cet ouragan différait de tous les autres et ne pouvait être attribué à aucune cause naturelle. On sait que tous ceux qui ont à subir un fléau sont toujours disposés à le déclarer le plus grand des fléaux, de même qu’un malade proclame sa maladie actuelle la plus terrible de toutes les maladies. N’importe ; cet ouragan doit être bien et dûment caractérisé comme l’ouvrage des princes de l’air, c’est-à-dire des diables. Pour la bourrasque de Cide\ ille, qui est bien expressément attribuée aux sorciers, on donne au moins quelques détails et l’on cherche à prouver que ce n’était pas un météore ordinaire.

Mais connaît-on toute l’étendue des lois de la nature? ce qu’un orage aura présenté des circonstances extraordinaires, sera-t-on pour cela autorisé à affirmer que ces lois n’ont pas suffi pour le produire ? Et qui osera fixer le point précis jusqu’auquel un phénomène pourra être réputé naturel, et passé lequel il revêtira le caractère de surnaturel? Notre étonnement, notre épouvante à la vue de certains faits auxquels nous ne sommes pas habitués, prouvent-ils autre chose que notre ignorance? Pendant longtemps, ceux qui virent tomber des pierres du ciel, croyant la chose inouie et en dehors des lois connues d’eux, étaient-ils donc en droit de déclarer que ce n’était pas naturel, et que ces projectiles étaient lancés par le diable? Ç’aurait été raisonner exactement comme M. de Mirville et tous les partisans du démon. Les peuples sauvages, qui ne savent presque rien, attribuent

aussi la plupart des phénomènes naturels à l’action des esprits ; une éclipse est duc à l’intervention d’un dragon qui cherche à avaler le soleil, les fléaux atmosphériques sont causés par la méchanceté des sorciers, et ainsi du reste. A\ec de telles explications, on ne reste jamais court, et on n’a rien à démêler avec la science.

Qu’un malade croie entendre des roiæ dam son estomac, c’est, direz-vous, une hallucination. Erreur : c’étaient des démons qui s’étaient logés dans ce viscère et qui causaient la névrose stomacale (Des Esprits, chap. IV, — Question des Esprits, p. 73).

Des hommes commettent des forfaits exécrables; peut-être chercherez-vous à les expliquer par l’usage de leur libre arbitre, par les causes multipliées qui ont perverti leur intelligence et leur moralité... Vous n’y êtes pas; c’est le démon qui possédait ces individus (Des Esprits, chap. VI); d’où il suit qu’on a eu grand tort de les flétrir et de les condamner, puisqu’ils n’étaient que les instruments passifs d’une puissance qui s’était emparée d’eux et avait pris la place de leur libre arbitre.

Nous demanderons à ce sujet s’il existe un critérium pour discerner les crimes humains des cri mes diaboliques. En dressant l’échelle des méfaits, depuis le mensonge le plus léger, le plus ¡noflensif, jusqu’au forfait le plus abominable, quel est le degré à partir duquel il faut reconnaître l’action du démon et absoudre l’homme qui ne sera coupable qu’en apparence? Il résultera de cette étrange théorie que les crimes les plus odieux seront ceux qui mériteront le plus d’indulgence, puisqu’ils ne sont pas libres et qu’on ne peut s’en prendre qu’à la fatalité.

En soldat se pend dans sa guérite... Dautres soldats ayant successivement à faire une faction dans la même guérite, suivent l’exemple du premier... Le philosophe cherche à expliquer cette contagion morale par l’impression que peut causer, soit l’audition d’un récit, soit la vue du théâtre d’une catastrophe... Allons donc ; c’est le diable, vous dis-je ; et toujours le diable.

Le magnétisme enrichit l’homme de facultés nouvelles, lui permet de guérir ses semblables ; le somnambule lit votre pensée, voit l’intérieur du corps et le remède à vos maux, voit à travers les corps opaques et à des distances considérables... Le philosophe étudie ces résultats merveilleux, cherche à découvrir la loi à laquelle iis sont soumis, et s'efforce d’en diriger l’application vers le soulage:ment de l’humanité... A quoi bon tant de méditations, tant de recherches, tant de fatigues? D’un mot, M. de Mirville a tranché la question. Le magnétisme est de la diablerie. Pour lui, ce mot répond à tout ; il voit !e diable partout. Le diable gouverne le monde. Avec le diable, 011 explique tout ! On n’a besoin de chercher le pourquoi ni le comment des choses ; tous les problèmes se résolvent avec une simplicité merveilleuse; l’eau bénite et l’exorcisme deviennent la panacée universelle.

Nous 11e pousserons pas plus loin notre énumération. Les exemples que nous avons cités suffisent amplement pour justifier notre assertion. Les écrits de M. de Mirville ne sont qu’une longue paraphrase de l’axiome : Tout ce f/ut ne sexplique pas doit être attribué au diable. Et ce n’est pas no -tre faute si son système, aussi fidèlement résumé, se trouv e tellement rapetissé qu’il tombe au-dessous de la réfutation.

Nous n’avons considéré jusqu'ici que les faits purein(’»l physiques; il en est d’autres dans lesquels se manifeste 1 me intelligence individuelle; tel est le langage de-, tables. H y a alors à rechercher de qui émanent les pensées expri »’¿¿s par ce langage. Nous avons combattu comme inacceptable l’explication par les pensées inconscientes des opc’rater-^'s ; et pour les cas où il semble se manifester une intuL'ligcnce étrangère, celle des médiums, nous avons admis c mine la plus probable et la plus satisfaisante l'hypothèse dos Esprits. Sous ce rapport, nous nous rapprochons de M. cl; - Muviîîe, et nous avons contre nous la plupart de sos adversaires. Mais il 11e s’ensuit pas que notre concession rio/>'s er.tnine à faire une part quelconque à la démonologi*. 'i-V-vour des partisans de cette doctrine vient toute de ce f- x ;>i'iiupü formulé par M, de Mirville :

« La théologie, d’accord avec le bon sens et la raison, ne reconnaît que deux sortes d’esprits, les anges et les démons, c’est-à-dire les esprits de lumière et de ténèbres, avec des degrés infinis, il est vrai, dans chacune de ces doux lignes, mais de manière à ce qu’un esprit qui ment ne rentre jamais dans celle des esprits de vérité. » {Question des Esprits, p. 17.)

]\i le bon sens, ni la raison, non plus que la théologie, ne proclament rien île pareil. En réfléchissant sur la création, nous sommes amenés à croire que l’échelle des êtres, qui s’élève depuis la molécule inorganique jusqu’à l’homme, ne se borne pas à cet échelon, mais qu’elle se poursuit au-delà jusqu'à l’infini; qu’il y a par conséquent au-dessous et au-dessus de nous, une infinité de classes d’êtres intelligents; et, comme tout s’enchaîne dans la nature, nous devons croire aussi que quelques-unes de ces classes, et probablement les plus voisines de nous, doivent avoir avec nous des relations sur la nature desquelles nous ne savons encore presque ¡rien. Lu admettant que les tables parlantes et les medium r.«ous donnent les premiers bégayements de ces connnunica-tions, la prudence nous commande de ne pas hasarder un jugement précipité sur le caractère de nos nouveaux interlocuteurs entre lesquels il existe de nombreuses et graves diss emblances, et d’agir envers eux comme nous ferions avec des hommes dont nous ne connaîtrions que la correspondance, c’est-à-dire d’attendre pour les juger à les connaître d’une .manière un peu suivie. Et selon que l’impression que nous on recevrons sera bonne ou mauvaise, nous serons bien loin d'C'tre autorisés par là à voir en eux des anges ou des démons, dans le sens catholique, c’est-à-dire des êtres es-sentiellei nent bons et impeccables ou des êtres essentiellement méchants, pas plus que nous ne serions fondés, d’après la conduite bonne ou mauvaise d’un homme, à le déclarer ange ou démon. La raison nous dit, au contraire, que tout être borné offre iun mélange de bien et de mal, où les dons peuvent varier d.ans des proportions infinies, mais ne peut.jamais être ni le bien absolu qui n’est qu’en Dieu, ni le mal

absolu qui n’est qu’une abstraction métaphysique. Les seules lumières de la raison ne pourraient donc nous conduire à admettre soit les anges, soit les démons.

La théologie enseigne, il est vrai, l’existence de ces deux classes d’êtres; mais elle n’a jamais affirmé qu’il n’en existe pas d’autres, pas plus qu’en racontant l’histoire de notre globe, elle ne nous a fait une loi de croire qu’il n’existe pas d’autre globe pouvant, comme le nôtre, être le séjour d’humanités sur l'histoire desquelles elle a jugé à propos de garder un silence complet. Or, il est admis que là où ni les Ecritures ni l’Eglise ne se sont prononcées, les opinions sont libres, in dubiin Ubertas. On peut donc, sans se mettre en révolte contre l’Eglise, admettre, à part des anges et des démons, des êtres intelligents, plus ou moins éclairés, plus ou moins véridiques, avec lesquels il sciait licite de chercher à communiquer.

Le principe sur lequel repose tout le système des démono* logues est donc renversé. Si donc nous entrons en relation avec un esprit (et nous appelons ainsi tout être intelligent qui, dans l’état actuel des choses, n’est pas visible pour nous), nous devrons chercher à l’apprécier par l’ensemble de ses réponses et de sa conduite ; mais, dans aucun cas, on ne sera fondé à déclarer que ce soit un démon ; car s’il est menteur et méchant, l’exemple de certains hommes ne nous prouve-t-il pas qu’on peut l’être à un très-haut degré sans appartenir à la légion de Satan ? Si l’esprit prétend être un démon, nous ne devrons pas le croire : car, puisqu’il est réputé menteur, il peut très-bien mentir en se disant démon, et se faire un malin plaisir de nous effrayer. N’a-t-011 pas vu des hommes aussi qui jouaient au diable, au revenant, au loup-garou ?... La preuve d’un fait démoniaque est donc impossible.

En outre, nous avons souvent fait observer aux démonologues que la plupart des faits de tables parlantes et de medium présentent des caractères tout à fait différents de ceux auxquels ils prétendent qu’on reconnait l’intervention des diables. Ainsi, nous disent-ils, les diables ne peuvent entendre parler de Dieu, de Jéaus-C.hrist, de la Vierge et des

saints sans entier en fureur et perdre contenance, encore moins peuvent-ils tracer ces noms vénérés : le contact de l’eau bénite, des chapelets ou des reliques les fait bondir de rage et les met en fuite ; tout ce qu’ils disent a pour but de nous pervertir, et même, quand leur langage respire la vertu, c’est un piège pour nous attirer et nous précipiter dans l’abîme, etc. — Eli bien! nous avons vu des corbeilles écrire le plus tranquillement du monde les noms de Dieu et de Jésus-Christ, et tracer de fort beaux discours sur les choses du ciel ; l’application des objets bénits sur les tables ne les gênait aucunement et n’arrêtait pas leur faconde. Dans maintes occasions, les tables professaient une morale irréprochable ; puis, après quelques expériences, les opérateurs, fatigués de la monotonie des exercices, y mettaient fin sans avoir vu se dresser le moindre piège, sans que leur interlocuteur mystérieux ait démenti son langage vertueux, aitfait le moindre effort pour égarer ou corrompre. Si ce sont là des diables, il faut convenir qu’ils ont du bon; qu’ils sont bien inoffensifs et qu’ils ne ressemblent guère à ces monstres affreux qui causaient tant d’effroi au moyen-âge, et contre lesquels était braquée la stratégie des exorcistes.

Nous avons reproché à M. de Mirvilie de justifier les condamnations des sorciers, d’approuver sans réserve les sanglantes exécutions qui ont si longtemps outragé la raison, l’humanité, et de travailler ainsi à relever les bûchers. Il se défend de cette conséquence, et ses protestations à ce sujet font honneur à ses bons sentiments, sinon à sa logique. Car si, comme il l’assure, on a eu raison autrefois de brûler les sorciers, si les crimes qui leur ont été imputés étaient réels, si les sorciers actuels ne diffèrent pas des anciens, on doit les traiter de même et renouveler ces procès qui sont la honte de l’humanité. Ainsi, d’après lui, un seul fait a été prouvé à la charge d’Urbain Grandier, c’est qu’il avait jeté un bouquet par-dessus le mur du couvent des Ursulines, et ce fait a suffi pour légitimer sa condamnation à mort, car ce bouquet était le véhicule de l’agent démoniaque qui a endiablé les religieuses d’abord, puis la femme d’un juge, les

exorcistes eux-mêmes et une foule de gens du pays et des environs... Que de choses dans un bouquet! ! ! Ne frémit-on pas en songeant aux conséquences qu’entraîne une telle manière de procéder? Nous faisons un appel \ tout homme de bon sens : où est la connexion entre la cause prétendue et l’elfet, et comment prouver qu’une action aussi insignifiante produit de telles calamités? Voici des religieuses chez lesquelles la claustration suffisait pour produire une maladie hystérique, des extases, des hallucinations et le développement de certaines facultés qu’on rencontre chez les lucides: ces pauvres folles, imbues des idées de possession et de sortilège, ont l’imagination frappée des démarches qu’avait faites pour être leur confesseur un homme élégant, aux belles manières, au regard fascinateur ; elles ne rêvent plus qu’à lui ; elles sont obsédées par son souvenir ; elles l’accusent de leur état maladif; elles voient en lui un sorcier redoutable; et, parce que cet homme a envoyé un bouquet qui probablement n’avait qu’une destination de galanterie, il sera déclaré coupable de la contagion morale qui a envahi tout le troupeau des nonnes, et il sera traité comme le plus odieux scélérat ! Et remarquez qu’il n’est pas même prouvé que Grandier se soit livré à l’art chimérique de la sorcellerie, ait commis aucune des pratiques qui, d’après les idées reçues alors, avaient la vertu d’appeler le démon. Qui donc pourrait se dire à l’abri d’un pareil procès? Et AI. de Mirville lui-même, qui serait plus vulnérable que Grandier, puisqu’il a pratiqué le magnétisme qu’il regarde comme infecté de magie, est-il bien sûr que quelque visionnaire pareil aux Ursulines de Loudun ne viendra pas l’accuser d’avoir déchaîné contre lui les puissances infernales? Avec les règles de procédure et d’argumentation qu’il préconise, le plus honnête homme du inonde pourrait être traîné sur l’écha-faud. Ce n’est donc pas seulement le ridicule qui doit faire justice des efforts des modernes démonologues, et l’on doit partager l’indignation de ceux qui, comme M. de Gasparin, ont flétri les tentatives pour réhabiliter les crimes et les aberrations des siècles d’ignorance.

M. de Mirville, nous reprochant de ne pas admettre comme lui le surnaturel démoniaque, prétend que nous sommes un protestant de Yéglise du magnétisme (Question des Esprits, p. 206)... Le magnétisme estune science dans laquelle il n’y a ni pontife, ni concile, ni symbole obligatoire : chacun y admet ce qu’il regarde comme démontré, use librement des lumières de sa raison, sans se croire tenu de fléchir devant une autorité quelconque. Si c’est faire du protestantisme que d’appliquer les règles d’une saine critique à l’examen des faits et de rejeter tous ceux qui n’ont pour garants que des traditions populaires ou des relations apocryphes, quand même elles se présenteraient sous l’étiquette du magnétisme, nous acceptons volontiers le titre de protestant, et nous aurons pour nous tous les hommes éclairés qui se livrent à l’étude et à, la pratique du magnétisme.

A. S. MOIUS.

Le Gérant : HKBERT (de Garnay).

CLINIQUE.

ABLATION n’UN SEIN CANCÉREUX.

Un nouvel et fort intéressant exemple d’opération chirurgicale faite au moyen de l’anesthésie magnétique vient de se produire à Londres dans l’Institution mesmérienne du docteur Elliotson. Il s’agit cette fois, comme pour le cas si célèbre de Mmc Plantin, d’un cancer au sein de fort mauvaise nature ; seulement, plus heureuse que cette dernière, la patiente jouit à l’heure qu’il est de la plus parfaite santé.

Le Zoist du mois de juillet (l) rend compte de cette opération, et je vais en donner ci-après un extrait, ajoutant que l’examen que j’ai pu faire des lambeaux détachés de l’organe malade m’a permis de constater dr visu l’importance remarquable de la cure. La puissance anesthésique du magnétisme est aujourd’hui un fait acquis, et s’il pouvait resterencore quelque doute cet égard, l’opération si heureusement pratiquée par M. Tubbs pèserait d’un certain poids dans la balance de la vérité.

Nous voyons, dans ce cas, en dehors de l’état de complète insensibilité dans laquelle la malade est demeurée, un fait important et qui vient augmenter encore l’intérêt manifeste du fait que nous avons sous les yeux. C’est que, contrairement à l’axiome chirurgical qui dit : loto, cito et jucund(\ l’opérateur s’est, pour ainsi dire, attaché à une exécution lente et calculée. Dès lors le fait de l’insensibilité ne saurait être discuté un instant. On a opposé bien souvent, comme argument sérieux, mais qui n’est que spécieux, l’influence de la volonté. On a dit que des hommes avaient subi l’amputation d’un membre sans montrer la moindre douleur. Ce fait vrai, puisqu’il s’appuie sur des opérations

(I) Numéro XLVI, vol. XII, p. lit cl suivantes.

Tome X!V. — **!). — 25 septembre 18S5. 18

fait s à Paris sur dos hommes connus. luis que M. llaspail fils et quelques autres, confirme bien plutôt, à notre sens, la puissance anesthésique du magnétisme, en ce que, là aussi, il s’agit d'un acte de volonté énergiquement fNécuté.

11 s’agit d’une dame Flowerday, âgée de 30 ans, mariée, depuis neuf ans, mère *ie quatre cillants. Depuis la nais San ce du dernier, la dame Flowerday était sujette a des ac-cèsde fièvre, à des hémorrbagiespériodiquesqiii duraient généralement dix jours. Les premiers symptômes de l'affection du sein se montrèrent il y a deux ans , mais M,,,e Flowerday ne s’en préoccupa pas, et ce n’est qu’un mois avant l’opération qu’elle consulta M. Tubbs.

Je laisse parler maintenant le docteur Elliotson :

..... « M. Tubbs, aussitôt qu’il eut examiné le sein , le

condamna à l’ablation, et commença à magnétiser la malade. Dès son premier essai, il obtint., au bout de quarante minutes, un état de coma-vigil, et d’insensibilité à la douleur. 11 continua delà magnétiser journellement, souvent deux fois par jour, pendant une heure au plus, jusqu’à ce qu’elle quitta le pays, lui permettant de demeurer chaque fois de une à trois heures en sommeil. Bientôt M. Tubbs la trouva entièrement propre à l’opération, mais certaines circonstances forcèrent d’ajourner celle-ci à une prochaine époque.

« Le 20 avril tout était préparé à l’institut pour l’opération. Les instruments , les bandes, etc., étaient posés dans le fond de la chambre sur une table placée derrière l’une des deux portes à deux battants, de manière que lorsque la patiente entra dans la chambre, à deux heures un quart, elle ne vit rien. M’“c Flowerday fut placée au milieu de la chambre, assise dans une chaise et bien assujétie par des coussins. 11 y avait là huit membres du comité, deux médecins, un étranger, le secrétaire de l’Infirmerie et trois magnétiseurs, enfin M. Tubbs et son ami M. Burman, qui assiste toujours avec beaucoup de bonté aux opérations de M. Tubbs.

« M. Tubbs obtint le sommeil en neuf minutes, en tenant les mains et en fixant les yeux de M’’,c Flowerday. Au bout de quelque temps, ses paupières tremblèrent et ses yeux se tournèrent en haut. Neuf minutes après, ceux-ci se fermèrent et sa tête s’inclina, puis elle retomba dans le dossier du fauteuil. Alors M. Tubbs lâcha ses mains l’une après l’autre : elles retombèrent sans force sur ses genoux. I,a n.ain gauche

l'ut laissée dans la position où elle tomba. T.a main clic bras droit furent tenus élevés tic cote par M. Barman, de façon à ce qu’ils lie gênassent pas l’opérateur. M"" Flovverday devint entièrement insensible it toute douleur causée par nue influence mécanique, mais, ainsi qu’elle nous ledit ensuite. elle pouvait entendre et parler, avaler et marcher, bien qu’elle fût incapable d’ouvrir ses veux.

« f.n table chargée de lotis les instruments et objets nécessaires à l’opération fut transportée de la porte côté de l’opérateur et la porte refermée. Afin de maintenir l’intensité du sommeil, le secrétaire, debout derrière la patiente, et conformément aux indications de M. Tubbs, pendant tout le temps de l’opération fit des passes lentes sur sa tête penchée en arrière. M. Tubbs s’assit devant elle, lui ouvrit la robe, prit son couteau et fit une profonde incision à la partie supérieure et interne du sein droit, menant cette incision elliptiquement vers le bas. L’haleine de tous était suspendue. Familier que je suis avec tons les phénomènes du mesmérisme, j’avoue que je regardais avec une profonde anxiété et avec une grande surprise le couteau se promenant lentement, faisant une ouverture profonde, béante, effrayante, longue de cinq pouces, à travers le sein magnifique et potelé (p/ump) d’une jeune femme, tandis que celle-ci conservait son attitude et sa respiration calmes, et l’impression d’un sommeil doux et non troublé. Une seconde incision semblable fut faite à la partie externe du sein, rejoignant la première à son départ et à sa fin. 11 enleva ensuite toute la partie du sein contenue entre ces deux incisions, et promenant ses doigts dans toutes les directions afin de s’assurer s’il n’y avait plus rien de malade, il trouva un petit lambeau, qu’il excisa avec circonspection. Il y eut à peine perte de sang. Cinq aiguilles de fils furent passées par les bords de l’incision, les deux extrémités de chaque fil furent tirées et liées, et des bandes d’emplâtre adhésif ainsi que des bandages furent appliqués; la robe de la patiente fut rajustée, la table reportée à sa première place dans l’autre chambre, dont la poi te à deux battants fut refermée de manière qu’il lie resta nulle trace de ce qui s’était passé. Pendant tout le temps de l’opération, laquelle fut exécutée avec une lenteur inaccoutumée, et cela pour empêcher que l’on ne dise que la rapidité de l’opération n’a pas permis qu’elle souffrit beaucoup, pas un son n’échappa à la patiente. Elle demeura assise, complètement calme, silencieuse, abandonnée à elle-mèuic, comme quelqu’un qui serait dans le sommeil le plus

calme, pas la plus petite partie de son corps 11e trembla ni ne bougea ; ses lèvres étaient immobiles, et, afin de montrer qu’elle ne fit aucun effort pour se retenir pendant l’opéra-ration, je remuai du bout de mon doigt les extrémités de ses doigts en arrière et en avant: ils étaient complètement relâchés. Elle ne retint pas son haleine, tout chez elle était dans un état de relâchement, de placidité et de repos complet, lin somme, sa contenance, qui est extrêmement bonne, exprima la plus grande tranquillité, et enfin elle n’eut pas à subir la plus petite contrainte, quelle qu’elle fût.

« Avant qu’on la magnétisât, je tâtai son pouls : il marquait soixante. Au moment de son sommeil, M. Tubbs trouva cinquante-quatre, et la face de la malade se colora un peu. A la dernière partie de l’opération, après que les incisions eurent été faites et pendant qu’on faisait les ligatures, je la vis pâlir; je tâtai le pouls : il était faible, irrégulier et trop rapide pour que je pusse le compter. Apercevant qu’elle allait être saisie d’une de ses défaillances habituelles, je lui versai un verre de vin, j’y mêlai de l’eau et je le portai à ses lèvres. Elle le but à petits coups, son pouls et ses couleurs revinrent.

« M. Tubbs, après avoir attendu un peu et après avoir dit quelques mots aux assistants sur le fait merveilleux et imposant dont nous venions d’être témoins, se mit à éveiller la patiente, il y réussit en moins d’une minute par des passes transversales.

« Elle regarda autour d’elle comme quelqu’un qui se réveille, et, sur la demande « comment elle se trouvait, » elle répondit : « Très-bien. » M. Tubbs lui demanda alors si elle pensait que l’opération fût faite. Elle dit qu’elle l’ignorait et fit la même question. Comme on ne lui répondit point, elle regarda les assistants, puis son sein, et remarquant que tout était dans le même état que lorsqu’elle s’assit, elle parut déroutée, bien que, d’après les manières de M. Tubbs, elle s’imaginât que l’opération était faite, et pourtant elle ne pouvait croire que ce fût vrai. Alors on lui dit la vérité ; elle en fut très - reconnaissante. Lorsqu’on lui demanda si elle avait senti quelque chose, elle répondit : « Rien ; » et à cette question : quelle était la dernière chose dont elle se souvînt, elle répondit à M. Tubbs : « C’est que vous « m’avez endormie, monsieur, et la dernière chose que j’ai h vue, ce sont vos yeux. »

« On proposa de la porter au lit, mais elle refusa simplement, et monta tranquillement deux étages, se mit au lit,

cl fut replongée dans son extase magnétique par quelques passes faites devant sa lace du haut en bas.

« Le procès-verbal de cotte remarquable opération fut dressé et signé par tous les assistants. Dans ce document ou constate la satisfaction de ces messieurs à la vue de la parfaite insensibilité de la dame Flowerday. »

Tel est le rapport du docteur Elliotson. Ecrit simplement et émanant d'un homme dont le nom fait autorité, le récit du Zoist ne laissera pas que d’exercer une heureuse influence sur le public.

La plupart des grands journaux anglais ont reproduit l’ar- . ticle du Zoist ; le (lutin nu ni's Messenger, qui paraît à Paris, l’a accueilli dans ses colonnes. Une aussi large publicité donnée à un fait si important contribuera, nous l’espérons, à faire de nouveaux prosélytes au mesmérisme. Le mérite de celte propagande revient aux efforts intelligents de M. le docteur Elliotson et à l’institut magnétique qu’il conduit.

Ferdinand SIt.AS.

ARRÊT DU MAL DE MER.

I.’Indépendance belge du 3 juillet rapporte le fait suivant, qui est traduit d’un journal de Londres :

« En se rendant en Angleterre le Sùnlu eut un gros temps dans la baie de Biscaye. Les chevaux souffraient beaucoup; et une jument magnifique, appartenant au général Scarlett, devint si malade, qu’on songeait déjà à l’abattre à coups de pistolet. Un officier russe engagea à faire venir un prisonnier cosaque qui ôtait jongleur, et qui pourrait, par les diartnes, guérir celte jument. Cet homme fut appelé, et il dit qu’il pouvait guérir la bête. On examina très-attentivement ce qu’il lit ; mais la seule chose qu’on put voir, c’est que le charmeur avait enlevé la sangle de l’animal, et y avait fait un nœud trois fois. En quelques minutes la jument était remise sur pied ; elle mangeait avec plaisir et était parfaitement rétablie. » (Morning adversiter.)

FAITS ET EXPÉRIENCES.

ATTRACTION. — SYMPATHIE. — SOMNAMBULISME.

Jeudi dernier nous avons assisté à, une séance de magnétisme, donnée par M. Lecomte, dans une maison particulière de Saint-Lô (chez M. La Mare, imprimeur).

Nous étions entré incrédule, car nous avions pris jusqu’à ce jour le magnétisme pour une mystification ; et, comme toutes les autres personnes présentes, nous sommes sorti convaincu de la puissance qu’exerce sur l’imagination et sur les sens des personnes nerveuses, le fluide magnétique.

Gomment ne pas reconnaître cet ascendant que la volonté d’un homme peut exercer sur les sens, la matière et la volonté d’un autre homme?

Comment ne passe rendre entièrement à l’évidence, lorsque l’on a vu faire devant soi les expériences dont nous allons essayer de donner une idée à nos lecteurs?

Le sujet que M. Lecomte a soumis à l’influence du magnétiseur est un ouvrier de l’imprimerie, âgé de seize ans T d’une assez forte complexion. Assis dans un fauteuil, en moins de cinq minutes il a été livré à un sommeil profond, et nous avons commencé à voir les effets extraordinaires du somnambulisme magnétique.

Sur l’ordre muet de celui dont il subissait l’ascendant, il s’est levé, a marché à droite et à gauche, en avant et en arrière, puis est tombé à genoux, s’est relevé et a exécuté une scène d’ivresse très-bien imitée. — Ceci n’était que le prélude de ce qui allait suivre.

M. Lecomte mit en état de catalepsie un des bras de son sujet, et, dans cette position, il nous fit voir combien il serait possible d’opérer une partie du corps, ainsi privée momentanément de sentiment et de mouvement, sans que le magnétisé ressentit aucune douleur.

Le jeune Iiomine fut réveillé.

Son bras, avec un« plus faible dose de fluide, ressentait le mal que l’on faisait à celui de M. Lecomte qui était passé dans un autre appartement.

De cet appartement, éloigné de cinq mètres environ et sur la demande de plusieurs personnes, il a fait exécuter au magnétisé plusieurs mouvements, tels que se coucher à terre, se relever, aller s’agenouiller à un point marqué, puis revenir à un autre. — On a essayé inutilement de s’opposer à ces différents mouvements : l’attraction était tellement puissante, que trois personnes placées devant lui pour l’empêcher d’avancer ont été violemment repoussées ; deux autres qui cherchaient à le retenir ont été entraînées malgré elles.

Le rapport mystérieux établi entre le magnétiseur et son sujet a permis de faire de nouvelles expériences à une plus grande distance. .

Accompagné de trois personnes, M. Lecomte se rendit à l’extrémité de la rue, distante de cinquante mètres environ de l’appartement où était resté le magnétisé, et de là, sur la demande qui lui en fut faite par ceux qui l’accompagnaient, il renouvela quelques-unes des scènes que nous avions vues précédemment. Toutes furent exécutées avec la rapidité de l’éclair : il tenait à nous prouver indubitablement que les deux pensées étaient réunies en une seule.

Oui, nous l’avons vu de près, nous avons voulu toucher avec nos mains, nous avons voulu nous assurer, en nous posant entre les deux systèmes nerveux, qu’il n’y avait aucune espèce de compérage; eh bien ! nous avons acquis la certitude que la science seule a contribué à la réussite de toutes ces expériences qui tiennent du prodige.

En terminant, nous dirons qu’après ce que nous avons vu, nier la puissance du magnétisme équivaudrait à nier le soleil en plein midi, et M. Lecomte n’aura plus à se justifier, vis-à-vis de nous du moins, du soupçon de charlatanisme.

(Patriote (le la Manche du 27 mars 1850.)

M. Pertus a communiqué dernièrement à la Société de médecine pratique un fait excessivement curieux de catalepsie, dont les phases principales se sont, déroulées sous ses yeux.

Voici cette observation, d’après le procès-verbal de la séance du 5 juillet, publié par la Gazelle des hôpitaux :

«I.c nommé Jules X..., âgé de dix-neuf ans, né de parents qui n’ont jamais offert d’accidents nerveux, fut atteint, dès sa naissance, de tous les symptômes du rachitisme le mieux caractérisé. Un pied-bot fut opéré avec succès vers l’âge de trois ans, et à partir de cette époque la santé de cet enfant, saus cesse menacée par des accidents de toute nature, mais étranger au système nerveux, ne se maintint qu’à l’aide des soins les plus dévoués de sa mère ; encore sa constitution resta-t-elle entachée du vice congénital; du reste, on ne peut rattacher la maladie actuelle à aucune affection nouvellement ressentie parle jeune malade: elle fut le résultat d’une cause subite qui agit sur le système nerveux.

« Jules X... est habituellement sujet à des migraines et à des palpitations depuis l’âge de douze à treize ans, lesquelles s’aggravent à l’occasion de la cause la plus légère, et, tout en paraissant sous la dépendance des troubles du système nerveux, pourraient aussi tenir à une conformation imparfaite.

« Son intelligence ne s’est développée que lentement et avec peine, et l’excitation que sa famille cherchait à lui imprimer a pu contribuer à exagérer la disposition nerveuse dont nous avons parlé. Du reste, jamais on n’a observé sur lui, dans le cours de diverses maladies, aucun phénomène cérébral ni ni aucun accident convulsif.

La maladie actuelle s’est déclarée pour la première fois le 45 août 1854, après une excursion qu’il fit avec sa famille à Saint-Germain-en-Laye par le chemin de fer. Il entendit crier autour de lui que le feu venait de se déclarer dans un des wagons voisins de celui qu’il occupait. Il fut témoin de la frayeur qui se manifestait autour de lui ; il en sentit lui-même une très-vive, mais qui ue donna lieu d’abord à aucune espèce de symptôme. Il revint dans la soirée à Paris,

et alors il commença à sentir une douleur vive dans l'épaule.

« Le lendemain, forte céphalalgie et perte d’appétit.

« Le 17, deux jours après, il est pris d’un délire intense pendant lequel il exprime son effroi et parle des différentes impressions qu’il a ressenties en présence du danger. Le délire cesse lorsqu’on éveille l’attention du malade, qui ne conserve aucun souvenir de ce qu’il a dit pendant le délire. L’estomac est distendu par des gaz, et des mouvements convulsifs clo-niques agitent l’ensemble du système musculaire.

« A partir de cette époque, et pendant trois mois de durée, je vois se dérouler sous mes yeux le tableau des accidents qui caractérisent la maladie dont tous les symptômes furent exclusivement bornés au système nerveux encéphalo-rachi-dien et musculaire. Je veux dire par avance, et pour qu’on puisse saisir plus facilement la nature et les symptômes du mal, qu’il appartient plutôt à la catalepsie qu’à toute autre affection, et que si par intervalles on voit paraître quelques phénomènes hystériformes ou autres, bientôt la catalepsie se montre de nouveau avec sa physionomie propre.

« Après le début si instantané dont il vient d’être question, l’intelligence resta principalement affectée pendant les premiers jours, et on observa alors :

« 1» Un délire intermittent, revenant un grand nombre de fois pendant le jour, accompagné d’un état de sommeil pendant lequel il aperçoit des dessins bizarres, des êtres fantastiques faisant, dit-il, d’horribles grimaces;

« 2” L’occlusion des paupières pendant toute la durée du sommeil ;

« 3° La distension de l’estomac par des gaz;

i h" Des palpitations fréquentes.

« Ces symptômes se présentaient, dis-je, plusieurs fois par jour, et après leur disparition le malade pouvait se lever et manger. Les nuits étaient ordinairement calmes, et ce n’était que le matin que l’assoupissement et le délire reparaissaient.

« Des phénomènes nouveaux ne tardèrent pas à se manifester. Le malade, dans son sommeil, imite le son du cor de chasse après le départ de son frère pour une chasse à laquelle il désirait lui-même vivement prendre part. Pendant son délire, il paraît suivre avec anxiété toutes les phases de cet exercice, et l’on s’en aperçoit aisément aux mouvements précipités du cœur. Bientôt il imite le sifflet de la locomotive et la trompette du cantonnier. Sous l’influence d’une cause

morale insignifiante, il est ¡¡i is de coin ulsions générales cio • niques, et le 7 septembre il est atteint pour la première lois d’une convulsion clonique générale qui no peut laisser aucun doute sur le développement de la catalepsie.

« Ces accès reparaissent plusieurs fois par jour, et pendant toute leur durée, 011 remarque les symptômes suivants : immobilité de toutes les parties du corps, durcissement du système musculaire ; les yeux sont immobiles et les paupières, largement ouvertes, la sensibilité cutanée éteinte. Cessym-tômes dissipés, le malade peut marcher.

« D’après mon avis, on se décide à le conduire à Dunker-que, où il prend pendant vingt jours les bains de nier. Leur administration oJl'rit assez de difficultés, le malade, au moment de se déshabiller ou cie s’habiller, étant pris de convulsions cloniques qui ne se présentaient jamais dans l’eau. Après une amélioration passagère, il revient à Paris, et la maladie reprend une nouvelle intensité.

« La catalepsie le surprend soit lorsqu’il est debout, soit lorsqu’il est assis; il conserve alors l’attitude qu’il avait avant l’attaque. Celle-ci passée, l’intelligence reparaît insensiblement, et le sujet reprend la conversation au point où il l’a laissée.

« Vers le 5 octobre, malgré un traitement antispasmodique approprié, les accès se rapprochent, et j’observe pour la première fois un symptôme sur lequel j’appelle l’attention : les convulsions cloniques semblent partir des pieds ; le malade les sent monter, et elles arrivent ainsi à la tète. A cet instant, il perd entièrement connaissance. (Je ferai remarquer la grande similitude qui existe entre ce symptôme et l'aura cpitcplica.) Plus tard, il sentit dans la poitrine une boule qui montait et descendait (ici, au phénomène hystérique s’ajoute la catalepsie).

«Dans une troisième phase de la maladie, qui en marque l’intensité plus grande, 011 voit les troubles nerveux s’accroître encore. Le corps conserve les positions les plus gênantes pendant un temps fort long ; s’il bâille, il reste la bouche ouverte et les bras étendus, etc., etc. Une fois la langue sortie de la bouche, resta dans cette situation eu même temps que le cou se roidit. On eut alors à craindre une suffocation et la mort. Souvent il mâchait pendant plusieurs minutes, et ces mouvements ne cessaient que lorsqu'il prenait des aliments. D’autres fois, tremblement dans les membres, dont le malade n’a pas conscience, et qui s’étendent au reste du corps.

« Pendant les accès, la respiration se ralentissait à tel point que la sulfocation serait survenue sans aucun doute, si l'on n’avait pas découvert, par hasard, un moyen facile et sûr de ramener les mouvements inspirateurs en touchant avec le doigt le creux de sa poitrine.

« On le fait aller quelques jours à la campagne, où il éprouve un peu d’amélioration. Mais, à son retour, il survient des symptômes plus intenses et plus singuliers. Ainsi, pendant son sommeil, il roi)Ile avec force ou bien il miaule, il aboie, il roucoule, etc.; eu un mot, il imite les bruits que font les animaux qu’il a entendus à la campagne. Pour peu qu’il entendit un air joué dans le lointain par un orgue, sa voix l'imitait aussitôt avec une parfaite exactitude.

« L’intelligence, qui jusque-là n’avait subi aucun affaiblissement, diminue d’une manière notable, et le malade, dans l’intervalle des accès, restait hébété. Cet état, du reste, cessa assez promptement pour faire place à des accidents nerveux d’un nouveau genre; ainsi, le jeune homme fut pris de fureur à la vue d’une glace, d’un verre d’eau et par le contact d’un linge mouillé.

« Les sens subissent une diminution très-notable ; la vue s’allaiblit par moments ; l’ouïe devient très-dure, quelquefois même elle reste abolie pendant plusieurs heures.

« Enfin, le dernier phénomène caractéristique fourni par le malade fut un état de somnambulisme très-prononcé, qui ne se montra jamais durant ie sommeil, line fois en ma présence, pendant le dîner, le malade se leva, traversa plusieurs pièces pour aller chercher un objet qu’il avait entendu nommer. 11 sortait spontanément et avec facilité du somnambulisme.

« .le ne restai pas inactif pendant les premiers mois de cette maladie ; elle fut combattue, comme elle devait l’être, par les agents qui passent pour modifier heureusement le système nerveux. Je prodiguai ainsi sans succès les antispasmodiques. J’eus recours une fois à la belladone; mais je dus y renoncer à cause de l’intensité du délire qu’elle peut produire et de l’accroissement de la raideur musculaire. Le chloroforme ne fut pas plus heureux ; il produisit d’ailleurs de singulières hallucinations; le malade croyait sentir l’odeur de rose et d’œillet. Le sulfate de quinine ne donna pas de meilleurs résultats.

« L’insuccès de ces diverses médications, les suggestions qui ne manquent pas d’entourer les malades finirent par décider la mère de mon jeune client à recourir à la pratique

du magnétisme. Tout dévoué à cette famille, je ne crus pas devoir m’y opposer; mais je restai désormais éloigné de la scène sur laquelle la véritable médecine n’avait plus aucun rôle à jouer.

« Plus tard, le malade partit pour la campagne, dont le séjour lui a été des plus salutaires, à tel point que les accès reparaissaient à. chaque retour à Paris et diminuaient et cessaient même tout à fait une fois reparti pour la campagne. Aujourd’hui, ils ont cessé complètement. »

Que direz-vous, lecteur, de cette véritable médecine qui ne guérit point et dont les ministres éprouvent une secrète horreur en présence de l’art qui guérit ? Nous vous recommandons la fin de cette histoire : la naïveté s’y montre avec l’impuissance; rien n’est plus propre à dévoiler les misères de ceux qui nous poursuivent de leurs dédains, et à faire naître en nous l’espoir, puisque déjà le magnétisme se présente à l’idée de tous ceux qui souffrent et languissent, et que là où la médecine savante a échoué on commence à nous appeler

Encore un peu de temps, et la médecine savante en sera réduite à faire de belles dissertationssurles maladies; nous, au contraire , sans écrire et sans faire aucun bruit dans le monde, nous réparerons les torts de la nature et nous nous montrerons ses véritables ministres.

Baron DU POTET.

ÉTUDES ET THÉORIES

LA BAGUETTE DIVINATOIRE APPLIQUÉE A LA DÉCOUVERTE DES SOURCES.

Lu Journal of M an, recueil consacré à l’aniliropologie et ])ublié à Cincinnati par M. Buchanau , renferme de temps en temps des articles remarquables sur le magnétisme , le spiritualisme et diverses branches des sciences occultes. Nous trouvons dans le numéro du 15 mars dernier la lettre suivante, qui nous a paru digne d’intérêt :

« Je vous ai déjà adressé une courte notice sur le percement des puits et sur les moyens mystérieux. Je suis loin d’être sceptique sur ce sujet; mais j’ignore complètement comment chez les autres la baguette magique se meut dans la main. Vers l’année 1808, j’habitais l’Etat de Tenessée ; j’avais quatorze ans; je remarquai que les extrémités des pousses d’arbres ont une tendance à se diriger vers l’eau ; j’observai un endroit où un cours d’eau abondant s’échappe du flanc d’une colline, parcourant un espace de quelques pieds, se perd dans un gouffre, puis reparaît à une distança d’environ quatre-vingts perches, près du bord d’une petite rivière. J’explorai le passage souterrain de l’eau dans toute sa longueur, et je pensai que je pourrais en indiquer la route à la surface du sol supérieur au moyen de l’abaissement et de la direction des branches, et particulièrement de quelques espèces particulières d’arbres. Cette conception me conduisit à marquer d’autres endroits; je crus avoir fait une grande découverte, et j’en fis part à quelques personnes. Je fis quelques disciples parmi les enfants; mais, quand je m’adressai à des personnes plus âgées, elles traitèrent mes idées de rêveries superstitieuses et s’en moquèrent. Néanmoins je me confirmai dans mon système. Pendant une période de quarante-cinq ans, je poursuivis mes observations avec une attention scrupuleuse, et, d’après le résultat de ma longue expérience, je puis maintenant affirmer que, dans une contré e boisée, je suis en état de désigner les eaux qui coulent

sous le sol et d’en tracer le cours. l/article que je vous ai adressé à ce sujet est le premier que j’ai fait paraître, et j’espère qu'il ne sera pas le dernier, persuadé que c’est là un trésor dont la science doit s’enrichir, et qu’il ne faut plus, pour compléter ce système, que le concours de quelques bras et de quelques intelligences.

« En 1S11, j'entendis parler pour la première fois de la baguette tournante pour indiquer les eaux. Je rattachai cette idée à mes observations précédentes; je saisis donc la baguette avec confiance et je m’assurai qu’elle pouvait fonctionner. De là je fus conduit à d’autres essais. Je reconnus que les eaux souterraines, soit courantes, soit stagnantes, soit même coulant à ciel ouvert, avaient de l’influence sur les mouvements de la baguette. Je rencontrai des personnes dans les mains desquelles elle resta immobile; mais, quand je tenais leurs mains dans la mienne, la baguette s’agitait malgré ces personnes et à leur grand étonnement. Il y en eut d'autres dans les mains desquelles la baguette ne bougea pas, même quand j’employais ce procédé. Je ne puis rendre compte du pourquoi ni du comment de tous ces faits.

« Dans le cours de mes expériences, environ cinquante sources ont été trouvées sous ma direction. Une seule fois mes indications ont été en défaut, et rarement il y a eu une différence d’un pas entre le lieu de la source et celui que je désignais. J’ai remarqué que le coudrier est l’arbre qui convient le mieux, quoique le hêtre et quelques autres arbres puissent aussi être employés avec succès.

« Je choisis une branche de coudrier âgée d’un an, fourchue, ayant les deux dents de la fourche d’égales dimensions. Si je me propose de trouver une veine d’eau près de moi, je tiens les dents de la baguette dans une position verticale et je laisse la baguette se balancer horizontalement : dans cette position, l’extrémité fie la baguette se dirige vers le cours d’eau ; je marche dans cette direction jusqu’à ce que la baguette se retourne en sens contraire, ce qui détermine la ligne verticale qui doit rencontrer l’eau cherchée. Quand j’ai obtenu cette fixation , je me place au-dessus de l’endroit désigné, tenant la baguette dans la position verticale, une dent de chaque main, les pouces en l’air, et la pointe de la baguette est alors attirée en bas avec une force proportionnée à l’abondance de la source, à tel point que souvent les dents de la fourche s’en trouvent brisées; mais, quand on sent une attraction considérable, on tient la baguette plus lâche dans la main pour empêcher qu’elle ne se brise. Quand la ba-

guette est arrivée à une certaine position , soit la position horizontale, ou plus fréquemment à une inclinaison qui en approche, elle s’arrête un instant, puis elle tremble comme l’aiguille d’une boussole dans sa boîte. Quand elle se meut sous l’influence d’un agent mystérieux, il semble à l’opérateur que son esprit la dirige, et, comme il désire connaître la profondeur de source, son vœu mental est aussitôt obéi par la baguette inanimée qui semble animée par une intelligence et qui se met à exécuter un certain nombre de vibrations indiquant le nombre de pieds. Ce qui peut paraître étrange, c’est que j’ai plus souvent obtenu l’indication d’un pied au-dessous qu’au-dessus de la véritable profondeur.

« Depuis quelques années, j’ai réuni et mis en ordre tous mes matériaux sur ce sujet; il y avait de quoi former un petit volume; mais, il y a eu un an cet hiver, j’ai eu le malheur de perdre dans un incendie ma maison, ma bibliothèque, mes papiers et tout ce que je possédais. Tout ce que j’écris ou pourrai écrire par la suite, sera l’expression d’une théorie basée sur line longue expérience.

« Beaucoup de gens se révoltent à l’idée de choses dont ils ne comprennent pas le pourquoi ou le comment, et pourtant il ne tient qu’à eux de voir le sorcier d'eau, comme on nous appelle, sentir par les mouvements de la baguette fourchue et devinant où il y a de l’eau souterraine, et ses indications justifiées par les résultats... N’importe, on relègue cette découverte avec tant d’autres importantes et que l’on méconnaît.

« Pourquoi s’étonnerait-on de ce qui arriva entre Laban et Jacob? (Genèse, XXX, 32 et suiv.) Si Jacob eût dévoilé à Laban tout son plan , celui-ci l’aurait sans doute traité de fol. Mais les lecteurs de la Bible peuvent comprendre l’effet que doit produire sur les troupeaux l’aspect de baguettes à demi écorcées et placées dans les abreuvoirs, et admettre que ces résultats, dus aux lois de la Providence, ne sont ni plus ni moins mystérieux que les mouvements des baguettes qui découvrent des sources cachées. Abraham, Isaac, Laban, Jacob et bien d’autres, creusèrent des puits dans leur temps, et je ne doute pas qu’ils n’aient connu les propriétés de la baguette mystérieuse qui a aussi été employée comme moyen de divination. Moïse et Aaron et les magiciens d’Egypte se servireutde ces baguettes, ainsi que les magiciens ou sages de l’Orient.

« Quoi qu’il en soit, c’est maintenant un fait bien connu que le mouvement des baguettes et leur emploi pour la dé-

couverte des sources cachées. C’est un grand bienfait pour l’humanité.

« Les progrès (les connaissances sur l’électricité, le magnétisme, le galvanisme, la psychologie, etc., montreront par quelles lois sont liés harmonieusement ces phénomènes; îles mains expérimentées feront marcher l’hydrologie et lui feront prendre rang parmi lus sciences positives.

« JOHN W. WILKINSON. »

L’auteur delà notice qui précède a, comme on voit, employé deux procédés bien distincts pour découvrir les sources cachées : le premier consiste dans l'observation des rapports qui existeraient entre les eaux souterraines et la direction des branches des arbres qui se trouvent au-dessus. 11 est à désirer que M. Wilkinson donne la description exacte et détaillée de ce procédé qui est de nature à être mis à la portée de tout le monde, et dont la connaissance peut être fort utile. Nous invitons le savant et laborieux rédacteur en chef du Journal of Man à compléter son travail, à recueillir et publier tous les matériaux sur ce sujet important.

Quant au second procédé, consistant dans l’emploi de la baguette, il n’est la portée que des personnes douées de facultés exceptionnelles et qui appartiennent évidemment à la classe des voyants. Ces facultés précieuses, si intéressantes au point de vue de la science et si fécondes en résultats utiles, ont été depuis des siècles observées et discutées, notamment par le père Lebrun, de l’Oratoire, l’abbé Tliiers (Traité des superstitions), de Vallemont (Physique occulte, ou de ta Baguette divinatoire), etc. A diverses époques, des sujets remarquables, tels que le fameux Aymar, et, de nos jours, M. l’abbé Paramelle, ont joui de cette sensibilité spéciale et en ont donné des preuves authentiques. Le récit qui précède est à joindre aux nombreuses constatations dont le recueil forme déjà un faisceau imposant. Les organes officiels de la science ne peuvent plus se dispenser d’examiner sérieusement ces curieux phénomènes et de chercher d’autres explications que celles de M. Chevreul.

A. S. MOR1N.

BIBLIOGRAPHIE.

APPLICATION PC SOMNAMBULISME MAGNÉTIQUE AU DIAGNOSTIC ET AD TRAITEMENT DES MALADIES; sa nature, scs différences avec le sommeil et le rive, par Louis de Séiié, doctour en médecine. — 1 vol. in—li. — Paris, 1855.

Depuis les belles expériences de Puységur, on connaît les admirables facultés que développe le somnambulisme et le parti qu’on petit en tirer pour apprécier et traiter les maladies. C’est certainement une des plus utiles découvertes dont se soit enrichie l’humanité. Quand le médecin, avec le secours de toute sa science laborieusement acquise, n’a pour se guider que des symptômes douteux , est réduit à des conjectures, est obligé de s’incliner devant la puissance du mal auquel il ne peut opposer que des palliatifs inefficaces, le somnambule lucide lit dans l’intérieur du corps comme dans un livre ouvert, en décrit toutes les lésions, indique les remèdes et opère comme par enchantement des guérisons étourdissantes. Comment un tel trésor est-il encore si généralement méconnu? Comment le somnambulisme, qui devrait exciter des transports unanimes d’admiration et de reconnaissance, est-il en butte aux sarcasmes, aux dénégations les plus insultantes?... On accuse l’obstination des corps savants à repousser les vérités nouvelles, leur dédain systématique pour toute doctrine éclose en dehors de leur sein. Sans doute, ce reproche est fondé; mais ce n’est pas là la seule cause qui a retardé le triomphe du somnambulisme : les imprudences, les fautes, les erreurs de ses adhérents l’ont compromis de la manière la plus désastreuse.

Le propre des phénomènes purement physiques est de pouvoir se renouveler à volonté avec une régularité qui ne se dément jamais : dès qu’une expérience de physique ou de chimie est convenablement décrite, le premier venu peut la reproduire identiquement. Il n’en est pas de même des phé-

nomènes qui dépendent des foneriont? p!iys!ilo;.-;i ¡ne«, e! encore moins de ceux qui dépendent des fonctions de l'âme. Nous avons beau nous mettre exactement dans les con lirions où nous avons souvent réussi : nous ne pouvons répondre avec certitude qu’un succès semblable arrivera point nommé; les êtres organisés ne se prêtent pas, comme la nature inerte, à nos essais, et il faut s’attendre rencontrer bien des mécomptes. De toutes les facultés humaines, il n’en est peut-être pas de plus variable, de plus capricieuse que celles qui s’exercent dans le somnambulisme. Le somnambule le plus éminent montrera un jour une lucidité merveilleuse, décrira minutieusement des objets situés à plusieurs centaines de lieues, lira votre pensée, appréciera exactement vos maladies, et le lendemain il commettra les bévues les plus grossières. Et dans les deux cas, il s’exprime avec le même aplomb, avec la même véracité apparente. Hier il voyait juste, rien n’échappait à sa pénétration, il soulevait tous les voiles; aujourd’hui, bien que son état semble le même, il est le jouet d’un mirage trompeur, son esprit est égaré par de déplorables illusions. Quelle est la cause d’un changement si prodigieux ? C’est ce qu’il est impossible de déterminer, pas plus qu’on nepeut le constater au trementqn’en vérifiant les assertions du somnambule. Aucun critérium ne peut nous faire connaître s’il mérite, ou non, notre confiance, s’il voit la réalité, ou s’il est halluciné par des chimères...

On conçoit dès lors que les paroles des somnambules même les plus accrédités ne doivent être accueillies qu’avec la plus grande circonspection. Mais la plupart des personnes qui recourent à leur lucidité n’usent pas de cette sage réserve. Emerveillés de leurs facultés transcendantes, elles les regardent comme des oracles infaillibles, les consultent sur toutes les questions et acceptent toutes leurs réponses avec une confiance aveugle. Elles s’exposent par là à des dangers de toute sorte ; il arrive ainsi qu’elles admettent à la légère des accusations inconsidérées, qu’elles adoptent pour leur conduite des résolutions extravagantes, et s’il s’agit de leur sauté, elles se soumettent à des médications

«{>ii peuvent leur coûter la \ie. Quelques-uns croient satisfaire aux règles de la prudence en n’acceptant les remèdes qu’autam qu’ils sont reconnus inoifensifs. C’est encore une erreur : car si un malade se borne à consulter le somnambule et à exécuter des prescriptions insignifiantes, il peut arriver (pie le mal s’aggrave et devienne incurable, tandis qu’il aurait pu être combattu avantageusement par des remède s administrés en temps opportun.

D’un autre côté, ceux qui consultent les somnambules et qui n’en obtiennent que des réponses erronées, sont souvent entraînées à passer d’un extrême à l’autre : à une confiance illimitée succède le dénigrement absolu. L’incrédulité s’empare avidement de ces échecs pour repousser le somnambulisme et pour envelopper le magnétisme dans une même proscription. Et malheureusement il ne manque pas de sujets qui fournissent à profusion (Tes armes contre le somnambulisme. Tout somnambule, lucide ou non, se croit en état de résoudre péremptoirement et à première vue toutes les questions, et ouvre un cabinet de consultation où le public sera admis, moyennant rétribution, à s’aider du flambeau delà sybille : le client se présente, il faut que la lucidité vienne ii l’instant précis où elle est requise : si elle est insuffisante ou si elle fait défaut, n’importe, on y suppléera par des bavardages débités avec assurance, ou fera adroitement parler le consultant, puis 011 trouvera moyen de l’étonner et de le contenter en lui restituant les renseignements qu’on aura tirés de lui ; à force d’exercer ce qui ne sera plus qu’un métier, 011 se perfectionnera dans les roueries du charlatanisme, on emploiera les stratagèmes des compères pour exploiter habilement les dupes. Et même pour réussir dans ce genre d’industrie, il ne sera pas nécessaire d’être le moins du monde somnambule : il n'est pas difficile de simuler, par quelques grimaces, quelques contorsions, l’attitude d’une personne qui subit le sommeil magnétique et qui passe à l’état sonmambulique.

Voilà comment est dégradé ce don sublime de Dieu, lumière transcendante qui autrefois faisait regarder ceux qui

en étaient doués comme des êtres au-dessus de l’humanité, comme des intermédiaires entre le ciel et la terre... Il importe de faire cesser autant que possible 1111 tel état do choses. Les magnétistes honnêtes doivent être les premiers à flétrir la fraude et le charlatanisme, à condamner l’engouement aveugle pour le somnambulisme : mais aussi ils 11e doivent pas négliger de cultiver et d’utiliser cette branche si curieuse du magnétisme. La lucidité des somnambules peut fournir à la science des lumières inappréciables; elle peut non seulement contribuer à la guérison des maladies, mais encore trouver des sources, aider utilement à des découvertes en tout genre, fournir un concours précieux dans les recherches sur la nature de l’homme. 11 faudrait que le somnambule fût formé par un magnétiseur habile et consciencieux qui se livrât avec persévérance à son éducation, qui prit soin de lui inspirer l’horreur du mensonge, de l’habituer à n’affirmer que ce qu’il voit nettement, et d’écarter de lui les exercices oiseux ou dangereux qui ne peuvent qu’altérer ses facultés. Enfin que, même avec les sujets les plus lucides, les indications soient soumises à un contrôle judicieux. Ou obtiendra ainsi d’immenses résultats, et on parviendra à laver le somnambulisme delà déconsidération qui s’y est attachée.

On doit donc applaudir aux efforts et aux succès de ceux qui marchent dans cette voie salutaire. Les médecins sont particulièrement compétents pour employer convenablement le somnambulisme. C’est ce qu’a fait M. le docteur de Séré : il nous apprend que, depuis plusieurs années, il se sert avec grand succès de la lucidité d’une excellente somnambule pour traiter les maladies ; il rend compte des cures qu’il a obtenues par ses indications, et il présente des considérations très-judicieuses sur la nature du somnambulisme.

Dans le premier chapitre, il fait voir comment ce moyen peut suppléer à l’insuffisance de la science médicale :

« Le véritable praticien, dit-il, qui sait s’entourer de tous les moyens d’investigation (pie lui fournissent les procédés scientifiques et sa sagacité, est trop souvent, à cet égard, dans une perplexité et une indécision vraiment cruelles, qui met-

tout sa responsabilité en péril et compromettent les jours du malade. Que d’efforts dans ces cas malheureusement trop fréquents, que de recherches pénibles ne lui faut-il pas pour arriver à préciser i'i demi la cause du mal, son véritable siège! Au bout d'un temps, toujours trop long pour le malade, il croit enfin l’avoir trouvé : il agit en conséquence, et une catastrophe inattendue vient, en déchirant son cœur, réveiller tous ses doutes, toutes ses affreuses perplexités! Un dernier moyen d’investigation lui reste, l’autopsie, qui sert quelquefois à l’éclairer pour éviter île nouveaux malheurs, d’amères et tristes déceptions. Mais quand cette dernière et lugubre lueur vient l’avertir, non seulement de sa déplorable erreur, mais de son impuissance dans des cas analogues, à éviter une méprise fatale, car la mort est un triste flambeau pour éclairer la vie, combien de fois n’a-t-il pas appelé à son aide une lumière d’en haut qui lui permette de voir, d’analyser, pendant le cours de sa maladie, le jeu de ces organes qui, sous son scalpel impuissant, ne lui donnent que des demi-lueurs, des doutes effrayants !... Eh bien ! cette autopsie vivante que le médecin vraiment pénétré de la sainteté et de la grave dignité de sa profession, appelle si souvent à son aide, la vue somnambu-lique à travers les cotps opaques la lui donne, et il rejette ce secours inespéré ! Ce flambeau merveilleux qu’il appelle h grands cris dans ses heures de perplexités affreuses, de mortelles angoisses, Dieu le lui envoie, et parce qu’il ne vient pas à lui sous une forme réglée par la science, non seulement il le repousse, mais il cherche à l’éteindre, il ose même porter sur lui une main sacrilège!... Ce flambeau providentiel doit éclairer la science, soulager l’humanité souffrante, diminuer le nombre de ses misères et de ses longues douleurs, et parce que nous ne savons pas encore analyser les rayons magiques de sa belle lumière, que nos faibles yeux ne sontpas encore accoutumés à son éclat, nous le repousserions et nous voudrions le faire rentrer dans le néant dont il a plu à Dieu de le faire sortir ! Une semblable aberration de l’esprit humain n’est plus possible en présence des faits nombreux, incontestables qui montrent les faits magnétiques sous un jour si éclatant. Revenus à des idées plus nettes, mieux comprises, sur ces étranges manifestations du système nerveux, les médecins intelligents et éclairés comprendront enfin quel immense secours peut leur apporter la vue des somnambules, non seulement pour la précision du diagnostie médical, mais encore pour des indications thérapeutiques nouvelles. »

Ces réflexions sont parfaitement justes, et l’auteur cile à l’appui la saignée dont il a été fait un si fréquent et si déplorable. usage. Los somnambules, selon lui, repoussent avec force ce moyen barbare :

« Ils n’admettent pas, dit-il, que le corps humain ait jamais trop de sang, et ils disent que si le sang circule mal et détermine par lit des congestions variables de divers organes, on peut et on doit, sans recourir aux émissions sanguines, rétablir la circulation par des moyens plus sûrs qui n’ont pas le grave inconvénient de portertoujoursune atteinte plus ou moins grave à la constitution du malade (p. 22). »

L’honorable docteur Boudin, médecin en chef de l’hôpital militaire du Roule, a adopté cette manière de voir et renoncé presque complètement à Femploi de la saignée ; et il résulte du relevé des décès de cet hôpital comparé avec ceux duVal-de-Grâce et du Gros-Caillou, que, pendant trois années, la mortalité y a été moindre d’un tiers que dans ces deux derniers établissements. Voilà certes un très-beau résultat et qui prouve d’une manière éclatante la haute utilité du somnambulisme, non seulement pour le traitement de cas particuliers, mais aussi pour l’établissement de règles générales de thérapeutique.

Ce que nous venons de dire delà saignée, s’applique également, suivant M. de Séré, à beaucoup d’autres moyens violents, perturbateurs :

« employés par la médecine actuelle avec un entrain regrettable, et que les somnambules rejettent avec une vivacité et une persistance des plus singulières. Il y a surtout les deux points dominants de la thérapeutique générale qu’ils apprécient .avec une admirable justesse et un rare bonheur : ce sont les doses des remèdes exactement appropriées à l’état des forces du malade, et la convenance, l’opportunité merveilleuse du jour, de l’heure, delà minute où tel remède peut et doit être appliqué (p. 23). »

Le chapitre 2 est le plus intéressant : il contient la relation détaillée de 35 cures, toutes plus ou moins remarquables, obtenues à l’aide de la lucidité somnambulique que l’auteur a fait concourir avec ses propres connaissances :

c’est ainsi qu’on peut préserver le malade des dangers que lui ferait courir l’observation irréfléchie des prescriptions somnambuliques, et réunir les plus grandes chances de succès.

Dans le chapitre 3, M. de Séié refait l’histoire bien connue des rapports qu’a eus le magnétisme avec les académies.

Dans la seconde partie, il traite de la théorie du magnétisme, et ses travaux contribueront à jeter de la lumière sur ce sujet si ardu, sur ces phénomènes si peu expliqués jusqu’ici. 11 rend hommage au patriarche du magnétisme, à M. du Potet, dont il constate les nombreux services, les généreux efforts, l’infatigable patience à provoquer de toutes les manières 1’ ttention des hommes sérieux sur les faits magnétiques. 11 critique avec quelque vivacité ses opinions sur la magie et sur les esprits. Nous ne le suivrons pas dans cette discussion, qui nous forcerait de renouveler la polémique que nous avons soutenue avec M. de Mirville.

Ses explications sur le sommeil et sur les songes sont ingénieuses et méritent l’attention de tous ceux qui cherchent à pénétrer les mystères de l’âme humaine. 11 réfute victorieusement le système émis par M. Lélut dans son rapport à l’Académie des sciences morales et politiques, sur le concours ouvert il y a deux ans sur la question du sommeil; et il prouve que le somnambulisme est un état tout à fait différent du sommeil, état dans lequel l’âme, loin de sommeiller, acquiert une activité extraordinaire et jouit de facultés exceptionnelles.

M. de Séréa cru devoir faire une excursion sur la question des tables tournantes et parlantes : il n’a guère fait que reproduire les conclusions de M. Gasparin auxquelles il adhère sans réserve; il a pourtant en propre quelques explications qui sont loin d’être heureuses. Ainsi, selon lui :

t La volonté développe sur les tables des effets qui ont une analogie étroite avec ce qui a lieu chez les personnes douées d’imprégnation magnétique. Les pores de la table, en contact avec les mains d’une ou plus habituellement d’un certain nombre de personnes, se chargent d'émanations bu-

mai nés qui lui communique)! ! une rie passagère et une force dynamique très-appréciable, qui dure aussi longtemps que la volonté des personnes qui les mettent enjeu; les tables tournent., parlent, se font l’écho fies pensées des opérateurs, convergeant vers un but précis, déterminé, et suivent, soit en tournant, soit en parlant, le mouvement qui leur est imprimé par l’accumulation dans leurs pores de l’agent dont la volonté est. le directeur souverain (p. 230). »

Remarquons que l’auteur est tout à fait dans le faux quand il suppose que, dans l’opération des tables parlantes, les pensées des opérateurs convergent vers un Oui préris, déterminé : tout le monde sait que les phénomènes les plus marquants ont lieu au contraire quand les opérateurs sont dans un état passif et attendent le langage de l’être inconnu ; les opérateurs ne s’entendent point pour concentrer leurs pensées sur un même sujet; ils ont le plus souvent des opinions fort dissemblables, non seulement sur les assertions données par le moyen de la table, mais môme sur la cause du phénomène; bien plus, il arrive le plus souvent que chacun a conscience d’être étranger au langage de la table dont les révélations inattendues frappent de stupeur tous les membres de la chaîne. Que devient donc alors le système des pensées convergeantes'' M. de Séré fait de la table ac-iiomxteunêtre individuel, recevant une vie passagère, ayant son intelligence propre qui ne dure qu’autant que les opérateurs y appliquent leur action : voilà donc une âme créée, puis anéantie en quelques instants, et une âme de table i Et si les mêmes opérateurs recommencent un autre jour d’opérer ensemble et avec la même table ou avec une autre, il en résultera encore la création d’une nouvelle âme qui pourrait bien être identique à la première, c’est du moins ce que pourrait faire penser la conformité d’idées et l’ensemble des discours dénotant la persistance du moi... Voilà des mystères aussi choquants, pour le moins, aussi diiliciles à accepter que l’intervention des esprits, que M. de Séré traite pourtant de monstruosité ridicule.

A. S. MORIX.

MESMER ET I.E MAGNÉTISME ANIMAL, par E. Bersot. I vol. in-12. i'' (Kliliun. Paiis, Hachctlo cl comp., 1854.

Nous extrayons de XIllustration du 24 février l’article suivant :

« Nous sommes en retard avec un bon livre de M. Ernest Bersot, traitant des faits et. gestes magnétiques, sous le titre de Mesmer et le Magnétisme animal, et nous n’arrivons aujourd’hui que pour en constater la réimpression, c’est-à-dire le succès. Il nous serait fort difficile d’analyser cet ouvrage intéressant, qui est lui-même une analyse, un répertoire de faits curieux, d’expériences plus ou moins probantes, dans l’exposé desquels l’auteur, fidèle à son attitude de rapporteur, a soigneusement, trop soigneusement peut-être, évité de prendre parti. Ces matières, qui trouvent tant d’incrédules , rebutés par l’extrôme invraisemblance des phénomènes observés, veulent être, 011 le sent, abordées avec une extrême réserve. Cependant, plus elles sont obscures, plus 011 aimerait à avoir les opinions, les conjectures, si l’on veut, des hommes judicieux et éclairés comme l’est M. Bersot.

« La seconde édition du livre est augmentée d’un chapitre sur les esprits et sur les tables tournantes, où le même parti pris d’abstention et de circonspection est observé. Ce n’est pas un blâme, c’est un simple regret que nous manifestons ici. S’il y a des points, des questions, des principes sur lesquels il n’est pas permis de n’avoir point un avis, assurément les faits encore si incertains et si fugaces, les doctrines si hypothétiques de la science magnétique, ne sont point dans ce cas, et nul ne reprendra un écrivain non édifié d’imiter « de Conrart le silence prudent » en ces exorbitantes matières. Ce qu’il faut se garder de faire, et ceci soit dit en règle générale, c’est de nier à priori. Que savions-nous des lois du monde avant la découverte toute récente de tant de merveilles : l’électricité, la poudre, la vapeur, l’éthérisation, le daguerréotype, etc., etc. ; qu’en savons-nous aujourd’hui ? A l’ignorance seule convient d’opposer des dénégations absolues à ce qui passe sa portée. Quand on voit les savants, sans autre mesure de certitude que celle de leurs connaissances acquises, tomber dans les mêmes écarts, c’est un fait douloureux qui a été de tout temps, mais contre lequel, de tout temps, on ne saurait trop s’élever.

«Ces réflexions nous sont inspirées par l'intervention d’un très-véritable savant, l’honorable M. Tliury, de Genève,

clans la question passionnante et naguère, encore si controversée des tables, un pmi délaissées en ce moment, par suite des préoccupations générales, mais auxquelles 011 reviendra certainement, et, souhaitons-le, armé ¡le nouvelles lumières. M. Thury, qui a suivi attentivement les expériences si remarquables de M. de Gasparin , n’hésite point, tout savant qu’il est, et ceci est 1111 grand l'ait, à se prononcer affirmativement sur la réalité objective des phénomènes constatés. Il a vu, de ses yeux vu les rotations et les soulèvements sans contact. A l’aide d’un ingénieux appareil basculaire qui a fonctionné devant lui, il a pu mesurer le degré exact de pression des doigts sur le plateau à mouvoir, et s’assurer ainsi mathématiquement de l’insuffisance de cette pression à produire les résultats remarqués. Il tient donc les faits pour incontestables, bien que, quant aux explications à en donner, aux inductions générales à en tirer, il se montre infiniment réservé. Quoique ces phénomènes offrent, selon lui, une assez grande analogie avec ceux du magnétisme, il ne lui est nullement prouvé qu’ils soient de la môme nature. En revanche, et si M. Thury ne veut rien accepter qu’expérimentalement, il ne repousse rien , et se trouve môme plus hardi sur ce terrain propre que M. de Gasparin, dont le séparent d’ailleurs certaines dissidences. Ainsi, (le tous ces phénomènes extraordinaires, et qui semblent une subversion de toutes les lois de la nature, il déclare sans hésiter que :

« S’il y a invraisemblance profonde, on ne peut pas dire qu’il y ait impossibilité.

« Cary ajoute-t-il, et cette remarque me frappe, nul ne connaît d'une manière précise les conditions d’action de Cáme sur la matière, en ce qu'elles ont de nécessaire logiquement. »

« Nul 11e connaît, c’est bien cela ! Donc il ne faut rien nier.

h Cette tolérance conduit M. Thury à ne point môme repousser d’une façon dogmatique et péremptoire la possibilité d’une certaine relation des esprits avec la matière, en dehors de toutes les lois physiologiques connues. On ne sait pas! Voilà son mot : il est profond. Pourquoi les enfants et les peuples sauvages admettent-ils tant de contes et de superstitions? C’est qu’ignorants de toutes choses, il 11e leur coûte rien de donner créance à toutes les histoires qu’on leur fait. Si nous nous rendions compte, dans notre orgueil d’hommes et de civilisés, du peu que nous savons, 011 nous verrait peut-être, je 11e dis pas plus crédules, ce serait un écart pour un autre, mais plus croyants, et surtout moins exclusifs.

« Comment d'ailleurs se refuser il admettre l’existence de profonds mystères physiques ou métaphysiques nous entourant de toutes parts, lorsque l’on voit des faits semblables ii celui |itc nous allons rapporter et qu’un homme, un savant comme M. Thury, appuie de son témoignage?

a Voici le fait : je le signale instamment à M. Bersot pour la plus prochaine édition de son Mesmer!

(. Dans le temps où, dit M. Tliury, chacun s’amusait à faire tourner et, parler des tables, ou à conduire sur le papier des crayons plantés dans des bobèches, les enfants d’une maison (de lui connue, qu’il cite) se divertirent à ce jeu. D’abord, les réponses obtenues furent telles que l’on pouvait y voir un reflet de la pensée inconsciente des opérateurs, un « rCre des opèrnteurs éveillés. » Bientôt cependant le caractère de ces réponses sembla changer : ce qu’elles manifestaient semblait plus difficilement pouvoir sortir de l’âme des jeunes interrogateurs; enfin il y eut une opposition telle aux ordres donnés que M. N., incertain sur la nature de ces manifestations où sem lait apparaître une volonté différente de la volonté humaine, défendit qu’elles fussent de nouveau provoquées; dès lors, bobèches et tables rentrèrent dans le repos.

« Une semaine s’était à peine écoulée depuis la fin de ces choses, lorsqu’un enfant de la maison, celui qui auparavant réussissait le mieux dans les expériences des tables, devint l’acteur ou l’instrument de phénomènes étranges. Cet enfant recevait une leçon de piano, lorsqu’un bruit sourd retentit dans l’instrument qui s’ébranla et fut déplacé, tellement que l’élève et la maîtresse le fermèrent en toute hâte et quittèrent le salon. Le lendemain, M. N., prévenu de ce qui s’était passé, assiste h la leçon qui se donne à la même heure, à la tombée de la nuit. Au bout de cinq à dix minutes, il entend de l’intérieur du piano sortir un bruit difficile à défiinir, mais qui était bien tel que devait le produire un instrument de musique ; il avait quelque chose de musical et de métallique. Bientôt après, le piano, d’un poids supérieur h 300 kilogrammes, se soulève quelque peu de ses deux pieds antérieurs. M. N. se place à l’une des extrémités de l’instrument qu’il essaie de soulever; tantôt il avait sa pesanteur ordinaire qui dépasse la mesure des forces de M. N., tantôt il faisait l’effet de n’avoir plusaucun poids, et n’opposait plus la moindre résistance. Comme les bruits intérieurs devenaient de plus en plus intenses, 011 mit fin à cette leçon, dans la crainte que le piano 11e souffrit quelque dommage. On re-

porta la leçon au matin et dans un autre salon situé au rez-de-chaussée; les mêmes phénomènes se reproduisirent, et le piano, qui était plus léger que l’autre, se soulevait beaucoup plus haut (c’est-à-dire de quelques pouces). AI. N. et un jeune homme de dix-neuf ans essayèrent de peser ensemble de toutes leurs forces aux deux angles qui se soulevaient : ou bien leur résistance était vaine, et l'instrument se soulevait encore, ou bien le tabouret sur lequel l’enfant était assis reculait avec une grande \itesse.

« Si des faits pareils ne s’étaient produits qu’une seule fois, on pourrait croire à quelque illusion de l’enfant ou des personnes qui étaient alors présentes ; mais ils se renouvellent un grand nombre de fois, et cela pendant quinze jours de suite, en présence de témoins divers. Puis, un certain jour, une manifestation violente se produit, et, dès lors, aucun fait extraordinaire n’a plus lieu dans la maison. C’est d’abord le matin et le soir que ces perturbations ont lieu, puis à toutes les heures, et constamment, chaque fois que l’enfant se met au piano, après cinq ou dix minutes de jeu. Cela n’arrive qu’à cet enfant, bien qu’il y ait là d’autres personnes musiciennes, et cela lui arrive indifféremment aux deux pianos de la maison. >>

« Dira-t-on , fait observer avec raison M. Thury, que ces phénomènes étranges peuvent être attribués à l’action musculaire ou à la volonté de cet enfant de onze ans ? Bien évidemment non : il y a donc d’autres causes qu’un effort corporel ou magnétique à ces manifestations renversantes. Nous voici, pour notre part, fort dérouté; mais cela ne nous humilie guère. En harsardant, comme tant d’autres, notre explication de ces faits étonnants, nous n’avons enteudu ni pu entendre que constater notre ignorance, notre désir de savoir et notre exemption de toute incrédulité primesautière. N’eussions-nous fourni que l’occasion aux savants de nous démontrer que nous faisions mauvaise route, nous serions encore content du résultat. Le faux, reconnu faux, est une manière comme une autre d’aller au but, et c’est souvent d’erreur en erreur qu’on s’élève à la sublime vérité.

« Félix MOKNAND.»

Le Gérant : HElSEttT (de Garnay)-

INSTITUTIONS.

Infirmerie niCNiticrltiiic «le I.oiidrcK.

Nous sommes heureux d’avoir à constater les progrès toujours croissants du magnétisme : dans toutes les villes d’une certaine importance, un grand nombre d’hommes éclairés et recommandables à tous égards s’occupent activement de le propager et d’en faire des applications pratiques. A Londres, une infirmerie mesmérique existe depuis plus de six ans. Cet établissement appartient à une société de partisans dévoués; le titre de fondateur est accordé à ceux qui versent au moins dix guinées en un seul paiement, celui de souscripteur à ceux qui versent au moins une guinée par an. La recette de l’an dernier s’est élevée à 708 livres sterlings (17,721 fr.).

Il y a un conseil d’administration qui se réunit le mer credi de chaque semaine, et une commission de dames dont l’une au moins fait une visite par jour. Les non souscripteurs sont admis à visiter avec une carte de l’administration. Les malades y sont reçus gratuitement, et le succès de l’institution est tel qu’on ne peut suffire à traiter tous ceux qui se présentent.

Parmi les personnes honorables qui composent l’administration, on remarque l’archevêque de Dublin, président ; le professeur Gregory, les docteurs Esdaile, Elliotson, le comte de Carlisle, MM. Gardiner, etc.

L’assemblée des fondateurs et souscripteurs a tenu une séance annuelle le 8 juin 1855, et le compte-rendu qui en a été publié renferme des documents pleins d’intérêt. Le savant Dr Elliotson arappelé qu’à une époque toute récente, le

'I'ovk XIV. — N° 'i'4'£ —25 Octobre 1S55. 20

mesmérisme a rencontré, en Angleterre, toutes sortes d’obstacles, a été accueilli par l’injure, la calomnie et les accusations les plus déraisonnables, et cpie, maintenant, grâce à la persévérance infatigable de quelques hommes de bien, 11 a conquis une position des plus florissantes.

Le nombre des malades soignés dans le cours de l’année s’est élevé à 247, sur quoi 69 ont été parfaitement guéris,

0 ont été amenés à un état voisin de la guérison, 40 ont éprouvé une amélioration plus ou moins sensible, 41 étaient encore en traitement. Plusieurs malades, après une ou deux séances de magnétisation, ne continuaient pas de se soumettre au traitement : les uns, parce qu’ils s’étaient figuré qu’on les guérirait insiïmlanfmenl, et que, n’éprouvant clans le début que peu ou point de modification dans leur état, ils perdaient patience ; d’autres, parce cju’on ne les a pas endormis comme ils s’y attendaient ; d’autres encore, parce que leurs occupations, leur état de santé ou leur dénûment, eu encore la trop grande distance de l’infirmerie, ne leur permettaient pas d’y aller chaque jour.

Quoi qu’il en soit, de magnifiques résultats ont été obtenus. Nous trouvons, dans le compte-rendu, la relation circonstanciée de plusieurs cures très-remarquables dues au magnétisme et dans des cas où la médecine est impuissante. Parmi les maladies dont la guérison a eu lieu, nous distinguons les suivantes : chorée ou danse de saint Gui (chez les Anglais, danse de saint Vitu), asthme, contraction des doigts et du cou, ulcère à l’ail, chlorose, aménorrhée, lèpre, paralysie, hydropisie, l’affreuse maladie de peau appelée lupus, etc.

Forcé, par le manque d’espace, d’abréger cette notice, nous nous bornerons à citer la relation suivante :

« Joseph Bissoni, âgé de 14 ans, demeurant n° 4, Wilton Street, Regent Street, Westminster, vint nous trouver le 8 janvier. 11 avait, depuis six ans, une inflammation du cerveau. Son intelligence s’en était trouvée comme engourdie ; il manquait de mémoire, il était sourd des deux oreilles et tourmenté par des bourdonnements. M. Mayhew le magné-

tisa à grandes passes en fixant ses yeux sur lui. En moins de trois semaines, le malade éprouva une légère amélioration; le li mars, la guérison se trouva complète; il recouvra l’intelligence, la mémoire et l’ouïe ; lui et sa mère nous ont adressé les plus vifs remercîments. »

L’assemblée, avant de se séparer, a décidé qu’il serait fait un cours public de magnétisme ayant principalement pour objet l’enseignement des moyens de guérison.

Nous félicitons les mesméristes de Londres des services immenses qu’ils rendent à la science et à l’humanité : espérons que bientôt toutes les grandes villes s’empresseront de suivre leur exemple.

A. S. MORIN.

UlNpcuNalro niRgnètiquc de PMriH.

Un état de souffrance et de fatigue, résultant probablement de magnétisations excessives pour mon organisation, m’a interdit presque toute occupation depuis quelques mois. Le Dispensaire a naturellement éprouvé l’effet de ce ralentissement de mes soins, c’est-à-dire que le traitement des malades n’a point été interrompu et que des notes ont été prises, comme devant, sur chacun d’eux ; mais la rédaction de ces notes en corps d’observation a été forcément ajournée et leur publication retardée. J’ai repris dernièrement ce travail , et je vais donner incessamment le résumé des traitements effectués dans le cours de la première année, qui s’arrête au commencement du mois de septembre.

HÉBERT (de Camay).

ÉTUDES ET THÉORIES.

nE I,A SUGGESTION.

Plus ou creuse cette inépuisable question du magnétisme et plus on fait, chaque jour, de ses profondeurs, jaillir de soudaines clartés qui viennent illuminer d’un jour nouveau, présenter sous un aspect non soupçonné, des faits qui semblaient ne se rattacher par aucun point à cette science. Sa marche progressive est facile à constater, et l’on dirait que, par une sorte de direction providentielle, elle s’est effectuée en raison des besoins de l’humanité et dans l’ordre logique qui la fait remonter à sa divine origine.

En effet, si l’on observe avec quelque attention cette progression remarquable, 011 voit que d’abord Mesmer découvre ou retrouve, si on l’aime mieux, le magnétisme thérapeutique, la puissance curative qui s’adresse à l’instinct de conservation, premier besoin et premier devoir de l’espèce humaine.

Puis vient Puységur qui met au jour le somnambulisme et l’extase, cette immense découverte qui établit d’une manière si décisive, si incontestable l’existence d’un principe immatériel, complètement indépendant du corps de l’homme et vivant d’une vie qui n’a pas besoin des organes de celui-ci; résolvant ainsi et d’un seul coup cette grande question qui depuis les temps les plus reculés a été l’objet des études et des controverses ardentes de la philosophie et de la science. La découverte psychologique succède à la découverte physiologique, le fait religieux au fait matériel.

Enfin voici venir les Américains Williams, Philipps et autres, qui, à leur tour, par les magnifiques expériences auxquelles ils donnèrent le nom d’Electro-biologie, réussissent à dérncmtrer le lien suprême qui soude les deux premiers principes établis par les découvertes de leurs illustres devanciers, à fournir la preuve palpable, convaincante de leur influence réciproque et à poser ainsi les bases d’une théorie .dontle docteur Grégory d’Edimbourg adonné le dernier mot.

Les premiers établissaient ce principe : qu’un disque, formé de deux métaux, tels que le zinc et l’argent, mis en contact dans de certaines proportions, étant présenté à un individu quelconque qui devait y attacher fixement les yeux, des efiels exactement semblables à ceux produits par la magnétisation ne tardaient pas il se manifester et arrivaient même jusqu’aux différents degrés du somnambulisme.

Le docteur Grégory reprit les expériences du disque américain ; puis il supprima le disque et le remplaça par un objet quelconque, qui, en passant par ses mains, acquérait, toutefois, gine véritable valeur magnétique ; les phénomènes obtenus furent les mômes ; enfin il essaya de supprimer môme toute communication matérielle de ce genre, et les effets qu’il se contentait d’annoncer simplement au sujet qu’il éprouverait étaient également par lui ressentis et manifestés. « Mais c’est de la suggestion ! s’écria-t-il. » L’idée et le mot étaient trouvés.

Par ce mot la théorie des Américains devenait d’une clarté saisissante, et ainsi étaient merveilleusement et cependant tout naturellement expliqués les faits restés mystérieux jusqu’ici, par suite de l’ignorance où l’on était de l’immense puissance d’action sur l’autre de l’un des deux principes essentiels constituant la dualité de l’organisation humaine.

Ainsi d’abord le corps, puis l’âme, puis enfin, comme cor-rollaire, la combinaison de ces deux forces et l’histoire de l’humanité expliquée par la démonstration de leur action complexe. Voilà ce qu’est le magnétisme.

Les travaux de Mesmer, de Puységur et de leurs savants successeurs sont assez connus de nos lecteurs, qui en font eux-mômes l’objet de leur élude spéciale, pour que nous ne croyions pas avoir besoin de les entretenir de ce qu’ils savent aussi bien que nous ; mais les effets plus récemment découverts par les Américains, effets peu connus encore et pratiqués seulement par les maîtres,- offrent un champ tout nouveau à l’observation du penseur et de l’expérimentateur. Nous croyons donc utile d’appeler toute l’attention des magnétiseurs sur leur étude particulière à l’aide de laquelle

nous allons exposer le plus brièvement possible et notre propre opinion et le résultat de nos propres expériences.

Voici donc ce qu’est la suggestion, d’après la définition de M. Hébert (de Garnay), qui s’est spécialement occupé de l’étude de cette importante question dans un cours fait l’été dernier :

Etant donné à un individu, qu’il ait été déjà antérieurement soumis ou non à l’influence magnétique, mais en tous cas susceptible de la ressentir à un certain degré, on peut, sans mettre en usage aucun procédé matériel, agir sur lui par la seule force de la volonté, en la manifestant toutefois, non point sous forme d’un ordre exprimé verbalement et d’une manière impérieuse, mais par la suggestion de l’action à laquelle 011 veut le porter, et en le lui présentant par degré et avec une insistance persuasive comme émanant de la volonté personnelle.

Le phénomène ainsi produit peut se résumer par le développement d’une force mi-partie vitalité propre, mi-partie influence étrangère combinées par l’action magnétique.

Cet état, on le voit, vient naturellement, mais toutefois avec quelques modifications aisément appréciables, se ranger dans la catégorie formant, sous le nom de charmes, le troisième degré de la classification des effets magnétiques par le même auteur (1).

Ainsi envisagée, cette persuasion forcée exercée sur un indi-viduà son insu, complétée par une volonté étrangère, ne conduit-elle pas naturellement à considérer sous un jour nouveau cesopérationsinexplicablesjusqu’icide la sorcellerie du moyen-âge, les envoûtements, les possessions, la lycanthropie, etc.? Les rapts opérés sur les enfants et les jeunes gens par les barbiers maliométans dans les Indes, observés et étudiés avec une rare perspicacité par le docteur Esdaile se rattachent évidemment au même ordre de faits et ont reçu une explication analogue complète de la bouche même de plusieurs de ceux qui en étaient les acteurs passifs ou dirigeants.

(1) Voyez Petit Catéchisme magnétique, 5° édition.

Ainsi, la tradition indienne qui se perpétue de nos jours dans le pays môme où elle prit naissance, se rattache par un lien visible à la tradition égyptienne que nous a léguée la Grèce. Les sorciers de Pharaon donnent la main aux mages de la Chaldée.

Ces phénomènes si étranges et non encore étudiés jusqu’à ce jour, à cepointde vue nouveau, peuvent, lorsque l’observation aura permis de les classer à leur véritable valeur, donner la clef de bien des faits anormaux, extraordinaires dans l’ordre magnétique, de bien des influences, de bien des puissances tenues pour merveilleuses et qui tous avaient pour cause productrice l’énergie combinée de ces effets mixtes : effets, notons-le en passant, obtenus sans que ceux mêmes qui les produisaient eussent conscience du double levier qu’ils mettaient enjeu. Ainsi Faria, dont le procédé de magnétisation qui lui était exclusivement personnel et généralement désigné depuis sous la dénomination de méthode stupéfiante, en annonçant au sujet qui lui était soumis qu’il allait dormir, qu’il ne pouvait lui résister, qu’il fallait absolument qu’il dormît et en se recueillant longtemps pour concentrer toute sa force de volonté magnétique, laissait ainsi, à son insu peut-être, cette idée de résistance impossible se développer dans l’esprit du sujet, préparer ainsi la soumission immédiate, et lorsque ensuite, projetant d’un seul coup l’expression de sa volonté par ce mot : Dormez ! il obtenait ces effets foudroyants qui lui firent une si grande réputation de puissance magnétique ; Faria, disons-nous, agissait, nous en sommes convaincus, autant par le pouvoir de la suggestion qui avait précédé que par celui du fluide ainsi accumulé.

Les singuliers effets de l’Électro-biologie, d’origine américaine elle aussi, ne sont évidemment dus qu’à la suggestion et peuvent indifféremment être obtenus avec ou sans le concours des disques métalliques ; ou plutôt les docteurs Philipps et Williams, en voulant ramener à un procédé matériel le principe de ces phénomènes, n’ont fait que changer, à tort suivant nous, le véritable principe et le nom réel de

suggestion en celui d’Électro-biologie, l’identité nous semblant parfaite quant aux résultats. Ce n’est pas, au reste, la seule cause morale que l’on ait négligée pour s’attacher de préférence.iune explication cherchée dans l’ordre physique. Ainsi, sans contester l’étymologie arabe et l’origine historique du mot assassin, que l’on fait dériver du mot haschich, il nous semble que l’usage seul de cette préparation enivrante ne devait point suffire d’une manière absolue à donner au Vieux ou au Prince de la Montagne le pouvoir illimité qu’il obtenait sur l’esprit des sectaires dont l’obéissance lui appartenait si aveuglément. L’usage du haschich s’est tradi-tionellement conservé, dans tous les pays où la loi musulmane est professée, comme une conséquence de la prohibition du vin et des boissons alcooliques qui oblige les disciples de l'islamisme à demander à d’autres préparations les imitations physiques ou morales de l'ivresse, pour lesquelles un grand sombre d’organisations ont un penchant invincible. Le haschich est également connu à présent en Europe. Des expériences nombreuses ont été faites sur ses effets, tant par la science que par la curiosité individuelle. Nous l’avons nous-mèaie personnellement et fréquemment éprouvé ; et il reste bien démontré que, pas plus dans nos climats que sous celui de l’Orient, le haschich ne produit d’autres résultats que ceux déterminés par tous les autres narcotiques ingérés dans de certaines conditions et à des doses proportionnelles aux individus, c’est-à-dire absorption physique et morale absolue, surexcitation infinie du système nerveax, produisant dans les deux ordres, d’une part, des visions et des hallucinations variables suivant l’organisation et le tempérament du sujet, et, d’autre part, un développement inouidela sensibilité organique et des perceptions sensitives illimitées. Mais rien qui subsistât, une fois l’action narcotique épuisée, rien en un mot qui survécût au réveil.

Ce n’est donc évidemment point dans remploi de cet agent unique qu'il faut chercher l’explication de cette obéissance passive, aveugle, fataliste qui dirigeait les [haschicfiim du treizième siècle. Mais de ces faits que seul il était impuissant

à produire, nous trouvons facilement la raison suffisante, si nous supposons l’action magnétique combinée par la suggestion avec l’action enivrante du toxique absorbé. Le rôle du haschich était-il de préparer le sujet à l’impression voulue et de le mettre physiquement et moralement dans les dispositions nécessaires à la recevoir?

On a prononcé, à ce sujet et pour expliqueras faits, le mot de fanatisme comme le principal mobile de ces sectaires ; mais cet agent moral ne peut pas plus que l’agent matériel que nous venons d’examiner être admis suffisamment comme cause efliciante des effets obtenus. S'il en eût été ainsi, ce pouvoir illimité n’eût pas été dans les seules mains d’un petit chef de tribu de l’Afrique, et le fanatisme musulman étant le môme à cette époque chez tous les peuples de cette croyance qui s’opposaient à l'invasion chrétienne, les armées de Salah-Eddin auraient dû être composées en entier de ces dévouements absolus qui ne se trouvaient cependant que dans les mains d’un de ses moindres vassaux.

La suggestion magnétique, agissant sur ces imaginations admirablement préparées par l’usage immodéré du haschich, reste seule comme explication réelle et pratique de cette merveilleuse influence demeurée si mystérieuse jusqu’ici.

Cet ordre d’idées nous amène par une force logique à l’examen direct, dans le domaine de l’histoire, de faits d’une importance bien plus grande et qui se rattachent naturellement à la question que nous traitons. Nous avons parlé du fanatisme, et nous avons repoussé la valeur trop: absolue qu’on voulait lui donner comme principe unique de ce dont l’on ne pouvait se rendre compte qu’au moyen de l’exaltation supposée de ce mobile de l’esprit humain. Mais ce que nous avons refusé d’admettre pour les peuples de^ l’orient devons-nous l’admettre pour ceux de l'occident? Etait-ce uniquement le fanatisme qui précipitait ceux-ci contre ceux-là? Etait-ce uniquement l’idée religieuse, dont, nous sommes loin toutefois de contester l’immense influence, qui poussait l’Europe contre l’Asie? Nous pouvons' nous le demander, aujourd’hui que l’esprit d’investigation1

ne s’arrêtant plus à la surface des choses, cherche à se rendre compte des faits acceptés aveuglément par les siècles passés et parce qu’ils avaient le seul mérite d’avoir été accomplis.

Pour nous, sans avoir la présomption de trancher de nous-même une question d’un ordre si élevé, nous nous contentons de la placer à un nouveau point de vue, et de la soumettre aux méditations du penseur et à l’appréciation scientifique du magnétiste.

Dans ces conditions et sous toutes réserves des causes politiques bien connues et élucidées par les historiens, nous nous bornerons à rechercher le mode d’action qui agitait ces grandes masses et au moyen duquel on déterminait leur impulsion. Suivant les apparences, ce mode d’action consistait simplement dans les prédications faites sur les places publiques, dans les églises, dans les villes, dans les campagnes, par un moine ou par un pèlerin de retour de la Terre-Sainte et témoin des souiTrances de ses co-religion-naires. Or, quelque exaltée que l’on veuille supposer l’idée religieuse, même à cette époque, pense-t-on qu’elle eût suffi pour déterminer des millions d’individus à se dévouer à l’entreprise avec cet enthousiasme et cette abnégation dont l’histoire nous a conservé les détails? Pense-t-on qu’ella seule était l’étincelle électrique qui se communiquait de l’un à l’autre aux auditeurs de toutes les classes, et dont les intérêts étaient si différents, qui se pressaient autour des saints personnages pour recueillir leurs paroles? Non pas ; il y avait là autre chose encore que l’on n’y soupçonnait pas ; il y avait là l’influence magnétique, la puissance de la suggestion qui sortaient l’une et l’autre de la prédication ardente du moine, de la plainte douloureuse du pèlerin, de l’appel à la vengeance de tous les deux et de leur conviction intime fermement manifestée, que leurs propres pensées devaient être, étaient celles de leurs frères en religion. Et par la persistance de ces influences répétées, journalières, de tous les moments, les masses électrisées ou plutôt magnétisées de proche en proche se mettaient en marche comme un seul homme.

Qu'on ne nous taxe plus d’exagération, quelque nouvelle que puisse paraître cette manière d’envisager ces grands faits historiques. Eh! mon Dieu! regardons autour de nous. Qui ne sait que, parfaitement libres de penser et d’agir dans de telles circonstances et en présence de telles personnes, nous cessons de l’être aussi complètement en présence de telles autres? Qui n’a vu une volonté obstinément contraire finir, sous l’elTet du temps et d’une persévérance antagoniste, par perdre graduellement sa force de résistance pour se confondre dans l’harmonie d’une autre volonté? L’homme est une puissance qui peut rester sa maîtresse en quelque genre qu’elle veuille ; mais, sensible aux réactions de l’ordre physique et surtout à celles de l’ordre moral, elle ne peut persister longtemps dans son isolement et sa fierté. Cette permanence, soutenue par une lutte morale, n’est pas dans la nature humaine, qui, en vertu de lois d’un ordre supérieur, tend à la sympathie et à l’union. Or si pour l’homine, dans l’état ordinaire, il est difficile de se soustraire à cette mystérieuse attraction vers une volonté étrangère, nous n’hésitons pas à dire que le magnétisé a moins de force pour demeurer dans son individualité morale, et que, tout en ayant la puissance de rejeter énergiquement une participation quelconque à un acte qui lui répugnerait, il perd peu à peu cette puissance de résistance à mesure que l’influence attractive continue à l’ébranler lentement, mais d’une manière persistante.

Et ce que nous disons là peut trouver une assimilation parfaite, une application immédiate dans les exemples que nous présente l’histoire de toutes les époques, que nous fournit surabondamment celle même de nos jours de ces grands et inexplicables succès de ce que l’on est convenu d’appeler l’éloquence. Supposez par la pensée un orateur à une tribune ; en face de lui, autour de lui est une assemblée d’hommes considérables, passionnés, la plupart intelligents, égoïstes tous, auxquels cependant il lui importe de faire partager son opinion. Or cette assemblée lui est généralement hostile. Ces hommes savent d’avance ce que cet

autre homme va leur dire. Il n’y a point d’habileté de langage qui leur soit étrangère, point de subtilité ou d’argutie qu’ils ne connaissent, point de piège oratoire auquel ils puissent se laisser prendre. Si, cependant ; il y en a un dont ils ne se doutent pas et dans lequel tous tombent sans l’apercevoir. En ellet cet homme parle, et ses adversaires peu à peu ébranlés, émus, hésitants, puis enfin soudainement entraînés, tous dans une seule acclamation subissent l’opinion, l’influence et la volonté de leur antagoniste. Comment cela s’est-il fait? Supposera-t-on que la lumière s’est faite pour chacun d'eux? que la conviction est entrée dans chacune de ces têtes dont la moitié peut-être, sinon les tfôis quarts, n’ont pas une seule conviction qui leur soit propre? Non, assurément, car ils se repentiront demain, ce soir peut-être, de ce qu’ils viennent de faire. C’est que là encore il y a autre chose que l’on ne voit pas, que l’on n’explique pas, que l’on ne soupçonne pas. C’est que là il y a le magnétisme de la voix qui tombe de la parole vibrante de l’orateur dans l’oreille de ses adversaires ; il y a le magnétisme du geste, et du regard qui va fouiller jusque dans leurs yeux, et il y a enfin ce magnétisme puissant de la conviction, ce levier qui soulève les montagnes, la Foi !

Que l’on analyse ainsi avec attention beaucoup de faits étranges , mystérieux , qu’on les rapproche de certains autres déjà acquis dont l’observation journalière semble superflue tant ils nous sont devenus familiers, et l’on verra si la synthèse magnétique ne réussit pas à expliquer ce qui nous semblait surnaturel et à reconstruire, d’accord avec la raison, un ordre d’idées qui s’enchaînent parfaitement, se tradaisent'l’une par l’autre et donnent enfin le dernier mot de la grande science de tout ce qui a été, de tout ce qui est, dê ttfut cê qui doit être.

Ë. DE MALHERBE.

CONTROVERSES.

TENDANCE DES JOUllNAUX DE MÉDECINE.

Il s’est opéré, depuis quelques années, un changement très-marqué dans le langage des feuilles médicales à l’égard du magnétisme et de ses partisans. Naguère elles ne traitaient ce sujet qu’avec dédain , malveillance ou déloyauté,; maintenant elles enregistrent des faits et hasardent même quelques explications. Il y a loin, sans doute, de cette adhésion équivoque à une participation formelle ; mais c'est le premier pas fait vers un concours plus actif. Cette heureuse tendance n’est pas individuelle, elle gagne peu à peu tous les rédacteurs, et les gros bonnets de la science assistent passivement à cette transformation , eux qui jadis auraient poussé tant de clameurs. Ainsi l’on peut conjecturer que, dans un avenir prochain, la question magnétique pourra être sérieusement.débattue dans les journaux même qui'Iuî étaient les plus hostiles.

Tels sont les signes du progrès qui s’est effectué .dans l’esprit des écrivains qui dirigent l’opinion médicale : espérons gué la même modification va s’opérer dans celui de leurs lecteurs. Alors, l’examen prenant la place du doute et l’étude chassant l’ironie, nous n’aurons plus la triste mission de batailler contre des dénégations ou de relever des injures* Mais, jusqu’à ce que nos tardifs auxiliaires aieot cpmprjç toute la valeur des phénomènes qu’ils ont entrevus, nou^ devrons encore bien des fois prendre la plume pour redresr ser des erreurs, soutenir des timidités ou combattre des exagérations. Aujourd’hui même c’est ce motif qui nous fait entrer en lice.

1° Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie.

On devait s’attendre à voir ce nouveau journal justifier sa création par des vues plus avancées que celles des autres organes médicaux et une appréciation plus saine des questions controversées, c'est ce qui a eu lieu en effet pour le mesmérisme. N’étant point liée par une opposition antérieure, cette feuille a entamé d’emblée la discussion des faits et opinions magnétiques, et se montre disposée à la suivre sous différentes formes que nous allons énumérer.

Un premier article du rédacteur en chef, M. A. Déchambre, ne faisait qu’effleurer la question. Il s’agissait de l’ouvrage du général Noizet, et l’analyse se borne à des généralités dont on ne peut tirer aucune conclusion.

Bientôt après vint le travail du professeur Segond , dont un de nos collaborateurs a dernièrement relevé les contradictions. Là le sujet est plus approfondi, et l’auteur reconnaît pour vraie une partie des phénomènes physiologiques. Cette concession, toute minime qu’elle soit, n’a pas été assez remarquée ; car, s’il admet que les fonctions de l’organisme sont modifiées, à l’état normal, par les procédés magnétiques, il est évident qu’elles peuvent l’être aussi à l’état morbide. Or, les magnétiseurs n’affirment pas autre chose, sinon que ces modifications, qui pourraient être nuisibles, sont ordinairement salutaires. Qu’on veuille donc bien vérifier leurs dires, et l’on verra qu’ils ont aussi bien raison en médecine qu’en physiologie.

Presque en même temps, et comme pour faire suite au mémoire de M. Segond, qui envisageait le magnétisme sous le rapport théorique, M. le docteur Morel (de Maréville) l’examinait au point de vue historique. Son article est du 1" septembre 1854, et relatif à une étude sur les médecins de l’école de Vienne, maîtres ou contemporains de Mesmer. Nous allons transcrire ce qu’il dit de V. de Haën, concernant l’objet qui nous occupe.

« Avant d’entrer dans le domaine médical proprement dit,

il ne sera pas sans intérêt de nous arrêter à une circonstance qui, tout en nous faisant mieux connaître la tournure particulière d'esprit de notre auteur, pourra jeter quelque jour sur les tendances scientifiques de l’époque à propos de faits d’un ordre surnaturel.

« De Hafin avait eu la mauvaise idée de composer un livre sur la magie. Ce travail, assez innocent en lui-même si l’auteur n’avait voulu que se délasser de ses travaux sérieux, lui suscita dans la suite des embarras de plus d’une espèce. Hecker ne lui pardonne qu’avec peine de s’être laissé aller à de pareilles rêveries, à des idées superstitieuses indignes d’un grand esprit, et son blâme est cependant un éloge, car il reconnaît implicitement que son immense réputation scientifique ne souffrit pas de la fausse position dans laquelle l’avaient placé ses croyances à l’endroit de l’intervention du diable dans quelques phénomènes d’un ordre spécial. . . .

« Reportons-nous un instant à la fin, ou plutôt au milieu du dix-huitième siècle. 11 se passait alors un phénomène intellectuel étrange dont on pardonnera la description à un écrivain accoutumé à étudier les travers et les bizarreries de l’esprit humain. Le règne des encyclopédistes approchait : une perturbation complète, une rénovation radicale, comme on sait, étaient sur le point de s’accomplir dans les croyances d’une génération tout entière; et cependant, cette époque singulière de transition était signalée par une recrudescence de cette irrésistible disposition de l’esprit humain à se laisser impressionner plutôt par le côté merveilleux des

Shénomènes que par ce qu’ils ont de positif, de naturel et e vrai.

« Or, ce n’était pas seulement en France que les convul-sionnaires de Saint-Médard avaient le triste privilège d’exploiter, par de honteuses manœuvres, cet amour du merveilleux ; mais, en Allemagne, dans le midi de ce pays surtout, les intelligences étaient comme frappées de vertige en présence des faits merveilleux opérés par les possédés, les exorcistes, les visionnaires et les illuminés.

« ... Qu’on nous permette de citer deux exemples qui nous expliqueront, d’une part, comment de Haën a pu professer des doctrines aussi contraires au véritable bon sens médical, et, de l’autre, comment la venue de Mesmer était préparée de longue date.

« De l’année 1662 à 1666, il n’était question en Angleterre que des cures extraordinaires opérées par Valentin Greatrakes, homme simple et pieux que personne n’a ja-

mais taxé de fourberie.... Par l’application de sa main , dit le savant Georges Rust, il faisait fuir la douleur et la chassait aux extrémités. L’ellel était quelquefois très-rapide, et l’auteur affirme avoir vu quelques personnes guéries comme par enchantement. Si la douleur ne cédait pas d’abord, il réitérait les frictions...

,. Je puis affirmer, dit Rust, qu’il a guéri des vertiges, des « maux d’yeux et des maux d’oreilles très-graves ; des épice lepsies, des ulcères invétérés, des écrouelles, des tumeurs « squirrheuses et cancéreuses au sein. Je l’ai vu amener à « maturité, dans l’espace de cinq jours, des tumeurs qui « existaient depuis plusieurs années.

« Ces guérisons nem’induiaentpasàcroire, continue Rust, « qu’il y eût dans cesfaita quelque chose de surnaturel. Lui-ii même ne le pensait pas, et sa manière de guérir prouve « qu’il n’y avait là ni miracle ni influence divine. 11 paraît « qu’il s’échappait de son corps une émanation balsamique « et salutaire. Plusieurs maladies ne cédaient qu’à des atei touchements réitérés ; quelques-unes mêmes résistaient à « ses soins. »

« Greatrakes avait l’idée que la faculté qu’il possédait était un don de Dieu. Il était quelquefois étonné de sa puissance, et il allait jusqu’à douter si ce n’était pas une illusion ; mais enfin, s’étant persuadé que Dieu lui avait accordé une faveur particulière, il se dévoua uniquement au soin des malades.

« 11 aurait été bien extraordinaire, vu les dispositions intellectuelles de cette époque, que Greatrakes ne fût pas accusé de magie, de sorcellerie et de communication avec le diable : c’est ce qui ne manqua pas de lui arriver. Il est vrai qu’il désarmait ses détracteurs par sa profonde piété et sou désintéressement.

« Je n’entrerai pas en discussion avec Al. Aubin Gauthier pour savoir si tout ce qu’on raconte de cet homme était du magnétisme (1) sans théorie, sans principes, ni règles, ni procédés. L’auteur de XIntroduction au magnétisme prétend qu’avec la forme et véritable intention de faire le bien, on

(1) « C'csl au momont «Ci je réunis des matériaux pour faire plus tard l'histoire générale du magnétisme qu'apparait l'intéressant travail de M. le docteur Segond sur le même sujet. Les lecteurs de la Gazelle hebdomadaire ne se plaindront pas que j'aie été devancé par un auteur qui donne une explication aussi médicale que philosophique des phénomènes magnèti-ijues. D'un autre côté, les études auxquelles je me livre.ayant un côl6 spécialement historique, Il me reste un champ Immense h parcourir sous ce rapport. »

peut déjà compter sur des résultats, et que, pour guérir, il n’y a pas besoin de somnambulisme et de somnambules. Je suis parfaitement de son avis sous ce rapport, et je n’ai d’autre but, en ce moment, que de faire voir que la venue de Mesmer était préparée, et que la croyance à l’intervention du diable allait être remplacée par la croyance aux faits merveilleux opérés par le magnétisme. Je n’ai pas à examiner ici quel cercle fatal d’erreurs le magnétisme est destiné à parcourir et jusqu’il quel point de récentes épidémies intellectuelles dérivent de la même cause ; je ne veux que faiie ressortir le point de départ des croyances au sujet des phénomènes qui nous paraissent extraordinaires, et avoir raison des erreurs de de Haën il ce sujet.

( Je passe donc au second fait.

« Un ecclésiastique du diocèse de Ratisbonne, Jean-Josepli Gassner, postérieur Greatrakes, remplit le inonde des succès obtenus eu touchant les malades par l’imposition des mains. Mais Gassner, dit M. Gauthier, ne ressemblait pas à cet homme si simple; il croyait au diable, et, pour opérer des guérisons, il employait le cérémonial ordinaire des exorcismes. L’évêque de Constance fit examiner la conduite du prêtre et constater la nature de ses guérisons.

« Parmi les examinateurs de Gassner, dit l’auteur de Yltv-« troduclion au magnétisme, il s’en trouva un bien honorable, « bien recommandable : ce fut le célèbre médecin de « Haën. Mais, par une anomalie inconcevable, en rendant « compte de ce qu'il a vu, en avouant les faits qui, selon « lui, pourraient bien être produits par la philosophie oc-« culte, il dit qu’il ne voit personne qui ait opéré de pareils « prodiges, et déclare, le croirait-on, qu’ils sont l’œuvre du « diable! n

« Ce qu’il y a de surprenant, ajoute M. Gauthier, c’est que de Haën était un homme fort instruit, et, en admettant qu’il ne pût pas expliquer ce qu’il voyait, il était très-peu philosophique d’attribuer le moindre effet au diable; cependant il a dit positivement : Nos cogéré, ut dicamus, Gassneri pórtenla opera diaboli esse (1).

« Telle est donc l’histoire de cette fameuse accusation intentée contre de Haën à propos de ses idées sur la magie et la sorcellerie. »

11 n’y a, dans cette longue appréciation, rien de bien lu-

() De HaOn, de Mtraiulit, chapitre V, page 46.

milieux m de nouveau pour la détermination des doctrines magnétiques; mais la note rapportée ci-dessus, page 53i>, contient une promesse que l’auteur pourra réaliser avec plus de hardiesse et de connaissance qu’il n’en montre ici. Un peut écrire une histoire générale du magnétisme en en suivant l’évolution dans les livres, comme l’a fait i\l. Segond; mais il y a entre les livres et la nature autant de différence qu’entre un portrait et l’original. M. Morel ne commettra pas sans doute la faute de M. Segond , et en examinant de près, de très-près, le magnétisme, il le comprendra beaucoup mieux que son confrère.

2° Gazette médicale de Strasbourg.

C’est par M. le docteur Eissen, rédacteur en chef de ce journal, que le monde médical a appris les premières gambades des tables. Cet observateur, cherchant l’explication des mouvements communiqués aux objets soumis au contact d’êtres organisés, résume ses idées sur ce point délicat, dans le numéro du 24 juin 1853. Après s’être demandé qui est-ce qui fera connaître la vraie cause de ce phénomène, il répond :

« C’est le magnétisme animal, nous dit le vulgaire, qui se développe lorsque vous formez la chaîne.

« C’est le magnétisme animal, hélas! oui ; et dans l’innocence de vos cœurs, vous êtes plus exusables cent fois de nous donner cette explication que je ne le fus moi-même de hasarder une hypothèse, bien timide il est vrai, mais pourtant assez clairement formulée pour faire supposer une conviction commençante, quand j’écrivis, il y a six semaines, à mon excellent confrère, l’honorable rédacteur en chef de X Union médicale, ces paroles :

« Il paraîtrait que l’organisme humain, placé dans cer-« taines conditions, dégage un fluide susceptible d’imprimer « des mouvements rotatoires aux cops soumis à son action. »

« ...Je ne nie pas l’existence du magnétisme animal; mais je ne puis me contenter de ce mot quand je veux connaître la cause des mouvements rotatoires. Le magnétisme animal se dégage-t-il de mon organisme et de celui de mes partners, lorsque je forme la chaîne autour d’un objet? Et,

s’il se dégage, pourquoi pousse-t-il à la rotation? Pourquoi la table, par exemple, 11e marche-t-elle pas en ligne droite; pourquoi ne se met-elle pas à sautiller en se trémoussant sur place ; pourquoi ne se penche-t-elle plutôt; pourquoi ne se renverse-t-elle? Magnétisme animal!... Cela ne m’éclaire pas mieux sur les causes de la rotation que Yossabundus nequeis, nequer, poturimim, qttipsa milus de Sganarelle ne me fait comprendre pourquoi la fille de M. Géronte est muette.....

« Alors ce sont des vibrations moléculaires déterminées par d’autres vibrations fibrillaires et automatiques de notre organisme, vibrations analogues, jusqu’à un certain point, aux vibrations sonores produites, par exemple, sur une plaque de verre par le frottement de l’archet, et pourtant fort différentes, puisqu’on ne peut ni les démontrer, ni les compter, ni les calculer... Cela est savant, mais me paraît un peu hasardé et ne me fait pas mieux comprendre que le mot magnétisme animal la rotation des objets. »

Ici le narrateur décrit une expérience faite avec un diapason fixé sur une table et dont les vibrations n’ont amené aucun résultat. Après quoi il conclut :

« Ce n’est donc ni le magnétisme animal, ni les vibrations musculaires qui sont en jeu ici. Quant au magnétisme telluri-que, à l’électricité et à l’électro-magnétisme, il y a longtemps qu’ils sont hors de cause. »

Puis, il développe une hypothèse d’après laquelle est admise pour expliquer le phénomène :

« ...L’action d’un fluide non encore connu, dont la source est dans notre organisation même, et qui, par de certaines combinaisons, peut se manifester au-delà des limites physiques de notre organisme.

« Quelle est l’influence, partie du système nerveux, qui produit les mouvements musculaires ordinaires? Est-elle entièrement immatérielle, ou bien est-elle due à l’action d’un fluide impondérable quelconque, développé dans notre système nerveux, comme le coup qui étourdit ou tue les ennemis de la torpille est produit par une décharge de fluide électrique développé dans les organes mêmes de ce poisson?

« Et si cette hypothèse est admissible, serait-il donc entièrement irrationnel d’admettre que ce fluide, que l’on pour-

rait appeler provisoirement muscuto-moteur, put faire sentir par de certaines actions et réactions établies entre divers organismes, c’est-à-dire en formant la chaîne, pût faire sentir, dis-je, son action jusqu’au-delà des limites ordinaires de sa sphère habituelle? La vie est une activité invisible démontrée par des effets visibles. Le phénomène en question n’est peut-être qu’un de ces effets, certainement pas plus admirable que le mouvement péristaltique intestinal et autres fonctions analogues. »

Nous le demandons, à notre tour, quelle différence y a-t-il entre ce fluide supposé et celui qu’on est convenu d’appeler magnétisme animal ? Aucune, assurément ; et mieux eût valu peut-être ne pas lui donner un autre nom; car, hypothèse pour hypothèse, l’ancienne a l’avantage d’être plus généralement comprise. Quand les choses s’accordent, les mots deviennent presque indifférents. Mais, pour M. Eissen, l’agent dont il suppose l’existence n’est pas identique à celui que Mesmer a fait connaître, et voici la raison qu’il en donne :

« L’admission du fluide museulo-moteur, étendant son action, dans certaines conditions, au-delà de la limite de nos organes, pourrait nous attirer le reproche de nous payer de mots en rejetant le magnétisme animal comme promoteur du phénomène en question. Mais le magnétisme animal est l’action à distance ou par le contact d’un organisme vivant sur un autre organisme vivant, tandis qu’ici nous avons l’action d’un organisme vivant sur la nature morte. Il doit nécessairement exister une différence essentielle entre des causes qui manifestent leurs effetsdans des conditions si diverses. »

Nous remarquerons que cette distinction est plus spécieuse que réelle. En effet, la magnétisation s’exerce bien d’ordinaire sur des êtres vivants ; mais qui ne sait que les objets inanimés peuvent aussi recevoir cette influence ? Seulement l’action chez eux n’a jamais été poussée jusqu’aux mouvements; mais la preuve qu’ils reçoivent et gardent une émanation motrice, c’est qu’ils la transmettent aux animaux, qui les touchent. On peut donc raisonnablement supposer que si, au lieu d’être magnétisés par une seule personne, ikiüétaient par plusieurs, c’est-à-dire par une chaîne, l’ao

cumulation de l’agent pourrait être assez considérable pour déterminer le mouvement, comme cela se voit dans l'expérience des tables : toujours la puissance devant être supérieure à la résistance.

Quand je dis que jamais des objets inorganiques n’ont été mus par le magnétisme, je parle d’une façon trop absolue; car plusieurs opérateurs distingués ont prétendu démontrer cette action. Un physicien célèbre, M. TKillorier, a voulu rendre l’Académie des sciences témoin d’un fait semblable., et M. Dubois-Raymon a fait mouvoir une aiguille aimantée par la contraction musculaire, ce qui est bien voisin de ce que nous discutons. Je possède même dans un manuscrit inédit du docteur Wurtz, médecin de Strasbourg, dans lequel se trouve une note ainsi conçue, qui semble lever tout doute à cet égard :

« Quelqu’un voulait démontrer à M. Mesmer le pouvoir de la volonté sur les êtres même inanimés ; il suspendit en l’air une chaîne de fer et la fit tourner sur elle-même, en la fixant et par le seul acte de sa volonté. Alors, pour prouver que ce n’était pas par l’influence de son regard, il se tourna de manière à ne pas pouvoir la voir : il voulut, et elle se tourna comme auparavant. (Récit de M. Mesmer à moi en présence de M. Loos.) »

Malgré l’autorité des témoins, on peut regarder le fait ci-dessus relaté comme problématique, quoique cependant plusieurs autres analogues aient été cités depuis, notamment par M. le comte de Robiano. Mais aucune expérience concluante ne peut être invoquée à l’appui de cette affirmation d’hommes qui ne sont plus.

Laissons là les tables pour nous occuper d’une autre discussion avec le même auteur sur un sujet moins obscur.

Dans le même numéro de son journal, à la page suivante, M. Eissen a inséré une observation du docteur Dittmar (1), qü’il a fait précéder des remarques suivantes .:

« Nous avons hésité bien longtemps avant de nous

(1) Cetlo observation est toute au long ci-dessus, page Î25.

décider à publier le travail de M. le docteur Dittmar, et nous aurions très-probablement prié l'auteur de le retirer, si nous n’étions pas entré, depuis que cet article est entre nos mains, dans une époque si pleine de miracles, et si le public n’avait été mis dans la confidence par diverses feuilles tout à fait étrangères aux sciences médicales. La profonde honorabilité du caractère de notre confrère est la meilleure

Îgarantie de sa sincérité, et l’expérience pratique, ainsi que a perspicacité médicale que tous ses collègues se plaisent à lui reconnaître, semblerait devoir le mettre à l’abri d’illusions et d’erreurs.

« Mais le diable est bien fin, et quand il s’avise de vouloir jouer un tour à un honnête homme, il trouve à sa disposition tout un arsenal de ruses et de stratagèmes. N’assistons-nous pas nous-mêmes en ce moment à une espèce d’épidémie, de self-mystifications, dans le cours de laquelle tout le monde à peu près, et avec la meilleure foi possible, croit bien voir, et la plupart du temps, hélas! ou bien ne voit pas clair, n’y voit pas du tout, ou voit toute autre chose que la vérité? Les illusions sont bien faciles alors qu’il s’agit de faits non encore étudiés, et ce n’est qu’une série d’observations, fournissant toujours les mêmes résultats, qui peut prétendre à une place légitime dans la science.

« M. le docteur Dittmar affronte courageusement les inter-

Îirétations désobligeantes qui pourront accueillir son travail.

1 annonce que son but est : « de décider quelques confrères « courageux à observer et à expérimenter les phénomènes « du magnétisme animal. » Un pareil dévouement mérite d’être apprécié, et c’est pour contribuer & la découverte de la vérité que nous n’avons pas voulu mettre la lumière sous le boisseau. Nous l’avons dit plus haut, nous sommes entrés dans une époque de miracles, il faut courageusement les disséquer; les profanes ayant été entretenus du fait, il est juste qu’à leur tour les hommes de sciences soient mis à même de se former une opinion. »

A part l'insinuation que le diable joue un rôle dans cette affaire, c’est-à-dire que M. Dittmar a pu être dupe, ce qui lui suppose moins de discernement que de bonhomie, tout est sensé dans ces réflexions ; mais la suite ne répond pas tout à fait au commencement. Voici comment l’auteur continue :

« Loin de nous la pensée de nier l’action et la réaction

des corps organisés les uns sur les autre«. Les pratiques du magnétisme animal ont souvent des résultats incontestables dans certaines maladies, et il sera très-utile d’en étudier 1’elïet partout où elles seront applicables. Mais c’est précisément parce qu’elles ne sont pas assez étudiées qu’il faut s’en méfier; et l’observation de M. Dittmar peut fournir sous ce rapport des données dignes d’être notées. Ce sera, à notre avis, le principal intérêt que présentera ce travail.

Quant à la clairvoyance du sujet, elle est tellement en défaut à chaque pas, que nous engageons vivement nos confrères à se défier de cette prétendue faculté des personnes magnétisées et de s’en rapporter, jusqu’à plus ample informé, à leur propre clairvoyance, qui s’appelle, dans le langage médical, la séméiologie, la thérapeutique et la science du pronostic.

« Ainsi la malade de M. Dittmar annonce «qu’elle a dans « la tête un ver avec beaucoup de pattes qui va du milieu « de la tète jusque vers le nez; » et l’on trouve quelque chose qui a tout au plus deux centimètres de longueur, et on le trouve d’une façon qui laisse subsister bien des doutes sur l’authenticité de la trouvaille. Pourquoi donc la lucidité de la malade, qui va jusqu’à lui révéler qu’il y a quelque part dans la boîte crânienne « un petit trou par lequel a passe un vaisseau sanguin, » ne va—t-elle pas jusqu’à lui faire reconnaître la forme et le nom de la bête qui la tourmente? Ajoutons, en passant, qu’il est très-regrettable que M. Dittmar nous ait laissé complètement ignorer ce que c’était que cet être qui doit avoir séjourné plusieurs années dans l’intérieur de la tête. Etait-ce un entozoaire ou bien une larve développée là après y être venue accidentellement? Cette dernière hypothèse nous paraîtrait bien hasardée. Pourquoi surtout la malade donne-t-elle des explications complètement absurdes et inadmissibles sur la manière dont le ver aurait passé de l’intérieur de la cavité crânienne à l’extérieur sous le cuir chevelu?

« Puis, lorsque du présent elle passe à la prédiction de l’avenir, est-elle plus heureuse? Elle annonce la fin de ses accès, et efe en a encore au moins un après celui qu’elle indique comme devant être le dernier. Elle annonce une attaque d’apoplexie qui n’arrive pas, et sa mort!... elle vit encore! Elle annonce ses règles pour le 12 février, et elles ne paraissent pas : cela est déjà arrivé à bien des femmes non magnétisées. Elle indique finalement un traitement, et malade et médecin se trouvent très-bien, deux jours

après qu’elle annonce que ses intestins sont fortement irrités, non seulement d’abandonner ce traitement, mais d’en prendre même le contre pied ! Si la clairvoyance consiste à voir clair de cette faoon-là, il nous semble qu’il vaut encore mieux continuer à marcher dans les ténèbres dont nous a enveloppés la science vulgaire depuis tantôt vingt siècles. »

M. Dittmar a réfuté ces critiques; nous ignorons quels éclaircissements il a fournis; mais il nous semble qu’en constatant lui-même les erreurs de sa voyante , il s’est mis à l’abri d’une grande partie des objections. N’est-il pas évident qu’en mentionnant des contradictions choquantes, des prédictions non réalisées, il a voulu donner la relation exacte du fait, afin que ses confrères apprécient à la fois les avantages et les inconvénients du somnambulisme ? Cette conduite aurait dû lui éviter les railleries dont il est ici l’objet, lesquelles n’ajoutent rien aux restrictions, judicieuses d’ailleurs, du savant rédacteur de la Gazette.

3° Annales médicales psychologiques.

Le Journal du Magnétisme a donné, il y a quelques mois, des fragments d’un mémoire du docteur Ridard, extraits de cette revue (1). Nous avons fait remarquer alors que ce travail était suivi de courtes réflexions, émanées du docteur Cérise. Comme ce médecin occupe une place éminente parmi ceux qui étudient spécialement les fonctions du système nerveux, plusieurs abonnés ont regretté que nous n’eussions pas cité son opinion. En fait nous avons eu tort; car, quoique cet écrit soit d’une date déjà ancienne, l'auteur n’en conserve pas moins l’honneur et la responsabilité; aussi reproduisons-nous aujourd’hui ses paroles :

« Aux questions posées par M. le docteur Ridard, nous

ijourrions en ajouter un grand Dombre d’autres, que soulève a science, jusqu’ici fort occulte, des magnétologistes. Nous devons reconnaître toutefois qu’il a mentionné celles dont il faut avoir une solution quelconque, avant de se décider à

(1) Voy. ci-dessus, page 357.

devenir un adepte ou à. rester tout à fait incrédule (1). A ce point de vue, elles sont donc les plus importantes à résoudre. Mais où sont les éléments de cette solution? Les trouverez-vous dans les recherches d’un ou de plusieurs observateurs isolés?... Quelque bien conduites que puissent Être ces recherches, elles n’amèneront point l’assentiment de ceux qui y sont restés étrangers. Les trouverez-vous dans les investigations que pourront faire les corps savants institués pour solliciter et vérifier les découvertes individuelles?..... 11 faut renoncer, pour le moment du moins, à.

les voir à l’œuvre. Cela est positif. Dailleurs les faits que l’on nons présente sous le titre de magnétisme animal, s’ils sont, en partie du moins, réels et accessibles à. l’expérience, ne se démontrent pas si aisément, en toute occasion, à toute heure, sur tous les individus; ils ne ressemblent en rien aux faits sur lesquels les commissions académiques sont ordinairement appelées à se prononcer.

i Que reste-t-il donc à faire? Peut-on espérer que les passions donnent leur congé, et avec elles l’enthousiasme imperturbable des uns et l’hostilité invincible des autres? Nous avons voulu pénétrer dans les mystères du magnétisme animal; nous ne dirons point ici tout ce que nous y avons rencontré, mais nous pouvons en toute assurance annoncer à ceux qui auraient le désir de faire comme nous, qu’ils rencontreront quelques rares phénomènes dont l’anomalie se rattache à la pathologie du système nerveux; qu’ils subiront, pour parvenir à les contracter, beaucoup de difficultés, de déplacements, de dégoûts, de déceptions, et qu’ils assisteront à une infinité de supercheries, de tours de gobelet, de récits fabuleux, de scènes burlesques, dont la société des salons a pris levparti de s’amuser au prix d’un louis par soirée à domicile'. En résumé, pour celui qui se dépouille de tout enthousiasme et ne songe qu’à la vérité, c’est un travail pénible, long, encombré de toute sorte de pièges, et en fin de compte à peu près stérile.

« Nous croyons que la science, la véritable science peut attendre que l’évidence des faits dont elle doit s’enrichir se fasse jour d’elle-même, à l’aide des intérêts et des émotions qui sont mis en jeu. Nous croyons, après un examen assez opiniâtre du sujet, que différer en pareille matière est le parti le plus sage. La conquête réelle, alors même qu’elle sera incontestée, se réduira à peu de chose; et le retard, qui aura été apporté à la solution des questions posées par

(1) Voy. ci-dessus, page 363.

M. le docteut Riflard, ne nous sera pas imputé à paresse ni à négligence d’un élément bien précieux pour la science de l’homme et pour l’humanité. »

On le voit, M. Cérise ne se compromet pas par un empressement excessif à vouloir jouir des avantages promis par le mesmérisme, et le tableau qu’il fait des épreuves qu’il faut subir pour arriver à une conviction très-restreinte n’est guère engageant pour ceux qui désirent sortir du doute. Nous ne contestons pas qu’il ait dû passer par les étamines qu’il décrit; mais il faut avouer qu’il a été bien malheureux, et sa persévérance était bien digne d’une meilleure récompense. Toutefois, l’insertion dans son journal de l’article en question est une manifestation favorable, un acheminement progressif dont tous les amis de la science et du mesmérisme lui sauront bon gré.

HÉBERT (de Garnay).

TENDANCE AU SPIRITUALISME.

La seconde édition de mon cours de magnétisme en sept leçons était depuis longtemps épuisée ; je viens de faire réimprimer la partie intéressante de cet ouvrage en y ajoutant cinq nouvelles leçons. Maintenant ce livre’ renferme, non tout le magnétisme, mais les faits les plus importants à connaître, les doctrines et toutes les idées émises sur ce vaste sujet. Les phénomènes de spiritualisme américain, les visions, les apparitions y sont mentionnés, et y occupent même une place assez large ; enfin ce traité peut être considéré comme un livre nouveau ; il contient d’ailleurs la matière de deux volumes. Germer Ballière en est l’éditeur.

Libre désormais, je vais reprendre la direction effective du Journal du Magnétisme et chercher à lui donner plus d’intérêt et à le rendre surtout plus ponctuel dans son apparition de chaque quinzaine.

Le magnétisme tend à se transformer: nous le suivons

dans son évolution nouvelle, et, sans négliger les faits primitifs, et tout ce qui se rattache à son application aux traitements des maladies, nous enregistrons ce qui se produit maintenant en Amérique, les phénomènes de spiritualisme. Aussi bien les magnétistes savent tous ce qu’est l’attraction, la catalepsie, l’insensibilité à la brulûre, à l’enfoncement des épingles, etc. ; ils doivent abandonner ces phénomènes aux commençants, aux magnétiseurs ambulants, à ceux qui ne savent point pénétrer dans le domaine de l’idée et s’élever à de plus nobles choses ; tout leur art consiste à reproduire en imitations grossières ce qui d’abord s’olTre à la vue d’un investigateur habile.

Nous allons donc aborder le monde merveilleux, produire de nouvelles annales. Déjà 14 volumes du journal sont là derrière nous, pour attester les travaux des magnétiseurs et leurs recherches. Ne contiennent-ils pas assez de faits, assez de preuves de l’existence du magnétisme et de ses brillants résultats? Comme agent thérapeutique, le somnambulisme n’y est-il point examiné, étudié sous toutes ses formes? 11 faut aujourd’hui toucher au domaine de la psychologie, entrer dans le spiritualisme, enfin examiner ce qui se trouve de bon et de vrai au fond de ces choses, reconnaître si tout y est naturel, sans mélange de divin, comme quelques-uns le croient. Le magnétisme, sans être renfermé dans un cercle étroit, a besoin pourtant qu’on ne coupe point ses ailes; on le verra maintenant en pleine liberté. Nous évoquerons tous les phénomènes merveilleux de l’histoire, rien ne nous (irritera. N’est-il pas temps qu’on examine ce qui servit de base aux croyances religieuses et populaires? N’est-il pas temps de dire des vérités que chacun a dans le fond de son cœur, et que la lâcheté humaine, la peur font céler? Hé bien ! nous aborderons petit à petit ces hautes questions, la lumière se fera au milieu des ténèbres, et le travail qui déjà s’est fait dans l’esprit des masses au sujet du magnétisme animal, qui semble maintenant adopté, le même travail, le même succès, pourrions-nous dire, couronnera les eflorts des novateurs hardis qui oseront les premiers révéler au

monde sans qu’elles soient défigurées, les vérités sur lesquelles tant de systèmes se sont établis, tantôt pour le bien, tantôt pour le mal des nations.

La philosophie, la science, la médecine profiteront de nos efforts; la religion même en bénéficiera, car tout ce qui éclaire l’homme le rend meilleur et entre par conséquent dans les voies de Dieu.

Le Journal du Magnétisme n’a plus besoin d’enregistrer des faits communs de magnétisme et de somnambulisme ; il n’a plus à prouver sa raison d’être. Celui qui aujourd’hui nie l’existence du principe nouveau, nie la clarté du jour. Le magnétisme se présente à nous comme s’il était la nature tout entière. N’en offre-t-il pas tous les enchantements? 11 n’appartient qu’aux esprits rétrécis d’en circonscrire l’action, d’en diminuer les divines propriétés.

Vous, mes élèves et mes amis, vous qui me reprochiez mon trop long silence, je vais, je l’espère du moins, vous montrer que ma chaleur n’est point éteinte, que mon sang bouillonne comme au jour où je vis pour la première fois les faits du magnétisme et me trouvai en présence de nos ennemis. Puissé-je traduire intelligiblement pour vous les vérités qui ne sont encore chez moi qu’à l’état de sentiment ! Je n’ose vous promettre d’y parvenir complètement ; vous aurez, dans tous les cas, une preuve de mon bon vouloir.

Baron DU POTET.

Le Gérant : 11ÉBEKT (üe Camay).

FAITS ET EXPÉRIENCES.

1° SPIRITUALISME EN FRANCE.

Nous publions aujourd’hui un mémoire curieux sur des faits de spiritualisme. Cette pièce nous vient fort à propos; elle va servir d’introduction et de préface à nos nouvelles annales. Tout ce que nous avons à enregistrer diffère essentiellement de nos publications passées, et si nous éprouvons un regret, ce n’est pas assurément celui de marcher en avant, mais bien d’avoir tant tardé à sortir de l’ordre des faits communs de magnétisme et de somnambulisme.

Nous allons choquer, nous le savons, la raison de nos grands esprits, de nos sceptiques, et mettre en émoi tout une classe d’hommes, où nous comptons pourtant beaucoup d’amis; ils. vont, pour nous, s’effrayer de notre témérité, de notre hardiesse; qu’ils se rassurent, nous n’irons jamais trop loin dans la divulgation des merveilles de la nature et de la création. Le siècle qui vient, nous accusera même de n’avoir compris et révélé que de petites choses, tant les esprits, en quelques années, auront fait de conquêtes dans l’ordre nouveau.

J’éprouve en ce moment, je dois l’avouer, une secrète joie: il me semble que je revis et me retrouve à mes premières années, à celles où j’entrais dans la science magnétique qui devait pour moi n’être point sans gloire.

Je vois une nouvelle lumière; je vais en suivre le rayon avec la passion que fait naître la vérité, avec l’enthousiasme du jeune âge, tant mon âme a besoin de connaître, tant mon intelligence a besoin de comprendre ! Je n’accepte point la vie comme l’accepte le commun des hommes; je veux savoir ce que renferme le vase humain, et ce que devient cette pur«

Tome XIV. - X» fi'.i. — 10 Novembre 1855. 2t

essence. A vous donc, savants de nos écoles, les scories de la nature et tout ce qui est matériel dans l’univers; à non.-la force créatrice et qui échappe aux sens. Nous allons bientôt vous montrer que la plus belle partie du savoir humain est en dehors des académies, et que des hommes de rien sont plus près que vous de la nature et de Dieu.

Bai'.on du potkt.

Monsieur,

Les partisans et les adeptes des prodiges appelés magnétiques se divisent en deux catégories :

Les uns prétendent que toutes nos facultés procèdent fondamentalement de l’organisme de l’homme, auteur exclusif de ses découvertes dans les supériorités de la voyance;

D’autres, sans nous déshériter du patrimoine de notre propre lucidité, pensent que le principe éternel de ces perceptions, Y esprit (partie sublime de l'âme), doit, dans les conditions voulues, pouvoir correspondre avec des âmes dé gagées de la terre.

La perspective de ces derniers est immense : les faits qui semblent lui prêter la moindre lueur, s’y présentent comme des jalons d’une magnifique philosophie.

Pour aider, s’il est possible, à la solution d’un problème si difficile, et sans préjudice des communications que s’est réservées le talent de l’un de vos rédacteurs, je vous adresse quelques épreuves de ce prisme merveilleux.

Ai-je à garantir leur exacte observation? Est-il nécessaire que je prémunisse contre un jugement à faux vis-à-vis de mon rôle de sincère narrateur?

Peu de mots essaieront d’y réussir.

Retiré de la carrière militaire, après plus de trente années, où les devoirs de mon service constituaient seuls ma clientèle, je n’en recherche point désormais; car mes clients actuels ont moins besoin de mon ordonnance que de ma bourse ; et, — repoussant une rétribution, quelle qu’elle soit! — je ne puis, on le présume, exercer grandement... ce second genre de médecine.

Voilà pour mes fonctions professionnelles.

Quant au bilan de ma raison, je vais le confesser de môme.

Pendant presque toute ma vie, je n'ai cru qu’au giron de l'Ecole. Je n’avais, en fait d’idées sur ce qui nous occupe, que les dénégations magistrales-académiques ; c’est avouer que je les prônais. Aujourd’hui, sans faiblesse et sans superstitions, j’affirme l’existence réelle de merveillosités des plus étonnantes. Je l’ai vue ! bien vue !

J’ajoute, avec une égale conviction, que, dans ma pensée, cette multitude inouïe d’eflets incroyables, rangés sous le titre : Magnétisme (que l’on pourrait peut-être remplacer par celui de bio-dynamurgie, science des propriétés de la force vitale), n’est jusqu’ici, sérieusement, qu’une palette de luxuriantes couleurs, pour une esquisse à peine ébauchée.

Cette franche et véridique déclaration me vaudra-t-elle une sauvegarde au sein de l’opinion du monde ? Ce serait une illusion que de l’espérer.

Pour ceux qui n’ont rien vu, pour ceux qui 11e savent se donner la faculté de voir, ce que je rapporte ne paraîtra que

l’excentricité d’un conte, d’une hallucination, on......de la

folie! 11 faut m’y soumettre.

Mais, pour ceux dont les patientes investigations ont le courage d’aborder... librement... les chemins an-dessus du courant vulgaire, ce que je vais dire sera l’histoire... invraisemblable... de la vérité. Cela me suffit.

Je commence.

Dernièrement, un de mes amis, M. S***, initié dès l’origine aux pratiques du langage des tables, nous avait priés de l’aider à consulter de la sorte sur l’état de sa santé.

Mademoiselle 0***, dans le but d’accéder à ce désir, avait étendu ses mains sur un guéridon, en même temps que, pour un instant, s’y plaçait l’une des miennes.

La table s’agite, la jeune personne s’endort, et bientôt une voix étrangère, s’annonçant sons la personnalité d'une Portugaise (Luisa), décédée de longue date, et s’exprimant i'i peine en français, nous salue par la bouche du médium qu elle vient d’emprunter, en nous informant que, d'accord

avec un autre Esprit qui lui (liclcra les remèdes, elle est prête à nous donner les renseignements convenables.

— Nous écoutons.

En ce moment, le corps, ou plutôt l’automate de la jeune pythonisse, empreint de l’animation évidente d’un nouvel être, s’étudie par une concentration profonde et dans d’instinctives recherches, qui, d’un jeu muet et très-expressif, décèlent un lien sympathique entre les sensations de l’interlocutrice et les altérations qu’elle examine. Puïs la voix ■étrangère prononce son oracle. Il concorde avec les indices morbides.

« Les douleurs, dit-elle, sont sensibles dans le dos, la nuque et la tête ; là pourtant ne se borne pas l'affection. Le point de départ des symptômes fut, anciennement, la région des reins. A présent l’économie entière participe à cette manifestation ; ainsi les organes de la tête et du tronc, les membres et leurs articulations ne laissent point de doute sur un état général d’entreprise (1). La jambe gauche se gonfle quelquefois. — Une telle maladie, arrivée à ce degré de durée et de désordres, ne se dissipe guère radicalement; mais on peut rendre la vie supportable, agréable même, en éloignant, en calmant, en éteignant les souffrances. Je vous procurerai tout le bien possible. Malheureusement les moyens seront durs et douloureux. »

Son exposition terminée, Luisa se joint les mains; ses paupières se baissent avec ferveur ; son recueillement offre l’image de la prière.

Au bout d’une pause silencieuse : « Je viens d’appeler Jean, nous murmure doucement la Portugaise; et j’attends ses instructions. »

Jean est l’autre intelligence conseillère, dont il fut parlé tout à l’heure. C’est le type suave d’une délicieuse intuiti-vité. Simple berger sicilien, pendant sa vie terrestre, atteste-t-il , on le nomme Jean-le-Pasteur. A travers ses longues contemplations de la nature, et par la seule observation, il avait acquis de précieuses ressources en botanique.

(1) Diathèse rhuinutismole-goulteusc. (Noto du docteur.)

La citation de quelques-unes de ses paroles, parfumées d’une senteur primitive, le peindra mieux que je ne le ferais.

Voici l’une de ses productions.

«.....Je ne célébrais pas ma fête le jour de la Saint-Jean, à

cause des feux et des danses qui se faisaient en réjouissance dans la campagne ; je la remettais au jour de la Saint-Joseph, le 10 mars.

« J’allais cueillir, ce jour-là, les premiers bourgeons et les premières feuilles des herbes qui se renouvelaient, et, en mémoire de \'Enfant-Dieu, je les offrais au plus blanc et au plus doux de mes agneaux : c’est-à-dire au dernier né. Il les brouttait dans mes mains, et ne prenait d’autre nourriture que celle que j’allais cueillir sur les collines!...

« Je l’abreuvais dans l’eau que mes mains, frottées d’herbes aromatiques, pouvaient lui donner. Je chantais, quand venait le soir, des paroles en l’honneur de Marie, et je voyais, dans l’étoile que le ciel presque toujours clair me laissait entrevoir, une promesse de bonheur tranquille, en retour de mes prières sincères et pleines de candeur et de foi.

« J’adorais les fleurs dans leur langage, dans leurs mœurs et dans leur sommeil! Les fleurs parlent, vivent et dorment !... Je savais tout cela !...

a Jean. »

Maintenant, vous le connaissez comme nous le connaissons ; sauf, je vous le confie, que nous avons profité, plus d’une fois, de ses conseils salutaires.

En cette circonstance, Luisa l’écoute. Les yeux, les lèvres, les doigts de mademoiselle 0*** se meuvent dans une mimique méditative très-absorbée ; parfois des questions et des réponses à demi voix se succèdent, s’entrecoupent; c’est une scène mystérieuse de dialogue secret.

Tout à coup : « Vous devez.... vouloir vivre..,, pour l’avenir de vos deux filles, s’écrie Luisa, se tournant vers le consultant; eh bien ! soyez docile et courageux ! »

Elle développe ensuite une minutieuse et complète médication (1). A plusieurs reprises, l’étrangère nous signifie de

(1) Malgré lo fastidieux de scs détails, je la transcris, parco que les hommes compétents ne seront pas tâchés de la parcourir.

a Baint chauds aromatiques. — Verser dans l'eau commune une dé-

braver l’endolorissement passager que déterminera l’énergie des moyens curatifs : « Obéissez, répétait-elle ; encore même

coction concentrée de feuilles et tiges de verveine-citronnelle, sauge, lavande, sureau, plantain, et de racine d'aubépine. Au moment de s'y mettre, l’eau du bain doit être électrisée par l'immersion subite d'une certaine quantité de scories de fer (plutôt plus que moins) rougies à blanc. Cette immersion est urgente huit fois de suite, et coup sur coup, avant que le malade n'entre dans la baignoire. Par conséquent, on se munira d’une suffisante provision de ces scories, alin d’en avoir assez au feu pour que les huit fractions, successivement extraites, agissent avec rapidité. Battre l’eau chaque fois, dans l’intervalle des immersions; la battre à bras nu, comme le font les palefreniers pour le barbotage des chevaux.

« Pendant le séjour au bain, frictionner les parties rliumatisées avec une éponge, composée de petito mousse des ruisseaux et trempée du contenu de la baignoire.

« Douches. — Les établir d'.isscz haut, sur la nuque, lo dos et les reins, avec d'excellent vinaigre, dans lequel on aura préalablement fait macérer, pendant vingt-quatre heures, bonne dose des espèces aromatiques déjà recommandées. Le vinaigre sera chaud; lorsque l'on voudra s'en servir, l’on aura la précaution de ¡’électriser puissamment par les huit immersions de scories de fur rougies à blanc et le battage, ainsi que jo l'indique.

« Après chaque douche, frictionner le torse et les membres avec une brosse en laine imbibée du liquide. A défaut de la brosse (préférable néanmoins), on emploierait un sachet de flanelle, renfermant de la filasse neuve non peignée; le tout souvent plongé dans le vinaigre aromatique.

« Les bains et les douches s'entremêleront, en les alternant, à trois séances par jour; de manière que le total de ces séances, s'intercalant sur une marge de trois semaines, fournisse, en somme, six jours, savoir : trois de bains, trois de douches (ou, pour mieux faire comprendre, en tout neuf bains et neuf douches).

a A leur suite, le mulade se couchera (durant chaque entr’acte), le lit ayant été chauiTé d’abord par une bassinoire à fumigations de sureau. Dans cette situation, et pour surcroit des mesures déjà prescrites, l’on promènera de la nuque aux reins, environ l’espace de cinq minute*, un fourreau de laine rempli d'avoine chaude, torréfiée; le fourreau tenu, de poignet ferme, par les extrémités de la longueur du topique.

« L'on administrera l'ingestion d'une tasse de tisane amère (voir plus loin sa composition) ; puis le patient goûtera du repos et, s'il se peut, du sommeil.

« Pédiluvcs — Trois journées après la dernière administration des bains généraux et des douches, on aura recours froii jours de suite aux pédiluvcs suivants : exposer les jambes et les pieds h l’ecoulement du gang chaud d'un agneau que l’on vient de tuer; demeurer dans ce sang tant qu’il gardera de sa chaleur: s'y faire friclionner, de la plante des pieds au

que la peau se montrera craintive. » La justesse du terme, le pittoresque de la phrase, provoquent notre sourire. Et Luisa, s’égayant elle-même de ses difficultés d’expression, s’excuse de ne pouvoir mieux les surmonter : « Moi, suis pas Française!... mais moi suis bonne!... ayez confiance. »

Enfin elle prend congé de nous :

— « La petite est fatiguée ; je vais m’en aller. Adieu ! dit-elle ; priez pour Luisa ! »

L’éclaircie d’une pâleur plus douce repose les traits de M"' 0; son corps, plus souple, s'incline sur le dossier de son fauteuil ; elle dort paisiblement.

Peu de secondes après, elle se réveille à l’improviste; sa figure se revêt de son air juvénile ; un calme parfait, l’oubli,

jarret, avec le mélange qui résultera de cette saignée et de la décoction aromatique précitée, dont on aura garni chaudement le fond du baquet.

« A la sortie du troisième pédiluve, malgré l'excès de sensibilité cutanée, appliquer un synapisme à chaque jambe, comme une botte à l'écuyère, du jarret au-dessous du pied ; le synapisme fait à chaud avec de forte moutarde et ledit yinaigre aromatique.

« Ceinture. — Dans la saison, prendre des (leurs de lin fraîches, les mêler à de la limaille de fer; les piquer entre deux flanelles de largeur et de grandeur satisfaisantes pour une ceinture, et la porter immédiatement sur la peau.

« Ventouses scarifiées. — En poser trois ou quatre sur chacun des côtés de la faco antérieure de la poitrine.

« Tisane amère. — Décoction de petite mousse verte des ruisseaux ; une très-forte pincée de cette mousse pour un litre d'eau, qu’on laissera réduire d’un tiers. On remplacerait avantageusement cette substance par semblable proportion d'écorcu de citronnier, s’il était loisible de s'en procurer. (« En votre pays, dit Luisa, les citronniers sont rares; mais il en « est beaucoup en Portugal. »)

« Régime. — Doux, et végétal autant qu’on le pourra, parmi les viandes' choisir celles à chair blanche et le poisson frais; point de rogoùt;absti . ncnce rigoureuse des boissons alcooliques et fermentées; point de café; point de thé. Boire aux repas une légère infusion de verveine-citronnelle sucrée, jamais froide, mais seulement dégourdie.

« Magnétisations. — Pour complément d'efficacité de cette cure, y joindre assez journellement, surtout aux paroxismes des souffrances, quelques magnétisations sur la tète cl sous les bras, de chaque côté du tronc. Elle» seront pratiquées par madame S“*. »

l’insouciance des rapports précédents se maintiennent en elle.

Réflexions. — Je réponds d’avance à ceux qui m’interrogeraient sur la valeur ¡du traitement que je public : Je n’ai point à le défendre, non plus qu’à le critiquer; toutefois, quelque compliqué, quelque surabondant, quelque bizarre même qu’il puisse paraître, j’assure que, pour mon compte, je m’y soumettrais. 11 poursuit un ensemble rationnel ; il présente un caractère très-remarquable : c’est de combiner à Célectrisation, par les trois règnes naturels, l’action de la force vitale de l’homme.

Au reste, là n’est point le débat. 11 s’agit de décider si ce spectacle extraordinaire, si ces phénomènes avérés se réduisent ou non au mécanisme de notre machine.

Des magnétiseurs croiront expliquer cette expérience par ce qu’ils appellent triomphalement C exercice de la volonté. Mais, dans nos données humaines, qu’est-ce que l’exercice de la volonté, sinon l’acte d’une opération organique, sous l’impulsion d’un moteur qu’ils ne définissent pas? — Le moteur, c’est moi; me répliqueront-ils. — Et le mot', qu’est-ce donc? leur demanderai-je. — Le moi, c’est l’âme. — En ce cas, si vous ne la privez de son immortalité, vous vous contredisez en ne lui perpétuant point, au-delà de notre transformation, la puissance que vous reconnaissez à cette âme sous l’enveloppe de nos sens grossiers. Le principe moteur est éternellement moteur. Et l’on conçoit que, de l’essor des lois de l’harmonie, il lui soit facultatif d’exercer son activité selon ses attractions et ses tendances ; je ne verrais là qu’un strict contingent de la logique de l’univers.

Au surplus, sans nous élancer à des dissertations théoriques , et pour nous renfermer dans les faits, rien que dans les faits, je continue quelques communications encore de ceux que je possède.

Or, sachez que, dans mainte occasion, d’une façon des plus inattendues, dans l’isolement ou bien en compagnie, au milieu même d’une conversation qui la captivait, il arrive que, sans y prêter d’attention réfléchie, M,u 0, poussée à se

saisir (l’une plume ou d’un crayon, sent soudainement partir sa main, sous des dictées et sur des écritures ou des sujets des plus disparates, d’époques multiples, d’une vélocité d’improvisation prestigieuse ; et ces productions magiques portent toujours le sceau d’un style et dépensées d’une grande hauteur, ou d’une gracieuseté ravissante. Tantôt ces enchantements plongent le médium dans le sommeil, puis le réveillent subitement à la fin de l’œuvre; tantôt ils ne le privent d’aucune des apparences de la vie usuelle.

Souhaitez-vous des témoignages de ce que j’ai vu tant de fois? Figurez-vous cette frêle jeune fille assise près de sa petite table et priant son esprit familier de venir causer avec elle ; car lui ne l’endort pas, et c’est double plaisir, puisque le plus léger nuage u’obscurcit les délices de l’entretien. A la minute, sous les doigts de M"° 0, s’épanouit une épopée comme celle des lignes suivantes :

« L’épi se dore; tremblante est l’alouette ; tout attentive devient la fleur: tout aimante reste la femme. Le temps se fait plus doux ; toute enveloppe glacée se détache de lui ; il subit la transition qu’entraîne, pour l’enfant ou pour l’âme, le passage des limbes au sanctuaire divin! C’est l’œuvre de la foi! Les hommes, trop entiers encore dans leur nature première, c’est-à-dire dans ce qui n’est que matière, ne suivent point, à chaque heure, ce dépouillement des temps, arène immense.dans laquelle ils se cachent cependant 1 L’œil est obscurci ; le cœur porte aussi son armure ; la main ne veut être qu’osseuse; elle qui est destinée à jeter la lumière, à retracer de saintes doctrines, à chercher vers le ciel des forces salutaires ; pour donner, par une caresse à l’enfant, cette même lumière que Christ, liomme-Dieu, savait donner en l’imposant!

« La main est l’anneau premier de cette chaîne de confraternité qui doit relier un jour tous les hommes. Le fruit de cette sainte union, l’accord de leurs âmes, produira un encens qui, en s’élevant vers Dieu, deviendra amour !

« L’homme alors jouira avec amour, dans cet amour, et comprendra avec sagesse.

« U. DE BALZAC. »

Souvent, sur ces entrefaites, surviennent un ou deux amis; absolument les intimes : c’est Mmi de B ; c’est le comte de

Vauréal. On se case autour du foyer; 011 supplie la jeune personne de ne pas s’interrompre. Alors la force attractive s’élève au niveau de l’unité de croyance ; invisibles et visibles ne font plus qu’une société, n’ont plus qu’une conversation.

Et ces invisibles sont bien des puissances diverses, personnelles, distinctes ; jugez-en :

Je me souviens d’un soir où nous avions une voyante fort hostile aux propos sur les esprits, tant qu’elle n’existait que de la vie de notre terre à terre. On la plonge en extase ; état libre, indépendant des étreintes de la volonté (de l’unanime aveu des magnétiseurs). Qu’en résulte-t-il? Immédiatement, en proie à l’exaltation d’une joie indicible, aux .transports d’un saint enthousiasme, son visage s’illumine d’une aube éclatante; sous l’auréole d’une transfiguration saisissante pour les spectateurs, elle s’agenouille, s’humilie, pleure, sanglote de regrets sur l’aveuglement de son corps ; puis, par des gestes, des exclamations, et de surprise en surprise, elle dénombre au-delà de quatre-vingts esprits, tous variant de configurations, d’âges, de sexes, de patrie et d’apparences hiérarchiques très-précises. Elle décrit le signalement de plusieurs d’entre eux ; ce sont, annonce-t-elle, des parents, des amis décédés, que ne renieront pas quelques personnes présentes. Et ces personnes, effectivement, conviennent de la vérité de ressemblance ; elles sont profondément émues des paroles de cette femme si subitement métamorphosée, et qui, les rencontrant inopinément, et presque pour la première fois, leur divulgue néanmoins des révélations irréfragables.

A quelque temps de là, M,u 0 venait de s’approcher de son guéridon ; elle se sent enveloppée d’une lourde atmosphère ; une odeur nauséabonde lui cause des défaillances; elle éprouve tant de malaise, qu’elle lutte contre ce qui la pénètre en dépit de ses eflorts.

— Tu n’es pas un de mes esprits, lui crie-t-elle; va-t’en ! je ne veux pas de toi !

Le meuble se mouveinente et répond :

— « Entant!... que crains-tu ?... Je suis Ursule, ton amie de Condoni. »

— Ursule M...?

— « Oui !... Je suis morte hier à quatre heures de l’après-midi. Dans quel état!... si tu savais!... Mon corps était tout décomposé... »

Cette mort, à laquelle 011 ne croyait pas, se vérifia tristement. Une lettre du pays apporta la confirmation de ce qu’avait dit l’ombre de la défunte...

Vers la fin de l’hiver de 1853-1854, je passais la soirée rue d’Isly, chez un de mes compatriotes, le docteur ***. Un second visiteur arrive, M. G..., ancien banquier, homme de raison froide et rassise, n’acceptant l’inconnu que sous bénéfice d’inventaire. Il avait dans sa poche quelque chose qu’il ne voulut montrer qu’après l’expérience qu’il désirait. La plus jeune des filles du docteur, M"* L..., se place à la table. Une manifestation prélude par des craquements, des secousses, des percussions intenses et de nature tourmentée. Bref, le mot de l’énigme sort victorieux des entrailles de l’évocation. 11 reproduisait une des variantes accréditées sur le sens de l’inscription hébraïque de la croix du Calvaire. Le succès était beau ; nous voulons davantage. L’invisible, prié de se révéler à sa fantaisie, le fait avec héroïsme. Comme un éclair, et de gauche à droite, la main de Mlle L... nous expédie étrangement l’espèce de sténographie d’un logogriphe incompréhensible. M. G... l’emporte. On parvient à le déchiffrer... à Bruxelles. Le traducteur débute ainsi dans son annotation de cette pièce singulière :

« Ecriture primitive entremêlée de caractères hébraïques employés cabalistiquement, et d’hiéroglyphes magiques. Nathasaël (c’est le nom qu’a signé l’esprit) est un ange déchu qui commence à se repentir; il est marqué du signe terrible du Sameck (voir le samedi du turc) ; mais il reconnaît que ce signe émane de Dieu, comme la aouleur et l’épreuve. Ses paroles respirent encore le désespoir. *

Suit la traduction, que je conserve, annexée au spécimen original. Cet échantillon inqualifiable (échappé des doigts

d’une jeune fille de dix-sept ans, près de son père eide sa mère) n’est-il pas très-surprenant? Il renferme une prophétie... digne d’être méditée, qu’elle se réalise ou non.

La même année, rue de la Chaussée-d’Antin, dans une réunion nombreuse, chez M. le comte d’Ourches, la belle nous fournit un exemple de l’opiniâtreté que peuvent déployer ces forces fantastiques. M"c H... était très-chagrine d’une domination qui la contraignait incessamment d’écrire ces mots: « Donne-toi!... donne-toi! » — L’adversaire le plus célèbre sur ce terrain de controverse, une intelligence année d’inflexibilité de fer, M. Morin (1), puisqu’il faut le nommer, riait sous cape de l’embarras et des plaintes de la jolie victime. « Mademoiselle, exclame-t-il à la fin, permettez-moi de vous le déclarer : c’est la folle (le la maison qui joue ici des siennes!... Votre imagination seule vous met aux abois ; mais je vais vous délivrer de cette lubie incommode. » Une lutte curieuse s’engage. L’écrivain de la Magie au dix-neuvième siècle fait assaut de volonté par la main gauche de Mllc H... qu’il galvanisait de mille éclairs foudroyants ; tandis que la main droite, sous un propulseur plus maître de son empire, continue froidement ses railleries et ses défis à la témérité de son antagoniste. Une heure entière dure le champ-clos, et M. Morin, vaincn dans ce duel, brise son épée.

-Je ne citerai plus qu’une courte anecdote.

Une dame de ma connaissance , M“,c M**"1, avait aussi le privilège de ces latentes transmissions. Parmi les choses qu’elle s’écrivait, elle trouvait à satiété la formule d’un avertissement invariable : « Jeannette te trompe. » Jeannette pourtant paraissait honnête; c’était une chambrière rebondie* faisant tout, sachant tout, excepté l’alphabet. Un jour, l’un des amis de cette dame, M. C***, avocat et savant publiciste, intrigué de la persistance du juge occulte, s’avise d’amener l’accusée en face de son accusateur. On asseoit la grosse fille devant le guéridon , et la voilà (crayon en main)

(1) Auteur du livre Comment l'Eipril vient aux labiés, ete., etc.

qui, sans se douter de ce qu’on lui demande, édicté elle-même l’arrêt de sa sentence : « Jeanne!te est une menteuse! » écrit-elle. La coupable, ébahie de ce miracle, venait de se faire justice ; la suite le démontra.

Pardon, Monsieur, j'ai dépassé les limites d’une simple missive ; c’est que je pourrais vous dérouler indéfiniment une série, sans équivoque, de faits bien constatés, qui tous semblent édifier une doctrine à la fois plus légitime, plus universelle et plus consolante que celle d’un précaire organicisme; affreuse nuit, impasse inextricable, anéantissant, par une indigne destruction , les plus nobles facultés et les plus chers sentiments de l’homme, dans la dépouille de ses larves infimes.

Ces phénomènes de physiologie transcendante, loin de heurter l’ordre naturel, dévoilent objectivement à la science quelques aperçus trop ignorés, mais réels, d’une immense filière, symbolique échelle de Jacob, montant et descendant à perte de vue.

C’est ce qu’avaient appris, dans l’enseignement de l’antique initiation, les premiers fondateurs de tous tes cultes de la RELIGION DIVINE.

Non! l’homme-ne meurt pas; il ne peut, il ne doit mourir !!! Et s’il continue à vivre (dans des phases difficilement appréciables pour nous), il doit, toutes proportions et conditions gardées, y continuer des moyens de relations avec ce qu’il aime encore de sa modalité d’existence antérieure. Effectivement il en est ainsi. Du moins, c’est ce que nous certifient tous les contemplatifs les plus lucides, c’est-à-dire ces individus qui, par une rupture insolite de l’équilibration des forces humaines, acquièrent momentanément un uffinuge de perceptions, dans l’extension desquelles ils jouissent d’une suprême voyance, plus ou moins perfectible.

Il est en nous, disent-ils, une essence éthérée, lumineuse , principe de notre vie; instigateur, modificateur et modèle intrinsèque de notre forme, par l’activité qu’il déploie ou laisse dormir (au gré des sollicitations du libre arbitre) , dans l’exercice ou l’inertie de tels ou tels de nos

organes. C’est ce principe que saint Augustin appelait noire corps glorieux, parce qu’il ne périt pas.

Celle essence, dans et pour ses rapports avec les parties les plus matérielles de nous-mêmes, fuit agir la machine par /’intermédiaire d'une substance complexe ( le fluide ) , combinaison active, force mixte, nature médiane, imbue des émanations des deux natures extrêmes (l’étlier et la densité) de la composition humaine.

Survivant à la tombe (pour la progression d’autres destinées), ce corps principe, dans ses positions subséquentes (par des influences tacites, suggestions plus ou moins louables et que notre liberté... prévenue... est à même d’écouter ou de repousser) , peut déterminer chez d'autres hommes, en des occurrences particulières, des actes dont nos institutions scientifiques et sociales ne se rendent point parfaitement compte.

Au dire des lois de cette physique , nous aurions chacun dans notre occultisme privé, des compagnons qui vivent avec nous. Ces compagnons nous modifient, et nous pouvons les modifier par une réciprocité d’action respective.

Ces phénomènes, Monsieur, vous les voyez, vous les produisez ; je les vois et je les produis. Vous les acceptez, je les accepte en âme et en conscience. Ils sont pour nous la révélation de notre siècle. Ils démontrent que l’initiation antique reposait sur une objectivité solide. Ils prouvent que le génie de Zoroastre, le démon de Socrate, la nymphe de Numa, les fées et les voix de Jeanne d’Arc, les anges du catholicisme enfin ne sont pas de pures chimères, mais de vrais êtres vivants; personnifications fidèles de leurs époques; types éternels, éternellement visibles et compréhensibles, remontant, par l’épuration d’une spirale incommensurable, vers la source absolue de la vie, pour en peupler le sanctuaire, des innombrables générations de l’esprit humain.

Instruit des inconvénients, des graves dangers même de prendre au mot une foule de manifestations, interprètes de leurs propres erreurs, si vous ne pouvez nier le fait de -ces manifestations, elles ne sont cependant, pour votre sa-

gacité, que des aiguilles plus ou moins retardataires de l’immensité de l’horloge des mondes ; elles ne vous semblent que des mailles telles quelles, se mouvant de proche en proche dans la chaîne infinie qui relie les temps entre eux, en indiquant l’heure de ces temps.

Ne considérant le passé que pour mesurer sa distance et mieux éviter ses fautes, vous existez du présent, et vos yeux regardent l’avenir.

Aux doux loisirs de cette sage philosophie, Monsieur, peut-être entrevoyez-vous, dans un meilleur choix, dans un plus digne usage de ces télescopes secrets, la possibilité lointaine ou voisine d’obtenir des lumières qui font généralement défaut aujourd’hui.

Si cette hypothèse a des chances réalisables , je ne serais pas éloigné d’espérer chez M"* 0 (le médium le plus élevé de tous ceux que j’ai vus) les éléments d’une utile mission au milieu de nos circonstances.

Agréez, etc.

Paris, S décembre 1855.

Dr CLEVER DE MALDIGNY, ancien médecin-major de première classe & la gendarmerie d'élite.

Au commencement de la communication que l’on vient de lire, le docteur n’a désigné le nom du consultant que par son initiale. Mais M. Émile Saucerotte, ancien chef d’escadron de la gendarmerie d’élite, a pensé qu’un homme de cœur devait, avant tout, avoir le courage de soutenir le vrai, si difficile à faire accueillir qu’il soit.

Voici ce qu’écrit à ce sujet M. le commandant :

« Sans m’engager dans une analyse quelconque du mécanisme des faits qui me concernent, mais uniquement pour rendre hommage à la vérité, je joins mon affirmation à celle du Dr Clever de Maldigny.

« E. SAUCEROTTE. »

Le Spiritual Têlêgraph du 2 décembre 185A contient un long article sur l’état du spiritualisme au Texas. On cite une médium de Galverton nommée Ada Bruno, dont la main écrit pendant que son esprit est neutre et étranger à ce qu’elle trace. Elle a écrit environ deux cents morceaux, les uns en prose, les autres en vers; il y en a en français, langue qu’elle connaît fort imparfaitement ; il s’en trouve en allemand et en latin, bien que ces deux langues lui soient tout à fait inconnues. Quelques-unes de ces pièces ont été reconnues pour appartenir à divers auteurs; d’autres paraissent être originales. On donne comme échantillon des vers latins qui sont détestables, comme nos lecteurs vont en juger. Il n’est pas supposable que ces vers aient été empruntés à un auteur quelconque. La bizarrerie des pensées et l’incorrection du style ajoutent encore à l’étrangeté du fait, et il est bien difficile, en dehors de l’hypothèse des esprits, d’aasigner une origine probable à cette pièce, dès qu’il est bien avéré que la personne qui l’a écrite ne sait pas un mot de latin.

Non vinum ut vinum appetitur, sed taie bonumque Sic et vita, ut vila est nil, nisl bona : quod si Est misera , ut vinum corruptum despiciatur.

Esse quidem per se, nec amandum nec fugiendum est.

Quippe habet hoc quamvis viïissima, recula, vermis,

Mueca , lapis, cortex, nihil est o|itabile.adcmptd Conditione boni ; nisi sit taie, esse bonumque,

Non video cur optari, cur possit arnari.

M. Ebenezer Allen atteste les faits suivants :

« Nous étions vingt personnes assises en demi-cercle autour de la chambre. Le piano se mit à jouer sans que personne y touchât; cette musique dura environ une demi-heure. Des objets de peu de poids, tels que des parasols, des livres, des papiers, des plumes, une poudrière de porcelaine, un porte-cire en verre, une grosse pile de cahiers de musique furent enlevés, suspendus en l’air, transportés dans toutes les di-

récrions, posés sur les genoux de plusieurs personnes ; une canne fui arrachée des mains d’un des assistants; quelques personnes furent touchées et saisies avec plus ou moins de force. En n êire temps, des communications eurent lieu par le piano, les touches servant à recevoir les coups. Rien ne fut brisé ni endommagé; même les objets en verre, qui furent jetés à travers la chambre et retombèrent sur le parquet , se trouvèrent intacts...........

« Des communications ont souvent été écrites par des mains invisibles, la plume et le papier étant placés sous ou sur la table ; l’écriture a eu lieu aussi au moyen d’un crayon de craie posé sur la table autour de laquelle se tenait l’assemblée. De jolis morceaux de musique ont été exécutés sur une guitare placée sous la table. Des boucles d’oreille, des bagues, des broches, des bracelets ont été enlevés aux dames, puis mêlés en une masse confuse, et ensuite chaque objet a été rétabli à sa place ou mis dans la main de son propriétaire. Des articles de toilette et de vaisselle ont été enlevés des garde-robes et des cabinets situés dans différentes parties de la maison , extraits de tiroirs fermés à clef, transportés à travers des portes également fermées, les clefs étant dans les serrures, et posées sur la table. Une boule de cuivre a été enlevée d’un coffre situé à l’étage supérieur, transportée en suivant l’escalier, et a roulé sur notre table ; une boule de craie a été apportée d’une maison voisine ; une rose a été détachée de la tige d’un rosier situé dans la cour, et a été placée dans les mains d’un jeune homme faisant partie du cercle. Dans une circonstance, des cuillères d’argent étaient renfermées dans le tiroir fermé à clef d’une armoire située dans une chambre au premier étage, la clef en avait été retirée et avait été mise, par précaution, dans une autre partie de la maison. Le cercle se forma et, entre autres manifestations, le pouvoir mystérieux, qui s’annonce comme l’esprit d'un mort, et que les savants sceptiques appelleront à leur gré électricité, fluide odique, illusion,etc., agit sans aucun concours humain ni interposition de personnes , trouva la clef, ouvrit les portes de l’armoire, puis le tiroir qui était fermé à clef, en enleva les cuillères qui étaient enveloppées dans du papier et attachées avec une ficelle, les transporta à travers la chambre, puis un corridor, l’escalier, un autre corridor, les apporta dans la chambre du rez-de- chaussée où nous étions et les posa sur la table au milieu du cercle. Les esprits prirent aussi un long, ruban brodé qui servait à la coiffure d’une demoiselle et qui

«Hait renfermé dans une boîte de la même chambre haute, l’apportèrent dans notre cercle, le placèrent sur la tète de la demoiselle et le lui roulèrent autour en l’attachant avec une épingle, de manière à lui en faire une parure aussi élégante et gracieuse que si elle se le fût attaché elle-même.

« Des mains s’annonçant comme étant celles de nos frères, sœurs, pères , mères et autres parents décédés , ont saisi nos mains, les ont pressées et ont serré chaque doigt séparément, leurs lèvres se sont appliquées tendrement sur les nôtres, et leur souffle s’est fait sentir sur nos visages aussi distinctement que si nous avions eu affaire à des personnes vivantes.

« Ces derniers événements ont eu lieu le *2 septembre 185.4. »

CONFÉRENCE SPIR1TUALTSTE DE NEW-YORK.

(Séance du ¿1 novembre.)

M. Barnard a rapporté le fait suivant : La semaine dernière , dans la nuit du mardi au mercredi, une rencontre de deux vaisseaux a eu lieu près Piermont, dans la rivière de Hudson ; par suite de cet accident, le capitaine T. a été noyé. Pendant cette même nuit, son fils, qui était dans sa maison à Astoria couché dans son lit, fut réveillé en sursaut par le bruit d’un corps lourd tombant sur le parquet. Il crut que son frère avait glissé à bas de son lit et l’appela en criant : — Jean, est-ce vous ? Une voix lui répondit : — Non, c’est votre père. La conversation continua quelques minutes entre lui et son interlocuteur invisible ; mais le sommeil qui survint, effaça de sa mémoire la majeure partie de cet entretien. Le matin, il fit part à sa mère de ce qui lui était arrivé , et il se figura que cet événement présageait que son frère ne vivrait pas longtemps. Ce n’est que le jour suivant qu’on apprit la mort de son père. — Plusieurs membres, notamment MM. Brittan et Benning, font des relations d’apparitions de formes tangibles. M. Benning a vu et senti une main d’esprit qui l’a saisi, l’a caressé et lui a fait éprouver les mêmes sensations que si c’eût été une main corporelle ;

il a distingué la main, les doigts et les ongles. On palpe cette main dans tous les sens, et il n’y a pas de bras au bout. — il. Gray déclare avoir demandé aux esprits s’il était vrai qu’ils créassent des organisations matérielles d’une courte durée. Il lui fut répondu affirmativement ; 011 ajouta qu’elles étaient formées des émanations vivantes des corps humains, et que ces objets étaient soumis à la volonté des esprits, mais seulement tant que les particules dont ils étaient composés conservaient la vie animale. Dès qu’elle est éteinte, cette matière sublimée se décompose rapidement en vertu d’une loi irrésistible. La preuve en est dans le cas rapporté par Stilling. La main fut maintenue inactive par la volonté de l’esprit jusqu’à ce que la combustion eût lieu, et la page sur laquelle elle était appuyée porta des empreintes de brûlure correspondant aux doigts. Les esprits ont prouvé aussi que ces mains sont des êtres objectifs, et que leur contact laisse des empreintes sur les matières capables de les conserver. On prit, pour faire l’expérience , de la cire molle et du mastic que l’on plaça sur la table au milieu du cercle. On vit distinctement des empreintes de doigts humains sur le mastic, et sur la cire était écrit un nom, comme si l’on eût gravé avec la pointe d’un crayon de mine de plomb. M. Gray a été saisi par le bras comme par une main garnie de mailles de fer qui l’a fait pirouetter au milieu de la chambre. Il atteste que la main en question est ferme et tangible comme celle d’une personne vivante, et produit les mômes impressions sur tous les points.—M. Brit-tan fait observer que, dans des chambres parfaitement éclairées , les esprits font mouvoir des objets du poids de cinq à liuit cents livres, sans qu’on voie aucune main servir d’instrument à ces mouvements. 11 en conclut que les esprits peuvent produire à plus forte raison les autres phénomènes dont on a parlé, et, par exemple, mouler de la cire sans être obligés d’employer des mains corporelles.

M. Partridge, un des rédacteurs du journal,publie un long récit d’expériences fort intéressantes ; les esprits ont donné des explications sur l’état particulier où nous n’avons pas conscience de ce que nous faisons, et sur la séparation de l’âme et du corps pendant la vie. Le fait suivant est raconté comme s’étant passé à la môme séance (du 12 novembre dernier), lin des assistants fut invité à placer une do ses mains sous la table pendant un temps très-court, ce qu’il fit ; les mains de toutes les autres personnes demeurant posées sur la table. Quand il la retira, il s’y trouva une lettre. Le papier en était très-doux et bizarrement colorié ; l’écriture en était griffonnée ; la lettre était datée de Londres, Cravan Street, adressée à M*** et à ses amis; elle était remplie de sarcasmes amers et de menaces. En voici quelques extraits :

« Je vous dis que je suis un mauvais esprit. Je vais jouer avec vous cartes sur table, et je vous préviens que je vous ferai tout le mal possible. Je vous tromperai, quoi que vous fassiez... J’ai bien envie de rompre la séance en brisant la table en mille pièces, et d’attacher les personnes par les cheveux tout autour de la salle, sans distinction d’âge ni de sexe. »

Cet esprit était sans doute plutôt hâbleur que méchant, car aucune de ses menaces 11e s’exécuta; seulement la table fut violemment agitée, et les personnes furent touchées aux mains, aux genoux et aux pieds.

M. Partridge fut invité à mettre à son tour la main sous la table : tout se passa du reste comme la première fois. Il reçut dans la main une autre lettre. L’écriture en était tracée en caractères de toutes sortes de couleurs, et les mots étaient joints par des arabesques très-compliqués et des fioritures de la plus grande élégance. Pour un mortel, ç’aurait été un travail énorme. Cette lettre, qui est fort longue, porte la signature de Ben Johnson et contient de très-bons préceptes de morale.

Une troisième personne fut désignée comme devant, aussi placer sa main sous la table, à l’instar des deux autres. Elle reçut aussi une lettre, mais ce ne fut pas sans une lutte violente avec la force mystérieuse qui lui serra la main. Toutes les autres personnes avaient les mains appliquées sur la table. Cette lettre portait la signature de presque toutes les personnes de l’assemblée, y compris le narrateur M. Partridge. Mais aucune d’elles n’avait connaissance d’avoir signé cette pièce. C’était une pétition brève, elle était sigulièrement scellée et pliée. On la brûla par ordre des esprits.

Une quatrième personne ayant fait la même expérience, reçut une lettre qui était le fae simile de la précédente , si ce n’est qu’il y avait en plus quelques lignes et un portrait. Il s’en détacha un petit morceau de papier sur lequel il n’y avait pas d’écriture, et il fut jeté sous la table. M. Partridge tendit la main, et il y reçut ce même papier sur lequel un nom était écrit à la plume. Tout cela se fit avec la plus grande rapidité.

Une dame ayant aussi placé sa main sous la table, reçut une lettre qui était la cinquième ; elle ne put l’amener à elle qu’en faisant un grand eil'ort qui causa la déchirure d’un coin de l’enveloppe. Elle contenait une dissertation sur divers sujets scientifiques, et notamment sur la nature de l’air. Elle était censée écrite par un monsieur de la société qui jura y être étranger. C’étaient exactement son écriture, sa signature et son style, mais il n’avait pas souvenir d’avoir jamais rien écrit de semblable.

Ensuite une lettre tomba du plafond sur la table. Elle était écrite en français et portait la signature Ralph. Gai supposa qu’elle venait d’un mauvais esprit.

L’assemblée s’émerveilla sur ce qui venait de se passer, et l’on fut d’accord pour reconnaître qu’il n’y avait rien de plus merveilleux. Quelqu’un parla d’un cas où une clef avait été enlevée d’une porte et mise dans la poche d’un des assistants. A peine avait-on cité ce fait, qu’une personne fut poussée à mettre sa main sous la table, et elle la retira te-

nant une clef. Après examen, il se trouva que cette ciel était celle d’une chambre située à l’autre extrémité de l'appartement ; 011 en avait fermé la porte à clef, mais elle se trouva ouverte et sans clef. Tout cela se passa avec une rapidité étourdissante.

M. Partridge et une autre personne ayant successivement mis leurs mains sous la table, sentirent chacun le contact d’une main froide. Le tapis de la table fut enlevé et jeté à terre, puis relevé et mis dans les mains des assistants. Des plumes, des crayons et des canifs furent aussi mis dans leurs mains par un agent invisible. Ensuite les manifestations devinrent violentes, les tables furent renversées, un canif fut jeté à la tête d’une personne, sans toutefois lui faire de mal ; les tapis furent dispersés, et les spectateurs virent une main noire et hideuse s’élever de dessous la table. Une dame d’un caractère très-timide a eu sa robe de soie tirée avec tant de force qu’il s’en est peu fallu qu’elle ne fût enlevée de dessus sa chaise, ce qui lui causa une grande frayeur. Trois des personnes de la société virent un pied nu et isolé, paraissant appartenir à une jeune fille de treize ans, et qui était un modèle de beauté. 11 n’y avait aucun enfant dans l’appartement. M. Partridge reçut dans la main une plume apportée par un invisible. Son gendre aperçut l’énorme main noire tirant la robe de la dame dont il a été question : il assure que cette main était entourée d’une auréole de lumière d’un rouge pâle. On vit un canif à deux lames s’enfoncer dans une main ; plusieurs personnes sentirent à la fois des piqûres dans les chairs, et la douleur leur arracha des cris. Les tables furent entraînées violemment à travers la chambre, emportant dans leur mouvement les médiums.

Le narrateur, M. Partridge, déclare qu'il lui serait impossible de rendre compte d’une manière complète de tout ce qui s’est passé dans cette nuit prodigieuse, tant les faits ont été multipliés et merveilleux.

A. s. MORIN.

Nous empruntons à Y Ami des sciences un curieux fait de somnambulisme. 11 serait à désirer que tous les phénomènes de cet ordre qui se manifestent journellement fussent connus, ils rendraient notre tâche, plus facile en montrant que ce que nous réalisons par science et par art, la nature sait le produire sans aides. Alors les doutes cesseraient de toutes parts et on croirait à nos œuvres.

Baron DUPOTET.

A monsieur Victor Meunier,

Monsieur,

Comme je pense que la communication ci-jointe est de nature à vous intéresser, je vous prie de la lire jusqu’au bout. Vous en ferez ensuite tel usage que bon vous semblera.

Ayant inséré en 1851 quelques articles sur l’Allemagne dans ta Preme, attaché en ce moment en qualité de professeur à un institut d’éducation, j’espère que mon témoignage ne vous semblera point suspect. Je pourrais, au reste, si vous le désiriez, y joindre celui de mon collègue qui figure dans le récit que j’ai l’honneur de vous adresser.

Veuillez agréer, Monsieur, avec l’expression de mes sentiments de sympathie pour les progrès de l’humanité et de la science, celle de mon admiration la plus sincère.

GEORGES S1MLER.

Un fait extraordinaire et dont j’ai été le principal acteur, s’est passé, dans la nuit du 1er au 2 janvier dernier, dans un établissement où je suis employé avec plusieurs collègues.

Pour mieux faire comprendre le sens de ce récit, je crois devoir signaler d’abord la nature des rapports qui existaient alors entre deux de ces collègues et moi. Lié assez intime-

ment avec l’un, j’étais en froideur avec l’autre. Des dissentiments radicaux sur la religion et la politique étaient surtout la cause de notre éloignement réciproque. J’insiste sur ce point, parce qu’il servira à expliquer certaines circonstances du fait mystérieux qui s’est passé dans la nuit du 1er au

2 janvier.

11 était environ deux heures après minuit. J'étais couché depuis dix heures du soir, et j’avais dormi tout ce temps d’un profond sommeil, lorsque j’en fus tiré tout à coup avec un sentiment d’angoisse inexprimable. 11 me semblait qu’une catastrophe imminente allait suspendre en moi les fonctions de la vie. Le sang avait cessé de circuler librement dans les artères; il se retirait des extrémités qui devenaient toujours plus froides, et, affluant vers le cœur, il formait un cercle brûlant qui m’étouffai t. La sueur inondait mes tempes; tous les efforts tentés par moi pour réchauffer mes pieds et mes jambes étaient infructueux, lorsque, par une réaction soudaine, la chaleur s’y rétablit d’elle-même. Un instant je crus que la crise était passée. Mais je ne devais pas en être quitte à si bon marché.

Un fourmillement insupportable ne tarda pas à me courir le long des jambes et des pieds en sueur. Le pouls s’élevait, s’élevait, et le désordre de mes sens croissait avec celui de mes idées. Ebloui par le vertige, je me dressai éperdu sur mon séant.

Alors je songeai qu’un de mes collègues, couché dans une pièce voisine, pourrait in’être de quelque secours. En effet, ayant étudié plusieurs années la médecine et même obtenu des distinctions dans les concours, il pourrait au moins me saigner et me donner les soins les plus nécessaires. Mais je réfléchis en même temps que ce collègue, celui précisément avec lequel je n’étais pas dans les meilleurs termes, pourrait tirer avantage de ma situation anomale. J'appréhendais surtout qu’il ne voulût m'offrir, outre les secours de la médecine, les redoutables consolations de la religion catholique. Bref, l’orgueil l’emporta sur la terreur de ce moment, et je résolus d’attendre stoïquement la fin de la crise.

Cependant la crise se prolongeait d’une façon menaçante. Une commotion violente vint enfin v mettre un terme. Je me levai précipitamment pour en conjurer les effets; je parcourus les corridors, je descendis dans les cours où je me promenai quelque temps, et quand je remontai, les fonctions de la vie étaient peu à peu revenues à leur état habituel, sauf un reste d’agitation bien facile à comprendre.

Jusqu’ici, dans tout cela, rien que de fort simple et de fort naturel. Mais voici qui devient plus singulier et plus inexplicable.

Celui de mes collègues avec lequel j’entretenais des relations amicales, couchait dans le même corps de logis que moi, mais à un étage supérieur.

Le lendemain matin, en me voyant, il parut me considérer avec un air d’inquiétude.

— J’ai fait un lève bien singulier, nie dit-il. Vous veniez d’être frappé d’un coup (le sang. Je vous voyais étendu sur votre lit et luttant entre la vie et la mort. J’aurais voulu courir chercher le médecin, mais je ne sais quelle cause plus forte que ma volonté m’empêchait d’avancer. J’étais d’autant plus désolé que je pensais : Encore s’il voulait que j’appelle M. *** (le collègue couché dans la pièce voisine); mais non, le pauvre garçon aimera mieux mourir que d’avoir recours à lui. Je me disposai néanmoins à réveiller M.***, mais vous vous opposâtes énergiquement à mon dessein. Je ne me souviens plus de ce qui s’est passé depuis; tout ce queje sais, c’estque j’ai été bien inquiet etbien agitéjusqu’à ce moment que je vous ai vu, tant la réalité semblait s’être confondue pour moi avec le rêve.

— Vous n’avez rêvé en effet qu’à moitié, dis-je à mon ami en lui serrant la main. Et je lui racontai ce qui m’était arrivé.

Nous restâmes longtemps sans rien dire. Enfin, nous nous communiquâmes les réflexions qui se pressaient en foule dans notre esprit ; nous ne pûmes nous empêcher de reconnaître dans ce fait une coïncidence mystérieuse, un phénomène magnétique, resté pour nous jusqu’à ce jour inexplica-

ble. Nous nous dîmes que la nature était toute pleine d’énigmes, et que l’observation répétée de pareils faits pourrait peut-être conduire à la solution de quelques-unes, et non des moins importantes.

Je pris aussitôt la résolution d’adresser une relation détaillée de ce qui nous était arrivé à celui des écrivains de la presse scientifique qui accorde dans son examen la plus large place à toutes les manifestations nouvelles de la nature et de la vie, et qui, dédaignant les voies battues de la routine et des savants fossiles, semble, au milieu de la crise terrible d’où va sortir un nouveau monde social, annoncer l’aurore d’un nouveau jour pour la philosophie de la sience.

GEORGES S1MLEK.

INSTITUTIONS.

Dispensaire lungiiéto-tliérApIque de Toulouse.

Le magnétisme est tellement répandu dans le monde civilisé, que presque toutes les grandes villes ont des sociétés consacrées à l’étude, à la propagation et à l’application de la science de Mesmer, que de tous côtés on voit des journaux, des brochures, des livres où sont discutées ces grandes questions, et que des établissements sont fondés spécialement pour traiter les malades par le magnétisme. Nous félicitons la ville de Toulouse d’être entrée dans cette voie salutaire, et nous avons lu avec le plus vif intérêt la brochure que vient de publier M. Joseph Bégué, sur le dispensaire magnéto-thérapique établi dans cette ville. L’auteur expose brièvement, avec autant de force que de lucidité, les obstacles qu’a rencontrés le magnétisme, et il fait justice des difficultés opposées à son adoption. Il fait ensuite l’historique de l’établissement qu’il dirige et qui, dès le début, a obtenu un succès éclatant. Les malades y avaient d’abord été admis sans distinction : il en était résulté quelques inconvénients. Depuis, on a senti la nécessité d’un certain contrôle, et les indigents sont seuls admis au traitement gratuit.

Nous avons remarqué avec étonnement que l’on n’y emploie pas le concours du somnambulisme. « Nous ne désapprouvons pas pour cela, dit M. Bégué, les conseils indiqués par ces médecins naturels, mais il nous est démontré qu’on ne doit les accepter qu’avec la plus grande réserve. en les soumettant ail contrôle d'un homme compétent, mé-

decin ou magnétiseur. Pour notre compte, nous n’avons jamais recours il ce moyen, à moins pourtant qu’un malade qui se confie à 110s soins ne vienne, par l'ellet de la magnétisation, à tomber lui-même dans cet état. >— Nous approuvons les réserves quant aux somnambules; mais en prenant les précautions qu’indique l’auteur, non seulement l’emploi de la lucidité somnambulique est exempt de tout inconvénient , mais encore on obtient par là de précieux, d’immenses avantages qu’on serait coupable de négliger, ('.’est aux lumières des somnambules qu’ont été dues des guérisons qui tenaient du prodige. Quand la nature nous offre un moyen aussi efficace de le faire bien, nous serions inexcusables de ne pas en profiter. Un établissement magnétique bien organisé doit tirer parti de toutes les ressources que le magnétisme peut mettre à notre disposition.

Nous applaudissons au zèle, au courage, au dévouement de nos confrères de Toulouse, et nous faisons les vœux les plus sympathiques pour la prospérité de leur fondation.

A. s. MORIN.

Le Gérant : HÉBERT (de Gamay).

SPIRITUALISME AMÉRICAIN.

AVANT- PROPOS.

On met rn question s'il peut y avoir en celle vie un pur acte d'intelligence dégagée de toute image sensible; et il n'est pas incroyable que cela puisse être, durant certains moments, dans les esprits élevés à une haute contemplation et exercés durant longtemps à se mettre au-dessus des sens; mais cet état est fort rare, et il faut parler ici de ce qui est ordinaire & l'entendement. Bossikt.

Lorsqu’il s’agit de spiritualisme, on'doit être grave et mesuré, n’accepter ni ne rejeter les faits avant un examen sérieux et attentif. On procède autrement, et d’ordinaire on nie résolument sans qu’aucune considération arrête notre jugement. Ce sont communément les savants qui donnent l’exemple de semblables témérités ; leur haute raison leur fait complètement défaut lorsqu’il s’agit de spiritualisme; ils ne veulent point sortir de la matière, et malheur à qui les provoquera. Laissons donc les grands esprits en repos, nous n’avons pas besoin d’eux pour savoir si la lumière existe, il nous suffit d’ouvrir les yeux.

Vous donc, qui cherchez comme nous la vérité, tenez-vous en éveil. Quelque merveilleux que soient les faits, leur réalité peut être constatée, et lors même que les phénomènes annoncés de toutes parts seraient le produit d’une cause autre que celles avouées, en seraient-ils moins curieux et dignes d’étude? Les conceptions, les créations de l’esprit et de l’imagination peuvent nous conduire à d’immenses découvertes, si nous savons en saisir le mécanisme, en dévoiler le mystère; mais beaucoup d’hommes ont peur,

Tome XIV. — N° ‘4%%, — 23 Novembre 1855. 22

peur d’apprendre ; sans doute l’ignorance leur plaît ; ils vivent dans un épais brouillard et meurent comme la bête ou le savant d’école, sans rien savoir de la vie, sans souci du réveil, la science leur ayant dit qu’il n’y en avait point.

Suivez-nous, vous qui désirez connaître, que de vains scrupules ne vous arrêtent point. Abandonnez à leur destin les timorés et les peureux, qu’ils suivent le chemin tracé par les savants, on sait qu’il conduit ii la négation de tout ce qui est en dehors des sens, à l’antre du dieu matière, à l’extinction en nous des plus nobles facultés de l'âme.

En avant, en avant! mais sans perdre de vue un seul instant l’agent magnétique, car il est le fil conducteur qui doit nous diriger dans le labyrinthe où nous allons entrer. Ne laissons point aux Américains la gloire de nous devancer dans le progrès qui s’accomplit. Plus nous aurons de lumières, plus nous aurons de puissance pour faire le bien.

Ne négligeons rien de ce qui peut être utile dans la pratique du magnétisme; toutes les découvertes sont sœurs, et je manquerais à ma mission si je ne venais aujourd’hui vous dire ce qui se passe sur un autre continent. Celui qui, dans les sciences, s’arrête un instant est aussitôt dépassé.

Encore un peu de temps, nous vous le prédisons, ceux qui maintenant nous dédaignent seront trop empressés de marcher avec nous, car nous tenons en nos mains les destinées du monde à venir, le germe de ce qui sera.

Baron DU POTET.

(La tuile des Manifestations spirituelles au numéro prochain.)

Bernay, 22 octobre 1855.

A Monsieur le rédacteur du Journal de Bernay.

Monsieur,

Si dire la vérité est le devoir des honnêtes gens, cette tâche appartient particulièrement au médecin dans de certains cas donnés.

C’est pourquoi je vous prie de croire à ma gratitude, en insérant dans votre feuille l’histoire toute physiologique et médicale d’un fait tout récemment observé par moi dans la ville de Bernay.

Ce qui me conduit à m’adresser directement à vous, est l’intérêt local du fait lui-même.

En l’accueillant dans votre journal, croyez, Monsieur, aux sentiments de parfaite considération avec lesquels j’ai 1 honneur d’être

Votre obligé serviteur,

H. CORDIEB, doctcur-médccin.

Accès hystériques très- fréquents avec délire nerveux, observés et guéris à Caide du magnétisme, pur te Dr GOJRDIER, de Bernay (Eure).

Félix qui potult rerum cognoscore causas.

Lo merveilleux, fils né de l'ignorance, a été de tout temps le père do la superstition.

Je dois à la société entière, comme au public médical, comme pour moi-même, l’histoire d’une jeune fille malade à Bernay depuis longtemps. Je le dois d’autant plus, que si

l’ignorance a besoin, pour accréditer son honteux charlatanisme, de l’obscurité, la science pratique, comme la vérité, veut le grand jour. Détruire l’erreur par l’étude des causes et des faits, le merveilleux par le ridicule, la superstition par la vérité, voilà la mission qui incombe à tout honnête homme et dans l’espèce à tous les médecins. C’est pourquoi j’envisage comme un devoir de satisfaire à la curiosité publique , qui chaque jour semblait se complaire davantage au triste spectacle qu’offraient â ses yeux ébahis les douleurs sans cesse renaissantes d’une malheureuse enfant se tordant sous les étreintes d’une cruelle maladie , en lui faisant part de mes observations et de leurs résultats.

Pendant huit mois de maladie, et principalement dans les derniers temps, cette jeune fille, m’a-t-il été affirmé, a été visitée par six mille personnes environ, tant de Bernay que des localités voisines.

Caroline A...., âgée de quatorze ans et six mois, d’un tempérament nervoso-sanguin, s’était toujours bien portée jusqu’au mois de mars dernier, époque où elle tomba malade pour la première fois. C’est aussi en ce temps-là que le père réclama pour son enfant les soins d’un docteur ; soins, et traitements qui ne furent pas continués à cause de l’état peu fortuné du père (cet homme, ouvrier fileur chez M. Paul Sevaistre, deux fois veuf, est père de trois enfants en bas âge) ; la maladie alors, pour ainsi dire abandonnée à elle-même et se compliquant des approches de la nubilité, apparurent les premiers accès hystériques, accompagnés de délire nerveux, lesquels accès devaient d’autant plus s’accroître en force et fréquence, que les soins étaient plus empiriquement administrés par tous, avec toutes choses.

11 ne m’appartient pas de raconter les oiseuses futilités, les sottises, les contes ridiculement absurdes dont cette jeune fille a été à son insu la triste héroïne. Quoi ! c’est en plein dix-neuvième siècle, à quelques heures de Paris, aux portes pour ainsi dire du palais de l’Exposition, où le Travail, aidé par le Génie de l’homme, étale à l’admiration de tous tant de grandeurs et de richesses, de sciences, d’arts et de poésie,

qu’on ose croire aux sorts, maléfices, sorciers ! faire appel à l’exorcisme ! et cela de la part de gens sensés , instruits ! Quelle abstraction ! Toutefois, je dois dire que le clergé local, devant l’idée religieuse et la sagesse duquel je m’incline, n’a trouvé dans les faits rien autre chose qu’une maladie qu’il appartenait au médecin de chercher à guérir.

Je me rendis donc près de la jeune malade le 3 octobre, à cinq heures du soir, pour la première fois. L’intérêt que m’inspira cette enfant me fit tout d’abord m’v attacher. En ma qualité rie médecin, je crus devoir faire acte d’autorité en défendant la porte pour qui que ce fût, à l’exception des personnes qu’elle avait l’habitude de voir, et aux soins desquelles elle était accoutumée. Dès ma première visite je cherchai à gagner sa confiance en l’intéressant affectueusement. Néanmoins voilà ce que je remarquai : faciès fatigué, yeux cernés, indolents, pâleur du visage, lenteur des mouvements, soubresaut des tendons, frémissement musculaire, agitation du torse, inquiétude de soi-môme, palpitations passagères, petitesse et irrégularité du pouls, chaleur naturelle, pas de fièvre, ni soif, besoins fréquents de manger. Douce, timide, craintive, très-impressionnable, le caractère de cette enfant, selon ce que j’en ai pu juger, doit être l’affection reconnaissante. Son attention ne pouvait être longtemps fixée sans lui occasionner du malaise, signe toujours certain d’une crise. Cependant, qu’on lui parlât ou non, les crises n’en avaient pas moins lieu, à la différence près de l’intensité et de la durée. Toutes ces crises, avec ou sans délire, se ressemblaient presque. Au moment de la crise, les yeux se convulsaient ensemble et à la fois vers la racine du nez, la tête se renversait en arrière ou de côté, les artères battaient avec force, les narines dilatées, le jeu pulmonaire semblait doublé de vitesse. A travers le grincement des dents s’échappait, stridente, la respiration que la puissance du spasme comprimait à la gorge. Les membres supérieurs se tordaient horriblement, les inférieurs acquéraient presque la rigidité tétanique, l’abdomen se ballonnait avec une tension considérable ; lequel ballonnement résistait plusieurs jours, ou

bien cessait tout à coup 011 partiellement. Les grands mouvements du corps étaient brusques, automatiques, comme le sont ceux déterminés par la pile électrique. Ces secousses étaient telles que les forces réunies de plusieurs hommes suffisaient à peine à contenir la malade. Souvent encore, ces crises étaient ou précédées, ou annoncées par une douleur émanant, soit du pied gauche, d’une main ou même d’un doigt.

A ma seconde visite, qui eut lieu le même soir à huit heures, même état. Seulement les accès hystériques ont plus de force, de fréquence ; à ce moment quatre hommes entrent pour veiller la nuit, comme cela se pratiquait depuis longtemps. Malgré ce qui m’avait été raconté touchant cette malade, j’étais bien aise de m’assurer par moi-même de certains faits, à savoir s’il était vrai qu’elle entrât en crise si on venait à prononcer devant elle le nom de marchand, de même aussi à parler soit de Dieu , des saints, hommes ou choses ayant rapport à la religion catholique, ou bien encore de son père.

Je dois l’avouer, ce qui m’avait été raconté à ce sujet était vrai de tous points. Oui, toutes les fois que j’ai prononcé les noms de marchand, de Dieu, des saints, même le mot ciel, aussi bien que parler religion, j’ai amené des accès immédiats ; si on lui parlait de son père, on était loin de produirç les mêmes effets, on excitait chez elle plutôt une sorte d’impatience fébrile pouvant déterminer une crise r mais non pas immédiatement comme dans les autres cas. Le pourquoi de tout cela ? En voici la raison. La demoiselle A... mise en apprentissage chez une dame X...., couturière en robes à Serquigny, avait l’habitude d’envoyer coucher cette enfant sans lumière. Un jour que cette dernière s’était couchée suivant l’usage établi, elle fut réveillée en proie au pa-roxisme de la frayeur occasionnée par le chat de la maison qui, s’il n’avait pas besoin de lumière, cherchait du moins la chaleur. Voilà ce qui expliquerait la frayeur, les cris, la lutte qu’elle semblait soutenir avec un animal dans son délire nerveux. Mais auparavant, cette même enfant avait été

mise, toujours en apprentissage, chez une autre dame, moyennant un laps de temps et soixante francs que le père devait solder ; quelques mois après, la jeune fille demanda à être retirée de cette maison pour des motifs qu’il ne m’appartient pas de juger. De là, querelle et mécompte entre le père et cette maîtresse couturière. C’est alors que cette enfant aurait été menacée dans un avenir plus ou moins prochain ; quoi qu’il en soit de ces dires et de ces faits, l’enfant dans son délire accusait un homme lui ayant fait peur vers le milieu de l’hiver dernier, un soir qu’elle revenait chez sa tante par le chemin de fer de Camdeur à Restes, et passant le long de la cour de Beauvallet. Voilà encore ce qui expliquerait les crises au prétendu nom de marchand. Mais dans tout cela, je le dis et le répète, il faut se défier de l’erreur du délire. L’abbé X... aurait pu lui aussi par des discours, sorte de prédication intempestive, effrayer l’imagination de l’enfant à ce point de lui donner des crises au seul nom de religion. Voilà encore ce qui expliquerait les crises à ce sujet, comme aussi les brusqueries du père dans une crise, expliqueraient la répulsion de l’enfant à son égard, répulsion presque invincible, surtout lorsqu’on lui commandait de monter l’escalier conduisant chez lui. De là, crise, délire ; telle est l’histoire toute simple de la fameuse troisième marche. Ramener l’enfant à l’amour de Dieu par la prière, à l’affection de son père par la reconnaissance, à la société par la gratitude, éloigner de son imagination tout sujet de frayeur en la rassurant par l’idée logique, tel devait être le but du médecin, et c’est à quoi je suis parvenu en très-peu de temps, par la confiance, l’affectuosité des soins, le magnétisme, la musique. Le 3 octobre, à huit heures et demie du soir, deuxième visite ; je la soumets à l’action du fluide magnétique durant un quart d’heure et je continue malgré les -crises; après une demi-heure, cessation de la crise, neuf heures de sommeil. Jeudi 4, crise au réveil, accès violents et fréquents dans la journée : le soir, je la magnétise durant quelques minutes seulement, pas de crises, calme parfait, dix heures de sommeil. Vendiedi 5, absence de crises pen-

dant la journée ; je la magnétise le soir pendant quelques minutes, elle dort onze heures. Dans la journée je lui avais fait bêcher une plate-bande de jardin. Le 6, une toute petite crise au réveil ; la journée est bonne, je lui fais balayer la cour ; le soir elle est très-gaie; au milieu de ses rires je la magnétise comme de coutume, je la fais se déshabiller, coucher dans des draps, veiller par son frère et un seul homme : sommeil de dix heures. Le dimanche 7, au matin, elle va, accompagnée de la dame Didier, acheter dans les magasina ce dont elle a besoin. Elle vient déjeûner chez moi; je lui fais entendre de la musique au piano et la laisse aller dîner chez M. Lacroix ; la journée est bonne, je cesse toute action magnétique. La semaine suivante le mieux se continue ; elle mange, boit et dort bien ; elle travaille à scs robes ; on ne la veille plus, elle n’a plus peur. Elle revient d’elle-même aux idées religieuses comme à l’affection de son père. La musique l’intéresse, et je la fais monter chez son père en lui jouant sur le violoncelle l’air de la Grâce de Dieu. Fiat lux. Le charme est enfin rompu. J’ai pu l’amener ù, entendre la messe comme tout le monde. Tous ces faits sont de notoriété publique, m’étant toujours appliqué à éviter de me trouver jamais seul avec l’enfant, de manière à pouvoir être sauvegardé contre tous par l’évidence et la vérité du fait lui-' même. Nier n’est pas savoir. A ceux-ci je répondrai , comme à tant d’autres, étudiez et jugez. C’est pourquoi, me ran-. géant à l’opinion de feu l’illustre Dupuytren, je considère le délire hystérique comme purement nerveux. Délire qu’il ne faut pas confondre avec celui des fébricitants, pas plus qu’avec celui des aliénés, mais dont l’essence est du domaine des tempéraments nerveux, comme des enfants au-dessus de dix ans.

Réservant comme planche de salut, les moyens conseillés par le savant professeur, j’ai voulu, moi aussi, et avant toute chose, essayer dans la circonstance, comme agent thérapeutique, du fluide magnétique, fluide sur la nature duquel est loin d’avoir été dit le dernier mot. Lorsque vous aurez lu Puységur, Lutzelbourg, Tardy de Montravel, De-

leuze, Desion, Varnier, Georgct, llostan, et les dissertations devant la Faculté de médecine de Paris, années 1834, 1835, de MM. Jozwik, Hamard, Berna, etc., etc., peut-être aussi vous prendra-t-il quelque envie de tenter quelques essais. Mon intention, en publiant cette observation, est d’appeler l'intérêt médical à expérimenter dans de certains cas donnés ce nouvel agent. Peut-être ajoutera-t-on quelque créance à M. le professeur Bostan. Je le cite :

a On doit entendre par magnétisme animal, d’abord un état particulier du système nerveux, état insolite, anormal, présentant une série de phénomènes physiologiques jusqu’ici mal appréciés; phénomènes ordinairement déterminés chez quelques individus par l’influence d’un autre individu exerçant certains actes dans le but de produire cet état. L’existence du phénomène magnétique ne serait-elle fondée que sur l’erreur des sens de certaines personnes ou sur la fourberie de quelques autres? Ou bien les phénomènes magnétiques existent-ils réellement? Je le répète, ce que je m’en vais écrire, je l’ai vu, et je l’ai vu souvent; je ne me suis pas contenté de l’observer sur une personne, mais j’en ai soumis plusieurs à ce genre de recherches, j’ai pris pour sujet de mes observations des individus de différentes classes, de différents sexes, des personnes dont plusieurs ignoraient jusqu’au nom de magnétisme, des littérateurs, des élèves en médecine, des épileptiques, des dames du monde, des jeunes filles et dont quelques-unes mêmes craignaient de se prêter à mes expériences. J’ai continué ce genre d’examen pendant plusieurs années, par cela seul qu’il m’inspirait un grand intérêt. A un petit nombre d’exceptions près, j’ai toujours obtenu des phénomènes dignes de la plus grande attention, et dans presque tous les cas, ces phénomènes étaient identiques ou du moins analogues. Parmi ces phénomènes il en est de fort extraordinaires qui se présentent constamment, d’autres s’offrent souvent, d’autres enfin sont plus rares. M. Bostan cite lui-même Cuvier (Leçons d’anatomie comparée, tome II, p, 117, 9e leçon); La Place (Théorie analytique du calcul des probabilités, p. 358); enfin M. llostan termine en disant qu’un agent qui donne lieu à des résultats si intéressants et qui peuvent avoir sur les progrès de la médecine une influence si grande, ne devrait pas être méprisé par les médecins zélés pour leur art et pour le bien-être de l’humanité; tout en recommandant au gou-

vernement île défendre avec sévérité l’exercice du magnétisme, non pas seulement aux ignorants; dont certes le nombre n’est pas petit, mais encore aux imprudents, aux gens sans aveu ou mal intentionnés, dans ce cas le danger est à redouter. »

Comme la reconnaissance est ordinairement un acte aussi simple que rare, je ne terminerai pas cet article sans donner un public témoignage de gratitude à la maison de M. Paul Sevaistre, comme à M. Duval et à la dame Didier aussi bien qu’aux concierges, M. et M,,,c Brunet, qui, eux-uiêmes, ouvriers sans fortune, n’ont cessé jusqu’à présent de prodiguer leur soins avec tant de désintéressement à cette pauvre jeune fille. Je ne dois pas non plus oublier ces honnêtes ouvriers qui, empruntant sur les heures du repos, ont veillé si longtemps avec sollicitude la fille malade d’un de leurs frères.

H. C0RD1ER, docteur-médecin.

VARIÉTÉS.

DE DR1ESKEN NYPERS ET DE QUELQUES AUTRES.

Voilà quelques jours que Bruxelles était en rumeur par un événement qui mettait toutes les têtes en ébullition. Un homme était apparu, un pauvre diable de garçon de ferme, ne sachant, dit-on, ni lire ni écrire, habile seulement à préparer le lin, honnête au fond, naïf et bon de caractère ; cet homme faisait des merveilles, il faisait ce que des médecins pâlis sur les livres, instruits par la pratique, ne parvenaient pas toujours à faire : il guérissait; mais il guérissait sans médicaments et sans drogues, sans ordonnances pharmaceutiques et par le plus simple des procédés ; il imposait les mains sur la douleur, et la douleur fuyait; il touchait l’œil, et l’œil qui avait cessé de voir voyait aussitôt, les paralytiques marchaient, les sourds entendaient, c’était une suite de miracles inouïs, et, l’enthousiasme populaire aidant, peu s’en fallut qu’on ne se dît à l’oreille que le bon paysan du pays de Waes avait ressuscité quelque mort. Ainsi va le monde ; quand il y a gros de choses merveilleuses comme cela, l’imagination publique en fait des montagnes. Il fallait voir Driesken Nypers (c’est le nom et le surnom familiers de l’homme) poursuivi dans toutes les rues par des piétons et par des voitures, traqué dans toutes les maisons où il s’arrêtait, et la foule stationner, et les histoires aller leur train, et les sergents de ville se promener autour des groupes pour maintenir l’ordre, et les cabarets s’emplir là où le pinceur avait fait une guérison prodigieuse ou racontée telle. Cela dura deux ou trois jours; puis, le pinceur disparut et l’enthousiasme se calma. Le pinceur

était allé ailleurs continuer ses cures. On on parle moins, maison en parle encore; parlons-en si vous le voulez bien.

Un jour on apprit en Allemagne qu’un enfant avait une dent cl’or. Ce fut, comme on le pense bien , l’occasion d’un grand tapage. Une dent d’or! On n’avait jamais vu semblable phénomène. Les savants ne furent pas les derniers à s’émouvoir de la chose. Comment cette dent d’or avait-elle pu croître dans la mandibule de l’enfant? Ce fut là le thème de la dispute, car entre savants la dispute est de droit. Personne ne révoquait en doute que la, dent ne fût d’or, la difficulté était de trouver la raison du prodige. Ceux-ci l’attribuaient à telle cause, ceux-là à telle autre, chacun multipliant brochures et pamphlets en faveur de son dire.

L’Allemagne se divisait en cinquante partis acharnés, autant que de causes probables assignées à la dent d’or; le pays entier allait tout droit à la guerre civile, grâce aux savants, lorsqu’on sut un beau matin que la dent d’or n’était qu’une fraude, une mystification d’orfèvre, lequel avait adroitement adapté une mince feuille d’or autour de la dent. L’anecdote de la dent d’or est restée célèbre; Fontenelleen .a touché un mot dans son IIistoirc (les Oracles.

Est-ce à une dent d’or que nous avons affaire ? Prenons-y garde et ne nous laissons pas bénévolement mystifier. Toutes les fois que nous nous trouvons vis-à-vis d’un fait qui sort des cas ordinaires, qui contredit d’une manière éclatante les notions que nous avons acquises par l’examen attentif des phénomènes naturels, le doute, au moins, est nécessaire. Douter, selon Descartes, c’est philosopher, et philosopher, selon Descartes encore, c’est être sage.

Cependant, s’il ne faut pas trop facilement croire, il ne faut pas non plus trop facilement nier. Que savons-nous en effet de tous les phénomènes de la nature? Nous a-t-elle révélé tous ses secrets et n’en tient-elle pas en réserve au contraire pour nous dépiter et nous montrer qu’à côté de ce que nous avons si péniblement appris, il nous reste encore bien plus à apprendre ?

Voici des.gens qui viennent vous dire : Je souffrais et il

m’a guéri. — Ces gens sont nombreux, ils n’ont aucun intérêt à tromper, ils ne le connaissent pas et ne peuvent se coaliser pour décevoir ; d’ailleurs, dans quel but?

Répondra-t-on à ces affirmations : Non , vous ne souffrez pas, et il ne vous a pas soulagé; uon, vous n’êtes pas malade, et il ne vous a pas guéri. Je le sais, j’en suis sûr, parce qu’on ne guérit pas en imposant les mains sur les parties souffrantes; vous avez été dupes d’une illusion. L’amour du merveilleux vous a livrés, pieds et poings liés, à. une erreur dont votre imagination crédule a été la complice. Vous avez, beau invoquer des témoignages nombreux. Ces témoignages sont-ils dans les conditions nécessaires pour qu’on y ajoute foi?

Je ne prends pas pour juge un peuple téméraire. Il n’est pas de billevesées auxquelles le peuple n’ait cru. Que faut-il pour l’amener aux croyances les plus folles? Un phénomène inexpliqué, un fait aux apparences plus ou moin3 étranges, puis quelques ignorants qui crient au miracle. La foule accourt au bruit, elle admire, elle s’échauffe, elle se passionne ; essayez alors de la détromper, vous y perdrez vos peines. Et qu’a-t-elle vu ? Rien ; mais elle s’est laissé dire que d’autres avaient été témoins de choses prodigieuses» Cela lui suffit.

Oui, voilà ce que l’on répondra, et cette réponse ne sera pas si sotte. Car enfin s’il fallait accepter sans bénéfice d’inventaire, toutes les croyances qui ont cours dans le populaire, uniquement en raison du nombre de ceux qui croient, on se composerait un petit ensemble de fort singulières opinions.

Entre la science qui dit non et le peuple qui dit oui, il est facile au bon sens de choisir.

Mais la science, ne lui en déplaise, n’a pas dit son dernier mot, et voilà justement ce qui fait la difficulté. Elle est trop dédaigneuse de ce qu’elle a cru n’être pas de sa dignité d’apprendre, c’est là son moindre défaut. Autant le peuple peut se tromper par crédulité et ignorance, autant la science peut se tromper par suffisance et entêtement.

Voilà des faits, dit-on. — Eli ! mon Dieu, n’allez pas les accepter purement et simplement et les produire comme irréfragables, parce que le vulgaire se plaît à les tenir pour tels; mais, d’autre part, ne les rejetez pas sans examen. Avant de vous prononcer, mettez ces faits dans l’éprouvette, et, si vous les trouvez vrais, ne les niez pas. Dites seulement alors, ô science, que vous n’êtes pas encore assez savante pour les expliquer.

La faculté dont on prétend que Driesken Nypers est doué ne lui a pas été concédée en propriété exclusive, s’il faut s’en rapporter à certains bouquins. L’un des plus vigoureux et des plus hardis penseurs du quinzième siècle, Pierre Pomponace, ne fait aucune difficulté d’admettre qu’il y a des hommes dotés par la nature de la puissance de guérir des maladies par une émanation que la force de leur imagination dirige sur le malade. Lorsqu’ils emploient cette force, dit-il, elle affecte leur sang et leurs esprits animaux, qui, par une évaporation poussée au dehors, produisent de tels effets. Pour obtenir ces efiets, il faut avoir une grande foi, magnam fidem ; une imagination forte et une ferme volonté, vehementem imaginationem et fixum desiderium. Ces dispositions ne se rencontrent pas chez tous les hommes.

Pomponace ne cite personne en particulier, mais il semble résumer, dans ces paroles, des faits dont il aurait été témoin ; et Pomponace n’était pas un homme crédule, car il a composé le livre dont nous faisons mention ici pour démontrer que les prodiges attribués de son temps, soit à la magie, soit à l’intervention des démons, sont ou des supercheries ou des effets produits par une cause naturelle qu’on n’a pas su découvrir.

Mais ce n’est là qu’une théorie et nous n’y voyons aucun fai t. précis, déterminé, concluant. 11 faut arriver au dix-septième siècle pour rencontrer un homme qui présente des phénomènes analogues à ceux que l’on nous dit être produits par Driesken Nypers.

Cet homme, nommé Valentin Greatrakes, était une espèce de gentleman irlandais, né à Waterfort le 14 février 1028.

A l’âge de treize ans, la formidable insurrection de l(>/i I le força de se réfugier avec sa mère en Angleterre ; puis il retourna en Irlande pendant que Cronnvell la pacifiait à sa manière. 11 passa une année dans le château de Coperquin, livré à la contemplation et sujet à des accès irréguliers d’extase. 11 est probable que les sanglants désastres dont son pays était le théâtre agirent forcément sur son imagination. 11 prit du service dans le régiment de lord Orrery et servit contre les rebelles. Licencié avec son régiment en 1656, il obtient les fonctions de juge de paix qu’il perdit à la Restauration. L’inaction à laquelle il fut contraint le rendit à la contemplation et aux extases. Un jour il entendit une voix lui dire qu’il avait reçu le don de guérir les écrouelles.

Poursuivi par cette idée, que la raison combattait, il la tint secrète pendant plusieurs mois, mais il finit par en faire part à sa femme, qui ne vit dans ces phénomènes qu’une lésion de l'imagination. Greatrakes pensa d’abord comme sa femme ; cependant la voix ne le laissant pas tranquille, il alla trouver mystérieusement un écrouelleux qu’il toucha et guérit. Cette cure fit du bruit ; d’autres écrouelleux se présentèrent, môme succès fut obtenu. Dans un comté voisin, une fièvre épidémique s’étant déclarée, il fut averti par la voix et alla toucher les malades, dont il guérit un grand nombre.

Sa réputation fut bientôt faite, et les malades vinrent en foule à Alfane. Mais l’évêque de Lismore ayant été informé de ces faits, cita Greatrakes devant sa cour ecclésiastique pour avoir pratiqué sans permission. 11 lui fut défendu par sentence de traiter les malades par l’imposition des mains.

Son ancien colonel, lord Orrery, ne tint compte de l’arrêt de l’évêque. Sa belle-sœur, la comtesse de Convvay, souffrait depuis plusieurs années, d’un mal de tête invétéré ; il la confia aux soins de Greatrakes, qui la guérit en dépit de la sentence. Greatrakes quitta l'Irlande en 4606. Le roi Charles II voulut le voir à Whitehall. Il fit des guérisons à Londres et se logea près d’un hôpital où il alla tous les jours toucher des malades. Il eut de nombreux partisans, mais les francs-

penseurs de la cour légère et brillante de Charles II ne pouvaient s’accommoder de la simplicité des manières et de l’esprit pieux de Greatrakes. Plusieurs courtisans le poursuivirent de leurs railleries. Un médecin, le docteur Lloyd, éci'ivit contre lui un pamphlet sous le titre de Wonders no miracles (des prestiges ne sont pas des miracles) ; on chan-sonna le toucheur, on lui dit net qu’il n’était qu’un charlatan.

D’autres médecins prirent sa défense. Le docteur Stubbe publia une réponse au pamphlet de Lloyd; le docteur Fair-clow signala de nombreuses guérisons dont il avait été témoin ; Astelins, qui avait suivi Greatrakes dans sa pratique à l’hôpital, cita des faits concluants sous la garantie de sa bonne foi et de sa science.

La méthode de Greatrakes, d’après Astelins, consistait à appliquer la main sur la partie malade et à, faire des frictions légères de haut en bas. Lorsqu’une douleur était fixée dans un membre, il la faisait descendre peu à, peu et la chassait par les extrémités. Quand, par l’application de sa main, il avait excité l’action de la nature, il se produisait des excrétions de divers genres, comme sueurs, évacuations alvines, vomissements, etc. Souvent les douleurs devenaient plus vives lorsqu’il commençait à. agir, et ce n’était qu’après des frictions réitérées qu’elles descendaient par les extrémités. Les maladies que Greatrakes a traitées sont en très-grand nombre : la paralysie, la cécité, la surdité, l’hy-dropisie, la pleurésie, des fièvres de tout genre, des douleurs de sciatique, des tumeurs, des cancers, des écrouel-les, etc., ont été guéris par son seul attouchement, s’il faut en croire ses apologistes. Quelques malades retombèrent dans le même état après une guérison apparente ; d’autres ne purent être guéris malgré tous les soins, mais le plus grand nombre obtinrent une guérison complète.

Les médecins dont nous avons cité les noms et plusieurs ecclésiastiques ont fait l’éloge des mœurs et du caractère de Greatrakes; il ôtait bon, honnête, religieux, ne re-

cevait cl’argent île personne et se dévouait uniquement au soin des malades.

Il passa une année à Londres et parut s’ennuyer d’occuper de lui le public. 11 retourna en Hollande en 16(37 et mourut oublié en 1680.

Le siècle suivant vit naître un homme qui fit bien plus de bruit que Greatrakes et qui occupa pendant plusieurs années l’attention publique en Europe.

Cet homme, nommé Jean-Joseph Gassner, était né à. Bratz, sur la frontière du Tyrol et de la Souabe. Il fit ses études à lnspruck et obtint, en 1758, la cure de Klosterle, du diocèse de Coire. Il remplissait ces fonctions depuis quinze ans quand le bruit sc répandit qu’il guérissait des maladies par la simple imposition des mains. Il avait môme guéri, dit-on, une comtesse de Wolfegg par correspondance. Quelques malades vinrent à Klosterle et s’en retournèrent guéris. On en vit bientôt arriver par bandes de cinquante à. soixante, puis de cinq à six cents à la fois. Des villages entiers sc dépeuplaient, et le bon curé de Klosterle, qui refusait toute rémunération, ne savait auquel entendre. De toutes parts il recevait des lettres par lesquelles des malades éloignés et qui ne pouvaient se déplacor réclamaient ses soins. Il obtint de son évêque la permission de s’absenter et se rendit successivement à Wolfegg, Weingarten, Ravenspurg, Detlang, Kirchberg, Morspurg et Constance, où il fit partout des cures nombreuses.

Il racontait que, tourmenté longtemps d’un mal de tête intolérable que les médecins d’Insprucket de Prague n’avaient pu guérir, il avait cherché dans les ouvrages contraires aux exorcismes des moyens de guérison que l’art n’avait point trouvés. Selon lui, les maladies pouvaient être rangées sous trois espèces : les maladies naturelles, dont la médecine donne le remède ; les maladies diaboliques, qui ne pouvaient être guéries que par un exorcisme fait avec loi, et les maladies par ârconcemon, où l'invasion diabolique est compliquée d’aifection naturelle et contre lesquelles l’exorcisme ne réussit qu’en partie.

Ces explications ne touchèrent pas beaucoup le cardinal-évêque de Constance, qui le renvoya dans sa cure en 177/i ; mais les guérisons authentiques qui lui furent produites et les réclamations des malades engagèrent l’évêque de Constance à l’autoriser à revenir en celte ville et à continuer ses exorcismes. ce qu’il fit avec éclat à Elwang, à Sulzbach et à lla-tisbonne pendant toute l’année 1775.

A Sulzbach il y eut une affluence énorme de malades de l’Allemagne, de la Suisse et de la France. La guérison du grand bailli d’épée de la province de Bourgogne, atteint de la goutte, eut un grand retentissement.

Les exorcismes se pratiquaient dans uiie grande salle devant de nombreux témoins. Un notaire ou tout autre officier public tenait registre des interrogations, des réponses et des moindres circonstances. Les procès-verbaux étaient signés chaque jour par les assistants quels qu’ils fussent, et aucun de ces procès-verbaux, auxquels concouraient des médecins, des hommes de science attirés par la curiosité, ne contient, une seule protestation. Il faut remarquer que Gassner était d’un parfait désintéressement, d’une vie très-simple et très-austère, et qu’il refusait les rémunérations que lui offrait une légitime reconnaissance.

Pour convaincre les spectateurs par des faits concluants, Gassner faisait éprouver au pouls des malades des variations subites et extrêmes. Frédéric Ier, duc de Wurtemberg, l’aïeul du roi actuel de Wurtemberg, voulut en faire l’expérience. 11 choisit les malades, nomma les médecins qui devaient toucher le pouls et désigna les témoins. A la demande successive des médecins et à la parole de l’exorciste , le pouls passa par toutes les variations. Le procès-verbal de cette curieuse séance fut signé par le prince, scellé de son sceau et affirmé par tous les assistants. On le conserve encore dans les archives du Wurtemberg.

Tout le monde ne fut pas édifié par ces faits. Le père Sverzinger, théatin, qui suivit les exorcismes, déclara qu’il n’y avait rien vu de merveilleux, ni surtout de diabolique ; il prétendit que les guérisons obtenues étaient explicables

par quelque principe physique encore inconnu, mais qui sans doute se découvrirait.

Le célèbre de Haen, médecin de Maric-Thérèse et professeur de médecine pratique à Vienne, fut charmé d’examiner les faits relatifs à Gassner ; malheureusement il ne fut témoin d’aucune opération et dut s’en rapporter aux narrations qu’on lui en fit. De Haen, qui 11e croyait pas beaucoup à la magie, .avait établi à Vienne un hôpital de possédés où il s’était convaincu que ces malheureux n’étaient que des maniaques ou des mélancoliques. Son livre Magic? c.ramcn (1774) avait cette démonstration pour objet, et cependant, dans son ouvrage de Miracu/is qu’il fit paraître en 1776, il semble porté à croire qu’il faut considérer comme de nature diabolique certaines maladies guéries par Gassner au moyen de l’exorcisme. Ce dont de Haen ne comprenait pas la cause, il le nommait diabolique. C’était une manière d’échapper aux dillicultés.

Cependant l’autoritè ecclésiastique s’inquiéta du bruit que faisaient les opérations de Gassner et de la guerre de plumes qu’elles avaient suscitée. L’évêque de Constance, les archevêques de Prague et de Saltzbourg défendirent à Gassner de continuer ses travaux, et Joseph II, par son re-scrit de 1777, l’obligea de quitter Ratisbonne, où l’enthousiasme allait croissant pour sa personne.

Gassner se retira à Bondorff, où il mourut le 4 avril 1779. Depuis son départ de Ratisbonne, il avait complètement cessé ses opérations curatives, et l’on n’avait plus pensé à lui.

Voilà des faits sérieux, authentiques et plus que suffisamment garantis. N’en faut-il pas conclure quelque chose en faveur de Driesken Nypers?

Cet homme simple, entièrement illettré, n’a jamais entendu parler, sans doute, de Greatrakes et de Gassner; il ignore les merveilles qu’on a attribuées à l’un et à l’autre, et cependant il semble produire les mêmes effets par les mêmes moyens. Il guérit, comme eux, par l’imposition des mains, par des attouchements, par une vertu en quelque

sorte sympathique, aussi inexplicable chez lui que chez eux. Le docteur Van HorsebroucK, d’Exaerde, a recueilli quelques faits qui semblent confirmer ce qu’a énoncé la voix populaire; nous tenons nous-même d’une personne digne de foi le fait d’un soulagement notable opéré en quelques minutes par Driesken hypers sur un homme atteint d’un violent rhumatisme. Ce sont là des questions de fait qu’il serait facile de résoudre et qui mériteraient d’être résolues.

Voilà plus de soixante-dix ans que le magnétisme est le sujet de vives discussions; les uns y ont une foi parfaite, les autres ne veulent y reconnaître que du charlatanisme. Ces interminables débats n’ont rien appris. Mais si en effet, Driesken Nypers est doué de la faculté qu’on lui attribue, la constatation de cette faculté ne ferait-elle pas faire un assez grand pas à la question si controversée du magnétisme ? Une fois qu’il serait authentiquement établi que par le simple attouchement, par cette force que Pomponace décrivait avec tant de hardiesse, Driesken Nypers guérit réellement des maladies, soulage instantanément des douleurs, pourquoi se refuserait-on à croire que la faculté dont il est naturellement (doué ne pourrait être artificiellement obtenue dans de certaines conditions ?

Puisqu’une aussi bonne occasion se présente, ne la laissons pas échapper ; mais surtout évitons le retour de la mystification de la dent d'or. B. J.

(Indépendance belge.)

BIBLIOGRAPHIE.

SECONDE LETTRE DE GROS-JEAN A SON ÉVÊQUE, au sujet des tables parlantes, des possessions, des sybillcs, du magnétisme et autres diableries. — Brochure in-8°; Ledoyen, éditeur. 1855.

Nous ne connaissons pas la première lettre à laquelle fait suite l’opuscule que nous annonçons. Ce dernier ouvrage aura peut-être le tort de manquer d’à-propos et d’arriver un peu tax-d ; car les tables parlantes, qui naguère occupaient si vivement l’attention publique, sont à peu près délaissées. Toutefois, les hautes questions que soulève ce singulier phénomène ne sont pas subordonnées au caprice de la mode ; elles n’ont pas reçu de solution définitive, malgré les nombreux travaux publiés sur cette matière, et l’on doit encourager les efforts des écrivains qui présentent au public le résultat de leurs recherches et de leurs méditations.

L’auteur anonyme des Lettres de Gros-Jean a réuni dans une même série, comme étant dérivés de causes analogues, les phénomènes des tables et ceux de possession démoniaque , de somnambulisme , ceux des anciennes sybilles, pythies, oracles, etc. Il se prononce énergiquement, non seulement contre l’intervention des démons, mais aussi contre celle des esprits en général h et il croit pouvoir rendre compte de tous ces faits anormaux par l’examen des facultés de l'âme humaine. 11 commence par se livrer à des discussions métaphysiques qui nous ont paru manquer de netteté et de clarté. Aiusi, selon lui,

« Notre volonté ou faculté de réagir sur nous-mêmes fournit à la conscience l’idée de notre personnalité, l’idée du moi. ».

11 est évident que notre volonté n'est pour rien dans l’opération par laquelle l’individu s’affirme à lui-même son existence et distingue le moi du non-moi; notre conscience, à la voix de laquelle l’esprit ne peut refuser son acquiescement, nous dit ce qui est nous et ce qui est en dehors de nous.

L’auteur veut arriver à prouver que nous sommes, sans le savoir, les auteurs du langage des tables. C’est une thèse déjà débattue bien des fois, et sur laquelle néanmoins il y a encore beaucoup à dire. Les mouvements dont la combinaison forme l’expression des pensées suivies et raisonnées, annoncent clairement une volonté : on nous dit que cette volonté est la nôtre, quoique nous ayons conscience du contraire. 11 y a là une énorme difficulté, et les explications plus ou moins ingénieuses qu’on a données à ce sujet, ne nous semblent nullement satisfaisantes.

« La réponse, nous dit-on, est exprimée par les mouvements du meuble sans intervention de la volonté libre et réfléchie, l’organisme livré à lui -même obéissant à la pensée et aux conventions admises par l’intelligence. La volonté , le moi s’est séparé de l’appareil physique qui se trouve seul dans une situation d’indépendance (p. 9). »

Si la volonté du sujet s’est séparée de son appareil physique, et que cet appareil continue de produire des mouvements intelligents et volontaires, il obéit donc à une volonté étrangère...

L’auteur suit les divers degrés du phénomène :

« Le sujet n’a aucune connaissance interne de la réponse qui s’est formée dans son intelligence, en dehors du moi ; il n’en est instruit qu’à mesure que les mouvements de la table l’expriment : la division intellectuelle est complète (p. 10). ..

Voilà qui devient de plus en plus étrange : la réponse s’est formée en dehors du moi, et comme cette réponse n’est pas un simple fait mécanique, mais qu’elle révèle une personnalité, elle émane donc d’un second moi, d’une personne distincte du sujet ; cette conséquence mène tout droit au

système des esprits. L’auteur fournit donc des armes contre son propre système. Que serait-ce donc s’il comprenait dans les faits qu’il discute, les histoires bien avérées de medium écrivant sur des sujets inconnus et parfois dans des langues qui leur sont complètement étrangères ?

On prétend que les organes du sujet sont mus par /’instinct. .Mais c’est se payer de mots; car, quand un individu, à l’état de veille, jouit de la plénitude de ses facultés intellectuelles, il a conscience de ses mouvements instinctifs; et, d’ailleurs, si l’instinct de l’homme peut déterminer quelques mouvements appartenant à la vie animale, il ne peut produire des actes intelligents, des discours, des conversations suivies. A qui persuadera-t-on que, si j’ignore l’hébreu, mon instinct aura le pouvoir de me faire écrire dans cette langue?...

L’auteur nous cite des circonstances qui font de plus en plus ressortir combien sa théorie est inadmissible. 11 a vu un medium écrire une nouvelle, sans regarder le papier, en écoutant les personnes de la société et en leur répondant. Bien plus :

« Les tables dont on a un peu poussé l’éducation , montrent, nous dit-il, une intelligence qui dépasse la portée des opérateurs. »

N’importe , il se tire d’affaire en attribuant ces résultats à la seconde, personne qui s'est formée dans les medium... Comprenne qui pourra.

Quant aux coups mystérieux qui ont joué un si grand rôle, principalement en Amérique, il croit pouvoir les expliquer par une ventriloquie involontaire. Remarquons qu’il est excessivement rare de voir des ventriloques assez habiles pour produire, sans le secours des organes vocaux, des sons variés, imitant soit des voix humaines, soit des bruits, tels que ceux de la scie, du marteau, du rabot, etc., et de faire venir ces sons, à volonté, de toutes les directions. Est-il supposable que, dans tous les cercles où l’on a entendu des coups, et qui se comptent par dizaines de mille, il se soit

trouvé des individus doués de cette faculté exceptionnelle ? Nous savons que dans beaucoup fie cas où la vérification des faits a eu lieu avec le plus de soin, les individus qui entendaient ces coups, en étaient étonnés, épouvantés, et ne consentaient qu’avec effroi à lier conversation avec les auteurs inconnus de ces bruits étranges : comment donc admettre qu’ils les auraient produits eux-mêmes, ce qui aurait nécessité des efforts considérables et une attention suivie ? Et se seraient-ils ainsijentretenus avec eux-mêmes sans s’en apercevoir ?... L’hypothèse de la ventriloquie, déjà hasardée par M. Babinet, n’est pas 'plus soutenable que celle du jeu des muscles péroniers, et'l’on ne peut se flatter d’avoir aussi commodément raison de ces bizarres phénomènes.

On a recours aussi à l’hallucination contagieuse... On comprendrait cette explication s’il n’y avait à discuter qu’un petit nombre de ¿faits isolés; mais quand il s’agit d’expériences innombrables, faites dans différents pays et à différentes époques, en présence de témoins appartenant à toutes les classes, il est ^impossible d’admettre qu’il n’y ait eu qu’une série d’illusions. Bien des fois les coups se sont fait entendre en présence d’incrédules dont les dispositions morales n’étaient nullement en harmonie avec celles de la plupart des auditeurs, et qui ont cherché à en rendre compte par des hypothèses opposées à celles des spiritualistes : de tels investigateurs^étaient certes dans les conditions les plus favorables pour ¡échapper à la contagion morale; c’étaient des hommes positifs, d’un jugement froid et sévère; ils devaient être en garde contre les supercheries, aussi bien que contre l’entraînement de l’enthousiasme aveugle. Eh bien! néanmoins, ils ont aussi entendu ces coups dont la cause est restée pour eux une énigme indéchiffrable.

L’auteur présente, sur le somnambulisme et la lucidité, des observations qui ne sont pas sans mérite. 11 reproduit encore son; système d’une seconde personne, c’est-à-dire de la portion dissidente et exaltée du sujet, qui aperçoit des objets placés hors de la vue de la première. Les graves différences qui se trouvent entre les divers états d’un individu,

n’autorisent pas à reconnaître chez lui plusieurs personnes; ce qui serait un non-sens. Une personne arrivée à l’état de somnambulisme jouit de facultés qu’elle ne possède pas dans l’état ordinaire ; puis, la crise une fois terminée, elle n’en conserve aucun souvenir. Ces changements successifs sont analogues à ceux que produisent, chez tout le monde, les' passages du sommeil ordinaire à l’état de veille. L’individualité subsiste, quoique modifiée, et l’on ne voit pas là deux moi coexister simultanément, comme dans le cas du medium'.

Dans la dernière partie, l’auteur prend corps à corps la démonologie et la sorcellerie, et les combat victorieusement. Il explique, d’une manière judicieuse, les faits de possession, les voyages au sabbat et les phénomènes analogues, qui, pendant tant de siècles, ont donné lieu à d’innombrables procès où l’odieux le dispute au ridicule. La surexcitation du cerveau a suffi pour produire, chez certains individus, un état anormal dans lequel se sont développées des facultés exceptionnelles qu’on a eu tort de regarder comme surnaturelles, et qu’on n’hésitait pas à attribuer à l’action des démons. De modernes démonolàtres font encore des efforts insensés pour ressusciter les vieilles superstitions et ne craignent pas d’appeler les foudres de l’Eglise et de l’Etat contre les nouveaux sorciers, et le nombre en est grand, puisqu’ils y comprennent tous ceux qui s’occupent de magnétisme, tous ceux qui accomplissent des œuvres que la science de ces messieurs ne peut expliquer. L’auteur a flétri, avec autant de raison que d’énergie, les rêveries de ces adorateurs du passé, qui certainement ne réussiront pas à relever les bûchers.

A. S. MORIN.

LK MAGNÉTISME ANIMAL on présence de 1 Association médicale des Etats sardes, par M. I’easo Cajilo, docteur en médecine et en chirurgie. Brochure in-8°. Saluzzo, 1855.

L’Italie septentrionale est un des pays où le magnétisme

s’est répandu avec le plus de succès ; il compte parmi ses

sectateurs des hommes de science, des médecins distingués, des écrivains de talent, et l’application en est faite dans beaucoup de villes d’une manière aussi intelligente que profitable. La brochure que vient de publier le docteur Peano, est pleine d’intérêt et fait honneur à ses connaissances étendues et à son zèle ardent pour propager la vérité.

La première partie se compose d’un discours qu’il avait l’intention de prononcer devant le congrès médical de Cunio. Il y fait sommairement et avec clarté l’histoire du magnétisme; il rappelle les obstacles que n’ont cessé de lui opposer les corps savants, particulièrement eu France; il combat avec force l’incurie et l’obstination déplorable des hommes qui, manquant à leur haute mission , ont refusé d’examiner une innovation contraire à leurs idées reçues, et n’ont pas craint de la nier et de la dénigrer sans la connaître. Il prouve par des faits éclatants la réalité et l’utilité du magnétisme ; il montre l’avenir de cette belle découverte ; il espère même que, parles progrès du somnambulisme, on pourra perfectionner la physiologie, surtout en ce qui regarde le système nerveux, la phrénologie, la psychologie , et améliorer l’éducation morale du peuple. Parmi les cures qu’il cite et qui lui sont personnelles, il y en a une qui mérite être rapportée. — Une jeune fille de dix-huit ans, connue de toute la ville de Saluzzo, était atteinte, depuis l’âge de dix-sept mois, d’une paralysie de tout le côté droit du corps, qui atteignait les organes du mouvement, ceux de la vue, de l’ouïe et du goût; et toute cette région du corps était en outre l’objet de tremblements convulsifs appelés danse de Saint-Guy. On avait employé, mais en vain , toutes les ressources de la médecine. Après quelques mois d’un traitement magnétique des plus pénibles, M. Peano a obtenu les résultats suivants : il y a eu rétablissement de la sensibilité dans les organes de la vue, de l’ouïe et du goût; les tremblements convulsifs des muscles de la face et de la jambe ont disparu ; ceux du bras ont été considérablement diminués; la paralysie des muscles de la face a cessé, et celle de la jambe réduite à fort peu de cho.^e.

En résumé, l'auteur concluait à ce que le congrès invitât tous les comités de province à nommer dans leur sein des commissaires chargés d’étudier le magnétisme animal sous le contrôle de médecins ei autres notables, et que de toutes les expériences locales il fût rendu compte à la prochaine session du congrès.

Mais 011 ne pouvait se flatter qu’une assemblée de médecins adopterait une telle proposition, qui n’avait pourtantrien que de rationnel, puisqu’elle tendait à un examen sérieux et scientifique de phénomènes dont personne ne peut contester l’importance. Là comme ailleurs, l’esprit de routine l’emporta. M. Peano raconte, dans sa seconde partie, les tristes débats qui eurent lieu au congrès. Quoiqu’il se fût fait inscrire pour lire les développements de sa proposition et qu’il l’eût fait mettre à l’ordre du jour, on lui opposa de misérables chicanes, on discuta pour savoir s’il devait faire sa lecture, et l’on perdit à celte vaine discussion beaucoup plus de temps que n’aurait demandé l’examen contradictoire de sa proposition qui finit par se trouver enterrée. Voilà déjà bien des fois qu’on enterre ainsi le magnétisme qui ne s’en trouve pas plus mal. Que M. Peano se console, il ne tardera pas à prendre sa revanche, et elle sera éclatante.

La troisième partie est consacrée aux relations de guérisons que l’auteur a obtenues par le magnétisme. 11 décrit minutieusement, de la manière la plus claire et la plus méthodique, les caractères des maladies, les effets qui se sont manifestés pendant le traitement et les résultats définitifs, et présente ainsi un historique complet de l’expérience. Ce sont là les meilleures réponses à ses collègues qui lui ont interdit la parole; heureusement ils n’ont pu lui interdire l’action, et le public jugera si d’aussi belles cures, dans des cas où la médecine ordinaire est impuissante, sont indignes de l’attention d’hommes qui font profession de guérir.

a. s. MORIN.

INSTITUTIONS.

IiiNlItut i|iic «le Turin.

On nous communique le prospectus île cette institution, qui sera dirigée par M. Eugène Allix, professeur de magnétisme , avec le concours de M. Annibal Camiletti, docteur en médecine. Le directeur, profondément pénétré de l’utilité du magnétisme appliqué au traitement des maladies, et particulièrement des maladies nerveuses, a voulu organiser d’une manière régulière, dans la capitale des États sardes, l’application de cet agent merveilleux. Les statuts nous paraissent sagement conçus. L’institution compte pour se soutenir sur le concours dévoué des amis du magnétisme ; on y traitera gratuitement les malades qui se présenteront avec une carte d’un souscripteur et qui sont indigents ; les personnes aisées verseront une rétribution facultative; elle sera obligatoire pour les riches. A l’arrivée de chaque malade, le médecin de l’établissement constate son état ; il est tenu note jour par jour des magnétisations faites et des résultats obtenus. Des dames seront chargées de magnétiser les personnes du sexe à qui il pourrait répugner de se faire magnétiser par des hommes. Tout malade qui désire obtenir l’insensibilité par le magnétisme, à l’effet de subir une opération chirurgicale, pourra recourir à l’institut. On emploiera au besoin la lucidité de somnambules dont la rétribution figure au budget.

Sont joints à l’institution des cours d’anatomie, de physiologie et de magnétisme, des séances expérimentales, des conférences sur le magnétisme ; et la société, entre autres moyens de propagation, publie le journal II Mcsmerisla.

L’Italie marche dans la voie du progrès : espérons que ses efforts seront couronnés de succès.

a. s. MORIN.

Le Ocrant : HfcüEltT (de Garnay).

F A 5 T o ET EXPÉRIENCES.

LE SPIRITUALISME EN AMÉRIQUE.

(Suilc.)

La Journal de i Homme (Buchanan’s Journal of Man), recueil mensuel publié à Cincinnati, traite d’anthropologie et spécialement de phrénologie ; il occupe un rang distingué dans le monde savant. On y remarque plusieurs articles fort intéressants sur le magnétisme animal et sur les manifestations des esprits. Le numéro d’octobre dernier contient un article curieux sur l’ouvrage intitulé le Mesmérisme dans l’hul■, par le lieutenant-colonel I);ividson. Cet officier, qui a résidé vingt-huit ans dans les Indes, atteste que les habitants de ce pays emploient habituellement des pratiques qui ne sont autre chose que le mesmérisme, principalement pour la guérison des maladies. Il en cite quelques exemples qui méritent d’être rapportés. Un de ses domestiques souffrait cruellement d’un rhumatisme chronique : ses mains , ses poignets, ses genoux et toutes ses articulations étaient dans uu si triste état, qu’il était incapable de faire aucun service. Il demanda un congé de quelques jours pour se faire traiter, ce qui lui fut accordé.

« Quatre ou cinq jours après, dit M. Davidson, je le vis de retour. A 111011 grand étonnement, il était joyeux et riant, et ses membres étaient aussi agiles que les miens. — Comment, lui dis-je, tu es déjà de retour?— Oui, Monsieur, me dit-il, et je suis parfaitement guéri. Je lui demandai à quelle médecine il avait eu recours. — Je n’ai pris aucun remède, me répondit-il ; j’ai appelé deux magiciennes du Tome XIV. - S» *«•». — 10 Décembre 1855. 2r.

bazar, je leur ai donné à chacune deux sols, et elles m'ont guéri. Elles m’ont placé sur un coussin, elles sc sont mises à mes côtés et ont passé leurs mains sur mon corps en faisant ainsi (et il a décrit les passes mesmérionnes) : il en est résulté le sommeil, j’ai dormi profondément. Quand je me suis réveillé, j’étais délivré de mon rhumatisme, et maintenant, je me trouve parfaitement bien. Je ne connaissais pas alors le mesmérisme, ajoute l’auteur; au lieu d’examiner le fait, je me contentai d’en rire et d’envoyer mon domestique à sa besogne, dont il s’acquitta dès lors avec beaucoup de diligence. Je m’assurai depuis que les naturels de l’Inde ont fréquemment recours à ce moyen pour guérir les rhumatismes. Us cachent aux Anglais beaucoup de leurs usages dignes d’être étudiés, parce que nous nous en moquons et que nous n’en parlons qu’avec un dédain très-peu philosophique. »

« Une femme robuste, qui était à mon service, fut mordue par un serpent venimeux (très-probablement un cobra ou un naja); le poison fit rapidement des ravages terribles. La malade perdit ses forces; on fit venir le l)r Grimes, qui employa, mais en vain, toutes les ressources de la médecine. Reconnaissant enfin l’inutilité de ses efforts, il la laissa dans un état désespéré.

« Un Indien assura qu’il y avait dans le voisinage un empirique ambulant qui, par des charmes, guérissait des morsures de serpent.On demanda l’assentiment du docteur, qui répondit : — Soit, si la venue de cet homme peut consoler la famille, qu’on aille le chercher, mais c’est une femme morte. Après un temps un peu long, le magicien arriva et commença ses incantations. Je n’étais pas présent à la scène qui se passa dans mon domaine; seulement, je suis certain

Ïju’aucune médication ne pouvait être employée et que les orces de la femme étaient épuisées, bien que son corps fût encore chaud. Le sorcier s’assit à côté d’elle et se mit à agiter son bras au-dessus du corps de la femme, tout en murmurant un chant. Il continua ce procédé jusqu’à ce qu’il la tirât de son insensibilité, ce qui eut lieu au bout d’un quart d’heure. Elle était sauvée. »

M. Davidson rapporte un fait curieux de fascination. Il traversait, à la tête d’un détachement, une forêt qui passait pour un repaire de tigres et d’autres bêtes féroces. Il recommanda que personne ne s’écartât. Mais un soldat nommé Skelton, emporté par son amour pour la chasse, s’éloigna

armé d’un fusil et (le munitions afin de se distinguer en abattant quelque tigre. Si son absence n’eût pas été remarquée par ses camarades, il est probable que sa désobéissance aurait eu pour conséquence de le faire dévorer par quelque animal. Mais dès que son absence fut signalée, le commandant ordonna qu’on se mît à sa recherche. Un peloton de soldats se mit en marche et trouva bientôt le chasseur, le fusil à la main, immobile et comme frappé de stupeur, les yeux fixés sur un buisson à environ vingt verges (1) devant lui. On lui parla, mais il ne put répondre. On le secoua poulie tirer de cet état, mais ses yeux continuaient toujours d’être fixes. C’est alors qu’on observa dans la direction de ses regards la tête d’un tigre dont les yeux étincelants étaient attachés à la proie qu’il convoitait, pendant que sa longue queue se balançait avec grâce au-dessus de son dos, en signe de joie du festin préparé. On tira sur le tigre, qui tomba criblé de balles. Skelton fut ramené à sa tente. L’ébranlement qu’il avait reçu au cerveau était tel, qu’il fut plusieurs jours avant de recouvrer sa vivacité ordinaire.

Il est probable que, dans cette circonstance, la fascination avait été réciproque entre l’homme et l’animal. Chacun d’eux était immobile et comme paralysé par le regard de son adversaire. C’était un duel étrange où l'arme était le regard. L’issue en était douteuse ; il semble cependant que l’homme commençait à faiblir, et il aurait bien pu succomber sans l’intervention brutale des soldats.

Le Journal de l’Homme rend compte avec éloge de l’ouvrage du professeur Grégory sur la clairvoyance, dont nous avons entretenu nos lecteurs. Il consacre un article étendu aux manifestations spiritualistes d’Athènes (État de l’Ohio), dont nous avons déjà donné un récit que nous allons compléter par quelques citations. Un fermier nommé Koons, du comté d’Athènes, étant devenu médium, les esprits lui commandèrent de construire une cabane de bois de quatorze pieds de long sur douze de large, sans fenêtre, près de sa

(1) La verge ou yard, est de quatre-vingt-onze centimètres.

maison, et d’y placer une table couverte d’une certaine façon île légers fils de fer : on lui indiqua en détail les dimensions et les dispositions de ces objets ; il fallut y joindre plusieurs instruments de musique. 11 se conforma il toutes ces prescriptions. Des manifestations eurent lieu; son fils et plusieurs voisins devinrent médiums. Le bruit de ces phénomènes singuliers se répandit au loin. Un homme très-recomman-dable de notre connaissance fit le voyage pour les observer. Il s’arrêta à quelque distance de la demeure de M. koons» prit sur lui et sur sa famille des renseignements qui furent très-satisfaisants. Le soir il se rendit dans la cabane. 11 s’assit à côté du fils de M. Koons à un bout de la table ; huit ou dix médiums occupèrent un banc; il y avait en outre une vingtaine de curieux. M. Koons se mit à jouer du violon, et aussitôt tous les instruments l’accompagnèrent; ces instruments , à l’exception des tambours, étaient mus en même temps avec une extrême rapidité dans toutes les parties de la salle, et de temps en temps une voix sévère se faisait entendre et sortait de la trompette. Cette voix s’annonça comme étant celle d’un nommé Roi (King), qui était le chef d’orchestre , et déclara que les instrumentistes étaient des préa-damites qui avaient vécu il y a plus de dix mille ans. Ces esprits sont au nombre de cent soixante-huit. Leur langage est un jargon inintelligible, mais quelquefois lloi s’exprime dans le plus pur anglais, qu’il dit avoir appris depuis peu, ainsi que ses compagnons. Les voyants disent qu’ils aperçoivent ces esprits, qui ont la forme humaine et sont bien proportionnés, et dont la stature n’est que de vingt-huit pouces. Us ajoutent que, pendant le concert, les esprits qui n’y prennent pas part forment plusieurs cercles autour de la salle, se livrent ii toutes sortes de plaisanteries et paraissent s’amuser beaucoup de tout ce qui se passe.

Les manifestations musicales dont notre visiteur a été témoin sont encore moins étonnantes que d’autres faits qui ont eu lieu d’autres fois, et qui lui ont été rapportés par des témoins en qui il a toute confiance. Les esprits placent une baguette de tambour dans la main d’un visiteur en frap-

p.ant un grand coup. La personne reçoit la baguette et ne sent pas de main au bout ; elle tâte tout autour et ne trouve rien ; puis tout à coup la baguette lui est enlevée et mise dans la main d’un autre, qui cherche aussi et ne trouve rien h F extrémité de la baguette. Le facétieux Roi pose le pavillon de la trompette dans l’oreille d’un individu et joue une fanfare des plus bruyantes. L’individu sent le contact de la trompette, mais tâte en vain pour saisir celui qui en joue ; il ne rencontre rien, et le jeu n’en continue pas moins. Roi fit mettre sur la table du phosphore ; on en frotta du papier, ce qui donna le degré de lumière que peuvent supporter les esprits ; une lumière plus intense neutralise leur pouvoir.

Une main d’un aspect sinistre (l) se posta devant le ne/, d’un de nos amis. Celui-ci, sans s’effrayer, la saisit et la trouva dure et chaude ; elle resta immobile entre ses doigts. Un esprit jovial se mit alors à'jouer de l’harmonica à l’autre extrémité de la chambre, sous les solives. La main saisit le papier phosphorique et le promena à travers l’espace jusqu’il l’endroit occupé par celui qui l’avait saisie.

Le bruit s’arrêta tout à coup, et la main revint sous le nez du même expérimentateur. La musique alors recommença dans un autre coin. La main s’agita, joua de l’harmonica et répandit la même lueur. La musique s’entendit sous la table, la main se démena aussi sous la table et frappa celui qui avait voulu l’arrêter. Elle prit une plume et écrivit sur un sujet général.

« Comme nous n’avons pas vu ce document, dit le correspondant du journal, nous ne pouvons en apprécier le mérite littéraire ou intellectuel. Enfin, la main disparut et l’on ne vit plus rien. Les personnes qui ont assisté à plusieurs séances disent que, quand tout est bien coordonné, la main se meut autour de la chambre et frappe amicalement los mains des assistants. Plusieurs personnes sont tellement

(i) On petit rapprocher ce fail delà main noire qui apparut à Cidovilie, d'apres M. de Mirville.

épouvantées «le cette apparition mystérieuse et du clioc de cet objet isolé, qu’elles n’ont pas le courage de supporter longtemps ces épreuves. On assure qu’un incrédule retint la main et chercha à pénétrer le secret : il ne trouva rien au-delà du poignet. Il fut, «lit-on, renversé en punition de son audace, et personne depuis n’a renouvelé cette tentative. D’autres fois, la main s’évanouit comme un gaz quand on la serre trop fortement. »

Mais notre correspondant ne connaît ces derniers faits que par ouï-dire.

Parmi les autres choses singulières qu’exécutent les esprits dans la cabane, il y a des communications par écrit et des peintures en encres de couleurs qui se font quand il n’y a personne dans la salle. Le correspondant possède un message de Bunyan et un tableau représentant le char d'un esprit ; ces deux pièces sont données comme ayant été exécutées dans ces conditions. Le char est très-joliment peint : il ressemble au char de l’Hippodrôme, deFranconi, et au temple de Jaggernaut.

M. Koons n’impose aucune rétribution, mais quand on prend des repas ou que l’on couche chez lui, il ne refuse pas le salaire qu’on lui offre.

Les esprits sont si contents de leurs exercices chez M. Koons, qu’ils ont commandé à M. Tippey (qui demeure à deux milles de là) de construire une cabane semblable : on est en train de l’élever.

L’éditeur du journal conclut en déclarant qu’il ne lui est pas parfaitement démontré que ce soient des esprits qui soient les auteurs de toutes ces manifestations ; il serait bien possible, suivant lui, que ce soit l’œuvre de quel«iue rusé compère, surtout avec le concours de huit médiums. Toutefois il ne révoque pas en doute l’honnêteté de M. Koons. II se borne à exposer les faits comme étant les plus étonnants parmi ceux qui ont été attribués aux esprits.

Nous ne connaissons que par les titres le Messager de la lumière ( Messenger uf (lie light ) et la Nouvelle ère ( the New era). Le Cercle sacré (the sacrcd Circle) est un re-

cueil mensuel publié à New-York, et qui s'occupe exclusivement du spiritualisme : il est dirigé par MM. Edmonds, Dexter et Warren ; les deux premiers sont auteurs d’un ouvrage fort important et fort estimé sur cette matière. Nous remarquons, dans les numéros de juin et juillet dernier, une dissertation lumineuse du major Raine, sur les phénomènes du spiritualisme. 11 suppose l’existence d’un fluide qu’il appelle spirod, qui serait distinct des fluides impondérables connus jusqu’ici (lumière, chaleur, électricité , magnétisme minéral), qui aurait quelque analogie avec Yod de Reichen-bach, et qui en différerait à certains égards : ce fluide s’échapperait du corps humain dans certaines circonstances, serait dirigé par la volonté, deviendrait l’agent d’une force considérable et serait notamment la cause du mouvement des tables tournantes. Le spirod émane de toutes personnes, quoique, chez quelques-unes, il ait une intensité trop faible pour être constatée ; il peut se transmettre par presque tous les corps inertes, il peut s’y accumuler. L’auteur prétend que la force développée par cet agent peut être très-considérable et transporter des fardeaux énormes ; il pense que les anciens l’avaient étudié et s’en sont servis pour mouvoir les masses colossales de pierre qui entraient dans leurs constructions. 11 prévient une grave objection, c’est qu’à toute action répond une égale réaction. Or, dit-il, si une table ou tout autre objet est repoussé loin du médium avec une force capable de résister aux efforts que fera une autre personne pour en arrêter le mouvement, le médium n’en parait pas affecté le moins du monde, et n’éprouve pas de réaction. Si néanmoins le médium est le foyer d’où émane la force, ce résultat est une anomalie. L’explication qu’en donne l’auteur au moyen de la polarisation des forces, ne nous paraît pas satisfaisante. Quant à son spirod, nous lui ferons remarquer que nous avons déjà bon nombre de fluides hypothétiques, et qu’en en augmentant le nombre, on est loin de faire avancer la question. 11 est évident que si le fluide magnétique animal existe, il peut suffire à la tâche attribuée à Yod et au spirod.

Dans son second article, Al. Raine cherche à préciser les cas où l’intervention des esprits peut seule rendre compte de ce qui se passe.

Nous terminerons notre revue en citant un fait de la plus haute importance, que rapporte M. Dexter dans le mered Cire te (page 102).

Cas chirurgical remarquable. — « Au mois d’octobre dernier, j’allai voir un ingénieur dont les doigts médium et annulaire d’une main avaient été coupés par une machine. Le doigt du milieu avait été séparé à la première phalange, et le doigt annulaire l’avait été environ à la moitié de sa longueur. 11 coulait beaucoup de sang, les moignons étaient déchirés, et les extrémités des os s’étendaient au delà du bord des chairs. Quand j’entrai dans l’appartement, les portions séparées des doigts n’avaient pas été recueillies : je demandai qu’on les cherchât. Quelqu’un alla à l’atelier, les trouva sur la machine et me les apporta : ils étaient entièrement froids, quarante minutes s’étant écoulées depuis l’accident.

« Je me disposais à panser les moignons, et je ne supposais pas qu’il fût possible de faire reprendre les portions détachées, quand je sentis sur mon épaule le contact d’une main invisible, et j’entendis une voix qui murmura distinctement à mon oreille : Applique les tronçons sur les moignons et bande les plaies. J’avoue que je doutai de l’exactitude de la suggestion, et pourtant, je ne pus résister à la tentation d’essayer l’expérience. En conséquence, et quoique les morceaux détachés fussent froids et parussent ne conserver aucune étincelle de vitalité, je les rapprochai des plaies et j’enveloppai les doigts de linges. Je laissai le malade en lui disant que j’avais fait un essai pour voir s’il était possible de faire reprendre des bouts de doigts, mais que je craignais bien de ne pas réussir.

« Je ne parlai à personne de la suggestion de l’esprit, décidé à attendre l’issue du traitement. Cela dura six semaines. Il n’est pas nécessaire de détailler ici les circonstances précises du traitement. 11 me suffira de dire que

quand je quittai la ville au mois de janvier pour aller prêcher dans 1*Ouest, les doigts étaient bien près d’ètre guéris. J’ai examiné mon malade aujourd’hui (24 avril), ses doigts sont entièrement guéris, et il s’en sert aussi bien qu’avant l’accident. Les parties détachées et que j’ai rajustées, sont si nettement remises, qu’il est difficile de marquer la place du raccordement, et qu’à examiner les doigts, on ne croirait pas qu’il y ait eu jamais d’accident. Il est bon de rappeler que les morceaux avaient été détachés pendant quarante minutes, et que je les trouvai froids et ratatinés. Maintenant ils font corps avec le reste, et les ongles sont aussi bien faits qu’auparavant. Un des doigts est un peu plus court qu’il n’était, mais cela a l’air d’une imperfection naturelle.

« Je rapporte ce fait pour montrer la sagacité des intelligences qui nous eutoureut, et qui emploient leur action pour nous être utiles quand les circonstances le permettent.

i II m’est arrivé souvent, durant le traitement, de demander aux esprits si je réussirais, et la réponse a toujours été affirmative. Une fois, les portions rajustées paraissaient prêtes à se détacher, mais on m'assura que ça n’aurait pas de suites ; je fus poussé à employer une certaine lotion (1), ce que je fis avec succès.

« Quelques personnes penseront peut-être que les suggestions sont venues de.mon propre esprit et non d’une source étrangère. Si je n’avais senti que j’étais dirigé par l’intelligence d’un être invisible, je ne me serais pas décidé à tenter une expérience qui, dans les conditions ordinaires, ne peut aucunement réussir. Quant à ceux qui sont curieux de vérifier le fait, je les engage à venir me trouver : j’offre de les accompagner chez la personne guérie. »

a. s. MORIN.

(1) 11 est à regretter que M. Dexter n'ait pas spécifié cette lotion.

CLINIQUE.

THÉRAPEUTIQUE MAGNÉTIQUE.

Traitement tCune tumeur synoviale du poignet.

M11' Olympe Breton, âgée de dix-liult ans, souffrait de la dyspepsie ; de plus elle avait, depuis quatre ans, au poignet gauche une tumeur synoviale. Dans le commencement, 011 n’avait fait aucune attention à cette dernière affection, que l’on avait attribuée à un nerf foulé, et qui ne causait alors aucune souffrance. Mais la tumeur s’accrut peu à peu et occasionna de vives douleurs qui s’étendirent jusqu’au coude et finirent par devenir intolérables. On prit enfin le parti de recourir à une somnambule, qui prescrivit des dépuratifs dont l’emploi 11’amena aucun soulagement. On s’adressa ensuite au médecin de la localité, qui ordonna d’autres remèdes sans plus de succès : il proposa une opération, mais en faisant observer qu’il pourrait en résulter de graves accidents qui pourraient même rendre l’amputation nécessaire.

Quand la malade me fut présentée, il y avait deux mois et demi qu’elle avait entièrement perdu l’appétit et qu’elle était privée de sommeil; les règles ne paraissaient qu’un jour et en petite quantité ; le sang était pauvre, le teint marbré et d’un rouge violacé, la tumeur était de la grosseur d’une noix. Malgré sa faiblesse et ses souffrances, elle vaquait toujours aux travaux du ménage, bien que ses parents ne comprissent pas qu’elle pût agir dans un aussi triste état.

Elle consulta M°‘* Ogier, qui en somnambulisme lui ordonna , pour toute médication, de se faire magnétiser par passes générales à grands courants, par passes longitudinales le long du bras malade, de faire magnétiser la tumeur par

contact, et de boire chaque jour un demi-verre cl’eau magnétisée. Je me chargeai du traitement après avoir fait constater l'état de la malade par M. le docteur Léger. Voici quels en ont été les résultats :

Après la seconde magnétisation, les douleurs du bras ont cessé, la tumeur a diminué de volume et s’est amollie.

A la quatrième, l’appétit et le sommeil sont revenus.

A la huitième, la tumeur s’est trouvée diminuée des deux tiers.

A la neuvième, les douleurs se font sentir jusqu’à l’épaule ; l’appétit est tel que la malade peut à peine attendre les heures des repas ; le sommeil est bon ; le teint est encore foncé, mais les marbrures ont disparu. Le somnambulisme se déclare ; le sujet est sensible à l’attraction, et je produis à volonté la catalepsie.

Dixième séance. — L’appétit est tellement vif que la malade mange en somnambulisme.

Douzième séance. — La tumeur est dure... Les règles viennent en avance de deux jours et durent deux jours.

Vingtième séance. * La tumeur s’aplatit tout à coup; on ne sent plus au toucher qu’une petite poche molle semblable à un grain de raisin vide.

Vingt-huitième séance. — Les règles reparaissent sans occasionner aucune douleur, et durent quatre jours dans de bonnes conditions.

Au 4 août dernier, après trente séances de magnétisation, j’ai obtenu : le retour de l’appétit et du sommeil, le rétablissement normal des règles, la résorption du liquide contenu dans la tumeur, et la disparition des marbrures et de la couleur violacée des joues et des mains.

Du à août au 3 septembre, il y a eu vingt-quatre magnétisations dirigées spécialement sur la tumeur et ayant pour but de faire disparaître la peau ou enveloppe qui avait contenu le liquide. Mais cette période du traitement n’a pas été aussi heureuse que la première. La tumeur s’enflait parfois et prenait une teinte d’un rouge violacé, puis elle diminuait tout à coup ; la peau devenait écailleuse, puis reprenait l’as-

pect normal ; il y avait des jours où l’on aurait pu croire à une guérison parfaite. La malade en somnambulisme disait, ainsi que MIUC Ogier, qu’il fallait une forte inflammation pour souder la peau. C’était aussi l’avis de M. Léger. L’enflure qui se manifestait de temps en temps semblait annoncer l’apparition de cette inflammation. A la suite de ces alternatives, la malade a cessé de se faire magnétiser, quoiqu’elle fût bien convaincue de l’efficacité du magnétisme ; mais sa tante, chez laquelle elle demeure à Maison-Laflitte, frappée de ce que la malade en somnambulisme avait prédit pour un jour fixe sa guérison parfaite, qui néanmoins n’a pas eu lieu, pensa que l’on ne pourrait obtenir du magnétisme au-delà de ce qui avait été obtenu.

Depuis le 3 septembre, je n’ai pas revu la malade , et cependant je n’ai pas perdu l’espoir de compléter mon œuvre. Le magnétisme ayant développé beaucoup de sensibilité, je l’endormis à distance au moyen de corps intermédiaires ; je l’instruisis par lettre pour qu’elle se magnétisât elle-même pendant son sommeil que je ne faisais durer qu’une heure. J’ai appris par correspondance que ces moyens réussissaient et que le bras allait bien. La malade m’a écrit que sa tumeur ne la faisait plus souffrir, mais qu’elle n’a pas encore disparu tout à fait. Du reste, sa santé est excellente. J’ai dû m’en tenir à ces travaux dont les résultats, comme on voit, sont très-satisfaisants, et j’ai cessé de magnétiser à distance, dans la crainte de troubler le cerveau.

J’ajouterai à ma relation une particularité curieuse. Mllc Olympe avait la mauvaise habitude de se coucher à gauche ; elle se plaignait d’avoir le cauchemar et d’éprouver des points de côté à gauche. Je lui appliquai la main droite sur le front, et de la main gauche, je fis des passes du côté droit, en lui disant que je magnétisais ce côté et en même temps son matelas, avec l’intention de la faire toujours coucher sur le côté droit ; je l’assurai qu’elle s’en trouverait bien, et je lui défendis de se coucher à gauche. Je lui demandai le lendemain, à l’état de veille, de quel côté elle s’était couchée. — Du côté droit, me dit-elle. Je lui deman-

ilai pourquoi elle s'était ainsi départie de son habitude. — Je ne «iis pas, me répondit-elle, à quoi cela tient; je inc suis sentie entraînée du côté droit, comme si mon matelas m'attirait; je me suis tournée île ce côté et j’ai parfaitement dormi. Depuis, elle a \aincmcnt essayé de se coucher à gauche, elle ne peut plus se coucher qu’à droite.

OGIER.

SOMNAMBULISME NATI»KL.

Le Greensburgh Press rapporte qu’un fermier nommé Hise, demeurant dans le comté de Dccatur (lndiana), venait de vendre sa ferme moyennant 1,190 dollars. Le prix lui fut payé en or, et il le plaça dans un sac de tapisserie qu’il attacha à la flèche de son lit, puis il se tint tranquille. Le lendemain matin, le sac et l’argent avaient disparu : c’était tout ce qu’il possédait au monde. Pour comble de malheur, il avait acheté une autre ferme, et il devait en payer le prix le lendemain. Dans la journée (c’était un vendredi), le sac fut trouvé dans le creux d’uu tronc de peuplier près de sa grange; il y avait dedans un livre de poche, mais pas la moindre monnaie; le voleur sans doute n’avait emporté que ce qui lui convenait. La nuit suivante, mis-tress Hise fut réveillée par le mouvement de son mari qui sortait du lit. Elle se leva et observa ses démarches. 11 alla à la grange, et, après avoir un peu cherché, il en sortit tenant l'argent dans sa main et alla au creux de l’arbre où le sac avait été mis. Alors sa femme l’éveilla, et il éprouva une grande joie quand il vit qu'il n’v avait rien de perdu. 11 est évident que, la nuit précédente, tout en dormant, il avait été tourmenté relativement h son argent et qu'il s’ôtait levé pour aller le cacher; puis, la nuit suivante, craignant que son trésor ne fût pas bien en sûreté, il était allé l’enlever pour le mettre dans un endroit plus sûr. Heureusement pour lui, sa femme l’avait suivi la seconde fois dans ses promenades somnamLuliques, et ainsi elle sauva leur fortune.

(T/te Journal of Mail, de Cincinnati.)

CONTROV ERS

DE L’OBSESSION MAGNÉTIQUE.

L'Union magnétique a publié, dans scs numéros de mai et de juin, une étude sur l'influence magnétique à distance du genre subversif, ou obsession, et a reproduit des extraits étendus d’une brochure qui a paru en 18/i0, et ayant pour titre : Observation de magnétisme occulte, par Émile Roy, docteur en médecine, ancien chirurgien major. L’auteur raconte que trois magnétiseurs ambulants ont entrepris de le torturer, et n’ont que trop bien réussi à troubler son repos, à altérer sa santé et à égarer sa raison ; il décrit minutieusement les souffrances physiques et mora'es qu’il éprouva du moment où il tomba sous l’influence de ces trois bourreaux invisibles dont l’action s’exercait à distance. Un de ses tourments consistait à entendre des voix qui l’insultaient ou le calomniaient; il distinguait parfois les auteurs de ces propos offensants, parmi lesquels se trouvait son propre frère, bien que sa conscience lui dit que ce frère était plein de bonté pour lui, et qu’en croyant entendre sa voix, il avait été dupe d’une illusion.

Le Journal du magnétisme a déjà publié des relations semblables d’individus qui se croient victimes de magnétisations à distance : nous en avons vu qui, en pareil cas, viennent demander au magnétisme de les guérir du mal attribué à cet agent.

Dans l’intérêt de la science et dans celui ce l’humanité, il importe de rechercher ce qu’il y a de réel dans ces sortes d’imputations.

Dès la plus haute antiquité, certains hommes ont passé pour posséder des secrets merveilleux dont ils se servaient pour nuire ; c’est ce qu’on appelle, à proprement parler, des sorciers. Souvent on 11e se rendait pas compte de la nature ou de l’origine du pouvoir prodigieux dont ils étaient armés; mais, le plus souvent, on l’attribuait au concours d’êtres surnaturels avec lesquels ils étaient en relation habituelle, qu’ils pouvaient évoquer et employer à leurs desseins criminels. Toutes les mythologies avaient une branche qui se rattachait aux sorciers. Les poètes anciens font la description des procédés employés par les sorciers et des résultats effrayants qu’ils obtenaient : les magiciens pouvaient troubler l'ordre des éléments, faire descendre la lune sur la terre, frapper leurs ennemis de maladies de toute espèce, leur inspirer des passions indomptables, faire naître chez eux l’amour ou la haine, etc. (1).

Mais jamais 011 ne s’est plus occupé de sortilège qu’au moyen-âge. La magie y joue un très-grand rôle et prend un caractère infiniment plus odieux que par le passé : c’est des puissances infernales qu’elle tire ses moyens d’action : le sorcier ne peut donc commencer à exercer son affreux pouvoir qu’après avoir fait un pacte infâme avec l’ennemi de Dieu, après avoir renoncé à son salut pour accepter la société des démons dont il doit partager le sort pendant l’éternité. Aussi n’agit-il que pour nuire, et ses œuvres sont dignes de ses coopérateurs. Les lois civiles et ecclésiastiques autorisaient à poursuivre le crime de magie, qui était puni des plus affreux supplices. Le nombre de personnes condamnées pour sorcellerie est immense, et les volumineux procè3 qui nous ont été conservés prouvent à quels excès de cruauté peuvent pousser le fanatisme et l’ignorance. Les canons énumèrent les méfaits imputés aux sorciers : on leur reproche , par exemple, de frapper les champs de stérilité, de faire périr les bestiaux, de suspendre la fécondité du lit conjugal, etc. L’opération la plus singulière consistait dans

(1) Horace, Ode 5, liv. t.

Y envoûtement. Le sorcier confectionnait une figure de cire à l’efligie de son ennemi, puis, en prononçant des formules cabalistiques et des imprécations effroyables, il enfonçait dans cette figure des aiguilles dont l'effet devait se faire immédiatement sentir à la personne contre laquelle le sortilège était dirigé : on pouvait ainsi à volonté la tuer subitement ou la faire périr lentement après de longues tortures.

Les progrès de la civilisation et les lumières de la philosophie ébranlèrent le crédit de la magie et firent enfin disparaître ces procès qui coûtèrent la vie à tant de victimes innocentes, et où l’odieux le dispute au ridicule. La lutte fut longue et la victoire vivement disputée ; même dans des siècles rénommés par l’éclat des beaux-arts et par la douceur des mœurs, on voit encore de loin en loin ces stupides procès qui sont la honte de l’humanité. Sous Louis XIII, la maréchale d’Ancre et le fameux curé Urbain Grandier furent condamnés à mort pour crime de sorcellerie,

Si les classes éclairées ont relégué la magie au rang des fables, il n’en a pas été de môme dans les classes inférieures, où les vieilles traditions se sont conservées. Dans une foule de provinces, particulièrement dans les campagnes, certains individus, ordinairement de vieux bergers, passent pour sorciers et inspirent la terreur. Quelques-uns sont flattés de la frayeur qu’ils répandent, ne font rien pour la dissiper et acceptent avec une sorte de plaisir sauvage le renom odieux de sorciers. On les consulte, on recourt à eux, soit pour faire du mal à un ennemi, soit pour se délivrer du mal eausé par un autre sorcier. Ces malheureux exploitent souvent la crédulité de ceux qui recourent à eux et se font payer fort cher des recettes ridicules et inefficaces. Mais si ce rôle a quelques avantages, il a aussi de terribles inconvénients. Arrive-t-il quelque malheur dans la commune, soit que des bestiaux aient péri, que les champs aient été ravagés par la grêle, qu’un fermier soit atteint d’une maladie que les médecins ne peuvent guérir.....ce doit être le scélérat de sorcier qui est cause de tous ces fléaux. On commence à cet

égard par une supposition qui s’accrédite de jour en jour et passe bien vite à l’état de certitude. De là naturellement liaine et désir de vengeance. Celui qui se croit victime de la sorcellerie, exaspéré par la douleur ou par le chagrin que lui causent ses pertes, surmonte l’effroi superstitieux que lui causait le sorcier et s’empare violemment de sa personne pour le contraindre de mettre fin à ses maléfices. La position du sorcier est alors des plus critiques : soit qu’il ait accepté la qualité que lui conférait l’opinion publique, soit qu’il ait été décoré à son insu, et peut-être même contre son gré, d’un titre auquel il n’avait aucune prétention , il est sommé d’exécuter des choses au-dessus des forces humaines, ou menacé de subir de terribles représailles. Il a beau renoncer à un honneur compromettant et abdiquer la qualité de sorcier, on ne le croit pas ; ou bien, pour vérifier son caractère contesté, on recourt à des moyens qui ne peuvent lui laisser aucune chance de salut. Par exemple, en Écosse, on lie les quatre membres de l’individu prévenu de sorcellerie, et on le jette à la rivière, persuadé que s’il a fait un pacte avec le diable , celui-ci le soutiendra sur l’eau, ce qui doit être alors une preuve de culpabilité. Si l’inculpé va au fond comme un simple mortel, son innocence est reconnue, mais il est bel et bien noyé. L'alternative, comme on le voit, n’est pas rassurante. Dernièrement en Bretagne, une pauvre vieille femme impotente ayant été accusée par des paysans d’avoir fait périr les bestiaux de la contrée, a été, à titre d’épreuve, mise dans un four rempli de charbons ardents : 011 voulait voir si le diable viendrait l’en tirer. La malheureuse a été cuite et n’a obtenu qu’à ce prix sa justification. Il est encore admis que le diable imprime sur le corps de ses adeptes une marque qui rend insensible la partie où s’est posée sa griffe : pour rechercher si le prévenu de magie possède une pareille marque, 011 le met à nu, on lui tenaille successivement toutes les parties du corps , on le pince, on le brûle. Si l’on trouve une partie insensible, la preuve est acquise et le coupable doit être mis à mort. Si l’on ne la trouve pas, 011 en est quitte pour dire qu’on a mal cherché,

et eu attendant le pauvre diable est couvert de plaies et de contusions.

Comment le magnétisme, ce sublime don du ciel dont la destination est de guérir, de soulager, de consoler l’humanité, a-t-il pu se trouver rattaché à la sorcellerie ?.... Quoique ces deux choses soient entièrement dissemblables, on conçoit comment l’esprit a été porté à les unir. Par le magnétisme, l’homme peut exercer sur son semblable une influence considérable ; si cette influence est ordinairement bienfaisante, on a pensé que, delà part d’un homme méchant, elle pouvait être malfaisante, que le magnétisme était un moyeu d’action des plus énergiques qui, suivant le caractère de celui qui s’en servait, pouvait être employé à faire ou le bien ou le mal. De là la supposition d’un moyen de nuire qui avait beaucoup d’analogie avec celui qu’on attribuait aux sorciers.

Nous ne connaissons pas les limites du possible, et nous ne devons jamais rejeter péremptoirement et sans examen un ordre de faits, sous prétexte qu’il nous semble bizarre ou qu’il ne s’accorderait pas avec les lois connues de nous. Mais aussi il faut se défier d’une crédulité aveugle et examiner avec une critique rigoureuse les faits qu’on nous allègue avec un enthousiasme irréfléchi ; il faut surtout éviter de tomber dans ce défaut de logique qui consiste à dire post hoc, ergo proplcr hoc ; et, par cela seul que deux faits ont été consécutifs, on n’est pas autorisé à affirmer que le premier a été la cause du second. Voyons si cette règle ne suffira pas pour nous guider en matière d’obsession.

Remarquons d’abord que, dans la relation de M. Émile Roy, comme dans une foule d’autres semblables, l’aiTirmation manque entièrement de base. Un homme souffre et il déclare que sa souffrance est due à l’action de magnétiseurs. Non seulement il n’a aucune preuve de ce qu’il avance, mais il ne songe même pas à le rendre vraisemblable ; il ne nomme pas les trois magnétiseurs dont il se dit victime, il ne les a jamais vus, ne s’est jamais trouvé en contact avec eux, n’a aucun motif pour croire qu’il soit devenu l’objet de leur

haine ; il ne cite aucun lait, aucune circonstance qui puisse autoriser à croire que ces hommes s’occupent de lui. Ainsi, non seulement son assertion est gratuite, mais elle dénote évidemment un cerveau dérangé, et sa brochure est tout simplement l’œuvre d’un fou. Elle peut offrir quelque intérêt pour celui qui se livre à l’étude des maladies morales, mais au point de vue du magnétisme ou des sciences occultes, elle ne mérite aucune attention, et notre confrère de Y Union magnétique a certes fait trop d’honneur à l’auteur en discutant sérieusement une relation dont chaque ligne est une preuve de folie. Si nous avons cru néanmoins devoir nous en occuper, c’est que ces exemples d’aberration se sont produits assez fréquemment, et qu’il nous paraît important de dégager la cause du magnétisme de faits qui lui sont étrangers.

11 y a donc lieu d’éliminer de la série des faits vraiment magnétiques ceux à l’égard desquels il n’est pas prouvé qu’une action magnétique ait été produite ou môme entreprise , et ranger dans la classe des malades imaginaires ceux qui, comme M. Roy, viennent se plaindre d’obsessions causées par de prétendus magnétiseurs. Nous n’en concluons pas qu’il faudra laisser sans secours ces infortunés : bien que l’imagination soit cause de leur mal, leurs souffrances n’en sont pas moins réelles ; c’est là le cas d’appliquer le traitement homœpatique, et d’employer l’agent auquel ils attribuent une grande efficacité. En les magnétisant, on obtiendra de l’influence sur leur physique et sur leur moral, et on pourra réussir à les délivrer de l’obsession. 11 en est de même de ceux qui se croient possédés du démon : s’il se présente à eux un personnage renommé par sa sainteté et qui, en conséquence, pourra être regardé comme ayant le pouvoir de chasser les démons, l’exorcisme ou la prière, à ne les considérer qu’au point de vue humain, auront de grandes chances de succès.

Nous avons retranché du débat les faits où le magnétisme, bien qu’allégué, n’est réellement pas en jeu : que doit-on penser de ceux où il est employé? Faut-il admettre qu’un

homme puisse, par sa volonté et sans l’emploi d’un agent visible, maléficier une personne éloignée? A cet égard, les faits, même les mieux constatés, ne fournissent aucun motif suffisant pour se prononcer en faveur de l’affirmative. Les hommes sont naturellement portés au merveilleux et ne veulent pas se contenter des causes naturelles : il leur faut un pouvoir occulte pour rendre compte de tout ce qui les étonne ou de tout ce qui les affecte d’une manière extraordinaire. Ainsi qu’un paysan dépérisse : mille causes diverses ont pu amener sa maladie sans qu’on soit obligé, pour l’expliquer, de recourir au pouvoir magique ou magnétique d’un ennemi, et cependant on trouvera plus commode de l’en accuser. Souvent 011 ne se donne pas même la peine de justifier son accusation, qui n’est motivée que sur la réputation du prétendu sorcier. Mais allons plus loin, et prenons les cas où celui-ci avoue être l’auteur du maléfice ou même s’en vante. 11 peut en cela être de mauvaise foi et avoir pour but de satisfaire sa haine en faisant savoir à celui dont il désire la perte, que c’est lui qui en est cause ; mais sa déclaration est loin de suffire pour fournir une preuve. Si même il croit de bonne foi avoir produit le mal qu’il désirait, il ne s’ensuivra pas encore qu’il ait eu le pouvoir qu’il s’attribue et que ses vœux ou sa volonté aient eu quelque efficacité ; ou bien encore ces vaux ont pu s’accomplir en vertu d’une opération mentale du patient sur lui-même. Ainsi, prenons un homme au caractère faible, à l’imagination impressionnable : il a pour ennemi un berger mal famé et très-redouté qui a lancé sur lui des regards sinistres, qui a murmuré des menaces, et qui s’est livré à des pratiques mystérieuses dirigées, selon toute apparence, contre lui ; cet homme se croit perdu, il voit déjà les puissances infernales se déchaîner contre lui à la voix du terrible conjurateur ; il sera dès lors frappé précisément du genre de mal qu’il redoutait. Dans ce cas, où nous faisons une belle part aux partisans du pouvoir malé-ficiant, on ne peut pas dire que le sorcier ait disposé d'un pouvoir particulier pour agir à distance et qu’il y ait eu quelque efficacité dans ses pratiques. Le patient a tout fait

et a été lui-même l’auteur de son mal, de même que, par la crainte du choléra, tel autre se donne le choléra.

Quels moyens faudrait-il donc prendre pour arriver une constatation sérieuse et probante? Ce serait d’agir à ce sujet comme on a fait quand on a voulu prouver rigoureusement l’existence du magnétisme animal, comme a l'ait M. du Potet à l’Hôtel-Dieu en présence des médecins. Eu se conformant scrupuleusementàleurs prescriptions, il a magnétisé à travers un mur une personne qui n’était pas prévenue de son arrivée et qui ne se doutait pas même que quelqu’un songeât en ce moment à la magnétiser. L’expérience a été décisive. Aucun sorcier a-t-il jamais employé le même mode de démonstration?... Ceux qui prétendent pouvoir à leur volonté maléficier les animaux, pourraient s’exercer à un moment donné sur un animal qui leur serait désigné, et chercher à produire le genre de maléfice annoncé d’avance : si le fait se passe conformément au programme, comme on ne pourra mettre le résultat sur le compte de l’imagination, il faudra bien reconnaître la. réalité du pouvoir du sorcier.

On a cité souvent une anecdote où l’on fait intervenir le savant docteur Récamier. Un forgeron s’amusait toutes les nuits, à une certaine heure précise, à battre des chaudrons et produisait ainsi un bruit horrible qu’il avait le pouvoir de transmettre à une très-grande distance aux oreilles d’un paysan, son ennemi, auquel il causait ainsi de cruelles insomnies et un état maladif; et ce bruit n’était point entendu de» personnes intermédiaires, llécamier, nous dit-on, se rendit auprès du forgeron, obtint de lui l’aveu de ses pratiques malfaisantes et parvint à les lui faire cesser ; et dès lors le paysan n’entendit plus les bruits qui troublaient son repos, et il recouvra la santé. — Je commence par observer que cette aventure, répétée par plusieurs journaux, n’est nullement authentique; on ne cite à l’appui ni la déclaration de Récamier, ni aucune attestation ; on ne précise même ni le temps, ni le lieu où les faits se seraient passés. Mais supposons-les exacts : voici comment j’aurais voulu qu’on s’assurât de la réalité du pouvoir du forgeron. Une fois son aveu

obtenu, je l’aurais engagé, avant de renoncer à ses pratiques malfaisantes, à faire une expérience dans l'intérêt de la science et à frapper ses chaudrons suivant ses procédés habituels , mais à une heure différente, au moment où je lui en aurais donné le commandement. Au môme instant, une personne de confiance se serait tenue auprès du paysan pour observer si le battement des chaudrons faits à une heure inattendue produisait sur lui les effets accoutumés. Puis j’aurais fait l’opération inverse, c’est-à-dire que le soir, à l’heure où le forgeron avait l’habitude de battre les chaudrons, il se serait tenu tranquille, et l’on aurait remarqué si le paysan qui n’aurait pas été prévenu de la cessation des manœuvres, aurait, ou non, entendu le bruit.

Mais on ne cite pas un seul fait de magie maléficiante dans lequel on ait employé les précautions que je viens d’indiquer.

Je connais un magnétiseur, homme charmant, instruit et spirituel, qui a le travers de se croire sorcier. Bien des fois je l’ai invité à me donner un échantillon de son pouvoir, soit en faisant périr un animal que je me serais procuré tout exprès et qui aurait servi à expérimenter in animA vili, soit en me torturant légèrement : je n’ai jamais pu rien en obtenir, et voici la raison qu’il m’a donnée pour s’abstenir :

« Pour faire de la magie, il faut être animé d’une passion ardente : pour faire le bien, il faut aimer la personne que l’on veut servir. Pour nuire, il faut haïr vigoureusement. Le même sorcier qui a fait périr tous les bestiaux d’une ferme, ne réussira pas à rendre malade votre petit chien. C’est que, dans le premier cas, il ressentait une haine féroce contre le propriétaire des bestiaux ; lui faire du mal était la pensée constante qui ne le quittait ni jour ni nuit; à force de concentrer sur son but toutes les facultés de son âme, il se mettait dans une exaltation qui développait chez lui un nouveau pouvoir. 11 arrivait ainsi à dépasser les forces de l’homme et à faire des prodiges. Si au contraire il se propose, d’accord avec vous, de tuer votre chien, il n’aura que le désir frivole de montrer sa puissance ; ce mobile est trop faible pour exciter la vertu magique. Ne vous étonnez donc pas s’il ne peut en produire des manifestations à votre gré. »

J’admets la légitimité de ces raisons, tout en observant qu’elles fournissent un moyen trop commode d’éluder la difficulté qui reste ainsi sans solution ; mais comme elles se reproduiront avec la même force chaque fois qu’il s’agira de faire du mal, j’en conclus que ce pouvoir de maléficier, en supposant qu’il existe, ne pourra jamais être employé par un honnête homme. Et comme les coquins se soucient beaucoup moins de servir la science que de servir leurs mauvaises passions, comme ils ont presque toujours inté:êt à cacher leurs méfaits, ils éviteront de prendre des confidents de leurs machinations, et il deviendra excessivement difficile, pour ne pas dire impossible, de trouver des moyens de constatation. En attendant qu’on nous les fournisse, l’assertion de nos adversaires doit être repoussée faute de preuves. Et comme les faits par eux allégués sont ou cou-trouvés ou mal observés, et que ceux d’entre eux qui sont le mieux établis peuvent s’expliquer, ou par une coïncidence de circonstances, ou par le pouvoir de l’imagination , nous sommes donc en droit, au moins provisoirement, de reléguer au rang des chimères ce qu’on a appelé la magie noire.

Gardons-nous donc de rendre le magnétisme responsable des égarements de quelques-uns de ses partisans qui ont cru pouvoir inconsidérément en exagérer la portée et lui imputer des œuvres qui seraient odieuses si elles n’étaient imaginaires. Et surtout évitons d’appeler, comme le fait le rédacteur de Y Union magnétique, les foudres de la magistrature pour préserver les honnêtes gens des entreprises des envoû-teurs et des sorciers. C’est faire chorus avec les de Merville, les Desmousseaux et autres démonolâtres, et demander le rétablissement des procès de sorcellerie. 11 est triste d’en être réduit, au dix-neuvième siècle, à combattre de pareilles prétentions. Sans doute, celui-là mérite le mépris et l’horreur, qui cherche à nuire à son semblable, quelque vains que soient les moyens qu’il emploie. Mais la loi civile ne peut atteindre les mauvaises pensées, les vœux impies, les désirs criminels : elle ne doit poursuivre que les actes. L’en-

voûtement ne pourrait donc figurer dans le Code pénal qu’autant qu’il serait parfaitement établi que c’est un moyen réel de nuire. Dans l’état actuel de la science, des poursuites pour sorcellerie constitueraient une affreuse inquisition, serviraient à entretenir la crédulité la plus niaise et le fanatisme le plus sanguinaire, et auraient pour résultat inévitable de faire condamner, comme autrefois, une foule d’innocents.

A. P. MORIN.

VARIÉTÉS.

L’éditeur Baillière distriliue en ce moment le catalogue d’une collection remarquable d’autographes dont la vente doit avoir lieu très-incessamment.

Parmi ces pièces rares et précieuses pour la plupart, celle qui porte le n° 817 est ainsi conçue :

« Mesmer (François-Antoine), célèbre médecin allemand, à qui l’on dôit la découverte du Magnétisme animal, auteur de divers ouvrages; né à Mersebourg (en Souabe) en 173/i ; il y est mort en 1815.

« Lettre autographe signée, à madame veuve Cardon, à Versailles. Mersebourg, 15 février 1805. Une grande page pleine et demie in-/r. Ecriture line et serrée.

« Il lui fait ses compliments sur sa santé et au sujet de sa manière de vivre à Versailles dans l’isolement qu’elle désirait. Pour lui, si on excepte l’ennui et la mélancolie qui le dévorent en ce pays qu’il habite, il se porterait assez bien. « A ’ayant d’autre occupation que de soigner ma santé, je ne suis sorti de chez moi depuis deu.r mois. Absolument seul ici dans mon genre, je vis inconnu et méconnu de toute la nation allemande : pensez quelle société! Je n’ai pas encore eu lu moindre occasion de parler de mes découvertes et de mes connaissances. »

Cette brève citation suffit pour donner une idée de la valeur de cette pièce, valeur toute de sentiment et appréciable seulement par ceux qui, comme nous et nos lecteurs, s’honorent de marcher dans la voie que ce grand homme a ouverte et ont voué le culte de la reconnaissance et de l’admiration à ce génie méconnu. Il est impossible, en effet, de 11e point se sentir ému en lisant ces lignes écrites sous l’empire d’un si profond découragement, d’une douleur si vraie et si juste. Qu’on se représente par la pensée cet homme d’une si

liante intelligence, d’un savoir si étendu, d’une imagination si énergique, cet homme qui a la conscience de ce qu’il vaut et de ce qu’il peut, dont la tête puissante et féconde renferme toute une révolution des sciences connues jusqu’alors, tout un avenir nouveau et régénérateur pour l’humanité; qu’on se le représente après une vie entière de luttes, de déboires, d’amertumes, honni, bafoué, calomnié, tombant des splendeurs de Versailles et de Vienne dans l’immobile et morne nullité d’une petite ville de la Souabe ! Que l’on dise après cela si ce martyr moral n’a pas droit de prendre place près de ceux de tousses illustres devanciers auxquels l’ignorance, l’ingratitude ou le fanatisme de leurs contemporains a légué l’auréole dont la postérité vient tardivement couronner leurs fronts ! Homère mendiant son pain par les bourgs de la Grèce, Camoëns et Cervantes mourant à l’hôpital, Colomb dans les cachots de Madrid, Bacon dans ceux de Londres, Galilée dans ceux de Rome, Salomon de Caux parmi les fous de Bicêtre, et tant d’autres grandes victimes, toutes ces gloires de l’humanité, meurtries et persécutées par l’envie, ont-elles plus souffert que Mesmer s’éteignant pauvre, ignoré, incompris dans ce coin de l’Allemagne d’où il était parti trente ans auparavant plein de force, de foi, de confiance, de jeunesse et de radieuses espérances ? Le génie a son martyrologe aussi.

Nous faisons des vœux pour que ce précieux autographe, dont nous venons d’indiquer l’existence à nos lecteurs, tombe dans des mains dignes de l’apprécier, non pas seulement comme un simple document historique et une curiosité littéraire, mais comme une touchante relique du grand homme méconnu et du plus illustre bienfaiteur de l’humanité des temps modernes.

— On lit clans les journaux allemands la nouvelle suivante :

« Varsovie, le 20 janvier.

« L’état du feld-maréchal prince Paskiéwitch ne laisse plus aucun espoir. La terrible maladie (un cancer de l’estomac) contre laquelle luttent sans succès depuis plusieurs années tous les efforts de la science, en est arrivée à ce point désespéré que l’on peut constater même extérieurement les progrès rapides et journaliers de la désorganisation interne.

h Les médecins se sont retirés, et le prince n’est plus soumis à aucune médication que le traitement magnétique du docteur Klotz. »

Ainsi, de l’aveu môme des organes officiels, c’est alors que l’état du malade n’offre plus aucun espoir, alors que ce que l’on est convenu d’appeler la science a reconnu son impuissance et sa nullité constatées par des années d’efforts infructueux, c’est alors que l’on s’adresse au magnétisme et qu’on lui demande des miracles impossibles. Et parce qu’il n’aura pas fait ce miracle, on en conclura de son impuissance. Où est la raison? où est l’équité? et combien de victimes ont été ainsi sacrifiées qui eussent été certainement sauvées si on se fût adressé à lui tout d’abord t

Baron DU POTET.

— Sur le chemin conduisant à un petit village situé non loin de la route de Paris à Orléans, territoire de Seine-et-Oise, on voit une jolie petite maison à volets verts, au rez-de-chaussée de laquelle est un cabaret que tenait une jeune femme dont le mari avait péri, il y a deux ans, dans un accident de chemin de fer. Quoique son commerce allât bien, car son cabaret était fréquenté par un grand nombre de rou-liers et d’empl*yés de la voie ferrée voisine, la veuve ne pouvait se défendre d’une tristesse continuelle, et lorsqu’on la questionnait à ce sujet, elle répondait toujours : « Que voulez-vous, c’est plus fort que moi, je pense toujours à,mon pauvre mari. »

Comme depuis deux jours le cabaret était resté fermé, les voisins inquiets prévinrent l’autorité. On fit ouvrir, et le local fut trouvé vide; niais sur un meuble 011 découvrit un écrit ainsi terminé : « J’ai cependant tout ce qu’il faut pour être heureuse sur terre, mais je ne puis vivre sans mon mari, et comme il est mort, je vais le rejoindre. On trouvera 111011 corps dans le puits. »

On a, en effet, retiré du puits de la maison le corps de cette infortunée.

(Extrait du journal la Presse, 11° du 13 janvier 1856.)

Quoique ce fait, par sa nature, semble 11’avoir aucun rapport avec le magnétisme, nous l’insérons pourtant, car nous croyons à des attractions d’outre-tombe. Nous rechercherons désormais tout ce qui se rattache à cet ordre de phénomènes.

Baron DU POTET.

AVIS.

Toul ce qui a trait h la rédaction du Journal doit ôlrc envoyé franc de port, à M. le Baron du Potet, 5, rue de Beaujolais, Palais-Royal.

Les personnes donl l'abonnement a expiré le 10 janvier, sont priées de faire parvenir, sans retard, leur renouvellement par un mandat sur la poste.

Le Gérant : I1ÊBEKT (de Garnay).

AVIS

A MES CONTRADICTEURS AU SUJET DU SPIRITUALISME.

Oii va-t-il ce pauvre vieillard aveugle que la fatigue accable? il ne sait plus son chemin. l)e grâce ! qu’on lui donne un guide, ne serait-ce qu’un chien ! Voyez ce qu’ont fait les ans de cet homme valeureux, de ce hardi soldat : maintenant, voulant encore combattre, ses coups sont incertains, son esprit est troublé, et, dans son égarement, lui-même va se blesser.

Ainsi raisonnent ceux que de loin j’aperçois sur la rive. Il faut donc que je les remercie de tout le souci que je leur cause. 0 mes bons amis, rassurez-vous, je marche seul encore, ma vue ne me laisse rien à désirer ; peut-être môme vois-je plus loin que vous.

Longtemps placé comme vous, mes idées étaieut aussi les vôtres, ma plainte sur ceux qui marc liaient en avant était en tout semblable à celle que vous exhalez; puis, ayant fait quelques pas, j’ai vu le chemin que doit suivre tout magnétiste, celui-là même que vous parcourrez un jour si Dieu vous, prête vie.

Je sais bien que tel n’est pas votre sentiment, mais vous changerez avec les années; tant pis pour vous si vous ne changez pas. Je retourne au passé, dit-on, aux siècles des erreurs ! Non ; je retourne à la vérité, aux temps où tout n’était pas industrie, et où il y avait une science morale. Aujourd’hui vous n’en avez plus. Mais tout raisonnement serait superflu. Attendez un peu, mes bons amis, j’espère que bientôt vous serez de mon sentiment, à moins pourtant qu’au lieu d’entrer dans le temple, vous persistiez à rester à la porte.

Baron DU POTET.

iV: s XIV. K° «««• — 25 Décembre 1855. 24

LE SPIRITUALISME EN AMERIQUE.

HÉRITAGE DÉCOUVERT PAR LES ESPRITS.

Le Journal of Man reproduit, dans son n° du 15 janvier 1855, l’article suivant d’un journal de l’Oucst :

« J’avais été traité de fou, d’halluciné, de candidat à l’asile des aliénés, pour avoir cru que les phénomènes qui excitent maintenant l’attention du monde entier, sont dus aux esprits ; et, comme d’habitude, ces gentillesses m’étaient adressées par des gens qui n’ont pas daigné examiner un seul instant. J’ai pensé que la meilleure réponse était de publier le fait suivant, qui montre que les connaissances manifestées par le sujet ne lui appartenaient pas en propre et ne pouvaient lui venir, ni de sa majesté satanique, ni de l’électricité, ni d’une force odique ou autre nouvel agent naturel, ou d’une action inconsciente du cerveau , mais dérivent bien de la cause qui s’en attribue la production. Nous répondrons en même temps à ceux qui demandent quel est l’avantage pratique des manifestations.

« 11 y a quelques semaines, la femme d’un de nos compatriotes (Henry-H. Mitchell) fut soumise à une influence que les esprits revendiquèrent comme la leur, et bientôt après sa main et son bras prirent l’habitude d’écrire des communications qui étaient données comme venant des esprits de défunts ayant habité cette terre, et elle se développa comme médium écrivain. Quand ces communications ont lieu, la main est mue et dirigée par une intelligence indépendante de la personne influencée.

» Un soir, il y a environ six semaines, sa main écrivit le nom de W illiam Mitchell,* qui était le père de son mari, qui a été soldat dans la guerre de 1812, et qui est mort peu de temps après la fin de cette guerre. Comme c’était la première fois qu’un esprit se donnait pour ce personnage, on lui demanda s’il avait quelque chose d’important à communiquer. La réponse fut :

« Oui : je sais que vous aimeriez à recevoir quelque information sur mes terres. »

« Cette réponse était inattendue pour M,ne Mitchell, qui, dans ce moment, ne pensait pas à ce sujet, mais songeait à son frère qui faisait le commerce maritime, et dont elle n’avait pas entendu parler depuis vingt ans.

« L’esprit écrivit qu’il lui avait été concédé un territoire ii cause des services rendus dans la guerre de 1812 ; que ces terres avaient été louées, que c’était dans un comté «appelé Pike, dans l’État de l’Illinois ; qu’il mourut étant en route pour Washington. Il invita son fds à écrire dans cette ville, ajoutant que le brevet de concession n’avait pas encore été délivré des bureaux; que les terres étaient en bon état et appartenaient légitimement à ses héritiers. — Mme Mitchell fit part de cette communication à quelques spiritualistes qui furent d’avis d’écrire à Washington, ce qui donnerait un moyen pratique et rigoureux de vérifier l’identité de l’esprit. On écrivit en conséquence à l’honorable M. James Meacham, un de nos collègues au congrès spiritualiste, et on le chargea de prendre des renseignements. M. Mitchell avait très-peu de confiance dans ces recherches, et il n’avait pas connaissance que son père eût reçu aucune concession de terres, ni qu’il fût mort,

« Le 21 février 1854, il reçut de M. Meacham des papiers au nombre desquels était une expédition de l’acte de concession revêtu du sceau officiel de l’honorable John Wilson, commissaire des terres, établissant que son père avait été gratifié d’une étendue de terres louées et cadastrées le 16 octobre 1817 (il y avait trente-six ans). En voici un extrait :

« William Mitchell ayant déposé à l’office général des terres une garantie sous le n° 5695, il est concédé audit William Mitchell, ayant servi dans la compagnie de Stockton. au sixième régiment d’infanterie, une certaine étendue de terres contenant 160 ares, au district nord-ouest de la 12e section, 5e circonscription, dans le territoire affecté à la rémunération des services militaires. »

« Cet acte était signé de James Monroë, président des États-Unis, et daté du (> octobre 1817.

c Le commissaire aux terres atteste que ces terres sont louées et qu’elles sont situées dans le comté de Pike, État de l’illinois, précisément comme l’esprit l’avait annoncé quand la communication avait été écrite. M. Mitchell n’avait aucune connaissance que sou père eût été gratifié de terres, et par conséquent il ne pouvait soupçonner cette circonstance que ces terres étaient louées lors de sa mort qu’on croit être arrivée en 1816, peu de temps après la fin de la guerre ; à cette époque, personne n’était gratifié de terres, que ceux qui justifiaient avoir servi cinq ans dans cette guerre. Il n’a appris tous ces faits que par le témoignage de son père habitant le monde des esprits et par la confirmation de l’office des terres à Washington. M. Mitchell avait désiré longtemps s’éclairer sur ces faits, mais il ne put être satisfait ;'i cet égard qu’en recevant des communications d’un esprit qui s’annonça comme étant celui de son père. M. Mitchell est maintenant âgé de quarante-deux ans, il n’a aucun souvenir de son père lors de la mort duquel il était fort jeune.

« Je vous donne ce fait que je prends parmi des milliers d’autres qui se passent de tous côtés, et dont un grand nombre sont encore plus remarquables et plus convaincants.

« Ce fait montre l’action d’une intelligence indépendante du médium et des personnes présentes. Il devrait suffire pour fournir le sujet de recherches intéressantes et de bonne foi à ceux qui traitent cette matière de folie ridicule, d’épidémie morale, ou qui y voient un complot du diable pour égarer les âmes et les pousser à leur perte.

« Je dirai en terminant qu’il y a maintenant, aux États-Unis seulement, plus d’un million de croyants, plusieurs milliers de médiums, et que par leur influence les aveugles voient, les sourds entendent, les malades et les estropiés recouvrent la santé, et les sceptiques sont convaincus de l’immortalité de l’âme. Parmi les adeptes on compte un grand nombre d’ecclésiastiques appartenant à toutes les sectes, des membres du congrès, des jurisconsultes distingués,

des hommes de toutes les professions, et que les progrès rapides du spiritualisme sont sans exemple dans l’histoire de l’humanité. »

Burlington, 25 février 1851.

CLAIRVOYANCE.

Le Journal of \lan rapporte le fait suivant qui est attesté par un habitant de Cléveland :

« Nous avons toujours été porté plutôt au scepticisme qu’ii la crédulité en ce qui concerne les interventions providentielles ou les communications spirituelles, et nous attribuons le plus souvent les prétendues manifestations à la collusion, à des causes surnaturelles, il un tour de main, à la sympathie magnétique, suivant les circonstances. Mais notre opinion a été mise à une rude épreuve. Voyant est croyant, dit une ancienne maxime. Ce que nous allons raconter, nous l’avons contrôlé par le témoignage de nos sens.

« lin habitant de la ville d’Ohio, M. Jackson, a une petite fille nommée Chébé, qui possède la merveilleuse faculté de la clairvoyance volontaire. Elle n’a que sept ans, elle est candide et sans artifice. Son tempérament est bon, mêlé de nerveux et de sanguin, le nerveux y domine. Les gens crédules prétendent qu’elle est douée de la double vue et qu’elle doit cette prérogative à l’action des esprits. Elle est médium, et elle converse à volonté, d’après son affirmation, avec les esprits des trépassés.

« La première exhibition de cette faculté dont nous ayons été témoin, a eu lieu dans la librairie de Smith, Knight et C\ il y a quinze jours. Nous prîmes part aux expériences, et nous invitâmes le père à visiter notre établissement avec la jeune clairvoyante. On exécuta plusieurs expériences fort intéressantes; mais comme nous n’avions pas le loisir de faire à ce sujet des vérifications, nous demandâmes une autre séance chez nous. Elle eut lieu hier matin. Le premier point sur lequel se porta notre attention fut le bandeau : nous nous assurâmes qu’il n’y avait ni fraude ni collusion, et que la

vision oculaire était parfaitement obstruée. On plaça d’abord sur les yeux un tampon de coton, puis ses gants furent roulés et placés sur le coton, et enfin un mouchoir de soie plié en bandeau fut appliqué sur le tout, attaché et serré autour de sa tête. Avec ces obstacles il était aussi impossible à tout mortel devoir ce qu’il y avait devant ses yeux, que de voir à travers un mur de pierre.

« Le second objet de notre examen fut la manière de recevoir l’influence et les conséquences qui en résultaient sur l’état naturel du sujet. Aussitôt que le bandeau fut appliqué, le sujet fut en état de distinguer les objets.

« On n'employa ni passes ni manipulations. Le don de voir vint instantanément. Elle ne paraissait être ni dans l’état magnétique ni dans l’état biologique. Elle avait conscience de ses actes exactement conune avant l’applicationdu bandeau, et elle agissait comme si elle ne l’eût pas eu. Elle entendait et comprenait tout ce qui se disait dans la chambre ; elle questionnait et répondait aux questions avec autant de liberté et de facilité qu’avant le commencement de l’expérience. Elle paraissait aussi susceptible d’éprouver tous les sentiments et les passions dans l’état de clairvoyance que dans son état normal. Quand elle paraissait s’affaiblir et qu’elle donnait quelques signes d’affaissement, la promesse d’une récompense ou le don d’une petite monnaie la stimulait immédiatement et suffisait pour obtenir d’elle un renouvellement d’énergie, et sa physionomie s’animait aussitôt.

« Nous nous attachâmes en troisième lieu à constater l’extension de sa faculté extraordinaire. Elle décrivait exactement les couleurs et la forme des objets avec une extrême précision. Nous primes dans une main une quantité d’objets, tels que des pièces de monnaie, un dé, des épingles, des aiguilles ; d’autres lui présentèrent des titres de livres, et on la pria de décrire ces diverses choses, ce qu’elle fit aussitôt et très-exactement. Nous plaçâmes aussi des objets sur une table près d’elle, ou à une certaine distance, ou nous les liâmes à la hauteur de sa tête; les positions parurent produire une certaine différence; cependant elle dis-

tinguait ces objets , pourvu qu’ils ne se trouvassent pas en dehors d’un certain angle dont le sommet était sur l’un ou l’autre côté de sa figure. Mous plaçâmes une demi-douzaine de pièces de monnaie, telles que des demi-dollars et des quarts de dollars, et des pièces d’argent et de cuivre sur une carte, en tenant le tout sous une table, et nous fin es alors glisser sous ces monnaies une pièce de trois cents. Puis la carte fut placée sous la table, et le sujet désigna immédiatement la pièce, et elle en indiqua la position. Elle décrivit de même minutieusement des bank-notes de plusieurs espèces. On soumit à son examen diverses épreuves daguerriennes ; elle reconnut aussitôt notre portrait, et elle détermina les particularités de toutes les autres. On i it devant elle un livre tourné à l’envers-, elle donna le numéro de chaque page, lut des sentences, épela des mots, décrivit des peintures, désigna la couleur de la reliure ; en un mot, tout ce qu’elle voyait dans son état naturel, elle Je voyait également dans son étal surnaturel.

« Pensant que peut-être la présence '’e son père pouvait exercer une certaine influence sur ses facultés, nous le fîmes éloigner à une certaine distance, de manière qu’il ne pût voir ce qu’elle faisait ; mais cette circonstance n’apporta aucun changement à l’état de la petite Phébé. Le bandeau fut ôté et remis à différentes reprises. Du moment où la vision naturelle était obstruée, elle était en état de décrire les objets. Il n’y avait pas, comme dans l'emploi de la méthode ordinaire, d’intervalle pour qu'elle arrivât à l’état de clairvoyance. Le bandeau n’apportait pas plus d’obstacle pour elle à l’exercice parfait de la vue, qu’une lorgnette de spectacle pour nos lecteurs.

« Elle n’a possédé ces dons extraordinaires de vue supérieure que pendant deux mois. Elle assure qu’elle reçut un soir de l’esprit de son frère la promesse qu’il la magnétiserait le lendemain, et lui procurerait le don de vue supérieure, ce qui se réalisa. Nous apprenons d’une personne qui en a été témoin, qu’elle lit et décrit tout dans l’obscurité aussi bien qu’à la lumière du jour. Son père nous a raconté beau-

coup d’expériences intéressantes qui ont eu lieu dans un cabinet obscur, et que le défaut d’espace nous empêche de rapporter.

« Nous ne chercherons point à. donner une explication du phénomène : nous nous bornons à raconter ce que nous avons vu. Ceux qui rejettent la théorie des esprits peuvent tirer telles conclusions qu’ils jugeront à propos et former leurs hypothèses. Pour nous, nous savons que Phébé Jackson peut voir clair ayant un bandeau sur les yeux sans que personne la magnétise; qu’elle montre, avec ou sans bandeau, la môme volonté, la môme conscience de ses actes ; et qu’elle affirme être sous l’influence des esprits; que c’est une enfant simple et ingénue, incapable de fraude ou de ruse, et qu’elle montre, pendant les expériences, des actions naturelles et la conduite de tout enfant sincère de son âge. Nous l’avons soumise à un long et minutieux examen, en présence de beaucoup de témoins inconnus pour elle et inattendus.

« La nature de l’esprit humain n’est qu’imparfaitement connue ; ses facultés sont en voie de développement. Une nouvelle philosophie est destinée à remplacer les solutions établies relativement à l’organisation de l’esprit et aux rapports de l’homme avec le temps de l’éternité, ainsi que les solutions qui dans les siècles passés ont régné dans le monde civilisé. «

LES ESPRITS EN VIRGINIE.

Le Christian spiritualist, du 3 février dernier, rend compte d’une séance de spiritualisme qui a eu lieu à Norfolk le 22 janvier précédent, à laquelle assistaient plusieurs personnages honorables dont on donne les noms. Le médium était M. Biggues Woodhard. M. I).-W. Wesh demanda si quelque esprit voulait converser avec lui. 11 reçut une réponse affirmative d’un esprit qui se dit être celui de Joseph Dépine.son ancien ami, qui donnala communication suivante :

u 11 y a pour vous, au bureau de poste, une lettre de

Washington. L’autour désire acheter votre créance pour spoliations françaises. Ne vendez pas : le hill passera au congrès. 11 n’y aura pas de veto du président. Je suis heureux. Je n’ai pas vu voire frère ; d n’habite pas la même sphère que moi.

« Votre ami, Joseph Dêpine. »

M. Wesh alla le lendemain matin au bureau de poste en compagnie du docteur Mash, réclamer ses dépêches. 11 y trouva effectivement une lettre de .MM. W. G. S. et C', de Washington, qui lui offraient d’acheter sa créance, comme l’esprit l’avait annoncé. 11 ne pouvait y avoir là d’effet psychologique. Quel était donc l’auteur de l’avis?

A la même séance, un grand coup fut entendu sous la table, dans un moment où toutes les personnes en étaient éloignées d’au moins trois pieds.

Le docteur Mash demanda :

— Quel est l’esprit présent, et veut-il nous faire une communication?

— Henry Clay. Il y a ici quelqu’un dont l’esprit est très-inquiet relativement au résultat de l’élection prochaine du gouverneur de votre État. Je désire le rassurer.

— Quelle est cette personne?

— Richard Love.

Richard Love. — L’esprit de Henry Clay calmerait mes inquiétudes s’il voulait bien me donner des éclaircissements sur cette question.

— Henry A. Wise éprouvera certainement une défaite. Le candidat du parti américain sera élu. Ce sera le général Bayley ou A. -H. Stuart, probablement ce dernier. Le grand parti américain a mes sympathies d'esprit et mon respect, lll’empor-teraaux prochaines élections à la présidence. Votre représentant au congrès, le général Milson, après l’expiration de ses pouvoirs, ne reviendra plus jamais siéger au congrès. Vous pouvez vous en rapporter à Henry Clay.

Beaucoup d’autres manifestations ont eu lieu et ont causé une vive émotion dans cette ville ordinairement si paisible.

Traduit par A. S. MORIN,

THÉORIES.

LE MONDE DES ESPRITS

MIS A X.A PORTÉE DES BÎTIS,

PAR UN KOU.

Il est évidemment contradictoire d’admettre que l’homme a une âme, un esprit immortel, et de nier l’existence des esprits ; de croire à une autre vie, à un autre monde, et de nier les relations que notre esprit peut, en certains cas, avoir avec cet autre monde et les esprits qui l’habitent. 11 est contradictoire de reconnaître et d’évoquer l’esprit saint et d’interdire tout commerce avec les esprits en général, sous prétexte qu’il n’y enapasouqu’iln’y en a que de mauvais. C’est comme si 011 interdisait le commerce avec les hommes qui sont des esprits incarnés, sous prétexte qu’il y en a beaucoup de mauvais et que pas un ne puisse vous donner de bons conseils. N’est-il pas plus raisonnable d’admettre que quand notre esprit n’est pas occupé à faire manœuvrer le corps qui lui est confié, il est aussi libre que les esprits désincarnés, et qu’il communique avec eux de pair à compagnon, puisqu’il est de la même nature? Ainsi, dans le rêve, l’esprit en congé profite de l’engourdissement du corps pour aller fraterniser avec les habitants du inonde extérieur, lequel ne diffère pas autant qu’on le croit de celui-ci, car c’est exactement le même, moins la matière et les passions particulières dont la matière peut être la cause, et encore l’apparence de la matière ne peut-elle pas produire les mêmeseffetsetengendrer

les mêmes conflits qu’ici-has? Qui n’a pas entendu, dans son demi-sommeil, des bribes de conversation, des querelles, des interpellations, des bruits de rue, des causeries dans un salon voisin entre gens qu’on ne connaît pas et qui disparaissent au réveil? Du moment où l’assoupissement vous gagne, où le corps ne sent plus son soi, comme dirait M. Cousin, vous entrez en communication avec les esprits; c’est absolument comme si vous aviez l’oreille à la chatière du monde extérieur ; il arrive même à bien des gens de s’entendre .appeler par leur nom à plusieurs reprises et par une voix connue qui souvent vous réveille en sursaut; alors la chatière ou Y œil-de-bœuf se fermant, on se rappelle parfois quelques mots, quelques figures d’esprits que l'on a aperçues, par exemple, une jolie figure de femme qui se change à vue d’œil en vieille figure grimaçante, qui desinit in piscem, comme si elle avait voulu se montrer à vous dans toutes les phases de son existence, dissolring rvews, genre de portrait changeant selon l’âge de la personne. Le daguerréotisme, qui va de merveille en merveille, nous réserve-t-il ce nouveau miracle?

Parmi les figures d’esprits qui vous apparaissent dans ces hallucinations, que les médecins appellent des créations de cerveaux détraqués, il en est que nous avons connues, d’autres qui nous sont complètement étrangères, précisément comme dans les rues de ce bas monde, quand nous regardons par la fenêtre. Les médecins et les savants voient cela comme les autres, mais ils n’essaient pas de l’expliquer. Nous croyons, nous, que ce sont autant de vues prises dans le monde spirituel : le mot est impropre, parce que les esprits ne semblent pas être infiniment plus spirituels que nous. Il y a même autant de brutes et d’imbéciles là-haut qu’ici-bas, puisque c’est la même racaille humaine qui a passé l’arme à gauche et déserté de son corps pour aller s’enrôler dans les voltigeurs et les zéphirs du monde imaginaire. Quand ils trouvent une occasion de nous mystifier en entrant dans un somnambule, une table ou un panier, ils ne s’en font pas faute ; quelquefois c’est un esprit raisonnable ou médieâtre qui vous fait de la morale ou de la médecine par habitude;

mais quand ledit esprit s’est retiré, table et somnambule ne conservent pas le moindre souvenir de ce qu’elles ont dit ou écrit sous sa dictée, preuve qu’il y a une tierce personne en jeu, comme dit le comte de Richemont.

On se fait une trop haute idée des esprits ; il n’y a pas plus de différence entre eux et nous qu’entre la chenille et le papillon, qui est toujours la môme bête, sauf la forme et le milieu dans lequel elle prend ses ébats. Le papillon n’a pas plus d’intelligence que la chtnille, et ceux qui lui prêteraient celle d'un ange seraient dans l’erreur en l’interrogeant s’il savait répondre. 11 voit un peu plus loin, son rayon s’est agrandi, il sait quelque chose de plus qu’à l’état de chenille; c’est exactement la différence qu’il y a entre l’esprit incarné et l’esprit désincarné. Quant à connaître l’avenir et Dieu, les esprits en sont aux conjectures comme nous, et ceux qui font les prophètes se gaussent d’autant plus volontiers de nous qu’ils ont affaire à des gens plus crédules ; cela les amuse là-haut, comme cela les amusait ici-bas. Je dis là-haut, c’est un terme impropre, car il n’y a ni haut ni bas pour eux, ni espace entre eux et nous. Les esprits sortis de leur corps n’en ont pas plus de souci que le cousin de sa gaine, et n’en parlent qu’avec mépris. Quand on a assisté, comme nous, à la lente agonie d’un phtisique crisiaque, et suivi ses hallucinations dramatiques, on ne saurait douter qu’il n’entrât en communication avec les esprits des parents qui appelaient à eux.

H y a réellement des esprits qui nous inspirent; tous les poètes anciens commençaient par les invoquer sous le nom d’Apollon ou des Muses; preuve qu’ils avaient plus de confiance que nous dans leur existence. Socrate évoquait son démon et tombait en somnambulisme pour causer avec lui. Bien des gens en feraient autant s’ils étaient plus avancés dans la foi ; mais, comme il y a bon nombre de chenilles qui ne croient pas qu’elles deviendront papillons, il y a aussi beaucoup de bipèdes si matériels, qu’ils ne croient pas pouvoir devenir des esprits; cela leur semble impossible, comme à nous, d’accord; mais il y a esprit et esprit, comme il y a

fagot et fagot; ils deviendront des esprits lourds, des esprits médiocres, des esprits pointus ou obtus, comme ils le sont sur la terre. Il n’y aura rien de changé pour eux, si ce n’est qu’ils ne pourront plus, en ruminant, assister à leur digestion quotidienne.

L’esprit qui conduit ma plume me dit que ces pages sont ce qui a été écrit jusqu’ici de plus vrai sur les esprits. Tant que l’homme sent son corps, l’esprit ne le quitte pas, parce qu’il y est attelé par ordre supérieur; mais quand l’assoupissement commence, l’esprit va et vient de la chatière ou de l’œil-de-bœuf au corps; il jette un regard ou prête l’oreille au monde extérieur, saisit parfois un mot, une phrase, voit passer quelques formes et rentre dans sa gaine matérielle au moindre sursaut. Mais quand le corps est bien insensibilisé par le sommeil naturel ou magnétique, l’esprit assiste plus longtemps à la chatière ou au vasistas ; il voit les campagnes du monde fantasmatique, formes confuses, indécises, tourbillonnantes, comme celles qu’on aperçoit le soir en chemin de fer ; puis une ligure, un groupe humain qui passe et s’évanouit de même; ce sont là les esprits qui vous regardent ou ne vous regardent pas plus directement que les passants sur les bords du railvvay.

La preuve que ce sont bien là des êtres en dehors de notre création, c’est qu’après les avoir vus passer, 011 ne peut plus les rappeler, les recréer, et, quand il s’en présente d’autres, c’est indépendamment de notre volonté. On peut dire que notre esprit est en voyage, car il voit sans cesse des contrées, des objets et des individus nouveaux. Quelquefois ce sont des sites et des monuments parfaitement éclairés; d’autres fois ce sont des formes confuses et sombres, ou de véritables déserts où il est rare de rencontrer un être vivant. D’autres fois encore ce sont des intérieurs ou des fragments d’intérieur et même des papiers de tenture remplis d’arabesques.

Les somnambules passent par toutes ces alternatives de jour et de nuit; c’est en vain que vous les interrogerez pendant les éclipses; ils ne répondent pas ou répondent au ba-

sartl, et les incrédules de triompher. Les magnétistes, qui connaissent ces phases diverses, feront bien de laisser pleine liberté à leurs sujets en leur inculquant l’habitude de ne parler que quand ils verront bien, ce qui est facile à obtenir. 11 suffit d'un serment prêté avec rappel pour qu’ils ne l’oublient plus.

On nous dira : Votre monde spirituel est un monde imaginaire, l’apostrophe est acceptée; mais le monde imaginaire n’en existe pas moins, et chacun en possède un spécimen en soi. Notre esprit jouit du rêve comme notre corps de la réalité; la satisfaction est la même pour ces deux entités. Le monde imaginaire est donc un monde réel pour notre esprit. Dieu n’a pas tant séparé qu’on le croit le monde matériel du monde spirituel, car nous vivons autant dans l’un que dans l’autre, et nous ne serons pas si dépaysés qu’on le suppose après avoir passé la frontière qui les sépare. C’est à tort qu’on s’afflige tant des apprêts du départ, car ce voyage nous fera rejoindre d’autres amis souvent plus nombreux et plus chers que ceux que nous quitterons. Les vieillards surtout y gagneront beaucoup.

Mais ces esprits étrangers, comment viennent-ils se manifester à nous ?

Précisément comme le fait notre propre esprit quand il rentre dans son logis au moment du réveil. Ainsi, le somnambule bien endormi est un étui vide de son esprit; un autre esprit s’en empare et le fait manoeuvrer à sa guise, le fait parler, écrire et penser d’après ses facultés qui n’ont souvent rien de commun avec celles de l’esprit du sujet, lequel ne se rappelle rien quand son esprit lui revient et que l’autre s’en va; ce qui explique comment l’esprit d’emprunt parle souvent à la troisième personne de celui qui est absent et qu’il appelle l’autre.

Les magnétiseurs me comprendront, mais les profanes ne verront que du galimatias double dans nos explications pourtant si terre-à-terre et si claires.

La table ou le somnambule sont tout un, un esprit étranger les anime l’un et l’autre, mais les médiums sont plus

aisés il comprendre ; il faut s'en tenir aux mfdiwm; on ne peut pas faire grand’chose sans eux, mais, dans aucun cas, nous ne devons faire abstraction de notre raison et de notre jugement, sous peine d’être mystifiés par les esprits farceurs qui ont exactement les mêmes défauts et les mêmes qualités après qu’avant, en-deçà comme au-delà d; la frontière; l’un d’eux a donné de la mort l’explication suivante :

Réveil silencieux d'un sommeil ngité,

La mort est le chaînon do l'immortalité.

Un Correspondant.

Je ne dois point ici inscrire le nom de notre spirituel et ingénieux fou; mais en est-il besoin? ce nom n’est-il pas sur notre liste? Cherchez, lecteurs, vous trouverez sans peine; avec quelqu’un d’entre vous, il faut des précautions quand il s’agit des esprits, et notre collaborateur, en signant Un Fou, vous montre sa sagesse.

Baron DU POTET.

BIBLIOGRAPHIE.

DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE, par Ellphas Lévv (Alplionsc-Louis Constant). 2 vol. in-8°.

Depuis les temps les plus reculés dont les monuments historiques nous ont conservé le souvenir, certains hommes ont passé pour posséder une science mystérieuse réservée à un petit nombre d’adeptes, pour jouir d’un pouvoir extraordinaire, commander à la nature et accomplir des œuvres prodigieuses. On a appelé magic l’ensemble de leurs connaissances. Tantôt on l’a fait venir de la faveur des dieux qui auraient bien voulu communiquer à quelques mortels privilégiés de précieux secrets; tantôt, au contraire, on l’a regardée comme une œuvre infernale, comme une coopération avec les démons. La croyance à la magie existe chez tous les peuples et s’y trouve presque toujours mêlée à la religion : mais c’est surtout au moyen-âge que la magie joue un grand rôle sous le nom de sorcellerie ; objet de l’épouvante des populations et de la haine du clergé, elle subit d’affreuses persécutions qui, loin de l’éteindre ne font que la répandre et la fortifier; d’innombrables bûchers dévorent les individus signalés comme ayant cherché à s’initier à la science maudite. La sorcellerie ne commence à décliner que quand on cesse de poursuivre les sorciers. Puis arrive la philosophie rationnelle qui, citant à son tribunal la religion aussi bien que la magie, les soumet à la môme critique, les enveloppe dans une môme dénégation et fait succéder la dérision à l’effroi.

Il s’est trouvé depuis des hommes aussi consciencieux qu’érudits, qui n’ont pas regardé cette sentence comme définitive, qui réclament une révision du procès fondée sur

un examen plus impartial, et qui entreprennent la tâche démesurément hardie de réhabiliter la magie. On doit au moins ii leurs efforts une attention bienveillante; car, quoi qu’il en soit de la réalité du pouvoir magique, une institution qui pendant une si longue suite de siècles a compté tant d’adhérents, qui a occupé une si grande place dans l’histoire, qui a eu tant d’influence sur les lois et les mœurs, mérite d’être étudiée sérieusement : il importe l’humanité de connaître enfin les secrets, les procédés de ceux qui ont passé pour s’élever au-dessus d’elle.

M. Constant, écrivain distingué, penseur hardi et champion courageux d’idées généreuses, s’est livré à de longues et patientes recherches pour débrouiller le chaos de la magie, pour soulever le voile épais qui jusqu’ici en a dérobé les arcanes ii l’œil du vulgaire; il a lu, commenté, expliqué les œuvres réputées indéchiffrables de ces sphinx du moyen-âge et de la Renaissance, qui avaient (à dessein sans doute) entouré leurs doctrines de ténèbres ; il a surpris leurs secrets, deviné leurs énigmes, et, tirant la vérité du fond du sanctuaire pour la produire au grand jour, il convie généreusement tous ses lecteurs à la connaissance de la science monopolisée par les privilégiés; la lumière, affranchie du boisseau, va luire pour tout le monde. Les merveilles attribuées aux anciens magiciens vont devenir d’une exécution facile, à la portée du premier venu; le genre humain va s’enrichir de facultés transcendantes, la société va se transformer et entrer dans une phase supérieure.

Telles sont les promesses de l’auteur. Qui n’accourrait pour s’instruire à ses leçons, pour participer à la puissance qu’il offre de nous départir? Laissons-le expliquer lui-même le but de son enseignement :

« Oui, il a existé et il existe encore une magie puissante et réelle ; oui, tout ce que les légendes en ont dit était vrai ; ici seulement, et contrairement à ce qui arrive d’ordinaire, les exagérations populaires n’étaient pas seulement à côté, mais au-dessous de la vérité... Oui, il existe une science qu i confère à l’homme des prérogatives en apparence surhu-

uiaines____Celui qui tient en sa main droite les clavicules de

de Scbomoh, et dans la gauche la branche d’amandier fleuri, voit Dieu face à face, et, sans mourir, converse familièrement avec les sept génies qui commandent à toute la milice céleste; il règne avec tout le ciel et se fait servir par tout l’enfer ; il dispose de sa santé et de sa vie et peut également disposer de celles des autres ; il a le secret de la résurrection des morts et la clef de l’immortalité ; il possède la pierre philosophale et la médecine universelle ; il connaît les lois du mouvement perpétuel et peut démontrer la quadrature du cercle ; il change en or, non seulement tous les métaux, mais aussi la terre elle-même, et les immondices mêmes de la terre ; il dompte les animaux les plus féroces, et sait dire les mots qui engourdissent et charment les serpents; il possède l’art notoire qui donne la science universelle; il connaît à la première vue le fond de l’âme des hommes et les mystères du cœur des femmes; il force, quand il lui plaît, la nature à se révéler ; il a la raison du passé, du présent et de l’avenir; il prévoit tous ceux des événements futurs qui ne dépendent pas d’un libre arbitre supérieur ou d’une cause insaisissable ; il gouverne les éléments, apaise les tempêtes, guérit les malades en les touchant, et ressuscite les morts... Tels sont les résultats de la philosophie occulte, et nous sommes en mesure de ne pas craindre une accusation de folie ou un soupçon de charlatanisme en affirmant que tous ces privilèges sont réels. Il existe dans la nature une force bien autrement puissante que la vapeur, et au moyen de laquelle un seul homme qui pourrait s’en em-

!>arer et saurait la diriger, bouleverserait et changerait la ace du monde. Cette force était connue des anciens : elle consiste dans un agent universel dont la loi suprême est l’équilibre et dont la direction tient immédiatement au grand arcane de la magie transcendantale. Par la direction de cet agent, on peut changer l’ordre même des saisons, produire dans la nuit les phénomènes du jour, correspondre en un instant d’une extrémité à l’autre de la terre, voir, comme Apollonius, ce qui se passe à l’autre bout du monde, guérir ou frapper à distance, donner à la parole un succès et un retentissement universels. » (Tome 1", pages 18 à 23.)

A l’annonce d’un aussi magnifique programme, on se sent pris de vertige; sous notre main est l’arbre fatal du Paradis terrestre, dont l’ange armé d’une épée flamboyante ne défend plus l’accès... Puis la grandeur des promesses faisant

douter de leur réalité, on se demande si l’on a affaire à un initiateur ou à un mystificateur... Faisons taire la voix du scepticisme railleur qui taxe d’impossibilité tout ce qu’il ne connaît pas, entrons résolument dans le domaine du merveilleux, approchons de ces brillantes féeries qu’on met à notre disposition, et voyons si nous pourrons nous emparer de cet empire immense qu’on nous présente comme fruit de nos études.

L’auteur définit ainsi la magie :

« C’est la science traditionnelle des secrets de la nature qui nous vient des mages. — Au moyen de cette science, l’adepte se trouve investi d’une sorte de toute-puissance relative et peut agir surhumainement, c’est-à-dire d’une manière qui passe la portée commune des hommes. »

11 divise son ouvrage en deux parties : le dogme, c’est-à-dire ce que l’on doit croire, et le rituel, c’est-à-dire la manière d’opérer pour produire des effets magiques.

Dès ces premières notions, nous nous croyons en droit de lui faire observer que sa magie n’est pas une science dans le sens rigoureux du mot, puisqu’elle ne se compose pas d’un enchaînement de vérités démontrables à la raison, mais qu'elle ne comprend que des procédés transmis par la tradition et dont on nous propose l’acceptation sans nous rendre compte logiquement des motifs qui les ont fait adopter ; ce ne serait donc qu’un art empirique.

L’exposition du dogme commence par l’énumération des qualités requises pour l’adepte. Les conditions morales sont fort rigoureuses : on exclut

« L’homme esclave de ses passions ou des préjugés de ce monde ; l’homme qui aime ses idées et qui a peur de les perdre, celui qui redoute les vérités nouvelles et qui n’est pas disposé à douter de tout plutôt que d’a 1 mettre quelque chose au hasard ; celui qui tient à quelque chose au monde plus qu’à la raison, à la vérité et à la justice ; celui dont la volonté est incertaine et chancelante, soit dans le bien, soit dans le mal ; celui que la logique effraie, que la vérité nue fait rougir ; celui qu’on blesse en touchant les erreurs reçues, etc. »

Voilà une large élimination, et j; ne sais s'il i.wiste bien des gens qui puissent se vanter d’y échapper; de sorte que si, après avoir lu attentivement le livre et vous être conformé de point en point à ses prescriptions, vous n’obtenez aucun résultat, on pourra dire que l’insuccès n’est pas dù àl'insufli-sance de la magie, mais à la vôtre, ce qui permettra toujours au professeur de se tirer d'allaire.

« Il n’y a qu’un dogme en magie, et le voici : le visible est la manifestation de l’invisible, ou, en d’autres termes, le verbe parfait est dans les choses appréciables et visibles, en proportion exacte avec les choses inappréciables à nos sens et invisibles à nos yeux. »

Si c’est là tout le dogme, on ne conçoit pas que les anciens se soient donné tant de mal pour le voiler sous des formules compliquées, sous des emblèmes hiéroglyphiques d’une obscurité effrayante, sous des combinaisons cabalistiques de nombres, et cela pour dérober à la multitude la connaissance d’une vérité aussi peu dangereuse. Fallait-il donc des précautions si nombreuses, des initiations si redoutables pour arriver à un tel but? En s’efforçant d’être si peu intelligibles, n’ont-ils pas encouru les justes reproches de la postérité, et ne peut-on supposer avec quelque fondement qu’ils se sont ainsi donné l’aspect de la profondeur pour cacher le vide de leur science et pour éblouir les ignorants?...

M. Constant, dans son exposition du dogme, explique d’une manière fort ingénieuse un grand nombre d’allégories; il déploie une vaste érudition et fait preuve d’une sagacité remarquable; son style clair et brillant, ses dissertations lumineuses, ses aperçus philosophiques charment et entraînent le lecteur. Nous voulons bien admettre la justesse de ses explications ; mais nous y cherchons en vain une doctrine. Qu’il ait su, à l’aide de savantes recherches, nous rendre un compte fidèle des travaux des magiciens, soit ; mais il ne nous prouve pas que ces auteurs aient possédé une véritable science.

Le chapitre 13 nous a paru mériter une mention particulière. L’auteur nous affirme qu’en se magnétisant soi-même,

on arrive à une espèce île somnambulisme lucide et éveillé, et qu’on peut ainsi évoquer les âmes des morts. 11 raconte, d’une manière dramatique et saisissante, comment il y a réussi en observant scrupuleusement les pratiques du rituel. 11 évoqua le divin Apollonius, et il le vit apparaître. 11 lui adressa mentalement des questions, et il entendit en lui— même une voix qui lui (it des réponses; elles contiennent, nous dit-il, la révélation de deux secrets cabalistiques qui pourraient, s’ils étaient connus de tout le inonde, changer en peu de temps les bases et les lois de la société tout entière.

« En conclurai-je, ajoute-t-il, que j’ai réellement évoqué, vu et touché le grand Apollonius? Je ne suis ni assez halluciné pour le croire, ni assez peu sérieux pour l’affirmer. L’effet des préparations, des parfums, des miroirs, des pen-tacles, est une véritable ivresse de l’imagination qui doit agir vivement sur une personne déjà impressionnable et nerveuse. Je n’explique pas par quelles lois physiologiques j’ai vu et touché ; j’affirme seulement que j’ai vu et que j’ai touché ; que j’ai vu clairement et distinctement sans rêves, et cela suffit pour croire à l’efficacité réelle des cérémonies magiques. Mais, dit-il plus loin, rien ne prouve que les esprits quittent les sphères supérieures pour s’entretenir avec nous, et le contraire même est plus probable. Nous évoquons les souvenirs qu’ils ont laissés dans la lumière astrale qui est le réservoir commun du magnétisme universel... Je considère uniquement ma vision comme le rêve volontaire d’un homme éveillé. »

L’auteur avoue donc qu’il n’a réussi qu’à éprouver une hallucination et peut-être une crise accompagnée de quelques éclairs de lucidité. Mais s’il en est ainsi, pourquoi tout cet attirail de rites et ces cérémonies savamment combinées? Pourquoi le pentagramme, l’emploi de caractères cabalisti-tiques, la peau d’agneau, le réchaud de cuivre, l’encens, la robe blanche, la couronne de feuilles de verveine entrelacées d’une chaîne d’or, etc. ? Une foule de crisiaques, parmi lesquels nous citerons la somnambule de M. Cahagnet, arrivent, en nécromancie, à de bien plus grands résultats sans aucun «appareil. Et on supposant même que des personnes ne puissent se mettre en crise qu’à l’aide de certaines formalités

qui frappent le?> sens et l’imagination, le choix des cérémonies serait indillérent et dépendrait du caractère des individus et «les circonstances où il s’agirait d’opérer. Les formes employées par tels ou tels anciens magiciens n’auraient donc aucune vertu intrinsèque, et ce serait même alors une superstition que de faire dépendre le succès de la fidélité à se conformer à un rituel particulier. Quoi qu’il en soit du choix du mode d’opérer, nous voilà bien loin des pro uesses qui nous étaient faites, et la nécromancie se réduit à un songe. Nous n’avions pas besoin de la magie pour produire de tels effets, et elle ne nous apporte aucun secret nouveau.

M. Constant nous semble n’avoir pas des idées bien arrêtées sur la valeur des rites. Tantôt il nous les représente comme conduisant au but par l’éducation et l’exercice de la volonté (T. 11, p. (5), et il cite l’exemple du paysan qui se lève tous les matins à deux heures pour aller cueillir un brin de la même herbe avant le soleil levé; et celui de la bonne femme, qui se prive d’un sou de lait le matin pour aller porter aux triangles magiques des chapelles un petit cierge qu’elle laisse brûler : ils acquièrent par là, nous dit-on, une grande puissance, bien que leurs procédés n’aient rien de commun avec ceux du grimoire. Tantôt il nous assure qu’en magie il n’y a rien d’arbitraire, parce que tout est réglé et déterminé d’avance par le dogme unique et universel d’Hermès, celui de l’analogie dans les trois mondes; que tout signe correspond à une idée et à la forme spéciale d’une idée; que tout acte exprime une volonté correspondant à une idée et formule les analogies de cette pensée et de cette volonté ; que les rites sont donc déterminés par la science elle-même.

« Ces rites, dit-il plus loin, n’ont rien de fantastique ni d’arbitraire; ils nous ont été transmis par l’antiquité et subsistent toujours par les lois essentielles de la réalisation analogique et du rapport qui existe nécessairement entçe les idees et les formes (p. 72). »

Ce système choque la raison qui refuse de se soumettre tant qu’on ne lui aura pas démontré la réalité du rapport

prétendu entre les rites et l’objet auquel ils sont destinés. Pour reconnaître à ce cérémonial une valeur quelconque, il faudrait être en mesure de nous en montrer l’efficacité par des faits éclatants et bien avérés. Mais ces faits, où sont-ils ? M. Constant en a-t-il produit, est-il en mesure de nous en présenter? Nullement. Dans aucune partie de son ouvrage, il n’aflinne explicitement avoir obtenu aucune réalisation, ni en avoir vu opérer par d’autres. Bien plus, il va au-devant des demandes qui ne pouvaient manquer de lui être faites à ce sujet, en nous déclarant (t. Il, p. Qlt) que le magicien ne doit jamais céder au désir de convaincre par des effets, sous prétexte que ces effets seraient attribués à des prestiges ou pourraient attirer des persécutions sur leur auteur. Ainsi, il possède le secret de faire de l’or, recette à l’aide de laquelle un véritable sage pourrait transformer la société et sauver le genre humain. Mais ni lui, ni aucun de ceux auxquels il a communiqué sa recette, n’ont encore fait la plus petite parcelle d’or. Il s’ensuit évidemment que, non-seulement aucun hornme sensé ne peut, sur une pareille affirmation, admettre la réalité d’un art qui ne se révèle par aucun acte, mais encore qu’on ne peut s’expliquer comment s’est formée la conviction de l’auteur qui n’a rien vu et a cru sur parole les anciens auteurs dont le témoignage aurait pourtant besoin de vérification.

11 nous dit que donner des preuves de la science à ceux qui doutent de la science même, c’est initier les indignes, c’est profaner l’or du sanctuaire, c’est mériter l’excommunication des sages et la mort des révélateurs (t. I, p. 272). — C’est là un cercle vicieux : car un homme de bon sens ne peut accepter que ce qui lui est démontré, ni croire à une science qui refuse de faire ses preuves. Quelle confiance peut mériter celui qui se dit thaumaturge, et qui se borne à le dire sans rien produire ?

Du reste, M. Constant se permet parfois de soumettre les traditions magiques au jugement de la raison, et il ne s’in-terdit pas de condamner et même de bafouer celles qui ne concordent pas avec ses propres opinions. Ainsi, il nous ex-

pose en détail les procédés île la magie noire qui avait pour but principal d’évoquer le diable : mais comme il repousse formellement l’existence du diable, il n’hésite pas i\ déclarer que tout cet attirail de turpitudes et de monstruosités par lequel 011 se flattait d’entrer en communication avec les puissances infernales, n’était qu’une affreuse et vaine mo-merie. Puisqu'il se croit en droit de répudier comme chimérique toute cette partie de la magie traditionnelle, bien qu’elle se recommandât de l’autorité de tous les graves auteurs dont il aime à. suivre les traces et dont il interprète les écrits avec un soin religieux, comment n’a-t-il pas au moins conçu quelque doute sur la valeur du surplus de leurs enseignements, qui n’est confirmé par aucun résultat palpable? Est-ce bien sérieusement qu’il nous affirme de leur part (bien que ne l’ayant pas expérimenté par lui-même) qu’on peut, par les procédés qu’il nous décrit, évoquer et s’asservir les sylphes, les ondins, les gnomes et les salamandres; que pour les ondins en particulier, il faut employer des branches de verveine, de pervenche, de sauge, de menthe, de valériane, de frêne et de basilic, liées par un fil sorti de la quenouille d’une vierge, avec un manche de noisetier qui n’ait pas encore porté de fruits, et sur lequel il faut graver avec le poinçon magique les caractères des sept esprits; que, pour se préserver de l’envoûtement par le crapaud, il faut porter sur soi un crapaud vivant dans une boîte de corne, etc., etc... Il se moque avec raison des recettes du Petit-Albert : celles qu’il préconise valent-elles davantage ?

Il ne craint pas de réhabiliter l’astrologie. D’après lui, il y a un rapport nécessaire entre la position des astres au moment de la naissance d’un enfant, et l’avenir de celui-ci. Ce principe, qui sert de point de départ à l’astrologie, n’a jamais été démontré, et nul n’a osé même l’entreprendre. Mais en admettant même que cet étrange paradoxe soit une vérité, il resterait aux partisans de l’astrologie à poser les règles servant à établir ces rapports, et à prouver, par une collection de faits authentiques, la justesse de ces règles.

A cet égard, il n’y a rien de précis; et quant aux faits, nous attendons encore qu’on nous cite un seul événement prédit d’une manière catégorique ;\ l’aide de ces règles. L’auteur aurait pu au moins y suppléer par un calcul rétrospectif, comme on fait à l’égard des éclipses, en prenant comme exemples les époques de naissance de quelques hommes connus, et en prouvant que les événements de leur vie se trouvent en parfaite conformité avec ce qu’annoncent les règles astrologiques.

M. Constant, tout en donnant des procédés pour lire l’avenir dans le ciel, fait justice-de cet art chimérique, et écoute la voix du bon sens plutôt que celle de la tradition ; voici comment il s’exprime :

« Pour ce qui est de l'alphabet des étoiles, nous croyons qu’il est facultatif, comme la configuration des nuages qui semblent prendre toutes les formes que notre imagination leur prête. 11 en est des groupes d’étoiles comme des points de la géomancie et de l’assemblage des cartes dans la moderne cartomancie. C’est un prétexte pour se magnétiser soi-même et un instrument qui peut fixer et déterminer l’intuition naturelle... Les intuitions magnétiques donnent seules de la valeur et de la réalité à tous ces calculs cabalistiques et astrologiques, puérils peut-être et complètement arbitraires, si on les faisait sans inspiration, par curiosité froide et sans une puissante volonté. »

Cette conclusion rationnelle est celle que nous avons donnée sur les divers procédés de divination. Mais alors que deviennent les tarots, phanisphères et autres hiéroglyphes hérissés de lettres hébraïques, etc.? Ces énigmes valent-elles le mal qu’on se donne à les déchiiTrer ?

Dans plusieurs chapitres, M. Constant traite du magnétisme en homme qui l’a étudié à fond; il présente à ce sujet des considérations pleines d’intérêt, particulièrement sur l’emploi des forces morales et sur leur application au traitement des maladies de l’âme et du corps ; nous n’avons que des éloges à donner à cette partie de l’ouvrage, qui sera lue avec fruit par tous les magnétistes. 11 fait entrer le magnétisme dans le cercle des sciences occultes ou magi-

ques, comme ont fait la plupart de ceux qui ont écrit sur ces matières. Nous souscrivons au moins provisoirement à cette classification qui toutefois pourra bien être corrigée par suite des progrès ultérieurs de nos connaissances. Dès à présent, nous croyons devoir faire remarquer qu’on est loin de s’accorder sur ce qu’on doit entendre par sciences occultes, que les définitions ordinaires de la magie impliquent le concours des esprits et sont rejetées par beaucoup d’adeptes, et que ce caractère ne convient pas au magnétisme. Néanmoins, pour le public, le caractère essentiel de la magic, c’est le mystère et l’extraordinaire, ce qui est transitoire et variable.

« Le surnaturel, dit tres-bien l’auteur, n’est que le naturel extraordinaire ou le naturel exalté : un miracle est un phénomène qui frappe la multitude, parce qu’il est inattendu; le merveilleux est ce qui émerveille, ce sont des efïets qui surprennent ceux qui en ignorent les causes ou qui leur assignent des causes non proportionnelles à de pareils résultats. Il n’y a de miracles que pour les ignorants ; mais comme il n’existe guère de science absolue parmi les hommes, le miracle peut encore exister, et il existe pour tout le monde. » (T. II, p. 2.)

A ce titre, le magnétisme peut être considéré comme une branche de la magie : il cessera de l’être dès qu’il sera mieux étudié et plus généralement connu. Mais ce qui le distingue profondément des autres branches, c’est que, loin de rechercher le mystère, il appelle le grand jour; c’est qu’il se manifeste aux yeux de tous ceux qui veulent l’observer, par des faits éclatants, susceptibles de se reproduire à chaque instant; c’est qu’il demande de toutes ses forces la vérification et le contrôle expérimental ; c’est qu’au lieu de recourir à des formes sacramentelles ou traditionnelles, il n’emploie que les procédés que l’expérience reconnaît comme les plus efficaces, et les modifie suivant les besoins ; c’est qu’en un mot, il marche de plus en plus dans la voie véritablement scientifique.

En résumé, nous sommes loin de nier d’une manière absolue la réalité de la magie : nous regardons même comme

probable que ceux qui se sont fait un nom dans l’étude et la pratique de ses arcanes, ont accompli de grandes choses ; il est par conséquent très-désirable qu’on cherche à pénétrer leurs secrets et à restituer à l’humanité les moyens de reproduire les résultats qu’ils ont obtenus. Ou doit donc savoir gré à M. Constant de ses eiïorts pour nous faire connaître les auteurs qui ont écrit sur cette matière, pour nous initier à leurs systèmes et à leurs rites : ses travaux ont une haute valeur et ont agrandi le champ de l’érudition. Mais nous pensons qu’il s’est abusé quant au pouvoir qu’il leur attribue et quant à l’importance d’un cérémonial bizarre et compliqué dont rien ne prouve l’efficacité. Nous doutons qu’il réussisse à former des magiciens : mais nous le remercions de nous avoir procuré une lecture aussi attachante qu’instructive, et nous sommes certain que son ouvrage occupera une place distinguée dans la bibliothèque des hommes studieux.

A. s. MORIN.

VARIÉTÉS.

ATTRACTION d’OUTRE-TOMBE.

Dans notre dernier numéro, nous avons publié le suicide d’une pauvre jeune femme, suicide accompagné de circonstances singulières, nous trouvons un nouvel exemple d’une mort à peu près semblable, consigné dans le journal la Presse du 6 février.

Voici cette histoire :

« Un commerçant dont l’établissement jouit, à Paris, d’une certaine célébrité, M. K..., venait d’assister au mariage de sa fdle, un de ces jours derniers, lorsqu’en sortant de la mairie, il monta dans un fiacre pour aller, disait-il, chercher un de ses amis qu’il avait oublié d’inviter îi la noce. On ne le revit plus, et, lendemain, la nouvelle mariée reçut, par la poste, la lettre suivante :

« Ma bonne fille, je vais changer ta robe de noce en robe « de deuil ; mais que cela ne te cause aucune douleur, que « cela ne te fasse verser aucune larme. 11 y a longtemps « que la vie m’était à charge, mais surtout depuis la mort « de ta mère ; il me restait ii remplir sur terre un devoir « auquel je n’ai pas voulu faillir. Je ne pouvais, je ne devais v pas te laisser sans appui. Tu es maintenant mariée, ma * tâche est accomplie, et je vais, sois-en bien certaine, cher-« cher le bonheur dans un autre monde.

« Adieu, je meurs heu»eux. »

Un lien mystérieux unit, sur la terre, les âmes de quelques êtres aimants ; la mort même ne saurait rompre ce lien. C’est ici que lr ence est en défaut ; elle appelle folie ce qui vient de la . aire et de Dieu, mais le scepticisme obscurcit l’intelligence et conduit à la négation des choses les plus réelles.

Baron DU POTET.

Le Gérant : I1ÊBEKT (de Garnay).

TABLE

ANALYTIQUE

DES MATIÈRES DU TOME QUATORZIÈME.

INSTITUTIONS.

Dispensaire magnétique de Paris. Avis de M. Hébert (de Garnay) sur les premiers traitements pratiqués sous sa direction, 4, 535.

Dispensaire magnéto-thérapique de Toulouse. Son ouverture sous la direction de M. le Dr Bégué. Bases d’organisation et mise eu train de cet établissement, 5, 88, 300, 587;

— Rapport sur uno cure remarquable, 417.

Fête de Mesmer : 121e anniversaire, 10e célébration à Paris. Compte-rendu par M. du Potet. Discours et tostes de MM. du Potet et Morin. Pièces de vers de MM. Baïhaut et Jobard. Distribution de médailles décernées par le jury magnétique, 255 à 273.

Infirmnerie magnétique de Londres. Maladies traitées dans cet établissement, 29, 533. — Rapport de M. le Dr Elliotson sur l’ablation d’un sein cancéreux, 477.

Institut médico-magnétique de Tu-

rin. Sa fondation, sous la direction de M. Allix, avec le concours médical de M. le Dr Camiletti, 615.

Jury magnétique d’encouragement et de récompense. Rapport de M. Mac-Sheeby, secrétaire général, 6.

— Médailles honorifiques décernées à divers magnétistes, 273.

Société du Mesmérisme de Paris. Thèses soutenues pour l’obtention du grade de membres titulaires, par MM : Ogier, 113 ; — Sallard, 281 ; Petit d'Ormoy, 393, 421. — Mémoire adressé par M. le Dr Casati pour devenir membre correspondant, 170.

Société magnétique de Turin. Lettre de M. Allix, son président, sur la propagande qu’exerce le Journal Il Magnetofilo, fondé par cette société, 132.

Société philanlhropico-magnétique de Paris. Nomination de M. le Dr du Planty comme président d’honneur, 154.

CLINIQUE.

$ I. — Cas de chirurgie.

Opérations tans douleur

Ablation d’un sein cancéreux, 477.

Extraction de molaires, 169. Ouverture d'un abcès au sein, 352.

$ II. — Cas de mêdecine.

Maux guéris ou soulagés. Affection dartreuse, 135.

Aliénation mentale, 155, 174. Aménorrhée, 225.

Aphonie, 29, 355.

Arthrite du genou, 50.

Atrophie musculaire, 50.

Calcul vésical, 419.

Carie de côtes, 289.

Cécité, 29.

Céphalalgie, 355.

Congestion cérébrale, 85. Contractions musculaires, 29.

Contracture de membres, 29.

Convulsions, 225.

Crises nerveuses, 29.

Encéphalite, 225, 534.

Entorse, 156.

Epilepsie, 30.

Fièvres diverses, 29, 355.

Goutte, 29.

Hystérie, 29, 591.

Lèpre, 155.

Névralgie faciale, 29.

Noctambulisme, 171.

Odontalgie, 155.

Ophtalmie, 355.

Panaris charbonneux, 356.

Paralysie, 30, 614.

Rhumatisme goutteux et autres, 29, 155.

Surdité, 30, 155, 322.

Tic douloureux, 29.

Tumeur synoviale, 626.

BIBLIOGRAPHIE.

Application du somnambulisme magnétique au diagnostic des maladies ; par le Dr I.ouis de Séré. — Extraits et appréciation analytique, par M. A. S. Morin, 493.

Bonne (la) Aventure, par E. Sue. Roman où la prévision sert de pivot à l'action. — Analyse et examen philosophique, par M. A. S. Morin, 40.

Esprit de vérité, ou Métaphysique des Esprits ; par D. Buret.— Examen et citations, par M. A S. Morin, 527.

Esprit (l’) saint des Tables animées. Ecrit anonyme. — Analyse et citation, par M. A. S. Morin, 24.

Instruction explicative des tables tournantes, etc. ; par Serd. Silas, avec une introduction par H. Delaage. — Extraits et examen, par M. Hébert (de Garnay), 26.

Maçonnerie (la) occulte, suivie de l'Initiation hermétique, etc. ; par J. M. Ragon. — Citations, analyse et appréciation raisonnée, par M. E. de Malherbe, 213.

Magnétisme (le) animal en présence de l’association médicale des Etats sardes; par le Dr Peano Carlo. — Examen analytique, par M. A. S. Morin, 613.

Magnetofilo (Il), journal de la Société magnétiqne de Turin, publié sous la direction de M. E. Allix. — Réflexions scientifiques à propos de cette publication, par M. Govi, 248.

Manuel de physiologie, par Mueller, professeur à l’Université de Berlin.

— Extraits et critique par M. Hébert (de Garnay), 98.

Mesmer et le Magnétisme animal, par E. Bersot. — Appréciation par M. F. Normand, 501.

Mode (du) d'action des eaux minéro-thermales de Plombières, par le Dr Léopold Turk. — Examen raisonné et citations, au point de vue du fluide nerveux considéré comme source de l'électricité humaine, par M. le Dr E. V. Léger, 71.

Monde (le) spirituel est-il une chimère ? Réflexions sérieuses sur

cette question plaisante, par un habitant du monde visible. — Mention par M. A. S. Morin, 532.

Paradis (le) des femmes, par Paul Féval ; roman où le mesmérisme est employé comme ressort dramatique. — Compte-rendu, par M. E. de Malherbe, 167.

Premier coup d'œil sur le monde merveilleux du Magnétisme, par Ch. Scholl. — Extraits et appréciation, par M. F. Silas, 514.

Préservatifs (des) à mettre en usage contre le choléra-morbus épidémique, et de son traitement curatif. Opuscule dicté par une somnambule, avec préface du Dr P. M***.

— Mention par M. Bruyas, 28.

Question (la) des Esprits, ses progrès

dans la science, etc. ; par le Mis Eudes de Mirville. — Réfutation, au point de vue démonologique, par M. l'abbé Almignana, 329 ; — au point de vue philosophique, par M. A. S. Morin, 464.

Seconde lettre de gros-Jean à son évêque, au sujet des tables parlantes, des possessions, des sybilles, du magnétisme et autres diableries. — Examen analytique par M. A. S. Morin, 609.

Somnambulisme (du) des tables tournantes et des médiums, considérés dans leurs rapports avec la théologie et la physique; examen des opinions de MM. de Mirville et de Gasparin ; par M. l'abbé Almignana. — Analyse raisonnée, par M. A. S. Morin, 162.

Tables (les) mouvantes et les miracles du XIXe siècle, ou la nouvelle Magie, par un Croyant dé Chambéry.

— Examen et citations, par M. Hébert (de Garnay), 51.

Théorie (la) des relations, considérée comme base de la science et du progrès actuel ; par l'abbé Caupert, professeur de philosophie au grand séminaire de Versailles. — Extraits et examen raisonné, au point de vue du magnétisme, par M. E. de Malherbe, 126.

Théorie positive des phénomènes étudiés sous la dénomination de ma

gnétisme animal, etc ; article publié dans la Gazette de médecine et de chirurgie, par le Dr L. A. Segond. — Réfutation et critique, par M. E. de Malherbe, 309, 337, 365.

Théorie psychologique du magnétisme animal ; article de M. Amédée Jacques, publié par la Revue nouvelle. — Extraits et discussion, par M. E. de Malherbe, 182.

LISTE NOMINATIVE

DES PERSONNES DONT LES ÉCRITS, LES ACTES OU LES OPINIONS

sont insérés, analysés, cités, rapportés, commentés ou réfutés dans ce volume.

Alexis Didier, 318.

Allix, 154, 210, 249, 616.

Almignana (abbé), 84, 162, 336.

Andrai (Dr), 290.

Andraud (Dr), 209.

Arnette, 122.

Baïhaut, 267.

Balzac (H. de), 26, 507, 569.

Barnard, 578.

Barthélemy (Mme), 463.

Barthet (Joseph), 94

Barthez (Dr), 197, 201.

Beau (Dr), 84.

Bégué (Dr), 3, 90, 273, 306, 420, 587. Bellanger (Dr), 310, 338.

Bencch (Dr), 297.

Bérard (Dr), 295.

Bernardi, 212.

Bersot, 308, 501.

Besson, 64, 180. 392.

Bichat (Dr), 197.

Biran (de), 184.

Blackwell (Anna), 159.

Bonner (Mllle), 274.

Bonnet, 77.

Boudin (Dr). 498.

Bouillaud (Dr), 197.

Braid, 104.

Bremond (Mme), 178.

Breton (Mlle), 626.

Brunot (Ada), 576.

Bruyas, 28.

Buret, 527.

Burtin, 121.

Cahagnet, 166.

Capern, 29.

Carpenter (Dr), 100.

Casati (Dr), 175.

Caupert (abbé), 126.

Cerise (Dr), 556.

Charpignon (Dr), 203.

Chataing (Mme), 275.

Chevalier, 277.

Chevreul, 280.

Clapier, 157.

Clever de Maldigny (Dr). 506, 575.

Coddé (Dr), 273.

Coignat (abbé,) 125.

Coquet (Dr), 290, 368.

Cordier (Dr), 591.

Corretel (Mlle), 275.

Coupry, 155, 181.

Danvillier-Lahaye (Mme), 463. D’Aunet (Mme), 511.

Davidson, 617.

Déchanest, 298.

Delaage, 26.

D’Escayrac (Comte), 449.

Deslon (Dr), 372.

Dexter (Dr), 624. «

Dittmar (Dr), 241, 554.

Donné (Dr), 75.

Driesken Nypers, 599.

Drivon, 273.

Dugnani (Dr), 170.

Dumez, 27.

Duparc Loutreuil, 461.

Du Planty (Dr), 154.

Du Potet (baron), 19, 25, 38, 70, 92, 97, 151, 161, 206, 255, 273, 280, 308, 488, 560, 562, 583, 590, 643, 644.

Durand, 160.

Durand-Fardel (Dr). 161.

Ebenezer Allen, 576.

Eissen (Dr), 550.

Elliotson (Dr), 478.

Faye (Dr), 289.

Feval (Paul), 167.

Flowerday (Mme), 478.

Franck (Dr), 76.

Frappart (Dr), 295.

Fugère, 290.

Garcin (Dr), 161, 273.

Gasparin (de), 162.

Gassner, 549, 605.

Gautier, 5, 169.

Gerdy (Dr), 197, 284.

Goizueta, 143.

Gousset (arch. de Reims), 138.

Govi, 252.

Gravé, 356.

Greatrakes, 372, 547, 602.

Gregory (Dr), 102, 537.

Gros (Dr). 232.

Guillois (abbé), 138.

Haller (Dr), 201.

Hartshorn, 6.

Hébert (do Garnay), 4, 23, 28, 39, 56, 112, 159, 161, 247, 273, 308, 389, 463, 520, 535, 558.

Hémery, 276.

Hennequin (Victor), 23, 117.

Hérold (Mme), 67.

Hise, 629.

Hohenlohe (prince de), 431.

Jacques (Amédée), 182.

Jobard, 271.

Jutel (Mme), 353.

Koons, 619.

Lacauchie (Dr), 72.

Lacordaire (R. P.), 138, 333, 387. Lafontaine, 462.

Lapière(Mme), 169.

Lassaigne, 305.

Léaumont, 273.

Lecomte, 482.

Léger (Dr). 84, 124.

Loroy (Mme), 418.

Levassor, 431.

Littré, 112.

Loisson de Guinaumont. 27.

Louyet (Dr), 323, 324, 352, 355.

Lovy,161.

Mac Sheely, 7.

Magnien, 298.

Malherbe (de), 140, 168, 196, 224, 321, 351, 380, 509, 544.

Mandt (Dr). 307.

Maria (Mlle), 292.

Masson (Dr), 204.

Mathé, 298.

Maupied (abbé), 137.

Mesmer (Dr), 262, 282, 641.

Mirville (Mis de), 162, 267, 318, 329, 464.

Molard, 161.

Mongruel, 274.

Monnereau, 60,178, 489.

Montferrier (de), 325.

Morel (Dr), 546.

Morin (A. S.), 25, 50, 87, 167, 262, 385, 476, 492, 500, 532, 535, 382, 588, 613, 615, 616, 625, 640.

Mornand (Félix), 504.

Mueller (Dr), 98.

Ogier, 124, 242, 273, 629.

Ordinairc (Dr), 385, 462.

Partridge, 580.

Peano (Dr), 613.

Perrin, 276.

Pertus (Dr), 484.

Petit (Dr), 288.

Petit d’Ormoy, 417, 445.

Pezzani, 276.

Philippe (Mme), 274.

Piat (Mme), 69.

Pidoux (Dr), 87.

Pierre (Mlle), 352.

Prunel (Dr), 288.

Puységur (de), 325.

Ragon, 213.

Raine, 623.

Ratisbonne (abbé), 384.

Récamier (Dr), 368, 637. Regazzoni, 8, 159, 353.

Reynes, 448.

Ridart (Dr), 364, 556.

Robert-Houdin, 318.

Roger (Mme), 38.

Rostan (Dr), 379, 597.

Roustan, 245.

Boy (Dr), 630.

Sallard, 299.

Saucerotte, 575.

Schiff (Dr), 8.

Scholl, 514.

Segond (Dr), 309, 337, 365.

Séré (Dr de), 308, 493.

Sibour (arch. de Paris), 333, 388.

Silas (Ferd.), 26, 481, 527.

Simler, 583.

Stein (Dr), 16.

Sue (Eugène), 40.

Texier (Edmond), 247.

Thouret, 373.

Thury, 502.

Touchard (Mme), 169.

Trousseau (Dr), 87.

Tubbs. 478.

Turk (Dr), 71.

Ventura (R. P.), 331.

Vermeil, 154.

Waldener, 125.

Wilkinson, 492.

Wurtz (Dr), 533.

ÉTUDES ET THÉORIES.

Animisme et matérialisme. Observations de M. le Dr Ordinaire, contre les doctrines matérialistes de la plupart des médecins, 385.

Baguette (de la) divinatoire appliquée à la découverte des sources. Renseignements par M. Wilkinson, 489.

Curabilité (de la) des maladies par le magnétisme. Thèse par M. Sal lard, 281.

Epilepsie. Considérations physiologiques sur cette maladie, 73.

Esprits. Forme physique des esprits qui vivent dans notre atmosphère ; description par M. Buret, 530.

Jeanne-d’Arc et ses facultés extatiques. Etude par M. A. S. Morin, 381.

Magie. Observations diverses, 145, 528.

Magnétisme (du) comme moyen naturel de faire le bien. Thèse par M. Petit d’Ormoy, 393, 421.

Massage (du). Son action dans diverses affections chroniques, et son influence sur la prolongation de la vio, 82.

Métaphysique. Système de M. Ra gon sur la substance universelle, ou essence des mondes, commenté par M. de Malherbe, 220. — Description physique des esprits qui vivent dans notre atmosphère, par M. Buret; avec commentaire critique, par M. A. S. Morin, 530.

Mouvement (du) des tables. Opinions diverses, 114, 123, 499, 502, 550.

Obsession (de l'). Examen philosophique, par M. A. S. Morin, 630.

Physiologie. Dissertation sur l'identité du fluide nerveux et du fluide électrique dans l’organisme humain, par M. le Dr Turk ; avec commentaire approbatif, par M. le Dr Légcr, 72.

Prévision (de la). Examen des prédictions faites dans l’extase, le somnambulisme, etc., par M. A. S. Morin, 42, 381, 529.

Progrès (du). Théorie des relations, considérée comme base de la scien ce et du progrès actuel, par M. l’abbé Caupert, 127. — Vues philosophiques de M. du Potel sur la

part que le magnétisme doit apporter dans le progrès humain, 255.

Psycologie du magnétisme. Opinions erronées de M. Amédée (Jacques), 182 ; — de M. le Dr Segond, 309, 337, 365.

Questions relatives au magnétisme animal. Mémoire par M. le Dr Ri dart, 357.

Ragle (du) et des hallucinations. Renseignements sur divers phénomènes d'aberrations des sens, observés dans les déserts de l'Arabie, par M. le comte d'Escayrac, et commentés par M. du Parc-Lou treuil, 449.

Science (la) officielle et le magnétisme. Les savants ne voient que ruse et charlatanisme dans les faits qu’ils ne comprennent pas, ou dont la cause leur échappe. Causeries par M. du Potet, 20, 35, 65, 94, 280.

Somnambulisme magnétique. Fausse appréciation du somnambulisme, par M. Mueller, à laquelle M. Lit tré oppose les opinions de M. le Dr Carpenter, 98. — De l’application du somnambulisme au dia gnostic et au traitement des maladies, par M. le Dr de Séré ; avec réflexions, par M. A. S. Morin, 493.

Spiritualisme. Vues diverses sur les manifestations spirituelles, par MM. Arnette, 122; — Goizueta, 141 ; Abbé Almignana, 162, 329 ;

— A. S. Morin, 464 : — Buret,527 ; — du Potet, 558, 561, 589 ; — Dr Clever de Maldigny, 573.

Substance universelle. Théorie do M. Ragon, 220.

Suggestion (de la) magnétique. Manière de la produire cl observations à l’appui, par M. le Dr Car penter, 106; — par M. de Malherbe, 536.

Tables (des) tournantes et des divers phénomènes qui s’y rattachent. Thèse par M. Ogier, 113.

Vitalisme (le) et le magnétisme. Observations par M. le Dr Charpi gnon, 197.

CONTROVERSES.

Démonologie. Suivant M. le Mis de Mirville, le diable est le moteur de tous les phénomènes de magnétisme, de tables tournantes, etc. Réfutation par M. l’abbé Almi gnana, 329 ; — par M. A. S. Morin, 464.

Magnétisme (le) et la médecine. Débat entre M. le Dr Schiff et M. Re gazzoni au sujet d'expériences physiologiques faites par le premier sur les somnambules du second, 8. — Contestation entre MM. les Drs Masson et Andraud, sur une cure produite par ce dernier, avec le secours du magnétis tisme, 204. — Réfutation des opinions de M. le Dr Segond, attribuant à l'imagination la plupart des phénomènes magnétiques, par

M. de Malherbe, 309, 337, 363. — Divergences de vues de la part des journaux de médecine, relativement au magnétisme, aux tables tournantes, etc., 543.

Obsession magnétique Dissertation • sur la magie occulte, par M. A. S. Morin, à l'occasion d’une brochure de M. le Dr Emile Roy, dans laquelle ce médecin se plaint d’être tourmenté, à distance, par trois magnétiseurs ambulants, 630.

Prévision. Dissidence entre M. le Dr Ordinaire et M. Lafontaine, sur la prévision somnambulique, 462.

Spiritualisme. Discussion entre MM. Ogier et Roustan, au sujet d’évocations et de migrations d’esprits, 242.

FAITS ET EXPÉRIENCES.

Animaux magnétisés, 481.

Apparition d'esprits et de fantômes, 148, 570, 578 ; — de mains isolées, 582, 621.

Apports d’objets par les esprits, 580, 582.

Attraction magnétique, 482, 520.

Cas remarquables de chirurgie rapportés par MM. les Drs Dexter, 624; — Elliotson, 477 ; — Louyet, 352.

Catalepsie pathologique. Cas rare observé par M. le Dr Pertus, 484.

Clairvoyance ou lucidité somnam bulique, 58, 174, 210, 319.

Communication de volonté, 181.

Conversion au magnétisme. Rolation de faits qui ont donné la foi magnétique à MM. Besson aîné, 57, 176, 389 ; — Dr Casati, 171; — Scholl, 516.

Créations . matérielles des esprits, 579, 582, 624.

Cure chirurgicale opérée d’après le conseil d’un esprit, 625.

Dangers qui peuvent naître de la magnétisation à distance, 391.

Danse (la) de saint Guy à,la Nouvelle-Orléans, 446.

Dictées faites par des esprits, 508, 565, 569.

Eau magnétisée employée avec suc-

cès contre divers maux, par M. Clapier, 156.

Ecriture tracée par des esprits, 571, 580, 612.

Effets magiques, 147, 511.

Enfant retrouvé sur les Indications d'une somnambule, 210.

Esprits qui apparaissent, 148, 570, 578 ; — qui dictent, 508, 565, 569, — qui donnent des preuves d’identité, 509, 571 ; — qui font des prescriptions médicales et chirurgicales, 564, 624 ; — qui écrivent, 571, 580, 621 ; — qui soulèvent et déplacent des objets, 576, 579, 620 ; — qui font de la musique, 576, 620 ; — qui se mettent en contact avec des personnes, 577, 581, 621; — qui parlent, 578, 620 ; — qui créent des corps d’une durée passagère, 579, 582, 621 ; — qui apportent des lettres et autres objets, 580, 582 ; — qui contrefont l’écriture des personnes vivantes, 581.

Evocation d’esprits, 118, 143, 166, 303, 507, 563.

Expériences de magnétisme et somnambulisme, 58, 159, 177, 181, 211, 229, 324, 354, 590, 482, 517 ; — Magic, 147 , 528 ; — Eleclro-magnétisme et physiologie, 8, 72 ;

— électro-biologie , 510 ; — hyp notisme, 104 ; — tables tournan tes, etc., 120, 303, 503, 563, 576.

Expulsion à l’aide du magnétisme, d’un ver logé dans la tète ; rapport de M. le Dr Dittmat, 229 ; — d'un calcul vésical ; rapport de M. le Dr Bégué, 417.

Fascination réciproque d'un homme et d’un tigre, 619.

Guérisseurs indiens. 618.

Hallucination. Faits, 39, 455, 630.

Insensibilité à la douleur dans l’état magnétique, 169, 352, 368, 478, 521.

Instinct des remèdes et intuition médicale, 58, 87, 172, 229, 292, 564.

Magnétisation à distance, 390, 482 ; — à temps, 181 ; — par irradiation, 324.

Magnétisme (le) déguisé. Variantes du magnétisme présentées comme découvertes nouvelles, sous les noms d’électro-biologie, hypnotisme, etc., 105, 510.

Magnétisme mystique. Cures opérées par le prince d'Hohenlohe, 431 ; — Greatrakes, 547, 602 ; — Gass ners, 549, 605 ; — Driesken-Ny pers, 599.

Manifestations spirituelles. Esprit de Balzac, 507, 569 ; — de Ben John son, 580.

Médiums, ou intermédiaires dans les communications spirituelles, 116, 507, 563, 576, 619.

Miroirs magiques, 147, 528.

Mouvement des personnes, à l'instar des tables tournantes, etc., 115.

Mouvement et circulation rendus plus actifs par le magnétisme, chez un fœtus qu’on croyait mort, 353.

Musique des esprits, 576, 620.

Noctambulisme. Guérison d’un somnambule naturel, au moyen du magnétisme ; fait rapporté par M. le Dr Casati, 171. — Autre fait simple, 629.

Objets magnétisés, 392, 523 ; — soulevés, déplacés ou apportés par des esprits, 576, 579, 580, 582, 620.

Obsession magnétique, spirituelle, etc , 572, 630, 637.

Personnes en contact avec des esprits, 577, 581, 621.

Preuves d'identité données par des esprits, 509, 571.

Prévision. Faits, 125, 172, 319.

Rève s’accomplissant au moment même où il avait lieu. Fait rapporté par M. Simler, 585.

Somnambulisme magnétique. Faits de : attraction à distance, 482 ; — clairvoyance en lucidité, 58, 174, 210, 319 ; — communication de volonté, 181 ; — exaltation de la sensibilité organique, 104, — insensibilité à la douleur, 169, 352, 368, 478, — instinct des remèdes et intuition médicale, 58, 172, 229, 292, 564 ; — magnétisation à distance, 390, 482 ; — à temps, 181 ; — prévision, 172, 319 ; — vue à distance, et à travers les corps opaques, 59, 211.

Somnambulisme spontané. Cas divers rapportés par M. le Dr Car penter : jeune fille somniloque, 101 ; — officier mettant ses rêves en action, 102 ; — dame passant sans transition de l'état de veille au somnambulisme naturel, 103.

Sorcellerie. Fait rapporté par Mlle Anna Blackwell, 158.

Tables et autres objets qui se meuvent, répondent, etc., 115, 120, 503, 577, 620.

Traitements magnétiques. Rapports de MM. Capern, 30 ; — A. S. Mo rin, 85 ; du Potet, 95 ; — Coupry, 155 : Clapier, 157 ; — Gautier, 169 ; — Dr Casati. 171 ;— Dr Andraud, 208 ; — Dr Dittmar, 225 ; — Sal lard, 287 ; — Dr Louyet, 322, 352 ; — Gravé, 355 ; — Dr Bégué, 417 ;

— Dr Elliotson, 477 ; — Dr Cordier, 591 ; — Dr Peano, 614; — Ogier, 626.

Turgescence mammaire, 159.

Visions magiques, 147, 511, 528.

Voix des esprits, 578, 620.

Vue à distance et à travers les corps opaques, dans l’état magnétique, 59, 211 ; — dans le sommeil ordinaire, 585.