1854
JOURNAL
ni
MAGNÉTISME
RftDHifi
Par une Société de Magnétiseurs el do Médecins
SOUS LA DIRECTION
DE M. le baron DU POTE T.
La vérité, u’iinporle par quelle bom'hc; le bien, n’imporle par quelles mains.
PARIS.
UUREAUX : RUE DE BEAUJOLAIS, 5
(l'ALAlS-BÜVAL)
TOME TREIZIÈME.
JOURNAL
ou
MAGNÉTISME
ÉTUDES ET THÉORIES.
1” PROPOSITIONS ET APHORISMES MAGNÉTIQUES.
Le somnambulisme artificiel, qui est sans contredit la plus intéressante découverte du xix” siècle, présente une foule de variétés dans ses phénomènes qui ne peuvent encore être classés d’une manière exacte et méthodique, mais qu’il convient cependant d’indiquer, afin de préparer les matériaux qui serviront à composer un traité complet du magnétisme.
Voici quelques propositions que nous prenons la liberté de soumettre à nos confrères, et qui émanent d’observations nombreuses religieusement recueillies.
Le somnambulisme artificiel, que nous définirons une sorte de vie Mimique, est le plus ordinairement précédé et accompagné du sommeil magnétique, déterminé par la volonté d’un magnétiseur. On dit sommeil, parce que les cri-siaques ont pour la plupart les paupières closes, les yeux convulsés, et restent volontiers immobiles, si le magnétiseur ne leur fait pas exécuter des mouvements déterminés. Leur démarche est d’abord chancelante, mais bientôt ils prenneiit leur allure habituelle, et bien que ne voyant plus par les organes de la vue, ils évitent les obstacles, suivent les routes périlleuses avec une adresse supérieure à la clairvoyance fa mieux établie, de même qu’on l’observe dans le somnambulisme naturel.
Il est des crisiaques qui entrent et restent en sonmambu-
Toiik XIII ■ N« 17». — 1» JANVIER 185* l
lisme les yeux ouverts, et dans ce cas le regard est lise, les paupières immobiles, la pupile insensible aux divers rayons lumineux, qu’ils soient faibles ou éclatants; on reconnaît que le somnambule voit plus par son âme que par ses yeux.
Tout somnambule qui ne présente pas les caractères que nous venons de signaler doit exciter la méfiance; car le nombre des personnes qui jouent le somnambulisme est .malheureusement très-considérable. Il faut suspecter également tout crisiaque qui entre seul en crise et à sa volonté.
Il est cependant juste de constater que lorsqu’un magné-tiste possède complètement un sujet, il peut en obtenir, sans magnétisation préalable, sans sommeil magnétique, par sa seule volonté, les phénomènes les plus étranges qui rentrent dans l’ordre somnambulique.
Ces généralités exposées, arrivons à nos propositions :
I. — Le somnambulisme artificiel est susceptible de progrès
et de perfectionnement.
Le docteur Teste a pu dire :
« Je soutiens exprofesso, après l’avoir cent fois vu, qu'au bout d’une quinzaine de jours une ou un somnambule est tout ce qu’il peut être. »
Nous soutenons le contraire, non pour avoir vu cent fois, car nous nous gardons d’exagération, mais pour l’avoir observé sur les cinq somnambules lucides, hommes ou femmes, les seuls que nous ayons eus à notre disposition, ou mieux, que nous ayons formés. Tous, après cinq et six mois de magnétisation, présentaient beaucoup plus de lucidité qu’après le quinzième jour.
II.—Le somnambulisme artificiel n'a le plus ordinairement
qu’une durée limitée.
Sur vingt somnambules lucides, vous en observerez dix-neuf qui perdront, après un plus ou moins grand nombre d’années, toute leur lucidité.
Cette lucidité, si précieuse et si rare, est soumise à certaines conditions qu’il convient d’indiquer.
lue somnambule fréquemment mise en crise sera plus lucide et moins fatiguée qu'une qui ne sera magnétisée qu'à des intervalles éloignés.
Elle perdra sa lucidité si elle est magnétisée par un étranger autre que son magnétiseur habituel.
Elle la perdra également en partie, si elle contracte des rapports trop familiers, trop intimes, .avec celui qui la magnétise, ce qui explique pourquoi les sujets les plus remarquables observés jusqu’à ce jour appartiennent au sexe masculin.
La lucidité souffre autant d’une santé trop parfaite que d un état trop maladif : une de nos somnambules sentant en somnambulisme que sa lucidité diminuait, avala en notre présence un verre de fort vinaigre que nous primes pour un mélange d’eau et de vin. Le dialogue suivant s’établit entre nous :
« Vous vous trompez, docteur, sur la nature de la boisson que je viens de prendre ; ce n’est pas, comme vous le pensez, de l’eau et du vin ; c’est du vinaigre.
— Dans quelle intention avez-vous bu ce vinaigre?
— Parce qu’elle (beaucoup de somnambules parlent d’eux ii la troisième personne) allait, par l’effet d’une trop bonne santé, perdre beaucoup de sa lucidité ; il faut, pour rester lucide, qu’elle soit un peu malade.
— Quelles seront les conséquences de l’action de ce vinaigre sur votre constitution ?
— 11 va réveiller la gastralgie à laquelle elle est sujette ; car vous pourrez faire la remarque que sur dix somnambules lucides, neuf sont atteintes d’un dérangement dans les fonctions digestives.
— Si, à. la suite de votre imprudence, vous tombez dangereusement malade, votre lucidité augmentera-t-elle en raison du degré de la maladie ?
Rassurez-vous, elle ne tombera pas dangereusement malade; mais si cela arrivait, elle perdrait beaucoup plus qu’elle ne gagnerait eu lucidité. Dans l’excès de santé, l’âme est dominée par les organes et ne peut en secouer aussi
facilement le joug. Dans l'excès «le maladie, lame est absorbée par les désordres qui menacent le corps, et elle est trop occupée à les réparer pour se laisser dominer aussi entièrement par l’âme du magnétiseur. »
***• ~ U’1 somnambule lucide n'est pus magnétisable tous les jours. Il échappe plus ou moins fréquemment à l'action du magnétisme.
Cette proposition trouvera certainement des contradicteurs de la part de certains praticiens qui avancent qu’avec de la persistance un magnétiste peut toujours vaincre et dominer son sujet. Nous n’avons pas joui de ce privilège, car fréquemment nos sujets nous ont échappé, et dans des circonstances où magnétiste et sujet eussent vivement désiré que le contre-temps n’eût pas lieu. Nous avons constaté sur tous nos sujets que les jours où ils n’étaient pas magnétisables, ils présentaient une insensibilité absolue ; on pouvait les pincer, les piquer profondément, sans déterminer la moindre sensation. Désireux de savoir si, dans une telle circonstance, une magnétisation prolongée n’amènerait pas quelque résultat, nous avons agi avec énergie des heures entières sans obtenir d’autre phénomène qu’un sommeil de plomb non lucide.
Un assez grand nombre de somnambules présentent par moment tous les phénomènes de l’aliénation mentale, sans que cet état doive inquiéter le magnétiseur, alors môme que cette aliénation se montre en dehors de l'état somnambulique et n'a pas été annoncée en somnambulisme. Nous avons observé fréquemment sur dos sujets les plus remarquables ces atteintes d’aliénation ; mais elles avaient été pressenties par les crisiaques, et dès lors ne me causaient aucune inquiétude.
1V- — Vu crùiaque en somnambulisme est plus apte à magnétiser qu’une autre personne dans Cétat normal.
S’il est mis en rapport avec un incrédule de mauvaise foi ou avec une personne aux passions basses et égoïstes, et, à
plus forte raison, avec un criminel, il en éprouve un malaise qui le porte à demander à être réveillé. S’il entre en contact avec une personne franche et honnête, il en éprouve un bien-être prononcé.
I)e même, s’il est mis en rapport avec un malade, le cri-siaque ressent bientôt les principales douleurs, et les douleurs peuvent se continuer au réveil, si le magnétiseur n’a pas eu la précaution de dégager son sujet de toute influence pernicieuse. Ayant négligé cette précaution sur une somnambule qui venait d’examiner un paralytique, la crisiaque réveillée se trouva paralysée du côté opposé au consultant ; il me fallut la remettre en somnambulisme pour la dégager et la délivrer d’une affection si singulièrement contractée.
V. — Un somnambule lucide peut, en louchant une lettre, indiquer le caractère, le sexe, l'âge, la constitution de lu personne qui l’a écrite et le sens du contenu de cette lettre; même en lire les mots, bien quelle soit cachetée.
Mis en rapport avec un vêtement, avec une flanelle portée quelque temps, il indiquera avec plus de précision le tempérament, les affections, les passions bonnes ou mauvaises de la personne qui aura porté ce vêtement. La lucidité du sujet se montrera plus développée s’il est mis en rapport avec des cheveux de cette personne.
VI. — Grâce à cette faculté, on peut avec avantage user du somnambulisme pour établir le diagnostic d’une maladie et y trouver un remède.
Nous avons présenté à nos divers sujets plus de deux mille malades, et jamais ils ne se sont grossièrement trompés ; le plus souvent ils ont été d’une précision étonnante, bien que d’un avis contraire au nôtre.
Quant aux agents curatifs conseillés par les somnambules, nous devons dire qu’ils se sont toujours bornés à des substances médicamenteuses dont ils avaient connaissance à l'état de veille, et qu’ils employaient avec beaucoup d’à-pro-pos. La thérapeutique, quoi qu'on en dis*, ne s’enrichira
pas par le somnambulisme, et cela se comprend, puisque le magnétisme doit renverser la thérapeutique actuelle pour la remplacer par l’agent que tout homme dévoué à ses semblables porte en lui et qui n’exige aucune étude pharmaceutique.
VII. — ]ji vision ii travers tes corps opaques, la lecture (fans un livre fermé, ta vue à distance, tes communications de pensée, la transposition des sens et leur perversion, sont des phénomènes incontestables et que tout magnétiste tant soit peu favorisé a pu observer un grand nombre de fois.
VIII. — Un somnambule lucide peut indiquer la place d’ob-
jets perdus et découvrir des trésors cachés.
Et cependant nous n’osons pas établir que le somnambulisme puisse servir ;\ la découverte de trésors, parce qu’il fait constamment défaut lorsqu’on veut l’employer à cet usage. Onze fois en trois ans nous avons, à l’aide d’une somnambule lucide, trouvé des pièces d’argent, des bijoux, des couverts d’argent, une montre, des pièces d’or; mais chaque fois la découverte a eu lieu par suite d'une révélation instantanée. Jamais nous n’avons réussi lorsque nous l’avons interrogée dans cette intention.
Dans la circonstance la plus importante, où il s’agissait de découvrir sept pièces d'argenterie enfouies sous un arbre depuis plus d’un siècle, il a fallu plus d’un mois à la somnambule pour arriver de la révélation îi la découverte précise.
Le jour où cette révélation eut lieu, la crisiaque en somnambulisme était occupée à examiner un malade, lorsqu’elle s’arrête brusquement et demande un instant-de repos; puis tout à coup elle s’écrie :
. Docteur, une singulière révélation vient de m’être faite; je dois trouver un trésor, mais je ne puis encore indiquer ni sou importance, ni le lieu où il est enfoui, ni le jour où la découverte aura lieu. »
Je dus la magnétiser nombre de fois pour arriver à cette indication, et chaque fois un trait de lumière venait l’éclai-
rer; cniin elle indiqua un arbre, un peuplier, placé sur le bord d’une route :
« Sous les racines de cet arbre, dit-elle, vous trouverez sept pièces d’argenterie, cuillères et fourchettes, marquées à îles lettres différentes, recouvertes d'un oxyde jaunâtre et entourées d’une toile pourrie tombant en lambeaux. Cette argenterie a été volée dans diverses maisons et enfouie au pied de l’arbre par le voleur qui n’a pu la reprendre ; l'arbre a grossi et grandi de telle sorte qu’il faudra le déraciner pour parvenir au trésor, ('.'est singulier, ajouta-t-elle, si le voleur existait encore, je n’eusse pu découvrir le fruit de ses larcins, parce que sa volonté énergique de le dérober à tout regard eût suffi pour paralyser ma lucidité. »
Au jour indiqué, en présence d’un incrédule qui préteu-dait que la crisiaque avait elle-même enterré préalablement cette argenterie pour montrer sa prétendue lucidité, nous déracinâmes l’arbre indiqué. La position du trésor, l’oxyde séculaire dont il était couvert, les formes diverses et les marques de chaque pièce d’argenterie ne laissèrent à l’incrédule aucun doute sur la bonne foi de la crisiaque. Pour nous qui, dans plusieurs découvertes précédentes, avions constaté l’impossibilité physique d’une supercherie, qui avions retrouvé dans la terre de notre jardin une bague de prix perdue depuis quatre ans ; pour nous qui connaissions la moralité de notre sujet, et surtout la vacuité de sa bourse, nous ne pouvions concevoir le moindre doute sur la possibilité donnée à un somnambule de découvrir des trésors cachés.
IX. — Un somnambule lucide peut prh'oir /’avenir et en annoncer les événements.
Cette faculté, qui ne peut s’expliquer que par les rapports de l’âme de la crisiaque détachée de la matière ; que par ses rapports, disons-nous, avec un esprit, cette faculté, admise chez les pythonisses, chez les sibylles, est pour nous incontestable; mais, de même que pour la découverte des trésors, il faut que cette faculté soit le résultat de l'inspiration, el non do demandes plus ou moins indiscrètes. Nous
avons pu constater l’exactitude de très-norubreuses prévisions somnambuliques résultant de ['intuition, comme nous avons constaté l’inexactitude du plus grand nombre des prévisions de crisiaques interrogées.
X. — Le somnambulisme peut serrir victorieusement à moraliser et à éteindre des passions basses.
Prenez l'être le plus vicieux, le plus enclin à mal faire, parvenez à le somnambuliser, et vous le trouverez, en crise, rougissant de lui-même et prenant la résolution de changer de conduite. Veuillez fermement qu’à son réveil il se rappelle cette résolution et qu’il la mette en pratique, et vous parviendrez à faire de votre sujet un honnête homme. Aussi terminerai-je cet article en disant : la vapeur, l’électricité, le daguerréotype, le galvanisme auront bientôt totalement changé la face du monde industriel par leurs heureuses applications au commerce et aux arts, de même le magnétisme est appelé à opérer une révolution prochaine et complète dans le monde moral et intellectuel.
P. C. ORDINAIRE, ilocteur-médeci n.
'1° COMMUNICATIONS SPIRITUELLES.
Le Monautopole, journal de M. Jobard, a consacré son feuilleton du 1“ janvier à l’article suivant., émané évidemment de la plume féconde de ce penseur distingué.
« Rien ne sert mieux à faire comprendre un nouveau phénomène que des comparaisons procédant du connu à l’inconnu ; mais en l’absence de tout point comparable dans l’ordre matériel, le point métaphysique kypermtturel reste inexplicable pour tout le monde ; la science positive le nie ou le rejette dans le domaine des chimères.
« Tel a été le sort de la magie, de la sorcellerie, du magnétisme animal et des tables parlantes, phénomènes qui dérivent tous d’une source identique sans connexion saisissable avec les vérités physiques dont l’homme s’est mis successivement en possession, et qui sont aujourd’hui assez nom-
bicuses (tour expliquer sans efforts et sans rien laisser dans le vague, le phénomène des tables parlantes, autrement dit des communications spirituelles.
« Nous croyons pouvoir raisonner de cette découverte sans avoir besoin d’en appeler à la foi religieuse, mais simplement à la bonne foi de certains savants au niveau des connaissances acquises sur l’électricité, la lumière, le magnétisme, etc.; nous n’exigeons d’eux qu’une seule croyance généralement admise sans démonstration depuis l’origine des siècles, si les siècles ont une origine, par tous les mages, les sages et les philosophes du monde : la croyance à l’homme double, esprit et matière, à l’immortalité de l’âme.
« Cela concédé, ils verront que les communications spirituelles ne sont pas plus inexplicables que les communications télégraphiques. Nous leur demanderons encore d’abandonner l’éther inventé sans nécessité, comme remplissage universel, alors qu’on avait sous la main, pour remplir les mêmes fonctions sans lacune, l’électricité, le galvanisme, le magnétisme, qui pénètrent tous les corps et occupent tous les vides et les pleins de la vaste mécanique de l’univers à laquelle il ne manque absolument aucune des qualités et des utilités que l’esprit le plus exigeant puisse en espérer.
« Mais il faut avouer qu’elle laissait beaucoup à désirer, en refusant de satisfaire la curiosité illustre des humanités confinées dans leurs globes, sans pouvoir communiquer entre elles. C’est emprisonner la pensée de l’homme, comprimer ses aspirations et les attacher à la terre ; mais Dieu qui nous a dotés de cette insatiable curiosité, source de tout progrès, a voulu que nous puissions la satisfaire par le travail, l’étude et la réflexion.
« Il peut arriver qu’un ouvrier hérite d’une machine nouvelle très-complexe et qu’il y découvre chaque jour de nouvelles propriétés. Il en est ainsi de l’homme en possession de la mécanique du monde. S’il en étudie les rouages, il est surpris du nombre toujours croissant d’applications qu’il y découvre ; car il n’est rien que l’esprit humain puisse concevoir sans que Dieu ne l’ait conçu et ne puisse le réaliser; sans cela la pensée et les conceptions de l’homme dépasseraient celles de son créateur, et quelle est l’œuvre qui surpasse l’ouvrier?
« Nous demandons encore aux savants d’admettre le système des ondulations pour le galvanisme et l’électricité, comme ils l’admettent pour le son et la lumière, et puis en* core l’existence individuelle de l’âme ou de l’esprit après la
mort; avec les mêmes qualités et les mêmes défauts, la même entité qu il avait^ pendant son incarnation.
« (.ela posé, l’explication des communicatiocs spirituelles et de tous les phénomènes sous lesquels elles se produisent, va devenir on ne peut plus claire.
ic Suivez bien... Un homme est en présence d’une pile galvanique, son intelligence ou son esprit lui fait mettre un lil en contact avec celui d'un télégraphe ou d’un (noteur électro-magnétique, d’un bain à dorer les métaux ou d'un appareila produire la lumière, (l’est évidemment par sa volonté qu il obtient l’un ou l’autre de ces effets, on ne saurait le contester. La volonté précède, prépare et détermine librement 1 action matérielle — (mois agitai mo/cm ), — par l'intermédiaire du fluide nerveux qui met les muscles en mouvement (Matteuci, de Humboldt).
« Si la volonté pousse l’homme à communiquer un signal par la vibration électro-magnétique, quelle que soit la distance de l’appareil récepteur, il y a là-bas un autre esprit qui perçoit la demande, une autre volonté qui renvoie la réponse, sans influence aucune sur le libre arbitre des deux correspondants.
« Il y a un fil, direz-vous, qui les unit ; oui, mais faites attention que le retour se fait aussi bien par la terre que par le fil, non point par la ligne la plus courte, comme on a cherché a 1 expliquer devant l’Académie des sciences ; mais par le même système des ondulations qu’elle admet pour la lumière. La terre entière est donc parcourue par ces vagues électro-magnétiques qui ne peuvent manquer de rencontrer le point de départ occupé par le premier mobile.
« Le soleil, autre pile perpétuelle, met bien de la sorte en vibration continue le fluide électrique qui produit la lumière, aux termes mêmes acceptés par la science.
« La lumière est l’oscillation d’une demi-vague de l’éther sur la perpendiculaire du rayon vecteur (Pelletier).
« Substituez au mot éther le mot électricité, et le phénomène devient saisissable. Une table ou un objet quelconque devient pile électro-bio-dynamique quand elle est chargée de fluide nerveux vital ou humain. La volonté peut lui im-p.iimer une vibration qui se communique à l’éther ou à l'électricité universelle, laquelle rencontre certainement dans ses anneaux immenses l’universalité des êtres et frappe sans aucun doute l'esprit auquel vous avez la volonté ou la pensée de vous adresser ; et comme cet esprit possède une in-telligeuce et line libre volonté comme la vôtre, il vous ren-
verra, s'il le veut, un signal par la même voie, soit en rompant. les lois de la gravitation, comme- le fait le fluide galvanique par l’aimantation à distance, soit en indiquant des lettres sur un cadran comme le télégraphe électrique, soit en produisant une étincelle, un mouvement giratoire, etc.
h Le monde spirituel étant uniquement composé d’hoiuuies sans corps, ayant vécu sur les globes, et ces esprits restant doués des mêmes facultés qu’ils possèdent pendant leur incarnation, ils ont aussi les mêmes défauts et les mêmes vertus, ce qui veut dire qu’il ne faut pas plus se livrer à eux sans examen, qu’au premier passant ici-bas; car les bons esprits, les esprits vertueux et savants sont aussi rares là-haut (pie parmi nous; c’est ce qui a déterminé le clergé à’ défendre à ses ouailles d’entrer en commerce avec eux, el surtout en commerce solitaire; car, à moins d’être doué d’une supériorité intellectuelle et morale transcendante et d’avoir été averti par des esprits supérieurs, on risque de devenir la proie des mauvais qui se présentent souvent à l’improviste quand on n’en désigne aucun.
« (l’est exactement le même risque que court un homme faible ou médiocre qui se livrerait en aveugle à la direction nu à la discrétion d’un filou spirituel et rusé.
« On a tort de croire que 1 esprit est là, dans la table qui vous parle ; c’est comme si l’employé du télégraphe croyait que sou interlocuteur est derrière son cadran. 11 n’y a ni temps ni espace pour la pensée ; il n’y en a pas davantage pour les esprits, et c’est une des plus sublimes inventions du maître des mondes que d’avoir supprimé pour l’esprit l’espace et le temps, ce qu’il eût été impossible d’admettre avant l’invention de la télégraphie électrique.
« A quoi reconnaître la valeur d’un esprit qui prend souvent la parole inopinément? Aux mêmes signes que nous reconnaissons la valeur du premier venu qui nous accoste : il suffit de le laisser parler pour juger de sa moralité, de sa science ou de son incapacité ; mais en cela tout le monde n’est pas bon juge, c’est pourquoi nous recommandons la méfiance, et surtout la conservation de son libre arbitre et de sa raison, surtout pour les choses de l’avenir qu’on cherche à leur arracher, parce qu’ils se montrent très-instruits sur les choses passées et présentes.
« Un esprit véridique et sérieux a répondu :
« L'avenir est à Dieu, la prescience au juste, l’erreur au vulgaire.
o Les communications spirituelles ne peuvent donc plus être
reléguées dans le domaine des hallucinations et de l'impossible ; c’est un fait bien ancien, mais qui n’a jamais été expliqué d’une manière plausible et saisissable, comme nous croyons l’avoir fait, après une étude critique prolongée et la comparaison des nombreux résultats particuliers obtenus en cent endroits divers.
« Nous en sommes arrivés à la conviction que le phénomène du magnétisme et du somnambulisme est exactement similaire à celui des tables parlantes. Ce n’est pas le somnambule qui parle, c’est l’esprit qui raisonne en lui, comme dans la table, et qui s’exprime par sa voix comme il s’exprime par la main du medium, que nous croyons plus juste d’appeler èvocutcur.
« Ce qui se passe dans les expériences du somnambulisme, se passe dans l’expérience des tables : il faut autant de temps et les mêmes conditions pour faire parler l’un que l’autre. La présence de certaines personnes trouble ou empêche le phénomène dans l’un comme dans l’autre cas ; mais nous n'engageons personne à se vanter de jjosséder cette vertu négative absorbante, cela ne ferait pas son éloge.
n C’est un malheur pour certaines personnes, pour certains cercles, quand un esprit inférieur, ignorant ou trompeur, s’empare de la conversation et devient leur esprit familier; il est très-difticile de s’en défaire ; on a beau le chasser, il revient avec de faux noms pour vous tromper encore et s’amuser de votre crédulité.
« Ceux qui jugent de tout le phénomène par un seul échantillon, quatre-vingt-dix-neuf fois de mauvaise qualité, se trompent en le condamnant. 11 en est ici comme de toute chose, c’est la continuation de la lutte éternelle du bien et du mal, d’Oromaze et d’Arimane; il faut savoir séparer le bon grain de l’ivraie, le temps qu’on y passe ne sera pas perdu pour les vanneurs, la moisson suivante en sera meilleure pour tous ; et, comme nous l’a dit un esprit supérieur :
« La vertu est une plante qui croit sur des escarpements ; « il faut gravir pour l'atteindre ; si tous les hommes étaient u justes, elle serait la fleur de la vallée. »
« Mais, direz-vous, s’il y a si peu de chances de bien tomber, à quoi sert-il de s'occuper de pareils travaux? Demandez-le aux chercheurs de diamants, qui remuent des montagnes de terre avant d’en trouver un seul.
« Punis selon nos œuvres, récompensés selon nos mérites, » est un de ces diamants nouvellement découverts. Nous som-
mes ;i même de vous affirmer qu'il y a des trésors de morale, de science et de style à obtenir du commerce des bons esprits, lesquels enrichiront notre littérature, nos arts et nos consciences, et nous donneront des conseils si sages, que nous serons obligés d’avouer que Dieu parle par leur voix.
» Le commerce des mauvais esprits est le contraire ; la perfidie île leurs insinuations, l’adresse de leur calomnie, la puissance de leurs invectives nous forceront d’avouer que c’est le démon qui s’en mêle.
i. L’esprit religieux des uns, l’esprit athée des autres troubleront bien des consciences, détraqueront bien des cervelles, feront bien des conversions et des perversions, tant que les expérimentateurs ne seront pas avertis de la nécessité de conserver leur libre arbitre et leur jugement personnel.
« Que de machines impossibles ont déjà été dictées et exécutées ! combien de voyages et de fouilles ont été entrepris sans résultats ! Mais aussi combien d’avis précieux et salutaires ont été reçus et mis à profit par ceux qui ont eu le bonheur de les recevoir !
« Les tables, comme les statues et les arbres du paganisme, rendent des oracles ; mais ils sont quelquefois aussi ambigus pour nous que pour nos ancêtres.
« Par exemple, voici ce qu’a répondu le plus célèbre des morts à son illustre veuve, qui lui demandait le lieu de sa résidence :
« Près de toi volontairement ; mais elle est dans le soleil « qui est le paradis où vont les esprits des hommes qui ont « bien rempli leur mission sur la terre.
« — Est-ce le soleil qui nous éclaire?
,, _ Non ; mon soleil est à Dieu ce que sa tête est à « l’homme ; les astres visibles et matériels qui servent à « l’habitation des humanités, ne sont pas ceux qui servent à « l’habitation des esprits supérieurs, mais leurs correspon-« dants dans l’ordre spirituel.
« Dieu est incompréhensible dans sa grandeur infinie, et « les hommes, dans leur orgueil immense, ne le compren-« liront jamais. »
« Lesniediums seuls comprendront peut-être cette dictée ; mais ce que tout le monde comprendra, c’est la suivante :
« Vous avez tous un spécimen du monde spirituel dan»
i. vos lèves, qui montrent des objets tellement semblables à .. ceux du monde naturel, que vous vous dites quelquefois : « Cela n'est pas un rêve ! »
« En effet, on parle, on discute, on se promène, on travaille, on mange, on boit,comme dans l’état naturel; on peut donc se faire une idée d’une pareille existence, continue et variée îi l’infini, pour les hommes sans corps ou les esprits immortels ! Notre réveil est une mort inverse, puisque l’esprit de Lavoisier a dit :
Uéveil silencieux il'un sommeil asittf, l.a mort est le chaînon île l'immortalité.
. Les communications spirituelles sont un fait tellement répandu aujourd’hui, qu’il n’est plus possible à l’homme doué de la logique la plus vulgaire de le contester, à moins de prétendre que tout le monde est fou autour de lui, seul sage, seul bon juge, seul exempt de l’épidémie générale ; mais aussi le seul qui n’a rien vu, rien essayé, rien appris du fait le plus considérable qui ait visité l’humanité depuis qu’elle existe : la communication directe avec les morts, la réalité de l’apparition des revenants, l’existence des bons et mauvais anges du christianisme, des génies inspirateurs et des muses du paganisme, des fées, des péris, des gnomes et de la magie. A quoi sert-il d’avoir brûlé tous ces phénix, puisqu’ils renaissent de leurs cendres?
FAITS ET EXPÉRIENCES.
COMA. — SOMNAMRULISMË. — MAGIE.
Le Journal de Dunkcrque des 12, 45, et 17 février 1853, a donné la relation anecdotique des séances faites dans cette ville par M. J. de Rovère. Nous en extrayons les passages relatifs aux phénomènes obtenus.
Le narrateur débute par des exemples simples, et cite les trois faits suivants :
« Un Anglais, M. Walker, s’est le premier soumis à l’influence magnétique, et n’a pas tardé à en subir les effets. Pendant tout le temps qui s’est écoulé depuis ce moment jusqu’à la démagnétisation opérée, un sourire de satisfaction a constamment brillé sur son visage, et, revenu à l’état normal , il a déclaré devant l’auditoire que le sommeil produit par M. de Rovère (bien différent de son sommeil ordinaire, toujours agité par des mouvements nerveux très-fatigants) avait immédiatement amené un calme délicieux, tout nouveau pour lui, et qui l’avait admirablement reposé. Il a ajouté qu’il lui avait semblé qu’on promenait les doigts sur sa cervelle mise à nu, comme on ferait sur les touches d’un piano ; mais que chaque sensation distinctement perçue, non-seulement n’était pas douloureuse, mais au contraire merveilleusement agréable, et qu’il recommencerait volontiers à chaque séance ; ce qu’il a fait.
«A la fin d’une séance, vers neuf heures et demie du soir, M. L..., teinturier, se décide tout a coup à faire l’essai du magnétisme. Il avertit, avant de sublir l’influence, qu’il doit quitter la séance pour dix heures. M. de Rovère lui promet, quoi qu’il arrive, qu’il sera libre à cette heure. Dix ou douze minutes s’écoulent avant le succès ; mais l’opérateur ne tarde pas à éprouver des douleurs dans les reins, le dos,
la poitrine et la gorge. Sachant que ces douleurs subites ne l’atteignent qu’en vertu de la corrélation sensitive qu’il a lui-même établie. M. de Rovère aurait voulu prolonger son influence sur M. L..., pour lui soustraire ces douleurs; mais, obligé par sa promesse, il a commencé à le démagnétiser; ce qui n’a eu lieu qu’avec difficulté, parce qu'il était, disait-il, obligé de contrarier la nature, en faisant cesser trop tôt un état de bien-être où se complaisait le magnétisé.
« A une autre séance, M. Quenet, arpenteur-géomètre, déclare qu’un de ses amis, marchand de bois en Belgique, et présent dans l’auditoire, n’a aucune foi dans les prétendus phénomènes soumis à son appréciation ; il défie tout magnétiseur de produire aucun effet sur lui. M. de Rovère répond qu’il ne considère pas la foi chez le sujet à magnétiser comme indispensable au succès; il désire seulement éviter une lutte là où doit se rencontrer Paccord de deux volontés convergeant vers un même but. 11 accepte cependant un essai, en avertissant toutefois qu’il ne peut compter sur un succès certain, et qu’il arrêtera quand il jugera la résistance supérieure à ses moyens d’action. Le marchand de bois se place en donnant de la façon la plus marquée tous les signes d’une incrédulité choquante ; il croise les bras, se renverse sur sa chaise, défie du regard le magnétiseur, etc., et cela pendant près d’un quart d’heure... Enfin son regard est devenu moins railleur, ses poses perdent leur roideur, quelques mouvements convulsifs, précurseuis du succès, font frissonner de satisfaction l’auditoire qui désire le triomphe du magnétiseur modeste sur le très-peu courtois inciéihilc, et quelques instants plus tard le triomphe ne laisse plus rien à désirer. Il semble que le magnétisé a la conscience de sa défaite, car une idée fixe le possède, il veut constamment gagner la porte ; mais, subissant une fois de plus l’influence désormais sentie et redoutée, il est cloué à sa place par la volonté de son vainqueur.
« Ensuite le magnétiseur demanda à trois garçons de douze à quatorze ans, (pii étaient présents, s’ils avaient déjà été magnétisés-, deux dirent que non, mais le troisième dit l’avoir été déjà plusieurs fois.
« — Eh bien!• fit-il, asseyez-vous devant celte table, et celui qui a été magnétisé au milieu; tenez chacun cet objet (c’était une espèce de plateau en niétalj dans votre main, et restez tranquilles. Ils obéirent.
a S’adressant alors à l’assemblée, M. de Rovère demanda qui voulait être magnétisé. M. L..., marchand cafetier en
cette ville, se présenta. Je crus remarquer une espèce de contrariété de la part du magnétiseur, de voir le colosse qu il désirait faire tomber dans l’état de somnambulisme ; mais le gant était jeté, il fallait le relever, aussi le fit-il de bonne grâce, et commença ses signes et passes. 11 n’allait pas vite en besogne avec M. L...., mais peu après qu’il eut commencé, nous nous aperçûmes que les trois enfants, auxquels il tournait presque le dos, subissant l'influence magnétique,-s’ôtaient profondément endormis.
« Il paraît que le sieur L... voulait chèrement vendre sa défaite, car, en conscience, il fit tout ce qu’il put pour échapper à l’influence qui le dominait à chaque instant de plus en plus; s’étendre, se remuer, se frotter les yeux, se tordre sur son siège, rien n’y manquait; mais il était cloué là par le basilic qui le regardait fièrement, et il devait en subir les étreintes. Aussi, après trois quarts d’heure d'efforts inutiles, il succomba et, se renversant en arrière, resta les yeux fermés comme un homme endormi convulsivement.
« Alors M. de Rovère, prenant dans la poche de son gilet une boussole, et la tenant suspendue par un cordon de soie, tantôt la fit osciller, tantôt lui fit décrire un cercle ou une ellipse, et dans ces mouvements l’approcha de différentes
parties du corps de M. L..... Chaque fois celui-ci parut en
éprouver une commotion pénible, comparable à celle que fait éprouver une décharge électrique, quelquefois môme la violence du mouvement indiquait visiblement que la commotion était assez forte pour produire une véritable douleur. Enfin, après l’avoir tenu environ trois .quarts d’heure dans cet état, il le démagnétisa et, tout en le faisant, démagnétisa aussi les trois enfants.
« Ce que je trouvai de plus singulier dans le procédé de ce magnétiseur, c’est qu’il opéra presque toujours sur lui-même et que les effets se faisaient sentir à ceux qui étaient en rapport magnétique avec lui.
« Après cette première épreuve, qui n’était pour ainsi dire que le préliminaire d’épreuves plus grandes et plus extraordinaires, M. de Rovère demanda encore à d’autres personnes si elles voulaient se laisser magnétiser. Trois nouveaux sujets se présentèrent, et alors il traça avec un morceau de craie un petit triangle sur le plancher, et à trois mètres environ de celui-ci il en traça un second; il prolongea les bases en regard de ces deux triangles de part et d’autre, de manière à leur donner environ un mètre de longueur, et les joignit par deux autres lignes parallèles, l’une à la craie,
l'autre au charbon. Il fit mettre l’un de ceux qui s’étaient présentés pour être magnétisés sur le premier triangle, et se plaça sur l’autre, il y avait donc environ trois mètres d’espace entre eux deux. 11 fixa cet homme, étendit le bras vers lui, et le pointa du doigt ; dès cet instant celui-ci fut comme fasciné, il se mouvait sur ses jambes, trébuchant comme un homme ivre, et cependant sans quitter le triangle, et peu après il fut dans un état complet de somnambulisme. Dans ce moment le magnétiseur dit très-bas aux personnes qui étaient autour de lui :
« — Vous allez voir qu’il va suivre la ligne blanche, c’est « celle à laquelle j’ai attribué la vertu et le travail ; à l’autre « j’ai attribué le vice. »
« Peu après nous vîmes cet homme, par des mouvements de pieds presque imperceptibles, prendre de son triangle sur la droite, en suivant le trait de prolongement de la base du triangle, et quand il fut au bout, par les mêmes mouvements nous le vîmes s’avancer perpendiculairement, mais en conservant toujours la ligne blanche tracée entre ses deux pieds. 11 fit ainsi environ deux mètres dans cette direction, ce fut alors que M. de Rovère passa derrière lui, s’en mit à environ un mètre, et reculant le fit reculer lui-même par les mêmes mouvements, en suivant les mêmes traits jusqu’au triangle. Là il traça avec sa craie une ligne en S qui aboutissait à une chaise, il frotta cette chaise avec la main et se retira. Peu après nous vîmes le même homme qui était sur le triangle se tourner le dos à la chaise et, reculant par les mêmes mouvements, s’y diriger à reculons en suivant la ligne courbe tracée par cèlui qui le dominait, enfin s’asseoir sur cette chaise et y rester immobile.
« Dans ce moment arriva un cordonnier d’environ trente-six ans, grand, maigre, et dont tout l’ensemble indiquait une constitution nerveuse, et d’un tempérament tellement particulier qu’il peut supporter aisément quarante àcinquante décharges électriques, quand tout le monde n’en supporte que deux ou trois difficilement. On le citait comme un sujet précieux pour le magnétisme, et cela se conçoit; il avait été déjà plusieurs fois magnétisé, et avait, disait-on, montré une lucidité extraordinaire. J’avoue que je me défiais de tout cela, et que j’étais prédisposé à voir en lui un compère; c’est pourquoi je redoublai d’attention afin d’observer mieux tous les phénomènes qui allaient se passer. Ayant consenti ■à être magnétisé, il s’assit sur une chaise à quelque distance de la personne qui avait marché et qui était, comme
je l’ai ilil, un peu plus loin à gauche. M. de Rovère se mit entre eux deux et commença ses passes. Peu à peu cet homme donna des signes non équivoques de la puissance qui agissait sur lui, en passant successivement d’un état de première torpeur à. un tremblement convulsif tellement prononcé , que je craignais de le voir tomber en convulsion ; cet état d’exaltation nerveuse se prolongea bien une bonne demi-heure malgré la peine que se donnait le magnétiseur pour l’apaiser. Le sujet paraissait souffrir extrêmement, car il frottait ses membres et gémissait; mais, chose étrange, les passes que M. de llovère faisait pour calmer le sujet sur lequel il exerçait une si terrible influence démagnétisèrent successivement l’autre, auquel elles ne s’adressaient pas, en sorte qu’il était sur sa chaise comme un homme qui sort d’un profond sommeil. Quelques passes à lui adressées directement le débarrassèrent entièrement du restant de fluide qui l’obsédait; il se leva, se mit avec les autres spectateurs, et observa ce qui se passait.
« Enfin les mouvements inquiétants du cordonnier se calmèrent, et il 11e lui resta plus qu’un balancement de tête qui indiquait qu’il subissait encore une crise nerveuse ; c’est alors qu’il commença à parler et à répondre aux questions qui lui étaient faites.
« On lui demanda :
« — Pourriez-vous indiquer l’heure à une montre qu’on « vous donnerait?»
« Sa réponse fut affirmative. O11 lui mit ensuite dans la main, la cuvette tournée du côté de la paume de sa main , la montre de M. P..., négociant en cette ville, et on lui dit de regarder l’heure qu’il était. Elevant dans ce moment sa main à hauteur de sa figure, le dos de cette main tourné du côté de ses yeux, il dit sans hésiter :
« — Il est 10 heures moins 6 minutes. » a On vérifia, et il était en effet 10 heures moins 6 minutes à la montre, ce qui prouve que sa lucidité est tellement grande quand il est dans l’état de somnambulisme, qu’il voit parfaitement au travers de plusieurs corps opaques. Cependant, pour ne laisser aucun doute à cet égard, M. de Rovère l’interpella, et lui dit :
„ _ Vous vous trompez, c’est 10 heures et 6 minutes « qu’il est.
„ _ Voyons donc, dit-il, je ne crois pas me tromper. »
« On lui remit la montre dans la main avec les mêmes précautions, et comme il craignait de se tromper sans
doute, il humecta son doigt, lïotta sa main comme si c'eût été le verre d’une montre, et, après cette opération, dit :
« — Vous voyez bien que j’avais raison, car il est maintc-■ nant 10 heures moins 3 minutes. Vous voyez bien que la « petite aiguille est là ! »
« Et il désignait un endroit de sa main; en effet, ce qu’il disait était exact.
«Que conclure d’un tel phénomène? Ou que le magnétisme donne à certaines gens douées d’organisations particulière, une seconde vue tellement subtile qu’elle pénètre les corps opaques qu’on lui oppose, ou que la personne qui est en rapport avec le magnétiseur est tellement identifiée avec lui, qu’elle voit tout ce que celui-ci voit, et que comme le premier voit tout ce qui est autour de lui, le second le fait également.
« Une nouvelle expérience peut confirmer ce fait. Le jeune homme qui avait été magnétisé un peu avant celui-là, et dont j’ai plus haut rapporté l'expérience, était à peu près derrière l’épaule gauche du nouveau magnétisé qui regardait devant lui et ne devait conséquemment pas l'apercevoir; cependant il lui dit :
« — Va-t’en chez toi, car tu n’as pas de passe-partout, et « ta femme est malade. »
« Celui-ci se retira pour faire place au jeune garçon qui était de la première épreuve, et qui, passant par derrière les assistants, n’avait pu certainement être aperçu par le magnétisé. Dès qu’il y fut, celui-ci l’apostrophant, lui dit :
« — Va à l’école, mauvais gamin, on n’a pas besoin de « toi ici. »
a Celui-ci fit comme l’autre, et céda sa place à M. A. L. F., constructeur, ancien capitaine de la compagnie de la garde nationale de la Citadelle, et aussi ancien président d'une société dont faisait partie le magnétisé; dès qu’il y fut, celui-ci lui dit :
« — Ah! mon capitaine et mon président, je suis aise de « vous voir, car je vous aime bien. »
« Enfin M. A. L. F. céda sa place à un jeune homme de la connaissance du magnétisé; dès qu’il l’aperçut il lui dit :
« — Toi, tu peux rester ici, car tu as ton passe-partout « dans ta poche, je le vois. »
« Et effectivement ladite personne nous montra une grande clef qu’elle avait en poche.
«Enfin ce sujet extraordinaire nous fit, par ses réponses et ses actes, passer de surprise eu surpise , et termina la
soirée par îles tours d'équilibre vraiment étonnants, le tout sans cesser un instant d'être dans l’état de somnambulisme, car c’est ainsi qu’à onze heures un quart il est sorti de la maison accompagné de M. do Rovère, qui a été le démagnétiser chez lui.
« Plusieurs personnes dignes de foi disaient que le même homme avait prédit quarante-huit heures d’avance la neige qui est tombée, et à une personne de la séance, M. P..., négociant, qu’il recevrait une lettre le lendemain à quatre heures un quart, ce qui est en elfet arrivé. Enfin on disait qu’il avait également prédit quelque chose pour dimanche 0 de ce mois, mais je ne sais ce que c’est.
. Que conclure de tous ces faits, qui se sont passés au vu et au su d’un grand nombre de personnes qui entouraient le magnétiseur et ceux qu’il magnétisait, d’assez près pour s’apercevoir du moindre compérage? Que le magnétisme existe, et qu’il y aurait folie à le nier, car les prêtres d’isis le connaissaient et s’en sont servis pour propager leur puissance, comme ceux du paganisme pour faire parler leur sibylle ; que l’homme a donc une puissance directe sur l’homme, et que cette puissance est d’autant plus grande que la fibre nerveuse est des deux côtés plus sensible. Mille choses nous indiquent la puissance de ces effluves magnétiques d’une personne sur une autre. Pourquoi deux personnes qui se rencontrent, et ne se sont jamais vues, éprouvent-elles à première vue des mouvements sympathiques, antipathiques ou indifférents? C’est parce que les effluves qui passent par leurs yeux l’ont produit; s’ils sont privés de ce sens, il leur faudra le toucher pour produire les mêmes effets. La puissance du magnétisme ne peut donc être niée, mais elle devrait selon moi être assez étudiée par les savants pour arriver à connaître scs limites... et il faudrait, s’il était possible, ne pas laisser cette puissance entre les mains de l’inexpérience ou du crime, qui peuvent en abuser. Comment le faire? Je ne sais ; c’est à la science à le déterminer.
J. A. CONSEIL. »
VARIÉTÉS.
Nécrologie. — On nous communique sur le commandant Laforgue la notice suivante, qui n’a pu trouver place dans les journaux de la localité, à cause des quelques mots qui y sont dits en faveur du magnétisme.
« Au moment où la tombe vient de se fermer sur ce grand ami de l’humanité, un de ceux qui l’ont connu éprouve le besoin de rendre un dernier hommage à sa mémoire, et de retracer, bien que d’une manière imparfaite, à défaut d’une voix plus éloquente, l’existence si bien remplie de cet homme de bien, dont tout le Béarn peut s’honorer à juste titre.
« Jacques Laforgue, né à Pau le 22 février 1772, partit comme enrôlé volontaire en 1793, pour aller défendre notre territoire menacé de toutes parts. Il fit, comme capitaine, les campagnes de l’an II et de l’an III dans l’armée des Py-rénées-Orientales, sous les généraux Muller et Moncey, et celles de l’an IV, sous le commandement de Hoche, à l’armée des côtes de l’Océan. Blessé d’un coup de feu le 17 pluviôse an II, il fut obligé, par suite d’une autre blessure reçue en Espagne, de donner sa démission. En mai 1808 il fut désigné pour commander le détachement de la garde d’honneur envoyée à Bayonùe pour y faire le service auprès de l’Empereur.
« Ses états de services nous apprennent qu’il rentra dans l’armée active, avec le grade de capitaine, dans les chasseurs des montagnes des Basses-Pyrénées, le 12 septembre 1808. Le 22 janvier 1810, Laforgue était nommé capitaine adjudant-major dans le même corps, et le 2(5 mars 1813 capitaine au 34* régiment d’infanterie légère. Le 18 décembre suivant, le maréchal Soult, duc de Dalmatie, lieutenant-général commandant les armées d’Espagne, le nomma chef de bataillon au 76* régiment d’infanterie de ligne.
« 11 lit avec distinction les campagnes de 1808,1800,1810,
1811,1812 et partie de 1813 en Espagne, sous le maréchal Suchet.
« Après la bataille de Toulouse, i laquelle il prit part, il fut envoyé, comme tant d’autres, en demi-solde.
« Nous mentionnerons entre autres actions d'éclat, qu’en exécution d’un ordre de M. Lapeyrolère, colonel gouverneur de Jacca et du Haut-Aragon, le 2(5 novembre 1809, le capitaine Laforgue parvint, avec un détachement qu’il commandait, à désarmer soixante et quelques brigands dans les communes de Havrestad, Embon et Verdun, de la bande d’Emmanuel, dont les armes furent déposées à la citadelle de Jacca.
« Voici le témoignage flatteur que le général de Muller inscrivait sur ses états de service :
o L’inspecteur général, général en chef lorsque M. Lafor-« gue fut blessé à l’armée des Pyrénées, atteste que ce brave « officier y servait avec un zèle et une intelligence dignes « d’éloges; qu’il ne l’a pas perdu de vue depuis cette épo-« que, et qu’il éprouve une vraie satisfaction de pouvoir assu-« rer à qui que ce soit qu’il mérite à tous égards la bienveil-« lance du gouvernement.
« Barou DE MULLER.
« Toulouse, 10 janvier 181-1. »
« Rentré dans ses foyers, Laforgue fut nommé commandant de place à Pau, alors que nos dissensions politiques rendaient ce poste aussi diflicile que périlleux. Par son caractère ferme et conciliant, le brave commandant parvint à maintenir la tranquillité dans la ville pendant nos troubles de 1815. Peu de temps après, Laforgue rentrait définitivement dans la vie privée. En 1824 il fut mis au traitement de réforme, et le 30 octobre 1829 il était nommé chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis.
h II fut administrateur des hospices de Pau , de 1818 à 1830.
« Après avoir consacré une grande partie de sa vie au service de son pays, lorsque le repos semblait être arrivé pour lui, le commandant recommençait une nouvelle existence toute de dévouement et de charité.
a II se mit à exercer le don qu’il avait reçu de guérir les maladies, à l’aide du magnétisme; il a été ainsi plus de vingt-cinq ans le bienfaiteur de l’humanité. Il n’est personne à Pau qui ignore l’aflluence considérable des malades qui venaient de toutes parts pour Ctre traités et guéris par le brave commandant.
«Le magnétisme est encore de nus jours une science ou si l'on veut un art bien contesté : dcmCme que toutes les sciences leur berceau, il a scs détracteurs et ses panégyristes.
« Laissons en ce moment de côté toute discussion, et, nous faisant l’écho de tant de malades guéris, constatons un fait significatif à l’honneur du magnétisme et de son vaillant adepte : le nom de Laforgue est béni par une multitude de personnes que ses soins et ses prières ferv entes au Seigneur avaient guéries de leurs souffrances plus d’une fois considérées comme incurables.
« Aujourd’hui que cet homme de bien n’est plus, nous pouvons sans craindre, hélas! de blesser sa modestie, raconter tout le bien qu’il faisait aux pauvres malheureux !
« Après les avoir guéris, il les assistait de tout son pouvoir, et, selon le précepte évangélique, c'était toujours à l’insu de ceux qui l’entouraient.
« Le Jury magnétique lui donna une médaille d’argent en 18A9, et précédemment, la Société du Mesmérisme de Paris l’avait nommé membre honoraire.
« Des tracasseries inspirées par des sentiments peu éclairés, avaient jeté quelques nuages sur les derniers jours de sa vie ; mais, fort de sa conscience devant Dieu, au nom duquel il avait toujours exercé ses dons, son âme généreuse avait promptement pardonné à scs ennemis.
« Il est mort comme il a vécu, dans la paix, glorifiant le Seigneur Jésus son divin modèle, ne pensant jamais à lui et prodiguant sa santé, ses forces, sa vie pour le bien de scs sembables.
a L. A. G. »
« Renie ton passé dans ce qu’il eut de miraculeux, déments tes œuvres, déclare enfin, pour plaire à l’Église, que le don de guérir les malades n’était qu’une illusion de ton esprit ou l’œuvre du démon ! »
Ainsi s’exprimait à peu près l’homme du sanctuaire, près de celui qui allait cesser de vivre, et le mourant, persistant dans sa fol magnétique et chrétienne, répondait :
« J’ai suivi la foi de mon Dieu ; j’ai, en son nom, imposé u les mains sur les malades, et ils ont guéri. Dieu a donc « béni mes œuvres, et je les rapporte toutes à lui. Je meurs » en remerciant mou divin maître ; je n’ai rien ti renier. »
Le prêtre, pénétré «le tant de sincérité et de charité, donna l'absolution à celui qui s’en allait vers l’Éternel; et le clergé, qui l’avait avant menacé d’excommunication, assista nombreux à son enterrement.
Ainsi mourut notre vieil ami. Chacun de ses jours fut marqué par un bienfait, et sa vie s’épuisa dans un détachement complet des choses de ce monde. 11 laisse pour tout bien une cellule remplie de béquilles et son exemple à imiter ; car il a justifié ces paroles de saint Paul au paralytique : « Je n’ai ni or ni argent, mais ce que j’ai je te le donne ; « au nom de Dieu, lève-toi et marche. »
M. Laforgue fut persécuté pour ses bonnes œuvres, on lui fit un crime de ses vertus. 11 est vrai, hélas ! que celles qu’il possédait ne se trouvent pas dans le Codex ; les médecins les ignorent, et ce sont eux pourtant qui les déclarent criminelles ! L’âme de notre ami, épuisée par toutes les épreuves de la vie, avait déjà quelque chose d’éthéré avant d’abandonner le corps chétif qu’elle habitait.
Les magnétistes doivent être fiers de posséder dans leurs rangs des hommes qui savent vivre et mourir ainsi, car ils préparent le triomphe de leur cause.
Baron DU POTET.
L’Esprit frappeur! — Tel est le titre d’une revue jouée en ce moment au théâtre du Palais-Royal. Nous avons eu la mauvaise pensée d’aller voir cette pièce, et nous avons été sévèrement punis de notre curiosité. Ce qui nous a le plus frappé dans cette farce grossière, c’est l’absence complète de toute espèce d’esprit.
Si le théâtre du Palais-Royal tient absolument à mettre le magnétisme en pièces, nous lui conseillons de nous rendre les Extases de M. Hochenet ou bien Edgar et sa Bonne. Au moins on riait, on s’amusait, tandis que l’informe cacophonie d’aujourd’hui n’amuse personne. Nous pensons même que si on pouvait faire deux choses à la fois, le public sifflerait ; mais le moyen de siffler quand 011 bâille !
Ferdinand SILAS
BIBLIOGRAPHIE.
EXAMEN RAISONNÉ DES PRODIGES RÉCENTS D’EUROPE ET D’AMÉRIQUE, notamment des Tables tournantes et répondantes; par un
Philosophe. — Br. in-8. Paris, 1853. J. Vermol. Prix : 1 fr. 50.
Les phénomènes des tables tournantes ont donné lieu à une polémique des plus ardentes qui, après des périodes de calme au moins apparent, s’est réveillée plus animée; le dix-neuvième siècle, qui se croyait si positif, si froidement matérialiste, a vu surgir de nouveau les questions qui passionnaient les âges de foi et de mysticisme, on s’est remis à discuter des esprits, des anges et des démons, de la sorcellerie et des revenants. Le magnétisme n’a qu’à s’applaudir de cette impulsion donnée aux esprits; les plus indifl'érents ont été contraints d’y prêter quelque attention ; les railleurs, qui trouvaient si commode de tout nier, ont été assiégés de faits prodigieux qui de toutes parts sont venus dérouter leurs systèmes et défier leurs explications. L’Église, en recourant à ses anathèmes, a contribué encore à piquer la curiosité, à répandre la soif du merveilleux. La lumière a brûlé le boisseau, et son éclat captive tous les regards.
Plusieurs systèmes ont été mis en avant pour expliquer les phénomènes des tables. Les pontifes de la science, fidèles à leur routine, en sont encore à la dénégation absolue ; c’est à l’évidence des faits à les convaincre, ce qui certainement ne tardera pas. Parmi ceux qui admettent les faits comme réels, les uns n’y voyent que l’action des lois ordinaires, et les expliquent soit par le jeu des forces aveugles de la nature, soit par l’exercice des facultés humaines, soit par le
concours de ces deux causes. D’autres pensent ne pouvoir en rendre raison qu’en faisant intervenir des êtres extra-humains. Les partisans de cette dernière doctrine sont profondément divisés sur la nature de ces êtres. La plupart estiment que les rapports qu’on a eus jusqu’ici sont encore trop peu nombreux, et n’ont pu être étudiés avec assez de soin pour qu’on puisse se prononcer déjà sur ces êtres mystérieux dont l’existence vient de se révéler ; encouragés par de premiers succès, ils travaillent à étendre ces communications avec le monde invisible, persuadés que l’humanité ne peut que gagner à un pareil commerce, et que si la Providence a donné à des êtres le pouvoir de communiquer les uns avec les autres, ils ne peuvent se rendre coupables en usant des facultés que leur a départies la sagesse divine. D’autres, au contraire, prétendent que ces êtres ne sont que des démons, qui ne se manifestent que pour nous perdre et nous pousser au mal, et qu’on ne peut sans impiété s’adresser à eux.
C’est à cette doctrine que s’est attaché l’auteur de Y Examen raisonné, qui s’est inspiré des jérémiades de Y Univers et n’a guère fait qu’abréger le gros livre de M. de M.... sur les esprits. Il commence par poser les limites du naturel et du surnaturel; il déclare avec raison que s’il existe des êtres surhumains capables d’opérer des choses excédant le pouvoir de l’homme, ces êtres, en produisant de tels effets, agissent suivant leur nature, et que leurs actes sont tout aussi naturels que ceux que produit l’homme ; d’où l’auteur aurait dû logiquement conclure à l’impossibilité des miracles, tout acte, si prodigieux qu’il soit et quel que soit son auteur, n’étant toujours que l’exercice d’une faculté naturelle.
Il raconte ensuite un grand nombre de faits merveilleux, presque tous connus de nos lecteurs, concernant les mouvements des tables et leur langage, les divers genres de medium, les phénomènes bizarres obtenus, surtout en Amérique, par leur intermédiaire, et quelques aventures qu’il présente comme particulièrement empreintes d’un caractère démoniaque, telles que celle de Cideville. 11 s'agit d’apprécier ces faits, d’en rechercher la cause. L’auteur n’hésite pas
à l’attribuer aux dénions. Sur quoi se fonde-t-il? Sur ce que certaines réponses de tables ne sont pas conformes ii la doctrine catholique : c’est juger la question par la question.
« Il y a eu, dit-il, des réponses immorales, impies, blasphématoires ; d’autres sont pleines de contradictions, de pauvretés, de non-sens. »
Nous lui répondons qu’il y en a aussi qui respirent la morale la plus pure, oii l’éloquence le dispute à la sagesse, et qui par conséquent ne peuvent être l’œuvre d’êtres essentiellement pervers. Quant à celles qui nous choquent, n’est-il pas téméraire et prématuré de se prononcer d’une manière si péremptoire sur des choses si peu connues? En admettant que ce soient des esprits qui fassent parler les tables et les medium, n’est-il pas évident que les moyens actuellement employés pour communiquer ne sont qu’une grossière ébauche, qu’un tâtonnement qui expose à des obscurités, à des malentendus, et que nous ne pouvons accueillir qu’avec beaucoup de réserve tout ce qui est transmis par des voies aussi défectueuses? C’est comme si deux étrangers ignorant la langue l’un de l’autre cherchaient à lier conversation ; avant qu’ils soient parvenus à s’entendre nettement, leur dialogue ne sera qu’une suite de quiproquos d’après lesquels il leur sera impossible de se juger réciproquement. 11 convient donc de suspendre notre jugement sur les êtres en question. Leur langage suffit pour nous autoriser àadmettie que nous avons affaire à des individus doués d’intelligence; mais tout le reste est encore enveloppé de nuages, et ce n’est qu’à l'aide d’expériences multipliées et bien observées qu’on pourra juger avec connaissance de cause nos interlocuteurs invisibles. Et quand il serait même constaté que quelques-uns d’entre eux se seraient contredits, auraient commis des erreurs et môme des mensonges, il ne s’ensuivrait aucunement que ce fussent des démons. Ni la philosophie, ni la religion n’enseignent qu’en dehors de l’homme il n’y a que des anges et des démons, c’est-à-dire des êtres essentiellement bons ou essentiellement mauvais. La religion n’a pas la prétention de nous initier à la con-
naissance do tous les secrets de la création ; la raison nous porte à croire, par analogie, que les êtres intelligents et étrangers à l’humanité sont comme nous imparfaits, faillibles, mélangés de bien et de mal. Si nous pouvions nous communiquer à des êtres supérieurs à nous, iis ne tarderaient pas à trouver chez nous de quoi blâmer, et ils tomberaient dans une grossière erreur s'ils allaient en conclure que nous sommes des puissances infernales; de même que s’ils étaient émerveillés de quelques belles phrases, ils auraient grand tort de nous prendre pour des anges. Nous ne méritons, non plus que les esprits,
Ni cet excès (l'honneur ni cettc indignité.
On nous objecte que des esprits, parlant par les tables, ont subi l’influence des objets bénits et ont confessé qu’ils avaientmenti en se disant les âmes des morts tandis qu’ils n’étaient que des diables. Mais s’ils ont commencé par mentir, rien ne nous garantit qu’ils aient en dernier lieu dit la vérité, leur témoignage serait donc sans valeur. Quand le pour et le contre peuvent dépendre d’un certain nombre de coups de pieds de table, pourquoi ne pas admettre la possibilité d’une équivoque, d’un contre-sens, d’une substitution de lettre, etc. ? Aux expériences de l’auteur nous opposons les cas très-nombreux où, de son aveu, l’emploi des objets bénits n'a apporté aucune modification aux phénomènes; or, un catholique ne peut admettre que l’invocation du nom de Dieu et l’intervention des choses saintes soient inefficaces contre les démons; ce serait se mettre en contradiction avec les traditions de l’Église (1).
Ce n’est pas seulement aux tables et aux Esprits que s’attaque l’auteur de Y Examen, il étend sa réprobation jusqu’au magnétisme; et suivant les traces de Fiart, Fustier, Wurtz, de La Marne, Frère, de Mirville, etc., il le déclare magique et diabolique. On a suffisamment fait justice de ce ridicule paradoxe que nous ne nous amuserons pas à
(1) Voy. Tertullicn, Apologét., cap. 23; S. Cypricn, Epist ’ii ad Do-naturn et epist. ad DcmCtrianuui.
réfuter. Nous nous bornerons à soumettre une simple réflexion à la bonne foi de l’auteur. L’Évangile nous dit qu’il faut juger l’arbre à ses fruits (1) ; or le principal but du magnétisme, le seul dont se soit occupé Mesmer, c’est de guérir des maladies, de soulager l’humanité, c’est d’imiter, autant que possible, le Sauveur par excellence, celui qui prtctcriit beneficicndo. Comment une telle œuvre peut-elle émaner de l’esprit du mal? Le diable, en vieillissant, serait-il devenu assez sot pour travailler contre lui-même et pour servir la cause du bien ?
A.-S. MORIN.
Le nombre des écrits publiés sur les Tables et les Esprit9 va se multipliant à tel point qu’il faudrait consacrer tout le Journal à leur analyse. Nous nous bornerons à l’appréciation des principaux, laissant de côté ceux qui n’ont qu’un, intérêt secondaire ou ne traitent ce sujet qu’à un point de vue spécial.
Ce n’est pas seulement la question des esprits qui doit occuper notre bibliographie cette année ; beaucoup de livres de magnétisme simple subissent l’examen de nos collaborateurs.
Ce travail important porte aujourd’hui déjà sur plus de vingt ouvrages, et on en annonce plusieurs nouveaux pour d’ici quelques mois. Nous ferons en sorte que chacun trouve sa place avec une mention suffisante.
UÉ11ERT (de Garnay).
(1) Mattli. vu, 16.
Le Gérant .- I1KBKRT (de Garnay).
P»ri*. - Imprimerie de Pommerel el Moreau, qu.n «1rs Atiguslins, 17.
ÉTUDES ET THÉORIES.
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1° DES ESPRITS.
(5* arlicle.)
Pour rendre compréhensible l’existence des esprits ou des forces intelligentes existant en dehors de nous, il faudrait connaître le principe même de notre existence, de cet être invisible qui, d’abord caché dans un amas de matières dont il sait faire pourtant successivement et par addition un magnifique édifice, ne se montre à nos yeux qu’à de rares instants, se laissant plutôt deviner que voir. Il faudrait encore s'assurer s’il est seul dans son domicile; s’il n’a point avec lui tout une série d'esprits et d’intelligences obéissant à ses ordres, soumis à tous ses commandements ; si enfin l’intérieur du corps humain cache une république ou n’est point un royaume.
Pour nous, cette question ne fait plus l’objet d’un doute; nous reconnaissons et nous admettons qu’il existe en chaque être une foule d’agents intelligents soumis à un régulateur suprême. Nous sommes convaincu que chaque organe a dans son centre le principe même de son action ; qu’il n’est pas une fonction concourant à la vie de l’homme qui ne soit réglée par une intelligence. L’immense travail qui s’exécute pour construire, détruire, réparer et maintenir l’édifice humain, n’est point, comme on l’a dit, le résultat d’attractions et de répulsions, une pure végétation ; il est réglé, combiné, exécuté par des intelligences ayant en elles quelque chose de la sagesse et de la science infinie qui ne peut venir que de Dieu.
Toiie XIII. — N° SSO. — 23 janvier 1S5». 2
Je suis convaincu de tout ceci, cl je regarde les livres écrits par de savants physiologistes comme de purs romans. Ils ont décrit les organes et toutes les parties du corps humain sans connaître leurs édificateurs; et, s’abandonnant à un matérialisme extrême, ils n’ont vu que rouages, poulies, cordages, soufre, fer, phosphore, etc., dans tout ce qui constitue l’homme. Avertis cependant par les différentes combinaisons des humeurs, par tous les fluides d’essence humaine, dont pas un ne se ressemble, par cet arrangement des parties qui dénote un art sublime, ils ne se sont point demandé pourquoi ceci était un tendon au lieu d’être un muscle ; ils ont mieux aimé passer outre que d’av.ouer leur ignorance. Fermant leurs yeux à la lumière, la vie n’a été désormais que le mouvement, l’arrangement des parties, des agrégations de molécules résultant ou gouvernés par des lois chimiques. Prenant l’électricité pour base de toute opération, celle-ci est devenue la vie, la contractilité, la sensibilité.
Bien jugé ! messieurs les savants. Vous êtes de grands génies, vous méritez l’apothéose. — Vos statues vous ressembleront; 011 n’aura pas besoin d’employer les moyens qui vous servent ordinairement pour maintenir la santé et réparer les désordres que le temps et les éléments, dans leur marche, opèrent sur toutes choses.
Pourtant nos illustres observent encore que le nitre agit de préférence sur les reins, l’opium sur le cerveau, l’émétique sur l’estomac, la belladone et la digitale sur la pupille et le cœur, etc. ; mais, sans s’expliquer en rien le pourquoi de ces différences d’action, ils continuent à croire à l’infaillibilité de leur doctrine.
Le champ est trop vaste ici pour poursuivre, ce serait un livre à écrire sur toutes les erreurs de la science. En attendant qu’il se fasse, disons îi nos lecteurs : Soignez votre santé, veillez sur vous, priez Dieu qu'il vous maintienne en joie ; car si vous êtes jamais malade et que vous ayez le choix entre le couteau et les remèdes, prenez le couteau du chirurgien, celui-ci au moins sait ce qu'il fait : le médecin mécanicien jamais ne peut le savoir; s’il réussit,
qu'il ne s'en félicite pas trop, mais qu’il ronde grâce ii la nature.
Revenons aux esprits, qui, sans être de l’Académie, n’en exécutent pas moins des travaux sublimes. Voyons-les en nous, agissant parfois d’eux-mêmes sans attendre le commandement de leur chef, quelquefois se mettant en révolte ouverte contre lui. C’est ainsi que plusieurs organes parlent lorsque notre volonté veut les faire taire, l’esprit qui est en eux exprime un besoin, souvent aussi ce n’est qu’un caprice; il agit et tourmente ses voisins pour les faire concourir à la satisfaction de son désir. Voyons-les troubler l’organisation entière et en enrayer le jeu jusqu’à ce que leurs forces soient épuisées ou qu’ils aient apaisé leur envie. Voyons-les jusque dans notre sommeil, et lorsque le concours de leur travail est moins nécessaire, se déplacer et parcourir le domaine où ils sont forcés de demeurer pour un temps, excitant tantôt le cerveau lui-même, cet organe-roi, pour me servir de l’expression qui lui est consacrée, prenant la place du chef et faisant naître les rêves, créant un monde imaginaire, bâtissant de magnifiques édifices ou de simples chaumières; puis, descendant vers les parties moins nobles, exciter celles-ci comme le maître l’eût fait lui-même.
Je sais bien que la science a pour tout ceci une explication rationnelle. Vous n’en n’avez pas une seulement, messieurs les savants, mais bien cinquante; et, on doit l’avouer, toutes sont également rationnelles.
0 imagination! toi qui n’es rien, que de travail tu su.-; éviter à nos savants patentés ; que de mauvaises nuits tu leur évitas! combien tu fus nécessaire à leur repos! C’est par toi que Mesmer fut réduit au silence ; ton pouvoir est sans limite, il s’exerce sur les artistes et sur les poètes : c’est loi qui enfantes leurs chefs-d’œuvre. Comme Dieu, de rien tu fais quelque chose; je n’en veux pour preuve que ton pouvoir parmi nous ; car lu fais prendre pour vrai ce qui c t faux. La mort même t’appartient; c’est la seule chose pourtant que ton pouvoir ne saurait embellir; cependant tu la fais parler!
Imagination, comme la mort, ta 11’es qu’un mot qui sert de bouclier l’ignorance et cache ses misères.
Poursuivons donc nos recherches et découvrons, s'il se l'eut, aux yeux de tous des vérités que notre entendement comme nos sens nous disent exister. Montrons d’abord le travail des intelligences qui sont en nous; voyons ces transmutations en chyle, en sang et en chair de tout ce qui est ingéré dans nos organes. Ici c’est une chimie transcendante que jamais l’art ne parviendra à imiter ; rien ne se fait en nous sans être régi par une science infinie; chaque molécule a sa destination préparée d’avance ; celles qui nous abandonnent, comme celles qui doivent remplir le vide produit, sont revêtues de propriétés qui n’existaient point en elles avant leur destination. Comme un essaim nombreux, les esprits travaillent à la ruche ; car, tandis que les sens butinent et apportent du dehors ce qui peut être introduit par leurs canaux, des instruments plus divins, mais cachés, travaillent dans mille laboratoires à épurer et spiritualiser ce que nous croyons être les plus pures essences de la nature. C’est ainsi que l’électricité, sous toutes ses formes, passant eu nos organes, devient méconnaissable; nous la voyons, dans ce qu’on appelle magnétisme humain, soustraite à ses lois primitives, soumise à l’action de la vie; elle est devenue vivante à son tour, et, rendue ainsi plus puissante et servante de la volonté, le magnétiste peut à son gré la diriger à travers l’espace, attirer les corps ou les repousser en tant qu’ils seront d’abord de même nature que lui. C’est encore à cette transmutation du principal agent matériel qu’il doit de pouvoir guérir les maux, de rétablir l’équilibre dans des corps délabrés, et nous pouvons ajouter même, c’est à lui qu’il doit le don d’opérer des prodiges que nulle autre force ne rendrait possible. Il est vrai que la science rejette les prodiges, par ce singulier motif qu’il faut mettre de côté tout ce que la raison ne comprend pas.
C’est qu’en nous il n’y a pas seulement des organes et le jeu de machines; il y a de plus des intelligences qui ont pour mission de préparer ainsi ce qui rentre dans les desseins d’une
providence. La science ne veut point de miracle, et la vie en est un perpétuel! Pourquoi donc ne le rejette—t-elle point? Qu'elle imite en cela ce philosophe ancien qui niait le mouvement. Que parlent-ils encore du libre arbitre, du moi, ces philosophes modernes? Que savent-ils sur celte matière? Hélas! nous croyons nous appartenir, et il n’en esi absolument rien. Toutes nos fonctions les plus essentielles sont soustraites à notre propre volonté : le cerveau ne sait rien de ce qui a lieu en nous-même, et ce qui paraît de notre volonté et d’un choix réfléchi, est excité, produit par des agents extérieurs ou internes qui savent se faire obéir.
Où la véritable science manque, l’illusion apparaît; on pourrait brûler bien des livres, chefs-d’œuvre de nos grands docteurs, sans aucun préjudice. La science est à refaire.
Je dis donc qu’il y a en nous des ouvriers intelligents» et qu’à chaque instant notre corps peut être visité par des agents également vivants venant du dehors, et ayant puissance sur le domaine que nous croyons nous appartenir en propre. Je vais démontrer la possibilité de ces choses.
Ne puis-je pas faire pénétrer en autrui, par des voies inconnues, l’agent subtil nommé magnétisme? Ne puis-je point, par lui, faire exécuter mon commandement lorsque rien n’a pu traduire aux yeux ma pensée? Cette pensée ainsi portée, quelle est-elle? La reconnaissez-vous pour être matérielle?Mais elle va tout à l’heure faire mouvoir la machine qui est étrangère à mon être, et produire une sorte d’évocation des esprits qui l’animent; car ceux-ci répondront bientôt à mon appel et feront éclore la pensée, ils la traduiront même en acte visible. C’est une grande erreur de croire que toujours les conceptions de notre esprit viennent de nous-mêmes; souvent tout nous vient du dehors. Ce ciel bleu peut tout à l’heure se couvrir de nuages; de bien loin le vent peut les apporter. Ainsi de même en nous; lorsque tout est calme et tranquille, des pensées nous arrivent sans que nous sachions comment elles nous sont apportées. C’est ainsi encore que des êtres mourants, ou en danger de la vie, transmettent au loin à leurs amis l’avertissement de leur fin ou
de leurs angoisses. Comment nous vient lu pressentiment? Quel est le messager invisible qui apporte la fatal» nouvelle? Croyez-vous qu’il soit possible à la matière de remplir cet office? et cette même matière peut-elle prévoir les événements, donner la faculté de lire dans la pensée, de retrouver les choses perdues? De même encore, d’où viennent aux âmes honnêtes les funestes desseins qui encouragent dans le vice et l’abjection des êtres nés pour être bons? Qui donc à chaque instant pervertit ou améliore notre être? Voit-on les agents qui éveillent la mémoire assoupie lorsque rien en nous ne semblait la solliciter ? Non-seulement nous agissons les uns sur les autres par des rapports mystérieux d’âmes à âmes, mais encore tout ce qui est ambiant et spirituel peut nous affecter d’une manière sensible. Si nous admettons la puissance exercée sur nous par les forces mortes, comme l’électricité et tout ce qui forme le milieu matériel où nous vivons, pourquoi n’admettrions-nous pas la puissance des agents moraux ? Seulement leur action s’exerce d’une manière différente, voilà pourquoi on nie leur existence.
Voyez-vous ce temple, d’abord vide, se remplir en quelques instants d’une foule immense qui y vient pour prier ou y trafiquer? L’esprit qui est dans la chair de chaque être y vient avec son enveloppe. Eh bien ! en nous-mêmes des esprits sans corps peuvent entrer à chaque instant sans consulter le gardien, et souvent ce que nous prenons pour un songe avait sa raison d’être ; nos sens ont été les jouets d’agents invisibles, et les organes les plus profonds ont seulement recueilli comme l’écho les sons harmonieux ou discordants de voix inconnues; semblables à l'écho, nous ne conservons rien de cet ébranlement passager.
La science des écoles est donc la plus vaine des sciences, car les hommes qu’elle a formés ignorent ce que la nature ne cesse de vouloir leur apprendre. Depuis Socrate, Platon et Jésus, l’humanité n’a pas fait un pas dans le domaine moral ; tout son génie s’est porté vers l’étude des choses matérielles. Mais que parlons-nous de savants? Hélas I nous
nen n’avons point; ceux que nous voyons devant nous sont empaillés : fixes sur leurs ressorts, ils ont des yeux pour ne pas voir, des oreilles pour ne pas entendre. Quand devant eux vous exposez un fait, une idée vraie, elle pénètre dans leur cerveau ; mais elle tombe sur de l’étoupe saupoudrée d’arsenic : tous ceux des magnétistes qui s’en sont approchés ont pour un temps compromis leur santé.
Mais les esprits dont nous parlons ont-ils des formes?
— Sans doute, et rien n’est plus certain.
— Comment donc s’en assurer?
— D’abord parles yeux.
— Mais je ne vois rien que la matière.
— Eh bien ! celle-ci même représente indubitablement l’exemplaire divin. Dépouille par la pensée, si tu ne peux le faire autrement, l’esprit de son enveloppe; fais tomber ou précipite cette matière, la forme spirituelle sera entière, complète, sans qu’il y manque rien.
— Mais mes yeux ne l’aperçoivent point.
— Ecoute et saisis ceci :
Un sens nouveau s’ouvre chez celui qui veut réellement connaître ; les mots voir, sentir, ne peuvent servir à le dépeindre. La perception de l’extatique n’a point lieu par l’œil ; les objets éloignés viennent cependant se peindre dans son cerveau, quelquefois même il y a transport de l’être spirituel jusqu'aux lieux éloignés, sans qu’aucun des sens continue de fonctionner; et la vision est pourtant si certaine, que les moindres détails des choses en sont fidèlement rapportés. Pourquoi ce qui est vrai dans tout ce que nous pouvons vérifier à l’instant même, cesserait-il de l’être lorsqu’il s’agit de choses immatérielles? Ne voyons-nous point dans nos songes? Mais si nos rêves sont presque toujours fantastiques, ne pourrait-il pas, dans une situation différente de celle du sommeil, en être autrement? et au lieu de fausses images, pourquoi ne pourrions-nous point en voir de réelles et sans mélange d’erreur? Il en est de ceci comme de la vertu, ceux qui n’en ont point doutent de ce que les autres en disent. La réalité des esprits sans corps sera longtemps contestée.
Rappelle-toi que l’état magnétique n’est ni le sommeil ni la veille, mais une situation mixte que nous pouvons même développer en nous sans le secours d’une tierce personne, et qu’ainsi disposée, la matière est dominée par l’esprit ; les perceptions alors n’ont plus lieu par les voies ordinaires, et la nature lève une partie de son voile, l’âme cesse d’être enchaînée. Si tu vois l’oiseau prendre sa volée lorsque tu ouvres la cage qui le retenait captif, imagine-toi bien que l'âme a besoin que l’on rompe scs rapports avec la chair pour jouir de la liberté. C’est au reste ce que fait la mort d’une manière plus complète, et voici pourquoi encore à ses derniers moments le mourant quelquefois prédit l’avenir.
On peut donc voir les esprits ou agents spirituels, notre conviction est entière à ce sujet ; ils peuvent aussi répondre à notre appel et nous donner des preuves matérielles de leur présence. J’essaierai d’en donner une démonstration.
On va crier à l’hallucination. C’est encore un mot inventé pour couvrir l’ignorance; car sur ce chapitre la science officielle balbutie et sàit fort bien qu’elle ne sait rien. S’attaquant toujours aux organes quand il s’agit de combattre des désordres, elle n'a jamais cherché à surprendre dans son travail l’agent qui est en eux.
Dans cet exposé je reste au-dessous du sujet que j’avais à peindre ; il faudrait sans doute plus de clarté et de précision, mais les mots m’ont manqué souvent; puissé-je du moins tenir dans le doute ceux de mes lecteurs que je n’aurai pu convaincre.
J’ajouterai quelques feuillets à cette préface pour indiquer ce qui s’oppose aux manifestations complètes des esprits dans le temps présent, et pour montrer qu’en fait de sciences morales nos savants, pour en connaître quelque chose, doivent retourner à i’éco!e de 'a natuiv.
Baron DU POTET.
(Ln mille prochainement.)
Il y a des penseurs qui croient que l'antiquité connaissait presque tout ce qui nous paraît nouveau. Le Siècle publie un feuilleton intitulé le Vieux neuf, qui a pour but de mettre ce sujet hors de doute. L’auteur, M. Édouard Foumier, après avoir passé en revue plusieurs merveilles du jour, aborde enfin le magnétisme. Voici ce qu'il en dit :
......Les anciens faisaient de tout une sorte de sacerdoce. C’est ainsi que le magnétisme, dont on a fait chez nous métier et marchandise, restait comme un rite secret dans l’ombre de leurs sanctuaires, comme un pieux monopole entre les mains de leurs prêtres. II ne courait pas le risque de tomber dans les abus et dans le ridicule qui l’ont discrédité depuis qu’il est livré à la discrétion de tous. Peut-être .ainsi ne faisait-il pas plus de bien, mais il faisait certainement moins de mal.
« Cette existence des créations magnétiques et somnam-buliques, dans les temples grecs, nous est prouvée d’une manière plus certaine encore que celle des pratiques dont nous venons de parler (les tables), et qui relèvent des mêmes phénomènes. On l’a souvent remarqué avant nous, en s’appuyant des autorités sérieuses que nous pourrions invoquer ici. Nous n’encourrons donc pas l’ennui de longues redites; de toutes ces preuves, nous prendrons les plus curieuses, les moins connues, et, s’il se peut, nous en donnerons d’inédites encore.
n La plus singulière est celle que nous fournit une lettre à'Aspasic à Pêriclês, supposée sans doute, mais toutefois antique certainement, et due, sinon à la maîtresse du dictateur athénien, du moins à un écrivain de la même époque. Voici ce qu'Aspasie y raconte de ses courses lointaines pour chercher une guérison qu’elle ne trouva que dans le temple de Lycère, au sein des songes révélateurs envoyés par Es-culape, ou grâce au somnambulisme, si vous voulez que nous parlions moins poétiquement.
n J’ai suivi exactement, dit-elle, le conseil du sage mé-ii decin Naucratès. Je me rends d’abord à Memphis, où je « visite sans succès le temple d’isis. J'ai vu la déesse et son « fils Orus, assis sur un trône supporté par deux lions; de n brillants fétiches ornaient son autel, où le matin brûlait u de l’encens, le jour de la myrrhe, et durant la nuit s’ex-
« balaient de délicieux parfums .le Cyphis. Là, j’appris que « le jeune Alexandre s’étant endormi dans le sanctuaire, 011 « lui avait révélé dans 1111 songe un remède pour guérir son « ami Timoléon, et que son vœu avait été exaucé.
« Moi-môme je m’endormis dans ce lieu sacré, sans ob-(. tenir aucune faveur, et l’on me dit que mon incrédulité « était cause de mon malheur. Je partis pour Patras, où je " vis ,a déesse Ilygie, non telle que la représente Aristo-«phane, agile, gracieuse, ses robustes flancs ceints d’un « léger vêtement, tenant en main la coupe d’une muse d’où « s élance un serpent ; mais je la vis sous une forme mysté-« rieuse à cinq faces. Une fontaine sacrée s’ollrit à ma vue; « et pendant que je déposais mon offrande aux pieds de la « déesse, je devais, suivant le conseil des prêtres, attacher « mes regards sur un regard flottant, sur l’onde de la fon-« tome. Mais je n’obtins rien. J’allai plus loin, et partout où « j arrivais, les dieux me semblaient aussi sourds que ton « Aspasie était chagrine. Soudain, j’entends nommer Poda-« Ivre ; je demande, on me dit que son temple est à Lycère; « je m’y rends aussitôt. A peine suis-je arrivée, que je me « baigne dans le fleuve; en sortant de l’eau, je répandis sur « moi le baume odorant dont Sozime, notre ami, m’avait « fait don le jour où je quittai Athènes.
1 Je tâchai, par mes prières, de me rendre digne de la « réponse du dieu. A l’approche de la nuit, je 111e couchai « sur la peau d’une chèvre, près de la colonne qui portait « la statue du dieu, et je fus plongée dans un doux sommeil. « Bientôt autour de moi se répandit une clarté suave. Crois-« moi, Périclès, oui, crois-moi, dans ce calme de 1 ame, le « divin I'.sculape, enveloppé d’un brillant nuage, m'apparut « avec ses deux filles et me promit la santé. Mon sommeil « fut profond jusqu’au point du jour; à mon retour, je me « trouvai sur le même côté où je m’étais mise la veille. Je « vis Cyprine; Cyprine, qui fut aimée de Podalyre, vint elle-« même ; elle vint et me guérit. 0 vous, Podalvre, Cyprine, « Esculape, recevez à jamais l’encens de la main d’Aspasie « et de Périclès !
« Apprends de plus que le même joui- une femme infor-« tunée, affligée d’un engorgement au sein, vit en songe le « petit dieu Harpocrate, étendu sur des feuilles de lotus, « enveloppé depuis les pieds jusqu’à la tête, et qui lui défi manda le lait de ses mamelles; ce qui fut cause qu’on lui « donna un remède salutaire.
« Los prêtres désignent ces songes sous divers noms, soit « qu’ils les interprètent pour la guérison, soit que la divinité « elle-même apparaisse dans le songe et rende la santé. « Quels rêves! dis-tu, Périclès, et peut-être en ris-tu. Ce qui « toutefois n’est pas un rêve, c’est que je suis guérie et que « je t’ainje. »
« Dans ce morceau que le docteur italien Giuseppe Monte-Santo a si bien fait de remettre en lumière pour les besoins de sa dissertation sur les Rites asclepiades, tout est infiniment curieux, mèn e ce que dit Aspasie sur le rire sceptique dont Périclès accueillera sa lettre. A cette époque si florissante du somnambulisme sacré, on en doutait donc assez déjà pour en rire, même dans la maison de Périclès, où pourtant, selon I.eclerc, dans son Histoire de ta Médecine, un esclave avait été guéri par un remède révélé dans tin songe; où même se voyait une statue élevée, en souvenir de ce rêve merveilleux, à Pallas, qui l’avait envoyé !
« Sous toutes ces momeries antiques travesties à plaisir, on voit pourtant le somnambulisme moderne qui se fait jour, avec ses prétentions curatives. Nous le retrouverons bien mieux encore avec tout son appareil de phénomènes, si nous interrogeons des preuves plus sérieuses que celles qui viennent de nous être fournies par la lettre d’Aspasie et par Aristophane. Strabon, par exemple, nous en parlera indirectement en son -17" livre, quand il nous entretiendra des Egyptiens malades qui, pour recouvrer la santé, s’en allaient dormir dans le temple de Sérapis; Diodore de Sicile et Galien se trouveront d’accord avec lui quand ils nous feront voir les mêmes pratiques en usage, l’un dans le sanctuaire consacré à Isis, l’autre dans un temple de Vulcain, près de Memphis. Pausanias (1), dont Sprengell se fait fort dans son histoire de la médecine (2), nous relatera les mêmes faits avec de nouveaux détails, et enfin Prosper Alpini, dans son De Medicinu egyptiorum, in-â°, publié àLeyile en 1718, les résumant en quelques lignes décisives, arrivera à cette conclusion toute en faveur de l’ancienneté des opérations som-nambuliques :
« Les frictions médicales et les frictions mystérieuses n étaient les remèdes secrets dont les prêtres se servaient « pour les maladies incurables. Après de nombreuses cé-« rémonies, les malades, enveloppés de peaux de bélier,
(1 l.iv. I, ch. xxxiv ; liv. X, ch.xxxu-
(4 Tome II, p. 157.
n étaient portés dans le sanctuaire du temple, où le dieu « leur apparaissait en songe et leur révélait If- remèdes « rpii devaient les guérir. Lorsque les malades ne recevaient n pas les communications divines, des prêtres nommés onfi-u ropo/es s’endormaient pour eux, et le dieu ne leur refusait « pas le bienfait demandé, n
« Ici, avec cet oniiropole (vendeur de songes!. voilà tout à fait une des industries nées du magnétisme moderne : le somnambulisme à tant la séance. Des temples égyptiens et grecs, ce magnétisme mercenaire, se faisant objet de curiosité et de spectacle sinon d’utilité, était passé dans les églises chrétiennes. Saint Augustin, en effet, nous parle, dans sa Ci/c dit Dieu (I), d’un prêtre de son temps dont on admirait les extases et l'insensibilité qui en résultait pour tout son corps. Cette dernière particularité, qui est toute du domaine magnétique tel que nous le connaissons, est certifiée par ces paroles de saint Augustin :
« C'était, dit-il, un prêtre de l'église de Calama, nommé n Restituais. Toutes les fois qu’il voulait, et la curiosité ve-« nait le solliciter souvent, aux accents imités de certaines « voix plaintives, il se dépouillait de toute sensibilité et de-« meurait gisant. On l’eùt cru mort; aiguillon, piqûre, « brûlure même, il ne sentait rien qu’au sortir de cette lé-« thargie. »
« Le saint évêque décrit ensuite l’état extatique du prêtre, et ce qu’il dit est tout à fait conforme à ce que rapporte Jamblique des extases obtenues dans les temples égyptiens. Le prêtre de Calama était donc une sorte de thérapeute égaré dans un sanctuaire chrétien.
« Jamblique, dans son livre des Mystères égyptiens (2), est fort explicite pour ce qui se rapporte aux rites qui nous occupent :
« On reçoit, dit-il, dans le temple d’Esculape, des songes « à l'aide desquels les malades sont guéris; et l'art de la « médecine lui-même, ajoute-t-il, ne s’est formé que par « ces songes divins. »
a Ensuite, énumérant comme pourrait le faire un de nos magnétiseurs les phénomènes somnambuliques, il arrive à celui qu'on est convenu d'appeler phénomène de /u'iYû7l,‘ildit: « Le moment est venu, nous entendons une voix entre-« coupée qui nous enseigue ce que nous devons faire. Sou-
(1) Llv. XIV, ch. mv.
(3/ Edit. do Lyon, 1549, page 45.
vent cette voix frappe notre oreille dans un état intermé-« diaire entre le sommeil et la veille. Quelques malades sont !■. enveloppés d'un esprit immatériel que leurs yeux ne pcu- vent apercevoir, mais qui tombe sous un autre sens. Il « n'est pas rare qu'il se répande une clarté douce et res-
i plemlissante qui oblige de tenir les yeux à demi fermés. Ce « sont là positivement les songes divins envoyés dans l’état
ii mitoyen entre la veille et le sommeil. »
(i Demandez à tout somnambule de vous décrire son état, il n'y réussira pas mieux que 11e vient de le faire ce mystique du troisième siècle. Nous avons trouvé dans les écrivains anciens plusieurs des phénomènes les plus importants du somnambulisme : l'extase, l'insensibilité physique; interrogeons-les sur les autres, sur la catalepsie, sur l’oubli après le sommeil de tout ce qu'on a dit et fait; ils 11e répondront pas d'une manière moins satisfaisante. Celse aura la parole sur la première question, il nous dira qu'Asclépiade, endormant au moyen de frictions ceux qui étaient atteints de frénésie, arrivait quelquefois à les plonger dans une véritable léthargie.
« Voilà bien la catalepsie magnétique. Quant à l’oubli après le réveil, c'est un père de l'Eglise, c’est saint Justin qui va eu constater le phénomène. 11 le retrouve chez les sybilles, et rien que ce seul fait prouverait le singulier rapport qui existe entre nos dormeurs magnétisés et ces somnambules inspirées des temps antiques :
« Les sibylles, écrit donc saint Justin, disaient avec jus-« tesse et vérité beaucoup de grandes choses, et lorsque « l'instinct qui les dominait venait à s’éteindre, elles per-« daient la mémoire de ce qu’elles avaient annoncé. »
« Avec tous ces renseignements glanés dans les livres antiques, nous avons à peu près reconstruit un somnambule complet, extatique, insensible, guérissant, prédisant. Ce n’est, pas assez, il nous faut prouver que les anciens connaissaient aussi les raffinements de la pratique magnétique, l’eau magnétisée, par exemple, à laquelle nous nous tiendrons comme preuve de l'état avancé et d'expérimentation complète que la science retrouvée par Mesmer avait atteint à leur époque.
i Quand un de nos magnétiseurs veut magnétiser de l’eau, il n’opère que sur un verre tout au plus rempli. Les anciens magnétisaient des fontaines entières et en faisaient ainsi des piscines miraculeuses, dans lesquelles on n’avait qu’à s’immerger pour être guéri. Près de Pergame était une de ces sources placées sous l’invocation d’Esculape. C’est à celle-là
que se rendit, au second siècle, le rhéteur Aristide. 11 a même consacré à sa description un des six discours sacrés qu’il composa pour remercier le dieu de l’avoir guéri. Il appelle cette fontaine le puits d’Esculape, et il dit :
« On a vu 1111 muet recouvrer la parole après y avoir bu; >i de même ceux qui en ont approché leurs lèvres acquièrent .1 le don de prophétie. Il a suffi à d’autres de puiser de cette « eau pour conserver la santé. » n Des pratiques si bien établies et si complètement passées dans les mœurs et dans les habitudes journalières, qu’à Rome, le Sosie d’Amphitryon y faisant ailusion, était sûr d’être compris de tout le monde ; des prestiges qui avaient eu d’autant plus de faveur que la religion les avait consacrés * et la superstition propagés, ne devaient jamais se perdre tout à fait. En effet, ils survécurent au paganisme. Des mains des prêtres ils passèrent en celles des savants, qui, comme les premiers possesseurs, les gardèrent en avares. (Vavaient été des mystères religieux, ce furent des secrets scientifiques. Ils durent toutefois à ce dernier titre de se perfectionner, de grandir, de trouver leur formule dans un grand nombre d’écrits longtemps incompris, et dont le plus célèbre et le plus explicite peut-être est le second traité des opéra chimica de Paracelse. Là fut le vrai mot du grand art, et Mesmer « n’eut vraiment qu’à l'y prendre,» comme on le remarque dans le rapport des commissaires royaux, sur le magnétisme animal, en 178h.
n Dans un discours prononcé au congrès historique de 1838, quelques-unes des phases traversées par le magnétisme animal pour arriver jusqu’à nous se trouvent assez curieusement décrites avec le détail succinct des hommes qui en furent les apôtres, et l’analyse d’un livre qui en fut comme le premier évangile : « En 1665, y lisons-nous, Va-lentin Greatrakes faisait des cures merveilleuses par le toucher, et les témoignages que nous ont laissés Georges Rust,Faireclow, Artélius,ne nous permettent guère de douter que ce Greatrakes ne guérit véritablement par l’imposition des mains; en 1772, apparut un homme connu sous le nom de toucheur, et qui s’appelait Antoine Jacob ; il prétendait guérir par de simples attouchements et par la force de la volonté. A la même époque, Gassner, en Allemagne, pays d’où, quelques années plus tard, devait sortir Mesmer, se cnit doué de la même vertu.
« Longtemps avant eux quelques autres hommes s’étaient dits possesseurs de cette précieuse faculté. En 1517, Pierre
Pomponacc, dont les idées philosophiques sont hardies pour le temps où il écrivait, avait ])iiblié une dissertation ayant pour litre : De vaturalibus cjj'ectuum admirandutn cinisis seu de incanlationibus liber, liasilea, in-8\ 11 regarda comme chose généralement reconnue, qu'il y a des hommes doués de la faculté de guérir certaines maladies par une émanation que la force de leur imagination dirige sur le malade. 11 dit aussi que
(■ I.a confiance du malade contribue à l’efficacité du rc-« îi ède, que les enfants sont plus susceptibles d'en éprouver « les elfets, parce que leurs organes plus faibles opposeni « moins de résistance, et que leur action se fait sentir d’au-« tant plus que celui qui l’emploie est placé plus près du « sujet sur lequel il veut agir et qu’il est mieux disposé.
« Edouard FOURNIER. »
Le passage relatif au puits dEsculupe, cité plus haut, n’établit pas incontestablement l’ancienneté de Y eau magnétisée. Voici un extrait du Magnétisme dans.ses rapports avec la nature et la religion, par le Dr Ennemoser, qui est non moins intéressant et plus positif. Cet auteur s’exprime ainsi, page 502 de la deuxième édition, publiée à Munich, en 1853 :
« On trouve dans la Chemin Rolfuikii, imprimée à Genève en 1621, 1. III, c. 8, la description d’une aqtuï vitalis car-diaca microcosmica, conçue en ces termes :
« Qu’un homme, étant à jeun et ayant purifié sa bouche, « souffle fortement et longtemps sur de l’eau contenue dans « un verre, et qu’il l’administre ensuite au malade avec une « bonne intention, en priant, et avec un cœur pur. On gué-« rira ainsi les maux les plus incurables. »
Je doute qu’on puisse mieux définir l'eau magnétisée!
Fïhdixand su. as.
J’ai en ce moment un somnambule remarquable; c’est un paysan âgé de dix-neuf ans, fortement constitué, complètement illettré, mais jouissant d'un esprit uaturel assez remarquable. Il est d’une telle sensibilité magnétique, que je n’ai besoin d’employer, pour l’influencer, ni passes, ni gestes, ni même la volonté.
Tous les dimanches je reçois chez moi douze ou quinze personnes, et là, dans la conversation, si je fais le moindre geste pour m’aider à faire comprendre ma pensée, le sujet s’endort en faisant un mouvement comme s’il recevait une commotion électrique. Interrogé s'il dort, il répond affirmativement et déclare être bien isolé. En effet, il n'entend que moi. Si quelqu’un le touche, il fait un mouvement comme si on le brûlait. Je le réveille avec la même facilité.
Dernièrement je lui dis, dans l’état de veille : Lorsque je ferai psil, vous dormirez. La conversation générale s’engagea, et au moment où je crus que personne ne se défiait, sans le regarder, je fis le signal convenu : instantanément il s’endormit en éprouvant la commotion ordinaire.
Le vendredi 16 décembre, j’étais à magnétiser mon beau-père, malade depuis seize ans et dont le traitement sera, je l'espère, prochainement couronné de succès, lorsque ce jeune homme vint pour me voir. Je le priai de s’absenter une demi-heure, sachant qu’il se magnétise par irradiation. 11 alla chez un voisin, et malgré les portes, les murailles et une distance de quinze mètres, il s’endormit. L’action fut si énergique et si rapide, que d’un élan convulsif il se dirigea
vers moi en ligne droite. Les témoins de cette scène furent effrayés et m’appelèrent en criant qu'il allait se tuer. Avant de sortir, je dis à mon cœur de ne pas battre plus fort que d’habitude. J’arrivai chez mon voisin, où tout le monde était en émoi. Sur un seul signe attractif, le sujet vint d’un bond se coller la poitrine à la mienne. Je lui adressai les questions suivantes :
— Comment se fait-il que vous vous soyez endormi étant si éloigné de moi?
— Je n’en sais rien.
— Pourquoi vouliez-vous sortir par la porte du fond, au lieu de passer par la porte ordinaire ?
— Je prenais le chemin le plus court.
— Mais il y a un mur de neuf pieds que vous n’auriez jamais pu franchir 1
— Oh ! oh I fit-il en relevant la tête à plusieurs reprises d’un air vaillant, ce n’est pas difficile.
Nous partîmes alors, nous donnant le bras, absolument comme s’il eût été dans l’état de veille.
Dernièrement, dans une réunion où se trouvaient deux nouveaux venus, incrédules autant qu’on peut l’être, j’endormis mon sujet et lui fis la question suivante :
— Croyez-vous qu’il y ait parmi nous des incrédules?
— 11 y en a deux.
— Levez-vous et allez toucher le plus obstiné.
Le somnambule le fit sans se tromper.
La personne désignée avait sur elle une boite d’allumettes en ferblanc. Je la lui demandai et la magnétisai pendant une minute. Il fut convenu que cette personne donnerait la boite à examiner au sujet dans le cours de la soirée, ce qui eut lieu dans un moment où le jeune homme ne dormait pas. La commotion se fit aussitôt, au grand étonnement de l’incrédule. Je fis ensuite approcher ce monsieur et l’invitai à lui donner le bras. Bien que cet homme soit très-robuste , son bras fut étreint de telle sorte qu’il demanda grâce.
Dans la même soirée, je ils une série d’expériences toutes
plus singulière» les unes que les autres. Par exemple, ayant mis entre les mains du somnambule un verre à boire, il croyait tenir un coq de perdrix. Les pincettes furent transformées en un cheval qu’il montait à califourchon et dont l’allure devenait de plus en plus vive, au point que je dus la faire cesser pour éviter quelque accident.
Une autre fois je le fis voyager en chemin de fer (il n’en a jamais vu). 11 imita le roulement des wagons, celui de la locomotive laissant échapper la vapeur, le son de la corne du cantonnier ; puis parfois il saisissait son siège, et homme et siège faisaient des cabrioles d’une extravagance indescriptible.
Je le fis passer en Afrique, et la navigation provoqua des nausées. Débarqué, il se plaignit de la chaleur et se serait mis complètement à son aise si on l’eût laissé faire.
Je l’envoyai également en Russie, où il éprouva la sensation contraire.
Parfois je le revêts de l’habit et du caractère d’un général. 11 entre parfaitement dans son rôle; il commande son armée avec une intonation à faire trembler les vitres.
Réveillé, il ne conserve aucun souvenir de ce qu’il a dit ou fait pendant son sommeil.
Dernièrement, j'avais encore un incrédule à convaincre. Après plusieurs expériences, je plaçai le sujet à l'extrémité opposée de la porte de la pièce où nous étions. J’emmenai le premier avec moi, et laissai le second à l’endroit où je l’avais placé. Je fermai la porte et priai l’individu de me dire ou me faire signe quand il voudrait que le somnambule vînt. Au signal donné, j'exerçai l'attraction. Comme dans le premier cas, l’action fut si rapide et si violente, que je crus la porte enfoncée et le sujet blessé. Les spectateurs s’accordèrent à dire que le somnambule, au lieu de marcher, se précipita d’un seul bond.
Dans une soirée du mois dernier, le sujet était endormi dans une petite chaise. Je lui magnétisai la main droite avec l'intention de la soulever. 11 faisait des efl'orts incroyables pour atteindre ma main qui s'éloignait de plus en plus. Un
de mes amis, homme cligne de foi, m’assura l'avoir vu s'enlever de terre d'au moins quatre pouces, l.e dimanche suivant, j’essayai de nouveau, mais vainement. Je répéterai celte expérience, que je crois de la plus haute importance.
Je termine ce long récit par un fait non moins curieux que ceux qui précèdent.
Dans une de mes soirées, je plaçai, par la pensée, un homme à califourchon sur le cou du sujet, avec la volonté que cette sensation persistât au réveil. Nous eûmes une scène des plus comiques. Quelles contorsions pour se débarrasser de ce fardeau ! Les rires de l'assemblée-touchant «aux convulsions, je dus mettre un terme à cette scène.
L’envie de vaincre l’incrédulité obstinée de quelques personnes me fit tenter quelques expériences que je passe sous silence, le bon goût des lecteurs du Journal du Magnétisme pourrait s’en trouver blessé.
COÜPRY.
Baugé, 23 décembre 1853.
2° NOCTAMBULISME.
Le Courrier de la Gironde du 20 décembre raconte le fait de somnambulisme suivant :
« Nous avons rapporté il y a quelques jours l’arrestation d’un jeune homme et d’une jeune personne se disant frère et sœur, arrivés par le bateau à vapeur d’Agen, et qui avaient fini par avouer qu’il n’existait entre eux aucun lien de parenté. Le jeune homme, dont les papiers se sont trouvés en règle, n’a pas tardé à être mis en liberté; mais la jeune fille a été, retenue au dépôt de la mairie, en attendant qu’on eût des nouvelles de ses parents, auxquels on a écrit.
n Dans la nuit du vendredi au samedi dernier, le concierge de la mairie, étant sur le point de s’endormir, entendit tout à coup frapper à sa porte.
ci 11 se leva à la hâte, et, ayant pris la lumière, il alla ouvrir au visiteur inopportun qui venait le déranger à une heure aussi indue. Sa surprise fut des plus grandes en se trouvant devant la jeune personne en question, et il allait s’informer du motif qui lui avait fait quitter sa chambre, lorsqu’il aper-
çut qu’elle avait les yeux fermés et paraissait profondément endormie.
«La jeune somnambule, car il n’y avait aucun doute à conserver sur son état, murmurait quelques paroles inintelligibles que le concierge ne put saisir, mais parmi lesquelles il distingua cependant les mots d’encre et de papier, qui étaient prononcés à différentes reprises.
« Avant que le concierge fût revenu de sou étonnement, la jeune fille se dirigea vers le bureau dans lequel celui-ci travaille pendant la journée, s’installa à la table, prit du papier et une plume, et se mit à tracer rapidement, quoique il’une main ferme, quelques lignes qu’elle lisait à haute voix à mesure qu’elle les reproduisait sur le papier. C’était une lettre adressée à son père, et dans laquelle elle lui demandait pardon de l’avoir abandonné et témoignait de son profond repentir. Puis, lui rappelant une certaine somme d’argent dont il avait constaté la disparition quelque temps auparavant, elle lui indiquait, dans sa lucidité, l’endroit où elle était déposée.
« Lorsqu'elle eut terminé sa lettre, elle la ferma, y mit l'adresse de son père, et la laissant en évidence sur la table, elle retourna sur ses pas et regagna sa chambre sans s’être réveillée. »
3° LE MESMÉRISME AU COIN Dü FED.
Sous ce titre, le Galignuni’s Messenger du 28 mars 1851 publiait l’article suivant, extrait de YAdvertiser.
« Le Dr Herbert Mayo, auteur des Vérités contenues dans les superstitions, affirme, dans un supplément à la seconde édition de cet intéressant petit ouvrage, qu’il vient de découvrir la preuve suivante et bizarre de la réalité du mesmérisme. Elle est du nombre de celles que chacun de nos lecteurs peut essayer.
« Prenez un anneau d’or, le plus massif possible, soit l’alliance de votre femme, si vous avez le bonheur d’en avoir une. Attachez-le à un fil de soie d’environ un pied de long, fixez l’autre bout du fil autour de votre indicateur droit, près de l’ongle, de manière que l’anneau pende à un demi-pouce au-dessus d’une table sur laquelle vous appuyez le coude pour immobiliser la main. Ceci fait, tenez votre doigt horizontalement et le pouce renversé autant que possible.
n S'il n’y a rien sur la table, l'anneau suspendu s’arrêtera bientôt. Placez alors une pièce d’argent, 5 fr., par exemple, directement au-dessous de la bague, et elle oscillera immédiatement dans votre direction, c’est-à-dire en s'approchant et s’éloignant de vous.
ii Ensuite ramenez votre pouce en contact avec l’index, ou mieux suspendez-y l’anneau, et les oscillations deviendront transversales. Le même effet sera obtenu si une dame prend votre main restée libre; et, quand le mouvement transversal sera ainsi parfaitement établi, si celle-ci vient à donner son autre main à un monsieur, le premier mouvement se rétablira.
« Cette expérience peut d'ailleurs être variée de diverses manières; ainsi, au lieu d’argent, suspendez l’anneau au-dessus de votre index gauche et vous obtiendrez les mêmes résultats.
n Ces effets sont produits par des courants d’otl, ou magnétisme animal, qui se dégagent des doigts des expérimentateurs. »
Cette expérience rappelle le pendule explorateur dont MM. Billaudel et Lermier ont donné la description (1); mais elle en diffère par un point capital : l’influence des personnes au lieu de celle des choses. S'il est un jour prouvé, comme le prétend M. Rutter (2), qu’un semblable appareil accuse la différence qui existe entre un cheveu d’homme et de femme, qui se refusera d’admettre qu’un somnambule puisse reconnaître non-seulement le sexe, mais l’âge, le caractère, le tempérament, les maladies, etc., de l’individu auquel cet objet appartient?
HÉBERT (de Carnaj).
(1) Voyez VHermès, troisiômo année, n° 32.
(2) Voyez Journal du Magnétisme, tome XI, p. 57.
CONTROVERSES.
1° ROTATION HUMAINE.
Les observations suivantes m’ont été suggérées par la lecture des commentaires faits sur la lettre que j'ai écrite au rédacteur du Journal des Pyrénées Orientales, et qui se trouve reproduite dans le numéro 17/i du Journal du Magnétisme.
Comme je l’ai dit, la rotation de l’homme s’opère en vertu d’une véritable loi magnétique, ou plutôt par une forte émission d’électricité vitale.
M. Bruyas dit : « Nous croyons la rotation de l’homme possible; mais nous n’avons jamais pu obtenir douze tours à la minute. »
Voilà une affirmation mêlée de doute; qu’il me soit permis d’y répondre en disant à mon tour :
Vous avez donc obtenu quelque chose, c’est-à-dire quelques tours. Combien? je l’ignore. Vous en avez obtenu, c'est l’essentiel. Connaissez-vous la force vitale de chaque être? Pouvez-vous peser, mesurer, énumérer les principes, les procédés et conditions employés par chaque expérimentateur? Vousnele pouvez pas — c’est au moins ma conviction. — N’avez-vous pas éprouvé bien des déceptions dans le choix de vos sujets? Savez-vous commander, diriger vos étincelles électriques, et savez-vous observer les effets qu’elles produisent? Je n’en doute pas, car sans cela vous ne seriez pas magnétiseur.
Ces réflexions n’ont d’autre but que de prouver que la constance, une volonté ferme, la patience et l’art sont indispensables à la production de tout phénomène magnétique.
Observez toutes ces conditions, principalement les deux dernières, et je vous promets d'avance un plein succès dans toutes vos expérimentations : vous obtiendrez douze tours à la minute.
M. XIFFRE.
Perpignan, le 25 décembre 1853.
2° TABLES TOURNANTES.
Le .1/essayer du Midi, journal de Montpellier, publie, dans son numéro du 25 décembre, la lettre qui suit, écrite par M. le I)r Roux, un des médecins les plus estimés du Midi :
« Monsieur le rédacteur,
« Tout le monde sait à quelles étranges illusions, à quelles . aberrations inouïes a donné lieu le mouvement des tables et autres objets. On croit ainsi se mettre en rapport avec des esprits bons ou mauvais, qui révèlent l’inconnu, prophétisent l’avenir ; 011 fait appel aux âmes des morts transportées dans ces meubles; 011 leur demande leurs noms, leurs histoires, on reçoit en réponse des mots, des phrases entières, et l’on s extasie devant ces merveilles.
« Or, les tables ne parlent nullement; elles entrent en mouvement, voilà tout. En elles point d’esprits d’aucune sorte ; ce sont des corps inertes, soumis à certaines influences expérimentalement démontrées.
« Le mouvement des corps n’est pas toujours produit par des agents tangibles et visibles; parmi les causes motrices, se trouvent les fluides impondérables, tels que le calorique, 1 électricité, etc., etc. Moins généralement connu, mais non moins réel, non moins manifeste dans ses effets, le magnétisme animal est une force de ce genre, applicable par 1 homme à ses semblables, et jusqu’à un certain point à d’autres êtres, même inertes, par extension du pouvoir qu’ont 1 homme et les animaux d’agir sur ceux de leurs propres organes qui sont soumis à la volonté.
« Je veux remuer mon bras, et ma volonté agit sur les muscles par l’intermédiaire du système nerveux. Les expérimentateurs veulent faire mouvoir la table, et leur volonté agit sur ce corps inerte par l’intermédiaire du fluide magnétique, qu’on peut regarder comme l’expension extérieure
d’un fluide circulant dans les nerfs. Mais cette influence sur un corps étranger étant infiniment faible, relativement à celle qui s’exerce sur nos propres organes, il importe que plusieurs personnes unissent leurs volontés et forment la chaîne autour du meuble pour y accumuler le fluide par une application prolongée.
« D’abord 011 faisait tourner les tables, à présent on les fait frapper du pied; mouvement de rotation, mouvement de bascule, c’est toujours le même ordre de phénomènes déterminés par la puissance magnétique des expérimentateurs; le meuble n’est que leur instrument passif. On produit ainsi toutes sortes de mouvements. J’ai vu deux personnes, superposant leurs doigts sur un guéridon, le faire monter sur une fenêtre à balcon haute d’un demi-mètre. Le guéridon, faisant la bascule, appuyait un pied, puis un autre, contre le mur, le gravissait penché horizontalement, et se redressait pour enjamber la croisée. Impossible de produire ces évolutions par l’action purement mécanique des doigts ainsi superposés.
« Voici par quelle illusion les imaginations, frappées de tous ces phénomènes, croient converser avec les esprits. On adresse à la table une question, avec ordre de frapper du pied eu cas d’affirmation ; la pensée, la volonté des expérimentateurs ou de celui d’entre eux qui a le plus d’influence produit magnétiquement ce mouvement du meuble, et cette prétendue réponse est acceptée comme parole d’oracle. S’il s’agit d’obtenir des mots, des phrases, on s’y prend autrement, mais c’est toujours le même mode d’action. On récite lentement et plusieurs fois l’alphabet, après avoir enjoint à la table de frapper du pied à la première lettre du mot, puis à la seconde, et ainsi de suite. Alors encore la pensée d’une ou de plusieurs personnes détermine ce mouvement de la table, lors de l’appellation de telle ou telle lettre, et peu à peu il devient facile de prévoir quel sera le mot entier et de le compléter par les indications du meuble docile. Souvent les pensées des expérimentateurs sont confuses ou divergentes, et dans ce cas les lettres successives ne forment qu’un assemblage informe de syllabes tronquées.
c Quand la table est bien chargée de fluide, la pensée énergique, la volonté ferme d’une personne étrangère à la chaîne produit quelquefois une action magnétique assez puissante pour faire mouvoir la table, sans que les expérimentateurs qui touchent le meuble soient initiés à cette volonté, à cette pensée.
« Ces expériences ne réussissent pas toujours. Il faut, pour le succès, les conditions requises dans toutes les expériences magnétiques, savoir : un certain degré d'attention, de recueillement, dç confiance ou du moins l’absence d'incrédulité systématique et de mauvais vouloir. La vigueur de l’âge et de la santé sont des conditions très-favorables, ainsi qu’une sorte de prédisposition idiosyncratique difficile à préciser. Du reste, d’après le caractère physiologique, il n’est pas étonnant que les effets du magnétisme animal ou vital, comme tous les phénomènes vitaux, soient contingents et variables.
« A l’appui de tout ce qui précède, je vais rapporter une expérience décisive que j’ai plusieurs fois répétée. Nous nous mettons trois à faire la chaîne autour d’un guéridon. Lorsqu’il commence à s’ébranler sous les doigts, je commande à ce meuble de frapper du pied, sans que je communique à personne le nombre de coups formulé dans ma pensée. Aussitôt le guéridon, en frappant, marque exactement ce nombre. Je réitère en variant le nombre de coups, et chaque fois le guéridon obéit fidèlement à mon ordre mental. Je pense à un nom ; on récite l’alphabet, et lorsque vient l’initiale de ce nom, le guéridon frappe ; ainsi de suite, en variant de plusieurs manières, sans jamais confier à personne ma pensée. Ensuite chaque expérimentateur opère selon le même procédé et constate à son tour la réalité du phénomène. On voit qu'ici la fraude est impossible.
« En rattachant à une loi naturelle les faits dont il s’agit, je veux, autant qu’il est en moi, concourir à dissiper les idées superstitieuses combattues par Mgr l'évêque de Viviers, idées répandues dans le monde païen, où chaque objet matériel avait son âme, son génie ; erreurs grossières, qui se sont évanouies devant le christianisme comme les ténèbres devant le soleil.
« Agréez, Monsieur le rédacteur, etc.
«;f. roux.
« Docteur-médecin.
o Celte, le 23 décembre 1833. »
VARIÉTÉS.
Tancrcdr «rroui'u pur iicrmlulc. — Il y a a* Musée du Louvre un lableau de Mola dont nous avons déjà fait mention (t. VIII, p. 582) comme représentant une scène de magnétisme. Le sujet est tiré Aeia.Jènisatnndfticrée (ch. xix).
La figure ci-dessous représente le tableau tout entier, et le texte qui suit est la traduction littérale du passage dont l’artiste s’est inspiré.
........Tancrède ouvre les yeux, et puis il les abaisse
ternes et lourds, et Herminie continue ses plaintes. Vafrin lui dit : « Il ne se meurt pas ; secourons-le donc avant de «pleurer. » Il le désarme, et elle, tremblante et éplorée, prête la main à cette œuvre. Elle examine les plaies; et, de blessures étant juge exercé, elle espère le sauver.
n Elle voit que le mal vient de la fatigue et des humeurs trop abondamment versées; mais elle n’a, hormis son voile, rien de quoi bander ses blessures, dans un lieu si’re-
tiré. Amour lui trouve îles bandages inusités, et lui apprend de? artifices nouveaux de secours. Elle essuya les plaies avec ses cheveux, et les banda aussi avec eux, qu’elle voulut se couper, puisque son voile ne peut sufl'ue, trop petit et trop fin pour de si nombreuses blessures.
(i Elle n’avait ni dictante ni crocus, mais des mots que pour tel usage elle savait puissants et magiques. Déjà il secoue loin de lui le sommeil meurtrier, etc., etc.......
Cette dernière phrase résume bien la pensée de l'auteur, mais elle n'est pas assez précise pour autoriser à croire que la magnétisation, telle que nous l’entendons, lui était connue. Et pourtant, qu’étaient ces mots magiques, puissants pour guérir? Que signifie surtout cette pose de la main, les doigts touchant à peine la blessure ; est-ce là l’attitude du pansement? Si c’est l’imagination du peintre qui a créé ce rapport, il faut convenir qu’un hasard bien singulier a présidé à la composition de son ouvrage. N’est-il pas plus probable qu’il a pris la tradition pour exemple, et nous a ainsi transmis un vestige de la science antique ?
HÉBERT (do Garnay).
Nécrologie. — Nous avons à mentionner une perte nouvelle et qui nous laisse des regrets : nous voulons parler de la mort de M. le prince Gaston de Montmorency.
Grand partisan du magnétisme, et surtout du somnambulisme, M. de Montmorency rencontra un de ces mille instruments que j’ai formés ; le trouvant bon, il s’en empara et s’en servit poui; rendre la santé à beaucoup de malheureux. Il payait les consultations de la somnambule et fournissait les médicaments ordonnés. Dans l’énumération des vertus de cet homme de bien, on a oublié celle-ci ; nous réparons cet oubli pour rendre hommage à la vérité.
Dans ses derniers moments, le prince n’a cessé d’entendre la somnambule, tandis que toute autre voix n’était point perçue. C’est un fait nouveau de magnétisme qu’il est bon de noter.
Baron DU POTET.
BIBLIOGRAPHIE.
COMMENT L’ESPRIT VIENT AUX TABLES; par un homme qui n'a pas
perdu l’esprit. Broch. in-12. Paris, Dentu, 1853. — Prix : 1 fr. 50.
Cet écrit est anonyme, mais l’auteur s’est fait connaître par la lettre suivante, adressée au rédacteur de la Presse, et insérée dans ce journal le 26 novembre dernier :
Monsieur,
Les réclames magnétiques dont vous m’avez fait l’honneur de me donner communication n’ajoutent aucun renseignement nouveau au grand procès pendant, devant l’humanité depuis soixante-dix ans, si ce n’est qu’il touche à sa fin.
Les magnétistes, acculés sous les murs de la science qui leur conteste le droit d’asile et refuse sa porte en criant : lte-drez-vous, je ne vous connais pas ! Poursuivis par la religion qui leur crie de son côté : Vade rétro, satanas ; retirez-vous, je vous connais bien ! Repoussés, bousculés, étourdis; plaisantés pour n'être rien, accusés d'être trop, ne sachant plus à quel saint se vouer, ont recours à sainte Presse.
Par charité, plaignez-les ; mais, par raison, laissez-les mourir !
Mesmer n’a été que le premier rationaliste et le plus grand exploiteur faufilé dans un temple dont Cagliostro fut le dernier prêtre. Le magnétisme, tel qu’il est sorti de l’école mes-mérienne, devait donc être le suaire de la magie occulte, et les ensevelisseurs s’y sont ensevelis.
Place maintenant à la justice de Dieu, et respect aux morts, qui sont les blessés de la vie !
11 n’y a qu’une source éternelle dont la vie trouble l’onde et que la mort purifie.... Ce qu’on a pris pour une agonie n’était que le travail d’une métamorphose; ce qu’on a pris pour un suaire n’était que le revêtement d’une chrysalide. Cette chrysalide, c’est le magnétisme de nos jours, si contredit, si nié, parce qu’en effet, en cet état de transition , il ne représente ni le mort ni le vif, ni l’être ni le non être.
Le magnétisme passera donc avant d’avoir été défini, car il est indéfinissable, puisqu’il est en même temps la chose qui n'est dfjà plus et celle qui n’est pas encore.
Quand donc sortira de sa triste prison ce germe intellectuel des vérités futures ? Quand donc ne sera-t-il plus exposé aux ignorantes profanations des hommes, qui insultent, en lui, et au respect dû à la tombe et à la protection qu’on doit au berceau?
11 y a trente-deux ans que De Maistre écrivait (1) :
« Attendez que l'affinité de la science et des idées religieuses soient réunies dans la tête d’un seul homme, et vous
verrez que Newton nous ramène à Pythagore.....et l’on rira
bientôt de nos croyances actuelles, comme nous nous moquons des superstitions du moyen-âge. »
Veillons donc et soyons prêts, car il peut venir à toute heure.
Mais à quel signe le reconnaîtrons-nous ? Aux écailles de sa chrysalide....
La magie occulte, enterrée sous la raison, y a déposé son germe. Maintenant, il perce à travers. Bientôt il éclora à la lumière et fleurira sur la raison.
Ceci est la voix du précurseur.
MADR1N.
Cette brochure n’est pas le coup d’essai de M. Maurin ; il a publié, il y a cinq ans, sous le pseudonyme de M. Orina, un opuscule sur le magnétisme et la magie ; mais cet ouvrage n’a nullement marqué, c’est à peine si son existence est connue des plus studieux magnétistes.
Le sens de la lettre ci-dessus est assez difficile à pénétrer, mais l’examen du livre le fait un peu mieux comprendre. Nous allons essayer de résumer la pensée de cet écrivain pour ceux de nos amis qui ne pourront lire son œuvre.
Disons d’abord qu’il n’admet dans les faits qui se passent au milieu de nous l’intervention d’aucun être, bon ou mauvais, en dehors de l’humanité. 11 rend compte de tout avec deux mots : vibration, instinct. Aluni de ce double talisman, il se joue des difficultés, pulvérise toutes les explications précédentes, jette fièrement le gant à la science dont il raille l’impuissance, et, parvenu au terme de sa course
(1) Soirées de Suinl-PCtcrslourg, édilioi*dc 1822.
sans avoir rencontré d'adversaire qui ait os6 affronter se~ coups, il.se décerne promptement les honneurs du triomphe. Les astronomes, les physiciens, les chimistes, ne sont que des ânes dont il veut bien se charger de refaire l'éducation. Quant au magnétisme, dont on aurait pu le croire fervent adepte, il nous assure qu’il n’existe plus, et qu’il y a lieu de chanter pour lui un De prof midis.
Pour justifier ou au moins excuser d’aussi hautes prétentions, il ne faudrait rien moins qu’un prodige de science, une œuvre de génie capable de reconstruire l’édifice des connaissances humaines. En attendant ces sublimes productions, l’auteur ne nous donne qu’une brochure qui n’est pas sans mérite, mais qui est loin d’autoriser un ton aussi superbe. 11 y a des pages écrites avec élégance, on y trouve parfois des traits spirituels; mais malheureusement l’auteur s’est donné beaucoup de peine pour acquérir la bouffissure et l’obscurité des oracles, et il n’y a que trop bien réussi. Là où, en suivant ses qualités naturelles, il eût pu bien dire, il n’est parvenu qu’à produire un galimatias prétentieux. Il a cru sans doute qu’un professeur de magie perdrait tout son prestige s’il avait le malheur d’être clair.
Il admet la réalité d’un grand nombre de phénomènes transcendants dont la science ne peut rendre compte. Il en raconte plusieurs dont il a été témoin ; il a entendu à Cide-ville des bruits sans cause visible, des roulements sur un pupitre dont personne n’approchait ; il a entendu des coups dans un vase d’eau placé sous une table et sans contact de personne; il a entendu vibrer les cordes d’un violon isolé. Et comme ces merveilles excitaient la stupéfaction et même la terreur des spectateurs, il a dissipé leur étonnement en leur donnant la clef de ces faits étranges, et cette clef est toute dans le mot vibration. Le lecteur attend une théorie qui lui fasse concevoir l’enchaînement de la cause et des effets ; mais l’auteur fait une pirouette et se met à plaisanter agréablement sur les petits incidents des toumements de tables. 11 paraît croire de la meilleure foi du monde qu’il a fait une découverte magnifique. Rien ne l’embarrasse :
les coups mystérieux, vibrations; les mouvements d’objets inanimés, vibra lions ; les apparitions, vibrai ions; toujours vibrations. S'il lui arrivait, comme à certains médiums américains , d'être frappé par une main invisible ou enlevé au plafond, il n’y verrait qu’une vibration dont il n’y aurait pas plus lieu de s’étonner que de la pluie ou de la neige.
Les discours produits à l’aide des tables dénotant une intelligence, une individualité distincte de celle des opérateurs, on a cru pouvoir en conclure qu'il y avait intervention d’êtres invisibles. L’auteur attribue ces résultats à l'instinct.
n C’est, dit-il, le ncrud des vibrations qui, semblable à un cire rationnel, réagit et fai! des réponses ; si, renfermant en vous-mêmes vos sentiments préconçus, vous vous abandonnez à l’instinct, qui est la clairvoyance naturelle, c’est celui-ci qui répondra, etc. »
L’instinct est une force aveugle que la nature a mise dans les animaux, et qui les pousse à faire les actes nécessaires à leur conservation. C’est le guide des êtres inférieurs ; son action diminue à mesure que l’intelligence s’élève ; et chez l’homme il ne joue plus qu’un rôle fort secondaire. C’est lui qui, par exemple, nous fait tendre les bras en avant pour nous préserver d’une chute. Quand il s’exerce dans l’état de veille, il ne nous fait faire que des actions fort simples et dont nous avons conscience et souvenir. Mais l’instinct ne nous fera pas écrire une phrase, un discours, un poëme : ce sont là, incontestablement, des œuvres d’intelligence. Et quand ce discours résulte des mouvements d’une table, quand il exprime, comme cela s’est vu souvent, des opinions très-différentes de celles des opérateurs ; quand ceux-ci ont conservé pendant l’opération la plénitude de leur jugement et de leur libre arbitre, certes 011 peut affirmer à coup sûr que ce discours n’émane pas d’eux, ne leur appartient pas, qu’il est 1 œuvre d’un étranger, ou autrement il faudrait tomber dans un pyrrhonisme universel. Nous concevons les objections très-spécieuses qu’on peut faire contre la doctrine des esprits, nous comprenons qu’après avoir cherché à démolir cette hypothèse, on préfère demeurer sans explication plutôt
que d’en admettre une qu’on ne juge pas satisfaisante; mais prétendre d’un ton tranchant qu’on va rendre compte de tout, et alléguer te nœud des vibrations semblable à un être rationnel, et réagissant, à son tour c’est parler pour ne rien dire ;
Sunt verba tt vocet, prœtereà que nihil.
Nous engageons l’auteur à se défier de ses prétendues découvertes et à les mûrir par la réflexion avant de les livrer au public : il fera bien de garder en portefeuille les élucubrations semblables à celles où il nous annonce que le globe terrestre est aplati à l’équateur et allongé aux pôles, qu’il a la forme d’un ellipsoïde allongé et non celle d’une orange, comme l’ont cru les savants qui ont mesuré les degrés du méridien ; et que les corps sont infiniment plus légers la nuit que le jour. Tout cela est de la force des nœuds de vibrations. Espérons que le grand Traité de magie rationnelle qu’il nous promet sera plus instructif et plus rationnel.
A. s. MORIN.
Les spiritualistcs américains sont dans la jubilation, par suite de la publication qui vient d’ètre faite aux États-Unis d’un livre écrit en triple collaboration, par un juge, un médecin et un sénateur. C’est, de l’aveu de tous, un des plus importants ouvrages qui aient vu le jour depuis le commencement des manifestations spirituelles. Nous en publierons prochainement l’analyse par M. Jos. Barthet.
PETITE CORRESPONDANCE.
Enseignement. — M. le baron du Potet ouvrira un nouveau Cours de Magnétisme le vendredi 10 février, à 8 lieures du soir. Il invite ses anciens élèves à y assister.
Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).
ÉTUDES ET THÉORIESV
BÎCKIHCHIS MÉDICO-MAGNÉTIQUES
CHAPITRE V.
MÉDECINE SP11UTLALI5TE. — ILLUMINISME.
L'homme primitif alliait inévitablement aux attributs d’une :ime intelligente, des facultés intuitives. Au milieu de son isolement et de son inexpérience, aurait-il pu, sans péril pour *u \ie, suivre ses premières inspirations, si elles n’avaient été calculées d’avance par un acte de la providence divine qui les avait judicieusement subordonnées aux besoins de son existence? Le raisonnement eut été insuffisant, pour déterminer l’espèce humaine dans le choix des aliments ; un sens instinctif veillait nécessairement aux soins de sa conservation et la tenait en garde contre l’usage des substances délétères. Déchus depuis longtemps de cette grâce providentielle, nous en retrouvons quelques vestiges dans le somnambulisme, ce dernier rayon de la puissance adamique, destiné, suivant le R. P. Lacordaire, à confondre la raison humaine et à l'humilier devant Dieu.
i. Dans le somnambulisme lucide, dit aussi l’abbé Fana, l'âme développe sa destination originelle ; mais, eu raison d’une dépendance nécessaire de la direction d’autrui, elle y décèle une situation humiliante, parce que, sans guide, «.■lie ne connaît pas la dignité de sa noblesse. Les notions que cette substance pensante donne de sa spiritualité dans ■ • merveilleux repos sont si sublimes et si supérieures i r;i. XII!. — V ISt. — 10 fCvhieh IS:,4.
à toutes colles qn’on croyait avoir jusqu'à pré- , quVIle semble réveiller dans la raison humaine la connaissance il’un être nouveau (I). »
Nous admettons que l’âme humaine, dans certaines conditions de la vie organique, peut s’affranchir momentanément de l’étroite enceinte où l’être sensitif la retient esclave; alors elle ne connaît plus de bornes ; rapide comme la pensée, elle franchit les distances, elle combine certains ordres d’idées bien supérieures à celles de l'état normal, perçoit une infinité de choses qui ne tombent pas sous nos sens et pénètre dans une sphère île connaissances dont nous n'avons qu’une idée imparfaite ; elle peut saisir l’ensemble des événements qui se passent au loin, et parvenir quelquefois à embrasser le passé, le présent et l'avenir. Mais trop souvent victime des exigences des sens, elle s’épuise dans cette lutte inégale, et ne rapporte qu’un amas confus d’erreurs et de déceptions.
L’homme étant composé de deux êtres distincts, l'organisme vivant et l’âme, les facultés morales ne peuvent prendre dans la vie le rôle qui leur est offert, ne peuvent commander à des appétits physiques qui ont reçu leur entier développement, quand elles n’ont pas été cultiv ées par l’éducation qui leur est propre, quand elles sont restées pour ainsi dire à l'état d'enfance, en présence de ces appétits ayant toute leur vitalité (2). »
Les anciens, n’avaient que des notions incertaines sur la nature de l'âme humaine, ils se sont cependant appesantis sur ses facultés expansives.
Aristote (3) attribuait à l’imagination des mélancoliques une sorte d’intuition divine qui leur présageait l'avenir; il rapportait môme les manifestations du démon de Socrate à des crises extatiques pendant lesquelles l'âme étendait ses facultés.
' (i) Uo lu cause ilu sommeil. p. ru.
(2j 0' l'Iiniiiortoliliî, «li- la Sjçmsc il du Iijülicur, par M île la Codre, 1853, 1.1. page ir.i (?) TralW des Songes.
Piaion reconnaissait une puissance divinatrice, soit pendant le sommeil, soit pendant les accès d'aliénation mentale.
Hippocrate (I' afTinne que. dans certaines maladies, l'àme perçoit les objets sans le secours des yeux ; il ajoute qu’il laudrait être insensé pour douter que deux âmes peuvent s’identifier en quelque sorte.
Suivant (.icéron (2), l'esprit, dégagé de ses rapports intimes avec le corps, se ressouvient du passé, embrasse le présent et prévoit l’avenir : pendant le sommeil, le corps est l’image de la mort ; l'esprit, au contraire, devenant plus actif, cherche à rompre les obstacles qui le séparent de la Divinité.
» L’àme, dit Plutarque (3), encore qu'elle soit liée avec le corps, a la puissance de prévoir et connaître les choses futures; mais elle est av euglée par la terrestréité du corps. »
Avicenne (à) accorde à l'essence spirituelle un pouvoir absolu sur son propre corps et même sur les corps éloignés ; elle donne aussi la santé ou la maladie, l’attraction ou la répulsion.
.Nous lisons dans la Philosophie médicale d’E. Stahl, que l’âme préside à la formation du corps, à son développement et à sa conservation.
Ernest Platner, résumant les idées philosophiques des anciens sur la spiritualité de l'âme, la regarde comme diffuse par tout le corps, et susceptible d’extensions pour communiquer ses impressions au dehors.
Maxwell, Pomponace, Marcille Ficin, (.. Agrippa, Cardan, " i'dig, etc., subordonnaient l'expansion animique à la sus-pension des relations entre l’esprit et la matière organisée-Le plus grand nombre des auteurs sacrés reconnaissent les propriétés expansives de 1’àme. Saint Augustin (5) déclare que l'àme humaine possède une véritable intuition, suivant
I Traité du Régime, liv. ni.
’i) Do la Divination.
13) Des Oracles, et;.
») Opcra. D„> N.tura, c'e., c. 6. § B.
•'0 Deuz inc !1 t s fo îc «*;.
son abstraction des sens. Saint Thomas d’Aquin, Clément d’Alexandrie, snint François d’Assise et beaucoup d'autres tliéosophes ne mettaient pas en doute la correspondance des âmes avec le monde invisible. Nous retrouvons celte idée érigée en principe chez tous les adeptes de l'illuminisme.
Le somnambulisme est l’état qui nous a semblé jusqu’à ce jour le plus favorable à l’étude des perceptions intuitives «le l’àme. Au milieu de cette profonde quiétude, les fonctions vitales s’exécutent en dehors des fonctions animiques. et si l’âme semble liée intimement à la substance matérielle, sa nature expansive lui permet alors de recueillir, au delà des limites que les sens peuvent atteindre, des sensations ou des connaissances qu’elle transmettra aussi facilement au cerveau qu’elle le faisait dans ses rapports ordinaires avec lui.
Est-il un champ plus propice aux investigations métaphysiques? Que penser de l’indifférence ou du dédain des psychologues devant les merveilleux phénomènes du somnambulisme? Ils préfèrent désavouer des faits incontestables, plutôt que d’humilier leur orgueil devant des prodiges doni les lois connues de la nature matérielle ne peuvent leur donner l’explication. Le clergé lui-même, si intéressé à propager une découverte destinée à démolir les derniers débri-du matérialisme, s’évertue à en retarder les progrès. L'appréhension de quelques abus faciles à conjurer fera-t-elle rejeter encore longtemps les ressources inappréciables du magnétisme et de la clairvoyance somnambulique ? Nous pourrions invoquer ici les nombreuses conversions que l’étude du magnétisme entraîne journellement en faveur de la spiritualité de l'àme. 11 nous suffira d'en citer un exemple pris parmi les sommités de la science médicale, Ceorget s'exprime ainsi dans son testament du !" mars 1826 :
«En 1821, dans mon ouvrage sur la P/ii/siolot/ic du .//.*-h'iiie nerveux, j’ai hautement professé le matérialisme. P • nouvelles méditations sur un phénomène bien extraordinaire, le somnambulisme, ne me permirent phnde douter de l'exi >jtence en nous et tors dr nous d'un principe intelligent • i-'U' ii fait différent des existences matériel!?» : c> s?ra, s
l'on veut, l'ibnc et Dieu. 11 y a chez moi à cet égard une i■ »i,viction profonde fondée sur des faits que je crois incontestables. 'i
Dans le somnambulisme, l’àme a besoin de s’habituer à .-e-i nouvelles fonctions; il faut qu’elle s'isole de tout rapprochement avec les connaissances de la veille, et ses facultés seront d'autant plus étendues qu'elle s’écartera davantage du cercle des idées qu’elle pourrait acquérir par les sens, par l’cxpérience ou par le raisonnement. Une attention longtemps concentrée sera le meilleur régulateur de ses perceptions.
« Le commencement de la mensambulance (somnambulisme), avance le comte de Redern (1), est une espèce d’enfance qui exige Une véritable éducation. Les mensambules se trouvent dans un état singulier dont les uns ne paraissent point frappés particulièrement, et qui cause à d’autres une es|À'ce de surprise et même d’épouvante. 11 se passe quelquefois un temps assez long avant qu’ils ne manifestent ce qui les occupe, ('.'est le moment qui exige toute la sagacité, tout le jugement, toute la raison du magnétiseur. Rien de plus fâcheux pour un mensambule que de tomber entre les mains d'un magnétiseur extravagant. »
Il n’est pas douteux que l’àme n’ait des propensions intuitives de différente nature ; elles varieront comme les idées, suivant chaque organisation intellectuelle. Nous ne rencontrons pas deux tempéraments identiquement semblables, de même aussi il n’y a pas deux âmes humaines identiquement ressemblantes; la perfectibilité de l’âme dépend donc en même temps de ses facultés natives et de son éducation, en tenant compte, toutefois, des influences du système de la vie organique qui la met en rapport avec l'univers matériel.
11 est assez difficile, dans l’état actuel de nos connaissances, de donner une définition satisfaisante de l’àme humaine: son existence immatérielle se révèle, sans contredit, dans ses effets d’expansion et de perfectibilité ; mais sa nature, comme celle de Dieu, échappe à nos perceptions. Plusieurs somnambules que nous avons questionnés sur la nature de
I M.) !.• n- e iloiiîcl île nos iviwplions, p. S8.
l’àme, nous ont répondu que c’était une expansion de la Divinité, qui retournait après la mort vers le point d’où elle était partie; qu’elle ressentait alors un état de béatitude ou de peine, suivant ses bonnes ou ses mauvaises actions, etc.
« Les sens, sans changer de destination, assurait une som nambule, peuvent être modifiés à l’infini. Le seul être immuable dans tous les mondes est ce qui ne peut revêtir aucune forme, un être simple dont l’essence tient à l’essence divine; et cet être immuable et simple, c’est l’àme (1). »
lin autre sujet lucide nous affirmait encore que l’âme diffère essentiellement du fiuide nerveux, et qu’en quittant son enveloppe terrestre elle restait parfaitement distincte des autres, pour se réunir, d’après ses qualités acquises, vers un centre commun.
Nous ne multiplierons pas davantage ces citations, car la diversité d’opinion des somnambules, des extatiques, des illuminés, etc., ne ferait qu’augmenter notre incertitude. Cependant, si nos doutes ne peuvent s’éclaircir sur la nature de l’essence spirituelle, nous adopterons la définition qui s’harmonise le mieux avec ses différentes fonctions :
« Je définis l’âme humaine, dit M. de la Codre'(2), un être immatériel, doué de sensibilité et d’intelligence, ayant des propensions, des facultés, des idées natives, qu’il sait posséder et qu’il peut diriger et perfectionner. »
Cette définition est l'expression assez exacte de nos idées sur l’expansibilité animique, idées qui vont trouver leur complément dans l’idéalisme de l’auteur des Harmonies de l’intelligcncc humaine.
. Les idées primitives que reçoit l’âme humaine, avance, dit-on, M. Alletz, sont des reflets de l’essence divine. Dieu, créateur de toutes choses, possède au suprême degré, non pas en idée, mais en substance, l’existence, l’intelligence, la puissance, l'infinité, l’éternité, la bonté, la justice et conséquemment la perfection et le bonheur. L’âme accroissant en elle-même par le travail, par la
jl) Journal ilu Magnétisme animal, ISIS, n° I.
; 2) Ouvrage c ité, t. 1 p ISS.
réll '\ion, par 1 habitude îles bonnes u'uvros, l'intollipjonnc*. la puissance, l'iulinili'. l a nour. la justice, de\ ient de plus ou plus semblable à Dieu, autant que la créature peut être semblable au Créateur; se rapprocher ainsi de Dieu est h but sublime proposé à son ambition, ;ï ses désirs. »
(.es citations diverses ét lient nécessaires pour exposer complètement nos \uessur la médecine spiritna/is/c. Maintenant nous allons aborder directement ce sujet, en prévenant toutefois que ce n'est pas sans une certaine appréhension que nous entreprenons son étude, car il nous sera souvent impossible d’apprécier la différence qui existe entre cette médecine et celle dite d'imagination, que nous avons développée antérieurement (1).
I.a médecine spirilualiste se rapproche essentiellement de la médecine d’imagination, par ses effets; elle en diffère seulement par son principe. Cette dernière serait le résultat d’une réaction de l’àme sur le corps, déterminée par une surprise morale quelconque; la première, au contraire, dépendrait de la puissance directe d’une âme sur l’autre, sous l’influence d’une abstraction des sens. La foi sera, dans ces deux incidents, l'auxiliaire indispensable d'une concentration suffisante. Quels que soient les points de divergence entre les deux doctrines, contentons-nous d’enregistrer les avantages qu’on retire de leur enchaînement, sans nous préoccuper de leurs prémisses.
Le premier qui ait présenté une théorie sur les facultés extensives et intuitives de l’àme humaine, c’est l’abbé Faria, brahmine, docteur en théologie et ancien professeur de philosophie à l’Université de France. Ce célèbre novateur substitue au mot magnétisme le terme concentration, pour expliquer l’état passif où doit être l’esprit de l’individu chez lequel on veut provoquer le sommeil en général. Il envisage la concentration sous trois faces bien distinctes :
« 1° La concentration libre, abstraction des sens, provoquée au gré et à volonté avec la restriction de la liberté in-
( ) Voy. Journal du Mago4lisrao , t. VIII, p. 481 et suiv.
ivrne. Elle esi commune à tout individu qui dort toutes les nuits, ei qui, sans dormir, se distrait de tout objet sensible mi intellectuel pour ne s’occuper que d’un seul;
« La concentration occasionnelle, abstraction des sens, provoquée aussi au gré et à volonté, avec la restriction de la liberté interne, mais en raison d’un motif fourni par une influence externe. Par elle on dort quand 011 le veut, toutes les fois que l'influence externe fournit le motif. Voilà la cause immédiate du sommeil lucide ;
n 3“ La concentration nécessaire, abstraction des sens, avec la restriction de la liberté interne, mais provoquée immédiatement par une cause interne, indépendante de tout empire de la volonté propre. Elle ne convient qu’aux personnes évanouies et aux cataleptiques, et diffère essentiellement de la concentration précédente. L’intuition des personnes évanouies et des cataleptiques est plus précise et plus étendue que l’intuition des époptes (1). »
N'ous apprécions certainement la valeur de la concentration dans la production du sommeil, du somnambulisme, de l’intuition, de l’extase, etc., mais nous ne pouvons eu limiter les prérogatives au rôle du patient ; l’agent a bien des droits pour en revendiquer son contingent, en dehors même des eflluves magnétiques dont notre docteur théologien conteste l’efficacité, et qu’il nomme indistinctement esprits ri-taux, fluide nerveux ou spiritueux, esprits animaux. Ces fluides, suivant lui, ne consistent qu’à entretenir un commerce régulier entre le corps et l’élément immatériel. La santé et la maladie seraient alors subordonnées l’une à l’équilibre de ces agents, l'autre à la surabondance et à l'évaporation excessive des esprits animaux.
L’abbé Faria rattache la disposition au sommeil à la plus ou moins grande liquidité du sang, et admet conséquemment des nuances et des degrés. Le sommeil lucide aura pareillement son échelle de proportion. La liquidité du sang étant un signe d'appauvrissement de ce liquide, les sujets alïai-blis seront mieux disposés à la concentration. Ainsi l'on
(1) Épople : Celui qui voit tout à d/couverl. Ce nom remplace ici celui de somnambule. — Voy.: De la cause du Sommeil lucide, p 51.
pourrait, -i:i\ant l'Mttour )e et* >vstème, par des émissions sanguin ' propoi imiit'i'.' aux forces d.i sujet, rendre somnambule celui qui n'aurait aucune tendance à cet état, et, pat le même motif, un guérirait le somnambule naturel en épaississant le sang par un régime approprié.
dette opinion n'est pas justifiée par l’observation; nous avons constaté le somnambulisme avec les tempéraments les plus opposés. L'aptitude au sommeil ordinaire est même assez généralement l'apanage des tempéraments lourds et apathiques, chez lesquels la circulation capillaire est souvent imparfaite, par suite d’une espèce de coagulation du sang.
« Sitôt qu'on est apte à la concentration occasionnelle, on est apte aussi à jouir de l'intuition et à maîtriser tout mouvement nécessaire du corps à la volonté du concentrateur (l). L'intuition en général est une jouissance simultanée des fonctions semblables à celles des cinq sens et au delà. sans entraves d'aucune distance, de temps ni de lieux, c'est-à-dire qu'elle atteint toutes les propriétés des corps qui sont accessibles à l'homme, et beaucoup d’autres qui lui sont inaccessibles, sans que le passé), l'avenir et l'éloignement > mettent le moindre obstacle.
« La lucidité eu général est une faculté d’appliquer con-séquemment à un but les connaissances intuitives ; et elle est à i intuition ce que la raison est aux connaissances sensitives (2). »
L'intuition et la lucidité se modifieraient en raison de l’indépendance de l’àme, des exigences des sens.
Le savant brahmine assigne à l’essence spirituelle trois modifications spéciales : l'intuitive pure, la sensitive et, Y intuitive mixte.
La première appartient à l’âme après la mort. Cette disposition n'a pas d'analogie avec celle de l'àme humaine dans ses rapports d’union avec le corps. Dans l’intuition pure, l'agent immatériel jouit d’une science infuse exempte de toute erreur.
L'intuition sensitive est l'attribut de l’âme asservie aut manifestations des sens: cependant, si dans cet état elle re-
I Mj^niHisour.
;i‘ Ouvra»' ciltf. p M et jT
prend passagèrement sa liberté interne, elle donnera naissance aux songes et aux pressentiments.
I.a modification intuitive mixte correspond au somnambulisme lucide. Elle diffère de l'intuition pure, en ce que celle-• i est infaillible, après la désunion de l’âme avec le corps. L intuition mixte ne peut être exempte d’égarements, parce que l’esprit conserve encore quelques points de contact avec les sens. C’est donc un état intermédiaire entre l’homme sensitif et le pur esprit.
« Toute personne, ajoute l’abbé Fana, susceptible d’une profonde abstraction des sens, jouit de la faculté de passer à son gré de l’état sensitif à l’état intuitif, par la concentration. Toutefois, l’intuition qui résulte de cet effort n’est jamais aussi parfaite que celle qui se développe dans le sommeil, parce que l’abstraction des sens, à laquelle elle est proportionnée , n’y est jamais aussi profonde que dans cet état île calme (■!). »
Nous admettons sûrement la supériorité de l’intuition qui se manifeste pendant le somnambulisme, mais nous rejetons la possibilité de passer à son gré de l’état sensitif à l’état intuitif, /ou/cs les fois que l’on aura recours à l’abstraction des sens. Sans doute, ce résultat s’obtient quelquefois; néanmoins il ne faut pas récuser l’influence du concentrateur dans la production de ce phénomène. D’ailleurs les procédés auxquels avait recours l’abbé Faria pour endormir ses sujets sont en opposition avec sa théorie. Après avoir fait asseoir commodément la personne qui lui offrait les dispositions requises à la concentration, il l’engageait à fixer son regard sur ses mains, qu’il tenait ouvertes à quelque distance, et prononçait énergiquement le mot : donnez. Si cette expérience, réitérée plusieurs fois, ne réussissait pas, il appliquait ses doigts successivement :
■ Sur le sommet de la tête, aux deux coins du front, au nez, sur la descente de l’os frontal, au diaphragme, au cœur, aux deux genoux et aux pieds (2). »
(1) Ouvrage cité, p. i>5.
(2) Idem, p. 105.
L'adversaire du fluidisme, tout en utilisant les passes et les frictions magnétiques, avouait ingénument qu’elles étaient insignifiantes ; il repoussait également l'influence de la volonté du concentrateur, le malade retirant uniquement de la concentration toute chance de guérison.
L'expansivité an'unique peut, dans quelques circonstances, sous l’empire des causes les plus diverses, produire les effets les plus intéressants, tels que l'intuition somnambuli-que, la vision à distance, le dév eloppement de l’intelligence et de la mémoire, etc. ; malheureusement elle n’engendre le plus souvent qu’un long cortège d’hallucinations.
« Le monde extérieur nous déborde, dit le Dr Brierre de Boismont (1), il fait invasion par tous nos sens, il peuple notre cerveau de milliards d’images, qu’une émotion, une passion, une préoccupation, une maladie peuvent produire à l’instant, avec toute leur variété et leur coloris. De là ce besoin que nous avons de nous repaître d'images; mais les sens ne sont pas les seules sources de nos idées, il y en a qui viennent de l’âme, de Dieu....
« Lorsqu’un homme s’est longtemps livré à des méditations profondes, il voit souvent la pensée qui l’absorbait se revêtir d’une forme matérielle; le travail intellectuel cessant, la vision disparaît, et il se l'explique par les lois naturelles. Mais si cet homme vit à une époque où les apparitions d’esprits, de démons, d'âmes, de fantômes, sont une croyance générale, la vision devient ime réalité, avec cette différence que, si son intelligence est saine, sa raison droite, cette apparition n'a aucun empire sur lui, et qu’il s’acquitte des devoirs de la vie sociale aussi bieu que celui qui n’aurait pas d’hallucinations. »
Les hallucinations sont occasionnées le plus ordinairement par la contemplation, les émotions vives, le fanatisme religieux , l’affaiblissement des facultés intellectuelles, certaines maladies, etc., suivant l’influence du climat et des idées superstitieuses de chaque époque. Les hommes les plus éminents ont eu des hallucinations, sans que leur intelligence en ait été lésée. Les Mallebranche , les Bvron, les Château-
(1) Des Hallucinations, ou Histoire raisonréi (tesappiritions, etc.
briand; Cronnvell, Coëthe, Pope, Johnson, les prof'---indral, Leuret et tant d’autres célébrités oui fait l’ave i dY.-voir ressenti ces impressions passagères d’aberration mentale. Le Dr Andral eut sous ses yeux, pendant une journée entière, le cadavre d’un enfant dont la vue l'avait vivement impressionné. Cette illusion des sens n’était indubitablement qu'un effet d’optique, analogue au spectre solaire de Newton. Nous nous sommes quelquefois amusé, par une occlusion complète des paupières, à développer une de ces représentations fantasmagoriques; notre imagination s'aidant des souvenirs les plus récents , nous apportait le reflet des images qui nous avaient frappé dans la journée.
c Lorsqu’un objet a fortement fixé notre attention, rapporte M. Brierre de Boismont, nous le voyons reparaître d’une manière nette et précise pendant le sommeil.... Après un travail opiniâtre où toutes les facultés ont été dirigées vers un seul but, les formes matérielles peuvent rester quelque temps visibles, quoiqu’on ait cessé de. s’occuper du sujet : le célèbre artiste sir Josué Reynolds, en sortant de son atelier où il avait employé un grand nombre d’heures à peindre, prenait les réverbères pour des arbres, les hommes et les femmes pour des buissons agités. »
Tantôt l'halluciné entend des voix murmurer à son oreille, tantôt il est touché, frappé par des corps imaginaires; quelquefois c’est le goût ou l’odorat qui devient le siège de cette perversion ; d’autres fois surviennent des désordres dans les facultés intellectuelles et affectives. II est souvent facile de faire naître à volonté ce genre de névrose chez les somnambules, et de le prolonger même à leur réveil. Nous leur avons fait voir, à notre gré, des personnes absentes ou mortes depuis longtemps; ils rapportaient à leurs boissons ou à leurs aliments le goût qu’il nous avait plu de leur donner ; leur odorat accusait la sensation des parfums les plus variés, qui n’existaient réellement que dans notre imagination. Nous possédons en ce moment une somnambule chez laquelle l’insensibilité la plus parfaite et l'illusion du goûi persistent pendant plusieurs heures à son retour dans la vie
normale. Avant de la réveiller, nous ‘émettons une volonté quelconque, et. à son réveil, elle éprouve toutes les hallucinations (les sens que nous lui avons imposées. Un individu présent reste pour elle parfaitement invisible ; elle en voit un autre dont elle n’entend pas la voix ; un troisième la pince et elle ne le sent pas. Les liquides ont dans sa bouche la saveur que nous désirons; l’ouïe perçoit les sons les plus variables. Ses perceptions se transfigurent comme les images de nos pensées, etc.
• Les idées dominantes ont une grande influence sur les hallucinations. Ainsi, lorsque régnèrent la démonologie, la sorcellerie, la magie, la lycanthropie, le vampirisme, les hommes virent partout des diables, des sorciers, des vampires. Avec les diverses civilisations, les hallucinations varièrent également ; chez les Grecs, elles se montrèrent sous la forme de paons, de faunes, de naïades ; chez les Romains, elles prirent l'aspect de génies; au moyen-âge, elles se manifestèrent sous la forme d’anges, de saints, de diables. A notre époque, toutes les combinaisons possibles de la pensée en forment la base (1). »
Si la démonomanie se présenta si fréquemment au moyen-âge , c’est que le christianisme consacra les idées platoniciennes relatives aux mages et aux démons. L’homme instruit raisonne ses convictions; l'ignorant ne s’attache qu’au côté matériel de sa profession de foi. L’histoire du diable, commentée par l’ignorance et la superstition , fut l’origine de ces nombreuses hallucinations de sorcellerie qui envahirent les esprits faibles; l’instinct d’imitation propagea bientôt épidémiquement cette affection, que favorisèrent les lois et l’Kglise, soit en maintenant les esprits sous le joug de la peur et du merveilleux, soit en stimulant le germe du fanatisme. Les uns se croyaient des dieux ou des messagers de la Divinité : on les vénéra comme des oracles ; les autres pensaient être obsédés de l’esprit malin : on les traqua comme des bêtes fauves et on les fit périr dans d’affreux supplices ; les persécutions augmentant la crédulité et l'en
(t) Des Hallucinations, p. 15.
thousiasme irréfléchi*, durent natiirelleinonl multiplier le nombre des possédés.
Plus lard, ces hallucinations s’étendirent en France, de Loudun à Louviers, à Chinon, à Auxonne, à Nîmes, etc. : en Italie, en Allemagne, en Hollande, en Angleterre et en Espagne.
L’extase prophétique des Camisards fit son apparition en 1688, dans le Dauphiné et le Vivarais, et se prolongea pendant plus de vingt ans. Tous les crisiaques prêchaient la parole de Dieu ; les plus ignorants mêmes se servaient dans leurs discours des expressions les plus sublimes. Parfois ils prédisaient l'avenir et pénétraient au fond des pensées les plus secrètes (1). Les filles convvisionnaires de Saint-Mé-dard, d’abord au nombre de huit ou dix, atteignirent en peu de temps le chiffre de deux à trois cents. Leurs extases commencèrent en 1724 et durèrent huit à dix ans.
Walter Scott (2) donne des détails sur une monomanie démoniaque (pii s’étendit dans une partie de la Suède.
En Allemagne, presque toutes les religieuses de Kentrop furent assiégées de l'esprit malin (3).
J. Wier, médecin de Bàle, rapporte (4) que toutes les religieuses de Werther, dans le comté de Hornes, furent possédées pendant trois ans.
L’épidémie des Ursulines de Loudun, celle de Louviers, et tant d'autres qu’il est inutile de relater ici, démontrent ncontestablement la tendance contagieuse des hallucina-ions sous les formes les plus inconstantes.
Si cette aberration des sens s’est manifestée particulièrement aux époques de l’ignorance et du fanatisme religieux, la civilisation du dix-neuvième siècle ne nous a pas mis à l’abri des récidives.
« Dans le cours de l'année 1841 à 1842, 011 vit apparaî-
(t) Vov. lu Théâtre sacré des Cévenncs, par Maximilien Moisson.
2) Histoire de la Sorcellerie, I. Il, p. 28.
(S) Démonomanie, de Bodin . p. 158.
() Traité des Prestiges du Démon.
ire dans les campagnes île la partie centrale de la Suède une maladie qui se caractérisait par deux symptômes saillants et remarquables: l’une physique, et consistant en une attaque spasmodique, des contractions involontaires, des contorsions, etc. ; l’autre psychique, annoncée par une extase plus ou moins involontaire, pendant laquelle le malade, croyant voir et entendre des choses divines, surnaturelles, était forcé de parler ou, comme, on le disait parmi le peuple, de prêcher.... (1) »
Bien des fois les malades parlaient des visions qu’ils avaient dans le ciel et aux enfers, des anges, etc. Ils prédisaient aussi la fin du monde, le jugement dernier et le jour de leur propre mort. On se rappelle que la plupart des con-vulsionnaires de Saint-Médard prédisaient aussi la fin du monde pour une époque qu’ils fixaient; et, comme chez les Suédois, les prédictions ne s’accomplissaient pas....
En une année, plusieurs milliers de personnes ont été atteintes de cette épidémie.
Aujourd’hui même, l’hallucination semble vouloir s’approprier une transformation nouvelle. Originaire des États-Unis, elle a déjà parcouru l’Allemagne, et tente de s’acclimater en France. Si l’on s’en rapporte aux adeptes de cette secte mystique, qui prend la forme d’une religion, sous le nom de spiritualisme, nous entrons directement en communication avec le monde des esprits. Les médiums, qui sont tout simplement des* somnambules incomplets, servent d’intermédiaires entre nous et les intelligences immatérielles. 11 y aurait, d'après M. le marquis de Mi ni lie (2), quatre modes de télégraphie spirituelle :
« 1° L’esprit frappant tant de coups pour chaque lettre;
« 2° L’esprit guidant et fixant la main du medium sur chaque lettre ;
« 3° L’esprit entraînant la main de ce medium et écrivant par elle ;
« 4" L’esprit écrivant seul et faisant mouvoir un crayon non soutenu. «
(1) Des Hallucinations.
Dos Ksprits ut Je leurs Manifestations fluidiques, p. 391.
Les esprits voyageurs nous auront sans doute trouvé indigne de la haute mission que tant de personnes ont le privilège d'obtenir; nous avouons avec humilité que nos essais de correspondance ultra-mondaine ont été infructueux jusqu'à ce jour. Notre incapacité nous fait donc un devoir d'ajourner notre jugement.
Nous prendrons cependant en grande considération les croyances des néo-spiritualistes, car nous apprécions leur bonne foi en général et la valeur intellectuelle de plusieurs. Notre ambition consiste à rechercher la vérité, sous quelque image qu’on nous la représente; toujours en garde contre un scepticisme aveugle, nous appréhendons aussi les exagérations de l’idéalisme, persuadé que les erreurs des sens se glissent aisément dans les cerv eaux impressionnables, lorsqu’un jugement réfléchi ne vient pas rectifier une fausse appréciation. Le besoin de tout systématiser suivant l’entraînement de notre imagination ou de nos intérêts, ne nous entraine-t-il pas généralement au delà des bornes de la réalité?
Nous ne suivrons pas M. Brierre de Boismont dans sa no-- menclature des hallucinations ; nous limiterons cette intéressante étude à l’une des formes principales de cette névrose. que nous appellerons indistinctement extase mystique ou illuminisme.
Dr Alfred PERRIER.
(La suite au prochain numéro.)
CONTROVERSES.
1“ ENLÈVEMENT d’HOMMES.
Celle expérience esl devenue familière et se répète journellement clans Paris. Il est vraiment étonnant qu'on soit resté si longtemps sans pouvoir la produire, car elle ne manque presque jamais, lorsqu’on procède av ec ensemble. Mais s’il est facile de la répéter, il n’en est pas de même pour l'expliquer. Nous avons déjà publié l’opinion de plusieurs personnes à cet égard ; voici d’autres avis, et ce n'est sans doute pas la fin, car tout fait nouveau comporte diverses interprétations.
Citons d’abord ce qu’écrivait ii M. du Potet l’un des premiers apôtres du phénomène en question :
Perpignan , 2“ décembre 185.”.
.....Dois-je parler de l’ascension humaine?
A ce mot, combien l’incrédulité agite les lèvres ! Combien d’esprits railleurs préparent de sceptiques dénégations !
De grâce ! sceptiques, suspendez pour quelques instants votre injuste arrêt. Consultez l’ingénieuse théorie donnée par le Dr Bégué, suivez-en exactement les préceptes, et vous obtiendrez les résultats les plus satisfaisants.
Seulement j’engagerai la personne qui se soumettra à cette expérience à roidir les jambes et à se boucher les yeux et les oreilles, afin de s'isoler le plus complètement possible et pour que ses regards ne troublent point les opérateurs. Au signal d'enlever, que les quatre opérateurs se lèvent spontanément, sans secousse et sans déployer de force physique.
En observant cette règle on est assuré du succès.
Cette expérience, tentée mille fois à Perpignan, n'a échoué que lorsqu on s'écartait des règles prescrites ci-dessus.
.le ne cesserai de dire qu’on est forcé de reconnaître dans la production de ce fait la présence d'une force supérieure, d'un agent mystérieux.
Mes faibles lumières m'empêchent de me rendre compte de la loi qui régit ce phénomène. J’espère que îles hommes plus éclairés arracheront le bandeau qui couvre mes yeux, lin attendant je m’adresse ces questions :
Est-ce de l’électricité vitale?
Est-ce de l’équilibre?
Est-ce, comme dit M. d’Ourches, de la magic?
M XIFFRE.
Voici une autre lettre sur le même sujet, adressée également à M. du Potet par un opérateur de la même ville :
Monsieur le baron,
Depuis longtemps je m’occupe du phénomène étrange qui préoccupe aujourd’hui un si grand nombre de magnétistes : je veux parler de l’enlèvement des hommes.
J’ai cherché à me rendre compte de la chose avant île vous donner connaissance de mes observations. Sur ces entrefaites, une des personnes qui participaient à mes opérations, m’a devancé par un compte-rendu publié dans le Journal des Pyrênâes-Orientates, et que vous avez reproduit. Avant et depuis lors, plusieurs magnétistes ont • émis leurs opinions sur le phénomène ; si la mienne peut être de quelque importance, je vous prie de lui donner place dans votre Journal. Après avoir bien vu, bien examiné, nous avons compris que ce phénomène était dû à une loi magnétique : la volonté. La volonté, dis-je, que je reconnais comme une puissance absolue, est seule la motrice de l’enlèvement ; elle est aussi le principe de tout efTet magnétique.
En devenant tour à tour opérateur et sujet, j’ai pu apprécier les différentes manières d’enlèvement, et je puis vous assurer que la meilleure est celle dont je me sers. Le patient est d’abord à terre, faisant le roide-mort, se bouchant les yeux et les oreilles avec ses mains, afin qu’il ne \oie ni n’entende le mouvement des opérateurs, ce qui, à mon avis, contrarierait beaucoup la chose. Le patient, ignorant le moment de son ascension, n’oppose aucune résistance, et se trouve tout à coup suspendu cornu e par enchantement ; son corps devient léger comme une plume.
En attendant que vous ayez porté votre jugement sur cette affaire, veuillez me croire, Monsieur le baron, votre très-humble serviteur,
Jacques 3AI.ES.
Perpignan, le n janvier ISSi.
D’un autre côte, M. IL..., qui a été tour à tour témoin, opérateur et sujet des premières expériences faites à Paris, chez M. le comte d’Ourches, exprimait, dans ces réunions, un sentiment qui peut se traduire à peu près en ces termes :
L’enlèvement a une explication physique toute naturelle: la voici : les quatre opérateurs usant chacun de la force de leur index pour soulever le corps du sujet, il est constant pour moi que le poids soulevé par chaque doigt équivaut à au moins dix kilogrammes, et comme j'emploie deux doigts dans l’opération, je soulève pour ma part vingt kilogrammes. Chaque expérimentateur agissant de la sorte, on trouve que les huit doigts expérimentant ont enlevé un poids de cent soixante livres, ce que pèse un homme déjà fort.
Cette manière de considérer le phénomène compte maintenant beaucoup de partisans, et plus on expérimente, moins on croit que le magnétisme entre pour quelque chose dans sa production. Cependant tout n’est pas clair dans cette explication, et des essais comparatifs sont nécessaires pour l’établir ou la renverser ; c’est ce qu'amèneront sans doute les nombreuses investigations qui se poursuivent.
2° TABLES TOURNANTES.
M. l'abbé Moigno, qui rédige le Cosmos et s’est, dès le début, prononcé contre la danse des tables, a publié dans le numéro du 8 juillet de ce journal un long article tendant à prouver que les tables ne tournent que parce qu’on les pousse involontairement. Il cite plusieurs expériences de M. Stroumbo, professeur de physique à l'Université d’Athènes, qui, en détruisant l’adhérence qui s’établit naturellement entre les doigts des expérimentateurs et la table, est parvenu, dit-il, à empêcher le mouvement de se produire. Puis, voulant confirmer ce résultat par le témoignage d’un homme qui vit au milieu de nous, il dit en terminant :
« Voici une lettre adressée à M. Babinet par M. le comte d’Ourches, qui a fait ses preuves en fait de magnétisme ani-
mal, qui n’est pas nouveau-venu ilans le monde somato-psj-chologique, et dont les amis les plus ardents du merveilleux ne récuseront pas l’autorité, le savoir et l'expérience acquis". Nous laissons à sa lettre sa lorme originale et légère.
•* Monsieur,
« Voulant constater ce qu’il y a de \rai dans les tables tournantes, j’ai saupoudré un guéridon et les mains des opérateurs de poudre de talc, choisie par moi et sécliée. Les doigts n’adhéraient donc plus à la table, qui conservait son indépendance, mais aux grains de poussière ; et si, dans ces conditions, elle eût tourné, le miracle devenu éclatant aurait jeté des torrents de lumière sur ses obscurs blasphémateurs.
« Mais, hélas! il n’en a rien été; elle a refusé maussadement de recommencer ses évolutions. Nous avons attendu une heure et plus : jamais nous n’avions commis semblable excès de table. Jugez du désappointement d’opérateurs jusque-là si puissants : au lieu de bouillonner, leur sang se figeait dans leurs veines.
« Il me semble que mon essai n’est pas si sot, et que la manière habile dont j’ai réalisé mon éclipse de mouvement me donne quelque titre à m’asseoir près de vous au palais de l'institut et à l’Observatoire impérial. »
D'OURCHtS.
Palis, U juin ISô:..
Cette question des tables, qu’on pouvait croire éteinte au point de vue de la polémiqué, vient de recevoir une nouvelle vie par les mandements de plusieurs prélats. M. Moigno va sans doute, suivant la défense de ses supérieurs ecclésiastiques, cesser de s’en occuper, alors nous serons privés de la partialité qu’il a apportée dans ce débat, et ce ne sera pas dommage.
HÉBERT (de Garnay).
VARIÉTÉS.
irihuuaux. \ propos d’un procès en simple police intenté à M"” Roger, somnambule, le Sièclefait les réflexions suivantes, dans son premier-Paris du 15 janvier :
a Je parlais dimanche dernier des tables tournantes excommuniées par les évêques; cette semaine a vu la défaite des devins et despythonisses. Depuis quelque temps des doc-leurs en jupon avaient si bien réussi à captiver la confiance du public, que la Faculté menaçait de se voir abandonnée par les malades. Eprouvait-on quelque malaise, ce n’était plus le médecin niais la somnambule qu’on faisait appeler. Le malade guérissait ou mourait en dehors des règles légales. Les tribunaux, sollicités par la docte confrérie, ont mis bon ordre à cet état de choses irrégulier. Mesmer a été condamné à l’amende et à la prison dans la personne de ses adeptes, et le vieil Esculape, cet immortel burgrave, a repris le cours de ses triomphes et de ses visites. »
M"" Roger a été, en effet, condamnée, mais appel de ce jugement a été formé* ainsi donc celte affaire reviendra bientôt et pourra être appréciée.
COUR IMPÉRIALE DE METZ. (Chambrecoreetionndlp). Audience du 49 décembre 18S3.
TABLES TOURNANTES. — OUTRAGE A LA «ORALE PUBLIQUE.
Le tribunal correctionnel de Metz avait condamné à six jours de prison une femme Malassé, à l'occasion de pratiques auxquelles elle s’était livrée sur une table tournante.
Sur l’appel interjeté tout à la fois par le ministère public et la prévenue, la cause s'est présentée devant les appels correctionnels.
Voici le texte de l'arrêt rendu par la Cour; il fait connaître suffisamment les faits de la cause :
« Attendu qu'il est établi parles débats, qu'au nmis de novembre dernier, dans la commune de Devant-les-Ponts, la nommée Barbe Humbcrt, femme Malassé, ayant chez elle une table à laquelle elle attribuait une aptitude remarquable pour répondre, sous l’influence du fluide magnétique, aux questions qui lui étaient adressées, s'est livrée, sur cette table, à des exercices et à des pratiques dont le bruit s'est bientôt répandu dans la commune et a attiré dans sa maison un grand nombre de curieux;
« Attendu que l’affluence et le concours de ces visiteurs, venus sans invitation et reçus indistinctement, ont formé chez la femme Malassé, notamment dans les soirées des 10 et 11 novembre dernier, de véritables réunions publiques où il suffisait d’arriver pour être admis, et où se sont trouvés confondus beaucoup de jeunes gens des deux sexes et même des enfants;
« Attendu que, dans ces réunions, des questions inconsidérées, indécentes et immorales étaient faites à la table de la femme Malassé, soit par cette femme elle-même, soit par d’autres assistants, et que la prévenue, interprétant seule à sa guise, suivant des conventions arbitraires, les mouvements qu’elle prétendait avoir été faits par sa table, traduisait ces mouvements par des réponses qui souvent portaient atteinte à l'honneur et à la considération des personnes dont les noms étaient prononcés ; qu’ainsi il a été dit que certaine jeune fille de la commune avait des relations coupables avec des hommes ; que d’autres étaient dans un état de grossesse ;
Attendu que, sans examiner l’opinion qu'il convient de se faire du fluide magnétique et de ses effets possibles, il est certain que les diffamations et les discours sortis de la bouche de la prévenue étant de nature à blesser la pudeur et s’adressant à l’esprit de licence et de débauche, constituent, à raison de leur caractère et des réunions dans lesquelles ils ont été proférés, le délit d’outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs, prévu et réprimé par l’art. 8 de la loi du 17 mai 1819;
« Attendu que, dans les diverses circonstances signalées ci-dessus, la femme Malassé ayant toujours interprété elle-même les prétendues réponses faites par sa table aux questions qui lui étaient posées par elle-même ou par d’autres, a évidemment agi comme auteur du délit;
i Que c’est donc mal à propos que le jugement de première instance l’a déclarée coupable alternativement, soit comme auteur, soit comme complice de ce délit;
« Attendu que les actes de la prévenue, en rendant manifestes les abus et les dangers de pratiques superstitieuses ou téméraires, révèlent la nécessité de faire cesser par une juste répression ce qui, dans ces pratiques, peut devenir une cause de troubles et de désordres;
( Qu’il est possible néanmoins que la femme Malassé n’ait pas apprécié tout d’abord la portée des actes auxquels elle s’est livrée ;
a Que cette femme, dont la conduite n’a jamais été l’objet d’aucun reproche sérieux, paraît digne d’indulgence, que c’est donc le cas de lui faire une plus large application des dispositions bienveillantes de l’art. /iG3 du Code pénal, o Par ces motifs,
« La Cour, statuant sur les appels du procureur général et de la prévenue, et y faisant droit,
« Réforme le jugement de première inslance, en ce qu’il a déclaré la femme Malassé alternativement coupable du mime délit, soit connue auteur, soit comme complice, en ce qu’il a condamné ladite femme pour ce délit à la peine de six jours d’emprisonnement;
n Déclare la femme Malassé coupable d’avoir, dans les circonstances indiquées au jugement, commis, comme auteur, le délit d’outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs, dont elle était inculpée ; n La décharge de la peine d’emprisonnement ; n Ordonne que le surplus du jugement recevra son exécution ;
« Condamne la femme Malassé aux frais d’appel liquidés ;\ 8 fr. 60 c., et ce, non compris le coût du présent arrêt. »
Chronique. _ Nous trouvons dans une lettre de remer-ciments adressée par M. Capern, de Londres, au Jury magnétique, pour la médaille qu’il a reçue l’an dernier, le passage suivant, qui est digne d'un apôtre :
o La Providence m’a dernièrement gratifié d’un fils, à qu* je laisserai votre présent, car ce sera, j’espère, un propaga-gateur du mesmérisme. Dans cette prévision, je l'ai fait enregistrer sous les prénoms de Tliomas-Fradçois-Mesmer, et quand on le portera à l'église pour recevoir le baptême, ma
médaille, cette haute marque de votre estime, ornera sa p.:-lite poitrine. On dira peut-être que je suis trop enthousiaste, mais sans enthousiasme quo peut-on l'aire aujourd'hui pour le l'ien public, surtout en magnétisme? »
l.a Société tlu Mesmérisme a reçu la lettre suivante, qui sc qualifie d’elle-même :
« Les directeurs du Mesmcric Iii/irmaiy de Londres rendent mille grâces à la Société du mesmérisme de Paris du beau et précieux cadeau des trois bustes de Mesmer, de Puységur et Deleuze, et ils espèrent, du fond de leur cœur, que le rapport d’amitié qui a ainsi commencé ne cessera jamais entre les deux institutions établies chez deux nations qui doivent être liées comme une grande famille, pour donner un exemple à toutes les autres nations de l’Europe.
• Londres» 41 janvier 1851. »
— Voici un témoignage semblable, extrait d’une lettre d" M. Jos. Barthet, président de la Société du Magnétrime de la Nouvelle-Orléans, it M. Hébert :
« Nous sommes on ne peut plus sensibles à l’attention de l'honorable Société du Mesmérisme, que vous présidez, pour le buste de Mesmer qu’elle nous a offert, nous essaierons de le lui dire lorsque l'objet sera reçu ; mais, à l’avance, vous pouvez dire à vos collègues combien nous sommes touchés île cet hommage et combien nous serions heureux s’il nous était donné de pouvoir le reconnaître dignement. »
Revue de» Jourunux— Plusieurs feuilles ont annoncé que l'évêque de Londres avait invité le révérend M. Gode-froy à renoncer à son projet de faire un cours public sur la théorie des tables tournantes. Cette nouvelle est confirmé'1 par le Morning Advcrtiser du 16 novembre dernier.
ARNETTE.
Bl BL10G RAPH 5 E.
'P1RITUAUSM , par John \V. Edjiosds e! George F. Dexikk , m. (i , avec un Appendice parNathaniel P. Talumocb, ex-sénateur des États-Unis ■ I gouverneur du Wisconsin ; ayant pour épigraphe un sommaire de I cor. vij, 1. I, -, 10. — 1 vol. in-S° de 500 pages.
Tel est le titre d’un livre extrêmement remarquable que l’on \ient de publier à New-York. L’analyser ne se peut : il faut le lire, il faudrait même le traduire pour ceux qui ne lisent pas l’anglais.
M. Edmonds, juge à la cour suprême de l’État de New-York, et M. Dexter, médecin, après une préface en commun, exposent, chacun séparément, comment, de très-incrédules qu’ils étaient, ils ont été amenés à la conviction par les fails les plus surprenants. Ces introductions occupent les cent premières pages ; les communications spirituelles prennent ensuite environ trois cents pages, et enfin des fw simile et des appendices forment les cent autres pages.
L’ouvrage sera continué.
Je vais essayer de résumer ici quelques passages de la belle introduction du juge Edmonds :
« ....Comme j’étais un jour, seul, occupé dans mon cabinet, la pensée me vint tout à coup que je devais aller vers un individu qui m’était nommé, pour le magnétiser, et que je recevrais une communication d’un esprit plus élevé qu’aucun de ceux qui avaient déjà communiqué avec moi. Mais connue je ne connaissais pas cette personne, ne l’ayant vue qu’une fois, et ayant alors à peine échangé dix mots avec elle, et que je ne savais comment la magnétiser, n’ayant vu faire cette opération qu’une fois, je dédaignai l’avertissement. La même impression me revint un ou deux jours après, bien dis.
Imolo, cl, comme la première lois, lorsque mon esprit ôtait préoccupé d'autre chose. J'eus recours à un medium, et j'appris que ce n'élait point, comme je le croyais, un ellet de ma propre imagination, mais bien un avis que je dev ais suivre.
i. Je cherchai donc à avoir mon entrevue avec la personne désignée, qui était un clairvoyant, un rtipping-mediuiu, et un medium pour les manifestations d’un ordre physique. Je la joignis à l'heure convenue, et la trouvai en compagnie de six ou huit autres personnes, dont aucune ne m'était connue,et, à ma grande surprise, je reçus une communication relative à deux ordres d'idées qui étaient dans mon esprit, l'un depuis vingt-cinq ans environ, et l'autre depuis deux ou trois mois, mais dont je n'avais parlé à personne, ni même y avais fait aucune allusion. On m’en entretenait aussi distinctement que si je les avais proclamées à haute voix. J’étais abasourdi, car il y avait là, pour moi, cette preuve à laquelle je ne pouvais me soustraire, que mes plus secrètes pensées étaient connues de l'intelligence qui correspondait avec moi : il n’y avait pas moyen d’échapper à cette conclusion. Quel que fût mon raisonnement, quelle que fût la solution que je pusse imaginer, le fait était là, évident....
« La communication était une énigme pour les autres personnes présentes; elles n'y comprenaient rien, et n'auraient pu l’entendre que si elles avaient connu les pensées secrètes qui en fournissaient le text>. Je le répète, j'étais abasourdi; et plus j’y réfléchissais, et plus je trouvais cela inexplicable. Je me procurai des livres de magnétisme, pour voir si je n'y trouverais pas une solution; mais encore, le fait, le fait était là.... »
Quelques pages plus loin, le juge Edmonds établit en ces ternies la difl'érence qui existe entre les diverses catégories de médiums :
n II y a maintenant environ cinq ans que ce sujet commença à attirer l’attention publique. Cependant nous nous apercevons aujourd’hui que, dans les dernières dix ou douze années, il y avait eu plus ou moins de cela dans diverses parties du pays; mais on l’avait caché, soit par la crainte du ridicule, soit par ignorance de ce que c’était. La première démonstration publique eut lieu, il y a environ cinq ans, dans la famille de M"1' Fox, près de Ilochester, dans l’Etat de New-York. Les manifestations y avaient lieu par des coups sur le plancher ou sur une table, et l’on découvrit que c’était une intelligence lorsque, employant l’alphabet, on la
vit désigner lettre par lettre, jusqu'à ce que des mots fussent composés.
« Tel fut, pendant quelque temps, le principal, smon le seul mode île manifestation ; mais depuis lors d’autres manières ont été trouvées. Je parlerai seulement de ceux des nouveaux procédés que j’ai n.oi-mème vus, et il y en a, d’après ce que j’entends, que je n’ai jamais eu l’occasion de voir.
. Il est vrai que la clairvoyance et la psychométrie étaient déjà connues, mais on n’y avait guère recours, que je sache, comme moyen de communication avec le monde spirituel, ou, pour mieux dire, on n’y recourait pas autant qu’on le fait depuis peu ; car maintenant on a fréquemment recours à ces deux moyens pour cet objet.
« Il y a des personnes qui sont mediums pour des manifestations* physiques-, par cela j’entends le déplacement d’objets matériels sans que ces sortes d’exercices comportent aucune explication, aucun sens, si ce n’est de convaincre les incrédules de la présence d’un pouvoir occulte, impalpable; en d’autres termes, pour porter à nos sens la preuve d’une communion physique avec une puissance en dehors du pouvoir humain. ...
ii A cela se lient, jusqu’à un certain point, mais avec addition d’une communion intelligente entre les mortels et le pouvoir invisible, les médiums pour la bascule des tables, qui sont maintenant si nombreux dans tous les Etais-Unis et dans plusieurs parties de l’Europe, et qui font plus que tout le reste pour attirer l’attention générale et donner le désir d’investigation.
« Une autre classe de médiums se compose de ceux qui écrivent. Leurs mains sont affectées par un pouvoir qui est manifestement en dehors de leur contrôle, qui n’émane point de leur propre volonté, ou n’est point gouverné par elle. Le nombre de ces médiums s’accroît rapidement. Déjà un nombre considérable d’écrits sont sortis de leurs mains, et on les publiera lorsque le monde sera préparé à les recevoir avec la pensée franche de s'éclairer, et cette masse d'écrits augmente de jour en jour avec les nouveaux médiums qui se développent de plus en plus.
« Les médiums parlants constituent une autre classe. Quelques-uns ne parlent que lorsqu’ils sont dans un état de transe, mais d’autres parlent dans leur état normal. Dans ces cas, il semble que l’intelligence occulte s’empare de l’esprit des médiums» et force au dehors l'expression de ses idées à elle,
quelquefois eu «lC-pil du mortel par lequel elle parle. J’en ai u ,m ou deux de cette classe, auxquels il semble entendre «les mots, et qui ne font que répéter ce qu'ils entendent: mais, en général, ils expriment des pensées qui leur soin suggérées, et assez souvent ils ont l’organe de la parole forcé par une. puissance indépendante, et quelquefois contraire à leur propre volonté.
« Les médiums impressiO/es forment encore une classe. Ils sont affectés mentalement, et ils traduisent leurs impressions par l’écriture ou la parole, leurs facultés ne cessant point d'étre sous leur contrôle. Le spectateur inaccoutumé à ces manifestations aurait de la peine à distinguer entre cet effet le procédé ordinaire par lequel le medium dit ou écrit ses propres pensées; mais les médiums n’ont généralement pas cette difficulté, ni non plus le spectateur qui s'est familiarisé avec ces sortes d’expériences et qui connaît l'esprit du medium et ce dont il est capable. Par exemple, le medium apprend ainsi des choses qu'il ignorait jusque-là ; des choses à venir sont prédites, et des pensées lui sont suggérées, qui sont en opposition avec ses idées préconçues, et souvent trop profondes et savantes pour l’esprit non instruit et quelquefois simple auquel elles sont inspirées. — A quelques égards, ces considérations s'appliquent aussi aux médiums parlants, quoiqu’il y ait ordinairement chez eux quelque signe extérieur du pouvoir qui agit.
0 Une autre, et la dernière classe de médiums dont je parlerai, se compose de ceux qui voient ou semblent voir les objets qui s'olTrent à leur considération. Je n’entends pas dire qu'ils voient de la vue ordinaire, mais les objets se présentent à eux de manière que le même effet est produit dans leur entendement, que s’il résultait de l’exercice habituel de l'organe de la vue......
Plus loin, le juge Edmonds dit que, dans ses investigations, les esprits l'ayant renvoyé à l'ouvrage du baron Rei-c-henbach, il se procura ce précieux livre: et. à propos de Yodyle, il continue ainsi :
« On me donna à entendre que ce pouvoir est employé dans les manifestations; mais comment? c’est ce que je n’ai pas appris. Je dus comprendre néanmoins que l'électricité •et le magnétisme y sont également pour quelque chose. \ ce propos, il me fut dit :
1 (.'homme physique est composé d'un «'émeut à trois de-
; grés dilTérenls île perfection, et ces degrés forment I»*
■ chaînon entre le monde spirituel et le monde matériel.
« Le premier degré, ou la qualité inférieure du système ( humain, est ce que l’on peut appelerélément moteur régé-i tut; c’est là 1111 terme plus convenable [ue le mot électricité,
i parce qu’autrement vous confondriez cet élément avec l'é-« lectricité ordinaire, et cela vous égarerait, ('.et élément est « d'un degré au-dessus de l'électricité, et sa fonction est de « produire l'action involontaire ou végétative. Il est donc un « élément très-essentiel du règne végétal, et il est à ce règne ■ ce que l’âme est à l'homme. Presque toute la nature a plus « ou moins de cet élément.
n Le second degré peut être appelé élément moteur uni-i, mal. C'est encore un degré supérieur, ou forme perfectiou-n née de. l’électricité, et c'est cette substance qu’on appelle « magnétisme. C’est elle qui parcourt le système nerveux et i, qui produit le mouvement volontaire ; c'est elle qui donne
ii la vie aux nerfs et qui produit en nous la sensation. Cet « élément n'est que d’un degré au-dessous de l’àme, et c’est « par lui que vous avez l'instinct; par lui les animaux ont « un instinct qui ressemble presque à des impressions, mais n ne sont pourtant pas de véritables impressions ; l’esprit « ne saisit pas l’idée; il reçoit l'instinct et il agit en conseil quence, mais sans raisonner. Et, de môme que l’élément « végétal est l’àme des plantes, de môme celui-ci est l'àme n des animaux. (Vous comprendrez que je ne \eux pas dire « que les plantes et les animaux ont des âmes organisées, « individualisées, qui existeront jamais.) Son organisation est « nécessairement restreinte aux corps organisés, et, quand « le corps se désunit, cet élément se. désorganise avec lui.
n Vient enfin Xélément moteur (mimique, qui est le grand « microcosme de tout ce qui est inférieur à la Divinité. Celui-« ci est un élément que tous nos efforts sont impuissants à « comprendre, parce qu’on ne peut s'analyser soi-même. C'est « cet élément qui fait l’homme, qui le constitue un être in-« dividualisé et toujours existant. Il est supérieur à l'élément « animal, et par conséquent il existe indépendamment du n corps physique. La fonction de cet élément est d’indivi-« dualiser l’homme, de donner à chacun des particularités; « il diffère des autres :
■ « L'àme des plantes est positive à l'égard des plante?, et « négative à l'égard des animaux;
n l.’àme des animaux est positive quant aux animaux, et « négative à l'égard do l'homme;
n 1,’Ame humaine est positive quant à l’homme, elle est « négative à l’égard de Dieu.
.1 I.'homme résume en lui les trois éléments de l’univers, ii 11 est supérieur à l’organisation inférieure de la nature, n parce que l’élément supérieur de celle-ci est son principe n inférieur. Le positif des animaux est le négatif de l’homme.
n Ces trois qualités restent plus ou moins avec l’àme » après qu’elle a quitté le corps, puisque, à beaucoup d’é-u gards, nous sommes formés spirituellement connue vous ii l'êtes physiquement, comme les végétaux sont nécessai-.i rement à la croissance, comme les animaux sont au pou-« voir moteur qui les fait agir ; seulement elle se trouve, dans « le monde spirituel, à un état plus raffiné, plus élevé. »
Le juge Edmonds, qui par profession est habitué à peser le témoignage des hommes, est sans doute mieux que beaucoup d’autres à même d’apprécier ce nouveau genre de preuves, et voici, en abrégé, de quelle manière il formule quelques-unes de ses conclusions :
L « L’existence de l’homme, après sa vie terrestre, est démontrée au delà du plus petit doute. J’ai vainement cherché un observateur honnête qui se soit donné la peine d’étu-dier la question, et qui n’ait pas acquis des preuves irréfragables de ce fait. Et comment en serait-il autrement? Voici une intelligence qui nous parle chaque jour ; qui établit réitérativement son identité avec celle de nos amis qui sont partis devant nous; qui fait mention de faits que le questionneur sait n’être point connus du medium qui les exprime; qui émet des pensées qui ne peuvent émaner d’aucune source mortelle que nous puissions imaginer... De là vient que ceux qui doutaient, ou même qui niaient absolument qu il y eût une vie future, ont été convaincus malgré eux, en dépit de leurs opinions préconçues.... Et qu’est-ce qui a produit cet effet, que les trente mille églises du pays, avec leurs innombrables sermons, n’ont pu produire? Ce ne sont pas nos missionnaires, mais ce sont les manifestations dont on a été témoin qui ont arraché une croyance forcée. Et, qu’on le sache bien les preuves sont à la main, tout autour de nous ; celui qui veut les voir, le peut, et celui-là est aveugle qui ne les
aperçoit pas^t éga]emen[ déraontré cjue la mort ne nous sépare pas de ceux que nous avons aimés sur la terre. Ils nous entourent et nous assistent tant que nous sommes ici*-
bas, ei il ne dépend que de nous do mériter, par une vie pure, d’être encore réunis à, eux après notre mon....
III. « Nous savons maintenant ce que c’est que la mort: die est dépouillée pour nous de cette terreur mystérieuse dont l’avaient entourée ceux qui préférèrent inculquer la dégradante peur plutôt qu'un sentiment élevé d'amour. Et il est remarquable que, quelque différence que l’on rencontre dans le--, enseignements de la nouvelle philosophie, de toutes parts l’accord est parfait sur ce point. La mort n’est, pour l’homme sérieux, qu’un phénomène que l’on doit étudier et non un épouvantail à redouter. Pour l’homme de bien, elle n’est pas même une interruption de son existence ; seulement celle-ci se trouve alors dégagée des milliers de maux auxquels notre vie matérielle est sujette....
IV. « 11 est encore démontré que nos plus secrètes pensées peuvent être connues et révélées par cette intelligence, qui nous entoure et avec laquelle nous sommes en communication. Dans le cours de ma vie, j’avais souvent entendu exprimer une semblable pensée du haut de la chaire, et je confesse que je n’y croyais point; mais aujourd’hui elle se présente sous une forme telle, qu’il n’est plus possible de douter.... Je n'engage personne à en faire l’essai, à moins qu'il ne soit préparé à ce que ses pensées les plus intimes soient mises à nu devant lui, et peut-être devant d’autres; car il est aussi sûr que le soleil éclaire k midi, que ce résultat sera obtenu par quiconque le cherchera.
« Et, s’il en est ainsi, peut-il exister une barrière plus puissante contre les méchantes pensées? Peut-il y avoir de plus grand motif d’incitation au bien et de répulsion pour le mal, que la conviction bien acquise de la réalité de ce fait : la certitude que le plus profond de notre cœur est à découvert pour ceux que nous avons le plus aimés sur la terre ?
« Pour ma part, j’avoue que je n’en puis concevoir aucun ; et plus d’une fois j’ai été témoin de l’effet étourdissant produit sur ceux qui ont été ainsi convaincus, et c’est à cela que j’attribue ce résultat incontestable, savoir : qu’il n’y a pas de véritable croyant au spiritualisme qui ne soit devenu plus sage et meilleur.
V. n C’est encore une chose démontrée, que notre conduite en cette vie contribue très-puissamment à préparer notre destinée dans l’autre, et que notre bonheur futur ne tient pas à notre lien à telle ou telle secte religieuse, mais bien à la pureté de la vie que nous menons ici-bas et à notre obéissance' à cette grande loi d'aimer Dieu et notre pro-
«lutin. Nous uc devons pas compter sur une rédemption, nous devons faire nous-mêmes notre salut....
VI. « On nous enseigne la grande doctrine du prociiès, et nous apprenons qui* l'àme humaine est une émanation du grand principe, et que sa destinée est de remonter à sa source; que, ni dans sa vie terrestre, ni dans aucun autre état de sa future existence, l'homme n’est gouverné par miracle, mais seulement par des lois universelles qui ont toujours été et seront toujours, et qui n’admettent point de détours; que, conformément à ces lois, l'homme, à la mort, ne passe pas à un étal immédiat de perfection ou de dégradation, et qu’il n'est pas non plus condamné à un long sommeil sans rêves ; mais que, passant à un état où les maux de la vie matérielle n’existent plus, il est mieux à même d’a-v ancer dans le grand objet pour lequel il a été créé : le Progrès en avant, en haut, vers la perfection éternelle......
Le juge Ediuonds dit, en plusieurs endroits de son Introduction, que ce n’est pas absolument pour convaincre qu’il publie son livre, mais plutôt pour engager les autres à faire comme lui. ('.'est ce qu'à diverses reprises j'ai tenté aussi, persuadé qu’il n’y a pas de plus sur moyen de se convaincre que l'expérience personnelle.
Jos. BARTHKT.
PETITE CORRESPONDANCE.
tvin génirnl — Les Séances que M. lu Polel l'ail le Dimanche depuis pins de 8 ans. vonl coss'i- d'avoir lieu ee jour-lii. F'Ilcs se feront dorénavant le Samedi, à S licuiesdu soir, comme celles du mercredi. Celte modification commencera le Samedi 1 mars.
le Gérant .• HÉ I! BUT (de Garnay).
ÉTUDES ET THÉORIES.
RECHERCHES MÉDICO - MAGNÉTIQUES
CHAPITRE V.
MÉDECINE SPIRITUALITE. — ILLUMINISME.
(Suite).
L’origine de l’extase mystique remonte aux temps les plus éloignés; Y Apocalypse de saint Jean est un recueil de révélations extatiques. Eusèbe, saint Jérôme, saint Éphiphane et les anciens conciles n’ont pas admis cette production au nombre des livres canoniques. Ce fut beaucoup plus tard que l’Église latine reconnut le principe divin de Y Apocalypse. ('.'est encore le sentiment qui règne aujourd'hui. Nous ne contestons pas les communications célestes de saint Jean ; à cette époque, les désordres de la civilisation n’avaient peut-être pas encore vicié la nature expansive de l’àme humaine. 11 faut cependant assigner une ligne de démarcation entre les visions prophétiques et les créations fantastiques d’une imagination asservie aux obligations de la vie sensitive.
Saint Paul, pendant ses ravissements, affirmait avoir appris et vu des choses qu’il ne lui était pas permis de révéler.
Les prophètes étaient en extase lorsque la Divinité se communiquait à eux.
Ézéchiel entendait des voix et avait des révélations ; ainsi des autres inspirés.
Suivant les textes de la Bible, Dieu promit à son peuple
Tout XIII — NO «8*. — 45 février 185». 1
que, s'il se conduisait .«clou sa loi, il aurait dos communications ;i\ec le monde invisible; que les fils et les filles des Hébreux prophétiseraient, que les vieillards auraient des visions et les jeunes gens des songes.
Combien pourrions-nous compter de fanatiques qui se sont crus des dieux ou des messagers de la Providence?
L’illuminisme s’observe habituellement chez les individus d’une piété fervente, habitués aux macérations et à la vie contemplative; ils se plaisent dans leurs ravissements et se figurent qu’ils sont appelés à exercer une mission dix ine. Cet état se rencontre surtout lorsque l’exaltation intellectuelle est associée à une concentration extrême de la pensée.
On trouve dans les ouvrages des médecins hermétiques quelques aperçus sur l’illuminisme.
D’après Corneille Agrippa (1), 1 emt/gisme est l’échelle de transition de ce monde au monde supérieur (monde archétype). Les puissances occultes sont des émanations de la divinité ; elles sont d’autant plus perceptibles, que nous nous rapprochons davantage du monde supérieur. Tous les corps sont soumis à une influence sympathique ou antipathique ; les vertus ou les passions de l’àme modifient à l’infini les f-ubstances spirituelles et corporelles. La foi, l’espérance, la charité sont des conditions imposées à l’homme pour opérer des prodiges et parvenir à l’union intime de l’àme avec les intelligences supérieures.
L’extase mystique, se conformant aux exigences si versatiles de l’organisme intellectuel, devait subir bien des métamorphoses avant d’arriver jusqu’ici; nous nous dispenserons d’en analyser toutes les nuances, croyant pouvoir les rattacher aux trois formes suivantes : le swedenborgisme, le martinisme et le quiétisme.
I. —Le baron de Swedenborg, né à Upsal,le 20 janvier.I (5SS. alliait aux avantages d’une réputation intacte des connaissances solides et variées. Physicien, mathématicien , chimiste, naturaliste, porte, philosophe et théologien, il fut
\1) Do la Philosophie oc'ulte.
chargé des missions les plus importantes sous le gouvernement de C.harles Xll.
Son penchant naturel le rappelait souvent vers la vie contemplative, et son imagination aimait à s’égarer au milieu «les abstractions de la métaphysique. En 1745, il s’imagina avoir reçu une mission apostolique :
« Lin jour que je dînais fort tard dans une auberge à Londres, écrivait-il à .M. Robsam , et que je mangeais avec nn grand appétit, je m’aperçus qu’une espèce de brouillard se répandit sur mes yeux, et que le plancher de ma chambre ôtait couvert de reptiles hideux. Ils disparurent , les ténèbres se dissipèrent, et je vis clairement, au milieu d’une lumière vive, un homme assis dans le coin de la chambre, qui me dit d’une voix terrible : « Ne mange pas tant. » A ces mots, ma vue s’obscurcit; ensuite, elle s’éclaircit peu à peu et je me trouvai seul. La nuit suivante, le même homme, rayonnant de lumière, se présentait, moi et médit: «Je d suis l)ieu,«le créateur et rédempteur; je t’ai choisi pour « expliquer aux hommes le sens intérieur-et spirituel des i écritures sacrées ; je te dicterai ce que tu dois écrire. » Pour cette fois, je ne fus point effrayé, et la lumière , quoique très-vive, ne fit aucune impression douloureuse sur mes yeux. Le Seigneur était vêtu de pourpre, et la vision dura un quart d’heure. Ceüs même nuit, mes yeux furent ouverts pour voir dans le citi. dans le monde des esprits et dans les enfers. »
Si l’on en croit le rapport des médecins de Londres, l’ex-t '.se de Swedenborg succéda à une affection cérébrale, qui a irait laissé des traces d’aliénation mentale. 11 mourut à q mtre-vingt cinq ans, des suites d’une attaque d’apoplexie.
Les écrits mystiques de ce célèbre illuminé lui attirèrent les persécutions du clergé, qui le dénonça aux consistoires des évêques et des théologiens. Mais ceux-ci n’osèrent prendre l’initiative d’une réprimande.
i Les consistoires ont gardé le silence, dit un jour le roi Frédéric-Adolphe à Swedenborg, en lui met tant amicalement la main sur 1 épaule ; nous devons conclure qu’ils n’y ont lien trouvé de répréhensible. »
Voici la description de la vie intuitive, telle que la conçoit et rapporte Swedenborg (I) :
n Pour mieux comprendre que l'homme est véritablement esprit, quant à son intérieur, voyons ce que l'expérience nous apprend,
1° I)e l'état de l'homme, lorsqu'il détache son esprit des choses sensibles pour l’appliquer aux insensibles;
2° De. l’état oii il se trouve lorsque son esprit est tout entier à l’objet que son corps va chercher.
« Dans le premier cas, l'homme est dans une situation qui tient du sommeil et de la veille: il croit cependant qu'il est parfaitement éveillé, car ses sens extérieurs ne sont pas plus endormis que lorsqu'il veille, celui du tact est même plus délicat alors, et beaucoup plus parfait. Dans cet état, des personnes ont vu des esprits et des anges au naturel : elles les ont entendus, elles les ont touchés. Dieu m’a mis dans cet état trois ou quatre fois.
« Quant au second état, j'en ai fait l’expérience en marchant dans la ville et en me promenant dans 1*campagne: je conversais avec des esprits, je voyais des palais, des bosquets, des rivières, des maisons, des hommes et beaucoup d'autres choses, et j’étais persuadé que j'étais parfaitement éveillé. Après avoir marché ainsi pendant des heures entières, je revenais subitement à mon état d’homme ordinaire, avec l’usage de mes sens, et je voyais clairement que je m’étais transporté dans des lieux éloignés, sans m’en être aperçu et sans aucune fatigue. »
Au milieu de ces visions chimériques, Swedenborg avait «les éclairs d’intuition somnambulique, car il prédisait l'avenir et faisait retrouver des objets perdus. Interrogé un jour par la reine douairière, sœur du roi de Prusse, sur le contenu d’une lettre qu’elle venait d’écrire à son frère, il réclama quelques instants de concentration intellectuelle, et lui rapporta la substance de cette lettre. Une autre fois, il fit retrouver à la comtesse de Marteville une quittance qu’elle avait égarée depuis la mort de son mari (2).
Sans nous arrêter aux idées contradictoires qui fourmillent dans les ouvrages du prophète d’Upsal, nous dev ons
(1) Merveilles du Ciel et de I Enfer, t II, p. 15.
(2) Singularités Mstoriques, par Dulaure, p. ITO.
signaler un principe révoltant pour la conscience la moins timorée, et dont nous retrouvons lu justification chez les ' lairos du quiétisme et du martinisme. Selon eux, l'homme pourrait s’abandonner impunément aux plus honteux dérèglements, chaque fois que son esprit parviendrait, par une abstraction des sens, à s'identifier avec la Divinité. Cette apologie de la débauche a lieu de nous surprendre, surtout chez des hommes dont la moralité n'a jamais donné prise à la moindre critique.
La doctrine de Swedenborg s’étendit sur une vaste échelle et envahit particulièrement la Suède et l'Allemagne. Deux loges importantes furent fondées en France, à Lyon et à Avignon, ofi cette secte se confondit bientôt avec celle des iiutr/inisles.
IL M. de Saint-Martiii, officier français, auteur de plusieurs traités sur l'illuminisme, devint le chef d'une école de mysticisme, connue par la suite sous le 110111 de martinisme. \près un long séjour en Allemagne, il vint en France pour y enseigner sa doctrine. Les premières réunions se tinrent à Avignon; des succursales furent ensuite établies dans plusieurs villes, entre autres à Paris.
M. (le Saint-Martin avait des révélations, et affectait un langage mystique dans ses conversations. 11 admettait des puissances intermédiaires entre Dieu et l’homme, et croyait que celui-ci pouvait, par un effort de son esprit et de sa volonté, parvenir à reconquérir ses anciens droits et à réparer les désordres qui avaient suivi ses prévarications. Alors succéderait l’abondance à la stérilité, la lumière aux ténèbres, la vie à la mort, et l’homme métamorphoserait tellement ce qui l’environne, que son séjour sur terre ressemblerait à celui de la vérité même.
« La sagesse, dit il, tend à se réunir à l'homme, malgré sa souillure, elle circule autour de lui par des canaux innombrables dans toutes les parties de son habitation corrompue. Mais il existe entre nous et Dieu un obstacle qui imprime le désordre universel, et c’est pour cette raison que la vertu divine tend à se rapprocher de nous, pour rétablir l’ordre en
ramenant l’unité primitive; car, si la vertu divine n’eût pas fait les premiers pas, l’honnne n’aurait pu atteindre cette unité, la vertu la plus faible ne pouvant remonter seule et d'elle-mêine à son terme de réunion (1). »
Les degrés variables de science et de volonté sont la cause unique de la diversité d’opinions qui règlent la conduite de l’humanité.
■ Il en est, ajoute M. de Saint-Martin, pour qui l'agent ■universel est venu, d’autres pour qui il vient, d’autres pour qui non seulement il n’est pas venu et môme pour qui il ne viendra pas. »
Vivant au milieu des émanations spiritualistes, les hommes sont des prophètes par leur nature; c’est leur faiblesse ou leur dépravation qui les empêche d’en manifester le privilège. S’ils eussent suivi avec ardeur le sentier des vertus de l’agent universel, ils seraient parvenusdans l’activité de leur foi et de leur zèle,
« A neutraliser le venin des vipères, à rendre le mouvement aux paralytiques, guérir les malades et soustraire môme des victimes à la mort (2). »
M. de Saint-Martin avoue que, s’il y a des vérités qu’on doit divulguer, il en est d’autres qu’il faut tenir sous le voile du mystère, et que, si chacun était attentif à se prêter aux vues de la sagesse divine et à rechercher les rayons du feu sacré, les vertus célestes dissiperaient les ténèbres de notre ignorance et favoriseraient l’accomplissement du grand œuvre.
Nous avons vu que, suivant l’abbé Faria, c’est par la concentration que se développent les perceptions intuitives de l’espèce humaine.
Le martinisme invoque la réunion de plusieurs éléments puissants, tels que la foi, la volonté, la contemplation, la l»ratique des vertus, pour retremper nos instincts pervertis à la source des émanations de la Divinité.
(1) Tableau naturel, t. II, p. 100.
Il) Ibid , p 177.
D'autres sectateurs du mysticisme, s'appuyant sur la nécessité d’une concentration de l'àme, réclament aussi le concours d’une volonté énergique. Alais les attouchements, les gestes, les paroles leur paraissent de puissants auxiliaires : la doctrine du chevalier de Barbarin résume à peu près toutes leurs idées.
Ce novateur, qui était un ancien officier d'artillerie, fait intervenir la communion des âmes dans le traitement des malades. D'abord, 011 doit se recueillir religieusement, avec l’intention formelle de soulager le patient ; 'on s’efforce ensuite, par des paroles bienveillantes, d’obtenir sa confiance; enfin 011 a recours à quelques frictions légères. Quelquefois 011 se retire à l'écart pour mieux concentrer sa pensée, puis 011 se rapproche du malade, en unissant ses prières aux siennes (l).
Les différents ouvrages que nous possédons sur l’iEumi-nisme ne font qu'effleurer la question de la médecine spiri-tualiste. Presque exclusivement consacrés à la solution des problèmes les plus épineux de la métaphysique, ils éludent les difficultés de la physiologie humaine et de la thérapeutique. Ce n’est qu’exceptionnellement que nous voyons des adeptes utiliser la clairvoyance des extatiques en faveur de l’humanité souffrante.
III. _Le quiétisme, dont le nom spécifie l’état de calme et de repos où l'esprit doit se trouver, est une pratique qui tend à faire parvenir l’àme, pendant cette vie, à l'union la plus intime avec la Divinité. La vie contemplative est le moyen le plus sûr d’atteindre ce but (2). Cette théologie
(1) Du Magnétisme universel, par la Société de l’Harmonie d'Ostende.
(2) « La contemplation est uno vue simple et amoureuse do Dieu, appuyée sur la foi qu'il est partout. » (L'abbé d'EstiVal, Confér. mysl.)
1 L’oraison contemplative, suivant le P. la Combe, est un simple regard libre de Dieu ou des choses divines, joint à une admiration religieuse, ou une espèce d’oraison par laquelle l’esprit ayant commandé le silence aux puissances intérieures, est uni à Dieu par un simple acte de i entendement. • (Analyse de l'Oraison mentale.)
0 La Contemplation a trois degrés, dit Molinos (Guide spir., I. III, c. Ifl). Le premier est le rassasiement où l'ftme se trouve si remplie de Dieu,
mystique tire son origine îles rêveries du platonisme et des interprétations allégoriques de l’Écriture sainte. I)e là tant de sectes diverses : les esséens, les amonéens, les bégards, les quiétistes du mont Athos, les molinistes, etc.
Chez ces sectaires, les visions se modèlent sur les images d’un esprit délirant. L'obscurité de leur langage, la confusion de leurs idées, l'inconstance de leurs sensations ne pouvaient manquer de produire cet assemblage confus de principes contradictoires.
Les quiétistes les plus fameux par leurs extases furent : saint Thomas d’Aquin, Clément d’Alexandrie, Jean Cas-sien, saint François de Salles, sainte Thérèse, sainte Catherine de Gènes, Marie de la Beaume, Marie d’Agréda, Antoinette Bourignon, le cardinal Bona, saint Dominique, le pape Grégoire-le-Grand, Balthasard Alvarès, saint François d’Assise, enfin Mm0 Guyon, si connue par ses rapports avec Fénelon.
La contemplation n’était pas toujours suffisante pour arriver à la jouissance des béatitudes célestes. Les quiétistes prétendent y parvenir à l’aide de certaines modifications
qu'elle n'a que du dégoût pour les choses mondaines. Elle est si tranquille, que le seul amour de Dieu lui suffit. Le deuxième degré est l’ivresse, qui est une extase do l'&mo produite par l’amour divin et le rassasiement qu'il donne. Le troisième degré est l'assuranco qui bannit toute frayeur, et qui se fait lorsque l'âme est si enivrée de l'amour divin et si soumise aux ordres de Dieu, qu'elle irait de bon cœur en enfer pour lui obéir. Il y a plusieurs autres degrés de contemplation: le feu, l'onction, l’élévation, l’illumination, le goût, le repos. Puis enfin les extases, les ravissements, la liquéfaction, l'évanouissement, les baisers, les embrassements, l'allégresse, l'union, la transformation, les noces, le mariage; toutes choses qui sont pour ceux qui ne les ont pas éprouvées, ce que les couleurs sont aux aveugles et l'harmonie aux sourds.
« Le don de la contemplation a été souvent accordé è de petits enfants et à de petites filles de quatre à cinq ans, à des gens grossiers et à des femmes de village. » (P. La Combe, ouv. cité.)
« L'âme ne peut être unie à Dieu qu'elle ne soit dans un repos central et dans la pureté de sa création. » (Guyon, Moyencourt.)
« Il faut avoir une foi vive que Dieu remplit do son essence, do sa présence et de sa puissance. » (Falconi, Lettre à une fille spirit.)
sensitives de l’àme, savoir: la rie pitr//a/irc. la rie unitive, l'oraison pns.irc, elc.
La ilri/ira/ion esl la situation la plus accomplie de l’àme contemplative; c’est une véritable transformation de l'élément spirituel dans l’essence divine:
« Il n'y a plus en moi d'autre moi que Dieu, « disait sainte Catherine de Gènes.
Cette consubstantiation s’obtenait surtout après avoir fait un purgatoire, que Molinos appelle le martyre spirituel, et que l'archevêque de Cambrai nomme les dernières épreuves. Ces souffrances étaient: la privation volontaire de la grâce, les inquiétudes de la damnation éternelle, le sacrifice de son salut, les tentations de la chair, etc. (1). Saint Dominique, saint François d’Assise, le pape Grégoire et beaucoup d’autres passèrent par ces épreuves.
Les quiétistes affirment que les débordements de l’esprit et des sens ne peuvent offenser Dieu, tant que l’âme y refuse son consentement. Cette transaction étrange de la conscience a rencontré de nombreux apologistes parmi les écoles du spiritualisme, et des hommes d’une haute intelligence et d’une grande moralité dans leur conduite 11’ont pas craint de figurer au nombre des défenseurs de ce honteux libertinage.
Dans ces derniers temps, de nouvelles sectes mystiques
(1) n Vous ressentirez en dedansune sécheresse passive, des ténèbres, des angoisses, dos contradictions, des abandonnemenls intérieurs, des désolations horribles, des suggestions importunes et perpétuelles, des tentations véhémentes de l'ennemi. Enfin, vous trouverez votre cœur si resserré et si plein d'amertume, que vous ne pourrez I élever vers Dieu, ni faire un seul acte de foi. d'espérance ou d'amour. Dans cet abandonncment, vous voyant eu proie à l’impatience, à la colère, ii la rage, aux blasphèmes, aux appétits désordonnés, vous vous croirez la plus misérable et la plus détestable de toutes les créatures, dénuée de toutes les vertus, éloignée de Dieu et condamnée ù des tourments presque égaux aux peines infernales. » (Molinos, Guide spirit., liv. III, ch. 4.)
« Toutes les vertus sont (liées à cette âme; elle reste nue cl dépouillée de tout; elle se corrompt peu à peu. Autrefois c'étaient des faiblesses, des chutes, des défaillances; ici c'est une corruption horrible, qui devient tous les jours plus forte et plus horrible. » (l.amolhc C.itvon, les Torrents.)
se sont élevées sur les ruines du swedenborgisme et du quiétisme. Véritables plagiaires des idées do leurs devanciers, elles n'ont vécu que le temps nécessaire pour démontrer l’imperfection de leurs théories et le danger de leurs doctrines.
Naguère encore vivait à Tilly-sur-Scule (Calvados) un interprète,des communications célestes. Pierre-Michel Vintras, surnommé le Prophète, avait des entretiens avec saint Joseph sur l’union de J.••('.. avec les hommes (1). L’archange saint Michel, la Sainte Vierge et J.-C. conversaient souvent avec lui, à la grande admiration des adeptes, au nombre desquels se trouvent des gens honorables. Vintras avait des visions, des songes allégoriques et prophétiques, des sueurs de sang, etc.
La première visite qu’il reçut de l’archange date du (i août 1839. Saint Michel se communique à lui tantôt sous la ligure d'un vieillard vénérable, tantôt sous une forme angélique. Jésus et Marie se présentent sous la forme humaine, légère cl subtile, mais pourtant palpable. Saint Joseph porte le costume d’un ouvrier et tient dans la main une règle, insigne de la profession qu’il exerça sur la terre (2).
Les visions de l’illuminé de Tilly-sur-Seule offrent une analogie frappante avec celle de Swedenborg, son langage mystique est d’une assez grande pureté, et ses communications spiritualistes portent évidemment le cachet d’une mémoire prodigieuse et d’un développement manifeste des fonctions intellectuelles.
L’état extatique de P.-M. Vintras fut contesté par l’autorité judiciaire. Nous avouerons cependant, malgré la sévère appréciation des tribunaux, que nous n’avons vu chez le prophète normand qu’une victime des hallucinations du mysticisme. Du reste, sa doctrine, appuyée sur quelques phénomènes d’intuition somnambulique, s’est propagée au loin;
(1) Vintras est un homme illettré, ancien valet d'auberge.
(*)Vov. Opuscule sur l’OEuvre de la Miséricorde, et ta Voix de la Sep-laino, ouvrage périodique.
l'autorité religieuse s’est émue, et les foudres de l’Église pèsent encore aujourd’hui sur la secte rinfrasicnnc (1).
La médecine doit certainement des obligations au quiétisme; 011 constate de nombreuses guérisons obtenues par ses adeptes.
d Toute la vie de M” Guyon, rapporte le baron d'Henin de Cuvillers, est pleine de guérisons étonnantes par leur rapidité. Elle avait une ferme confiance dans son pouvoir, puisqu’elle s’imaginait que ce n’était pas elle, mais Jésus-Christ qui guérissait par elle et en elle ; et conséquemment une volonté bien prononcée qui n’était distraite par aucun autre soin, et une charité à toute épreuve (2). »
Les cures obtenues à Nantes, en 1828, parM"' Renaud-de-Saint-Amour, firent une profonde sensation. Les uns y virent des miracles, d’autres du magnétisme, d’autres enfin du charlatanisme. Cette dame, épouse d’un officier supérieur, s’était convertie au mysticisme, après une longue pratique du magnétisme. Frappée des paroles de l’Évangile qui promettent aux fidèles le don de guérir, elle pensa avoir reçu du Ciel ce privilège. Elle traitait gratuitement les malades, pendant que ceux-ci joignaient leurs prières aux siennes. Les témoignages les plus honorables accueillirent- ses guérisons. Le I)r Bertrand prit sur le compte de cette illuminée les informations les plus précises, et, lie pouvant en désavouer l’authenticité, il les rapporta au pouvoir de l’imagination.
L’auteur d’une brochure intitulée : Point d effet sans cause, s’exprime ainsi à son égard :
(1) Dernièrement, sur l'ordre du préfet du Calvados, la gendarmerie cerna pendant une nuit l'établissement du prophète. Une perquisition entraîna la saisie des objets du culte et l'arrestation des principaux néophytes, qui furent arbitrairement exilés du sol français, après un mois d’emprisonnement dans les hôpitaux de la ville de Caen. Vintras était parvenu à s'évader, lore de la visite domiciliaire. Quelques renégats l'avaient accusé de sacrifier au démon de l'impureté; tes adeplos l'excusaient en disant qu'il subissait lesderni'èrej épreuves ou le martyre spirituel pour parvenir à la déification. (Voy. les Aveux de l'abbé Charvoz et les Saints de Tilly-sur-Seule, par A. ûozzoli.)
(2) Archives du Magnétisme, t. VI, p. 9.
« Des membres contournés se sont on quelques secondes redressés, sans souffrances; ces mains closes depuis trente ans se sonl ouvertes; ces paralytiques, cent l'ois électrisés, ont cessé d’implorer la pénible assistance de leurs parents et de leurs béquilles; des tumeurs, des fistules ont disparu. Des oppressions, des rhumatismes, des douleurs opiniâtres ont subitement cessé, des palpitations, des cris, s 11. rveuses se sont calmées; des enflures d’hydropiques se sont affaissées ; des plaies cancéreuses ei autres, jadis presque inlac-tiles par l’excès des souffrances, ont été lavées, pansées, palpées sans exciter d'autres soupirs que ceux de la reconnaissance des nombreux malades qui venaient, dis ient-ils, attester leur rétablissement depuis le moment qu'ils avaient uni leurs prières à celles de M“° de Saint-Amour. »
Ces guérisons n’offrent-elles pas l’identité la plus exacte avec celles des convulsionnaires de Saint-Médard?
Voici les questions habituelles que M"' de Saint-Amour adressait à ses malades :
« Qu’avez-vous?
« —Telle infirmité.
« — Croyez-vous que Dieu, qui nous envoie le mal, puisse l’Oter?
« — Oui.
«— Vous savez qu’il est dit dans l’Évangile : ((Demandez, « et il vous sera accordé ? »
« — Oui.
« — Demandez avec moi, et dans ces sentiments, votre guérison au Seigneur.
(, — Je la demande. »
Après une prière mentale de quelques secondes, la main posée sur le siège de la douleur :
« Au nom de Jésus-Christ, disait-elle, allez ; il vous est accordé suivant votre foi ou la sincérité de votre prière (J). »
F.n bornant ici les citations, nous circonscrivons l'étude de la médecine spiritualiste dans un cadre bien restreint. Il nous eût été facile de l’élargir, mais nous avons reculé devant une tâche dont l’utilité ne nous est pas démontrée.
(t) Ouvrage cité p 10.
Les principales méthodes curatives que revendiquent les apùlresiie l'illuminisme peuvent se réduire en trois sections :
I" Lu médecine de concentrai ion, c'est-à-dire l'action curative île l'àme sur le corps, à l’aide île l’abstraction des sens. Les partisans de ce système, à la lôlo desquels nous placerons l'abi.é l'aria, soutiennent que la concentration, en dehors de toute influence externe, guérit directement ou favorise l'intuition médicale. Nous nous garderons bien de contester l’importance de la concentration dans la progression >les phénomènes intuitifs, mais ou nous permettra de réserver une part iuuncnsc aux effets déterminés par le concentrateur ou par toute autre cause extérieure;
2“ Nous appellerons médecineilluminative la doctrine médicale des quiétistes, parce qu’elle est le résumé ponctuel des différents systèmes qui subordonnent la cure des maladies à la spontanéité de la Divinité. Les prières réciproques de l’agent et du patient ne sont que des modes accessoires pour captiver la protection divine. Nous nous abstiendrons d’un jugement définitif dans une question qui ressort entièrement de la juridiction théologique ;
3" Enfin nous réservons la dénomination de médecine spi-ritualiste à la détermination mutuelle d’une âme sur l’autre, dans le traitement des infirmités humaines. La théorie des barbarinistes est l’expression la plus véridique de la réaction des substances animiques entre elles.
On confondra souvent la médecine spiritualiste avec la médecine d’imagination ; quelques-uns même proclameront leur identité. Notre inexpérience sur cette matière nous impose l’obligation d'une grande réserve. Éludons avec prudence ces débats scientifiques, et évertuons-nous à faire concourir au profit de l'humanité les chances si variables de médication qu’indique à nos instincts le doigt de la Providence. Redoutons particulièrement les illusions de nos sens, qui nous entraînent aveuglément au delà de la sphère des vérités.
11 existe, sans contredit, des influences occultes qui déconcertent la raison et qui n’en pèsent pas moins sur nos destinées. Quelles que soient les ressources que nous ménagent
ces agents inconnus, ne négligeons pas des liions acquis pour nous égarer dans les rêves des abstractions.
On aura des visionnaires avec les extatiques; on acquiert communément l'intuition médicale avec les somnambules, et l’expérience nous autorise à croire que la lucidité s'affaiblit ou disparait dans le somnambulisme, quand on 11e veille pas aux entraînements de l'imagination du sujet.
« En général, disait un des somnambules de M. du Potet, le sieur Petit, les expériences qui sortent de la vue des choses purement physiques et du but d’une utilité médicale, me font beaucoup de mal. »
Pour notre compte, nous avons vu des symptômes d’aliénation mentale survenir à la suite de ce genre d’expérimentation, et si ces accidents n’ont été que passagers, c’est qu’ils ont été combattus énergiquement par le magnétisme.
Nos somnambules les plus intuitifs fixent le siège de la folie à la partie antérieure de l’encéphale. Cette affection serait le résultat d’une tension immodérée du tissu cérébral. Le relâchement momentané des organes de l’innervation ramènerait la clarté dans les idées. La monomanie se substituerait à la démence, lorsqu’il n’y a qu’une partie limitée du cerveau exposée à l’irrégularité du système nerveux. A la mort, la substance encéphalique rentrerait dans les conditions physiologiques de la vie normale ; ce qui expliquerait l’insuffisance de nos moyens d'investigation pour apprécier cette lésion organique. Tout nous porte donc à supposer, d’après les lois de la logique, que les maladies nerveuses qui ne laissent aucune trace de lésion anatomique, émanent d’un état anormal dans la circulation du fluide magnétique. L’apoplexie nerveuse, admise par un grand nombre de médecins distingués, appuierait suffisamment cette hypothèse.
Ainsi, l’aliénation mentale pourra se manifester chez les sujets impressionnables, toutes les fois qu’on dirigera leurs instincts au delà des limites que la nature aura fixées, poulies fourvoyer dans les voies mystérieuses de la psychologie. La partie antérieure du cerveau deviendrait, dans ce cas, le
point d'une concentration fluidique susceptible d’occasionner des accidents déplorables, si l'on prolongeait trop longtemps ces dangereuses épreuves.
L'effervescence actuelle de la pensée vers le monde des esprits vient justifier nos craintes.
i II est notoire, écrit le P. Ventura à M. de Mirville, (|iie tous les cas de folie développés dernièrement au milieu de ces pratiques, sont dus à l’enthousiasme irréfléchi succédant à une incroyance absolue ; il ne saurait en être autrement ; le prodige nié hier, constaté aujourd’hui, demain sera transformé en Dieu. La vérité peut donc prévenir et guérir de si funestes méprises. >
Puisse celte épidémie spirituelle, (pie l’ancien général des Théatins, l’examinateur des évêques et du clergé romain, appelle un des plus grands événements de notre siècle, ne pas dégénérer en une vaste épidémie d’aliénation mentale ! Puisse la vérité, que nous invoquons chaque jour, ne pas tarder à luire pour nous tous, puisqu’elle seule peut nous mettre à l’abri d’un écueil aussi redoutable.
Spectateur vigilant et impartial, en présence de la lutte spiritualiste qui s’engage, ne compromettons pas le peu d’intelligence qui nous est dévolue ; et, nouveau Prométhée, n’as-p'roas pas à dérober le feu du ciel !
Nous 11e prétendons pas, en faisant ici l'apologie des ' facultés expansives de l’àme, modifier nos convictions sur l’existence et les propriétés extensibles du fluide nerveux ou magnétique. Des obseiTations précises et une longue expérience ne pouvaient laisser dans notre esprit le moindre doute sur la réalité des effets de cet agent. Les privilèges de l’intuition animique n’excluent pas les fonctions d’un fluide magnétique, et réciproquement. Ces deux puissances, en relation habituelle l’une avec l’autre, sont susceptibles de s’affranchir temporairement de cette dépendance. En effet, un corps magnétisé sera incontestablement distingué par un somnambule lucide, parmi d’autres objets qu’011 lui soumettra. Les spiritualistes soutiendront-ils que ce corps aura retenu quelques parcelles du principe immatériel ? Nous ne
croyons pas qu’on ose arriver jusque-là ; il serait contradictoire d’admettre la divisibilité de l'âme, et la raison ne peut rejeter l’action pénétrante d'un fluide qui se renouvelle à chaque instant dans notre organisme (1).
T.a rotation des tables et autres objets inanimés, nous avait semblé d’abord un argument victorieux en faveur del’existence du fluide magnétique; la lassitude ressentie par la plupart des expérimentateurs venait sanctionner cette conjecture. Une étude plus approfondie de ce phénomène a laissé quelque doute dans notre esprit, ou du moins ne nous a pas apporté des lumières suffisantes pour résoudre ce problème.
L'intervention des esprits dans cette question ne nous paraît pas sérieuse. Si Dieu, dans sa sagesse, avait permis le retour des âmes sur cette terre pour veiller à nos intérêts, il les eût bien probablement affranchies du rôle ridicule qu’on s’est plu dans tous les temps à leur infliger ; leurs manifestations auraient offert plus d’unité et d'élévation, et n’auraient pas varié d’après les dogmes religieux et les préjugés de chaque siècle. Dans notre ignorance sur une matière aussi délicate, nous ne pouvons former que des vœux ardents pour sortir au plus tôt des ténèbres épaisses qui nous dérobent la lumière.
Puissent se réaliser les pompeuses espérances qu’entretient depuis si longtemps M. le baron du Potet, sur la solution d’un problème qui touche de si près à nos intérêts les plus chers !
Dr Alfred PERRIER.
(!) Nous ne nous étendrons pas davantage sur celle matière, que nous avons traitée in extenso dans le Journal du Magnétisme, t. IX, p. 2 etsuiv
CONTROVERSES.
TAHI.ES. — ESPRITS. — ÉVOCATIONS.
Plusieurs prélats viennent d’interdire les expériences des laliles et autres semblables moyens de communication avec les esprits.
Voici la première el la plus importante des lettres pastorales qui ont. annoncé cette décision au clergé.
« Josepb-Hippolyte Guibert, par la miséricorde divine et la grâce du Saint-Siège apostolique, évêque de Viviers, au clergé de notre diocèse, salut et bénédiction en notre Seigneur Jésus-Christ.
« D puis assez longtemps, nos très-chers coopérateurs, on se préoccupe beaucoup dans le monde de phénomènes étranges, que l’on attribue à nous ne savons quel agent mystérieux, et que l’on croit obtenir en imposant les mains d’une certaine façon sur des tables ou même sur d’autres meubles. Ces tables se meuvent, s'agitent en sens divers, sans cause impulsive apparente, et répondent, dit-on, au moyen de signes convenus d’avance, aux diverses questions qu’on leur adresse.
« Ces expériences commencèrent en Amérique ; on s'y livra d’abord avec une fureur inouïe, et l'on assure qu’elles ont donné naissance à une nouvelle secte qui s’est ajoutée aux mille sectes religieuses qui divisent ce pays. De là cette fièvre s’est rapidement propagée en France, dans les villes surtout, où il n’y a presque pas de famille qui ne se soit procuré, pendant les soirées, le passe-temps de ces séances.
» Tant que ces opérations n’ont présenté que le caractère d’un exercice purement récréatif, ou que la curiosité n’y a cherché que les elTels d'un fluide répandu dans la nature, notre sollicitude ne s'est point alarmée. Nous avons cru que cette mode passerait bien vite dans notre pays, dont l’esprit
mobile accueille et rejette avec une égale facilité toutes les nouveautés qui apparaissent dans le monde.
. Aujourd'hui, N. T. C. nous ne sommes pas sans appréhensions, et nous croyons qu'il est de notre devoir de donner des avertissements. Ces pratiques ont pris une toute autre direction : 011 s’y livre avec un esprit sérieux; on prétend s’en faire un moyen de renverser la barrière qui nous sépare du monde invisible, d’entrer eu communication avec les esprits, de leur demander la révélation des événements futurs et des choses de l’autre vie, de s’élever enfin à uu ordre de connaissances que notre esprit ne peut atteindre par ses forces naturelles. Ce qui, dans l’origine, ne paraissût qu’un jeu de physique amusante, ressemble tout à fait aujourd’hui aux opérations mystérieuses de la magie, de la divination ou de la nécromancie.
« Nous admettons bien- volontiers l’excuse de l’entraînement, et nous reconnaissons que jusqu'ici du moins 011 n’a pas apporté des intentions mauvaises ni un esprit hostile à la religion dans ces expériences. Mais si les personnes qui srv livrent veulent bien se soustraire pour uu moment aux trompeuses impressions de l'imagination et réfléchir dans le calme, elles apercevront tout ce qu’il y a de témérité dans la prétention de sonder les secrets cachés à notre vue, et se convaincront facilement que les moyens employés dans ce but ne sont rien moins que des pratiques absurdes, pleine» de périls, superstitieuses, que l’on croirait renouvelées du paganisme.
n 11 y a sans doute des relations entre l’intelligence de l’homme et le monde surnaturel des esprits. Ces relations sont nécessaires, elles sont surtout douces et consolantes pour la pauvre créature exilée dans cette vallée de larmes. Mais Dieu ne nous a pas laissé la puissance de nous élancer dans cet autre monde par toutes les voies que l’imprudence humaine tenterait de s’ouvrir. 11 nous commande de nous élever jusqu'à son essence infinie par l’adoration, par la prière, par la contemplation de ses divins attributs; dans son ineffable bonté, il livre à nos âmes l’aliment divin de l’Eucharistie, où le ciel et la terre 11e sont séparés que par un voile; il veut que du fond de notre misère nous puissions invoquer l’intercession des anges et des saints qui assistent autour de son trône ; il a même établi entre nous et les âmes qui achèvent de se purifier de leurs fautes une loi de charité qui nous permet de leur appliquer le mérite de nos œuvres et de nos propres satisfactions. Ainsi la prière, l’invocation,
les sacrements, le sacrifice de la messe, les pratique.- saintes de l'Eglise, voilà les liens sacrés qui unissent les chrétiens au monde supérieur. Vouloir y pénétrer par une autre route, chercher à découvrir par des voies naturelles les mystères cachés du ciel ou les redoutables secrets de l’enfer, c’est la plus folle, et la plus coupable entreprise : c'est tenter de troubler l'ordre providentiel et faire d’inutiles efforts pour Iran-chir les limites posées à notre condition présente. S il plaji à Dieu, dans des cas infiniment rares, d’élever jusqu’au troisième ciel des âmes connues de lui et réservées pour ses desseins, c’est alors une dérogation à la loi commune, que l’humble chrétien ne recherche point et que Dieu 11 accorde jamais aux vains désirs de la curiosité.
a Ces réflexions 11e s’appliquent-elles pas avec une égale justesse à la témérité de ceux qui tentent de connaître les choses futures par les expériences dont nous parlons ? L a-venir est couvert à nos yeux d’un voile impénétrable; il est, pour notre faible intelligence, « ce livre fermé de sept sceaux, « que nul ne peut ouvrir ou même regarder, ni dans le ciel, « ni sur la terre, ni sous la terre, si ce n’est le Lion de la n tribu de Juda, le rejeton de David, qui a obtenu par sa « victoire le pouvoir d’ouvrir le livre et d’en briser les sept « sceaux. » Dieu seul, dans son infinie science, connaît les choses à venir qui ne sont point liées à des causes nécessaires, mais qui dépendent du libre arbitre des créatures. Quand les prophètes ont annoncé des événements future, la connaissance qu’ils en avaient n’était que l’effet d une révélation divine, et c’est de là que dérive uniquement la lorce des prophéties pour prouver la vérité de la doctrine évangélique.
« Le Créateur qui, dans sa bonté, nous a laissé la connaissance du passé pour que nous en retirions d utiles leçons , nous a refusé, dans sa sagesse, la connaissance des temps à venir. Notre ignorance à cet égard est le fondement nécessaire de la société humaine. Comment cette société pourrait-elle exister un seul jour avec la connaissance claire et distincte de l’avenir? Qu’on se figure ce qui arriverait si tout à coup une clarté subite nous dévoilait toute la suite de nos destinées et celles de nos semblables, les biens couinic les maux, la vie et la mort, dans le temps et dans 1 éternité ! A l’instant, le trouble et l’effroi seraient partout; tous les liens se briseraient à la fois et le monde moral rentrerait dans le néant. Apprenons donc à respecter la sainte obscurité dont la Providence a enveloppé notre existence sur la terre; car tout ce que nous ferions pour écarter les nuages qui nous
cachent I s choses futures sérail une tentative insensée 'le révolt • contre les lois de la sagesse éternel! ■.
n Illais si riionnne doit se renfermer dans I ■ rerele que la main de Dieu a tracé autour de lui, ne serait-il pas doublement coupable d’employer, pour franchir celte limite, des moyens qui ne sont pas moins réprouvés par la religion que par les lumières delà droite raison? Or, que fail-on pour parvenir à la connaissance des secrets que Dieu a dérobés à notre investigation? On interroge, dans i s expériences des « tables parlantes, » les anges restés fidèles à Dieu, et les saints qui, par leur victoire, « sont devenus semblables aux anges ; » on évoque les âmes des morts qui achèvent leur expiation dans le purgatoire; 01111e craint pas même d’interpeller les démons, ces anges « déchus de leur principauté, » et les âmes de ceux qui ont mérité par leur infidélité de partager leurs supplices; enfin on se met en communication avec nous ne savons quelle âme du momie, dont la nôtre ne serait qu’une émanation. Car, d’après les récits qui nous ont été faits ou qui sont rapportés dans les feuilles publiques, on s'adresse tour à tour à ces diverses classes d’esprits, auxquels 011 demande des réponses sur toutes sortes de matières.
« Or, N. T. C. C., tout cela 11’est-il pas la reproduction des erreurs grossières, des pratiques superstitieuses que le christianisme a combattues à son apparition dans le monde, et qu’il a eu tant de peine à déraciner parmi les peuples idolâtres et barbares, en les ramenant à la vérité? Le paganisme attachait un esprit ou un génie à tous les objets physiques. 11 avait des augures et des devins pour prédire les choses futures; ses pythonisses, élevées sur la «table à trois pieds,» agitées parle dieu, lisaient dans l’avenir. Tout le culte ido-lâtrique n’était qu’une communication incessante avec les démons. Socrate conversait avec son démon familier, Pytha-gore croyait à l’âme du monde, qui anime, selon lui, les différentes sphères, comme l’esprit anime notre corps. Le poète Lucain a décrit les mystères dans lesquels on se mettait en rapport avec les mânes des morts, et, dans des temps plus reculés encore, 011 évoquait ces âmes de l’autre monde pour leur demander la révélation des choses cachées, puisque, au livre du Deutéronome, Moïse déclare que « Dieu a en abomination ceux qui demandent la vérité aux morts. »
« Ainsi, le sage l’a dit avec vérité: « Il n’y a rien de nou-« veau sous le soleil. » Qui ne reconnaît l’affinité, ou plutôt la parfaite ressemblance des opérations mystérieuses qui sont
« il vogue «iiij'iüi !r-il parmi nous, avoc les vieilles erreurs «le l'ancien inonde?
i; Il 11’est pas surprenant que (les liommes légers et qui ne sont pas pivfondn; oui pénétrés du sentiment religieux se laissent entraîner, par l’amour du merveilleux, dans ces voies ténébreuses : mais ce qui étonne, c’est que des chrétiens éclairés de la pure lumière de la foi ne so:ent pas suffisamment défendus contre ces étranges aberrations par l'instinct, ordinairement si sûr, de la vraie piété, Comment ne sentent-ils pas tout ce qu'il y a de condamnable dans des opérations qui ont pour but avoué d’établir des rapports directs avec un ordre de choses dont l’entrée nous est interdite ?
« Sont-ce les anges et les âmes des saints, leur dirons-nous, dont vous recherchez le commerce dans vos puériles expériences? Vous croyez donc que le Créateur a soumis ces sublimes esprits à vos volontés et à tous les caprices de votre fantaisie? Jusqu’ici, appuyés sur la doctrine des saintes Ecritures et sur l’enseignement de l’Eglise, nous avions cru que ces intelligences si parfaites étaient entre les mains de Dieu de nobles instruments dont il se sert pour exécuter ses volontés souveraines; nous aimions à nous les représenter comme des ministres fidèles entourant son trône, toujours prêts à porter ses ordres partout, à annoncer scs mystères, à remplir les missions que sa miséricorde ou sa justice leur confie.
« Nous savions de plus cpie Dieu, dans son ineffable amour pour les hommes, « a recommandé chacun de nous à la vigilance de ces esprits célestes, afin qu’ils nous gardent dans nos voies et nous défendent contre tous les périls. » Nous bénissions la bonté divine de ses délicates attentions, et la pensée que nous étions sans cesse sous les yeux et sous la protection de ces messagers célestes, nous pénétrait d’une profonde vénération et d’un respect affectueux pour leur présence. Telle est, en effet, l’idée que la foi nous donne de ces saintes et pures intelligences et des sublimes fonctions qu’elles remplissent. Mais était-il jamais venu dans la pensée d’un chrétien que Dieu eût créé ces esprits si élevés, qui sont ses amis et les princes du ciel, pour en faire les esclaves de l’homme; qu'il les eût mis aux ordres de notre indiscrète curiosité ; qu’il les eût pour ainsi dire enchaînés à tous les meubles qui décorent nos appartements, et qu’il voulût enfin les contraindre à répondre à l’appel injurieux qu’on leur adresse en tourmentant une table
sous la pression dos mains? Nous avons bien lu flans l\s li-\ les sacrés que l’homme a été fait roi de la terre, ei qu’à ne litre il a reçu l’empire sur tous les animaux créés pour sou usage; mais nous ne voyons nulle part qu’il ait été établi roi du ciel, et que les célestes hiérarchies aient été assujetties à ses volontés si mobiles et souvent si injustes. Il n’v a donc rien moins, dans les expériences auxquelles vous vous livrez, qu’une profanation de la sainteté de l’œuvre divine et une insulte grossière au bon sens chrétien.
« Que dirons-nous maintenant à ceux qui ne craignent pas de s adresser ;'i l’enfer pour en évoquer l’esprit de Satan. car c’est à cet esprit malin que l’on fait jouer le rôle prin-cipal et le plus ordinaire? Certes ce n’est pas nous qui met-tons en doute l’intervention funeste des anges déchus dans les choses humaines. Nous ne savons que trop qu’ils sont pour 1 homme de méchants conseillers, qu’ils sèment sous ses pas les pièges séducteurs, qu’ils réveillent les passions assoupies en agissant sur l’imagination, et qu’ils fomentent le foyer impur de la, triple concupiscence. Mais nous savons aussi que Jésus-Christ, par la victoire qu’il a remportée avec la croix, a nus dehors le prince de ce monde; que la puissance extérieure du démon, dont nous rencontrons si souvent les tristes effets au temps du Sauveur et dans les âges précédents, a été singulièrement affaiblie, et qu’elle ne s’exerce plus d’une manière sensible sur l’homme régénéré que dans les circonstances rares que Dieu permet dans les desseins de sa justice et quelquefois de sa miséricorde. Pourquoi faut-il qu’il se trouve des hommes .assez imprudents pour essayer de relever l’empire de cet éternel ennemi du genre humain, pour provoquer l’ancien serpent tout meurtri du coup que le pied de la femme lui a porté à la tête, et pour l’inviter en quelque sorte à régner de nouveau sur la terre ?
« Comment enfin peut-on envisager sans frayeur, regarder comme exemptes de péril pour le salut éternel, ces communications avec les esprits de l’abîme ? Démons ou damnés, ils sont les uns et les autres les victimes de la justice divine; Dieu les a maudits; il les a retranchés de la vie, qui est en lui seul. Et vous qui aspirez à l’amitié et à l’éternelle possession de Dieu, pouvez-vous croire qu’un commerce familier vous soit permis avec ceux qui sont dans la mort éternelle? Nos rapports avec ces êtres dégr.adés et malfaisants ne peuvent être que des rapports de haine, de malédiction, de répulsion absolue ; et vous voudriez, vous, en établir
d'amusement, de curiosité, je dirais presque de bienveillance ! Avez-vous donc oublié la parole de saint Paul ; « Il ne peut « exister de commerce entre la lumière et les ténèbres, ni u d'alliance entre Jésus-Christ et Bélial ; » et cette autre du même apôtre: « Nous ne pouvons participer en même temps « à la table du Seigneur et à la table des démons; » et en-lin la terrible réponse d’Abialiain au mauvais riche qui demande que Lazare vienne répandre une goutte d'eau sur sa langue embrasée : « Entre vous et nous il y a un abîme, en » sorte qu'on 11e peut pas passer d’ici vers vous ni venir ici u du lieu où vous êtes. » Ainsi tout se réunit pour vous faire repousser les pratiques dont il est question ; tout vous les montre impies, superstitieuses, condamnables à toutes sortes de titres.
« Est-il nécessaire, après ce que nous avons dit, que nous parlions des communications avec ces âmes déjà séparées de nous, mais qui 11e sont pas encore unies à Dieu, attendant dans le purgatoire le jour de la délivrance? L’Eglise a déterminé nos rapports avec ces âmes saintes; elle veut que nous les consolions par un souvenir pieux, que nous intercédions pour elles, que nous leur appliquions le mérite de nos suffrages et de nos bonnes œuvres. Mais l’Eglise ne peut approuver que nous plongions notre regard dans ce lieu d expiation et de larmes, autrement que pour en rapporter une crainte salutaire pour nous et une utile compassion pour ces âmes souffrantes, bien moins encore que nous insultions à leur misère en voulant les faire servir à la satisfaction de notre vaine curiosité. Ah ! dans un sentiment de respect pour la douleur qui les oppresse, ne leur demandons jamais d’autres paroles que ce cri touchant par lequel elles implorent sans cesse notre pitié : « Ayez pitié de nous, ayez pitié de » nous, vous du moins qui êtes nos amis, car la main du Sci-« gneur s'est appesantie sur nous. » Miseremini mei, misere-mini mei, saitem vos, umiei mei, quia manus Domini teti-git me.
« Nous pourrions, si nous voulions faire un traité, pousser ces réflexions plus loin et les appuyer d’une plus ample démonstration. Rien ne serait plus facile que d’accumuler un nombre infini de textes des livres saints, des Pères et des conciles, qui renferment de la manière la plus claire la condamnation des pratiques contre lesquelles nous nous élevons, ou du moins de pratiques d’une nature entièrement semblable. Ce que nous avons dit suffit aux chrétiens qui veulent marcher dans la droiture et la siinplicitédel’Evangile.
«Si nous avons combattu, Y T. C., des observances qui nous paraissent pleines de dangers, il ne faut pas conclure de là que nous admettions, dans notre pensée, la réalité des phénomènes attribués à l’attouchement des tables. Non, nous sommes plutôt porté à croire que ces faits merveilleux n'ont d’existence que dans l'imagination des personnes qui prennent part il ces opérations comme agents ou comme témoins. 11 en est parmi elles, nous le savons, dont le caractère exclut toute supposition d’artifice et de fraude; mais nous connaissons aussi ce que peut l'imagination quand elle s’exalte, et comment, sous l’empire de l’enthousiasme, l’homme le plus sincère devient facilement le jouet de ses propres illusions.
« Quelle que soit du reste l'opinion qu’on se forme à cet égard, la force de nos observations subsiste. Que les phénomènes dont nous parlons soient véritables ou qu’on les regarde comme de pures créations de l’exaltation de l’esprit, on doit renoncer à des expériences qui, dans le premier cas,
Sortent une atteinte sacrilège à l'ordre établi par la Provi-ence, ou qui, dans le second, ne servent qu'à entretenir des illusions fantastiques.
« Ma s, si nous avons peu de foi à la présence de ces esprits qu’on invoque au moyen des tables, nous n’en sommes pas moins intimement convaincus que ces expériences sont une des mille ruses de Satan pour perdre les âmes. La foi nous apprend qu’il est d'une fécondité inépuisable dans les inventions de sa malice. Il sait même, quand il le faut, se transformer en ange de lumière, pour produire plus sûrement la séduction. Voyez la marche habile et pleine d’astuce de ce serpent infernal! D’abord, il ne préoccupe les esprits que du mouvement des tables, ce sont des expériences de physique récréative; il pousse ensuite à la recherche des causes, en assigne le fluide magnétique. Quoi de plus innocent jusque-là? Ce premier succès obtenu, il s’empare de celte disposition naturelle qui pousse l'homme vers tout ce qui est merveilleux, pour l'entraîner plus loin, et les tables qui tournaient d’abord deviennent bientôt des tables qui frappent, puis enfin des tables parlantes, animées par des esprits de toute sorte. C'est ainsi que celui qui est homiride dès le commencement abuse de la faiblesse et de la simplicité de l’homme pour l’engager pas à pas en des voies ténébreuses, jusqu’au moment où il le précipite dans l'abîme. C’est la tactique perverse qu’il suivit pour tromper nos premiers parents, c’est celle qu’il employa pour intro-
duire parmi les peuples les erreurs et les superstitions les plus coupables; c’est la ruse dont il se sert encore aujourd’hui pour entraîner les esprits dans de funestes égarements.
« Obligé, N. T. C., par les devoirs de notre charge de prémunir les fidèles contre les pièges du père du mensonge, de veiller à la pureté de la foi et à l’honneur du nom chrétien , nous avons jugé à propos de vous adresser ces réflexions. Notre lettre n’est pas destinée à être lue du haut de la chaire. Le mal que nous signalons n’est pas connu du peuple de nos campagnes ; il convient de le lui laisser ignorer. Mais vous cmploirez tous les efforts de votre zèle sacerdotal, et avant tout l'autorité de votre exemple, pour éloigner de ces damnables pratiques tous ceux.de vos paroissiens qui seraient assez imprudents pour s'y livrer. A ceux-là vous pourrez communiquer notre lettre, dont nous enverrons plusieurs exemplaires dans les paroisses où il peut être utile de la faire circuler. Faites-leur bien comprendre que le chrétien doit abandonner les chemins obscurs et détournés aux impies et à tous ceux qui ferment les yeux à la véritable lumière. Privés qu’ils sont de la vérité, est-il étonnant qu’ils s’agitent en tous sens dans leurs ténèbres, cherchant par des routes nouvelles, sans pouvoir le trouver, l’aliment de leur intelligence, qu’ils dédaignent de recevoir des mains de l’Eglise ? Mais pour nous, qui vivons au milieu des splendeurs du dogme catholique, quel rayon de .lumière manque à notre esprit, quelle consolation à notre cœur, quelle règle à nos actions, pour que nous allions courir follement , à travers des voies périlleuses, à la recherche d’un bien que nous possédons déjà par foi, en attendant que nous l'embrassions sans voile et face à face dans l'éternité ?
n Donné à Viviers, sous notre seing, le sceau de nos armes et le contre-seing de notre secrétaire, le premier dimanche de l’Avent, 27 novembre 1853.
« + J. HIPPOI.YTE, évôque de Viviers. »
Ce mandement a reçu une immense publicité ; tous les journaux de l’Église l’ont reproduit en annonçant que l’archevêque de Paris l’avait adopté. Voici en quels termes VA mi de la Religion donne cette nouvelle :
« M. l’archevêque de Paris a déclaré à son clergé, réuni à Saint-Roch pour l'examen du cas de conscience, qu’il adoptait pour son diocèse les prescriptions de la lettre de M. l’é-
vèque de Viviers sur le danger des expéiiences des tables parlantes. »
En méditant ce mandement, 011 trouve que le langage de l'évéque se réduit à ceci :
Soyez maudits, vous tous qui cherchez à éclairer les hommes ; la lumière ne fut point faite pour leurs \ eux, la nature doit être morte pour leur entendement. La faveur du ciel est pour l’ignorance; le véritable juste est celui qui s’ignore lui-même !!!
Ah ! je rends grâces à Dieu de ce qu’il m'a donné assez d'intelligence pour diriger seul ma conduite et discerner le bien du mal, assez de force morale pour oser sonder quelques mystères de la nature, assez de courage pour dire ma pensée sur les choses occultes, et assez de fermeté d’âme pour 11e rien craindre des hommes qui savent moins que moi.
Salut à ce siècle précurseur des plus belles idées et des plus grandes découvertes ! Salut à l'être, ignoré aujourd’hui, qui le premier fit tourner une table ! Gloire à vous tous, génies inspirés de tous les temps ! Vous avez éclairé la route où les hommes marchaient à tâtons et comme des aveugles. D’autres génies vont nous conduire au séjour des esprits, et, plus heureux que nos devanciers, nous verrons tomber les barrières que des gens ténébreux avaient placées entre le Ciel et nous.
lléveillez-vous, savants endormis, si vous avez quelque vertu dans l’âme ! Réveillez-vous, car la menace est suspendue sur vos têtes; c’est à vous que l’on déclare la guerre; c'est à la science que le défi s’adresse.... Mais non ! vous resterez engourdis, comme de vieilles et faibles femmes; vous ne releverez point la tête pour regarder en face ceux qui insultent aux novateurs, et le progrès de l’humanité ne viendra point de vous.
Baron DU POTET.
VARIÉTÉS.
Tribunaux. —Voici l’issue du procès de somnambule dont il est parlé dans notre dernier numéro.
TRIBUNAL CORRECTIONNEL 1)E PARIS. (8« Chambre).
Présidence do M. Geoffroy-Château. (Audience du 2 février).
DIVINATION ET PBONOST1CATION A L'AIDE DU SOMNAMBULISME MAGNÉTIQUE.
ANNONCE DANS LES lOUHXAl'X DE LA PIIOFESSIOK DE SOMNAMBULE.
Un jugemenl du tribunal de simple police du 5 janvier dernier a condamné M”'Roger, la somnambule si connue du faubourg Monlmartre, à lo fr. d’amende el cinq jours de prison, pour exercice de la profession de devineresse & l'aide du somnambulisme el en faisant insérer une réclame à cel effel dans le journal VAvant-Scène, numéro du 2G novembre dernier, faits qui constituent la contravention à l'art. (79, § 7 du Code pénal.
M™' Roger a fait appel de ce jugement devaut le tribunal correctionnel, et s’est présentée aujouru’nui à l’audience pour le soutenir, assistée de son défenseur, M' Jules Favre.
M. le Pbésident. Vous êtes appelante d’un jugement du tribunal de simple police qui vous a condamnée à 15 fr. d’amende et cinq jours de prison pour avoir deviné et pronostiqué par l’un des moyens défendus par la loi. I.cs faits de devination et de pronosticalion ont été publiés dans le journal Y Avant-Scène et vous ont été attribués par ce journal, qui, à la fin de son article, donne votre nom el votre adresse. Iteconnaissez-vous ces faits en ce qui concerue le rôle que cet artic.e de journal vous y fait prendre ?
M"' Roger. Je ne puis reconnaître qu’une chose, M. le président, c’est que j’ai un don de nature, une maladie, si on veut ; i|ue lorsque j’éprouve un accès de cette maladie, on m’interroge j mais que je ne me rappelle jamais rien de ce que j’ai dit pendant mon accès.
M' Jules Favbb. Que le tribunal me permette de donner lecture de l’article du journal Avant-Scène, les faits qui V sont consignés pourront venir en aide à la mémoire de M“' Roger el faciliter ses réponses aui ques-lions de M. le président. Voici cel article (1).
« Nous sommes il même de garantir la véracité du récit que fait le Pays, el qui a déjà été reproduit par plusieurs journaux.
(1) Tout le commencement, extrait du Pays, se trouve dans le Journal
iln Mugn'i’f'X*. t XII. 517.
■ l. osl.1 M l'.i ;;i'r ■•«mMialwU', ni ■’u l'.ml ; -Munlinurlrc. à I aris, qui* sont (lus ces prodiges !■ li:ri-!i!c.
.. De plu», nous |ioii\ons ajouter aux détails donnés plus haut, que ”' * ;l *'u‘ appelr»* a témoigner levant la Cour d'assises île Seine-el-Mamr, a la requête du ministère public, I,- l!> .lu mois dernier, o L'affaire a oie renvoyée à la première session. »
M. le l’iti.siDENT. A quelle époque est-on venu vous consulter pour la première affaire, celle qui est relative au touclieur Je liicufs ?
M - Roger. Je n’ai pas conscience do ce que je dis eu dormant.
M i.e Président. Mais avant de dormir vous voyez les personnes; je vous demande à quelle époque on est venu vous consulter pour celle affaire? Ai Roger. C'élait dans l’été, je crois.
M. i.e Président. F.t pour le second événement, celui qui est relatif à ia jeune liIle retrouvée dans un puils?
M "• Rogeii. Quelque temps après, dans l’été aussi.
M. le Président. Un journal ayant annoncé ces deux faits, en témoignage de voire habileté comme somnambule, termine son article en donnant votre nom et votre adresse, faubourg Montmartre. Il est évident que cette dernière mention, toute dans votre intérêt, indique que cet article a élé inspiré par vous.
M"'" Roger Je vous demande pardou, Monsieur le président, je n'ai rien commandé îr aucun journal.
M. le Président. Il n’csl pas dans l’Iiabitude des journaux de meltre les noms et les adresses de ceux dont ils parlent dans les articles autres que ceux qu’on appelle des réclames, autrement dire des éloges payés par le* parties intéressées.
M“* Roger. Je ne sais pas si on a mis mon nom el mon adresse dans ce journal; j’ai lu d’autres journaux qui ont parle de ces deux faits, et je n’y ai vu ni mon nom ni mon adresse.
M. le Président. Exercez-vous encore le métier de somnambule ?
M"' Rogeii. Oui, monsieur.
M. le Président, Vous êtes d'autant moins excusable de le continuer, que déjà vous avez élé condamnée l’année dernière pour l’avoir exercé.
M”' Roger. J’ai été condamnée comme les autres somnambules : mai-tous ont continué, j’ai cru que cela ne nous élait pas défendu.
M. le Président. Ainsi, cbez vous, c’est une profession manifeste ?
M"' Roger. J’ai annoncé que j’étais somnambule, que je parlais pendant mou sommeil; mais que je ne promettais rien. Maintenant je ne m’au-nonce plus, tout le inonde mo connaît...
M. le Président. Et vous continuez, au mépris de la loi et des condamnations qui vous défendent de pronostiquer ?
M”' Iîogf.r. J'ai été condamnée pour avoir fuit des annonces dans les journaux, mais non parce que je suis somnambule.
M Jules Favhk. Cela est évident, et c'est ce que nous soutiendrons.
M. Rolland de Villargues, substitut. L’annonce n'est pas le délit; le délit, c’est le fait de la pronosticalion, et l'annonce est l'un des moyens employés pour arriver à la perpétration du délit. Vous ne devez pas faire d'annonces, parce que vous ne devez pas faire métier de deviner, de pro-
noâliifuer, à l'ai .l- Jes procédés que \ou- emplove;, el qui soûl réprimés par la loi.
M Roger. Ce n’est pas un déshonneur d'être somnambule : il vaut mieux cela que île voler. C'est un don de la nature ; si vous l’aviez reçu fournie moi, vous en useriez.
M. ie Président. Faites constater que \ous avez le droit d’user de ce que vous appelez un don de la nature, el vous en userez ; jusque-là, respectez la loi.
M"" Roger. Il vaut donc mieux \o!er que de 'ivre de ce que la nature vous a ilonnc ?
M. le Président. Vous lirez une étrange conséquence de ce que nous vous disons. Selon vous, il n’y aurait donc que le somnambulisme ou le vol? Ainsi pourraient dire tous les délinquants, celui qui exerce le commerce de la librairie sans brevet, l'ignorant qui exerce la médecine sans diplôme ; lous ces gens pourraient dire comme vous : Si on ne me laisse pas vendre des livres, si 011 ne me laisse pas faire de la médecine, il faut .lone voler ?
J.a parole esl à voire défenseur pour soutenir votre appel.
M' Jules Favrk. Messieurs, je 11e suis pas venu devant le tribunal pour discuter une question déjà présentée à sa barre; je n’en reconnais pas moins la liante graxité , car, en ce qui concerne M"" Roger, 111acliente, la question n’a pas été décidée par la Cour de cassation ; mais je respecte la décision du tribunal, el je ne chercherai pas à changer son opinion.
I.’an dernier, donc, les somnambules ont été condamnés à cette chambre pouravoir fait dansles journaux des publications annonçant qu'ils faisaient métier du somnambulisme magnétique. Qu’on -ils compris dans ce jugement ? Ils ont compris que c’était la manifestation du métier qui 1 ur était interdite, non le métier lui même, el j’avoue qu'ils ont pu être encouragés à cette opinion par la tolérance du ministère public, qui sait, comme tout le monde, que Paris esl sillonné de somnambules, qu'on va chez eux, qu’ils vont où ils sont appelés, et qui n’a vu pour aucun d’eux une occasion de poursuites.
M. lb Substitut. I.e ministère public ne tolère jamais rien et n’a rien toléré.
M' Jules Favrb. J’entends la réponse de M. le substitut, el cependant il m’est bien difficile d’admettre qu’il ignore que Paris renferme deux ou trois cents somnambules ; s’il l'ignore, je m’incline, el j’ajoute que ce n’est pas à nous à les lui dénoncer nominativement.
M— Roger vient île rendre ma lâche diffici'o par ses aveux; toulefois la trop grande bonne foi de ma cliente, sa trop grande naïveté, ue sauraient prévaloir contre la raison, et c’esl par ce côté que je me rassure.
SI” Jules Fa\re soutient que le fait punissab e, d’après le jugement du tribunal du 7 décembre 1852. c’esl la publication , c’est l’annonce faite ail public de lel ou tel individu faisant mèlier de pronostiquer. Dans la poursuite actuelle, il faudrait donc prouver que M”' Roger a pris part à la publication faite par le journal l'Avant-Scène; el celte preuve, on no la failpas.
I.e ministère public pouvait rechercher celle preuve, mander près de lui l’auteur de l’article, le gérant du journal, les iuterroger; il n’a pas jugé à propos de le faire; la preuve lui manque donc. Qu’y a-t-il dans le débat ? D'un côté l'affirmation du ministère pub'ic, de l’autre la négation de M"' Roger; ce sont là deux opinions contraires cnlre lesquelles la vérité n’apparalt pas.
A l’appui de ma thèse, ajoute l'avocat, qu’il me soit permis de relever une contradiction dans le ministère public. Vousavei lu les deux anecdotes
racontées par le journal \'Avant-Scène ; elles l'avaient élé précédemment par d’autres organes de la presse, par le Pays, entre autres ; le ministère public ne pouvait l’ignorer. Ce n’est pas tout; la justice est éveillée, une instruction se commence pour les faits relatifs à ta jeune flilc de Fontainebleau ; une première fois, M"" Roger est appelée comme témoin devant la justice, devant l’un des juges d’instruction de ce tribunal; là, elle déclare tpi’e le ne garde rien dans son souvenir de ses réponses somnambuliques. Nonobstant celle réponse, le 19 novembre IK.'i.», elle est citée, toujours comme témoin, devant la Cour d’assises de Seine-et-Marue, où elle fail la même déclaration. Voilà donc M"" Roger appelée deux fois devant la justice, et le ministère public ne la poursuit pas ; le journal le Pays, d’autres encore, racontent les faits aujourd’hui à sa charge, et le ministère public ne pense pas ii poursuivre, et il ne la poursuit qu’après la publication de l’article du journal l'Avant-Scène'. J’avoue, messieurs, que »i ma cliente a manquéà la loi, on peut le lui pardonner, car le ministère public lui-même a été bien longtemps i\ faire celte découverte.
Mais je veux bien partager un moment l’opinion du ministère public ; je veux admettre un moment que la poursuite est fondée, et, dans ce cas, je réponds : S’il en est ainsi, M"" Roger ne peul être atteinte pour la récidive, puisqu’il y a plus d’une année qu'elle a élé condamnée pour un fait analogue. I.e jugement de celle chambre qui l’u condamnée est du 7 décembre 18o2 ; elle ne s’est pas pourvue en cassation. I.e jugement du tribunal de simple police qui l’a condamnée à nouveau est du 5 janvier 185i : donc il s’est écoulé plus de douze mois entre les deux jugements ; dune il n’y a pas do récidive possible. Mais on veut aller de l’annonce de pronosticalion au fait, et l'on dit que le fail s’est consommé dans le délai de la récidive. Eh bien ! voyons les dates.
Un touebeur de bœufs se serait noyé dans une mare. A quelle époque? personne ne la constate; et si M1"' Roger no se rappelle rien , qui viendra lui dire : C’est à telle dale que vous avez été consultée sur cet événement ?
Quant au second fait, celui de la jeune fille de Fontainebleau, le journal dit « qu’un certain temps s’élait écoulé depuis la découverte du lou-•' cheur de bœufs. » Mais de combien est ce certain lemps ? qui le dit ? qui le précise ? Mme Roger dit qu'elle croit que c’est dans le courant de l’été dernier, mais en esl-elle sûre ? Pas le moins du monde. Il était facile au ministère public de demander les pièces du procès poursuivi devant le jury de Seine-et-Marne...
M. le SuusTiTUT. Nous les avons demandées, nuis l'instruction se poursuit, elles ne nous sont point parvenues.
M' Jules Fay'rb. Je crois que ces pièces seraient d’une grande ulililé dans ce débat, et puisque M. le substitut les a fail demander, je demande alors qu’on remette la cause....
M. le Substitut. Nous croyons que ces pièces ne sont plus nécessaires eu présence de l'aveu de M"" Roger; elle a déclaré qu'elle n’avait pas cessé d'exercer le somnambulisme ; cela ne suflil-il pas ? Le tribunal appréciera.
M' Jules Favrb. Je persiste à demander la remise; je tiens beaucoup à connaître la déclaration de la jardinière de Fontainebleau.
M. le Président. A quelle époque avez vous été consultée sur le fail relatif à la petite fille de Fontainebleau?
M”' Roger. Je ne me rappelle pas bien.
M. le Président. Vous avez dit dans le courant de l’été?
SI"" Rouit.. S!'"' Michaux a pu venir me voir à relie époque, nui- je ne puis l'affirmer.
SI. le Président. Slais il y a un fail plus majeur; vous avez déclaré vous-même que vous n’aviez pas cessé le métier de somnambule?
M”* Roger. Ou me le ferait faire pour rien que je le ferais ; je suis 1res -nerveuse, très-maladive, il n’y a que cela qui me soulage.
SI. le Président. Et vous croyez que c’est voire «Iroil?
M"' Roger. Je ne dis pas que c’est mon droit; c’est ma maladie.
M' Jules Favrb. Je persiste à demander la remise, parce que je ne conçois pas qu'un fail qui a traversé deux instructions devienne criminel, alors qu’il n'a pas été juge tel par les magistats instructeurs.
Le tribunal, après délibération en la chambre du conseil, dit qu’il u'y a lieu d’accorder la remise, et ordonne qu’il sera passé oulrc aux débals.
SI. le Substitut. Stessieurs, on reconnaît que le jugement du 7 décembre 1852 est bien rendu, puisqu’on s'est désisté du pourvoi en cassation. On reconnaît donc que le métier de somnambule est défendu ; mais
Îuelqnes-unsse sonl imaginés que, pourvu qu’ils s’abstinssent de l’annonce, s pouvaient faire le métier ; c’est une illusion que vous allez leur faire perdre. Pour nous l’annnoce, la publication ne sonl qu’un moyen d’arriver au délit, et le délit, comme le moyen, nous le poursuivons toujours. Quand les faits ne nous sont révélés par rien, il nous est impossible de poursuivre ; mais quand apparaissent des indices, des preuves, nous poursuivons.
On veut tirer un grand parti de ce qu'un somnambule a été entendu enjuslice. La justice cherche à s’éclairer par tous les moyens; il ne faut pas croire que la justice croie aux dons surnaturels des somnambules ; mais en dehors de ces dons, les somnambules peuvent avoir, comme hommes, comme êtres doués de la raison commune. connaissance de certains faits qui aident aux investigations de la justice. Voilà pourquoi la justice peut entendre un somnambule comme témoin, sans perdre le droil de le poursuivre comme faisant métier de pronosliquer par le somnambulisme.
SI. le substitut, après avoir établi que des débats, comme de l'aveu de l’appelante, il résulte qu’elle n’a cessé d’exercer le mélier de somnambule, en conclut qu'elle esl passible de la récidive. Ce n’est pas l’article du journal lui-même, ajoute M. le substitut, que nous poursuivons, c'est le fait de divination qu’il dénonce et qu’on avoue , c’est la continuité de l'exercice du métier de devin ; en conséquence. nous requérons la confirmation pure et simple du jugement dont est appel.
Après une courte réplique de SI' Jules Favre, le tribunal, conformément aux conclusions du ministère public, a reudu un jugement ainsi conçu :
« Le tribunal reçoit en la forme la femme Roger appelante d’un jugement du tribunal de simple police du 5 janvier 1854; et statuant sur ledit appel,
« Attendu , eu droit, que dans l’ordre de la législation el de la jurisprudence , l’emploi habituel du procédé du inaguétismc et du somnambulisme
fiour deviner et expliquer l’eiat de maladie ou des actes extérieurs constitue a contravention de divination et pronosticalion prévue et réprimée par l’art. 470, § 7, du Code pénal ;
« En fait, attendu qu’il résulte de tous les éléments do la cause, nolam-meul de l’article du journal l’Acant-Scine du 2(i novembre 1853, el aussi des déclarations à l’audience de la femme Roger, que depuis le jugement d'appel rendu contre elle par celte chambre, le 7 décembre 1852, elle n’a
pas cessé dans le courant de l'année 1853, et notamment dans l’été de cette année 1853. d’exercer la profes.-ion habituelle de somnambule cl de devineresse par le procédé du magnétisme et du somnambulisme ;
« Qu’elle a ainsi commis la contravention prévue par l’art. 371), § 7, du Code pénal, et cela en état de récidive, aux termes île l’art. 483 ;
« Sans s’arrêter au surplus des molifs du jugement dont est appel,
« Dit qu’il a élé bien jugé, mal appelé ; maintient les dispositions dudit jugement, et condamne la femme lloger aux dépens tant d'appel que de première instance. » (Gazelle (les Tribunaux.)
Nous ne pouvons que désapprouver les réclames dont M"' Roger a fait usage. Quand un sujet est bien lucide, il n’a pas besoin d’annonces ; ses œuvres lui amènent bientôt plus de clients qu’il n’en peut consulter. Il y a, par exemple, à Paris, telles somnambules chez qui l’ou s’inscrit huit, douze, quinze jours à l’avance; et pourtant leur nom n’a jamais paru dans les journaux : c’est la reconnaissance qui proclame leur mérite. Si toutes suivaient cette marche, à la fois prudente et honnête, les feuilles judiciaires ne retentiraient point de leurs condamnations, qui sont, quoi qu’on en dise, toujours préjudiciables à l’extension du magnétisme.
Mais si nous blâmons la publicité laudative faite par cette dame, nous ne saurions Irop louer son attitude devant le tribunal : elle rappelle les martyrs. Quelle que soit la cause des poursuites dirigées contre eux, c’est en confessant hautement leurs facultés devant la justice, que les vrais somnambules finiront par faire réformer la loi en leur faveur. La franchise des aveux est d’ailleurs toujours un gage de sincérité, et elle dispose souvent les juges à l’indulgence.
HÉBERT (do Garnay). 7;
PETITE CORRESPONDANCE.
Aïll général. — Nous rappelons à nos abonnés que la première séance du samedi aura lieu le 4 mars. Les billets portant la date du dimanche, qui n'auront pas été échangés, seront reçus tous les samedis.
Le Gérant : HÉIIE11T (de Garnay).
INSTITUTIONS.
IM-ojrt «le Dispensaire mugiu-tique.
1- élude spéciale que j’ai été faire à Londres des conditions dans lesquelles fonctionne l’infirmerie du D' Elliotson ; un «■ssai d’établissement semblable, auquel j’ai coopéré à Saint-Pétersbourg, et les renseignements de M. .(os. Bartliet, sur le petit hôpital qu’il tente d’organiser la Nouvelle-Orléans, m’ont convaincu de la possibilité de fonder quelque chose d’analogue à Paris. Je vais publier mes vues sur ce sujet; et, si elles plaisent la philanthropie des magnétistes, je les mettrai bientôt en pratique.
HÉBERT (do Garnay).
Depuis le commencement de ma carrière, je n'ai jamais cessé de songer à la réalisation d’une entreprise de ce genre ; et, cent fois, j’ai entendu demander pourquoi le magnétisme n’avait point son lieu consacré, un traitement public, enfin. Mais des démonstrations, sans cesse nécessaires pour créer un peuple de croyants, mes cours, mes livres et mes traitements absorbaient trop ma vie pour que je prisse des travaux et des embarras nouveaux. J’appelais de tous mes vœux des hommes au cœur généreux pour élever ce monument à la gloire du magnétisme ; plusieurs avaient les connaissances: requises et eussent volontiers prêté leur concours ; mais, comme si je devais toujours être en avant et surmonter les premiers obstacles, aucun ne fut assez hardi pour jeter les: fondements de l’édifice.
Cependant l’Angleterre nous a devancés ; le temps ne sera jamais plus propice : il faut commencer. Mais les années sans m’ôter le courage, m’ont pourtant obligé de renoncer à mon idée favorite. J’ai cherché dans mes élèves celui qui
Toiie XIII. _ NO 183. _ 10 Mins |g., 5
me paraissait le plus capable de mener à bien mon projet; M. Hébert a tous les titres voulus. Jeune, médecin, et parfaitement instruit du magnétisme, c'est lui d'exécuter ce que son premier maître a conçu; il doit donc prendre courageusement l'initiative.
Dire que je le seconderai, c’est inutile ici ; de plus, je solliciterai le conco i rs de tous. Il ne faut pas de grands sacrifices ; c’est pourquoi j'espère de l’appel que nous ferons incessamment. Beaucoup de gens nous ont depuis longtemps offert leurs services ; le temps est prochain où nous leur dirons : Joignez-vous activement à nous; que votre dévouement se montre, et tout marchera au gré do vos désirs. Le magnétisme aura son lieu d’asile, la souffrance son lit de repos; et, si nous ne pouvons soulager ou guérir tons les malheureux, nous montrerons du moins la route à suivre pour arriver au but où tendirent les Mesmer, Puységur et Deleuze.
Baron DU POTET.
Soflétù «3ii iiicssiiëi'iKinc aie l'arh.
DES SI G N'ES PRÉSOMPTIFS DE LA SENSIBILITÉ MAGNÉTIQUE.
Tlicso ponr l'obtention du grade de membre liinlaire.
Messieurs,
Depuis que je m’occupe de magnétisme, j’ai souvent cherché infructueusement dans les ouvrages qui traitent de cette science humanitaire, des signes à l’aide desquels on pût reconnaître à priori si une personne est susceptible d'éprouver les effets du magnétisme. 11 suffit d’avoir magnétisé quelquefois sans succès, en présence de quelques incrédules, toujours disposés à la critique, pour sentir combien il serait avantageux d’avoir un moyen pour connaître d’avance les individus réfractaires ; on éviterait ainsi de perdre son temps et scs forces, et de déprécier quelquefois par des insuccès une des plus utiles facultés de l’homme.
Cependant, cette lacune nous semble avoir été en partie
comblée par l’abbé Fat ki, dans un ouvrage imprimé en 1819, el qui a pour titre : De lu cause du sommeil lucide.
Pour ce célèbre magnétiseur, la cause du sommeil lucide est dans la liquidité du sang; les somnambules, qu’il désigne sous le nom d'fpoptes, sont d’autant plus lucides que leur sang a moins de densité. Cette idée, sur laquelle il revient sans cesse, m'a paru digne de fixer l’attention des magnétiseurs ; et je l’ai étudiée.
1° Bruit de souffle.
Ayant été à même, dans l’exercice de ma profession, de constater un grand nombre de fois que la pauvreté du sang, c’est-à-dire la prédominance de l’eau dans ce liquide, était accompagnée de bruit de souffle dans les vaisseaux du col, je me suis dit : puisque le bruit de souffle est souvent l’indice de la pauvreté du sang, si la proposition de l’abbé Fa-ria est vraie, ce bruit seul chez les personnes dont le [cœur et les artères sont en bon état, pourra être, dans la majorité des cas, un signe présomptif de la sensibilité magnétique, et sera reconnu par toute personne, même étrangère à la médecine, plus facilement que l’aquosité du sang dont il n’est d’ailleurs que l’expression.
Le bruit de souffle a été ainsi nommé à cause de son analogie avec celui que produit un soufflet en chassant l’air qu’il contient (le cœur représentant le soufflet, et les artères la douille.) 11 prend le nom de bruit de diable, ou bruit de souffle continu, lorsqu’il est analogue au bruit d’une toupie ou du jouet appelé diable, ou bien à celui d’un soufflet à double récipient. Entre ces deux types que je viens de mentionner, il existe des variétés infinies, depuis un simple bruissement jusqu’à un ronflement très-fort. 11 imite parfois le roucoulement d’une tourterelle, un sifflement. J’ai eu occasion d’entendre quelquefois de véritables airs ; des médecins en ont même noté dans leurs ouvrages.
L’articulation sterno-claviculaire peut très-Lien servir de guide dans la recherche du bruit de souffle que l’on perçoit
à l'ahlc dii stéthoscope (t) au-dessus, au-dessous et en dehors de r t le articulation, dans la fosse sus-claviculaire. Dans le premier cas, ce bruit est fourni par l’artère carotide; dans le deuxième, par le tronc brachio-céphalique, el dans le troisième par l'artère sous-clavière. Des médecins prétendent qu'on le rencontre aussi dans les veines jugulaires.
M. leprofcsseurBouillaud, qui a étudié cesbruitsavec beaucoup de soin, dit les avoir rencontrés constamment chez les chloroliques, hommes ou femmes, c’est-à-dire chez des individus dont le sang contient de l’eau en excès, tandis que les globules et le fer y sont en moindre quantité.
«Depuis près de quinze ans, dit-il (2), que j’ai pour la première fois constaté ce curieux phénomène chez les sujets chlo-rotiques ou chloro-anémiques, il ne s’est pas écoulé un seul jour où je n'aie eu occasion de le rencontrer chez plusieurs malades, et c’est par milliers que je compte désormais les observations que j'ai faites à ce sujet. »
M. Bouillaud est un des plus grands antagonistes du magnétisme; il ne se doutait pas, en écrivant ces lignes, qu’un médecin magnétiseur s’en emparerait un jour, et qu’elles serviraient à soutenir une thèse en faveur de ce qu’il nie.
La plupart des individus sensibles au magnétisme, chez lesquels j’ai rencontré le bruit de souffle, étaient plus ou moins chlorotiques, et je ne suis pas étonné, d’après cela, que l’abbé Faria ait remarqué que des personnes qui étaient insensibles au magnétisme, soient devenues époptes après une ou plusieurs saignées, car, comme le dit le Dr Lecanu dans sa dissertation inaugurale :
u Les causes qui tendent à diminuer la masse du sang, telles que les pertes utérines, les saignées, la diète des aliments solides, tendent en même temps à diminuer la proportion relative des globules du sang, et par contre à augmenter celle de l’eau. »
(1) Instrument cylindrique en bois dont on so sert pour ausculter les bruits qui se passent dans différentes parties du corps. Ure dos extrémités de cet instrument est appliquée sur le point où l'on veut percevoir les bruits, et l’autro contro l’oreille do l'observateur.
(2) Kosographe, 1816, t. IV, p. 6C>
Les individus dont parle l’abbé l'aria cuiraient, après avoir été saignés, dans la catégorie de ceux dont le sang esl pauvre, ce qui suppose nécessairement le bruit de souffle, d'après les milliers d’exemples observés par le professeur liouillaud, et l’aptitude à être somnambule, d’après la remarque de l’abbé Faria.
Et ce qui prouve, sous ce rapport, l’analogie qui existe entre les somnambules et les chlorotiques, c’est que le retour à la santé par un régime tonique, les amers et les ferrugineux, fait souvent disparaître le somnambulisme, comme il fait disparaître la chlorose, et justifie sous ce point de vue l’aphorisme d’Hippocrate : Na/urmn morborum ostendit cu-ralio.
Sans doute, l’opinion que je viens d’émettre ne peut avoir de valeur qu’en l’appuyant sur des faits scrupuleusement observés; je vais donc en faire connaître quelques-uns, que je prends au hasard parmi ceux que j’ai recueillis depuis quelques mois.
I. — Je fus appelé, le 9.8 septembre 1853, chez le nommé Cluseau, rue des Lions-Saint-l’aul, n° 11, pour donner des soins à sa fille, âgée de huit ans et demi, et douée d’un tempérament lymphatico-nerveux. Cette enfant était alitée depuis quatre jours, pour un violent mal de tête, qui s’était accru beaucoup la nuit précédente, au point de la faire délirer pendant cinq ou six heures.
Après avoir constatél’existence du bruit de souffle carotidien continu, à droite et à gauche, je dis aux parents de se tranquilliser, que, probablement, je ne sortirais pas de chez eux sans avoir enlevé le mal de tête à leur fille, ce qui parut les surprendre beaucoup. Je fondais mon espérance sur plus de trente observations que j’avais déjà recueillies chez des personnes présentant simultanément le bruit de souffle et la sensibilité magnétique, sachant par expérience que les sujets qui ont cette sensibilité sont plus susceptibles d’éprouver les bons effets de l’agent magnétique.
Je pris donc la tète de la petite malade entre mes mains, cl en moins de cinq minutes le sommeil eut lieu ; une sueur
générale se manifesta, mais plus abondante vers la tête, et au réveil, qui survint au bout de dix minutes, les parents entendirent, avec une satisfaction mêlée de surprise, leur enfant déclarer qu’elle 11’avait plus mal à la tête.
Un fait digne de remarque dans cette observation, c’est que le père de la malade était aussi sensible au magnétisme, avait souvent mal à la tête, et présentait, comme sa lille, un douille bruit de souffle continu. Il y avait ici transmission héréditaire du double bruit de souille et de la sensibilité magnétique, dernière circonstance qui vient à l’appui du principe établi par M. Hébert, que cette sensibilité se transmet par voie d’hérédité, principe qui souffre peu d’exceptions. Je crois utile de faire observer ici, pour plus tard en tirer des conséquences sous le point de vue de l’hérédité, que la mère de la malade ainsi que son garçon étaient insensibles au magnétisme, et ne présentaient pas le bruit de souffle.
II. — Goyer, âgé de onze ans, demeurant chez ses parents, rue d’Ormesson, n° 13; tempérament lymphatique; à peine convalescent d’une scarlatine suivie d’anasarque; pâleur remarquable ; double bruit de souffle continu depuis sa maladie, de simple qu’il était auparavant. Sa mère a un simple bruit de souffle. Tous les deux sont sensibles au magnétisme, mais l’enfant l’est davantage depuis qu’il est malade. Le père est insensible ; il n’a pas le bruit de souffle.
III. _ Mmc veuve Billard, rue Charlemagne, n° 9, âgée de soixante ans; tempérament lymphatique; bruit de souffle dans la carotide droite; très-sensible au magnétisme, dont elle éprouve les effets à quatre pas de distance.
IV ._Mmc Lavaure, rue Charlemagne, n° 9, âgée de vingt
ans; tempérament lymphatique; dit avoir le sang très-pauvre, est sujette aux pertes utérines; bruit de souffle à gauche, sensibilité magnétique très-grande : on l'actionne d’une pièce dans une autre.
V. — Mn" Seydel, l’épouse d’un de nos collègues, rue des Francs-Bourgeois, n» 1 ; tempérament lymphatico-nerveux. Cette dame est très-sensible au magnétisme, ainsi que ses trois enfants, qui ont con.me elle le bruit de souffle carotidien ;
mais, chose remarquable, le plus jeune, qui est un garçon de neuf mois et qui a un double bruit de souille, est d’une telle sensibilité à l'attraction, qu'il suffit d’actionner, à un décimètre de distance, le derrière de sa tète pendant qu’il telle, pour lui faire lâcher prise ; et, lorsqu’il reprend le sein et qu’on l’actionne de nouveau, il lui arrive souvent de se retourner, comme pour voir ce qui le gène dans l’exercice de sa fonction de prédilection.
Comme complément de cette observation, je crois nécessaire de mentionner que M. Seydcl n’a pas l'apparence de bruit de souille, et qu'il est insensible au magnétisme.
VI. — Étant le 20 janvier dernier chez M. Brichard, notre collègue, il me parla de la grande sensibilité magnétique de son jeune frère, qui était alors présent. Nous avons constaté, M. Brichard et moi, que ce jeune homme avait le bruit de souille à droite.
VII. — Je fus appelé, le 17 janvier de cette année, rue Màcon, 11° h, à Bercy, pour donner des soins à M. Bertrand, marchand de vin, que la goutte retenait au lit depuis plusieurs jours. Le magnétisme ne me fut d'aucun secours chez ce malade. Il y était réfractaire et n’avait pas l’apparence de bruit de souflle.
Mais son garçon de cave, qui était près de lui, se plaignit à moi d’éprouver depuis deux jours une vive douleur dans le côté droit, ce qui l’empêchait de travailler. Ce jeune homme, d'un tempérament lymphatique, avait l’apparence d’une bonne santé, et un bruit de souffle très-prononcé dans la carotide droite. Cette circonstance me fit lui donner l'espérance que je le débarrasserais peut-être de suite de sa douleur, s’il voulait se laisser magnétiser. Il y consentit.
J'appliquai, pendant trois minutes, une main sur le côté droit, l’autre sur le front, et le malade s’endormit. 11 était, pendant son sommeil, insensible aux piqûres, sensible à l’attraction, et fut mis en catalepsie. Au réveil, l'incrédule fut très-surpris de ne plus avoir sa douleur. C’est aujourd'hui un chaud partisan du magnétisme.
VIII. — Deux heures après avoir magnétisé ce jeune
homme, je fus mandé chez M. Béga, rue Saint-.lntoine, n» 43, pour voir sa femme chez laquelle j’avais déjà consisté un double bruit de souffle conlinu. Elle venait d’avoir une attaque d'hystérie, ce qui avait beaucoup effrayé M. Béga. Cette dame étant remise de son attaque à mon arrivée, nous causâmes de magnétisme avec son mari, et pendant la conversation M"” Béga tomba en somnambulisme. Elle n’avait été magnétisée qu’une seule fois par moi, quinze jours auparavant, et bien que les effets fussent très-remarquables, ils n’avaient pas été jusqu’au somnambulisme. Le mari crut que c’était une nouvelle maladie qui se déclarait, et sa surprise fut extrême lorsqu’il vit qu’en m’éloignant de sa femme elle fut tellement attirée de mon côté, qu’elle manqua de tomber de son lit. Cette dame, qui était d’un tempérament lymphatico-nerveux, me déclara avoir le sang très-pauvre, ce que confirmaient tous les signes extérieurs.
IX. — L’épouse de M. Ogier, notre collègue, a présenté à mon observation, à la dernière séance du Waux-Uall, un double bruit de souille musical continu, très-prononcé, et que M. Ogier a constaté tout aussi bien que moi. M"" Ogier est somnambule ; elle est clans son septième mois de grossesse , et plus elle approche du terme, plus sa lucidité augmente. Je regrette de lie pas avoir pensé plus tôt à vérifier si la grossesse hc prédispose pas à la sensibilité magnétique; si cela était, le principe émis plus haut trouverait ici son application, car il est prouvé que le sang du placenta est plus riche en globules et moins aqueux que 11e l’est le sang fourni par les veines du pli du bras, ce qui rend les femmes enceintes plus ou moins chlorotiques, puisque leur sang est plus pauvre. 11 ne serait alors pas étonnant qu’elles fussent plus aptes à éprouver les effets du magnétisme, et que celles qui sont sensibles hors le temps de la grossesse, le devinssent davantage quand celle-ci existe.
Les saignées, que l’on emploie trop souvent chez les femmes enceintes, en augmentant leur état eblorotique augmenteraient-elles aussi leur sensibilité magnétique ? D'après la théorie, 011 serait porté à le croire. Conséquemment, si
au lieu de saignées on faisait usage de préparations ferrugineuses et d'un régime fortifiant, la chlorose diminuant sous l'influence de ces moyens, la sensibilité magnétique, qui en est la conséquence, devrait aussi diminuer.
('.es réflexions n’étant qu'une simple hypothèse, puisqu’elles ne sont fondées que sur un seul fait, il est nécessaire que la pratique vienne les confirmer, et, s'il en était autrement, il y aurait encore à se demander et à vérifier si un état morbide passager, en modifiant l’état du sang, ne s’opposerait pas à la manifestation de la sensibilité magnétique, comme semble le faire croire l'exemple suivant :
X. —Me trouvant un dimanche chez M. Ségouin, ce magnétiseur demanda à Mn'° Bélisson, somnambule habituellement très-lucide, pourquoi elle ne l’était pas ce jour-là?
Depuis deux ans, lui dit-elle, que j’ai reçu un coup sur le côté droit, j'y éprouve parfois des douleurs ; dans ce moment mon sang devient plus épais, et je perds ma lucidité. »
J’auscultai alors les artères carotides de cette dame, et le bruit de souffle que j'avais constaté plusieurs fois chez elle avait entièrement disparu. Elle avait un point pleurétique; le sang étant alors fibrineux, était devenu moins liquide.
XI. — Je trouve dans le numéro du 10 janvier dernier du Journal du Magnétisme, un fait qui concorde parfaitement avec celui que je viens de rapporter. I.e Dr Ordinaire cite l’exemple d’une somnambule qui, voyant sa lucidité diminuer, avala un verre de fort vinaigre pour augmenter sa clairvoyance. Rien ne me paraît plus rationnel que ce moyen, la chimie ayant démontré que l'acide acétique étendu a la propriété de rendre le sang plus liquide (1).
XII. —Je ne puis, celte occasion, passer sous silence une cure que vient de faire le Dr Léger sur une jeune personne éminemment chlorotique, ayant le bruit de diable et une grande sensibilité magnétique. Une alimentation tonique et des préparations ferrugineuses, en rendant la santé
II) 11 est probable que l'éthcr sulfuriqno aurait une action plus certaine encore que l'acide acétique, puisqu'il dissout presque complètement les globules du sang.
à la malade, firent en môme temps disparaître le bruit de souffle et la sensibilité magnétique.
XIII. —Je dois à l’obligeance de M. Burnet, notre collègue , d’avoir pu constater avec lui le bruit de souffle sur une dizaine d’autres personnes sensibles au magnétisme, chez lesquelles il a bien voulu me conduire.
XIV. — Je ferai observer que j’ai constaté la non-existence de ce bruit chez un grand nombre de personnes, et qu’elles étaient toutes insensibles au magnétisme. Au contraire, sur plus de cent sujets qui me l’ont présenté, deux seulement, la mère et le fils, étaient insensibles au magnétisme. Ce bruit, chez eux, tenait à une maladie de cœur.
XV. — Il m’est arrivé souvent d’apprendre de sujets très-sensibles au magnétisme, qu’ils éprouvaient la sensation de bourdonnements dans une oreille. Ayantausculté les vaisseaux du col, je constatai que le bruit de souffle n’existait précisément que du côté où se faisait entendre ces bourdonnements. En sorte que chez ces personnes on aurait pu rigoureusement se passer d’ausculter.
Des faits ci-dessus mentionnés et de ceux bien plus nombreux que j’ai observés, je crois devoir conclure que la liquidité du sang, le bruit de souffle et la sensibilité magnétique, sont trois circonstances qui se rencontrent souvent ensemble. Cependant, il est une exception que je dois faire connaître, d’après la remarque judicieuse de M. Hébert (de Garnay), c’est que les vieillards, qui ont en général le sa’ g pauvre, sont pour la plupart insensibles au magnétisme.
Bien que j’aie rencontré dans ma pratique quelques personnes âgées sensibles à cet agent, on ne peut, en effet, disconvenir qu'elles soient en petit nombre, et qu’il serait même étonnant qu’il en fût autrement ; car à cette période de la vie où la langueur des fonctions est si remarquable, il est d’observation que les nerfs se rapetissent, se dessèchent et s’atrophient. Ils ont par conséquent perdu la souplesse qui ]es rendait aptes à recevoir facilement les impressions et à se laisser parcourir par le fluide magnétique. 11 n’en est pas de même dans la jeunesse, où la sensibilité est en géné-
ral assez grande ; les nerfs sont alors plu - gros et plus mous qu’à lout autre âge de la vie, el doivent conséquemment se laisser parcourir plus facilement par le fluide nerveux ; aussi transmettent-ils beaucoup mieux les impressions et donnent-il ' plus facilement accès an fluide magnétique.
C’est avec plaisir que j'ai entendu mes honorables confrères, les I)" du Planty et Léger, me dire, depuis que j’ai appelé l’attention sur ce signe, qu’ils l’avaient constaté plusieurs fois sur des personnes sensibles au magnétisme.
Je crois même devoir faire connaître les remarque' ingénieuses et pleines d’intérêt que fait à ce sujet M. Léger, dans une lettre qu’il m’a écrite, et que voici :
Cher collègue,
Vous me demandez comment je comprends la concordance de la sensibilité magnétique avec le bruit de souille carotidien.
Voici ce que je puis vous répondre :
L’action du magnétisme sur le grand sympathique est un des faits les plus manifestes de la pratique médicale ; les borborygmes en sont l’indice le plus fréquent, et il n’est peut-être pas un magnétiseur qui ne les ait observ és des milliers de fois. Le grand sympathique, qui préside à tous les mouvements intestinaux, ne se ramifie pas seulement dans les viscères des grandes cavités splanchniques, mais il s’étend encore sur tout le système artériel-. Bourgery, un des premiers élèves de M. du Potet, a démontré ce fait d’une manière irréfragable. Or, un second fait phv siSlogique des plus communs dans la magnétisation, c’est l'augmentation ou la diminution du pouls, phénomène lié à celui de l’augmentation ou de la diminution des amplitudes thoraciques. Si, d’une part, le magnétisme agit sur les intestins, en modifiant l’activité de leurs sécrétions (puisqu’on arrête ou donne la diarrhée); si, d’autre part, il agit sur les systèmes vasculaire et pulmonaire, l’action de ces seuls organes servant d’expression aux sensations du grand sympathique, il est logique de conclure que le magnétisme agit directement sur lui, en tout ou en partie. Mais le magnétisme agissant comme excitant ou déprimant, selon les conditions individuelles, 11’est-il pas naturel de conclure que, dans les mala-
(lies où le grand sympathique sera affecté. l'agent mesmérien devra Cire d’un puissant secours, dussions-nous en appeler à la loi similiu similil/iis ritninliir'.' \insi, d'après line hypothèse physiologique, il était permis d'espérer à priori une action quelconque dans la chlorose, dans la polyhémie, dans l’hydrhémie, affections inconnues aux magnétiseurs non médecins, et dont les modifications magnétiques sont consé-queminent d’une observation moins générale : les maladies hydréniiques ont pour symptôme général le bruit de souffle carotidien ; le pouis est plus élevé qu’à l'état normal, el la respiration plus active.
Les artères ne peuvent-elles pas considérer le sérum trop abondant comme un corps étranger qui leur servirait d’excitant surnuméraire? Les poumons recevant une plus grande quantité de sang à élaborer, ne doivent-ils pas précipiter leurs mouvements pour maintenir l'équilibre ? Dans cet étal de pléthore aqueuse, les organes 11e seront-ils pas parcourus, dans un temps donné, par une plus grande quantité de sang? Si, d’un côté, le grand sympathique, affecté d'une manière pathogénique directe, peut développer une puissance d’action extraordinaire sur les viscères qu’il régit, et une réaction de retour sur le système cérébro-rachidien, comme dans l’hystérie, par exemple, où par certains moments il a tellement pris le dessus que la machine semble détraquée; d’un autre côté, le cerveau recevant un surexcitant sanguin plus considérable , sera certainement modifié dans ses fonctions en plus ou en moins. Or, il est d’expérience médicale que les chlorotiques ont la sensibilité excessivement délicate, l’intelligence très-fine, et, selon moi, ce qui a mis les femmes pâles à la mode, c’est justement parce qu’on leur trouvait une délicatesse et une élévation de sentiment au-dessus de l’ordinaire.... et chez tous ces malades le bruit de souffle est immanquable. Si maintenant nous combinons à l’élément pathologique un agent capable d’agir sur les deux centres nerveux , il est aisé de saisir qu’en raison de l’énergie et des conditions d’application de cet agent, les forces physiques et morales s’élèveront ou s’abaisseront. Le magnétisme étant appliqué à une chlorotique dont les facultés sont pathologiquement plus élevées, grâce à l’intervention de l’agent étranger, elles prendront une consistance pour ainsi dire physique, et il est très-simple de comprendre (pie cette malade passera facilement à l’état somnambulique ; à plus forte raison doit-on compter qu’elle sera sensible au fluide dirigé par nos mains.
Ainsi, pour moi, /c //mil i/r sou//le serait une indica-liou prèscanptire de ht sensibilité iiiiignéliipic.
Hieii que surlVuionci: ''es lois |>iiysi>->l>''i«|!-*sai>léc**:lniite9, j’aurais cru à voire découverte, si l'expérience n’élail vomie me la confirmer. C’est ainsi qu'un fait par, '! biz: rre et extraordinaire, considéré à part; il devient tout à coup Irès-simplc et très-compréhensible, p] :é dans son cadre physiologique : toujours la nature sait nous rendre raison dé ses phénomènes, seulement il faut savoir l’interroger et la c omprendre.
Agréez, cher confrère, mes salutations confraternelles.
nr î.ÉCER.
Les considérations dans lesquelles notre collègue vient d’entrer, font voir de quelle utilité les connaissances anatomiques et physiologiques peuvent être pour élucider certaines questions relativ es au magnétisme.
2° Attraction du petit doigt.
Indépendamment du signe dont il vient d’être question, il en est un autre dont je me sers depuis quelque temps pour reconnaître la sensibilité magnétique, et qu’on rencontre sur un bien plus grand nombre de sujets que le précédent ; je veux parler de l’attraction exercée sur le, petit doigt de la personne dont on veut explorer la sensibilité magnétique.
Tant qu’on n’a pas employé ce moyen , comme je l’ai fait sur un grand nombre de personnes, 011 11e peut se douter combien sont nombreux les individus sensibles au magnétisme, et pour 11’en citer qu’un exemple, je rappellerai que dans la dernière séance du Waux-IIall, après avoir obtenu sur deux dames l’écartement du petit doigt, on 111e présenta une dizaine de mains sur lesquelles j’obtins successivement le même résultat, excepté sur une dont la température était tellement basse, qu’il semblait que je touchais du marbre. Cette main appartenait au beau-frère de notre collègue M. Tochon, chez lequel le magnétisme n’a jamais pu produire aucun eiïet.
Pour assurer le succès de cette petite expérience, j’ai pour habitude de mettre la main que je veux actionner dans une position horizontale, et en équilibre de température avec les
miennes, cl pour év iter que la personne sur laquelle j’opère n’attribue l'écartement de son petit doigt ;ï l'imagination, j’a1 .-./m île lui faire fermer les yeux; et le phénomène a presque toujours lieu.
Je dois faire connaître ici une petite cause d’erreur qui m'a été signalée par M. Cosson , notre collègue; c’est que chez quelques personnes, le pclit doigt tend naturellement à s’écarter du doigt annulaire d’un à deux centimètres; il est donc nécessaire, avant d’agir magnétiquement sur lui, d’attendre qu’il soit immobile. Ce phénomène physiologique, c’est-à-dire l’écartement indépendant de l’action magnétique, est dû à la différence de force dans les muscles latéraux du petit doigt. Av ec un peu d'attention, 011 évitera de commettre l'erreur en question : que l’on attende que le petit doigt soit complètement immobile, et lorsqu'on agira sur lui, on le verra se porter par petites secousses vers la main de l’opérateur. Cette expérience parait confirmer l'opinion de M. du Potet, qui, dans son intéressant Manuel, dit que le fluide magnétique sort par ondées.
Ce procédé est loin de faire connaître exactement le degré de sensibilité magnétique, mais il démontre victorieusement l’existence du magnétisme, même sur des incrédules, pour peu qu'ils soient sensibles et malgré leur opposition, comme cela a eu lieu à l’avant-dernière séance du Waux-Hall, sur un élève en médecine chez lequel on ne pouvait rien obtenir par les moyens ordinaires, et dont le petit doigt, malgré sa résistance, se porta vers la main du magnétiseur. Aussi ce doigt, suivant moi, peut-il être considéré comme un véritable magnétoscope, et mérite bien autrement ce nom que le petit instrument que l’on composait, il y a quelque temps, avec un bouchon, une aiguille et une bandelette de papier, et qui ne devait son mouvement qu'à un courant d’au.
« Tant que vous vous occuperez des phénomènes physiques, nous dit un jour M. Hébert, vous aurez beaucoup de chance de faire des prosélytes ; mais il n’en sera pas de même quand vous vous occuperez des phénomènes moraux. »
La mise en pratique du conseil de notre honorable prési-
dent, conseil qui concorde avec l’expérience CeGregory, m’a mis à même, à l’aide du moyen que je propose, de justifier plusieurs fois son pronostic.
3° Application de métaux.
Il est un troisième moyen, préconisé par le D' Burq, pour reconnaître si un individu est apte à éprouver les effets du magnétisme animal. Ce moyen consiste appliquer des plaques de cuivre sur la peau pour explorer la sensibilité magnétique du sujet.
Le Dr Burq, qui a fait une étude toute spéciale de l'application des métaux dans les maladies nerveuses, prétend que tous les individus somnambules sont sensibles à l’action du cuivre, et insensibles à celle de l’acier, dont les propriétés sont opposées; en sorte que l’action du cuivre sur la peau est pour lui une pierre de touche pour désigner à l’avance les différentes aptitudes à cet état maladif, que nous connaissons sous le nom de somnambulisme.
« Telle est, dit l’auteur, en parlant d’essais faits dans le Mcsmeric Infirmary de Londres (1), la sûreté de notre moyen d’exploration, pour reconnaître à l’avance le terrain sur lequel on peut rencontrer le somnambulisme, qu'armé simplement d'une aiguille de notre dynamomètre et de deux plaques de métal, l’une en laiton, l’autre en acier, nous pûmes désigner, entre tous les malades, sans exception, ceux qui dormaient ou éprouvaient quelques effets physiques de l’action magnétique, et ceux qui ne dormaient point ou n’eu éprouvaient rien absolument, en y ajoutant encore ceux qui n’avaient aucune chance de dormir. »
Ce médecin m’engagea un jour d'expérimenter son procédé avec un bracelet de son invention, formé de quatorze petites plaques circulaires, composées chacune de laiton d'un côté et d’acier de l’autre. Ces petites plaques sont tenues entre elles par un ruban de caoutchouc, glissant entre les deux éléments dont chacune d’elles est formée.
Lorsqu’on veut explorer la sensibilité magnétique d'une
(1) Traité de métallotliérapie, 1853, p. î*.
personne, on lui applique le bracelet du côté dit laiton, autour de l'avant-bras, et si elle est magnétisable, elle accuse le plus ordinairement, au bout de dix à quinze minutes plus oti moins, une augmentation de la sensibilité de la peau sur les points qui correspondent aux plaques. Je dis le plus ordinairement , car chez quelques individus sensibles au magnétisme, j’ai remarqué que l’application du laiton déterminait au contraire une diminution notable de la sensibilité de la peau dans le point de contact.
Du reste, n’ayant pas suffisamment étudié ce moyen d'exploration, je n’ose pas me prononcer sur sa valeur d’une manière absolue. M. Léger, qui a ôté témoin de beaucoup d’expériences faites par M. Burq lui-même, dans les hôpitaux, est bien loin d’être convaincu des assertions de ce docteur.
( Les trois quarts de ses expériences, dit le 1)' Léger, furent pour moi négatives, et celles du dernier quart, si elles eurent quelque chose de positif, je l’attribue à son influence magnétique personnelle, et non à l'action de ses plaques. »
h° Hérédité.
Reste un quatrième signe, sur lequel M. Hébert a appelé, l’attention, ('.e signe ne se tire pas, comme les trois précédents, de phénomènes perçus par les sens, mais des renseignements fournis au magnétiseur sur la sensibilité magnétique des parents, sensibilité qui se transmet souvent pat-voie d’hérédité. Ainsi, le seul fait que l'individu est issu d’un père ou d’une mère sensible au magnétisme, est une forte présomption qu’il y sera lui-même accessible.
J’ai cru remarquer que cette transmission héréditaire avait lieu le plus souvent des pères aux (illes et des mères aux garçons. 11 sera facile à nos collègues de s’assurer s’il en est ainsi dans la majorité des cas.
Du reste, pour apprécier à sa juste valeur l'influence héréditaire dans la question qui nous occupe, il me semble que l’hérédité du côté de la mère devra quelquefois être prise davantage en considération, et qu’en conséquence le magné-
liseur no devra admettre qu'avec réserve l'axiome de jurisprudence : /s csl filins i/unn mtpliir ilcmonslrimt.
Sans sortir de mon sujet, il est un fait sur lequel je crois nécessaire d’appeler l’attention des magnétiseurs : ne peut-il pas se faire que la sensibilité magnétique du sujet lui ail élé transmise par sa nourrice, son père et sa mère étant insensibles? Il semble qu’il puisse en être ainsi, d’après la remarque de Sylvius :
n Depuis longtemps, dit ce célèbre médecin, j’ai observé que les enfants sucent avec le. lait le tempérament aussi bien que les inclinations que l’on remarque en eux pendant le cours de la vie, et qu’ils tiennent, à ces deux égards, autant de leur nourrice que de leur mère. •>
5° Divers.
Indépendamment des signes dont je viens de parler, il en existe encore un assez grand nombre qui, sans être aussi constants que les précédents, méritent au moins d’être mentionnés.
En (ôte de ces signes accessoires je mettrai la perte d'appétit, un état de langueur, une espèce d’engourdissement dans les membres, des douleurs de tête qui disparaissent souvent lorsque le sujet est couché. Il y a propension au sommeil et au repos, la digestion est lente et laborieuse, il a fréquemment des borborvgmes, le teint est pâle et quelquefois jaunâtre. Chez certains sujets, la face est bouffie, et les paupières sont parfois affectées d’un gonflement œdémateux, surtout vers le soir. On remarque souvent de la gène dans la respiration, des palpitations, surtout dans la marche ascendante ou rapide, et sous l’influence de la moindre contrariété. Ces malades éprouvent des bouffées de chaleur au visage, des étourdissements, des bourdonnements d’oreilles: ils sont sujets aux défaillances, et plus ou moins disposés à la tristesse, à l’indolence, à la paresse musculaire, etc. Ces êtres maladifs ont aussi quelquefois une répugnance invincible pour la marche et autres exercices de locomotion. Je le répète, tous ces signes ne se rencontrent pas constamment
avec les précédents, mais un plus ou moins grand nombre les accompagne.
Conclusion.
Tels sont les points sur lesquels j’ai cru devoir appeler l’attention des magnétiseurs, pour reconnaître la prédisposition à la sensibilité magnétique. J’espère, après qu’ils auront été constatés, que la connaissance de ces signes pourra être de quelque utilité, puisqu’elle contribuera, en faisant connaître d’avance les personnes sensibles, à propager plus sûrement le magnétisme, en diminuant le nombre de nos antagonistes, adversaires trop souvent systématiques et que nous devons vraiment plaindre, car ils sont privés d’une bien douce satisfaction, celle de soulager presque toujours et de guérir souvent les maux de leurs semblables.
Depuis que je m’occupe de magnétisme, j’ai été souvent même de me convaincre, par les rapports que j’ai eus avec les membres de la Société du Mesmérisme, combien la pratique de cette branche importante de la médecine développe dans le cœur de l'homme les sentiments d’humanité. Comment peut-il en être autrement, lorsque nous puisons au sein de nous-même le principe de la vie pour le communiquer aux êtres souffrants chez qui les chances de guérison sont en raison directe du désir de les soulager ? Aussi, pratiquer le magnétisme n’est-il autre chose que pratiquer la fraternité dans toute son expression, et si jamais cette vertu bienfaisante devait disparaître de la terre, c’est dans le cœur des magnétiseurs que serait son dernier asile.
LOÜYET,
Docteur-Médecin.
Paris, ce 26 janvier 1854.
CONTROVERSES.
I3 TABLES. — ESPRITS. — ÉVOCATIONS.
Mgr Dnpanloup, évêque d’Orléans, a adressé la lettre suiv ante à son clergé :
Orléans, 15 décembre 1853.
«Monsieur le curé,
Vous n’ignorez pas combien sont devenues fréquentes, depuis quelque temps, les expériences dites des tables tournantes, et à quel point les imaginations en sont troublées.
Après en avoir mûrement délibéré avec mon conseil, je crois devoir défendre à tous les ecclésiastiques de mon diocèse de prendre part, sous quelque prétexte que ce soit, à une telle pratique.
Si c’est un jeu, vous comprenez qu’un jeu de cette nature ne saurait se concilier avec la gravité de votre caractère; et, s’il y a au fond de tout cela quelque chose qu’il faille autrement qualifier, les motifs de vous en abstenir sont plus considérables encore.
Les confesseurs détourneront expressément de ces téméraires et dangereuses curiosités les personnes que la légèreté pourrait y entraîner.
Veuillez agréer, monsieur le curé, la nouvelle assurance de mon affectueux dévouement.
f FÉLIX, évêque d'Orléans.
Mgr l’archevêque de Rouen, consulté sur le même sujet, a donné son avis dans les termes suivants :
« J’ai pris connaissance des diverses relations qui ont été publiées touchant les tables dites tournantes et frappantes; j’ai, de plus, interrogé plusieurs prêtres et autres personnes recommandables, qui avaient cru pouvoir faire des expériences à ce sujet ou y assister, et, de tout cet ensemble d’é-
«rrits f 1 de témoignages, il résulte pour moi la conviction [u‘il y a au moins mie grande imprudence à entrer dans cette voir . puisque. posé (|u'il n’y ail point mystification , 'est se mettre en relation avec un agent ou élément encore incertain, el qui peut être de la pire espèce.
« En conséquence, j’iniprouve hautement ces sortes de pratiques; j’en détourne, comme de choses dangereuses et sentant la divination, tous ceux et celles qui ont la crainte de Dieu et une conscience délicate, et j’exhorte instamment les pasteurs des âmes, les confesseurs, les prêtres, les chefs de famille, les maîtres et maîtresses, et généralement quiconque est constitué en autorité, h en détourner aussi les personnes sur lesquelles cette autorité s’exerce.
o f I.0U1S, archevêque de Rouen.
Mgr de Marguerye, évêque d’Autun, a aussi défendu au clergé de son diocèse l’expérience. Ce prélat exprime sa prohibition en ces termes :
n Vous avez déjà lu, sans doute, nos très-chers coopéra-teurs, ce que plusieurs écrivains catholiques et plusieurs évêques ont écrit sur les funestes expériences des tables dites tournantes ou parlantes, et vous avez dû comprendre le danger caché sous ce prétendu amusement. Ne serait-il qu’un jeu frivole, une supercherie de prestidigitateur inventée pour s’égayer aux dépens de quelques spectateurs peu clairvoyants et trop crédules, qu’un ecclésiastique devrait s’en abstenir comme d’un amusement peu conforme à la gravité que les saints canons prescrivent aux ministres du Seigneur; et de plus, l’abus que l’on en a fait si fréquemment pour jeter la perturbation dans les âmes faibles, dans les familles et dans la société, suffirait à le rendre détestable. Mais il est à craindre, et nous pouvons le dire sans exagération et sans nous prononcer positivement surla cause véritable du mouvement et des réponses de ces tables, il est h craindre (pie l’esprit de mensonge et de malice ne soit le principal agent dans ces choses surprenantes dont 011 s’est tant occupé l’année dernière ; et ce qui du moins nous paraît incontestable, c’est que consulter sérieusement les tables sur ce qui n'est point connu des personnes qui imposent leurs mains sur elles, c’est interro-roger indirectement les puissances de l’enfer. C’est vous dire, nos très-chers coopérâleurs, (pie vous ne devez participer en aucune manière, sous quelque prétexte que ce sait, pas
même par votre simple présence, à ces dangereuses expériences. Vous n’en parlerez point dans la chaire évangélique, mais à occasion favorable vous en détournerez les fidèles confiés à votre sollicitude; et ils écouleront, nous l’espérons, avec confiance, votre voix et la nôtre.
« Recevez, très-cher coopérateur, la nouv elle assurance d>' notre dévoùnient affectueux,
« f FRÉDÉRIC,
« Évêque d'Aulun, Cliftlons et Milcon.
Mgr Bourget, évêque de Montréal, a publié un mandement conçu dans le même esprit que ceux des prélats français, mais moins absolu dans les termes. 11 conclut ainsi :
« Nous vous déclarons, N. T. C. F., au nom de la religion, que c’est un péché grave de sa nature que de consulter les esprits par le moyen de Tables tournantes, ou par cette autre pratique superstitieuse qui vous est connue sous le nom de Spiritual lluppings (esprits frappeurs). Ce que nous avons dit plus haut suffit sans doute pour vous bien convaincre que tout cela est contraire à l'esprit de foi et de religion qui fait le caractère distinctif des vrais enfants de l'Eglise.
« Et comme aujourd’hui il y a une grande exaltation des esprits à l’occasion des Tables tournantes, nous vous recommandons, N. T. C. F., de vous abstenir tout à fait des jeux et opérations dont elles sont l'occasion, dans la crainte de tomber dans l’excès que la religion condamne. Plus tard, et lorsque l’expérience nous aura dit quelles sont les vraies causes des rotations et mouvements que reçoivent ces tables, par le contact et l’action de plusieurs agents physiques, nous pourrons sans danger faire un bon usage des biens qu’il plaira à Dieu de nous accorder, par une connaissance plus grande des lois de la nature.
« Mais vous comprenez, N. T. C. F., que ce n’est pas seulement contre l’abus superstitieux des Tables tournantes que nous écrivons aujourd’hui, mais encore contre toutes les espèces de superstitions que le démon 11e cesse d’inspirer pour se mettre à la place de Dieu. Car il ne faut pas oublier que si la vraie religion honore Notre-Seigneur Jésus-Christ, la vaine observance ou la superstition est un culte à l'honneur du démon. Quel horrible culte ! quel culte sacrilège!
« C’est pourtant ce culte abominable que se fait rendre
encore aujourd’hui l’esprit des ténèbres, à la honte des lumières de notre siècle. Car, ne vous y trompez pas, N. T. C. F., il y a superstition, et par conséquent culte diabolique, dans beaucoup de pratiques auxquelles 011 a recours pour se faire guérir subitement et sans remèdes humains, pour trouver des choses perdues par l’art de la divination, pour prédire l’avenir, etc., etc. C'est une superstition de croire aux rêv es et de se régler sur ses songes. C’en est une de consulter des personnes qui prétendent avoir tous les secrets du passé, du présent et de l’avenir, pour se donner un nom et gagner leur vie en faisant des dupes. »
Ces diverses défenses ont été reproduites et appréciées par la plupart des journaux de Paris, et chacun, suivant sa nuance, en a fait l’éloge ou la critique. Voici ce qu’en dit le Siècle du 15 janvier :
« Les tables tournantes, les esprits frappeurs, excitent toujours beaucoup de controverses. Ceux qui 11e croient pas accusent les autres de crédulité ; ceux qui croient reprochent aux incrédules de manquer de fluide.
« Les tables tournent-elles? les tables 11e tournent-elles pas ?
; La question vient d’être décidée par une autorité presque infaillible, par une autorité quasi-œcuménique. Plusieurs évêques ont décidé qu’elles tournent, qu’elles parlent et qu’elles prédisent l’avenir.
« E11 effet, Mgr Félix, évêque d’Orléans, qui a le premier défendu à ses ouailles de consulter les tables tournantes, a eu des imitateurs ; d’autres évêques se sont joints à lui et ont publié des mandements à ce sujet.
«Or, il est évident que si ces savants prélats ne considéraient les tables tournantes que comme un jeu puéril ou une mystification, ils 11e prendraient pas la peine de faire des mandements contre elles, pas plus qu’ils n’en font contre les toupies et contre les affaires de tout genre. Ils pensent donc que les tables tournent en réalité et prédisent l’avenir. Us pensent que les tables ont le diable àu corps, et que c’est le malin esprit qui se loge dans ces meubles autrefois honnêtes.
« Eh bien ! je me permettrai de faire observer îi Mgrs les évêques, auteurs de ces mandements, qu’il était impossible de rien imaginer de plus propre à confirmer et à augmenter la vogue des tables tournantes.
« La seule chose qui pût leur faire du tort était de démon-
Ircr nne supercherie* de prouver que ceux qui consultent les tables sont mystifiés; d’établir que les tables 11e tournent pas, ou qu’elles tournent sous une pression adroitement dissimulée. Mais affirmer qu’elles tournent, reconnaître qu’elles recèlent le diable, c’est accroître leur clientèle, c’est assurer leur vogue, c’est leur faire des convertis, des dévots, des cagols ; c’est les traiter en culte dont elles seront à la fois et l’idole et l’autel.
« Comment ces prélats ne comprennent-ils pas l’imprudence de leurs mandements, eux qui savent mieux que personne comi ien de gens professent dans leur cœur le culte du malin? C’est lui permettre d’ouvrir boutique; que dis-je? c’est l’y aider.
« En effet, parmi les prières louables, ne peut-il pas s’en glisser quelques-unes qui, adressées en apparence à Dieu, ne sont faites en réalité que pour l’esprit des ténèbres?
« Je parle de celles qui auraient pour objet :
« D’hériter bientôt d’un parent riche;
« De gagner un procès injuste; u De détourner de ses devoirs la femme du prochain ; u D'appeler un malheur sur la tête (le quelqu’un, même sur celles des hérétiques.
« A coup sûr, ces prières 11e montent pas au ciel ; le poids de leur grossièreté les entraîne vers l’abime, ou Satan les reçoit et les exauce volontiers.
« Quand les femmes vont à l’église pour montrer leurs robes neuves et critiquer les robes des autres femmes ; quand elles s’agenouillent en donnant à leur taille et à leurs formes la grâce et les attitudes les plus capables de fixer l’attention des fidèles de l’autre sexe; quand, tout en priant Dieu, elles 11e négligent rien pour le faire oublier, croyez-vous que ces prières, même dites en latin, parviennent jusqu’au trône de l’Etre Suprême?
« Non, non. Toutes les prières sont triées et vannées par les anges qui planent au-dessus des églises; ils prennent les prières impures, les prières seulement marmottées des lèvres, les prières contre le prochain, les prières hypocrites, et les rejettent comme de viles épluchures que le diable ramasse.
u Quand un homme donne à sa femme des conseils contre un homme en particulier, c’est se créer un rival. 11 n’est pas plus prudent de dire : u N’allez pas là ; là est Satan , là est « le danger ; » à moins qu’on n’ait l’intention de combler une bonne fois l’enfer.
1 Au. KAUR. »
M. d'Ourches, dans une lettre insérée dans l'avant-dernier numéro de cc Journal, raconte qu’il a saupoudré un guéridon de poudre dotale, qu’on s’v est pris ensuite comme d'habitude pour le faire tourner, qu’on a vainement attendu plus d’une heure, et que le meuble est resté immobile : il ajoute que si la rotation eût eu lieu, le miracle aurait été éclatant, il regarde son expérience comme concluante, et il croit avoir réduit au néant le fameux phénomène des tables tournantes.
Je ne m’attendais pas, je l'avoue, à voir marcher à la suite de MM. Moigno et Babinetun homme qui, avant comme après l’époque déjà si ancienne de son article, s’est livré aux expériences des tables, les a fait non-seulement tourner mais parler, et a obtenu en ce genre les succès les plus satisfaisants. Quoi qu’il en soit, la science doit recueillir tous les faits, de quelque part qu’ils viennent : c'est le moyen de parvenir à jeter quelque lumière sur un sujet si intéressant et encore si obscur. Je crois donc devoir apporter aussi mon tribut d'observations.
A Puteaux, nous avons saupoudré de poudre de talc une table massive, du poids de vingt-cinq kilogrammes. Au nombre des expérimentateurs, était M"' Pigné, qui jouit d’une aptitude extraordinaire pour produire les rotations de meubles. Le mouvement n’a eu lieu qu’au bout d’un quart d’heure, tandis que la table, dans les conditions ordinaires, tournait après quelques secondes. Ainsi l’emploi de la poudre n’a pas empêché le phénomène, mais en a seulement retardé la production. La même expérience a eu lieu à la Société du Mesmérisme et a amené les mêmes résultats.
La poudre ayant été retirée ensuite avec soin, la même demoiselle Pigné a passé ses mains seules sur la table qui. d’après notre désir, s’est levée de son côté, (le résultat ne peut avoir été produit par l’impulsion musculaire qui, si elle eût eu lieu, aurait au contraire abaissé la table du côté de l’opératrice. La main faisait donc l’effet d’un aimant.
[.} 2'i de ce mois, dans une réunion de plus de vingl personnes, ofi je me trouvais, un jeune homme a posé seulement les extrémités des cinq doigts de sa main droite sur le centre d'une table qui, au bout de deux minutes, s’est mise à tourner et s’est ensuite dirigée dans tous les sens à la demande des spectateurs. Nous avons posé les doigts de môme pour chercher à répéter les mêmes résultats au moyen de l’impulsion; nous n’avons pu obtenir le moindre mouvement, et nous nous sommes bien assurés que l’impulsion musculaire n’avait pu être la cause de ce qui s’était passé.
Nous sommes en droit de tirer de ces faits des conséquences tout opposées à celles de M. d'Ourches; mais nous nous gardons bien de crier au miracle, (le qui a eu lieu , est parfaitement naturel sans doute, mais est dû à une loi nouvelle pour nous, et que plus tard 011 parviendra probablement à. connaître. Nous n’avons donc point à discuter avec MM. Babinet, Moigno ét C1', sur la question de savoir si le miracle est ridicule. Un fait est un fait ; qu'il soit ou non à notre goût, peu importe. Qu’il 11e s’accorde point avec les théories de tel académicien, c’est 1111 malheur dont il faut prendre son parti, mais qui 11’empêchera pas la nature de. suivre son cours invariable. Ce qui est ridicule, c'est de prétendre interdire à la nature de produire les faits qui nous contrarient, et de lui tracer la route dont elle ne doit pas s’écarter sous peine d’être traitée de ridicule. Quand l'eau s’est permis de refuser de monter dans le corps de pompe au delà de trente-deux pieds, en dépit du fameux aphorisme nutum abhorret à vaceuo, des savants épouvantés ont trouvé cela fort ridicule, et ont vu là un miracle de mauvais goût. Quand le magnétisme animal a fait son apparition, rien ne semblait plus miraculeux et surtout plus ridicule ; les Babinet du temps ne manquèrent pas de défendre au magnétisme d’exister. Voyez aujourd’hui combien la défense a été efficace !
A. S. MORIN.
ÉTUDES ET THÉORIES.
DU FLUIDE MAGNÉTIQUE ET DE LA VOLOTNÉ.
Les effets du magnétisme attendent encore une explication scientifique; l’impossibilité de les produire d’une manière constante, régulière, et leur variété infinie, ont donné naissance à trois écoles :
Les spiritualista, /es fluidistes e/ /es Merfii/nes.
Les premiers nient l’existence du fluide humain, et attribuent tous les phénomènes dit ningnélisme à la volonté seule.
Les seconds proclament l’inutilité de la volonté dans les phénomènes physiologiques, et prétendent que c’est uni-quementle fluide, mu par les centres nerveux, qui les produit.
Les troisièmes affirment que tous les phénomènes sont le résultat de l’action combinée de la volonté et du fluide.
Je ne rapporterai pas la polémique intéressante qui s’est engagée entre les premiers et les derniers; on la trouvera dans le Journal du Magnétisme.’
Quant aux fluidistes, ils touchent au matérialisme, s’ils n'y arrivent pas, et par conséquent, à parler franc, leur théorie ne peut soutenir un examen sérieux. Néanmoins elle mérite d’être discutée, parce qu’elle peut jeter les magnétiseurs novices dans la voie déplorable des endonneurs, les rendre les bourreaux des personnes sur lesquelles ils expérimentent, el les détourner du véritable but du magnétisme : la guérison des maladies.
Les preuves de la nécessité de la volonté dans tous les actes de l'homme surabondent. Enlevez la volonté à l’homme, qu’en faites-vous? Une matière brute sous forme humaine, obéissant aux lois générales du mouvement, ni plus ni moins que tout ce qui est dans la création.
Les fluidistes se fondent sur les phénomènes qui se produisent à l’improviste sans la volonté du magnétiseur. Ces phénomènes, qui étonnent ceux qui n’observent pas assez, sont tout simplement le résultat du travail mystérieux de la nature. Mais qui a provoqué ce travail, sans le préciser il est vrai, si ce n’est la volonté du magnétiseur? Ils s’appuient encore sur ceci, qu’il arrive parfois qu’une personne tombe en crise en entrant dans un appartement où l’on magnétise, sans que le magnétiseur pense à elle. Cela prouvc-t-il l'absence totale de la volonté? Nullement, c’est une preuve que les organisations très-impressionnables absorbent le fluide, partout où il est mis en circulation, parla volonté du magnétiseur. S’il en était autrement, les personnes douées de ces organisations tomberaient également en crise eu croisant dans la rue le premier magnétiseur venu, ou en se trouvant à côté de lui au milieu de la foule au moment où un spectacle quelconque absorbe toute son attention.
Le sommeil magnétique est un phénomène physiologique. Je demanderai aux fluidistes si, quand ils se donnent à leurs sujets pour faire leurs expériences, ils n’ont pas la Volonté de les endormir ; qu’ils agissent avec leur cerveau, leur épigastre, leur fluide, etc.; leur volonté, qu’ils prétendent annihiler, sera toujours derrière le rideau, et présidera à toutes leurs opérations.
J’ai dit qu'ils touchaient au matérialisme s’ils n’y arrivaient pas, et voici pourquoi : ils éliminent le principe spirituel — la volonté — pour y substituer des organes — le cerveau et l’épigastre. Leur erreur provient de ce qu’ils n’envisagent le magnétisme que sous le rapport de ses phénomènes physiologiques, oubliant que, pour raisonner sur les beautés et les défauts d’un tableau, il ne suffit point de soulever un coin du voile qui le couvre, qu’il faut, pour les comprendre et les bien juger, le mettre à nu et l’examiner dans tout son ensemble. Pourquoi se borner à ces phénomènes ; et, quand on les a obtenus assez souvent pour avoir une conviction arrêtée, pourquoi ne pas passer outre s’il y a au delà quelque chose d’utile qui mérite d’être étudié?
Sans (loule, les phénomènes physiologiques oui leur utilité. Km prouvant la puissance immense que le magnétisme a sur notre organisation, il prouve, par déduction, qu'il peut aussi chasser le mal qui le ronge; car il n'est pas plus étonnant d'enlever une douleur à un membre que de le mettre en catalepsie.
Mais, au lieu d’employer le magnétisme à répéter ces phénomènes a satiété , ne vaut-il pas mieux l’appliquer à des cures? 11 me semble que ce serait plus utile et moins monotone ; car, lorsqu'on a vu ces expériences plusieurs fois, elles n'offrent plus d’attrait, et d’ailleurs, trop répétées, elles deviennent funestes. Cependant, on trouve des gens qui courent le monde pour faire ce triste métier, et qui n’ont pas honte de prendre le corps d’un malheureux, trop confiant, pour une pelotte, et de le couvrir d'épingles pour prouver le phénomène de l’insensibilité. S'ils croient faire des conversions au magnétisme, ils se trompent grandement! Le public sort de leurs représentations plus incrédule qu’en y entrant.
Les fluidistes sont partis de cet aphorisme :
o Les centres nerveux sont les réservoirs du fluide magnétique. »
Ils se sont dit :
n Contractons notre épigastre et notre cerveau pour lancer le fluide, et il agira. »
Ils se sont mis à l'œuvre et ils ont réussi. Alors, de s’écrier :
«Que vient-on nous parler de volonté! En avons-nous eu besoin pour produire l’insensibilité, la catalepsie générale ou partielle? etc., etc. 11 a sufli de la contraction violente de nos centres nerveux, et notre fluide a opéré ces phénomènes. Arrière donc la volonté ! place aux organes ! »
Catalepsie, générale ou partielle! contraction violente! Des degrés, des nuances, et tout cela sans le concours de la volonté? J'avoue que je ne comprends pas qu'un épigastre, un cerveau, un fluide humain, puissent produire de tels phénomènes sans la moindre participation de l’esprit, de la plus petite pensée, du plus léger fœtus de volonté. Quand un
fluidiste annonce qu’il va mettre le bras droit en catalepsie, il po iriait bien se faiie que ses organes et le fluide lui donnassent un démenti en produisant un autre phénomène, puisqu'il- sont affranchis de la volonté. Pourtant, cela n’arrive jamais, el c’est toujours le phénomène annoncé qui se produit.
« Dans les actes usuels, la volonté se manifeste à peine : tout acle sérieux est précédé, commencé, soutenu par une volonté plus ou moins forte. L’attention qu’exige la pratique du magnétisme produit nécessairement la contraction de l’épi-gastre et du cerveau; mais elle s’opère sans violence et, pour ainsi dire, k l’insu du magnétiseur, absorbé par le but qu’il veut atteindre. Or, la magnétisation étant un acte très-sérieux, la volonté y préside, et le fluide, les centres nerveux ne peuvent être que ses auxiliaires.
A l’appui de cette opinion, je vais dire de quelle manière j'ai procédé quelquefois, avec de bons somnambules , pour obtenir des phénomènes physiologiques, quand il \ avait utilité; car il faut être sobre de ces sortes d'expériences :
Je me plaçais à quelques pas d'eux, calme et recueilli; pour éviter toute surprise, on me demandait, par écrit, de mettre, je suppose, successivement les quatre membres en catalepsie, dans l’ordre indiqué; je formulais mentalement ma volonté, et j’étais obéi.
Il serait puéril d’insister davantage sur cette question. Prétendre exclure l’action de la volonté, dans les phénomènes physiologiques, est un non sens.
Le phénomène de la table tournante vient ajouter aux preuves de l'existence d’un fluide humain, et renverser la négation des spiritualistes. On chercherait en vain à la faire tourner, par la volonté, sans la saturer de fluide par le contact des doigts, en faire un diminutif du baquet de Mesmer ; car j'ai vu une personne éprouver une forte commotion en plaçant un doigt au centre pendant que la table touinait, et être forcée de sortir de l’appartement; d’autres, faisant partie de la chaîne, éprouver des crises.
Ce phénomène, qui d’abord n’a excité que la curiosité,
entraîne des conséquences précieuses pour le magnétisme; la plus importante, c’est qu’il démontre que l’homme peut imposer sa volonté aux objets inorganiques, en les pénétrant de son fluide, et, par conséquent, il atteste la réalité de la vertu des objets magnétisés.
Les phénomènes physiologiques produits à distance el sans le secours des passes détruisent l’assertion des fluidistes.
La volonté et le fluide sont deux agents inséparables, et les éclectiques sont dans le vrai.
J. OLIVIER.
Cet article est extrait d’un journal de Toulouse, l’Aigle, du 2 juin 1853. C’est de son auteur qu’il s'agit clans les pages ci-après.
PETITE CORRESPONDANCE.
Aux Actionnaires. — La distribution des dividendes, fixée par l’assemblée générale du 15 janvier dernier, se fera tous les jours, le dimanche excepté, à ceux de MM. les titulaires qui voudront bien se présenter do 10 heures du matin à 5 heures du soir, au bureau du Journal du Magnétisme.
Sécrologic- — M. du Potet a reçu la lettre suivante :
Toulouse, 20 février 1851.
Monsieur,
Je vous écris l’àme toute attristée de la douloureuse nouvelle que je viens d’apprendre.
Le magnétisme a perdu un apôtre fervent et éclairé ; nous avons tous perdu un ami : M. Olivier est mort hier au soir.
11 s’est éteint après une maladie de quelques jours , si courte que nous n’avions encore pu prévoir le vide qui vient de se faire parmi nous et qui nous serre le cœur.
Vous avez suivi avec trop d’intérêt, depuis longues années, les travaux de ce vieil et infatigable soldat de la cause de Mesmer ; vous avez trop applaudi à scs productions magnéto-logiques pour qu’il soit utile de les rappeler à votre souvenir.
M. Olivier était ici un autre vous-même, et je doute que vous soyez jamais plus noblement et plus religieusement représenté.
Jouissant d’une instruction solide, doué d un jugement sur et spontané, M. Olivier joignait à l’esprit le plus cultivé une vivacité entraînante dans la discussion. On reconnaissait en lui l’homme d’étude et l’ancien homme d’armes. Jamais le ruban de la I.égion-d' Honneur ne reposa sur une poitrine plus digne de le porter.
Homme de bon conseil : c’était notre père.
Depuis trois ans environ, il avait cessé les petits voyages qu’il entreprenait pour soigner et guérir partout où l'appelait son inépuisable charité. 11 répandait autour de nous seulement les bienfaits de ses magnétisations éminemment curatives, et s’occupait ensuite à convertir les uns, à instruire les autres. .
Vous savez, Monsieur, par les récits, 1 importance qu il attachait en magnétisme à la droiture du cœur et à la pureté d’intention. Ses théories sur ce point étaient si belles et si bien senties, que moi-même, obscur dissident, je l’admirais sans le combattre.
VARIÉTÉS-
11 a été simple, bon, intéressant jusqu'à la lin ; car nous l’avons bien perdu tout entier, sans que l’âge ni les fatigues de la vie aient en rien altéré ses facultés précieuses.
Depuis longtemps, m’assurait-:l, une somnambule lui entretenait la santé par ses conseils. C’est là tout ce que je sais à ce sujet, sur lequel du reste il était fort discret.
Mais ce que personne n’ignore, ce sont les services qu’il a rendus à nos amis, à nous-mêine et à nos parents, jusque dans le sein de nos familles, où on l’accueillait comme un bienfaiteur.
Des amis dévoués l’ont entouré des soins les plus éclairés et lui ont pieusement fermé les yeux.
Sa dernière pensée a été pour la science magnétique, à laquelle il s'était consacré tout entier; sa dernière parole a été pour vous, Monsieur. Le mourant a voulu qu'on transmit à votre Société les exemplaires qui restent encore du livre plein de belles pensées, de riches études par lesquelles il restera longtemps dans le souvenir de toutes les intelligences laborieuses, de même qu’il revivra toujours au milieu de ses nombreux amis par la mémoire du cœur.
Voici les renseignements que j’ai pu me procurer sur les antécédents de ce digne ami :
Il se nammait Joseph-Claude Olivier et était né à Béziers (Hérault), le 12 octobre 1792.
11 entra, en 181 â, au service de S. A. 11. le duc d'Angou-leme, qui le plaça dans les mousquetaires gris.
11 lut nommé chevalier de la Légion-d'Ilonneur pour un trait de courage et de dévouement relatif à la personne du prince.
Nommé lieutenant de dragons en 1817, et plus tard capitaine, il donna sa démission par suite d’un dissentiment qui s’était élevé entre lui et son colonel.
En 1830, on lui offrit de rentrer dans l’armée; mais, fidèle à ses principes, qui étaient pour la cause vaincue, il refusa.
Depuis, il a vécu modestement, et ne s’est plus occupé que de la science magnétique.
Vgrée/., etc.
PP.TBUS DARAC.NON.
Rédacteur on chef du Courrier de Lot-it-Garonne.
Le Gérant : HÉUKUT (de Garnay).
CONTROVERSES.
1° TABLES. — ESPRITS.
h’ Indicateur, journal publié à Sens, a reçu d’un de ses abonnés, qui est aussi le nôtre, la lettre suivante, qui est insérée dans son numéro du 20 janvier :
Monsieur le rédacteur,
Je lis dans le Journal du Magnétisme, n° 176, un article de M. le vicomte de Meslon, qui constate des faits vraiment surnaturels, je dirai même des phénomènes qui paraissent absurdes à la raison sévère. Non-seulement les tables tournent et parlent, mais elles s’arrêtent par des signes de croix, ou lorsqu’une main quelconque pose sur elles un crucifix ou un chapelet. Les tables, lorsqu’elles sont interrogées, déclarent être animées par les esprits de personnes ayant déjà vécu sur la terre. Deux guéridons se disent animés par les esprits de deux personnes de la famille de M. de Meslon : voilà le mysticisme confondu avec la philosophie spiritualiste du magnétisme et les phénomènes métaphysiques du somnambulisme. Toutefois, avant de formuler mon opinion sur ces phénomènes mystiques, j’avais besoin de quelques lumières, et j'ai pour cela encore une fois eu recours à la clairvoyance de ma somnambule, qui, je dois le faire ob* server ici, ne possède pas la faculté de transmission de la pensée ; mes croyances ne peuvent alors avoir aucune influence sur ses perceptions.
Voici le résultat de notre conversation à cet égard :
n Les tables peuvent-elles, comme l’a déclaré M. de Meslon, s’arrêter sur-le-champ, au moyen d'un signe de croix fait avec le pouce par l'un de ceux qui sont à la chaîne, en invoquant mentalement Dieu ?
«— Lorsque la table est en mouvement, l’un des coo-ro.vE XIII. — X" 181. — 45 HABS 1854. t>
Aérateurs peut l'arrêter par sa seule volonté, n'importe de quelle manière soit manifestée cette volonté, le signe de croix n’a aucune puissance particulière, et l’invocation de l)icu est sans utilité. Une personne, même étrangère à la chaîne, pourrait, en émettant une puissante force de volonté, arrêter la table alors même qu'elle n’y toucherait pas: mais il faudrait qu'elle n’en fût pas trop éloignée.
« — M. de Meslon dit avoir vu, dans deux expériences solennelles, la table s’arrêter dans son mouvement rotatoire, cesser de frapper lorsqu’un crucifix était placé sur elle, et reprendre son mouvement lorsque le crucifix était enlevé et qu'un autre objet lui était substitué à l’insu des personnes de la chaîne; il ajoute que d’autres expériences, faites dans les mêmes conditions apparentes, n'ont produit aucun résultat et que la table a continué soit à frapper, soit à tourner, quoiqu’une petite croix ou chapelet fût placé sur elle?
« — La table, dans les cas indiqués par M. de Meslon, a pu s'arrêter; mais ce n'est ni le crucifix, ni le chapelet qui ont fait cesser le mouvement rotatoire : que l’on pose, sur la table qui tourne, un objet quel qu’il soit, si la personne est étrangère à la chaîne, cette chaîne se trouve coupée, le courant magnétique est interrompu, et dès lors le mouvement de la table se ralentit aussitôt que les coopérateurs détournent leur attention pour la porter sur l’objet placé sur la table, et celle-ci s’arrête bientôt. Si le mouvement continue , c’est que l'attention des personnes de la chaîne n’a pas été détournée. Que M. de Meslon pose ou fasse poser sur la table un jouet d'enfant d’une forme excentrique, elle s’arrêtera indubitablement, parce que cet objet détournera plus particulièrement l'attention des coopérateurs.
„ — M. de Meslon déclare encore que toutes les tables qu'il a interrogées ou que l'on a interrogées en sa présence ont, sans aucune exception, prétendu être animées par les esprits de personnes ayant déjà vécu sur la terre, et ont indiqué leur âge, leur sexe, l'époque de leur décès ; que deux guéridons se disaient animés par les esprits de deux personnes de sa famille, mortes il y a quelques années, et qu’ayant mis sur les guéridons des crucifix, des médailles bénites, leur langage ne s'était pas démenti?
„ — 0 superstition!... hallucination!.... Les hommes à croyances mystiques voient l’invisible... ils sont de bonne foi.... ils croient voir, cela leur suffit.....>
Tous ces prétendus phénomènes des tables, l’interven-
lion des esprits, des démons, les exorcismes, ces communications d’outre-toiube, portent à mon avis un coup terrible au magnétisme, bien compris dans sa théorie et bien exercé dans sa pratique, et ne peuvent avoir qu’une influence la— cheuse sur les intelligences qui cherchent s’éclairer. Les erreurs et les préjugés seront toujours opposés au complet développement de la doctrine de Mesmer; et c’est au moment où l'opinion publique avait fait justice du scepticisme, que les chimères du moyen âgo et les pratiques bizarres des temps anciens, que les philosophes du dix-huitième siècle ont annihilées, viennent jeter le magnétisme dans l’ornière des préjugés et de la superstition.
Les ennemis du magnétisme trouvent dans tous ces prétendus phénomènes des tables une arme puissante pour atteindre leur but. Les phénomènes magnétiques s’écrient-ils, sont des inspirations diaboliques et cabalistiques! Mais, leur répond-on, j’ai été traité par le magnétisme, ses effets salutaires m’ont sauvé d’une maladie grave. Ah ! prenez-y garde, ajoutent-ils, quelque bien que vous ayez pu éprouver", n’oubliez pas que le magnétisme est une œuvre satanique; le bien que peut vous faire le magnétiseur n’est dû qu'à une puissance diabolique : il est, sans le vouloir, l'agent de l’esprit des ténèbres. Le fluide, qu'on dit avoir tant de vertu, n’est autre chose que le démon sous l’apparence d'une vapeur de feu : rien du reste ne vous prouve-t-il mieux l’intervention de l'esprit infernal que les phénomènes magiques «les tables qui tournent, qui parlent et se disent animées des âmes de personnes ayant déjà existé ? Suivant eux, quoiqu’on ait déjà senti les bienfaits thérapeutiques du magnétisme, il faut y renoncer : il vaut mille fois mieux souffrir que d’être guéri par la possession du démon. Erreur funeste!... Hélas ! mon Dieu, si nous faisons le bien, devons-nous être arrêtés dans notre sollicitude par la crainte que notre puissance curative ne soit une inspiration du démon ? Si nous pouvons faire le bien, nous devons penser, au contraire, que c’est par des moyens que la Providence a mis à notre disposition pour adoucir les maux qui accablent l’espèce humaine. Est-il un homme qui puisse laisser succomber ses frères sous Je fléau des maladies, alors qu’il a entre ses mains des armes pour le combattre victorieusement?
Que les ennemis du magnétisme veuillent bien se dépouiller de leurs idées préconçues et de leurs préventions défavorables; qu’ils veuillent bien aussi étudier d'une manière consciencieuse et avec bonne foi les lois physiologiques
6.
et psychologiques du magnétisme, ils vr- ont qu’elles démontrent la spiritualité de l’âme et son immortalité; que la puissance magnétique est une étincelle divine donnée à l’homme pour soulager son semblable; ils verront encore que depuis plus d’un demi-siècle les hommes les plus distingués tant par leurs lumières que par leur position, ont valu au magnétisme une foule d’ouvrages estimables et du plus haut intérêt pour la philosophie.
CLÉMENT.
M. le baron de Chabert dcnî 1er, réflexions ont provoqué cette discussion, nous a remis une note qui réfute l'interprétation donnée par M. de Meslon au phénomène dont il s’agit ; mais l’espace nous manque pour l’insérer aujourd’hui.
2° ENLÈVEMENT DES PERSONNES.
J'ai dit, dans une lettre insérée au n* 174 du Journal du Magnétisme, que la loi qui préside à l’enlèvement des personnes est toute physique. M. Bégué croit, au contraire, que le concours d’un agent mystérieux, d’une force surnaturelle, est nécessaire au développement d’un fait aussi extraordinaire.
« Peut on, demande-t-il, l’attribuer à l’action magnétique? Nous sommes dans le doute ; 011 y reconnaît la présence d’une force supérieure. »
De nouvelles expériences nous ont confirmé dans notre première opinion : ensemble parfait et équilibre, voilà tout le secret, tout le magique de l’opération.
1 Le sujet, dit encore M. Bégué, malgré la force physique
3ui paraît l’enlever, ne sent presque pas l’impulsion des oigts qui le soutiennent. »
Il croit pouvoir conclure, d’après cela, que le phénomène n’est déterminé que par la présence d’un fluide ou d’une force vitale agissant directement sur le sujet.
Cette manière de voir serait, d’après mes observations,
tout le contraire de ce qui se passe véritablement; car si l'on s'étudie avec un peu d'attention durant l’opération, on reconnaît facilement qu’aucune émission n’a eu lieu plus ex-pansivement que d’habitude. En outre, les paysans qui s’amusent à ce jeu, et qui attribuent le succès à la formule, n’émettent pas volontairement la moindre quantité de fluide. Le phénomène n'est donc produit que par l'ensemble d'action et l'équilibre des forces.
Il est vrai que les opérateurs ne sentent presque pas le poids du sujet; il est encore vrai que celui-ci sent à peine l’impulsion des doigts qui l’enlèvent. Cela se comprend facilement : la loi de l’équilibre a détruit pour un instant celle de la pesanteur. En effet, plus l’ensemble est parfait, plus on opère vite, mieux l'équilibre se conserve et plus le sujet s’élève dans les airs avec légèreté ; mais si l’on agit lentement, l’équilibre se rompt, le poids devient trop lourd et l’enlèvement n'a pas lieu.
Enfin nous n’avons jamais tenu compte ni de l’aspiration recommandée par M. Gautier, ni de la force volitive dont parle M. Bégué, et nous avons toujours parfaitement réussi.
J’avouerai, en terminant, que je suis loin de partager l'opinion de l’honorable docteur Bégué sur l’importance du phénomène qui nous occupe. Il en croit les conséquences bien autrement importantes que celles de la rotation des tables ; cependant le mouvement des objets se rattache directement au magnétisme, tandis qu’aucun lien visible ni mystérieux n’existe entre le jeu de l’enlèvement et la découverte de Mesmer.
Perpignan, février 1854.
A. BROYAS.
FAITS ET EXPÉRIENCES,
1° TABLES PARLANTES.
Voici une lettre sur l’évocation des esprits adressée k l'Univers et publiée par ce journal :
Pans, 21 octobre ISS".
Monsieur le rédacteur,
Je crois remplir un devoir en livrant à la publicité les faits suivants, dont j'ai été récemment témoin. Je les raconterai naïvement et sans commentaire. Ils portent avec eux une lumière suffisante, et s'ils avaient besoin d’ètre éclairés, ils le seraient surabondamment par la multitude chaque jour croissante des faits analogues.
Le 9 octobre dernier, M. l’abbé Bertrand, curé d’Herblay, au diocèse de Versailles, consentit à ce que l'on fit chez lui une épreuve de tables tournantes. Vingt personnes environ se réunirent au presbytère. On fit la chaîne accoutumée. Au bout de'dix minutes la table tourna ; au bout de quinze, elle répondit en frappant du pied aux interrogations qui lui furent faites. Les réponses furent presque toutes justes, et toutes, sans exception, conformes à la foi catholique.
Une âme était là qui avait vécu sur la terre; elle disait son nom, sa patrie ; demandait qu’on priât pour elle... ; je vous fais grâce du reste : l’interrogatoire dura plus de deux heures. La chose me fut racontée durant la semaine par un de mes parents, témoin des faits. Ils venaient s’ajouter à tant d’autres dont j’avais ouï parler, sans en avoir jamais vu un seul, mais dont il m’était impossible de douter. Le dimanche suivant, j’étais moi môme à Herblay, où demeure accidentellement ma famille. La séance du dimanche précédent fut naturellement le principal sujet de la conversation. Je dis ce que j’en pensais : que j’étais parfaitement convaincu de l’intervention possible et ordinaire des démons dans ces choses ; que j’aurais :i y participer une répugnance de conscience
invincible; que je 11e souhaitais même aucunement y assister; que si cependant l’occasion se présentait d’elle-même à moi d'une pareille assistance, non pour moi, mais pour ceux à qui 111011 témoignage ainsi appuyé pourrait servir, j’y consentirais peut-être une fois; que, du reste, le cas échéant, je ferais certainement mon possible pour forcer le démon à se manifester et faire ainsi partager à l’assemblée une conviction que je croyais trop bien fondée pour n'être pas précieuse.
O11 me pria alors avec instance de laisser tenter une démarche auprès de M. le curé d’Herblay pour qu'il recommençât devant moi l'expérience. Après quelques moments d'hésitation, j’acceptai. M. le curé eut la bonté d’agréer ma demande, et le rendez-vous fut donné au presbytère pour l'heure d’après Vêpres.
J’ai promis de parler naïvement; il faut ne rien taire. Vêpres finies, je m’agenouillai devant l'autel, et exposant à J)ieu la pure et droite intention que j’avais en ceci, je le priai de permettre ou qu’aucun fait ne se produisit, ou que, se produisant, tout allât à la gloire de Jésus-Christ et à la confusion de Satan. O11 se rendit au presbytère.
11 y avait treize personnes ; le digne et pieux curé, un jeune diacre son ami, dix autres personnes extrêmement respectables, et moi. Six personnes, au nombre desquelles étaient les deux ecclésiastiques, formèrent avec leurs mains une chaîne continue sur la surface d’une table, un guéridon de salon, ayant un mètre environ de diamètre, trois pieds assez massifs et garnis de cercles de cuivre, portés par des roulettes. Une demi-heure se passa sans que le moindre mouvement se produisit, malgré le désir ardent et les injonctions réitérées des opérateurs. Enfin, ce temps écoulé, la table tourna visiblement, à droite, à gauche, selon le commandement qui lui était fait. O11 l'interroge, lui enjoignant de répondre en frappant des coups : un pour oui, deux pour non; et, pour former des lettres, des coups correspondant à l’ordre numérique des lettres dans l'alphabet. Une demi-heure se passe encore sans qu'on obtienne de résultat. On lui demande, si elle veut répondre, de tourner à gauche ou à droite. Elle parait affirmer, puisqu'elle tourne. Mais, pour ce qui est de lever le pied, comme au bout d’un quart d’heure et durant deux heures elle l’avait fait le dimanche précédent, elle s’obstine à le refuser.
Je dis, (7/c, c’est il qu'il faut dire. Je le savais déjà; tout le monde allait le savoir.
On était las, malgré le divertissement que plusieurs se donnaient de plaisanter la table sur sa méchante humeur et les rires qu’amenait l’opiniâtreté des interrogateurs luttant contre l’opiniâtreté de ce demi-silence. Les opérateurs se levaient donc pour quitter la partie, et l’assemblée, dont j'étais, n’avait pas cœur à les accuser d’impatience, lorsqu’une des six personnes dont les mains reposaient encore sur la - table, fit cette question d’un ton assez ennuyé :
« Es-tu un mauvais esprit? »
Incontinent cette table lève le pied sous les mains mêmes de cette personne et à une hauteur d’au moins six à huit pouces, frappe un coup très-fort dont chacun fut ému. 11 était naturel de poursuivre. On se remit en place.
o Dis-nous, selon les signes convenus, lui dit la même personne, la première lettre du nom de baptême de M. l’abbé Gay ? »
La table immédiatement frappa trois coups; c’était un C. « La seconde. »
La table en frappa huit; c’était un H.... Charles est mon nom de baptême. Je priai qu’on s’en tint là, et demandai à M. le curé de vouloir bien interroger l’esprit en latin, u iM/ueris-ne latine ? » lui dit M. Bertrand.
Pas de réponse.
« Parles-tu latin? » reprit-il en français.
La table frappe un coup. Derechef en latin :
i Qui es tu '! die nobis nomen tuum. »
Pas de réponse. Même interrogation en français :
« Qui es-tu? dis-nous ton nom. »
Alors et sans délai la table frappa quatre coups ; c’était un D.
« La seconde lettre. »
Cinq coups ; c’était un E. Chacun pouvait deviner le reste ; on voulut continuer.
« La troisième. »
Alors, visiblement pour nous et si sensiblement pour ceux qui la tenaient, que l’un d’eux s’écria :
« 11 rage ! »
La table fit un mouvement littéralement convulsif, et aussitôt cependant, avec une régularité parfaite, elle frappa le nombre de coups qui nous donnait un M. On poursuivit. Elle donna 0, et, pour clore, elle donna N.
On peut s’imaginer si l’émotion croissait à mesure que se formait cet effroyable mot : Démon. Je ne sais pas vous rendre la terrible solennité de ces coups successifs, encore moins l’impression produite par ce complet repos sur la let-
ire décisive. Les visages étaient pâles et la stupeur était dans toutes les âmes. Je me levai, et prenant un chapelet béni que je porte toujours sur moi, je le posai au milieu de la table. Je dis alors à M. le curé :
« Interrogez-le, s’il vous plaît, maintenant.
— Peux-tu encore parler? » lui dit M. Bertrand.
Immobilité complète et profond silence. J’enlevai mon chapelet.
n lit maintenant, peux-tu parler? » reprit M. le curé.
La table frappa un coup. Je remis mon chapelet. Alors le curé :
« Es-tu heureux ou malheureux? Si tu es heureux, frappe un coup; si tu es malheureux, frappes-en deux. »
Pas de réponse. J’enlevai de nouveau mon chapelet. La même question fut répétée, et la table, frappant deux coups, mit le comble à notre saisissement en mettant le comble à notre certitude.
L’épreuve avait assez duré, môme pour les forces de plusieurs. On s’arrêta. Mais les faits étaient si patents, si graves, si décisifs, que M. le #ré d’Herblay et moi nous accordâmes à rédiger, séance tenante, tin minutieux procès-verbal. 11 fut immédiatement écrit, signé des treize personnes présentes et, le lendemain, envoyé à Mgr l’évêque de Versailles, entre les mains de qui il restera.
Voilà, Monsieur le rédacteur, les faits dans leur exacte vérité. Chacun les appréciera selon ses vues. Nous ne tenons pas à dire ici les nôtres davantage. Aux savants d’expliquer ceci naturellement, s’ils le peuvent ; à nos guides dans la voie de la vérité et de la vie de donner là-dessus, quand ils le jugeront opportun, une décision au moins pratique. Pour nous, nous parlons comme témoin. Nous avons cru ne pas pouvoir taire les choses que nous avons vues et entendues. Notre conscience nous inclinait à cette publication ; des conseils graves nous y ont décidé. Dût cette lettre ne servir qu’au plus petit bien d’une seule âme, nous serions heureux de l’avoir écrite et très-reconnaissant envers vous, Monsieur le rédacteur, de la publicité que vous voulez bien lui accorder.
Agréez, etc.
Cn. Gat, du clergé de Paris, Chanoine honoraire do Limoges el de Tulle.
Un de nos abonnés de Bruxelles nous a adressé les réflexions suivantes, relatives à cette communication :
Monsieur le rédacteur,
L’article publié par 17 nirens sur l'intervention du démon dans les tables parlantes, est de la plus haute imprudence, puisque c’est reconnaître un fait que l'académie des sciences a soin de passer sous silence et de nier, faute de pouvoir l’expliquer.
L;i table du curé d’Herblay répondant à l'abbé Gay qu’elle était le (Union, me rappelle une anecdote tout à fait identique, qui m'est arrivée dans une petite verrerie de La Chapelle, où j’allais faire quelques essais.
Le patron, espèce d’ouvrier linot, me prenant pour un verrier hollandais désireux de lui voler ses secrets, s’obstinait à m’appeler M. Rigouts.
« Oui, je vous connais, disait-il, et vous n’entrerez pas à moins de 25 francs par heure, Monsieur Rigouts. »
Fatigué de ne pouvoir détronff>er cet imbécile obstiné, je convins que j étais M. Rigouts, et je lui remis ses 25 francs pour faire mon essai.
Les esprits tabulaires ne sont pas plus bêtes que nous, et quand on s’obstine à vouloir qu’ils soient le diable, ils le disent sans hésiter, fussent-ils des saints. J'en ai fait souvent l’épreuve.
Avoue que tu es le diable, répétais-je au prophète Ézé-chiel, qui nous prêchait la plus pure morale.
« Oui ! oui ! » répond la table impatientée.
Je l’empêchais également de parler, en posant sur la table ma montre qui n'avait été bénite que par Bréguet; il suffisait de ma volonté pour paralyser ses mouvements. Il est vrai que je suis déclaré médium positif en herbe. Videbimut infrà.
Vous devez donc considérer l'article de Y Univers comme une des choses les plus favorables au progrès du phénomène nouveau, qui aura du moins l’avantage de détruire l’athéisme et le matérialisme scientifique qui a jeté de si profondes racines parmi les prétendus esprits forts, qui croient se donner un fumet d’académicien en niant sans examen tout ce que nie l'institut.
Agréez, etc.
Vandebkah.
■2° 1MIÈUSI0X EN SONGE.
Le 31 juillet dernier a eu lieu :ï Vannes l'exécution du nommé Dominique Elger, condamné à mort pour crime d'assassinat commis sur la personne de sa fille Jenny.
Le 23 mars 1852, Elger, contrairement à ses habitudes, se leva vers cinq heures du matin. A sept heures, pendant son sommeil, Jenny était frappée à mort. C’est elle-même qui, avant d’expirer, a raconté le crime dont elle a été victime :
« Je dormais, a-t-elle dit, quand j’ai été frappée à la gorge, et mon père était près de mon lit. Je rêvais que l’on m’assassinait. Je disais dans mon rêve : Oh ! combien jo souffre, faites-moi la grâce, mon Dieu, de me réveiller! Mon rêve est fini : oh ! quel bonheur ! Ouvrant les yeux, j’aperçus mon père debout près de moi, et je sentis couler mon sang le long de mon cou. Je me suis assise dans mon lit, et alors mon père, mettant sa main sur ma poitrine, a déchiré ma chemise et m’a porté un coup au-dessus du sein; j’ai pu renverser mon père, me diriger vers la porte fermée à clef, l’ouvrir et descendre l’escalier. Je suis tombée sans connaissance sur le pallier. »
C’est là, en effet, qu’elle fut relevée par les voisins. Elger fut arrêté encore porteur d’un couteau ensanglanté. L’infortunée Jenny ne tarda pas à succomber à ses horribles blessures.
(Patrie.)
3° Rêve EN PARTIE RÉALISÉ.
On lit dans le Constitutionnel du 29 janvier :
« Une aventure assez singulière a causé une vive émotion dans le quartier Notre-Dame-de-Lorette. Les concierges de la maison de la rue d’Aumale, 3, ont un charmant petit garçon de six ans qui, dans la nuit du vendredi au samedi, a fait un songe effrayant et bizarre. 11 rêva qu’il voyait s’approcher de son lit une personne qu’il reconnut pour la sœur de son père. Sa tante lui saisit la main et lui coupa le doigt indicateur. Cet affreux cauchemar n’éveilla pas l'enfant ; mais
le lendemain matin', au souvenir de son lève, il poussa uu cri déchirant, en appelant sou père.
ci Quelles ne furent pas la surprise et la douleur de ses parents, quand ils constatèrent que le doigt de leur fils était ensanglanté, et qu’une entaille profonde en dessinait le contour jusqu’à l’os. Ils se perdirent en conjectures sur cet événement. Le père fit même une démarche auprès de sa sœur pour lui faire des reproches, qui n’avaient pas d’autres fondements que le songe de l’enfant. Enfin, de guerre lasse, on fit d’exactes perquisitions dans la loge, et l’on découvrit un énorme rat qui, pendant la nuit, avait rongé le doit du petit garçon, el ce dernier, plongé dans le sommeil profond de l’enfance, n’avait point été réveillé; niais, dans son cauchemar, avait cru voir les faits qu’il avait racontés à son réveil. »
/i“ CONVULSIONS.
On lit dans le Salut Publie, journal de Lyon :
« L’aventure suivante prouve le péril que peut présenter la pratique du magnétisme entre des mains inexpérimentées.
« Dans la soirée de mardi dernier, le sieur G...., jeune homme de vingt-deux ans, avait réuni chez lui quelques amis. Fervent adepte de Mesmer, il mit la conversation sur le chapitre du magnétisme, et se fit fort d’endormir une personne de la compagnie. Une jeune fille s’étant prêtée à l’expérience , des passes prolongées finirent par produire le résultat désiré. Mais, soit que le sujet fût mal disposé, soit que le fluide eût été administré à trop forte dose, il s’ensuivit un anéantissement complet, une sorte de syncope. En présence de ces symptômes alarmants, les jeunes étourdis perdirent la tète; les uns voulaient chercher un médecin, les autres un magnétiseur.
« Un assez long temps s’écoula en débats et en démarches, pendant lequel la jeune fille demeura privée de sentiment. Enfin, l’arrivée d’un homme de l’art calma les inquiétudes et prévint tout accident plus grave. La magnétisée, rappelée à la vie, en a été quitte pour un violent mal de tête, et le magnétiseur pour une salutaire frayeur qui le dégoûtera de toute nouvelle entreprise sur le domaine des sciences occultes. »
Les accidents de cette nature ne peuvent pas toujours être évités, tant est grande la sensibilité magnétique de certaines personnes; mais lorsqu’ils se sont produits on les
détruit assez facilement. 11 ne sera peut-être pas inutile de rappeler ici les principaux moyens de mctti” fin'à un état qui, sans être grave en soi, inquiète beaucoup ceux qui en sont témoins.
Citons en première ligne la tranquillité de l’opérateur; car si celui-ci se trouble, l’agitation de. son esprit augmente le désordre auquel le magnétisé est en proie. Puis viennent les pmcs à, grands courants sur les membres inférieurs; et en de*ier ressort on emploie le froid : soit par le souffle , la ventilation, la promenade ou l’exposition au grand air, l’aspersion d’eau fraîche sur la face, le contact des métaux, etc., etc. 11 y a encore d’autres procédés de dégagement, tels que 1 ’éloignement du magnétiseur, la rolonU’ impérativement exprimée, la mise en rapport du sujet par les mains, avec deux assistants, etc., etc.
Quand, avec tant de ressources, on ne parvient pas à maîtriser la crise, c’est que le cas est exceptionnel ; alors on doit appeler quelqu’un à son aide, mais il est rare qu’avec un peu d’habitude et de discernement, on soit réduit à cette extrémité. En général c’est à l’inexpérience que doit être imputé l’insuccès.
5° DÉMAGNÉTISATION.
M. le D’ Burq, qui a indiqué le moyen de reconnaître la prédisposition au somnambulisme à l’aide de plaques métalliques, préconise l’emploi des mêmesagents pour détruire les effets magnétiques. Voici comment il s’exprime dans une lettre adressée au rédacteur de la Patrie, et insérée dans ce journal le 19 juin dernier :
« C’est avec le plus grand intérêt et une sympathie parfaite que je suis votre croisade contre la résistance ou l’inertie de certains hommes, qui semblent vouloir faire obstacle à tout ce qui, de près ou de loin , tient aux phénomènes de ce que l’on a appelé magnétisme animal. Leur résistance va très-loin, personnellement nous en savons, hélas! quelque chose. Mais que tous les amis du progrès se rassurent, car elle ne saurait tenir bien longtemps encore devant les con-
quêtes récentes de la science, devant ces courants d’opinions qui se manifestent de toutes parts et peut-être aussi devant quelques faits que nous aurons bientôt nous-môme à révéler.
« En attendant, veuillez me permettre de donner aux nombreux expérimentateurs de tables tournantes, un conseil qui, à l’occasion, pourra, je l’espère, leur être de quelque utilité.
u Dans toutes les expériences de magnétisme, de. tables tournantes, etc., qui ont pour but de mettre en mouvement cette force, — fluide vital, nerveux ou magnétique, peu importe , — que nous avons en nous et fflii circule dans nos nerfs tou l aussi bien que le sang dans nos vaisseaux, quoi que d’aucuns disent, personne n’ignore aujourd’hui qu’il peut se produire des accidentsde diverse nature : névralgies, spasmes, convulsions, catalepsie, délire, etc. Ces phénomènes, presque toujours heureusement plus graves en apparence qu en réalité, tiennent à un trouble de cette circulation nerveuse dont je parlais tout à l’heure, et sont déterminés, comme tous les accidents de même nature, crampes, migraines, convulsions, etc., qui se présentent chez les personnes nerveuses, par le déplacement du fluide nerveux des extrémités vers le centre, et par son accumulation consécutive sur les parties qui sont le siège de la douleur, du spasme ou du délire.
« En cet état, rien n’est ordinairement plus facile que de rétablir l’harmonie des fonctions nerveuses et de ramener rapidement les victimes de l'expérimentation à l’état ordinaire de leur santé. Il suffit de mettre les extrémités de ces personnes (les mains et les pieds; mais les mains suffiront le plus souvent), en rapport, par une large surface, avec un métal bon conducteur de ce fluide, et d’exercer en même temps avec le même métal quelques frictions à nu sur les parties où s’est faite l’accumulation de la force nerveuse : le front, dans la migraine ; l’estomac et le ventre, dans les crampesjde l’estomac et du ventre ; la poitrine, dans les accès d’asthme, etc, Ce métal varie suivant les individus et les circonstances. Dans les maladies nerveuses ordinaires, c’est de l’acier, du fer, du cuivre, de l’argent, etc. ; mais lorsqu’il s’est agi des accidents développés par l’administration intempestive, l’abus du magnétisme animal ou quelque chose de semblable, nous avons presque toujours vu réussir le cuivre, et mieux encore le laiton ou le bronze. Ces métaux se trouvant dans toutes les maisons, sous une forme ou sous une autre (bougeoirs, flambeaux, vases d’office, etc.), rien ne s’oppose à ce qu'on en fasse l'application dans les accidents que nous avons si-
gnalés. Si l'on .so sert d’un vase en cuivre, par exemple, il iaul avoir soin de le bien faire nettoyer, pour é' iter (pie la conductibilité (lu métal ne soit amoindrie par quelque corps gras. Ceci lait, le malade doit l’embrasser extérieurement à pleines mains, tandis qu’une autre personne lui fail des frictions légères ou même une simple application sur le tronc avec un objet de même nature.
« Lorsque la personne n’est pas vêtue de soie, ces frictions peuvent être faites simplement sur les habits; mais alors il faut s’attendre à les trouver quelquefois infidèles.
u Parmi les objets qui conviennent le mieux pour l’application aux extrémités, se trouvent les boules de laiton de certains escaliers, et mieux encore un cylindre de grande lorgnette ou longue-vue, par la facilité avec laquelle on peut les faire saisir à pleines mains. »
Ce que notre savant confrère attribue ici à une action mflalloilifrapique nous paraît tout simplement dû à une soustraction de calorique; la température des corps qu’il indique étant inférieure à celle du corps humain, Si le cuivre-, par exemple, agit mieux que le fer, cela ne tient qu’à sa conductibilité plus grande, c’est-à-dire au froid, qu’il produit plus vite.
En appliquant sur la peau des liquides comme l’alcool, l’éther, qui se volatilisent aux dépens de la chaleur du corp* et produisent une sensation de froid très-vive, le même résultat est obtenu. Dha-t-on qu’ils ont une action spéciale, anti-spasmodique? Non; car la glace, qui est neutre, produit le même effet.
I1ÉBERT (de Garnay).
VARIÉTÉS.
Chronique. —11 parait (pic le besoin de s’occuper de magnétisme se faisait vivement sentir clans la cave du palais Bonne-Nouvelle, car en moins d'un mois deux parades magnétiques s’y sont jouées. Nous allons tâcher de donner un aperçu de chacune d’elles.
1° La somnambule.
O, voi ch’enlrale, lasciute ogni speranza! Voilà ce que j’aurais dû me rappeler en descendant dans le souterrain qu'on nomme salle Bonne-Nouvelle. On ne savait que faire pour ennuyer le public ; alors on a pris un sujet quelconque, on l’a déshabillé, et voilà une pantomime !
11 faudrait une plume bien autre que la mienne pour raconter les péripéties de ce drame muet. Pour moi, lecteur, me contentant de vous en parler au point de vue magnétique , je vous dirai que la pièce ne signifie rien, absolument rien. Jugez plutôt.
Une jeune fille, aux yeux hagards, se promène nuitamment, vêtue d’un peignoir si court qu’on le prendrait volontiers pour un simple jupon. L'exiguité de sou costume, bien plus que son attitude, indique chez elle le lunatisme. Un jeune homme léger vole son papa; la jeune fille est soupçonnée à tort. — Heureusement que sa promenade nocturne lui sert de palladium. — La jeune personne innocente el persécutée, mais à la fin triomphante, se justifie et... épouse le jeune homme léger.
Reconnaissons, en terminant, la bonne volonté dont fait preuve la gracieuse M" Page, chargée du rôle de la soin-
nambulo. Seulement qu’elle me permette île lui dire qu’elle a l’air bien éveillé pour le physique de son emploi.
Kn revanche, si l'actrice no dort pas, on ne saurait en dire autant du public. Après, il est excusable, lui!
2° Grande stance de magnétisme.
T,a pantomime décorée du titre pompeux de la Somnambule n’offrait aucun intérêt physiologique : ce n’était qu'une bouffonnerie puérile; mais aujourd’hui la chose a pris des proportions presque grotesques.
L'n M. Delaroche Lambert jette le gant aux incrédules. Pour lui plus d’obstacles. Il endort «5 personnes sur 100 (sic), ni plus ni moins. A un signe de lui, les pulsations s’accélèrent ou diminuent; le cœur lui-même, viscère plein de bonne volonté, opère son déménagement; la circulation, loin d'obéir aux lois de Harvey, devient l’esclave soumis du magnétiseur. Et tout cela au moyen d’un système entièrement nouveau. Ah ! nou§ sommes décidément dans le siècle des progrès. Que venez-vous nous parler de méthode et de principes, d'influence animique et d’action tluidique. Non ! grâce à quelques tours de mains et quelques balancements de tête (voir les Chinois de porcelaine), tous les phénomènes produits jusqu'alors parle magnétisme ne sont plus qu'un jeu.
Pourtant il est une chose qui m’a rassuré à la vue de la singulière gymnastique à laquelle se livre M. Delaroche; c’est que le jour où ma malencontreuse indiscrétion m’a conduit à sa séance, les phénomènes si pompeusement annoncés se sont présentés si timidement, que je crois devoir en féliciter les personnes inconnues qui se sont soumises à l’irrésistible action du magnétiseur, « qui fait ce qu'il veut de ses sujets. » Six personnes se sont donc prêtées aux manipulations de M. Delaroche ; et si quelqu’un a dormi, ce n’a pas été les magnétisés.
En vérité, il y avait quelque chose de si grotesquement burlesque dans les manœuvres de M. Delaroche, que je me suis cru à une représentation des Extases de M, IIochenez,
où Sainville, de regrettable mémoire, et Hyacinthe, l’inimitable Hyacinthe, se livraient à des gesticulations impossibles. Était-ce le plagiat de la pochade du Palais-Royal que 11. Delaroche nous offrait, ou bien se prenait-il au sérieux? Voilà ce que je n’ai pu savoir au juste.
Triste, triste, triste ! SpecUcle affligeant que cette profanation du magnétisme! Ravaler à ce point une science dont l’exercice devrait constituer un véritable sacerdoce ! Heureusement le public, édifié désormais sur la valeur des faiseurs de passes, les jugera bientôt en dernier ressort, et accueillera comme elles le méritent ces exhibitions de tréteaux.
Que la direction de la salle Bonne-Nouvelle s’en tienne à ses parades de Pierrot et de Colombine, et à ses tableaux plus ou moins vivants. Qu’elle continue, si bon lui semble, de se moquer de l’esthétique et du bon goût, en exhibant ses nudités de coulisse; mais qu’elle renonce à s’occuper de magnétisme. Le public n’y perdra rien et le bon sens y gagnera.
Ferdinand SILAS.
Nécrologie. — La mort vient encore d’enlever à la cause magnétique un de ses défenseurs, un homme dont le nom a marqué par des écrits d’une grande érudition.
M. Aubin Gauthier vient de succomber à la suite d’une maladie aiguë mal définie à son début, et qui, aussitôt connue, ne laissa plus d’espoir : une déchirure de la vessie avec épanchement d’urine. Les magnétistes, en apprenant la maladie de M. Gauthier, ont appris sa mort ; les secours du magnétisme, d’ailleurs, ne pouvaient être utiles.
M. Aubin Gauthier était plutôt magnétologiste que praticien ; il crut dès l’abord au triomphe prochain de cette cause; il prit la plume en avocat zélé, soutint le procès fait à la vérité avec un talent incontestable. Mais que pouvaient les écrits contre des juges sans foi? Rien, ou presque rien.
Doué d’une faible puissance magnétique, les démonstrations vivantes n’étaient point de son fait; il avait, du reste, manifesté plusieurs fois sa répugnance à ce sujet; comme
Dcleuze, il ne voulait point d’expériences ; tandis qu’à notre avis, la preuve par la démonstration des faits est bien supérieure à celle qui vient du raisonnement ou de la tradition.
M. Aubin Gauthier ne fut pas toujours heureux; il dut plus d’une fois regretter de s’ètre jeté dans une carrière ingrate, car tous les elforts qu’il fit ne le tirèrent pourtant point d’une demi-obscurité.
Un autre que moi examinera bientôt les écrits de M. Aubin Gauthier, il dira en quoi il fut faillie, et en quoi ses écrits ont de la valeur ; nous ne faisons aujourd’hui que mentionner la mort de cet auteur.
Voici la liste des divers ouvrages qu’il publia :
1° Introduction au Magnétisme. Examen de son existence depuis les Indiens jusqu’à l'époque actuelle. In-8 de 495 pages. Paris, 1810.
2» Histoire du Somnambulisme chez tous les peuples. 2 vol. in-8, 1842. 5° Revue magnétique. Journal descures etdes faits magnétiques. In-8,1844. 4" Le Magnétisme catholique, etc. In-8 de 252‘pages. Bruxelles ot Paris, 1844.
5" Traité pratique du Magnétisme et du Somnambulisme. In-8 de 752 pages, 1845.
C° Étrennes magnétiques de 1846. In-8 do 49 pages, 1845.
7° Boucherie chirurgicale réprimée. In-8 de 48 pages, 1846.
Baron DU POTET,
BIBLIOGRAPHIE.
LUMIÈRE! esprits et taules toibnastcs, révélations mèoiamimoits; par Paul Locisï. 1 vol. in-ôi. Pan's, 1854. — Prix: 1 fr. 25.
I.e phénomène des tables tournantes et parlantes ayant fait surgir la grande question du commerce avec les esprits, on devait s’attendre à l’apparition de révélations émanant de ces êtres invisibles. L’Amérique en possède un très-grand nombre, parmi lesquels on peut citer les volumineux ouvrages de l’extatique Davis, et le livre récemment publié par MM. Edmonds et Dexter, qui, depuis le 15 octobre dernier, a déjà atteint sa septième édition. En France, où le goût de la tliéosophie est beaucoup moins répandu, nous n’avions guère que les ouvrages de M. Cahagnet et le livre présenté par M. V. Hennequin comme fait par lui en participation avec l’àme de la terre. M. Louisy vient grossir cette liste de révélations auxquelles il donne l’épithète bizarre et peu intelligible de mêdiaminiques. 11 nous apprend qu’il a à sa disposition un medium de seconde classe qui a donné des preuves nombreuses de lucidité. Il nous fail connaître son procédé pour obtenir les communications : il pratique la chaîne comme quand il s’agit de faire tourner une table, en employant de préférence l’objet qui sert de demeure à l'esprit évoqué ; dès que la rotation ou le déplacement a eu lieu, le medium se recueille quelques instants, et s'il réunit les conditions de calme et de gravité nécessaires à l'accomplissement de cet acte solennel, il reçoit sur-le-champ la communication spirituelle. Avant de se manifester, l’esprit frappe ordinairement trois coups, puis il envahit l’àme et fait agir
le corps comme un instrument. L’àme 11’en garde pas moins sa place, el la preuve, c’est que le medium a toute liberté de parole, d’action et de pensée; il est indépendant de l’esprit, qui ne fait qu’ajouter, jusqu’à un certain point, ses facultés propres à l'àme.
M. Louisy professe une confiance sans borne dans la vérité absolue de tout ce qui lui arrive par celle voie. Et cependant, par une inconséquence que nous ne pouvons nous expliquer, ce qu’il publie, ce n’est pas le texte même des révélations, la parole des esprits supérieurs. 11 nous donne son livre comme son œuvre propre, en nous avertissant seulement qu'il en a emprunté les idées à ceux qui inspirent son medium. De là doit naturellement résulter pour le lecteur une certaine défiance. Qui nous garantit que l’auteur, en prenant ainsi la liberté de traduire, d’arranger, de coordonner , a élé un interprète bien fidèle et n'a pas mêlé sa doctrine particulière à celle dont le medium était l’organe? Comment pouvons-nous être assurés que celle-ci nous par* vient pure de toute altération? 11 doit comprendre que son procédé enlève à ses communications toute l’autorité qu'il aurait voulu leur imprimer. Au lieu de se faire auteur, il aurait dû se borner tout au plus au rôle de sténographe, et encore eùt-ce été de trop ; car son medium écrivant sous la dictée des esprits, il n’y avait qu’à envoyer directement les feuilles à l’imprimeur, sans correction ni commentaire, sauf à ajouter ses réflexions dans un travail à part qui eût été complètement distinct de celui des esprits.
A défaut de cette précaution, nous ne pouvons véritablement savoir à qui nous avons affaire, et nous avons toute liberté de critique à l’égard du système contenu dans le livre. Bien plus : quant au fait de la communication supérieure , M. Louisy ne nous apporte aucune preuve, aucun document capable de nous convaincre. Nous admettons la possibilité de ces communications ; mais, on ne saurait trop le répéter, plus un fait s’écarte des lois connues, plus il a besoin de constatation rigoureuse. On ne peut, sous peine de renoncer au bon sens, ajouter foi au premier venu à qui
il plaira d'annoncer qu'il nous transmej la voix des esprits: ce serait s’exposer à être dupe des plus grossières supercheries ou du fanatisme le plus extravagant. L’halluciné peut de très-bonne foi se croire l’organe des esprits; l’exaltation de son cerveau peut produire des éclairs de lucidité ; ce ne sera pas une raison pour que nous fassions honneur de ses discours ou de ses écrits à une cause surhumaine. Celui qui se donne comme le messager des êtres supérieurs, doit justifier de ses titres et exposer les fondements sérieux sur lesquels repose sa mission. Nous sommes loin de vouloir décourager ceux qui ont des révélations précieuses à nous communiquer ; mais nous leur demandons de ne procéder qu’avec maturité , et de ne présenter au public que des faits appuyés sinon sur des preuves d’une évidence irrécusable, au moins sur des raisons spécieuses.
Ces préliminaires posés, il nous reste peu de chose à dire du livre de M. Louisy, que nous ne devons plus dès lors considérer que comme un essai sur les destinées humaines et la vie ultra-terrestre, essai tout à fait hasardé et où l’on ne se donne même pas la peine de chercher à justifier les assertions. Le système qu’on y trouve est à peu près conforme à ce qu'ont annoncé plusieurs medium américains, c’est-à-dire la rné-tempsychose, l’àme humaine passant successivement de la vie matérielle à la vie spirituelle, revêtant dans divers mondes diverses incarnations, s’élevant ou s’abaissant dans l’échelle des êtres suivant qu’elle a bien ou mal usé de son libre arbitre; sa déchéance, toutefois, n’est jamais qu’une expiation temporaire et non un supplice sans fin, l’enfer n’existant pas ; toutes ces épreuves doivent durer jusqu’au grand jour apocalyptique où la matière doit être anéantie, et où toutes les âmes sans exception jouiront du paradis et de la vue de Dieu ; la seule religion véritable consiste à prier Dieu et à aimer ses semblables, etc.
Ces théories peuvent contenir des parties ingénieuses, mais elles ne peuvent être considérées que comme des systèmes philosophiques justiciables du critérium de la raison et des épreuves de la discussion, et non comme des oracles pro-
mulgués avec autorité par «les cires supérieurs deva-t lesquels l'homme n’aurait qu’à s’incliner. Nous aurions beaucoup à critiquer: par exemple, ce qui est dit de la création, de la conteur des âmes, de la future destruction de la matière , de l’âge, de la terre, à laquelle l’auteur assigne trente mille ans d’antiquité et seulement six mille depuis l’apparition de l’humanité, etc. ; mais cel examen nous mènerait beaucoup trop loin. Nous nous bornerons aux questions qui rentrent dans la spécialité de notre Journal.
L’auteur voulant établir qu'il y a en l’homme deux principes, l’àme et la vie, dit de cette dernière :
« C’est un fluide circulant sans cesse dans tous les organes, les noyant au dedans, les débordant au dehors ; un torrent de flamme, un foyer de combustion perpétuelle. Les magnétiseurs le connaissent bien : c’est le 11 uide rouge et brillant que les somnambules voient se dégager de leurs mains, de leurs regards, de toutes les parties du corps.....
i Le magnétisme, émission propre de l’àme vitale, a déjà donné à l’homme la faculté merveilleuse de suspendre la vie animale, de rendre le corps insensible et inerte, de dégager l’âme et d’exalter sa puissance en lui restituant en partie sa clairvoyance spirituelle. Que sera-ce de ses applications encore inconnues, et que ne peut-on augurer de l’avenir d’un agent physique qui a débuté par un tel miracle?»
Cette profession de foi si catégorique sur l’existence de la force vive appelée magnétisme est détruite, dès la page suivante, par une négation absolue de ce fluide. La contradiction est trop choquante pour la passer sous silence ; laissons M. Louisy l’exposer lui-même.
Combattant les sceptiques qui nient le mouvement des tables et les croyants qui l'expliquent par le magnétisme, il s’écrie avec suffisance :
« Les magnétiseurs sont aussi éloignés de la vérité que
les sceptiques..... Quant aux magnétiseurs, ils ont au moins
apparence de raison, et c’est à eux que je m’adresse.
c Que la volonté, puissamment soutenue par l’âme vitale, suffise pour agiter un objet, on pourrait jusqu’à un certain point vous l’accorder; mais qu’elle impose à cet objet une série de réponses dont la plupart sont contradictoires avec le
degré le nos connaissances, inattendues, impossibles même ii prévoir, c’est ce ([lie personne ne comprendra jamais.
Vous dites : « L'objet saturé de fluide magnétique ré-« fléchit notre intelligence; c’est une sorte de miroir qui ré-« flète nos pensées. Le questionneur répond d’avance men-« talement «\ la question qu’il pose; et, celte réponse inen-n taie, l’objet, grâce au fluide miroitant, la renvoie le plus « fidèlement possible. «
«Quelle duperie involontaire de soi-même! Vous parlez
de fluide.....il n’en existe pas, il n’y a que des modifications
de la volonté divine. Quant au prétendu fluide magnétique, si vous entendez par là les émissions de l’àme vitale, il esl non-seulement étranger au phénomène des tables mouvantes et parlantes, mais encore il serait impuissant à le produire. »
M. Louisy attribue la rotation des tables à l’action des esprits. Ce n’est pas le premier qui invoque cette cause ; mais, même en admettant l’existence de ces êtres, on ne doit recourir à leur intervention que comme à une ressource extrême, dans les cas où il semble que les phénomènes ne comportent pas d’autre explication. Ici il n’\ a pas nécessité de faire appel à ce moyen suprême. Quand il n’y a pas langage par le moyen des tables, quand il ne se produit pas de ces faits qui manifestent une intelligence personnelle étrangère à celle des expérimentateurs, el qu’il y a seulement rotation, tout nous porte à croire que le mouvement est analogue à celui que produisent les forces naturelles, telles que le vent, la chaleur, l’électricité, etc. 11 n’y a donc pas lieu de faire alors intervenir les esprits, 011 doit plutôt, à l'aide d’un grand nombre d’expériences bien conduites, rechercher la nature de la force et la loi suivant laquelle les faits se produisent. L’affirmation de M. Louisy est donc gratuite; les indications de son medium sur ce point n’ont pas plus de valeur que celles qui nous déclareraient que ce sont des esprits qui poussent les corps graves des points de l'espace vers la surface de la terre.
Reste le somnambulisme, sur lé compte duquel l'auteur s'exprime ainsi, à propos de la lucidité comparée à l'état des medium.
« On serait tenté, dit-il, de placer le somnambule au môme rang que le medium, et, dans bien des cas, au-dessus de lui. Malheureusement le somnambule est souvent le jouet de ses propres idées, encore plus souvent l’instrument des volontés de son magnétiseur; on prend ses extases pour des révélations; et, la plupart du temps, ce sont des rêves, ou, si l'on peut dire ainsi, des cauchemars agréables. Dans tout ce qui touche au monde supra-humain, le somnambule n’est jamais un guide sur, fidèle, indépendant de ses propres opinions; il voit, il sent la vérité, mais il y môle sans cesse l’erreur humaine, etc. »
La conclusion de ce parallèle est que le medium doit être préféré parce qu’il « pense et écrit par l’effet d’une influence supérieure, comme une machine, et sans qu’il y soit pour rien. » Certes les somnambules se trompent, mais aucun medium n'est non plus exempt d'erreur; 011 ne peut donc accepter leurs discours qu’avec une grande réserve et en les soumettant toujours à l’examen de notre raison ; y voir, comme parait le faire M. Louisy, des décisions souveraines, infaillibles, sans appel, c’est tomber dans une espèce de fanatisme qui a déjà bouleversé quelques cerveaux fragiles, et qui pourrait entraîner les plus graves désordres,
a. s. MORIN.
I.A SCIENCE FUNESTE , roman magnétique, par Mm« Axs* Marie.
Brochure in-4° à 2 colonnes. Paris, 1855. — Prix : 50 0.
Indépendamment des nombreux ouvrages où le magnétisme a été traité d'une manière sérieuse, les œuvres d’imagination se sont emparées de ce sujet qui, au point de vue de l'art, offre d'immenses ressources ; le drame et le roman en ont tiré parti avec avantage, y ont trouvé des combinaisons ingénieuses, des situations pleines d’intérêt, et ont fait voir tout ce qu’il y a de grandiose et de poétique dans cette science admirable ; en transportant la réalité dans le domaine de la fiction, les auteurs ont pu rivaliser avec tout ce que l’ancienne féerie avait de plus étourdissant, de plus merveilleux.
Ces productions ont eu l’avantage de vulgariser le magné-
tisme, d’en répandre les notions chez un grand nombre de lecteurs qui auraient reculé devant un ouvrage didactique, et qui abordent avec plaisir une œuvre légère, du genre de celles où d'ordinaire le fond est sacrifié à la forme. 11 est donc résulté de là un commencement d'initiation : une fois la curiosité éveillée, beaucoup de lecteurs ont voulu connaître par eux-mêmes cette science qui produit les prodiges dont la peinture leur a paru si séduisante; ils ont fait quelques pas de plus, ils ont abordé les livres sérieux, ils ont expérimenté et sont devenus adhérents du magnétisme.
Mais, il faut bien le reconnaître, à côté des avantages se sont trouvés aussi quelques inconvénients. Les écrivains, préoccupés avant tout du désir de rendre leur œuvre littéraire , cherchent à émouvoir, à intéresser ; ils s’inquiètent aussi peu de la vérité scientifique que de la vérité historique ; ils laissent donc le champ libre à leur imagination ; armés d’une baguette magique, ils commandent à la nature, disposent des éléments, font mouvoir leurs personnages comme des marionnettes dont le fil serait entre les mains redoutai des du tout-puissant thaumaturge; ils accumulent les merveilles et créent un monde enchanté.
Ces exagérations fantastiques ont d'abord le défaut d’inspirer une défiance légitime aux esprits les plus judicieux, qui, frappés de l'invraisemblance excessive des récits qu’on leur présente, n’y voient qu’un jeu d’imagination, un caprice d’artiste, et relèguent le livre au rang des Mille et une Nuits. L’auteur, en dépassant le but, l’a manqué.
En outre, il est toujours regrettable que la vérité soit mêlée au mensonge. Le magnétisme est assez beau, assez séduisant par lui-même sans qu’on ait besoin, pour grossir sa clientèle, d’en exagérer les résultats ou de le farder d'ornements d’emprunt. Les notions fausses, une fois répandues dans le public, s’y maintiennent plus ou moins longtemps ; des partisans peu éclairés, qui ont puisé leur instruction dans les romans, compromettent une cause respectable en demandant au magnétisme plus qu’il ne peut produire, en lui attribuant un pouvoir chimérique. Il est donc fâcheux que les
auteurs, tout en cônstruisant leur fantaisie le canevas des événements fictifs, ne se soient pas attachés, quant aux faits magnétiques, à n’offrir que la peinture exacte de la réalité. Toutefois, hâtons-nous de le dire, notre critique nous est en quelque sorte imposée par les exigences du principe. Nous reconnaissons qu’un homme de lettres ne peut s’assujétir à la rigoureuse exactitude du théoricien, ni fixer d'avance la limite que ne devra pas dépasser son génie ; comme Alexandre, il se trouve à l'étroit dans le monde réel et a besoin de s'élancer dans les sphères idéales; ce qu’il ne sait pas, il le pressent, il le devine, et souvent ses fictions ne sont que la révélation de ce que la science découvrira plus tard, car la voix prophétique de l’inspiration devance chez l'artiste la froide méditation du savant.
Loin de faire le procès à ces conteurs charmants, aux Alexandre Dumas, auxFrédéric Soulié, aux Eugène Sue,etc., dont les œuvres nous ont procuré de si douces émotions, nous n'éprouvons pour eux que de la reconnaissance et de la sympathie. Seulement nous nous croyons obligé, dans l’intérêt de la vérité, de mettre les lecteurs en garde, de les avertir qu’un roman ou un drame, si amusant qu'il soit, ne fait pas autorité, et que le magnétisme ne peut être responsable de tout ce qu’il a plu à ces écrivains de lui attribuer.
11 y aurait à faire un travail curieux et important, ce serait le triage des faits magnétiques ; il faudrait mettre à part tous ceux qui ont été authentiquement constatés par des expériences bien suivies, qui reposent sur des témoignages dignes de foi, qui peuvent se reproduire à volonté, pourvu qu’on se place dans des conditions convenables, et qui enfin peuvent être considérés comme acquis à la science. On ferait une autre catégorie de tous les faits qui ne s’appuient sur aucune attestation sérieuse, qui par conséquent doivent provisoirement être regardés comme hypothétiques. Non pas que nous déclarions impossibles aucun des faits de cette dernière classe; car, on ne saurait trop le répéter, on ne peut assigner la limite du possible; cette limite est toujours relative à un temps donné ; elle est essentiellement variable,
et les progrès «lu génie humain la reculent indéfiniment. 11 ne s'agit donc que «le discerner ce qui est impossible dans l’état actuel «le nos connaissances.
Prenons un exemple. Il est constant «|ue l’homme peut exercer une action magnétique sur son semblable, et produire le sommeil, l’immobilité, l’insensibilité, suivant la puissance de l’opérateur et la sensibilité du sujet; ces effets s’obtiennent avec plus ou moins de facilité et de promptitude, à une distance plus ou moins grande. Que peut être le maximum de puissance? Dans le drame d’Urbain Gran-ilier, Urbain se présente devant Jeanne, sur laquelle il n’a pas précédemment exercé son pouvoir magnétique ; elle veut fuir; mais d’un geste il la pétrifie; obéissant à sa volonté, elle détache de son col la clef qu’il convoite, Urbain la prend et s’éloigne, Jeanne reste immobile... Le tableau est saisissant; mais nous demandons s’il y a des exemples d’effets aussi énergiques obtenus instantanément.
Voici qui est plus fort. Dans le roman de Balsamo, le héros, indépendamment de la faculté merveilleuse qu’il possède de se rappeler ses existences antérieures et d’être ainsi la preuve vivante et palpable «le la réalité de la métempsy-chose, peut à sa volonté connaître l’avenir du premier venu, et n’a pour cela qu’à jeter un coup d’œil dans un verre d’eau. La première fois qu’il se trouve en présence de Marie-Au-toinette, il lui met sous les yeux le verre d’eau fatidique, et lui fait voir ainsi la catastrophe tragique qui doit terminer ses jours.... Je serais curieux de connaître le magicien qui possède de tels secrets.
Le merveilleux ainsi outré est évidemment fabuleux ; mais le devoir «le la science est de s’enquérir où est le point de partage entre la réalité et la fiction....
Dans presque tous les romans où l’on fait intervenir le magnétisme, 011 lui fait jouer un rôle brillant et avantageux, on le présente sous les couleurs les plus séduisantes, bien que parfois la peinture de son pouvoir énorme y soit de nature à inspirer au lecteur un effroi qui n’est pas sans charme.
Il y a néanmoins un roman qui a été inspiré par une pen-
séo contraire, et qui a pour but de signaler les dangers du magnétisme etde le faire prendre en aversion : c'est la Science
funeste, par M..... \iina Marie (comtesse d’IIautefcuille). Cel
ouvrage, qui a d'abord élé publié en feuilletons (1) dans un journal, a été réimprimé récemment, et fait partie de la collection catholique des bons rotnans. Le titre seul en indique I esprit ul la tendance ; on dirait que c’est la copie du mandement de Mgr l'évèque de Moulins, qui, en 1826, s’exprimait ainsi :
« .. .Nous signalerons particulièrement cette science funeste du magnétisme animal, dont la seule dénomination caractérise si bien Y immoralité de ceux qui la professent, la pratiquent et s’efforcent de la propager; science perturbatrice, dont tout l’effet est de mettre le désordre dans toutes les facultés physiques et morales de l’homme. Certes, nous nous serions bien gardé d'éclairer cette œuvre des ténèbres, si quelques membres d’une société savante ne nous menaçaient pas de l’accréditer par leurs suffrages.... Après avoir rapporté des faits qui prouvent Y empire que peut prendre le magnétiseur sur les mouvements, la volonté, la fortune, Yhonneur et la vie du magnétisé, un sage et savant docteur conclut qu’il faut provoquer, de la part de l’autorité, toutes les mesures de police convenables pour surveiller les manœuvres qui, de l'aveu des magnétiseurs, peuvent mettre un individu à la merci d’un autre pendant un somnambulisme réel ou supposé. Ne sommes-nous donc pas autorisé, N. T. C. F., à vous prémunir contre ces pratiques ténébreuses que réprouvent le bon ordre et la morale publique?......
Le but étant ainsi clairement indiqué, nous pouvons maintenant entrer dans l’examen des moyens employés par l’auteur pour faire prévaloir ses idées.
L’héroïne, Marguerite jeune fille candide, nature angélique, a pour tutrice une tante à l’esprit romanesque et que sa soif de merveilleux précipite aveuglément au devant du charlatanisme. La santé de Marguerite se trouvant altérée, sa tante l’entraîne, malgré sa répugnance, dans l’antre d’une sibylle immonde, somnambule lucide, mais corrompue, qui lui prescrit de se faire magnétiser par un certain M. de Sainte-
(1) Voyez Journal du Magnétisme-, tome II, p. 28.
Irène, son associé. La jeune fille éprouve instinctivement une profonde aversion pour cet lionnne dont elle lit la dépravation sur ses traits ignobles. Mais elle cède aux obsessions de sa tutrice, et elle finit par se soumettre aux expériences. Dès ce moment, elle ne s’appartient plus; son magnétiseur s’est rendu maître d’elle et cherche à employer dans des vues coupables le pouvoir dont il s’est emparé. 11 l’endort à distance, la contraint de venir auprès de lui et veut abuser de son innocence. Son influence funeste se fait sentir de plus en plus ; il la subjugue, domine sa volonté et l’attire insensiblement vers l'abîme. Même à l’état de veille, Marguerite subit encore cette domination satanique ; elle s’aperçoit avec épouvante qu’elle n’est plus la même, qu’un mauvais génie règne sur elle, que la pureté de son âme est ternie, quoiqu’elle n’ait rien à se reprocher. L’arrivée de son fiancé, qu’elle aimait dès son enfance, ne fait qu’augmenter son trouble, son anxiété; elle le fuit, elle ne lui parle qu’avec embarras; un obstacle mystérieux, indéfinissable, s’interpose entre eux. Pour elle, plus de bonheur, plus de repos. Elle hait autant qu’elle redoute son affreux tyran, Sainte-Irène, et cependant une force invincible l’attire vers lui comme le faible oiseau dans la gueule du hideux serpent qui le fascine. Une explication a lieu entre les deux fiancés : la pauvre Marguerite, tout en donnant à son bien-aimé l’assurance d’un amour inaltérable, lui déclare qu’elle ne peut plus être à lui, et elle lui confie les tourments qu’elle éprouve depuis qu’elle a eu le malheur de connaître l’homme odieux qui exerce sur elle un empire absolu. Tout à coup, au milieu de ces tendres épanchements, elle soupire, ferme les yeux, puis s’enfuit précipitamment vers un pavillon éloigi% où l’appelait impérieusement la volonté de son magnétiseur. Celui-ci l’y rejoint bientôt et veut l’enlever ; mais, poursuivi par le fiancé, il poignarde sa victime et l’abandonne mourante.
Ce roman, plein d'intérêt, écrit d’un style élégant, se lit avec plaisir, avec émotion, et respire les plus nobles sentiments. Mais bien que l’auteur l’ait terminé par un épilogue contenant des conclusions, son but n’est pas nettement for-
mulé. Mmc Anna Marie a voulu seulement mettre en garde contre les dangers du magnétisme? Nous, sou défenseur, nous répondions que personne ne nie ces dangers, et que néanmoins le magnétisme est la plus belle, la plus sublime ci en môme temps la plus précieuse des découvertes. Les inv entions les plus bienfaisantes ne présentent-elles pas des inconvénients? Et de quoi n’abuse-t-on pas? La plupart des progrès en chimie, tout en enrichissant la science et l’industrie, ont fourni des armes au faussaire, à l’incendiaire, ;ï l’empoisonneur. Le mal marche toujours à la suite du bien, comme son ombre inséparable. De ce qu’on peut tirer un parti nuisible d’une invention, s’ensuit-il qu'on doive l’étouffer et priver par là l’humanité de tous les bienfaits qu’elle peut produire? Non, sans doute; et la seule conséquence raisonnable qu’on pourrait tirer des faits racontés par Mm" Anna Marie, s’ils étaient vrais, c’est qu’un homme prudent ne doit pas placer légèrement sa confiance, et n’accepter pour magnétiseurs que des personnes d’une probité éprouvée, et non des aventuriers tirés d’un tripot; de même que l’auteur, sans avoir besoin de prouver par un roman combien de crimes on peut commettre à l’aide de la médecine et de la confession, affirmera sans doute, comme une chose qui n’a pas même besoin d’être prouvée, qu’il faut être circonspect dans le choix d’un médecin ou d’un confesseur. A ce point de vue, M"* Anna Marie a donc tout simplement mis en relief ce que personne ne conteste; mais de sa thèse on ne peut rien conclure contre le magnétisme.
Elle devient plus obscure quand elle aborde la question de la nature du magnétisme, quand elle se demandé si c’est une science terrestre, ou si ce n’est pus plutôt une science dont te secret n’est pas pour nous... Ce qui prouve péremptoirement que c’est une science terrestre, dont le secret est pour l'homme, c’est que l’homme terrestre la possède; elle n’excède donc pas son pouvoir, elle est donc comprise dans le cercle que peut embrasser son intelligence. Si la volonté de Dieu eût été de nous en dérober le secret, il est évident que nous ne la connaîtrions pas. Passe pour le vieux Jupi-
ter, qui, d’après Homère, dormait quelquefois, ce qui permettait quelque Prométhée de lui dérober, pendant son sommeil, des trésors interdits à l’homme. Mais nous ne pensons pas que M,ne Anna Marie, dont le livre est classé dans la bibliothèque catholique, ait de Dieu une idée aussi enfantine. Ce n’est pas offenser Dieu que d’user des facultés qu’il nous a départies pour perfectionner notre être, développer notre intelligence, acquérir un nouveau pouvoir, étendre notre empire sur la nature, et contribuer au bonheur de nos semblables. Ce n’est que dans l’âge mythologique qu’on fait un crime de toucher à l’arbre de la science : dans l’âge historique, l’homme au contraire n’a pas de tâche plus sainte et plus glorieuse que d’escalader par un labeur assidu, à force de sueurs et de fatigues, les rocs ardus qui défendent l’entrée du paradis terrestre, et de conquérir le fruit précieux de l’arbre de la science, noble prix de ses travaux.
A. s. MOBIN.
M. J. de Rovère vient de faire paraître à Dunkerque une brochure destinée à populariser les notions du mesmérisme. C’est un des ouvrages dont nous annoncions naguère la prochaine publication ; nous l’avons reçu, mais l’espace et le temps nous manquent pour en rendre compte actuellement.
M. Guidi vient de publier à Milan un nouvel ouvrage. 11 est intitulé : Traltato teorico-pratico de Magnelismo animale, etc. Nous ferons bientôt l’analyse de cette production.
Le Gérant : HÉltEHT (de Garnay).
CLINIQUE.
A .11. le baron (la Po/et.
Monsieur,
Depuis que j’ai eu l’honneur d’être admise auprès de vous et que vous avez bien voulu me donner quelques leçons, je nie suis mise à pratiquer le magnétisme, et j’ai obtenu les succès les plus satisfaisants : j’ai guéri des personnes et des animaux.
1° ACTION SUR LES PERSONNES.
Plaie. — Une femme ayant été renversée par sa vache, avait eu la main écrasée par le pied de l'animal, la chair était enlevée ; je fis couper quelques lambeaux, je magnétisai deux fois par jour ; la douleur cessa presque complètement , et au bout de huit jours il y avait guérison parfaite.
Paralysie. — Une femme avait un bras paralysé depuis lu main jusqu’au coude, la main ôtait fermée et incapable de mouvement. Je magnétisai chaque jour. Pendant les si\. premiers, rien ne pouvait vaincre la constriction des doigts; peu à peu ils se détendirent, et le dixième jour je parvins à les allonger ; mais dès que je les abandonnais, ils se repliaient sur le creux de la main. Il me fallut encore plus de quinze jours pour leur rendre la souplesse. Enfin cette femme reprit l’usage de sa main, put aller glaner et vaquer à scs travaux. Il n’y a que l’indicateur dont les mouvements sonl restés un peu difficiles.
Toue XIII — X» 185. — 10 AVRIL 1851.
Suppression. — Une jeune fille, dont les règles étaient supprimées, éprouvait de violents battements de cœur et 11e pouvait presque plus marcher; ses maîtres, ne pouvant plus tirer parti de ses services, l'avaient renvoyée à sa mère, qui était sans ressources. Dès la première magnétisation, les jambes furent guéries et la marche rendue facile ; à la seconde, je fus prise d’un battement de cœur assez douloureux; la jeune fille me dit qu’elle était guérie et qu’elle se croyait en état de reprendre sa place. Le lendemain, les battements de ca.ur l’avaient reprise, mais c’était fort peu de chose, et elle retourna chez ses maîtres, espérant que ses règles reviendraient le 15 ou le 16 du mois, ce qui était son époque ordinaire. Je l'engageai à revenir me voir quelques jours auparavant. Le 11, elle se trouva très-souffrante. Je magnétisai sans obtenir de résultat appréciable. Le 12, on me l’amena. Je me mis à magnétiser : il y eut trois à quatre minutes de sommeil imparfait. A son réveil, elle dit que je la rendais bien malade, et qu'elle allait vpmir. En effet, elle vomit une grande quantité de bile. Je la laissai tranquille. Elle retourna chez sa mère, el ne revint plus ; mais le 17, ses règles ont reparu et elle s’est trouvée guérie.
2° ACTION SUR LES ANIMAUX.
Refroidissement. — J’ai exercé mon action magnétique sur une couvée de sept perdrix qui étaient sans mouvement : je les ai ranimées et les ai élevées ; il m’en reste encore deux très-bien portantes.
Vertige. — Deux canards, âgés de huit jours, étaient malades ; le soleil leur avait donné le vertige. Je les magnétisai pendant cinq heures et les ranimai. Dès que je suspendais mon action, ils retombaient dans un état d’anéantissement et semblaient morts ; dès que je reprenais, ils se ravivaient et cherchaient à manger.
Disent crie. — Une femelle de lapin était atteinte de la dyssenterie ; cette maladie m'en avait fait périr plusieurs.
Elle était malade depuis un jour, et son état paraissait désespéré. .le la magnétisai ; elle s’est ranimée et a cherché à manger. Dès que je cessais d’agir, le mal revenait. J'ai dû continuer une partie de la nuit. Grâce à ma persévérance, j'ai réussi it la sauver.
Vgréez, etc.
F« LEFEBVRK.
:ivi\iy-sur-Clicr, 1 mars 1551.
On trouve dans un ouvrage de Choris, sur les îles Sandwich, rapporté par Y Univers Pittoresque., vin passage relatif à la médecine, et analogue aux procédés magnétiques; l’auteur s'exprime ainsi :
«J’ai vu ii Valiou un Anglais que la goutte avait rendu entièrement perclus : il ne pouvait ni s’asseoir ni marcher. Un vieil insulaire s’y prit ainsi pour le guérir; il lui fit d’abord observer la diète la plus rigoureuse ; ensuite il le frottait constamment tous les jours, en appliquant les mains depuis la ceinture jusqu’au bout des pieds, et ne cessait que lorsque le malade s’endormait. En six semaines celui-ci fut entièrement guéri, comme il nous l’apprit lui-même lorsque nous revînmes à Valiou. »
FAITS ET EXPÉRIENCES.
1“ NOCTAMBULISME. — PRÉVISION.
A U. le baron du Pote/.
Monsieur,
Je ne sais si vous avez gardé le souvenir de ma lettre du 1" février. Le doute où je suis à cet égard m’impose le devoir, au début de celle-ci, de vous en rappeler le sujet, car ces deux lettres sont sœurs.
11 s’agit de mon jeune commis, Auguste, somnambule naturel dont je vous racontais les deux accès qu’il avait annoncés dans votre séance du 22 janvier, jour où vous l’avez magnétisé.
Dans cette même séance, Auguste parla de trois autres accès qui devaient avoir lieu les 15,22 et 28 février; et, à votre interpellation sur ce qu’il ferait, à quelle heure il sc relèverait et combien de temps durerait chaque accès, il répondit sans hésiter, comme quelqu’un qui est sur de son fait.
Au 1" février on pouvait considérer la prédiction du 22 janvier comme étant une hallucination. Aujourd’hui, les petites prophéties du voyant appartiennent au domaine des faits accomplis, et chez lui la prévision ou lucidité magnétique est complète. Toutefois, il se trouvera encore des forts qui nieront ces faits; mais ils trouveront en moi et en d'autres témoins une affirmation énergique, comme en ayant vu l’accomplissement.
Ces faits sont merveilleux, inexplicables, et de plus, ils sont une nouvelle preuve de l’immatérialité de notre espèce et le sermon le plus pathétique à l'usage de ceux qui nient
Dieu. Speclateur de ces faits, je viens vous les raconter avec l’exactitude d’un procès-verbal rédigé sur les lieux et pendant leur accomplissement par devant témoins.
Le 15 février, Auguste, après s'être couché à onze heures, s’est relevé à onze heures et demie, s’est habillé paisiblement, a ouvert la porte de derrière de mon magasin, a mis le bec de canne, un boulon et sa clavette dans sa poche pour pouvoir rouvrir el fermer lors de son retour. Il a poussé contre la porte le volet, et s’en est allé à la barrière de l’Étoile, d’où il est revenu quarante-cinq minutes après, fort tranquillement. 11 a rouvert la porte, remis tout en place el s’est déshabillé de tous ses effets, excepté de son pantalon, il s’est recouché, a dormi somptueusement jusqu’au lendemain à dix heures, et quoi qu’on ait fait, on n’a pu le réveiller auparavant. A son réveil, il a froid et faim; il est lourd autant que fatigué. Il demande l’heure, la réponse l’étonne ; 011 lui dit ce qui s’est passé, il n’en a nul souvenir.
Cet accès n’a élé précédé d’aucun symptôme précurseur, tandis que celui qui va suivre, celui du 22, l’a été des suivants. Dès neuf heures du soir, il est pris d’un besoin de sommeil contre lequel il lutte vainement. A onze heures, il se couche, dort profondément, quoique informé du spectacle qu’il allait nous donner. Quelques amis étaient présents.
Le quart après onze heures sonne, Auguste se lève; le voilà habillé; il est debout, méditant quelque chose : c’est une promenade, et pour cela il veut être sinon élégant, du moins propre ; il prend une brosse qu’il fait fonctionner sur ses habits et son chapeau : il est prêt. Toutefois, quelque chose semble lui manquer encore ; qu’est-ce donc? Une canne, qu’il cherche; il la tient, part et se dirige à la barrière de l’Étoile. 11 met quarante-cinq minutes pour faire ce trajet, rentre au moyen d'une clef qu’il avait mise dans sa poche, se promène dans le magasin quelque temps, réfléchit, remet son chapeau, fait une seconde course au galop par les rues de Rivoli, Castiglione, Monthabor, Alger, et reprend la rue de Rivoli, le Palais-Roval, rentre et referme la porte.
Ici se terminent les promenades du dehors ; que va-t-il
l'aire à l'intérieur? Il semble réfléchir; il est une heure et demie du matin. Notre attention est surexcitée, elle ne sera point dénie, car \uguste, après réflexion, ma: die à grands pas, s'arrête et marche encore. Il a fixé son idée, il considère des livres qu’il a achetés dans la journée, les ouvre les uns après les autres, en lit quelques lignes; rien ne l'intéresse. Enfin il en ouvre un autre avec un sentiment de préférence; c’est une Mythologie illustrée de nombreuses images, qu’il regarde avec intérêt, et faisant quelquefois une grimace ou un haussement d’épaules. Il a fini, ou plutôt il est fatigué. Pourtant, il y a encore excès d’électricité, il marche de nouveau , puis tout coup il se monte ; on l’entend mussiter les mots Turcs et Russes. 11 prend sa canne avec une vive satisfaction ; l’oreille écoute, le cou se tend, le corps prend de l’aplomb, les jambes de la fermeté; il est préparé, disposé pour la lutte. Il combat pour les Turcs contre les Russes, casse avec fracas, sans en être réveillé, mi verre à gaz qu'il met en mille éclats ; le parquet sur lequel il fait ses évolutions est parsemé de ces débris qu’il repousse du pied avec une rare dextérité. La fatigue succède au combat. Il s’asseoit, se repose, rêvasse, parle, dit des sentences qu’on 11'entend pas toujours bien ; puis écrit des choses inintelligibles. A trois heures du matin, il se couche et dort sans agitation jusqu’à midi ; :i aïs lors de scn réveil, il a des tremblements, des soubresauts, beaucoup d’agitation ; il est lourd, harassé, sans souvenir; il a faim et froid.
Il faudrait, pour décrire les phénomènes du dernier accès, être anatomiste et physiologiste, et je ne suis ni l'un ni l’autre. J’ai bien regretté de ne point vous avoir appelé !
Auguste n’a pas été cette fois fidèle à sa prédiction ; au lieu du 28 février, c’est le 1" mars qu’a eu lieu l’accès. Pourquoi ce retard ? A-t-il failli ii sa lucidité habituelle? Je lie le crois pas, et je pense que vous ne le croirez pas davantage. La raison , le pourquoi et la cause, les voici très-simplement. La veille et le jour, c’est-à-dire les 27 et 28 février, Auguste a éprouvé d’assez fortes contrariétés dont j’ignore la cause; il ne s’est point ou peu couché, à cause
de ccs contrariétés. Voilà R pourquoi suffisamment indiqué, et il pèse son poids. Gela veut dire, en simple et gros bon sens, que l'on repousse quelquefois les effets de la nature pour un temps plus ou moins court, mais qu’on ne les distrait point; aussi bien le vase était tellement plein, qu'il a débordé.
Le 1" mars au soir, vers onze heures moins un quart, je le questionnai sur son état qu’il disait être très-bon, lorsque soudainement, sans symptômes précurseurs apparents, il s’endort sur sa chaise, se lève, prend sa casquette et se dirige au pas de course au bois de Boulogne, d’où il revient une heure vingt minutes après, c’est-à-dire à minuit cinq minutes, dans une parfaite quiétude, fumant une cigarette, qu’il a indubitablement achetée sur son parcours, et s'asseoit dans le magasin, fumant toujours. Un témoin le prie de lui laisser allumer son cigare, il ne répond point ; prière nouvelle lui est faite, il tend alors sa cigarette. Gette tabagie improvisée inspire à Auguste l'idée d’ouvrir les deux vasistas ; on les ferme vingt fois, et vingt fois il les rouvre sans impatience. Craignant que ce jeu taquin ne lui déplaise, je le fais cesser.
Tout est clos et fermé il y a long-temps, le silence de la nuit règne. 11 est une heure. Tout à coup les pas mesurés et cadencés d'une patrouille se font entendre, Auguste écoute, s’agite, s'effraie, va, vient, bondit, se met aux portes, entend le cliquetis des armes,’ le qui-vive des sentinelles, le son de l’horloge, l’écho qui se produit, et tout cela l’irrite. Nous avons peur. Un cri perçant et soutenu nous arrive je ne sais d’où ; cette vibration l’emporte, il ne tient plus sur le sol, et, agile et souple comme un chat, d’un bond il est sur une tablette d’appui, tête et corps en avant, soutenu par une autre tablette faisant face à la galerie d’Orléans... L’ennemi est là... c’est la patrouille, ce sont les sentinelles. L’ennemi a fui (la patrouille); il ne reste que les sentinelles; il n’a plus peur. Alors, gardant sa position, il siffle et chantonne un quart d’heure, manifeste sa satisfaction jusqu’à l’extase ; descend de sa cachette, se promène, sort sous le péristyle,
va dans la galerie, rentre, feiTne la porte, se promène clans le magasin, quand un malencontreux qui rire adressé à une autre patrouille vient ranimer sa colère il peine calmée. 11 fait d’inimaginables soubresauts, et pour voir l'ennemi il n’a plus besoin d'être sur une élévation égalant la hauteur des impostes non fermés par les volets; son œil en feu voit à travers les volets. 11 n’ira pas le chercher, mais s’il vient il le recevra, et pour cela il s’empare d’armes de ménage qu’il approprie à cette suprême circonstance. A ce moment, monté au tragique, nous avons vraiment peur, et par prudence nous nous dérobons à sa présence. Ce pa-roxisme dure vingt-cinq minutes. Enfin le calme revient un peu, et le besoin d’air se faisant sentir, il ouvre, inspecte, se promène. La porte lui est fermée, afin de lui donner le temps de se rasséréner et à nous de nous remettre de notre commune émotion. Mais dix minutes n’étaient point écoulées, qu’il veut rentrer. Je veux qu’on lui ouvre, 01111e veut pas ; je cède avec regret. Il pousse la porte doucement, puis violemment; elle résiste, elle est fermée et deux hommes l’arc-boutent; quand soudain nous l'entendons grimper le long des volets de la boutique, puis passer avec armes et bagages par le vasistas resté ouvert, élevé du sol de plus de deux mètres. Le voilà donc de nouveau dans le magasin, où il va continuer et finir ce que lui impose sa fièvre somnam-bulique. 11 a perdu de son exaspération, la brise lui a fait dubien. 11 se promène à grands pas; il a froid, va s’asseoir sur le parquet, au-devant du poêle dont le feu n’est pas éteint, l'ouvre, prend un fort tison, dont il pose la base non brûlée sur ses jambes allongées, le souille pour en augmenter le calorique, se chauffe les mains, puis jongle fort adroitement avec ce tison, se lève, jonglant toujours, et fait cinq ou six lois le tour du magasin, remet dans le poêle ce qui reste de ce tison et s’assure si toutes les étincelles tombées sont bien éteintes. Je dois vous faire observer que chaque fois qu’il en tombait une, il l’éteignait immédiatement.
Cet exercice terminé, Auguste prend une chaise, s’asseoit, rêvasse, s’affaisse et glisse lentement sur le parquet, sur le-
quel il est comme inerte. Bientôt une réaction a lieu ; des crispations, des torsions le font plutôt ramper que se traîner : les muscles et leurs attaches tendineuses se tendent, et il résulte de leur contraction une projection en avant de toute l'habitude du corps; un moment, les yeux sont dérobés, et tout cela sans cris, sans gémissements, bien que pour l'œil observateur il y eût apparence de souffrance marquée. En cet état, et pour un moment, il semble vouloir dormir ; le corps se pelote, se rainasse sur lui-même, la tête est sur la poitrine ; il se relève avec peine, marche, s’asseoit encore, parle de choses diverses qu'on entend mal, dit des sentences tenant de la prédiction. 11 écrit aussi, mais rien de ce qu’il confie au papier n’est intelligible. Enfin il fait encore quelques tours, puis se déshabille et se couche à quatre heures et demie du matin, après un somnambulisme qui dura près de six heures. 11 dort profondément jusqu’à midi, et, comme toujours, le froid, la faim, la fatigue, la pesanteur et l'oubli accompagnent son réveil.
Agréez, etc.
MOREAU,
Libraire, au Palais-Royal.
2" TABLES TOURNANTES.
Voici la relation de faits qui détruisent la plupart des objections faites au mouvement des meubles. Si de nouvelles épreuves confirment la réalité de ces expériences, il sera démontré que l’impulsion musculaire n’est pour rien dans la production de ce phénomène.
11 y a déjà longtemps qu’ils sont publiés, mais ils ont passé inaperçus; c’est ce qui nous engage à les mettre aujourd’hui sous les yeux de nos lecteurs.
1° La Patrie du 16 mai dernier contenait la note suivante, extraite d’une lettre adressée de Saint-Etienne au Salut publie :
« Comme j'expérimentais devant quelques personnes peu
convaincues, mais honorables du reste, 011 prétendit qu’au moyen d'une légère pression des doigts sur la tablette du guéridon, j’obtenais facilement ce résultat de faire lever ou baisser un des côtés, cl par suite d’imprimer l’impulsion que je désirais. Ma loyauté ôtait évidemment attaquée par une semblable supposition, et mon argumentation ne convertissait pas mes contradicteurs. J’ai renouvelé alors l’expérience, en choisissant deux personnes de mon âge, et dont le pouls battait à peu près le môme nombre de pulsations que le mien.
-( Je les ai fait préalablement se débarrasser, à mon exemple, de tous les objets d’or, d’argent et de métal quelconque susceptibles de neutraliser l’action magnétique. Nous avons introduit les doigts servant à l’opération dans de petits cônes de papier, et nous avons formé la chaîne magnétique, en appuyant sur le guéridon les extrémités de ces petits cornets. Le silence le plus complet, le recueillement le plus religieux, nous ont rendu facile l’opération ; l’énergie de notre volonté a fait le reste.
« Au bout de quarante-trois minutes, les légers craquements, précurseurs du mouvement, se font entendre; de faibles oscillations se manifestent, et, après deux minutes quinze secondes d’hésitation, la rotation se produit, de gauche à droite, d’abord lente, puis accélérée, à notre commandement.
« La longueur de l’opération nous avait rompu les bras, peut-être aussi l’influence du dégagement magnétique. Il a bien fallu suspendre l’expérience. L’un des trois opérateurs s’est tenu en rapport avec le guéridon, pendant que les deux autres prenaient un repos devenu nécessaire. Après quelques instants, nous avons rétabli la chaîne, momentanément interrompue, et presque aussitôt la table a repris le cours de ses évolutions; elle tendait visiblement à se diriger vers le nord.
« Un des spectateurs, que je priai de faire lui-même des injonctions, lui ordonna d’aller à droite, il gauche, de se lever sur deux pieds, puis sur un ; et, docile à ces ordres, elle exécuta tout avec une rare précision, à la grande surprise des assistants. Comme les trois opérateurs étaient musiciens, nous avons chanté sur un rhytlime très-lent, et presque instantanément, la table, en élevant deux de scs pieds, a marqué la mesure du morceau que nous chantions. Ayant précipité le mouvement, la table a continué de le suivre avec la même docilité.
■( Je compte donner suite à ces intéressantes observations,
cl pour qu’elles soient plus concluantes, je nie propose d'établir le courant magnétique au moyen de fils attachés au bout des doigts, fils qui toucheront à la table, et qui seuls serviront d’agens conducteurs au fluide.
u Agréez, etc.
« .1. r.EFÈVRE. »
2" Le Wandcrer de Vienne, cité par la Pairie du 27 mai 1853, rapporte ce qui suit :
« Prenez une petite table ronde de bois blanc dont le pied peut être un disque, fixez-y, au moyen de petits trous au nombre de trois ou davantage, pratiqués dans le bord, un nombre égal de fils de cuivre très-flexibles de deux ou trois pieds de long. Placez autour de la table, selon sa dimension, de quatre à huit personnes; qu’elles forment la chaîne et qu’elles tiennent en même temps à égale distance les extrémités des fils de cuivre. Peu de temps après, on sentira se développer au point de contact l'effet de l’électro-magné-tisme animal, el bientôt la table craquera, vacillera et se mettra à tourner avec rapidité. En augmentant le nombre des fils de cuivre et des personnes, on peut aussi augmenter la dimension de la table. Les tables il quatre pieds changent de place et tournent. Cette expérience doit réussir partout et dans toutes circonstances. »
S” DIVINATION.
Chardin, dans son Voyage en Perse, parle en ces termes de la faculté de divination :
o J’en rapporterai un exemple de leur grand devin Alkendi, qui était juif de religion, et qui professait l’astrologie judiciaire à Bagdad, ville capitale de l’empire mahométan, située sur le Tigre.
« Sa réputation allant toujours croissant par les prodiges de son art, les docteurs mahométans se soulevèrent avec furie contre lui, le traitant de magicien et de sorcier. Un des plus éminents l’ayant pris un jour à partie, en présence de l’empereur de Bagdad, qui était le calife Almamoun, il il lui demanda arrogamment qu’est-ce qu’il savait donc, en astrologie, plus que les autres professeurs de cette science, pour s’élever comme il faisait, et se faire courir. «Je sais,
• lui répondit Alkendi, cc que vous ne savez pas, et vous « ne savez pas ce que je sais. » Ou convient d’en venir à la preuve, et que le docteur donnerait à deviner à son antagoniste. Ils tirèrent leur cercle vis-à-vis l’un de l’autre, au milieu duquel chacun se mit avec ses livres et ses instruments. Le docteur, après bien du grimoire, prit un papier blanc, passa assez longtemps la plume dessus, comme s'il y eût beaucoup écrit, el à la fin il le plia fort serré, el il le donna à tenir au calife. Alkendi se mit à son tour après son grimoire; après beaucoup d’agitations d’esprit et de corps, il s'écria tout haut, parlant au docteur: «Vous n’avez écrit « que deux mots sur le papier, dont le premier est le nom « d'une plante, l'autre le nom d’un animal. » Le calife ouvrant aussitôt le papier, trouva, avec la plus extrême surprise , qu’il avait rencontré juste ; les deux mois étaient : tissu 1/ouso, lu verge de Moïse. Le bruit de cette merveille s’étant répandu jusqu’aux extrémités de l’empire, un des disciples du docteur maliométan, qui était allé étudier à Balk, grande ville de la Petite-Tartarie (la Boukharie), renommée alors pour ses écoles d’astronomie, fut si indigné contre Alkendi de l’affront qu'il avait fait à son maître, qu'il résolut fermement de le tuer; et pour cet effet, il se munit d’un bon poignard ; il partit de Balk, et après quelque quatre cents lieues de chemin, il arrive à Babylone (Bagdad), il prit jour pour l’exécution de son noir dessein qu’Alkendi faisait leçon publique, et il va à son école, en habit d’étudiant, son poignard sous sa robe. Alkendi s’étant mis à le regarder fixement dès qu’il fut entré, lui dit d’un ton d'inspiré :
« Je sais qui vous ôtes, et ce que vous serez; vous vous « appelez Aboumasar, et vous deviendrez un des grands as-« trologues du temps; mais il faut, pour cela, quitter le i motif sanguinaire qui vous amène, et jeter ici, au milieu « de l’école, le poignaid que vous avez apporté pour me « tuer. »
« Aboumasar, frappé d'étourdissement de ces paroles, comme d’un coup de foudre, se jeta à ses pieds avec son poignard, et se mit à étudier ardemment l’astrologie, où il excella dans la suite, selon la prédiction d’Alkendi. 11 est connu à nos grands mathématiciens sous le nom d’Aboumasar de Balk. »
ÉTUDES ET THÉORIES.
1° MANIFESTATIONS SPIRITUELLES.
Nous trouvons dans Y Univers religieux, du 22 janvier, la pétition suivante, accompagnée de commentaires :
•
« Mémoire présenté aux honorables membres du sénat cl de tu chambre des représentants des Etats-Unis assemblés en congrès.
« Les soussignés, citoyens de la république des Etats-Unis d’Amérique, demandent respectueusement à exposer à votre honorable corps que certains phénomènes physiques et intellectuels, d’origine douteuse et de tendance mystérieuse, se son! manifestés depuis peu en ce pays et dans presque toutes les parties de l’Europe. Ces phénomènes sont même devenus si multipliés dans le nord, le centre et l'ouest des Etas-Unis, qu’ils préoccupent vivement l’attention publique. La nature particulière du sujet sur lequel nous désirons appeler l’attention de votre honorable corps peut être appréciée par une analyse rapide des différents ordres de manifestations, et nous en donnons ci-dessous un résumé imparfait.
« 1° Une force occulte , s’appliquant à remuer, soulever, retenir, suspendre, et dérangeant de diverses autres manières la position normale d’un grand nombre de corps pesants ; le tout étant, en apparence, en directe contradiction avec les lois reconnues de la nature, et dépassant totalement les pouvoirs de compréhension de l’entendement Inimain ; cette force se manifeste à des milliers de personnes intelligentes et raisonnables sans que les sens de l’homme aient jusqu’ici réussi à découvrir, à la satisfaction du public, les causes premières ou les causes approximatives de ces phénomènes.
« 2° Des éclairs ou clartés de différentes formes et de couleurs variées apparaissent dans des salles obscures, là où il
n’existe aucune substance capable de développer une action chimique ou une illumination phosphorescente, et eu l’absence de tout appareil ou instrument susceptible d’engendrer l'électricité ou de produire la combustion.
d 3“ I ne autre phase des phénomènes sur lesquels nous appelons l’attention de votre auguste corps consiste dans la variété des sons, qui sont maintenant extrêmement fréquents dans leur répétition, étrangement variés dans leur caractère, et plus ou moins significatifs dans leur importance, (les bruits consistent en partie dans certains tapotements mystérieux qui paraissent indiquer la présence d’une intelligence invisible. On entend encore, souvent des sons analogues à ceux qui retentissent dans les ateliers de différentes professions mécaniques,’ ou bien encore des bruits ressemblant aux voix stridentes des vents et des vagues déchaînés, auxquelles se mêlent les craquements de la mâture et de la coque d’un vaisseau luttant contre une violente tempête. Parfois d’éclatantes détonations se font entendre, semblables aux grondements du tonnerre ou à des décharges d’artillerie, et ces détonations sout accompagnées d’un mouvement oscillatoire dans les objets environnants, et quelquefois d’un tremblement ou d'une forte vibration dans la maison entière où se passent les phénomènes. Dans d’autres circonstances, des sons harmonieux viennent charmer l’oreille, tantôt comme des voix humaines, et plus souvent comme les accords de plusieurs instruments de musique : le jeu du fifre, du tambour, de la trompette, de la guitare, de la harpe et du piano. Tous ces sons ont été mystérieusement produits, soit ensemble, soit séparément, tantôt sans aucune intervention ou présence des instruments, tantôt c'étaient les instruments qui vibraient ou retentissaient d’eux-mêmes, et dans tous les cas sans aucune apparence de concours humain ou d’aucun autre agent visible. Ces phénomènes paraissent se produire, quant à ce qui a rapport à leur émission, suivant les procédés et les principes reconnus de l'acoustique. Il y a évidemment des mouvements ondulatoires dans l'air qui viennent frapper les nerfs auditifs et le siège de la sensation de l'ouïe, quoique l’origine de ces ondulations atmosphériques 11e reçoive pas d’explication satisfaisante de la part des plus sévères observateurs.
e Toutes les fonctions du corps et de l'esprit humain sont souvent étrangement influencées, de manière à amener un état du système entièrement anormal, et cela par des causes qui n’ont été ni définies d'une manière concluante, ni coin-
prises. Le pouvoir invisible interrompt fréquemment ce que nous sommes accoutumés à regarder comme l’opération normale de nos facultés, suspendant la sensation, arrêtant le pouvoir du mouvement volontaire et la circulation des fluides animaux, faisant baisser la température des membres et de. portions du corps jusqu’à la froideur et à la rigidité cadavérique. Parfois la respiration a été suspendue complètement pendant des heures et des journées entières, après lesquelles les facultés de l’esprit et les fonctions du corps ont repris entièrement leur cours régulier. 11 est cependant permis d’affirmer que ces phénomènes ont été suivis dans des cas nombreux de dérangements d’esprit permanents et de maladies incurables, et il n’est pas moins certain que beaucoup de personnes qui souffraient de défauts organiques ou de maladies invétérées et en apparence incurables, ont été subitement soulagées ou entièrement guéries par ce même agent mystérieux.
« 11 n’est pas hors de propos de mentionner à ce sujet les deux hypothèses générales par lesquelles on parvient à expliquer ces remarquables phénomènes. L’une d’elles les attribue au pouvoir et à l'intelligence des esprits des morts agissant par le moyen et à travers des éléments subtils et impondérables qui parcourent et pénètrent toutes les formes matérielles. Et il est important de faire observer que cette explication concorde avec les prétentions mises en avant par l’agent mystérieux des manifestations elles-mêmes. Parmi ceux qui acceptent cette hypothèse, se remarquent un grand nombre de nos concitoyens, également distingués par leur valeur morale, leur éducation, leur puissance intellectuelle, et par l’éminence de leur position sociale et de leur influence politique. D'autres, non moins distingués dans toutes les relations de la vie, rejettent cette conclusion et soutiennent l’opinion que les principes reconnus de la physique et de la métaphysique permettront aux investigateurs scientifiques de se rendre compte de tous les faits d’une manière satisfaisante et rationnelle.
« Quoique nous ne puissions tomber d’accord avec ces derniers sur ce sujet, et quoique nous soyons arrivés honnêtement à des conclusions fort différentes relativement aux causes probables des phénomènes ci-dessus décrits, cependant nous affirmons respectueusement à votre honorable corps que les phénomènes dont il est question existent bien réellement, et que leur origine mystérieuse, leur nature particulière , leur importante action sur les intérêts du genre
humain, réclament une investigation patiente, scientifique et approfondie.
il On ne peut raisonnablement nier que les phénomènes variés dont nous parlons soient destinés à produire des résultats importants et durables, affectant d’une façon permanente la condition physique, le développement mental et le caractère moral d’une large fraction du peuple américain. 11 est patent que ces pouvoirs occultes influencent les principes essentiels de la santé et de la vie, de la pensée et de l’action ; et de là ils peuvent être destinés à modifier les conditions de notre existence, la foi et la philosophie de notre époque, ainsi que le gouvernement du monde.
« Toutefois, considérant qu’il est essentiellement opportun et qu’il est strictement compatible avec l’esprit de nos institutions de s'adresser aux représentants du peuple pour toutes les questions que l’on présume loyalement devoir conduire à la découverte de nouveaux principes et entraîner des conséquences prodigieuses pour le genre humain, nous, vos concitoyens, demandons instamment à être écoutés dans cette occasion.
« En vue des faits et des considérations contenues dans ce Mémoire, vos concitoyens pétitionnent respectueusement à votre honorable corps, afin qu’une commission scientifique soit nommée pour procéder à l’étude complète de la question , et afin qu’un crédit soit alloué pour permettre aux membres de la commission de poursuivre leurs investigations jusqu’à leur terme. Nous croyons que les progrès de la science et les vrais intérêts du genre humain retireront un grand profit des résultats des recherches que nous provoquons, et nous avons la confiante espérance que notre prière sera approuvée et sanctionnée par les honorables chambres du congrès fédéral. »
2° DES ESPRITS.
(6« article.)
Faites-nous voir /es esprits ! — m’écrit-on de tous côtés, — nous sommes avides de connaître; révélez-nous la science occulte.
Vous dont les paupières s’abaissent aux seuls rayons du soleil ; vous dont les larmes coulent ou dont le sang se fige au récit du moindre événement, vous me demandez, comme
le demanderait un enfant, de vous faire voir les esprits sans corps, de vous montrer les immortels! C/est avec vos sens, et l’œil bien ouvert, c’est avec les doigts que vous voulez toucher ce qui n’a point de corps! C’est à votre heure, à votre convenance, que le ciel doit s’ouvrir pour offrir à vos regards les images virantes des choses qui ne sont plus !
Bien téméraire est votre désir, bien folles sont vos pensées ! car nul d’entre vous ne pourrait supporter un instant sans défaillir les seules approches des rayons qui précèdent et environnent les êtres spirituels ! Oh ! je vous l’assure, les plus hardis reculent lorsqu’il faut agir; les plus expérimentés tremblent lorsque la porte mystérieuse s’ouvre pour les laisser passer. C’est qu’il faut laisser son [corps à l’entrée; c’est qu’on ne sait pas si l’àme reviendra dans ce corps fail cadavre, ou si, en y revenant, il sera tout entier.
Ah ! vous voulez suivre le chemin qui conduit au séjour des esprits, obtenir dans la vie ce que la mort seule produit ! Mieux vaut pour vous conserver les illusions de la fausse science des écoles. N’allez point, croyez-moi, sans noviciat, chercher des réalités terribles. Jouissez plutôt en paix de ce que Dieu créa de matériel et de ce qu’il fit pour vos sens ; attendez le moment où il vous sera donné de voir et d’entendre ce qui fut fait pour l'intelligence dégagée de ses liens terrestres. Si vous arrivez par force et violence à briser ces liens, n'allez point imputer à la nature les fâcheuses conséquences de votre témérité.
Vous qui voyez chaque jour ce que la seule puissance magnétique détermine, ce que ce feu encore grossier, relativement aux pures essences, produit sur les magnétisés, dites-moi si leur chair ne semble point en contact avec un agent qui la contracte et la tord? Est*ce que la sensibilité des tissus n’est point anéantie? Est-ce que l’esprit lui-même résiste à la pression exercée sur son enveloppe? Est-ce qu'il ne fait point effort pour se dégager totalement? Cette tourmente n’apparalt donc point à vos yeux pour ce qu’elle vaut et ce qu’elle cache? Ah ! vous ne devinez point, et vous voyez les merveilles que je n’ose décrire ici, comme un jeu sansimpor-
tance, tandis qu’il s’agit déjà de phénomènes sublimes. Et lorsque je m’ingénie à rendre plus sensible encore ces faits merveilleux, lorsque, plein d’abandon, mon langage laisse à peine subsister un faible voile, je ne trouve autour de moi que des gens sans yeux et sans oreilles. Et si quelques-uns, plus confiants, se hasardent à suivre le chemin tracé, ils reculent bientôt épouvantés, ils se retournent contre moi et me font un crime de leur propre faiblesse. C’est-à-dire que je devrais leur donner l’âme qu’ils n’ont pas, une puissance sur eux-mêmes qui me manque à moi, surtout lorsqu'il s'agit de poursuivre la nature dans son travail et de lui donner l’élément même qui me constitue.
C’est que déjà j’ai payé ma témérité : ma mémoire a subi quelques atteintes ; j’ai vu sans doute bien des choses en un instant, mais en même temps j’ai senti mon néant et l’impossibilité qu’il y a pour un mortel de supporter longtemps ce divin mirage.
Vous qui cherchez .avec constance la vérité, venez à mes enseignements, suivez mes expériences, elles deviennent chaque jour plus remarquables, et nul encore n’a poussé les phénomènes plus proche du miraculeux.
J’espère former ainsi quelques hommes ; déjà même j’en pourrais citer qui ont parfaitement saisi non-seulement les procédés opératoires, mais les conditions morales qui assurent le succès. Je ne crois point que l’on doive suivre un autre chemin que celui que j’ai tracé. On va vous promettre, dans beaucoup d’ouvrages, une route plus facile, un succès prompt et certain. Je laisse, sans les contrarier en rien, ces magiciens publier leurs travaux. Je ne puis m’empêcher pourtant de dire que s’ils savaient quelque chose de réel, ils seraient plus discrets, ou que du moins ils produiraient des autres rivantes de magie, au lieu de se borner à publier des livres.
Le tonnerre ne gronde point avant que les éléments de la foudre n’aient été rassemblés. De même en fait de magie. C’est en vain que par des évocations vous appellerez les esprits, ils resteront sourds à votre voix si au préalable vous
n’avez point rassemblé, accumulé les agents qui les attirent et les forcent à. paraître.
— Mais où sont-ils donc ces agents?
— D’abord en vous-mème-, ce sont eux qui nous remuent et par qui vous vivez.
— Mais comment les employer?
— Si vous êtes magnétiseur, ne savez-vous point qu’ils peuvent sortir et se fixer au corps que votre pensée désigne?
— Qu'advient-il alors?
— 11 advient que vous avez créé sans vous en douter l’élément magique, et si vous êtes expert, votre aimant deviendra de lui-même actif et attirera à lui les agents qui lui ressemblent, ceux surtout qui ont cessé de transmuer la matière et qui ont alors une autre mission. Mais le fils de vos œuvres vous rendra visible cet agent, car les chemins qu’il s’est frayés pour sortir de vos organes ne se sont point refermés , la perception aura lieu dès lors par tous les sens à la fois.
Mais, je le répète, c’est un viol fait à la nature, c’est une loi rompue ou transgressée, et l’on ne doit imputer qu’à soi-même les désagréments qui peuvent en résulter.
Je reviendrai sur ce sujet après la publication de mémoires et de pièces très-importants qui nous sont parvenus, et je dirai probablement ce que j’ai pu saisir des choses immatérielles.
Baron DU POTET.
BIBLIOGRAPHIE.
MÉMOIRE SUR LE SOMNAMBULISME ET LE MAGNÉTISME ANIMAL, ■adressé en 1820 à l'Académie royale île Berlin, el publié en 1854, par M. le général Noizet. 1 vol. in-8. Pion frères, éditeurs.
Un des signes les plus caractéristiques des progrès du magnétisme, c’est le nombre toujours croissant des hommes éminents en tous genres qui depuis quelque temps se sont faits ses défenseurs, ont consacré leurs veilles et leurs talents à en scruter la nature, et ont proclamé la réalité des phénomènes admirables que des savants persistent encore à croire au-dessous de leur examen. La cause du magnétisme compte parmi ses champions des physiciens, des naturalistes, des ingénieurs, des jurisconsultes, des théologiens, des médecins, des militaires, en un mot, des hommes qui ont cultivé toutes les branches des connaissances et qui s'accordent à reconnaître la vérité apportée par Mesmer. Ce concert de témoignages venge noblement le magnétisme des dédains par lesquels on a longtemps cru l’étouffer. Cette masse de suffrages éclairés, consciencieux, fruit d'un examen sérieux et d’expériences rigoureusement observées, forme une autorité bien autrement imposante que la dénégation railleuse de savants ou d'hommes superficiels qui n’ont rien vu, ne veulent pas voir et ne s’en disent que plus compétents pour défendre au magnétisme d'exister.
Tous les amis du magnétisme apprendront avec satisfaction la publication de l’ouvrage important de M. Noizet, général du génie, homme considérable, qui, par l’étude des sciences exactes, a appris à observer les faits et à les juger avec sagacité. En 1818, l’académie de Berlin, se mettant au-dessus des préventions qui dominent encore dans les académies de France, mit au concours un mémoire sur
le magnetisme animal. M. Noizet, et l'eu le docteur Bertrand, connu par deux ouvrages estimés sur celte matière, concoururent et envoyèrent ensemble leurs mémoires. Mais l’époque de la clôture avait été indiquée d’une manière erronée par le Moniteur français ; les mémoires n'arrivèrent à Berlin qu’après la clôture. Le concours n’eut pas de résultat; l’académie jugea qu’aucun des mémoires présentés ne satisfaisait aux conditions du programme, et qu’aucun des concurrents n'avait présenté ni faits nouveaux suffisamment fondés, ni vues théoriques étayées par des preuves concluantes et convenablement coordonnées.
M. Noizet avait eu la .modestie de conserver jusqu’ici son manuscrit en portefeuille. Il faut lui savoir gré de s'être décidé à faire part au public du résultat de ses recherches et de ses méditations. Depuis 1820, il a été fait de grands travaux en magnétisme, de fort belles expériences ont eu lieu, de nombreux ouvrages ont été publiés, et pourtant le livre de M. Noizet n’a rien perdu de son mérite d'à-propos et même de nouveauté. En traitant un sujet qu’on aurait pu croire usé, tant il a été exploré, l’auteur a su être original, il enrichit la science en lui apportant ses vues ingénieuses sur la théorie encore si obscure du magnétisme.
Comme le moral joue un rôle au moins aussi grand que le physique dans les faits magnétiques, M. Noizet se préoccupe d’abord de la nature de l’âme et traite de ses facultés observées dans l’état de veille, dans celui du sommeil et dans le somnambulisme naturel. Les questions les plus ardues de métaphysique y sont discutées avec méthode et clarté; l’immortalité de l’âme y est soutenue par de nombreux arguments. Nous croyons utile de signaler quelques-unes des propositions qui s’y trouvent.
,V1. Noizet pense que le sommeil magnétique n'est autre chose que le sommeil ordinaire. Il nous semble, au contraire, qu'il en diffère tellement que ce n'est pas réellement un sommeil, et que cette dénomination, consacrée par l’usage, est tout à fait impropre. En effet, quels sont les caractères du sommeil ordinaire? L’engourdissement de tout notre être
dont toutes les fonctions sont suspendues, excepté celles île la vie végétative; les sens sont inertes, et si l’on cherche ;i leur rendre l’activité, on trouble le sommeil, on le rend moins profond et mèn e 011 le fait cesser. L’esprit, chez la plupart des dormeurs, paraît frappé de la même torpeur que le corps : quand il n'y a pas, au réveil, souvenir de rêves, rien 11e prouve que l’esprit ait fonctionné pendant le sommeil : quand il y a rêve, l’esprit agit encore, il est vrai, la mémoire et l’imagination présentent des scènes confuses, fantastiques; le sujet 11’en est pas moins incapable de se mettre en rapport avec les objets extérieurs. Le somnambulisme débute, il est vrai, par une courte période de sommeil; mais dès que le somnambulisme est développé, le sujet entre dans un mode d’existence tout nouveau, qui n’a aucun des caractères du sommeil, et qui, à bien des égards, est supérieur à l’état de veille; il se met en rapport avec les objets extérieurs, soit à l’aide des sens ordinaires, comme le reconnaît l’auteur, soit par des moyens mystérieux dont nous ne nous rendons compte que d'une manière fort imparfaite ; il voit sans le secours des yeux, il embrasse les choses éloignées, malgré l'interposition de corps opaques, il suit l’enchaînement des faits, en prévoit les conséquences et soulève ainsi un coin du voile de l’avenir; il lit les pensées, il obéit à une volonté non exprimée ; son esprit acquiert une pénétration prodigieuse et des facultés anormales. Qu’v a-t-il de commun entre cet état transcendant, entre cette activité exubérante qui semble faire participer l'homme à une nature surhumaine, et le sommeil, que les poètes dépeignent avec raison comme une image de la mort, comme un tribut prélevé sur la masse de notre existence?... Bien plus, le somnambulisme peut se passer du préliminaire du sommeil : il y a des somnambules éveillés, c'est-à-dire des individus qui, sans avoir été endormis, arrivent par une sorte d’excitation à la lucidité et jouissent des autres facultés du somnambulisme. Le sommeil est l’état le plus inférieur de la vie humaine, le somnambulisme en est l’état le plus élevé, le plus brillant.
De l’insensibilité dans l’état magnétique, M. Noizet con-
dut que l’âme est un ilre tout à fait distinct du corps, ayant une existence indépendante de lui, et qui ne conçoit d’idées relatives au corps, qu’autant tpi elle y est portée par sa propre volonté, toujours d'accord avec tes lois établies par l’auteur de toutes choses (page 100). Nous ferons remarquer que l’atonie d'une partie du système nerveux n’implique pas celle de l'organisme entier ; que le somnambule, dans l’état décrit par l'auteur, entend son magnétiseur et lui répond, d’où il suit que quelques-uns de ses sens ont conservé leur activité; il n’y a donc point isolement de l’âme et du corps. S’il y avait cessation complète des fonctions physiques, l'àme serait incapable de se manifester, et nous ne pouvons savoir ce qu’elle deviendrait. L’homme ne nous est connu qu’avec l’union de l’àme et du corps; leur séparation, c’est la mort. Dans la vie terrestre, notre âme ne peut se passer de nos organes, sans pour cela être obligée de les employer tous à un moment donné. C’est se laisser égarer par des suppositions chimériques, que de prétendre, avec certains magnétistes, que l'âme peut quitter le corps, voyager dans des régions supérieures, puis rentrer dans le corps, comme un oiseau dans sa cage. Quand nous examinons un astre situé à cent millions de lieues de notre œil, nous n’avons pas besoin de supposer que notre âme nous quitte pour aller dans cet astre et revient nous en rapporter l’image. Elle n’a pas non plus besoin de s’isoler pour produire les visions des extatiques qui se prétendent dégagés des sens.
Dans la seconde partie, M. Noizet traite du somnambulisme produit pur la puissance de l’àme du somnambule. Il cherche à expliquer les phénomènes du somnambulisme par les ondulations du fluide vital, et n’admet pas que les notions ainsi acquises par les somnambules sur les objets extérieurs soient semblables à celles qu’on peut avoir dans l’état de veille ; il pense que si l'objet qui a produit /’impression leur était tout à fait inconnu, ils se le représenteraient sous les formes les plus fantastiques et les plus fausses (page 102). 11 \ a même jusqu’à dire que quand ils décrivent un objet extérieur, ils n'expriment pas ce qu’ils voient, mais seulement
ce qu'ils imaginent (page 1 /|7). L’expérience est là pour donner un démenti à cette hypothèse, et dans les faits mêmes que raconte l’auteur, il en est plusieurs où l'on voit les somnambules décrire d'une manière très-exacte des personnes qui leur étaient tout à fait inconnues. Que les somnambules voient par un autre mode que le nôtre, c’est ce que personne ne conteste ; mais la faculté dont ils jouissent, et que nous regardons comme un sixième sens, fort supérieur aux autres, leur permet de se mettre en rapport avec les objets plus ou moins éloignés, de les apprécier tout aussi sainement que nous pouvons le faire avec nos sens, d’en percevoir non-seulement l’étendue, la forme et la couleur, mais aussi les autres propriétés.
Quoique spiritualiste prononcé, M. Noizet ne croit pas avoir besoin, pour expliquer le phénomène si merveilleux de la transmission delà volonté du magnétiseur au somnambule, de recourir à l’hypothèse du commerce des âmes sans le concours des sens. Selon lui, le somnambule dont l’attention est portée sur son magnétiseur, dirige vers lui une colonne de fluide disposée à éprouver toute espèce d’impression. Ce fluide mis en contact avec celui du magnétiseur, subira nécessairement une modification analogue à celle qui se produit dans ce dernier, et de cette modification naitru dans l'âme du somnambule une idée en rapport arec celle qui a fait naître ta modification du fluide vital du magnétiseur, c’est-à-dire arec sa volonté (page 220). Nous avons donné, dans le n* 153 de ce Journal, une explication qui a quelque analogie avec celle-ci, mais qui nous paraît avoir de plus le mérite de la simplicité, en ce qu'elle se passe de la supposition d'un fluide dont rien ne démontre l’existence. Nous disions que tout ce qui se passe dans notre esprit produit dans notre corps une modification correspondante, que le somnambule voit ces modifications, en lit la signification, de même que, dans certains cas, nous lisons sur la physionomie les effets des passions, et que par là il connaît les pensées du magnétiseur ou des autres personnes avec lesquelles il est en rappo rt.
La troisième partie est consacrée au magnétisme. L’auteur prouve l'action vitale d'un être animé sur un autre, c’est-à-dire le principe fondamental du magnétisme. 11 combat la théorie de Mesmer et nie le fluide magnétique. Mais le fluide vital, auquel il fait jouer un si grand rôle, diffère-t-il autrement que par le nom du fluide magnétique admis par la plupart des auteurs qui ont écrit sur le magnétisme? La conception do Mesmer relativement à un fluide universel qui, en se modifiant, produirait l’électricité, la chaleur, la lumière et le magnétisme, loin d’être démolie par les progrès de la science, n’a-t-elle pas reçu une sorte de confirmation des découvertes modernes qui tendent de plus en plus à établir l’identité des divers agents auxquels 011 a donné le nom de fluides impondérables ?.... Quant à ce qui constitue essentiellement la découverte de Mesmer, soixante-dix ans d’expérience en ont démontré la réalité et la sublimité.
M. Noizet, comme l’indique le titre de la seconde partie, place dans le sujet la principale source des faits magnétiques , et sans nier l’efficacité de l’action du magnétiseur, il regarde l’imagination ou, pour mieux dire, les dispositions morales du sujet, comme la cause d’un grand nombre de faits considérés comme magnétiques, notamment l’influence du fameux arbre de Buzancy, magnétisé par Puységur. En définitive, l’auteur ne diffère de la plupart des magnétologiies, que sur une question de plus ou de moins, sur le point précis où doit être posée la limite. Tous reconnaissent qu’une personne peut tomber d’elle-même dans l’état appelé magnétique, et que la plupart des effets produits par l’action du magnétiseur peuvent aussi être déterminés par d’autres causes. Qu’une personne soit convaincue qu'elle va être actionnée par un magnétiseur, souvent il 11’en faudra pas davantage pour qu'elle tombe en somnambulisme et que tout se passa comme si le magnétiseur avait réellement agi. I)e violentes commotions morales, les contagions qui, à certaines époques, ont envahi l’esprit de populations entières, amènent souvent des résultats semblables à ceux du magnétisme. Ces exemples, notamment celui des convulsionnaires de Saint-Médard,
Tort bien discuté par M. Noizet, loin de nuire à la cause du magnétisme, lui donnent une force considérable en prouvant la réalité des phénomènes qu’il revendique, qu'il peut faire naître à volonté, qu’il sait diriger dans un but utile, tandis que les crises qui naissent eu dehors de son action sont désordonnées et le plus souvent nuisibles.
Quant à l'influence des objets magnétisés, l’auteur admet seulement que le magnétiseur a pu imprégner ces. objets de son fluide vital, et que le sujet peut le reconnaître, comme les chiens reconnaissent un objet touché par leur maître; mais il nie l'action de ces objets sur l’économie, notamment les effets curatifs de l’eau magnétisée, qu'il attribue au pouvoir de l’imagination. 11 avoue, du reste, que depuis longtemps il a peu pratiqué; c’est ce qui nous explique son jugement sur ce point. Car des expériences nombreuses et authentiques prouvent que le magnétiseur peut imprimer à certains objets des vertus spéciales, et se servir de cet intermédiaire pour produire dans l'organisme des modifications considérables.
M. Noizet démontre d’une manière très-convaincante que, même dans les cas où l'imagination joue un rôle, les faits n’en sont ni moins réels, ni moins merveilleux, ni moins dignes d’être étudiés ; il réfute victorieusement ceux qui croient qu’après avoir prononcé le mot imagination, on a pulvérisé le magnétisme, et qu'il ne reste rien à examiner, et il cite fort à propos ce passage piquant du savant Court de Gébelin, adressé aux incrédules, et notamment aux médecins :
31“, Si l’imagination, si la nature sont de si puissants remèdes, s’ils ont tant d’efficace, comment ne vous en rendez-vous pas les maîtres ? Comment sont-ils si puissants hors de vos mains, si faibles quand vous voulez vous en servir? Comment la confiance qu’on a en vous n'eiiflamnie-t-elle pas l'imagination? Comment, avec cette imagination, la nature et votre profond savoir, n’opérez-vous pas les mêmes effets que vous semblez attribuer à la nature seule ou aux illusions mobiles et constantes de l'imagination ? Avec plus de moyens produirez-vous moins d'effets? »
L’ouvrage est terminé par des notes curieuses où l'auteur
développe et explique quelques parties de son mémoire. Nous avons remarqué celle qui concerne les tables tournantes; il explique le mouvement par des impulsions involontaires ; selon lui, le langage des tables n'est autre chose que l'expression des idées instinctives des opérateurs. Nous avons déjà réfuté celle explication en rendant compte du livre intitulé : Comment l'esprit vient aux tables (1). Nous regrettons que les bornes de cet article ne nous permettent pas d’entrer dans quelques nouveaux développements sur ce su-sujet important. Nous ferons seulement remarquer qu’une idée instinctive dont nous n’avons pas conscience est une chimère; une idée est la représentation d’une chose conçue par notre esprit; nous ne nous rendons compte des opérations de notre esprit que par la conscience que nous en avons ; si mon esprit possédait des idées dont je n’eusse pas conscience, cet esprit cesserait d'être mien, et cette idée me serait étrangère. Je suis donc hors d’état de l’exprimer, et je suis en droit d'affirmer que si quelqu’un l’exprime, ce quelqu’un n'est pas moi. L'instinct détermine des mouvements, mais non des idées. Quand une série de mouvements combinés produit une manifestation intellectuelle, comme un livre, un discours, il faut bien que cette manifestation émane d’une intelligence, d’un moi conscient.
L’ouvrage de M. Noizet, précisément parce qu’il est écrit avec indépendance des systèmes reçus, et qu'il s’écarte sur bçaucoup de points des doctrines des magnétistes en renom, est fait pour appeler l’attention sur les matières qu’il traite : il servira puissamment la cause du magnétisme et lui attirera de nombreux adhérents. C’est un beau monument élevé à la science. Malheureusement tout le monde ne pourra pas en apprécier la valeur; car l’auteur s’est réservé le droit de ne le donner qu’à qui bon lui semble : il ne le vend pas.
a. s. MORIN.
(1) Journal du Magnétisme, n» ISO, page CO de ce volume.
LETTRES SUR L’ÉVOCATION DES ESPRITS, par H.Camon. Dmlu, éditeur. I vol. in-52. Paris, — Prix : ïî fr.
L’auteur de cette brochure est catholique, et il a cru pouvoir, sans manquer aux prescriptions de l’Église, évoquer les esprits à l’aide du langage des tables, des corbeilles garnies de crayons, puis enfin des médiums écrivants. Mais les journaux nous ont appris que Mgr l’archevêque de Cambra ayant censuré son ouvrage, il s’était soumis à sa sentence.
L'Union du 13 janvier annonce ainsi cette nouvelle.
( M. H. Carion, directeur de l’Emancipaient de Cambrai, avait publié un travail littéraire intitulé : Lettres sur l'évocation des esprits. Un exemplaire de cet ouvrage a élé envoyé par l’auteur à Mgr l’archevêque, qui lui a adressé la lettre suivante :
« Monsieur,
u J’ai reçu l’exemplaire de vos Lettres sur révocation des « esprits, que vous aVez bien voulu m’adresser il y a quel-« ques jours.
a Permettez-moi de vous dire que je suis affligé de la publi-« cation de cet opuscule, et que je regretterais beaucoup qu’il « se répandit dans mon diocèse. Je regarderais comme un « devoir d’en défendre la lecture, s’il était pris au sérieux.
u L'estime et l’affection sincère que j’ai pour vous m’obli-« gent à vous prier instamment de ne plus vous occuper en pr r-« ticulier, et surtout de ne plus entretenir le public deprati-« ques que la religion condamne. Cette considération suffira,
« je n’en doute pas, pour que vous vous absteniez à l’avenir de « ce que vous aviez regardé d’abord comme une étude licite.
« Recevez, monsieur, l'assurance de mes sentiments affec-« tueusement dévoués.
0 R. F., archevêque de Cambrai. »
« M. Carion s’est empressé de se soumettre à la censure épiscopale. »
Dans ce livre, M. Carion assure avoir reçu la visite d’esprits appartenant à toutes les catégories connues, habitants du paradis, du purgatoire, de l'enfer et même des limbes; et il nous transmet les réponses qu’il a obtenues d’eux. La lecture du récit de ses expériences nous inspire d’abord cette réflexion : Voici un catholique qui évoque par les moyens à
la mode, cl il obtient des résultats conformes à sa croyance; les élus \ icmient lui \anter le bonheur dont 011 jouit au ciel, les damnés se lamentent sur leur malheur irrémédiable, les âmes du purgatoire demandent des messes, comme le faisaient les rnriitiitls d’autrefnis ; et il 11'y a pas jusqu’aux enfants morts sans baptême qui 11e professent une doctrine d’une parfaite orthodoxie. Dans la plupart des autres cercles, où régnent des croyances toutes différentes, les manifestations ont un autre caractère; les esprits y déclarent qu’il n'y a pas d’enfer, que la religion naturelle suffît, que tous les hommes sont appelés au salut ; un grand nombre professent la métempsychose.... Comment expliquer cette divergence ? Les adversaires du système des esprits ne manquent pas d’en conclure que les manifestations ne sont que le reflet de nos propres pensées, que tout s’explique sans l'intervention d’êtres surhumains, que les opérateurs arrivent à un état de surexcitation et d’hallucination dans lequel ils produisent des mouvements sans en avoir conscience, jouissent d'une lucidité analogue à celle des somnambules, et émettent ainsi des réponses d’une justesse merveilleuse. Cette théorie est spécieuse ; mais il nous semble qu’elle est hors d’état de rendre compte de tous les phénomènes, notamment des tables parlantes et des corbeilles écrivantes. On a raison d’écarter les esprits de tous les faits qui peuvent s’expliquer sans cette hypothèse ; mais les nier d’une manière absolue, c’est se condamner à 1111 scepticisme excessif; 011 11e peut fixer arbitrairement les limites du possible, ni méconnaître, dans un certain nombre de faits bien avérés, l'action d’êtres intelligents étrangers à l’homme, ou du moins aucune autre explication ne rend mieux compte des merveilles du spiritualisme qui depuis quelque temps occupent à un si haut degré l’attention publique.
O11 conçoit toutefois qu’une critique très-sévère doit être apportée dans l’appréciation des faits attribués aux esprits. Le moyen des médiums écrivains est un des plus suspects, un de ceux qui donnent le plus de prise au soupçon de fraude ou d'illusion involontaire. Nous ne pouvons donc être
parfaitement assurés que M. Carion ou ses coopérateurs n’ont pas é.té égarés par l’entraînement de leurs préjugés, et que la plume entre leurs mains n'a pas été l'organe de leurs idées, au lieu d’exprimer les inspirations des esprits.
Une des questions les plus délicates que présente cette matière, est le discernement des lions et des mauvais esprits. C.e n’est pas d’aujourd’hui que la difficulté a été posée, puisque saint Paul recommandait de ne pas ajouter foi à tout esprit, et déclarait que Satan avait le pouvoir d’apparaître comme un ange de lumière.
Tous les auteurs qui ont récemment écrit sur ce sujet nous promettent le moyen de faire à coup sûr cette distinction ; et leurs explications ne font qu’augmenter le doute et la perplexité. M. Carion avoue, comme les autres, qu'il a reçu la visite de lutins, de follets, d’esprits moqueurs et même pervers ; que ces êtres importuns viennent parfois, au milieu d’une conversation, prendre la place d’esprits graves. Il prétend reconnaître les uns et les autres à la nature de leurs réponses : c’est en réalité nous faire juges des esprits, proclamer bons ceux qui professent des doctrines que nous estimons vraies, mauvais ceux qui soutiennent des opinions qui nous semblent fausses.
L’adhésion à la doctrine de l’enfer ou à tout autre point du symbole catholique, sera pour un catholique le signe authentique de la mission d’un bon esprit; ce sera au contraire l’indice d’un esprit d’erreur aux yeux du penseur qui prend son critérium dans les ouvrages de Fourier, de Swedenborg ou de tout autre -chef de secte. Quant à l’emploi des objets sacrés pour faire fuir les dénions, nous avons déjà eu occasion d’en faire justice, et nous ferons observer qu’à notre connaissance, des corbeilles professant la métempsy-chose ont écrit très-nettement les noms de Dieu et de Jc-sus-Chrii
11 ressort donc du livre même de M. Carion que les moyens de communication par lui employés exposent à des erreurs, que les auteurs invisibles de ces communications nous trompent souvent, que par conséquent nou- n’avons pas de certi-
tude sur l’identité des esprits qui ont conversé avec lui. Que le clergé ne s’empresse donc pas de triompher de la conversion de Voll.'lire et de Rousseau qui, d’après M. Carion , sont actuellement au purgatoire, désavouent leurs ouvrages et rendent hommage aux doctrines qu'ils ont attaquées pendant leur vie. Bien que l’esprit de Voltaire ait signé une déclaration dont 011 nous donne le far simi/e, il est au moins probable que l’opérateur 11'a obtenu celte déclaration que parce qu’il la désirait, et qu’il n’a fait là qu’une figure de rhétorique.
Je terminerai par le récit d’une expérience qui, je crois, pourra servir à élucider la question.
Je me trouvais dans une société où l'on obtenait des communications à l’aide d’une corbeille garnie d’un crayon, sur laquelle deux personnes posaient l’extrémité des index, et qui se mettait en mouvement et écrivait les réponses aux questions posées par les spectateurs.
J’appelai Voltaire, en employant la formule : au nom de Dieu. Le crayon écrivit que Voltaire était présent, et le dialogue suivant s’établit entre lui et moi :
« D. Est-ce toi qui t’es communiqué à M. Carion?
« II. Non. C’est mon bisaïeul qui a pris mon nom : c’est un jésuite.
« D. Es-tu heureux?
« H. Oui.
« D. Habites-tu une planète?
« II. Oui.
« D. Laquelle?
« U. Jupiter.
« D. Existe-t-il un enfer?
« II. Non.
« D. Et un purgatoire?
« II. Le purgatoire, c’est votre malheureuse terre et les planètes qui lui ressemblent.
d I). Persistes-tu dans les doctrines que tu as soutenues sur la terre?
« II. Plus que jamais.
« /). On prétend que les mauvais esprits fuient en entendant le nom sacré de Dieu et sont incapables de l’écrire ;
peux-tu l’écrire, pour nous convaincre que tu n’es pas un mauvais esprit? »
Avant même que la question fût terminée, la corbeille écrit le mot Dieu, en lettres fort lisibles et plus grandes que les autres.
« D. Connais-tu Jésus-Clirist?
n 11. Oui; il est comme moi dans Jupiter.
. D. Etes-vous ensemble dans de bonnes relations.
n !t. Oui.
« D. Il ne t’en veut donc pas de ce que tu as combattu le christianisme ?
« H. Non ; à chacun notre tâche.
« D. Que conseilles-tu à ***?
« 11. Qu’il se dépouille du.... (et ici la pointe du crayon alla en haut du papier se poser sur le mot jésuite.)
c D. As-tu des instructions à nous donner dans l’intérêt de l’humanité ?
« II. Oui ; mais ce sera pour une autre fois. Adieu. «
Est-ce le vrai Voltaire qui a fait mouvoir la corbeille et produit ces réponses? Je l'ignore, et j’aime mieux rester dans le doute que d’affirmer sans preuve suffisante. Mais je suis en droit de dire que ma communication vaut celle de M. Carion, que nous sommes tous deux manche à manche, et qu’il n’est pas fondé à prétendre que son Voltaire est plus authentique que le mien. Deux forces égales et contraires se neutralisent : attendons de nouveaux faits pour savoir qui gagnera la partie. Mais ce qui est acquis dès à présent, c’est que le prétendu critérium des démonologues est sans valeur, puisque la cause qui produit des communications contraires au christianisme écrit sans difficulté le nom de Dieu et résiste à toute la puissance de l’exorcisme. Ceux qui se flattaient d’avoir retrouvé le diable, perdu depuis si longtemps, vont donc être obligés de recourir à d’autres expédients.
a. s. MORIN.
Le Gérant : UKBF.RT (de Garnay).
CLINIQUE
On lit dans le feuilleton de la Presse du 12 avril :
« M. le D' Brochin raconte qu’un élève des hôpitaux, M. Judée, emploie un moyen très-simple pour faire cesser immédiatement une attaque de nerfs.
u Le procédé consiste à appliquer la main infbibée d’eau froide, ou mieux encore d’eau glacée, sur la poitrine du malade et à frictionner. Quelquefois l’application de la main suffit ; les frictions ne sont nécessaires que dans les accès violents.
u Les mouvements convulsifs cessent presque immédiatement, ainsi que la perte de connaissance.
« Quand, après quelques frictions, la main a été réchauffée, on la trempe de nouveau dans l’eau, et on recommence àfrictio nner.
« On continue tant que les frictions font du bien au malade.
« En général, les attaques même violentes ont disparu en dix minutes sous l’influence de cette médication. »
Pourquoi dissimuler encore le magnétisme, et ne pas appeler les choses par leur vrai nom? Nous prenons nos antagonistes la main dans le sac, et ils nient. Ah ! vous calmez les crises avec votre main mouillée et en frictionnant la poitrine des malades, et même sans frictionner! Que faisons-nous donc, nous autres? Nous n’avons pas besoin de mouiller nos mains ni de frictionner; uue simple direction d'intention suffit, et la nature obéit.
Le magnétisme déborde, il entre sous toutes les formes, non-seulement dans le sein des académies, mais, ce qui vaut mieux, dans les hôpitaux, ('.'est là qu’il rendra bientôt les plus signalés services.
Baron DU POTET. nuttf XIII. — N" IS«. — ii Aviut lftr.4 S
INSTITUTIONS.
Jury magnétique
DENCOORAGENENT ET DE B ÉCO» P ENS E.
Complc-reDdu de l’Asscnblée générale («auc le 20 mai 1851, sous la présidence de H. DU Poiet.
(Suite. — Yoy. t. XI, p. 192 el 270.)
4° M. L.-E. BLESSON, peintre en bâtiments,
demeurant à Paris, 36, rue aux Ours.
Le Jury recherchant tous les hommes de mérite qui se dévouent à la cause du magnétisme, le comité chargé de recueillir les informations qui servent à asseoir votre jugement ne craint point de vous proposer des candidats pris dans les carrières les plus humbles. Ne voulez-vous pas, en effet, rendre le magnétisme populaire ? N’est-ce point aussi par l’exemple du bien qu’il peut faire que vous tenez surtout à en généraliser la connaissance et la pratique?
Eh bien, M. Blesson nous a été signalé et s’est fait connaître comme un de ces cœurs généreux dont le dévoùment •est souvent porté à sa limite extrême. Aucun soin ne lui coûte, aucun sacrifice ne l’arrête quand il s'agit de services à rendre par le magnétisme. Nous l’avons vu bien souvent au chevet de pauvres malades, donnant ses forces, sa vie, sans calculer le préjudice qui devait en résulter pour lui. I)e si grands sacrifices pour un homme dont le temps est compté,
■lonl chaque heure perdue est onéreuse à sa famille, n'étaient point d’un moment, d’un jour : ils duraient parfois des mois.
Témoin souvent, comme nous l’avons été tous, de ces crises affreuses connues sous les noms de mal caduc, haut mal, épilepsie, M. Blesson ne se bornait point à s'appitoyer, à gémir sur le sort des malheureux ainsi frappés et se tordant dans le ruisseau. Écartant résolument la foule, il s’emparait du malade et le remettait bientôt sur pied, à la grande surprise des assistants, qui apprenaient de la sorte et l'existence du magnétisme et sa vertu curative. Ce prompt succès, dans un cas où les autres soins sont presque constamment inefficaces, parlait aux sens de tous; et quand, entouré de félicitations, l’auteur de ce petit miracle se retirait, les curieux lui demandaient : Comment avez-vous fait? il répondait : ( Mes amis, je l’ai magnétisé ; vous pouvez tous en faire autant; apprenez. »
Agir ainsi, sans crainte ni timidité, c’est montrer le magnétisme dans sa puissance, et imiter en quelque sorte les apôtres, qui guérissaient les malades sur les places publiques ; c’est aussi, tout en obéissant aux inspirations d’un cœur noble et généreux, se placer au-dessus des préjugés du monde. Qui de nous, en effet, avant d’être converti, eût gardé son sérieux en face d’une scène semblable? Bien peu, sans doute ; cette sorte de courage est donc une vertu, c’est pourquoi nous vous proposons de l’encourager, en accordant à M. Blesson, qui en a fait preuve constamment, une médaille de bronze.
5" M. L.-J. DU PLANTY, docteur en médecine, demeurant il Saint-Ouen , prés Paris.
Vous venez, chers collègues, d’entendre le récit trop modeste d’œuvres sublimes opérées par un homme obscur ; celui dont je vais esquisser à présent les mérites, joint à l'avantage d'une position élevée tous les attributs d’un grand nom. Quel contraste, et combien Mesmer serait heureux de voir sa découverte propagée par des mains si diverses ! C est que dans nos rangs, comme à l’armée, de simples volontaires
peuvent devenir généraux. Image trop frappante, car la lutte cpie nous soutenons ressemble à la guerre.
M. le Dr du Planty est, comme chacun sait, maire de sa commune et décoré de plusieurs ordres; mais ces titres ne lui donneraient pas droit à une distinction magnétique, c’est à un autre point de vue que nous devons le considérer.
La Société philantropico-magnétique, fondée il y a dix ans, c’est-à-dire la première depuis que le magnétisme a répris faveur, voyait ses séances désertes, faute d’un chef assez habile pour diriger ses travaux. Chaque membre s’efforcait bien de soutenir une institution aussi utile ; mais aucun n’avait savoir suffisant pour être à la tête, et elle périclitait. C’est dans ces conditions défavorables que M. du Planty consentit à en prendre la direction ; à sa voix tous les zèles chancelants se sont ranimés, et les fuyards sont revenus à leur poste. Depuis lors, fidèle à la maxime de ses pères, le nouveau président n’a cessé de protéger de son influence et servir de son éloquence l’assemblée qui lui avait remis le soin de sa destinée.
Vous connaissez tous, messieurs, les beaux plaidoyers de M. du Planty en faveur de la vérité méconnue, et vous avez été émus en entendant sortir de sa bouche les accents persuasifs qui entraînent la conviction de l’auditoire le plus rebelle. Avouant complètement l’impuissance de la vieille médecine dans le plus grand nombre des cas, et puisant aux sources mêmes de l’école dont il est sorti ses meilleurs arguments, il flagelle cet art avec le fouet de la satire. Puis, s’emparant avec habileté des phénomènes du magnétisme et les plaçant en regard des erreurs médicinales, il montre à ses confrères le chemin qu’il faut suivre pour arriver à des résultats supérieurs à ceux que leur sciencc enseigne.
Jamais, il faut l’avouer, aucun magnétiseur n’est allé aussi loin dans ses attaques contre ce qui fait obstacle au magnétisme , et ses paroles vives et mordantes exercent d’autant plus d’empire qu’elles partent d’un esprit convaincu, qu’elles sont dictées par une conscience honnête. Enfin, M. du Planty s’est montré ce que nous devrions être tous ; courageux dans
l’attaque, habile dans la défense. C’est dire que nous devons rendre hommage à ce genre de supériorité, car il est utile à la propagation des vérités dont le triomphe est devenu l’objet constant de nos communs efforts.
11 est juste, et permis peut-être, de rappeler que chez M. du Planty la noblesse des sentiments s’allie à celle de la naissance : il est marquis. Mais loin de croire déroger en exerçant la médecine magnétique, il s’y livre avec ardeur. Déjà beaucoup de malades lui doivent la guérison ou la diminution de leurs souffrances; il assiste en outre, en les couvrant de sa responsabilité, les magnétiseurs non médecins qui lui paraissent dignes de son appui.
Il serait superflu d’appuyer sur d’autres motifs la distinction que nous sollicitons pour M. du Planty ; ceux-ci nous ont paru plausibles, et nous espérons que vous lui décernerez une médaille de bronze en que signe d’approbation.
6° M. L. CLAPIER, agriculteur, demeurant à Sainte-Amc'lio, près Douéra (Algérie).
Il y a déjà plusieurs années que M. Clapier, se fondant sur de nombreuses guérisons de fièvre des marais, obtenues par l’eau magnétisée, a demandé que le Jury consacrât son droit à cette innovation par une médaille d’encouragement.
L’usage de l’eau magnétisée est si ancien et si fréquent, que tout d’abord la prétention de M. Clapier a paru exagéré, et un long examen a dû s’ensuivre. Maintenant cette étude est terminée, et vous allez pouvoir vous prononcer sur le point toujours si délicat des priorités en pareille matière.
Je copie presque textuellement la note fournie au comité par un de ses membres, car c’est l'histoire qui parle et tranche la question.
Mesmer employait l'eau magnétisée, en boisson ou autrement, dans la plupart des maladies, mais seulement à titre d’adjuvant, comme auxiliaire, et il avait remarqué que son action était d’une efficacité surprenante dans quelques cas, tandis qu’on la constatait à peine dans d’autres. Ses succès-
seuis l’ont imité et nous ont transmis leur confiance dans ce mode d’administration du magnétisme, mais sans préciser les affections dans lesquelles il réussit le mieux. On était donc réduit à se servir empiriquement de ce moyen, c’est-à-dire à l’employer à tâtons, puisque ce n’est que par la suite qu’on savait s’il convenait. Cette pratique obscure était pourtant suivie de résultats si avantageux, que Deleuze répète sans cesse qu’on n’y a pas assez souvent recours, etque vous-mêmes avez décerné une médaille à l’auteur d’innombrables guérisons ainsi obtenues, M. Juffey.
Malgré ces succès, il restait toujours à établir dans quelles maladies l’eau, et généralement toutcc qui se boit et mange, c’est-à-dire les ingesta magnétisés, exerçaient une action salutaire. M. le Dr Poeti a écrit naguère que c’est dans les affections dépendantes du système nerveux ganglionnaire, parce que l’eau porte le fluide en contact avec les radicules de ce système qui tapissent les vaisseaux absorbants et circulatoires, de même que les passes le versent à la surface du système nerveux périphérique, qui s’épanouit dans la peau. Cette manière de voir est fort ingénieuse, et si l’expérience la sanctionne, on devra plus que des éloges à celui qui l’a trouvée. Mais, en admettant même l’exactitude de cette proposition , on aurait encore à déterminer la limite qui sépare ces deux grandes classes d’affections et cette division pathologique n’est ni faite, ni facile à faire.
M. Clapier a procédé sans avoir égard aux théories, et la plus probable, celle qui vient d’être rapportée, n'avait d’ailleurs pas vu le jour lorsqu’il a commencé ses essais.
Habitant le département du Var, aux environs de Toulon, où la fièvre intermittente règne endéraiquement, il était journellement témoin des insuccès delà médecine. L’idée lui vint d’employer le magnétisme contre cette maladie; mais comment magnétiser tant de gens à heure fixe ? 11 fallait les faire venir; M. Clapier préféra leur donner de l’eau à emporter, afin qu’il restassent chez eux. Quel ne fut pas son étonnement en apprenant qu’un verre, une bouteille au plus de cette eau produisait l’effet d'une forte magnétisation ordi-
uairc, et guérissait souvent un mal contre lequel la quinine avait lutté en vain pendant longtemps. 11 y avait de quoi le surprendre, en effet, car rien de précis n’autorisait une espérance semblable. Deleuze dit bien qu’il est utile, après avoir obtenu la cessation de la fièvre, « de faire boire de l’eau magnétisée pour empêcher le retour de la maladie ; » mais ce qu’il conseille comme accessoire devenait le 'principal. Le moyen préventif s’effacait devant le curatif, et il était ainsi pouvé que l’infection palustre est une des affections dans lesquelles le magnétisme doit prêférablement être administré à l'intérieur.
Bientôt M. Clapier quitta la France et s'établit en Afrique. Là, placé dans les mêmes conditions atmosphériques, il eut de nouveau l'occasion d’employer son eau, et les résultats furent si admirables, que bientôt 011 vint de tous les alentours lui en demander. Directeur d’un établissement agricole important, et ne pouvant être à la discrétion de tous les demandeurs, il magnétisa un grand nombre de bouteilles à la fois, et en établit des dépôts dans les pharmacies du voisinage. Chacun put dès lors, moyennant une faible dépense, se procurer à toute heure de l’eau de M. Clapier, car c’est ainsi que la nomment ceux qui en ignorent la nature.
Cette manière d’agir rappelle celle qu’a suivie M. Juffey, et si l’on considère ces deux hommes charitables, on trouve qu'ils se ressemblent non moins au physique qu'au moral.
Les cures faites par l’eau de M. Clapier, en Afrique, sont attestées par des témoignages nombreux et revêtus de caractères authentiques ; il ne peut rester aucun doute à cet égard. D’ailleurs, M. du Potet a guéri de cette manière une dame d’Alger qui, depuis dix-huit ans, avait la fièvre tierce, «t M. Hébert a eu le même succès sur le fils de M. Pichard, alors président de la Société philantropico-magnétique, qui avait contracté la maladie aux environs de Blidah, et avait dû revenir deux fois en France sans pouvoir se guérir.
En résumé, il nous paraît évident que, quoique l’on se soit souvent servi de l’eau magnétisée dans le traitement
de la fièvre intermittente, M. Clapier a des droits incontestables ;'i un encouragement de votre part :
1” Parce qu’il l’emploie seule, au lieu de l’associer à la magnétisation directe par les passes, la chaîne ou le baquet, comme le faisaient Puységur et les amis n'unis de lu Société de Strasbourg, que ce grand homme présidait;
2» Parce qu’en popularisant un moyen simple de guérir la fièvre produite par les miasmes qui se dégagent des terres défrichées, il a rendu un service immense à la colonisation algérienne et favorisé la culture dans les provinces marécageuses en France.
C’est pourquoi nous vous prions de faire de M. Clapier un nouveau collègue, en lui accordant la médaille de bronze.
7° M. J.-R. WINNEN, fabricant d'instruments do musique, demeurant à Paris, 43, rue Bourbon-Villcneuvo.
L’artisan dont nous avons à vous entretenu- est depuis longtemps initié à la pratique du magnétisme. Il a toujours montré un zèle extrême pour soulager les malheureux que la douleur accablait. Prenant d’abord sur le temps qu’il devait à son travail, heures, hélas ! trop nécessaires, il en fit gratuitement l’abandon. Mais la ruine devait être au bout de ce sacrifice. M. Winnen, sans cesser d’être aussi dévoué, crut qu’il pouvait concilier deux choses contraires : l’intérêt et la générosité. Acceptant donc une rétribution, souvent bien modeste, des personnes qui pouvaient payer ses soins, il continua de traiter par charité les pauvres qu’on lui amenait ou que le hasard lui faisait rencontrer.
M. Winnen est connu de tous les magnétistes, et chacun sait combien il y a de bonnes pensées dans son cœur. Dire les cures qu’il a faites serait trop long, car c’est un vétéran de notre art ; mais nul ne doit ignorer qu’il a toujours fait le bien sans rechercher l’éclat. Ce n’est pas d’ailleurs pour le magnétisme seul qu’il s’est dévoué : la médaille et la croix qui ornent sa poitrine indiquent assez qu’il est coutumier des belles actions. Enfin vous avez, il y a un an, entendu
faire publiquement son éloge, et les louanges qui lui étaient adressées n’ont trouvé que des approbateurs.
En décernant à ce vieux et fidèle serviteur de la cause du magnétisme une marque de reconnaissance et d'encouragement, vous obéirez aux prescriptions sur lesquelles s’appuie notre institution, et donnerez une fois de plus la preuve que vous ne recherchez pas seulement la haute intelligence, le mérite transcendant, mais aussi l’homme simple et droit qui fait le bien toute sa vie.
En conséquence, nous vous proposons d’accorder à M. AVin-nen la médaille de bronze.
Lieut.-colon. ch" MAC-SHEEHY.
(La suite au prochain numéro.)
SocHlé niagurtlquc de Turin.
A Monsieur le directeur du Journal du Magnétisme.
Monsieur,
Le peu de succès des tentatives faites autrefois pour fon der à Turin une société de magnétisme, ne m’a point empêché de les renouveler en sous-œuvre.
J’ai donc l’honneur de vous annoncer qu’ayant réussi, au-delà même de mes espérances, notre Société fonctionne depuis le 10 mars. Elle vient en outre de fonder un journal, dont le premier numéro paraîtra le 15 mai.
Si vous croyez que pour montrer les progrès chaque jour croissants du magnétisme, la publication de ma lettre puisse être de quelque utilité, je vous autorise à en faire tel usage que vous jugerez convenable.
Agréez, etc.
Le président,
E. ALLIX.
ÉTUDES ET THÉORIES.
TABI.ES TOURNANTES.
On lit dans la Revue de Toulouse et Midi urlislii/ue du •1" janvier une note éditoriale ainsi conçue :
s Nous sommes heureux d’annoncer à nos lecteurs que M. J. Olivier vient de mettre à notre disposition une série d’articles inédits. M. Olivier appartient à cette école consciencieuse du magnétisme, qui a pour chef M. le baron du Potet. C’est dire qu’il a toujours combattu le charlatanisme ignorant et la spéculation honteuse, convaincu que ceux qui les exploitent nuisent beaucoup plus à la cause qu’il défend que ses plus ardents et ses plus sérieux détracteurs.
« Henni BAI LE. »
On sait que depuis lors M. Olivier a cessé de vivre ; voici le seul des articles promis qui ait été publié :
« I.es tables tournantes ont fait crier au miracle et à l’imposture , les crédules ont transformé leur guéridon en oracle, et l’orgueil scientifique des érudits les a fait descendre jusqu’au sarcasme et au sophisme, pour nier ce qu’ils ne pouvaient expliquer par les théories qui servent de piédestal à leur célébrité. Cependant rien n’est plus simple, rien n’est plus vrai et plus facile à démontrer que le fait matériel des mouvements imprimés aux tables.
i Et l'on va chercher bien loin, quand il n'y a qu’à se « baisser et à prendre, » (Paroles d’un somnambule.)
( Cette assertion paraîtra téméraire, sans doute, en présence des savantes dissertations que l’apparition de ce phénomène a provoquées; je vais essayer de la justifier.
« Tout le monde est d'accord sur l’existence d'un principe qui donne la cohérence et le mouvement à la matière brute, c'est-à-dire la vie particulière à chaque règne de la nature.
Hippocrate appelle ce principe « humide radical, » et le définit ainsi : « Matière essentielle, humeur première, principe t de la vie et de sa durée. »
« Scarron dit :
« L'humide radical dans mon cœur sc dissipe,
« Mon esprit s'en altère et mon corps s'en constipe. »
« Bacon appelle ce principe matière essentielle, et Newton attraction ; actuellement on commence à le nommer fluide magnétique.
« Les noms sonl fort indifTérents quand on est d accord sur leur signification ; pourtant, comme le magnétisme n’est pas encore généralement reconnu, j’appellerai ce principe vital matière essentielle.
« L’homme, par son organisation, possède la faculté de distribuer à ses semblables, de loin comme de près, la matière essentielle qui est en lui, d’en pénétrer les corps inorganiques et de la reprendre dans l’air ambiant; c'est prouvé incontestablement par le magnétisme. Il est évident que le bois renferme la quantité de matière essentielle nécessaire à la vie qui lui est propre, la cohérence et le mouvement invisible et sur place. Lorsque plusieurs individus entourent une table et forment la chaîne en lui imposant les mains ,_ils augmentent sa matière essentielle; son mouvement, d’invisible et sur place, devient visible ; il acquiert la puissance de locomotion et la vitesse, en raison de la saturation que la table reçoit. Le principe vital augmenté, les facultés du bois progressent.
« Les esprits forts ne croient pas même en Dieu ; ils ne croient qu’en eux, et, au lieu d’étudier, ils trouvent plus commode de rire à priori de tout ce qui sort du cercle de leurs notions. Ceux qui ont dit qu’on avait fait déplacer des maisons et tourner des navires, comme l’on fait tourner les tables, ont lancé une épigramme ridicule ; car ies conséquences qu’on peut tirer d’un fait ou d’un principe ont des limites qui ne sont dépassées que par les imbéciles ou les plaisants de mauvais goût. Si je lève sous vos yeux un poids de vingt-cinq kilog., est-ce une raison pour que j’en lève un de cent? et si je ne le peux, nierez-vous que je n’ai pas levé celui de vingt-cinq? Nul doute que si l’on saturait suffisamment de matière essentielle une lourde pièce de bois, placée dans dès conditions convenables, elle pourrait se mouvoir : mais les forces de l’homme sont bornées, et il faudrait une chaîne considérable, impossible à, former autour de la sur-
lace que l’objet actionné occuperait. On a vu des pieds de table se briser en rencontrant un obstacle sur le parquet, tant était rapide le mouvement imprimé à. la table. Voici un fait très-curieux dont je garantis la vérité :
n Depuis quelques jours on se servait chez M"" Oldelli d’un guéridon pour faire des expériences; un soir on le remplaça par une table, et au moment où les personnes qui composaient la chaîne étaient absorbées dans l'attente du phénomène, elles furent arrachées à leur préoccupation par un grand bruit; elles se retournent avec effroi, et aperçoivent le pauvre guéridon destitué gisant par terre, tout disloqué ; croyant que le diable leur jouait un tour de sa façon, elles abandonnèrent la table. En vérité, Satan était fort innocent; il était arrivé tout simplement au guéridon ce qui arrive aux personnes très-impressionnables, qui tombent en crise dang un appartement où l'on magnétise.
« L’objection d’un artifice puéril ou d’une impulsion musculaire, donnée involontairement et à l’insu des personnes qui expérimentent, tombe devant ce fait. Celle-ci paraît plus sérieuse, mais n’est pas moins facile à détruire.
« Vous prétendez que l’homme possède la faculté de distribuer de loin comme de près la matière essentielle qui est en lui, que c'est cette matière, augmentée dans le bois, par lui, qui fait mouvoir les tables; alors pourquoi faut-il l'imposition des mains, et ne peut-il les faire mouvoir à distance ? Par une raison toute naturelle : c’est que probablement il faudrait un temps fort considérable, que la patience manquerait, et qu’il serait bien difficile de conserver longtemps, sans support, une chaîne formée par le léger contact des doigts. Ce qui autorise «à supposer que le phénomène peut s’obtenir à distance, c'est que le mouvement, une fois imprimé par le contact à une table, se continue en tenant les mains suspendues sur elle, sans rompre la chaîne. Cela n'arrive pas à toutes les tables, parce que, pour produire des effets identiques, il faut être en tout point dans des conditions identiques, ce qui est rigoureusement impossible. Du reste, lors même que l’imposition des mains serait à tout jamais indispensable, cela ne détruirait pas un fait de visu. Je conclus donc sur le phénomène matériel, et je dis :
u Pour admettre la rotation des tables, il est déraisonnable d’exiger qu'on l’obtienne à distance; et il est absurde de prétendre qu elle n’existe point, parce qu’on n’y est pas encore parvenu. .
« Quant aux phénomènes psychologiques obtenus à 1 aide
(les tables, ils appartiennent à la question de l’existence «les esprits super-terrestres, et rentrent complètement dans l’ordre des phénomènes du somnambulisme magnétique. Je ne traiterai donc point ici cette question que je regarde comme incidente ; je nie bornerai ù dire seulement à ceux qui croient que les esprits voltigent autour de nous: que les tables saturées de matière essentielle servent aux esprits d'instrument de manifestation, et que leurs mouvements remplacent la voix des somnambules ; j’ajouterai que, de même que dans le somnambulisme magnétique, l’erreur et la vérité dépendent de la légèreté ou de la sagesse des expérimentateurs, que le mensonge et l’absurde sont les fruits amers et mérités de l’abus. Quand on croit à l’existence des esprits, il faut admettre qu’il y en a de bons et de mauvais; si vous agissez en vue de vos passions, vous évoquez les mauvais, ils vous trompent; si, au contraire, vous êtes animés de sentiments louables, et que vous mettiez un frein votre curiosité, vous évoquez les bons qui vous guident.
« j. olivier. »
Voici, sur le même sujet, une opinion analogue extraite de la Pairie du 10 juin dernier. Le rédacteur s’exprime ainsi :
« Nous recevons de M. le Dr Andraud, médecin électro-galvaniste, aux Batignolles, une communication au sujet des tables tournantes , des causes qui empêchent la production de ces phénomènes dans certaines circonstances , et des moyens de renforcer l’action propre des êtres animés, de manière à produire l’effet en vue avec plus d'intensité et de rapidité.
« Notre correspondant, s’appuyant sur la théorie, qu’il a eu l’occasion de vérifier souvent, de la transfusion des forces vitales d’un individu à un autre par le contact et même le simple rapprochement, explique comment, lorsque cinq ou six individus de constitution, d’âge, de sexe différents sont rangés autour d’une table, cette table devient comme un réservoir commun 0(1 chacun verse de sa vitalité. Mais voici ce qui arrive et ce que la logique admet sans peine : celui qui jouit d’une santé puissante et exubérante verse dans le réservoir commun le surplus des forces vitales dont son organisme ne trouve pas l’emploi. Celui au contraire qui n’a que tout juste assez de santé pour la dépense qu’en fait son organisation, ne donne que peu ou même pas du tout au
réservoir. Et enfin celui qui non-seulement n'a pas d’excédant de forces vitales, mais qui manque même du nécessaire, c’est-à-dire qui est dans un état maladif ou de défaillance, au lieu de verser dans le réservoir, y puise ce que son organisme réclame et l’aspire par tous les pores de sa peau, par toutes ses fibrilles nerveuses. Un tel individu, placé dans une chaîne destinée à animer une table, absorbera-à son profit toute la dépense du fluide nerveux faite par les autres opérateurs, et par là neutralisera toute action possible sur la table.
n Si ces principes sont vrais, on se rend parfaitement compte de l'échec qu’éprouvent certaines personnes dans leurs tentatives pour produire des phénomènes qui sc réalisent presque instantanément sous d’autres mains.
n Après avoir établi ce point de départ, M. le D' Andraud s'est demandé s’il n’y aurait pas dans la nature certains corps qui pourraient servir d’adjuvant à l'homme dans ces opérations, qui augmenteraient sa force (luidique; et il s’est mis à la recherche de ces adjuvants. Après plusieurs essais infructueux , il est arrivé à constater d’une manière précise l’action favorable de deux métaux pour la détermination du mouvement de la table, ('.es deux métaux sont l’argent et le mercure.
n Voici le résultat de ses expériences, que nous engageons fortement nos lecteurs à répéter.
u L’expérimentateur a mis dans ses poches un certain nombre de pièces de cinq francs, trente ou quarante, et il a obtenu une rotation plus prompte et plus rapide que lorsqu’il n’avait pas ce métal sur lui.
K Quant au mercure, il a placé sur la table une fiole contenant une ou deux livres de mercure, la rotation s'est produite aussitôt avec une grande intensité. La fiole étant retirée, le mouvement s’est sensiblement ralenti.
n Nous livrons ces deux faits à la vérification et à la discussion des personnes compétentes.
« E. MOUTTET. »
VARIÉTÉS.
les Marconi. — On lit dans le Journal du Loiret :
« Hier vendredi, la commune d’Ormes 6tait mise en émoi par une descente de justice. Nous avons eu plus d une fois l'occasion d’initier nos lecteurs au secret des pratiques superstitieuses des marcous. L’Orléanais est la terre classique du marcou. Dans le Gâtinais, toute commune un peu bien posée a son marcou. Si vous êtes né le septième garçon d un môme père, sans interruption de la ligne mâle, vous êtes marcou, vous avez une fleur-de-lis en quelque endroit du corps, et vous guérissez les écrouelles à l’instar des rois de France. 11 suffit pour cela de souffler sur la blessure ou de lui faire toucher la fleur-de-lis.
« De tous les marcous de l’Orléanais, le marcou d Ormes est sans contredit le plus connu , nous pourrions dire le plus célèbre. Toute l’année on vient le visiter de vingt, trente et quarante lieues à la ronde. Les écrouelles de la Beauce et du Gâtinais notamment l’ont en grande vénération. On arrive par bande chez le marcou ; mais c’est surtout en semaine sainte que la guérison est efficace et que la pratique est te-nue sur un grand pied. Dans la nuit du vendredi saint, de minuit au soleil levé, les pouvoirs du marcou sont considérables, la guérison est infaillible. Aussi c’est toute une lépro-série qui vient camper en semaine sainte dans la commune d’Ormes. On voit jusqu’à 400 et 500 malades se presser dans cette nuit autour du sanctuaire du marcou. La foule est si grande, l’impatience des malades fait une telle cohue, que le marcou est tenu de procéder par numéros d’ordre et par contremarques. On fait queue, et chacun a son tour.
« Plus d'une fois la justice s’est émue de ces superstitions, et vendredi, à trois heures du matin, M. le substitut Bimbenet et M. Laisné, commissaire central, se présentaient aux Ormes pour mettre fin à cette duperie. Le marcou a fait observer aux magistrats qu’il ne vendait pas de remèdes et
n’exerçait pas la médecine. 11 lui a élé répondu qu'on n’était pas venu pour l'arrêter, mais pour l'empècher de continuer ses cérémonies ; qu’il faisait croire à une puissance imaginaire dans le but de réaliser un lucre illicite, et que la loi défendait cela.
« Le marcou s’était soumis; mais il y avait grande rumeur dans la foule. Les malades encombraient non-seulement les abords de la maison du grand guérisseur, mais encore les corridors, les chambres, les cénacles. Déjà des paroles mal sonnantes pour la justice se faisaient entendre dans les groupes, et afin d’éviter tout délit qui eût pu compromettre ces pauvres diables, M. le substitut et M. le commissaire central jugèrent à propos d’envoyer chercher la gendarmerie. Lue heure après, dix gendarmes, commandés par le capitaine, arrivaient à Ormes. La foule s’est alors dispersée sans aucune résistance. Quant au marcou, il avait tout bonnement pris la fuite, croyant qu’on voulait l’arrêter. Une seule arrestation a eu lieu. C’est celle du beau-frère du marcou qui, par des paroles menaçantes et injurieuses à l’adresse de M. le substitut et de M. le commissaire, a commis le délit d’outrage envers des magistrats. 11 a été ramené par la gendarmerie et écroué à la prison d’Orléans.
u Quant aux malades qui se trouvaient là et qui étaient venus chercher un miracle, nous ne saurions dire tout leur désespoir en voyant qu’on leur interdisait l’usage de leur marcou. C’était l’abomination de la désolation parmi toutes ces écrouelles venues non-seulement des environs, mais de Paris, d’Angers, de Poitiers, de Lille, de Béthune, tant est grande la célébrité de ce marcou ! De vieilles bonnes femmes se jetaient aux genoux des magistrats pour obtenir la faveur de se faire souffler sur leurs plaies ou de toucher la fleur-de-lis. C’est bien le cas de répéter avec le proverbe : 11 n’y a que la foi qui sauve 1
« Le marcou d’Ormes est un tonnelier très-aisé, ayant cheval et voiture. 11 s’appelle Foulon, et dans le pays on le désigne sous le nom du Beau-Marcou. La fleur-de-lis est placée chez lui au flanc gauche-, et en cela le marcou d’Ormes est plus heureusement doué que ses confrères, car chez ta plupart le signe a généralement soin de se cacher dans uu endroit mystérieux et tout à fait inaccessible à l’œil des curieux. «
Tribunaux. — On lit dans le Siècle du 19 avril :
u Le tribunal correctionnel du Mans vient de condamner
10 sieur Julien Mussard, âgé de dix-huit ans, à six jours de prison pour outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs.
« Les débats avaient eu lieu à buis-clos.
« Du jugement du tribunal il résulte les faits suivants :
« Des réunions se tenaient au domicile de la veuve Pottier, débitante de tabac à Cliassillé, dans une pièce où le public avait accès à toute heure. On se livrait là à des expériences de tables tournantes. Chacun adressait à la table mise en mouvement des questions plus ou moins inconvenantes. Enfin Mussard, principal acteur dans ces expériences, se distinguait entre tous par l’immoralité de ces questions. De plus,
11 prêtait à la table des réponses portant atteinte à l’honneur et à la considération des personnes, et qui allaient jusqu’à représenter des jeunes filles de la commune comme ayant eu des relations fntimes avec des hommes. »
Fête de Mesmer. — On se prépare à célébrer cette année, comme les précédentes, la naissance de Mesmer par de nombreux banquets.
La ville de Lyon, qui depuis 18A8 n’avait point participé à cette communion, aura cette fois sa réunion du 23 mai.
Une circulaire va être envoyée à tous les adeptes de Paris qui ont coutume d’assister à cette solennité ou sont dans l’intention de le faire. Ceux qui n’auraient pas reçu d’invitation d’ici à quelques jours, sont priés de réclamer au bureau du Journal.
HÉBERT (de Garnay).
PETITE CORRESPONDANCE.
Avis séiu rul. — I,c prochain numéro du Journal contiendra un supplément.
BIBLIOGRAPHIE.
MAGNETISMO ANIMALE, 6 pluIdo ukiveksal, por el caballero Don Joa-qulm Guillermo do I.iha, condecorndo con varias ôrdenes nacionalcs y trangeras. — Br. in-18. La Corogne, 1853.
La science, en général, ne se forme et ne se répand que par la libre discussion. Aussi l’état scientifique d’un pays est-il ordinairement en rapport avec le degré de liberté qu’y rencontre l’expression publique de la pensée.
Cette liberté étant restreinte, les démonstrations se rapetissent et se voilent, afin d’échapper ici à la censure séculière, là à la censure cléricale; car toute science a nécessairement un côté philosophique la rattachant de près ou de loin à certains points délicats auxquels il est interdit de toucher, de par Dieu ou le souverain.
Cependant la liberté de discussion ne suffit pas seule à la rapide propagation des découvertes ayant un caractère scientifique. Il faut, de plus, qu’elles soient patronées par des voix habituées à captiver l’attention en cette matière ; sortes d’oracles qui, se répondant de contrée en contrée, comme autant d’échos, vont d’abord frapper les intelligences d’élite, pour se réfléchir ensuite sur les masses toujours disposées à recevoir une vérité établie de la sorte.
Que cette protection fasse défaut, et une découverte, si grande qu’elle soit, court risque de végéter longtemps dans les bas-fonds du doute et de l’incrédulité, surtout quand elle touche au merveilleux par quelque bout. A bien plus forte raison son sort est-il précaire, lorsque ceux qui devaient lui servir d'appuis se font ses détracteurs.
Appliquant ces réflexions à la doctrine de Mesmer, on s’explique aisément l’itinéraire qu’elle a suivi, les difficultés
qu’elle a rencontrées, enfin son état d’avancement ou de retard dans tel ou tel pays civilisé.
Éclose en France, à la veille d’une ère d’émancipation, la vérité magnétique,'— si belle et si grande qu’on n’en peut encore fixer les limites, — n’eût point tardé à y jeter de profondes racines et à rayonner partout de ce centre privilégié, si l’esprit d’intolérance ne s’en était mêlé aussitôt. Nous voulons parler de cette étrange et déplorable opposition qui, née et entretenue dans les sanctuaires de la science même, s’est prolongée jusqu’à nos jours, et sera pour l’avenir un sujet de pénible étonnement.
Trois quarts de siècle pèsent sur le fameux rapport de 178â, et ce rapport est toujours le Koran de nos académies des sciences et de médecine. C’est dire que ces institutions, d’ailleurs illustres à tant d’autres égards, ont méconnu en ceci le principe de leur mission, qui est de marcher sans cesse avec le progrès, et non de s’arrêter de parti pris devant une barrière imaginaire, pour y garder à perpétuité une attitude de fakir : tympan bouché, paupières closes et grimace à la bouche.
Un changement dans l’esprit académique est pourtant à noter : déjà sourd et aveugle volontairement, il se fait muet, et pour cause : c’est que l’on n’a plus foi en son omniscience ; tandis que le magnétisme, si bafoué naguère, se popularise de plus en plus et menace de devenir une croyance universelle.
L’opposition de nos corps savants a donc contrarié pour un temps l’expansion de la vérité révélée par Mesmer; mais il en est résulté plutôt un bien qu’un mal, puisque pendant ce temps d’arrêt la sphère du magnétisme s’est agrandie, complétée, et que la lumière s’est faite dans tous les replis du domaine physiologique, le plus important au point de vue médical ; d’où il suit que les contrées les moins favorisées du côté de la science et de la liberté reçoivent toute faite une doctrine qui, autrement, leur serait arrivée pleine d’obscurités et de lacunes.
L’Espagne, par exemple, est dans ces conditions. Secouant
un sommeil involontaire do plusieurs siècles, elle cherche à s’assimiler les connaissances dont l’avaient privée l'absolutisme religieux et politique. Elle a eu ses beaux jours dans les arts et les lettres; le tour de la science est venu pour ce noble et malheureux pays. Déjà quelques adeptes distingués y proclament la vérité magnétique ; l'accueil qui est fait à leurs premiers enseignements montre que le public castillan est très-favorablement disposé à recevoir l’initiation entière. Que ce pays ait donc un peu plus ses coudées franches à l’endroit du libre-penser, que son académie de médecine (car il y a aussi une académie de médecine à Madrid) soit plus tolérante que la nôtre, et bientôt les deux côtés des Pyrénées seront en communion intime relativement à la science magnétique.
Cette espérance nous est donnée par les deux seules publications venues jusqu’à présent de la péninsule.
Dans un poétique tableau de l’état des croyances mesmé-riennes en Espagne, M. Jules Logerotte a fait connaître aux lecteurs de ce Journal (1) un opuscule publié à Madrid , en 18/i(5, par M. le I)r llamon Comellas, et ayant pour titre : Revue sur /e magnétisme animal (Ilesena sobre el magne-tismo animal).
L’ouvrage de M. de Lima est également un petit livre. De même que celui de M. Comellas, il n’offre guère qu’un résumé des principaux écrits magnétiques publiés en France, notamment de ceux de Deleuze. On comprend qu’il n’en pouvait être autrement dans uu pays oit les magnétistes sont encore très-clair-semés, et où, par conséquent, l’expérimentation qui crée les faits et la discussion qui les met en lumière , font défaut.
Cependant l’œuvre de M. de Lima a aussi scs mérites propres ; on y remarque un bon classement des matières et une grande clarté d’expression ; de plus, il s’y trouve de judicieuses recherches tendant à établir une certaine corrélation entre le magnétisme et les sciences physiques. Invo-
(I) Voyez Journal du .Vagnclismc, tome XI, page 03.
quant une étude théorique et pratique de huit années, et s’appuyant sur nos magnétologues les plus estimés, dont il cite religieusement les noms à chacun des nombreux emprunts qu’il leur fait, M. de Lima a voulu donner à ses compatriotes une idée sérieuse du magnétisme. Il s’adresse de préférence aux lecteurs instruits, et essaie de les persuader par un langage tout didactique, en ne leur montrant le magnétisme que comme un agent pouvant être étudié au même titre que les autres forces naturelles. Aussi la partie dogmatique ayant trait au fluide, ii son émission el à ses propriétés médicinales, occupe-t-elle la presque totalité du livre, tandis que la phénoménologie pure n’y est guère qu'à l’état de simple énoncé. Quant au somnambulisme, il en est à peine question, et seulement comme fuit physiologique.
Une telle réserve a-t-elle été commandée par des nécessités locales, ou n’cst-elle que le résultat des convictions propres de l’auteur, indépendamment du cercle restreint qu’il s’était tracé ? Nous ne savons. 11 faut dire que l’Espagne est un pays où bien des susceptibilités seraient mises èn émoi par certaines questions que soulève l’étude du magnétisme transcendant. N’oublions pas qu’en France même, nos antagonistes de tout ordre seraient disposés à nous faire de larges concessions, n’était la vue sans le secours des yeux, et autres phénomènes réputés diableries par les bigots, jongleries par les esprits forts. D’une autre part, se montrant exclusivement fluidiste, — ce qui suffît aux démonstrations du magnétisme thérapeutique, — l’auteur devait naturellement laisser dans l'ombre le côté qui donne accès au spiritualisme et à son cortège de merveilles. Sous cette appréciation, le livre de M. de Lima est tout ce qu’il pouvait être à titre d’essai, tout ce qu’il devait être comme œuvre d’initiation première. Au surplus, le dernier mot de l’auteur n’est pas encore prononcé : M. de Lima annonce que si son petit ouvrage sur le magnétisme simple est favorablement accueilli , il le fera suivre d’une œuvre plus complète traitant du mesmérisme dans toutes ses parties.
En attendant cette publication nouvelle, les débuts de
M. de Lima méritent sinon des éloges, au moins des encouragements. Nous ne pouvons donc que l’engager à persévérer, en lui conseillant toutefois d’entrer plus avant dans le domaine des faits, et de se défier un peu de la tendance qu'il a exprimée dans le passage suivant, lequel est comme le pivot de tout son livre :
n 11 n’existe dans le magnétisme qu’une seule cause, une cause physique, le fluide vital ou fluide nerveux. »
Qu'il veuille bien y regarder de plus près, il reconnaîtra, nous n’en doutons point, que la cause productrice des effets magnétiques est autant morale que physique, puisque l’intensité des effets est en raison directe de l’énergie de volonté. Le fluide est donc l’agent de l’esprit : celui-ci conçoit, l’autre exécute.
Si d’ailleurs, en ne montrant que le côté matériel du magnétisme, M. de Lima a voulu ne point effaroucher les faux savants et les cagots, sa réserve est excusable jusqu’à un certain point. Mais alors nous espérons que son prochain ouvrage soulèvera au moins une partie des voiles dont la vérité magnétique s’accommode mal. Sinon, nous serons en droit de dire ou que cette auguste vérité ne lui est connue qu’imparfaitement, ou que son courage n’est pas à la hauteur de la mission qu’il s’est donnée. Nous aimons à penser qu'aucun de ces reproches ne pourra lui être adressé, et dans cette confiance nous lui crions affectueusement par-dessus les monts où fut notre berceau: /Buen unirnol y hasta nuis ver! (Bon courage! et au revoir!)
BAÎHAUT.
LA MAGIE DU XIX6 SIÈCLE, revue des sciences occultes et analytiques comparées. — Magnétisme raisonné, etc., etc., paraissant aux nouvelles lunes, par A. Monm. — Prix : 12 fr. par an.
Qu’est-ce que la magie? Grande question qui faisait rire de dédain la philosophie sceptique du dernier siècle, et qui pourtant mérite les méditations du savant, qui se lie aux progrès de l’esprit humain, qui se rattache à tout ce que la
science a de plus élevé. A toutes les époques, certains hommes ont passé pour posséder le pouvoir de produire des faits merveilleux avec le concours d’êtres invisibles, supérieurs à l’humanité, esprits, démons, fées, ou de quelque autre norh qu’on les ait désignés. C’est là ce qu’on a appelé magie. 11 y a deux choses importantes à vérifier dans l’histoire de la magie, la réalité des faits et la cause qui lésa produits. Beaucoup de gens croient avoir résolu toutes les difficultés en niant tout et en déclarant à priori les faits impossibles. C’est un procédé très-commode, qui met à l’aise la paresse et l’ignorance. Il ressemble beaucoup à celui de l’autruche qui, dit-on, enfouit sa tête dans le sable pour ne pas voir l’ennemi qui la poursuit. Mais l’autruche ne supprime pas par là le danger dont elle est menacée. De même les pontifes de la science, en se mettant un bandeau sur les yeux pour se dispenser de voir le3 faits qui ont le malheur de n’être pas de leur goût et de contrarier leurs systèmes, en refusant obstinément l’examen, en se bornant à crier à l’impossible, en jetant l’interdit sur tout un ordre de phénomènes, n’arrêtent rien, n’empêchent pas la nature de suivre son cours et ne réussissent pas à entraver le développement de connaissances qui se passent très-bien de leur patronage officiel.
Le magnétisme, retrouvé par Mesmer, a porté un rude coup à ce qu’on pourrait appeler l’école de l’impuissance. En offrant le spectacle de faits merveilleux qui précédemment auraient été jugés impossibles ou surnaturels, il a donné beaucoup à réfléchir sur la témérité de ceux qui avaient cru pouvoir poser les limites du possible ; il a jeté une vive lumière sur les mystères des sciences occultes, a servi à expliquer un grand nombre des prodiges qui leur avaient été attribués, a conduit à affirmer au moins la vraisemblance de beaucoup de secrets réputés chimériques, a initié à l’appréciation d’un passé plein de grandeur, et l’a vengé des sarcasmes d’une fausse science qui avait cru pouvoir rejeter tout ce qui dépassait son pouvoir si bonté. On peut donc dire que le magnétisme a commencé la réhabilitation de la magie. Les beaux travaux de M. du Potet ont fait voir com-
mont 011 peut progresser dans celte voie. I.es résultats obtenus jusqu’ici nous mènent à reconnaître que les traditions sur la magie méritent un sérieux examen, qu'on doit bien se garder de mettre légèrement au rang des imposteurs ou des fous ceux qui ont passé pour magiciens : les sorciers, enchanteurs, cartomanciens, astrologues, thaumaturges, voyants, nécromanciens, hydroscopes, et tant d’autres doivent être admis à comparaître au tribunal de la raison pour y rendre compte de leur pouvoir et de leur savoir. Sans doute, après vérification, on trouvera une part d'erreur ; mais déjà nous sommes en droit de dire qu’on trouvera aussi dans le langage de ces hommes étranges, de précieuses vérités qui enrichiront l’humanité.
Quant à la cause des faits magiques, il y a à rechercher si on peut l’attribuer à quelques-unes des lois qui régissent le monde physique, ou à l’action dont l’homme dispose, ou bien si l’on ne peut l'expliquer que par l’intervention des esprits. Il n’y a pas longtemps encore, cette dernière hypothèse n’eût été accueillie que par un sourire de pitié. Aujourd'hui, grâce à la vogue des tables parlantes, il ne manque pas de personnes non interdites, et n’ayant aucunement besoin de douches, qui ne craignent pas de traiter la question des esprits, les unes soutenant l’affirmative, sans s’exposer à être logées aux Petites-Maisons, les autres adoptant la négative, mais en se fondant du moins sur des arguments sérieux, et non plus sur des quolibets surannés. Bien plus, le clergé, en proclamant la réalité du commerce avec les esprits et en le prohibant comme manœuvre infernale, a contribué à accréditer les évocations. La question posée actuellement et vivement débattue est donc bien celle de la magic.
En Amérique, cinq ou six journaux sont consacrés à ce curieux sujet ; le Spiritual telcgrap/i se distingue particulièrement par l’importance et la variété des faits qu’il publie concernant les communications spirituelles, et par le mérite de ses articles de discussion. Un journal français sur cette matière aurait une mission utile à remplir. Est-ce là le but que se propose M. A. Morin, notre homonyme, dont nous
avons examiné dernièrement l’ouvrage intitulé: Comment l’esprit vient aux tables (1) ? 11 n’a encore fait paraître que le premier numéro de son recueil. L’extérieur en est déjà fort singulier. Le titre est précédé de cet aphorisme : qui vivra verra. Sanclio Pança n’eût pas mieux trouvé. Aux quatre angles du recto de la couverture sont les lettres D, I, E, U, dont l'ensemble forme le mot Dieu. C’est neuf, mais peu ingénieux.
Le recueil doit paraître aux nouvelles lunes : cette formule indique-t-elle que la lune exerce une influence sur l’esprit de l’auteur? Sur le revers de la couverture, les mots unité scientifique sont écrits en diagonale ; cette direction (le travers serait-elle un symbole de la méthode qu’on veut suivre ? D’un [côté de la ligne est une étoile sur un fond obscur; de l’autre côté sont les mots fin/ lux, regardés sans doute comme l’écho de la pensée du lecteur.... L’auteur a-t-il voulu, par cet attirail cabalistique, donner à son œuvre l’apparence d’un grimoire et se poser en Mathieu Laensberg ? Ce serait là des moyens bien mesquins pour attirer l’attention.
Mais ne nous arrêtons pas à la forme, et allons au fond. Quelle idée l’auteur se fait-il de la magie? C’est ce qu'il nous est impossible de dire, bien que nous ayons lu son numéro avec un soin scrupuleux. 11 se pose en hiérophante qui possède une science immense, à laquelle il veut bien nous initier ; il nous promet de tout expliquer, de répandre des flots de lumière sur une foule de mystères, de redresser l’esprit humain, de remettre dans la bonne voie toutes les sciences qui, privées jusqu’ici de ce guide puissant, se sont tristement égarées, de coordonner toutes les connaissances acquises; nouveau Messie, il va transformer le monde. Mais pour accomplir une si haute mission, que peut-il, que sait-il, que veut-il ? 11 ne daigne pas nous le dire, et nous devons le croire sur parole. Abonnons-nous d’abord, et... qui vivra verra. Nous annonce-t-il au moins une découverte ? nous fait-
(1) Voyez n° ISO, page CO de ce volume.
il connaître un principe nouveau? nous fait-il pressentir ses moyens, sa méthode? Non; mais il accumule des phrases énigmatiques et prétentieuses, et se maintient dans la majestueuse obscurité d’un oracle. Le dieu ne daigne pas sortir des nuages.
Comme il rejette l’existence des esprits, il s’ensuit qu’il nie la réalité de la magie. Nous pensons donc que son travail devrait se borner, ou à nier les faits réputés magiques et à prouver qu’ils n’ont pas eu lieu, ou à les expliquer par des causes autres que l’intervention des esprits, et à faire voir par là qu’on a eu tort de les regarder comme magiques. S’il en était ainsi, le titre nous paraîtrait mal choisi, et l’auteur se servirait de termes impropres en annonçant qu’il va nous apprendre la magie. 11 n’a rien défini ni formulé : on en est donc réduit à des conjectures sur son système et son but, et nous sommes obligé de répéter avec lui : fiat lux.
A.-S. MORIN.
J’ai lu aussi, et très-attentivement, la nouvelle œuvre de M. Maurin, A. Morin ou M. Orina ; mais l'idée que je m’en suis formée diffère un peu de celle que vient d'exprimer notre honorable collaborateur.
Je trouve d’abord que l’auteur a tort de cacher son nom sous l’anagramme; cet artifice n’empêchera personne de savoir comment il s’appelle, et le déguisement est toujours suspect. J’avoue aussi qu’il affecte un langage qui n’est nullement compatible avec les prétentions d’instituteur privilégié du genre humain ; quand on veut instruire, il faut avant tout être compréhensible. Son premier numéro est plein d'amphigouris et d’excentricités; la périodicité lunatique, par exemple, est plus que bizarrre; car il n’y a aucun avantage dans la publication de treize au lieu de douze livraisons par an. C’est donc une allure ridicule, et on en pourrait dire autant de beaucoup d’autres choses qui ne décèlent ni une science profonde ni un jugement droit ; mais sous ces rugosités d’écorce, il circule, je crois, une sève active, abondante, qui peut donner lieu à des conceptions originales.
Dans le second numéro, M. Morin déroule le plan du développement de ses idées et règle l’ordre d'évolution des sujets qu’il veut traiter. Ainsi se trouve évité le reproche de manque de programme consigné ci-dessus dans l'article de son critique. 11 ne croit ni au diable, ni aux esprits; pour lui la cause des phénomènes appelés magiques réside dans l’homme. Il dit pouvoir tout expliquer par les lois naturelles et les actions humaines, depuis le plus simple effet magnétique jusqu’aux manifestations spirituelles, et même les miracles. Je crains que cette tâche excède ses forces, et qu’il tombe à la fin dans ie merveilleux ; mais ses efforts doivent être encouragés, car toute tentative pour détraire l’erreur ou la superstition fraye la route de la vérité.
HÉBERT (de Garnay).
LE MONDE PROPHÉTIQUE, ou Moyens de connaître l’avenir employés par les sibylles, les pythies, les aruspices, les sorcières, les tireuses de caries, les chiromanciennes et les somnambules; suivi de la Biographie du somnambule Alexis. Par Henri Deuage. 1 vol. in-lî. Paris, 1853, chez Denlu.
Le nombre des écrits qui se publient sur le magnétisme augmente de jour en jour et sur tous les points du monde à la fois. Il faudra bientôt être polyglote pour se tenir au courant de la littérature sur cette matière ; car il n'y a pas de mois qu’il ne paraisse un ouvrage soit en français, en allemand , en anglais, en italien, en espagnol, etc. Dans notre langue en particulier, les productions se multiplient presque à l’infini, et ce Journal suffît à peine à les analyser toutes. Cette profusion explique le retard apporté à l’examen de plusieurs livres déjà anciens, notamment de celui dont le titre est en tête de cet article, et qui a pour auteur M. Henri De-laage.
Ces préliminaires posés, passons au fait.
Quoique jeune encore, M. Delaage est déjà père d’une demi-douzaine d’ouvrages sur le magnétisme, le somnambulisme et les sciences dites occultes. Il fait à peu près régulièrement un volume par année, non compris des préfaces de
brochures, «les notices biographiques et autres bribes ou réclames éparpillées dans les journaux et les revues.
Quand on jette un coup-d’œil sur la liste des œuvres de cet auteur, on est frappé de la ressemblance de leurs titres ; et si l’on vient à les lire, on trouve que le sujet en est en effet semblable. Son thème est invariablement fixe ; il s’agit toujours de secrets, de mystère, d’initiation et de révélation. Un voile obscur cache tout à ses regards, et pour le déchirer il fait appel aux puissances divinatrices que l’homme possède en songe, dans l’extase et le somnambulisme. Mais à force de le rouler dans sa pensée, son sujet s’épuise, et il se trouve conduit à répéter, à son insu, la même chose sous des formes différentes. Ce ressassis continuel des mêmes idées amène nécessairement des redites fréquentes et des répétitions de mots, qui sont comme stéréotypés sous sa plume. Aussi, malgré scs efforts pour varier le style, on rencontre presque à chaque page des locutions comme celles-ci : « Antique u Orient, clef des mystères, trésor sacré, etc., » qui sont la conséquence naturelle et quasi-forcée d’une pensée unique.
Mais de ce que M. Delaage fait un livre comme on retourne un habit, il ne s’ensuit pas qu’il manque d’imagination, qu’il est sans talent. Au contraire, et j’en ai déjà fait la remarque à propos d’un autre écrit (1), son langage est même trop brillant pour rendre les vérités abstraites d’une science aussi vague que l'est encore le magnétisme. La recherche et l’élégance des expressions sont d’un grand charme pour l’esprit ; mais la précision est encore bien préférable. Pourquoi des phrases sonores et des comparaisons romanesques, quand une diction pure suffit ? L’idée succombe sous cet attirail frivole, et, de même que les pann es profuses effacent la beauté, le sens se noie dans une vaine harmonie de sons ajustés.
J’ai dit que le fond des ouvrages de M. Delaage ne change pas, et que quiconque en a lu un les connaît tous. Cette appréciation , vraie en principe, subit en fait quelques exceptions ; car à chacun il ajoute quelque ornement d’actualité,
(1) Vov. lomeXI, p. 487.
qui n’est pas dépourvu d’intérêt. Ainsi, dans l'écrit que nous avons sous les yeux se trouve une étude fort bien laite de la question des poursuites judiciaires contre les somnambules, qui était alors à l'ordre du jour. Nous allons citer une partie de ce chapitre, et l'on verra que si, au lieu de ruminer un petit nombre de faits, l’auteur s’appliquait à agrandir le cercle de ses connaissances magnétiques, il pourrait devenir un des interprètes les plus éloquents de cette grande langue des merveilles.
Prenons pour exemple un raisonnement suivi, afin que les qualités et défauts de sa manière d’écrire apparaissent mieux :
n Un colossal éclat de rire eût accueilli, il y a quelques années, les paroles de l'homme qui aurait osé proclamer que quelques signes mystérieux faits sur le front d’un individu suffisaient pour fermer les yeux de son corps et ouvrir ceux de son âme ; en un mot, pour créer en lui un homme nouveau doué d’une vue céleste capable de connaître le passé, de voir le présent et d’apercevoir l’avenir.
« Aujourd’hui, aidé du besoin de croyance, l’esprit de l’humanité a fait un tel pas vers le monde de la vérité, que l’on prête une oreille attentive à l’homme au cœur sincère, à l’intelligence supérieure, dont les lèvres, éclairées d’un sourire d’enthousiasme, racontent les miracles magnétiques, et qu’il a opérés par un simple acte de sa volonté silencieuse, car tout homme n’a qu’à apposer avec foi la main sur le front d’un somnambule, et bientôt il sentira, par la vertu magnétique du contact, la chaleur y accourir, et à mesure qu’une lumière mystérieuse en rayonnera, la vie semblera quitter les traits pallides de son sujet pour aller animer son âme. Cet état de veille de l'àme et de sommeil du corps se nomme lucidité somnambulique, parce que, dans cet état, l’âme est douée d’une vue céleste qui lui fait trans-
Seicer l’opacité des corps avec plus de facilité qu'un rayon e lumière ne transperce la transparente lucidité du plus pur cristal.
« L'homme, ayant dans tous les siècles été doué de mains qu’il peut faire mouvoir au gré de sa volonté, et d’yeux qu’il peut charger des foudres terrifiantes de la vengeance ou de cette lumière languide qui ravit les cœurs et allume dans les sens les feux des désirs inassouvis, dans tous les temps a agi magnétiquement sur son semblable, et à aucune époque
il n’a ignoré que si, par le recueillement intérieur et les couvres d’édification, il pouvait coopérer à la renaissance spirituelle do son âme, il pouvait être aidé dans cette œuvre importante par les flots de lumière et de grâces célestes versé en lui par la main des prêtres. Tous les écrivains qui se sont occupés du rôle du somnambulisme dans les temples de la Grèce ont rappelé à la mémoire que dans le temple d’Esculape c’étaient des somnambules nommés somnvi-torcs que l’on venait consulter sur les causes et la nature des maladies, et auxquels 011 venait demander des remèdes, lin savant hébraïsant, d'Arnnut, a remarqué dans la Bible ce passage, qui ne laisse pas de doutes sur la connaissance du magnétisme dans la plus haute antiquité : « La main du u Seigneur fut sur lui, et il prophétisa. » Sur les bas-reliefs ninivites et assyriens, sur les vases sacrés du temple d’isis, on voit gravées des mains dans l’attitude de la bénédiction, Or la bénédiction n’est que la lumière divine répandue par les mains des prêtres et des évêques sur la foule des fidèles prosternés, et venant ranimer l’âme d’une vie divine afin de fa faire renaître dès ici-bas, et de la mettre en rapport avec Dieu et les lumineux habitants du monde de l’éternité. Le magnétisme, c’est la lumière répandue par des mains profanes venant réveiller l’âme par un galvanisme momentané, dans le but d’avoir des nouvelles d’un absent, quelquefois même d’un chien perdu.
« Nous ne nous sommes jamais fait illusion sur l’extrême difficulté de faire progresser le magnétisme, et nous le reléguons volontiers dans le domaine des sanctuaires religieux, désireux de le soustraire aux mains vénales des charlatans qui le compromettent et des rêveurs qui le ridiculisent ; le magnétisme, dans les temps où il était exercé par la main des prêtres, était vénéré comme une lumière divine, qui arrachait l’4me engourdie aux ténèbres des sens en l’animant d’une vue céleste qui ouvrait ses yeux à une vue infinie sur le monde de l’avenir, et portait son immatériel regard jusqu’à Dieu. Maintenant qu'il est exercé par les mains d’audacieux spéculateurs, il est poursuivi en police correctionnelle comme délit d’escroquerie. Avant de lancer l’anathèmo à la tête des académies, de la magistrature et de la police, comme le font les adeptes fanatiques de cette science, nous nous sommes enquis des motifs qui avaient engagé la justice à citer à son tribunal les somnambules et les magnétiseurs, et, en transcrivant quelques pièces du dossier des somnambules condamnés à la prison, nous prouverons que, dans la
plupart îles cas, la justice n’a fait que venger le vrai magnétisme honteusement contrefait par le plus éhonté charlatanisme. Nous avons le premier, dans un ouvrage, divulgué les habiles combinaisons à l’aide desquelles les somnambules abusent de la crédulité et simulent la clairvoyance somnambulique ; parfaitement indifférent aux haines que ces révélations nous ont déjà suscitées, nous attaquerons courageusement les charlatans qui déshonorent le magnétisme en escroquant l’argent d’un public ingénu. La bienveillance, dans ce cas, serait complicité ou niaiserie; il est temps que les hommes de cœur et d’intelligence qui cultivent avec désintéressement le magnétisme, ne soient plus confondus dans l’opinion publique avec les malhonnêtes en-dormeurs que nous allons flétrir, persuadé que, pour avoir l’estime des magnétiseurs consciencieux, il ne faut jamais avoir la lâcheté de pactiser avec l’indélicatesse et la cupidité de somnambuliseurs charlatans. Nous allons transcrire quelques faits qui sont à notre connaissance et qui feront connaître les excès de la spéculation magnétique de nos jours.
« Une femme du monde laisse tomber un jour dans la rue ses regards sur une affiche annonçant la lucidité infaillible d’une somnambule. Désireuse de se convaincre par elle-même de la réalité des phénomènes magnétiques, elle enveloppe soigneusement dans un papier des cheveux de sa petite fille et se rend chez la somnambule. Après une demi-heure d’attente, elle est introduite; une espèce de garçon épicier, qui se fait appeler docteur, magnétise le sujet, puis se retire discrètement. Alors la somnambule, prenant le morceau de papier, l’applique sur sa poitrine, et déclare voir un vieillard vêtu d’une robe de chambre à fleurs rousses, dit qu’il est atteint d’une maladie très-grave, pour laquelle il faudra souvent la revenir consulter; il fut impossible de tirer d’elle d’autres renseignements.
u La dame, assez mécontente, on le comprend, prend dans sa bourse cependant deux pièces de cinq francs, et les présente au magnétiseur. Mais celui-ci avisant une remarquable miniature que cette dame portait en bracelet, lui répond : « Le prix de nos consultations est vingt francs. » La dame lui fait observer que la somnambule n’a été douée d’aucune lucidité, et, dépliant le paquet de cheveux blonds, elle lui dit que son sujet les a pris pour les cheveux d’un vieux général vêtu d’une robe de chambre, et a donné une ordonnance pour la goutte.
k Alors, lui dégrafant son bracelet avec autant de dextérité que de sans-façon, le magnétiseur la prévient qu’il ne le lui restituera que moyennant les vingt francs qu’elle lui doit pour une consultation. La daine porta plainte au commissaire de police, et elle eut raison; elle ne faisait qu’arracher le masque de magnétisme dont l’escroquerie avait impudemment couvert sa ligure.
« Nous avons applaudi des deux mains à la condamnation de cette autre somnambule qui avait fait passer un vieux marchand de crayons pour l’archevêque de Jérusalem, afin de vendre plus cher ses prières, et de soutirer de l’argent à la pieuse crédulité d'une honnête femme.
« Nous avons demandé souvent à des magistrats que nous savions croyants au magnétisme, pourquoi ils poursuivaient avec tant de rigueur les magnétiseurs. Ils nous ont toujours répondu : « Ce n'est pas le somnambulisme que nous pour-« suivons, mais la friponnerie décorée du titre menteur de « somnambulisme. »
Ces pages suffisent pour édifier nos lecteurs sur les mérites intrinsèques de l’œuvre et les avantages à retirer de sa lecture. Là se borne notre rôle; heureux si, en portant un jugement impartial, nous pouvons les éclairer comme nous en avons le désir.
ARNETTE.
Nous avons reçu le prospectus du journal : II Magnéto,fi/o, annoncé dans la lettre de M. Allix comme organe de la So-ciclà magnetica di Torino.
Ce journal doit servir d’écho à la pensée de magnétiseurs dont les travaux nous étaient inconnus ; c’est donc un bien que son apparition. Mais il est à craindre qu’il nuise à la Cronica del magnetismo animale, rédigée dans la même langue et publiée à Milan ; dans ce cas, ce serait un mal, car les forces divisées se perdent.
HÉBERT (de Garnay).
Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).
Paris. - Imprimerie de Pommcrcl el Moreau, cjuai des Auguslins, 11.
INSTITUTIONS.
Société du Mesmérisme de Paris.
L’article des Statuts qui règle l’admission des membres correspondants, exige des candidats absents l’envoi d'un mémoire, sur un sujet de leur choix, pour tenir lieu d’examen oral. C’est en conformité de cette disposition que la communication suivante a été adressée à la Société.
DU MOUVEMENT DES TABLES ET DES DICTÉES PAR LES TABLES.
L
Dédicace à Monsieur le baron du Polet.
Quelques personnes manifestent de la surprise en voyant que le principal organe des idées mesmériennes, le Journal du Magnétisme, ne se soit pas formellement prononcé au sujet des tables tournantes et des communications spirituelles, qui ont beaucoup préoccupé l’attention publique dans ces derniers temps.
On s’étonne en môme temps que vous, monsieur, qui faites autorité dans le monde magnétique, vous n’ayez point pris sur vous de décider la question.
Loin de partager la manière de voir de ces impatients, j’approuve votre réserve, et je l’approuve — surtout, sachant par les conversations que j’ai eu l’honneur d’avoir avec vous, que vous n’avez cessé d’étudier la question et d’y appliquer votre attention.
La haute position que n ous ont conquise dans le monde magnétique vos travaux et votre persévérance, vous fait un devoir de la réserve sur un point qui n’est pas encore élucidé; et vous avez, selon moi, fait preuve de force en ne formulant aucun système aventuré au milieu des systèmes plus ou moins vagues, plus ou moins vides, qui sont éclos de tous les côtés.
TOME XIII. — N° 181. —10 MAI 1R54.
9
Dans les sciences, il n’y ;i point de tribunal, il n’y a point de juges. Il y a des opinions individuelles —plus ou moins sensées, —jusqu’àce qu’il y ait une conviction générale fondée sur une démonstration librement acceptée.
Votre Journal .1 rendu compte de ce qui a été publié de plus saillant à ce sujet, c’est-à-dire qu’ouvert à la discussion, il a rempli le seul rôle qu’il dût remplir : éclairer l’opinion par la publicité.
Après les controverses entre les magnétistes et les académies; lorsque l’Académie de médecine a décrété qu’elle mettrait au panier toute communication relative au magnétisme, — et qu’elle a exécuté son décret; lorsque l’Académie des sciences, sans avoir pris de mesure aussi formelle, est restée complètement étrangère au mouvement de l’opinion publique en faveur de la science nouvelle du magnétisme ;
Il nous semble que la doctrine mesmérienne, plus généreuse que son adversaire la science officielle, doit, dans son journal, examiner ce qui a été publié à ce sujet par un académicien dont le nom fait autorité, M. Babinet.
Comme cette tâche n’a pas été remplie par de plus capables, permettez-moi, Monsieur, de l’essayer. Je serai obligé de formuler mon opinion sur l’ordre de phénomènes dont s’est occupé le savant physicien ; mais je ne suis pas tenu, moi inconnu, à la réserve qui vous est imposée; mais mon opinion n’oblige en rien le Journal du Magnétisme ; enfin elle conserve le caractère qu’elle doit avoir, celle d’une opinion individuelle qui, par cela même, 11’a aucune espèce d’importance.
Non-seulement je ne prétends imposer cette opinion à personne; mais encore je déclare que je ne la regarde pas comme suffisamment mûrie par la réflexion ; que je ne l’eusse pas publiée sans la circonstance qui me détermine (sa coïncidence avec l’opinion de M. Babinet bien comprise), et qu’enfin je suis tout disposé à en adopter une autre, si j’acquiers de nouvelles lumières sur le sujet ou si j’en trouve toute faite une plus sensée.
II.'
Examen de C article de M. Babinet sur les tables motivantes.
J’avais lu d’abord assez légèrement, je l’avoue, au café, en déjeunant, l’article que M. Babinet a publié dans le numéro du 15 janvier 1S5/i de la Revue des Deux Mondes.
J’avais été frappé de l'incohérence apparente qui régnait clans cet article ; je m’étonnais de voir M. Babinet, à propos de tables tournantes, se livrer à une discussion sur la priorité d’invention des machines à vapeur. Je m'étonnais de voir, toujours à propos de tables tournantes, M. Babinet rappeler l'anathème formulé par l’Académie des sciences contre la navigation ;ï vapeur, et surtout rapprocher ce malencontreux arrêt académique de l’arrêt burlesque d’un plaisant à propos des convulsionnaires ; j’étais surpris de v oir M. Babinet défendre, au nom de la raison, aux tables de dicter ailleurs que sur les tréteaux des charlatans, et surtout de voir les meubles, aussi peu obéissants que les bateaux à vapeur, continuer à servir d’instruments dociles aux expériences, — et'cela dans l’intimité, au foyer de la famille, en présence de groupes qui agissaient en toute simplicité, consciencieusement et sans idées préconçues.
J'étais sûr d’avance que M. Babinet était un savant, et un savant qui sait (soit dit sans vouloir offenser aucun de ses confrères d’aucune académie) ; non-seulement, me disais-je, M. Babinet est savant, mais c’est un homme d’esprit; non-seulement il a de l’esprit et du savoir, mais je connais de lui des traits qui prouvent que c’est un homme de cœur; il a donc moins que tout autre le droit de railler les gens de bonne foi et de bonne volonté, quand même ils seraient dans l’erreur, quand même leur erreur viendrait d’ignorance.
Je me disais que M. Babinet devait avoir des motifs pour se contredire formellement à quelques pages de distance, — pour déplorer ici « que l’Académie des sciences soit malheurcuscmeni accessible à toutes les prétentions des observateurs étrangers », et se féliciter là « que leur sage circonspection (des académies) empêche l’éclosion des fléaux d’inventions hasardées. »
Et je me demandais : De qui se moque-t-on ?
Lorsqu’une ordonnance de police eut déplacé le théâtre où s’accomplissaient des phénomènes magnétiques que la superstition et l’incrédulité ont, par un heureux accord, qualifié du nom de miracle,
De qui voulut se moquer l’auteur du distique :
De pau le Uoi, défense h Dieu D’opérer miracle en ce lieu.
De Dieu? — ou de la police?
En parodiant académiquement la pasquinade du cimetière Saint- Médard, en défendant de faire parler les tables ailleurs
que sur les tréteaux des charlatans, M. Babinet a sans doute lancé une raillerie légitime contre les charlatans.
Mais en rapprochant son jugement burlesque de celui de l’Académie sur le bateau à vapeur qu’il commente d’une façon aussi neuve qu'inattendue, en lui donnant ce sens: « Les pyroscaphes sont impossibles avec des cylindres mal « alésés, qui laisseraient fuir la vapeur » ;
En justifiant ainsi la victoire remportée par l’Académie sur le bateau à vapeur, qui M. Babinet a-t-il voulu railler? Est-ce le bateau à vapeur ?
Et comme, une fois qu’on est en train de se poser à soi-même des points d’interrogation, on va, on va... 011 va indéfiniment, j’ai été jusqu’à me demander si M. Babinet n’avait pas voulu jeter un pavé à la tête de ses confrères les académiciens, et si, en bon collègue, il n’avait pas pris la précaution de rembourrer son pavé pour les assommer sans trop leur faire de mal ?
J’en étais là de mes doutes, lorsque je me suis, comme ancien élève de M. Babinet, rappelé que sa méthode d’enseignement ne ressemblait à aucune autre. Sa méthode était excellente, mais elle était sienne. Il forçait l’élève à chercher lui-même, prétendant avec raison qu’on apprenait avec plus de fruit et qu’on retenait mieux ce qui avait coûté plus d’efforts.
«—Où en sommes-nous? (c’était ainsi que M. Babinet commençait presque toutes ses leçons). — Nous en étions restés aux lois de la réflexion.... Ah! bien! M. N***, passez au tableau. Voulez-vous nous exposer les lois de la réflexion? — Mais nous n’avons pas encore vu cela. — Allez toujours, dites ce que vous savez là-dessus. —Je ne m’en suis jamais occupé. —^ Avez-vous jamais regardé dans une glace ? — Oui. — Qu’y avez-vous vu ? — L’image des objets situés devant la glace. —Vous voyez donc bien que vous connaissiez ce que c’est que la réflexion.... »
En continuant ainsi, et en aidant beaucoup l’élève, mais en le forçant toujours à des efforts, il lui faisait faire la leçon d’une façon tout analytique, et les leçons profitaient plus, je dois le dire, que l’enseignement synthétique ordinaire.
Toujours est-il que, pour saisir le sens de l’enseignement de M. Babinet, il faut faire des efforts, et, pour emplover l’expression des étudiants, il faut piocher.
J’ai donc été conduit à étudier, avec toute l’attention dont j'étais susceptible, l’article de M. Babinet, pour y trouver,
non pas la solution des questions auxquelles je m’étais laissé d’abord entraîner par lui — questions tout à fait étrangères au phénomène des tables tournantes, —mais pour y démêler ce qu’il y avait de sérieux dans sa publication.
fl précise parfaitement les phénomènes dont il entreprend l’explication. Ce sont les mouvements de rotation et de soulèvement ou d’abaissement d’un meuble sur lequel on pose les mains, — soit en touchant légèrement les doigts, soit même sans contact ; — et les changements de direction du mouvement de rotation.
11 admet que ces mouvements ont lieu avec la parfaite bonne foi des opérateurs, sans qu’ils aient la volonté ni la conscience de produire aucune impulsion mécanique.
11 admet encore qu’il suffit d’une très-légère manifestation de volonté dans un ou plusieurs des coopérateurs, pour déterminer les modifications de mouvements du meuble.
Ce sont les seuls faits qu’il ait constatés. Quelques faits en dehors de ceux-là lui semblent probables, car il appelle l’expérience à leur sujet :
« La volonté exprimée ou tacite d’un ou de plusieurs des « opérateurs suffit-elle pour renverser le sens du mouve-« ment? »
11 est évident que le doute, s’il en reste dans l’esprit de M. Babinet, ne porte que sur l’action de la volonté tacite, puisqu’il a précédemment admis que la manifestation très-légère de la volonté suffisait pour renverser le mouvement, et que c’est un des phénomènes qu’il a pour but d’expliquer.
11 se demande même : « Quand on opère des mouvements « de bascule haut et bas, comment la volonté d’un petit « nombre d’opérateurs ou même d’un seul, entraîne-t-elle « celle de tous les autres? »
Ici M. Babinet, sans l’expliquer, admet l’action de la volonté d'un titre sur d’autres êtres. 11 l’admet carrément et sans ambages. Dans tout son article, cette idée poind à chaque instant, et quoique presque latente dans toutes ses explications, pour employer l’expression de l’académicien, elle en est la base réelle, bien qu’elle semble s’être glissée dans son œuvre « à son insu, par suite d’un mouvement intellec-« tuel involontaire, dont il semble qu’il n’ait pas conscience. » M. Babinet, dans les faits observés, distingue deux ordres de phénomènes, l’un mécanique, l’autre physiologique. — Il y a mouvement matériel, donc il y a une force, puisque tout
ce qui met ou tend à mettre les corps on mouvement s’appelle force. Ceci est indiscutable.
M. Babinet admet que cette force consiste dans les impulsions données par les opérateurs.
Le- mode d’impulsion peut consister dans le mouvement des membres, déterminé, comme on sait, par la contraction des muscles transmise par une série de leviers du troisième genre. —L’auteur fait voir, par un grand nombre d’exemples, que ces mouvements (les extrémités ont à leur origine une très-grande énergie ; il regarde que cette énergie est due à leur grande vitesse. Tout ce que dit ce sujet M. Babinet est fort ingénieux et fort intéressant au point de vue physiologique ; mais au point de vue mécanique, dans l’espèce, cette grande vitesse au commencement du mouvement ou, pour parler plus juste, au bout d’un temps très-court (car tous les mouvements commencent par être infiniment petits), cette grande vitesse n’est point applicable. En effet, comme les mains ne quittent pas le meuble, qu’il n’y a pas de choc de la main à la table, ce mouvement de poussée a pour vitesse la vitesse môme du point d’appui, qui n’est jamais considérable au départ. Ce mode d’impulsion est donc tout bonnement ce que l’on appelle pousser, si l’action est horizontale, et appuyer, si l’action est verticale, à moins que l’on n’admette l’élasticité des muscles palmaires comme un ressort intermédiaire qui transmet l’impulsion, —ce qui ferait rentrer ce premier mode d’impulsion daus le second qu’a décrit M. Babinet, sous le nom de première détente de muscles. Ces mouvements peuvent avoir une très-grande énergie, « surtout si les trépidations musculaires des mains sont ren-« forcées par une excitation nerveuse qui en centuple la « force. »
M. Babinet considère, comme nous venons de le dire, un autre mode d’impulsion, qu'il appelle «un effet très-« naturel de première détente de muscles, » par laquelle il explique le lancement des chaises par la demoiselle Cottin. 11 l’invoque aussi pour expliquer le mouvement des tables.
Si un muscle se gonfle très-rapidement, il fera l’effet d’un ressort et pourra occasioner des effets très-énergiques. Cette force de ressort est en effet immense, et M. Babinet en cite, dans un autre passage de son article, un exemple remarquable. C’est la détente du gaz résultant de l’inflammation de la poudre dans un canon, où huit kilogrammes de poudre produisent dans un temps inappréciable un travail qui repré-
sente la force qu’un homme pourrait développer dans un effort continu de huit heures.
Mais, comme nous l’avons fait observer, et comme nous venons de le reconnaître à propos des mouvements leur origine, qui n’ont pas d’autre sens que la poussée ordinaire, il faut creuser le sens de l’enseignement de M. Babinet. D’ailleurs, il le sait fort bien, en mécanique, qui est une science positive et parfaitement fixe, il suffit de poser des
5iréinisses justes ; l’hypothèse, c’est comme si l’on avait écrit a conclusion.
Or, dans toute détente de ressort, il ne peut y avoir action sans qu’il y ait réaction égale en sens contraire. Si le boulet, en sortant du canon, est animé d’une certaine quantité de mouvement, la pièce elle-même possède la même quantité de mouvement (1) en sens contraire.
Si donc un muscle en se détendant communique à un meuble une certaine vitesse, et par suite une quantité de mouvement, il devra imprimer à la main une vitesse en sens contraire, beaucoup plus grande que celle du meuble, parce que la main est moins massive que la table. Si enfin la main ne quitte pas la table, il faudra que le bras résiste à ce mouvement de recul, de manière à l’annihiler, c’est-à-dire que le bras devra faire tout juste l’effort nécessaire en grandeur et en direction pour imprimer au meuble le mouvement dont il est animé.
Ainsi l’explication du mouvement des tables par la 'première détente de muscles n’est point en contradiction avec l’explication par l’énergie des mouvements à leur origine, elle a le même sens, cela veut dire, en langage simple, mais vulgaire, que les opérateurs poussent la table pour produire la rotation, et appuient dessus pour effectuer les soulèvements.
Voici, dégagée de toutes ses annexes, l’explication que donne M. Babinet du phénomène des tables tournantes dans l’ordre mécanique.
Tous les faits que M. Babinet a constatés peuvent s’expliquer mécaniquement par cette hypothèse. 11 pense qu’il ne s’en produit pas qui ne trouvent leur explication dans les lois physiques connues, et cite à l’appui de son opinion l'expérience négative de M. d’Ourches. Quoique n’ayant vu au-
(1) I,o produit de la masse par la vitesse. Si donc le boulet pèse 12 kil. et la pièce 2,400 kil., le recul de la pièce se fait avec une vitesse deux cents fois moindre que celle du boulet, en négligeant le poids de l’afTût et les frottements.
cun fail qui ne puisse Être simulé matériellement par les opérateurs, au moyen d’impulsions mécaniques, nous 11’o-serions pas nous prononcer à cet égard, attendu que nous ne sommes rien moins que certain de connaître toutes les forces physiques, c’est-à-dire susceptibles d’agir sur les corps, et surtout que nous n’avons pas la prétention de connaître tous les modes d’action des forces dans toutes les circonstances.
Ainsi, du vivant de quelques-uns d’entre nous qui ne sont pas encore des vieillards, OErsted a découvert l’action des circuits électriques sur l'aimant. Celui qui, avant cette découverte, aurait affirmé que le cuivre ne pouvait, en aucune circonstance, avoir d’action à distance sur le fer, aurait témérairement prononcé un jugement absurde. 11 aurait reçu un nouveau démenti lorsque Fr. Arago a découvert l’action des disques de cuivre en mouvement sur l'aiguille aimantée.
Mais s’il s’agit d’admettre une force non encore observée ou un mode inconnu des forces déjà étudiées, il faudra que les phénomènes soient non-seulement bien constatés, mais encore bien discutés.
Ainsi, dans le numéro du 10 mars du Journal clu Magnétisme, mon ami, M. A.-S. Morin, relate des expériences qui tendent à faire croire à un mode d’action inconnu :
1° Une table saupoudrée de talc a pris le mouvement de rotation, moins vite il est vrai que si le bois avait été net. — Le talc n’agit qu’en empêchant l’adhérence des mains au bois. Si les mains appuyées sur la table deviennent moites (ce qui arrive le plus souvent); si, en faisant de petits mouvements, elles balayent la poudre et la chassent de dessous les doigts, le talc, évincé ou mis en boulettes avec la cire du meuble, n’aura plus d’action.
2° 11 n'est pas impossible de faire lever une table du côté de l’opérateur, sans que l’opérateur joue le rôle d’aimant.
L’action impulsive peut prendre toutes les directions possibles, depuis la direction horizontale jusqu’à la direction verticale en contre-bas.
Or, en admettant une résistance horizontale à l’un des pieds de la table opposé à l’opérateur, le pied de la table devient le point d’appui d’un levier du second genre, dont l’impulsion de l’opérateur est la puissance et le meuble à mouvoir la résistance. Dans ce cas, le mouvement cherché s’exécutera si l’impulsion est assez forte et la résistance du pied au glissement assez considérable, line légère rugosité du parquet, un joint du pavé ou simplement le frottement, suf-
lisent pour déterminer cette résistance. Or, en dirigeant convenablement l’impulsion, en augmentant la pression sur le pied de la table qui doit servir de point d’appui, on peut augmenter ce frottement presque indéfiniment et produire le phénomène observé. Si la table a ses pieds très-rappro-chés du centre, comme cela a lieu pour les guéridons, il est plus difficile de la faire glisser en la poussant que de la soulever.
3" 11 est possible, si l’on a assez de vigueur dans les doigté,' de faire tourner une table en posant les cinq doigts, non pas au centre, ils ne pourraient y être à la fois tous les cinq, mais près du centre. Si d’autres opérateurs essaient sans succès de reproduire l’expérience par des efforts musculaires, cela prouve, ou qu’ils s’y prennent moins bien, ou qu’ils sont moins forts des doigts, ou enfin qu’ils ne sont pas dans les circonstances nerveuses (lisez l’état magnétique) nécessaires pour que toute leur force se concentre sur le point où ils veulent la diriger.
J’avais connaissance depuis longtemps d’une expérience analogue à celle du soulèvement de la table citée parM. A.-S. Morin. Un chapeau, disait-on, se soulevait sous les mains d’un opérateur. J’ai essayé de simuler l’expérience, et j’ai réussi, en poussant et appuyant à la fois, toutes les fois que l’expérience avait réussi sans tricherie volontaire; de plus, j’ai fait essayer (je ne fais rien bouger lorsque je suis seul), par des personnes qui font mouvoir tout ce qu’elles touchent , sur des tables assez lisses pour que le chapeau glissât facilement ; le résultat a toujours été négatif, excepté une fois où l’expérience a réussi d'une façon assez singulière, et que j’ai pu simuler en employant le même procédé. Le chapeau, après plusieurs glissements à droite et à gauche, s’est incliné vers l’opérateur, puis, gardant la même inclinaison, a tourné en roulant sur le bord du fond, comme s’il saluait à la ronde, et s’est arrêté à la position voulue, qu’il n’avait pu prendre directement.
Je répète encore que je ne nie pas les phénomènes parce que je ne les ai pas observés ou parce qu’ils sortent du cadre très-restreint de mes connaissances théoriques. A cet égard, je doute et j’étudie.
M. Babinet ne se contente pas de ne pas admettre les mouvements autres que ceux qui sont produits par les impulsions des opérateurs, il les déclare impossibles. Mais je ne serais pas étonné si cette déclaration n'était pas une forme académique pour flatter ses collègues ; car, sous prétexte de
démonstration, il commente sa déclaration, qui se réduit, après commentaire, à ceci : Le meuble ne peut se mouvoir que si une force agit sur ini, puisqu’on appelle force la cause d’un mouvement, et qu’il n’y a pas d’effet sans cause. De sorte que, si des expériences démontrent clairement le mouvement d’une table ou d’un chapeau sans impulsion, il pourra dire, sans se démentir: « C’est qu’il y a une force que nous « ne connaissons pas qui agit sur le meuble ; je n’ai pas « voulu dire autre chose, et ma démonstration le prouve. » Et qu’on ne s’étonne pas do toutes ces précautions que M. Babinet est obligé de prendre vis-à-vis de ses collègues; il avait à expliquer le phénomène au point de vue physiologique, et là il n’était plus d’accord avec les arrêts académiques. Or, quand on a à dire à ses amis une vérité qui les contrarie, on peut bien prendre quelques ménagements. Son explication physiologique n’est eu effet autre chose que l’admission des principes fondamentaux du magnétisme : 1“ l’action des êtres les uns sur les autres par la volonté ; 2° la production, par suite de cette action, d’un état particulier différent de l'état normal.
J’ai déjà cité le texte où M. Babinet reconnaît formellement l’action de la volonté d’un être sur d’autres êtres, ce que nous appelons, nous autres disciples de Mesmer, l’action magnétique. Répétons la citation :
« Quand on opère des mouvements de bascule haut et « bas, comment la volonté d’un petit nombre d’opérateurs, « ou même d’un seul, entraîne-t-elle celle de tous les autres? » Ainsi M. Babinet admet le fait : c’est que la volonté d’un opérateur peut agir et agit quelquefois sur autrui. Seulement, il voudrait bien savoir comment se produit cette action. Et moi aussi, je voudrais bien le savoir, et même, sans être aussi ambitieux, je voudrais bien savoir comment l’action de nia volonté fait mouvoir mon petit doigt ; car c’est là un fait indéniable : je veux que mon doigt se lève, il se lève. Je sais bien qu’il faut pour cela la contraction de certains muscles extenseurs. Comment ma volonté fait-elle contracter les muscles? Je sais que pour que les muscles puissent se contracter sous l'influence de ma volonté, il faut que certains filets nerveux réunissent, après beaucoup de circuits et d’anastomoses, le muscle avec la masse médullaire. Je sais qu’on suppose un courantnerveux analogue aux courants électriques. Soit. Comment ma volonté détermine-t-elle ce courant? On peut reculer la difficulté, comme on la recule aussi pour expliquer l’action magnétique, en disant qu’elle a lieu par l’intermédiaire d’un
fluide. Mais le vrai comment de l’action de la volonté d’un
être sur lui-même nu sur les autres..... je le dirais si je le
savais; mais, hélas! je ne le sais point.
Km supposant que je sache en physiologie ce que savent les plus habiles, je ne serais pas bien savant, d’autant que je n’aime guère à me payer de mots. Or, bien que M. Babinet, toujours par esprit de bonne confraternité, ait mis sur la même ligne, comme connaissances positives, la physiologie et la mécanique. quanti vous aurez appris l’anatomie, cette géographie de l’histoire des organes, il ne faudra pas trop presser votre professeur de physiologie do comment? et de pourquoi? ou il sera bien obligé tle vous répondre : « force vitale, » et puis... cherche !
J’ai tiré une fois d’embarras un docteur qui s’était empêtré dans la force vitale, et à qui un indiscret demandait une définition claire et sans phrases creuses. La force vitale, répondis-je au curieux, est la cause inconnue des phénomènes assez mal connus présentés par le règne organique.
La constatation des faits, la connaissance de quelques lois ou de quelques fragments de lois, voilà tout le bagage de la physiologie, qui ferait plus de progrès si elle avait la modestie et la conscience de son peu d’avancement, et si elle ne cherchait pas à déguiser sous des mots les limites assez restreintes de son territoire scientifique.
Eli bien ! nous magnétiseurs, ayons le courage et la franchise de l’ignorance là où s’arrête notre savoir. Non, nous ne savons pas comment s’opère l’action de la volonté d’un être sur les autres, pas plus que les astronomes ne savent comment s’opèrent les attractions de planète à planète. Que leur importe ! cela les empêche-t-il de connaître la loi du monde matériel? U leur suflit d’être sûrs tle l’attraction (1). Nous, magnétiseurs, nous sommes certains de notre principe, l'action des êtres les uns sur les autres, — au même titre que les astronomes sont certains de la base de l’astronomie, — par l’observation. Moins avancés dans l’étude où Mesmer nous a conviés, que les astronomes dans la voie où ils suivent Newton, nous avons une base aussi assurée, et comme ils sont arrivés à la connaissance des relations physiques des astres, nous arriverons à la notion des relations morales el intellectuelles des êtres entre eux.
Nous sommes heureux que M. Babinet, malgré sa position
(t) Nous savons que l'attraction n'est qu'une hypothèse ; ce qui fail do
l'astronomie une science positive , e'est l'exactitude, déduite de l'obssrra-tion, îles lois résumies par l'hypothèse do l'attraction.
académique, n'ait pas reculé devant la déclaration de principes que nous avons citée. Ce n'est, du reste, qu'après l'avoir insinuée timidement plusieurs fois, qu’il arrive à une formule aussi expresse.
Ainsi, dans cette phrase : « Le contact des extrémités des « mains agit aussi sans doute par la communication d'une « influence nerveuse pour établir la simultanéité d’action. » 11 reconnaît bien encore l’action magnétique, — communication d'une influence nerveuse.
Comme nous le savons, de cette influence nerveuse, de l’action magnétique, résulte un état particulier, l'état dans lequel les facultés de l'être paraissent modifiées. C’est ce qu’admet aussi M. Babinet, dans un passage déjàcité en partie.
« Au moment où tous ces mouvements agiront de concert, « surtout si les trépidations musculaires des mains sont ren-« forcées par une excita lion nerveuse (c’est ce que nous nom-ci nions crise) qui centuple la force. On voit par là combien « l’imagination (puissant auxiliaire des actions magnétiques) « peut avoir de puissance dans le développement de ces ac-« tions, et combien la présence d’un spectateur supposé « mentalement hostile à la manifestation du phénomène n peut influer fâcheusement sur les résultats. Le contact des « doigts extrêmes peut aussi faciliter l’établissement de ces « actions, je veux dire l’établissement de l’accord entre « toutes les actions des opérateurs. »
Enfin, citons sa conclusion relative aux faits par lui constatés :
« Que tout ce qui est raisonnablement admissible dans les « curieuses expériences qui ont été faites sur le mouvement « des tables où l’on impose les mains, est parfaitement ex-cc plicable par l’énergie bien connue des mouvements nais-■ sants de nos organes, pris à leur origine, surtout quand u une influence nerveuse vient s’y joindre, et au moment « où, toutes les impulsions étant conspirantes, l'effet produit cc représente l’effet total des actions individuelles. »
Quant à ces mouvements naissants de nos organes, pris à leur origine, M. Babinet déclare plusieurs fois qu’on peut les produire sans en avoir ni la volonté, ni la conscience. Nous avons vu d’ailleurs qu'ils revenaient à l’impulsion ordinaire. Nous avons montré aussi, par une série de citations, que l'influence nerveuse avait, sous la plume de M. Babinet, le sens A’action magnétique.
Cette conclusion peut donc s’énoncer simplement sous la forme :
Le mouvement des tables est dû aux impulsions des opérateurs arrivés à un état de crise magnétique, agissant, sans en avoir la conscience, sous l'influence d’une volonté étrangère.
Nous croyons que cette hypothèse peut expliquer, non-seulement les faits admis par M. Babinet, mais beaucoup d’autres phénomènes qui se présentent dans les expériences sur les tables. C’est ce que nous allons essayer de développer, en commençant par examiner si l’on peut admettre, soit des mouvements involontaires dont on n’a pas conscience, soit môme des mouvements volontaires inconscients.
III.
De ta conscience et du souvenir des actes humains.
Il semble que beaucoup de’personnes ont de la répugnance à admettre que l’on puisse effectuer des mouvements volontaires sans en avoir la conscience, ou du moins sans en garder le souvenir.
Nous leur ferons observer que, pour ne pas se présenter habituellement, un fait n’est pas pour autant impossible, et que les éclipses de soleil, quoique n’étant pas journalières, n’en sont pas moins des phénomènes vrais et réels.
On croit donc d’ailleurs que les actes volontaires sont généralement suivis de souvenir. J’en suis fâché pour ceux qui partagent cette opinion, mais ce qu’ils prennent pour la règle n’est que l’exception. A bien examiner les faits, on reconnaîtra que le souvenir est la conséquence de l'observation, ou, pour parler plus juste, d’une perception attentive, et que les mouvements volontaires, comme les phénomènes extérieurs, ne laissent de trace dans la mémoire qu’autant qu’ils ont frappé l’attention de celui qui les a produits.
Et qu'on n’accuse point cette prétention de paradoxe (ce qui d’ailleurs ne prouverait rien contre sa vérité), ce que nous disons ici fait partie des vérités vulgaires. — Le mouvement volontaire qui ne laisse aucune trace dans l’esprit de celui qui l’a exécuté, a reçu le nom de mouvement machinal.
Or, c’est à ce genre de mouvement qu’appartiennent les quatre-vingt-dix-neuf centièmes des mouvements volontaires. Pour marcher, vous exécutez tout une série de contractions et de relâchements alternatifs, tant des muscles extenseurs que des muscles fléchisseurs du pied, de la jambe et de la cuisse. En avez-vous conscience? en gardez-vous le souve-
nir? Vous vous rappelez seulement en gros que vous avez marché. — Pourquoi? — Parce, que c’est le seul résultat de vos mouvements volontaires sur lequel voire attention s'est portée. Dans l’acte de la manducation, quelle complication de mouvements volontaires! et cependant point de souvenir.
Et en effet, qui fait attention, en mangeant, .aux mouvements de ses muscles masseters ou il ceux des zvgomatiques?
On n’observe pas davantage les mouvements du pharynx dans la déglutition, et ces mouvements sont inconscients. Qu’on ait, au contraire, le moindre mal de gorge, et la douleur causée par l’angine à chaque mouvement de déglutition, appelant l’attention sur le mouvement, fera qu’on en aura conscience et qu’on en gardera plus ou moins longtemps le souvenir.
Nous sommes tous un peu comme .Teannot, qui prétendait que c’était toujours, quand il avait du beurre sur son pain, le côté beurré de la tartine qui touchait la terre en tombant : nous ne gardons la mémoire que de ce qui 11e nous est pas indifférent.
Mais, dira-t-on peut-être, ce sont là des mouvements instinctifs. •— Qu’importe ! ce sont des mouvements volontaires. Et si l’on peut faire une catégorie à part des mouvements résultant, sans le concours de la volonté, des fonctions organiques — respiration, circulation, digestion, etc., — il n’en est pas de même des mouvements qui ont pour effet la marche vers un but déterminé, ou tout autre acte volontaire et prémédité.
D’ailleurs ne parlons plus des actes qui nous sont communs avec les animaux.
Pour produire une œuvre d’art, la main qui dirige le pinceau, le burin, le ciseau, la plume, n’obéit pas à l’instinct; car ici c’est bien l’intelligence qui dicte la volonté.
Eh bien ! pour prendre mon exemple au plus près, sais-je quels mouvements mes doigts ont exécutés pour tracer les lignes que je viens d’écrire ; — quels ont été les mouvements de mes yeux, contre-maîtres plus ou moins vigilants, chargés de veiller à ce que la main dirige convenablement la plume sur le papier ?
Et à part ces mouvements si multiples, dont je n’ai pas cou-science, dont je n’ai gardé aucun souvenir, que d’actes ma volonté a dû produire que ma mémoire n’a pas retenus ! N’a-t-il pas fallu formuler en propositions les idées qui se présentaient à moi? Ces propositions, 11’a-t-il pas fallu les coordonner en phrases plus ou moins correctes? N’a-t-il pas
fallu soumettre ces phrases aux conventions grammaticales? Ne m’a-t-il pas fallu, sans que j’en eusse aucunement conscience, appliquer une multitude de règles apprises je ne sais à quelle époque et niellées je 11e sais où dans un coin ignoré de ma mémoire?
Dussent les mauvais plaisants présenter la conclusion sous cette forme grotesque : — l’homme ne sait généralement pas ce qu’il fait.
Que chacun examine, non pas seulement ses mouvements, mais tous ses actes volontaires, il verra qu’il n’en a généralement ni la conscience, ni le souvenir;
Que ceux qu’il se rappelle, il se les rappelle, non parce que c’étaient des actes volitifs, mais parce qu’il a porté son attention sur eux, qu’il les a observés comme il aurait observé tout autre phénomène indépendant de sa volonté.
Lorsqu’on prête la moindre attention, il est facile d’observer un mouvement ; mais il y a un acte dont on se rend compte beaucoup moins facilement : c’est l’effort ou la pression qu'on exerce. Si l’on a les mains appuyées sur une table, la table porte-t-elle seulement le poids de la main ? Une partie du corps presse-t-elle aussi sur la table ? Tant que les efforts sont peu considérables, il est à peu près impossible d’avoir à cet égard une certitude.
Une table tourne, quelle qu’en soit la cause ; vos mains 11c la quittent pas. Il est impossible que dans votre mouvement, qui n’est pas continu, mais qui se compose d’une suite de pas, vous n’exerciez pas, soit une pression dans le sens du mouvement, soit une résistance à la rotation ; et cependant vous ne savez pas le reconnaître.
Que deux personnes se placent debout, vis-à-vis l’une de l’autre, et mettent leurs mains sur une petite table à quatre pieds très-rapprochés, juchée sur une table ordinaire, assez étroite pour ne pas gêner les opérateurs ; que ceux-ci impriment à la petite table un mouvement de bascule alternatif de l’un à l’autre, et que l’un d’eux, on mieux un tiers, chantonne un air pour marquer la mesure; qu'un des deux se laisse aller à la distraction, et qu’il s’occupe de toute autre chose que du balancement de la table, — il verra, lorsqu’on appellera son attention sur l’expérience, qu’il lui est impossible de savoir au juste s’il suit le mouvement ou s’il l’aide.
Disposez un objet oscillant facilement, par exemple une barcelonnctte ayant ses points de suspension vers le milieu de deux colonnettes ; chargez le fond de la barcelonnette de poids pour augmenter son inertie (son moment d’oscilla-
lion); attachez au corps oscillant une tringle verticale pour servir d’indicateur, et disposez en haut de la colonnctte un morceau de carton portant un cercle divisé ayant son centre au centre d'oscillation, pour y lire l’amplitude du mouvement; qu’on mette l’appareil en branle, et qu’après l’avoir abandonné lorsque les oscillations seront arrivées à un certain degré d’amplitude, on note de temps en temps les amplitudes auxquelles se réduit le mouvement.
Pour fixer les idées, supposons les divisions numérotées à droite et à gauche d'un zéro qui marque la position de l’indicateur lorsque la barcelonnette est en repos ; supposons qu'on abandonne celle-ci à elle-même, et qu’à cet instant la tringle oscille du numéro 25 à droite au numéro 25 à gauche; qu’au bout de vingt secondes, la tringle ne parcoure plus que de 23 à 23, au bout de quarante secondes, de 22 à 22, au bout de soixante... et enfin, au bout de deux minutes, que de la division 10 à la division 10.
Qu’un opérateur, les yeux bandés, appuie alors les mains sur la barcelonnette, avec la consigne de ne faire que suivre le mouvement, sans exercer d’effort ni opposer de résistance ; que celui qui dirige l'expérience donne à l’appareil le même mouvement que tout à l’heure, de 25 à 25, et qu’il l’abandonne pour recommencer à noter les amplitudes d’oscillation de vingt secondes en vingt secondes, il verra que la loi de ralentissement sera tout à fait modifiée, ou, pour mieux dire, qu’il n’y aura plus de loi. Presque toujours, surtout lorsque l’opérateur (si l’on peut donner ce nom à quelqu’un chargé de ne rien opérer) est d'un tempérament nerveux, on verra le mouvement, au lieu de décroître régulièrement, avoir des alternatives de ralentissement et d’accroissement. Et l’on pourra reconnaître que le ralentissement, toutes les fois qu'il aura lieu, sera beaucoup plus rapide que si l’appareil était abandonné à lui-même.
Cette expérience, facile à répéter, démontrera incontestablement qu’il est difficile, pour ne pas dire impossible, d’être complètement inerte lorsqu'on a les mains posées sur un objet oscillant, et, dans tous les cas, qu’il est absolument impossible d’être sûr de son inertie.
Tout ce que nous avons dit jusqu’à présent à propos de la conscience et du souvenir des actes, supposait l’opérateur ou les opérateurs dans l'état normal ou naturel.
Ceux qui se sont occupés plus ou moins de magnétisme animal, et c’est surtout pour eux que nous écrivons, savent qu’il existe une série fortement nuancée d’états par-
ticuliers différents de l'étal normal. Nous conservons iï ce mode particulier d’existence le nom de crise, que lui avait donné Mesmer (1). Dans cet état de crise, le sujet n’est plus en possession complète de lui-même (miens, comme disaient les anciens, sans prendre ce mot en mauvaise part. Non vieillis compos, suivant l'expression des juristes). 11 peut avoir ses organes soumis à la volonté d’autrui, exécuter les mouvements voulus par une personne qu’il ne peut voir. Son moral peut être influencé comme ses organes corporels ; on peut lui imprimer des désirs, des affections ou des répugnances.
Si ses facultés volitives ont subi des modifications singulières, ses facultés sensitives peuvent aussi avoir été transformées. Le sujet peut être impressionné par la sensation d’autrui : crier d un coup donné à un autre, déguster ce que
(1) A. ceux qui ne reconnaissent pas l’action magnétique, ou, pour par-iiu„.sSJUS,'qU1 ““""“issent pas l’action magnétique (car il estimpos-" homme de bonne foi de l'observer par sa propre expérience sans la reconnaître), nous dirons qu ils connaissent, sous le nom de surexcitation ou surexcitation nerveuse, des étals qui ne sont que les deirrés nlus ou moins prononcés de l'état crisiaque.
Le somnambulisme naturel ot la chorée (mal caduc) en sont les modes le plus complet, d une part, et de l’autre le plus terrible.
Dans la distraction , que certains mystiques nomment plus justement 1 abstraction, le sujet est plus ou moins étranger aux phénomènes extérieurs va! ,ons atIl0l'm?1 • «“raient frappé son attention ; c’est un degré do I, t de crise. Ce qu on appello l’inspiration artistique en est un degré plus avancé, provoqué par la concentration detouteslcs facultés animiques.
L excitation produite par certaines substances offre encore des degrés diflcaUons éla' pendonl lcquel les fac,lllîs éprouvent certaines mo-
Cellc du café porte surtout sur l’imagination. Le vin et les liqueurs al-rents'|IICS p dcs surexcitations qui ont des caractères très-diffé-
La gaîté empruntée au vin de Champagne no ressemble en rien à l'excitation malsaine produite par l’infâme mixture connue sous le nom do petit bleu des barrières.
L’état de béatitude (suivi d’accidents graves) produit par le protoxyde l exlilse’ ou>si l on veut. l'hallucination produite par 1 éthérisation, la fuméed’opium ou l’ingestion du hntschich, fournissent encore des exemples do modilications aux facultés, soit corporelles soit animiques. 1 ’
Certains états morbides paralysent ou développent d'une façon étranac quelques-uns des sens. 6
„f a.‘ «u occasion d'observer une femme qui, à toutes ses couches, acquérait des facultés auditives merveilleuses. Ello percevait les conversations laiies a voix basse dans des chambres fort éloignées et séparées par plusieurs inurs ou cloisons de la pièce où elle se tenait.
S‘ elle nenous eût pas trop écarté de notre sujet, cette rote, qui a déjà irop a étendue, eût pu fournir uu chapitre plein d'intérêt au point do vue physiologique.
mange celui qui est en rapport avec lui, ou subodorer le parfum qu’il flaire.
Les facultés sensitives intellectuelles sont susceptibles de prendre la même extension. L’idée conçue dans mon cerveau peut être perçue par le sujet avec lequel je suis en rapport, sans que je l’aie exprimée (communication de pensée), quelquefois même sans que j’aie eu l’intention de la lui communiquer (emprunt de pensée).
Celte sensibilité extra-normale, tant physique qu'intellectuelle , u’est pas bornée à une perception immédiate. Elle s’exerce à distance, et les observations faites jusqu’ici ne permettent pas d’assigner les limites d’extension de cette faculté.
Tous ces phénomènes, à propos desquels il eût fallu entrer dans des détails que notre cadre ne comporte pas, sont connus de ceux qui se sont occupés de magnétisme. Mais ceux-là savent aussi combien l’imagination des sujets soumis à cet état crisiaque est surexcitée, et quelle difficulté l’on éprouve à discerner, dans leurs communications, celles qui sont dues à leurs facultés perceptives de celles qui proviennent de la faculté imaginative.
Dans l’état de crise provoqué par les procédés du magnétisme individuel, le sujet ne perçoit, le plus ordinairement, que les phénomènes extérieurs sur lesquels son attention se porte tout spécialement ; il faut même, dans la plupart des cas', que celui qui agit sur lui par la volonté provoque son attention, ou, comme on dit, mette le sujet en rapport avec les êtres animés ou les objets inanimés.
On dit alors que le sujet est isolé. Plus rarement, le sujet reste en communication plus ou moins complète avec le monde extérieur. 11 semble alors qu’il y ait une sorte de mélange ou de combinaison de l’état normal avec l’état de crise.
L’état magnétique sans sommeil, que produit fréquemment M. du Potet à ses séances, fournit de nombreux exemples de cet état mixte. Les phénomènes produits par la méthode que les Américains appellent électro-biologique, et par les méthodes analogues employées par certains mystiques (la station très-prolongée, les bras en croix pendant qu’on répète continuellement une brève formule d’oraison, —un des procédés commandés aux novices par la Société de Jésus), permettent aussi de constater cette coïncidence de l’état crisiaque et de l’état normal.
Lorsque le sujet est isolé, on observe qu’il perd la mémoire de tout ce qui s’est passé pendant sa crise, même des plié-
nomènes qu’il a produits el perçus; lorsque le sujet n’est pas isolé ou lie l’est qu’imparfaitement, il conserve un souvenir incomplet 011 imparfait. On observe souvent alors un souvenir trùs-net ii'actes d’un certain ordre avec perte complète de la mémoire île tous les autres actes. Peut-être y a-t-il plutôt succession d’états de crise ii divers degrés, ou alternance de l’état de crise avec l’état normal, que mélange des deux étais.
Si, dans l’état normal, beaucoup d’actes volontaires sont exécutés sans qu’on en ait conscience, — sans laisser de trace de souvenir, combien, à plus forte raison, cette circonstance doit se présenter dans l’état de crise, où les facultés du sujet éprouvent toujours quelque perturbation.
Remarquez, eu passant, que la chaîne magnétique, surtout lorsqu’elle est faite sur un meuble qui a déjà servi plusieurs fois, n’est autre chose que le procédé employé par Mesmer (le baquet) pour développer ou déterminer l’état de crise.
Nous avons évité avec soin, dans tout ce qui précède, d’admettre aucun système, aucune théorie. Nous avons exposé des faits constatés par l’observation (1), des lois positives indépendantes de toute hypothèse.
Nous ne voulons point faire de théorie, mais nous ne pouvons nous empêcher de faire remarquer que les trépidations musculaires résultant des mouvements de systole et de diastole du cœur doivent, au bout d’un certain temps, se mettre en accord, d’après la loi mécanique des petits mouvements vibratoires, c’est-à-dire que le temps des pulsations de chacun sera modifié, jusqu’à ce qu’ils soient entre eux dans des rapports simples. Cela suffît pour montrer la relation entre le fait matériel de la formation de la chaîne et les modifications physiologiques qui en peuvent résulter. On sait combien l’accélération des pulsations ou la diminution de leur fréquence a d’action sur le cerveau, par suite sur la production des idées, et réciproquement. Le café, qui accélère la circulation, excite l’imagination; la digitale pourprée, qui
(t) Nous savons que les effets de la crise ne sont pas admis par tout le monde; aussi, quand nous disons que les faits sont constatas par t observa-tion, serons-nous peut-être obligé d’ajouter niaisement : pour ceux qui les ont observés. Faudra-t-il dire — toujours niaisement— que ceux qui ont repoussé l’étude de cet ordre de phénomènes n’ont pas élé à même de les observer, et n’ont pas plus qualité pour les contester que celui qui ne s’est jamais occupé de physique n’a qualité pour contester les phénomènes électriques et leurs lois positives ?
ralentit les pulsations, engourdit la pensée. Une émotion qui exalte le courage fait battre le cœur plus vivement; une frayeur subite peut ralentir les mouvements du cœur au point de produire la syncope.
IV.
Du mouvement des lubies.
Si un certain nombre de personnes imposent les mains sur un meuble, il y aura formation d’une chaîne magnétique, qui aura généralement pour effet de mettre les membres de la chaîne ou quelques-uns d’entre eux dans un état de crise plus ou moins prononcé.
Si l’état de crise des membres de la chaîne n’est pas assez prononcé, aucun phénomène ne se produira, ou du moins l’intensité du phénomène produit sera très-faible. Si, au contraire, il se trouve à la chaîne des individus très-impressionnables et d’autres assez puissants pour les impressionner, les résultats seront plus considérables.
_ On voit que toute circonstance de nature à agir sur l’imagination concourra à faire réussir l’expérience, en augmentant la sensibilité nerveuse. — Dans un autre ordre de phénomènes, il y en a un qui offre une grande analogie avec celui-ci. Un individu très-sourd peut entendre distinctement des paroles prononcées à voix basse à côté d’une batterie de tambours.
La production de l’effet crisiaque doit être hors de doute pour tous ceux qui ont fait des expériences sur les tables mouvantes, car ils ont dû fréquemment voir des membres de la chaîne pris de tremblements nerveux ou même de spasmes. Quelques-uns s’endorment et même quelquefois entrent en somnambulisme.
Si l’on veut, du reste, reconnaître l’effet de la chaîne magnétique sur certains sujets, il faut débarrasser l’expérience du meuble qui en semblait l'instrument principal, et faire la chaîne en imposant les mains sur un individu. On verra que la majeure partie de ceux sur lesquels on expérimentera éprouvera des effets plus ou moins prononcés. Beaucoup porteront sur leur physionomie des traces d’hébétude, et seront obligés de faire un effort pour répondre aux questions qu’on leur adressera. On pourra leur faire exécuter des mouvements comme ceux qu’exécutent les meubles. Presque tous accuseront des impulsions mécaniques, surtout à l’endroit où po-
sent les mains des personnes qui réussissent le mieux dans les expériences des tables tournantes.
Ceux sur lesquels aucun effet appréciable de crise ne se produira, ne sentiront d’autre impression que celle de ces impulsions. Comme les personnes qui restent dans l’état normal sentent distinctement l’impulsion mécanique dans le sens oit l’on veut les faire mouvoir, il est probable que cette impulsion a lieu en effet. Au contraire, qu’on veuille produire sur elles un effet que l’on ne puisse pas obtenir par une impulsion mécanique, elles ne ressentiront rien du tout. Ceux, au contraire, qui sont dans un état de crise assez avancé (ce cas se rencontrera, si l’on fait des expériences assez multipliées, en variant le sujet et en employant une chaîne éprouvée d’avance par scs succès sur les meubles), ceux-là exécuteront des mouvements que l’impulsion extérieure ne pourrait produire. Par exemple, un individu étranger à la chaîne mettra sous les yeux de chacun de ses membres une note écrite : « Faire lever le pied droit ou le bras, » lorsque les mains des opérateurs sont appliquées sur le torse du sujet, et celui-ci exécutera l’ordre dont il n’aura pas eu connaissance. Parmi ces sujets très-sensibles, les uns comprennent quel est l’acte que l’on attend d’eux, et peuvent se refuser à l’exécuter ; les autres y sont contraints. Un petit nombre l’exécute sans avoir eu la conscience de ce qu’il allait faire, quelquefois même sans le savoir.
J’attache une grande importance à ces expériences faites sur des individus au lieu de meubles, parce qu’il est plus facile de se rendre compte des effets ; ces effets sont quelquefois assez puissants. Je citerai à cet égard une seule expérience suivie d’insuccès.
Une dame qui niait tous les phénomènes des tables tournantes et de rotation des individus, consentit à se soumettre à l’expérience. Aussitôt la chaîne faite, elle se met à évoluer à droite et à. gauche, avec une docilité complète aux ordres non énoncés. — Eh bien? —Elle prétend qu’on l’a poussée, — On fait circuler aux membres de la chaîne la consigne de faire embrasser l’un des opérateurs par le sujet. Après plusieurs mouvements de la tête vers l’opérateur désigné, mais non suivis de l’effet demandé, le sujet lance ses bras autour du cou de l’individu, et l’embrasse vivement en disant :
— Ah ! tant pis !
— Etes-vous convaincue de l’action de la chaîne?
— Non.
— Cependant....?
— C’est peut-être une envie qui m’a prise comme cela.
Cette «lame, niant toujours, proposa elle-même qu’on essayât de la faire lever de dessus une chaise, en lui posant les mains sur les épaules. J’opérais cette Ibis avec M. A.-S. Morin. Nous avons rompu la chaîne au bout de vingt minutes, sans avoir obtenu le résultat cherché. Nous avions seulement remarqué des mouvements presque convulsifs dans les membres inférieurs, et le gonflement des veines des bras et des mains. L’action avait été si forte, quoique la résistance l’eût été encore plus, que cette dame ne pouvait plus se lever, ses jambes lui refusaient le service. Ce ne fut qu’avec la plus grande peine qu’elle put partir une demi-heure après. Elle déclara le lendemain qu’elle avait eu toute la nuit une insomnie très-agitée, et qu’elle était complètement courbaturée. Enfin, et c’est à cause de cette circonstance, qui ne peut être attribuée à l’imagination, que nous avons cité l’expérience ; les bras, auxquels on n’avait pas touché, ôtaient tout ecchy-mosés (martelés de bleus).
line fois cet état de crise admis pour un ou plusieurs membres de la chaîne, les effets observés deviennent faciles à expliquer par des mouvements ou plutôt par des pressions dont ils n’ont pas la conscience. En effet, lorsque les mains portent sur un meuble, la portion du poids du corps qui presse sur les mains varie sensiblement à chaque léger mouvement du corps, sans qu’on y fasse attention, et par conséquent , si l’on veut bien se rappeler ce que nous avons dit plus haut, sans qu’on en ait conscience.
Il s’ensuit qu’il est, entre certaines limites, difficile dans l’état normal, et impossible dans l’état de crise même légèrement développée, d’apprécier la pression que l’on exerce avec les mains posées sur une table.
Qu’on remarque d’ailleurs ceci : lorsqu’un groupe fait habituellement des expériences, quelle que soit la disposition des mains, le mouvement initial, différent de groupe à groupe, est toujours le même pour chaque groupe en particulier, parce que tous, dans chaque expérience, sont parfaitement d’accord pour attendre tel ou tel mouvement. La cause de l’effet mécanique est donc tout entière une cause psychologique, et la difficulté, s'il y en avait pour rattacher l’effet à la cause, serait d’ordre physiologique. Mais cette difficulté elle-même s’évanouit, si l’on réfléchit à la facilité avec laquelle les individus dans l’état crisiaque obéissent aux influences étrangères ou à des impressions personnelles dont ils n’ont pas la conscience.
Aussi su (lit-il qu’un des membres de la chaîne, ou mèue quelquefois un individu étranger à la chaîne, veuille ou désire un mouvement du meuble pour que le crisiaque produise les actes nécessaires à l’exécution de ce mouvement. Un nombre est-il indiqué secrètement à un membre de la chaîne, la table comptera le nombre avec le pied situé du côté de ce membre. ”est un autre membre en état de crise qui soulève le meuble, influencé par la pensée de son vis-à-vis.
On sait qu’il y a bien d’autres causes que la magnétisation ou la chaîne qui peuvent déterminer l’état crisiaque.
Il y a des sujets qui entrent spontanément en crise (quelques-uns même à volonté). 11 y en a chez qui une légère émotion, une surexcitation de l’imagination suffit pour déterminer l’état crisiaque. Aussi certains sujets, une fois qu’ils ont pris part à une expérience de tables tournantes, ou qu’ils y ont assisté, entrent-ils en crise sitôt qu’ils mettent la main sur un meuble avec l’idée de produire des phénomènes anologues, surtout si le meuble a servi à cet usage. Une seule personne douée decette faculté suffit pour opérer (1). Il semble alors que la réaction de l’être sur lui-même produise les mêmes effets que l’action d’un être sur un autre être. Quoi qu’il en soit, et à part toute idée théorique, le fait est incontestable. Il suffit à certains individus de regarder fixement un point (un point brillant en général, comme dans un verre d’eau, une boule de cristal, un angle métallique, etc.), ou de s’absorber dans une pensée, ou de se mettre en contact avec des objets magnétisés, pour éprouver dans leurs facultés les modifications que l’on remarque dans l’état de crise.
Avant de m’occuper d’un genre de mouvement des tables qui est regardé comme un phénomène d’un autre ordre (les tables parlantes), je dois faire mention d’un genre de mouvement des tables dont il a été question plus ou moins sérieusement. Des objets matériels se seraient mus qui n’étaient touchés par personne.
Je n’ai jamais eu occasion d’observer des mouvements de cette sorte, et je ne pense pas qu’il y en ait eu de constatés d’une façon qui mérite créance (2). 11 faut, du reste, dans
(1) Ce genre d’oxpérienco porte avec lui beaucoup de dangers, surtout si le sujet veut opérer en l’absence de témoins. Rien ne dirige alors la crise, rien ne peut la modérer, elle peut atteindre des proportions qui mettent en danger la raison de l’opérateur.
(2) Une personne digne de foi m'a dit avoir fait une expérience curieuse et que je regrette do n’avoir pas été il môme de répéter. Un sujet, trés-sen-sible aux attractions magnétiques, avaitété assis sur un des plateaux d’une
ce genre d’expérience, que les faits soient non-seulement constatés, mais encore discutés avec soin, de peur qu’on ne soit dupe d’apparence ou même d'illusion.
Une dame, dans laquelle j’ai une confiance complète et qui obtient seule tous les phénomènes que présentent les expériences des tables, m’a affirmé qu’elle avait eu des dictées par un guéridon (mouvement de bascule), en ne le touchant qu’avec une feuille de papier; que ce même guéridon, après qu'elle s’en était éloignée, s'était spontanément rapproché d’elle en parcourant une distance de deux à trois mètres.
Cette dame était seule. C'était pendant la nuit. Elle avait prolongé l’expérience pendant plus de trois heures. Elle reconnaît que les communications qu'elle avait eues l’avaient effrayée. Ce guéridon venant vers elle a redoublé son effroi. Elle se mit au lit fort émue, et ressentit bientôt après la sensation d'un coup de poing dans la poitrine, n Je ne joue
Îias à ce jeu-là, » dit-elle. Un second coup, ou du moins a sensation d’un second coup, acheva de l'effrayer, et, rallumant une bougie à sa lampe de nuit, elle se leva sans oser se recoucher avant le jour.
Voilà le résumé du témoignage de cette dame, dont, je le répète, je ne soupçonne aucunement la bonne foi. Eh bien ! j’ai fait avec cette dame, avant l’instant où ce phénomène se serait présenté, beaucoup d’observations; j’en ai fait beaucoup après, jamais rien d’analogue ne m’est advenu, et je suis convaincu que cette dame a été le jouet d’une hallucination.
J’ai, comme on le voit, mis à l’écart tous mouvements des objets qui auraient lieu sans contact. S’il y en avait plus tard de constatés, alors il faudrait les répéter de plusieurs façons pour tâcher d’en découvrir le principe; mais jusque là il m’a semblé inutile d'avoir recours à des principes nouveaux pour expliquer des phénomènes qui pouvaient se rattacher à des ordres de faits déjà connus.
bascule. Dans l’autre plateau, des poids tenaient la bascule en équilibre. Une attraction magnétique aurait rompu cet équilibre, et aurait nécessité, m'a-t-on dit, l’addition de près d'un kilog, ducôtédu sujet. Si l'expérience a été bien faite, l'action magnétique, du moins sur des sujets vivants, pourrait exercer sur eux des efforts mécaniques du môme ordre que la force de la gravité. Bien que j’aie confiance dans la bonne foi et même dans la capacité de l’expérimentateur, l'expérience me semble avoir besoin de confirmation. J’ai toujours cru que les att ractions magnétiques avaient pour cause un mouvement déterminé chez le sujet par la volonté du magnétiseur. L'expérience est d'ailleurs facile b répéter pour ceux qui ont sous la main un sujet sensible aux attractions. Je n'en ai pas à ma disposition.
Dictfc par leu tables.
Les expériences de tables parlantes, comme toutes celles i|iii se rattachent aux sujets dans l’état de crise, donnent des résultats excessivement variés. Mais que l’on veuille bien li's comparer à ceux que présentent les sujets magnétiques, el. l’analogie incontestable des effets sera déjà une forte présomption en laveur de l’analogie des causes.
J’ai entendu quelques personnes appeler les tables qui servaient d’instrument à des dictées, des tables somnambules. Malgré son impropriété, ou à cause môme de son impropriété, ce terme exprime quelque chose de juste, une analogie dans les résultats ; mais, comme les somnambules, les tables ont des degrés divers de lucidité. Les unes se contentent de répondre plus ou moins juste, par oui et par non, aux questions qu’on leur pose. Les autres, plus explicites, répondent par des phrases; celles-ci sont d’une niaiserie à décourager leurs auditeurs, celles-là parlent comme des livres, font des vers ou composent de la musique.
Nous ne croyons pas utile d’examiner chaque degré en particulier, et en nous occupant seulement du phénomène quand il atteint les limites qui l’ont fait regarder comme merveilleux, nous comptons que l’esprit du lecteur appliquera sans peine notre explication à tous les degrés qui peuvent se présenter.
L’expérience ne réussit bien, c’est-à-dire que les dictées opérées par la table (par dans le sens de per, par le moyen de) n’ont quelque valeur qu’autant que la chaîne compte un bon medium parmi ces membres. On a donné ce nom de medium — que nous employons pour nous conformer à l’usage, sans nous préoccuper de son sens étymologique — aux sujets très-impressionnables, dont la présence suffit pour faire réaliser toutes les expériences sur les tables. Cette nécessité de la présence d’un sujet facile à mettre en crise suffit à elle seule pour justifier notre explication des phénomènes, action de la chaîne sur un ou plusieurs de ses membres; mais pour que les résultats atteignent une certaine valeur, il ne suffit pas qu’il se trouve à la chaîne un bon crisiaque, il faut encore que cette chaîne soit bien composée. Malheureusement nous n’avons pour ainsi dire aucun moyen de reconnaître d’avance les conditions nécessaires pour former une bonne
».
chaîne. Les physiologistes et les psychologues, auxquels incombait l’étude des sympathies et antipathies de tempéraments et de caractères, se sonl. bien donné de garde de s'occuper de cette partie de leur besogne. Ils ont fait —ceux-ci de la dissection cadavérique et encore de la dissection cadavérique , ceux-là de la morale et encore de la morale. — Métier de croque-morts, métier d’argousin. — Métiers utiles, sans contredit, mais sciences insuffisantes pour faire connaître la vie physique ou la vie intellectuelle.
Nous savons qu’il est d’honorables exceptions; pour 11e dénoncer aux académies aucun vivant parmi les physiologistes et les psychologues consciencieux, contentons-nous do nommer Geoffroy Saint—Ililaire, l’auteur de la Tératologie, et Cli. Fourier, l’auteur de la Théorie de C Unité universelle.
On a cependant essayé de formuler des indications sur la formation d'une bonne chaîne. Nous croyons que l’auteur anonyme de Comment l'esprit vient aux tables, a donné sur ce sujet quelques conseils judicieux, que nous rapportons sans déduire les motifs qui l’ont dirigé, et que devineront les phrénologues à qui les expériences magnétiques sont familières.
On doit rechercher pour la formation de la chaîne les sujets qui ont la protubérance de la vénération développée ainsi que celles sur lesquelles elle s’appuie, en un mot ceux dont le crâne a 1111 grand développement vertical.
On doit repousser ceux dont le crâne a ses parties latérales très-développées.
Suivant lui, ceux qui subissent facilement la crise ont la partie supérieure postérieure de la tête saillante (penchants affectifs) très-développée. Un grand développement de la partie antérieure (facultés intellectuelles) ferait reconnaître ceux dont l’action détermine le mieux la crise chez les autres. On doit, suivant lui, les alterner, en opposant le sensitif le plus marqué à l’actif le plus prononcé.
Nous ajouterons à ces symptômes ceux-ci, empruntés à Lavater : La finesse du grain de la peau, ou pour mieux dire de l'épiderme, qui, suivant l’auteur de la Physiognomonie, indique la qualité de la substance médullaire des nerfs dont il n’est que l’épanouissement. Cette finesse, qu’il ne faut pas confondre avec la beauté de la peau, est en général accompagnée de la délicatesse du tact. Elle doit être recherchée pour les membres d’une bonne chaîne. La fréquence du pouls est encore une qualité utile. Le regard fournit aussi une bonne indication. Le regard noyé et langoureux, dont le
degré h' plus prononcé rappelle l’œil (le la gazelle, distingue les sujets très-impressionnables.
Le regard incisif, et qui semble par instants comme dardant une pointe, indique en général les sujets qui ont le plus d’action sur les autres.
Nous ne parlons pas des symptômes indiqués par le docteur Louyet, quoiqu’ils puissent être utiles, parce qu’ils sont spéciaux à l’action magnétique individuelle. Or beaucoup de sujets susceptibles de la crise sont peu ou point sensibles ;t la magnétisation.
Quoi qu’il en soit, au bout d’un certain temps, si la chaîne est bien formée, et s’il s’y trouve un sujet sensitif de haut titre, ce sujet passe à un état de crise voisin de l’extase (1).
Sans qu’il perde le sentiment delà vie extérieure, les facultés perceptives internes se développent chez lui.
Il devient impressionnable aux volontés des membres de la chaîne, il peut s’émouvoir de leurs passions ou de leurs sentiments, leur emprunter leurs connaissances, puiser dans leur mémoire; et, comme il ne perd pas sa personnalité, il peut combiner ces éléments divers, en faire jaillir les déductions.
Il peut même étendre plus loin ses conquêtes par la vue à distance, et par la facilité de recherches que lui procurent
(1) On a du voir jusqu’à présent que nous nous étions fait une loi d'éviter tout système et de nous astreindre au positivisme absolu. Nous no nous écarterons pas de cetto voie; mais comme coque nous examinons en co moment appartient ii l’ordre mystique, bien que nous no le considérions que sous son aspect phénoménal, beaucoup do personnes, qui ne peuvent se prêter aux abstractions, môme pour considérer la face réelle des faits, no seraient pas satisfaites. Dans cetto note, nous rendons compte, en langago mystique simple, de l’expérience que le texte traite au point de vue réel.
I.os esprits auxquels ce langage est adéquat y reconnaîtront la formulo do la chaîne magnétique, au point de vue réol, mystique et passionnel.
Ceux qui n’ont pas la tournure d’esprit mystique, feront bien de no pas lire ces quelques lignes, qui ne seront pour eux qu'un amphigouri ;
« Lorsque les âmes sont en communion, que les auréoles lumineuses « sonl suffisamment rapprochées, des trails de feu s'élancent de l'une 6 n l'autre. La couronne mystique est formée, anneau scintillant des fian-« çailles angéliques. Bientôt l'ame la plus brûlante devient le Foyer vers le-« quel convergent tous les rayons qui s'élancent des divers lleurons de la « couronne. Il augmente d'éclat; il rayonne à son tour sur les âmescon-« jointes, le mariage mystiquo est consommé.
n Mais voici qu'une flamme nouvelle apparaît, se détachant de l’àme « génilrice.
« Sois béni, ange nouveau-né, fruit divin de notre amour. Tu es toi, et n tu es nous, tues noire fils, et nous t'appartenons: nos intelligences sont « ton intelligence; nos facultés sont tes facultés; tu vois I tu sais! tu aimes!
« Ta mère entend tes paroles ; elle nous les transmet....
« Ange, nous t’écoutor.is. »
sa lucidité et ses facultés de concentration interne et de perception externe.
Il peut donc être considéré comme une sorte d’être collectif, dont l’unité est réalisée par la concentration des éléments de la chaîne dans la personne du medium, et dont cette concentration môme est l’organisation.
Que cette appellation d’ôtre collectif n’induise personne à se méprendre sur notre pensée. Nous ne nous occupons que. de faits réels et positifs. Nous ne prétendons pas qu’il y ait un être personnel nouveau, une procréation substantielle. Ce que nous avons désigné, faute d’expression plus convenable, sous le nom d’être collectif, s’applique à l'ensemble des qualités que possède ou qu’emprunte le medium.
Le medium, sans plus avoir la conscience du mode de génération de nos idées, sera donc apte à formuler des phrases, des discours qu’aucun membre de la chaîne n’aura conçus, et qui ne viendront pas non plus de sa personnalité normale, la seule dont il ait conscience.
Qu’il les formule par la parole, par l’écriture ou par les mouvements conventionnels d’un guéridon, il n’importe; seulement, le plus souvent, s’il parle, il s’entendra parler; s’il écrit, il gardera le souvenir de son acte.
Mais, comme il est presque impossible (nous nous répétons sciemment), comme il est presque impossible, même avec l’attention la plus scrupuleuse d’un esprit qui se possède complètement, mentis compos, de distinguer si l’on produit ou si l’on suit un léger mouvement oscillatoire, le medium dans l’état de crise ne saura pas être la cause elficiente du mouvement.
Ainsi donc, les mouvements d’un meuble, les réponses aux questions, les discours spontanés pourront provenir, soit de la volonté consciente ou inconsciente d’un des membres de la chaîne, ou de la volonté inconsciente du medium, ou enfin de la sorte d’être collectif dont nous avons cherché à rendre compte.
Si l’on objectait que non seulement le medium n’a pas le souvenir de la pression matérielle par lui exercée, mais qu’il n’a pas conscience de la pensée qu’il est en train de formuler, nous répondrions que lorsque son attention se porte sur le phénomène produit, il cesse momentanément d’être en crise, ou n’y est que moins complètement, et qu’alors il perd le souvenir de ce qu’il concevait u'.n instant avant. Le sommeil offre des exemples analogues ; un rêve interrompu par un réveil court et imparfait, se conti nue lorsque le soin-
meil reprend. Si cela arrive pour les rêves dont on garde le souvenir, il doit en être de même pour les rêves que 1 on oublie, il doit en être encore de même pour les conceptions de l'état crisiaque.
Le medium peut aussi être influencé par des personnes extérieures à la chaîne.
J'ai à cet égard des expériences personnelles positives. Toutes les fois qu’en ma présence un medium, avec lequel j'ai fait beaucoup d’expériences — la dame citée plus haut pour un fait d'hallucination,— faisait partie d’une chaîne à laquelle je ne prenais point part, j’ai eu par le meuble actionné des réponses (fausses ou vraies) à mes questions mentales, posées sans que personne fut prévenu. Le plus souvent, pour que l’expérience ne manquât pas, il fallait qu'à un moment de la séance, antérieur à mes questions, j’eusse demandé si j’étais en rapport avec la chaîne. Une fois la réponse oui obtenue, j’exerçais une influence sur le meuble, comme si j a-vais fait partie de la chaîne, et cela à un instant quelconque, sans que rien put faire soupçonner le moment où je chercherais à user de cette influence. •
Le medium peut-il être aussi l’instrument, 1 organe des volontés et des pensées d’êtres extérieurs à l’humanité?
VI.
Des communications spirituelles.
Il y a tout naturellement une question préliminaire : Peut-il y avoir des communications spirituelles? Question complexe. — Y a-t-il des intelligences en dehors des êtres palpables que nous connaissons? — Ces esprits (1) peuvent-ils entrer en communication avec l’humanité? — Quel critérium employer pour constater la réalité de ces communications ? — Quelle confiance serait due aux communications de cet ordre?
Répondre à ces questions serait sans doute au-dessus de nos
forces; ceseraitd'ailleurssortirdu cadre quenousnous sommes
tracé. Sans déduire nos raisons, nous dirons seulement que
(1) Nous employons ce mot esprits, qui est reçu. A nos yeux, un ftro qui serait doué de la vie de relation devrait, par définition, avoir des organes pour percevoir et pour sc manifester. I.’cnsembte des organes constitue — toujours par définition—uneorps, quelle qu'on soit la substance, pondérable ou non. Mais cetto discussion, dans laquelle nous ne voulons pasenlroi, est du ressort de la physiologie métaphysiquo, autrement, pour le français, du domaine de la logomachie.
nous ne croyons pas la vie intellectuelle bornée à l’humanité. Nous rendons justice à la grandeur du génie humain incarné dans les hommes supérieurs; mais l'humanité, qui 110 regarde plus son globe comme le pi vol de l’univers, est assez avancée 011 science pour être modeste. Nous pouvons donc le déclarer, sans crainte de blesser un orgueil trop susceptible : nous croyons que l’homme n’est qu’un échelon inférieur de la série infinie d’intelligences qui s’élève jusqu’à Dieu.
Nous croyons, sans connaître le mode de liaison des groupes entre eux, que tous les anneaux de celte chaîne sont liés par des lois tout aussi naturelles que celles qui régissent le monde physique.
Nous croyons que la mort de l’homme n'est qu’une transformation de son être, qui ne s’anéantit pas par la destruction de ses organes palpables. Nous croyons que les morts sont bien vivants.
Nous croyons qu’ils peuvent encore entrer en relation avec les hommes vivants de la vie terrestre. Nous croyons, en un mot, il la communion des vivants et des morts.
Nous croyons surtout que les faits qui résulteraient de ces lois naturelles n’auraient aucun caractère miraculeux.
Mais nous ne confondons pas une croyance qui a surtout sa base dans le sentiment, avec la conviction scientifique déduite de l’observation et du raisonnement. Ainsi, il ne nous est jamais venu dans la pensée de dire : « Je crois que l’ai— « niant attire le fer; je crois que la résultante de deux forces « est dirigée suivant le parallélogramme construit sur les « lignes qui les représentent en grandeur et en direction ; je « crois que la somme des angles d’un triangle est égale à « deux angles droits. »
Je me contente, pour moi, d’énoncer les propositions; et pour les autres, je les leur démontre, si besoin est, de manière à ce qu’ils puissent les affirmer à leur tour sans faire aucun effort de crédulité.
Une croyance, quelque ferme qu’elle soit, n’est, après tout, qu’une croyance.
Toujours est-il que l’hypothèse des communications spirituelles n’a froissé aucun de mes préjugés, 11’a dérange aucune de mes idées préconçues.
Lorsque nous voyons, me disais-je, un sujet magnétisé lever le bras parce que nous voulons qu’il lève le bras, saus que nous fassions aucun mouvement corporel ; lorsque, par la pensée, nous lui imprimons une sensation — joie ou douleur, — un sentiment — amour ou antipathie, — il est difficile
île se persuader que cette faculté que nous possédons soit due à ce que nous avons des membres bâtis de telle ou telle façon, des viscères de telle ou telle contexture; en un mot, cette puissance, qui résulte de la concentration de notre volonté, semble indépendante de notre corps.
Il ne semble donc ni impossible, ni même improbable que des êtres de même essence que nous, mais non de même nature corporelle, puissent aussi avoir action sur un sujet dans l’état crisiaque. Ainsi, la communication avec les esprits par l’intermédiaire des mcilium, loin de me sembler absurde à priori, ne répugne aucunement à mon intelligence.
De sorte que je n’ai fait aucune difficulté d’attribuer à un esprit la première communication qui s’est présentée comme venant d’un esprit. Seulement, j’étais bien résolu, quelle que fût l’origine des communications, de ne leur attribuer d’autre valeur que celle que leur assignerait maraison, jugeen dernier ressort, de droit divin, de tout ce qui est soumis à mon appréciation personnelle.
L’esprit bien en repos après cette décision, j'ai continué les expériences avec une parfaite tranquillité.
J’ai fait des tentatives fréquentes. J’ai reçu des communications au nom de morts fameux, sans que la portée de ces communications ait jamais répondu à ce que j’eusse été en droit d’attendre des esprits avec lesquels j’étais sensé converser. J’ai eu des dictées fort gracieuses, surtout de genre affectueux ; mais toutes les fois que j’ai interrogé sur des questions que ni moi, ni mes coopérateurs n’étions capables de résoudre, mais dont nous pouvions vérifier les solutions, les réponses ont été vagues ou fausses. Beaucoup de communications spontanées avaient le même caractère.
Chacun des personnages qui ont pris part au dialogue a, du reste, chaque fois qu’il s est présenté, montré des caractères de personnalité, personnalité souvent contraire à l’opinion que les membres de la chaîne s’en faisaient. (La plupart des expériences ont été faites à deux.)
Ainsi Moïse paraissait avoir adopté la réforme orthographique de M. Marie, tandis que les autres se contentaient de l’orthographe vulgaire. Mais le plus bizarre, c'est que notre Moïse ne croyait point aux miracles, et qu’il a, à vingt reprises différentes, soutenu ce rôle qui 11e me semble pas sans difficulté.
Salomon, lui, paraissait très-porté à s’occuper des affaires privées ou domestiques de ses interlocuteurs. 11 procédait vo-
lontiers par l'impératif, et supportait avec aigreur la contradiction , ce qui était d’autant plus désagréable que ses opinions, sur presque tous les points, différaient de la manière de voir (les deux membres de la chaîne.
Aussi les séances de communication avec Salomon se passaient-elles presque toutes en discussions, ou, pour parler plus juste, en disputes.
Du reste, et c’était peut-être la raison de l’intérêt qu’il portait A ce qui me concernait personnellement, c’était toujours pour des motifs d’utilité générale qu’il me donnait des ordres qui me semblaient fort insignifiants. 11 voulait absolument (à moi aussi) me faire sauver le genre humain. Je n’aurais pas mieux demandé; mais j’aurais voulu qu'il m’expliquai clairement le pourquoi et le comment, tandis qu’il exigeait une obéissance passive. 11 voulait que je fusse un instrument aveugle. Moi qui aime assez voir clair avant d’agir, je n ai pas voulu jouer au Colin-Maillard proposé; nous nous sommes entêtés chacun de notre côté.... et le monde n’a pas été sauvé.
Il m’a semblé peu probable que tous les morts illustres qui ont déclaré me faire l’honneur de conférer ave s moi, se soient dérangés nombre de fois pour d’aussi minces résultats ; et je n’admets pas que les communications faites au nom d’uii esprit, même quand il signe son nom, soient, par cela seul, authentiques et avérées.
Si les sujets crisiaques ont des facultés supérieures, ils sont loin d’être infaillibles ; plus leurs facultés s!éloignent des facultés normales, plus elles manquent de contrôle : l’hallucination est bien voisine de l’extase, et il n’est pas facile de distinguer l’une de l’autre.
Tout en ne niant pas les communications spirituelles, je pense que la plupart de celles qui ont affecté ce caractère n ont pour origine que cette sorte de résultante animique dont j ai parlé.
Je connais un groupe d’expérimentateurs qui a fini par ne plus croire aux dictées d’esprits, et qui ne demande plus depuis longtemps le nom de l'auteur; ce groupe a reçu des communications fort intéressantes sur toutes sortes de sujets, entre autres des définitions des vices et des vertus, des passions, des qualités, etc., presque toutes en sept ou douze mots, et presque toutes fort remarquables; des discoure en style mystique fort élevé, bien qu’aucun des membres de la chaîne ne se fût jamais essayé dans ce genre; de la musique,' et même de fort bonne musique, n’en déplaise à M. Babinet.
Quelle que soit l’origine do ces dictées, — et comme le groupe se compose d’hommes très-capables et très—intelligents , je ne vois pas de raison d’aller chercher en dehors d’eux les auteurs ou les compositeurs des communications,— elles n’en sont pas moins, indépendamment de leur mérite intrinsèque , curieuses par le mode de leur production. Il est même regrettable que ceux qui les ont obtenues, retenus par la crainte de passer pour des imposteurs ou des fous, n’aient pas publié un choix de ces communications, qui seraient d’un haut intérêt pour l’étude de la question qui nous occupe en ce moment.
Sans formuler de conclusion au sujet des communications spirituelles, au point de vue de leur origine, je me contente d’expliquer leur production par l’intermédiaire du medium crisiaque, manifestant les pensées d’un individu, d’un groupe, ou de son propre esprit surexcité, ou, si l’on veut même, de l’esprit d’un mort.
J’ai cherché seulement à ramener à des principes déjà connus — l’impulsion mécanique et l’influence animique des êtres les uns sur les autres — les phénomènes nouveaux des tables mouvantes et des tables parlantes, qui ont excité la curiosité publique.
Je répète d’ailleurs que je n’attache pas d’importance aux explications ; que dans les études scientifiques, les faits et les lois des faits sont seules importantes; que les'explications, les théories doivent surtout avoir pour but de faciliter la compréhension de l’ensemble des phénomènes; qu’enfin si j’ai livré cet essai à la publicité, c’est que mon explication, dont je fais très-bon marché, m’a semblé simplifier la conception des lois du phénomène.
Je devrais m’arrêter ici, puisque je n’ai plus rien à expliquer; mais il y a un phénomène, les coups mystérieux, que l’opinion publique rattache de trop près à mon sujet pour que je n’en parle pas, quand ce ne serait que pour avouer qu’il m’est personnellement inconnu.
VII.
Des coups mystérieux.
En la présence de certains medium, quand ils le veulent, parfois même, dit-on, sans que leur volonté soit nécessaire pour la production du phénomène, les assistants entendent des bruits qu’aucune cause apparente ne produit.
Ce sont en général des coups distincts et détachés, qui semblent à l’oreille produits par une percussion mystérieusement opérée sur un meuble qui touche 1 g medium, ou complètement isolé. Quoique n’ayant pas élé témoin auriculaire de cel ordre de faits, trop de témoignages l’attestent avec unanimité pour que je puisse le révoquer en doute.
On suppose généralement que ce phénomène se rattache de près ou de loin à celui des tables mouvantes ou parlantes.
U est certain, dans tous les cas, qu’un bruit réel consiste dans un mouvement vibratoire rapide du corps sonore, et à ce titre il se rapporterait au mouvement des objets matériels. Je dois môme avouer qu'il se rapporterait spécialement au cas du mouvement des objets sans contact, cas dont j’ai repoussé jusqu’à nouvel ordre l’examen, comme n’étant pas suffisamment constaté. L'analogie est, du reste, plus apparente que réelle, les mouvements vibratoires ne dépensant, pour ainsi dire, pas de force vive, relativement à la force nécessaire pour déplacer les objets.
Comme j’ai déjà eu occasion de le dire, il ne suffit pas de constater un fait; mais comme je n’ai pas eu l’occasion de l’observer par moi-môme, je n’ai pas qualité pour le discuter, pour l’analyser. Je me contenterai de poser certaines questions, de développer certaines considérations qu’il me semble utile de présenter à ceux qui auront occasion de s’occuper sérieusement des coups mystérieux.
Qu’on veuille bien ne pas trop s’étonner du terrain où nous transportons la question.
Où finit le réel ? Où commence le fantastique ? Qu’est-ce que le réel? Qu’est-ce que le fantastique?
Aucun métaphysicien de bonne foi ne pourra répondre catégoriquement à ces questions.
J’ai un sujet magnétique, somnambule ou non, mais d’une sensibilité complète.
Je magnétise quatre verres d’eau en me représentant vivement le goût du vin, du sirop d’oranges, du kirch et de la bière.
Hors de ma présence, sans que je cherche à l’influencer, le sujet goûte les quatre liquides. Pour lui, le premier est du vin, le second du sirop d’oranges, le troisième du kirch, et le quatrième de la bière.
Si, au lieu d’un sujet, j’en ai dix bien éduquês, et qu'on présente aux dix les quatre verres, pour tous ce seront bien
(lu vin, du sirop d’oranges, du kirch et de la bière. Que deux, trois individus dans l’état normal goûtent le contenu des verres, pour eux c'est de l’eau. Où est le réel ? où est le fantastique?
L’hallucination, résultat de l’imagination dévoyée, a pour caractère d’être essentiellement individuelle.
Pour qu’un phénomène frappe de la même façon un groupe, il faut qu’il y ait une cause réelle bien ou mal appréciée.
Alors il n’y a pas hallucination, il y a illusion.
Nous aurions à citer beaucoup d’exemples, et l’illusion collective est un fait beaucoup moins exceptionnel qu’on ne le croit. Le phénomène du mirage est le produit d’une illusion que la science explique. Tous voient un lac, dont une île, sur laquelle l’observateur croit stationner, est le centre. Presque toujours l'hallucination s’y môle, et chacun ajoute au tableau une décoration fantastique différente.
Lorsque deux tuyaux d’orgue de dimensions convenables sont très-rapprochés et vibrent ensemble, les auditeurs ne perçoivent aucune des deux notes fournies par les tuyaux, mais bien une seule note plus grave que les deux notes réelles.
Nous ignorons s’il y a des oreilles assez délicates pour échapper à cette illusion.
Que deux groupes de spectateurs soient mis en présence d’un tableau de diorania parfaitement exécuté, les uns préparés par une longue station dans l’obscurité, les autres arrivant du grand jour; pour ceux-ci il n’y aura qu’une toile peinte, pour ceux-là l'illusion du relief sera complète.
Un exemple remarquable d’illusion collective m’a été cité par R1. I). Laverdau, (|ue je crois pouvoir nommer ici sans indiscrétion. Ce fait m'a beaucoup frappé.
Il était en voyage avec un de ses amis, lorsqu’il apprit qu’à quelques kilomètres du point oii il se trouvait s’opérait tous les soirs un miracle qui attirait la foule des lieux cir-convoisins. Après le coucher du soleil, entre chat et loup, un arbre de médiocre grandeur, isolé dans la plaine, apparaissait, disait-on, flamboyant.
Les deux amis s’empressent de se rendre à l’endroit désigné. Une foule nombreuse y était réunie (plusieurs centaines de personnes).
M. Laverdan et son ami voient bien la localité telle qu’elle a été dépeinte, l’arbre au milieu de la plaine; mais de flammes, de lueurs, — point, lit cependant ajitour d’eux tous les spectateurs témoignaient leur admiration de l’éclat du phénomène : tous s’écriaient à la fois pour signaler des chan-
gements tantôt dans l’intensité de la lueur, tantôt dans la direction des flammes, qui semblaient s’infléchir sous l’action d’un courant d’air. «Malgré toute notre bonne volonté, » nie disait M. Laverdan, «nous n’avons vu qu’un arbre fort ordinaire. Et cependant les autres voyaient. — Mais, ajoutait-il, nous n’avions pas la foi. »
Entre l’affirmation et la négation, il n’y a pas de milieu; il y avait donc illusion collective, soit chez ceux qui voyaient, soit chez ceux qui ne voyaient pas.
La foi avait-elle fait tomber les écailles des yeux des voyants? avait-elle disposé devant eux un prisme intellectuel ?
Ce qui est certain, c’est que les deux amis étaient sous l'empire d’un doute préconçu, les autres sous l'empire d’une foi commune. Or, une idée qui s’empare vivement d’une foule, et l’idée religieuse est la plus puissante sur les masses, suffit pour établir un contact intellectuel entre les individus, un rapport magnétique analogue à celui de la chaîne, pour surexciter leurs facultés et leur faire percevoir des phénomènes réels, mais imperceptibles pour d’autres.
Tous les corps sont lumineux à des degrés divers, les animaux nocturnes les voient dans la nuit la plus obscure, au fond des caves. Il y a des vues humaines (nyctalopes) qui perçoivent cette lumière propre des objets (1). Nos sujets magnétiques l’aperçoivent aussi. Pourquoi une masse chez qui l’enthousiasme et le rapport magnétique aurait déterminé une excitation crisiaque, ne percevrait-elle pas la lumière émise par un corps, et dont l’appréciation échappe aux regards des spectateurs restés froids et en dehors de l’état crisiaque ?
Si tous les corps émettent de la lumière à un degré plus ou moins fort, il n’est point de corps assez isolé de tout mouvement pour qu’il ne soit continuellement on vibration.
Une charrette pesamment chargée passe-t-èlle dans la rue, toute la maison est ébranlée, et les vibrations des corps sonores deviennent perceptibles à nos oreilles : nous entendons résonner le globe de la pendule, la caisse du piano, les cordes de la basse, etc.
Si notre ouïe s’affinait brusquement, nous distinguerions ces bruits, quand le parquet serait ébranlé par le mouvement d’un fauteuil, ou seulement par les trépidations musculaires dues à la respiration et à la circulation.
(J) C'est toujours dans les cas anormaux qu’il faut étudier les facultés qui existent à l'état germo, ou, si l'on veut, h l'état latent. A ce point do vue, on pourrait dire que la tératologie est la micrographie physiologique.
Los médecins ne peuvent nier la communication sympathique des effets nerveux, qu’ils attribuent à l’esprit d’imitation (pour des faits qui se produisent contre la volonté du patient !) — Le bâillement, les attaques de nerfs, les crises liistériques, etc., sont contagieux, (leux qui ont observé les fous savent combien de fois il arrive que l’hallucination de l’un d’eux, décrite à haute voix, produit sur les autres une illusion coulagieu.se.
A la veillée, une histoire de revenants bien narrée produit un effroi contagieux, qui de la partie la plus impressionnable de l’auditoire gagne les plus incrédules, quelquefois jusqu’au narrateur qui improvise le récit. Nous avons parlé de l'illusion collective produite sur des sujets en crise, par la puissance imaginative du magnétiseur (1).
Qu’on rapproche analogiquement toutes ces inductions, et qu’on se demande s’il n’est pas possible que chez des individus arrivés sans s’en douter, comme toujours, à un certain degré crisiaque, les vibrations réelles, mais très-légères, d’un corps deviennent perceptibles au moment où le medium, arrivé à un état de crise plus avancé, les perçoit par intervalles, de manière à se figurer très-vivement qu’il entend des coups successifs partant de tel ou tel point.
Que dans l’examen des coups mystérieux on s’attache surtout à observer si tous les spectateurs entendent sans exception ; que l’on fasse assister à l’expérience des personnes peu impressionnables, incrédules, et non prévenues, pour s’assurer si elles entendront aussi bien que les autres; enfin que l’on essaie si les oreilles des sourds ne seraient pas aussi délicates que les autres pour entendre les coups mystérieux.
Que l’on commande aux coups de se produire dans une feuille de verre horizontale, posée sur une carafe, et saupoudrée de grès fin ; qu’après l’audition des coups on examine si le grès s'est rassemblé ou non sur les lignes nodales, et l’on saura positivement si le son est réel ou illusoire.
Ce n’est pas une explication que je veux hasarder (et j’ai eu soin de n’en pas formuler), c'est une voie d'exploration
(1) Nous avons déjà plusieurs fois parlé de l'imagination comme d’un des éléments de l'action magnétique. Il y a des habiles qui, par un mauvais jeu de mots,.concluent deeeque l'imagination est cause, que l'elfet est imaginaire. Il y a tout naturellement des imbéciles qui gobent la conclusion. On leur ferait croire que le tableau de la transfiguration, étant l'œuvre la plus remarquable due à l’imagination de Uapliaül, est uu mythe, et n’a jamais existé en toile et en couleur.
Due Dieu leur fasse paix !
que je veux indiquer, et voici à quel point de vue je me place pour la reconunandre.
Les lois naturelles sont simples, et c’est notre ignorance qui les multiplie. La véritable voie scientifique est celle qui cherche à rapprocher l’une de l’autre les séries de phénomènes, et à les comprendre sous une seule loi.
Le magnétisme est une science qui a des principes élémentaires clairs et précis. C’esl de plus un instrument précieux et dont il faut propager la connaissance.
11 est donc éminemment utile de chercher ii y rattacher des phénomènes qui excitent l’attention publique, et pat-suite — d’amener à l’étude de la science ou à la pratique de l’art magnétique, les esprits préoccupés de l’attrait mystérieux des faits nouveaux.
11 est utile, surtout dans un moment où beaucoup d’écrivains magnétistes passent à l’état d’oracles, où trop de sujets magnétiques se posent en medium et trop de magnétiseurs en évocateurs; il est utile, disons-le, de ne pas surcharger de merveilleux les abords du magnétisme, qui restera toujours assez merveilleux par lui-même et par ses résultats.
Chartres, 4 avril 1854.
A. PETIT D'ORMOY.
POST-SCRIPTUM.
Cet article a été lu à la Société du Mesmérisme dans sa séance du 6_avril. Le manuscrit, déposé entre les mains du secrétaire, n’a pas été depuis en la possession de l’auteur.
Si le deuxième article de M. Babinet (Revue des Deux Mondes, 1" mai) eût été publié quand celui-ci a été écrit, la partie consacrée à l’examen du travail de l’académicien se fût modifiée sans doute dans la forme. Sous le bénéfice de cette observation, l’auteur, sûr que son respect pour le talent et la personne de M. Babinet n’a pu lui laisser écrire quoi que ce soit de blessant pour son ancien professeur, n’a pas cru devoir retirer son article.
11 s applaudit d ailleurs d’avoir, contre l'opinion de presque tous les magnétistes, reconnu dans le premier article de M. Babiuet l'adoption des principes de la science de Mesmer, que le deuxième article proclame eu termes formels.
M. Babinet, dans son deuxième article, admet les indications intelligentes des tables, et l’analogie du phénomène des tables mouvantes avec ceux magnétisme.
« Le somnambulisme, dit-il, et le magnétisme, qui devien-« dront dans peu une belle et positive science physiologique, « — en prenant pour guides les principes de la science in-« ductive, quand on ne demandera ii cet ordre de lois de la « nature que ce qu'il peut donner, — ont avec la cause des « ell'ets produits sur les tables des analogies que je dois re-« noncer à poursuivre en détail. »
« Les indications de la table, dit-il ailleurs, sont-elles in-« telligentes? — Oui, car elle répond sous l’influence intel-u ligente des doigts imposés. »
Si M. Babinet, à propos des coups mystérieux, — qu’il n’a pas observés, —- affirme que c’est affaire de jonglerie et de ventriloquie; s’il pèche en se prononçant trop promptement contre son principe : « La première de toutes les sciences est u de savoir ignorer, » on doit espérer, pour ne pas dire être certain, qu’homme de bonne foi, persévérant et fin observateur, il étudiera de près cet ordre de phénomènes, et nous en donnera la clef.
« Il faut, comme il l’écrit, sacrifier sans peine des opinions « trop légèrement admises pour des opinions mieux fondées. > Quand le phénomène des tables mouvantes n’aurait d’autre résultat que d’avoir servi d’occasion à M. Babinet de proclamer les principes magnétiques, d’aider les progrès du magnétisme en lui prêtant l’éclat de sa parole et le retentissement de son nom, il aura rendu uu grand service à la vérité. f Les tables mouvantes, les coups mystérieux nous viennent d’Amérique. M. Babinet est engagé dans la voie ouverte par les pionniers transatlantiques. Que M. Babinet se rappelle la devise universelle des Américains : Go a haut! En avant 1
A. P.
Chartres, 8 mai.
Jury ningnrtlquc
D’ENCOOKAGKliLNT El DE RÉCOMPENSES.
Les membres du Jury sont convoqués en assemblée générale pour le dimanche 2i courant, à midi, au bureau du Journal du Magnétisme, pour statuer sur les médailles à décerner cette aimée, et renouveler les fonctionnaires.
VARIÉTÉS.
FÊTE SE MESMER.
1*0"'" amiivrrsairr «le sa naisxniicc.
Nous rappelons à nos abonnés et à tous les partisans du magnétisme, une date, une heure où ils doivent être tous réunis pour rendre hommage à la mémoire de Mesmer.
Quelles que soient les nuances qui séparent les magnétistes aujourd’hui, quel que soit le drapeau sous lequel ils marchent, c’est un devoir pour chacun de payer sa dette de reconnaissance.
Deux banquets s’organisent en ce moment h Paris ; l'année prochaine, il y en aura probablement trois. On le sait, aucune salle ne pouvait nous contenir tous ; la division que nous signalons est donc favorable.
Notre fête sera belle et fraternelle comme ses aînées. On y distribuera, comme d’habitude, les médailles décernées par le Jury.
Le Journal (lu Magnétisme rendra compte de cette solennité.
La liste de souscription restera ouverte jusqu’au lundi 22 mai, à midi.
Baron DU P0TET,
PETITE CORRESPONDANCE.
AvlK général. — Le numéro prochain contiendra la suite du compte-rendu du Jury, qui n'a pu trouver place dans celui-ci.
Le Gérant : HÉBERT (de Garnay)-
P»ri«. - Imprimerie de Pomraerel el Moreau, quai des Augustin», 17.
INSTITUTIONS.
Jury magnétique
d'EXCOCRAGEMENT El DE RÉCOMPENSE.
120° anniversaire de la naissance de Mesmer. — 9" céléliralion à Paris.
Le cadran mystérieux qui marque les destinées du magnétisme a fait entendre son heure nouvelle, et sur des points différents de la terre, des hommes s’assemblent en même temps pour fêter en commun l’heureux anniversaire de la naissance de Mesmer.
Les passions vulgaires ne hâtent point leurs pas, bien qu’une cause inconnue remue violemment les âmes et semble dire à tous : « Allez ! réjouissez-vous ; car vous êtes les précurseurs d’un monde nouveau. Allez annoncer à tous cette bonne nouvelle!» Et tous marchent avec tranquillité; car la foi est dans leur âme, l’espérance au fond de leur cœur. Ah ! que cette journée a ôté belle! Aucune parole ne pourrait en rendre les émotions. L’effusion des pensées d’une grande assemblée ayant pour unique but le triomphe d’une vérité grande comme Dieu, quoique contestée encore, et qui. doit pourtant verser ses bienfaits non sur quelques-uns, mais sur tous ; cette effusion, disons-nous, ne peut se traduire, et nous devons nous borner îi donner ici, pour les magné-tistes qui n’ont pu assister à notre fête, les discours que nous avons pu recueillir, pâle reflet des paroles prononcées, et qui trouvèrent un écho si fidèle et si sympathique. Plus tard nous rendrons compte des banquets de nos collègues et frères; nous donnons aujourd’hui seulement ce qui nous concerne.
Tome XIII. — N° 18». — 25 MAI 185». 10
Les vastes salons c’e Lemardelay, nie de Richelieu, avaient limité les souscriptions. Nid «les heureux inscrits ne se fit attendre , aucun ne manqua à l’appel.
Aussitôt le repas terminé, M. du Potet, président habituel de cette fête, se leva et prononça le discours suivant :
« Mesdames et Messieurs,
( L’histoire nous enseigne qu’à de certaines époques du monde, on vit sortir du milieu des générations humaines des groupes d’hommes animés des plus purs sentiments. Pénétrés d’une foi vive et sincère, ils offraient spontanément leurs bras et leur génie pour l’édification d'un temple en l’honneur de leur dieu ; et pour ce sacrifice, dont la durée était illimitée, ils ne demandaient que le pain de chaque jour et le vêtement des malheureux.
« Dieu récompense l’homme qui travaille avec amour, il lui donne des joies et des plaisirs en proportion de son labeur, et jamais une œuvre ainsi commencée ne resta inachevée. Les plus grands monuments du passé n’eurent point d’autre origine, et ce que l’or des nations n’eût pu payer, la foi le fit exécuter.
« Nous aussi, Messieurs, nous concourons tous ensemble à l’édification d’un monument, monument dont Mesmer nous traça le plan et dont il posa les premières assises, monument sans pareil, Messieurs, et vous venez aujourd’hui constater son avancement.
« Vaste comme la pensée la plus sublime, notre édifice doit abriter le genre humain tout entier; car si l’erreur a divisé les hommes, la vérité doit infailliblement les réuuir un jour. Tous y viendront chercher les secrets de la nature et s’initier à la science de Dieu.
n Ali ! si vous pouviez connaître dès aujourd’hui ce que vos travaux préparent pour les générations futures, vous seriez trop émus, peut-être croiriez-vous que l'illusion s’est emparée de vos esprits ; à moi-même l’enthousiasme n est pas permis, mon rôle n’est point d’être votre prophète; mais, sachez-le, chers compagnons, les prodiges réalisés par l’emploi des forces mortes, connue l’électricité, ne sont rien en comparaison des miracles qui sortirent un jour des mains de l'homme ; car, ayant les forces vires, il a la toute-puissance.
« Chers compagnons, honorons la mémoire de notre maître, tous ensemble pavons-lui aujourd'hui notre tribut de reconnaissance, et que ce jour soit aussi celui de la fraternité.
« Mais dans cet instant une bien triste pensée nous préoccupe : nous avons perdu plusieurs de nos compagnons d’élite, qui eussent partagé bien vivement notre joie; ils sonl morts avant cette journée, et en cessant d’être ils nous ont envoyé leur dernière pensée.
« Mentionnons-les, Messieurs, car Us ont bien travaillé, et leur mémoire doit nous être chère.
« Laforgue, le premier d’entre tous, cet homme plein de foi, et dont les mains étaient bénies, Laforgue n’est plus!
« Chers compagnons, le magnétisme touche à la prière : qui magnétise prie. L’homme que nous avons perdu, usant de cette formule, guérissait les malades en invoquant son Dieu ! De l’immortalité de l’âme humaine, n’est-ce point la plus belle preuve?
n Laforgue, tu nous appelais tes frères. Puissions-nous tous vivre et mourir dans ta foi douce et sincère !
« Ollivier, cœur trop généreux, dont les travaux magnétiques ont abrégé les jours ; son ardeur à répandre le magnétisme était trop grande, car il croyait n’avoir jamais assez fait pour la science nouvelle. Hélas! toute lampe dont on double le feu n’a pas une longue durée, elle s’éteint aussitôt. Ainsi de même, brave Ollivier, ta vie a été tarie trop vite, et comme Laforgue, en mourant tu nous as crié : courage et persévérance !
« Notre bon ami, le général Cubières, a succombé. Constatons ici, Messieurs, l’erreur de la science officielle; cette science a versé le sang que les batailles avaient épargné ; mais notre ami avait fait son œuvre de bien, le magnétisme lui doit un hommage. Que n’avez-vous pu, chers compagnons, recevoir comme nous les épanchements de son cœur ! 11 nous disait qu’il devait au magnétisme, au bien que ses mains avaient fait, la cicatrisation des plaies de son âme ulcérée.
n En nous rappelant la mémoire de cet homme éminent, sachons, Messieurs, que le bien console.
« Aubin Gauthier, dont les travaux littéraires el scientifiques attestent les labeurs du savoir, est mort jeune encore. Il servit notre cause sans recueillir aucun des avantages auxquels il avait droit. Que voulez-vous, Messieurs, la fausse science s’est réservée le monopole de tout ce qui rapporte, et ses favoris ne sont point dans nos rangs.
« Puis, Messieurs, nous avons perdu des hommes moins illustres, qui furent pourtant instruments de progrès; puis enfin un Montmorency !
« Pour clore cette liste trop nombreuse, hélas! nous avons perdu hier un membre du jury magnétique. Blesson, l'ami de tous, est mort subitement au milieu de la rue, sur ce même pavé où plus d’une fois déjà il avait de son souille réchauffé les membres froids de malheureux agonissants. Son dévouement devait avoir un terme; mais ici c’est au moment où, par les soins de notre ami, une femme gisant à terre se relevait guérie ; c’est à ce moment, disons-nous, que notre ami tomba pour 11e plus se relever.
« Ce qui doit adoucir l’amertume de nos regrets, c'est que les vides faits par ces pertes ont été comblés; ainsi, pour dix qui succombent, cent viennent nous offrir leur concours. Contre notre œuvre la mort ne peut donc rien désormais ; elle peut, il est vrai, nous frapper, mais nous la bravons, car nous nous passons de main en main te /lambeau, et toute vérité a par elle-même l’immortalité.
« Celui qui meurt en laissant un champ couvert d’épis est l’homme selon Dieu, il a bien rempli sa journée. Nous n’avons point à juger les lins de toutes choses ; mais il nous appartient de conserver les noms de ceux qui ont bien travaillé, et voilà pourquoi nous venons aujourd'hui les proclamer devant vous.
« Maintenant, Messieurs, nous devons vous parler du présent et envisager l’avenir.
« Vous le savez, chers collègues, le magnétisme gagne chaque jour du terrain, nous pouvons même dire que d’un pôle à l’autre il n’est question que de cet agent merveilleux. Le monde s’est ému au bruit de la rotation des tables, et cette force mystérieuse pénétrant les corps matériels, a rendu perméable aux sens de tous l’évidente existence d'un magnétisme humain.
« Mais pour être plus lente dans sa marche, la vérité n’en allait pas moins où ses destinées la conduisent, déterminant l’éclosion de phénomènes surprenants et nouveaux. D’abord nous lui devons le medium, création hermaphrodite, être à double sensibilité, recevant par des canaux, fermés à l’état ordinaire, des communications tenant évidemment du somnambulisme le plus avancé et touchant au surnaturel.
«Puis encore, Messieurs, l’agent mesmérien mieux étudié, mieux compris, force bientôt notre intelligence à recourir au passé pour y retrouver la science antique, la magie, c’est-
à-dire la science des sciences, car elle emprunte quelque chose ii la divinité.
« Vucune de ces découvertes éblouissantes ne doit détourner les magnétistes dignes de ce nom de la route tracée par Mesmer, c'est-à-dire d’une application sage et rélléchie du magnétisme au traitement des maladies. C’est ainsi qui; nos collègues d’Angleterre, sans se laisser éblouir par de merveilleuses apparitions, ont compris la vérité en ouvrant uu dispensaire public pour y recevoir et traiter les malades.
« Rendre aux malheureux la santé, c’est en même temps servir Dieu et la patrie. N’est-ce pas aussi travailler pour soi-même ?
« Enfin, Messieurs, partout se forment des sociétés magnétiques sous le souille inspirateur qui part de Paris. Elles suivront l’exemple que vous avez donné, propageant le magnétisme par l’expérimentation publique. En faisant ressortir ainsi la vérité des faits, elles établiront la croyance, non-seulement à l’existence d’un agent nouveau, mais elles enseigneront de saines pratiques pour soulager les maux.
■ Mais, Messieurs, le temps du repos n’est point encore venu pour nous, celui des sacrifices n’a point encore cessé. La vérité appauvrit longtemps avant d’enriebir, car elle a contre elle l’erreur, les préjugés, les intérêts, qui font incessamment obstacle à son développement; et c’est ici, Messieurs, que je. pourrais vous montrer, sans charger mon tableau, un cortège hideux, toutes les basses passions de l'homme et tout ce que la cupidité, l’ignorance, le fanatisme et l’intolérance peuvent inventer pour nuire à la vérité et l’empêcher de se produire. Et pourtant le magnétisme aura bientôt vaincu tous ces puissants obstacles!
« A nos fils donc les honneurs du triomphe, peut-être la fortune; mais à nous, encore aujourd’hui, les combats journaliers, les dénis de justice d’adversaires passionnés; à nous la fatigue et les nuits sans sommeil; car c’est un besoin de l’àme de chercher sans cesse ce qui peut donner la victoire. Ne nous plaignons pas trop de nos souffrances, Messieurs, car en elles seulement se trouve la source du savoir.
« Ceci dit pour le présent, voici, Messieurs, ce que probablement nous réserve l'avenir.
« Le magnétisme porte en lui-même le principe cerUiu de la rénovation des sciences, — en lui est lu vie el lu lumière. Il est donc facile de prévoir une révolution avantageuse dans les systèmes et les doctrines régnantes. Le ma-nétisme humain étant admis sous le nom de force, le soin-
nambulisme reconnu, ainsi que ses merveilleux attributs, rien ne pourra arrêter l’élan de la science nouvelle, et en voici les premiers bienfaits :
« Le magnétisme étant un agent éminemment curatif,
« Nouvel art de traiter les maladies.
« Par conséquent,
« Substitution d'un principe irai à toutes les théories médicales mensongères.
« — Première conquête de la vérité sur l’erreur.
« Le somnambulisme ou l’état magnétique, sous toutes ses formes, dévoilant les propriétés de l’àme humaine,
« — Hcfonte de toutes tes physiologies et naissance d’une ■philosophie vraie, basée sur la connaissance d’une nouvelle loi de la nature.
« Le cercle dans lequel tournait, sans en sortir jamais, le monde savant, est franchi, le pivot des sciences est déplacé, et l’humanité marche vers un progrès réel et indéfini.
u Par vos efforts, Messieurs et cliers collègues, par votre amour du vrai et votre persévérance, la nature sera vengée de tant d’outrages, de tant de sang versé inutilement, l’humanité aura recouvré ses droits et la santé son équilibre. Le monde un jour bénira vos travaux, car il en recueillera les doux fruits.
« Oui, chers compagnons, le (lambeau qui brille à nos yeux éclairera un jour l’humanité tout entière, car sa lumière sans cesse augmentera. Le mensonge a régné trop longtemps, une foi unique, une croyance générale restera seule pour moraliser les hommes et les consoler.
n Sans doute, Messieurs, nous n’éteindrons pas entièrement ce qu’on appelle le mal, car il a sa source dans un principe de destruction qui ne doit cesser d’exister qu’avec le monde ; son action terrible s’exercera donc toujours, mais on diminuera ce qui favorise son activité en faisant prédominer son contraire.
« Ah ! Messieurs, cette annonce de changements prochains n’est point un jeu de notre imagination, un désir, une espérance ; cet ordre nouveau ressort rigoureusement de la découverte du magnétisme, il en est la conséquence logique. La science des écoles aura beau repousser, rejeter l’agent de ces merveilleux et utiles changements, succombant à la peine, un jour elle nous ouvrira les bras.
« En avant ! chers collègues, compagnons de nos travaux; en avant ! Ne nous retournons point pour mesurer le chemin que déjà nous avons parcouru au travers des ronces et des
épines; nous n’avons point non plus à nous venger des outrages que nous avons reçus de nos adversaires ; ils sont assez punis ! Comme les oiseaux de nuit qui aperçoivent les premiers rayons du soleil levant, ils fuient. C’est que le grand jour de la discussion approche, et la honte doit couvrir leur visage.
« Vérité, fdle du ciel, viens échauffer nos cœurs, donne-nous force et courage, donne-nous surtout l’intelligence, afin que nous ne soyons point au-dessous de notre mission.
c Messieurs, 011 ose soutenir, dans ce siècle d’incertitude et de trouble, qu’il n’y a point de lois morales, et que l’homme a pour seul guide sa raison. On ose ainsi, à ciel ouvert, blasphémer contre Dieu et rejeter le cri de la conscience humaine, qui dit à chacun de nous : — Ce monde 11’est point le produit du hasard, un Dieu l’a créé, le soutient et le conduit. — L’homme, avec sa seule raison pour guide, périrait bientôt si l’inspiration d’en haut ne lui venait en aide dans les moments suprêmes. La raison 11’est qu’un fruit de l'entendement humain, fruit souvent malsain, car il s’y mêle l’orgueil; la raison s’arrête à la limite du sensible, elle cesse de fonctionner tout à fait avec l’inactivité des sens.
Et pourtant, dans ce chaos où la raison s'abime, de cel état que nons savons produire,
Im lumière jaillit.
L’éternité répond a qui sait appet.er!
« Est-ce à dire qu’il faille bannir la raison ? Gardons-nous, Messieurs, d’une semblable injure, mais rappelons-nous sans cesse que c’est en son nom que les plus grands crimes furent commis et le génie constamment persécuté, et que nous-mêmes, flétris par la haute raison de nos grands hommes, nous n’en sommes pas moins aujourd’hui, et à bon droit, triomphants.
« Nos scribes et nos pharisiens ne soupçonnant rien au delà des sens, établissent sur ce qu'ils savent des doctrines immorales ou incomplètes. Pour nous, Messieurs, qui voyons à chaque instant des faits d'un ordre nouveau, faits souvent supérieurs à la raison, nous reconnaissons facilement le vain savoir de nos faux philosophes, nous rejetons les élucubrations de leur hante raison, comme on se dépouille de vieilles guenilles lorsque de la pauvreté on passe à la richesse.
« Nous suivons le chemin de la vérité, regardant comme un devoir sacré d’attaquer en face la superstition et l’ignorance, cette rouille qui s’attache aux vérités pour en empoisonner les fruits; nous montrons aux hommes la route
où il faut marcher pour reconquérir ce feu divin qui, lors de la création, brillait à leur front comme marque de l’immortalité!
« Croyez-le, chers collègues, la vie est belle et heureuse pour l’homme qui, marchant dans sa foi, ne voit devant lui que la vérité; il dédaigne les basses jalousies, les attaques où se peignent l'envie et les passions vulgaires. Comme ces apôtres qui allaient à Dieu par le martyre, il ne s’arrête pas dans sa marche, les blessures qu’on lui fait le trouvent joyeux, il en appelle seulement à la postérité.
« Chers compagnons, ayons pour guide notre conscience ; que le drapeau du magnétisme soit par nos mains tenu si haut que tout ce qui est bas et vil ne puisse ni’ le ternir ni le souiller, et attendons en paix ce que l’avenir nous réserve. Soyez-en certains, chers compagnons, beaucoup d’hommes au cœur généreux s’apprêtent à entrer dans nos rangs, et leur intelligence mise au service de notre cause rendra notre tâche plus facile.
« Pensons souvent aux vanités des choses humaines, à la brièveté de la vie. Depuis que vous êtes assis k ce banquet, plusieurs centaines d’êtres ont disparu de la terre; chaque jour nous rapproche d'une échéance fatale, mais cette heure annonce à tous la résurrection.
« Que cette pensée fortifie notre courage et nous donne la sagesse. Songeons que les torts d’un seul d’entre nous rejailliraient sur tous, et que nos antagonistes font remonter trop souvent jusqu’à nous, non-seulement les discours, mais les œuvres des fous.
DONNONS A NOS FRÈRES SOUFFRANTS LA FORCE QUI EST EN NOUS ;
F.A LUMIÈRE NOUVELLE A CEUX QUI MARCHENT DANS LES TÉNÈBRES ;
a tous l’espoir!
n Et enfin, chers compagnons, ayant fait le bien pour tout ce qui dépend de l’avenir,
« Reposons-nous sur Dieu.
« Je porte un toste
A LA GLOIRE DE MESMER!
Des bravos unanimes interrompirent plusieurs fois l’orateur, et ses dernières paroles excitèrent le plus vif enthousiasme.
M. Morin, de Nogent, notre actif collaborateur, parla ensuite ; voici le discours qu’il a prononcé :
« Messieurs,
« Cette assemblée présente un spectacle imposant, c’est celui d’hommes réunis par une foi commune pour glorifier leur symbole, pour proclamer hautement la vérité, pour s’en-courager réciproquement à la propagation des principes destinés à régénérer la science et à contribuer puissamment au bien de l’humanité. L’antiquité, dans son enthousiasme, élevait des temples aux auteurs des grandes découvertes et les regardait comme des êtres privilégiés auxquels des divinités bienfaisantes avaient révélé leurs secrets. Quel homme plus que Mesmer a jamais mérité de tels honneurs ? Quelle découverte a égalé en importance celle du magnétisme ? Aussi combien est légitime le sentiment de reconnaissance qui nous porte, chaque année, à célébrer, comme un jour heureux entre tous, l’anniversaire de la naissance de celui auquel le inonde est redevable d’un tel trésor !... Le magnétisme, comme toutes les institutions les plus vivaces, a eu un enfantement laborieux, une croissance pénible : raillé, bafoué, calomnié, persécuté, il a eu à subir les outrages, à surmonter des obstacles de tout genre. Ces épreuves, loin de l’abattre, n’ont fait que le fortifier. Réduit pendant longtemps à un petit nombre de sectateurs obscurs, il semblait condamné à périr ; la science,
Îiar la voix de ses interprètes les plus imposants, avait vingt ois prononcé son arrêt de mort et lui avait d’avance infligé pour oraison funèbre scs dénégations insultantes. En dépit de ces oracles réputés infaillibles, il a secoué victorieusement le linceul dans lequel 011 s’était flatté de l’ensevelir, il s’est montré radieux et triomphant. 11 répand aujourd’hui sa lumière chez tous les peuples; et, semblable à la bonne nouvelle de l’Evangile, c’est par des bienfaits de tout genre qu’il se manifeste. D’innombrables sectateurs s’occupent avec ardeur de cette science nouvelle, sont heureux et fiers de la
Eiropager et d’en faire l’application. Dans tous les rangs de a société, des hommes éminents s’en font les champions. Dans toutes les villes importantes, des sociétés nombreuses sont vouées à son étude, ues ouvrages d’un grand mérite sont consacrés à son examen. Le torrent a brisé ses digues et verse partout avec profusion ses eaux fécondantes. Les ana-tlièmes impuissants des académies, derniers accents de la routine aux abois, n’excitent plus que le sourire et iront bien-
lût rejoindre les graves sentences fulminées jadis contre la circulation du sang, l’émétique, la vaccine, les aérolithes. La cause du magnétisme est gagnée, grâce aux efforts persévérants de ses apôtres dévoués «pii tous ont droit, dans cette solenmte, à une part des hommages (pie nous rendons au grand Mesmer.
Sa découverte sublime jette un nouveau jour sur toutes les connaissances humaines, nous apprend à scruter les mystères de notre nature, nous initie au travail de la pensée, hn môme temps (pie le magnétisme agrandit ainsi notre intelligence, élève nos âmes vers Dieu et vient donner une nouvelle lorce aux vérités fondamentales qui servent de base àl ordre social, en même temps qu’il sert à élucider les questions les plus hautes de la philosophie, il se rend accessible aux esprits les plus vulgaires, en leur présentant des résultats d une evidence palpable, en mettant à la portée de tous la production de phénomènes aussi admirables par leur grandeur que par leur utilité.
« La nature, a dit Mesmer, nous a donné un moven universel de guérir et de préserver. U nous suffit de" vouloir Pour enianter des prodiges, pour modifier l’organisme de nos semblables, pour y répandre un principe de vie, pour en expulser les maladies et y ramener la vigueur et la santé. C est en puisant en nous-mêmes, pour en extraire le super-tlu de notre vitalité, que nous revivifions des organes viciés, que nous faisons cesser les douleurs, que nous ranimons un flambeau prêt à s'éteindre. Là où le médecin, après s’être consumé en efforts superflus, après avoir en vain employé tout 1 arsenal de sa pharmacopée, est obligé d’avouer son impuissance, le magnétiseur, n’ayant (pie son ardent désir de laire le bien, impose les mains, et la maladie cède comme par enchantement devant cette action aussi simple que merveilleuse. Les Ecritures nous racontent que les premiers apôtres chretiens, sollicités par un pauvre boiteux qui leur demandait 1 aumône, lui dirent : « Nous n’avons ni or ni ar-« gent; mais ce que nous avons, nous vous le donnons : « Ifve-toi cl marche. » Et l’effet suivit la parole. Leur maître ne leur avait-il pas dit : « Ceux qui auront la foi, imuo-« seront les mains sur les malades et les guériront? » Cette puissance, réputée alors miraculeuse, n’était point chimérique, et il n est pas de jour où il ne s’en fasse de brillantes applications. Le magnétisme a donc renoué la chaîne longtemps rompue delà vraie tradition chrétienne; il a appris à 1 ltonMne :i user d’une faculté précieuse qui n’a jamais cessé
de lui appartenir, mais que l’ignorance ou une fausse science avaient fait méconnaître ; il a rendu au Roi de la création un des plus beaux fleurons de sa couronne. Sans doute, il ne peut parvenir à supprimer complètement le mal physique, attribut inévitable de tout être fini ; mais du moins il nous permet de l’amoindrir considérablement, de le circonscrire dans des limites de plus en plus étroites. Ne semble-t-il pas qu’en usant île cette glorieuse prérogative, en commandant à la nature, l’homme s’élève au-dessus de lui-même et participe de l’essence divine? Combien pâlissent toutes les conquêtes scientifiques en présence d’une telle découverte ! Et comment ne pas déplorer l’aveuglement de ceux qui, malgré l’accumulation des faits les plus éclatants et les mieux constatés, persistent encore dans un misérable système de dénigrement , refusent même l’examen, et, du haut de leur orgueil, déclarent impossible ce que chacun de nous réalise journellement!...
« La thérapeutique est l’application la plus usuelle et sans doute aussi la plus profitable du magnétisme ; mais il en est bien d’autres 0(1 son action est éminemment utile. Le somnambulisme renouvelle les prodiges des pythies et des oracles, restitue les admirables secrets qui se trasmettaient jadis dans les temples, et dont la réalité nous est attestée par Hippocrate, Aristote et tous les plus grands génies de l’antiquité : l’homme, dans cet état, revêt des attributs transcendants que l’on croirait empruntés à une nature supérieure ; à mesure que ses sens sont frappés d’engourdissement et deviennent inactifs, son esprit acquiert une pénétration prodigieuse, dévore le temps et l’espace, et s’étend dans des sphères jusque-là inaccessibles ; il voit à des distances énormes et y distingue les plus petits détails; il reconstruit le passé et s’élance même dans le domaine de l’avenir; il pénètre des pensées non exprimées, converse avec les âmes sans avoir besoin de langage ou de signes matériels; il voit l’être moral aussi nettement que l’œil charnel voit l’être physique ; il lit dans l’intérieur du corps humain comme dans un livre ouvert, y découvre des lésions qui échappent aux regards de la science, et découvre les remèdes les plus propres à guérir. Que de services rend à l’humanité cette inappréciable lucidité ! Elle est appelée à en rendre de plus signalés et de plus nombreux quand elle sera mieux connue , mieux dirigée, quand les hommes purs, désintéressés, n'ayant d’autre mobile que l’amour de la vérité et le désir de soulager leurs
semblablables. exerceront ce noble sacerdoce, trop souvent usurpé par la cupidité et le charlatanisme.
d Ce n'est pas seulement au mal physique que s’applique l'action curative du magnétisme, il s’attaque aussi avec succès aux vices, aux penchants dépravés; il les corrige, il prend un empire salutaire sur les volontés, les redresse, les améliore, les transforme, les moralise. Des membres de la Société du mesmérisme ont obtenu dans ce genre des résultats admirables qu’il est bon de divulguer, et dont le compte-rendu sera une des plus belles pages des annales du magnétisme. Quel parti merveilleux on pourrait tirer de ce mode d’éducation! Quelle heureuse inlluence on exercerait ainsi sur le perfectionnement de l’homme ! Mais aussi quelle responsabilité prend sur lui celui qui s’arroge ainsi le droit de façonner une volonté humaine selon le modèle qu’il s’est formé!... Ne craignez-vous pas, nous dira-t-on, que cette force si puissante pour faire le bien, ne soit employée avec la même énergie à faire le mal, ne soit mise au service des plus mauvaises passions? C’est l'objection que nous font beaucoup de personnes qui, ne pouvant nier la réalité du magnétisme, en redoutent les dangers, sont arrêtées par cette seule considération, et hésitent encore à ent rer dans nos rangs. Vain scrupule qu’on aurait pu opposer aussi bien à toutes les découvertes, et qui, Dieu merci, n’en a empêché aucune d’éclore et de grandir. L’homme étant libre, tout ce qui augmente sa puissance et étend ses facultés accroît sa capacité pour le bien comme pour le mal, suivant l’usage bon ou mauvais qu’il croit devoir faire des nouveaux instruments mis à sa disposition ; et plus l’instrument sera perfectionné, plus terrible seta l’abus qu’on en pourra faire. Et pourtant qui songe, sous prétexte d’empêcher l’homme de mésuser, à le dépouiller de la puissance acquise par le labeur de toutes les générations qui l’ont précédé, et à le réduire à l’état primitif de sauvage innocence?.... Sa destinée providentielle doit s’accom-
{)lir; sa mission est de développer toutes les aptitudes dont e germe a été déposé chez lui par le Créateur, de pénétrer de plus en plus dans le sanctuaire dé la science, et d’atteindre le plus haut degré de perfectibilité que comporte sa nature; il doit poursuivre laborieusement ce but, au risque de se heurter aux cailloux de la route et de déchirer plus d’une fois aux ronces ses membres endoloris. Voyageur infatigable , il ne doit jamais regarder sa course comme achevée tant qu’il reste devant lui de nouveaux degrés à franchir. Tout progrès est saint et légitime. Le magnétisme, qui
étend immensément ses facultés, le rapproche de la Divinité et a droit à la vénération universelle. Ce serait donc, tin sacrilège que de chercher à l’étouffer, car ce serait chercher à amoindrir l'homme, ce serait agir contre la loi divine.
«En ce jour, sur tous les climats du globe, des réunions semblables à la nôtre et animées du même esprit, font entendre des chœurs d’allégresse, et pénétrées d’une religieuse reconnaissance pour la grande découverte dont Mesmer a gratifié le inonde, communient ensemble et préludent à l’époque peu éloignée où le genre humain tout entier chantera scs louanges et bénira son nom.
HONNEUR A MESMER1.!!
Ces beaux sentiments, exprimés en termes aussi bien choisis, ne pouvaient manquer d’être largement applaudis; ils l’ont été en effet, et 11. Morin a pu goûter la douce satisfaction de voir ses pensées partagées.
M. Bonnellier, dans une improvisation d’une éloquence toujours soutenue, a attaqué avec une grande force de raison cette croisade entreprise par le clergé, contre un fait de science, la rotation des tables; son discours, où la forme bienveillante le disputait au fond, a recueilli les bravos de l’assemblée, nous regrettons de ne pouvoir donner ce beau plaidoyer comme modèle d’éloquence et de bien dire.
M. J. de Rovère, forcément absent aux deux dernières solennités, était venu cette fois payer sa dette ; il a lu lapièce de vers suivante :
I.n liaison et le Srntlmoul.
La voix de la raison 141 ou tard nous arrive,
A travers les écueils sa marche est progressive.
Et malgré les clameurs son timbre est entendu. l.e vrai triomphe alors et le faux est vaincu.
Mais la raison chez nous, pour n’être pas stérile,
S'adjoint un compagnon, très-puissant, très-utile.
D’accord avec le cœur, unie au sentiment,
Uc lumière cl d'amour sympathique élément,
Elle impose sa loi sans paraître sévèro ;
Quiconque en cet état la prend pour conseillère,
Au milieu do débris épars cl ténébreux,
Voit clair, marche droit, est calme el vit heureux.
On croit qu'en ce beau jour, pure, sonore, audible,
Ici, pour nous, elle est encor plus acccssjblc :
C'est qu'au nom de Mesmer son timbre retentit,
Vibre dans tous les cœurs, nous attire et nous dit :
Si du grand novateur t'enveloppe est brisée.
Sou âme tout entière est dans cette assemblée.
Son esprit germe en vous, disciples éprouvés,
Apdtres, vrais croyants, propagateurs zélés,
Mesmer revit en vous qui, sachant le comprendre,
Pratiquez sa doctrine et, pour mieux la répandre.
Réfutez avec feu de vrais ou faux savants
Oui voudraient rajeunir les erreurs du vieux temps.
A leur mauvais vouloir quand vous êtes en butte.
Quand avec fermeté vous entrez dans la lutte.
Qui donc est avec vous? qui peut vous soutenir?
C'est l’&me de Mesmer! elle vous électrise,
Elle vous purifie, elle vous mesmérise.
Influençant toujours vos esprits et vos cœurs,
Pourvousrendreen un jour triomphants et vainqueurs.
Que vous importent donc des ombres fantastiques,
Des spectres évoqués, des esprits infernaux!
Étrangers en tout temps aux terreurs fanatiques,
Vous n'avez qu'un seul guide en vos nobles travaux ;
Ce n'est pas l’être impur, c’est l'essence infinie;
Ce n’est pas le démon, c’est la Divinité.
Et vous invoquez tous, au sein de l’harmonie.
L’âme de l'univers, soleil de vérité.
A L’UNION INDISSOLUBLE DE LA RAISON ET DU SENTIMENT !
_ « Puissent ces deux éléments du progrès rationnel et (lu triomplie final du mesmérisme, étroitement et solidairement unis, se répandre sur toute la surface du globe terrestre, notre patrie commune!
Ce toste, et quelques heureuses expressions de gratitude, ont valu à l’auteur de vives marques de sympathie.
M. J. Logerotte, dont on aime à entendre la voix toujours éloquente, est venu ensuite et a improvisé ce qui suit :
« Messieurs,
« Nous venons tenir chaque année, en ce jour commémoratif, les grandes assises du magnétisme. Notre président
nous a tracé dans un long tableau la situation de la science, il nous a montré sa marche toujours ascendante, les progrès dans le présent, les espérances dans l'avenir ; narrateur éloquent de nos conquêtes, il u'a pas été oublieux de nos afflictions. Si nos rangs se sont accrus, nos pertes ont été nombreuses el cruelles. Beaucoup de nos amis, des meilleurs et des plus dévoués, sont restés en arrière, bien des places sont vides à ce banquet. Nous avons tous tressailli quand, d’une voix émue, notre président nous a appris qu'aujourd'hui encore un des plus intrépides ouvriers de notre œuvre venait de tomber victime de son dévouement au bien. Blesson a été frappé sur la place publique; il est mort en rappelant un inconnu à la vie. Gloire te soit rendue, noble cœur qui te jetais en sacrifice comme d’autres courent à la fortune, qui te trouvais partout où tu savais des douleurs; tu as eu la fin des forts, tu es mort au champ d’honneur ! Il sera dit de toi, comme du sage : Iraiisiit bcne faciendo, il vécut en faisant le bien. Blesson, et vous, amis qui l’avez précédé dans le séjour des âmes, votre souvenir ne périra pas parmi nous ! chaque année, en nous trouvant réunis à cette fête où vous étiez heureux de venir glorifier le nom du maître, nous parlerons de vous et nous nous fortifierons de vos exemples. Nous pouvons, comme les anciens, placer les morts à nos banquets, sans crainte de voir s’assombrir les visages ; disciples de Mesmer, nous savons que la tombe n’est pas l'éternel repos, qu’en elle commence la vie nouvelle, et que du corps brisé s envole l’àme libre. La mort, c'est la transfiguration.
« Notre piété pour nos anciens amis ne nous rendra pas injustes envers les vivants ; nous saluerons de la main et du cœur les générations nouvelles qui s’avancent dans la voie du progrès. De tous les points du monde surgissent d’ardentes cohortes. Une se distingue entre toutes. A l'horizon lointain, derrière les mers profondes, voyez ces hommes qui s’avancent d'uu pas ferme et hardi, leur nombre s’accroît en marchant, et dans leurs yeux pleins d’une indomptable énergie se lisent les hautes destinées. Sur leur front ondoie le drapeau parsemé d’étoiles. Vous les connaissez, Messieurs, ce sont les enfants de la jeune Amérique. Ils vont aux découvertes avec cette audace qui sied si bien à la jeunesse , avec ce courage qu’ils déploient en parcourant leurs forêts inexplorées; eux, les nouveaux-venus de la science, ils nous révèlent de merveilleux phénomènes ; ils ne font que paraître, et déjà ils nous dépassent! Que ces précieux
auxiliaires soient présents à notre fête, et, en attendant le jour prochain où l’électricité, réunissant les deux mondes, nous permettra de fraterniser à travers l’Océan, faisons voler vers eux nos pensées portées par ce fluide, frémissant qui trouve en l’homme sa source, qui s’élance d’un cœur pour aller frapper à un autre cœur, et qui, s'il n’est doué d'une précision absolue, pénètre au moins d’une douce sympathie ïes organisations fraternelles. Lançons dans l’espace nos amitiés et nos cœurs, un bon génie les portera aux amis inconnus qui, au delà des mers, fêtent en ce jour le maître commun.
« Parmi les vœux que nous leur adressons, nul n'est plus ardent que celui que nous formons de les voir marcher toujours d’un pas résolu et libre dans les voies nouvelles ; qu’ils ne s’arrêtent pas, toute station est un danger ; qu’ils évitent l’ombre, le mystère tue la science. L’histoire du passé donne de graves enseignements, qui doivent être utiles aux hommes de nos temps. 11 est sur la terre d’Orient une. contrée baignée par une mer aux flots d’azur, vivifiée par le plus beau soleil , fécondée par un fleuve admirable ; Dieu avait répandu sur elle tous les dons qui font les grandes nations ; ses arts étonnaient le monde, ses armées l’épouvantaient, ses sages avaient approfondi toutes les sciences et connaissaient les causes et les effets des choses. Nul ne se croyait grand s’il n’avait touché à ce sol sacré. Cette terre est veuve aujourd’hui de toutes ses gloires, il ne lui reste plus que l’inaltérable splendeur du ciel et l’impassible majesté de la nature. Dans ces plaines où trônaient les Sésostris, où se promenaient les collèges des prêtres, où. les mages créaient des prodiges, vit un peuple barbare qui a oublié jusqu’au nom de ses ancêtres. La religion et la science, cachées dans les temples, n’ont laissé arriver à la postérité que des fables; des arts il ne reste que des monuments qui jettent du fond des siècles un défi superbe à l’histoire. L'Egypte avait mis le mystère dans ses lois et dans ses œuvres, le mystère a tué jusqu’au souvenir de ses découvertes. Au lieu de répandre la science, cette source de vie, comme les eaux fécondantes de son fleuve, elle l’a enfermée dans les sanctuaires. Elle a fait de l’étude une conspiration ; elle a donné ii une caste la science qui appartient au monde. Elle a semé l’ombre, elle a récolté les ténèbres; sa punition éternelle sera de n’être jamais comprise. Son emblème est ce sphinx mutilé qui, couché au pied des pyramides, attend encore l'Œdipe qui trouvera son secret.
« L’esprit des temps modernes écartera de l’Amérique et de nous le mal devant lequel est tombée la civilisation antique. L'n principe puissant a été proclamé ; la liberté dans la science est reconnue par tous les peuples, elle suffirait à les protéger contre tout danger. Que peuvent-ils craindre, quand ii la liberté se joint cette merveilleuse force qu’a créée Gut-tenberg ? Grâce à l’imprimerie, aucune idée utile ne peut être étouffée maintenant, le grand jour s’est fait dans l'humanité. Le livre a abattu le monument, la nation a détrôné la caste et la publicité a remplacé le silence. A l’œuvre donc, et courage ! chercheurs intrépides et fiers génies ; vos noms et vos découvertes ne périront pas ; vous ne travaillerez pas, comme dans la vieille Egypte; pour un temps limité et pour quelques hommes, vos œuvres appartiendront à l’éternité et au monde!
« El vous, nos frères d’Amérique, ardents néophytes de l’idée nouvelle, marchez dans votre croyance comme vos rudes pionniers dans les forêts vierges, le cœur plein de foi et d’espérance ; du fond de la vieille Europe, la mère commune, l'aima parais, des amis vous suivent et vous admirent, et des voix émues vous crient cette parole des grands cœurs, ce mot d’ordre des esprits généreux, cette devise de la jeune Amérique: lin avant, disciples de Mesmer, toujours en avant !
d Je propose un toste
A .NOS FRÈRES d'aMÉRIQIIî!
Ces belles paroles ont ému profondément l’assemblée ; elle en a marqué sa satisfaction par plusieurs salves d’applaudissements.
Un autre orateur puissant, M. Salvat, qui parlait pour la première fois dans ces agapes, s’est alors levé, et, avec une facilité d’élocution consommée, a prononcé le discours suivant :
« Mesdames et Messieurs,
« Après plusieurs discours couverts de vos applaudissements bien mérités et surtout après la brillante improvisation que vous venez d’entendre, n’y a-t-il pas quelque témérité à prendre encore la parole? Je m’en abstiendrais, je le déclare, si le toste à nos frères d’Amérique n’en appelait,
n’en exigeait un autre. Oui, il faut le reconnaître avec l'orateur auquel je succède, nos frères de l'Union américaine sont aujourd'hui placés à la tète de la phalange mesmérienne ; mais ce qu’il n'a pas dit, et que je veux dire, c’est que, sur cette terre vierge du nouveau continent et sous le soleil de la liberté, les vérités nouvelles doivent germer, se développer avec vigueur et donner tout leur fruit. Oui, c'est à leur indépendance, magnifique héritage qu’ils tiennent de la vertu de leui's ancêtres, que nos frères de l'Union doivent de nous devancer et de marcher résolument aux conquêtes morales dont le génie de Mesmer nous ouvrit le vaste horizon. — Sceptiques de noue vieille Europe, vous appelez ironiquement des amis du merveilleux ces hardis investigateurs des merveilles de la nature humaine; vous raillez, vous osez railler ces fiers citoyens qui, pleins du sentiment de leur dignité, veulent s'élever encore par la recherche et l’étude des don6 admirables et jusqu’ici méconnus que l’homme tient de son créateur! Ah ! un jour viendra où vos enfants honoreront ce que vous essayez de flétrir, et, plus grands, plus heureux que vous, béniront cette jeune et énergique nation qui leur aura montré le chemin vers de meilleures destinées. — Mais, après ce haut témoignage d’admiration et de reconnaissance adressé à nos frères heureux des Etats-Unis, ne devons-nous pas, chers collègues, une preuve d’intérêt, de vive sympathie à ces autres frères moins favorisés, épars sur tous les points du globe? Mu par cette pensée, j’ai l’honneur de vous proposer un toste
A NOS FRÈRES LES MAGNÉTISTES DE TOUS LES l'AYS ! J'ajoute :
ET A l’lNION LA PLUS INTIME ENTRE TOUS LES DISCIPLES DE MESMER 1
« Si mes pressentiments ne me trompent pas, cette union, mes chers collègues, ne fut jamais plus nécessaire qu’au temps où nous vivons et dans ceux qui vont suivre. Lorsque, tout à l’heure, une voix qui nous est chère nous montrait la grande et féconde vérité dont nous sommes les apôtres, parvenue au terme des épreuves qu'elle devait subir, victorieuse, chassant devant elle le mensonge et l’erreur, lorsque nous entendions cette éloquente prophétie, nos esprits étaient captivés, nos cours battaient à l’unisson avec le noble cœur qui l’avait dictée ; c’était dans un avenir prochain que le «.ligne président du banquet de Mesmer faisait briller à no3
yeux le triomphe (ant désiré. A Dieu ne plaise que je vienne troubler la confiance qu'il a fait naître et qui rayonne sur tous les fronts dans cette fête de famille ! Personne plus que moi n'a foi dans le magnétisme : je crois au succès de sa cause de toutes les forces de mon âme, comme je crois à la perfectibilité humaine, au progrès, à la liberté ; comme je crois en Dieu de qui émanent toutes ces grandes et saintes choses. Mais ne nous faisons pas illusion ; non, la lutte dans laquelle nous sommes engagés n’est pas près de finir : non, les colères, les haines que souleva la découverte de Mesmer ne sont pas près de s’éteindre. Ce qui est vrai, c’est que les armes dont nos adversaires se sont servis jusqu’à ce jour ont été impuissantes, qu’elles sont émoussées, qu’elles leur échappent des mains. 11 en est d’autres plus dangereuses : hésiteront-ils à les saisir?
« Dans nos vieilles sociétés où régnent tant de préjugés et d’erreurs, où tant d’intérêts égoïstes sont debout, armés de toutes pièces, prêts à l’attaque comme à la défense, sans souci de l’intérêt général, une vérité nouvelle qui se produit trouve devant elle trois périodes distinctes d’opposition qu’il lui faut traverser. —Dans la première, elle est taxée d’imposture ; dans la deuxième, alors qu’elle commence à fixer l’attention publique et qu’il est devenu prudent de compter avec elle, on l’avoue, on l'examine, 011 cherche à l’expliquer, mais à la hâte, légèrement, pour l’éconduire ensuite d’une manière plausible, avec un semblant de justice et de raison ; dans la troisième période, la vérité qui a survécu à ces manœuvres hypocrites et déloyales, est déclarée inutile, dangereuse et contraire à la religion. Puis, lorsqu’une plus longue résistance est superflue, et que l'accepter est une nécessité, on affirme bien haut que la vérité prétendue nouvelle a été connue de tout temps : ressource dernière et désespérée dont l’objet est de rendre la vérité honteuse d’elle-même au milieu de son triomphe, et de lui faire regretter d’avoir osé se montrer au grand jour.
n Sans doute, le magnétisme, dont Mesmer le premier révéla au monde l’existence et les lois, 11’est plus relégué parmi les chimères ; ses détracteurs les plus passionnés, ceux qui, non contents de le nier, lui jetaient à pleines mains l’insulte, le ridicule ou le mépris, se taisent aujourd'hui ou veulent bien reconnaître qu’il existe. Voilà où nous en sommes ; voilà ce que nous avons parcouru de la route qui mène au but de tous nos efforts, le triomphe définitif de la vérité mesmé-rienne. C’est la deuxième des trois périodes dont j’ai parlé.
Bientôt, n’en doutez pas, on fera plus que d'avouer la réalité du magnétisme, on daignera le soumettre à cet examen superficiel , à cette étude simulée, destinés à colorer sa proscription jurée d’avance. Plus tard, on invoquera contre lui la morale! Comme si Dieu pouvait avoir doué sa créature d’un merveilleux pouvoir, incompatible avec ces éternelles lois morales qu'il a gravées dans nos cœurs ! On parlera de la religion menacée ! Comme si toutes les vérités filles du Ciel ne marchaient pas ensemble, sans se heurter, dans un ordre harmonieux, ainsi que les astres du firmament! Peut-Être enfin ira-t-on jusqu’à ces moyens extrêmes, la compression, l'abus de la force et du pouvoir, comme s’il existait au inonde une force, un pouvoir capables d’arrêter la marche de l’esprit humain; de l’empêcher, après avoir accompli, dans l’ordre physique, les prodiges dont nous sommes témoins, de se replier sur lui-même, de s’étudier, de se connaître, de sonder les destinées faites à l’humanité, pour lui tracer la voie qu’elle doit suivre.
« Ces prévisions sont-elles chargées de couleurs trop sombres? Hélas! non, mes chers collègues ; pour vous en convaincre , songez au nombre et à la force des ennemis ligués contre le magnétisme; voyez combien d’amours-propres il froisse, quelle perturbation il jette dans la douce quiétude où s’endorment tant d’heureux conquérants de la renommée, de la fortune et des honneurs ; de quelle hauteur il fera descendre tant d’hommes qui, dans leur estime, sont au-dessus de l’humanité, en même temps qu’il relèvera les plus humbles, les plus déshérités entre les enfants du môme père. Ne suffit-il pas, en un mot, de réfléchir sur la nature et les effets du magnétisme, pour reconnaître que le matérialisme tombe devant lui, et qu’il attaque de front l’égoïsme et l’orgueil , ces deux idoles du jour, devant lesquelles sacrifie la génération presque toute entière? Qu’on se transporte par la pensée dans ces temps plus fortunés où la vérité mesmé-rienne, devenue populaire, recevra dans toutes les familles une fréquente application. Alors, les phénomènes exceptionnels aujourd’hui de la clairvoyance magnétique, se produiront partout à volonté, diront bien haut ce que nous savons, nous, magnétistes, et que tant d’autres semblent ignorer : que dans tout être humain, si bas que vous alliez le chercher, existe une essence divine, une âme emprisonnée dans les liens d’une organisation plus ou moins parfaite, souvent défectueuse, mais dont elle peut se dégager toujours, pour montrer sa nature céleste et faite pour l’immortalité; que
tous, ici-bas, nous avons le pouvoir tic donner une partie île nos forces, tic noire vie, et d’ajouter ainsi aux forces et à la vie d’autrui.
« Je m’arrête ici ; à cette heure avancée et lorsque votre attention a été si longtemps enchaînée par des discours pleins d’idées profondes, je m’arrête à ce point culminant de la vérité mesmérienne, à cette étonnante faculté, à ce privilège presque divin accordé à l'homme de venir en aide à son semblable et de l’arracher à la destruction dont il est menacé.
« Qui de nous n’a pas ressenti la pénétrante émotion qui court comme un frissonnement délicieux dans tout notre être, corps et âme, à la vue du bien produit sur un corps malade et souffrant, par le fluide mystérieux tiré de nos organes? lit si l'être qui souffre, à ce titre suffisant pour attirer nos sympathies en joint un autre qui le place plus près de notre cœur ; s'il tient à nous par les liens du sang ou de l’amitié, et surtout par cet autre lien qui les réunit tous; s’il est la chair tic notre chair, quelle langue dira l'inefl'able bonheur où nous plonge le succès obtenu, la maladie vaincue? Quelle poésie peindra l'ivresse de ce triomphe? Eh ! bien, cette langue du cœur, cette poésie de l’âme qui touche au sublime, je les ai entendues une fois, et je veux de ce récit qui me mettait en présence d’une saisissante réalité, vous donner une idée bien décolorée, il est vrai, mais qui vous intéressera, j’en ai la confiance.
« Celui d’entre nous auquel personne ne disputera la palme du dévouement au magnétisme, qui peut revendiquer à bon droit la meilleure part des progrès accomplis de nos jours, qui, pour lui emprunter son noble langage, tient depuis longtemps le drapeau de Mesmer d’une main ferme et à une telle hauteur que nulle souillure ne peut l'atteindre, dans une de ces excursions qu'il faisait naguère pour propager et faire aimer la doctrine de notre maître, appelait l’incrédulité pour la convaincre, la souffrance pour la guérir. Bien rude était la tâche! Et, peu soigneux de lui-même, prodigue de sa force vitale, le magnétiste trop ardent avait énervé sa riche nature par des efl'orts surhumains. Le mal allait prendre sa revanche; tant de fois vaincu par ce redoutable joûteur, il allait l’étreindre à son tour. Il était là, languissant, abattu, l’homme fort, et sa constitution momentanément épuisée .offrait à l'agent destructeur une proie facile. A quelle assistance recourir ? Qui sauvera l'homme qui en a sauvé tant d’autres? Faut-il appeler à son chevet les savants qui font profession de guérir? Ah ! tout ce qui reste d’éner-
gie dans ce corps affaibli se réveille pour repousser ce dangereux secours. Lui qui connaît l'impuissance de l'art et les ressources de la nature, il aime mieux se confier à celte mère prévoyante. 11 sent la lutte intérieure et terrible qu’elle soutient: calme, il en attend l’issue.
« Mais près de lui quelqu’un veille et souffre, de cette souffrance qui n’a pas de nom, de cette torture du cœur qui tue un être plein de vie et de force, comme fait la lame aiguë du poignard, de la douleur qui dévore une femme aimante, dévouée , pleine d’admiration pour l’époux qui va lui être ravi. Déjà de longues heures se sont écoulées pendant lesquelles son imagination lui a présenté ce lugubre tableau. Mais quelle clarté soudaine illumine sa pensée? Ce mal, inconnu jusque-là, sous lequel succombe celui qui lui est plus cher que la vie, elle le devine, elle le voit; c’csl la perte excessive du fluide magnétique prodigué au lit des malades, donné en pâture à une vaine curiosité. Oh ! quelle énergie se développe tout à coup dans ce cœur de femme ! Quelle volonté puissante l’anime 1 Avec cette énergie et cette volonté, elle magnétise, et bientôt celui qui n’avait jamais ressenti l’action qu'il exerçait lui-même sans peine sur les plus forts, est à son tour envahi, pénétré du fluide réparateur.
« Le magnétisme sauvait son défenseur le plus intrépide.
« Parmi des millions de faits, j’ai pris un des plus simples ; vous savez pourquoi je l’ai choisi, cliers collègues : il touchait à une existence précieuse et chère à tous les disciples de Mesmer. Mais que sont les faits, môme les plus admirables, devant les passions? La mauvaise foi les nie, la peur s’en éloigne, le fanatisme crie anathème !
« Préceptes divins qui nous rappelez que nous sommes des frères; qui nous commandez 1 amour, la charité, le dévouement , la concorde, où trouvez-vous une doctrine plus conforme à votre esprit et une pratique plus réelle de vos commandements, que la doctrine et la pratique du magnétisme ?
Je répète mon toste :
A SOS FRÈRES LES MAGNÉTISTES DE TOUS LES PAYS,
ET A L’UNION LA PLUS INTIME ENTRE TOUS LES DISCIPLES DE MESMER!
Tenant les esprits captifs sous le charme de sa parole, Ûl. Salvat ne fut interrompu que par des applaudissements
partiels; mais à la fin les bravos éclatèrent de toutes parts. Ses vœux, scs pensées trouvaient dans chaque cœur un écho, et toutes les bouches les répétaient fidèlement.
Un des amis du magnétisme, dont l'absence était remarquée il notre banquet, nous avait envoyé une page due à sa verve féconde ; désirant garder l’anonyme, nous ne pouvons le trahir, mais chacun l'a nommé déjà; notre ami croit au magnétisme, donc c’est un jobard.
Faillite alu Cosmos.
En sc mettant à lablo,
Dieu vit un soir le diable Qui passait comme un trait Devant le Paraclct.
« Eh ! l’homme il la peau brune I Lui dit-il, sans rancune,
Viens trinquer avec moi;
J’ai bien besoin de toi.
D'abord, que je le diso :
J’ai fait une sottise.
Car j’ai pris un brevet ;
J’en suis bien au regret.
Celte machine ronde,
Qu’on appelle le monde,
M’a pris mon dernier sou ;
Mais jo ne suis pas fou.
C’est une bonne affaire :
Sois mon commanditaire,
Avance-moi des fonds.
Et nous l’achèverons.
— Do toi jo me défie,
Je veux en garantie Le travail déjà fait,
Plus un bon intérêt.
Et puis, selon l’usage,
Je veux égal partage 'Dans la direction Et^lexploitation.
Affaire brevetée Est affaire ratée : Seriez-vous Dieu, jamais Vous n'y ferez vos frais. »
Quand le besoin le presse, L'inventeur en détresse.
Ne pouvant discuter,
Est forcé d'accepter.
Voilà juslement comme Dieu s'obéra pour l'homme Vis-à-vis Lucifer,
Cet usurier d'enfer.
Depuis ce temps, le drOle A pris le premier rôle Et se prétend chez lui, Disant : n Dieu s'est enfui.
Depuis six mille années, Scs dettes cumulées L'empêchaient de dormir;
Il a dû déguerpir. »
Voilà comme on explique Que le diable el sa clique Sont maîtres de céans Depuis ces derniers temps.
Ces esprits détestables Se fourrent dans nos tables Et se moquent de nous Jusqu'à nous rendre fous.
Résignons-nous, mes frères, Laissons-là les (.flaires, Attendons notre fin Au milieu d'un festin.
Jl. le D' Léger, fervent apôtre du magnétisme, a lu avec une grande chaleur d’âme une de ses inspirations où les pensées abondent. 11 s'est fait écouter et applaudir, et nous enregistrons cette belle page dans nos annales,
Civilisation. — Barbarie.
Ce que nous appelons savoir.
Avec uno emphase pompeuse,
Se borne à la raison douteuse De toucher, écouter et voir;
Tout co qu'on appelle science N’est qu'une flagrante ignorance.
Peu do fond, mais beaucoup d'orgueil!
Le temple des causes premières Reste fermé pour nos paupières,
Aucun sens n'en touche lo seuil.
Pourtant honneur à qui connaît,
Honneur à qui creuse et travaille...
C’est bien peu qu'un fétu do paille!
Jeté sur les flancs d’un guérêt,
Il y fait germer lo richesse,
Et le grain do blé qu'il engraisse A l'affamé donne du pain;
Et le pain qui nous civilise,
Au poignard que le crime aiguise Résiste mieux qu'un fort d'airain !
Honneur donc à tout novateur Qui cherche à défricher la vie !
Honneur à Mesmer 1 son génie Fut celui d'un bon travailleur;
Il découvrit une morale En dehors du sombre dédale Des préjugés religieux,
Dont le phare est l’agent sévère Qui voit au plus profond repaire Des secrets de l'homme et dos dieux.
A sa pénétrante clarté On peut ressusciter l'histoire Et d’un héros, ombre Illusoire,
Former une réalité.
L’avenir entrouvre ses portes.
L'extase compte ses cohortes,
Leurs révolutions, lour sort;
Le passé rejoint son squelette,
Et l'Age adamite reflette,
Comme un volcan qu’on croyait mort,
Voyez : Pieu parle, el lo chaos Dévoile ses magnificences;
L'humanité prend scs puissances, Rassemblo ses chairs et scs os ;
Adam, ébloui de lumière,
Du néant franchit la barrière,
Et sur la terre ot dans les cieux Salue, à mesure qu’il s'éveille.
Chaque monde, chaque merveille, Chaque objet qui frappe ses yeux.
Cepondant sous lo manleau bleu De celle splendide nature Qui pour brillants dans sa parure Porte des astres tout en feu,
L’homme n'élait rien...; le seul être Qui pùt et comprendre et connaîtra, Ne savait pas encor aimer;
Et l'homme, quand son cœur est vide, Son âmo ignorante et timide,
L’homme no sail pas exister !
L'hommo exista dès que sa main Détacha le fruit d'une plante,
Creusa la terre d’une fente Pour y juter le premier grain ;
Dès qu'il dévora la carrière En guidant la souplo crinière Du plus noble des animaux;
Dès qu’à tout être il a pu dire : L'homme (c défend de lui nuire El lo soumet à ses travaux 1
Mais lorsque le sens do son cœur Entendit vibror sur l'abîme La fibre de la vie intime Qui préludait à son bonheur;
Quand l'aube radieuse et pure De la plus douco créature D'un nouveau jour vint l'éclairer,
11 senlit à l’émoi de llammo Qui lo pénétrait, que son ème Allait aussi pouvoir créer.
L'amour, de leurs nœuds frémissants, Bientôt s’échappe et leur inspire, Dans l'altrail charmant d’un sourire, Tout le secret des sentiments.
Eve conçut et rompit l'ère
Qui lo donna la joio amère.
Les pleurs de lo maternité,
O femme... Quel triste apanage!
La douleur avec toi partage Lo miel de la félicité ! 1 !
Heureux l'astro où tout est printemps, Où les cieux n'ont jamais de nue,
Où tout être se perpétue Sans redouter les coups du tcmpsl Chez nous il ronge toute chose,
Il fane le lis cl la rose.
Il sèche le pré le plus vortj Le temps fit de l'homme un despolo, l)e la femme une pauvre ilote....
Et ce forfait... Dieu l'a soufforti I !
O honte! origine du mal Qui brandit le tison des guerres I De ses mains l’homme 8t les serres Dont il déchira son rival ;
Des faibles il fit des esclaves....
On n’a pas vu sortir les laves Pour dévorer co violateur!
On n’a i»s vu s’ouvrir la sphôro Pour punir celui qui d’an frèro Osa so faire un serviteur !
Mais pour la violation Têt ou tard surgit uno peine.
Du jour où sur la race liumaino L'homme porta son action Et concentra toute sa force,
Les animaux firent divorça Avec son sceplre de maudit i Chacun d'eux secouant scs rênes, Dans lo chemin ouvert des plainos Prit pour guido son appétit I
Oui, c’esl lorsque l'humanité Porta le joug de l’esclavage,
Que lo lion devint sauvage,
Le tigre plein de cruauté.
Laissé libro à côlé de l’homme, Devenu la bête de somme,
L'onagro apprit à vivre errant;
Et les races carnassières Dans nos batailles meurtrières Ont respiré l’odeur du sang'
Pour relever le genre humain,
Lo fer prit en vain la maîtrise;
Dorant lui le cœur se déguise,
La vengeance dit: A demain...' les religions protestèrent;
Mais leurs dieux s’entredéchirèrent En causant do nouveaux malheurs.
On crut h la philosophie:
Forlc, mais trop froido, elle oublie Ce qui fait palpiter les cœurs.
II fallait à l’homme un chemin Pour marcher sans l’idéalisme;
A découvert, mais sans cynisme ;
Droit sans fierté ni dédain ;
Cn chemin pour touto science,
Pour tout œil, toute intelligence,
Et pour le faible et pour le fort;
Où le travail et l'industrie Fissent avec l'art harmonie Dans chaque pas, dans chaque effort.
Pour imprimer le mouvement,
Il fallait plus qu'une parole,
Plus qu'un syllogisme frivole,
Et plus qu'un subtil instrument I Il fallait une force immense,
Un levier, qui par sa puissance, Appartint à tout l'univers ;
Pour solution du problème,
Il fallait la vie elle-même,
Ou l'agent de ses flots divers.
Or, en ce vingt-trois mai parut Un homme qui dès son enfance Recherchait de toute existence Les lois, la raison et le but;
Des ruisseaux il suivait la course Pour trouver leur terme et leur source ; Il gravissait les monts pour voir Les points où finissait l'espace,
Et pour découvrir une place D’où tout embrasser, tout savoir 1
Cet homme s’appelait Mesmer.
En suivant toujours la nature,
Il prit la routo la plus sûre,
L’immense empire de l’éther....
Où roule toute destinée.
Où toute force est ramenée Comme autour d’un magique essieu.... Son âme courut dans les nues.
Et trouva les routes perdues Qui de la terre vont à Dieu !
Entendez-vous sa grande voix Qui s’on va criant à la terre :
« Voici le divin magistère Qui mit la science aux abois ;
La force qui dompte la bêlo Lorsqu'un homme lui crie : Arrête' L'œil qui d’un orbe menaçant Peut fairo une verge docile.
Et d’un gigantesque reptile Un être doux el caressant.
« Homme I un agent sourd de ta main.
Étends-la sur le misérable
Qui marcho sur toi, son semblable,
Tu lo verras trembler soudain Avec la lâcheté d’un traître :
Toi l’esclave, tu doviens maitro,
Ta volonté rompt ses carcans I Le tyran meurt sous tes effluves, Comme Alexandre vers les cuves Ou bouillait lo vin des Persans I
« Tu peux, au gré do ton vouloir, Détruire ou créer la sottise;
Ton bras étend ou paralyse Les facultés et le savoir;
Par un artifice admirable,
Aux flancs animés d’une table Tu peux évoquer tes aïeux,
Et dans cette agape mystique,
(Pouvoir, magie, art magnifique !)
Tu converseras avec eux 1 »
C’est ainsi qu’aux pays brûlants Où la plaine n’est que poussière,
Aux sables baignés de lumière,
Bornés par des cieux dévorants,
On voit le tableau des mirages Décorer le front des nuages De ses fantastiques Édens...
Qui sait? ce reflet de la terre
Voile peut-être le mystère
Des bords où »'en vont nos destins...
Qui sait co que pont révéler Lo sol d une aussi vasle scène Que celle de la vio humaine,
Que celle où Mesmer va parler?...
Lo rayon qui part do la Franco Déjà décrit un cerclo immense Et meut d'innombrables ressorts;
Déjà sa puissance menace Les profondeurs do cet espaco Où dorment les dieux et les morlsi
Peuples de Franco et d’Albion,
Peuples do la jeuno Amériquo,
Allonsi au tocsin magnétique,
Éveillez touto nation 1 Appelez tous les points du globo A la vérité qui pour robe Prend les couleurs de vos signaux;
Allonsi lo vent vous ost prospère,
Et le progrès qui vous éclaire Doit rallier tous les drapeaux I
Allonsi civilisation,
Lève-toi contre lo barbare.
Lorsque l’Oricnt se prépare A conjurer l'invasion,
Porte-lui la foi mesmériquo,
Foi noble, foi grande el civique,
Qui brise l'égoïsme amer;
Verse sur lui la nouvelle onde,
Et régénère ce vieux moDde Au nom triomphant de Mosmcrl
Après la lecture de ces charmantes stances, la parole est donnée à M. Baïhaut.
Le satirique auteur avait à soutenir la réputation qu’il s’était faite l’an dernier. La tâche était difficile. Nous croyons cependant qu’il n’est pas descendu de la hauteur où il s’est placé à son début. C’est en vers cette fois que M. Baïhaut a voulu fournir son contingent. Voici le charmant pot-pourri par lequel il a clos la série des discours et des tostes :
Guerre an Magnétisme!!!
FOLIE POT-POURRI.
Air : Immuable ascendant du destin gui m'enchaîne.
’ (U Dieu et la Bayadtrc.)
Les classiques rimours, en accordant leur lyre,
Do la maso ou du dieu qui parfois les inspiro.
Avec humilité sollicitent l'appui.
Touchant usagel II faut m'y soumettre aujourd'hui.
O Momus! toi le dieu dont la piquante verve Faisait rire aux éclats jusqu’il dame Minerve,
Préte-moi do ton souffle et la force et le ton,
Afin que, sans fausser, avec feu je me sorve Du comiquo instrument dénommé mirliton.
Air : Tonton, fontaine, tonton.
Jo chante les traits d’héroïsme,
L’esprit, la grllco ot lo bon ton Des preux courant par peloton Pour terrasser lo magnétisme Et le conduire chez Pluton,
En passant par Charonton.
Air : Bonjour, mon ami Vincent.
Hosanna! gloire au Seigneur I Le Saint-Office de Rome Dit : « Tout lomnambuUteur a Est un très-malhonnête homme, o J’ai pour moi, touchant ce sujet, n Plutarque et Bertrand, Plino et du Potot,
« Et vingt forts professeurs de tomme, a Tous honnêtes gens, connus pour cela. »
Après ces mots-là,
Vite il formula Un arrêt dicté par saint Loyola (1).
(1) Voyez Journal du Magnétisme, t. XII, p. 35S à 358 : Coasultatlou et décret de la sacrée congrégation de l’inquisition.
Ain savoyard : Diga OiuncUu.
Voici l'épllre Qu'adresse un docteur De bon titre Au porte-mitre,
Son contradicteur;
Et la répliquo Où co bon seigneur Communique Sa politique De... conservateur (2) :
Air : Le prince d,'Orange panant par Namur. le médecin .
« Je dis sans sophisme,
« — Docteur et chrétien, — o Que lo magnétisme « Est un double bien.
« Sa vertu divine « Répand des trésors!
« C'est la médecine « Do l'éme et du corps. »
Am : Du haut en bas.
LE PRÉLAT ■
s Mon cher docteur, n Mon amitié vous suit sans cosse,
« Mon cher docteur ; o Mais j'ordonne à votre pasteur a Que, si vous allez à confesse,
« Hors des sacrements il vous laisse,
« Mon cher docteur. »
Air : A boire / à boire! à boire/
Écoutez la tirade Qu'une sainte croisade Récite contre Lucifer,
Ce fin compère de Mesmer :
(ï) Voy. t. XII, p. 88,112, 138 et 161 : Correspondance entre le docteur Despine père et l'archevêque de Chambéry. — Pour ce qui est du refus de sacrement IRéponse du Prélat/, voir S|>écialoment la page 112.
Ain de Marianne, a Si l’on magnétise une table,
« Cil esprit répond aussitôt.
« Cel esprit.... c’est celui du diable!
« Et lui-mémo en convient tout haut.
«Tremble! fidèle,
« L'ango robcllc n Veut t'éblouir o Et te faire faillir.
« Pour te surprendre,
« U fait entendre « D’un ton pieux o Des mots religieux ; o Mais chasse-le par l’exorcisme,
« Et souviens-toi que Belzébut, o Pour mieux arriver à son but,
« Donna lo magnétisme (3). ”
Ain : Ce n eu fail I le ciel même a reçu n 01 lermenli.
(Pré aux Ocres.)
Mais laissant les cagots Débiter leurs fagots,
Agitons nos grelots Trgp longtemps en repos.
Et prenons pour héros Ces illustres vieillots Dont les doctes propoi Illuminent... les sots.
Ain : Vraiment je m'accommode de tout.
(Le Boufle et le Tailleur.)
Lorsque je cite un homme De goût.
Esprit fin qu'on renomme Partout,
Savant qui fait sa caso A part,
(3) Voy. t. XII, p. 403, 461, 483, 517 : Articles divers, sur les phénomènes réputés diaboliques. — Voir aussi tome XIII, numéros 179, 182, 183, 18» et 185 : Mandomenls religieux, Ole.
Jo dis, par antiphrase ;
Jobard I (4)
Air : Rêveilles-vous, belle endormie.
« Réveillez-vous, bcllo endormio, »
Dit mon Jobard, un certain jour,
A la savante académie
De.... Carpentras ou do Saint-Flour.
Air de Gaslibelza.
Il ajouta, s'adressant aux burgraves Do l’institut : a Le magnétisme a brisé ses ontraves,
« Il toucho au but. n Proclamez donc la nouvelle scienco « Aux quatre vents!
« — Non, diront-ils, c’est de la compétence « Des chions savants. » (5)
Air : Romulus a fondé Rome.
A cette turlupinade,
Notre malin s'écria : o Vous croyez qu’une ruado «Va nous réduire à quia ? a D’une si folle prouesso n Du Potct peut so moquer; a II sait où lo bât vous blesso,
« Et c’est là qu’il va piquer. *
(Parié). La parole est à M. du Potet.
Ai» du major Palmer.
« Corps savants do toute sorte,
« Le génie est dieu ponr vous; n Mais, s’il frappe à votre porte,
« Vous l'envoyez chez les fous.
« Attolés, mais par derrière,
(4) L’auteur demande ici pardon à l'honorable conservateur du Muséo d'industrie, de Bruxelles, d'avoir fait allusion & son nom illustre, dans une scène purement Active.
(5) Allusion & une boutade académique. Voy. t. XI, page 398.
a Au char do la vérité,
« Vous posez dans la carrière « Votre inerte majesté.
i Et vous, desservants d’Hyglo,
« Qui sur nous lancez vos traits,
« C'est dans la nécrologie a Quo je cherche vos progrès !.... a Avez-vous, disséquant l’homme, a Vu bien clair dans ce chaos?
« Vous savez comment on nomme « Ses nerfs, ses muscles, scs os; o Cette étude vous enflamme,
« Là sont vos plus beaux exploits ;
« Mais quo savez-vous do l'ôme,
« De la vie et do ses lois?
« Hélas I rien..........
«........Votre domaine,
a O corps savants, qu’est-il donc?
« Ce que pourrait être un chéno « Sans racines et sans tronc 1 »
(Parlé). L’historien reprend son récit
Air de la Gasconne.
Un jour, mon somnambule So trouva transporté Du fond de ma cellulo Dans uno Faculté.
Voici, messieurs, sans préambule, L’élrango fait qu’il m’a conté.
Air : Voici notre bon prince Aladin.
(Pcutc Lampe merveilleuse.!
C'était (ne faisons nul quiproquo)
A la Faculté de.... Monaco,
Où mon somnambule incognito Avait su pénétrer tout de go.
Sur le magnétisme et son credo.
Vingt docteurs criaient si fort haro,
Que de cent baudets un allégro N'eut à ce point-là troublé l’écho.
Mon Sujet, sur son mémento,
Riait à perdre haleine, lîn retraçant lo scène De ce grand imbroglio.
Le bruit allait toujours crescendo;
L'un beuglait en sol et l’aulro en do,
Celui-ci criait : Via du coco I Celui-lù chantait : Coquericot Ce concert devint si furioso,
Qu’il retentit jusqu'au mont Viso Et lit frémir la source du Pô,
Que l'on sait fort loin de.... Monaco.
Lo président, ex abrupto,
Veut lever la séance,
Si l'on ne fail silenco Tour entendre un solo.
Le vacarme cesse. Alors, preslo.
On docleur, tout rond comme un zéro,
Dit : a Nous désirons lous in petto « Qu’on nous laisso en paix faire dodo;
« Nous voulons aussi que tout bobo o Soit guéri par nous seuls. Donc, ergo, o Ne soufTrons jamais de conjungo « Entre magnétisme et itiid ouo.
a Pour ce, Jetons au brasero « Tout écrit magnétique :
« Et de Mesmer la clique a Disparaît in glotio. »
A ces arguments en baroco,
L'auditoire entier répond : • Bravo I o Et jette au feu maint in-octavo Qu'il n'avait pas lu. Puis, subito,
11 se met en branle ex professa Et vous tricotte un tel fandango,
Que jamais habitant du Congo Ne fut pris d'un si grand vertigo (6).
(6) Cette scène est une allusion bouffonne il la séance dans laquello l'Académie de médecine a décidé que toute communication concernant lo magnétisme animal serait jetéo au panier. Voy. t. IX, p. 278, et, surtout. tome XI, p. 472.
An du Dies ira.
En résumé, voici l'avis Qu’oxpriment tous les ennemis Du magnétisme in extremis :
Ai» : Allons, bergers, allons tous.
(Vieux noei.J
« Mesmer fut un imposteur,
« Un pleutre, un bélître ;
« Puységur un radoteur,
« Et Deleuze une liuîtro.
« Du Potet n'est qu’un blagueur;
« Enfin, tout magnétiseur a Est un fî-fi-fl,
« Est un chu-chu-cliu,
« Est un fi, a Est un chu, o Est un fichu drôle € Digne de la geôle. »
ÉPILOGUE.
Ain de l’Alléluia.
De bonnes gens avaient tenté D'enterrer notre vérité;
Amii, buvons à leur santé,
Par charité!
Tandis qu'ils versent tout leur fiel, A Mesmer dressons un autel l Le magnétisme, issu du ciel.
Est immortel I
Chantés par l’auteur, avec l’entrain et la verve la plus comique, les couplets de cette spirituelle folie ont provoqué le fou rire de l’assemblée et ont valu à M. Baïhaut les marques de la plus vive sympathie.
En terminant cette première partie de la fête, M. du Potet demande ù. porter un toste à l’Académie des sciences morales et politiques; il s’exprime ainsi :
( Messieurs, vous m’avez vu dans toutes les occasions attaquer sans merci les corps savants, car ils nous firent beaucoup de mal en repoussant toujours la vérité. Aujourd’hui même, plusieurs d’entre uous ne les ont point ménagés. Je viens, sachant que je vais vous causer quelque surprise, je viens vous proposer un toste à l’Académie, et voici la cause de ma subite admiration.
« Vous savez, Messieurs, que la section des sciences morales avait mis au concours la.question du sommeil naturel et artificiel, c’est-à-dire du sommeil magnétique; 1,200 fr. devaient Être accordés à l’auteur du meilleur mémoire sur cette difficile question. Eh bien 1 parmi ceux qui lui ont été présentés, elle en a distingué un et lui a accordé le prix proposé. Le magnétisme y est traité comme il devait l’être, il est reconnu; le somnambulisme est admis également avec ses attributs.
« Honneur donc à notre Académie; ie suis heureux d’être le premier d’entre tous à la féliciter ; c est un hommage qu’il m’est doux de lui rendre. »
Après ce toste, accueilli par de nombreux bravos, l’assemblée quitte la salle du banquet pour se réunir dans un autre salon, où le Jury magnétique doit distribuer les médailles accordées cette année.
§ U. — DISTRIBUTION DES MÉDAILLES.
Au milieu du plus profond silence, M. le baron du Potet prend la parole et s’exprime ainsi :
« Messieurs et chers collègues,
« Je viens, au nom du Jury magnétique, proclamer devant vous les noms des personnes qui ont reçu des médailles d’encouragement et de récompense, ainsi que ceux des magnétistes qui ont été l’objet d’une mention honorable. Le Jury a accompli avec zèle et sollicitude ses délicates fonctions; il vient vous dire aujourd’hui ceux qui, entre tous, ont mérité,
non une faveur, mais une marque éclatante de notre reconnaissance.
« Nous créons, Messieurs, 'dans le monde magnétique une sorte d’aristocratie; mais celle-ci, du moins, n’emprunte rien à, la fortune, elle repose entièrement sur le mérite. Ces noms nouveaux, nous allons les inscrire dans no3 archives, afin qu’un jour on sache quels furent les hommes de bien qui contribuèrent à fonder la science mesmérienne. ■>
Chaque nom proclamé est accompagné d’une notice contenant les motifs qui ont déterminé les choix du Jury. Nous renvoyons, faute de place, cette partie du compte-rendu à un des numéros prochains.
Voici la liste des noms proclamés :
1" Médaille d'argent.
M. le comlc do LOWENHIELM.
2° Médailles de bronze.
MM. DELAMARRE. LERMIER.
GATHY. MELBYE.
GAUTHIER. PETIT-D’ORMOY.
GOVI. RAGAZZI.
GUIDI. ROUX.
KUNIIOLTZ. SIEMERS.
3° Menlions honorables.
MM. ARNETTE. MOUTTET.
BÉGUÉ. Paul VIDART.
Les applaudissements qui accueillirent chacun de ces noms prouvèrent au Jury que cette lois encore l’assemblée ratifiait ses choix.
Le Jury magnétique, à l’insu de M. du Potet, avait décidé cju’une médaille d’or serait décernée à son digne prési-
dent. M. le colonel Mac Sheehy, secrétaire-général, prend la parole et fait connaître à l’assemblée les motifs qui ont engagé ses collègues et lui à donner à M. du Potet la plus éclatante preuve de leur admiration et de leur reconnaissance. En conséquence, une médaille d’or, la première décernée, sera frappée et lui sera offerte.
L’assemblée accueille cette décision par les applaudissements les plus vifs et des bravos réitérés.
M. du Potet, en quelques mots remplis de la plus noble modestie et du plus pur désintéressement, remercie le Jury de la distinction dont il vient d’être l’objet.
Ici se termine la fête.
Nous pouvons assurer nos lecteurs, sans craindre un démenti, que Mesmer fut dignement honoré, et que jamais fête plus belle ne fut offerte à sa mémoire.
ARNETTE.
Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).
INSTITUTIONS.
Jury iiingiu-Uquc
d'encoubagement et de n ÉC0S1PENSE.
Compte rendu de ('Assemblée générale tenue le 20 mai 1851, sons la présidence de #. oc PoiET.
(Fin. — Voy. p. 226.)
8» M. lo D' \V. GREGORY, professeur de Chimie, demeurant à Édlmbourg, 114, Prince's Street.
Nommer Gregory, c’est dire qu’il s’agit d’un médecin instruit, d’un chimiste habile, d’un savant enfin. Tel est, effectivement, l'homme dont le mérite est proposé à vos suffrages.
Ce n’est pas d’hier que l’éminent professeur est attaché au magnétisme, sa conviction date de près de quinze ans, et s’il ne s’en est pas toujours occupé avec autant d'ardeur que maintenant, c’était le temps et non le zèle qui lui manquait. Amant passionné de la vérité et dévoué à tous les progrès, il a, dans mainte circonstance, confessé hautement sa foi devant des confrères incrédules, et afin qu’aucun doute ne restât dans l’esprit de ses contradicteurs, il a publié un livre où sont développés les principes de sa croyance. Cet ouvrage, intitulé : Lelters lo a Ctmdid inr/ui-rcr on animal mugnetism, est un des plus remarquables qu’on ait écrits en faveur du mesmérisme. La position scientifique de l’auteur et son caractère honorable ont donné une grande vogue à l’ouvrage, et si tous les sceptiques qui l’ont lu n’ont pas été convertis, c’est que leur intelligence faisait défaut ou que leur doute n’était pas sincère.
M. Gregory avait auparavant traduit en anglais les Recherches du baron de Reichenbach, travail qui vient d’être
Tome XIII. — N° 18®. — 10 juin 1854. 11
apprécié (1). Ces deux publications ont agi bien évidemment sur l’opinion publique et fait de nombreux prosélytes qui sonl aujourd'hui nos aides; mais ce n’est pas seulement par des travaux purement littéraires qu’il se recommande à votre estime, vous allez en juger.
Un professeur de l’Université ayant fait une leçon contre le mesmérisme et lancé force épigrammes à l’adresse de son collègue Gregory, celui-ci se crut obligé de répondre ; mais au lieu de transformer sa chaire en arène, en ripostant sournoisement devant des élèves, il transporta la discussion devant le public, afin que tout le monde fût juge entre son adversaire et lui. L'élite de la société convoquée à ce débat vint se presser dans l'immense enceinte de Queen street-HaU, la plus vaste salle de la ville. M. Gregory exposa devant cet auditoire choisi, d’abord les arguments de son collègue, en grande partie relatifs à l’imagination, puis ses propres idées sur le magnétisme en général et la clairvoyance en particulier. 11 fit connaître avec franchise les raisons adverses, et les réfuta avec une telle supériorité de moyens, que tous les gens les plus distingués par l'esprit, le rang ou les mœurs, adoptèrent son parti.
Le compte-rendu de cette mémorable lutte, fait par un journal très-répandu, l’Edinburgh News, du 17 avril 1851, en montrant le magnétisme triomphant, a mis le comble au succès de l’homme distingué qui avait pris sa défense. En sorte que cette démarche hardie a été, suivant l’expression de M. Gregory lui-môme, « comme une bombe qui éclate au milieu de l’Université. »
Cette remarque est aussi judicieuse que vraie, car c’est en dehors des corps savants qu’étaient jusqu’ici les défenseurs du magnétisme, et celui-ci en fait partie. Cette seule considération mériterait un encouragement; or, comme le candidat a plusieurs autres titres, le Comité pense que vous ne pouvez moins faire que de lui décerner une médaille de bronze.
(t) Voy. t. XI, p. 271.
9° M. II. LACAUSSADE, négociant, demeurant au Port-Louis (île Maurice).
Quand un homme porte une industrie en pays étranger, on le regarde d’ordinaire comme un bienfaiteur ; pourquoi n’en serait-il pas de même à l’égard de toute découverte ou invention utile?
M. Lacaussade appartient à, une famille française ; il a habité longtemps l’île Bourbon et se trouve à présent dans une possession anglaise de l’Afrique, l’île Maurice, où il a généralisé la pratique du magnétisme.
Initié de longue date aux secrets de l’art et aux faits que Mesmer et Puységur nous ont révélés, M. Lacaussade a fait souvent l'application de cette connaissance, et s’est acquis en maint endroit la réputation de puissant magnétiseur. Il a fait, en somme, plusieurs guérisons remarquables, mais que l'imagination créole paraît avoir singulièrement exagérées. A croire certaines narrations évidemment empreintes d’enthousiasme allié à la reconnaissance, il aurait surpassé tous nos maîtres et laissé loin derrière ses émules. Mais en ne considérant que les faits appréciables, il reste encore de quoi faire une belle page et montrer un mérite fort au-dessus de l’ordinaire.
A nos yeux, le principal titre de M. Lacaussade est moins dans les cures qu’il a faites que dans l’indication qu’il a fournie d’en produire. En effet, lorsqu’il est arrivé au Port-Louis, il n’y avait dans l’île que peu de personnes qui s’occupassent de magnétisme, et le somnambulisme était leur seule ressource. On ne savait pas alors, dans ce pays, que l’agent producteur du sommeil l’est aussi de réactions qui amènent les plus surprenantes guérisons. Les somnambules y sont très-nombreux, on ne peut plus faciles à faire, et généralement lucides; de plus, on trouve presque dans chaque plante un remède. Pourquoi dès lors se livrer à une magnétisation longue et fatigante, quan l on peut sans peine arriver au même résultat?
Ceci est vrai ; mais cependant, instruit par ce qu’il avait
\ u à Paris, M. Lacaussade n’a pas cru devoir abandonner les cures par le magnétisme, et c’est dans cette pratique qu'il a trouvé les plus beaux éléments de ses succès. Pénétré de cette pensée, que le somnambulisme ne doit pas plus être employé seul que le magnétisme, M. Lacaussade a institué une Société mugnélologique qui a pour but de propager l’idée que le magnétisme est... curatif!!!
Cette société, composée de commerçants et de notables colons, distribue elle-même des médailles aux auteurs de guérisons obtenues par la magnétisation seule. M. Lacaussade en est tout à la fois le fondateur et le président ; il appartient en outre aux sociétés du Mesmérisme et Phitaniro-■pico-magnétiquc de Paris, devant lesquelles il a pleinement justifié de connaissances solides.
M. Lacaussade a adressé au Jury une demande de médailles en faveur de deux de ses collègues ; ces messieurs peuvent y avoir un droit incontestable, mais le Comité a pensé que leur chef devait passer le premier. Des renseignements furent, en conséquence, demandés; mais il n’a pas fallu moins de trois ans pour avoir des informations complètes, ce qui a fait ajourner deux fois la proposition ci-dessus.
Par les divers détails qui précèdent, vous jugerez sans doute qu’un signe d'encouragement est bien légitimement dû au candidat, et nous avons la ferme confiance que vous ratifierez le choix de votre Comité en accordait la médaille de bronze à. M. Lacaussade.
10» M. L.-A. CAHAGNET, ébéniste, demeurant à Paris, 205, rue Saint-Dénis.
Lorsqu’un homme montre une tendance marquée pour l’étude, ceux qui l’ont précédé s’empressent de l’aider : tel a paru M. Cahagnet, et ainsi sa venue a été accueillie.
Simple ouvrier tourneur, puis restaurateur de meubles anciens, on l’a vu en peu d’années s’élever de cette condition à celle d’écrivain, et donner le jour à plusieurs livres, dont 1 un a été traduit en deux ou trois langues. Ce succès et cette fécondité ont transformé les sympathies en admiration
et lui ont valu une réputation assez étendue en magnétisme. Ses adeptes l’ont regardé d’abord comme un inspiré, puis enfin comme un révélateur, et lui-même se croit plutôt chef de secte que glaneur de science. Ses allures mystiques, le ton dogmatique de ses discours, une alliance bizarre de procédés magnétiques avec des pratiques religieuses, quelques cas d’extase et des hallucinations prophétiques lui ont attaché la plupart des sectateurs de la doctrine de Swedenborg.
Qu’on le regarde comme investigateur moral ou bien qu’on voie en lui un fondateur d’église, il est incontestable qu’il a beaucoup travaillé. Mais cela 11e suffit pas pour obtenir les encouragements du Jury ; il faut un résultat magnétique, utile ou nouveau. Voyons si le candidat remplit suffisamment une partie de cette double condition.
D’abord, sous le rapport de l’utilité, à quoi peuvent servir d’obscures digressions sur la théologie, la métaphysique, etc., dictées par des somnambules, lucides sans doute, mais non infaillibles? Il y a, dit Deleuze à ce sujet :
« Une vérité sur laquelle je ne saurais trop insister, c’est que lorsqu’on occupe les somnambules d’idées métaphysiques, ils donnent dans toutes sortes d'extravagances, et que le merveilleux que présente cet état peut conduire ceux qui l'observent aux conséquences les plus absurdes, s’ils ne le regardent pas comme une simple crise nerveuse, qui est dans l’ordre naturel, et qui ne saurait faire découvrir des connaissances étrangères à celles que nous recevons par les sens. »
Sil’onadmettaitquel’incoiporationdu raagnétismeà une religion est un bien pour celui-ci, il faudrait songer à MM. l’abbé Châtel et de Toureille, qui sont chacun à la tête d’une église et interprètent théologiquement les faits magnétiques... puis au catholicisme et au protestantisme, qui prétendent aussi servir la science en la soumettant à leurs dogmes.
Le magnétisme n’est ni juif, ni chrétien, musulman, etc.; il est naturel, partant universel ;- c’est donc lui nuire que de vouloir le confiner dans le sanctuaire d’une secte quelconque#
Lanouveauté n’est-elle plus fondée? Non; c’estsur l’ignorance de l’histoire que repose tout le crédit, l’espèce de célébrité dont jouit l’auteur en question. 11 n’y a rien dans ce qu’il a dit ou fait qui ne soit, non pas seulement en germe, mais explicitement exprimé dans la lettre de la Société exé-gétique de Stockholm à celle des Amis réunis de Strasbourg, ou les commentaires de cette lettre, publiés depuis dans les Annules du magnétisme. C’est donc à tort que M. Cahagnet s’attribue le mérite de la priorité et se laisse appeler révélateur des faits et idées qu’on désigne maintenant sous le nom de spiritualisme magnétique. Puységur, Rosenmuller et Deleuze ont écrit là-dessus des pages pleines de sens ; leurs ouvrages sont partout, mais on ne les lit pas, et les erreurs qu’ils ont détruites renaissent sous des noms nouveaux. Si parfois les gardiens de la tradition, se rappelant les travaux des maîtres, osent élever la voix en faveur de la vérité historique, on les traite de bornes, d'éteignons, et le novateur triomphe I... au grand scandale du passé, à la honte du présent et au préjudice de l’avenir.
Le Comité, deux fois mis en demeure de se prononcer sur la candidature de M. Cahagnet, a examiné ses titres avec d’autant plus de soin qu’on le pressait davantage. Il pense qu’il n’y a pas lieu de céder à l’insistance d’amis plus zélés qu’instruits, qui voient en M. Cahagnet un prophète.
En conséquence, il vous propose de rejeter la demande.
11“ AJOURNEMENTS.
Il n’a pas été possible d’éclaircir certains faits restés douteux dans l’esprit du Comité, relatifs à d’autres personnes présentées comme ayant droit aux distinctions que le Jury accorde ; ce sera l’objet des travaux de l’année qui va suivre.
Lieut.-Colonel cli" MAC SHEEHY.
Après la lecture de ce rapport, il a été procédé au vote sur chacune des propositions ci-dessus énoncées :
ftl. le secrétaire, reprenant ensuite la parole, a donné lecture des lettres suivantes, reçues de personnes à [qui des médailles ont été précédemment décernées :
A M. le lieut.-colon, chevalier Mae Sheehj, chevalier de Saint-Louis, officier de la Ugion-d’Honneur, secrétaire-néral du Jury magnétique.
Monsieur et bien-aimé frère,
Je ne saurais comment vous exprimer le bonheur que j’ai éprouvé en lisant votre lettre du 19 courant, par 1 annonce mie vous me faites de l’insigne faveur que le Jury magnétique, séant à Paris, m’a faite le 11 décembre 1849. Or, d était présidé par la vérité, la justice et l’amour, cet ensemble qui vivifie l’univers, et qui, par son infusion, nous donne la force de transmettre aux malades la volonté du Tout-Puissant. Lui seul est la force. Je vous déclare franchement que ie ne veux que ce qu’il veut, et ne peux que ce qu il veut.^ J’ai voulu ne recevoir que trois jours par semaine depuis plusieurs années, j'ai dû céder à l'impulsion qui m est donnée pour continuer mon œuvre jusqu'à ce quil plaise au Tout-Puissant de m’appeler à lui. Tout cet hiver, malgré le grand froid, j’étais rendu à ma cellule avant le jour, et je ne suspendais mon œuvre qu’à la nuit, après avoir accordé aux malades de tous les pays qui me visitent, tous les soms qu’il était à mon pouvoir de leur donner pour leur consola-
tl0Tous ceux qui viennent ici ne guérissent point. C’est leur faute : c’est qu’ils ne croient point qu’on puisse guérir sans la matière, et qu’ils sont dans le mal. Ceux, au contraire, qui sont dans l'amour de Dieu et du prochain, à peine sont-
Celles concernant :
M. ELLTOTSON a été adoptée à l’unanimité.
M. MIALLE U. id-
M. REICHENBACIl id. '*•
M. BLESSON >d- id-
M. DC PLANTY id. id.
M. CLAPIER id- id'
M. WINNEN id. id-
M. GREGORY id- id-
M. LACAUSSADE id- id-
M. CAHAGNET id- î> la majorité.
ils explorés qu’ils sont soulagés, et souvent guéris à la première séance.
Je vous prie, mon cher frère, d’assurer tous les membres du Jury magnétique que la distinction qu’ils viennent tle m’accorder me fortifie dans le besoin que j’éprouve de persévérer dans le bien, dans la prière et dans l’œuvre qui absorbera tout mon temps, tant qu’il plaira au Tout-Puissant.
Recevez en esprit le baiser de paix que je vous donne de bien bon cœur, et que je vous prie de transmettre à tous les frères du Jury.
Votre frère d’armes et de magnétisme vous serre la main.
LAFORGUE.
Pau, le 30janvier 1850.
A M. le Président el MM. les membres du Jury magnétique.
Messieurs,
Je viens de lire dans le Journal du Magnétisme que vous m’avez fait l’insigne honneur de me décerner une médaille, et, dans mon empressement à vous en remercier, je ne trouve pas d’expression propre à vous témoigner dignement combien je suis touché de cette haute distinction. Mais vous n’avez pas voulu encourager seulement mes faibles efforts : vous avez également eu en vue mes collègues, au nombre desquels la cause magnétique comptera toujours de fermes soutiens. Merci donc, Messieurs, et pour eux et pour moi ; à nous de rechercher de plus en plus les occasions de prouver tout le prix que nous attachons à votre approbation.
L’heureuse institution d’un Jury aussi éclairé porte le dernier coup aux résistances que rencontrait encore la vérité mesmérienne, et le triomphe de celle-ci est à peine aujourd’hui une question de temps.
Grâces vous en seront rendues, Messieurs, vous avez été dans la propagation magnétique ce qu’est le cerveau dans la vie de relation : la tète de l'édifice. Nous, apôtres dispersés sur la surface du globe, en aurons été les humbles membres.
Agréez, je vous prie, Messieurs, l’hommage de mon respectueux dévouement.
J. BARTHET.
Nouvelle-Orléaos, Î8 avril 1850.
A M. le Président du Jury magnétique.
Mon cher Monsieur du Potet,
J'ai lu avec plaisir que l’institution d’un Jury magnetique fonctionnait sérieusement. Ce moyen est très-bon et très-utile, il peut devenir le germe d’institutions d’une plus grande portée, et peut devenir le point de départ d’une centralisation scientifique qui donnerait à certains hommes une grande recommandation dans la vie pratique. Il ne faudrait qu’un ministre bien disposé, pour que le gouvernement autorisant certains règlements, cette société prît une sorte de juridiction qui équivaudrait un jour à celle de la Faculté de médecine. Quand je vous visiterai, je vous ferai part de mes idées à ce sujet.
Je suis reconnaissant qu’on ait pensé à me faire jouir d’une récompense aussi honorable qu’une médaille d’argent, je crois devoir vous en remercier particulièrement. Ma conscience me dit que j'ai mérité cette distinction. L’étude et la pratique de la science de Mesmer a toujours été le mobile de uia vie, et si je n’ai pas réalisé et ne réalise pas tout ce que je voudrais faire, d faut en accuser mes forces qui m’ont trahi. Mieux que personne, vous savez ce qu’il faut de forces physiques pour que le corps réponde à toutes les émotions et à toute l’énergie que l’âme doit développer pour résister aux luttes ouvertes ou clandestines, à la dépense de vie que nécessite une pratique sur une vaste échelle. Des magnétiseurs qui traversent une ville font beaucoup en peu de temps, puis ils changent de lieu, se reposent et se retrouvent retrempés par de nouvelles conditions ; mais celui qui est sédentaire doit, par un courage inébranlable, une persévérance sans limite, une prudence sans errements, tenir les passions en respect et, produisant toujours des faits, dans le calme de l’habitude, forcer le respect à l’environner et le doute à se taire. Or, c’est ce que depuis quinze ans je fais à Orléans. Toujours produisant, avec éclat dans les premières années de la nouveauté, ayant suscité les jalousies et les mépris de l’incrédulité, j’ai fini par forcer tous les médecins à m’accorder leur estime et le public à croire ce que je dis et ce que je fais. Celte espèce d’autorité que j’ai conquise en fait de magnétisme, je la dois à ma persévérance à l’étude, àla publication dans nos journaux d’articles sérieux, à ma sévérité envers les parasites magnétiseurs et somnambules qui surgisscut à Orléans connue partout. Le
vrai en tout, la fraude méprisée et dénoncée, l’exagération blâmée et divulguée. Quant ;\ l’éclat des faits, il n’est pas de tous les temps. 11 faut pour cela que l’esprit soit saisi de la puissance d’un dévouement sans bornes. Vous savez, comme moi, que vous ne produisiez pas à volonté les guérisons de Montpellier. Pour moi de même, il y a eu, et il y aura encore , je l’espère, des circonstances où je donnais et où je donnerai volontiers ma vie pour sauver celle d’un moribond. Alors on opère des sortes de miracles ! Les observations que j’ai rapportées dans ma Physiologie, pages 214, 228, 331, et d’autres non écrites, en sont une preuve.
Quant à l’étude, si vous avez bien lu mes écrits, vous m’avez vu à la recherche constante de la loi physiologique en vertu de laquelle se produisent les nombreux phénomènes magnétiques. Dès 1840, j’expérimentais sur le fluide magnétique , et j’écrivais à Frappart la petite lettre que vous avez citée en partie dans votre Manuel. En 1841, je publiais la première édition de ma Physiologie, qui n’était que l’ébauche de la deuxième, parue il y a quelque deux ans. En 1843, j’envoyais à l’Académie des sciences la brochure intitulée : Etudes physiques. Là il y a des travaux aussi curieux que précieux. J’ai énoncé, en effet, une supposition que je crois être la loi et le moyen par lesquels les somnambules voient à travers les corps opaques. C’est un phénomène physiologique et qui n’est pas purement spirituel. (V. page 32 ou 31 de la Physiologie, 2' édition). Le temps développera cette phrase aujourd’hui inaperçue.
« Jusqu’ici, j’ai donc bien travaillé pour la science, j’eus pu faire plus, c’est vrai ; mais qui est parfait ? Et puis, tant de causes sont là encore pour m’enlever de mon temps, de mes forces et de ma fortune !... Je le crois, si ce que le Jury commence eût été fait il y a dix ans, on serait aujourd’hui bien fortement soutenu, et celui qui sent en lui certains mobiles d’initiation, ne reculerait pas dans la peur d’engloutir les siens dans le goufiïe de l’inconnu et de la misère. Je trouve donc bien heureuse cette nouvelle institution pour l’avenir, faisons qu’elle se soutienne et se développe.
Votre tout dévoué
CHARPIGNON, D. u.
Orléans, le 8 juin 1850.
A Messieurs les membres du ■Jury magnétique. Messieurs,
J’ai reçu avec la plus profonde reconnaissance le témoignage honorifique que vous avez bien voulu m’accorder, j’en suis d’autant plus flatté que j’étais fort éloigné d’attacher quelque valeur aux faibles travaux que vous venez de juger si favorablement. Si mon dévouement à la cause du magnétisme n’était pas basé sur la foi la plus intime, cette distinction serait pour moi d’un grand poids pour soutenir mon courage au milieu d’une route semée de tant d’écueils. Honoré déjà de votre indulgente sympathie, j’ose espérer que vous ne me refuserez pas les conseils de votre longue expérience.
Veuillez, Messieurs, agréer l’expression de ma haute considération.
Votre très-respectueux serviteur,
Dr Alfhed PERRIER.
Cacn, 25 juillet 1850.
A MM, les membres du Jury magnétique, en la personne de M. le baron du Potet, leur président.
Monsieur,
La satisfaction que m’a causée la nouvelle de la distinction dont vous avez bien voulu in’honorer en me décernant une médaille, m’a été bien douce, sans doute, mais elle n’est pa3 comparable à celle que j’aurais éprouvée s’il m’eût été possible d’assister aux agapes mesmériennes, et de la recevoir de vos mains.
La joie pure et sincère que devait éprouver une réunion d’hommes distingués, n’ayant d’autres pensées que le bonheur de l’humanité en vue de son Créateur, me laisse à bien juste titre le plus vif regret de n’avoir pu la partager, et l’idée grande et généreuse de la propagation du magnétisme offre un aspect assez vaste des bienfaits qu’elle est appelée à répandre sur la surface du globe, en rendant tous les hommes amis sans se connaître et frères sans parenté, pouf qu’elle soit bien digne qu’on lui prête le plus zélé concours, en lui souhaitant le plus brillant succès.
Je voudrais que l'insuffisance de mes moyens ne m’empêchât pas de vous exprimer tout ce que je ressens en pensant
au but d'une si louable entreprise; mais veuillez en recevoir l’assurance de mes regrets, et être persuadé que sans le devoir impérieux que m'imposaient quelques traitements commencés lors de la célébration de l’anniversaire de notre illustre maître, mon plus vif bonheur eût été de me joindre à cette belle réunion , à laquelle je ne cesserai jamais d’ètre uni de cœur et d’âme.
Agréez donc, je vous prie, Monsieur le baron, nies remer-cîinents sincères et l’assurance de la considération la plus distinguée de votre très-respectueux et tout dévoué frère,
j. GRAVÉ.
Nantes, le IG août 185t.
La lettre suivante étant en italien, et nos lecteurs ne connaissant pas tous cette langue, nous en donnons la traduction littérale, faite par M. Govi :
Au Jury magnétique, sous la présidence de M. du Potet.
Monsieur le président,
Je me sens vraiment ému de la marque de distinction dont votre illustre Société a cru devoir honorer mon peu de lumières dans la science magnétique, et je me regarderais comme entaché d’ingratitude si je ne m’empressais pas de lui présenter les sentiments de vive reconnaissance qui débordent de mon cœur. Plein de confiance dans l’idée que les efforts auxquels je dois voire approbation m’exciteront toujours davantage à me rendre utile à la Société par de nouvelles recherches dans le vaste champ de notre science divine, j’espère pouvoir justifier l’opinion que vous avez eue de moi et que je serai si fier d’avoir méritée.
Inébranlable dans mes résolutions, supportant les insultes des aveugles et des furieux calomniateurs ennemis de toute science et de tout progrès, je ne manquerai pas de continuer mes recherches sur tout ce qu’il nous reste encore à savoir dans cette matière si intéressante ; je continuerai de recueillir, comme je l’ai fait jusqu’à ce jour, tous les résultats a expériences tentées eu différentes circonstances et sur diverses maladies, et je me ferai un uCY?"' L'e vous tran$*: mettre tout cela, afin qu’il soit soumis à l’examen de cette illustre société magnétique. Je vous tiendrai aussi au courant des progrès littéraires et pratiques du magnétisme dans
nos pays, après les derniers événements politiques; et cela pour que la science du grand Mesmer et la vérité qui en jaillit reçoivent par ces preuves et par ces nouveaux résultats, accroissement, confirmation et sanction inébranlable.
J’espère que la manifestation des faits nouveaux et la série des résultats donnés avec tous les détails et le secours de descriptions techniques indispensables, faits et résultats que je présenterai au fur et à mesure à la savante appréciation du Jury, ne lui seront pas désagréables et pourront être jugés dignes de son examen.
Rempli d’une vive reconnaissance pour tout ce qui a été fait envers moi, et surtout de cette dernière marque de distinction que j’attends avec bonheur, je vous prie de présenter mes remercîments à l’illustre réunion et de l’assurer de mon dévoûment le plus sincère.
nr Ch. DÜGNÀNI.
Milan, 4 septembre 1850.
Toutes ces pièces ont montré au Jury que son choix avait porté sur des âmes sympathiques et des intelligences qui sont à la hauteur de leur mission.
Il a été procédé ensuite à l’élection du tiers sortant des membres du comité, et l’assemblée s’est séparée, s’ajournant à. un an.
HÉBERT (de Garnay).
Dlwpcngnlre itinguétlqnc «le Pari».
RI. Hébert poursuit activement la réalisation de ce projet. Il est probable que dans un mois l’installation sera complète. D’ici là, les bases de cette institution seront publiées et communiquées à tous les partisans du magnétisme dont la philantropie est déjà connue.
ARNETTE.
FAITS ET EXPÉRIENCES.
1" CLAIRVOYANCE SOMNAMBULIQÜE.
Premier fait.
On lit clans le Mercure d'OrthezAw 2 mai, le fait suivant, exilait du Courrier de la Gironde.
« La plupart des journaux de la localité ont ces jours-ci porté à la connaissance du public un de ces fâcheux accidents qui se répètent malheureusement trop souvent dans notre port : nous voulons parler de la mort d’un enfant de six ans, appartenant au sieur Dumas, pouilleur, rue Denise, qu’on a retiré noyé de la rivière; mais aucun d’eux n’a signalé une circonstance de haute importance qui se rattache à ce fatal accident : nous voulons parler de la manière dont le cadavre de cet enfant a été retrouvé.
« Après de longues et douloureuses recherches, tant de la part des parents éplorés que de celles de la police, recherches restées infructueuses, quelqu’un conseilla la pauvre mère, comme dernière ressource, d’aller consulter un somnambule qui, peut-être, lui ferait retrouver son enfant. On conçoit l'empressement d’une mère à accueillir en pareil cas toute lueur d’espoir, fût-elle fugitive. Le conseil ne fut pas plus tôt donné qu’on le mettait à exécution. A cet effet, les parents, nantis d’un objet qui avait appartenu à leur enfant, se rendent chez le somnambule Calixte, dont la surprenante lucidité n’est point un mystère. Sitôt en somnambulisme, on lui présente l’objet en question : son premier mouvement fut 1111 mouvement d’effroi, et il s’écria : « Votre « enfant est noyé ! le rapport que je tiens n’est pas suffisant; « apportez demain matin les habits que votre enfanta portés, « et je vous dirai le lieu où vous le trouverez. » On conçoit la douleur poignante que durent éprouver les parents à une telle nouvelle. Toutefois, dans l’espoir que peut-être le somnambule s’élait trompé, et qu’avec un meilleur rapport il décou-
vrirait peut-être leur fils encore vivant, ils ne manquèrent pas le lendemain matin de se représenter chez Calixte. Malheureusement il devait leur confirmer sa vision de la veille, et de plus y ajouter des détails de nature à donner la preuve de son exactitude. 11 leur dit alors « que l’enfant était bien noyé, * comme il l’avait avancé, et qu’on le retrouverait sur la ci calle des Chartrons, à un endroit qu’il leur indiqua. 11 fau-« dra, dit-il, draguer (c’est son expression) pour le retrouver, « car U est couvert de vase ; mais cherchez là, et vous le n trouverez. » Le désespoir dans l’àmé, les parents firent faire les recherches indiquées, lesquelles, à leur grande douleur, donnèrent la preuve que le somnambule, avait dit la vérité tout entière. Le cadavre de leur enfant fut retiré de la Vase où l'avait indiqué Calixte.
«Que dire d’un fait si éminemment extraordinaire? ne mérite-t-il pas l'attention des savants et des hommes spéciaux? Quel parti ne pourrait-on pas tirer de cette lucidité! En tout cas, c’est là un fait qui appartient à la notoriété publique du quartier, et, comme dit Pascal, rien n’est plus brutal qu’un fait. »
Deuxième l'ail.
Un de mes clients, le nommé Mathieu Drillon, charbonnier, demeurant me Charlemagne, 8, avait, plusieurs fois, à la suite de fréquentes contrariétés, manifesté l’intention de se suicider. Sa femme ne le voyant pas rentrer depuis plusieurs jours, crut qu’d avait mis son projet à exécution : elle alla tous les jours à la Morgue, prit des informations à Préfecture de police, et ne put arriver à aucun résultat.
Après un mois de recherches infructueuses, elle consulta une somnambule; celle-ci, après avoir touché une cravate qui avait appartenu au charbonnier, assura que cet homme Était mort, et qu’on trouverait son cadavre près du pont Marie. On fit aussitôt des recherches à ce sujet, et l’on trouva, en effet, le corps d’un noyé à l’endroit désigné; mais après vérification, on reconnut que cet homme n’était pas le mari de la charbonnière. Celle-ci n’étant pas satisfaite, voulut voir une autre somnambule qui, ayant aussi été mise en rapport avec la cravate en question, fissura, après avoir réfléchi long-
temps, que l’individu sur le compte duquel on lui demandait des renseignements, s’était fait périr volontairement en avalant une bouteille d’eau-de-vie, et qu’on trouverait son corps, rongé par les vers, dans la plaine d’Ivry, au milieu des blés (on était alors au mois de juillet). Cette indication donnée par la deuxième somnambule fut très-exacte, car on trouva dans la plaine d’Ivry, comme elle l’avait annoncé, le cadavre du malheureux charbonnier dans un état de putréfaction très-avancée, et sur le côté du corps, qui était rongé par les vers, une bouteille vide qui avait contenu de l’eau-de-vie.
D'après ces deux faits et tant d’autres consignés dans le Journal du Magnétisme et autres ouvrages sur cette science, il est certain que le somnambulisme artificiel peut être utilement employé dans une foule de circonstances ; mais pour que cet usage se généralisât davantage, ainsi que l’emploi du magnétisme comme agent curatif, il serait nécessaire • que la presse nous donnât son concours; malheureusement, il n'en est pas ainsi, et je suis loin de partager l'avis du II. P. Lacordaire lorsque, à l’occasion de l’aveu de sa croyance au magnétisme, fait dans la chaire de Notre-Dame de Paris, il dit que te siècle présent a été marqué au front du signe de la publicité.
La conspiration du silence dont se rendent coupables, à l’occasion du magnétisme, presque tous les journaux, ne prouve-t-elle pas que les auteurs de cette conspiration ne sont pas toujours amis de la publicité, et qu’ils aiment mieux obéir à la science qu’à leur conscience?
D' LOUYET.
2° DANSE DES AÏSSAOUA.
On lit dans la France musicale du h seplemhie 1853 :
« Pendant les trois jours de fêtes qui célèbrent la fin du Rhamadan, une troupe d'une vingtaine de noirs parcourt la ville de Constantine dans un accoutrement b izarre ; les chefs de la bande ont sur la tête une peau de panthère, coupée en forme de capuchon, sur laquelle on a attaché une multitude de petits
miroirs ; ils tiennent tous à la main un instrument appartenant à la classe du tambour, dont les espèces sont très-mul-tipliées dans ce pays, et frappent dessus à tour de bras, tandis que l’un d’eux s’égosille à chanter des refrains du Fezzan ou du Congo.
« Les danses el chants des négresses sont des sortes de conjurations qui s’opèrent sous l’invocation de certains génies. On a apporté de petites tables sur lesquelles brûlent des parfums, du benjoin surtout. 11 s’y môle, dit-on, des substances pénétrantes faites pour enivrer ceux qui les respirent ; en effet, après quelques minutes de chant, de bruit et de fumigation, du milieu de cette masse de négresses assises à terre, on en voit s’élancer une, elle regarde le ciel, lève les bras vers les étoiles (les danses ont toujours lieu la nuit), puis frappe du pied le tapis sur lequel elle se trouve, avec une force toujours croissante; à ses deux mains pendent les mouchoirs de rigueur; le crescendo des tambours et des chants et les glous glous les plus assourdissants excitent son ardeur et l'encouragent à déployer toute son énergie; quelquefois une autre négresse, inspirée, s’élance et vient se joindre à la première ; c’est alors que la satisfaction générale atteint son paroxysme et que ce pas de deux devient tellement frénétique, que les danseuses ne tardent pas à tomber épuisées sur le sol, d’où il faut les enlever.
« Ces pantomimes sauvages, ces odeurs, ces cris, ce bruit étrange prennent beaucoup sur les nerfs et exercent une sorte de magnétisme sur les spectateurs ; mais ce n’est rien auprès de l’effet que produisent les Ai'ssaoua.
« Ce sont des malheureux qui font métier de se nourrir de serpents, de scorpions, de verre pilé, de lames de poignards , et d’une multitude d’autres objets également indigestes.
« Pour être à même de prendre cette nourriture inusitée, sans trop de dommage, il faut, dit-on, qu’ils se mettent dans une espèce d’état de somnambulisme qu’ils obtiennent par un procédé extraordinaire et digne d’être décrit.
« Si la musique n’avait pas son rôle obligé dans la comédie diabolique que je vais raconter, je m’abstiendrais d'en parler ici ; mais, comme 011 le verra, il paraît qu’elle est tout à fait indispensable.
« C’était dans un grand jardin auprès de Constantine et par un beau soir de juillet que la scène se passait; des lanternes de couleurs éclairaient le spectacle ; le thermomètre marquait trente-cinq degrés, c’est-à-dire que, pour le pays, nous
jouissions d’une température tout à fait raisonnable ; les acteurs, instrumentistes, choristes, consommateurs, étaient bien en tout une centaine ; quant aux spectateurs, parmi lesquels se trouvaient quelques chrétiennes, j’ose dire qu’ils s’étaient assis un peu trop près des tapis qui formaient le théâtre.
« Sur un signal du directeur de la fête, une mélodie douce et rhythmée, chantée en chœur, se fait entendre, elle est accompagnée par des timbales et des tliârs jouant piano. En chantant, les Aïssaoua se balancent: il ne se passe pas longtemps avant que deux, trois, quatre d’entre eux, déjà un peu étourdis par ce balancement, ne se lèvent; il paraît qu’ils ont très-chaud, ils se débarrassent de leurs vestes ; d’autres se joignent bientôt aux premiers, ils se donnent le bras et forment une longue ligne ; puis, peu à peu, ils se dépouillent de tout ce qu’ils ne sont pas absolument obligés de garder : leurs turbans, leurs tarbouches volentde tous côtés; l’état somnam-bulique commence; toute la ligne s’incline en avant, à la fois et en cadence. Les Aïssaoua laissent tomber leur tête alternativement à droite ou à gauche ; leurs yeux deviennent fixes, hagards, on voit que l’enivrement les gagne ; puis, au moment où tous s’inclinent, on les entend crier à la fois : Allah ! mais ce mot n’est qu’un cri saccadé, féroce, qui n’a rien d’humain, et rappelle la voix du lion plutôt que toute autre chose. — Les tambours jouent piano, et le chœur se tait. Un vieillard à l’air vénérable, à la barbe blanche, les yeux levés vers le ciel, chante un air religieux dont je chercherai plus tard à me procurer les paroles, mais dont la physionomie suave et douce contraste essentiellement avec les Allah ! rauques et gutturaux de ce chœur de possédés. L’effet général est vraiment émouvant, et en ce moment, le reste de nos spectatrices trop impressionnées s’est enfui.
« 11 était temps, car l'heure du repas des Aïssaoua avait sonné, leur appétit de bête fauve était ouvert ; les voilà qui se précipitent à quatre pattes, réclamant avec fureur leur pitance ; nos chiaouches ont grand peine à les tenir éloignés de nous, on les frappe à coups de canne, ils revien -lient à la charge, la gueule béante, râlant, beuglant, rugissant ; il faut enfin céder à leurs instances ; un gardien enfonce une énorme aiguille à travers les deux joues du plus
Sressé, le malheureux fait des gambades, pousse des cris ejoie, et se sauve de l’air le plus satisfait ; des clous de trois pouces de long sont introduits dans la gorge ouverte de celui-ci, qui les avale et se frotte l’estomac avec volupté. Celui-là mange une ou deux livres de verre pilé, un quatrième
lèche 11110 barre de fer rouge, sa langue fume, on sent l’odeur de la chair rôtie, on est obligé de lui arracher le fer brûlant, dont il ne peut se séparer.
« En voilà un qui tient, suspendue à sa lèvre supérieure, une vipère à cornes, ce reptile du désert dont la morsure donne instantanément la mort ; un autre veut à toute force m’arracher mon sabre pour se le passer à travers le corps. Le spectacle a fini par prendre un caractère tellement démoniaque, que la moitié du public a fui épouvanté.
« Cependant le vieux chanteur continuait imperturbablement ses prières en musique, les tambours de basque ne cessaient pas de secouer leurs grelots, et les Aïssaoua de crier Allah ! à la manière des tigres,
« Je conçois que des spectateurs dont l’esprit serait un peu faible pnssent l’avoir dérangé tout à fait par la vue de pareilles scènes.
« Le Prince DE LA M0SK0WA. »
Partisan du magnétisme, le prince en favorise autant qu’il est en lui la propagation. Recherchant avec soin tout ce qui se rattache à cette science, il a pensé que les phénomènes observés par lui en Afrique pourraient s’expliquer sans recourir au merveilleux, et nous croyons comme lui qu’ils rentrent dans la classe des phénomènes magnétiques.
Baron DU P0TE7T.
CONTROVERSES.
1° ENLÈVEMENT.
A Monsieur Hébert (rle Garnay).
Mon cher ami,
Vous avez bien voulu insérer dans le Journal du Magnétisme une lettre que je vous écrivais, au mois d’août 1853, sur l’enlèvement des hommes et le mode que je pratique (1). Je m’étais alors borné à constater le fait ; aujourd’hui je désire , à l’exemjBe de nos confrères, émettre mon opinion ; veuillez encore, je vous prie, être assez bon pour m’accorder une place dans votre recueil.
J’ai toujours pensé, comme M. Jacques Salés, que l’enlèvement était dû à une loi magnétique dont la volonté est le principe. Beaucoup de magnétistes pensent le contraire, mais sans motiver leurs conjectures. M. A. Bruyas seul a été explicite, il a donné une assertion formelle. Grâce à lui, je puis donc m’adresser à uu adversaire.
M. Bruyas a dit :
ii Si l’on s'étudie avec un peu d’attention durant l’opération, on reconnaît qu’aucune émission n’a eu lieu plus ex-pansivement que d’habitude. »
Je doute que l’on puisse s’étudier durant l’opération ; elle est trop courte (on sait qu’elle peut être répétée plusieurs fois dans une minute) ; mais je sais par expérience que tout le monde n’est pas apte à y concourir; je sais aussi par expérience que si l'on veut faire abstraction de sa volonté, l’effet manque.
« Les paysans qui s’amusent à ce jeu, et qui attribuent le succès à la formule, n’émettent pas volontairement la moin-
(I) Voyez tome Xlt, page 410.
dre quantité de fluide. Le phénomène n’est donc produit que par l'ensemble d’action et l’équilibre des forces. »
Cette proposition ne me paraît pas hasardée, et je suis disposé à croire qu’elle est basée sur l’observation et sur l'enquête.
En effet, les paysans étant habitués à dépenser plus de force physique que d’intelligence, il devient vraisemblable que dans l’opération de l’enlèvement, dont ils font un passe-temps ou un jeu de si brève durée, ils ne songent guère h mettre leur esprit à contribution ; que si on les interroge à cet égard, ils peuvent pour la plupart répondre dans ce sens. Malgré cela, la proposition n’est rien moins que juste.
La formule du Dr Bégué, laquelle M. Bruyas n’accorde aucune importance, est, dans chaque mot qu’elle renferme, un appel direct à la volonté, et est de nature ii déterminer une volonté d’action chez les personnes étrangères à la pratique du mesmérisme.
Pour que le lecteur puisse juger, citons la formule :
« Cet homme est mort; il est sec comme un os, léger comme une plume..... Enlevez.
Quant aux opérateurs d’enlèvement qui donneraient raison contre eux-mêmes à l’interprétation de 51. Bruyas, qui leur nie la force volitive, n’est-il pas reconnu en physiologie humaine que les neuf dixièmes des hommes ne peuvent analyser les sentiments qui les font agir dans une foule de circonstances ? Combien s’en trouve-t-il qui se rendent compte de la volonté instinctive qui préside aux milliers de mouvements locomobiles quenous faisons dans un seul jour? Combien y en a-t-il qui se rendent compte de la volonté bien déterminée
Ïui préside aux actes ordinaires de la vie? Dans la question ont il s’agit, s’il fallait s’étudier, je dis qu’en raison de l’instantanéité , cette préoccupation ne laisserait de place à aucune autre, et vice-versil.
S’il ne s’agit que d’ensemble d’action et d’équilibre de force pour opérer l’enlèvement, ce n’est plus qu’un acte ordinaire dont les conditions sont faciles à remplir. On peut dès lors entrer dans un chantier quelconque et enlever des fardeaux au choix. Ce ne serait plus qu’une manœuvre militaire d’ensemble et de précision, que l’on pourrait faire exécuter utilement par les ouvriers et les soldats ; ce serait certes une belle découverte en dynamique.
Que cette découverte appartienne à la dynamique ou au
mesmérisme, ce n’en est pas moins une découverte déjà précieuse pour qui connaît les résultats de cette expérience.
Pour fixer l’attention sur ce qu’il y a de surprenant dans ce phénomène, je vais me permettre d’exposer un fait.
Lorsque M. le comte d’Ourches me fit l’honneur de venir me voir (1), il fut enlevé, lui dont le poids est de quatre-vingt-neuf kilogrammes, par quatre opérateurs, au nombre desquels était une demoiselle âgée de onze ans. Cette jeune personne était placée à la partie supérieure du corps, et assurément, sans effet plus ou moins magique, elle n’eût pu remuer la partie qu’elle enleva parfaitement,
Enfin, M. Bruyas dit encore :
« .... Mais si l’on agit lentement, l’équibre se rompt, le poids devient plus lourd et l’enlèvement n’a pas lieu. »
J’en demande pardon à mon honorable contradicteur, mais c’est le contraire chez nous. Plus nous opérons lentement, et mieux nous réussissons ; car l’ascension étant en raison de notre aspiration, il faut se bien préparer, et c’est par suite de précautions bien prises que le sujet peut rester environ une demi-minute suspendu au bout de nos doigts.
Agréez, etc.
J. GAUTIER.
Le Mans, 17 mai 1834.
Au même.
Mon cher confrère,
Les controverses qui surgissent relativement au phénomène de l’enlèvement des personnes, me font un devoir de répondre une dernière fois, afin de relever certaines erreurs et de confirmer, s’il est possible, la conclusion que j’ai formulée dès le principe.
Je soutiens que le résultat que l’on obtient, n’importe la manière dont on opère, est la conséquence d’une force magnétique inhérente à chaque individu, mise en jeu par un acte volontaire prémédité, avec union de sentiments entre les opérateurs et passivité complète de la part du sujet.
Ce qui se passe pendant cette courte expérience, je le répète, est facilement reconnu par les magnétiseurs, malgré la subtilité de l’agent qui agit. Rigoureusement, il est vrai, nous ne pouvons affirmer d’une manière absolue, nos ressources à cet efl'et ne sont pas encore très-précises; mais pour
(1) Voyez .ça lettre, tome XII, page 608.
peu que l’on ait été témoin de certains phénomènes magnétiques, ou avérés par des hommes de bonne foi, l’on ne risquera point une première conclusion. —Pour prouver l'existence de l’agent magnétique pendant l’expérience de l'enlèvement , je citerai deux exemples qui sont d’une parfaite identité. Ainsi, l’attraction magnétique et l’enlèvement pendant l’extase; quelle différence y remarque-t-on? Aucune, et voici pourquoi : le magnétiseur, après avoir énergiquement influencé son sujet, le domine entièrement; l’agent mystérieux, inouï dans ses effets, obéit à la volonté de celui qui l’a transmis, et, par une pensée fortement réfléchie, attire ou soulève celui qui est soumis à sa puissance. Je suis certain que ce rapprochement paraîtra impossible. 11 ne l’est pas pourtant, car, en réfléchissant un peu, on se rendra compte de la justesse de ma comparaison.
Dans l’enlèvement simple, que se passe-t-il ? Absolumeut la même chose; seulement, comme le sujet n’est point dans les mêmes conditions, il est nécessaire d’employer plusieurs forces; et, sachez-le, Messieurs, il faut qu’elles soient réellement unies, sinon, rien. Ces deux expériences sont si étroitement liées, que dans l’enlèvement simple vous pouvez opérer sans presque toucher le sujet. Mais pour en arriver à ce résultat, vous devez être toujours les mêmes, bien unis d’intention et avoir une foi très-grande dans l’acte que vous allez accomplir. S’il m’était permis de franchir les limites adoptées jusqu’à ce jour, j’aborderais un champ tout nouveau, où mes explications trouveraient une place bien naturelle ; mais il n’est pas encore temps; plus tard, je l’espère, j’y entrerai.
En terminant ma lettre, j’ajouterai, contrairement à l’opinion de certains expérimentateurs, que, toutes les fois qu’un opérateur se trouve en présence d’un sujet, il y a toujours émission fluidique plus ou moins intense, selon la pensée qui le fait agir, n’importe dans quelle circonstance que ce soit. Je dis également que ce phénomène est tout aussi important que celui des tables tournantes. Dans ce dernier, le magnétisme semble ne pas être d’un grand secoure, tandis que dans l’enlèvement il en est le moteur indispensable.
Joseph BÉGÜÉ, médecin.
Toulouse, 20 mai 1854.
2" SPIRITUALISME.
Les esprits frappeurs, les tables tournantes ont eu les honneurs de la séance du 17 avril dans le sénat de Washing-
ton. M. Shields ayant à faire son rapport sur une pétition couverte de 15,000 signatures, s’est exprimé ainsi :
« Les signataires représentent que certains phénomènes physiques et moraux d’une nature toute mystérieuse, attirent l’attention publique en ce pays et en Europe. L’analyse partielle de ces phénomènes dévoile l’existence d’une force occulte qui se manifeste par le soulèvement, le glissement, la suspension, enfin par le mouvement qu’elle communique aux corps pondérables, contrairement aux lois naturelles.
« Eu second lieu, cette force se manifeste par des lueurs qui apparaissent tout à coup dans des lieux où aucune action chimique ni aucune phosphorescence ne sauraient se développer ;
« 3° Par des sons mystérieux semblables tantôt à des coups frappés par un esprit invisible, tantôt au murmure des vents ou au grondement du tonnerre. Quelquefois on entend le son de voix humaines ou de quelque instrument de musique ;
« 4° Les fonctions animales se trouvent quelquefois interrompues subitement, et cet agent mystérieux a guéri des affections regardées comme incurables.
« Les pétitionnaires sont divisés d'opinion quant à l’origine de ces phéuomènes. Les uns les rapportent à la puissance intelligente des esprits délivrés de l’enveloppe matérielle; les autres prétendent qu’on les peut expliquer d’une manière rationnelle et satisfaisante. Mais tous s’entendent sur la réalité des phénomènes, et demandent qu’une commission soit nommée pour procéder à une investigation patiente et scientifique.
« J’ai déjà donné un résumé fidèle de celte pétition qui, du reste, est rédigée d’une manière fort convenable, parce que je me suis fait une règle de présenter au sénat toutes pétitions inoflensives. Mais, après avoir rempli ce devoir, on me permettra de dire que l’empire de semblables aberrations chez un grand nombre de nos contemporains et dans un siècle aussi avancé, a sa source, selon moi, ou dans un système défectueux d’éducation, ou dans un dérangement partiel des facultés intellectuelles, produit par quelque désorganisation physique. Aussi, je ne puis croire que ces aberrations sont répandues au point que l’indique cette pétition.
n Chacun des âges du monde a eu des illusions de ce genre. L’alchimie a occupé, pendant plusieurs siècles, l’attention d’hommes éminents, mais il y avait quelque chose au fond de sublime et de réel dans l’alchimie. On y étudiait patiem-
ment la nature, et si elle n’a pas donné aux alchimistes ce qu’ils en attendaient, elle les a récompensés par des découvertes inestimables. »
Le Constitutionnel résume la suite en ces termes :
n M. Shields passe en revue les illusions et les déceptions des Rose-Croix et autres spiritualistes, et arrive à Caglios-tro, le grand professeur, qui vendait l’immortalité aux vieilles et la beauté aux jeunes. Pour avoir des esprits gardiens, il suffisait de le payer. Pas une grande dame qui ne soupât avec Lucrèce dans les appartements de Cagliostro. Les ofli-. tiers y discutaient de l'art militaire avec Alexandre, Anni-bal ou César; les jurisconsultes conversaient avec Cicéron. Ces sortes de manifestations avaient quelque prix sans doute, et tous nos esprits frappeurs dégénérés et vulgaires peuvent se voiler la face devant Cagliostro.
« M. Shields termine en citant ce mot qu’il attribue à Burke : « La crédulité des dupes est aussi inépuisable que « la supercherie des fripons. »
Quand on ne comprend point un phénomène, on le met sur le compte de l’illusion ou du mensonge. Lorsqu’on appartient à l’école philosophique du dix-neuvième siècle, on confond facilement la vérité avec l’erreur ; on sait ce qu’on a . appris, on a le discernement des choses vulgaires, c’est ( tout, enfin on est propre à gouverner les hommes et à leur l'aire des lois. Les merveilles de la nature n’en existent pas moins pour cela, et le vrai gouverneur du genre humain laisse les sophistes et les beaux parleurs patauger à leur aise, il ne leur donne point la vraie lumière ; les vérités, sans leur appui, n’en vont pas moins leur train, jusqu’au jour où, devenues aussi évidentes que puissantes, elles couvrent de confusion les faux savants qui s’élaient acharnés contre elles. C’est un petit spectacle ménagé en l’honneur des simples d’esprit, qui, chaque siècle, voient le triomphe des découvertes faites par quelques-uns d’entre eux.
Baron DU POTET,
VARIÉTÉS.
nécrologie- — Le magnétisme vient de perdre un de ses plus zélés, de ses plus dévoués sectateurs. Le baron de Ber-thérain de Longpré, né à l’île Bourbon, le 16 mai 1777, ancien commandant d’artillerie de la milice coloniale, est décédé dernièrement à Nantes. Après avoir héroïquement défendu son pays et rempli glorieusement sa carrière militaire, il profita des loisirs de la retraite pour étudier le magnétisme. Animé d’une foi vive, il se livra avec ardeur à en propager les principes, et il réussit à. faire beaucoup de prosélytes. Il s’attacha surtout à en faire l’application au soulagement des maladies. Pendant plus de trente ans, athlète infatigable, il consacra tout son temps, dépensa ses forces dans cette noble mission. Les indigents avaient en lui un ami, un père ; son bonheur était de consoler ceux qui souffraient , de les soigner, de leur apporter le bienfait de la médecine naturelle. De nombreuses guérisons, dont quelques-unes ont été fort remarquables, ont récompensé ses efforts généreux et fournissaient le plus solide de tous les arguments en faveur de la cause du magnétisme. Sa perte a excité des regrets unanimes ; un concours immense d’habitants est venu lui rendre les derniers devoirs ; les pleurs des malheureux qu’il avait soidagés étaient la plus belle des oraisons funèbres. A la cérémonie religieuse, on a exécuté deux morceaux de musique qu’il avait composés ; il semblait que son âme s’envolait au milieu des harmonies qu’elle avait inspirées. L’attendrissement était universel. Le pays bénira longtemps la mémoire de cet homme de bien.
Baron DU POTET.
BIBLIOGRAPHIE,
MÉMOIRES SECRETS, DE 1770 à 1830, par M. le comte d’Auostiue.
G vol. in-8. Paris, 1845. Passard, éditeur.
Un chapitre du sixième volume de cet ouvrage est consacré au magnétisme. Voici ce qu’en dit l'auteur :
« J’ai, dans ma jeunesse, vu jaillir le magnétisme du miraculeux baquet de Mesmer; j’ai vu, plus tard, le somnambulisme naître sous les mystérieuses ombres de l’arbre presque magique de Buzancy. Que de prodiges ne racontait-on pas alors, à Paris surtout, sur les effets physiques et moraux de ce système prétendu médical I C’était, outre des cures aussi rapides que nombreuses, tel paysan qui ne savait point même lire, et n’en improvisait pas moins des vers grecs et latins, dont, au réveil, il n’eût rien compris, c’est l’ignorance devenant instantanément savante, la stupidité rendue lumineuse, l’immoralité prêchant la vertu.
u Des femmes, dont la plupart n’étaient de bonne compa-
Eie que dans la mauvaise, et eussent paru de la mauvaise as celle véritablement bonne, si elles y avaient été reçues, mais chez qui des hommes de bon ton ne se faisaient pas scrupule, parfois, de se montrer ; ces femmes étourdissaient le monde du récit, souvent assez gai, des crises que leur procuraient de jeunes et jolis magnétiseurs, car elles préféraient ceux-ci comme aptes à un plus haut degré à certaine puissance communicative ou dominatrice, et cela au grand mais discret déplaisir des époux, au bruyant scandale des prudes, et à la profonde indignation des dévots qui ne regardaient toutes ces choses que comme l’œuvre du démon.
« L’on vit alors jusqu’à de graves personnages partager la vive exaltation féminine; j’en pourrais citer bon nombre, entre autres mon excellent ami d’Éprémesnil, le très-estima-
— sr»/| —
Lie Bergasse cl le non moins recommandable Deleuze, qui a écrit 1111c liistoire apologétique du magnétisme.
n En vérité, c’étaient de fanatiques énergu mènes que les premiers initiés du tudesque hiérophante, qui faisait descendre sur eux l'esprit prophétique, à raison de cent louis par tète !
n Le comte d’Avaux, plus extravagant que bien d’autres, avait traité pour cinquante mille écus de tout le savoir du maître; et, à ce tort de jugement, il joignit celui d’en refuser le paiement), affirmant qu’on ne lui avait rien appris au délit de ce qu’il savait déjà.
i Ce même comte d’Avaux s'était fait le système psychologique le plus bizarre, et qu’il liait aux idées magnétiques ; système consistant à regarder la société comme peuplée de morts qui, cependant, allaient, venaient, parlaient, mangeaient , propageaient même leur espèce, ainsi que tous les être vivants ; gens de l’autre monde, fort impertinents de persister à demeurer dans celui-ci, et auxquels il se sentait tenté sans cesse de dire : comment diable ne vous faites-vous pas enterrer?
a Quant au mesmérisme (c’était ainsi qu’alors on le nommait), il devint une aiïaire d Etat à-l’heureuse époque où les affaires d’Etat n’étaient point encore devenues l’universelle occupation des sots, des fripons et des niais qui constituaient ce qu’on appelle le public. L’Académie des sciences fut donc chargée de donner son avis sur une chose aussi nouvelle ; elle déclara le magnétisme dangereux et immoral, dans un rapport rédigé par Bailly, et éminemment remarquable, tant par l’élégance du style que par la délicatesse avec laquelle les détails presque obscènes y étaient masqués sous la décence des expressions. Le théâtre eut ensuite la mission de ridiculiser ee que condamnait l'Académie, et s’en acquitta avec succès dans un vaudeville intitulé : les Docteurs modernes.
« Cette religion, ou celte hérésie hygiénérectique, fort exaltée par Court-de-Gébelin, combattue par Marivets, flétrie par Franklin, jouit un moment d’une vogue superstitieuse, mais courte; car si ce mode prétendu curatif eut des adeptes gens d’honneur et de conviction, il eut et aura sans cesse aussi pour prôneuis des fripons et des dupes, choses éternellement corrélatives.
« Certes, ce fut un des plus consciencieux sectateurs du magnétisme, que feu mon vieil ami Puységur, premier explorateur du sommeil magnétique ; mais je ne puis me rappeler sans horreur les jongleries sanguinaires d’un misérable
que je vis mettre en jeu le ciel et la terre pour donner la mort à Travat, que nous sauvâmes, et qui vivrait peut-être encore si le choc causé par une sentence terrible n’eut point frappé cet infortuné général d’une irrémédiable et funeste impression.
« Le magnétisme a eu son donquichotiswe, et je pourrais citer à cet égard Mally-Châteaurenaud, impitoyable conventionnel qui expliquait tout parce mode: religion, politique, morale, et jusqu’aux pensées individuelles et secrètes qu’il prétendait deviner, quelque rapides qu’elles fussent.
« Ce qu’il y a de plus bizarre, c'est que le général Bonaparte. partant pour sa première campagne d’Italie, voulut se faire prédire, par le sonmambuliste Mally-Châteaurenaud, le sort qui l’attendait à l’armée. Tout supérieur que fût cet homme, il mit une haute importance aux prédictions de la jeune fille qui lui dit, en lui désignant le temps et le lieu : « Là est le grand nœud de votre fortune, les dangers seront « grands, les obstacles presque invincibles; mais le succès, c si vous l’obtenez, vous ouvre une carrière immense, bril-« lante et conforme à tous vos désirs. »
« Bonaparte crut que la bataille de Castiglione réalisait la prédiction de la sonmambuliste, qu’il fit rechercher avec soin avant son départ pour l’Egypte; ce fut sans succès, et il en parut inconsolable.
i Que de faiblesse dans un personnageaussi supérieur ! n
DE II KLEINE MAGNET1SCHE KATECIIISMCS, oder AnfangsgrUndc des
Mesmerismus von L.-M. Hébert (de Garnay). Broch. in-12 de 54 pages.
Berlin, 1S53. Chez F. Schneider el Cie.
Le Petit Catéchisme de M. Hébert a déjà eu les honneurs de deux traductions, l’une ci anglais et l’autre en italien, et voici qu’une troisième, en ïangue allemande, vient consacrer de nouveau et universalis 2r pour ainsi dire le succès de cet écrit. Elle est due à M. le comte de Schwerin.
L'original est assez connu de nos lecteurs pour que je puisse me dispenser d’en parler ici. Le meilleur éloge qu’ou puisse faire du Catéchisme, c’est le fait même d’avoir été traduit dans les trois langues les plus répandues de l’Europe.
La traduction de M. le comte de Schwerin est précédée d'un avant-propos que je crois devoir traduire ici en entier. 11 m’a semblé qu’on ne lirait pas sans intérêt ces quelques
lignes éloquentes par leur simplicité. La guérison dont il est question est une de celles qui feront éternellement honneur au magnétisme. Et puis elle a eu pour résultat de valoir à la doctrine de Mesmer la conversion d’un homme important par sa haute position sociale. D’un autre côté, la connaissance de ce fait remarquable ne manquera pas d’éveiller l’attention des magnétistes sur le système de l’auteur de la Magnitothèrapic (1).
Voici maintenant l’avant-propos de M. le comte de Schwerin , traduit ad litteram :
u Depuis cinq ans, ma femme souffrait d’une maladie nerveuse compliquée, laquelle avait amené une paralysie presque totale du pied gauche, paralysie accompagnée de spasmes de la poiuine, de douleurs faciales et d’accidents nerveux de toute espèce, de telle manière que depuis les trois dernières années elle était incapable de se transporter d’une chambre dans l’autre. Huit médecins, parmi lesquels les plus célèbres autorités d’Allemagne, avaient successivement essayé d’éloigner ce mal, mais ce fut sans succès. Le hasard m’apprit les cures miraculeuses qu’exécutait à Paris M. le comte de Sza-pary, et les rapports qui m’arrivaient émanaient d’une source tellement certaine, que je ne pouvais révoquer en doute leur véracité. Bien que parfaitement incrédule en ce qui touche la puissance curative du magnétisme, je ne m’en décidai pas moins à essayer encore ce dernier moyen, qui me paraissait être désespéré. Nous arrivâmes à Paris au mois de novembre 1852. Le voyage avait été très-pénible, car il fallait que la malade fût transportée du chemin de fer à la maison, à sa voiture, etc., constamment assise dans un fauteuil porté par deux nommes.
« Après un examen d’environ une demi-heure, le comte de Szapary déclara ce qui suit avec la plus grande précision : a Je rétablirai, dit-il, ta malade complètement, et cela dans n un laps de temps de vingl-et-une semaines. »
u Quelque incroyable que cela nous parût alors, il me faut néanmoins lui donner ce témoignage, qu’il a tenu sa promesse. Déjà, après six semaines, la malade pouvait marcher, et bien que le cours du traitement ait démontré combien le mal était profondément enraciné, et qu’il avait atta-
(1) Magnétisme et Magnétothcrapie, par M. le comtc de Szapary. 1 vol. in-8. Paris, 1855. La deuxième édition doit paraître dans quelques jours.
qu6 les organes intérieurs, notamment le côté gauche tout entier, je n’en suis pas moins parti de Paris, ponctuellement, le 15 avril 1853, — c’est-à-dire dans la vingt-deuxième semaine ,—ramenant ma femme bien portante dans sa patrie.
« Chez tous ceux, médecins et autres, qui avaient vu la malade dans son ancien état, inconsolable, cette cure produisit l’admiration et fit beaucoup de bruit. Bien des ques-' lions me furent adressées à ce sujet. Je suis prêt à donner toutes sortes de renseignements qui pourraient être utiles aux autres, mais ce n’est pas ici le lieu ni de m’expliquer sur les phénomènes survenus pendant le traitement, ni sur la théorie du comte de Szapary. Je me bornerai à dire qu’il a fondé une école nouvelle, qui s’écarte entièrement de l’application faite jusqu’à ce jour du magnétisme animal comme agent curatif; qu’il ne provoque pas le somnambulisme chez ses malades; mais qu’il ne fait que produire des spasmes par la magnétisation ; que tous les spasmes, d'après sa théorie, ne sont autre chose que des c/forts que fait la nature pour se guérir elle-même ; que lorsque ces efforts sont judicieusement dirigés, il leur succède presque toujours des excrétions critiques de la matière morbifique ; que j’ai constamment été présent au traitement; qu’il ne s’y passa rien de mystique, rien de mystérieux, ainsi que beaucoup de personnes le croient; que par les spasmes violents survenus journellement, la santé s est développée progressivement de semaine en semaine, de la manière la plus naturelle, en faisant disparaître successivement tous les symptômes pathologiques.
« Après avoir acquis, pendant la première huitaine de mon séjour à Paris, cette conviction inébranlable que le mesmérisme est une vérité et une force puissante inhérente à chaque homme, j’ai employé quelques heures de loisir à traduire cet opuscule en allemand. De tous les écrits que la France possède sur cette matière, j’ai préféré celui-ci, parce qu’il est simple et que j’ai eu occasion de remarquer qu’un grand nombre de gens, même dans les classes instruites, ou bien ne connaissent encore absolument rien du magnétisme, ou n’en ont que des notions obscures ou fausses. D’un autre côté, je suis arrivé à cette conviction, que si ce remède, le plus merveilleux et le plus efficace de tous, venait à être mieux approfondi et plus généralement connu et appliqué, ainsi que je le désire avant tout pour le bien de notre génération, qui dégénère de plus en plus par les souffrances chroniques, cette reconnaissance et cette étude appro-
fondie ne doivent pas procéder des médecins ni des savants, mais bien des profanes et des malades guéris.
« Puissé-je, par ce petit livre, avoir réussi à appeler l’attention de quelques hommes sur le vrai chemin qui conduit :\ retrouver ce haut bien, la santé, et puissé-je avoir excité les autres à réfléchir et à étudier la merveilleuse force du magnétisme.
u Comte de S....
« A S...., juin 1855. »
Revenons maintenant à la traduction, et disons tout d’abord que celle-ci ne laisse rien à désirer. M. le comte de Schwerin s’est tenu à la plus stricte littéralité. Aussi son travail, fidèle reproduction de l’original, ne manquera-t-il pas d’exercer une heureuse influence sur le public allemand.
Disons encore que le traducteur a ajouté à la fin du paragraphe 3 de la deuxième édition, que terminent ces paroles de Gall : « Quand on prend la voie de la nature, on ne sait jamais où l’on s’arrêtera, » une note ainsi conçue :
(• Dans le phénomène de la rotation des tables, il est manifeste que la table, la corbeille et le psychographe jouent le rôle du baquet. 11 s’y produit, par suite de magnétisation réciproque, un commencement de ces mouvements involontaires et inconscients que, lorsqu’ils deviennent plus forts, nous appelons spasmes. »
Ajoutons, pour compléter cette analyse, que les paragraphes 8 et 9 de l’original ont été supprimés par le traducteur, comme n'offrant pas un intérêt immédiat aux lecteurs allemands.
Finalement, le Petit Catéchisme de M. Hébert, grâce aux lettres de naturalisation que les différentes traductions lui confèrent, atteindra très-certainement le but que l’auteur s’est proposé. Pour ma part, je félicite M. le comte de Schwerin d'avoir, par sa traduction, payé largement sa bienvenue dans les rangs de l’armée mesmérienne.
Ferdinand SILAS.
Le Gérant : UKIIEKT (de Garnay).
INSTITUTIONS.
Jury niaguétiinc
d'encouragement et de récompesse.
Rapport du Sfcrélairc-géoéral ï l'Assembléc générale du 16 mai 1852.
Chers et honorés collègues,
Notre institution ressemble à ces longs fleuves dont la grandeur et la majesté croissent à mesure qu’ils s’éloignent de leur source; elle s’accroît chaque année de quelques noms qui la fortifient et en augmentent la considération. J’ai déjà eu trois fois le privilège de vous présenter les candidats jugés dignes de vous être adjoints, et aujourd’hui encore votre bienveillance m’a confié cette honorable fonction. Je sens tout ce qu’a de délicat une mission qui, touchant plus aux personnes qu’aux choses, met en jeu les plus vives susceptibilités ; mais je compte autant sur votre indulgence que sur votre équité.
1» M. le Dr \V. GREGORY, F. R. S. E.
Professeur de chimie à l’Université d’Éditnbourg.
11 y a dans chaque pays des marques distinctives du mérite : ce sont ici des titres, là. des décorations. En Angleterre, quand un nom est suivi de ces trois lettres F. R. S. (membre de la Société Royale), celui qui le porte est accueilli partout avec honneur, parce que c’est toujours la preuve d’un grand savoir.
M. Gregory joint à toutes les qualités qui vous l’ont fait admettre l’an dernier, celle d’appartenir à ce grand corps scientifique,
Dans un séjour que ce savant a fait ici, aux vacances dernières, nous avons pu tous l’apprécier à sa juste valeur,Jet
Tome XIII. - N° 190. — 25 juin iss». 19
nous avons reconnu qu'en lui donnant la médaille de bronze, nous étions restés au-dessous de ce que nous devions faire. Il nous a paru devoir aller de pair avec les Elliotson, Es-daile, Ordinaire, etc. ; c’est pourquoi nous venons aujourd’hui vous proposer de lui décerner la médaille d’argent qu’il aurait dû recevoir d’abord.
Si celte élévation de grade avait besoin d'être justifiée par d’autres considérations, nous vous dirions qu'un nouvel ouvrage est sorti de la plume de M. Gregory : lMlers on Mes-merim and clairvoyance, et qu’il est plus que jamais décidé à lutter contre ses collègues de l’Université; mais c'est à vos souvenirs seuls que nous voulons faire appel. (Accordé.)
2° M. HOULET, ancien bijoutier, demeurant à Belleville, chaussée de Ménilmontant, n° 87.
Vous avez reçu, il y a un an, la demande d'une médaille en faveur de JI. Houlet, auteur d’un grand nombre de cures assez remarquables. Bien que celte demande fût formée par des personnes mêmes qui avaient été guéries par lui et appuyée d’un de nos collègues, vous n'avez pas voulu vous prononcer sans un examen approfondi des faits allégués.
Votre Comité s’est enquis de la valeur des témoignages qui vous étaient soumis, el les a trouvés d’une parfaite concordance avec ses propres informations. Pendant qu'il se livrait à cette recherche, une étude semblable était faite par la Société du Mesmérisme, dont M. Houlet est membre stagiaire. Cette société ayant adopté les conclusions d’un rapport étendu sur la pratique et les œuvres de M. Houlet, nous le transmit avec prière de vouloir bien le prendre en considération. L’analyse de ce document ne vous donnerait qu’une idée insuffisante de son contenu ; nous aimons mieux vous le faire connaître dans tousses détails. Le voici donc en entier : Messieurs et chers collègues,
Dans une des séances du mois de janvier 1S52, vous avez nommé une commission de trois membres, chargée de vous faire un rapport sur les traitements magnétiques d’un de nos
collègues, M. Houlet. Cette commission vient aujourd’hui vous rendre compte de l'examen auquel elle s’est livrée.
Quoique ce travail soit très-incomplet, nous pensons cependant être entrés dans assez de détails pour vous faire apprécier les services que rend tous les jours notre collègue à la cause du magnétisme.
Première observation.
M"*‘ Guioni, âgée de soixante ans, demeurant rue de la Mare, caserne des gendarmes, à Ménilmontant, a été affectée en Afrique, il y a sept ans, d’une double kératite, ou inflammation des cornées transparentes, déterminée par le soleil brûlant de ce climat et le sable fin projeté dans ses yeux par le vent du désert.
Cette maladie, très-commune dans ce pays, avait été attaquée sans succès par des applications de sangsues aux paupières inférieures et aux tempes, des lotions d’eau de laitne et d’eau blanche.
Une taie étant survenue à l’œil droit, elle fut combattue par l’instillation de quelques gouttes d’un liquide entre les paupières, liquide dont la malade ignore le nom.
Cinq jours après l’emploi de ce moyen, l’œil s’est crevé, et l’ouverture provenant de cette rupture donna issue à une assez grande quantité de sang et d’eau. Pendant les quarante-huit heures qui suivirent ce funeste accident, la malade perdit connaissance. Depuis cette époque jusqu’au mois d’août dernier, elle se borna à faire des lotions d’eau fraîche sur l’œil droit qu’elle .avait perdu et sur l’œil gauche dont l’inflammation inspirait assez d'inquiétude au D'Sichel pour le déterminer à cautériser la cornée pendant sept jours avec le sulfate de cuivre.
L’emploi de ce moyen faillit produire h l’œil gauche un effet semblable à celui qui était arrivé à l’œil droit. La malade devint tout à fait aveugle. Il y avait un mois qu’elle était dans cet état, lorsque M. Houlet la magnétisa pour la première fois, le 7 août dernier.
Nous devons ici faire connaître le mode opératoire que notre collègue suit dans la majorité des cas. Son procédé consiste à faire d’abord une magnétisation générale, et ensuite à porter son action sur l’organe malade; maisM. Houlet a pour habi tude, en magnétisant, de poser une bouteille d’eau magnétisée sur les genoux de son malade, «pii la tient en même . temps entre ses mains. Il prétend, par ce moyen, doubler
l'action du magnétisme, en faisant absorber le fluide directement et par l’intermédiaire de la bouteille, en contact avec les mains et les genoux du malade, qui boit ensuite l’eau qu’elle contient, dans l’intervalle des magnétisations.
M. Houlet assure, d'après des faits nombreux, qu’il produit toujours plus d’effet sur son malade lorsque la bouteille d’eau contient de la botte de meule et du verre pilé.
M"c Guioni dormit du sommeil magnétique à la première magnétisation, et commença à distinguer confusément la lumière de l'œil gaucho à la troisième.
Avant de réclamer les soins de i\I. Houlet, cette dame était sujette à de fréquentes attaques de nerfs, depuis plusieurs années. A partir de la sixième magnétisation, c’est-à-dire depuis environ huit mois, ses attaques n’ont pas reparu.
Nous avons vu cette malade pour la première fois, le 9 février 1852. Nous avons constaté la perte totale de l'œil droit, l’existence d’une kératite de l'œil gauche, avec opacité de la partie inférieure et interne de la cornée transparente, et une petite cicatrice, suite d’ulcération, à la partie latérale gauche de cette môme cornée.
La malade parait très-sensible à, l’action magnétique, elle tombe presque de suite dans un demi-sommeil. M. Houlet actionnant M“" Guioni à un mètre de distance, et interposant , entre la pointe de ses doigts et l'œil de cette malade, une glace d'un décimètre carré de largeur et de quatre millimètres d'épaisseur, l’action magnétique se fit sentir d’une manière très-marquée, et un clignotement bien évident, analogue à celui que produirait une vive lumière, se manifesta aussitôt.
Le 23 février, la partie externe de la cornée transparente parut s’éclaircir : c'est le seul point où la malade peut distinguer les objets.
Elle a pu voir, pour la première fois, à la fin de février, des tasses à café, un bol et d’autres objets, mais à un demi-jour plutôt qu’à une lumière vive. Dans les réponses aux questions que nous lui adressâmes, nous apprîmes qu’une douleur de tète, qui existait depuis neuf ans, avait disparu après le deuxième mois de magnétisation.
Le 15 mars, le champ de la vision s’est agrandi; la malade commença à distinguer les objets, presque aussi bien du côté interne que du côté externe de la comée ; elle a pu distinguer une épingle. A la fin du même mois, elle put apercevoir, de Ménilmontant, le phare de la barrière de l’Etoile. Elle nous dit que son appétit n’a jamais été si bon. 11 y a Join certaine-
ment de l’état où est M"" Guioni à celui où elle serait, si sa vue était dans son intégrité; niais il y a plus loin encore de la faiblesse actuelle de cette fonction à une cécité complète; et les témoignages de reconnaissance de cette dame envers son bienfaiteur montrent assez combien elle sent l’importance du service qu’il lui a rendu et qu'il peut lui rendre encore.
On rapporte qu’un oculiste anglais avait jadis fait graver sur les panneaux de sa voiture ces paroles, fort peu modestes d’ailleurs, mais empreintes d’une grande vérité : Qui lucem tlut, vitam dat (celui qui donne la lumière donne aussi la vie). N’a-t-il pas, en effet, déjà un pied dans la tombe celui qui, comme Mil ton et Delille, se trouve plongé vivant dans la nuit éternelle ?
Quelle reconnaissance ne doit pas inspirer celui qui nous restitue le plus précieux de tous les sens, par lequel nous éprouv ons les jouissances les plus douces et nous recevons les impressions les plus variées de la part de tout ce qui nous entoure !
Deuxième observation.
M11* Florinc Fontaine, âgée de vingt-cinq ans, demeurant chaussée de Ménilmontant, 78.
Nous voyons cette demoiselle pour la première fois. le » février 1852.
Elle est d’un tempérament lympathique, a la poitrine contrefaite, l’intelligence très-peu développée.
Sans vouloir ici nous prononcer sur le système du Dr Gall, nous ferons remarquer que ce peu de développement de l’intelligence coïncide avec une dépression très-marquée du front.
Nous apprenons qu’elle est malade depuis trois ans, et que sa maladie a débuté par des battements de cœur et des douleurs au creux de l’estomac. . *
Comme elle n’était pas réglée, on lui fit une application de sangsues aux cuisses ; mais ce moyen, loin de diminuer son mal, ne fit que l’augmenter, et produisit une gêne extrême dans la respiration.
Le bruit de souffle dans les carotides, la pâleur de la peau celle des gencives et de la caroncule lacrymale, expliquent l’insuccès des émissions sanguines, auxquelles on aurait dû préférer les préparations ferrugineuses, une nourriture substantielle et une magnétisation quotidienne, afin de lui donner un sang riche et vivifiant, et par suite améliorer sa constitution.
Du mois d’août 1851 au mois de novembre de la même aimée, la malade avait des attaques pendant lesquelles elle tombait et éprouvait la sensation d’un corps qui partait du bas-ventre, arrivait à la gorge et lui occasionnait alors une strangulation devant laquelle elle perdait connaissance pendant trois heures; après quoi elle revenait à elle et éprouvait un refroidissement général pendant une heure. Evidemment cette malade était attaquée d’hystérie. Tous les moyens employés contre cette affection échouèrent. C’est alors que voyant la médecine impuissante, ou l’engagea à recourir au magnétisme.
Cette pauvre fille ne réclama pas en vain les secours de M. Houlet, qui voulut bien lui prêter son ministère, à partir du mois de novembre dernier.
Le magnétisme, comme presque toujours, fit disparaître les symptômes hystériques et, chose remarquable, à la troisième magnétisation, fit apparaître les règles pour la première fois chez cette fille âgée de vingt-cinq ans.
Un fait que nous fit constater M. Houlet, et qui prouve l’influence du magnétisme, c’est l'a sueur abondante suivie de soulagement qu’éprouve la malade à chaque magnétisation , puisqu’elle va jusqu’à mouiller abondamment la place du parquet où reposent ses pieds ; ce qui justifie l’aphorisme de Mesmer, emprunté à Hippocrate, que les maùidies ne guérissent que par des crises.
A la fin de février, nous avons remarqué que la malade avait plus de fraîcheur et d’embonpoint que de coutume, ce que confirmèrent plusieurs personnes présentes et qui la connaissaient depuis quelques mois. Ces témoins affirmèrent aussi que l’intelligence de cette fille, qui pouvait à peine compter jusqu’à dix, s’est développée depuis qu'elle est en traitement magnétique, qu’elle compte beaucoup mieux et que ses idées s’enchaînent plus facilement.
Elle nous fait savoir elle-même qu’elle a un appétit eon-sidérable, ce qui d’ailleurs est très-ordinaire chez les individus frappés d idiotisme.
Chaque fois que M. Houlet la magnétise, elle tombe dans le somnambulisme, est parfaitement isolée, ne répond aux questions des personnes présentes que lorsque ces personnes se mettent en rapport avec son magnétiseur. Chaque fois qu’elle est dans cet état, elle dit qu’elle voit son cerveau; elle le dit être très-rouge, un jour qu’elle avait mal à la tète, et beaucoup moins un autre jour qu’elle n'y souffrait pas.
A chaque magnétisation, elle annonce qu’elle sera tout à
fait rétablie au mois de mai. Ou ne l’a pas revue depuis le commencement d’avril. Malheureusement, cette pauvre fille est obligée de se faire magnétiser en cachette de son patron, ennemi du magnétisme. En sorte qu’elle ne vient chez M. Houlet qu'à la dérobée ou quand elle y est forcée par les mauvais traitements de maîtres inhumains, dont la brutalité la met quelquefois dans l’impossibilité de se livrer à aucun travail.
Troisième observation.
M1"" Calabre, âgée de cinquante-trois ans, demeurant rue de Calais, 00, non réglée depuis quatre ans, est affectée d’une tumeur abdominale depuis 1842, laquelle tumeur a commencé à paraître au-dessus du pubis et s’est propagée graduellement de bas en haut et de gauche à droite, jusqu’à l’épine antérieure et supérieure du côté droit.
Cette tumeur est inégale, dense et immobile.
On ne peut que faire des conjectures sur sou diagnostic, les moyens d’investigation convenables ne pouvant Être employés pour nous éclairer à ce sujet. Cependant il est très-probable que le siège de cette tumeur est dans l’ovaire droit.
Le traitement qu’ou a fait subir à M“° Calabre, de 1842 à 1843, consiste dans l’usage de bains de siège, de saignées, de sangsues sur la tumeur, après l’application desquelles les règles, qui ôtaient supprimées depuis deux mois, reparurent.
Des purgatifs furent aussi employés de temps en temps, mais sans aucun succès. La malade cessa ensuite toute espèce de traitement, depuis 1843, et confia sa guérison aux seuls efforts de la nature.
M. Houlet la magnétisa pour la première fois, et en notre présence, le 9 février 1852.
Indépendamment des signes locaux dont nous avons parlé, la malade accusa les signes sympathiques suivants : perte d’appétit, digestion laborieuse, constipation, douleur vive ayant son siège à la partie supérieure et transversale de la tête, ce qui occasionnait une insomnie et des rêves pénibles depuis fort longtemps.
La malade éprouvait souvent des bouffées de chaleur, qui partaient du bas-ventre et montaient jusqu’à la gorge,
M. Houlet magnétisa cette dame, mais il remplaça cette fois la bouteille par un verre d’eau tenu par la malade, et qu’il lui donna à boire après avoir augmenté sa vertu magué-tique par l'insufflation et l’immersion d’uu de ses doigts dans ce liquide,
Le 16 février, un des commissaires, M. Guillaume, pria M. Houlet, dans l’intérêt de la malade, de vouloir bien la magnétiser tous les jours, ce qui fut fait exactement, excepté le dimanche.
Le 21, pendant la magnétisation, la malade éprouva à l'épi* gastre la sensation d’un mouvement (pii lui sembla produit par un corps paraissant descendre de cette région dans le bas-ventre.
Depuis notre visite du lt>, la tumeur paraît moins volumineuse, moins dense et un peu mobile. Les digestions se font avec plus de facilité.
Le 1" mars, la malade est toute joyeuse d’avoir pu man • ger du lapin à deux reprises différentes sans avoir de mauvaises digestions, ce qu’elle n’avait pu faire depuis plusieurs années. M™ Calabre nous dit qu’avant son traitement magnétique, lorsqu’elle avait mangé la soupe, elle était obligée de cesser son repas pour s’appliquer sur le ventre un cataplasme arrosé de laudanum, tant sa digestion était douloureuse.
Au lieu d’aller, comme ci-devant, une ou deux fois par semaine la garde-robe, elle y va actuellement tous les deux jours, et quelquefois tous les jours, ce qu’elle attribue à l’eau magnétisée dont elle boit un litre par jour.
Le 8 mars, les chaleurs ascendantes dont elle se plaignait, et qui avaient lieu quinze à vingt fois par jour, ont presque entièrement disparu. L’insomnie est remplacée par un sommeil profond et prolongé, le teint s’éclaircit sensiblement.
La malade, qui a pris depuis quelques jours seize grammes de sulfate de magnésie dans quatre verres d’eau magnétisée , est allée plus fréquemment et plus abondamment à la garde-robe que lorsqu’elle prit une bouteille d’eau de Sed-litz à quarante-huit grammes, qui lui avait été conseillée par un médecin.
Il résulte de l’exposé de3 symptômes susmentionnés, que si la tumeur abdominale, qui exist ât depuis plus de dix ans, n’a diminué que faiblement de volume, les symptômes sympathiques et secondaires ont tout à fait cessé.
L’insomnie dont cette femme était atteinte depuis plusieurs années, altérait non-seulement sa santé, mais celle de son mari, qui ne pouvait non plus fermer les yeux, tant l'agitation de sa femme était grande. Aussi, nous disait cet homme, le magnétisme n’aurait-il produit que le retour de notre sommeil , il aurait rendu à ma femme et iv moi un très-grand service.
Quatrième observation,
RI”' Quaine, âgée tle trente-cinq ans, d’un tempérament lymphatique, est attaquée d’un goitre qui forme, à la partie antérieure du col, une tumeur demi-sphérique, oblongue, irrégulière, bossuée, ayant à peu près le volume d’une grosse orange.
Cette tumeur est un peu allongée de bas en haut et de gauche à droite. Elle n’est accompagnée ni d’inflammation, ni de changement de couleur à la peau.
M”' Quaine, qui est depuis peu à Paris, est originaire de Clermont-Ferrand, où cette maladie est presque endémique. Quoique le goitre soit souvent héréditaire, nous apprenons que les ascendants de cette dame ont été exempts de cette maladie.
Aucun traitement n’a été employé contre ce mal, bien qu’il dure depuis plus de douze ans et qu’il ait pris un développement considérable depuis six mois.
L’augmentation de volume de ce goitre ayant déterminé de la gêne dans la respiration, la circulation et la déglutition . de l’altération dans la voix, de l’insomnie, des maux de tête, M"" Quaine se décida enfin à se faire soigner. C’est alors qu’ayant entendu parler des cures magnétiques que B1. Houlet opérait, elle s’adressa à lui et fut assez heureuse pour qu’il voulût bien l’entreprendre. Il la magnétisa trois fois par semaine à partir du 23 février dernier. Au bout de quinze jours de magnétisation, le goitre diminua sensiblement dans son étendue et son épaisseur, ce qui produisit une modification favorable dans l’exercice des fonctions. Ainsi, la malade respirait plus facilement, la lividité de la face, produite parla gêne de la circulation, avait disparu; la voix reprit son timbre ordinaire, les boissons et les aliments passèrent plus facilement.
Le 5 avril, nous constatons que la collerette de cette dame,
2ui, à la fin de février, pouvait avec peine se boutonner au-evant du goitre, se croise maintenant de manière que les bords dépassent de chaque côté de trois centimètres.
Nous devons ici faire remarquer que la médecine possède aussi dans les préparations iodées un moyen très-eflicace pour attaquer cette maladie, et que le médecin qui ferait alors de la médecine allopatho-magnétique aurait moitié plus de chance de guérir son malade.
Nous ne pouvons nous dispenser de faire connaître un moyen que M. Houlet mit en usage chez cette dame à cha-
que séance : nous voulons parler du massage de son goitre. Celte pratique, qui est très-usitée chez les peuples orientaux, consiste à presser, ü pétrir, pour ainsi dire, avec la main les parties auxquelles on veut donner de la souplesse et de la vitalité.
Il est évident pour nous que les effets résultant de l’emploi de ce moyen salutaire sont en grande partie dus au magnétisme.
« Je suis étonné, » dit M. le I)r Piorry, à. l’article massage du Dictionnaire des Sciences médicales, « que les magnétiseurs n’aient pas déjà dit que leur fluide puissant, modifié par cette action, est la cause du bien-être que l’on éprouve... Laissons de telles idées à ceux qui les professent, elles pourraient tout au plus prendre naissance chez les jongleurs qui, dans plusieurs pays, pratiquent cette opération. »
Et plus loin, ce médecin, comme pour justifier la manière de voir des magnétiseurs, ajoute :
« L’épouse d’un des savants les plus distingués dont la France s’honore, n’éprouve de soulagement à une douleur vive et rhumatismale à laquelle elle est sujette, que lorsque 1 on pratique sur la partie malade une pression analogue au massage. Ce moyen n’est pas chez elle curatif, mais il est certain qu’il calme singulièrement la douleur. »
Cinquième observation.
M1"' Poncin, âgée de trente-deux ans, demeurant rue de la Mare, à la caserne de Ménilmontant.
Cette dame, qui est d’un tempérament lymphatique, est affectée d hystérie et de douleurs rhumatismales depuis sept
Il y a environ trois ans qu’elle éprouve, au moins trente fois par jour, des bouffées de chaleur et des étouffements pendant lesquels la figure devient très-rouge. La marche ascendante est très-difficile. La menstruation se fait très-mal depuis deux ans que cette dame habite Paris, et le sang est on ne peut plus pauvre.
Nous vîmes la malade pour la première fois, le 8 mars dernier.
Nous avons constaté un bruit de souffle très-prononcé dans les carotides, notamment du côté gauche.
M. Houlet la magnétisa alors pour la troisième fois; il lui magnétisa aussi de l’eau ferrée, à l’usage de laquelle il la mit
pour combattre son état clilorotique. Au bout de quelques minutes, elle dormit du sommeil magnétique.
Le 15 mars, les bouffées de chaleur ont presque entièrement disparu; il en est de même des douleurs rhumatismales ; mais les étouffements existent toujours. Cependant elle peut faire de plus longues courses sans se fatiguer.
Le 5 avril, la malade tousse beaucoup depuis cinq jours, ce qui engage M. Houlet à suspendre l’usage de l'eau ferrée.
L obscurité du son que nous constatons sous la clavicule droite, l’expiration prolongée en cet endroit, les sueurs nocturnes, la perte d’appétit et l'amaigrissement progressif, sont pour nous des signes qui nous font penser que cette dame est affectée de pbthisie au premier degré. Nous lui conseillons de ne point s’en tenir au magnétisme, car si ce moyen est très-efficace pour combattre les symptômes hystériques, il n’en est pas de même à l’égard de la phthisie, l’expérience du moins ne l'a pas démontré.
Sixième observation.
One petite fdle de huit ans fut attaquée, sans cause connue, de la chorfe, maladie désignée dans le monde sous le nom de danse de Saint-Guy. Cette enfant, dont les parents sont locataires de M. Tochon, notre collègue, fut adressée par lui à M. Houlet, dans le courant de février, afin de savoir si cette maladie, qui est si rebelle à la médecine ordinaire, ne pourrait pas être modifiée favorablement par le magnétisme.
Cette affection, qui existait depuis un mois, était caractérisée par des mouvements désordonnés et convulsifs, qui se succédaient plus ou moins rapidement, soit que la malade s’abandonnât au repos, soit qu’elle exécutât quelques mouvements volontaires.
Cette enfant faisait souvent des grimaces et des contorsions étranges ; elle ne pouvait rien tenir dans les mains, ni marcher sans sautiller.
Tout ce cortège de symptômes contre lesquels la médecine a si peu de puissance, céda en grande partie à la première magnétisation et disparut à la sixième.
La commission, après avoir rempli l’honorable mission que vous avez bien voulu lui confier, croirait manquer à son devoir si elle ne signalait au Jury magnétique notre excel-
lent collègue M. Houlet comme digne, sous tous les rapports, de recevoir une distinction honorifique pour les applications heureuses et très-nombreuses qu’il a faites du magnétisme au traitement des maladies.
Il nous eût été facile, si notre temps nous l’eût permis, de recueillir plus d’une centaine d’observations, tant les malades de notre collègue sont nombreux.
M. Houlet, Messieurs, est un vieillard de soixante-douze ans qui, depuis plus de dix ans, a voué tous les jours de son existence à la pratique du magnétisme, et cela avec le plus grand désintéressement.
Toutes les soirées de cet homme bienfaisant^ sont consacrées au soulagement des malades, qui ne sont jamais moins de dix à douze à son domicile. On peut dire que chaque jour de notre vénérable collègue, que tout «autre à, son âge et dans sa position consacrerait au repos, est marqué par de nouveaux bienfaits. Toujours attendri à la vue de ceux qui souffrent, il ne peut voir des malades sans chercher à les consoler, les soulager el souvent les guérir.
Puisse le témoignage de vos commissaires à l’égard de notre collègue être pris en considération par le Jury magnétique, lorsqu’il se prononcera sur les disciples de Mesmer qui auront mérité l’honneur d’une distinction 1
D' LOUYET, rapporteur.
Paul CARPENTIER.
Acg. GUILLAUME.
Le Comité pense que ce traitement pêche en plusieurs points essentiels, notamment par l’ingestion de l’eau qui, après avoir été en contact avec les mains et les genoux, ne doit plus contenir de magnétisme, et l’immersion des doigts dans ce liquide, quand il est destiné à la boisson. Ceci n’est ni logique ni convenable, et les résultats obtenus n’en dépendent certainement pas. A part cette considération restrictive, la conduite de M. Houlet lui paraît (ligne d’éloges; en conséquence il le porte candidat pour la médaille de bronze. (Adopté.)
Licut.-Colonel ch" MAC SHEEHY.
(La suite prochainement).
CONTROVERSES.
ESPRITS. — TABLES. — MÉDIUMS.
Nous avons reçu deux communications importantes sur un sujet qui préoccupe aujourd’hui les observateurs les plus sagaces et les divise en plusieurs camps.
La première est ainsi conçue :
Monsieur le rédacteur,
J’ai l’avantage de lire quelquefois votre intéressant Journal du Magnétisme, et aujourd’hui je trouve, dans le numéro 180, du 25 janvier dernier, à la page 55, une lettre de M. le D' Roux, publiée par le Messager du Midi, journal de Montpellier.
Dans sa lettre sur les tables tournantes, M. Roux réfute l’opinion des personnes qui croient se mettre en rapport avec des esprits, lorsqu’elles font tourner une table, un chapeau, etc. Il attribue ces effets ou les réponses produites par ces objets, à des coips inertes soumis à certaines influences expérimentalement démontrées. Loin de moi de vouloir contester l’opinion d’un médecin si distingué ; seulement je désire qu’il daigne m’expliquer les causes ou les agents qui ont pu produire les effets, les phénomènes que je vais citer, dont je pourrai, au besoin, prouver l’authenticité par l’attestation de plusieurs témoins oculaires.
Le 13 janvier dernier se trouvaient réunis chez moi, rue du Musée, 30, à Marseille, quelques-uns de mes amis, dont trois comme moi élèves de M. Philips, professeur d’électrobiologie. Il fut question de faire tourner et répondre une table. Nous primes un petit guéridon, nous nous mimes quatre à former la chaîne autour de ce meuble, et au bout de six minutes il commença à tourner. Nous posâmes des questions et nous obtînmes des réponses plus ou moins favorables à nos désirs. M. Charavet, un de ceux qui étaient à
la chaîne, voulut questionner à son tour, et entre lui et la table s’établit la conversation suivante : a Suis-je protégé par quelque bon esprit ?
— Oui.
— Puis-je connaître son nom ?
— Oui.
— Je vais réciter l'alphabet, et vous aurez la bonté !e me dire ce nom. »
La réponse fut Paul.
« Le mot Paul, dit alors M. Charavet, n’est qu’un prénom; pouvez-vous me dire le nom de famille de ce Paul? » La table ne fit aucun mouvement.
« Est-ce que ce Paul est le grand saint Paul? »
La table se renversa alors avec plus de force que les autres fois.
a Suis-je digne que saint Paul me touche la main ?
— Oui. »
Alors cet ami tendit la main sur le guéridon et pria dévo-tieusement son protecteur de lui toucher la main. Un instant après, son bras et sa main étaient dans un état de catalepsie complète.
Dans cette réunion se trouvait, assis sur un canapé un peu éloigné du guéridon, un jeune garçon de quatorze ans, mon sujet d’électro-biologie, qui, endormi par influence biologique, était dans ce moment en état de complète lucidité. 11 lui fut demandé ce qui se passait à la table, et il répondit : « M. Charavet a son bras droit roidi.
— Restera-t-il longtemps daus cet état?
— Deux minutes.
— Peux-tu savoir ce qui a produit cette raideur? Vois-tu quelque chose d’extraordinaire autour de la table ? »
Alors ce garçon, dirigeant sa tête de notre côté, se mit à sourire d’un air ravissant, joignit ses deux mains en attitude de prière, et répondit :
i' Oui, je vois, oui... Qu’il est beau! qu’il est radieux!
— Qui est-ce qui est beau et radieux ?
— Saint Paul (ce garçon n’avait pu entendre, à cause de son état de sommeil, rien de ce que nous disions).
— Tu vois saint Paul ?
— Oui.
— Comment le connais-tu ?
— Parce que j’ai vu autrefois son portrait, u
Et l’enfant conservait toujours son attitude de prière et son sourire.
Les deux minutes étant écoulées, M. Charavet, sentant son bras dégagé, se leva, abandonna le guéridon du côté opposé à celui où était l’enfant. Celui-ci quitta le canapé et suivit à genoux, toujours les mains jointes, la clarté de la vision qu’il avait devant lui. Mais comme M. Charavet se plaça derrière une autre personne, l’enfant perdit de vue cette clarté qui lui causait tant ce charme ; il devint triste et se mit à pleurer. Après l’avoir consolé, en lui promettant qu’une autre fois il reverrait saint Paul, je lui demandai s’il voyait quelque chose ou quelqu’un à côté de moi.
« Attendez, » me dit-il; et après s’être incliné de mon côté pour regarder, il me répondit : « Je vois un homme maigre et pâle.
— Est-il grand ou petit?
— 11 est grand.
— Peux-tu me dire qui est cet homme ?
— C’est votre père, — me dit-il après avoir bien regardé.
— Y a-t-il longtemps que mon père est près de moi ? _
— Oh ! il y a un si grand nombre d'années que je ne puis pas les préciser. »
Mon père est mort en Espagne, en 1825 ; il était grand.
Ce garçon, toutes les fois qu’étant dans son état de lucidité il voit entrer M. Charavet, sourit et joint les mains.
Avant le 13 janvier, ayant fait des expériences sur les tables tournantes et l’ayant rendu lucide pari’électro-biologie pour savoir ce qui faisait mouvoir la table, ce même sujet m’a dit voir une fois chez moi un homme ; une autre fois, dans la maison d'un de mes amis, il vit une femme. Et chaque fois cet enfant, eut si peur, qu’il allait s’évanouir si je n’avais pris mes baguettes pour le dégager et lui éviter un désagrément.
Par les nombreuses expériences que nous avons faites, ce jeune homme et moi, nous avons découvert qu’il est accompagné et protégé par l’esprit de son grand-père, mort à Lyon au mois d’avril dernier. Etant endormi et dans un état de lucidité par influence électro-biologiqtie, il a vu l’esprit qui faisait tourner et répondre la table, et par la description qu’il en a faite, j’ai reconnu son grand-père, qu’il n’a jamais vu, tandis que moi je l'ai connu.
Depuis quelque temps, je n’ai qu’à dire à ce garçon: n Prends ton cahier et ta plume (sans consulter la table ni le chapeau), écris telle demande et attends la réponse, n Ces sortes d’exercices ont duré parfois plus d’une heure et. demie, et il aiTive toujours qu’à la troisième ou à la quatrième
réponse, cet enfant se sent le bras saisi si violemment, qu’il en est fatigué ; son bras tremble et sa vue devient trouble. Alors je le dégage avec mes baguettes d’électro-biologie.
Ce n’est pas seulement par la main de ce sujet que je fais écrire les réponses des esprits; j’ai fait écrire différentes autres fois par d’autres mains en diverses maisons. Le 5 de ce mois, entre autres, me trouvant en réunion de plusieurs incrédules dans une maison, je fis écrire par la main d’un monsieur que je voyais pour la première fois. Mais celui-ci se sentit tellement saisi, qu’après avoir écrit trois réponses d’un mot chacune, il se trouva si fatigué qu’il ne put continuer : le sang lui montait à la tête.
Le plus incrédule de cette réunion, homme d’environ trente ans, n’étant pas tout à fait convaincu de ce qu’il venait de voir sur son ami, voulut subir l’épreuve. Il écrivit une demande et attendit la réponse. Un instant après il se plaignit en disant : « Je sens tout mon corps pris par quelque chose d’incompréhensible. » Ses amis en rirent.
« Messieurs, dit-il, ce ne sont pas des choses à rire; je vous prie de croire qu’il se passe en moi je ne sais quoi qui s’est emparé de tout mon être. » 11 était pâle et point content. Il fut tellement convaincu, qu’il demanda au maître de céans de vouloir lui céder la feuille qui contenait ses demandes et réponses, et il l’emporta.
Une autre fois, j’ai vu un de mes amis, qui était à la chaîne autour d’une table avec moi, interroger et obtenir pour ré-
Sonse le nom de son père, qui, lui touchant la main,lui roi-it tout le bras. Après il obtint les réponses par écrit.
Je pourrais citer d’autres expériences que j’ai faites, dans lesquelles j’ai obtenu des réponses tantôt favorables, tantôt opposées à ma volonté, à mon idée ou à. celle des assistants, tantôt surprenantes, parce qu’aucun de nous ne s’attendait à ce qui fut répondu.
Enfin, je serais plus que satisfait qu’on me démontrât par des raisons assez convaincantes les agents qui ont pu produire les effets que je viens de citer, — effets aussi véridiques que l'existence du soleil, — s’il n’y a pas là coopération d’esprit quelconque.
Pardonnez, monsieur le rédacteur, la prolixité de ma lettre, et agréez, etc.
AYMERICH.
Marseille, le 9 février 1854.
Cette lettre s’éloigne assez du cercle embrassé par les ex-
plications de M. le I)' Roux, pour que celui-ci se dispense de répondre à l’interpellation qui lui est adressée ; cependant nous espérons qu'il ne refusera pas les lumières de sa vaste expérience pour éclairer ce débat.
Voici l'autre lettre :
Monsieur le rédacteur,
Vous avez inséré, dans leu0184 de votre excellent Journal, un article de M. Clément, au sujet de la lettre que j avais eu l’honneur de vous adresser au mois .d’octobre dernier, sur certains faits étranges et mystérieux dont j’avais été acteur et témoin, et dont je pouvais ainsi garantir la rigoureuse exactitude.
M. Clément, bien loin d’adopter les conséquences que j a-vais cru devoir tirer des faits que je racontais, nie en partie ces faits eux-mêmes, sans pourtant accuser ma bonne loi, et m’oppose, par l’organe de sa somnambule, cette foudroyante réponse :
« O superstition!.... hallucination I...... Les hommes à
croyance mystique voient l'invisible ;..... ils sont de bonne
foi.... ils croient voir, cela leur suffit.... »
De sorte que me voilà transformé en visionnaire mystique, cherchant à ressusciter les chimères du moyen-tige et les pratiques bizarres des temps anciens (textuel) , et cela pour avoir eu le courage de publier des faits que (je suis obligé de le répéter) j'ai vus, de mes propres yeux vus, ce qui s’appelle ru, faits qui du reste se sont produits dans bien d'autres lieux et en présence de personnes sur l’intelligence et sur la raison desquelles aucun doute n’est possible.
Depuis que les organes de la presse ont entretenu leurs lecteurs des étranges phénomènes des tables tournantes et parlantes, je me suis livré à des expériences diverses et réitérées, j’ai employé tous les moyens de contrôle possibles, j’ai cherché à me rendre compte des faits au moyen des explications fournies depuis un an par les savants et par les magnétiseurs , et je suis arrivé à cette conviction intime et inébranlable, que la chaîne magnétique et, dans certains cas et pour certaines personnes, la simple imposition des mains sur une table, un guéridon, etc., pouvait nous mettre en rapport avec une force extérieure, occulte et intelligente , que j’appelle esprit. Voilà mon point de départ, et je crois qu’il ne suffit pas, pour le détruire, de me jeter à la face le
reproche banal et si peu rationnel île superstition, préjugés chimériques, fanatisme, etc.
Tous ces grands mots n’épouvantent plus personne et devraient bien être laissés à l’usage exclusif des corps savants, qui haïssent et proscrivent toute innovation et toute découverte qui sortent du cercle de la science reçue et acceptée par eux. M. Clément, lui, nie tous les prétendus phénomènes des tables, l’intervention des esprits, les communications d'outre-tombe, etc. Rien de mieux, jusque là il est dans son droit, chacun est libre de sa croyance; mais qu’il veuille bien alors mous fournir une explication claire et rationnelle de tous les faits produits ou contrôlés par tant d’hommes sages, instruits et sans préjugés, dont les témoignages ont été enregistrés dans les pages mêmes de votre Journal. Ces hommes d’une intelligence supérieure et incontestée— tels que MM. Owen , Jobard, Morin, etc., — admettent, dans de certaines conditions, la possibilité de communications avec les esprits, au moyen du fluide magnétique ; ils paraissent croire que tout n’est pas chimérique dans les phénomènes produits au sujet des tables parlantes, et que ces phénomènes, qu'un illustre penseur considère comme un des grands événements de notre siècle, sont destinés peut-être à jeter une lumineuse clarté sur les mystérieux rapports qui existent entre nous et le inonde supra-humain. Quelque dévoués qu'ils soient, pour la plupart, à la cause si belle et si noble du magnétisme bien compris et bien pratiqué, ils ne se croient pas obligés de se roidir contre Y évidence des faits, et de chercher à en atténuer les conséquences sous le spécieux prétexte que ces faits pourront devenir une aime puissante entre les mains des ennemis du magnétisme.
Que M. Clément me permette de lui dire que l’obstination de certains magnétiseurs à nier des faits évidents comme te soleil, attestés qu’ils sont par des milliers de témoignages venus de diverses parties de l’Europe et de l'Amérique, a jeté dans un grand nombre d’esprits calmes et impartiaux une espèce de défaveur et de suspicion pour le magnétisme, qui a ainsi l’air d’avoir à redouter pour lui-même que Y entière vérité soit connue, lorsque au contraire il n’aurait qu’à y gagner. En effet, que prouvent tous les phénomènes produits au sujet des tables parlantes? Uniquement ceci: Que le fluide magnétique est le lien invisible, mais réel, qui nous unit et nous rattache au monde spirituel, et permet à notre âme, agent spirituel elle-même, de communiquer, dans de cer-
uüaes conditions, avec des agents «le même nature; comme, dans certains cas de somnambulisme, l’àme des somnambules se met, au moyen du même fluide, en rapport avec d'autres âmes appartenant soit à des personnes vivantes, soit à des personnes décédées. En quoi, je le demande, le premier phénomène est-il plus étonnant que le deuxième? et quelle conséquence plus grave et mieux motivée pourrait-on en tirer contre le magnétisme, qu’on ne puisse également déduire du second? Car, si les tables parlantes el les esprits frappeurs des Etats-Unis ont troublé bien des intelligences et engendré de bizarres et décevantes doctrines, il en est de même de l’extase sonmambulique, dont les étranges visions ont élé si souvent constatées par les magnétiseurs et ont aussi donné lieu à de bizarres et décevantes théories sur les mystères de la vie future. Ne serait-il pns plus sage et plus raisonnable d'aller hardiment et résolûment an fond des choses et de proclamer sam hésitation et sans réticence cette vérité que je crois incontestable :
Le fluide magnétique est le doü le plus sublime que la Providence nous ait fait, c’est le moyen le plus eilicace et le plus énergique de guérir et de prévenir la plupart des maladies du corps et de l’esprit ; mais aussi, comme ce fluide est le chaînon qui nous relie au monde hypernaturel, c'est un instrument dangereux et redoutable entre les mains de ceux qui ne savent pas s’en servir, ou qui s’en servent dans un mauvais but; car il nous permet, dans certaines conditions, de nous mettre en rapport avec les esprits ; or, ceux-ci pouvant Pire bons ou marnais, iî faut apporter dans ce genre de communication la plus grande circonspection et une sage défiance, surtout en ce qui touche aux mystères de l’autre vie, tout moyen de coutrôle humain nous manquant à cet égard. On ne doit donc se livrer qu’avec une excessive prudence, et dans un bon but — par exemple, l’amour de la science, le désir de soulager ses semblables, — aux expériences de somnambulisme, magie, tables parlantes, esprits frappeurs, etc.
Je crois, monsieur le rédacteur, qu’un pareil langage, loin de nuire au magnétisme, dissiperait bien des erreurs, bien des préjugés, et tout en signalant les dangers qui peuvent résulter de son abus ou de son emploi aveugle et inintelligent, permettrait d’apprécier les immenses avantages qu’il offre lorsque, pour me servir des expressions si sages et si justes de M. Clément lui-même, il est bien compris dans su théorie et bien exercé dans sa pratique.
Je m’estimerais heureux, Monsieur, que les réflexions que renferme cette trop longue lettre et l’importance des questions qu’elle soulève, engageassent la rédaction du Journal du Magnétisme à intervenir dans le débat et à donner franchement et résolûment son avis sur cette question capitale qui domine et résume toutes les autres : Pouvons-nous, au moyen du fluide magnétique, et (Unis de certaines conditions, nous mettre en rapport avec le monde spirituel'/
En attendant, veuillez agréer l’expression des sentiments respectueux et bien dévoués de votre très-humble serviteur.
Vicomte L. de MESLON.
Rauzan, G mai 185t.
Donner son avis sur cette question ne serait point terminer le débat, mais ajouter seulement des arguments en faveur de l’une ou de l’autre opinion. Quoi qu’il en soit, je révélerai bientôt ce que mes observations m’ont fait connaître, ce que mes expériences m’ont démontré touchant le monde invisible. Je dirai au sceptique : Voici le chemin des preuves, marche-s-y, si tu as du courage.
J’ai la conviction que pas un n’osera. L’incrédulité est une sorte de foi en "soi-même ; douter, c’est déjà croire ; rejeter tout, c’est le suprême orgueil, et les orgueilleux ne s’inclinent jamais devant la vérité !
Baron DU POTET.
PETITE CORRESPONDANCE.
iax Abonnés. — Une mesure fiscale nous oblige de séparer de la couverture le billet d’entrée aux Séances.
Les billets qui restent à distribuer seront envoyés directement aux abonnés.
VARIÉTÉS.
Gemma. — Ballet en 2 actes et 6 tableaux. Livret de M. Th. Gâcher,
musiquo de M. lo comte de Gabrielu, chorégraphie de Mm0 Cerrito.
On a mis le magnétisme en drame, en vaudeville, en comédie, en pantomime, en chanson; en un mot, on l’a mis en pièces de toutes les manières, et pour que ses pérégrinations à travers les planches fussent complètes, il ne lui manquait plus que d’avoir passé par les entrechats et autres accessoires chorégraphiques. Il ne lui manque plus rien à l’heure qu’il est.
L’Opéra, dont les lauriers de la salle Bonne-Nouvelle troublaient peut-être le sommeil, s’est signalé à son tour par une nouveauté quasi-magnétique, et cette fois, danses, musique, décors, machines, précipices et autres accessoires de tout genre, constituent le fond de la chose, si fond il y a.
Dans le ballet de M. Théophile Gautier, le mesmérisme est représenté comme un moyen de séduction dont peut se servir la plus laide moitié du genre humain pour subjuguer la plus belle. Pourquoi M. Th. Gautier, qui a cependant écrit de fort jolies pages sur le somnambulisme, n’a-t-il rien trouvé de mieux que cette histoire rebattue de Lovelace magnétiseur abusant de sa puissance dans des intentions que le Code pénal a prévues? Et cependant, il y a dans le magnétisme assez de faits curieux, assez de sujets intéressants à prendre pour un auteur aussi ingénieux que l’esf M. Th. Gautier, et ce n'est certes pas trop demander à MM. lfcs auteurs que de désirer que leurs œuvres, en tant qu'elle* empruntent au magnétisme, soient au moins plus conformes à la vérité, plus en harmonie avec les faits observés.
Heureusement les annales du magnétisme ne rapportent guère de faits semblables à ceux dont M. Th. Gautier nous donne un exemple dans Gemma, et depuis les \\ iésecké et les marchands de crayon qui se font passer pour patriarches, le public a les yeux ouverts sur les abus qu'on pourrait faire du magnétisme. Du reste, de quoi 11’abuse-t-on pas ?
Mais revenons à Gemma. Voici l’analyse de la pièce :
Nous sommes à Tarente, vers 16.... La comtesse Gemma, tourmentée du désir de se faire exposer au salon, pose pour son portrait chez le peintre Massimo. Elle s'éprend de l’artiste, et celui-ci répond à, sa flamme. Arrive un certain marquis de Sanla Croce, séducteur quelque peu magnétiseur, prédécesseur ignoré de Mesmer, mais qui pratique la science des fluides dans uu tout autre but que ce dernier. Santa Croce magnétise donc la jeune comtesse et, dans son sommeil, lui fait faire toutes sortes de promenades, de conversions, etc., toutes choses que de 110s jours vous pouvez voir gratis (moins la danse) aux séances de la Société du mesmérisme et celle de la rue de Grenelle. — Dans ces expériences, Gemma va jusqu’à se pencher voluptueusement sur les épaulesdu magnétiseur et l’enlace de ses bras, sans se souvenir de Massimo. Mais voilà qu’un léger bruit annonce l’arrivée de Massimo. Santa Croce réveille Gemma et s’esquive à temps (la sortie du magnétiseur rappelle un peu la disparition grotesque du sauvage au Café des aveugles). Gemma, rendue à sou état normal, continue ses tendres démonstrations ; mais celte fois c’est avec le peintre, el le public n'a rien à dire.
Au retour de Santa Croce, la comtesse professe la plus profonde aversion pour le magnétiseur (c’est une réminiscence de M. Hochenet). Alors Sauta Croce, voulant combattre ce sentiment peu flatteur, magnétise une rose et contraint la pauvre Gemma à-ramasser cette fleur. Dès lors Gemma, soumise comme avant, retombe sous l’influence magnétique et reprend les caresses interrompues à l’arrivée de Massimo.
Après cela, nous sommes au bal chez le tuteur de Gemma, espèce d'imbécille peu soucieux du bonheur de sa pupille. Massimo, jaloux de la rose que porte la comtesse, veut que
celle-ci la lui sacrifie. Gemma obéit, et tout aussitôt est délivrée de la domination funeste du marquis. Aussi refuse-t-elle de danser avec Santa Croce. Alors ce dernier, blessé dans son amour-propre de grand seigneur, de danseur et de magnétiseur, recommence ses passes tant et si bien, que Gemma pousse l’obéissance jusqu’à danser une véritable valse de Faust, dans le genre de celle que Frédérick Lemaître exécutait dans Robert Macaire. Enfin Santa Croce, pressé de couronner sa brutale niais peu aimable immixtion dans les affections de Gemma, ne trouve-t-il rien de mieux à faire que d’enlever la comtesse à l’aide de quelques acolytes de mélodrame.
J’ai oublié de dire que pendant une de ses expériences magnétiques, l’astucieux marquis a fait signer à Gemma un contrat de mariage avec lui.
Au troisième tableau, le marquis, qui tient à se débarrasser honnêtement du peintre, montre à celui-ci le malencontreux contrat. A la vue de ce papier, l’infortuné Massimo, accablé de douleur, s’empresse de devenir fou. Resté seul avec Gemma, Santa Croce trouve plus commode et moins fatigant de recourir aux procédés ordinaires pour plaire à sa femme; mais Gemma, décidée à mourir plutôt que de céder, court à une fenêtre, l’ouvre et se précipite. Première chute.
Maintenant, les événements se succèdent rapidement. Massimo, privé de sa raison, passe son temps à regarder le portrait de son infidèle maîtresse, et voilà que Gemma, qui était simplement tombée sur ses pieds, sans se faire mal, arrive juste à propos pour se mettre à la place du portrait. Ce moyen homéopathique réussit à merveille, et Massimo retrouve le fil de ses idées. — Ce passage, fort bien exécuté d’ailleurs, m’a rappelé une scène analogue que M. Alex. Dumas a placée dans Sy Ivan dire. —A ce moment, l’éternel Santa Croce revient, mais Gemma, qui ne tient pas à le rencontrer, s'esquive au plus vite.
Dernier tableau : une montagne, un ravin et un torrent, accessoires indispensables dans tout drame bien échafaudé. Les décors sont vraiment magnifiques, et leur contemplation
seule remplace amplement le dialogue absent. Mais l’inévitable Santa Croce parait poursuivant encore la malheureuse comtesse. C’en est assez. Le marquis a beau présenter sou contrat de mariage, l’air lugubre du magnétiseur et ses allures de croque-mort semblent suspects à la loule qui encombre la montagne, Massimo, entretenant les dispositions hostiles des paysans, accuse Santa Croce de sorcellerie, de passes magnétiques commises avec violence, le jour, dans une maison habitée. Le tapage augmente; Massimo, l’épée à la main, rencontre Santa Croce sur le sommet de la montagne, au bord du précipice. Cette fois le magnétiseur a le dessous, et, percé de part en part par le fer du peintre, l’indélicat marquis s’en va, bien malgré lui, se précipiter dans le ravin, Le crime est puni, la vertu triomphe, et Santa Croce tombé, le rideau en fait autant.
Voilà le ballet de Gemma, dans tout ce qu'il a de magnétique. Maintenant, pour être impartial, disons que les artistes ont fait de leur mieux, et que les gestes de Santa Croce, quoique souvent trop exagérés, indiquent cependant des dispositions sérieuses pour la science de Mesmer. Quantà M"" Cerrito, la charmante ballerine a rempli avec une infatigable persévérance le rôle de Gemma, et il faut lui savoir gré de toutes les aimables contorsions, de toutes les charmantes mièvreries dont le ballet est émaillé. Seulement, pour ce qui touche le côté magnétique du ballet, M“° Cerrito n’a pas assez étudié le sujet, et, à mon avis, M“» Rose Chéri, dans Irène, s acquittait avec plus de vérité d’un rô.'e analogue. Ceci bien entendu ne s’applique qu’aux passages de sentiment, car pour ce qui est de la danse, la gracieuse artiste conservera toujours son incontestable talent.
En résumé, Gemma est un succès, mais ce succès est dû à la forme et non au fond du ballet. Le public applaudit des ronds de jambe et ne s’inquiète nullement des ficelles qui meuvent l’intrigue.
La musique écrite par M. le comte Gabrielli n’a rien de bien magnétique. Le soir de la première représentation, on donnait le Comte Ory, et, après avoir entendu Rossini, il est
bien difficile que les oreilles soient sensibles à une autre harmonie, fût-ce celle (lu comte Gabrielli.
Encore un mot. La Gazelle de France du 7 contient, dans sa revue musicale, une analyse très-étendue du ballet dont je viens de rendre compte. Cet article, écrit par M. Delaforest, n’est qu’une longue diatribe contre le magnétisme et surtout contre les magnétiseurs. Le critique, emporté par une plume trop fougueuse, va jusqu’à dénoncer l’exercice du magnétisme à l’autorité. M. Delaforest s’élève contre les jongleries de la salle Bonne-Nouvelle, et veut rendre tous les magnétiseurs solidaires des abus qui se commettent au nom du magnétisme. Que M. Delaforest signale les farces de la salle Bonne-Nouvelle, ce n’est pas moi qui l’en blâmerai ; mais comprendre dans le même anathème les charlatans et les hommes sincères et éclairés qui consacrent leur vie à la pratique du magnétisme, c’est une licence que nous ne saurions laisser passer sans protestation. Libre à M. Delaforest de garder ses doutes et son scepticisme, le magnétisme n’en existe pas moins, et toutes les injures du monde ne sauraient empêcher sa propagation. On n’effacera pas d’un trait de plume, cette plume fût-elle celle de M. Delaforest, une vérité aussi grande que l’est le magnétisme.
Ferdinand SILAS.
Rcrnc dos Journaux.— La Presse du 15 mai fait le portrait suivant des diverses espèces de sorciers russes.
n Les sorciers, en Russie, ont un caractère commun qui consiste dans la singularité de leur costume et dans les fatigues qu’ils se donnent pour en imposer à la multitude.
« Lorsqu’ils sont'appelés à exercer leur ministère, ils revêtent une longue robe de cuir parsemée d’idoles de tôle, de chaînes, d’anneaux, de sonnettes, de morceaux de fer, de queues d’oiseaux de proie et de bandes de fourrures; leur bonnet, couvert des mêmes ornements, est en outre surmonté de plumes de hibou.
« Presque tous porteutun instrument qui joue le principal rôle dans leurs prestiges : c’est un tambour ovale, long de trois pieds, recouvert d’un côté seulement par une peau sur
laquelle sont dessinées des images d’idoles, d’astres et d'animaux ; sous cette peau sont attachées de petites clochettes dont Je bruit aigu se mêle au son grave et lugubre que rend le tambour sous les coups réitérés d’une baguette enveloppée de peau. ‘
« Le lieu que choisit ordinairement un sorcier pour se livrer à la pratique de sou art mystérieux est une hutte souterraine, éclairée par la flamme d’un morceau de bois qui brûle au milieu. Là, il commence par aspirer avec force de la fu-mee de tabac; puis il se livre à d*effrayantes contorsions, grimaçant et bondissant autour du feu; il frappe ses mains 1 une contre l’autre, bientôt un tremblement général s’em-pai e de ses membres, et il parait enfin tomber dans un profond évanouissement.
«Frappés alors de terreur et d’anxiété, les assistants atten-tendent, dans un silence recueilli, le moment où reviendra lame du devin, qu’ils croient s'être séparée de son corps pour aller converser avec les dieux malfaisants et obtenir d eux la connaissance de l’avenir. En effet, après avoir plus ou moins prolongé cet état de prostration simulée, le sorcier se lève, répond aux demandes qui lui ont été adressées et rend ses oracles.
« Dans le Kamschatka, c’est aux femmes qu’est réservé le don de lire daus l’avenir : remplissant à la fois les fonctions de prêtresse et-de magicienne, elles n’ont ni le tambour ni le costume décrit plus haut, et pour leurs sortilèges elles emploient des procédés plus simples et moins fatigants; c est seulement à l’inspection des lignes de la main, et en prononçant à voix basse quelques paroles sur des ouïes ou des nageoires de poisson, qu’elles prétendent expliquer les songes et guérir les maladies.
« Les sorciers koriaks se contentent d’immoler un chien ou un renne, et de frapper sur un tambour pendant le sacrifice.
" Les Tungouses regardent comme appelés au sacerdoce, par une vocation divine, ceux de leurs enfants qui sont sujets aux convulsions et aux saignements de nez.
« Les Lapons attribuent à leurs magiciens le pouvoir d’évoquer les esprits, d’appeler ou de chasser les insectes, de vendre le vent et la pluie, de disposer enfin de toute la nature.
« Les sorciers kirghis jettent dans le feu l’os d’une épaule de mouton, et pour eux l’avenir se dévoile dans les fentes qui s y sonl formées; ils observent aussi, pour les guider
clans leurs prédictions, les vibrations de la corde qui se détend.
K Chez les Baskirs, ajoute le Magasin pittoresque, d’où nous extrayons ces détails, il y a de ces imposteurs qui font métier de conjurer les malins esprits. Ils prétendent les voir, les poursuivre, les combattre et les blesser. Une femme bas-kir ayant été atteinte de spasmes vers la fin de sa grossesse, on fit venir un sorcier pour chasser le démon malfaisant dont la présence avait causé cette maladie.
« Une foule de jeunes gens des deux sexes fut réunie dans la hutte de la malade, afin d’en imposer à l’esprit malin ; après un léger repos, ils se mirent tous à danser en jetant des cris perçants; au milieu d’eux, le sorcier, armé d’un sabre et d’uu mousquet, se faisait remarquer par une danse plus animée, par des cris plus aigus et par d’horribles contorsions; quand cette première cérémonie eut duré quelque temps, il ordonna aux trois hommes les plus vigoureux de l’assemblée de saisir les pans de son habit, et leur recommanda bien de ne pas les lâcher pendant qu’il combattait l’esprit.
u Ces préliminaires terminés et le tumulte ayant fait place à un profond silence, on vit les traits du sorcier s’altérer e.t la fureur se peindre sur son visage. Tout à coup il s’approcha de la fenêtre, mit en joue l’esprit qu’il feignit d’apercevoir, tira, s’élança hors de la chambre, se mit à courir, à pousser des hurlements affreux, à frapper l’air de son sabre, et revint, assurant qu’il avait blessé l’esprit malfaisant. La malade mourut quelques jours après : le bruit et la frayeur l’avaient tuée. »
Il y a au fond de tout ceci uu art et une science ; mais, avant la science et l’art, la magie, chez tous les peuples, a commencé par être l’expression de sauvages instincts. Tout ce dont nous jouissons aujourd’hui a la même origine ; le temps n’est pas éloigné où l’on fera sortir de sa grossière enveloppe cette force vive qui est en l'homme, et celui-ci, en l'épurant, produira les plus magnifiques phénomènes.
Baron DU POTET.
BIBLIOGRAPHIE.
L'ABEILLE MÉDICALE, Revuo des Journaux de Médecine, rédigée par le Dr Comet. Bureaux , 9, boulovart des Italiens. — Prix : 6 fr. par an.
H. le D' Comet a longtemps douté du magnétisme, il l’a même combattu en termes fortamers; mais convaincu enfin par la lucidité de sa propre femme, devenue somnambule, il s’est noblement rétracté. On peut voir dans l'IIygie, qu’il rédigeait alors, ses francs aveux et la part qu’il prit à la polémique relative à Mn° Pigeaire. Depuis cette époque, il n’a cessé d’entretenir ses lecteurs des principaux débats magnétiques et de se prononcer pour la vérité autrefois contestée. L’avis suivant, publié dans Y Abeille du 1" juillet 1852, est venu montrer que sa participation à l’œuvre magnétique n’était pas finie, et la suite a prouvé, comme on le verra, que sa conviction n’a pas changé.
AUX LECTEURS.
« Y a-t-il un intérêt réel, pour la science et l’art de guérir, à ce que la question du magnétisme animal soit élucidée par les médecins?
« Selon nous, dans l’état actuel des esprits, cela ne laisse pas le moindre doute.
« Quel praticien n’est pas chaque jour interrogé par ses clients sur ce qu’il pense du magnétisme animal, et surtout du somnambulisme lucide?
« Combien peu de praticiens sont à même de répondre à cette question !
« L’incrédulité, le dédain, le sarcasme ne sont point une manifestation scientifique propre à satisfaire un interlocuteur sérieux, et sont indignes (l’un savant.
« Pourquoi donc le médecin se refuserait-il d1 étudier les méditations d’un confrère impartial sur la nature et les effets du magnétisme animal ?
« Aucun journal de médecine n’a encore publié sur ce sujet que des négations ou des affirmations absolues. On a nié d’un côté, on a affirmé de l'autre, systématiquement; voilà, jusqu’à présent, la seule polémique qui ait été soutenue.
« Dans un recueil de médecine essentiellement pratique, connu par son indépendance, et dont l’existence est à l’abri du caprice et de la malveillance, la vérité peut se produire sans préoccupations aucunes.
x L'Abeille médicale s’est engagée à puiser son butin à toutes les sources fécondes. Le magnétisme animal, considéré sous certains rapports, peut fournir de nouvelles lumières à la science et à l’art de guérir, elle s’est donc empressée d’accueillir un travail consciencieux sur XHistoire analytique, critique, philosophique et médicale' du magnétisme animal, parle D' Bellanger. Ce Mémoire, d’une assez grande étendue, sera publié par fragments, qui trouveront place régulièrement dans ce recueil à dater de la présente livraison.
. D' COMET. »
Li publication de ce travail a bien été faite suivant l’annonce qui précède; mais la brièveté des articles en a multiplié le nombre à tel point, qu’il a fallu presque deux ans pour en avoir la fin. Voilà pourquoi nous avons attendu jusqu’ici pour en parler ; nous voulions connaître ses conclusions pour l’analyser et le juger en même temps.
M. Bellanger entre en matière par cette épigraphe :
Les fanatiques me prendront pour un incrédule; les incrédules me prendront pour un fanatique; ceux qui aiment la vérité seront peut-être do mon avis.
Cette phrase sent l’éclectisme, ou plutôt elle annonce un juste milieu de croyance qui s’appelle vulgairement nager entre deux eaux. Elle résume d’ailleurs parfaitement la pensée de l’auteur; c’est le miroir de sa dissertation.
Après un début net et brillant, où les vicissitudes du magnétisme sont justement appréciées et leurs causes bien indiquées, notre honorable confrère passe à l’exatncn des doctrines et des faits qui constituent la science de Mesmer. Nous allons le suivre brièvement dans cette excursion rapide.
1° Existe-t-il un fluide producteur des phénomènes dits magnétiques?
— Non ; cet agent n’est qu'une invention imaginaire, une pure abstraction.
— Mais, s’il n’existe pas, quelle est donc la cause cle ces surprenants effets?
— La cause! il y en a plusieurs : les convulsions, les spasmes sont dus à la monotonie des gestes, au trouble des actions morales, etc; quant au somnambulisme, c’est la volonté du magnétiseur qui le produit.
— Bailly a donc eu raison d’attribuer à Yimagination ce qui se passait chez Mesmer?
— Oui ; il n’y a que le somnambulisme qui échappe à, cette explication. Or, Mesmer ignorant cet état, dans lequel se résume tout le magnétisme animal, le baquet, les passes, n’étaient que des prestiges, le fluide une illusion, et leur auteur un thaumaturge dont les pratiques pourtant ont mis sur la voie de la plus importante des découvertes modernes : l'influence de l'homme sur l’homme.
Tout cela n’est pas absolument faux, mais c’est fort exagéré. De ce qu’on peut expliquer certains faits par les lois physiologiques connues, et môme les produire autrement que par la magnétisation, cela ne prouve pas que l’agent magnétique soit une chimère, mais seulement que plusieurs causes peuvent amener le même résultat. D’ailleurs, l’existence supposée de cet agent ne repose pas que sur les effets ci-dessus énoncés : la magnétisation des hommes endormis, «les enfants au berceau et des animaux ne met point en jeu i’actiou morale, puisque c’est à l’insu de ces êtres qu’on les influence. Et les curas... ? Évidemment la question n’est qu’effleurée.
2° Qu'est-ce que le somnambulisme? C’est un mode particulier d’existence dans lequel l'homme jouit de facultés qui n’ont pas d’analogue daus la vie ordinaire. L’auteur en reconnaît trois espèces, contrairement à l’habitude qu’on a généralement d’en admettre deux, et il a raison ; car en poussant plus loin l’analyse, on en trouve même quatre très-distinctes. Je ne sache pas que cette division ait été clairement indiquée avant lui; toutefois, si elle n’est pas neuve, elle
est inusitée. Ces trois espèces sont : le physiologique, le naturel spontané et l'artific iel magnétique. La différence d’origine ne change rien à leur nature ; ils sont identiques. Leurs caractères communs sont l'oubli au réveil et la clairvoyance.
Toutes ces considérations sont fort bien présentées; ce n’est pas la logique qui manque à M. Bellanger, ce sont les faits. Il analyse parfaitement ce qu’il sait; mais comme plusieurs choses paraissent lui être inconnues, il arrive qu’il marche parfois à côté du vrai. En général ses opinions ne sont pas fausses, elles sont restreintes.
Par exemple, en parlant de la clairvoyance des somnambules, il établit trois degrés ou facultés, qui sont r la vue des choses actuellement existantes, ou lucidité proprement dite ; la communication des pensées et des sentiments, et la. pré-sensation organique, ou la prédiction des maladies du sujet par lui-même. Quant à la rétrospection et à la prévision ou vue d’événements passés et futurs, étrangers aux somnambules, il n’y croit pas.
Parvenu là, le D'Comet l’arrête par une note dont voici la teneur :
« Nous avons personnellement concouru tle grand cœur à l’accomplissement de cette étude sur le magnétisme animal ; mais nous pensons que notre collaborateur a donné daus cet article une explication forcée d’une faculté des somnambules, dont nous avons fréquemment observé l’exercice. Pour nous il n’y a pas de doute : les somnambules naturels peuvent prédire les événements futurs dans l’ordre de leur succession, même à jour et à heure fixes.
« Nous avons jusqu’à présent laissé une grande latitude à l’émission des opinions de M. Bellanger, bien que nous ne les partagions pas toutes, cependant nous n’avons pu lui faire aucune concession sur un fait que nous constatons depuis quinze ans dans les circonstances les plus favorables pour être à l’abri de toute déception. Il nous est donc impossible de nous abstenir de protester contre des interprétations ingénieuses peut-être, mais selon nous tout à fait fantastiques, d’une faculté réelle des somnambules naturels. »
3° Vous croyez peut-être que la transposition des sens existe? Eh bien, pas du tout! M, Bellanger trouve que c’est
une erreur, une illusion, et il vous prouve qu'on ne peut voir sans les yeux, entendre sans les oreilles, etc. 11 a raison, car, M. Bérard l’avait dit avant lui, pour voir, il faut un appareil d’optique, etc. Mais c’est là une querelle de mots. Les somnambules, bien que dits clair-royanfs, ne voient réellement pas ; ils sentent ou perçoivent, et cette faculté peut s’exercer par tous les points du corps.
h° Les somnambules sont-ils en état de rendre des services à la médecine, malgré l’inconstance de leur lucidité et les égarements de leur imagination? Oui; et l’auteur blâme ceux qui en font fi, parce qu’aucun moyen de s’éclairer ne doit être dédaigné par l'homme qui a mission de guérir. Mais dans quelle limite le somnambulisme peut-il être Utile? Comme instrument de diagnostic, pour apprécier des désordres que le stéthoscope, le plessimètre etc., ou les symptômes ne révèlent pas.
5° Reste l’instinct des remèdes?... Halte-là! aucune recette ne se ressemble ; donc, elles ne partent pas d’un point vrai : malheur à l’imprudent qui y croit!....
Malgré ces restrictions et de nombreuses omissions que je passe sous silence, le travail du D'Bellauger me parait avoir une portée capitale. Pour les magnétistes, ce n’est qu’une ébauche, un aveu incomplet; mais pour le public médical, habitué à entendre médire du magnétisme, c’est une énormité. Si, plus hardi ou mieux informé, l’auteur avait tout dit, il aurait excité la défiance, 011 l’aurait pris pour un fou, un charlatan ; tandis qu’en maltraitant les magnétiseurs et n’acceptant pour vraies qu’une petite partie de leurs œuvres, 011 l’aura écouté comme un sage et cru comme un savant.
J’estime que, dans ces conditions, M. Bellanger aura rendu un éminent service à la cause magnétique ; car, en rapprocher les médecins, c’est préparer son triomphe.
HÉBERT (de Garnay).
Le Gérant : HÊBliRT (de Garnay).
Paris. — Imprimerie de Poniimrcl cl Moreau,quai des Augusiir.s, 17.
ÉTUDES ET THÉORIES.
ANALOGIES FLCIDI3CES DU MAGNÉTISME (1).
Les fluides impondérables sont analogues, mais non identiques, avec le mesmérisme. — L'électricité dans l'acte respiratoire. — Pfaff et Ahrens.
— L’idiot do Niepce. — Les crises, Galien, Hippocrate et Mesmer. — Heureux accident arrivé à un jésuite. — Assimilation de l’électricité par los nerfs, Cuvier, de Humboldt. — Matteuci. — Vibrations de l’éther, sympathies et antipathies. — Substance spiritueuse de Newton. — Les courants de Mesmer, Newton et Descartes. — M. du Potet reprend les idées do Mesmer et établit l’école physique du mesmérisme. — Puysé-gur et Dcleuzc ont fondé l'école somnambulique. — Principe du dégagement des crisiaques. — Un paraplégique et deux lucides. — Le mesmérisme rattache la volonté à la myotilité. — La torpille et l’électricité animale. — Bains de torpilles. — Médecine de transplantation. - Électricité mâle et femelle. — Une chatte hystérique. — Le chatouillement.
— L'amour et la valse.
Un jour que M. du Potet me magnétisait, je me souviens qu’il m’apparut tout à coup lumineux, mais si lumineux
que j’en fus ébloui à fermer les yeux..... ensuite je
ne sais plus ce que je vis, car je perdis la conscience de mon être ; mais quand je sortis de l’état d’inconscience, des secousses me parcouraient des orteils à la tête et me faisaient plier les articulations comme si j’eusse reçu une série de décharges électriques. Évidemment ces secousses venaient de la contracture musculaire désordonnée, sous la provocation de l’agent étranger qui me pénétrait. Or, Mueller, dans sa Physiologie, appelle la contracture ou la convulsion musculaire itlectromttre par excellence. Ce phénomène aurait-
(1) Chapitre d'un ouvrage inédit, intitulé: Du Mesmérisme chez les animaux.
Tome XIII. — Nü *»*• — 10 icilult 185t. 15
il été chez moi purement électrique? Non, puisque j'étais sous l'influence de M. du Potet...... à moins que cette influence n’ait été de l’électricité animale... ? Mais alors, comment se fait-il que l’aiguille aimantée ne soit pas influencée par ses doigts, quand elle peut traduire une quantité d’électricité équivalente à un degré de chaleur ? C’est que s’il est un point où l’électricité animale et le mesmérisme se touchent à se confondre, ils se distinguent cependant par des effets spéciaux incompatibles. Ces fluides peuvent être analogues, mais ne sonl pas identiques.
Si les analogies physiques du mesmérisme ne sont pas mieux constatées, le mal vient de la divergence des expérimentateurs : partant de points éloignés, nous tournant le dos par esprit de secte, ils ne s’aperçoivent pas qu’ils entrent dans nos eaux; et quand nous les hélons, au lieu de répondre par un mot de reconnaissance, ils se bouchent les oreilles.
Ainsi on comprend chimiquement qu’il se fait un grand dégagement d’électricité dans l’acte de la respiration. Savez-vous comment MM. Pouillet et Becquerel vont expérimenter pour reconnaître la présence du fluide ? Ils prennent un lapin, ils l’enferment sous une cloche, ils examinent l’air qu’il a expiré; aucun de leurs instruments ne dénotant d’électricité, ils en concluent que l’homme n’en émet point dans l’acte respiratoire.
v C’est là un fait capital, s’écrient MM. Trousseau et Pi-doux ; l’expérience que nous venons de rapporter est si bien entendue, qu’elle ne parait pas pouvoir laisser place au doute. Jlsepourrait néanmoins que le pelage, muuvttisconducleur, des animaux employés, fût la cause des effets négatifs observés; toujours est-il que Pfaff et Arhens, qui agissaient sur des hommes, ont autrefois obtenu des résultats contradictoires que nous ne saurions passer sous silence. Suivant ces expérimentateurs, l'électricité est ordinairement positive dans l’état de santé. Elle est plus souvent négative chez les femmes que chez les hommes; Gardini, eu effet, a trouvé l’électricité négative au temps des règles. »
J’admets, lecteur, qu’on soit dans l’embarras pour une
appréciation exacte quand des faits sont obscurs ; mais les auteurs que je viens de citer sont d’une naïveté vraiment surprenante. ((L’expérience est capitale», s’écrient-ils, et ils ajoutent bien vite, comme pour atténuer un enthousiasme compromettant : «Use pourrait cependant que le pelage, mauvais conducteur, de ces animaux, fût cause de ces effets négatifs. ...» C’est superbe ! ! !
J’aime à les voir (car il faut bien rendre justice à ces hommes éminents) tourner un regard affectueux vers les expériences tle Pfaff et d’Arhens, qui agissaient sur des hommes; et les expériences que j'ai faites {j’agissais aussi sur des hommes) sont entièrement analogues, quant aux résultats, à celles de ces observateurs! Si j'eusse agi sur un éléphant, mes expériences auraient pu être contradictoires, en ce que les éléments d’expérimentation auraient été différents; mais au moins, si j’avais cherché de l’air électrisé par l’acte de la respiration, j’aurais été, ce me semble, dans de meilleures conditions que MM. Becquerel et Pouillet avec des lapins... Quel foyer respiratoire que la poitrine d’un lapin !
Mais continuons avec les auteurs du Traité de thérapeutique.
« Le tempérament uervoso-sanguin, l'ingestion de boissons spiritueuses, l'heure avancée de la journée, la température élevée, sont des circonstances qui exaltent l'état électrique. »
Et plus loin :
u Un refroidissement considérable annihile l’électricité. »
Tout mesmériste qui sait réfléchir cinq minutes à l’œuvre fluidique de ses dix doigts, répétera mot pour mot ces lignes; seulement, à la place du mot électricité, il mettra mesmérisme.
Il faut être vraiment de la mauvaise foi la plus entêtée pour se refuser aux croyances mesmériennes, quand on fait de l’électricité animale, tant les analogies sont frappantes.
Matteuci, en consacrant un chapitre à l'étude des théories du fluide nerveux, comme corollaire de ses études sur l'électricité animale, a fait un acte d’homme conséquent et logi-
que, qu'on désirerait trouver dans bien des auteurs ; et si le froid détruit les effets mesmériques et électriques, il faut croire que son action agit sur bien des cerveaux à l’endroit du progrès, dans les questions qui nous occupent ; car il suffit d'en toucher un mot pour plonger bien des savants dans une congélation complète.... Cependant, malgré leur allure d’écrevisse, il en est qui ont du bon, et qui, comme cet intéressant crustacé, peuvent, en s’approchant de notre feu, revêtir à leur insu une couleur assez avancée.
Ainsi, Niepce rapporte qu’un idiot, mordu par un chien enragé, fit preuve d’une intelligence fort extraordinaire au moment de ses accès de rage. Comment le virus rabiéique a-t-il pu produire cette merveille? Toutes les théories mécaniques du mesmérisme sont dans la réponse à cette question. La dent du chien apporta dans la circulation un excitant anormal, le fluide nerveux s’est éveillé et a relevé la sensibilité organique au ton de l’intelligence.
Willis attribue le délire nerveux à la titillation d'animalcules absorbés. Raspail reprend ses idées, les développe et nous fait un tableau aussi effrayant qu’admirable de la puissance des infiniment petits. Grégoire de Tours nous parle d’un homme piqué par des abeilles, qui tout à coup possède le don de la prophétie et du miracle. Que s’est-il passé dans tous ces faits? Sous l’influence d’un excitant étranger, il y eut sursécrétion et congestion de fluide nerveux. Si une pareille congestion porte sur les racines de la vie de locomotion , sur les plexus viscéraux, nous avons les hystériques, les épileptiques, les convulsionnaires, les danseurs de Saint-Guy ; si au contraire les parties de l’encéphale qui président aux facultés sensitives, instinctives et intellectuelles, ont été surchargées de fluide, nous avons les délirants (le causa» d’Arétée, espèce de fièvre qui donnait le don de prophétie à ceux qui en étaient atteints) ; nous avons les somnambules naturels, les inspirations spontanées, les prophéties enthousiastes ; nous avons la rupture de l’écorce épaisse qui comprimait la sève dans un organisme perverti ; nous avons de l’intelligence dans les idiots.... Souvent 011 trouve des sujets lu-
cides dans des laveuses de vaisselle, dans de grosses imbéciles, dans des valets de ferme, dans des lourdauds d'écurie, à ce point qu’on serait tenté d’établir, comme règle, que l’intelligence cultivée et active est moins apte à la vie som-nambulique que l’intelligence inerte et inculte.
Que faisons-nous par le mesmérisme ? Exactement la même chose. Un individu a de la vie en moins, nous le saturons, et son organisme s’élève momentanément à la vie normale; si nous le lui donnons en excès, le fluide l’écrase, et il tombe comme sous le poids d’un fardeau. S’il a de la vie en plus, une crise se développe, nous lui donnons une fièvre nerveuse, souvent du délire ; nous le faisons épileptique, hystérique, nous lui donnons la rage.... Et qu’on ne croie pas ici que j’exagère, j’exprime une conviction parfaitement arrêtée. 11 est des individus auxquels on peut inoculer toutes les extravagances, toutes les folies, toutes les maladies, rien qu’en étendant la main devant leur front.
Si le virus de l’abeille ou des chiens enragés a développé accidentellement des facultés intelligentes, dirigé par des mains habiles et réfléchies, le mesmérisme, autre excitant, peut décupler la virtualité du cerveau, réveiller son inertie, ramener à l’intelligence des têtes ineptes, et donner le savoir à l’ignorance; il ouvre la porte de l’avenir à nos pressentiments épais ; il dévoile la profondeur des espaces à notre œil, dont l’horizon est si borné ; la nuit et les corps opaques, pour la clairvoyance mesmérique, ne sont que des obstacles insignifiants; car elle ne saurait avoir de limites matérielles.
Ah I mes chers animaux, que je vous sais gré de m’amener ainsi au milieu des naturalistes, de les prendre par leurs propres arguments, et de tourner contre eux les armes échappées à leur bonne foi ! Quand Gallien disait :
« Conficiunt ac préparant, ipsi cerebro spiritum anima-lern (to pyu',, n-Hj/M.) Les viscères élaborent et préparent l’esprit animal pour le cerveau. »
Si 011 lui eût objecté : Mais si cet esprit se trouve élaboré eu
trop grande quantité, que deviendra le cerveau sous cette congestion fluidique? Digne (ils d’Hippocrate, Gallien eut répondu : Le fluide s’échappera par une crise fébrile ou nerveuse, il jettera la perturbation dans l’organisme, il abaissera ou exaltera les facultés de l’entendement.
Mesmer n'avait pas d’autre raisonnement que celui-ci, et cependant il fut condamné, au nom d’Hippocrate, par l'école de Paris. Si jamais justice médicale lui est rendue, il sera prouvé que lui seul avait relevé le véritable drapeau des doctrines de Cos; car, si nous reprenons la pratique de ce grand homme, nous voyons qu’il agit spécialement sur les viscères dans le but de provoquer des crites. Que dit Hip-pocrate? Les crises jugent les maladies. Supposons, selon ces idées, que le cerveau de l’idiotne reçoive pas la quantité nécessaire d’esprit animal, ses facultés péricliteront d’autant; mais si nousdonnons à ses viscères la toniciténécessaire pour atteindre à la sécrétion d’équilibre, l’idiot va devenir un homme intelligent. Car nous devons supposer, d’après le fait de Niepce, que l’intelligence peut rester à l’état latent par l’effet d’une mauvaise conformation ou d’une débilité organique, puisque son crétin parla sciemment, puisqu’il manifesta de l’amitié et retraça des histoires auxquelles il n’avait pas semblé prendre part, et cela dès que le virus de la rage eut allumé la fièvre dans ses organes. J usque là, qu’ avait-il manqué à cet être ? Une force d’incitation capable d’amener la manifestation parlée et mimique. Son cerveau n’avait donc pas assez de fluide à envoyer à ses nerfs, et sa volonté, perdue dans un organisme amorphe, pas assez d’énergie intérieure : son pouvoir s’arrêtait pour ainsi dire quand il s’agissait d’animer l’écorce de son être ; il pouvait bien avoir des idées, des combinaisons, du jugement dans son intelligence ; mais celle-ci manquait de rapport avec les organes qui manifestaient son existence à l’extérieur. Ainsi je puis donner des idées à mon chien, éveiller chez lui une série de réflexions, amener les combinaisons facultatives du jugement ; mais toutes ces choses resteront enfermées dans son crâne, car il n’a pas la parole pour l’expression de ses idées, et les gestes qu’il fera pour
me les transmettre ne sont plus en rapport avec ma compréhension. Cette intelligence restera donc cachée, inerte, parce qu’elle manque de manifestation, comme chez l’idiot. Qui sait si les histoires miraculeuses du chien qui parla à Cimon l’Athénien, lorsqu’il s’éloignait du Pirée; qui sait si la prophétie de l’ânesse de Balaatn ne seraient pas des faits accidentels, qui auraient tout ii coup ouvert chez ces animaux une porte aux facultés de la manifestation intellectuelle?
Évidemment, lecteur, je recule moi-même devant ces conséquences outrées d’une prémisse assise sur des observations extraordinaires; mais voyez cependant où l’on va par l’analogie !
Il existait dans un couvent de jésuites un garçon qui avait juste assez d’intelligence pour balayer les cours et soigner le bûcher. lin beau jour, une bûche se détache du haut d’une pile et lui fracasse le crâne. Voici la fièvre, puis le délire, mais le délire véritable d’Arétée, son causus. Il répète tous les sermons des Pères, même les plus confits ; il parle Écriture sainte comme le premier des gros bonnets de la congrégation ; mais ce qu’il y eut de plus curieux, c’est qu’il guérit en conservant ces nouvelles facultés. Le voici plein du feu sacré, faisant des études, prenant les ordres et parvenant â être l’un des meilleurs prédicateurs de la province.
C’est ainsi que la grâce opéra un miracle dans ce cceur simple- ! ! ! Quoique l’infusion du don divin me paraisse uu peu dure, je ne puis m’empêcher d’admirer les décrets du ciel dans la sagesse de leur répartition (1). Mais si c’eût été un protestant, un juif, un musulman, ah! trois fois damné le malheureux ! car il eût pactisé avec le diable, qui seul a droit de faire des miracles avec son ennemi le bon Dieu !
Plus sages que les saintes religions, nous acceptons les faits et nous n’en tirons que des conséquences naturelles, phrénologiques et pathologiques; et, au point de vue mesmê-rique, une analogie importante; car nous voyons tous les
(1) On dit qu'un de nos grands poctes ne dut la facullé do la versification qu'à un accident oareil.
jours, sous l’action du fluide, se développer de l'intelligence dans des cerveaux ignares.
Il se pourrait très-bien que ces faits, aujourd’hui dans des rapports obscurs, éclairés par le temps, devinssent parfaitement analogues; car si personne ne nie l’analogie de la torpille avec une pile voltaïque, il s’en faut cependant de beaucoup que leur action soit d’une nature identique.
Quand Mueller a donné la contracture musculaire comme l’électromètre par excellence, il eût fait une grave erreur s’il eût confondu la contracture volontaire et vitale avec la contracture mécanique et électrique.
C’est ainsi que les physiologistes, en disant que la contracture musculaire se manifeste sous un courant électrique tant que les muscles conservent leur excitabilité, se sont payés d’un mot qui confond tout et n’explique rien, car il reste à savoir ce qu'est l'excitabilité.
Mais si je dis : les muscles se contracteront tant que les nerfs qui les animent conserveront leur conductibilité et l"assimilation électrique, je crois énoncer une vérité facile à saisir, toute de physique et d’expérimentation; neuve, car je ne la trouve énoncée nulle part. Il est vraiment inconcevable qu’une loi si simple n’ait pas été proclamée partout, même à priori, quand les expériences l’offraient avec une si patente simplicité.
Tous les physiologistes disent : la contracture musculaire cesse à mesure que le nerf se dessèche. N'était-il pas en effet très-simple de voir à quoi tenait cette cessation? Un nerf sec conduit-il bien l’électricité ? Oui. Que lui manque-t-il donc si la conductibilité est intacte ? La faculté de s’assimiler l’électricité et d’agir avec elle, comme le fluide nerveux lui-même. C’est là tout le nœud de la question ; car si vous agissez avec un courant trop fort, vous tuez le muscle comme avec la foudre. Si vous agissez trop longtemps, vous tuez le muscle, parce qu’il manque de l’influx vital. Si vous avez attendu trop longtemps pour agir, et que le nerf ait été trop exposé à l’air, la contracture manque, parce que le cordon desséché ne s’assimile plus d’électricité ; car si l’électricité
agit, c’cst que la fibre musculaire est pour ainsi dire trompée par la similitude de ce fluide étranger avec son fluide normal. Mais une fois que ce dernier a cédé la place entièrement, que la conductibilité persiste ou non, la contracture cesse: le muscle fera écarter deux boules de sureau, comme tout corps électrisé, mais le phénomène vital de la contracture fibrillaire aura disparu.
Je sais bien que l’on me dira, pour la fibre musculaire, qu’elle est excitable par elle-même, qu’elle a en elle la faculté de contraction. Quand 011 m'aura montré une fibre complètement séparée de ses éléments nerveux, j’accepterai ce fait très-volontiers ; mais ils sont de si « estroicte cous-ture », comme ditMontaigne, qu’il est impossible d’en venir là ; au surplus, je pourrais tourner le raisonnement de conductibilité et d’assimilation sur la fibre muspuloiic, tout comme sur le nerf; mais il vaudrait bien mieux trouver des conditions d’expérimentation exacte.
Un fait qu’on n’a pas expliqué jusqu’ici, et qui maintenant va nous paraître bien simple, c’est la mortification spontanée de la viande de boucherie par un temps d’orage : trompés par l’analogie, les nerfs s’assimilent l’électricité atmosphérique, et celle-ci tue la chair musculaire en chassant le reste de principe vital qui en entretenait la fraîcheur. C’est la même cause qui fait rater les couvaisons ; l'électricité d’orage expulse le calorique maternel ou artificiel qui fomentait l'embryon, et celui-ci meurt encore trompé par l’analogie.
Quand nous recevons une décharge électrique, elle est conduite dans tout notre corps par le système nerveux ; les muscles se contractent subitement et font plier nos articulations : c’est la vie de mouvement qui répond la première, et la vie organique de sensibilité répond ensuite par des sueurs abondantes, de la salivation, des battements de cœur, de la gêne respiratoire, des maux de tête, des gargouillements, des coliques, des selles; par la sensation de toile d’araignée, la chair de poule, la courbature générale ; le cerveau lui-même répond par des vertiges, des étourdissements, de
l’exaltation et en projetant sur les sens des sensations bizarres et illusoires, comme des sons harmonieux, des couleurs, de l’odeur, de l’acidité; puis à tout cela succède l’épuisement, dont la cause n’est autre que le déplacement du fluide nerveux par le fluide électrique; et si l’on continue, tout l’organisme bouleversé présente bientôt les phénomènes étranges de l’épilepsie, de la folie, du délire, de l’empoisonnement même si l’on allait trop loin.....
Eh bien ! je ne dirai pas que j’ai vu ces faits se produire sous l'influence magnétique ; je les ai sentis, car je donne ici le résumé de notes prises après des expériences faites par M. du Potet sur moi-même ; j’ai noté à chaque fois ce que j’avais éprouvé, au début bien entendu, car souvent l’action était si prompte, que j’avais à peine le temps de me recon-naiti-o| seulement, au lieu d’épuisement, j’éprouvais une espèce de restauration'après l’expérience... Quel magnétiste ne reconnaît dans les symptômes électriques tous les symptômes de la magnétisation ? Quel physiologiste de bonne foi n’admettra dès lors l’analogie, la parenté de ces deux fluides dans leur mode d’action sur l’homme ; et quel mesmériste n’admettra l’existence du mesmérisme comme fluide? car on ne dira pas que la volonté joue un rôle dans une machine électrique ! Si elle produit les mêmes effets que l’action magnétique, il faut donc que cette similitude de résultats ait une raison d’être toute pareille, une origine semblable, une cause, sinon identique, au moins complètement analogue; d’ailleurs, l’électricité de la torpille est là pour établir une transition entre l’électricité animale et le mesmérisme, autre espèce d’électricité qu’on pourrait séparer de l’électricité animale par le nom d'électricité humaine.
Cuvier était-il bien loin de ces idées, quand il a dit :
« 11 y a grande apparence que c’est par un fluide impondérable que les nerfs agissent (1). »
Et d’autre part :
« Les effets que présentent les animaux ne permettent
(1) Longet, Physiologie du système nerveux, t. 1, p. 120.
guère de douter que la proximité de deux corps animés, dans certaines positions et arec certains mouvements, n’ait un effet réel indépendant de l'imagination de l’un des deux; il paraît assez clairement que ces effets sont dus A une communication quelconque qui s'établit entre leurs systèmes nerveux (1). »
On sent sous ces paroles l'embarras dans lequel est Cuvier en face des idées mesmériques, et l’on voit très-bien qu’il désigne par là les procédés de Deleuze. Savez-vous, lecteur, pourquoi le grand naturaliste ne fut pas notre adepte? pourquoi Delenze ne l’a pas converti ? Parce que Deleuze était trop empêtré dans le somnambulisme; s’il se fût borné , comme M. du Potet, aux faits physiques pour la démonstration sco-
lastique, Cuvier était à nous..... tandis qu’il recula devant
les merveilles psychologiques de la seconde vue.
Il faut bien l’avouer, c’est une chose difficile à digérer au premier abord, que la transposition des sens et la création de facultés nouvelles aussi prodigieuses....
Ce que j’avance est si vrai, que Cuvier signale justement le côté physique du magnétisme, et qu’il l’accepte; des expériences dirigées dans ce sens eussent donc été dans ses idées. En effet, il est très-simple de comprendre l’ex-ternation d’un fiuide qui a les nerfs pour conducteurs, en un mot, la communication qui s’établit entre les systhnes nerveux. Le rayonnement de la chaleur animale étant admis physiquement, si on eût démontré à Cuv ier que le mesmérisme rayonne à l’instar de la chaleur animale et que la chaleur animale est inévitablement inesmérique, il eût compris le phénomène commun à ces deux agents des sécrétions activ ées, et la tourmente infusée dans un organisme par la seule présence d’un autre organisme, et sans que l'imagina-tion y soit pour rien.
Attiré dans cette voie, il est certain que Cuvier eût été convaincu; au lieu de se retrancher derrière des faux-fuyant, il eût affirmé; il eût fait pour le mesmérisme ce qu’il fit
(1) Leçons d'anatomie.
pour les sciences anatomiques. Sur le terrain du somnambulisme, 011 sortait Cuvier de sa sphère, et, quel que soit le génie humain, il n’adopte en général que ce qui rentre dans le cadre d'idées qu’il s’est ouvert; sans lui répugner, les choses qui sont au dehors de ce cadre ne sauraient jamais être pour lui l'objet d’une faveur active. Mais si Cuvier eût seulement admis l’existence du mesmérisme, il est certain que l'humanité aurait déjà des douleurs de moins, et que, dans les sciences, le progrès aurait fait un pas de plus.
Après Cuvier, que puis-je faire de mieux que de citer le vénérable doyen des sciences européennes, M. A. de Hum-boldt ?
« Des observateurs très-sensés rapportent des faits d'après lesquels il semble que certaines personnes ont la faculté d’éprouver une sensation à l’approche d’un corps sans le toucher. Je ne sais si le changement de température qui peut avoir lieu dans ces cas pourrait expliquer cette sensation, mais l’expérience prouve qu’un nerf dont l'atmosphère sensible est répandue autour de lui peut recevoir et propager des impressions sans être touché (1). »
N’est-ce pas la confirmation en toute lettre du rayonne -ment mesmérique qui frappe plusieurs personnes dans une salle où on n’en actionne qu’une (car, à bien prendre, C homme peut être considéré comme un seul nerf à sensation complexe)? N’est-ce pas l’absorption électrique par les nerfs en temps d’orage; la sensitivité odique de Réichenbach? C’est vraiment admirable de voir le bon sens des vrais savants s’attacher à des choses que n’examinent pas même les demi-savants. Cuvier admet les communications fluidiques d’un système nerveux avec un autre; Humboldt, l’action du rayonnement sur les nerfs : ne sont-ce pas les premières propositions de Mesmer?
Ce dernier observa qu’un jour un domestique qui le servait dans un dîner, lui produisait une sensation singulière toutes les fois qu’il passait derrière lui ; qu’une saignée aug-
(1) Expériences sur le galvanisme, p. 120-
mentait son jet ou le cessait suivant qu’il s’approchait ou s’éloignait. — Sa première idée fut de voir dans ces deux faits une corrélation avec l’attraction planétaire et l’action de l’aimant sur le fer; plus tard il fit de cette idée un de ses aphorismes. Eli ! n’a-t-on pas le droit d’admirer la conformité d’acceptation de ce grand homme avec Cuvier et Humboldt, qui précisément ne confirment que ces seules propositions? C’est une fraternité de plus à enregistrer dans les fastes du génie humain. Lorsque Arago, tout près de la tombe, a dit : « Rien d'impossible en dehors du cercle des mathématiques », il avait senti qu’aucun des phénomènes physiologiques de la vie humaine n’avait une phrase précise ; que le critérium physique pouvait bien les envelopper aux trois quarts, mais qu'il restait toujours un quart de vague, d’inexplicable : celui qui regarde la vie et ses virtualités.
La fameuse maxime de Paré : « Je te panse, Dieu te guérit » , est toujours aussi vraie aujourd’hui qu’il y a trois cents ans. En effet, malgré les progrès immenses de la chirurgie, malgré l'admirable précision avec laquelle on taille des lambeaux pour les rajuster, pour combler un vide ou détruire une cicatrice difforme, sait-on en vertu de quelle force les lambeaux saignants se marient? Non! Le tissu inodulaire, les bourgeons charnus sont le mode physique, tangible, de la reconstitution dans une perte de substance ou de moyen d'union pour des parties divisées ; mais la force qui fait pousser ces bourgeons, qui amène les matériaux nécessaires à leur agrégation, cette force-là nous échappe, elle est en dehors du cercle des mathématiques.
Si l'homme était une machine pure, le mesmérisme aurait eu ses lois dès le temps de Mesmer ; si la vie était une force simple, nous n’aurions plus d'études à faire. Le plus grand adversaire du mesmérisme, c'est l’intelligence humaine; ennemie invisible, elle renverse et embrouille toute expérience positive : jamais un fait vital ne s’est présenté deux fois avec les mêmes phénomènes ! La physiologie n’a jamais donné deux expériences complètement identiques ; à ce point
que M. Malgaigne a pu dire «que la crânioscopie tle Gall avait tout autant tle probabilité que la physiologie du cerveau, dont tous les laits sont contradictoires. » Ceci étant dit pour les gens qui prétendent que nous nageons dans le vague, nous n'en resterons pas moins physiologiste, en raison de nos tendances physiques à pousser le mesmérisme dajis la voie exacte de la science proprement dite. Ainsi, quand l’on touche avec le doigt les organes électriques d’une torpille , après qu’on les a mis à nu, on n’éprouve aucune décharge; mais si l’on irrite sa peau, la décharge est immédiate. Si nous disons que la sensibilité a éveillé la volonté et celle-ci la décharge, nous sommes obligé de faire intervenir deux entités inconnues : la sensibilité, et surtout la volonté.
Mais si les organes électriques ne donnent de l’élecU'icitê que sous le stimulant de la sensibilité, la torpille n’est donc pas une simple machine électrique ! Ce qui le prouve irréfra-gablement, c’est que si l’on sépare ces organes du lobe électrique et qu’on irrite les nerfs qui ne communiquentplus avec lui, la décharge a lieu tout de même. C’est donc sous l’influence pure de la volonté que ces organes sont électriques; le gymnote est donc uu animal produisant de l’électricité à volonté, comme l’homme produit du mesmérisme, et quand on voit cet animal frapper à distance son ennemi ou sa proie, 011 est autorisé à croire aux effets mesmériques à distance.
SiHumboldtadlière tout d’abord aux expériences de Dubois-Ray mondsur la déviation d’une aiguille astatique par la contraction musculaire, on sent que les nombreuses expériences de cet homme sur les animaux électriques l’avaient placé à l'avance dans un chemin favorable à l’acceptation de ces idées. Si, d’après ces expériences, pas un de nos mouvements ne peut s’exécuter sans dégagement d’électricité, l’homme devient un foyer d’électricité vitalisée; car il ne me parait pas possible d’admettre qu’il puisse s’échapper de nous un fluide sans qu’il ait subi une modification particulière, inappréciable sans doute pour le physicien, mais très-compréhensible poux
tout le monde; et qui sait si le temps est loin où 1 on pourra prouver ce fait? Ne serait-ce déjà pas assez de dire que l'électricité est mobilisée par notre volonté, qu’elle est dépendante de notre sensibilité et de nos besoins ?
filatteuci, qui a le plus précisé ses expériences sur l’électricité animale, et qui, plus que personne, est à même d’apprécier ces faits, Matteuci est-il bien loin de nos idées, ne nous aide-t-il pas même admirablement en faisant le rapprochement des fluides, dans leur manière d’être ou de se produire?
« Il existe entre le courant électrique et lu force^ inconnue du système nerveux, une analogie qui, si elle n’est pas du même degré d’évidence, est pourtant du même genre que celle qui apparaît entre la chaleur, la lumière et l’électricité. »
Voici une phrase qui est faite tout entière pour nos idées; car je suis loin de prétendre que le mesmérisme soit de l’électricité, ou du magnétisme inorganique, ou de la chaleur, ou de la lumière; je dis que c’est un fluide dont la nature a la plus grande analogie avec ces fluides, et qu’il est un point où vraiment il touche de si près les effets de ces agents physiques , que s’il n’est complètement leur homogène, il s’en faut de bien peu.
Matteuci continue :
« Tous les savants sont d’accord maintenant sur l’impossibilité d’expliquer la vitesse immense de la propagation de la lumière, de la chaleur rayonnante et de l'électricité, sans recourir à un mouvement vibratoire. La force inconnue du système nerveux ne se propage pas moins rapidement que les impondérables que nous avons nommés (1). »
Il est des faits de communication à distance, au moyen du mesmérisme, qu’il est impossible de soumettre au calcul; ou a pu communiquer, dit-on, d’un continent à l’autre instantanément... Si cette assertion est sans fondement, elle est au moins rendue très-vraisemblable par les expériences de chaque jour, faites sur une échelle beaucoup moins étendue*
(I] Phénomènes électro-physiologiques, partie II, chap. 9.
chez M. du Potet et à la Société du Mesmérisme dr Paris. Quant au mouvement vibratoire, le tiercelet, qui agite ses ailes par ondulations, mènerait à cette idée, si un phénomène de sensation mesmérique ne le prouvait pour ainsi dire d’une manière physiologique. Lorsque nous agissons vigoureusement, nos bras frémissent par ondées et comme l’aile du tiercelet; quand nous avons roidi longtemps nos muscles, la fatigue qui succède nous donne un tremblement convulsif qui vient bien des muscles, mais qui s’exécute par saccades, suivant les ondées du courant nerveux, que l'on peut constater sur une chair fraîchement dénudée ; car il se fait sur le panicule charnu qui constitue les peauciers chez les animaux, des ondées de contraction qui ressemblent aux ondulations de l’air chaud, aux ondes des eaux agitées par un choc, aux vibrations des cordes sonores, au mouvement du sable répandu à la surface d’un plateau ébranlé par un diapason.
Si le critérium somnambulique peut être invoqué, beaucoup de lucides voient le fluide s’échapper de nos doigts par ondées rayonnantes ou par rayons vibratoires.
Mais qu’ai-je besoin de parler? Matteuci continue en ces termes:
« Il y a dans tous les points du système nerveux, comme dans tous les corps de l’univers, de l’éther répandu qui peut avoir un arrangement particulier dans ce système, comme nous l’admettons dans certains corps cristallisés. Lorsque les molécules organiques du nerf sont dérangées par une cause quelconque, l’éther, ou plus proprement le fluide nerveux, est mis dans un certain mouvement, lequel, arrivé au cerveau, produit la sensation, parvenu aux muscles, produit la contraction. Ce dérangement peut être produit par le courant électrique et par les autres agents stimulants, chaleur, action chimique et mécanique, comme il l’est naturellement par la volonté. »
Que faut-il ajouter à cela pour établir le mesmérisme ? La communicatipn de cet ébranlement vibratoire d’un système nerveux à un autre, comme l’a admise Cuvier. Et quand j’ai parlé de l’assimilation des fluides, en supposant qu’ils puissent s’externer, je me mettrais facilement d’accord avec Mat-
teuci, en admettant que cette assimilation ne serait que le rétablissement des vibrations normales d’un système nerveux malade, par les vibrations saines d’un système nerveux à l’état de santé. Les sympathies auraient pour cause des nerfs qui vibreraient au même ton, comme des cordes tendues dans les mômes proportions acoustiques. Les antipathies viendraient de systèmes nerveux dont les vibrations seraient incompatibles et le ton discordant.
("est ainsi que Matteuci me mène en plein dans les idées cartésiennes, qui aident parfaitement les idées mesmériques sur l’action à distance; car si j’actionne à distance, que fais-je autre chose que d’ébranler l’éther dont les vibrations vont communiquer un rhythme identique au système nerveux sur lequel j’agis ? L’éther n’est pas autre chose que le théomé-disme admis par le moyen-âge ; c’est la même idée, mais séparée de la divinité à laquelle on rattachait tout principe. Newton lui-même oublie le vide un instant pour admettre un fluide universel :
« C’est par la force et l’action de cet esprit que les particules des corps s’attirent mutuellement aux plus petites distances, et qu’elles cohérent lorsqu’elles sont contiguës ; c’est par lui que les corps électriques agissent à de plus grandes distances, tant pour attirer que pour repousser les corpuscules voisins; et c’est encore par lui que la lumière émane, se réfléchit, s’infléchit, se réfracte et échauffe les corps. Toutes les sensations sont excitées, et les membres des animaux sont mus, quand leur volonté l’ordonne, par les vibrations de cette substance spiritucuse, qui se propage des organes extérieurs des sens par les filets solides des nerfs jusqu’au cerveau, et ensuite du cerveau dans les muscles. Mais ces choses ne peuvent s’expliquer en peu de mots ; on n’a pas fait encore un nombre suffisant d’expériences pour pouvoir déterminer exactement les lois selon lesquelles agit cet esprit universel (1). »
Ce passage est des plus curieux, en ce sens que Newton corrobore nos idées d’analogie sur les impondérables, mais
(1) Newton, Astronomie moderne, lome II, page 557.
bien plus encore en mettant Mesmer à côté de lui et de Descartes, ou plutôt au devant d’eux ; car Mesmer prouva expérimentalement les soupçons de Newton sur l’existence le la substance spiritueuse humaine et son analogie avec les autres fractions de l’étber; en un mot, il démontra d’une manière ostensible les rapports du microcosme avec le macro-cosme.
Mesmer ne s’embarrasse ni du vide, ni du plein, qui ne peuvent être, ni l’un ni l’autre, absolus; il ne s’inquiète ni de l’attraction de Newton, ni de la répulsion de Descartes, pour expliquer la nature et l’origine du mouvement produit chez l’homme et dans l’univers. 11 voit dans l'éther un fluide susceptible de courants qui auraient pour origine, au point de vue psychologique, La volonté divine, humaine ou animale; au point de vue matériel, une impulsion catalytique provenant du rapport des corps entre eux, ou de forces indéterminables , inhérentes à la matière ; cette impulsion donnerait des courants aussi variés qu’il y aurait de variétés dans les corps ou dans les volontés, et ces courants auraient autant de propriétés essentielles qu’il y aurait de diversité dans la nature de l’impulsion ou de la volonté, ou plutôt dans les coq>s d’où elles émanent. Voici, à cet égard, un passage fort curieux, tiré des cahiers de Mesmer par Galard de Montjoye :
i Au fond, sa théorie (de Mesmer) est un système d’impulsion; mais l’attraction, ou du moins la gravité, étant au premier rang des principes secondaires qui dérivent de Dieu,, il se sert, pour faire apercevoir le vrai point de la question,, d’une de ces comparaisons qui lui sont si familières.
« Supposez, dit-il, un bateau qui descende de Paris à Saint-Cloud, supposez en même temps des spectateurs qui ne connaissent pas un phénomène aussi commun, et placez-les de manière qu’ils n aperçoivent que le mât, et non le corps du bateau ou la rivière.
« Voilà, dit le partisan de l’attraction, un mât que Saint-Cloud attire à lui. Point du tout, répondra le partisan de l’impulsion, c’est Paris qui le pousse. Tous deux sont également dans l’erreur, et celui qui, le premier, connaîtra le courant de l’eau, donnera la véritable explication. De même, la marche des corps célestes ne peut être expliquée qu’en s’atta-
chant ii bien connaître celle du fluide dans lequel ils sont entraînés (1). »
Cette comparaison est très-juste, et donne une idée des vastes conceptions (Je Mesmer; son génie embrassait tout l’univers et n’y voyait qu’un tout immense, dont les fractions répondaient aux courants imprimés à. l’éther. Chaque fraction, comme une corde de harpe, répondait à l'impulsion qui J’ébranle, par des vibrations qui mettent le jeu de la vie dans notre oreille, ainsi que chaque onde lumineuse révèle à, nos yeux son mode d’existence ; aussi, dans ses expériences, mit-il à profit l’espèce de mystère qui pénètre dans notre cerveau avec les ondes sonores, en faisant jouer du clavecin dajis la chambre où il expérimentait, et en tenant cette chambre daus un demi-jour gradué selon la nature des faits qu’il voulait produire. De sorte que, s’il était cartésien en acceptant l’impulsion donnée à l'éther par la volonté humaine, il était newtonien en admettant les effets attractifs que produit cette impulsion ; il était cartésien par la cause, newtonien par les résultats; cartésien par les crises de' sursaturation fluidique, mais newtonien par l’absorption sympathique.
Ainsi, en mettant tout esprit de parti à part, toute idée enthousiaste de côté, il est certain que la place à donner à Mesmer en physique, en physiologie et en psychologie, se trouve entre Newton et Descartes ; et, chose curieuse, si nous personnifions dans ces trois grands hommes les nations qui leur ont donné le jour, nous voyons encore aujourd’hui, dans le chemin de la philosophie, la France et l’Angleterre marcher au progrès en donnant chacune un bras à l’Allemagne. Si Mesmer n’eût considéré que les effets fluidiques du magnétisme, il se fût fait Anglais d’abord, car il tombait dans l’attraction de Newton ; mais ne considérant que ses prémisses, il arbora l’impulsion de Descartes et se fit Français !
Pour retrouver le fil des idées de Mesmer dans l’histoire du mesmérisme, il faut passer sur un demi-siècle et arriver à l’école du Potet ; car, éblouis par le somnambulisme, Puvségur et
(1 ) Lettre à Bailly sur le rapport do 1784,
Deleuze oublièrent et firent oublier le magnétisme physique. 11 y avait des difficultés énormes pour éveiller les sujets endormis ou plongés dans le coma : chacun avait son uioyen particulier, et personne de méthode générale.
M. du Potet vint, et, reprenant les idées de Mesmer, il dit : n La volonté est le principe d’impulsion, le fluide nerveux suit un courant du magnétiseur sur le magnétisé, et là il s’accumule ; or, nous voyons que les extrémités nous offrent le moyen le plus facile pour transmettre le fluide ; il suit donc les extrémités ! Le courant se fait donc du cerveau, siège physiologique de l’impulsion volontaire, vers les extrémités! Si je puis charger un homme, comme une bouteille de Leyde, parle courant qui s’établit de mes extrémités sur lui, ne serait-il pas logique de penser qu'un courant établi des extrémités du sujet dans l’espace le dégagerait? » L’expérience répondit affirmativement sur toute la ligne, et dès lors le mesmérisme entra dans une voie d’expérimentation facile, compréhensible, scientifique et physiologique.
C’est là le premier mérite de M. du Potet, et, quoique enfermé dans dix lignes d’écriture, il suffit cependant pour le placer immédiatement après Mesmer. Puységur, Deleuze, Faiia, sortent de la route physiologique et se perdent dans les brumeux horizons du somnambulisme. M. du Potet reprend les idées de Mesmer, et constitue une véritable école ; et ici, ce n’est pas parce que je suis élève privilégié du maître que je raisonne ainsi, c’est l'histoire en main, l’expérience sous les yeux.
En effet, voyez comme ce principe du dégagement par les extrémités est fécond... Les hystéries, les épilepsies essentielles étant considérées comme des maladies dont la cause est un surcroît de fluide nerveux, si nous leur appliquons les principes de dégagement qui délivrent le crisiaque magnétique, nous voyons les crisiaques hystériques et épileptiques dégagés avec une promptitude merveilleuse.
Ce n’était pas la magnétisation qu’il leur fallait, c’était ta DÉMAGNÉTISATION :
« Etablissez des courants et vous les dégagerez. »
En promulguant cette loi, je le répète, M. du Potet vient immédiatement après Mesmer dans le mesmérisme physique, et si nous sommes sûrs, nous élèves de son école, de produire des convictions partout, c’est que nous ne connaissons qu’une ligne d’expérimentation positive : l'expérimentation des phénomènes physiques ; hors cette ligne, tout est compromission et hasard. Vous ne trouvez les phénomènes psychiques que très-difficilement, les natures somnambuliques sont très-rares; tandis que partout vous avez des bras, des jambes sensibles aux convulsions, des intestins soumis aux gargouillements, des cœurs prêts à palpiter et des poitrines qui vont étouffer subitement. Je choisis ces exemples tous simples, parce qu’on les rencontre partout, parce qu’ils ne sont jamais réfractaires, jamais capricieux. Sur cent personnes, quatre-vingt-dix-sept seront sensibles, et sur mille sujets sensibles, vous n’avez pas une somnambulisation lucide assurée.
Les lois physiques ont fait marcher les sciences, elles feront marcher le mesmérisme. Il faut faire faisceau pour arriver au but, et les lois physiques doivent être le lien qui nous attache. Un troupeau composé de moutons habitués à courir la plaine, ne fait que du dégât et n’engraisse jamais. Le berger sage ne laisse mordre au trèfle qu'à l’heure où il est fané; celui qui ne regarde que l’apparence, le livre à son troupeau quand la rosée l’a rendu bien frais, bien vert, bien rose... Le troupeau enfle et crève... Allez sagement au somnambulisme , il vous donnera une saine nourriture ; fiez-vous à son éclat, à sa fraîcheur.... pauvres moutons, vous crèverez !...
J'ai vu, pour une paraplégie ou paralysie des deux jambes , une somnambule conseiller l’électricité, une autre des peaux de lapin ou de mouton, et des bains de sang chaud.
« Pourquoi ordonnez-vous l'électricité ? dis-je à la première.
— Parce que je vois que ça réveillera les muscles.
— Pourquoi vos peaux fraîches? demandai-je àla seconde.
— Parce que les muscles ont besoin d’être ranimés.
— Voulez-vous voir la moelle épinière ? dis-je à la parti-saute de l’électricité.
— Oui.
— Comment la trouvez-vous?
— Attendez... Tiens, elle souffre, elle est trop serrée...,. C’est une tumeur dans les os qui lui fait mal.
— A quoi servirait votre électricité, dès lors ?
— A rien; c’est vrai.... Je ne voyais que l’effet, et non la nature du mal. >■
La conseillère des peaux de mouton fut également convaincue d’inattention, et déboutée de sa médication.
La paraplégie était donc incurable ? Non ; la nature du mal était'syphilitique, les mercuriaux et l’iodure de potassium enlevèrent la tumeur. La sensibilité tégumentaire revint, mais le mouvement resta perdu. L’électricité, les peaux, essayées tour à toür, n’amenèrent aucun résultat. Le mesmérisme ramena la sensibilité complète de la peau et quelque peu le mouvement; mais le malade mourut, six mois après, d’une pneumonie. L’autopsie prouvale diagnosticsoinnambu-lique, mais les somnambules ne purent m'expliquer l’échec de l’électricité et de la dépouille animale. C’est qu’elles étaient habituées à courir les champs et à cueillir ce qui leur semblait bon, sans réflexion et sans principes.
Et cependant, il est facile de se rendre compte de la puissance du magnétisme dans les paralysies, quand l’électricité a échoué; c’est que cette dernière peut ressusciter la con-tractilité musculaire, en établissant un courant factice ; mais Vélectricité ne saurait reconstituer les rapports des muscles et du système nerveux avec la volonté; car souvent c’est bien moins la contractilité qui manque aux muscles, que l’ï/i«-tation volontaire. Il y a donc un phénomène psychique à recueillir, qui entre de plein droit dans le mesmérisme, puis des phénomènes qui appartiennent à l’électricité et au mesmérisme ; mais les propriétés de l’électricité resteront inertes, faute de pouvoir s'unir naturellement au principe de volonté ; tandis que le magnétisme, qui augmente ou annihile ce principe, se trouve immédiatement en rapport avec lui. De sorte
que, pouvant agir et sur la volonté et sur les muscles, si ces éléments sont séparés par un divorce morbide, le mesmérisme pourra rétablir leur harmonie avec d’autant plus d’avantage qu’il peut s’adresser collectivement ou séparément aux parties dissidentes.
Les dépouilles animales ne pourraient donc être avantageuses que dans la paralysie par épuisement du fluide nerveux , mais non dans la paralysie où le rapport volontaire est brisé ; l’électricité, dans ce cas, peut réussir, mais à un titre moindre que l’électricité animale, si l’on admet le principe que je viens d’émettre ; car elle serait de l’électricité volontaire et non de l’électricité morte.
Si l’on consulte Dioscoride, on trouve, à l’article Torpille :
h La torpille de mer, appliquée aux douleurs de tète qui ont longtemps duré, apaise la véhémence du tourment ; appliquée aussi au fondement, elle le fait rentrer dedans et empêche qu’il ne tombe. »
Galien écrit :
« Aucuns ont dit que la torpille de mer appliquée en entier, guérit les douleurs de tête, et qu’elle fait rentrer le boyau du fondement : ayant expérimenté ces deux moyens, je n’ay trouvé ne l’un ne l’autre vray (1). «
D’où vient cette contradiction de Galien et de Dioscoride ? de ce qu’ils ne connaissaient pas assez l’électricité pour l’appliquer scientifiquement. Les succès de Dioscoride viennent sans doute de ce qu’il appliquait des torpilles encore très-chargées, tandis que Galien se servait de torpilles épuisées, quoiqu’il dise cependant : appliquée en entier, ce qui prouverait qu’il pensait à la vertu fluidique de l’animal, sans s’en rendre bien exactement compte.
De nos jours les Abyssins emploient ce poisson en applications locales pour guérir les céphalalgies, les douleurs rhumatismales et goutteuses, et, au dire des voyageurs, ils réussissent souvent, ce qui veut dire qu’ils ont des échecs
(i) Livre II des simples. (Traduction de Motthiole).
à la manière de Galien ; du reste, Paul d'Égine et Avicenne donnent raison à Dioscoride.
Quant à la guérison de la chute du rectum par l’électricité animale, elle a au moins une raison d'acceptation aujourd’hui, car nous voyons préconiser le galvanisme contre cette affection.
Seulement, à qui donner la préférence ? à la torpille ou à la pile? La réponse est une conséquence trop nette de nos principes pour que nous puissions hésiter une seconde. L'électricité de la torpille sera en rapport direct avec notre organisme , et joindra môme l’élément d'abstraction volontaire au fluide électrique, puisqu’il est prouvé que scs décharges sont éminemment volontaires. Aussi, me trouvant consulté par un malade hémiplégique :
« A quelles eaux dois-je aller de préférence? me dit-il.
— A Gènes.
— Gênes! mais je n’ai jamais entendu parler qu’il y eût là des eaux médicinales.
— C’est vrai ; mais il y a des torpilles. Vous suivrez les pêcheurs, et quand ils prendront de ces poissons, vous les saisirez tout vifs, de manière à recevoir toute leur électricité, et vous aurez une chance de guérir des plus probables.
— Est-ce que c’est un moyen qu'on emploie ordinairement?
— Non, vraiment, lui dis-je ; mais c’est la conséquence de mes principes mesmériques qui me conduit à vous donner ce conseil.
— Alors, c’est une idée à vous?
— Oui, monsieur, renouvelée des Grecs, mais non pratiquée en France; et même il est probable que vous serez le premier malade adressé aux pêcheurs de la Méditerranée.
— Votre idée est magnifique, reprend mon client; il y a de quoi monter une affaire avec cela. »
A mon tour j’ouvris de grands yeux....
«Monter une affaire avec des torpilles?... lui fis-je.
— Oui, établir un lac dans lequel on nourrirait ces poissons et où les malades viendraient se baigner.....
Je compris alors que, bien que mon malade eût la moitié du
corps paralysé, l’industrialisme n'en restait pas moins vivace ; et je dois vous dire, lecteur, pour votre édification, que mon homme est parti dans le golfe de Gènes tenter la chance de l’électricité animale, et à cheval sur son projet de lac et de baignoires à torpilles. Eh! ma foi, ce n’est pas déjà si mal imaginé.
Quoi qu'il en soit, ces poissons électriques forment la première assise de la médecine de transplantation ; l’électricité animale, chez ces animaux, étant manifeste, on comprend le rétablissement de la santé par l’excitation de ce fluide, quand c’est une maladie par épuisement ou le déplacement d’une entité morbide inconnue, fluidique peut-Être, par cette électricité toute vitale. On comprend, et l’expérience le prouve, ulililate et ars cl inventor probatus (1), que la vitalité existant à l’état d’émanation tiède et vivifiante dans les dépouilles des animaux, peut restaurer des virilités perdues ou combattre des éléments viciés. La torpille donne la première raison affirmative à cette idée toute théorique, et si maintenant 011 prouve que tout animal est électrique , il s’ensuivra que toute la médecine de transplantation ne reposera que sur des données électro-vitales. 11 me suffirait de produire les expériences d’Aldini pour établir cette vérité; mais j’en traiterai plus loin, et je me contenterai de cet exemple.
Si, dans les moments du rut, le chat donne l’électricité positive, la chatte l’électricité négative ; si on les voit s’attirer réciproquement, — au lieu de prendre pour raison de ce phénomène le grand mot creux de sympathie, pourquoi ne pas lui chercher une analogie dans les effets dynamiques de l’électricité matérielle? Les électricités de non-contraires s’attirent. Ne serait-ce pas là une loi qu'on retrouverait dans les corps animés, mais moins mathématique, en ce sens que la vie répugne à toute règle exacte ? Ne pourrions-nous pas dire : L’électricité mâle et femelle s’attirent ? N’y aurait-il pas là la raison du proverbe : Les caractères opposés
(I) Cicéron. De divinatio
forment de lions ménages? Comme dans mes expériences sur l’électricité humaine, j’ai obtenu pour résultat des électricités manifestes dans chaque élément des rapprochements sexuels, n’aurions-nous pas encore la raison de ces désunions étonnantes que nous voyons succéder à un amour passionné ? c’est-à-dire que deux individus électro-opposés, devenant électro-similaires une fois réunis, se refroidiraient, et de l’amour le plus extravagant tomberaient dans une indifférence glaciale. Par quel mécanisme ces faits se produiraient-ils ? Je ne saurais le dire, mais toujours est-il qu’une cause occulte est là, et que j’ai obtenu des électricités franchement opposées dans les actes sexuels vifs et ardents, tandis que les résultats furent vagues, sinon négatifs, dans les actes insignifiants et froids.
Une chatte noire, dans ses moments de chaleur, présente cette particularité singulière de montrer beaucoup d'affection pour les hommes et très-peu pour les dames. Si un homme lui passe la main sur le dos, elle manifeste immédiatement, par des miaulements très-significatifs, tout le plaisir qu’elle en ressent, et la pose qu’elle prend alors indique clairement la nature de ce plaisir : la queue tournée et relevée, les pattes à demi fléchies et très-écartées ; les mouvements du bassin selon un rhythme très-lubrique, ne laissent aucun doute sur la nature de ses sensations.
Qu’une femme lui passe la main sur le dos, elle fait à peine un ron-ron; mais dès qu’un homme entre, elle court tout de suite se frotter contre ses jambes.
Ceci revient chez nous à cette différence de sensation que produit le chatouillement d’une femme et celui d’un homme ; ce dernier est nul et se borne à la sensation tactile excitée localement, tandis que le chatouillement d’une femme infiltre dans tout l’organisme une sensation qui réveille l’orgasme le plus endormi et porte un émoi incroyable jusque dans nos moelles.
La sensation du chatouillement est également inverse chez la femme, et j’ai remarqué que les sodomistes étaient très-sensibles au chatouillement d’houune et répugnaient au cha-
touillement de femme ; il en est de même des femmes, dans les conditions aussi monstrueuses par rapport aux hommes. Ces Êtres anormaux, en fait de sensualité humaine, auraient donc une espèce de raison d’être dans la divergence de leurs perceptions tactiles (1).
Qu’a-t-il fallu souvent pour éveiller un amour incendiaire? Une main touchée, uu doigt effleuré, une robe frôlée, le timbre d'une voix, un coup d’œil; car le contact direct n’est pas de nécessité ; à distance, la force agit tout aussi violemment, quelquefois même plus violemment. Les expériences magnétiques prouvent surabondamment cette assertion, et Hum-boldt dit que le gymnote, dans l’eau, frappe à de très-grandes distances l’objet de sa peur ou de sa convoitise; mais l’action directe et rapprochée est certainement plus sûre et plus active.
Pourquoi les dévots représentent-ils les bals comme si dangereux pour les mœurs ? Parce qu’ils sont l’école d’amour la plus commune ; parce qu’ils furent le plus souvent l’origine de ces grandes passions, de ces effervescences de jeunesse qui brûlent et dévorent ; parce qn’ils sont le jardin où l'arbre qui donne la science de la vie plante ses mystérieux rameaux. En effet, si nous songeons à la valse, que voyons-nous ? Un jeune homme dont le bras entoure une taille qui égale en souplesse la viorne et l’osier; à ses côtés, des hanches d’nn galbe invisible font bondir la gaze et la soie autour de deux jambes dont les formes lui sont révélées par un contact rhythmé et continu. 11 embrasse un torse qui, bien qu’emprisonné par moitié , lui découvre un col de cygne et des épaules resplendissantes.
(1) On a reproché à Fouiier d’avoir admis la pédérastie, mais bien force lui était de l'admettre comme fait... Et qu’on lise donc Parent-Duchâtelet, qu'on lise Lauvergne dans son appréciation du bagne, on verra jusqu'à quel point YmUoriti est Impuissante pour conjurer ce vice normal dans la ■alurr de» pttils tolturt; et d’ailleurs l’histoiro naturelle nous l’offre bien,
ce fait, dans les mœurs du cabiai..... faudrait-il le taire pour plaire aux
oreilles timorées? Triste ou non, la vérité doit entrer sans honte dans les cadres de la science.
Le prélude, tout à l’heure insinuant, bientôt précipite sa mesure; la jeune fille s’abandonne à l’enivrement sonore , à la magie harmonieuse ; son souffle s’accélère, son cœur bat plus vite, sa poitrine se dilate et offre par intervalle aux regards du jeune homme les sourires furtifs du lis et des roses.... Bientôt l’entrain redouble, ils bondissent comme des gazelles, ils se resserrent, crainte de s’échapper, et de cette étreinte jaillit du feu.... Leurs yeux sc rencontrent et brillent comme des éclairs; leurs lèvres se colorent d'un pourpre enflammé et murmurent les vagues paroles qui décident d’une vie, d’un avenir, d’un cœur....
Mais en dehors du fait moral qui découvre déjà bien assez de couleurs brûlantes, il y a le mouvement irrésistible qui dégage de ta chaleur, des effluves enivrantes, des forces sympathiques, du mesmérisme, des électricités qui tendent à se confondre.....
Que de fois j’ai vu des couples monter, monter ainsi, et tout à coup s’affaisser palpitants, épuisés ? D’où venait cette chute et cet épuisement? Que s’était-il passé dans leur organisme? L’amour spontané et irraisonné peut seul nous le dire. J'ai vu de jeunes vierges, aux regards demi-voilés, tout à l’heure enjouées, naïves enfants, maintenant les yeux ouverts, étonnés, plongeant dans une phase nouvelle de sensations incomprises, mais révélées par l'arôme qui s’échappe continuellement de l'arbre de la science, et que l’on respire sans s’y attendre. Que s’est-il passé de nouveau dans cet organisme? 11 s’est développé une étincelle qui l’initie à la vie de la femme, qui lui révèle l’existence de promission, l’existence du cœur qui prépare à celle de la maternité...
Je viens d’esquisser un tableau que tout le monde connaît. Mais que le mesmériste expérimenté veuille bien réfléchir, il verra qu’il a dans sa main toutes les puissances, dans ses yeux tous les sourires de l’amour. J’ai refusé souvent d’appliquer le mesmérisme à certaines jeunes filles, j’avais deviné dans leur physionomie des prédispositions aux passions fougueuses. Quand c’est un feu qui ronge et consume , on doit regarder à deux fois avant de l'allumer. C'est
que j’ai vu sous ma main surgir des hystérismes aussi violents que celui de la chatte dont je viens de donner l’observation , et combien de fois le mesmérisme a-t-il transformé
de jeunes femmes en femmes de Putiphar!.....
Ah ! tout n’est pas rose en notre chemin, les déboires assaillent de tous côtés. Et comment en serait-il autrement', quand il est impossible au mesmériste de dire ce qu’il va développer dans l’organisme, le mal ou le bien, la paix ou la tourmente, la douleur ou le bien-être ; quand, de l’homme qu il a devant lui, il ne sait pas s’il va faire un idiot ou un çlemi-dieu!
Dr E.-V. LÉGEU.
VARIÉTÉS.
Fourberie. — Depuis que la croyance an somnambulisme s’est établie, un grand nombre de fourbes et de trompeurs ont trouvé le moyen de simuler cet état merveilleux ; ces charlatans, on pourrait dire ces escrocs et ces voleurs, s’établissent partout oit il y a des dupes à faire et quelques sous à extorquer. Des signes particuliers, des mouvements des mains ou des pieds, l’intonation de la voix, le toucher, etc., forment un langage qui rend exactement la pensée, l’intention, la demande de celui qui opère, et ce au grand ébahissement des spectateurs.
Si tous ces tours d’adresse étaient donnés pour ce qu’ils sont véritablement, il n’y aurait rien à dire, on pourrait même admirer l’invention et le prestige ; mais il n’en est rien : on se dit somnambule et magnétiseur, on exhibe le faux en le donnant pour vrai, et c’est ainsi que sur de petits théâtres , comme sur les places publiques, des femmes éhontées jouent ces misérables rôles en compagnie de leurs compères.
Nous ne dirions rien de semblables misères, si l’incrédulité ne s’en faisait une arme contre la vérité, nous laisserions de côté ces faussaires en attendant le jour où le public éclairé doit en faire justice; mais nous devons protester dans l’intérêt de la science nouvelle, et signaler ces infamies à nos contradicteurs mêmes, afin qu’ils sachent que nous n’ignorons rien de ce trafic qu’il ne dépend pas de nous d'empêcher : il n’y a point de loi dans notre pays pour punir cette sorte d’imposture.
Buron DU POTET.
Revue des Journaux. — On lit dans la Gazelle des Tribunaux du h cornant, ce qui suit, touchant les pressentiments :
« Voici quelques détails intéressants sur les derniers moments de Masson, dont nous avons annoncé hier l'exécution à Vincennes :
« Depuis le rejet de son pourvoi en révision, Masson n’avait cessé de témoigner un profond regret de son crime, et montrait beaucoup de résignation. 11 y a eu samedi quinze jouis, Masson, calculant le temps qui' s’était écoulé depuis le rejet de son pourvoi eu révision, disait, dans le chaulfoir, en présence de ses camarades : n Mon temps approche, et « peut-être avant vingt-quatre heures vous ferai-je mes der-■ niers adieux. » On voulut le détourner de cette pensée, mais il reprit la parole en disant : u Ecoutez ceci, mes cama-« rades : j'ai fait un rêve qui m’a montré le lundi comme « un mauvais jour que Dieu a marqué pour moi. J’ai fait « le coup uu lundi ; j’ai été condamné à mort un lundi ; et vous « verrez tous que je mourrai un lundi, à la même heure où « j’ai tué le pauvre Mengin. »
« Masson avait tellement le pressentiment de sa mort prochaine, et pour ainsi dire du jour où elle aurait lieu, que vendredi dernier, pendant l’orage, et alors que la foudre ébraulait les vitrages de la maison de justice militaire, il dit à deux ou trois camarades qui s’entretenaient avec lui : « Entendez-vous le tonnerre qui gronde et la foudre qui éclate? ti C’est le signal de mon heure dernière; on signe l’ordre «de mon exécution.» Ses camarades se prirent à rire, comme ils faisaient parfois pour le distraire, et Masson consentit à partager leurs jeux. Coïncidence singulière ! Vendredi, de quatre à cinq heures, au plus fort de l’orage, le dossier de Masson retournait du ministère de la guerre à la première division militaire, avec la décision du ministre, portant que la justice devait suivre son cours. Le lendemain samedi, les pièces arrivaient au greffe du conseil de guerre, accompagnées de l’ordre d’exécution qui, à cause du dimanche, fut fixée au lundi matin.
« Ce matin, à quatre heures et demie, au moment de son lever habituel, le sergent Dudebaut est allé lui apprendre qu’il était demandé au greffe. Masson s’est habillé, et quelques minutes après il était conduit il la chapelle, où M. Ca-pouillet a eu avec lui un dernier entretien. Une messe a été
due; beaucoup des condamnés y ont assisté spontanément. A la fin de l'office, Masson ayant aperçu le directeur de la prison, M. Bourgeois, lui a tendu la main et l’a remercié de toutes les bontés qu'il avait eues pour lui. Près de lui se trouvait le nommé Lasserre, condamné à mort pour voies «le fait envers son supérieur, dont la peine avait été coin-muée en celle de cinq ans de fer, et qui dans la prison avait souvent partagé son argent avec Masson. En quittant la clia-pelle, Masson lui dit : « Tu vois que j’avais raison : toi, tu « as cinq ans de fers, subis ta peine avec courage; pour moi, • dans une heure ce sera fini. »
— Le prince Albert s’exprimait ainsi, dernièrement, dans une occasion solennelle :
n L’homme fait à l’image de Dieu a une mission grande et sacrée à remplir sur la terre : c’est de découvrir les lois par lesquelles le tout-puissant gouverne sa création, et en faisant de ces lois son étendard d’action, de conquérir la nature pour son propre usage, étant lui-même un divin instrument. »
Vous le voyez, magnétistes, nos idées d’avenir font leur chemin. C’est que dans la vérité que nous enseignons et démontrons chaque jour, se trouve le dernier mot de l’énigme humaine tant cherchée. Bientôt la science officielle s’emparera de nos conquêtes, elle nous dépouillera pour s’en revêtir. N’en soyons point jaloux ; car cette science, jusqu’à ce jour si rebelle, travaillera pour l’humanité.
Nous verrons bientôt les rois eux-mêmes partager nos croyances. Leur rôle ici-bas n’est-il pas de tout connaître pour tout féconder? Ils guérissaient, en les touchant, les scrofuleux ; ils accomplissaient sans le savoir des œuvres magnétiques. Bientôt ils auront en main le faisceau tout entier de la science nouvelle, et ils s’honoreront d’être les promoteurs du bien que celle-ci peut réaliser ; le magnétisme aura ses lieux d’asile, la sience renaîtra pour ne plus périr.
Baron DU POTET.
Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).
INSTITUTIONS.
Dispensaire magnétique île Paris.
( Siège rue Sainte - Anne, n° G9. — Ouverture tris-prochaine. )
Sous la dénomination de Dispensaire magnétique, nous comprenons un établissement où les malades indigents viennent chaque jour, de telle à telle heure, recevoir les soins gratuits de la médecine magnétique.
Le magnétisme ayant été annoncé comme un moyen général de guérir, les élèves de Mesmer, qui étaient riches et bienfaisants, eurent tout d’abord l'idée d’en faire profiter les pauvres. Mais l’accès des hôpitaux leur étant interdit, ils durent eux-mêmes ouvrir des cliniques et se faire infirmiers pour pouvoir réaliser leur généreux dessein.
L’histoire nous apprend, en effet, que dès 1784 un traitement gratuit était établi à. Paris, dans la maison de Mesmer (hôtel de Coigny, rue Coq-Héron, n° 9 actuel), et dirigé par le D1 Giraud. En même temps le marquis de Puységur, à Buzancy; le marquis de Tissard, à Beaubourg; le comte Maxime de Puységur, à Bayonne; le Dr Orelut, à Lyon, etc., fondaient des traitements semblables. Ces institutions n’ont duré que peu de temps, l’affluence des malades excédant bientôt les forces ou le loisir des hommes charitables qui s’étaient voués à cette pratique bienfaisante.
Un an plus tard, la Société harmonique des Amis réunis, de Strasbourg, reprit cette œuvre d’humanité et obtint tout le succès qu’on pouvait attendre d’un pareil concours d’hommes. Chaque membre de la Société avait à magnétiser sur lieu un ou plusieurs malades, et tous s’acquittaient de ce devoir avec entente et ponctualité. Un médecin, chargé
Tome Xill. — N" !»*• — « juiult 183». 14
île surveiller les malades, recueillait tous les faits relatifs à l’histoire de leur guérison. On le voit, c'était organisé comme un hôpital, et, trois volumes de Cures attestent que, sans la Révolution, qui dispersa ces messieurs, la propriété curative du magnétisme serait depuis bien longtemps oflicielle-ment reconnue.
En l’an VII, Mesmer, qui savait combien sa découverte avait de chances de triomphe par la médecine, sollicita la création d'une clinique dans l’un des hôpitaux de Paris. Mais sa demande ne fut point écoutée, et l’application régulière du magnétisme comme agent thérapeutique fut indéfiniment ajournée en France.
Cependant.l'Allemagne, qui, jusqu’en 1800, avait été indifférente aux travaux d’un de ses enfants, s’émut alors, et, après bien des pourparlers, le gouvernement prussien fonda ù, Berlin une petite clinique magnétique. Ce timide essai, confié aux soins du D‘ Wolfart, fut abandonné au bout de quelques années sans qu’on en ait jamais bien connu le motif.
L’essor qu’avait repris le magnétisme à l’époque de la Restauration faisait vivement désirer l’établissement à Paris d’une clinique analogue à celle de Berlin. Deleuze traça le plan du futur traitement, et le publia dans les Annales du Magnétisme, vers la fin de 1816. Ce projet, élaboré pourtant avec une grande sagacité, n’eut pas de suite, parce que la Société du Magnétisme, qui renfermait les seuls hommes capables de le mener à bien, refusait d’y participer activement. Elle espérait qu’en donnant des instructions aux médecins des hôpitaux ils feraient eux-mêmes les tentatives dans leur service ; mais son attente fut trompée.
Malgré ces alternatives, les malades ne furent pas laissés à l’abandon. On sait que la maison de Puységur fut toujours ouverte à qui implorait secours, et les autres magnétiseurs n’ont jam;iis cessé de se rendre auprès des malheureux : chacun isolément faisait le plus de bien qu’il pouvait. La philanthropie était satisfaite par ce dévouement ; mais la science, elle, avait tout désirer, rien de régulier n’existant dans la constatation des cures ainsi obtenues.
La propagation successive des faits magnétiques amena la fondation à Paris, en 1840, d’une nouvelle Société dite P/ii-liintliropico-niagnéiologùiue. Chacun de ses membres devait traiter chez lui quelques malades qui lui seraient désignés et dont l'état aurait été préalablement constaté par un médecin magnétiste, chargé en outre de surveiller le traitement. Ce plan fait honneur aux intentions des fondateurs ; leur pensée pouvait être féconde; malheureusement elle est restée presque stérile. Les malades devant se rendre chez le magnétiseur, et de là chez le médecin, qui demeuraient souvent loin l’un de l’autre, ne remplissaient que rarement cette double obligation, et quand leur guérison arrivait, sa relation était dépourvue du cachet médical, sans lequel son authenticité restait contestable. Malgré de louables elforts, le rôle de cette institution s’est borné à procurer des magnétiseurs dé* voués, œuvre bonne sans doute, mais dont le fruit, ne donnant rien de précis, est sans valeur scientifique.
En 4 8/1/1, un autre groupe se forma encore à Paris, sous le nom de Société du Mesmérisme, et voulut aussi soigner gratuitement des malades. Deux ans d’essais pour régulariser les traitements n’ayant abouti qu’à de vagues résultats, on renonça à tirer des conséquences rigoureuses de cures alléguées par des observateurs incompétents.
E111848, lorsque tout le monde demandait quelque chose au gouvernement nouveau, M. Millet proposa d’établir un hôpital magnétique dans le domaine de Monceaux ; mais sa pensée, n’étant qu’à l’état d’aspiration, 11e pouvait trouver d’écho en ce moment-là.
Cependant l’Angleterre s’organisait, préludant à un sérieux retour vers les traditions de Strasbourg.
Dès 1840, le gouvernement anglais, voulant s’assurer si l’insensibilité magnétique permet de faire de graves opérations sans douleur, mit à la disposition du l)r Esdaile un hôpital entier de Calcutta pour y faire des essais pendant un an. Déjà près de quatre cents cas favorables étaient obtenus lorsque l’éther vint offrir un moyen plus facile de rendre insensible aux tortures chirurgicales.
Une souscription ouverte à Londres par le I)' Elliotson, permit de créer, en 1850, une infirmerie où chaque jour une vingtaine de malades viennent se faire magnétiser sous la direction d’un comité de médecins.
L’élan une fois donné, l’idée gagna vite du terrain ; et, en 1852, Mgr l’archevêque de Dublin, guéri par le magnétisme, prit sous sa protection une institution semblable, qui au-jourd hui prélève un léger tribut sur les malades à demi aisés, et entretient avec ce produit un traitement plus nombreux de pauvres.
Connaissant une partie des résultats obtenus dans ces établissements , et désirant en fonder un pareil en France, je me rendis à Londres, en août 1S53, pour étudier la marche suivie et me bien rendre compte des détails de l’organisation. L’honorable M. Capern, secrétaire du Mesmeric in/ir-mary, me fit assister à tout ce qui se faisait, et me communiqua ses remarques sur les avantages ou les inconvénients de chaque chose, afin que je pusse mettre à profit les enseignements de la pratique.
En rentrant, j’appris qu’un riche banquier, devançant mon projet, avait ouvert à Passy une maison où les pauvres seraient magnétisés, et recevraient des consultations de somnambules. Bien que ce ne fût pas dans Paris, cette tentative remplissait presque mes vues ; je crus en conséquence ne plus devoir rien entreprendre. Mais après quelques mois d’une existence marquée par des bienfaits, cet établissement rentra dans le néant, probablement parce qu’il n’y avait pas de médecin à la tête : une clinique ne peut être bien dirigée que par un homme de l’art.
Je repris alors mes idées, et M. du Potet annonça dans le Journal du Magnétisme du 10 mars 1854, qu’il m’aiderait à élever ce dispensaire au niveau des infirmeries magnétiques dont jouit la Grande-Bretagne.
J’ai donné un aperçu des péripéties qu’a subies la question des établissements hospitaliers du magnétisme; la voilà, après bien des détours, revenue au point où l’ont laissée les élèves de Mesmer. Reste à dire comment j’entends reprendre
l'œuvre de ces nobles adeptes, et la conduire vers un but qui en assure la durée.
HÉBERT (de Garnay).
(Lu suite au prochain numéro.)
.Société l'Iiilnntliroiiico-niftgnétlquc de Paris.
BANQL'ET MESMÉR1EN.
Le 23 mai, jour anniversaire de la naissance de Mesmer, cette Société, suivant l’exemple que nous avons donné, se réunissait dans les salons de Chapart, rue d’Angoulême, pour offrir à la mémoire de Mesmer son tribut de reconnaissance.
M. le marquis du Planty, chef de la Société, avait organisé cette fête de famille et la présidait.
Spectacle curieux et plein d’enseignement! Tandis que les académies]et les corps savants repoussent tout ce qui présente un caractère magnétique et ferment les yeux pour ne point voir cette nouvelle lumière, des hommes en grand nombre, mus par une croyance commune, répandent dans le monde la précieuse découverte de Mesmer, et remplissent ainsi la mission même des savants. Un jour viendra où ces nouveaux apôtres, relevés du mépris jeté sur eux, ayant conquis pour la science officielle richesse et gloire, pourront, dans leur for intérieur, se dire : Cette richesse, cette gloire nous appartiennent; mais ayant voulu seulement le triomphe de ce qui est juste et vrai, nous abandonnons à des ingrats le fruit de nos veilles et de nos travaux : notre récompense est dans le bien que nos mains ont fait.
Baron Ut POTET.
ÉTUDES ET THÉORIES.
PROTESTATION DE SIMPLE BON SENS EN FAVEUR DES TABLES TOURNANTES ET PARLANTES.
Depuis l'apparition en France du phénomène des tables tournantes, nous avons fait des milliers d’expériences sur toutes sortes d’objets et sur plus de deux cents personnes; les deux tiers au moins ont réussi suivant notre désir et notre volonté. Nous avons toujours pensé, à la manière dont se produisaient les mouvements et les phénomènes, qu’ils n’étaient que le résultat de la force produite parla chaîne magnétique.
Nous avons vu avec peine la publication de certains livres et de certains articles de journaux, qui ont obtenu la sanction du clergé ; nous placerons en tête celui de M. Eudes tle Mirville. C’est à la suite de ces publications, écrites sous l’influence de l’illusion, assignant une cause étrangère et mensongère aux réponses des tables, et dont le résultat adopté nous ramènerait aux superstitions du moyen-âge, que plusieurs évêques ont cru devoir avertir les fidèles et leur interdire la récréation des tables tournantes.
Remontons plus haut. Le phénomène, à son apparition, avec le prestige de la nouveauté, devient une mode, une fureur, un engouement, qui tombent bientôt sous le ridicule et la raillerie. Le monde se divise en deux camps : les croyants et les incroyants. Comme c’est toujours bon genre et bon air de faire l’esprit fort, et plus commode de nier que d’observer et de se rendre compte, le camp des incrédules fut bientôt le plus nombreux et laissa tomber le sarcasme du dédain sur les pauvres d’esprit qui voulaient bien croire que les tables tournaient par une autre cause que les mouvements nerveux et musculaires de nos doigts. Les savants avaient
parlé, et c’était la cause qu’ils avaient attribuée à la production du mouvement. « La table tourne parce que vous la poussez , » fut un argument sans réplique qui domina un peu île temps. Cependant les expériences se multipliaient sans bruit par le petit nombre de croyants et d'observateurs. Non content de faire tourner les tables, on les fit parler, et Dieu sait quel flux de bavardage inonda notre mobilier. Mais qui répond nos questions? qui parle dans les tables? Ce n’est pas le bois ; c’est donc un esprit, un démon, un ange gardien, l’âme errante d’un trépassé. On adresse des questions, suivant la croyance générale du cercle, et presque toujours les réponses sont le reflet de la foi et de la volonté de la personne qui absorbe et concentre en elle la volonté des autres expérimentateurs.
Mais que se passe-t-il aujourd’hui? Le fait est reconnu, adopté par la plupart de ceux qui l’avaient nié le plus hautement; il a ses entrées à l'institut, et les journaux les plus graves ne craignent pas d’admettre d’énormes et indigestes digressions à son sujet. On va faire beaucoup de bruit autour de la question, on va chercher bien loin, par delà le monde visible, la solution du problème, tandis qu’elle est en nous à l’état de force vive, comme nous espérons pouvoir le démontrer tout à l’heure.
Certes, il nous répugnait de prendre la plume et d’aborder ce sujet ; car, nous le disons hautement, nous sommes chrétien et attaché de cœur et de foi à l’Eglise. Nous devons obéissance à nos pasteurs spirituels; nous devons, sans doute, lorsqu’ils ont parlé, nous courber avec soumission sous leur décision, dût-elle contrarier notre conscience et même contredire le simple bon sens. Nous nous y serions résigné , mais un article signé Rupert, et que nous avons lu il y a peu de jours dans Y Univers, a brisé notre résolution. Nous nous sommes dit qu’il n’était pas possible, au milieu du dix-neuvième siècle, au centre de la France, au moment où le progrès fait chaque jour des pas de 'géant, d’émettre de pareils sophismes, qui ne tendraient qu’à nous ramener aux siècles d’ignovance et dé superstition, et d’attribuer
comme dit l’auteur, aux manifestations fluidiques des esprits ennemis de l'homme la stérilité des campagnes et les maladies qui ont envahi le règne végétal, sans compter tout ce qu’il nous prophétise d’effrayant pour l’avenir.
11 est temps que le simple bon sens proteste contre de pareilles inepties, contre le débordement des évocations surnaturelles et médiaminiques qui éclosent chaque jour sous forme de pamphlets ou de brochures.
Nous n’allons pas, dans ces lignes, quelque facile que soit la tâche, entamer aucune discussion ni critique à ce sujet; nous allons seulement essayer de démontrer que les tables tournantes et tout ce qui s’y rapporte, n’ont d’autre cause ni d'autre production que la force combinée de l’action intérieure et extérieure de l’homme, ne sont que la réaction matérielle de la concentration de la pensée et de la volonté.
Nous n'avons d’autre but ici que de rendre témoignage à la vérité, ou du moins à ce que nous croyons, dans notre simple bon sens, devoir être la vérité. C’est le cri seul de notre conscience qui parle.
1° Toute personne soumise à l’action d’une chaîne magnétique humaine tourne et obéit aux mouvements ordonnés par celui qui dirige l’expérience et en qui se résume la force et la volonté des autres expérimentateurs. Ceci est la règle générale, quelques exceptions ne la détruisent pas. Parmi les personnes soumises à l’action de la chaîne humaine, quelques-unes, par incrédulité ou résistance morale et matérielle, ne ressentent aucune impulsion ; la plupart tournent plus ou moins vite, obéissent plus ou moins spontanément aux injonctions qui leur sont faites. 11 y a là des prédispositions de tempérament qu’il serait difficile de classer aujourd’hui.
Mais prenez une personne qui tourne facilement; au bout de quelques minutes, votre volonté exprimée mentalement ou verbalement la dirige dans tous les sens, à droite, à gauche, en avant ou en arrière ; vous la ferez asseoir sur un siège ou mettre à genoux malgré toute sa résistance. Peut-être pourrait-on varier beaucoup plus ces exercices de domination sur la force et la volonté d’un individu.
Je crois qu’il serait difficile de trouver dans ce résultat l’intervention fiuidique d’un esprit quelconque.
2“ Expérience semblable sur des objets, conséquence de la première : la môme force qui entraîne et dirige les personnes, produit absolument les mêmes résultats sur des objets inanimés.
Ainsi, on peut faire tourner une table à droite ou à gauche, la faire s’avancer devant un point désigné, frapper avec un de ses pieds un nombre de coups déterminé, lever successivement ou à volonté chaque pied, se pencher jusqu’à terre et se relever. Les expériences avec un objet plus petit et que l’on peut poser sur une table sont moins longues et moins fatigantes. Ainsi nous avons fréquemment fait tourner un plat à quatre personnes, dirigé en tous sens ; on lui a ordonné de se dresser, d’aller frapper fortement une personne, de danser et battre la mesure au son d’un instrument, de résister, d’être le plus fort; alors les deux mains, fortement appuyées sur le bord du plat, ne peuvent le soulever, ni la force de propulsion en avant le faire changer de place. On peut varier ces exercices à l’infini.
Ici encore, je le demande, pourra-t-on me démontrer une intervention lluidique autre que ma foi et ma volonté multipliée par le nombre des expérimentateurs ?
3» Si j’ai obtenu d’une personne ou d’un objet inerte une obéissance passive à tous les actes de ma volonté, en suivant la même conséquence il ne sera pas plus difficile d’obtenir des réponses à mes questions, et qui refléteront toujours la pensée ou au moins une vague prévision, une sorte d'instinct de l'interrogateur.
Jusqu’au mois de décembre dernier, je m’étais contenté dans mes expériences de faire produire toutes sortes de mouvements aux objets soumis à l'action de la chaîne. Je n’eusse pas voulu les interroger, tant cela me semblait absurde.
Vers cette époque, les journaux citèrent des faits de conversations ainsi obtenues avec des âmes errantes, des esprits de ténèbres et des esprits de lumière. Le jour que je venais de lire la relation démonologique de M. l’abbé Gav, ne sa-
chant trop que penser de tout cela, mais cherchant la vérité, je résolus d’essayer.
A deux expériences, à la première question : Qui es-tu? je reçus un mot démon, parfaitement formulé. Le reste de la conversation fut suivi comme si réellement un démon eût été au milieu de nous.
Avant de commencer une troisième expérience, on parla de la répugnance que l’on éprouvait à se mettre ainsi en rapport avec le prince des ténèbres, disant qu’il serait plus agréable de causer avec un bon esprit. A la question : Qui es-tu ? nous eûmes ange pour réponse. C’était l’ange gardien de l’un de nous, qui avait déjà habité la terre et qui devait y revenir.
Il est vrai que dans la plupart de ces faits l’illusion est assez complète et les apparences assez vraisemblables pour, au premier abord, entraîner de nombreuses convictions ; mais avec un peu de réflexion et d’examen, il est facile de voir que la plupart des réponses justes sont désirées, prévues ou pressenties, et que celles qui ne se trouvent pas dans ce cas sont remplies d’erreurs ou inintelligibles.
J'ai souvent essayé d’ouvrir un livre au hasard, de le poser loin de nous, et de demander le premier mot de la page ouverte. Je n’ai jamais obtenu de réponse, ou seulement des lettres ne formant aucun sens, c’est-à-dire que l’esprit n’a jamais pu lire ce que nous lui demandions.
Quoique j’aie réussi autant qu’il est possible dans ces sortes d’expériences, toujours en garde contre les illusions de mes sens, je n’ai jamais obtenu une réponse précise à l’inconnu, une prophétie vérifiée ou assez fatidique pour me faire croire à l'intervention d’un être surnaturel, et dans toutes les réponses obtenues par des milliers d'expérimentateurs il n’a pas été soulevé clairement un seul coin du voile de l’avenir, il n’a pas été sérieusement entrevu une lueur de notre destinée au delà de la barrière impénétrable du tombeau. — Tout ce qui a été dit et écrit sur ces prétendues révélations n est que rfive, illusion, erreur, délire, hallucination et manifestation fluidique de la folle du logis.
Tel croit l'intervention diabolique, fait parler le démon.
Un autre, par délicatesse de conscience, préféré la conversation d’nn ange, il est servi suivant ses désirs.
Celui-ci, un peu spiritualiste, pythagoricien ou swcden-borgistc, sc croyant entouré d’une foule d’esprits errants, évoque le premier venu el se fail raconter les histoires do l’autre monde.
Tel autre se croit le pouvoir de l’évocation des esprits supérieurs qui ont habité le monde, et se promenant dans cette vaste galerie, appelle sous sa main Voltaire, Raphaël, Alexandre ou Mirabeau, et se permet avec eux un petit bout de conversation. — C’est commode.
Celui-là croit être agité par l’âme de la terre, et il écrit là-dessus des lignes incroyables, des théories renversantes.
Un autre, esprit fort, se moque et 11e croit rien.... sous sa main la table est immobile et muette, et ceci est la plus éclatante confirmation de notre dire.
Chacun est servi suivant sa foi, suivant cc qu’il tire de lui-même.
Mais l’homme qui croit à la puissance de son âme et de sa volonté, qui ne s’est Laissé dominer par aucun système ou préjugé préconçu ; celui-ci produira à son gré des effets merveilleux et n’en ira pas chercher la cause plus loin que lu force émanant de lu foi i/ue chacun porte en soi.
Ces quelques lignes ne sont qu’une simple indication de quel côté il faut chercher la vérité. Espérons qu’on la trouvera, et qu’il en sera rendu gloire à Dieu et paix aux hommes.
Ces pauvres tables et tout notre mobilier ont été condamnés sous l’influence de l’illusion, comme agissant par l’impulsion fluidique des esprits infernaux, comme étant habités par des génies familiers ou des âmes errantes; le simple bon sens demande la révision des pièces du procès, il en appelle du premier arrêt, et il espère qu’il sera rendu justice.
Charles JCLLIEN.
(É toile de F niaise.)
CLINIQUE.
o Si l'art nous abandonne, la nature nous reste; elle nous suffira. »
Mesmer , Aphor. 278.
« Bienheureux ceux qui croiront en moi. car ils poseront les mains sur les malades, et les malades seront guéris. »
Évang. selon S. Matthieu.
U y a un an, j’avais à ma disposition une somnambule d’une lucidité remarquable, surtout pour le traitement des maladies. Plusieurs fois déjà, j’avais eu l’occasion de me convaincre de ses cures merveilleuses, bien connues d’ailleurs , non-seulement des habitants de Chàlon, mais encore de ceux des villes et villages environnants.
Première observation.
Ma mère était malade, depuis une vingtaine d’années au moins, d’un engorgement des principaux vaisseaux du cœur, avec oppression continuelle, palpitations, syncopes fréquentes, etc. Après avoir été longtemps aux prises avec la médecine el les médecins, qui ne lui avaient procuré aucun soulagement, elle eut recours au camphre ; elle avait par la suite une confiance si absolue aux formules de Raspail, qu’en toutes choses elle recourait aux prises de camphre, lotions d’alcool, etc., etc., et toujours, disait-elle, elle s’en était
bien trouvée. Mais vint un jour où son remède favori ne fut plus infaillible. Deux médecins avaient été successivement appelés, et l’état de ma mère empirait toujours; sa situation était désespérée, il était temps d’avoir recours à un remède plus efficace que tous ceux dont on avait usé jusqu’ici.
Je lui parlais alors des cures surprenantes accomplies par le magnétisme. — Hélas ! comme les incrédules, elle avait ri (le ma folie;— cependant, pressée par moi, elle se rendit.
Je fis donc venir ma somnambule; je l’endormis, puis je la mis en rapport avec ma mère par le toucher de la main. Après quelques minutes de concentration, elle nous a dépeint avec une minutieuse exactitude la maladie de ma mère, ses effets, ses causes, et nous a indiqué un remède que j’allai chercher, le soir même, chez le pharmacien qu’elle m’avait désigné.
Ce remède, je le dis bien vite, a produit les résultats les plus heureux.
Deux jours après, ma mère, quoique non rétablie, car sa maladie est trop invétérée pour qu’on puisse espérer une guérison radicale, était beaucoup mieux ; le troisième jour elle put se lever et faire une promenade dans son jardin.
La somnambule connaissait-elle la vertu de ce médicament? Si elle ne la connaissait pas, pourquoi me l’avait-elle indiqué de préférence à tout autre? C’est ce que je voulus éclaircir. Lorsque je l’eus éveillée, j’amenai la conversation sur des choses tout à fait insignifiantes d’abord; puis tout à coup, la fixant dans les yeux de ce regard qui sonde la pensée, je lui demandai si elle connaîtrait quelque médicament qui aurait la vertu de calmer les souffrances de ma mère ; elle me répondit sans la moindre hésitation : Non.
Je savais d’ailleurs qu’une personne en somnambulisme connaît une infinité de choses quelle ignore dans l’état de veille. — Plusieurs fois déjà j'avais pu en acquérir la certitude. Je m’arrête là; je ne veux chercher ni à expliquer, ni à approfondir ce phénomène, ce qui serait dès lors l’objet de considérations tout au moins inutiles et me sortirait tout à fait des limites que j’ai tracées à cette note.
Depuis, nia mère a ilil à plusieurs personnes qu’elle in Y-tait redevable de lu rie; je rapporte en toute lnunilité cet hommage au magnétisme.
Deuxième observation.
Au mois de mai 1853, à mon retour d’un voyage en Suisse, je fus prévenu que M. H...., mon locataire, était très-dangereusement malade, et que les médecins, qui n’avaient pu déterminer la nature de sa maladie, désespéraient de le sauver. J’allai le voir, je lui demandai s’il voulait que je fisse venir chez lui une somnambule ; à cette question, il sourit. Je vis que j’avais encore affaire à un incrédule, ce qui ne me surprit nullement; je n’en persistai pas moins dans mon projet, et j’obtins enfin son consentement.
Le lendemain donc, j’entre chez lui suivi de la somnam -bule, à qui j'avais recommandé de faire à jeun une longue promenade ; j’avais remarqué déjà mainte fois que lorsque je la consultais dans cet état, elle, était d’une lucidité plus grande, ce qui d’ailleurs s’explique facilement; car chacun sait que le jeûne aiguise singulièrement les sens.
Je procède en présence du malade, et en moins de deux minutes j’amène la somnambule à un état des plus satisfaisants: puis je la mets en rapport avec le malade, que cette opération avait abasourdi. N’était-ce pas pour lui, en effet, une chose nouvelle et terrible tout à la fois, bien digne d’exciter son admiration et sa curiosité, que la puissance de cet agent mystérieux, que cette faculté magnétique dont la nature a doué l’homme, que cette puissance supérieure, enfin, invisible, impalpable, ((inhérente à chaque organisation », qui se manifestait à lui d’une manière si surprenante, si admirable dans la simplicité de son mécanisme, à cette heure où, délaissé, abandonné des médecins impuissants, il se voyait mourir? Et comment ne pas être surpris en voyant la volonté d'un individu agir sur un de ses semblables au point d’anéantir, de détruire toute la force de sa volonté propre,
de réduire à un exercice passif ses facultés intellectuelles et morales?
Alors il commença à douter de sa raison, de ce qu’il voyait, el ce ne fut que plusieurs minutes après qu’il sortit de la torpeur où l’avait plongé la production d'un phénomène aussi étrange.
J’allais oublier de dire que, pour ne rien changer à son mode de magnétisation dû à la mauvaise direction que lui avaient donnée précédemment quelques expérimentateurs, j’amenais ma somnambule, chaque fois que je l’endormais , à l’état cataleptique. Quel effet ne dut pas produire sur l’esprit du malade cette puissance dirigeant à son gré le mouvement ou l’inertie la plus complète chez un être pensant, voulant, agissant il y a quelques minutes à peine, et que ne dut-il pas espérer, dès lors, d’une force qui s'annoncait par un semblable phénomène : l’insensibilité des membres du sujet magnétisé 1
La somnambule ayant pris la main du malade, se pencha vers lui comme pour voir l’intérieur de son corps, et presque aussitôt je la vis porter sa main àl’épigastre; puis, après s’être concentrée quelques instants afin d’étudier, de découvrir même la nature, le siège de la maladie et le remède qui devait opérer la guérison, elle décrivit parfaitement, de l’aveu du malade, les symptômes de la maladie, elle en indiqua l’origine: c'était un coup qu’il avait reçtt à l’épigastre, où il s’était formé un caillot de sang qui gênait la respiration au point que l’on entendait comme un sifflement aigu dans l’intérieur de son corps ; elle parla des remèdes qui avaient été employés jusqu’alors :
u Jetez bien vite au feu, s’écria-t-elle, toutes les drogues que vous avez là sur la cheminée.... On donne à cet homme, me dit-elle après une pause, tout le contraire de ce qu’il lui faudrait; avant huit jours il serait mort si vous ne m’aviez appelée. Ecrivez ce que je vais vous dire ; mon remède est bien simple, mais je réponds que dans huit jours il sera tout à fait guéri. »
El elle me .dicta :
fr. c.
« Prenez : Poivre blanc........
Séné en poudre. . » 20 Trois blancs d’œufs.
« On battra le tout jusqu’à ce que ce mélange ait obtenu une certaine consistance ; — puis on en fera une sorte d’emplâtre que l’on appliquera ce soir entre les deux épaules, en le couvrant d’une couche d’étoupe, afin d'observer quelque chose d’étrange, et on le maintiendra par une serviette fortement nouée.»
Avant que je la réveillasse, la somnambule voulut magnétiser le malade; car, outre l’activité spirituelle et matérielle qui caractérise tout sujet en somnambulisme, le somnambule voyant l’intérieur du corps, ainsi que cela est bien constaté aujourd’hui, peut donner encore au fluide beaucoup plus de force et d’énergie que dans l’état ordinaire, lui imprimer une direction convenable, et le distribuer avec une très-grande régularité ; — c’est ce qui eut lieu très-probablement.
Le soir môme on fit l’application de l’emplâtre. Le lendemain , le malade me fit demander, me montra des linges tout tachés de sang, et me raconta en ces termes ce qu’il avait éprouvé :
« 11 y avait à peu près quatre heures que l’on m’avait posé l’emplâtre ordonné par votre somnambule, lorsque je sentis comme un tiraillement à l’endroit malade. Il me semblait que quelque chose se détachait de mon estomac, descendait le long des côtes et remontait vers les épaules. Néanmoins, la douleur n’étant pas trop forte, je m’endormis bientôt. M’étant éveillé dans le milieu de la nuit, et me sentant mouillé, je demandai de la lumière ; je vis alors que mes draps étaient tout tachés de sang à la hauteur de ma poitrine , et que les linges noués autour de mon corps étaient dans le même état ; les voici à terre. »
Je les regardai, ils étaient littéralement imprégnés de sang.
« Mais, chose extraordinaire, continua-t-il après une pause,
il n’existait aucune trace sur l’étoupe à travers de laquelle avait dû filtrer le sang. — On enlève l’emplâtre, et là encore aucune trace ; aucune tache sur l’épiderme n’indique que le sang a trouvé une issue en cet endroit ; — et pourtant il avait dû sortir, s’échapper assez abondamment de la partie couverte par l'emplâtre, ou tout au moins de ses alentours. — Cette douleur que j’avais ressentie à l’é— pigastre n’était-elle donc autre chose qu’un commencement de décomposition du sang amassé en cet endroit?... C’est probable.... Je n’y comprends rien; mais voilà le fait tel qu’il s'est accompli.... Maintenant je me trouve beaucoup mieux ; je sens môme que je pourrais me lever. » Effectivement, deux jours après, je le rencontrai à la promenade. Au bout de huit jours, se sentant de nouveau l’estomac embarrassé, il renouvela l’opération , qui lui réussit comme la première. Enfin, lorsque je quittai Châlon, un mois plus tard, cet homme avait repris ses occupations et se portait à merveille.
Comment expliquer ce phénomène ? — Ce remède si simple, remède de bonne femme, comme diraient les savants, a donc eu assez de puissance, il a donc été un agent thérapeutique assez actif pour opérer la décomposition de cet amas de sang, l’attirer dans une partie du corps assez sensible du reste, et là le faire s’avancer par les mômes voies que la transpiration ? Ou bien cet effet était-il produit par la transfusion du fluide nerveux qui permet, ainsi que le fait observer M. Ricard, dans sa Physiologie du Magnétiseur, v de coordonner normalement la distribution irrégulière du sang, absolument de la même manière qu’on diminue la quantité du liquide par la saignée, qu’on détourne une congestion sanguine à l'aide des ventouses, des scarifications, des saignées, etc., etc. ? »
Je laisse à plus expert que moi l’explication de ce fait. Simple instrument, je me borne à constater les résultats que j’ai obtenus dans quelques cas où j’ai été appelé à traiter par le magnétisme ou à l'aide du somnambulisme.
Troisième observation.
Un jour, cette même somnambule fit tomber sur sa tête, en ouvrant une porte, une marmite en fonte du poids de fi à 5 kilogr., placée sur un rayon à 2"',50 du sol. Elle tomba
en jetant un cri, et elle ne donna plus signe de vie.....
Aussitôt on accourt, on lui fait respirer des sels, on lui lave la tête avec de l'alcool camphré, mais en vain.
Pendant ce temps on m’avait envoyé chercher ; —j’arrive, je prends sa tête dans mes mains, en portant l’action de ma volonté sur le siège du mal ; je descends ensuite la main le long du corps jusqu’aux genoux, en entraînant aux extrémités ; de cette manière j’empêche le sang de se porter à la tête; puis, partant de cet aphorisme : que le souffle de l’homme est considéré comme principe de vie, j’ai recours à l’insufflation à froid , — procédé dont je me suis toujours servi avec succès dans beaucoup de circonstances, — et après deux ou trois minutes d’imposition de la main sur le siège de la douleur, je magnétise à grands courants.
Bientôt cette femme revint à elle ; sa première parole fut :
« Oh ! que vous me faites du bien ! »
Et quelques instants après, — un quart d’heure peut-être, — elle n’éprouvait plus la moindre douleur et se livrait à ses occupations.
Combien ne pourrais-je pas citer d’exemples où, soit par l’insufflation, soit par des passes, j’ai pu calmer en quelques minutes de violents maux de tête, de dents, etc., etc.! Mais, outre qu’il ne me reste entre les mains aucune note, aucune pièce, une longue description dont les moyens généralement employés sont presque toujours les mêmes, serait fastidieuse; j’aime mieux n’énumérer que quelques faits isolés dont je puis garantir l’authenticité, et pour lesquels je pourrais au besoin invoquer le témoignage de plusieurs personnes.
Fabius BOITAL.
CONTROVERSES.
1° T.A MONTAGNE QUI ACCOl'CHE.
lin écrivain publie un recueil mensuel ou plutôt lunaire (ou lunatique) , intitulé : La Magie du Dix-Neuvième siècle; il annonce qu’il va initier ses lecteurs à la magic, cette science mystérieuse et redoutable dont le nom seul épouvante l’imagination et qui, d’après les traditions , nous apparaît comme quelque chose de surhumain, comme un merveilleux talisman donné à l’homme pour enfanter des prodiges, pour s’élever au delà des bornes que la nature avait imposées à son activité. Qu’est-ce donc que la magie? Est-ce le fruit du jardin d’Éden? Est-ce le secret de
Prométhée? Est-ce la lampe d’Aladin ?..... La curiosité est
éveillée, on attend avec impatience la révélation d’importants secrets... ; on ouvre le grimoire fatidique, on est prêt à accueillir avec un respect mêlé de terreur les paroles qui vont s’échapper de l’antre de la sibylle. On lit un numéro,
puis un second, un troisième, un quatrième.....Qu’y trouve-
t-on ? Rien que des déclamations alambiquées, des phrases sonores où une obscurité affectée cherche à masquer le vide des idées. On se demande si c’est une gageure de mystifier le public. Quel est le but de l’auteur ? Où veut-il nous conduire? En quoi consiste sa doctrine ? Se comprend-il lui-même? Qu’est-ce que cette magie dont il parle tant, qu’il nous promet toujours et dont il ne nous a pas encore défini le but et la nature ?
Enfin le cinquième numéro va être plus explicite, l’oracle va parler : fave te linguis, prêtez toute votre attention à ces sublimes arcanes. Vous voulez savoir ce que c'est que la
magie! Imprudents! quand on vous l'aura dit, n’allez-vous pas reculer d’eflroi, comme Robert au moment de cueillir le rameau fatal; comme Faust, quand il voit apparaître le démon qu'il a évoqué. N’importe, le sort en est jeté : vous avez voulu pénétrer dans le sanctuaire, il n’est plus temps de reculer, et quelles que puissent être les conséquences, vous allez être initiés. Eli bien, sacliez-donc ce que c’est (pie la magie ; c’est.... Allons ! je vous vois pâlir; montrez-vous dignes de la tâche sublime que vous avez osé entreprendre, armez-vous découragé. La magie, «c'est l’art cle formuler son intelligence suivant les lois absolues de la création, afin d’en obtenir tes plus grands résultats possibles. »
Hein! qu’en dites-vous? Vous voilà devenus presque magiciens, et vous n’en êtes ni enchantés, ni épouvantés. Peut-être cherchez-vous à comprendre la définition du profond professeur ; mais voilà une curiosité irrévérencieuse et déplacée. Etes-vous bien sûr qu’il ait voulu être compris? Allons donc ! si vous le compreniez, vous en sauriez autant que lui, et alors adieu le professorat. Non, il faut d’autant plus admirer que vous comprenez moins. Voyons, que je vous aide un peu.....à ne pas comprendre.
Vous voyez que la magie n’est plus une science; c’est tout bonnement un art, comme la musique ou l’escrime; pour peu que vous teniez à ne pas trop fatiguer votre esprit, vous devez déjà être rassurés, vous n’aurez pas à faire des efforts intellectuels, comme s’il s’agissait d’étudier les mathématiques ou la physique. Nous n’aurons donc qu’un art, et il a pour but de formuler son intelligence. Y êtes-vous? Jusqu’ici, formuler était synonyme de rédiger; on formulait une doctrine, un système, une prescription médicale ; mais formuler son intelligence, c’est neuf, c’est joli.... comme galimatias, ça sied bien à un maître sorcier.
Suivant tes lois absolues de la création.... U paraît que la création a des lois absolues et d’autres qui ne le sont pas. C’est une découverte très-importante, et qui nous mettra sans doute à même de faire bon marché des lois non absolues. Vous vous étiez peut-être figuré jusqu’ici que, quand
vous exécutiez une opération quelconque, vous ne pouviez l'aire autrement que d’agir suivant les lois de la création : erreur. Si l’auteur ne vous avait pas avertis, vous alliez peut-être formuler contrairement aux lois de la création, et vous auriez fait de mauvaise besogne, de la fausse magie. Grâce à lui, vous formulerez suivant les lois et vous arriverez ainsi
à faire de la magie..... comme la sienne, et ce n’est pas
peu dire.
Vous parviendrez par là à obtenir les plus grands résultats possibles, on ne vous dit pas dans quel genre, et la définition les comprend tous. Par conséquent, quelque résultat que vous obteniez, c’est de la magie. Soit que vous fassiez une addition, un plan de chemin de fer, une chanson ou une tragédie ; soit que vous confectionniez une machine à vapeur ou des allumettes, que vous fassiez même une innocente partie de domino, comme en tout cela vous avez obtenu des résultats et que vous avez formulé votre imagination, vous avez été magiciens sans vous en douter. La magie est tout, comme vous voyez. Vous demanderez sans doute pourquoi appliquer la qualification de magique à toutes les opérations auxquelles préside l’intelligence : serez-vous plus avancés en étendant à tout cette qualification ? changerait-elle la nature des choses?.... C’est là le secret de l’auteur, et il y a de bonnes raisons pour qu’il ne vous le dise pas.
a. s. morin. •
2° ESPRITS FRAPPEURS. — BRUITS MYSTÉRIEUX.
On lit dans le Constitutionnel du 15 juin, rendant compte d’une séance de l’Académie des sciences, l'appréciation suivante d’un fait communiqué à la savante compagnie :
« Que saint Thomas, patron des sceptiques, avait raison ! Qu’il est sage de voir, de voir encore et de toucher du doigt ! Le premier qui vit un chapeau ou une table tourner, fut tout ébahi de cet objet nouveau ; un second regarda de plus près et douta ; un troisième imposa les mains, loucha lui-
même la table tournante, et il comprit. Le mystère est éclairci maintenant :
Do loin c'cst quelque chose et de près ce n'est rien.
Les savants (et ce sont ici les seuls jurés irrécusables), les savants ont prononcé; et après les expériences des Faraday eu Angleterre, des Cbevreul et des Babinet en France, qui ont démontré que des mouvements assez étendus et assez forts peuvent s’effectuer involontairement et à l'insu des opérateurs, après ces irréfragables expériences, le miracle des tables tournantes doit se résumer en deux mots : Illusion ou tromperie.
n Quant aux tables parlantes, aux esprits frappeurs, c’est jonglerie pure : M. le D‘ Scliiff, de Francfort-sur-le-Mein, a surpris ou plutôt deviné le secret d’un de ces esprits frappeurs de sa ville, et il vient de le révéler à l’Académie des sciences par la bouche de M. Rayer.
«Le docteur allemand eut occasion d’observer une jeune fille chez laquelle se produisaient des bruits attribués à une influence surnaturelle. Quand on était près d’elle, soudain on entendait de petits coups secs, très-distincts, tout à fait-semblables au bruit de toc-toc que nous produisons en frappant sur une table ou sur une porte ; et pourtant la jeune fille était immobile; et comme elle était parfaitement isolée des personnes ou des choses environnantes, il était impossible que ces bruits étranges dépendissent du choc de quelque corps voisin.
u 11 fallait donc ou croire que les esprits avaient réellement élu domicile dans le corps de la jeune Allemande, ou supposer quelque supercherie. M. Scliiff se décida pour cette dernière opinion, et, à force de chercher, à force de contracter ses pieds, ses jambes, ses tendons, il parvint à découvrir l’origine du bruit mystérieux. Ce bruit était évidemment produit par le déplacement réitéré du tendon d’un muscle de la jambe, qui passe derrière la cheville, le long péronier.
« Ainsi que le remarque M. Rayer dans la note intéressante qu’il a lue à ce sujet à l’Académie, lorsque la gaine fibreuse dans laquelle glisse le tendon du long péronier est faible ou relâchée, le phénomène de contraction bruyante est plus facile à produire. Et, chose singulière! ce frappement peut s’accomplir sans mouvement appréciable du pied ; seulement, lorsqu’on appuie le doigt derrière la maléole externe, au moment où le bruit est entendu, on sent très-dis-
tinctement le déplacement alternatif et réitéré du tendon, animé d’un mouvement très-brusque d’élévation et d’abaissement.
c M. SchilT, après s’être exercé suffisamment, est arrivé à jouer dans la perfection le rôle d’esprit frappeur. Dans la dernière séance académique, il s’est avancé, après la lecture de M. Rayer, au milieu de la salle; on a fait un profond silence , et bientôt on a entendu se produire une série de tor-ioc d’une netteté et d’une force à jeter le trouble dans toute autre société que l’Académie des sciences.
« Avec ce petit talent d’esprit frappeur, notre honorable confrère M. Scliiff aurait pu sans trop de peine se faire passer, en Amérique, pour un dieu ou, tout au moins, pour un prophète; il a préféré être, en Europe, tout uniment un savant et un ami de la vérité.
« Une religion s’est en effet fondée en Amérique , et elle compte ses prosélytes par milliers; une épidémie morale a envahi l’Europe entière, qui cependant se dit éclairée et civilisée ; elle a fait tourner plus de têtes que de chapeaux ; les consciences se sont troublées, l’autorité religieuse s’est émue, et tout cela parce qu’il avait plu à deux jeunes Américaines d’inventer ou de répéter un tour de passe-passe digne au plus de Comte ou de Robert-Houdin ; tout cela, parce que deux sibylles de bas étage, deux pythonisses suspectes, s’étaient exercées à faire jouer avec bruit les muscles de leurs jambes, avaient appris à faire claquer dans sa gaine le tendon du long péronier !
« O esprit humain, c’est-à-dire, ô sottise humaine ! suivant la trop juste définition de Voltaire.
« D' Henri ROGER. »
On n’est pas plus impertinent et plus tranchant. M. Henri Roger, professeur agrégé de la Faculté de Paris, se plaçant sous l’égide des Faraday et des Babinet, se moque de la rotation des tables; il n’y voit qu’un tour d’escamotage, un fait de friponnerie. M. Schiff a surpris la méthode et s’est rendu très-expert ; il pourrait être un dieu en Amérique, il préfère pourtant rester simple mortel dans sa patrie : il faut le louer de tant de modestie.
M. Babinet avait, on s’en souvient, découvert que le tour s’exécutait au moyen de la ventriloquie. Qui donc a tort ou
raison parmi tous ces grands hommes ? Ce qui nous afflige, c’est ce bon M. ScliifT : il doit souffrir dans ses tendons îi force d’exercice; 011 lui doit un prix pour son invention. La science, on le sait, invente rarement; elle se montrera donc généreuse, nous l’espérons du moins. M. Henri lloger mérite également une mention. Quand, comme lui, on se fait l’historiographe des inventions hors ligne, on est en droit d’espérer une récompense.
L’Institut 11e doit point non plus laisser de côté l'homme à la poupée, il faut également lui ouvrir les portes de l’Académie. Quand ces illustres savants auront entendu cet artiste , ils seront en droit de contester l’authenticité des cris et des vagissements des enfants, les nourrices seront taxées d’imposture et leurs plaintes regardées comme ridicules. En efTet, le bruit mystérieux que font entendre les tables n’existe pas plus que le cri des enfants.
Votre fortune est faite, M. Schiff... on vous appellera partout pour montrer vos petits talents, l’homme à la poupée ne viendra désormais qu'après vous ; mais vous passerez tous deux à la postérité, l’institut vous en est un sûr garant.
Baron DU POTET.
FAITS ET EXPÉRIENCES.
1” APPARITION. — PRESSENTIMENTS.
Nous extrayons le curieux passage suivant de la première livraison des Campagnes de la Grande Année, par G. Gérard :
« Que l’on nous permette, dit l’auteur, d’interrompre un instant le récit des opérations militaires pour dire quelques mots des circonstances mystérieuses de la mort du colonel Lacuée : elles sont trop extraordinaires et trop surprenantes pour ne pas être divulguées.
c- La nuit môme qui précéda la prise de Reisensbourg, le colonel, après les fatigues d’une longue marche, s’était endormi d’un sommeil profond. A. peine avait-il reposé quelques heures, qu’un cauchemar, un rêve affreux, le réveillait en sursaut : un de ses camarades d’armes, tué dans la dernière campagne d’Italie, lui était apparu eu songe et lui avait dit d'un ton très-significatif :
u C’est pour demain 9 octobrela « Le colonel se renejormit bientôt, mais la même vision vint encore s’offrir à lui; seulement, cette fois, le spectre, s’approchant de plus près et étendant son bras osseux jusque sous le chevet où était placée la montre du colonel, posa le doigt sur le chiffre qui marquait deux heures.
a Lacuée se réveilla de nouveau : une sueur froide couvrait ses membres agités par un tremblement convulsif. Il appela son domestique et essaya de tous les moyens à sa disposition pour calmer cette agitation violente. 11 voulut lire, mais ses paupières, brûlantes et distraites tout à la fois, ne pouvaient se fixer sur le papier. Poursuivi, obsédé par cette sinistre visite, il lui semblait voir le doigt du fantôme tracer entre chaque ligne le chiffre menaçant.
;i Enfin le jour parut. Le colonel, se trouvant un peu mieux, sortit pour vaquer comme d’habitude aux soins de son ser-
vice. Ses traits se ressentaient de la secousse qu'il avait éprouvée; on lui en fit la remarque, et il raconta alors dans le plus grand détail, d’un air moitié sérieux, moitié plaisant, son rêve de la nuit dernière.
« Quelques instants après, il recevait l’ordre de marcher en avant : une balle lui traversait le front.... A sa montre il était deux heures précises.
« Mais ce qu’il y a de plus étrange encore, c’est que cet ancien compagnon d’armes dont la lugubre apparition l'avait sifortement troublé, n’était autre que le commandant Stcingel, tué à Marengo après avoir eu lui-même une vision du même genre. Cette fin tragique de Steingel a fait, dans le temps, le sujet des conversations de toute l’armée d'Italie.
« Une heure avant la bataille de Marengo, le commandant abordait le premier consul :
« Mon général, lui disait-il, je viens vous recommander « ma famille : je serai tué aujourd’hui.
« — Steingel, d’où vous vient ce sinistre pressentiment? « fit Bonaparte.
,, — D’un rêve que j’ai fait cette nuit; et vous saurez, gé-« néral, que ces avertissements surnaturels n’ont jamais c manqué à aucune crise de ma vie. Je venais de m’en-« dormir, lorsqu’une étreinte puissante me réveilla tout à o coup. J’étais dans les bras d’un dragon autrichien, espèce « de colosse qui me dit avec un rire infernal : Dans deux « heures lu seras à moi'. L'uniforme du soldat disparut alors « comme par enchantement, et il ne resta que l'affreux « squelette de la mort, qui m’étreignit avec force. Trois « fois je fus réveillé par La même vision. Croyez ou ne croyez « pas, général, mais ma conviction est arrêtée, je ne verrai « pas votre victoire. »
« Vainement Bonaparte essaya de combattre ce funeste présage, dont toutefois il demeura lui-même très-frappé; on sait que sa destinée miraculeuse l’avait rendu, plus que personne, accessible aux pressentiments.
« 11 n’y avait pas deux heures que la bataille était engagée, lorsqu’une charge de cavalerie mit en présence le corps des guides et les dragons autrichiens. Un de ces derniers sortit des rangs et vint se ruer sur Steingel, que l’on entendit s’écrier : u C’est toi, je te reconnais, je t’appartiens ! » Et il tomba frappé en pleine poitrine !
« Cette voix secrète, ces avertissements d’en haut, qui viennent vous assaillir quelques heures avant votre dernière bataille, et quelquefois au moment même d’une charge contre
l’ennemi, sonl très-communs la guerre. La veille même de Marengo, Desaix ne disait-il pas à ses aides-de-camp :
« Voilà, bien longtemps que je ne me bats pas en Europe, n les boulets ne me connaissent plus; il m’arrivera mal-i heur ! »
« Lu lendemain, le sort des combats lui tenait parole. .1
2° INSENSIBILITÉ.
Je ne chercherai pas à démontrer les immenses avantages que la chirurgie pourrait tirer de l’insensibilité absolue produite par l’agent magnétique, et avec quel succès elle pourrait l’appliquer à ses opérations.
Plusieurs fois j’ai provoqué le rire de personnes à qui je faisais part de quelques-uns des résultats obtenus soit par moi, soit par d’autres expérimentateurs ; Gall lui-mème, le père de la phrénologie, n’a-t-il pas dit :
« S’il était prouvé qu’un homme peut en mettre un autre en somnambulisme, ce serait une importante découverte, une éclatante vérité ; mais je n’y crois pas. »
Eli bien, aujourd’hui, cet effet n’est plus contesté, l’insensibilité produite par l’agent magnétique est une vérité reconnue ; chaque jour signale de nouveaux faits et de nouveaux témoignages, mais on s’obstine à en nier l’utilité.
Comment, dira-t-on, se fait-il qu’il y ait encore un si grand nombre d’incrédules, et que la Faculté elle-même, qui devrait accueillir chaque nouvelle découverte, nie l’efficacité de celle-ci?
C’est bien simple. Pour les uns, la chose est si étonnante, elle leur paraît si monstrueuse, qu’ils ne conçoivent pas que cela soit possible ; — pour les autres.... —ah 1 ma foi, c’est autre chose. Comme la Faculté est infaillible, elle ne peut avouer aujourd’hui qu’elle s’est trompée, qu’elle s’est trop hâtée de crier: «Le magnétisme est une chimère! » Espérons cependant qu’avec le temps la lumière se fera, et que ces incrédules par système n’auront plus honte de venir à la vérité.
A Saint-Étienne, plusieurs de mes amis m’ayant prié de
les faire assister à une séance tout intime, j’y consentis. Nous nous réunissons sept ou huit chez l’un d’eux ; une jeune fdle, âgée d’une vingtaine d’années, est amenée; je la mets préalablement dans l’état de sommeil magnétique, et ensuite dans celui d’insensibilité absolue.
Dans cet état, mes incrédules, pour se convaincre, ont pincé cette personne dans différents endroits sensibles; ils lui ont enfoncé une longue aiguille dans le bras, la peau étant soulevée pour qu’elle n’attaquât point les chairs, et enfin ils lui enfoncèrent cette aiguille sous l’ongle du médium qu’ils exposèrent environ une minute et demie à la flamme d’une bougie, sans que cette jeune fille laissât percer le moindre signe qui pût accuser la douleur. Et, chose extraordinaire, lorsqu’elle fut réveillée, cette pauvre martyre n’était nulle* ment fatiguée de ces expériences et de bien d’autres qu'il serait trop long d’énumérer.
Je ne voulus pas prolonger davantage ces expériences, parce qu’elles étaient tout au moins inutiles, et qu’il ne faut jamais abuser d’un pouvoir que Dieu semble avoir accordé à l'homme pour des choses plus utiles, et surtout plus dignes de lui, pouvoir dont il ne devrait faire usage que pour soulager ses semblables.
N’est-ce pas là le but .auquel devraient tendre tous les efforts des magnétiseurs? — Certes, oui; mais, hélas! trop d’entre eux ne se servent du magnétisme que pour satisfaire leur intérêt ou leur curiosité.
Fabius BOITAL.
3° MAGIE TURQUE. — DERVICHE GUÉRISSEUR.
Dernièrement un violent incendie éclatait auprès du cimetière turc à Péra. Un correspondant de la Gazelle (le Cologne, à Constantinople, a adressé à cette feuille le récit suivant, qui est extrêmement curieux au point de vue de certaines pratiques médicales ayant rapport au magnétisme.
« Le cimetière s’étend sur les derniers échelons d’une pente escarpée. Entre les tombes et les cyprès, 011 voyait de
nombreux groupes; tous ceux qui formaient ces groupes étaient des musulmans. Les hommes étaient assis un peu à l’écart des femmes, sur des tapis et des coussins, fumant le narguileh et le tchibouk, ou prenant une tasse de café. Les femmes, au contraire, étaient rassemblées autour de berceaux et de matelas, sur lesquels étaient couchés de pauvres petits enfants il y en avait deux, trois, au plus quatre par chaque groupe. Auprès des enfants sc tenaient debout des esclaves noires, leurs nourrices.
« Le nombre des enfants ainsi étendus était considérable; ils avaient l'air d’âmes perdues, comme ces feux follets qui errent au milieu des tombeaux. On voyait entre les cyprès et les pierres funéraires, passer et repasser des femmes voilées qui se baissaient pour recueillir sur les tombeaux une certaine herbe. Quelques-unes en avaient déjà ramassé et la tenaient sur leurs genoux, auprès du berceau de leurs enfants. De temps à autre, tous les groupes se tournaient du côté de la route de Kassim-Pacha, comme s’ils eussent attendu quelqu’un.
« Personne, parmi les assistants, ne prêtait la moindre attention à l’incendie; ce qui contribuait à augmenter l’horreur fantastique de cette scène nocturne. Les cyprès noirs et les tombes dorées, qui se détachaient sur un ciel empourpré des lueurs de l’incendie ; la vallée où se déroule le cimetière , qui était enveloppé d'une obscurité profonde, tout cela formait une décoration convenable à ce drame, où les femmes voilées qui recueillaient des herbes mystérieuses ne faisaient point défaut. J'appris bientôt le mot de l’énigme.
« Cette nuit était une nuit magique. Les femmes qui se trouvaient là étaient des mères éplorées, dont les petits enfants malades n’avaient plus rien à espérer de la science et de l’habileté des médecins. Elles les avaient donc amenés au cimetière. Les maris les accompagnent, afin d’ètre témoins du charme qui doit opérer la guérison. Pendant que ceux-ci fument le tchibouk, les femmes recueillent une herbe qui croit entre les tombeaux, et quand elles en ont fait provision, elles reviennent auprès des pauvres petits. A minuit apparaît un saint derviche, au cloître de Kassim-Pacha, qui va d’un groupe à un autre, pour bénir ces herbes ; lui seul a la propriété de ce secret, et à sa mort il le transmet à un autre derviche, qui se charge des mêmes fonctions. L’enfant malade donne l’herbe consacrée à un chien, et la maladie abandonne l'enfant pour passer à un animal ou à un esprit impur.
h Vers minuit, tout le monde lit silence: toutes les mères étaient revenues au berceau de leur enfant, toutes fixaient pieusement, mais en tremblant, leurs yeux sur la route de Kassim-Pacha. On ne voyait rien, rien que l'obscurité qui planait sur la vallée. Tout d’un coup 011 vit le derviche surgir au milieu d’un tapis de gazon qui soudain fut illuminé de mille clartés, le coude appuyé sur une tombe. 11 dominait la foule, qui, en le voyant, poussa un sourd gémissement. 11 portait un long caftan de couleur sombre; on reconnaissait à son turban que c’était uu uclschi, c’est-à-dire un saint qui avait fait le pèlerinage de la Mecque. Son visage ôtait encadré d’une barbe grise ; ses yeux brillaient sous d’épais sourcils.
n U11 tapis fut étendu devant lui ; il s’y prosterna et resta ainsi en prières pendant un quart d’heure ; puis il commença sa touinée à travers les groupes. On lui présentait l'herbe, sur laquelle il étendait les mains, en marmottant quelques paroles, après quoi les groupes emportaient leurs tapis, leurs coussins, leurs pipes, leurs berceaux et leurs enfants, et disparaissaient derrière les cyprès, il en fut ainsi jusqu’au dernier groupe.
« Cependant l’incendie avait cessé ; quelques lueurs seules se projetaient encore sur les arbres et sur les tombeaux. Je n’oublierai jamais l’impression que fit sur moi ce spectacle d’autant plus effrayant, que je ne m’y attendais pas, comme je l’ai dit plus haut. Je n’avais jamais entendu parler de cette coutume, je n’avais rien lu à ce sujet, et je suis, je crois, le premier voyageur européen témoin de cette nuit de Walpur-gis des Turcs, peut-être une réminiscence des sorcières de la Thessalie. «
VARIÉTÉS.
{Nécrologie. — Trois personnes qui ont servi la cause magnétique dans des conditions fort différentes, ont terminé dernièrement leur carrière :
1° M. l'abbé Caupert, professeur de philosophie au grand séminaire de Versailles. M. Caupert est auteur d’un ouvrage dans^lequel il a confessé la foi magnétique et enseigné ses rapports avec le dogme catholique ;
2° M. Emmanuel de Las Cases, sénateur. Depuis long-temps converti à la doctrine que nous professons, M. de Las Cases a donné, dans maintes occasions, des preuves de son ardente conviction ;
3° M. Letur, ancien artiste dramatique. Il s'était adonné ii la propagation du magnétisme, en donnant des séances som-nambuliques dans les principales villes. Sa probité l’avait fait généralement bien considérer, et la société Philanthropico-magnétique l’avait admis au nombre de ses membres. Il est mort en Angleterre, dans une ascension aérostatique.
chronique — Plusieurs ouvrages viennent d’être mis au jour et seront l’objet de notre examen. Ce sont :
La Magnétothérapie, par le comte Szapary. 2e édition, augmentée.
Le Petit Catéchisme magnétique, par M. Hébert (de Garnay). 3° édition, avec des changements et additions considérables.
L’Histoire analytique, critique, philosophique el ynédicale
(lu magnétisme animal, par le D' Bellanger (extrait de Y Abeille médiat le), est modifiée.
Les Merveilles du Magnétisme et les mystères des tables tournantes et parlantes, par Johannès Trismôgiste. 1 vol. in-18.
Revue des .«onruanx. — On lit dans le Moniteur de* Hôpitaux du 20 juillet 1854 :
« Un de nos excellents correspondants, M. le TV Piquant (du Creusot), nous adresse une ordonnance délivrée à Lyon par une somnambule, et signée Henry Blanc, D. M. P. — 11 suffit, dit notre correspondant, d’envoyer une mèche de cheveux et un bon sur la poste, de (3 francs, pour recevoir un papier en tout semblable à celui que je vous adresse. — Ce papier, comme on peut bien le croire, est de la force de tous ceux qui se délivrent en pareilles circonstances ; le nombre en est malheureusement si grand, que ce serait inutilement noircir du papier que. de les imprimer. En présence de l’impunité qui règne à cet égard, nous ne pouvons qu’engager les médecins à suivre l’exemple qui a ôté donné par l’association médicale de Toulouse, qui se charge elle-même de faire poursuivre les exploiteurs de la sottise publique. »
Touchante confraternité !
La Gazelle hebdomadaire de Médecine et de Chirurgie a consacré plusieurs feuilletons à l’examen du magnétisme. Nous en rendrons compte prochainement.
ARNETTE.
Le Gérant HÉBERT (de Garnay).
CLINIQUE.
A Monsieur te baron du Potet.
Mon cher maître,
Parmi plusieurs observations qui proviennent de mes consultations et traitements magnétiques, je choisis en premier lieu celle qui va suivre. C’est par elle que j’ai débuté dans la carrière du magnétisme, à laquelle je me suis voué, parce que dans l’étude de cette science seulement j’ai aperçu et compris la vérité. Plût à Dieu que les premières instructions que j'ai reçues dans l’enseignement de la médecine eussent été dirigées par des professeurs aussi éclairés que ceux qui m’ont conduit depuis. Mon esprit, guidé à travers une fausse route, ne pouvait, malgré certaines inspirations, se débarrasser des ténèbres qui l’environnaient; il comprenait bien qu’en dehors de la science classique existait un principe plus grand, plus infini ; mais comment aurait-il pu le saisir, alors que les savants prenaient garde de faire la moindre révélation ? Heureusement que la main d’un ami est venue me délivrer des liens qui me retenaient, car, voyant la bonne voie, j’v suis entré résolûment, sans arrière-pensée. Je le remercie, el lui témoigne toute ma gratitude. Je vous rends grâce aussi, mon cher maître, pour les soins et les encouragements dont vous avez bien voulu gratuitement m’entourer. Par vos préceptes, ,'je suis arrivé à goûter le bonheur ineffable réservé aux adeptes de cet art sublime. Le bien que j’ai fait jusqu’à présent me dédommage largement de toutes les vicissitudes que j’ai pu endurer.
Tome XIII. - X« 193. — 10 Aour 1SM. 15
Première observation.
Dysménorrhée. — Névralgie faciale. — Lithiasie des paupière?. — Cjn-jonclivile granuleuse. — Abcès île la cornée.
A peine parvenue à sa vingtième année, M11' Marie Galen-tin a vu s’écouler les plus beaux jours lc sa jeunesse au milieu des souffrances les plus extraordinaires, causées par de nombreuses maladies. La plus cruelle d’entre toutes cul lieu vers l’âge de la puberté; à cette époque, des signes précurseurs de la menstruation se manifestèrent ; mais l’écoulement sanguin n’avait lieu, pendant les périodes qui l’établissaient, que d’une manière douloureuse et fort incomplète. Cette fonction n’ayant jamais eu lieu convenablement, il en est résulté une série de désordres qui ont été pour elle une suite 11011 interrompue de jours de souffrance et de désespoir. Ce 11’est pas que la science officielle n’ait essayé de donner quelque consolation cette intéressante affligée, bien au contraire, car j'ai la preuve certaine que, dans l'intervalle de deux ou trois années seulement, autant pour combattre ces divers maux que pour prévenir les complications, les médicaments qui lui ont été administrés suffiraient pour établir une officine des mieux achalandées.
Les médecins qui la conseillaient, personnages illustres et occupant le premier rang dans la hiérarchie médicale de notre ville, n'osant pas avouer leur ignorance, continuaient, en dépit du bon sens, à porter le trouble dans celte frêle organisation. La médecine hippocratique n’a point de spécifique pour guérir ces sortes d’affections; elle préconise une infinité de remèdes prétendus héroïques, qui ne parviennent môme pas à soulager. Us déterminent, au contraire, dans l'économie des désordres graves qu’il est souvent fort difficile de faire disparaître. Le malade s’éteint quelquefois, non par l'effet de la maladie, mais des suites désorganisatrices des médicaments toxiques dont on l’a saturé.
Symptômes généraux. — Je crois inutile de m'arrêter à l’élude des causes qui avaient pu engendrer ces diverses af-
ferlions; j’éviterai, par ce moyen, des suppositions plus ou moins probables. Je vais chercher à établir un diagnostic certain, par la preuve des signes morbides qui les caracté-saient.
Dans les symptômes généraux, je constatai l’extrême maigreur du corps, un affaiblissement général, la marche presque impossible, la face décolorée, les yeux enfoncés dans leur orbite, les paupières à demi fermées et entourées d’un cercle noirâtre; l’œil gauche, plus saillant que le droit, était atteint d’une infirmité particulière; plus de sommeil, appétit nul.
Symptômes particuliers. — L’utérus était le siège d’une névralgie particulière, qui coïncidait avec la période menstruelle; des douleurs vives se faisaient sentir à l’hypogastre, aux lombes et aux aines. Ces douleurs devenaient quelquefois si intolérables, que l’on désespérait pour les jours de la malade. En outre, cet état se compliquait d’accidents nerveux excessivement violents, accompagnés de fortes migraines, porte de connaissance, des étouffements et des agitations internes. Les règles ne s’écoulaienl qu’avec beaucoup de difficulté. En dehors et pendant ces crises, le pouls n’a jamais présenté de modification sensible.
Le traitement que les médecins administrèrent dès le début de la maladie, avait été des plus énergiques, sans le moindre succès. Plus tard, les phénomènes s’étant irrités, 011 eut recours à l’opium et à ses succédanés. Le mal parut céder un instant sous l’empire de cette médication ; efforts inutiles, il revenait toujours accompagné de symptômes plus accablants. (Dysménorrhée.)
Dans l’intervalle des époques menstruelles, le côté gauche de la face était le siège d’une douleur vive et lancinante, qui suivait le trajet de la branche nerveuse. Celte douleur, a\-trèmement aiguë, s’exaspérait au toucher. Elle revenait tous les soirs sous forme d'accès, et durait à peu près deux ou trois heures.
Après l’inefficacité des pilules de Méglin, de la strychnine, •lu sous-carbonate de fer, des vésicatoires, on administra le
sulfate de quinine, malheureusement sans succès; au contraire, il détermina une irritation violente des bronches et de l’estomac. En dernier ressort, et si la malade y eût voulu consentir, l’un des médecins, afin d'obtenir une guérison prompte et radicale, proposait la section du nerf malade. (Névralgie faciale.)
Une troisième affection compliquait ces divers états, dette dernière paraissait, à mon avis, la plus grave, parce que l’œil, qui en était le siège, semblait déjà frappé de cécité, et l’ancienneté du mal me faisait craindre que peut-être mes soins seraient infructueux. Je me trompais, car celle-ci a dû céder, comme les deux premières, à l’action réparatrice du magnétisme. La maladie dont il est question datait à peu près d’une douzaine d’années. D’après les renseignements qui me furent fournis sur l’affection primitive, j’ai cru reconnaître qu’il avait dû exister une conjonctivite granuleuse. Mais l’emploi de médicaments toxiques, tels que les collyres au nitrate d’argent, les pommades mercurielles, les insufflations de poudre corro-sive, etc., avaient tellement désorganisé cette partie, qu’à mon arrivée j’eus de la peine à reconnaître si l’œil n’était pas entièrement perdu.
Voici dans quelle situation se trouvait cet organe, lorsque je commençai le traitement.
Il était très-volumineux, entièrement recouvert par les paupières, dont la conjonctive épaissie formait une espèce de bourrelet sur le bord libre. Le globe oculaire, fortement injecté dans sa périphérie, laissait voir une infinité de petites granulations, dont quelques-unes agglomérées étaient le siège de véritables abcès. Un liquide jaunâtre, visqueux, coulait avec assez d’abondance; la vision ne s’opérait plus. En touchant les paupières, on sentait sous le doigt de petits corps durs, disséminés dans toute leur étendue.
Je n’ai vu dans cette affection qu’une complication de maux occasionnée par des traitements d’une barbarie révoltante, et non une maladie franche. Les indications que cette demoiselle me fournit plus tard, pendant un de ses sommeils som-nambuliques, me facilitèrent les moyens de la débarrasser de
ce mal beaucoup plus tôt que je n’osais l’espérer. Je terminerai ma relation par l'exposé de ce traitement.
Traitement des deux pren titres affections. — Je commençai l’application du magnétisme, un jour où l’accès névralgique venait de se déclarer avec une grande intensité ; au reste, j’attendais son invasion. En premier lieu, je fis des passes générales, du front au bassin, durant dix minutes ou un quart d’heure; puis j'influençai directement, pendant cinq minutes, les plexus solaire et cervical. A peine ce temps était-il écoulé, qu’il se fit une réaction extraordinaire dans tout l’organisme. Une légère moiteur couvrit tout le corps, et presque aussitôt les muscles et les nerfs, naturellement surexcités, se détendirent. I.a malade se sentant dégagée, se leva presque immédiatement. Les membres inférieurs, qui avaient refusé jusqu’à ce moment de la supporter, la soutinrent et lui permirent de faire pendant la mèn e journée une promenade assez longue. A partir de ce moment, les accès diminuèrent sensiblement, et après huit magnétisations semblables , ils avaient disparu pour ne plus revenir. L’appétit l-tait bon ; trois et quelquefois quatre repas par jour ne suffisaient point à jle satisfaire. Lorsque je compris qu’il n’y avait plus rien à craindre de ce côté, je fixai mon attention vers la matrice, afin de faire reparaître les fonctions naturelles qui n’existaient plus. L’époque menstruelle arrivait, et avec elle tous les signes morbides qui la précédaient ordinairement. Déjà le ventre s’était météorisé, des douleurs vives se faisaient sentir vers la région hypogastrique et se communiquaient l’estomac et au cerveau. Le sang, qui ne pouvait s’exhaler naturellement, se portait vers la partie supérieure du corps, causait des étouffements et des vertiges. Le système nerveux s’exaltait et provoquait des agitations d’une violence extrême. Ces prodrômes allaient en s’exaspérant, jusqu’au jour où l’écoulement aurait dû se montrer. Alors ils apparaissaient avec toute leur intensité : bouffissure, rougeur de la face, perte de connaissance, convulsions, constric-1 ion spasmodique de l’estomac; rien ne pouvait être sup-
porté, mie goutte de liquide ingérée provoquait des vomissements.
Je la magnétisai tous les jours une demi-heure, influençant de préférence la matrice, l’estomac et la tète. Les crises diminuèrent d’intensité. Les convulsions, qui se renouvelaient plusieurs fois dans la journée, cédaient comme par enchantement ii des passes générales, faites à. distance, de la tète aux pieds. Quelques frictions magnétiques, depuis le haut des cuisses jusqu’aux genoux, amenèrent un écoulement de sang très-peu coloré. Le ventre perdit un peu de son volume, et les douleurs s’amoindrirent.
Dans l’intervalle de deux époques menstruelles, je la magnétisai tous les deux jours, une demi-heure chaque fois, lui recommandant l’usage de l’eau magnétisée en boisson, en injection dans le vagin, ainsi qu’en bains de siège.
A l’aide de cette médication , la crise du second mois fut encore un peu forte, mais les accidents apparurent moins violents. Le sang menstruel se présenta plus pur, et avec son écoulement les douleurs hypogastriques disparurent.
A mesure que la santé revenait, je magnétisais plus rarement. Le troisième mois se passa presque sans souffrance; au quatrième, les fonctions étaient entièrement rétablies. Depuis qu’elle se trouvait sous l’influence du magnétisme, l’œil s'était sensiblement amélioré, la vue était en partie revenue ; mais il existait une cause qui empêchait une guérison radicale.
Je laissai se développer le sommeil somnambulique, que je n’avais point voulu favoriser pendant le traitement qu’elle venait de subir, et ce fut dans un de ces moments qu’elle trouva le principe du mal qui persistait :
« Les frictions mercurielles qui ont été faites autour de mon œil, me dit-elle un jour, sont la cause du phénomène que vous ne pouvez vaincre. — Le mercure ayant été absorbé , a pénétré dans la paupière, et de cet endroit dans le globe de l’œil. Sa présence a désorganisé le tissu, et je perdrai inévitablement la vue, si nous ne parvenons à le déloger. _ Les abcès que vous voyez dans la cornée, ainsi que
la lithium (1) îles paupières (concrétions pierreuses dont j’avais déjà constaté la présente), sont la conséquence des désordres occasionés par cet agent malfaisant. — Je ne connais pas de moyen assez énergique, continua-t-elle, pour le faire disparaître de la place qu’il occupe. Le fluide magnétique le dérange bien un peu, mais pas assez pour le faire sortir définitivement. »
Je lui parlai de l’action qu’avaient sur cet agent les plaques galvaniques indiquées par M. Uaspail. Dès le lendemain, un couple appliqué sur le front, au-dessus de l’arcade sourcilière gauche, détermina, au bout d’un quart d’heure, un violent mal de tète, avec surexcitation des nerfs ; et, malgré mon insistance pour le lui faire garder plus longtemps, je ne pus y parvenir, tant la douleur était vive. — Mais quel ne fut pas mon étonnement lorsque, regardant la plaque de cuivre du côté qui avait été mis en contact avec la peau, j’y découvris une infinité de points brillants qui, réunis, égalèrent la grosseur d’un plomb de caille. Pendant le sommeil du lendemain, elle vit que le mercure avait quitté sa première position pour se porter vers le front, où les plaques galvaniques l’avaient appelé. 11 y eut impossibilité de faire une nouvelle application sur cette partie, parce que cela la faisait trop souffrir. Elle chercha pour y remédier, et découvrit un instrument magnétique, que je fis confectionner d’après ses indications, et dont le but était d'attirer par son action le mercure qui restait, et de le conduire sur une partie du corps d'où il pourrait être extrait sans occasioner d’aussi fortes douleurs. Quelques jours plus tard, lorsque l’instrument fut prêt et préparé selon l’ordonnance qu’elle m’avait donnée, je la mis en somnambulisme et j’opérai d’après son intention. Le mercure qui restait fut appelé vers
(I) Ce nom me fut donni' par la malade mimo. Les oplilliolmologues n’en parlent point. — Nystcn, dans sou Dictionnaire de Médecine, le définit ainsi : « Lithiase ou lithiasie, s. f., lilhiasis; de hOa, pierre : formation de calculs dans les voies urinaires. On désigne aussi sous ce nom une affection cpii consiste dans la formation de petites conciliions pierreuses sous la peau ou dans lo tissu d.’S paupières, »
la région moyenne et antérieure du bras gauchi-. Les plaques ne devaient être appliquées que quinze heures après, parce que, selon sa prévision, le mercure attiré clans cette nouvelle région déterminerait, pendant la nuit, le gonflement du bras, et ferait former un petit abcès. En effet, le lendemain matin, après une nuit de fièvre et d’insomnie, le bras était gonflé, et un point «le suppuration apparaissait au milieu d’un cercle violacé. Les plaques furent immédiatement appliquées. Cinq minutes suffirent pour opérer la sortie du mercure. Nous le réunîmes au premier, et lo volume qu’il offrit alors fut égal à celui d’un gros plomb de loup.
A dater de ce moment, l’amélioration a été de plus en plus sensible : 1 injection de la conjonctive, les granulations, les abcès, tout disparut rapidement, en continuant néanmoins l’action du magnétisme. La vision était revenue aussi parfaite qu'avant l'invasion de la maladie. Les concrétions pierreuses des paupières étaient en partie sorties, ou la plupart fondues par l’action seulement du fluide magnétique et de 1 eau magnétisée en collyres. C’est à peine si, quelques jours plus tard, 011 reconnaissait que cet œil avait été malade.
11 y a environ dix mois que ce traitement a été terminé. Je revois cette jeune personne de temps en temps ; sa santé est des plus florissantes. La guérison 11e s’est pas démentie un seul instant.
Cette observation présente un fait assez remarquable. Elle prouve combien, dans les affections les plus graves et réputées incurables, la médication par le magnétisme est plus efficace que celle qui est faite par tous les agents médicinaux connus. Dans le cas que je viens de décrire, malgré l’ancienneté de la maladie et la désorganisation de tout le système, le magnétisme seul a redonné la santé en moins de cinq mois, alors que la médecine classique avait dépensé un temps excessivement long en traitements infructueux, et sans jamais obtenir même une apparence de soulagement.
Plusieurs observations, semblables à celle qu’on vient do lire et qui me sont personnelles, 111e font comprendre l'agent magnétique tout autrement qu’on ne l’a fait jusqu’à ce jour.
Contrairement à l'opinion de beaucoup «le magnétiseurs, je ne le considère plus comme l’égal ni l’auxiliaire de la médecine, je le mets infiniment au-dessus. Si quelques-uns pensent le contraire, ils le font par pure courtoisie ou ils méconnaissent sa nature ainsi que les moyens de retirer de son application tous les avantages possibles.
Deuxième observai ion.
Fièvre lyphoïJe. (Gastro-entérite, clc.)
Un jour du mois de septembre dernier, un de mes amis, M. Charles Ponsan, partisan assez dévoué du magnétisme, se sentit pris tout à coup d’un malaise général, avec diarrhée et migraine, et, dans certains moments, perte complète de mémoire. Je m’empressai de le soumettre à l’influence du magnétisme, afin d’empêcher de se produire des symptômes qui semblaient être de très-mauvais augure. Malheureusement , au moment où l'action magnétique déterminait certains phénomènes nerveux de peu d’importance, et que le corps se couvrait d’une légère moiteur, il se troublait, et ne voulait plus prolonger la séance. Je continuai ainsi cinq à six jours ; mais n’ayant pas assez forcé pour faire avorter les prodrômes, la maladie se déclara avec une intensité effrayante. Je dus me retirer, une partie de la famille m’accusait d’être l’auteur de tous ces désordres, et, malgré mes protestations et l’assurance que tout cela ne serait rien, il fallut céder. Le traitement antiphlogistique fut vigoureusement appliqué par les médecins qui me remplacèrent. Leurs prescriptions énergiques n’amenèrent aucun résultat favorable, à tel point que l’un des deux crut devoir avertir la famille de l’état désespéré où se trouvait le malade. La femme du moribond, très-dévouée à la pratique du magnétisme , et qui ne m’avait point oublié, m’envoya chercher sur l’heure. Je me rendis avec empressement à sa prière.
Voici dans quelle situation se trouvait mon ami. Les traits étaient altérés, la face cadavéreuse, les yeux à demi voilés, le ventre météorisé, la peau sèche et brûlante et la lièvre très-
prononcée. La langue était épaisse et recouverte d’un enduit jaunâtre ; la bouche ulcérée, la déglutition impossible; les déjections alvines se faisaient involontairement; le délire avait lieu toute la nuit, et revenait par intervalle dans la journée. En présence d’un état si alarmant, j’étais embarrassé sur le parti que je devais prendre. Néanmoins, après avoir réfléchi un instant, je pensai que peut-être encore, à l’aide du magnétisme, 011 pourrait arrêter ces désordres, en provoquant une crise salutaire. Je communiquai 111011 intention à la femme de mon ami, qui y souscrivit avec bonheur. Elle seule était dans le secret, la famille devait ignorer ce qui allait se passer. A cet effet, nous prîmes nos précautions.
Je m’approchai du lit où se trouvait le moribond, et le magnétisai pendant une bonne demi-heure, lui faisant des passes de la tête au bassin, insistant principalement sur l’abdomen. Je magnétisai ensuite des chemises de flanelle, des mouchoirs de tête et de l’eau. Je fis remplacer les linges qu’il portait par ceux que je venais de préparer, et là-dessus je le quittai, recommandant qu'on ajoutât de l’eau magnétisée à la tisane ordinaire. Dans la nuit, à la suite de cette première magnétisation, des sueurs abondantes se déclarèrent, et persistèrent pendant trois jours, sans la moindre interruption. Dès le lendemain, le malade éprouva un mieux sensible. Le pouls était redescendu à son état normal. Le délire avait presque complètement cessé. Dans la journée, il y eut d’abondantes évacuations d’une odeur nauséabonde el le ventre se détendit.
Les magnétisations furenteontinuées deux fois par jour, jusqu'à ce que la convalescence parut bien s’établir. Après que les sueurs eurent disparu, le mieux alla toujours en augmentant. Les médecins, qui n’avaient point discontinué leurs visites, 11e parurent nullement, étonnés de la réaction qui s’était opérée, malgré le fâcheux pronostic qu'ils avaient porté.
La nature, dirent-ils, avait produit ce que l'art ne peut imiter.
Agréez, mon cher maître, etc.
Joseph BÉGUÉ, médecin.
Toulouse, le 8 juillet 1854.
FAITS ET EXPÉRIENCES.
MAGNÉTISATION ET VUE A DISTANCE.
A Monsieur le baron du Potet.
Mon cher maître,
Mieux que personne vous connaissez la nombreuse variété fies phénomènes magnétiques ; aucun mystère de la science mesmérienne n'est étranger à l’immense érudition que vous ont donnée l’expérience de plus de trente années de labeurs et de luttes contre les ennemis de la vérité. Ce n’est donc point à vous, mais aux adeptes nouveaux, aux néophytes inexpérimentés encore de la science régénératrice, que je crois devoir adresser le récit d’une expérience qui n’est pas sans intérêt, ce me semble.
J’étais initié depuis quelques mois à peine à l’art sublime du magnétisme, lorsque je quittai Paris en mai 1853. Quoique ayant été assez heureux dans mes débuts, s’il me restait beaucoup à apprendre, j’étais animé d’un désir extrême d’étudier et d’approfondir cette puissance qui m’avait été soudainement révélée naguère.
Le somnambulisme artificiel m'inspira toujours une attraction particulière, parce que sans doute le hasard m'avait rendu témoin de phénomènes prodigieux et inénarrables; aussi avais-je découvert, pendant mon séjour dans la capitale, une somnambule fort lucide, M"" B..., que j'eus souvent l'occasion de produire, comme amateur et ami de la maison, dans d’aristocratiques salons. Plusieurs conversions à la foi magnétique, opérées sur de hauts personnages, ont couronné mon œuvre de propagande.
J’avais ouï dire, et sans m’en rendre compte, comme un fait presque incroyable, qu’il était possible à l’homme de
magnétiser à distance, et quelle que fût la distance; je résolus d’en faire moi-même l’expérience.
Bien qu’éloigné d’environ trois cents lieues de Paris, où réside la somnambule précitée, je me disposai à tenter l’événement de la capitale de la Corse, ma résidence actuelle.
Dans l'intérêt de la science nouvelle autant que de la vérité , je dus m’entourer de toutes les précautions nécessaires pour constater le résultat, quel qu’il put être, d’une pareille entreprise. J’informai de ma résolution l’un de mes plus honorables amis, qui est aussi le vôtre, mon cher maître, AI. de H..., ancien officier supérieur et membre, depuis longues années, des assemblées électives. Je lui adressai, dans une lettre, des fieurs magnétisées destinées à être remises à ma somnambule à un moment convenu, que je fixai au 30 juin, à trois heures.
J’eus également le soin de prévenir quelques personnes d’Ajaccio, toutes d’un incroyable scepticisme à l’endroit des faits magnétiques, de l’opération projetée. Je leur déclarai, en toute humilité, que n’ayant aucune certitude à l’égard du succès, je prenais l’engagement, dans la bonne foi qui m’animait, de leur communiquer la lettre qui m’annoncerait le résultat de cette magnétisation à distance.
Voici cette lettre de M. de R..., arrivée ici le 8 juillet 1853.
ii Mon cher conseiller,
« Nous avons reçu votre aimable lettre avec grand plaisir ; nous commencions à croire que vous nous aviez oubliés. Vous nous avez pris de bien court pour suivre vos instructions, car votre lettre nous est parvenue avant-hier, à dix heures du soir, et c’était dès le lendemain qu’il fallait opérer pour se trouver dans les conditions indispensables. Enfin M”* B..., prévenue hier matin, est arrivée chez M"1'de R... à deux heures et demie à notre pendule, et bien nous a pris de la faire venir avant trois heures, car l’événement nous a prouvé que l’heure d’Ajaccio est en avance de vingt à trente minutes sur celle de Paris (1). J’avais été obligé de me ren-
(1) Les latitudes différentes d'Ajaccioet de Paris justifient cette différence de vingt-cinq minutes dans leur méridien.
iliv à Versailles; mais ma femme a pris exactement note des choses, séance tenante, et voici un compte-rendu sur lequel vous pouvez baser votre triomphe.
« M'"" I!.... était convaincue que ni vos elforis à Ajaccio, m votre (leur magnétisée n’opéreraient sur elle. On se réservait de ne lui donner la fleur qu’après avoir observé si elle ressentirait quelque effet de votre magnétisation distance.
« A deux heures trente-cinq minutes à Paris, M"’° B... commence il ressentir de l’étoulfement et quelques étourdissements. Un peu avant trois heures, 011 place dans sa main les fleurs magnétisées, et elle glisse dans son corsage le papier qui les enveloppait. Cinq minutes après, elle éprouve de 1 agitation, des mouvements nerveux et des bâillements, ses yeux se ferment; elle serre alors convulsivement dans sa main les fleurs magnétisées, et paraissant souffrir déjà beaucoup de ce contact, elle cherche, mais vainement, à retirer avec sa main libre les fleurs comprimées excessivement dans son autre main. 11 se manifeste encore des bâillements réitérés et très-nerveux, puis beaucoup de soubresauts. Au bout de douze minutes, la somnambule dit et répète souvent avec une grande agitation et beaucoup d’impatience :
« — Assez, assez ! Oh! assez!
« Elle tremble très-fort et s’efforce toujours d’arracher les fleurs de sa main.
« A trois heures vingt minutes, M1"' de M... (1), qui vient seulement d’entrer dans le salon et qui trouve Mm* de R... fort inquiète, à ce point qu’elle vient d’envoyer en toute hâte chercher M. B...; M"" de M..., donc, demande à la sibylle si elle veut se mettre en rapport avec elle. Celle-ci lui dit, avec une vive instance, de lui ôter la fleur qu'elle a dans la main; mais M1”' de M... fait de vains efforts, parce que la main est crispée et serrée ; les mouvements convulsifs sont trop violents.
0 Elle vous voit la magnétisant toujours, et témoigne un vif désir que vous cessiez de le faire.
« Enfin, avec beaucoup de violence, M“* de M... lui arrache la fleur de la main, et en même temps M“* B... retire énergiquement et jette loin d’elle le papier qu’elle avait placé dans son corsage. On lui demande si elle voit, elle répond avec animation :
«—Il est là... à côté... 11 est là!
(1) M™' la eomlesse de M.....aimable et charmante adepte du mesmérisme, est la Iiiledc 1’aulcur de cette lettre.
( Elle désignait mon cabinet, à côté du salon. M "1' du Ai... en ouvre la porte, en lui disant :
« — Mais non, il n’y est pas; vous voyez bien qu’il n’y a personne.
■t Pendant que M"10 de M... fail ce mouvement, M"K lî... se lève en criant :
« — Marche ! marche !
« Puis elle tombe à genoux et se roule par terre, en disant toujours que M. d’IIérisson est là, dans la pièce voisine.
« M"‘c .le M... lui parle alors avec autorité, parvient à la calmer et à la faire rasseoir; elle la démagnétise, en lui faisant observer que cela va faire deux fluides contraires. La somnambule répond quelle lui fait mal, sans doute ; que cela cependant est nécessaire.
« Devenue plus calme, elle dit:
« — C’est lui qui m’attire et qui a voulu que je me lève; mais cela m’a fail bien mal (1) !
d Elle ajoute :
« — Ah! le voilà qui s’éloigne; le voilà chez lui à présent.
« On lui demande :
« — Où était-il tout à l’heure?
« Elle répond encore: Là, là, — en montrant la porte de mon cabinet.
«.Elle désire enfin qu’on l’éveille, et Mmc de M..., qui heureusement, dans cette circonstance, a conservé son sang-froid, tandis que sa mère était verte d’émotion, parvient à la démagnétiser et à la réveiller entièrement.
« Au moment où Mm° B... s’est trouvée démagnétisée assez pour être réveillée, elle a fait entendre par signes qu’elle n’y voyait pas et ne pouvait parler. Comme elle cherchait elle-même à se démagnétiser les yeux en se servant de ses deux mains, Mme de M... s’y est également employée, et M"' B... a recouvré la vue. Quant à la parole, ce n’est qu’après beau-
(I) Je dois certifier ici que durant cette mognélisation ù distance, prolongée pendant une lieure à Ajaccio, circonstance qui doit expliquer les souffrances et l'irritabilité de la somnambule, j’avais manifesté formellement, d’une façon très-énergique, la volonté qu’olle se levât de son fauteuil, afin de traverser diagonalement lo salon de M. de U..., pour revenir ensuite à sa place, après avoir posé la main sur le bouton de la porto d’entrée, mais sans l'ouvrir. La surabondance de fluide, combinée sans doute au despotismo do nia volonté en ce moment, ont seuls occasionné la crise do B... et sn chute sur lo parquet, de même que l'impossibilité pour elle d'accomplir entièrement la tâche que je lui imposais.
coup i''ellbiïs que AI"" de AI... est parvenue à desserrer la mâchoire par les passes et l'attouchement ; alors seulement la xmiimmbule a commencé à parler, mais sans presque pouvoii fiiire entendre sa voix ; enfin elle en a repris l’usage et s'est ainsi retrouvés dans son état normal. Il ne lui restait plusqu'une grande fatigue.
« lin instant après arrive son mari, qui n’a par conséquent pris aucune part aux événements qui se sont accomplis.
• On a pris rendez-vous à neuf heures du soir, pour la deuxième séance prescrite par vos instructions. J’étais de retour de Versailles. Deux autres personnes de votre connaissance étaient présentes, JIM. de Lagrange et d’Almhert.
« M. B..., à neuf heures dix minutes (à Paris), a endormi sa femme, avec laquelle Mm* de M..., selon le désir que vous en aviez exprimé, s’est mise en rapport et lui a remis la lettre que vous m’avez écrite et en vertu de laquelle nous agissons.
« Interrogée sur l’auteur de la lettre, Mme B... a parcouru beaucoup de chemin, a passé la grande rivière (1), et est revenue chez vous. Elle a trouvé que vous étiez changé à votre avantage, etc.; vous ôtes très-bien là-bas et n’avez qu’à vous louer de la manière dont vous ôtes accueilli et traité. Elle vous voit, au moment où elle parle, magnétiser à plusieurs reprises un objet en métal, en marchant dans votre chambre où 11e se trouvent que peu de meubles, savoir : un lit du côté de la porte, un secrétaire, puis un grand et deux petits tableaux (2). Vous pensez à ce que fait M,,,c B... ; vous craignez qu’il 11e vous ait manqué de la force dans la journée pour agir sur elle.
d La somnambule dit que c’est il’"0 de AI... que vous chargez d’être en rapport avec elle pour les consultations sur les cheveux. Elle voit encore que c’est à moi que la lettre est adressée, et elle me désigne du doigt directement pour l'indiquer. Elle résume bien toute votre lettre.
« Son mari lui recommande d’être exacte, parce qu’on prend des notes. Elle répond qu’elle voit bien le grand monsieur qui les écrit; que deux fois déjà elle a été en rapport avec lui : la première fois, à trente lieues d'ici, à une heure un quart du matin, il y a treize mois «t dix-neuf jours ; la
(1) C'est ainsi qu’elle esl dans l’habiludodo désigner la mor.
(2) I.a disposition de mon lit près la porte de ma chambro à coucher est exacte, ainsi quo l’existence des troi s tableaux, divisés réellement en deux
tils et un grand.
deuxième fois, dans l'appartement au-dessus, n trois heures un quart de l’après-midi. (Ces deux circonstances sont parfaitement exactes.) »
On soumet ensuite à l'appréciation de M"" lî... les cheveux d’une demi-douzaine de personnes de l'île de Corse, sur lesquelles sont donnés de bien curieux et véridiques renseignements, que nous devons taire ici. M. de R... continue :
« Maintenant que tout ce qui vous concerne est épuisé, je dois, pour l'honneur de M"" B..., surtout si elle s'est trompée plus ou moins dans le dédale de cette multiplicité de rapports et de consultations, vous prouver que son ancienne lucidité ne l'a pas abandonnée. M. de Lagrange ayant sur lui une lettre de son beau-père, M. Roger, de l’Opéra, qui est en ce moment en congé en Allemagne et qui, le soir môme, devait jouer Lucie en allemand, se met en rapport avec la somnambule et lui demande ce que fait celui qui a écrit la lettre.
_ « Mmc B... se transporte fort loin par terre, à plus de cent cinquante lieues. La lettre, dit-elle, est d’un parent de M. de Lagrange. Mmc B... le voit dans une petite pièce, à laquelle 011 arrive par un long corridor obscur; il est appuyé sur sa main, et est très-occupé, ayant un air sérieux en lisant sur une espèce de livre ou de cahier. (Nous présumons que M. Boger est dans sa loge d’acteur pendant un entr’acte, et qu’il étudie le rôle qu’il va jouer. Cette prévision se justifie bientôt, lorsque nous disons à Mmc B... de suivre sans le quitter l’individu qu’elle voit et dont elle nous parle.
« Elle reprend alors :
« —11 reste làpresque une demi- heure. Ah ! il sort, on vient de l’appeler. Il entre dans un grand appartement, qui est circulaire par un bout, et de l'autre il n’y a pas de porte. Tiens! il prend une position.... comme cela (elle prend une pause théâtrale). Tiens! on lui voit les jambes; il est très-bien habillé, mais pas comme on l’est ordinairement. Tiens ! je disais qu’il n’y avait pas de porte ; voilà une grande toile qui se roule. Ah ! que de monde, en haut, en bas, partout. Ils regardent tous comme la bouche ouverte. Et, mais.... c’est un théâtre cela! Voilà un monsieur qui chante, et puis une grande musique; il fait des roulades. Oh !... quels claquements de mains, quel vacarme! ils applaudissent tous. Ah ! il recommence à chanter; le voilà avec une jeune dame. Oh! qu’elle est belle! Ils parlent à présent; ils se font des
amabilités, et puis toujours des roulades. C’est ennuyeux cela, parce qu’ils ne parlent pas en français...
« Ici, on a pensé qu’après trois heures entières de sommeil magnétique, 11""' 15... devait être fatiguée, et on l’a réveillée, ce qui a terminé ce long spectacle intéressant.
■( Adieu, mon cher conseiller, recevez, etc.
« De R...
« Paris, le lor juillet 1855. »
' Vous, mon cher maître, qui connaissez l’honorabilité, la franchise si grande de notre digne ami, vous savez la confiance entière que doivent inspirer son témoignage, ses assertions, auxquels, j’espère, aucun homme sincère, exempt de systématiques préventions, ne refusera d’ajouter foi.
Je ne terminerai pas ce compte-rendu sans vous annoncer une précieuse découverte, destinée au soulagement immédiat des atroces souffrances des navigateurs : la guérison du mal de mer par le magnétisme. Une très-heureuse expérience m’a démontré l’influence de l’agent magnétique contre un mal réputé jusqu’à ce jour sans remède, malgré que l’on y succombe rarement. Je me réserve, si vous voulez bien me le permettre, de vous adresser ultérieurement le récit de mon expérience à cet égard.
Recevez, etc.
Alfred d'HÉRISSON, Conseiller de préfecture.
Ajaccio, le 20 juillet 185i.
VARIÉTÉS.
Ucfiic des Jonrunnx. — Le Moniteur des Ilôpilau.r, ■lu G décembre dernier, contenait ce qui suit :
c Les comptoirs électriques, bannis des boutiques de marchands de vin par la sollicitude éclairée de M. le préfet de police, se sont réfugiés rue d’Orléans-Saint-Honoré, 17, sous le nom pompeux de triple-électro-galvanique.
« Vous demanderez peut-être ce que c’est que le triple-électro-galvanique. C'est ce que vous pourrez lire dans un petit livre récemment annoncé sous le nom de : Médecine du pauvre el du riche, et dans une enseigne non timbrée, qui se distribue publiquement dans le magasin de la susdite rue d’Orléans. Dans ladite enseigne, on lit, entre beaucoup d autres choses de même force, «que le triple-électro-gulva-« nique réunit les trois électricités de la nature : le fluide « électrique du corps humain ou magnétisme, l’électricité ' végétale ou Vesprit des plantes, l’électricité minérale ou « galvanique, etc... »
« Ajoutons, pour notre édification complète, que la définition, Y et calera et les points, sortent de la plume d’un docteur en médecine, «président de la Société philanthre-«magnétique,» assisté d’un « ex-élève en médecine, » secrétaire de ladite Société. Quant à l’auteur de l'immortelle découverte, il n’écrit plus; il se borne à se complaire dans !Z,0‘I.'C (îlu® ]ui octroie ledit docteur dans ladite enseigne) et a faire jouir le public « des bienfaits des trois forces ri-« laies, n moyennant un prix qui est sans doute à la portée de toutes les bourses, puisque la méthode a résolu le problème de la médecine du pauvre cl du riche. Espérons que les agents de M. le préfet de police ne voudront pas se priver de ces bienfaits. »
Quelques jours plus tard, le même journal disait :
"M- le D'du Planty, président de la Société Philanthropico-
nuigiiciii/nc, nous ayant déclaré qu'il n’avait en aucune façon autorisé l'abus qui est fait de son nom dans un Prospectus-enseigne qui se distribue rue d’Orléans-Saint-IIo-noré, 17, et dont il a été question dans notre Chronique du (> décembre, nous sommes heureux, pour l’honneur du corps médical, de porter cette déclaration à la connaissance de nos lecteurs. »
— Eu analysant le remarquable Traitt. de lu Science tnf-dicnlc du IV Edouard Auber, Y Union, du 23 février, en cite un passage favorable au magnétisme, que nous avons nous-même extrait lors de la publication de ce livre. Cette citation est précédée des lignes suivantes, qui sont aussi 1111 hommage rendu la vérité proclamée par Mesmer :
n Quand vient le tour du magnétisme, le Dr Auber le traite en savant convaincu et avec une impartialité justement dédaigneuse pour ces esprits rebelles qui, incrustés dans la contemplation de leurs œuvres, finissent par s’imaginer qu’on 11e peut ni les atteindre, ni les compléter. Ses démonstrations sont rigoureuses comme des sorites de physique et de chimie. Guidé par cet instinct des hommes supérieurs qui les illumine dans l'étude des mystères de la nature, il a pénétré plus avant que personne au delà de la surface de ces manifestations phénoménales que le charlatanisme exploite, parce que les Académies n’osent pas les étudier ! Son expression est vive, pénétrante, inspirée; elle séduit et fait penser.
« Dr MINARET. »
— L’Aigle (les Cirâmes, dans son feuilleton du 7 mai, rend compte d’expériences faites à Alais par M. Duques-nois, magnétiseur, et M"° Alice, somnambule.
Le fond de l’article est malveillant ; de ce que le sujet qu’il a eu sous les yeux n’a pas réussi, l’auteur conclut que tous les somnambules trichent ou mentent. Cependant il se contredit bientôt en citant des faits de clairvoyance et de communication de pensée produits ailleurs, notamment par la somnambule Prudence.
— Le Journal de C arrondissement de Valogncs, du 12
mai, consacre plusieurs colonnes à la question des tables parlantes et des esprits. Il parle incidemment du magnétisme et cite quelques faits de somnambulisme empruntés aux ouvrages de M. de Mirville et de l'abbé Loubert.
— Un journal de modes, le Musée des Dames cl des Demoiselles, a consacré une partie de son numéro du 15 avril au récit anecdotique d'une des séances hebdomadaires que donne Mmc Lafontaine.
« Les premières expériences, y est-il dit, ont porté tout d’abord sur ce que M"'c de Lafontaine appelle le sommeil automatique. Je dois avouer n’en avoir jamais rencontré les effets ailleurs. Le sommeil automatique produit l’identification la plus complète du sujet avec l'individu qui lui donne la main. C’est une transmission tellement immédiate de la personnalité étrangère, que les mêmes gestes, les mêmes mouvements se retrouvent dans les deux personnes ; la même phrase est prononcée par les deux bouches avec une intonation pareille, a quelque idiome qu'elle soit empruntée ; une oreille un peu musicale retrouve, dans l'une et dans l'autre, jusqu’aux nuances d’accentuation les plus fugitives. »
Une remarque importante à faire ici, c’est que le sommeil n’est pas nécessaire pour la manifestation de cette faculté automatique; on la rencontre quelquefios à l'état de veille, où elle ne paraît être que de l’imitation exagérée. MM. Hébert et Bartbet ont, comme on sait, proposé de faire servir ce curieux état à la transmission conventionnelle de la pensée, c’est-à-dire à la télégraphie humaine. M. Louyet a en ce moment un sujet qui présente cette faculté au plus haut degré.
PETITE CORRESPONDANCE.
Avis. — Le manque d'espace nous oblige à renvoyer au prochain numéro l exposé des bases du Dispensaire magnétique, par M. Hébert.
BIBLIOGRAPHIE.
LETTERS ON MES.MERISM AND CLAIRVOYANCE, by M. William Gbecobv, d. m. — Rroch.in-12, Eilinburgh, 1852.
II. Gregory est un des savants les plus distingués du royaume britannique ; il est professeur de chimie ; il a cultivé avec succès les sciences positives; il sait observer, analyser, mesurer ; il est habitué à juger les phénomènes avec la rigueur philosophique. Quand un tel homme, après une longue et consciencieuse étude du magnétisme, vient en proclamer la vérité et publie les merveilles dont il a été témoin et opérateur, son autorité est d’un grand poids, sa parole grave doit donner à réfléchir à ceux qui osent encore soutenir que le magnétisme est indigne d’examen et n’est bon qu'à amuser les dupes et les niais.
Le petit livre de M. Gregory est tout à la fois amusant et instructif. 11 contient le récit d’anecdotes fort curieuses, dans lesquelles la lucidité de plusieurs somnambules a été constatée de la manière la plus authentique ; on y trouve le récit d’expériences fort intéressantes sur des branches encore peu connues du magnétisme et des réflexions judicieuses, des aperçus ingénieux sur ce sujet si vaste, où il y a tant à explorer.
1° Vue des maladies. — M. Gregory cite les deux cas très-sigtificatifs que voici.
11 raconte d’abord qu’ayant entendu vanter la lucidité de M"c W..., somnambule célèbre, il la consulta sur une dame d’Édimbourg, dont il se borna à lui donner le nom et la demeure, sans présenter aucun objet venant d'elle. M-' W... dicta une longue lettre, contenant les détails les plus circon-
stanciés sur la maladie, (|iii était fort compliquée, et tout se trouva parfaitement exact. Il y avait .surtout des particularités qui n'étaient connues que du consultant, de la malade elle-même et de son médecin présent à la consultation ; 011 était donc parfaitement certain que la somnambule n’a\ ait pu en avoir connaissance avant la consultation, et qu’elle n’a pu les apprendre par les moyens ordinaires.
Le marideM'“'W..., qui est médecin, la consulta sur des cas difficiles où les praticiens ne pouvaient s’entendre. 11 l'entretint notamment d’une maladie grave. Elle déclara qu’il s’agissait d’un mal intérieur, que les médecins 11e soupçonnaient pas, et qu’il n’y avait aucun espoir de guérison. Le mari fut frappé de la vérité de cette révélation, el fit part à ses confrères de la nouvelle manière d’envisager la maladie, sans leur dire d’ofi lui était suggérée son opinion ; ils refusèrent de l’admettre. Le malade mourut quelque temps après; on ouvrit son corps, et, au grand étonnement des médecins, on reconnut la vérité du diagnostic.
2° Vue du passé. — L’auteur relate le fait suivant :
« M. Napier, dit-il, montre à la clairvoyante E. D.... une serviette à franges de dentelle. La somnambule dit qu’elle voyait celui auquel cet objet avait appartenu ; qu’il avait péri de mort violente ; que c’était un grand personnage, quelque chose comme un roi. U avait une belle physionomie, il portait une longue chevelure sur le derrière de la tète, de la barbe et des moustaches; il avait de plus gros traits que le roi Charles, tel que le représentent ses portraits, mais du reste il lui ressemblait, surtout pour la barbe et le costume. Il a eu la tète coupée et les membres aussi, et le corps a été enseveli.
0 On l’a exhumé plus tard..... la nuit suivante. Le lieu
de l’inhumation a servi pour beaucoup d’autres; c’est une place en dehors d’Edimbourg, à quelque distance, près de l'eau. Ceux qui l'ont exhumé ont retiré du corps une partie... le cœur, et l’ont remis à des docteurs qui ont payé leurs services par de l’argent ; cet enlèvement a été fait pour les parents et amis du défunt ; les docteurs ont fait quelque chose du cœur, en travaillant à un fourneau ; puis ils l’ont mis dans une cassette de marbre ou de verre, et l’ont envoyé à
une daine, sa proche parente ; on l'a placé dans une seconde cassette de métal, d’argent autant que je puis croire. Cette cassette a été enlevée et est tombée en la possession de personnes étrangères à la famille, qui ont voulu empêcher que d’autres ne s’en emparassent. Elle paraît avoir été brûlée il v a longtemps.
«La somnambule dit aussi que la serviette avait été en contact avec différentes parties du corps, qu'elle avait servi à l’ensevelir, qu’elle avait enveloppé le cœur, et qu’il y avait du sang.
« Revenant sur l’événement delà mort, elle découvrit que ce personnage avait été tué avant d'être décapité, qu on l’avait fait monter au haut d’une grande échelle, qu’il avait été pendu, que l’éclielle avait été repoussée, que la tête avait été coupée avec une hache.
« On lui montra ensuite des bas ; elle dit qu'ils avaient ôté portés par la même personne dont elle venait de raconter la mort, et qu’il y avait des taches de sang.
«Un chapeau lui fut montré aussi ; elle dit qu’il avait appartenu à la même personne, mais à une époque plus ancienne ; il ne lui semblait pas qu’elle l’eût porté le jour de sa mort, bien qu’il y eût aussi des taches de sang.
« D’abord elle n’avait pas rattaché ce qu’elle voyait dans cette séance avec ce qu’elle avait vu quinze jours auparavant, quand elle avait été mise en contact avec la serviette. Mais on lui demanda si elle avait déjà vu le personnage dont elle s’occupait; elle dit oui, et qu’elle l’avait vu décapité. Elle dit aussi que le cœur, après avoir été préparé par les docteurs, avait été envoyé à un château près d’Edimbourg , où demeurait une dame qui avait éprouvé une grande joie en le recevant.
« A la première de ces séances, ajoute M. Gregory, il n’y avait qu’une dame; àla seconde j’étais seul avec lui etM. Na-pier, et nous n’avions d’autre idée que d’obtenir des réponses sur celui auquel appartenaient les reliques. Elles étaient en réalité de Montrose (mort en 1650).
« Je dois déclarer de la manière la plus positive (et je
m’en étais assuré avant l’expérience J que E. D..... est
complètement illettrée et n’avait jamais entendu parler de Montrose; elle n’avait pas eu la moindre idée du but que je me proposais quand je lui avais demandé un jour, comme par hasard, si elle connaissait ce personnage. Elle ne savait pas davantage que M. Napier eût écrit la vie de Montrose. Quand M. Napier lui montra des lettres de cet homme célè-
lire, elle ne fut pas mise sur sa trace, et ne dit rien qui se rapportât à lui, jusqu’à ce qu'on lui mit les reliques entre les mains; alors elle s’exprima, non pas comme si elle nous eût entretenus tle choses connues d'elles, mais c i procédant lentement, et comme en ipctanl péniblement les faits au fur et à mesure qu’ils se présentaient devant elle. A la première séance, elle fut évidemment sous l’impression qu’il avait été tué par des voleurs ; car elle voyait qu’on lui arrachait ses bagues des doigts et sa montre, ou quelque chose de semblable d’autour du col ; et ce fut ensuite en observant la foule, qu'elle adopta, mais lentement, l’idée d’une exécution.
« Ceux qui connaissent les détails de la mort de Montrose, verront combien son récit est véridique. »
RI. Gregory donne des détails historiques qui prouvent cette conformité, et il ajoute :
o La dame qui assista à la première séance, et moi qui assistai à la seconde, nous pouvons certifier que M. Napier ne fit aucune question propre à guider le sujet, qu’il se borna à dire de temps en temps : « Marchez ; voyez bien et dites-« moi ce que vous voyez, ne vous embrouillez pas. » Il ne fit que les questions strictement nécessaires, et aucune ne pouvait guider la somnambule. M. Napier écrivit sous sa dictée, et j'ai vu ses notes, qui contiennent des détails curieux que j'ai abrégés. J'espère qu’il les publiera textuellement; elles formeront la plus singulière des histoires; ce n’est pas une narration méthodique, présentant les faits dans l’ordre où ils se sont passés ; c'est une collection de fragments comme la jeune fille les a produits, avec beaucoup d’efi'orts. »
3° Vue à dislance. — Parmi les nombreuses expériences que rapporte M. Gregory, nous avons encore remarqué celle qui suit :
« Au milieu d’une séance de somnambulisme, un domestique frappa à la porte et entra, tenant à la main une lettre adressée au I)r Gaddock , qui se trouvait avec moi. Celui-ci jeta un coup d’œil sur l'extérieur de la lettre, me la remit cachetée, et me dit en sortant : « Voici un sujet d’expé-n rience. o Comme j’ai toujours préféré les exercices non préparés , je remis à la somnambule Emma la lettre cachetée, sans l’avoir ouverte, et sans avoir la moindre idée de son contenu , conjecturant qu'il s’agissait probablement de quelque
malade. Elle saisit la lettre sans tourner vers elle ses yeux fermés, La plaça sur le sommet de sa tête, et dit :
« C’est de M. ***, prêtre à ***. 11 désire que le ür Gaddock me charge de chercher un enfant perdu, que l'on croit tombé dans un puits à charbon. Je vais le faire. Je la vois; elle n'est pas morte ; elle est dans un cottage avec des gens qui sont pleins d’attention pour clic.
n — Pouvez-vous voir comment elle s’est perdue ?
« — Oh ! oui. Elle a été faire visite à une de ses parentes, tante ou grand’mère, à une longue distance de chez elle. Quand l'enfant a quitté sa parente, celle-ci lui a donné un penny, s’est mise en route avec elle et est allée jusqu’auprès del’Eglise, et l’a laissée seule. Après un moment, elle a rappelé l’enfant et lui a demandé si elle trouverait bien son chemin. La petite a répondu affirmativement et s’est mise en marche. Mais elle pensa constamment à ce qu’elle achèterait avec son penny; elle a pris un mauvais chemin, et, quand ■■lie s’est aperçue qu’elle était égarée, elle s’est assise dans un creux et a jeté des cris. Peu de temps après, un homme l’a trouvée et l’a amenée chez lui. »
« A ce moment entra le Dr Gaddock avec le père de l’enfant perdu, le même qui avait écrit la lettre et qui était dans une grande inquiétude. Je dis à M. Gaddock que, sans avoir ouvert la lettre, j’en connaissais le contenu, et que l’enfant perdu était sauf. Ayant ensuite ouvert la lettre sur la demande de M. Gaddock, je trouvai qu’Emma avait parfaitement rendu compte de ce qu’elle renfermait. Comme Emma ne sait pas lire, il faut que le sens de la lettre lui soit par-v enu par quelque mystérieuse sympathie, sans le secours de l’écriture. Comme elle nommait l’auteur de la lettre, je pus croire un instant qu’elle le connaissait et qu'elle avait pu s'aider de celte connaissance. Mais l'enfant avait été perdue à une distance considérable de Bolton (où nous étions); le père était venu directement vers M. Gaddock ; il était arrivé au moment où celui-ci recevait sa lettre. M. Gaddock et la demoiselle m’assurèrent que personne dans la maison n’avait entendu parler de cette aventure jusqu’à la réception de cette lettre, et qu’Emma avait été endormie dans la salle à manger, une heure auparavant ; à son réveil elle n’avait aucune connaissance de ce qui s’était passé. Je vis avec satisfaction que les événements dont il s’agit avaient été ignorés de tout le monde dans la maison et même dans la ville de Bolton, jusqu’à la fin de la séance, et que le père, comme je viens de le dire, en avait apporté les premières nouvelles.
« Cet homme était entièrement étranger pour M. Gaddock aussi bien que pour Emma. Il avait apporté un soulier de l’enfant. On le donna à Emma, qui alors décrivit exactement sou costume, son âge, son extérieur et son caractère, ;'t l’extrême étonnement du père. Celui-ci confirma toutes ses déclarations, dans toute la partie qu’il connaissait : l’enfant était allée chez sa grand’mère, qui lui avait donné un penny, l’avait quittée près de l’église, l’avait rappelée pour lui demander si elle savait bien son chemin, et avait reçu une réponse affirmative. Emma lui dit que la petite fdle (la lettre parlait seulement d’un enfant, et néanmoins la lucide avait de suite désigné avec assurance une fille), que l’enfant, dis-je, par crainte ou par suite d’émotion, 11e pouvait indiquer son domicile, bien qu’à la maison elle fût très-babillarde. Les gens, pour l’empêcher de crier, la faisaient travailler. Elle ajouta qu’on la retrouverait; qu’après avoir quitté sa grand’mère, elle avait tourné d’un côté au lieu de prendre le bon chemin.
« M. Gaddock, qui connaît la manière de s’exprimer d’Emma, expliquait qu’elle voulait désigner une certaine direction; niais le père s’imagina qu’il en découvrait une meilleure , et il chercha son enfant dans une contrée tout opposée. Emma dit qu’il 11e la trouverait pas, mais que l’enfant se retrouverait. Le père ne réussit pas effectivement dans sa recherche, et quand il revit Emma, elle lui rappela (dans son sommeil) l’avis qu’elle lui avait donné; elle vit alors l’enfant avec d’autres vêtements, dans une vaste maison. On la trouva, ce jour-là ou le suivant, au workhouse de Salford, où on l’avait fait changer de vêlements.
u Je regarde ce fait de lucidité comme pleinement satisfaisant, d’autant 1 lus qu’il se passa en ma présence, d’une manière tout à fait accidentelle. Le trait le plus frappant, c’est qu’ Emma ait lu, non les mots écrits, mais les pensées exprimées dans la lettre. 11 est possible qu’elle ait été mise par l’écriture en communication avec l’écrivain, et que, par suile de la sympathie, elle ait perçu ses pensées dans son écriture. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’elle s’est exprimée comme si la connaissance lui était venue de la lettre elle-même.
« J’ajouterai que l’enfant, quand elle fut retrouvée, confirma tous les renseignements donnés par la somnambule : elle avait beaucoup pensé au penny, s’était assise dans un creux pour crier, avait été emmenée à un cottage par un homme qui avait en vain essayé, ainsi que sa femme, d’ob-
tenir l'indication de sa demeure, el lui avait donné de l'ouvrage pour l'empêcher de crier. »
M. Gregory rapporte beaucoup d’autres exemples de lucidité appliqués à la vue à distance, à la vue du passé, ;ï la découverte des objets perdus, à l'indication des maladies. 11 fait voir que ces faits sont probants, el il réfute péremptoirement les objections des adversaires du somnambulisme.
Passant des faits aux explications, le savant adepte donne la substance de ses idées sur la classification possible du phénomène en question.
«La clairvoyance, dit-il, se présente sous différentes formes, et il est nécessaire de les distinguer. On peut la diviser en sympathique et directe. La première espèce offre elle-même plusieurs variétés, et ceux qui nient la clairvoyance directe attribuent les faits de cet ordre à la lucidité sympathique, à la faculté de lire la pensée, par exemple ; mais il est certain que l’une n’est pas moins étonnante, moins incompréhensible que l’autre.
«1° Clairvoyance sympathique. — Lire la pensée d’autrui est une des formes appartenant à cette espèce ; ainsi le sujet lucide, étant mis en rappoit avec quelqu'un par contact ou autrement, peut voir et décrire la personne ou l’objet qui occupe la pensée du consultant.
« Il y a une autre variété de lucidité sympathique, c’est celle oit le sujet, au moyen du contact, perçoit et décrit avec une exactitude parfaite toutes les sensations corporelles, douleurs et maladies de la personne qu’il touche.
« Dans la forme suivante, il n’est pas nécessaire que la personne soit en rapport direct avec le somnambule ni même qu’elle se trouve en sa présence ou qu’ils se soient jamais vus. La sympathie s’établit au moyen d’un objet qui aura été en contact avec cette personne ; tel qu’une mèche de cheveux, un anneau, une lettre, etc.
« Cet état est voisin de la clairvoyance directe et ils se confondent quelquefois. Dans ce dernier cas, le somnambule saisit dans l’objet une trace qui le dirige jusqu’à la personne qu’il voit directement dans son état lucide.
« 2° Clairvoyance directe. — La première forme est celle où le sujet, ayant les yeux fermés, voit la luminosité qui émane des doigts du magnétiseur même lorsque la main est tenue au-dessus de sa tète, ou de toute autre manière, pourvu que
les yeux 11c puissent l’apercevoir. Ceci est un cas très-ordinaire.
« La variété suivante est celle dans laquelle le sujet a connaissance de ce qui se passe autour de lui ; ce qui arrive souvent sans qu’on s’y attende. Vient ensuite le degré qui lui permet de voir ce qui se fait dans une pièce voisine.
c Nous voici arrivés à ce qui répugne à tant d’esprits, la faculté de voir au travers d’un mur; niais le lait est certain. On remarquera que ceci ne doit pas paraître plus merveilleux que lorsque le sujet voit la main placée au-dessus de sa tète ou une personne qui est derrière lui. Quel que soit dans ce cas le moyen de vision, dès que ce ne sont plus les yeux qui fonctionnent, la perception peut avoir lieu malgré le mur interposé. Le calorique pénètre la pierre, le magnétisme minéral également, pourquoi le magnétisme vital n’agirait-il pas de môme?
« Une autre forme de lucidité directe permet au sujet de se transporter en un lieu , quelque éloigné qu’il soit, et de dire avec précision ce qui s'y trouve. Nous avons déjà signalé ce phénomène dans une des formes de la lucidité sympathique.
« La dernière variété est le pouvoir qu’ont quelques somnambules de voir dans l’intérieur de leur corps jusque dans ses plus petits détails. L’organisme leur paraît transparent, brillant de lumière, plein de vie et de mouvement. 11 s’ensuit qu’ils aperçoivent la désorganisation et la maladie, même lorsqu’ils manquent de termes pour exprimer ce qu’ils remarquent.
«L’intuition médicale existe, on peut en être certain, et elle serait d’un prix inestimable, surtout si des personnes instruites étaient mises en état de lucidité. »
Arrivé enfin à la théorie, l’auteur dit qu'il voudrait n'en émettre aucune, parce que, dans son opinion, les faits étant la chose essentielle, on ne devrait pas chercher leur explication avant qu’ils fussent parfaitement connus et généralement admis.
. Cependant, continue-t-il, la nature de notre esprit est telle que lorsqu’un fait apparaît, nous ne pouvons nous empêcher de nous former une idée de la raison de son existence; et il n’y a aucun danger à le faire, pourvu que cela ne nous aveugle pas pour l’examen des faits nouveaux. C’est ainsi que je vais essayer de démontrer que la lucidité
peut dépendre de causes naturelles comme les suivantes :
« D’après les recherches du professeur Reichenbaeh, tout objet, vivant ou inanimé, émet constamment des émanations odiques et en reçoit des autres objets. Ces émanations rayonnent à distance comme la lumière et traversent tous les corps comme le magnétisme terrestre. Ainsi elles peuvent arriver directanenl au cerveau sans passer par les yeux ou tout autre appareil des sens, et déterminer une perception particulière, mais suffisante, de Yod dont elles procèdent. C’est ce que je suppose être à la fois le medium (moyen) de la sympathie et de la vision lucides.
«Dans l’état ordinaire, nos sens étant actifs, les émanations délicates de Yod sont dominées par des impressions plus fortes, comme le petit cri de l’insecte l’est par le bruit du tonnerre.
« Mais si notre sensitivité s’accroissait et que les émanations odiques devinssent plus intenses, nous pourrions alors les remarquer. Tel est le cas de la lucidité à l’état de veille (conscious clairvoyance).
« De môme que si les sens étaient momentanément anéantis, nous pourrions avoir la perception des émanations odiques ou leurs impressions, qui ne cessent pas d’avoir lieu en nous, mais auxquelles nous ne pouvons faire attention. Tel est le cas de la lucidité somnambulique (magnetic clairvoyance). On peut de cette manière se rendre également compte de l’espèce de clairvoyance qui se produit en regardant longtemps le môme objet, par la concentration de la pensée, dans la rêverie, etc., et tout a qui tend à suspendre l’action des sens. »
Après cela, M. Gregory passe le détroit. Un séjour de six semaines à. Paris, l'a mis dans le cas de pouvoir donner à ses compatriotes une idée de l’état où se trouve la question du magnétisme en France.
11 rend compte des visites qu’il a faites aux séances de M. du Potet ; il décrit les expériences de magie dont il a été témoin, s’exprime dans les termes les plus flatteurs sur ces résultats merveilleux, et applaudit aux efforts de l'illustre professeur pour restaurer la science antique.
11 constate avec bonheur qu’il a été élu membredu Jury magnétique , et se félicite de l’accueil que lui a fait la Société du mesmérisme de Paris. 11 fait un brillant éloge de cette
dernière institution, el rapporte les faits dont il a été témoin à plusieurs de ses séances, dirigées par M. Hébert.
Après avoir décrit les curieuses expériences faites par AI. du Potet, du miroir et du cercle magiques, il raconte celles qu'il a faites lui-même au moyen d’une boule de cristal exécutée avec beaucoup de soin par un ouvrier très-expérimenté.
« Bien des personnes, dit-il, peuvent la regarder sans rien y voir; mais souvent il se produit des effets extraordinaires. Par exemple, un homme qui possède un grand pouvoir ines-mérique n’a qu’à regarder dans la boule pendant un temps très-court, il éprouve différentes visions qui me paraissent dues à la contemplation et que je regarde comme un étal de clairvoyance éveillée. Cet homme peut acquérir la lucidité à l’état de veille en concentrant son esprit sur un objet. Il dit que la boule l’aide matériellement. Malheureusement les sujets de ses visions ne sont pas de nature à être vérifiés immédiatement, bien que quelques-uns puissent l’être ultérieurement.
« Quand je vis cet effet, je fus naturellement désireux d’essayer sur d'autres sujets. Ayant essayé sur une jeune personne, il survint un singulier obstacle : la contemplation de la boule jeta le sujet dans le sommeil mesmérique. Après un long intervalle, j’essayai de nouveau sur le même sujet; triais il en éprouva des effets aussi puissants que fâcheux : il fut épouvanté et saisi de tremblements. Une autre fois, je cachai la boule sous le sofa où il avait l’habitude de s’asseoir. 11 devint aussitôt inquiet, mit la main à sa tête , changea de siège en se plaignant d’être mal à l’aise. Peu après, il s’assit de nouveau sur le sofa ; mais il fut encore obligé de se lever; il avait l’air souffrant. 11 me dit qu’il éprouvait la même impression que si quelqu’un cherchait à le mesrné-riser. Je ne dis rien ; mais je répétai la même expérience un autre soir, et elle amena les mêmes résultats. Quand, à la lin, je lui montrai la boule, il pâlit et s’enfuit de la chambre, disant qu’il ne pouvait y rester si l’on n'en éloignait la boule.
« Une jeune fdle, connue de Al. Napier, E. D...... n'avait jamais vu le cristal magique. Comme je pensais qu’elle pouvait être rendue lucide et avoir des visions dans la boule, je l’engageai à y regarder. Riais je fus déçu, ainsi qu’elle; car elle attendait les mêmes résultats que moi. Après une
minute environ, je remarquai que son rail était fixe; en lui parlant, je trouvai qu’elle ne pouvait parler ; lui ayant pris la main, je remarquai que tout son corps était roidc comme un pieu, de la tête aux pieds, comme si elle eût été plongée dans le plus profond sommeil magnétique. Je fis des passes sur sa bouche, scs mâchoires et sa poitrine, et je lui rendis la souplesse; alors elle se mit à parler et se montra très-lucide. Elle voyait la boule illuminée d’innombrables bandes, présentant tontes les couleurs de l’arc-en-ciel : mais cela lui causait dans tout le corps des picotements douloureux ; elle frissonnait en en approchant. J'essayai alors de l'éveiller, ce que j’obtenais toujours en une minute; mais cette fois je fis des efforts pendant plus de cinq minutes sans rien produire. Elle me dit spontanément : « Vous ne pourrez u m’éveiller qu'en plaçant la boule sous mes pieds. ■> Je le fis ; en moins d’une minute, la rigidité générale disparut complètement; au bout d’une autre minute, elle s’éveilla en se plaignant encore de la sensation du picotement. A la séance suivante, je voulus lui faire tenir la boule dans les mains; elle s’éloigna pour ne pas la toucher ; dès qu'elle la toucha, la rigidité s’empara de ses mains, puis de son corps entier, et elle ne put être réveillée que par le moyen déjà employé.
« Je l’endormis alors par le moyen ordinaire, et pendant qu’elle conversait avec quelqu’un, je mis le cristal près d’elle, parderrière. Aussitôt elle frissonna, mais elle me dit en souriant : i Pourquoi approchez-vous cela de moi ?» Cependant, par degrés, elle parvint à le voir sans être troublée, pourvu que ça ne la touchât pas; et encore elle disait que quand elle le tenait dans sa inain, ça lui paraissait comme une brillante lumière et que ça augmentait sa lucidité. J’ai essayé plusieurs autres fois sur elle l'effet de la boule ; cela a invariablement produit la rigidité quand ça l’a touchée, et je ne pouvais alors la réveiller qu’en plaçant la boule sous ses pieds.
« Une dame voulut aussi en essayer : elle y regarda, et en très-peu de temps elle se trouva plus qu’à moitié mesmé-risée. Elle continua d’y fixer ses regards; après une sorte de lutte, elle fondit en larmes et fut incapable de parler : elle était endormie. Ayant calmé ce que je regardais comme un accès hystérique, je lui demandai ce qu'elle éprouvait. Elle mè dit qu'elle avait eu la vision de son père, enseveli dans un linceul. Son père vit encore, et je ne puis savoir pourquoi elle vit ce spectacle plutôt qu’un autre.....
« 11 me semble, d’après les faits que j’ai observés, qu’il
y a dans la boule de cristal un agent physique capable d'impressionner le système nerveux et de causer, chez les tins, la clairvoyance éveillée, c’est-à-dire la lucidité avec la conscience ordinaire, et chez les autres le sommeil mesmérique avec la conscience divisée et l’oubli au réveil ; dans quelque# cas, elle excite des rêves animés ou des visions que nous n’avons aucun moyen de suivre assez pour nous assurer qu’elles se rapportent à des événements réels. 11 paraîtrait, d’après ce que j’ai vu, que la lucidité produite par ce moyen se rapporte tantôt au présent, tantôt aux événements passés, et que, chez quelques personnes, elle embrasserait aussi l'avenir, comme dans les expériences du cercle et du miroir de M. du Potet, qui probablement agissent, au moins dans de certaines limites, de la môme manière que mon cristal, n
Tels sont, en résumé, les traits les plus saillants de ces Lettres; la publicité qu’elles ont reçue dans l'Edinburg New, journal fort lu en Écosse, leur a donné un relief digne de l'autorité de l’auteur.
A.-S. MORIN.
LA DANSE DES TABLES DÉVOILÉE, Expériences de Magnétisme animal, pour s’amuser en société. Brochure in-18. Paris, 1853. — 10 c.
Cet opuscule a été vendu sur la voie publique, par des crieurs qui ajoutaient que 11. du Potet en était l’auteur. Il en a été acheté considérablement : tout le monde, à ce moment là, voulait expérimenter. 11 n’y est absolument question que des premiers essais, dont tous les journaux avaient donné alors la relation. Le magnétisme proprement dit ne figure que dans le titre; mais on voit par là que l’auteur lui attribue 1s mouvement des objets soumis à la chaîne. 11 n’y a l ien de plus à constater dans cet ouvrage.
ARNETTE.
Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).
Paris. - Imprimerie de Pommcrct el Moreau,quai des Augusiins, 17.
CLINIQUE.
A Monsicur lichen (de Garnay).
Cher et honoré confrère,
Je vous transmets la relation d’une cure qui m’a paru digne de fixer l’attention, tant sous le rapport de la gravité de la maladie que sous {celui de la guérison subite et imprévue du malade.
M. Haynaldi, demeurant rue d’Ormesson, 13, âgé d’environ cinquante ans, était affecté depuis un an d’une bronchite chronique (catarrhe pulmonaire) survenue à la suite d’une plenro-pneumonie aiguë, contre laquelle j’avais employé un traitement antiphlogistique très-énergique. Les crachats avaient un très-mauvais caractère : ils étaient tantôt noirâtres, tantôt verdâtres, d’autres fois ardoisés ou purulents; mais ce qu’ils offraient surtout de remarquable et d’inquiétant, c’était leur odeur spécifique de gangrène, odeur telle que la femme du malade était quelquefois obligée d’ouvrir porte et fenêtre quand son mari expectorait. L’haleine était d’une fétidité nauséabonde et repoussante.
L’odeur qu’exhalaient les crachats était pour moi l’indice d’une gangrène du poumon ; car, pour le praticien, cette odeur caractéristique est aussi facile à reconnaître que lorsqu'elle provient d’une gangrène externe.
L’abondance extrême des crachats, la toux incessante, la gêne de la respiration, les hémoptysies considérables et fréquentes, l'infiltration des membres et le peu de succès des agents thérapeutiques étaient pour moi des signes précurseurs d’une mort prochaine. De tous les moyens que j’avais employés, un seul soulageait un peu le malade : c’était l'an-
Tojik XIII. — N11 ses. — 25 août 1851. 1G
plication de larges vésicatoires sur les parois de la poitrine. Il était bien à son trentième lorsque je le magnétisai, il y a six semaines, dans l’intention de savoir s’il était, suivant vos observations sur l’hérédité, aussi sensible que sa fille, qui était très-accessible à l’action magnétique.
J’ai pu me convaincre que cette demoiselle tenait de son père sa grande sensibilité magnétique; car, en moins de deux heures, cet homme éprouva des effets très-prononcés, à la suite desquels une sueur critique abondante survint, et un grand besoin de prendre de la nourriture, besoin qui ne s’était point fait sentir depuis plusieurs mois.
Je 11e quittai point le malade sans lui faire une ordonnance sur l’efficacité de laquelle je 11e comptais guère ; car, pour moi, cet homme était condamné à une mort certaine. Mais je m’étais trop hâté de porter ce fâcheux pronostic, car il y a quinze jours, je rencontrai Mm0 Raynaldi, qui vint à moi toute joyeuse, me disant qu'elle avait une bonne nouvelle à m’apprendre, que son mari était tout «'1 fait rétabli. Très-surpris, je lui demandai quel était le médecin qui avait opéré un pareil prodige.
« C’est vous-même, me dit-elle ; depuis que vous avez magnétisé mon mari, il a un appétit extraordinaire, au point qu’il ne peut jamais satisfaire sa faim ; il engraisse à vue d’œil ; ses vilaine crachats n’existent plus : on dirait qu’il 11’a jamais été malade. »
Je m’empressai de voir cet homme, et je constatai, avec autant de surprise que de satisfaction, qu’il était effectivement rétabli.
Cette cure, cher confrère, est une des plus belles et des plus surprenantes dont j’aie été témoin. Il faut que le magnétisme ait une puissance bien grande pour produire d’aussi beaux résultats, et je rends grâce tous les jouis à la Providence d’avoir mis à ma disposition un moyen qui peut si avantageusement venir en aide à la médecine.
Agréez, etc.
I.OUVET,
„ . „„ docteur-médecin.
Pans, 20 août 1854.
FAITS ET EXPÉRIENCES.
1° EXTASE SPONTANÉE.
Le 15 avril 1853, vers sept heures du matin, je fus appelé pour aller voir (subito) la femme Mazetin (Jean), métayère au village de l’Armurey, dans la commune d’Hurcssans.
J’arrive chez elle à huit heures du matin.
Cette femme, âgée de vingt-six ans, d’une constitution bonne, d’un tempérament nerveux, tenant le milieu entre le tempérament nerveux léger et nerveux profond (Clinique orale de M. le professeur Gintrac), mariée depuis dix-huit mois, ayant un enfant de neuf mois, a eu, vers l’âge de douze à seize ans, selon le dire de sa mère, une affection semblable à celle pour laquelle je suis appelé.
Cette jeune femme s’est couchée hier soir bien portante» Tout à coup ce matin, à cinq heures, étant au lit, elle demeura sans parole et sans mouvement.
On lui parle, elle ne répond pas ; je la pince, elle ne donne aucun signe de sensibilité. Les bras élevés retombent sur le lit, si on les laisse livrés h la pesanteur. Les dents serrées ne permettent pas de constater l’état de la langue ; abdomen indolent. Respiration petite, ordinaire; pouls petit et un peu fréquent.
Je crois avoir affaire à quelque état spasmodique tenant à son tempérament nerveux ou à son état de nourrice; je pratique une saignée du bras de /iOO grammes; la saignée finie, cette femme sembla se réveiller d’un profond sommeil, répondit d’uno façon lente et insignifiante à quelques questions que je lui fis.
La connaissance étant revenue et la malade disant que rien ne lui faisait mal, je prescrivis la potion suivante :
Eau distillée de valériane...../i0,00
Sirop d’éther...........20,00
Eau de fleurs d’orangers.....20,00
Eau de menthe..........20,00
Sirop simple...........25,00
A prendre par cuillerée d’heure en heure, pure ou dans l’infusion de feuilles d’oranger; et je partis.
Quelques instants après, elle ne se rappela ni ma visite, ni la saignée que je lui avais faite. Le reste de la journée ainsi que la nuit se passèrent très-calmes.
Le lendemain matin, samedi 16 avril, le mari vint me dire que sa femme était parfaitement bien.
Le même jour 16 avril, à neuf heures du soir, on vint me chercher pour la môme malade, retombée dans le même état de la veille. J’arrive chez la malade à dix heures du soir : je la trouve couchée dans son lit, en supination, immobile, les yeux fermés; les pupilles, si on écarte les paupières, sont tournées en haut; elle ne répond à aucune question, ne manifeste aucun signe de sensibilité lorsque je la pince. Le pouls n’offre rien à noter. Elle parle seule, suit son idée dans son discours sans s’interrompre ; prononce un mot d’une façon très-intelligible, puis s’arrête; quelques minutes après elle prononce un nouveau mot qui continue la phrase déjà commencée, puis s’arrête de nouveau, pour, quelques instants après, achever sa phrase.
C’est ainsi que, pour dire : « 11 est bientôt dix heures, » elle dit d’abord : « Il est.... (pause de plusieurs minutes) bientôt.... (autre pose de plusieurs minutes) dix heures... » (nouvelle pause de plusieurs minutes). En vain lui fait-on des questions étrangères, elle poursuit toujours la même idée.
L’accès de ce jour a commencé à trois heures et demie du soir; elle a dit que l’on aurait beau faire, qu’il durerait jusqu’à deux heures de la nuit. (Lelendemain, en effet, j’ap-
pris que l’accès s’était terminé à une heure trois quarts de la nuit).
La pensée dominante qui occupe cette femme est la sorcellerie; elle dit (toujours en interposant plusieurs minutes de silence entre chaque mot) qu’une vieille sorcière de Ca-pian (commune voisine) doit venir à minuit pour la frapper, et que ses parents n'y feront pas attention. Tout à coup elle s’interrompt, et quelques minutes avant cinq heures elle dit : Il est bientôt cinq heures. Avant six heures, elle dit : Il est bientôt six heures. Il est à remarquer que la malade ayant ses rideaux fermés, ne pouvait voir l’heure indiquée par l’aiguille de sa pendule, cachée d’ailleurs par une armoire qui était entre la pendule et le lit. Lorsque j’arrivai, il était dix heures moins vingt minutes. Pendant que je m’informais de son état, elle dit d’une voix très-claire : «Il est bientôt dix heures. » Je regardai ma montre, il était dix heures moins neuf minutes, et à. sa pendule dix heures moins douze minutes.
Je lui mis un flacon d’éther sous le nez ; elle dit : « Cela me fait du bien. » Je lui fais boire deux cuillerées d’eau mêlées à une cuiller à café d’eau de Cologne ; elle en avale une cuillerée à café, en crache un peu, puis reggerre ses mâchoires, et rend toute déglutition impossible. Je n’observe aucune convulsion, pas d’écume à la bouche.
Craignant la sorcière, elle ordonna de faire brûler le bouquet de noces de son mari (il y a dix-huit mois qu’elle est mariée), de brûler, avec ce bouquet, un morceau de sa robe de noces, ainsi que ses petits souliers de noces; car autrement, dit-elle, la vieille sorcière aura le môme pouvoir sur son mari.
On s’apprête à aller brûler ces objets dans le lieu ordinaire, consacré dans le pays pour ces combustions; elle s’y oppose, et désigne elle-môme le lieu où il faut les brûler. On parle d'aller chercher le prêtre; elle s'y oppose encore, disant qu’elle étoufferait.
Quelques instants avant minuit, elle se fait donner un couteau et un chapelet, objets qu'elle arrose d’eau bénite ;
prend le chapelet d'une main et le couteau de l’autre, avec lequel elle frappe des coups, comme si elle se fût battue avec un être invisible. L’accès continue jusqu’à une heure trois quarts ; peu à peu elle revient à la connaissance, ne se souvenant de rien de ce qu’elle avait dit.
Le dimanche matin, 17 avril, elle témoigne le désir d’aller entendre la messe à Verdelais (lieu de pèlerinage célèbre en l’honneur de la sainte Vierge), distant de sa demeure de seize kilomètres environ. Aussitôt 011 prépare une charrette sur laquelle monte toute sa famille.
On vient me prévenir de son dessein : j’engage fortement son mari de le mettre à exécution.
Me rappelant que la veille, pendant son accès, la malade avait dit qu’elle aurait un nouvel accès le lendemain, à deux heures du soir, je prescrivis la potion suivante :
Eau distillée de valériane......60
— de tilleul.......20
— de fleurs d’orangers. . 15 Sulfate de quinine. ........ 1
Édulcorez. — F. s. a. Une potion à prendre en trois doses, la dernière à midi.
Le soir, vers cinq ou six heures, allant voir un autre malade , je rencontrai la charrette, rapportant de son pèlerinage la famille tout entière.
L’accès de ce jour, prédit par la malade, ne revint pas à l’heure qu’elle avait indiquée et n’a pas reparu.
D’après M. le professeur Grisolle, « l’extase est un état dans lequel un individu, livré tout entier à une pensée dominante, reste immobile et étranger à tout ce qui l’entoure. » J’adopte pleinement cette définition, car ma malade était immobile ; j’avais beau la pincer, remuer ses bras, elle gardait toujours la même position. Elle était étrangère à tout ce qui l’entourait, ne répondant à aucune question, 11e s’occupant ni des cris, ni de l'allaitement de son jeune enfant, âgé de huit à neuf mois.
Cependant, deux fois elle a paru faire attention à ce qui se passait autour d’elle : la première fois, lorsqu elle s opposa à ce qu’on brûlât les objets qu’elle avait désignés dans le lieu ordinaire consacré à ces combustions, en désignant elle-même un autre lieu ; et la deuxième fois, en s opposant à ce qu’on allât chercher le prêtre, disant quelle étoufferait. Malgré ces deux diversions, je pense qu’elle est toujours restée en proie à sa pensée dominante, le sorcelage; et ces deux diversions mêmes viennent confirmer le diagnostic; car Bérard, dans son article Extase, du Dictionnaire des sciences médicales, s’exprime en ces termes : «Quelquefois l’on peut réveiller un individu qui se montre insensible aux stimulants les plus énergiques, en lui tenant seulement des propos analogues à ses habitudes les plus fortes de méditations et aux idées particulières de son extase. »
Quant au traitement, est-ce à la saignée, aux antispasmodiques, au sulfate de quinine, qu’il faut attribuer les honneurs de la guérison, ou bien au traitement purement moral, consistant dans le pèlerinage à Verdelais ?
Je laisse à chacun la liberté de tirer la conclusion. Cependant, si les facultés intellectuelles de cette personne, sans cesse tendues vers un même objet, le sorcelage, ont pu être vicieusement et exclusivement dirigées vers ce même objet, par l’effet même de sa volonté, il ne répugne pas à la raison de croire qu’elle a été guérie par la confiance qu’elle a eue en une puissance supérieure, puissance capable d’opérer une diversion curative dans l’exaltation de ses idées rçlatjvçs sü sorcelage, absorbant son attention. Ce serait ici le lieu de citer le verset 22* du 9' chapitre de saint Matthieu : Confiée, filia, fiées tua te salram fecit. Et salva facta est millier ex illà horâ.
Félix BOSQUET, d. m. p.
Cadillac (Gironde), 19 novembre 1855.
(Union médicale du l/i janvier 1854.)
On sait que les corps solides transmettent le son beau-coup plus énergiquement que ne le font les gaz. S’emparant de ce fait, M. l’abbé Le Cot a voulu le faire tourner à l’avantage des sourds-muets. Il a entrepris de leur faire entendre la parole humaine, et par conséquent de leur apprendre à parler, et il y a réussi. Voici son procédé :
« Je prends, dit-il, un porte-voix ordinaire, fait en zinc ou en ferblanc, j’en fais saisir entre les dents, par le sourd-muet, l’extrémité à petit diamètre, et j'articule les sons distinctement, mais sans effort, en plaçant ma bouche au centre du pavillon. »
L’auteur a essayé sur une vingtaine d’enfants qui presque tous ont immédiatement répété les sons qu’on leur a fait entendre. Trois enfants pauvres ont été plus spécialement l'objet de ses efforts. Voici ce qu’il en raconte :
« Le premier, Aimée Rollet, jeune fille âgée de dix ans, sœur de trois autres sourds-muets, sourde de naissance, n’ayant reçu aucune espèce d’instruction et n’articulant aucun son, a été soumise à ce procédé au mois de février dernier ; aujourd’hui elle épèle, écrit les mots qu’on lui dicte et prononce un bon nombre de mots usuels ; l’intelligence de cette enfant s’est considérablement développée depuis le commencement de ces exercices; le sens de l’ouïe s’est tellement amélioré qu’on peut aujourd’hui lui faire entendre tous les mots qu’elle connaît, sans l’aide du porte-voix, et qu’elle perçoit des sons tout à fait inattendus, tels que celui d’une sonnette éloignée.
u Le deuxième, Hérit, garçon de dix ans, également sourd de naissance, dans les mêmes conditions d’instruction que le premier, soumis au mois de mars dernier à ce procédé, m’a donné les mêmes résulta) s ; il parle mieux que le précédent, mais écrit moins bien, ce qui paraît tenir à ce qu’il a moins d’intelligence.
« Enfin le troisième, Eugène Rollet, âgé de huit ans et demi, frère du premier sujet, a commencé à suivre les exercices à la lin de mai ; aujourd’hui, il lit l’alphabet et articule déjà un certain nombre de mots. »
M. l’abbé Le Cot cite un mort, Itard, comme l’ayant précédé dans cette voie. « J'ai su depuis, écrit-il, qu’Itard, longtemps avant moi, avait eu la même idée, et l’avait publiée dans son ouvrage. » Mais il omet de citer un vivant. M. Strauss-Durcklieim, auquel revient le mérite d’avoir le premier démontré expérimentalement que les sons transmis par l’intermédiaire des corps solides sont très-bien perçus par les sourds-muets. Nous ne connaissons pas le passage d’Itard auquel M. Le Cot faitallusion, mais nous connaissons les expériences de M. Strauss-Durcklieim qui, publiées h l’origine dans Y Echo du Monde suçant, du 18 septembre 1842, ont été résumées par lui, il y a quelques mois, dans le tome II, p. 106 et suiv, de sa Théologie de la Nature.
Certaines observations, dont je dirai un mot tout à l’heure, le conduisirent à penser que les vibrations acoustiques pourraient être transmises aux sourds-muets par les parties solides de leur corps et spécialement par les dents, seuls organes solides à découvert.
« L’expérience réussit parfaitement, dit-il. Des élèv es que 61. de Puybonnieux m’indiqua comme complètement sourds distinguèrent non-seulement très-bien les battements d’une montre à répétition dont ils tenaient la queue entre les dents, et notamment les quarts d’heure, indiqués chacun par trois petits coups successifs dont ils indiquèrent la mesure par des gestes ; mais ils exprimèrent surtout les sentiments d’une vive jouissance en percevant par les mêmes moyens les effets d’une petite boîte à musique qu'ils tenaient appuyée contre les dents; expliquant parfaitement par gestes les sensations nouvelles qu’ils éprouvaient, gestes par lesquels ils indiquèrent très-exactement non-seulement la mesure de la musique et le degré d’élévation des notes, mais encore les cadences, les fugues, les points d’orgue, etc. Ce qui prouvait qu’ils en avaient un sentiment bien exact. »
M. Strauss-Durcklieim nous a raconté autrefois que le premier mouvement des pauvres enfants sur lesquels ces expériences eurent lieu fut de s’informer auprès de M. de Puybonnieux du prix des petites boites qui leur procuraient des sensations si nouvelles et si délicieuses.
Des observations zoologiques avaient conduit le savant auteur à instituer ces utiles expériences. On sait que les araignées sont très-mélomanes, au point d’accourir de fort loin pour entendre de la musique, et de perdre dans le plaisir qu’elle leur fait éprouver tout sentiment de prudence. Quatremère-Disjonval raconte, dans son Aranéotogie, qu’une de ces laides petites bêtes goûtait beaucoup le talent musical du célèbre violoniste Berthome : elle accourait dès qu’il faisait vibrer son instrument, et venait, sans doute pour mieux entendre, se poser jusque sur la main qui tenait l’archet. Quatremère avait été témoin lui-mfime d’un fait semblable. Une araignée logeait chez une dame très-forte sur la harpe. Chaque fois que cette dame jouait, on voyait l’araignée se diriger le long du plafond jusqu’au-dessus de la musicienne; là, elle s’arrêtait et demeurait immobile tant que durait le morceau. La dame venait-elle à changer de place, l’araignée la suivait. Je ne multiplierai pas ces exemples. M. Strauss les connaissait; il avait constaté, en outre, que ces animaux n’ont aucun organe qui puisse être considéré comme organe spécial de l’ouïe. Ce fait anatomique, rapproché de la passion musicale des araignées, lui fit penser que la fonction auditive était remplie chez ces animaux par toutes les parties du corps à la fois ; d’où il conclut que peut-être les hommes pourraient eux-mêmes entendre sans aucun organe auditif circonscrit.
C’est pour résoudre cette question qu’il fit les expériences précédemment rapportées. Le fait a physiologiquement le plus haut intérêt. Je le livre aux magnétistes.
Victor MEUNIER.
ÉTUDES ET THÉORIES.
1° UN MOT SUR L’ÉTAT ACTUEL DU MAGNÉTISME.
En jetant un coup d’œil sur la dernière année que le magnétisme vient de traverser, ceux qui n’estiment les choses que par leur valeur réelle, sans se laisser éblouir par les ap -parences, ne peuvent s’empêcher de reconnaître que la science de Mesmer a failli se perdre dans des écueils d’un genre particulier, écueils d’autant plus dangereux qu’ils semblaient ouvrir au magnétisme une voie de succès éclatants.
Le monde entier n’a-t-il pas, en effet, retenti des phénomènes surprenants dus à cette puissance de l’homme démesurément agrandie, par laquelle il communiquait avec les êtres surhumains, à l’aide de laquelle il évoquait les âmes des morts, avec laquelle il commandait à la matière et absorbait complètement les facultés mentales de son semblable, laissé dans l’état de veille ?
Depuis les publications des arcanes de l’autre inonde, de M. Cahagnet; depuis les théories spiritualistcs du docteur Ordinaire ; les doctrines mystiques de Davis (de New-York) jusqu’aux expériences de biologie des Américains, celles de magie de RI. du Potet, celles des tables parlantes, celles des esprits frappeurs, et enfin jusqu’à la doctrine complète de la démonologie de M. de Mirville, certes il était difficile aux doctrines physiques sur lesquelles Mesmer, Puységur, Deleuze, nous-même et bien d’autres avaient assis les phénomènes du magnétisme, il était, dis-je, difficile à ces doctrines de conserver grande créance, car elles semblaient impuissantes à expliquer les nouveaux faits qui se produisaient.
Du temps a passé, et les doctrines mystiques ont bien perdu de leur importance. Dus esprits observateurs, judicieux et disposés à comprendre la grande synthèse par laquelle procèdent les œuvres de la création, ont déjà ramené les phénomènes merveilleux dont nous parlons à des lois naturelles.
C’est avec peine que j’ai vu cette déviation des études magnétiques, déviation bien nuisible et pleine de perturbations.
Si je n’ai pas cherché, en écrivant dans le Journal (lu Magnétisme, à contrebalancer l’entraînement général vers ces théories illusoires, c’est que des causes incessantes d’occupations diverses me forçaient à laisser ma plume à peine mise en action.
Cependant, dès le mois de mai 1853, j’écrivais dans un journal d'Orléans un article dont j’extrais les lignes suivantes :
« Je ne puis donner ici la théorie que j'ai trouvée, et par laquelle ces phénomènes s’expliquent et se rattachent à une grande loi de physiologie. Je dirai seulement, au sujet des tables qui tournent... : L’impulsion involontaire, non perçue, qui met quelquefois les tables en mouvement, ne peut expliquer tous les cas observés. Et d’ailleurs, cette explication ne rendrait pas compte du sentiment particulier ressenti quelquefois par un de ceux qui forment la chaîne. Le malaise éprouvé est tel que les uns quittent la table et que d’autres sont pris d’attaques de nerfs très-intenses. La cause n’est
Fourtant pas non plus dans une polarisation qui se ferait de électricité naturelle des objets touchés, et qui deviendraient des espèces d'aimant, dont les pôles semblables, se repoussant, feraient le mouvement rotatoire. C’est là l’explication du D' Lœw, de Vienne. Elle est inadmissible, parce que du moment où vous admettez l’électro-magnétisme, ses lois doivent se manifester, et certes il n’en est rien. Resterait la supposition du fluide magnétique animal qui, émis par la chaîne des opérants, agirait sur la table. Je n’admets pas cette théorie, et je fais contre elle des réserves qui pourront la ruiner complètement.
Mais il y a une autre cause, et elle est mixte, c’est-à-dire physiologique et psychologique. Entrevue par les médecins qui s’occupent des maladies nerveuses, cette cause ne peut
Être bien comprise qu’à, l’aide de cette science, encoie si imparfaite, dite magnétisme animal; etc. »
On comprend que, dans un journal non scientifique, il était impossible que je pusse développer une théorie qui n’eût pas été comprise; je tenais seulement à dire que les mouvements obtenus avec les tables n’étaient pas dus à l’impulsion ordinaire dans le sens admis par Faraday, ni à, la magnétisation des objets, ni à l’intervention dun esprit; j é-nonçais une cause particulière inhérente aux opérateurs.
Depuis, j’ai vu quelques personnes arriver à ma manière de voir, et bientôt tous les magnétistes comprendront qu’il y a dans tous ces phénomènes, sauf pourtant les esprits frappeurs, dont je parlerai en d’autres temps, un effet de magnétisation non encore observé, sans étude par conséquent, effet obtenu, disons-le de suite, par M. du Potet depuis longtemps.
Je m’explique : Pour moi, le mouvement des tables, l’électro-biologie, les visions des sujets non somnambulisés, la magie de M. du Potet, appartiennent à. la même loi naturelle de la fascination ou de l’absorption d’un ou de plusieurs individus par la force vive, intime, fluidiqued’un autre; véritable possession humaine qui identifie, fond en quelque sorte les individualités. Grande loi sur laquelle pivote tout le magnétisme, que nous commençons enfin à bien connaître.
La rotation des tables et les tables parlantes ne sont donc que le premier degré d’un ordre de phénomènes dont les fascinations etles hallucinations de la magie du Potet sont le degré le plus élevé. Si M. du Potet et les électro-biologistes (nom singulier et impropre) avaient pensé à dire à leurs sujets éveillés, mais possédés (par eux), qu’une table sur laquelle ils auraient les mains se lèverait et répondrait à leurs demandes, cette tableauraitrépondu, et les opérateurs auraient bien cru et juré que ce n’était pas eux qui la faisaient mouvoir, et pourtant ç’eût été leurs bras, dont les mouvements étaient automatiques à la pensée d’un autre, qui eussent imprimé l’impulsion. Eh bien ! les choses ne se passent pas au-
trement dans les réunions opérant autour des tables. Et si, ce qui arrive aussi, un individu opérant seul, obtient les mêmes effets, c’est qu’il s’est effectué en lui cette modification particulière dans le système nerveux par laquelle la conscience ne perçoit plus ou perçoit faussement les impressions externes et internes, commencement de l’état maladif qui forme les hallucinations.
Quel horizon nouveau s’est ouvert dans l’étude de l’homme ! Que de grandeurs seront découvertes quand, de ces ruines à peine aperçues, des hommes marqués par la Divinité sauront reconstruire l'édifice brisé ! Cette puissance que nous admirons, par laquelle l’homme jouit d’une action si profonde sur son sembable, perd pourtant beaucoup de son importance quand on l’étudie dans son application. En effet, ce mobile fondamental du magnétisme, la volonté, l’ardeur de la pensée, ne peut, sauf de rares exceptions, s’exercer d’une manière soutenue et pendant de longues années. Aussi les effets obtenus en magnétisme par tel magnétiseur n’ont-ils qu’une durée temporaire; aussi le magnétisme, comme science pratique, nous semble-t-il très-difficile et même impossible, à moins de renouveler les individus bien souvent; et combien sont propres à la chose? on peut bien les compter ! Là est le véritable obstacle à l’introduction du magnétisme dans les sciences pratiques ; là est le secret des chutes successives de tous ceux qui ont monté sur la brèche. Mais ne décourageons personne, et espérons plutôt que, les circonstances aidant, les études sérieuses et une pratique raisonnable et utile ramèneront le magnétisme dans une voie convenable, où les savants effarouchés oseront enfin entrer pour tendre la main à des hommes de conviction, mais égarés dans les dédales de phénomènes multiples qu’ils ont découverts.
Dr CHARPIGNOX.
Monsieur le rédacteur,
Votre numéro du 25 juin dernier contient une lettre de M. Aymerich (deMarseille), lequel m’invite à lui expliquer les causes ou les agents qui ont pu produire les phénomènes suivants : Ainsi il raconte qu’un des membres de la chaîne établie autour d’un guéridon eut le bras en catalepsie en tendant la main vers la main de saint Paul que la table lui avait désigné comme étant son protecteur. En même temps un enfant mis en somnambulisme eut la vision de l’image radieuse de ce saint; il vit également et décrivit son grand-père , qu’il n’avait pas connu, mais qui était connu de M. Aymerich. De plus, voilà que cet enfant, en écrivant les réponses aux demandes qu’il trace sur le papier, se sent le bras saisi si violemment qu’il en est fatigué. Le môme phénomène se manifeste chez d’autres personnes, chez des incrédules.
En admettant qu’il y ait eu sincérité parfaite chez les sujets de ces expériences, ce qui n’est pas démontré, je répondrai à votre correspondant que ces résultats ne m’obligent pas à reconnaître l’intervention des esprits. Parmi les phénomènes déterminés par l’agent magnétique, même en dehors du somnambulisme, on en trouve d’analogues à ceux qui se sont manifestés sous l’influence de M. Aymerich, soit sur des membres de la chaîne, soit sur d’autres personnes, tels que la catalepsie, les hallucinations des divers sens, la transmission de la pensée.
Puisque je suis amené à vous entretenir de ce sujet, je profiterai de cette occasion pour confirmer les résultats d’une expérience rapportée par votre savant collaborateur, M. Morin, dans le numéro du 10 mars dernier, expérience dans laquelle une table saupoudrée de talc a tourné, quoiqu’on empêchât ainsi l’adhérence des doigts avec le meuble. J’avais déjà imaginé et pratiqué l’expérience suivante : Je place sur la table des paquets de cinq ou six cartes à jouer, chacune bien saupoudrée avec la craie de Briançon, dont on se sert
pour faciliter le glissement des bottes ; et faisant la chaîne avec d’autres personnes, les doigts appuyés sur ces paquets, nous tâchons de pousser mécaniquement le meuble dans le sens circulaire. Comme on le pense bien, les cartes glissent, se déplacent, et il est impossible de communiquer le mouvement à la table. Cela constaté, nous replaçons les paquets et les doigts de la môme manière, et en procédant comme de coutume, par l’influence de la volonté, nous parvenons à la longue à faire tourner le meuble sans que les cartes s’éparpillent. Ce résultat renverse complètement l’hypothèse de l’impulsion musculaire considérée comme cause de la rotation.
Pour revenir à la lettre de M. Aymerich, sans admettre que ses expériences prouvent l’intervention des esprits, et quoique les diverses évolutions des tables me paraissent rentrer dans le clercle des phénomènes magnétiques, je dois déclarer, dans l’intérêt de la vérité, qu’un témoin respectable, un digne ecclésiastique, m’a raconté un fait dont l'explication est difficile. Ce personnage a ouvert un livre au hasard, a remarqué le chiffre de la page, puis, prenant un autre livre sans l’ouvrir, a posé à une table tournante la question suivante :
« Quelles sont les lettres formant la ligne initiale de la page du second livre, correspondante à la page tirée au hasard dans le premier?»
La table a successivement désigné, par des coups marquant la place qu’elles occupent dans l’alphabet, les lettres composant la ligne demandée, et, vérification faite, ces désignations ont été trouvées exactes, sauf deux ou trois lettres. Et n’oubliez pas qu’aucun des expérimentateurs ne pouvait connaître à l’avance la ligne demandée ! Cette expérience répétée de même dans une autre séance, avec le même succès, frappa d’une telle stupeur les membres de la chaîne, qu’ils renoncèrent aux tables tournantes, convaincus d une intervention surnaturelle. La ligne mise en'question n'étant connue de personne, la pensée d’aucun expérimentateur ne pouvait influencer la table de manière à obtenir la réponse
voulue; à moins qu’on ne suppose qu’un ou plusieurs d’entre eux, plongés dans un état magnétique plus ou moins avancé, n’aient eu l’intuition des lettres demandées et n’aient ainsi influencé le meuble en perdant ensuite le souvenir de cette opération mentale ; supposition, il faut en convenir, qui présente de graves difficultés.
Quoique peu porté à reconnaître, dans l’espèce, l’intervention des esprits, qu’on ne croie pas que je conteste leur existence. La raison nous confirme la réalité de cette existence que la révélation nous apprend, la révélation dont les enseignements sont au-dessus de ceux de la raison, mais ne leur sont jamais contraires. Si l’inspection du monde matériel nous montre l’échelle des êtres montant par d’innombrables degrés depuis l’atôme inerte jusqu'à l’homme, l’analogie nous découvre naturellement le monde des intelligences s’élevant de l’homme jusqu’aux pieds du trône de Dieu. L’homme, à la fois âme et matière, se trouve ainsi le point de tangence de ces deux mondes, le plus haut placé dans le monde des corps, le plus bas dans le monde des esprits. Ce n’est donc pas Cexistence des esprits, mais leur intervention dans les cas actuels, qui est mise en cause ; et s’il m’était prouvé qu’ici cette intervention a lieu, la question rentrerait pour moi dans le domaine de la théologie, et j'aurais hâte de me soumettre à l’autorité infaillible qui défend ces sortes d’appels à une telle intervention.
J’ai l’honneur d'ètre, etc.
F. ROUX, docteur-medecin.
Cette, 16 août 1854.
VARIÉTÉS.
Prix académique. — La confidence faite par M. du Potet, au banquet du 23 mai, vient d’être officiellement confirmée. La Presse du 22 courant donne ainsi cette nouvelle importante et si impatiemment attendue ;
v L’Académie des sciences morales et politiques a, dans sa séance du 19 courant, entendu le rapport de la section do philosophie sur les mémoires adressés pour concourir au sujet de prix relatif au sommeil considéré au point de vue psychologique.
u L’Académie, adoptant les conclusions du rapport, a décerné le prix au mémoire enregistré sous le n” 5 du concours, ayant pour épigraphes :
« 1° Dormcntium animi maxime déclarant divinitatem suam. (Ciceb., de Senect., ch. xx).
u 2° L'homme n’est absolument ni ange ni bête, mais le malheur veut que, quand il veut faire l’ange, il fait la bête, (Pensées de Pascal) ;
mémoire dont l’auteur est M. Albert Lemoine, docteur ès-lettres, professeur de philosophie au lycée de Nantes. »
Chronique. —M. Ricard vient de faire annoncer l’ouverture prochaine d’un athénée magnétique à Londres.
— Nous avons des nouvelles récentes de New-York. Noire correspondant, M. le Dr Bergevin, nous donne des détails très-étendus sur l’état du magnétisme dans cette ville. Il se publie un nombre considérable de brochures, et dix ou douze journaux spéciaux pour le spiritualisme traitent accessoirement du magnétisme. Des meetings fréquents et nombreux ont lieu sur le même sujet, et des sociétés se forment dans le but d’approfondir les phénomènes connus sous
le nom de communications spirituelles. Nous recevrons dorénavant un résumé trimestriel de ce qui se sera passé d’intéressant dans le pays, concernant les idées et les faits magnétiques.
— La ville de Lyon a eu cette année un banquet mesmé-rien ; nous en avons reçu le compte rendu et en publierons prochainement l’analyse.
Revue îles Journaux. — Le Mémorial (le V(incluse, des 27 novembre et 1" décembre 1853, contient le récit détaillé de communications spirituelles avec un somnambule au lieu de médium. I.e résultat est une espèce de possession qui, si le fait était bien établi, ferait voir le diable dans quelques manifestations somnambuliques. Cette relation est de nature a intéresser vivement les personnes qui croient à l’intervention du malin esprit dans les opérations magnétiques.
— La Gazette hebdomadaire de Médecine et de Chirurgie, qui se publie sous les auspices du ministère de l’instruction publique, comme organe de l’enseignement médical, a fait ses débuts magnétiques en analysant l’ouvrage de M. le général Noizet. Son feuilleton du 21 avril est consacré à l’examen de ce nouveau livre.
Si nous voulions faire une critique de cet article, ce serait facile, car l’auteur, qui pourtant est le rédacteur en chef du journal, se méprend singulièrement sur la portée et l’authenticité de certains faits objectés au magnétisme ; mais les dispositions peu bienveillantes qu’il annonce ne nous donneront sans doute que trop d’occasions de discuter ses opinions et de montrer ses erreurs. Il est pourtant un anachronisme que nous ne pouvons laisser passer. L’auteur, M. Decliambre, dit :
« L’académie de Berlin, jalouse sans doute du lustre que Mesmer répandait sur Vienne, avait mis au concours la question du magnétisme animal. »
Or, à cette date. (1820), il y avait quarante-quatre ans
que Mesmer avait quitté la capitale de l’Autriche, el depuis cinq ans il n’existait plus!.... Voilà avec quelle superficialité nos antagonistes apprécient l’histoire du magnétisme. S'ils n’apportent pas plus de rigueur dans la connaissance desfaits et des doctrines, il n’est pas étonnant qu’ils résistent : étudiant à peine, ils savent mal et concluent faussement.
— Sous le titre de : Histoires extraordinaires, le Pays donne en feuilleton, dans ses numéros des 25 au 31 juillet, une traduction du chapitre Révélations magnétiques des Fables d’Edgar Poé, chapitre que le Journal du. Magnétisme a déjà reproduit, tome VIII, pages 294 à 510.
— Le Magasin pittoresque du mois de juillet cite une expérience de table parlante, extraite d’un livre imprimé en 1665. La gravure qui accompagne cette citation ne laisse aucun doute sur l’identité de l’opération avec celle qui se fait de nos jours. Les personnages sont assis et forment la chaîne. C’est le rapprochement le plus exact qui ait été fait entre ces pratiques; on croirait presque à une copie, tant il y a de ressemblance dans l’attitude.
— M. le D'Second, professeur agrégé et bibliothécaire de la Faculté de médecine de Paris, vient de publier son opinion sur le magnétisme. Nous ajournons au prochain numéro l’examen de ses conclusions, pour pouvoir résumer en même temps la critique qu’en fait Y Abeille médicale.
ARNETTE.
ERRATUM.
Dans le numéro 193 , page 49G. à la noie, il s'esl glissé une erreur. Au lieu de laliludei, c’esl longitudes qu’il faut lire.
BIBLIOGRAPHIE.
OBSERVATIONS SÜR LE FLUIDE ORGANO-ÉLECTRIQUE, et sur les
Mouvements électrométriques des Baguettes et des Pendules; par le
baron de Uohosues. 1 vol. in-8. Bourges, 1854, Vermeil.
Le livre de M. de Morogues se rattache plus à la théorie de Mesmer qu’aux théories des magnétiseurs plus modernes. Mesmer, on le sait, admettait un fluide universel, agent de tous les phénomènes, lumineux, calorifiques, électriques et vitaux.
Parmi les fluidistes modernes, presque tous admettent un fluide particulier, mis en jeu par nos organes dans les actes magnétiques; et ce fluide magnétique, ils le regardent comme complètement distinct du ou des fluides admis par les physiciens pour expliquer les phénomènes électriques.
Un certain nombre de physiologistes physiciens, en tête desquels nous placerons Galvani, — sans vouloir décider une question de priorité, — admet une électricité animale propre, qui, sans être identique à l’électricité de nos machines, n’est pas sans lien avec elle.
Cette école, dont M. Mateucci a tenu le drapeau d’une main assez ferme, se rattache comme théorie à l’idée de Mesmer, qui voulait identifier le principe de tous les phénomènes que les physiciens ont expliqué par les fluides impondérables, et de quelques antres non acceptés par eux, omni re sribiti et quibusdam œliise.
A cette école appartient M. de Morogues.
Son œuvre paraît le résultat d’études sérieuses et consciencieuses , et par conséquent mérite l’examen. Malheureuse-
nient, son livre est difficilement compréhensible, et comme ses expériences ne peuvent être répétées que par certains individus d’organisation privilégiée, le commun des martyrs ne peut s’aider de la voie expérimentale pour débrouiller cet écheveau assez emmêlé.
Une des causes d’obscurité de M. de Morogues — nous n’oserions pas affirmer que ce fût la seule, —c’est l’abus du néologisme. Sans doute le néologisme, surtout dans la science, est un droit pour celui qui a de nouvelles idées à énoncer ; mais un devoir résultant de ce droit, c’est de définir clairement les mots nouveaux, et s’il a usé et abusé du droit, M. de Morogues a négligé le devoir corrélatif.
Cette observation n’est pas ici pour faire une critique facile et détourner de la lecture du livre ; c’est plutôt une excuse mise en avant pour justifier un examen qui serait plus complet si son auteur avait pu mieux comprendre l’ouvrage dont il rend compte.
Aussi, de peur de faire prendre.au lecteur une fausse piste, ne parlerons-nous pas de la partie théorique du livre, et nous contenterons-nous d’analyser rapidement la partie positive, celle qui concerne les expériences.
M. de Morogues examine plusieurs sortes de baguettes et de pendules, qu’il appelle des électromètres. — De tous ces instruments, voici celui qu’il indique comme le plus parfait.
Une pièce en bois (la tête) en forme de demi-ellipsoïde aplatie, a de cinq à dix centimètres de longueur, un demi à un centimètre d’épaisseur, et une largeur double de son épaisseur. Dans cette tête sont implantées, parallèles entre elles et parallèles au grand axe de la tête, deux cylindres eu baleine d’un demi-centimètre de diamètre et de vingt-cinq centimètres de longueur (lesbranches). L’opérateur, les bras verticaux et les coudes au corps, sans raideur, doit tenir les avant-bras horizontaux, le dos de la main tourné vers le sol. C’est dans cette position qu'il empoigne les deux branches flexibles de la baguette en laissant dépasser chacune de trois centimètres du côté des pouces. Les deux baleines se trouvent ainsi écartées en V, et coudées à angle obtus. Les
ilcux portions de branches qui sont dans les mains de l’opérateur sont dans le prolongement l'une de l’autre, et ce sont elles qui, dans des circonstances données, doivent tourner dans la main de l’opérateur.
L’appareil électrométrique réside surtout dans l’opérateur, et la baguette artificielle que nous venons de décrire n’en est que l’armature.
M. de Morogues classe les hommes en deux grandes catégories : ceux qui ont la propriété de faire tourner la baguette, ceux qui en sont privés. Les premiers, les seuls à étudier à ce point de vue, il les divise, sans que nous voyons bien clairement si la division est complète, en trois ordres relatifs leur idiosyncrasie spéciale (page 55).
La baguette entre les mains des opérateurs d’ordres divers donnera, dans des circonstances identiques, des indications différentes, mais qui toujours seront constantes pour le môme individu ou pour les individus d’un même ordre.
Tout cela est facile à vérifier par expérience, et ne permet pas le moindre soupçon de tricherie. Ce sont des faits de l’ordre positif, et (pie l’auteur déclare avoir expérimentés sans qu’aucun doute puisse rester à l’esprit. Nous citerons les effets observés par M. de Morogues dans l’ordre le plus simple, et qui n’exigent aucune modification à la baguette décrite.
L’auteur distingue les corps en actifs et inactifs (page 27). Les corps actifs sont classés par lui en électro-positifs et électro-négatifs, simples ou composés. Pour lui, le zinc est le type de l’électro-simple positif, le cuivre l’électro-simple négatif (page 32).
Pour bien faire comprendre le principe fondamental qui fail la base des observations justes ou erronées de M. de Morogues, nous ne nous occuperons que de ces deux types et de leur action sur l'appareil composé de M. de Morogues lui-même et de sa baguette. Qu’on veuille bien se le représenter la position que nous avons indiquée.
Si l’intérieur de sa main droite touche du zinc, la baguette monte-, si, au lieu de zinc, c’est du cuivre, elle descend. Si
le contact est donné à l’intérieur de la main gauche, le mouvement est inverse, c’est-à-dire descendant en cas de contact par le zinc, et ascendant si le contact est donné par du cuivre.
Le pied gauche paraît à M. de Morogues jouer le même rôle que la main droite, et le pied droit avoir les mômes propriétés électriques que la main gauche (pages 107, 115 el passim).
Voilà donc des expériences-/>n««/>es faciles à faire, si M. de Morogues voulait donner des séances publiques, ce qui vaudrait mieux que des livres ou des comptes-rendus, pour mettre hors de doute les vertus contestées des sourciers.
On aurait un certain nombre d’étuis en bois, douze par exemple, tous pareils, munis d’une anse en corde à boyau (corps inactifs) (page 122). Un spectateur mettrait dans six des étuis des cylindres de zinc, et dans six autres des cylindres de cuivre de même poids. Pour éviter tout soupçon de connivence (dans les expériences scientifiques, on se place toujours au point de vue du doute absolu), et surtout pour se mettre en garde contre toute influence magnétique qui pourrait agir sur l’opérateur à son insu, un autre spectateur choisirait un des. étuis et le remettrait à M. de Morogues, qui aurait à reconnaître si l’étui contient du zinc ou du cuivre, ce qui serait immédiatement vérifié.
Cette seule expérience répétée un grand nombre de fois, et que l’on pourrait seulement varier en mettant la charge (c’est le nom donné par l’auteur à l’étui contenant un électro-simple ou composé) dans l’une ou l'autre main, suffirait pour mettre le principe hors de doute, puisqu’en la supposant répétée cent fois, il ne resterait plus qu’une chance d’erreur sur un nombre que la langue se refuse à reproduire et qui est composé de trente-et-un chiffres.
Parmi les corps actifs, il y en a, avons-nous dit d’après M. de Morogues, d’électro-composés. L’auteur entre dans peu de détails à ce sujet ; mais l’eau et les minerais paraissent rentrer dans cette catégorie. Ces corps n’ont plus le même mode d’actiou que les électro-simples. Qu’il soit en
contact avec eux par une main ou un pied ou plusieurs de ces organes, l’opérateur verra toujours tourner sa baguette dans le même sens pour un môme corps (page 36).
Ces deux principes admis, et il serait aussi facile à M. de Morogues de démontrer par expérience le second que le premier, on va comprendre l’usage de la baguette dans la main des liydroscopes ou des rainéroscopes. Un opérateur, muni de la baguette, est-il au-dessus d’un cours d’eau ou d’un filon, les deux pieds en contact avec l’électro-composé par l’intermédiaire du sol inactif, la baguette tourne. Pourquoi la baguette ne tourue-t-elle pas lorsque les pieds de l’opérateur sont à cinq mètres de distance horizontale d’un filon situé à cinq mètres de profondeur, et par conséquent ne sont séparés du filon que par sept mètres de sol inactif, tandis qu’elle tourne lorsque l’opérateur est verticalement au-dessus du filon situé à dix mètres de profondeur? C’est ce que M. de Morogues n’explique pas, et ce qui me semble peu d’accord avec ses principes..,. Mais, passons.
Nous ne pouvons qu’indiquer comment M. de Morogues distingue les cours d’eau des filons métalliques. Lorsqu’on a déterminé la direction de la ligne sur laquelle tourne la baguette, on la parcourt d’abord dans un sens, puis dans l’autre. Dans quelque sens que l’on marche, si c’est un filon, le mouvement de la baguette sera identique à lui-même; si, au contraire, l’observateur est au-dessus d’un courant, le mouvement de la baguette, quand il remontera le courant, sera contraire à celui qu’elle prendra si l’hydroscope suit le sens du courant (page 132).
Pour connaître la profondeur des courants ou des filons, M. de Morogues a deux procédés; le premier, qui lui fournit une première approximation, consiste à compter le temps qui s’écoule entre le moment où il s’arrête sur un point et celui où sa baguette entre en mouvement (page 12â).
Il semble que l’appareil devait être impressionné avant que l’hydroscope ne s’arrêtât. M. de Morogues n’explique pas cette difficulté.
Quoi qu’il en soit, il parait que l’éloignement non-seule-
ment retarde l’action suivant des temps proportionnels à la distance, mais que l’action elle-même est en raison inverse de la distance ; car M. de Morogues calcule la profondeur en détruisant le mouvement par une charge convenable (nous avons indiqué ce que l’auteur appelle charge), c’est-à-dire en mettant plus ou moins de corps actif dans son étui.
M. de Morogues laisse supposer que, fort ou faible, le filon minéral ou le cours d’eau produit toujours un même effet, et que la différence ne paraît due qu’à la distance. Ceci est hors d’analogie avec toutes les lois physiques que nous connaissons; car les effets paraissent toujours fonction composée des masses et des distances.
Nous analysons, et c’est à l’expérience et non à nous à juger.
Les principes sont vrais ou erronés, mais faciles à vérifier, si M. de Morogues le veut. Quant aux conséquences pratiques, que M. de Morogues les ait bien ou mal expliquées (ce que nous ne pouvons savoir), elles nous semblent importantes.
Ce que nous tenons à constater, c’est que l’auteur s’est placé à un point de vue tout à fait scientifique, que ses expériences appartiennent à la physique positive, et qu’il est tout à fait en dehors des idées des anciens qui ont traité de la baguette divinatoire, mot qu’il ne prononce même pas, je crois, dans tout son ouvrage. Presque tous ceux qui se sont occupés de rabdomancie attribuaient à l’opérateur une sorte de divination, comme le mot lui-même l’indique, tandis que, pour M. de Morogues, l’hydroscope muni de sa baguette n’est qu’un appareil de physique, comme les divers électroscopes de nos cabinets, ou la grenouille préparée qui servait d’électroscope à Mateucci.
Cette distinction est si bien établie dans l’esprit de l’auteur, qu’il reconnaît (page 217 et 219) que la volonté de l’opérateur ou de personnes voisines pourrait troubler les résultats et produire des anomalies ou des inexactitudes, et prévient que l’on ait à se garer de toute influence magnétique.
La baguette électro-magnétique serait, d’après M. de Morogues, un instrument précieux pour reconnaître la nature des corps, même à distance; mais encore elle serait plus sensible que tous les autres électroscopes pour apprécier les phénomènes électriques ordinaires.
Ainsi, dans un appartement, en touchant avec la baguette, différentes hauteurs, une porte de bois ordinaire, M. de Morogues distingue les variations verticales de l’électricité atmosphérique, et en déduit des pronostics du beau et du mauvais temps, pronostics dont il donne quelques-uns comme certains (page 230).
La baguette électrométrique a fait découvrir à l’auteur des Observations sur le fluide orguno-itectriquc un ordre de phénomènes d’électricité et de magnétisme minéral tout à fait inconnu à la science, et qu’il lui serait facile de mettre hors de doute par des expériences. Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, on croyait qu’en mettant les pôles d’une pile ou des pôles d’aimant en contact avec un plateau de verre, aucune action n’était produite. M. de Morogues a reconnu dans ce cas tles actions fort remarquables; il n’indique pas si ces actions sont appréciables avec d’autres électroscopes que les siens. Cependant une d'elles semble, par les termes dont il a rendu compte, pouvoir être répétée avec tous les électro-mètres.
Si l'on frappe un plateau de verre avec une peau de chat, il s’électrise positivement : les instruments de nos cabinets peuvent le constater. Eh bien! d’après l’auteur que nous analysons (p. \ li9 et 160), si l’on construit une pile sèche de vingt plaques alternées, zinc et cuivre, de six centimètres carrés, qu’on mette le plateau de verre en contact à l'une de ses extrémités avec le pôle positif de cette pile, et l’autre extrémité du plateau avec le pôle positif (sud) d'une boussole (page 108), il sera impossible d’électriser le verre en le frappant avec une peau de chat.
On voit par cette analyse où nous avons cherché à faire ressortir les principes nouveaux affirmés par M. de Morogues, que ces principes sont faciles à mettre hors de doute
pour celui qui est cloué des propriétés physiologiques favorables. Si l’auteur, qui possède l’organisation convenable, veut réellement faire triompher la vérité, qu’il se soumette à des expériences devant une commission compétente.
Que s’il objecte que les corps savants ont toujours refusé l’examen, nous lui répondrons que les temps sont peut-être changés, et qu’une tentative auprès de l’Académie des sciences a chance de réussite. Nous lui dirons de plus qu’à défaut d’académies, le public est aujourd’hui compétent.
Nous croyons que l’Athénée et quelques autres établissements lui ouvriraient leur salle, s’il voulait convoquer les corps savants, les sociétés magnétiques et les journalistes à des séances dont le programme serait convenablement rédigé.
Enfin nous ne doutons pas que la Société du Mesmérismi ne s’empresse de lui faciliter le moyen de faire des expériences publiques, s’il veut s'entendre avec une commission tirée de son sein pour.arrêter le programme des expériences.
A. PETIT-D'ORMOY.
PETITE CORRESPONDANCE.
Avis. — L'occupation excessive de plusieurs de nos collaborateur?, causée par l'épidémie régnante, a retardé la publication de ce numéro.
La notice sur le Dispensaire magnétique, qui devait être continuée, a été retardée par la même cause.
Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).
CLINIQUE.
A Monsieur te baron du Potet.
Mon cher maître,
11 y a peu de jours, je terminais la rédaction de quelques observations que je voulais vous envoyer, lorsque j’en ai été empêché par une indisposition subite, qui aurait pu devenir très-sérieuse si le magnétisme ne fût venu à mon secours.
Je me rétablissais à peine quand est survenu un surcroît de travail, causé par l’apparition de diverses maladies épidémiques et autres, qui sont venues visiter cette année notre beau pays du Languedoc, alors qu’aucun symptôme précurseur ne nous avait fait prévoir leur invasion soudaine ; car, personne ne l’ignore, notre département avait été toujours respecté par ces dangereuses influences, aussi jouissait-il d’une réputation de salubrité à toute épreuve, et les habitants vivaient dans une sécurité parfaite.
Ces grands fléaux qui affligent l’humanité, le choléra entre autres, n’étaient connus que de nom ou par le récit qu’en faisaient les voyageurs. Cette fois nous n’avons pas été épargnés, et sa visite inopinée au sein de nos familles est venue nous apprendre ce que nous ignorions encore.
Ce n’est pas que la ville se trouve tout entière aux prises avec ce redoutable ennemi, non; l’état général est au contraire assez satisfaisant; sauf pourtant quelques accidents, qui sont plutôt le résultat de l’influence atmosphérique ou des chaleurs excessives que les suites d’une épidémie cholérique franche.
Tout XUI. — 103. — 10 slimimbre 185*. 17
Malheureusement il n’en est pas de môme dans les environs de Toulouse ; quelques localités ont été cruellement ravagées, l’épidémie a frappé sans miséricorde certains endroits, tandis que d’autres, très-rapprochés, se sont trouvés préservés.
La maladie dont j’ai été menacé, et que je n’ai qu’incomplètement étudiée, puisque le magnétisme est venu l’arrêter à son début, était l’inflammation du rein (néphrite), bornée à un seul côté. Voici sur quels signes j’ai cru pouvoir établir mon diagnostic.
Après une marche forcée qui avait déterminé une transpiration abondante et une grande fatigue, je fus pris, vers la fin de la journée, d’un refroidissement dans tout le corps et surtout vers la région du bas-ventre ; j’avais pris néanmoins quelques précautions en changeant plusieurs fois mon linge de corps. Pour calmer une soif dévorante, j’avais pendant cette même journée avalé une grande quantité de boissons froides. — Cette dernière circonstance réitérée fut sans doute la principale cause du mal qui devait se montrer. En effet, le lendemain à mon réveil, je me sentis en proie à un malaise général, accompagné de frissons, et d’une douleur vague dans la partie droite de l’abdomen. J’essayai de résister, pensant que le sommeil de la nuit viendrait mettre un terme à tous ces désordres. — Mon espoir fut déçu, car sur la fin de la journée la douleur devint très-vive, elle s’exaspérait à la moindre pression ; toute la région postérieure était courbaturée , ce qui me mettait dans l’impossibilité de faire le moindre mouvement ; par dèssus tout cela, une céphalalgie intense et quelques nausées ; les urines en sortant étaient brûlantes et d’une couleur foncée.
Mon beau-frère, docteur en médecine, qui se trouvait en ce moment auprès de moi, me conseilla une application de sangsues sur le point douloureux, et des bains de siège émol-lients. — Je pris son ordonnance en bonne part, me promettant cependant de n’en rien faire, et je restai ainsi jusqu’au lendemain avec quelques cataplasmes émollients seulement sur le siège de la douleur.
J'appelai ma mère pour qu’elle vînt me magnétiser sans retard, car je sentais mes forces s’anéantir et le mal empirer. — Elle m’administra une bonne magnétisation, après laquelle je suai abondamment tout le jour; le soir elle réitéra son opération, la douleur se dissipa un peu. — Après la magnétisation du lendemain, plus de douleur, je passai une excellente nuit. — Deux jours après j’étais entièrement rétabli, grâce aux soins assidus et magnétiques que n’avait cessé de me prodiguer ma bonne mère.
Première observation.
Madame Barroux, quarante-deux ans. (Paraplégio.)
Je fus appelé auprès de cette dame, dans le courant du mois de juillet 1853, afin de la soulager, par l’application du magnétisme, d’une affection des plus graves dont elle était atteinte depuis trois années environ, et qui avait résisté à tous les modes de traitements employés jusqu’alors. Allopathie, homéopathie, système Raspail, électricité, eaux minérales, tout enfin avait été passé en revue sans qu’elle pût en retirer le plus léger bénéfice.
Dans le principe, la maladie avait débuté par une phleg-masie de la moelle épinière (myélite), et cinq ou six mois plus tard les membres inférieurs se paralysèrent. — Lorsque j’eus constaté les principaux désordres dépendants de cette ancienne lésion, et surtout la gravité des symptômes présents, je lui conseillai de suspendre toute espèce de médication ; car, à la suite du dernier traitement par la strychnine, la paralysie, au lieu de diminuer, semblait vouloir envahir tout le reste du corps. Pour la préserver d'une crise nouvelle, on venait de lui ordonner des applications nombreuses de sangsues et six à huit cautères sur le trajet de la colonne vertébrale. —C’est à ce moment qu’effrayée des tortures qu’on lui préparait, elle renonça aux prescriptions de la médecine pour se livrer uniquement à l’action bienfaisante du magnétisme.
Voici l’état dans lequel elle se trouvait le jour où je corn-
mençai le traitement. — Les membres inférieurs étaient entièrement paralysés ; parfois elle ressentait comme une sensation de fourmillement dans les orteils et dans les doigts; douleurs très-aiguës dans le milieu des cuisses, à leur partie interne et aux mollets, suivies de contractions violentes des muscles adducteurs ; insomnie presque continuelle ; fièvre peu prononcée.
Les fonctions ordinaires paraissaient se conserver assez bien. Depuis deux ans environ, elle restait constamment assise, ses membres ne pouvaient plus la soutenir.
Magnétisée une demi-heure tous les jours, du 18 au 22 juillet, elle parut insensible à l’action magnétique ; pas le plus léger phénomène ne se manifesta. Pu 22 au 24, les douleurs devinrent plus fortes, surtout pendant la nuit et en dehors des magnétisations. — Le 25, après un quart d’heure d’action , le calme reparut et la nuit se passa sans souffrances. Le 26, pendant que je la magnétisais, les membres inférieurs s’agitèrent vivement; ma main arrêtée au-dessus des genoux, les doigts dirigés en pointe, provoqua des contractions violentes que la malade ne pouvait empêcher de se produire malgré sa volonté bien arrêtée. Elle m’assura que les courants électriques qu’on lui avait administrés étaient bien moins sensibles que les courants magnétiques qu’elle venait de ressentir. — Du 26 au 30, les mêmes phénomènes se renouvelèrent sous la même influence. Des passes faites depuis le haut des cuisses jusqu’aux pieds lui firent éprouver un cornant très-fort qui remontait le long des jambes ; à peine ce courant était-il arrivé au bassin, que presque aussitôt les membres se contractèrent et, se pliant les uns contre les autres, vinrent, pour ainsi dire, se coller contre le ventre. — A ce moment les douleurs étaient très-vives, et malgré les pleurs el les cris de la malade, l’action n’en fut pas moins continuée. — Après l’avoir laissée quelques instants dans cette position, tout en cherchant à provoquer de nouvelles contractions, je pratiquai bientôt des passes contraires, et les membres démagnétisés reprirent leur position première. — Du 30 juillet au 2 août, tout en faisant re-
nouvelcr les phénomènes précédents, les douleurs cessèrent pour ne plus se montrer. La malade pouvait enfin se tenir debout sans demander le secours de personne, mais elle n'osait encore marcher sans chercher un point d’appui. — Peu à peu, et par un exercice de tous les jours, ses membres reprirent de la fermeté. Les crises qui se développaient pendant les magnétisations disparurent tout à fait vers le milieu du mois d’août, et la marche s’opéra sans difficulté et sans fatigue.
Depuis cette époque, elle entreprit un voyage qui ne m’a plus permis d'avoir de ses nouvelles ; mais je crois pouvoir affirmer que la guérison était presque radicale au moment où elle me quitta. — Son mari, que j’avais initié à la pratique du mesmérisme, a dû continuer quelque temps encore après moi, afin d’éloigner indéfiniment le mal et éviter par ce moyen une nouvelle rechute.
Deuxième observation.
Madame Bémory, Irento-cinqans. (Migraine, leucorrhée.)
Cette dame habite les Cabannes, petite ville du département de l’Ariége. Mariée depuis l’âge de vingt-un ans, sa santé n’avait jamais été altérée, jusqu’à l’époque où elle devint enceinte pour la seconde fois. — Les deux affections qui font le sujet de cette observation ne se déclarèrent que huit mois après son deuxième accouchement. Son premier enfant, qu’elle aimait éperdument, et qui était de sa part l’objet d’une prédilection particulière, lui fut subitement enlevé par une cruelle maladie.
Cette séparation inattendue la jeta: dans un trouble extrême , à tel point que sa raison parut un instant compromise. Depuis ce moment se déclarèrent de violents maux de tête, accompagnés de tremblements nerveux dans tout le corps, et revenant tous les jours sous forme d’accès. Cet état se compliquait de nausées,,de vomissements et d’uu besoin incessant de pleurer. Tous ces symptômes s'aggravaient,vers les époques critiques. L’écoulement sanguin n’avait plus lieu
et se trouvait remplacé par un écoulement blanc trè. abondant; elle ressentait vers les lombes des douleurs et des tiraillements qui la faisaient beaucoup souffrir.
Les médecins, appelés plusieurs fois en consultation, ayant toujours échoué dans leurs tentatives, conseillèrent en dernier lieu les eaux thermales d’Ussat et des douches froides sur la tête. Ces prescriptions, loin d’amener uu soulagement, ne servirent qu’à faire redoubler le mal d’intensité. C’e-.i, alors qu’elle fut conduite à Toulouse, chez une de ses ambs, où je fus appelé pour lui donner mes soins.
Quelques jours après son arrivée, il se déclara une bronchite aiguë avec coryza, conséquence naturelle des douches froides qu’elle avait reçues sur la tôte.
Je la magnétisai tous les jours pendant une demi-heure. Après la première magnétisation, des sueurs copieuses se déclarèrent et persistèrent deux jours entiers ; la bronchite fut presque arrêtée à son début.
Je continuai tous les jours de la même manière, ajoutant, comme auxiliaire du traitement, de l’eau magnétisée en boisson et en injection dans les parties sexuelles. — Sous l’influence de cette médication, la migraine n’existait plus après la vingtième séance, il ne restait qu’une légère sensation de picottement au sommet de la tête, dans le cuir chevelu. — Vingt-cinq jours plus tard, les pertes blanches se sont arrêtées, et les menstrues reparurent abondamment et aussi colorées qu’avant la maladie.
J. BÉGDÉ.
Toulouse, 25 septembre 1844.
Le jour des Cendres 1848, je fus appelé près d’une cataleptique, Mllc Estelle Taulet, de Berlaimont (Nord), qui était déjà depuis plusieurs jours dans un accès, sans qu’on pût l’en faire revenir par les moyens employés par la médecine ordinaire, qui avaient réussi jusque-là sur elle. Je la trouvai dans un état complet d’insensibilité, la respiration nulle. Le3 parents, réunis à l’entour de son lit, la croyaient morte. Cette fille, âgée de vingt-deux ans, d’une constitution très-forte,
Otait atteinte de cette maladie depuis trois ans; elle avait eu recours à tous les médecins des environs, sans succès; ses cûses devenaient de plus en plus fréquentes.
Voyant que les moyens employés ordinairement contre cette maladie n’avaient rien produit sur elle, l’idée me vint de la magnétiser. J’étais accompagné de M. le curé du pays. Je pris la main de cette fille sans que personne se doutât de ce que je faisais ; il peine sept minutes s’étaient-elles écoulées, que la malade ouvrit les yeux comme au sortir d’un sommeil calme et bienfaisant, et recouvra toutes ses facultés. Je proposai alors aux parents de soumettre leur fdle à un traitement magnétique, ce dont ils n’avaient jamais entendu parler, et le lendemain je commençai mes expériences, en présence de M. le curé du bourg, de M. le Dr Marie, médecin à Berlaimont, de M. Massot, pharmacien, et de beaucoup d’autres témoins. A la première séance, cette fdle tomba dans un somnambulisme complet, et me dit que je lui sauverais la vie et la guérirais, si je suivais bien exactement le traitement qu’elle allait se tracer, traitement qui a été suivi scrupuleusement. Sur sa prescription, je lui ai pratiqué quatorze saignées en quarante jours; sa nourriture n’était composée que de laitage et de légumes; elle s’ordonna aussi deux purgatifs et l’usage des pilules balsamiques de Staal ; je la magnétisai, sur sa demande, tous les deux jours ; à la deuxième magnétisation, elle me dit qu’elle n’aurait plus qu’un faible accès, quinze jours après, à une heure de l’après-midi, et que ce serait le dernier, ce qui est arrivé à la lettre, quoiqu’elle ignorât éveillée ce qu’elle avait dit dans son sommeil. Depuis cette époque, cette fdle, qui est très-impressionnable, jouit d une santé parfaite et n’a plus eu un seul accès. Ces faits eurent pour témoins les médecins et les notables de Berlaimont.
Hksm dubois, d. w. p.
Ex-sous-inspecteur des enfants trouvés des hospices do Paris, médecin de la Faculté de Paris et chirurgien dentiste à Valenciennes (Nord).
FAITS ET EXPÉRIENCES.
1° LES ESPIUTS.
Je n’ai point de mot pour caractériser cette faiblesse humaine, cette couardise des savants, de ces hommes qui reculent, par peur, devant l’examen d’un fait, quel qu’il soit, lorsque ce fait choque quelque peu la raison. Le monde est ainsi tenu en suspens, et les vérités les plus essentielles restent incertaines, l’appui naturel leur manquant.
Quand un phénomène nouveau se produit, il doit être non rejeté, mais vérifié et enregistré ; tant mieux si ce fait est du domaine mystérieux et semble toucher aux invisibles ; tant mieux s’il ressort de causes inconnues ; il ouvre un vaste champ à l’esprit de tous les hommes, et les recherches commencent
MM. les académiciens sont devenus les fossoyeurs de toutes les vérités morales; par eux le doute a pénétré dans les fimes les plus fermes, et partout le doux espoir d’une survivance de soi-même a cessé d’exister. La religion est morte, l’homme n'est plus qu’un animal mû par une sorte d’électricité; les croyances de nos pères, touchant la vie future, sont traitées de rêveries ; la force, aujourd’hui, est dans la négation de tout ce qui est vrai et le sera éternellement. Nous marchons dans la nuit ; et qu'importe ces merveilles de l’industrie, ces découvertes fécondes faites dans les arts ou dans les sciences physiques ! Est-ce que le principe mystérieux qui nous anime n’a pas ses destinées ? Est-ce que le vide que l’on fait autour de cette force inconnue qu’on appelle la vie, empêche celle-ci d’avoir une origine divine? Misère du temps présent, tu as besoin de toute l’opulence de l’industrie
pour cacher tes haillons; mais les plaies sont saignantes, et le sang et le pus passent à travers les plus riches étoffes !
Nous allons sans crainte aborder des phénomènes qui ressortent du magnétisme ; nous allons parler des esprits. — Loin d’être un mal, ce serait un bien si toutes les choses que nous allons raconter étaient vraies ; loin des’en effrayer, il faudrait au contraire bénir la Providence de les avoir fait surgir au moment où le feu des âmes s’éteignait.
Nos recherches se porteront sur tout fait mystérieux qui se produira, et plus tard nous nous servirons du flambeau de l’expérience pour en rendre l’explication facile.
Voici d’abord un premier article, extrait des journaux américains, sur ces nouveaux phénomènes.
Baron DD POTET.
Extrait des Journaux américains.
L’apparition du spiritualisme a été pour les États-Unis d’Amérique un événement de la plus haute importance. La doctrine de la communication avec les esprits au moyen des medium y fait de jour en jour de rapides progrès. C’est un curieux spectacle que d’observer ce peuple si positif, si sensé, si actif, si préoccupé des intérêts matériels, de le voir accueillir avec enthousiasme un système de mysticisme qui le met en rapport avec les êtres supérieurs à l’humanité. En France, le phénomène des tables tournantes et parlantes & occupé pendant quelque temps l’attention publique, mais généralement on n’y a vu qu’un passe-temps récréatif, un amusement de société. On a été étonné, on a cherché à expliquer les faits. Les savants, suivant leur habitude, n'ont commencé à s’émouvoir que quand ils ont été entraînés par l’opinion publique ; ils ont commencé par nier, ce qui est toujours plus commode; puis ils ont cherché à prouver que toutes ces merveilles étaient connues d’eux depuis longtemps et ne méritaient aucun examen sérieux : ce n’étaient que des bruits de tendons, des tours de ventriloquie, des vibrations, des mouvements instinctifs, etc. Bref, la conclusion fut que
tout cela ne méritait pas un examen sérieux. Et comme nous n’avons pas de plus grand plaisir que de nous moquer de nous-mêmes et de bafouer ce que nous avons admiré avec engouement, on ne tarda pas à rire des tables et des esprits et à les livrer à la colère des théologiens et aux sarcasmes du Charivari. En Amérique, au contraire, 011 s’est livré à de nombreuses expériences ; des hommes graves, des magistrats, des savants, des artistes n’ont pas dédaigné d’observer avec persévérance, et ils ont obtenu des résultats tellement prodigieux, que la raison en est en quelquesorte épouvantée. De tous côtés ont surgi des medium, c’est-à-dire des personnes douées du privilège de servir d’intermédiaire aux communications des esprits. Une partie considérable de la population se livre avec enthousiasme à la poursuite du merveilleux. De là une nouvelle église, dont le symbole de foi est encore loin d’être formulé d’une manière uniforme, mais qui a pour croyance commune le commerce avec les âmes des morts. Dans les villes d’une certaine importance, il s’est établi des associations spiritualistes dont les réunions forment une espèce de culte. Beaucoup de journaux sont spécialement consacrés à enregistrer les faits du spiritualisme, à discuter la doctrine, à publier les communications des esprits. On croit que ces manifestations vont régénérer l’humanité, transformer la politique, la religion et la constitution sociale. Au printemps dernier, les spiritualistes ont présenté au congrès de l’Union une pétition pour demander la nomination d’une commission scientifique chargée de vérifier et de constater les faits; les divers exemplaires de cette pétition , collés sur étoffe à la suite les uns des autres, ont composé une bande de quatre cents pieds de longueur, qu’on a roulée autour d’un cylindre ; le nombre des signatures s’élevait à vingt mille. Certes, 011 ne peut disconvenir qu’une telle démarche ne soit imposante, et les grands pouvoirs de l’État ont dû s’en émouvoir. Toutefois, nous pensons que dans un pays aussi libre que les États-Unis, où le gouvernement a le bon esprit de restreindre son action dans les limites les plus étroites, il n’y a pas lieu de faire intervenir
l’autorité pour donner une consécration à un système quelconque. Le gouvernement, qui est neutre entre les diverses religions et se borne à leur accorder également les garanties d’une bonne police, doit se garder de patroner une théorie scientifique quelconque ; c’est aux sectateurs à faire de la propagande comme bon leur semblera, en vertu de la maxime : laissez faire, laissez passer. Toutefois, en supposant (ce qui est probable) que le Congrès ne prenne aucune décision sur l’objet de la pétition des spiritualistes, leur proposition n’en aura pas moins eu pour résultat de mettre en évidence l'importance de la nouvelle secte. Ce qui le prouve encore, ce sont les cris d’alarme que jettent les anciennes églises, et particulièrement le catholicisme, qui voit dans la société spiritualiste un ennemi redoutable. Dans beaucoup de localités, les temples sont abandonnés, prêtres et fidèles ont déserté les vieux rites et ont embrassé la foi nouvelle. Il est du plus haut intérêt pour la science d’étudier ce mouvement intellectuel, et surtout de se rendre un compte exact de la réalité des faits qui y ont donné lieu. C’est dans 03 but que nous continuerons de présenter à nos lecteurs des extraits des journaux américains.
Le Télégraphe spirituel (Spiritual telegrap/i), qui se publie ù. New-York, est, si nous ne nous trompons, le plus ancien organe du spiritualisme ; il se recommande par l’abondance et la variété des récits, par la solidité de la discussion. Seulement nous signalerons un défaut, qui s’applique également aux autres feuilles, c’est que les narrations n’offrent pas la précision rigoureuse qu’on doit exiger du compterendu d’expériences scientifiques; il faudrait détailler minutieusement toutes les circonstances qui accompagnent les manifestations, de manière que le lecteur y voie clairement la preuve que les phénomènes ont été produits par des causes étrangères aux forces ordinaires. Néanmoins, nous reconnaissons que ce journal contient des matériaux très-précieux dont la lecture est extrêmement instructive. En admettant la réalité des faits qui y sont rapportés, il nous semble impossible de les expliquer par les lois connues, et l’on est amené
à admettre l'intervention d’êtres intelligents et surhumains.
Voici quelques extraits des derniers numéros que nous avons reçus :
On lit dans le numéro du 15 juillet une lettre de M. H.-S. Olcott, écrite de New-York :
d J’eus dernièrement une conversation avec un négociant distingué de notre ville; il me rapporta plusieurs exemples d’apparitions d’esprits, que je crois devoir vous communiquer. Le premier concerne un homme et une femme mariés, tous deux âgés, gens très-respectables, appartenant à la secte méthodiste. Une nuit, pendant qu’ils étaient couchés, ils éprouvèrent tout à coup une violente secousse et ils virent avec effroi la porte de leur chambre s'ouvrir lentement; puis entrèrent deux hommes portant un tréteau sur lequel était un cercueil noir avec une plaque d’argent portant une inscription ; ils y lurent le nom de leur fils, qui se trouvait alors dans l’île de Cuba, la date de sa naissance, son âge et le jour de sa mort. Les sombres porteurs appelèrent leur attention sur cette dernière date; et après que les deux vieillards eurent contemplé l'inscription, les deux hommes enlevèrent le tréteau et se retirèrent lentement hors de la chambre. Quand cette apparition eut cessé, le mari sauta du lit, courut à la porte qu’il trouva soigneusement fermée à clef; il l'ouvrit, descendit l’escalier, trouva la maison dans le même état que quand il était allé se coucher la veille, et la porte d’entrée de la maison était solidement fermée au verrou. Cet événement fit sur eux une si vive impression, qu’ils allèrent de suite consulter leur vieille Bible de famille, et au point du jour ils se rendirent chez le ministre pour lui demander des éclaircissements. Le révérend fut aussi embarrassé qu’eux, et les engagea à regarder tout cela comme l’effet d’une hallucination, et à faire de fréquentes prières pour empêcher le retour des attaques de Satan. Quelques semaines après, ils reçurent des lettres de Cuba qui leur annoncèrent que leur fils était mort de la fièvre le jour même où avait eu lieu l’apparition.
« Le second exemple est semblable au premier, et a été rapporté par le D1 Otton à une récente conférence. Un ministre, qui avait quitté son domicile pour un temps considé-jable, reçut la nouvelle de la maladie de son père. 11 était alors à se promener ; il revint sur ses pas, et, ayant environ deux milles à parcourir pour rentrer chez lui, il marcha
lentement, admirant la beauté de la nature au printemps; au moment où il faisait un détour pour prendre le sentier conduisant chez lui, il vit son père debout dans un champ le luzerne entouré de clôtures. Il s’avança vers lui pour lui prendre la main. Le vieillard sauta par dessus la clôture, emmena son fils avec lui, l’entretint de sa famille et lui dit beaucoup de choses qui lui parurent fort étranges. Le ministre remarqua que son père ava.it bonne mine, et il le crut parfaitement guéri. Quand ils arrivèrent près de sa maison, le vieillard s’arrêta et dit à son fils d’aller en avant et de
farler à sa mère. Lacère le rencontra sous le porche, à entrée; elle avait une contenance pleine de tristesse, et elle lui dit: a Mon cher enfant, vous venez de voir votre « père pour la dernière fois; il a été inhumé ircant nier. » Il assura que c’était bien son père qu'il venait de voir, et qu’il ne lui avait jamais paru en meilleure santé. Il lui lallui un temps un peu long avant de se convaincre qu il était réellement mort. .
« Je regarde le narrateur comme un homme très-vencti-que ; et, d’après des centaines de cas semblables, je ne vois aucune raison pour rejeter ceux-là. »
Machine inventée par les esprits. — M. Billings écrit de Palmer, comté de Hampden (Massachussett), que, le 2 mars dernier, le D1 R. Barrow étant mis en trance et obéissant à l’influence de Franklin, fit verbalement la description d’une machine à fendre les lattes, puis en dessina le plan. Ce dessin fut achevé avec une rapidité incroyable, sans aucun instrument de mathématiques, si ce n’est une règle et un crayon. Le tracé est d’une netteté parfaite, et les proportions sont parfaitement gardées. M. Billings a été chargé de l’exécution ; la machine fonctionne et remplit avec précision le but annoncé. Elle détache du bloc de bois une latte par seconde. L’usage en est utile et économique et épargne beaucoup de main-d’œuvre. Le correspondant ne doute pas que bientôt elle ne soit généralement appréciée et adoptée dans les manufactures. Il ajoute que le D' Barrow n’a aucune connaissance des arts mécaniques, et que dans son état normal il est incapable de concevoir la moindre idée de la construction d’une machine ou de tirer un plan quelconque.
Mode extraordinaire d’écriture. — M. Cory éci il de Wau-kegan la lettre suivante :
« Parmi les faits nombreux qui prouvent incontestablement la réalité de la communion avec les esprits, celui que je vais vous raconter n’est pas le moins curieux. Dans notre voisinage est une dame medium, nommée mistress Seymour. Quand elle est en (rance, elle a l'habitude d’écrire ses communications sur ses bras avec le bout d’un doigt, d’abord sur le bras gauche avec l’index de la main droite, et ensuite sur le bras droit avec l’index de la main gauche. L’écriture est illisible pendant quelques minutes, mais bientôt elle paraît en lettres fort nettes, qui peuvent être tout la fois vues et senties distinctement au toucher. Les lignes commencent par présenter une couleur blanchâtre ; bientôt après elles sont d’un rouge brillant, et il est aussi facile de les lire que des traces de craie sur un mur. Quand on les palpe, elles offrent au toucher la môme impression que les traces d’un coup de fouet, quoique le doigt en les écrivant ait glissé sur la peau avec une grande rapidité. A l’œil, ça faisait l'effet d’une brûlure ou d’un érésypèle. Les caractères demeurent distincts et lisibles pendant quinze à vingt minutes, sans causer au sujet de douleur ni de sensation désagréable ; les coideurs s’affaiblissent graduellement, en repassant par les mêmes teintes que lors de la production du phénomène, puis disparaissent; et la peau se retrouve alors douce, non colorée et dans son état naturel.
« Cette dame est aussi medium parlant; à la fin de chaque séance, elle donne habituellement le nom de l’esprit qui a parlé. Parfois elle répond aux questions par oui et non. 11 lui arrive d’écrire des communications qui couvrent toute la surface de ses bras, depuis les poignets jusqu’aux épaules ; ça forme deux ou trois lignes, qui souvent commencent à un bras et finissent à 1 autre. Rationalistes, sceptiques, croyants, tous sont confondus à la vue de ces merveilleux phénomènes. Comment les opérateurs invisibles modifient-îls un organisme vivant, de manière à se servir du doigt comme d’une plume, à employer le fluide vital comme une encre et la peau comme un parchemin ? M. Dode dira sans doute que c est une action du diable, ou que ce sont les résultats de la puissance involontaire de C esprit, des pensées inconscientes, des vibrations instinctives.... »
Faits étranges. — M. CuylerW. Young, medium, de Hal-cyondale (Géorgie), fait une longue narration des phéno-
mènes qu’il a produits; nous en extrayons les faits suivants :
« Quand des personnes prolongent pendant quelque temps le contact des mains sur une table de bois, non seulement la table devient électrisée, mais aussi la maison et l’atmosphère environnante et les personnes qui s’y trouvent ; et les esprits se servent de ces dispositions pour agir sur nous. Etant devenu medium, je fus en état de donner les distances d’un lieu à un autre, avec les longitudes et latitudes ; d’énoncer l’âge des personnes; de prédire les changements de temps, plusieurs années d’avance; d’indiquer les dates des batailles, des incendies, etc. J’ai publié ces prédictions dans les journaux du Midi, et elles se sont réalisées de point en point. C’est une chose bien connue dans toute la contrée.
« 11 m’arriva un jour d’appeler les lettres de l’alphabet. Une voix me dit : « Sors, et reviens. » J’obéis. A mon retour, je trouvai un morceau de papier bleuâtre, couvert d’écriture. Je le pris pour lire ce qui était écrit, A ce moment, je sentis la présence de l’esprit. J’éprouvai d’étranges sensations, des coups furent frappés avec force sur la table, sur le parquet, au plafond, sur les fenêtres, et j’entendis comme une multitude de personnes marchant au-dessus de ma tète dans la chambre supérieure, puis le craquement des mâts de navires et le mugissement du canon. Je lus alors le papier sur lequel étaient écrits ces mots : Dieu est Dieu, et je suis avec toi. Mes cheveux se hérissèrent, il me sembla qu’une tempête affreuse se déchaînait; j’appelai à grands cris mou domestique qui dormait. 11 accourut, entendit les bruits et fut consterné. 11 tomba à genoux et se mit en prières. Mon chien entra et fut enlevé à une hauteur de cinq pieds, puis lancé hors de la chambre avec une force capable de le tuer ; il resta gisant et immobile pendant dix minutes.
u Une nuit, j'étais seul chez moi. Je demandai à l’esprit : — Veux-tu m’envoyer l’esprit de ma cousine Suzane Jones, qui demeure à une distance de deux cents milles?
« La réponse fut affirmative. « A quelle heure?
« — A onze heures.
« Je me couchai pour me reposer un moment. Au bout de trois minutes, je vis l’ombre d’une personne qui se mouvait sur le parquet. J’éprouvai une sensation électrique, je tremblais et je me levai. Devant moi se tenait debout une jeune et belle femme : ce n’était pas ma cousine. Elle me dit qu’elle ne pouvait faire venir celle-ci. Je la regardai fixement,
et je crus voir dans ses yeux le regard et l’expression de ma cousine absente ; je suis persuadé que son esprit était dans cette femme et était poussé par la force du magnétisme à me faire visite ; qu’ainsi ma demande a été exaucée.
« Une autre fois, je demandai qu’on m’envoyât l’esprit de Marthe ***. Il fut répondu affirmativement, et l’on m’indiqua quatre heures du matin. Je me mis au lit. Après minuit, je rêvai que j’étais dans une ville ancienne. Un train de chemin de fer était prêt à partir. Une foule d’hommes et de femmes entraînaient de force Marthe. Ils l’enlevaient pour la mettre dans un wagon', quand j’arrivai. Dès qu’elle m’aperçut, elle jeta des cris de joie et me dit :
« — Sauvez-moi! accourez et protégez-moi contre ces « méchantes gens !
v J’approchai en toute hâte, mais les wagons s’éloignèrent avant que j’aie pu atteindre Marthe. Elle parvint à s’échapper, et en ce moment je me réveillai. Je sentis alors une vive sensation de brûlure à la paume de la main gauche, et je fus persuadé que c’était dû à l’esprit de Marthe, dont la visite m’avait été promise pour quatre heures. Elle dormait chez elle, mais son esprit était ici. J’entendis des coups violents et répétés sur les murs et sur le parquet; le bruit d’une tempête au dehors, des voix confuses. En ce moment, mon chien entra en courant et s’élança vers mon lit ; mais une main puissante et invisible le jeta à une distance de dix
Iiieds. Ma couverture fut enlevée. La sensation de brûlure à a paume de la main devint plus vive. Soudain une fenêtre B’ouvrit, et la voix de Marthe dit : a Bien, je suis ici. »
« Je me levai, m'habillai, allumai un flambeau, m'assis en m’écriant : a Dieu est Dieu, le bon esprit omniscient est présent partout. Merci pour tes manifestations !
« Alors j’entendis une musique délicieuse jusqu’à ce que le sommeil me reprit.
o J’écris mon récit par ordre et sous l’influence de l’esprit qui meut ma main et fait entendre une foule de bruits pendant que j’écris, n
Le Chrétien spiritualiste (Christian spiritualisf), journal hebdomadaire publié à New-York, est principalement consacré surtout à la discussion ; il contient des thèses de morale, il s’occupe surtout de l’amélioration du sort de l’humanité et du bien qui doit résulter pour elle du commerce avec
les esprits. Le numéro du '13 mai dernier donne les statuts d’une société formée pour la propagation de la connaissance du spiritualisme ; les membres se proposent d’offrir gratuitement, à tous ceux qui recherchent la vérité, des expériences concluantes, d’entretenir les medium les plus remarquables, de recueillir les faits, de publier un journal et des livres pour propager le spiritualisme, de tenir des réunions dans le même but, etc. Nous lui empruntons la lettre suivante :
« Voyageant dans l’État de l’Ohio, j’entendis parler de manifestations spirituelles qui avaient lieu à Dover, comté d’Athènes. J’étais sceptique, disposé à la raillerie; je m’attendais à être témoin de grossières jongleries et je me proposais de les démasquer. Tout au contraire, j’acquis la conviction que les manifestations étaient dues à une cause intelligente , et que cette cause était surhumaine. Voici ce qui m’arriva :
a Quand j’approchai de la maison qui m’avait été indiquée, je vis, près de l’entrée, dix ou douze personnes engagées dans une conversation ; elles étaient venues aussi pour observer, et elles avaient récemment entendu une homélie d’une durée de deux heures, donnée au moyen d’un medium, sur la tempérance. Je passai l’après-midi à examiner des papiers qu’on me présenta comme ayant été écrits par les esprits. Quelques-uns, me dit-on, l’avaient été dans une chambre fermée à clef, où il ne se trouvait personne; d’autres l’avaient été en présence de plusieurs témoins, sans C aide de medium, avec les procédés que je vais décrire ; d’autres au moyen de medium. C’étaient des discussions théologiques. Les esprits suivent méthodiquement un sujet et annoncent, une semaine d’avance, les matières dont ils traiteront. Ils avaient fait savoir qu’ils produiraient une grande manifestation pour la séance à laquelle je devais assister.
« A sept heures du soir, conformément à l’intention exprimée parles esprits, nous entrâmes dans la salle; il y avait environ vingt-cinq personnes ; à l’une des extrémités de la salle était une table, sur laquelle on plaça un tambour, un tambourin, une trompette d’étain de dix-huit pouces de longueur, un instrument de musique que M. Koons, notre hôte, appelle une harpe française, un triangle et d’autres instruments de musique. J’examinai tous ces objets pour m’assurer qu’il n’y avait aucune supercherie. On retira les flambeaux, et l’on mit sur la table assez de phosphore lumineux
pour que nous pussions voir ce qui allait se passer. Au bout de cinq minutes, un des morceaux de phosphore fut enlevé de la table et promené sur le plafond, puis nous vîmes une main ayant exactement la forme d’une main humaine, si ce n’est qu’elle n’avait que quatre doigts ; cette main saisit le phosphore, le frotta entre les doigts et la paume, de manière à rendre le tout parfaitement visible ; elle parcourut la chambre, au-dessus de nos têtes, avec la rapidité de l’éclair. Elle saisit une des baguettes de tambour, la transporta autour de la salle, en effleurant dans son passage nos mains et nos têtes. Quelquefois elle glissait sous nos pieds, puis elle s’élevait et allait frapper le plafond. Elle s’approcha ensuite du tambour et se mit à en battre aussi bien qu’un homme exercé à cet instrument, pendant que M. Koons jouait du violon. Elle joua ainsi du triangle et de la harpe française. Elle prit le lambourin et en battit tout en le promenant en l’air avec une extrême rapidité. Elle prit la trompette d’étain et s’en servit pour nous parler. Elle revint à la table, prit un crayon et écrivit une communication qui dura une minute et demie ; l’écriture couvrit la moitié d’une feuille de papier, sur les deux faces. La main mystérieuse se mut autour de l’assemblée, me secoua les mains, ainsi qu’à plusieurs personnes; la sensation que j’éprouvai fut celle du contact d’un corps froid et sans os. Enfin une voix nous dit : bonne nuit, et ce fut la fin des manifestations de cette soirée.
« Tels sont les faits dont j’ai été témoin. Aucune disposition particulière d’esprit n’est exigée de ceux qui y assistent. Croyants et sceptiques sont également les bienvenus. Les esprits eux-mêmes (si ce sont des esprits) sont fort raisonnables, et ne demandent pas qu’on croie à moins de preuves palpables; ils disent à tous ceux qui viennent ici :
« Vérifiez tout, et attachez-vous fortement àce qui est bien. »
a.-s. MORIN.
2° LUCIDITÉ. — PRÉVISION. — VUE A DISTANCE.
M. Th. Hedde (de Saint-Étienne), promoteur zélé de tout ce qui se rattache aux arts utiles et aux sciences physiques et même occultes, se trouvait à Bourg-\rgental, chez mon père, M. de Fogères, alors maire de cette ville.
En parlant des cures opérées par le magnétisme, mon père avait témoigné le désir de voir améliorer par ce moyen l’état de souffrance où se trouvait plongée depuis quelques
années une jeune fille de dix-huit ans, dont la tète se trouvait déviée par suite d'un refroidissement.
M. Hedde s’étant transporté dans la maison où habitaient les parents de cette jeune personne, ne tarda pas à reconnaître dans le frère de cette jeune fille, Tony Ferréol, âgé de dix ans, d’un tempérament lymphatique nerveux et affecté de somnambulisme naturel, une grande prédisposition à recevoir les impressions magnétiques.
A peine assis en face de son magnétiseur, cet enfant est plongé dans le sommeil somnambulique : il n'entend plus que son magnétiseur et les personnes avec lesquelles celui-ci le met en rapport. La sensibilité est abolie, néanmoins il perçoit la sensation d'une piqûre d'aiguille faite au magnétiseur, de même que la pensée non exprimée; il voit les maladies et indique les remèdes.
Sa sœur ayant été mise en rapport avec lui, il indiqua la cause de sa maladie, en suivit la marche et les progrès avec une étonnante facilité, indiqua les moyens-de la soulager et assigna le terme de la guérison, qui ne tarda pas à arriver vers l’époque qu’il avait fixée.
Au récit de ce qui se passait dans cette maison, des personnes du voisinage, affectées de diverses maladies, s’étant présentées pour consulter le jeune docteur, celui-ci les a toutes traitées, se permettant souvent des réflexions bien extraordinaires pour un enfant de cet âge, et donnant des conseils et des préceptes d’hygiène à chaque personne, suivant sa maladie et sa profession.
Ma famille ayant manifesté à M. Hedde le désir de voir reproduire dans une séance particulière les phénomènes magnétiques afin de les faire constater par quelques-unes des. principales notabilités de la ville, celui-ci s’empressa de se rendre à ses désirs. Les expériences devaient avoir lieu chez mon père, où se rendit un grand nombre de personnes.
Le jeune somnambule endormi au bout de quelques minutes, et sa figure prit le type séraphique le plus caractérisé.
Nous ne parlerons pas des expériences qui furent faites, soit pour constater l’insensibilité physique et la rigidité ca-
taleptique que le magnétiseur imprimait à volonté sur diverses parties ou sur la totalité du corps, qui recevaient instantanément le mouvement ou le repos, et presque la mort ou la vie ; soit pour faire reconnaître cet autre phénomène bien aussi curieux de la paralysie des sens ou de leur perversion, de manière que les odeurs les plus fortes n’avaient aucune action sur le magnétisé, et qu’il trouvait aux objets le goût et l’odeur que le magnétiseur ou les personnes mises en rapport avec lui leur assignaient.
M. Hedde s’attachait surtout à prouver dans ces expériences, — qui toutes, sans exception, furent couronnées d’un plein succès, —la vérité de quelques assertions du célèbre Deleuze et autres, que les facultés physiques et intellectuelles du somnambule augmentent plus ou moins considérablement pendant le sommeil magnétique, suivant l’aptitude du magnétiseur ; mais surtout cette autre assertion contenue dans la lettre d’un médecin étranger à 11. Deleuze, savoir : que lorsque deux somnambules de tempérament] et d’électricité différents pratiquent le magnétisme, le somnambule le plus fort obtient sur le second, placé dans des conditions favorables, un ascendant tel qu’il détermine en peu de temps les phénomènes lucides et extatiques les plus incroyables et dont on ne peut encore prévoir la portée, ces deux circonstances se présentant rarement dans la pratique du magnétisme, mais qui se trouvèrent réunies dans les expériences de Bourg-Argental.
En effet, M. Hedde, doué d’une imagination vive, enthousiaste au dernier degré de toutes les sciences physiques, et surtout du magnétisme qu’il pratiquait depuis assez longtemps, étant avec cela somnambule naturel, opérant sur un jeune somnambule naturel placé dans les conditions si favorables dont nous avons déjà parlé et ayant foi au magnétisme, à l’aide duquel il espérait soulager sa jeune sœur qu’il affectionnait beaucoup, l’enfant n’avait pas tardé à s’identifier entièrement avec son magnétiseur et à fournir tous les renseignements qui lui étaient demandés sur une foule de choses, non-seulement par M. Hedde, mais encore par toutes
les personnes présentes qui n’avaient jamais assisté à un spectacle aussi émouvant par son étrangeté.
Cette seconde séance était à peine terminée, que la foule des curieux et des personnes affectées de diverses maladies, attirée dans la rue et aux abords de la maison du jeune Fer-réol, ne tarda pas à faire connaître à M. Hedde qu’il n’avait rien de mieux à faire que d’accéder aux désirs de la foule et de retourner dans cette maison, où les malades furent placés en ligne pour être successivement examinés par le jeune somnambule.
Le sommeil instantanément obtenu par la simple apposition des mains sur le front, Tony fut mis en rapport avec chaque malade qui lui prenait la main. Les consultations De duraient guère plus de quelques minutes, et se faisaient toujours avec une douceur et une aménité qui ne se démentirent qu’une seule fois. Une jeune fille, qui avait une jambe plus longue que l’autre, s’étant aussi approchée du somnambule:
« Vous n’êtes pas malade, » lui dit-il; et comme celle-ci insistait pour être soulagée : « Avez-vous jamais vu, lui dit l’enfant, des écrevisses qui ont une grande et une petite patte ? Cela les empêche-t-il de marcher dans l’eau ?
— Non, lui répondit la malade.
— Eh bien, faites comme les écrevisses, et ne m’ennuyez pas davantage. Laissez approcher de moi les véritables malades. »
« Ayez confiance en Dieu et en la bonne Vierge Marie, priez bien votre ange gardien, » disait-il parfois aux personnes dont les souffrances les désespéraient. C’étaient surtout les anges gardiens qui paraissaient le préoccuper d’une manière plus spéciale. Interrogé par son magnétiseur, qui lui demandait d'où lui venait cette précieuse faculté de lire dans la pensée des personnes, de discerner les maladies et de répondre d’une manière si exacte à toutes les questions qui lui étaient posées :
« C’est mon ange gardien, placé à ma droite, qui me fait connaître ce que je dois dire ; c’est lui que Dieu a préposé
à ma garde. Chaque homme en a un comme moi ; mais il y a également un autre ange placé sur la gauche. La physionomie «lu premier, portant une tunique blanche, est douce et prévenante, il a sur le front une flamme ; tandis que la physionomie du second est dure, il paraît méchant et me fait peur : c’est le démon, c’est mon ange qui me le dit ! »
L’intérêt que les personnes qui avaient assisté à ces diverses opérations paraissaient y prendre, les engagèrent à donner dans la soirée du même jour une quatrième séance où furent convoquées toutes les notabilités civiles, militaires et ecclésiastiques de Bourg-Argental et des communes voisines, qui se rendirent en foule chez mon père. Le jeune enfant , accablé de demandes et de questions de tous genres sur la politique, la médecine, la religion, etc., ne resta jamais court. L’on était alors aux mauvais jours de la République, le communisme et toutes les idées les plus subversives étaient aux prises avec les partis conservateurs; les élections de mai 18A9 n’étaient pas encore terminées :
« Ayez confiance, disait l’enfant dans des moments d’indicible enthousiasme ; la France ne périra pas, Dieu la protège , et le moment de sa délivrance n’est pas éloigné. Le pape sera rétabli par les armées françaises; mais plus tard il y aura une grande guerre du côté des peuples barbares du Nord, m
Un des ecclésiastiques s’étant absenté à l’insu du somnambule, celui-ci indiqua qu’il était allé chez M. de Sablons, dans un grand salon.
Nous n’essaierons pas de rappeler ici toutes les questions qui furent adressées à l’enfant, ainsi que les réponses qu’il fit à chacun dans un langage convenable et avec une précision admirable. Parmi ces réponses, il en est une que nous ne passerons point sous silence. Consulté sur le magnétisme, il répondit que la pratique du magnétisme pouvait être agréable à Dieu, selon les circonstances où on l’employait; mais qu’il pouvait aussi, dans certains cas, être très-dangereux et préjudiciable à l’humanité; que, dès lors, il fallait ne l’employer qu’avec beaucoup de prudence, de moralité et
de précautions; car eu magnétisant une personne immédiatement après le repas, on pouvait lui donner la mort, en arrêtant subitement la digestion. Que la même chose pouvait arriver si on agissait sur le cœur, organe delà vie, et que le magnétiseur, opérant sur une jeune personne du sexe, pouvait abuser de la puissance que le magnétisme lui donnait. Qu’enfin il fallait que le magnétiseur chrétien, pour que Dieu bénît son travail, fit préalablement une prière au moment où il se mettait en rapport avec la personne qu’il se proposait de magnétiser. Cette prière ne devait durer qu’une minute. Il rappela celle qui avait été dictée à M. Hedde par un somnambule.
Quant aux remèdes que le jeune docteur prescrivait aux malades qui de tous les points de la ville et des hameaux environnants étaient venu» le consulter, ils étaient très-simples et peu coûteux , et surtout très-faciles à administrer; ils étaient de trois sortes : solides, liquides ou gazeux.
Solides, c’étaient des tissus de laine ou autres objets, tels que plaques ou boules de verre qui, après avoir été imprégnées du fluide magnétique, devaient être placées dans les mains ou sur les autres parties des personnes malades; c’étaient surtout les pieds des verres à liqueur qui se prêtaient le plus à cet emploi ; aussi les verres cassés ne suffisant pas, tous ceux qui se trouvaient chez les particuliers et les marchands de la ville ne tardèrent pas à être brisés. Le fluide magnétique imprégné sur divers objets ne tardait pas à déterminer sur les parties du corps une certaine impression de chaleur qui, à la longue, amenait une sensible amélioration dans l’organe malade, puis une crise favorable. Ces objets, une fois suffisamment imprégnés du fluide magnétique, ne le perdaient plus; ni le feu, ni l'eau, ni même les acides les plus forts ne pouvaient leur enlever cette propriété. On a essayé de magnétiser du papier qui, brûlé, présentait encore dans les cendres le fourmillement et le picot-tement à, la peau, indiquant la présence de cette électricité et de ce picottement reconnus dans le magnétisme.
Liquides, c’était plus particulièrement de l’eau, que les malades devaient boire et dont ils devaient faire des lotions, injections et applications sur les parties affectées. Cette eau paraissait avoir pour les malades une certaine saveur aigrelette que n’a pas l’eau ordinaire; elle était généralement employée en boisson pour combattre les affections de l’estomac ; en lotions pour les yeux, et en injections pour les oreilles.
Cette eau magnétisée pouvait se conserver des mois entiers , aussi en fut-il fait ample provision, car ni le remède, ni les ordonnances ne coûtaient rien.
Gazeux, c’étaient des fumigations sèches ou humides, produites par la combustion ou l’infusion de plantes et de substances aromatiques diverses, et entre autres du thym, du serpolet et du genièvre, auxquels on ajoutait parfois du benjoin et du sucre. Ces fumigations étaient appliquées avec succès pour les rhumatismes et les refroidissements.
Le jeune somnambule paraissait insister beaucoup pour l’usage des fumigations de plantes balsamiques et pectorales dans les maladies des bronches et de la poitrine.
Il donnait pour principale raison, qu’en faisant arriver dans le poumon un air mitigé par des fumigations aromatiques, les inflammations de cet organe pouvaient se modifier et la maladie disparaître au bout d’un certain temps.
Le l)r Bureau ReolMy, qui depuis longues années faisait à Paris des maladies de poitrine l’objet de ses études spéciales, a confirmé dernièrement les assertions du jeune somnambule , dans une lettre qu’il écrivit à M. Hedde quelque temps avant sa mort en Californie.
Quant aux fumigations énergiques et toniques, il les destinait plus spécialement pour les maladies de l’estomac ou pour les douleurs rhumatismales.
Lcdovîc de fogères.
VARIÉTÉS.
Itcviic «les Joiii-uanx. — Nous trouvons clans le Nouvelliste de Marseille une lettre très-curieuse que lui écrit, de Cadix, un Marseillais qui réside dans cette ville depuis plusieurs années. Nous reproduisons les détails qu’elle contient, en laissant à l’auteur la responsabilité des faits qu’il rapporte comme s’étant passés sous ses yeux.
« La ville de Cadix est en ce moment en grand émoi, en présence des faits extraordinaires qui s’y passent.
« Le choléra a fait, depuis l’invasion, de nombreuses victimes ; mais les habitants sont à l'avenir à l’abri de ses cruelles conséquences, grâce aux cures miraculeuses qu’opèreut à chaque instant des Indiens, des Malais, récemment arrivés des îles Philippines.
« Jusqu’à présent, tous les malades confiés à leurs soins ont été sauvés. Voici comment ils opèrent :
« Ils font coucher sur le dos la personne atteinte, et mettent à découvert la poitrine et le ventre ; puis, pratiquant d’une certaine manière, à eux seuls connue, des frictions sur ces parties du corps, ils finissent par faire arriver sous leurs doigts un petit corps rond , qu’ils amènent au centre de l’é-pigastre, et qu’ils pincent fortement comme pour l’écraser. Ce corps est ainsi maintenu jusqu’à ce que le malade ait dans l’estomac une tasse de thé qu’ils lui fout boire, et auquel se trouvent mêlées quelques gouttes d’une liqueur par eux composée. La guérison instantanée qui résulte de l’opération est si complète, que la personne guérie n’a plus, pour se remettre entièrement, qu’à se promener au grand air.
« Ces Indiens affirment que, dans des cas fort rares, deux de ces petits corps ronds dont il est parlé se manifestent au Üeu d’un, et qu alors le mal est incurable.
« La veille du jour oii j’écris (29 août), quatre-vingt-sept personnes confiées aux soins des Indiens, ont toutes été sau-
vées en présence de nombreux témoins. Il en est de même de toutes celles qu’ils ont traitées.
« Un individu qu'on portait sur un brancard l’hôpital, et qui était dans un état désespéré, a reçu dans la rue même les soins d’un des Indiens; en quelques minutes le miracle annoncé se réalisait en présence de la foule groupée autour de lui ; l’Indien a congédié son malade en lui disant : « Va-t'-en, tu es guéri, » et le brancard est retourné vide à l’hôpital.
« Dans une taverne, où il se reposait des fatigues de la nuit passée en visites, ce même Indien a guéri en quelques minutes une petite fille qu’on lui a apportée mourante et qu’on croyait perdue.
î Ces Indiens prétendent que le choléra, qui règne continuellement dans leur pays, est guéri en quelques instants par leur procédé, que, du reste, ils cachent avec grand soin.
« Ils expliquent la cause du mal par l’existence de petits vers qui s’attachent au cœur et proviennent du climat ; ils disent qu’ils les tuent en .écrasant le petit corps rond qu’ils font descendre de la région ducœur à l’épigastre.
u Si leur opinion est peu scientifique, leur zèle et leur désintéressement sont au-dessus de tout éloge : ils n’acceptent rien. Le gouvernement les a solennellement autorisés à visiter les malades atteints par l’épidémie. Ils sont au nombre de cinq, et l’administration a mis à leur disposition tous les moyens nécessaires pour qu’ils pussent multiplier leurs cures, qu’eux seuls savent opérer. »
Procédés magnétiques, restes de l’antique magie, c’est en vain que ces toucheurs cachent leurs secrets, tout magnétiste les devine à l’instant. Toucheurs, rebouteurs, charmeurs de serpents, toutes ces catégories de guérisseurs et de sorciers rentrent dans notre cadre. La tradition a conservé quelqu’une des pratiques occultes des anciens. La médecine, dans les temps passés, avait pour base la vérité que nous cherchons à réédifier; mais les préjugés sont si grands, si enracinés chez les savants, que c'est en vain que nous les convions à l'étude du magnétisme, ils restent froids et insensibles en présence du plus grand des maux, et le choléra dût-il revenir encore nous visiter, que nous les verrions tous cher-
cher dans des remèdes sans vertu ce que leurs mains et leur volonté pourraient déterminer.
11 faut donc faire pénétrer dans la multitude les pratiques magnétiques, apprendre à chacun les vertus que le corps humain renferme, afin que, sous les yeux mômes de tout médecin, la nature sollicitée, aidée, montre son empire et sa force.
N’est-il pas accablant pour la médecine de voir des char-latuns, des hommes à secrets, des gens enfin qui ne savent rien, réussir ou la science échoue? Si la réflexion venait un jour saisir la généralité des êtres, l’art serait à l’instant maudit, et il pourrait se passer encore ce que l’on vit autrefois à Rome, où, à la suite de désastres, les médecins furent bannis l'empire, et cette proscription dura deux siècles.
Nous parlons ici sans haine et sans passion ; mais nous ne pouvons pourtant sceller les bienfaits du magnétisme dans les plus grands maux, comme dans les plus petits, et voir sans frémir de crainte la science actuelle réduite à compter les victimes.
Baron DU POTET.
_Un dramatique événement vient de se passer dans une
maison de campagne située sur la route de Paris à Boissy-Saint-Léger, et appartenant à M. R..., l’un de nos principaux
négociants.
On avait depuis quelque temps constaté la disparition de plusieurs bijoux de prix, de pièces d’argenterie, d’argent même, et les indices recueillis témoignaient que ces vols, qui se renouvelaient au moins une fois chaque semaine, devaient s'effectuer pendant la nuit, et que le voleur devait posséder des fausses clefs, car jamais on n’avait vu trace d’effraction ni sur les serrures, ni sur les portes.
La surveillance exercée notamment par le sieur Pierre D..., concierge et jardinier de la maison, n’avait produit aucun résultat. 11 y a quelques jours arriva Julien D...., le fils du jardinier, employé dans une administration publique, et qui, ayant obtenu un congé, venait le passer chez ses parents.
On l'instruisit de ce qui se passait, et il résolut de percer le mystère.
La nuit du lendemain de son arrivée, il s’arma d’un fusil et alla se placer dans un escalier donnant accès daus l’intérieur de la maison, et il attendit.
Vers deux heures du matin, un brait léger de pas se fit entendre, puis bientôt Julien vit passer non loin de lui une forme humaine : « Qui va là? » cria-t-il. On ne répondit pas, Une nouvelle interrogation ôtant restée sans réponse, Julien dirigea son fusil vers l’inconnu, qui continuait sa marche silencieuse, la détente s’étant accrochée à un des boutons de son habit, le coup partit, et l’homme mystérieux tomba sur le parquet.
Quelques instants après, on reconnaissait le cadavre du jardinier. Le malheureux Julien venait de tuer son père.
Pierre D..., paraîtrait-il, était somnambule; il se levait la nuit, et comme il possédait les clefs de toute la maison, il lui était facile de s’introduire partout pour y commettre des détournements desquels il n’avait plus souvenance le lendemain. Tous les objets disparus ont été retrouvés dans un hangar, cachés sous un tas de paille.
Julien, en proie au plus violent désespoir, avait disparu. Le lendemain, des cultivateurs ont découvert son cadavre dans une mare des environs.
(Presse.)
— Une ouvrière couturière, sujette à des accès de somnambulisme, s’est, pendant son sommeil, précipitée par la croisée du troisième étage d’une maison rue d’Assas. Elle a été transportée mourante à l’hôpital de la Pitié.
(Pairie.)
€Iu’onl«inc. — Un élève de feu Ollivier, M. Ferdinand Rouget, fait imprimer en ce moment à Toulouse un Manuel du magnétisme, qui paraîtra vers la fin du mois d’octobre.
j. BÉGUÉ.
Le Gérant : HÉ DE UT (de Garnay).
i N 3 T1T U TIC M S.
Société lUHguétiijnc de Dnltlin.
Rien n’est plus satisfaisant pour les amis de l’humanité, que de suivre les progrès du magnétisme dans tous les pays civilisés. Cette science sublime, dont tant de gens en France persistent encore à nier l’existence, se propage avec une rapidité merveilleuse dans les trois capitales du royaume britannique. Nos voisins d’outre-Manche, venus après nous dans cette étude, nous ont devancés dans l’application : quelques extraits du compte-rendu de leurs travaux intéresseront sans doute nos lecteurs.
Le Dublin mesmeric association, fondé en 1852, a pour président le vénérable archevêque de cette ville, et compte dans son sein des hommes recommandables par leurs titres scientifiques et la haute position qu’ils occupent. La première réunion annuelle, tenue le 17 janvier 1853, dans le local même de l’institution, situé, 13, Anglesea Street, a été ouverte par une allocution de Mgr l’archevêque. Ce prélat a commencé par dire qu’en acceptant le patronnage de la Société, il savait qu’il encourrait le blâme et le ridicule; mais qu’il se croyait assez fort pour résister.
« Il fit ensuite remarquer qu’il était lui-même une preuve vivante de la réalité du mesmérisme, ayant été guéri d'un rhumatisme dont il souffrait cruellement depuis bien des années. Après qu’il eut employé les meilleurs ou les pires moyens de la médecine, on lui conseilla le magnétisme comme dernière ressource. En une seule semaine, la magnétisation le guérit complètement, et depuis il n’a jamais éprouvé de sérieux retours de cette maladie. Il se croirait ingrat envers Tome XII!- — N» tîMî. — 25 septembre 1351. 1S
la Providence, s’il négligeait d'apporter son témoignage en faveur de cette efficacité, et regarde comme un devoir de se mettre en avant pour protéger cette science naissante. Après quelques autres remarques sur l’importance du mesmérisme , et une critique des sophismes de ses adversaires, Sa Grâce exprima le regret que ses nombreuses occupations lie lui permissent pas d'assister à toutes les réunions du comité, mais déclara qu’elle serait toujours prête à l’aider de ses conseils, et espérait que son expérience, qui est assez étendue, pourrait être utile à l’association. »
Puis M. Iver Mac Doimcll, secrétaire honoraire, a fait son rapport sur la situation de la Société ; nous en extrayons ce qui suit :
« 11 y a bien peu de temps, le mesmérisme était inconnu ici, son nom seul était parvenu aux oreilles du public, et il était synonyme d’imposture. Un seul journal osait reconnaître la réalité de la science, la plupart la traitaient avec mépris , les autres 11e daignaient pas y faire attention. 11 ne se trouvait pas un homme qui osât s’en faire le champion devant les gens éclairés.
« Telle était la position du mesmérisme en cette ville, lorsque MM. üavy et Jackson y arrivèrent. Grâce à leurs savantes leçons, à leurs fréquentes expériences, en moins d'un an, il s’est trouvé un nombre suffisant d'adeptes zélés pour fonder une Société ayant pour but de faire connaître cette grande vérité et de 1 appliquer à la guérison des maladies. Convaincus par l’irrésistible évidence de faits indubitables, et pénétrés de l’importance de cet agent puissant, les fondateurs de la Société, profondément imbus de la responsabilité qu'entraîne une telle connaissance, et croyant que ce pouvoir extraordinaire sera tôt ou tard reconnu et proclamé, ont résolu de tenter une prompte réalisation des avantages qu’il promet. »
En conséquence, une infirmerie magnétique a été établie et des membres dévoués y ont prêté leurs concours. On a reçu tous les malades qui se sont présentés, et leur affiuence a été telle, que le comité s’est trouvé obligé de former des magnétiseurs des deux sexes et de les appointer. Plus de cent malades ont été traités et ont reçu environ mille magnétisations.
Parmi les guérisons, on cite des maux de dents et d’oreilles, des douleurs de tète, des rhumatismes, des surdités, des cécités, des cancers, des névralgies, des maux de hanche, des maux d’yeux, des entorses, des cas de paralysie, d’épilepsie, d’hypocondrie, de folie, etc.
On a admis les malades indistinctement, et tous ont été traités gratuitement. Mais l’accroissement des dépenses a forcé le comité de proposer un tarif basé sur l'état de fortune des malades, en maintenant pour les indigents seuls le traitement complètement gratuit.
A.-S. MORIN.
Dlspcnanire magnifique «le Paris.
Cette institution a été mise en activité au commencement de ce mois et donne déjà des résultats.
M. Capern, secrétaire de l’infirmerie magnétique de Londres, est venu passer une quinzaine à Paris; il a bien voulu assister aux premières séances, et a fourni de nouveaux renseignements à M. Hébert sur l’organisation administrative de l’établissement anglais, sur le modèle duquel le sien est en grande partie formé. Les détails de cette organisation, plusieurs fois ajournés, paraîtront en entier dans notre prochain numéro. Chacun alors pourra juger l’œuvre.
ARNETTE.
FAITS ET EXPÉRIENCES.
Nous recueillons une curieuse observation de catalepsie, non parce que les faits qu'elle renferme sont nouveaux, mais parce qu’elle vient ajouter un témoignage non suspect à tout ce que les partisans du magnétisme ont affirmé des merveilleux phénomènes présentés par le somnambulisme artificiel.
Nous sommes convaincu que la maladie qui a déterminé chez cette pauvre femme les accidents du sommeil, eût pu être guérie si on eût profité à temps des facultés somnâmbu-liques. Mais c’est en vain que la nature ici a fourni de précieuses indications : le médecin a peur, il craint de passer pour un magnétiseur, il redoute les commérages et ne veut point fournir une arme propre à combattre les erreurs de la médecine touchant le magnétisme.
Qu’eût fait un magnétiseur? Il eût complété le sommeil, interrogé la malade, sollicité une complète révélation. A coup sûr, la malade eût vu sa maladie et indiqué avec précision les remèdes dont il fallait user. Le fluide mystérieux du magnétisme eût fait sou office, en donnant la puissance qui manquait aux organes et rétabli les règles supprimées.
Les médecins aujourd’hui sont trop faibles pour parler de sorcellerie et de superstition, il y a dans la chose qu’ils méprisent des vérités d’un ordre trop élevé pour qu’ils comprennent tout d’abord. Habitués à nier ce qui ne tombe point sous leur sens, ils rejettent comme faux ou mensonger ce qui est vrai dans son fond. Leur inhabileté vient surtout de ce que leurs études ne sont dirigées que vers les choses physiques, tout ce qui est du domaine moral n’étant que peu ou point envisagé par eux.
Ce n’est pas ici le lieu de faire une dissertation sur ce sujet, il est trop vaste d’ailleurs pour être à notre portée. Bornons-nous à citer l’observation de notre antagoniste, et puisse la nature lui donner encore quelques bonnes leçons. Aussi bien, la semence d'un art bienfaisant et nouveau a été répandue sur cette terre, les desseins de Dieu protégeront son germe.
Baron DU POTET.
CATALEPSIE.
Parmi les maladies nombreuses qui affectent notre organisme, la catalepsie est une des plus rares, des plus extraordinaires par ses symptômes variés et nomhreux affectant les formes diverses de l’hypocondrie, de la manie ou de l’hystérie. Ici l’assoupissement d’un sens et la lucidité des autres, souvent l’anéantissement presque total de tous; là une contemplation extatique, une méditation profonde révèlent le trouble des facultés intellectuelles. En tout temps, la superstition crédule, le fanatisme aveugle ont cherché une explication à ces phénomènes étranges. Les partisans de Mesmer, de^nos jours, veulent trouver la leur dans l'influence d’un fluide mystérieux, du magnétisme animal. Malade, voilà la nôtre !
Nous considérerons la jeune fdle cataleptique qui fait le sujet de cette observation sous le double rapport du physique et du moral, dans son état de santé et dans celui de souffrance.
Marie X.... est née à la campagne, de parents vignerons; elle est âgée de vingt-deux ans. Sa constitution belle et forte, une figure colorée annoncent que jusqu’à cet âge sa santé a été bonne. Elle est pieuse et d’une conduite régulière. Sou’caractère, peur l’observateur, malgré un air de douceur et de timidité, se fait remarquer par beaucoup d'irrégularités qu’on pourrait appeler caprices. D’une gaieté quelquefois folle, ses pleurs, un instant après, coulent facilement^ sans cause connue ; sa vivacité fait souvent peine
à voir. Ilien ne peut la détourner du projet qui l’occupe dans le moment, et qui le lendemain sera sans attrait pour elle. Malgré une intelligence fine et déliée, elle est néanmoins confiante, crédule jusqu’à l’excès, pleine de superstitions, craignant les sorciers et les sortilèges. Elle jouit d’une grande facilité d’imitation ; mais nous reviendrons plus tard sur cette faculté, qui chez elle a produit des phénomènes fort curieux. Pour en finir avec son moral et montrer l’influence de l'hérédité, nous dirons que son père a donné à plusieurs reprises des traces frappantes d’aliénation mentale ; que sa mère est bonne, mais d’un caractère irrésolu et sans force; enfin, je ne parlerai pas de quelques proches parents dont les facultés morales ne feraient guère ombre à ce petit tableau ; j’ajouterai seulement, pour dernier trait caractéristique , que toute la famille avait vu dans la malheureuse maladie du père les conséquences d’un sort (c'est ainsi qu’elle s’exprime) qui lui avait été jeté par un berger voisin.
En mars 1845, notre jeune fille rompit avec ses habitudes des champs et entra au service d’une maison riche, possédant un personnel nombreux de serviteurs. Ses travaux, à peu de chose près, furent ceux d’une femme de chambre ; elle resta donc renfermée, occupée le matin à quelques soins de propreté, et passant ensuite une bonne partie de la journée à repasser ou à coudre.
Il y avait environ huit mois qu’elle remplissait le poste indiqué, lorsque les personnes qui l’environnaient remarquèrent que depuis quelque temps, un mois environ, le caractère de Marie, déjà difficile, était devenu d’une irascibilité extraordinaire. La plus légère observation, faite avec douceur, était toujours reçue avec humeur. Elle s’absentait sans permission, donnait des motifs variables de ses absences et menaçait fréquemment d’abandonner son service.
On remarqua aussi que depuis quelque temps elle mangeait d’une manière extraordinaire à ses repas, qu’elle emportait encore du pain pour le cacher sous son oreiller et le manger la nuit. On se rappela aussi que pendant tout l’été et l’automne elle avait mangé beaucoup de fruits, recher-
chant les plus acides. C'est vers cette époque qu'il faut placer un dérangement très-notable dans ses règles, qui, au lieu d'être périodiques, laissaient à peine un intervalle de quatre ou cinq jours, duraient de sept à huit jours pour cesser et reparaître de nouveau après quelques jours d’interruption.
A six heures elle soupait; après le souper, elle se rendait dans une pièce commune, dite lingerie, où se trouvaient constamment plusieurs autres personnes réunies là pour travailler et passer la soirée.
Le 8 décembre, à sept heures du soir, on s’aperçoit pour la première fois que sa main cesse de diriger son aiguille, que sa tête s’incline et qu’elle dort. On la réveille, on l’excite à aller se promener dans la cour. Le lendemain à la même heure le sommeil revient, puis après quelques minutes elle se met à causer tout bas. Les jours suivants cette envie de dormir est de plus en plus forte ; elle se répète à tout instant; on n'ose plus la laisser seule, parce qu’elle s'endort sans cesse, partout et même debout. Dans le sommeil, la loquacité est très-grande, et souvent elle se met à chanter. Le réveil est accompagné d'accidents si graves, le sommeil est si extraordinaire, qu’on juge nécessaire de me faire appeler.
Le 15 du même mois, à sept heures, Je me rends auprès d’elle. Je note que je suis parfaitement connu de cette jeune fille, la voyant souvent et depuis longtemps. A mon arrivée, je la trouve assise dans un fauteuil; sa pose est naturelle; sa gaieté vive se change souvent en tristesse ; elle parle constamment. Le pouls est presque naturel, mais un peu plein. L» respiration est régulière, les extrémités sont froides. Quand on presse l’épigastre, elle accuse plutôt du malaise que de la douleur. La main fait éprouver dans cette région quelque chose d’insolite. Les yeux sont fermés. J’ouvre les paupières; je vois l'axe de l’œil dévié et porté en haut.
Voici ce que me présente son physique. Je vais faire connaître une autre série de symptômes. J’étais instruit de tout
ce qui était arrivé depuis quelque temps. Placé près d'elle, je commence la conversation suivante :
« Bonsoir, Marie.
— Bonsoir, monsieur Bayard.
— Vous dormez ?
— Oui, monsieur.
— Depuis quelle heure?
— Depuis sept heures.
— Dormirez-vous encore longtemps?
— Jusqu'à huit heures.
— Quelle heure est-il maintenant ?
— 11 n’est pas encore sept heures et demie. »
Toutes ces réponses sont exactes; elle me reconnaît et prononce souvent mon nom. Je continue :
« Marie, réveillez-vous donc !
— Je ne le puis pas.
— Vous êtes souffrante ?
— Oui, monsieur.
— Où sont vos souffrances ?
— Au cœur.
— Qu’est-ce que vous éprouvez ?
— On me serre et on me déchire la chair. (Sa main, en même temps, se porte sur l’épigastre.)
—"Que faut-il faire pour vous guérir ?
— Oh ! monsieur, vous savez mieux que moi ce qui est nécessaire pour cela ; faites ce que vous voudrez, et faites pour le mieux. »
A toutes les questions qu’on peut lui faire, elle répond avec justesse, avec bonté, sans haine pour les personnes qu’elle n’aime pas, disant qu’il faut pardonner. Je dirai même que sa franchise et sa naïveté, jointes à ses principes religieux, dans ces malheureuses circonstances, semblent rehausser ses facultés intellectuelles. Je dois néanmoins dire que jamais elles ne me parurent excéder les bornes de l’intelligence que je lui connaissais. Je continue encore:
'« Que faisiez-vous avant que je vinsse?
— Je chantais.
— Voulez-vous chanter encore ?
— Je veux bien. »
On lui donne lin livre de cantiques, elle l’ouvre et chante une strophe. Je m'aperçois que ce qu’elle chante ne se trouve point sur la page ouverte. Je prends le livre, tourne le feuillet et le renverse ; elle le reprend avec vivacité, montre un peu de mauvaise humeur et commence la strophe suivante de son cantique, tenant le livre renversé. Sa voix est juste, mais elle s’affaiblit ; les notes en sont lentes, elles annoncent . une voix lointaine ou une respiration courte et qui s’éteint. Pendant qu’elle chante je prends du tabac dans une tabatière déposée sur la table, je lui en mets dans les narines sans l ien dire ; elle se fâche, me nomme par mon nom, disant que je lui ai fait respirer du tabac; (die éternue, se mouche et continue à chanter. Je l’interromps et lui dis :
c Vous avez assez chanté, et votre voix est fatiguée ; je vous engage à reprendre votre ouvrage de couture.
— Je le veux bien. »
Alors, adressant la parole à une dès personnes présentes !
«Donnez-moi, dit-elle, la serviette que j’ourle; donnez-moi mon dé, il est dans la poche de mon tablier, et mon tablier est sur le fauteuil auprès de la croisée; donnez-moi également le peloton de fil, il se trouve dans le panier qui est sur la commode. »
Tout ce qu’elle dit est très-exact. On lui donne les objets demandés ; elle retrouve facilement son aiguille, se met & son travail, attache son ouvrage à son genou au moyen d’une épingle, poursuit sa couture au point où elle l’a laissée, et la fait avec autant de régularité et d’aisance qu’en pleine santé et au grand jour; mais elle se plaint bientôt de la difficulté de son ouvrage, accusant la toile d’ètre trop dure : sa main, en effet, se ralentit; sa voix faiblit de plus en plus; on dirait que l’heure du réveil approche et qu’un autre ordre de phénomènes va apparaître.
« Marie, lui dis-je, il va être huit heures, vous allez vous réveiller ?
— Oui, monsieur.
— On voua conduira dans votre chambre, et vous vous coucherez ?
— Je le veux bien. »
Ces dernières paroles sont à peine articulées. Sa tûtc se penche plus profondément sur la poitrine. Sa figure est décolorée, elle est froide comme les membres; les lèvres en-tr’ouvertes laissent échapper une salive filante. Deux personnes la prennent sous les bras ; elle fait quelques pas, mais bientôt elle pousse un cri déchirant; ses jambes alors fléchissent, s’inclinent sur les cuisses, les cuisses sur le tronc, et le tronc entier s’affaisse, tous ses membres sont san3 mouvement, le pouls est à peine sensible ; un flacon d’ammoniaque promené sous les narines ne contracte nullement les muscles de la figure, elle est comme une masse inerte. J'insiste sur cette prostration absolue niée par quelques auteurs, mais à tort, suivant l’honorable professeur M. Forget. On lui plonge les pieds dans un bain chaud et fortement sinapisé ; ils y restent longtemps froids. On la met au lit, on la réchauffe avec peine ; sa figure s’anime enfin un peu et son pouls revient lentement, ses premiers signes sont un mouvement d’affaissement qui entraîne le corps au pied du lit, en même temps qu’elle pousse quelques cris affreux, pareils à des hurlements; je dis hurlements, car, les nuits précédentes, ceux qui couchaient dans les appartements voisins de sa chambre avaient cru ^entendre les hurlements d’un chien égaré rôdant dans la conr ou dans les corridors de la maison. Elle finit par s’endormir; son sommeil est fréquemment interrompu par les cris et les mouvements brusques du corps.
Pendant le sommeil, le sang lui coule de la bouche comme coulerait la salive ; seulement les bruits qui s'échappent de son estomac font croire que là est le siège de cette hémor-rhagie. Dans la nuit quatre serviettes en sont trempées. Quand-elle se réveille, elle n’a aucun souvenir de ce qui s’est passé dans son état cataleptique.
Le lendemain matin, je la trouvai assez tranquille, la figure un peu colorée et le pouls assez vibrant. Sans lui parler de ce qui s’était passé, je lui proposai une saignée, elle
y consentit ; je prescrivis en môme temps des pédiluves si-napisés, des boissons gommeuses, le repos absolu et l'éloignement d’une garde-malade dont la présence semblait la contrarier. Les symptômes diminuèrent. Le surlendemain, nouvelle saignée, eau de gomme, eau de veau et pédiluves. Le 19, eau de Sedlitz, ainsi que les deux jours suivants. Au bout de huit jours, un mieux très-sensible était survenu ; mais les envies de dormir n’avaient pas entièrement cessé. Je conseillai donc de la rendre à ses premières habitudes et de la renvoyer pour quelque temps dans son pays natal, ce qui eut lieu. Marie revient de temps en temps voir ses maîtres ;-à chaque visite, elle dit toujours qu’elle n’éprouve plus rien de fâcheux et qu’elle est guérie. Elle rentre dans son service un mois après son départ ; bientôt ses envies de dormir la reprennent. Elle va de nouveau chez ses parents, revient encore après six semaines de nouvelle absence; mais on s'aperçoit encore qu'elle n’est pas guérie. Elle quitte pour la troisième fois et définitivement sa place pour habiter depuis cette époque avec sa famille.
Cette maladie, que je considérai dès le principe comme un cas de catalepsie, me parut fort grave. Je craignis pendant longtemps pour cette infortunée une congestion cérébrale ou la folie. Les personnes qui en furent témoins virent là quelque chose d’extraordinaire. Dans son village on se rappela la maladie du père et les sorciers qui avaient jeté sur lui un sort funeste ; d’autres parlèrent de fureurs utérines, d’extase, de contemplation ou de magnétisme. On exagéra la lucidité de ses réponses dans son sommeil ; on répandit qu’elle lisait les yeux fermés, etc., etc. Je ne vis rien de semblable; j'éprouvai de la compassion, et fis ce qui dépendit de moi pour empêcher toute espèce d’éclat. J’avouerai même qu» je n’osai pas poursuivre ou répéter sur les sens de cette filiales expériences propres à m'en montrer toute la finesse, tout le développement nouveau ou leur insensibilité, craignant, dans ces circonstances affreuses et affligeant de nombreuses personnes, faire preuve d’un esprit plus curieux que bienveillant. Cependant je dis également avec bonne foi que je
ne crois avoir omis rien de ce qui est nécessaire pour diagnostiquer positivement celte affection.
J’ai parlé d'une faculté d'imitation qu’elle possédait à un haut degré. En effet, chaque fois qu’elle parlait de quelqu’un elle en prenait immédiatement le rôle; ses expressions, ses gestes, le timbre même du sa voix répétaient, rendaient et imitaient les expressions, les gestes et la voix de la personne qui l'occupait dans le moment. On souriait d’abord, attribuant cette imitation h un peu de malice de sa part ; mais bientôt, ainsi qu'elle l'avouait elle-même, on voyait que c’é-tait malgré elle qu’elle agissait de la sorte.
Voici un fait, que j'appellerai manie d’imitation, qui s’est passé quelque temps avant sa grande crise :
Après souper, à la lingerie, plusieurs personnes, comme je l’ai dit, se réunissent pour y passer la soirée. Parmi elles se trouve fréquemment un jeune homme, ex-militaire, qui, son travail de la journée terminé, vient dans cet appartement prendre quelque temps de distraction. Le visiteur est gai de son naturel, et un peu narrateur. Un soir la conversation tomhe sur les différentes professions, sur celle de savetier en particulier. Voici notre jeune homme qui, après avoir parlé du tranchet, de la poix, du tire-pied, etc., se met, pour parler vulgairement , à faire le savetier. Sa main, en guise de marteau, frappe la semelle sur son genou; sa bouche mouille les doigts, et ses bras s’étendent pour serrer les (ils cirés.
Marie est un peu éloignée et occupée de sa couture. Ses yenx voient les mouvements du savetier improvisé ; bientôt ses membres suivent en quelque sorte la même impulsion, son poing vient frapper par intervalles son genou, et ses deux bras s’allongent régulièrement; elle semble craindre qu’un de ses mouvements ne soit pas en harmonie avec ceux qu’elle imite : « Mon Dieu ! mon Dieu ! dit-elle, je suis en retard !... » quand ses deux bras ne sont pas arrivés avec autant de promptitude et aussi loin que ceux du jeune homme ; puis elle frappe avec plus de force son genou, et tire ses fils avec plus de rapidité.
Les personnes présentes s’aperçoivent de cette distraction, qui provoque des éclats de rire dans la petite réunion. Notre jeune fille se fâche un peu, se lève et sort. Au bout de quelque temps elle rentre. Le savetier recommence son travail, Marie l’imite encore. On rit de nouveau. Elle pleure et s’en va. Une troisième fois elle revient; "Le jeune homme ne continue qu'à demi son jeu ; mais n’importe le mouvement qu'il fasse, ce mouvement est toujours fidèlement copié.
« Marie, lui dit alors quelqu’un, vous voyez bien qu’il veut se moquer de vous. Pourquoi faites-vous comme lui?
— Mon Dieu ! répondit-elle en pleurant de nouveau, je ne puis m’en empêcher.
— Eh bien ! tournez-lui le dos. n
En effet, elle déplace sa chaise et lui présente le dos.
Malgré ce déplacement, ses yeux cherchent de côté à voir les gestes du jeune homme, et le geste imparfaitement aperçu est toujours répété par cette infortunée fille. Enfin le militaire se retira, comprenant que son absence seule pouvait faire cesser cette imitation, cause de tant d’impatience et même de larmes.
Mon nom est garant de l’authenticité des faits que je viens de rapporter, faits qui se sont passés sous les yeux de plusieurs autres témoins auxquels j’ai communiqué ce que je viens d’écrire, et qui, au besoin, comme moi, en confirmeraient la vérité.
Je me suis décidé à publier cette observation, qui fut adressée dans le temps à l’Académie de médecine, d’abord parce qu’elle est rare, et qu’ensuite, à l’époque où elle fut écrite, elle avait un intérêt de spécialité; le magnétisme animal cherchait beaucoup l’éclat. Mon but fut de signaler une maladie peu fréquente et extraordinaire, là où le vulgaire et les magnétiseurs voulaient voir autre chose, et de démontrer à certains esprits combien est grande la variété des symptômes d’une organisation souffrante. Un mot sur l’issue de cette maladie en dira plus que mes réflexions.
On n’a pas oublié les symptômes de douleur éprouvés par la pression à la région épigastrique, l’appétit bizarre et dé-
réglé et les hématémèses qui marchèrent avec la première crise. Rentrée dans sa vie première, j’eus occasion de voir cette fille plusieurs fois. Elle éprouvait un besoin impérieux d’être saignée fréquemment. Néanmoins elle disait sans cesse jouir d’une bonne santé ; mais ses traits ne sont plus si réguliers , sa fraîcheur disparaît ; il semble qu’elle a vieilli. Son caractère reste constamment empreint de mobilité et ses gestes conservent une vivacité qui me fait croire que, rendue à des habitudes sédentaires, elle ne tarderait pas à éprouver les accidents que nous venons de décrire. Insensiblement sa santé s’altéra, ses idées tournèrent à la mysticité; enfin, en 1851 elle succomba à un squirrhe du pylore.
A. BAYARD, B. H.
('Gazette des Hôpitaux, du 12 septembre.)
ÉTUDES ET THÉORIES.
Je publie cette histoire, ou plutôt ce roman sorti de la plume d’un écrivain qui probablement est tout à fait étranger à iy>rdre de travaux et aux recherches qui occupent nos pensées. Nous avons trouvé dans ce récit, dans cette création, ce que la vraie magie réalise. Et pourquoi ne le dirais-je point ? Je puis, il m’est possible de traduire en fait tout ce qu’il y a de plus merveilleux dans ce petit roman. Mon affirmation n’est point une vaine fanfaronnade, elle n'est point dictée non plus par le désir de faire parler de moi ou de faire croire à un pouvoir mensonger, afin d’en profiter.
Je dis ici ce qui est vrai, ce que je crois, et ma persuasion repose sur des faits. 11 est vrai que ces faits sont du moment, que ma magie n'est montrée que par accident, que les phénomènes produits ont été à l’instant même détruits; mais je puis affirmer encore que rien ne m’était plus facile que de les rendre inaltérables et d'en prolonger la durée jusqu’à la fin de la vie.
Sorcellerie, magie, diablerie, ne sont que des mots; la force déterminante des prodiges, l’homme la possède dans la main et dans la pensée; ce qui manque à tous, c'est le savoir, la manière de s’y prendre pour opérer, la résolution, l’empire sur soi-même, etc. J’admets donc toutes les histoires de sorcellerie comme probables sinon comme vraies ; car pour moi, je le répète, la puissance existe, sans que l’on sache d’où elle vient, quelle est sa nature, sa limite et sa fin. Je dis tout ceci sans trembler devant la science officielle ou académique, car elle est incapable de rien juger, de rien comprendre à tout cela, et nos savants sont d'une faiblesse exr-
trême quand il s’agit de faits de l’ordre moral. Leurs négations sont comme celles des enfants, elles n’ont pas plus de valeur.
Ne sachant rien de la vie ni des forces vives, notre monde savant, tout respectable qu'il soit, est incapable et infirme. Placez-le seulement devant un fait simple de magnétisme, faites tourner une table devant lui, il niera ou balbutiera. Prenez la fine fleur des corps savants, les Faraday et les Babinet, faites qu’ils prennent la plume, et leur ignorance des faits de nature deviendra manifeste.
Je ne sais si l’ignorance disparaîtra de la terre et si le cercle vicieux dans lequel nous tournons sans cesse sera franchi; mais ce dont je suis certain, c'est que le magnétisme est la plus sublime des découvertes et peut en devenir la plus perfide, et qu’avec lui tant de choses sont possibles, que ma raison en est à bon droit réjouie et en même temps effrayée. Personnalité, moi, for intérieur, libre arbitre sont des mots qu’il faut changer, car ils n’expriment que de fausses idées. L’humanité vit avec le mensonge, les croyances religieuses obscurcissent les intelligences au lieu de les éclairer ; comme la philosophie et la médecine, elles n’ont point fait un pas en avant, et la même somme de maux physiques et moraux existe sur le globe. La guerre, la famine et la peste, l’affreux suicide, le meurtre sous toutes les formes, l’adultère et la démence, tous les fléaux enfin, s’ils se sont modifiés dans leur forme, n’ont rien perdu quant au fond.
Dans les profondeurs du sommeil, on surprend même la perversité, le génie du mal combat à armes égales celui du bien; moi-même je ne sais en ce moment si je dois rire ou pleurer. Possesseur d’une force merveilleuse, je me réjouis; voyant à côté l’abus que l’on en fera, mes nerfs se crispent, et il n’est en la puissance d’aucun être de me donner une paix parfaite sans m’ôter la mémoire. Me souvenant des innombrables phénomènes que j’ai produits à la vue de milliers d’êtres, de cette vie déjà si longue dépensée à des œuvres de bien et à la poursuite de la vérité ; voyant l’indifférence bestiale de la science officielle en présence d'une découverte
qui transporte l'esprit jusque dans les régions de l’inconnu; vieux au moment où il faudrait naître, forcé de travailler quand mes organes exigent le repos, — je ne sais parfois s’il n'eût pas mieux valu pour moi l’erreur commune !
O Vérité, ta possession est un fardeau, car les jouissances que tu procures sont mêlées de trouble et d’inquiétude! Vous tous qui me suivez dans le champ de mes explorations, ne craignez point de me voir jeter le manche après ta cognée, votre vie, comme la mienne, a un but caché, mystérieux ; — vous obéissez sans le savoir à une force secrète. Si vous n’avez point les tourments de mon âme, c’est que d’autres soins, d'autres peines occupent vos pensées, et peut-être suis-je encore plus heureux que vous.
Vous doutez de la sorcellerie et de la magie! Ah ! c’est que vous n'examinez point autour de vous! Qu'est-ce donc que l’amour, si ce n'est l’ensorcellement ? Les religieux ensorcellent quelquefois leurs pénitentes sans le savoir ; n’a-t-on pas jadis brûlé pour ce crime plusieurs prêtres innocents? La folie est souvent due à une sorte d'ensorcellement, car.il ne faut qu’une pensée pour la déterminer. Nous tous qui nous croyons très-sains, nous n’agissons souvent que par les pensées et les volontés d'autrui. Pour tous ces maux, prêtres, médecins ou philosophes y perdent leur latin. Nous mettrons bientôt à nu leur ignorance.
L'art magique va revivre, laissons à la Providence le soin d’en faire sortir la honte des savants et le bien de l'humanité.
Baron DD POTET,
l’improvisateur.
..... La salle retentit de vifs applaudissements. Le succès
de l’improvisateur avait surpassé l’attente des auditeurs et la sienne propre. A peine un sujet lui était donné, que les grandes pensées, les sentiments profonds se reproduisaient sur ses lèvres, comme des évocations magiques, et se déployaient en vers majestueux. L’artiste ne réfléchissait pas une minute ; eu un clin d’œil, sa pensée naissait, parcourait
toutes les périodes de sa croissance et apparaissait revêtue de sa plus exacte expression. Forme ingénieuse, images poétiques, épithètes élégantes, rhythme harmonieux, tout apparaissait à la fois. C’était peu : on lui donnait deux ou trois sujets différents en même temps. L’improvisateur dictait l’un, écrivait l’autre et improvisait le troisième, — le tout en vers, — et chaque morceau était parfait dans son genre. Le premier excitait l’enthousiasme, le second arrachait des larmes et le dernier faisait éclater de rire. Et, au milieu de tout cela, l’improvisateur ne semblait pas s’occuper de son affaire; il causait et plaisantait avec ses voisins. Tous les éléments de la composition poétique semblaient être à sa disposition, comme les pièces d’un échiquier dont il se servait dans l’occasion avec une superbe indifférence.
A la fin, l’attention et l’admiration des auditeurs se lassèrent; ils souffraient pour l’improvisateur. Lui,- il était calme et froid. On ne remarquait pas en lui la moindre trace de fatigue; son visage n’exprimait pas la haute jouissance du poëte content de son œuvre, mais la vulgaire satisfaction du prestidigitateur qui vient d’éblouir une foule ébahie. Il voyait dédaigneusement couler les larmes et éclater les rires; seul il ne riait ni ne pleurait ; seul il ne croyait pas à ses paroles. Dans l'inspiration même, il avait l’air d’un prêtre sans foi qu’une longue habitude a familiarisé avec les mystères du temple. Le dernier auditeur n’était pas sorti de la salle que l’improvisateur se jeta sur l’argent recueilli à la porte et se mit à le compter avec l’avidité d’Harpagon. La somme était belle; l’improvisateur n’avait jamais fait si brillante recette; aussi était-il ravi.
Sa joie était bien pardonnable. Dès son enfance, la dure pauvreté l'avait saisi dans ses bras, comme la statue du ty ran de Sparte. 11 n’avait pas été bercé avec les chansons, mais avec les soupirs douloureux de sa mère. Quand sa pensée s’éveilla, la vie ne se montrait pas à lui parée de roses ; sa naissante imagination ne rencontra, pour l’accueillir, que le sourire glacé de l’indigence. La nature fut pour lui un peu plus généreuse que le sort. Elle lui donna la faculté
créatrice, mais elle le condamna à chercher à la sueur de son front l’expression de ses conceptions poétiques. Les journalistes et les libraires lui donnaient de scs vers un prix qui eût suffi Si le faire vivre à l’aise, si la composition du moindre distique ne lui eût pris un temps sans fin. Rarement, à ses heures d’inspiration, sa pensée, toujours voilée dans un nuage, arrivait à se dessiner nettement; si parfois cette étoile nébuleuse se montrait claire et brillante , c’était pour un instant, et il fallait au poëte d’incroyables efforts pour la ressaisir et la fixer quelque peu.
Ici encore le travail recommençait; l’expression fuyait par delà les mondes, les mots ne venaient pas ou venaient impropres , le mètre résistait; l’ennuyeux pronom s’attachait à chaque terme, l’interminable verbe s’embarrassait dans les substantifs, et la rime, la rime maudite n’arrivait qu’en compagnie de mots rugueux et discordants. Chaque vers coûtait au malheureux poëte quelques plumes rongées, quelques ongles mangés, quelques mèches de cheveux arrachées. Ses efforts étaient impuissants. Combien de fois ne voulut-il pas laisser là le métier de poëte et embrasser quelque bonne profession ! Mais sans en avoir tous les dons, il avait tous les défauts du poëte: cette passion innée de l’indépendance, cette incorrigible aversion du travail manuel, cette habitude d’attendre l’inspiration, et cette inaptitude radicale à la ponctualité. Ajoutez à cela l’irritabilité propre aux natures poétiques , un penchant naturel pour le luxe et un aristocratique instinct de distinction. Il ne pouvait ni traduire, ni travailler à la page. Et, tandis que ses confrères levaient de belles sommes d’argent sur la curiosité du public , par des compositions souvent fort insignifiantes, il se voyait universellement négligé par les libraires et les journalistes ; et le peu qu’il recevait pour des œuvres qui lui avaient souvent coûté des années de travail, passait en intérêts aux usuriers et n’adoucissait point la position perpétuellement besogneuse du pauvre Cipriano; — ainsi s’appelait notre poète.
Dans la ville qu’habitait Cipriano vivait alors un médecin appelé Ségélius. Trente ans auparavant il jouissait de la ré-
pu talion d’un homme instruit dans sa partie; mais il était pauvre et avait une si petite clientèle, qu’il résolut d'abandonner la médecine pour se livrer au commerce. Il resta longtemps dans les Indes, et revint dans sa patrie avec îles lingots d’or et une grande quantité de pierres précieuses. Il se fit bâtir une superbe maison, entourée d’un vaste parc, et prit de nombreux domestiques à son service. Ses anciennes connaissances remarquèrent avec surprise que ni les années, ni ses longs voyages dans les pays chauds n’avaient produit aucun changement en lui; au contraire, il paraissait plus jeune, mieux portant et plus frais. Ce qui ne surprit pas moins, c’est que les plantes de toutes les contrées de la terre croissaient et prospéraient dans son parc, quoiqu’il 11e leur donnât aucun soin particulier. Du reste, il n’y avait dans Sé-gélius rien d’extraordinaire ; c’était un homme de belle taille, d excellent ton, avec des favoris noirs. Ses vêtements étaient simples, mais élégants. Il recevait la meilleure société ; mais, pour lui, il ne sortait presque jamais de son vaste parc. Il prêtait aux jeunes gens sans intérêt, avait un bon cuisinier, les meilleurs vins, et aimait à rester longtemps à table. Il se couchait de bonne heure et se levait tard. En un mot, il menait une vie noblement aristocratique.
Ségélius n’avait point abandonné son étal de médecin, bien qu’il ne s’en occupât qu’avec répugnance et comme un homme qui n’aime pas à se déranger; mais quand il s’y mettait, il faisait des merveilles. Quelque graves que fussent la maladie ou la blessure, le malade exhalât-il son dernier soupir, Ségélius ne s’en mettait point en souci et n'allait pas même le voir ; après deux ou trois questions faites aux parents comme pour la forme, U tirait d'une boîte une petite fiole dont il ordonnait de faire prendre le contenu au malade, et, dès le lendemain, celui-ci était sur pied. Ségé-hus ne prenait rien pour ses consultations et ses remèdes; son désintéressement joint à sa merveilleuse habileté lui aurait attiré des clients de tous les coins du monde, s’il n’avait imposé aux malades des conditions étranges, bizarres; par exemple, de jeter une certaine somme d’argent dans la mer,
de faire une action rebutante, de brûler sa maison , etc. La renomm6e enchérissait encore sur ces singularités très-réelles et retenait les malades les plus désespérés. Aussi remarquait-on que, depuis un certain temps, personne ne venait plus le consulter. Une autre remarque qu’on avait faite encore, c’est que, si les consultants n’accomplissaient pas ses prescriptions , le malade mourait infailliblement. Il en arrivait autant, disait-on, à quiconque lui faisait un procès, disait du mal de lui, ou simplement lui déplaisait.
On comprend, après cela, que Ségélius dût avoir un grand nombre d’ennemis. Les médecins et les apothicaires étaient naturellement les plus acharnés et lui contestaient le droit d’administrer ses remèdes secrets ; les morts les plus naturelles furent mises sur le compte de ses empoisonnements. On ne s’en tint pas là; on incrimina l'origine de sa grande fortune et on l'accusa de la plus profonde immoralité. La clameur publique força la police à descendre chez le docteur Ségélius et à faire dans sa maison une perquisition sévère. Ses domestiques furent mis au secret et interrogés. Ségélius se prêta à tout, laissa le champ libre aux inquisiteurs, qu'il honora à peine d’uu regard, et se borna à sourire dédaigneusement de leurs recherches.
En effet, ces recherches furent infructueuses. On ne trouva dans la maison que des vases d’or, des pipes enrichies de diamants, des lits et des sièges d’une étonnante mollesse, des tables mobiles et à ressorts secrets, des meubles parfumés et recélant des instruments harmonieux. En un mot, la maison du docteur renfermait toutes les recherches du luxe et de la vie comfortable, mais rien de plus, rien qui pût éveiller les susceptibilités de la justice. Ses papiers ne révélaient que ses nombreux rapports avec les banquiers et les principaux négociants des quatre parties du monde. Des manuscrits arabes et des liasses de papiers écrits en chiffres excitèrent d'abord quelque défiance, mais on se convainquit, par l’examen, que ce n’était autre chose qu'une correspondance secrète de commerce, ainsi que l'avait annoncé le docteur. Bref, cette enquête justifia Ségélius sur tons les points
et tourna à la confusion et au détriment de ses ennemis, car il leur arriva malheur à tous.
Tel était l’homme étrange et mystérieux auquel, dans un accès de désespoir, alla un jour s’adresser Cipriano, notre malheureux poëte.
« Monsieur le docteur, lui dit-il en se jetant à ses genoux, vous voyez devant vous l’homme le plus infortuné de la terre. La nature m'a donné la passion de la poésie, mais elle m’a refusé le don des paroles et la faculté d’exprimer mes pensées. Je sens profondément, mais si je veux parler, les mots me manquent. Veux-je écrire, c’est pis encore. Ma souffrance est plus grande, je vous le jure, qu’aucune de celles que vous ayez jamais guéries. Se peut-il, 6 Dieu ! que vous m’ayez condamné à cet éternel supplice !
— Filsd’Adam, ditledocteur, —c’était son expression dans ses moments de gaieté; — fils d’Adam, voilà le privilège de ta race !... ne rien obtenir qu’à la sueur de ton front ! C’est le destin.... Cependant, ajouta-t-il après un instant de silence, je puis apporter remède à ton sort, mais à une condition.
— Toutes celles qu’il vous plaira de m’imposer, docteur; je consens à tout plutôt que de mourir à chaque heure.
— Tu n’as donc pas été effrayé de ce qu’on dit de moi dans notre ville T
— Non , docteur, car je ne puis avoir une situation pire que celle dans laquelle vous me voyez. »
Le docteur sourit.
« Je serai franc avec vous, continua Cipriano. Ce n’est pas la poésie seulement, ce c’est pas le seul amour de la gloire qui m’a conduit près de vous. Un autre sentiment plus
tendre.....Que je devienne plus habile dans l’art d’écrire,
que je puisse assurer mon existence, et Charlotte sera à moi. Vous me comprenez, docteur T
— Eh bien I voilà ce que j’aime, s’écria Ségélius ; je n’es* time rien moins que la franchise et la confiance entière. Avec nous, il n’arrive mal qu’à celui qui use de détours. Tu es, je le vois, un homme ouvert et vrai, et tu mérites d'en être rt-
compensé. Je consens donc volontiers à exaucer ta prière et à te donner la faculté de produire sans travail ; mais ma première condition est que ce don te reste à jamais.
— Vous voulez rire, docteur Ségélius.
— Nullement; je suis homme franc aussi, et ne veux rien avoir de caché pour ceux qui ont confiance en moi. Écoute et comprends-moi bien. La faculté que je te donne deviendra une partie de toi-même ; elle croîtra, mûrira et mourra avec toi. Y consens-tu ?
— Comment donc I sans aucun doute.
— Fort bien. Ma seconde condition est que tu verras tout, tu sauras tout, tu comprendras tout. Acceptes-tu ?
— En vérité, vous plaisantez, docteur. Je ne sais comment vous remercier : au lieu d’une faculté, vous m’en donnez deux. Comment ne pas accepter?
— Comprends-moi bien : Tu verras, sauras et comprendras tout ?
— Vous êtes le plus bienfaisant des hommes, monsieur Ségélius.
— Tu acceptes donc?
— Assurément. Voulez-vous un engagement écrit?
— Cela n’est point nécessaire: ta parole me suffit; une parole donnée ne se déchire pas comme un billet. Sache que, dans ce inonde, rien ne se perd, rien ne s’anéantit. »
A ces mots, Ségélius posa une main sur la tête du poëte et l’autre sur son cœur, et, d’une voix solennelle, prononça ces paroles :
« Reçois des sphères mystérieuses le don de tout com-u prendre, de tout lire dans le inonde, de parler et d’écrire u noblement, dans le genre plaisant et dans le genre sérieux, « en vers et en prose, pour le chaud comme pour le froid, n dans le sommeil et dans la veille, sur le bois et sur le sait ble, en joie comme en peine ,ret dans toutes les langues « de la terre. »
Ségélius mit alors un manuscrit dans la main du poète et le congédia.
Quand Cipriano fut sorti, le docteur éclata de rire et cria : « Pépé! mon manteau de Frise! »
Et, comme dans Freyschûtz, tous les panneaux de la bibliothèque répondirent par un écho diabolique : A hou! ahou !
Cipriano prit ces paroles pour un ordre donné par Ségélius à son valet de chambre, et s’étonna qu'un homme aussi élégant que le docteur portât un vêtement si commun. Il regarda par le trou de la serrure et vit une étrange chose. Tous les livres de la bibliothèque ôtaient en mouvement. De l’un des manuscrits sortit le chiffre 8, de l’autre la lettre arabe alcph, d’un troisième le delta grec, et ainsi de suite. A la fin, la chambre fut remplie de lettres et de chiffres animés qui se courbaient, s’étendaient, se resserraient convulsivement, dansaient, sautaient sur leurs pieds inégaux et tombaient sur le parquet. Les points, les virgules et les accents tournoyaient au milieu de la bande comme les infu-soires vus au microscope solaire, et un vieux volume chal-déen battait la mesure de la danse infernale avec tant de force, que les vitres en tremblaient d'effroi. Cipriano se sauva.
Quand il se fut uu peu calmé, il ouvrit le manuscrit de Ségélius. C'était un gros rouleau écrit de haut en bas en caractères inconnus. Mais à peine Cipriano y eut-il jeté les yeux, que, éclairé par une lumière supérieure, il comprit la mystérieuse écriture. Là étaient énumérées toutes les forces de la nature, et la vie systématique du cristal, et la libre fantaisie du poëte, et les oscillations magnétiques du globe, et les passions des infusoires, et les lois uerveuses des langues, et les détours capricieux des rivières. Tout lui parut disposé dans une progression mathématique : les choses de la pensée comme celles du cœur. Cipriano vit à nu la création et le haut mystère de la conception ; la naissance des pensées lui sembla chose facile et vulgaire; il y avait pour lui comme un pont merveilleux jeté sur l’abîme qui sépare les penséps de. l’expression, — et il parlait en vers !
Nous avons vu, au commencement de ce récit, les prodigieux succès de Cipriano dans son métier d'improvisateur.
La première fois qu’il réussit d’une façon si étonnante, il rentra chez lui le cœur gai, la bourse pleine, mais un peu fatigué. Ayant pris un verre d'eau pour se rafraîchir, il s’arrêta avant de le porter à ses lèvres. Ce n’était pas de l’eau que le verre contenait, mais quelque chose d’affreux et de repoussant. Deux gaz en lutte le remplissaient et des myriades d’insectes microscopiques y nageaient. Cipriano se verse un autre verre : c’est le même odieux mélange. Il court à la source ; de loin elle roule ses Ilots purs et argentés, mais de près c’est encore un affreux liquide plein d’insectes grouillants. Le malheureux improvisateur frissonna, son sang se glaça; dans son désespoir, il se jeta sur le gazon, chercha dans le sommeil l’oubli de sa souffrance. Mais à peine se fut-il couché qu’à son oreille retentirent des grincements , des coups, des sifflements, comme si des milliers de marteaux avaient frappé sur une enclume, comme si des chaussures ferrées s’étaient traînées inégalement sur des tas de pierre, comme si des râteaux de fer avaient gratté une surface douce et polie. Il se leva et regarda. La lune éclairait son jardin ; l’ombre de la grille tombait silencieusement en bandes sombres sur les feuilles des arbrisseaux. Tout était calme, silencieux. 11 se recoucha, et le bruit recommença aussitôt. Cipriano ne put dormir et passa la nuit sans fermer l’œil. Le matin, il courut chez Charlotte pour lui confier sa joie et sa tristesse, et trouver le repos auprès d’elle. Charlotte, qui avait appris ses succès, l’attendait avec impatience; elle s’était parée, avait tressé des rubans roses dans ses beaux cheveux blonds, et se regardait avec une coquetterie innocente dans son miroir. Cipriano entre, court à Charlotte en souriant et en lui tendant la main ; mais tout à coup il s’arrête en fixant sur elle des yeux effrayés.
Et il v avait de quoi ! A travers les vêtements et les chairs, il voyait l’artère triangulaire que nous appelons le cœur battre dans la poitrine de la jeune fille ; il voyait le sang en sortir, jaillir jusqu’à la racine des cheveux et former ce tendre incarnat des joues qu’il avait tant aimé. L’infortuné! dans ces yeux si beaux et si pleins d’amour, il ne trouvait
plus qu’une sorte tle chambre obscure, avec une membrane réticulaire et une goutte de liquide ; dans cette démarche si gracieuse, que le jeu d’un mécanisme ingénieux. Hélas! Charlotte n’était plus pour lui cet ange de la terre, l'objet de ses pures aspirations. Ce n'était plus à ses yeux qu une préparation anatomique. Cipriano s’enfuit avec eiïroi.
Non loin de là se trouvait une madone à laquelle Cipriano avait eu bien des fois recours dans ses moments de désespoir, et dont l’harmonieuse figure l’avait toujours ravi et apaisé. 11 tomba à genoux devant l’image sainte et pria. Mais à peine eut-il levé les yeux, qu’elle disparut pour lui. 11 n’y avait plus là de tableau pour les regards trop pénétrants de l’improvisateur, mais de la toile et des couleurs confondues, et l’œuvre de l'artiste ne s!offrait plus que comme un amalgame chimique.
Comment dire tout ce que Cipriano souffrait? La vue, l’odorat, le goût, l’ouïe, tous les sens avaient acquis chez lui une désolante finesse. Un insecte, une poussière imperceptible et qui n’existait pas pour le reste des hommes, devenait pour lui une cause de souffrance et lui ôtait la paix. Le frôlement de l’aile d’un papillon déchirait son oreille. 11 voyait, comprenait tout; mais entre lui et les hommes, entre eux et la nature, il y avait toujours un abîme. Rien dans le monde ne s’harmonisait avec lui.
. Voulait-il s'oublier lui-mème en se livrant à une grande œuvre poétique, s'enfoncer dans les profondeurs de l’histoire ou assoupir son intelligence dans le labeur de quelque système philosophique, c’était en vain ; sa langue balbutiait des mots, mais sa pensée lui présentait tout autre chose.
Sous le vernis de l’expression poétique, il découvrait tous les artifices du métier de poëte. Dans les vues consolantes, dans l'éternel progrès que l’histoire déduit des événements, il ne voyait qu’un arrangement arbitraire des faits. L’invention d’un système de philosophie n’était, à ses yeux, que le désir de dire du nouveau. Pour lui, il n’y avait plus de musique ; les majestueux accords de Haydn ou de Mozart ne le frappaient que comme un phénomène physique, comme un
ébranlement particulier des molécules de l’air. Voyait-il réunis dans un cercle intime des parents ou des amis, il lisait aussitôt dans leur cœur les mauvaises pensées, les coupables desseins qu’ils nourrissaient les uns contre les autres.
Cipriano en devint fou. 11 quitta sa patrie pour essayer de se fuir lui-même, et parcourut les contrées étrangères; mais partout il continuait, comme par le passé, à tout voir et à /oui comprendre.
Cependant il n’avait point perdu le don fatal des vers. Si la cruelle faculté de tout voir et de tout comprendre sommeillait un instant, la passion des vers reprenait aussitôt, et les stances coulaient de ses lèvres comme l'eau d'une fontaine. Avec quel amer regret il se rappelait ce temps de douce souffrance où l'inspiration lui venait rarement, où les objets ne lui apparaissaient que sous une forme douteuse, ondoyante, et dans une lente succession ! Aujourd’hui les voilà devant ses yeux, les voilà tous simultanément et dans leur triste nudité ; puis, d’un autre monde descend incessamment sur sa tôte, comme un long baiser d’amour, l'essaim bourdonnant des inspirations poétiques....
Longtemps Cipriano erra de contrée en contrée, et le besoin le força souvent de recourir au don d'improvisation que lui avait fait Ségélius. Ce don fatal lui procurait le superflu et toutes les jouissances matérielles; mais chacune de ces jouissances recélait un poison dont l’atteinte se faisait sentir plus vive après chaque succès. A la fin il résolut de ne plus user de cette faculté déplorable, de l’étouffer, de l’anéantir, d’en acheter la perte au prix de la misère et de la faim. Mais c’était trop tard ! Dans cette lutte acharnée contre lui-même, Cipriano se brisa; l’édifice de sa raison s’écroula; les liens délicats qui unissent les éléments mystérieux de la pensée et du sentiment furent rompus. 11 ne lui resta plus ni sentiment, ni pensées, mais des vertiges de sensibilité, des débris d'idées qu’il revêtait encore de paroles confuses que lui-même ne comprenait pas. La faim, la misère avaient épuisé son corps. 11 erra longtemps, vivant de la charité publique, et ne sachant lui-même où le portaient ses pas.
Je le trouvai, un jour que je voyageais à travers les steppes, dans la maison de campagne d’un petit gentilhomme, ou il faisait le métier de fou. 11 portait un kaftan d’étoffe grossière serré aux reins par une ceinture de laine rouge, et marmottait sans cesse des vers dans une langue incompréhensible et composée de tous les idiomes du monde. Il inc raconta lui-même son histoire ; il se plaignait amèrement de sa pauvreté, mais surtout de n’être pas compris, et d’être battu chaque fois que, dans un accès d’inspiration poétique, - il écrivait, faute de papier, ses vers sur les tables et sur les murs. Mais ce qui l’affligeait plus que tout le reste, c’est qu’on se moquât du seul doux souvenir que n’eussent point détruit les dons pernicieux de Ségélius — ses premiers vers à Charlotte.
ODOËVSKY.
(L’Union du 30 juin).
Le Gérant : IH'.lilCIU (de Garnay).
ÉTUDES ET THÉORIES^
LA 'VOYANTE DE PREVORST.
Introduction.
Nous avons deux existences : l'une externe, dans notre cerveau, lequel reçoit nos sensations seulement pour les transmettre ; l’autre interne, dans le plexus de notre estomac, lequel éprouve ces sensations de plaisir ou de douleur à lui transmises par le cerveau et les note de façon à pouvoir, par la suite, sans son secours, c’est-à-dire instinctivement , ou les chercher ou les fuir !
L’âme, ou principe immatériel de la vie interne, est donc dans le plexus. Le cerveau n’est qu'un agent matériel qui sert à la mettre en communication avec les objets extérieurs tout le temps qu’elle est liée au corps. Plus nous nous recueillons en elle et l’isolons des impressions qui lui viennent du dehors par le cerveau, plus nous sommes sensibles à l'harmonie et aux jouissances qu’on appelle de l’àme. Heureux quand nous n’attendons pas le malheur ou les derniers instants de uotre existence sur la terre pour nous recueillir ainsi :
« Toute ma vie, disait au D' Kerner un ami arrivé à ses derniers instants, me semble se réfugier dans les cavités de mon cœur. Je ne sens plus rien ni de mon cerveau, ni de mes bras, ni de mes jambes ; mais je vois des choses ineffables que je n’ai jamais vues. C’est une vie nouvelle. »
11 suivrait de là que la mort, en tuant le cerveau, affranchit l’âme qui réside dans le plexus et en qui toutes les impressions de ce monde sont gravées, en sorte que l’expression souvenir devient trop faible pour rendre l’intensité de la con-
Tovb XIII. — — 10 OCTODBE 185*. 19
science qui veste aux morts, d'eux-mêmes et Mes êtres a\ec lesquels ils ont été en relation dans ce monde. Pour jouir de cette liberté de l’âme, ni la mort, ni le sommeil ne sont nécessaires. L’homme a la faculté de l’acquérir à force de se concentrer en lui-môme. Le monde interne s’ouvre à. celui qui se retire du monde externe. Malheureusement, tous tant que nous sommes, nous n’y pensons, non plus qu’à Dieu, avec qui nous pourrions peut-être nous mettre ainsi en rapport, que lorsque nous sommes malheureux !
La placidité de la plupart des martyrs chrétiens, au milieu des plus atroces souffrances, est une preuve frappante de cette double vie, et de la possibilité pour l’àme de se séparer du cerveau avant la mort.
Citons des exemples plus récents :
En 1461, à l’époque où les hussites furent le plus persécutés, un des plus pieux de ces sectaires, appliqué à la torture, à Prague, perdit tout sentiment de douleur : les valets de bourreau, le croyant mort, le descendirent de la claie et le laissèrent sur la place. Il revint à lui quelques heures après, et, tout surpris, tant le sentiment des faits extérieurs l’avait quitté, des stigmates que portaient ses membres, il raconta un rêve qu’il avait eu pendant son supplice : il s’était vu au milieu d’une verdoyante prairie, dans laquelle se trouvait un arbre couvert d'oiseaux. Un jeune homme gouvernait ces oiseaux avec une baguette, et trois autres hommes, dont il dépeignait les traits, semblaient lui servir de gardes. — Trois personnages, ressemblant trait pour trait à ceux décrits, furent nommés quelque temps après custodes du consistoire de Prague.
En 1639, une pauvre veuve nommée Lucken, accusée en Franconie d’être sorcière,et mise à la torture par ordre delà faculté d’Helmstaedt, parla le plus pur allemand, pendant que ses jambes étaient brisées par les brodequins, elle qui n’avait jamais su qu’un mauvais patois ; fit entendre ensuite plusieurs phrases d'une langue tout à fait inconnue, et finit par s’endormir de telle façon qu’on la crut morte. La langue inconnue était apparemment celle d’un autre monde.
Il est possible tic mettre certaines personnes en cet état par l’action du magnétisme. Cette action débarrasse l’àme du plomb tle la sensibilité, mais il serait sage de ne l'employer que comme moyen curatif et dans les cas désespérés. Les anciens la réservaient aux chefs religieux ou politiques, et se sont toujours gardés d’en répandre la science dans les masses. Ils n’employaient pas seulement à la fortifier le laurier et les fumigations, ils se servaient aussi d’une pierre magnétique appelée (espèce d’ocre de fer).
Jeunesse de lu voyante.
Le village de Prevorst est, dans le royaume de Wurtemberg , à 1879 pieds au-dessus du niveau tle la mer. 11 est entouré de bois. Au commencement de ce siècle, il s’y rencontrait peu tle malades ; mais, chose rare chez des hommes forts, ils avaient presque tous, dans leur jeunesse, de fréquentes attaques de nerfs. La danse de Saint-Guy était parmi les enfants à l’état d’épidémie. Ils annonçaient d’avance qu’ils allaient en être pris, et la dansaient tous en mesure, après quoi ils ne se souvenaient plus de rien. — Les adultes se guérissaient mutuellement. Beaucoup d’entre eux étaient aptes à découvrir des sources à l’aide de baguettes de coudrier.
Là naquit en 1801, de parents très-simples, à l’un desquels toutefois sa femme décédée avait annoncé sa mort sept jours d’avance, la personne dont on va lire l’histoire. Ses frères et sœurs avaient tout jeunes la goutte. Elle jouit, quant à elle, pendant toute son enfance, de la plus parfaite santé. Seulement, toutes les fois qu’un reproche un peu vif la refoulait dans la profondeur de la vie interne, elle avait des visions relatives tantôt au présent, tantôt à l’avenir. Un jour son père la gronda injustement pour un objet qu’elle avait perdu, et, dans son émotion, elle vit et indiqua l’endroit où on le retrouverait.
Le fer l'influença et fut influencé par elle de très-bonne heure. Le coudrier, tle très-bonne heure aussi, indiqua dans sa main de l’eau ou des mines.
Beaucoup de personnes nerveuses sont rendues malades ou guéries par de simples changements de lieux. L'iniluenc.e atmosphérique est telle sur ces tempéraments, qu’un nommé Pennett, en Calabre, ne pouvait être soulagé de spasmes auxquels il était sujet, qu’au moyen d’un manteau de toile cirée qui l’isolait. Notre voyante était tellement soumise à cette influence, que lorsqu’elle descendait d’une montagne dans une vallée, elle éprouvait parfois des convulsions.
Mais ce qu’on observait de plus étrange en elle, c'est quq, dans les instants où elle était le plus gaie, elle éprouvait tout à coup des frissons au milieu des champs ; ces frissons lui arrivaient constamment dans les cimetières et les églises, preuve que dans les champs ils étaient provoqués par la présence souterraine de quelque cadavre.
Sa première vision eut lieu dans une cuisine du château de Lowenstein. C’était un fantôme de femme qu'elle revit ailleurs quelques années plus tard.
La seconde fut une figure d’homme qui, chez son grand-père, passa devant elle dans un corridor en poussant un long soupir, s’arrêta au bout du corridor pour la regarder, et resta dans sa tête très-longtemps. Sa vue était deve-Bue extraordinairement perçante, et le devint encore davantage à la suite de veilles incessantes auprès de parents malades.
Fiancée à dix-neuf ans., le jour de la mort d’un prédicateur pour qui elle avait une grande affection, elle accompagna son corps jusqu’à la tombe, et éprouva, les pieds sur cette tombe, un effet bien singulier : un agrandissement d’intelligence accompagné d’une sorte de volupté. Obligée, après son mariage, à des relations extérieures nombreuses, elle n’y était jamais entièrement livrée. Sa vie interne, bien qu’elle la dissimulât, prenait chaque joui- plus sur elle et finit par la dominer entièrement. Bientôt elle rêva que, tombée malade, elle entendait son père et deux médecins chercher ensemble les moyens de la guérir, qu’elle avait auprès d’elle le cadavre de son prédicateur, qu’elle leur déclarait que lui seul
pourrait la soulager, et qu’elle se trouvait bien du contact froid de ce cadavre.
Le lendemain, en effet, elle tomba malade, et, soit en dépit, soit à cause de force saignées, de force bains, de force purgations, et de je ne sais combien d’autres expériences que lit sur elle la médecine, elle 11e fit qu’aller de mal en pis jusqu’à ce que des passes magnétiques, des impositions de mains et le souffle chaud de sa servante sur les cavités de son cœur amenèrent sa guérison, mais en la rendant tellement sensitive, qu’on fut obligé d’éloigner d’elle toute lumière et d’ôter de sa chambre tout ce qui s’y trouvait en fer, jusqu’aux clous des boiseries.
Le choix des magnétiseurs était extrêmement important, line paysanne, eu voulant ainsi la soulager, lui causa de violentes convulsions, et plus tard, cette même femme, par qui elle laissa magnétiser son enfant malade, le lui tua.
Pendant le cours de cette maladie, qui dura bien une année, elle parla trois jours en vers, vit trois autres jours sur elle-même une niasse de feu divisée en lignes innombrables et ténues comme ses nerfs, sentit trois autres jours comme des gouttes d’eau tomber sur sa tête, et finit par voir sa propre image reproduite dans l'atmosphère en dehors d’elle. Sept jours de suite, à sept heures du soir, elle se sentit magnétiser par l’esprit de sa grand’mère morte ; elle l’aperçut seule; mais, au su et vu de plusieurs témoins dignes de foi, certains objets, qui apparemment'auraientpn lui nuire, une cuiller d’argent, par exemple, furent éloignés d’elle à travers les airs comme par des mains invisibles.
Plusieurs fois, dans des verres d’eau, comme au reste cela s'est'produit fréquemment avec d'autres individus, elle aperçut dès personnes qui devaient bientôt'la venir voir.
EÜè' fut avertie, deux jours de suite, par la vue d'un cercueil contenant le corps de son graiid-père, de la mont prochaine de ce parent, qui eut effectivement lieu dans laisemaine.
Elle parla et écrivit une langue inconnue qu’elle' appelait
sa langue intérieure et sur laquelle quelques détails seront donnés plus loin.
Une espèce de sorcier lui fit beaucoup de mal au moyen d’une poudre qui l’exalta et d’une amulette qui, décomposée par le I)r Kerner, s’est trouvée contenir de l’assa-fætida, de la sabine, du cyanur, de la semence de stramonium, un aimant , et un petit papier portant ces mots : Et sur ce est apparu le fils de Dieu afin de détruire les œuvres du démon.
Séjour ii Weinspcrg.
La guérison dont j’ai parlé était, au reste, bien loin d’être radicale, car la pauvre (1), ayant quitté sa résidence
pour Weinsperg, y retomba, presqu’à son arrivée, si malade qu’elle ne put plus quitter son lit. Ce fut alors que le Dr Kerner, auteur de ce récit, fut appelé près d’elle, à la demande qu’elle en fit en état de somnambulisme, état qui lui était habituel, lors môme qu’elle paraissait éveillée. Tout ce qui va suivre a été observé et est certifié par ce docteur.
Elle mangeait de trois en trois heures, mais cette nourriture lui profitait peu. Elle disait souvent qu’elle ne vivait que d’air et des émanations des personnes qui l’entouraient, de celles de ses parents surtout, à cause de la plus grande affinité de leur constitution avec la sienne. Ceux-ci sentaient, en effet, leurs forces diminuer près d’elle. Quand par hasard c’était un individu plus faible qu’elle qui l’approchait, elle ^affaiblissait elle-même.
Ses yeux projetaient un éclat singulier. Le lien entre ses nerfs et l’électricité qui l’animait semblait relâché comme dans un individu tout près de perdre la vie ; elle se voyait souvent double comme la première fois dont j’ai parlé plus haut, et vêtue tantôt de noir, tantôt de blanc. Le noir lui annonçait des souffrances. En général, dans ces moments, elle se sentait mal à l’aise; il lui restait, disait-elle, trop de conscience de son corps ; elle aurait souhaité en être dégagée tout à fait.
(1) Nom île la voyante.
Un jour, le 1)' Kerner se plaça entre elle et sa doublure. Elle l’en remercia, en lui disant qu’il dégageait son âme de ses chaînes.
Delrio a écrit qu’en Espagne certains individus voyaient sous terre les métaux, les eaux et les cadavres; la Portugaise Ganiasche a eu cette faculté ; beaucoup d’Écossais la possèdent; des chevaux ont prouvé qu’ils l’avaient en refusant de rester dans une écurie sous laquelle on a trouvé des corps morts, et Schocke raconte d’une certaine Catherine Butler qu’elle distinguait tous les métaux avec sa langue. Notre voyante n’a point manifesté ces dons, mais elle sentait aux végétaux, aux métaux et aux autres matières qui nous semblent brutes, une âme comme aux hommes et aux bêtes. Leur électricité, invisible pour nous tous, était visible pour elle. La parole écrite lui envoyait comme des esprits qui l’agitaient. La présence de la houille et celle de la marne lui causait une sensation brûlante ; celle du plâtre, des contractions au cœur.
Toutes les propriétés que Théophraste, Aristote, Pline, Dioscoride, Galien, Avicène, Albert-Ie-Grand, ont attribuées aux pierres précieuses, propriétés à cause desquelles les prêtres juifs en portaient, sur lesquelles Marbode d’Anjou a écrit un poëine didactique, et auxquelles Van Helmont a donné le nom de bure (il appelle leffaz l’influence ou esprit des végétaux) , toutes ces propriétés, dis-je, se réalisaient pour elle. Le saphir lui inspirait un demi-sommeil; les autres pierres de couleur l’agitaient de diverses façons : le cristal la tirait du sommeil magnétique, et, si l’on en prolongeait le contact, il finissait, ainsi que le grès, par la mettre en catalepsie; le sable, qui le plus souvent lui faisait du bien et lui semblait avoir une odeur aromatique qu’elle percevait par les cavités du cœur, finit aussi un jour par lui roidir tous les membres.
Les mains dans l’eai* elle s'affaiblissait ; elle n’en pouvait boire que la nuit, et, si cette eau était magnétisée, elle la voyait lumineuse. Présentée à un bain, elle était repoussée par lui, et, jetée dans une rivière, elle aurait infailliblement
surnagé. Ceci rappelle uue femme i!e Freyberg qui, si l’on en croit Moller, en 1620, et en présence tle deux ministres protestants, sauta tout à coup à une hauteur de sept ou huit pieds, et resta en l’air jusqu’à ce que les efforts de ces deux hommes la contraignissent de rentrer dans son lit. Pareil fait est raconté d’un homme par Horst dans sa Hculéroscopie.
Presque tous les raisins d’Allemagne lui refroidissaient l’estomac, tandis que ceux de France le réchauffaient. L’aimant contournait ses mains, qui ne reprenaient leur état naturel que lavées dans une eau courante. L’indigo lui faisait le même effet que l’aimant.
Le laurier la magnétisait, ce qui explique l’usage qu’en faisaient les pythies de l’antiquité. Le coudrier, au contraire, la démagnétisait.
L’élan est un animal sujet à l’épilepsie, et les anciens employaient son sabot à guérir les épileptiques. Ce sabot lui causait, à elle, comme des attaques d'épilepsie. La corne du chamois la calmait : c’est apparemment parce qu’ils lui connaissent cette faculté, que les Tyroliens en portent des bagues. — Logée au midi, ses menstrues étaient régulières. S’arrêtaient-elles, elle n’avait qu’à regarder le couchant poulies rappeler.
Le rayon violet du soleil dirigé par un prisme sur sa main la mettait en somnambulisme ; le rouge, en catalepsie.
En regardant la lune, elle se sentait envahir par le froid. Pour elle, les yeux des hommes lançaient des rayons blancs ; ceux des femmes, des rayons bleuâtres. Pendant les orages ou tirait de son corps des étincelles.
En prenant du fer dans sa main droite et du cuivre dans sa main gauche, elle ép rouv ait dans tout le corps une commotion qui commençait au cœur. En prenant ces deux métaux dans une seule main, elle sentait monter dans ses bras des ondulations galvaniques, qui de là parcouraient tout son côté. Elle ne pouvait tenir sans douleur ni l’un ni l’autre de ces métaux seul.
Les tons bémols lui faisaient plais.r et l'endormaient. Des
sons d'harmonica sur un verre d’eau qu’elle allait boire le lui rendait délicieux.
Immobile dans le sommeil naturel, agitée dans le magnétique , elle expliquait cette différence en disant : « Dans îe premier cas, c’est mon esprit qui prédomine en moi; dans le second cas, c'est 111011 âme. » Ceci me semblerait rendre raison de nos rêves. Quand nous donnons, notre électricité est momentanément retournée presque tout entière ii l'électricité générale, et notre intelligence a beau voir, soit en dedans, soit en dehors de nous, ce qui lui en reste ne lui suffit pas pour pouvoir nous faire agir.
Esprits en nous et hors tle nous.
Toutes les fois que M””' II... a regardé attentivement dans l’œil droit d’un homme, attention qui augmentait sa force visuelle et lui causait bientôt une commotion électrique, elle y a aperçu derrière sa propre image une autre image qui ne ressemblait ni à elle-même, ni au propriétaire de l’œil, et qu’elle prétendait être celle d’un autre homme résidant en lui, homme tantôt plus grave, tantôt plus léger que lui. Si c’était sur l’œil gauche de cet homme que se fixait son attention, elle y voyait les organes qu’il avait malades, et les remèdes qui pouvaient les rétablir. —Dans l’œil gauche d’un borgne, elle a vu à la fois sa doublure interne, ses organes malades et les remèdes à leur appliquer. Au fond de l’œil droit de plusieurs animaux, elle a vu une flamme bleue qui lui a paru être un rayon de la conscience d’eux-mêmes. Elle a dit apercevoir tout cela au moyen d’un œil intérieur. Il va sans dire qu’il était facile de la magnétiser du regard. Elle a vu souvent dans des bulles de savon des individus absents ou des événements près d’arriver, mais quand on l’exigeait d’elle, elle était plus sujette à erreur. Ces visions lui étaient d’ailleurs pénibles, comme si elle commettait en s’y livrant de mauvaises actions. Les mots placés sur son estomac étaient facilement lus par elle. Le nom' de Napoléon ainsi placé à
plusieurs reprises lui a fait chaque fois entendre une marche guerrière qu’elle chantait malgré elle.
Elle voyait clairement, quand elle le voulait, ses organes intérieurs et dans son plexus une sorte de soleil rayonnant vers toutes les parties de son corps; mais, tout en déclarant que tous ses nerfs en étaient éclairés, elle n'a jamais pu dire si ces rayons se prolongeaient jusques à son nez et à ses tempes.
Aux hommes privés d’un membre, elle voyait ce membre comme s’il leur restait, ce qui explique les souffrances que disent ressentir les amputés.
Elle disait, mais quand on la questionnait beaucoup, jamais spontanément, avoir toujours près d’elle, comme en ont eu Socrate, Platon et autres, un ange ou démon avertissant des dangers à éviter, non-seulement elle, mais d’autres par elle. C’était l’esprit de sa grand’mère, M“* Schmitd Gall. Il était vêtu, comme tous les esprits féminins qui lui apparaissaient, d’une robe blanche à ceinture et d’un grand voile également blanc.
Mm0 Arnold d’Heilbronn a été dans le même cas, et a eu cela de particulier que plusieurs personnes présentes, encore vivantes et tout à fait dignes de foi, ont senti dans l’air les mouvements de son démon. Mm* Ludwigen, de Dessau, ayant laissé en mourant un enfant muet et paralytique, cet enfant, que soignaient ses saurs, recouvra la parole un jour qu’elles ne lui avaient pas apporté sa nourriture, pour leur dire que sa mère était venue y suppléer. Ce furent ses seuls mots, et il mourut. Un autre enfant, raconte Horst dans sa Bibliothèque magique, avait une jambe torse ; cette jambe se redressa en une nuit, et, le lendemain matin, l’enfant dit à ses frères : ci N’avez-vous pas vu un petit ange ? Il ni’en est venu un ; c’est lui qui, en frottant ma jambe, l’a redressée... »
Il n’est donc pas surprenant que Mm* H... se soit souvent sentie magnétiser depuis la base du crâne jusqu’au creux de l’estomac par l’esprit de sa grand’mère, qu’elle en ait éprouvé un grand soulagement et que les déplacements cités plus baut d’objets qui auraient pu lui nuire se soient produits, à
la stupéfaction des assistants, sans qu’ils pussent s’expliquer comment.
Derrière une jeune personne de la connaissance duDr Ker-ner, elle vit un jour un garçon d’une douzaine d’années. Le docteur questionna à ce sujet la jeune personne, et, après avoir cherché dans sa tête ce que cette apparition pouvait être, elle lui dit avoir perdu, à quelques années de là, un petit frère qui aurait eu précisément douze ans au moment du phénomène.
Itères prophétiques.
M°" H... a fait plusieurs rêves prophétiques :
Une de ses amies lui faisant part un jour d’uns indisposition qu’elle avait, elle lui répondit: « Rêvez; » et toutes deux virent en rêve, la nuit suivante, huit cruches, dont l’une étiquetée eau de Fasching. La malade prit huit cruches de cette eau et fut guérie.
D’autres fois elle a vu en rêve telle ou telle personne de sa famille portant de petits cercueils, et leurs enfants sont en effet morts quelques jours après.
Un autre jour encore, elle a vu un homme blessé, près de lui le Dr Kerner procédant à une saignée, et bientôt le docteur était appelé pour guérir ainsi un blessé.
Enfin, elle a vu dans la lune M. N..., et cet homme, plein de vie au moment de cette vision, est mort au bout de trois mois.
11 y a dans le journal de M. R..., de Stuttgard, un phénomène de ce genre : le père de M. R.... et lui-même rêvèrent plusieurs fois de suite qu’il était noyé, et il mourut de cette manière, non sans avoir parlé à ses amis de ce rêve, qui l’épouvantait.
Accidents prévenus.
Souvent M”' H..., tout éveillée, a été avertie, par des pressentiments ou des visions, d’accidents qui menaçaient quelque sien parent ou ami, et qu’il était possible d’éviter.
C’est ainsi qu’elle sauva son frère, une fois en l'empêchant de sortir à une certaine heure où elle avait vu un inconnu, dont elle décrivit la demeure, sortir avec un fusil pour le guetter et tirer sur lui ; une autre fois, en l’engageant à visiter son fusil de chasse, atten lu qu’elle l’avait vu se blesser en tirant sur un renard. Le premier de ces avis fut justifié par un coup de feu tiré sur le frère de la voyante, sans le toucher, quand il sortit, ;\ une autre heure que celle indiquée par elle ; le second, par une charge «pie son frère trouva dans son fusil, et qui, le remplissant jusqu’à la gueule, ne pouvait y avoir été introduite que par une main ennemie avec l’intention de le tuer. Le 8 mai 1827, elle avait perdu un premier enfant, et le second était chez ses parents. Elle vit trois fois de suite, en plein jour et en présence d’une sœur à elle, l’enfant mort lui montrant une épingle dans la bouche du viv ant. On l’écrivit à ses parents ; et ceux-ci trouvèrent dans une des manches de l’enfant vivant une grosse épingle qu'apparemment il aurait avalée s’ils ne la lui avaient ôtée.
Voyages des esprits el des âmes.
Le 2 juin 1828, jour de la mort de son père, à quatre lieues d’elle, elle le vit mourir et s’écria : «ü Dieu ! » et dans le môme instant, le l)r Foehr, assis près de l'agonisant, entendit la même exclamation émise comme un souille. Elle expliqua ce phénomène en disant que son âme l’avait quittée alors pour uu instant. Elle allait, sans déplacement, frapper chez qui elle voulait, et disait que ce n’était pas avec son âme, mais avec son esprit, et par le moyen de l’air, qu’elle frappait ainsi. Pareil voyage a été fait, comme on sait, par plus d’un esprit autre que celui de la voyante. Mais ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que quelques-uns de ces esprits se sont triplés au lieu de se doubler seulement comme elle. Le père d'un nommé llubschman, de Stuttgard, est apparu, au moment où il quittait la vie, à la fois à Strasbourg devant les enfants dè ce Hubschman, et dans la province de Voigt-lambe, devant son second fils.
Tentatives de guérison de J/“' //. sur elle-même.
C’était dans le sommeil magnétique, où elle tombait habituellement à sept heures du soir, que M”' H. prescrivait les recettes à suivre pour elle.
Le quinquina, la camomille, le carament, le thym, la Caroline, l’orange, la feuille de laurier, et surtout l’Injpericum perfor/ttu»/, que l’antiquité et le moyen-âge ont eu en grande vénération (1), furent quelquefois indiqués par elle à petites doses, comme les emploie la médecine homéopatique. Les verrues de cheval réduites en poudre le furent aussi, tantôt comme remède olfactif contre les spasmes, tantôt pour frictions tout le long de l’épine dorsale. Mais le plus souvent elle recourait, comme l’Orient, aux amulettes placées sur le cœur ou sur le dos, ou à des passes magnétiques au nombre de sept pour les douleurs de poitrine, de trois fois sept pour celles de téte, de sept fois sept pour les autres parties du corps, et allant soit directement du front à l’épigastre, soit du front au plexus, par les tempes, le cou, le dos et les côtes, soit du front aux mains par les deux bras, ou aux genoux par le corps. —11 ne fallait ni lui dire quand elle était réveillée ce qu’elle avait dit dans le sommeil, ni croiser les mains en la magnétisant. La main droite de son magnétiseur sur son côté droit, ou la gauche sur son côté gauche, la faisaient également souffrir au lieu de la soulager.
Le mot optinipotja fut enseigné par elle à son frère et au D' Kerner, comme signifiant, dans sa langue interne, dors, et comn e devant, prononcé par eux, suffire pour la faire dormir; elle dormit en effet immédiatement chaque fois qu’ils le lui prononcèrent.
11 fallut un jour pour la cahner que le docteur prononçât en la magnétisant le Pater noster tout entier.
Voici une prescription étrange qui la débarrassa d’une fièvre ardente :
Il i Par..ce!se recommande ci lle plante contre la jtosIc.
Les doigts douze heures de suite dans du vinaigre où l’on avait mis trois feuilles de laurier et un morceau d’acier.
Elle on ressentit d’abord de vives douleurs dans le bas-ventre et l’épine, puis une pression dans la tête, puis un sommeil suivi de douleurs nouvelles et de diarrhée ; mais après tout cela un grand calme, et ce calme dura quelque temps.
Elle donna elle-même le dessin d’une machine composée. 1° d’un triangle équilatéral en bois de prunier, tenu par deux traverses mobiles entre deux montants du même bois ; 2» d’un cylindre de verre rempli d’une infusion de camomille et d’hy-pencum, et en communication avec trois bouteilles d’eau de rivière contenant du cuir de chamois; 3* de chaînes d’acier suspendues aux côtés du triangle, et plongeant par un bout dans le liquide du cylindre; h° d’un conducteur en laine attaché par un bout à ces chaînes, et qu’elle tint dans sa main gauche en regardant fixement le sommet du triangle jusqu’à ce qu’elle ressentit des spasmes. Cette machine, qu’elle appelait accorde-nerfs, fortifiait, disait-elle, les siens. Mais le Dr Kemer, qui en vit les e/Tets, ne la considère pas comme supérieure aux autres combinaisons galvaniques connues. Il fallait en magnétiser sept fois la laine et quatorze fois les bouteilles.
Cures opérées par la voyante.
Même à l’état de veille, M“* H. ressentait en elle-même ou voyait dans le corps des personnes qui se mettaient en rapport avec elle toutes leurs indispositions. Elle expliquait les maux de nerfs par des nœuds qui se forment à l’épine dorsale et qui les tirent. Voici ses cures les plus remarquables :
Delirium tremens, suite d'ivrognerie, guéri par 5 cuillerées de tilleul,
5 — de jus de bouleau,
1 drachme de castoreum, dans 17 cuillerées d’eau bouillante ; le tout bu depuis sept heures du matin jusqu’à sept heures du soir.
Ver so/ilnire, par l’apposition prolongée de sa main gauche sur l’abdomen du malade.
Mnlndic mentale. — 1° Par une amulette de neuf feuilles de laurier;
•2° Par l’apposition de la main gauche sur la cavité du cœur, et de la droite sur le front, neuf jours de suite, trois fois par jour ;
3° Par trois potions de neuf cuillerées d’eau et de cinq feuilles d’hypericum chacune, prises chaque jour en commençant à neuf heures du matin.
Elle avait recommandé la plus grande exactitude à ne pas s’écarter des nombres ci-dessus, prétendant que la constitution de chacun de nous répond à un chiffre dont elle dépend. 7, disait-elle, était le sien.
Elle lisait ces chiffres, et la langue interne dont il a été question plus haut, dans des cercles que nous portons intérieurement, et qu’elle traçait avec la plus grande régularité sans l’aide d’aucun compas.
Je renvoie ceux qui voudront connaître ces cercles avec tous leurs détails, au livre du Dr Kerner. Quant A la langue, d’autres individus, tels que Jacques Boëhm, ayant dit, comme la voyante, la lire dans leur estomac, je vais en citer
quelques-uns :
Haudacadi, Médecin.
Alentana, Dame.
Chlann, Verre.
Schmado, Lune.
Nohin, Non.
Biannafina, Fleur multicolore.
Moi, Comment?
Toi? Quoi?
Omiacriss, Je suis.
Omiada, J’ai.
Un, Deux.
Jo, Cent.
Quin, Trente.
Bonafinto-girro, Que l’on sorte.
Girro ilanin-chado, Moli orato,
O minio pachadastin, Pasi anin cotta,
Que l’on reste.
Je repose.
Je dore.
Le cercle se remplit.
Elohim majda djonem, sont les trois mots qu’elle écrivait sur ses amulettes.
La voyante disait 1° qu’outre l’àme et l’intelligence, il y a un esprit nervique; et que cet esprit reste l’enveloppe de l’âme, quand celle-ci quitte le corps, tandis que l’intelligence retourne à son centre primitif, de suite si elle est pure, ce qui n’est le cas pour presque aucune, et seulement après plus ou moins de temps qu’elle passe près de l’âme et sans aucun pouvoir sur elle à la voir souffrir, si elle l’a mal dirigée; 2° que l’âme ne sent et n’agit dans l’autre monde qu’en raison des traces laissées en elle par les actions auxquelles l’intelligence l’a habituée dans cette vie.
C’étaient ces enveloppes qu’elle avait la faculté de voir, sans devenir pour cela tout à fait étrangère à ce monde, et beaucoup mieux à la clarté du soleil ou de la lune que dans l’obscurité. Les âmes n’ont, disait-elle, point d’ombre. Leur forme est grisâtie ; leurs vêtements, ceux qu’elles ont portés dans ce monde, mais grisâtres comme elles-mêmes. Les meilleures ont seulement de grandes robes blanches et semblent planer, tandis que les mauvaises marchent péniblement. Leurs yeux sont tous étincelants. Elles peuvent non-seulement parler, mais produire des sons, tels que soupirs, frôlements de soie ou de papier, coups sur des murs ou des meubles, bruits de sable, de cailloux ou de chaussures traînées sur le sol. Elles sont aussi capables de mouvoir les objets les plus lourds et d’ouvrir ou fermer les portes. Plus elles sont soufflantes, plus ces bruits qu’elles produisent à l’aide de l’air et de leur esprit nervique, peuvent être forts ; mais il parait qu’elles ne peuvent pas les produire et se montrer en même temps.
Ainsi il y a bien positivement un Hadès, an-monde aérien,
Esprit nervique.
habité par «les âmes enveloppées (le leur esprit nervique, monde qui tient le milieu entre la terre et le séjour des bienheureux. Ces âmes habitent des régions plus ou moins élevées , suivant qu’elles ont plus ou moins bien vécu. Leurs fautes leur font une pesanteur morale qui les retient près, de la terre, comme la pesanteur matérielle y retenait leurs corps.
Le malheur des plus pesantes est d’avoir toujours devant les yeux et ces fautes et la félicité dont elles se sont privées par elles.
L’amélioration de leur sort est dix fois plu? difficile pour elles, dans ce monde aérien, qu’elle ne l’eût été sur terre.
A Oberstenfeld, une de ces âmes, celle d’un comte Weiler, qui avait assassiné son frère, se présenta à Mmc H.... jusqu’à sept fois. Mnic H... seule la vit ; mais plusieurs de ses parents entendirent une explosion, virent des carreaux se briser, des meubles et des chandeliers se déplacer, chaque fois que le fantôme revint, et avant ou après si venue.
Une autre âme d’assassin, vêtue d’un froc, poursuivit M"" H... tout une année, lui demandant, comme l’avait fait le comte Weiler, des prières et des leçons de catéchisme. Cette âme ouvrait et fermait violemment les por tes, remuait la vaisselle, bouleversait les piles de bois, frappait de grands coups sur les murailles, et semblait se faire un jeu de changer de place à tout moment. Vingt personnes respectables l’ont entendue, soit dans la maison, soit dans lame, et certifieraient au besoin le fait.
Un fantôme de femme, portant dans ses bras un enfant, se montra à Al'"' II... plusieurs fois. Comme ce fut le plus souvent dans sa cuisine, elle fit lever quelques dalles, et 011 trouva, à une assez grande profondeur, le cadavre d’un enfant.
A Weinsperg, l’âme d’un teneur de livres, qui avait commis quelques infidélités pendant sa vie, la vint prier, en redingote grise râpée, de dire à sa veuve de ne pas cacher davantage les livres dans lesquels se trouvaient ses f tusses écritures, et lui indiqua l’endroit où ils étaient, pour qu’e lie
les dénonçât à la justice. Elle obéit. A l’aide de ces livres, quelques toi ts du mort furent réparés.
A Lenacli, ce fut l’àme d’un bourgmestre nommé iicllon, mort en 1740, à l’âge de soixante-dix-neuf ans, qui vint iui demander des conseils pour échapper à la persécution de deux orphelins. Elle lui donna ces conseils, et après six mois l’âme ne revint plus.
On trouve cette mort dans les registres de la paroisse de Lenach, avec une note portant que le bourgmestre Bellon a fait tort à plusieurs enfants dont il était tuteur.
Je pourrais encore citer une vingtaine d’apparitions, mais je crois qu’elles intéresseraient peu. M”* H... conserva jusqu’à ses derniers moments, qu’elle prédit trois jours d’avance, cette faculté de voir des esprits. Elle quitta la vie en poussant un grand cri de joie, et sa sœur, qui était dans une pièce voisine, vit passer son ombre.
On trouva son cerveau et son épine dorsale non-seulement d’une excellente conformation, mais dans un excellent état. Son cœur et les organes respiratoires étaient très-enflammés, son foie et son bas-ventre étaient obstrués. La vésicule du fiel renfermait une grosse pierre. La voyante l’avait dit plusieurs fois.
Je dois à l’obligeance de M. Goupil, qui l’a fait traduire pour la seconde édition de son Quœre el internes, la communication du chapitre qu’on vient de lire. Je ne doute point que cette relation intéresse nos abonnés.
Il y a beaucoup à prendre dans les ouvrages allemands, trop peu connus en France ; j’espère pouvoir en donner plus tard quelques extraits.
Baron DU POTET.
FAITS ET EXPÉRIENCES.
MAGNÉTISATION DE CADAVRES.
Premier eus. — Je fus appelé, le 27 juillet dernier, quai de la Râpée, 11° 2, pour donner des soins à un jeune homme de vingt-huit ans, attaqué du choléra. Quand j’arrivai, le malade était mort depuis une demi-heure. Le lit était entouré d’une dizaine de personnes qui s’étonnaient de la rapidité avec laquelle la mort était survenue.
Un quart d’heure s’était à peine écoulé depuis mon arrivée, lorsque je vis le corps soulever lentement sa main gauche. Je pris aussitôt la tête entre mes mains, et j’essayai de magnétiser avec toute la force dont j’étais susceptible. Au bout de quelques minutes, une de mes mains, appuyée sur le front, était toute mouillée. Ayant regardé intentionnellement la main droite du cadavre, cette main se souleva comme la gauche ; je demandai aussitôt un morceau d’amadou que j’appliquai sur la région du cœur, après y avoir mis le feu, et je vis, au bout de quelques secondes, les espaces intercostaux, voisins du lieu où s’opérait la combustion, être soulevés d’une manière sensible par la pointe du cœur dont les mouvements ont été non-seulement vus, mais perçus parles assistants au moyen du toucher. A ce signe évident de l’existence de la circulation s’en joignit un autre non moins sensible de la respiration ; je veux parler du mouvement d'élévation et d’abaissement des côtes. Ces phénomènes étant pour moi la preuve la plus convaincante que la mort n’existait pas (1), je voulus essayer d’un moyen qui
(1) Au nombre des signes certains de la mort, on doit mettre en première ligne l'absence des battements du cœur à Y auscultation.
Il résulte en effet de nombreuses observations faites récemment sur
m’a réussi quelquefois pour rappeler à la vie des cholériques chez lesquels celle-ci était sur le point de s’éteiiulre; je fis entourer d’orties le tronc et les membres du moribond : mais malgré ce moyen énergique, en moins de vingt minutes tous les phénomènes susmentionnés s'évanouirent graduellement, et je ne pus arracher le malade à la mort.
En me rappelant que là main droite du cholérique s’était soulevée au moment où je la regardais, pendant que je tenais la tôle, je crus trouver quelque rapport entre ce mouvement et celui des tables tournantes, et je me promis bien à la première occasion, en agissant de la môme manière, de m’assurer si, par ma volonté, je ne pourrais pas faire mouvoir les membres d’un cadavre que la chaleur n’aurait pas encore abandonné. Cette occasion malheureuse ne tarda pas à se présenter.
Deuxième ni.s. — Le 13 du mois d’août 185A, je fus appelé rue de la vannerie, n° 12, pour donner des soins à M. Sacré, marchand de vin, attaqué du choléra.
Lorsque je ine présentai pour voir ce malade, 011 me dit qu’il y avait une demi-heure qu’il était mort. Je m’approchai du corps, et, bien qu’on vint de le changer de chemise, il avait conservé une chaleur extraordinaire, ce que je m’expliquai après avoir constaté que les intestins contenaient environ quatre litres de liquide.
Cet homme n’ayant presque pas eu de déjections, ni par haut, ni par bas, était mort d'un choléra sec, et devait mieux conserver sa chaleur; car il est d’expérience que le refroidissement des cadavres cholériques est en raison directe de la quantité de liquide évacué pendant la maladie.
Celte chaleur animale surabondante me semblait favorable au succès de mon expérience.
l'homme et sur les animaux par MM. tes D” Rayer cl Bouchut, qu’à la fin de l'agonie, dans l'intervalle qui sépare les dernières Inspirations, les derniers battemeuts du cœur peuvent être entendus, en appliquant l’oreille sur lavéglon qu'il occupe, alors que depuis longtemps déjà la main placée sur la poitrine ne pouvait plus les sentir, et quo les pulsations artérielles au cou et aux membres n’étaient plus perceptibles.
Après avoir ausculté la région du cœur et constaté que cet organe avait cessé de battre, je mis, comme au premier cholérique, une main sur le front et l'autre à l’occiput. Me recueillant pendant quelques minutes, je regardai fixement la main gauche, en lui commandant mentalement de se soulever, et la main se leva sür-le-cliamp à la hauteur d’environ cinq à six centimètres. Pour être certain que le mouvement qui venait de se produire n’était pas spontané, je fis la même expérience sur la main droite, et j’obtins le même résultat.
Cette tentative, répétée plusieurs fois, eut toujours le même succès, avec cette dilférence que les mouvements furent de plus en plus faibles et que le dernier se fit horizontalement, de dedans en dehors, et non de bas en haut, comme les précédents.
Enfin, pour rendre ma conviction plus complète sur la certitude de la mort, je fis, comme dans le premier cas, l’application du morceau d'amadou en combustion sur la région du cœur, et n’obtins aucun résultat satisfaisant du côté de la circulation et de la respiration.
ltfflexions. — 11 est évident pour les magnétistes que la cause qui a déterminé l’ascension de la main dans la deuxième expérience, est la même qui agit dans les expériences des tables, avec cette différence que les membres d’un cadavre conservant encore la chaleur animale doivent, par leur organisation , se laisser pénétrer plus facilement par l'agent magnétique, qui n’est en résumé que le fluide nerveux.
Je ferai en outre observer que si le magnétisme peut donner l’apparence de la vie à un cadavre encore chaud, à plus forte raison pourra-t-il quelquefois la rappeler complètement dans un corps qui conservera un reste d’existence. Aussi les magnétiseurs doivent-ils ne jamais oublier cette proposition émise dernièrement par M. Hébert (de Garnay), savoir : que le magnétisme pourrait servir, comme le galvanisme, à rappeler à la vie des individus chez lesquels celle-ci serait plutôt suspendue qu’anéantie.
I.01YET,
Duclour-tnéJccin.
Le 4 ool. iluc i>5 i.
INSTITUTIONS.
Uisiirnttnirc «lo Paris.
(Suite. — Voy. page 453.)
Les établissements de Berlin et de Calcutta étaient de véritables hôpitaux; le traitement magnétique seul les rendait différents des autres.
A Bayonne, à Strasbourg, au contraire, les malades venaient chaque jour se faire magnétiser; c’étaient donc seulement des dispensaires. >
Les infirmeries magnétiques qui existent maintenant à Londres, à Dublin et à Edimbourg, reposent sur la même base: les patients n’y restent, chaque fois, que le temps nécessaire à leur magnétisation. S’ils pouvaient y séjourner, ce serait bien préférable; car, soutenus par un régime convenable, les soins magnétiques seraient plus promptement efficaces. Mais c’est déjà beaucoup de les soigner ; les loger et les nourrir sont des dépenses qui excèdent les ressources des magnétistes.
L’infirmerie de Londres étant la plus ancienne, a servi de modèle aux autres ; c’est aussi en elle que je puiserai en grande partie l'organisation du dispensaire. N’cst-ce pas d’ailleurs la copie presque entière du traitement de Strasbourg ? Cependant mon plan est plus vaste ; je désire que la science retire un plus grand avantage des sacrifices que s’impose la philanthropie, et c’est en combinant les instructions de Deleuze avec les moyens de MM. Esdaile et Elliotson, que j’espère obtenir ce résultat.
Je vais exposer ce qui se fait actuellement à Londres, puis
je rappellerai des vues oubliées, et donnerai enfin l’aperçu des principes sur lesquels je fonde la réalisation de mes espérances.
L’infirmeriedeLondresfut d’abord établie àBedfort Square, quartier assez salubre, mais il y avait derrière la maison une triperie qui en rendait l’habitation malsaine. l)e là l'institution fut portée à Fitz-lloy Square, où elle occupait une maison tout entière, et dans les meilleures conditions hygiéniques. C’est dans ce local que je l’ai visitée. Maintenant elle est dans un autre endroit.
Le rez-de-chaussée était occupé par le cabinet du secrétaire et une grande salle pour le traitement des hommes. Au premier étage se trouvaient deux grandes pièces; l’une servait au traitement des femmes et l’autre aux réunions du comité. Le second contenaitplusieurs petites chambres destinées recevoir des malades payants. Ces chambres, qui devaient être louées seulement cinq schellings par semaine à des personnes n’ayant point de domicile en ville, et qui recevaient tout de même les soins gratis, sont restées inoccupées, par suite d’une ligue entre les habitants du square, ne voulant pas qu’il y eût des malades réunis en cet endroit.
Tous les malades en entrant passaient à tour de rôle dans le cabinet de M. Capern, qui prenait note exacte de ce qu’ils lui disaient avoir éprouvé depuis la dernière magnétisation. Ces déclarations étaient consignées sur un registre spécial et disposé de telle façon, qu?, chaque semaine, le comité des médecins pût embrasser d’un coup-d’œil les effets survenus. Après cet interrogatoire, les patients passaient dans les salles de traitement pour y être magnétisés suivant les prescriptions du comité, formulées au début du traitement et renouvelées de semaine en semaine. L’honorable M. Capern m’a paru s’acquitter de ses fonctions avec une grande intelligence et une aménité parfaite ; mais son examen n’était pas dirigé par une pensée scientifique et surtout médicale. 11 m’a semblé tout à fait insuffisant de demander aux malades ce qu’ils avaient éprouvé, parce que la plupart ne savent pas s’observer et ignorent d’ailleurs à quels faits ils doivent s’at-
tacher. Dans l'intervalle des consultations du comité, il peut se produire des modifications très-importantes, dont le sujet n’a pas môme conscience, et si un médecin 11’est pas là poulies constater de jour en jour, la signification en est perdue.
Les-murailles de cette pièce étaient garnies de types phré-nologiques et de crânes humains dont la vue 11’avait rien de gai pour les patients. 11 y avait aussi, et c'était beaucoup mieux, des portraits au daguerréotype représentant les principaux malades, pris dans les circonstances remarquables de leur traitement. Ce sont autant de scènes magnétiques qui perpétuent le souvenir et montrent les procédés suivis; j’ai beaucoup admiré cette galerie d’un nouveau genre.
A côté du bureau se trouvait un livre sur lequel on priait les visiteurs de consigner leurs observations; ses feuillets sont couverts d’approbations et d’encouragements dans toutes les langues. Plusieurs Français ont ainsi marqué leur sympathie, notamment le général Cubières, et j’y ai moi-même écrit le résultat de mes impressions.
Près de là était un tronc pour les offrandes, et mil visiteur ne s’en allait sans y déposer son obole, preuve que tous étaient satisfaits.
La salle du traitement des hommes était garnie d’un tapis de corde pour empêcher le bruit des pas et du mouvement des sièges quand1 des malades donnent. Les murs en étaient absolument nus, afin que rien ne pût distraire l’attention des magnétisés. Les sièges des malades étaient en osier, analogues aux fauteuils rustiques qu’on met dans nos jardins. Les magnétiseurs avaient, au contraire, des chaises garnies et parfaitement rembourées, ce qui m’a choqué : les malades , et surtout les dormeurs, ayant plutôt besoin d’être commodément assis.
Il ÊtlKr.T (.!.• Camay).
[La suite uu prochain numéro).
VARIÉTÉS.
Causerie». — On vit jadis des hommes, animés par la foi, aller, «le tous les points «lu monde, jusqu’au tombeau du Christ, pour toucher et baiser la terre que foula du pied le divin Sauveur. C’est à travers mille dangers qu’ils accomplissaient leur pèlerinage; ils rencontraient sur leur chemin des mécréants, des idolâtres, des fanatiques d’autres religions que la leur, puis des assassins et des voleurs ; rarement ces hommes de Dieu trouvaient un toit hospitalier. Et de leur long et pénible voyage, que rapportaient-ils? Des coquilles, puis encore une pensée, un souvenir ; et leur vie, fatiguée de tant d’efforts, s’éteignait dans le silence et l’oubli. Beau-coup ne revirent jamais leur patrie ; leurs os, semés dans le désert et blanchis par le temps, indiquaient la route aux fils de ces croyants; car on aimait alors à se persuader que ce pèlerinage obtenait les faveurs du ciel. Malheureux était celui que la fortune ou la mauvaise santé avait contraint de garder ses foyers.
D’autres hommes, sans foi ni loi, vivant dans l’abondance et se croyant plus sages, voyaient avec indifférence ou mépris ces austères pèlerins ; trop heureux étaient ceux-ci quand les chiens de ces philosophes en débauche n’étaient point lancés à leur poursuite.
Où était la sagesse? Je n’en sais rien. Dieu a confondu les os de tous, la mort n’a rien respecté : le médecin git à côté de ses malades, le prêtre a suivi ses ouailles, heureux et malheureux, tous ne forment qu’une même poussière. Les chairs vivantes aujourd’hui iront demain, en se dissolvant,
main, en se dissolvant, augmenter cette couche qui couvre le globe entier.
Où donc voulais-je en venir avec mes pèlerins et mon cimetière? Je cherche une introduction, je poursuis une idée, je médite un rapprochement, et, croyant avoir trouvé ce que je cherche, j’entre en matière.
M’y voici.
Nul ne sait d'où rienI le vent et où il va; nul même d'entre les savants ne sait qui le pousse et dirige, tous obéissent à leur nature, à cette voix mystérieuse qui parle en eux et les incite tantôt au bien, tantôt au niai.
Qui donc a dit à celui-ci : Cherche la vérité ; h cet autre : Combats cette vérité? Qui donne l’ardeur aux combattants? Pourquoi une victoire, lorsque vainqueurs et vaincus doivent un jour être mis dans le même sac? 11 y a ici un mystère qui n’est peut-être point impénétrable. Qui vivra verra. Non ; qui mourra verni, cela est plus certain.
J'arrive, moi, sain et sauf de mon pèlerinage en terre sainte, et je rapporte quelques coquilles, un flacon de l’eau du Jourdain; j’ai touché le tombeau du Christ; ma foi m'a préservé ; j’ai rencontré bien des mécréants et des idolâtres; plus d'une fois j’ai été dévalisé par des voleurs; j’ai évité les assnssins ; les chiens dcî nos seigneurs les savants m’ont bien des fois enlevé le pan de ma souquenille, mais je les rossais de mon bourdon. Quelques-uns de mes compagnons n’ayant pas voulu suivre ma route, sont restés en chemin ou ont rétrogradé ; leur langage est divers. I,’un dit : Embrassons-nous, confrère. Je ne lui réponds point, car je n’embrasse que la vérité. Un autre me trouve tellement changé qu’il ne veut point me reconnaître : « Vous êtes mort, dit-il, j’ai fait votre biographie ; vous (liez un plagiaire, mais au demeurant bon soldat. Et puisque vous vivez, il ne fallait pas aller aussi loin. Je pouvais vous instruire de toutes choses, et, dans tous les cas, vous mener en ballon. — Merci, con-Irère, j’aime à aller pas à pas ; trop de vent renverse le moulin : je crains les chutes. — Adieu, donc, et puisque vous n’êtes pas mort, je vais vous ressusciter. — Je pourrais me
passer tle celte résurrection ; faites cependant selon votre formule: car il est bon que vous ayez un témoin de vos nouveaux miracles. »
Un autre pèlerin trouve que je vends trop cher mes coquilles : « Cent firmes! mais c’est à n’y pas croire. Je donne les miennes pour peu de chose, et 011 n’en veut point ! »
Un magnétiste, rl des plus fuis, grand faiseur de somnambules , n’a pas de goût pour mes expériences :
« Cessez-les au plus vite, dit-il, pour le plus grand bien du magnétisme. Imitez-moi, voyez ce que je fais : Mes passes et contre-passes ont un but scientifique et humain , aussi me distingue-t-on à l’égal d’un savant. »
Merci de la leçon, cher confrère ! Il nie semble pourtant que dans plus d'une occasion je vous vis sur cette route ; mais vous y trébuchiez, il est vrai. Peut-être ai-je ce qui vous manque, et c’est cette différence qui me vaut votre censure. Tant pis, je suis bien résolu à ne me rien couper.
Le magnétisme, cette source de vie qui d’abord ne coulait que goutte à goutte, est devenu un fleuve où beaucoup de canotiers s’ébattent en troublant ses eaux ; ils se croient tous des marins consommés. Pourquoi les contrarierais-je ? Je n’ai nulle envie de les prendre en plein travers, ni eux non plus à mon égard, au moins je le suppose. Donc, que Y Union et la paix soient entre eux ; c’est une bonne recette pour vivre longtemps.
Vous avez tous raison, mes bons amis, et je ne saurais vous blâmer.
Faire parler de soi est un crime; je n’y puis rien, pourtant. Faites plus et mieux, nul 11e vous en empêche; agrandissez le domaine de la science magnétique, faites de nouvelles découvertes, retrouvez la magie ; prouvez que je me suis trompé, vous servirez la science ; car celle-ci ne doit vivre que de vérités. Aux plus pressés bientôt je céderai la place que je me suis faite au soleil.
Ali ! croyez-moi, vous tous qui cherchez la vérité, ne vous abandonnez point à la récrimination. A quoi bon d’ailleurs réjouir nos ennemis? Tournez au contraire toutes vos armes
contre eux, lancez-leur vos traits ; car ils sont implacables, ils vous méprisent, parce qu’ils vous croient faillies; prouvez-leur qu'ils ont tort.
Ainsi parlé-je à moi-môme un de ces derniers soirs, tandis que la pluie battait les vitres et que le vent soufflait avec violence, la guerre était ce jour dans les éléments; mon âme, calme et tranquille, évoquant le passé, me rappelait les agitations de ma vie, toutes ces vicissitudes subies sans murmure, mais non sans souffrance. La vague qui vient frapper le roc le salit de son écume, mais le soleil naissant enlève cette souillure ; de même, les beaux jours ont effacé chez moi les traces des blessures profondes. Presque joyeux, j’envisage l’avenir; je vois le magnétisme quitter ses langes et devenir adulte. Nul ne pourra le dompter, mais il domptera toutes choses. Hercule va recommencer ses travaux et nettoyer les écuries d’Augias. Paris agrandit ses égoûts, il le faut bien, tant d’immondices doivent y passer! Je vois la rénovation des sciences-, je vois.... non, je ne vois plus, ma lampe va s’éteindre, — et c'est ainsi qu’un jour la mort me surprendra, quand j’aurai tari l’huile vitale qui est en moi.
Il y a donc des faveurs accordées, car je sens que le vase est encore rempli ; cependant je ne ferai plus de pèlerinage. Courez, nouveaux chevaliers, pourfendeurs de mécréans ! vous aurez longtemps encore une rade besogne. — Mais cette maudite lampe s’éteint! Ainsi de nous; mais l’âme raisonne encore lorsqu’il fait nuit dans son domicile et que tout y est refroidi. Ah! je vous le dis, ceux que l’on croit morts sont pleins de vie ; vous pouvez bien tuer les vivants, mais les morts se rient de vos coups.
Baron DU POTET.
{La suite au prochain numéro).
Le Gérant : HEBEKT (de Garnay).
INSTITUTIONS
Dispensaire niiisni-tifiuc «le paris.
(Suite. — Voy. pogeG22.)
Lors de mon voyage, l'infirmerie était ouverte depuis midi jusqu’à quatre heures, et les aides-magnétiseurs se partageaient à peu près également les malades. II y avait quatre hommes et autant de femmes pour faire ce service-car la règle est que chaque patient soit magnétisé par une personne de son sexe. Ils agissaient isolément, et chacun dans un coin de la pièce, sans doute pour que, par l’é-loignement, les malades ne réagissent pas les uns sur les autres. Leurs procédés étaient uniformes et parfaitement convenables; toutes les passes Se faisaient à distance, à moins que le contact ne fût expressément recommandé. Chacun de ces messieurs et de ces dames, se considérant comme de simples auxiliaires, se conformaient avec déférence aux avis de VI. Capern, qui lui-même suivait ponctuellement les ordres du comité dirigeant.
Les hommes m’ont paru plus attentifs que les dames, aussi obtenaient-ils davantage d’efTets. Il est juste de remarquer que ce n’étaient pas des manœuvres, magnétisant comme des machines à fluide; tous avaient l’air de fort bien comprendre leur rôle, et deux étaient des praticiens déjà connus. Ils se servaient d'un instrument que je n’ai jamais vu mentionné et que je vais décrire. C’est une colonne de bois, reposant sur trois pieds, comme un guéridon, haute d’un mètre environ, et supportant une barre horizontale, large comme la main et longue comme l’avant-bras. Quand ils ont à magné-
Tome XIII. — N“ f9S. — 25 octobre 185t. 20
tiscr la tête, et particulièrement les yeux, étant assis, ils s'appuient l'avant-bras sur la barre de l'instrument, et leurs doigts se trouvent maintenus sans fatigue à la hauteur de la région qui doit être longtemps actionnée.
Les sièges pour les femmes étaient beaucoup mieux que ceux des hommes. C'était une sorte de pliant, recouvert de toile cirée et formant chaise longue, lorsqu’il convenait de donner aux sujets une attitude horizontale. Du reste, cette salle était disposée exactement comme celle du bas, et le même ordre y était observé.
Les résultats obtenus dans cet établissement sont rendus publics chaque année, je n’ai pas besoin de les énumérer. ce qu'il importe, c’est de les apprécier, et je vais le faire en peu de mots.
La magnétisation directe est ordinairement seule employée, elle dure moyennement une heure, interrompue par une ou deux pauses. Elle s’effectue chaque jour sur les deux tiers des malades ,’et tous les deux ou trois jours sur le reste.
L’eau magnétisée en boisson est d’un usage assez fréquent.
On la prépare en magnétisant fortement un petit paquet de sucre en poudre, que le malade emporte plus facilement qu’une carafe, et qu'il fait dissoudre chez lui dans la quantité d’eau qu’on lui indique. Ce procédé est très-commode, il permet d'envoyer par la poste quelques petits paquets qui, en se dissolvant, saturent plusieurs litres de boisson.
La clairvoyance a été proposée pour indiquer des remèdes capables d’aider à la guérison; plusieurs somnambules,
M. Adolphe Didier, entre autres, avaient offert leur concours gratuit ; mais le comité a préféré s’en tenir au traitement purement mesmérique. Aussi toutes les cures sont-elles le produit de l’action magnétique seule, soit directe, soit par l'intermédiaire de l’eau, etc.
Les lettres N. S. {no slecp, sans sommeil) accompagnent -très-fréquemment les notes placées en marge de chaque observation. C’esl qu’en effet, soit parce qu’on ne le cherche pas, soit parce que le climat s’y oppose ou que les tempéraments n’y sont pas disposés, le somnambulisme se déve-
loppe rarement. Sur cinquante personnes qui étaient en traitement durant ma visite, une seule était lucide, deux ou trois tombaient dans le coma, et peut-être une dizaine montraient de la somnolence plus ou moins profonde. Grâce à cette remarque, le public commence à comprendre que le somnambulisme n’est pas nécessaire pour guérir, et que les plus belles cures viennent sans le secours de cette crise. Le soin qu’on met, à l’infirmerie et dans les comptes-rendus, h établir que le fluide magnétique guérit seul, et que les médicaments indiqués par les clairvoyants sont inutiles, m’a paru exagéré; je crains même qu’on néglige l’application de cette faculté dans des cas où elle pourrait au moins fournir d’utiles renseignements.
Reste à parler des moyens pécuniaires à l’aide desquels l’in--stitution se soutient; mais ils ont été assez longuement exposés dans le Journal du Magnétisme pour qu’il ne soit pas utile d’y revenir ici. D’ailleurs j’aurai lieu d’en comparer le mécanisme avec celui des ressources que je* compte mettre eu usage.
Deleuze, dont l’esprit méthodique a élucidé tant de questions, s’était appliqué à l’étude des bases d’un traitement magnétique et en avait tracé le plan avec une supériorité de vues vraiment remarquable. Les principes qu’il a établis reposent sur une appréciation si juste des faits, que malgré les changements apportés par le temps et la différence des circonstances, presque tout ce qu’il a dit est encore applicable. Beaucoup de ses idées ont été réalisées à Calcutta, Londres, etc. ; mais plusieurs points importants ont été négligés, sans doute parce que les fondateurs de ces institutions n’avaient pas sous les yeux les écrits de ce grand homme. Je crois bon de reproduire ici quelques-unes de ses pensées, afin qu’on voie la sagesse de ses conceptions et qu’on apprécie combien les conseils de l’expérience sont à considérer dans des entreprises nouvelles.
Voici donc comment il indique le but et les préceptes qu’il donnepour l’a tteindre :
« Quant l’utilité, dit-il, elle serait sans cloute très-grande, si ce traitement était dirigé par des hommes sages et éclairés. On soulagerait beaucoup de malades, 011 en guérirait plusieurs, et l'on obtiendrait d’abord sur la nature du magnétisme, sur son application aux maladies et sur les moyens d’en diriger l’emploi; puis sur la physiologie, enfin sur la psychologie, des notions nouvelles et très-intéressantes.
« Voyons maintenant de quelle manière 011 peut former cet établissement.
(. La première chose est de trouver un médecin connu et considéré dans la pratique de son art, qui soit en même temps magnétiseur, c’est-à-dire qu’il ait lui-même pratiqué le magnétisme, et qui soit parfaitement convaincu de la puissance de l’agent et de la sienne propre...
« Ce médecin sera chef du traitement... c est lui de choisir ses adjoints, car il ne pourrait seul magnétiser plusieurs malades. 11 serait à désirer que ces adjoints fussent de jeunes médecins qui, déjà convaincus de la réalité du magnétisme, voudraient s’assurer par expérience de l’utilité qu’on en peut
retirer..... Il pourrait se faire aider par d’autres personnes
que des médecins.... ,
« Je suis persuadé qu’on trouverait facilement à Pans plusieurs hommes zélés qui feraient volontiers, chaque jour, le sacrifice d'une ou deux heures pour soulager et guérir des malades,'sans autre but que de faire du bien et de propager la connaissance du magnétisme.... 11 arriverait bientôt que, panni les femmes, quelques-unes seraient parfaitement convaincues et pourraient rendre service à des personnes de leur sexe ou soutenir une action commencée.
« Il faudrait qu’avant d’admettre des malades au traitement, le médecin constatât leur état par écrit, pour pouvoir le comparer à celui dans lequel ils seraient quelques jours après.... Il en confierait deux ou trois à chacun de ses aides, ou seulement un, selon qu’il jugerait que le malade exige plus ou moins de soins.
» Les malades viendraient aux heures indiquées, et entreraient seuls dans la salle du traitement. La raison en est simple : c’est que les magnétiseurs, s’ils agissaient en présence de curieux, seraient distraits de l'objet essentiel et obtiendraient difficilement des effets salutaires et remarquables.
«Chacun des aides-magnétiseurs rendrait compte au médecin de ce qu’il aurait observé, et celui-ci tiendrait note des observations pour les comparer... Chacun s’engagerait à ne
point abandonner un malade s'il y avait une crise qui exigeât sa présence.
« Le médecin tiendrait compte des résultats obtenus, en ayant soin de marquer les cas où l’action du magnétisme aurait été nulle, comme ceux où elle aurait élé salutaire, et de distinguer les changements dus à la magnétisation de ceux qui peuvent être attribués à d’autres causes.
« S'il existait une fois un traitement régiüier, dirigé par un médecin, plusieurs autres médecins qui, persuadés de la réalité du magnétisme, ont cm jusqu’à présent devoir garder le silence, se déclareraient hautement en sa faveur el le soutiendraient de leur crédit. Alors l’opinion se formerait sur son utilité; on ne craindrait plus les inconvénients et les abus qui peuvent résulter de son emploi secret; on en ferait usage daus les familles avec les précautions convenables, d’après les conseils et sous l’inspection d’hommes investis de la confiance publique.
« En exposant les principes d’après lesquels on pourrait établir un traitement magnétique, je n’ai rien dit de ceux qu’il conviendrait de suivre pour son organisation intérieure lorsqu’il serait établi. J'ai dû supposer que le chef serait non-seulement doué des facultés qui font un bon magnétiseur, mais encore qu’il connaîtrait les moyens accessoires propres à diriger, soutenir ou diminuer l’action du magnétisme. Ce serait à lui d’instruire ses adjoints de la méthode qu’il aurait adoptée et de leur indiquer ce qu'ils auraient à faire dans tous les cas. »
Les D" Esdaile et Elliotson réunissaient, comme hommes de science, toutes les conditions exigées ci-dessus. Je suis loin de les égaler sous ce rapport; mais je me crois supérieur en fait de magnétisme, et j’espère compenser par ce mérite l'avantage de leurs talents professionnels. Je vais donc entreprendre de suivre leurs pas, et tâcher d'étendre le cercle de leurs travaux afin d'en tirer de nouveaux enseignements.
UÉUF.HT (de Garnay).
(La fin au prochain numéro).
Sorlrtf ni-ilion-nii)aii-(i|uo écossaise.
Une réunion publique de partisans et d’amis du magnétisme, provoquée par le Provisionalmemeric association, a eu lieu, le 21 décembre dernier, à, Édimbourg, sous la présidence du savant Dr W. Gregory, professeur de chimie i\ l’université de cette ville, et membre du Jury magnétique séant à Paris.
RI. le président, s’inspirant de ce qui se passe dans les sociétés magnétiques de Paris, dont il a fait connaître l’existence et invoqué l’exemple, a ouvert la séance par un discours approprié à la circonstance. Cette improvisation, remarquable par la vigueur des arguments et l’abondance des vues philosophiques, av£té fort appréciée. L’orateur, rappelant que la plupart des grandes découvertes ont été long, temps méconnues et dédaignées, a dit qu’il ne fallait pas s’étonner si le magnétisme subit le même sort; ceux qui le nient jugent aveuglément de ce qu’ils ne connaissent pas, leur jugement est donc sans valeur, quelle que puisse être d’ailleurs leur autorité scientifique. Rien n’est plus téméraire et plus contraire au progrès des sciences, que de prétendre connaître toutes les lois de la nature, et de déclarer impossible tout ce qui est en dehors du petit nombre des lois que nous connaissons ou tout ce que nous ne pouvons expliquer; en réalité nous n’expliquons rien, ni la gravitation, ni la vision, ni les phénomènes qui nous sont les plus familiers. Il est donc absurde, illogique d’exiger une explication du mesmérisme ; avant de l’admettre nous devons, au contraire, commencer par nous assurer des faits, et ensuite essayer d’en découvrir la cause, comme ont fait Newton et Bacon ; il suffit d’ouvrir les yeux pour s’assurer de la réalité du mesmérisme, qui est pratiqué par une foule d’opérateurs et dont chacun peut produire les effets.
Après cette brillante allocution, M. le général Makdougall Brisbane, membre correspondant de l’institut de France et président de la Société royale d’Édimbourg, a fait un rapport sur l’état actuel du mesmérisme en Écosse. L’honorable
académicien, après avoir rapporté, avec un légitime orgueil, que la ville d’Edimbourg, renommée pour la culture de toutes les sciences, avait eu l’honneur de fournir au magnétisme un grand nombre de sectateurs et plusieurs de ses plus illustres défenseurs, a payé 1111 tribut d’éloges à MM. Davey, Jakson et Gregory, qui, parleurs travaux importants, ont puissamment contribué aux progrès de la science.
Il a exposé que l’association provisoire qui avait convoqué l’assemblée et dont il était l’organe, était composée d’adhérents qui appliquent le mesmérisme au traitement des maladies, et qui se réunissent toutes les semaines pour s’éclairer mutuellement et faire connaître les résultats de leur pratique.
Il a cité ensuite plusieurs cas de guérison obtenus par ce petit groupe de magnétistes dévoués ; nous allons en traduire quelques-uns.
« 1° G. F., âgé de douze ans, était, depuis plus de deux mois, en proie à la maladie appelée danse de Saint-Guy ; il avait été traité par les premiers médecins de la ville, qui déclaraient avoir employé toutes les ressources de la médecine et n’avaient pu cependant lui procurer aucun soulagement. Quand ce malade se présenta pour la première fois aux mesméristes, sa langue sortait de la bouche, il était incapable d’articuler aucune syllabe, ses yeux semblaient prêts à sortir des orbites et étaient injectés de sang d’une manière effrayante ; tout son extérieur annonçait l’hébétude ; il ne pouvait ni se tenir debout, ni se maintenir dans aucune position. Après la première semaine de mesmérisme, il fut en état de se tenir debout ; à la troisième, il put parcourir un mille et assister à une leçon publique; pendant la quatrième, il recouvra parfaitement la santé; il y a trois mois qu’il est guéri, et son état a toujours été satisfaisant depuis cette époque.
a 2° Elizabeth Browlle était affligée depuis douze ans d’une dartre écailleuse qui lui couvrait toute la tète. Elle avait été placée à l’infirmerie royale et y avait été traitée par les médecins les plus éminents, qui lui avaient en vain appliqué plusieurs onguents. Elle a été guérie en très-peu de temps au moyen de passes sur la tête.
« 3° M, B.... confirait d’une paralysie au côté gauche et ne pouvait se lever de son lit sans être"aidé. Un membre de la
Société instruisit sa filin à le magnétiser, et en peu de temps elle améliora sa position au point de le mettre en état de marcher seul. »
Le rapporteur remarque que les cures qu’il signale ont été obtenues par des personnes étrangères à l’art médical, qui se sont formées en très-peu de leçons, dont l'habileté s’est perfectionnée en quelques mois, et qui, sans négliger les devoirs de leur profession, ont pu rendre les plus grands services à leurs parents et amis. 11 fait des vœux pour la vulgarisation de procédés qui réalisent si bien la loi d’amour du christianisme.
« Ce ne sont pas seulement, dit-il, des avantages matériels qu’on retire de l’application du mesmérisme aux guérisons ; car l’opérateur, après avoir été témoin de l’heureux résultat de son action dans un cas, est porté à en entreprendre un autre ; il prend l’habitude de cette activité bienfaisante, et le plaisir de faire le bien est pour lui la plus noble des récompenses. I)e son cftté, le malade éprouve un vif sentiment de reconnaissance en recevant les soins assidus de son magnétiseur, qui se sacrifie pour sa santé et qui obtient la double satisfaction de rendre la vigueur physique au malade et de lui inspirer des sentiments élevés. »
Une autre séance publique, tenue le 9 février, a réuni plus de quinze cents spectateurs. Des discussions fort intéressantes ont eu lieu sur le mesmérisme, on y a rendu compte de faits remarquables ; des personnes guéries par le mesmérisme sont venues raconter ce qui leur était arrivé ; quelques individus ont été mis en somnambulisme et ont été lès sujets d'expériences phrénologiques.
Enfin, réunis une troisième fois, le 16 février, sons la présidence du Dr J. Scott, inspecteur des hôpitaux militaires, dans le but de rendre permanente la société et d'organiser ses travaux, lès magnétistes ont résolu :
1“ Que l’Edxnburgh and Leith provisionatmesmeric association , sera définitive et composée de tous ceux qui pourront se conformer aux statuts qu’adoptera la présente assemblée
2° Que son nom nouveau sera Scottish curative mctmeric association;
3° Qu’elle aura pour but d’appliquer gratuitement le magnétisme à la guérison ou au soulagement des maladies, et d’en encourager l’usage dans toutes les classes de la société ;
h° Qu’elle se réunira annuellement en assemblée générale, le 16 février ;
5° Qu’un comité de membres actifs tiendra des séances hebdomadaires pour former des élèves et les exercer à la magnétisation des malades ;
0° Que des dons et cotisations seront reçus pour établir une infirmerie, laquelle sera ouverte dès que les fonds seront suffisants.
On a, en conséquence, procédé aussitôt à l’élection des fonctionnaires de la nouvelle association, et tous les noms proposés ont obtenu l’unanimité des voix.
Voici les principaux :
Professeur GRÉGORY, président.
Général MAKDOUGALL, vice-président.
Docteur ESDAII.E, idem.
Docteur SCOTT, médecin consultant.
Nous applaudissons de tout cœur au zèle, au dévouement et surtout il l’activité pratique des magnétistes britanniques, nous les félicitons des brillants résultats qu’ils ont obtenus, et nous faisons des vœux pour que bientôt la France n’ait rien à. envier, sous ce iapport, à Londres et à Dublin , et possède son infirmerie magnétique. Certes, ce ne sont pas les éléments qui manquent ; honneur à celui qui saura en former un faisceau, et utiliser, dans l'intérêt de la science et de l’humanité, tout ce qu’il y a d’ardeur et de générosité chez tant d’amis du mesmérisme. 11 est beau de parler et 4’écrire pour la bonne cause, mais il vaut encore mieux agir.
A.-S. MORIN.
FAITS ET EXPÉRIENCES.
MANIFESTATIONS SPIRITUELLES EN AMÉRIQUE.
Nous continuons de donner ii nos lecteurs des extraits du Spiritual lelegraph. Leur étrangeté ne doit pas nous les faire repousser ; ce sont des matériaux que la science parviendra à trier et à utiliser.
1° Le juge Larrabec écrit à l’ancien sénateur Tallmadge :
u Je m’entretenais la semaine dernière avec M. John B. Du Bay, que vous connaissez sans doute. Il a passé une grande partie de sa vie parmi les tribus indiennes, et il a été plusieurs années l’agent de la compagnie américaine des fourrures. Il me raconta des faits qui prouvent que les communications avec l’autre monde ont été très-communes parmi les Indiens. Il me disait qu’il avait vu un médecin construire trois loges en fixant des piquets en terre; il les couvre de peaux de daim, de manière à former de petites tentes ou wigwams, chacune ayant la grandeur nécessaire pour qu’une personne puisse s’y tenir assise. Ces tentes sont éloignées de deux verges (environ dix mètres). Dans l’une, le médecin place ses moccasins, dans l'autre ses brodequins, et il se met lui-même dans celle du milieu. Alors tout Indien qui veut converser avec l’àme de quelque guerrier défunt, pose des questions : c’est généralement pour demander quel succès il aura dans la chasse qu’il a entreprise ou dans la poursuite de ses ennemis. Aussitôt les trois loges commencent à s’agiter de côté et d’autre, comme si elles étaient ébranlées par une personne placée à l’intérieur, et l’on entend des voix qui paraissent sortir, tantôt d’une des trois loges, tantôt de toutes les trois à la fois. Ces voix sont inintelligibles pour tout autre que le médecin qui prétend les traduire.
« M. Du Bay affirme qu’il s’est souvent appuyé contre ces loges et a employé toute sa force pour empêcher leurs mouvements, mais sans pouvoir y réussir; qu’il a soulevé les peaux et s’est assuré qu’il n’y avait personne h l’intérieur qui put produire ces mouvements.
d Tous ces faits m’ont été certifiés par M. Du Bay, homme très-respectable, dont la véracité ne peut être mise en question. Ainsi, parmi les Indiens illettrés se sont manifestés les mêmes phénomènes qui maintenant attirent l’attention du monde civilisé.
« M. Du Bay m’a aussi rapporté plusieurs exemples de la clairvoyance de ces médecins. 11 y a quelques années, étant arrivé à un poste d’échange dans le YV'isconsin, il y attendit un trafiquant qui devait venir des rives septentrionales du Lac Supérieur. Après qu’il eut attendu plusieurs jours en vain, un médecin offrit de lui faire connaître l’époque de son arrivée. Il s’assit à terre, s’enveloppa la tête d’une couverture, et après être resté quelques minutes dans cette attitude, il se leva et dit : « Demain, les nuages couvriront le « ciel; mais quand le soleil sera sur le point de se coucher, le « temps s’éclaircira, et alors, si vous fixez vos regards sur cet « endroit, à l’opposé du lac, vous verrez arriver celui que vous « attendez. » Effectivement, le jour suivant le temps fut couvert; le soir, les nuages se dissipèrent et l’on put voir le soleil. C’était le moment fixé par le devin. M. Du Bay regarda à l’endroit désigné, et il n’y vit personne. Il retourna alors vers le médecin et commença à se moquer de lui. Celui-ci répondit : « Je v is voir. » 11 s’assit à terre comme la première lois, puis se leva et dit : n Dans cinq minutes, vous le verrez. » En effet, dans cet intervalle, le marchand attendu se montra à l’endroit indiqué, comme on l’avait annoncé la veille, et bientôt arriva au poste. »
2° Un correspondant de Sainte-Catherine (Canada), écrit aux directeurs du journal qu’il était très-incrédule en fait de spiritualisme, qu’il s’était même proposé de désabuser le monde de ces sornettes :
« On m’assura, dit-il, que j’avais un Theell, c’est-à-dire un roi des esprits, appartenant à la classe des habitants de la septième sphère, et que j’étais destiné à devenir prochainement un medium écrivain. En conséquence, un soir je m’assis sans avoir la moindre confiance dans cette prédiction, mais avec la détermination de rester complètement passif. 11 arriva bientôt, à ma grande surprise, que ma main fut mise en mouvement et écrivit des caractères lisibles, puis des mots, des phrases et des pages entières sur des sujets dont je n’avais pas la moindre idée. J’étais abasourdi. Plus tard, l’écriture tracée par ma main me dit que j’allais être un bon
medium guérissant par l’imposition des mains, si je voulais essayer avec patience et persévérance.
c Je fis cel essai avec encore moins de foi qucjVn avais apporté à l’écriture. Je pris pour sujet d’expérience un genou malade depuis environ dix ans, et dont le mal avait résisté à la science des meilleurs médecins d'Angleterre. Il arriva que les muscles de mes bras furent mis en mouvement, sans £>jcunc \ olonté de ma part, et produisirent sur le genou différentes applications et manipulations qu’il serait trop long de détailler, et que les extrémités de mes doigts y causèrent huit ouvertures. Ainsi les bouts de mes deux doigts ayant touché les deux côtés et ayant décrit un mouvement demi-circulaire, une ouverture se forma sous l'un des doigts, et la peau demeura intacte sous l’autre doigt, bien que la pression des deux doigts fût la môme et qu’aucune sensation 11e me fit apercevoir la différence de leur action. Quel sage, quel philosophe donnera une explication naturelle de ce phénomène ?
« Quand le malade commença à. se soumettre k l'expérience, il lui fallait une heure pour aller, à l’aide d’une canne, de sa place à la mienne, et le genou était roide. Quand u me quitta, après quelques jours de traitement, il put parcourir la même distance en quinze minutes, sans canne, et il ne boitait plus que d'une manière à peine sensible. J’ai, dans le même temps, fait des expériences pour la guérison do maux de tête nerveux, de névralgies, d'érésipèles, de maux d’yeux, d’oreilles, de poitrine, de poumons, de cœur, de foie, d estomac , de reins et d’épine dorsale, ainsi que de rhumatismes , d’obstructions, etc., et toujours avec un égal succès. Je fus donc obligé de reconnaître qu’il y a là un agent curatif supramondain. Mon incrédulité fut vaincue -, je crois maintenant à ce qu’on rapporte de M. Burt, fermier du New-Hamp-shire ; car je fais la même chose que lui. Cet agent merveilleux est toujours avec'moi, à ce qu’il paraît; et dans les travaux des cures, il met mes membres en mouvement, indépendamment de ma volonté ou de mes désirs. Il n'y a pas d’illusion ; car j'ai observé avec soin tout ce qui s’est passé, j’ai fait usage de toutes les ressources de ma raison, et je n’ai pu découvrir que 111011 action fût due à une faculté de mon esprit ou à quelque chose d’humain.
« Beaucoup de personnes, qui n’admettaient pas le mesmérisme avant l'avénement de ce qu’on appelle le spiritualisme, croient maintenant que ces laits sont dus au mesmérisme. Moi qui ai pratiqué le mesmérisme depuis plusieurs années, depuis que j’ai observé le spiritualisme, je crois que
le mesmérisme est un degré du spiritualisme. Je suis fermement persuadé que l’agent des opérations mesmériques, au lieu d’être, comme on le suppose, un fluide magnétique ou vital, est purement spirituel. »
Le correspondant cite cc sujet les cures étonnantes de l’irlandais Greatrake, et il conclut que les magnétiseurs réussissent d’autant mieux qu’ils sont medium plus développés et qu'ils se sont mieux conformés aux lois qui gouvernent les agents spirituels.
3" Al. Pliœnis voulant prouver la réalité du spiritualisme, énumère ainsi les faits dont il assure avoir été témoin:.
« Des tables ont été mues sous l’impulsion de medium, elles l'ont été sans aucun contact de personnes, et de manière à produire des manifestations intelligentes par l’alphabet. Des medium ont écrit sur des sujets dont ils n avaient pas connaissance, dans des langues qu’ils ne comprenaient pas, dans un style et avec des caractères qu ils n avaient jamais employés, et avec un degré de rapidité qui ne peut être imité par des personnes non influencées par les esprits. Des meubles- se sont mus, des instruments de musique ont joué des airs, des plumes ont écrit sur le papier, et tout cela sans aucun moteur visible ; des crayons ont dessiné des portraits en un temps beaucoup trop court pour aucun procédé connu. Des plumes et des crayons placés sur le parquet ont été conduits par les esprits, pendant qu’on faisait cercle tout autour e.t que personne ne pouvait toucher à ces objets. Iles sonnettes posées à terre ont sonné. Des individus ont été enlevés de leurs. siég,es, mus dans l’atmosphère et replacés sur leurs chaises par la puissance des esprits. Des personnes ont été touchées à différentes parties de leurs corps par les. esprits. Quelques medium ont vu et parfaitement décrit la position des clitïérentes personnes de la société, quoiqu’on fût. dans une obscurité complète. D’autres medium voient les esprits et dépeignent leur forme avec tant de précision, que feur identité ne peut être mise en doute. D'autres ont entendu le langage des esprits, et beaucoup ont été impressionnés de manière à ne pouvoir s’y méprendre.»
A.-8. MORIN.
VARIÉTÉS.
Causeries. — Parlez de moi, dites quelque chose île nous, tel est le thème favori de quelques écrivains magnétistes qui se sont faits éditeurs de recueils.
Notre silence nous vaut force injures : on nous déclare coupable au premier chef. Notre silence est-il un blâme ou cache-t-il un fond de jalousie à leur égard ? Aucune de ces suppositions n'est fondée. De quoi donc serions-nous jaloux? Est-ce que le triomphe du magnétisme n’est point notre seul but? Nous croirions, au contraire, n’avoir jamais assez créé de défenseurs de notre cause ! Est-ce donc le mérite transcendant de nos compétiteurs qui arrête notre faible plume? Il n’en est rien encore; mais ce jour viendra certainement. Notre silence alors accusera notre faiblesse ; et ce jour venu, loin de nous montrer chagrin, nous serons joyeux jusqu’au fond du cœur, car le progrès sera accompli, le magnétisme entrera dans une phase ascendante, il ne pourra plus être compromis par le charlatanisme, et la science des écoles sera sommée de rendre ses comptes.
Mais de ce qu’un recueil, un journal se produit, devons-nous tout à coup crier au miracle et battre des mains en signe de contentement? Avant qu’il en soit ainsi, ne devons-nous point examiner quels sont les rédacteurs de l’œuvre nouvelle ; nous assurer de la portée de leur intelligence en tant que magnétisme; voir si, en effet, des clartés nouvelles" apparaissent, si la lumière se fait?
S’il résulte de notre examen qu’il n’y a point lieu de s'étonner de l’œuvre nouvelle; que, bonne dans le fond, elle
n'ajoute rien pourtant & tout ce que l’on sait du magnétisme, il vaut mieux, ce nous semble, laisser aller les choses qui s’établissent jusqu’au point où leur mérite ne sera plus contestable. Louer par avance ce qui n’est point encore louable, ou blâmer ce qui n'est pas sérieux, mais qui peut le devenir, est un double écueil que nous évitons par notre silence.
Dans cette suite d’attaques et de personnalités, résultat de notre conduite, que pouvons-nous reconnaître, sinon un fol orgueil, un vide évident de connaissances magnétiques, un désir excessif de voir succomber l’œuvre de dix années? C’est, au reste, ce qui a lieu dans toutes choses, — c’est une guerre à mort, où le mot d'ordre est: Ôte-toi de lu que je m’y nielle.
On pourrait peut-être trouver dans le blâme affecté qui pèse sur nous autre chose encore. Parfois 011 loue pour être loué : passez-moi ta rhubarbe, je vous passerai le séné. Ah ! mes chers seigneurs, nous avons cherché toujours à découvrir le mérite et à le faire éclater au grand jour; souvent nous avons trouvé à louer, et nous l’avons fait sans y être obligé et sans demander une louange en retour. Nous avons blessé, il est vrai, sachant que nous blessions, tous ces hommes qui faisaient un vil trafic du somnambulisme, nous montrant résolu et prêt à signaler l’abus.
Mais il est une plainte fondée, nous le reconnaissons. On nous dit : Vous ne donnez point votre avis sur les questions à l’ordre du jour ; vous n’entrez dans le débat qu’avec timidité; vous évitez de vous prononcer! Cela est vrai; mais, loin de mériter un reproche, il faudrait au contraire nous encourager à persister dans cette voie. Et pourquoi donc ne dirai-je point ma pensée tout entière ? Je crois qu’il serait dangereux pour l’existence même du magnétisme, d’aller révéler îi tous ce que quelques-uns doivent seuls connaître. Celui qui s’aventure ainsi et qui laisse à sa langue ou à sa plume la faculté de tout dire, dans l’ordre même des vérités, celui-:'., 'lisons-nous, n’est pas au bout de ses peines, il doit s'attendre à bien des soubresauts désagréables, à des surprises pénibles. Ceux qui le loueront aujourd’hui l’accable-
ront demain de leurs reproches ; on l'accusera de folie, à peine même trouvera-t-il un refuge dans sa conscience, car les choses dites ou révélées ont souvent une portée à laquelle on n’avait point songé, et les regrets sont alors superflus.
On le voit donc, nous sommes réservé et prudent. A quoi serviraient l'expérience et l’observation, si les leçons qu’elles donnent n’étaient point mises en pratique?
Nous ne nous croyons point un grand pontife de la science nouvelle, et ne prétendons à d'autre titre qu’àcelui de soldat de lu vérité ; que ceux donc qui croient être plus capables embouchent la trompette .et cherchent la gloire, que leur mérite apparaisse à tous les yeux , nous marcherons nous-mêrae à leur suite et leur ferous cortège !
Ah ! combien s’abusent ceux qui se croient mal placés au second rang. La renommée oblige, elle devient une cause de trouble et d’inquiétude; elle est comme la fortune, elle vend ce qu’on croit qu’elle donne. Mais tous veulent être chefs ou rois ! Moi, pour le peu qui m’est échu de ce vain honneur, je me montre plus modeste, je n’accepte que ce que je ne puis rejeter.
La philosophie ne sera-t-elle donc toujours qu’un mot , ou plutôt faut-il, pour être philosophe, approcher du déclin? Science! science! tu te.fais chèrement acheter, et lorsque, par une faveur que le. travail a méritée, tu éclaires de tes rayons quelques intelligences, tu suscites à tes favoris les clameurs de l’ignorance !
Le magnétisme est déjà comme la médecine, la guerre est dans son camp. Une foule d’êtres remuants, échcvelés, rabâchent ce qu’ont dit nos pères,, et touchant malproprement cet. acier poli, le rouillent et le ternissent de manière à le rendre méconnaissable. L'un de ces partisans lance des gerbes d’artifice à éblouir les yeux, c’est un feu roulant de mous-queterie, on croirait assister au siège d'une place forte , à peine a-t-on le temps de respirer, le plus témérai'o s'arrête et n’ose avancer-. Il semble que Jupiter ait pris scs foudres et qu’il écrase les humains. Et pourtant, ceux qui sont
atteints n’ont pas le moindre souci de leurs blessures, elles leur semblent pareilles à celles qu’on reçoit en rêve et que le réveil suffit à dissiper. Les murailles des temples de nos ennemis sont trop solides pour être en rien ébranlées, leurs fenêtres ont des sourdines ; ils dorment à l’aise, nos savants, leur industrie est garantie par le gouvernement; c’est à qui d’entre les magnétistes s'évertuera à trouver les moyens de troubler ces liommes de paix et de non-conciliation. Tentatives vaines, ils dorment, vous dis-je, comme si la mort les eût déjà saisis. La vie est donc dans le camp magnétique, vie inquiète et turbulente, exaltée pour de petites choses, au souille des passions ; mais c’est ce qui précède ordinairement les grands événements. Un secret pressentiment avertit tous les magnétiseurs que le magnétisme est quelque chose de grand, d'incompris encore; car, ne sachant en user largement, ils le voient sous ses moindres phénomènes, et ceux-ci pourtant ont la puissance d'agiter leur âme et de les remplir de feu. Qu’est-ce donc que le magnétisme? Nul ne le sait ; et tous s’évertuent à le définir. Il est comme le créateur, 011 le touche partout, on le sent en soi, on l'aperçoit dans tous ses ouvrages, et aucun ne peut dire sa figure ou sa forme. Serai-je plus heureux que tous? J’essaierai de dire ce qu’est le magnétisme dans un prochain entretien.
Baron Dü POTET.
Revue de» Journaux--Le Journal de Lisieux, du 27
mai, contient une facétie sur le somnambulisme. Une jeune femme coquette, ne pouvant obtenir de son mari un genre de vie conforme à ses goûts, s’ingénie à faire semblant de dormir et s'ordonne de la distraction , des plaisirs, la bonne chère et la toilette. Le mari, magnétiseur trop débonnaire, croit à la lucidité de sa femme, et s’empresse de lui accorder tout ce qu’elle s'est prescrit.
— Le Libérale alpenboie, de Coire, dit, dans son numéro du h juillet :
« Le Zuriherischc Volkoblatt annonce que le gouverne-
aient de Zurich a chassé de ce canton le magnétiseur Ragaz-zoni, îles Grisons.
a Nous ne connaissons personne de ce nom dans notre canton. Cette désignation pourrait faire confondre l’individu dont il s’agit avec M. Ragazzi, de Poschiavo, qui magnétise beaucoup. Mais celui-ci, chacun le sail, au lieu de voyager comme un charlatan, reste chez lui ; et, opérant sans bruit, quoique son ardeur soit grande, il fait usage de la merveilleuse puissance qu’il possède pour soulager les êtres souffrants. D'ailleurs il agit avec désintéressement, et l’on ne bannit pas les philan hropes. »
— line lettre de Bucharest, publiée par la Gazelle de Cologne du 22 août, dit, en parlant des chefs de l’armée russe et de leurs occupations :
«.... Quant au général Schilder, à l’arrivée duquel se rattachaient de si grandes espérances, il n’avait pas tardé à désillusionner ses meilleurs amis. Les tables tournantes lui prenaient la moitié de son temps. Son état-major, au lieu de travailler, était obligé de faire la chaîne souvent pendant huit heures de suite, tandis que le général, attentif, consignait dans son portefeuille les révélations de la table. »
— On lit dans le Courrier de tu Vienne:
« Il se trouve quelquefois dans la vie de l'homme des rapprochements tout à fait extraordinaires. En v oilà un exemple frappant :
h Forget et Bilouin sont nés la même année, par conséquent ils sont de la même conscription.
« Ils sont tous les deux incorporés dans le même régiment.
u Tous deux commettent un assassinat.
« Ils sont tous les deux condamnés à mort aux mêmes assises ; tous deux voient la peine de mort prononcée contre eux commuée en celle des travaux forcés à perpétuité.
« Ils partent ensemble pour aller aux galères.
« Us ne se sont jamais connus, pas même vus.
« C’est la chaîne qui leur fait faire connaissance. »
— Un cabinet de lecture établi passage Vivienne affiche la location des journaux magnétiques.
ARNETTE.
BIBLIOGRAPHIE.
LE MAGNÉTISME. — Vérités et chimères île cetto science occulte. — Un drame dans le somnambulisme, épisode historique. — Tables tournantes, etc. Par le Dr Bellanger. 1 vol. in-12. — Paris, 1854, Guillor-met, éditeur.
M. le D‘ Bellangé a publié dans Y Abeille médicale, sous le titre de: Histoire analytique, critique, philosophique et médicale du magnétisme animal, une série d’articles où la question du magnétisme est traitée avec un talent remarquable. Le volume dont nous allons rendre compte reproduit la majeure partie de ce mémoire ; c’est le même ouvrage avec de nouveaux développements.
Nous voyons avec plaisir les médecins sortir de l'incrédulité dédaigneuse et systématique où ils avaient cru longtemps devoir se renfermer, et arriver à l’examen consciencieux d’une science qui, comprenant les phénomènes les plus importants de l’existence humaine, doit nécessairement entrer dans le cadre de leurs études. M. le D' Comet n’a-t-il pas eu raison de dire que le dédain, le sarcasme ne sont point une manifestation scientifique propre à satisfaire un interlocuteur sérieux ? M. Bellanger prend l'épigraphe suivante, qui résume son système d’éclectisme :
« Les fanatiques me prendront pour un incrédule ; les incrédules me prendront pour un fanatique; peut-être ceux qui aiment la vérité seront-ils de mon avis. »
L’auteur commence par poser les principes qui, d’api ès lui, doivent guider dans l’étude de la science, et auxquels tout homme d* bonne foi ne peut manquer d’applaudir :
« Les médecins, dit-il, repoussent le magnétisme parce qu’il est tombé dans le domaine de l’empirisme et est devenu
la panacée des charlatans... Mais ne peut-on examiner une doctrine sans se préoccuper de l’indignité de ceux qui la prêchent? Beaucoup de savants rejettent les faits magnétiques, parce qu’ils sont, disent-ils, contraires aux lois de la nature; mais il est sensible qu’un lel anathème ne serait légitime qu’autant que nous connaîtrions entièrement toutes ces lois. Nous sommes bien éloignés d’un tel savoir. Nous appelons lois de la nature quelques règles, quelques maximes qui nous servent à résumer nos connaissances bornées ; mais nous n’avons en réalité soulevé qu'une bien faible partie du voile qui couvre les mystères qui nous entourent de toutes
parts....... Est-ce une objection philosophique que celle
qui consiste à rejeter des faits parce qu’on ne peut les expliquer? 11 faudrait donc rejeter toutes les sciences humaines.... Quand les faits sont certains, ne refusons pas de les admettre parce que nous ne pouvons ni concevoir leur origine, ni les suivre dans leurs évolutions capricieuses; un fait certain ne doit pas être rejeté parce qu’il soulève des difficultés dont on n’entrevoit pas la solution possible. »
M. Bellanger, tout en admettant la réalité des faits magnétiques, refuse à Mesmer tout mérite d’invention; il n’aurait fait que reproduire des résultats que bien d’autres avaient obtenus avant lui; il ne lui appartiendrait en propre que son système (faux suivant l’auteur) ou plutôt le nom qu’il assignait à la cause des phénomènes. Il y a là un jugement injuste, et nous ne doutons pas qu’un examen plus approfondi ne conduise à une appréciation diamétralement opposée. Sans doute le magnétisme existait avant Mesmer; c’est une faculté de l’homme, elle doit être aussi ancienne qne le genre humain. Mesmer s’est plu à recueillir et à signaler à toutes les époques qui l’ont précédé de nombreux exemples de l’emploi du magnétisme. Mais il n’y avait eu avant lui que des faits isolés; ses devanciers avaient opéré instinctivement et comme au hasard. Ce qui constitue le mérite de Mesmer, son titre à la reconnaissance et à l’admiration de la postérité, c’est d’avoir découvert et proclamé le principe de l’action de l’homme sur son semblable, et d'avoir enseigné qu’en dirigeant convenablement cette action, on était doué d’un moyen universel de guérir et de preserver. Quant à sa théorie pour expliquer comment les choses se passent,
elle est contestable, et peut-être les progrès de la science conduiront-ils à adopter d’autres systèmes. Mais heureusement le sort du mesmérisme n’est pas lié à la théorie de Mesmer, de même que les grandes découvertes de Newton en optique sont indépendantes de sa théorie de l'émission. L'hypothèse d’un fluide particulier a semblé commode pour rendre raison des phénomènes magnétiques, elle compte beaucoup de partisans parmi les magnétistes ; mais la croyance à ce fluide 11’est pas un article de foi pour les disciples de Mesmer, qui, unis sur la partie essentielle de la doctrine, admettent toute liberté d’opinion sur des théories encore fort éloignées d’une certitude rigoureuse.
M. Bellanger attribue les faits magnétiques à l’influence des choses extérieures sur l'homme et de l'homme sur lui-même, et nie qu’il existe un principe particulier dont dispose le magnétiseur. Il semble ignorer les expériences décisives par lesquelles 011 prouve la réalité d’une action magnétique dans des cas où il est exactement impossible que les dispositions morales du sujet aient concouru à cette action : ainsi on magnétise à distance, et malgré l’interposition de corps opaques, une personne qui ne s’y attend pas, comme l’a fait M. du Potet à l’Hôtel-Dieu, dans une circonstance célèbre, où tout s’est passé sous les yeux de deux médecins incrédules qui avaient réglé eux-mêmes avec un soin minutieux les conditions de l’expérience ; ainsi encore on agit sur des personnes endormies, sur des individus ivres-morts, et même sur des animaux ; et à l’égard de ces derniers du moins, on ne dira pas que c’est l’imagination qui a été la cause des résultats. J’ai vu M. le Dr Louyet se placer derrière un enfant qui tétait et l’attirer par un geste magnétique : l’enfant quittait aussitôt le sein et tournait la tête vers le magnétiseur. Certes, voilà encore un fait qui ne peut être mis sur le compte de rimagination. M. Bellanger, du reste, m’offre lui-méme des faits qui détruisent son système : il raconte qu’ayant traité une femme affectée d’hystérisme, il agit magnétiquement sur elle, par sa seule volonté, sans geste ni regard, et qu’il parvint à la calmer; et que M. Gromien
traitant une cataleptique, n’eut également à employer que la force île sa volonté pour produire dans l’esprit de cette femme l’impression d’un voyage en mer, puis celle d’une apparition de la sainte Vierge. Ces personnes 11e se doutaient pas des effets qu’on voulait produire sur elles ; ces effets ne peuvent donc être attribués à leur imagination.
M. Bellanger objecte que le magnétisme n’agit pas sur tous les hommes, comme l'électricité cl les autres agents physiques. Toutes les facultés humaines sont inégalement réparties chez les individus. L’aptitude à recevoir l’action magnétique est plus ou moins grande chez certaines personnes, très-faible chez d’autres; s’il en est chez lesquelles elle parait nulle, cela tient probablement à l’insuffisance des moyens employés. Il est bien rare que ceux qui sont le plus réfrac* taires dans l’état de santé, n’éprouvent pas , en cas de maladie , certains effets de la magnétisation. Il serait possible encore que chez certains individus exceptionnels, la faculté dont il s'agit fût atrophiée, de même qu’il existe par exception des aveugles et des sourds. L’objection n’a donc rien de concluant.
L’auteur, après avoir énuméré les causes innombrables et très-diverses qui peuvent produire la magnétisation, en conclut que les magnétiseurs n’ont aucun privilège; que les effets qu’ils déterminent n'ont rien de spécial et ne dépendent pas d’un agent à leurs ordres, dont ils dirigent à leur gré l’impulsion; qu'il n’y a aucun secret dans leur pouvoir.
Sans doute quelques-uns des effets obtenus par l’action des magnétiseurs peuvent être produits par d’autres causes ; et notamment le somnambulisme, qui, se manifestant par la magnétisation , peut aussi se présenter naturellement sous l'influence de certaines maladies ou d’autres événements accidentels. Mais il ne s’ensuit aucunement que le magnétiseur n’ait pas le pouvoir de faire naître ces phénomènes à son gré, de les diriger, de les régulariser, d’en tirer parti dans l’intérêt des sujets, de les maîtriser et de les faire' cesser, et de remplacer ainsi une action fortuite, capricieuse, désordonnée et parfois funeste, par une action normale et sa-
lutaire. De môme un homme peut recevoir une action électrique de mille causes diverses, et notamment de la foudre, et le physicien pourra, en dirigeant sur lui des courants électriques, obtenir une action graduée et calculée dont la volonté sera le régulateur. Quand on observe les effets innombrables que détermine le magnétiseur sur son sujet, quand on le voit exciter, suspendre ou paralyser la sensibilité, produire ou calmer des crises, dissiper des douleurs, amener ou faire cesser le sommeil, etc., il est impossible de ne pas reconnaître qu'il existe chez lui une cause puissante, énergique, dont il dispose à son gré et qui ne peut être confondue avec les causes extérieures à l’homme, qui amènent parfois quelques effets semblables. Oui, le magnétisme existe partout dans la nature; mais la science du magnétisme consiste à s’emparer de cet agent magnifique, à en étudier les lois, à l’appliquer d’une manière intelligente et à l’utiliser.
Que signifie le reproche fait au magnétisme d’avoir usurpé sur la physiologie la plus grande somme de ses richesses? Le magnétisme tient à la physiologie, puisqu’il comprend des facultés physiques de l'homme ; il tient aussi à la psychologie, puisqu’il comprend en même temps les facultés de l’àme et qu’il ne peut s’exercer que sous l’empire de certaines disposi-sitions morales. Mais ce n’est pas usurper que de s’emparer d’un domaine que la nature ouvre à tout le monde, et si les professeurs titrés de physiologie et de psychologie ont négligé ou refusé d’aborder l’examen des facultés les plus brillantes de l’homme, il a bien fallu que Mesmer et ses disciples, sans s’inquiéter de l’oubli des corps savants, vinssent remplir cette lacune et élargir le champ de la science.
M. Bellanger s’est occupé particulièrement du somnambulisme ; c’est là le sujet qu’il traite avec le plus d’étendue. En dépit des anathèmes et des déclarations d’impossibilité si souvent lancés par la science officielle, il reconnaît la réalité des phénomènes les plus extraordinaires, tels que la vue à distance et à travers les corps opaques, la vue de la pensée d’autrui non exprimée et la faculté de prévoir et de prédire les événements dont l’origine et le développement
sont relatifs aux somnambules eux-mêmes ; il constate aussi que des poisons administrés à des somnambules ne leur ont causé aucun mal ; il apporte son témoignage, il croit parce qu'il a vu ; il a observé avec soin, en prenant toutes les précautions convenables; il cite des cas nombreux où la lucidité a été constatée d’une manière irrécusable. 11 invite la science à revenir de ses préventions; il demande qu’on cherche à, déterminer les conditions qui peuvent accroître ou diminuer, paralyser ou faciliter la lucidité des somnambules ; que l’on travaille à découvrir un critérium certain pour distinguer ce qu’ils voient de ce qu’ils croient voir.
Après avoir lu le récit pompeux des merveilles dont l'auteur a été témoin, on est étonné de l’entendre s’écrier :
c Les somnambules n’ont point en réalité de sens nouveau, ils n'ont point de facultés d'un ordre supérieur et inconnu, qui leur permettent de pénétrer dans des régions inaccessibles à l'esprit humain et de découvrir les innombrables mystères dont la Providence a couvert le inonde. Ils n’ont ni la divination, ni la prescience, ni le don des langues. Ils ne peuvent plonger dans l’avenir ; quand ils prédisent, ils raisonnent; il n’y a pas prédiction réelle, miracle, il n’y a que raisonnement, précision. »
Puisque les somnambules se mettent en rapport avec les corps extérieurs sans le secours des sens ordinaires, il faut bien qu'ils soient doués d’un sens nouveau inconnu, puisque, de l’aveu de l'auteur, ils lisent la pensée d’autrui, pénètrent dans les profondeurs de la terre et découvrent ce qui se passe à des distances énormes ! Ils pénètrent donc dans des régions inaccessibles non à la nature humaine, mais à l’homme tel qu’il est dans l'état ordinaire! Ils acquièrent donc des facultés transcendantes ! S’ils voient, sans le secours de l’œil, ce que l'œil est incapable de voir, ils ont donc une seconde rue! 'S’ils voient les événements futurs, ils plongent dans l'avenir; et comme ils annoncent ce qu’ils voient d’avance, il y a donc prédiction! S’ils comprennent-ce que vous leur dictez dans une langue qui leur est inconnue (ce qui peut se rattacher h la communication de pensée), il y a, jus-
qu’à nn certain point, don des langues. En attribuant aux somnambules toutes ces propriétés éminentes, on n’est pas forcé pour cela d’en faire des devins, des prophètes ou des thaumaturges, ni de leur accorder rien de surnaturel. Tout ce qui se passe chez eux a lieu en vertu du cours régulier des lois de la nature, dont l’ordre est immuable et dont la combinaison, fruit de la sagesse divine, suffit pour produire une variété infinie de merveilles dont la grandeur nous étonne.
M. Bellanger, après avoir constaté les prodiges du somnambulisme, semble, par une espèce de guerre de mots, vouloir se faire pardonner par le corps médical la hardiesse de ses concessions à l’esprit novateur; on dirait môme que dans son livre il s’effraie de sa témérité et fait quelques pas en arrière. 11 s’y montre, en plusieurs endroits, fort peu bienveillant envers les hommes qui ont consacré leur vie à l’étude , à la propagation et à la pratique du magnétisme, et qui certes ont droit à plus d’égards. C’est sans fondement qu’il leur reproche de travailler à faire revivre les superstitions ; d’être des sectaires crédules, aveugles, fanatiques, de croire aux miracles, aux démoniaques, aux sorciers. S'il a lu les ouvrages qui font autorité en magnétisme, il a dû voir que les auteurs n’attribuent les phénomènes qu’ils racontent et discutent, qu’à l’action des lois naturelles et nullement à l’intervention des esprits.
Il exprime avec beaucoup de raison le vœu que la médecine s’empare du somnambulisme pour s’aider de son concours dans la tâche si ardue de découvrir exactement la nature des maladies. Un somnambule, dit-il, pourrait être, pour un médecin instruit et habile, un sixième sens dont la puissance s’ajouterait à celle des sens naturels. Il est vrai qu’à cet égard il y a beaucoup à faire ; mais on ne peut sans injustice.méconnaître le bien immense qui a été fait et qui se fait tous les jours. Quoique l’état actuel du somnambulisme laisse beaucoup à désirer et ne soit qu’un faible embryon de ce que l’avenir lui destine, il est certain que beau-coun de malades abandonnés des médecins ont dû leur
salut à la lucidité des somnambules, ilonl. les prescriptions, quoique parfois bizarres et le plus souvent étrangères aux règles du Codex, se sont trouvées parfaitement efficaces. Que la science de la thérapeutique n’y ait pas gagné, cela se conçoit; car les prescriptions des somnambules sont ordinairement spéciales au cas qu’ils traitent et ne peuvent être transportées à d’autres cas qui, bien que semblables eu apparence, présentent toujours des différences qu’on ne peut négliger. Mais l’humanité y a gagné, et après d’aussi beaux résultats, il n’est plus permis de négliger un aussi précieux moyen de guérison. Que le somnambulisme soit mieux dirigé, que les somnambules, dans leurs crises, qui composent comme une seconde existence, s'initient à la science, il est probable qu’alors leurs prescriptions, au lieu d’être empiriques, deviendront rationnelles, et que la thérapeutique s’enrichira de nouvelles lumières.
M. Bellanger n’avait rien dit, dans les articles de l'Abeille midimle, du traitement des maladies par l’emploi direct du magnétisme ; dans son livre, il ne consacre à cette grande question que quelques lignes où il se montre fort dédaigneux et fort superficiel. La vertu curative du magnétisme ne serait due, suivant lui, qu’au pouvoir de l’imagination, et ce moyen n’aurait d'efficacité que sur un nombre très-limité d’individus extrêmement impressionnables. Nous regrettons qu’un homme aussi judicieux ait adopté à la légère une- telle opinion ; il semble ignorer les faits innombrables qui prouvent de la manière la plus éclatante combien l’emploi du magnétisme peut être utile; il y a bien peu de genres de maladie où les magnétiseurs n’aient obtenu des cures admirables; il y a là toute une régénération de la médecine, el cette thérapeutique n’est pas exposée aux erreurs qu’entraîne la lucidité toujours variable des somnambules. 11 est fâcheux qu’il u’ait pas même soupçonné la gravité d’un pareil sujet.
• Ce n’est sans doute que pour grossir son volume qu’il y a intercalé son drame dans le somnambulisme ; c’est une histoire de la double existence d’une somnambule. S’il ne sc fût agi que d’en présenter les traits qui intéressent la science, il
aurait suffi de deux ou trois pages ; la longue narration que donne l’auteur transforme l’anecdote on une espèce de roman qui a le défaut de n’être pas à sa place au milieu de discussions sérieuses.
M. Bellanger termine son ouvrage par un chapitre sur les fameux phénomènes des tables. Quant aux tables tournantes, il reconnaît la réalité des faits, il réfute victorieusement les explications qu’en ont présentées quelques savants, et il s'avoue hors d’état d’en donner une plus satisfaisante. Nous approuvons cette réserve, mais ne lui reconnaissons pas le droit d’affirmer d’avance que l’avenir 11c parviendra pas à, résoudre le problème qui aujourd’hui pour nous est insoluble. Il est téméraire de prétendre fixer les bornes de la science et de déclarer que nous ne pourrons jamais connaître de la force nouvelle que les mouvements qu’elle impose aux corps. Pourquoi n’en serait-il pas de cette branche des sciences expérimentales comme de toutes les autres où l’étude suivie et raisonnée des faits a permis de formuler la loi suivant laquelle ils se produisent?
Quant à ce qu’on appelle les fables parlantes, l’auteur oublie les principes qu’il avait posés avant d’aborder l’examen du magnétisme, il déclare à priori les faits absurdes; et, comme un célèbre académicien, il leur défend péremptoirement d’exister. I.a distinction qu’il cherche à établir à ce sujet n’a rien de logique, et nous lui opposerons ses propres paroles : « Est-ce une objection philosophique que celle qui « consiste à rejeter des faits parce qu’on ne peut les expli-« quer? » Quel que soit le degré d’étrangeté d’un fait, ce n’est pas une raison de se dispenser de l’examiner d’abord, puis de l’admettre s’il est bien constaté, sans s’inquiéter des explications plus ou moins absurdes, plus ou moins surnaturelles que prétendent en donner des sectateurs dont l’opinion n’a que la valeur d’une opinion et doit toujours être distinguée de l’autorité du fait lui-même. Ceci posé, nous ferons reiflMquer que quand on veut discuter une question, il faut l’aborder franchement et sérieusement, et nous lui demanderons où il a vu des gens prétendre que les tables et les
chapeaux pensaient, parlaient, écrivaient, étaient doués d’intelligence.... Supposons que M. Bellanger veuille faire connaître la télégraphie électrique à une personne qui u’en a jamais entendu parler : il la conduit dans un bureau où il lui montre sur un cadran une aiguille qui, mue par un moteur invisible, se porte successivement sur toutes les lettres de l'alphabet dont la combinaison donne une série de phrases et forme une véritable conversation. Si cette personne raisonnait comme M. Bellanger, elle refuserait de voir, en disant qu’il est absurde qu’une aiguille de métal pense, parle, écrive, converse; le visiteur, fier de sa qualité d’esprit fort et désabusé des préjugés, déclarerait qu’on ne lui fera pas accroire des contes de sorcier, des miracles dignes du moyen-âge. M. Bellanger ne manquerait pas de lui répondre que tous les raisonnements du monde n’empêchent pas le fait d’exister; qu’ensuite on n’est pas obligé, en admettant ce fait, de croire que l’aiguille soit une personne intelligente : que ce n’est qu’un instrument dont se sert une personne éloignée; que la plume d’un écrivain, le pinceau d’un peintre, l’archet d’un violoniste ne sont pas non plus des artistes, mais des instruments ; qu’il peut y avoir des cas où l’instrument soit visible, mais non celui qui le fait agir. Eh bien! il en est de même de la table ou du chapeau : ce sont des instruments aveugles d’une pensée dont l’auteur est invisible. Que M. Bellanger fasse pour ce genre de phénomènes ce qu’il a fait pour le magnétisme; qu’il se dépouille de ses préjugés scientifiques; qu’il examine par lui-même; il reconnaîtra la réalité des faits, sans être forcé pour cela de confesser la foi aux démons; puis il cherchera à expliquer, et si aucune explication ne le satisfait, il attendra sagement que les progrès de la science en fassent éclore de meilleure.
A.-s. MORIN.
Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).
CLINIQUE.
LUMBAGO GUÉRI PAR I.E MASSAGE.
On se rappelle que, dernièrement, un interne de la Pitié trouva le moyen d’arrêter subitement les accès d’hystérie en appliquant sa main mouillée sur l’épigastre ; M. du Potet a fait remarquer que cette pratique empruntait toute sa vertu au magnétisme. Voici un procédé du même genre, rapporté par le Journal de Médecine et de Chirurgie pratiques, du mois de septembre.
« SI. Bonnet, de Lyon, en parlant des affections articulaires de la colonne vertébrale, traite incidemment des lumbagos et rapporte plusieurs cas de cette maladie dans lesquels le massage a fait disparaître immédiatement la douleur. M. Nélaton a eu récemment l’occasion d'expérimenter cette méthode curative, et nous devons dire que le résultat en a été aussi heureux que rapide.
« Il s’agissait d’un homme qui, le 30 juillet dernier, était tombé îi la renverse sur le dos. A la suite de cette chute la masse commune des muscles sacro-lombaire et très-long du dos devint le siège de douleurs que les mouvements de torsion et de flexion du tronc rendaient excessives. M. Nélaton ayant reconnu la nature du mal, procéda sans délai au massage des parties endolories. 11 commença par enduire de cérat toute la région lombaire, pour faciliter le glissement des mains et prévenir la rubéfaction et l'irritation de la peau. Cette précaution prise, il pétrit énergiquement, avec le pouce et l’index, la masse musculaire malade, et continua cet exercice pendant cinq minutes ; un iuterne le remplaça et agit de la même manière pendant sept autres minutes. Au bout de douze minutes de massage, le malade se leva, et, à sa grande surprise, put exécuter des mouvements qui
Tome XIII. — N° IOO. — 10 j>oyek»be 185t.
étaient impossibles auparavant ; la douleur n’était pas complètement éteinte, mais amoindrie au point d'être très-tolérable.
« Avant de recourir au massage, qui de tous les moyens est le plus expéditif et le plus simple, M. Nélaton combattait le lumbago par des applications de chloroforme pur. . .
Le chloroforme et le massage sont donc deux agents de médication également précieux dans le traitement du lumbago, puisqu’ils enlèvent en quelques minutes une maladie qui, abandonnée à elle-même ou traitée par d'autres moyens, ne dure pas moins de six à huit jours. »
Il est clair que si au lieu de masser on frictionnait le malade, le même résultat surviendrait. Eh bien! ce que le massage et les frictions produisent, de l’aveu de nos adversaires, la simple apposition des mains et les passes l’obtiennent aussi, et plus efficacement encore, car les autres moyens ne sont que des procédés empiriques de magnétisation. Il y a tant de preuves de cette action du magnétisme dans la maladie qui nous occupe, qu’il serait superflu de les indiquer ici. Tous les magnétiseurs ont eu occasion de guérir de ces maux de reins; il en est de même du torticolis, des douleurs en général et de certains rhumatismes ; et si l’habile chirurgien qui vient d’essayer le massage voulait tenter la magnétisation, il verrait que l’effet en est bien supérieur. Mais le mot de magnétisme effraie : c’est un réprouvé avec lequel les grands noms n’osent se commettre, et tout en évitant de le prononcer, cherchent à s’en servir.
CIRES OBTENUES PAR DES MÉDIUMS.
La secte des magnétiseurs spiritualistes, qui prétendait guérir en invoquant les anges ou d’autres êtres spirituels, semble avoir légué son pouvoir aux médiums d’Amérique. '.eux-ci, en effet, revendiquent le privilège de guérir instantanément une foule de maladies par la puissance ou l’intervention des esprits qui les inspirent ou dont ils sont inspirés.
On lit à ce sujet dans le Spiritual telegrapk .-
k Un M. Patchia, de Lockport, a été empoisonné en travail-
lant à une manufacture de gaz où il était employé. Sa maladie fut jugée incurable par les médecins, et l’on attendait d’heure en heure son dernier soupir. Pendant que sa famille désespérée se tenait autour de son lit, sa sœur, qui est medium, écrivit que M. Atvvood, qui se trouvait là, pourrait le guérir par ses manipulations. L’esprit de Franklin indiqua alors les procédés à employer, et, à la grande surprise de toutes les personnes présentes, et particulièrement de la mère du malade qui est orthodoxe, celui-ci, au bout d’une demi-heure, se leva de son lit, regarda dans une glace, et dit qu’il était très-bien, quoiqu’un peu faible. Puis il s’assit à table et se mit tranquillement à manger un gros morceau de dinde. Sa guérison fut définitive.
n M. Atvvood ne fut pas le moins surpris ; car il ne se doutait pas qu’il fût medium d’aucune espèce. Depuis, il ne traite pas moins de trois malades par jour, parmi les personnes qui recourent à lui. Il semble animé d’une grande foi, et l’on dit qu’il a le pouvoir de guérir tous les maux.
M. Nathan Opton, medium guérisseur, deColombus(Ohio), écrit au môme journal, que, depuis le mois de juillet 1853, il a eu affaire à un millier de personnes affligées de différentes maladies, et fèur a imposé les maiDS. A sa connaissance , il n’en est mort que trois ou quatre ; la plupart des malades ont recouvré la santé, quelques-uns subitement, d’autres par degrés.
M. Isaac Seely, de Morris, raconte aussi des cures remar-quables obtenues par sa femme, sous la direction d’un esprit.
La feuille de New-York cite tous ces témoignages, sans doutes ni critiques. Les procédés suivis rentrent pourtant assez dans la spécialité des pratiques magnétiques pour mériter au moins une réserve.
HÉBERT (de Garnay).
INSTITUTIONS.
Dit I»'n «a Ire niiitf iié(l|ic «le FHrls.
(Fin. — Voy. page 629.)
Ce ne sont pas les faits qui manquent au magnétisme, ses annales regorgent de cures admirables ; mais la plupart ont été observées sans méthode, et ne peuvent servir à la constitution de la science. 11 faut donc délaisser ces relations incohérentes et en faire de nouvelles, conformes aux exigences de l’investigation la plus rigoureuse. Lorsque nos observations auront acquis ce degré de précision qui carac-• térise les recherches positives, il sera possible d’en tirer des inductions certaines, et peu à peu là science se fera. Alors les sceptiques, voyant notre témoignage revêtu du caractère scientifique, n’oseront plus en contester l’exactitude, et l’évidence les forcera d’admettre nos principes.
11 n’y a qu’un moyen sûr d’opérer cette réforme, c’est de constater tous les cas suivant les règles prescrites par la pathologie classique et de noter les phénomènes dans l’ordre physiologique. Voici le programme que je compte suivre dans cette expérimentation complexe.
1° Établir le diagnostic avec l’assistance d’un médecin et d’un chirurgien, afin qu’une triple attestation garantisse l’identité du fait, et que par cette réunion de spécialités plusieurs chances d’erreur soient évitées (1).
2° Noter par écrit l’état actuel et les antécédents du ma-
(I) Mes honorables confrères et omis, les Dr‘ I-éger et Louyet, ont bien voulu mo promettre leur concours pour commencer cette œuvre difficile; c'est un acte do générosité dont lous les magnétistes leur sauront gré.
lade, afin de pouvoir toujours contrôler le diagnostic ou le rectifier au besoin.
3° Tenir note, jour par jour, des effets du traitement, en interrogeant toutes les fonctions, de manière à ce que nulle modification n’échappe à l’observation clinique.
/i° Outre cet examen journalier, soumettre les malades à la visite de mes confrères une fois par semaine, afin de pouvoir apprécier en commun les changements survenus, régler les magnétisations, prescrire des remèdes nécessaires ou approuver les consultations des somnambules, etc., etc.
5” S'assurer si les sujets présentent le bruit de souffle, indiqué comme signe présomptif de la sensibilité magnétique; et, s’il existe, voir ce qu’il devient durant la magnétisation et après la guérison.
De même pour l’hérédité, la phrénologie et autres indices présumés de magnétisabilité.
C" Établir la statistique des personnes magnétisables envisagée sous le quadruple rapport des maladies, des âges, des sexes et des tempéraments,
7° Procéder dans une température de 20” centigrades, par exemple, ou plus, ou moins, suivant les indications de la pratique, mais constante, afin de voir si les résultats diffèrent quand les milieux varient.
8° Rechercher s’il est indifférent que la magnétisation ait lieu entre personnes du même sexe ou de sexes opposés.
9° Étudier au même point de vue l'influence des tempéraments , pour savoir si l'action s’exerce mieux par voie de similitude ou d’opposition.
10° Déterminer quel rôle joue l'idiosyncrasie dans le cas où une personne, étant magnétisée par plusieurs individus, alternativement, éprouve du froid avec l'un, de la chaleur avec F autre, du calme ou de l’agitation avec un troisième, etc.
. 11° Fixer la différence des effets obtenus par un et plusieurs magnétiseurs, soit que ceux-ci agissent en même temps ou l’un après l’autre, de manière à préciser la valeur de la magnétisation collective proposée par le D' Esdaile.
12° Examiner quelle est l'importance relative des passes à
distance et par contact, des insufflations, des objets magnétisés, etc., dans des affections semblables.
13° Observer les modifications produites par la magnétisation, dans la circulation, la respiration^ la calorocité et autres fonctions, afin de reconnaître la loi qui préside au développement des principaux phénomènes magnétiques.
lâ° Constater par des instruments les changements qui s’opèrent dans la sensibilité et les mouvements volontaires; par exemple, un magnétisé accuse-t-il du froid ou de la chaleur, voir si les indications du thermomètre s’accordent avec son dire; de même pour un paralytique, lorsque le dynamomètre permet de connaître la force de ses muscles.
15° Utiliser le somnambulisme et la clairvoyance qiu se présentent, soit pour le sujet lui-mème, soit pour quelqu un des autres malades, lorsque l’efficacité du magnétisme aura été jugée nulle ou insuffisante.
Quand ou aura traité dix cas de chaque maladie, la valeur du magnétisme commencera déjà, à se dessiner soit efficacement, soit d’une manière nulle ou nuisible, et dès que cent cas seront réunis, on pourra se prenoncer en toute assurance. J’estime qu’il faut bien ce nombre pour que l’épreuve soit Complète, c’est-à-dire décisive, et si je suis bien secondé, moins de dix ans peut-être suffiront pour que la thérapeutique du magnétisme ait une base inattaquable,
En même temps que les malades recevront nos soins, nous observerons les mille et une modifications dont leur corps sera lé théâtre, et, recueillant tous ces faits, nous pourrons sans nuire à leur santé fonder la physiologie du magnétisme.
Le tour de la psychologie viendra ensuite, à moins que quelqu’esprit investigateur ne délaisse les vaines spéculations de la métaphysique pour nous suivre dans le domaine des faits observables et des expériences plausibles. _
Un mot maintenant sur la mise en œuvre de ces idées et
l’administration intérieu re.
Deux heures par jour, et plus s’il le faut par la suite, é-tablissement sera ouvert aux malades pourvus de bous de magnétisation délivrés par les protecteurs de 1 œuvre.
Après la constatation de leur état, comme il est dit ci-dessus, ils sont confiés chacun à un magnétiseur qui continue la cure, seul d’abord, ou avec d’autres s’il est ensuite jugé nécessaire de la faire opérer par plusieurs.
La durée et le mode de magnétisation sont écrits chaque jour au dos du bon d’admission, de sorte que l’opérateur n’a qu’à suivre la prescription, sans même interroger le malade, et ainsi le bruit des conversations, qui causerait des distractions fâcheuses, est évité.
Des sièges de plusieurs sortes sont disposés pour la plus grande commodité des patients.
lin thermomètre indique la température de la pièce, et un puissant calorifère avec des ventilateurs permettent d’en régulariser à tout instant les degrés.
Pour ornement, il y a les bustes de nos maîtres et quelques gravures appropriées à la convenance du lieu.
Un tableau contenant le nom des donateurs et des coopérateurs , fait connaître la participation de chacun à cette œuvre d’humanité.
Chaque souscripteur reçoit un nombre de bons proportionnel à son don, et en dispose en faveur de qui lui plaît. Par ce moyen un lien moral existe entre le bienfaiteur et celui qui reçoit le bienfait.
Des aides-magnétiseurs appointés, sont toujours présents pour assister ou remplacer les coopérateurs.
Telle est, en résumé, l’organisation de cette institution; je me suis efforcé d’en rendre le mécanisme simple, afin qu’il soit facile, et je crois avoir atteint le but.
Désirant être libre d’agir à ma guise, j’ai pris la responsabilité de tout ; je donne mon temps, et les dépenses d’installation sont à ma charge.
Placé sur le terrain neutre du bien à faire, je fais appel aux magnétiseurs de toutes les écoles, persuadé que chacun désire avant tout le triomphe du magnétisme, et que leurs divergences d’opinion ne tiennent qu’à des connaissances imparfaites. L’expérience, cette impartiale justice des sciences , les mettra bientôt d’accord sur les principes débattus.
Que ceux donc qui pensent avec moi que le magnétisme a plus à gagner à une expérimentation méthodique qu’à des discussions de théories sans fondements certains, veuillent bien me prêter leur concours, et l'art de Mesmer sortira bientôt de l’empirisme pour entrer dans la phase des lois.
HÉBERT (de Garnay).
P. S. Je ferai connaître, par une circulaire, la liste des personnes qui 111’auront donné leur adhésion. Voici, en attendant, une lettre que m’a déjà adressée M. Charpignon.
Orléans, 8 septembre 1851.
« Mon très-cher confrère,
Malgré le long silence que des travaux, des fatigues et des maladies de famille m’ont fait garder à votre égard, je n’en suivais pas moins avec intérêt la publication de vos projets.
Je vois avec plaisir que vous organisez un dispensaire. Puissent les exemples de vos prédécesseurs vous servir dans la marche à suivre pour pouvoir persévérer ! Mais la plus grande difficulté est en nous-mêmes; la lassitude morale paralyse l’action. Et que sert de magnétiser des malades quand on ne les guérit pas? Le chemin du domicile du magnéti-tiseur est alors vite oublié; qui, parmi tous les contemporains, a la persévérante puissanoe de M. du Potet ; et encore guérirait-il aujourd’hui comme en ses belles années de pérégrination ? Quoi qu’il en soit, tenez toujours le magnétisme dans une direction utile et sérieuse, et mes vœux vous accompagneront.
Votre tout dévoué,
- D' CHARPIGNON.
FAITS ET EXPÉRIENCES.
MANIFESTATIONS SPIRITUELLES.
Faux découvert pur les esprits.
On écrit de Jackson (Micliigan), sous la date du 27 mars 185h , aux rédacteurs du Spiritual Télégraphe
« Une dame amie de ma femme a un fermier qui, d’après les conditions de son bail, paie son fermage par quartiers et d’avance. Il demeure à une centaine de milles de la ville. Un jour il arriva, en ma présence, qu’on lui réclama un quartier de rente, bien qu’il eût prétendu que son fermage de l’aunée avait été payé en entier. La dame me dit que cette prétention n’était pas d’accord avec la note qu’elle avait tenue des à-comptes par elle reçus, et dont il avait été donné des quittances. Le fermier fit voir les quittances données par le régisseur, et desquelles il résultait qu’il n’était rien dû. J’ignorais entièrement tout ce qui s’était passé. Ma main se mit en mouvement pour écrire, et la communication suivante eut lieu :
« Mistriss D..., votre fermier est un fripon ; je vois qu’il « a commis un faux n.
« On pria l’esprit de s’expliquer. Aussitôt le messager silencieux écrivit ce qui suit :
u J'ai examiné les papiers que tient votre fermier, et je o trouve que le reçu portant la date du 13 octobre 1853 a « été altéré, et que la somme de 25 dollars y a été changée n en celle de 05. Vous pourrez découvrir la substitution du « mot nouante à celui de vingt, en tenant le papier à la lu-« mière. Allez et voyez. »
c Après examen, on s’assura que le mot vingt avait élé adroitement altéré et remplacé par le mot 00, et que le faux avait été exactement signalé par l’esprit. Le fermier renonça à sa prétention, heureux d échapper ainsi à la peine que méritait son délit. »
M. IsaacD. Scely, de Morris, comté d’Olsego (New-York), écrit au môme journal qu’il y a plusieurs medium dans son voisinage, et que sa femme excelle entre tous. 11 rapporte que, l’hiver dernier, une jeune fdle, élève de l'école de l’endroit, perdit une bague appartenant à une de ses camarades. Comme elle ne pouvait venir à bout de la retrouver, l’esprit mit en mouvement le bras de Mm* S..., dont le doigt se porta dans la direction où la bague devait se trouver. Elle suivit l’indication ; elle fut ainsi conduite en droite ligne à l’endroit où était la bague, et la main se fixa sur cet objet, quoiqu’il y eût de la neige.
Médium parlant des langues étrangères.
Dans une conférence de spiritualistes, qui a eu lieu à New-Yorck, le 25 avril dernier, le Dr Dexter s’est attaché à prouver la fausseté de l’opinon que les medium ne peuvent s’exprimer que dans leur langue usuelle. Un esprit lui a parlé en espagnol, par l’organe de deux jeunes dames qui ne connaissaient pas un mot de cette langue. Ce qu’il en sait lui-même est si peu de chose, qu’il était obligé de recourir fréquemment au dictionnaire pour comprendre ce qu’elles disaient. Les objets dont l’esprit l’a entretenu n’étaient dans la pensée d’aucune des personnes présentes.
Un ecclésiastique de Springfield (Ohio), écrivait à la date du 30 octobre 1853, le même fait, dans les colonnes du Te-legraph.
Il y raconte qu'il s’est trouvé avec un medium, tanneur de son état, homme simple et n'ayant reçu qu’une éducation fort bornée. Cet individu ne connaît pas d’autre langue que l’anglais, et cependant, quand il est sous l’influence des esprits, il parle et chante en allemand. Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que quand un autre medium se trouve en sa présence et tient des discours en prose anglaise, les lèvres du tanneur se mettent en mouvement, et aussitôt il traduit ce qu'il entend en beaux vers allemands. Les poésies origi-
nales dont sa bouche est l'interprète, contiennent des préceptes moraux exprimés d'une manière poétique.
Table mue sans contact.
Le même ecclésiastique rend compte de phénomènes curieux qui se sont passés en sa présence. Une lourde table s’est mue sans contact, a tourné, s’est levée, a fait entendre des coups. Plusieurs des medium ont été successivement fixés îi leurs sièges et enlevés, contraints de s’éloigner de la table sans pouvoir y retourner; ils ont été tenus debout, diverses postures ont été imposées à leurs corps ; leurs têtes, leurs pieds, leurs bras, leurs bouches sont devenus roides et immobiles.
Preuve d'identité donnée par un esprit.
M. Barlett, membre de la commission des limites du Mexique, est un chercheur consciencieux, versé dans les sciences et connu dans une grande partie des États-Unis. Il vint, en compagnie de l’ancien sénateur Tallmadge, chez M. C, Laurie, pour être témoin de quelques manifestations. (Dans la famille Laurie, tout le monde est medium). M. Barlett y était complètement inconnu et a élé présenté par M. Tallmadge comme son ami. Aussitôt la main de la fille de M. Laurie a été mise en mouvement et a écrit les lettres M. B.
Personne ne sut quel était le personnage dont la présence était ainsi indiquée, et l’on fit cette question :
« Est-ce un parent de M. Barlett ?
« — Non. »
La main du medium dessina alors une voiture de voyage traînée par deux mulets, à peu de distance un grand arbre, et au-dessous le corps d’un homme qui paraissait mort.
« Gela, dit M. Barlett, ressemble à une scène du Mexique ; u la voiture et l’attelage sont semblables à ceux dont on a « l’habitude d'y faire usage ; mais je ne puis savoir quel est n l’homme couché sous l’arbre. »
M "'Laurie, qui est medium très-impressionnable, dit:
« Je reçois une impression qui me dit que cel homme est «mort de mort violente, et que son nom de baptême était d Marc. )
Peu après elle ajouta :
«, Il a perdu la vie par des moyens qui se rapportent i\ «rarbre, et je pense que son corps a été enterré dessous. »
Alors M. Barlett tressaillit et fut comme saisi de la perception claire de l’individu qui cherchait à se faire connaître. Il se le rappela pour un homme qui avait été attaché à la commission des limites, et qui s’appelait Marc B... Ce particulier, en société de deux autres, avait acquis une mauvaise réputation parmi les membres et les employés de la commission ; tous trois avaient commis un crime d une audace effrayante, pour lequel ils avaient été arrêtés et jugés par un jury formé sur place par M. Barlett, et composé de six Américains et de six Mexicains. En résultat, ils avaient été condamnés à être pendus à l’arbre le plus proche. Cette sentence avait été exécutée sur-le-champ, et les trois cadavres avaient été inhumés sous l’arbre auquel ils avaient été pendus.
L'être invisible donna des preuves irrécusables de son identité, et par ses manifestations il exprima qu’il était venu pour demander à M. Barlett le pardon de ses méfaits ; il ajouta qu'il n’avait pas fait connaître son nom entier à mis-tress Laurie, par la raison qu’il avait sa mère et un frère vivants dans l’État de...... qui ne savent pas sa mort ni son
voyage au Mexique, et qu’il veut éviter de leur déchirer le cœur par de telles nouvelles.
M. Barlett assura ensuite que tous ces renseignements étaient parfaitement exacts. 11 se rappela le surnom de l’homme qui était venu le visiter d’une manière si étrange et si inattendue, et confirma que sa famille demeurait dans un Étal éloigné, le même qui avait été désigné parT esprit.
Aucun membre de la famille Laurie n’avait entendu parler de Mure B.... ni ne savait rien de sa fin tragique.
a. s. MORIN.
VARIÉTÉS.
Cnnscrics. — Nous disions, dans nos précédentes causeries, que plusieurs de nos collègues, ceux surtout que le ciel a faits écrivains, avaient pour nous une tendresse de frères, et que toutes les fois que cette profonde amitié pouvait se manifester, elle devenait éclatante. Ceci étant acquis et mis hors de doute, nous passons l’éponge sur les précieux résultats qu’elle a amenés. Oh ! si le sort des vérités dépendait des liens fragiles qui lient les hommes entre eux, aucune ne se serait établie sur la terre : ce que l'un eût édifié eût été renversé par l’autre. Union a toujours voulu dire désunion; émulation, rivalité. Pour fairererirre les morts on leur place sous le nez du vinaigre ; la recette est bonne, je la garantis, car j’étais engourdi, me voilà réveillé !
Je ne sais pourquoi j’ai toujours besoin d’une sorte de prologue pour entrer en matière, je ne puis écrire les choses les plus simples d’après les règles communes ; il me faut, comme les oiseaux chasseurs, décrire des cercles et tourner longtemps autour de la bête avant de la happer.
Reprenons notre thème chéri; car il s’agit du magnétisme , et nous avons promis de dire notre pensée sur ce Protée.
— Pourquoi l’appelle-t-on magnétisme animal ?
— Parce qu’il détermine des phénomènes qui ont quelque •analogie avec ceux produits par l’aimant.
— Ne pourrait-on point l’appeler électricité humaine?
— 11 serait aussi bien nommé ; car plusieurs de ses effets sont identiques à ceux de l’électricité.
— Mais on constate également une action galvanique sur les tissus parcourus par cet agent ?
— Oui, et l’on pourrait avec autant de justesse l’appeler galvanisme humain,
— Mais s’il participe de tous ces agents, il n’est aucun d’eux en particulier. Pourquoi donc en est-il ainsi ?
— C’est que ce qu’on appelle magnétisme est un produit sui generis qui n’existe point de lui-même; il naît de la vie et est un de ses serviteurs.
—11 n'est donc point la vie comme on l'a dit ?
— Non ; mais celle-ci le revêt de ses vertus, et le rend presque semblable à elle-même ; car sans cela la vie ne pourrait l’employer. Composé des plus pures essences, elle le transmue, le spiritualise, el voilà pourquoi il semble posséder et possède en effet les vertus de tous les autres agents, de toutes les autres forces de la nature.
— Quelle preuve pouvez-vous en donner ?
— Ses propres effets ; car ils dévoilent aux sens son origine et ses vertus acquises, et il ne faut qu’un instant pour en être convaincu.
— Comment se forme-t-il ?
— Tout porte à croire qu’il est d’abord élaboré dans l’épaisseur des muscles, puis, circulant à travers les tissus, il est dirigé vers des réservoirs secrets encore, et c’est là que la volonté va le chercher pour lui transmettre son commandement, auquel il obéit avec docilité. Celle-ci l’envoie du centre aux extrémités des organes, et, comme un messager, il porte et transmet la pensée. C’est ainsi que celle-ci se traduit en acte sous cet agent merveilleux. Sans lui, la pensée et la volonté seraient stériles.
— Comment le qualifiez-vous ?
— Je l’appelle feu ou lumière; car il est en nous-mêmes le principe et la cause de la chaleur. Sans lui, aucun mouvement 11e peut avoir lieu, sa privation amène promptement le refroidissement. 11 est certainement lumineux, bien que nous n’ayons pu encore le voir de nos propres yeux.
— Comment s’opère sa circulation ?
— Comme le sang, il a ses vaisseaux propres, qui son1 de plusieurs ordres. On les appelle nerfs. Deux systèmes sont bien connus : les nerfs du sentiment et ceux du mouvement» 11 reste en ceci beaucoup à découvrir.
— Cet agent est-il homogène ?
— Non ; ses qualités sont différentes. Les fonctions organiques ont besoin d’un stimulant particulier pour entretenir leur jeu, tandis que les mouvements locomoteurs, simples dans leur évolution, demandent moins de vertus.
— Rayonne-t-il au dehors de l’enveloppe?
— Sans aucun doute; il forme une atmosphère considérable autour de chaque être en santé, et c’est ainsi qu'un œil exercé peut dire avec certitude : Celui-ci est malade ou bien portant ; cet autre va mourir ou est déjà mort, en raison de l’éclat extérieur que jette cet agent ou de l’ombre qu’il produit en se retirant de la périphérie.
— A-t-il en lui quelque chose de matériel ?
— Certainement, et la preuve en est acquise par la rotation des tables. S’accumulant dans les corps, il les meut. Il ne perd point sa qualité de principe de mouvement.
— Peut-il être latent dans les organes et dans un repos absolu ?
— Non ; lorsque la volonté ou les passions ne lui impriment point un mouvement donné, il agite de lui-même la machine et détermine les mouvements involontaires.
— Pourquoi l'appelle-t-on fluide magnétique?
— La pauvreté de notre laugue n’a pas permis de lui trouver son véritable nom : c’est plutôt une émanation qu’un fluide proprement dit. Les anciens croyaient que Dieu s’en était servi pour former l’univers palpable, qu’il avait réuni en lui un assemblage de particules de la magnétique universelle, afin d’établir de l’homme à lui un rapport continu et sensible ; qu'enfin il était une émanation de Dieu même.
— Vous avez dit que l’agent magnétique était feu ou lumière; qu’il était un produit de la vie et qu’il réunissait en lui les propriétés de tous les autres agents de la nature.
— En effet, on peut, avec son concours, déterminer de véritables secousses électriques et galvaniques et produire les phénomènes de l’aimant.
— Sont-ce là tous ses effets ?
— Non. Ce qui fait de cet agent quelque chose de merveilleux c’est, qu’en dehors des propriétés que nous venons d’énumérer, propriétés que l’on pourrait appeler naturelles, il se revêt, quand l’âme le veut, de toutes les vertus ; il change alors la propriété des corps ; il rend doux ce qui est amer, amer ce qui est doux, et peut ainsi devenir, entre des mains habiles ou criminelles, un instrument terrible ou bénin dans ses effets ; il peut changer les rapports moraux existant entre les êtres, en créer de nouveaux qui auront la même puissance, déterminer la grossière ivresse ou illuminer le cerveau.
— Mais si tout cela est vrai, les miracles ont donc existé, et nous devons donc croire tout ce que l’histoire nous apprend sur ce sujet ?
— Pour nous, il est de la dernière évidence que tous ces faits miraculeux se sont produits et que l’agent, la force employée dans les anciens temps était la même que celle qui, aujourd’hui, est remise entre nos mains.
— Vous croyez donc à la possibilité de reproduire les phénomènes merveilleux dont nos pères furent témoins ?
— On fera bientôt des œuvres plus admirables; les sceptiques seront confondus, la science des écoles pâlira devant la nouvelle science, car celle-ci est divine, tandis que l’autre est matérielle et grossière. Guérir un malade sans employer de remèdes sera chose naturelle et vulgaire ; faire mouvoir la matière par la seule pensée, changer, altérer les lois de la pesanteur sera le commencement de la science divine.
— Où donc puisez-vous cette assurance?
— Dans tout ce que nous produisons déjà. Notre infériorité tient à notre ignorance, mais la science se fera.
Cet instrument divin est maintenant en la possession des ignorants. Ces petits coqs dont nous avons parlé retournent en tout sens cette perle; n’en connaissant point la valeur,
ils contestent au lapidaire le droit de l’apprécier ; ils poussent des cris aigus quand, au lieu de les admirer, on considère la perle, et donnent des coups de becs à qui veut les tirer de leur erreur.
Mais c’est assez pour une causerie, nous croyons d’ailleurs que nos gentils adversaires nous fourniront l’occasion de revenir sur ce sujet; loin de reculer, nous irons au contraire de l’avant, et après avoir parlé de You/il qu'ils ont en main, nous montrerons leur impuissance à s’en servir, si ce n’est pour les plus petites choses.
Baron OU POTET.
Ciironlfinc— Une conférence de spiritualistes a eu lieu h New-York, le 25 avril. M. le juge Edmonds y a rendu compte d’un voyage qu’il a fait dans l’ouest avec le D'Dexter. Ils se sont adressés à plusde vingt mille personnes et ont constaté une prodigieuse propagation du spiritualisme ; beaucoup d’églises de différentes communions sont devenues désertes, les prêtres, aussi bien que leur troupeau, les ont délaissées pour passer au spiritualisme.
— Des expériences de somnambulisme faites à Francfort-sur-le-Mein, par M. Ragazzoni, ont donné lieu à une polémique des plus ardentes dans les journaux de cette ville. Le bruit de la controverse allemande s’est répercuté dans la presse médicale de Paris et a valu de charmantes apostrophes au magnétisme.
M. Raggazoni, dont nous annoncions dernièrement le renvoi de la Suisse, n'a pas été beaucoup plus heureux en Allemagne : il vient d’arriver à Paris.
HÉBERT (de Garnay).
BIBLIOGRAPHIE.
I.ES TABLES TOURNANTES, LES ESPRITS ET LE SURNATUREL;
par M. Agénor do Gasparis. 2 vol. in-12. Paris, 1834, chez Dcntu.
Le phénomène des tables tournantes, qui a occupé si vivement l’attention publique, qui a donné lieu à des discussions si animées, qui a fait éclore tant de publications, semble être enseveli dans l’oubli ; bien des savants se flattent d’avoir dûment enterré tout un ordre de faits qui avaient le tort irrémissible de ne pouvoir cadrer dans le cercle de l’enseignement orthodoxe, et de dépasser les limites assignées par l’omniscience académique; ce n'est plus pour eux qu’une question archéologique, que le souvenir confus d’une vieille erreur qu’il fallait envoyer rejoindre les vampires et les loups-garroux. Mais l’histoire nous prouve que les jugements des corps savants, pas plus que les décrets des conciles ou même les arrêts de l’inquisition, ne parviennent à tuer une idée : la vérité se rit des obstacles et fait son chemin en dépit de toutes les autorités. Les gens sérieux qui s’étaient occupés du mouvement des tables, qui avaient vu et produit des faits étranges, qui avaient acquis, par de nombreuses expériences, une conviction ferme et raisonnée, ceux-là ne se sont laissé intimider ni par le dédain des aréopages, ni par l’indiffé-d’un public toujours prompt à passer de l’engouement au dénigrement ; ils ont persévéré dans leurs études, et grâce à leurs efforts, on peut dire qu’une nouvelle force est acquise, que la science va s’enrichir de précieuses découvertes, que des facultés étonnantes apparaissent chez l’homme, et qu’une nouvelle lumière vient éclairer les mystères de notre nature.
M. Agénor tic Gasparin a déjà rompu des lances en faveur des labiés tournantes : on se rappelle la polémique qu'il a soutenue d’une manière brillante contre M. Foucault. 11 a rendu compte d’expériences conduites avec beaucoup de sagacité, et dont le résultat était décisif. Mais depuis cette époque il a obtenu et constaté des faits d’une importance telle que sa démonstration ne laisse plus rien à désirer. Dans l’ouvrage qu’il vient de publier, il traite ce sujet cxprofessô.
11 commence par poser la question, puis il raconte en détail les nombreuses expériences auxquelles il s’est livré; il expose les précautions minutieuses qu’il a prises, de manière à leur assurer une valeur scientifique. On voit que, dans beaucoup de cas, les expérimentateurs, en faisant la chaîne d’après le mode connu et en imposant les mains sur des tables, ont obtenu des effets que l’impulsion musculaire est hors d’état de reproduire. C’est déjà un résultat fort important; mais on ne s’en est pas tenu là. On est arrivé à faire mouvoir les tables sans contact.
« Les rotations sans contact, dit-il, ont d’abord été opérées au nombre de cinq ou six; l’entraînement sous les doigts et sous la volonté qui s’attachait à tel ou tel point particulier des bords du plateau, était lent au début et s’accélérait ensuite jusqu’à la course : plusieurs rotations avaient duré pendant l’espace de trois ou quatre tours. Quant au soulèvement sans contact, nous avons trouvé un procédé qui en rend le succès plus facile. La chaîne formée à quelques lignes au-dessus du plateau, s’arrange pour marcher dans le sens où le mouvement doit avoir lieu, les mains les plus rapprochées du pied appefë à se dresser sont en dehors du plateau, s’en rapprochent et le dépassent graduellement, tandis que les mains placées vis-à-vis, et qui s’étaient avancées d’abord vers le même pied, s’en écartent en l’attirant. C’est pendant cette progression de la chaîne, pendant que toutes les volontés sont fixées sur une tache du bois, et que les ordres de soulèvement sont proférés avec force, que le pied quitte le sol et que le plateau suit les mains au point de se renverser si on ne le retient. >) (Tome I, p. 47).
11 y a là quelque chose de merveilleux, d’étourdissant, qui confond et met au néant toutes les suppositions de mou-
vements inconscients, de fraudes volontaires ou involontaires, qui ne laisse rien subsister (les explications ingénieusement ridicules de MM. Faraday, Babinet, Foucault, Moigno, etc. En présence de tels faits, il faut se rendre et reconnaître avec M. de Gasparin, que l'homme, en se plaçant dans certaines conditions, dispose d’un agent qu’il peut par un effort de sa volonté appliquer à faire mouvoir des corps dont il est isolé. Je n’ai pas été témoin de ces faits qui, à ce qu’il parait, ne se sont encore passés en France qu’en présence de fort peu de personnes. Mais M. de Gasparin est un homme grave, dont la parole a du poids. 11 affirme que ces résultats s’obtiennent facilement, pourvu qu’on y apporte les précautions convenables. 11 ne s’agit donc que de se mettre à l'œuvre pour s’assurer par soi-même de la réalité du phénomène, pour le vulgariser et lui faire prendre rang parmi les choses qu’on ne conteste plus. Et il ne faut pas oublier, en opérant, qu’on est ici dans un ordre mixte, où le physique et le moral jouent chacun un rôle, et où par conséquent les dispositions d’esprit des expérimentateurs sont un des éléments essentiels de succès.
M. de Gasparin pense que l’agent qui intervient alors est le fluide vital, qui ne serait autre que le fluide magnétique. Toutefois, en adoptant cette explication, il a soin de faire observer qu’il ne tient pas pour établie l’existence des fluides impondérables ; que la lumière, l’électricité, la chaleur, le magnétisme, pourraient bien n’être que des manières d’être des corps; qu’il n'est point obligé d’opter entre ces deux hypothèses ; qu’il se sert néanmoins du mot fluide comme plus commode pour exprimer sa pensée, et qu’il entend seulement par là que les phénomènes qu'il discute sont dus à une force analogue à la lumière, l’électricité, la chaleur et le magnétisme, qu’on est habitué à regarder comme des fluides.
Passant aux objections, il examine à fond toutes celles qui ont été soulevées ; il les réfute avec une clarté, une raison, une supériorité de dialectique qui font de cette partie de son ouvrage un chef-d’œuvre de dissertation ; il écrase victorieusement ses contradicteurs.
I.es difficultés du sujet s’accroissent d'une manière effrayante quand des tables tournantes 011 passe aux tables parlantes et en même temps aux coups mystérieux et à toute cette série de phénomènes bizarres et variés dont les États-Unis d’Amérique sont le principal théâtre, et qui sont attribués à l’intervention des esprits; alors surgit la question immense du surnaturel ; la science épouvantée est tentée de décliner sa compétence et ne peut regarder sans vertige l’abîme qu’il s'agit de franchir pour donner la main aux mondes supérieurs. M. de Gasparin a abordé courageusement ces problèmes ardus et les a traités avec un talent des plus remarquables. Toutefois, nous regrettons que pour entrer eu matière il ne se soit pas dépouillé de ses préjugés religieux : il y a chez lui deux hommes, le croyant et le savant ; le premier se croit enchaîné par une autorité souveraine qu’il n’est pas permis de discuter et qui a tracé à l’esprit humain une ligne au delà de laquelle il ne peut s’aventurer sans une témérité sacrilège ; le savant, au contraire, ne connaît pas de bornes à son activité, il croit pouvoir user légitimement de toutes les facultés que lui a départies le Créateur, il soumet à son examen tous les faits dont il peut s’emparer, sans se préoccuper si les conséquences qui s’en déduiront seront ou non conformes à telle ou telle opinion reçue, à tel ou tel dogme. M. de Gasparin cherche à mettre le surnaturel au-dessus de tout examen; nous pensons qu’en posant mieux la question, on l’aurait mis hors du débat. 11 y a donc nécessité de s’entendre d’abord sur ce que c’est que le surnaturel.
« 11 faut, dit notre auteur, que je rappelle une distinction fondamentale. Certains sujets rentrent dans notre compétence; certains sujets n’y rentrent pas. 11 est des choses que nous ne pouvons recevoir que sur le témoignage de 1 homme; il en est que nous ne devons recevoir que sur le témoignage.de Dieu. » (Tome 1, p. 317.)
Une telle assertion aurait besoin de démonstration ; il faudrait expliquer ce que c’est que le témoignage de Dieu, à quels signes il se manifeste, sur quoi on se fonde pour affirmer qu’un fait, si extraordinaire qu’il nous paraisse, n’a
pu Cire produit ni par le jeu régulier et normal des lois constantes de la nature, ni par l'exercice du libre arbitre des êtres intelligents et bornés, et implique nécessairement une dérogation aux lois de la nature, une intervention spéciale de l’Ètre infini. Or, d’après l’auteur, ce ne sont pas les miracles qui peuvent servir à prouver la divinité de l’Ecriture, c’est au contraire l’Écriture dont le témoignage prouve la réalité des miracles ; et la divinité de l’Écriture ressort de son mérite intrinsèque, de sa valeur propre, dont le caractère surhumain doit frapper tous les yeux. On voit ce qu’un pareil système a de hasardé, de défectueux, pour ne rien dire de plus, et combien serait fragile une révélation réduite s’étayer sur une base aussi chancelante. Poursuivons :
« Qu’est-ce que le surnaturel? On ne saurait le définir à l’égard de Dieu et de l’ensemble réel de ses lois. Ici nous sommes et nous serons toujours dans une ignorance absolue ; mais à l’égard de l’homme, le surnaturel existe. Bien que la limite soit très-incertaine sur plusieurs points, bien que plusieurs faits (et cela souvent par notre faute) flottent ballottés entre l'explication miraculeuse et Cexplication physique oit un peu plus cl'attention et de courage les feraient rentrer, il y a des lois connues, incontestables, des axiomes qui sont revêtus d’une évidence immédiate, entière et unie. Ce qui les contredit est surnaturel ; la Bible le déclare, puis-
Su’elle en appelle à de tels actes comme preuve de l'action ivine. Contentons-nous de cette définition populaire que fournit l'Ecriture; elle nous suffira, tout empirique qu'elle est. Contentons-nous donc de dire que ressusciter les morts, par exemple, prédire l’avenir, posséder des connaissances qu’on n’a pas acquises, c’est entrer dans le domaine du surnaturel. » (Tome I, p. 246.)
Ici c’est le théologien qui parle, et son embarras est \ i-sible en présence du savant. Quand nous affirmons l’existence d’une loi naturelle, nous ne faisons que formuler une règle qui nous parait rendre compte de faits plus ou moins nombreux que nous avons observés; mais il arrive souvent que la découverte de nouveaux faits ou qu’une observation mieux suivie nous amène à modifier ou môme à abandonner ce que nous avions regardé comme des lois. Ainsi, pendant
longtemps, 011 avait cru pouvoir expliquer l’ascension des liquides dans les pompes en déclarant ([ne la nature avait horreur du vide. C’était là une loi..., mais une loi provisoire ; Et tant qu’elle était acceptée, il aurait fallu, d’après le critérium de M. de Gasparin, ériger en miracle tout fait qui y aurait été contraire. Mais quand 011 vint à reconnaître qu’au-delà de trente-deux pieds, l’eau refusait de monter dans les pompes, il fallut bien avouer qu’on avait fait fausse route, et que l’axiome qui avait passé jusque-là pour loi n’était pas une loi réelle, mais un tâtonnement pour parvenir à découvrir la loi. De pareils exemples abondent à toutes les époques. Ainsi, pour rentrer particulièrement dans notre sujet, SI. Foucault, attribuant un caractère immuable aux lois connues de lui, avait déclaré du ton le plus tranchant qu’il était radicalement impossible que l’homme pût faire mouvoir sans contact un simple fétu ; M. de Gasparin lui répond en faisant tourner et soulever sans contact des tables de plus de cinquante kilogrammes, et cela sans miracle aucun. Puis, quand le fait est bien établi, 011 cherche à l’expliquer en formulant, soit une loi plus générale que celles sur lesquelles 011 s’était appuyé précédemment, soit une loi nouvelle qui n’avait pas encore été soupçonnée. Et quand même un fait resterait quelque temps (et peut être toujours) sans explication, il ne faudrait en accuser que notre ignorance et la faiblesse de notre esprit plutôt que de supposer gratuitement que ce fait, par cela seul qu’il est inexpliqué, est contraire aux lois de la nature; s’il est contraire aux lois que nous connaissons, il est régi par les lois que nous ne connaissons pas, ou plutôt il est dû à la résultante d’une foule de lois dont nous ne parviendrions jamais à connaître que la plus petite partie. O11 ne peut donc affirmer, à l’égard d’aucun fait, qu’il soit surnaturel, et l’idée de surnaturel est antiscientifique.
La question de surnaturel n’implique -pas, comme beaucoup de personnes le croient, la question des esprits. S'il existe, en dehors de l’humanité, des êtres intelligents capables d’entrer en communication avec nous, ces êtres sont,
comme nous, soumis aux lois naturelles, et quand ils agissent, c'est en vertu des conditions qui régissent leur organisation ; leur action est donc aussi naturelle que la nôtre. C’est donc par une confusion étrange qu’on fait dépendre d’une intervention miraculeuse les manifestations des esprits, et celte confusion est évidemment due aux préjugés religieux d’après lesquels on ne reconnaîtrait, en dehors de l’homme terrestre, que des anges, des démons, des élus et des damnés qui tous n’auraient la faculté de produire certaines actions sur l’homme qu’en vertu d'une dispensation spéciale de Dieu. Mais quand il s’agit d’élaborer une question scienti-que, il faut toujours partir du doute absolu en laissant à l'écart les solutions religieuses; et, sur ce point, on doit d’autant plus se mettre à l'aise que les diverses sectes religieuses, tout en enseignant l'existence de certaines classes d’esprits, n’ont jamais prétendu que ces êtres fussent les seuls intermédiaires entre Dieu et l'homme, et ont permis par conséquent d’admettre au moins par hypothèse une échelle d'é-tres dont quelques-uns seraient peut-être capables de se communiquer à nous.
Cette réflexion fort simple aurait dû, ce semble, abréger beaucoup la tâche de M. de Gasparin, qui examine fort laborieusement la question si les esprits auxquels il donne (à tort suivant nous) la qualification de surnaturels, peuvent agir sur nous. D’après lui, le surnaturel a existé jusqu’aux apôtres et a cessé depuis cette époque. Cette distinction, ce juste-milieu qui entre bien dans le caractère du protestantisme, ne satisfera personne et sera traité des deux partis comme une inconséquence. Les rationalistes le blâmeront d’avoir admis le surnaturel, même pour un temps limité; les sectateurs de révélations lui reprocheront au contraire d’avoir trop peu concédé ; et, en effet, on ne comprendrait pas pourquoi Dieu aurait, pendant une longue période, semé les miracles à profusion, puis aurait tout à coup changé de système et aurait jugé que l’action des lois naturelles suffit pour le gouvernement du monde. M. de Gasparin croit pouvoir arrêter la liste des miracles en y comprenant les
manifestations spirituelles; et dès lors, s’armant delà férule de M. Cabinet, il les déclare impossibles et leur défend d’exister. Cette partie de son travail est celle qui nous semble la plus faible. 11 fallait, à l'égard des faits présentés comme miraculeux, distinguer la réalité des faits et les conséquences plus ou moins logiques que telle secte pré-teud en tirer. Quant au fait, il peut toujours être vérifié psr nos moyens ordinaires d’investigation; si bizarre, si choquant qu’il soit, si contraire à nos idées préconçues, nous n’avons jamais le droit d’en refuser l'examen. Si le contrôle en démontre la réalité, il faut bien en prendre son parti, bien qu'il ail souvent le tort de déranger nos théories. Mais de ce qu’il sera constaté, il ne s'ensuivra nullement que nous devrons lui reconnaître le caractère que certaine école voulait lui attribuer. Ainsi les encyclopédistes commettaient une grande faute en refusant d’examiner ce qu’on appelait les miracles de saint Médard ; le mot de miracle était à leurs yeux une fin de non recevoir, un motif péremp-toire de rejet. Un examen plus impartial a depuis fait reconnaître la réalité des phénomènes étranges qui se passaient chez les convulsionnaires, on a cru pouvoir les expliquer; et, en les admettant, on ne se croit pas tenu de les regarder comme des miracles que Dieu aurait produits à l’appui de la cause janséniste.
Heureusement M. de Gasparin, dans son second volume, reprend son rôle de savant dont il s’acquitte à merveille. Il discute avec beaucoup de sagacité les faits du spiritualisme et répand sur ce sujet les lumières d’une critique fine et judicieuse. 11 énumère bien des causes d'erreur qui ont dû faire accréditer une foule de faits apocryphes. Sous l'empire de contagions morales, bien des gens ont dû être en proie à des hallucinations et ont pris pour des réalités les chimères de leurs cerveaux malades. Nombre de faits ont été mal observés, la constatation n’en a point été faite avec la rigueur et la précision qui doivent présider à des expériences dignes ce nom. 11 y a donc beaucoup à élaguer dans les récits enthousiastes des prodiges attribués aux esprits. Mais après
avoir fait une large élimination, 011 se trouve en présence de faits importants qui paraissent bien avérés et qui s’écartent des lois connues ; tels sont principalement les coups frappés sans cause apparente, les tables parlantes, les médiums écrivant sur des matières qui leur sont inconnues, etc. M. de Gasparin cherche à les expliquer. La force qui met en mouvement les tables sans contact, lui parait suffisante pour expliquer un grand nombre de phénomènes ; le fluide vital se développerait chez certains individus avec assez d’énergie pour frapper des coups sur des surfaces éloignées, pour mouvoir des meubles massifs, même sans la volonté de la personne qui produirait ces résultats, et même sans qu’elle en ait conscience; c’est ce qui aurait lieu notamment chez les filles électriques dont le passage dans un appartement met en danse tout le mobilier ; c’est ce qui expliquerait les sabbats de Cideville et autres aventures étranges que la superstition a attribuées à l’action des démons.
Mais il est une limite au delà de laquelle il semble que cette explication doive être en défaut. Les tables ne se bornent pas à tourner ou à danser, elles parlent, et parfois assez bien; les coups qui se font entendre forment aussi, par leurs Combinaisons, un langage ; des discours ont lieu, ainsi que des entretiens suivis. Or, de quelle intelligence émanent ces manifestations?
« Qu’un homme, dit M. de Gasparin, dispose avec intelligence d’un fluide, je le conçois; qu’un esprit en dispose avec intelligence, je le conçois encore. Qu’un esprit produise des actes intelligents sans recourir aux fluides, je le conçois encore mieux; mais qu’un fluide accomplisse les mêmes actes alors qu’il n’est dirigé ni par l’homme, ni par aucun esprit, c’est ce qu’il m’est impossible de concevoir.» (Tome II,
Le fluide seul ne pouvant, suffire pour rendre compte des manifestations intellectuelles, où devons-nous donc en chercher les auteurs? Est-ce en nous ou en dehors de nous? Si c'est en dehors de nous, on a affaire à des êtres intelligents et invisibles pour nos organes; c’est ce qu’on appelle
des esprits. L’auteur pense, au contraire, conformément à l'opinion de plusieurs écrivains qui ont traité cette matière (1), que les manifestations ne sont que la traduction, faite par nous-même et à noire insu, de nos propres pensées dont nous n’avons pas conscience. Ainsi, au moment même où je suis neutre, inactif, où j’écoute avec curiosité la voix mystérieuse de l’être dont je cherche à pénétrer la nature, j’assiste à l’expression ordinairement lente et solennelle de pensées que je sais n’être pas les miennes; j’entre en conversation avec un interlocuteur qui possède parfois des connaissances supérieures aux miennes, qui parle de sujets qui me sont étrangers, qui soutient des doctrines contraires aux miennes, qui nie scandalise par l’audace de ses paradoxes, qui me traite avec hauteur, me raille et même m’injurie. Et cet interlocuteur 110 serait autre que moi-même ! Et si l’on me demande avec qui j’ai disputé (car il est arrivé souvent que l’entretien allait jusqu’à la dispute), je serai réduit à dire comme Sosie, que c’est avec moi.
Non pas le moi d'ici,
Mais le moi du logis qui frappe comme quatre.
Le moi que j'ai trouvé tantôt.
Sur le moi qui vous parle a de grands avantages:
Il a le bras Tort, le cœur haut :
J’en al reçu des témoignages;
Et ce diable de moi m'a rossé comme il faut.
C’est un drôle qui fait des rages (2).
Et il n’y aurait pas eu, comme dans le cas de sommeil ordinaire ou de somnambulisme, succession d’états différents chez le même individu ; c’est simultanément que cet individu aurait été double, aurait soutenu le pour et le contre, aurait produit des discours qu’il déclare, dans son intime conviction , lui être complètement étrangers ! Il y a là une énormité contre laquelle proteste ma raison ; et, de toutes les explications, il n’en est pas de plus inacceptable. M. de Gas
(1) Voyez la savante dissertation de mon ami M. Petit d'Oriroy, insé rée au numéro 187 du Journal du JUagnéltme.
(2) Amphitryon, acte 11, scène lr«.
parin n'a fait, du reste, qu’effleurer cette question épineuse qui méritait cependant toutes ses méditations.
Le maguétisme rentrait naturellement dans son sujet ; il en parle très-avantageusement; il en considère les admirables résultats comme acquis définitivement à, la science, et il s’exprime de la manière la plus flatteuse sur les travaux importants de M. du Potet. Nous sommes heureux de compter un homme aussi éminent que M. de Gasparin parmi les champions de cette noble cause sous les drapeaux de laquelle se rangeront bientôt tous les esprits les plus élevés.
M. de Gasparin, dans la dernière partie de son ouvrage, prend corps à corps la démonologie que de récents travaux ont cherché à ressusciter; il bat en brèche les sophismes de M. de Mirville qui, malgré l’attirail scientifique dont il a eu ’art de se parer, n’a fait que développer en un style élégant ce paradoxe, que tout ce qui ne s’explique pas, ou plutôt tout ce qu’il n’explique pas, doit être regardé comme l’œuvre du démon. 11 démolit pièce à pièce tout son échafaudage d’historiettes controuvées, de contes à dormir debout, de merveilles dignes des Mille et une Nuits; il pulvérise cette restauration de manichéisme et prouve qu’elle est contraire à la doctrine chrétienne; il flétrit avec éloquence les tentatives insensées de réhabiliter le moyen-âge dans ce qu’il a eu de plus extravagant, de plus monstrueux; il fait voir combien il est odieux et ridicule de justifier ces procès de sorcellerie qui ont fait couler tant de sang innocent, de pervertir toutes les notions de droit et d’équité en glorifiant les bourreaux et en insultant aux victimes ; il fait justice de cette école surannée qui n’a rien oublié, qui n’a renoncé à aucune de ses prétentions, et qui ne demanderait pas mieux que d’allumer de nouveaux bûchers pour y brûler, sous le titre de sorciers, tous les novateurs, tous les libres penseurs.
Honneur à l’athlète courageux qui défend avec autant d’énergie que de talent les droits de !a raison et de la vérité!
A.-S. MORIN.
Le Géranl : UÉBEKT (de Garnay)
INSTITUTIONS-
AdU'iiiT magnétique lc Lyon.
Une récente publication faite par cette Société nous fournit des renseignements sur sa reconstitution, son règlement et ses travaux.
Voici un extrait de cette Notice, qui résume le passé et pose les conditions du présent. Nous pensons qu’il sera lu avec intérêt.
« Déjà, en 1845, il s’était formé à Lyon, sous le titre de : Athénée électro-mugnilique, une Société qui publia un programme remarquable, et à la tète de laquelle se trouvaient des hommes de mérite et de savoir, animés des meilleures intentions. Cependant elle n’eut qu’une existence éphémère. Pourquoi ?
« En 1846, M. du Potet ayant passé par la ville et donné des leçons de magnétisme à un certain nombre de néophytes, fit de louables efforts pour réorganiser, sur de nouvelles bases, une Société magnétique bien constituée. Sa voix fut entendue, et une vingtaine de personnes se réunirent et formèrent le noyau d’une nouvelle organisation qui conserva le titre de la première, à peu de chose près.
«Le nomcl Athénée magnétique eut pour président M. Ger-baud, pharmacien ; pour secrétaires, MM. Guinand et Du-seigneur, et pour trésorier, M. Favre. Son bureau était au complet. La Société tint ses séances assez régulièrement une fois par semaine pendant deux ans environ, puis elle ne se réunit plus. Pourquoi encore?
u Sans doute, les préoccupations politiques de 1848 hâtèrent sa décomposition ; mais déjà, à cette époque, le zèle de ses membres s’était visiblement refroidi, et ils ne mettaient plus guère d’empressement et d’exactitude à se ren-
ToiiE XIII. — N° *00. — 25 SOYEBBKE 1851.
dre aux réunions. Ce n’était cependant, ni la capacité ni le bon vouloir qui manquaient anx administrateurs de la Société. Peut-être que les règlements particuliers laissaient à désirer sous le rapport de la sévérité ; mais la cause principale, celle qui a amené successivement la dissolution de la plupart des Sociétés magnétiques qui s’étaient formées en France, était ailleurs. Toute association qui compte un certain nombre de membres, ne peut subsister qu’à la condition d’être administrée, gouvernée. 11 est indispensable qu’une pensée dominante, un plan déterminé, une idée unitaire président à sa marche. Or, ce n’est qu’à la condition d’y consacrer ses instants, ses réflexions et ses veilles, qu’un homme peut satisfaire à ces exigences.
« Ce n’est pas assez que d’avoir du bon vouloir, de l’intelligence, du savoir, de l’expérience même, pour diriger et administrer, d’une manière durable, une Société scientifique dont le zèle des membres n’est stimulé que par le désir de s’instruire et d’être utile à ses semblables ; il faut encore, et il faut surtout avoir tout le loisir que nécessite une pareille administration. Le négociant, l’artisan, etc., celui auquel son état ou une profession quelconque absorbe une partie du jour, celui qui est obligé de consacrer la majeure partie de son temps au soin de ses affaires ou de ses intérêts, n’est pas en position de présider, ou, pour mieux dire, de diriger longtemps une telle association.
« Si la Société dirigée à Paris par MM. du Potet et Hébert n’a cessé d’exister depuis sa fondation, c’est parce que ses administrateurs s’adonnaient exclusivement au magnétisme et s’en occupaient uniquement. D’autres Sociétés ont voulu s’établir à côté et bannir de leur sein les magnétiseurs •professionnels; elles étaient administrées par des comités dont les membres avaient ailleurs leurs intérêts, leur industrie ; elles périclitèrent. La Société philanthropico-magnétique elle-même fut plusieurs fois menacée de dislocation, avant d’être présidée et dirigée par le docteur marquis du Planty, qui lui consacre aujourd’hui généreusement la haute intelligence et les soins empressés auxquels elle doit sa prospérité actuelle.
« Si ces idées générales sont vraies, si l’on peut se fonder sur les enseignements de l’expérience et du passé, on doit espérer que \ Athénée magnétique de Lyon, réorganisé une troisième fois, en janvier 1854, par les soins de M. Mon-gruel, se maintiendra dans la sphère d’activité où elle est entrée, et que cette Société continuera à donner des preuves
de virilité tout le temps au moins quelle sera présidée et dirigée par son fondateur qui n’a d’autre pensée, d’autre préoccupation que d’élever le magnétisme au rang de science ; dont l’expérience pratique, les connaissances spéciales sont incontestables, et qui fait de la culture de cette science l’unique emploi de son temps.
« La pensée qui a présidé à la nouvelle réorganisation se trouve clairement formulée dans le premier chapitre des Statuts, dont nous publions ci-après un extrait reproduisant les articles les plus importants. En le comparant aux statuts des autres sociétés du même genre, on remarquera une différence profonde, radicale, essentielle, dans l’objet, le but et la mission qne poursuit le nouvel Athénée. La plupart des sociétés magnétologiques ont pour principe de propager le magnétisme tel qu’on le connaît aujourd’hui, tel qu’il apparaît, c’est-à-dire avec ses défauts, ses préjugés, ses superstitions.
« La nouvelle Société se donne pour mission principale d’épurer la science, de contrôler ses procédés, de signaler ses erreurs et de combattre également les opinions exagérées de l’enthousiasme et du scepticisme. Nul homme de bonne foi, après avoir lu, pesé et mûri les termes du premier chapitre de ses statuts, ne peut blâmer l’intention gui a présidé à sa fondation, ni nier que ceue soit une institution ayant un fond d'utilité réelle.
« Pour qu’elle puisse utilement remplir son but et accomplir sa mission, elle a besoin d’être secondée du concours d’un certain nombre d’hommes de bonne volonté ; mais la vérité a tant de partisans, l’objet des études et des travaux de la Société a tant d’attrait, le désir et le besoin que ressent notre époque de sonder les mystères de la nature sont si
Suissants, que nous avons toute confiance dans la prospérité e notre œuvre.
« L’un des secrétaires,
o JEANDEAU. »
Ce préambule montre l’intention de mener rondement les choses ; reste à savoir comment s’exercera cette initiative. Il est vrai que plusieurs sociétés magnétiques sont tombées ou languissent faute d'une autorité assez puissante ; mais n'est-il pas à craindre que celle-ci pèche par l’excès contraire ? Le chef ne sera-t-il pas trop porté à se considérer comme le maître et ne traitera-t-il pas ses collègues en
écoliers? A toutes ces questions, l’avenir répondra; en attendant, Lyon possède une société magnétique, et c’est le point important.
Les statuts sont calqués sur ceux de la Société du Mesmérisme de Paris pour les dispositions principales et renferment quelques innovations «pii nous paraissent heureuses. Nous regrettons que, par une dérogation au principe de l’élection, le président se soit nommé lui-même pour... trois ans. Si M. Mongruel a vraiment le mérite qu’il s’attribue, les magnétiseurs de Lyon sont assez éclairés pour le reconnaître et trop justes pour donner la palme à un autre. Ce choix aurait rendu plus intime l’union qui doit exister entre les membres d’un môme corps et éviter de fâcheuses interprétations.
Par suite d’élections faites le 9 mai, ont été nommés pour compléter le bureau :
M. REl'DET, vice-président.
Jl. FAVRE, id. id.
M. DELORME, secrétaire-général.
M. PEÜBLE, secrétaire-adjoint.
M. JEANDEAU, id. id.
M. ROCHON, censeur.
M. GAGNEUX, id.
M. SAUVETON, archiviste.
Le 28 mai, n’ayant pu le faire le 23, l’Athénée s’est réuni pour fêter l’anniversaire de Mesmer. Il y a eu séance d’abord, et banquet ensuite. Soixante personnes ont pris part à cette réunion, où plusieurs discours et tostes ont excité de nobles sympathies. Un des convives nous assure que, par la manière dont il a présidé cette fête, M. Mongruel a dissipé une partie des préventions qui s’attachent à son nom. C’est d’un bon augure; espérons que sa conduite ultérieure favorisera ces tendances de l’opinion à son égard.
UÉBERT (de Gamay).
FAITS ET EXPÉRIENCES.
1° PRESSENTIMENTS.
M. de Baudus, ex-aide-de-camp des maréchaux Bessières et Souk, a publié, en 1839, des Eludes sur Napoléon, où il raconte ce qui suit, comme en ayant été témoin :
« Ou parle souvent des pressentiments dont quelques militaires ont été favorisés sur l’époque précise de leur fin; les dernières heures de la vie du maréchal Bessières offrent, sous ce rapport, des circonstances bien remarquables.
avHï î8,r ’lc quartier-général impérial passa la nuit à \\ essenfelz. Le maréchal, qui commandait toute la cavalerie, y coucha également. Déjeûnant seul avec lui, le lendemain matin, je le trouvai triste, et fus longtemps sans pouvoir lui faire accepter un seul des mets que je lui offrais ■ il répondit constamment qu’il n’avait pas faim. Je lui fis observer que nos vedettes et celles de l’ennemi étaient en présence, et que nous devions nous attendre par conséquent à une affaire sérieuse qui ne nous permettrait probablement de rien prendre dans la journée. Le maréchal finit par céder à mes instances et prononça ces paroles singulières : a Au fait, si un boulet de canon doit m’enlever ce matin, « je ne veux pas qu’il me prenne à jeun ! »
«En sortant de table, le maréchal me donna la clef de son portefeuille et me dit : « Faites-moi le plaisir de chercher « les lettres de ma femme. » Je les lui remis. Il les prit et les jeta au feu. Jusque là le maréchal les avait toujours soigneusement conservées. Madame la duchesse d’Istrie me l’a assuré depuis, en ajoutant que le maréchal, en la quittant, avait dit à plusieurs personnes qu’il ne reviendrait pas de cette campagne. y
« L’empereur étant monté à cheval, le maréchal le suivit. Son a isage était si pale et sa physionomie était empreinte d une telle tustesse, que j en fus frappé. Me rappelant les païoles fatales que m avait adressées le maréchal, je dis à mon camarade : ’J
a Si nous nous battons aujourd’hui, je crois que le maré-« chai sera tué. » L’affaire s’engagea. Le duc d’Elchingen ayant envahi le village de Rippach avec son infanterie, le duc d’Istrie s’empressa de reconnaître le défilé dont l’ennemi venait d’être chassé ; son but était de le faire traverser aux troupes sous ses ordres. En arrivant sur la hauteur qui domine le village, lorsqu’on en sort par la route de Leipsick, il se trouva en face d’une batterie d’artillerie que l’ennemi venait d’établir pour enfiler la grande route. Le premier boulet qui partit de cette batterie emporta la tête d’un maréchal-des-logis des chevau-légers polonais de la garde; ce sous-officier faisait depuis plusieurs années le service d’ordonnance auprès du maréchal Bessières. Cette perte affligea le duc d’Istrie, qui s’éloigna au galop. Cependant, après avoir examiné quelques instants la position des Prussiens, il revint accompagné du capitaine Bourjoly, de son mameluck Mizza et de quelques ordonnances, et dit en s’approchant du cadavre :
« Je veux qu’on fasse enterrer ce jeune homme ; d’ailleurs a l’empereur serait mécontent de voir un sous-officier de sa h garde tué dans ce lieu ; car, si ce poste était repris, la vue « de cet uniforme persuaderait à l’ennemi que la garde a \i donné. »
« Un boulet, lancé par la même batterie, l’étendit raide mort à l’instant où il prononçait ces paroles.
« Le maréchal remettait sa lunette dans sa poche. Il eut la main gauche, qui tenait les rênes, entièrement fracassée ; le corps traversé et le coude brisé. Sa montre s’arrêta, quoi qu’elle n’eût pas été touchée ; elle marque encore l’heure fatale delà mort du maréchal ; elle n’ajamais été montée depuis.
« Un acte de charité envers un de ses semblables et l’accomplissement de ses devoirs envers son prince et sa patrie, tels furent les sentiments qui occupèrent la dernière heure du maréchal ; cette heure dernière est le résumé de sa belle vie.»
2° MANIFESTATIONS SPIRITUELLES.
Nous continuons le résumé de quelques faits rapportés par le Spiritual telegraph :
Dictée d'un po'éme inédit.
Un médecin de Washington avait réuni chez lui, un soir, deux ou trois membres de sa famille et un ou deux
amis; un des membres de la réunion devint medium, la table se mit à frapper des coups et à lui parler, elle articula le nom de Wylie Wilson. Aucun de ceux qui étaient là n’avait jamais entendu parler de personne de ce nom. On demanda où il avait vécu, il répondit :
« A Wilmington (Delaware). »
Après avoir obtenu différentes réponses sur son âge, etc., on le questionna sur son état :
« Poète, répondit-il.
« — Veux-tu nous donner le titre de quelqu’un de tes poèmes?
« — Le Printemps et CÉtê.
« —A-t-il été publié?
« — Non ; il est encore en manuscrit, à Wilmington ; il est en la possession d’une demoiselle de cette ville. »
A la séance suivante, le même esprit annonça encore sa présence, et le docteur l’ayant prié d’écrire le premier vers du poëme dont il avait été question, on obtint un vers, puis un second, un troisième, et enfin un morceau étendu, que le poète invisible assura être le commencement de son poëme. On se sépara. Un des membres de la réunion parla de ces faits à sa femme, qui était incrédule relativement aux manifestations spirituelle?. Celle-ci prit un vif intérêt au récit, et, se rappelant une famille de sa connaissance qui demeurait à l’extrémité de la ville et qui avait autrefois habité Wilmington, elle alla lui faire visite pour prendre des renseignements à ce sujet. Elle apprit par là qu'il y avait eu effectivement à Wilmington un homme nommé Wylie Wilson, qu’il était mort, qu’il était connu comme un individu excentrique, et qu’il avait écrit des poésies. La fille d’une dame du Delà-ware parla alors d’un poëme dont il était l’auteur, intitulé: le Printemps et l'Étê; elle ajouta que cet ouvrage était en manuscrit dans son album, et qu’elle l’avait laissé à Wilmington. Elle donna ce dernier renseignement de son propre mouvement, avant que le visiteur ait eu le temps de rapporter les diverses circonstances qui l’avaient décidé à prendre des informations, et la famille du Delaware ignorait qu’une telle
communication eût eu lieu. Plus tard, on reconnut que les vers épelés par la table et désignés par elle comme faisant partie du poëme, formaient réellement le commencement du poëme qui était dans l’album de 'W ilmington.
Medium écrivain.
I.’ancien sénateur M. Tallmadge, un des auteurs les plus distingués parmi ceux qui ont traité du spiritualisme, annonce la prochaine publication d’un ouvrage écrit par M. Charles Linton, medium écrivain de Philadelphie. Celui-ci est un jeune homme de vingt-six ans, qui n’a reçu que fort peu d’instruction dans une petite école. Il n’aimait pas l’étude et il n’a pas eu le loisir de développer ses connaissances.
A l’âge de seize ans, il apprit l’état de taillandier, auquel il travailla jusqu’à vingt-deux ans. 11 fut ensuite employé comme teneur de livres chez un commerçant. C’est alors qu’il se développa comme medium.
Au mois de novembre dernier, il écrivit, non plus des communications isolées, mais un livre qui lui fut dicté par les esprits. Il prit à cet effet un volume épais et relié, dont les feuillets blancs étaient réglés, et il se mit à y écrire. Ce livre a quelque chose de merveilleux. L’écriture en est admirable ; elle est entièrement différente de son écriture ordinaire; elle se lit aussi bien que de l’impression. Une grande partie a été écrite en ma présence. La dernière fois que je l’ai vu, il y avait près de quatre cents pages écrites, et le plus habile calligraphe aurait eu peine à faire mieux. 11 n’y a ni rature, ni interligne. 'Le medium ne sait rien de ce qu’il écrit, si ce n’est que les mots se présentent successivement à lui au fui- et à mesure qu’il écrit. Beaucoup d’hommes très-instruits ont examiné l’œuvre et jugent qu’elle surpasse la conception humaine. Le style en est simple, parfaitement correct et adapté au sujet. Le livre à pour objet le bien de l’humanité; il a pour but de montrer les rapports de Dieu avec les créatures, la responsabilité individuelle de l’homme, son union avec Dieu au moyen des esprits, etc.
Double apparition de personnes.
Ce phénomène, bien connu des anciens pneumatologistes, est très important par ses conséquences philosophiques ; les exemples qui s’en présentent, ne peuvent manquer de fixer l’attention des modernes spiritualistes. Il consiste en une image de personnes qui se manifeste soit aux personnes elles-mêmes, soit à d’autres, dans un endroit où ne se trouve pas celui dont l’image apparaît. M"" Crovve, dans son ouvrage sur le côté mystérieux de la nature, raconte plusieurs faits de cette espèce. En voici encore un semblable.
« Un habitant de Green Point, qui avait son centre d’affaires à New-York, fut vu distinctement par un membre de sa famille qui l’aperçut rentrant chez lui, dans l'après-midi, environ deux heures plus tôt que d’habitude. 11 parut entrer par la porte de face, puis se promener dans son jardin. Le parent qui le regardait d'une fenêtre, aussi nettement qu’il l’avait jamais fait, passa aussitôt à la cuisine pour faire préparer son souper, et par là il le perdit de vue. On supposa qu'il avait quelque occupation dans ses terres, le souper fut servi pour lui, et on l’attendit. Deux heures après, il vint à la maison, déclara qu'il arrivait à l’instant de ses affaires de New-York, et qu’il n’était pas venu précédemment. Nous tenons le fait de M. Almon Roff, qui était un de ses proches voisins, et qui avait appris ces particularités de sa famille. Peu de temps après, ce particulier mourut. »
Le correspondant qui transmet ces faits au TelegrupU ajoute ce qui suit :
u II m’est arrivé à moi-même de voir un homme à soixante-dix milles de l’endroit où il était, et assez distinctement pour remarquer sur sa figure une expression d’inquiétude qui indiquait le désir de me voir et de converser avec moi. Je sus depuis que c’étaient réellement les sentiments qu'éprouvait cet homme au même moment. »
Nous pourrions ajouter bien d’autres exemples à notre connaissance. On est amené par là à poser ces questions : Qu’est-ce que le monde des esprits, où est-il, quelles sont les lois qui le régissent?... Ce mystère ne tardera pas à être dévoilé....
A.-S. M0R1N.
VARIÉTÉS.
Cauinerics. — J’ai commencé cette série de petits articles par quelques moqueries à l’adresse de confrères qui m’avaient attaqué, me supposant assez faible pour supporter leurs critiques, ou d’humeur assez débonnaire pour me fâcher tout rouge. Je suis faible, il est vrai, comme un homme atteint par la vieillesse, et si des enfants mal appris me jettent quelques cailloux, je ne les poursuis point, je les abandonne à leur repentir.
Me voilà encore tombé dans le prologue! Aussi, pourquoi n’ai-je point reçu cette iustruction brillante qui distingue mes émules? je marcherais de pair avec eux. N’ayant point cet avantage, j'abandonne ma plume à son mauvais destin.
Dieu puissant! créateur du ciel et de la terre, pourquoi donc as-tu obstrué les sens de tous tes serviteurs, de tous tes enfants ? Pourquoi leur faiblesse éclate-t-elle en présence de tes sublimes ouvrages; et comment, pouvant tout, les laisses-tu en proie à l'ignorance? 11 faut plusieurs générations pour que de quelques intelligences jaillisse un faible rayon de lumière insuffisant à percer l’obscurité qui de toutes parts les environne. Mais déjà, pourtant, les mains débiles de l’homme ont saisi la foudre, et ce larcin, tu ne l’as point puni. Est-ce donc qu’en disant à l’homme : Tout est à toi sur ce globe, — tu l’as laissé libre d’user et d’abuser de tes dons? Après plusieurs siècles écoulés, voici les humains qui s’apprêtent à soustraire de ta couronne immortelle un nouveau fleuron. Ce ne sont point les forces mortes et de grossières vapeurs ; la terre, l’eau et l’air ont été fouillés. 11 s'agit cette fois de te dérober le principe même de l’existence humaine, ce
feu qui circule dans tous les êtres et qui, au commencement, était répandu sur les eaux.
Que restera-t-il à la suprême majesté, si les hommes deviennent entièrement maîtres de leur destinée? Peut-être oseront-ils, dans leur aveuglement, lutter de puissance à puissance et tourner contre toi le feu créateur ! Révèle, révèle au plus vite tes secrets desseins en punissant les sacrilèges! Mais non, nulle atteinte ne peut t’être portée; ce monde est à peine un globule, un atôme de poussière jeté dans l’immensité, où quelques êtres abandonnés à eux-mêmes doivent essayer la vie et subir les épreuves qui précèdent un commencement d’initiation 1
Qu’importe pour nous, éphémères, la perpétuité des temps! Mais puisque nous vivons un instant, examinons pourtant ce curieux attribut de l’homme que nous avons découvert en lui, disons ce dont l’être est capable, faisons connaître ce qu’il peut tirer de son propre sein.
La terre livre généreusement ses trésors à qui les veut prendre ; elle ne sait dire ni oui, ni non ; elle n’a point de caprice, point de volonté. L’homme, au contraire, pour tirer de lui-même quelque chose, est obligé de surprendre un gardien mystérieux, soit en l'endormant, soit en le charmant par art magique. Toutes les fables égyptiennes et grecques contiennent sur ce sujet de précieux renseignements. La volonté de l’homme n’a d’ailleurs d’empire que sur la moitié de lui-même ; toutes les principales fonctions de ses organes s’exécutent sans qu’il puisse empêcher leur jeu; il suspend un instant le mouvement, c’est tout. Le mécanicien est à côté de ses fournaises, il vit dans le feu sans trop s’inquiéter de nos opinions et du bruit qui se fait chez son portier.
Il y a donc en nous une puissance plus grande que la volonté, et nous pourrions ajouter : il y a donc également un être plus instruit que nous-mêmes, puisque nous ignorons les secrets de ses opérations et qu’il agit sans cesse sans nous consulter. Il semble que l’entendement humain soit comme ces plantes parasites qui vivent des sucs nourriciers des arbres où elles sont fixées ; il semble, dis-je, que notre
entendement occupe un local d’emprunt ; que, fonctionnant à un étage supérieur et s’alimentant des vapeurs qui y montent, il ne sache rien de ce qui se passe en bas. Mais toutes ces figures ne traduisent qu’imparfaitement ma pensée, je chercherai tout à l’heure à la rendre plus claire.
Dans le somnambulisme magnétique, où est l’intelligence de la veille? N’est-elle point effacée? Lorsqu’on devrait croire tout anéanti — excepté la vie des rêves — que trouve-t-on ? De sublimes clartés. Et iriez-vous cent ans à l’école de nos grands savants, de ces professeurs illustres, de ces gros coqs qui, du haut de leur chaire — j’allais dire de leur épinette — raisonnent sur la nature, vous n’apprendriez rien sur la vie intérieure découverte par le magnétisme ; mais, en revanche, tous vous prouveraient ou chercheraient à vous prouver que le magnétisme est un mensonge, une illusion, etc.
On a cherché à expliquer le travail de la vie lorsque, par exemple, une plaie, une coupure, la gangrène ont porté atteinte aux tissus ; mais on n’y a rien compris ; les explications ne donnaient qu’une idée imparfaite du travail opéré; l’ouvrier intelligent qui avait fait les reprises ou élevé son rempart charnu restait inconnu.
Nous avons dit quelque part qu’il y avait en nous, non une intelligence seule, mais un grand nombre, dont le travail était réglé d’avance. Et dans toutes ces œuvres merveilleuses, que fait l’intelligence de la veille, celle qui sert de guide à l'homme et qu’il accepte comme unique source de son savoir, lorsque pourtant il reconnaît à chaque instant et ses erreurs et ses imperfections? Dans le sommeil, il n’en est plus question.
Dans la veille, l'intelligence a beau solliciter la mémoire, celle-ci ne peut se rappeler les actes du sommeil ; tandis que, replongé dans le sommeil, l’être retrouve et sait tout ce qu’il a dit, tout ce qu’il a pensé, tout ce qu’il a fait, et cela sans un seul effort de sa part ; il unit, voilà tout. Qui donc lui donne la connaissance du temps et des choses? Qui parle en lui pour lui révéler même ce que les sens, à l’état de veille, n’ont jamais pu lui apprendre ?
On a ri du démon de Socrate parce qu’on n’a pas compris comment l’inspiration, la divination, pouvaient venir d’un organe qui n’était point le cerveau. On a ri de tous ceux qui véritablement voyaient à distance lorsque le sens de la vue était obstrué, et que d’ailleurs, ne l’eût-il point été, il n’eût servi à. rien, parce qu’on n'a pas compris non plus, qu'en dehors des sens il existait des organes autrement disposés et qui pouvaient faire plus que les sens. Et pourtant encore l’intelligence de la veille n’apercevait rien et ne pouvait rien nous apprendre sur le mobile et les fins de leur action.
La mort est le terme de la raison et de cette intelligence parfois si misérable qui gouverne les hommes. Ce qu’il y a d’immortel en nous, c’est ce qui est caché à tous les yeux et qui ne se révèle qu’aux amants de la vérité. Je cherche ceux-ci, je leur indique le chemin à suivre autant que je le puis; je trouve souvent le doute qui se dresse devant la vérité ; je trouve l’homme rempli des erreurs que la science fausse a, dès son jeune âge, semées dans son cœur. L'intelligence de tous les détourne des plus sublimes vérités. Les païens ont eu cette lumière, ils l’ont perdue ; les chrétiens n’ont rien perdu, car ils n’ont rien voulu apprendre. Ils cherchent aujourd’hui à acquérir ; mais, dès leurs premiers pas, qu’aperçoivent-ils dans les phénomènes nouveaux? L’œuvre du démon. Effrayés de leur découverte, les princes de l’Église, les pasteurs lancent l’anathème comme au moyen âge, lorsque la lumière cherchait à se répandre. On ne brûle plus, il est vrai, mais on excommunie. Je me rappelle l’histoire d’un bon curé qui, pour effrayer ses ouailles, leur parlait du jugement dernier et leur montrait Dieu courroucé contre l’incrédulité et l’ignorance : « Lorsqu’il m’interpellera, disait-il, je me cacherai ; mais forcé de me montrer devant lui, je lui dirai : Seigneur, ayez pitié de moi ! Bêtes vous me les avez donnés, bètes je vous les rends. »
Que de pasteurs pourraient encore aujourd’hui tenir le même langage ! Ils aiment mieux ne pas être sincères, et ne sachant rien de la nature, voulant masquer leur ignorance,
ils osent faire intervenir le démon. Et que leur apprend ce génie méprisable? Sans doute il va leur révéler les lois de son empire, encourager les vivants à persister dans le mal ; car si le mal n’était plus, les pasteurs cesseraient d’être nécessaires. Non ; le diable, au contraire, embrouille les esprits ; l’ignorance fait son affaire. Ne pas la combattre ou chercher à l’étendre sur la terre, c’est travailler pour lui.
Le magnétisme, le somnambulisme et l’extase sont des vérités de fait enseignées par la Bible. La sorcellerie, la magie, les évocations ont reçu la môme sanction dans le livre sacré. Cette immense richesse a été stérile, nos ministres du culte n’y ont rien compris ; méconnaissant l’immense pouvoir que ces connaissances anciennes pouvaient leur donner, ils ont négligé de les acquérir et de s’en servir. Les laïques bientôt seront plus instruits que le] clergé, et l’ordre sera ainsi renversé.
Que font les savants dans ce grand mouvement des esprits à la recherche de l’inconnu ? Les savants ! belle question , ma foi ! ils se reposent. 11 m’est donc bien permis, à moi qui ne suis pas savant, de prendre aussi mes aises... Je renvoie mes lecteurs au prochain numéro.
Baron DU POTET.
Tribunaux. — Le Journal de Seine-et-Oise, qui se publie à Versailles, donne, dans son numéro du 22 novembre, le compte-rendu suivant d’un procès auquel le somnambulisme est mêlé.
COUR D’ASSISES DE SEINE-ET-OISE.
Présidence de M. Poinsot, conseiller à la Cour impériale de Paris.
(Audience du 13 novembre 185 t.) l'N VOLEUR DÉCOUVERT PAR UNE SOMNAMBULE.
« Le sieur Guerand, cultivateur au Buissonneux, commune de Gazeran, s’aperçut, le lundi 8 août dernier, qu’on lui avait soustrait une somme de 280 fr. Cette somme était dans une tasse placée elle-même dans un tuyau de poêle renfermé dans un placard non fermé. Persuadé que ce vol avait été
commis par un de ses domestiques, le sieur Guerand interrogea et pressa chacun d’eux, promettant l’impunité en cas de restitution; mais il ne put obtenir d’aveu.
( Le sieur Guerand eut alors l’idée d’aller consulter une somnambule à Paris, et sur les indications que lui donna celle-ci, ses soupçons se portèrent sur l’accusé Germain-Eu-gène Julien, dit Drapier, jeune homme de dix-huit ans, employé depuis deux mois à son service en qualité de berger, et dont la conduite n’avait jusqu’alors donné lieu à aucune plainte ni à aucun soupçon. De retour au Buissonneux, il alla trouver son berger, lui déclara qu’il avait la preuve de sa culpabilité et le menaça de le faire arrêter s’il ne lui rendait son argent.
« Ébranlé par l’accusation et l’attitude de son maître, Julien lui avoua que lui ayant vu serrer son argent le dimanche, la pensée de s’en emparer lui était venue ; que s’étant trouvé seul à la maison le lundi, il avait mis son coupable projet à exécution, mais que la somme dérobée était encore entière et qu’il allait la lui remettre, ce qu’il fit effectivement.
o C’est à raison de ce fait que Julien comparaît aujourd’hui devant le jury de Seine-et-Oise. 11 renouvelle ses aveux à l’audience.
« L’accusation est soutenue par M. Guérin de Vaux, procureur impérial.
« M' Denis, avocat, présente la défense.
« La déclaration du jury, affirmative sur la question principale , est négative sur la circonstance aggravante de domesticité; en outre, des circonstances atténuantes sont admises en faveur de l’accusé.
u En conséquence de ce verdict, la Cour condamne Julien à un an de prison. »
Revue «les journaux. — M. le D' Nicolas, rédacteur de Y Union médicale de la Louisiane, a fait paraître, dans le n° 2 de ce journal, un article très-favorable au magnétisme.
Dans le but d’éclairer ses confrères sur les principes, la pratique et les avantages de la nouvelle science, ce médecin passe brièvement en revue l’histoire ancienne du magnétisme envisagé comme influence naturelle des animaux et de l’homme. Arrivé aux temps modernes, il divise en sbc le nombre
(les écoles qui ont donné des règles pour exercer cette influence. Ce sont :
« 1° L’école de Mesmer et de Desion, qui fut débordée presque subitement.
v 2° L’école du marquis de Puységur : c’est la découverte du somnambulisme.
«3° L’école spiritualiste de Lyon : visions du chevalier Barbarin.
« ù° L’école exégétique de Stockholm : extatiques illuminés.
« 5“ L’école de Deleuze, récente, marchant au progrès.
« 6° L’école moderne, qui a puisé dans toutes les précédentes.
« L’école moderne, à la tête de laquelle brillent des savants du premier ordre, des médecins assis au point culminant de la science, des savants de toutes les nations, a posé en principe que pour arriver aux grands résultats magnétiques, deux actions principales et fondamentales sont nécessaires, in-pensables même.
« 1° L’action physique ; les passes, le massage, les mouvements plus ou moins répétés et prolongés : elle produit des effets physiologiques.
n 2° L’action psychique, qui produit les phénomènes intellectuels et moraux.
Il est aisé de voir par ces quelques lignes, que l’auteur comprend bien son sujet, et nous devons dire que la suite est traitée avec non moins de clarté. C’est une question posée de bonne foi, étudiée avec conscience et franchement résolue. Le cadre est malheureusement trop restreint et ne peut contenir que des notions générales ; aussi doutons-nous qu’une pareille instruction puisse mettre les médecins de la Nouvelle-Orléans en état de magnétiser leurs malades. Mais si ce précis est insuffisant pour obtenir des effets positifs, il fixe assez les idées pour donner le goût d’étudier, et Ton ne peut espérer davantage d’un simple article de journal. D’ailleurs, M. Jos. Barthet est là, et son expérience ne fera point défaut à ceux qui voudront connaître à fond l’art de Mesmer.
HÉBERT (dcGaruay).
BIBLIOGRAPHIE.
I.E MAGNÉTISME EXPLIQUÉ PAR LDI-MÊME, ou Nouvelle théorie des phénomènes de Tétai magnétique comparés aux phénomènes de l'état ordinaire; par le D' Gamin. 1 vol. in-8. Paris, 1854, Germer-Bailüère.
C’est encore un homme de science, un médecin qui, sans s’inquiéter des oracles de la Faculté, ne craint pas de traiter du magnétisme et consacre ses études à l’examen des mystères du somnambulisme. Chercher à expliquer ces merveilleux phénomènes, c’est s’imposer une tâche des plus rudes; bien des auteurs se sont occupés de ce sujet intéressant et ont présenté des théories plus ou moins ingénieuses, des hypothèses plus ou moins probables; ils ont accumulé des matériaux précieux, mais on attend encore l’architecte habile qui sache en faire le triage, les coordonner et en composer un édifice harmonieux. M. Garcin ne s’est pas borné à, utiliser le résultat de ses expériences et de scs réflexions : il a eu recours à une source inexplorée ; il s’est aidé des lumières d’une somnambule; non pas qu’il attribue à ces sortes de communications l’autorité de révélations; mais il pense avec raison que, dans cet état singulier, l’esprit acquiert des facultés extraordinaires, et que si au lieu de 1 appliquer à des questions oiseuses, comme on le fait trop souvent, on l’exerce à méditer des sujets scientifiques, on peut obtenir un concours précieux, et que peut-être la lucidité des somnambules pourra percer des voiles qui, dans l’état ordinaire, arrêtent notre vue débile.
D’après l’auteur, « le fluide magnétique n’est autre chose que le fluide vital modifié par l’action d’un fluide étranger, mais identique. »
Dans la première partie de son livre, SI. Garein considère l’action du fluide vital dans l’état ordinaire. Le fluide vital est «l’agent intermédiaire de l’âme et du corps», c’est «l'agent de la sensation et du mouvement. » L’état magnétique ne développe pas un sixième sens, n’introduit pas, à proprement parler, des facultés nouvelles dont le germe ne se trouverait pas dans l’état ordinaire, il ne fait que leur donner une nouvelle extension, un nouveau perfectionnement. La question : «Comment voit-on dans l’état magnéti-gnétique?» dépend uniquement de celle-ci : «Comment voit-on dans l’état ordinaire?»
La réponse est la même : dans les deux cas, la perception a lieu par «une sorte de communication directe du fluide vital avec les choses extérieures, voisines ou éloignées, » communication qui peut s’établir de deux manières, avec ou sans le secours des sens. — Qu’on ouvre les paupières d’un homme endormi : l’image des objets extérieurs viendra se peindre dans ses yeux comme dans l’état de veille, et néanmoins l’âme n’en recevra pas l’impression, parce que le fluide vital, qui est l’agent des sensations, a cessé de se répandre sur les objets extérieurs.
Comme cette théorie est le fondement de tout le système de l’auteur, nous ne croyons pouvoir mieux en donner une idée à nos lecteurs qu’en citant textuellement l’explication suivante donnée par la somnambule, son Égérie :
« Une somnambule voit, de Paris, un objet qui est à Rome. Admettons que c’est moi; je vous ferai mieux comprendre. Je vois donc en ce moment un objet ou une personne dans la capitale du monde chrétien. Vous ne pouvez pas dire que cet objet vient se peindre dans la rétine de mon œil ; il ne se manifeste pas à moi par la propriété commune à tout objet matériel d’affecter les sens, le corps : il est trop éloigné pour cela. Mais, d’un autre côté, pour qu’il me devienne présent, ne faut-il pas qu’il y ait une certaine communication entre lui et moi ; et cette communication, peut-on se la représenter autrement que directe? Car ici plus d’organe qui réfléchisse l'objet et reçoive son image; plus d’impression faite sur les sens, et par suite plus d’illusion possible sur le rôle du fluide vital. Mon âme irait-elle se promener à Rome, une fois dé-
gagée des entraves du corps par l'action magnétique? C’est à peu près ce que je me figurais autrefois ; mais en y réfléchissant mieux, j’ai vu que cela répugnait à la nature de l’âme. Elle est spirituelle ; or, comment concevoir un principe spirituel en voyage? Elle est sans étendue; comment se la représenter allant et venant? Et d’ailleurs 011 11e se la représente pas, c’est un mauvais mot. L’âme n’occupe aucun lieu , elle n’est pas comme un petit point noir dans le cerveau : elle est là 011 se montre son action. Or, quand je vois un objet à Rome, mon âme 11e se manifeste pas en Italie, mais là où est mon corps, qui n'a pas changé de place. O11 me dira peut-être que mon âme voit réellement la chose là où elle est, et que mon fluide par lui-même ne voit rien. Sans doute, et je voudrais que tout le monde convînt de cela comme moi. A la rigueur, mon âme n’est pas plus dans mon coips qu’en Italie. Mais le corps est vraiment le siège de l’âme, en ce sens qu’il est le centre de ses communications avec la terre. C’est de là que le fluide se répand au dehors, et l’âme voit partout où cet agent peut s’étendre, sans qu’on puisse dire qu’elle se promène et change de place. Ainsi, ce n’est ni par mes sens, ni par un voyage de mon âme que j’ai vu l’objet en question. Les sens ne sont affectés que par un objet présent, et l’âme 11e peut se promener à travers les espaces comme un objet extrêmement subtil. La vision s’est faite par un quelque chose qui est ma vie, mon fluide vital. C’est par ce fluide qu’on voit toujours, et l'on voit de différentes manières, suivant les conditions où il est placé. » (Page 14).
Cette explication est loin de nous sembler satisfaisante. L’éloignement de la ville de Rome n’est pas un obstacle à l’action des sens, puisque, comme le remarque l’auteur, l’œil, dans l’état ordinaire, voit des astres situés à une distance immensément supérieure. Si les deux manières de voir sont les mêmes, faudra-t-il admettre que quand je vois les étoiles, c’est au moyen de mon fluide vital qui se détache de moi, se transporte vers ces corps si prodigieusement éloignés et m’en rapporte l’image? C’est là une supposition gratuite que rien ne justifie, et dont rien même ne peut faire accepter la probabilité. Dira-t-on que la vision des astres se fait par les ondes lumineuses qui en transmettent l’image à mon organe, et que le fluide vital sert seule-
ment à en faire pénétrer l’impression jusqu’à l’âme? 11 restera encore alors l’hypothèse d’un agent dont l’existence ou le concours est loin d’être prouvé ; et en outre l’auteur n’aura aucunement rempli sa tâche qui consiste à établir l’identité des deux modes de vision ; car si, dans l’état ordinaire, la vision a lieu au moyen de la lumière, il faudra qu'il nous dise si la lumière joue aussi un rôle dans la vision somnam-bulique, ou, en cas de négative, qu’est-ce qui tient lieu des ondes lumineuses? L’intervention du fluide vital n’a donc pas fait avancer la question.
Poursuivons l’analyse du système de M. Garcin. Le fluide vital et le fluide nerveux sont très-distincts l’un de l’autre, et remplissent des fonctions très-différentes, le secret du magnétisme consiste à les dégager l’un de l’autre. Le fluide nerveux a pour fonction principale de maintenir l’impres-sionnabilité des organes; c’est une humidité très-subtile qui entoure les nerfs, les humecte et les rend bons conducteurs du fluide vital. C’est par le fluide nerveux que les sens sont mis en état d'être impressionnés par les objets extérieurs ; cette impression qui retentit jusqu’au cerveau, provoque instantanément une émission plus ou moins abondante de fluide vital, qui se termine à ces objets. A la suite de cette émission, l’âme les voit, les affirme, est en rapport avec eux. C’est ainsi que se forment, dans l'état ordinaire , les communications de l'âme avec les choses du dehors. Il y a d’abord, en présence de l’objet, une impression sur les sens, qui est purement organique, due à l’excitabilité des nerfs, ou, si l’on aime mieux , au fluide nerveux qui la conserve. A l’impression organique succède une émission de fluide vital qui commence au cerveau et se termine à l’objet qui l’a provoquée. C’est alors seulement qu’il y a sensation et vue, phénomènes uniquement réservés à l’action du fluide vital.
L’auteur examine la nature de l’âme, dont il soutient avec force 1 immatérialité, et le magnétisme lui fournit des arguments à l’appui de cette thèse. Il fait l’application de ses principes aux divers états, à celui de veille, à celui de som-
mcil, à celui de somnambulisme naturel; il présente des aperçus lumineux, des considérations judicieuses. Nous pourrions contester beaucoup de ces explications, nous nous bornerons, quant à cette partie, à une observation.
11 pense que le sommeil est causé par l'épuisement du fluide vilal, ce qui met l’âme hors d’état de communiquer avec les objets extérieurs, d’où il suit que dans le somnambulisme naturel, qu’il regarde comme une variété du sommeil , la vision ne se fait ni par les sens qui sont engourdis, ni par le fluide dégagé des sens ; le somnambule ne voit donc que par la pensée, par l'imagination.
Les faits que cite l’auteur suffisent pour détruire cette explication.
En effet, imaginer, c’est, suivant sa définition, se représenter, telle qu’elle est, une chose qui n’affecte pas actuellement nos sens ; c’est se la représenter comme présente quand elle est absente, ou bien, parla combinaison d’éléments réels empruntés à nos souvenirs, composer un tout fantastique. C’est là ce qui a lieu dans les rêves qu’enfante le sommeil ordinaire ; mais le somnambule naturel, bien qu’isolé à l’égard de la plupart des objets extérieurs, est en rapport avec quelques autres et en reçoit des impressions qui lui en ont juger les propriétés aussi exactement que dans l’état de veille : par exemple, la somnambule que cite M. Garcin, écrivait pendant chaque accès; à l’accès suivant, elle allait chercher le papier qu’elle avait caché la veille, et quand elle ne le trouvait pas, elle paraissait péniblement affectée; elle faisait des efforts pour saisir un flambeau qu’on lui présentait. 11 en est de même du somnambule naturel qui écrit, trempe la plume dans l’encrier quand elle est sèche, relit son écriture, barre les t, rature, corrige, ponctue, etc. Dans tous ces faits les sens servent, comme dans l’état normal, à rendre compte à l’âme des propriétés des objets environnants : l’imagination ne pourrait suffire pour remplir cette fonction.
Dans la seconde partie, M. Garcin aborde la question spéciale du magnétisme. Suivant lui, le fluide vital du sujet est
modifié par un fluide de même nature, supérieur en force et capable d’en changer les conditions ordinaires. 11 résume ainsi l’ensemble des changements qui se produisent alors : L’action du fluide vital est devenue possible en dehors des sens. L’influence énorme du magnétiseur sur son sujet serait due à la faculté qu’il acquiert de disposer de son propre fluide et de celui du sujet.
11 n’énumère pas les effets si variés dus à cette influence; il admet l’usage salutaire qui peut être fait de cet agent thérapeutique ; mais comme il n’entre pas dans son plan de traiter de la vertu curative du magnétisme, il se borne à renvoyer sur ce point son lecteur aux beaux travaux de M. du Potet, et il cite seulement quelques règles fort sages extraites du savant ouvrage de Chardel.
Dans l’état magnétique, le fluide vital est séparé des sens ; il est concentré au cerveau, de manière qu’il ne suive plus, en se développant, les nerfs qui correspondent à chacun des sens. Dès lors, les nerfs sont inutilement impressionnés ; l'insensibilité physique est inévitable, puisque les conditions de la sensation n’existent plus. Le système nerveux est à demi paralysé chez le sujet; l’âme n'en reçoit plus de sensations, ou du moins celles qu’elle peut encore éprouver, sont affaiblies et fort altérées. Le fluide est accumulé au cerveau, dont toutes les avenues sont fermées ; ce n’est plus qu’un instrument passif et inerte dont la personne magnétisée fait ce qu’elle veut, . et qui ne subit d’autres modifications que celles qu’on y fait naître volontairement par le fluide, sur lequel le sujet n’a pas perdu tout son empire, bien qu’il le partage avec le magnétiseur. En un mot, l’initiative est enlevée aux sens; elle appartient tout entière à l’âme. »
Dans cet état, ce qu'on appelle improprement la vue ne s’exerce ni par l’épigastre, ni par aucun organe spécial, comme se le figurent à tort quelques somnambules. Le siège de la vision n’est nulle part, il est là où l’âme voit et partout où l’âme voit. « Le cerveau possède le siège dè la vision, en ce sens qu’il est le centre des opérations sensibles
de l’àme, mais non dans la fausse idée que l’âme y soit exclusivement présente, et qu’elle juge de tout, le reste par les impressions dont cet organe est susceptible. » L’àme, dégagée de ses liens mortels, devient alors plus intelligente, plus libre, plus indépendante de communications avec le monde extérieur, qu’elle établit ou brise à son gré. Le fluide vital, dans l’état ordinaire, s’arrête à la surface des objets, tandis que pour le sujet magnétisé, il pénètre l’intérieur des corps et franchit les distances.... Dans l’état ordinaire, le fluide vital n’agit que partiellement, c’est-à-dire qu’il concourt à l’action particulière d’un des sens ; dans l’état magnétique, il agit collectivement, il ne se diversifie plus suivant le rôle spécial assigné à chacun des sens.
Cette théorie est-elle enfin parvenue à rendre compte du mode étrange de perception chez les somnambules? Nous ne le pensons pas. 11 n’est pas exact de dire que le somnambule magnétique ait les sens engourdis, paralysés.... 11 est certain, bien que M. Garcin le conteste, que le sujet entend son magnétiseur et le plus souvent ne peut converser avec lui qu’à la condition de l’emploi de la parole nettement articulée. En se mettant en rapport avec les autres personnes, il les entend également; la transmission du son paraît produire sur lui la même impression que dans l’état ordinaire; rien n’autorise à affirmer que ce ne soit pas le sens de l’ouïe qui fonctionne, et que l’audition s’exerce par- un autre mode. Si les autres sens sont inertes dans les premiers moments qui suivent l’invasion de la période somnambulique, le magnétiseur parvient, du moins chez certains sujets, à en réveiller l’activité. Le prétendu isolement des sens n’est donc point une condition de l’état somnambulique. On ne peut affirmer davantage que la vue des somnambules s’étende à une plus grande distance que la vue ordinaire ; car les plus grandes distances auxquelles sont situés les objets où se porte la vue des somnambules ne sont rien en comparaison de celles que franchissent les rayons lumineux qui frappent nos yeux.
Que dans la vue à distance des somnambules, les organes fonctionnent autrement que dans l’état ordinaire et qu’il en
résulte des moyens plus perfectionnés d’entrer en rapport avec les objets extérieurs, c’est un point incontestable ; mais sur quoi se fonde-t-on pour affirmer que le cerveau, au lieu de recevoir des impressions par le canal des nerfs, en est isolé et n’a plus besoin que de fluides? Puisque la persistance de l’ouïe (sans parler des autres sens) suffit pour prouver que les nerfs continuent de fonctionner, n’est-il pas rationnel de conclure qu’ils sont aussi les instruments des sensations dont le mécanisme nous échappe? Remarquons en outre que, même dans le cas où l’hypothèse de M. Garcin serait vraie, on n’en serait pas plus autorisé à dire que l’àme se trouve dégagée des sens, affranchie de ses liens mortels; car, en supposant que le cerveau reste momentanément le seul organe de la vie de relation, ce n’en est pas moins un organe matériel, un lien mortel; l'âme aurait changé ses instruments, mais sans en être plus dégagée du corps, et la question de l’immatérialité de l’âme demeurerait intacte.
M. Garcin n’a pas cru déroger en consacrant un chapitre à la question des communications avec les esprits, et nous le félicitons de son courage, car il en faut pour braver les sarcasmes qui, en France, accueillent ce sujet grandiose; mais nous regrettons que cette partie de son ouvrage soit trop peu approfondie. Quant à ce qu’il dit des tables parlantes, ce n’est en quelque sorte qu’une mention pour ordre.
11 a inséré des discours étendus de somnambules : ce sont des dissertations pleines d’intérêt, qui seront lues avec fruit, et qui, nous l’espérons, encourageront à recourir plus qu’on ne l’a fait jusqu’ici à ces êtres privilégiés qui vivent d’une vie à part, qui voient, sentent et réfléchissent autrement que nous, et qui pourront apporter à la science le tribut de leurs méditations.
Quelque opinion qu’on adopte sur le système de M. Garcin, on applaudira à ses études consciencieuses, à ses curieuses recherches, et son livre tiendra une place distinguée dans l’histoire du magnétisme.
A.-S. 110RLV.
OBSERVATIONS SLR LES TABLES TOURNANTES. Brochure in-S. Dijon, imprimerie do Loireau-Feuchot. 1833.
De toutes les théories proposées pour expliquer la rotation des tables et autres objets analogues, il n’en est aucune, à mon avis, qui soit aussi vraisemblable que celle dont ce modeste écrit renferme l’expression. Nous allons, par de courtes citations, mettre nos lecteurs à même delà juger.
L’auteur, par un motif qui nous est inconnu, a signé : de La Giroldière, mais ce nom est faux ; il s’appelle L*** et est connu par de bons travaux relatifs au magnétisme considéré dans quelques faits de l’ordre physique.
M. L*** a donné à cet opuscule la forme d’une lettre.
Le début rappelle que tout ce qui n’est pas habituel au vulgaire lui paraît incroyable, et que les savants n’acceptent les phénomènes nouveaux que quand ils peuvent les expliquer. C’est pour leur éviter cette opposition traditionnelle que l’auteur propose une explication scientfique du fait en question.
Une fois ces généralités posées, M. L*** passe en revue l’histoire du iresmérisme devant les corps savants français, et montre la nécessité, pour l’Académie de médecine, de refaire, pour le présent , le travail que la commission Husson a fait pour la période comprise entre 178i et 1825. 11 y a autant de différence entre le magnétisme de nos jours et ce dernier qu’il y en avait alors entre celui-ci et celui du temps de Mesmer. De là l’obligation impérieuse de procéder à un nouvel examen dans lequel serait compris le phénomène des tables moving ; et pour préparer la savante compagnie à voir sans effroi le nouveau venu, il s’efforce d’en faire comprendre l’origine et les analogies par la comparaison fort ingénieuse que voici :
« On sait généralement que la pile de Volta se compose d’un nombre plus ou moins considérable d’éléments ou de couples, tous mis en communication par des corps conducteurs interposés. Chaque couple est formé de deux plaques de métaux différents mis en contact. Cet appareil, personne
n'en doute plus, parce qu’on y a été conduit graduellement, produit, étant isolé, un courant électrique qui peut acquérir une intensité telle, par le noiubre des couples et leurs dimensions, qu’on pourrait, ainsi que je l’ai dit, foudroyer un bœuf par son moyen. Eh bien ! là dedans rien ne paraît maintenant extraordinaire, inimaginable, incroyable, ébouriffant, etc.; et cependant cette force énergiqu et formidable naît de la mise en rapport de quelques plaques de métaux que nous regardons dans la nature comme des corps inertes, et que nous pousserions dédaigneusement avec le pied, comme privés de toute vie, de toute action.
« Si, au lieu de former une pile avec de tels éléments, on la compose de couples humains ; qu’on mette ces couples en rapport les uns avec les autres en formant une chaîne ; si on n’oublie pas alors que l’homme est un foyer de vie, de force et de mouvement, que le mouvement chez les jeunes gens et les enfants surtout est tellement surabondant, qu’on les voit presque toujours gambader, courir les uns après les autres, après des papillons, après rien ; que tous nos membres obéissent à ces mouvements voulus; que tout ce qui est matière un nous est subordonné à ce qui commande en nous ; si, dis-je, on a tous ces faits présents devant les yeux, on ne sera guère étonné, je pense, en voyant se développer dans une semblable pile un courant, une force qui, après avoir saturé une table que l’on entoure et sur laquelle 011 pose légèrement les mains, et l’avoir incorporée pour ainsi dire à la pile humaine, l’entraîne clans le sens du courant qui s’est développé. Si l’on ne perd pas de vue que la force qui se produit dans ce cas est précisément celle qui fait obéir nos membres ; que, si d’un côté l'obstacle ofTre une masse inerte considérable, il y a de l’autre une somme de forces qui s’ajoutent, dans la chaîne, les unes aux autres pour vaincre la résistance ; que si ces forces sont nombreuses et le courant énergique, la somme des volontés, lorsqu’elles agissent d accord et avec unité, est toujours proportionnelle et peut facilement commander le mouvement comme il est commandé à nos organes, on ne devra nullement être étonné que la table, pour ainsi dire incorporée, ainsi que nous l’avons dit, à la pile humaine, suive elle-même toutes les directions du courant qui l’a déjà mise en mouvement, et obeisse à la volonté. 11 paraît même qu’une seule volonté suffit, sous la condition de la neutralité des autres, pour que la table obéisse, tant 1 esprit qui commande est d’une nature supérieure à la matière qui obéit. Aussi celui qui ne
pouvait ni se tromper ni nous tromper a dit qu’avec la foi on pouvait remuer des montagnes.........
« L’idée d’une pile ou chaîne humaine ne date pas d’hier, et, dans la pratique du magnétisme, 011 l’a souvent employée comme moyen thérapeutique. Qu’on ouvre un ouvrage de magnétisme, 011 est presque assuré d’en rencontrer des exemples. Je me trouve avoir sous la main l’Hermès, 2e année, tome II, p. h0, et je vois qu’une inflammation de poitrine, qui se présentait avec des caractères très-alarmants, a été traitée avec le plus grand succès en employant une chaîne (le cinq personnes formant un circuit fermé par suite de l’application sur divers points du corps de la malade, des extrémités de cette chaîne. Une force très énergique s’était donc développée, curative, dans ce cas, par suite de la ferme volonté de la part des expérimentateurs d’atteindre ce but; mais elle eût pu devenir cause de rotation, appliquée à une table. . .
« Puisque la santé peut se communiquer, on conçoit qu’une pile ou chaîne dans laquelle entreraient comme éléments des personnes d’une santé douteuse pu même atteintes de maladies plus ou moins graves et de nature à se communiquer, puisse offrir quelquefois des résultats fâcheux. Si l’on a vu des personnes légèrement indisposées se trouver guéries sans autre secours que la chaîne ; d’un autre côté, on peut redouter, chez des personnes très-sensibles à l’action magnétique, des agacements de nerfs, des malaises, des maux de cœur, des crises nerveuses, des syncopes ; le somnambulisme même peut se produire, et ce ne serait pas toujours sans danger ; car tel somnambule, touché par des personnes avec lesquelles il n’est pas en rapport, peut prendre des convulsions. Puis, se trouverait-il toujours là quelqu’un connaissant le magnétisme et capable de faire cesser cet état si extraordinaire? »
On le voit, cette hypothèse repose sur une analogie frappante et qui ne choque nullement les connaissances physiques. Cette ressemblance suffira-t-elle pour en faire admettre la justesse? C’est douteux pour le moment, parce que les parvenus de la science sont, comme ceux de la fortune, peu disposés à bien accueillir les parents pauvres qui leur arrivent ; mais elle restera pour attester que les idées mystiques n’absorbent pas l’esprit de tous les magnétiseurs.
Plusieurs, en effet, cultivent les sciences inductives et peuvent trouver des rapports scientifiques dans des faits que la niasse regarde comme surnaturels.
Pour ma part, je suis très-heureux d’avoir vu se produire cette manière d’envisager le mouvement des corps inanimés produit par la chaîne. Il me semble que la table représente exactement le baquet, et comme la chaîne formée autour de l’un et de l’autre est établie dans des conditions identiques, je comprends mieux le mécanisme des crises qui se produisaient chez Mesmer. La différence entre les deux appareils est si faible, que, en mettant la table sur le dos, et circonscrivant par la pensée l’espace qui sépare ses pieds, on a l’image d’un baquet vide. De même, un baquet renversé représente nne table. Cette similitude aurait dû plus tôt faire naître la pensée qu’une même cause agit dans les deux cas ; mais ce qui paraît si simple, maintenant qu’on a la comparaison sous les yeux, demandait un effort d’intelligence que personne n’a pu faire.
HÉBERT (de Garnay).
LA SOMNAMBULE SPIRITUALITE, mélodie; paroles do A. Fauvelle Legallois, magnétiseur spiritualiste humanitaire.
Cette composition n’a de magnétique que le titre; l’auteur paraît avoir eu en vue un autre objet même que le spiritualisme; car il n’en dit mot. Une idée confuse exprimant l’Espérance en termes vagues et vulgaires, tel est le fond de cette romance.
La musique est à l’avenant des couplets.
ARNETTE.
Le Gérant : liÉUEUT (de Garnay). Fuis. - Imprimerie de Pommeret et Moreau, quai des Augusiius, 17,
VARIÉTÉS.
Causeries. — On rencontre dans le monde beaucoup de gens qui s’ennuient, ne trouvant point de stimulants assez puissants pour leur redonner l’activité de l’esprit et du corps : repus, blasés, las de toutes choses, ils vivent sans vivre, et la mort ne saurait les priver de rien. On appelle gens raisonnables les individus de cette catégorie, qui se recrute plus particulièrement dans les corps savants. En effet, c’est quand l’homme a jeté son feu qu’on le trouve propre à faire un académicien.
Lorsqu’une vérité éclot dans le cerveau d’un pauvre diable , on lui donne pour juges les sages que nous venons de dire, les repus, les blasés. Voilà le canal par où doit passer le génie. Aussi fait-il le plongeon, c’est à qui lui fourrera la tête sous l’eau, et rien ne fait rire les immortels comme le désappointement de l'imprudent qui s’est ainsi fourvoyé.; sa mésaventure amuse un instant, elle procure l’aliment cherché; cela dure quelques jours, puis nos sages se rendorment , le monde applaudit, et tout est pour le mieux. Comment s’étonner, dès lors, de voir les vérités les plus évidentes repoussées, et les esprits qui les apportent flétris!
11 y a bien, par-ci par-là, quelques esprits vigoureux encore, quelques corps dont le sang n’est point refroidi. Ceux-là sont tout disposés à protester ; ils se taisent cependant,, assurés qu’ils sont du danger qu’il y aurait à élever la voix et de troubler le sommeil de leurs confrères qui digèrent.
Ici commence pour le révélateur une nouvelle série d’épreuves et de déceptions : il faut qu’il S'adresse au public. Qui dit public, dit gens de toutes sortes et de toutes pro-
Tome XIII. — K° *Of. — 10 DÉCEMBRE 1854. 23
fessions, étrangers aux sciences, ayant à peine la notion du juste et de l'injuste, du vrai et du faux, incapables de tirer les conséquences d'un fait dés que ce fait sort du cadre rétréci où se traîne leur existence. Le novateur est tombé de Charybde en Scylla. S'il veut être compris, il faut qu'il entreprenne l’éducation du monde entier. La ligne droite était sou chemin, le voilà forcé de prendre la ligne courbe. Voilà pourquoi il faut un siècle pour répandre une vérité, tandis qu’il devrait suffire de quelques heures pour en faire jouir le monde.
Depuis combien d’années déjà démontrai-je à la foule le plus magnifique des phénomènes ! Elle voit soulever le couvercle du vase humain par les forces vives de l’intérieur ; mais elle ne comprend pas cette nouvelle puissance, pas plus qu'elle ne comprenait celle qui est cachée dans l’eau d’une marmite. Je fais toucher du doigt ce prodige, et, tout ébahi, le public ne voit dans tout ceci qu’une chose propre à divertir un moment. Si j’avance, on s’effraie; si je poursuis encore, on aperçoit le danger, et nul ne tire d’induction de ces résultats merveilleux.
L’éducation publique a-t-elle donc faussé les esprits au point de leur ôter tout jugement? 11 y a là de quoi rebuter l’homme le plus entreprenant, le plus dévoué ! Comment se fait-il que j’aie persisté si longtemps dans cette sorte d’apostolat? C’est une question que je me suis souvent adressée, question toujours suivie d’un moment de découragement et de vertige pendant lequel je maudissais le milieu social qui tolère, que dis-je! qui honore, qui salarie des instituteurs dont la moitié, chargée de la santé publique, flétrit, rejette la vérité la plus palpable, la plus évidente et qui peut rendre les plus grands services à l’humanité; et dont l’autre moitié, du haut de ses chaires académiques, trompe la jeunesse par la description mensongère ou tronquée des œuvres magnétiques ou somnambuliques, et provoque le rire chez ceux qui ne demandent qu’à croire. Cette légitime colère apaisée, l’hésitation me paraissait un crime. En effet, ne pas sauver un homme en péril est une lâcheté; mais lors-
qu’on peut en sauver des milliers, la lâcheté devient un crime que le remords, à défaut de la société, punit toujours. Suivre les impulsions de son cœur n'est point un acte de vertu, sans doute ; c'est un simple effet de la conscience humaine. Je ne restais donc qu’un moment dans cet affaissement moral, et redevenant l’esclave d’un saint devoir, je me remettais au travail, je reprenais mes démonstrations publiques, et faisant jaillir de mes organes le feu magnétique, je plongeais celui-ci dans le sommeil, j’attirais à moi celui-là ; courbant souvent le plus fort sous ma volonté, je provoquais à mon gré la colère ou la gaieté, la déraison ou la clairvoyance.
Spectacle curieux et plein d’attrait ! J’avais la foule devant moi et je manquais à’ observateurs ! Car nos savants en étaient alors aux petites anguilles, à la recherche de l'insecte qui rend malades les pommes de terre — et cela sans trouver un remède à la maladie. 11 est vrai qu’ayant porté leurs soins sur la distillation , ils ont su tirer du grain un abondant alcool. Ils en étaient aux petites choses, tandis que le germe des plus grandes vérités était jeté sur cette terre. On pourra dire un jour : Quoi, cette puissance magnétique si évidente était méconnue dans ce dix-neuvième siècle qui nous a légué la vapeur et fait connaître les merveilleux résultats de l'électricité ! Comment donc se fait-il que tant de souverains — qui avaient tout intérêt à protéger la vérité nouvelle — aient refusé ce soin à la découverte la plus utile aux hommes? Les Facultés de médecine et des sciences avaient donc perdu le sens commun, pour laisser aux mains des ignorants et poursuivre de leurs sarcasmes ce qui seul peut véritablement éclairer l’homme, le moraliser et le soulager dans ses souffrances? On se demandera ce qu’étaient devenus les Kant, les Spinosa, les Leibnitz, les Hegel, les Descartes, les Bacon, etc. A leurs places on ne trouvera plus que leurs petits Cousins, ces moitiés de philosophes, et l’on déchirera les écrits de nos professeurs actuels, on maculera leurs œuvres ; car presque toutes contiennent des outrages contre les hommes de cœur qui, confiants dans la justice de leur cause,
soutinrent les droits de la nature. On maudira peut-être les gens qu’aujourd’hui l’on encense ; car le jugement de la postérité sur les hommes et les choses est impartial.
Que les partisans du magnétisme rejettent donc loin d’eux ces petites rivalités qui abaissent l’homme au lieu de l’élever; qu’ils n’aient qu’un grand et noble but, celui de faire plus et mieux que tel d’entre eux qui se distingue. Plusieurs croient que nous ne leur rendons pas justice. Ils se trompent, et ceux qui ne tiennent aucun compte de nos efforts n’ont qu’un tort à nos yeux, celui de mal voir.
Je n’en ai pas fini avec mes causeries, j’ai encore beaucoup à dire; je dois signaler à tous l’ennemi commun, le nommer même ; j’irai le chercher dans sa chaire, dans ses livres, au sein de l’école ou de FAcadémie, afin de lui appliquer la loi du talion.
Mon âge et mes travaux m’ayant mêlé à beaucoup de faits contemporains ignorés aujourd'hui, j’évoquerai de ma mémoire ceux de ces faits qui ont eu pour but l'attaque du grand principe que nous défendons, laissant dans l’ombre tout ce qui pourrait m’être personnel. Je passerai en revue nos ennemis les plus acharnés et les plus renommés. Tant pis si le fouet les déchire! Chaque trahison ou déni de justice
aura sa mention.
11 y a dans notre pays des sortes de peau-rouge, espèces de sauvages qui se servent du couteau et du casse-tête pour assassiner les gens et les voler. Les tribunaux en font justice. Nous avons une autre espèce d’hommes non moins dangereuse, quoique très-civilisée, qui se sert de la calomnie et du mensonge pour tuer toute vérité contraire à ses intérêts ou à ses systèmes. Nulle pénalité n’existe pour cette catégorie de malfaiteurs. Cependant les crimes de celle-là sont plus grands que ceux de la première. En effet, un homme est peu de chose comparé à la masse, et sa mort n’a que peu ou point d’influence sur les destinées de l’humanité. Il n’en est pas de même d'une vérité. Napoléon I" l’apprit à ses dépens. La vapeur était connue de son temps, les savants lui firent mépriser cette puissance. On sait ce qui en advint. Le magné-
tisme à son tour fut nié à ses yeux par ces peau-ùhmefte, et l’immortelle découverte de Mesmer fut méconnue par ce grand homme.
Les hommes qui mentent ainsi à la vérité au lieu de la rechercher et d’en faire connaître les doux fruits, sont plus coupables, je le répète, que les voleurs de grands chemins. Mais leur crime est considéré comme une gentillesse, on rit de bon cirur de leurs tours d'adresse, sans considérer qu’ils perpétuent le mal et empêchent le bien. Combien de fois ai-je entendu nos grands savants dire à haute voix : II faut tuer, il faut enterrer te magnétisme 1
11 n’y aura d’enterré que leur réputation. Mais ici n’est point la question.
J’instruirai donc le procès de tous ces félons de la vraie science. Le public jugera.
Baron DU POTET.
Revue «le* Jrarniiiis. — On lit dhns le Mémorial bordelais, cité pat'le Siècle Estafette du 9 décembre.
« Le magnétisme n’a pas dit son dernier mot. Une expérience vient d’être faite dans notre département, laquelle, au dire des témoins, et ils sont nombreux, démontre surabondamment l’existence du fluide magnétique animal et ses merveilleux effets.
« 11 ne s’agit plus de grenouille voltaïque, ni du baquet de Mesmer, ni des eflluves nerveuses de nos magnétiseurs connus. Le moyen employé par les nouveaux expérimentateurs est à la fois plus simple et plus concluant.
« Vous prenez un cordon de caoutchouc ayant deux millimètres de diamètre et une longueur quelconque. Vous enfilez le long de cette chaîne une quantité suffisante de crevettes bouillies, dont les pattes ont été préalablement coupées. Puis vous placez une extrémité de ce chapelet dans la main de la personne sur laquelle les expériences doivent Être faites, ayant bien soin de placer l’autre extrémité entre vos dents.
« Dans cette position, il vous sera facile d’endormir votre sujet du sommeil magnétique, avec un simple effort de volonté maintenu pendant trois minutes environ.
« Le sommeil une fois venu, le sujet acquiert une lucidité
effrayante : il voit clairement, et explique dans une langue élégante et concise, les intentions les plus secrètes des personnes qui sont mises en communication avec lui. 11 devient un miroir fidèle de l'état moral de l’expérimentateur, sa doublure, son second moi, à tel point que ce dernier ne peut avoir de sentiment ou d’idée qui ne soit aussitôt transmis à la personne somnambuliséc.
» Ces tentatives magnétiques, répétées à diverses reprises, ont produit constamment les mômes résultats.
« Tel est du moins le témoignage qui nous est apporté par diverses personnes honorables, dont le caractère et l'éducation nous ont paru une garantie suffisante en attendant que la science se prononce sur un point si susceptible de controverse. »
Cet article a bien l’air d’un canard; mais, fût-il sérieux, le procédé n’aurait nul avantage sur les moyens habituellement usités. En effet, d’abord il n’est pas plus simple, au contraire, puisqu’il nécessite l’emploi d’ingrédiens, et que les autres s’en passent; ensuite il ne serait praticable que dans les endroits rapprochés de la mer, où les crevettes se pèchent. Et puis, est-il bien agréable d’avoir sous le nez un chapelet d’animaux exhalant l’odeur de marée?
Tout cela n’est pas merveilleux d’invention, et si c’est une plaisanterie elle ne fait pas grand honneur à l’esprit de son auteur.
HÉBERT (de Garnay).
BIBLIOGRAPHIE.
MÉMOIRES DE LA BARONNE D OBERKIRCH, sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789. ‘2 vol. in-18. Paris, Charpentier, 1S53.
Ces Mémoires, publiés récemment par M. le comte de Montbrison, petit-fils de l'auteur, sont dédiés à S. M. l’empereur Nicolas, t cause de la place immense qu’occupait sa mère dans le cœur et les souvenirs de M"* d’Oberkircli, et des nombreuses lettres qu’en renferme son livre.
On a beaucoup écrit sur les mœurs de ce temps ; mais tout n’a pas été dit, aussi trouve-t-on ici des détails fort curieux sur les sciences occultes, la divination, les pressentiments, les apparitions, le magnétisme, etc. Les passages qtie nous allons citer feront voir sous un aspect nouveau des hommes et des choses qui intéressent vivement nos lecteurs.
M"' d’Oberkirch était à Strasbourg lorsque Marie-Antoi-nette fit son entrée en France, elle dit, tome I", p. 35 :
« On avait élevé, pour recevoir l’archiduchesse, un pavillon composé de trois parties dans l’ile du Rhin. Je ne sais qui imagina d’y placer de sottes tapisseries représentant Médée et Jason, avec leurs massacres et leurs querelles de ménage. La princesse en fut frappée, et sa suite autant qu’elle.
« — Ah ! dit la jeune dauphine à sa femme de chambre « allemande, voyez quel pronostic! »
Et, en parlant de l’avénement de Louis XVI au trône :
« Ce nouveau règne s’ouvrait avec les espérances les plus brillantes et les mieux justifiées. L’Alsace, qui se souvenait de Marie-Antoinette, fut particulièrement attentive à cet avenir; cependant le baron de Wurmser fit remarquer que
les princesses de la maison d’Autriche ne portaient pas bonheur à la France!.... » Page 56.
Ceci peut n'être que conjecture, mais voilà quelque chose de positif. M"' d'Oberkirch raconte que ayant été faire une visite à S. Em. le cardinal de Rohan, prince-évêque de Strasbourg, ils causaient familièrement, «lorsqu’un huissier, dit-elle, ouvrant les deux battants de la porte, annonça :
« — Son Excellence M. le comte de Cagliostro! »
« Je tournai promptement la tête. J’avais entendu parler cle cet aventurier depuis mon arrivée à Strasbourg, mais je ne l’avais pas encore rencontré. Je restai stupéfaite de le voir entrer ainsi chez l’évêque, de l’entendre annoncer avec cette pompe, ei plus stupéfaite encore de l’accueil qu’il reçut. Il était en Alsace depuis le mois de septembre (1780), et il y faisait un bruit incroyable, prétendant guérir toutes sortes de maladies. Comme il ne recevait pas d’argent et qu’au contraire il en répandait beaucoup parmi les pauvres, il attirait la foule chez lui malgré la non réussite de sa panacée. 11 ne guérissait que ceux qui se portaient bien ou du moins ceux chez lesquels l’imagination était assez forte pour aider le remède, etc.
« 11 n était pas absolument beau, mais jamais physionomie plus remarquable ne s’était offerte à mon observation. Il avait surtout un regard d’une profondeur presque surnaturelle; je ne saurais rendre l'expression de ses yeux : c’était en même temps de là flamme et de la glace; il attirait et il repoussait ; il faisait peur et il inspirait une curiosité insurmontable. Ou tracerait de lui deux portraits différents, ressemblants tous deux et aussi dissemblables que possible. »
Ce portrait est complété par les quelques mots suivants, relatifs à Necker, qui se trouvent à la page 2Oi :
« Je fus frappée de sa ressemblance inouïe avec Cagliostro, mais sans sou étincelant regard, sans sa physionomie étourdissante. C’était un Cagliostro guindé, aux formes roides et désagréables ; un vrai bourgeois de Genève. »
Reprenons le récit de la rencontre de l’auteur avec Cagliostro , page \ 29 et suivantes :
« . . . . A peine le cardinal l’aperçut-il, qu’il courut au-devant de lui, et, pendant qu’il saluait à la porte, il lui dit quelques mots que je ne cherchai pas à entendre. Tous
deus revinrent vers nous; je m’étais levée en même temps 'I111' l’évêque, mais je me liàtai de nie rasseoir, ne voulant pas laisser croire à cet aventurier que je lui accordais quelque attention. Je fus bientôt contrainte de m’en occuper, néanmoins, et j’avoue en toute humilité aujourd’hui que je n’eus pas à m en repentir, ayant toujours beaucoup aimé l'extraordinaire.
« Son Eminence trouva le moyen, au bout de cinq minutes, et quelque résistance que j’y fisse, ainsi que M. d’Ober-kirch, de nous mettre en conversation directe; elle eut le tact de ne pas me nommer, sans quoi je serais partie sur-le-champ ; mais elle le mêla dans nos propos et nous dans les siens; il fallut bien se répondre. Cagliostro ne cessait de me regarder ; mon mari me fit signe de partir ; je ne vis pas ce signe, mais je sentis ce regard entrant dans mon sein comme une vrille, je ne trouve pas d’autre expression. Tout à coup il interrompit M. de Rohan, lequel, par parenthèse, s’en pâmait de joie, et me dit brusquement :
« — Madame, vous n’avez pas de mère, vous avez à peine « connu la vôtre, et vous avez une fille. Vous êtes la seule « fille de votre famille, et vous n’aurez pas d’autre enfant « que celle que vous avez déjà. »
« Je regardai autour de moi, si surprise que je ne suis pas revenue encore d'une telle audace s’adressant à une femme de ma qualité. Je crus qu’il parlait à une autre, et je ne répondis pas.
« — Répondez, madame, reprit le cardinal d’un air sup-« pliant.
« — Monseigneur, M“* d’Oberkirch ne répond qu’à ceux « qu’elle a l’honneur de connaître, sur pareilles matières, a répliqua mon mari d’un ton presque impertinent. »
« 11 se leva et salua d’un air hautain; j’en fis de même. Le cardinal embarrassé, accoutumé à trouver partout des courtisans, ne sut quelle contenance tenir. Cependant il s’ap-prochade M. d’Oberkirch (Cagliostro me regardait toujours), et lui adressa quelques mots d’une si excessive prévenance, qu’il n’y eut pas moyen de s’y montrer rebelle.
« — M. de Cagliostro est un savant qu’il ne faut pas trai-« ter comme un homme ordinaire, ajouta-t-il; demeurez « quelques instants, mon cher baron; permettez à M“* d’O-« berkirch de répondre ; il n’y a là ni péché, ni inconve-
« nance, je vous le promets................
a Mmc la baronne, dites-nous si M. de Cagliostro s’est « trompé; dites-nous-le, je vous en supplie.
« — Il ne s’est point trompé dans ce qui concerne le passé, « répliquai-je, entraînée par la vérité.
« — Et je ne me trompe pas davantage en ce qui con-« cerne l’avenir, répondit-il d’une voix si cuivrée, qu'elle re-» ternissait comme une trompette voilée de crêpe. »
La suite des Mémoires apprend que cette prédiction s’est en effet réalisée. L'auteur continue :
« Il faut bien que je l’avoue, j’eus en ce moment un irrésistible désir de consulter cet homme, et la crainte de contrarier M. d’Oberkirch, dont je savais l’éloignement pour ces sortes de mômeries, put seule m’en empêcher. Le cardinal restait bouche béante ; il était visiblement subjugué par cet habile jongleur, et ne l’a que trop prouvé depuis. Ce jour-là restera irrévocablement gravé dans ma mémoire. J’eus de la peine à m’arracher à une fascination que je comprends difficilement aujourd’hui, bien que je ne puisse la nier.
« Je n'en ai pas fini avec Cagliostro, et ce qui me reste à dire de lui est au moins aussi singulier et plus inconnu en -core. Il prédit d’une manière certaine la mort de l'impératrice Marie-Thérèse, à l’heure même où elle rendait le dernier soupir. M. de Rohan me le dit le soir même, et la nouvelle n’arriva que cinq jours après. »
Page 143, M"* d’Oberkirch donne de nouveaux détails sur le même sujet, et apprécie les facultés de cet homme étrange. A propos d’une invitation à diner chez le cardinal, où Cagliostro pouvait se trouver, elle dit :
« Nous hésitâmes longtemps avant de répondre au prince. M. d’Oberkirch avait grande envie de refuser, et moi toujours, au contraire, ce désir inconcevable de revoir le sorcier, ainsi que l’appelait mon mari. La crainte d’être impolis envers Son Eminence nous décida à accepter. J'avoue que le cœur me battait au moment où j’entrai chez le cardinal ; c’était une crainte indéfinissable, et qui n’était pourtant pas sans charme. Nous ne nous étions pas trompés : Cagliostro était là.
« Dès qu’il m’aperçut, il me salua très-respectueusement; je lui rendis son salut sans affectation de hauteur ni de bonne grâce. Je m’étais promis de ne me singulariser en rien, d'accepter comme les autres la science merveilleuse de l’adepte, ou du moins d’en avoir l’air, mais de ne jamais me livrer avec lui, ni lui donner l'occasion d’étaler sa fatuité
pédante, et surtout de ne point permettre qu'il franchit le seuil de notre porte.
« Jamais on ne se fera une idée de la fureur de passion avec laquelle tout le monde se jetait à sa tête" il faut l’avoir vu. On l’entourait, on l’obsédait; c’était à qui obtiendrait de lui un regard, une parole. Et ce n’était pas seulement dans notre province ; à Paris, l’engouement était le même. Une douzaine de femmes de qualité, plus deux comédiennes, l’avaient suivi pour ne point interrompre leur traitement, et la cure, feinte ou véritable, d’un officier de dragons qui passait pour fort malade acheva de le diviniser.
« Je ne savais pourquoi le cardinal tenait à me gagner plus qu’une autre. Nous étions une quinzaine de personnes, et lui ne s’occupa que de moi. 11 mit une coquetterie raffinée à m’amener à sa manière de voir. 11 me plaça à sa droite, ne causa presque qu’avec moi, et tâcha, par tous les moyens possibles, de m’inculquer ses convictions. . . .
« Nous causâmes ainsi presque toute la soirée, et je finis par découvrir le but de ses cajoleries ; le pauvre prince n’agissait pas de lui-même. Cagliostro savait mon amitié intime avec la grande-duchesse (de Russie), et il avait insisté près de son protecteur pour qu’il me persuadât de son pouvoir occulte, afin d’arriver par moi à Son Altesse Impériale. Le plan n’était pas mal conçu, mais il échoua devant ma volonté; je ne dis ma raison, elle eût été insuffisante; je ne dis pas ma conviction, je la sentais ébranlée. Il est certain que si je n’avais pas dominé le penchant qui m’entraînait vers le merveilleux, je fusse devenue moi aussi, peut-être, la dupe de cet intrigant. L’inconnu est si séduisant! Le prisme des découvertes et des sciences astrologiques a tant d’éclat! Ce que je ne puis dissimuler, c'est qu'il y avait en Cagliostro une puissance démoniaque; c’est qu’il fascinait l’esprit, c’est qu’il domptait la réflexion. Je ne me charge pas d’expliquer ce phénomène, je le raconte, laissant à de plus instruits que moi le soin d’en percer le mystère. »
Nous allons passer en revue maintenant un ordre de faits différents, mais non moins étonnants. Mm* d’Oberkirch passa une partie de sa jeunesse à Montbéliard, dans l’intimité de la famille de S. A. R. le duc de Wurtemberg. Elle raconte qu’en 1772, la princesse Dorothée, qui épousa en_ suite le grand-duc Paul et devint ainsi impératrice de Russie >
mère île l'empereur Alexandre et du czar actuel, avait gagné un rhume, et elle aussi.
« Nous gardâmes la chambre;... et je ne sais pourquoi nous primes l’idée de songer aux événements publics et de nous occuper de l'agrandissement de la Russie par le partage de la Pologne. J'ai déjà remarqué que la princesse semblait avoir un presscnlimcnt de sa future grandeur. Elle s’intéressait à cette grande puissance du nord plus qu’à aucune autre. Nous nous livrâmes à des conjectures et à des discours fort sensés au sujet de ce partage, tout en éternuant et en buvant de la tisane de réglisse. »
Quatre ans plus tard, lorsqu'il fut question du mariage de la princesse, l’auteur note que la mère de celle-ci, malgré la grandeur de l’alliance, en était fort chagrine et disait eu pleurant :
« 11 arrive souvent des malheurs aux czars, et qui sait le « sort que le ciel réserve à ma pauvre fille ! »
« Elle s'est heureusement trompée ; son instinct maternel est en défaut jusqu’ici. » Page 72.
A la date du 2 septembre 1782, page Û05, on lit encore :
« M”' la princesse de Montbéliard pleura avec moi toute la.soirée. Malgré le bonheur dont jouissait cette fille chérie, elle avait les plus tristes pressentiments. Grâce au ciel, ils ne se sont pas réalisés. »
A l’époque où ces lignes ont été mises au net (1789), rien ne justifiait ce triste présage, mais la fin tragique de l'empereur Paul, en 1801, donna raison à cet avertissement mystérieux.
Ce prince lui-même avait été prévenu de sa mort prochaine par une apparition extraordinaire de Pierre I". 11 en. fit le récit, un soir, en soupant, durant le célèbre voyage qu’il fit en 1782, sous le titre de comte du Nord. M”" d’Oberkirch rapporte ainsi ses paroles, page 356 :
« Je ne sais comment on parla de pressentiments, de rêves, de présages; chacun raconta son histoire, et l’appuya des meilleures preuves possibles. Le grand-duc, qui jusque-là avait été très-aimable, ne disait plus un mot.
« Et vous, monsieur, lui demanda le prince de Ligne, qui « nous avait précédées à Bruxelles, et que nous y retrou-« vions, est-ce que vous n’avez rien à nous répondre? La « Russie est-elle exempte du merveilleux? Les sorciers et « les diables vous ont-ils épargnés dans leurs maléfices, « ainsi que disaient les anciens? »
« Le grand-duc secoua la tête.
« — Kourakin sait bien, répliqua-t-il, que j’aurais à ra-« conter si je le voulais, tout comme les autres. Mais je tâche « d’écarter les idées de ce genre ; elles ne m'ont que trop « tourmenté autrefois. »
» Personne ne répondit. Le prince regarda son ami, et reprit avec nn sentiment de tristesse :
„ _ N’est-ce pas, Kourakin, qu’il m’est arrivé quelque « chose d'étrange?
« — De si étrange, monseigneur, que malgré le respect « que je dois à vos paroles, je n’ai pu regarder ce fait que « comme un jeu de votre imagination.
« — C’est vrai, c’est vrai; et si M"* d'Oberkircli veut me « promettre de n’en jamais parler à ma femme, je vais vous « le raconter. Je vous prie également, messieurs, de me gar-« der ce secret diplomatique, ajouta-t-il en souriant. car il « ne me plairait pas de voir courir dans toute l’Europe une h histoire de revenant racontée par moi et sur moi. »
■ Chacun donna sa parole; quant à moi je l’ai fidèlement tenue et je n’y manquerai point. Ces Mémoires, s’ils paraissent, ne verront le jour qu’à une époque où la postérité, déjà commencée, ne s’occupera guère de si peu de chose.
« — J’étais un soir, ou plutôt une nuit, -dans les rues de . Saint-Pétersbourg, avec Kourakin et deux valets. Nous « étions restés longtemps chez moi, à causer et à fumer, et « l’idée nous vint de sortir du palais, incognito, pour voir la
* ville au clair de lune. Il ne faisait point froid, les jours se « rallongeaient; c’était un de ces moments les plus don». de « notre printemps, si pâle en comparaison de ceux du Midi;
* Nous étions gais; nous ne pensions à rien de religieux, ni
* de sérieux même, et Kourakin me débitait mille -plaisante-« ries sur les passants très-rares que nous rencontrions. Je « marchais devant, un de nos gens me précédaitnéanmoins, « Kourakin restait de quelques pas en arrière, et l’autre do~ « mestique nous suivait un peu plus loin. La lune était claire, « on aurait pu lire une lettre, aussi les ombres, par opposi-
* tion, étaient longues et épaisses. Au détour d'nne rue, dans « 1’enfoncement d’une porte, j’aperçus un homme grand et
* maigre, enveloppé d’un manteau, comme un Espagnol, « avec un chapeau militaire très-rabattu sur les yeux. 11 pa-*' naissait attendre, et, dès que nous passâmes devant lui, il ■ sortit de sa retraite, et se mit à ma gauche, sans dire un
* mot, sans faire un geste. Il était impossible de distinguer
* ses traits; seulement ses pas, en heurtant les dalles, ren-« daient un son étrange, semblable à celui d’une pierre qui « en frappe une autre. Je fus d’abord étonné de cette ren-« contre; puis il me parut que tout le côté qu'il touchait « presque se refroidissait peu à peu. Je sentis un frisson « glacial pénétrer mes membres, et me retournant vers Kou-« rakin, je lui dis :
* — Voilà un singulier compagnon que nous avons là.
« — Quel compagnon ? me demanda-t-il.
« — Mais celui qui marche à ma gauche, et qui fait assez « de bruit, ce me semble.
« Kourakin ouvrait des yeux étonnés, et m’assura qu’à « ma gauche il ne voyait personne.
* — Comment ! tu ne vois pas à ma gauche un homme
* en manteau, qui est là entre le mur et moi?
« — Votre Altesse touche le mur elle-même, et il n’y a « de place pour personne entre le mur et vous. »
« J allongeai un peu le bras; en effet,;je sentis de la « pierre. Cependant l’homme était là, toujours marchant de « ce même pas de marteau, qui se réglait sur le mien. Je
* l’examinai attentivement alors, et je vis briller, sous ce « chapeau d’une forme singulière, je l’ai dit, l’œil le plus « étincelant que j’aie rencontré ni depuis ni avaut. Cet œil « me regardait, me fascinait; je ne pouvais pas en fuir le
* rayon.
« — Ah I dis-je à Kourakin, je ne sais ce que j’éprouve, « mais c’est étrange !
« Je tremblais non de peur, mais de froid. Je me sentais « peu à peu gagner jusqu’au cœur par une impression que
* rien ne peut rendre. Mon sang se figeait dans mes veines.
* Tout à coup, une voix creuse et mélancolique sortit de « ce manteau qui cachait sa bouche et m’appela par mon
* nom :
« — Paul !
* Je répondis machinalement, poussé par je ne sais quelle
* puissance :
« — Que veux-tu?
* — Paul ! répéta-t-il.
« Et cette fois l’accent était plus affectueux et plus triste
c encore. Je ne répliquai rien, j'altenclis; il m’appela de nou-veau et ensuite il s’arrêta tout court. Je fus contraint d’en « faire autant.
« — Paul, pauvre Paul, pauvre prince! »
« Je me retournai vers Kourakin, qui s'était arrêté aussi. » — Entends-tu, lui dis-je?
« — Rien absolument, monseigneur, et vous? »
« Quant à moi, j’entendis; la plainte résonnnait encore à « mon oreille. Je lis un effort immense et je demandai à cet « être mystérieux qui il était et ce qu’il me voulait.
« — Pauvre Paul ! Qui je suis? Je suis celui qui s’inté-« resse à toi. Ce que je veux? Je veux que tu ne t’attaches « pas trop à ce monde, car tu n’y resteras pas longtemps. « Vis en juste si tu désires mourir en paix, et ne méprise pas « le remords, c’est le supplice le plus poignant des âmes. » a II reprit son chemin en me regardant toujours de cet « œil qui semblait se détacher de sa tête ; et, de même que « j'avais été forcé de m’arrêter comme lui, je fus forcé de « marcher comme lui. Il ne me parla plus, et je ne sentis « plus le désir de lui adresser la parole. Je le suivais, car « c’était lui qui dirigeait la marche, et cette course dura plus « d’une heure encore en silence sans que je puisse dire par « où j'ai passé. Kourakin et les laquais n’en revenaient point. « Regardez-le sourire; il croit encore que j’ai rêvé tout « cela.
« Enfin, nous approchâmes de la Grande-Place, entre le « pont de la Newa et le palais des sénateurs.
« L'homme alla droit vers un endroit de cette place, où « je le suivis, bien entendu ; et là, il s'arrêta encore.
« — Paul, adieu ! Tu me reverras ici et ailleurs encore. » « Puis, comme s'il l’eût touché, son chapeau se souleva n légèrement tout seul. Je distinguai alors très-facilement « son visage. Je reculai alors malgré moi : c’était l’œil d’ai-« gle, c’était le front basané, le sourire sévère de mon aïeul •i Pierre-le-Grand. Avant que je fusse revenu de ma surprise, « de ma terreur, il avait disparu.
« C’est à cette même place que l'impératrice élève le mo-« nument célèbre qui va bientôt faire l’admiration de toute « l’Europe et qui représente le czar Pierre à cheval. Un im-« mense bloc de granit, un rocher est la base de cette sta-« tue. Ce n’est pas moi qui ai désigné à ma mère cet en-« droit choisi ou plutôt deviné d’avance par le fantôme, et a j’avoue qu'en y retrouvant cette statue je ne sais quelsen-ii timent s’emparera de moi. J’ai peur d'avoir peur, malgré
« le prince Kourakin, qui veut me persuader que j’ai rêvé • tout éveillé en me promenant dans les mes.
« Je me souviens du moindre détail de cette vision, car « c’en était une, je persiste à le soutenir. 11 me semble que « j’y suis encore. Je revins au palais, brisé comme si j’avais « fait une longue route et littéralement gelé du côté gauche. « 11 me fallut plusieurs heures pour me réchauffer dans un « lit brûlant et sous des couvertures.
« J’espère que mon histoire est complète et que vous ne « m'accuserez pas de vous l'avoir fait attendre sans mérite. » « — Savez-vous ce qu’elle prouve, monseigneur, pour-« suivit le prince de Ligne?
« — Elle prouve que je mourrai jeune, monsieur.....
«............................»
Le tome II contient plusieurs faits du môme genre. On y trouve annoncée la mort prochaine et violente de deux autres souverains, Louis XVI et Gustave III, et l’avénement d'un troisième, Louis XVIII. Mais dans ces nouvelles prophéties, la scène change, le somnambulisme intervient. Celui-ci reporte les idées au magnétisme et fournit à l’écrivain l’occasion de parler de Mesmer et des frères Puységur. Ces fragments sont forts longs ; mais ils éclaircissent tant de points douteux qu’on en trouvera la lecture intéressante.
M"* d’Oberkich ne parle tant des rois que parce qu’elle vivait dans l’intimité des plus grands personnages de cette époque, aussi son livre est-il plein d’anecdotes de cour. Liée par l’esprit et le cœur avec la duchesse de Bourbon, celle-ci l’appelle à Paris en 178/1. Là, elle est témoin des principaux événements et se trouve initiée à mille confidences. C’est ainsi qu’elle raconte, comme les ayant entendues à Petit-Bourg, les prédictions suivantes :
« 20 mai. — Nous restâmes fort tard au jardin ; on conta des histoires de revenants ; chacun dit la sienne ; et quand nous nous séparâmes, nous n'étions peut-être pas très-ras-surés.
« M"' de Sérent assura que Monsieur, comte de Provence (depuis Louis XVIII), faisait des pratiques infernales avec le comte de Modène, qui lui avait fait voir le diable. Ce diable-là était un beau jeune homme dont tous les signes
île diablerie se bornaient à de jolies petites cornes. 11 avait fait lire Monsieur dans un grand livre tout rouge et tout enflammé, et il y avait lu, en très-distincts caractères, qu’il serait roi ua jour, ce qui nous fit frisonner quand M"" de Sérent le raconta. Il lui fut ajouté qu’il verrait trois fois ce même diable, et que la dernière il serait très-près de sa fin.
« Le comte de Modène, espèce d'adepte aussi curieux que Cagliostro, donnait cette histoire pour certaine et prétendait y avoir assisté. » Page 78.
A la page 08, en parlant du roi de Suède Gustave III, qui était à Paris, voyageant sous le nom de comte de Haga, elle dit :
« C’était un charmant prince, pour lequel je me sentis une respectueuse sympathie... Cette physionomie sévère et haute semble marquée d’une certaine expression de fatalité. Du reste, il croit beaucoup aux sciences occultes, et je l’ai entendu assurer qu’il y avait à Stockholm, sur le port, une devineresse à laquelle il avait foi et qu’il consultait sans cesse sous de nouveaux déguisements. Nimporte lequel il prît, elle lui disait toujours la même chose, qu’il mourrait jeune et de mort violente.......................
On sait qu’il fut assassiné le 16 août 1792.
M”* d’Oberkirch note ensuite, page 102, des particularités relatives au magnétisme, et donne la preuve que toute la société était émue par l’idée des faits.
« 11 juin. — Je fus charmée d’une visite que nous fîmes à Mesmer, le chef et le père du magnétisme. Je l’avais connu en Alsace et j'ai oublié de le dire, ne tenant un journal qu’à Paris. Je l’admirais depuis longtemps et je fus enchantée de le retrouver. 11 demeurait place Vendôme, dans la maison Bouret, et son appartement ne désemplissait pas du matin au soir. Le fameux baquet attirait la cour et la ville. Le fait est que ses cures sont innombrables, et que l’on ne peut nier les effets positifs du magnétisme. Le somnambulisme est encore plus extraordinaire et tout aussi positif. M. de Montjoie, qui a été guéri par M. Mesmer d’une maladie grave, en fut si reconnaissant qu’il publia une brochure à sa louange. Le magnétisme devint tout à fait à la mode ; ce fut, comme toutes les modes, une rage, une furie. On publia ses merveilles et on les augmenta.
d Après M. Mesmer, MM. I.edru et Destin, le D‘ Tliouve-nel, le Dr Desion se partagèrent la vogue. On ciurut chez eux comme à la fontaine de Jouvence ; pourtant cette fontaine là fut peut-être la seule qu’ils 11e surent point ouvrir.
« M"" la duchesse de Bourbon croyait non-seulement au magnétisme, mais à la sympathie et aux pressentiments.
« La princesse parlait souvent de Martinez Pasqualis, ce théosophe, ce chef d’illuminés, qui a établi une secte et qui se trouvait à Paris en 1778. Elle l’a beaucoup vu, beaucoup écouté; elle est martinisle, ou à peu près. Elle reçoit dans son cabinet, et fort souvent, M. de Saint-Martin, 1 auteur des Rapports entre Dieu, l'homme et l'nmvers. Ce livre a fait sensation dans les sectes.
« Une chose très-étrange à étudier, mais très-vraie, c’est combien ce siècle-ci, le plus immoral qui ait existé, le plus incrédule, le plus philosophiquement fanfaron, tourne, vers sa fin, non pas à la foi, mais à la crédulité, à la superstition, à l’amour du merveilleux. Ne serait-ce pas que, comme les vieux pécheurs, il a peur de l'enfer, et croit se repentir parce qu’il craint? En regardant autour de nous, nous ne voyons que des sorciers, des adeptes, des nécromanciens et des prophètes. Chacun a le sien, sur lequel il compte; chacun a ses visions, ses pressentiments, et tous lugubres, tous sanglants......
h Quelles seront donc les dernières années de ce centenaire qui commença si brillamment, qui usa. tant de papier pour prouver ses utopies matérialistes, et qui maintenant ne s’occupe plus que de l’âme, de sa suprématie sur le corps et sur les instincts? Qn n’ose y penser.
11 Quant à moi, je ne puis m'empêcher de croire aux effets du magnétisme après tout ce que j’ai vu et entendu, que je raconterai en son lieu. J'ai assisté à des expériences les plus extraordinaires. Le somnambulisme est un fait que tles millions d’épreuves attestent. Cela 11’empêche pas les épigrammes; en voici une, la moins plate, peut-être! Jugez des autres :
Le magnétisme est aux abois!
La Faculté, l'Académie L'ont condamné tout d'une voix Et t’ont couvert d'ignominie.
Ap:ès ce jugement bien sage et bien légal.
Si queiqu’espril original Persiste encor dans son délire,
Il sera permis do lui dire Crois au magnétisme......animal.
« M. Mesmer reçut M'"' la duchesse de Bourbon, comme on peut le penser. Il nous promit des séances spéciales, et nous en donna constamment. Nous sortîmes de là enthousiasmées et nous ne cessâmes d’en parler pendant tout le dîner.....»
L avant dernière phrase indique que beaucoup d’expériences eurent lieu alors chez Mesmer. En quoi consistaient-elles ? C’est ce que la suite n’apprend pas. Il faut arriver à 1786 pour savoir ce qui se passait dans ces réunions. Voici comment l’auteur s’exprime à ce sujet, page 212.
« 31 janvier. — Nous allâmes le matin chez Mm‘ de Bern-hold et _ chez les dames de M"" la duchesse de Bourbon. Cette princesse avait eu l’extrême bonté de me demander à dîner chez moi ce jour-là, elle y vint de très-bonne heure pour causer plus longtemps. Elle amenait avec elle MM. de Puységur. L’aîné, le marquis, était alors major d’artillerie avec rang de colonel. Ils sont petits-fils du maréchal par son second fils, qui est aujourd’hui, au moment où je parle, en 1789, ministre de la guerre. L’aîné est mort en 1782.
« Le marquis a deux frères : l’un, le comte Maxime, a un •ils, tout jeune homme, qui jouait la comédie chez M”* de Montesson; le père jouait également, et fort bien, et avait fait représenter, quelques années auparavant, un opéra-comique intitulé le Trêbucket.
« Le dernier des frères, le vicomte Chastenet Puységur, était officier de marine. MM. de Puységur sont très-liés avec la duchesse de Bourbon et vont souvent chez elle.
« Il y a encore un Puységur, ancien colonel de Normandie, depuis maréchal-de-camp, qui est oncle de ces messieurs.
« Le dîner fut charmant........Nous allâmes ensuite faire une visite à M"" de La Vallière, et de chez elle à l’Opéra, où on donnait Didon. ,l’étais avec M. et M” de Bose ; je les ramenai souper chez moi. Nous nous remîmes à causer longuement, et Mmo de Bose, qui fait admirablement bien les cartes, me dit ma bonne aventure. Elle fut véritablement étonnante, me racontant des choses qu’il était impossible qu’elle sût. Elle m’annonça pour l'avenir des choses qui se sont réalisées, et d’autres qui ne le sont pas encore et que j’ai la faiblesse de cra ndre. J’ai un peu de tendance au merveilleux, et les phénomènes du magnétisme confirment encore quelquefois ces idées.
« 1" février. — A onze heures il y avait une séance de
magnétisme chez M"" la duchesse de Bourbon. MM. de Puységur devaient y amener plusieurs somnambules, et les endormir. De l'aveu même du l)r Mesmer, le marquis de Puységur est plus habile que lui.
« Après avoir endormi les malades et les avoir jetés dans un somnambulisme complet, il les fait obéir à sa volonté, à ses gestes et au mouvement de la baguette. M. de Chaste-net Puységur, son frère, qui, comme je l’ai dit, sert dans la marine, a le même succès, tellement qu’on le regarde comme un personnage surnaturel.
« Ces messieurs obtiennent, des sujets qu’ils endorment, non-seulement la connaissance du présent dans des lieux éloignés, mais encore la prescience de l’avenir. D'autres fois ils mettent, en le magnétisant, un homme en rapport avec une fille en état de somnambulisme. Alors celle-ci exécute ses pensées et le suit partout. Cela ne dure que pendant le sommeil magnétique, et la somnambule ne se souvient de rien. Une fois éveillée, elle reste parfaitement indifférente pour celui avec lequel elle a été mise en rapport.
« Ce fut ce qui arriva ce matin-là. M. de Puységur mit en rapport une de ses somnambules avec un jeune secrétaire de l’ambassade d’Espagne; ils ne s’étaient jamais vus. A peine cette fille, assez laide du reste, lui euUelle touché la main , qu'elle s’illumina spontanément; son visage changea du tout au tout, et prit une expression véritablement extraordinaire. Elle se leva avec une grâce pleine à la fois de modestie et de passion, et s’approcha du jeune homme, auquel elle dit en baissant la tête :
■ — Je vois votre pensée. Vous avez accepté d’être mis « en rapport avec moi pour obéir à Son Altesse, mais vous « n’en aviez aucun désir ; vous craigniez que ce contact pas-« sager de nos deux âmes ne laissât une trace dans la vô-« tre ou dans la mienne. Je ne suis point jolie, et c’est dés-« agréable l'amour d’une laide. Soyez tranquille, je ne vous-« plairai jamais, et vous ne me plairez plus à mon réveil. »
« Le jeune homme rit en nous regardant.
« — C’est là ma pensée, dit-il, en souffrez-vous ?
« — Oui, en ce moment.
« — Et qu'est-ce que je pense encore ?
» — Oh I vous pensez à une femme que je vois bien loin «d’ici; elle est dans une chambre peinte et ornée à jour; « elle porte un costume que je n’ai jamais vu à personne. « Oui, de larges pantalons, les jambes nues, avec des mules « brodées en or, une robe de gaze, un long voile sur un
« bonnet très-haut en argent découpé, qui fait comme la « coiffe des femmes du pays de ('.aux. Tout cela est bien « riche et cette femme est bien belle. »
« Le secrétaire d’ambassade, un comte d’Aranda, autant que je puis me souvenir, était pâle et tremblant ; il ne trouvait pas une parole.
n — Est-ce vrai? demanda M. de Puységur.
« — Oh ! comment peut-elle savoir cela? murmura-t-il.
« — Voulez-vous qu’elle se taise ou qu’elle continue?
« — Quelle continue, répliqua-t-il vivement. Pouvez-vous « lire dans la pensée de cette femme ?
« — Oui.
« — Qu’y voyez-vous ? M’aime-t-elle?
« — Non ; dit la jeune (ille en secouant tristement la tête.
« — Elle ne m’aime pas ! En aime-t-elle un autre? Est-« elle seule ?
« — Elle est seule, pas depuis longtemps, pas pour long-n temps. Ecoutez ce que je vais vous dire, retenez-le et faites-« en votre profit, monsieur le comte.... Il est fort heureux « que vous m’ayez interrogée ; vous étiez perdu sans cela. « Vous avez écrit à cette femme.
« — Oui.
« — La lettre est dans un petit sac brodé qu’elle porte à « sa ceinture ; elle l’a reçue ce matin.
« — Pouvez-vous la lire ?
« — C’est dillicile ; cela me fatiguera bien.
« — Lisez-la, je le veux, interrompit M. de Puységur en « la chargeant de fluide.
ii — Oh ! que vous me faites mal ! vous me brisez la tète et « le cœur.
« — Lisez.
« — Je vois, je vois. Vous êtes bien fou, monsieur le comte ; « vous promettez à cette femme d’aller l’épouser, de l’enlever « dans six mois, dès que vous aurez atteint vos vingt-cinq ii ans. O, mon Dieu 1 0, mon Dieu ! cette femme est une n juive ! »
« Ce mot produisit un effet que je ne puis rendre, sur les assistants ; nous étions à peu près une demi-douzaine. Le diplomate devenait de plus en plus pâle, et son émotion était visible.
« — Monsieur le comte, demanda encore M. de Puységur m d’un ton sérieux, doit-elle continuer?
« — Oui, oui, je préfère tout savoir. Si cette femme ne « m’aime pas, qui aime-t-elle?
« — Un homme de sa nation, un misérable, un voleur. »
« La sueur froide nous prit à tous.
,, — Oui, on compte vous attirer lorsque vous reviendrez,
*. vous faire signer je ne sais quels papiers, pour vous lais-« ser libre, et si vous refusez...... prenez garde ! »
« Le son de voix de cette somnambule avait, je vous assure, quelque chose de surnaturel en ce moment ; évidemment elle était inspirée. _ t .
,, — Mais cette femme..... cette malheureuse..... je l’ai
i fait instruire, baptiser ; elle est chrétienne.
« — En cela, comme en tout, elle vous a trompé, mon— « sieur. Pure cérémonie pour vous mieux abuser; elle est « juive de cœur et de pratique.
« — Elle ne m’aime pas! répétait ce jeune insensé, tout bas. «
« Celte idée seule le frappait. Ni son danger, ni les autres trahisons dont on le menaçait n’arrivaient pas jusqu'à lui. Il ne pensait qu’à scn amour! Pauvre jeune homme! épouser une juive ; un gentilhomme des vieux Castillans !
« — Ah! mon Dieu, madame, me dit-il après, très-sim-« plement, ma mère en serait morte de chagrin, et vous * voyez ! »
«11 nous raconta alors ce que personne au monde ne savait que lui, et ce qui, par conséquent, lui semblait plus étrange encore dans la bouche de la somnambule.....
». La somnambule le sauva, à ce qu’il parait, réellement ; il fit prendre des informations; tout était vrai. 11 est venu remercier M. de Puységur, qui me le dit à Strasbourg lorsque je l’y retrouvai. Cette histoire me frappa beaucoup; mais elle n’est pas la seule extraordinaire que j’aurai occasion de raconter pendant le cours de magnétisme que nous suivîmes pour ainsi dire, cet hiver-là, avec M"" la duchesse de Bourbon.
«Je voulus faire une visite, dans son appartement, à M"" de Longuejoue, une des dames de M”* la duchesse de Bourbon, et fort bonne et fort spirituelle. Elle ne croyait point au magnétisme, et lorsque nous revînmes dîner chez la princesse, nous nous disputions encore. 11 y avait à ce dîner M. le duc d’Orléans et M™ la princesse, sa femme, avec deux de ses dames. M. le duc d’Orléans essaya de nier le somnambulisme; la princesse sa sœur lui demanda d'assister à une séance, il le promit, et nous en prîmes note. “
« A février. — M. de Puységur disait que je suis très-apte
à magnétiser, et voulut m’en donner une leçon ; en conséquence j’allai chez la princesse, où il vint aussi avec moi une jeune fille. Nous commençâmes, et presque tout de suite j’obtins des effets. J’endormis cette enfant, mais sans pouvoir la faire parler. J’avoue que cette séance me fatigua beaucoup, et tellement que je n'eus pas envie de recommencer.....
« I l février. —Le matin, les somnambules vinrent chez ma princesse, et je n’eus garde d’y manquer. C'est pour moi un intérêt véritable. M. de Puységur nous montra toutes sortes d’expériences ; surtout une de ces jeunes fdles, qu’il empêcha de remuer le bras pendant plus d’une heure, en le rendant complètement insensible ; on y enfonçait des épingles comme dans une pelote; le sang n’y venait point -et elle ne sentait absolument rien : cela confondait le raisonnement. Je me sentis un peu souffrante et incommodée de tout ce fluide, et je rentrai chez moi jusqu’à l’heure du souper. »
Ce dernier passage rectifie singulièrement l’histoire du magnétisme en ce qui concerne l’insensibilité. C’est M. du Potet qui passait pour avoir découvert ce phénomène en 1820 (1). Le fait est qu’en 1825 Deleuze disait n’en avoii encore vu que deux exemples ; et Puységur l’avait produit trente-quatre ans auparavant ! Comment l’a-t-on oublié si longtemps?
M"" d’Oberkirch se sert du mot mesmiristc en parlant d’une personne attachée à la doctrine magnétique.
Elle dit quelques mots de M. Lutzelbourg (on prononce habituellement Luzbourg) à qui la cause magnétique est redevable d’un écrit remarquable.
Un autre alsacien, le banquier Kornmann, caissier des Quinze-Vingts, par qui fut organisée la souscription ded élèves de Mesmer, et qui emporta une partie des sommes versées en ses mains, est aussi l’objet d’une mention.
Enfin, arrivée à 1787, elle écrit, page 370 :
«... Une autre banqueroute fait encore beaucoup de bruit dans le monde. Elle touche de près M. de Puységur, colonel
(1) Voyez sa brochure Explriencei de l'ffàtel-Dhu, et co Journal, tome I, page 242.
(lu régiment d'artillerie en garnison à Strasbourg, c'est celle de son beau-père, M. de Sainte-James, trésorier général de la marine, qui a fait tant de fo'ies pour son parc de Neuilly (près de Bagatelle). M. de Puységur s'en montra très-adligé ; il venait nous voir souvent, line de ses somnambules le lui avait prédit, assurait-il. »
Cette affliction se conçoit d’autant mieux que, dans un autre endroit de ces Mémoires, il est dit: « Parmi les personnes les plus honorables de la cour, on cite MM. de Mau-repas, de Miroménil, de Puységur... »
Fixée en Alsace à la fin de 1788, la baronne, continuant son récit des faits contemporains, dit, page 396 :
«...........Je retrouvai avec grand plaisir M. de Puységur à Strasbourg ; nous recommençâmes le magnétisme, comme dans les beaux jours de Paris. 11 rencontrait, disait-il, des sujets excellents parmi les jeunes filles des montagnes, celles de l’autre côté du Rhin surtout. Nous nous réunissions presque chaque jour pour des séances; j’y crois fortement et je désire voir cette croyance se propager le plus possible. Je suis convaincue qu’elle rendrait les hommes meilleurs en leur donnant foi dans l’autre vie. Je ne puis donc m’empêcher de raconter encore ce que j’ai vu et entendu au commencement de cette année chez M. de Puységur, dans une séance à laquelle assistaient le maréchal de Stainville, M. d’Oberkirch, mon frère et moi.
« La somnambule était une jeune paysanne de la Forêt-Noire, assez maladive, assez frôle, contre l’usage de ce peuple montagnard. Elle était d’un naturel mélancolique, contemplatif, très-propre à la catalepsie ; et en effet elle y tombait souvent avec une grande facilité. Elle nous avait montré ce iour-là plusieurs phénomènes très-curieux, et on allait la réveiller lorsque le maréchal de Stainville demanda s’il ne pourrait pas lui adresser des questions. M. de Puységur lui répondit qu’il en était parfaitement libre, mais après qu’elle se serait reposée un peu : il craignait de l’avoir fatiguée par ses exercices. Elle dormit environ un quart d’heure, puis elle dit d’elle-même qu’elle désirait parler au maréchal.
« — Je sais ce qu’il va me demander, et j'ai des choses a tristes à lui apprendre. »
■ M. de Stainville la pria de dire tout haut quelle était sa pensée.
« — Vous vous préoccupez des affaires du temps ; vous « voulez savoir quel sera l’avenir de la France et surtout ■« celui de la reine.
« — C’est vrai, répondit le maréchal, fort étonné. »
i II courait alors, en France et à l’étranger, plusieurs prophéties de différentes personnes. Ces prophéties trouvaient assez de créance : celles de M. Cazotte surtout (1). Bien des gens les lui avaient entendu prononcer, et il était impossible de nier leur existence. Mais elles annonçaient des choses si extraordinaires, on disait alors si impossibles, que la raison devait les repousser dans la classe des rêves et des exagérations. M. de Stainville, comme beaucoup d’autres, désirait u n éclaircissement sur ces prophéties. Cette enfant d’outre-Rhin n’en avait certainement jamais entendu parler, il était curieux de savoir si ses paroles se rapporteraient à celles du visionnaire. C’était déjà un fait bien étrange que de voir sa pensée divulguée avant qu’il eût parlé.
« En ce moment entra le marquis de Peschery, lieutenant du roi à Strasbourg ; on lui expliqua en peu de mots de quoi il s’agissait, et il prit place. Ce n’était ni un homme convaincu, ni même un homme bienveillant pour le magnétisme. Le maréchal répéta sa question.
« — J’ai besoin de penser quelques minutes avant de vous « répondre positivement, monsieur; ce sont des choses si « graves et si singulièrement embrouillées encore!
« — Dites-moi d’abord si les prédictions dont j’ai con-« naissance, celles que j’ai entendu faire, sont véritables, h s’il faut y ajouter foi?
« — En tout point, répondit-elle sans hésiter. »
« Nous nous regardâmes tous; quant à moi, je vous assure que le frisson me prit. J’avais justement lu la veille la fameuse prophétie de M. Cazotte, envoyée en Russie par M. de La Harpe, et que la grande duchesse m’avait fait passer. »
Il resuit un doute sur l’authenticité de cette prophétie, qui n’a été publiée qu’après l’accomplissement des faits; cette mention lui assigne une date certaine.
„ _ Quoi ! dit le maréchal, tout arrivera ainsi qu’il est dit?
,, — Tout ; et d’autres choses encore.
« — Quand cela sera-t-il?
« — D’ici à fort peu d’années.
(I) Voycz-en lo texte, Journal ilu Magnétisme, lome I, page 517.
„ — Mais encore , ne pouvez-vous préciser le temps ?
« Elle réfléchit un instant, puis elle ajouta :
« — Cela commencera d’éclater cette année même, et « cela durera peut-être au moins un siècle.
„ — Nous n’en verrons donc pas la fin ?
(l — Beaucoup d'autres que vous n’en verront pas même « le début. »
« Le maréchal continua : k — Que se passe-t-il à Paris en ce moment ?
« — On conspire. Celui qui conspire sera victime de sa k méchanceté. 11 triomphera d'abord, mais après son sort « sera horrible ; il sera le même que celui de ses victimes. »0 mon Dieu, mon Dieu! que de sang! que de sang!
« C’est affreux. »
« Elle cacha ses yeux avec ses mains, comme pour ne pas voir ces objets effroyables.
« — Et vous êtes sûre que la destinée promise à de nobles
■ personnages s’accomplira?
« — Oui.
„ — Quoi! la mort? Quoi ! le supplice?
« — Oui, oui ; la mort et le supplice.
« — Et moi, continua-t-il, dois-je partager ce désastre « annoncé à ma famille ?
* — Non, monsieur.
« — Ah ! je me sauverai de cette débâcle; c’est singulier.
■ Un vieux soldat tel que moi n’a guère cette habitude. »
« La somnambule garda le silence.
« -- Quelle sera donc ma fin, alors?»
« Elle se tut obstinément.
« — Vous craignez de me le dire? Ah ça! puisque mes c parents seront décapités, et qu’il m’arrivera pis, ce me « semble, est-ce donc par hasard que je serai pendu? Ceci a est indigne d’un gentilhomme , et je ne m’en consolerais « pas. Voyons, parlez, ne craignez rien. Je n’ai pas peur. «i La mort et moi, nous nous connaissons ; nous nous sommes
■ vus plus d’une fois, et de près. »
« La jeune fille refusa encore de répondre ; elle refusa longtemps. Enfin, M. de Puységur, sur les instances du maréchal, l’y contraignit.
,, — Pauvre monsieur! dit-elle lentement et les larmes « aux yeux, pourquoi me demander ce que vous saurez vous-mnêine d’ici à bien peu de mois?
« — D’ici à bien peu de mois! Je mourrai d’ici à peu de • mois? Je ne verrai donc pas tout cela? Ah! tant mieux !
« Vous me soulagez d'un grand poids; je n’assisterai pas au « déshonneur, ii la perte de la France. J’en remercie le ciel. « Je mourrai dans mon lit?
n— Oui, répliqua-t-elle d’une voix si basse qu’on l'en-« tendit à peine. » n Monsieur le maréchal, dis-je très-émue, les paroles des somnambules ne sont pas des articles de foi.
«—J’espère bien que si, madame la baronne, car ce « qu’elle m’annonce m’est fort précieux. I)u reste, nous n’a-« vous pas longtemps à attendre pour savoir à quoi nous en « tenir. »
n Ce sang-froid du guerrier nous frappa tous fortement. M. de Puységur en était contrarié; il craignait beaucoup qu’on l’accusât de mal user du magnétisme, qui devrait servirsurtont à la médecine et au soulagement de l’humanité.
« — Je vous en prie, monsieur le maréchal, laissez-moi « la réveiller. « n Pas avant que je lui aie demandé une seule chose, monsieur, interrompis-je. Qu’arrivera-t-il où est ma pensée?
« Ah! madame, j’y vais. 11 s’y passe en ce moment de « tristes événements. Je vois cet endroit, je le vois ; il est en «ce moment au milieu de l’eau; oui, elle monte, elle
« monte. Ah ! c’est effrayant, une inondation.,.. Oui;......
« une inondation.... 11 y aura bien des pertes.... Heureuse-« ment, personne ne périt. Madame, vous verrez que je n ne vous trompe pas ; vous le saurez bien, vous le saurez « bientôt. »
n Nous nous regardâmes, j’avais pensé à Montbéliard, à mes chers princes. Ce jour-là, 18 janvier 1789, il y eut en effet une grande inondation, et il se fit des pertes considérables en bestiaux, en bâtiments; mais il n y eut point de mort d’homme. Quand j’appris cette nouvelle, je fus altérée; tout était donc vrai. 11 fallait donc croire à ces illuminations de l’avenir, à ces révélations del’âme qui en prouven tl’essence divine et qui donneraient de la foi aux plus incrédules. Je n’ai pas vu depuis le pauvre maréchal de Stainville sans penser que nous allions le perdre, puisque ces arrêts étaient irrévocables et qu’ils devaient toujours s’exécuter.
« La fin de ce siècle, si incrédule, est marquée de ce caractère incroyable d’amour du merveilleux, je dirais de superstition, si je n’en étais moi-môme imbue, quoique malgré moi ; ce qui dénote, assure-t-on, une société en décadence, 11 est certain que jamais les rose-croix, les adeptes, les prophètes et tout ce qui s’y rapporte, ne furent aussi nombreux,
aussi écoutés. La conversation roule presque uniquement sui-ces matières; elles occupent toutes les têtes, elles frappent toutes les imaginations, même les plus sérieuses, et si ces Mémoires en offrent de nombreuses traces, c’est qu’ils sont la représentation fidèle de cette époque. Nos successeurs hésiteront à le croire, ils ne comprendront pas comment des gens qui doutent de tout, même de Dieu, peuvent ajouter une foi complète à, des présages!.....»
A peine a-t-on lu ces réflexions que les yeux s’arrêtent avec snrpjise sur les lignes que voici :
«............On me prévint un matin que le maréchal de
Stainville était souffrant; le souvenir de la prédiction me vint en mémoire.
«Ah! dis-je, il ne s’en relèvera pas! _
a Le même soir, il se trouva plus mal; trois jours après il était mort............_ .
« Cet événement me frappa à un point que je ne puis dire.
« Le pauvre maréchal a fait dire à M. de Puységur qu il était son très-humble serviteur, ainsi que de sa somnambule, a laquelle il a envoyé un cadeau. . . ............
Quelle éclatante confirmation des décrets du ciel ! et combien on est étonné de voir les révélations de 1 avenir ainsi réalisées.
HÉBERT (do Garnay).
Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).
INSTITUTIONS-
Jury iiiiiAnrfiqiip
d'BSCOUKAOEMESI ET DE RECOMPENSE.
Rapport du Socrtlaire-général àl'Jssomb'ée g léralc du 1C mai 1852.
(Suile. — Voyez page 403).
3» M. Ch. LAFONTAINE, raagnél seur. demeurant à Genève.
Tous les hommes qui se distinguent ne brillent pas par les mêmes qualités. 11 y a des magnétistes nés avec la passion de la bienfaisance et qui se livrent surtout aux actes de philanthropie ; d'autres, plutôt animés par l’esprit de conquête, s’adonnent à la propagande avec une brûlante ardeur. M. Lafontaine appartient à cette dernière catégorie. Missionnaire intrépide, habile en expérimentation, il a parcouru la France, l’Angleterre, la Belgique et l’Italie, donnant
des séances dans les principales villes et y formant des élèves pour continuer l’œuvre après son départ. Il est actuellement en Suisse, occupé du même soin, et nous savons qu’il y obtient les plus grands succès.
M. Lafontaine est un des rares praticiens qui, il y a dix ou douze ans, osaient faire des expériences en public, et c est de là sans doute que lui vieni la réputation de magnétiseur émérite; car si d’autres alors lui étaient supérieurs en science il les surpassait en talent. Des cures nombreuses et quelques expérimenta remarquables attestent qu’il sait faire usage de la force magnétique dans les cas les plus difficiles. Doué d’une grande puissance, son rôle paraît être de produire des faits physiques ; il excelle à prouver l'insensibilité, la rigidité des muscles et autres phénomènes cor-Tome Mil. — xo a«!î. _ 2a UÉCE11BBE 1S54. 21
porels dont la brutalité renverse tnin les doutes. Cependant il ne sc borne pas à ces résultats on qiHque sorte matériels, et nous l'avons vu déterminer, dans l'extase et le somnambulisme, les plus curieuses modifications de sentiments au moyen de la musique (1).
Non content d'agir, M. Lafontaine u voulu écrire. 11 est auteur d’un livre intitulé Y Art de magnétiser, mais il n’y parle guère que de lui, de ses voyages : c’est son histoire personnelle et non un traité scientifique, comme le titre en donne l’idée. Toutefois, cet ouvrage n’est pas dépourvu d’intérêt, et nous y puiserons d’utiles renseignements.
Le principal mérite de M. Lafontaine aux yeux des mes-mériens, c’est d’avoir su préférer, en thérapeutique, le magnétisme au somnambulisme, et montré partout la supériorité de cet agent sur les médicaments, dans les maladies nerveuses. En effet, on le voit guérir nombre d’affections rebelles ou totalement incurables par les moyens ordinaires, et dont la lucidité elle-même, malgré sa pénétrante analyse, ne triomphe pas avec des drogues. Quelques citations des cas rapportés dans Y Art de magnétiser vont rendre cette proposition évidente.
Épilepsie. — Miss Toy, de Birmingham, avait des accès de haut mal tous les jours. Elle fut radicalement guérie, d’après le témoignage des D" Melson et Parker.
M"1 Louise Courteil, de Paris, avait cinq heures de crises par jour ; sa guérison fut complète en six semaines.
Hystérie. — M"” Schron, de Caen, avait des accès histé-riques de six heures par jour. Elle fut guérie en deux mois.
M"' Thuault, de Paris, affectée de la n ême maladie, mais moins gravement, recouvra la santé en douze séances.
C/torée. — Un malade de l’hôpital Saint-Patridje-Dower, à Dublin , fut guéri de la danse de Saint-Guy sous les yeux du Dr Lavv, qui l’a certifié.
Le même succès fut obtenu à Caen, sur un enfant, en quelques semaines de traitement.
(I) Voyez loinc Ie', page 372 do ce Journal.
Paralysie. — M. Bordère, agréé au Tribunal de commerce de Rouen, avait une paralysie du bras et de la jambe ; il en fut guéri promptement.
Un malade de l’hôpital de Liverpool, complètement paralysé du bras droit, fut guéri en deux magnétisations devant les médecins et les élèves.
Chili. — Marc Rowly, de Leeds (Angleterre), qui était aveugle depuis deux ans, recouvra la vue en peu de séances.
A Londonderry (Irlande), un aveugle de l’hôpital fut guéri en présence du Dr White.
La servante du professeur Bradier, à Belfast, fut aussi guérie de la paralysie du nerf optique.
Surdité. — Un savant très-connu à Paris, M. Thilorier, qui n'avait jamais entendu de l’oreille gauche, et qui était devenu sourd de la droite depuis vingt-cinq ans, recouvra l’ouïe des deux côtés en deux mois et demi.
C’est une des cures les plus remarquables qu’ait obtenues M. Lafont.ûne ; elle lui fait beaucoup d’honneur.
Surdi-mutité. — M. Ernest Pinot, fds du receveur de l’enregistrement à Caen, était complètement sourd et muet depuis sa naissance ; le Dr Follet, de Pont-Audemer, et la municipalité de Caen ont certifié sa parfaite guérison.
M. Eugène Viguier, ouvrier imprimeur à Nantes, recouvra aussi complètement l’ouïe et apprit à parler.
M. Lafontaine a magnétisé un grand nombre d’autres sourds-muets, à Paris, à Rome, à Naples, à Genève, etc., et leur a fait prononcer distinctement des mots ; mais comme il y a dans ce cas double éducation à faire, celle de l’ouïe et celle de la parole, peu de parents ont eu la persévérance de continuer le traitement. M. du Potet avait déjà échoué contre cet écueil ; en le signalant de nouveau les tentatives le feront peut-être éviter.
Beaucoup d’autres guérisons ont été obtenues par M. Lafontaine , à Manchester, à Edimbourg, à Rennes, à Angers, à Bruxelles, à Marseille, à Strasbourg, etc.; mais les détails en sont moins précis, et leur mention suffit.
Lors de son séiour à Paris,cet expérimentateur soumettait
souvent ses sujets à l'influence de la musique et obtenait un état extatiforme assez remarquable. Ce phénomène, purement récréatif, a été vu par tout le monde, sur une jeune fille de Bagnères-de-Bigorre, sur une somnambule nommée Mélanie, et notamment sur la jeune Louise, guérie de l'épilepsie.
Voici ce qu’on lit à cet égard dans Y Art (le magnétiser.
« La musique gaie leur faisait mal et leur donnait des convulsions. Cependant Louise, dont les poses étaient plus gracieuses , plus sensuelles, éprouvait pendant cet état semi-extatique un certain plaisir à entendre une contredanse; elle s’y laissait aller et dansait. Mais une réaction physique se produisait lorsqu’on prolongeait soit une contredanse soit une valse. Il s'opérait alors un dégagement ; le fluide dont elle était envahie s’évaporait, le sommeil cessait, et elle se trouvait dans un état mixte qui n’était ni la veille ni le sommeil magnétique, quoiqu’elle fût encore sous l’influence du fluide. »
M. Lafontaine rapporte, à la fin de son livre (2e édition), divers incidents de ses pérégrinations. Le plus digne d’intérêt est certainement son entrevue avec S. S. Pie IX.
« 11 ne sera point déplacé, dit-il, de donner ici l’opinion particulière de notre S. P. le pape sur le magnétisme animal.
« Ce sont ses propres paroles que je vais citer, et qu il m’adressa le 1 h novembre 1849, dans une audience particulière qu’il avait eu la bonté de m’accorder.
« Je me rendis à Porticci, et la première parole que m’adressa Sa Sainteté fut pour me demander si j'étais de la famille du bon La Fontaine, le fabuliste.
« Sur ma réponse affirmative, il s’étendit en éloges. Je lui présentai cet ouvrage en le suppliant de vouloir bien l’accepter. Il l’ouvrit et me dit :
« Du magnétisme ! Oh ! monsieur Lafontaine, c’est une arme , q„i peut être bien dangereuse. Je ne nie pas, je ne prétends t pas nier le magnétisme; c’est un effet naturel, c’est un c effet physique ayant une cause toute naturelle, seulement i je doute de son utilité. »
, _Votre Sainteté me permettra-t-elle de lui dire que
ela dépend du point de vue sous lequel on l’envisage ? Si on
veut le considérer comme un moyen auxiliaire de la chirurgie et de la médecine, il peut être d'une grande utilité. Si 011 s’attache au contraire au côté merveilleux, il peut être dangereux, car il n’y a pas sur terre une seule chose qui n’ait son bon et son mauvais côté.....
. — . . . . Oh! fit le Saint-Père, je ne dis pas qu'il « ne puisse être utile ; mais seulement j’en doute, et surtout « comme moyen curatif; mais c’est un elTet de la nature, ■ comme l'électricité, qui rentre tout-à-fait dans l’ordre « physique. *
• — Votre Sainteté doute qu'il soit utile; cependant il peut guérir toutes les maladies nerveuses, et si vous daignez jeter un coup d’œil sur ce livre, vous pourrez voir que, dans bien des cas, j’ai réussi à guérir des maladies réputées incurables, etc.
11 y a trois jours, Très-Saint-Père, devant tous les ministres étrangers, et des familles napolitaines les plus dignes de considération, j’ai fait entendre un sourd-muet que le directeur général de la douane m’avait envoyé.
Alors Sa Sainteté, prenant intérêt à mes explications, me fit beaucoup de questions sur le magnétisme, sur la manière dont je l’employais, sur les guérisons que j’avais produites, etc., etc. Enfin, après m’avoir gardé vingt minutes, elle 1110 congédia en me donnant sa main à baiser et disant :
« Eh bien ! monsieur Lafontaine, souhaitons et espérons « que, pour le bien de l’humanité, le magnétisme pourra « bientôt être généralement employé. »
De tout ce qui précède, vous jugerez sans doute que M. Lafontaine fait partie des magnétistes qui, par leurs travaux, méritent les encouragements du Jury. Dans cet espoir, le Comité vous propose de lui décerner la médaille de bronze. (Accordé.)
Licul.-Colonel ch« MAC SHEEHY.
(La suite au prochain numéro).
FAITS ET EXPÉRIENCES.
LUCIDITÉ A L’ÉTAT DE CRISE IMPARFAITE.
Tant que les principaux phénomènes du magnétisme ne seront pas admis par tous sans conteste, il sera utile de col-liger les faits qui en présentent des exemples plus ou moins remarquables. Mais pour qu’une constatation de fails fût sérieusement utile, il faudrait, ou produire les phénomènes publiquement, comme le fait M. du Potet avec une énergie persévérante, ou donner aux observations un caractère de certitude scientifique, comme le tente en ce moment M. Hébert (de Garnay) à son dispensaire magnétique.
Des faits isolés, recueillis et racontés par un observateur, quelle que soit sa capacité et sa moralité, n’ont qu’une valeur minime, et ce n’est qu’un témoignage sans grande importance, ajouté à des témoignages peu susceptibles de porter la conviction dans les esprits étrangers à l’étude du magnétisme. Le nom même de l’observateur eût-il de l’autorité sur le public, comme à côté de la question de capacité surgit aussitôt, quand il s’agit de témoignage, la question de véracité, c'est seulement pour ceux qui connaissent intimement l’observateur que le fait narré peut avoir quelque importance scientifique.
C’est justement parce que le plus grand nombre des faits magnétiques a gardé ce caractère intime et privé, que l’immense masse d’observations n’a pas produit un grand effet. Une observation isolée ne peut avoir d’autre utilité que de provoquer des observations régulières ; elle ne doit se produire qu’autant qu’elle semble induire vers un ordre de phé-
nomènes non assez étudié. Mais aussi, quelque faible et peu curieuse qu'on la suppose, il est du devoir du magnétiste de la signaler et d’appeler l'attention sup les phénomènes du môme genre, lorsque le fait qu'il a observé semble se rattacher à un filon insuffisamment exploité des richesses souterraines et assez mal cataloguées de la science mesmé-rienne.
C'est à ce titre que je cite une observation qui n’aura rien de curieux pour personne, sinon pour ceux qui s’intéressent à la liaison des phénomènes magnétiques avec les phénomènes biologiques ordinaires.
Premier cas. — 1lentembrance.
Un de mes amis, M. Victor Leroux, avait eu plusieurs enfants gravement malades. La convalescence, qui avait permis de congédier les gardes, rendait cependant indispensable encore un service domestique extraordinaire. On prit, à cet effet, une ancienne domestique qui avait été à mon service, et qui depuis s’était mariée et établie dans son ménage. Cette femme devait habiter chez M. Leroux, et aller seulement chez elle, pour les soins de sa maison, une heure le matin et une heure le soir. Le soir même de son entrée en fonctions, elle oublia, malgré la recommandation qui lui fut faite, la clef de la porte extérieure fort éloignée de l’appartement (1).
On se tenait attentif pour guetter l’arrivée de M*" Léonie Ségoin (c’est le nom de la femme de journée), lorsqu’elle entre sans avoir frappé à la porte extérieure.
«Léonie, lui dit-on, comment avez-vous fait pour rentrer? Est-ce que la porte de la rue était ouverte ?
o — Non madame. J’ai fait le tour par la porte cochère et la grande cour.
« —Mais c’estun chemin très-compliqué. Qui vous l’a donc
(1) En province, on le sail, les maisons sont privées de portier, ou, en se plaçant il un autre point de vue, jouissent de l’absence de Messieurs les concierges.
indiqué ? D’ailleurs la porte cochère est fermée au moyen d’un secret facile à découvrir dans le jour, mais qu’on ne saurait trouver à tâtons. Comment avez-vous pu l’ouvrir?
« — J'avais déjà passé par là.
« — Quand donc? C’est la première fois que vous venez ici le soir.
« — Pardon..... Madame ne se rappelle pas qu’un soir,
pendant que j'étais domestique chez M. d’Ormoy, elle m’a envoyée voir ce que faisaient ses enfants. Comme ce soir, la porte de l’allée était fermée, et madame m’avait elle-même indiqué par où il fallait prendre et comment ouvrir la porte. »
Or Léonie n’avait jamais été le soir chez M™ Leroux qu’en état de somnambulisme, en imagination, pour me servir, à défaut d’autre, d’un terme impropre. Je l’avais magnétisée dans les derniers temps de son service chez moi ; elle était somnambule fort lucide sans aucun souvenir. Sans se concerter avec moi sur les questions (car ils étaient alors fort incrédules), M. et Mra0 Leroux l’avaient interrogée dans son sommeil magnétique, et entre autres réponses très-remarquables par leur lucidité, en avaient obtenu, sur l’état actuel ou les occupations de leur famille, des renseignements qui s'étaient pleinement vérifiés. Le sujet, après avoir fait, sans quitter sa place, le trajet de chez moi chez M. Leroux, avait déclaré ne pas pouvoir entrer parce que la porte était fermée. C'est alors qu’on lui avait indiqué l’autre entrée, le poucier caché pour faire mouvoir le loqueton, etc.
En conséquence de quoi, toujours sans bouger, Léonie avait pénétré dans l’appartement, s'ôtait assurée du coucher de celui-ci, du sommeil de celui-là, et avait dénoncé la lecture de l’aînée, lecture pour laquelle elle avait délaissé un' travail à l’aiguille.
C’est ce souvenir perdu à l’état de veille que le sujet a cependant retrouvé au bout de plus de deux ans, au moment où une circonstance extérieure de la vie normale est venue en quelque sorte l’exhumer; seulement, il se trouve que c’est pour la femme Ségoin le souvenir d’un fait réel. Elle croit (personne ne l'a détrompée), elle croit avoir accom-
pli une commission étant éveillée et faisant son service ordinaire.
Je ne doute pas que beaucoup de faits analogues ne se soient déjà présentés à l'observation ; moi-même j’ai eu occasion d'en connaître quelques-uns. Ainsi des rêveurs m'ont plusieurs fois déclaré, en état de crise, que lorsqu’ils perdaient quelque chose, ils en rêvaient dans leur sommeil naturel, le retrouvaient en songe, et pendant la veille se disaient brusquement : « Tiens ! l’objet que je cherche est à tel endroit, » sans se demander d'où leur venait cette notion. Bien d'autres sans doute auront eu à constater des faits semblables ; mais je ne crois pas que l’attention se soit portée sur eux avec tout l’intérêt qu’ils méritent.
Les phénomènes crisiaques sont pour ainsi dire regardés comme appartenant à une vie distincte de la vie ordinaire.
On n’a pas assez étudié les relations entre la vie normale et là crise. Les phénomènes du baquet de Mesmer, ceux que présentent les tables mouvantes, ceux que M. du Potet a ap' pelés magiques, indiquent à la fois combien ces deux états diffèrent et combien ils se tiennent par des liens multiples. 11 y a là, ce nous semble, de quoi appeler l'attention des physiologistes, et c’est à ce titre que nous citons le fait pré* cèdent, quelque minime qu'il soit en lui-même.
Nous indiquerons en même temps aux observateurs une voie d'observation de ces phénomènes d’ordre mixte.
Second cas. — Partie de cartes.
Tout le monde connaît, au moins par ouï-dire, la partie de cartes d’Alexis. — Alexis, à l’état crisiaque, devine, ou est censé deviner le talon et le jeu de son adversaire. Nous ne voulons point discuter le fait qui a été répété tant de fois sans avoir jamais pris le caractère d’une observation scientifique.
Eh bien! ce fait, qu’on cite comme prodigieux, ne l’est suivant nous que parce qu'il annoncerait un degré extrême de lucidité ; nous avons des raisons de penser que cette di-
vination plus ou moins complète se rencontre fréquemment. — Pour ne pas sortir de l'exemple que nous avons choisi, nous sommes convaincu que l’esprit de lutte et de passion, si facilement développé par le jeu, doit suffire à mettre en crise imparfaite certains sujets ; que les cartes maniées par un adversaire lui-même surexcité (objet magnétisé) doivent plus facilement que tout autre jeu favoriser le développement de la crise; qu’il peut arriver que certains joueurs aient ainsi une lucidité plus ou moins grande dont il n'ont pas conscience ; enfin qu’ils trichent très-loyalement.
Je joue très-souvent au piquet avec une personne qui a une chance incroyable à tous les jeux de cartes ; j’écarte beaucoup mieux selon les probabilités que mon adversaire ; je sais beaucoup mieux que lui débiter les cartes, et cependant je perds à peu près dans le rapport de cinq à un, ce qui résulte de notes prises à peu près tous les soirs depuis deux ans. Ceci est contraire au théorème de Ber-nouilli : que les événements fréquemment répétés doivent se présenter dans le rapport des chiffres de leurs probabilités.
Les mathématiques ne se trompent pas ; le fait n’a pas tort ; il faut donc trouver ce moyen de les concilier. La lucidité par la crise en donnerait une explication plausible et serait d’accord avec les idées que d'autres faits m’avaient suggérées sur le mélange de l’état crisiaque avec l'état ordinaire.
Ce qui me fait incliner vers cette explication, c’est que radversaire contre lequel je fais mes observations ne réussit jamais mieux que quand il écarte en dépit du sens commun. Mais ceci n’est pas noté exactement comme les résultats de perte et de gain.
Une autre remarque — qui serait concluante si elle était bien faite — c’est que parfois il m’a semblé troubler cette lucidité en magnétisant les cartes, en agissant intentionnellement sur mon adversaire. Mais cette observation est mal faite, le contraire s’est présenté plusieurs fois, et je ne puis le faire régulièrement, attendu que je n’ai jamais pu avoir
d’action dominatrice sur la personne, bien que nous exercions l’un sur l’autre une extrême action sympathique.
Si j'ai cherché à faire des observations précises (observa, lions que j’engage toute personne qui en aura l'occasion à répéter), c’est que j'avais cru déjà remarquer au jeu cet usage d'une lucidité inconsciente; c’est surtout à l'écarté, jeu qui était fort à la mode il y a une quinzaine d’années, qu'il m’a semblé observer des bizarreries dont je n’ai pu me rendre compte que par la supposition d'une crise imparfaite.
On voit des individus qui ont la chance, et ce ne sont pas ceux qui jouent le mieux. — Qu’on remarque qu'à ce jeu, pour exciter la crise, il y a, indépendamment des cartes, du vis-à-vis, et de l’esprit de lutte, un groupe de parieurs qui font une chaîne intentionnelle au contact du joueur, alors on s'expliquera peut être ces locutions passées dans l’argot des joueurs, locutions qui attestent des préjugés dont peu sont exempts, quoique peu les avouent :
«N*** a la chance... — Jouez à'inspira Hlm. —Voyons donc ! un jeune homme ! — Un novice, pour relever le côté de la porte, qui est enguignonné ce soir. — Changez donc de jeu, pour rompre la veine!.. — Soufflez sur les cartes, etc.»
La bouillotte, où les joueurs sont disposés comme pour une chaîne magnétique, doit donner à certains sujets quelque degré de lucidité. C’est, avec les jeux à partners, comme le whist, un des jeux qui doivent offrir le champ le plus remarquable aux observations.
Pour engager à éttidier la lucidité dans la crise imparfaite qui présente à première vue le semblant de l’état normal , faut-il rappeler l'exemple des tireuses de cartes, qui prétendent y lire le passé, le présent et même l’avenir? Faut-il dire que quelques-unes ont étonné des gens de valeur, et qu’il ne suffit pas d’accuser les gens de charlatanisme pour tout expliquer? Faudra-il dire que les tarots, les sorts ne sont pas nouveaux, et qu’à ceux qui accusent l’antiquité, le moyen-âge et le temps présent d’imbécillité pure et simple pour avoir cru aux divinations de gens éveillés, il faut une autre autorité qu’une simple conjecture? Et lors même qu’il
y a fourberie, il ne suffit pas, pour la démasquer complètement, de la dénoncer.
Je sais combien souvent l'on est tombé dans ce sophisme : on accuse le fait d’illusion, et on le somme de prouver — lui fait — qu’il n'est pas une fraude. Un fait est un fait, et voilà tout ; on peut le rejeter ou l’admettre, enfin le discuter; on n’a pas le droit d’expliquer sans preuves, sa production par une ruse; pas plus qu’on n’est forcé d’admettre, sans preuves, que sa production n’est pas l'œuvre du charlatanisme.
On a dit que Rose Tamisier avait, par un tour de passe-passe, voulu faire accroire qu’un certain tableau saignait. (On peut librement en parler, ce n’est pas pour ce fait qu’elle a été condamnée.) Bien que la chose ne soit pas prouvée, elle est bien présumable; je le parierais, tout en n’en voulant pas jurer; mais je ne comprends pas quun juge d’instruction ou un procureur impérial, ou tout autre accusateur pour cause de fonction publique, n’ait pas voulu en avoir le cœur net, et qu’un homme sensé ait osé formuler une accusation et demander une condamnation en affirmant qu’un fait constaté est un tour d’escamoteur, sans montrer la ficelle, sans répéter le tour à l’audience... Je ne comprends pas cela.... 11 est vrai que l’intélligence humaine en général, et la mienne en particulier, est si bornée !
C’est pour cela qu’il faut avoir en grande défiance les observations isolées, et qu’une idée doit être successivement élaborée par plusieurs cerveaux pour prendre quelque consistance; c’est pour cela que nous engageons les magnétistes à ne pas s’en rapporter à nos conjectures sur l’état crisiaquç imparfait; mais nous croyons qu'ils feront bien d’en étudier les circonslancesi. ils y trouveront la clef de bien des faits physiologiques restés obscurs jusqu’à ce jour.
A. PETIT-D OBMOYv
ÉTUDES ET THÉORIES.
LE MAGNÉTISME EST-IL OEUVRE DU DÉMON?
Le magnétisme, semblable à toutes les découvertes importantes qui ont pour elles l’avenir, a marché jusqu’à ce jour à pas lents. Aujourd’hui, qu’il est devenu l’objet de l’attention de tous, il ferait des pas de géant s’il n’était entravé par une foule d’antagonistes qui ne s’appuient plus, pour le combattre, sur le doute de son existence, mais sur le cachet de son origine et le danger de sa pratique.
C’est ainsi qu’en Suisse, où le magnétisme était généralement ignoré il y a quelques années, on le trouve actuellement admis par chacun, mais fort peu pratiqué.
Les pasteurs protestants, imitant les prêtres catholiques, n'ont pu voir l’engouement universel pour les tables tournantes et parlantes sans se demander quelle est la puissance qui les fait mouvoir et d’où vient cette puissance. On s’accorde à l'attribuer au magnétisme. Mais qu’entend-on par magnétisme ? La Bible, cette base fondamentale de leur croyance, n’est-elle pas là pour répondre : Le magnétisme ne peut être que l’œuvre de Pyllion (le frère du démon, si ce n’est pas lui-même).
« Vous prétendez, me disait l’un d’eux, que les anciens sorciers, devins, enchanteurs, magiciens n’étaient autres que des magnétiseurs. Nous l'admettons avec vous, et, dès lors, nous avons grandement raison de défendre la pratique du magnétisme ; car, écoutez la Bible, Deutéronome xvui, versets 10 et 11 :
« 11 ne se trouvera parmi toi (peuple) personne qui se mêle • de deviner, ni pronotisqueur de temps, ni personne qui . fasse des prédictions ou qui fasse des prestiges ;
Ni enchanteurs qui usent d’enchantements, ni homme « qui consulte l'aspect de Python, ni diseur de bonne avcn-i ture, ni personne qui interroge les morts. »
« N’est-ce pas nous autoriser à proscrire le magnétisme, à repousser les medium et autres agents surnaturels que vous rattachez à la découverte de Mesmer ?
« — Je comprends, répondis-je, qu'à une époque où les prestiges, les prédictions et tout ce qui semblait sortir des facultés humaines, ne pouvait être attribué qu’à Dieu ou au démon, on fit une large part à ce dernier. Je comprends que Moïse et les prophètes, qui étaient très-forts on magnétisme, attribuassent ces phénomènes à l’esprit de Python, d’après cet axiome aussi ancien que le inonde : Nul n’aura de l’esprit, ou mieux, ne prophétisera or nous et nos amis. Mais aujourd’hui que les lumières se sont répandues ; aujourd’hui qu’il est bien avéré que toute persouae, fût-elle une sainte jetée en somnambulisme, présente des facultés extraordinaires, il n’est plus possible d'attribuer ces facultés au démon. D’ailleurs, l’un des vôtres, M. Agénor de Gasparin, ne vient-il pas de faire justice de la dêmonologie? »
Le ministre ne se tint pas pour battu et reprit :
« >I.es évocations des esprits, si pratiquées en Amérique, étaient déjà connues et proscrites par l’Ancien-Testament. Lisez Samuel, xvm :
« Et Saül dit à ses serviteurs : Cherchez-moi une femm « qui ait'l’esprit de Python et j’irai vers e’ie et je la cousu « terai. • Cette femme lui fut amenée et lui dit : « Qui veux-« tu que je te fasse apparaître? Et il répondit : Fais-moi « apparaître Samuel ;
« Et Samuel apparut et dit à Saül : Pourquoi as-tu trou-« blé mon repos en me faisant apparaître ? etc. >
J’interrompis mon citateur et je lui soumis cette objection i d Vous admettez que cette femme a eu le pouvoir d'arracher Samuel ù son repos. Vous donnez donc à cette femme la puissance d’arracher un élu du Paradis pour la forcer à paraître sur cette terre.
« — Ce n’est pas à cette femme, mais à l’esprit de Python, qui l’animait, que j’accorde cette puissance.
« — Que le démon invoqué ait de la puissance sur les prétendus damnés ; qu’il fasse apparaître Voltaire, cela pourrait encore S’admettre parmi les ultra-catholiques; mais qu’il aille chercher saint Vincent de Paul ou un autre bienheureux pour l’obliger à céder au caprice d'un curieux encore habitant la terre, vous avouerez que c'est inadmissible; ce serait la perturbation jetée à chaque instant dans le bienheureux séjour.
« — Le démon n’a-t-il pas eu le pouvoir de transporter le Christ?
o — Ce ne peut être qu’une figure. Mais laissons de côté de telles invraisemblance., sur lesquelles nous ne nous entendrons jamais, et revenons au somnambulisme. .
« — Plus qu’uue citation, reprit mou adversaire, pour vous prouver que nous sommes autorisés à le juger œuvre du démon, et que vos somnambules d’aujourd’hui sont exactement les mêmes que celles de l’Ancien-Testament : Lisez, Actes xvi, verset 16. Paul dit :
« Or, un jour que nous allions à la prière, nous trouvâmes « sur notre passage une servante qui avait l’esprit de Py-« thon, et qui apportait un grand profit à son maître en de-« vinant.
« Elle suivait Paul en nous criant : Ces hommes sont des « serviteurs du Dieu très-haut, et ils vous annoncent la voie «du salut.
« Elle fit cela pendant plusieurs jours ; mais Paul en étant « importuné, se retourna et dit à l’esprit : Je te commande, • au nom de Jésus-Christ, de sortir de cette fille, et il en « sortit au même instant.
« — Vous conviendrez que c’était un bon diable» qui criait que ces hommes étaient les serviteurs du Dieu très-haut.
« — 11 savait bien qu'on ne le croirait pas.
« — Alors cette somnambule n’inspirait donc pas de confiance, et Paul, en la démagnétisant, lui a rendu justice.
« — Ainsi, pour nous, qui croyons à la Bible, le démon n’est pas étranger au magnétisme ; seulement, pour nous mettre au niveau de la découverte moderne, nous ne dirons plus X obsession, mais la magnétisation ; nous changerons Y obsédé en crisiaque, le devin en somnambule, et le magicien et Xenchanteur en magnétistes.
« — Grand merci de la concession , répliquai-je, et si vous étiez assez puissants, vous nous traiteriez en consé-uence.
« — Nous obéirions à la Bible qui dit, Lévitiqne, chapitre xx, verset 27 :
• Quand un homme ou une femme aura l’esprit de Py-• thon et sera devin, on les fera mourir de mort, on les as-t sommera de pierres ; leur sang est sur eux. *
« — 11 est vraiment très-heureux pour nous que les lumières soient venues détrôner Python et vous Oter le pouvoir de faire lapider, et j’ajoutai : Permettez-moi de vous rapporter quelques faits qui ont rapport au sujet sur lequel nous discutons, et qui modifieront certainement votre manière de voir :
« Après avoir été fort incrédule en fait de magnétisme, après avoir cherché à ridiculiser Mesmer et ses partisans dans un ouvrage que j’ai publié sur Aix, en Savoie (1), je suis devenu, à la suite de faits bien observés et d’expériences très-concluantes, l’un des partisans les plu3 déclarés de cette importante découvert».
« Transporté d’enthousiasme en présence des phénomènes admirables qui se déroulaient à mes regards émerveillés, je cherchai à faire partager mon admiration au plus grand nombre. Je priai, je suppliai même mes confrères de me suivre dans la voie nouvelle qui se présentait. Je leur disais : Si les faits sont vrais, venez vous convaincre avec moi ; si je suis le jouet d’une illusion, venez me faire reconnaître mon erreur. Quelques-uns sont venus et se sont retirés stupéfaits, me disant : Les faits sont trop extraordinaires
(1) Ail en Savoie et scs environs pendjn! la Slison do-l'uux. I vol. in-S.
pour que nous puissions les admettre et les expliquer ; nous préférons nous abstenir pour ne pas leur donner, par notre présence, une trr p grande importance.
d Je me suis alors élancé seul dans la nouvelle route, marchant de prodige en prodige et voyant à chaque pas tomber mon matérialisme. Dans mon désir de prosélytisme, me trouvant, comme maire de la ville que j'habitais, à dîner avec Mgr Devie, évêque de Belley en tournée apostolique, je m’empressai de faire part à cet éminent prélat des phénomènes admirables que présente le magnétisme. Il m’é-couta avec une vive attention, puis il s’exprima ainsi :
c Je crois à tout ce que vous racontez. J’ai eu pour am* le l)r llécamier, qui m’a initié à tous ces phénomènes si surprenants, mais je vous dirai que je crains bien que le démon ne soit pas étranger à toutes ces raerveil.es, qui parfois semblent renverser les lois de la nature et se rapprocher de la puissance du Christ.
« — Monseigneur, répliquai-je, a trop d’esprit, trop de jugement pour le croire sérieusement, et j'ajoutai : Comment voulez-vous que le démon soit pour quelque chose dans les phénomènes du magnétisme, puisque cette science sape le matérialisme en prouvant tangiblement l'existence de l’âme ; puisqu’il a pour effet principal le soulagement des douleurs humaines; puisque sa pratique nécessite un véritable dévouement à ses semblables ; puisqu’il est supérieur lorsqu’on 1 emploie pour le bien et fait le plus souvent défaut lorsqu’on veut le faire servir au mal ; puisqu’enfm 011 ajoute sensiblement à son action bienfaisante en y joignant la prière?
« — Prenez garde! répliqua le bon évêque, le démon prend souvent les formes de la vertu pour séduire.
« — Oh ! alors, monseigneur, je l’attends; tant qu’il me conseillera défaire le bien, de me dévouer pour mes semblables, je me voue à lui corps et âme; mais aussitôt qu’il changera de tactique et 111e montrera ses cornes et ses pieds fourchus, je vous promets bien de le fuir en lui chantant : Beau masque, je le connais bien! »
« L'excellent évêque 11e put s’empêcher de rire beaucoup. Pour appuyer mon opinion anti-démoniaque, je terminai en racontant la conduite exemplaire d’un célèbre magnétiseur de Lyon, M. Bidreman, qui obtenait à l’aide du jeûne, des
macérations et de la prière, les phénomènes magnétiques les plus merveilleux. M. Bidreinan, ajoutai-je, est éminemment religieux, il approche fréquemment de la sainte Table, il assiste chaque jour au sacrifice de la Messe, il se dépouille de tout ce qu’il possède pour les pauvres. Coin ment pourrait-on supposer qu’il soit un agent du démon?
Ebranlé par mon raisonnement et mes citations, l’éminent prélat voulut bien .admettre que le magnétisme révèle une puissance nouvelle, que le R. P. Lacordaire désigne par puissance adamique, mais il maintint que , puisqu’il est reconnu que le magnétisme peut devenir une arme dangereuse dans certaines mains, il est prudent de l’interdire aux profanes et d'empêcher sa pratique de se répandre.
v Peu de temps après cette discussion, je reçus la visite de trois ecclésiastiques qui désiraient voir un de mes sujets en somnambulisme. Je m’empressai d’obtempérer à leur désir, et je magnétisai M"* Marguerite, qui jouissait alors d’une lucidité remarquable. A peine fut-elle en crise, qu’elle partit d’un grand éclat de rire. Lui ayant demandé la cause de cette hilarité, elle répondit :
. 'i Croiriez-vous, docteur, que ces trois messieurs sont venus me visiter pour chasser le démon de mon corps. Au moment même où je vous parle, ils prient et formulent cet exorcisme :
« Prince de l’Enfer, nous t’adjurons de sortir du corps de cette personne, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. »
« — C’est exactement vrai, reprit un de ces messieurs ; et nous espérons bien que Dieu exaucera nos prières.
« — Vain espoir, messieurs, parce que le démon est complètement étranger à mon état de crise.
« — Cependant vous présentez des facultés surhumaines. Vous avez annoncé des événements qui se sont réalisés (entre autres la mort tragique du duc d’Orléans), et le démon seul a pu vous en instruire.
« — Et pourquoi pas Dieu ou l’un de ses anges ?
« — Parce que Dieu ne favorise ainsi que ses élus.
« — Eh bien ! je suis une de ses favorisées, car il m’a douée de facultés étounantes, il est vrai, et qui doivent servir à sa plus grande gloire ; car, saches, messieurs, que 1e. magné-
tisme est tout divin et qu’il est appelé à établir sur la terre une seule croyance religieuse et à saper à jamais le matérialisme. »
n Puis, s’adressant à l’un de ces trois messieurs, qu’elle connaissait plus particulièrement s
n Monsieur R..., voudriez-vous bien me donner la main. »
a M. 11... hés'la un instant, puis il vint s’asseoir en face d'elle et avança fos mains en tremblant. A peine les eut-elle touchées, qu’elle dit au prêtre :
« Voulez-vons que je traduise littéralement votre pensée?
« **- J’y consens.
« — Vous dites mentalement : Démon, si tu habites le corps de cette personne, je veux que le contact de ma main, qui est en état de grâce, t’en chasse à tout jamais.
« — C’est exactement ma pensée.
« — Je vous répète que vous ne pouvez chasser ce qui n'existe pas. »
« Puis elle s’occupa de son état physique et lui décrivit plusieurs incommodités dont il était atteint, avec tant de précision, que le bon prêtre ne put s'empêcher de dire :
k Dussé-je avoir affaire au démon, enseignez-moi les moyens de me guérir. »
« Alors une consultation en règle eut lieu. Les deux autres prêtres, rassurés par cet exemple, consultèrent également la somnambule, qui reconnut que l'un d’eux était sourd d’une oreille, ce que lui seul savait et ce qu’il n’avait jamais communiqué à qui que ce fût.
« Ces messieurs se retirèrent enchantés et bien convaincus que si le démon eût été dans le corps de cette crisiaque, il n’eût pu résister à leur exorcisme et à leur contact. L’un d’eux, que je revis quelques jours après, rae raconta ce qui suit:
« Au sortir de chez vous, nous nous rendîmes chez le Cïil'é R..., où nous dînâmes. La conversation roula constamment sur les merveilles du magnétisme et sa puissance curative,
a Puisque le magnétisme guérit si bien, dit après le repas la sœur du curé, atteinte d’une constitution nerveuse et maladive, vous devriez bien me magnétiser.
, — si tu y consens, reprit son frère, je vais essayer ce qui n’est pas difficile, puisqu'il s'agit de vouloir. »
Et en effet, la malade se prêta à l’expérience, qui réussit au-delà de l'espérance de l'expérimentateur. Son coup d’essai était un coup de maître ; il avait obtenu le somnambulisme lucide. »
« En présence de cette crisiaque improvisée, et qui éveillée était la femme pieuse par excellence, ces messieurs s'empressé: ent de l’interroger sur l’influence du démon en magnétisme :
- — Sœur ! Donnez-vous réellement du sommeil magnétique ?
„ — Je ne dors pas, bien qu’ayant les yeux fermes, mais je suis en pleine vie magnétique.
,, — Ne croyez-vous pas le magnétisme venu de l’enfer, et œuvre du démon ?
« — D’abord, il n’y a pas d’enfer... »
« A ce blasphème proféré par une sainte à l’état de veille, ces messieurs restèrent stupéfaits, et la pensée que Lucifer seul pouvait l'inspirer s’empara de nouveau de leurs esprits; niais bientôt la nouvelle crisiaque leur développa si clairement que la supposition de peines éternelles était une insulte faite au Dieu de clémence ; elle combattit si victorieusement l'idée que le démon, être fort problématique comme personnalité, pût jouer le moindre rôle dans le magnétisme, que ces messieurs restèrent bien convaincus que cette science prendrait bientôt place parmi ses sœurs et serait au premier rang.
« 11 est certain que le magnétisme, semblable à 1 astronomie, à la géologie et autres sciences qui progressent, pourra froisser quelques-unes des assertions de la Bible, mais que d’avantages ne présentera-t-il pas pour compenser ces faibles inconvénients ! »
Mon ministre protestant, qui m’avait écouté avec une attention soutenue, me quitta en disant :
« Je ne suis pas encore convaincu, si je suis ébranlé. Je réfléchirai... »
P. c. ORDINAIRE, docleur-médccin.
VARIÉTÉS.
(’niiKpricK. — Dans ces temps de mensonge et d’erreur, magnétiste, où vas-tu?
— Je vais combattre pour la sainte cause de la vérité.
— Où est donc l’ennemi ?
— Dans la citadelle de la fausse science.
— Où sont ses forteresses?
— Ne les vois-tu point sur les bords de la Seine?
— L’ennemi est redoutable, et je ne vois point tes armes.
— Pour vaincre le paganisme, les apôtres n’en avaient pas. Je puis bien m’en passer.
— Les apôtres avaient au moins la foi....
— N’ai-je point la vérité?
— Ton entreprise est insensée.
— Contre toute attente, pourtant, elle réussira.
— Vois ces bastions, ces chemins couverts et ces vingt citadelles ; vois ces gros bataillons de soldats bien nourris et repus; ces généraux empanachés, commandant une armée dont nul encore n’osa attaquer l’orthodoxie et la puissance!....
— Mes ennemis ne m’effraient point; leur épée, rouillée dans le fourreau, n’en sortira pas. Tous ces soldats me semblent empaillés, et bons tout au plus à servir d’épouvantail aux petits enfants.
— Arrête, téméraire ! ouvre seulement les yeux ; vois ces arsenaux, ces dépôts d’armes dont une seule suffirait pour punir ton audace.
— Dois-je donc craindre ces amas de papiers recouverts
de peau d’âne, et dont chaque jour les vers dévorent une partie ?
— Plusieurs de tes pareils ont tenté l’entreprise, et tous ont reçu de cruelles blessures.
— Je le sais; mais la peur avait glacé leur sang, ils manquèrent de résolution et de courage.
— Les orthodoxes peuvent te tuer par leur seul mépris.
— Ils se sont trop souvent de main en main passé cette arme pour que les ressorts n'en soient point usés.... Je n’ai rien à craindre.
'— Mais ils sont mille contre un!...
— Le nombre ne prévaudra pas contre la vérité I
— Vois ces cheveux blancs ; considère ces crânes majestueux, et ose comparer au leur ton chétif cerveau!
— L’erreur n’empêche pas les cheveux de blanchir, et le volume d’une tête n’est pas toujours une preuve de savoir.
— Quoi! tu verrais sans pâlir la tête de Flourens, ce créateur du ciel et de la terre ?
— Je crains si peu ce demi-dieu, qu’il sera le premier sur lequel je dirigerai mes coups.
— Le puissant Magendie, cette bête noire du magnétisme, tu oserais l’affronter?
— Je ferai plus, je rirai de sa colère.
— Les Dubois (d’Amiens), les Velpeau, les Gerdy, les Bouillaud, ces autorités de l’armée des savants, ces maîtres de l’école, n’auront qu’un mot à dire pour te pulvériser!....
— Je me contenterai de lire à haute voix les pages mensongères de leurs savants écrits.
— Va donc, téméraire, où ton destin t’appelle ! Tu n’auras pour soutien que le temps, sa faux doit te servir ; car elle moissonnera tes ennemis. Mais, quelle que soit la longueur de ta vie, leurs rangs seront toujours garnis, car le mensonge corrompt les hommes, et la société préfère l'erreur à la vérité. Les faux dieux doivent longtemps encore recevoir l’encens et les offrandes. Le dédain , le mépris, quelquefois même le martyre, attendent les hommes qui, comme toi, cherchent à étouffer le monstre de l’ignorance. Mais
n’oublie pas qu'un jour ce que tu enseignes et cherches à faire prévaloir, sera accepté, et que cette divine clarté régnera sur tous les esprits.
Baron DU POTET.
Tribunaux. — Le Droit, des 21, 22 et 23 décembre, publie les débats d’un procès criminel pour l’instruction duquel on a recouru au somnambulisme.
Nous extrayons du compte-rendu les passages qui sont relatifs à cette investigation.
COUR D'ASSISES DE LA SARTHE.
Présidence de M. Legentil. (Fin de l'audience du 19 décembre )
« iules vallée, 34 ans, commissaire de police à Beau-préau, dépose :
Au mois de décembre (1853), j’ai été envoyé à la Ferté-Bernard, pour recueillir des renseignements sur le crime qui avait été commis et me mettre en rapport avec l’autorité locale ; j’allai chez le juge de paix et le maire. A cette époque les soupçons ne s'étaient pas encore portés sur Bereer et Côme.
« 11 y avait huit jours que j’étais à la Ferté, quand quelques personnes me conseillèrent d’aller consulter une somnambule.
« m. le président. — Quelles sont ces personnes?
« LE témoin. — Le maire, son adjoint, M. Barry, et plusieurs membres du conseil municipal. J’allai à Paris aux frais de l’administration. A mon retour, je fis connaître que je n’avais obtenu aucun résultat; on m’avait dit seulement
r un marteau, qui avait servi au crime, serait retrouvé dans rivière. On baissa les eaux et on découvrit le marteau. On ne supposera pas, sans doute, que c’est moi qui l’y avais jeté.
« D. — La justice ne procède pas ainsi. Avez-vous communiqué aux magistrats votre moyen de leur venir en aide ?
« R. — Non, monsieur. Je croyais agir dans une bonne intention. J’ai aidé M. le juge de paix dans maintes circonstances, j’ai cherché à me rendre utile.......
« m. le procureur général, au témoin Vallée.—Monsieur i
vous êtes aveuglé. .!' vous avais honoré d'une mission de confiance et vous avez oublié votre devoir. Vous vous ôtes laissé engager dans des liens dont vous ne pouviez sortir ; vous êtes tombé dans des pratiques ridicules. Si on 11e faisait pas la part de votre aveuglement, 011 pourrait supposer que vous faites 1111 faux témoignage dans cette affaire.
0 le témoin. — Je n’ai subi l’influence de personne.
« m. j.e procureur oénéral. —Je le crois bien, sans.cela vous 11e seriez pas commissaire de police aujourd’hui. Vous êtes allé à Paris consulter des somnambules ; vous êtes allé trouver M. du Potet.
« le témoin. — Non, monsieur.
« m. le procureur général. — Vous n’êtes pas allô trouver M. du Potet? Et M"" Roger? Savez-vous ce que c’est que Mm* Roger? Il y a trois mois qu’elle a été condamnée pour escroquerie. «
Chronique. — M. Allix, rédacteur du journal le Mugni-lopltife, nous écrit de Turin, le 20 décembre courant :
« Le magnétisme fait ici des progrès, surtout au sein de la médecine. »
— Le journal de M. Morin, la Magic du XIX’siècle, s’est arrêté au 10* numéro, faute d’un assez grand nombre d’abonnés. L’auteur annonce que les souscripteurs recevront, en compensation des trois numéros qui restaient à paraître pour compléter l’année, l’analyse de l'ouvrage de M. de Gasparin.
— Nous apprenons avec regret que notre honorable collègue et confrère, le D' du Plantv, renonce à la présidence de la Société philanthropico-magnétique. Son concours a été si utile qu’il est à craindre que sa retraite entraîne la ruine de cette institution. Heureusement que son talent oratoire et ses manières distinguées ont créé des imitateurs; il est probable que la Société va chercher un chef en l’un d’eux, et -qu^^ous n’aurons pas la douleur de la voir périr après Quinze ans d'existence et de bienfaits.
HÉBERT (de Garnay).
TABLE
ANALYTIQUE
DES MATIÈRES DU TOME TREIZIÈME.
INSTITUTIONS.
Athénée magnétique de Lyon. Notice sur son passé, sa reconstitution son réglement et le but de ses travaux, par M. Jeandeau, 683. — Observations el renseignements par M. Hébert, 687.
Dispensaire magnétique de Paris. Projet de fondation, 129. — Renseignements sur diverses instiutions du même genre essayées ou établies en divers lieux, depuis Mesmer jusqu'à nos jours. 455, 622, 629. — Ouverture du Dispensaire de Paris, sous la direction de M. Hébert (de Garnay), 575; bases d'organisation et do fonctionnement. 660.
Fête de Mesmer. 120e anniversaire, 9e célébration à Paris. Compterendu par M. Arnette. Discours et testes de MM. du Potet, Marin, Bonnellier, Logerotte, Salvat. Pièces de vers de MM. Rovère, Jobard, Léger, Baïhaut. Distributions de médailles décernées par le jury magnétique, 297 à 336. Banquets à Lyon, 687.
Infirmerie magnétique de Londres. Détails sur son organisation, par M. Hébert, 456, 622, 629.
Jury magnétique d’encouragement et de récompense. Assemblées générales, 343, 389. — Rapports
de . Mac-Sheehy, sur les titres de divers magnétistes à l'obtention d'une médaille honorifique, 226, 337, 389,471.
Société du Mesmérisme de Paris. Thèse soutenue par M. le Dr Louyet, pour l'obtention du grade de membre titulaire. 130.— Mémoire adressé par M. Petit d'Or-moy, comme membre correspondant, 257.
Société magnétique de Dublin. Résultats qu elle a obtenus depuis sa fondation en 1832; création d'une infirmerie magnétique. Renseignements par M. A. S. Morin, 573.
Société magnétique de Turin. Avis de la constitution et de la fondation d'un journal (Il Magnetofilo), par M. Allix. président de la dite Société, 233, 256.
Société médico-magnétique écossaise d'Edimbourg. Ses réunions publiques sous la présidence du Dr Grégory ; ses actes de philanthropie, bases de sa constitution définitive, elc. Renseignements par M. A. S. Morin, 634.
Société philanthropico-magnétique de Paris. Célébration de la féte de Mesmer. 457. — Direction el travaux, 228, 455, 764.
CLINIQUE.
Cas de médecine. — Maux guéris ou soulagés.
Abcès de la cornée, 486.
Attaques de nerfs, 392.
Bronchite chronique, 517.
Catalepsie, 550.
Catarrhe pulmonaire, 517.
Cécité, 743.
Chorée, 399, 635, 742.
Conjonctivite granuleuse, 486.
Coups à la tèle, 470
— à l'épigaslre, 467.
Danse de Saint-Guy, Voy. Chorée.
Dartre écailleuse, 635.
Delirium tremens, 614. Dysménorrhée, 486.
Epilepsie. 742.
Empoisonnement, 658. Engorgement du cœur, 464. Fièvre typhoïde, 493.
Gastro-entérite, 495.
Goitre, 397.
Goutte, 195
Hystérie, 394, 398, 742.
Kératite, 391.
Leucorrhée, 547.
Lithiasie des paupières, 486.
Lumbago, 657.
Maladie mentale, 615.
Maux de tête, migraine, 133, 549 Néphrite, 546.
Névralgie faciale, 486.
Paralysie, 193, 366, 635, 743. Paraplégie, 547.
Suppression de régies, 194, 393. Surdité, 743.
Tumeur abdominale, 395.
Ver solitaire, 615.
ÉTUDES ET THÉORIES.
Analogies fluidiques du magnétisme, par M. le Dr Léger, 421.
Baguettes électro-métriques. Voy. Electromètres.
Démonologie. Citations bibliques combattues par le Dr Ordinaire, 753.
Electro-magnétisme. —Vues scientifiques sur la cause du mouvement des tables, par MM. Petit- d’Ormoy, 257 ; Dr Charpignon, 527; Dr Roux, 55; de Ga-parin, 674 ; La Giroudiére, 709. — Observations sur le fluide organo-électrique, par M. le baron de Morogucs, 537.—Emploi de métaux dans les affections nerveuses, par M. le Dr Burq, 143, 173.
Electrométres, ou instruments à l’aide desquels l'hydroscopie et la minéroscopie rentreraient dans le domaine de la physique, 537.
Esprit nervique. Suivant la voyante de Prevorst, l’esprit nervique continue d’envelopper l'âme quand celle-ci quitte le corps, 616.
Etat actuel du magnétisme considéré dans ses rapports avec les phénomènes de la magie, des tables tournantes, etc., par M. le Dr Charpignon, 527.
Fluide magnétique. Ses analogies avec les autres fluides impondé-dérables, 421.
Illuminisme. Aperçu des doctrines de Swedenborg, de Sainl-Martin, etc., 98.
Médecine spiritualiste. Sa pratique dans tous les temps, 65.
Métallothérapie. Emploi de métaux : pour reconnaître la prédisposition au somnambulisme, 143; — pour démagnétiser et pour rétablir l'harmonie des fonctions nerveuses, 173.
Pendules explorateurs. Voy. Elec-tromètres.
Phénomènes de l'état magnétique comparés aux phénomènes de l’état ordinaire, 701.
Philosophie médico-magnétique. Recherches sur la médecine spiri-tualiste dans tous les temps, par M. le Dr Alfred Perrier, 65, 98.
Prédisposition au somnambulisme, Moyens de la reconnaître, 143.
Psychologie. — Essai d'explication psychologique des manifestations spirituelles, par M. Jobard, 10.
— Vues philosophiques sur la croyance aux esprits, par M. du Potet, 33, 208. — Révélations des esprits sur l'âme humaine, par M. Edmonds, 92; par M . Louisy, 180.
Sensibilité magnétique. Voy. Signes présomptifs.
Signes présomptifs de la sensibilité magnétique : — Bruit de souffle carotidien. 131 ;—Attraction du petit doigt, 141 ; — Application de métaux, 143; — Hérédité, 144; divers, 145.
Somnambulisme. — Propositions et aphorismes sur les divers états du somnambulisme magnétique, par M. le Dr Ordinaire, 3. — Recherches historiques sur l'origine du somnambulisme, par M. Edmond Fournier, 41 ; Rectification par M. Ferdinand Silas, 47.
— Essai de théorie sur la clairvoyance somnambulique, par M. le Dr Gregory, 511. — Observations et renseignements sur la voyante de Prévorst, par M. le Dr Kerner, 601.
Tables tournantes et parlantes. — Du mouvement des tables et des dictées par les tables; mémoire par M. Petit-d'Ormoy, 237.— Protestation du simple bon sens en faveur des tables tournantes et parlantes, par M. Ch. Jullien, 458.
Volonté. Sa prédominance sur le fluide dans tout acte magnéti-
que ; théorie par M. Olivier, 154.
CONTROVERSES.
Ascension humaine. Discussions sur la cause de ce phénomène et sur les meilleurs procédés à suivre pour le produire, 81, 161, 356.
Clergé (le) et les sciences occultes, mandements et lettres pastorales de divers prétats, contre les expériences de tables tournantes et l’évocation des esprits. 113,147, 220.— Réflexions et observations critiques, par M du Potet, 122; par M. Alph. Karr, 150; par M. Ordinaire, 753.
Esprits. Divergences de vues à l'égard des manifestations spirituelles, 113, 147,161, 220, 401, 405, 458, 473, 531, 674.
Rotation humaine. Partage d’avis sur le degré de vitesse du mouvement giratoire des personnes, 54.
Spiritualisme. Mémoire sur les ma-nifestations spirituelles, présenté au Congrès national des Etats-Unis, par 15,000 citoyens américains, 203. — Rapport et observations critiques sur l'objet de ce mémoire, par M. le sénateur Shields, 360.
Tables tournantes. Diversité d’opi-pinions sur la cause du mouvement des tables, 55, 83,152, 235, 257, 531, 754.
FAITS ET EXPÉRIENCES.
Animaux magnétisés, 194. |
Apparition d'esprits et de fantômes, 477, 556, 604, 612, 617, 725 ; — de l'image de personnes vivantes, 693.
Attaque de nerfs calmée par des frictions & l’eau froide, 225.
Attraction à distance. Fait, 49.
Audition artificielle, Les vibrations acoustiques peuvent être trans-mises aux sourds-muets par les parties solides de leur corps. Expériences rapportées par M. Victor Meunier, 524.
Catalepsie pathologique accompagnée de somnambulisme spontané. Fait rapporté par M. le Dr Bayard, avec observations préliminaires de M. du Potet, 577.
Choléra-morbus. Nombreux cholériques guéris instantanément par des indiens Malais, au moyen de frictions particulières, 569.
Clairvoyance ou lucidité somnambulique. Faits, 8, 350, 465, 498, 506, 562, 611, 732, 746.
Communication de volonté à distance. Faits, 48, 497.
Convulsions causées par l'inexpé-périence d'un magnétiseur, 172.
Corps soulevés et déplacés par des esprits, 562, 641, 667.
Cristal magique. Son effet sur les personnes sensibles au magnétisme, 514.
Coups frappés par des esprits, 559.
Cures obtenues par des medium, 640, 658.
Danse (la) des Aïssaoua; relation par M. le prince de la Moskowa,
352.
Découverte d'un trésor par une somnambule, 8.
Démagnétisation à l'aide de plaques métalliques, 173.
Dictées faites par des esprits, 665, 691.
Divination. Faits, 203, 741.
Eau magnétisée employée avec succès par M. Clapier, contre les fièvres intermittentes en Algérie,
229.
Ecriture tracée par des esprits, 223, 559, 641.
Effets magiques, 19, 514.
Electro-magnétisme. Expériences diverses, 52. 143, 173. 237. 538.
Esprits qui frappent, 559; — qui dictent, 665, 691 ; — qui écrivent, 223, 559, 641 ; — qui parlent, 559, 562, 658 ; — qui soulèvent et déplacent des personnes et des objets, 562, 641, 667; — qui découvrent des faux en écriture, 665; — qui font retrouver des objets perdus, 666; — qui donnent des preuves d'identité, 667 ; — qui inventent des machines, 557;—qui apparaissent, 477, 556, 604, 612, 617, 725.
Evocation d’esprits 168, 223, 402, 559, 638.
Expériences de magnétisme et som. nambulisme, 17, 48, 194, 350, 480, 496, 506, 562, 619, 752 ;— Magic, 19, 514; — Etectro-ma-gnétisme, 52, 143, 175, 237, 538 ;
— Tables tournantes, parlantes, 83. 152, 166. 201, 225, 401, 531, 675; — Audition artificielle, 524.
Extase spontanée. Fait remarqua-quable rapporté par M. le Dr Bosquet, 519,
Extatiques célèbres. Détails sur :
Swedenborg, 98; —Vintras, 106 ;
— La Voyante de Prevorst, 601. Faux découvert par un esprit, 665. Halluccination en somnambulisme.
50.
Insensibilité à la douleur : dans l'état magnétique, 480; — dans l’extase spontanée, 519.
Instinct des remèdes et intuition médicale en somnambulisme, 465, 468, 506, 551, 567, 614.
Lucidité à l'état de crise imparfaite, 746.
Lombago guéri par le massage , 657.
Machine à Tendre les lattes, inventée par un esprit, 557.
Magie. Expériences par MM. Jules de Rovère, 19; — Dr Gregory, 514.
Magnétistation à distance. Fait remarquable rapporté par M. d Hérisson, 496.
Magnétisation de cadavres. Faits rapportés par M. le Dr Louyet, 619.
Magnétisme mystique. Cures opérées par : Greatrakes, 46; — Mme Guyon, 107; — Mme Re-naud de Saint-Amour, 107. Manifestations spirituelles : en France, 166, 223, 401 ;—en Amé-rique, 556, 638. 659, 665, 690.
— (Voy. aussi Esprits).
Médiums remarquables, 557, 640,
692.
Métaux employés : — par M. le Dr Burq, pour reconnaître la prédisposition au somnambulisme, 143; pour démagnétiser, 173; — par M. le Dr Audraud, pour activer la rotation des tables, 237. Noctambulisme. Faits simples, 51, 571;—Faits remarquables rap-
portés par M Moreau, libraire au Palais-Royal, 196.
Objets et signes magiques, 19, 514
Objet perdu retrouvé par un esprit, 666.
Prédictions somnambuliques réalisées, 566. 611, 737.
Preuve d'identité donnée par un esprit, 667.
Prévision : en songe, 171, 451, 611;
— en noctambulisme, 196.
Scène d'évocation rapportée par
M. l'abbé Gay, 166; - Observations critiques à ce sujet, par M. Vanderkam, 170.
Somnambulisme magnétique. Faits de : attraction à distance, 49; — clairvoyance ou lucidité, 49, 350, 465, 498, 506, 562, 611, 752; — communication de volonté à distance, 48, 497; — découverte d’un trésor, 8; — hallucination, 50; — insensibilité à la douleur, 480; — instinct des remèdes et intuition médicale, 465, 468, 506, 531, 567, 614; — magnétisation à distance, 48. 497; soustraction de pensée. 732; — prédictions réalisées. 566, 611, 737; — vue à distance el à travers les corps opaques, 8, 21, 350, 498, 508, 562 , 733; — vue rétrospective, 506. Somnambulisme spontané. Fait, 579.
Sourds-muets. Voy. Audition artificielle. — Guérison, 743.
Soustraction de pensée. 732, 748.
Tables et autres objets qui se meuvent avec contact, 83, 152, 201, 401,531 : sans contact, 667, 675;
— qui répondent en frappant, 166, 223, 402, 532; — qui écrivent, 223.
Traitements magnétiques. Rapports de MM. : Dr Louvet, 133, 391, 517; — Dr Bégué, 485, 545, — Dr Henri Dubois, 550; — Comte de Schwerin, 366 ; — Fabius Boital, 464, — Mme — Lefebrre, 193 ;
— Divers, 225, 657. (Voy.
aussi Clinique).
Visions magiques, 514.
Voix des esprits, 559, 562, 638.
Vue à distance el à travers les corps opaques, 8, 21, 350, 498, 508. 562, 733.
Vue rétrospective, 506.
VARIÉTÉS.
Académie des sciences morales et politiques. Voy. Institut de France.
Anecdotes, accidents, etc., 451, 477, 571.
Avis divers et petite correspondance. 32, 64. 96, 128, 158, 192 241, 256, 296, 349, 408, 504, 544.
Banquets mesmériens à Paris, 297, 457 ; à Lyon , 687.
Causeries par M. du Potet, 623, 642, 669, 694, 713. 761.
Chronique, 87, 176, 483, 534, 572, 673, 764.
Crevettes (les) ma;néliques. Nouveau moyen d'augmenter la luci— cidité somnambulique, 717.
Discours divers, 298 à 318.
Esprits (les) auxiliaires de la police, 665.
Gravure représentant une scène de magnétisme, d'après un tableau de Mola, 58
Institut de France. L'Académie des sciences morales et politiques décerne un prix à M. Albert Lemoine pour son mémoire sur le Sommeil considéré au point de vue psychologique, 334, 534.
Magnétinne(le)en Angleterre, 629;
— en Ecosse, 575, 635; — au théâtre, 27, 176 , 409.
Nécrologie. Mort des magnétistes : Laforgue, 24, 299; — Prince Gaston de Montmorency, 59; — Olivier, 159, 299 ; — Aubiu-Gau-thier, 178, 299; — Général Cu-biéres, 299; — Blesson. 300; -Baron Bertherain de Longpré, 362; — Abbé Caupert, 483; — Emmanuel de Las Cases, 483; — Letur, 184.
Opinion du Pape Pie IX, sur le magnétisme, 744.
Outrage à la morale publique dans des expériences de tables parlantes, 83.
Parades magnétiques, 176.
Pièces de vers : Raison et Senti-
ment, par M. Jules de Rovère, 309; — Faillite du Cosmos, par M. Jobard, 319; — Civilisation et Barbarie, ode par M. le Dr Lé-ger. 321 ; — Guerre au magnétisme , folie pot-pourri, par M. Baïhant, 327
Prix académique. Voy. Institut de France.
Railleries badines : par M. Jobard, sur la faillite du Cosmos, 319;
— par M. Baïhaut, sur la guerre faite au magnétisme, 327;— par M. du Potel. sur le scepticisme des savants, 475.
Récits de faits étranges ou merveilleux : le Devin de Bagdad , 205; — la Danse des Aïssaoua, 352; — les Esprits aux Etats-Unis, 558. 638 ; — le Spectre de Pierre-le-Grand, 725; — Fantômes divers, 477, 556, 617.
Revue des Journaux, en ce qui concerne les faits et nouvelles magné-tiques, 88, 413, 431, 484, 502. 535,569, 645, 699, 717.
Romans de magnétisme ou de magie : La Science funeste , par Mme Anna-Marie, avec commentaires par M. A S.Morin, 185; — L’Improvisateur. par M.Odoëws-ky, avec réflexions préliminaires par M. du Potet, 589.
Toucheurs, guérisseurs , thaumaturges. devins, magiciens et sorciers : — le devin Alkendi, 203;
— les Marcoul, 239; — les sorciers du nord, 413; — les magiciens turcs, 480 ; — les Malais et le choléra, 569; — détails sur Cagliostro, 720.
Tribunaux. —Divination et pronos-tication : Procès de Mme Roger, somnambule, 123. — Outrage à la morale publique : Affaire de la femme Malassé,- 85. — Vol découvert par une somnambule : Affaire de Julien Mussard, 240. —
— Assassinat, 763.
BIBLIOGRAPHIE.
Abeille (l') médicale, Revue des journaux de médecine, rédigée par le Dr Cornet. — Examen d'un mémoire du Dr Bellanger, sur l'histoire du magnétisme, inséré dans cette Revue, avec noies du Dr Cornet; par M. Hébert, .416.
Comment l'esprit vient aux Tables; par un homme qui n'a pas perdu l'esprit. Ecrit avoué par M. Mau-rin (lisez : A. Morin). — Critique par M. A. S. Morin, 60.
Danse (la) des tables dévoilée ; expériences de magnétisme animal, pour s'amuser en société. (Ecrit anonyme.) — Simple mention, par M. Arnette, 516.
Examen raisonné des prodiges récents d'Europe et d’Amérique, notamment des tables tournantes et répondantes, par un philosophe. — Analyse et critique par M A. S. Morin, 28.
Kleine (der) magnetische Katechis-mus. Petit catéchisme magnétique, par M. Hébert (de Garnay), traduit en allemand, avec avant-propos, par M. le comte de Schwerin. — Reproduction de l’avant-propos et appréciation de l'œuvre du traduct., par M. Ferd. Silas, 365.
Letters on mesmerism and clairvoyance, by M. William Gre-gory, D. M. Citations et analyse, par M. A. S. Morin, 503.
Lettres sur l'évocation des esprits, par H Carion.— Réfutation par M. A. S. Morin, 220.
Lumière ! Esprits et Tables tournantes ; révélations mediami-niques ; par Paul Louisy. — Citations et critique, par M. A. S. Morin. 180. .
Magie (la) du XIXe siècle, Revue des sciences occultes et analytiques comparées, etc., par A. Morin. — Examen critique par M A. S. Morin. 246. — Commentaire par M. Hébert (de Garnay), 250.
Magnétisme (le) expliqué par lui-méme, ou nouvelle théorie des phénomènes de l'état magnétique
comparé; aux phénomènes de l'é-tat ordinaire, par le Dr Garcin.
— Analyse, examen et citations, par M. A. S. Morin, 701.
Magnétisme (le). Vérités et chimé-res de cette science occulte, etc., par le Dr Bellanger. — Analyse, examen raisonné et citations, par M. A. S. Morin, 617.
Magnetismo animal, o fluido uni-versal, por el caballero don Juan Guillermo de Lima. — Appré-ciation analytique, par M. Bal-haut, 242.
Mémoires de la baronne d Ober-tirch, sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789.
— Extraits concernant le magnétisme, la divination, les apparitions, etc.; avec commentaires par M. Hébert (de Garnay), 719.
Mémoires secrets, de 1770 à 1830, par M. le comte d'Allonville. —Extrait relatif au mesmérisme, 363.
Mémoire sur le somnambulisme et le magnétisme animal, par M. le général Noizet. Analyse raison-née, par M. A. S. Morin. 212.
Monde (le) prophétique, ou moyens de connaître l'avenir employés par les sybilles, etc., par Henri Delaage. — Citations el critique par M. Arnette, 251.
Observations sur le fluide organo-électrique et sur les mouvements électro-métriques des baguettes et des pendules, par le baron de Morogues. — Examen scientifique par M. Petit-d'Ormoy, 537.
Observations sur tes tables tournantes par La Giroudiére (pseudonyme). — Extrait et examen par M. Hébert (de Garnay), 709.
Science (la) funeste, roman magnétique, par Mme Anna Marie. — Analyse et appréciation par M. A. S. Morin. 185.
Somnambule (le) spiritualisle, mélodie, paroles de H. A. Fauvelle-Legallois, magnétiseur, spiritua-liste humanilaire. —Simple mention, par M. Arnelte, 712.
Spiritualism, by John W. Ed-
monds and George F. Dexter, D. M. — Résumé et citations, par M. Jos. Barthet, 89.
Tables (les) tournantes; les Esprits
et le surnaturel, par M. Agénor de Gasparin. — Examen, citation et discussion, par M. A. S. Morin, 674.
LISTE NOMINATIVE
DES PERSONNES DONT LES ÉCRITS, LES ACTES OU LES OPINIONS
sont insérés, analysés, cités, rapportés, commentés ou réfutés dans ce volume.
Albert (prince) 452.
Allelz, 70.
Allix, 233, 256.
Andraud (Dr), 237.
Anna Marie (comtesse d'Haute-feuille), 185.
Archevêque de Cambray, 220; — de Dublin, 573;—de Rouen, 147. Arnette, 88, 256, 336, 349, 484, 516, 536, 575, 646,712.
Auber (Dr), 503.
Aubin Gauthier, 178, 299. Auguste, 196,
Aymerich, 401, 531.
Babinet, 258.
Baïhaut, 216, 326,
Baile (Henri), 231.
Baragnon, 160.
Barlett, 667.
Barroux (Mme), 547.
Barrow (Dr), 557.
Barthet, 88, 96, 344.
Baudus, 689.
Bayard Dr, 586.
Bégué (D>), 164, 359, 494, 550. Bellanger (Dr), 417, 647. Bertheraiu de Longpré, 362. Bertrand (abbé), 166.
Billings, 557.
Blesson, 226, 300, 343.
Boitai, 470, 480.
Bonaparte (général), 365, 478. Bonncllier, 309.
Bouillaud (Dr), 132.
Brierrc de Boismont (Dr), 75. Bruyas, 54, 165, 356.
Burq (Dr), 143, 173.
Busquet (Dr), 523.
Cagliostro, 720.
Cahagnel, 340.
Calabre (Mme), 395.
Calixte, 350.
Caperu, 87, 623, 629.
Carion, 220.
Caupert (abbé), 483.
Charavel, 401.
Chardin, 203.
Charpignon (Dr), 346, 530, 664. Clapier, 229 313.
Clément, 164, 405.
Cornet (Dr), 416.
Conseil, 23.
Cury, 558.
Coupry, 51.
Crowe (Mme), 693.
Cubières (général), 299.
Cuvier, 411.
Cuyler W. Young, 558.
D’Allonville (comte), 363.
D'Avaux (comte), 364.
Delaage (Henri), 251.
Dela forest, 413.
Delaroche Lambert, 177.
Deleuze, 341, 631.
Dexter (Dr), 89, 666, 673.
D'Henin de Cuvillers, 107. D'Hérisson (Alfred), 501.
D'Ourches (comte), 84, 152, 358.
Du Bay, 638
Dubois (Dr Henri), 551.
Dugnani (Dr), 349.
Du Planty (Dr), 227, 343, 502.
Du Potet (baron), 27, 40, 59, 112, 132, 130, 179, 211, 225, 296, 298, 334, 336, 355, 361, 362, 408, 416, 440, 450, 452, 457, 476, 553, 571, 577, 589, 618, 628, 645, 673, 698, 717.
Edmonds (John W.), 89, 673. Ennemoser (Dr), 47.
Evêque d’Autun, 148 ; — de Montréal, 149 ; — de Moulins, 189; — d’Orléans, 147 ; — de Viviers, 113.
Faria (abbé), 65, 71.
Favre (Jules), 123.