(1851) Journal du magnétisme [Tome X]
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(1851) Journal du magnétisme [Tome X]

1851

JOURNAL

DU

MAGNÉTISME

RÉDIGÉ

Par une Société de Magnétiseurs et de Médecins

SOUS LA DIRECTION

DE M. DU POTET DE SENNEVOY.

La vérité, n’importe par quelle bouche; le bien, n’importe par quelles mains.

PARIS.

BUREAUX; RUE NEUVE-DES-PETITS-CHAMPS, 20.

TOME DIXIEME.

JOURNAL

DU

MAGNÉTISME.

CONSIDÉRÉE COMME MOYEN D'EMPÈCHER LES SOMNAMBULES DE MENTIR.

Savoir distinguer le vrai du faux dans les dépositions des somnambules, est ce qui a toujours fait le désespoir des magnétiseurs anciens et modernes.

Les Egyptiens et les Grecs avaient dans leurs temples des collèges de prêtres chargés d’interpréter les songes et les réponses souvent énigmatiques des py-thonisses et des syhilles. C’était une branche particulière de la grande science, et ce n’était sans doute pas la moins importante et la moins difficile; mais ses adeptes avaient l’art de formuler les oracles, par trop nébuleux, d’une manière si savamment amphibologique, qu’ils étaient sûrs d’avoir raison dans tous les cas ; ainsi le fameux Dico te Æidæ Romanos vincere posse, se trouvait applicable aux deux éventualités, que les Romains fussent vainqueurs ou vaincus.

Nous avons déjà fait et nous ferons encore faire au magnétisme certains progrès, qui avaient probablc-

ETUDES SOMNAMBULIQUES,

§ X. — PUYSEGURISME.

DE L’INCULCATION

ment échappé aux anciens ; nous avons surtout beaucoup à attendre (les Américains, qui peuvent se livrer publiquement aux expériences mesmériennes, sans ctre traqués par la police, 011 plutôt par certain article de loi arraché aux législateurs par la jalousie des médecins, qui le font appliquer avec d’aulant plus de vigueur qu’il s’agit de défendre un privilège injuste, mais lucratif. N’avons-nous pas vu condamner Montius sur la déposition d’un concierge du palais du roi, déclarant que le magnétiseur l’avait guéri radicalement de l’épilepsie, sans autre remède que des passes administrées gratuitementP « Yous l’entendez, dit le juge, il a guéri, et sans diplôme encore: condamné ! »

Revenons à notre thème et disons ce qu’il faut faire pour empêcher les somnambules de mentir, ou du moins, disons ce que nous avons obtenu avec un plein succès.

Tous les magnétistes ont connu le père Fay, le père de Léontine ; il avait une servante somnambule assez menteuse, à laquelle il avait inculqué, pendant son sommeil, l’ordre de bégayer chaque fois qu’elle voulait dire un mensonge; ainsi, quand elle cherchait à le tromper sur le prix réel des choses qu’elle avait achetées au marché, elle bégayait sans pouvoir achever son mensonge, et parlait très-clairement quand elle se décidait à dire la vérité. Nous avons conseillé à M. Fay de la rendre muette dans les mêmes circonstances, et c’est ce qu’il a fait. La pauvre fdle ouvrait une grande bouche, et, malgré tous ses efforts, le mensonge ne pouvait s’échapper.

Après avoir médité sur ce fait important, nous nous confirmâmes de plus en plus dans l’opinion que lu magnétiseur possède la toute-puissance physique

et psychiqtio sur son sujet, et que c’est par pure incapacité qu’il se trouve si souvent embarrassé. C’est un pianiste qui, ayant un bon instrument sous la main, se plaindrait de ne pouvoir en tirer les notes qu’il désire; 011 serait en droit de l’accuser d’ignorance ou de paresse. Eh bien ! il en est de môme du magnétiseur; il doit savoir que rien ne limite son action , et qu’il obtiendra des résultats d’autant plus merveilleux qu’il saura mieux l’employer; en voici la preuve :

Mme Génot, bien qu’excellente somnambule, avait aussi ses moments de vain parlage; elle répondait quelquefois avant d’avoir bien regardé, et c’est assez souvent la faute de l’interrogateur, qui, empressé d’avoir réponse à tout, précipite ses questions jusqu’à l’importunité, et arrache de la sorte plus de mensonges que de vérités.

Un jour l'idée nous prit de sermonner cette somnambule sur le mensonge et les suites désastreuses qui pouvaient en résulter pour les personnes qui avaient confiance en elle ; nous lui représentâmes Dieu irrité contre les menteurs ordinaires, mais cent fois plus offensé par ceux que sa lumière éclaire, quand ils parlent sans attendre et sans chercher le rayon divin.

La somnambule s’attendrit et dit qu’en effet elle voyait Dieu irrité, et, se précipitant à genoux, elle lève les yeux au ciel et promet de ne plus parler sans avoir bien vu et sans être bien sûre de ce qu’elle annonce.

Charmé de ces bonnes dispositions, nous fîmes apporter un Évangile, et, la main placée sur une image du Christ, nous lui dictâmes le serment, qu’elle répéta avec onction, de ne plus jamais mentir et de

garder le silence plutôt que de parler avant d’avoir Lien vu la vérité. Nous eûmes l’attention de lui inculquer le rappel de cette cérémonie et de son serment, dans les deux états de veille et de somnambulisme, en lui appliquant le doigt sur le front, entre les deux yeux; nous pouvons dire; que le succès fut complet, car plusieurs mois après, quand on la pressait trop, elle répondait: « Docteur, voulez-vous « donc me faire manquer à mon serment? Attendez « quelques minutes, je parlerai quand je verrai ! » En effet, depuis lors, elle n’a fait que se fortifier en politique et en médecine; elle habite aujourd’hui l’Allemagne, et rend de précieux services à un homme d’État de notre connaissance (i).

On nous dira piut-êlre que toutes les somnambules n’ont pas des idées aussi religieuses, et qu’un serment de ce genre ne sera pas mieux tenu que tant d’autres.

Nous croyons pouvoir affirmer par expérience, que les somnambules les plus légères et les moins dévotes à l’état de veille, deviennent très-religieuses et très-mystiques pendant leur sommeil, et, qu’il est d’ailleurs toujours possible au magnétisme de leur inculquer la foi et la dévotion, voire mémo de les convertir au point de faire de la fille la plus folle une excellente sœur de charité, et cela du jour au lendemain ; cela n’est que la conséquence du pouvoir que possède le magnétiseur d’enlever un vice et de donner une vertu à ses sujets ; aussi, nous avons vu inspirer le goût du dessin à un enfant qui ne l’avait pas, et ce goût était tellement fort, qu’il a fallu

(I) Voyez lome V, p. 198.

le lui enlever, parce que cela nuisait à ses autres études.

Une jeune ouvrière, de treize à quatorze ans, restée en extase et en prière pendant une demi-heure, étant retombée en simple somnambulisme, nous raconta qu’elle venait du Paradis, où elle avait visité les appartements de la Vierge et le cabinet de l’enfant Jésus, où Dieu le père était venu la prendre pour lui faire voir son Paradis tout rempli d’anges qui jouaient delà harpe; mais, au bout du Paradis, il la fit regarder dans un trou profond où brûlaient les méchants, et lui dit : Si tu n’es pas sage, voilà ta place! Puis il la reconduisit à saint Pierre, qui lui ouvrit la porte et lui fit redescendre les escaliers du Paradis. Nous lui demandâmes si elle voulait conserver le souvenir de ce qu’elle avait vu : « Oh ! non, non, dit-elle; car je me ferais religieuse, et je ne veux pas l’être. »

L’inculcation, comme il faut appeler le rappel, peut être aussi dangereuse qu’utile; il ne faut donc l'employer qu’avec de grands ménagements, car ce n’est rien moins que l’art de fixer, de concréter une idée, et l’on connaît le danger et les avantages d’une idée fixe sur certains cerveaux.

L’idée fixe est la source des plus grands chefs-d'œuvre et des plus grandes folies ; donnez à un somnambule ivrogne l'idée fixe que toutes les liqueurs fortes sont empoisonnées, il n’en voudra plus goûter.

Règle générale : l’éducation est une sorte de magnétisation par la parole; 011 inculque à la jeunesse telle opinion, telle croyance, telle superstition politique ou religieuse qu’il plaît aux maîtres de lui donner. Le magister dixil ! en dit plus qu’il n’est long sur ce sujet.

Ces légers aperçus suffisent pour faire entrevoir l’immense portée du magnétisme appliqué à l’économie sociale 011 à l’art de gouverner les hommes. Ils font également comprendre aux magnétiseurs hyperspiritualistes qu’ils ne doivent pas trop se fier aux récits transtellaires tie leurs somnambules, qui parlent ordinairement des choses d’en haut d’après les impressions qu’elles ont reçues d’en bas.

Il y a bien longtemps, mon cher maître, que je vous avais promis mon procédé pour empêcher les somnambules de mentir; le voilà : il a fallu le jour de l’an pour me donner le temps et l’occasion d’envoyer mesétrennesà votre excellent journal, toujours si sage et si didactique, que rien ne peut le faire dévier du droit chemin de la vérité.

JOBARD.

Bruxelles, 1" janvier 1851.

PETITE CORRESPONDANCE.

AVIS GÉNÉRAL.—€ne réforme radicale vient d’étre opérée dans le mode d’entrée à nos conférences dominicales. Le droit d'y assister étant personnel, restait presque une lettre morte pour nos abonnés des départements et de l’étranger, qui ne viennent que très-rarement à Paris. La justice distributive voulait qu’il en fût autrement. En conséquence, tous recevront à l’avenir, comme prime , un nombre limité de billets (1) dont ils useront pour eux-mêmes, ou disposeront en faveur de leurs amis.

Les abonnements faits sous l’empire des conditions anciennes continueront d’y être soumis, à moins que les ayant-droit ne demandent la conversion de leur entrée constante en un nombre de billets proportionnel au temps qui leur reste à courir.

41) Voir let conditions au rerso de la couverture , page 2.

THÉORIES.

PHILOSOPHIE MEDICO-MAGNETIQUE.

CHAPITRE III.

De la Médecine magnétique (Suite.)

Nous avons vu l’immense majorité des lna$oéti^ seurs proclamer l’empire de la volonté sur la produo tion des phénomènes magnétiques et somnambuli-ques; cependant nous ne pouvons nous dissimuler son insuffisance en dehors des procédés consacré» par l’expérience. « M. de Puységur, dit Deleuze (i), emploie l’attouchement; il varie les procédés suivant les circonstances ; il n’admet ni la théorie des pôles, ni celle de l’attraclion des planètes ; il reconnaît la puissance de la volonté; mais il croit que, pour diriger l’action de celte volonté, il faut agir physiquement sur les malades, et même sur les parties malades. » Suivant M. le Dr Charpignon (2), « les signes ont une valeur intrinsèque; ils tendent à faire des nerfs du sujet un prolongement immédiat de ceux du magnétiseur; pour cela un contact presque

(1) Histoire critique du Magnét., t. I, p. 101.

(2) Physiol. m6d. et mélaph. du Magnét.. p. 256.

immédiat est nécessaire. » Nous exprimerons des vœux pour que ce principe, d’une évidence incontestable, ne tarde pas à se vulgariser dans la pratique; nous en avons fréquemment apprécié toute l’importance, et si l’on démontrait un jour l'inefficacité de ce mode de magnétisation , nous en signalerions encore l'opportunité comme moyen indirect de soutenir et de fortifier l'intention du magnétiseur.

Il y a plusieurs manières de magnétiser ; mais nue rigoureuse analyse peut les réduire à deux, savoir :

i° La magnétisation directe, c’est-à-dire l’action magnétique d’un individu sur un autre;

2° La magnétisation intermédiaire, qui s’exerce à l’aide d’objets magnétisés, faisant l’office de conducteurs inertes, ou véhicules de l’agent magnétique.

Avant de nous livrer à l’étude de la magnétisation directe, nous allons donner un résumé historique des procédés qui présentent une identité parfaite avec ceux du magnétisme, depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours.

Des Frictions.

Les anciens attachaient une grande importance à l’emploi des frictions, comme secours prophylactiques ou thérapeutiques; le massage était un des traitements les plus énergiques. Les Indiens orientaux recouraient aux frictions, particulièrement dans les paralysies; les Brésiliens n’admettaient pas d’autre remède contre les affections chroniques (î). Chez les Romains, de jeunes esclaves appelés lractatrices(2), avaient pour fonction habituelle de pétrir les mus-

(1) Dictionn. eneyetop. des Sciences, t. XVII, p. 198.

(2) Val. Martial, Sat., t. I, p. 312.

des du corps pour leur rendre la souplesse qui leur manquait; cet usage, dont on a souvent abusé pour réparer les ravages de la débauche, était généralement consacré à la santé, et les peuples de l’Oricnl le suivent encore aujourd’hui. L’on s’étonne de l’indifférence des médecins modernes pour un mode de traitement dont il serait difficile de nier la salutaire influence. Nous ne pouvons croire que son analogie avec certaines pratiques magnétiques ait suffi pour valider son acte de proscription. Depuis quelques années , cette médication s’est introduite dans nos établissements de bains publics ; son utilité dans les maladies chroniques ne peut faire l’objet d’un doute; il est vrai que ces frictions sont généralement considérées comme un agent mécanique sur la circulation des fluides, nos praticiens rejetant, à priori, toute influence magnétique, sans vouloir tenir compte des divers genres de manipulations auxquels nous attachons une valeur spécifique (i). Nous n’abuserons pas de la prodigalité des citations, le témoignage seul des médecins les plus célèbres et des philosophes les plus distingués suffira pour nous faire apprécier l’importance que les anciens attribuaient à l’emploi des frictions.

Le premier qui se soit appesanti sur l’utilité des frictions, fut Hippocrate. «Un médecin, dit-il, ne doit pas ignorer quel avantage il doit recueillir des frictions; elles peuvent produire des effets entièrement opposés entre eux; elles serreront des articulations trop lâches, elles relâcheront celles qui sont

(t) Le Suédois Ling a systématisé ces pratiques , et le D' Georgii, son élève, a mis dans l’édition anglaise de sa Kinésithérapie une note sur l'influence très-probablement magnétique des frictions et autres mouvements.

trop tendues. J’exposerai dans un autre traité la méthode de faire des frictions, et leur utilité (1). »

La perle de ce traité nous a malheureusement privés d’une foule de documents précieux qui pourraient éclaircir entièrement une question soumise encore à Lien des controverses. Hippocrate reconnaît quatre espèces de frictions : la dure, la molle, la friction continue et la friction modérée. Chacune d’elles produit un effet différent.

« Frictio vim habit sol vend i, vinciendi carnem au-gendi, minjiendi. Dura quidem vinciendi, mollis sol-vendi, multa minuendi, mediocris implendi (2) ».

Les écrits de Celse et de Galien contiennent aussi plusieurs passages qui ont trait aux frictions et à la manière d’en faire usage. Le premier de ces auteurs aflirme (5) qu’elles suffisent pour plonger les malades dans une profonde léthargie. Le second partage les idées d’Hippocrate sur la nature des frictions :

« Frictio dura ligat corpus, mollis solvit, multa extenuant, mediocris cracessit (4) ».

Les commentaires de ce médecin, sur l'art de frictionner, sont encore plus explicites que ceux du prince de la médecine ; quelques passages de la traduction latine sont indispensables pour nous donner

(1) Mullarum vero rerum experientiam medicutn habere opporlet, ac cerle eliam frictionis. Ex eodem enim nomine non idem evenire consuevit. Nam et justo laxiorem arliculum frictio vincire, et justo duriorem solverc potest. Verum de frictions nobis alio loco traclabitur. Hune igitur bumerum mollibus raanibus, tum alioqui blandc, quod cerlè confert, perfricare con-venit. Articulus autem non vi, sed quatenus id cilra dolorem fieri possit, dimovendus. Omnes vero in suam sedem reponuntur; partiin quidem lon-giore, partim eliam breviore tempore. — Ilippocr. Opéra omnia. Genevæ, 15.57, sect. 6, de Articulis, p. 785 et 786.

(*) Ouvr. cité. Sect. 6, de Officina medici, p. 470.

(3) A. Corn. Celsi Opéra, de re Medicà, lib. ni.

(4) Galeni Opéra, 1597, lib. Il, de Sanilate tuenda, p. 70.

iino juste appréciation do sa doctrine, qui se rapproche singulièrement de colle de nos magnétiseurs :

« Yariae autem maximè ex manuum injeclu circum-actuque frictiones esse debcbnnt; nec supernè modo deorsùm, ant infernè sursùm adhibilæ, sed eliam tùm in subreclum , tùm in obliquum, tùm in trans-versum , lùm in subtransversum (i)-.. Mollis frictio, pro quantitatis modo, triplex opus eflicit. Pauca enim leviter carnem remiltis, ac facile contractabilem, sive tactu mollem reddit. Multa evaporat et liquat : me-diocris laxa et fluida carnem implet. Simili modo dura pro quantitatis ratione totidem numéro effcctus reddit. Multa namque adhibita contrahit, constringit-que corpora, et flegmonæ persimile quippiam relin-quit. Mediocris implet imminuta et evidenter circurnscripta, expre9sâque carne. Exigua vero in summâ cute ruborem ad tempus excitât (2) ».

Le médecin grec entre ensuite dans de longues considérations sur l’application de sa méthode:

« Vocotransversum quodrectoestcontrarium. Sub-transversum vero, quod paululum ab hoc in utramque partem déclinât, lltirsus subrectum, quod a recto paululùm utroque versùs, recedit. Obliquum, quod recti transversique; plané, est medium, etc. (3) ».

L’usage des frictions passait alors pour une véritable panacée ; on frictionnait les malades de haut en bas et de bas en haut ; tantôt en ligne directe, tantôt en ligne oblique, tantôt transversalement. Toutes ces modifications paraissaient si essentielles à observer, que les médecins de ce temps crurent devoir les re-

(1) Galeni Opéra, ibid , p. 70.

(2) Ibid, p. 70 bis.

(5) Ibid, ibid.

produire par une figure que l’on trouve dans les œuvres de Galien (i). Il y eut cependant quelques contestations entre eux : plusieurs prétendaient que les frictions transversales avaient la propriété de resserrer les téguments et de les fortifier, tandis que les frictions longitudinales les dilataient et les affaiblissaient. Galien s’élève avec vigueur contre cette hérésie, et reproche à ses confrères leur grossière ignorance (a).

« Asclépiades, dit Leclerc (5), employait les frictions dans le but d’ouvrir les pores. L’hydropisie est une des maladies dans lesquelles il pratiquait ce remède ; mais l’usage le plus singulier qu’il en faisait, c’est lorsqu’il tâchait de faire dormir les frénétiques, à force de les frotter. »

l’rosper Alpin , médecin de Venise, qui voyagea longtemps eu Egypte, nous a laissé des détails d’un grand intérêt sur la médecine des Égyptiens. Ils admettaient deux sortes de frictions : la friction gymnastique et la friction mystérieuse; cette dernière était surtout fort répandue. La première se faisait en parcourant successivement tou les les parties du corps, depuis les pieds jusqua la tête, et consistait en trois modes distincts de manipulation : « Prima mollis et mediocris (4). » La première ouvrait les porcs et relâchait les tissus; les dames égyptiennes usaient de ce procédé pour acquérir de l’embonpoint. La seconde ramollissait les téguments et détournait les humeurs; la troisième soutenait la résolution des li-

(1) Galcni Opéra, ibid , p. 70.

(2) Journal des Savauts, février 173*.

(3) Histoire de la Médecine, lo-l, p. 100.

(4) P. Atpini, de Medicina ægyptior., 1U45, tib. lu, p. Il2.

quidcs, raffermissait la peau ot fortifiait le corps (1). Les remarques de. Prospcr Alpin, sur les frictions occultes, sont empreintes d’une certaine teinte de mysticité qui ne doit pas nous surprendre lorsque nous connaissons la rigueur des anciens à soustraire aux yeux du vulgaire tous les secrets de leur doctrine médicale.

Si l'on en croit Apollonius de Tyanes (2), les Indiens obtenaient des cures prodigieuses par de simples frictions; le philosophe pythagoricien en cite plusieurs exemples; il parvint lui-même à une si grande célébrité, que ses guérisons le firent comparer à Jésus-Christ.

Lucain (5) rapporte que les Psylles , anciens peuples d’Afrique, guérissaient les morsures des serpents les plus venimeux par des frictions particulières; ils se couchaient même sur les malades. Ce genre de médication s’est conservé depuis chez plusieurs peuplades sauvages. Nous trouvons dans une lettre de M. le comte Le Peletier d’Aunay (/|), des particularités fort remarquables sur un traitement que les sauvages de la Louisiane firent subir à un de leurs camarades qui venait d’être piqué par un serpent. « Ils étendirent, dit M. Le Peletier, plusieurs peaux de bêtes fraîchement tuées, et ils y placèrent le malade. Deux d’entre eux se mirent à lui faire des frictions du plat de la main, sur la jambe enflée, en commençant par la cuisse et descendant jusqu’au bout du pied; ils répétèrent cette friction jusqu’à se lasser, tellement qu'ils furent obliges de se coucher sur des tas de

(1) Alpini, de Medicina ægyplior., 1645, lib. m, p. Il3.

(2) Sa Vie, par l’biloslrate, I. JH, cb. 12, el 1. îv, ch. 16.

{3) Pbarsalc , t. ix.

(i) Arcb. du Magn., t. III, p. 180.

feuilles pour se reposer. Deux autres sauvages reprirent le même posie, et commencèrent à faire les mêmes fonctions, avec la même constance et la même force que les deux premiers. A ces deux seconds succédèrent deux autres encore , qui se conduisirent comme les quatre précédents. De ce traitement il résulta le désenflemenl réel de la jambe, au point que le sauvage put se remettre en route et continuer la marche à pied. Il se trouva tellement guéri et fortifié, que, dès le jour suivant, tous les symptômes de son accident avaient totalement disparu. »

D’après Du Halde (i), les médecins japonais et chinois recouraient fréquemment à différents modes de frictions dans le traitement des maladies. Les habitants du Malabar, qui s’adonnaient à la pratique de la médecine, divisaient les maladies en huit catégories, qui réclamaient chacune une médication distincte; une d’elles consistait uniquement dans l’usage des frictions et du toucher (2).

Alexandre de Tralles, un des plus célèbres méde-nins grecs, depuis Hippocrate , vivait au milieu du sixième siècle; il s’est beaucoup étendu sur les avantages que la médecine relirait des frictions dans le plus grand nombre des maladies. Il nous enseigne (3) que de douces frictions sur les membres inférieurs dissipaient les convulsions, en provoquant l’élimination des matières morbifiques ; elles calmaient aussi le système nerveux, et facilitaient la transpiration; il faisait usage, dans l’épilepsie, de frictions modérées sur tous les membres, et palpait légèrement les yeux.

(1) Description de la Cbine.

(2) Voyage au Malabar , 1708, par Grandler.

(3) Alex. Trallianus, ex iuterpret. Gunterii. — Arch. du Magn., t. III, page 159.

Cel auteur s’explique encore sur les frictions occultes, dont il ne veut confier le secret qu’à des adeptes ou à des hommes de bien. Il insiste particulièrement sur la nécessité d'une grande confiance chez le malade et d’une forte volonté chez le médecin.

Suivant Grégoire de Tours (i), il existait dans cette ville, vers la fin du sixième siècle, un homme appelé Didier, qui passait pour guérir tous les maux. Il traitait les paralytiques en les faisant coucher par terre, où des valets les frictionnaient avec vigueur.

Cælius Aurelianus, chef de la secte des méthodistes , variait les frictions d’après la nature des maladies; il prescrivait les frictions générales dans la migraine, la pleurésie et les lélhargies, et faisait diriger les mains des parties supérieures aux inférieures, en parcourant les membres successivement. Il employait les frictions partielles dans l’épilepsie, tantôt sur la tête et sur le front, tantôt sur le cou, en ayant soin de diriger les doigts avec légèreté; quelquefois même il faisait tenir l’extrémité des pieds et des mains (2). Dans les maladies d’estomac, Cælius faisait usage d’une douce friction.

« Blandam fricationem , cum quodam calidarum manuum amplexu, ut etiam tenendo medeamur (3). Afin, disait-il, d’obtenir du soulagement par l’acte même du toucher. »

Dans certaines douleurs de tête, il vantait beaucoup les frictions dures et le massage des articulations ; dans l’inflammation des reins, il se contentait d’un léger frottement sur les parties malades. Ce célèbre médecin de la Grèce , après avoir fait ¡’énumération

(1) Hisl. de France , liv. ix. — Vies des Saints Pères, ch. 10.

(2) Cœl. Aurel. lardarum passionum libri Yj 4529, p. 9, 25, 31.

(3) Ibid, p. 74.

des maladies susceptibles 1« céder à l’emploi dos frictions , termine le cinquième! livre de cet intéressant traité (i), en déclarant que le sommeil venait souvent favoriser le succès du traitement :

« Addilur enim plurimum somno; denique dormen-tium corpus validus fiet. »

L’usage des frictions n’élait pas étranger aux sommités de la science médicale de notre pays ; nous allons laisser parler le fameux Ambroise Paré, dont le jugement sera pour nous d’une grande considération sur cette matière : « L’usage de la friction, laquelle a élé en grande estime des anciens, et est encore à présent, lesquels ont fait plusieurs espèces et différences qui se peuvent réduire en trois, c’est à sçavoir , dure , molle, médiocre. Friction dure est quand l’on frotte tout le corps, ou une partie seule; fort et aprement, soit avec la main ou toile neuve, éponges ou d’autres choses. La vertu et qualité d’i-celle est de condenser et astreindre, et rendre la chair dure; et si elle est longuement et souventesfois continuée, raréfie, évapore, resoult, extenúe et diminue la chair, et autre substance de notre corps. Outre, fait révulsion et divertisl la fluxion des humeurs, d’une partie et autre. La molle est quand on frotte doucement, laquelle fait le contraire de la dure, parce qu'elle amollistet relaxe, et rend le cuir doux et poly, toutefois si elle est brefve ou peu longue, ne rend aucun cffect. La médiocre tient le moyen entre les deux susdites, parce qu’elle fait augmentation d’aliment et de nutrition, à cause qu’elle relient le sang, et les esprits qui ont esté par ¡celle attirez, sans les évaporer et résoudre, ainsi qu’il est testifié par

(1) Cœl. Aurel., p. 142.

Calieti au 12 cîe la méthode, parlant d’airophie et amaigrissement. Voilà les effets des frictions en général, lesquelles ne faut nullement mespriser (1). » Ambroisc Paré aborde ensuite de longues considérations sur les temps, la forme et l’action de cette méthode, curative qui produit fréquemment des crises, « par le moyen des quelles, ajoute-t-il, la nature aidée et dominatrice, expelle et chasse le venin par les évacuations susdites ; de sorte que estant la crise parfaicte, il s’ensuit vraye et parfaicte fcura-lion (2). »

Campanella, médecin de Naples, qui fut emprisonné par ordre de l’inquisition, pour sortilèges, obtenait des cures inespérées de l’usage des frictions.

Nous retrouvons dans les ouvrages de P. Corel, savant médecin de Montpellier (3), une recherche fort intéressante sur la médecine des frictions. Ce praticien fait même observer qu’il y avait à Nîmes plusieurs personnes qui guérissaient les fièvres par de simples frictions sur les bras.

Pechlin (4) recommande l’application de la main avec de légères frictions dans le météorisme et contre les douleurs de l’hypocondre gauche. Thouret, qui fait celte citation (5), allègue qu’il survenait dans toutes les parties sur lesquelles la main avait été maintenue, un saisissement qui dissipait le mal: « On n’ignore pas, ajoute cet académicien, que plusieurs charlatans calment et suspendent les maux de

(1) Œuvres médic. d’Ambr. Paré, t vol. in-fol. Instruction à la Chirurgie . page 37.

(2) Ibid, p. 58G, 587, 588.

(3) Observ. iroprim. à Francfort en 1670, Observ. 58 et 90.

(4) Observ. mcdico-physic., lib. ni.

(5) Recherches et doutes sur le Magn., p. 139.

dents et les douleurs d’oreille , en appliquant convenablement leurs doigts sur la mâchoire.

Valenlin Greatrakes, ce célèbre thaumaturge irlandais, dont nous avons rapporté la plupart des cures à la médecine d'imagination, se servait quelquefois des frictions (1); il appuyait parfois ses mains sur le siège de la douleur, qu'il frictionnaitjusqua ce que la souffrance ail disparu. Gassner, son émule, imposait souvent les mains sur la tête, et frottait la nuque avec force et persévérance.

Il est étrange que la médecine par friction , appuyée, dans tous les temps , sur l’autorité des hommes les plus recoinmandables, se soit arrêtée tout a coup dans sa marche! Mesmer parut en France, et cette méthode se trouva reléguée au nombre des utopies de la médecine empirique du seizième siècle. Que penser d’une sentence aussi rigoureuse ? La haute intelligence des puissants seigneurs de la science médicale faisait-elle justice d’une erreur trop longtemps accréditée, ou bien cette décision était-elle le résultat d’un orgueilleux dédain pour la doctrine magnétique, qui revendiquait le privilège des frictions? La conduite outrageante de la majorité des membres de l’Académie de médecine envers Mesmer; les poursuites déloyales exercées contre plusieurs de leurs collègues, nouveaux adeptes du docteur allemand (2), ne suffisent-elles pas pour fixer notre opinion sur cette inqualifiable réprobation? Cependant, depuis la rénovation du magnétisme, quelques observateurs

(1) Pechlin. Observations sur Val. Greatrakes.

(2) La Faculté de médecine publia, le 28 août 1784, un décret contre la pratique du magnétisme; plusieurs de ses membres protestèrent contre cette décision, préjudiciable à leur liberté de conscience, et furent rayés du tableau \ les docteurs Desion et Varnier se trouvèrent de ce nombre.

consciencieux n’ont pas craint de s’exposer à l’ana-thème de leurs nombreux confrères , et, fidèles interprètes de la vérité, ils nous ont apporté les fruits de leur expérience. « J’avais ordonné avec un grand succès, rapporte le Dr Gilbert, de Lyon (i), l'attouchement des mains sur les parties latérales du cou, sur l’épine du dos cl sur la région de l’estomac ; j’avais éprouvé qu’en passant souvent la inain sur des membres douloureux, les douleurs se calmaient. » Ce savant professeur nous apprend encore, qu’atteint depuis longtemps d’une affection de poitrine fort grave, il ne dut sa guérison qu’à des frictions répétées que lui fit un de ses amis.

Le Dr Thiriat, médecin des eaux de Plombières, rencontra souvent l’occasion de constater l’influence des frictions dans la cure des maladies. Les guérisseurs par secret, fort nombreux dans son pays, dissipaient les tumeurs inflammatoires, et surtout l'anthrax, par l’application du pouce, mouillé de leur salive; ils circonscrivaient l’engorgement à plusieurs reprises , en prononçant quelques paroles dont le sens était : Je veux que tu sois guéri (2). «Le peuple, dit M. Thiriat, se trouvant bien de leur remède, ne les en consultait pas moins fort souvent. »

«Les frictions douces, d’après M. Guersent (5), réagissent sur la peau d’abord, ensuite sur les organes intérieurs et sur toute l’économie animale. Les frictions rudes sont beaucoup plus excitantes et

(1) Aperçu sur le Magnét., ou Résultat des observ. faites à Lyon sur ce nouvel agent. In-8, Genève, 1784.

(2) Exposé des cures opérées en France par le Magn.; par M. Mialle, t. II, p. 04 et 103.

(3) Dictionnaire de Médecine, 1836, t. XIII, p. 513.

mênic irritantes ; elles agissent comme des dérivatifs cutanés.

« Un empirique, rapporte le professeur Alibert(i), est récemment parvenu, par des frictions réitérées avec une pommade très-insignifiante relativement à sa composition, à supprimer les accès épileptiques causés par la suppression menstruelle, chez une fille âgée d’environ dix-sept ans, et qui s’est présentée à moi radicalement guérie, quoique les règles n’eussent pas reparu. »

Les bornes que nous devons nécessairement nous imposer dans cet article, ne nous permettent pas de poursuivre ces citations; mais nous croyons, d’après cet exposé, que le scepticisme des hommes loyaux et désintéressés s’évanouira devant des témoignages aussi recommandables, et que l’impartialité des retardataires restituera à la médecine des frictions les prérogatives qui lui appartiennent. Il n’est pas probable que des observateurs comme Hippocrate et Galien se soient attachés à préciser la nature et la propriété de chaque friction, s’ils n'en avaient apprécié toute l’importance; leurs recommandations, d’ailleurs, sont parfaitement conformes à celles des magnétiseurs.

D' Alfred PERRIER.

( La suite prochainement. )

(1) Thérapeutique, t. Il, p. 370.

BIBLIOGRAPHIE.

LA MAGIE DEVOILEE, ouvrage inédit, par M. ni' Potkt. (extrait.)

AUTOBIOGRAPHIE.

Ayant résolu cle publier un livre sur les faits mystérieux du magnétisme et de la magie, j’ai cru devoir placer le lecteur à mon point de départ, de manière à ce qu’il me suivît dans ma course et s’initiât comme moi aux merveilles du magnétisme, en suivant tous mes pas ; qu’il vît le progrès de mes études, leurs résultats, et comment je suis arrivé au but sans qu’aucun homme m’indiquât la route.

Je donne ici les quelques chapitres qui, sans rien changer à la forme du Journal et à son cadre, peuvent sans aucun inconvénient être lus de tous; la partie la plus essentielle sera réservée et publiée avec ces documents : je crois qu’elle serait déplacée dans ce Journal.

Je commence donc ici par ma biographie, elle intéressera peut-être quelques lecleurs; ce chapitre, écrit très-rapidement, marque seulement les dates, c’est tout ce que j’ai voulu. Cette histoire abrégée m’a paru essentielle, je le répète, sans cela je no l’eusse point écrite; car elle n’a rien de flatteur pour moi : c’est un hommage seulement à la vérité.

§ I. SXF.WCE.

On recherche quelquefois les premiers pas d’un homme dont la vie ou les œuvres ont eu quelque retentissement ; on se demande comment il est arrivé à prendre rang dans la catégorie du petit nombre d’êtres dont la vie fut destinée à occuper un instant l'attention : c’est quelquefois un mystère impénétrable et dérobé à tous les yeux.

Le sage cache sa vie, l’orgueilleux la dissimule tant qu’il peut, l’homme simple, et qui n’a aucune prétention à la renommée, dit la vérité. Comment avez-vous commencé? quels furent vos maîtres? qui donc vous ouvrit la carrière? où avez-vous puisé les premiers éléments de votre science? etc. sont des questions qui m’ont été cent fois posées. Je ne méritais certainement pas autant d’attention, et longtemps je fis le sourd. Ce n’est point que je regardasse ces demandes comme indiscrètes, car moi-même j’interrogeai souvent ceux qui me précédèrent ou suivirent dans la carrière magnétique; mais une chose me préoccupait et me paraissait plus importante : produire d’abord des œuvres propres à justifier le magnétisme des odieux soupçons jetés sur son existence, employer tous mes moments à l’expérimentation, me semblait un devoir essentiel, auquel je satisfaisais toujours pleinement et de préférence.

Aujourd'hui, je vais répondre en quelques mots à ces demandes renouvelées; on veut connaître mon passé; peut-être, par l’enchaînement qui s’y trouve, reconnaîtra-t-on une de ces destinées contre lesquelles on se révolte en vain.

Je naquis le 23 germinal an IV (12 avril 1796), dans un petit village du département de l’Yonne, La Cha-

pelle, commune de Sennevoy. Mon père, comme ses ancêlres, y possédait une seigneurie qui, sans la Révolution, me serait revenue, comme le premier né. Par l’ancienneté de race, nous appartenions à la vieille noblesse du duché de Bourgogne. Ma famille autrefois donna son nom à deux rues de sa capitale ; il y a encore aujourd’hui à Dijon la rue du Graml-Volet. Je dis ceci sans aucun«; vanité; car je ne reconnais qu’une noblesse véritable : c’est celle de l’intelligence. Mon père pensait autrement que moi; cependant il n émigra point, mais il courut de véritables dangers qu’il ne dut qu’à son courage de surmonter.

On m'emmena aussitôt ma naissance , car la vie alors était fort tourmentée; puis, à quelque temps de là, on me ramena au premier gîte. Voyageant la nuit et discrètement, j’étais conduit par une brave femme, qui avait bien voulu prendre soin de moi; elle cheminait lentement, sur une route peu fréquentée, tenant par la bride un baudet. J’étais emmailloté douillettement et placé dans un des paniers que portait cet âne. Mais le fond avait été mal assuré, les clavicules qui servaient à l’assujétir mal mises; bref, je tombai sur la route avec les oreillers, et la bonne femme allait toujours son chemin, sans s’apercevoir en rien de mon absence. Ce ne fut qu’à un village qu’elle reconnut que j’avais disparu; mai3 où étais-je? elle n’en savait absolument rien. Elle prit une lanterne, et, à force de marcher, elle me rencontra. Je dormais paisiblement, couché près d’une ornière. Me saisir, m’emporter, faire une lieue de trajet pour rejoindre l’âne, fut l'affaire de peu de temps. Je dus à cette circonstance d’avoir une seconde mère,

qui ne put jamais m’aborder dans la suite sans verser beaucoup de larmes.

Mon enfance fut différente de toutes celles des autres enfants. Jusqu’à l’âge de quatorze ans, je ne voulus rien apprendre; les privations de toute nature, les mauvais traitements, que je méritais bien, ne purent rien sur moi et ne me déterminèrent jamais à commencer mes éludes. Entrant dans une école publique, j’en sortais aussitôt; ou bien, si j’étais contraint d’y rester, j’attrapais les mouches, et portais toute mon attention à l’examen des moyens qui m’étaient laissés de fuir.

J’aimais passionnément la lumière du soleil. Je crois que si l’on m’eût mis au cachot, on eût obtenu de moi tout ce que l’on eût voulu, en me promettant surtout quelques heures de loisir à employer selon mon habitude, c’est-à-dire loin de tous, et en pleine campagne.

On chercha à m’inculquer le rudiment du catéchisme ; je m’y prêtais forcément ; mais, en entendant le saint homme me demander gravement : « Le Père est-il Dieu? Je répondais: Oui, monsieur. — Le Fils est-il Dieu? — Oui, monsieur. — Le Saint-Esprit est-il Dieu?— Oui, monsieur. —Ce sont donc trois dieux ? » Je faisais la réponse convenue, et, n’y comprenant rien, je bâillais et prenais la clef des champs. Je n’avais d’ailleurs nul souci des peines de l’enfer ou du purgatoire, dont on me menaçait; car mon père avait dit devant moi qu’on avait bien fait d’inventer l’enfer pour épouvanter la canaille. C’était le refrain d’une chanson qu’il chantait quelquefois en revenant de la chasse. Cependant, une chose que je ne m’expliquais point, c’est que toutes les fois qu’il sortait de la maison pour se livrer à son plaisir favori, et

qu’il rencontrait sur son chemin un ecclésiastique, il disait : a lion, voici uu oiseau de mauvais augure! Que le diable l'emporte, je ferai mauvaise chasse aujourd’hui. » Ces mots m’avaient frappé.

J’allais aux offices du dimanche, à la fin seulement, parce qu’on m’en faisait un rigoureux devoir ; mais de toutes ces cérémonies, je n’en apercevais qu’une seule, la distribution du pain béni. J’en prenais alors un modeste morceau, non parce que celait un fragment de brioche, mais parce qu’il devenait une preuve péremploire de ma présence à l’église. Ma mère, chaque fois, était si contente, si heureuse, que je manquais rarement de lui donner cette douce satisfaction.

Toujours dans les bois ou proche des rivières, j’aimais le contact de ces fluides qui, mariés aux rayons du soleil, caressent si agréablement le corps. C’était tout mon bonheur, toute ma vie; j’entendais le bruit le plus léger, comme celui d’une feuille qui tombe, d’un insecte qui passe dans l’air ou remue discrètement la mousse. Toute la nature avait pour moi des harmonies que je croyais ressenties par toutes les créatures. J’étais ravi, enchanté d’élre comme l’écho du murmure de la nature ; celte sorte d’extase durait quelquefois des journées entières.

Mais il fallait bien rentrer à la maison paternelle, et j’entendais alors de grosses voix qui me fendaient les oreilles. Du plus loin que l’on m’apercevait, on m’envoyait ces mots si durs: Paresseux, vagabond, propre à rien, idiot, etc.; c’était le prélude d’une correction en règle, selon l’ancienne méthode. Puis, lorsque tout était fini, une voix plus douce m’appelait; hélas ! c’était la voix de ma mère, et ses paroles pénétraient jusqu’au fond de mon cœur! «Jules,

d’où viens-tu ? Tu ne veux donc point travailler, mon enfant; tu veux donc toujours me désoler, et être une cause de chagrin pour ton père et ta mère? » Puis, prenant enfin le ton d’une feinte colère, elle, me disait : « Jules, les vagabonds ont commencé comme toi, puis ils devinrent voleurs. Serais-tu desliné à faire notre désespoir? Réfléchis, rends-nous la joie; prends ton panier, tes livres, et vas à l’école! » Je n’osais répondre non, car j’avais bien l’intention d’obéir; mais quelque chose de plus fort que tous les conseils, de plus puissant que toutes les remontrances actives et violentes, empêchait que ma nature ne changeât.

Apprendre! A quoi bon? me disais-je; je sais déjà tant de choses ! je connais tous les sentiers de la forêt, les lieux où la rivière est profonde, les arbres qui recèlent des nids. J’entends tout, je vois tout ! Je connais la saveur de. tous les fruits sauvages; je suis habile à grimper à la cime des rois des forêts, comme à descendre les montagnes escarpées.

Apprendre! Mais je ne vois point les poissons du ruisseau aller à l’école, les animaux des prairies n’ont point de précepteurs, les oiseaux obéissent à eux-mêmes, et sont, comme moi, joyeux lorsqu’un rayon de soleil reluit à l’horizon.

Ne vois-je pas chaque jour des gens que l’on appelle bêtes, et on dit partout qu’ils sont heureux , que tout leur réussit, qu’ils amassent beaucoup d’argent?

Rien alors n’aurait pu me convaincre de l’utilité des sciences ; les savants que je voyais me paraissaient faits comme les autres hommes. Je comprenais le chant des oiseaux, et je le préférais de beaucoup au latin, que je ne comprenais point. Je sortais donc tous les jours de la maison paternelle, quelquefois avec de grosses

larmes dans les yeux; «“lies ne nie venaient point de la souffrance, je n« savais ce qui les faisait couler, et quelle était la cause do mon chagrin, L’air était mon élément favori, l’air me consolait. Les paroles de ma bonne mère me revenaient parfois, et voilaient de nouveau mes yeux ; j’essuyais ces pleurs, c’était tout. Rebuté, châtié chaque fois que je rentrais, on mettait sur mon compte tout le mal arrivé à la maison, mal qui s’était fait en mon absence. Des objets étaient-ils cassés, c’était moi ; l’oiseau avait-il pris sa volée, c’était moi qui avais ouvert la cage; un chien criait-il, c’était moi qui le tourmentais; quelque chose de valeur était-il égaré ou perdu sans retour, c’était moi qui l’avais dérobé. Jetais un mauvais génie, mais un génie muet, car je ne répondais point, sachant par expérience que toute justification aggraverait mon châtiment. Ayant horreur du mensonge, le sentiment du juste et de l’injuste s’enracina dans ma nature, je découvrais les coupables à leur physionomie. Hélas ! la justice légale offre souvent l’image de celle de la famille qui, n’écoutant rien que ses préventions ou impressions, condamne souvent sans entendre!

Les enfants voient tout, cl souvent se conduisent comme s’ils ne voyaient rien : ils seraient d’habiles espions. On dit qu’une certaine classe d’hommes utilise parfois leurs petits talents, et en tire un très-bon parti.

C’est ainsi que je grandis; mes sens avaient acquis une finesse qui eût défié tous les savants dans les exercices où ils peuvent être d’un utile secours, et cependant c’est tout cela que l’on voulait me faire abandonner : cela ne servait à rien, disait-on. On prit le parti de m’envoyer à la ville voisine, pensant que l’éloignement agirait sur moi. Vaine tentative I

1*

Comme les pigeons voyageurs , je revenais au colombier aussitôt lâché. Dix lieues pour moi n’étaient point une fa ligue à craindre, je pouvais faire cette course avant déjeuner.

Enfin, l’instant d’entrer dans le bagne des civilisés arriva : le boulet fut rivé !

Cette transformation de tout mon être, un seul mot l’opéra. J'avais bien quatorze ans. Me trouvant un jour chez un de mes parents, où il y avait alors nombreuse compagnie, un monsieur demanda qui j’étais; on le lui dit : « Oh! oh! dit-il, c'est dommage qu’il soit bête. » Le rouge me monta au visage, je devins tout tremblant, je m’enfuis, non pour reprendre encore ma vie aventureuse et sauvage; en un instant la nature s’était décolorée, je ne la voyais plus de même, une pointe de flèche aiguë avait pénétré jusqu’au plus profond de mon cœur : je devins mélancolique et rêveur. Le même jour, je priai mon père de disposer de moi: « Mais tu n’es propre à rien. Que veux-tu que je fasse de toi? Ya-t-en, » fut sa réponse. S’il m’eût observé, il eût pu voir sur mes traits l’empreinte de la tristesse; mais il ne me regarda point.

J’appris seul à lire, à écrire, à compter; je feuilletais tous les livres qui me tombaient sous la main; mais on ne m’offrit plus de maître, le temps était passé. Je n’en accuse que moi. Mon père avait vu disparaître une grande partie de sa fortune, et je devenais un embarras.

D’un homme qui ne sait rien, que fait-onî Un soldat ; je n’avais point de goût pour ce métier de tueur d’hommes. Mais, quoique ignorant, je serais entré comme noble dans la maison du roi, que l’on formnit alors ; mon père savait bien que je u’eusse

point dérogé. Un gentilhomme, disait-il, prouve sa noblesse à la pointe de son épée, le reste est peu de chose. Malheureusement, je n’avais pas encore la taille, et il fallait d’ailleurs assurer une certaine pension , au-dessus de nos moyens. J’entrai dans une maison de commerce; on fut assez content de moi; mais je me déplus bientôt à ce métier, et je pris congé du maître, ayant seulement trois louis doubles, que mon père m’avait laissés : c’était là tout mon avoir; mais j’étais libre et économe.

Lecteurs, ne vous fatiguez point, j’arrive au magnétisme.

§ II. INITIATION.

Ce mot fut prononcé devant moi vers la fin de i8i5, année de la mort de Mesmer. Je ne veux point établir de rapprochement, mais seulement fixer une date. Ce mot seul de magnétisme éveilla tous mes sens, il me sembla qu’il voulait dire nature, et tout ce que dans mon enfance j’avais le plus admiré, se présenta à moi. Je rassemblai mes idées pour les coordonner et saisir ce qu’il y avait de commun entre les faits que je venais d’ontendre raconter, et les impressions de mon jeune âge ; celles-ci, me disais-je, m’auraient-elles donné un premier degré d'initiation qui doit aujourd’hui se compléter par une sorte de révélation mystérieuse? Et, dans mon étonnement, je faisais répéter le récit des nouveaux et surprenants phénomènes. En sortant, j’étais magnétiseur. Quelque chose me disait que j’avais ce pouvoir occulte; pour la première fois de ma vie, je venais d’être remué par un agent intérieur, par un feu circulant dans mes veines , ayant la puissance de faire battre mon cœur.

C’est alors seulement que je compris que l’homme doit posséder dès son enfance l’histoire des temps passés , les mots surtout qui peignent les sentiments et qui donnent ainsi la faculté de rendre ceux qu’on éprouve; mon ignorance m’apparut une seconde fois, je cachai mon visage, mais sans être découragé. Quoi ! ce magnétisme était en moi, et je ne l’avais point encore découvert, personne jusqu’ici ne m’en avait parlé! c'était donc un profond secret ? Jetais impatient de le connaître.

Les adeptes étaient peu nombreux, on citait De-leuze et Puységur; je ne les connaissais point, et le temps n’était pas venu pour moi d’oser les aborder. La fièvre me prit, non celle morbide, mais la fièvre qui accompagne l’enthousiasme ; car moi, ne sachant rien du magnétisme qu’un récit de faits, sans avoir rien vu, dès le même soir, je produisis sur deux jeunes filles, aussi ignorantes que moi de ces matières, les merveilleux phénomènes du somnambulisme, et cela dans un instant. Tout ce que la raison de nos grands génies repoussait avec dédain et colère, je venais de le voir, de le constater avec une surprise mêlée de terreur : j’étais anéanti! Sans expérience, dépourvu des moyens nécessaires pour diriger celte crise, mes forces me quittèrent, elles étaient passées dans deux corps qu’elles animaient d’une vie toute nouvelle. Je brûlais, et j’étais froid, mes membres refusaient tout service, une affreuse pensée me traversa l’esprit : si tout à l’heure je ne pouvais rétablir dans leur état naturel ces deux jeunes filles, que deviendrais-je ? J’ignorais tout. Après cinq heures d’angoisses sur une simple question ; Comment donc vous réveiller ? Ces deux charmantes filles me tirèrent d’embarras.

C’était mon début, et cet instant décida de toute ma vie, il fut le motif et la cause de mon apostolat, je lui dus bien des souffrances, bien des affronts; mais, par compensation, les plus pures jouissances me furent offertes, et je les savourai à longs traits.

N’ayant aucune connaissance de la médecine, j’allai me placer sur les bancs do l’école, et je suivis les cliniques. Malgré mon aversion pour la dissection , je m’y livrai, je pris môme mes inscriptions d’élève en médecine. Je fréquentai un peu les leçons du Collège de France, et je feuilletai tous les livres des professeurs distingués.

Tous ces travaux n’eussent été rien pour moi, s’il ne m’eût fallu vivre et acheter des livres. J’éprouvais donc toutes les privations qu’éprouvent, hélas! bien des jeunes gens ; mais, plus heureux que beaucoup d’entre eux, je les supportai avec courage et résignation, elles n’altérèrent en rien ma santé.

CVst alors que je me rappelai mes premières années passées sans travail; la nature avait eu le temps nécessaire pour fortifier nus organes; mon cerveau, resté vierge, n’était point énervé; j’avais toute la sève intérieure désirable, et l’écorce était bonne.

Il ne me vint jamais à la pensée d’aller frapper à la porte de parents riches et puissants qui habitaient Paris, plusieurs étaient au château, tous pouvaient me servir. Je mettais une sorte d'orgueil à faire seul mon chemin. J’étais assuré que le magnétisme existait, non par un fait, mais par une continuité de travaux et de recherches, recherches faites souvent à l’insu de ceux qui me fournissaient de curieuses observations. Par un levier invisible à tout le monde, je remuais des machines humaines, j’agissais également sur des animaux endormis; je profilais de tou-

tes les occasions qui m’étaient offertes, je multipliais ma vie afin d’arriver plus vite, et j’en rendais tous les instants utiles.

Ce qui inilua sur moi d'une manière puissante, ce qui me donna le courage et la persévérance, je dois le dire, ce ne furent point les faits que j’obtins, sur des gens éveillés, par l’emploi des procédés magnétiques, aide de ma volonté; car je croyais que, jusqu’à un certain point, ces faits pouvaient se produire par l’imagination , pouvoir encore inconnu; mais ce fut de voir l’homme ou l’enfant endormi, subir mon influence, et, plus encore, les animaux placés dans la même condition de sommeil naturel éprouver et présenter la série identique des mêmes phénomènes. Avec quel recueillement je contemplais la nature soumettant tous les êtres à la même loi! Témoignage irréfragable de l’existence d’une force encore inconnue, d’un principe divin renfermé dans nos orga-ne,9. Tous les savants avaient donc menti dans leurs affirmations : il y avait là quelque chose que je ne devinais point encore; car il me semblait être d’une facilité extrême d’acquérir la même conviction que moi. Tout le mépris jeté par les savants sur les magnétiseurs devait donc un jour retourner à la source d’où il avait jailli.

Mais, en considérant mon chétif individu, je ne m’abusais point sur ma puissance; je ne pouvais même pas raisonner sur un fait, en tirer toutes les conséquences, faire valoir la vérité, la soutenir. Hélas ! ce sont des faveurs qu’il faut mériter par le travail; elles vous sont accordées aussi par la lutte, quand on a l’esprit juste. Mais je ne savais point lutter, l’éloquence me faisait défaut, ma croyance était muette, mon néanL m’écrasait. Courbé, affaissé, re-

plié sur moi môme, ma figure se rida, quoique Lien jeune, encore.

Dans mon désespoir, j’en appelais à Dieu.

Dieu tout-puissant, disais-je dans mes moments d'abattement, donne-moi force et courage; si tu es le dispensateur de toutes le* vertus, fais que j’aie celles qui me sont nécessaires; inspire-moi, afin que je fasse triompher la vérité.

J’étais pourtant heureux et fier de mon petit savoir; il était bien à moi, je ne le devais 'a personne, et j’entendais une voix intérieure qui me disait: Marche en avant, la cause que tu défends est celle de la justice et de la vérité. Et la nuit je repassais dans mon esprit les travaux de la journée, j’en effaçais toutes les illusions. Je lisais tout ce qu’on avait écrit contre Mesmer et sa doctrine, et lorsque j’apercevais que ces écrits étaient signés de noms connus et admirés du monde entier; que ces juges étaient tous compétents, mes nuits se passaient sans sommeil ; comme un condamné à mort, innocent du crime dont on l’accuse, cherche à briser les portes de son cachot pour éviter un remords à la justice, et, ne trouvant point d’issue, la paix rentre dans son âme, il doit se résigner, s’en remettre â la Providence. Je me résignais, le magnétisme s’était comme personnifié en moi, je me croyais un de ces flétris de par la science, portant sur le front le signe infamant du mensonge et de l’imposture.

Heureux sont les indifférents, ils ne connaissent aucun des tourments de l’âme, auxquels sont exposés les novateurs! Qu’est-ce, pour eux, qu’une vérité? Ils ne s’émeuvent point d’aussi peu de chose; mais, pour l’homme qui sent, c’est sa vie qu’il doit désormais défendre. Ne lui parlez plus des plaisirs du

monde, il est insensible à tonte jouissance; il n’est qu’un bonheur pour lui au monde : voir ses idées partagées. I.a mort lui paraît douce, lorsqu’il aperçoit le triomphe. Sa lâche, esl alors accomplie, il croit avoir été l’instrument de la Providence pour accomplir une tâche difficile; il meurt en dirigeant son regard vers le Ciel, pensant que la vérité, pour arriver jusqu’à lui, a suivi ce chemin. N’est-cc point aussi un pressentiment de l’immortalité de son âme ?

Dileuze m’accueillit. Hélas! ce n’étail point une préférence, les disciples étaient bien rares, on pouvait encore les compter. Puységur daigna m’encourager, il m’ouvrit sa maison. C’était un honneur qui devait me flatter. Je rencontrai chez lui les notabilités delà science nouvelle, les hommes qui avaient survécu au temps et à la tourmente révolutionnaire ; ils étaient tous d’un certain âge, croyaient, mais prenaient pacifiquement leur parti, à la vue de l’indifférence générale et du doute plus qu’insolent du monde savant.

J’allai aussi chez l’abbé Faria. Je le trouvai enthousiaste comme moi, mais bien moins scrupuleux et attentif. Je reçus de lui quelques leçons, et lui payai un léger tribut. Sa maison était le rendez-vous du monde élégant, des oisifs, des lions de ce temps. Je souffrais à la vue de ce monde moqueur, dont la vie est inutile au reste des humains. Je jugeai promptement la valeur réelle de ce monde flottant; il était savanl.en toutes choses, donnait son jugement sur toutes les questions. Insolent parfois, comme scs valets, la forme seule servait à l’en distinguer. Il possédait pourtant tout ce qu’on voulait me faire apprendre dans mon enfance: la nature lui était inconnue. Sceptique au dernier point, l'église de ce beau

monde ¿lait l’Opéra : il riait de tout. Fa ri a était pour lui une sorte de bouffon, il se rendait chez lui pour y rire, rien de plus.

J’épiais en sournois cette société d’élite, elle se révélait à moi avec tout son charme et ses défauts; niais, loin de. me séduire, mon examen terminé, je m’en éloignais.

J’entrepris la cure de quelques maladies. Un soulagement marqué fut la suite de mes premiers soins. Le magnétisme était donc un agent curatif, comme l’avaient dit et écrit nos maîtres. Mais, sceptique pour tout ce que je n’avais point vu de mes yeux et touché de mes mains, j’acquis enfin un petit nombre de connaissances réelles, et ce petit phare allumé au milieu des écueils me servit à les éviter.

Je devenais de plus en plus maître de ma force magnétique, la parole me venait également; une sorte d’éloquence, celle qui part d’un cœur convaincu, me permettait déjà d’agir sur la raison des êtres qui se trouvaient dans mon rayon. Je convainquais; car le mensonge a beau se farder, il porte avec lui un témoignage contraire à ce qu’il affirme. Je me fis estimer pour ma franchise, on me pardonna même mes emportements, car c’était ¡toujours un doute injurieux qui soulevait en moi ces furieuses tempêtes.

Le temps était enfin venu de mon véritable apostolat. Certain que ma conscience ne me reprochait rien, convaincu à tout jamais de l’existence en moi d’une puissance réelle, je cherchais les occasions de la démontrer à tous les yeux, de la faire briller dans toute son évidente réalité. J’élais persuadé que tous les doutes devaient cesser, et qu’aucun médecin, qu’aucun savant ne refuserait, étant convaincu, d’avouer la vérité. Je brûlais donc d’impatience de

me trouver en présence .le quelques hommes de valeur. Ilélas ! lecteurs, c’est ici que mes véritables chagrins vont commencer, j’avais dormi sur des feuilles de roses! Je m’étais cru malheureux jusqu’alors; et enfin, tout près du port, je n’avais lait qu’edlourer des lèvres la coupe d’amertume : j’allais la vider à longs traits.

Mon erreur était grande lorsque, je fis la connaissance d’un monde à part, celui dit savant, n’ayant oresque plus rien de la nature, mais nageant en plein dans le fleuve de la science , à ce qu’il croit du moins.

C’était donc un troisième degré d’initiation à subir ; j’allais voir paraître devant moi tous les ministres de la mort, tous ceux qui croient que le inonde se gouverne par les lois inscrites dans leurs almanachs. Mais, je m’arrête; ayant trouvé un aliment à mon activité, une vaste carrière s’ouvrait devant moi, j’allais enfin faire mon entrée dans le sanctuaire de la douleur; on m’accueillait à l’Hôtel-Dieu, on me priait même avec instance de ne pas perdre un instant, on avait l’intention de s’amuser à mes dépens. On ne peut empêcher les sages de rire un peu, cela leur fait du bien ; mais, ma foi, le sachant, j'en pris résolument mon parti, et, tout d’un bond, je me rendis dans la maison de Dieu.

"Voilà, lecteurs, ce que j’ai à vous apprendre sur mon commencement, peut-être la fin de mon récit vous présentera t-elle plus d’intérêt; mais, comme je ne veux rien de mystérieux, je vous livre ma vie. Tout à l’heure elle va se compliquer, la vérité également; toutes deux prendront plus de dimension, de nouvelles formes. J’espère vous prouver queje suis un peu sorcier; les choses que j’ai faites ne sont point

toutes vulgaires, plusieurs, sans doute, d’entre elles, seront mises en doute jusqu’au jour où un homme plus éclairé, ou plus entreprenant, les jetera avec éclat dans le monde.

Non, la vie n’est point un rêve; elle a ses réalités cruelles, qui glaceraient d’épouvante l’homme le plus hardi, s’il les apercevait dès ses premiers pas. Dieu les dérobe à la vue, il a ses desseins, sans doute; il ne m’appartient point de les pénétrer.

Aujourd'hui, je suis comme le soldat qui assista à vingt batailles, et qui raconte avec simplicité tous ses traits de courage; mais, comme lui, je suis ému à ces souvenirs, je vous montre les blessures que j'ai reçues en combattant, je vous dirai les coups que j’ai portés. Si l’ennemi n’est point encore vaincu, il le sera bientôt, du moins j’en ai l’espoir; mais crainte de surprise, cependant, je ne laisse point rouiller mes armes; je conserve ma force tout entière, mes sens sont affinés comme au premier jour. Et semblable au chien du contrebandierjqui flaire un douanier de très-loin, quelque habit qu’il ait pris, moi je reconnais un savant rien qu’à la première vue;' malgré son déguiiement, n’est-il pas aussi un douanier? Un charlatan, eût-il un diplôme, ne pourrait me tromper. Triste privilège de l’âge et de l’expérience, qui permet de juger ; etpourtant, jenesuis ni électeur, ni juré: je fais partie de la vile multitude!....

Cependant on dira un jour que ma vie fut utile aux hommes, que je leur ai fait quelque bien. Je me console en pensant que si Jésus et ses apôtres apparaissaient parmi nous aujourd’hui, nos bons chrétiens les regarderaient comme des vagabonds, et les enverraient dans un dépôt de mendicité.

§111. APOSTOLAT.

Par cinq années d’études, je m’étais préparé, sans le savoir, à ce que j’allais entreprendre. Sommes-nous les arbitres de notre destinée, ou bien quelque chose de caché et de mystérieux règle-t-il nos actions, de manière à nous pousser dans une roule où , bon gré malgré, nous serons contraints de marcher? Je crois à la destinée. On verra plus lard sur quoi je fonde mon sentiment. Quoi qu’il en soit, me voilà, moi, timide jusqu’à la faiblesse, obligé de corriger ma nature, ou tout au moins de paraître résolu; me voilà, moi, enfant encore, en présence d’hommes propres à inspirer de l’effroi au plus entreprenant de tous les magnétiseurs. Qu’on ne l’oublie point, le magnétisme alors était synonyme de jonglerie, nous étions en 1820 seulement, et nulle expérience du genre de celle qui m’était proposée n'avait été tentée.

J’ai dit, dans mes autres écrits, quel fut mon succès, mes espérances dépassées; j'ai décrit mon triomphe. Husson, Jeoffroy, Récauiier, dont le nom signifie légion, et quarante autres médecins, rendirent, pour un instant seulement, hommage à la vérité.

Dieu avait pris un enfant par la main , il le mena au séjour de la douleur, et lui dit : « Sois sans crainte, « lu es l’instrument dont je veux me servir pour con-« fondre ces sceptiques; ils vont prendre au milieu « des infirmités humaines celle qu’ils croient incu-« rable; tu la guériras sous leurs yeux, par la seule « imposition de tes mains, afin de leur apprendre « qu’il existe une médecine supérieure à la leur, « parce qu’elle découle de moi ; afin qu’ils voient que « chaque être est un vase où j’ai déposé mon essence, « et qu’elle seule contient la vie et la lumière. »

Et l’enfant obéit avec docilité, une secrète joie pénétra jusqu’à son Ame, el sa tâche achevée le trouva sans orgueil.

Ce n’était point un mirage, une illusion, mais une chose réelle, palpable, que plus rien désormais ne pouvait détruire : 1e magnétisme existait, il était prouvé. Mais pour moi de nouveaux tourments commencèrent. Quelle est cette puissance incommensurable? Comment agit-elle sur nous, et comment peut-elle guérir Ips maux? Ma joie était troublée par le besoin de connaître.

D’où vient ce désir impérieux qui enflamme notre esprit ? Dieu a-t-il voulu que nous pénétrions dans le domaine des causes, afin que, tout étant infini, nous n’ayons nul repos?Le repos! Mais c’est déjà la petite mort. Est-ce que la nature se repose jamais? elle produit, détruit et reproduit sans cesse. Mais quel est le but de cette incitation de l’homme? Sans doute, afin qu’il cherchât sans relâche à connaître le domaine où il vit, et l’énigme même de sa propre existence. Et, dans ce grand travail, les générations s’engloutissent. Mais voyez quels progrès déjà ! La terre est fouillée, analysée presque dans toutes ses parties; on a pesé le globe, on sait ses dimensions, comme ses ascensions dans l’espace. L’intelligence est pleine d é-tonnement à la vue de ses conquêtes : pourtant, elles ne sont rien près de celles qu’elle fera.

On peut donc espérer découvrir la loi du magnétisme , ses rapports avec les autres agents de la nature, ses vertus cachées encore à tous les yeux, la source d’où découle enfin cet agent merveilleux. Nous laissons de côté tout mysticisme; quand on invoque Dieu dans les sciences, c’est souvent une preuve de faiblesse et d’impuissance, un besoin de

l’âme, si l’on veut, qui, ne pouvant se rendre compte d’un fait, l’attribue au principe suprême. Chaque fait a sa cause physique ou morale, il s’agil de la trouver, elle existe certainement.

L’on conçoit, dès lors, mon inquiétude; car, ne me regardant point comme un homme privilégié de la nature, ce que j’avais produit, un autre pouvait l’exécuter; mais quelle élait la force employée, l’agent des phénomènes? Mon ignorance sur ce point était on ne peut plus grande. J’agissais sur les êtres placés dans certain rayon, j’exerçais une influence qui avait pour caractère une modificalion marquée dans leur individualité du moment, cela était indubitable, sinon constant. Il y avait bien là de quoi justifier Mesmer et tous scs adeptes ; niais lorsque l’on me demandait : « Comment agissez-vous? » Je répondais: * Mettez-vous là, je vais vous le montrer. » Et je faisais des passes; l'effet suivait souvent, c’était une méthode assez bonne; elle était semblable à celle de ce philosophe qui se mit à marcher devant quelqu’un qui niait le mouvement. Mai» qu’est-ce que le mouvement lui-méme ? C’est l’action d’aller et de venir, me répondra-t-on. Il n’est qu’effet; la cause c’est un agent subtil : quel est-il? Je n’eu sais rien...

Je me trouvais donc dans une situation perplexe. Mes premiers succès m’avaient donné une certaine renommée ; on venait à moi pour recevoir des conseils et des éclaircissements, on venait aussi me demander la guérison. Et, m’étonnant de me trouver un aussi grand médecin sans le savoir, j’acquis la certitude que l’ignorance des hommes élait profonde, que la mienne ne l’était pas moins, et que les médecins même m’égalaient en ânerie. Comment donc

arriver nu savoir? Par 1 etude, sans doute; mais tous travaillaient sans beaucoup de fruit. Ce n’était donc pas la route qu’il fallait prendre. Mais où donc était le nouveau chemin, celui-là même que la science dédaignait : observer la nature, l’imiter ensuite? Quand j’interrogeais Deleuze, il me répondait : « Ayez la foi, l'espérance et la charité ; lisez mes livres. » Puységur : « Croyez et veuillez, c’est la clef du magnétisme. » Oh! oh ! mes maîtres, je vous remercie; mais j’en sais déjà plus que vous. Vous êtes d’une grande droiture de cœur, vous avez des vertus, je chercherai à les acquérir; mais ce n’est point cela qu’on me demande; ce n'est pas la morale que je veux enseigner : ce sont tout simplement les règles de la médecine magnétique. Vos ouvrages sont excellents; mais ils ne peuvent satisfaire mon esprit. Puységur répondait encore : « La nature fait tout, mens agitai molem, expérimentez. » Deleuze était vivement contrarié par mes questions; j’étais déjà pour lui un novateur dangereux , j’avais exposé , compromis le magnétisme en faisant des expériences publiques.

Ces temps sont déjà loin, et ces hommes pleins de zèle et de foi sont descendus dans la tombe. Ils plantèrent leurs jalons , soutinrent le magnétisme avec persévérance et courage : on ne peut leur demander plus qu’ils ne pouvaient produire. Un sot seul peut s’imaginer qu’une science se fait tout à coup. Le magnétisme, pas plus que la chimie et la physique, n’est ce qu’il était au commencement du siècle. Il a grandi par les recherches et les efforts de tous ses partisans. Et si les mêmes hommes, dont nous déplorons la perte aujourd’hui, l’avaient trouvé comme nous le voyons, ils avaient assez dintelligence pour lui faire faire un plus grand progrès.

L'n oiseau ne trouve jamais son nid tout fait; à moins qu’il ne soit voleur rt ne s’empare du nid d’autrui, il faut qu’il le construise; mais souvent le savant est comme l’oiseau voleur, il prend le nid d’autrui ; sans plus de façon, il s’y arrange et donne des coups de bec à qui veut le déposséder. Nos académiciens occupent un nid commun; et lorsqu’un de ces rares oiseaux meurt, la place qu’il quitte est aussitôt prise, et gare les coups de l;ec aux oiseaux en retard. Ce nid est sale et vieux.il est construit avec des branches mortes et des détritus de vieux chiffons ; qu’importe, ils y font leur ponte et leur couvée, et, comme les oies du Capitole, ils sont tous nourris aux dépens de la république ; cependant ils n’ont jamais rien sauvé, et ils sifilent toujours le même air, ce qui est très-ennuyeux.

Le nid que m’offraient Puységur et Deleuze était assez bon, j en conviens ; mais je voulais me construire un petit édifice, que je pourrais considérer comme m appartenant en propre. J’étais jeune, la vie matérielle m occupait peu, j’avais peu de besoins. Je me mis donc en quête, et cherchai avec ardeur les matériaux nécessaires à la construction que je projetais. La nature était là, devant moi ; je l’avais tant admirée dans mon jeune âge! Comme je la trouvais belle et harmonieuse ! Pourquoi donc, puisque j’étais devenu mon maître, ne l’admirerai-je plus de nouveau?

On dit que les dévots, à force d’admirer la vierge Marie, finissent par en être inspirés. Quelques autres encore ont, avec foi, recours aux saints du Paradis, lorsque, dans des cas extrêmes, la raison ne leur suffit plus.

Les païens, de même, invoquent leurs dieux et leurs demi-dieux; partout, enfin, l’homme cherche

la vérité en dehors de lui-même, il se crée un monde dans l’espace; il récuse ses yeux de chair, il prétend mieux voir avec les yeux de son esprit.

Suivons d'abord une marche différente, plongeons notre regard autour de nous, allons, s’il le faut, jusqu’au soleil; mais c’est déjà bien loin, ne dépassons pas cet astre; recevons sa lumière et sa chaleur, préférons-les à celles que les hommes produisent, comme nous préférerons bientôt la médecine de la nature à celle de la science ; car entre ces deux imitations, il y aura la même différence.

Je coupais donc les ailes à mon imagination, je jetais de l’eau sur le feu qui, intérieurement, exaltait mon esprit, et les sens, désormais dans un état régulier, éloignaient, s’ils ne détruisaient, toute cause d’erreur. Comme un arbre, qu’aucun homme n’a ni greffé, ni écussonné porte des fruits de sa nature, ne devais-je point, moi, plante sans aucune culture, produire aussi des fruits naturels.

Voilà, lecteurs, comment je me préparai à mon apostolat; comment, avant d’être professeur, il me prit l’envie de savoir quelque chose de ce que je voulais enseigner; et cette marche me fit, dès mes premiers pas, éviter bien des écueils, me préserva de beaucoup d’erreurs reconnues comme des vérités. Ne voulant point tromper les autres hommes, j’évitais, autant que possible , de l’être moi-même. Je savais que l’obscurité est la compagne de l’homme sur la terre, et, ce qui est non moins vrai, que la vérité ne fait jamais fortune; que, bien au contraire, plus l’erreur est monstrueuse, et plus elle plaît aux hommes : le tribut qu’ils lui paient est presque incalculable.

La vérité fait peur, le mensonge rassure. Si j’eusse

spéculé sur l’ignorance, ¡la superstition et la sottise humaine, je serais aujourd'hui un des hommes les plus riches et les plus considérés; peut-êlri' même serais-je de toutes les académies ; j’eusse, à coup sur, été décoré. Et je pourrais, dans mon orgueil, prendre en pitié la race humaine; puis, l i mort me saisissant enfin, tous mes compères chanteraient mes louanges; ils diraient tous en chœur sur mon cercueil les vertus que je possédais, mon amour de l’humanité, et s’empresseraient de combler le vide fait par ma perte.

Lecteurs, ce n’est point une plainte, une supplique à votre adresse, pour que vous me distinguiez comme un saint homme: je ne crois pas à la sainteté; mais je crois aux martyrs* je crois à la souffrance; il fut un temps où le dédain qu’on avait pour moi m’oflen-sait : il me ravit aujourd’hui, il me laisse la liberté de tout dire, comme de tout examiner. Et cette heureuse circonstance me permettra de vous divulguer des vérités propres à vous éclairer; mais lorsque vous me croirez méchant, je ne serai que juste. Je laisserai la calomnie à nos antagonistes, j’irai droit au but. La vérité, chassée de leur temple, doit y rentrer un jour; ils l’ont insultée, bafouée, traitée de prostituée, ils se sont fait gloire de leurs outrages ; il faut bien, à moins d’être lâche comme eux, réhabiliter cell' qu’ils ont flétrie. J’aime beaucoup la croyance en la justice de Dieu; mais nous n’en sommes point les témoins, elle influe moins qu’on ne pense sur les vivants, et surtout sur les savants, qui pensent avoir de bonnes raisons pour douter de cette justice suprême; ils seront plus sensibles à celle s’exerçant par les hommes: ici c’est une certitude qui manque rarement son effet.

Sachant, dès mon début, que je recevrais de celte compagnie les mêmes outrages quelle adressa à Mesmer, comme aux hommes qui se dévouèrent à sa cause avant moi, j’ai appris à me défendre, afin de me faire respecter, et par moi la vérité. Lecteurs, vous serez témoins de ce duel en champ clos, où un seul homme défiera des milliers d’ennemis; mais, avant de me battre, je dirai à chacun d’eux : Ote tou masque, laisse voir ton visage; d’où viens-tu? Es-tu un de ces bourreaux du corps et de la pensée, jésuite, faux philosophe ou médecin ; voyons? Est-ce toi, qui, de ton palais inabordable, as déversé l’injure sur des hommes sincères, et, pour masquer ton ignorance, les traitais de charlatans; réponds?

Voilà ce qui fait ma joie et mes délices; car je ne puis succomber sans qu’un autre prenne à l’instant ma place, jusqu’au jour où le dernier de nos ennemis sera vaincu. Voilà pourquoi j’ai travaillé sans relâche, jusqu’au jour où tous les doutes de mon esprit devaient être effacés.

Auguste Vérité ! heureux sont ceux qui combattent pour ta gloire et ton triomphe! Le soldat qui tombe en défendant son pays, reçoit une mort digne d’envie. Plus glorieuse encore sera la mémoire de celui qui, pouvant éviter les périls, les a recherchés pour défendre la cause de l’humanité. Est-ce que je n’entends pas les cris des victimes de l’ignorance! Est-ce que je ne suis pas témoin de ces assassinats où la barbarie le dispute à la bêtise ! De ces affreux holocaustes, plus cruels cent fois que ceux du moyen-âge , où des hommes aveuglés, mais passionnés, jetaient sur le bûcher ceux qui pouvaient les éclairer. Aujourd’hui, c’est à froid, et sans jugement, que l’art de guérir- s’exerce, et l’imbécile troupeau humain se

contente de l'aire entendre des bêlements; ce n'est point comme un agneau que je vais me plaindre, ma voix ne serait point entendue. La vérité a ce caractère, c’est qu’elle change la nature de l'homme, elle lui donne plus que le courage : la certitude de vaincre, quel que soit le nombre de ses ennemis.

Cette longue digression n’est point étrangère à mon sujet, elle initie aux combats intérieurs que se livrent en moi deux forces ennemies : la vie et la mort. L’une m enflamme, et me souille des pensées brûlantes : c’est la vie, qui, sachant qu’elle me quittera, m’invite à profiter des instants qui me sont laissés. L’autre dit: A quoi bon? Engraisse-toi, prends du reposj vois comme ceux qui s’abandonnent à moi sont menés doucement au terme de leurs jours; j’en abrège le cours autant que je le puis, à peine s’ils s’en doutent ; je leur laisse leurs joies et leurs plaisirs; j’éloi-gne d’eux la lumière, afin que dans l’obscurité j’arrive sûrement à les frapper : je choisis le moment.

Ces deux forces sont dans chaque être, elles se dispensent toutes deux. Je vais vous apprendre à les distinguer l’une de l’autre. N’attendez pas de moi un magnifique langage, quoique j'aie à vous parler de grandes choses ; vous savez mon histoire, je n’ai point appris'la langue académique , celle qui charme l’oreille sans aller jusqu’au cœur.

Je serai simple dans mes récits, mais ils seront sincères; peut-être y trouverez-vous des fautes de lan-gage, qu’importe encore : tout ce qui est de convention, mais qui ne vient point de la nature, peut être délaissé. Je parlerai comme un Français du vieux temps, mais toujours de manière à me faire comprendre. N’ai-je pas déjà un témoignage puissant: ces mille instruments que j’ai formés, et qui portent

partout la vérité, j'ai trouve le chemin de leur intel-ligence ; pourquoi seriez-vous moins accessihles à ce qui les a convaincus ? Sans doule vous ne verrez point de faits , mais déjà beaucoup sont tombés clans le domaine public. Pourquoi vous tromperais je ; dans quel but? — La science , je vais vous la donner, je n’en fais point mystère ; je réserverai sans doute quelque chose encore , mais seulement la partie où mes sens auront peu parlé, celle enfin où il n’y a que des probabilités, mais pas encore de certitude.

Je vais vous introduire dans un monde nouveau où tout est merveilleux. La science officielle ne vous a montré qu’un cadavre; lorsqu’elle vous a parlé de la vie, elle l’a étudiée elle-même sans comprendre. Vous allez voir l’homme actif, ce chef-d’œuvre de Dieu, reprendre son rang et sa dignité; vous verrez ses forces ignorées, comme son abaissement passager lorsqu'il sera soumis à une pression exercée sur lui par un agent terrible, mais invisible encore, puis ses propriétés et ses facultés cachées prendre tout à coup leur essor.

Vous constaterez deux existences dans l’être; l’une, que les savants étudient depuis le commencement du monde sans la comprendre encore, c’est celle de la veille : la vie de relation. L’autre, plus mystérieuse, c’est celle où les sens sont engourdis, où l’esprit est dégagé de la matière, où il agit en liberté sans que l’autre existence se mette de la partie. L’une condamne l’autre, et ses actions seront différentes. Celle-ci, celte vie, les savants l’ignorent tout à fait, et ne soupçonnent même point son existence.

Puis, allant plus avant, je perturberai ces deux existences, et produirai un amalgame qui ne sera ni

la veille ni le sommeil , mais un étal mixte rempli encore de phénomènes méconnus des savants.

Mais, ne perdant point de vue le but de cet enseignement, le parti que vous pouvez tirer d’un semblable levier, d’une force si inconcevable, vous sera dévoilé. Vous ferez, en sachant vous y prendre, ce que les médecins 11e peuvent faire avec toutes leurs drogues et tous leurs agents. Vous guérirez des maux désespérés. — Vous vous expliquerez alors celte longue résistance des savants, cette lutte envenimée de fiel ; car si le magnétisme existe, c’est lui qui doit réformer ou détruire tout ce qui e«t faux ou mensonger. C’est la lumière chassant les ténèbres ; c’est, enfin, une révolution certaine dans les systèmes et les doctrines régnantes, c’est l’ère d’un nouveau progrès, une révélation divine.

N’anticipons point, cependant, sur ce qui ne doit être dit que dans son temps. Marchons pas à pas, comme nous l’avons fait jusqu’à ce jour. Cet écrit doit être médité, car il va contenir la clef reelle pour ouvrir la porte du sanctuaire de la plus élevée des sciences. Le magnétisme semble s’étre incarné en moi, et pour connaître ce que j’en sais, il faut que l’on par-courre le chemin que j’ai suivi. Je ne fais d’emprunt à aucun livre, afin qu’il n’y ait aucun mélange; non que je me croie plus infaillible que tous, mais je veux prouver que j’ai su découvrir quelque chose de ce qui élait caché à bien des yeux.

Je m’attends bien que beaucoup diront : Mais je savais ceci, cela, puis encore cette chose. C’est un travers commun àbien deshommes, rien ne les en guérira; mais je me permets de sourire d’avance à leurs tardifs aveux, et je leur dis aujourd’hui : Vous tous, qui savez tant de secrets nouveaux, ne vous laissez

pas devancer; écrivez-les, dénoncez-les. Mon livre doit finir par la magie ; si vous prétendez la connaître, formulez-la, je vous en laisse le temps; agissez, prenez les devants. Ilélas ! l’écho de mes paroles sera sans effet. Puis-je faire plus? oui; j’offre de publier dans ce Journal les hautes découvertes de nos initiés modernes, afin de leur laisser la gloire intacte, et de ne point affaiblir leur renommée. Je leur laisse deux mois pour me devancer, c’est plus qu’il n’en faut pour écrire une page ; car une page suffit pour dire clairement ce que l’on sait de cet art important, et son point de départ; mais une page suffit aussi pour établir son ignorance.

Mon défi ne sera point accepté, et pourtant j’aimerais qu’il le fût, et qu’un autre me devançât; on aime à trouver un compagnon pour marcher pendant la nuit, surtout s’il sait la roule. Rien encore ici n’indique le chemin, on commencera à l’apercevoir dans l’article suivant.

DU POTET.

REPRESENTACION que Francisco de Paola Goizueta dirige al Exe””' Capilan général de la Isla de Cuba. — Brochure in-8. Merida, 1849.

Bien que la reine Christine, le duc de Montpen-sier, quelques anciens ministres d’Isabelle, etc., soient partisans du magnétisme, et que leur conviction soit connue, les autorités espagnoles n’ont pas cessé d’être hostiles à la science nouvelle. Il y a peu d’années que, dans la mère-patrie, on a défendu la pratique du magnétisme à quiconque n’est pas médecin ; or, comme les seuls hommes à qui cette pratique soit loisible, refusent précisément de s’y livrer, il s’en suit une prohibition véritable. Les lecteurs

anciens de ce Journal n’ont point oublié les poursuites dont Cubi fut l'objet devant les tribunaux ecclésiastiques ; voici maintenant un échantillon de la conduite tenue aux colonies.

M. Goizueta, Espagnol de naissance, mais habitant la Havane depuis 1810, s’est mis à magnétiser dans ce pays, il y a seulement quelques années. Dépourvu du moyen ordinaire d’instruction , les livres , (parce que la littérature magnétique est presque nulle dans sa langue maternelle) , cet apôtre sexagénaire s’est, pour ainsi dire, formé seul. Nous avons fait connaître déjà le pari qu’il proposa aux médecins havanais, dans un journal du lieu, relativement au diagnostic des maladies par le somnambulisme (1). Il paraît qu’il avait produit alors assez de faits remarquables pour intimider les antagonistes, car aucun ne releva le défi.

Maître du terrain par le silence de scs adversaires, M. Goizueta adressa, en février 18:jg, une pétition au gouverneur de l'île, tendant « à être autorisé à enseigner et pratiquer le magnétisme. » Trois docteurs en médecine furent nommés pour l’examiner sur cette matière. L’examen eut lieu le 12 avril; c’est peut-être le premier auquel un magnétiseur ait été officiellement soumis. La commission déclara « ne pouvoir consciencieusement se prononcer en faveur du candidat, ni admettre le magnétisme. »

Exaspéré d’un résultat si contraire à ses espérances, M. Goizueta fit appel à l’opinion publique par la publication du pamphlet dont le titre figure en léte de cet article.

On y trouve :

i° Une plainte adressée au comte d’Alcoy, capitaine

(1) Voy. tome IX , page 147.

général, dans laquelle l'auteur fait ressortir, en considération générale, que l’Espagne, plus féconde en grands hommes qu’aucune autre nation, ne sait que rebuter et châtier le génie de ses enfants; que, exilés volontaires 011 persécutés, tous les Espagnols de mérite brillent loin de leur ingrate patrie. Il cite Or-fila pour exemple de cette supériorité native, et de haute position acquise sous la protection étrangère. Puis, se faisant application immédiate de cette donnée, il se plaint avec amertume de l’injustice de ses examinateurs. Il les accable de reproches et d’injures: infâmes, atroces, bourriques, etc., pour établir le déni de justice dont il est victime. Il oppose à leurs objections des guérisons magnétiques et divers faits somnambuliques, notamment la chute de Louis-Philippe, qui lui aurait été prédite dès le 27 octobre 1847-

a° Le discours en forme de thèse que M. Goizueta lut devant le jury préposé à l’examen de ses capacités.

Ce document ne contient rien de remarquable sous le rapport théorique; la croyance del’aujeur est une variante du système mesmérien sur le fluide universel.

Historiquement il fait remonter la pratique du magnétisme jusqu’à Dieu, dans la production du sommeil pendant lequel la Genèse dit qu’il en retira une côte pour former la femme.

« Ce sommeil, dit-il, ne pouvait être le sommeil ordinaire, commun à tout le règne animal; car l’homme, en cet état, ne pourrait supporter cette opération douloureuse sans s’éveiller ; ce fut, et ce devait être le sommeil magnétique. »

Cette pensée a déjà été exprimée par un Français (1);

(1J Voy. tome IV, p. 36.

mais elle est bien plus hardie chez les Espagnols. Il n'est pas étonnant que l’autorisation d’enseigner une pareille doctrine ail été refusée au postulant : c’était bien le moins qui pût lui arriver.

Il constate que ni le magnétisme ni le somnambulisme n’étaient connus à la Havane avant 1826.

3° Un défi analogue à celui ci-dessus rappelé, par lequel les examinateurs sont mis en demeure de prouver qu’ils connaissent pratiquement le magnétisme et le somnambulisme.

L’incompétence des juges étant manifeste, le gouvernement ombrageux de Cuba vit dans celte contestation du mérite de ses agents une insulte à ses prérogatives, et ordre fut donné au novateur de quitter l’île dans le plus bref délai. Il est allé d’abord à Yucatan, puis au Mexique ; maintenant il fait voile pour l’Europe. Le navire qui le ramène ayant touché à la Nouvelle-Orléans, M. Goizueta s’est mis en relation avec l’honorable président de la Société du magnétisme de cette ville, et celui-ci a eu l’obligeance de nous envoyer l'opuscule qui fait le sujet de cette notice, avec les notes qu’elle contient sur la biographie de l’auteur.

J- GAUTIER.

VARIÉTÉS.

Zoo magnétisme. —Le dernier numéro du Zoist contient trois cas fort remarquables d’elfets magnétiques produits sur des animaux par les procédés ordinaires de passes et d’attouchements. C’est une voie toute nouvelle ouverte à la science magnétique, et, sous ce rapport, les faits qui s’y rattachent méritent une attention sérieuse.

Le premier cas est communiqué par le duc de Marl-borough qui, en 1843, opérant sur un chien de cour tellement féroce que personne n’osait l’approcher, l’endormit en moins de trois minutes, montrant les crocs et grondant encore. Sa Grâce opéra , à Blein-heim, sur un autre chien de garde tout aussi sauvage , et obtint le même résultat.

Le révéreud T. Barlett, de Kingstone , près Can-torbéry, a fourni le second cas, et raconte que, dans l’automne de 1837, descendant une montagne, dans le Westmoreland, il aperçut, s’approchant de la barrière d’une prairie qui bordait la roule, un taureau dont l’œil en feu, les naseaux ouverts et les longs mugissements témoignaient suffisamment de son désir de faire connaissance plus intime avec le digne pasteur. Craignant avec quelque raison qu’il ne prit fantaisie à son dangereux voisin de franchir la haie, le révérend ne voyant pas d’autre moyen de salut, s’approcha résolument de la barrière, en fixant sur l’animal irrité un long regard qui l’arrêta tout à coup.

Le courageux ecclésiastique continuant à agir, parvint, au bout de deux minutes, à déterminer chez son ennemi ce clignotement particulier des paupières qui dénoie chez l’homme les premières influences de l’action magnétique. Trois ou quatre minutes après, les yeux du taureau se fermèrent insensiblement, el l’animal endormi demeura complètement immobile, comme s’il eut été taillé dans la pierre par la main du sculpteur.

Le troisième cas est d’autant plus remarquable, qn’il offre un exemple de magnétisme appliqué à la guérison d’une vache malade, et, comme on dit, abandonnée par la Faculté. Les curieux détails de ce fait sont consignés dans une lettre des plus intéressantes adressée par une spirituelle Américaine bien connue en France, miss Marlineau, au D' Elliotson.

Miss Martineau, à qui le Docteur avait demandé quelques explications sur cette cure extraordinaire, s’est empressée de le satisfaire, dans une épître un peu trop longue pour être reproduite. Nous la résumerons de notre mieux, en regrettant que les étroites limites d’un journal ne nous permettent pas de la donner tout entière à nos lecteurs.

L’aimable écrivain raconte, avec tout le charme qu’on lui connaît, comment sa pauvre Alsie (c’est le nom de la vache), s’est trouvée subitement prise d’un mal si violent, que ^vétérinaire appelé, après l’avoir saignée et lui avoir administré les remèdes les plus énergiques, à la seconde visite faite le soir même, déclara la bête perdue sans ressource, et hors d’état d’aller jusqu’au lendemain.' Alsie, mourante, les yeux ternes et humides, les naseaux secs, la bouche et la gorge en feu; les membres agités de mouvements convulsifs, la respiration éteinte; et, malgré la fièvre ar-

dente qui la dévorait, tonte couverte d’une sueur froide et visqueuse, Alsie, à dix heures, ¿tait étendue sur sa litière, attendant le dernier soupir. Miss Mar-tineau songe au magnétisme, et, presque honteuse, mais emportée par le désir de sauver une bêle à laquelle elle portait une affection particulière, elle ordonne à l’un des garçons de ferme dont elle avait magnétisé l’enfant quelques jours auparavant de magnétiser Alsie, en répétant sous sa direction les passes et les attouchements qu’elle lui indique.

Elle savait par expérience que les chats sont plus sensibles à l’action magnétique. Elle avait vu Sullivan l’employer avec succès pour l’éducation des chevaux vicieux, et Catlin, qui l’avait appris des Indiens, s’en servir pour prendre des buffles. A minuit, l’expérience commença par des passes longitudinales sur l’épine dorsale, de la tête à la queue, auxquelles succédèrent des passes transversales sur la poitrine.

En quelques minutes, un mieux marqué se manifeste. La respiration plus aisée, le regard meilleur, la bouche humide , la vache s’endort sous l’action bienfaisante du fluide, et , le lendemain, le vétérinaire n’en peut croire ses yeux en la retrouvant vivante. Cependant une nouvelle crise se déclare. En apprenant la rechute, miss Martineau prescrit le même traitement, et Alsie, définitivement guérie, se relève gaie et bien portante pour s’en aller aux champs.

Voilà des faits. Nous ne les jugeons pas ; nous demandons qu’on les examine. Il y a là, pour la médecine humaine, aussi bien que pour l’art vétérinaire, un champ immense à explorer, tout un avenir peut-être... La chose, certes , vaut bien qu’on s’en occupe. Ce n’est pas un cas isolé. Ce sont trois, quatre, cinq et six cas se produisant dans des circonstances di-

versos, à clos distances considérables, attestés par des observateurs capables, désintéressés, dont le caractère mérite toute confiance... Que nos savants ot nos propriétaires observent à leur tour. Us sauront bientôt à quoi s’cn tenir.

(Pairie).

Les extases de M. Hochenez. — Tel est le titre d’un vaudeville en un acte, par M. Marc Michel, représenté en ce moment au théâtre Montansier. Cette pièce, comme toutes colles qui se jouent au Palais-Royal , est une bouffonnerie ; mais, au lieu d'être hostile au magnétisme, comme celles qui l’ont précédée sur cette scène , elle lui est entièrement favorable. La plupart dos magnétistes parisiens l’ont déjà vue; CEntr’acte du 10 décembre en fait ainsi l’analyse;

« M. Hochenez est un bravo bourgeois qui serait fort heureux s’il n’avait pas eu le malheur de prendre à son service un espèce de galopin nommé Joseph. Sans Joseph, M. Hochenez pourrait tous les jours promener sa jeune épouse , aller au spectacle, faire ses quatre repas dans un appartement commode , se coucher dans un lit douillet et bien bassiné, —Joseph est venu, qui a gâté cette existence de sybarite. — A peine ce valet a-t-il pris possession de la maison de son maître , que tout va de travers. M. Hochenez est malade, il a dos absences , il a renvoyé sa femme , dans la crainte qu’elle ne s'aperçût de son état mental. Le plus curieux, c’est que M. Hochenez, au lieu de flanquer Joseph à la porte, le traite comme le meilleur et le plus fidèle des serviteurs.

« La chose est singulière, mais facile à comprendre : Joseph est un magnétiseur qui a pris son maître pour sujet, — Joseph endort son maître quinze fois

par jour afin de lui faire balayer l’appartement, de manger son déjeuner, de coucher clans son lit, de mettre ses habits. Joseph prétend même un beau jour faire débuter M. Ilochenez à la salle Bonne-Nouvelle, et il a traité en conséqnence avec le propriétaire de cet établissement. M. Ilochenez, endormi, traite Jo eph de polisson et de gredin, il maudit le drôle auquel il se voit forcé d'obéir, grâce à la puissance magnétique; mais une fois réveillé, M. Hochenez ne se souvient de rien, et il presse Joseph sur son cœur.

« L’arrivée de M"'« Hochenez et d’un petit cousin qui veut lui faire la cour, dérange les projets de M. Joseph. Comment conduire son maître à Bonne-Nouvelle maintenant! Joseph se démène, s’agite pour sortir d'embarras ; il endort à tout hasard R1. Hochenez, qui, pendant son sommeil, a la douleur de remarquer entre sa femme et son cousin une intimité dangereuse. Hochenez s’irrite, accable de reproches les deux coupables, puis se réveille et redevient doux comme un mouton.

« Le dénouement est amené par un docteur, auquel Hoohenez, toujours endormi, révèle lui-même sa maladie. -Le docteur endort le valet, qui avoue tout, et M. Hochenez renaît au bonheur. »

Nécrologie. — L’un des magnétistes les plus épris des doctrines Swedenborgiennes, M. A. Doisnel, \ient de mourir à Briquebec (Manche), dans un âge peu avancé. Tout naturellement, ses coreligionnaires regardent sa fin comme heureuse pour lui, et s’en réjouissent; nous, nous la déplorons, parce que la cause magnétique perd en lui un zélé partisan.

— Un romancier célèbre, M. de Balzac, vient aussi de terminer sa carrière. Il consacra quelques pages éloquentes à la défense du magnétisme, et sema

beaucoup de nos idées dans ses nombreux écrits. C’est le premier qui, parmi les littérateurs contemporains, osa se prononcer énergiquement en favsur des ftiits mesmériens ; son exemple fut une des causes de la vogue dont le magnétisme jouit actuellement dans les œuvres littéraires du théâtre et de la presse.

— Nous avons fait encore une autre perte regrettable. Le l)r Fouquier, l’un des signataires du rapport de M. Husson, sur le magné.isme. C’était un des académiciens les plus loyaux. Il croyait à l’existence des effets physiologiques qu’il avait constatés; mais il conseillait quelquefois le traitement magnétique, dont il retira souvent avantage dans des affections rebelles. Son suecesseur à l’hôpital de la Charité, M. Piorry, quoique moins bien disposé, est aussi favorable à la magnétisation curative.

— Un autre médecin distingué, M. Royer-Collard, est aussi mort dernièrement à Paris. Il a, dans une occasion solennelle, pris la défense du magnétisme devant l’Académie de médecine. Il s’est même fait traiter par ce moyen à la fin de la maladie qui le tenait depuis longues années impotent. Il en relira un soulagement marqué, qui rendit moins pénibles ses derniers moments.

Chronique. — Nous avons retardé d’un jour la publication de ce numéro, pour faire connaître l’issue du procès Mongruel. La Cour d’appel a réformé le jugement de première instance , en réduisant l’emprisonnement à 5 jours, et l’amende à 100 fr. — Détails au prochain numéro.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

lmpr. de Fommeret et Moreau, quai des Aoguttinj, 17*

THÉORIES.

PHILOSOPHIE MÉDICO-MAGNÉTIQUE.

CHAPITRE III.

De la Médecine magnétique.

(Suite.)

De l'imposition des mains et du Toofhcr.

L’imposition des mains et te toucher sont deux procédés qui se rattachent à la médecine occulte des anciens; nous ne pouvons pas douter de son origine magnétique. Cependant tout nous porte à croire que la plupart de ceux qui se livraient à ces pratiques mystérieuses n’en soupçonnaient pas les propriétés, et si nous avons cru devoir rapporter à la médecine d'imagination le plus grand nombre des cures obtenues par ces deux méthodes, c’est que les témoignages que nous avons puisés dans l’histoire ne nous ont pas démontré d’une manière assez rigoureuse l’iniluencc spéciale du magnétisme. En effet, comment supposer que l’imposition des mains ou le loucher aient suffi pour produire des guérisons instantanées , lorsque l’expérience nous apprend chaque jour qu’un traitement magnétique exige une longue TOME X. — N» 12 7. — FÉVRIER 1851. 2

persévérance môme chez les sujets les plus impressionnables. Loin de nier des cures appuyées sur la notoriété publique, nous nous bornons simplement à en contester le principe, et si l’observation nous offre la preuve incontestable qu’elles étaient autrefois plus rapides et plus fréquentes, nous en trouvons facilement l'explication dans l’indifférence des malades en matière de foi, conséquence naturelle du scepticisme de notre civilisation. Qu’un magnétiseur se reporte aux lenteurs et aux difficultés pratiques du magnétisme, lorsqu’il réussit à combattre avantageusement toute celle borde d’infirmités, telles que l’épilepsie, l’hystérie, les rhumatismes chroniques, etc. , et son esprit ne pourra le défendre de rejeter sur les puissantes déterminations d’une imagination ardente tontes ces cures merveilleuses consignées dans les annales de la science. Nous ne récapitulerons pas les réflexions que nous avons émises (1) sur le traitement des scrofules et du carreau, dont les rois de France et d’Angleterre ont revendiqué si longtemps les prérogatives. J. Porta (2), Péchlin (5), le père Delrio (4), Abr. Zacuto (5), Pierre Borel(6), G. Cardan (7), etc., accordaient un grand crédit à la médecine d’attouchement ; malheureusement l’obscurité qui règne dans leurs ouvrages suffit pour suspendre notre jugement.

An nombre di s effets curatifs obtenus par les thaumaturges de tous les temps, sous l’influence de l’ima-

(1) Journal du Magnétisme, t. VIII, p. 492 el suiv.

(2) Magie naturelle, liv. vm, ch. 14.

(5) Observ. phys. med., lib. Il1. — Observations 30, 31, 32.

(4) Controverses magiques, livre 1, ch. 3 , question 4.

(5) De PHistotre de la Médecine, question 31.

(6) Observ. imprimées à Fraucforl, centur. 2.

(7) De Subtilitate.

gination et delà foi des malades, nous discernons passagèrement le concours accidentel de certains procédés magnétiques.

Grealrake, surnommé le Prophète irlandais, elle curé Gassner envisagèrent la plupart des maladies comme de véritables obsessions, el leurs traitements consistaient en exorcismes. Ce dernier cependant recourait quelquefois aux frictions magnétiques : il promenait ses mains lentement sur les parties malades, jusqu’à ce qu’il eût attiré la douleur à l’extrémité des membres, d’où il parvenait à la chasser entièrement (i). Gassner ne devait vraisemblablement qu’à sa longue expérience la découverte de celte pratique, dont il ne pouvait soupçonner l'origine. Ne serait il pas possible aussi de faire remonler aux vesliges de l’instinct adamique le penchant secret qui nous fait porter la main sur le siège de nos souffrances? La nature ne semble-t-elle pas nous indiquer cette manœuvre salutaire dans bien des circonstances?

Le toucher était un moyen curatif fort usité che* les Égyptiens, et faisait partie de leurs mystères. Ar-nobe l’ancien (a) assure que les païens faisaient un reproche à Jésus-Christ de leur avoir dérobé le secret des guérisons par le toucher. Si la discrétion des auteurs de l’antiquité nous laisse dans l'incertitude sur la valeur de celle médication, l’histoire nous présente une large compensation dans l’exposition précise d’un procédé beaucoup plus énergique, connu parmi les magnélistes modernes sous le nom de niait) Procès verbal des opérations merveilleuses, suivies des guérisons qui se sont rai les, en vertu du Sacré Nom de Jésus, par le sieur Gassner, prêtre séculier et conseiller de Son Altesse le Priuce évêque de Ratisbonne, 1775.

(2) Traité contre les Gentils.

gnëlisalion corporelle , c’est-ù-dire , l’application d'un corps sain sur un corps malade. Les livres sacrés sont surtout prodigues de citations de ce genre. Nous lisons dans le Livre des ¡lois (i) : « Élie s’étendit par trois fois sur l’enfant, et cria à l’Éternel, et dit: Eternel, mon Dieu! que l’âme de cet enfant rentre en lui. Et l’Eternel exauça la voix d’Élie, et l’âme de l’enfant rentra en lui, et il recouvra la vie. » Et plus loin (2) : « Élysée monta et se coucha sur l’enfant, et mit sa bouche sur la sienne, ses yeux sur ses yeux, et ses poumons sur ses poumons, et se pencha sur lui : et la chair de l’enfant fut réchauffée. Puis il se relirait et allait par la maison, tantôt dans un lieu , tantôt dans un autre, et il remontait et se penchait encore sur lui ; enfin l’enfant éternua par sept fois, et ouvrit les yeux. »

Les ouvrages profanes font mention de guérisons inespérées obtenues dans des conditions identiques; seulement il existe une dissidence assez remarquable dans l’appréciation des causes : les auteurs reconnaissent dans toutes ces cures l’influence de la Divinité, toutes les fois qu’elles s’efléctuent à l’aide des pratiques religieuses ; mais ils ont soin de faire intervenir la puissance du démon,, lorsqu’elles se réalisent sous la main des hérétiques. Henry Boguet, grand-juge et conseiller au parlement de Dole, raconte ainsi la guérison d’un enfant qui passait pour mort : « Une femme retira l’enfant du berceau, s’enveloppa avec lui dans une couverture chaude, y resta une demi-heure, et l’enfant fut guéri (3). » On concevra que

(1) Livre i, cliap. 17, §§ 21 el 22.

(2) Ibid.

(3) H. Boguet. Discours des Sorciers, 1603, p. 85.

Bogucl, cc fléau des sorciers, ne pouvait manquer de signaler dans ces cas l’intervenlion de Satan. Une des observations les plus saillantes des temps modernes est celle de Mm* la princesse de Ligne, née Pozzo di Borgo, qui, par un mouvement instinctif d’amour maternel, se précipita sur son enfant presqu’inanimé, à la suite d’une variole rentrée ; elle le couvrit de son corps et de ses vêtements, et resta dans cette position l’espace d’une demi-heure; lorsque les cris de son enfant l’arrachèrent à cet état d’extase, elle le découvre et s’aperçoit avec joie que la respiration a reparu et que l’éruption a repris son cours. Chastenet de Puységur, qui rapporte ce fait dans tous ses détails (i), compare assez judicieusement cet acte d’in-tuilion magnétique à l’incubation des œufs par les poules.

L’imposition des mains est un usage que l’on retrouve chez tous les peuples , particulièrement dans les cérémonies religieuses et les exorcismes. Cette médecine d’attouchement paraît appartenir aux pratiques mystérieuses des Brames, et nous a semblé encore fort usitée chez les hordes sauvages (2). Ce geste s’appelait abéaston chez les Indiens ; il se traduisait de deux manières : i° en ouvrant la main, les doigts serrés ; 20 en tenant le pouce et les deux premiers doigts étendus, les deux derniers restant fléchis. La première méthode servait aux invocations, et la seconde aux exorcismes du démon (3). Les idoles de l’Inde étaient généralement représentées avec plusieurs bras, dans l’attituded’un m agnéliseur (4).

(1) Recherches physiques sur l'Homme, chap. 3, p. 67 el 68.

(2; Le lires sur le Magnétisme animal, parCalard deMontjoie, p. 8 et 9.

(3) Archives du Magnét., t. VII, p. 45.

(i) Voyage aux Indes orientales et ¡l'a Chine, par Sonnerai.

Chez les Hébreux, le grand-prêtre imposait les mains, en élevant les trois premiers doigts, les autres étant fermés.

Pythagore , qui parcourut longtemps l’Égypte et les Indes, où il fut initié aux sciences les plus secrètes, passe pour avoir propagé cet usage chez les Romains, qui inventèrent les mots iiuligilare, indigi-tamentum, que quelques écrivains ont traduits par le terme d’enchantement.

On considérait alors Y imposition des mains, non seulement comme un moyen efficace d’attirer les bénédictions du Ciel, mais encore comme un remède infaillible pour chasser le démon et guérir les malades. Aussi voyons-nous souvent le mot tnunus employé dans ce sens clans la Bible, « et facta est inanus Do-mini super ilium. » Et après que Paul leur eut imposé les mains, est-il dit autre part (i), « le Saint-Esprit descendit sur eux, et ils parlèrent divers langages, et ils prophétisèrent... Et Dieu faisait des prodiges extraordinaires par les mains de Paul.... Les malades étaient guéris et les esprits malins sortaient des possédés. »

La main de Dieu était même synonyme de bonheur, « et manusDei erat cum illis (2). » Ces expressions métaphysiques étaient eonsacrées par l’usage.

Le mot doigt était une expression analogue : « Le* magiciens dirent à Pharaon : C’est ici le duigt de Dieu; x digitusDei est hic (3). » Suivant Pierre Yalérien (4), on donnait à l’index le nom de medicus, doigt médical.

(1) Aclesdcs Apùlres, ch. 19.

(2) Ibid, cb. 2, verset 2t.

(5) Exode, ch. 8, verset 19.

(4) Hiéroglyphes, liv. xxxvi, p. 2G0.

I.e sieur do La Chambre (i), au contraire, affirme (¡110 c’est au doigt annulaire que los anciens médecins attribuaient des vertus cordiales, et qu’ils s’en servaient de préférence aux autres doigts pour préparer leurs niédicamenls. Nous rencontrons dans

Y A iniquité expliquée, do Monllaucon (2), dos détails fort curieux sur les mains votives 011 mains mystérieuses, qui étaient en bronz* et chargées de figures hiéroglyphiques. Elles étaient consacrées à quelque divinité (il y avait aussi d’autres figures allégoriques qui représentaient l’organe guéri par la puissance divine), et étaient en outre un symbole de reconnaissance de la part des malades qui dédiaient au dieu bienfaisant l’emblème de la main qui avait servi à leur guérison.

Ces mains votives s’appelaient encore mains panllices. Les prêtres étaient ordinairement représentés les bras étendus et les mains ouvertes, à la manière des divinités protectrices (3).

On trouve dans les Antiquités d'HercuIanum, gravées par David et expliquées par Maréchal (4), la description fort intéressante d’une main votive trouvée, le

février 17 '1G, dans los fouilles de Résina. On s’accorde à la faire remonter au règne do Titus. On remarque aussi dos figures analogues dans les ouvrages «lu comte de Cajlus (5).

C’est par l’imposition des mains que le sacerdoce était conféré à dos hommes qui réunissaient aux fonctions ecclésiastiques le monopole de la médecine.

(1) Art de connaître les Hommes, p. 380.

(2) Tome II, p. 250, 530; et t. V, p. t-2li.

(3) Bronzes ..’llerculanum, t. Il, pl. 7(j, et Supplément, 1.1, ni. 8C.

(4) Tome VI, p. ».

(5) Recueil des Antiquités égjptiennes, t. I, p. 32.

Numa s’assujellit même à ce rite ( i ), lorsqu’il reçut l'initiation sacrée chez les Romains.

C’est également par l'imposition des mains que se pratiquaient les exorcismes. C’est encore aujourd’hui le mode habituel des spirilualistes, qui joignent aux pratiques du magnétisme le concours de la prière. Nous aurons bientôt l’occasion de revenir à l’étude de ce procédé.

De l'insufflation.

Il faut croire que l’opinion généralement admise, que la respiration d’une personne saine jouissait de vertus curatives excessivementpuissantes (2), a donné naissance à Y insufflât ion.

Le9 Tay-Bou-To-Ni, médecins de Tong-King (3), rassemblaient tous leurs malades et souillaient sur eux pour les guérir. Origène rapporte (4) qu’il y a des hommes qui produisent des cures merveilleuses par

Y insufflation. « Hommes morbos exsuillantes. » Les charlatans, disent Celse et Arnobe (5), guérissaient leurs malades par insu f/la lion, et cet usage était fort répandu chez les Égyptiens.

Pline le naturaliste (6) recommande Y insufflation sur le front, dans la toux. Saint Augustin (7) nous apprend que certains individus avaient la propriété de guérir par le souille : « Solo afllatu varia vulnera

(1) Tite-f-ive. Histoire Romaine, Décade 1.

(2) Journal du Magnétisme, t. VIII, p. 173 et suiv.

(3) Philosophie corpusculaire . par Delandiue.

(4) Contra Celsum, lib. i, p. 54.

(5) Arnobe. Contra Gcnliles.

(6) Histor. natur., lib. Xxvm, cap. 4.

(7) Cilé de Dieu, liv. xiy , cap. 24.

curant. » Suivant lui, cc privilège était particulier à quelques individus.

Grégoire, évêque de Nysse, parlant de Grégoire le thaumaturge, évêque de Néocésarée, cherche a démontrer que cc célèbre théologien chassa l’esprit malin du corps d’un obsédé , en lui couvrant la tête d’un voile qu’il avait imprégné de son haleine (1). Nous savons, et nous espérons le démontrer par la suite, que l’on a regardé longtemps comme des obsessions toutes ces affections nerveuses que le magnétisme combat si victorieusement.

J. lliolan, professeur d’anatomie et doyen de la Faculté de médecine de Paris, ainsi que Thomas Bar-tholin, professeur de médecine à Copenhague (2), nous font l’exposé historique d’une maladie épileptique qui se dissipa sous l’empire d'insufflations prolongées dans l’oreille.

Merklinius (3) assure qu’une vieille femme rappela un enfant à la vie, en appliquant sa bouche contre la sienne et en souillant avec vigueur : « Brachia super infantem extendit, os que auutn infantis ori arctissimè implicat. » Nous n’ignorons pas que ce procédé suffit quelquefois pour rétablir la respiration chez quelques asphyxiés ; mais il y a certainement des circonstances où l'insufflation mécanique sera insuffisante, lorsque le souille magnétique produira des prodiges; l'insufflation sur le cœur ne procure-t-elle pas un soulagement plus rapide?

Pierre Borel (4) expose qu’il existe dans l’Inde une secte de médecins qui guérissent toutes les maladies

(1) Tyrrhccus. De Demoniacis, pars 11, cap. 26.

(2) Barlholinus. Anatomie, bislor., lib. Il, cap. 78.

(3) Traité de t'bys. médic., p. Il5.

(4) Ouvrage cité ; centurie 3, observ. 88.

par insutllalion. « Quædam est in India mcdicornni sccta quæ morbos o ni nos sola curât insufllalione. » 11 rapporte aussi l’observation d’un domestique qui rappela son maître à la vie en lui souillant dans la bouche. Borel ajoute que Dieu souilla dans le corps d’Adam pour lui donner la vie.

Nous lisons dans les œuvres de Cardan (i), que le frère du roi de France fut guéri d’un ulcère par le souille continu d’un enfant de douze ans : « Le souffle d’un enfant de cet âge, reprend ce médecin philosophe, procède du cœur pur, et peut corriger les humeurs corrompues. »

Le père Gaspard Schott (2) reconnaît que de son temps l’on croyait aux influences salutaires de l'insufflation, mais qu’elle pouvait aussi produire des maladies. Il soutient (3), d’après Remigius, que l’on peut favoriser l’avortcmcnt par Vinsufflation.

« Le souille de l’homme, avance Pierre Le Loyer (4), repousse l’esprit et souille contraire de l’ennemi invisible, c’est pourquoi les insufflations estoient fort usitées ès exorcismes. »

« Clauda Gaillard, dit Henry Boguet (5), fut condamnée à être brûlée pour avoir rendu malades deux personnes en leur soufflant au visage. »

Nous ne doutons pas, d'après ce résumé impartial des diverses opinions des écrivains de l’antiquité et du moyen-âge, que les frictions, le toucher, Vimposition des mains et Y insufflation, procédés fort usités dans

(t) De la Subtilité, traduction de Richard Leblanc, p. 368, verso.

(2) Thaumaturgus physicus , sive magiæ universalis , naturæ et artis ; pars îv, cap. 2, p. 510, et lib. v, 5 2, p. 518.

(3) Ibid., §3.

(4) Histoire des Spectres ; iii-4 , p. 830.

(5) Ouvrage cité, p. Il0.

tous les temps, n'appartinssent à la médecine magnétique. Ces pratiques rentraient, il est vrai, dans le domaine des sciences occultes, ce qui doit nous expliquer l’absence de tout traité spécial sur ces genres de médication mystérieuse, qui n’était dévoilée qu’à un petit nombre d’adeptes, sous la foi d’un serment solennel. L’exercice en était d’ailleurs proscrit par le clergé, qui en redoutait les conséquences entre les mains de l’ignorance, et qui avait tout intérêt à anéantir les ouvrages sur cette matière. Parmi les cures innombrables et authentiques que rapportent les historiens, il serait injuste de les rattacher toutes au pouvoir de l’imagination , le magnétisme doit raisonnablement en revendiquer sa part. La tendance de l'homme à rattacher les faits à son système, l’a presque toujours entraîné dans de grossières erreurs, et l’a souvent aveuglé dans l’appréciation des événements. Si les magnétiseurs s’efforcaient de dégager la vérité des nuages qui l’obscurcissent, ils ne manqueraient pas de propager leur doctrine, qui rencontrera des obstacles insurmontables tant qu’elle restera entachée des maximes erronées des esprits fascinés par les extravagances d'une imagination déréglée. Nous devons aussi déplorer l’empiétement du charlatanisme, qui, tout en persuadant la multitude en dépit des droits de la raison, ne laisse pas de compromettre, aux yeux des classes intelligentes, une découverte aussi importante que celle du magnétisme. Le bon sens public ne fera t-il pas justice des jongleurs et des visionnaires ?

Dr Alfred PERR1ER.

[La suite prochainement.)

VARIÉTÉS.

Tribunaux. — Nos lecteurs habituels connaissent trop bien les détails du procès intenté, il y a quelques mois, aux sieur et clame Mongruel, pour qu’il soit besoin de les rappeler. Lorsque la septième Chambre les condamna définitivement, nous fîmes remarquer que l’ambiguité du jugement prêtait à une interprétation contraire à l'intention exprimée par les magistrats (i). M. Mongruel, se fondant sur la même amphibologie, appela de ce jugement, et les sommités du barreau, qu’il consulta, furent d’avis qu’il y avait, en effet, lieu à réforme. Un Mémoire fut écrit dans ce sens par M* Jules Favre, et distribué à la Cour d’appel. Voici les principaux traits des nouveaux débats auxquels cette affaire a donné lieu.

COUR D’APPEL DE PARIS. (Ch. correctionn.)

Présidence de M. Fercy. — Audience du 10 janvier 1851.

SOMNAMBULISME. — LA SIBYLLE MODERNE. — DIVINATION. — PRÉVENTION D’ESCROQUERIE. — DEUX PRÉVENUS.

M. le Président. — M. le conseiller-rapporteur a la parole.

M. le conseiller Thomassy donne lecture d’un remarquable rapport, rempli de détails curieux et de considérations élevées. Nous en donnons ici le texte :

« Mongruel, ancien instituteur primaire, se disant professeur de magnétisme, et Rosalie Lefebvre, long-

(1) Voir tome IX, page 512.

temps sa concubine et depuis sa femme, exploitaient un cabinet de consultations ;i Paris, sous le titre de la Sibylle moderne, quand des plaintes furent adressées au parquet.

« L’œil vigilant de la polir,e était déjà ouvert sur leur industrie, et l’action du ministère public ne devait pas larder à être mise en mouvement.

« L’une de ces plaintes émanait d’un marchand de chaussures qui, en échange de 20 fr. par lui donnés à la Sibylle moderne, avait reçu d’elle une ordonnance de traitement avec aggravation subséquente de son triste état et de ses souffrances.

« L’autre plainte, d’une nature plus grave, avait été portée par un mari que la jalousie de sa femme, surexcitée par la divination trompeuse de la somnambule, avait jeté dans les plus horribles angoisses. « Une information fut requise.

« Faite avec le plus grand soin et parachevée, elle aboutit à une ordonnance de la chambre du conseil, sur laquelle il faut arrêter, Messieurs, votre attention; car cette ordonnance donne à l’affaire qui vous est en ce moment soumise, sa véritable physionomie, et doit empêcher les débats qui vont s’ouvrir de trop s’égarer par delà le terrain bien fixé de . la discussion.

« 11 fut donc déclaré par cette chambre du conseil, à la date du 29 juin i85o, après examen scrupuleux de toutes les pièces de la procédure, qu’il existait contre Mongruel et Rosalie Lefebvre, sa femme, prévention suffisante :

« i° D’avoir, dans les premiers jours de i85o, et dans l’année précédente, exercé sans titre, à Pari», l’art de guérir;

« a0 D’avoir, dans les premiers jours de i85o, et

dans l'année précédente, fait conjointement métier de de\iner et pronostiquer, et d’expliquer les songes.

« 5" DesVire, dans les premiers mois de i85o, en eiii; lovant des manœuvres frauduleuses pour persuader l'existence d’nn pouvoir imaginaire et pour faire naîire l’espérance ou la crainte d’un succès, d’un accident ou d’un événement chimérique, fait remettre par la dame L> moine une somme de 5o francs, et d’avoir ainsi escroqué partie de la fortune d’autrui.

« En conséquence, et à raison de ces délits et contravention. faits annexes, la chambre du conseil renvoya Mongruel et sa femme devant le tribunal correctionnel, pour y être jugés conformément à la loi.

« Dans celle ordonnance de renvoi figuraient, comme complices de l'infraction d’exercice illégal de la médecine, deux Polonais; l’un, pharmacien, Soko-low-ki ; l’antre, médecin, Grabowski.

« Le 5i juillet i85o, jugement du tribunal correctionnel qui ienvoya des fins de la poursuite le pharmacien, et condamna le médecin à 5 fr. d’amende, et tout fut dit à l'égard de ces deux prévenus.

« Mais le même jugement, statuant par défaut contre Mongruel et sa femme , les condamna, à raison ■des faits ci dessus précisés et qualifiés, à la peine de treize mois d’ mprisonnement et à 5oo francs d’a-Jaende.

« S.ir l’opposition, nouveau jugement, à la date du iq août iï-do, qui, après des débats et plaidoiries animées, débouta Mongruel et sa femme de leur op-posiiion.

« Vous êles ai sis, Messieurs, de la connaissance -de cette affaire par l’appel que les époux Mongruel ont régulièrement interjeté de la sentence qui los condamne.

« L’intérêt de cet appel se concentre tout entier sur le chef du jugement relatif à l'escroquerie, déclarée constante et punie par les premiers juges.

« Pas d’appel, il est permis de le penser, si ce chef ne figurait pas dans la sentence.

« Quoi qu’il en soit, les époux Mongruel ont usé d’un droit, et le procès revit, et une nouvelle appréciation est à faire des trois points de la prévention déterminés par l’ordonnance de la chambre du conseil,

« Ce procès, Messieurs, n’est pas sans difficulté» :

« La qualification des faits incriminés, la lorce probante des témoignages accusateurs, les questions accessoires que soulèvent les questions judiciaires, le# conséquences éventuelles de votre ariêl— tout provoque l’attention et exige un examen approfondi.

« Ce procès, Messieurs, s’il faut en croire les appelants, aurait la plus immense portée;

« Il s’agirait de toute autre chose encore que de leur honneur et de leur liberté compromis ;

« 11 s’agirait des découvertes de la science et de* manifestations indépendantes de l’esprit humain menacées;

« Il s’agirait des plus graves questions de philosophie, de physique et de psychologie.

« Nous devrions, Messieurs, y prendre garde, et n» pas nous renfermer étroitement dans la sphère du, droit criminel.

« Ce serait nous exposer à manquer d’air et de lur mière.

« Il y a plus

« Les appelants, dans leur Mémoire, se sont bien, moins occupés à discuter les circonstances et les détails du procès qui leur est intenté, qu’à établir terreur juridique cl scientifique des premiers juges.

« On dirait, en vérité, que le magnétisme seul est en cause, et que vous êtes réunis , Messieurs, moins pour juger des actes déterminés de la Sibylle moderne et de son mari le magnétiseur, que pour rendre un arrêt solennel sur la doctrine des Puységur et des Deleuze.

« Il est à croire que le ministère public n’adoptera pas précisément le même plan et considérera les choses sous un autre point de vue.

« Le Mémoire dont nous venons de parler, Messieurs, est toutefois un document important dans la cause 5 nous devons, dès le début, vous en dire un mot.

« On y convient que l’accusation contre les époux Mongruel a un caractère réel, apparent, et l’on ajoute que tout pourtant repose sur la seule parole d’un témoin dont la jalousie furieuse avait troublé les facultés intellectuelles.

« On y exprime le regret que M. le juge d’instruction n’ait pas cherché à constater par des témoignages les étonnantes facultés somnambuliques de la Sibylle moderne.

« On y signale le graud vice, le vice radical du jugement attaqué devant vous, qui serait d’avoir traité le magnétisme de manœuvre frauduleuse, et les facultés des somnambules de pouvoir imaginaire.

« Singulier procès ! selon le Mémoire des appelants, où tout reposerait sur la déposition d’une folle, où l’on chercherait vainement une confrontation, une enquête justificative, et où pourtant rien n’établirait la mauvaise foi, l’intention criminelle du magnétiseur et de la somnambule!

« Le seul crime de Mongruel serait d’avoir fait ce que les médecins déclarent possible, et d’avoir usé

d’un agent physique dont los cfl'cts sont merveilleux el incompréhensibles.

« Or, dans le cabinet de consultation de la Sibylle moderne, le magnétisme n’a pas été une feinte, le somnambulisme n’a pas été un pouvoir imaginaire.

« Et, pour établir la réalité du magnétisme en général et du somnambulisme, l’auteur du Mémoire pose ce qu’il appelle les vérités fondamentales acquises à la science.

« Suit une brillante discussion ou plutôt exposition que vous avez lue, Messieurs, et à laquelle notre analyse rigoureuse ne touchera certes pas, de crainte de 1’aflaiblir en la dépouillant des prestiges du style et des charmes de l’imagination.

« Ce Mémoire, Messieurs, survivra au procès Mon-gruel ; il le mérite.

« Toutefois, il y a des choses regrettables :

« Nous aurions voulu ne pas rencontrer çà et là quelques expressions dépassant le but el la pensée même de l’auteur, qui déparent des pages pleines de verve et souvent d’éloquence noble 5 vraie et sentie.

« Il a été bien d’évoquer l’ombre de ce regrettable docteur Georget, répudiant hautement des doctrines qu’il avait eu le malheur de professer, et, après de sérieuses méditations sur le somnambulisme, proclamant avec une énergique et définitive conviction l’existence en nous et hors de nous d'un principe intelligent tout à fait différent des existences matérielles. De semblables digressions sont non seulement permises, mais elles honorent et vont droit à l’âme des gens de bien.

« Mais pourquoi ces diatribes contre les corps savants, les Académies et les hommes éminents dans les sciences physiques el médicales?

« Esl-ce donc qu’une sage temporisation n’a jamais amené la suppression d’une erreur prête à envahir le monde savant, et la suppression d’une erreur ne profite-t-elle pas à la science ?

« Esl-ce donc un si grand crime de faire faire la quarantaine à tant d’inventions inouïes, à tant d’idées téméraires qui, avant même d’avoir reçu des lettres de naturalisation , allcctent des allures dominatrices et tyranniques, alors même que la conscience publique les repousse ?

« L’humanité doit beaucoup à la science, aux savants et aux Académies, et si parfois l’on a eu à regretter des entraves temporaires à l’émission de quelques rares inventions véritablement utiles, des avantages incontestables résultent habituellement du contrôle que la science exerce sur tant de systèmes qui pullulent de tous les côtés.

« Pourquoi encore, dirons-nous, ces amertumes à peine dissimulées contre des magistrats qui, pour n’être pas infaillibles, n’en sont pas moins environnés de l’estime publique et de la considération de» hommes éminents qui concourent à l’administration de la justice?

« A ce dernier titre, l’auteur du Mémoire doit doublement regretter les paroles qui ont pu lui échapper dans l’entraînement d’une chaleureuse composition.

« Nous vous avons déjà fait observer, Messieurs, comment la défense avait cru devoir élargir les débats de cette affaire, en donnant à ses moyens une fixité que n’eût pas comportée la rapidité de la plaidoirie.

a Nul assurément ne s’en plaindra.

« Mais il est temps de se rappeler que, dans cette

enceinte, tout doit être considéré sous le point de vue de la justice répressive, que tout doit aboutir à faciliter l’appréciation légale des faits incriminés.

« C’est sous l’empire de cette idée que nous croyons devoir vous soumettre, Messieurs, quelques simples observations sur le magnétisme animal, qui joue un si grand rôle dans ce procès.

« Notre position de rapporteur a cet avantage de nous tenir à un point de vue indépendant que rien ne peut gêner, différent en cela du point de vue exclusif de la défense.

« Nous le répétons, ce sont de simples observa-vations, mais elles sont basées sur des documents authentiques.

« La question des origines, en toutes choses, a fort préoccupé l’esprit humain, qui obéit, en cela, à une nécessité logique de sa curiosité naturelle.

« Aussi s’est-on demandé d’où nous venait le magnétisme, qui s’annonçait emphatiquement comme un astre bienfaisant levé enfin sur l’horizon de la pauvre humanité.

« Quelques érudits, dépassant de bien loin l’époque d'Hippocrate citée par les appelants, ont prétendu que les pratiques de cette science étaient enfouies sous les débris des temples de l’énigmatique Égypte. Ex adytis Ægyptiorum remotai disciplinas.

« D'autres érudits, sans redouter la moquerie, ont signalé une scène de VAmphytrion de Plante, comme renfermant l’embryon de celte science occulte.

« Il s’agit de Mercure cherchant à endormir Sosie à l’aide de passes, de véritables passes: t/uid si ego ilium traclim tangam, ut dormiat ?

« Il est enfin des érudits, et de ce nombre le docteur Tbouret, qui, après avoir fouillé dans les arChi-

vos des i5e, 16e et 17e siècles, n’ont pas craint de dépouiller Mesmer du mérite de son invention au profit de vieilles célébrités, peu connues de nos jours, telles que Paracelse, Van-Helmont, Kircher, et nous citons les plus notables.

« Quant à nous, nous n’entendons pas remonter au-delà de ce Mesmer, inventeur problématique et importateur du magnétisme animal en France.

« A cette époque de frivolité et de corruption, d’incrédulité et de crédulité inimaginable, Mesmer eut ses triomphes d’engouement général, et son Enfer à convulsions jouit de la plus grande célébrité.

« Mesmer traita même de puissance à puissance avec deux ministres du roi pour l’établissement d’une clinique magnétique , et refusa avec hauteur les offres qui lui étaient presque officiellement faites.

« Il fallait mieux que cela à Mesmer, qui se résigna à quitter Paris, fit place à Cagliostro, et alla mourir à peu près oublié dans son village germanique, au milieu des grands événements de 1845.

« Quoi qu’il en soit, à l’époque môme des succès inouïs de Mesmer, quelle a été l’appréciation solennelle, faite par les corps savants, de la doctrine nouvelle qui nous occupe en ce moment?

«"Vous connaissez, Messieurs, le rapport qui fut fait, le 11 août 1784, parles commissaires chargés par le roi de l’examen du magnétisme animal.

« Parmi ces commissaires, choisis dans la Faculté de médecine de Paris et dans l’Académie royale des sciences, figuraient entre autres Darcet, Guillotin, Lavoisier, Franklin, et le rédacteur du rapport fut l’infortuné Bailly.

« Ce rapport était un arrêt scientifique de réprobation.

« El plus lard, k: !\ septembre 178-'!, Bailly, ayant à faire l’exposé à l’Académie des sciences des expériences qui avaient été faites pour l’examen du ma-gnélisme animal, termina son nouveau rapport ainsi qu’il suit :

« Le magnétisme n’aura pas été tout à fait inutile . à la philosophie qui le condamne; c’est un fait de « plus à consigner dans l’histoire des erreurs de l’es-« prit humain, et une grande expérience sur le pou-« voir de l’imaginalion. »

« Ceci se passait en 1784; le magnétisme, fortement ébranlé par l’autorité réunie de deux corps savants , fut frappé à mort l’année suivante par l’arme du ridicule.

« Les feuilletonistes et les petits théâtres furent plus puissants que la haute raison des hommes éminents que le roi avait nommés commissaires.

« De nos jours, Messieurs, on s’est pourvu en révision de cet arrêt; on s’est dit : En fait de science, un jugement quelconque n’est qu’une chose transitoire; et le magnétisme, qualifié, en 1784, parla science, de charlatanisme et de duperie, en a appelé de la science prévenue et subjuguée par l’esprit de routine à la science mieux informée et plus hardie de notre époque de libres penseurs.

« Qu’est-il advenu?

« C’est qu’en i8a5 des débats animés ont eu lieu au sein de l’Académie royale de médecine sur le magnétisme animal.

« Là, on a entendu des docteurs renommés, dont le nom fait autorité, repousser à priori tout nouvel examen, traiter le magnétisme de jonglerie, le somnambulisme de déception ; le tout réuni, de super-

cherie ridicule et concertée, cl les phénomènes produits de pures hallucinalions.

« Là, 011 a entendu signaler ces femmes qui font métier de donner des consultations, et partout, dans cc nouveau charlatanisme, des dupes et des fripons.

« Il est vrai qu’au sein de la même Académie, le magnétisme rencontra pour défenseurs des docteurs renommés; ils ne demandaient qu’une chose : l’examen et une commission.

« La majorité acquiesça; une commission d’examen fut nommée, des expériences magnéliques furent faites, et M. le docteur Husson déposa son rapport en i83i.

« La Cour pourra prendre communication de ce rapport au moment de ses délibérations; il nous suffit de porter à votre connaissance en ce moment le résumé de ce rapport, fidèle expression de l’opinion d’une majorité certes non hostile au magnétisme.

« Les commissaires constatent que les effets du magnétisme étaient nuls chez les personnes bien portantes et chez quelques malades; c’est l’objet du $ 1er.

« Ils constatent que ces effets étaient peu marqués chez d’autres; c’est, l’objet du § a.

« Ils constatent que ces effets sont souvent le produit de l'ennui, de la monotonie, de l’imagination; c’est l’objet du § 3.

« Ils constatent enfin qu’on a vu ses effets se développer indépendamment de ces dernières causes, et très-probablement par l’effet du magnétisme ani-•mal.

« La Cour n’oubliera pas ce très-probablement ; il donne à réfléchir.

« Une conclusion pareille paraîtra peut-être un peu faible, mise en regard «le l'argumentation précise et serrée des rapporteurs de 17S4.

« Enfin, et c’est au défenseur lui-même que nous devons la connaissance de ce fait, enfin, l’Académie de Médecine, en ¡S5y, a nommé de nouveaux commissaires pour l’examen du magnétisme animal, dont le travail, s’il faut en croire les appelants, ne serait qu’une diatribe violente, injurieuse.

« Nous en avons fini, Messieurs, avec l’opinion des docteurs, des savants, des gens experts à ce connaissant.

« De ce qui précède, qu’est-il donc permis de conclure ?

« C’est tout au moins que le magnétisme animal en est encore à l’état de controverse.

« 11 a sans doute ses partisans, ses enthousiastes;: il a aussi ses adversaires, ses détracteurs.

« Allons plus loin , n’est-il pas permis de conclure qu’il est sous les coups répétés de la réprobation scientifique ?

« Quant à nous, Messieurs, à ce point de vue scienr tifique, nous saurons demeurer dans une parfaite-neutralilé. Nous n’avons point à nous prononcer en. général sur le mérite et les effets plus ou moins réels, plus ou moins problématiques du magnétisme et du« somnambulisme. La doctrine de l’arrêt de cassation de i845 peut être acceptée pleinement, même par la. partie publique poursuivante.

« On l’a dit, et c’est très-vrai : « Vous êtes une Cour de justice et non une Académie. »

« Mais pour éclairer vos consciences, vous appelea les lumières de tous les côtés, et vous laissez se produire les appréciations diverses dont a été l’objet

cette merveilleuse et nouvelle science occulle, nouvelle, s’il faut en croire ses adeptes.

« Or donc, il s’est rencontré des esprits modérés qui, sans attacher line grande importance aux hypothèses du fluide, de l’atmosphère nerveuse, très-propres à cacher à nos yeux notre ignorance, se sont vus dans l’impossibilité de nier la réalité de certains phénomènes inexplicables.

« Ces esprits modérés concèdent 1” qu’un acte de la volonté suffit quelquefois à un homme pour exercer une certaine influence sur un autre homme, et 2° que le sommeil magnétique est un état très-réel, non simulé, qui peut devenir l’objet d’études sérieuses.

« Ces esprits modérés ne peuvent pas nier que dans ce dernier état la vie extérieure cesse et s’abolit, que le somnambule vit en lui, complètement isolé du inonde extérieur; que cet isolement est surtout absolu pour l’ouïe et pour la vue.

« Ils n’oseraient nier la possibilité d’une communication possible des désirs, de la volonté, des pensées même de celui qui magnétise avec la personne magnétisée , et ils aiment à s’élayer de la pensée suivante de l’illustre Laplace :

« Nous sommes si éloignés de connaître les agents « de la nature et leurs divers modes d’action, qu’il « serait peu philosophique de nier l'existence des « phénomènes, uniquement parce qu’ils sont inex-« plicables dans l’état actuel de nos connaissances. » (Traité analytique du calcul des probabilités.)

« Quoi qu’il en soit, Messieurs, de tous ces jugements, de toutes ces opinions livrées aux disputes des hommes, il est un point sur lequel il y a une incon-

testable unanimité, un point qui révèle votre propre compétence en cetle matière :

« C’est qu’il est facile de feindre l’état de somnambulisme ;

« C’est que de coupables abus peuvent être faits du magnétisme ;

« (l’est que la personne magnétisée peut tomber dans la dépendance absolue du magnétiseur ;

« Cest que sa volonté peut être absorbée; sa faculté d’agir, de parler même enlevée ;

« C’est que la violence est facile, la séduction encore plus.

« C’est qu’on peut même (nos docteurs l'affirment) amener la mort du magnétisé, en lui paralysant les muscles de la respiration.

« Nous voilà, Messieurs, sur notre véritable terrain, dans le domaine de la justice répressive.

« Le procès actuel, heureusement, n’a aucune de ces proportions. Il ne s’agit, d’après 1 intitulé de la prévention, que d’un mari magnétiseur, se livrant conjointement avec sa femme, somnambule, à la divination , à des pratiques du magnétisme, dans des circonstances données, et se faisant remettre ainsi l’argent de leurs dupes , et commettant le délit prévu par l’art. 4°5 du Code pénal.

« Nous voilà au cœur même du procès, en ce qui touche la théorie pénale.

« Nous réclamons en ce moment, Messieurs, toute votre attention.

« 11 s’agit de tirer un corollaire pratique de tout ce qui précède. Il peut donc être posé en thèse qu’il faut discerner avec soin les diverses espèces de pratiques magnétiques et somnambuliques.

« i° Il y a les pratiques du magnétisme et du som-

nambulisme purement scientifiques 011 de simple curiosité.

« La justice répressive ne s’en occupe pas; la science est libre.

« 2” Il y a les pratiques du magnétisme et du somnambulisme dans un but de lucre et de spéculation.

« Cela peut devenir un jour l’objet de la vigilance administrative; niais c’est encore étranger aux tribunaux dans l’état de la législation.

« 5° Il y a enfin les pratiques du magnétisme et du somnambulisme qui, en dehors du but de spéculation, sont environnées de circonstances antécédentes, concomitantes, dont le caractère frauduleux les fait tomber directement sous la répression des lois pénales.

« Nous le répétons, nous posons ces distinctions en thèse, et nous les livrons aux débats.

« Et que l’on ne s’étonne point du soin minutieux avec lequel la justice s’efforce de discerner les espèces diverses des mêmes actes ; dans tout acte incriminé, elle recherche, avec un soin infatigable, le but et les moyens, toujours favorable à la bonne foi, toujours d’une sévérité légale à l’encontre delà cupidité s’élayant sur l’artifice et sur la fraude.

« Le moment est venu, Messieurs, de vous exposer les détails et les circonstances de l’instruction judiciaire qui s’est terminée par la sentence de condamnation dont l'appel vous est soumis. »

Après ces détails, M. le conseiller-rapporteur donne lecture des pièces de l’instruction, des dépositions des témoins, des débats et du jugement du *9 août dernier.

M, le président procède ensuite à l’interrogatoire du prévenu Mongruel.

1). Vous êtes un ancien instituteur? — R. Oui, Monsieur; j’ai abandonné cette carrière, et je suis venu à Paris.

D. Que veniez-vous y faire?— R. Tâcher d’y gagner nia vie.

D. Voire femme est morte dans un hôpital ? — R. Oui, monsieur; mais je lui faisais une pension.

I). A Paris, vous vous êtes occupé de magnétisme?

— R. Oui, Monsieur. Je me suis aperçu que ma seconde femme était lucide; je me suis occupé alors de magnétisme, sans quoi j’aurais été obligé d’aller dans les ateliers nationaux.

D. Voire femme annonçait qu’elle expliquait le* songes et guérissait les maladies incurables. Un sieur Creuillot est allé la consulter et s’est plaint d’avoir été trompé. Il est resté chez vous , dans le salon d’attente, à causer avec uue dame qui ensuite a été vous parler avant qu’il n’entrât lui-même dans le cabinet de votre femme. — R. C’est matériellement impossible; il n’y a pas de communication entre la cuisine et le salon.

1). Quelles explications avez-vous à donner sur le .fait relatif à la dame Lemoinc?— R. Je n’élais pas à Paris à ce moment. Mme Guédon, chez laquelle M. Le-moine avait été faire une scène, s’est plainte. Je lui ai offert une séance de confrontation avec M. Lemoinc. Mme Lemoine prélend que ma femme lui a indiqué M"' Dubuisson comme étant la maîtresse de son mari. Or, elle a dix-sept ans, et elle est brune, tandis que la personne dont ma femme a parlé dan» sa consultation magnétique devait, d’après ses révé-lalions, être blonde et âgée de vingt-deux ans.

D. Mais comment sc fait-il que la dame Lemoine se soit rendue chez la dame Dubuisson, rue Saint-Georges? — R. On a déclaré en première instance que le banquier de M. Lemoine demeurait rue Saint-Georges ; qu'il y allait souvent, notamment le samedi, pour la paie de ses ouvriers. Au reste, ¡1 y avait dans la salle d’attente un album sur lequel étaient écrites diverses attestations, au nombre desquelles était celle des dames Dubuisson, avec leur adresse. La dame Lemoine a pu le voir sur cet album.

D. On vous adressa des questions en vous envoyant 3o francs. \ous avez dit que vous ne répondriez que si on vous envoyait 3o autres francs? — R. On m’adressait soixante questions. J’ai oflert de renvoyer la somme si on n envoyait pas une somme plus forte, une rémunération plus convenable.

M. le Président. — Femme Mongruel, levez-vous. Je n’aurai à vous adresser que les questions que j’ai déjà faites à votre mari. Avez-vous quelques explications nouvelles à fournir?

La dame Mongruel , après avoir donné quelques explications, s’arrête tout à coup, s’asseoit et finit par s’évanouir. On l’emporte aussitôt hors de la salle d’audience.

Après que l’émotion causée par cet incident s’est ' calmée, M. le président donne la parole au défenseur des prévenus.

Me Jules Favre, avocat des sieur et dame Mongruel, qui, dans le Mémoire auquel a fait allusion M. le rapporteur, a combattu la prévention et le jugement, surtout au point de vue scientifique, s'attache à démontrer que les faits imputés aux prévenus n’ont aucun caractère punissable.

Après cette plaidoirie, que nous regrettons de ne

pouvoir reproduire, l’affaire est renvoyée au jeudi 16 janvier, pour la continuation des débats.

Audience du 16 janvier.

Les débats de cette affaire, donl nous avons rendu compte dans notre numéro du 11 janvier, se sont continués aujourd’hui. Une foule considérable se presse dans l’enceinte de la Cour.

Me’ Jules Favre et Duvergier sont assis au banc de la défense.

M. le président donne la parole à M. Saillard, substitut de M. le procureur-général, qui s’exprime ainsi :

« Les époux Mongruel font partie de ces fourbes habiles qui, dans tous les temps, abusant de l’amour du merveilleux et du désir immodéré de connaître l’avenir, propres à notre nature, exploitent la faiblesse et la crédulité humaines Dans tous les temps aussi l’opinion publique sérieuse et éclairée a flétri ceux qui avaient recours à de semblables manœuvres, qu’ils fussent Cagliostro, Mesmer ou autres, et la justice a dû intervenir toutes les fois que les moyens employés constituaient un délit, aux termes de la loi pénale. Le tribunal de première instance a rempli sa mission avec fermeté à l’égard des époux Mongruel; la Cour, nous l’espérons, ne le désavouera pas.

« Une immense distance dans cette affaire sépare le ministère public et la défense. A en croire le défenseur, les époux Mongruel seraient des modèles de désintéressement. Uniquement préoccupés de l'amour de la science et du bien de l’humanité, ils mériteraient la reconnaissance publique et l’appui de la justice. Selon la décision du tribunal, au contraire, et d’après nos propres impressions, les époux Mongruel sont des

escrocs vulgaires qui, sous l’abri du somnambulisme, ont fait des dupes partout où ils ont porté leurs pas.

« Nous aborderons toutes les questions que comporte la discussion de cette cause. Mais dès le principe nous devons prémunir la Cour contre les proportions exagérées qu’on veut lui donner. L’autorité de la Cour n’a pointa intervenir pour faire respecter les droits sacrés de la science et les privilèges de l’esprit humain. Tous ces grands intérêts sont hors de discussion, et les magistrats si éclairés qui ont rendu la sentence attaquée étaient moins que personne disposés à leur porter atteinte.

« Ces faits généraux vous sont connus. Ils ont été reproduits avec clarté dans l’exposé si complet que vous a présenté M. le rapporteur. Notre tâche est de discuter ces faits et de démontrer qu’ils présentent tous les éléments qui, aux termes de l'art. /¡°5 du Code pénal, constituent le délit d’escroquerie. Il nous appartient de serrer, de presser les éléments du débat, car à coup sûr vous n’êtes disposés à condamner que si la culpabilité vous apparaît claire et certaine.

« 11 n’existe pas de délit sans mauvaise foi et sans intention coupable. Nous reconnaissons donc, avec la défense, que le principal objet de notre examen est de rechercher j-i la mauvaise foi des époux Mon-grui l ressort de l’ensemble des faits.

« Nous diviserons notre discussion en trois parties.

« Nous rechercherons d’abord quels sont les effets du somnambulisme auxquels il est permis de croire de bonne foi.

« En second lieu, si les époux Mongruel n’ont pas attribué au somnambulisme des effets auxquels eux-

mêmes no pouvaient ajouter aucune croyance; ce qui établit leur mauvaise foi.

« Enfin, nous examinerons on droit si les faits présentent les caractères du délit d’escroquerie défini par la loi. »

M. l’avocat-général examine les trois questions qu’il s’est posées.

Puis il termine en ces termes :

« 11 reste donc constaté par cette discussion que M. Ilusson, le savant le plus favorable au somnambulisme, après une enquête solennelle au nom de l’Académie de médecine, prolongée pendant cinq années, après avoir appelé à lui les magnétiseurs et les somnambules les plus en renom, a trouvé deux .somnambules qui voyaient les yeux fermés ; deux autres qui pouvaient prévoir des actes ou des lésions de leur propre organisme, et une seule somnambule qui, mise en rapport avec un assez grand nombre de personnes malades, a indiqué seulement les symptômes de la maladie de trois de ces personnes. Que fait, au contraire, la Sibylle moderne? Elle est bien autrement puissante. Elle n’est arrêtée ni par la distance , ni par la différence des temps; pour elle, les lieux et les temps se rapprochent. Sans entrer en contact avec les personnes, sur une mèche de cheveux, un fragment de vêlement, un papier froissé, elle pénètre les sentiments, les pensées les plus intimes. Le passé, pour elle, est sans secret. A son appel, les morts se réveillent. Elle entre en communication avec eux, et découvre les pensées qui ont agité leurs derniers moments. L’avenir se déroule à son regard intérieur; elle entrevoit tous les événements futurs de la vie des individus comme de celle des nations ; jongleries indignes contre lesquelles la justice doit défendre les

âmes faibles. Il en est des esprits débiles comme des incapacités devant la loi, la justice doit protéger contre eux-mêmes leur liberté et leur indépendance.

« Et maintenant la Cour nous permettra de revenir à notre, point de départ. Est ce que de bonne foi la science a quelque chose à voir à ce qui se passe ici ? Est-ce que ses libres allures, sa noble indépendance sont compromises ? Qu’a-t-elle à perdre à ce que les moyens frauduleux, employés par Mongruel pour s’enrichir, soient réprimés ? Quel progrès la science doit-elle à Mongruel? Est-ce que la science était le but de cet homme adroit à enlacer ses victimes, mais aussi ignorant que cupide?

« Non, nous ne sommes pas revenus au moyen-âge. Non, la magistrature au 19' siècle ne veut pas entraver les progrès de l’esprit humain ! Mais elle ne veut pas non plus qu’un charlatanisme éhonté nous ramène aux superstitions de la plus stupide espèce.

« Aussi est-ce avec un sentiment de profonde surprise que nous avons vu invoquer le souvenir de temps qui ne peuvent plus se reproduire, et placer en regard des noms de Mongruel, prophète à dix francs par oracle, le grand nom de Galilée.

« Écartons toutes ces exagérations. Non, encore, Mongruel n’est pas persécuté par un esprit rétrograde ; il est justement puni de fraudes que réprime la loi.

« Nous requérons qu’il plaise à la Cour confirmer la sentence dont est appel. »

Après le réquisitoire, M. le président donne la parole à Me Favre, défenseur des deux prévenus.

M* Jules Favre s’exprime en ces termes :

« Messieurs, j’ai à combattre dans cette cause et le système du jugement de première instance, et le

réquisitoire que vous venez d’enlendre. Je le ferai avec la modération et la réserve qui sont un devoir en pareil cas, et dont je crois ne m’èlrc jamais départi. On a bien voulu me donner à ce sujet, 11011 pas une leçon assurément, mais des conseils. Je ne demande pas mieux que de les suivre.

« J’ai écouté avec une religieuse attention les critiques dirigées contre mon Mémoire, dans le savant et lumineux rapport qui vous a été fait à la dernière audience. Ces critiques n’ont rien changé à ma conviction.

« Quant à l’honorable organe du ministère public, il voit dans cette cause des faits patents d’escroquerie. La preuve pour lui résulte de ce fait : que les époux Mongruel ont loué un appartement somptueux où ils exercent leur industrie. .

« II est vrai que le ministère public reconnaît que, dans le procès, le magnétisme joue un certain rôle; mais, suivant lui, ce n’est qu’une question secondaire. Pour moi, Messieurs, et pour vous aussi, je l’espère, c’est la question capitale. M. l’avocat-géné-ral s’arrête, en fait de magnétisme, à 1825; tout ce qui a été découvert depuis dans celte voie n’existe point à ses yeux : c’est là qu’est son erreur. Le magnétisme est une science ; elle marche, elle avance, elle découvre : ce qu’elle sait aujourd’hui, elle l’ignorait hier. Elle est donc, comme toute science, mêlée d’incontestables vérités et d’inévitables erreurs. La science n’est pas comme la morale : elle n’est pas absolue, immuable, éternelle, toujours la même. Non, pour elle il y a des questions de date ; ce qui parait une erreur scientifique aujourd'hui, ce qui est condamné comme tel par les corps savants, sera une vérité irréfragable dans cinquante ans.

« Le ministère public , en fait de magnétisme , s’arrête à 1825. Or, si nous étions en 1784, il condamnerait sans doute, il flétrirait, il chercherait à faire punir tous les faits magnétiques sans exception. Mais nous sommes en i85r ; il est obligé d’accepter, pour partie au moins, les découvertes de la science magnétique, de 1784 à 1825 ; seulement il refuse d’aller plus loin. Eh bien ! moi, je lui dis : Vous avez tort de vous arrêter en chemin. Celte science n’est pas restée stalionnaire ; elle a marché de découvertes en découvertes. Vous êtes incrédule à l’égard de ces conquêtes nouvelles de la science, comme vous l’auriez été peut-être en 178+ à l’égard du principe de la science magnétique elle-même. Eh bien ! soit; je vous ajourne à i860, et alors, j’en suis convaincu, ce qui vous parait une erreur deviendra pour vous une vérité !

k Nous sommes donc dans une situation exceptionnelle. Il n’y a pas de pénalité possible, car il n’y a pas de responsabilité possible. La science peut commettre des erreurs, mais des erreurs innocentes, et qui d’ailleurs seront peut-êlre un jour des vérités. Il n’y a donc pas de condamnation possible.

« Le magnétisme, tel que le pratique Mme Mongruel, est inconcevable, dites vous. Mais est-ce que l’homme n’est pas entouré de mystères impénétrables? Diles-inoi pourquoi dans les entrailles de la terre certains corps se recherchent, se mêlent, s’unissent étroitement et forment des minéraux merveilleux qui, ramenés à la surface, éblouissent et fascinent les regard» des hommes ?

« Et le calorique, et l’électricité, el toutes ces inconcevables merveilles dont les prodiges nous étonnent chaque jour, ne sont-ce pas là des phénomènes inox-

plicaliles ? Qui songe cependant à les révoquer en doute? Farce que le magnétisme vous semble inexplicable, ne niez donc pas son existence. C’est une vérité; seulement elle appartient à un ordre de phénomènes qui étonnent l'intelligence. Aussi cette vérité a été présentée comme si elle n’eût été qu’une jonglerie et un mensonge. L’histoire du magnétisme appartient à cette cause, car la seule question du procès est celle du magnétisme.

« Yoici le résumé rapide de ses origines, de ses persécutions et de ses progrès.

« 11 nous serait facile de démontrer, l’histoire á la main, et en remontant aux époques les plus reculées, que le magnétisme fut connu et mis en pratique chez les peuples de l’antiquité. La tradition qui fait sortir la médecine des temples est la consécration de cette vérité: « Hippocrate naquit à Cos, île de la mer « Égée, consacrée à Esculape, qui y avait un tem-« pie fameux; les membres de sa famille exer-« çaient comme un double sacerdoce dans le temple « de ce ditu, en desservant les autels et en soignant « les malades. Dans cette famille, le fds héritait de la « tradition orale des cures opérées par ses aïeux,

« cures attestées par les offrandes ou tablettes votives,

« et par des recueils précieux d’observations écrites.

« Le moyen qu’IIippocrate employait le plus souvent,

« soit pour la conservation de la santé, soit pour « la guérison des maladies, était les frictious de la « peau (i). »

« L’imposition des mains, si fort en usage chez les Égyptiens et les populations de l’Asie, les oracles, les consultations des sibylles, les cures miraculeuses

(1) Dictionnaire de Médecine, article Hippocrate, par te D' Feller.

produites par un grand nombre de prêtres, de philo* sophes, d'hommes de; tonies conditions même, dont la postérité a gardé le souvenir, n’étaient que des opérations magnétiques, diver.'ifiées suivant les connaissances ou l’intérêt de ceux qui les niellaient en pratique. Les écrits des savants du moyen-âge attestent aussi que ce principe n’a pas cessé d’être trans mis par les études et les méditations de tous les hommes qui se sont occupés de sciences naturelles. Mais c’est principalement vers la fin du dix-huitième siècle que, grâces aux travaux d’un esprit supérieur, doué d’une grande fermeté, d’un amour passionné de la vérité, les observations relatives au magnétisme acquirent une éclatante notoriété, que son utilité thérapeutique fut mise en lumière, et que, les persécutions des corps officiels aidant, il prit définitivement possession du domaine intellectuel, où il n’a fait depuis que grandir et se fortifier.

« Ce fut vers l’année 1772 que Mesmer, médecin h Vienne, membre de la Faculté de cette capitale, fut conduit par une série d’expériences minutieuses à proclamer l’exislence d'un agent, d’un fluide universel qu’il nomma magnétisme, et dont il étudia les merveilleuses propriétés. (Je fluide?, capable de se dégager et de se transmettre, devenait surtout un agent très-efficace de guérison dans une foule d’affections sur lesquelles la médecine demeurait impuissante. Mesmer, encouragé d’abord par le baron de Stoërk, premier médecin de l’empereur, fut bien rebuté et invité à ne pas compromettre la Faculté par une innovation de ce genre.

« Vainement implora-t-il comme une grâce la fa-veur de faire des expériences et de traiter des malades; vainement produisit-il des exemples de cures

extraordinaires, notamment celle d'une jeune fille aveugle : toutes les portes lui furent fermées. Ses confrères l’accablèrent d’injures, le traitèrent de visionnaire et d’insensé; craignant la persécution des hommes influents qui avaient déchaîné l'opinion contre lui, justement dégoûté par l’obstination de ceux qui persistaient à le condamner sans vouloir le juger, il prit le parti d’abandonner sa patrie et de venir en France.

« Comment cette pensée ne se serait elle pas présentée à lui? La France de Montesquieu, de Voltaire, des encyclopédistes , ne devait-elle pas sembler le port fortuné où pouvaient aborder sans crainte tous les novateurs; où les philosophes, les expérimentateurs devaient rencontrer toutes les hardiesses d’un examen indépendant ? Mesmer était très excusable de la juger ainsi. Mais il 11e savait pas que cette nation allie à un amour extrême des nouveautés un penchant irrésistible à la raillerie, une disposition générale à se dégoûter très-vite de ce qu’elle a entrepris pour retourner à ses vieilles routines. Il avait également compté sans la douane des Facultés et des Académies. Ces corps savants sont institués pour donner à la science un puissent essor; eu réalité, ils s’attachent à l’immobiliser. Tous s’imaginent avoir touché aux colonnes d’Iïercule, et jettent l’anathème sur quiconque veut aller au-delà.

« O11 écrirait une triste et curieuse histoire, en racontant toutes les persécutions*qui ont été dirigée# contre l’esprit d’invention par ces gardiens du passé. Mesmer avait cru avoir à se plaindre des savants autrichiens, il vit bientôt qu’ils étaient les mêmes dans tous les pays; et qu’en France, où les préjugés paraissent plus sérieusement combattus que partout

ailleurs, 011 était sur d’échouer, sans pouvoir flatter les passions, en apportant une vérité utile bouleversant les habitudes el les intérêts des hommes en crédit.

« 11 faut lire, dans les ouvrages du temps, le récit de toutes les tribulations qu’il eut à surmonter. Dès son arrivée, les malades de toutes conditions affluèrent chez lui. Le bruit de ses cures et de ses étranges procédés agita tout Paris; jamais homme n'eut une vogue semblable. Ce n’était pas lù ce qu’il avait cherché ; il voulait avant tout faire subir à sa découverte le contrôle des hommes spéciaux. Quelques-uns l’accueillirent avec bonté, la plupart l’éconduisirent; mais aucun ne voulut prendre au sérieux ses propositions. Après trois années de fatigues, de luttes quotidiennes, de démarches stériles, il crut avoir déterminé l’Académie des sciences à examiner sa méthode et ses cures. Au dernier moment, il n’essuya que des refus.

« La Faculté de médecine se montra plus intolérante encore ; il lui offrit de soigner des malades qui lui seraient donnés ; elle n’accepta pas cette expérience. Alors, abandonnant Paris et sa clientèle, il se retira au village de Creteil, emmenant avec lui des malades qu’il traita publiquement; au bout de deux mois, il écrivit à la Faculté, qui refusa de nommer une commission chargée de vérifier ses cures. Mesmer les fit attester par des témoignages; il écrivit un livre éloquent, profond et amer, où il se plaignait avec une véhémence bien naturelle de l’indifférence et de l’aveuglement des hommes de science.

« Abreuvé de dégoûts, il se préparait à quitter la France, lorsque ses malades s’émurent et présentèrent une supplique à la reine, qui lui fit enjoindre de

rester. Par l’intermédiaire d’un ministre, elle lui fit offrir une somme d'argent considérable, un château pour établir un hospice, une riche pension pour qu’il continuât l’application de sa méthode. Mesmer rejeta toute espèce d’avantage pécuniaire, mais demanda avec empressement qu’une commission vérifiât les laits qu’il annonçait. C’est ainsi qu’il fallut l’intervention de l’autorité publique pour triompher de la résistance des corps savants.

« Mais déjà la passion s’était prononcée. Au milieu de ses détracteurs systématiques, dont l’ardeur ne faisait que s'accroître par l’engouement de la ville, Mesmer avait rencontré un homme courageux, indépendant , qui avait hautement pris son parti. M. Desion, l’un des directeurs de la Faculté, premier médecin du comte d’Artois, frappé des effets extraordinaires du magnétisme, l’avait étudié et défendu. Il eut l’audace d’exposer dans un mémoire remarquable les faits nombreux dont il avait été le témoin, et ceux que lui-même avait provoqués.

« L’indignation du corps médical fut au comble; un membre de la Faculté fut chargé de dresser un réquisitoire en règle ; il accomplit sa mission avec un zèle fanatique. M. Desion y répondit en appuyant ses arguments sur des expériences. La Faculté lui laissa à peine la liberté de parler, puis elle rendit contre lui (le 17 décembre 1780) un décret par lequel elle lui enjoignait d’être plus circonspect à l’avenir, et le rayait du tableau des membres de la Faculté. Le* propositions de Mesmer étaient rejetées par la même décision.

« 11 y avait donc contre Mesmer un jugement prétendu solennel et scientifique, lorsque les commissaires nommés par le gouvernement commencèrent

leur examen ; il es! difficile de croire qu’ils aient échappé à la prévention que ce précédent faisait naître dans leur esprit.

« Aussi, au lieu d’éludior le magnétisme dans la pratique de Mesmer, ils se contentèrent de se rendre chez M. Desion et d’y observer très-superficiellement les procédés mis en usage par ce médecin. Ils refusèrent positivement de suivre les traitements, remarquant, avec une singulière naïveté , «/pie les guéri-« sons ne signifiaient rien en médecine; »et rédigeant leur rapport après une investigation si incomplète, ils condamnèrent le magnétisme « comme n’cxislant « pas, car il échappe à tous les sens. » Ils ajoutèrent « que l’imagination, l’attouchement, sont les « seules vraies causes attribuées au magnétisme ani-« mal, par conséquent tout traitement public où les « moyens du magnétisme sont employés nepeut avoir « à la longue que des effets funestes, et d’ailleurs le « traitement des maladies ne peut fournir que des « résultats toujours incertains, souvent trompeurs. »

« Les germes de la science magnétique avaient été déposés dans de trop hautes intelligences pour que l’oubli dédaigneux du vulgaire ou les railleries intéressées de ses ennemis pussent l’étouffer. L’étude solitaire et patiente, les observations de) plus en plus précises firent peu à peu des conquêtes nouvelles, et lorsqu’en 1815 le savant et vertueux Deleuze publia son Histoire du Magnétisme animal, l’opinion était déjà préparée à recevoir favorablement les 'affirmations contenues dans ce beau travail. Il souleva naturellement de bruyantes tempêtes dans le corps médical. Mais cette controverse, pousséei jusqu’à la passion et l’injure, ne fil qu'accroîlre la renommée de l’auteur et le nombre de ses partisans.

Me Jules Favrc retrace ensuite l'histoire du magnétisme depuis 1784 jusqu’à nos jours. Il s'attache à démontrer que les faits magnétiques ont un caractère sérieux, reconnu par les princes de la science, et 11e peuvent servir de base à une prévention d’escroquerie. Revenant sur les faits particuliers du procès, l’avocat discute les chefs de la prévention, et conclut à l’infirmation du jugement.

La Cour , après un délibéré d’une heure dans la chambre du Conseil, a rendu un arrêt dont voici le texte :

« La Cour,

« Faisant droit sur l’appel interjeté par les époux Mongruel,

« En ce qui touche l’exercice de la médecine :

« Considérant qu’il résulte de l’instruction et des débats que, dans le courant de l’année i85o, les époux Mongruel se sont livrés sans droit et sans qua« lité à l’exercice de la médecine;

« Qu’ils allèguent vainement qu’ils ont fait contrôler et approuver par un docteur en médecine les consultations qu’ils donnaient sur la pratique du magnétisme et du somnambulisme, puisqu’il est établi que plusieurs consultations contenant des prescriptions médicales ont été délivrées, tant à Paris qu’en province, avec la seule signature de Mongruel;

« Qu’il a été saisi dans le domicile des prévenus une assez grande quantité de feuilles de papier portant la signature en blanc de Grabowski, médecin, et destinées à recevoir les consultations données par Mongruel en l’absence de Grabowski, qui ne devait pas en prendre connaissance;

« En ce qui touche l’interprétation des songes :

« Considérant qu’il est établi que dans la même année i85o les époux Mongruel ont conjointement fait métier de deviner}, pronostiquer et d’expliquer le# songes ;

« Qu’à cet effet, et dans un but de lucre et de spéculation sur la crédulité publique, ils ont fait imprimer et publier des prospectus et des annonces dans lesquels la femme Mongruel était signalée comme douée d’un pouvoir surnaturel pour renseigner sur l’avenir et expliquer les songes, les visions et les apparitions;

« Considérant que le magnétisme, à l’aide duquel les époux Mongruel allèguent qu’ils exerçaient la divination, ne peut assurer dans aucun cas l’impunité des délits et des contraventions;

« En ce qui touche le fait unique d’escroquerie, dont l’ordonnance de la chambre du conseil avait saisi le Tribunal correctionnel :

« Considérant que quelque suspectes que parais-eent les pratiques magnétiques et somnambuliques employées parles prévenus dans leurs rapports avec les époux Lemoine, néanmoins elles ne constituent pas suffisamment les manœuvres frauduleuses prévues et punies par l’art. 4o5 du Code pénal;

« En ce qui touche l’application des peines :

« Considérant que l’art. 365 du Code d’instruction criminelle, qui prohibe le cumul des peines, n’est applicable qu’aux crimes et délits, et ne peut être étendu aux simples contraventions;

« Met l’appellation et le jugement dont est appel au néant;

« En ce que les époux Mongruel ont été déclarés coupables d’escroquerie :

« Émondant quant à ce, décharge les appelants des condamnations contre eux prononcées pour escroquerie;

« Au principal, déclare les époux Mongruel cou-" pables d’exercice illégal fie la médecine et de divination, contraventions prévues par les art. 35 et 36 de la loi des 19 ventôse an XI, 479 et :'|8o du Code pénal, dont il a été donné lecture;

« Faisant application de ces articles, condamne les époux Mongruel chacun à 5 francs d’amende pour exercice illégal de la médecine, el chacun également à cinq jours d’emprisonnement et à l’amende de i5fr. pour la deuxième contravention;

« Fixe à trois mois la durée de la contrainte par corps, dans le cas où il y aurait lieu de l’exercer;

« Et condamne les appelants aux dépens. »

(Gazette des Tribunaux).

Les remarques à faire sur cet arrêt, et l’attitude prise par la magistrature à l’égard de la science magnétique sont nombreuses et fort importantes; mais toutes réflexions seraient aujourd’hui déplacées, parce que le procureur-général s’est pourvu en cassation. La décision de la Cour suprême fixera sans doute la jurisprudence en cette matière, et alors nous aurons à examiner les conséquences de son arrêt. L’affaire Mongruel n’est d’ailleurs pas la seule qui nécessite son intervention ; des questions analogues lui ont été soumises, et de leur solution dépend en grande partie l’exercice du somnambulisme.

HÉBERT (de Garnej).

Extra-lucidité!!! —Un magnétiseur marié, mais moins complaisant mari que magnétiseur enthousiaste , n’avait jamais pu parvenir à endormir ma-

dame, cl la taquinait fort, rien qu'à cause de ce me compte.

— Ce n’est pas majfaulc, pourtant, si je ne suis pas seulement somnambule, se plaignait-elle à une de »es amies.

— Pourquoi ne dors-tu pas, et surtout pourquoi n’es-tu pas lucide? lui répondit en souriant l’amie en question.

Le lendemain la femme dormit et parla.

Ce mari magnétiseur était dans le ravissement car jamais encore il n’avait rencontré lucidité pareille.

Grand Dieu! s’écria tout à coup la nouvelle somnambule, avec un frémissement nerveux.

— Quoi? demanda l’époux.

— Je vois tout tendu de noir ici.

— Diable!

— Et puis des prêtres..... des cierges..... un cercueil..... 11 va mourir quelqu’un dans cette maison.

— Peux-tu désigner la personne?

— Attends.

Le magnétiseur tremblait que ce ne fût lui.

— C’est moi qui vais mourir , éclata tout à coup la somnambule.

— Dans combien de temps?

— Dans six mois.

— Connais-tu quelque remède pour prévenir ce malheur?

La dame chercha longtemps, et répondit :

Mon Dieu! non; et cependant.....

— Cependant!...

— Beaucoup de soins, pas la moindre contrariété;

du bonheur, beaucoup de bonheur..... et je serai

peut-être sauvée.

— Est-ce tonL ?

— Je ne vois plus. Il faudra m'endormir dans cinq mois; pas avant.

Depuis ce jour, le mari s’empresse aux moindres caprices de sa femme, qui se porte à ravir, et qui tous les cinq mois répond, sitôt qu’elle est endormie :

— Toujours ce même traitement, sinon la mort!

Elle sera heureuse à perpétuité.

(Événement.)

Zoomagnétisme. — On lit dans la Patrie du 4 février :

« I/alarme était depuis près d’un mois au Jardin des Plantes, dans la personne de l'honorable directeur et des employés, car une foule d’animaux féroces et pacifiques étaient morts de consomption et d'ennui. Parmi les victimes on comptait une lionne, un serval, un dromadaire, un chameau, etc., etc.

« En vain recherchait-on les causes d’une pareille mortalité; on ne savait à quoi l’attribuer, lorsqu’un hasard des plus grands en a dévoilé le mystère.

« Chacun sait qu’on a établi depuis un mois, au boulevard du Temple, une magnifique ménagerie d’animaux vivants venant des quatre parties du monde, et dont la plupart sont domptés par la puissance magnétique du directeur de la collection, M. Iluguel.

« A son arrivée à Paris, M. Huguet s’empressa de se rendre au Jardin des Plantes , où il se mit en communication avec la collection des animaux que le gouvernement y possède.

« Le pari suivant s’établit entre M. Huguet et le gardien de la ménagerie nationale, — qu’il n’aurait pas, lui Huguet, la même puissance magnétique sur les animaux de la République que sur les siens propres-

toc

« M. Iluguet accepta le pari cl sc mil en communication avec les animaux. Il commença d’abord ses passes magnétiques, à travers les barreaux, sur une belle lionne du Sahara, donnée au Jardin des Plantes par un de nos ofliciers-généraux les plus distingués de l’armée d’Afrique.

« La lionne, d’abord rebelle, sc replia sur elle-même en poussant des grognements affreux; mais, domptée par les regards de M. Iluguet, elle vint lécher ses mains à travers les barreaux de la cage, au grand étonnement de l’employé du gouvernement, qui n’avait jamais osé approcher, même à distance respectueuse.

« Après cette expérience, M. Iluguet visita scrupuleusement tous les autres animaux, donnant quelques conseils sur la manière dont il faut les soigner; les oiseaux, le serval femelle, les dromadaires surtout et les chameaux furent l’objet d’une spéciale attention.

« Malheureusement M. Iluguet possédait, au boulevard du Temple, la contre-partie de ces animaux, tant en mâles que femelles; et par son contact magnétique, il leur avait inoculé des sentiments de tendresse sympathique qui se trouvent tout aussi bien chez les animaux que chez les hommes.

« Ce fut la lionne qui, la première, éprouva les premiers symptômes d’une mélancolie impossible à décrire; elle ne voulut plus boire ni manger, malgré les soins de deux vétérinaires les plus célèbres, mandés par ordre de la direction du Jardin des Plantes; seulement, lorsque M. Iluguet venait la visiter, elle roulait des yeux pleins de tendresse et semblait lui dire : « Vous seul pouvez me donner mon lion. »

« En rentrant à sa ménagerie, M. Iluguet trouva

aussi son lion triste et malade; à la représentation, il ne fut pas superbe comme d’habitude; la chamelle était à l’unisson diÇroi des enimaux, et, couchée sur le liane, elle ne voulut pas souper.

« Avec cet instinct qui le caractérise, M. Iluguet comprit que le maître a tous avait exercé ses ravages sur le règne animal, et se promit de ne plus revenir au Jardin des Plantes, pour ne point faire planer l'ange de la mort sur notre belle collection d'animaux ; mais, le lendemain , les journaux lui apprenaient que la belle lionne du Sahara succombait, en compagnie d’animaux plus vulgaires, à une épidémie qui semblait inconnue.

« C’est le cas de dire avec Yirgile :

« Omnia vincil amor el nos cedamus amori. »

Chronique. — Nous avons reçu d’excellentes nouvelles sur l’état actuel du magnétisme en Angleterre. Le Dr Georgii, qui nous tient périodiquement au courant de ce qui se passe d’important en ce sens, nous écrit qu’il n’est bruit, à Londres, que des succès extraordinaires obtenus par un certain M. Co-pern, qui s’est engagé comme magnétiseur dans le Mesmeric infirmary.

D’un autre côté, nous lisons dans une lettre particulière du Dr Elliotson à M. Shaw, ce passage qui confirme pleinement nos informations directes : « Le mesmérisme fait d’étonnants progrès depuis six mois ; c’est le sujet de toutes les conversations et on l’admet généralement, sauf parmi les médecins... »

Enfin les journaux contiennent mille récits de faits de lucidité, produits par Adolphe Didier dans les principales villes du Royaume Uni.

BIBLIOGRAPHIE.

LA MAGIE DÉVOILÉE; ouvrage inédit, par M. du Poit.t.

(Suite.)

§ IV. ENSEIGNEMENT.

J’entrai dans celte voie nouvelle vers 1826, en ouvrant, dans le quartier même des écoles, passage Dauphine, un cours public et gratuit.

l’auvre et chétif professeur, enfant perdu de la science, j’enseignai d’abord l'origine de la découverte de Mesmer, les traces qu’elle avait laissées et que son génie avait retrouvées à travers des décombres ; ses luttes avec les corps savants, ses succès près du grand monde, puis ses chagrins, puis encore ses malheurs. J’étalais sous les yeux d’un public attentif les pièces de ce grand procès, où se faisaient remarquer comme accusateurs tous ceux qui portaient le nom de savant, tous ceux qui pouvaient se parer de ce vain litre; puis tout ce monde flottant, sans principes, sceptique par nature, riant de tout, beau diseur sarcastique, qui pour un bon mot se laisserait couper le cou ; enfin je faisais connaître les méfaits du théâtre, les épigrannnes de la caricature, pour qu’il 11e manquât rien au tableau.

La vérité, au milieu de ces flots en courroux, comme une naufragée, luttait seule et voyait s'éloigner le rivage hospitalier à chacun de ses efforts ; et, poursuivie jusqu’au loin par des clameurs insensées,

c’était à qui, en la voyant se débattre et surnager, lui lancerait une inveclive.

Voulant même effacer jusqu’au souvenir de sa présence parmi nous, des médecins chassaient de leur assemblée ceux qui d’entre eux s’en étaient approchés. Pour comble de vicissitudes, la tempête révolutionnaire dispersait au loin les derniers amis de Mesmer, les dépositaires de sa doctrine, comme si rien désormais ne devait la transmettre aux générations, et qu’elle devînt un mythe.

Je ne scellais rien des erreurs commises; et, tout en justifiant Mesmer, je montrais que sa doctrine ne pouvait soutenir l’exainen; parce que, en changeant ses procédés, sa méthode, on obtenait les mêmes faits, les mêmes résultats positifs.

Je signalais les hommes honorables, tels que Jus-sieu, Desion, Bergasse, qui, contraires aux décisions des Académies, osèrent braver la censure des corps »avants et l’opinion publique.

Ma voix était faible, en présence d’un auditoire assez peu bienveillant. Je voulais ressusciter ce qui paraissait mort, bien mort; et j’étais un jeune homme n’ayant rien de ce qui peut donner quelque autorité à la parole, rien enfin de ce qui impose. Mes membres étaient tremblants, ma contenance incertaine ; mais c’était déjà beaucoup d’oser faire ce que je faisais. Je continuai ce cours, sans jactance, mais résolu pourtant à laisser toute faiblesse de côté, si j’étais attaqué.

Joui s d’émotion, vous ne reviendrez plus; je ne sentirai plus le sang, bouillonnant dans mes veines, me monter au visage! Assis sur la sellette, exposé aux regards de la foule, je sentais dans mon être quelque chose d’indéfinissable ; mes yeux embrassant l’é-

tendue, recevaient à angle aigu des rayons de feu de plus de mille prunelles; moi soutenant ce choc non comme un chêne qui défie la tempête, mais comme un roseau qu’un léger souille aliaisse, et qui se relève à l’instant. Hélas! c’était la vie queje recevais; tous ces corps échauffaient mon âme par leur rayonnement, ils la trempaient sans le savoir, et lui donnaient la fermeté, le courage.

Puis je parlai des faits; n’en laissant voir qu’une partie, je voilais la vérité; car celte lumière eût été trop forte pour des esprits prévenus. Je citais des noms d’hommes respectés dans les sciences, en puisant dans leurs écrits ce qu’ils contenaient de favorable, non une croyance absolue, elle n’y était point, mais un calcul de probabilités rendant la vérité mes-mérienne possible : Ampère, Cuvier, Laplace , et d’autres auteurs. A chaque instant je m’arrêtais , comme si j’eusse eu moi-même des doutes; mais je n’en avais point : c'était une réserve, une prudence excusables ; cette conduite m’évitait une chute qui eût été funeste au magnétisme.

Je n’ignorais point que beaucoup de magnétistes avaient fait beaucoup de tort à la science nouvelle, en mêlant trop de merveilleux à leurs récits, et reculant toujours devant une démonstration. Je partais du simple pour aller au composé; mais quand il fallut parler de la vue sans le secours des yeux, de la prévision, de l’instinct des remèdes, de la vue à distance, mes traits durent s’altérer sensiblement; j’osai cependant, car des preuves existaient en mes mains. La vérité avait lui un instant aux regards de Rostan et de son collègue Georget. Bertrand aussi l’avait aperçue. Je montrais que ces opinions venaient d’hommes vivants qu’on pouvait consulter; puis c’é-

taient des faits de catalepsie , des observations de maladies où ces phénomènes s’étaient montrés sans ma* gnétisme, par la seule action de la nature. Pctetin, Cabanis et d’autres médecins, par leurs écrits, vinrent à mon secours, me prêtèrent leur appui. J'amenai mon auditoire au point où je le voulais, je le disposai favorablement. C’était avoir fait beaucoup; arracher les épines, préparer le terrain, et jeter dans le sillon la divine semence avait été ma pensée : mon

livre commençait.

J’expliquais comment les guérisons citées avaient pu véritablement avoir lieu par la seule influence du système nerveux, sans miracle et sans la foi. Je montrais comment les juges de Mesmer s’étaient trompés en adoptant, pour expliquer les faits, des causes tout à fait étrangères à leurs développement : l'imagination, la chaleur animale, l'érètisme de la peau, l’imitation. Déjà j’avais observé l’action indépendante du magnétisme exercer, en dehors de tout agent étranger et sans auxiliaire, le rapprochement de deux êtres mis dans certains rapports ; mais je n’osais point encore produire au grand jour des sujets rendus sensibles, je n’osais pas même faire quelque tentative pour en obtenir parmi tous les jeunes gens qui paraissaient déjà avides de saisir au moins quelques traits. Ce n’était point la crainte qui me dominait; mais la bizarrerie des procédés employés, leur étrangeté, me laissaient des doutes sur une continuation de bienveillance lorsqu’on verrait ce qu’on appelait des simagrées. J’expliquai à ce sujet ma pensée, et tout fut dit.

Un borgne s’était fait applaudir par des aveugles. Ah 1 me disais-je, la fortune me sourit, me voilà professeur ! Et je rentrai chez moi joyeux et le cœur

content. Rien différent, cependant, d’un marchand qui suppute ses bénéfices de la journée, je récapitulais mes dépenses : le fisc avait prélevé sur moi une certaine somme; l'éclairage, l’impression, le papier, les cartes, la salle, les garçons, etc., m’en prenaient une autre; en fin de compte, je me trouvais considérablement obéré. Que serait-ce donc plus tard? Nul, jusque là 11e s’était informé comment je vivais , si j'avais même les moyens de vivre, et pourtant mon sort était déjà envié : quelques magnétiseurs d’alors cherchaient à m’enlever jusqu’à l’apparence d'un modeste succès; ils se faisaient mes contradicteurs devant le public.

Voilà, lecteurs, mon début dans la carrière enseignante; il n’est pas brillant, mais je vous assure, sans présomption, qu’il était difficile à cette époque de faire ou d’oser faire davantage. C’était d’ailleurs, de ma part, un vrai tour de force, et c’est parce que nul de tant de braves incapables ne se présentait pour accomplir ce premier pas, que je me mis en avant; mais je gémissais de ma faiblesse : j’eusse voulu être le second, non le premier; ce rôle m’écrasait.

Je ne savais point alors qu’un professeur pouvait devenir illustre sans beaucoup de science ; qu’il suffisait ordinairement d’un bel organe, d’une certaine faconde, d’un peu de mémoire et de beaucoup d’aplomb. Je juge mieux maintenant des renommées; j’ai vu tant de grands hommes en robe de chambre, qu’ils ne m’imposent plus. La science, lecteurs, doit se traduire au premier mot; il faut que celui qui prend possession d’une chaire, fasse à l'instant éclater son savoir ; car il doit résumer dans sa personne toutes les connaissances acquises, et en augmenter la somme par ses propres découvertes.

Mais moi j* n’entrais point en possession d’une chaire laissée vacante; j’élevais par instinct, plutôt que par génie, une petite tribune d’où la vérité pût descendre. Sans le secours de personne, avec mes propres deniers, loin des magnétiseurs riches, j’ouvrais à tous un chemin nouveau , et je l’arrosais de. nies sueurs. Recevai-je par-ci par-là quelques encouragements? Oui; par des malheureux qui venaient chaque jour me témoigner leurs remerciements pour la portion de vie que je leur distribuais gratuitement.

0 Fortune! Fortune! si tu étais venue me trouver dans un de mes moments d’abattement, je t’eusse sans doute ouvert mes bras ; mais, à coup sûr, ma carrière eût été brisée; j’eusse refusé de continuer plus longtemps cet apostolat; car je me disais souvent, dans mon désespoir : Le pionnier est bien heureux ! quand il a fini sa journée, il dort tranquillement, sans souci du lendemain, et moi je ne dors pas ! Toutes les professions offrent des chances avantageuses, la mienne est remplie d’ennui, et je ne vois point de repos. Et vojez les fins de la Providence : riche, heureux, je serais devenu indolent* paresseux; ma croyance, peut-être, ne m’eût point abandonné au milieu des distractions, mais, assurément, j’aurais laissé à d’autres le soin de la faire partager au monde. La vérité, par la fortune, perdait un utile instrument; me laissant malheureux, ma sensibilité restait entière. Créant autour de moi l’antagonisme, la vérité devait à la fin me rendrefort.il y a donc quelque chose qui mène l’homme à des fins prévues, car maintenant je me prends à regarder comme un bien ce que je considérais alors comme un mal ; je ne changerais point ma vie pour celle du plus grand Esculape moderne, cl cependant je ne suis

rien; je représente seulemetn une pensée; ma main tient un drapeau avec cette devise :

La vérité, n’imporle par quelle bouche ; le bien, n'importe par quelles mains.

Mais, lecteurs, je vous initie trop à ma vie; que vous importent des détails, des récits du passé? Vous voulez la science. Patience! je vous y mènerai; ne voyez-vous pas que ce sont tous ces souvenirs qui me donnent la force de l'évoquer? car il faut qu’elle sorte de mon cerveau, n’étant point encore dans les livres. Il faut donc que je me reporte vers mon passé, jusqu’aux racines de l’arbre déjà ancien ; que je le secoue lui-méme pour en faire tomber un dernier fruit. Sa séve a besoin d’être excitée, et je ne sais point dans ce moment si elle pourra monter jusqu’au sommet pour donner à ce fruit la maturité nécessaire.

La science! mais elle est cachée en moi, puisque je réalise sous vos yeux les prodiges de l’antiquité, et que mes doigts semblent tenir une baguette magique. L’ai-je empruntée, prise quelque part, cette science? Non ; elle m’est venue par le travail de toute ma vie, par un labeur si grand, que je ne sais plus aujourd’hui où j’ai puisé les forces pour résister.

Il faut donc que je l’arrache de mes propres entrailles, que je la fasse sortir de mes sentiments; car elle y est cachée, cette vérité, comme une pensée qui se fait chercher longtemps avant de venir, et qui vient souvent dans un moment inopportun. Comprenez-vous maintenant la difficulté, et comment je ne puis savoir si je pourrai la vaincre? Si on m’eût transmis un secret, la chose serait toute simple : je le donnerais s’il m’en prenait l’envie. Je n’aurais point à me torturer l’esprit. Ah ! les hommes ignorent quand doit venir l’inspiration! la plupart l’attendent toute

leur vie inutilement ; quelques-uns, plus heureux, la saisissent au passage ; lorsque le bouillonnement de leur sang a donné naissance à cette émanation de lame, ils deviennent artistes célèbres ou poètes renommés : savants parmi les plus éclairés , ils dominent leur siècle. Je sens qu’il existe en moi un grand alchimiste qui me jette par-ci par-là quelques parcelles de vérité; mais il est avare de ses trésors, il m’ôte la possibilité de me les approprier; car, lorsque produisant, selon les inspirations qu’il me donne, je veux poursuivre mon œuvre commencée, il me remplit de terreur.

Les hommes peu réfléchis ne comprendront rien à mon langage; est-ce qu’ils écoutent jamais ce qui se passe en eux-mêmes? Sensibles au vain bruit du dehors, leur oreille intérieure est obstruée. Est -ce qu’ils s’étonnent jamais de vivre? est-ce qu’ils savent rien de la vie? Ce qui les remue, les pousse ou les relient, leur est tout à fait étranger. Lorsqu’ils frappent leur cheval, celui-ci sait d’où vient le fouet : il connaît son maître. L’homme sent mille aiguillons intérieurs : est-ce la chair, est-ce l’esprit, est-ce un hôte incommode qui veut être obéi ? Il n’en sait absolument rien.

Quelquefois même une inspiration subite donne à l’homme la double vue; il pressent, ou plutôt voit ce que l’œil ne peut apercevoir. Est-ce sa raison qui parle et l’avertit? Non; c’est un éclair parti on ne sait d’où, qui traverse la chair et laisse voir pendant un instant les choses présentes ou futures. Comme quand, dans la nuit, nous voyons notre chambre éclairée par la foudre, nos yeux aperçoivent un instant ce que l’obscurilé empêchait de saisir.

Le grain jeté en terre ne sait pas qu’il germera, il

obéit à une force inconnue, qui, l'instant venu, tire tic sa léthargie l'exemplaire d’un des ouvrages Dieu. Comme ce grain , mes pensées endormies attendent un souille pour se produire au jour; car, en passant par la chair, elles se revêtiront de ce qui peut les rendre sensibles à l’intelligence.

Ne vous étonnez plus de mes perplexités , de mes tourments. Ce n’est pas assez de sentir, la volonté est impuissante dans un semblable travail. Voilà pourquoi je m’excite ; car, comme la pythonisse sur le trépied, je ne puis être instruit des secrets des immortels qn’étant animé par une sorte de transport. Comme le feu souterrain soulève parfois la terre et Fait couler la lave, les pensées en tumulte sortent du corps humain.

Voyez, lecteurs : les pages que je vous ai données jusqu’à cc jour no sont que les scories, la partie la plus grossière du métal en fusion. Les romanciers vous donnent moins encore dans leurs écrits : ils vous ravissent en idée , vous bercent par des rêves comme ils le sont eux mêmes; ce n’est pas même l’ombre altérée des choses réelles. Triste repas du corps que celui qui se fait en idée; mauvais aliment pour l'âme, que les choses frivoles et sans réalité. J’espère que le résultat que je me promets sera différent, je crains même que cet écrit ne vous enseigne des choses trop réelles; je n’aime point les fictions, et ne m’en sers que pour aider à me faire comprendre. Ce que je vais oser paraîtra’téméraire, un autre que moi, peut être, eût reculé d'effroi en pensant à de pareilles divulgations. Je me suis interrogé souvent à ce sujet, et me suis dit : Si, dans l’antiquité , les hommes qui possédaient des secrets nous les eussent révélés , nous serions aujourd’hui le premier peuple du monde. Tout

cc que Dieu inspire, tout ce que l’esprit, découvre n’est pas pour rester enfoui ; c’est pour la race entière.

Sans doute l’homme abuse d’abord , comme il est tenté d’abuser toujours de tout ce que le Créateur fit pour son bonheur, et qui entre en sa possession; mais sa justice est là, elle punit le coupable. — Donnons donc un libre cours à nos pensées, nous offenserons peut-être certains hommes, mais jamais la divinité.

§ V. OUVRAGES.

Je devais tenter toutes les entreprises difficiles en magnétisme, et parmi elles toutes, celle d’écrire était pour moi un sujet d’effroi. Cependant je m’y résolus^. ||,-

Ma brochure sur les Expériences de l'HôtelDiftu avait eu trois éditions, mais son seul mérite con/jstaftospi dans les faits qu’elle contenait; ce n’était poirjfTüne1'1- >■ œuvre de style ni de raisonnement. y"- ' MJ'hli'i!

Le magnétisme n’avait plus d’organe périodique en France, je conçus le projet d’en créer un nouveau.^-.

Je cherchai donc, vu mon insuffisance, des collaborateurs ; beaucoup me promirent aide et concours; c’était à qui m’encouragerait. Désormais certain de quelque sympathie, j’annonçai la publication du Propagateur du Magnétisme. Ce Journal devait continuer les Annales, la Bibliothèque et les Archives, morts après quelques années d’existence, en laissant des matériaux précieux. Ainsi je fus lancé dans la presse, et devins éditeur d’une œuvre collective. C’était en 1827.

J’appris bientôt à mes dépens qu’il ne faut point se fier aux promesses, à moins pourtant qu’on n’ait de l’or, beaucoup d’or, afin de stimuler le zèle et le récompenser. De cette manière vous pouvez marcher; mais lorsqu’il s’agit de pur dévouement, il faut at-

tendre qu’il s’exalte clans quelque cerveau intelligent. Tous les magnétologistes me manquèrent à la lois lorsqu’il fallut paraître , mais ils me promettaient toujours cependant quelques articles, et, soit paresse, soit impuissance ou mauvais vouloir, aucun ne tint parole. Je me vis donc seul pour tenir les engagements de tous, et pour comble de malheur j’ignorais l’art d'écrire. J’étais sur le point de donner mon âme au diable afin qu’il me tirât d’embarras.

Enfin je fis un article, puis un autre : de vraies ébauches , mais je continuais de paraître. L’œuvre dura toute une année; épuisé, endetté, je cessai ma publication après avoir tenu mes engagements et donné une preuve de tout ce qu’il y avait en moi de dévouement à la vérité mesmérienne. Deux volumes justifiaient de mon labeur.

Dès ce temps il eût été facile de créer un organe durable ; les magnétiseurs commençaient à se multiplier. Le dévouement, hélas! exige des sacrifices : il est inutile sans cela; tous ceux des partisans qui étaient les plus riches étaient les plus avares. Je crois que c’est ainsi en toutes choses, aussi vaut-il mieux intéresser à ses idées la classe la plus humble; celle-ci, au moins, vous la trouvez toujours au moment de vos appels et quelquefois de votre détresse.

11 y avait bien de quoi rebuter les plus décidés, et «ependant je songeais toujours à écrire un livre qui fût bien de moi. Je récapitulai donc toutes les idées que j’avais déjà émises sur le magnétisme, et je préparai mon Cours en sept leçons. Ma ténacité venait, non de mon orgueil, je m’appréciais trop bien; mai» je me disais : les gens capables ne font rien, leur croyance est stérile ; des ouvrages nouveaux sont aujourd’hui nécessaires pour résumer et faire connaî-

Ire les travaux et les découvertes des magnétiseurs. Si aucun homme ne se présente, on excusera ma faiblesse, 011 pardonnera à mon inexpérience, il restera des faits, et ceux-ci, du moins, auront toujours une grande valeur.

Mon œuvre était écrite, mais comment trouver un éditeur ? Un libraire n’imprime point l'ouvrage du premier venu ; il faut un nom , une réputation faite. Dans ce cas, on consent à vous faire un chemin vers l'immortalité. A vous la gloire, à l’éditeur le produit plus positif de vos œuvres : chacun est satisfait. Je m’ingéniai, et, à force de chercher, je trouvai ce moyen. J’ouvris des cours payants ; et, laissant accumuler de petites sommes, j’espérais consacrer le total à la publication de mon livre. Mes cours avaient lieu dans une sorte d’athénée, passage du Saumon. Cet établissement, que je croyais honorable, était tenu par Robert-Macaire et Bertrand. Ils m’enlevèrent un beau matin quinze cents francs, amassés avec fatigue et peine. Mais j’étais si bon garçon, que j’en

l is le premier. Je me croyais bien payé par les soixante ou quatre-vingts élèves que j’avais formés. Je les eusse faits pour rien, tant j’avais le désir de propager le magnétisme.

Je recommençai donc de nouveau, mais en prenant mieux mes mesures, et, en 1833, je publiai mon Cours, par cahiers contenant chacun une leçon. Cet Ouvrage eut quelque succès, et je dus en faire une seconde édition, en i84o, à Besançon. J’ajoulai seulement le volumineux rapport de 1’Académie de médecine, exprimant l’opinion de la commission nommée en i8a5 et dont les travaux ne se terminèrent qu’en i83i.

Désormais lancé dans cette double carrière, j’étu-

diais avec plus de soin les faits dont je devais plus lard rendre compte. Aucun homme ne fut jamais mieux placé pour observer, puisque j’étais en même temps l’instrument qui produit et le cerveau qui conçoit, recueille et juge. Mais la multiplicité même des faits était pour moi un embarras. J’avais trop de richesses en mes mains, elle cerveau, comme l'es loin ac, n’est capable que d’un travail borné; ma tête était d’ailleurs trop petite.

J’allai porter en Angleterre la vérité nouvelle; elle n’y était point connue ; deux personnes seulement s’en étaient occupées un instant. Je supportai dans ce pays, de la part de l’incrédulité, tout ce qu’il est possible de supporter de raillerie, de mépris, d’insulte et de dégoût; mais, comme le clou sur lequel ou frappe à coups redoublés, j’entrais chaque jour plus avant dans le lieu d’où on voulait me faire sortir. Je publiai à Londres, en i858, un ouvrage intitulé: An introduction to the sltidy of animal magnetism.

Le magnétisme s’étend dans ce pays, il y fait d’immenses progrès. Peut-être un jour, si l’on n’est point ingrat, reconnaîtra-t-on que c’est bien moi qui en ai répandu les germes, en les arrosant pendant vingt-deux mois do mes sueurs.

Renlrc en France, je n’y pris pas un instant de repos. Je commençai de nouvelles pérégrinations. J’avais visité Reims, Bordeaux, Montpellier, Béliers ; j’enseignais le magnétisme aux hommes studieux de Metz, Nancy, Dijon, Besançon, Gray, Ve-soul, etc., etc. ? chaque ville parcourue me fournissait un chapitre d’un ouvrage nouveau.. Tous ces matériaux pour l’histoire du magnétisme furent recueillis et je les publiai à Paris, en i84o, dans un livra intitulé : le Magnétisme opposé à la médecine.

J’avais aperçu trop défaits merveilleux pour qu'une nouvelle philosophie ne germât pas dans mon esprit. J en écrivis les feuillets tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre, puis je les méditai h loisir; mais, craignant l'effet que devait produire l’étrangcté de mes idées, et peut-être la sublimité des principes nouveaux, qu’on ne pourrait accueillir que comme le fruit d’un enthousiasme hors de la vérité , je laissai venir le temps où je pourrais, sans crainte, publier cet ouvrage. Je le livrai à la publicité en ii>45 ; il est intitulé : Essai sur l’enseignement philosophique du magnétisme.

C’était construire un édifice en commençant par le faîte; je le sentis, et, pour échapper à cette juste critique, je donnai une base toute physique à mon ouvrage, en publiant mon Manuel de l'étudiant magnétiseur, contenant tous les préceptes d’une magnétisation intelligente, toutes les régies pratiques d’application du magnétisme à la thérapeutique.

Mes soins se portèrent en même temps sur le Journal du Magnétisme, mais, cette fois, en collaboration de plusieurs hommes très-versés dans les connaissances magnétiques. Ce recueil, précieux pour la science, est arrivé, au moment où j’écris, à son dixième volume.

Voilà par quels travaux je suis parvenu à prendre rang parmi les magnélistes. La partie la plus essentielle peut-être, celle expérimentale, est connue par des milliers de personnes; les faits, pour la plupart, n’ont point été rapportés, si ce n’est seulement quelques-uns , les faits de magie, que j’ai décrits dans ce Journal.

Je ne mentionne point ici mes luttes avec les corps savants, nu s procès avec l’Université, à Montpellier;

ces pièces éparses peuvent justifier de mon labeur, mais je ne les regarde point comme importantes.

Maintenant je presse l’éponge pour extraire ce qui reste en moi des choses acquises et conservées par ma mémoire.

Je n’ai point la passion qui pousse certains hommes à écrire, à traduire leurs pensées ; ce n’est que par devoir que je prends une plume; je sais qu’elle serait mieux placée en d’autres mains ; mais un homme laborieux, voyant un champ sans culture, s’en empare et prend la pioche; il cherche à le rendre fécond. N’ayant pour lui que son courage, on ne peut lui demander d’étre habile dans un art qu’il n’a point appris. Ne vaut-il pas mieux encore voir cette terre à demi couverte de grains qu’inculte? 0 science du magnétisme ! sublime découverte ! grande comme Dieu ! tu es destinée à remplir d’admiration l’univers ; mais les hommes de ce temps ne songent qu’à la politique, ils ne voient rien au-delà. Ils ressemblent à ces éphémères qui prennent une lampe pour le soleil, et vont se brûler par milliers à ce petit foyer, jusqu’à ce que l’astre du jour, tout rayonnant de clarté, les tire de cette erreur.

Hommes malheureux , vous vivez un instant sans vivre; arrêtez vous, prenez garde, le fa Ilot qui vous guide vous conduit aux abîmes, et, comme les éphémères, vous périrez presque tous en arrivant au but que vous vous promettiez d’atteindre.

Dü POTET.

(La suite au prochain numéro.)

l'RATTATO TEOR1CO PRATICO DEL MAGNET1SMO ANIMALE, del conde Giacomo de Nani. — I vol. in-!2. Torino, 1850.

L’Italie manquait jusqu’à présent d’un ouvrage scientifique sur le magnétisme animal. Deux livres seulement sur ce sujet, l’un de MM. Orioli et Coge-vina, imprimé à Corfou, l’autre d’un avocat de Florence (i), ont été publiés en langue italienne. Le premier de ces ouvrages, laissant de côté la question principale, ne s’occupe que des faits magnétiques soumis aux tribunaux de l’Église romaine, et de la manière dont ils ont envisagé cette science. Le second, rédigé en forme de lettres, n’est qu’un volumineux extrait de tous les ouvrages français sur cette matière.

On a bien aussi produit un ou deux articles encyclopédiques, et en dernier lieu le Dr Poeti, de Turin, a ajouté à son Traité d’homéopathie, un appendice sur la thérapeuticité du magnétisme (a) ; mais tou* ces écrits traitant la question à un point de vue spécial , ou ne l’envisageant que d’une manière restreinte, il était important pour l’Italie d’avoir un livre élémentaire, un manuel à la fois pratique et scientifique, rédigé de façon à faire comprendre le magnétisme, même par ceux qui n’en avaient aucune notion. C’est dans ce but qu’un médecin de Venise, le comte Nani, vient de publier le volume que nou» allons examiner.

Dans sa préface, l’auteur démontre à ceux qui regardent le magnétisme comme une chose surnaturelle, et à cause de cela défendue par l’Église, que, tout au contraire, les effets magnétiques n’ont rien qui sorte des phénomènes naturels, et que les tribu-

(1) Voyez-en l’analyse, t. VI, p. 283. — (2) ld., t. VII, p. 339.

naux sacrés do Rome no les ont jamais défendus, si ce n’est dans le cas où un magnétiseur aurait voulu, à l’aide île cette science, expliquer d’une façon contraire aux doctrines de l’Église les mystères de la religion.

Il y a joint un catalogue dos ouvrages latins, français, italiens et allemands , qui, quoique incomplet et ne contenant point la liste des écrits anglais, plaide éloquemment en faveur de la cause.

L’ouvrage est divisé en sept chapitres, et commence par un abrégé de l’histoire du magnétisme; puis vient ensuite la méthode à suivre pour magnétiser; les conditions, les phénomènes, l’application médicale, les dangers et les inconvénients. Il insiste sur la mauvaise foi qui a présidé aux divers jugements des corps savants de France, lorsque des questions magnétiques leur ont été soumises.

L’auteur, sachant que son public italien n’est pas encore en état d’apprécier les résultats merveilleux obtenus depuis quelques années par de savants magnétiseurs, s’abstient sagement de citer aucun fait magnétique, puisqu’il ne peut les prouver par un simple récit.

En résumé, c’est un livre sagement pensé, sagement écrit. Le style en est clair, la méthode entraînante et logique. On y retrouve tout à la fois la finesse d’analyse du médecin et le jugement élevé de l’homme du monde. Nous remercions donc le comte Nani du service qu’il vient de rendre par cette publication à la grande cause du magnétisme, que nous soutenons comme lui, avec foi et confiance.

Adalbeht DE BEAUMONT.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

impr. da Pomœcrct «l Moreau, quai des Augustin«, 17.

INSTITUTIONS.

Société magnétique de la Nonvclle-Orlénn».

Le magnétisme a fini sa quarantaine : assez de faits ont prouvé son action pour qu’il ne soit plus contesté ; mais il reste à en régulariser l’exercice et à faire mieux comprendre que le somnambulisme n’est que l'un des effets que le magnétisme produit quelquefois. C’est donc à la cause productrice, c’est-à-dire à la magnétisation directe, qu’on devrait recourir dans les cas de maladie, au lieu d’aller consulter des somnambules; car le magnétisme est une loi de la nature qui ne peut se tromper, tandis que le somnambulisme est loin d’élrc infaillible, surtout quand ce n’est pas le malade lui-même qui est somnambule.

La Société magnétique de la Nouvelle-Orléans, en sc constituant, il y a plus de cinq ans, avait pour but d’implanter la connaissance du magnétisme assez profondément dans les esprits pour que l’usage de ce bienfait devînt général; elle fit des cours pour mieux faire apprécier les travaux et les découvertes des praticiens, espérant que le magnétisme descendrait ainsi dans les familles et y deviendrait une œuvre toute de philanthropie, avec le concours des médecins qui en auraient pu surveiller l'emploi. En outre, plusieurs de ses membres ont longtemps et gratuitement pratiqué au dehors, pensant trouver des imitateurs ; mais l’esprit humain est routinier TOV.K I. —M* 12K. — Mills 1851. }

et ne progresse que lentement. D’ailleurs la pratique du magnétisme est pénible, difficile même : du moins elle exige des études préalables, de l'expérience acquise, un dévouement tout spécial, et la plupart des hommes sont trop insouciants ou trop préoccupés, pour étudier d’abord afin d’appliquer ensuite dans le cercle de leurs parents ou de leurs amis. Enfin il y a des personnes qui hésitent à réclamer des soins gratuits, mais auxquels elles recourront avec empressement dès qu’il leur sera permis de les payer, tandis que d’autres, n’estimant une chose que par ce qu’elle leur coûte, dédaignent ce qu’on leur offre pour rien... Pour hâter l’époque d’une modification si désirable dans cet état des esprits, et afin de mettre tout le monde à l’aise, il est donc essentiel que quelques hommes fassent du magnétisme leur profession, et c’est à ce titre, et afin de donner l’exemple, que les soussignés, membres de la Société magnétique de la Nouvelle-Orléans, offrent aujourd’hui leur* services au public.

On peut s’adresser au bureau de la Société, passage de la Bourse, 2G, ou bien à l’un quelconque des soussignés :

ÎOS. BARTHET, rue Conti, 109.

JAMES GARDETTE, rue Bourgogne, 114.

N. DUREL, rue Bourbon, 368.

F. JÀSTRAM, rue des Français, 31.

A. THIENNETTE , chemin du Bayou, m.

Ou chez

M. LELIÈVRE, encoignure Royale et Orléans.

La publication de ce document a eu lieu, en français et en anglais, dans Y Abeille du 15 juillet dernier. Les éditeurs de ce journal y ont ajouté une note

propre à faire sentir l’importance de la détermination de nos amis. Ce n’est point une vaine réclame d’annonce industrielle , mais le sérieux avertissement d’écrivains convaincus. L’examen des excès charlatanes-ques dont la Nouvelle-Orléans a été le théâtre à cette époque, mettra bientôt nos lecteurs à même d’apprécier l'urgence de la réforme projetée. Voici, en attendant, comment s’expriment le» journalistes américains :

« Nous appelons l’attention de nos lecteurs sur un avis que publient aujourd’hui dans nos colonnes MM. Joseph Barthet, James Gardette, N. Durci, F. Jastram et A. Thiennette. Les abus criants auxquels le mesmérisme a donné lieu ici comme ailleurs, ont décidé ces honorables citoyens, qui ont fait du magnétisme une étude spéciale et consciencieuse, à élever cet art à la hauteur d’une profession. Nous ne pouvons qu’applaudir à leur courageuse initiative, et nous espérons les voir supplanter les charlatans qui exploitent la crédulité publique. Le seul but des signataires de l’avis qui précède est de combattre l’erreur et l’ignorance en les mettant en présence de la science. Le mesmérisme joue déjà un rôle important dans la médecine et de grands praticiens le considèrent comme un utile auxiliaire de la clinique. Il faut seulement savoir s’adresser â des magnétiseurs expérimentés. Ceux dont nous publions les noms plus haut offrent, on le sait depuis longtemps, toutes les garanties désirables. »

VARIÉTÉS.

Le Vaudoux. — Une descente de police, faite dans une réunion d'adorateurs du Vaudoux, à la Nou-velles-Orléans, a fourni l’occasion de connaître les pratiques de cc culte mystérieux. L'Orléanais du 6 juillet dernier s’étend longuement sur cette affaire.

Voici quelques-uns des détails qu’il a recueillis :

« Disons d’abord que le vaudoux doit son origine au culte du serpent, auquel sont plus particulièrement livrés les habitantsde Juida, en Afrique (côte des Esclaves), qui poussent la superstition pour cet animal à un point qu’il est difficile de croire. Dans le langage de ces nègres, le mot vaudoux signifie un être tout-puissant et surnaturel, qui dirige à son gré tous les événements; or, pour eux, cet être est une espèce de serpent non venimeux. Cet animal, qui reçoit leurs adorations, a la connaissance du présent et du passé, et même la prescience de l’avenir; toutefois, il ne consent à communiquer son pouvoir ou à exprimer ses volontés que par l’organe d'un grand-prêtre choisi parmi les sectateurs, et plus particulièrement encore par celui de la compagne que s’adjoint celui-ci, en

l’oie van l «à la dignité de gramlo-prêtrosse. Ces deux ministres qui se disent inspirés par le dieu (le serpent), inspiration dans laquelle les adoptes ont la foi la plus robuste, portent les noms pompeux de roi et reine, ou ceux do maître et maîtresse; quelquefois on leur donne le litre touchant de papa et de maman. Ils sont, durant toute leur vie, les chefs de la grande famille du Vaudoux, el ils ont droit au respect illimité de ceux qui la composent. Ce sont eux qui expriment la volonté du serpent pour ou contre l’admission d’un candidat dans la société, qui lui proscrivent ses devoirs et ses obligations, et qui reçoivent les présents qui sont dus au dieu comme un juste hommage. Leur résister, c’est désobéirau dieu lui-même, et partant s’exposer aux plus grands mal» heurs, aux plus sévères châtiments. C’est donc ce système de domination absolue d’une part, et de soumission et d’obéissance aveugles de l’autre, qui est la base nécessaire à cette société, qui forme â des époques fixes des assemblées où président le roi et la reine vaudoux, en se conformant à des usages empruntés de l’Afrique, mais auxquels cependant les mœurs créoles ont ajouté plusieurs variantes. Dans les sociétés du Kaucloux qui ont conservé le plus fidèlement leur pureté primitive, les réunions n’ont jamais lieu que secrètement, pendant la nuit, et dans un endroit bien clos, de manière à ce qu’aucun regard profane ne puisse y pénétrer. Une fois tous réunis, les initiés mettent une paire de sandales et placent autour de leur corps des mouchoirs ordinairement rouges, et le roi vaudoux se ceint le front avec un mouchoir de la même couleur, qui lui sert de diadème; il porte aussi un cordon bleu pour marque de sa dignité.

« Le roi et la reine se placent à l’une des extrémités de la pièce, près d’une espèce d’autel sur lequel est placée une sorte de cage qui renferme le serpent. Lorsque l’on s’est bien assuré que nul curieux n’a pénétré dans l’enceinte, la cérémonie commence par l’adoration du serpent, qui consiste en protestations de fidélité à son culte, et de soumission à scs volontés; puis on renouvelle entre les mains du roi et de la reine le serment du secret, qui est accompagné, dit-on, de tout ce que le délire a pu imaginer de plus horrible, pour le rendre plus imposant. Ensuite le roi et la reine, du ton affectueux d’un père et d'une mère, adressent à leurs bien-aimés enfants et sujets quelque touchante exhortation ; ils leur vantent le heur sur lequel ont droit de compter tous ceux qui servent avec dévouement le vaudoux, et, comme étant ses interprètes directs, ils les engagent à mettre leur espoir et leur confiance en lui, et à lui en donner des preuves en venant leur demander conseil sur la conduite qu’ils ont à tenir dans toutes les circonstances difficiles ou embarrassantes.

« Alors chacun, selon son ordre d’ancienneté dans la secte, peut aller implorer le Vaudoux et lui exposer ses voeux. Celui-là lui demande la faveur de toucher le cœur d’une insensible; celle-là désire rappeler à elle un amant infidèle; une autre demande une longue vie, la guérison d’une maladie, la réussite d’une affaire. Telle autre veut se venger d’une heureuse rivale. Enfin, toutes les passions, et le crime lui-même, viennent exprimer leurs désirs et leurs vœux et solliciter l’auguste appui du tout-puissant Vaudoux.

« A chacune de ces invocations, le roi vaudoux se recueille, l’esprit agit en lui ; puis enfin il prend la

boîle où est le serpent, la met à terre, et fait monter dessus la reine vaudoux ; nouvelle pythonisse, elle ne tarde pas à se sentir pénétrée de l'esprit du dieu qu’elle a sous scs pieds, elle s’agite, éprouve dans tout son corps une sorte de tremblement convulsif, et dès lors l’oracle parle par sa bouche. Alors, au gré de scs caprices, de ses désirs ou de ses intérêts, elle dicte des lois, trace h celui-ci sa conduite, encourage el promet le bonheur ou la réussite à celui-là, tonne en éclatant en reproches contre tel autre; et ordres, remontrances, décisions, oracles, tout est accueilli religieusement par le crédule et naïf troupeau, qui ne sait qu’obéir aux ordres qui lui sont si despotiquement prescrits.

« Lorsque l’oracle a ainsi répondu à toutes les questions, le serpent est replacé sur l’autel, et chacun va lui offrir son triLut, en déposant ses oblations dans un chapeau recouvert; le roi et la reine promettent de les lui faire agréer. On propose des plans, on discute, s’il y a lieu , des résolutions, puis enfin, par unserment aussi exécrable que le premier, chacun s’engage à souffrir la mort plutôt que de rien révéler de ce qui s’est passé, et même, dit-on, à la donner à celui qui violerait un serment aussi solennel.

« C’est alors que commence la danse; s’il y a un récipiendaire, elle s’ouvre par son admission. Le roi trace un grand cercle et y place celui qui veut être initié, après lui avoir mis sous la main un petit paquet composé d’herbes el autres substances, ensuite il le frappe légèrement à la tête avec une petite palette en bois, et entonne un chanson (Eh ! eh ! bomba, hen ! hen! etc.), que répètent en chœur ceux qui environnent le cercle. Alors celui-ci se met à trem-

hier et à danser, cc qui s’appelle monter vaudoux. Il boit souvent et continue à sauter et à s’agiter, jusqu'à ce qu’il arrive aux convulsions, que le roi fait cesser en le touchant avec la main ou avec sa palette; ensuite on le conduit à l’autel pour y faire le serment prescrit, et.... la farce est jouée.

« Après cette cérémonie, le roi met le pied sur la boîte où est le serpent, et bientôt il reçoit une impression qu’il communique à la reine et que celle-ci transmet à tous les membres placés en cercle. Ceux-ci ne tardent pas à être en proie à la plus violente agitation ; ils tournent rapidement sur eux-mêmes, et remuent si vivement la partie supérieure du corps, que la tête et les épaules semblent se disloquer; ils ne s’arrêtent que pour prendre des liqueurs spiritueuses, et, en continuant ainsi, ils finissent, les uns par tomber de lassitude, d’autres en pâmoison ou en défaillance, d’autres éprouvent une espèce de délire furieux, et chez presque tous il y a des tremblements nerveux qu’ils semblent ne pouvoir maîtriser. Alors, ceux qui ne sont pas privés entièrement de l’usage de leur raison, passent dans une pièce voisine. Nous n’essayerons pas de décrire ce qui s’y passe; il est aisé de comprendre qu’à la suite de l’excessive surexcitation des sens qu’ont dû produire sur eux l’orgie et ces bacchanales écheve-lécs , l'assouvissement des désirs grossiers et des passions brutales et furieuses , dans ce hideux pêle-mêle des deux sexes, ne peut manquer de présenter le plus dégoûtant spectacle. Hâtons-nous donc d’en détourner les yeux.

« Si maintenant 011 nous demande s’il est vrai que ces hommes ont, pour faire le mal, la puissance qu’011 4eur attribue, si, en un mol, ils peuvent jeter des

sorts, exercer des maléfices, malgré noire incompétence sur celte matière, nous' croyons pouvoir exprimer l'opinion qu’il y aurait faiblesse d’esprit ou simplicité puérile à accepter cette croyance, et nous dirions volontiers à tous ceux qui partagent cette opinion :

« Cependant il faut l’avouer, au milieu de tout ce qu’il y a d’absurde, d’extravagant, de bizarre dans les choses que nous venons de raconter, il y a quelque chose de très-vrai. Le vaudoux peut être envisagé, en dehors de toute jonglerie, sous un point de vue qui mérite peut-être de fixer l’attention des hommes sérieux. Selon nous, ces sectaires produisent bien réellement (sans s’en douter peut-être1) des phénomènes magnétiques.

« Oui, nous le disons, le magnétisme peut expliquer parfaitement bien ce qui peut sembler surnaturel dans ce qu’ils font. Ces mouvements convulsifs qu’un simple attouchement fait cesser, ces danses prolongées jusqu’à perle de sentiment, et quelquefois malgré la volonté du danseur; cette agitation qu’ils se transmettent les uns aux autres, etc. , tout cela peut fort bien être produit par un fluide mes-mérien. Si nous n’avions craint de fatiguer le lecteur, nous aurions essayé d’établir celte opinion, qui est la nôtre, mais que toutefois nous ne prétendons imposer à personne. »

L. P.

Nouvelle forme de Mesmérisme. — On lit dans

VAbeille de la Nouvelle Orléans du 26 juin i85o :

« On dit que certains fabricants d’horlogerie de Bristol, en Connecticut, faisant dernièrement quelques chronomèlrcs, leurs ouvriers ne pouvaient se

m

tenir éveillés lorsqu’ils niellaient ces instruments en mouvement. II est nécessaire, en les réglant, de compter les battements par minute, en sc servant d’un régulateur, et de changer la spirale jusqu’à ce qu’il y ait égalité dans le mouvement des deux; de tourner les vis du balancier, jusqu’à cc que le maximum le plus élevé soit obtenu , quand on veut fixer le mouvement voulu et qu’on en a pris note. Les ouvriers ne trouvent point de difficulté quant aux parties, mais lorsque le tout est en mouvement, quiconque s’assied et compte les battements, ou regarde attentivement le mouvement du balancier, ne peut mauquer d’éprouver le même assoupissement. On a fait des essais avec d’autres horloges, mais elles ne produisent pas la même sensation. Les mouvements du chronomètre sont polis et dorés par un procédé galvanique particulier qui, si les faits sont tels qu’on les rapporte, peut contribuer à produire cet effet.

Ce qu il y a de singulier, c’est que la personne endormie continua de battre exactement la mesure du pied et de la main. Le rédacteur du Boston Port qui raconte ce fait, ajoute :

« C’est un sujet d’amusement, pour ceux qui vi-« sitent l’établissement, de voir une compagnie « d’hommes à l’ouvrage, dont la moitié est endor-« mie, malgré les efforts qu’ils font pour se tenir « éveillés. Des expériences ont été faites sur des péril sonnes étrangères à cet établissement, et l’effet pro-« duit a été invariablement le même.

« Samedi dernier, un charbonnier vint apporter « une charge de charbon à la manufacture, 011 le fit « entrer dans l’atelier particulier où l’on met la der-« nière main aux horloges. Un des ouvriers désira « faire l’expérience sur cet homme ; 011 le mit à

« compter et à battre fie la main la mesure sur le « banc, en suivant le mouvement de l’horloge; il « s’endormit en trois minutes, et on le laissa ainsi « pendant près d’une heure. Son chien, qui l’avait « suivi dans l’atelier, donna des marques d’inquié-« tude en le voyant en cet étal et se mit à courir en « hurlant de la manière la plus pitoyable; le bruit « n’éveilla pas le dormeur, son sommeil ne cessa « qu’au moment où l’on arrêta l’horloge, et il fut sur» « pris de voir tout le temps qui s’était écoulé. Il y a « quelque grand principe caché dans ce phénomène « qui est vraiment mystérieux. »

Tribunaux. — Depuis six mois, notre journal contient régulièrement la mention de quelques poursuites judiciaires contre des somnambules. Divers procès de ce genre viennent de se terminer en province; mais les débats sont trop étendus pour trouver place dans ce numéro-ci. Aussitôt que cette campagne des procureurs sera terminée, un de nos collaborateurs, avocat, fera paraître un travail sur l’ensemble des faits, de manière à faire ressortir clairement l’état de la législation et de la jurisprudence qui tend à s’établir en ces matières.

Nous nous bornons donc aujourd’hui au seul récit de ce qui s’est passé dans nos murs.

TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE PARIS (8e chambre).

Présidence de M. Danjan. (Audience du 7 février.)

LA SORCIÈRE DE IIOM.MNVII.LE. — EXERCICE ILLÉGAL DE LA MÉDECINE. — ESCROQUERIE A L’AIDE DU SOMNAMBULISME.

La fille Caroline Rosner, dite la Comtesse, est une simple ouvrière en bretelles , à Romainville. A cette industrie utile, mais peu lucrative, il paraît qu’elle a juge à propos d’adjoindre la profession beaucoup

plus fructueuse de sorcière somnambule, experle en l'art de guérir. Sous ce dernier rapport, la Pille Ros-ner est parvenue à se faire une certaine réputation dans la banlieue, et notamment dans la commune de, Bagnolet. Toutefois, les adeptes fervents qu’elle s’y était fails ont fini par lui devenir funestes, car c’csl précisément au sujet des opérations magiques auxquelles la fille Rosner s'est livrée en leur faveur quelle comparait aujourd’hui devant le tribunal de police correctionnelle, sous la double prévention d’exercice illégal de la médecine et d’escroquerie.

Le premier témoin entendu est le sieur Rridaut, cultivateur à Bagnolet. Il paraît d’abord vouloir se montrer beaucoup moins explicite dans sa déposition orale à l’audience, qu’il ne l’avait été lors de l’instruction; mais, sur les observations de M. l’avocat de la République Ilello, qui l’engage à réfléchir sérieusement sur la gravité de sa position, le témoin retrouve peu à peu la mémoire, et déclare ce qui suit :

J’ai connu la fille Caroline Rosner, paice qu’elle venait quelquefois à la maison pour vendre des bretelles. Un jour qu’elle était chez nous, il arriva que ma femme et mon fils se trouvaient malades, et ils lui demandèrent des conseils.

M. le président. Et ces conseils, ne les a-t-elle pas formulés en ordonnances qu’elle a signées, et prescrivant des médicaments que vous êtes allé chercher chez le pharmacien ?

Lf. témoin. Ce n’est pas moi qui suis allé les chercher, mais c’est mon fils.

M. LE président. Peu importe. Les ordonnances étaient-elles signées ?

Le témoin. Je ne saurais le dire; je ne me souviens pas bien.

M. l’avocat DELA répobliqde. Vous l’avez dit positivement dans l'instruction ; vous avez même ajouté que le docteur Pelassy , qui traitait votre femme et votre fds, ayant vu ces ordonnances, a cesse de donner ses soins à vos deux malades.

Le témoin. C’est bien possible; mais il y a si longtemps que je ne me rappelle pas.

M. le président. La fille Rosner se faisait-elle payer par vous?

Le témoin. Ah ! pour cela, j’affirme que non ; quelquefois elle acceptait à dîner avec nous; mais c’était tout.

M. le président. N’est-il pas à votre connaissance que la fille Rosner prétendait avoir la faculté de procurer de bons numéros aux jeunes gens qui devaient tirer au sort?

Le témoin. C’est la vérité.

M. le président. Ne vous a-t-elle pas demandé si vous connaissiez quelques jeunes gens qui eussent besoin de son ministère en pareille circonstance?

Le témoin. C’est encore la vérité; je lui ai indi-diqué Marinier el Marie, qui devaient tirer prochainement.

Le jeune Marinier est introduit.

M. LE président. Comment avez-vous été mis en rapport avec la fille Rosner?

Marinier. C’est le sieur Bridaut qui m’a envoyé chez elle, et j’y suis allé avec mon camarade Marie. Il se trouvait dans la même position que moi; nous devions tirer au sort très-prochainement, et nous étions bien aises de pouvoir rencontrer une personne qui nous ferait avoir de bons numéros.

M. le président. Que s’est-il passé lors de votre visite chez la fille Rosner ?

Marinier. Elle s’est mise dans un fauteuil, et nous a dit gravement que nous aurions tous les deux de mauvais numéros.

M. le président. Elle ne vous flattait pas, au moins.

Marinier. C’est qu’elle voulait nous prescrire les moyens d’en obtenir de bons.

M. le président. Et quels étaient ces moyens?

Marinier. Elle nous ordonna d’abord de faire des prières, et de ne quitter ni jour ni nuit des rubans blancs que nous devions porter au bras pendant une neuraine.

M. le président. Après?

Marinier. Après, nous avons été avec elle au Calvaire; nous avons entendu la messe; elle a fait ensuite des prières toutes particulières; puis nous sommes descendu» ensemble dans la chapelle du tombeau de Notre-Seigneur, nous avons brûlé des cierges, et elle a encore recommencé ses prières.

M. le président. Après?

Marinier. Après, nous avons été diner, toujours avec elle.

M. le président. Et à vos frais, sans doute ?

Marinier. Bien entendu; nous l’avons régalée de notre mieux.

M. le présidert. Et vous a-t-elle demandé de l’argent ?

Marinier. Je crois bien; elle voulait avoir 70 fr., mai» je n’ai consenti à lui en donner que 10.

M. le président. Et avez-vous eu un bon numéro, en définitive ?

Marinier. Oui ; je l’espère, du moins ; mais je crois que ce n’est pas sa faute. (On rit.)

Le jeune Marie est ensuite entendu. Comme le précédent témoin, il explique le but de sa visite à la

fille Rosnor, que Bridant lui avait fait connaître; puis il poursuit ainsi : Quand nous lui avons dit que nous voulions qu’elle nous fit obtenir de bons numéros, elle s’habilla alors en somnambule.

M. le président. Comment ! est-ce qu’on adoptait un costume particulier ?

Marie. Il paraît, Monsieur le président, puisqu’elle passa une robe toute blanche avant de s’endormir dans son grand fauteuil.

M. LE président. Mais est-ce qu’il n’y avait pas là un magnétiseur spécialement chargé de l’endormir?

Marie. Pas du tout, je n’ai vu personne; elle s’endormait et se réveillait toute seule. (On rit.)

Le témoin entre dans les mêmes détails que son camarade sur les pratiques religieuses prescrites par la fille Rosner, sur le pèlerinage au Calvaire, sans oublier le succulent dîner. Il ajoute seulement que, n’ayant guère confiance en la prévenue, il n’avait pas voulu lui donner un sou des 70 fr. par elle exigés.

M. le président. Avez-vous tiré un bon numéro?

Le témoin. Oui, sans doute; mais je ne lui en ai guère d’obligation.

M. le président, à la prévenue. Yous vous livrez à l’exercice de la médecine ?

La prévenue. Quand je le voudrais, je ne le pourrais ; je ne connais pas un mot de médecine. Je ne fais que des prières.

M. LE président. Yous avez signé des ordonnances pour la femme Bridaut et son fils?

La prévenue. Ça me serait impossible, je ne sais nii lire ni écrire en français. Mm* Bridaut, qui était fort malade, m’a priée de faire trois neuvaines pour elle; je les ai faites. Il en a été de même de trois messes que j’ai entendues à son intention.

M. le président. Vous avez voulu persuader à des jeunes gens qu’à l’aide de somnambulisme et de prières dites avec des vêtements blancs vous pourriez leur faire obtenir de bons numéros au tirage ?

La prévenue. Je leur ai dit que je les exempterais s’ils avaient confiance en Dieu.

M. le président. Ce n’est pas la précisément ce que vous leur avez dit, et les actes auxquels vous vous êtes livrée ne sont autre chose que des manœuvres frauduleuses pour escroquer de l’argent à autrui; et d’abord vous faites marchandise de prières, vous spéculez sur des piétés honnêtes et sincères, vous exploitez pécuniairement et à votre profit la crédulité des personnes que vos manœuvres ont éblouies. Vous êtes de la religion réformée, et vous vous occupez de prières et d’actes de dévotion qui procèdent de la religion catholique.

La prévenue II est vrai que je suis protestante, mais j’ai confiance en la religion, et d’ailleurs nous n’avons tous qu’un même Dieu.

M. le président. Vous prenez, et on vous a vu prendre les habits des sœurs de charité.

La prévenue. J’ai une robe noire à grandes manches que je passe quand je vais à l’église.

M. le président. Vous vous prétendez somnambule?

La prévenue. Je ne suis pas somnambule comme les autres; je m’endors avec des prières, et dans mon sommeil je dis ce qu’il faut faire ; mais je m’endors toute seule, et je me réveille quand on fait le signe de la croix.

M. le président. C’est à l’aide de toutes ces mome-ries que vous avez exploité la crédulité des témoins qui ont été entendus. Yos prétentions premières étaient assez élevées : vous exigiez de chacun d’eux une

somme de 70 fr. ; l’un d’eux a eu assez d’esprit en 11e vous donnant que 10 fr., l’autre a eu plus d’esprit encore en ne vous donnant rien du tout.

La prévenue. Je n’ai rien exigé; sur leurs instances, je suis allée dix fois au Calvaire à jeun, afin de prier pour eux ; j’ai fait dire vingl-et-une messes et brûler pour a3 fr. de cierges, je ne voulais que rentrer dans mes avances, mais je ne demandais rien pour moi.

Conformément aux conclusions de M. l’avocat de

la République, le tribunal condamne la fille Rosner à six mois de prison , 5o fr. d’amende sur le chef d’escroquerie, et en outre à i5 fr. d’amende sur celui d’exercice illégal de la médecine.

(Gazette des Tribunaux.)

La plupart des personnes condamnées au mois de juillet dernier, pour s’être livrées à la divination, ont continué de se faire annoncer comme donnant des consultations somnambuliques. Elles reviennent presque toutes aujourd’hui devant la justice, sous l’inculpation d'infraction à la loi du 19 ventôse an XL Leurs magnétiseurs, qu’on n'avail point compris dans les précédentes poursuites, sont traduits cette fois comme complices.

Yoici le résumé de celte nouvelle affaire :

TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE PARIS (7‘ chambre).

Présidence do M. Fleury. (Audience du 5 mars )

SOMNAMBULISME. — EXERCICE ILLÉGAL DE LA MÉDECINE. — VINGT-SIX PRÉVENUS.

Voici les noms et qualités des prévenus :

Annetle Passavant, femme Château, dite Mme Thal-bert, rue de Hanovre, 10, régleu>e de papiers, avant d’être somnambule; Jean-Raptiste Capet, commis, rue Saint-Jacques, 252 ; fille Élisa Dufay, couturière,

avoir aidés dans cet exercice illégal; les sieurs Isaac et Lalmède sont inculpés en outre d’avoir pris le titre de docteurs , n’étant qu'officiers de santé; la dame Batard est prévenue d’escroquerie.

La prévention d’exercice de la médecine est basée tant sur des annonces faites dans les journaux par plusieurs des prévenus, annonces dans lesquelles on dit qu’on donne des consultations médicales , que sur des témoignages de personnes qui ont été soignées par les prévenus; entre autres annonces, on remarque celle de la femme Tournier, ainsi conçue : « Mme Desaillous, somnambule très-lucide, ayant prédit, en 1847, la République et l’avénement de Louis-Napoléon Bonaparte, consultations pour maladies, garantit la guérison des humeurs froides, etc. ; à l’aide de la baguette de coudrier, découvre les sources d’eau, l’or, l’argent enfouis dans la terre. »

Me Hemerdinger, avocat, se présente pour la fille Torcy et le sieur Bellot.

Me Lachaud pour le sieur Isaac.

Me Clément d’Anglebert pour la femme Batard et le sieur ftlaugé.

Me Thus pour la femme de Villeneuve et le sieur Coty-Andrivon.

R1. le président donne l’ordre de faire passer les inculpés au banc.

le sieur bellot. Monsieur le président, je désire ne pas passer au banc.

M. le président. C’est impossible. le sieur bellot. J’éprouve la plus profonde antipathie pour ce banc, et je déclare que je n’irai m’y asseoir que par la force.

M. le président. S’il faut vous y faire aller de force, on le fera; la justice est égale pour tout le monde.

le prévenu. Alors je prolesle de toute mon énergie, et je déclare que je ne cède qu’à la force brutale. (Le prévenu va s’asseoir au banc.)

Le tribunal donne défaut contre Joussin ; disjoint en ce qui concerne Jouy, dont l’état de maladie est dûment constaté, et renvoie à huitaine pour ce dernier.

M. le président interroge les prévenus sur leurs noms et qualités. Tout à coup une scène violente éclate au banc des inculpés : c’est le sieur Bellot qui a engagé un combat avec le garde républicain de service au banc. Sur l’ordre de M. le président, on sépare les combattants.

m le président. Sieur Bellot, un pareil scandale est intolérable ; vous mériteriez qu’on dressât procès-verbal.

M. l’avocat de la République Moignon se lève et requiert contre le sieur Bellot l’application des art. 309 et 212.

Le sieur Bellot, appelé à s’expliquer, déclare qu’il n’a point eu l’intention de faire un scandale; une prévenue s’étant trouvée indisposée est sortie : il a voulu la suivre pour lui porter secours ; le garde républicain l’a saisi au collet; alors lui Bellot s’est défendu.

Le garde républicain est entendu : « Ah ! bien, elle est bonne celle-là! Moi je suis de service, je veux empêcher un prévenu de s’en aller, et puis, au lieu de me prêter main-forte, voilà mon brigadier qui me tape dessus ! Elle est bonne celle-là ! Je. vas faire mon rapport au colonel ! Je vous demande un peu , si je laisse échapper les prisonniers?...

m. le président. Le prévenu n’était pas prisonnier; mais enfin, vous, soldat, vous faisiez votre devoir.

i.e témoin. A-l-on vu! le brigadier qui me cogne d’un côté, Monsieur de l’autre, que je viens d’en cracher le sang à la porte, que vous pouvez aller voir si vous voulez.

Le prévenu Bellot proteste de sou respect pour la justice et demande pardon au tribunal, s’il l’a involontairement offensé.

Le tribunal le condamne à un mois de prison.

Après cet incident, on procède à l’audition des témoins.

M. Gariot, imprimeur lithographe, a reçu les soins de la femme Château, qui lui a fait appliquer sur la poitrine onze rates de bœuf. (Rires.)

Ici on vient annoncer à M. le président que la prévenue qui s’est trouvée indisposée, la fille Dufay, est dans l’impossibilité de se représenter ; le tribunal disjoint, et renvoie, pour elle et pour Lalmède, à huitaine.

josErn ciiarlier, domestique. Ce n’est pas moi qui ai consulté M. Lalmède ; c’est mon frère , mais il est mort, ce qui l’a empêché do répondre à l’assignation ; je suis venu à sa place. (Rires.)

m. le président. Eh bien! retournez à la vôtre. (Nouveaux rires.)

etienne vermot. Il a recours à la femme Desaillous pour un mal d’yeux dont il était affecté ; la femme Desaillous lui a ordonné de se faire magnétiser, il l’a fait el s’en est bien trouvé; ayant ensuite été la consulter sur ses deux petites filles, abandonnées des médecins, la femme Desaillous, sur l’inspection seule des bonnets de ces deux enfants, répondit : « L’une d’elles mourra dans deux jours, l’autre sera sauvée si on la magnétise. En effet, on la magnétisa et elle

fut sauvée; l'autre mourut, ainsi que l’avait dit la somnambule. Le témoin n'a rien payé pour cela.

En ce moment, un nouvel incident au banc des inculpés vient troubler l’audience et égayer l’auditoire. Une dame assez bien mise, qui est assise au banc, insiste pour sortir. M. le président lui demande son nom.

la dame. Je me nomme Mme de Sénéchal.

M. LE président. Vous n’êtes pas inculpée?

la DAME. Non monsieur ; c’est la première fois que je viens à une audience, je ne suis pas bien au courant; j’ai vu qu’on ouvrait ceci, que je prenais pour une grande stalle réservée aux dames, j’ai suivi ces dames ; je demande à m’en aller, (llires bruyants ; la dame sort.)

marie boudeville, passementière. Mme Grimot, mon amie, est allée consulter Mme Balard, qui lui a dit,que son mari avait 8,000 francs de cachés, qu’il avait des maîtresses, que c’était une canaille.

J’y suis allée aussi pour moi.

M. le président. Pour la consulter sur quel sujet?

Le témoin refuse de s’expliquer.

la femme grimot, cuisinière. Mmc Batard m’a dit la vérité sur mon mari... (Rires.)

M. le président. En vous disant que c’est une canaille? — Oh ! elle ne m’a pas dit cela tout à fait; elle a dit qu’il avait l’air d’y pas toucher, mais qu’il me ferait du mal s’il pouvait.

D. Est-ce que vous n’avez pas eu avec elle un premier entretien dans lequel elle aurait cherché à vous faire parler, afin de pouvoir vous répondre aisément quand vous iriez ensuite la consulter? — R. Non, elle ne m’a pas fait parler ; ainsi un fait ; je ne lui ai pas dit que j’avais chez moi une chambre noire»

eh bien ! elle m’a dit : Yous trouverez de l’argent dans une chambre noire, votre mari en a caché. Alors j’ai cherché.

D. Et vous avez trouvé les 8,000 fr. ? — R. J’ai trouvé 27 fr. l\o cent. (Rires.)

D. C’est loin de 8,000 fr. — R. Oh ! j’ai trouvé le reste dans d’autres endroits.

D. Votre amie, la femme Boudeville, est allée aussi la consulter ?

Elle refuse de s’expliquer sur ce point. la femme batard. Monsieur, Mme Boudeville est venue chez moi avec un garde républicain, sur le compte duquel elle m’avait, il paraît, interrogée; ils m’ont menacé de me dénoncer si je ne leur donnais pas de l’argent : c’était du chantage. C’est sur mon refus qu’ils m’ont dénoncée.

m. le président. Femme Boudeville, c’est le moment de vous expliquer; vous ne vouliez pas dire le motif de votre visite chez la femme Batard. Est ce que c’était pour la consulter sur le garde républicain ? — R. Oui, Monsieur; je devais me marier avec lui. Elle m’a dit sur lui un tas de choses, comme sur le mari de Mme Grimot.

m. le président. Et vous avez rapporté cela au garde républicain? — R. Oui; il était furieux.

ume pocvhEUiL. J’ai consulté Mme Bridou ; elle magnétisait une jeune personne qui me dit que j’avais un ver qui était très-malin, qu’il avait sur la tête un-capuchon qu’il rabattait pour ne pas s’empoisonner avec la médecine que je prends jjour le tuer. « Mais soyez tranquille, qu’elle me dit, si nous ne 1 avons> pas par la tête, nous l’aurons par la queue. » Elle me disait que ce ver était couvert de poil, et qu’eai passant dans le conduit de l’estomac au ventre, le

poil froltait et me causai! les douleurs dont je souffrais.

M. le président. Et vous croyez à tout cela ? — R. Non; mais quand on est malade, vous savez; alors elle m’a ordonne de me laver la tète avec du rhum, du sang, et les tempes avec du cassis.

Les autres témoignages sont sans intérêt; presque tous les témoins s’accordent à dire qu’ils ont été guéris ou soulagés par le magnétisme ; plusieurs d’entre eux n’ont rien payé au somnambule qu’ils ont consulté.

On procède à l’interrogatoire des prévenus.

Les somnambules reconnaissent avoir exercé le somnambulisme; mais toutes nient avoir donné des consultations médicales.

Quant aux magnétiseurs, ils prétendent qu’ils n’ont point à s’occuper du but de la consultation; ils l’ignorent. Leurs fonctions consistent à endormir et à réveiller la somnambule; ils n’assistaient pas à la consultation, et conséquemment ne savaient rien de ce qui s’y dit.

Quant à la femme Tournier, elle s’endort seule, ce qui ne lui a pas empêché de prédire la République et l’avénement de son président actuel.

Des ordonnances, des médicaments ont été saisis chez les somnambules; on a, en outre, saisi chez la femme. Cabandé une baguette magique avec le Pe-tit-Albert.

La femme Batard se faisait endormir par sa bonne, la fille Neuville, âgée de dix-sept ans; cette dernière est appelée à s’expliquer.

M. le président. C’est vous qui endormiez la femme Batard? — J’étais entrée chez elle comme domestique, mais pas pour l’endormir.

D. Enfin vous l'endormiez? — R. Je crois que oui.

D. Vous n'êtes pas sûre ? — 11. J'ai pas assez d'instruction pour savoir si elle dormait, je ne sais pas lire.

D. list-ce que vous pensez avoir la puissance de l’endormir ? — R. Oh ! non.

D. Alors vous ne l’endormiez pas? — R. Ah! si.

B. Vous dites oui, vous dites non. Qui vous a révélé cette puissance d’endormir? — R. C’est Madame elle-même ; elle m’a montré comment il fallait faire pour l’endormir, alors je l’ai fait et elle s’est endormie; oh ! oui, je crois bien qu’elle dormait.

Le sieur Jules Isaac reconnaît avoir assisté la fille Roulot. Il prend le litre de médecin ; mais il en a le droit ; il est d’usage que les officiers de sanlé prennent le tilre de médecin, chirurgien, accoucheur; le public ne sait pas ce que c’est qu’un officier de santé, il croit que c’est un médecin de l’armée.

le sieur maricot. Je reconnais que j’ai pris la devise d’un vieux blason de nos rois. « Je guéris qui je touche, » Autrefois, les rois el les reines avaient le pouvoir de guérir ceux qu’ils touchaient; depuis j’ai regretté cela, j’ai défendu à mon portier délaisser monter personne, et j’ai renoncé complètement au magnétisme.

Cette apostasie publique excite un mouvement d’indignation parmi les autres prévenus. L’un d’eux articule ces mots: « C’est-t-honteux; oh! c’est-t-honleux. »

M. l’avocat de la République Moignon soutient la prévention, sauf à l’égard des sieurs Isaac, Maiicot et de la fille Neuville; il l’abandonne également à l’égard de la femme Batard sur le fait d’escroquerie.

L’organe du ministère public regrette que notre

législation n’ait pas prévu le cas de somnambulisme. Il est fâcheux que, dans l’espèce, le tribunal ne puisse prononcer qu’une peine de simple police.

Le tribunal, après avoir entendu les défenseurs des prévenus, a renvoyé de la plainte les sieurs Isaac et Marient el la fille Neuville; il a également renvoyé la femme Batard, sur le fait d’escroquerie; mais il l’a condamnée pour exercice illégal de la médecine, ainsi que ses co-prévenus, à 5 fr. d'amende, et tous solidairement aux dépens.

{Gazette des Tribunaux.)

Yoici le texte de quelques-unes des annonces sur lesquelles le ministère public s’est fondé pour établir la prévention.

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Ce n’est là qu’un échantillon de ce que contient parfois la quatrième page des journaux. Il y a d’ailleurs beaucoup de variantes dans la rédaction de ces excentriques adresses : Mmc de Villeneuve, indiquée ici comme simple devineresse, se donne quelquefois le titre de première somnambule d'Europe; M'1“ Dufay est ordinairement qualifiée ¿'Oracle médical, comme Mme Cabandé s’appelle la Pythonisse. La désignation de leurs talents est non moins changeante : tantôt elles font leur spécialité des maladies de la peau, des femmes, des enfants, des organes génitaux, des voies urinaires ; qui se consacre aux affections chroniques, qui guérit les désordres organiques, qui les simples maux de nerf; d’autres enfin ne traitent que les incurables. Les amorces ainsi tendues au public sont innombrables ; mais il ne nous appartient point de les signaler : trouver les coupables est l’affaire dç la police.

HEBERT (de Garnay.)

Conversion. — Un journal précédemment hostile à nos idées, le Corsaire, a publié dans son feuilleton du 6 janvier la lettre suivante, dont la reproduction intégrale ne peut manquer d’ôtre agréable à nos lecteurs.

Monsieur le Rédacteur,

A propos des poursuites judiciaires dirigées, à tort ou à raison, contre une somnambule, mon collabo-

râleur Fiorenlino a dit loul récemment quelques paroles très-sensées sur la question du magnétisme?. J’aime à voir les gens d’esprit ne pas reculer devant ce problème scientifique, dont grand nombre de gens voudraient bien faire une utopie.

Essayez de parler magnétisme à un savant de la Faculté, et vous pouvez vous attendre à des bordées de fiel, à des épanouissement voltairiens, A des haussements d’épaules sans fin. Dans ces régions officielles, rien n’est changé. Pendant que le public en masse est disposé à croire, elles seules résistent et s’obsli-nent à fermer les yeux. Et pourtant les faits s’accumulent, le magnétisme marche ; incrédules et sceptiques finiront par se rallier; lorsque l’univers entier sera convaincu , nos corps savants commenceront à faire quelques concessions.

Mais le magnétisme possède un ennemi bien plus redoutable que toutes nos académies réunies : c’est le phénomène somnambulique. Si le mesmérisme n’a pas de boussole, si nous le voyons chasser sur ses ancres depuis plus de soixante ans, prenez-vous-en surtout à cet étrange mystère du cerveau, à cette, énigme de l’épigastre, à cette merveille greffée sur une merveille, à ce sommeil lucide enfin, dont Mesmer se méfiait tellement qu’il n’en a osé parler qu’à quelques intimes.

Non-seulement cette lucidité somnambulique exige une organisation spéciale, mais quand le miracle est obtenu, il désespère par sa fugacité ceux-là même qui l’ont lait éclore. C’est un perpétuel reflux d’ombres et de lumières : hier vous marchiez de prodige en prodige ; aujourd’hui ce sont de vastes mécomptes qui viennent écraser vos espérances et honnir vos admirations de la veille. Les plus habiles magnéti-

scurs du globe n’ont pas encore trouve le (lambeau destiné à les guider au milieu de ces ténèbres. Est -ce un bien ? Est-ce un mal? je ne le sais ; mais si jamais ils parviennent à fixer les lueurs somnambuliques, ce sera un événement autrement formidable que. toutes les étonnantes découvertes dont la science, dans ces derniers temps, a doté l’humanité.

J.e somnambulisme est un abîme. En attendant qu’il naisse une intelligence assez puissante pour le sonder, réservons nos doutes , ne tranchons rien par une sentence judiciaire, ne nions pas ce qui dépasse notre orgueilleuse raison humaine. Oui, sans doute, il y a là quelque chose de surhumain qui ébranle et renverse nos lois physiologiques; oui, sans doute, il surgit là un ordre de faits qui vient courber les harmonieuses lignes de la nature physique et morale. Mais notre grand malheur, à nous, c’est de vouloir tout comprendre et tout expliquer; nous oublions que « Dieu écrit droit sur les lignes courbes, » et que ses œuvres sont écrites partout. Seulement, il n’a pas besoin de signer ses articles.

Toutefois, sachez-le bien, adeptes du fluide, mes-mériseurs et magnélistes: tant que vous n’aurez pas la clé de cette mystérieuse énigme psychologique, rien de solide ne pourra être bâti sur ce sol mouvant où luttent et s’entrecroisent les rayons sublimes, les clartés indécises, le caprice et la déception. Méfiez-vous du somnombulisme, ne le hissez pas sur les tréteaux, ne le débitez pas comme une denrée; ne dites pas que tel ou tel jour, à telle ou telle heure , M. X... ou M'^Z.... seront lucides. Il arrivera un moment où ce fluide, dont vous faites un produit industriel, sera chimérique ou falsifié : alors permettez que

la justice intervienne, car il y aura « tromperie sur la qualité «le la marchandise vendue. »

Et notez que ceci s’applique aux magnétiseurs les plus orthodoxes, aux sujets les mieux éprouvés, ceux qui, sans bruit et sans charlatanisme, se bornent à des consultations thérapeutiques. Pour cc qui est de ces modernes sibylles qui dorment à la quatrième page, se livrent à des recherches de trésors, prononcent des oracles politiques, donnent des consultations pour mariages, successions ou affaires contentieuses, je vous les abandonne pieds et poings liés. Et cela ne veut pas dire que j’aie la moindre pitié pour les victimes de. ces pythonisses qui confondent le grand jeu avec le grand-sympathique, et les rayonnements de l’âme avec le marc de café} car il me semble que l’homme amoindrit son intelligence, dégrade sa dignité, abdique cette parcelle de raison que Dieu lui a donnée , en allant consulter des somnambules , quand son cœur et son esprit doivent lui dicter ses devoirs.

Et pourtant je suis croyant, Monsieur. Je suis croyant, parce que, loin de toute influence étrangère, à l’abri de toute hallucination, j’ai vu et expérimenté par moi-même. Je suis croyant, parce que j’ai assisté à cinquante cures opérées par le somnambulisme, là où la Faculté avait prononcé l’arrêt de mort ; je suis croyant, parce que ce mystérieux sommeil rend l’amb visible; je suis croyant, parce que j’aime à m’associer à l’idée sainte, si éloquemment exprimée par l’abbé Lacordaire, « que Dieu a mis en nous des lueurs « d’un ordre supérieur, qui nous avertissent que l’or-« dre présent cache un ordre futur, devant lequel le « nôtre n’est que néant... »

Quant au mesmérisme, dont le somnambulisme

n’est qu’un produit et une phase; quant au magnétisme pur, dégagé de tout alliage psychologique , je crois que toute discussion devient oiseuse. Dire aujourd’hui , dans l’état actuel de nos connaissances , que le magnétisme n’existe pas, refuser à l'homme cette électricité vitale que vous reconnaissez chez la matière inerte, c’est dire que le télégraphe électrique est un rêve, le gaz une chimère, el la vapeur un mensonge.

Libre à vous, Monsieur, de sonder les insondables phénomènes delà seconde vue; mais, pour Dieu, gardez-vous de mettre les échecs de nos somnambules sur le compte du mesmérisme ! Il n’accepterait pas cette solidarité.

J. LOVY.

Chronique. —L’esprit de novation, dans sa marche ardue, circonscrit peu à peu la sphère des traditions surannées. Tandis que de doctes entêtés s’attachent à la garde du passé, leurs plus clairvoyants collègues se tournent vers l’avenir, comme les plantes enfermées cherchent le soleil. L’instinct du progrès lutte avec la routine.

Au nombre des vérités proscrites que la divulgation populaire ramène lentement au seuil des Académies, se trouve le magnétisme humain, avec ses formes vivaces et ses traits juvéniles. H est arrivé, par de longs détours, au camp de scs ennemis; maintenant il parlemente.

Nous avons rapporté naguère (i) une décision de l’Académie de médecine, par laquelle cette illustre infirme s’est engagée à ne plus s’occuper du mesmé-

(1) Voyez t. IX, page 278.

rismc. C’est peut-être le premier exemple offert au monde d’un malade qui, près de mourir, refuse le remède qui pourrait le sauver. Cet aveugle arrêt contrista le cœur de ses amis; mais loutes leurs exhortations ne purent vaincre sa sénile obstination. A la déclaration de son incompétence , elle ajoutait le refus de s’éclairer : il fallut bien accepter son hostile démission.

C’est à la médecine que le magnétisme a été jusqu’ici le plus appliqué; mais ce n’est pas la seule science avec laquelle ses liens sont possibles : la philosophie gagnerait peut-être à son commerce. Cette considération a été saisie par l’illustre chef de l’école éclectique, et il a pris hardiment l’initiative d’un examen dont tous les libres penseurs loueront la tentative.

Voici dans quelle circonstance l'ancien ministre de l’instruction publique a manifesté son adhésion implicite aux principes mesmériens.

L’Académie des sciences morales et politiques, la plus jeune comme la plus active des sections de 1‘Inslitut, avait dernièrement un prix à proposer. Le choix d’une question à mettre au concours est assez délicat; aussi s’en produit-il habituellement plusieurs.

Voici celle proposée par M. Victor Cousin :

« Quelles sont les facultés {intellectuelles et morales mises enjeu dans le fait du somnambulisme? »

Toutejl’Académie' était disposée à admettre ce sujet; mais M. Lélut, à qui on en référa à cause de ses connaissances spéciales, fit observer que, ainsi posée, la question impliquait la reconnaissance du magnétisme. Il exprima la crainte que les médecins envoyassent des mémoires hostiles, et que les magné-

liseurs no. fissent point lus leurs selon les us aeadé-minues, ce qui ferait avorter le concours. Il conclut 011 disant qu’il fallait attendre que les magnétiseurs fussent devenus philosophes et les philosophes magnétiseurs. Cet avis prévalut.

Ainsi, un corps veut marcher et l’autre rester immobile; un homme s’avance, un autre le relient. Eli ! Messieurs, il sera trop tard lorsque vous vous déciderez Depuis Irop longtemps l’humanité vous attend ; elle n’est plus dans l’enfance : son génie la pousse en avant. Vous deviendrez les mouches du coche; le char embourbé sera tiré de l'ornière sans vous. Et, tandis que vous serez à épeler l’alphabet de la science nouvelle, il y aura déjà une langue toute faite que vous ne comprendrez point.

— Puisque nous sommes entrés dans les régions philosophiques, il est bon de ne pas les quitter sans voir tout ce qui s’y passe.

Yoici une anecdote qui, (ont en justifiant la cause d’ajournement delà proposition Cousin, montre combien l’étude du magnétisme est avancée parmi nous.

M. A. Hennequiu a ouvert, dans un local situé rue Tarannc, 12, un cours de philosophie, aux séances duquel assistent régulièrement, tous les jeudis soir, une quarantaine d'auditeurs. Le professeur reçoit toutes les objections qui lui sonl faites par écrit, et y répond dans la séance suivante.

Or, à l’une des dernières séances, il avait à répondre à une objection qui prononçait le mot magnétisme. Il s’agissait de lame et de ses facultés. M. Ilen-nequin dit qu’il 11e croyait pas au magnétisme animal, traita de dupes les partisans du magnétisme, et de charlatans les magnétiseurs. Il s'égaya sur le compte des somnambules, qu’on disait voir à tra-

vers les corps opaques, par le genou ou le coude !...

Celui des auditeurs qui avait fait l’objection, se leva alors, et, après avoir obtenu la permission de dire quelques mots, proposa en son nom, et comme magnétiseur, une expérience dont le résultat pourrait être vérifié par tous.

M. Hennequin lui remettrait à l’une des séances , une boite en matière quelconque, bois, carton, métal, dans laquelle il aurait mis préalablement un objet quelconque, enveloppé et maintenu de telle sorte qu’il ne remuât pas et ne résonnât, pas. Cette boite serait cachetée, scellée, soudée même avec des points de repère sur la soudure. Toutes les précautions imaginables seraient prises pour empêcher l’effraction inaperçue et pour rassurer les plus incrédules. Le magnétiseur s’engageant à rapporter, à la séance suivante, la boîte intacte, en disant ce que M. Hennequin y avait enfermé.

M. Hennequin accepta. L’auditoire fut enchanté.

Mais, à la séance »uivante, désappointement complet. M. Hennequin s’excusa d’avoir accepté légèrement ce qu’il nomma le défi du magnétisme. Il fit une distinction entre lui particulier, et lui professeur. Le professeur ne pouvait pas accepter l’expérience. D’ailleurs il serait convaincu, que.son auditoire pourrait ne pas l’être, et le croire un compère. Enfin la raison majeure, la raison déterminante, c’était celle-ci : « Qui sait ? la chimie est bien habile ! il y a des secrets inconnus au public, peut-être, qui permettent de décomposer et de recomposer le carton, le bois, le métal, les cachets et les soudures. »

Mais la raison vraie , ne croyez-vous pas avec moi qu’elle serait plutôt celle-ci : — Un particulier peut

bien avouer qu’il s’est trompé, mais un professeur peut-il venir dire à quarante personnes : Le système que je vous enseigne depuis trois moi» pêche par une de ses bases. En voilà la preuve...

— Quiconque douterait de l’avénement prochain du mesmérisme dans les corps savants, malgré les entraves de toutes sortes qui sont multipliées sur sa route, verra par ce qui suit que le triomphe n’est pas douteux.

Un des jeunes et très-éloquent professeur de la Faculté de médecine, M. Malgaine, a parlé longuement du magnétisme, dans sa leçon du 3o décembre dernier, à propos de l’anesthésie. Il a dit qu’il avait été à l’école de M. du Potet, qu’il avait cherché à se bien rendre compte des procédés employés et des résultats obtenus; mais qu’il n’avait jamais pu constater un seul exemple d’insensibilité. Cependant il ne doute pas qu’elle existât dans le cas rapporté par Jules Cloquet; ce qui l’étonne, seulement, c’est qu’après un si brillant début, M. Cloquet n’ait pas renouvelé l’épreuve. Puis il a montré à magnétiser, et très-orthodoxement ; les passes lui sont évidemment plus familières qu’à aucun autre académicien. Il a dit, pour conclure, qu’il était assez ami de la vérité pour prendre la responsabilité d’un fait magnétique , et que son concours chirurgical était acquis d’avance à quiconque lui offrirait un cas de parfaite et indubitable insensibilité.

Cet engagement, qui ressemble fort à un défi cependant, a été pris au sérieux par plusieurs étudiants, et l’un des meilleurs élèves de M. Malgaine est à la recherche d’une circonstance qui puisse faire passer dans nos rangs cet habile chirurgien.J

HEBERT (de Garnay).

BIBLIOGRAPHIE.

LA MAGIE DÉVOILÉE; ouvrage inédit, par M. du Putlt.

EXTRAIT. (Suilc.)

§ VI. DÉCOUVERTES.

Je n’emprunte rien au passé; si parfois je me rencontre avec ceux qui écrivirent jadis sur les mêmes matières , ce ne sera point un plagiat; car je puiserai dans mon propre fonds. Lorsque je vois tant de livres vides aujourd’hui, malgré les promesses qu’ils contenaient dès leurs premiers feuillets, je ris de cette indigence, de tous ces faux interprètes, de tous ces savants en herbe, qui, n’ayant point d’idées, s’emparent hardiment des opinions d’autrui. Et, comme les anciens avaient un langage à eux, des chiffres convenus , il arrive que, croyant les saisir, ils étalent leur propre ignorance au grand jour. Je connais des enfants qui croient être initiés, et qui disent : Venez, je vais vous révéler les mystères de la nature; les voici dans ce petit format.

D’autres, s’imaginant posséder la pierre philoso-phale, enseignent à tout venant le moyen de faire de l’or; au besoin même ils évoquent les morts, font apparaître les esprits. Pour eux, ce sont de petites choses, un travail vulgaire, une sorte de hors-d'œuvre placé à la porte du sanctuaire où ils pénètrent seuls. Espèces d’imbéciles dont le monde fourmille, et qui pourtant se croient des litres à l’im-

mortalité. Agissant sur des cerveaux faibles, ils en reçoivent des hommages, comme cet âne de la fable qui portait des reliques.

J’ai cru longtemps à la haute science de ces cerveaux fêlés, et dans mon innocence j’admirais leur pouvoir. —Montrez moi, leur disais-je pourtant, un de ces faits anciens, une de ces merveilles qui donnent à l’âme la foi; je n’ai point de doute, vous affirmez trop bien; mais j’ai besoin de voir. Et ceux qui pouvaient fendre les montagnes d’un seul coup de leur caducée, auraient eu beaucoup de peine à casser une noix. — Transportez-moi soudain à une grande distance, et je proclamerai votre savoir immense. Mais toutes mes prières ne pouvaient les convaincre de ma soif de savoir et de mon insistance, tous se montraient courroucés. /

Allez! allez! beaux faiseurs de miracles , vous êtes des rêveurs; vous n’êtes point sur la route où vous croyez marcher. L’homme qui sait dit peu ; mais it fait voir beaucoup. J’irai demander la science à qui la possède; je solliciterai la nature sans trop l’importuner; je me rendrai digne de la connaître en l’observant toujours. N’est-elle point la grande magicienne f Mais ce qu’elle fait et opère est un résultat des forces qu’elle emploie; c’est à saisir ces instruments que consiste la science: la voir d’abord, l’admirer toujours et tâcher de l’imiter.

Rien sans la nature, tout avec elle.

Fouillant alors dans chaque fait de magnétisme * j’en extrayais l’essence , et j’arrivais authentiquement à produire ¡’insensibilité. En rendant public ce premier résultat de mon observation, je gravais sur une table d’airain un des premiers remèdes aux maux désespérés.

Comme un invisible messager, j’envoyais au travers des murailles un rayon de ma pensée , qui • franchissant l’espace, saisissant l’être, ayant tous ses sens et sa volonté, le contraignait partout de s’endormir à l’instant. Et pour témoin de ce phénomène, je prenais l’incrédulité la plus avouée.

Puis, me jouant de la volonté d’un être qui me voyait pourtant agir, je l’attirais et le repoussais au gré de ma fantaisie et de mon caprice.

Yoilà les premiers fruits de ma pénétration. Tous ces faitsétant tombés dan s le domaine vulgaire, j’eus des imitateurs. Je n’avais imité personne. Prenais-je, pour justifier mes œuvres, des hommes aveuglés par la foi ? Non ; je m’adressais souvent au premier venu, sans m’informer en rien de sa croyance.

Je dis ici ces choses, parce qu’on les oublie, et que trop de gens peut-être sont portés à se les attribuer. Ils se garderaient bien de dire la vérité et de rendre hommage à qui leur donna les moyens de briller un instant.

Le premier encore franchissant le seuil d’une Académie, j’osai, dans ce séjour de l’incrédulité, marcher droit à l’ennemi. On sait le' résultat : brisant le doute d’un de ces esprits forts, je torturai sa chair, pourtant sans la toucher, et je forçais ainsi tous ces hommes, jusque-là rebelles, à s’incliner devant la vérité.

Ces premiers états de service me donnaient déjà le droit de regarder en face un médecin, un académicien , et de dire à tous deux : Je sais plus que vous, car je fais ce que vous ne pouvez exécuter.

Si la science officielle eût rempli son devoir, elle devait avertir le ministre, et lui dire : 11 se passe en ce moment des faits d’une haute portée, qui peuvent

influer sur les sciences. Le gouvernement ne peut y rosier étranger. Nous vous prions, monsieur le minis. tre, de donner vos ordres pour un sérieux examen; nous appelons dès aujourd’hui voire attention sur l'honnne singulier qui, jusqu’au milieu de nous, n’a pas craint de paraître et de justifier en partie l’existence d’un agent nouveau. Ordonnez, monsieur le ministre, nous sommes à vos ordres.

Mais non, ces gens, indignes du poste qu’ils occupent, cachaient au contraire les faits, les déniaient en public, et renfermaient dans les cartons de l’Académie les Mémoires où ils avaient constaté la vérité.

Bien mieux, ces infâmes laissaient planer sur leurs propres collègues les soupçons les.plus injurieux. Quant à moi, j’étais oublié ou immolé à leur dieu, qui est le mensonge; et, comme je ne cherchais ni le scandale, ni la publicité , j’attendais patiemment de meilleurs jours, en étudiant toujours davantage; car ce que je savais me laissait voir clairement que je n’étais encore qu’un apprenti.

Suivant pourtant d’un œil attentif les travaux précieux des membres illustres de l’Académie, j’apercevais leurs noms chaque jour au bas de certificats vantant les merveilleuses vertus du racahout des Arabes, d’onguents pour la brûlure, d’emplâtres pour toutes les douleurs, de papiers chimiques, etc., etc. 0 grand génie de l’industrie humaine! tu planes sur le monde et chasses devant toi les clartés de l’âme. Tu remplis la bourse de tes adorateurs, mais éteins chez eux tout sentiment du cœur.

Frappe, et il le sera ouvert; demande, et il te sera accorde. Suivant ces divins préceptes, je marchais dans la vie, cherchant, au milieu de l’obscurité dont elle est environnée, le rayon de lumière que l’on dit

exister. Semblables à l’oiseau qui grandit, et qui. apercevant l’espace, le mesure d’abord des yeux, puis, ses ailes poussées, s’y élance enfin. Le gland qui tombe à côté de lui, la feuille que le vent emporte, la branche morte précipitée sur le sol, il a vu tout cela; mais il sent qu’en lui-méme un principe différent, une force vivante le soutiendra dans l’air; la nature lui a fait comprendre, dans un langage mystérieux, que telles étaient ses fins et ses destinées, il ne fait que lui obéir. Nous, nous écoutons et cherchons à comprendre cette voix intérieure : par elle, chacun de nos pas réalise un prodige; mais niant chaque fois et ses avertissements et scs conseils, nous ne voulons ni voir, ni comprendre. Le plus savant est souvent le plus aveugle, car il dit à l’enfant : Adore les dieux que notre imagination a faits, ceux que notre raison repousse. Châtrant ainsi le génie au moment où il va s’épanouir au jour, il abâtardit les races, et puis il meurt lui-méme, comme meurent les bêtes, avec leur stupide indifférence. Un bon génie m’a préservé dans mon jeune âge, aucun homme ne m’a inoculé son poison, et voilà pourquoi aujourd’hui je pense autrement que tous, et vois la nature comme Dieu l’a formée. Je n’ai point à ressusciter au jour, ni à me débarrasser du linceul de plomb que portent avec eux tons les hommes.

Comme une plante rebelle à toute culture, mon fruit sera ce que la nature a voulu.

Voilà pourquoi j’entendais des discours savants sans les comprendre ; comment les médecins , se succédant au lit du malade, avec chacun une médecine différente, étaient pour moi autant d'énigmes ; comment, en voyant les représentants de tant de dieux d’origine différente, je restais ébahi; comment

ce qui paraissait ici vérité , se traduisait ailleurs par mensonge et imposture; et je me disais: Ce sont les précepteurs des hommes qui font tous leurs malheurs. lit ce n’est pas assez que le lait reçu par l’enfant soit sophistiqué par l’altération morale et physique de la nourrice qui le donne, il faut encore que l’enfant, dès ses premiers pas, devienne la victime de nos erreurs, et qu’il suive les sentiers perfides où nous fîmes tant de chutes. Faux,hypocrites, méchants, nous lui apprendrons à être tout cela, et pour qu’il ne puisse un jour relever la tête, nous le menacerons du courroux des dieux.

Je ne m’étonnais donc plus si tant d’hommes ne pouvaient comprendre la vérité nouvelle : elle était pour eux comme une langue inconnue. J’avais beau la traduire par des signes, en indiquer le sens par des images, les yeux voyaient sans voir, les oreilles entendaient sans entendre, et l'interprète de la nature rencontrait à chaque pas l’erreur et la sottise humaine qui lui barraient le chemin.

Ce n’est pas que d’abord quelques-uns ne comprissent; mais , le voile de leur ignorance tombant, ils n’en devenaient que plus acharnés contre la vérité.

En effet, l’erreur les faisaitvivre, la véritépouvait les ruiner , en sapant par la base leur édifice scientifique mensonger, lis la reniaient, comme des enfants devenus riches et ingrats renient leur tendre mère lorsqu’elle se présente à eux dépourvue de clinquant.

Il ne me fallut pas beaucoup de temps pour découvrir toutes ces misères. Mon cœur battait toujours violemment, car à chaque instant je recevais une insulte nouvelle. Un autre serait devenu fou, ou bien il eût embrassé le parti de ces faux sages, pour arriver comme eux à sc faire une position dans la fange

et l’ordure. La nature m’offrit une consolation. Ce que je perdais en faux biens fut remplacé par un trésor plus réel, par une source de jouissances pures, que rien ne devail tarir.

Bravant tous les préjugés, j'allais en avant, menant de front l’étude el la propagande. C’est ainsi que je découvris la cause des insuccès, même lorsqu’on avait la foi magnétique; je réussis où d’autres, ayant la même puissance, avaient pourtant échoué. Je puis traduire ce changement par une figure. Placé devant un savant ou incrédule, je me disais : Tu n’es point Jupiter; tu ne m’imposes point, je n’ai pas peur; c’est à Joi de trembler.

J’ouvris de nouveaux cours pour un petit nombre dejeunes hommes. Mon langage devint moins obscur, et donnait à ma pensée ce qui pouvait la rendre compréhensible : une certaine netteté d’expression; l’idée, quoique enveloppée de figures, ne laissait souvent rien à désirer, tous mes élèves la saisissaient.

Frappant les sens par des démonstrations rigoureuses ayant pour base des faits, je forçais l’intelligence la plus rebelle à en saisir les conséquences. C’était donc déjà un commencement de science pratique, un art avec quelques règles certaines.

Le magnétisme alors gisait exclusivement dans le sommeil. Jefis voir que ce phénomène n’en était qu’un effet bien surprenant, sans doute, mais qu’il avait bien moins d’importance qu’on ne lui en attribuait. Le magnétisme , sa nature, redevenaient donc l’objet principal, et je replaçais l’étude sur son véritable terrain. Quels que fussent tous ses phénomènes, je voulais qu’on ne perdit jamais de vue leur point de départ.

Petit à petit un immense horizon s’offrit à ma pen-

sée comme ù mon regard; mon admiration grandit, car je surpris quelques lois invariables de la circulation de l’agent nouveau. Je m’expliquais comment celui que je magnétisais pouvait très-bien ne rien sentir , tandis que la personne placée près de lui éprouvait de cette manière tous les effets dont je cherchais le développement. Toutes choses que l’on ne m’avait point apprises, et qui d'ailleurs ne se trouvaient qu’en germe dans quelques écrits.

L’agent magnétique décelait scs propriétés successivement. Je m’aperçus que, pour produire le sommeil, il n’éiait pas besoin de le désirer, de le vouloir, mais que l'agent portait en lui cette propriété, comme l’opium la possède. J’apprenais que cette force s’accumulait dans les organes du magnétisé, comme l’électricité dans une bouteille de Leyde, et qu’arrivant à y être en excès, le vase humain laissait fuir ou se débarrassait violemment du principe qui opprimait la vie, en gênant par sa présence le jeu des organes.

Je constatai la loi de sa circulation à travers le» tissus qui forment notre enveloppe, et reconnus que, quelque fût le point de son introduction, il parcourait bientôt tout le trajet nerveux, et venait naturellement sortir par les extrémités inférieures et se perdre dans les corps ambiants, après avoir passé par le cerveau.

J’appris que l’incrédulité du sujet magnétisé n’empêchait rien, qu’elle était simplement un trait de stupidité; car, nier une chose seulement parce qu’on ne la conçoit pas, c’est absolument comme si on niait sa propre existence.

Et mon succès sur les incrédules dépassa bientôt mes espérances.

Je découvris bientôt la cause réelle de beaucoup

d'affections nerveuses, qui ne son t duos qu’à de véritables rétentions du fluide nerveux, et il me fut dès lors possible de produire artificiellement et momentanément ces accidents.

Une erreur de Mesmer, alors accréditée par Deleuze, et généralement partagée, était que les métaux, la soie, etc., diminuaient s’ils ne neutralisaient même l’action magnétique. Je détruisis cette croyance en magnétisant des personnes couvertes de soie, et portant des bagues ou autres corps prétendus isolants.

Voilà ce que l’étude me permettait d’apercevoir, et j’étais heureux de ces petites victoires, car je me disais : Si je découvre ceci, un autre découvrira davantage, et la science se fera : les magnétiseurs cesseront d'être de pures machines. Cc qu’avait dit Puységur : Nous ne serons jamais que des tourneurs de manivelles , cessera d’être vrai. A chaque pas nouveau, je simplifiais les procédés, je leur ôtais tout ce qu’ils avaient de ridicule ou d’inutile, je ne touchais plus les magnétisés que pour les soutenir lorsqu’ils fléchissaient.

Le magnétisme devenait donc entre mes mains un instrument pouvant acquérir uneprécision presque rigoureuse , en permettant de graduer le développement des faits, de les circonscrire et de les détruire. Alors, plein d’étonnemenl de posséder ce rudiment de science, mais sans pourtant m’en enorgueillir, je constatais ma supériorité sur une infinité de magnétiseurs, de ceux surtout qui suivaient les principes et les procédés des Deleuze et des Puységur. Je voyais ce qu’ils pouvaient faire sur leurs sujets, et tout ce qui leur était inconnu. Ils avaient besoin de traîner ou de conduire avec eux des instruments dressés, sans lesquels ils ne pouvaient rien ; moi je n’avais

plus besoin que d’une assemblée el d’un instant de recueillement et de silence, pour trouver Ions ceux qu'il me fallait pour convaincre. Iinfin , il eûl été impossible à aucun de ces magnétisles de lutter avec moi, soit pour une production, soit pour une expli calion de fails.

Fort de ma conscience comme de la vérité, je publiai un ouvrage où je déposai les germes d’une nouvelle philosophie. Je mis dans le style le feu de mon âme, et peut-être les écarts de ma raison ; mais l’ouvrage prenait une date, caria vie de l’homme est échelonnée, elle se marque par des périodes décroissance morale et physique, elle a son apogée, puis son déclin. Les fruits probablement portent l’empreinte de ces phases.

Je conslalai, du moins pour moi, ce que j’avais senti, ce que j’avais vu, car la mémoire peut devenir infidèle.

Les livres mystiques que j’avais feuilletés sans fruit, je les trouvais maintenant pleins de faits, ayant tous un sens mystérieux, mais saisissable. La Bible même contenait le magnélisme; car, à chaque page, on y trouve des voyants , des prophètes , des miracles, et on devine aisément la’source des visions et des prodiges, comme les causes des guérisons miraculeuses inscrites dans ces archives religieuses du temps passé.

La Grèce avec ses pylhonisses et ses crisiaques, ses trépieds cl scs sibylles, dévoile ses mystères : le magnélisme en formait la base, il était l’élément de la production de tous ces faits où le vulgaire voyait la présence des dieux.

Ces évocations des héros qui parfois se rendaient visibles; l’existence de ces temples où on allait dormir pour trouver la santé ; tous ces ex volo suspen-

dus à leurs murailles, où les malades reconnaissants avaient inscrit les recettes données par le dieu vu en songe, et mille autres indices certains, peuvent servir à convaincre les plus incrédules.

L’Égypte n’était-elle point remplie également de toutes ces choses? Aujourd’hui encore, quoique dégénérée, elle laisse voir des restes évidents des croyances anciennes; le magnétisme y est pratiqué par des hommes qui, hélas ! ne savent plus l’origine et les éléments de celle science délaissée, et que tous divinisaient autrefois.

L’Inde offre également des traces irréfragables d’une ancienne science qui, se liant au sacerdoce, donnait aux prêtres et leur renommée et leur puissance; cette science, nous allons bientôt la reconstituer. Elle fut, elle sera, car elle est d’essence immortelle et ne pouvait périr.

Mais ne laissons pas apparaître à notre esprit le moyen-âge; oublions sa sanglante histoire, écrite partout avec du sang humain. Les prêtres alors apparaissaient comme de mauvais génies; partout où ils passaient, les bûchers s’allumaient, le deuil était dan» les familles , l’intelligence poursuivie fuyait épouvantée.

C’était le magnétisme, cet agent de la nature, qui apparaissait dans tous les faits attribués au diable.

C’était lui qui était le principe et la cause de la sorcellerie ; car les peuples, dans leur ignorance de la nature et des forces qu’elle emploie, voyaient partout le démon. On ne les détrompait point, au contraire, on entretenait ces croyances abominables par de sanglants holocaustes, on punissait des innocents.

Leurs crimes, hélas! nous les révélerons dans cet écrit, nous les exposerons à tous les yeux.

Viens, Nature, réchauffer mon esprit; donne-moi force et courage ; ce n’est pas assez de sentir, il faut encore savoir peindre, et ma voix n’a point de charmes ni d’éclat; mais, à défaut de ce précieux don, elle devrait gronder comme le tonnerre à l’approche de l’orage; car tous les éléments d’une tempête sont entrés dans mon âme. L’injustice des faux savants et leurs amers mépris, leur insulte de chaque jour, leurs bassesses communes, leur froide ironie, ces levains empestés ont pénétré jusqu’à mes os, ont agité mon sang. Quoi ! voilà soixante-dix ans qu’on leur dit d’avancer, qu’on leur présente la science nouvelle, et toujours, à leurs yeux, nous sommes des charlatans et des jongleurs! Ah! oui, les gens qu’on appelait ainsi et que l’on voyait autrefois sur les places de Home, de Memphis et d’Alexandrie, en savaient plus que nos Instituts sur tout ce qui tient à la nature et au pouvoir de l’homme.

Yoilà soixante-dix ans que les magnétistes réparent, autant qu’il est en eux, les maux causés par la médecine dite savante, et l’Académie de médecine a conservé la même ignorance des faits et son même mépris de la vérité! Ignorance et vanité, voilà la devise de son drapeau.

Inspire-moi, Nature, laisse-moi saisir ta loi, afin que ma vengeance soit la tienne, et que, digne interprète de tes secrets desseins, j'annonce au monde les changements que tu prépares en silence, la fin du règne de ces faux sages et l’expiation de leur ignominieux matérialisme !

Pénétrons donc plus avant; allons, s’il se peut, jusqu’au séjour des âmes, mais sans nous écarter de

noire guide, l'expérience; saisissons des rapports ignorés entre l’intelligence et la matière, entre Dieu et ses ouvrages; que la mort même ne soit plus un mystère, comme la magie pour nous a Cessé d’en être un.

Je vais entrer clans le domaine des idées, aborder un monde nouveau : il faut que ma pensée le pénètre. L audace est parfois punie, souvent aussi elle est récompensée. Marchant à travers les ténèbres, éclairé par un faible rayon, puissé je ne point m’éga-rer, car la règle de toute ma vie fut celle-ci : Éviter les erreurs, dire religieusement la vérité.

DU POTE T.

{La suite prochainement '.)

THE GREAT HARMONIA, by Andrew Jackson Davis. — Vol. in-I2, 456 p. Boston , 1850.

La grande harmonie ! tel est le titre ambitieux de la dernière publication du célèbre voyant américain dont nous avons déjà entretenu nos lecteurs. Dans cette révélation nouvelle, l’auteur somnambule a abandonné les sphères célestes qu’il se plaisait à fréquenter, pour se consacrer principalement à la physiologie et à l’hygiène, ainsiqu’aux moyens de guérir les maladies. Ce livre pourrait s’intituler : Système de thérapeutique spirituelle. Davis reconnaît que plusieurs choses auraient pu s’obtenir également par les méthodes usuelles d’information, et que s’il n’y a pas eu recours, cela lient uniquement à son manque d’instruction. Il ne se pose pas en professeur infaillible de science et de philosophie; il se contente, pour l’appréciation de ses préceptes révélés, d’en appeler aux intuitions naturelles et à la raison humaine. 11

ne demande aucune croyance pour ses révélations, à raison de l’état anormal auquel elles doivent leur origine; il désire qu’on s’en rapporte exclusivement ù leur caractère intrinsèque.

Le premier sujet traité par J. Davis est le thème de la création de 1 homme, qu’il prétend être le développement progressif de toute sa nature, par rapport à une vie plus élevée au-delà de la vie présente. Il discute longuement, ensuite, sur les conditions de la santé et les causes de la maladie, et montre les rapports mutuels de l’esprit et de la matière appuyés sur des faits curieux. La philosophie du sommeil et celie de la mort composent ses études suivantes.

Nous donnons ici un passage assez intéressant de sa révélation sur le changement produit par la mort :

« La mort est seulement un accident de notre existence éternelle : c’est un changement dans la situation et dans la condition de l’individu. Et comme c’est une loi de nature que chaque modification réelle et spontanée soit accompagnée d’un progrès dans la situation et dans la condition de ce qui la subit ; de même, la mort de l’homme, par rapport au monde extérieur, est un changement important dans sa situation et dans sa condition. En d'autres termes, la mort est seulement une naissance dans un nouvel état d’existence plus parfait. La nature , qui est la seule véritable et immuable révélation de l’Esprit divin, est remplie d’analogies les plus belles et les plus démonstratives , tendances universelles qui coïncident parfaitement avec les phénomènes de la décomposition matérielle. Chaque chose doit incessamment renaître de nouveau, ou passer d’un état d’être dans un autre état; et celte mutation est accompagnée, accomplie et confirmée par des mouvements de tran-

si lion progressifs que le genre humain appelle la mort. Pour exemple, prenons un petit germe déposé dans la terre. D’abord il est échauffé par les éléments vivifiants de la nature qui sollicitent ses essences propres et ses principes à se dégager eux-mêmes et à déployer leurs tendances légitimes. Le germe est changé, ou, poursuivre l’analogie d'une manière frappante à l’esprit, il meurt à sa forme originelle et à son mode d’existence. Simultanément à celte mort, il sort du germe de nouvelles formes et une nouvelle organisation , c’est-à-dire un nouveau corps accompagné de nouvelles branches qui se dégagent et se développent. Pareillement, par une constante et harmonieuse succession de changements de morts ou de naissances dans les forces et dans les formes ascendantes du germe, la fleur parfaite s’épanouit enfin avec ses belles et justes proportions.

« Tout ce qui a mouvement, vie et sensibilité, et qui n’a pas atteint la forme humaine, est destiné à changer ses formes et son mode d’existence ; et chaque altération est accompagnée d’une mort dans quelques-unes ou dans toutes les parties ou portions de l’organisme vital; mais il n’y a point d’extinction de la vie, d’anéantissement delà personnalité dans aucuue organisation ou principe humains. C’est seulement le mode d’existence de l’homme qui est changé par la mort; et ce mode, suivant les principes progressifs, se trouve perfectionné et plus élevé. »

Quoique tombée dans le domaine des lieux communs, cette doctrine nous paraît bien exposée et donne une idée avantageuse du talent de l’écrivain somnambule qui, à l’état de veille, est notoirement dépourvu d’instruction, même élémentaire. Il est vrai cependant qu’il ne prétend pas faire autre chose que

d’écrire les choses que les esprits lui inspirent ou lui dictent. Effectivement, 011 lit dans cet ouvrage que J. Davis cul un ami nommé Wilson, qui mourut en 18/17; qu’avant son décès il promit de revenir et d’apprendre à celui-ci toutes les choses d’outre-tombe. L’auteur prétend aujourd’hui que son ami lui a tenu parole et lui a fait plusieurs révélations dont il se propose de donner connaissance dans son livre de l’Harmonie.

J. Davis, qui affirme avoir le pouvoir de communiquer avec les esprits défunts, en donne pour exemple, sinon pour preuve, ses entretiens avec Solon, le législateur d’Athènes. C’est dans les révélations que lui fait le sage grec qu’il trouve sa doctrine de la philosophie de la mort. Nous donnons ici quelques extraits die ce passage que des écrivains américains louent peut-être trop, en le comparant à un poëme en prose.

« J’ai une autre communication spirituelle à rapporter ici pour consoler l’affligé et pour éclairer celui qui cherche la vérité. Elle m’a été faite par un personnage qui vécut sur !a terre, il y a plusieurs siècles. Pour ce qui concerne sa biographie et son savoir, je n’ai puisé aucune notion dans la lecture des livres. Cc qu’il m’a communiqué, je le rapporterai avec autant de fidélité qu’il m’est possible d’en mettre dans la traduction, en anglais, de ses révélations. Mais je ne puis trouver de mots que pour un seul fragment de ce qu’il a soufflé dans mon âme. Autant qu’il m’est possible d’exprimer la majesté de ses pensées, voici comme il s’esl adressé à moi. »

Après avoir reconnu que J. Davis est ambitieux de s’instruire auprès de lui, Solon, dans un style pompeux et ampoulé qui n’a rien d’attique, lui raconte

comment il vécut au milieu des gens qui l’élurent archonte et législateur d'Athènes; puis, il lui fait connaître les divisions intestines qui amenèrent »a chute.

« Trois années après la perle de ma souveraineté, dit-il, je fus averti de ma dissolution prochaine. A la pensée de cette extinction de mon existence, mon esprit, plongé dans les profondeurs de la mélancolie, fut voilé comme la nuit. Je ne sortais qu’imparfaitement de cette obscurité lorsque je me rappelais la doctrine de la résurrection de l’âme des bons qui meurent pour vivre à jamais dans un séjour céleste et beau.

« Etant affaibli par la maladie depuis plusieurs semaines, il était facile de suivre les progrès de ces changements physiques vers le changement final qu’on appelle la mort. Ce changement final arriva en moi au moment où mon esprit déplorait vivement le sort de ma patrie bien-aimée. Le soleil n’avait pas encore disparu dans l’occident quand je sentis qu’il fallait dire adieu à mes amis ; et le changement, comme un sommeil léger, s’était emparé de moi.

« A mesure que mon sommeil devenait plus profond, la chambre que j’occupais, les personnes et les objets qui s’y trouvaient s’effacaient graduellement. Plus je m’efforcais de conserver la conscience des objets qui m’environnaient, moins j’en étais capable; jusqu’à ce que chaque lieu qui paraissait m’attacher au monde extérieur eût été entièrement et (comme je le pensai) éternellement rompu. La crainte, l’espérance constituaient les derniers anneaux de la chaîne de ma vie qui, tendue jusqu’à son point extrême, semblait devoir se rompre pour toujours... Mes vœux étaient pour les dieux, afin que leur pré-

once célcsle accompagnât ma mort et revivifiât le livin pouvoir qui animait mon enveloppe corporelle. Domme j’analysais ces pénibles pensées, je ressenlis rers la lète un élancement soudain de tout le pou-poir divin qui demeurait dans mes mains et dans mes oieds; ce qui fut accompagné d’une sensation tranquille et douce qui pénétra ma nature entière. Ce calme fut aussitôt suivi de la perte totale de la conscience.

« Combien de temps je restai ainsi, je ne saurais le dire; mais j’éprouvai un retour complet du sentiment de ma personnalité. Ce retour à la vie fut accompagné de plusieurs influences douces et nouvelles, et mes pensées développées me firent soudainement sentir que je pouvais dès lors comprendre davantage ce que sont les dieux, ainsi que la nature de la résurrection des âmes. Une conscience supérieure me pénétra, et mon esprit fut doué d’une sensibilité immortelle. Au moment où je réalisai, ou que je pensais Réaliser cette vérité, ma poitrine respira librement l’air doux et argenté; mon cœur se gonfla d’émotion et battit des pulsations musicales comme il en sortirait naturellement d’un harmonieux instrument. Inspiré par ces sensations exaltées, et ne me rappelant pas la séparation de mon esprit d’avec le corps que j’avais d’abord habité, j’essayai d'ouvrir les yeux, afin de voir encore mes amis et leur raconter les maladies de mon âme. Je supposais que je ne mourrais pas el que j’avais seulement passé par une métamorphose de la souffrance et de la maladie à une phase nouvelle de ma vie, qui me gratifiait d’un pouvoir supérieur et me rendait capab le d’instruire et de gouverner les Athéniens.

« Mes sens s’ouvrirent graduellement; mais, hé-

las ! au lieu de distinguer les formes extérieures C0,1C( mes amis, je remarquai leur vie intérieure et je lin,enl leurs pensées les plus secrètes. Je les vis en larmP31 ^ déplorer le trépas d’un de leurs bien-aimés ; et, d1!“1 s rigeant mes perceptions vers le point qu’ils regacont daient, je vis, dans leur pensée, le corps que j’ava~,enl moi-même porté. J’essayai de leur dire que cette dvin’ meure déserte n’était rien; que je possédais un corj601113 et que j’étais au milieu d’eux; mais à l’instant, tintl compris qu’il ne pouvait pas y avoir de communiciVcrs tion entre nous, parce qu’ils vivaient dans une cePr^s taine condition d’être et moi dans une autre. Ils poif^nS vaient converser seulement avec les instruments leurs sens matériels, tandis que moi je ne pouvaaniIS discourir qu’avec le secours des purs médiums de P pensée et de l’alTection. Mais avec mes nouvelles (mon profondes conceptions , jetais entraîné par des inspi rations trop supérieures pour accorder beaucoiçest d’intérêt à leurs soins autour d’un corps privé c ^’e c vie. Je sentis intérieurement que c’était cependaflf1101’ bien pour eux, et celte idée me rendit entièrement passif relativement à leurs sentiments et à leur des cr0" tinée. Alors, mes sens spirituels intérieurs se fermi a rent d’une manière agréable , ma sensibilité exalt£®tr® se recueillit par groupes sympathiques dans tout moina*' être; et en peu d’instants, je passai dans un calme etat„( profond sommeil.

« Je fus éveillé de cet état d’insensibilité moment1" tanée et pleine de sérénité, en éprouvant une sensar^ta tion particulière de souffle sur ma face et sur ines tête, après laquelle mes yeux s’ouvrirent. Je vis alor ce^ dans les objets qui m’environnaient et dan9 leur . formes, une amitié et un amour plus profonds; plu®^ir de grandeur et plus de magnificence que tu n’en peu:

joncevoir.... Un air pur et serein entrait constamment dans ma poitrine; mon oreille était charmée par la musique la plus liquide et la plus argentine qui semblait flotter dans l’atmosphère, et mes yeux contemplaient un pays magnifique et sans bornes. Bientôt je fus inspiré ou pénétré d’un ¡sentiment divin, d’une douceur ineffable; et une pensée se présenta devant moi qui me dit : Regarde les choses qui t'intéressent le plus! Et immédiatement je fus attiré vers un groupe de personnes amies que je vis parler près de moi. Quel élan de joie indicible se répandit dans ma nature maintenant exaltée, quand au milieu d’eux je reconnus et embrassai les deux plus chers amis que j’eusse connus à Athènes ! Celte rencontre si douce et si inattendue donna plus de bonheur à mon âme qu’elle n’en avait jamais goûté sur la terre...

« Tu vois maintenant quel noble et simple progrès ;’est que de mourir; tu vois qu’il n’y a aucune « val-ée des ombres » effrayante à traverser; et que la mort n’est pas un sommeil éternel.... Les habitants de la terre verront maintenant, quoiqu ils ne le croient pas, que mourir c’est naître de nouveau.....»

Cette révélation est-elle véritable, ou ne doit-elle être considérée que comme une vision dune imagination active ou subjective ? Enfin , est-elle le résultat d’une simple communication de pensée?

Voyons si , avec le secours d’une investigation légitime , d’une analyse délicate et en cherchant à rétablir la pondération logique entre toutes les parties de ce document, nous parviendrons à pénétrer ce mystère.

Lorsque le principal personnage de cette scène spirituelle se nomme Solon ; lorsqu’on l’entend parler de ses doctrines sur le passage de la mort à la vie,

ou plutôt de cette vie à une autre, nous n’avons au cnn moyen de contrôle pour vérifier la sincérité di ses révélations; mais lorsqu’il parle de lui-même, d ses actions, de sa propre histoire et de celle de sor pays, à ce moment il mot un pied sur notre terre, l’esprit redevient homme et nous avons le droit de le juger à ses paroles, lorsqu’elles retracent des faits humains et matériels. Or, l’examen que nous en faisons ici n’est pas à l'avantage de sa sincérité. C’est pourquoi nous avons toute raison de croire que le Solon que Davis nous présente est un Solon de contrebande, qui pourrait donner lieu à un procès criminel de substitution de personne ou de contrefaçon.

Examinons quelques points de ce document dont nous avons été forcé de supprimer les trois quarts. Solon y parle de son détrônement, comme s’il eût jamais été roi des Athéniens, quand il n’était qu’aç». chonte de la république. Il rappelle, avant sa mort/ que les âmes des bons vivaient dans un séjour céleste. lorsque la théogonie grecque les mettait aux champs-élysées dans les enfers. On voit qu’ici les opinions di spiritualiste Davis ont déteint sur celles de son héros : séjour céleste appartient aux croyances modernes. Plus lard, lorsque Solon était mort, c’est-à-dirt passé au grade ô’esprit, il se réjouit de pouvoir mieui comprendre ce que sont les dieux. Ceci est évidemment un lapsus linguœ de Solon ; car dans la doctrin spiritualiste on ne reconnaît nullement les dieux di paganisme. Dans un autre passage, au moment où g_, savoure la joie de sa transformation spirituelle, il dir que sa poitrine respira librement l’air doux et ar genlè, et que son cœur battit des pulsations musicales Comme les organes corporels ne sont pas à l'usagi

l( tles habitants des sphères célestes, nous sommes obli-|e gé de croire que Solon a oublié, pour 1111 instant, sa )n qualité et son rôle d’esprit. — Plus loin, en rappelant sa retraite dans l’île chérie de Salamine, il « écoule jç l'harmonieux murmure du golfe grec. » Il y a en Grèce lçVplus de cent golfes qui, dans tous les temps, ont porté un nom différent; mais aucun d’eux ne s’appela ja-s( mais golfe grec: celui qui baignait Salamine était le je golfe Saronique. Nous nous permettons de donner n_ cette petite leçon de géographie à M. Solon-Davis. Il rj, est encore une erreur que nous relèverons dans les e paroles du sage athénien spiritualisé; c’est, lorsqu’en parlant de ses lois pour Athènes, il dit : « Ne voulant n( pas les 'promulguer oralement à la multitude, je les g fis écrire sur le parchemin. Or, voici ce que l’histoire a nous apprend. Vers le i*r siècle de notre ère, il existait encore à Athènes, dans le Prytanée, quelques .,Vébris des tables de bois («ov») sur lesquelles, six ,e siècles avant, Solon avait écrit ses lois. Celles de Dra-g con avaient également été publiées sur bois; ce qui jL faisait dire, longtemps après, à un poëte comi-^ que cité par Plutarque : « J’en atteste les lois de So-r Ion et de Dracon, avec lesquelles maintenant le peuple fait cuire ses légumes. » Certes, ces bévues his-” toriques ne sont pas faites pour exalter la théorie des progrès dont la mort est l’une des plus profitables transitions : le Solon-esprit est beaucoup moins fort que son aller ego charnel.

.f Nous pourrions pousser plus loin la recherche des l^jgnes nombreux qui établissent péremptoirement que la prétendue communication de Solon est tout simplement le résultat d’un acte de l’imagination de J. Davis, ou plutôt, le fait d’une communication de ® peniéc. Sur ce chapitre, notre auteur est sujet à eau-

tion. Nous n’avons pas oublié que le véridique G. Bush a dit et publié dans son Mesmer el Svoeden- ' borg, que Davis avait lu tout un manuscrit qu’il ? portait caché sur lui-même : seulement, nous reprocherons au célèbre extatique d’avoir, cette fois , fait un mauvais choix en allant puiser de pareilles rêve-v’ ries chez un écrivain de mauvais goût, peu savant, J1 et très-verbeux, pour en affubler la grande figure de * Solon. J-j

Aussi, si l’usage du rituel funéraire de l’ancienne Egypte existait encore, on ne pourrait inscrire sur la ,c stèle mortuaire de Davis cette confession négative usuelle: « Il n’a point inutilement allongé ses paroles. » P Nous terminerons cet examen par l’appréciation ^ d’un écrivain magnétiste de la presse américaine ;

« Des crudités aussi indigestes que celles qui consti- n tuent l’ensemble de cet ouvrage, sont matériellement*;^ calculées pour retarder les progrès du magnétisme. » a

CHOCARNE. “

MÉMORIAL DE SAINTE-HÉLÈNE, par M. le comle de Las Cases.

Édition Lequien, quai des Auguslins ,47. — Paris, 1835.

Le magnétisme a exercé la pensée de tant d’hommes illustres, partisans ou adversaires, qu’il n’est pas rare de rencontrer, dans des écrits tout à fait étrangers à la spécialité , des appréciations sur la science “ et ses premiers adeptes. Si chacun recueillait le fruit * de ses lectures en ce genre, nul doute qu’on arrivât i bientôt à posséder tous les éléments d’une histoire * complète du mesmérisme. Peut-être trouve ait-on ** dans ces documents variés de nouvelles données, ou * l’éclaircissement de points douteux sur lesquels les * contemporains sont seuls aptes à se prononcer. C’est *

dans ce but que je transcris ici trois fragments d’ouvrages dont les magnétologistes n’ont point encore parlé.

On sait avec quel sans-façon Napoléon tranchait les questions embarrassantes; son dédain pour tout ^e qui n'entrait pas dans l’ordre de ses idées se retrouve tout entier dans le jugement qu’il porte sur le magnétisme. M. de Las Cases rapporte ainsi, t. Ier, page 519, l’entretien dans lequel cet homme extraordinaire formula son opinion sur le sujet qui nous occupe :

« 22 juillet 1816. »

« L’empereur, aujourd’hui, était fort causant. On parlait de rêves, de pressentiments, de prévisions, ce que les Anglais appellent double sight (double vue). Nous avons débité tous les lieux communs qu’amènent d’ordinaire ces objets, jusqu’à parler de sorbiers et de revenants, l’empereur a conclu : « Toutes « ces charlatanneries et tant d’autres, telle» que celles « de Cagliostro, Mesmer, Gall, Lavater, etc., se dé-,« truisent par ce raisonnement, bien simple pour-« tant : tout cela peut être ; mais cela n’est pas.

« L’homme aime le merveilleux, disait-il. Il a pour « lui un charme irrésistible, il est toujours prêté « quitter celui dont il est entouré, pour courir après « celui qu’on lui forge. Il se prête lui-même à ce qu’on « le trompe. Le vrai, c’est que tout est merveille « autour de nous.

« 11 n’est point de phénomène proprement dit, j? «tout est phénomène dans la nature. Mon existence f est un phénomène; le bois qu’on met dans la che-« minée, et qui me chaulle, est un phénomène; la lu-« mière que voilà, et qui m’éclaire, est un phéno-« mène; toutes les causes premières : mon intelli-

« gonne, mos facultés soni dos phénomènes; car tout « cela est, et nous ne savons lo définir.

« Je vous quitte ici, continua-t-il, me voilà à Pa-« ris, entrant à l’Opéra ; je salue les spectateurs, j'en-« tends les acclamations, je vois les acteurs, j’entends « la musiqi:j. Or, si je puis franchir la distance « Sainte-Hélène, pourquoi ne franchirais-je pas h « distance des siècles? Pourquoi ne verrais-je pas « l’avenir comme le passé? L’un serait-il plus extra-« ordinaire, plus merveilleux que l’autre? Non, mais « seulement cela n’est pas. Voilà le raisonnement qui « détruira toujours, sans réplique, toutes les mer « veilles imaginaires.

« Tous ces charlatans disent des choses fort spiriri « tuclles ; leurs raisonnements peuvent être justes, ili « déduisent; seulement la conclusion est fausse « parce que les faits manquent.

« Mesmer et le mesmérisme ne se sont jamais r^ « levés du rapport de Bailly, au nom de l’Académ » des sciences. Mesmer produisait des effets sur ur a personne, en la magnétisant en face; cette mên « personne, magnétisée par derrière, à son insu « n’éprouvait plus rien. C’était donc, de sa pari « une erreur d imagination , une faiblesse des sens u c’était le somnambule qui, la nuit, court sur W « toits sans danger, parce qu’il ne craint pas ; le joi « il se casserait le cou, parce que ses sens se troubl « raient.

« J’entrepris un jour, disait-il, à une de mes ak « diences publiques le charlatan Puységur, surk% « somnambule. Il voulut le prendre très-haut ; je i « terrassai par ces seuls mots : Si elle est si savanti « qu’elle nous dise quelque chose de neuf. Dans det a cents ans, les hommes auront fait bien des pr(

« grès; qu’elle en spécifie un seul, qu’elle dise ce que «je ferai dans huit jours, qu’elle fasse connaître les « numéros qui sortiront demain à la loterie, etc. »

Il y a dans celle appréciation une grave erreur de fait; c’est que le fameux rapport de Bailly, qu’on invoque sans cesse pour nier le magnétisme, est un odieux mensonge. La vérité se trouve dans un contre-rapport sccrel adressé au roi. !e document, retrouvé dans les carions du ministère, fut publié sous l’empire; mais Bonaparte en ignorait vraisemblablement l’existence, car aujourd’hui même il est peu connu. Cette base du raisonnement de l’empereur étant détruite, toute son argumentation tombe ; et l’on pourrait, paraphrasant sa pensée, lui dire : Ce que vous croyez est possible ; mais seulement cela n’est pas.

L’épithète dont il se sert à l’égard de M. de Puy-ségur n’est pas plus fondée que ce qui précède; mais on ne sera pas surpris de l’aigreur de ce terme, si l’on se rappelle que, deux ans auparavant, l’empereur avait ordonné de fusiller le châtelain de Bu-zancy.

NAPOLÉON ET MARIE-LOUISE, Souvenirs historiques de M. le baron Mü.nkval. 3 vol. in-8®. —Paiis, 1845. Amjol, éditeur.

L’auteur de ce livre ayant longtemps tenu le portefeuille de l’empereur, est au courant d’une infinité de détails intimes dont on chercherait aujourd’hui vainement la trace. Voici un extrait qui, tout en confirmant les dispositions, déjà connues, de Napoléon à l'égard du magnétisme, fait connaître quelques particularités intéressantes sur uu magnétiseur dont la vie est généralement ignorée, quoique ses travaux aient exercé une certaine influence sur la direction des études et de la propagande magnétique.

On lit, t. III, page 5î?i :

« Pendant l’absence de l’impératrice, qui était allée assister à l’introduction de la mer dans le bassin de Cherbourg, un homme qui s’était acquis de la célébrité à Paris comme magnétiseur, s’était présenté à moi à Saint-Cloud. C’était l’abbé l'aria. Cet abbé portugais métis , né à Coa, était doué de facultés précieuses pour le rôle qu’il s’était donné. Sa taille était haute et élancée et son maintien imposant. La vivacité de ses yeux, son regard scrutateur, l’assurance de son débit, son accent étranger, la couleur cuivrée de son teint, donnaient à sa physionomie une expression singulière et originale. On pouvait comprendre, en le voyant pour la première fois, l’action qu’il devait exercer sur des nerfs délicats et sur des imaginations faibles. Il passa une partie de la journée à nous entretenir des prodiges qu’il avait opérés , jusqu’à faire parler des muets, à reconnaître le sexe d’un enfant dans le ventre de sa mère, etc. Mais il avouait en même temps que les effets de ces mystérieuses influences s’arrêtaient devant une patte de lièvre cachée dans la poche du magnétisé. Le ton de conviction dont il débitait ces oracles faisait penser qu’il se faisait illusion à lui-même. L’empereur, à la suite descènes assez scandaleuses qui s’étaient passées dans les séances que cet adepte donnait dans une maison de la rue de Clichy, avait interdit ces jongleries publiques et fait ordonner à l’abbé Faria de se renfermer dans l’exercice de son emploi de professeur de philosophie. Le mépris avec lequel l’empereur traitait cette prétendue science , avait déconcerté le charlatanisme et refroidi l’ardeur de magnétisme qui régnait à cette époque, mais qui paraît se ranimer de nos jours. Il y avait cependant encore quel-

ques gens crédules que fascinait l’amour du merveilleux. L abbé Faria venait solliciter mon intervention auprès de l’impératrice , pour qu’il lui fût permis d’exercer sa science magnétique sur une personne de ma «onnaissance qui avait eu recours à lui, avec la ferme croyance qu’il la guérirait. Tout ce que je pus faire pour l’abbé, fut de l’assurer queje ne ferais aucune mention de sa démarche. Il nous quitta un peu contrarié de notre peu de disposition à nous convertir aux miracles du mesmérisme, el de mon refus d’intéresser à sa demande l’impératrice, qui certainement n’aurait pas pris sur elle d’autoriser une chose que l’empereur avait défendue. »

HISTOIRE DES MONTAGNARDS, par Alph. Esquíeos, représentant du peuple. — Édit. de.1850. 1 vol. in-8».

Le nom de Louis XVI est inscrit à chaque page de l’histoire du magnétisme. II est impossible de faire un pas vers l’origine de cette découverte sans trouver la mention de quelque acte du gouvernement, justement préoccupé de l’ascendant pris par son auteur. Les relations de Mesmer avec la reine, les ministres et autres personnages influents à la cour, sont partout indiquées; mais nulle part il n’est parlé de ses rapports avec le roi. De ce silence il est permis de conclure que ces deux hommes ne se connurent pas et qu’ils ne communiquèrent que par des intermédiaires.

Ce point d’histoire est délicat, mais si l’on parvenait à établir que Louis XVI ne vit jamais d’effets magnétiques, on comprendrait sans peine ses hésitations et son accession aux conclusions mensongères du rapport public de Bailly. Nul doute que s’il eût été témoin d’un des prodiges par lesquels Mesmer

étonnait tout Paris, il n’eût prêté l’oreille au consciencieux travail de Jussieu, dont la voix éloquente protestera éternellement contre la mauvaise foi de ses savants collègues.

Un passage du livre de M. Esquiros jette une lueur précieuse sur ce sujet; avec cet indice, on pourra remonter à la source et fixer d’une manière certaine ce point litigieux de la question mesmérienne.

Yoici dans quelle circonstance l’auteur rapporte, p. 87, les quelques mots dont nous voulons parler.

Au retour de sa deuxième comparution à la barre de la Convention nationale, le 26 décembre 1792, Louis XYI s’entretint avec les personnes placées dans sa voiture.

« La conversation avait d’abord roulé sur la géographie, que Louis XYI connaissait parfaitement, elle tomba ensuite sur Tacite, Tite-Live, Salluste, Puffendorf, que le roi paraissait avoir lus. On passa bientôt à la médecine. Quelqu’un parla du magnétisme : « J’aurais bien voulu en voir quelques expérien-« ces, » dit Louis. Le maire Cbambon lui répondit : « Depuis qu’on a voulu me payer pour écrire en fa-« veur de Mesmer, j’ai reconnu qu’il y avait du char-« latanisme. — Yous n’étiez pas ici, Monsieur Chau-«. mette, dit le roi en se retournant du côté du pro-t cureur de la commune; vous n’étiez pas ici du « temps de Mesmer, car vous m’avez dit que vous « vous étiez embarqué avec Lamotbe-Piquet ? »>

Peu après, Louis XVI rentra au Temple: il ne devait plus 111 sortir que pour aller à l’échafaud.

Amêdiîb T11UIU.IER.

Le Gérant : HÉBEKT (de Garnay).

kupr. d« Poouutrcl «t Moroau, quai tlei Àogtuilii», 17.

Tribunaux. — Voici le compte-rendu d’un nouveau procès somnambulique. Cet éloquent plaidoyer a été imprimé, et se vend au profit des condamné*.

Nous le reproduisons intégralement, malgré son étendue , parce qu’il contient des appréciations sur le sujet desquelles nous n’aurons pas à revenir ailleurs. Ajoutons, pour fixer la position réciproque des parties, que M* Morin , l’avocat dont nous allons transcrire les paroles, est conseiller-général du département.

TRIBUNAL DE NOGENT-LE-ROTROU (Eure-et-Loir).

Audiences des 13,14, 1oel 17 février 1851.

Un procès des plus singuliers a, pendant plusieurs semaines, occupé vivement l’attention publique : le magnétisme et ses merveilles ont été mis en jeu, de hautes questions scientifiques y ont élé traitées, des laits pleins d’intérêt ont excité la curiosité de toute une population. La personne qui a élé forcée de jouer dans ces débals le principal rôle, tient à se prémunir contre les relations infidèles que peuvent semer la légèreté ou la malveillance : elle va donc faire connaître toute la vérité sur cette affaire.

Rose Patrix est venue s'établir à Nogent-le-Rotrou, TOME X. — M" 129. — AVRIL 1851. 4

au mois d’août i8.|(), sur la demande* de plusieurs personnes qu’elle avail autrefois guéries de maladies graves, à l'aide de sa lucidité somnambulique; elle continua d’employer pour le même usage cette précieuse faculté; des cures nombreuses ne tardèrent pas a établir sa réputation dans le pays. Elle fut poursuivie pour exercice illégal de la médecine et condamnée, par jugement du i ] décembre 18'19, à 5o francs d’amende. Obligée dès lors de régulariser sa position, elle (il venir auprès d’elle le Dr Anctin, sans le concours duquel elle; s’interdit de rien faire, et qui fut chargé de traiter les malades, soit par les moyens ordinaires, soit par l’emploi de la lucidité somnambulique, suivant leur désir. Malgré cette précaution, un nouveau procès eut lieu: une descente de justice fut faite au domicile de Mme llose et de M. Anctin ; on saisit de très-petits résidus de médicaments, deux bouteilles de baume qui devaient être renvoyées à Paris, des ordonnances de médecin, des lettres de M. Cornet, pharmacien à Paris, et diverses lettres adressées à Mmc Rose. Le lendemain, on saisit en outre, au bureau de la poste, une lettre que Mme Rose adressait à M. Cornet.

Après une longue instruction, l’affaire fut portée au tribunal de police correctionnelle, le i3 février 1851. Rose Patrix était inculpée d’escroquerie, d’exercice illégal de la médecine et de la pharmacie, et de vente de remèdes secrets; M. Léon Patrix , son lils, et M. Anctin étaient inculpés de complicité de ces trois contraventions; et M. Cornet, prévenu de complicité d’exercice illégal de la pharmacie et de vente de remèdes secrets. Dès le matin, une foule nombreuse remplissait la salle d’audience et en assiégeait les abords; pendant les quatre longues au-

dienccs consacrées exclusivement à ce procès, l'empressement et l’intérêt du public n’ont fait que s’accroître ; c’est là le grand événement de toute la localité.

Mc Morin , avocat, assiste Mme Rose Patrix et son fils ; M* Chaillou assiste M. Cornet, et représente M. Anctin, non présent.

On commence par l'audition des témoins; nous allons rapporter les principales dépositions.

Témoins à charge.

i° M'm0 pauaingaux , épouse de M. le principal du collège. Je souffrais depuis longtemps de maux d’yeux et de maux de tête qui parfois m’ôtaient la mémoire; j’avais consulté les plus célèbres oculistes, dont le traitement a été sans efficacité; j’étais menacée de perdre la vue. Je consultai Mme Rose en présence de deux de mes amies ; je ne lui fis nullement connaître le but de ma visite, non plus qu’à aucune autre personne ; je n’en parlai pas non plus à M. Anctin. MmeRose me palpa pendant quelque temps, puis me décrivit avec une précision parfaite tout ce que j’avais éprouvé, et mc dit, entre autres choses, que ma maladie avait pour cause un ramollissement du cerveau. Elle me prescrivit un traitement dont j’éprouvai les plus heureux résultats. — Ce qui m’a le plus frappée, c’est que quand je rendis compte à mon mari de ce qui s’était passé, il me dit que M. Sichel, oculiste de Paris, que j’avais consulté, lui avait annoncé qu’il craignait chez mol un ramollissement du cerveau; mon mari n’avait pas osé me faire part de cette confidence, dans la crainte de m’alarmer, et il n’en avait rien dit à personne. — Mmo Rose, à la suite de ma

première visite, a éprouvé pendant quelque temps une douleur de tôle qui paraissait avoir le même siège que chez moi, et sa vue se trouva obscurcie pendant quelque temps. —J’ai remarqué aussi qu’elle a lu dans ma pensée, en me disant que ce qui retardait ma guérison, c’élail l'excessive préoccupation que me causait mon mal. « Vous y pensez sans cesse, me dit-elle, cl souvent, seule dans votre chambre, vous vous dites en pleurant : J’aimerais mieux mourir que de perdre la vue. » Tout cela était exact.

2° m. paraingàux confirme en tous scs détails cette déposition, el déclare qu’il aura toujours la plus vive reconnaissance pour Jime Rose, qu’il regarde comme ayant sauvé la vue et peul-êlre la vie de son épouse. (Profonde sensation dans l’auditoire.)

3° m“' lesac.e-paris déclare que Mme Rose l’a guérie de deux maladies très-graves, où sa vie était en danger.

4° u. pellier, boulanger à Nogent. Je souffrais depuis très-longtemps d’une maladie qui m’ôtait presque l’usage des organes dans tout un côté du corps. Je me décidai à consulter Mmc Rose : je fus admis le jour où je me présentai. Elle ne me fit aucune question, me décrivit ma maladie, en indiqua la cause, qui était un éboulement dans une carrière, il y a cinq ans. M. Anctin intervenait souvent pour obtenir d’elle des explications. Elle me prescrivit des remèdes que j’ai tous pris chez mon pharmacien ordinaire. Je m’en suis bien trouvé, et je suis guéri,

5° m. ferré, coutelier à Nogent (le témoin étant malade et hors d’état de venir à l’audience, un magistrat s’est transporté à son domicile pour recueillir sa déposition : J’éprouvais depuis longtemps des crachements de sang. J’ai consulté Mme Rose, qui ne

m’a fait aucune question et m’a indiqué un traitement. J’ai fait venir moi-même les médicaments de Paris. Je m’en suis bien trouvé, et les crachements ne sont pas revenus. J’ai toujours confiance en elle.

G0 m. saussereau , de La Bazoche. J’étais depuis longtemps malade, j’avais consulté beaucoup de médecins, aucun ne pouvait me donner de soulagement. Je vins à Nogent consulter la somnambule. Elle ne me fit pas de questions : elle indiqua avec la main les parties où je souffrais, et je répondais par oui; elle trouvait bien le mal sans qu’on le lui indiquât. M. Anctin s’est beaucoup enquis pendant la consultation. Mme Rose m’a prescrit des remèdes que j’ai pris chez mon pharmacien, et qui m’ont guéri.

7° simc sortais, du Theil. J’étais bien malade depuis six ans , je ne pouvais même plus couper mon pain ; j’avais consulté tous les médecins, rien n’y faisait. J’ai consulté la somnambule : elle m’a pris la main, m’a indiqué mon mal et m’a ordonné un traitement qui m’a parfaitement guérie. —Le ministère public fait au témoin des questions sur le coût de ce traitement. Il en résulte que la dame Sortais aurait payé à Mme Rose /f5 fr., pour consultations, et aurait payé en outre pour une quinzaine de francs de médicaments.

Me morin. Combien vous ont coûté, pendant six ans de traitements inutiles, les médecins et les pharmaciens ?

R. Oh ! plus du triple et du quadruple, et encore de plus ; et tout ça ne m’a servi de rien. (Rires.)

8° Mmc aubert, de Nocé. Mon miri était atteint d’une maladie qui ne nous laissait presque pas d’espoir. J’ai prié Mme Rose de lui donner des soins. C’était au mois de décembre »849. Elle merépoudit

quelle ne pouvait s’en charger avant l’arrivée d’un médecin qu'elle attendait. Sur mes instances réitérées, et sur l’assurance que je lui donnai de la garantir de toutes les conséquences, elle finit par céder et par donner des consultations, jlille prescrivit des médicaments qui ont lous,été pris à Nogent, et dont il a éprouvé quelque amélioration. Plusieurs fois j'envoyai mon domestique à Nogent, où se passaient les consultations; on m’en rapportait le résultat dans des lettres, c’est ce qui a eu lieu jusqu’au décès de mon mari.

9° Mmc legiiay, de Charbonnières. Je suis venue à Nogent, avec mon fils, atteint d’une maladie de poitrine. Nous avons passé le jour même où nous nous sommes présentés. Nous n’avons causé à personne de l’objet de notre visite, avant la consultation. M“c Rose a palpé mon fils et a indiqué le mal ; les remèdes ont été pris à Nogent. A la seconde consultation, M. Anc-tin m’a dit qu’il était inutile de revenir, et qu’il n’y avait aucun moyen de sauver le malade. Ce qui m’a étonnée, c’est que M“' Rose a éprouvé une toux semblable à celle de mon fils, et qui a duré une heure; cette toux était accompagnée de crachats pleins de sang.

jo° m. binet, instituteur à Charbonnières. Jai amené ma femme pour qu’elle consultât Mmc Rose. Celle-ci l’a palpée pendant dix ou quinze minutes, puis a décrit tout ce qu'elle avait ressenti, aussi bien que ma femme elle-même eût pu le faire. Elle a prescrit des remèdes qui ont tous été pris chez M. Bienvenu; la malade s’en est trouvée beaucoup mieux, puis son état s’est empiré, et elle est décédée.

Le témoin confirme par des détails précis la déposition précédente, en ce qui concerne la toux d’une

heure qu’a éprouvée M"1' Rose, par communication sympathique, en traitant Leguay : M. Binet est persuadé que le somnambulisme de Mme Rose était bien réel.

i i° Mmc LESAGE-KEit, chapelière à Nogent. J’ai consulté Mme Rose pour mon fils qui avait des maux d’yeux. Elle le palpa, puis nous dit que la cause du mal était dans le cerveau. Elle prescrivit des remèdes que j'ai fait venir directement de Paris. Mon fils est parfaitement guéri.

i 2° m'1c renoust, de Nogent. J’étais gravement malade depuis cinq ans ; aucun médecin n’avait pu m’apporter de soulagement. Je me suis présentée chez Mmc Rose : j’ai été remise au lendemain. Je n’ai causé avec personne avant ma consultation. J’ai trouvé Mra° Rose endormie : elle m’a dit exactement ce que j’éprouvais, et elle m’a bien guérie.

i5° u"e DÉsiuÉE fauvelle, domestique de M. Guéria, à Nogent. J’étais malade depuis douze ans. Je me suis décidée à consulter la somnambule. Je l’ai trouvée endormie. Je suis guérie, et il n’y a qu’elle qui m’ait sauvée.

i4° m"” raphard, de Nogent. A la fin de 1849, j’ai consulté Mme Rose pour une grave maladie. Elle m’a dit qu’elle ne pourrait s’occuper de soigner les malades qu’après l’arrivée de son médecin. Ce retard dura deux mois. Dès que M. Anctin fut arrivé, je pris une consultation. M"“ Rose me palpa, me dit mon mal; elle m’a bien guérie. Les médecins n’avaient pu me donner aucun soulagement. — Je dois dire que lors de la première visite, Mme Rose lut ma pensée, devina le malaise et l’embarras que me causait la présence des personnes qui étaient là, et devina en outre quelle était la personne dont je dési-

rais la présence; éveillée, elle ne pouvait rien dire sur les maladies.

l5° m. rosel-sortais, de Nogent. Ma femme était au plus mal, et notre médecin avait déclaré qu’elle était perdue et pouvait trépasser d’un moment à l’autre. Ma famille voulut qu’on fit venir la somnambule. Celle-ci palpa la malade, et, sans lui donner aucune explication, elle décrivit exactement son état; elle déclara, entre autres choses, que ma femme éprouvait dans la tête une vive douleur, comme si un cercle de fer lui eût pressé le crâne. Je fus étonné d’entendre révéler ainsi line circonstance dont ma femme n’avait fait part qu’à moi, et dont je n’avais entretenu personne. Mm,Rosc avait prescrit une bouteille de vin d’Alicante à faire bouillir pendant trois heures, avec une dizaine d'ingrédiens, et à boire par cuillerée d’heure en heure. En sept à huit jours , il y eut guérison complète.

Plusieurs des témoins susnommés, interpellés s’ils croient avoir été victimes d’escroquerie de la part de Mme llose, répondent qu’ils ont été bien heureux de l’avoir , et qu’elle les a sauvés.

16° m. chapelle, conducteur des ponts-et-chaussées. En 1849, Mme Rose a donné des soins à ma femme, et elle ne l’a pas guérie. Patrix fds, qui la magnétisait, m’a avoué, en présence de ma domestique, que sa mère n’était pas somnambule. Nous avons voulu faire des expériences. Nous avons tiré un coup de pistolet pendant son sommeil, elle a un peu tressailli, mais très-faiblement. On lui a présenté un pois de senteur en lui demandant ce que c’était; elle l’a mâché et a répondu : « Yous êtes trop curieux, je ne vous le dirai pas. »

Le témoin raconte ensuite l’expérience du carmin;

(Voir ci-après la déposition de M"" Chapelle, et celle de MM. Lcsage-Courcclle el iNoblet.)

Témoins à décharge.

ij° n. PELLETiER-Gasselin raconte qu’il a été guéri par Mra° Rose de fièvres opiniâtres qui avaient résisté à tous les efl'orts des médecins, et que sa femme a été guérie par elle d’un mal de sein qu’il croit avoir été un cancer.

180 m“” GouiiiER, demeurant au Val, commune de Nogent. Depuis sept ans j’étais toujours malade, les médecins m’avaient laissée pour morte. Mme Rose m’a guérie en quelques jours.

igo Mme gasselin-lejards rend compte d’une guérison qu’elle doit â Mme Rose, puis elle ajoute : Il est à ma connaissance que Mme Rose a soigué gratuitement plusieurs pauvres, et notamment une jeune fille percluse des jambes, et qui demeure rue Saint-, Ililaire. Il lui est arrivé une fois d’ajourner des personnes riches pour traiter cette pauvre fille.

20° m. médard, de Nogent. Je rendais l’humeur par tout le corps, mon sang était décomposé, les médecins m’avaient abandonné; enfin j'étais mort, quoi! Mmc Rose est venue et m’a guéri. Aussi je déclare que c’est la femme la plus méritante de tout Nogent et des alentours. (Bruyante hilarité.)

2i”M. morel , médecin à Nogent, interpellé s’il a employé la lucidité somnambulique de M|U Sursin au traitement de ses clients, et s’il est à sa connaissance queM. Combattit, son prédécesseur, se soitservi du même moyen, répond négativement, et déclare qu’il n’a pas d’opinion faite sur le magnétisme.

22° m. gasselin-lejards. Mme Rose m’a guéri d’une fièvre typhoïde. M. Anctin a pris part à tout ce qui

s’est fait, m’a saigné et m'a fait des visites particulières. Mm° llose a aussi guéri ma fille d’une sur !ité et de maux de tête. — H y a longtemps que je connais Mmc llose; à Paris, elle était renommée comme somnambule des plus lucides ; j’ai vu des médecins, notamment M. Ossadon, et de grands personnages à équipage venir la consulter. M. le duc de La Ro-chefoucault, ancien pair de France, qui s'occupe beaucoup de magnétisme, faisait grand cas de sa lucidité. — Je me suis occupé aussi de magnétisme, et je pense qu’un magnétiseur qui aurait affaire à un fourbe simulant le somnambulisme, s’en apercevrait facilement. — Il est à ma connaissance que MM. Combault et Morel, médecins à Nogent, se sont servis de la lucidité somnambulique de Mlle Sursin pour traiter leurs clients. M. Morel l’a fait, entre autres, pour la domestique de Mme Pelletier, de Saint-Pierre- la-Bruvère.

23° m. lesage-neil. J'ai souvent magnétisé Mme Rose, et je suis persuadé qu’elle n’aurait pas pu jouer la somnambule sans que je m’en aperçusse. C’est moi qui la magnétisais quand elle soignait M. Aubert : elle ne répondait qu’endormie; on lui donnait alors connaissance des lettres de Mme Aubert, et l’on écrivait les réponses sous sa dictée. Une fois, elle donnait ainsi à Nogent une consultation pour M. Aubert, je vis son ventre enfler, et elle eut des convulsions qui durèrent fort longtemps. Elle voyait M. Aubert, à Nocé, dans sa demeure, et entouré de sa famille. Elle dit : « Voilà le jeune fils qui mange du mouton, je lui ai cependant dit que ce n’était pas sain pour lui. » Elle décrivit tout ce qui se passait ; et tout cela s’est trouvé juste. Ce même jour, elle annonça quêtons les soin9 étaient inutiles, et que M. Aubert mourrait-

le lendemain , à telle heure ; ce qui eut lieu. — Un jour, je voulais consulter Mrac Rose pour une affaire personnelle, étrangère aux maladies. Elle lut ma pensée, me reprocha cette préoccupation au milieu de consultations pour la santé de mon fils; elle ajouta que plus tard elle me répondrait, quand je l’aurais endormie spécialement pour cet objet. C’est ce que je fis. Sans que j’eusse prononcé une parole, elle me dit qu’il s’agissait d’un objet perdu, d’une clef dont je possédais le double qu’elle me demanda. Quand elle tint dans scs mains la seconde clef, elle me désigna minutieusement le meuble auquel s’adaptait cette clef, la distribution intérieure et le contenu, me désigna les objets qui m’avaient été volés, et le sexe du voleur; mais elle refusa de me le nommer, disant qu’il valait mieux pour moi ne pas le connaître.

24° Mlle Françoise, domestique de M. Chapelle, déclare que jamais Léon Patrix n’a dit en sa présence que sa mère ne fût pas somnambule.

25° m. leroy, employé des contributions indirectes. J’ai entendu plusieurs fois M. Chapelle faire l’éloge de M“' Rose ; dire qu’il croyait à sa lucidité, et que 9a femme se trouvait bien mieux depuis qu’elle suivait son traitement.

26° m"" chapelle. Léon Patrix m’a avoué que sa mcre n’était pas somnambule, et m’en a donné pour preuve qu’elle avait tenté deux fois de s’empoisonner. Pour nous assurer de la vérité, nous avons fait les expériences du pistolet et du pois de senteur. (Voir la déposition de M. Chapelle.) Un jour, je suis allée chez Rose, et, en présence de M. Lesage-Cour-celle, je lui ai présenté un pot contenant une dissolution de carmin ; je lui dis que c’était mon urine qui était bien échauffée, et j’en demandai la cause.

Elle me répondit : « Cela tient à l’approche de votre époque mensuelle. » C’est étonnant, m’écriai-je; ce que vous dites a lieu maintenant.

270 m. lesage-courcelle, chapelier à Nogent. Je me trouvais un jour chez M. Pelletier , où demeurait alors M“* Rose; celle-ci était endormie; M" Chapelle me parla d’expériences pour prouver qu’elle n’était pas somnambule. Je répondis que je ne voulais pas m’y prêter , que j’avais confiance en elle, et que je n’avais pas besoin d’expériences. Je restai néanmoins. On présenta à Mme Rose différents pots en lui demandant ce qu’ils contenaient. Elle refusa de répondre, en disant qu’elle avait à traiter de choses plus sérieuses : il ne fut pas question d’urine. Mroe Chapelle lui demanda si son époque ordinaire viendrait bientôt. M“e Rose répondit : « Dans deux jours. » Alors M“e Chapelle, se tournant vers moi, releva ses jupes pour me montrer que c’était venu. Je n’ai pas vérifié si Mme Chapelle était dans l’état où elle disait être.

28° m. noblet, entrepreneur de roulage, appelé par le ministère pliblic. J’étais malade, alité. M. Lesage-Courcelle vint chez moi, et quelque temps après, je vis entrer M“' Chapelle qui le cherchait. Ils euréht entre eux une longue conversation, où plutôt Mme Chapelle causait toute seule avec beaucoup de vivacité, et M. Lesage pouvait à peine placer un oui ou un non. Je n’y prêtai aucune attention. Les propos de cette dame me parurent fort indécents. Je n’en ai rien retenu, sinon qu’elle avait relevé ses jupes pour montrer je ne sais pas quoi. (Rire général.)

Après l’interrogatoire des prévenus, M. Durand, procureur de la République, prend la parole. Il commence par un long historique de l’élixir panchyma-gogue; il cherche à établir que la plupart des sub-

stances prescrites par Rose Palrix ne sont pas inscrites au codex, et constituent par conséquent des remèdes secrets pour la vente desquels il y aurait eu une association entre Ilose et le sieur Cornet, qui lui faisait des remises considérables. Pour justifier l’imputation d’exercice illégal de la médecine, il soutient que M. Anctin n’était qu’un prête-nom destiné à couvrir la somnambule de l’autorité de son titre légal; que le concours du médecin n'avait rien de sérieux, que M. Anctin se bornait à écrire servilement sous la dictée de Rose. Arrivant à la prévention d’escroquerie, le ministère public s’attache à établir qu’elle consiste principalement dans la simulation du somnambulisme ; il nie en principe le magnétisme, qui n’est qu’une misérable jonglerie, un moyen de faire des dupes. Le somnambulisme est impossible, et la seule hypothèse d’un pouvoir pareil à celui que s’attribuent les somnambules est une impiété ; car on ne peut admettre que Dieu aurait accordé à quelques hommes des facultés éminentes qu’il n’aurait pas départies à tous les hommes. C’est une impiété : car si le somnambulisme existe, il voit tout, le passé, te présent et l’avenir; dès lors plus de libre arbitre, les actions humaines sont enchaînées invinciblement par la fatalité ; dès lors, plus de morale, plus de société. Si Dieu accordait la connaissance de l’avenir, ce serait à des saints comme ceux que l’on vénère, et non à des gens souillés de vices, à une infâme menteuse comme la prévenue, qui n’a rien fait pour mériter un tel privilège. Aucun homme sensé ne peut admettre qu’un individu puisse voir se qui se passe à trois lieues de distance, et que son âme s’élève hors de son corps pour y rentrer après ces pérégrinations. On ne peut admettre que Dieu ait donné à quelques

hommes le pouvoir de guérir les maladies; il aurait été plus simple qu’il ne créât pas les maladies. — llose n’est, pas somnambule, elle fait de la médecine ordinaire; et comme elle a adopté le système de Gallien sur les humeurs, il n'est pas étonnant qu’en prescrivant toujours la même chose, elle guérisse la plupart de ses malades. — Ce qui prouve encore l’escroquerie, c’est qu’elle donne des noms pompeux à des drogues, afin de frapper l’imagination des imbéciles ; c’est qu’elle prescrit presque toujours trois ou quatre médicaments sur lesquels elle a des remises, ce qui n’aurait pas lieu si elle élait somnambule; c’est qu’elle ordonne des choses bizarres et sans efficacité, telles que des feuilles de cassis, de l’infusion de camphre dans l’eau, des substances à enfermer dans une vessie qu’on descend au fond d’un puits, etc. — M. le procureur reproche avec force à la prévenue de percevoir des honoraires énormes et de ne pas se consacrer exclusivement au soin des pauvres; puisqu’elle se dit envoyée de Dieu, puisqu’elle jouit de dons surnaturels, elle ne doit pas s’inquiéter des besoins terrestres ; un envoyé de Dieu ne doit pas percevoir d’honoraires. — Le ministère public adjure le tribunal de déployer la plus grande sévérité afin de purger la société d’un fléau.

Me Morin prend la parole en ces termes :

Messieurs,

Vous avez vu défiler la longue liste des témoins appelés par le ministère public, des témoins à charge, comme on les appelle ; vous les avez entendus raconter comment Rose Patrix leur a rendu la santé; quelques-uns vous ont dit qu’elle les avait arrachés du tombeau ; ils ont devant vous proclamé avec effusion leur reconnaissance pour leur bienfaitrice : voilà le langage uniforme de nos victimes. En présence d’un tel concert d'éloges, on a pu se demander s’il s’agissait aujourd’hui de constater juridiquement et authentiquement la réalité des facultés précieuses de llose Patrix, et de lui

décerner une récompense nationale pour prix des services éminents qu’elle ne. cesse de rendre ii l’humanité. Peut-être serait-ce là ie parti le plus conforme à la raison et à l’équité. Mais loin de lii : on vient appeler contre elle toutes les sévérités de la loi, on vous la présente sous les couleurs les plus odieuses. Si le système de. l’accusation devait être admis, il faudrait gémir profondément sur un ordre de choses qui obligerait à rendre le mal pour le bien, et à frapper comme un vil malfaiteur une personne dont l’existence est consacrée au soulagement des maux de ses semblables. Mais heureusement, et nous espérons vous le démontrer, la loi ne vous impose point un aussi pénible sacrifice, vos consciences ne seront pas mises à une aussi cruelle épreuve. Un examen attentif fera disparaître les quatre chefs de prévention. Au lieu de suivre l’ordre du ministère public, nous croyons indispensable de commencer par réfuter l'imputation qui est le pivot du procès : il s’agit d’un délit qui entraîne avec lui une telle idée d’abjection, que nous ne pouvons sans répugnance en répéter le nom. Mrae Rose est prévenue A'escroquerie! elle ne serait ni lucide ni somnambule , elle jouerait le somnambulisme pour exploiter la crédulité des niais, et il l’aide de ces manœuvres coupables elle exercerait un charlatanisme aussi funeste il la santé qu'à la fortune de ses dupes. Certes, si une telle accusation était justifiée, les contraventions qui lui sont reprochées prendraient des proportions énormes , et l’indignation du ministère public serait partagée par tous ses auditeurs. Si au contraire M"" Rose jouit réellement des qualités qu’elle s’attribue, si l’emploi de sa lucidité au traitement des maladies a produit les plus heureux résultats et a sauvé d’une mort certaine une foule d’individus, oh ! alors non seulement l’accusation d’escroquerie disparaît et doit faire place au témoignage éclatant de la reconnaissance publique, mais encore les contraventions s’amoindrissent et perdent toute espèce d’importance, les arguties tirées des lois de monopole ne sont plus que des chicanes à peine dignes d’examen, le fond emporte la forme , et il devient impossible de condamner celle qui a bien mérité de l’humanité. Pour établir que Rose Patrix n’est pas coupable d’escroquerie, nous devons prouver qu’elle est réellement somnambule : le ministère public, pour arriver plus sûrement à la thèse contraire, ayant nié le somnambulisme, nous sommes obligé de présenter à ce sujet quelques considérations générales.

De tout temps, l’homme a cherché à s’élancer au-delà de l’actualité vers un idéal dont il lui a élé donné d’approcher de pins en plus. Nous ne ferons pas comme notre adversaire, qui en accuse l’imagination qu’il appelle un vice de notre organisation. Non : nous ne songeons pas à mutiler l’œuvre de Dieu, nous pensons que tout ce qu’il a fait est bien fait, el que chacune de nos facultés doit trouver un légitime et salutaire emploi. L’imagination est l’aiguillon qui nous pousse sans cesse vers le progrès et nous découvre chaque jour des horizons inconnus. C’est par elle que nous sommes portés à chcrcher la réalisation des rêves qui souvent ne sont qu’une

aurore de l’avenir. La science vient ensuite recueillir ses découverts, vérifier les faits et les coordonner en corps de doctrine.

Dans la plus liaule antiquité, quelques observateurs pleins de sagacité remarquèrent les phénomènes étranges produits chez certains individus dans le cas d’extase naturelle ou de sommeil arliGciel. La constitution des sociétés anciennes qui concentrait les lumières dans le cercle étroit d’une caste, fut sans doute un des principaux obstacles qui empêchèrent qu’on ne tirât de ces découvertes tout le parti possible. Les cérémonies pratiquées dans les mystères, les oracles, les sibylles, certains faits réputés miraculeux, ce sont autant de jalons qui nous permettent de suivre, à travers les âges, la marche du magnétisme que nous devons croire aussi ancien que l'humanité. Sans doute, le défaut de critique chez la plupart des écrivains anciens et l’amour immodéré du merveilleux, ont contribué à accréditer bien des fables. Mais s’ensuit-il qu’on doive rejeter en bloc tout ce qui pour nous s’écarte de la vie vulgaire, et taxer d’une sotte crédulité les nations les plus policées et qui ont le plus concouru au progrès des sciences, des lettres et des arts ? C’est li le parti que prit le scepticisme du dernier siècle, qui rejeta tout ce qu’il ne put expliquer, et crut par li prouver la supériorité de sa raison. Il ne prouva que sa faiblesse et son ignorance. Le véritable sage doit porter ses investigations sérieuses sur toutes les croyances et les pratiques des divers peuples ; s’il doit se mettre en garde contre les erreurs propagées par une crédulité aveugle ou par une fourberie intéressée , il ne doit rien rejeter sans un mùr examen; et surtout il évitera de déclarer une chose impossible par cela seul qu’elle diffère des idées reçues. L’homme ne peut assigner les limites du possible ; ce qu’il appelle l’impossible , n’est autre chose que le point extrême jusqu’où s’étend son pouvoir à un moment donné ; mais chaque jour recule les bornes de ce pouvoir et soulève un des coins du voile qui lui dérobe la connaissance de la nature ; l’impossible de la veille devient le possible et le facile du lendemain :

Omuia jam fiant fieri qux posse negabam.

Mesmer, parmi les modernes, fut le premier qui eut l’honneur de renouer la chaîne des traditions : il fonda l’école du magnétisme, qui ne tarda pas à jeter un grand éclat. L’attenlion publique fut vivement émue par les récits des merveilles qui s’y passaient. Le monde savant s’en préoccupa et chargea quelques commissaires de s’enquérir de la réalité des faits. Dés lors commença cette lutte longue et animée, qui ne parait pas encore près de prendre fin, entre les partisans et les adversaires du magnélisme. D’un côté, la plupart des représentants officiels de la science se mirent en quelque sorte un bandeau sur les yeux pour ne pas voir, afin de ne pas être obligés de constater des phénomènes qui avaient le tort de se produire en dehors des corps constitués, et de venir déranger des systèmes préconçus.

D'un aulre colé, des sectateurs enthousiastes accueillirent sans examen et sans discernement tout ce qui flattait leur soif insatiable de merveilleux. Entre ces deux extrêmes se place le philosophe qui, guidé par le doute méthodique, ne croit rien qui ne soit démontré, et est d’autant plus exigeant en fait de preuves, qu’il s’agit de faits qui s’éloignent davantage de nos connaissances : mais aussi il ne prétend pas clore le livre de l’esprit humain, ni tracer le cercle au-delà duquel il lui sera interdit de progresser. Parmi les savants dont l’opinion peut faire autorité, on en cite un grand nombre qui, après des épreuves judicieusement dirigées, ont reconnu le magnétisme animal. Tels ont été l’uységur, Deleuze, Bertrand, etc. En 1851, le D' llusson, après une enquête solennelle faite au nom de l’Académie de médecine, et prolongée pendant cinq années, a présenté un rapport duquel il résulte que deux somnambules voyaient les yeux fermés, que deux autres pouvaient prévoir des actes ou des lésions de leur propre organisme, et qu’une somnambule mise en rapport avec un as«ez grand nombre de malades, a indiqué les symptômes de la maladie de trois de ces personnes. Dans un procès récent, qui a eu un grand retentissement, M. Thomassy, conseiller à la Cour d’appel de Paris, a présenté un rapport aussi lumineux qu’impartial, qui se termine par les conclusions suivantes:

« Il s’est rencontré des esprits modérés qui, sans attacher une grande importance aux hypothèses de fluide et d’atmosphère nerveuse, très-propres à cacher à nos yeux notre ignorance, se sont vus dans l’impossibilité de nier la réalité de certains faits inexplicables. Ces esprits modérés concèdent : 1“ qu’un acte de la volonté suffit quelquefois à un homme pour exercer une certaine influence sur un aulre homme ; et 2“ que le sommeil magnétique est un étal très-réel, non simulé, qui peut devenir l’objet d’études sérieuses. Ces esprits modérés ne peuvent pas nier que dans ce dernier état, la vie extérieure ne cesse ets’abotil,que le somnambulisme vit eu lui, complètement isolé du monde extérieur; que cet isolement est surtout absolu pour l’ouïe et pour la vue. Ils n’oseraient nier la possibilité d’une communication des désirs, de la volonté, des pensées même de celui qui magnétise avec la personne magnétisée, et ils aiment à s'élayer de la pensée suivante de l’illustre Laplace : Nous sommes si éloignés de connaître les agents de la nature et leurs divers modes d’action, qu’il serait peu philosophique de nier l’existence des phénomènes, uniquement parce qu’ils sont inexplicables dans l’état actuel de nos connaissances. » Dans ce même procès, l’honorable Me Jules Favre produisait un rapport qui se termine ainsi : « Il résulte de ces observations, i° que dans l’état de somnambulisme, M11' Coeline a indiqué les maladies de trois personnes avec lesquelles on l’a mise en rapport; 2° que la déclaration de l’une, l’examen que l’on a fait de l'autre, après trois ponctions, et l’autopsie de la troisième se sont trouvés d’accord avec ce que celte somnambule avait annoncé; 3“ que les divers traitement» qu’elle a prescrits ne sortent pas du cercle

des remèdes qu’elle pouvait connaître, ni de l’ordre de choses qu’elle pouvait raisonnablement recommander, et qu’elle les a appliqués avec une sorte de discernement. »

l'n des témoignages les plus imposants que l’on puisse alléguer, en faveur du magnétisme, est celui du I)1 Rostan, c’est-à-dire d’un des médecins les plus distingués de la Faculté de Paris. Il raconte qu’il a commencé par être incrédule en fait de magnétisme, et qu’il a écrit contre le somnambulisme , alors que pas un homme considérable n’aurait osé s’en avouer partisan, dans la crainte d’être couvert d’un ridicule ineffaçable. Tout en pratiquant la médecine, M. P.ostan vit, ii son grand étonnement, se produire des faits analogues à ceux dont il avait entendu faire le récit par les partisans du magnétisme-; il réitéra les expériences, les contrôla avec le soin le plus minutieux, et, subjugué par la force de l’évidence, il Unit par rendre hommage à la vérité, et par confesser la réalité de ce qu’il avait nié sans le connaître. Il consigna le résultat de ces observations dans deux articles remarquables insérés au Dictionnairé de Médecine ; il y établit entre autres choses, 1° qu’un homme peut, à distance, et par le seul effort de sa volonté, plonger un individu dans le sommeil magnétique ; 2° que le magnétiseur peut aussi par sa volonté frapper d’inertie ou môme d’insensibilité un ou plusieurs organes du magnétisé ; 5° que des somnambules peuvent voir sans le secours des yeux, et même à travers les corps opaques ; 4° qu’ils peuvent voir l’intérieur de leur propre corps ainsi que du corps d’autrui.

On voit donc que le magnétisme compte de nombreux et éminents défenseurs ; on ne peut plus dire qu’il n’est soutenu que par des gens ignorants et superstitieux ; il a été solennellement constaté par des épreuves publiques et éclatantes.

Est-ce ii Nogent-le-Rotrou qu’il devrait être nécessaire de s’appesantir si longuement sur ce sujet? Tout le monde ne connaît-il pas la lucidité admirable de M11' Sursin, habitante de cette ville ? On sait que le 24 juin 1848, avant qu’aucune nouvelle ait été reçue de Paris, elle voyait de la rne Saint-Lazare la guerre civile qui désolait la capitale et le sang qui coulait à flots : on sait que sa clairvoyance a été mise à profit pour traiter ses propres maladies, que MM. les D,s Combault et Morel l’ont employée pour le service d’un petit nombre de leurs clients, et qu’elle ne s’est jamais trouvée en défaut. On no peut, à son sujet, concevoir aucun soupçon de charlatanisme : M11* Sursin est três-pieuse, elle a beaucoup de répugnance pour le somnambulisme, elle ne consent à être mise en cet état qu’en cas d’absolue nécessité : elle évite de se donner en spectacle , et elle repousserait avec horreur l’idée de tirer un lucre quelconque de sa lucidité. On a donc toutes les garanties désirables de sincérité, et il est facile à chacun de nous de vérifier l’exactitude des faits que nous venons de rapporter.

Le ministère public ne se borne pas à repousser toutes les preuves du magnétisme ; il le déclare impossible ; une pareille conception n'est, selon lui, qu’une monstrueuse impiété. Examinons rapidement ses objections.

Bannissons d’abord du débat l’idée du surnaturel. Le surnaturel ou miracle serait une dérogation accidentelle faite par Dieu aux lois de la nature : cela ressort exclusivement du domaine de la théologie, avec laquelle nous ne voulons avoir rien à démêler. La science ne s’occupe que de lois naturelles : de ce qu’un fait est eu dehors des lois que nous connaissons jusqu’ici, on ne peut conclure, ni qu’il est impossible, ni qu’il est contraire aux lois qui régissent l’univers ; il faut y voir au contraire l’effet d’uue loi encore inconnue, et dont l’avenir nous dévoilera peut-être la formule. C’est ainsi que le magnétisme minéral dut, pour les premiers observateurs, sembler inexplicable d’après les lois connues d’eux ; des observations plus nombreuses et les méditations des savants rattachèrent ces faits à une loi générale. Le somnambulisme, bien que fort étonnant, surtout pour ceux qui ne sont pas familiarisés avec lui, n’a rien que de naturel.

C’est, dit-on, uue impiété de supposer que Dieu accorde à quelques hommes privilégiés des dons qu’il ne départirait pas à tous les hommes indistinctement. Et depuis quand pouvons-nous fixer la tâche au grand Être ? Est-il tenu, pour s’accommoder à nos idées, de soumettre tous les hommes à une espèce de communisme, et de les tailler sur le lit de Procuste ? Non ; il comprend mieux son œuvre ; et bien qu’il nous ait faits tous égaux en droits, en tant que membres d’une même famille, il a distribué inégalement ses dons, accordant à des doses diverses, aux uns la beauté du corps ou la force musculaire, aux autres le génie des arts, l’aptitude scientifique, à quelques-uns enfin des qualités transcendantes : il a su faire régner la variété dans l’unité. Il faut bien en prendre son parti, et l’objection contre le privilège des individus doués de la lucidité somnambuliquc s’appliquerait également aux hommes exceptionnels doués de talents hors ligne. D’ailleurs, les somnambules ne sont pas des êtres à part; les qualités admirables dont ils sont doués existent chez tous les hommes, mais y sont inégalement développées : chez les uns, elles restent à l’état rudimentaire, chez les autres, elles reçoivent une extension plus ou moins grande ; enfin, chez un petit nombre, elles reçoivent un entier épanouissement. Il n’est pas une¡seule faculté dont on ne puisse en dire autant.

Mais, nous dit-on, si Dieu accordait à quelques hommes des dons supérieurs, il n’en gratifierait que des individus d’une sainteté exemplaire, tels que ceux que l’Eglise honore, et l’on déclare bien haut que la prévenue serait indigne d’uns telle faveur.... N’y a-t-il pas au contraire impiété à poser à Dieu la règle suivant laquelle il devra distribuer les aptitudes aux hommes ? Nous savons que les talents les plus remarquables, dans quelque genre que ce soit, ne sont pas toujours accompagnés des mœurs les plus pures, que bien des grands hommes ont fait un usage déplorable des bril-

tantes qualités qu’ils avaient reçues de !a nature. La lucidité somnambuli-que n’est, pas plus que les autres dons du ciel, un préservatif contre l’erreur ou le vice. L’Écriture nous dit aussi que l’esprit souffle où il veut (S. Jean, III, 8), que le don de prophétie a été parfois accordé à des hommes fort méprisables, tels que Balaam (Nomb. XXII) et Caïphe (S. Jean, XI, 40-52). Prenons donc le monde comme il est, et gardons-nous de regarder comme impie ou impossible tout ce qui ne s’accorde pas avec les chimères de notre imagination.

Une erreur continuelle de notre adversaire, c’est de vouloir que le somnambulisme soit tout ou rien, c’est de ne lui permettre d’exister qu’à condition qu’il participera aux attributs de Dieu, et qu’il connaîtra tout, le présent, le passé, l’avenir. C’est créer des fantômes pour se donner le plaisir de les combattre. Qui a jamais prétendu que les somnambules pussent tout voir ? Sans doute, il arrive à quelques-uns de voir bien des choses que la vue ordinaire ne saurait atteindre. Mais cette faculté, si remarquable qu’elle soit, est humaine et par conséquent bornée.

On ajoute que si le somnambulisme existe, il voit l’avenir, ce qui détruit le libre arbitre : une telle erreur, nous dit-on, plongerait la société dans le fatalisme et saperait toutes les bases de la morale. Une pareille objection s’applique, non au magnétisme réel, tel qu’il est pratiqué et enseigné, mais à je ne sais quel système fantastique dont nous n’avons pas à répondre. Quelques somnambules, il est vrai, ont prédit des faits qui ne dépendent pas de l’exercice de la liberté humaine, ce qui laisse intacte la question du libre arbitre. Ils n’ont fait à cet égard que marcher plus avant dans la voie où tous les hommes font quelques pas. L’observation de la nature nous permet de prononcer sur l’enchatnement de certains faits et de connaître à l’avance ceux qui sont une conséquence forcée de certains autres. L’aspect d’un ciel chargé de nuages nous autorise à prédire la pluie. Celui qui a l’habitude de cultiver les plantes, peut prédire à peu de chose près le moment précis de l’épanouissement ou de la chute d'une fleur : on conçoit qu’un somnambule doué d’une plus grande pénétration, soit en état de prévoir bien plus d’événements, et notamment d’annoncer à l’avance le moment de la mort d’un individu dont il connaît toutes les lésions organiques. Quant aux faits qui résultent de la liberté humaine, je ne sache pas qu’aucun défenseur sérieux du magnétisme ait songé à en attribuer la prescience aux somnambules. Aucun fait semblable n’est constaté : il est donc inutile de s’en préoccuper d’avance. Mais enfin , si par hasard on en venait là, il faudrait bien accepter les faits établis, quelles que pussent en être les conséquences , et sauf aux systèmes philosophiques et religieux à s’en accommoder comme bon leur semblerait. Le libre arbitre se concilie avec la prescience de Dieu, et (dans le système des révélations) avec la prescience des prophètes : il ne serait donc pas plus incompatible avec celle des somnambules, si elle existait.

On nous dit encore qu’il est impie d’admettre que Dieu ait donné à

certains hommes le pouvoir de guérir les malades, car il ei'il été plus simple qu’il ne créât pas les maladies. L’idée peut être ingénieuse, mais Dieu n’a pas jugé à propos de l’appliquer; nous ne sommes pas obligé de le justifier. Remarquons seulement que si l’objection était fondée, elle tomberait de tout son poids sur les médecins; et il faudrait dire alors qu’au lieu de nous envoyer les maladies, puis les médecins qui sont censés les guérir, il eût été plus profitable pour nous qu’on nous épargnât ce double don.

N’est-il pas absurde, nous dit-on, d'admettre qu’un homme puisse voir ce qui sc passe à vingt lieues ? Faudra-t-il donc que son Ame s’élance hors de son corps pour aller parcourir l’espace ?... Notre vue ordinaire atteint bien au-delà de vingt lieues, puisqu’elle nous suffit pour nous mettre en communication avec les astres situés à des distances incommensurables, et cela sans que notre âme soit obligée de déloger. Rien que nous ne comprenions pas comment s’exerce la clairvoyance somnambulique, nous concevons qu’elle puisse atteindre des corps éloignés, et fonctionner par des moyens différents de ceux qui nous sont familiers. Il n’y a là rien qui répugne à la raison.

Sur cette question générale , nous serions heureux1, sans doute , d’avoir affaire à des magistrats convaincus de la réalité du magnétisme ; mais à cet égard vos consciences sont libres ; et quelle que puisse être votre manière de voir, elle ne doit pas avoir d’infiuence décisive sur la solution des questions particulières qui vous sont soumises. Car vous n’étes ni un concilo chargé de prononcer sur des articles de foi, ni une académie ayant pour mission de résoudre des problèmes scientifiques. Ce serait sortir de vos attributions que de faire dépendre le procès actuel de la solution des hautes questions qui divisent le monde savant. C’est pourtant dans cette voie que voudrait nous entraîner le ministère public ; car ce qu’il vous propose , ce n’est rien moins qu’un arrêt de proscription de la thérapeutique par le somnambulisme. Il n’est pas nécessaire de vous rappeler dans quelles fâcheuses aberrations sont tombés les corps judiciaires quand ils ont voulu toucher aux matières hors de leur compétence. Il suffit de citer l’arrêt du parlement de Paris qui proscrivit Pémétiqoe : dix ans plus lard, l’efDcacitô de cette substance était universellement reconnue. Gardons-nous, par de pareils écarts, d’apprêter à rire à nos descendants. Qui sait si avant dix ans, la question du magnétisme n’aura pas fait de tels progrès, qu’on n9 pourra comprendre qu’en 1851 , le somnambulisme ait été l’objet d’une proscription judiciaire ? Les persécutions contre les somnambules seront alors mises sur la même ligne que celles qui étaient autrefois dirigées contre les sorciers. La méthode est la même dans les deux cas. Tout ce qui semblait extraordinaire élait réputé ne pouvoir s’accomplir que par l’intervention du démon , et constituait le crime de magie. Aujourd’hui l’on s’occupe moins du démon ; mais tout ce qui s’écarte des idées vulgaires est réputé péremptoirement impossible, attentatoire aux lois divines et humai-

nés, el digne de l’exécration publique. On voit donc do quel cftté esl la superstition , ou chez ceux qui accueillent la véritéjde quelque part qu’elle vienne, et quoi qu’elle puisse nous apprendre j ou chez ceux qui ne lui accordent de laissez-passer, qu’autant qu’elle ne dérangera rien à tel ou tel système. Les tribunaux ne peuvent, sans compromettre leur dignité, prendre parti dans de pareilles questions. Les observations que nous venons de vous soumettre ont pour but, non pas de vous amener à prononcer affirmativement sur le magnétisme, mais de dissiper l’impression qu’aurait pu produire sur vos esprits l'argumentation du ministère public, d’écar-ter les préjugés défavorables à la cause , et de laver mes clients de l’espèce de flétrissure qui ne manquerait pas de les atteindre si l’accusation parvenait à faire prévaloir sa doctrine, d’après laquelle, le magnétisme n’existant pas, tous ceux qui s’en occupent ne seraient que de misérables jongleurs.

Pendant longtemps, le magnétisme ne fut guère qu’un sujet d’expériences et de discussions pour les savants, et un vain aliment pour la curiosité. Mais la Providence n’avait pas donné à l’homme d’aussi admirables facultés sans leur assigner un emploi utile. On appliqua le magnétisme à la médecine, soit en magnétisant les malades, soit en obtenant par la lucidité som-nambulique de précieuses indications sur les caractères de leurs maladies et sur les remèdes à y apporter. Le corps médical, déjà fort peu bienveillant pour le maguélisme, devint tout à fait hostile dès qu’il crut voir une concurrence s’élever contre ses privilèges. Était-il fondé à repousser un auxiliaire qui venait se mettre à sa disposition et suppléer à son insuffisance ? Pou-vait-il prétendre remplir sa mission d’une manière tellement parfaite qu’il fût en droit de rejeter comme superflu tout ce qui était étranger à son enseignement ? On serait tenté de le croire eu écoulaut le ministère public qui, évoquant les prescriptions somnambuliques au tribunal de la Faculté, le juge souverainement d’après cette autorité infaillible, et prononce l’ana-thème contre tout ce qui n’est pas conforme aux arrêts du docte aréopage. Les médecins les plus éminents sont bien loin do tenir un langage aussi superbe , et ils ne craignent pas de confesser tout ce que leur science a d’incomplet, de vague, de conjectural.

L’avocat cile des aveux fort énergiques d’Hippo-crate, de Broussais, de Bichat, d’Hahnemann, le célèbre inventeur de l’homéopathie ; puis ii continue ainsi :

Cette insuffisance, du reste, n’est-elle pas patente ? Dans une infinité de cas, et spécialement dans les maladies les plus graves, telles que la goutte , l’épilepsie , l’bydropbobie , etc. , le médecin, pour tout soulagement, nous nomme notre mal en grec ou en latin, et nous débile

de fort belles dissertations ; mais pour la guérison, n’y comptez pas, à moins que la nature ou le hasard ne sc mettent de votre coté. Si la médecine est ainsi impuissante à remplir le but qu’elle s’est proposé, si, au lieu de marcher avec certitude, elle en est réduite le plus souvent à tâtonner, à procéder par conjectures, à faire des expériences sur la vie humaine , comment n’accueillerait-elle pas un moyen de lever ses doutes et de lire couramment dans le corps des malades , comme dans un livre ouvert ? Pc quel droit et au nom de quels intérêts voudrait-elle nous interdire de profiler d’une aussi belle découverte ? Comment, quand la médecine ordinaire ne peut nous soulager, et que le somnambulisme nous offre le salut, il ne nous sera pas permis d’en profiter ! Nous serons condamnés à souffrir et à mourir, par respect pour la sainte routine ! le malade aura, ¡1 est vrai, la consolation de mourir dans les régies. Mais on sc demande alors si l’humanité est faite pour les médecins, ou si ce sont les médecins qui sont faits pour l'humanité. Si un moyen curatif des plus puissants est prohibé au nom de l’autorité médicale, n’aurons-nous pas rétrogradé au temps de Molière, où l’on faisait jurer aux récipiendaires de n’employer d’autres remèdes que ceux qu’autorisait la Faculté ? Une telle prétention serait inadmissible dans un siècle de progrès où, en dehors de l’enseignement officiel, une foule de sectes médicales professent librement, et cherchent, par des moyens divers, à perfectionner la science.

Ces préliminaires posés , nous pouvons aborder la discussion du principal chef d’accusalion. f.e tribunal est à même d’apprécier la moralité de M""' Rose Patrix : depuis un an et demi qu’elle habite Nogent, tout le monde sait que sa conduite a été irréprochable, elle s’est fait aimer de tous ceux qui la connaissent. L’instruction a recherché son passé, et n’y a pas trouvé le moindre sujet de blâme ; aucun des documents compris au dossier n’est propre il jeter sur elle la moindre défaveur. Néanmoins on n’a pas craint de lancer sur elle des assertions outrageantes, sans aucune preuve 1 l’appui : nous ne pouvons y opposer que la dénégation la plus énergique. Le tribunal ni le public ne peuvent tenir aucun compte de vains bruits recueillis on ne sait où ; tout, dans cette enceinte, doit être grave, et un prévenu ne peut jamais avoir à souffrir d’imputalions non justifiées, indignes d’occuper un seul instant l’attention des magistrats. On a fait un crime à la prévenue d’un seul fait, de sa position de famille irrégulière : est-ce donc lii un forfait pour lequel l’opinion doive être impitoyable, et qui ôte à jamais tout droit ii l’estime publique? S’il s’agissait d’une princesse, ce ne serait plus qu’un mariage morganatique ou de la main gauche, qui défierait toute critique. On vous a lu une lettre dont on attendait un grand effet. A cet égard, je dois vous dire que quand j'ai pris connaissance du dossier, bien qu’ayant reçu de ma cliente les pouvoirs les plus étendus pour rechercher tout ce qui pourrait servir sa cause, je me suis arrêté par pudeur quand j’ai remarqué une correspondance évidemment étrangère au procès, et qui ne traitait que de secrets d’intérieur : je pensais qu’on ferait un triage des pa-

piers -aisis, el j’étais loin de m’altendrc que des pièces sans rapport avec l’exercice du somnambulisme, de la médecine ou de la pharmacie, scraienl réservées pour élre lues en audience publique. J’ai éprouvé, en entendant cette lecture, un sentiment pénible qui, j’en suis sùr, aura été partagé par l’auditoire. Mais enfin,.allons au fond des choses, et voyons quelles conséquences vous pouvez tirer de ces révélations obtenues d’une manière si inattendue : deux personnes, après avoir eu de bonnes relations, se sont brouillées, et l’une d'elles a fait quelques reproches à l'autre. Est-ce donc là une si grosse affaire ? Et y a-t-il de quoi faire tant de bruit ? Nous ne sommes pas ici au tribunal de la pénitence, cl nous n’avons pas affaire à ces casuistes rigoureux pour lesquels toute violation d’un des commandements de Dieu ou de l’Église serait jugée digne des flammes éternelles : nous parlons devant des hommes du monde qui savent excuser quelques faiblesses ; et parmi ceux qui m’écoutent, il en est peu qui n’eussent besoin de semblable indulgence. Que, par hasard, la justice vienne un beau jour faire une descente dans notre domicile, y saisissant tous nos papiers'les plus confidentiels, la correspondance de l’intimité, les notes qui ne devaient jamais paraître sous d’autres yeux que les nôtres, surprenne ainsi nos secrets cl les mette au jour : combien y en a-t-il qui pourront se vanter de ne rien perdre à une telle épreuve ? Combien de personnages, mémo parmi ceux qui occupent les positions les plus honorables, seraient certains de n’ôtre pas compromis et verraient de sangfroid de pareilles divulgations? Eh bien, en définitive, on n’est pas arrivé à découvrir un seul fait, une seule circonstance qui puisse jeter môme un doute sur la probité de ma cliente, ni lui enlever la considération des honnêtes gens, rien qui puisse étaycrla prévention, ni justifier les épiIhètes acerbes et violentes dont le ministère public a cru devoir se servir. Pour la traiter d'infâme, il faudrait au moins attendre qu’elle fût flétrie par une condamnation : accusée, elle est réputée innocente et a droit aux égards et à la modération. Et si le tribunal, maître de son sort, juge à propos de l’acquitter de la prévention d’escroquerie, que deviendront donc ces qualifications insultantes que la justice aura repoussées ?...

Le principal moyen employé pour justifier la prévention d’escroquerie, consiste dans la prétendue simulation du somnambulisme. En examinant avec le plus grand soin l’argumentation du ministère public pour prouver cette simulation, nous n’y trouvons que son incrédulité systématique à l’égard du magnétisme. M. le procureur de la République a bien droit d’adopter pour son compte personnel, telle opinion que bon lui semblera sur ce sujet; mais, de ce qu’il so détermine pour la négation, s’ensuit-il donc que ceux qui préfèrent le parti contraire et pratiquent le magnétisme , devront être condamnés sans aulre preuve ? M. le procureur ne peut avoir la prétention d’élre infaillible : ildoil donc, au moins comme magistrat, admettre la possibilité que ce qu’il repousse comme chimérique, se réalise, et alors les faits changent de caractère ; il y a lieu d’examiner s’il y a fraude ou

|)Oimo foi ; si, comme dans dans tous les délits, il y a fails coupables et intention criminelle. Pour affimer que liose Patrix simule le somnambulisme, s’cst-on livré à quelques informations, l’a-t-on vue dans son état de somnambulisme, s’est-on livré à quelques expériences, l’a-t-on soumise à l’examen de quelques hommes spéciaux ? Nullement ; il semble qu’il suffise d’affirmer pour être cru. On va plus loin, on exige que la prévenue démontre qu’elle n’est pas un escroc. C’est là le renversement de tous les principes en matière criminelle : c’est il l’accusation à prouver la culpabilité de l'accusé qui n’est jamais tenu de prouver son innocence. Toutefois, nous ne craignons pas de relever le défi: somnambule ou escroc, nous acceptons l’alternative. Pour établir la réalité du somnambulisme, nous n’avons que l’embarras du choix parmi les renseignements fournis par l’instruction.

Pour tromper le public en jouant le rôle de somnambule, il faut nécessairement la complicité d’un prétendu magnétiseur ; car, autrement, un magnétiseur sérieux s’apercevrait bien vite qu’il a affaire à un jongleur. Si M"" Rose n’était pas réellement somnambule, il faudrait donc accuser de complicité, non-seulement son fils et M. Anctin, qui l’ont magnétisée, et qui cependant ne sont pas prévenus du délit d’escroquerie, mais aussi M. Le-sage qui a rempli auprès d’elle le môme office, et qui certes jouit d’une réputation incontestée d’honnôte homme. M. I.esage, qui n’eût pu être dupe d’une fourberie, suffirait donc, par son témoignage grave et consciencieux, pour prouver la réalité du somnambulisme, ce qui fait évanouir la prévention d’escroquerie. Déplus, il est à remarquer que, dans une petite \ille comme Nogent, où tout le monde se connaît, où le moindre événement devient aussitôt le sujet de toutes les conversations, un manège comme celui qu’on impute à ma cliente ne pourrait se prolonger longtemps avec succès : mille accidents contre lesquels la ruse la plus habile no saurait se mettre en garde, feraient tomber le masque et déjoueraient les stratagèmes du charlatanisme.

Nous avons des faits nombreux qui, en prouvant la lucidité extraordinaire, prouvent à plus forte raison le somnambulisme. Desjémoins dignes de foi vous ont attesté que M,n* Rose, sans avoir reçu aucune communication , avait décrit exactement l’état de ceux qui venaient la consulter. On leur a fait, à l’audience, des questions multipliées pour s’assurer s’ils avaient 6té admis le jour môme où ils s’étaient présentés; si la somnambule, en les ajournant, n’a pas eu pour but de prendre adroitement des renseignements pour paraître deviner ce qu’elle avait appris, et donner ainsi à ses réponses un caractère de merveilleux. Cette information a tourné entièrement à son avantage. Plusieurs témoins, tels que MM. Pellerav et Pellier, ont été reçus le jour môme où ils se sont présentés, ce qui exclut toute possibilité de fraude. D'autres, en plus grand nombre, ont été obligés d’attendre quelques jours, h cause de la grande affluence des consultants, et aussi parce quo Ijl'n» Rose n’était pas toujours daus un élal de santé qui lui permit d’entrer

on somnambulisme ; mais ils déclarent qu’ils oui évité avec soin de s’entretenir île l’objet de leur visite, soit avec M“' Rose, soit avec toute autre personne (1). Le mode île consultation était uniforme : le consultant s’asseyait et demeurait silencieux, la somnambule le palpait pendant une dizaine de minutes, appliquait principalement une de ses mains sur la partie du corps répondant au siège du mal, décrivait, non-seulement les caractères de la maladie, mais tout ce que le malade avait éprouvé. M. lîinet et M1*» Renoust notamment, sont fort explicites sur ces détails. M. Pellier nous dit que M"“' Rose lui expliqua la cause de sa maladie, venant d’un accident fort ancien. Pour Mra Rosel, il s’est passé quelque chose de très-remarquable : Mm" Rose dit à celle dame qu’elle éprouvait une vive douleur au front, comme si un cercle de fer lui eût serré violemment la tôte ; cette circonstance était exacte, et la malade n’en avait parlé qu’à son mari, qui n’en avait fait pari à qui que ce fut. La déposition de M"1“ Paraingaux est encore des plus significative : non-seulement Mm‘ Rose lui décrivit très-exactement son élat, mais elle assigna pour cause de sa maladie un ramollissement du cerveau ; or, il se trouve que M. Siebel, le célèbre oculiste consulté par elle, avait déclaré en coufideuce à M. Paraingaux, qui n’en avait entretenu personne, même son épouse, qu’tV craignait chez elle un ramollissement du cerveau. Voilà une coïncidence bien étrange, qui produisit à un juste titre un vif sentiment d’admiration chez M. et M11" Paraingaux auxquels le ministère public a cherché à prouver qu’ils avaient eu tort d’étre étonnés. C’est simple, en effet ! M. Siebel, le savant dont toute la vie a été consacrée à l’étude des maladies d’yeux, après un long entretien avec la malade, un examen attentif et un interrogatoire miuulieux, parvient à soupçonner le ramollissement du cerveau ; et la somnambule ignorante qui n’a jamais ouvert un livre de médecine, qui ne lit point, et chez laquelle on ne trouverait pas un seul livre, n’a besoin que de palper quelques minutes, puis, sans avoir eu recours à aucune question, elle affirme positivement la cause du mal, qui se trouve être précisément celle que le docteur n’avait fait que pressentir. Et ce n’est pas tout j l’oculiste et la somnambule prescrivent à peu près les mêmes remèdes; mais dans les résultats, la différence n’est plus seulement un à peu près; les remèdes du docteur n’avaient apporté aucun soulagement à la malade, dont l’état n’avait fait qu’empirer j et les remèdes de la somnambule donnent la guérison. Une telle clairvoyance peut-elle s’expliquer par les moyens ordinaires? et n’est-il pas de toute évidence au contraire qu’elle ne peut être due qu’à des facultés transcendantes? Comment, en présence de pareils faits, peut-on encore persister à nier, ou même à révoquer en doute la réalité du somnambulisme de l’accusée ? Et ces guérisons si nombrouses et si merveilleuses des malades qu’aucun médecin n’avait pu même soulager, et qui ne peuvent s’expliquer

(t) Colle déclaration osl faile par MM. Potlier, Sjussrreau ,Biuel. Ferré, Rowl, MéJatd, cl,par M"”P«raing4Ui| Luguaj-, Uanoiul, Itapliard clGouliicr.

par les moyens ordinaires, ne démon ire ni-elles pas l'existence de facultés supérieures ?

L'instruction nous fait connaîlre des choses encore plus étonnantes. Il est établi que M" liose a lu dans la pensée de plusieurs personnes; notamment de Mmc Paraingauxet de M11' Itaphard. A la première, elle a répété tout haut, et eu propres termes, ce que celte dame se disait chaque jour à elle-même dans le secret de son cœur, et ce qu’elle n’eüt jamais voulu laisser éclater, dans la craiule d’affliger sa famille. Avec Ml,e Ra-phard, non-seulement elle devina, lors de la première consultation , que la présence de plusieurs personnes lui causaient de l’embarras; mais elle lui nomma la personne absente dont cette demoiselle désirait être assistée. Qu’on nous dise, en dehors du somnambulisme, quel est l’individu qui puisse ainsi pénétrer dans le secret des consciences ; qu’on nous explique cette prodigieuse intuition autrement que par la lucidité somnam-bulique !

M""' Rose a fait preuve d’une lucidité encore plus extraordinaire , quand elle a prédit, un jour d’avance, le moment précis de la morl de M. Aubert, et quand, de Nogent, elle a vu l’appartement de Nocé où M. Aubert se trouvait avec sa famille, et a décrit do point en point ce que faisaient ses deux jeunes fils. M. Lesage nous a raconté en détail comment M™' Rose a, sans aucune indication, fait la description d’une clef par lui perdue, du meuble auquel elle s’adaptait, et de son contenu, et a découvert les circonstances du vol. M. Lesage est un homme digne de foi : ce n’est point un enthousiaste aveugle et irréfléchi ; son caractère posé, sa sincérité bien connue sont des gages de sa véracité. Voilà des preuves aussi concluantes qu’on puisse eu désirer.

Il est encore établi que , dans plusieurs circonstances, Mmt Rose, donnant des consultations ii des malades, a éprouvé par sympathie des douleurs et des dérangements corporels analogues à ceux des malades. Ainsi, en donnant des soins à M"10 Paraingaux, elle a ressenti des maux de tête et a eu la vue troublée pendant un temps assez long. Ce phénomène singulier s’est produit d’une manière bien plus manifeste lors de la consultation donnée au jeune Leguay, poitrinaire affecté d’une toux opiniâtre ; deux témoins, dont l’un avant la séance était incrédule en fait de magnétisme, attestent qu’elle se trouva prise d’une violente quinte de toux qui dura une heure et fut accompagnée d’expectorations semblables à celles du malade. Certes, le comédien le plus habile ne pourra se donner à sa volonté une infirmité aussi longtemps prolongée, aussi douloureuse et aussi contraire à la santé. Enfin M. Lesage déclare que pendant la dernière consultation donnée de Nogent à M. Aubert qui était à Nocé, M1““ Rose eut le ventre enflé et éprouva des convulsions qui durèrent longtemps. Ici il n’y a pas de charlatanisme possible , il n’y a pas moyen do simuler l’enflure du ventre qui se produit sous l’œil du spectateur. Tous ces faits achèvent donc de démontrer que le somnambulisme était bien réel. On a plaisanté sur ces

communications sympathiques, qu’on a (raiiées d’impossibles. Je ne sais ce que signifie l’allégation d’impossibilité en présence de faits avérés. Quant au reproche d’absurdité, notre réponse consistera dans la citation d’un auteur du plus grand poids. Voici comment s’exprime à cet égard le !)' Rostan :

Lorsqu’une personne malade approche d’un somnambule, celui-ci ne manque jamais d’éprouver un malaise sensible, et accuse souvent une douleur dans l'organe correspondant à celui qui est affecté chez celle personne. Lorsque je faisais ces recherches, M. le D' F. souffrail de l’hypo-condrc droit. Toutes les fois qu’il s’est mis en rapport avec quelque somnambule, celui-ci a toujours accusé un malaise général, et souvent une douleur dans celle région ; et cc médecin m’a assuré qu’il produisait constamment le même effet (I ). • Esl-ce sérieusement qu’on nous demande ce que deviendra le somnambule s’il éprouve toutes les maladies de ceux qui le consultent ? Personne ne prélend qu’il reçoive une communication complète de manière à prendre la place du consultant : seulement il éprouve quelques-uns des effets de la maladie de celui-ci.

Nous avons aggloméré un faisceau de preuves propres à satisfaire les plus exigeanls ; en présence d’une démonstration aussi complète, nous ne comprendrions pas qu’ou persistât à contester le somnambulisme de Mn" Rose. Mais, pour dissiper toute espèce de doute, je déclare, en son son nom, qu’elle est prête à se soumettre à toules les épreuves que pourront désirer les hommes de bonne foi, en restant, bien entendu, dans les limites de ses facultés :

Examinons maintenant les objections de notre adversaire.

On a argué de la nécessité où se trouve M"« Rose, de palper quelque temps les malades pour connatlre leurs maladies, ce qui, dit-on, n’aurait pas lieu si elle était douée d’une seconde vue qui lui permit de lire dans leur corps. — Si l’objection élait fondée, elle porterait contre l’étendue de la lucidité, mais nullement contre le fait du somnambulisme. Do ce qu’un individu paraissant somnambule verrait peu de chose ou ne verrait qu’à la condiiion d’employer certains actes, il n’en résulterait rien contre la réalité de son somnambulisme. L’objection en elle-même est sans valeur. En effet le somnambulisme étant quelque chose de fort peu connu, personne ne sait comment s’exerce la lucidité, ni ne peul en fixer les conditions; on sait seulement qu’habituellement elle n’a pas lieu d’un seul jet, elle exige un travail plus ou moins long, plus ou moins fatigant dont le résultat peut être facilité par certaines manipulalions, qui mettent de plus en plus le consultant en rapport avec le somnambule. Pourquoi cela est-il ainsi ? C’est ce qu’on ignore. Toujours est-il que cela est.

(1) Dictionnaire de Médecine, V. Magnitiimt. Deleutc constate les communications de ■naladi es par sympathie, et cite k ce sujet des faits remarquable», dans son Iwtruction pra-tique tur lt JMagnétiimc animal » chap. 8 et 9.

2° On prétend que M"" Rose prescrit presque toujours les mômes remèdes, qui sont précisément ceux pour la vente desquels elle s’est entendue avec M. Cornet, qui lui fait de fortes remises; d’oii l'on conclut qu’elle n’est point guidée par une lucidité transcendante, mais par sa cupidité.

Nous commençons par repousser en fait l’assertion. Un grand nombre de témoins ont déclaré qu’il ne leur avait été prescrit que des substances connues cl qu’ils se sont procurées chez leurs pharmaciens ordiuaires ; nous citerons, entre autres, MM. Médard, Ferré, Rosel, Saussereau, M11" Paraingaux il laquelle il n’a été prescrit aucun des trois remèdes secrets dont on nous accuse d’avoir fait profusion.

Si M",c Rose , dans un but de lucre, eut voulu faire choix d’une préparation à prescrire sans distinction à tous les malades, sans doute elle eût adopté, au lieu des trois remèdes en question, dont les effets sont extrêmement énergiques, quelque composition anodine et insignifiante comme les fameuses pilules de mie de pain de Corvisart, ou ces onguents miton-mi-taine dont on croit faire l’éloge en disant que s’ils ne font pas de bien, ils ne font pas de mal. Peut-être alors, si elle n’eût été animée que des sentiments bas qu’on lui suppose, eût-elle pu se permettre d’appliquer à tort et à travers son spécifique. Les trois remèdes dont il s’agit étant, au contraire, d’une grande activité, nous remarquons qu’elle se garde bien d’en prescrire aucun aux personnes affaiblies par la maladie et dont l’état exige des moyens curatifs d’un autre genre.

De ce qu’un médecin , régulier ou autre , prescrirait toujours, ou presque toujours, la même médication, on ne pourrait rigoureusement rien en conclure contre lui; car on n’est pas tenu de reconnaître, comme un article de foi, la nécessité ou même l’utilité des innombrables drogues qui ornent les pharmacies. Beaucoup de médecins d’un grand mérite ont attribué toutes les maladies à une cause unique, Gallien au vice des humeurs, d’autres au sang, Raspail aux animaux parasites dont noire corps est peuplé. D’une cause unique on a été amené à un remède unique pour la combattre. De lit les panacées qui doivent guérir tous les maux. Sans parler du D1 Sangrado, qui traitait tous ses malades avec l’eau chaude et les saignées, nous avons eu les disciples exagérés de Broussais, qui employaient les sangsues comme moyen souverain; la médecine Leroy, dont l’auleur était médecin, et qui a eu tant de vogue, était une selle à tous chevaux ; Raspail réduit sa médication à sept ou huit substances, de manière à renfermer toute sa pharmacie dans une valise ; une foule de médecins ne sortent pas du vieil aphorisme saignare, purgare, clysterisare. Est-il bon, est-il mauvais d’employer peu ou beaucoup de remèdes ? C’est là une question non résolue, sur laquelle les opinions sont parfaitement libres ; et l’on ne peut faire reproche à personne d’adopter à cet égard tel ou tel parti.

Nous n’avons donc aucun critérium pour décider avec certitude si MmoKose avait tort ou raison pour prescrire souvent certains remèdes. Mais la question n’est pas de savoir si elle choisissait les remèdes les plus efûca-

ces qu’il iïil possible de prendre ; car quand bien mime il serait démontré qu’elle se fût trompée, on ne pourrait aucunement se prévaloir de son erreur pour contester la réalité de son somnambulisme. Personne n’a jamais revendiqué le privilège de l’infaillibilité pour les somnambules, même les plus lucides. Deux opinions ont été émises sur leur sincérité. Quelques personnes pensent que dominés par l’ascendant du magnétiseur, ils ne peuvent que rendre compte de ce qu’ils voyent, et que s’ils se trompent, c’est toujours de bonne foi ; cc dont on ne pouvait les rendre responsables. La plupart des auteurs , au contraire , tels que Rostan et du Potet, estiment que le somnambule n’est pas inaccessible aux mobiles qui déterminent tant d’bommes à tromper : s’il en est ainsi, la tromperie même démontrée, de la part d’un somnambule, ne prouverait rien contre son somnambulisme -, il s’ensuivrait seulement qu’il ne faudrait accueillir ses réponses qu’avec beaucoup de précaution, ce que nous n’avons jamais nié. L’objection dont nous nous occupons en ce moment est donc sans portée, quant à la question d’escroquerie, qui dépend de celle de réalité du somnambulisme.

Si un somnambule, guidé par des motifs d’intérêt égoïste, prescrivait de préférence, dans son sommeil, des médicaments sur la vente desquels il eût un bénéfice, il commettrait certainement une action blûmable, mais qui ne serait justiciable que du tribunal de l’opinion ; il serait exactement dans le même cas que les médecins de campagne, qui tiennent une pharmacie, et qui peuvent toujours être soupçonnés, à tort ou à raison, de pousser avec trop d’entraînement à la consommation de leurs drogues médicamenteuses, sans qu’on puisse rien en conclure contre leur lucidité médicale. Dans l’un comme dans l’autre cas, pour accuser (ce qui ne pourrait avoir lieu qu’au point de vue moral), il faudrait pouvoir apporter des faits précis et établir ainsi que la personne qui a prescrit des remèdes savait qu’ils étaient sans efficacité, et a menti à sa conscience. Rien de semblable n’a lieu dans l’espèce : nous sommes en droit de vous dire que nous avons prescrit de bonne foi ce qui nous a paru le plus convenable dans l’intérêt des malades ; rien, absolument rien, n’inGrme cette déclaration.

3° On nous reproche les titres pompeux de nos médicaments , et l'on présente cette circonstance comme une manœuvre d’escroquerie.

L’accusation est étrange. Ces titres, ce n’est pas M1“" Rose qui les a inventés ; le ministère public le sait mieux que personne, puisqu’il nous a raconté si longuement l’histoire de l'Elixir panchymagogue. Mm” Rose n’a pas davantage découvert les titres du Sirop merveilleux et du Baume d'Espagne. Elle a désigné ces substances par les seuls noms sous lesquels elle les a connues, sans se douter même qu’elles pussent en porter d’autres. Si le choix des mots pouvait servir do base à un reproche, cc ne serait qn’aux inventeurs qu’il faudrait s’en prendre, et non à ceux qui ont accepté la chose avec le mot adopté pour la spécialiser.

Le ministère public prétendant que ces trois remèdes sont secrets et par conséquent différents des remèdes du codex avec lesquels ils ont le plus

«l’analogie, il y a inconséquence il reprocher qu’on leur ait donné des noms particuliers qui, dans cette hypothèse, étaient indispensables pour les désigner d’une manière distincte.

¿■'-Quant au choix des mots, en quoi peut-il constituer un grief ? L’inventeur d’une chose nouvelle lui impose arbitrairement le nom qu’il veut, et tâche de le rendre aussi significatif que possible. Les grammairiens seuls pourront le chicaner à cet égard. Quant au public, qu’il trouve ou non que la valeur de la chose répond aux promesses contenues dans le nom , il ne peut se plaindre, habitué qu’il est aux annonces les plus magnifiques, aux étiquettes les plus séduisantes. Il n’est nullement prouvé que les litres incriminés de nos médicaments promettent plus qu’ils ne tiennent ; mais quand même il en serait ainsi, on ne pourrait accuser de ce mécompte ceux qui les ont baptisés, sans faire eu même temps le procès aux trois quarts des commerçants (y compris les pharmaciens), qui s’ingèrent sans cesse à trouver quelque amorce brillante pour attirer les chalands, et dont tout l’arl consiste parfois dans le choix d’un beau titre. Appuyer une accusation d’escroquerie sur des noms comme ceux que nous venons de rapporter , c’est s’avouer à bout d’expédients, el confesser l’absence de moyens sérieux.

4» On invoque contre Mmc Rose la correspondance de M. Cornet qui, dans uue de ses lettres, annonce l’envoi du prospectus de la Marmelade Zanetti, et l'invite à l’employer. On en conclut que Mrac Rose, dans son pretendu sommeil magnétique, où elle n’aurait pas dù se rappeler ces olfres, les utilisait. Donc... elle n’était pas somnambule.

Nous nous attendions à ce que notre adversaire complétât cette argumentation en réparant une toute petite omission, et prouvât que M“* Rose a prescrit de la Marmelade Zanetti; mais non ; il lui suffit de le supposer et de s’écrier : Qui me dit que vous n’en avez pas prescrit ? — Mais il nous suffît de vous répondre : Qui vous dit que nous en avons prescrit ? — Vous vous êtes livré à une laborieuse investigation, vous avez questionné une foule de témoins sur les médicaments qui leur ont été prescrits, vous avez saisi de nombreuses ordonnances de M. Anctin, rédigées d’après les consultations de M"“ Rose : dans tous ces documents, vous n’avez pas trouvé uue seule trace de prescription de marmelade ; et malgré cette absence complète d’indices, vous n’éles pas édifié sur ce chapitre ; et, à défaut de faits, vous nous jetez vos hypothèses ! et c’est là le fondement de l’accusation ! Quoi! on sera un escroc pour avoir reçu un prospectus ? Cette manière d’établir la culpabilité d’un prévenu est aussi neuve qu’effrayante; à ce compte, personne n’osera plus décacheter les bandes des nombreux imprimés dont on est inondé chaque jour.

« L’hypolhèse du ministère public fût-elle réalisée, on ne pourrait encore en arguer contre ma cliente ; car, contrairement aux assertions de notre adversaire, il est reconnu, par tous ceux qui se sont occupés de somnambulisme, que les somnambules ne conservent, à l’état de veille, aucun sou-

venir de ce qu’ils ont dit ou éprouvé pendant leur sommeil magnétique; mais que pendant leur sommeil magnétique ils se rappellent ce qui s’est passé tant dans leur état de veille que dans leurs précédents sommeils, qui s'enchaînent entre eux et forment comme une existence à part. Il n’y aurait donc rien d’extraordinaire à ce qu’un somnambule se rappelant dans son sommeil une proposition qu’il aurait reçue à l’état de veille, lc’xaminàt ei l’agréàt. Il n’y aurait rien là que de conforme aux résultats généraux tirés de l'observation.

5- L’argument sur lequel on parait avoir le plus compté, est celui qui est tiré des témoignages de la famille Chapelle. Nous devons d’abord rechercher quel est le degré de crédibilité des témoins. Seuls, entre tous, ils accusent ; au milieu du chorus de louanges et des accents unanimes de reconnaissance, seuls ils font entendre des reproches. Il y a déjà dans ce contraste quelque chose d’étrange et qui donne »réfléchir. M. Chapelle n’a pas toujours tenu ce langage ; il fut un temps où, comme nous l’atteste M. Leroy, il s’applaudissait d’avoir consulte M"" Itose, vantail sa lucidité et l’ef-licacité du traitement qu’elle avait fait suivre à M"" Chapelle, dont la santé s’était sensiblement améliorée. Mais il fallut payer les honoraires de la somnambule, dont les prétentions n’avaieut cependant rien d’exorbitant; et quand vint le quart d’heure de Kabelais , tout changea de face ; la reconnaissance fit place aux récriminations; la lucidité, bien reconnue jusque-là, ne fut que charlatanisme et fourberie. Quant aux dispositions malveillantes de ces témoins, nous n’en sommes pas réduit à des suppositions. Nous n’avons pas besoin de vous retracer la fameuse scène du carmin qui a égayé l’auditoire; vous savez jusqu’où Mm' Chapelle a poussé la passion de connaître la vérité; quand une femme s’est mise dans une position aussi hasardée, quand elle a employé des arguments aussi parlants; quand, pour achever l’ellet de sa démonstration, on est allé relancer un témoin, afin de lui prouver, par une dissertation en règle, l’importance du dénouement accompli sous ses yeux; quand on a déployé tant de moyens en pure perte, on doit éprouver quelque dépit, quelque ressentiment; on n’est pas dans les conditions d’impartialité qui seules peuvent donner de la force à un témoignage.

Les dépositions de la famille Chapelle fourmillent de contradictions. Ainsi M. Chapelle prétend que sa femme n’a jamais éprouvé d’amélioration par suite du traitement prescrit par M1"' Rose ; M. Leroy atteste qu’il lui a déclaré le contraire avant la rupture avec Mm* Rose. M. Chapelle prétend que c’est en présence de sa domestique que Léon Patrix aurait avoué que sa mère n’était pas somnambule ; la domestique affirme que ces propos n’ont jamais été tenus en sa présence. M1"» Chapelle a cité comme témoins de la scène du carmin des personnes qui déclarent n’y avoir pas assisté ; et les faits principaux de cette scène sont tous démentis par M. Lesage-Courcelle, dont la déposition est confirmée par celle de M. Noble t. Ces contradictions soul bien suffisantes pour ôter toute crédibilité aux témoignages.

L’invraisemblance des faits allégués serait encore un motif pour les rejeter. Comment ! Rose Patrix n’a pour vivre que son état de somnambule et son fils, qui n’avait lui-même d’autre moyeu d’existence, aurait, par une affreuse dénonciation, enlevé à sa mère tout son crédit, toutes ses ressources, et l’aurait couverte d’opprobre ! Comment supposer une action aussi infâme cl eu même temps aussi contraire aux intérêts de celui auquel on l’impute ? Comment admettre qu’il eilt consenti, de galté de cœur et sans nécessité, ii perdre sa mère et à se perdre avec elle ? Quel aurait pu être le mobile d’un acte aussi odieux qu’insensé ? Et comment croire que ce jeune homme, après s’être accusé comme le complice d’une insigne fourberie, eût continué, en présence même de ceux auxquels il aurait fait ces étranges révélations, à jouer le rôle de magnétiseur, et ait prolongé une fraude déjà dévoilée?Non, un tel récit n’ayant pour gérant que des témoins suspects et qui se contredisent, ne peut supporter l’examen.

On ne peut davantage admettre que M™* Rose ait, comme le prétendent M. et M“"' Chapelle, simulé une consultation qu’elle aurait prise à Paris auprès d’une somnambule, pour la santé de Mm* Chapelle. Ç'aurait été, de la part do Mnœ Rose, reconnaître la supériorité d’une autre somnambule et nuire à son propre crédit. Ou ne peut assigner aucun motif spécieux ü une telle ruse. Ce récit se détruit encore par son invraisemblance.

Allons plus loin, et supposons pour un instant que tout ce qui est rapporté par la famille Chapelle soit exact ; nous allons prouver que, même dans cette hypothèse, il n’y aurait encore rien d’établi contre la réalité do somnambulisme de la prévenue.

Le fait le plus désavantageux serait certainement la confession du fds. Ce serait là, de sa part, une action honteuse, exécrable. Mais qu’en résulterait-il contre la mère ? Un fils capable d’accuser et de flétrir sa mère, n’aurait-il pas été capable de la calomnier ? Et suffirait-il de ses paroles pour la condamner ?.... Son allégation, qu’elle fût sincère ou perfide, ne pourrait toute seule prouver que Mule Rose ne fût pas réellement somnambule.

La fiction d’une consultation à Paris serait un mensonge blâmable, mais ue prouverait rien contre le somnambulisme de M™ Rose. Elle ne pourrait davantage être considérée comme une manœuvre d’escroquerie , puisque, loin d’accroître son crédit, elle n’aurait pu que l’affaiblir.

L’expérience du coup de pistolet n’a rien de décisif. Le plus souvent, il est vrai, un somnambule n’entend que les personnes avec lesquelles il est en rapport. Mais Rostan, qui avait beaucoup de pratique, enseigne que cette précaution n’est pas toujours nécessaire : « Le magnétiseur, nous dit-il, peut quelquefois se faire entendre à une certaine distance; la précaution de se mettre en rapport par le contact n’est même pas toujours indispensable pour les spectateurs qui sont quelquefois entendus comme dans l'état ordinaire. » D’ailleurs M. et M“» Chapelle déclarent que, lors e l’explosion, M“» Rose n’a éprouvé qu’un très-léger tressaillement. Or

co mouvement aurait pu être éprouvé même par un sourd. Un bruit violent produit une vibration qui met en ébranlement tout le système nerveux et cause une sensation bien différente de la perception du son. Tous ceux qui ont observé les sourds-muets, savent que le passage d’une diligence ou d’un tambour qui bat leur cause un tressaillement. La circonstance dont il s’agit ne peut donc être objectée contre l'état de somnambulisme.

L’aventure du pois de senteur est encore bien plus insignifiante. Si la somnambule a, comme on nous le dit, flairé, mâché et palpé le pois, et qu’elle ait refusé de dire ce que c’était, c’est qu’elle y a mis de la mauvaise volonté. Car le premier venu, sans être sorcier ni lucide, sera certain, dans le» mêmes conditions, de distinguer un pois de senteur.

M,u0 Rose aurait aussi refusé de répondre à des questions qui lui auraient été faites sur le contenu de plusieurs pots. Qu’y a-t-il là d’étonnant ? Elle a toujours appliqué sa lucidité somnambulique au traitement des malades; c’est là une mission grande et humaine qu'elle se croit appelée à remplir, et à laquelle elle se dévoue. Et l’on viendra la détourner de ces soins importants pour lui faire des questions oiseuses ou captieuses ! Ce temps si précieux pendant lequel elle jouit de facultés transcendantes, et dont elle oe veut disposer que pour le soulagement des malheureux, on exigera qu’elle le gaspille sottement en exercices puérils, dans le but d’amuser quelques oisifs ou de servir de sujet d’expérience à des malveillants ? On conçoit qu’elle ait éoonduit sèchement des importuns. Celte conduite ne peut aucunement donner prise contre elle.

L’expérience du carmin n’a pas de conclusions, puisque le témoin Le-sage nous dit qu'il n’a pas vérifié la réalité de ce que l’on a mis à sa disposition. Mais quand même tout ce qu'affirme Mm* Chapelle serait vrai, il n’en résulterait pas que M™* Rose n’ait pas été somnambule dans la circonstance dont il s'agit; seulement sa lucidité se serait alors trouvée en défaut. Mais qu’importe ? A-t-elle besoin, pour être réputée somnambule, de posséder L'iafoiUibilité? Et la lucidité est-elle donc anéantie parce qu’elle aura subi une seule éclipse ? Et qu'y aurait-il de surprenant à ce que la somnambule la plus lucide placée dans la position où nous la dépeint la famille Chapelle, «faaUMire harcelée de questions malveillantes et de machinations, se trouble et.tombe dans l'erreur?...

Qu’on ne se méprenne pas sur la discussion à laquelle nous venons de nous livrer. Nous repouseons avec énergie les récits de la famille Chapelle, et nous avons dit pourquoi ils étaient indignes de confiance. Nous opposons surtout la dénégation la plus.formelle aux prétendus aveux attribués à Léon Patrix. Puis, examinant ces récils en eux-mêmes, nous prouvons que quand, môme ils seraient vrais, ils seraient encore sans conséquence dans la oause.

Nous croyons avoir (ail justice de l’accusation d’escroquerie. Non-seulement, nous avons démontré qu'elle n’araitpas le moindre fondement, mais «corn nous avons établi.par les documents les plus multipliés et les plus

imposants , que Rose Patrix est réellement somnambnle lucide, et que les qualités qu’elle s’est attribuées lui appartiennent bien réellement.

Rose Patrix est en outre prévenue d'exercice illégal de la médecine. Quand elle a été traduite une première fois devant vous, nous comprenions ce grief. Elle avait agi seule, on l’a considérée comme usurpant un office attribué exclusivement par la loi aux médecins ; mais depuis la condamnation qu’elle a subie, elle a fait tous ses efforts pour n’avoir rien à démêler avec les monopoles. Elle s’est entendue, comme vous le savez, avec M. Anctin, docteur en médecine, qui s’est servi, comme bon lui a semblé de la lucidité somnambulique de M1"* Rose pour traiter les malades; muni d’uu titre légal, il était parfaitement libre d’employer ce mode d’exploration. Ayant ainsi satisfait aux prescriptions de la loi, quel reproche pouvons-nous encourir ?

On nous objecte que le médecin n’était qu’un prête«nom qui écrivait sous la dictée de la somnambule, et signait pour la forme les ordonnances et que la somnambule était de fait le véritable médecin ¡'qu’elle exerçait ainsi illégalement, et que M. Anctin, en se prêtant à ce manège, s’esl rendu son complice.

Il est prouvé que les choses ne sc sont pas ainsi passées, et que M. Anctin prêtait sérieusement ¡son ministère. Plusieurs témoins nous ont certifié qu’il avait joué un rôle actif. Ainsi, il a de lui-même dit à M. Pelle-ray qu’il avait besoin d’être sondé ; dans une des consultations données à M“>* Paraingaux, la somnambule ayant prescrit de l’eau sédative, il fit rectifier et remplaça ce médicament par de l’eau purgative; de plus, dans les consultations pour cette dame, autres que la première, il a eu des conférences sérieuses avec la malade. M. Pellier déclare que, pendant sa première consultation, M. Anctin a fait expliquer la somnambule; M. Sausse-reau dit que ce médecin s'est beaucoup enquis pendant sa consultation. M. Anctin a visité le jeune Guérin pendant toute sa maladie ; il a fait de même à l’égard de M. Gassclin, qu’il a saigné. On voit donc qu’il était loin d’être une machine comme on le prétend, et qu’il prenait une part réelle à tout ce qui se faisait.

Sans doute, le plus souvent, il écrivait les réponses de la somnambule, les adoptait, et rédigeait ses ordonnances en conséquence. Mais il avait bien le droit d’agir ainsi. Autorisé par son diplôme à exercer la médecine, il lui est loisible d’adopter telle méthode qu’il juge convenable, et de s’éclairer par tous les moyens qu’il juge les meilleurs. Si l’avis d’un ignorant lui semble bon, il est lo maître de l’accueillir et de se l’approprier. S’il a confiance dans la somnambule, il peut accepter ses réponses sur lesquelles il a toujours maintenu son droit de contrôle et d’appréciation. Jamais il n’a enchaîné son libre arbitre , il se réservait toujours de corriger ou même de répudier les indications qui lui auraient paru contraires à celles de la science, comme il est arrivé dans la circonstance de Veau sédative. En vertu de quelle loi pourrait-on l’empêcher de suivre cetta mareb* ? Sur

quoi se fonderait-on peur lui imposer telle ou telle méthode, tel ou tel diagnostic, telle ou telle médication? ( n médecin n’a à rendre compte à personne des motifs qui l’ont amené à prescrire un traitement à son malade ; c’est là une affaire de conscience qu’il ne discutera qu’autant qu'il le voudra bien, et au point de vue scientifique seulement, niais jamais au point de vue légal. S’il trouve dans le somnambulisme un guide plus siir que dans ses propres moyens de recherche, pourquoi lui serait-il interdit de le suivre? Si l’expérience lui a fait voir l’efficacité des médications ainsi obtenues, bien que contraires aux leçons de l’école, pourquoi ne pourrait-il continuer de puiser à une source aussi salutaire ? Pourquoi serait-il contraint de préférer la conjecture à la certitude, la médecine impuissante à la médecine qui guérit ?

Évidemment, le système que nous combattons est contraire à l’indépendance du médecin. En limitant son libre arbitre, ou viole l’esprit aussi bien que le texte de la loi.

On nous oppose une loi de forme ; il nous sufGl donc, pour être en règle, que la forme soit observée. l)ès qu’un médecin signe une ordonnance, on a obéi aux prescriptions de la loi, et nul n’a droit de s’enquérir par les conseils de qui le médecin a pu être influencé. Celte solution qui est la seule rationnelle, la seule exemple d’arbitraire, est celle que l’on adopte pour toutes les fondions privilégiées. Qu’un administrateur, par un motif quelconque, fasse faire tous scs travaux par un secrétaire officieux, peu importe ii ses supérieurs ou au public, pourvu que la besogne soit bien faite ; sans doute, dans ce cas , 011 ne manquera pas de dire que de fait c’est le secrétaire qui administre , et que le titulaire est une machine à signatures ; mais légalement parlant, 01111e pourra faire de reproches ni à l’un ni à l’aulre, et on ne serait pas fondé à faire le procès au secrétaire, sous prétexte qu’il usurpe les fonctions publiques". Supposons de même qu’un notaire laisse la direction entière de son étude à un clerc capable , et se borne à assister à la lecture de tous les actes, et à leur imprimer, par sa signature, le caractère d’authenticité, on pourra, dans la conversation , le traiter de notaire postiche ; mais légalement il sera irréprochable, et, certes, personne n’osera prétendre que le clerc, bien que notaire de fait, usurpe les fonctiens notariales.

Ces deux exemples me paraissent propres à compléter la démonstration sur l’inviolabilité du médecin en général, et des auxiliaires plus ou moins importants qu’il lui convient de s’adjoindre, quand même un de ces auxiliaires irait jusqu’à l’effacer. Même daus ce cas extrême, il n’y aurait, ni d’un côté ni de l’autre, exercice illégal de la médecine. A plus forte raison le délit n’exisle-t-il pas quaud l'action du médecin est réelle comme dans l’espèce, quand il n’accepte un avis qu’après examen consciencieux. Prétendre que M. Anctin n’a fait qu’enregistrer sans examen les réponses de la somnambule, non-seulement c’est méconnaître l’autorité des témoignages que nous avons rapportés, mais encore, dans les cas où uous n’avons pas

do semblables témoignages, c'est échafauder une accusation sur des suppositions arbitraires ; car, lorsqu’aucun document ne nous apprend si M. Audit» a apporté des changements aux réponses de la somnambule, qui uous dit qu'il n’en a pas fait? Et quand il n’en aurait pas fait, qui uous dit que ce u’est pas en connaissance de cause et après un examen par des moyens dont lui seul est juge, qu’il s’est déterminé à adopter ses réponses ? S’il est impossible de prouver le contraire , non-seulement l’accusation manque de base , mais, même au point de vue de la morale et des convenances, on ne peut incriminer ni le médecin ni la somnambule.

On nous oppose le langage de plusieurs témoins, qui n’atlacbaienl d’iinporlancc qu’aux paroles de la somnambule, les recueillaient avec une sorle de respect, et ne tenaient aucun compte des écritures du médecin auquel un des clients appliquait naïvement la désignation de greffier. Mais qu’importent les sentiments personnels des consultants? Leurs opinions changeraient-elles la nature des choses ? Et les prévenus sont-ils responsables des fantaisies des malades ?... Ceux-ci, après tout, avaient bien le droit d'avoir pour leur compte une confiance illimitée, aveugle dans la somnambule; c’est leur affaire. Ce qu’il importe, dans l'intérêt de la société et au point de vue légal, c’e.sl que la somnambule ne se mêle jamais de médecine sans qu’un médecin diplômé préside à la cousultation, avec le droit de l’adopter, de la corriger ou de la rejeter, selon ses lumières médicales et les inspirations de sa conscience. Mais si les consultants, au lieu de profiler de la garantie officielle que leur donne le médecin, préfèrent l’autorité de la somnambule, ils ne pourront s’en prendre qu’à eux-mêmes des suites que leur choix pourra entraîner. Ni le médecin qui aura prononcé d’après sou libre arbitre, ni la somnambule qui se sera subordonnée à l'autorité du médecin, ne pourront en subir aucune responsabilité, pas plus que dans les cas nombreux où le malade croit devoir modifier l’ordonnance du médecin , soit d’après ses propres lumières, soit d’après celles de conseillers officieux.

On nous objecle aussi les conventions d’après lesquelles M. Anctin recevait un traitement fixe de M™" Rose, et l’on demande comment un docteur a pu se mettre à la solde d’une somnambule.... On aura beau faire, la queslion de dignité ne sera jamais confondue avec la question d’argenl. Il n’y a ni loi écrite ni règle de convenance qui oblige un médecin à faire un emploi déterminé de ses honoraires. Il peut les abandonner en tout ou en partie, s’abonner pour une somme fixe à ses clients, comme font beaucoup de médecins de Paris, recevoir un traitement fixe et annuel, comme font les médecins des établissements publics et des maisons de santé ; il pourrait céder ses honoraires à un auxiliaire ou à toute autre personne. En un mot, il est maître absolu, n’a de compte à en rendre à personne ; c’est une question qui ne regarde que sa bourse ; et l’emploi plus ou moins généreux qu’il fait de ses honoraires ne peut, en aucun cas, servir de griel contre lui.

Mmr Rose esl donc à l’abri de tout reproche pour le concours qu’elle a apporté à M. Anclin, ou, si l’on veut, pour la coopération de tous deux au traitement des maladies. Dans une seule circonstance, il est vrai, M1"* liose a agi sans le médecin. Je dois donner à cet égard quelques explications. Mm' Rose était bien décidée à exécuter scrupuleusement votre décision, et à se mettre à l’abri de toute nouvelle poursuite. M11' Raphard vous a attesté que pendant deux mois elle a vainement sollicité M“* Rose de lui donner une consultation; que M“' Rose lui répondit qu’elle ne pouvait rien faire sans son médecin, dont il fallut bien attendre l’arrivée. Mm* Aubert, de Nocé, dont le mari avait reçu des consultations avant le jugement du 14 décembre, fit auprès de M"“* Rose les instances les plus vives pour qu’elle continuât ses soins; elle pria si vivement, et insista avec tant de force sur la situation affreuse de son mari, qui avait mis toute sa confiance dans Mmo Rose, que celle-ci finit par céder. Ces détails vous ont été rapportés par Mmc Aubert, qui a même déclaré qu’elle avait promis de prendre sur elle toutes les conséquences de la contravention. M">c Rose, vaincue par les supplications d’une famille éplorée, se décida donc, quoiqu’à regret, à donner quelques consultations jusqu’à la mort de M. Aubert. Ces faits sont irréguliers, nous sommes forcé d’en convenir. Mais s'ensuit-il qu’ils doivent nécessairement entraîner une condamnation ? Nous ne le pensons pas. En effet, bien que, dans la rigueur du texte , la loi punisse tout exercice illégal de la médecine, même quand il n’y a pas habitude, néanmoins un sentiment d’équité a fait généralement admettre qu’un petit nombre do faits isolés ne suffisent pas pour motiver une poursuite ni une condamnation ; c’est ainsi que des religieuses, des ecclésiastiques ou d’autres personnes charitables qui accidentellement font quelques actes de médecine, ne sont point inquiétés. Il serait juste d’appliquer cetlo condescendance aux faits dont il s’agit, qui sont fort peu nombreux, el entourés de toutes les circonstances qui peuvent en atténuer la gravité. Ces faits sont isolés, d’une part, de ceux qui ont été réprimés par le jugement du 14 décembre ; de l’autre part, de l’exercice de H. Anclin, qui est irréprochable. Le tribunal, dans son omnipotence, peut donc, nonobstant ces faits qui ne se renouvelleront pas, éviter d’appliquer une peine dans une cause où la position de la prévenue est si favorable et si digne d’intérét.

Si l’on ne consultait que la rigueur du droit, il suffirait, pour juger une queslion d’exercice illégal ne la médecine, de constater le fait matériel, et d’appliquer les peines portées par la loi, sans examiner en rien la moralité des prévenus, sans sc préoccuper des résultats bons ou mauvais de sa conduite, de sorte qu’un bienfaiteur de l’humanité serait frappé comme un empoisonneur public. Vous ne pouvez admettre une application aussi judaïque de la loi ; vous ne pouvez, à l’exemple des pharisiens, vous prosterner aveuglément devant une lettre inanimée. L’esprit français, qui brille surtout par un bon sens exquis, sait en toutes choses faire prévaloir la raison et l’équité sur le respect idolâtre et inintelligent des textes. Le

ministère public l’a bien senti, puisqu'au lieu de discuter froidement les faits matériels, il s’est livré surtout à l’appréciation morale de tous les éléments de la cause.

Ce ne serait pas connaître l’alîaire qui vous est soumise, que de se borner à rechercher si les faits reprochés à Rose Patrix constituent ou non l’exercice illégal de la médecine. Nous nous sommes efforcé de démontrer qu'elle a agi légalement. Mais cette question s’efface devant une autre bien plus importante. Oui, sans doute, depuis dix-huit mois elle a fait de lit médecine dans ce pays; mais ce qu’il faut constater aussi, c’est qu’elle a opéré des cures admirables, c’est que toute sa clientèle est enchantée de ses services, professe pour elle un dévouement sans bornes, et va partout célébrer ses bienfaits. Les nombreux témoins que vous avez entendus vous ont déjà fait connaître des faits extrêmement intéressants. Je vais y joindre la note de quelques guérisons remarquables : plusieurs sont attestées dans les lettres que je dépose sur le bureau, elles sont écrites spontanément par des personnes heureuses de rendre hommage à la vérité, et qui se sont offertes avec le plus vif empressement de venir ici fournir tous les renseignements dont la justice peut avoir besoin ; quant aux autres cures, elles concernent des personnes bien connues, les faits sont notoires.

Me Morin lit une liste où sont énumérés les noms des personnes, les maladies dont elles ont été guéries, et les circonstances les plus remarquables de leur guérison ; puis il continue :

Voilà, Messieurs, par quels forfaits Rose Patrix a mérité d’être signalée nu mépris des populations : voilà certes ses titres à la vindicte publique. Que l’on complète ses états de services, nous ne demandons pas mieux. Qu'on fasse le relevé de toutes les personnes qu’elle a traitées, qn’on énumère celles qu’elle a guéries, celles qui n’ont obtenu qu'une amélioration dans leur état, celles au contraire dont l’état a empiré, enfin celles qui sont mortes; car on ne prétend pas avoir trouvé le secret d'empêcher de mourir. Puis qu’on nous apporte un relevé semblable de la part des Médecins : qnft ces messieurs nous donnent leurs listes ou plutôt leurs martyrologes, et que l’on compare les résultats. On verra de quel côté est l'avantage. Ah~! le public a déjà prononcé : pour lui, la forme n'est rien, tes faits sont tout; et il vous dit de sa voix puissante : Le véritable médecin, c'est cehii qui guérit, c’est la somnambule.

Et qu’on remarque bien que Rose Patrix prend pour elle toutes les chances les phii' désavantageuses. Car on ne va pas la consulter pour de petites indispositions, pour des maladies légères; ceux qui vont la trouver, ee sont les individus désespérés, pour lesquels la médecine officielle a en

vain’épuisé toutes ses ressources, ceux qu’elle a condamnés. SI1110 Rose n’intervient le plus souvent que quand les médecins ont avoué l'impuissance de tous les moyens connus d’eux ; el ce? malades qui ne devaient pas passer la journée, elle les remet sur pied en peu de temps, et elle peut dire aux médecins :

Les gens que vous lue* se porienl i merveille»

C’est ainsi que M. Médard et Madame Rosel ont été, pour ainsi dire, ressuscités; que Mesdames Gouliier et Sortais, qui depuis nombre d’années se consumaient dans les souffrances, sans que médecins et pharmaciens pussent les soulager le moins du monde, ont été guéries comme par miracle.

Et le ministère public se flatte de faire passer de telles guérisons pour des crimes exécrables! Ce n’est pas seulement à la froide raison des magistrats qu’il s’adresse, il fait un appel aux sentiments populaires, et il dénonce la somnambule comme un fléau social. Ah ! le public ne se passionne pas pour des infractions aux lois du monopole, pour des questions légales auxquelles il ne comprend rien -, mais il sait apprécier ceux qui rendent des services à l’humanité, il éprouve la plus vive sympathie pour cette somnam-bule persécutée pour avoir guéri ceux que les médecins ne pouvaient guérir, et le nom de Rose Patrix est béni par toutes les bouches. I.e public ne comprendra jamais comment on a pu parler d’escroquerie quand personne n’a été lésé, quand personne ne se plaint, quand tout le monde, au contraire, proteste de sa reconnaissance et de son affection pour l’accusée. Une telle accusation est pour les masses un mystère impénétrable.

On a cherché à affaiblir le résultat des dépositions avantageuses à la

prévenue, en supposant les illusions d’un enthousiasme égaré..... Quoi !

ceux qui étaient malades depuis bien des années, au su et au vu de tout le voisinage, et qui avaient en vain subi les tâtonnements de la médecine et les drogues pharmaceutiques, étaient-ils dupes d’illusions ? Et quand ils se sont figuré être guéris, est-ce là un rêve de leur imagination ? Quand ces grabataires , si longtemps perclus de leurs membres, viennent à votre audience, frais, ingambes et dispos, vous certifier qu’ils se portent bien, faut-il croire aussi que nous tous qui voyons aujourd’hui leur santé florissante, sommes dupes de quelque hallucination ?

Mais, nous dit-on, ce n’est pas bien difficile de guérir ainsi : il suffit de suivre les préceptes de Galien et de combattre les vices des humeurs. Bravo ! mais puisque c’est une tâche si facile, les médecins sont donc bien coupables de ne pas faire plus d’usage de celte recette vulgaire, connue depuis si longtemps et si peu pratiquée ; qu’ils procèdent au nom de Galien ou d’ilippocrate, nous ne les chicanerons pas sur ce point ; mais qu'ils se mettent à guérir. S'ils ont si peu réussi jusqu’à ce jour, U faut croire que leur science est bien au-dessous des intuitions de la somnambule.

Nos témoins, nous dit-on, ont été amenés pour faire delà réclame en

sa faveur. Mais nos témoins les plus favorables sont précisément ceux qu’a appelés le ministère public. C’est donc lui qui fait de la réclame, et non pas nous. Il ne faudra donc pas s’étonner si ce procès ne fait qu’accroUre le crédit et la vogue de la somnambule El s'il ressort des débals des vérités peu llaiieuses pour la médecine, à qui la faute? Les médecins les plus éclairés ont blâmé hautement ce funeste procès, pensant avec raison que la confiance n’es! honorable qu’autant qu’elle est volontaire, et qu’elle ne peul élre imposée par sentence judiciaire.

Le ministère public s’est livré à un examen minutieux des ordonnances écrites sous la dictée de la somnambule. Il semble qu’on cherche querelle aux malades d’avoir été guéris ; on veut leur prouver très-savamment qu’ils n’auraient pas d» l'être. Peut-être leur guérison est-elle nulle pour inexécution des règles de la Faculté ; mais on persuadera difficilement à ceux qui ont été délivrés de leurs maux , qu’ils sont coupables de révolte contre llippocratc. Il est évident que de telles objections n’ont pas de portée, et que quand une chose nous a guéri, il importe bien peu de rechercher, d’après le codex, si elle aurait dù nous guérir.

Examinons cependant quelques-unes de ces difficultés.

« Vous prescrivez des feuilles de cassis; tout le monde sait qu’elles n’ont aucune action sur l’organisation. » La Faculté a pu le déclarer; mais est-elle infaillible? De ce qu’elle n’a pas encore découvert l’usage d’une plante, s’ensuit-il que cette plante ne puisse être utilisée ? Quand on s’est servi pour la première fois de certaines plantes, telles que le quinquina ou l’ipé-cacuanha, on aurait pu faire la même objection qui nous est faite à propos de cassis, et elle n’aurait pas été plus fondée. J’ajouterai que les feuilles de cassis sc trouvent chez les herboristes, d’où je conclus qu’elles ont un emploi médicinal ; et qu’enfin aucune substance n’est indifférente, qu’il y a par-conséquent de la lémériié à nier l’action d’une plante quelconque sur l’organisation.

« Vous prescrivez de l’eau dans laquelle le camphre sera infusé ; or, le camphre ne se dissout pas daus l’eau. C’est donc là une préparation sans

vertu......„ Je dis : Qu’en savez-vous ? Le camphre que vous aurez retiré

de l’eau n’aura rien perdu de son poids, l’eau ne paraîtra avoir éprouvé aucune modification dans sa composilion chimique. Et pourtant est-il impossible que ces deux substances aient été mises en contact sans qu’il se soit produit quelque phénomène, bien qu’échappant à nos observations, et que celte eau imprégnée d’arùmes soit sans aucun effet sur l’économie animale? Et si l’on vent rire de l’action que pourront exercer sur le corps humain les molécules impondérables ajoutées à l’eau, nous rappellerons les médications homéopathiques, qui agissent précisément par des quantités infinitésimales, et qui, malgré la bizarrerie appareille, réussissent souvent mieux que les vieux moyens de la médecine allopathique.

« Vous prescrivez des composés multiples ; erreur ! Comment pouvez-vous ignorer que les remèdes les plus simples sont les meilleurs?.... » — Nous

ne connaissons pas encore de concile qui ail limité le nombre de drogues simples pouvant entrer dans la coinposiliou d’un médicament. Voici, à propos des remèdes composés, une anecdote qui ne sera pas déplacée.—M11' Sursin, dont nous avons déjà eu l’honneur de vous entretenir, se prescrivit à elle-même, pendant son sommeil magnétique, de l'Eau impériale. M. le doc-leur Combault, prédécesseur de M. Morel, écrivit sous la dictée les mots Eau impériale, et signa l’ordonnance. On demanda cette substance à M. Bienvenu, pharmacien, qui répondit qu’elle ne figurait pas dans le codex, «t qu’il ne la connaissait nullement. On recourut alors au médecin, qui avoua ingénuement ne pas la connaître davantage. Cela était beaucoup plus grave que lout ce qui est reproché à M. Anclin ; car, quand même il serait vrai que celui-ci ne sût pas au juste la composilion du pancliymagoyue et des tres remèdes prétendus secrets qu’il a ordonnés d’aprè3 l'indication de jjm' Rose, du moins il connaissait ces préparations pour les avoir vues, expérimentées , et pour en avoir éludié les effets sur les malades; tandis que M. Combault adoptait de confiance, et sur la seule indication d’une somnambule, une substance dont il n’avait jamais entendu parler, et qui par hasard aurait pu ne pas exister, ou être un poison. Quoi qu’il en soit, M. Combault demanda une explication à M11" Sursin, elle répondit que la formule de Y Eau impériale était décrite dans un bouquin existant chez M. Bienvenu ; ce qui se trouva juste. Eh bien, cette eau merveilleuse n’exigeait pas moins de vingt-cinq ingrédients, ce qui ne l’a pas empêchée de guérir M*|c Sursin.

« Vous prescrive* de prendre cinq feuilles de telle plante, précisément cinq. S’il y en avait une de plus ou de moins, l’effet du remède serait perdu. Cest là un moyen de frapper l’imagination et de se donner de l’importance...» — Il est difficile de contenter notre adversaire. Si nous disons cinq feuilles, il dit : Pourquoi pas six? Si nous avions dit six, il aurait pu tout aussi bien dire Pourquoi pas cinq?.... En voulant défendre la médecine officielle, on tire sur ses propres troupes ; car il n’y a pas une ordonnance de médecin oii les quantités ne soient fixées exactement. On prescrira par exemple, 5 centigrammes (Témétique. Comment! juste 5 centigrammes ? \ milligramme de plus ou de moins, et lout est perdu. Ce sont là des scrupules dignes du Malade imaginaire. Le médecin, diplômé ou non , indique la quantité qu’il juge la plus couvenable; une très-légère erreur sera inappréciable; plus l’erreur s’accroîtra, plus l’effet sera différent.

* Vous prescrivez à vos malades de suivre vos médications à telle heure plutôt qu’à telle autre , particulièrement la nuit : vous tyrannisez ainsi les patienls sans nécessité.... » C’est vraiment prendre trop de souci de nos malades, qui ne se plaignent pas et qui regrettent peu la gêne du traitement quand à la suite ils obtiennent la guérison ou le soulagement. Ne vaudrait-il pas mieux réserver cette pitié pour lant de malades que les médecins torturent en pure perte ?.....Quant au choix des heures, il ne peut élre indifférent ; et de ce que l’influence des temps n’est pas enseignée sur les banc* de l’école, il ne faut pas en conclure qu’elle n’existe pas.

« Vous prescrivez des choses bizarres, de vrais remèdes de bonne femme. Par exemple , on ordonne de mellre des ingrédients dans une vessie qui doil séjourner quarante-huit heures au fond d’un puits. Quelle importance peut avoir cette vessie? » —Tout cela est bien ridicule, sans doute, puisque ça ne figura pas dans le codex ; mais il se trouve que cela guérit, et que , par exemple, M“* Edme Thibault qui, pendant plus de cinq ans, souffrait d’une maladie indéfinissable, sans qu'aucun médecin ait pu la soulager, a suivi les prescriptions de la somnambule, et notamment la préparation delà vessie. Elle s'en est bien trouvée, car elle est parfaitement guérie, comme elle le déclare dans la lettre que je dépose sur le bureau. Riez donc encore des vessies et des remèdes de bonne femme....

Nous ne pousserons pas plus loin la réponse aux critiques semblables celles que l’on vient de voir. Elles se résument tou tes dans ces mots qu’on adresse à M“* Rose : C’est trop commode de faire comme tout le monde ! Comme ceux qui s’adressent k Mm' Rose ne se sont pas bien trouvés de* médecins , ils demandent qu’on fasse autrement qu’eux pour ne pas subir la même impuissance. On exige d’elle qu’elle fasse mieux qu’eux : il faut donc qu’elle emploie d’autres moyens. Comme, en définitive, elle réussit, c'est elle à son tour qui aurait beau jeu de bafouer vos drogues sans vertu et vos médications problématiques...

On a prétendu qu’il était très-dangereux pour la société de permettre da consulter des somnambules, vu que leur lucidité n’est pas infaillible. San* doute, nous l’avons reconnu, les réponses des somnambules ne doivent être acceptées que sous bénéfice d'inventaire, cl un homme prudent, avant de s’y conformer, doil s’entourer de toutes les lumières propres à le garantir d’une erreur possible ; mais il n’en est pas moins vrai que ces réponses venant de somnambules dont la lucidité a été éprouvée, sont très-précieuses, peuvent faire connaître et la nature de la maladie et les remèdes les plus propres à la combattre. Où est donc le danger, du moment où un médecin surveille tout ? sans préjudice du droit qu’a, bien entendu, chaque consultant de soumettre la réponse à son propre médecin ou à toute autre personne en qui il a confiance.

On s'effraye des chances d'erreur, comme si la faillibilité était exclusivement le propre des somnambules. On oublie que l'infaillibilité n’ap* partient qu'à Dieu, et que dans quelque branche que ce soit des travaux humains, vous n'aurez jamais que des probabilités de trouver exactement la vérité. La médecine qu'on oppose au somnambulisme n'a pas la prétention d'être infaillible, tant s’en faut! Cela ne vous empêchera pas, quand vous serez malade, de consulter votre médecin, quand même vous serie* persuadé qu'il a autant de chances pour se tromper que pour prendre justa votre maladie. Que vous ayez à faire faire un calcul, un arpentage, une pesée, une analyse chimique, vous vous adresserez aux hommes les plus compétents, et vous aurez plus ou moins de chances d'être bien servis; mais, même sur les choses qui sont regardées comme comportant le plus de pré-

cisión, vous n’êtes pas assuré de trouver l’infaillibilité, et il faudra le plus souvent vous contenter d’approximation. A plus forte raison ne devez-vous pas attendre du somnambulisme l’infaillibilité. Ce n’est pas une raison pour repousser les avantages immenses qu'il vous offre ; laissez du moins chacun libre de l’employer.

On fait un grand crime à Mmo Rose de ce qu’elle perçoit des honoraires qu’on trouve exagérés. Voilà encore un reproche des plus étranges ! Je ne sache pas qu’aucune loi ait tarifé les salaires des somnambules, non plus que ceux des médecins et pharmaciens. Tout au plus comprendrions-nous les observations du ministère public , s’il avait reçu quelques plaintes à ce sujet ; mais toutes les personnes qu’on a interrogées applaudissent hautement à la modération de M"" Rose. Qui donc, en définitive, a qualité pour s’interposer entre elle et ses clients? Et quand tout le monde est content, au nom de quels intérêts l’organe de la société viendra-t-il faire entendre sa voix ? L’homme guéri paie avec joie le salaire de son sauveur, et ne marchande pas le prix d’un travail dont il apprécie parfaitement l’importance et l'utilité. Vous vous rappelez le langage de Mmc Sortais, à laquelle on faisait le décompte de ce qu’elle avait payé à Mme Rose ; elle fit le rapprochement de ce total fort modeste avec ce que lui avaient coûté, pendant six ans de traitements inutiles, les médecins et les pharmaciens, et la balance était loin d’être à leur avantage.

Pourquoi cette querelle à propos d’honoraires ? N’est-il pas souverainement juste que chaque travailleur soit rétribué convenablement des services qu’il rend à la société ? Le prêtre lui-même doit vivre de l’autel, suivant saint Paul, et le magistral vit de sa fonction. Pourquoi celte règle salutaire recevrait-elle exception à l’égard du somnambule qui traite les malades ? Peu de professions sont plus fatigantes ; les séances trop réitérées épuisent les forces et occasionnent de graves maladies. La plupart des travailleurs ne donnent que leur temps : le somnambule donne sa vie ; chaque secours qu’il apporte aux malheureux est pour lui une immolation partielle ; c’est au détriment de sa santé qu’il répare la nôtre ; comme le bon pasteur, il prodigue sa chair et son sang. Aucun salaire n’est donc plus légitime ; et comme il est toujours payé librement par ceux qui ont confiance en lui, il est clair que personne ne peut y trouver à redire. Le somnambule d’ailleurs “ne doit-il pas songer à l’avenir et amasser quelques ressources pour la vieillesse, s’il y parvient (ce qui est rare) ? Ne doit-il pas aussi se prémunir pour ‘l’époque où ses brillantes facultés s’éteindront, pour celle où la faveur populaire l’abandonnera? Car rien n’est plus variable que la vogue: un vent l’apporte, un vent la dissipera. En un mot, les honoraires du somnambule devraient être assez élevés pour le faire vivre honnêtement, et lui ménager une retraite quand il sera hors de service.

Mais notre adversaire ne peut admettre d’aussi mesquines considérations. « Comment ! s’écrie-t-il, vous parlez de salaire, de moyens d’existence, de pain pour vos vieux jours, et vous êtes envoyé du Ciel? Est-ce qu’un en-

voijé du Ciel doit songer à «le telles misères ?...» Je ne sais où l’on a vu que les somnambules fussent envoyés du Ciel; pour son compte, Mlm Rose n’a jamais pris un tel titre, ni aucune aulre qualification équivalente. Sans doute, tout individu qui fait un bon usage des facultés qu’il a reçues du Ciel, peut être considéré comme remplissant une mission divine , et nous acceptous ces expressions, pourvu qu’on n’y mi le aucune idée d’anthropomorphisme ou de légation miraculeuse. Sous ce rapport, les somnambules médicaux, comme tous les autres hommes utiles, seront appelés, si vous voulez, des envoyés de Dieu ; le lyrisme pourra même leur appliquer des épithètes emphatiques, comme celles que le génie poétique des Grecs décernait aux grands hommes. Mais en définitive, les partisans les plus enthousiastes du magnétisme n’ont jamais vu dans les plus puissants magnétiseurs, comme dans les somnambules les plus lucides, que des hommes, c’est-à-dire des êtres faibles, bornés, soumis à toutes les misères inhérentes à la nature humaine, obligés par conséquent de pourvoir aux besoins corporels, et de se nourrir d’aliments plus solides que le fluide magnétique ou les contemplations morales et religieuses. Si les plus grands saints n’ont pas dédaigné de soigner leur pauvre corps, ne trouvez pas mauvais que les somnambules, qui n’ont pas la prétention d’être des saints, songent un peu au positif. Il est beau de se dévouer pour l’humanité ; mais il n’est pas défendu de se maintenir le plus longtemps possible en état de lui rendre service.

On reproche à Mrac Rose de ne rien faire pour les pauvres, et l’on met en parallèle avec sa prétendue cupidité le zèle et le désintéressement des médecins qui veillent au chevet des indigents, etc. Nous rendons complète justice aux médecins qui, presque tous, se font un devoir de soigner gratuitement bon nombre d’indigents. Mais enfin ces Messieurs n’oublient pas non plus leurs intérêts ; quelques-uns trouvent l’opulence dans l’exercice de leur profession ; si d’autres se morfondent et tirent peu de profit de leur état, il ne faut pas toujours leur en tenir compte comme d’une vertu. Dernièrement un médecin, pour un voyage de quelques heures à Nogent, a perçu 1,500 francs, c’est-à-dire autant que peut gagner net un somnambule dans le cours d’une année. Le rapprochement ne nous parait donc pas très-heureux. Quant à ce qui concerne H"*Rose, il est difficile de concevoir un reproche moins mérité. Elle n’a jamais refusé ses soins aux indigents. Lors de son premier procès, je me rappelle qu’une pauvre femme m’a tiré par ma robe, jusqu’à ce qu’elle ait obtenu la faveur de paraître comme témoin devant le tribunal ; elle attesta que M"" Rose l’avait guérie d’une grande maladie, et que non-seulement elle n’avait demandé aucun honoraire, mais encore qu’elle lui avait envoyé des médicaments et du bois de chauffage. M"" Gasselin vient de vous attester qu’à sa connaissance, M1"0 Rose a soigné gratis plusieurs indigents ; notamment elle s’est beaucoup occupée d’une jeune lille estropiée de la rue Saint-llilaire ; elle a même ajourné des gens en état de payer, pour traiter cette malheureuse. Voilà dos traits de

générosité el de désintéressement auxquels il semble que personne ne puisse refuser son admiration. Mais je me trompe ; il est écrit, à ce qu’il parait, que d’une somnambule il ne peut rien venir de bon. Le ministère public, bien loin d’accorder ses éloges à celle bonne action , y trouve une nouvelle matière à blâme. Sans doute, nous dit-on, vous avez renvoyé des gens riches, mais c’était alin de prendre sur eux des renseignements et do faire à coup sûr de la divination. L’hypothèse est ingénieuse, mais enfin ce n’est qu’une hypothèse ; il eût fallu nous nommer ces personnes ajournées, et nous prouver qu’on n’a rien pu prononcer sur leur compte qu’à l’aido d’informations. Mais cela n’eùt pas encore sufti, car en ajournant, pour un motif ou pour un autre, des personnes riches, M"" Rose n’était nullement obligée de traiter une fille pauvre. On aura donc beau faire, on ne pourra lui enlever le mérite de sa bonne action. — On trouve qu’elle a trop peu lait pour les pauvres. Mais que signifie une pareille exigence ? Qu’on nous dise donc si, pour une classe quelconque de la société, il existe une autorité chargée de tarifer la bienfaisance et de contrôler, sous prétexte d’insuffisance, les actes de charité. Qu’arriverait-il, si chacun était soumis à un pareil contrôle ?... Nous faisons trop peu pour les pauvres ! Mais à force de demander pour les pauvres, prenez garde qu’il ne reste rien pour les riches ; car si M"" Rose s’assujettissait strictement à ce que vous lui demandez, elle ne trouverait plus de temps pour soigner une seule personne aisée. Et, bien que les pauvres soient certainement dignes de toute notre sollicitude, les riches doivent pourtant aussi compter pour quelque chose, et il ne serait pas juste qu’une seule classe accaparât les avantages de la médecine somnambulique.

Ainsi, au point de vue du droit comme de l’équité, I» prévenue est l’abri de tout reproche ; non-seulement elle a satisfait aux prescriptions légales en n’exerçant que sous l’autorité d’un médecin, mais elle a rendu d’immenses services, sans exciter aucune plainte. Rien ne justifie les rigueurs dont elle est l’objet.

M* Morin discute ensuite les chefs de prévention relatifs à l’exercice de la pharmacie et à la vente des remèdes secrets. « Mme Rose ne fait pas de pharmacie; on n’a trouvé chez elle ni instruments, ni matières premières ; aucun témoin n’établit qu’elle se soit livrée à des manipulations pharmaceutiques. Ce fait, du reste, échapperait à l’action du ministère public; aucune loi ne défend à un pharmacien de confier, hors de chez lui, à des aides dont il répond, la préparation de ses produits. Mmc Rose ne vendait

rien, elle n’avait jamais chez elle d’approvisionnement. Les substances trouvées chez elle étaient des bouteilles de baume qui avaient été envoyées de Paris à M. Bienvenu, pharmacien à Nogent, et qui, n’ayant pas été trouvées bien conditionnées, devaient être renvoyées à Paris, ainsi qu’il résulte de la lettre saisie à la poste. M“' Rose invitait toujours ses clients à se procurer chez leurs pharmaciens ordinaires le» médicaments qu’elle leur prescrivait : elle a fait faire des démarches actives auprès des pharmaciens de Nogent pour y établir des dépôts des substances qu’elle prescrivait souvent ; quand les malades ne pouvaient se procurer à Nogent ce qui leur était nécessaire, elle se chargeait quelquefois par obligeance, et sur leurs prières, de les faire venir de Paris; les paquets étaient expédiés, non à son adresse, mais à celle de l’un des clients, et le partage se faisait de suite entre eux, sans même que les fioles entrassent chez MmeRose; en agissant ainsi, elle ne faisait donc que l’office d’un commissionnaire officieux ; ce n’est pas là contrevenir au* lois sur le privilège des pharmaciens. Quant aux remises que pouvait lui faire M. Cornet, celui-ci était parfaitement libre, comme tous les commerçants, d’aceorder telle remise qu’il jugeait convenable à un client important; il n’en résulte aucunement une société, comme le soutient l’accusation. Les prétendus remèdes secrets sont des médicaments inscrits au codex, et dont les noms seuls ont été changés, ce qui n’a aucune importance : YElixir panchymagogue n’est autre que l'eau-de-vie allemande, et le sirop merveilleux est le sirop de Cuisinier, les légères différencefr-constatées par les experts de Paris s’expliquent par des circonstances accidentelles de la préparation. Le baume d'Espagne est le baume tranquille : si les expert»

de Chartres ont nié col te identité , il faut remarquer qu’ils n’ont opéré que sur les flacons saisis, lesquels ayant été manques, avaient été rebutés et devaient êlre réexpédiés à R1. Cornet pour être mis hors d’usage. » — I/avocat discute ensuite les questions de complicité concernanl Léon Patrix , et les questions de droit applicables au procès : en ce qui regarde les remèdes secrets, l’art. 56 de la loi du 21 germinal an XI et la loi du 29 pluviôse an XIII ne punissent que l’annonce et la vente sur des tréteaux ou étalages ; mais la vente sans ces circonstances aggravantes est une infraction qui manque de sanction pénale, et les juges ne peuvent suppléer au silence de la loi. — M* Morin termine ainsi :

Je pense avoir justifié complètement Rose Palrix de tous les griefs accumulés contre elle : bien plus, je crois vous avoir prouvé qu’elle mérite votre estime et votre bienveillance, comme elle a conquis la reconnaissance publique. Les populations de la localité attendent avec anxiélé votre décision , et la foule impatiente qui, pendant vos cinq longues audiences, a suivi avec tant d'intérét ces débats, espère que scs ardentes sympathies protégeront auprès de vous celle qu’elle salue avec enthousiasme du lilrc de bienfaitrice, ne pouvant croire que la vindicte publique ait à frapper une personne qui lui est chère et qui n’a fait que du bien. Nous osons espérer que ces témoignages si imposants pèseront d’un grand poids dans la balance, et que dans cet élan unanime des consciences vous reconnaîtrez la voix de la vérité. — Quelle que soit votre sentence, M""' Rose prend l’engagement do demeurer à l’avenir complètement étrangère à toute espèce de préparation ou de trafic de médicaments, et à ne jamais donner lieu au moindre reproche à cet égard. Elle se soumettra de son mieux aux lois sur la police de la médecine. Mais elle ne peut promettre de renoncer à l’admirable faculté dont elle a fait un si salutaire usage ; elle a des devoirs à remplir envers l’humanité, elle doit éviter le funeste exemple du mauvais 'serviteur de l’Evangile qui enfouit le talent au lieu de le faire fructifier. Confiant dans vos lumières et votre sagesse, nous attendons de vous une décision qui justifie la prévenue des imputations infamantes dont elle a été l’objet, qui laisse intactes les questions étrangères à votre domaine, et qui respectant les lois dont vous êtes les organes, eu fasse à la cause l’application la plus judicieuse, la plus équitable et la plus conforme au vœu général.

M® Chaillou présente la défense de MM. Anclin et Cornet : il entre dans de grands développements sur les remèdes secrets, et prouve que cette dénomination n’est pas applicable aux médicaments vendus par M. Cornet et prescrits par M. Anctin.

Le tribunal met l’afi'aire en délibéré.

A l’audience du 21, le tribunal prononce un jugement longuement motivé, par lequel Rose Patrix est acquittée de la prévention d’escroquerie , et condamnée, pour exercice illégal de la médecine et vente de remèdes secrets, à i5 jours de prison et 4°o francs d’amende; sont en outre condamnés: M. Anctin, pour complicité de ces délits, à 200 francs d’amende ; Léon Patrix, pour complicité d’exercice illégal de la médecine, à i5 francs d’amende; M. Cornet, pour vente de remèdes secrets, à 3 jours de prison et 600 francs d’amende.

A. B. Le médecin et le pharmacien ont interjeté appel.

Propagande. —La propulsion vulgaire des notions magnétiques ne se fait plus seulement en France : tous les États voisins y participent successivement. Voici deux indices de ce mouvement, relatifs à la Suisse et à l’Italie.

i° Le somnambulisme en présence des savants de Genève.

Genève, la cité de Calvin, le berceau de la réforme; Genève, où naquirent J.-J. Rousseau et plusieurs hommes éminents dans les sciences et les arts, était encore, en i85o, de toutes les cités importantes, la plus arriérée, sans contredit, en fait de magnétisme. A l’exception d’un docteur en médecine qui n’a pas craint de s’en déclarer publiquement le partisan, vous ne rencontriez à Genève que des sceptiques. Magné-

tisme était synonyme do jonglerie, et magnétiseur de charlatan. Qu’on juge alors de l’effet que dut produire sur l’opinion publique le phénomène si remarquable, et cependant incontestable , de cette jeune dame paralysée des extrémités inférieures depuis cinq ans par suite d’une affection de la moelle épinière, qui, mise en état de somnambulisme, marchait aussi facilement qu’avant son affection, et retombait paralysée aussitôt que cessait l’action magnétique.

Le fait se passait à l’établissement hydrothérapique de Divonne, à la porte de Genève. Nombre de curieux et d’incrédules se rendaient journellement à cet établissement, pour voir circuler dans les allées du parc cette intéressante malade, condamnée à une immobilité absolue à l’état de veille', et retrouvant la faculté de se mouvoir sous l’influence du somnambulisme.

Il n’était bruit que de ce singulier phénomène, et les incrédules de bonne foi se demandaient si réellement le magnétisme existait, et s’il avait vraiment l’importance que lui attribuaient ses partisans, lorsque descendit à l’hôtel du Lac une somnambule jouis* sant d’une grande réputation de lucidité : Prudence venait à Genève donner quelques représentation«. Elle arrivait d’Italie, où elle avait fait d’abondantes recettes. Elle venait de donner à Chambéry des séances très-fréquentées, ses succès l’avaient devancée, aussi rencontra-t-elle un accueil plus empressé que ne pouvait le faire supposer l’esprit généralement sceptique des Génevois.

Gomme j’avais été initié à la science mesmérienne par une somnambule du nom de Prudence, dirigée alors par un sieur Laurent, je m’empressai de me rendre á l’hôtel du Lac, afin de m’assurer siMlu Pru-

dence, nouvellement arrivée, était celle que j’avais connue : ce n’était pas elle; il y avait conformité de nom, y avait-il conformité de lucidité? D’après le rapport des journaux , Prudence Bernard, aujourd’hui Mmc Lassaigne, valait, si elle ne surpassait sa devancière.

La première séance, qui fut donnée au théâtre, eut un grand retentissement. Toutes les expériences réussirent, et, à la seconde représentation, la salle fut comble. Genève se divisaendeuxparties, l’une croyant, l’autre niant. J’assistai à la quatrième soirée, et je sortis satisfait. La transmission de pensée, qui est la base de presque toutes les expériences plus ou moins étonnantes, plus ou moins dramatiques, s’opère chez Mme Lassaigne avec une facilité remarquable.

Le corps médical de Genève, sceptique comme tout corps savant, s’émut de la propagande magnétique faite par Prudence ; et comme chaque médecin déblatérait en particulier contre Mesmer et ses partisans , il fallait nécessairement frapper un grand coup afin de ne pas paraître systématiquement hostiles, et tuer encore une fois ce magnétitme animal si souvent abattu, et qui cependant se porte mieux que jamais. Messieurs les médecins s’unirent à des professeurs et autres savants non moins incrédules par système, tendirent une embûche au sieur Lassaigne, qui devait nécessairement y tomber avec son sujet.

Vingt lettres furent écrites de part et d’autre, pour s’entendre sur un programme. Les savants offraient 3oo fr. pour une seule séance de deux heures au plus, et cette somme serait payée avec d’autant plus de plaisir que les expériences réussiraient moins. M. Lassaigne dut accepter. Que risquait-il? Les savants garderaient leur scepticisme, et lui les 3oo fr. Pouvait-

il hésiter? Mais la science, direz-vous, pouvait être compromise. La science ne passe-t-elle pas après l’argent, surtout lorsqu'on fait du magnétisme métier et marchandise?

La séance eut lieu le -x!\ décembre iS5o, en présence de douze médecins, de sept professeurs, de plusieurs ministres et pasteurs, d’avocats, de peintres, d’oificiers, etc.; trois princes russes s’y trouvaient. Comme toute séance donnée en présence de cinquante esprits-forls, elle fut loin d’être concluante, à en croire la relation que lesdits esprits-forts se hâtèrent de faire publier afin de paralyser l’enthousiasme que les expériences du théâtre excitaient généralement sur les esprits moins forts, c’est-à-dire moins prévenus.

Il est juste de reconnaître que dans leur relation imprimée, ces messieurs se bornent à exposer l’insuccès des expériences qui n’ont pas réussi, et à détruire l’effet de celles qui ont eu une apparence de succès. Us laissent au public « à en tirer les conclu-« sions qui en découlent, leur rôle se bornant à celui « de narrateurs. » Merci, messieurs, pour la science! merci de votre longanimité!—

Dans le programme présenté, et imprudemment ao-cepté par M. Lassaigne, il fallait de toute nécessité lire dans une boîte hermétiquement fermée. C’est là, au dire des sceptiques, la pierre d’achoppement contre laquelle, depuis le fameux prix Burdin, viennent se briser académiquement la lucidité des somnambules les plus clairvoyants. L’ancienne Prudence lisait à travers un masque de plomb, Alexis Didier a prouvé mainte fois que lire ou écrire dans une boîte était pour lui chose très-facile ; mais tous les sujets ne jouissent pas de la même lucidité. La nouvel!»

Prudence a échoué. D'après la relation, « elle palpe la « boîte, elle applique son front sur sa face supérieure;

« elle tâtonne!.... »

Voyez-vous cette pauvre somnambule écarquillant non scs yeux, mais son âme, pour déchiffrer l’écrit perfide. La voyez-vous entourée de cinquante es-prits-forts formulant énergiquement cette volonté : Tu ne liras pas, nous ne voulons pas que tu lises; parce que, si tu lisais, nous serions dans la nécessité de reconnaître une vérité que nous contestons. La voyez-vous soutenue seulement par son magnétiseur formulant cette pensée : Tu liras.....Cinquante

contre un! la défaite était prévue.

En effet, la somnambule déclare bien reconnaître que cc n’est pas une phrase, que ce n’est qu’un mot, que ce mot est court, qu’il n’est composé que de cinq à six lettres; mais elle ne peut le déchiffrer, à la grande joie des savants.

On ouvre la boîte : c’était, en effet un mot composé de quelques lettres : Calypso.

L’énonciation d’un mot au lieu d’une phrase annonçait bien une sorte de lucidité; mais le mot n’a pas été lu : donc la vision à travers les corps opaques est un mensonge.

La douzième expérience a été plus concluante; mais vous allez voir la singulière objection qui doit en paralyser l’effet et en amoindrir le succès. Je reproduis textuellement :

« M. Bourhit, pasteur, indique par écrit à M. Las-

o saigne, dans une chambre séparée, un fait auquel « il songe, et dont il a été le témoin.

« M. Lassaigne désire transmettre l’idée par l’attou-« chement des mains. Placé derrière la somnambule, « il fait plusieurs passes en élevant les bras, et fixant

« des yeux le plafond. (Gestes et regard que la cri-« siaque ne pouvait apercevoir.) Puis il s’assied à côté « d’('lle, et soutient, sur la face palmée de sa main, « celle tout étendue de Prudence.

« Mu* Prtdence. Pourquoi me faites-vous monter « si haut? Je vois une personne qui me fait peur....

« C/est un enfant!..... Ah! l’enfant est tombé! dit—

« elle en tressaillant.

« M. Boürrit. Le fait indiqué était la chute d’un « enfant de trois ans, du haut d’une muraille de vingt « pieds de hauteur, à Berne. »

Yoilà une expérience qui aurait pu passer pour concluante; mais, s’écrient les incrédules systématiques : La somnambule n’a spécifié ni l’âge de l’enfant , ni la hauteur du mur, ni le lieu de la scène.

Cette seule objection suffit pour prouver, je ne dirai pas la mauvaise foi, mais la résolution bien arrêtée de ces messieurs, de ne rien voir, et, au besoin, de défigurer ce qu’ils auraient vu de concluant.

Ainsi, dans l’expérience de la boussole, que la somnambule fait dévier en état de somnambulisme, en approchant sa tête, action qu’elle ne produit pas à l’état de veille , on constate que la déviation a été de quarante-cinq degrés; mais ne voilà-t-il pas que Prudence , éveillée, avoue que le buse de son corset est en acier. Indè... la déviation! s’écrient et écrivent les savants, sans songer que le même buse était en acier lorsqu’à l’état de veille Prudence s’est approchée de ta boussole sans la faire dévier.

On peut juger, par ces quelques citations, de l’esprit qui animait ces messieurs.

Dans les expériences de transmissions mentales, d'ordres ou de pensées, qui n’ont pas réussi, qui dira que ces messieurs pensaient réellement ce qu’ils expri-

niaient ensuite de vive voix après l’insuccès ? Ce6 messieurs se méfient, pourquoi ne sc méfierait-on pas d’eux? Par pari refertur.

Nous l'avons dit, et nous le répétons : la science n’a rien à gagner dans ces luttes où les armes ne sont pas égales, où le magnétisme lutte la poitrine découverte, tandis que ses adversaires sont cuirassés. Bien imprudents sont les magnétistes qui les acceptent. Si les expériences réussissent, c’est grâce à une télégraphie secrète •, si elles ne réussissent pas, la conclusion est non pas que le somnambule n’est pas dans les conditions de lucidité, mais que le magnétisme n’est qu’une jonglerie.

Nous maintenons ce que nous avons écrit dans ce Journal : cinquante savants qui ne veulent pas ont plus de puissance qu’un magnétiseur qui veut, quel que soit Yisolement du sujet et la quantité du prétendu fluide dont on l’aura imprégné.

Toute expérience faite dans de telles conditions ne réussira jamais. Que les magnétistes se tiennent donc pour avertis, et que désormais ils ne prêtent plus si gratuitement des armes à nos adversaires.

P. C. ORDINAIRE,

Docteur-Médecin.

2° Le magnétisme devant le public de Turin.

En se généralisant, la pratique du magnétisme tend invariablement à prendre la forme publique. Ce qui a eu lieu précédemment ailleurs se produit maintenant en Piémont. Voilà un prospectus qui marque cette progressive transformation. Nous ne pouvons qu’applaudir à la loyauté des intentions qui y sont exprimées, et faire des vœux pour qu’un succès légitime soutienne la ferveur du nouveau champion

dont nous signalons la venue. Voici la traduction de la circulaire en question :

Monsieur,

Les phénomènes du magnétisme sont si mystérieux et si extraordinaires, la lucidité des somnambules est si variable el si fugitive, l’opinion du plus grand nombre des personnes est si incertaine et si éloignée de la croyance aux faits magnétiques, qu’il ne suffit pas au magnétiseur qui veut les présenter au public d’en avoir fait une longue étude, ni d’avoir des intentions pures; il lui faut encore un courage peu commun pour propager une vérité utile dont il est pleinement convaincu.

Ceux qui doutent arguent de l’incertitude des phénomènes magnétiques pour sc confirmer dans leur scepticisme; mais ils reviendraient bientôt de leur erreur s'ils réfléchissaient seulement que mille faits négatifs ne peuvent détruire un seul fait positif bien démontré.

Dans l’étude du magnétisme comme dans celle de toute autre science, l’analyse doit toujours aller de pair avec la synthèse, l’observation avec l’expérience. Tant qu’il n'y aura pas de chaire publique pour l’enseigner , le meilleur moyen de le propager est d’en montrer avec connaissance de cause, et à l’aide d’expériences publiques, les étonnants phénomènes, de manière que toute exagération étant bannie, ainsi que l’ombre même du charlatanisme , les spectateurs soient certains de ne pas se tromper ni d’être entraînés dans aucune erreur.

Ces maximes m’ont toujours guidé dans les nombreuses expériences que je faisais en particulier dans

6° Influence de la musique sur le somnambule.

7° Réveil à un acte de la volonté du magnétiseur, el sensations au réveil, ou paralysie de quelque partie du corps qui sera désignée préalablement et tacitement.

8° Magnétisation el insensibilité absolue d’une partie du corps en état de veille.

L’envoi de cette annonce était accompagné d’une lettre ayant trait au même objet ; nous en donnons également la traduction, pour que l’information soit complète.

Monsieur,

Vous trouverez ci-joint le programme de ma première expérience publique, quia très-bien réussi, et

a produit la conviction, tant à cause de la grande lucidité et de l’aplomb du somnambule, que par l’assurance et la bonne foi du magnétiseur.

Parmi le très-petit nombre d’auteurs qui ont publié des écrits sur le magnétisme, je suis le premier Italien qui, pour étendre la connaissance de la nouvelle science, ose faire des épreuves en public. Je me suis tellement pris de passion pour cette nouvelle science, qu’afin de pouvoir m’y consacrer j’ai renoncé à l’emploi que j’avais de poète-directeur des théâtres royaux.

J’ai, etc.

F. GCIDI.

Clairvoyance. — Nous réunissons sous ce titre plusieurs traits de lucidité somnambulique qui n’avaient pu trouver place dans nos précédents n uméros.

i*r cas. — Le True Delta, journal de la Nouvelle-Orléans, du ier juin i85o, fait la citation suivante :

Nous tenons d’un de nos correspondants le récit suivant, de circonstances extraordinaires relatives â L’arrivée du vaisseau baleinier YHamUlon Ross à Peter-head, le 3 du mois dernier. On n’en avait jamais vu de retour à une saison de l’année si peu avancée. Ce vaisseau a fait le voyage, aller et retour, en deux mois et trois jours; c’est le plus prompt qui ait jamais été fait, et il rapporte cent cinquante-trois tonneaux d’huile. Cet événement remarquable avait été annoncé positivement et bien clairement par un jeune garçon en état de somnambulisme, â Peterhead. Il affirma dernièrement, en présence d’un grand nombre de personnes, que l’Uamilton Ross serait le premier navire de retour, et qu’il arriverait le 3 mai, chargé de r4,ooo veaux marins (le poids était d’environ i5o ton-

ncaux.) On lui demanda quelles étaient les personnes qu’il voyait à bord du l’Hamilton Ross , au temps dont il parlait, il répondit qu’il voyait le capitaine et le docteur, tous deux dans une attitude inclinée, et occupés à examiner le second, qui s’était blessé la main, circonstance qui a été reconnue véritable à la date précise, qui a été mentionnée.

En même temps il annonça que sir John Franklin se portait bien, mais qu’il paraissait amaigri, et qu’il reviendrait sauf. Notre correspondant ajoute que ces faits ont produit une grande sensation parmi les habitants de Peterhead,

(London Morning-Chronicle.)

2m* cas. —On lit dans le Bristol Mercury du 7 septembre dernier, la relation suivante d’un fait sur lequel les Anglais s’appuient principalement dans les épreuves somnambuliques. Nous le traduisons entièrement.

« M. Vernon, assisté de son somnambule Adolphe Didier, a continué son cours, et la plupart de ses expériences ont très-bien réussi. Le somnambule a pu lire les yeux couverts d’un bandeau préparé avec toutes les précautions possibles : il a distingué des cartes et différents objets, et les a nommés aussi délibérément que l’eût fait toute autre personne ayant les yeux parfaitement ouverts. Dans plusieurs cas il a lu des mots écrits, au travers d’épaisses enveloppes cachetées; et, jeudi soir, M. Yernon a rapporté un fait surprenant qui s’esl produit celte semaine à Bath.

« Un monsieur qui ne croyait point au mesmérisme, M. Manguin, voulut transmettre à une épreuve décisive la lucidité du somnambule, et dans cette intention il mit un billet de banque de 5 Lvres sterling

dans une enveloppe qu’il cacheta avec lo plus grand soin, et de manière à exclure toute possibilité de soupçonner même ce quelle contenait. Il présenta le paquet à Adolphe , et lui dit que s’il pouvait lire le nom et le numéro du billet, il lui appartiendrait. Adolphe réussit à lire le nom de Stuckey, qui est celui de la banque dont il provenait, ainsi que le numéro 18,647, et de cette manière il en acquit la possession légitime. »

5mc cas. — Nous avons mentionné déjà plusieurs visions somnambuliques relatives à l’expédition de sir John Franklin. En voici une nouvelle, que nous reproduisons intégralement, mais sous toutes réserves, tant à cause du temps écoulé, que par la déception de ses aînées. Nous traduisons :

« Le John O'Groat Journal, du 12 juin dernier, dit qu’il y a dans cette latitude une personne en état de clairvoyance, qui raconte toutes sortes de merveilles relativement à sir John Franklin. Le 22, ce somnambule dit, à propos du vaisseau la Terreur, que sir John Franklin s’attendait à être dégagé de la glace au bout d’une semaine ; et, le 3i, il dit que son espoir serait réalisé après deux ou trois jours.

Ayant satisfait à plusieurs questions générales qui lui furent faites, on pria le somnambule de se diriger vers le nord, et de regarder s’il y avait des vaisseaux dans les glaces; aussitôt il en découvrit un, et comme on lui demandait d’en chercher le nom , il épela sans hésitation le mot Terreur, et il remarqua que le champ de glace dans lequel le vaisseau était engagé s’était rompu en partie à une certaine distance, et qu’on avait pu réussir à s’avancer un peu; que le vaisseau avait une partie de ses agrès,

que trois voiles étaient abaissées sur leurs vergues, et arrimées; au lieu qu’à l’occasion de notre deuxième expérience, il décrivit les matelots occupés en bas à réparer les voiles. Le capitaine se promenait sur le pont avec deux olliciers ; il faisait part au plus grand dos deux de la probabilité qu’il voyait de pouvoir se dégager de leur situation dans peu de jours, ce dont l’autre paraissait douter. Les rations de l’équipage venaient d’être augmentées dans l’espoir d’une délivrance prochaine.

« Le capitaine avait l’air défait et soucieux. Comme on pria le somnambule de chercher un des officiers, il reconnut qu'il était mort; que le nombre de ceux qui avaient succombé aux fatigues s’élevait à peu près en tout à quarante, et qu’un grand nombre d’autres souffraient de douleurs de ventre, etc.; on le fit chercher un autre officier, il le décrivit, et dit qu’il était assis dans une partie du vaisseau : il avait mal à l’une de ses jambes, qui était nue et décolorée.

«On désira qu’il décrivit l’endroit xm se trouvait le vaisseau, il dit qu’il était vis-à-vis, mais à quelque distance d’un endroit appelé le rivage de la Furie.

« Nous lui demandâmes de regarder autour de lui du nord au sud, pour voir s’il n’y avait pas d’autres vaisseaux dans la glace, il en découvrit un qui se trouvait au sud-est de la Terreur ; il dit qu’ils étaient trop éloignés l’un de l’autre pour se voir, et qu’il n’y avait pas de communication entre eux.

« Nous lui demandâmes de nous dire le nom de ce dernier. Quoique ne pouvant le voir aussi distinctement que dans le premier cas, parce que le vaisseau était entouré de glace; il réussit dans la suite à épeler le nom l'Erèbe.

Il vit aussitôt le capitaine, et dit qu’il paraissait

très-malade, et avait l’air abattu ; il avait un ban= dage sur le visage. L’équipage était mécontent : une partie avait quitté le vaisseau pour aller à la découverte de quelque rivage. Le somnambule les suivit, et les trouva tous assis à une distance considérable. Ils avaient abandonné leur entreprise, et voulaient retourner au vaisseau. Deux d’entre eux étaient affaiblis par la fatigue , et paraissaient incapables d’aller plus loin; mais les autres ne voulaient pas les abandonner. Ils avaient des provisions, et sc procuraient des oiseaux sauvages. Le vaisseau paraissait être à une distance considérable du rivage de la Furie.

a On lui demanda s’il voyait quelques vaisseaux se diriger du côté où se trouvait la Terreur et l’Erèbe; il déclara qu’il en apercevait plusieurs, et en particulier un grand vaisseau. On le pria de monter à bord, et de tâcher d’en découvrir le nom, qu’il épela facilement : Lady Franklin. II nous fit part de plusieurs autres circonstances sans importance, telles que celles-ci : Le capitaine parle en ce moment au timonier; le second capitaine est endormi, etc... »

(Daily Orleanian.)

Banquet mesmérien. — Chaque année les ma-gnétistes se donnent rendez-vous au Banquet fraternel de la fête de Mesmer. Tout s’organise pour la cé* lébration de cet anniversaire ; la liste de souscription est déjà ouverte, et la commission s’occupe de régler l’ordre de la solennité. Un avis publié dans notre prochain numéro fera connaître toutes les conditions arrêtées.

Nous espérons que le banquet du 23 mai prochain ne le céderapas à ses aînés, et qu’il marquera le progrès nouveau qu’a fait le magnétisme.

Nous montrerons à nos antagonistes que ce qu’ils croient mort est plein de vie, et que jugement d’Académie n’est point jugement de Dieu.

DU POTET.

Chronique. — Plusieurs procès somnambuliques viennent de se terminer à Paris et en province. Il n’est pas question de poursuites nouvelles. Ainsi tout fait présumer que notre prochain numéro contiendra la fin de cette longue série de combats judiciaires.

— Nous avons plusieurs fois exprimé l’idée que les peuples jeunes étant plus accessibles aux nouveautés que les anciens, le magnétisme avait beaucoup à attendre du concours des Américains. Voici un fait qui vient à l’appui de cette opinion.

La « Convention nationale de Médecine » , sorte de congrès qui se tient annuellement dans une des principales villes des États-Unis, dans le but a d’élever le caractère de la profession médicale, et d’en étendre l’utilité », a signalé sa session de i85o, tenue à Cincinnati le 10 juin, par une mesure que les magnétistes apprendront avec joie : elle a chargé le Dr Caldwell, le patriarche de la médecine en ce pays, de faire pour la session de i85i, qui aura lieu en mai à Charleston, un Mémoire sur le magnétisme animal et la phrénologie.

— Notre ami Ordinaire a ¿lé obligé de quitter le canton de Genève, où il était réfugié depuis un an. Il est maintenant dans le Valais au milieu des crétins.

HÉBERT (de Garnay.)

PETITE CORRESPONDANCE.

Avis général. — Le besoin d'un local plus vaste et mieux disposé pour les Séances dominicales , a fait transférer les Bureaux de notre Journal. Ils sont maintenant au Palais-National, rue Ilocbe, n° 5. On entre par le Perron, en face de la rue Vivienne.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

Iiupr. de Poœtnertt et Mcicaq, quai Jcî iogiuliiu, 17.

PHILOSOPHIE MÉDICO-MAGNÉTIQl

THÉORIES.

CHAPITRE III.

De la Médecine magnétique. (Suite.)

Le premier qui réunit en corps de science les principes des anciens sur l’influence curative du magnétisme, fut le médecin écossais Maxwell; il s’attacha particulièrement à reproduire les idées théoriques de Paracelse et de Van Helmont, dans un volume intitulé De Medicinâ magnet icâ.

Les propositions et les aphorismes de Mesmer ne sont qu’un résumé de l’ouvrage de Maxwell. Le mérite du docteur allemand consiste surtout dans l'heureuse application de cette découverte aux besoins de la thérapeutique. Sa théorie repose sur l'influence des astres, l’analogie des pôles du corps humain avec ceux de l’aimant, enfin l’action des courants rentrants et sortants.

Suivant Mesmer (i), il existe une influence mu* tuelle entre les corps célestes, la terre et les corps animés; cette communication se fait au moyen d’un fluide universellement répandu, et susceptible, par

(I) Mémoire sur la découverle du Magnétisme, p. 7t. ïujuî X. — K" J30. - mai 1851. 5

sa nature, de propager et de recevoir toutes les impressions du mouvement. Celle idée avait été émise antérieurement par Maxwell (apiior. 38) et Santa-nelli (i), qui prétendaient qu’il descendait du ciel un esprit universel qui refluait perpétuellement vers les régions éthérées.

« Pour concevoir l’opposition des pôles, dit Mesmer (aphor. 239), il faut considérer l'homme comme partagé en deux par une ligne tirée de haut en bas. Tous les points de la partie gauche peuvent être considérés comme les pôles opposés à ceux des points correspondants de la partie droite; mais l’émission des courants se faisant d’une manière plus sensible par les extrémités, nous ne considérons véritablement comme pôles que ces extrémités. La main gauche sera le pôle opposé de la main droite, et ainsi de suite. Considérant ensuite ces mêmes extrémités comme un tout, ou considérant encore dans chacune d’elles des pôles opposés, dans la main le petit doigt sera le pôle opposé du pouce, le second doigt participera de la vertu du pouce, et le quatrième de celle du petit doigt; et celui du milieu , semblable au centre ou équateur de l’aimant, sera dénué d’une propriété spéciale. Les pôles des corps humains peuvent être communiqués à des corps animés et inanimés; les uns et les autres en sont plus susceptibles en raison de leur plus grande analogie avec l’homme, et de la ténuité de leurs parties ; il suffit de déterminer un pôle dans un corps quelconque pour que le pôle opposé Rétablisse immédiatement. On détruit cette terminaison en touchant le même corps en sens renversé de celui où on l’a d’abord touché, et l’on ren-

(1) Philosoph. recond., c. 26.

force le pôle déjà établi, en touchant le pôle opposé avec l’autre main (i). »

Ce système dos pôles était admis par les alchimistes , et avant eux par les premiers anatomistes, qui divisaient le corps de l’homme en trois parties distinctes : la tête, la poitrine et lepigastre. Sur ces di-divisions ils établirent trois mondes auxquels ils attribuèrent un axe et deux pôles. Cette opinion paraît tirer son origine des effets de l’aiguille aimantée. Pa-racelse (2) admettait dans l’homme un axe polaire, et (Nicolas de Locques(3)croyait que l'homme possédait, comme le grand monde, son axe , ses pôles et son aimant. La vertu attractive de l’air se portait au poumon , celle du sang au foie, celle des sécrétions aux reins, et celle des esprits au cœur. On désignait alors l’homme sous le nom de petit monde, ou microscome; la bouche était le pôle arctique, et le ventre le pôle antarctique. Les successeurs de Paracelse modifièrent cette théorie, et reconnurent dans le corps humain une division naturelle longitudinale. Ils nommèrent le côté droit pôle sud, et le côté gauche pôle nord. Un magnétiseur placé en face de son malade présentait son pôle sud en opposiîion avec le pôle nord de ce dernier, et son pôle nord en opposition avec le pôle sud : on prétendait rétablir ainsi l’harmonie des fluides. Au contraire, lorsque le magnétiseur se tenait derrière son malade, ses pôles correspondaient aux pôles de nom semblable, et provoquaient une répulsion

(1) C’est d’après ce principe que Mesmer recommandait de ne jamais magnétiser lorsque le malade avait les bras ou les jambes croisés. Les faits ne nous manqueraient pas si nous voulions démontrer la futilité de celte précaution.

(2) Opéra chimica. Tractatus 2.

(3) Vertus magnétiques du sang, p. 2.

suffisante pour déterminer nne crise toutes les fois que la nature en avait besoin pour ramener l’équilibre des fonctions organiques. « Le médecin qui ne sait pas s’orienter dans le petit monde, affirmait Pa-racelse, et qui ne sait pas apprécier l'influence des pôles, n’est pas digne d’exercer la médecine. »

La doctrine des pôles devait nécessairement donner naissance à l’hypothèse des courants, dont l’invention remonte à Santanelli. Robert Flud, qui s’est appliqué, dans sa Philosophie mosaïque, à démontrer la coïncidence des vérités de l’Écriture sainte avec les lois de la philosophie naturelle, expose que les pôles de l’homme, conformes à ceux de la terre, engendrent deux courants, le courant septentrional et le courant méridional. Le premier exhale des rayons froids, et le second des rayons chauds. Ces émissions, tempérées l’une par l’autre, entretiennent l’accord organique. Cet auteur, s’appuyant sur l’autorité des anciens philosophes, Pythagore, Platon, Aristote, soutient que l’homme, pour conserver une position magnétique salutaire, doit avoir le visage dirigé vers l’orient et le dos vers l’occident; les bras étendus l’un au nord, l’autre au midi.

Les courants ne sont, d’après Mesmer (aphor. 43), qu’un résultat du fluide universel, dont les vibrations se feraient dans une même direction. « Et, attendu, avance-t-il (aphor. 5a) , que tout est plein, il ne peut exister un courant sortant sans un courant rentrant, et vice versâ. La cause de l’attraction apparente el de la répulsion est dans la direction des courants rentrants ou sortants, l’équilibre exige (aphor. 67) que quand un courant entre dans un corps, un autre en sorte également, el cependant le mouvement des

rayons sortants est plus faible, parce qu’ils sont divergents et épars. »

Nous ne discuterons pas la valeur de ces vieilles théories des influences célestes et des pôles dont l’expérience nous a démontré l’invraisemblance. Si des somnambules en ont pressenti l’utilité (1), nous ne pouvons voir dans cette conjecture qu’une réverbération des idées du magnétiseur ou d’une opinion généralement accréditée.

Le système des courants rencontre encore aujourd’hui de nombreux défenseurs, et la disposition qu’ont certains individus à ressentir l’effet de ces émanations a fait donner à cette sensation particulière le nom d’exploration.

« Il y a des hommes, dit M. Mialle (2), qui ont la faculté non seulement de reconnaître les maladies, mais encore d’en percevoir le remède; ils sont comme dans un état de somnambulisme permanent. » Mesmer et d’Eslon n’ignoraient pas cette faculté que possédaient à un degré assez élevé lesBruno, Deleuze, etc. « Lorsque vos mains sont à la distance d’un ou deux pouces de l’estomac, déclare Sarrasin de Montfer-rier(3), faites attention aux sensations qu’elles éprouveront; vous vous apercevrez de celle d’un souille qui de l’estomac se projette sur vos mains. Ce flatus n’a pas tout-à-fait le caractère d’un courant d’air, mais il vous donne la sensation que peuvent donner des émanations corporelles très-subtiles. Ces effets varient selon l’état de la personne que vous magnétisez ; il est difficile de les caractériser tous. »

(1) Exposé des cures obtenues en France, tome I, p. 490,

(2) Idem, tome II, p. 72.

(3) Principes et Procédés du Magnétisme, tome I, p. 76.

Les explorateurs magnétisent ordinairement un malade jusqu’à ce qu'ils reconnaissent le caractère de la maladie par l’impression qu’ils ressentent. Ce sont tantôt des sensations de chaleur ou de froid, tantôt des picotements, un engourdissement ou des fourmillements le long des doigts; souvent aussi ils éprouvent une douleur analogue à celle du patient. Celte attitude n’étant particulière qu'à quelques magnétiseurs, nous ne pouvons en faire une règle dans la pratique. Heureux ceux jqui sont doués de celte qualité instinctive, car elle pourrait au besoin tenir lieu d’intuition somnambulique.

Gilibert, professeur d’anatomie à Lyon, rapporte(i) une expérience dont il fut témoin à l’école vétérinaire. « Un chirurgien magnétiseur demanda un cheval dont la maladie ne laissait aucun espoir de guérison ; il le magnélisa quelque temps avec l’intention de s’assurer du siège du mal, par la sensation qu'il éprouverait. Le résultat de cet essai fut écrit, le cheval fut abattu, et à l’ouverture on reconnut la lésion indiquée par Vexplorateur. »

Mesmer, à l’exemple de ses prédécesseurs, se servait de tiges de verre, d’or, d’argent, d'acier, pour communiquer le fluide magnétique. Il regardait le verre comme le conducteur le plus efficace; venaient ensuite les autres métaux, par rang de densité; les baguettes aimantées avaient cependant la préférence. Le temps a fait justice de ces superfluités, que l’on remplace avec avantage par le toucher immédiat, procédé plus simple et plus prompt, puisque la communication de l’agent vital s’effectue sans intermédiaire.

(1) Aperçu sur le Magnétisme.

Suivant le médecin allemand, les glaces avaient la propriété do réfléchir le fluide magnétique, d'après les lois do la lumière (i), et l’on pouvait ainsi le multiplier et le concentrer à volonté. Celte opinion n’était pas nouvelle, Libavius , Borel et Santanelli l’avaient émise avant lui. Le père Cabée, dans son traité de la Philosophie magnétique, l’avait même réfutée. « Ejus virtus pénétrât eliam durissima corpora, nec reflectitur. » Mesmer rapportait à l’appui de cette idée l’observation d’une malade dont il magnétisait l'ombre réflétée dans une glace. Les résultats qu’il obtenait par cette méthode offraient le plus grand rapport avec ceux de la magnétisation directe. Desion observa les mêmes effets chez Franklin. Cette croyance s’accrédita beaucoup à cette époque. Le père Hervier, Bonnefoy et plusieurs autres magnétistes partagèrent cet avis. « La glace d’un miroir, dit Tardy de Montravel (2), réfléchit fortement le fluide, mais on 11’en sait pas la raison. »

Nous avouons que nos observations se sont trouvées jusqu’à ce jour en opposition avec celles de ces auteurs recommandables. Nous avons constaté, à la suite d’expériences rigoureuses, que le fluide magnétique traversait les glaces les plus épaisses; nos somnambules les plus lucides nous ont expliqué ce phénomène apparent de la réflection par la propension du fluide à dévier de la ligne droite pour se diriger vers les corps d’une grande susceptibilité d’absorption. Ne voyons-nous pas d’ailleurs, dans les séances publiques, des sujets peu impressionnables repousser les effluves du magnétisme, et des individus placés der-

(1) Mémoire sur le Magnétisme. Proposition 19.

(ijThéorie du Magnétisme el du Suiuuainbulisme, p. 71.

rièrele magnétiseur ressentir rapidement, et souvent à son insu, l’influence de ses émanations? Nous ne doutons pas que toute espèce de corps pourra refléter le fluide en présence d’une personne qui sera douée de dispositions attractives suffisantes, surtout lorsque nous ferons contribuer à cet effet les efforts de la volonté. Il faut aussi, dans ces circonstances, faire la part de Y imagination.

Mesmer et ses partisans croyaient encore que le son communiquait, propageait et augmentait l’influence magnétique (1). Nous ne contestons certainement pas l’avantage que l’on peut retirer de la musique dans un traitement magnétique, mais nous regardons alors le son comme un simple modificateur auxiliaire des émanations magnétiques.

Nous avons vu qu’aux yeux de Mesmer (aphor. 205-206) une maladie n’était que Yaberration de Y harmonie dans nos organes, et que ce dérangement pouvait entraîner des effets fort variables, qu’il appelait symptômes toutes les fois qu’ils provenaient d’une cause morbide, et crises quand ils étaient occasionnés par ces luttes de la nature contre des ferments délétères. Le talent du médecin consistait à en déterminer les causes pour en réprimer ou en favoriser les ellèts, et l’on recourait, dans ce dernier cas, au magnétisme pour rétablir l’équilibre, en multipliant l’irritabilité, l'élasticité, la fluidité et le mouvement (aphor. 209). Mesmer estimait qu’aucune maladie n’était susceptible d’amendement sans un symptôme critique (aphor. 219), et qu’il fallait observer trois époques dans le développement d’une crise : la perturbation, la coclion et l'évacuation.

(I) Mémoire, etc., page 78, Propos. 10.

11 reconnaissait en outre des crises naturelles et des crises occasionnelles. Les premières étaient engendrées à la suite d'un travail de la nature pour se délivrer des miasmes morbifiques par une évacuation quelconque, les secondes élaient le résultat de la magnétisation à laquelle il fallait nécessairement recourir quand les efforts de la nature étaient insuffisants.

Lorsque Mesmer touchait un malade pour la première fois, il dirigeait ses doigts sur l’épigaslre, qu’il regardait comme le point central du système nerveux ganglionnaire. Après cette espèce de commotion électrique, il retirait sa main en élendant les doigts; il s’établissait alors entre lui et le magnétisé une Irai-née de fluide suffisante pour constituer ce qu’il nommait un rapport. Ses traitements avaient lieu dans un appartement qui prit le nom de ls>ge, ou Société de l'harmonie. La Loge était décorée d’insignes allégoriques de la franc-maçonnerie, et la musique était un accessoire qu’on ne négligeait jamais.

Kous ne pouvons contester les succès de Mesmer dans sa pratique, mais nous devons convenir que l’obscurité de sa méthode et l’incertitude de ses pro* cédés réclament aujourd'hui de larges réformes dans l’application thérapeutique.

Un de ses élèves, Chaslenet de Puységur, imprima à cette science une direction nouvelle, en fixant l’attention générale sur l’influence directe de la volonté dans le développement du fluide magnétique. Les médecins hermétiques avaient insisté longtemps auparavant sur cette puissante détermination ; Mesmer lui-même en prévoyait l'utilité, et s’il ne s’est pas appesanti davantage sur les effets de l'intention, c’est qu’il n’en soupçonnait pas toute l’importance. L’étude des phénomènes somnambuliques fut un trait de lu-

mière pour le marquis de Puységur; aux doutes et aux préventions qu’il avait recueillis dans les cours du docteur allemand succéda la conviction la plus profonde sur les causes prédominantes des effluves magnétiques, qu’il considérait encore comme une hypothèse. « Ma volonté, moteur de tous mes actes et de mes déterminations, affirmait-il à ses collègues de la société de l'IIarmonie de Strasbourg, l’est également de mon action magnétique. Je crois à l’existence en moi d’une puissance; de cette croyance dérive ma volonté de l’exercer , et l’acte de ma volonté détermine tous les effets que vous m’avez vu produire et que vous ne pouvez révoquer en doute (1). »

Sans nier l’existence d’un agent intermédiaire entre l’âme et la matière, Chastenet de Puységur posa les premières bases d’une doctrine que suivent encore à présent les magnétiseurs spiritualistes.

Le talent du magnétiseur consistait, d’après lui, à observer les préceptes suivants : Volonté active vers le bien ; confiance active en son pouvoir. — Une longue expérience appuyée sur le témoignage de nombreux somnambules dissipa son incertitude sur la réalité des émanations fluidiques. « Il fallait, disait-il (2), toujours toucher un malade avec le déiir de le soulager et de le guérir de ses maux. Commencez d’abord par poser une main, ou toutes les deux, sur l’endroit de son corps où il ressent de la douleur ; ou, s’il ne souffre pas, passez une main sur son estomac, et l’autre, en opposition, sur le dos. Cet attouchement préliminaire est nécessaire pour établir la communication entre le fluide vital du magnéti-

(1) Du Magnétisme animal, p. 48.

(1) Recherches physiolog. sur l’homme , p. I l-

seur et celui du magnétisé; lequel fluide, d’après le célèbre Lecat (1 ), doit communiquer son impression avec promptitude et précision »

Puységur n’attachait pas d’importance au choix des procédés; il s’appliqua particulièrement à simplifier la pratique du magnétisme, afin de la mettre à la portée de tout le monde.

Delcuzc fut un des plus fervents disciples du marquis de Puységur. Observateur aussi consciencieux qu’intelligent, il parvint à ériger le magnétisme à la hauteur d’une profession. Ardent défenseur des prérogatives de la volonté, il ne s’écarta des principes de son maître que dans l’application des procédés qui ne lui semblaient pas indifférents; mais, avant tout, il regardait la volonté comme la première condition pour magnétiser, la seconde était la confiance que celui qui magnétise a dans ses forces ; la troisième était enfin la bienveillance, ou le désir de faire du bien (2).

Il pensait cependant « qu’une de ces qualités pouvait suppléer aux autres jusqu’à un certain point, mais pour que l’action du magnétisme fût à la fois énergique et salutaire, il fallait que ces trois conditions fussent réunies. »

Ces principes sont généralement admis à notre époque comme base fondamentale de la médecine magnétique , et s’il existe quelque dissidence entre les apôtres du magnétisme , elle repose uniquement sur le mode d’opérer.

Les uns magnétisent par contact et les autres sans toucher le malade. Il peut n’y avoir souvent qu’une question de temps en faveur de la première méthode,

(1) Traité des Sensations , p. 151.

(2) Iustrucl. pratique , p. Il.

et nous lui donnons la préférence dans beaucoup de cas, parce qu’elle nous a paru plus efficace après des épreuves comparatives. Nous reconnaissons avec M. du Potet (1), que « les nerfs conducteurs du fluide nerveux le porteront dans toutes les parties de l’individu soumis h la magnétisation; qu'il s’y répandra comme une rosée salutaire pour humecter les parties mobiles et délicates qui doivent se toucher sans jamais se réunir. Entraînant avec lui la matière nutritive qui doit les soutenir, les développer et les réparer, il établira entre tous les organes une sorte de sympathie conservatrice qui les fera concourir au soulagement les unes des autres. Il se mêlera dans l’estomac avec les aliments, deviendra le premier agent de la digestion , et enfin le premier remède auquel auront recours les malades qu’un sot aveuglement ne fera pas préférer une médecine inventée par les hommes vains et orgueilleux, à un moyen simple et universel que la nature a établi comme une loi nécessaire à son équilibre. »

M. du Potet considère les nerfs comme les conducteurs du fluide, qui se modifierait suivant les décisions de la volonté, en acquérant des propriétés conformes aux intentions de l’opérateur.

Sa méthode n’a pas besoin d’être exposée ici, le premier volume du Journal la contient; mais nous devons l’apprécier pour en déterminer le caractère.

C’est une sorte d’éclectisme empirique fondé à la fois sur le rationalisme et la sanction pratique, alliance complexe des principes et procédés mesmé-riens avec ceux puységuriens, soumis à l’épreuve préalable de l’expérience et de la critique.

(J) Cours de Magnétisme, p. 2i0.

L’action à distance est le Irait le plus original, la marque vraiment distinctive de la pratique. L’tnien-tionalilè, principe en vertu duquel l’agent magnétique se teindrait, pour ainsi dire, de vertus morales préconçues, caractérise la théorie.

Rien, comme 011 voit, n’est foncièrement neuf dans ce système; c’est l’unification des idées de Mesmer et de Puységur contrôlées, interprétées, mises d’accord : résultantepréférable aux inventions,puisqu’elle achemine vers l’avenir avec les provisions du passé.

Les heureux résultats que l’auteur a retirés de son mode opératoire ont été d’un grand poids sur les expérimentations que nous avons tentées; et, malgré le désir que nous éprouvions à nous rapprocher de sa doctrine, nous devons avouer la supériorité que nous a généralement offert la magnétisation par contact. Nos idées présentent la plus grande conformité avec celle du Dr Charpignon , qui reconnaît aux signes une valeur intrinsèque. « Ils tendent, dit ce savant praticien (1), à faire des nerfs du sujet un prolongement immédiat de ceux du magnétiseur, pour cela un contact direct est nécessaire. »

Cette dernièreexpression seulement n’estpaseaaete; c’est utile, favorable, qu’il eût fallu dire ; car les brillants succès obtenus par M. du Potet et ses nombreux élèves ont prouvé que cette condition n’est nullement indispensable.

Dr Alfred PERRIER.

( La suite prochainement. )

(1) Physiologie médic. etraétaph. du Magné«., p. 236.

INSTSTUTIONS.

Société illnsiiéloloslqac du Port-Louis.

Française d’origine, l’île Maurice a conservé les traditions de la mère-patrie. L’usage de notre langue, l’habitude de nos mœurs la rendent plus accessible à nos idées qu’aucune autre colonie anglaise. Toutes nos inspirations trouvent en son esprit leur écho naturel, et dans ses actes on voit l’image de nos œuvres. Ce rayonnement'de notre vie lui assigne un rôle spécial dans la mission providentielle qui a été dévolue à la France : celui d’êlre, en Afrique, le pivot de la propagande magnétique, comme la Louisiane l’est en Amérique. Mesmer voulait que les autres nations nous fussent redevables du bienfait de sa découverte; ses mânes doivent être satisfaites, car c’est par des Français que la glorification de son nom a été commencée. Le 23 mai 185o, une même pensée rassemblait, à Paris, àlaNouvelle-OrléansetàPort-Louis, les représentants du magnétisme dans les trois parties du monde où ces villes sont situées. L’éloignement ne nous a point permis de connaître l’an dernier cette bonne nouvelle que l’Afrique et l’Amérique avaient simultanément imité l’Europe dans la célébration du banquet mesmérien. Mais celte année nous sommes plus heureux, car d’avance nous pouvons annoncer que cette fête aura lieu dans les centres d’initiation précités.

Des documents authentiques sur la marche de la

Société du Port-Louis nous étaient depuis longtemps annoncés : nous les avons enfin reçus. Nous allons seulement en extraire les faits principaux ; car des relations régulières nous permettront de suivre désormais l’évolution normale de ses travaux.

Ovation.

Le 20 décembre 1849 fut pour la phalange mauricienne un jour de fraternelle réjouissance, marqué qu’il était par le retour de M. Lacaussade, président de la Société. Une séance extraordinaire eut lieu; et, dans les nombreuses allocutions que la verve créole a fournies, se trouve un compte-rendu général des progrès de la Société pendant l’absence de cet habile directeur. Voici quelques fragments de ces chaleureuses improvisations.

Par M. F. Mailhol, vice-président :

« Assistée par les fidèles desservants de noire cause, la Société ne s’est adjointe, il est vrai, que bien peu de nouveaux membres; mais elle s’est maintenue en faisant tout le bien qu’il était en son pouvoir de réaliser. C’est beaucoup pour les faibles ressources que nous avions, c’est trop peu pour la belle science dont nous sommes les propagateurs dans ce pays. Cependant, en reportant nos regards en arrière, nous constatons un grand fait. Avant i845, l’on s’était occupé de magnétisme à Maurice, mais dans le silence.

« MM. Robert et Louis de Tong, et moi-même, magnétisions alors, mais dans le sein des familles seulement. Depuis que noire pratique est ostensible, que nos soins sont donnés presque publiquement, des milliers de malades sont venus implorer les lumières somnambuliques et en recevoir les bienfaits. La magnétisation directe a fait aussi de nombreuses

cures. ln grand nombre de magnétiseurs s’est répandu dans toute l’île, et aujourd’hui nous sommes maîtres de l'opinion. Quatre ans ont suffi pour accomplir cette grande œuvre, et nous vous en sommes redevables. Le voyage que vous venez de faire en France, en vous mettant en rapport avec les princes de la science, nous permet d’espérer de nouvelles lumières puisées dans leurs communications. »

Par M. J. César, doyen d’âge :

« Mon cher président, la cause du magnétisme à Maurice retrouve en vous son plus ferme soutien, et il nous semble être doués de plus de puissance aujourd’hui, que la chaîne de l'amitié n’est plus interrompue. Après bien des efforts isolés, vous avez l’heureuse idée de fonder, le 25 décembre 1845, la Société du Magnétisme, avec l’aide de MM. Dupont, Leclézio, Liénard père, Elysé Liénard, Plantin, Mailhol et moi. Cette Société, malgré la réception de beaucoup de membres, malheureusementplus curieux que fervents apôtres de notre cause, ne dura pas beaucoup plus que votre séjour parmi nous; comme si, en nous quittant, vous emportiez tout avec vous. Mais non, croyez-moi; des intérêts opposés ont bien pu faire tomber nos séances en désuétude, mais la cause n’était pas perdue ; de vigilantes sentinelles vous remplaçaient en entretenant sur l’autel de la vérité le feu qui en perpétue la lumière; et, le 28 mai 1848, elles réorganisèrent la Société, qui depuis ce jour est dite ilagnélologique. Nous vous sommes donc redevables et de l’harmonie qui n’a cessé de régner parmi nous, et de l’association au sein de laquelle nous venons tous réchauffer notre zèle. Bien plus, les nombreuses cures que vous avez faites en employant le magnétisme même comme agent curatif, le dévouement sans bor-

ncs que vous avez mis dans vos traitements, et l’abnégation que vous avez inculquée à vos élèves ont été justement appréciés par la Société. Aussi est-ce avec un délire de joie que, le 4 octobre dernier, en recevant l’annonce de votre prochain retour, elle a acclamé la motion suivante :

« En récompense des longs services rendus par « M. Lacaussade , dans l’intérêt du magnétisme, et « pour fonder la Société Rlagnétologique, il est ou-« vert une souscription à l’effet de lui offrir une mé-« daille d’or sur laquelle seront gravés ces mots :

I.es Membres de la Société Magnétologique du Port-Louis, fondée le 28 mai 1848, a Harlowb Lacaussade, fondateur, comme témoignage d’estime et de reconnaissance. »

« Recevez donc, au nom de la Société dont je suis l’organe en cette circonstance, cette médaille, et le bref qui l’accompagne, comme un gage de la haute admiration que nous ont inspirée vos travaux. »

M. Lacaussade répondit à cette ovation par un discours plein de nobles sentiments et d’inspirations généreuses, dans lequel domine cette pensée : Le succès est le fruit du savojr ; encourager l’étude du magnétisme , c’est en préparer sûrement le triomphe. C’était prêcher des convertis ; car dans le procès-verbal du 27 septembre i84g> se trouve l’adoption unanime delà proposition suivante, émanant de la généreuse initiative de M. F. Mailhol.

Concours.

« Il sera offert annuellement, par la Société, une médaille d’or au magnétiseur, homme ou femme, qui aura opéré la plus belle cure par le magnétisme direct.

« Les magnétistes qui désireront concourir sont priés de faire constater l’état du malade par deux membres nommés par la Société, lesquels devront faire un rapport de leur examen, qui restera déposé aux archives.

« Le concours commencera le icr janvier, et sera clos le 5i décembre de chaque année.

« Le prix de la médaille à offrir sera fixé ultérieurement ; mais ne pourra dans aucun cas être d’une valeur moindre de 2 5o fr. »

Banquet.

Le 116e anniversaire de la naissance de Mesmer a été célébré à l’hôtel d’Europe. L’assemblée se composait de tous les membres de la Société. Un grand nombre de tostes ont été portés. Tous sont empreints de l’esprit de progrès, et marqués au sceau de la cordialité la plus franche.

Voici l’intitulé des principaux :

A MESMER , le rénovateur du magnétisme.

AU JURY MAGNÉTIQUE, institution protectrice.

A PUYSÉGUR, DELEl'ZE, etc., morts en défendant la cause.

A DU POTET, le plus grand propagateur moderne.

AUX MAGNÉTISEURS DE L’ILE SOEL'R (Boubbou), confraternel accord.

A LAFORGUE, CHARPIGNON, etc., vaillants soldats de la milice mesmérienne.

AUX SOMNAMBULES MAURICIENS, bommage reconnaissant.

Avec de semblables dispositions, la réunion ne pouvait manquer d’êlre joyeuse; aussi l’un des convives nous écrit-il : « Ça été, une magnifique fête de famille à laquelle rien n’a manqué. »

T ravaux.

Nous voyons par d’au 1res pièces, i° que le siège de la Société est ru«' des Roches et do Castries ; 2" que les séances sont hebdomadaires , et tenues le jeudi à sept heures du soir ; 5“ que tous les jours, de sept heures à dix heures du matin, on magnétise et donne des consultations somnambuliques, dans des chambres séparées, au local social ; 4° 1ue quand le mal l'exige, les magnétiseurs se transportent au domicile des malades ou les reçoivent chez eux; mais toujours les soins sont gratuits et administrés au nom de la Société.

Depuis un an beaucoup de nouveaux membres ont été admis, et maintenant la plus grande activité règne pour les traitements. Mais c’est toujours vers le somnambulisme que se porte l’espoir des affligés. A peine constate-t-on une guérison parla magnétisation seule, contre trente qu’enregistre la médication somnam-bulique.

Cependant, comme partout et toujours, les plus admirables résultats ont été obtenus mesmérique-ment; mais le pli est pris, et malgré tous les efforts de la Société pour propager ce mode de traitement, auquel est exclusivement réservé le concours pour la médaille dont il est parlé ci-dessus, il est probable que la méthode puységurique prédominera longtemps encore. Nous relaterons incessamment quelques-unes de ces cures.

En résumé les magnétiseurs de l’ancienne Ile de France ont beaucoup travaillé , et tout annonce que la prodigieuse extension que le magnétisme a prise dernièrement ici va s’accomplir aussi là-bas.

HÉBERT (de Garnay).

VARIÉTÉS.

BIOGRAPHIE. — Notice sur la vie et les travaux de A.-J. Dams,

suivie d'un parallèle de cet extatique avec Em. Swedenborg.

I.

Continuellement à la poursuite de ce fantôme qu ¡1 croit le bonheur et qu’il s’imagine toujours être sur le point de saisir, le cœur de l’homme, altéré de lin-fini, dédaigne le trône de la création qu’il occupe, et gravite sans cesse vers un monde invisible qui exerce sur lui une magique attraction.

Ce frémissement de l’âme sensible, ces aspirations, ces élans du cœur qui servent de véhicule aux puissances virtuelles de nos facultés passives, ainsi qu aux sens et à la pensée, entraînent irrésistiblement l’homme, après l’avoir soustrait à l’influence de ses connaissances positives, vers les sphères de 1 idéal, de l’inconnu que l’imagination qui le guide peuple de fantômes et d’erreurs. De là cette tendance de l’âme vers l’immortalité qui est l’élan naturel d’un cœur que l’égoïsme n’a pas desséché. La science positive peut repousser ce sentiment sur un autre terrain que le sien, mais elle ne le détruit pas, et ce que croit l’homme ou ce qu’il espère reste toujours debout à la périphérie de ce qu’il sait. Etrange problème ! Cependant, malgré leur contact apparent, un abîme profond, un monde, l’infini les sépare : ils sont comme deux pôles opposés qui obéiraient à la force centrifuge. D’un côté, c’est l’intelligence et la raison ; de l’autre, c’est le sentiment et l’imagination : en un mot, c’est la logique et la foi.

C’est ce sentiment qui, dans tous les siècles, chez

tous les peuples, a donné naissance à tous les dogmes, à tous les cultes et à toutes les croyances sur la nature et la destinée de lame humaine. C’est lui qui a peuplé le vide immense de l'inconnu, qui en a coloré les ténèbres, fait parler le silence; qui y a répandu des jouissances infinies et des douleurs éternelles; et qui, pour les faire accepter et les imposer à la foi, les a données pour des révélations divines. La foi, à son tour, s’emparant de toute l’activité intérieure de l’homme, lui fait un besoin passionné, ainsi qu’un devoir , de soumettre tout à son empire, à envahir, à s’imposer, à devenir la loi des esprits et même des faits. Mais mettre la force du côté de la foi, c’est pousser le courage du côté du doute. Or, le doute conduit à l’examen, l’examen à la comparaison, la comparaison à l’impitoyable raisonnement, à la déduction logique qui renverse, qui foudroie!

Ces problèmes de la destinée humaine qui préoccupent si impérieusement l’âme de l’homme, et qu’il veut absolument résoudre, ont leur solution hors de notre sphère et se rattachent à un ordre de faits étrangers au monde visible. Les différents dogmes enseignés et reçus dans tous les âges ont été, chacun, l’expression variée de la solution de ce problème.

De nos jours, des novateurs, ou des hommes qui pensent l’être , ont proclamé de nouvelles doctrines qu’ils prétendent devoir aux révélations des esprits, reçues par des sujets privilégiés plongés dans l’extase. Cela ne doit pas surprendre ; il était tout naturel que les phénomènes les plus merveilleux du mesmérisme, la lucidité, l’extase , qui aspirent à la connaissance des faits de l’esprit pur, servissent de base ou tout au moins de prétexte à la propagation de nouveaux dogmes. La réalité, quelquefois incontestable , des

pouvoirs de l'esprit dégagé de ses liens matériels, comme il peut l’être effectivement dans la tranee magnétique, a dû séduire et entraîner des esprits plus disposés à l'exaltation qu’à la réflexion.

Puisque c’est sur cette puissance naturelle et nouvellement étudiée, ainsi que sur les communications des voyants avec le* esprits, que les sectateurs du néo-spiritualisme ont basé leurs doclrines, l’examen de ces personnes, au point de vue de leurs facultés extatiques, enlre tout naturellement dans les attributions d’une revue scientifique comme la nôtre.

En donnant ici une notice biographique sur un extatique aussi célèbre que le voyant américain A. J. Davis, nous espérons atteindre un double but : fournir un aliment à la curiosité bien légitime qui s’est éveillée sur un homme qui joue un rôle si important parmi les spiritualistes, et en faire un sujet d’étude d’un intérêt proportionné à l’importance des déductions que l’analvse y fait découvrir. Or, un pareil examen appliqué à l’un des plus intéressants phénomènes du mesmérisme développé chez Davis jusqu’aux dernières limites connues, el constaté de la manière la plus authentique, ne peut pas manquer de produire un résultat fructueux ; nous voulons parler de l’état auto-extatique dans lequel le clairvoyant de Hartford se met seul et instantanément.

Le résultat de ces études aura sans doute une bien haute portée, puisqu’il nous fournira les éléments tout nouveaux d’un examen comparatif entre les facultés de Davis et celles de Swedenborg, que nous n’avions pu juger péremptoirement jusqu’à ce jour. Nous possédons enfin la pierre de touche pour apprécier le voyant suédois comme extatique et comme propagateur de nouvelles doctrines.

Nous niions donc décrire sommairement les faits biographiques de Davis, nous livrer à un aperçu physiologique et psychologique de ses facultés magnétiques, et donner son portrait, que l’administration du Journal, jalouse de montrer qu’aucun sacrifice ne lui coule pour plaire à ses abonnés, a fait graver soigneusement.

*“ Andrew Jackson Davis est né à Bloominggrave, dans l’État de New-York, le 11 août 1826. Après avoir été jusqu’à l’âge de douze ans gardeur de vaches, il

vint, en i838, se fixer à Poughkeepsie pour y exercer avec son père la profession de cordonnier. Employé ensuite dans une maison d’épicerie, il la quitta en i S41 pour retourner à la profession paternelle, et entra à cet elfet en qualité d'apprenti chez M. Ira Armstrong. Il y resta jusqu’au jour où se révélèrent scs prodigieuses facultés somnambuliques.

Son éducation, subordonnée à l’état de pauvreté de ses parents, se borna à ce que cinq mois passés dans une école de village peuvent procurer d’instruction. Il n’eut le temps que d’apprendre à lire imparfaitement, à écrire passablement et à faire une addition. Plus tard, le manque de loisirs ne lui permit pas dépensera s’instruire; car quelques lectures décousues de productions légères ne pouvaient pas tendre vers ce but. Cependant, malgré cet état d’ignorance et des dispositions naturelles qui ne permettaient pas de le supposer au-dessus ni au-dessous de la médiocrité, il se montrait désireux de savoir et très-porté à s’informer. Et même , suivant le témoignage de M. Bartlett, pasteur de Poughkeepsie, assez explicite à ce sujet, Davis possédait un esprit inquisiteur, aimait les livres et principalement ceux qui traitaient de controverse religieuse. C’est ainsi qu’il ne fut redevable qu’à lui-même des acquisitions de quelque valeur qu’il fit dans la science. Il devint ce qu’on appelle un penseur; mais à cette époque, sa méthode naturelle de communication tendait, par un mauvais emploi des mots, à obscurcir ses pensées.

Vers la fin de )843, un certain M. Grimes vint à Poughkeepsie professer la science du mesmérisme. Parmi les personnes sur lesquelles il tentait ses expériences, afin d’appuyer ses théories sur des faits , se trouva le jeune Davis ; mais malgré ses efforts les plus

persévérants, il ne put obtenir le moindre résultat; tandis que les phénomènes qu'il produisait sur d’autres personnes, dans cette branche importante de la science psychologique, éveillaient une vive émotion au milieu des habitants du village. Parmi ceux qui furent jaloux d’essayer leur propre pouvoir et de provoquer l’apparition des phénomènes magnétiques, fut un M. Levingston. Un jour Davis, sur qui les tentatives du professeur avaient été infructueuses, se trouvant dans la boutique du tailleur de M. Levingston , celui-ci lui proposa de le magnétiser. L’essai réussit incontinent, et le jeune homme, plongé dans l’état de lucidité somnambulique, déploya des facultés de clairvoyance réellement surprenantes : on lui fit visiter et décrire des lieux qu’il n’avait jamais vus, et lire, les yeux bandés, dans un livre fermé. Aussi devint-il pendant deux ou trois mois l’objet de la eu riosité publique. Mais dégoûté d’un pareil rôle, Davis informa son magnétiseur que les facultés qu’il possédait s’étaient développées jusqu’au point de lui permettre désormais d'examiner les maladies et de donner des consultations médicales.

Ce fut à ce moment que Davis quitta son apprentissage et entra chez M. Levingston pour se livrer exclusivement au traitement des maladies; emploi dans lequel il obtint, dit-on, des succès très-remarquables.

Peu de temps après, et par degrés, les facultés de Davis acquirent un immense développement.

En mars i44j sans Ie secours d’aucun procédé magnétique, il tomba dans un étrange état anormal pendant lequel un phénomène du plus singulier caractère se manifesta. Il sembla presque entièrement insensible aux choses extérieures, et ne vivre que dans

le monde interne. Pendant deux jours que dura cet état remarquable, ses forces physiques et intellectuelles acquirent un accroissement prodigieux, et c’est alors qu’il annonça la nature de sa mission spéciale dans ce monde, dont il prétendit être informé. Son devancier Swedenborg, dans le même étal d’extase, avait aussi fait connaître qu’il était choisi pour remplir une mission analogue.

C’est ici que commence la seconde phase de la carrière somnambulique de notre voyant. Jusque-là les faits magnétiques, chez lui, s’étaient bornés à ceux que produit la lucidité : vue à distance et à travers des corps opaques; sensibilité pour les affections morbides, et faculté intuitive médicale. Maintenant, ses facultés s’étant étendues, perfectionnées, il arrive à l’état extatique dans lequel il possède, selon ses déclarations, l’intuition des sciences, même les plus élevées ; et, dans l’espèce de révélation qu’il en donne, il emploie, au grand étonnement de ses auditeurs, les termes techniques de l’anatomie, de la physiologie et de la matière médicale, aussi familièrement que les termes les plus usuels. Il n’est pas inutile d’ajouter que ses intimes avouent qu’à cette époque les facultés normales de Davis progressaient aussi ; qu’on remarquait en lui une capacité rare pour l’intelligence des principes naturels; et que la forme dont il revêtait sa pensée, unique dans son expression, prouvait irrésistiblement que son propre cœur, au-dedans, et les invariables enseignements de la nature, au dehors, étaient presque les seuls livres qu’il. eût lus.

En i845, étant dans le cours de ses pérégrinations médicales, Davis annonça, au milieu d’une intéressante consultation , qu’il allait bientôt commencer

une série d’improvisations en forme de cours, sur des sujets scientifiques. Il choisit à cet effet le DrLyon, médecin très-recherché à Bridgeport, pour être son magnétiseur, et M. W. l’ishbough pour écrire sous sa dictée. Enfin, pour imprimer à ses révélations une es-pèce de caractère solennel, ainsi que la sanction du témoignage , il désigna plusieurs personnes des plus honorables pour assister à ses cours. Pendant la durée de chacune de ses séances, le clairvoyant réclama toujours le plus grand calme, aussi bien moralement que physiquement. Lorsqu’il était dans sa crise extatique, toute excitation quelconque le troublait aussitôt ; de même que les personnes dont la sphère magnétique ne lui était pas sympathique. C’est pourquoi on ne pouvait pas admettre indistinctement tous ceux qui se seraient présentés; cependant, les personnes croyantes ou incrédules qui avaient un grand désir • de s’assurer de la vérité, étaient généralement admises.

Lorsque le Dr Lyon voulait mettre Davis dans l’état d’extase, voici comment il procédait : D’abord le magnétiseur et le sujet étaient assis commodément l’un devant l’autre. Les manipulationsusuelles étaient exécutées pendant trois, quatre, ou cinq minutes. Une contraction soudaine des muscles, comme serait celle produite par un choc électrique, indiquait que le sujet était suffisamment magnétisé. On lui bandait alors les yeux pour les proléger contre la lumière; après quoi il gardait le silence pendant environ cinq .minutes, et restait immobile à l’exception de quelque soudaine contraction musculaire. Une de ces con-

I tractions finissait par déterminer chez lui la conscience externe , et lui donnait le pouvoir de commander aux organes du mouvement et do la parole. Ensuite il

prenait une position inclinée, soit à droite, soit à gauche, et devenait froid, raide, sans mouvement, et insensible à toutes les choses extérieures. Le pouls devenait faible , la respiration paraissait presque suspendue, el tous les sens étaient entièrement fermés au monde matériel.

D’après la propre explication de Davis, cet état physiologique correspond presque exactement avec celui de la mort physique. La vitalité qui semble avoir abandonné son organisme, n’est soutenue que sympathiquement par la présence du magnétiseur dont la sphère magnétique devient, à proprement parler, la sienne. Aussi, si pendant que Davis était dans cet état, le magnétiseur, par un moyen quelconque, eût rompu ses rapports avec lui, la vie organique aurait cessé , et l’esprit aurait été incapable de rentrer dans son enveloppe matérielle. C’est du moins l'explication qu’a donnée Davis. Quant à la description qui précède, elle est parfaitement conforme à celle de l’état physiologique de l’extase véritable dont l’erreur ou l’ignorance ont souvent et abusivement trop étendu les limites.

C’est dans ces dispositions que Davis s’est trouvé lorsqu’il a dicté ses nombreux discours et son volumineux ouvrage des Principles of nature.

Pendant ce travail vraiment prodigieux, son énonciation était caractérisée par un accent solennel el tout particulier, comme si ses paroles fussent sorties des profondeurs de son âme; et ses manières, habituellement si simples et si peu affectées, impressionnaient à l’extrême. A chaque fois qu’il entrait dans son état anormal dans le but de discourir, il était capable, par un effort de rétrospection, de passer ci revue, Verbatim, tous les manuscrits de ses leçons pré

cédenies. Cette faculté remarquable mérite d etre notée, attendu qu’elle parait constituer le caractère spécial et dominant do l’état extatique de Davis.

Les limites restreintes de cette notice biographique ne permettent pas de donner même un simple aperçu des matières contenues dans le livre des Principles of nature, qui est entièrement composé des cent cinquante-sept discours qu’il avait prononcés dans les conditions sus-énoncées. Cette volumineuse publication traite de toutes les sciences naturelles, des traditions historiques de tous les peuples et de leurs croyances religieuses. La sincérité de ces révélations a été scrupuleusement établie par des témoignages honorables ; et les personnes compétentes qui les ont entendues ou examinées n’ont pu se retenir d’exprimer leur admiration pour les facultés prodigieuses du voyant de Poughkeepsie. M. Bush, le plus digne et le plus capable d’avoir une opinion à ce sujet, affirme l’avoir entendu, dans ses cours, citer des mots, des phrases de langues anciennes dont il n’avait aucune connaissance, et dont il n’avait jamais lu aucune traduction ; que cependant « on ne pouvait pas dire avec raison que dans son état surnaturel ces langues lui fussent connues ; car il était certainement incapable d’expliquer le sens d’une phrase écrite en langue étrangère qu’on lui aurait donnée à titre d’expérience ( i ) » ; tandis que toute parole, toute phrase nécessaire à l’élucidation de sa pensée semblaient sortir spontanément de ses lèvres et découler de la même source que ses révélations. Enfin, ce qui n’est pas moins remarquable, c'est que les propositions de ses leçons ont une coïncidence frappante

(1) Bush, Mesmer and Swedenborg.

avec celles de Swedenborg, de Fourier, Laplace, Cuvier, Ilcghel et autres savants ou novateurs.

C’est à cette période de la carrière extatique de Davis que se rapporte cette vision dont nous avons donné les détails dans le Journal du Magnétisme (1), et qui eut tant d’influence sur l'esprit du savant américain. Nous engageons nos lecteurs à relire ce passage sur lequel nous reviendrons lorsque nous nous livrerons à l’appréciation analytique des facultés de Davis, et que nous essaierons de tracer les limites de leur extension.

Nous parlerons aussi de cette circonstance arrivée à la même époque, et dans laquelle M. Bush désirant adresser quelques questions relatives à la traduction qu’il venait de faire d’un traité de Swedenborg, dont le manuscrit était dans sa poche, Davis, par ses réponses, montra qu’il le connaissait mot à mot, depuis le commencement jusqu’à la fin, quoique pendant cet entretien il eût les yeux bandés (2).

Nous voici arrivés à la troisième el, probablement, dernière phase ascendante des facultés magnétiques de Davis. Tandis que son scribe, M. Fishbough, remarquait et signalait ses progrès saillants dans le style et la diction, un autre genre de progrès latents s’opéraient silencieusement et se manifestèrent tout à coup. De simple extatique qu’il était, il devint autoextatique; c’est-à-dire que, au lieu de recourir aux procédés manuels d’un magnétiseur, il put désormais , pour arriver au même état, exercer l’action mesmérique sur lui-même. Ce don naturel, ce privilège est assurément le nec plus ultra que puissent

(1) Tome IX, page 236 et suiv.

(2) Voy. Mesmer and Swedenborg, p. 169.

atteindre les facultés intellectuelles et morales de l’homme au point de vue du mesmérisme. Cependant les résultats ne nous en paraissent que peu satisfaisants. Après un examen consciencieux, nous avons remarqué que l’état auto-extatique ne produit pas la vision nette, précise de la lucidité ordinaire, lorsqu’il lui arrive d'être vraie; et nous sommes disposé à croire que l’action magnétique donne plus de force, de valeur, de réalité à la vision somnambulique que lorsque le sujet agit sur lui-même ( i ). Pour les phénomènes de la communication dépensées, de la vue à distance ou de la vision rétrospective, la lucidité mesmérique a pu et peut produire parfois'des résultats très-précieux; tandis que nous trouvons dans les dernières publications de Davis la preuve que son état auto-extatique ne produit pas des faits aussi sérieux que lorsqu’il subissait l’action d’un magnétiseur. Nous présenterons des exemples frappants à l’appui de cette opinion.

Aussitôt que Davis eût découvert l’extension nouvelle de ses facultés, il congédia le DrLyon ainsi que son scribe, M. Fishbough ; heureux, pensa-t-il, de se soustraire à toute influence humaine. Maintenant, il s’automagnétise, et pendant son extase il écrit lui-même les révélations qu’il reçoit. Il les trace au

(1) Nous puisons dans les Facts in Mesmerism, de Townshend, pages 160-175, un fait intéressant qui vient appuyer notre opinion.

Ayant placé un jeune somnambule dans un cabinet noir, pour éprouver sa lucidité, Townshend rapporte qu’élant ainsi occupé à lire l’écriture, à deviner des cartes, ou désigner les différentes teintes d’une série de verres colorés, le sujet tenait constamment une des mains de son magnétiseur, et la portait quelquefois à son front, affirmant que cela augmentait sa lucidité.

Il demandait même, parfois, que celui-ci poussit son haleine sur les objets qu’il désirait voir. Preuve évidente de l’inue nce de l’action du magnétiseur sur le développement et l’extension des facultés magnétiques.

crayon ; et le lendemain, il relit et corrige son manuscrit, que Mme Davis (il est marie depuis quelque temps) a la mission de transcrire à la plume pour le livrer à l’imprimeur. Il n’a pas d’autre guide que lui-même, d’autre intermédiaire que sa femme , et c’est ainsi qu’il a écrit et publié son premier volume de Great harmonia, dont nous avons rendu compte récemment, et sur lequel nous reviendrons dans notre conclusion.

Davis réside à Hartford, à environ cent vingt milles de New-York. Il vit très-retiré du monde, dont il semble appréhender le contact. Pendant six mois de l’année, à partir de l’automne, il se livre entièrement à ses travaux littéraires, étant presque constamment en extase, état dans lequel il se met presqu’instan-tanément. Pour y parvenir, il s’assied, se recueille, pense fortement au désir qu’il a d’y arriver; fait agir sa volonté avec énergie, tout en occupant sa pensée de l'objet qu’il veut examiner ; il exalte alors ses facultés magnétiques et se trouve enfin plongé dans l’extase. Nous avons interrogé un de ses intimes pour savoir si, à son état normal, il a le souvenir de ses visions; mais il n’a pu répondre avec assurance, attendu que parfois, lorsqu’on l’interroge sur les sujets de ses révélations, Davis passe si promptement de l’état normal à l’extase, et avec si peu de changements dans sa physionomie, cfu’on ne sait réellement pas si on parle à un voyant.

Mais comme il sait que cette tension continue de ses facultés pourrait l’épuiser en peu de temps, il se repose complètement de ses travaux peudant les six autres mois de l’année.

II.

Any thcory, hjpothesis, pliilosophj, sect, CrccJ, or institution, thaï fcm investigation, openly manifcits ib un n error.

A.-J. DAVIS. (TAí Princip. of ¡yat.)

« Toute hypothèse, philosophie, secte, croyance, ou constitution qui craint l’examen, manifeste par là sa propre faiblesse. » Cette sentence philosophique nous sourit par sa justesse; et en l’appliquant aux doclrincs de celui qui l’a mise en tôle du livre The Principies of Nature, peut-être ne ferons-nous pas sourire également Davis.

Par le mot doctrine, nous entendons résumer ici l’homme et ses facultés; ses prétentions à une mission divine quelconque; ses révélalions dues à l’état extatique, et les théories quelles renferment implicitement. Comme cette énumération donne tous les points que nous avons à examiner , et qu’elle est également applicable au voyant suédois, Em. Swedenborg, nous mettrons en regard ces deux hommes, célèbres à des degrés différents ; et, les examinant , les comparant, les faisant marcher parallèlement dans toutes les phases de leurs facultés surnaturelles , ainsi que dans les évolutions de leurs enseignements, Swedenborg nous aidera à étudier Davis, et Davis nous apprendra à connaître Swedenborg.

Les prétentions de Davis sont, lorsqu’il est plongé dans l’état extatique, d’être en rapport avec les esprits ; non pas de les évoquer, de les faire apparaître comme pensent ingénument le faire quelques spi-rilualistes d’Europe, mais seulement d'en recevoir

des instructions, quand il leur plaît de le faire l’objet de leur solliciludc.

Swedenborg, le grand maître du spiritualisme moderne, s’est attribué les mêmes privilèges que Davis.

11 n’a pas admis non plus dans ses théories, l’évocation d’esprils quelconques; c’était ceux-ci qui venaient bénévolement le trouver. Et s’il s’est entretenu avec Luther, Calvin, Mélancthon, comme il a bien voulu nous l’apprendre, c’est qu’il a pris la peine d’aller les visiter dans leurs sphères célestes.

Quant aux croyances religieuses des deux voyants, on peut dire qu’elles ont servi de base unique à leurs doctrines dogmatiques. Swedenborg, fils d’un évêque luthérien, avait sucé, avec le lait, les sentiments de la religion réformée ; et c’est sur les enseignements de cette secte qu’il a fondé sa théosophie. Davis, né dans un pays libre où la discussion des questions religieuses est permise, n’a point de croyances. Sa première éducation, il est vrai, se reflète encore dans ses Prxncxples of Nature, où il fait une revue des livres mosaïques; mais cette lueur de la tradition s’éteint tout à fait chez lui pour ne plus laisser voir que les principes de la religion naturelle, rendue mystique cependant, par sa théorie spiritualiste. Aujourd’hui, nous savons qu’il ne suit aucun culte, qu’il paraît n’avoir aucune croyance.

Une autre nuance très distincte , provenant de la différence de leurs sentiments sur la religion, sépare Davis du voyant Suédois. Swedenborg qui connaissait les principaux faits du mesmérisme, puisqu’il les a décrits ou plutôt voilés sous une forme mystique, et qui a fait tous ses efforts pour dissimuler la véritable cause de son état surnaturel, l’extase, a cherché à le faire passer pour un pouvoir d’origine

divine, puisqu’il a prétendu avoir été choisi par le Trcs-IIaut lui-même, pour être le dépositaire des plus importantes révélations sur le monde des esprits, et sur les lois de ses rapports avec le monde naturel. « Cette manifestation du Seigneur, dit Swedenborg, et cette intromission dans le monde spirituel, sont plus précieuses que tous les miracles; mais cette faveur n’a été accordée à aucun homme, excepté moi, depuis la création. » (/lobart’s Life ofSwed., p. 42.)

Davis, au contraire, avec toute la naïveté d’un cœur droit, avoue qu’il doit tout à ses facultés magnétiques , dont il décrit les développements depuis leur première apparition , jusqu’à la manifestation de sa taculté auto-extatique. Ainsi, le premier paraît vouloir exploiter le privilège naturel d’un état surnaturel, pour se déclarer audacieusement le plus grand missionnaire de Dieu, depuis la création, et se mettre à la tête d’une église nouvelle ; tandis que l’extatique américain, beaucoup moins ambitieux, ne s’attribue que la simple mission d’éclairer les hommes, lit nous n’opposerons pas de sérieuses objections à cette prétention, attendu que ses écrits sont plutôt dictés par un sentiment libéral, éclairé, réformateur, qui a le discernement des vices de la société humaine et qui veut l’en expurger. Et pour ajouter un éloge à celui-ci, nous ferons ressortir la délicatesse de ses sentiments en signalantson refus énergique de jamais exercer ses facultés anormales pour autre chose que le bien général. Les plus vives sollicitations, faites dans ries vues d’iutérèts privés, ont toujours été repoussées par lui.

Maintenant, jetons un coup-d'œil sur le point saillant des prétentions de nos deux révélateurs, qui est dêtre en communication directe, soit avec les esprits

angéliques, soil avec les esprits «les défunts. El d'abord, nous pourrions débuter par poser celle question : Que sont les esprits célestes? Mais comme silice point ignoré, nos préjugés traditionnels sont en harmonie avec les descriptions de nos voyants, nous les acceptons comme ils nous les donnent, c’est à dire, comme des êtres parfaits et initiés à toute la science divine et par conséquent humaine. Il n’est pas possible de les concevoir autrement, à moins d’admettre avec Swedenborg, qui, pour se conformer à ses croyances a conservé la dualité du bon et du mauvais principe, l’ange et le démon. Aussi enseigne-t-il à se défier des révélations des esprits, en énumérant les erreurs qu'ils peuvent répandre. Il prétend, il est vrai, en vertu de sa haute élection, reconnaître le faux du vrai; et c’est à ce titre qu’il nous donne avec confiance, avec l'imposition de la foi, ses innombrables enseignements. Donc, ses doctrines , comme celles de Davis, sont les révélations des bons esprits, des esprits de la science et de la vérité. Sur ce point, l’extatique de New-York est moins ferme que Swedenborg; il ne se croit pas tout à fait invincible, et avoue naïvement que l’infaillibilité n’appartient qu’à Dieu seul.

Examinons, avec nos facultés vulgaires, quelques points des révélations scientifiques faites ¡1 nos voyants par les angéliques possesseurs de la science el de la vérité. Si l’examen logique nous y fait découvrir des traces d’erreurs et de contradictions, nous serons forcé d’en conclure que ce 11e sont point eux qui les ont dictées. Or, il s’y en rencontre, même de matérielles, et en grand nombre. ¡Nous allons en citer quelques-unes assez, saisissables pour propager notre opinion en la faisant partager aux hommes sérieux.

Davis, clans son Greal llarmonia, dont nous avons déjà rendu compte et signalé quelques grossières erreurs touchant l'histoire et la philosophie, nous fournit des arguments puissants pour combattre la doctrine des esprits. Par exemple, lorsqu’il fait dire à Solon : « La Grèce fut ma patrie et mon idole; et ses belles institutions m’apparurent comme des monuments de savoir el de philosophie. Mais la discorde vint la troubler. Le gouvernement du pays fut divisé en de nombreuses républiques,- et le peuple, appréciant favorablement mon caractère et mon savoir, me confia la direction de ses affaires. »

Ce passage dénote la plus profonde ignorance de lélal politique de la Grèce. Au moment de l’élévation de Solon à l’archonlat d’Alliènes, l’an 5g3 avant Jésus Christ, la Grèce était partagée en plusieurs républiques, et celle de Sparte, entre autres, avait reçu les lois de Lycurgue 2^5 ans avant qu’Athènes eût confié le même soin à Solon. Ainsi il est complètement erroné de dire que la discorde, à l’époque de Solon, vint troubler la Grèce et la diviser en de nombreuses républiques, puisque celles-ci existaient depuis plusieurs siècles. lit lorsqu’il ajoute que le peuple grec le chargea de la direction de ses affaires, il fait une lourde bévue, en faisant croire par là qu’il fut mis à la tête de toute la Grèce, de toutes les républiques. Effectivement, ce n’est pas le peuple grec, mais seulement le peuple athénien qui l’élut archonte.

Dans le même alinéa, l’esprit révélateur apprend à Davis que, au lieu de promulguer verbalement ses lois à la multitude, Solon ordonna qu'elles fussent écrites sur le parchemin (i).

(t) Great llarmonia, p. 182.

Dans un précédent article, nous avons montré coque celte déclaration a de contradictoire avec la vérité historique, qui constate explicitement que les Jois de Solon furent gravées sur des tables de bois et placées dans le Prytanée. Nous ajouterons que les traditions historiques les plus légitimes, établissent que le parchemin dont parle ici Solon, ne fut inventé que trois cents ans plus lard, par Atlale, roi de I’ergame (i).

Le livre des Principles of Nalure nous fournit, entre autres erreurs, celte énormité philosophique : Selon Davis, ou plutôt selon son guide spirituel, la langue grecque est bien antérieure à la langue hébraïque ; les livres mosaïques furent primitivement écrits en grec; et ce ne fut que plus tard qu’on les traduisit en hébreu. Il suffit d'éuoncer cette proposition pour en montrer tout le ridicule. Aussi, M. Fislibough, le scribe de noire voyant, frappé de cette absurdité, a cherché à en amortir l’effet clans une note où il prie Je lecteur d’attendre l’explication de cet effrayant paradoxe ; mais cette explication que donne Davis, n’est que le développement, la paraphrase d’une absurdité philologique.

Dans une brochure récemment publiée par Davis, et intitulée The Pliilosophy of spécial Providences, il rapporte qu’étanl plongé dans une vision extatique, il vit, entre autres choses: « Le peuple hébreu quitter une ville égyptienne, et traverser, comme sur un terrain sec, une rivière (mer) dont les eaux étaient séparées d’une manière extraordinaire (wkich mus par-

(1) ns/rj*pw*l, parchemin, a pour racine ni,-,/-/.,*« , Pergamc, ville de l'Asie mineure oii l’on commença, sous le roi Attale, à employer le parchemin pour écrire , vers 242 av. J. C.

tcd in an cxtruordinary manner). Le Pharaon qui le poursuivait avec son armée, conduisit ses troupe* sur le terrain sec, à l'endroit de la division des eaux; niais aussitôt les Ilots les enveloppèrent tous, et le roi ainsi que sa brillante armée, furent noyés ou détruits. »

Tout le monde sait que le livre de l’Exode dit for-mellement que, par l’effet d’un miracle de Dieu, le peuple hébreu, conduit par Moïse, traversa la mer rouge à pied sec. On sait également que l’observation des phénomènes physiques a expliqué naturellement ce passage de la mer, par le flux et le reflux de la marée, qui permet encore aujourd’hui, au même endroit, d’y voir se réaliser le même fait (1). Eh bien, voilà que notre voyant, éclairé par sa lumière spirituelle, source de science et de vérité, dénature en le rapportant, ce fait historique, au point de mettre une rivière à la place de la mer rouge, et d’y faire périr une brillante armée! Et qui, dans son illumination scientifique, ne découvre pas, à la place d’un miracle, un phénomène purement naturel ! De manière que, dans celte circonstance, il manifeste simultanément son ignorance de la tradition mosaïque, ainsi que de la science positive. Et pour qu’on ne trouve pas notre

(1) Voici ce qu'on lit à ce sujet dans le Tableau de l’Egypte, pendant l’occupation française. A. Galland, membre de la commission des Sciences et Arts, séant au Caire pendant l’expédition (lome I, p. Il1), parle du voyage de Bonaparte à Souez, et dit : « Le général en chef, accompagné d’une escorte considérable, a été voir ce port. Je ne parlerai point du canal... dont il a fait le premier la découverte...., ni des fontaines de Moïse. Je me contenterai d’observer que le général passa la mer rouge à cheval* et aussi heureusement que Moïse; qu’à son retour, la marée se trouvant beaucoup plus haute, il fut sur le point d’éprouver le sort du Pharaon ; car le gué n’était plus praticable. Plus heureux ou plus habile, Bonaparte se lira d’affaire; mais le général Caftarelli, privé d’une jambe, aurait couru des dangers sans l’intelligence el le courage d’un guide à cheval. «

décision trop hostile, nous ajouterons, à propos de ce même passage, que Davis, clans son livre des l’rin-ciples of Nature, se contredit lui - même, en expliquant le miracle par le phénomène de l;i marée. Il dil même que Bonaparte et Alexandre traversèrent la mer rouge avec leur armée, ce qui n’est pas plus vrai pour l’un que pour l’autre, puisque le premier n’avait qu’une escorte (1).

Ces erreurs et ces contradictions n’annoncent certes pas une origine spirituelle , ni céleste; car elles sont au-dessous des notions les plus vulgaires , et dénoncent même l’ignorance et l’irréflexion. Voilà cependant les fruits du spiritualisme , et ce qu’il voudrait imposer au monde pour l’éclairer et le guider !

Faisons une dernière réflexion sur le caractère de ces révélations. Lorsque Davis va, pour ainsi dire, soutirer de l’esprit de Solon l’analyse psychologique du passege de cette vie dans l’autre, nous nous demandons pourquoi s’adresser plutôt au législateur

(1) M. Fishbougli, dans son Introduction r[esPrinciples nf Nature, nous instruit sur la valeur et la précision des termes employés par Davis dans ses révélations. Il dit :

« Sa phraséologie n’est pas un sujet de direction intérieure , excepté quand de délicates distinctions, ou une grande précision d’expression sont

nécessaires.....Et quoique , lorsqu’il vent revêtir une idée , il emploie avec

la plus grande facilité les termes techniques, et même des mots et des phrases appartenant à des langues étrangères, quelquefois, il lus prononce mal; mais pas de manière , cependant, à obscurcir son idée. Il aurait pu atteindre à la précision dans ces détails, quoique sa peine eu eût été immensément accrue, en en faisant l’objet d’une investigation intérieure.....

il me laissait à moi-même le soin d’ajuster ces délicatesses du langage, avec la restriction que ces corrections ne détruiraient pas les particularités du style général et du mode d’expression. »

Donc, le critique doit prendre à la lettre les mets employés par Davis, leur orthographe seule ayant pu être retouchée.

(Princip. of.Xat. Introd., p. xviij).

d’Athènes, qu’au premier esprit venu. Est-ce que tous les esprits ne son! pas savants au même degré sur un parc il sujet ? Mais lorsqu’on prétend posséder un instrument d’investigation aussi puissant, nous pensons et nous dirons bien haut, que c'était plutôt dans les détours mystérieux du temple égyptien qu'il fallait pénétrer cl l’employer à consulter scs savants et ses prophètes. C’étail les deux Hermès (i) et leurs livres mystiques qu’il fallait leur demander de reproduire; c’était ces hommes qui ont préparé le berceau dé l’antique civilisation orientale et assisté à la forma-mation primitive des langues; c’était, enfin, la première créature humaine qu’il fallait voir et interroger ! Voilà des explorations scientifiques dignes de l'intérêt des hommes !

Quant aux révélations de Swedenborg, elles lui sont plutôt personnelles, et consistent principalement dans le détail de ses rapports avec les esprits. C’est donc dans les descriptions qu’il en donne qu’on peut chercher à découvrir le côté faible de sa doctrine.

Ici, pour ne pas nous répéter, nous sommes obligé de renvoyer nos lecteurs aux quatre articles que

(1) Parmi les fragments authentiques des livres hermétiques qui nous sont parvenus, on remarque celui d’un discours d’Itermès à Tholh, el qui se trouve parfaitement semblable à ce que Davis a mis dans la bouche de Solon.

« La mort, dit-il, est pour certains hommes un mal qui les frappe d’une profonde terreur. C’esl de l’ignorance. Ce que l’on appelle mort, c’est seulement la destruction des membres el des sens du corps ; t’être, l’âme ne meurt point. »

« La terre n’est que corruption et génération. Toute génération procède « d’une corruption. »

CflAMPOLLION J*.

(Voyez, pour la comparaison, notre examen de Créât harmonía, Journal du Magnétisme , tome X, p. 174.)

nous avons publiés dans les VIIIe cl IXe volumes de ce Journal, sur le livre Mesmer and Swedenborg. Les erreurs que nous y avons signalées et qui portent parfois le cachet de la volonté, sont d’un autre ordre que celles de Davis. Elles ont même, pour certains esprits austères, tous les caractères de l’imposture.

Effectivement, lorsqu’un hommeseprélend chargé d’une mission divine, se qualifie d'envoyé du Ciel, comme l’a fait Swedenborg ; lorsqu’il est l’objet de la plus grande somme de gloire et de savoir que l'Etre-Eternel puisse accorder à sa créature, il ne devait pas nous dire, oublieux de sa propre dignité d’être raisonnable, « qu'il a été mis dans l’élat où sont les anges ; que, dans cet état, il a conversé avec eux ; qu’alors il comprenait tout; mais que rentré dans sa pensée personnelle, il ne pouvait rien se rappeler (i). » Car on doit nécessairement conclure de cette déclaration que, puisqu’étant revenu à son état ordinaire il avait perdu tout souvenir de son état angélique passager, il ne pouvait pas se rappeler davantage qu’il eût conversé avec les anges et qu’il eût tout compris. C’est de la simple logique.

Nous clorons ce sujet d’examen par une seule citation , tirée du même passage , où Swedenborg dit que celte science angélique ne pouvait pas s’exprimer par des mots humains, mais seulement par « la variété des nuances de la lumière céleste. » Sans vouloir répéter qu’il ne devait pas se rappeler ce détail, plus que le reste, nous dirons que dans le Traité de la vraie religion chrétienne, au numéro , Swedenborg révèle que les anges ont une écriture composée en partie de lettres arabes et de lettres hébraïques.

{)) Swedenb. Le Ciel et l’Enfer, 239.

Or, comme los lettres «les alphabets arabe et hébreu sont des signes phonétiques, il en résulte que les anges avaient une écriture alphabétique et phonétique; donc ils pouvaient parler leur écriture; donc, enfin, pour communiquer leur pensée, ils n'avaient nul besoin des nuances de la lumière céleste. Cet argument est irréfutable, et prouve jusqu’où peut aller le charlatanisme mystique. Et puis, voilà ce qu’on appelle remplir une mission divine !

Davis, dans la manifestation de ses facultés magnétiques, a prouvé qu'il possédait, à un degré tout exceptionnel, celle de la communication de pensée, ou plutôt de la soustraction de pensée, qui est ce phénomène par lequel les extatiques voient, à notre insu et sans notre concours , ce qui est en nous. C’est celte faculté qui spécifie le caractère dominant de cet extatique. Et lorsqu’on sait, comme nous l’avons dit au commencement de cet article, que Davis se montrait très-désireux de savoir et très-porté à s’informer; que, même, il possédait un esprit inquisiteur, nous serons disposé à ne voir dans sa faculté de soustraction de pensée que la réalisation, dans son état extatique, de ses penchants naturels à l’état normal.

Pour bien établir la réalité de ce pouvoir chez Davis, nous croyons qu’il suffît de rappeler sommairement la circonstance d’un manuscrit que M. Bush avait laissé dans sa poche, et qu’il y lut littéralement; ainsi que l’histoire de ce fameux écrit qu’il traça au crayon, dans une promenade extatique à Poughkeep-sie, sous la dictée de Swedenborg, et qui n’était composé que de phrases extraites, mot à mot, de deux traités de Swedenborg, traduits en anglais par M. Bush, encore inédits, et que Davis n’avait pas en-

rore lus, même dans la pochc de M. Bush; écrit qu’il remit aussitôt à M. Bush d’après l’ordre qu’il en avait reçu intuitivement.

Il est certainement impossible de ne pas reconnaître dans ces faits, le phénomène plus particulièrement désigné chez les Anglais sous le nom de soustraction de pensée, et qui est une nuance délicate, mais distincte, de la simple communication. C’est donc ce phénomène si merveilleusement développé chez Davis, qui nous fait concevoir, qui nous explique même, tous ses travaux, toutes scs prétendues révélations. C’est en butinant ainsi, à son insu probablement, dans la mémoire des savants avec lesquels il a eu des rapports j qu’il est parvenu à se faire une bibliothèque encyclopédique dont les volumes ne sont imprimés ni casés que dans la tête de ses correspondants. Le mérite de ses écrit» dépend donc du degré de savoir de ses fournisseurs intellectuels. Effectivement, un fait bien significatif, et qu’on ne saurait trop signaler, c’est que Davis, dans ses révélations scientifiques, n’a pas fait progresser la science; qu’il n’a pas dépassé du plus mince degré la limite de» connaissances acquises ; et que c’est uniquement dans leur sphère connue qu’il a puisé partiellement et incomplètement. Il est vrai que le prodigieux développement que donne à l’intelligence du sujet la trance extatique, lui a permis de combiner, coordonner ce» matériaux d’une manière remarquable, et de les décrire dans un style superbe. Donc, il n’y a pas de révélation, mais simple assimilation, emprunt involontaire du savoir d’autrui. Nous ne serions même pas embarrassé pour nommer quelques-unes des personnes qui ont connu Davis magnétiquement et qui ont pu l’instruire à leur insu

dans son extase. Nous cilerons, entre autres, M. Brisbane, le phalanstérien, sur la doctrine de Fouricr; Edg. A. Poë, le spirituel conteur américain et en même temps habile métaphysicien, sur les systèmes philosophiques de Giordano Bruno et de Heghi-I ; M. Bush, sur la philologie ancienne, la tradition mosaïque et la doctrine de Swedenborg; le Dr Lyon, sur les sciences médicales et naturelles, etc.

Par cette appréciation qui nous est toute personnelle, nous ne pensons pas froisser Davis. Ses prétentions se bornent à recevoir directement l’instruction des esprits qui la lui révèlent; or, comme nous avons démontré que sa science n’est pas puisée à la source de la vérité pure; que, d’un autre côté, il est convaincu de sa propre ignorance, il faut bien, pour expliquer ce mystère, avoir recours aux savants que Davis a connus et auxquels il a soutiré, au moyen d’un phénomène bien connu , tout ce qu’il croit révéler.

Sur ce point, Swedenborg était dans une condition tout à fait différente et beaucoup plus favorable : étant lui-même une encyclopédie vivante, il atout puisé dans son propre fonds. La théologie, la philosophie , la philologie ancienne et les sciences naturelles qu’il possédait à un haut degré (1), ont servi de base à son édifice mystique. En parcourant ses nombreux ouvrages, on rencontre çà et là des réminiscences du Thalmud, principalement de la Ghemara, qui est la glose, le commentaire de son texte, la Mishna; mais surtout du Zohar, qui est le commen-

(1) Swedenborg avait près de soixante ans lorsqu’il commença sa mission prophétique; Davis, qui n’en a que vingt-cinq, n’aurait pas pu acquérir directement une pareille dose de savoir.

taire allégorique et mystique de la loi mosaïque; et enfin de la Kabbale, philosophie religieuse des Juifs. Les coïncidences qu’on y remarque prouvent surabondamment que le novateur Swedenborg n’a rien inventé.

Nous terminerons notre examen par un dernier parallèle de la physiologie de l’état extatique des deux voyants, qui aura pour résultat d’établir la parité de leurs facultés psychologiques.

Tous ceux qui connaissent la physiologie de l’extase ont remarqué qu’un phénomène oculaire l’accompagne constamment, bien qu’à des degrés variés. Dans l’état extatique, l’œil du sujet devient clair, brillant, pénétrant; il s’illumine vivement comme d’une flamme étincelante. Quoique ce phénomène se présente presque sans exception , nous en rapporterons cependant un exemple, parce qu’il est pris chez la voyante de Prévorst, célèbre auto-extatique. «Ses yeux, dit Kerner son biographe, malgré ses grandes souffrances , étaient toujours clairs et brillants ; et il en sortait une lumière réellement spirituelle qui frappait immédiatement ceux qui la voyaient dans son extase. »

Davis, dont nous avons décrit l’état auto-extatique en porte évidemment tous les caractères physiologiques. Et quoique nous n’ayons point mentionné particulièrement la vivacité de son regard, il la possède comme tous les autres extatiques. Un ami intime de Davis nous a déclaré qu’il est très-difficile, tant sa contenance et son langage sont naturels et semblables à ceux de son état normal, de reconnaître la métamorphose, à moins d’étre prévenu et initié aux mystères psychologiques du mesmérisme.

Comme pendant à ce tableau, nous allons donner

la traduction d’un document qui renferme un curieux et frappant parallèle. Il est extrait des Documents con-cerning ihe Life of Sweden Oorg, page 76. Le voici :

« M. Robsham ayant demandé à la femme du jardinier de Swedenborg, si elle avait remarqué quelque changement dans la contenance de son maître, aussitôt après qu’il avait conversé avec les esprits ; elle lui répondit : Un jour, dans l’après-midi, en entrant dans sa chambre, je vis ses yeux brillants comme des flammes. Je reculai en disant : Au nom de Dieu, monsieur, que vous est-il donc arrivé d’extraordinaire; car vous avez une singulière physionomie? Quel air ai-je donc? répliqua-t-il. Alors, je lui dis ce qui m’avait frappée. Bien, bien, répondit-il, ne vous effrayez pas : le Seigneur a ainsi disposé mes yeux, afin que les esprits puissent voir ce qui ¿si .dans notre inonde. En peu d’instants, cette apparence se dissipa, parce que, dit-il, il le voulut ainsi. »

Nous ne posséderions pas le sentiment logique, si nous n’interrompions pas un moment l’enchaînement de nos idées, pour faire remarquer que cette domestique surprit son maître dans une extase ; c’est évident : mais, surtout, pour signaler cette énormité psychologique par laquelle Swedenborg prétend que c’est par ses yeux que les esprits voient les choses de ce monde. Ne sait-on pas que l’organe visuel doit être complètement inutile dans une pareille hypothèse; et que les sujets lucides, eux-mêmes, possèdent la vision sans le secours de l’organe matériel? Enfin, dans ces quelques mots : en peu d'instantt, cette apparence se dissipa, parce que, dit-il, il le voulut, ne trouve-t-on pas la preuve irréfragable qu’il entrait en extase et qu’il en sortait à volonté ? Donc, il était auto-extatique.

Qu’on prenne la peine de comparer la description de llobsham avec celle que nous avons donnée de Davis, et il sera impossible qu’il reste le plus léger doute sur la parfaite identité de l’état auto-extatique des deux voyants. Mais alors la conclusion qui en résulte naturellement renverse d’un seul coup tout l’échafaudage de la mission mystique et prétendue divine de Swedenborg, et prouve qu’il ne faut plus voir en lui qu’un simple auto-extatique, comme l’est son compétiteur en révélations, Davis, ainsi que beaucoup d’autres; et qu’il n’a pas plus le droit de se dire prophète, de fonder une religion, de proclamer des doctrines spiritualistes, que le premier extatique venu.

III.

Nos excursions critiques dans le domaine du néospiritualisme, nous ont valu quelques reproches passionnés. Nous devions nous y attendre. Comme les opinions, dans ce monde, sont basées, ou sur la logique, ou sur la foi, en choisissant l’un deces deux éléments de conviction, nous ne pouvions pas manquer d’avoir l’autre pour adversaire. Or, à nos yeux, le pire des suicides étant celui de l’intelligence, nous ne pouvions pas sacrifier cette faculté sublime à un sentiment vague, incertain, variable.

On nous reproche, de plus, d’attaquer le spiritualisme par des plaisanteries. Cette accusation serait inique si elle était sérieuse. Si nous avons parfois combattu des prétentions ridicules par la plaisanterie, nous n’avons eu d’autres armes que celles de la logique pour les erreurs des fausses doctrines; de même que nous aurions recours à la satire si nous avions le malheur d’être en face du vice ; à chacun son lot.

Nous nous sommes constamment appuyé, dans notre examen, sur la méthode logique, et nous avons poussé la loyauté jusqu’à ne prendre aucun de nos arguments en dehors des écrits que nous combattions.

Quant à nos propres opinions sur le néo-spiritualisme, elles résultent d’études sérieuses, et qui nous ont mis à même de découvrir la profonde ignorance des doctrines spiritualistes, même chez leurs plus chauds partisans. Si ceux-ci se livraient, comme nous l’avons fait, à de patientes recherches, ils partageraient noire opinion, ou bien ils la combattraient au moins avec de véritables armes; et la lutte, alors, serait acceptable.

Nous avons ramassé le gant que les spiritualistes nous ont jeté. Nous sommes entré dans la lice ; et cependant, jusqu’à présent aucun d’eux ne s’y est présenté : notre lance, notre écu, notre armure sont encore intacts. Nous attendrons. Et qu’on ne s’y méprenne pas, nos prétentions ne sont pas d’attaquer, mais seulement de défendre la logique que notre savant collègue, M. Hébert, a si heureusement qualifiée d’arche sainte de l’esprit. Nous voulons garder le tabernacle qui renferme et protège la sublime loi du mesmérisme, et dévouer toutes nos énergies à la défense de cette divine essence de la création, que des enthousiastes, dans leurs rêves apocalyptiques, ne tendent qu’à arrêter dans l’essor de ses évolutions progressives, en semant l’erreur fanatique au lieu d’aider à propager la vérité bienfaisante.

CHOCARNE.

Naïveté médicale. — Un de nos plus spirituels antagonistes, le Dr Amédée Latour (autrefois Jean

Raymond), vient de révéler, dans une charmante boutade contre le progrès des sciences, la cause tacite de l’opposition que ses chers et très-honorés confrères font au magnétisme. Lisez plutôt cet édifiant extrait de Y Union médicale :

« Quoi qu’il en soit, et puisque l’occasion s’en présente , je veux dire un mot de l’influence qu’ont sur la profession médicale, au point de vue de ses intérêts matériels, les découvertes les plus réelles, les plus utiles et les plus bienfaisantes. On va crier au paradoxe et au sophisme; rien n’est cependant plus véritablement vrai que cette proposition : Toute découverte en médecine, sur le diagnostic et surtout sur la thérapeutique, a pour conséquence immédiate d’appauvrir le médecin. Découvrir c’est simplifier. De plus en plus la médecine tend à devenir facile et agréable; or, c’est la médecine facile et agréable qui tue le médecin.

« La découverte du quinquina porta un coup terrible aux médecins du 17* siècle; ils traitaient les fièvres pendant des années entières, après avoir épuisé toute la série des fébrifuges; quelques prises de quinquina réduisirent la maladie à une durée moyenne de trente jours.

« La découverte du sulfate de quinine a diminué de moitié les honoraires des médecins.

« L’auscultation est une magnifique invention, mais Laennec a fait plus de mal aux médecins que Montaigne, Molière et Rousseau.

« Remontez, en esprit seulement, à cent ans en arrière. Nous sommes en 1751. Un grand personnage, supposons le maréchal de Richelieu, vient d’être frappé d’une fluxion de poitrine. On envoie chercher Sylva. Le vieux docteur arrive; il est vêtu de velours

noir, une grande perruque couvre sa tête, il s’asseoit avec dignité près du malade, il questionne, il tâte le pouls, fait tirer la langue; et puis, la tète appuyée sur sa canne à pomme d’or, il réfléchit, il médite; enfin il écrit une longue prescription, émanation directe de ses méditations. Le malade guérit, et cette guérison elle est tout entière, pour le malade et pour l’assistance, le fruit des savantes réflexions du médecin; il l’a trouvée dans son esprit, dans son intelligence : la pensée seule a tout fait. Aussi avec quel surcroit de considération le médecin sort-il de cette épreuve ! C’est une bataille bien gagnée ! s’écrie le maréchal, et sa reconnaissance s’épanche en flots d’or.

« Nous voici en 1851 ; une pneumonie vient d’atteindre un riche financier du temps. On court chercher M. le professeur que vous voudrez. Il arrive en redingote; il questionne peu, mais il s’empresse de percuter son malade et de l’ausculter dans tous les sens. Cela fait, il demande du papier et se met à écrire une prescription fort courte, dont la saignée, un julep et une tisane font tous les frais. Il s’en va, revient pour recommencer tous les jours la même stratégie. Le malade guérit, cela va sans dire, et mieux et plus vite qu’autrefois. Mais le malade et l’assistance, croyez-vous qu’ils se fassent de M. le professeur la même idée que nos pères se faisaient de Sylva ou de Tronchet? En voyant l’application de tous ces procédés faciles et mécaniques, où les sens seuls sont appelés à fonctionner, et où l’intelligence semble passive, le médecin est assimilé á l’horloger qui vient remonter les ressorts d’une pendule humaine, et mis à peu près sur le même niveau de considération.

« Qui dira les innombrables pertes que la vaccine, ce présent du ciel, a fait subir aux médecins !

« Cet excellent Matliias Mayor s’imaginait faire un cadeau superbe aux médecins, avec ses bandages simplifiés et sa cravate, lit vous aussi, mon cher et savant ami, Monsieur Rigal, vous croyez être utile à vos confrères, avec votre nouveau système de déliga-tion chirurgicale. Erreur, erreur funeste! Le paysan, le fermier, en voyant le bon, le solide et le très-compliqué appareil de Scultet, ne rechignait pas à lâcher son vieil écu rouillé. Quand il vous verra tout faire avec le mouchoir Mayor ou le triangle Rigal, il vous dira : Ce n’esl que ça? ça ne vaut pas davantage; il se croira quitte envers vous avec quelques pièces de menue monnaie.

« L’esprit humain est ainsi fait ; il aime le mystère, le merveilleux, le compliqué, le difficile. En fait de médicaments surtout, le mauvais, l’amer, le nauséabond. Plus une médecine est répugnante, plus le malade y attache d’efficacité. Ah ! qui vous rendra, mes chers confrères, le temps, le bon temps des médecines bien noires, dont les matériaux concassés, co-hobés, macérés, infusés, filtrés, portaient le trouble el l'insurrection dans le ventre de Monsieur! Aujourd’hui, vous purgez agréablement avec la limonade de Rogé, et le public vous paie en conséquence. Il vous donnait 3 fr. pour l’affreux déboire de la médecine composée ; il ne veut donner que vingt sous pour le purgatif agréable.

« Et le chloroforme, a-t-il fait du mal aux chirurgiens ! Si bien qu’il en est aujourd’hui qui trouvent cetteinvention détestable en additionnant les colonnes du journal des recettes. Une bonne amputation de cuisse, une belle opération de taille, où le pauvre patient était soumis à toutes les tortures du couteau, de la scie, des tenailles et le reste, laissait dans son âme

une telle impression, quand il en revenait, qu’il marchandait peu les honoraires du chirurgien. Aujourd’hui, qu’il ne sent plus ni le fer, ni le feu, sa reconnaissance a baissé en proportion de sa sensibilité, et ce sont des luttes quotidiennes du chirurgien au malade, quand il s’agit de délier la bourse.

« En vérité, je vous le dis, mes chers confrères , tout progrès bienfaisant de notre science ou de notre art est une cause pour nous de déconsidération et d’appauvrissement.

« En vérité, je vous le dis, la médecine facile et la médecine agréable nous tuera tous. »

En vérité, nous vous le disons à notre tour, le magnétisme fera contre vos intérêts plus que toutes les autres découvertes, et ce qui vous afflige nous réjouit, en pensant à l’avenir. Nous connaissons maintenant la cause de votre résistance; elle est peu honorable, mais elle a sa raison d’être.

Vous êtes maintenant jugés, Messieurs de l’Académie, la science, pour vous, est une industrie; vous en aviez le monopole ; le progrès et le temps vous appauvrissent; mais vos lamentations sont amusantes autant qu’indiscrètes. Il est de ces choses qu’on ne dit qu’en famille. Vous ferez du magnétisme, Messieurs, vous en ferez beaucoup, nous l’avons dit il y a longtemps, car ce sera le seul moyen de combler le déficit.

DU TOTET.

Tribunaux. — Voici la suite des affaires judiciaires dont nous sommes occupes depuis si longtemps.

TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE PARIS (7« chambre).

Audience du 15 mars.

I,e sieur Lolmède, officier de santé, et la demoiselle Elisa Dufay, couturière, demeurant tous deux rue Caumartin, 3g ; le sieur Nicolas Jouy, dit Antony, et la demoiselle Henriette-Marie Vasseur, demeurant tous deux rue Basse-du-Rempart, 20 ; et enfin la demoiselle Victorine Raullot, dite Clémence, demeurant rue Lepelletier, 20, compris dans la prévention d’exercice illégal de la médecine que la 7e chambre était appelée à juger le 5 de ce mois, se sont présentés aujourd’hui devant cette même chambre , par suite d’une disjonction prononcée en ce qui les concerne.

Le sieur Lolmède, qui n’est qu’officier de santé de la Faculté de Montpellier, est prévenu en outre d’avoir pris le titre de docteur-médecin, qui ne lui appartient pas; des ordonnances signées de lui, et portant au-dessous de sa signature les initiales D. M. , sont les preuves à l’appui de la prévention.

Le tribunal l’a condamné à 5oo fr. d’amende, et a condamné les quatre prévenus chacun à 5 fr.

(Gazelle des Tribunaux.)

La Gazelte précitée dit, dans son numéro du 7 mars, à propos des procès dont le résumé qui précède clot la série :

« Nous avons rendu compte hier des poursuites dirigées contre un grand nombre d’individus inculpés d’exercice illégal de la médecine à l’aide de somnam-

huüsme, poursuites qui se sont terminées par une condamnation à 5 fr. d’amende. Ce résultat appellera sans doute l'attention des législateurs.

« L’organe du ministère public, en effet, regrettait avec beaucoup de raison que la législation sur l’exercice de la médecine, si incomplète, si insuffisante à tous égards , ne permît pas d’appliquer des peines en rapport avec la gravité des faits. L’impuissance dans laquelle se trouve la justice de réprimer efficacement les délits de cette nature témoigne assez hautement de la nécessité, de l’urgence qu’il y a de réglementer définitivement par une loi une matière de cette importance. »

Les mêmes vœux étaient exprimés par Y Union médicale , au début de ces poursuites.

« Pourvu, disait-elle le 25 juillet dernier, que les juges de Paris se montrent plus sévères que les juges de Bordeaux, qui viennent de condamner une somnambule coupable d’avoir prescrit un lavement cpn-tenant vingt-quatre grammes d’extrait de belladone,

à 5 fr. d’amende!......L’honnête pharmacien qui la

magnétisait, et qui vendait les drogues, a été condamné à i5o fr. d’amende. »

Le rédacteur en chef de ce journal s’est bénévolement chargé de nous apprendre, depuis, les motifs de ces rigueurs projetées.

Audience du Î2.

« Le sieur Possin, professeur de magnétisme, et Claude Cuny, dit Ferdinand, somnambule, demeurant tous deux boulevard Saint-Denis, cité de l’Union, 3, étaient aujourd'hui traduits devant la po-

lice correctionnelle , pour avoir exercé illégalement la médecine. Lors du la descente du commissaire do police au domicile des prévenus, le sieur Cuny était endormi et donnait une consultation médicale sur un morceau de flanelle.

Les deux inculpés sont invités à s’expliquer. Messieurs, dit le sieur Possin, on dit que j’ai exercé la médecine : erreur. J'endors M. Cuny, qui est mon gendre, l’époux de ma fille, mon fils, car je l'aime comme mon fils : il est si bon , si humain, si charitable, si vertueux, il a toutes les qualités ! c’est pour cela que je lui ai donné la main de ma fille ; il a sauvé la vie à ma femme...

M. le président. Tous ces détails sont inutiles. le prévenu, avec volubilité. Pardon, pardon , permettez; mon gendre est endormi par moi; il ne sait pas ce qu’il dit une fois dans cet état; il donne de simples conseils, comme tout le monde pourrait le faire; la loi ne défend pas cela; le somnambulisme est aujourd’hui une chose assez notoirement reconnue pour...

m. le président. Ne venez pas dire que le somnambulisme est reconnu ; si le tribunal était appelé à le juger, il sait bien ce qu’il aurait à faire; mais que le somnambulisme soit une jonglerie ou une réalité, le tribunal n’a pas à s’en occuper; il ne s’agit ici que d’exercice illégal de la médecine.

le prévenu. Eh bien ! soit; la loi défend l’exercice illégal de la médecine; mais elle défend aussi le transport des dépêches, et cependant on fait porter des lettres à des pigeons. (Rires.) C’est une comparaison : je suis le pigeon, l’instrument.

une voix dans l’auditoire. Ce sont les clients qui sont les pigeons. (Rires.)

le prévenu. Mais c’est une erreur, je ne partage pas ; je ne fais pas comme M. Marcillet, qui donne à Alexis 20 fr. sur .\o ; moi, ce n’est pas çà, je ne donne rien à mon somnambule, ah !

m. le président. Yous voyez une excuse dans ce fait que vous gardez tout l’argent?

le prévenu. Mon Dieu ! je ne lui donne rien; mais ma caisse est ouverte; il y prend ce qu’il veut pour ses besoins. Je tiens mes écritures fort en règle, et il pourrait toujours s’édifier, s’il le désirait; mais il ne le fera pas; car dans une de ses extases il m’a dit qu’il lui élail défendu de rien recevoir pour les conseils qu’il pourrait donner pendant son sommeil. Je vous dis, il est plein de désintéressement; aussi j’en ai fait mon gendre, l’époux de ma fille; je l’aime comme mon fils; et je ne lui donne rien, je le répète.

Le somnambule ne trouve rien à ajouter à cet excellent témoignage de son beau-père ; il reste l’œil fixe et impassible, comme s’il était en extase, et ce n’est qu’en entendant prononcer contre son beau-père une amende de 5oo fr. qu’il laisse échapper un léger sourire.

(Événement.)

Comment M. Possin n'a-t-il pas eu l’idée d’endormir, séance tenante, son bienheureux gendre? II eût sans doute trouvé de meilleurs arguments, et sa cha-

rité aurait préservé ses confrères d’une dénonciation implicite qui les expose à être plumés comme de vrais pigeons.

Ce procédé n’est ni délicat ni généreux de la part d’un homme qui a constamment sous les yeux l’exemple de tant de vertus : M. Marcillet en est tout courroucé.

TRIBUNAL DE SIMPLE POLICE DE LIMOGES.

Audience du 19 août 1850.

Voici le texte d’une lettre qui nous fut adressée à l’occasion de ce procès :

Monsieur,

Je prends la liberté de vous écrire pour vous prier de me rendre un service; ce n’est pas seulement en mon nom que je m’adresse à vous, mais au nom du magnétisme, si peu connu de ses détracteurs et si bien apprécié par vous.

Je viens au fait.

En x847 » nous fûmes attaqués, ma somnambule, Mme Cheyroux et moi, par les médecins de notre ville et peut-être même des alentours , sous le patronage du procureur du roi ; ces messieurs nous firent condamner pour exercice illégal de la médecine : c’était justice , nous n’avions point de diplôme. Le fait d’escroquerie fut rejeté bien loin, puisqu’il fut prouvé que nous ne demandions rien et que souvent, au rapport des témoins, nous avions aidé de notre bourse des gens trop pauvres pour acheter les remèdes prescrits par la somnambule. Nous fûmes donc acquittés sur ce chef, et condamnés sur le second. Comme vous le disiez fort bien dans votre Journal (i),

(1) Voyez tome VI, p. 7*.

en rapportant quelques dépositions : Qui gagna dans ce procès P Ce fut le magnétisme. Messieurs les médecins nous ont donné une célébrité que nous n’ambitionnons point; nous ne demandons qu’une chose: faire du bien à ceux qui souffrent. Il est pourtant vrai de dire que, depuis ce procès, les malades ont abondé chez nous; et nous nous sommes mis, dès le lendemain du jugement, sous le patronage d’un médecin.

Les choses en étaient là, les malades se guérissaient à la vue de tout le monde et à la barbe des médecins, qui en ont abandonné plusieurs, lorsque survint une condamnation de quelques somnambules de Paris, faisant métier de deviner, pronostiquer ou expliquer les songes. Vite ces Messieurs se sont dit : Voilà notre affaire; il faut appliquer la divination, etc., au magnétisme, et faire attaquer Mmo Cheyroux comme faisant métier de devineresse, etc. Elle reçut donc une assignation à comparaître devant le tribunal de simple police, le ig du courant, où elle fut, au grand désap-poin tement de la gen t hippocratique. acquitté,evu que l’art. 479 du Code pénal ne veut punir que les gens qui font métier de deviner, etc., mais non pas de guérir. Mais ils ne se sont pas tenus pour vaincus; ils ont, toujours sous le couvert (lu commissaire central de police de Limoges, fait appel en cassation, et l’affaire en est là.

Voilà donc pourquoi, Monsieur, je prends la liberté de vous écrire, afin que vous ayez la bonté de m’indiquer un avocat près cette Cour.

Comme vous pouvez le penser, ce n’est pas à moi, ni à ma somnambule que les médecins en veulent ici, c’est au magnétisme; nous sommes trop infimes, elle et moi , pour qu’on s’occupe do nous; mais ce sont

les conversions au magnétisme que j’ai opérées par la lucidité cl lammne loi de M'"' Cheyroux, qui diraient cette casle.

J ose compter sur votre amour pour la vérité, pour que vous preniez la peine que je vous donne.

C’est dans cet espoir que je suis votre très-humble serviteur,

AUDIGUET.

Limoges, oc 28 août 1850.

COl'R DE CASSATION. (Chambre criminelle).

Audience du 12 octobre 1850

AFFAIRE CHEYROUX.

L’impatience était grande du côté des appelants ; aussi l’affaire fut-elle bientôt mise au rôle; el la Cour rendit un arrêt cotifirmalif du jugement. Eu voici les principaux termes :

«.....Attendu qu’il est établi par témoins que.

la femme Cheyroux ne s’est point livrée à la divination, ni à la pronostication; — attendu que le jugement, en réservant la question d’exercice illégal de la médecine, n’a pas contrevenu à la loi de l’an XI ; rejette, etc., etc.... »

Ainsi se trouve établi que la lucidité somnambuli-que est un instrument, comme le slhétoscope, le pies-simètre, etc. , dont le médecin peut très-licitement user, soit pour le diagnostic, soit pour le traitement des maladies. Le tribunal de Nogenl-le-Rotrou a jugé le contraire en condamnant le ür Anclin; mais la haute magistrature rectifiera sans doute cette interprétation vicieuse de la loi.

COUR D’ASSISES DE SEINE-ET-OISE.

Présidence de M. Bresson. (Jucii'cncc du 19 mars.)

VOL DOMESTIQUE- — SOMNAMBULISME.

Le 10 juin i85o, une somme de i,5oo fr. fut sous-

1 rai le au préjudice de M. D..., qui habitait une maison de campagne siluée à Montmorency... D'infructueuses tenlalives ayant été faites pour connaître l’auteur de ce vol... l’idée vint un peu à tout le inonde, aux maîtres comme aux domestiques, d’avoir recours à l'intervention d’une somnambule pour découvrir le coupable.

RI. et Mme D... coupèrent une mèche de cheveux à chacun de leurs domestiques, pour lasoumettre à l'examen de la sybille de leur quartier, et ils en obtinrent la réponse suivante : « L’argent n’est pas sorti de la -maison; l’argent est dans l’eau; la nourrice est coupable, mais elle ne sera pas condamnée. »

L’oracle avail parlé; c’est ainsi qu’on croyait faciliter les investigations de la justice, et arriver à la découverte de la vérité. En effet, quelques jours après cette consultation les i,5oo fr. étaient retrouvés par le valet de chambre au fond d’un lonneau plein d’eau placé au bout du jardin.

Le coupable n’était toujours pas arrêté, lorsque des chiffons, tels que bouts de dentelle, petits morceaux de velours et de soie , et quelques noisettes trouvés dans la malle de la nourrice, firent penser qu’elle pouvait bien avoir pris les i,5oo fr.

La femme Ilarrault a toujours protesté de son innocence, et lorsqu’elle a paru il y a quelques jours devant le jury , elle a combattu avec une vivacité qu’expliquaient suffisamment neuf mois d’emprisonnement préventif, et en même temps avec beaucoup

d'intelligence, tous les témoignages qui s'élevaient contre elle; elle a soutenu qu’elle était victime de la jalousie de ceux qui avaient intérêt à lui faire perdre sa place, et elle a cherché à le prouver par ses réponses nettes et précises à toutes les questions qui lui étaient adressées.

M. Raux, substitut du procureur de la République, a soutenu l’accusation.

Me Biston, avocat du barreau de Versailles, a présenté avec chaleur la défense de la femme Harrault, et s’est élevé avec force contre ces charlatans qui, sous prétexte de somnambulisme ou de magnétisme, osent se mettre à la place de Dieu lui-même, prétendent lire dans la conscience humaine, rendent des arrêts et prédisent l’avenir.

Le jury avant déclaré l’accusée non coupable, la femme Marie-Robert Ilarrault a été mise sur-le-champ en liberté.

Cette malheureuse femme veut, assure-t-on, poursuivre devant les tribunaux la somnambule qui a dit qu'elle était coupable.

(Gazette des Tribunaux.)

Cette somnambule n’est autre qu’Alexis ; il s’attend, en effet, à être poursuivi d’un moment à l’autre; car il y a une trentaine de plaintes portées contre lui pour des cas analogues. En admettant qu’il se soit trompé sur l’auteur du larcin, il n’en reste pas moins avéré qu’il a indiqué la cachette : donc il y a eu vue ; les jurés peuvent bien ne tenir aucun compte des indications ainsi fournies, c’est prudent; mais les savants devraient en étudier la cause.

11 ne nous reste plus que deux procès à exposer :

l’un à Mézières, l’autre à Epernay; la fin de ce long compte-rendu paraîtra dans notre prochain numéro, avec des commentaires sur la jurisprudence belge et française relative à cet objet.

HÉBERT (de Camay).

Féte de Mesmer. — La circulaire suivante a été adressée, selon la coutume, aux habitués du Banquet mesmérien, et à tous les magnétophilcs supposés en état de prendre part à celte réunion fraternelle.

Paria, 10 mai 1851.

M

Par mon organe, les ordonnateurs du Banquet commémoratif de la naissance de Mesmer, ont l’honneur de vous inviter à cette solennité, dont je transcris ci-après les dispositions.

11 suffit |de s’être un peu occupé de magnétisme pour apprécier la grandeur et les bienfaits de cette découverte; comment, dès lors, ne sc montrerait-on pas reconnaissant envers son auteur?

Tout nous assure que cette nouvelle célébration de la fête de notre maître ne le cédera aux précédentes ni en plaisir ni en magnificence.

DU POTET.

1° La réunion aura lieu, comme l’an passé, sous la présidence de M. du Potet, chez M. Deffiecx , le 23 courant.

2° Le prix de la souscription est fixé à 6 francs, pour les Dames comme pour les Messieurs.

3° Les membres du Jury magnétique, revêtus de leurs insignes, seront placés à côté du président.

4° Nul discours, toste, etc., ne pourra être prononcé sans avoir été au-«orisé par M. le président, seul juge et responsable.

5° La distribution des médailles décernées par le Jury magnétique sera laite en présence de l’assemblée, par les soins du Conseil d’administration de celte Société.

fr> Ou souscrit an Bureau du Journal du Magnétisme, rueIlocke, 5, (Palais National, vis-à-vis la rue Vivienne, 7).

I.a liste sera rigoureusement close le 22 à midi.

7° Les personnes qui, n’ayant point reçu d’invitation, désireraient faire partie du Banquet, devront s’adresser personnellement ou se faire présenter à l’un des Commissaires soussignés.

FAUCHAT , 51, rue Lafayette.

COSSON, H, rue de Martignac.

LOGEBOTTE , 20, rue Dauphine.

HÉBERT (de Garnay), 5, rue Hoche.

Chronique. — Noire correspondant deTnrin nous fait part de l’impression profonde qu’ont produite en Piémont les débats scandaleux d’un procès jugé dernièrement àJCasali. Il s’agit d’une association de prêtres qui commettaient les actes les plus immoraux. Le célèbre Proferio, défenseur d’un des prévenus, basa tout son plaidoyer sur le magnétisme, soutenant que le principal accusé, nommé Crignaschi, exerçait sur scs complices une influence magnétique occulte qui les obligeait de servir à ses desseins pervers.

_On vient de faire à r>ruxelles une contrefaçon du

Manuel, etc., de M. du Potcl. Quand donc les nations dites civilisées s’entendront-elles pour empêcher ces actes de piraterie littéraire?

_Une députation de trois membres représentera

la Société magnétique de la Nouvelle-Orléans au Banquet du 23 mai.

_ M. le professeur Gregory a fait dernièrement à

l’Université d’Édimbourg deux leçons sur le magnétisme. Nous en publierons le compte-rendu circonstancié. __________

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

Impr. de Pomœcrel »! Moreau, quai cl ci AuçuMius, 17.

CLINIQUE.

Le Cincinnati Times, journal des États-Unis, rapporte un cas de guérison remarquable, obtenu par la prolongation excessive du sommeil magnétique, moyen puissant dont l’emploi n’est peut-être pas assez fréquent parmi nous. Les détails de ce traitement nous manquent. Voici seulement la mention qu’en fait Y Abeille de la Nouvelle-Orléans du 2 mars i85o :

« Nous avons assisté hier, à College-Hall, au réveil d’une jeune fille, magnétisée par le professeur Rodgers, et laissée en état magnétique depuis quinze jours. Nous avons appris que pendant ce temps elle avait été guérie d’une affection spinale très-douloureuse. Ce fait est attesté par l’oncle de la demoiselle et le juge H..., ci-devant maire de Cincinnati.

« Interrogée au sortir du sommeil pour savoir combien de temps elle croyait avoir dormi, la patiente répondit : Environ deux heures. Lorsqu’on lui apprit que son sommeil avait duré deux semaines , elle rit et parut très-étonnée. Elle déclara, en outre, ne plus éprouver aucun mal. »

La lettre suivante nous a été dernièrement adressée; nous la publions sans commentaires, pour laisser au fait toute sa simplicité :

Monsieur,

Le mercredi a3 avril, un violent orage ayant éclaté sur notre ville, la foudre tomba dans ma rue, T031E x. — N® 131. — JI'IN 1851. 6

à cinquante mètres de la maison que j’habite. Madame Saint-Smo... étant à sa croisée, a été foudroyée, selon moi, par un coup de recul du fluide électrique; car elle se trouvait presque en face de chez moi, et à peu près à même distance. Ayant entendu crier au secours, je m’empressai de me rendre chez cette dame.

Voici l’état dans lequel je la trouvai : raideur cataleptique, yeux fixes, ne donnant aucun signe de vie. Cet état durait depuis un quart d’heure, et une dame de ses amies , en arrivant, m’a dit ; « Elle est morte. » Après avoir donné quelques paroles d’espoir, j’ai écarté un peu le monde; j’ai imposé ma main sur le front pendant un moment, puis j’ai opéré des passes à grand courant, prolongées jusque sur le plancher, dans l’intention de donner issue au fluide électrique. Après cette opération, j’ai pensé qu’il n’y avait plus qu’à envoyer dans ce corps froid de l’air et de la chaleur pour le rappeler à la vie, ce que j’ai opéré par de fortes insufflations sur la région des poumons. Au bout de trois ou quatre minutes, je sentis se soulever la poitrine, un long soupir s’en exhala, et au même instant tous les ressorts se sont détendus. J’ai continué, et la première parole m’a fait jouir du plus grand bonheur : « Ah ! que vous me faites de bien; vous me réchauffez, j’étais glacée. Quand cet air chaud est entré dans ma poi-triue, j’ai senti que je vivais. Continuez, je vous prie, car ma respiration est un peu gênée. C’est drôle, que de monde! » Sur ma question, la malade répond : « Je n’ai rien entendu; je me rappelle, j’ai vu un éclair, mais n’ai rien entendu. »

Je procède à une petite magnétisation générale; je promène un instant ma foudroyée dans sa cham-

brc. Elle se sent brisée et accuse un engourdissement dans la main et le bras gauches. Je magnétise de nouveau le bras ; elle se couche avec une petite moiteur. Le lendemain, elle est assez bien, la raideur du bras cède; elle observe que sa poitrine est noire, je ne sais à quoi attribuer cette coloration; est-ce produit par la décharge électrique, ou occasionné par la suspension des règles qu’elle se trouvait avoir au moment de l’accident?...

J’ai attendu, pour vous envoyer ce fait, que je puisse vous dire que la malade continue d’être bien; elle ne conserve de cet accident qu’un souvenir, c’est que je l’ai rappelée à la vie.

Voilà, Monsieur le baron, un de ces faits qui ont centuplé mes forces, en mc procurant le plus grand bonheur. Je vous prie d’en accepter l’hommage, car c’est en vous lisant que j’ai acquis la certitude qu’avec des intentions pures, une ferme volonté, on ne devait désespérer de rien avant d’avoir fait tous ses efforts.

J’ai l’honneur d’être votre dévoué,

VALLETON, horloger.

Bergerac, 27 avril!851.

Voici l’extrait d’une autre lettre , relatif à une guérison obtenue dans des circonstances bien dignes de fixer l’attention et dont l’exemple sera suivi avec avantage ;

Monsieur,

J’ai guéri, ces jours-ci, par le magnétisme direct, sans auxiliaire d’aucune espèce, ma petite fille, âgée

de quatre ans et demi, atteinte depuis plus d’un mois d’une afl'ection qui commençait à m’inquiéter, et dont les principaux symptômes étaient : Perte de l’appétit, des forces, de la gaieté ; amaigrissement notable, sommeil inquiet, agité; toux sèche cl assez fréquente , quelquefois provoquée par une pression même légère exercée sur la poitrine ; accès de fièvre tous les jours dans l’après-midi, et ne cessant que vers le malin, etc., etc. Tous ces phénomènes morbides s’aggravant de jour en jour, l’enfant dépérissait à vue d’œil ; le médecin ne savait plus qu’en penser. C’est dans cet état que j’ai commencé à la magnétiser.

Dès la première magnétisation, la fièvre a cessé pour ne plus reparaître. Après quatre ou cinq autres magnétisations journalières, l’appétit a commencé à revenir, ainsi que le sommeil, et l’enfant est entrée en convalescence. Enfin, au bout d’une dizaine de jours de ce traitement, tous les symptômes morbides ont disparu.

J’ai employé uniquement la magnétisation directe et à grands courants, vingt minutes chaque fois, et cela a suffi pour rendre à la santé mon enfant assez sérieusement malade. — Avis aux pères et mères de famille.

L. BOMÉA.

Valence, 21 mars 1851.

THÉORIES.

- —Bip

PHILOSOPHIE MÉDICO-MAGNÉTIQUE.

CHAPITRE III.

De la Médecine magnétique.

(Suite.)

Le fluide magnétique venant en aide aux forces mé-dicatrices de la nature, nous devons rechercher les meilleurs moyens de l’émettre, afin de le communiquer abondamment à nos malades.

Suivant Deleuze (i), «c’est par l’extrémité des doigts, et surtout par les pouces, que le fluide s’échappe avec le plus d’activité. » L’observation ne nous laisse aucune incertitude à cet égard; les somnambules les plus lucides s’accordent à reconnaître au pouce une action plus énergique qu’aux autres doigts.

Le contact des pouces ou de la main est le mode de magnétisation que nous avons adopté pour établir un rapport entre nous et le malade. « On appelle rapport une disposition particulière qui fait que le magnétiseur exerce une influence sur le magnétisé, et qu’il y a entre eux une communication du principe vital (2). »

(1) Deleuze. Instruction prat., p. 31.

(2) Idem, p. 31.

Le temps nécessaire pour constituer un rapport sera inévitablement subordonné à l’impressionnabililé du sujet ; quelques minutes suffisent habiluellement.

Si l'on s’en rapporte au jugement des magnélislcs les plus éclairés, « le fluide circule d’autant plus fortement dans les nerfs, qu’ils ont plus de ton et plus de ressorts; mais pour qu’il agisse d’après le vœu de la nature, il ne suffit pas qu’il soit lancé avec force sur le malade: il faut surtout qu’il le soit avec un ton égal, uniforme et soutenu (i). »

Il est évident que le magnétiseur pourra, suivant son désir, modérer l’abondance de ses émissions; mais il ne parviendra pas à en modifier les propriétés. Un individu d’une forte constitution el d’une imagination ardente sera doué le plus souvent d’une haute puissance magnétique, et cependant ses effluves pourront être préjudiciables au tempérament de ses malades. « Pourquoi cette malade, demandait notre romancier Pigaull-Lebrun à un somnambule, éprouve-t-elle des convulsions lorsque je la magnétise ? — Parce qu’il y a trop de force et d’énergie, répondil-il ; vous seriez bon pour d'autres malades ; mais pour celle-là vous n’êtes pas assez calme. » Et, en effet, celte personne, confiée aux soins d’une dame, vit cesser ses convulsions et recouvra la santé la plus parfaite. Il est donc quelquefois urgent de remplacer un magnétiseur par un autre, quand l’état d’un malade se trouve aggravé, el même quand il n’y a pas d’amélioration sensible; cependant un traitement doit être ordinairement exercé par le même magnétiseur; la confusion de différents fluides offrira des dangers, à moins qu’il n’existe beaucoup d’analogie

(1) Théorie du Somnambulisme, par Tardy de Moolravel, p. 4i.

enlre eux (1). « Outre la force propre à chaque homme, prétend Deleuze (a), il est encore une force relative. Tous les somnambules s’accordent à reconnaître une différence dans le fluide des divers individus, et une identité plus ou moins grande entre les divers fluides; tous disent que tel magnétiseur est plus capable d’agir sur tel malade que sur tel autre, el qu’il s’en rencontre même qui, par la qualité de leur fluide, sont plus propres à guérir certaines maladies. »

On a avancé que la constitution physique du magnétiseur devait l’emporter sur celle du magnétisé. Celte supposition se trouve victorieusement condamnée par l'observation. Nous avons certainement réalisé des cures remarquables chez les sujets les plus robustes comme chez les plus faibles. L’organisation la plus forte s’affaissant plus rapidement sous l’empreinte du mal que l’organisation la plus chétive, pourquoi serait-elle plus réfraclaire aux influences curatives? Ne savons-nous pas, d’ailleurs, que la puissance musculaire ne peut entrer en concurrence

(1) Les Annales des Sciences magnétiques contiennent des guérisons obtenues sous t’influence de plusieurs magnétiseurs réuDis. Nous ne signalons ces Lits que comme des exceptions , quoique la pratique du O1 Esdaile paraisse inürmar les idées régnantes sur ce point.

« Nous avons soigné une jeune tille idiote, épileptique el paralysée de tous ses membres. Nos premières tentatives furent infructueuses, mais l’adjonction de trois aides intelligents (MM. Rupalley, docteur en droit; I’ecavelier, négociant, et Desalns, professeur de physique) ne tarda pas à apporter une amélioration notable dans la position de cette malheureuse infirme. A la fin de chaque séance elle se soutenait suffisamment sur les jambes pour faire plusieurs fois le tour de la chambre. Les accès épileptiformes, qui variaient de trente à soixante dans t’espace de vingt-quatre heures, s’améliorèrent sensiblement. L’idiotisme, ne s’amendant malheureusement pas, ne nous permit pas de continuer cette cure. » (Voy. Annales du Magnét. et Annales de Strasbourg, t. II, p. 188.)

(2) Ilist. cril., 1.1, p. 139.

avec les efforts d’une volonté énergique? Un traitement magnétique devra cependant être subordonné aux forces de celui qui l’applique. « Le magnétiseur le plus fort et le plus actif, déclare Tardy de Mon-travel (i), ne pourra se flatter de magnétiser avec fruit plus de trois ou quatre malades, souvent même un seul l’occupera tout entier. »

Si nous rencontrions dans la pratique du magnétisme un de ces sujets dont l’absorption iluidique ne connaît pas de bornes, il serait indispensable de recourir à l’assistance d’un ou plusieurs suppléants; la constitution la plus vigoureuse ne résisterait pas longtemps devant une soustraction de fluide aussi considérable (2).

L’époque de la vie la plus favorable pour magnétiser est celle où l’homme a atteint tout son déve-veloppement. On a affirmé que les enfants pouvaient, dès l’âge de sept ans, se livrer avantageusement à cette pratique. Nous ne leur refusons pas cette aptitude, mais nous entrevoyons pour eux les dangers d'un exercice qui peut contrarier la marche de la nature. Les vieillards seront aussi d’une grande réserve dans l’emploi du magnétisme; ils ne dissiperaient pas impunément une partie d’un fluide dont la sécrétion

(1) Ouvr. cité, p. 47.

(2) Nous avons prodigué nos soins i une dame dont les facultés d’absorption s’élevaient au plus baut degré, Une demi-heure de magnétisation suffisait pour nous jeter dans un véritable état de défaillance. Un de nos collègues, magnétiseur infatigable jusqu’alors, nous prêta généreusement sou appui dans cette circonstance, et s'il ne devint pas lui-mème victime de son zèle, c’est qu’il réserva toutes ses forces pour notre malade, et que sa constitution vigoureuse parvint à triompher des fatigues excessives qu'il endura i nous ne fûmes pas aussi heureux que lui.

Si quelque adversaire du fluide magnétique trouvait l’occasion de constater un fait de ce genre, nous supposons que sa conversion ne se ferait pas attendre.

n’est plus en rapport avec les besoins de leur existence.

« L’émanation du magnétiseur, dit Deleuze (1), exerçant une influence physique sur le magnétisé, il s’ensuit que le magnétiseur doit êlre d’une bonne santé. Cette influence se faisant sentir sur le moral, il s’ensuit encore que le magnétiseur doit être digne d'estime par la droiture de son esprit, la pureté de scs sentiments et l’honnêteté de son caractère. »

La santé est, sans contredit, une des qualités les plus importantes pour pratiquer le magnétisme. Outre le danger d’aggraver la position d’un malade, un magnétiseur s’expose à altérer sa propre constitution, lorsqu’il ne jouit pas de la plénitude de scs fonctions organiques. Celui qui réunira à la santé le sentiment du devoir et de l’honneur, offrira des garanties suffisantes contre ces craintes exagérées, que l’on a fait valoir dans l’intérêt de la morale. La profession du magnétiseur n'est-elle pas un sacerdoce aussi respectable que celle du médecin? faut-il se priver des avantages qu’elle présente, sous prétexte que l’on en peut abuser? D’ailleurs la présence d’un témoin honorable ne préservera-t-ellc pas facilement d’un péril aussi chimérique? Nous nous expliquerons par la suite sur l’empire absolu que l’on concède si bénévolement au magnétiseur sur l’esprit des somnambules.

Il serait encore à désirer qu’un magnétiseur joignît h ces conditions quelques connaissances médicales; mais il sera difficile qu’un médecin, dont l’existence sera assujettie à l’obligation d’émoluments, puisse s’acquitter consciencieusement des devoirs qu’impose

(1) Instruct. pral , p. 13.

le magnétisme. Du reste, un ignorant alliant à une foi vive beaucoup d’humanité et de désintéressement, réussira incontestablement mieux cpie le plus habile praticien dont la foi sera chancelante et le cœur insensible; aussi appréhendons-nous de ne pouvoir rencontrer chez des vendeurs de passes les qualités si nécessaires à la pratique du magnétisme, et formons-nous des vœux pour que cet art s’impatronise complètement dans les familles. C’est alors qu’on en appréciera toute la valeur et qu’on en recueillera tous les bienfaits.

« L’avantage de la médecine magnétique, suivant Maxwell (i), est de pouvoir être administrée en tout temps, sans crainte de troubler la nature, avantage que la médecine ordinaire est loin de partager. »

Ce principe est sans doute beaucoup trop absolu ; le magnétisme ne passera jamais à nos yeux pour une panacée universelle. Mesmer lui-méme était de cet avis, et ne dédaignait pas de faire usage des médicaments. L’ulilité de la médecine ordinaire ne peut être contestée dans le traitement des maladies aiguës ; mais elle nous paraît être entièrement problématique dans la cure des maladies chroniques, et principalement dans les affections nerveuses, si rarement rebelles aux influences du magnétisme. Quanta ces guérisons spontanées, que la crédulité a puissamment exagérées, nous les croyons fort limitées, et nous les rattachons spécialement aux effets d’une crise exceptionnelle et d’une réaction du système nerveux, sous la prédominance de l’ima-gination.

Après avoir démontré les ressources que l’on tire

(1) Ouvrage cité, p. 199.

delà médecine magnétique, nous devons en signaler aussi les dangers. On comprendra que celte médication sera suivie d’accidents plus ou moins graves entre les mains d’un magnétiseur ignorant ou imprudent On a avancé qu’elle deviendrait plus nuisible qu'utile dans les maladies qui réclament un traitement débilitant. Ces effets ne nous sont pas démontrés; en admettant qu’elle agisse à la manière d’un médicament tonique sous l’empire d’une émission fluidique abondante, nous pensons qu’elle provoquera des résultats opposés sous une aclion calmante ou dérivative. Dcleuze affirme que la magnétisation accélérera la mort dans certaines affections incurables, telles que la phlhisie pulmonaire au dernier degré. Il est vraisemblable qu’un traitement stimulant avancera dans cette circonstance le décès du malade ; mais il n’est pas douteux qu’une influence douce et sédative prolongera les jours du patient, ou lui épargnera, du moins, une partie des souffrances de cette fâcheuse affection. Nous pourrions invoquer de nombreuses observations à l’appui de cette opinion. Si la médecine magnétique abrégeait quelquefois le terme de la vie, ce ne serait qu’en dissipant la fièvre qui prolonge le plus souvent les douleurs de l’agonie; ne pourrions-nous pas encore dans ce cas la regarder comme un bienfait de la Providence ?

L’expérience a confirmé que les effets du magnétisme se trouvent modifiés suivant les procédés qu’on emploie. Nous n’entrerons pas dans de longs détails sur leur application, qui variera d’après l’idiosyncra-sie des malades; il nous suffira d’exposer succinctement les procédés qui semblent avoir le mode d’action le plus constant et qui peuvent se résumer aux moyens suivants.

Des courants magnétiques.

Il ne faut pas confondre les courants magnétiques avec les courants naturels du corps humain dont il a déjà été question. Nous appellerons courants magnétiques Jes procédés qui consistent à projeter, en l’y concentrant, le fluide sur une partie du corps; nous en ferons deux divisions : les palmaires et les digitaux. Les courants conviennent particulièrement dans les maladies dont le siège est circonscrit, ou dans les douleurs parfaitement localisées.

Les courants palmaires ne sont autre chose que l’apposition de la main sur un endroit quelconque du corps. Leur action est calmante et résolutive; elle trouve une heureuse application dans les affections nerveuses de l’estomac, les rhumatismes, les engorgements, etc.

On obtient les courants digitaux en dirigeant les doigts réunis en pointe sur le siège du mal. « Le fluide sort alors avec plus d’abondance de tous les doigts réunis et se précipite plus vivement que lorsqu’ils sont écartés (i). »

On choisira ce genre de magnétisation toutes les fois qu’on aura besoin d’une action énergique et excitante. Mesmer se servait presque exclusivement de celte méthode dans ses traitements publics; ce qui nous explique la cause de tous ces phénomènes convulsifs, si rapidement contagieux au milieu d’une assemblée nombreuse. Les crises somnambuliques, qui résultent le plus souvent d’une magnétisation modérée, devaient êlre excessivement rares à cettc-

(1) Traité pratique de M. Aubin-Gauthier, p. \ H.

époque, et nous ne sommes pas étonnés qu’il ne se soil alors révélé aucun cas de somnambulisme.

Ou sera d’une grande réserve dans l’emploi de cette médication, qui peut donner lieu à des crises fort douloureuses, et quelquefois dangereuses, chez les sujets affaiblis ou d’une grande susceptibilité nerveuse. Les courants magnétiques diffèrent dans leurs effets suivant qu’on applique par contact ou à distance. L’action des courants palmaires est d’autant plus sédative que le magnétiseur est plus éloigné de son malade : l’expérience seule doit nous guider sur le choix du procédé et sur la distance qu’il faut observer. Quant aux courants digitaux, nous croyons l’effet de la distance moins constant; et nous n’oserions, devant l’incertitude des faits, y assigner une loi générale.

Quelques praticiens ont prétendu que ces courants étaient plus actifs lorsqu’ils étaient administrés à distance; ce qui est certain, c’est que cette magnétisation, soit par contact, soit sans contact, jouit d’une action stimulante et énergique dont nous réservons l’emploi pour les occasions où la magnétisation palmaire est insuffisante, et surtout pour les cas où les crises paraissent indispensables.

On renforce les courants magnétiques d’une manière évidente, quand on a soin de fixer les mains (ou les doigts) en opposition l’une avec l’autre. On ne confondra pas ces courants avec la méthode à laquelle les magnétiseurs ont conservé le nom de magnétisation à grands courants, qui n’est, en réalité, qu’un mode particulier de passes magnétiques.

Le contact des mains employé par Deleuze et la plupart des magnétiseurs pour établir un rapport, ne sont réellement qu'un courant par contact. Son elle

est parfois suffisant pour produire d’exccllcnls résultats. Nous nous arrêtons très-souvent à ce mode d’opération, tant que nous n’avons pas acquis la certitude de son impuissance. S’il survient quelque symptôme critique, nous en favorisons le développement par les moyens appropries, jusqu’à son summum d’intensité. Si l’état du malade parait s’améliorer, nous persistons dans l’usage de cette méthode aussi simple que salutaire, et nous avouons qu’elle nous a fréquemment réussi. Ce genre de traitement convient particulièrent dans les affections dont la nature et le siège ne sont pas toujours appréciables.

Des passes magnétiques.

Les magnétiseurs appellent passes un procédé qui consiste à promener les mains le long du corps, soit en touchant, soit à distance.

Les passes par contact se font en traînant les mains sur le corps, et appuyant plus ou moins fortement; on les nomme aussi frictions magnétiques.

Les passes à distance s’emploient de la môme manière, sans toucher toutefois, comme le nom l’indique.

Les passes ont pour objet d’émettre du fluide magnétique et d’en diriger l’économie le long des trajets nerveux. Nous les diviserons en passes longitudinales ascendantes et descendantes, et en passes transversales. Deleuze et M. Aub. Gauthier admettent des passes perpendiculaires, qui ne sont que des passes à grands courants, avec opposition des deux mains (1).

Les passes longitudinales descendantes ont la propriété

(i) Deleoze. Instruct. prat., p. Î9.

de régler la circulation du fluide nerveux et d’entraîner avec lui les ferments morbifiques. Leur effet varie suivant la lenteur el l’éloignement du magnétiseur de son malade. Plus elles sonl rapides et rapprochées, plus elles deviennent excitantes et entraînantes; plus elles sonl lentes el écartées, plus leur action est douce et sédative. Les passes ascendantes sont rarement appliquées dans la magnétisation immédiate, elles peuvent même donner naissance à des accidents. Elles font refluer le sang vers le centre de la circulation et particulièrement vers le cerveau. « Le magnétisme, dit Deleuze, peut causer des convulsions lorsqu’il est appliqué à contre-sens ; par exemple, en remontant des pieds à la tête, ou bien avec d’autres circonstances qui contrarient l’effet du fluide. J’ai vu faire de ces sortes d’essais, soit par curiosité, soit par amusement, j’avertis qu’ils peuvent avoir les conséquences les plus fâcheuses. »

Bruno et Montferrier (i) n’admettaient de danger qu’autant que l’on renforçait l’action de ces courants sous les efforts de la volonté; ils recommandaient, d’après leur système des entraînements, de laisser la main suivre tous les courants que produit la nature.

« Ne vous arrêtez donc pas à ce précepte de Mesmer (2), quelque sage , quelque nécessaire qu’il soit pour ceux qui ne connaissent pas les entraînements. Laissez aller votre main, quelque direction que le courant lui fasse prendre ; mais ne lui substituez jamais votre volonté dans cette direction de bas en haut. »

On comprendra que cette recommandation n’in-

(1) Principes et Procédés, t. I, pages 76 et 177.

(2) Ib., p. 178.

téresse que les magnétiseurs qui sont doués de l'exploration. Il sera donc prudent de n’user de ce procédé que sur l’indication des somnambules. Avant Mesmer, Cœlius Aurelianus (1) avait fixé l’attention sur les inconvénients des passes ascendantes, et en limitait l’emploi aux affections adynamiques.

On a conservé le nom de magnétisation à grands courants aux passes longitudinales descendantes, qui consistent à diriger le fluide de la tête aux extrémités des bras et des jambes, sans les fixer sur aucun point. Ces passes sont excessivement calmantes lorsqu’elles sont faites avec lenteur et à distance, elles produisent même chez les somnambules ou les malades impressionnables un état de bien-être indéfinissable. Lcuriu-fluence est plus stimulante lorsqu’on les exerce par contact. Elles sont toujours inoffensives et conviennent particulièrement dans les maladies qui ne sont pas localisées. « Si l’on doule du siège de l’inflamr mation, écrit le Dr Charpignon (2), qu’on magnétise alors à grands courants, on évitera ainsi toute concentration d’action, et l’on finira par ramener l'équilibre de l’électricité dans tous les centres nerveux, et ensuite dans tout l’organisme. »

Les passes transversales se font en présentant les deux mains rapprochées perpendiculairement à la longueur du corps, et en les écartant rapidement l’une de l’autre (3), elles conviennent à la fin d’une séance, pour dégager le malade d’un excès de fluide. Elles ne sont cependant nécessaires que dans les circonstances où le magnétisé ressentira quelque mal-

(1) De tardis passion., lib. 12.

(2) Physiol. médicale du Magnét., p. 191.

(3) Deleuze. Iostruct. prat., p. 27.

aisc après la séance, tel que de l’engourdissement, de la chaleur, de la céphalalgie, etc.

A distance, elles sont plus rafraîchissantes que par le contact, et doivent être déterminées suivant les impressions du sujet. Le magnétiseur en fera souvent usage sur lui-même, comme d'un moyen de dégagement, surtout lorsqu’il aura donné ses soins à des personnes malsaines ou atteintes de maladies contagieuses. « Si vous traitez une maladie contagieuse, avance Deleuze, émettez constamment du fluide pour ne pas recevoir celui du malade, et faites-vous dégager ou dégagez-vous vous-même. » Les magnétiseurs explorateurs ne devront jamais négliger cette précaution. On se dégage par des passes transversales sur le corps ou par des passes entraînantes jusqu’à l’extrémité des membres.

De l'insufflation.

L’insufflation est un des procédés les plus favorables de la médecine magnétique. Les effets bienfaisants sont attestés journellement par les somnambules les plus clairvoyants. Le souille est chaud ou froid, selon le mode d’expiration.

Le souffle à chaud s’obtient en appliquant la bouche sur le corps et faisant pénétrer son haleine au travers d'une étoffe parfaitement perméable. On peut encore insuffler à chaud au moyen d’un tube ou en tenant ses lèvres à une distance convenable de la partie sur laquelle on veut concentrer le fluide. La première méthode est incontestablement plus active que les autres, et l’on ne recourt à ces dernières que lorsqu’on a besoin d’une chaleur modérée ou lorsque la décence exige cette précaution. L'insufflation

chaude accélère la circulation et fortifie en concentrant le fluide sur la partie malade; elle jouit aussi d’une action dissolvante extraordinaire. Une de nos somnambules en a fait une application spéciale pour stimuler l’appareil circulatoire; son procédé consiste à faire une insufflation chaude sur la région précordiale et ensuite sur l'articulation interne de chaque bras. Cette opération , dont nous avons eu maintes fois l’occasion d’évaluer la portée, se termine par des passes entraînantes, en dirigeant les mains de la poitrine aux épaules, jusqu’à l’extrémité des doigts, et les ramenant au même point pour descendre jusqu’aux pieds. Nous avons ordinairement obtenu par cette méthode une accélération notable du pouls; mais son action se fait sentir particulièrement sur la circulation capillaire. Elle a réuni les suffrages de nos somnambules les plus lucides, et nous lui avons conservé le nom que son inventeur lui avait donné ; nous disons : faire une circulation.

L’insufflation froide se fait en agissant à une certaine distance du malade (de trente centimètres à un mètre). Le souffle à froid rafraîchit, calme et dégage. On s’en sert généralement dans les accidents fébriles, certaines attaques nerveuses, et surtout pour détourner le fluide après l’insufflation chaude.

Nous n’aborderons pas ici la nombreuse nomenclature des procédés accessoires que quelques ma-gnétistes ont admis jusqu’à ce jour. L’incertitude de leurs effets ne nous permet pas de les faire entrer en compte avec ceux qui précèdent. Nous en réservons l’application aux somnambules; leur intuition médicale pourra seule en déterminer l’action et l’opportunité, d’après le tempérament des malades. On trouvera, du reste, dans les ouvrages de Deleuze et dans

le Traité pratique de M. A. Gauthier, rémunération la plus complète de ces moyens curatifs dont on a vraisemblablement exagéré l’importance dans la magnétisation immédiate.

D' Alfbeü PERRIER.

(La suite prochainement,)

VARIÉTÉS.

Fête de Mesmer. — Nous ne préjugions point trop naguère en annonçant que la nouvelle célébration de la naissance de Mesmer ne le céderait en rien à ses aînées. Près de deux cents personnes , venues de toutes parts, sans autre convocation que l’avis publié dans notre Journal, ont pris part à cette cérémonie. C’est le plus grand nombre de magnétistes qui ait été jamais réuni; tous les peuples voisins y avaient concouru.

Cette fête marquera dans les annales du mesmérisme militant comme une consécration du principe soutenu par nos pères et propagé par nous. C’est comme le baptême de la foi nouvelle, la reconnaissance publique de ses droits à l’amour des générations. Un concours si nombreux, une concorde si parfaite sont des gages certains que le temps n’est plus loin où l’opinion générale se prononcera pour nous contre la science officielle, et lui demandera raison de son antagonisme. Comme il était beau de voir tant de gens, d’opinions, de mœurs et de con-

cillions d’ailleurs si diffère nies, communier dans la même pensée ! Quel louchant spectacle que ces agappes nouvelles, où l’admiration du génie et l'amour du prochain servent de lien aux convives ! Compétition fraternelle où chacun cherche le triomphe do la vérité par les conceptions du savoir et des œuvres d’humanité.

Tous les assistants conserveront de cetle solennité un souvenir bien vif, car leur cœur s’est dilaté à l’aspect de cet accord unanime, signe précurseur des beaux jours où, dans cent lieux différents, on glorifiera la mémoire de l’homme illustre qui découvrit la loi magnétique. Que les adeptes qui n’ont pu prendre part à cette mémorable réunion se réjouissent de l’effet qu’elle a produit, et que cette narration, écho bien affaibli de joies expansives, de douces espérances et de sentiments élevés, soit pour eux un témoignage de la prospérité du magnétisme.

§ I. — BANQUET.

Le vendredi 25 mai, dès cinq heures, on voyait se presser chez le restaurateur Deffieux, boulevard du Temple, la foule des mesmériens joyeux. Ce n’était plus ces quelques hommes obscurs dont la ferveur était le seul mérite; mais un ensemble varié de savants illustres, d’artistes éminents, de médecins distingués, d’avocats célèbres, d’anciens ministres, de représentants, d’officiers-générnux, de hauts fonctionnaires, de prêtres et de littérateurs d’élile; un choix d’hommes, enfin, dont la présence assure la considération ù toute assemblée. Des dames françaises, belges, allemandes, italiennes, anglaises, en nombre plus considérable encore que l’an dernier, avaient pri3

place à cc fcslin ; cl leur mise élégante, recherchée, ne contribuait pas peu à en relever l’éclat.

La vaste salle qui s’étend de la rue des Marais au boulevard était garnie de deux tables parallèles, dont l’une était occupée par le président, les membres du Jury cl les plus anciens célébratcurs de cet anniversaire. Il devait y avoir une décoration appropriée à la circonstance : bannières, inscriptions, allégories, etc. ; mais le temps n’a pas permis de réaliser ce projet : il recevra son exécution au banquet prochain. Le buste de Mesmer, surmonté d’une couronne, était, comme précédemment, placé de manière à dominer l’assemblée, qu’il semblait présider.

Le repas commença à six heures, au milieu de la gaieté la plus franche, et vers huit heures M. du Po-tet ouvrit la série des discours, tostes, chants, etc., par l’allocution suivante :

« Messieurs,

« La secte des savants, lançant sur nous son ana-thème, a dit par scs mille bouches: Le magnétisme est un mensonge, ses adeptes des dupes ou des fripons ! Nous jetant ainsi à la face les plus grossières injures, ce monde de sceptiques courba longtemps nos fronts devant l’humanité tout entière. Pour lui était la gloire et les honneurs, pour nous l’opprobre et l’ignominie. Mais les temps sont changés ; voici venir celui de la réhabilitation. Nos lèvres ne toucheront plus ce calice d’amertume et de fiel ; la science officielle, lasse de nous le présenter, l’a laissé renverser. Son silence, aujourd’hui, nous absout et la condamne. Tous les tourments que nous avons soufferts doivent être oubliés; ainsi nous le commandent les sublimes préceptes de notre maîlre Mesmer.

« A ce nom, Messieurs, que nos poitrines sc dilatent; car un jour, bientôt, Mesmer sera plus grand que les Harvey, les Jenncr, les Franklin. N’a-t-il pas découvert le roi de tous les agents delà nature, le principe de la conservation des êtres, celui-là même par qui tout vit et respire, le suprême régulateur de toutes les forces mortes, et qui ne peuvent rien en dehors de sa loi ?

« Galilée,Colomb, Fui ton, génies immortels, réjouissez-vous; voici la découverte qui devait suivre les vôtres. Un homme que Dieu favorisa comme vous, a trouvé dans la nature une force nouvelle, l’agent de la vie, la cause première de la manifestation des êtres, celle-là même qui leur donne la forme et leur dit d’exister. Découverte si grande, qu’on ne sait encore comment l’exprimer.

«Oh! Messieurs, nous tenons peut-être en nos mains ce qui doit rénover l’humanité, en détruisant les erreurs de la science et les fausses idées que l’homme s’est forgées sur la nature et Dieu.

« Voyez, Messieurs, quel chemin nous avons fait déjà. Nous démontrons aujourd’hui que l’homme a double vie : l’une, mystérieuse encore, dans laquelle nous pénétrons pour en examiner les magnificences. Cette nouvelle manifestation de l’être humain, du chef-d’œuvre de Dieu, est encore inconnue des savants, et pourtant ils croient connaître l’homme en en ayant seulement étudié la surface.

« Pour nous, Messieurs , les organes ne sont que les instruments de l’âme , tandis que le savant confond l’âme et le corps; il n’admet que ce que ses yeux perçoivent : matière et mouvement, rien de plus.

« Vue sans le secours des yeux, prévision, instinct des remèdes, pénétration des pensées les plus se-

croies, telles sont quelques-unes des réalités saisissantes que le magnétisme donne le moyen de constater à loisir : voici pour l’ordre moral.

« Non moins riche en faits physiques, toute une nouvelle physiologie apparaît à nos yeux surpris. Agissant sur chaque organe par l’agent nouveau , nous en augmentons ou en diminuons l’activité. Le corps se laisse bientôt pénétrer totalement, et nous déterminons d’irrésistibles attractions ou répulsions, puis encore l’insensibilité la plus profonde. Et, vous le savez, Messieurs, c’est avec cet agent que nous guérissons souvent des maux désespérés.

« Ce tableau, loin d’étre exagéré, est au-dessous de la vérité, tant nous avons la crainte de soulever de nouveau les esprits.

« Que nous présente, en regard de tant de conquêtes, celte vaine philosophie des écoles? Un embryon de science, où l’erreur a pris la place de la vérité.

« Qu’est pour nous la médecine dite savante ? Une oeuvre de raison désespérante, un amas de nuages au travers duquel l’intelligence ne saurait pénétrer. Science indigne de l’homme, fatale à l’humanité, ou chaque apôtre est réduit à dédaigner les préceptes d’écoles et à choisir pour règle son propre instinct, s’il veut être utile aux hommes.

« Et nous venons à tous offrir nos trésors; nous prétendons nous venger de nos ennemis en les enrichissant.

« Gloire à Mesmer, Messieurs, honneur à sa mémoire, car ce qu’il nous a transmis est plus qu’une science, c’est un germe des vérités divines, puisque le plus illettré d’entre nous peut opérer une série de

prodiges capables do confondre l’esprit de lous nos grands savants.

« Ne voyez-vous pas, Messieurs, que nous avons cessé de marcher dans les ténèbres; que, plus avancés que nos devanciers, le magnétisme est dans nos mains un art certain ? Nos efforts ont été couronnés de succès, Dieu a récompensé notre zèle et notre travail, en fécondant le champ arrosé de nos sueurs. La science nous ferma les portes de tous ses sanctuaires, elle mit une barrière infranchissable devant chaque asile de la souffrance, 11e voulant point y laisser pénétrer l’agent qui calme les douleurs; mais le monde restait ouvert devant nous, sa conquête est commencée; maintenant le magnétisme est en tout lieu, et, à cette heure, nous savons que beaucoup de nos frères, placés bien loin de nous, sont réunis pour nous envoyer leurs vœux et leurs espérances.

« L’erreur divise les hommes, les place en catégories, les rend ennemis ; la vérité a plus de pouvoir : lorsqu’elle les convie, les cœurs battent à l’unisson , et cet accord d’harmonie est entendu des cieux.

« Ne nous arrêtons point dans notre marche , Messieurs, nous n’avons du monde nouveau exploré qu’une partie ; mais que la sagesse guide nos pas, nos ennemis profiteraient des écarts de notre raison, si seulement l’enthousiasme colorait nos récits. Soyons froids dans l’expérimentation et dans la pratique, si nous voulons achever notre conquête. Laissons au temps le soin de sanctionner nos découvertes, de nous donner raison; les plus grandes difficultés sont vaincues ; chaque année nous rapproche de l’instant du triomphe.

« Ce jour, Messieurs, consacre la vérité, il resserre

les liens qui nous unissent, il est un témoignage vivant de notre reconnaissance envers Mesmer, la preuve visible de notre progrès, malgré la difficulté des temps.

« L’homme marche à pas lents dans la voie du progrès; il trébuche souvent, mais les ténèbres, compagnes de son berceau, se dissipent chaque jour. La science, qui devrait guider tant d’efForts, fut toujours un obstacle plus difficile à vaincre que celui opposé par l’ignorance. Vérité cruelle à constater et bien pénible à dire : aujourd’hui la science ne se présente plus en faisceau, elle a laissé tomber son sceptre; ce corps malade par trop d’embonpoint languit à l’écart, sans souci du lendemain; l’humanité n’a plus de guide qu’elle-même, et chaque homme est obligé de sonder les écueils.

« Ne vous affligez pas trop, Messieurs, de cette situation; les guides anciens étaient pleins de perfidie, leurs successeurs appartiennent encore à la même école; ils adorent le même dieu : l’homme est donc libre. Et voici à l’horizon une nouvelle lumière : ma--gnélisme, somnambulisme. Ainsi tout se rénove; l’ancien monde périt, un autre survient, d’autres sciences, d’autres arts vont naître; nous ne sommes que les précurseurs d’un ordre nouveau; car nous ne pouvons croire à la chute du monde. Comprenez bien, Messieurs , notre destinée, nous allons élever les hommes au-dessus d’eux-mêmes et les rapprocher de Dieu.

« Tel fut, nous le croyons, le but de l’Éternel en révélant ce suprême pouvoir que nous exerçons, en faisant jaillir du cerveau humain ce qu’il y déposa de divin.

« La science ne voit rien encore dans nos œuvres,

et c’est un bien pour nous que son impéritic et son sommeil. Lorsqu’elle sc réveillera, le magnétisme aura sillonné le monde, nul pouvoir humain ne pourra éteindre son flambeau. La justice, la loi lui feront défaut, car toute loi humaine est impuissante contre la nature ; la justice des hommes, lorsqu’elle est menteuse, n’est que temporaire, elle ne peut prévaloir sur la conscience et Dieu.

« Il ne m’apparlient point d’être votre prophète, Messieurs, mais pour qui sait lire, il est écrit symboliquement ces sentences dans chaque œuvre de vos mains; le temps doit, en les justifiant, montrer un jour que nous n’étions point tout à fait indigne de prendre rang parmi vous.

« Laissons passer les jours sans rechercher l’éclat; travaillons en silence pour nos successeurs, laissons aux académies, comme à la foule, les clameurs, les discussions et le bruit. Notre force n’est point là ! La vérité exclut tout désordre, car elle est l’ordre lui-même. Évitons tout ce qui n’est point sincère et touche de près ou de loin au charlatanisme. De cette manière, il nous sera donné de rapprocher le terme du dernier triomphe et de mériter un souvenir dans la postérité.

« Messieurs, quelles que soient, au reste, les destinées qui nous sont réservées par cette tempête sociale qui s’annonce , rappelons-nous que le dépôt que nous avons reçu doit parvenir à la génération nouvelle. N’imitons point les prêtres du sacerdoce ancien, qui, instruits des mystères du magnétisme, périrent tous sans en rien transmettre au monde. Jurons de suivre l’exemple que nous ont légué les élèves de Mesmer, qui, frappés eux-mêmes à une autre

époque, propagèrent sur la terre étrangère les principes de leur maître.

« Maintenant, Messieurs, portons un toste au révélateur du principe qui nous rassemble. Les anciens eussent fait de Mesmer un demi-dieu, le moyen-âge l’eût pcul-ctre mis en croix; pour nous, Messieurs, regardons-le comme un des bienfaiteurs des hommes que Dieu inspira.

« Puisse-t-il reconnaître en nous ses dignes enfants, et, du séjour de ceux qui ne sont plus, répandre au milieu de nous quelques rayons de la lumière pure qui l’environne. »

A MESMER !

AU RÉVÉLATEUR DU MAGNÉTISME!!!

Ce discours, plusieurs fois interrompu par des applaudissements, montrait clairement que la mémoire de Mesmer était vivante dans tous les cœurs, et que M. du Potet avait su, sinon interpréter son génie, du moins saisir le côté philosophique de sa doctrine.

Quand l’émotion causée par ce grand acte fut un peu calmée, le spirituel el fécond Lovy est monté à la tribune, où sa présence seule excita des bravos unanimes. On s’attendait à quelque gai refrain dont il a pris l’habitude de favoriser les convives. Il commença par s’excuser d’un enrouement intempestif, en disant qu’ayant le gosier en catalepsie, sa voix ne ferait tomber personne en extase. Ce début plaisant fit d’abord éclater les rires : c’était le prélude de l’hilarité qu’excitent toutes les compositions de cet auteur. Ayant ainsi préparé l’assemblée, il chanta les couplets qui suivent :

MESMER ET PUYSÉGUR.

Ata : Trait pouf trait,

De IWfflOur c'est le portrait.

(Pciitcj Danaîdtt*)

Dos Docteurs le front pâlit,

Car Mesmer les démolit;

I! fleurit,

11 mûrit,

Et, chose affreuse 1 il guérit.

(.'Institut reste interdit,

Le fluide l'étourdit :

Il gémit,

Il frémit,

Orfila perd son crédit.

Malgré les poursuites,

D ardents prosélytes,

Tous les ans Plus vaillants.

Viennent siéger dans nos rangs; Financiers, artistes,

Auteurs, publicistes, Villageois Et bourgeois Mesmérisent à la fois.

On magnétise à Plialsliourg, A Pontoise, à Pétersbourg,

A Strasbourg,

A Wurtzbourg,

A Fribourg, à Luxembourg; On inagnélise au Pérou,

Au Mexique, à Tombouctou, A Moscou,

A Saint-Cloud ;

On magnétise partout!

En vain la justice,

En vain la police Séviront,

Poursuivront,

Toujours elles échoueront.

C'est cinq francs d'amende Que l’on vous demande?

On paiera,

On rira,

Et l’on magnétisera.

Ce fluide infortuné,

A la lutte condamné,

Chicané,

Chanson né,

Par les savants bâillonné, Depuis qu’il est apparu,

Que de fois nous l'avons vu Débattu,

Combattu,

Oui, mais jamais abattu 1

Foin des drogues diaboliques, Sataniques, despotiques,

Dont les lois allopathiqucs Dotent les humains !

Les doiyis sont nos formulaires, Et de nos fiers adversaires Nous renversons les glossaires En un tour de maint....

Plus d'un charlatan vanté, Magnétiseur effronté, Exalté,

Entêté,

Pratique sans loyauté; Plus d'un sujet éreinté Offre au public dérouté, Exploité,

Hébété,

Un fluide trélaté.

Que de somnambules,

Bravant les scrupules,

Ont trompé,

Ont lupü Tar un sommeil usurpé Quand notre croyance Deviendra science,

Ces abus,

Confondus,

Ne se reproduiront plus I

Ces temps viendront; mais d'abord, Que chacun fasse un effort 1 Par l’accord L’homme est fort....

De loin j’aperçois le port.....

Maint docteur, dans son rapport,

De Mesmer plaignant le sort,

Le croit mort ;

Il a fort :

Le bonhomme vit encor.

Le somnambulisme,

Fils du mesmérisme,

Enfant vif,

Expansif,

S’est souvent montré fautif....

Mais dans los familles,

Que de jeunes drilles,

Que de gas,

Ici-bas,

N’af!]igcnt pas leurs papas?.....

Par tant d’erreurs obscurci,

Le somnambulisme aussi,

Dégrossi,

Eclairci,

Gloriliera Buzancy.

Et le sceptique endurci,

Déjà je le vois tl'ici,

Dieu merci,

Radouci..-.

Quand nous aurons réussi.

Un jour, Messieurs, je l'espère,

Tous les peuples de la terre Autour de notre bannière Se rassembleront :

Des instituts magnétiques Auront leurs chaires publiques,

Leurs hospices, leurs cliniques.....

Mais ils guériront.

Puis enfin, s'il plaît au Ciel,

Nous lancerons un cartel,

Un appel Solennel Au fluide universel,

Pour un concours général,

Avec son jury central,

Son local Colossal Et son palais de cristal.

Ce chant provoqua les applaudissements les plus vifs, et l’auteur dut, malgré son rhume, en recommencer plusieurs complets.

La parole fut ensuite accordée à M. Durand , un jeune adepte de Rodez , pour un toste dont il développa les motifs en ces termes :

A L’UNITÉ DE LA SCIENCE 1

AU PROGRÈS DU MAGNÉTISME VERS LA RÉALISATION DE CET IDÉAL SUPRÊME DE TOUTES LES CONCEPTIONS PHILOSOPHIQUES.

« Avant de marcher droit et ferme dans la voie lumineuse de la science certaine, l’esprit humain commence par se traîner dans les sentiers obscurs de l’empirisme et de la conjecture.

« Les phénomènes divers lui apparaissent d’abord comme des accidents et comme dépourvus de tout enchaînement. Dès lors, l’analyse spéciale, individuelle de chaque fait particulier, devient une méthode obligatoire, et sa science est une pénible et lente accumulation d’observations incohérentes.

« Mais le besoin pressant et insatiable de connaître ne peut rester longtemps asservi à des procédés d’investigation que leur lenteur extrême rend illusoires. C’est alors le moment critique où l'intelligence, sur le point de s’émanciper, déraille le plus souvent et s’égare dans un dédale. Au lieu de se munir préalablement d’une boussole sûre pour se diriger dans la recherche de l’inconnu , elle se jette, les yeux bandés, sur une route hérissée de problèmes, et quand ces problèmes l’arrêtent, loin de rebrousser chemin et de s’aller pourvoir de ce qui lui est indispensable pour les résoudre, les solutions qu’elle ne peut trouver elle les imagine ; ne pouvant acquérir la connaissance de cf. qui est, elle prend des rêves pour l’expression de la réalité : elle s’abandonne à l’illusion. De là les sciences conjecturales, ces fourmilières d’écoles et de doctrines ennemies, dont l’innombrable variété semble avoir pour objet de représenter toutes les nuances de l’erreur.

« Mais il est une marche plus rationnelle : rapprochons et comparons les faits dont l’analyse a mis à nu les caractères, et nous découvrirons entre ces faits certains rapports qui leur servent de lien. La constance de ces rapports, reconnue par l’expérience, la raison, en s’appuyant sur des vérités évidentes, nous en démontrera la nécessité absolue ; et ces rapports nécessaires, rigoureusement établis, deviendront LOIS mathématiques. Dès lors, débarrassés

des entraves de l’observation directe et individuelle, par la seule déduction logique d’un fait connu, nous pourrons embrasser d’un coup d’œil la connaissance d’une infinité de faits que nous ne connaissions pas.

« Que les sciences diverses, qui languissent encore dans les langes des méthodes rudimentaires, déterminent les lois fondamentales des phénomènes qu’elles ont pour objet, et qu’elles se constituent enfin sur les bases immuables de l’éternelle logique. La physique, l’astronomie, la chimie sont entrées dans la phase nouvelle : hier, vagues conjectures ou pratiques routinières des astrologues et des alchimistes , elles rampaient obscures et impuissantes ; aujourd’hui, sciences positives, elles volent à lire d’aile dans l’ère du progrès. Que leurs sœurs attardées se hâtent de les rejoindre !

« Quand sera constituée l’unité organique de chaque science, toutes les sciences se grouperont en une harmonieuse hiérarchie, et réaliseront leur grande unité systématique dans une formule synthétique suprême, où toutes les lois secondaires trouveront leurs formules particulières, où tous les problèmes rencontreront leurs solutions.

« Alors, les écoles rivales que l’erreur tenait divisées, se réconcilieront sur le terrain de la démonstration, et, répudiant enfin un stérile antagonisme, elles cesseront de se disputer le domaine des intelligences, pour les cultiver ensemble et avec fruit. Et la prédiction de saint Paul, un grand magnétiseur, Messieurs ! se trouvera ainsi accomplie : « Quand la « perfection sera venue, dit-il, ce qui est imparfait « sera aboli. Présentement, nous voyons confusé-« ment et comme dans un miroir; mais alors la vé-

« rité nous apparaîtra dans toute sa clarté, et nous « la verrons pour ainsi dire lace à face. »

« Au magnétisme la mission glorieuse d’amener ce grandiose résultat. Il a déchiré le voile qui nous cachait l’immensité d’un monde invisible, du monde mystérieux des forces et des causes ; et puis, par un double bonheur et par une double merveille, à nos sens appesantis par la chair il prête des ailes pour explorer ces champs radieux où jaillissent de toutes parts les sources du mouvement et de la vie.

« Le magnétisme fut appelé à juste titre le grand art, ars magna, faisons-en la grande science, et notre récompense sera grande, ouvriers de courage et d’intelligence; car il nous sera donné d’assister à la transfiguration intellectuelle et morale du genre humain. »

L’approbation de tous les esprits sévères attendait l’expression d’aussi graves pensées dans un si beau langage; elle se manifesta par des encouragements multiples.

M. Jobard vint ensuite, comme pour faire diversion aux entretiens didactiques, avec une fable de son cru, dite avec une bonhomie si malicieuse que les rires mal contenus l’interrompaient sans cesse.

Voici cet apologue :

LE PREMIER BALLON.

«Voyez-vous au ciel ce point noir Qui se balance dans l'espace?

C'est le premier ballon qui pas6e ;

Mais il faut, pour l'apercevoir,

D'excellents yeux, » disait à la foule assemblée Un amateur à l'œil perçant.

(Dire une vérité d'emblée

Est toujours un fait imprudent). Chacun lève aussitôt la tète.

Et du point noir se met en quête Dans la voûte du firmament.

« Voyez-vous pas ? — Non ; nia parole, Nous sommes dupes de ce drôle,

Il faut l’assommer I — Moi, je vois,

Dit l'un d'eux. — Moi, je crois,

S'écrieun myope en colère,

Que vous lui servez de compère ;

Haro sur ce vil imposteur I A mort, )o mystificateur Et ceux qui prennent sa défense l »

Victimes de leur clairvoyance,

Ils ont beau crier : Regardez I

I.es malheureux sont lapidés 1.....

Sur eux la canaille se rue El, sans les écouter, les tue.

Pendant ce bel exploit le ballon descendait, Et tout le mondo le voyait ;

Mais personne n’osait le dire Devant cette foule en délire.

Enfin, quand le ballon fut prêt

A se poser h terre,

Il fallut bien croire et se taire;

Hormis les aveugles pourtant,

Qui voulurent toucher avant.

Le peuple alors, honteux de sa béïue,

A ces pauvres martyrs élève une statue.

C’était fort bien assurément,

Mats il eût mieux valu le faire auparavant.

Mes amis, vous pouvez m’en croire,

Ce conte-ci n'est que l'histoire De tous les prieur leurs,

Inventeurs ou fauteurs De quelque vérité nouvelle :

Tous ces illuminés, ainsi qu’on les appelle, Seront toujours crucifiés pour elle;

Galilée et Colomb, Papin, Mesmer, Fulton, Ont montré trop tôt leur ballon.

Le charme exercé sur l’auditoire par cette poésie

naïve cl fine lin loi, que l’auteur dut en recommencer le récit, réclamé de toutes parts avec une insis-tance dont l’accord formait un murmure louangeur. C'est la pièce qui a eu véritablement les honneurs de la séance ; el en la donnant ici pour dédommager les absents, nous renouvellerons la joie de ceux qui l’ont entendue.

M. de Rovère, venu de Calais, succéda à M. Jobard , qui avait aussi fait le voyage de Bruxelles. Il débuta par quelques mois de convenance, s’excusant d’avoir à parler après tant de bouches éloquentes ; puis, continuant, il dit :

« Mesdames et Messieurs ,

« Aux émolions vives el profondes d’amour, de respect et d'admiration qui vibrent dans tous les cœurs, vient se joindre une réflexion qui se présente tout naturellement à l'esprit, parce qu’elle est la conséquence immédiate de faits évidents, incontestables, qui se passent au milieu et en dehors de nous.

« En effet, nous voyons ici, au milieu de nous, s'accroître chaque année le nombre des amis de la vérité, accourant de toutes paris, de loin comme de près, pour venir communier fraternellement à ceban* quet de famille. JNous nous eu réjouissons tous, Messieurs ; mais nous ne nous en étonnons pas, en songeant au but de cette réunion, celui de rendre hommage à la mémoire d’un homme qui a non-seulement honoré son siècle par ses talents et ses lumières, mais qui a bien mérité du monde entier, en dotant notre patrie commune, le globe terrestre, des révélations humanitaires enfantées par l’union constante et puissante de son génie transcendant et de son âme bienfaisante.

« Et quand dans ces beaux salons, si vastes, si spacieux, à peine cette année pouvons-nous avoir les coudées franches, nul ici ne s’en étonne, en songeant à la source de l’invitation qui nous a été faite et à l’organe par lequel elle nous a été transmise : le Jury magnétique, d’un côté, ce foyer d’hommes d’élite, et de l’autre, son digne président, celui qui a tant de droits aux sympathies de tous les hommes de bon vouloir, celui qui, en un mot, a tant écrit, tant dit, tant fait pour défendre, pour conserver pure et intacte une science dont nous nous glorifions d’être les zélés el fervents popularisateurs.

« En dehors de nous, Mesdames et Messieurs, que se passe-t-il? Chaque jour s’accroît et s’étend, sur tous les points de la terre, la phalange intellectuelle, morale et rationnelle des mesinériseurs et des mes-mérisés; à chaque instant le nombre des aveugles diminue, tandis que celui des vrais voyants augmente. Partout nous progressons, c’est le mot, et cet universel résultat, alors qu’il nous comble et d’espoir el de joie, ne nous surprend nullement, quand nous songeons à la toute-puissance de la vérité, du travail et de la vertu.

« Ah ! quelque sombres que puissent être les idée» des pessimistes ; quelque sinistres que soient les prédictions des alarmistes, soyons plutôt un peu optimistes, car nous avançons, quoi que disent et quoi que fassent ceux qui voudraient bien nous faire rétrograder. Et comment en serions-nous surpris? Ne savons-nous pas que le vrai progrès moral, social et humanitaire n’obéit pas aux lois artificielles et superficielles de la créature, mais bien aux lois naturelles et providentielles du Créateur?

« Les vapeurs ténébreuses dont nous étions enveloppés se sont dissipées; l’atmosphère plus claire nous a permis de distinguer l’étendue et la beauté du feuillage verdoyant de l’arbre de l’unité scientifique; déjà nous pouvons apprécier la valeur et la bonté de ses fruits nutritifs et régénérateurs. Nous nous dirigeons vers le sol fertile d’où s’élève cet arbre précieux de vraie science. La puissance du travail et la lumière de la nature nous permettront de parcourir une route qui n’est pas sans ornières, et qui est même environnée de pièges, de précipices et de gouffres dangereux : ambition, cupidité, vues systématiques, enthousiasme immodéré ou fanatisme doctrinaire, hallucination, charlatanisme, charmes fantastiques d’un art séduisant et fascinateur. Mais laissant tout cela derrière eux, les vrais mesméristes, humbles interprètes de la nature, sauront, à force de patience, de courage et de tempérance, éviter les pièges et les dangers. Ils parviendront jusqu’au pied de cet arbre unique et précieux, dont les racines touchent aux entrailles de la terre, et dont la cime va se perdre jusque dans les régions éthérées.

« Oui, Mesdames et Messieurs, croyez-le bien, les apôtres de Mesmer triompheront de tous les obstacles, parce que, infatigables, incorruptibles, inébranlables travailleurs, ils conserveront toujours pour point d’appui la vérité, pour point de mire l'humanité, et poür inspiration la Divinité.

« Maintenant, pour proposer un toste, je me résume ainsi :

TRAVAIL, VERTU, VÉRITÉ!

Un océan d’erreurs étale avec orgueil

l:n séduisant mirage et cache uu grand écucil.

A.'i : fuyons le prestige , évitons ie naufrage,

-Sains cl saufs iUiis le port, restons sur le rivage.

Oui, restons dans le vrai : sans lui point de salut,

Sans lui point de succès, sans lui point «le vertu.

Iticn s,ir,s la vérité ; sans elle et son (lambeau ,

La nature est en deuil et la vie un tombeau.

L Homme qui, toujours \ rai, n’est jamais fanatique,

L'homme qui, pénétré de la foi sympathique,

Veut aider son prochain ot veut en être aidé,

N'est plus un être obscur : il est l'humanité.

Eh bien! tel fut Mesmer, l’immortel travailleur,

Et tel est du Potel, l'humble propagateur.

Du maître et de l'émule imitons avec zèle Le labeur incessant, le sublime modèle.

Et quand un doux aspect, un ciel plus pur enfin,

Présage au maguétisme un heureux lendemain,

Quand le destin propice eu cc jour nous rassemble,

Élevons tous un toste, portons-le tous ensemble.

Et que nos voix, nos cœurs, par ce même transport.

Scellent dans l'union leur mutuel accord :

Au travail le triomphe, au travail la victoire,

La vertu fait sa force, et le vrai faitsa gloire I

M. do Rovère est doué de l’expansion chaleureuse par laquelle les orateurs font partager leurs sentiments intimes. L’animation de son débit, son accent convaincu, tout, jusqu’à l’excentricité de ses mouvements, lui valut des marques de sympathie.

Avant de quitter la tribune, il fit hommage au. Jury d’un volumineux rouleau de documents relatifs au progrès récent du magnétisme dans le nord de la France.

M. le président annonce alors que la parole appartient à M. Ernest Morpliy, arrivant de la Nou-vellu-Orléans avec une délégation spéciale de la Société magnétique de cette ville, où pareil banquet a lieu. A ces mots, chacun regarde, et, dès qu’on voit paraître le représentant des magnétiseurs du No«-ycau-Monde, un tonnerre d'applaudissements salue

sa présence. Visiblement ému d’un accueil aussi cordial, celui qui nous apportait les vœux de 110s frères d’Amérique porta en leur nom un toste ainsi conçu :

AU JOUR or I.A VÉRITÉ LUIRA POUR TOUS;

OIJ LES FAITS TRIOMPHERONT DES THÉORIES!

Puis un poète, dont la versification facile a pu déjà être appréciée de nos lecteurs, M. Ain. Thuillier, a chanté quelques strophes d’une composition, intitulée]’^« d'or, que M. le président avait cru prudent d’amputer et que nous ne reproduisons pas par la même raison.

La prose et les vers alternant, M. Cosson a lu les développements du toste que voici :

A L’INSTITUTION D’UN CONGRÈS AYANT POUR BUT L’EXAMEN ET LA RÉSOLUTION DES PRINCIPES FONDAMENTAUX DU MAGNÉTISME !

« Tout en rendant hommage aux travaux importants des magnétistes éminents, aussi bien qu’en encourageant les efforts des nouveaux adeptes, nous reconnaissons que notre tâche est incomplète et nous pensons honorer encore le mérite en émettant le vœu de voir sanctionner par une délibération les propositions devant former la base de la science mesmé-rique.

a Ici, nous ne voulons pas faire l’historique des congrès, ni démontrer leur utilité : personne ne la conteste, surtout lorsqu’il s’agit de retrouver la trace des pratiques magnétiques de l’antiquité, d’apprécier la valeur des opinions et des procédés de nos prédécesseurs, et de planter les jalons qui doivent nous guider dans nos recherches aventureuses, ou

marquer aux générations futures la route que nous avons suivie. Mais ce que nous voulons faire, c’est un appela tous les magnétiseurs sérieux pour obtenir le concours de leur expérience et de leur intelligence, afin d établir des principes rationnels en rapport avec l'élendue actuelle des connaissances humaines.

« Assez longtemps le magnétisme fut confiné dans les murs d’un temple. Naguère encore il était l’apanage de quelques privilégiés; aujourd’hui, pour progresser et répandre ses bienfaits comme art et comme science, il doit être vulgarisé, car nous savons tous que l’isolement empêche de donner à une œuvre les proportions qu’elle pourrait atteindre.

« Un homme conçoit, une assemblée édifie.

« I.a raison, isolée, peut s’égarer; le concours des intelligences sait comparer.

« En un mot, l’individu propose, et la multitude dispose. »

A L'INSTITUTION D’UN CONGRÈS MAGNÉTIQUE I

Acclamée par l’enthousiasme qui attend toutes les initiatives généreuses, cette motion attira sur son auteur des félicitations non équivoques.

Enfin, M. Duteil, parlant pour M. Cahagnet, indisposé, a porté le loste suivant :

A LA FUSION DE TOUTES LES ÉCOLES RELIGIEUSES ET SCIENTIFIQUES I

Dans l'unique but détudier le passé , le présent et l'avenir de l’esprit humain, par le secoure de la précieuse lumière que Mesmer a remise en nos mains.

Et, pour terminer, il a lu la pièce de vers qui suit.

«dont le sens a ¿10 générnicmrnt ¡jouté e( applaudi comme il méritait de loU'e :

LE SOURiRE D’UN SPiRITUALiSTL

Je souris à lu terre, où je vis jwur souffrir ;

Je sourisau Iqui veut bien me nourrir ;

Je souris ii I curant qui donne une en rosse :

Je souris ii ma sœur, qui m'offre sa tendresse ;

Je souris ii l'ami qui inc serre la main ;

Je souris nu vieillard qui sVloinrira demain ;

Je souris à mes l'ers, qui font mon esclavage;

Je souris h la mort, qui vient et m'en 'légage ;

Je souris avec vous. à l'ombre de Mesmer Qui chassa île mon cœur le soupçon trop amer Du néant succédant il cette triste vie ;

Et je souris au ciel qu'en ce beau jour j'envie,

Je vous souris i\ tous, frères en l'éternel.

Et vous offre eu ces vers lo baiser fraternel.

Après quoi, un moment de repos étant devenu nécessaire, la séance demeura quelque temps suspendue. Les conversations particulières prirent la place des entretiens généraux; et, chacun circulant, les nouveaux convives purent faire connaissance avec le? anciens.

g II. — DISTRIBUTION DES MÉDAItlÆS.

On peut considérer cette dernière partie de la fête comme la plus importante, tant par son caractère que par ses résultats. Les démonstrations auxquelles a donné lieu l’analyse des motifs qui ont inspiré les décisions du Jury, étaient plus sévères et non moins vives. Dans la première partie, 011 pleurait de rire sous le feu roulant des traits d’esprit, des mots piquants; celle-ci faisait encore couler des larmes,

niais c’était d’attendrissement, au récit des belles actions dont le Jury allait décorer les auteurs.

Eu choisissant ce jour pour proclamer les mérites des magnétistes qui se sont distingués, le Jury a dignement couronné la fête de Mesmer. Quel plus bel hommage, en effet, rendre à son génie, que d’ho-norer les imitateurs de son talent ? Comment mieux faire chérir sa mémoire qu’en l’associant iv la glorification de scs disciples éminents ?

Tout le monde comprenait très-bien cette solidarité majestueuse, et l’influence du Jury s’en estgran*-dement accrue.

Pour qu’on sache à quoi le magnétisme est bon, ce qu’il peut produire, ne faut-il pas faire connaître les œuvres qui justifient l’attachement de ses partisans ? La publicité des belles actions, d’ailleurs, tout en payant un tribut légitime aux hommes qui les ont faites, n’en engendre-t-elle pas dépareillés? D’ailleurs rien de secret n’existant dans les préférences du Jury, la faveur n’ayant nulle part à ses jugements, pourquoi ne divulguerait-il pas les éléments de ses décisions ? Il n’a pas voulu laisser ignorés les titres de ses élus ; et, en exposant leurs mérites devant une assemblée compétente, il a eu la joie de voir ses choix ratifiés par l’approbation unanime.

M.duPotet, dans une improvisation dont plusieurs traits ont provoqué des bravos significatifs, a fait un exposé rapide des mérites de chacun des élus.

Voici l’ordre suivi et les distinctions décernées :

1° Urdaille d’argent.

A M. le D- ELLIOTSON, médecin à Londres.

2’ Médaille de bronze.

A M. CLAPIER, cultivateur il Sainte-Amélie (Algérie).

A M. MIALLE, homme de lettres à Paris. • —j

A M. le haron VON REICIIENBACN, h Vienne (Autriche).

A M. WINNEN , instrumentiste à Paris.

A M. le D' GREGORÏ, professeur à l’Universilé d’Edintbourg.

A M. RLESSON, peintre en btimenls à Paris.

■ A M. le D' DU PLANT Y, maire de Saint-Ouen.

A M. LACAUSSADE, négociant au Port-Louis (île Maurice).

Chaque nom proclamé recevait une consécration par des applaudissements qui témoignaient de la vive satisfaction du monde magnétique représenté là. Parler de dévouement, d’abnégation, d’efforts d’intelligence, de sacrifices, etc., on est sûr de faire vibrer toutes les cordes du cœur humain ; car ceux là même dont la vie sc passe sans rien produire, sont sensible s aux succès d’autrui ; et, quand cela se passe dans une réunion d’intelligences émancipées, on. émeut le sentiment d’admiration jusque dans ses racines. Aussi y avait-il en ce moment un frémissement doux, quelque chose qui semblait dire: Le magnétisme enfantera des prodiges; son ère ne fait que commencer, et le Jury qui en rémunère les interprètes est destiné à être une institution capitale.

M. le D' du Planly, après avoir remercié le Jury de l’honneur qu’il venait de recevoir, a dit :

« Très-illustre et très-cher président,

« Mesdames et Messieurs ,

« Il y a un an, à pareille époque, j’avais l’honneur, pour la première fois, de m’asseoir à la table de Mesmer : j’y apportais la honte d’avoir autant lardé à frapper haut et fort à la porte du magnétisme, clef de voûte qui, selon moi, peut seule solidifier l’édifice médical ; car la médecine aujourd’hui, partagée en deux camps ennemis s’anathématisant l’un l’autre, suivant la vieille coutume, et pourtant s’uuis-

sant un moment pour attaquer ensemble le magnétisme, qui rit de leur foüe et marche de progrès en progrès, en guérissant, et en voyant chaque jour le nombre de ses disciples augmenter.

« Cette année, j’apporte encore la honte, la honte de n'avoir pas fait plus en faveur du magnétisme; lui qui a déjà fait tant pour moi.

« Pourtant, l’année qui vient de s’écouler n’a pas été.perdue ; j’ai sérieusement, religieusement étudié cette divine doctrine; j’ai puisé dans les livres, j’ai puisé dans le grand livre de l’exemple, j’ai puisé dans ma tête et dans mon cœur découragés par l’aridité systématique des doctrines scolastiques; et j’ai été largement payé de ma peine. Le magnétisme, comme une mine féconde, a dépassé mes espérances, et j’ai eu le bonheur, moi, médecin, d’arracher à la mort des êtres qui devaient succomber, abandonnés qu’ils étaient par les deux grandes écoles médicales, qui s’arrachent l’une l’autre les malades, et sont trop souvent malheureusement dépossédées l’une et l’autre par la mort, qui trouve son compte dans cette lutte et attise le feu de la discorde.

« Les académies lancent l’anathème contre le magnétisme : les magnétiseurs sont des dupes ou des fripons, disent-elles.... Nous comprenons le désespoir des académies, leur trône chancelle sous leur poids; elles ont beau garder les issues, le magnétisme y pénètre, et chaque jour cette vérité qui a été reconnue par la cour de Rome, et confessée du haut de la chaire de Notre-Dame, se fait jour dans la conscience d’un académicien, qui dit aussi : oui, le magnétisme existe...

« Oui, le magnétisme existe; mais, comme lout ce qui existe et vient de l’homme ou auquel l’homme

sert de conducteur, il n’est pas infaillible. Mais qu’est-ce qui est infaillible, si ce n'est Dieu? A nous donc d’éludier celte divine émanation et de l’appliquer avec discernement, et je puis vous assurer, sur ma dignité personnelle, que vous deviendrez alors des êtres privilégiés auxquels Dieu confie la puissance de guérir eu imposant les mains en son nom. »

II est impossible de s’exprimer en meilleurs termes et de faire ressortir avec plus d’éclat ce que le magnétisme réalise et ce que la vérité inspire. Ces belles paroles, sorties d’un bon cœur, ont été accueillies avec un enthousiasme indicible.

M. Winnen a pris ensuite la parole, et a remercié de même le Jury el l'assemblée.

Enfin, on a porté les tostes d’usage aux dames, au président et aux commissaires; puis l’on s’est séparé en formant des vœux pour la prochaine célébration de cet anniversaire.

Tels sont, en raccourci, les détails de cette splen-dite réunion ; beaucoup de voix en sortant demandaient s’il n’y aurait pas bientôt un autre banquet. C’est là le plus bel éloge qu’on puisse faire de celui-ci, et la garantie que le magnétisme a grandi, qu’il est dans tous les cœurs ; car les épanchements sont les fêtes de lame, fêtes où la foi se développe par le contact des convictions.

Oui, nous aurons des fêtes, où la religion et la philosophie viendront nous prêter leur concours. Oui, le magnétisme opérera des prodiges, et l’on verra sortir de ces comices des œuvres capitales.

Tout nous présage le triomphe; la vraie science est avec nous ; il ne nous manque que les moyens de

la formuler. Mais les germes poussent ot grandissent; nous savons que bientôt l’arbre portera ses fruits : fruits de vie dont l’enthousiasme révélera l’origine, car ceux qui les goûteront, après les avoir savourés, sentiront l’immortalité de leur nature et croiront en Dieu.

nÉBERT (de Garnay).

W II. Plusieurs journaux de Paris: la Presse, le Siècle, l’Union, le Corsaire, Y Union médicale et la Démocratie pacifique ont diversement rendu compte de cette fête; nous reproduirons leurs appréciations le mois prochain.

Législation. — Dans un moment comme celui-ci, où les procureurs, requérant de toutes parts, ont fait condamner pour des faits magnétiques, il est bon de jeter un coup d’œil sur les textes de loi qui peuvent être logiquement invoqués.

g I. — il'RlSPUUDENCE BELGE.

L’Exercice du magnétisme turatif ne peut être interdit en Belgique.

L’art. 18 de la loi du îa mars 1818 , en vertu duquel on croit pouvoir interdire le magnétisme, est ainsi conçu :

« Toutes personnes non qualifiées qui exerce-0 raient quelque branche que ce soit de l’art de a guérir, encourent une amende de 25 ù 100 flo-« rins. »

Toutes les branches de l’art de guérir sont caractérisées, reconnues et délimitées par la Faculté; ainsi le pharmacien ne peut pas administrer des remèdes s’il n’est pas médecin diplômé ; les docteurs-méde-cins n’ont pas le droit d’exercer la chirurgie et 1 art

des accouchements; ceux qui exercent une branche de l'art de guérir pour laquelle ils ne sont point autorisés d’après la loi, ou même qui l’exercent d'une manière qui n’est pas conforme à leur autorisation, encourent une amende; bien plus, d’après les dispositions dis art. a5 et 26 de l’arrêté royal du 5i mai 1818, aucune autorité ne peut reconnaître comme exerçant légalement l’art de guérir que ceux qui, ayant justifié de leurs droits, sont portés sur la liste dont la formation est prescrite dans chaque province. Le diplôme même sans l’inscription est insuffisant.

Or, tout cela ne regarde en rien les magnétiseurs purs et ne. saurait leur être appliqué, à moins qu’ils ne prescrivent ou vendent des remèdes.

i° Le magnétisme n’est point une branche de l’art de guérir reconnue par la Faculté.

20 La Faculté 11e pourra faire poursuivre les magnétiseurs exerçant sans diplômes, que lorsqu’elle accordera des diplômes de magnétiseurs.

5° Les magnétiseurs diplômés seront également astreints à l’inscription comme les autres avant de pouvoir pratiquer.

L’esprit de la loi a été d'empêchcr la délivrance de remèdes par des ignorants, mais non pas d’empêcher de soulager l’humanité. C’est ainsi que les tribunaux de Rotterdam , puis d’Amsterdam en ont jugé dans l’affaire du magnétiseur Meyer, qu’on n’a pas pu condamner, bien qu’en Belgique on ait condamné un magnétiseur sur le simple témoignage d’un épileptique, qui est venu déclarer qu’on l’avait guéri sans remède. Riais il y a parfois des juges peu éclairés et très-passionnés : ceux-là condamneraient certainement les prêtres qui| pratiqueraient l’exorcisme sans diplôme

Cl feraient fuir d’un signe de croix le démon du corps d’un possédé.

Or, le magnétiseur qui guérit par des passes ou par sa volonté, ne devrait-il pas être assimilé à l'exorciste, aux yeux des juges ?

F.h bien ! puisqu’ils ne poursuivent pas les exorcistes, ils n’ont pas plus le droit de poursuivre les magnétiseurs.

Je vous engage à voir le texte de la loi française ; il est probable qu’il est conçu dans les mêmes termes.

On peut donc toujours plaider que le magnétisme n’étant pas une des branches de l’art de guérir, la loi n’est point applicable à celui qui l’exerce, et que les tribunaux sont incompétents à condamner un magnétiseur qui n’administre, pour tout remède, que le fluide qu’il possède et dont on conteste jusqu’à l’existence, bien qu’on voie les bons résultats de son application.

Si vous jugez que cet avis soit bon à faire connaître à vos abonnés, imprimez-le.

Je vous donnerai dans ma prochaine un certain nombre de faits constatant l’existence d’un fluide idéo-sympathique, qui met les hommes en rapport de solidarité, comme le sont tous les bras d’un polype attachés au même polypier.

C’est l’explication du dicton universel s quand on parle du soleil on en voit les rayons, ou bien... trivialement parlant..... Vous devinez le reste.

JOBARD.

Bruxelles, 17 février 1851.

g 11. — JURISPRUDENCE FRANÇAISE.

Le Journal du Magnétisme, calme recueil de discussions scientifiques, est devenu l’écho habituel des dé-

liais soulevés devant les tribunaux correctionnels. Il n’est pas, depuis près d’un an, un numéro du Journal qui ne contienne le compte-rendu d’un procès, l'annonce ou la menace d’une condamnation contre des somnambules et leurs magnétiseurs. Ces poursuites incessantes nous engagent à rechercher les dispositions de nos lois qui peuvent s’appliquer à la science de Mesmer, et à indiquer brièvement les points sur lesquels la jurisprudence paraît s’être éta~ blie avec quelque certitude.

Une loi de ventôse an XI règle en France l’exercice de la médecine ; scs principales dispositions défendent à tout individu qui n’est pas muni du diplôme de docteur ou de celui d’officier de santé, de se livrer à l’art de guérir. La sanction pénale de cette loi est une amende qui peut être portée à 1,000 fr. contre ceux qui ont usurpé le titre de docteur, et à 5oo fr. contre ceux qui se sont qualifiés d’officiers de santé. En cas de récidive, l’amende sera double, et les délinquants encourront en outre un emprisonnement qui n’excédera pas six mois. (Art. 5G.)

Les personnes qui exercent la médecine sans prendre aucun titre, sont passibles d’une amende do 5 francs.

Cette loi est la seule dans laquelle le législateur a cru devoir poser des règles à l’exercice de l’art de guérir; appuyé sur ses prescriptions, le ministère public peut-il poursuivre devant les tribunaux les simples particuliers qui se livrent aux pratiques du magnétisme curatif? Pour faire à cette demande une réponse satisfaisante, nous croyons utile de distinguer et de diviser ainsi la question s

i° Les consultations données par le3 somnambules

et leurs magnétiseurs constituent-elles une contravention à la loi de l’an XI ?

2° L’exercice direct du magnétisme, sans emploi ni indication de médicaments, est-il atteint par la même loi ?

A la première question nous répondrons : Oui; à la seconde nous dirons : Non.

I. L’exercice de la médecine consiste en partie dans l’indication de remèdes destinés à soulager ou à guérir les malades. Les somnambules et les magnétiseurs qui donnent des consultations, écrites ou verbales , suivent des traditions analogues à celles des médecins ordinaires ; guidés par un principe différent, ils emploient des moyens identiques pour arriver à un même résultat; ils usurpent un droit que notre législation accorde aux seules personnes munies d’un diplôme des Facultés. Ils tombent dès lors sous l’application de la loi. De récents et nombreux jugements ont sur ce point fixé la jurisprudence. (Voir les derniers numéros du Journal.)

Lorsque le somnambule est sous la direction sérieuse d’un médecin qui ne signe les ordonnances qu’après s’être assuré de la valeur des remèdes indiqués , nous ne pensons pas que des poursuites doivent être intentées. Le somnambule est alors un instrument de la médecine, il lui prête ses facultés et ne les lui impose pas. La loi n’a point eu la prétention de mettre des limites à la science, elle ne lui a pas défendu de chercher ses inspirations dans les découvertes de l’esprit humain qui renferment des vérités nouvelles; elle a voulu seulement, pour la sécurité de la santé publique, qu’une personne déclarée compétente couvrît de la responsabilité d’un savoir légal des prescriptions médicales. Des condamna-

lions prononcées contre fies somnambules sc disant assislés de médecins paraissent s’élever contre cctlc théorie. II est bon de remarquer, cependant, que dans tous les jugements contraires à notre opinion, il est dit que le médecin n’a pas donné une surveillance sérieuse ou régulière aux ordonnances soin-nambuliques. La question reste dès lors entière. (Voyez Gazette des Tribunaux, 23 mars 1843.)

Si le médecin ne faisait que donner, en quelque sorte, un simple exequatur, que d’apposer aveuglément sa signature aux ordonnances, le somnambule serait condamné pour exercice illégal de la médecine, et le signataire serait déclaré complice. (V. le numéro 124 du Journal.)

Une dernière hypothèse se présente. La voici : le somnambule qui, dans l'état de veille, n’a pas consenti à être interrogé sur des questions médicales, peut-il être considéré comme ayant exercé l’art de guérir, si, pressé de demandes, il a donné des consultations? Le doute ne nous paraît pas possible. Le principe éternel qu’il n’existe point de faute sans intention coupable couvre le somnambule. La personne plongée dans le sommeil magnétique n’a pas conscience de ses actes, elle est domptée par une volonté toute-puissante, son libre arbitre est détruit, et l’on ne pourrait sans injustice la rendre responsable de faits ou de paroles dont il n’étai t pas en son pouvoir de s’abstenir. Une condamnation ne devrait donc pas être prononcée. Nous n’espérons pas, nous l’avouons, voir, dans l’état actuel de la science, notre opinion partagée par les tribunaux; elle devra l’être, elle le sera, quand le magnétisme sera plus connu.

II. La seconde question toucheau magnétisme pur ; elle nous paraît d’une solution facile. Nous n’hési-

Ions jias à croire que la magnétisation directe ne peut être déclarée acte médical et soumise à l'application de la loi de l’an XI.

La médecine est une science officielle qui possède ses règles et ses enseignements ; chacune de ses branches est délimitée par les Facultés, étudiée dans les écoles, pratiquée dans les hôpitaux; elle s’exerce à l’aide d’agents extérieurs et visibles, dont l’application est faite sur le corps humain avec plus ou moins d’intensité; elle est légalement reconnue dans tous les États. Le magnétisme, au contraire, est repoussé par la plupart des savants : les Académies et les écoles , loin de lui donner une place dans leur enseignement, vont jusqu’à nier sa réalité. Le magnétisme est un acte spontané de notre volonté, une émanation de nous-même, un rayonnement de l’atmosphère humaine. Il n’est ni tangible, ni visible; fluide impondérable, éthéré, il est répandu dans l’espace infini; il est du domaine de tous, comme l’air que chacun respire; et, pas plus que l’air, il n’est, dans le sens médical du mot, un remède. Nous le voyons, aucune analogie n’existe entre les pratiques de la médecine officielle et celles du magnétisme, il ne devrait donc être intenté aucune poursuite contre les adeptes de la science nouvelle. Des réquisitoires, cependant , ont été prononcés contre des hommes coupables de simples passes magnétiques, et des juges ont condamné en 18'j 1 :

« Attendu que la loi interdit l’exercice de l’art de « guérir à toute personne qui ne remplit pas certai-« nés condilions ou formalités indiquées par elle, « quels que puissent être les moyens employés ou « les résultats obtenus ;—Attendu que le prévenu « s’est livré à la pratique de l’art de guérir et qu’il

« ne justifie d’aucun diplôme; — Que, dès lors, sans « qu’il soit besoin pour le tribunal d’apprécier les a moyens employés par lui, il est constant qu’il a « contrevenu aux dispositions de l’art. 55 de la loi de a l’an XI.... Condamne. » (Voir la Gazelle des Tribunaux du 2D février 1841, 6e chambre.)

Ainsi, pour les juges de 18/j 1 , la simple magnétisation, l’emploi d’un fluide dont ils n’ont pas reconnu l’existence, et que la Faculté traite de chimérique (Voir le Dictionnaire de médecine, article de M. Bouil-laud), doivent être considérés comme un acte médical, une violation de la loi, une usurpation sur les privilèges de la médecine. Mais où les tribunaux arrêteront-ils leur sollicitude? Condamneront-ils, comme guérissant illégalement, la mère qui calme la douleur de son enfant en le pressant sur son sein; l’ami qui tend la main à son ami mourant et lui communique, par une généreuse dépense de lui-même, la vie qui court dans ses veines ? Certes, nul tribunal ne se rencontrera pour déclarer de tels faits coupables, et cependant ces actes sont, comme les passes , des émanations magnétiques. Nous allons produisant, à chaque instant de notre existence, des phénomènes incompris, et bien rares sont les hommes ayant conscience des mystères sans nombre au milieu desquels ils vivent.

De nouveaux jugements sont venus , conformes au droit, placer à côté de l’interprétation que nous avons signalée, une appréciation saine des principes. M. J. de Rovère a été cité, en 1846 et 18/17, devant les tribunaux de Troyes et d’Auxerre, comme s’étant livré à l’exercice illégal de la médecine. Il a reconnu s’être livré à la magnétisation directe, et a nié avoir ordonné des remèdes. Il a toujours été renvoyé de la

plainte, parce que, disent les jugements : « 11 n’avait « pas employé de médicaments, et ne pouvait être « atteint par les art. o(> et 57 tic la loi de 1 an XI. »

Un arrêt de la Cour d’appel de Paris (chambre des mises en accusation, 7 mars 1848) a confirmé cette jurisprudence. Sur les conclusions conformes du réquisitoire du procureur-général, la Cour, après avoir délibéré, a statué : « Considérant qu’il ne ré-ï suite pas de l’instruction qucJ. de Rovère a exercé « la médecine, dit qu’il n’y a pas lieu ni à piéven-4 tion, ni à plus ample poursuite contre ledit Ro-« vère. » (Voir Journal du Magnétisme, tome VIII, n° io5.) Devant la Cour d’appel cl devant les tribunaux de Troyes et d’Auxerre , M. de Rovère reconnaissait avoir reçu une rémunération en échange des magnétisations faites.

Telle est la sage et dernière appréciation à laquelle s’est arrêtée la magistrature. Cette jurisprudence sera maintenue, sans doute, et aussi longtemps que les Facultés de médecine n’auront pas ouvert leurs portes à l’enseignement magnétique; tant que des diplômes ne seront pas délivrés aux magnétiseurs, nulle poursuite ne pourra être dirigée contre le9 hommes de bonne volonté qui, armés de cette force vive que Dieu a mise en chacun de nous, tenteront de porter des soulagements aux maux de leurs semblables.

A côté de magistrats voyant dans la pratique du magnétisme l’exercice de l’art médical, se sont trouvés d’autres magistrats qui ont cru y découvrir des actes tombant sous l’application de l’art. 4°5 du Code pénal; ils ont qualifié les faits somnambuli-ques et autres de manœuvres frauduleuses destinées à faire croire à des événements chimériques. D une

pari, donc, reconnaissance implicite, il est vrai, mais reconnaissance, puisqu’il y a poursuite; de l’antre, négation absolue d’un même principe, ü devrait, il nous semble, y avoir unité dans les appréciations des parquets, et la logique voudrait qu’il ne fût pas permis d’atteindre cet étrange résultat, de voir, dans certains cas, dénoncés comme actes médicaux des faits qui dans d’autres circonstances sont traités de chimériques et d’imaginaires. Ces contradictions seraient évitées si la règle était l’abstention, et si toute autorité était laissée au seul juge qui, dans ces matières, prononce toujours en dernier ressort : à l’opinion publique.

Des tribunaux, malgré leur incompétence en tout ce qui touche les discussions scientifiques, ont été appelés à se prononcer sur ces questions, et quelques-uns, au lieu de se tenir dans une réserve prudente, ont déclaré fausse la science de Mesmer et ont condamné, comme ayant reçu ou tenté d’obtenir à l’aide de qualités mensongères, tout ou partie de la fortune d’autrui, les personnes qui avaient accepté de l’argent en échange de traitement et de consultations magnétiques.

L’analhème élait lancé; une science renfermée dans des milliers de volumes, confessée par uue foule d’hommes d’intelligence et d’honneur, constatée par le rapport du Dr Husson, était rayée du monde savant par une décision judiciaire. Un tribunal, s’érigeant en Académie, avait déclaré que la prétention, en état de somnambulisme, de caractériser les maladies, de prescrire les traitements, était fausse et constituait au plus haut degré les manœuvres frauduleuses, telles qu’elles sont définies par l’art. /Jo5 du Code pénal. Dans ce jugement, un phénomène na-

turcl avait été considéré comme un élément clescro-queric. Les juges ne seraient pas tombés dans cette erreur s’ils avaient conseil li îi étudier une science dont, sans la connaître, ils flétrissaient les mystères, ou si, ne voulant pas se livrer à une enquête, ils eussent écarté, comme appartenant à la seule discussion scientifique, les prodiges du magnétisme.

Cette prétention des tribunaux de s’immiscer dans les découvertes de l’esprit humain n’est pas une innovation ; elle rappelle d’autres temps et de nombreux procès dont l’histoire nous conserve le triste souvenir. Une longue expérience prouve cependant que la justice a toujours été mal venue à prononcer des arrêts, quand comparaissait devant elle la science, représentée par un de ses membres, par un Galilée, un Descaries... Combien de fois la postérité n’a-t-elle pas cassé les sentences des plus hauts juges ! La raison de ces rétractations est dans la nature même de la science; mobile et infinie par essence, elle ne s’arrête un instant, elle ne se trompe même que pour reprendre bientôt sa marche éternelle vers un but constant : le vrai. Mille exemples nous crient dans le passé que le paradoxe de la veille est devenu la vérité du lendemain. Galilée, les genoux dans la poussière, jure la terre immobile, et aujourd’hui, sous les voûtes du Panthéon, nous voyons de nos yeux tourner le monde. A la fin du 18e siècle, un arrêt du parlement défend l’emploi de la vaccine, et de nos jours il n’est pas un procureur requérant qui ne tienne enserré en ses cartons un certificat de vaccine. Devant ces fails, que nous pourrions multiplier à l’infini, restons bien convaincus que les découvertes ne tombent pas sous l’appréciation du juge, et si nous 11e voulons pas que l’avenir fasse à noire temps

Íes justes reproches que nous adressons au passé, abstenons-nous de sentence; il n’est personne du taille à dire, pas plus à l'intelligence humaine qu'au Ilot de l’Océan : Tu n’iras pas plus loin.

La Cour de cassation, appelée à statuer sur ces questions, s’est tenue dans une sage réserve; corps judiciaire, elle n’a nié ni reconnu le magnétisme, mais elle a nettement déclaré que l’annonce ou l’emploi du magnétisme comme moyen curatif, ne pouvait être pris pour un élément d’escroquerie. Nous donnons les principaux considérants de l’arrêt important dans lequel oui été posés ces principes :

« Attendu qu’il appartientjà la Cour de rechercher « si les faits énoncés dans le jugement attaqué ont « été légalement qualifiés; — Attendu que les faits « se réduisent, d’une part, aux annonces d’un moyen « curatif, et d’autre part à l’emploi de ce moyen, qui « serait le magnétisme; — Attendu que le jugement

o attaqué ayant reconnu avec raison qu’il n’y avait et point a s’expliquer sur le mérite et les effets du « magnétisme animal, il en résulterait l’obligation, « pour constituer le délit, d’établir que les manœu-« vres étaient autres que le magnétisme ; — Attendu « qu’en dehors de l’emploi de ce système, le jugo-« ment attaqué ne signale aucun fait qui serait de « nature à justifier la qualification du délit d’escro-.« querie. — Que, néanmoins, il a appliqué l’art. 4o5 « du Code pénal.

a En quoi il a été fait une fausse application de cet a article.

a La Cour casse et annule. »

{Yoir Sirey, 1843, I, 911. — Voy. aussi 12 octobre i85o, l’arrêt rendu dans l’affaire Cheyroux, numéro i3o du Journal.

Celte sage doctrine est la condamnation absolue des théories émises par les tribunaux dont nous avons plus haut indiqué les décisions. Elle vient de recevoir une nouvelle sanction dans un jugement rendu par la Chambre des appels de la police correctionnelle. Un fait important s’est produit dans les débats qui ont précédé ce jugement. L’existence du principe magnétique, niée jusqu’alors par la magistrature, a été en une certaine mesure reconnue par le procureur de la République. (Affaire Mongruel, numéro 122 du Journal).

La jurisprudence de la Cour de cassation, dont le temps, nous l’espérons, ne fera qu’établir la justice, permettra aux magnétiseurs honnêtes, aux somnambules véritables de prêter le concours de leur savoir, les lueurs de leur merveilleuse lucidité, au traitement des maladies, aux recherches les plus secrètes de la médecine et de la psychologie. Grâce à elle, des poursuites ne pourront être dirigées que contre la fraude et le mensonge; elles n’atteindront que les praticiens de tréteaux, les somnambules éveillés, que les charlatans enfin qui déghonorent une science dont ils se disent les apôtres, et voilent sous un nom sacré de honteux trafics, de scandaleuses manœuvres : ennemis mortels du magnétisme ils l’auraient tué si une vérité pouvait mourir. Les hommes de bien pourront sans inquiétude se livrer à l’étude et à l’exercice d’une science dont ils prévoient les bienfaits; ils n’auront pas à redouter d’être victimes d’erreurs judiciaires semblables à celles commises en d’autres temps. Quant à nous, laissant au passé ses superstitions et ses fautes, nous n’aurons pas la douleur de mettre en regard du martyrologe où le moyen-âge a inscrit tant de noms illustres , les registres des tribunaux

■correctionnels flétrissant comme escrocs d’intègres et hardis chercheurs de la vérité.

Une dernière violation du droit pénal a été signalée dans certains acles de somnambulisme.

L’art. 279, § 7, punit d’une amende de 11 à i5 fr. « les gens qui font métier de deviner, de pronosti-« quer ou d’expliquer les songes. »Les parquets, s’appuyant sur cette disposition, ont poursuivi comme contrevenant à la loi les personnes qui tirent profit de la lucidité magnétique. Nous 11e pouvons partager celle interprétalion;de l’article précité.

Le législateur, en frappant d’une amende les devins de profession , s’est donné pour but d’atteindre les sorciers de village, les tireuses de cartes, les diseuses de bonne aventure; prétendus voyants, qui n’ont pour base de leurs|opéralions aucun principe, el exploitent la crédulité publique, aidés de la magie blanche ou noire et de la fantasmagorie d’un costume. Les quelques mots de l’art. 481, qui ordonnent la confiscation des instruments et costumes servant à l’exercice du métier de devin, paraissent prouver d’une manière certaine que c’est aux seuls individus que nous venons d’indiquer que s’applique l’art. 27g. Comment la prohibition atteindrait-elle le somnambule guidé par une puissance réelle, inconnue sans doute du législateur et très-certainement signalée en aucune façon à l’altention du juge? L’êlre humain doué de lucidité a conscience, dans une disposition spéciale de sa nature, de phénomènes qui nous échappent; il peut, aidé de ses perceptions, tirer des inductions merveilleuses pour tous, très-simples pour lui, et paraître un devin quand il n’est qu’un logicien; sous cette heureuse influence, il voit tomber les entraves qui, dans la vie commune, posent des

limites aux sens, et pour lui l'horizon n’a point de bornes. Il agit, raisonne et voit, éclairé par une lumière intérieure dont lame est !e foyer, el qui n’a certes rien de commun avec ces moyens de divination vulgaires indiqués par l’art. 481. Nous laissons à tous le droit de trouver ces faits étranges et inexplicables; mais il nousseinble impossible de signaler aucune analogie entre les visions mystérieuses des somnambules et les tours de main des pronostiqueurs. Nous ne conseillerons cependant à personne de se livrer à la divination magnétique. Les hésitations des somnambules les plus lucides, leurs fréquentes erreurs même ne permettent pas de donner une grande confiance à leurs révélations, et nous avons, en outre, trop souvent vu ces merveilleuses recherches devenues un métier, dégénérer en exploitation coupable, pour qu’en dehors des expériences scientifiques la pratique en soit approuvée. Les personnes qui, néanmoins, voudraient se créer une industrie de leur lucidité, doivent être averties que les tribunaux correctionnels ne partagent pas notre interprétation de l’art. 279, et qu’ils condamnent les individus qui, dans un sommeil réel ou simulé, ont eu la prétention, juste ou fausse, d’interpréler les songes et de découvrir les secrets de l’avenir.

Les différentes circonstances que nous avons signalées, sont les seules dans lesquelles la justice soit intervenue pour donner des limites ou des règles aux pratiques du magnétisme. Toute poursuite s’arrête devant les recherches purement scientifiques ou de simple curiosité. M. le conseiller Thornassy l’a dit dans un rapport remarquable, reproduit par le Journal .• « La justice ne s’occupe pas de ces actes, la « science est libre. » Le champ de l'étude reste eu^

lier; droit à chacun de le fouiller selon ses aptitudes, et liberté et respect aux novateurs, ces sentinelles de l’avenir, qui usent leurs facultés et leur vie à réveiller par leur génie les puissances dormant encore dans le sein de la nature.

Nous avons indiqué l’état de la jurisprudence en tout ce qui intéresse la science de Mesmer; son exercice, nous l’avons vu, bien que renfermé dans des limites étroites, n’en a pas moins une certaine étendue paraissant suffire à son développement. En analyse, nous croyons la position favorable, et maintenant que la lutte est suspendue, pensant en aussi grave matière devoir tenir compte des principes seuls et oublier les soldats félons ou braves, nous disons avec bonheur: La cause magnétique est sortie honorée et grandie de ces derniers combats; entraînés par la voix éloquente des J. Favre, des Duvergier, des Morin, de nouveaux adeptes sont venus se joindre à la foule déjà si nombreuse des anciens croyants. Si quelque incertitude recouvre encore certains faits, s’il y a eu des défaites, la responsabilité retombe sur les hommes qui se sont abrités derrière le magnétisme, la science ne peut être atteinte ; nulle vérité n’est comptable des exagérations et des fraudes de ceux qui prétendent combattre en son nom. Nous n’avons donc aucune perte sérieuse à déplorer, et, en terminant, nous pouvons sans regret signaler nos principaux avantages : i° reconnaissance formelle par la magistrature de l’existence du magnétisme; 20 confirmation nouvelle du principe que l’annonce et l’emploi du magnétisme comme moyen curatif ne constituent pas le délit d’escroquerie; 3° consécration du principe que la magnétisation directe n’est point un acte médical tombant sous l’application de la loi de

l’an XI. Ces conquêtes ne seront-elles pas disputées, la jurisprudence sera-t-elle sans variations? Nous l’espérons ; mais nous ne pourrons en avoir la certitude tant que le législateur tiendra le magnétisme en un dédaigneux oubli, el qu'il n’aura pas, dans des lois spéciales, donné des règles à une science qui intéresse à un si haut point ¡’humanité.

Joies LOGEIïOTTE.

Avocat i la Cour d'appel de Paris.

Nécrologie. — La mort vient de nous enlever un disciple éclairé de Mesmer , un ami de Deleuze, M. le Dr KorefF, ancien médecin du roi de Prusse. Il était connu surtout dans le monde magnétique par divers travaux, mais par une Lettre adressée à Deleuze, Mémoire contenant les aperçus les plus judicieux, les vues les plus sages sur l’application du magnétisme au traitement des maladies. M. Koreff avait dû nécessairement s’inspirer aux vraies sources de la pratique; on doit regretter qu’il n’ait point donné de suite à ce beau travail, que M. Deleuze avait jugé digne de figurer dans ses œuvres.

M. Korcli, placé dans le tourbillon du monde médical, n’oublia jamais le magnétisme; il en parlait souvent comme d’une grande découverte que le temps féconderait. Nous disons, nous : M. KoreiT verra son nom survivre, non parce qu’il fut membre d’Acadé-mies, mais seulement par sa Lettre à Deleuze.

Une vieille branche de l’arbre magnétique e6t tombée sur le sol, mais en son temps, et subitement. On doit remarquer le grand âge qu’ont atteint jusqu’à présent les hommes qui se sont occupés du magnétisme. M. Koreff avait plus de quatre-vingts ans, cl il n'avait rien perdu de son intelligence, 1 aurait-

il dans le fou mystérieux que nous faisons circuler, une source de rajeunissement pour nous et pour les autres? C’est une question à examiner.

— La cause magnétique vient encore de perdre un autre de ses plus anciens défenseurs, M. le baron de Crespy-le-I’rincc. Il a succombé en quelques jours à une grave et douloureuse maladie.

DU POTET.

Chronique. — L’hôpital magnétique récemment ouvert à Londres, fonctionne admirablement bien; on a dû ouvrir à Exeter, le ier de ce mois, une sorte de maison de santé du même genre.

— Il y a en ce moment à Paris une jeune extatique qui fait courir tous les magnétiseurs. Ses accès, qui ne sont plus que d’une heure par semaine auraient précédemment duré jusqu’à trente-trois jours. Cette maladie présente la plus grande analogie avec celle d’Anne Chaigneau, dont M. Gravé a obtenu la guérison, à Nantes, il y a deux ans. .

On doit la magnétiser, et ceci nous foui’nira l’occasion d’une appréciation de ce cas remarquable.

PETITE CORRESPONDANCE.

On demande à acheter des actions du Journal du Magnétisme; les personnes qui auraient l’intention d’en céder sont priées d’en faire part au Gérant.

Le Gérant : HÉBEKT (de Garnay).

Impr, de Poramerel et Moreau» quai des A^igoslins, 17.

INSTITUTIONS.

Société «ln mesmérisme »le Paris.

I n grand changement s’est fait, depuis quelques années, dans l’opinion publique. Quand la Société commença ses séances expérimentales, à entrée gratuite, pour la conversion en masse des incrédules, au lieudesconvictions individuelles, elle avaitdela peine à réunir une douzaine de curieux ; aujourd’hui c’est par centaines que l’on compte les témoins de ses démonstrations, et elle ne peut suffire à toutes les demandes.

L’incrédulité des assistants, considérée comme cause morale d’insuccès, paraissait devoir amoindrir, paralyser même les résultats qu’on se proposait d’obtenir dans de semblables circonstances; mais l’événement 11e justifia point ces craintes, et l’on reconnut bientôt que le principal obstacle consistait dans la présence de personnes qui, faisant l’office d’épon-ges, s’emparaient d’une partie du fluide dirigé sur d’autres. Ce fait, souvent observé, commandait la réserve; il semblait que, les réunions étant plus nombreuses, il y aurait davantage de ces êtres absorbants, et qu’ils arrêteraient le développement absolu des effets chez les sujets susceptibles. Mais cette fois encore la théorie fut en défaut; car, les rapports de la Société s’étant graduellement étendus, on avait été comme contraint d’admettre insensibement jusqu’à deux cents visiteurs, sans qu’il s’ensuivît une diminution correspondante dans le nombre ou l'intensité TOME X. —X" 13*. — JUILLET 1851. 7

dos phénomènes obtenus. Était-ce là l’extrême limite de ces assemblées ; ne pouvaient-elles plus être augmentées? On essaya; et, avec 5oo, /,oo, 5oo personnes, le résultat fut identique.

Ainsi fut trouvé le secret des conversions collectives.

Après avoir occupé successivement des locaux plus vastes, rue de Grenelle-Saint-Honoré, 19, et rue Montmartre, 64, la Société s’est établie passage du Saumon, dans le grand salon de l’ancien Athénée central, où M. du Polet fit son célèbre cours de 1853 ; fieu pour ainsi dire consacré par ce mémorable enseignement, d’où sont sortis tant d'ardents prosélytes, et notamment M. Durand, qui fit triompher chez nous l’insensibilité. C’est là qu’elle donne chaque quinzaine, le vendredi à 8 heures du soir, une des séances quasi-publiques dont nous venons de parler.

Voici comment elle procède :

Le public rangé en amphithéâtre, on place au centre, devant le bureau, quatre personnes, les premières qui se présentent, sans distinction d’âge, de sexe, de tempérament, etc. Elles sont assises à un demi-mètre environ l’une de l’autre, et ainsi magnétisées en même temps, durant à peu près cinq minutes. On les interroge alors, et celles qui n’éprouvent rien, ou peu d’effet, sont abandonnées, pour laisser continuer l’action sur celles qui paraissent devoir être plus influencées. Quand l’épreuve est finie, on les prie de dire ce qu’elles ont éprouvé; puis la même tentative a lieu sur d’autres. En agissant de la sorte, vingt à trente magnétisations sont faites dans la soirée, et le tiers environ des sujets accusent des effets magnétiques évidents.

Voilà pour la partie régulière ; les fails qu’elle produit sont conduits facilement; mais il est un autre

ordre de phénomènes qui se développent sans provocation , el dont la direction n’est pas toujours facile : je veux parler de la contagion, que les médecins appellent fièvre imitative.

11 paraît que dans les séances où on magnétise peu, les sujets dont nous avons mentionné plus haut la propriété de soustraction n’absorbent qu’une quantité de fluide insuffisante à leur capacité de saturation; mais, placés en facc de magnétisations répétées, ils manifestent les phénomènes dont ils sont susceptibles. Le fait est que les scènes de ce genre sont proportionnellement plus fréquentes dans les grandes réunions; ce qui explique peul-être la plus grande lenteur qu’on met à obtenir des effets dans ces séances et aussi la fatigue plus considérable dont sc plaignent les expérimentateurs; quoi qu’il en soit de ces probabilités, on voit souvent éclater, au milieu d’une expérience, trois, quatre accès convulsifs, so-poreux, somnambuliques, etc., qui causent toujours du trouble clans l’assistance et nécessitent quelquefois l’éloignemenl de ceux qui les éprouvent. Les femmes ont semblé y être plus sujettes que les hommes, mais avec bien moins d’intensité.

Ces effets communicatifs, si rapidement contagieux dans toute assemblée nombreuse, sont un inconvénient réel; ils portent la conviction dans les esprits les plus rebelles, mais ils jettent aussi l’effroi dans les âmes timorées. Ces désordres sont certainement sans danger; car les patients, revenus à eux, ne se plaignent nullement et se soumettent le plus souvent volontiers à une magnétisation directe et régulière; mais il est difficile de faire partager aux témoins de leurs ébats la croyance en l’inocuilé de tels symptômes, et beaucoup de gens s’en vont couvain-

eus que le magnétisme est une force terrible, un pouvoir dangereux. Ce n’est que la répétition des mêmes faits qui peut les convaincre du contraire; mais ils ne consentent pas toujours à un nouvel examen. A part ce désagrément, dont l’importance doit s'affaiblir par sa fréquence même et l’absence de suites fâcheuses, les assemblées de cette sorte ont des avantages immenses pour la propagation de nos idées sur une large échelle, el lout porte à croire qu’on ne les abandonnera pas.

Pour bien pénétrer le public du but de ces démonstrations, on traite, à l’ouverture de chaque séance, une question choisie d’avance ; et, à la fin, le président résume les faits qui se sont produits, en cherchant ii faire comprendre leur nature par le rapprochement d’effets analogues dus à d’autres agents. Cette marche réussit bien; les expériences ne sont point ainsi un spectacle plus ou moins fantastique, où des gens avides d’émotions viennent se divertir; c’est un cours élémentaire, où se démontrent avec austérité les propriétés méconnues de l’organisme humain.

Yoici, pour exemple de ce qui se dit dans celte enceinte, le sujet traité dans l’une des dernières séances :

INFLUENCE DE LA MUSIQUE EN MAGNÉTISME.

Ce serait entrer dans des banalités, Messieurs, que de chercher à vous démontrer le pouvoir qu’exerce la musique sur les êtres vivants de la création, même sur les animaux. Yous savez tous à quel point la mélodie exalte l’imagination, dans quelles douces rêveries nous plonge un chant suave, ou religieux ou

mélancolique; quel vif entrain nous communique un motif joyeux el bien rhylhmé, quel enthousiasme enfin excite en nous une marche guerrière ou un hymne patriotique.

Vous n’ignorez pas non plus qu'il est certaines maladies, notamment les affections morales, que l’emploi de la musique peut combattre avec une prodigieuse efficacité. Il est reconnu que pour ces affections l’élément musical possède de véritables propriétés curatives.

El ce n’est pas tout. Qui de vous ne connaît la puissance des souvenirs en musique? Qui de vous n’a éprouvé, au moins une fois en sa vie, l’influence magique d’une mélodie que vous avez entendue dans voire enfance, ou dans une circonstance donnée? Souvent une romance a marché côte à côte avec une passion ; souvent à cette romance viennent se rattacher les premiers aveux de deux jeunes cœurs. Alors, entre noire âme et ces légers sons qui s’en vont frapper l’air, il s’établit une affinité étroite, mystérieuse, qui bien longtemps fera sentir son empire; j’en appelle à lous ceux qui ont aimé, à tous ceux qui ont souffert.

L’hisloirc el les annales militaires vous auront appris aussi que plus d’un pâtre enlevé par la guerre aux vallées de la Suisse, que maint enfant de l’Écosse arraché à ses montagnes, s’est mis à verser des larmes et à déserter les drapeaux, sitôt que le Ranz des vaches ou le Vibrock se faisait entendre dans le lointain.

Il est hors de doute que l’imagination est puissamment intéressée dans ces phénomènes, et que le système nerveux y joue un rôle capital ; et il est également démontré que cette influence de la musique sur

notre organisation s’accroît en raison de notre sensibilité nerveuse.

Or, toutes ces choses étant constatées, vous pouvez juger, dès à présent, de l'effet que doit produire l’élément musical sur des personnes mises dans l’état magnétique, état spécial où tous les nerfs sont en jeu.

Cet effet est tellement énergique, tellement irrésistible , Messieurs , que sur presque tous les sujets magnétisés et mis en somnambulisme, un chant soutenu ou le son d’un instrument suffit pour provoquer I’extase, qui est le plus haut degré de l’étal magnétique et le dernier terme‘de l’expansion nerveuse. Alors le cerveau du sujet, sollicité par les vibrations musicales, s’isole de lout ce qui l’entoure, même du magnétiseur ; son âme s’élance vers des régions plus pures, sa physionomie prend un caractère séraphique; le sujet semble en contemplation devant le Créateur, ou bien il se prosterne pour prier.

Ici vous avez I’extask, dans sa plus sainte expression.

Des magnétiseurs ont cherché, dans ces derniers temps, à faire dégénérer colle extase, à la soumettre à des modifications ; et ils ont réussi. Voici comment ils ont procédé :

Tout en maintenant l’expansion nerveuse, à l’aide de l’élément musical, ils ont dépouillé cet élément de sa poésie primitive, ils sc sont bornés à entretenir la surexcitation des nerfs par des mélodies profanes, des motifs gais, des airs tic danse, ele. De sorte qu’ils sont parvenus à faire les frais d'une espèce d’extase, ou plutôt d’une fantasia nerveuse, qui n’a plus de nom dans aucune langue.

Il est bon de vous dire, Messieurs , que le genre

do musique, la nature de l'instrument, ou les sons qu’on en tire, graves ou aigus, religieux ou mondains, onctueux ou saccadés, suaves ou stridents, in-ilucnt pour beaucoup sur la nature des faits qui se produisent.

C’est ainsi que nous avons vu, il y a quelques années. un magnétiseur belge, ffl. Montius, nous exhiber à Paris une demi douzaine de femmes extatiques, qui, aux sons d’une guitare mesquine, se livraient aux plus bizarres, aux plus grotesques évolutions.

C’est ainsi que nous avons eu occasion de voir très-fréquemment une jeune somnambule, chez laquelle les accords d’un piano provoquaient un état singulier et réellement gracieux.

Dès que le piano se faisait entendre, la somnambule endormie quittait son fauteuil, prêtait l’oreille, et semblait attirée par le fluide musical. Son corps s’abandonnait aux ondulations les plus moelleuses et contractait les poses les plus ravissantes; la jeune fdle s’agenouillait, elle priait.... Mais sitôt que l’instrument entonnait un air martial, un chant patriotique, la somnambule se relevait fière et hautaine, ses traits se transformaient, ses yeux lançaient des ¿clairs...

Et enfin le retour d’une mélodie douce et mélancolique faisait cesser cet état d’exaltation, et ramenait les poses gracieuses.

On est même parvenu, «à l’aide de quelques motifs de danse, à exciter chez le jeune sujet toutes sortes de mouvements chorégraphiques, qui achevaient d’enlever à cette moderne extase tout son cachet de sainteté... Ce n’était plus un ange, c’était une baya-dère...

Nous le répétons, Messieurs, ce n’est pas là I’extasb

proprement dite : c’est un état extalifonne, ou plutôt un épanouissement factice obtenu peut-être par la musique profane, aidée d'un dégagement systématique de la part du magnétiseur.,C’est un phénomène mixte, qui n'est ni le ciel, ni la terre, et qui, en fin décompté, ne saurait nous intéresser que comme spectacle (i). *

Nous croyons que pour obtenir un résultat utile, efficace, le secours de la musique ne doit être invoqué que sous sa forme grave, austère, et dans toute sa pureté religieuse, l’oint de contredanses ! point de polka ! point de valses! mais des mélodies douces et pénétrantes; avec elles on peut calmer des crises, arrêter des spasmes, soulager l'organisme et maintenir l'équilibre des forces nerveuses.

Voilà, Messieurs, ce que j’avais à vous dire concernant l’influence de la musique en magnétisme. Oui, certes, l’élément musical peut, dans certains cas donnés, avoir une importance extrême; mais il est essentiel de savoir le diriger.

Du reste, cette science de direction, que nous donne l’étude et l’expérience, a toujours été la condition sine quâ non et la loi suprême dans la pratique du magnétisme. Sur ce terrain si nouveau et si fécond, où nous marchons de prodige en prodige, où chacun de nos pas peut nous mener vers une conquête, nous devons agir avec une excessive prudence.

(1) Ce dégagement systématique consiste à ramener sans cesse l’extatique vers la ierre, c’est-à-dire à chasser le fluide vers les extrémités par des passes continues de haut en bas. Celle exlase bâtarde n’est donc, à propreinenl parler, que la destruction incessante de l'extase véritable. Aussi peut-elle durer sans danger pendant plusieurs heures consécutives, parce que le principe magnétique ne resle pas accumulé au cerveau.

i. L.

Si nous nous lançons :\ travers les phénomènes sans méthode et sans boussole, alors pour nous la route sera semée d’écueils, elle sera pleine de dangers, et d’amères déceptions nous attendent.

J. LOYY.

Des travaux différents ont lieu dans les séances intimes, qui alternent avec celles qui viennent d’être mentionnées; la physique, l’anatomie, la physiologie et le magnétisme y sont mutuellement enseignés par groupes; puis l’on passe à l’étude en commun des faits nouveaux signalés ou observés par les membres.

Le mémoire suivant pourra donner une idée des recherches et communications qui sont ainsi faites :

A Monsieur du Poict.

Nie mogicos afltrt cantus.

Jcvéml.

Mon cher cl très-honoré maître,

lin face du délire fiévreux d'une jeune femme exaltée par l’amour, 1111 grand philosophe s’écriait : « Quel esl ce fluide inconnu, et dont l’existence est certaine, qui plus prompt, plus actif que la lumière, vole en moins d’un clin d’œil dans tous les canaux de la vie, produit les sensations, la mémoire, la tristesse ou la joie, la raison ou le vertige, rappelle avec horreur ce qu’011 voudrait oublier, el fait d’un animal pensant ou un objet d’admiration ou un sujet de pitié et de larmes (1)? »

Si la poussière des morts pouvait encore être sensible au cloute comme à la vérité, vous n’auriez qu’à

(I) \oltairc. L'Ingénu, cliap. 20.

étendre la main sur un des tombeaux du Panthéon, et la grande ombre de Voltaire éveillée pourrait voir et sentir cet inconnu qui tourmentait sa pensée d’autrefois; vous avez tant éclairé de routes dans l’obscurité sous les feux du mesmérisme!

Vous suivant de loin, triplant mes pas comme un enfant qui veut atteindre son père, j’ai vu bien des choses à côté de vous; j'ai eu sous votre main des sensations, des joies, des mémoires, des tristesses,

des délires..... que ma pensée se rappelle encore,

mais que ma plume ne saurait tracer; car l’infini ne saurait se renfermer dans vingt-quatre lettres. Eh bien ! tout cela, parce que c’était vous qui le produisiez, m’avait semblé naturel, en ce sens que rien ne m’étonne de vous, tant votre puissance me pénètre profondément ; mais des faits semblables sous ma dépendance m’émotionnent si fort, qu’en vous les écrivant je me demande : Ai-je bien vu? bien entendu? Étais-je bien moi ces jours-Ià? M. du Polel ne m’actionnait-il point? Je me sens tenté de vous le demander, et tu pater die mihi.

Un soir du mois d’avril dernier j’allais voir une pauvre malade à qui le magnétisme donne un peu de vie, elle me pria de visiter une famille allemande dont elle n’était séparée que par la cloison; une jeune fdle y était au plus bas, et me faisait demander. J’entre et je trouve cinq personnes : deux jeunes enfants de onze et douze ans, une jeune fille au lit, le père et la mère. Toutes ces figures, quoique séparées par un intervalle d’âge considérable, portaient néanmoins, les unes el les autres, un cachet singulier de mystique résignation qui semblait inattaquable par quoi que ce soit de la vie matérielle. Le père et la mère regardaient leur fille, pauvre enfant! que la

maigreur semblait sc hâter d’alléger pour la laisser monter plus vite à la pairie des âmes; ils la regardaient, dis-je, avec 1111 air de froide contemplation, cl presque les paupières fermées , comme si ce qu’ils voyaient d’elle avec leurs sens de chair n'eût été qu’une partie tout en dehors de celle qu’ils entrevoyaient avec le sens intime de la foi. La malade avait une expression de calme étrange, il y avait de la grandeur dans l’émaciation de ses traits, du feu dans ses yeux bleus, de la poésie dans ses cheveux blonds et épars; sa main sèche et pâle donnait à sentir le frémissement des nerfs, son être était la personnification du mysticisme gothique : on sentait à la voir qu’elle tenait plus des cieux que du la terre.

Tous ceux qui ont vu de pauvres poitrinaires, dont le cerveau s’exalte à mesure que la poitrine se meurt, comprendront le plaisir que je lui fis en la visitant; l’air familier avec lequel elle me serra la main, moi qu’elle n’avait jamais vu ; mais qu’ils expliquent ces paroles : « Monsieur, je vous connais depuis plusieurs jours; je vous sentais à chaque visite que vous faisiez à côté : votre présence n’est que la confirmation d’une intimité déjà établie entre nous. »

Je ne pris pas garde tout d’abord au sens de ces paroles, et je lui dis : « Vous souffrez beaucoup? — Moins, depuis que je touche votre main; ma respiration est aussi pénible , mais la vie semble me courir dans les veines. — Il y a longtemps que vous êtes malade? —Depuis le jour où l’Autriche a brûlé notre maison.... ; et depuis ce temps je n’ai plus entendu la harp > que j’aimais...

« C’estétonnant, continua-t-elle, comme je me sens bien près de vous!.... Attendez, je crois que je me dilate; je vois mieux, je respire plus frais, ma peau

rst moins brûlante... ; j’enlends !... Oh! laissez moi le front sur votre poitrine!... J’entends!... { mais c’est la harpe !... mais je la vois... ! elle pleure ; exilée aussi, la harpe d’Israël pleurait sous les saules dcBabylone... Ici l’air qui l’agite est brumeux... Voici que je ne vois plus... Je n’entends plus rien.... Soutenez-moi; je meurs... »

Et la malade s'affaissait dans mes bras. Elle ne respirait plus ; son cœur était à peine sensible. Toute la famille s’approche.... et au lieu de chercher dans mes yeux l’arrêt fatal, on regarde languissamment la moribonde..... Je la ramène de cette syncope, on accepte son retour à la vie aussi tranquillement que tout à l’heure on regardait son départ. Cette froideur ne laissa pas que de me choquer; mais je m’occupai de la malade avec celte conviction que je l’avais plongée dans l’état magnétique sans le vouloir, ainsi que je la magnétisais, sans le vouloir également, à travers une cloison , sans même me douter de son existence. Singulière propriété de ce fluide, qui allait remplir une organisation où s’opérait 1111 vide de vitalité! Mon contact avait donné trop d’huile à la lampe, il fallait rallumer la vie; mais diriger les accidents, s’en rendre maître, et lâcher de profiter du somnambulisme dont je venais de saisir quelques lueurs.

Appuyant donc la main gauche à la base du cou, je magnétise avec l’intention de limiter les effets à la tête, et d’empêcher la poitrine de participer à l’émanation fluidique (cela autant que possible, bien entendu) ; ma main droite actionne le crâne, le sujet ferme les yeux, et au bout de deux minutes, à la question mentale : Dormez-vous? je reçois la réponse nette et brusque : Je dors. El de suite, les membres qui lout à l’heure n'auraient pas soulevé une plume, se meuvent avec souplesse. La malade s’assied sur son

séant, me fait asseoir sur le bord du lit; passe familièrement son bras autour de mon cou, et appuie sa tète sur mon épaule : «Laissez-moi voir, me dit-elle, et ne faites aucun bruit. » Comprenez l’émotion d’un semblable moment pour moi; si elle allait se guérir?Qui sait où la science deMcsmer a commencé? Qui fait où elle s’arrêtera?

Dans le père et la mère, pas la moindre surprise : je me demandais si c’était bien leur fille.

« Monsieur, médit tout à coup la lucide, de deux choses l'une, ou vous m’obéirez ponctuellement, et je reste en sommeil ; ou vous ne m’obéirez pas , et alors, éveillez-moi. — J’obéirai, lui dis-je, dussiez-vous me condamner aux travaux d’IIercule —C’est bien; écoulez moi donc. Mon nom, en Français, serait Louise. Nous émigrons dans quelques jours pour l’Amérique; du moins (reprit-elle plus bas), ils émigreront, moi je resterai en France. Que mon père seul reste aveenous. — Nous sommes seuls. — Bien.»

Alors, entre le père et la fille, s’établit un dialogue où je ne compris rien, sinon que la fille semblait commander et le père obéir; aux gestes énergiques de son enfant, il répondait par un ya imperturbable, et son front 11e changea ni de traits ni d'expression.

« Maintenant, me dit Louise, mon testament est fait. A nous deux. Demain soir, à neuf heures et demie, je serai encore sur votre épaule; mes lèvres froides s’élèveront vers votre front, elles le presseront un moment : ce sera le dernier acte de mes organes... ma tète retombera sur votre poitrine, et mon âme sera libre.... J’ai donc vingt-cinq heures à vivre, il me les faut employer à compléter ma vie; une heure, pour moi, doit équivaloir à une année; mais il me

faut votre volonté ferme, et dégagée de tout autre soin. Ah! si vous me la donnez, puisqu’au-delà du grand peut-être il existe des anges tutélaircs, je vous rendrai dans l’invisible ce que vous m’aurez donné ce soir 011 demain.

« Je vais donc me recueillir dans ma lucidité, tracer à mon âme la ligne qu’elle devra parcourir avec son corps; je me prescrirai une boisson, vous m’éveillerez, et â toutes les questions que je vous ferai, vous répondrez,par l’aete de volonté bien déterminé: Je veux que ce que Louise demande soit. »

Après dix minutes de silence et de réflexion, elle me dit: «Ma vie est tracée, votre intelligence me répond du parcours. Faites rentrer ma mère. Je m’ordonne pour boisson de l’eau magnétisée, avec l’intention d’en faire un aliment à la circulation. Vous me mettrez sur le cœur un sachet de sel gris arrosé d’eau de roses. Éveillez-moi donc, monsieur; ma vie de bonheur va commencer ! Et comme toute bonne action porte en soi sa récompense, vous serez, assez payé par ce que vous aurez appris ; mais là- bas, dans les tristesses de vos jours , souvenez-vous de l’être mourant à qui vous donnâtes pour oreiller votre épaule , pour aliment votre vie, pour bonheur le service de votre volonté!.... »

J’éveille donc Louise, qui, d’abord tout étonnée de se voir appuyée sur mon bras, regarde , et me dit avec le sourire pénible d’une malade : « Je suis bien ainsi! Vous êtes bien bon, monsieur; je me sens tout autre que tantôt. Oh! j’ai un désir de voir mon pays! mais un désir de.... poitrinaire!.... » ajouta-t-elle en me regardant d’un œil résigné, et en laissant tomber ce mot comme s’il eût été pesamment réfléchi.

« — Que Louise voie son pays.

_Eh! j’y suis! Voici le rocher, les sapins, l’église. Mon Dieu! le village est détruit!.... Ce ne sont

que des pierres calcinées !.....Pauvre église! la guerre

t’a rendue veuve! ton toit d’ardoise n’en sied que mieux à l'habit noir que le temps et la fumée t’ont donné... Oh ! que je voudrais bien jouer de l’orgue!... mais il n’y a plus d’escalier !... — Je veux que Louise soit à l’orgue, et que mon bras lui serve de clavier.

— M’y voici; mais les soufflets? ah! ils se gonflent... »

Et la malade se dresse, dégage ses mains, el parcourt mon bras de son doigter : sa figure s’illumine, ses yeux fixent les cieux : c’était sainte Cécile ! Et voici qu’aux premiers frémissements du clavier imaginaire, sa mère sort de son apathie, ses yeux deviennent fixes, elle s’agenouille, et semble confier la ferveur de sa prière au charme des notes magiques; je sens les doigts glisser plus doucement sur mon bras ; la mère s’incline profondément, et voici deux petites voix flûtées qui s’élèvent d'un coin de la chambre, et dont les inflexions correspondent au toucher qui me frappe.... : c’étaient deux petits bons hommes à tête blonde, agenouillés comme leur mère, qui chantaient un cantique allemand d’un sentiment indicible... , et avec tant de pureté, tant d’attention, que j’eusse élé irréligieux je n’aurais pu résister à l’entrain sympathique ;... j’éprouvais le besoin de chanter avec eux. Je m’initiais irrésistiblement à leur sentir, je ne comprenais pas une de leurs paroles, mais je parlais mentalement avec eux; je ne comprenais pas, mais je sentais... O puissance de l’harmonie!

Eh bien! le père, devant ce tableau, ne me parut pas plus ému que s’il eût été statue....

Sic 3 gelidus de marmore vullus.

Louise, fatiguée, me dit : « Maintenant je voudrais Lien dormir et avoir un beau rêve...

« — Que Louise dorme, et qu’elle ait un beau rêve.

La musicienne se penclio doucement sur son oreiller, s’endort d'un sommeil paisible.... La mère, revenue à elle, me salue avec une tranquillité étonnante; les petits bons hommes s’apprêtent à se coucher, comme si de rien n’était! lit moi je descends au grand air promener mes pensées... Mes pensées !... mais je ne pensais pas, j’étais abasourdi, j’étais un homme pour les gens que je heurtais en passant; mais pour moi, je ne crois pas que je m’appartenais à ce titre, en tout cas je n’étais pas un homme libre! J’avais devant les yeux une étendue où tant d’objets se présentaient à la fois que je n’en voyais aucun : tous se confondaient, el, en pleine lumière, j’étais dans l’obscurité!

Le jour suivant, à sept heures du malin , ma malade s’éveillait en me tendant la main , et me disant : « Oh! vous m’avez donné un beau rêve; je connais le bonheur maintenant... Merci; car je sens que je vous le dois... Pourtant, il me manque encore quelque chose : je voudrais.... entendre une harpe que j’aime... et l’orgue que je louchais hier ! (Pour mieux fixerjmon attention, je trace sur une feuille de mes tablettes une harpe et un orgue, je l’applique sur la poitrine de Louise, et aussitôt) : «J’entends!» reprit-elle en penchant la tête en avant et un peu de côté, comme quelqu’un qui écoute une musique lointaine; et en même temps mes deux blondins, les paupières à moitié fermées, entonnent un hymne en battant la mesure et en fixant sur leur sœur cet œil vitreux que vous connaissez si bien, vous qui nous révélez la magie!

« A présent je veux voir Paul, diL la jeune fille.

« — Que Louise voie Paul. »

Aussitôt les (leux petits garçons se mettent à s’habiller comme s’ils n’avaient été sous l’empire d'aucun agent; la mère n’avait rien éprouvé cette fois, elle resta tout entière elle-même , mais pas plus émotionnée qu’une roche.

Fixai» animo immolam que sedcl !

« Le voici, fil Louise... Comme l’air est épais ici! Ah! c’est Londres ! Pauvre garçon ! que fait-il?... Tu dors, mon Paul, ta harpe aussi; pas si paisiblement que toi : la vitre cassée laisse courir l’air dans ses cordes... Oh! ne t’éveille pas, nous allons causer en rêve; attends, je vais me mettre à côté de loi, tu mc tiendras embrassée , et à ton réveil, quand je me serai évanouie, il te restera au moins un doux mensonge.... Pauvre ami! dire que nous aurions dû passer ainsi la vie ensemble!.... mais la guerre! la guerre détruit tout... maison, village, amour... du moins elle le rend malheureux, si elle n’a pu le détruire en nous!... Oh ! qu’une heure de sommeil avec toi me semblerait douce!

« — Que Louise dorme une heure avec Paul. »

Je sors. Une heure moins sept minutes après , je reviens; la mère était auprès du lit dans l’attitude d’une heureuse contemplation. « Ne les éveillez pas , me dit-elle, ils dorment pour la première fois ensemble.... c’est leur premier sommeil d’amour.... Après avoir tant souffert, après une si cruelle séparation, les voici donc heureux enfin! Pauvres enfants! » Puis tout à coup celte femme se met à frotter un meuble, cessant de parler au milieu d’une phrase. Sa fille venait d’ouvrir les yeux : « Je le laisse, mc

dit doucement celle ri ; il va s’éveiller, épargnons-lui le sentiment d’une fuite trop prompte....

« Il me semble que j’ai besoin de vie!... »

Je lui donne un verre d’eau magnétisée, avec l’intention prescrite.

« Il me semble que je bois du sang, me dit-elle; cette boisson me fortifie....

« Maintenant j’ai une idée : je voudrais voir la pairie des chœurs, où sont les élus de la révélation. » Je prends un feuillet de mes tablettes où se trouvait un chant du temps de lîèze, je trace une harpe au crayon sur ce chant, et je veux qu’il soit entendu, accompagné de la harpe, par les quatre personnes sensibles. J’ai beau tripler ma volonté, Louise seule l’entend : la mère et les deux petits enfants restent insensibles; et, chose bizarre, quand Louise me demande le chanl des élus, voici ses trois accolytes, auxquels je ne songeais plus, qui prennent part à l’intention magique, et devant moi se déroule une scène indescriptible...

Louise étend les mains sur des touches invisibles, qu’elle parcourt avec une agilité que je ne saurais peindre. Les deux enfants, à qui cette improvisation estinconnue,récoutentdansleravissementdel’extase,

Intenti que ora tenebant....

La mère, profondément recueillie, semble une statue à qui le souille est permis. Louise, les yeux parfaitement mobiles, la figure tantôt pâle, tantôt illuminée d’une rougeur passagère, voit tout, me raconte tout, me parle comme si rien d’anormal ne se passait en elle ; parfaitement éveillée, elle n’annonce en rien le somnambulisme ni l’extase.

Mon crayon eut le temps de saisir ces quelques

phrases ; comprenez mes émotions, mon cher maître, en entendant d’une bouche illettrée des choses aussi belles.....

« Je vois, dit-elle, des ombres échevelées, poussées par le vent comme des feuilles roulantes, ou des pailles légères, ou des flammèches d’incendie, ou

des étoiles fdantes.....

« Leur marche n’a rien qui touche les sens, mais l’âme, qui les voit, en est émue, et frémit à leur contact comme les joncs sur le bord des eaux, comme le grésil au lever du soleil—

« Leur langage est sans accents : c’est une harmonie qui pénètre le cœur et l’émeut, comme une idée excite les pensées, comme un souffle tiède engendre l’amour, comme un rayon de chaleur fond la neige, comme une goutte d’eau ravive l’infusoire desséché...

« Leur forme est une sensation que l’œil terrestre ne comprend pas; toutes ces ombres sont confondues dans un souffle, et chacune a son homogénéité, chaque corde a sa note, chaque harpe son accord.

« Ce qu’elles disent est le complément harmonieux des plantes qui germent, des animaux qui naissent, des pierres qui grossissent, des eaux qui se vaporisent, des nuages qui se condensent, des fluides qui empêchent au vide d’exister....

« Leur habitation, c’est l’orbe immense où les forces se font équilibre , où les corps se meuvent, où

l’univers s’accomplit.....

« Insaisissables comme le fou, vaines comme un son perdu, elles ont pourtant la réalité promise à toute molécule qui accomplit son évolution sous l’œil infini de la déité...

« Je joue de l’orgue, parce que pour les voir, les entendre, me préparer au chœur où ma place se fait,

il faut préluder ici pour no point attendre là-haut... Elles me disent déjà ma sœur; elles me montrent l’œuf qui se prépare à me remplacer, la fleur qui se fane avec moi ; elles combinent le nombre de la note qui sera mon dernier soupir !...

« Elles m’aiment déjà; elles me peuvent toucher, car je suis sans tache ; elles me parlent familièrement, car l’innocence a voix délibérative dans leurs concerts.....

« Ma parole qui vous entretient est une manifestation pour ici-bas ; là-haut j’ai une autre parole, une autre manifestation, et les choses que je vois, les langues d'Homère ne les raconteraient pas en mille

ans;.....elles compulseraient, moi j’embrasse ; elles

verraient, moi je m’infuse; elles entendraient, moi

je fais harmonie.....

« Je saisis l’espace vide et plein, tout se comprend, rien ne se voit; tout pénètre, rien ne touche; j’absorbe la scieqpe universelle, comme une éponge boit

le flot salé qui appartient à toutes les mers ;.....et la

mer pour moi est l’être universel, et je m’y fonds comme un atome de composé soluble, et l’être universel s’élève en moi comme l’eau dans un tube capillaire.....

« La chenille va se faire papillon !.....

« Ma mort, c’est ma vie.....

« Elle sera douce pour tout le monde, chacun aura la prescience de ma transformation heureuse ; personne ne souffrira de ma perte, j’aurai cessé d’être

une cause de douleur.....

« Je commence à me refroidir, c’est la chaleur d’en haut qui l’emporte sur celle d’en bas... Ilomme

de volonté, rétablissez l’équilibre.....

« Ma mère sentira ce que je serai ; elle le voit pour

ne plus s’en souvenir sciemment; mais elle restera pénélrée de l’esprit, comme un fer rouillé qu’on aurait frotté d’huile.....

« Mes frères auront vu de beaux anges; je leur enverrai de doux rêves, et puis l’enfant n’a plus souvenance des larmes d'hier.....

« Won père est fort, il saura ne pas pleurer; puis il sait ma future demeure : et la vraie richesse, c’est la quantité de germes qu’on a pu mobiliser pour l’é-

thérée.....La souche est toujours morte, quand elle

est stérile.....

« Vous, aimez-moi ; l’homme à qui l’intelligence de ce que je dis est révélée, doit m’accepter comme un

rayon de lune qui égaie un moment de sa nuit.....

Aimez-moi donc!.....c’est toujours bénédiction que

d’aimer ! »

Louise s’affaissa sur ma poitrine, je lui donnai un verre d’eau magnétisée, elle revint peu à peu de sa faiblesse et me demanda à dormir.

La mère reprit l’aiguille qu’elle avait quittée au moment où sa fille entrait en crise,et mes deux petits chanteurs qui, cette fois, n’avaient rien dit, reprirent leur jeu où ils l'avaient interrompu, comme si les deux heures qui venaient de s’écouler n’avaient pas existé pour eux.

11 était midi.

Selon son ordre, j'intimai à la malade de dormir jusqu’à sept heures du soir, et défendis de la laisser approcher par qui que ce fût , quelque mouvement qu’elle fit; seulement, de temps en temps il fallait lui humecter les lèvres aven un peu d’eau magnétisée, et tous les quarts d’heure lui renouveler une compresse imbibée de celte eau sur le front.

A sept heures moins un quart j’élais vers ma ma-

ladc : elle n’avait pas fait un mouvemeni, son souille était à peine sensible. Quand je penchai l’oreille pour écouter son cœur, elle bondit comme au contact d’une pile galvanique, et me dit : « Vous êtes bien bon d’être venu; donnez-moi des forces, et je vais

me préparer au passage.....Mais j’ai un adieu à faire,

veuillez m’aider à aller à Londres. »

Elle boit de l’eau magnétisée, sc recueille un instant, se tourne vers le nord, appuyée sur son coude, et me dit : « Partons, le vent nous y conduit. » Et, en effet, les girouettes regardaient le nord.

« Nous y voici, fait Louise; bonjour, mon ami ; tu t’étonnes de m’entendre? Ne t’effraie point, c’est une voix des vivants, mais que bientôt la terre ne possédera plus. Écoute-moi, mon Paul, lu m'aimais et je te payais de retour; nos amours furent malheureux; hier seulement tu eus un beau rêve , celui de nos fiançailles ; le jour des noces est remis là-haut, et là l'hymen est une harmonie inaltérable et éternelle,

une volupté immatérielle pleine de suavité.....Là-

haut, Paul, nous serons heureux!.... » Ici Louise se retourna vers moi, et me dit : « Je parle, à Londres, au seul ami que j’eus ; j’aime la harpe, parce qu’il chanta nos amours sur ses cordes; avant de mourir, tout à l’heure, je vous donnerai la preuve matérielle, de ce que je vous dis ; vous entendrez sur la harpe les

sons dont il accompagnera mon hymne de mort.....

Mais pas un mot, vous rompriez le charme, et je finirais malheureuse, avant l’heure sonnée! »

Et, se relournant vers l’Angleterre...

« Paul, reprit-elle, c'est en vain que tu chercherais à regagner la terre promise : vouloir abattre la tyrannie sur la terre, c’est le sentiment d’un cœur généreux, mais c'est une vanité! Mon ami, songea

ceci : la dent du tigre existera tant qu'une écaille de serpent rampera sur le globe; détruis les serpents, et le tigre deviendra homme; mais le serpent sc cache sous la mousse, il aura mordu ton pied que lu ne l'auras pas encore vu; il sc cachera sous des habits d’homme, et tu croiras parler à un homme, et son œil, ombragé par des sourcils humains, le fascinera ! El son venin te glacera à la table de Ion frère, et tu te sentiras froid, el lu accuseras le foyer de ton

frère..... et le tigre vil au milieu des serpents;.....

s’ils s’élèvent contre fui , il les écrase;.....s’ils s’élèvent contre toi, s’ils te mordent..... comme la férocité n’est pas l’extinction de tout sentiment, le tigre s’indignera contre les serpents et il t’en fera justice !.....

« Songe que l’homme est pétri de bien et de mal, en tant qu’esprit et matière : l’homme est tigre et serpent ; il est colombe quand il s’élève haut dans la sphère du cœur; il est aigle quand il monte dans

celle de l'intelligence.....L’humanité est-elle autre

chose que l’homme collectif? Eh bien! tant que l’intelligence pure ne dominera pas l’humanité, la matière l’emportera, et le tigre restera maître de la terre, et le serpent servira ses desseins, et le pauvre engraissera de scs sueurs le serpent qui le trompe sous de souples apparences, el le tigre qui le domine par la force brutale.....

« Songe que l’œuf humain met neuf mois à s’ou-vrir; il faudra neuf mois de siècles pour arrivera l’humanité typique!

« Songe que tu es bon, et que pour comprendre le tigre el le serpent, il faut s’assimiler à leur nature méchante pour les combattre; le courage et la vérité sont insuffisants; il faut ramper comme eux, il faut

mordre comme eux; el Ion front est plein do noble fierté, el ta bouche n’a que des dents innocentes.....

« Cherche donc ailleurs, mon ami...... un but à

tes idées, un vase pour ton cœur, une harmonie

pour ton avenir.....De là-haut.je te suivrai toujours,

je t’aimerai toujours..... El tu sais, l’amour, c’est la

puissance de sentir et d’entrevoir les impalpables

nécessaires à la perpétration de notre race......

L’amour, c’est le foyer immense où viennent converger les rayons du consentement unanime des peuples, pour exprimer ce qu’ils sentent de plus grand : l’amour, c’est Dieu ! —

« Allons, mon Paul, l’heure approche..... prends

ta harpe, et mêle les accords à mon dernier chant... C’est elle qui s’unit à mon premier hymne de tendresse et de félicité...»

Après un moment de recueillement, Louise commença lentement un chant singulier de gravité et de pénétration. Le père se recueillit, la mère et les enfants s’agenouillèrent; c’était la première fois que je voyais une émotion sur ces visages.

Insolitis tremuerunl raolibus !

Encore fut-elle si courte, qu’elle ne sembla qu’effleurer leurs traits. Moi, debout, à côté du lit, je soutenais la léle de Louise sur ma poitrine;.....mon inspirée, le regard dans les cieux, avec un geste énergique, chantait d’une voix faible, mais si expressive, que chaque inflexion m’entrait dans l’âme.....

Ah ! si j’eusse compris l’allemand, que de belles choses j’aurais à vous tracer; elle improvisait, sans

doute.....Mais, mon cher maître, quand même, en

ce moment je n’aurais pu tracer dix lignes, car voici

venir l>icn autre chose que l’étrangelé de celle scène... Des sons faibles d’abord, bientôt distincts; c'est la harpe d'Angleterre que j’entends ! La voix de la jeune fille s’anime, se module, se confond avec celte harmonie qui était partout en moi: dans ma tête, dans

mes pieds, dans mes mains, dans ma poilrine;.....

et j’entendais distinctement chaque note, chaque accord; j’étais pénétré de la sensation, sans pouvoir

lui assigner une place dans mon être.....Je pourrais

peul-êlredire que j’entendais plus sur ma tête qu’ailleurs..... Petit à petit, la voix se ralentit, la harpe

faiblit ;..... nne note s’en échappa, si pleine de religion et de je ne sais quel sentiment indicible; qu’involontairement j’avanrai la tête pour voir à travers

la fenêtre : je me baisse..... un froid glacial détruit

l'enchantement...... deux lèvres froides avaient louché mon front.....Louise m’avait dit adieu !.....

Neuf heures et demie sonnaient à l'église voisine; il étail neuf heures trenle-sept minutes à ma montre!

Le surlendemain, 011 déposait dans la fosse commune un cercueil de jeune fille;..... deux petits enfants s’agenouillaient auprès de leur mère; elle pria un instant, donna le bras à son mari; les deux enfants, qui semblaient peu comprendre, ouvrirent la

marche, le père et la mère suivaient.....pas une lar?

me..... pas un soupir.....pas un mot..... du cimetière à leur logement...

C’étaient des sectaires de la révélation nouvelle... des enfants du bienheureux Swedenborg... C’est tout dire à ceux qui ont vu de ces illuminés, de ces paisibles fanatiques, pour qui la vie est une charge et la mort une délivrance.

Eh bien ! après une scène semblable, je comprends

parfaitement, quand on n’apasîl’esprit prévenu, qu on puisse dire avec eux :

(Euripide, llécube.)

Une vie aussi malheureuse est un grand poids; je comprends parfaitement qu’à vingt ans, ignorant encore le monde, frais de toute ma nature, n’en croyant qu’à mes yeux, qu’à mes sens, après unspectaclecomme

celui-là.....ce n’est pas l’eau bouillante, ce n’est pas

le bûcher qui m’auraient arrêté; je me serais senti capable d’arracher le Vésuve pour une religion qui

m’offrait des vérités aussi palpables..... et pourtant

ce ne sont que des fictions.....

O Mesmer! lu es bien grand, toi qui nous révélas la source de tant de choses !... el ce doit être un encens bien agréable à Dieu, que ce fluide échappé de nos pores, et qui peut dire à la lumière évidente pour nos sens : Lumière menteuse, lu n’es qu’obscurité !

O mon maître! si vous saviez comme je révère vos mains, quand je songe qu’elles m’ont éclairé !

Maintenant, je vous mets le juge de mes appréciations, et je ne vous les donne qu’après avoir lu quelques fragments de ce drame mystique à la Société du Mesmérisme, pour subir le contrôle de gens éclairés sur cette matière. J’ai eu le plaisir d’y voir accepter ma sincérité avec une bonne foi dont je remercie tous mes collègues, et ce n’est qu’appuyé sur ce témoignage que je me suis décidé à publier ce fait extraordinaire.

Voici les explications que j’ai données : a Cette jeune fille parlait donc bien français? — Oui, elle avait pour oncle un pasteur éclairé, qui avait suivi les cours de Sorbonne, à l’aris; comme elle avait beaucoup de mémoire, ce digne ministre lui

avait appris le français, ainsi qu’au jeune homme qu’elle aimait, de sorte qu’avec de l’émulation et de l’amour, ils parvinrent, au fond de l’Allemagne, à parler un français assez pur. Le pasteur, qui accueillit les idées swedenborgiennes, les inculqua à son

frère, à sa famille et a ses deux élèves.....Louise élait

somnambule naturelle par instants.....Ces idées mystiques tombant sur sa jeune âme, ne firent que développer des impulsions déjà préparées par la nature, cl quand j’apparus je trouvai une terre toute prête, et lepeu quej’cn ai recueilli est déjà unebonne moisson— «Je ne donne pas les noms, parce que, sur serment,

j’ai juré au père de ne jamais révéler que les faits.....

Il est des gens qui lèveront les épaules de doute ; je ne suis point superstitieux, pourtant, eh bien! je croirais voir le malheur s’élever contre moi, si je contrevenais aux vœux de ce pauvre homme qui, peut-être,

est perdu dans les déserts de l’Amérique.....et puis,

il réclama de ma conscience la religion du serment! » La Société m’acquitta sur ce chef avec une loyauté dont je lui sais un gré infini, car malheureusement, à notre époque, on trouve peu de personnes qui comprennent ces choses délicates.....

et dans la Société j’obtins l’unanimité d’assentiment!

Nous avons cherché alors à éclairer quelques points de cette scène...... et , aidé de mon bon ami Hébert, nous pûmes étayer de quelques faits collatéraux les faits hors ligne que j’avais constatés.

Ainsi, la sensibilité est spontanée; l’effet se développe sans aucune espèce de vouloir.

Louise semble le point de départ; ses frères et sa mère la suivirent alternativement ou simultanément, comme si leurs cerveaux vibraient aux ondes du sien. Les faits ne se produisirent par ma volonté que sur

Louise ; quand je voulus actionner les autres, je nu pus rien : n’étaient-ils sensibles que par rayonnement d’elle à eux, 011 vertu d’un rapport établi naturellement?

11 est permis de croire à quelque sympathie semblable ; car l'effet cesse chez eux dès que Louise n’est plus influencée.

La mère rentre tout à coup dans l'état normal quand sa fille s’éveille, et continue le travail commencé au début du sommeil.....

Je cite un fait pareil qui s'est passé clans la clinique de M. Gendrin , à la l’itié : une femme hystérique s’endormait d’un sommeil particulier à l’entrée de la

visite;.......on sortait de la salle, elle s’éveillait

et continuait la conversation au point où elle l'avait laissée avant de dormir..... et, pendant qu’elle dormait, on pouvait l’interroger sur toutes sortes de sujets, elle répondait nettement; au réveil, elle ne se

rappelait rien.....elle faisait de la tapisserie, elle

continuait en dormant, et ne se trompant pas d’un point, le cahier de la salle interposé entre ses yeux et son ouvrage.

Quant aux termes scientifiques dont Louise se servit, nous avons cru qu’il y avait communication de pensée entre elle et moi; je le croirais d’autant plus, qu’il me semblait dans ce moment qu’elle ne faisait

qu’exprimer mes idées..... tout comme il m’arriva

d’écrire des choses que je m’imaginais que vous me dictiez, après être sorti de vos mains, un dimanche...

Le plus difficile était sans doute d’expliquer comment j’avais pu entendre une harpe (c’est tout simple, dira l’incrédule, un harpiste d’à-côté). Il eût été assez drôle qu’un harpiste se mît juste sur le toit de cette mansarde; mais le plus drôle eût été qu’il fût eu moi. Quand je dis ¡j’entendis, mes oreilles étaient

parfaitement, exactement frappées par des notes de harpe; mais j’aurais eu les oreilles bouchées, que mes pieds m’auraient servi d’oreille; j’assimile ce fuit

aux coups mystérieux d’outre mer.....et je l’explique

ainsi. Est-ce que nous connaissons l’étendue des moyens d’une lucide magique ou somnambulique ? est-ce que nous pouvons apprécier son pouvoir sur l’inconnu, que nous appelons le son?... el d’ailleurs, ne suis-je pas sensible à ce pouvoir extraordinaire ? ne pouvait-elle pas m’influencer jusqu’à un certain point?.... ne serait-ce que pour faire mentir la théorie , qui prétend le magnétiseur maître du magnétisé ;.... en cela, il en est peut-être comme du chauffeur et de sa chaudière : il la dirige tant qu’elle n’éclate pas.....Mon ami, M. Hébert, joignit des raisonnements très-judicieux, qui ne s’éloignaient guère de ma manière de penser, et il insista sur ce fait très-remarquable, qui se généralise chaque jour dans ses mains, et qui s’est confirmé dans ce cas, savoir : l’hérédité de sensibilité magnétique.

Voici une bien longue lettre, mon cher maître; si vous vous en plaignez, je vous dirai : Pourquoi m’avez-vous enseigné une route où les fontaines sont intarissables ?

Lalices mananl de rupe perennes. (Lucrèce.)

Voire élève tout dévoué et à jamais reconnaissant,

E. V. LÉGER.

On voit, par cet aperçu , de quelle nature sont Tes travaux de la Société ; dans l’origine, nous les résumions par séances, mais ils ont acquis une telle extension, que force nous a été de mentionner seulement les plus saillants.

HÉBERT (de Garnay).

VARIÉTÉS.

Fête de Mesmer. — Le banquet du 23 mai a eu, celte année, un retentissement sans exemple. On s’en est occupé partout : dans les salons, à l’atelier, dans la presse, chacun en a parlé avec l’intérêt d’un événement important, et ce concert a fixé un instant l’attention du monde.

Nul ne saura jamais tout ce qui a été dit à cette occasion, ni les sentiments divers que cette solennité a provoqués ; mais, si l’on en croit les on dit, il paraît que la fable de M. Jobard a été généralement admirée; les couplets de M. Lovy ont aussi eu beaucoup de succès. On faisait circuler des copies de ces compositions en attendant l’impression. Le discours de M. du Potet a été trouvé radical, parlant blâmé ou admiré, selon la nuance de chaque esprit ; il en a élé de même pour la phrase relative au Dr Gregory , prise à tort pour une allusion politique.

Voici le récil des journaux représentés à cette fête, et les remarques auxquelles elle a donné lieu. Nous les reproduisons intégralement, afin qu’on ail une peinture variée du même tableau ; et aussi, parce que, sc rectifiant mutuellement, ils nous dispensent d’insister sur les points mal rendus.

C’est la Presse qui a pris l’initiative ; elle dit, dans son numéro du 25 mai :

« Hier, plus de deux cents personnes, toutes par-

tisans du magnétisme, étaienl réunies dans les vastes salons du restaurateur Deflieux pour célébrer l’anniversaire de la naissance de Mesmer. A la fin du banquet, des médailles d’honneur devaient être accordées ii ceux des adeptes que le Jury magnétique avait estimés les plus dignes d’encouragement et de récompense, pour les services rendus par eux à la cause du magnétisme. C’est alors qu’énumérant les titres de chacun des candidats couronnés, le président s’est avisé de dire, pour terminer dignement l’éloge de l’un d’eux : Il a levé le drapeau de la révolte: il a fait le rouge dans la science. A ces mots, des applaudissements répétés sont partis de tous les coins de la salle. I/cnthousiasmc était spontané, unanime. Et cependant il y avait là des hommes de toutes classes et de toutes professions , amenés uniquement par une croyance scientifique commune.

« La réunion était remarquable surtout par l’af-fluence des notabilités du monde médical, artistique, litléraire , etc. Évidemment la réaction gagne du terrain!... »

VUnion dont le rédacteur, placé à la gauche du président, a été remarqué la poitrine couverte de décorations, dit dans son numéro du 27 :

« Un grand banquet commémoratif de la naissance de Mesmer réunissait, le 25 mai, dans les vastes salons de Deiïieux, près de deux cents convives, parmi lesquels on remarquait bon nombre de dames; les célébrités magnétiques, tant de France que de l’étranger, étaient venues prendre part à cette fête, que présidait M. le baron du Potet.

« La série des discours, qui se sont renfermés dans

les appréciations et les progrès de la science, a été précédée par une allocution vive et chaleureuse de l’hijnorable président, qui a fait justice des détracteurs intéressés du magnétisme. Un mot très spirituel, et heureusement placé, a valu au maître une double salve d’applaudissements de la part de ses disciples et de ses convives, et c’est à tort qu’un journal a voulu donner aux paroles de l'orateur, comme à l’approbation qu’elles ont obtenue, une pensée qui n’a point existé. Dans cette réunion de la famille mesmérienne, il n’avait pas été donné accès à la politique, ce qui en a beaucoup augmenté le charme.

« Aux discours a succédé la distribution des médailles de récompense et d’encouragement décernées la veille avec une justice exacte par le Jury magnétique, aux personnes qui se livrent avec persévérance et bonheur à l’étude de la science de Mesmer. Des traits de patience, de charité et d’abnégation abondaient dans l’exposé des motifs qui ont valu ces distinctions à ceux qui les ont obtenues. »

Le Siècle, nouvellement converti, a marqué son adhésion par le compte rendu que voici, inséré dans son numéro du 26 :

« Le 2J mai, jour anniversaire de la naissance de Mesmer, un banquet commémoratif réunissait, dans les vastes salons de Deifieux, plus de deux cents convives, tous partisans du magnétisme, tous disciples, adeptes, admirateurs ou protecteurs des doctrines de Mesmer.

« La réunion, présidée par M. du Potet, le grand-prêtre de la foi nouvelle, offrait un aspect vraiment magnifique d’accord parfait, de touchante sympathie,

d’union fraternelle. Tous les voeux, toutes les pensées semblaient se confondre dans cette formule : Amour et bien-être de l'humanité. La vertu, la morale, la religion, la charité, voilà les bases principales sur lesquelles s’appuient les doctrines professées par les disciples de Mesmer que nous avons entendus.

« Ou remarquait à cette fête, parmi les nombreuses personnes de distinction, des ecclésiastiques, des médecins, des savants, des artistes, des littérateurs, en un mot, des notabilités en tous genres. Des discours ont été prononcés par plusieurs orateurs dont nous regrettons d’ignorer les noms ; des vers pour la circonstance ont été lus ou récités sous divers titres.

« Des tosles en vers ou en prose ont été portés; par MM. du Potet : A Mesmer ! — Durand : A l’unité de la science! — De Rovère : A du Potet, ordonnateur de la fête ! — Morphy : Au triomphe des faits sur les théories! — Cosson : A l'institution d’un congrès mesmérien universel ! — Duteil : A la fusion des diverses écoles magnétiques ! — Dr Duplanty : A l’abjuration des vieilles erreurs médicales, et au progrès du magnétisme ! — Mongruel: A Jules Favre, l’éloquent défenseur du magnétisme pratique ! »

Le Corsaire du 28 publie la lettre suivante. C’est, sous forme de raillerie, l’expression non moins favorable du même fait.

« Monsieur le rédacteur ,

« Je ne sais si toutes les somnambules dorment, mais il est avéré maintenant qu’elles mangent comme de simples mortelles.

« Quant à ¡Messieurs les magnétiseurs, ii paraît qu’ils ne sc sont pas encore avises do mettre leur estomac en catalepsie.

« C’estpour vous direque le fluide vient de consommer pour qoo francs de côtelettes et de vin de Champagne. — Petit gourmand !

« Cent-soixante adeptesetpartisansdumysterener-veux sc sont réunis vendredi soir, 25 mai, en un banquet chez Deffieux, pour célébrer la fêle anniversaire de la naissance de Mesmer, l’homme au baquet.

« Des notabilités magnétistes et magnétophiles de l’un et de l’autre sexe, et un quarteron de somnambules brevetées (sans garantie, de M. Orfila), ornaient ce superbe festin, que présidait M. le baron du Potet.

« Si la Faculté jouissait de la vue à distance, comme une sibylle moderne , elle aurait eu des maux de nerfs, — que dis-je? elle aurait jeté des cris d’orfraie; car trente ou quarante docteurs se trouvaient là, dans le camp ennemi, rompant le pain de l’amitié avec le fluide nerveux, et sc ralliant gastronomique-ment au drapeau de l’épigaslre.

« Inutile de vous dire que les loasts et les specclies ont joué un rôle important dans ce pique-nique mesmé-rien.

« Le baron du Potet, le D' Duplanly, maire de Saint-Ouen, et M. de Rovèrc, ont prononcé des discours fort intéressants.

« M. Jobard, de Bruxelles, a récité un piquant apologue en vers, qui a obtenu les honneurs du bis.

« Un autre convive a chanté une petite pochade magnétique, dont nous avons retenu quelques couplets. »

Suit un extrait de la chanson de M. Lovy.

La Démocratie pacifique , qui s’cst toujours montrée si impartiale à notre égard, relate en ces termes les traits principaux de celle solennité, n° du 8 juin :

«Le du mois dernier, les magnétiseurs de Paris ont fêlé, par un banquet, l’anniversaire de la naissance de Mesmer, leur maître. Us étaient au nombre d’environ deux cents convives, parmi lesquels on distinguait des médecins , des artistes et quelques notabilités scientifiques. La réunion était présidée par le rédacteur en chef du Journal du Magnétisme, M. du Potet, le représentant le plus éminent de la science mesmérienne, et que les prodiges opérés par scs mains bienfaisantes pourraient faire passer, à bon droit, pour un véritable thaumaturge.

« Après un discours plein de force et definesse, dans lequel l’honorable président a flagellé, aux applaudissements unanimes, l’antique prévarication des dépositaires officiels de la science, devenus aujourd’hui plus que jamais les ennemis personnels et les persécuteurs de toute vérité nouvelle, la parole a été donnée à différents orateurs qui ont porté des tostes : A l’unité de la science 1 — Au triomphe des faits sur les vaines théories ! — A l’institution d’un congrès magnétique ! — A la réconciliation de toutes les doctrines philosophiques et religieuses. Il a été dit aussi quelques bonnes pièces de vers, et entre autres une délicieuse fable, le Premier ballon , éditée, il y a déjà plusieurs années, parla Démocratie pacifique, et que son spirituel auteur, M. Jobard, de Bruxelles, a débitée avec une expression de vérité et de bonhomie charmantes.

« Celle fêle, dont le caractère était purement scientifique, appelant à elle des adeptes de tous les camps

politiques, devait ¿carlcr de son programme, aillant par un sentiment délicat des convenances que par un esprit de prudence bien légitime, tout ce qui pourrait rappeler les sujets irritants qui divisaient peut-être au dehors ceux qui devaient s’asseoir fraternellement à la table commune.

« Néanmoins, un mol prononcé par M. du Potet, sans qu’il en attendît probablement tout le succès qu’il a eu, a provoqué l'explosion des sympathies politiques des convives, et donné lieu à une manifestation chaleureuse en faveur des idées républicaines : « Un célèbre docteur anglais (M. Grcgory) vient de sc délarer partisan du magnétisme, a-t-il dit, il a fait du rouge dans la science ! » El un tonnerre d’acclamations d’accueillir ces dernières paroles.

« Cet épisode de la fête mesmerienne atteste que la solidarité qui unit la cause du progrès social à la cause du progrès de la science, est déjà sentie par les partisans de l’une et de l’autre. La justice et la vérité peuvent donc entrelacer désormais leurs drapeaux, et marcher, appuyée l’une sur l’autre, à la grande conquête de l’émancipation physique, intellectuelle et morale de l’humanité. »

Enfin VUnion médicale du 3i mai, appréciant l’effet moral de celle fête scientifique, se livre à des railleries qui trahissent son dépit. Il n’est pas besoin de signer l’article, chacun reconnaîtra le style de M. leD1 Am. Latour.

« La magnélomanie, dit-il, loin de ralentir ses progrès, s’étend de plus en plus. C’est un fait conlre lequel les Académies peuvent protester, mais qu’elles ne peuvent contester; c'est un fait que les tribunaux

niellent Ions les jours en évidence. Mesmer, dont l'anniversaire de la naissance vient d’être célébré par un banquet, ¡Mesmer, venu an beau milieu d’une sociélé blasée, trouva ses plus fervents adeptes dans les classes les plus élevées de celte sociélé, dans celles que la lassitude des plaisirs poussait sans cesse vers des émotions nouvelles. Ce ne furent pas les classes moyennes qui firent la fortune de Mesmer, mais bien les plus grandes familles de la monarchie; 011 voyait peu de bourgeoises autour de son baquet, mais en grand nombre, au contraire, s’y rendaient les femmes les plus titrées el Icj plus nobles daines de la cour. La bourgeoisie plus sérieuse, plus attentive aux phénomènes politiques et sociaux qui annonçaient des jours prochains, se préparait, par la méditation et par l’étude, aux grandes conquêtes que 89 devait lui apporter. Insoucieuse, imprévoyante au contraire, l'aristocratie cherchait comme à s’étourdir dans les plus extravagantes conceptions. Aussi patron a-t-elle avec ardeur toutes les folies de l’époque. Law, Mesmer, Cagliostro, curent pour parrains et pour protecteurs les plus beaux noms de France. II est certain que le magnétisme a commencé par être fort aristocrate.

« Que les temps sonl changes ! Ce ne sonl plus de belles marquises ou d’illustres princesses qui protègent le mesmérisme; celui-ci s’est fait tiers-état et même peuple. Ce n’est pas dans les salons de la haute aristocratie que sont appelés les magnétiseurs en renom avec leurs somnambules, mais bien dans les salons bourgeois du notaire, du commerçant retiré, du financier, de l’avocat. A leurs consultations n’accourent plus, comme autrefois chez Mesmer, les plus hautes illustrations de l'aristocratie, mais une foula

très-mêlée, souvent très-humble. Ainsi, ce que le mesmérisme a perdu eu qualité, il l’a gagné en quantité. La bourgeoisie en masse est atteinte de magné-tomanie, et la basse littérature dramatique aidant, la maladie s’empare évidemment des classes populaires. Si le quartier général des somnambules se trouve dans les beaux quartiers de la rive droite, les faubourgs en possèdent aussi. On m'a signalé une portière de la rue Mouffetard qui cumule cette respectable fonction avec celle moins respectable de somnambule consultante. Dans une des plus infimes rues du quartier de la Pépinière existe un chiffonnier, retiré des affaires, qui fail métier de magnétiseur.

« C’est surtout devant les tribunaux que se déroulent toutes ces infirmités magnélomaniaques. On se ferait difficilement une idée, si les débats correctionnels n’élaienl là pour l’atlesler, à quel point peut être poussée d’un côté la crédulité humaine, de l’autre la fourberie. Voici, par exemple, un ministre de la religion protestante qui assure, du plus grand sérieux du monde, qu’il a le pouvoir d’endormir à deux cents lieues de distance tel individu qu’on lui désignera. — Endormez donc vos juges, et le ministère public avec ! lui répond-on. Mais il se retranche sur son respect pour la justice. Yroici un jeune homme, peu guerrier sans doute, qui se plaint d’avoir donné vingt-cinq francs pour tirer un bon numéro à la conscription, et à qui le sort a fait échoir le n° 3. Écoutez ce goutteux : il s'est baigné trois fois dans de l’urine de génisses, d’après les conseils de MUe X..., et sa goutte n’en a reçu aucune amélioration. Cet aveugle a été plus clairvoyant; 011 lui demandait trente francs pour un conseil : « J’en don-

nerai soixante si le conseil me plaît. » Or, ce conseil consistait en cataplasm e de fiente d’hirondelle appliqués sur les yeux. Le cataplasme ne fut pas du goût de l’aveugl •, cl il ne payi rien. Celui-ci a été volé de deux couverts d’argent, il donne dix francs pour connaître le voleur, que la police retrouve sans magnétisme dans un bureau du mont-de-piélé. Celui-là a perdu son perroquet, et pour le retrouver il faut qu’il assiste !i une conférence de M. Lacordaire, qui prononcera le nom du ravisseur. Cet autre a perdu sa femme et veut connaître la direction qu’elle a prise avec son amant; 011 l'envoie vers Tours, pendant que le couple amoureux passait la frontière belge.

« Je n’en finirais pas dans ce récit de toutes les mystifications q'ie le magnétisme, très-justement appelé animal, fait éprouver au pauvre public. Mais rien n’y fait et rien n’y fera. Il y aura des duperies grosses comme les tours de Notre-Dame, que le nombre des dupes ne diminuera pas d’un seul, lit remarquez bien que ces faits ne se passent pas dans quelque gorge des Alpes ou dans le fond de la Basse-Bretagne ; non, c’est on plein soleil de la civilisation parisienne, c’est à côté de l’Académie des sciences , du collège de France et de la Sorbonne, c’est au milieu des prodiges des sciences et des enchantements de l’art, c’est dans une ville qui s’émeut encore aux accents de Molière et de Corneille, qui se passionne pour Rachel 011 pour l’Alboni ; c’est à Paris enfin que se passent quotidiennement ces scènes tristes à force de burlesque, affligeantes à force de bêtises. Dans le même arrondissement où sc jouent tous les soirs les chef-d’œuvre de la scène française, le magnétisme a aussi son théâtre, où ses phénomènes capricieux,

inconstants, infidèles, toutes les fois qu'il s’agit de les soumettre à l’observation scientifique, se produisent tous les soirs avec la régularité annoncée par le programme et l’exactitude affichée dans le prospectus. Et de toutes les merveilles promises par le magnétisme, celle-là n’est certainement pas la moins surprenante qui impose tous les soirs et à heure fixe à la nature des aberrations physiologiques et des perturbations aussi considérables.

« Mais de tout cela faut-il s’indigner outre mesure? Non, certes ; mais au médecin philosophe il est permis de tirer cette conséquence, qu’un peuple aussi facile à égarer sur un point scientifique de cette espèce doit, avec la même facilité, devenir la proie de quelque charlatanerie que ce puisse élre en morale, en politique, en science sociale et le reste. Rien de plus vrai, d’ailleurs, et de fait n’est-ce pas le charlatanisme qui gouverne le monde? Aussi, pour qui voit les choses comme il est sage de les voir, tout est possible et tout est prévoyable : le règne de Blanqui comme la magnétomanie, le retour des vieux abus de la vieille monarchie comme l’extension universelle de l’homœopathie, et ainsi de suite du cycle d’idées plus ou moins folles et absurdes que parcourt l’esprit humain dans la recherche des agents curatifs de ses maladies sociales ou de ses maladies corporelles. L’homœopalhie est contemporaine du fouriérisme; les saints-simoniens étaient tous d’ardents magnétologues. »

Pourquoi nous fâcherions-nous de ces nouveaux outrages? Ils justifient ce que nous avons dit tant de lois des faux savants : leur mauvaise foi est patente. Ils savent que nous sommes sincères, mais ils aiment

mieux mentir à leur conscience que d’avouer un fait qui les déborde. Qui croient-ils donc tromper par celte continualion d’injures? Le corps médical, sans doule; car, pour le public, il ne lit point les journaux de médecine. Mais aujourd'hui chaque médecin un peu instruit sait que le magnétisme existe : c’est donc gratuitement el par passe-lcmps qu’on copie Virey, Magendic , Dubois (d’Amiens).

Ah! doclissimes, vos dédains sont superbes ! mais votre allure ne tardera pas à changer : on mettra bientôt sous les yeux du public les pages où vous traitez le magnétisme, cl il vous accordera la récompense qui vous est due : il vous sifflera comme il fail des mauvais acteurs , ce que méritent à bien plus juste litre les insulteurs de la vérité, les jésuites en science.

Ilanquel à Bergerac. Maintenant que le procédé de communion est trouvé, on célébrera le 20 mai comme la Noël des magnétiseurs. Partout où il y aura deux mesmériens ils sc réuniront ce jour-là , cl ce sera sur toute la terre une fête comme il n’en exista jamais; car tous les peuples et toutes les croyances y participeront indistinctement. Une petile ville de la Dor-dogne vient de donner le signal de cette immense fédération. Voici ce que nous écrit, à ce sujet, M. Vallelon, noire correspondant :

« Je vous dirai que, nous aussi, en même temps que vous, nous clions réunis six , el que nous avons bu au triomphe de la vérité que vous défendez avec tant de courage el d’honneur. Malgré les cent-cin-quanle lieues qui nous séparent, nous étions avec vous; car nul ne sait mieux que les magnétiseurs,

que pour la pensée et l'intelligence il n’y a ni distance, ni barrière insurmontable. »

Nous attendons la relation des banquets qui auront eu lieu à la Non ville-Orléans et au Port-Louis; nous y trouverons assurément de nouveaux motifs de nous réjouir.

111- IÎEKT (de Garnay).

Tribunaux. — Nous croyions avoir fini avec les poursuites et débats judiciaires, mais nous avions tort de croire la campagne achevée. Voici la suite.

TRIBUNAL DE POLICE CORRECTIONNELLE DE CHARTRES.

Audience du 6 mai.

Nous avons rendu compte, d’une manière étendue, dans notre numéro d’avril, du procès intenté devant le tribunal de Nogcnt-le-llolrou à la somnambule Rose l’atrix, à son magnétiseur, à 3J. le Dr Anquetin, inculpé de complicité d’exercice illégal de la médecine, et à M. Cornet, pharmacien, inculpé de complicité de vente de remèdes secrets. Les quatre prévenus ayant été condamnés, l’appel du jugement a été porté devant le tribunal de Chartres.

Là encore, Al" Morin, avocat à Nogent-lc-Rolrou, a présenté la défense de la somnambule, du magnéti-seuret du médecin. Il s’est attaché à prouver, comme il l’avait fait devant les premiers juges, que, dès qu’une somnambule, en donnant des consultations à des malades, le fait en présence et avec le concours d’un médecin, l’un el l’autre sont à l’abri de tout reproche au poinl de vue légal ; qu’aucune méthode particulière n'est imposée au médecin qui a le droit d’employer lous les moyens qu’il juge les plus convenables pour déterminer les maladies et découvrir

les remedes : en adoptant les réponses d’une somnambule, ¡1 se les approprie, et personne n’a le droit de pénétrer dans sa conscience pour rechercher si cette adoption est due à une réflexion consciencieuse, on si elle est l’effet d’une lâche complaisance. Pour soutenir celte dernière hypothèse, il faudrait des fails précis, qui prouveraient que le médecin a abdiqué toute indépendance et a sacrifié son libre arbitre, on se résignant à enregistrer servilement les ordonnances somnambuliques. Mais un tel abaissement ne se suppose pas, et, en général, le délit ne se suppose pas, il a besoin d’être prouvé. Quand on ne peut rien alléguer contre un médecin, sinon qu’il donne son concours à une somnambule, et que le plus souvent il accepte ses avis sans y rien changer, on n’a pas acquis par là le droit d’incriminer sa conduite, ni de l’accuser d’avoir agi contre sa conscience.

Quant au magnétiseur, on ne peut évidemment le rendre complice du délit, s’il y en a. Aucune loi ne prohibe le magnétisme. En magnétisant, il fait une chose licite, cl il ne peut être responsable de l’usage que fera le magnétisé de sa lucidité somnambulique. Le magnétiseur doit surtout être à l’abri de tout reproche, quand la somnambule ne donne de consultations qu’avec le concours d’un médecin dont la présence doit être pour lui un gage de sécurité. Il n’a ni le droit, ni le pouvoir de vérifier jusqu’à quel point ce concours est sérieux. Étranger aux connaissances médicales , il ne peut s’ériger en censeur des ordonnances, ni rechercher si le médecin fait ou ne fait pas son devoir en adoptant les réponses de la somnambule. Si une somnambule, en dehors de ses crises magnétiques, vend à ses clients des remèdes

secrets qu’elle leur a prescrits dans son sommeil, le magnétiseur et le médecin qui sont étrangers à ces faits, et qui n’ont de rapport avec elle que pendant son état de somnambulisme, ne peuvent être atteints par 1 inculpation de vente de remèdes secrets. Le médecin, bréveté eu non, qui prescrit des remèdes secrets, ne commet aucun délit; bien plus, son devoir est de les prescrire s’il les croit utiles au malade. L annonce et la vente de ces remèdes sont seuls prohibés. Le magnétiseur est encore plus inattaquable sous ce rappor t : son iôIc se borne à plonger le sujet dans l'état somnambulique, et à l’en tirer. Comment exigerait-on de lui qu’il contrôlât les réponses de la somnambule, qu’il vérifiât si les remèdes qu’elle prescrit sont secrets, ou s’ils sont inscrits au codex? Comment peut-il être responsable de ventes auxquelles il ne prend aucune part?...

M. Perrin, procureur de la République, a abandonné l’accusation quant à l’escroquerie; il l’a soutenue quant aux autres chefs de prévention, et a conclu contre les quatre prévenus au minimum de la peine. Du reste, son langage a été plein de convenance et de modération ; c’était un contraste frappant avec 1 attitude et le style du magistrat qui avait soutenu l’accusation devant les premiers juges.

Le tribunal a confirmé purement et simplement le jugement de Nogent.

Nous engageons tous les partisans du magnétisme à ne pas se laisse r décourager par de pareilles condamnations; les questions soulevées depuis quelque temps devant les tribunaux se représenteront devant les cours supérieures; la lumière se fera, et nous ne doutons pas que le bon droit ne finisse par triompher.

COUR DE CASSATION, Chambre criminelle).

Présidence de M Laplagnc-Barris. — Bulletin du 15 mai.

MAGNÉTISME. — SOMNAMBULISME. — LA S11IVI.I.E MODERNE. — ESCROQUERIE.

La chambre criminelle de la Cour de cassation a statué aujourd’hui sur le pourvoi en cassation formé par le procureur général de la Cour d’appel de Paris contre l’arrêt de celte Cour, qui a renvoyé les époux Mongruel des fins de la prévention sur le chef relatif'a l’escroquerie commise à l’aide du somnambulisme et du magnétisme, elles a condamnés à i5fr. d’amen de pour pronoslicat ion et explication de songes.

Dans une requête adressée à la Cour, M. le procureur général près la Cour d’appel de Paris a proposé trois moyens de cassation à l’appui de son pourvoi.

Le premier est tiré de la violation de l’art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que la Cour n’aurait pas statué sur la totalité des conclusions du ministère public, parce qu’elle ne se serait expliquée que sur les faits d’escroquerie relatifs aux époux Lemoine.

Le deuxième est pris de la violation du même article, en ce que la Cour aurait décidé que les pratiques magnétiques et somnambuliques employées par les prévenus ne constituaient pas suffisamment les manœuvres frauduleuses prévues et punies par l’art. 4o5 du Code pénal ;

Et le troisième, fondé sur la violation de l’art. /jo5 du Code pénal, en ce que la Cour, après avoir constaté les faits de la cause, présentant, suivant le demandeur en cassation, les manœuvres frauduleuses exigées par cet article, aurait néanmoins refusé de faire aux époux Mongruel application des peines portées par l’art. /jo5 du Code pénal.

M. le conseiller Legagneur a fait le rapport de l'affaire.

M* Thiercelin, avocat des défendeurs à la cassation , a combattu les trois moyens de cassation proposés à l’appui du pourvoi.

Conformément aux conclusions de M. l'avocat-général Sevin, la Cour a rejeté le pourvoi du procureur général près la Cour d’appel de Paris contre les époux Mongruel.

(Gazelle des Tribunaux.)

L’Événement du 26 mai contient ce qui suit :

«Depuis quelque temps, les habitants des communes qui environnent Paris étaient tour à tour visités par une jeune femme mise avec une grande recherche, el qui se faisait appeler la comtesse Vade-ney de Luzancy. Aux familles pauvres elle prodiguait des consolations, en s’enquérant de leurs besoins et leur promettant des secours; elle faisait même de petits cadeaux aux enfants, ce qui lui donnait une réputation de charité.

« Dans les maisons plus fortunées, elle se donnait pour une somnambule extra-lucide, et se vantait de pouvoir indiquer dans le sommeil magnétique, qu’elle se procurait elle-même, les numéros gagnants à la loterie des lingots d'or. Elle expliquait aussi les rêves, et faisait retrouver les objets perclus ou volés. Elle variait le prix de ses consultations suivant la fortune présumée des personnes qui recouraient à son ministère.

« Dans la commune de Mcrry (Seine-et-Marne) se trouvait un paysan nommé Bergeron, qui était sur le point de tirer au sort pour la conscription. Ayant

entendu parler de la devineresse, il la fit venir pour qu’elle l’aidât à conjurer le hasard.

« La somnambule, après s’être fait remettre en différentes fois 188 francs, promit àBergeron qu’il sortirait vainqueur de l’épreuve décisive. Aussi le paysan alla-t-il tout radieux plonger sa main dans le sac, et il en retira le numéro du conscrit de Corbeil, le numéro 2.

« Désespéré d’avoir dépensé l’argent qu’il avait péniblement amassé, et d’être encore obligé de partir, Eergeron, qui n’a pas la libre belliqueuse, maudissait la sorcière. Il porta plainte contre elle ; mais elle avait disparu.

« Avant-hier, le conscrit se rendit pour une vente de grains à La Ferté-sous-Jouarre. Comme il approchait du marché, le bruit d’une dispute attira son attention. Il s’approcha, et, au milieu d’un groupe de curieux, il reconnut sa sorcière qu’un monsieur injuriait, en lui reprochant de lui avoir prédit que sa femme accoucherait d’un garçon, tandis qu’elle venait de mettre au monde une fille.

« Le conscrit s’empressa d’aller prévenir la gendarmerie. La prétendue comtesse fut arrêtée et mise à la disposition du parquet de La Ferté-sous-Jouarre, sous la prévention d’escroquerie. »

— Ce n’est pas seulement en France que de semblables poursuites ont lieu. Voici, d’après la Gazette des Tribunaux du 20 avril, le récit d’un fait qui, s’il est vrai, doit faire réfléchir les palingénésisles :

« Un singulier procès est actuellement pendant devant le tribunal collégial de district à Kornenbourg, près Vienne. Une jeune femme, Julienne Weiskirch-ncr, enchérissant sur le pouvoir des somnambules

et des sibylles modernes, se van lait de posséder le secret des anciens Thaumaturges. Elle ressuscitait les morts, au moins pendant quelques instants, pour procurer à leurs amis et à leurs parents un court entretien avec les personnes qui les avaient perdus. Des prières et des offrandes à l’église , mêlées de paroles cabalistiques, et dont l’unique objet était de voiler des scènes de fantasmagorie, opéraient ces prodiges. Julienne Weiskirchner était secondée par d’adroits intermédiaires, et même, on aura peine à le croire, par un prêtre, M. Ilanz Theyer, curé de Scheinbach. Les auteurs et complices de celte fourberie sont arrêtés, et une instruction sévère est dirigée contre eux. »

— On lit dans le Pays du 9 juin :

« Une dame Austin, de New-York, atteinte il y a quelque temps d’une inflammation de poumons, avait suivi avec assez de succès un traitement indiqué par son médecin habituel; elle ne souffrait plus que d’un rhume qui semblait devoir céder sans grand’peine. Mais, se laissant aller aux conseils d’une amie trop crédule, elle se décida à consulter un certain Dr G. Ilays, qui traite par le magnétisme. Elle n’avait pas besoin de se rendre elle-même chez lui; on le sait, ces messieurs de la clairvoyance 11c font rien comme les autres, lis donnent des consultations sans voir le malade : le premier venu peut servir d’intermédiaire ; ils en viendront peut-être quelque jour à guérir le malade en faisant faire les remèdes à quelque autre par procuration.

« L’amie de Mme Austin se rendit chez le Dr Ilays. Sa femme, qui lui sert de commère, fut mise en étal de somnambulisme, et elle indiqua une application

de sangsues, de cataplasmes de carottes, plus une potion à prendre toutes les heures par cuillerées. Ces indications ne furent que trop exactement suivies, et, au bout de vingt heures, Mme Austin n’existait plus. On procéda à une autopsie, l’examen de l’estomac fit reconnaître que la potion contenait une grande quantité de morphine, dont l’effet avait bien été de faire cesser la toux, mais qui avait élé en même temps fatale pour la malade, dans l’état de faiblesse où elle se trouvait.

« On peut croire que si le Dr G. Ilays se fût rendu un compte exact de l’énergie du remède, il aurait eu soin de le proportionner aux forces de la malade. L’analyse chimique du liquide resté dans la bouteille n’aj pu établir qu’il entrât dans la potion assez de morphine pour amener la mort d’une personne en santé; mais le jury d’enquête, auquel la question a été soumise, n’en a pas moins déclaré que M. et Mme G. Hays devaient êlre renvoyés devant le grand jury. Ils ont eu ù fournir chacun une caution de 2,000 dollars pour assurer leur comparution au jour qui sera indiqué. »

Le tribunal d’Épernay (Marne), s’est prononcé dans l’affaire qui lui était soumise; il a condamné le somnambule, et absout le magnétiseur. Nous attendons les détails de ce procès.

HÉBERT (de Garnay.)

Noctambulisme. — On lit dans le Courrier de la Gironde, journal de Bordeaux, du 8 mai :

« Nous ne sommes pas de ceux qui croient aveuglément aux merveilles; nous n’avons pas ajouté foi à tous les prodiges qui ont élé racontés dans mille bro-

clnircscL dans mille journaux. A propos de somnambulisme et de magnétisme, la crédulité n’est pas raisonnable; mais nous ne sommes pas non plus esprits forts, et nous n’avons jamais eu la prétention de ré-puter comme mensongers et impossibles des phénomènes que noire raison ne pouvait naturellement expliquer. Cette introduction nous était nécessaire avant de raconter l’étrange fait suivant, qui nous est rapporté par des témoins nombreux, dont nous n’avons aucun droit de suspecter la sincérité. Nous garantissons l’exactitude des renseignements qui nous ont été fournis , sans néanmoins avoir l'intention d’entraîner les convictions de nos lecteurs, qui jugeront si les phénomènes que nous allons raconter sont admissibles, au point de vue du somnambulisme.

«Derrière l’église de Sainte Croix est une petite maison, à rez-de chaussée, qu’habite une honnête famille d’ouvriers, composée du père, de la mère cl de trois enfants. Une honorable aisance, fruit de longues années de travail, a mis ccLle famille à l’abri du besoin.

« Louise, l’aînée des enfants, est une jeune personne de dix-neuf ans, que le bien-être de ses parents n’a pas obligée de chercher par elle-même à suffire à son existence. Elle s’occupe avec sa mère des soins intérieurs du ménage. Louise est d’une simplicité extraordinaire. Durant les quatre ou cinq années qu’elle a passées en pension, elle n’a jamais pu apprendre qu’à lire et à écrire, et encore d’une manière fort imparfaite. Louise ne chante même pas, car la nature lui a refusé la voix, cet instrument si naturel et si suave de la jeunesse.

« Il y a un an, le sommeil jusqu’alors si paisible de

la jeune fille devint agité et pénible, plein de rêves étranges et de phrases inintelligibles. Sa mère, justement alarmée de cet état anormal, en chercha en vain la cause. Les mêmes phénomènes se continuèrent toujours avec les mêmes singuliers caractères.

« Enfin, une nuit de mai de l'année dernière, la jeune fille se leva , ouvrit la porte de sa chambre, et se dirigea vers le jardin. Arrivée sous une charmille, Louise se mil à chanter d’une voix si suave, si mélodieuse, que sa mère, qui la suivait à quelques pas , n’en put d’abord croire ses oreilles. La jeune somnambule disait des chants du printemps empreints d’une poésie tendre et mélancolique; elle était dans l’extase la plus complète. Celte scène extraordinaire dura près d’une heure. Louise regagna sa chambre, en repassant près de sa mère, qu’elle ne vit ni entendit.

« Le lendemain, quand ses parents lui racontèrent ce qui s’étail passé dans la nuit, la jeune fille témoigna un profond élonnement. Elle n’en avait aucun souvenir.

« Depuis cette époque, il ne se passe jamais de semaine que la somnambule ne fasse son pèlerinage au fond du jardin. Beaucoup d'habitants du quartier, et surtout les plus voisins, ont été plusieurs fois témoins des étonnants phénomènes que nous racontons. Lorsque Louise est endormie, elle chante avec une suavité incroyable. Dans son état normal, aucune noie ne peut sortir de son gosier.

« Nous ne raconterons pas toutes les choses miraculeuses qui se disent dans le voisinage, toutes les prédictions qu’a faites Louise, et qui se sont vérifiées à la lettre; tous ces prodiges sont l’accessoire ordinaire des phénomènes surnaturels. Nous avons voulu

seulement dépouiller le fait des récits merveilleux qui le dénaturaient, et le communiquer à nos lecteurs dans sa plus parfaite simplicité.

« Maintenant, nous demanderons à la science qui admet le somnambulisme, si elle a encore pu constater de semblables effets.

« Antonin BOUDIN. »

Oui, certainement, répondrons-nous ; l’histoire est remplie de faits identiques; s’ils varient un peu dans la forme, le fond est le même. Cc sont les manifestations d’une vie mystérieuse qui se montre naturellement, comme dans le cas relaté ci-dessus, ou par l’emploi du magnétisme. Mais que celte vie soit spontanée ou provoquée, ses attributs ne diffèrent point essentiellement : il y a môme état et mêmes résultats. Il suffit d’ouvrir les annales magnétiques pour être pleinement convaincu de la parfaite similitude des somnambulismes naturel et artificiel.

Nous ne cessons d’appeler l’attention des hommes sérieux sur cette double vie. Qui sait si ces deux modes d’existences, qui pour nous ne sont point anomaux, n’en cachent point un troisième où l’âme, dégagée de la matière, serait telle qu’elle doit survivre aux manifestations que nos sens perçoivent? Il est permis de le supposer, car déjà on a la prescience des événements, et des facultés qui doivent appartenir aux purs esprits. C’est là ce qui doit nous soustraire aux doctrines des écoles philosophiques, et ramener parmi nous ces croyances si douces et si consolantes d’un monde meilleur et plus parfait après cette triste vie.

Nous appelons donc à l’étude les hommes d’intelligence, et nous leur disons : Ici est une mine fé-

ronde ; ce qui doit en sortir peut rénover le monde, lit, Dieu seul sait si ce ne sont point là les temps prédits qui doivent s’accomplir, où nous serons tous voyants, clans le sens religieux de ce mot.

DU rOTET.

Persécutions. — Nous avons reçu de M. Laforgue les lettres et la pétition suivantes :

Mon bien-aimé frère,

On vient de me mettre en échec, en me défendant de recevoir aucun malade chez moi, parce que des filles, que je soignais tous les jours, commettaient des scandales pendant la nuit. Il y a eu deux procès-verbaux de rédigés contre elles, et, après avoir été mises au violon, le procureur de la République leur a fait subir un interrogatoire ; elles ont déclaré s’être rendues à Pau pour se faire soigner par moi, et que depuis quelques jours elles assistaient à mes séances. La première est âgée de seize ou dix-sept ans, elle avait un pouce en putréfaction, elle est du département des Landes, et sans ressources, puisque je lui donnais le pain chaque jour. Deux autres Basquèses de ce département, et embauchées par la première, furent aussi arrêtées pendant la nuit et mises au violon. M. le procureur de la République leur fil également subir un interrogatoire, dans lequel elles déclarèrent qu’elles s’étaient rendues ici pour solliciter un traitement auprès de moi. Une de ces filles avait un goitre; mesuré d’une oreille à l’autre, il avait cinquante el un centimètres de pourtour, pris au-dessous du menton. Il diminua, dans quelques jours, de treize centimètres. La troi-

sième avait une maladie de femme, suppression, elc. Ayant été prévenu par des malades fine ces filles menaient une conduite reprochable, je leur défendis ma porte, et plus je ne les ai reçues. Je n'imaginais point qu’elles s’étaient fait mettre en prison et qu’on leur aurait fait éprouver tout ce que je vous dis plus haut. Voilà la cause pour laquelle on m’a défendu de recevoir des malades.

Depuis ma plus tendre enfance, j’ai tendu la main aux malheureux, pour leur prodiguer des consolations ; je ne leur ai jamais demandé ni leur qualité, ni leur titre : je recevais tout le monde, indistinctement. Aujourd’hui, parvenu au seizième lustre, exténué parles fatigues, on m’abreuve encore d’amerlumepour avoir donné ma vie et tout mon temps à soigner les malades, qui encombraient ma cellule elles approches depuis l’aurore jusqu’à la nuit. Eh bien! on ne verra plus désormais de semblables réunions chez moi. Je ne veux point qu’on puisse dire que je contribue au désordre qui se commet journellement dans le monde.

Ilm’estarrivédeux malades de Roanne, samedi dernier. L’une, paralysée de tout son corps depuis plus de quatre ans, ne pouvant se mouvoir pour aucun des besoins naturels, pas plus qu’un enfant qui vient de naître. L’autre est moins malade. Ils n’ont fait qu'entrer et sortir dans ma maison. A peine je leur ai touché la main, qu’ils ont été se loger en ville. Le frère Pacaud, de Roanne, m’a envoyé la première, et le frère l'avre le second. Mon cœur saigne d’être empêché de leur donner tous les soins que je me serais fait un plaisir de leur prodiguer. Je les soignerai de ma pensée et de tout mon amour. Et je supplie le Très-IIaul pour qu’il leur fasse miséricorde, comme à tous

ceux qui me sont recommandés et fous ceux que j'affectionne, comme à vous.

Je vous donne le baiser de paix en esprit, de bien bon cœur, que je vous prie de faire accepter par le frère Hébert (de Camay), votre fils adoptif.

LAFORGUE.

Pau, 20mai 1851.

Mon bien-ainié frère,

Je vous adresse ci-joint une copie de la pétition que je fais partir, pour être présentée à l'Assemblée législative. Vous m’obligerez de me donner, dans votre réponse, le succès auquel je dois m’attendre.

C’est le 9 du mois dernier qu’on m’a prévenu qu’on avait le projet de faire une incursion dans ma cellule, si je continuais me s séances publiques et à donner de l’eau magnétisée, etc.

Habitué à faire le bien, mon cœur a dû céder journellement à accorder à quelques malades les soins qu’ils réclamaient de moi. Le Seigneur a béni mon œuvre, et depuis le 10 mai dernier, je n’ai plus tenu de séance publique.

J’attendrai la décision de la Chambre. En attendant, que la volonté du Très-Haut toit faite.

Je vous donne le baiser de paix, etc.

LAFORGUE.

rau,8juin 1831.

PÉTITION

AU NOM HE L’HUMANITÉ SOUFFRANTE,

A MESSIEURS LES REPRÉSENTANTS DE I.’ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE

A PAMS.

Messieurs les Représentants,

Les Français vous ont élus à l’Asscmblée législative, dans lu but de nous délivrer de toutes les lois et ordonnances qui nous assujettissent à l’oppression et à la tyrannie. Les progrès que la divine Providence met dans lame et dans l’esprit des mortels, ne peuvent ni ne doivent être enfouis.

La loi du 19 ventôse an XI, qui n’accorde qu’aux médecins et officiers de santé munis d’un diplôme délivré par une Faculté ou un Jury do médecine, le droit exclusif d’exercer l’art de guérir, n’est point juste. Un bonnet el une robe ne donnent point l’art de guérir; ils font tolérer l’incurie el la destruction du genre humain, sans que l’on ait le droit de se plaindre, en ruinant les malades el les parents des morts.

La médecine ordinaire et du jour doit être mise hors d’exécution, puisque la généralité des remèdes qu’elle emploie sont incertains ou nuls. Ils ne guérissent personne : s’ils ne tuent pas les malades, ils les estropient.

Le véritable art de guérir, c’est le magnétisme. Il rend la vue aux aveugles, l’ouïe aux sourds, la parole aux muets; il guérit l’épilepsie, l’hydropisie, la paralysie, el lanl d’autres maladies que la médecine ordinaire déclare incurables.

Le magnétisme est vénéré dans tout l’univers; en

France, seulement, il est traqué par la maudite loi du >9 ventôse an XI.

L’Assemblée nationale s'empressera de rapporter cette loi, pour le bonheur de l’humanité. Combien de malades gémissent en ce moment, parce que la loi défend de guérir les maladies par le magnétisme, unique méthode qui rétablit l’équilibre et rend la vie.

Les magnétiseurs et les médecins doivent être responsables de leurs faits; ils ne peuvent contraindre les malades à paver leurs vacations qu’après guérison ; ils devront s’en rapporter, pour leurs salaires, à la générosité et à la justice des malades guéris. Enfin, ils ne pourront être admis à exercer l’art de guérir, qu’après a voir justifié d’un nombre fixe de cures.

L’humanité réclame, Messieurs les Représentants , l’abolition de la loi du 19 ventôse an XI, qui a moissonné un nombre infini de victimes, et tient le progrès en échec ; elle réclame que le magnétisme puisse être exercé par les personnes qui possèdent cette science.

Messieurs les Représentants, je supplierai le Très-Haut, le Tout-Puissant, le Dieu de bonté et de miséricorde, qui récompense selon les œuvres, notre Seigneur Jésus-Christ, de mettre dans vos cœurs, dans vos âmes, dans vos esprits, la sagesse pour donner à la France des lois qui la délivrent de l’inquiétude où elle est, et lui assurer la paix.

J’ai l’honneur, Messieurs les Représentants, de vous saluer avec considération.

Le chef du bataillon , octogénaire , en disponibilité el au traitement de réforme ; ennemi de tous les maux qui affligent le genre humain» Habitant Pau. (Basses-Pyrénées.)

LAFORGUE.

Pau, 7 juia 1851.

Nous pensons que cette démarche sera sans résultat; il n’y a pas assez de représentants qui connaissent le magnétisme. La prudence même commande de ne pas faire trop de tentatives de cc genre, parce que la médecine est cncoretoule puissante, el elle pourrait bien inspirer une loi nouvelle qui nous gênât davantage que l’ancienne. Le magnétisme va bien; la pro-propagation se fait amplement, mieux que jamais. Falicnce!....

DU POTET.

Sympathie nerveuse. — La manufacture nationale des tabacs, à Lyon, a été ces jours derniers le théâtre d’une scène étrange, et dont le monde médical s’est préoccupé comme d’un fait excessivement rare dans les annales de la physiologie :

« Dans un alelier occupé par une soixantaine de femmes, une d’entre elles, à la suite d’une violente altercation avec son mari, tomba en proie à une attaque de nerfs. Ses compagnes s’empressèrent de lui porter secours ; mais, par un phénomène curieux de sympathie, une seconde, une troisième, puis dix, puis vingt tombent simultanément en proie aux mêmes symptômes nerveux, dont l’envahissement n’a cessé qu’après l’évacuation de la salle, et qui, sans celte mesure, se serait propagé à toutes les impressionnables spectatrices.

« Nous disions qu’un pareil fait a peu de précédents. En effet, après les scènes fameuses du cimetière Saint-Médard , au commencement du dernier siècle, on ne trouve une semblable observation que dans la pratique du célèbre médecin hollandais Boër-haave. Dans une des salles de femmes de l’hôpital de

Leycle, une épidémie de convulsions se déclara d’une manière si intense, qu’aussitôt que l’une des malades avait donné le signal, à l’instant, et sans qu’il fût possible d’y mettre obstacle, des crises analogues se déterminaient chez ses voisines . et de proche en proche dans toute la salle. Pour en finir avec cette singulière contagion, l’illustre praticien eut recours à un moyen héroïque : ayant fait apporter un réchaud rempli de fers incandescents, il menaça de cautériser impitoyablement la première convulsionnaire qui s’aviserait de troubler l’ordre. Cette menace produisit l’effet que Boërhaave en attendait : les crises nerveuses cessèrent immédiatement. »

(Salut pullic.)

Ce fait surprend tout d’abord, bien qu’il ne soit que l’extension de ce qui se passe journellement sous nos yeux. Ne voit-on pas, dans les relations ordinaires de la vie, que lorsqu’une personne bâille, cette action est répétée par d’autres? Le bégaiement, le rire, les pleurs, le chagrin, la gaieté se communiquent de même. On imite pareillement certains mouvements rhythmiques, comme la danse , la marche au pas; mais c’est surtout dans les affections spas-modiques que la contagion est manifeste : si un accès d’épilepsie, même une simple attaque de nerfs, se développe en présence d’une assemblée un peu nombreuse , il est rare que plusieurs sujets n’y participent pas. C’est pour cela que les Romains remettaient leurs élections quand cet accident arrivait dans les comices. Quelquefois cela se propage comme épidé-miquement, et on voit toute une contrée soumise à l’inoculation de semblables convulsions : telles ont été les scènes de Saint-Médard et des Cévennes; mais

c’est surtout dans les hôpitaux, les couvents et les pensionnats, où beaucoup d'êtres siinilairetnenl disposés se trouvaient réunis, que ces désordres ont clé observés; exemple : les Ursulines de Loudun. Maintenant, ces effets sympathiques se manifestent dans les ateliers, au théâtre, et principalement dans les endroits où l’on magnétise beaucoup, comme chez Mesmer, où une salle, dite des crises, était malclassée, pour que les convulsionnaircs ne se fissent aucun mal, cl dans les séances de propagation magnétique, où la multiplicité des crisiaques devient une gêne.

De tout ceci, il faut conclure que, si une personne vient à être profondément émue, toutes celles qui lui sont le plus semblables participent à son étal, absolument comme toutes les cordes montées à l’unisson vibrent lorsqu’une, seule esl mise enjeu.

J. GAUTIER.

Propagande. —Nous apprenons chaque jour que, de toutes parts, des hommes de science, qui n’ont en vue que le progrès, adhèrent à nos principes, lin voilà encore un qui, selon l’heureuse expression de M. du l’otet, a levé l’étendard de la révolte, et va marcher dans nos rangs à la conquête, du droit de cité que les Académies refusent au mesmérisme.

Voici la lettre qui nous a apporté cette bonne nouvelle :

Monsieur le baron,

Nous avons été heureux de recueillir les paroles de l’honorable M. Crova, professeur de physique au collège de Perpignan, concernant sa croyance au magnétisme.

Dans un cours public de physique expérimentale,

développé avec un rare savoir, il arriva enfin à la leçon du magnétisme, qu’il divisa en deux parties : le magnétisme animal, el le magnétisme minéral.

« C’est de ce dernier, a-t-il dil, dont nous avons à nous occuper spécialement dans notre cours : celui-là seul entre dans notre programme.

« Quant au premier, nous ne nous en occuperons pas, quoique son existence soit incontestable, malgré qu’elle ail élé contestée par quelques corps savants.

« Mesmer n’en est point l’inventeur, comme on pourrait le croire, mais il en est le révélateur moderne.

« On obtient le magnétisme animal à l’aide d’une attraction sympathique entre deux êtres animés, soumis volontairement à des influences réciproques, excitées par des procédés ou manipulations appelés passes.

« La production d’un de ces merveilleux phénomènes est le somnambulisme artificiel. La clairvoyance dont on est doué dans ce sommeil factice, peut servir quelquefois de guide dans le traitement des maladies intérieures, et devenir un puissant auxiliaire de la médecine.

« Malheureusement, le charlalanisme et le lucre s en sont parfois emparés, ce qui explique le peu de progrès qu’a fait le magnétisme jusqu’à ce jour; malgré cela, cette science compte un grand nombre de partisans. Des hommes spéciaux s’en occupent sérieusement, et le mesmérisme, qui semble n’être qu’à l’état d’embryon, ne tardera pas à êlre élevé à la hauteur qu’il mérite d’atteindre. En attendant, nous allons nous occuper du magnétisme minéral. »

Je ne saurais trop louer cet honorable savaut

d'avoir su s’affranchir du servage qu'impose la science ollieielle.

J’ai cru devoir, Monsieur le baron, vous donner connaissance de celle sincère adhésion à votre œuvre. Celte profession de foi, rendue beaucoup plus publique par la voie de voire estimable journal, ne manquera pas de produire de très-bons effets.

Agréez mes salutations empressées.

Cil. GRUYAS.

Perpignan, le i juillet 1851.

Clairvoyance. — Voici un trait de lucidité som-nambulique comme nous en avons déjà rapporté plusieurs arrivés presque dans le même pays. Celui-ci est ancien, le rapport en avait été adressé dans le temps à un de nos confrères, qui avait égaré la pièce essentielle, le certificat du père de la victime. Nous sommes heureux d’avoir élé enfin mis en possession de ces documents, et nous nous empressons de les publier pour l’honneur même du somnambule, qui vient d’être condamné à Épernay.

RAPPORT SUR LA DÉCOUVERTE D’UN NOYÉ.

Le fds du maire d’une commune voisine de Saron-sur-Aube conduisait un attelage dans un chemin qui borde la rivière; s’élant endormi, la voiture versa, et homme et chevaux furent noyés.

Au bout de trois ou quatre jours, comme on ne retrouvait pas ce jeune homme, le curé du village conseilla de consulter le somnambule, ce qui ne se fit que le lendemain, parce que les personnes ne m’avaient pas présenté d’effets pour mettre mon somnambule en rapport.

Mis le lendemain en rapport avec une casquette du

noyé, mon somnambule s’écria aussitôt : ODieuî qu’cst-ce que vous me présentez? la mort! » Je lui dis : « Ne t’effraie pas, cherche cette personne; car elle est perdue. » Il répondit : « Je la vois bien; elle est noyée, et l’on a déjà bien passé où elle est; mais on ne peut pas la retrouver, car les instruments ne sont pas assez longs, attendu qu’il a sur son corps au moins un mètre de terre qui s’est éboulée. Vous n’avez qu’à compter un mètre en descendant le bord de l’eau, à partir de la brèche faite par la roue, et à un mètre de large : il est précisément là. » La chose s’est trouvée juste. D’ailleurs, voyez le certificat du père de ce malheureux jeune homme.

I'rosper QUÉNARD.

CERTIFICAT.

Le maire de la commune de La Celle-sotis-Clianlemerle, soussigné,

Certifie qu’après plusieurs jours de recherches de son fils noyé, s’est transporté chez te somnambule pour le conçut 1er, cl le lieu où il a indiqué s’est bien trouvé juste , el que sans le somnambule on ne t’aurait peut-être pu retrouver, puisqu’il y avait, d’après l’expérience d’un plongeur, au moins un mètre de terre sur lui. Je délivre te présent pour servir à qui de droit.

I.a Celle-sous-Chantemerle (Marne), 17 décembre 1847.

J.-B. NIORÉ.

Prophétie. — On lil dans les journaux de Londres de la semaine dernière, une curieuse remarque dont voici lexacte traduction :

« Le célèbre poète anglais Cltaucer, né en 1028, mort en i/joo, a prophétisé en quelque sorte l’expo-sition universelle qui a lieu actuellement, et la création du Palais de Cristal. Voici ce qu’il dit dans l’introduction à son poëme intitulé la Maison de la Re-

nommée (the IIousc of Famé), qu’il écrivit vers îfiSo : « Les esprits ont la puissance de faire naître des « rêves , et l’âme , délivrée des liens du corps , peut, « dans sa perfection , acquérir la faculté de percer le « voile qui couvre l’avenir. Je dormais , et dans mon « rêve, je me trouvais dans un palais bâti en verre, « où étaient à divers endroits de nombreuses images « en or, de riches tabernacles, beaucoup d’étagères « remplies de joyaux, beaucoup de sculptures bizar-« res avec figures extraordinaires, et une plus grande « quantité d’objets d’orfévrerie, tels que je n’en « avais jamais vu auparavant. Puis je voyais que « d’un côté à l’autre, depuis le sol jusqu’au comble, « s’élevaient d’innombrables colonnes brillantes de « lumières. Je regardais autour de moi, et je voyais « affluer des hommes de différentes régions de la « terre, de tous les rangs qui existent dans le monde « sublunaire, des riches aussi bien que des pauvres. « Un essaim d’hommes tel que celui qui entrait, et « qui fourmillait sur tous les points du palais, ne m’ait vait jamais apparu, et probablement je ne le re-« verrai jamais. »

PETITE CORRESPONDANCE.

Avis. — Les anciens élèves de M. du Potet sont prévenus qu’un nouveau Cours sera ouvert le vendredi i 1 de ce mois.

Le Gérant •• HÉBERT (de Garnay).

ljupr. de Pommeret et Moreau, quai de» Angustim, 17.

INSTITUTIONS.

Société magnétique tic la Xouvcllc-Oi-léau». '

Un médecin français, grand admirateur de l’homéopathie, et lin peu partisan du magnétisme, s’est établi naguère h la Nouvolle-Orléans. Sa présence en cette ville a été signalée par la publication d’articles sur la supériorité de la médecine hahnemanienne, dont un , touchant au mesmérisme , qui a piqué la juste susceptibilité de nos amis de la Société magnétique. Il en est résulté un vif el long débat qui a élevé grandement le magnétisme dans l’opinion publique. Il serait bien à désirer que de semblables discussions s’élevassent de temps en temps; car, tout en rectifiant ses propres écarts, la science sortirait radieuse de l’arène. On doit féliciter la Société d’avoir engagé cette controverse , et remercier M. Jos. Barlhet de l’avoir si bien soutenue.

Voici l'extrait des journaux qui ont prété leurs colonnes aux champions des deux camps; ce n’est que le commencement, lorsque nous aurons la fin, nous la ferons suivre de nos propres réflexions sur l’objet contesté.

L'Orléanais du 11 mars dernier contenait ce qui suit :

ENCORE CN’ MOT SUR LES PERTES UTÉRINES.

Mous nous sommes abstenu de parler du magnétisme contre les hémorrhagies utérines, non parce

•JOSE X. — S" 133. — AOUT 1851. 8

que nous redoutions les railleries de ceux qui peuvent élever des doutes sur la réalité de son influence, mais parce que le mot magnétisme vaut à lui seul un long chapitre. Cependant taire l'assertion si positive de notre maître, c’est manquer de foi en sa parole, c’est désavouer nos convictions.... Or, voici cc qu’on lit au paragraphe 29J de VOrganon :

«Je crois nécessaire de parler encore ici du magnétisme animal, dont la nature diffère tant de celle des autres remèdes. Cette force curative, qu’on devait appeler mesmérisme, du nom de son inventeur, sur la réalité de laquelle des insensés seuls peuvent élever des doutes , et que la volonté ferme d’un homme bienveillant fait affluer dans le corps d’un malade, au moyen d’attouchements, agit d’une manière homéopathique (1), en excitant des symptômes semblables à ceux de la maladie, but auquel on parvient à l'aide d’une seule passe exécutée, la volonté médiocrement tendue, en glissant lentement le plat des mains sur le corps, depuis le sommet de la tête jusqu’au-delà du bout des pieds. Sous cette forme, le mesmérisme convient, par exemple, dans les hémorrhagies utérines, même à leur dernière période, quand elles sont sur le point de causer la mort, etc. »

Le paragraphe 2Ç('| porte :

« Toutes ces méthodes de pratiquer le mesmérisme reposent sur l’afflux d’une plus ou moins grande quantité de force vitale dans le corps du malade. Elles ont reçu d’après cela le nom de mesmérisme positif. »

A quoi le maître ajoute en nota benè.

« En traitant ici de la vertu curative, certaine el

(1) C’est une transfusion do la vie. {Note de M. Taxil).

décidée du mesmérisme positif, je ne parle pas de l’abus qu’on en fait si souvent lorsque répétant ces passes pendant des demi-heures, des heures entières, ou même des journées, on amène, chez des personnes dont les nerfs sont faibles, cet énorme bouleversement de l’économie humaine tout entière, qui porte le nom de somnambulisme,état dans lequel l'homme, soustrait au monde des sens, semble appartenir davantage à celui des esprits ; état contraire à la nature, et extrêmement dangereux, au moyen duquel on a plus d’une fois osé tenté de guérir des maladies chroniques. »

Que messieurs les magnétiseurs du monde entier, car le magnétisme est partout, ne s’effarouchent pa* de cette opinion, elle est exprimée sous l’égide de la science ; ils peuvent la discuter, la combattre; mais nous craignons beaucoup qu’ils ne soient pour ce moyen thérapeutique ce que messieurs les allopathes nos collègues, sont pour ceux qu’ils emploient tous les jours sans en connaître les effets purs ; que faute de la connaissance de la pathogénésie magnétique, que nul n’a cherchée jusqu’à cette heure, messieurs les magnétiseurs ne persistent dans leur erreur, qui seule est cause de cette espèce de répulsion ou d’incomplète acceptation de leurs théories et de leurs principes. Leur doctrine est essentiellement vitali-que ; qu’ils reconnaissent la loi des analogues, cette suprême harmonie qui régit le monde, et alors ils comprendront les fâcheux effets de leurs doses massives, et l’immense avantage de celles qu’on devrait appeler hahnemaniennes au lieu d’infinitésimales , comme on le fait généralement. Daignez agréer, etc.

TAX1L, D. a.

Nouvelle-Orléans, 10 mars 1831.

M. Jos. Bartlict répondit, dans l'Abeille du lendemain, par la modeste communication suivante :

M. le D1' Taxil traite un peu du magnétisme dans une lettre publiée dans l’Orléanais d’hier. Nous aimons à lire les écrits do cet honorable médecin, lorsqu’il combat les abus ou les fausses doctrines, et nous rendons hommage à son érudition, de même qu’à son courage et à sa loyauté; mais sa lettre, el les citations qu’il y a introduites, nous ont semblé contenir des erreurs qu’il est du devoir des magnétiseurs de relever. Toutefois, nous ne le ferons qu’en peu de mots, ne pouvant nous livrer à une polémique.

Que le père de l’homéopathie fût un grand génie, les magnétiseurs ne le contestent point; mais un homme n’a pas pu savoir tout : ars long a, vila brevis. Le magnétisme est une question si vaste el si mystérieuse, que Ilahnemann n’a pu suffisamment observer les faits pour que ses théories fassent loi. A l’époque où il écrivait, on avait moins vu que de nos jours, et c’est ainsi que nos successeurs profiteront de nos travaux, comme nous jouissons des découvertes de nos devanciers : la science ne progresse pas autrement. Mais Ilahnemann fil peut-être sa théorie du fond de son cabinet, car elle diflère de celle de Mesmer; et, en fait de mesmérisme, M. Taxil nous pardonnera sans doute de préférer Mesmer à Ilahne-mann ; d’ailleurs les faits appuient les théories de. notre maître: voyez Deleuze, savant autant que modeste, qui n’écrivit son Instruction pratique qu’après une expérience de trente-cinq ans; voyez le baron du Potet, dont la haule célébrité date de ses belles expériences à l’Hôtcl-Dieu, en 1820, et dont les démonstrations s’appuient aujourd'hui sur une pratique de plus de trente années, etc., etc.

I.es faits son! le langage de la nature, tandis que Us théories sont quelquefois celui de mauvais interprètes. li faut donc refaire les théories quand on les reconnaît fausses : c'est ainsi que Deleuze, en i856, modifiait ses idées de 182."), en faisant encore de sages réserves pour l’avenir. La théorie du magnétisme est toute dans ces mots de M. le Dr Taxil : Le mesmérisme est une transfusion de la vie. Si quelques auteurs ont développé celle idée première pour essayer d’expliquer les phénomènes qu’ils voyaient se produire sous leurs mains, il> n’ont pas donné leurs explications comme «les théories absolues, mais seulement comme des hypothèses sur lesquelles l’esprit aime à se reposer. Le magnétisme est une question do faits, eL il n’est pas tant besoin de science que d’un esprit droit, pour constater ces fails, et même les produire : c’est sans doute pourquoi les savants l’ont proscrit» tandis que le public l’accueille partout. Les magnétiseurs ont tous eu l'occasion de reconnaître que le magnétisme guérit quelquefois homéopathiquemenl, c’est-à-dire en produisant des affections artificielles analogues aux maladies qu’il combat; mais les faits de tous les jours, bien plus nombreux et plus pé-remptoires, prouvent aussi qu’il faut une action plus 011 moins longtemps soutenue, surtout quand les malades n’ont recours au magnétisme, comme il arrive si souvent, que lorsque toutes les autres ressources ont été vainement épuisées, et que les organes sont usés par un déplorable abus des remèdes. Jésus disait à ses apôtres d’imposer les mains : c’est un procédé que les magnétiseurs emploient journellement, et il semble quelquefois que leurs mains absorbent le mal; mais cela 11e suffit que rarement, et nous ne connaissons pas de cas où il suffise d’une simple

passe; nous ne nions cependant pas qu'il ne puisse s’en présenter; mais, en général, il nous faut varier les procédés, les modifier suivant les circonstances, continuer l’action quelquefois des heures, et répéter des jours, des semaines, des mois.... Si Hahnemann ne se trompait pas, le magnétisme serait bien plus simple qu’on ne l’imagine : les médecins homéopathes ont au moins un choix à faire dans leur petile pharmacie de poche, tandis que nous n’aurions à faire qu’un geste, presque un salut de la main !.....

Hahnemann n’est pas plus exact quand il parle du somnambulisme, et il est aisé de voir qu’il n’avait pas la pratique de la chose. Il est très-vrai qu’on abuse quelquefois de l’état somnambulique; mais cela prouve tout simplement qu’il y a de mauvais magnétiseurs comme il y a de mauvais médecins, et c’est au public à faire justice des uns et des autres, puisque les corps savants ont failli à leur mission. Nous répudions toute solidarité avec ces som-nambuliseurs qui, dédaignant les livres de nos maîtres, exploitent, mal ou bien, une machine bonne ou mauvaise. Puységur les appelait des tourneurs de manivelle.

Simples magnétiseurs, nous constatons les faits, laissant à d’autres le soin de les expliquer. Il nous est quelquefois arrivé de proposer à des médecins de les en rendre témoins, mais ils ont paru craindre de voir leurs théories en défaut. Nous ne cesserons pourtant de leur répéter : si les faits ne cadrent pas avec vos théories, refaites vos théories; et si le concours des magnétiseurs vous est utile, il vous est acquis. A défaut de science, ils ont la pratique du sujet.

J. B.

[.'Ürh'iiHUtsdu 13 publiait cotte autre réponse:

Monsieur le rédacteur,

J’ai sous les yeux votre numéro du 11 courant, qui contient un article sur le magnétisme, ou plutôt sur le mode d’emploi que nous devrions en faire, nous autres magnétiseurs. A d’autres, bien plus qu’à moi, il appartient de relever le gant et de défendre les principes éternels sur lesquels repose le mesmérisme : j’espère bien que le savant président de la société des magnétiseurs se chargera de répondre à cet article, si le numéro du journal où il se trouve lui est parvenu. Riais jusqu’à ce moment où je devrai livrer l’arène à un champion plus fort, le haut intérêt que je prends à cette question me commande d’en dire quelques mots.

J’aflîrme tout d’abord que je ne suis ni ne puis être en aucune manière de l’avis de llahnemann, quand il dit « qu’à l’aide d’une seule passe, on parvient à arrêter les progrès d’une hémorrhagie utérine ; » et celle opinion que j’exprime ici ne m’a pas élé imposée par mon expérience personnelle seulement, elle m’est commune avec plusieurs savants dont la vie entière avait été livrée à l’étude du magnétisme. Rien ne saurait différer plus ouvertement du mode d’emploi tracé par l’homéopathie que celui qu’ont indiqué les savants dont je viens de parler. J’ai quelquefois rencontré des sujets si impressionnables, que la seule vue d’un objet magnétisé suffisait pour les plonger dans le somnambulisme. Arrivait-il que ce même sujet, tout impressionnable qu’il fût et quelque influence que j’eusse prise sur lui, fut atteint d’une douleur locale, pour faire disparaître cette

douleur, il me fallait au moins cinq minutes et presque toujours plus.

Une autre assertion de llahnemann me semble aussi peu fondée, c’est celle qu’il exprime en disant que le magnétisme produit « un énorme bouleversement de l’ccononiie humaine, contraire à la nature et souvent dangereux. »

î" Le somnambulisme (qui, s’il avait quelque continuité, pourrait être appelé existence extatique) provoqué chez une personne à l’état de santé parfaite n’a jamais donné lieu à la moindre crise , et colles qui surviennent quelquefois chez un sujet malade disparaissent avec les symptômes de la maladie que le magnétisme est appelé à guérir. Ces crises ne nous effraient pas, parce que nous les jugeons nécessaires lorsqu’elles éclatent.

2° Je ne comprends pas que le somnambulisme puisse être contraire à la nature, et j’aurais désiré que llahnemann lui-même ou quelqu’un de ses disciples eût développé cette assertion. Pour moi, le somnambulisme est comme un sixième sens, c’est un instinct humain.

5° Dangereux peut-être, ajoute llahnemann. Il est peut-être vrai qu’à l’aide du somnambulisme imparfait, quelques endormeurs immoraux ont essayé de faire le mal; mais nous délions qu’on puisse nous citer un seul exemple où il soit résulté aucun mal de la magnétisation directe, quelque longue, quelque fortement concentrée qu’elle ait été. Mal administrée, la magnétisation ne peut jamais devenir aussi fatale à l’économie que le serait l’usage impropre d’un médicament inoflensif en apparence.

De quelle erreur veut donc parler le D' Taxil, lorsqu’il dit qu’à elle surtout doit être attribuée l'accep-

talion incomplète des principes du magnétisme? Qu'il me nomme une seule grande vérité qui n’ait élé traitée d’abord d’erreur ou de folio. L’homéopa-lliie, objet d’une si grande prédilection de sa part, rcnconlro-t elle tant d’obstacles et tant d’entraves parce que ses théories sont erronées?

Comment établir la pathogénésie du magnétisme, puisque sa propriété thérapeutique est susceptible d’être modifiée à l’infini, soit par l’état physique ou moral du magnétiseur et du magnétisé, ou par l’analogie des fluides? Pourrait-on atténuer la puissance d’un agent purement vital?

Suivant Ilahncmann, le magnétisme ne devrait être employé qu’à doses infinitésimales, et pourtant l’expérience nous démontre chaque jour que nous ne devons jamais nous rebuter; que dans les affections curables par la magnétisation directe, il arrive souvent-que trois, quatre, dix magnétisations ne produisent aucun effet, et puis tout à coup, à l’instant où l’on s’y attend le moins , le succès vient couronner nos efforts. Où en serait le magnétisme aujourd’hui, si nous nous étions bornés à ce mode de propagation?

La recommandation de Ilahncmann, dans les cas d’hémorrhagie intense, contraste étrangement avec l’opinion des Deleuze, des Puységur, des Aubin-Gau-thier, des du Potct, etc., qui recommandent en pareil cas de concentrer la magnétisation sur l’épigastre, et, dans les cas contraires, de porter le fluide aux extrémités inférieures.

Agréez, Monsieur le rédacteur , etc., etc.

TIIIEKETTE.

La réplique ilu Docteur [¡aval dans le numéro du I -S mai? du même Journal.

Monsieur le rédacteur de l'Orléanais,

Le retard que nous avons mis à répondre à la lettre de M. Thienetle, publiée dans votre fouille du xr> courant, tient seulement à l’absence que ce puissant disciple de Mesmer a faite. Aujourd’hui qu’il est de retour à la îSouvelle-Orléans, nous prenons la liberté de lui dire : M. Thienetle, nous comprenons que vous ne soyez pas de l’avis d’Hahnemann ; ni votre expérience (jeune encore surtout à l'endroit du magnétisme) , ni les savants en l’art de magnétiser, ne vous y ont pas rangé, ce qui ne prouve pas que

notre réformateur se trompe.....Votre divergence

d’avec lui vous place à côté d’une foule de médecins fort habiles, sans doute, à côté de corps savants de l’époque, qui repoussent la vérité médicale, qu’une expérience éclairée d’une immense science lui ;> dictée ; — el voilà tout.

Les mots élat contre nature sont expliqués par la po sition particulière du sujet somnambule : il est soustrait au monde des sens et semble appartenir à celui des esprits. Yous faites du somnambulisme un sixième sens, que. vous appelez, M. Thienetle, instinct humain. ¡Nous préférerions le mot plus relevé de sur-intelligence humaine. Ce n’est, au reste, que dans un traité exprofesso qu’on doit entreprendre de développer cette assertion.

L'erreur dont nous parlons, est celle constituée par les doses massives du magnétisme; par son emploi dans tous les cas morbides, si variés, si nombreux, et à quelque état de gravité qu’ils soient arrivés, comme si le magnétisme était la panacée universelle ;

par l'ignorance des somnambules en matière du traitement des malades qu’on leur soumet : tantôt c’est le traitement antivermifuge du savant chimiste Ras-pail, tantôt l’antihumoral de Leroy; ici, et peu souvent, il faut le noter, c’est l’anti-phlogislique de Broussais; là c’est la médecine la plus agissante, quelquefois l'cxpcctation la plus innocente qu’ils adoptent. Quelques-uns de ces magnétiques clairvoyants ont la tête pleine de recettes de formulaires, qu’ils torturent d’une manière si affreuse, que leurs présentions alarmant la conscience scientifique des pharmaciens, ceux-ci refusent de les exécuter. Croyez-vous que ce soient là des motifs propres à favoriser l’adoption des principes magnétiques?...

l’our établir la pathogénésic magnétique, il faudrait marcher sur les glorieuses traces de notre maître, qui, durant quarante ans de sa longue vie, s’est imposé les plus grandes privations morales et physiques pour arriver à la connaissance précise de ce qui est curatif dans les médicaments, c’est-à-dire de leurs verlus médicinales. Toutes les modifications, si variées qu’elles fussent, de l’influence mesmérique, seraient traduites par l’expérimentation pure, dont il a posé les rigoureuses règles dans son immortel Organon.

Vous dites que le magnétisme est un agent purement vital, c’est aussi à ce tilre qu’il est accepté par l'homéopathie, qui ne reconnaît aux médicaments qu’elle emploie que des forces dynamiques virtuelles, dont l’aperception s’accomplit à l’aide de la sensibilité nerveuse; pour l’atténuer, comme il échappe à nos sens, il faudrait peut-être sc borner à réduire les passes; par là on diminuerait son influence. C’est là un point d’étude fort intéressant pour les magnétiseurs. L’embarras d’Hahnemann dut cire grand.

quand cc problème, si difficile à résoudre, lui fut posé relativement aux substances qu’il avait déjà étudiées.....

Chaque jour nos adversaires, s’appuyant sur l’antiquité, nous répètent, comme écho do leur expérience, que les fortes doses de médicaments sonl indispensables pour la curation des maladies. Vous savez par quel endroit ils pèchent ; vous savez qu’ils ne connaissent nul des effets dirccls des substances qu’ils administrent, et ils sonl satisfaits malgré leurs échecs nombreux..... Ce point de contact existe entre vous et l’ancienne médecine, mais vos raisons, ainsi que les siennes, sont bien futiles vis-à-vis la loi des analogues. Seriez-vous disposés à la nier, celle loi,

messieurs les magnétiseurs ?..... Le vitalisme de votre

moyen curateur vous impose l’obligation expresse de croire à 1 homéopathie et d'adopler ses formes posologiques, qui doivent ajouter tant de puissance à cette émanation vitale qui s’échappe de tout votre être. Veuillez donc bien ne pas trouver mauvais que nous la maintenions, celte atténuation, surtout dans ces pertes utérines qui menacent de la mort.

TAXIL, d. m.

Ce Journal accueillait, le 19, une nouvelle réfutation de -M. Jos. Iîarlhet, ainsi conçue :

M. le Dr Taxil, dans 1 Orléanais du 11 de ce mois, faisait aux magnétiseurs un reproche dont j'ai cru faire justice dans Y Abeille du i5. Mais dans \'Orléanais d’hier, M. Taxil, s’adressant à M. Thienette, réitère son reproche aux magnétiseurs, et nous oblige à lui répéter à notre lour que Hahnemann s’est trompé, comme il arrive nécessairement à tous les hommes entichés d'un système. Il n’est pas logique de vouloir

assujettir l’emploi (lu magnétisme aux mesures de prudence que devraient toujours inspirer les remèdes ordinaires, par la raison toute simple que la nature de l’un et des autres est diamétralement opposée : le magnétisme, c’est la vie même, tandis que les drogues sont des destructeurs de la vie, des poisons qui, dans certains cas, deviennent peut-être inoffensifs, salutaires même, mais à la condition d’être donnés à propos et à des doses convenables : deux questions de pathologie et de thérapeutique toujours plus ou moins obscures!.... Les homéopathes ont contourné la difficulté, disent-ils, en réduisant les doses de manière à ne produire aucun effet lorsqu’ils se trompent, et à faire du bien quand ils rencontrent juste. Je les crois sur parole, n’ayant moi-même aucune compétence en ces matières ; mais, à l’endroit du magnétisme, j’ai peut-être quelque avantage, et je trouve qu’il est peu raisonnable de redouter jamais les doses de vie trop massives, pour me servir de l’expression de M. le Dr Taxil, surtout dans le cas cité par Hah-nemann , celui d’une hémorrhagie utérine qui est près d’occasionner la mort !...

Pour démontrer l’absence de lout danger, ou plutôt l’indispensable nécessité de magnétiser plus ou moins longtemps, et de telle ou telle manière, je citerai quelques exemples. Je ne les choisirai point au hasard, parce que la nature et la gravité de la maladie ne font rien ici, et je ne nommerai pas tout à fait les personnes, dans la crainte qu’il ne s’en trouvât d’un esprit assez mal fait pour s’en fâcher; mais si M. le Dr Taxil veut bien nous faire plus d’honneur que ne nous en ont fait la plupart de ses collègues les allopalhes, nous aurons le plaisir de lui faire tou-

cher la chose, non pas seulement du doigt, mais à pleines mains.

Mme D..., rue Désirée : névralgie faciale, qui l’empêchait de dormir depuis une quinzaine de nuits. Une seule séance de magnétisme fut suffisante pour faire cesser toute douleur et amener le sommeil ; mais cette séance dura trois quarts d'heure, parce que le résultat ne put pas être atteint plus tôt.

Mu* M....., rue Dauphinc : Rage de dents depuis

trois jours, que les compresses de laudanum ne calmaient point. Je magnétisai localement durant trois quarts d’heure, sans succès; mais soupçonnant une action contraire de la part des compresses, je les fis enlever, et il me suffit alors de dix minutes pour que toute douleur cessât et que la malade sentît le besoin de dormir. La guérison était complète.

Mme D...., rue Saint-Pierre : névralgie faciale depuis trois jours. Je fis rejeter l’emplâtre cl la flanelle d'opium et de morphine, et j’imposai la main vingt minutes, ce qui amortit les douleurs et procura une bonne nuit.

Mme A...., rue Bourgogne, ne dormait pas depuis sept nuits, souffrant trop d’une sorte de panaris au pouce, où le médecin avait inutilement donné un coup de bistouri. Il ne me fallut ici qu’un quart d’heure pour amener le sommeil avec la fin des souffrances.

M“" D..., rue Saint-Philippe : contusion à l’épaule et perte de l’usage du bras depuis quatre jours, après une chute. Il me fallut magnétiser trois quarts d’heure pour produire un simple déplacement de la douleur, qui resta fixée au coude ; mais le lendemain, il me suffit d’un quart d’heure pour l’entraîner par les doigts.

Al. D..., garde-magasin de ia Douane,avait de fréquents maux de tête, que l’imposition des mains calmait après une action d’environ une demi-heure; mais il n'en a été débarrassé (pie par une magnétisation répétée plusieurs jours.

M. L..., notaire de la Douane : névralgie faciale et froid habituel des pieds. L’imposition de la main calmait les douleurs après une action d’une demi-heure, et quelquefois plus, mais ce n’a été qn’après des séances répétées qu’il a été débarrassé de ces deux incommodités.

Armanda, Agée de huit ans, filledu précédent : rhumatisme aigu aux deux genoux, maladieainsi qualifiée par la médecine, et traitée pendant trois ou quatre jours, secundum arlem, mais sans succès. M. Morphy, après une séance d’une demi-heure, entraîna les douleurs aux pieds, où elles semblèrent vouloir se fixer; mais remplaçant M. Morphy, qui était exténué, je fis quelques insufflations qui les en firent bientôt déguerpir, el l’enfant passa des cris déchirants à la joie la plus vive, qui gagna les nombreux témoins de cette scène. Une seconde séance le lendemain malin, et le soir une troisième, qui fil dormir l’enfant quatorze heures d’un sommeil non interrompu, rendirent la guérison parfaite.

M. Mace, ancien membre du barreau : rhumatisme à l’épaule. Le biologiste Fiskc le tapa, l’an dernier, selon sa méthode, mais sans succès. M. Peyrat, plus heureux, le magnétisa dix ou douze jours, environ une demi-heure chaque fois, et le. mal disparut.

Mrac L,..., rue Claiborne : névralgie à la nuque. Deux médecins la traitaient en vain depuis six mois, et il suffit à M. Léaumont de la magnétiser quatre jours, une demi-heure chaque fois, pour provoquer

une forte transpiration, et avec elle la cessation tic la douleur j qui n’a plus reparu.

Rachel, âgée de vingt-deux ans , esclave de M. S..., rue Marigny : crises hystériques et autres désordres, pour lesquels elle a élé soignée depuis trois ans par plus d’un médecin et deux empiriques. Dès que je la vis, le i4 août dernier, je la somnambulisai en trois minutes, en présence de M. el Mme S...., du professeur Flandcrs et du capitaine l’aine. En quelques instants, le magnétisme prouva son action analogique : la malade, qui ne souffrait ppinl d'abord, souffrit alors de partout; elle se contordait, prenait mes mains et les portait successivement à l’épigastre, sur l’abdomen, à la tôle, la poitrine, les épaules, les flancs, les genoux, clc. Ce manège dura plus d’une heure, après quoi, ne souffrant plus, elle nous dil qu’elle n’avait pas élé bien trailée; que pour sa maladie il ne fallait pas de drogues, mais seulement le magnétisme et quelques bains. Elle ne voulut être réveillée qu’après une séance de deux heures et un quart. Les séances furent continuées, mais en diminuant dans leurs elfets et leur durée, et le 3o septembre, llachel nous dil qu’elle était guérie : ou n’a qu’à la voir.

Monrose, nègre de quarante-sept ans, hystérique, et donl l’état fut décrit par M. le Dr Deléry, dans VAbeille du ier décembre 1849 (1), soulagé beaucoup par la médecine, mais non guéri, me fut amené en septembre dernier.

Ici peut-être la passe hahnemannienne de M. Taxil aurait eu quelque valeur, puisqu’il suffisait de 5o à 35 secondes pour que Monrose passât de l’état de

(1) Voyez Journal du Magnétisme, tome IX, p. 15

veille à l’élal somnambulique, calaiepliquc el extatique. Il recouvra bientôt l’appétit et le sommeil. Dans les premiers temps, il ne demandait à être retiré de cet état qu’après une séance de plus d’une heure; mais, plus tard, c’est à peine s’il dormait un quart d’heure. Tous les jours il répétait, en somnambulisme : « Il ne mc faut pas de drogues ; le sommeil de la mort (l’état magnétique) guérira ce cadavre, etc., etc. »

J. B.

On lit clans le numéro du même jour, à la suite de l’article qui précédé :

Monsieur le rédacteur de l’Orléanais,

Dans le numéro de votre journal du 11 courant, nous avons parlé au point de vue homéopathique du magnétisme, comme moyen curatif puis ant de l’hé-morrhagic utérine arrivée à son dernier terme. A cc sujet, nous en avons conseillé l’administration à dose atténuée, parce que ce moyen thérapeutique, si différent des autres remèdes, suivant Hahnemann, agit d’une manière homéopathique en excitant des symptômes analogues à ceux de la maladie. Nous avons osé le définir une transfusion de la vie ; nous aurions dû dire de son élément animateur, pour harmoniser son concours utile dans cc cas avec la transfusion du sang ou de son principe excitateur. Mais là n’est pas la question ; une petite noie de notre maîlrc, qui résume son opinion scientifique sur cet agent, qu’on ne connaît comme les autres que par ses effets, nous a attiré, dans les colonnes de ïAbeille, une réponse dont les initiales qui la suivent et le ton d’urbanité qui y règne nous décèlent l’estimable président de la Société magnétique de la Nouvelle-Orléans. Voici

notre réponse, que des circonstances indépendantes de notre volonté ont empêché de paraître.

Oh! sans doute, M. J. I»., Hahnemann n’a pas pu savoir tout... Mais, en matière médicale, il a su plus que tons scs devanciers, puisqu’il en a le premier formulóla vraie, la suprême loi! Or, il est bien convenu que le magnétisme rentre dans le domaine de la thérapeutique; il était donc logique que notre maître le pliât sous la loi des analogues, et qu’il signalât les dangers de ces longues magnétisations, qui no

sont pas toujours exemptes d’orages____11 avait donc

le droit d’avoir sur ce point son opinion. Il est vrai qu’il n’était pas magnétiseur comme le grand Mesmer, mais il est à supposer que celui qui a fait de la matière médicale l’étude de toute sa vie, n’a pas omis de soumettre au creuset de sa savante expérience les ressources magnétiques qu’il déclare être souveraines dans les cas appropriés. Vous nous renvoyez aux faits, M. J. B.,mais quel homme, plusqu’Hahne-mann , a subordonné à leur puissance irrésistible toutes les théories? Ne dites donc plus, je vous en conjure, qu’il a fait les siennes peut-être dans le fond de son cabinet : c’est là qu’il les a vues toutes s’évanouir à la voix de l’expérience pure.

J’ignore quelle est la puissance de l’argument que vous tirez, M. J. B., de ce qu’à l’époque où Hahne-mann écrivait, on avait moins vu que de nos jours. Mesmer, Deleuze, I’uységur, Hahnemann, étaient presque contemporains, et la mort de ce dernier, en i843, il n’y a pas dix ans, l’a mis à même de connaître les progrès les plus récents du magnétisme.

Ce n’est pas seulement quelquefois que le magnétisme guérit homéopathiquemont ; on n’a qu’à en étudier l’effet, qui est de régulariser, de diriger la

force vitale. Aubin-Gauthier a dit les forces vitales, pour qu’on comprenne la nécessité indispensable de ne l’appliquer que par voie d'appropriation, d analogie, à titre de spécifique, et partant à doses très-at-ténuées, pour éviter l’aggravation que peut entraîner l'amoncellement d’une trop grande quantité de fluide. Jésus disait à scs apôtres d’imposer les mains, et le médecin Luc, son disciple, raconte (chapitre YIII) que son maître ayant été touché au bord de sa robe par une femme malade qui n’avait pu guérir, il dit : « Quelqu’un m’a touché, car j’ai senli une vertu gui sortait de moi. » Et la femme n’eut plus de maladie..... Quelle simple, quelle sublime leçon de posologie magnétique! Vous y réfléchirez, M. J. B. Au reste, à la renaissance des arts, on parlait beaucoup de la médecine d'attouchement. En 1600, Yan Helniont et Maxwell, dit Aubin-Gauthier, l'appelèrent magnétisme. Mesmer substitua à la forme ancienne le loucher à dislance, dont Hahnemann a déterminé la dose.

Que deviendraient les magnétiseurs, si Hahnemann ne se trompait pas ? Ils n’auraient plus qu’à faire un geste, presque un salut de la main.... Mais que sont devenues, pour les homéopathes , ces magnifiques officines à colonnes, à portiques, ces larges flacons de cristal, ces riches vases de porcelaine, surchargés d’étiquettes dorées? Elles se sont transformées en petites boîtes de poche, bien plus utiles à l’humanité que ne l’ont jamais été ces somptueux établissements.

Simple disciple d'IIahnemann , nous n’invoquons, comme lui, que les faits, et nous répétons que l’action dynamique du magnétisme sur l’organisme humain réclame, pour que celui-ci en ressente les heureux effets, une application atténuée.

Nouvelle-Orléans, 19 mars 1851. TAXIL, d. m.

Le 20, ou lisait encore dans la feuille précitée :

M. le Dr Taxil, dans l'Orléanais d’hier, a cité M. Aubin-Gauthicr, auquel il semblerait attribuer la recommandation d’appliquer le magnétisme à doses très-atlénuées. Nous aimons à croire que M. Taxil n’a eu sons la main qu’une édition contrefaite de l’excellent Traité pratique dans lequel M. Gauthier a résumé les grandes autorités magnétiques; du moins voici ce que nous trouvons dans la nôtre :

Page 7 : « Il est des malades sur lesquels on agira « en deux ou trois minutes; chez d’autres, il faut « plusieurs jours, et chez quelques-uns plusieurs « mois. »

Page 2qo : « Les premières séances doivent C'tre

« d’au moins trois quarts d’heure..... Aux séances

« suivantes, il suffit d’une demi-heure. »

Page 9 : « Les guérisons ne sont pas toujours prête cédées' par des efTets qui annoncent son action, et « il ne faut pas se décourager trop vite. » Relativement à la guérison instantanée rapportée par saint Luc, et citée par M. Taxil, nous croyons devoir encore citer les paroles pleines de réserve de M. Gauthier :

Page 45 et suivantes : « Sans entendre autrement « rapprocher les actes magnétiques des incompara-« blcs guérisons opérées par Jésus-Christ, je rap-« pellerai qu’ayant été touché, au bord de sa robe,

« par une femme malade, celle-ci fut guérie; mais « Jésus dit aussitôt : — Qui est-cc qui m’a touché? « — Comme tous s’en défendaient, Pierre et ceux « qui étaient avec lui, lui dirent : — Maître, la foule « vous presse et vous accable, cl vous demandez qui « vous a louché? — Jésus leur répondit : — Quel-

« qu’un m'a touché ! car j’ai senti une vertu qui sor-

" TAIT DE MOI. »

Ces paroles de Jésus-Christ ont, dans la bouche tic saint Luc, un caractère particulier qui intéresse aujourd’hui très-vivement le magnétisme; car saint Mathieu, qui était un receveur de deniers publics, ne parle pris de la vertu sortie du corps de Jésus-Christ : il ne cite que la guérison ; saint Marc, disciple de saint Pierre, qui était un pêcheur, dit simplement que. Jésus, connaissant en lui-même la vertu qui était soi lie de lui, se retourna vers la foule et dit : « Qui est-ce qui a touché mes vêtements? » Saint Jean ne dit rien'sur ce sujet; saint Luc seul rapporte donc ces paroles tout à fait rationnelles , et qui se comprennent d’elles-mêmes : « Quelqu’un « m’a touché ! car j’ai senti une vertu qui est sortie « de moi ! »

Pourquoi cette supériorité de saint Luc sur les autres évangélistes? Pourquoi celte phrase caractéristique de la vertu attribuée à un simple attouchement? C’est que saint Luc était médecin ! Son évangile oll're même cette particularité médicale et magnétique , qu’il est aussi le seul des évangélistes qui dise de la femme malade : « Qu’elle avait dépensé « tout son bien avec les médecins, et qu’aucun n’avait « pu la guérir. »

La guérison, pour saint Luc, était due à la vertu sortie du corps de son divin maître.

Or, la vertu magnétique qui résidait à un degré incomparable en Jésus-Christ, existe à un degré inférieur chez tous les hommes, et chaque fois que le magnétiseur impose les mains, il sort une vertu de lui.

L’action magnétique épuise donc doublement celui qui l’exerce: d’abord les mouvements réitérés qu’il

est obligé de faire fatiguent ses organes ; ensuite, il use ses forces vitales; il a donc le plus grand intérêt à les ménager, el quel que puisse être son désir de rendre service à ses semblables, ou même son amour immodéré du gain , il ne peut aller au-delà de ses propres forces.

Ces explications doivent suffire pour prouver que l’office du magnétiseur et celui du médecin sont bien différents; un médecin verra cent malades en un jour et leur donnera d’utiles avis; un magnétiseur ne peut en traiter qu’un petit nombre : l’un parle , l’autre agit.

i. B.

Le courtois Docteur rétorqua dans le numéro du 22 :

A Monsieur le rédacteur de Y Orléanais :

Monsieur,

Nous nous y attendions, l’opposition mesmérique s’est concentrée dans la main de M. J. B. Elle aura par là plus d’unité, puisse-t-elle avoir plus de force! Nous persistons toujours dans le reproche homéopathique que nous adressons à messieurs les magnétiseurs, et nous nous étonnons qu’on ait eu le courage de répéter que « llahnemann s’est trompé, comme il arrive nécessairement à tous les hommes entichés d’un système. »

llahnemann s’est trompé!.....Et c’est vous, monsieur J. B., qui osez l’affirmer ! Mais, pour le juger, avez-vous les qualités requises? C’est une nécessité de son entêtement systématique, dites-vous? Mais l’homéopathie est plus qu’un système , l’homéopathie est plus qu’une méthode, c’est une doctrine entière, complète puisqu’elle repose sur une vérité première,

sur un principe unique, sur le dynamisme vital; entière, parce qu’elle s’applique à tous les cas de maladie possibles ; complète, puisqu’elle relie, qu’elle embrasse, qu’elle entraîne les quatre colonnes cardinales de l’édifice médical : la physiologie, la thérapeutique, la pathologie, la matière médicale; qu’elle a pour principe physiologique le dynamisme vital , pour loi thérapeutique celle des analogues, les spécifiques, pour élément pathologique la nature dynamique des maladies, et pour base de matière médicale l’action dynamique des médicaments.

Hahncmann s’est trompé !... Vous voilà lancé dans les eaux de l’allopathie; et pour prouver son illogisme, vous distinguez matériellement le magnétisme des remèdes ordinaires, par la raison toute simple que la nature de l’un et de l’autre est diamétralement opposée.... J’ai pesé avec beaucoup de soin cette assertion, et malgré mon respect pour votre bonne foi et votre judiciaire bien connue, comme je n’ai pu m’empêcher de remarquer qu’elle n’était point marquée au coin de l'unité delà vie, qu’il fallait vous faire observer , qu’ainsi qu’une balle de plomb et une plume se meuvent avec une égale vitesse dans un tube privé d’air, malgré la différence de leur pesanteur spécifique, l’action dynamique des médicaments malgré leur nature diverse, s’exercera également sur la vie, sur ce principe unique, identique partout dans ses infinies variétés. Je le sais, vous dites, vous : Notre magnétisme est loin d’être aussi toxique que l’acide arsénieux, de là l'indispensable nécessité d’atténuer infinitésimalcnient ce dernier, tandis qu’on peut user démesurément du second. Cette manière de raisonner serait parfaite, au point de vue chimique; mais le dynamisme vital ressent l’impression dynamique

du médicament, que celui-ci s'appelle acide liydro-cyanique, upas, ou camomille vulgaire, ou charbon végétal, etc. Ainsi donc, monsieur J. B., souffrez qu’en disciple fidèle de la doctrine hahnemannienue, nous insistions, dans l’intérêt de l'humanité, h propager cette réforme posologique du magnétisme, et cela parce que les doses massives de la vie sont d’autant plus redoutables, que les sources de celte dernière sont près de s’éteindre. En effet, que lui faut-il alors pour la réveiller ? Une simple insufflation, une légère imposition des mains, un tout petit contact de la robe de Jésus.... pour qu’une réaction salutaire s’opérant, l’affreux symptôme se taise, cl l’harmonie vitale soit rétablie.

Nous n’abordoos pas les quelques faits cités par M. J. B., non que nous en révoquions l’authenticité ni que nous reculions devant leur écrasante puissance; nous répondons seulement que tous les systèmes, toutes les théories ont toujours eu un grand nombre de pareilles armes à leur dévotion; nous nous bornerons à signaler, pour le moment, l’accroissement de souffrances de l’esclave Rachel, scs contorsions, elc. Pour nous, ils attestent que le magnétisme, qui seul est parvenu à la guérir, a élé administré à trop forte dose. Quant à Monrose, nous l’avons vu sous la perturbation intellectuelle dans laquelle le jetaient des passes continuées de trente à trenle-cinq secondes : évidemment elles étaient beaucoup Irop considérables.....

TAXIL.

Le 23, M. Taxil écrivait encore au rédacteur de VOrléanais: Monsieur,

Pour quiconque alu la réplique dernière de M. J. B.,

insérée dans votre numéro du 20, à notre lettre du 19 mars iS5i, il est bien avéré qu’on déserte le champ de bataille, c’est-à-dire qu’on semble ne plus oser soutenir l’utilité des doses massives. En effet, 011 évite de parler du fond delà question, pour nous attribuer, mal à propos, l’intention de recommander les doses très atténuées du magnétisme à M. Aubin-Gauthier, dont on aime à croire que nous n’avons de son excellent traité pratique qu’une édition contrefaite, el cela parce qu’on tire de ce livre des citations qui 11e nous ont pas paru utiles pour appuyer les réformes homéopathiques que nous soutenons, à l’endroit des doses mesmériques. Nous négligerons ces arguties; nous n’ajouterons rien non plus au fait merveilleux cité par le médecin Luc, si explicite en matière de l’atténuation des doses , quelle que fût la puissance magnétique de l’homme dont le simple contact de la robe avait suffi pour guérir une maladie..... Nous n’ajouterons rien, parce que l’encadrement dont on l’a orné, tiré de l’ouvrage d’Aubin-Gau-thier, ne corrobore en rien l’opinion qu’on soutient contre nous. A quoi nous sert aussi de savoir ce qui sc passe dans les rapports magnétiques entre l’agent et le patient? Mais ce que nous tenons à cœur de désavouer, c’est que l’office du magnétiseur et celui de médecin sont différents, parce qu’un médecin (ajoutez allopathe, s’il vous plaît) verra cent malades en un seul jour, et qu’un magnétiseur ne peut en traiter qu’un petit nombre : l'un parle, dit M. J. B., l autre agit. Cette distinction nous paraît futile ; le magnétisme est un moyen thérapeutique, et, à ce titre, il appartient à la médecine exclusivement; lorsque ses effets purs seront mieux connus, et qu’on sera, par ce motif, forcé de l’administrer, comme tous les au-

très médicaments, à doses atténuées, pour atteindre plus sûrement, plus promptement, plus agréablement la guérison, on aura contre une foule de ces phénomènes dits nerveux, si rebelles à la médecine ancienne, un remède assuré : c’est vers col heureux moment que tendent tous nos vœux. Espérons !

TAXIL.

L'Orléanais du 25 inséra la lettre suivante Monsieur le rédacteur,

Ilahnemann est pour le Dr Taxil cc que Mahomet est pour les Turcs : Dieu n’a pas d’autre prophète, et j’ai commis une monstrueuse hérésie en osant supposer que Ilahnemann ait pu se tromper! Le fervent disciple me pardonnera-t-il, au moins, de relever quelques-unes de ses propres inexactitudes?... Que j’aie bien ou mal compris une de ses phrases, el que, pour rétablir la vérité, j’aie cité les paroles mêmes de M. Aubin-Gauthier, que M. Taxil me semblait avoir invoquées à rebours , cst-cc une raison de dire que « je déserte le champ de bataille, » que « je semble ne plus oser soutenir l’utilité des doses massives, » que «j’évite de parler du fond de la question ?...» Il fallait dire que je laissais parler M. Gauthier; il fallait remarquer les guillemets, et ne pas souligner quatre mots de M. Gauthier, non de moi, qui ne renferment point une épigramme, car l’auteur, en les écrivant, ne pensait ni au médecin Taxil, ni au magnétiseur J. B.... Non, je n’ai pas déserté le champ de bataille, mais je vais le déserter tout à l’heure; aussi bien les lecteurs de l'Orléanais pourraient trouver qu’à propos de doses plus ou moins atténuées, nous leur en don-

nons de trop « massives. » Néanmoins, je me cramponne toujours à la question, Gauthier d’une main et du Potet de l’autre. Je citerai même une autre autorité, sans doute inconnue de M. Taxil : je veux parler de l’habile chirurgien James Esdaile, de Calcutta, qui a fait des magnétiseurs de tous ses infirmiers, et pratiqué pendant vingt mois, sous les yeux et l’autorité du gouvernement anglais, des centaines, des milliers peut-être d’opérations chirurgicales sur des malades rendus insensibles par les doses massives tant redoutées de M. Taxil; le môme Dr Esdaile, qui par le magnétisme, répété plusieurs semaines, a débarrassé une demoiselle Wilson d’une énorme chaîne de glandes, hautes de trois doigts, et s’étendant depuis l’oreille jusqu’à l’épaule; le même M. Esdaile, qui a eu l’heureuse idée d’employer quatre magnétiseurs à la fois, sur le même malade, dans des cas extrêmes de tétanos, et guéri les malades ü... M. Taxil écrivait dernièrement que « il expliquait les faits ! » Les malades ne lui demandent pas d’explication, mais qu’il produise d'heureux résultats. M. Taxil semble dire que ce que Jésus-Christ faisait, le premier venu pouvait

le faire!.....Nous pensons bien différemment; mais

M. Taxil n’est que médecin, et pas du tout magnétiseur ; il explique les faits, mais il ne les observe pas : « A quoi nous sert, dit-il, de savoir ce qui se passe dans les rapports magnétiques entre l’agent et le patient ? » Cela lui servirait, en ce qu’il ne prétendrait pas expliquer ce qu’il ne peut comprendre. Il affirme que Rachel aurait été mieux guérie par une simple passe que par des séances longues et répétées. Qu’en sait-il?... Puis, « il a vu Monrose dans la perturbation causée par des passes trop considérables ! » Or, ce malade n’a jamais été l’objet d’aucune passe. Mais

j’oublie que II. Taxil n’est point magnétiseur, el qu'il peut fort bien ignorer le sens du mot passe. Je m’abstiens de citer encore Gauthier, mais je renvoie, pour la signification de ce mot, au Traité pratique dont nous avons déjà parlé, lit, pour en finir, et en attendant que les homéopathes renferment les magnétiseurs dans leurs petites boîtes de poche, comme ils ont déjà fait des « grandes officines à portique, etc., >• j’engage tout le monde à lire l’ouvrage cité de Gauthier, de même que le Manuel de l'Étudiant magnétiseur, par RI. du l’otel. On les trouve chez les libraires, et on peut les consulter à la bibliothèque de la Société magnétique, passage de la Bourse, 26. La question du magnétisme intéresse tout le monde, puisqu’il s’agit delà santé, etil faut tout simplement du bon senspour la juger. Le temps viendra où le magnétisme fera partie de l’enseignement primaire.

J. II.

Les choses 11e pouvaient en rester là, aussi M. Taxil répondit-il, dans le numéro du 2G :

A M. le rédacteur de l'Orléanais.

Monsieur,

Bon! après Hahnemann, notre tour arrive: 011

nous accuse d’inexactitudes..... qu’on 11c prend pas

la peine de prouver. Il est vrai qu’on nous parle encore d’Aubin-Gauthier et de M. du Potcl, car si M. J. B. n’est pas musulman, il a aussi ses Mahomet«. Or, M. du Polct, à la page 609, neuvième volume du Journal du Magnétisme, qu’il dirige, dit :

« Le magnétisme s’extrait aussi de la fournaise « humaine, il est teint de la vie, et c’est là ce a qui lui donne ces grandes vertus; résumé parfois,

« il est la scmcncc éthérée doni Dieu so servit pour « animer lo mondo, et c’est ainsi que tout ce qu’il « produit se ressent de sa céleste origine. A peine « introduit dans un corps froid, il le réchauffe, l’a-« nime; les fluides stagnants circulent, el puis s’ac-« cumulant déplus on plus, il vous avertit, par de « fortes secousses, qu’il est temps de cesser vos émis-« sions magnétiques. Si vous continue/., le corps sc « convulse, tout s’exalte; la vie commence à être op-« primée. »

Comprenez - vous, messieurs les magnétiseurs, c’est un do vos plus grands maîtres qui parle!.....

Los faits du DrEsdaile, de Calcutta, nous sont connus; et ce n’est pas en disant : Vous ne connaissez rien au magnétisme, vous n’êtes pas magnétiseur, qu’on éclairera la question des doses. De pareilles affirmations, outre qu’elles sont gratuites quand elles sont erronées, ne peuvent rien; aussi nous dispenserons-nous de dire à M. J. B., moins âgé que nous, qu’il y a trente ans, durant nos études médicales à Paris, nous avons cultivé le magnétisme sous un de ses plus fervents adhérents, aujourd’hui professeur à la Faculté ; que pendant douze ans do notre pratique allopathique, nous y avons eu recours comme auxiliaire de nos faibles ressources médicamenteuses d’alors; que nous avons essayé quelquefois de la clairvoyance somnambulique, que toujours notre attente a été loin d’être satisfaite; que dimanche dernier, seulement, nous avons été témoin d’un fait très-intéressant d’insensibilité magnétique : qu’une femme enceinte, parfaitement somnambule depuis quelques années, veut appliquer à son accouchement, dont elle a prédit dans son sommeil le terme et le sexe de l’enfant, qu’elle affame n’être que do huit

mojs.....Choisi par elle comme accoucheur, nous

promenons d’eu donner la relation la plus exacte, la plus complète.

M. Taxil n’est que médecin, et que voulez-vous qu’il soit encore? Qu’il soit magnétiseur? Mais qu’est le magnétisme?Un moyen thérapeutique qui ne peut être manié puissamment que par les médecins. Soyez donc vous-mêmes médecins, messieurs les magnétiseurs , et vous comprendrez toute l’exaltation de la loi générale de l'analogie, de l’harmonie, et 1 indispensable utilité des doses atténuées, des doses hahne-manniennes.

Nous croyions à la retraite; ce n’en était qu’un simulacre. Si la continuité du débat peut être agréable à vos lecteurs, nous le verrons se prolonger avec plaisir; car l’homéopathie, dont nous sommes l’apôtre, intéresse tout le monde, puisqu’elle s’occupe de la santé, et qu’il faut tout simplement du bon sens pour la juger. Le temps viendra où elle fera non-seulement partie de l’enseignement officiel, mais encore où elle envahira en souveraine tout le domaine scientifique. Espérons ! espérons sans cesse !

TAXIL, d m.

Enfin un nouvel adversaire entre en lice; voici sa lettre, publiée par VOrléanais du 28 :

Monsieur le rédacteur,

J’ai suivi avec intérêt la lutte scientifique établie entre un médecin homéopathe et un magnétiseur, tous deux de cette ville. Je me plais à le reconnaître, il y a de part et d’autre courage et loyauté, et pourtant, je dois le dire, il n’est rien ressorti pour moi de cette discussion qui pût me faire décider de quel côté est restée la victoire; mais cela je ne l’attribue

pas au manque de développements dans lesquels sont entrés les deux champions, mais à ma connaissance imparfaite du sujet en question. L’homéopathie revendique comme siennes des guérisons qui me semblent trop surprenantes, trop inexplicables, pour qu’elles puissent être vraies. D’un autre côté , le magnétisme se pose en science cabalistique à laquelle ne serait initié qu'un tout petit nombre de personnes réunies en une société, la société des magnétiseurs.

Je me souviens qu’élanL à Philadelphie, j’eus occasion d’assister à une lecture que donnait une des sommités scientifiques de celte ville, et dans laquelle le magnétisme et l’homéopathie étaient littéralement traités de grcat humbug. Jusqu’aujourd’hui j’ai considéré cette définition comme la meilleure de toutes celles que j’ai entendues faire. Je ne suis pourtant pas de ceux qui doutent quand même, et pour me faire croire à l’une ou à l’autre de ces sciences, il suffit de me démontrer qu’elle a pour base la vérité.

Le D'Taxil, dans sa dernière lettre, a dit qu’il avait été choisi comme accoucheur d’une femme somnambule qui avait prédit le sexe de l’enfant qu’elle devait mettre au monde, et en même temps le jour et l’heure précise où elle acoucherait. Je ne mets pas en doute la véracité de celui qui avance un fait aussi prodigieux, si la prédiction se réalise; cependant j’avoue que j’aime à ne croire aux choses que lorsqu’on m’a mis le doigt dessus. Je désirerais donc m’assurer par moi-même jusqu’à quel point est justifiée l’éton-nante prédiction de cette femme, ou au moins j’aimerais à entendre attester le fait par plusieurs personnes qui ne seraient ni des magnétiseurs, ni dis homéopathes. Agréez, monsieur, etc.

R*«*.

A code lioutadc, M. liarlhct répondit dans le même journal :

Nous lisons dans l'Orléanais d’hier matin une lettre d’un M. R..., qui n’est ni médecin ni magnétiseur, et qui traite le magnétisme de « science cabalistique à laquelle ne sont initiées qu’un petit nombre de personnes !.....» A un esprit aussi peu éclairé, il n’y a

malheureusement rien à répondre; car 011 11c ferait point son éducation magnétique avec des articles de journal. Il faut donc se résigner à le plaindre, en attendant que la lumière se fasse pour lui, ou bien l’inviter à se présenter au siège de la Société magnétique, où il apprendra gratuitement une portion de ce qu’il ignore.

Mais ceux qui ont pu suivre la contestation entre le médecin et le magnétiseur ont fort bien compris que le magnétisme n’était point en question, lin effet, il n’y a pas aujourd’hui un homme de quelque sens qui doute. Il ne s’est agi que du mode d’application. Le médecin a cité un passage do M. du Potet, qu’il appelle avec raison « un de nos plus grands maîtres », nous sommes d’accord; mais comme le passage cité pourrait ne pas sembler assez clair aux lecteurs de la force de M. R. , nous venons ajouter les lignes suivantes, du même auteur, copiées du Manuel de l’E-ludiant magnétiseur, 2e édition, iS5o.

Page 44 : «Vos efforts de volonté doivent être puis- . sanls, prolongés, pour être efficaces... »

Page 45 : « Une magnétisation fait ordinairement « peu de chose dans les cas extrêmes ; ce n’est que dans « le commencement qu’on peut les enrayer en ehan-« géant les symptômes par quelques heures de ma-« gnétisation... »

Page 2Ôi : «Dans les circonstances graves, le temps

« ne doit point être mesuré; la prolongation de la « vie dépend souvent des efforts que vous ferez. J’ai « cilé de ces cas : le choléra, par exemple.... »

Relativement à la prévision de la somnambule enceinte, nous regrettons que le médecin en ait parlé si tôt. Il ne l’a vue qu’une seule fois, sur l’invitation du magnétiseur, el il l’a trouvée parfaite, tandis que le magnétiseur ne la trouve bonne que dans certains cas. Quoi qu’il en soit, la prédiction est écrite et le fait sera vérifié. Si M. R... avait plus de confiance encore en ses propres lumières qu’en celles de « plusieurs personnes qui ne seraient ni des magnétiseurs ni des homéopathes, » il est prié de venir nous le dire. Peut-être réussirons-nous à le gagner à la grande cause de l’humanité, et augmenterons-nous ainsi le « petit nombre des initiés » qui grossit tant de jour en jour !....

J. B.

On lisait dans le numéro du 1er avril :

A Monsieur le rédacteur de l'Orléanais.

Monsieur,

Il est vrai , nous n’aurions pas dû nous hâter de parler si prématurémentdu singulier phénomène magnétique dont nous a rendu témoin , le 23 du courant, le puissant magnétiseur M. L..., qui, nous le déclarons ici, nous a choisi, sauf l’agrément de la femme enceinte, pour veiller à son accouchement.

Nous avons déclaré cette somnambule parfaite, le

mot paraîtra exagéré à certains......... Je p/ace hors

de cette ligne messieurs les magnétiseurs: que voulez-vous? cinq ou six minutes de pression avec les doigts allongés sur les tempos du sujet suffisent pour le jeter

dans un sommeil profond qui résiste à la douleur physique du pincement violent de la peau. La femme endormie répond ensuite nettement, lucidement à toutes les questions que son magnétiseur lui adresse; elle établit un point de doctrine obstétricale encore contesté aujourd’hui, nous satisfait enfin en tous points ; nous l’avons gratifiée d’une épithôte incompatible avec la nature humaine, nous espérons qu'on voudra bien ne la prendre qu’au point de vue de sa relativité.

Quant à la lettre de M. II..., nous sommes complètement de l’avis de M. J. B... , et comment voulez-vous que celui qui se déclare étranger à tous les éléments scientifiques des points qu’il ne craint pas d’aborder , ne désire pas voir de scs yeux, toucher de ses mains, etc., ne se défie pas des assertions el des magnétiseurs et des homéopallies traitant de leurs faits et gestes? la défiance n’est-elle pas l’arme commune des incrédules?

TAXIL, d. m.

30 mars 1851.

Ici la question change de face; il ne s’agit plus de théorie, de rivalité de système, de prééminence magistrale; mais de faits, et, sur ce point, magnétiseurs et homéopathes sont d’accord.

A Monsieur le rédacteur de l’Orie'anats.

Monsieur,

M. le Dr Taxil, dans sa lettre insérée dans votre journal du 26 mars dernier, parlait d’une prédiction somnambulique dont il sc proposait de rendre compte; mois comme elle n’a pu être vérifiée que partiellement, il juge sans doute qu’il est peu utile d’en donner connaissance à vos lecteurs. Cependant,

>i je ne mo trompe, les faits constatés sont encore de nature à intéresser, et je viens vous les dire, vous laissant le choix de l’usage qu’il conviendra d’en faire.

Votre obéissant serviteur,

J. Ii.

accouchement, prévision, insensibilité.

II.....femme d’une trentaine d’années, mère déjà

de six enfants, et fort bon médecin de sa famille depuis que M. Léaumont l’a somnambulisée, fit une chute le 7 août i85o, vers les 9 heures du matin, en descendant un escalier. Souffrante, elle fut magnétisée dans l’après-midi de la même journée, et quand elle fui en somnambulisme, cl soulagée, elle dit «qu’elle avait eu ses menstrues les mardi, mercredi et jeudi précédents, et que le vendredi, 2 août, elle était devenue enceinte. » (J’écrivis cette noie le 8 août.) Quelque temps après elle dit encore, en somnambulisme, bien entendu, « qu’elle était enceinte d’uue fille qu’elle ne porterait que huit mois,» (El cette note encore fut écrite aussitôt.)

Dans le mois d’oclobre , somnambulisée en ma présence, elle répéta les mêmes choses; et comme elle se plaignait de la faiblesse de scs reins, je suggérai au magnétiseur l’idée d’une ceinture de flanelle magnétisée. L’endormie accepta cette proposition et dit à M. Léaumont de porter lui-même celle bande de flanelle (doublée et faisant trois fois le tour du corps), dans une position semblable à celle que plus lard elle devait avoir sur elle-même , mais qu’elle ne la perdrait que lorsqu’elle entrerait dans le cinquième mois de sa grossesse, ce qui fut fait dès Je commencement de décembre, et a eu tout le succès désiré.

Dans un aulre sommeil, M. Léaumont lui ayant

demandé s’il pourrait la faire accoucher sans douleur, en somnambulisme, elle répondit que « oui : elle assisterait à ses couches comme si une autre femme accouchait. » D’autres fois, si elle souffrait, elle disait à son magnétiseur (endormie, bien entendu): « Magnétisez cette femme qui souffre beaucoup; » el lorsque la magnétisation l'avait calmée , elle reprenait : « Celle femme vous remercie. » Enfin elle dit : «Celte femme accouchera à la fin de mars, deux jours plus tôl ou plus tard. » M. Léaumont ne voulant faire l’expérience qu’avec l’assistance d’un médecin, obtint de M. le Dr Taxil de l’accompagner chez II... le y.7» mars dernier. Celle-ci, mise en somnambulisme, répéta ce qu’elle avail dit précédemment, et ajouta qu’elle accoucherait le jour, non la nuit; que les douleurs la prendraient vers les quatre ou cinq heures du matin, et qu’elle accoucherait vers les dix ou onze heures delà même matinée. Ma's le médecin voulant plus de précision , quant au jour , elle dit : « Le icr ou le 2. »

Eh bien, le 5i mars, vers les quatre heures du matin, H..... ressentit les premières douleurs, mais le

magnétiseur n’en fut prévenu que vers les huit heures. Pour faire avertir le médecin, et me rendre moi-même témoin de l’événement, il y eut quelque temps perdu. Le médecin arriva cependant assez tôt pour recevoir l’enfant, une fille, venue un peu avant l’heure prédite (c’était un peu après neuf heures) , mais M. Léaumont et moi n’entrâmes que lorsque l’enfant poussa son premier cri. La mère n’étant pas délivrée, M. Léaumont la mit en somnambulisme eu deux ou trois minutes, el lui dit alors : « Faudra l-il vous délivrer bientôt?» A quoi elle répondit : « On le peut à présent; c’est détaché. » Et le médecin fit

[a délivrance le mieux du monde, en quelques minutes, pondant lesquelles le dialogue suivant s'établit :

«Est-ce qu'on vous fait mal?

— Personne ne me touche. »

Puis elle s’entretint de son enfant, d’elle-même, demanda et but un verre d’eau sucrée, avec de l’eau de fleur d’oranger, et lorsque, réveillée, on lui déni nn da :

« Quand faudra-t-il vous délivrer?»

Elle répondit :

« Je crois qu’on peut le faire à présent.

— Eh bien ! c’est fait.

— Ah !je ne l’ai pas senti, alors !.... »

Somnambulisme depuis cette époque, elle a dit que.

sa fdle vivra, quoique venue à huit mois, de même que vit un autre de scs enfants venu pareillement à huit mois, et c’est là le point de doctrine contesté dont le médecin a voulu parler.

Les faits constatés sont donc :

i° L’annonce de la grossesse cinq jours après la conception ;

9° Le sexe de l'enfant;

5° Le terme de huit mois;

4° L’accouchement à la fin de mars;

5° Le jour, non la nuit;

f>° Les premières douleurs vers les quatre heures;

7° L’insensibilité à la délivrance.

L’erreur d’environ une heure sur le moment de l’accouchement est moins significative que l’erreur du jour occasionnée sans doute par l’insistance du médecin , et qui est pour nous une nouvelle preuve qu’il ne faut pas questionner les somnambules au-delà de leurs facultés.

Nouvelle-Orléans, le 14 avril 1851. J B.

Le Docteur a confirme ces détails par la déclaration qui suil Monsieur le rédacteur de l'Orléanais,

Nous serions désolé qu’on attribuât à notre éloignement pour le somnambulisme le silence que nous avons gardé sur le fait remarquable dont nous avons été témoin le 5i mars dernier, et que nous avions promis, clans une lettre du 26 expiré, de publier in extenso. On voudra bien observer que n’ayant parlé du magnétisme que comme moyen thérapeutique, el au point de vue de la loi des semblables, nous devions approuver la forme posologique sous laquelle on l'administre généralement , et inviter en même temps ù faire précéder son emploi de la connaissance de scs effets purs sur l’homme dans l’élat de santé.

Mais depuis longtemps la clairvoyance et l’insensibilité somnambuliques nous sont connues. Témoin des expériences de 1820 à l’Hôtel-Dieu de Paris; instruit, en leur temps, de la douloureuse opération subie par Mmc Plantain , à son insu, pour ainsi dire, après un sommeil magnétique dans lequel on l’avait plongée; des expériences du Dr Loysel à Cherbourg, de celles du Dr Esdaile, de Calcutta , nous savions à quoi nous en tenir sur cette ressource, à notre avis bien préférable, lorsque son emploi est possible, à l’éther sulfurique, qui nous a si bien servi à procurer une parturition insensible pour la mère, en 18/(8, dans l’entrepôt des hospices civils de Toulon, ainsi qu’au chloroforme, don t l’innocuité n’est pas constan te. Aussi unissons-nous en celle circonstance notre voix à celle M. J. IL.., non seulement pour confirmer tout ce qu’il nous a été permis d’observer dans le cas qu’il relate, mais encore pour engager à user plus largement de ce stupéfiant si inofiensif et si utile.

Nouvelle-Orléan.«, 16 avril 1851, TAXIL, d. m.

VARIÉTÉS.

Magie. — Un terrain était à vendre judiciairement dans une commune des environs de Paris. Personne n’y mettait l’enchère, quoique la mise à prix fût excessivement minime, parce que ce terrain était saisi au père G..., qui passe parmi les paysans pour un sorcier dangereux. Après une longue hésitation , un cultivateur, nommé L..., séduit j>ar le bon marché, sc risqua et devint acquéreur du champ.

Le lendemain de grand matin, notre homme, la bêche sur l’épaule, sc rendait en chantant à sa nouvelle propriété, quand un objet sinistre frappa ses regards. C’était une croix à laquelle était un papier contenant ces mots : « Si tu mets la bêche dans ce champ , un fantôme viendra te tourmenter la nuit. » Le cultivateur renversa la croix et se mil à travailler à la terre, mais il n’avait pas grand courage; il pensait, malgré lui, au fantôme qui lui était annoncé.

Il quitta l'ouvrage de bonne heure, rentra chez lui et se mit au lit; mais ses nerfs étaient surexcités, il ne put dormir. A minuit, il vit une longue figure blanche se promener dans sa chambre el s’approcher de lui en murmurant : « Rends-moi mon champ. »

L’apparilion se renouvela les nuits suivantes. Le cultivateur fut saisi par la fièvre. Au médecin qui l’interrogea sur la cause de sa maladie, il raconta la vision dont il était obsédé , et déclara que le père G... lui avaitjelé un sorl. Le médecin fit venir cet homme, et, en présence du maire de la commune, il Tinter-

rogea. Le sorcier avoua que, chaque nuit, à minuit, il se promenait chez lui, revêtu d’un drap blanc, afin de faire endèver l’acquéreur de son champ. Sur les menaces qui lui furent faites de le mettre en arrestation s’il continuait ses pratiques nocturnes , il se tint tranquille; les apparitions cessèrent, et le cultivateur retrouva la santé.

Comment ce sorcier, se promenant chez lui, pouvait-il être vu du paysan dont la demeure est à un kilomètre de distance ? Nous n’expliquerons pas ce phénomène, qui rentre dans le domaiue de la science; nous dirons seulement que ce fait n’est pas sans précédents, et qu’il s’appuie sur une autorité irrécusable , celle de M. le Dr Récamier.

Il y a quelques années, M. Récamier revenait de Bordeaux; il traversait en chaise de poste un village: une des roues de la voiture vint à se briser ; on courut chez le charron dont la demeure était près de là ; mais cet homme était malade au lit, el l’on fut obligé d’aller chercher un de ses confrères, qui demeurait dans le village voisin.

En attendant que l’accident fût réparé, M. Réca-mier entra chez le paysan malade, et lui adressa des questions sur l’origine de son mal. Le charron répondit que sa maladie provenait du manque de sommeil, et il ajouta qu’il ne pouvait dormir parce qu’un chaudronnier qui demeurait à l’autre bout du village, et à qui il avait refusé sa fille en mariage, l’en empêchait en frappant toute la nuit sur un de ses chaudrons.

Le docteur alla trouver le chaudronnier, et, sans préambule, il lui dit :

« Pourquoi frappes-tu toute la nuit sur Ion chaudron ?

— Pardienne, c’est pour empêcher Nicolas de dormir.

— Comment Nicolas peut-il t’entendre, puisqu’il demeure à une demi-lieue d’ici ?

— Oh ! oh ! reprit le paysan d’un air malin, je savons ben qu’il entend. »

M. Récamier enjoignit au chaudronnier de cesser son tapage, en le menaçant de le faire poursuivre si le malade venait à mourir. La nuit suivante le charron dormait paisiblement ; quelques jours après il reprit ses occupations.

Dans les considérations dont il accompagne le récit de ce fait, M. Récamier l'attribue au pouvoir de la volonté, dont on ne connaît pas encore toute l’énergie, et qui s’élait spontanément révélé à un paysan inculte.

Le phénomène, du reste, ne semblera pas extraordinaire à ceux qui sont initiés aux mystères du magnétisme. L’art est même parvenu, dans ces derniers temps, à en reproduire assez facilement beaucoup de semblables; M. du Potet en rend témoins chaque dimanche une centaine de personnes.

(Siècle).

Poésie. — M. Jobard nous a envoyé de Londres la pelile pièce de vers que voici :

LES DEUX VERSANTS.

Tel naît obscur dans une étable.

Sans feu ni lieu,

Qui devient un homme adorable Et même un dieu ;

Tel autre naît au son du fifre Kl du canon.

V90

Qui n’a «Vautre valeur qu’un clnilïc Suivi d'un nom.

Il est dans notre destinée ,

Double versant :

A l'un la fortune est donnée.

L’autre la prend ;

Mais quant aux enfants du génie,

Ces demi-dieux,

La terre n’est pas leur patrie,

Rien n'est pour eux ;

Colomb, De Caus et Galilée,

0 nobles fous !

Si vous causez dans l'Empyrée,

Que dites-vous Des sots qui vous font des statues Toujours trop tard,

Et qui feront mimes bévues Pour de Girard,

Mesmer, Hahnemann, et tant d’autres,

Persécutés Pour avoir été les apôtres De vérités Que le monde nie ou redoute,

Mais qu’avant peu Nos fils suivront comme la route Qui mène à Dieu ! ! I

JOBARD.

Revue des Journaux. — Jamais, peut-êlre, la presse parisienne ne s’est autant occupée du magnétisme que depuis six mois. Il n’est guère de jour qu'on ne rencontre un mot, une comparaison, un fait, une appréciation, etc., magnétiques dans quelqu’une des principales feuilles politiques. Ceci lient à plusieurs causes ; d’abord aux nombreux procès somnambuli-ques dont la plupart des organes de publicité ont répété les débats, puis surtout parce que la plupart

des journaux ont maintenant «les rédacteurs qui partagent nos idées. S’il fallait extraire à présent tout ce qui s’écrit ainsi, nous ne le pourrions plus : nous ne citerons dorénavant que les passages exceptionnels.

— L’Evénement du a5 février, dit, à propos de l’anniversaire de la Révolution :

«.....On a beau dire aujourdhui, à distance:

« Si on avait résisté, si on avait voulu! » Le fait est qu’on n’a ni voulu, ni résisté.

« 11 y avait pourtant là une armée nombreuse et dévouée, de jeunes princes populaires et braves , des généraux éprouvés et iidèles : le maréchal Bugeaud, le général Bedeau, le général Lamoricière ; il y avait une partie de la garde nationale, il y avait les fortifications..... Mais quoi! si le magnétisme, qui dans

certains cas se dégage d’un individu, suffit à endormir, à paralyser chez un autre l’énergie , que ne fera pas le fluide électrique qui jaillit de la volonté longuement amassée de tout un peuple ! »

— M. l’abbé Moignot, qui tenait le feuilleton scientifique de la Presse, vient d’être remplacé; ce poste important est occupé maintenant par M. Victor Meunier. Il a pris possession de ses fonctions en donnant une revue générale des sciences, sorte de cosmos, où le magnétisme est ainsi désigné, n° du 8 juin.

« Une science— ce n’est pas le mot propre, une collection de faits et d’apparences dont le charlatanisme s’est emparé, que la routine a trop dédaignés peut-être, et dans laquelle les esprits sans préjugés ne peuvent faire encore avec certitude la part du vrai et du faux, occupe la place où s’élevera une science sublime, celle des rapports du monde des esprits et du monde des corps. »

HÉBERT (de Garnay.)

BIBLIOGRAPHIE.

LETTERS TO A CANDID INQUIRER ON ANIMAL MAGNETISM. By W. Gregory , i>. m. , etc. — \ vol. in-8. London, 1851; at Taylor, Walton et Maberly, Paternoster row.

11 manquait à la littérature magnétique, en Angleterre, une calme exposition des faits, un ouvrage qui résumât toutes les données élémentaires sur lesquelles repose le système du magnétisme animal. M. le Dr Gregory a entrepris de combler cette lacune, en composant un livre simple et concis. La forme épistolaire, qu'il a choisie, lui a permis d’aborder les sujets les plus abstraits avec le langage ordinaire , conséquent ment de se faire comprendre de tout le monde. Le plan de cet ouvrage est d’ailleurs Lien conçu et très-habilement exécuté. Science et modestie, profondeur et clarlé, fond solide, forme élégante, sont des qualités qui commandent le succès, et nous ne doutons pas que ces Lettres exercent une influence bienfaisante sur le scepticisme du monde britannique. On y trouve des pages pleines de candeur pour réfuter les objections des théologiens, des savants et des philosophes, auxquelles l’auteur oppose sans cesse les faits dont la nature se sert pour exprimer ses lois. Les considéralions théologiques dans lesquelles il est obligé d’entrer pour prouver que les phénomènes magnétiques appartiennent à l’ordre naturel et ne sont nullement diabo-

liqtics, ne seraient de nul intérêt en France; niais en Angleterre, où la Bible est toute puissante, cette question a une importance vitale, et M. Gregorv l’a traitée avec un soin et une ingénuité qui lui vaudront l’éloge de tous les esprits droits.

Après avoir lu avec attention ce livre remarquable, nous n’avons pas cru pouvoir en faire une appréciation plus juste que celle qu’en a donnée M. Gregory lui-même dans sa correspondance avec M. du Potet.

Voici deux lettres où se trouve énoncé succinctement , et d’une manière très-exacte , le contenu de cet écrit.

A Monsieur le baron du Potet de Sennevoy.

Monsieur le baron,

J’ai reçu , il y a quelques semaines, les livres sur le magnétisme que je vous avais demandés par l’intermédiaire de Mme la comtesse d’Elgin. J’avais voulu utiliser ces ouvrages en écrivant quelques lettres sur le magnétisme, que j’avais l’intention de publier; mais ils sont arrivés trop tard pour cela; mes lettres étaient déjà en grande partie imprimées, et elles vont paraître dans quinze jours. Je vous dis cela, afin de vous expliquer le peu d’étendue et la grande imperfection de mon ouvrage, qui sera pourtant, je l'espère , de quelque utilité chez nous. Vous savez déjà, monsieur le baron , qu’il y a longtemps que je m’occupe du magnétisme. Vous m’avez même écrit, dans le temps, que vous me croyiez assez de force magnétique pour réussir dans des expériences. Jusque-là je n’avais fait que peu de tentatives qui, faute de patience et de persévérance n’avaient pas très-bien réussi. J’avais vu. pourtant, les expériences, tant privées que

publiques, de plusieurs magnétiseurs, el comme j’avais aussi lu plusieurs ouvrages de magnétisme , j’élais pleinement convaincu de la vérité des faits magnétiques. Encouragé par votre opinion, j’ai renouvelé mes tentatives avec plus de patience, et je me suis trouvé assez de force pour produire les effets physiques , le sommeil magnétique , et même la lucidité. Comme je n’ai que fort peu de loisir, étant occupé par mon cours de chimie, mon laboratoire, des ouvrages dcchimie,des examensàl’l diversité, etc., je n’ai pas pu pousser très-loin mes expériences.

Jusque vers la fin de l’année passée, je suis resté le seul, parmi mes confrères de. l’Kcole de médecine, qui s’occupât du magnétisme, quoique j’eusse plusieurs amis, non pas médecins, mais hommes de science, de littérature ou de connaissances générales, qui croyaient au magnétisme. Depuis longtemps j’ai eu l’intention d’écrire sur le magnétisme. Les ouvrages qui ont paru en Angleterre n’ont pas, pour la plupart, été écrits par des hommes qui eussent des connaissances scientifiques, et ils ont produit peu d’effet. On n’a pas voulu envisager le magnétisme comme faisant partie de la science naturelle, tant que les savants l’ignoraient. De cet état des choses est résulté une profonde ignorance du magnétisme, ainsi qu’une sorte de mépris pour ceux qui s’en occupent. On faisait les objections les plus futiles, et l’on négligeait les faits. Ayant étudié et produit les phénomènes , il m’a semblé qu’il était de mon devoir d’exprimer hautement ma conviction intime de. la réalité des faits; ce que j’ai fait dans plusieurs occasions, et nommément dans la préface à la traduction de l’ouvrage de Reichenbacli que j’ai publiée au mois de mai dernier, laquelle a été fort bien reçue.

Dans les Lettres que je vais publier, j'entre dans les détails du magnétisme, tel que je l’ai vu dans mes propres expériences et dans celles de plusieurs amis, sans citer des faits, déjà publiés, qui auraient trop grossi le livre. Vous comprendrez, monsieur le baron, que dans mon modeste ouvrage il n’y a rien de nouveau ni pour vous ni pour les magnétiseurs en général. J’écris pour les ignorants, pour les savants qui ne savent pas ce que c’est que le magnétisme, et ceux-là, je vous assure, abondent chez nous. Je veux leur prouver que le magnétisme présente des faits qu’il faut étudier comme ceux de la chimie, de l’électricité, etc.; qu’il ne faut pas rejeter des faits parce qu’ils nous semblent impossibles; que si les savants persistent à ignorer le magnétisme, d’autres l’étudieront, et laisseront derrière eux les savants ; enfin, que nous ne savons rien , théoriquement, bien entendu, et que notre devoir est d’interroger la nature et d’accepter ses réponses.

Vous savez que le Dr Elliotson, le Dr Engledue et autres, qui s’appellent matérialistes, vont jusqu’à nier l’existence de l'âme et la vie future. (1). Je ne partage point l’opinion de ces messieurs. Quant à l’âme , je sens qu’elle existe ; mais comme je ne puis définir ni comprendre ce que c’est que la matière, comment pourrais-je définir l’immatériel? Partout, clans la matière comme clans l’esprit, nous ne connaissons que des forces. L’essence nous échappe, mais ce n’est pas une raison pour nier l’âme.

(1) Voir |les Letters on the Lawsof man's nature and development, récemment publiées par M. Alkinson et miss Marlineau, ouvrage fort remarquable sous bien des rapports, et pour publier lequel, en Angleterre, il a fallu un courage bien rare , car vous n’avez pas d’idée de l’intensité du fanatisme soi-disant religieux chez nous. W. G.

Dans mon livre, je m’occupe peu do la théorie. J'admets l’agent ou fluide magnétique, que j’identifie avec l’odvle (od) delteichenbach, mais sans savoir si c’est un lluide , pas plus que l’électricité et la lumière, ou seulement une force, une influence. Cetle force ou ce fiuide existe dans tous les corps, et en sort pour agir sur les autres corps. Son passage est rendu visible par une lumière à laquelle tous les somnambules sont sensibles, ainsi que beaucoup de personnes à l’état de veille. Cet agent existe, et il n’est pas identique ni à l’électricité , ni à aucune autre puissance connue , quoiqu’il les accompagne toutes. J'ai l’idée qu’il forme une espèce d'atmosphère ou d’éther universel , qui doit être le moyen par lequel s’opèrent la vue à distance et la sympathie. Mais tout cela ce sont des idées vagues, auxquelles je n’attache que peu d’importance. Si nous étudions les faits avec soin, la théorie viendra plus tard.

Dans mes Lettres, que je m’empresserai de vous envoyer aussitôt qu’elles seront publiées , j’insiste beaucoup sur les phénomènes magnétiques spontanés, et je donne plusieurs cas nouveaux de clairvoyance spontanée. J’en donne aussi de clairvoyance à l’état de veille, qui se présente assez souvent, et qui explique, selon moi, en grande partie , les visions causées par le cristal magique; mais en fait de magie vous en savez plus que nous tous; je voudrais seulement que vous fussiez moins réservé sur vos procédés , afin que nous pussions répéter vos expériences. Je suis convaincu qu’il y a des faits d’un genre différent de celui de la simple clairvoyance. Je ne suis pas disposé à nier la communication avec les morts ou les esprits , et même dans le cristal magique il se

préscntc dus phénomènes du plus haut intérêt, que la seule lucidité n’explique pas. Je compte me livrer à des expériences là-dessus, et je voudrais surtout pouvoir répéter vos expériences de magie; mais vous nous cachez tant, que je crains de perdre mon temps, et je n’en ai que fort peu. Vous ne dites pas même comment on fait le miroir magique. Je vous avoue que cette réticence ne m’a pas paru suffisamment motivée.

Depuis quatre à cinq mois on s’occupe ici beaucoup du magnétisme. Deux Américains, dont l’un est nègre, ont montré, chacun de son côté et avec un grand succès, les effets de la transmission de la volonté (suggestion ou commande), sur beaucoup de personnes à l’état de veille. Mouvements, sensibilité, sensations, émotions, perceptions, mémoire, tout a été parfaitement dominé. M. Lewis, le nègre magnétiseur , a une puissance énorme, et produit partout aussi la lucidité. L’autre, M. le Dr Darling, ne s’occupe pas du sommeil. J'ai décrit leurs procédés en détail, dans ma neuvième Lettre. M. Lewis, déplus, est clairvoyant à l’état de veille, quand il veut se concentrer. Vous verrez, dans mon livre, un cas où il a vu et magnétisé, à plus de cinq lieues , une dame qu’il n’a pas encore vue de ses yeux. Il a décrit exactement la dame et les autres habitants de la maison, ainsi que deux personnes qui dans le moment y faisaient une visite, la maison, le salon, et bien des choses qu’il n’avait jamais vues. Il a aussi magnétisé une femme à cinq cents pas au moins, de manière à l’endormir et la guérir d’une forte migraine, sans qu’elle en eût été avertie. Mais en la magnétisant, en se concentrant à cet effet, il l’a vue aussi par lucidité. Je vous engage à lire ce que j’en ai consigné dans mes

Lcllrcs, car M. Lewis est un homme vraiment remarquable. Je vous indiquerai aussi les expériences du majorBuckley, que je lui dois, et son procédé pour la lucidité h l’état de veille, procédé, d’ailleurs, qui ne réussit qu’à lui, mais qui est digne d’attention, à cause de la lumière qui sort de sa figure quand il fait des passes sur lui-même, et qui va illuminer les objets renfermés cl les rendre transparents et lisibles pour ses sujets. Vous y trouverez aussi un cas bien remarquable de rétrospeclion , à l’égard de Marie Sluart et de Rizzio, causée par une bague. Les détails sont tels que l’on ne peut douter de l’exactitude de cette vision, ni la considérer comme un songe. Le somnambule, car celui-ci dormait, a copié l’écriture de Rizzio qu’il voyait, et je crois même que l’on pourra découvrir les pièces qu’il a vues cachées dans un mur. J’ai consigné aussi une série de visions, au moins vingt, d’un de mes somnambules, qui se lient entre elles de jour en jour d’une manière bien étonnante. Dans ces visions, il a tracé et suivi un homme qui, très-probablement, n’existe plus; et je ne crois pas qu’un songe puisse présenter de tels caractères.

Afin de prouver qu’il est facile pour tout le monde de produire le sommeil magnétique, j’ai fait dernièrement l’expérience sur neuf personnes , dont j’ai endormi huit. Pour la plupart il a fallu plusieurs séances , et je n’ai essajé celui qui résista que trois fois; probablement il aurait cédé par la suite.

Je lis avec beaucoup d’intérêt les livres que vous m’avez choisis et envoyés.

L’ouvrage de M. Charpignon me parait excellent.

Quant à vos propres écrits, ils sont toujours intéressants , et je trouve vos idées tout à fait justes

et raisonnables. Mais vous me permettrez de vous dire qu’il y a peut-être trop de déclamationet que je désirerais davantage de faits. Il y a souvent des articles dans le Journal remplis d’esprit el de chaleur, mais dans lesquels on ne trouve pas un seul fait. Ce sont des expositions générales dtsla valeur du magnétisme, ou des diatribes contre la médecine, bien fondées sans doute, mais il me semble qu’il y a peut-être trop de cette déclamation qui convient mieux au banquet qu’au Journal. Du moins, ici, on demanderait des faits, et non pas tant de discours. Mais chez vous c’est différent, et il paraît que le Journal va bien, ce qui prouve que je me trompe probablement , et que vous connaissez bien vos compatriotes. Votre Manuel, qui a paru d’abord dans le Journal, est excellent, surtout dans les détails pratiques; mais je trouve à YEssai sur l’enseignement philosophique le défaut ci-dessus signalé : c’est plutôt un chaleureux discours qu’un enseignement. L’éloquence y abonde, mais les faits y manquent, selon moi.

Je dois vous demander bien pardon de vous avoir dit mon opinion, à vous qui avez tant fait pour le magnétisme; mais il m’a semblé que le Journal pourrait devenirplus utile s’il contenait davantage de faits. Il est très-probable que je me trompe , quant à la France du moins. Votre dévoué ,

William GREGORY.

Edimbourg, 26 mars 1851.

Monsieur le baron,

Je reprends la plume pour vous dire que l’ouvrage annoncé dans ma dernière lettre vient de paraître, et que j’ai dit aux éditeurs, à Londres, de vous en envoyer un exemplaire , que je vous prie d’accepter

comme un faible témoignage de l’estime que je res-sents pour vous et pour vos importants travaux. lin même temps j’ai à vous remercier du commencement de voire nouvel ouvrage, que je viens de lire dans les trois derniers numéros du Journal, ot que je n’avais pas encore lu quand j’écrivis la lettre dans laquelle j’osais vous demander de plus amples renseignements sur vos découvertes.

Je ne sais si je vous ai déjà dit que M. le D' Bennctt, professeur de physiologie à l’üniversité d’Edim-. bourg, a donné dernièrement deux leçons publiques sur les phénomènes de la suggestion à l'état de veille, les seuls qu’il a vus ou un peu étudiés, depuis trois mois seulement. Ces phénomènes sont absolument les mêmes que nous connaissons depuis bien des années, comme se présenlant dans beaucoup de cas de sommeil magnétique, mais que lui, ainsi que mes confrères de l’Université, ont jusqu’à présent niés avec dédain, en me regardant bien de travers, parce que je les avais vus, produits, et soutenus comme vrais. Ces messieurs admettent maintenant ces phénomènes, en les attribuant à l’imaginalion, sans nous dire cependant ce que c’est que l'imagination, ni comment elle est affectée. C’est ce que M. Bennett a fait dans ses leçons; et, tant qu’il ne s’agit que des phénomènes de suggestion dans lesquels l’opérateur agit directement, par sa parole, sur l’esprit du sujet, il ne se trompe pas en disant que l’imagination y joue un rôle important. Mais il est allé plus loin ; car, sans avoir étudié un seul cas du sommeil magnétique, sans avoir même cherché à voir la sympathie, le rapport magnétique, la vue sans le secours des yeux, la vue à distance, l’introspection, ni aucun aulre fait magnétique, il a dit que l’imagination peut tout

expliquer ; qu’il n’y a point d’influence magnétique . xtérieurc, point de rapport, point do clairvoyance. Du moins il a dit que rien de tout cela n’est prouvé; quoiqu’il ne connaisse pas du tout ce qui a été écrit, et qu’il n’ait fait aucune expérience, excepté quelques-unes de suggestion directe à l’état de veiile.

Les leçons de M. Bennett n’ont pointa! tiré de monde; mais les médecins en étaient charmés, parce qu’ils pouvaientcncoredilFérciTadmission des faits vraiment magnétiques, et se bercer de l’heureuse idée de l’imagination. Mais moi, je ne voulus pas que les choses en restassent là : j’avais conseillé à M. Bennett de ne rien dire de positif sur les faits qu’il n’avait pas encore étudiés, ce qu’il me promit de faire, mais il s’est oublié. Je viens donc de donner, de mon côté, deux leçons qui ont été suivies par plus de cinq cents personnes, parmi lesquelles se trouvaient beaucoup de savants et de médecins, ainsi que toute la société intelligente de nos salons. Dans la première, je leur donnai les preuves de l’existence de l’agent magnétique ; dans la seconde, celles de la réalité des faits de vision sans le secours des yeux. Ces leçons, quoique strictement logiques, ont été parfaitement goûtées par mes auditeurs, dont le nombre ainsi que l’intelligence dépassait infiniment lout ce qui s’était montré chez mon confrère. Celte fois, dans une lutte scientifique, la victoire a été pour nous, d’après les suffrages mêmes des médecins sceptiques.

Ce n’est pas que M. Bennett ne soit un homme très capable et très-instruit dans la médecine et la physiologie; mais moi, qui n’ai jamais pratiqué la médecine, qui ne suis pas instruit comme lui dans l'anatomie, j’étais le plus fort, parce que j’avais étudié le magnétisme depuis vingt-quatre ans dans les écrits

français et allemands, el que j''avais vu faire ou fait des expériences assez nombreuses depuis bientôt dix ans.

Quelques-uns de mes confrères ont été bouleversés en lisant qu’un médecin , professeur de l’Uni-versité, osât parler en faveur de la lucidité, de l’agent magnétique, (-’est une révolution; et ils cherchent comment me punir d'avoir trahi la gloire de l’Uni-versité et de la médecine. Mais, quant aux leçons, c’est mon adversaire qui a commencé la lutte; et je leur ai fait savoir qu’ils ne pouvaient rien faire, lis craignent le ridicule dans les antres Universités ; mais comme je n’ai rien dit qui soit indigne d’un homme de science; comme j’ai raisonné logiquement sur des faits observés avec soin , il faudra bien qu’ils avalent non seulement les deux leçons, mais aussi mon livre, qui va éclater comme une bombe dans les murs académiques (i).

M. le Dr Alison, notre professeur de médecine pratique le plus distingué, autrefois professeur de physiologie, qui a entendu mes leçons, vient de m’écrire qu’il a été tout à fait content de la manière dont j’ai traité les questions que j’ai discutées; quoiqu’il fût très-sceptique, sans doute parce qu’il n’a jamais étudié les faits, il n’a trouvé rien à redire.

Je vous envoie un journal où il y a un rapport très-court, et imparfait à la vérité, de ma seconde leçon, ainsi qu’un autre paragraphe sur les deux leçons.

En jugeant mon livre, il ne faut pas oublier que j’écris pour ceux qui ne savent absolument rien du magnétisme, et non pour les magnétistes. Plus j’avance et plus je vous trouve supérieur aux autres ma-

(1) C’est eu faisant allusion à ces faits que M. du Potet a dit, au Banquet mesmérien, que M. Gregory avait fait le rouge dans la science.

Dr Koellbr.

gnétistes, tant par la connaissance des faits que par la clartc de vos vues théoriques.

Il est possible que je puisse laire un voyage à Paris au mois d’août. Y serez-vous alors? Sans l’espoir de vous y trouver, je n’irais certainement pas.

Votre dévoué,

William GREGORY.

Edimbourg, 25 avril i 851.

Cet entretien confidentiel est très-propre à faire juger le livre et l’auteur. L’amour du vrai, qui est l’essence de la franchise, se retrouve dans chaque phrase; et pas une personnalité acerbe ou une partialité envieuse n’en ternit le style. En cela M. Gre-gory est bien supérieur à certain de scs compatriotes. On regrettera qu’il ne se soit pas étendu davantage, car on eût trouvé dans cette communication une fidèle image de son livre, en même temps que la plus exacte analyse. Nous allons tâcher de suppléer à ce regrettable silence par un court aperçu des procédés de MM. Buckley, Braid, Lewis et Dar-ling, qui sont à peu près les seules choses neuves et inconnues en France; ce résumé imparfait suffira, nous l’espérons, pour mettre les magnétistes qui ne lisent pas l’anglais au courant de cesmoyens nouveaux.

i° Commençons par i’électro-biologie.

Cette méthode est généralement attribuée à un certain Dr Williams , de Washington. Ses associés ou imitateurs, Fiske et Doods, ont parcouru l’an dernier les États-Unis pour l’établir comme une science nouvelle. En vain les magnétiseurs ont-ils protesté , disant que les résultats étant identiques à ceux de leurs pratiques, il n’y avait de nouveau que le nom; le mesmérisme ainsi déguisé n’en continua pas moins

de se répandre en Amérique, ■! aujourd'hui M. Fiske fait des élèves à Londres.

M. Darling est un de ces électro-biologistes; niais il ne fait point, comme les autres, mystère de scs moyens, en sorte que M. Gregory a pu en déterminer le principe, et faire connaître à tous ce qui n’était transmis qu’à un petit nombre d’initiés, sous la foi du serment.

Cette méthode repose théoriquement sur les analogies électriques de la vie, et en fait sur l’afllux au cerveau de la vitalité propre du sujet, par la concentration de son esprit. Cette sorte d’abstraction amène un état particulier, dans lequel le sujet, tout éveillé et ayant conscience, éprouve tous les effets de volonté qu’on observe ordinairement dans le somnambulisme. C’est donc l’action personnelle substituée à celle d’autrui, l’automagnélisation enfin, employée pour produire les phénomènes physiologiques; la partie morale ou l’action psychique est seule réservée au magnétiseur. La fatigue résultant de l’émission du fluide dans le procédé usuel est ainsi évitée : tout l’effort vient du sujet. On pourrait dire que celui-ci a toute la peine et l’autre le profit; c’est l’inverse de ce qui se passe habituellement.

Yoici comment agit M. Darling.

II place dans la paume de la main gauche de la personne qui se soumet à l’expérience une pièce de menue monnaie ou un petit disque biconvexe ayant le centre en cuivre et la circonférence en zinc ; il la prie de regarder fixement ce corps. Dans l’origine on supposait à ce disque une action directe électrique ou galvanique; mais il paraît que sa composition est indifférente , et qu’il sert seulement à arrêter les regards. Il faut que la personne soit attentive, sans

distraction , passive et consciencieuse; car si au lieu de s’isoler, d’être en quelque sorte absorbée dans la contemplation de l’objet en question , elle regardait ce qui l’entoure, était distraite par le bruit, résistait ou pensait à autre chose, il est clair que, ne remplissant pas les conditions, elle n’éprouverait pas les effets. Après dix ou quinze minutes de celle énergique concentration de l’esprit, produite par la vue active et prolongée d’un seid objet, l’opérateur s’approche du sujet et le prie de fermer les yeux. Ce qui étant fait, il lui passe rapidement les doigts du milieu du front à l’angle externe des yeux , en déprimant les paupières , comme pour les coller ; puis il lui dit d’un ton assuré et quasi-impératif : Yous ne pouvez ouvrir les yeux. Si néanmoins les paupières se lèvent, c’est-à-dire si l’état impressible n’existe pas ou est incomplet, M. Darling prend une main du sujet dans la sienne, et le regarde fixement dans les yeux durant quelques instants; après quoi il répète l’épreuve susdite. S’il échoue encore, il abandonne l’expérience pour le moment.

M. Gregory a été influencé de la sorte à la deuxième épreuve; mais beaucoup de personnes le sont à la première, d’où il conclut approximativement que huit sur dix individus peuvent être biologisés dès la première séance en renouvelant les essais.

Quand, par l’épreuve des yeux, M. Darling a reconnu que le sujet peut obéir à sa volonté exprimée verbalement, il le prie de fermer la bouche. Il lui presse alors les lèvres l’une contre l’autre avec le bout de ses doigts, et lui fait une passe ordinaire sous la mâchoire inférieure , puis lui dit qu’il ne peut ouvrir la bouche, et cela réussit généralement. Quelquefois c’est le mouvement des bras qu’il empêche, soit en

oOl.

comprimant les mains l’une contre l’autre par un mouvem ent fort et rapide, à partir du poignet, et défiant de les séparer, soit en les faisant placer dans toute autre position et en empêchant le retrait volontaire, tant qu'il n’a pas prononcé1 les mots consacrés : Now you eau, ou ail ri glu, maintenant vous pouvez, ou, c’est bien.

11 agit de même sur les sensations. Ainsi il prive la main ou le brns de toute sensibilité, même à la plus vive douleur, et pervertit le tact et le goût, à tel point qu’un corps froid brûle le sujet ou le fait grelotter, qu’il prend l’eau pour du lait, de l’cau-dc-vie ou tout autre liquide que l’opéraleur dit être.

11 domine pareillement la volonté, soit en l'empêchant ou le forçant, dans l’accomplissement d’un acte quelconque. Nous avons déjà cité la paralysie des bras : M. Darling défiant le sujet de lui donner un soufflet, sa main s’arrête contre la joue du docteur. De même, s’il lui défend de sauter par dessus un mouchoir posé sur le sol, son élan dévie, et il tombe à droite ou à gauche de l’obstacle. S’il lui dit de dormir une minute, de sifiler, etc. , l’effet a lieu aussi régulièrement.

Le même empire s’exerce également sur la mémoire; par exemple, le sujet oublie son nom, celui d’une autre personne, d’un objet quelconque, ou diverses lettres de l’alphabet, etc.

La vue n’échappe point à celte domination. Tel objet est pris pour un autre : comme une montre pour une tabatière, une chaise pour un chien; c’est l'illusion; ou bien le sujet voit des choses qui n’existent pas, tels qu’un livre dans la main vide de M. Darling, un oiseau dans une chambre qui n’en contient point : c’est l’hallucination.

La conscience est semblablement affectée ; et, comme dans les expériences magiques de M. du Potet, le sujet se croit être un personnage quelconque, et agit ('n conséquence de sa position fictive. Ainsi transformé en docteur Darling, père Mathew, prince, Albert, duc de Wellington , il fait un discours sur l’é— lectro-biologie, débile un sermon sur la tempérance, ou commande des troupes imaginaires, etc.

Enfin les émotions sont aussi profondément altérées que le reste des facultés. Le sujet supposé riant,

1 opérateur l’arrête, le rend sérieux, triste, malheureux ; lui fait verser des larmes et se lamenter. Si cette impression pénible affecte les assistants, la face prend un air de béatitude, et cette expression est bientôt suivie de sourire, puis d’un rire incessant, sans que le sujet puisse indiquer plutôt la cause de sa tristesse que celle de sa gaîté.

Les variétés de cette influence sont infinies, et ne diffèrent, comme on voit, nullement de celles qu’on obtient durant le sommeil magnétique. Elles sont aussi produites et détruites instantanément; mais les somnambuliques sont provoquées et anéanties tacitement, tandis que les électro-biologiques ne le sont que verbalement.

20 L’électro-psychologie nous vient aussi d’Amérique (i). Elle est fondée sur la fausse théorie que nos pensées, notre esprit, notre âme, sont de nature électrique. Ses procédés consistent aussi dans l’influence préalable du sujet par lui-même au moyen également de la concentration des pensées; mais elle ne consi-

(I) Il y a bleu encore dans ce pays la chimico-psychologie, la psy-cliodynamie, le pathétisme, etc. , etc. ; mais ils n’ont point de nié» ihorte distincte, ce sont seulement des synonymes de magnétisme animal.

dère cet effort que comme produisant une ébauche, une rupture de l’équilibre nerveux favorable à la production de l’état impressible, qu’elle complète par des moyens usuels.

Le mode d’action de M. Lewis va préciser le caractère de celle méthode.

Il se place vis-à-vis de la personne qui désire éprouver les effets en question , et la prie de le regarder attentivement, ou quelque objet placé dans sa direction, tandis que lui-même la fixe avec la plus grande intensité. Au bout de cinq minutes environ, M. Lewis fait des passes el certains gestes qui expriment la concentration de volonté la plus énergique que l'auteur ait jamais vue, telle enfin que la langue anglaise n’a point de mot pour la peindre; après quoi l’état impressible est ordinairement produit. Les autres conditions el accessoires sont les mêmes que dans l’opération de M. Darling. Quant aux résultats, ils sonl identiques dans l’une el l’autre méthode, à tel point que sous ce rapport on ne sait à laquelle des deux donner la préférence. Ce ne sont pas même deux méthodes, mais seulement deux modes différents, deux manières de mettre en œuvre le même principe.

« Tous les physiologistes, dit M. Gregory, s’apercevront que ces phénomènes, produits dans l’état de veille, dépendent de ce qu’on appelle suggestion. On a souvent mentionné ce principe, mais il était réservé aux magnétiseurs de noire temps de le rendre manifeste, en le faisant agir facilement, et avec la plus grande étendue, sur beaucoup de personnes, taudis que dans l’état ordinaire, un très-petit nombre d’individus en sont susceptibles , même en multipliant les tentatives.

« La cause qui produit la suggestibilité est, dans mon opinion, identique à l'influence magnétique exercée parle procédé ordinaire, parce que, si l’on insiste, le sommeil arrive, et avec lui tous les effets de volonté précités. »

Ajoutons, pour compléter la vraisemblance, presque la démonstration de cette identité, que si, au lieu d’un faible degré d’auto ou de mixte magnétisation , on vient à démagnétiser incomplètement un somnambule , celui-ci, ayant d’ailleurs l’air parfaitement éveillé et étant en rapport direct avec le monde extérieur , tel enfin que la nuance légère de magnétisme qui lui reste n’est appréciable que pour les gens prévenus , est illusionné et halluciné tout comme dans le sommeil (i).

Des faits qui précèdent ressortira peut-être une grande vérité pratique; M. Gregory l’énonce en disant que si les effets suggérés et commandés, dont le sommeil puységurique paraissait être la condition, s’obtiennent dans l’état de veille et de conscience, c’est-à-dire apparemment normal, les autres facultés somnambuliques pourraient vraisemblablement se manifester de même. Pour la lucidité, par exemple, ne suffirait-il pas de diminuer la vivacité des impressions lumineuses pour que presque tous les sujets fussent voyants. On sera entièrement de son avis, si l’on considère combien la clairvoyance est fréquente à l’état de veille ; sans parler des prophètes et autres voyants de l’antiquité, ne la trouve t-on pas endémique chez les montagnards écossais, épidémiques chez les crisiaques, et sporadique dans certaines ma-

(1) Voyez les comptes-rendus des séances de la Société du mesmérisme dans les premiers volumes de ce Journal.

ladies, comme le prouvent les recherches de Itoichen-bach, enfin chez des somnambules et des extatiques?

5° h'hypnotisme est aussi un mode d’auto-magnéti-sation par le regard fixe d’un objet. Il est dû à un Anglais, RI. Braid; 011 peut le considérer comme le père de l’électro-biologie, tant parce qu’il est plus ancien que parce qu’il produit davantage.

V oici en quoi il consiste :

La personne qui se soumet à l’épreuve tient d’une main, en avant et un peu au-dessus des yeux, un objet luisant qu’elle regarde attentivement : soit le bouton du ressort d’une boîte à allumettes. Il paraît que la fixité du regard dans celte position incommode produit bientôt et facilement la rupture de l’équilibre nerveux par l’appel au cerveau , ou seulement dans une de ses parties, du fluide vital ou magnétique distribué dans les muscles, d’où résulte l’état où la suggestion est possible : le sommeil , la trance et l’extase. La plupart des personnes peuvent s’influencer ainsi, même celles qu’on ne peut pas plonger dans le sommeil magnétique. J’ai même trouvé, dit M. Gregory, qu’il 11’y a pas de meilleur moyen de s’endormir au lit, non seulement quand on a de l’insomnie, mais aussi.lorsqu’on essaieen résistant. Il est même probable que le sommeil, qui nous gagne en lisant des ouvrages abstraits, ne vient que de ce que les yeux sont fixés attentivement sur les mots dont nous cherchons à pénétrer le sens; dans ce cas, les axes visuels convergent en bas cl en avant; mais c’est toujours le strabisme, el la rétine reçoit de même la lumière réfléchie : la direction est inverse, voilà tout.

Quant aux résultats de cette pratique, ils sont en

tous points semblables a ceux de la magnétisation ordinaire. Il y a seulement celte différence queM. Braid n’a jamais observé la lucidité dans le sommeil produit par son moyen, et cependant il obtient jusqu'à l'extase; cela dépend peut-être plutôt de lui que de son procédé; car on sait qu’il y a des personnes qui font l’office d’éleignoirs à l’égard des clairvoyants.

Il est évident que les phénomènes de ces trois systèmes étant idenliques enlrc eux et avec ceux duma-gnélisme animal, ils sont produits par la même cause, quoique différemment. Dans le premier cas, lecerveau s’enrichit aux dépens des autres parties, dans le second par le fluide qu’il reçoit du dehors. Il en résulte pareille inégalité relative entre l’encéphale elle reste du corps, mais dans des états différents. Ces divers moyens sont donc à examiner sérieusement, car ils ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients, dont on peut tirer parti selon les circonstances.

4° La Méthode du major Buckley n'a point reçu de nom spécial.

Elle a pour but de produire la clairvoyance à l’état de veille et de conscience, en magnétisant non le sujet mais les objets.

M. Buckley commence par se faire lentement quelques passes sur la lête et la poitrine, à peu près comme faisait ici M. de Rovère l’an dernier. Si sa face s’illumine d’une lumière bleue bien visible, il en conclut que le sujet sera vraisemblablement voyant éveillé ; si au contraire cette lumière est pâle ou à peine visible, le sujet ne verra qu’après avoir été endormi.

Les personnes qui, par cette épreuve, sont reconnues aptes à voir, sont surtout celles qui aperçoivent la

lumière bleu foncé. Le major fait des passes sur des boîles renfermant des imprimés, et les voyants lisent au travers, disant que la lumière en rend les parois transparentes, et les lettres visibles.

Une passe suffit souvent; quand il en fait trop, le bleu de la lumière se fonce tellement, qu’il obscurcit tout : il faut alors dégager l’objet par des passes négatives.

Au moment de la publication de cc livre, M. Bu-ckley avait déjà produit cette voyance chez quatre-vingt-neuf personnes éveillées, et sur cinquante neuf préalablement endormies. On ne sait par conséquent pas encore dans quelle proportion seront les non-voyants.

Telle est, en résumé, la substance des Lettres du professeur Gregory; s’il fallait en relever tous les mérites, nous ferions un trop long article. Nous les regardons comme un livre éminemment utile, en ce qu’il vulgarisera des notions certaines el trop dédaignées. Que tous les magnétistes qui connaissent la langue anglaise lisent ce beau travail, et ils partageront certainement notre consciencieux avis.

D' KOELLER.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

]jopr. de Poœmcrel el Moreau, quai dis Aaguslins, 17.

CLINIQUE.

PARAPLÉGIE. —Voici la relation d’une cure admirable produite par un médecin d’Annecy (Savoie). Nous l’empruntons au Journal du Dr Comet, ïAbeille médicale, numéro du 16 août dernier. Bien qu’elle soit extraite d’un recueil académique, les autres feuilles de médecine n’en ont pas même fait mention. Cette attitude montre de quel côté est la bonne foi.

Observation. — Mlle Eudoxie B***, âgée de vingt-six ans, est d’un tempérament nerveux et d’une constitution très-délicate. Pendant l’été de 1847, elle fit une chute sur le siège, laquelle lui occasionna pour quelques jours des douleurs assez vives dans la région lombaire. A la fin d’octobre de la même année, elle fut prise d’une fièvre continue, qui fut pour ainsi dire le prélude d’une maladie qui fait le sujet de cette observation. C’est, en effet, à dater de cette époque qu’elle éprouva un affaiblissement des extrémités inférieures, qui arriva graduellement jusqu’à la paralysie complète du mouvement. Au printemps de l’annce 1849, Mlle B*** éprouva des crises nerveuses, avec perte incomplète de connaissance, mouvements convulsifs des bras, accès de suffocation. Cependant ces derniers symptômes s’améliorèrent peu à peu, et il n’en resta qu’une disposition aux crises nerveuses. Voici maintenant l’état dans lequel se trouvait la malade il y a trois mois :

TO.ME X.—X" 131. — SEPTEUIÜIE 185t. 9

Elle éprouvait constamment une chaleur très-incommode le long de la colonne vertébrale. La pression y réveillait une douleur qui était surtout très-prononcée à la hauteur des premières vertèbres dorsales et des dernières lombaires. Il n’existait aucune déviation de la colonne vertébrale. Elle sentait habituellement une douleur au verlexe (clou hystérique) , douleur qui était quelquefois remplacée par un sentiment de pression à la région occipitale ou dans les deux tempes. Les extrémités inférieures avaient habituellement moins de chaleur et présentaient le même degré d’embonpoint que les autres parties du corps. Elles étaient complètement paralysées, et il était absolument impossible à la malade de les soulever et de leur faire exécuter un mouvement quelconque. En y réfléchissant profondément, M. Fleuret eut la pensée que le magnétisme, employé avec méthode, pourrait avoir une action avantageuse sur les nerfs qui président au mouvement. Il proposa en conséquence à Mlle B*** de se laisser magnétiser. Cette dernière y consentit, sur la promesse que son infirmité n’en serait pas aggravée. Le Dr Despine père, consulté, partagea l’avis de M. Fleuret sur la nature essentiellement nerveuse de la maladie et sur les conditions favorables où elle se trouvait pour être soulagée et même guérie par l’emploi du magnétisme. M. Despine se chargea de faire des passes, et l’on ne tarda pas à voir sous leur action les jambes s’agiter et légèrement se soulever. Mais, obligé de s’absenter, il se fit remplacer par une jeune demoiselle, qui magnétisa régulièrement la malade tous les jours, à six heures de relevée. Dès cette époque, l’amélioration fut plus sensible, et, sous l’influence magnétique, dont l’action devenait de jour en jour plus prompte,

les extrémités inférieures pouvaient être plus facilement remuées el déplacées dans tous les sens. Enfin, au commencement de mai, Mlle B*** se sentit assez forte pour descendre de son lit, s’habiller et sortir de sa chambre.

Depuis ce jour, la faculté de locomotion s’est graduellement développée; et, quand le temps est favorable, la paralytique se donne le plaisir de faire des promenades de une à deux heures à travers la campagne. Pendant ces courses, elle éprouve une joie d’enfant à exécuter tous les genres de locomotion qu’elle affectionnait autrefois ; elle gravit des sentiers escarpés, franchit des fossés et des haies, au risque de déchirer ses vêlements. Elle est toujours accompagnée de sa magnétiseuse, à qui elle a besoin de recourir de temps à autre pour lui faire des passes, qui sont pour la malade, suivant l’expression de M. Fleuret, ce que la terre était pour Antée. Lorsqu’elle est fatiguée, elle retourne à son lit, se fait réveiller et revient à sa position ordinaire. Dans ce cas très-remarquable de névropathie, M. Fleuret n’a observé aucune transition apparente entre l’état de veille et celui que la malade appelle le sommeil magnétique. Dans cette dernière position, elle parle, agit comme elle a toujours agi et parlé. Seulement, elle est plus facilement impressionnée par les objets qui l’environnent; elle souffre, par exemple, du contact et même de l’approche de la soie, des poils, du fer et du cuivre. Elle aime beaucoup l’or, dont elle reconnaît le degré de pureté; elle trouve un extrême plaisir à toucher certaines fleurs ou plantes, telles que le tussilage et l’aubépine. A son réveil, elle ne se rappelle que confusément les objets qui ont fixé son attention. On dirait qu’elle continue un songe.

Ce qui donne à celle observation un grand intérêt, au point de vue de l’application du magnétisme au traitement des affections nerveuses, c’est que Mlle B*'*, dont la maladie, au moment où le Dr Fleuret en traçait l’histoire, s’étail déjà sensiblement améliorée, est, à l’heure qu’il est, parfaitement guérie.

(Compte-rendu des travaux de la Sociclc médicale de Chambènj.)

Tel qu’il est, ce rapport suffit à montrer que les maladies de la moelle , sur le traitement desquelles les magnétiseurs fondent si peu d’espoir, peuvent cependant être guéries; mais il aurait une valeur bien plus grande si le diagnostic avait établi l’état de la vessie et du rectum, qui sont ordinairement paralysés dans les cas graves. Cet oubli est regrettable.

D' L***

ÉPILEPSIE, CONTUSIONS. — L’extrait suivant, d’une lettre d’un de nos abonnés de la Ilaute-Loire, est trop important pour rester ignoré.

Lyon, 10 juin 1851.

Monsieur,

Quant aux détails sur le magnétisme dans le pays que je viens de quitter, ils sont loin d’être, je ne dis pas satisfaisants, mais même favorables à son apparition.

Pays de montagnes, où l’ignorance et la superstition sont encore fortement ancrées; toutefois, je vous ferai pari de quelques observations.

Le hasard m’ayant mis en rapport avec un ouvrier sujet à des allaques épileptiques, j’ai obtenu, au bout de cinq séances, des effets assez curieux, mais dont

lu récil est ordinaire pour vous: secousses électriques dans les bras, bien-être, étal rêveur pour le cerveau, mouvements dans les intestins, et toujours un résultat, favorable pour la santé. Un jour, au moyen de passes longitudinales sur le bras droit, en proie à une douleur atroce, j’ai d’abord augmenté la douleur; puis, une passe rapide l’ayant attirée subitement au poignet, une dernière passe brusque l’a comme extraite au-delà de la main et des doigts, cl elle n’a plus reparu. De plus, cet ouvrier s’est bien porté depuis cl n’a encore rien ressenti; mais j’en viens à des faits plus curieux.

Il existe dans nos montagnes certains paysans qui, au dire des autres , ont la vertu de guérir les entorses, foulures, et de remettre parfaitement les membres cassés. Or, le fait est sûr et positif.

M’étant un jour transporté chez l’un d’eux pour une forte contusion, mais plutôt dans un but de curiosité que dans l’espoir d’aucun soulagement, j’en suis revenu bien soulagé, et quelques jours après je n’ai plus rien ressenti.

J’ai observé que l’individu me faisait, non des passes, mais des frictions douces avec le bout des doigts, dans le sens des côtes, sur la partie malade, et ce durant environ dix minutes.

Il m'a semblé qu'il suivait surtout le sens des fibres du muscle grand dorsal, de la colonne vertébrale où il s’attache jusque sur l’aponévrose du dentelé. Du reste, il ne m’a soumis à aucun régime, aucun remède; et lorsque j’en suis venu au paiement, il a pris un air mystérieux en me disant qu’il ne pouvait rien demander, que cela nuirait à son art, que celui qui le lui avait transmis en agissait de môme. Et, sur mon offre de 5 francs, il n’a accepté que 5o cen-

times. J’ai su depuis que tous ses pareils en agissaient de même, et pour le mode de guérir cl pour le paiement.

Eh bien ! le croiriez-vous, Monsieur, si nombreux que soient ces sortes de gens (dont ou ne peut, du reste, malgré l’ironique jalousie des médecins de nos pays, nier l’habileté dans des cas très-graves, tels que luxation du fémur, entorseaugenouelautrescas dont j’ai vu la guérison), tous ont les mêmes allures, même mode de traitement, même réserve pour le paiement ; mais surtout, ce qui est désolant, même silence, c’est-à-dire silence absolu, obstiné, impénétrable sur leurs moyens d’agir.

Et cependant pour quelques maladroits qui encore réussissent souvent, vous verriez des merveilles. Ce n’est qu’en mourant, ou rarement dans d’autres circonstances, qu’ils transmettent à un autre ce qu’ils appellent leur secret.

Frédéric YÉRON.

1NSENSIBILI1É. —Une double opération chirurgicale a été faite, ici, il y a quelques jours dans l’insensibilité magnétique , mais je n’ai pu encore en obtenir une note de l’opérateur et la permission de la publier, parce que ce chirurgien n’a pas de licence du bureau médical. Et pourtant il n’a rien à redouter j mais c’est de la déférence. Je ne désespère cependant pas tout à fait. La première opération a été l’extirpation d’une sorte de glande au cou; ce fut bien vite fait, et l’opéré, éveillé, n’avait rien senti. Endormi encore l’instant d’après, on le débarrassa d’une tumeur dans le voisinage du foie. La masse extraite, dure et de forme à peu près sphérique, pe-

sait une livre et cinq onces, cl contenait, à son centre, une balle on cuivre du poids do deux onces, reçue, il y a deux ans, à la prise de Monterey (Mexique). Pas le plus léger mouvement dans l’une ou l’aulre opération, pas le moindre souvenir au réveil, pas non plus la moindre douleur, et le lendemain l’opéré se trouvait à merveille. Si je parviens à obtenir cette relation, je la publierai cl vous l’enverrai pour être enregistrée; car c’est chose rare pour nous, satisfaits que sont nos médecins du chloroforme ou do I’é-ther, malgré les suites trop souvent fâcheuses de leur emploi.

Jos. BARTIIET.

Nouvelle-Orléans, 14 avril 1850.

SÜRDI - MUTITÉ. — On lit dans le Siècle du 28 juillet :

M. Lafontaine, magnétiseur, a fait avant-hier au soir, dans une réunion particulière, une expérience fort curieuse.

Parmi les sourds-muets enfants qui lui ont été présentés, il a choisi une jeune fdle de quinze ans environ, qui n’entend absolument aucun son, et qui n’en reproduit aucun. Après l'avoir soumise pendant une demi-heure environ à l’influence du fluide magnétique, sans l’endormir, M. Lafontaine est parvenu à lui faire entendre et répéter plusieurs sons, dans lesquels entre la voyelle O, et à les lui faire reconnaître sur une feuille de papier où ils étaient tracés. Nous sommes assurés que c’était la première fois que M. Lafontaine voyait cette jeune fille. Quant au fait en lui-même, nous le donnons tel que nous l’avons vu, et plusieurs médecins avec nous.

(Journal de Genève.)

VARIÉTÉS.

r

Electro-biologie. — Les quelques mois dont le Dr Kœller a fait dernièrement précéder l’exposition des procédés employés par le D' Darling, peuvent bien suffire à l’histoire générale de l’électro-biologie ; mais pour connaître ce système dans ses manifestations intimes, il faut pénétrer au cœur même de ses détails. Les documents que nous allons mettre sous les yeux de nos lecteurs atteindront sûrement ce but; leur date est déjà ancienne, mais ils sont nouveaux de fait, car rien de semblable n’a encore été publié.

L’origine de l’électro-biologie se perd dans le vague dune paternité confuse. Trois ou quatre américains se disputent le mérite de sa découverte; et, tandis qu’ils s’évertuent à prouver leurs droits, l’Europe leur oppose l’antériorité des travaux do MM. Smeeet Dubois-Raymond. Nous ignorons la valeur de leurs prétentions rivales, et ne voulons considérer ici que les faits. Eh bien! ni les analogies électriques des phénomènes vitaux mises en relief par RI. Smee, ni les expériences physico-physiologiques de M. Dubois-Raymond ne donnent véritablement l’image de ce qu’on appelle électro-biologie. Celle-ci est constituée par des faits que ces savants n’ont même pas indiqués, et qu’ils ignorent probablement.

Au point de vue théorique, le système électro-biologique ne supporte pas l’examen : c’est un amas de notions incorrectes, lices par une présomption au-

dacicusc ou la plus aveugle ignorance. Attachons-nous au I)r Williams, qui est le compétiteur principal , sinon l’auteur de celle ébourifiante doctrine. Assurément, ce médecin n’esl ni assez savant physicien , ni physiologiste assez avancé pour faire éclore une science positive des faits produits et rapportés par MM. Dubois Raymond cl Smee. Si nous jugeons de la précision de ses connaissances par un exposé de l’éleclro- biologie, emphatiquement appelée sa science, publié par le National inlelligencer, journal de Washington , du 9 juin 18/19, nous pouvons dire qu'il ignore même les lois les plus vulgaires de l’électricité, et que la physiologie et la psychologie exactes, c’est-à-dire la biologie , ne lui sont pas plus familières que la physique.

Mais si, quittant le terrain mouvant des spéculations théoriques, on le suit sur le sol ferme des réalités sensibles, on trouve qu’il a véritablement un peu innové. Et, qu’on le remarque bien, ce qu’il a produit n’est rien moins qu’un lambeau de ce que M. du Potct appelle magie; la coïncidence des conditions et des résultats est même telle qu’on pourrait croire à une copie , bien qu’ils opérassent simultanément et sans communication quelconque ( 1 ). C’est sous ce rapport que les œuvres de M. Williams doivent être envisagées , abstraction faite des erreurs et des préjugés dont scs vues scientifiques sont empreintes, et de l’obliquité de ses moyens d’enseignement. Considérons la chose dans un intérêt pratique, sans avoir égard aux opinions ou à la moralité de l’homme.

Les rivaux du Dr Williams ne disent rien de mieux et ne font rien de plu». Leurs débats sur la priorité

(1) Voyez les faits rapportés tome VIII, page 45.

de l'invention ne consistent guère qu’en un échange d’injures; beaucoup d’affirmations, point de preuves, et même salmigondis d’explications.

M. Williams s’est associé deux aides, M. Fiske, qui pratique, et M. Dods, qui écrit; les expériences de l’un et les livres de l’autre étant inspirés par le maître, et souvent exécutés avec son concours, leur examen va nous donner implicitement la pensée qui préside à leur élaboration.

Commençons par M. Fiske.

Après avoir donné des séances dans différentes villes des États-Unis, il vint se fixer à la Nouvelle-Orléans au mois de mars i85o, et y enseigna l’élec-tro-biologie, par des démonstrations publiques et des cours particuliers. Notre correspondant trace ainsi l’histoire de son séjour en cette ville où le magnétisme compte tant d’adeptes.

Nouvelle-Orlians, 6 avril 1850.

Mon cher monsieur Hébert,

Nous avons pensé à votre Hermann , qui faisait de l’anti-magnétisme, lorsque nous avons vu notre Fiske faire de l’électro-biologie.

Je vous envoie toutes les pièces importantes de ce travestissement magnétique, afin que vous fassiez participer nos amis d’Europe à l’hilarité qui nous a saisis en étant témoins de la parade dont vous allez lire les scènes principales.

Le n” 5 de mon paquet est la première affiche de cet adroit industriel; elle a été répandue à profu-

siou , non-seulement dans les lieux publics, mais jetée aussi dans les maisons privées. En même temps, tous los journaux en ont reproduit l’équivalent, accompagné de quelques lignes éditoriales : il y a eu des pulls, des réclames de tous les genres.

Le 11" 6 contient quelques-uns de ces avis, et aussi un mot que nous pensâmes devoir dire pour établir notre position, mais auquel nous n’avons rien ajouté depuis lors, parce que, en somme, M. Fiske propage le magnétisme, quoique sous un autre nom.

Le n° 7 est une autre affiche, à l’occasion de l’arrivée du soi-disant inventeur de l’éleclro-biologie. Il y a eu depuis lors deux autres docteurs qui ont aidé M. Fiske dans ses lectures et expériences. Vous verrez que d’autres réclament la paternité, et traitent d’imposteurs tout ce qui n’est pas eux.

Le n° 8 est une collection formée de divers journaux, pour vous mettre à même de mieux juger.

Le n° 9 est un semblable assemblage que je viens de former, parce que mon paquet eût été trop gros en vous envoyant les journaux même. Vous y verrez un nouveau sujet de lecture de M. Fiske, car il a des théories à lui sur tout : l'électricité terrestre, la circulation du sang, etc. Ce soir, il doit parler de Vac-quiswitè, organe qui me paraît devoir être fort développé chez lui. Je vous recommande un long exposé, autre sorte de puff contenant une espèce de défi jeté aux magnétiseurs.

A ce propos je me suis fait accompagner chez lui, mais «il était malade, obsédé, avait changé de demeure « et ne voulait pas qu’on sût oû le trouver, afin de « goûter quelque repos... » Je l’ai vu enfin, el il s’est montré fort gracieux; mais il est encore trop occupé, et doit me prévenir aussitôt qu’il aura un peu de loisir.

Nous J'atlcndons, et, s’il larde, nous irons plusieurs essayer d’acquérir à l’hôpital cle la Charité la prime de 5oo piastres qu’il a offerte. Mais je doute qu’il y consente !..... Il a cependant fait de brillantes recettes,

el il n’a pas fini.

Le n° 10 est la copie du serment qu’il exige de ceux qui assistent à ses cours privés. On évalue qu’il en a eu de trois à quatre cents, à 10 dolars chacun. Ses cours duraient trois leçons d’abord, mais aujourd’hui il les fait en une seule. — Ses élèves ont dû former, aujourd’hui même, une société : je vous en parlerai plus tard, s’il y a lieu. — Vous comprendrez que le serment exigé a été pour moi une mauvaise recommandation, et il m’a empêché d’aller voir s’il y a là quelque chose de neuf; car si je consens à payer pour apprendre, je veux au moins avoir le droit d’enseigner à mon tour pour rien.

Plusieurs médecins ont été à ces cours.

Le n° ii explique une des mystifications dont M. Fiske a été l’objet.

Le n° 12 en signale d’autres, et il est en outre remarquable par le grand nombre d’articles ayant trait à la même chose. Vous verrez qu’il est question de bumpo-biologie, mais vous devinerez que c’est là une charge d’un mauvais plaisant: le nom de biologie est exploité de tous côtés.

En somme, M. Fiske fait du bien avec son charlatanisme, car celui-ci l’aide en lui amenant beaucoup de monde et d’argent. Il y a foule tous les soirs, et il a certainement empoché plus de 4»ooo piastres, depuis trois semaines qu’il travaille ici.

Que je vous dise un mot de ce que fait M. Fiske.

Il s’est d’abord déclaré grand partisan du magnétisme; mais, dit-il, son moyen est bien plus prompt

et plus sûr; puis, dit-il, les magnétiseurs actionnent le moral et font dormir, tandis que lui ne s’adresse qu’au système musculaire el produit les phénomènes dans l’état de veille. A l’entendre, enfin, le nom de mesmérisme serait un contresens : Mesmer aurait fait de l’électro-biologie, comme M. de Jourdain faisait de la prose.....On croirait que c’est là de l'ignorance; mais je suis persuadé que ce n’est que calcul. Bref, il fait ce que nous avons fait depuis bien longtemps, et ce dont je vous ai parlé dans le temps : du magnétisme myologique (1) ; il paralyse les membres, ou le tronc, ou certains organes; il donne des secousses à vingt pas et renverse ses sujets, soit par un coup de poing, soit en le poussant violemment, quoique à cette grande distance; il produit des hallucinations, et persuade à ses hommes qu’ils voient dans un mouchoir un petit enfant, dans une canne un serpent, etc. ; il les fait pêcher à la ligne, etc., dans un état apparent de veille; ils ont les yeux ouverts, et se souviennent ensuite de ce qu’ils ont fait ou dit; il se donne des contorsions parfois grotesques, qu’il assure être indispensables, et pour faire cesser cette hallucination il dit : « ail right, » souvent en frappant violemment de la main sur les épaules du sujet. — A propos de ce ail right, je vous engage à lire une bonne plaisanterie dans le n° n.

. Quant aux disques, qu’il dit être si puissants, il ne s’en sert que comme d’une éprouvette : il appelle des gens de bonne volonté, et leur met à la main cette petite batterie galvanique; il y joint des passes de cinq en cinq minutes, et après un quart d’heure, il reprend ses talismans et fait monter sur l’estrade

(1) Voyez t. VI, p. 314, article fort important à consulter.

ceux qui ont témoigné quelque afl'ectibilité. l’ourles malades, jamais il ne se sert de ses disques, mais il les vend à ses élèves, une demi-piastre chacun : ils valent bien io sous. Ils ont la forme d’une lentille et la grandeur d’un décime : c’est massif, lourd, en zinc, excepté la partie centrale, ou l’axe, qui est en cuivre, traversant d’un côlé à l’autre. Nous les avons essayés sur nos somnambules, et l’action en a été bien moindre que celle des couples de charbon et zinc indiqués par le Dr Viancin dans la Revue d'Anthropologie catholique.

Jos. IURTHET.

Yoici quelques-uns des documents excentriques dont celte lettre fait mention ; nous les reproduisons imitativement, pour donner une juste idée des moyens employés par les électro-biologistes.

PIÈCE N° 15.

J.'Abeille , qui est pour ainsi dire le Moniteur du magnétisme à la Louisiane, publiait les judicieuses réflexions que voici, dans son numéro du 14 mars :

ÉLECTRO-BIOLOGIE. — M. Fiske, à la Nouvelle-Orléans, M. Sunderland et quelques autres, dans les villes du Nord , font en ce moment des expériences magnétiques, sous un nom nouveau, donné à une chose déjà vieille, et c’est peut-être pour cela que divers journaux du Nord ont répété le mot humbug, ou bien peut-être parce que ces expérimentateurs semblent réclamer l’honneur d’avoir découvert une nouvelle science, tandis que, selon les mêmes journaux, le véritable inventeur (s’il y avait réellement là une nouvelle découverte) serait IeDr Olcott, qui faisait les mêmes expériences il y a déjà treize ans.

M. Fiske devait expliquer hier au soir la différence incommensurable, selon lui, qui existerait entre l’é-lectro-biologie et le magnétisme ; mais comme il ne l’a pas encore établie, cette différence, nous n’avons pas à la discuter, et nous allons dire en quoi sa manière de procéder diffère le plus essentiellement de la nôtre. M. Fiske met dans la main des personnes qui se soumettent à l’expérience , un petit disque métallique qu’il nous a dit être composé de cuivre, zinc et or; le Dr Ryan, il y a trois ans, el plus tard le Dr Pres-cott, se servaient, pour le même objet, de pièces de dix cents, plus ou moins frottées de mercure; nous nous servons de n’importe quoi : d’un bouquet, d’une canne, ou bien, et le plus souvent, de rieu du tout.

M. Fiske nous a dit que la puissance de son nouvel agent était vingt fois plus énergique que l'action magnétique; mais nous avons pensé qu’il commettait là une imprudence, cl nous avons été confirmés dans cette pensée par la manière dont il a fait ensuite ses expériences, et par les résultats qu’il en a obtenus. Ce que nous avonsapprisdusujctnousautoriseà dire que M. Fiske fait tout simplement du magnétisme, et notre respect pour une chose sublime, pour une cause sainte, nous fait regretter que M. Fiske croie pouvoir renforcer son action au moyen de gestes el de cris que les magnétiseurs considèrent comme au moins inutiles. L’acte magnétique est une fonction de l’âme : il s’exerce en dehors des agents matériels, comme aussi sans contorsions de la part de l’opérateur; il atteint à la fois le moral et le physique de la personne qui s’y soumet, selon son degré d’affectibilité, et de là résulte la guérison des maladies mentales aussi bien que des maladies du corps. Si la cause de ces étonnants effets reste cachée, du moins on sait que les magnétiseurs ont coutume de magnétiser toute sorte d’objets, pour entretenir l’action en leur absence, car on a constaté mille fois que ces objets deviennent réellement des dépositaires de l’agent mystérieux. Tous les corps ne sont pas au même degré susceptibles de s’en imprégner, et on peut consulter là-dessus les nombreux ouvrages qu’on a écrits sur cette matière depuis plus de soixante ans; mais l’expérience de tous les jours prouve que l’emploi de ces auxiliaires amène la plupart des effets qui résulteraient du contact même du magnétiseur, et il faut en conclure que le disque de ¡VI. Fiske n’est autre chose qu’un de ces auxiliaires, et qu'il est surtout un moyen de fixer les yeux, l’attention, l’immo-

bilité, choses nécessaires à la production des phénomènes.

¡Nous n’engageons pas les magnétiseurs à aller voir M. Fiske, parce que ses expériences ne nous paraissent pas devoir rien leur apprendre ; quant aux personnes tout à fait étrangères au magnétisme, nous leur ferons une recommandation différente, dans l’espoir qu’elles n'iront pas voir pour rire seulement, mais bien plutôt pour apprendre, ou au moins pour avoir leur curiosité excitée; mais qu’elles sachent bien que les phénomènes les plus intéressants, les plus curieux, les plus utiles surtout, ne sont pas ceux qu’on peut exposer à la risée publique sur des tréteaux : le magnétisme offre un côté excessivement sérieux, que chacun doit chercher à apercevoir : les expériences qu’on va voir en payant n’en sont trop souvent que le revers.

J. 13.

Le même numéro du Journal précité contenait, dans les deux langues, l’annonce suivante :

COURS CLASSIQUES DE M. FISKE.

M. Fiske commencera lundi 18 mars, à 4 heures après midi, un cours classique d’électro-biologie. Les personnes qui suivront ce cours seront mises à même de faire toutes les expériences extraordinaires avec le plus grand succès. Elles apprendront également l’application de ce puissant agent médical à la guérison des maladies. Le prix du cours est de dix dollars, et chaque élève recevra 1111 billet gratis qui admettra un cavalier et une dame aux lectures publiques.

Lo Prospectus qui précède n’a pas moins d’un mètre de long sur i5 centimètres de large. Nous ne l’avons pas traduit, parce qu’il ne contient rien qui ne soit répété dans les diverses autres annonces. C’est seulement pour donner un échantillon du sa-voir-fairedesAméricainsen fait de publicité, quenous avons reproduit cette pièce curieuse. En la conservant, nous fournissons d’ailleurs à ceux de nos amis qui comprennent l’anglais l’élément d’une comparaison qui ne manque pas d’intérêt au point de vue de la propagation dont le sujet nous occupe en ce moment.

Passons à une autre série :

PIÈCE N° 0.

Coupures de divers journaux, extraites ou traduites, et généralement imitées.

TRÈS-ÉTOXXAXTES EXPÉRIKXCES.

THÉOPHILE riSKE. DU PHILADELPHIE,

Ouvrira sou cours à Armory Hall, et fera tous les jours (les dimanches exceptés), des expériences sur la science nouvellement découverte de l’ÉLECTRO- BIOLOGIE. Ces expériences seront faites sur des personnes ljien connues parmi les assistants, qui pourront s'offrir à cet effet ; il paralysera leurs mouvements, de manière qu'il leur sera impossible de se lever ou de s’asseoir; ii donnera à de l'eau pure le goût de vinaigre, de miel, de lait, d'absynthe, de limonade, etc. Il donnera ii une canne ordinaire l'apparence d'un serpent vivant; il fera d’autres expériences également extraordinaires. La séance commencera à 7 heures et demie.

Billets 50 cents, — un monsieur et deux dames, 1 dollar.

CLASSES, LECTURES, EXPÉRIENCES PUBLIQUES. —M. Fiskeouvrira ce soir, à l’Armory Hall, sa série de leçons sur VElectro-biologie , science récemment découverte. — Le sujet de sa première leçon sera la puissante influence des impressions morales sur l'invasion et la guérison des maladies physiques; cette lecture sera l'explication continuée du moyen de guérir les maladies sans médecines.

Après la lecture, M. Fiske fera plusieurs expériences merveilleuses.

BIOLOGIE. — Le certificat suivant a été donné par le I)r J. S. Jenkins, Chirurgien dentiste, rue Baronne, N° 8, et est relatif à une opération sans douleur, qui a été faite par lui sur une dame (Mmo Nimmo), qui demeure Tue du Camp , N° 265; elle était parfaitement éveillée. M. D’’* est un de mes élèves. T. FISKE.

Après avoir dit qu’ayant essayé inutilement de magnétiser cette dame, M. D. eut recours à la biologie, M. Jenkins continue :

Elle s’assit : M. D. proposa de paralyser la gencivo, ce qu’il fit. Je fis une incision profonde dans les gencives, et j'enlevai les trois racines,—une des deux dents en avait deux. Je demandai à la dame si elle avait ressenti une grande douleur, elle répondit qu'elle n'avait point souffert. Je lui avais arraché une dent l’année précédente ; je sais qu’elle est très-timide et qu’elle redoutait beaucoup cette opération. Cette dame reconnut que ce qui l'avait empêchée do souffrir était l'influence produite sur elle par M. D. et qu'il appelle Biologie.

Signé, J. S. JENKINS.

ELECTRO-BIOLOGIE. — M. Fiskc dit avoir découvert une seicnca nouvelle , qu'il appelle du nom 1Electro-Biologie. Par cette science l’opérateur se trouverait armé contre le patient d'une force sympathique qui lui donnerait tout pouvoir sur le mouvement de ses muscles. RI. Fiskc a commencé sur ce sujet un cours de lectures à 1'Arhiory-HaU ; il avance que sa découverte poul servir ù la guérison de toutes les maladies qui n'ont pas une cause organique, et ¡1 cilc des cures vraiment remarquables qui auraient été opérées par ce moyen.

A la suite de sa première lecture, M. Fiske a procédé, sur différentes personnes, à des expériences qui ont semblé confirmer tout ce qu’il dit de

1 'Electro-Biologie. Les personnes sur lesquelles il a opéré paraissaient avoir perdu toute force physique, el la volonté seule de l’opérateur imprimait une direction à leurs mouvements.

Ce soir, M. Fiskc se propose de donner d’amples détails sur l’histoire ancienne et moderne du magnétisme, et d'expliquer la grande différence qui existe entre cette science et l'Electro-Biologie ; après quoi il procédera :i des expériences amusantes autant qu’étonnantes. Nous engageons surtout les hommes compétents à aller assister à ces expériences; on doit Être curieux de connaître leur opinion sur cette découverte.

EXPERIENCES MERVEILLEUSES PAR M. FISKE.—Nous rappelonsà nos lecteurs que M. Fiske doit commencer ses séances et ses expériences surprenantes aujourd’hui, à Armory-Hall. Quelque merveilleuses que ces expériences puissent paraître, nous sommes parfaitement convaincus qu’il n’y a ni jonglerie, ni déception. M. Fiske s’est acquis une bonne réputation comme orateur et comme écrivain, et nous supposons qu'il ne voudrait pas la compromettre en cherchant ù en imposer au public. Le Pensylvanien, journal publié à Philadelphie, rend compte de ses expériences dans cette ville de la manière suivante :

« Si vous aimez îi rire et à admirer, si vous vous sentez du goût pour ce qui étonne el confond l’esprit, allez ce soir au Musée Chinois, pour assister aux expériences les plus merveilleuses qui se soient jamais vues dans aucun siècle. »

LES MERVEILLES DE L'ÊLECTRO-BIOLOGIE. — Le succès qu'a obtenu M. Fiske dans scs efforts pour introduire sa nouvelle science parmi nos concitoyens, a dû satisfaire pleinement ses partisans. Un grand nombre de personnes ont assisté à ses séances, et ses expériences sur des sujets en étal de

veille oui un caractère merveilleux cl amusant il la lois 11 doit donner ce soir, ii Armory llall, une nouvelle séance accompagnée d'expériences.

TRAITEMENT BIOLOGIQUE DES MALADES.

FISKE a l’iionneur d'informer le public, que le Dr C. A. Slevcns, mé-

• decin recommandable, ilonnera ses soins aux malades à Armory Hall. Les jours et heures de consultation pour les Messieurs sont les lundis et jeudis, de neuf à onze heures, elles mardis et vendredis aux mêmes heures pour les dames. Personne ne sera admis comme spectateur: pour l’examen et le traitement le prix ordinaire sera do 1 dollar. Il y aura augmentation de prix pour les visites à domicile.

SÉANCES DE M. FISKE. — Il y a tous les soirs, à Armory Hall, grande réunion pour assister au cours public de M. FISKE, sur la science Électro-Biologique, et pour être témoin des expériences qu'il fait à l'appui de sa théorie. S’il suffit do voir un fait pour le croire, c'est en s'adressant au sens qu’on peut réussir à convaincre de la réalité d'influences merveilleuses, que nous ne chercherons point à expliquer, parce que nous ne pouvons les comprendre.

SÉANCES DE M. FISKE A I.'ARMORY HALL. — Xous étions présents hier à la séance de M. Fiske, et nous devons avouer que nous n’avons point trouvé dans cette séance de quoi nous dédommager de ce que nous avons payé pour prix d’ontrée. Elle consistait, en tout et pour tout, en une énumération sous forme d’anecdotes, des difficultés qui, depuis les temps les plus reculés, ont toujours accompagné les découvertes scientifiques, à cause de l'opposition présentéo par ceux-là même qui devraient être les premiers à accueillir le progrès de la science. Le savant professeur prit occasion de dire que la jalousio en était la cause, qu’on ne trouvait d’encouragement d’abord que dans le peuple , et mémo que ceux qui étaient sans instruction, cl par conséquent exempts do préjugés scientifiques et étrangers au savoirdesécoles, étaient les vrais champions de l’art et de la science.

Quant ii l'Électro-Biologie, pas un mot n'en a été dit. Nos oreilles étaient attentives, dans l’attente de voir aborder ce sujet, mais en vain.

Nous parlerons des expériences dans la suite et plus en détail. Nous allons établir une enquête, dans le but de savoir pourquoi les mêmes sujets se trouvent amenés tous les soirs devant le public, sans aucunes additions ; pourquoi la victime est avertie, par forme de préliminaire, des mouvements qu'olle doit oxhiber, et autres choses so rapportant à un sujet qui attire tant l’attention dans la Cité du Croissant.

IN NOUVEAU PROFESSEUR A AKMORV MALI.. — Le Dr Williams,

• t'Iui qui a découvert le premier la science «le l’ÉlccIro-Biologic, donnera aujourd'hui une séance à Vrmorv Hall. Ce professeur distingué étant sur le point d'ouvrir un cours à Mobile, c'est la seule occasion qu'auront nos concitoyens de lenlendrc. -Une série d’expériences surprenantes et amusantes aura lieu après la leçon.

LEÇONS DU PROFESSEUR FISKE.— Ce moderne magicien a fait hier de nouvelles expériences il Arraory Hall, en présence d'un auditoire nombreux : 011 a beaucoup admiré et beaucoup ri. Parmi les illusions produites sur certaines personnes, plusieurs sujets avaient rapport il la mythologie classique. Dans une occasion, il a présenté la tète de .Méduse, entourée de serpents, et la bouche vomissant de la flamme ! Ensuite, ce fut une Déesse, dont les vêtements étaient brillants d’étoiles, «Ile était ornée des beautés de l'univers. Ccttodernière ligure a excité une admiration démesurée dans ceux sur qui l’expérience fut faite, el l’un d'eux parut se faire violence pour résister au désir de lui donner un baiser, en présence de toute l'assemblée; mais cet amoureux désir se changea bientôt en un sentiment d’une autre nature, quand cette merveilleuse beauté devint tout à coup la noire figure de celui qu'on appelle quelquefois Moloch, Prince',du pandémonium, et littéralement Satan ou le Diable. Après celle-ci, cefutVulcain forgeant des foudres pour Jupiter. Ce dernier personnage fabuleux faisait rejaillir des éclairs de tous les côtés de la salle, à la consternation et à la grande surprise des sujets. Un Français ayant soif, voulut boire un verre d'eau, qui devint pour lui de l’eau-de-vie de la meilleure qualité, et le mit aussitôt dans un état complet d’ivresse; ce qu’il y eut de plaisant, c’est qu’il se mit à faire un superbe sermon sur la tempérance, dont il exaltait les beautés en faisant des mouvements do droite et de gauche, tout en s’efforçant de se tenir sur la ligne droite.

Nous pourrions remplir des colonnes d’autres exemples ; mais le manque d’espace nous oblige à nous en tenir à ceux-ci.

COURS ET SÉANCES DE M. FISKE. — M. Fisko donnera cette après-midi, à Armory Hall, une nouvelle leçon particulière sur l'Eleetro-Biolo-gie. Tous ceux qui désireront s’instruire dans cette nouvelle science, pourront profiter de l’occasion, en se présentant à l’heure indiquée. H comprimera en une seule leçon toute l'instruction nécessaire pour mettre les assistants à même d’expérimenter avec succès, et pour faire l'application de cet agent à la guérison des maladies. Dans la soirée, M. Fiske terminera l'exposition de sa nouvelle théorie électrique de l’univers.

CLASSE DU SOIR DE M. FISKE. — Le Professeur Shaw va prendre sa place pour cc soir à Armory Hall. M. F. pourra former une classe pour ceux qui désirent s'instruire dans la science de l'Électro-Biologie. Ceux

dont le temps est employé entièrement dans lu journée, auront locpasi.it: d'éludier celle nouvelle science, cl de connaître la manière d'en faire hq> plication à la guérison des maladies.

LEÇON DU PROFESSEUR SIIAW. — M. Sliaw donnera ce soir, à Ai moryHall, une leçon d’Électro-Biologie Humaine, et fora remarquer en quoi l'ÊIcctro-liiologic diffère du .Mesmérisme.

EXPÉRIENCES ÉTONNANTES ET AMUSANTES. - M. Fiske a l’honneur d’informer le public que M. Dumas et scs aides feront, en français, un cours de lecture sur la science nouvellement découverte de l'Électro-Biologie, dans la salle St.-Louis (entrée par la rue Royale). La première de ces Iccturesaura lieu mercredi soir, 17 du courant, à 7 heures. — Après la lecture aura lieu une série d'expériences, les plus merveilleuses et les plus amusantes que l'on ait jamais vues.

Des personnes de bonne volonté, sorties des rangs dos spectateurs, scrunl le sujet do ces expériences, cl l'opérateur, sans rien leur administrer qui puisse les priver do leurs facultés, se rendra maître de leurs mouvements, au point de les empêcher do se lever ou de s'asseoir, sans qu’il le leur ordonne.

Sans rien introduire dans l'eau contenue dans un verre, il en changera le goût de telle sorte que la personne, en goûtant cetleeau, la trouvera successivement insipide , douce ou acide. M. Fiske peut assurer que ces expériences, toutes merveilleuses qu'elles soient, se font sans avoir recours à aucun stratagème. — Les nombreuses cures opérées dans les cas do paralysie, de névralgie et d'affections nerveuses, prouvent que l’Élcctro-Bio-logie est le plus puissant agent curatif auquel on puisse avoir recours, el une des plus précieuses découvertes qui aient jamais été faites.

Prix d'entrée : 50 c. — Pour un monsieur et une dame, 1 d. — 8 billets pour 2 d. ; ce qui réduit le prix d'entrée à 25 c. — Enfants moitié prix.

Il y aura chaque semaine des classes en anglais et en français, où il sera traité de l'application de cet agent puissant à la guérison des maladies. — Les malades seront traités chaque jour, à neuf heures du matin.

— Les prix seront modérés.

PIÈCE N° 9.

Le Picayune du 29 mars publiait co dont suit la traduction :

L’Él.ECTIiO-IîlOLOGlE N’EST PAS LE MESMÉRISME. Messieurs les éditeurs,

Dans le rapport que vous avez fait de mes séances publiques, vous avez quelquefois parlé de la science

que je propage comme si vous la supposiez identique au magnétisme animal. Plusieurs autres esprits éclairés se sont pénétrés delà même erreur, et la raison en est facile à concevoir : ils voient que des effets semblables sont produits de part et d’autre; et, ne considérant que les résultats, au lieu des causes qui les ont fait naître, ils en concluent tout naturellement que mesmérisme et électro-biologie sont tout un. Permettez-moi de rectifier ce jugement eu faisant ressortir la différence qui existe entre les deux sciences.

J’admets que les phénomènes que j’exhibe chaque soir peuvent être également produits par le magnétisme. Je puis obtenir les mêmes effets par l’un ou l’autre de ces moyens, mais le mode d'action, dans les deux cas, est aussi opposé que le froid l’est à la chaleur et la lumière à l’obscurité. En mesmérisme, l’opération est purement mentale; dans l’électro-biologie elle est à la fois physique, musculaire et mécanique. Dans le premier cas l’opérateur exerce une influence sur le sujet; dans le deuxième, c’est une impression qu’il lui fait. En mesmérisme, il faut une grande puissance de concentration d’esprit; en électro-biologie aucune. Dans le premier cas, une forte constitution et une bonne santé sont indispensables pour opérer avec succès ; elles ne le sont pas dans l’autre. En magnétisme il est nécessaire de produire d’abord le somnambulisme, pour que le sujet puisse être influencé ; tandis que les personnes sur lesquelles je fais mes expériences sont en état complet de veille et jouissent de loules leurs facultés. Les magnétisés sont en parfaite sympalhie de goût, de sensibilité, etc., avec le magnétiseur; en biologie, il n’en existe pas plus entre l’opérateur et le sujet qu’entre les deux premières personnes venues. Dans le

dernier cas, l’expérimenté ne goûte, ne voit ni n’entend ce que goûte, voit, sent l’expérimentateur, comme en mesmérisme; ses sens sont parfaitement indépendants de la volonté de l’opérateur. Ce n’est pas par la volonté que les phénomènes sont produits en électro-biologie, mais par des impressions. En mesmérisme. la volonté du sujet est sous la dépendance absolue de celle du magnétiseur; en électro-biologie elle est parfaitement libre et indépendante. Dans un cas, le 6ujet se meut comme une machine sous l’influence d’une puissance irrésistible, il n’a ni volonté, ni pensée, ni désir qui ne dépende de l’opérateur; en électro-biologie c’est tout l’opposé, le sujet conserve le même empire sur sa volonté, et il peut, si • cela lui plait, résister aux impressions faites sur lui. Mais s’il consent seulement à demeurer passif et à permettre qu’une impression soit faite, il ne peut plus s’y soustraire, quoiqu’il soit parfaitement indépendant de la volonté de l’opérateur. En mesmérisme, le sujet est totalement privé de la conscience de ce qui se passe autour de lui ; dans la nouvelle science, il n’a cessé de s’en rendre parfaitement compte. La différence qui existe entre les deux sciences est la môme qu’entre une personne qui veille et une qui dort.

Lorsque des personnes ont été mises dans l’état mesmérique, on peut leur ouvrir les yeux et agir sur elles comme si elles étaient éveillées. Cela est vrai, mais elles sont toujours dans l’état mesmérique, sous l’influence mesmérique, sans cela ce ne serait pas par le procédé mesmérique que les expériences pourraient être faites. Mes sujets n’ont point été endormis, ils sont dans leur état normal, autant qu’ils peuvent en avoir la connaissance eux-mêmes, ils n’a-

perçoivent rien qui les avertisse le moins du monde d’aucun changement dans leur élat. Parmi le grand nombre de personnes sur lesquelles j’ai produit plus ou moins de phénomènes remarquables durant mon séjour dans cette ville, je ne m’en rappelle que deux qui aient été sous l’influence mesmérique. Les sujets les plus sensibles à mon action étaient toujours, à l’exception d’un seul , ceux qui n’avaient pu être endormis, même par la puissance des plus célèbres mesmériseurs , et qui n’avaient pas même montré la moindre disposition au sommeil. Tous les mesméristes éclairés à qui j’ai eu le privilège de donner des leçons, ont avoué franchement, et sans hésitation, qu’il y avait une différence immense entre les deux sciences. Personne ne peut prendre connaissance des deux, sans être parfaitement convaincu qu’elles sont tout à fait distinctes l’une de l’autre.

Il y a encore entre elles une autre différence remarquable. L’expérience m’a appris que dix cas réussiront par l’application de la nouvelle science, sur un seul par le procédé mesmérique, et les guérisons ont lieu dans la même proportion. Je dois dire même qu’elles s’opèrent dans un temps infiniment moindre par mon moyen. Il n’y a pas le plus petit inconvénient à craindre dans l’application du nouveau système , même entre des mains inexpérimentées, si l’on agit prudemment, et l’on n’en peut pas toujours dire autant en faveur du mesmérisme.

Afin de prouver la vérité de mes assertions d’une manière satisfaisante, je demande la permission de faire la proposition suivante : j’enverrai à l’hospice de la Charité une somme de 5oo dollars pour être offerte en don, si quelque personne peut, à l’aide du procédé mesmérique, réussir à faire avec succès, sur

quelqu’un des sujets sur lesquels j’ai opérédepuis mon arrivée ici, une seide des expériences que j’ai faites, sans que l’état mesmérique ait été produit d’abord. Je fais celte proposition de bonne foi et je tiendrai fidèlement ma parole.

Si ce n’est pas abuser de votre indulgence, per-mettez-moi de dire deux mots de l’influence curative de cet agent. Dans les cas les plus obstinés de paralysie, de névralgie, de dyspepsie, de rhumatisme, de tumeurs scrofuleuses, dans la danse de Saint-Vite, les affections spinales, les maladies nerveuses de toute espèce, le choléra au degré le plus avancé, il a produit des effets magiques, et, ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que tout individu, quel qu’il soit, homme ou femme, peut apprendre en une heure ou deux, au plus, à faire avec succès l’application de cet agent à la guérison des maladies. Il me semble que lorsqu’un remède aussi sûr, et tellement efficace qu’il peut guérir des maladies qui ont défié de tout temps le talent des médecins les plus capables, est à la portée de tous, personne ne serait excusable de négliger l’occasion d’obtenir une connaissance parfaite du procédé à l’aide duquel de pareils résultats peuvent être accomplis. La satisfaction inexprimable qu’une personne sensible doit éprouver à conserver la vie d’un ami précieux ou à rendre la santé à celui qui est tourmenté par un mal douloureux, serait le récompenser au centuple de sa peine et du léger sacrifice qu’il aura fait pour être, suffisamment instruit dans cette importante branche de la philosophie de l’homme.

Les élèves qui ont suivi mes deux cours (et parmi eux je suis fier d’en compter beaucoup d’entre les plus influents et les plus respectables de vos conc.i-

toyens), ont appliqué cette nouvelle science à la guérison clos malades avec un succès remarquable. Des maux de tête, des maux de dents, des douleurs névralgiques et rhumatismales ont été guéries en mille occasions. Il s’est trouvé tout dernièrement un cas de croup très-grave, qui a été guéri également en quelques instants. Dans un cas on ne peut plus affligeant, d’une personne qui était depuis longtemps sujette à des spasmes ou à des convulsions violentes, et que les plus célèbres médecins considéraient comme incurable, la guérison a élé obtenue par un de mes élèves. Dans ce dernier cas, le malade était quelquefois obligé de prendre de grandes quantités de laudanum et autres drogues : depuis le jour où l’on a fait usage de la nouvelle méthode, il n’a plus fallu d’autres remèdes. A l’aide de cet agent, d’importantes opérations ont été faites sans douleur. Six cas de choléra, dont trois avaient été jugés incurables, ont été guéris par quelques-uns de mes élèves de cette ville. L’un des patients, qui fut rendu à la santé par un respectable négociant, avait les yeux vitreux et enfoncés dans leurs orbites, les lèvres étaient bleues; les crampes, en contractant les muscles, formaient des grosseurs du volume du poing, et les extrémités étaient tout à fait froides.

J’ai reçu, il y a un jour ou deux, une lettre du Dr B.-H. Davis, médecin en renom à Providence, R. I., dont le passage suivant est extrait. Le Dr Da -vis est président de l’Institutélectro-biologique, composé des membres des différentes classes que j’ai eu l’honneur d’instruire dans le temps que je me trouvais dans cette ville. Il dit :

« Il faut que je vous rapporte un cas nouveau, qui s'est présenté à moi hier; toutes mes autres ex.-

péricnces 11e sont rien en comparaison. Je fus prié d'aller voir une dame qui avait été pendant douze années incapable de marcher, le rhumatisme l’avait rendue tout à fait impotente. Elle n’avait jamais pu quitter sa chaise sans aide. A ma première opération, je pus agir tellement sur les muscles, que je réussis à la faire lever de sa chaise par la puissance électrique, sans la toucher des mains, et à se tenir debout sans être maintenue. Elle a soixante ans el pèse 200 livres. J’ai produit aujourd’hui les mêmes ellets, et j’ai fait plus encore : je lui ai fail faire plusieurs pas en marchant, et elle ne faisait qu’appuyer une de ses mains sur mon bras, que je tenais étendu dans une position horizontale. Apres cela, elle put quitter sa chaise seule et sans être aidée par moi, autrement que par la force que je lui avais communiquée, ce qu’elle n’avait pu faire depuis douze ans. »

Ceci n’a pas besoin de commentaires de ma part. L’auteur de la lettre est un ecclésiastique, aussi bien que médecin praticien, et on ne pourrait raisonnablement le soupçonner d’exagération.

Recevez, etc.

Tuéophilb FISKE.

BIOLOGIE.— MM. Burr ctEverelt, qui ont donné des séances de biologie dans notre ville, ont fait insérer un avis dans les journaux de Colombus, dénonçant comme imposteurs tous ceux qui, à l’exception d’eux-mêmes et du capitaine Blanchard de Paines-ville, ont professé publiquement la biologie dans l’Ouest. Us déclarent que ces imposteurs ignorent totalement la vraie philosophie de celte science.

Nous ne savons pas si la biologie a été breveté«, ou si MM. Burr et ses élèves sontles seulsqui possèdent la

clef des mystères du magnétisme, mesmérisme, élec-tro psychologie, biologie ou tout ce qui peut ainsi se nommer ?

(Traduit du Cincinnati chronicle.)

M. FISKE SUR L’ACQUISIVITÉ. — Le sujet de la leçon d’aujourd’hui, à Armory Hall, sera le développement excessif du penchant à acquérir. Ses leçons et ses expériences ont atliré beaucoup de monde toute cette semaine.

(Traduit du True Delta.)

PIÈCE N° 10.

ENGAGEMENT ET OBLIGATIONS.

Nous, soussignés, devant èlre instruits dans la science nouvellement découverte de l’électro-biolo-gie, ou psychologie électrique, comme on la nomme quelquefois, nous engageons solennellement à ne pas divulguer ou faire connaître le mode secret d’expérimentation, à quelque personne que ce soit, soit directement ou indirectement, par paroles ou par écrit, ou par quoiqu’autre moyen de communication, avant l’expiration de trois mois, à dater de ce jour,

— el pas même alors sans avoir exigé préalablement la somme de dix dollars de tout individu qui demandera à èlre instruit par nous, et de cinq dollars seulement si c’est une femme, el sans avoir exigé de chacun ou chacune le môme engagement et les mêmes obligations par écrit.

Il est bien compris par toutes les parties signataires de cet engagement, que le but de ceci n’est poiut de les empêcher de pratiquer en particulier et aussi-

lot qu’elles le voudront, pour satisfaire leurs amis ou pour en faire un sujet d’amusement en société, ou pour en faire l'application à la guérison des maladies ; mais de les mettre à même de se perfeciion-tionner dans la science, de manière à pouvoir l’enseigner avec connaissance de cause, et pour ne pas l’exposer à la défaveur , eu l'enseignant prématurément et imparfaitement. L'engagement ne s’étend que jusqu'à l'expiration des trois mois , pendant lesquels elle ne doit pas être enseignée.

Si, après l'expiration des trois mois, qui que ce soit d’entre nous prenait la résolution de donner des séances publiques, il paierait la somme additionnelle de dix dollars, qui n’est que le montant de la somme demandée jusqu’à ce jour pour être instruit dans la science électro-biologique. Celle dernière somme ne sera exigée que de ceux qui voudraient faire des expériences publiques.

Nous engageons notre parole d’honneur, comme garantie de notre fidélité à remplir les obligations ci-dessus.

(Traduit. Suivent les signa/tires.)

PIÈCES N» 11.

De Daily Délia du !\ avril publiait les plaisants détails dont voici la traduction :

LE DOCTEUR FISKE ET UN IVROGNE.

Ayant appris qu’on avait fait courir certains bruits injurieuxpour lecapitaine Forno, relatifs à un homme ivre amené par moi à Armory Hall, lundi dernier, dans l’intention de le soumeltre à l’expérimentation du Dr Fiske, permettez-moi de déclarer que, dési-

vanl mo convaincre par mes propres yeux du pouvoir auquel prétend le; Dr Fiske, de faire disparaître l'élat d’ivresse en une seconde, au moyen de sa science, ce qu’il s'engage à faire en présence de onze citoyens bien connus de la Nouvellc-Orléans, j’allai, samedi soir, à la Waich housc de la rue Baronne, pour voir s’il s’y trouverait un sujet convenable. Il n’y en avait pas; alors je parcourus toute la ville, et, chose remarquable, samedi soir je n’en pus découvrir un seul. Lundi soir, je fus plus heureux, j’en vis un qui venait d’être amené par un icatch man; il me parut réunir les conditions demandées par le Dr Fiskc, il élait à peu près ce qu'on appelle icre-mort. Cet homme n’ayant poinl encore été conduit devant le juge, on put me permettre d’en disposer dans le but indiqué. Je fis disposer ses vêlements de manière à ce qu’il pûl être amené dans un état décent devant les spectateurs. Je pris un cabriolet et le fis conduire à Annory Hall, où M. Fiske faisait son cours. Le sujet était tellement ivre, qu’il fallut quatre hommes pour le faire monter. Lorsqu’il parut dans la salle, le Dr Fiske fit observer que ce n’était pas un lieu où il élait convenable de l’amener, et qu’il n’était pas ivre-mort, comme il l’avait exigé. Il voulut absolument le renvoyer; je m’avançai el je lui dis que j’avais amené cet homme dans le but de mettre sa puissance à l’épreuve. Il ne voulut pas m'entendre, prétendant que je troublais la séance, et il eut recours à la police pour me faire mettre à la porte ainsi que le sujet. Je me retirai, et le sujet fut descendu el déposé sur un des côtés de la route, la tête reposant sur un coussin. La foule l’entoura aussitôt, et plusieurs personnes essayèrent de le tirer de son état d’ivresse par des moyens électro-biologiques, mais sans succès.

Néanmoins le Dr Fiske déclara que quelques-uns de st‘9 élèves avaient fait disparaître son état d’ivresse. Désirant toujours qu’on tentât l’expérience, je demandai à deux de mes amis de prier Al. Fiske de permettre qu’on fit porter l’homme ivre dans une pièce voisine, pour expérimenter sur lui. Je lui iis parvenir un billet à cet effet. Il le lut, mais ne lit pas de réponse. Lorsque je vis sortir les spectateurs après la séance, je priai ceux que je connaissais d’observer l'homme ivre ; plusieurs personnes s’emparèrent de lui et l’amenèrent dans le vestibule , voulant exiger du Dr Fiske qu’il opérât sur lui. Après dix ou quinze minutes d’attente, le Dr Fiske ne paraissant pas, je lis reconduire l’homme à la walch house dans un cabriolet, dans le même élat d’ivresse où il était quand il me fut confié.

W. R. BUDDENDORFF.

L'Abeille du 5, revenant sur cette curieuse affaire, en a fait le sujet d’un article charmant, dont la traduction suivante ne donne que le sens littéral, les finesses résultant de jeux de mots ne pouvant passer d’une langue dans l’autre.

UNE NOUVELLE SCIENCE.

Notre siècle est certainement celui du progrès. Nous apprenons par une annonce de l’un des journaux d’hier, qu’un professeur de bumpo-biologie est parmi nous, et qu’il prétend faire de merveilleuses cures à l’aide de la phrénologie , du mesmérisme et de la bumpo-biologie. Ceci n’a pas besoin d’explication ; le cranium se présente de lui-même, comme ayant un rapport intime avec la nouvelle science;

car, qu’y a-t-il de plus propre à guérir un mal de tête obstiné ou une maladie du cerveau, qu’une lecture sur la bumpo-biologic. L’auteur nous laisse ignorer si ce titre imposant a du rapport avec la biologie elle-même; ce n’est probablement pas autre chose, hormis le II amp qui, en phrénologie, est une condilio sine quà non. Au point où en sont les choses, nous courons la chance d’être amenés bientôt à la //ttm■ liioloyy cl à la Bug-Hiology (i), qui devront nécessairement faire aussi partie de l’éducation de ceux qui se laissent guider par l’enthousiasme.

Nous n’avons pas le moindre doute qu’en parcourant les endroits les plus fréquentés de la ville, nous ne puissions, en moins de cinq minutes, rencontrer plusieurs professeurs des deux sciences combinées.

Ceci nous rappelle avoir lu hier, dans le Delta, un article d’un monsieur très-connu, qui avait désiré pénétrer dans le sanctuaire de la science biologique. Il avait été induit à croire qu’en mettant un ivrogne en contact avec un bouton de plomb, tous les symptômes de l’ivresse disparaîtraient. 0 heureuse crédulité! 11 ne dépensa probablement pas moins de cinq dollars en courses de cabriolet, et réussit enfin à mettre la main sur un sujet dont les idées sur la tempérance contrastaient singulièrement avec celles du Père Mathew. Muni de cette précieuse trouvaille, il alla vile à la recherche du savant professeur, dans la bienveillante intentionjde lui fournir un sujet parfait pour ses expériences. Cependant on le pria assez rudement de vouloir bien se retirer. L’ivresse n’était pas assez caractérisée , le professeur ne voulait pas

(I) Hum-biologie, bug-biologie, c’est-à-dire, hum bug. —Humb ug si-gniûe : toute sorte de langage pour en imposer au public.

biologiser sur un individu qui n'était pas absolument ivre-mort. A l'instant même, on entendit une* voix s’écrier : « Qui paye à boire? » El notre ami s’en alla, se dirigeant à la pompe voisine où, par une application prompte du fluide aqueux, 011 réussit à rendre en partie la sensibilité au sujet. Si parmi nos lecteurs, il s’en trouvait à qui il arrivât de se laisser dévier des principes de la tempérance, nous recommandons l’adoption d’un remède semblable.

PIÈCES N° 12.

ÉLECTRO-BIOLOGIE. — Les éloges que font les élèves de M. Fiske de sa manière d’enseigner sa nouvelle science, l’assurance avec laquelle ils expriment leur conviction quant à sa réalité, ne peuvent manquer de produire une puissante influence sur l’esprit du public. Ces élèves sont des citoyens de notre ville, en qui on peut avoir la plus grande confiance.

ÉLECTRO-BIOLOGIE. — Nous publions dans une autre colonne les résolutions adoptées par les classes de M. Fiske, et qui sont très-favorables à cc professeur. Les noms qui s’y trouvent annexés sont une garantie du succès de M. Fiske, et doivent l’encourager à continuer ses effets dans notre ville. Les signataires sont des citoyens qui occupent une certaine position, et dont la parole mérite le respect à tous égards.

AVERTISSEMENT. — Dans une réunion des membres de la première et de la deuxième classe de M. Théophile Fiske, convoquée à jour fixe, le co-

mite delà réunion précédente lit le rapport do la résolution suivante qui a été adoptée, dont copie fut faite et signée par le comité et attestée par le président et par le secrétaire, pour être communiquée à M. Fiske :

Résolu : Quo les membres de la première et de la deuxième classe de M. Fiske avant achevé leur instruction dans la nouvelle science de la biologie, science remplie d'intérêt saisissant, croient devoir exprimer leur satisfaction de la manière dont il a rempli son engagement. Sa théorie a *5té expliquée et démontrée avec beaucoup de lucidité, et le succès qu'ils ont été à même d’obtenir en cherchant à produire les merveilleux effets qu’il produit lui-méme en public a été tel, qu'il ne peut rester dans leur esprit la moindre idée de collusion ou de déception.

C’est pourquoi ils n’hésitent pas à le recommander au public, ainsi quo sa nouvelle science, laquelle considérée comme agent curatif, ils déclarent être destinée à devenir l’un des plus puissants remèdes, et de l'usage le plus général parmi ceux qui ont jamais été découverts.

G. KliRSCHEEDT, président.

W. Il. KR ANE, secrétaire.

Comité: Olivier A. SHAW, Samuel UARBY, J.-E. CALDWELL, S.-W. TAYLOR, T.-O. SULLY.

BUMPO-BIOLOG\ (i). — Le professeur l’oans est arrivé, et va bientôt paraître au salon de Cassedy. Il essaiera d’expliquer, d’après des principes Physolo-gigues (sic) et Physophiques (sic) , les iodeineries (sic) particulières de l’esprit. Il n’est pas question, strictement parlant, d’électro-magnétisme, mais d’une combinaison des sciences de la liumpo - Biologie, de la Phrénologie et du mesmérisme. Le professeur donnera des consultations aux malades, de sept heures à midi.

Ce qu’on vient de lire est traduit du Daily Cres-

(1) Jlumpo peut se traduire par Çranto ou Phréno.

cent; en voici l’analogue, extrait du True Delta du G avril :

BOMPO-BIOIOCY.

PROFESSOR FOANS will délivrer a graluilouslecture (being the first of a series) at CASSIDY'S SALOON, to-night at 8 o'clock. After the lecture he will make such experiments as will satisfy the most credulous in reference lo the truth of the Science — the fact of “ Bumpo-Biology ” being the condensed offspring of the combined Sciences of Mesmerism, Electro-Biology, Phrenology and Magnetism, places it far above the ordinary rank of modern discoveries.

Professor Foans has been unusually successful in the treatment of disease, especially those disorders lo wich females are most subject.

The public are invited lo attend the first lecture. Private Classes made on Monday. Tuition, moderate. apG-ll

ALL RIGHT (1). — M. Fiske fait usage de ces mots magiques dans ses expériences électro-biologiques : c’est le coup de baguette d’arlequin. Ils ramènent tout à coup le sujet du monde idéal créé par le professeur, aux affaires triviales de cette sphère.

All right est donc un charme tout puissant, et quand il est accompagné de l’application de la main sur le dos, on dit qu’il réveille les individus qui sont sous l’influence électro-biologique, ou sous celle des liqueurs fortes.

Nous avons été témoin hier d’une scène passablement plaisante. Ce qui nous procura cet amusement, ce fut les efforts que nous vîmes faire à un élève enthousiaste de M. Fiske, pour rendre à son état normal un pauvre diable ivre-mort.

Rob, l’Indien, était étendu sur le gazon de ce parc de forme étrange qu’on appelle Cercle de Tivoli, ne se doutant guère que l’œil de la science était fixé sur

(1) Tout va bien, expression dont l’application csl très-étendue , el qui n’a pas d’équivalent en français.

lui. L’eau de feu avait réduit les membres robustes de cet enfant de la forêt à l’état d’impuissance : c’était un sujet parfait. La porte du Cercle cria sur ses gonds et Timolhée Tilmarsh parut sur la scène. Son esprit était absorbé par les merveilles de la nouvelle théorie, il venait juste de quitter la classe à laquelle le professeur dévoilait ses mystères, cl, ail riglit lui-même, il se sentait disposé à croire qu’il était aisé de faire arriver tout le monde au même état. Il fait quelques pas, il s’arrête, il joint ses mains en extase ot son visage est rayonnant de joie.

Il contemple Rob, — la Providence le lui a envoyé, elle a placé jusque sur son chemin le sujet d’un triomphe signalé. Maintenant, à l’œuvre, faisons éclater la grande merveille du jour! Ainsi pensait Tit-marsh, et d’un pas rapide il s’approche de Rob. Il se met à examiner le sujet. AU right! s’écria Timothée dans son enthousiasme, en voyant que l’ivresse était aussi complète qu’elle pouvait être, et après avoir prononcé ces puissantes paroles, le sujet fut soumis à un certain contact de la science, que Rob, s’il avait eu l’usage de ses sens, aurait pu récompenser avec intérêt; le sujet resta passif, Timothée redoublait d’efforts. AU riglit! dit-il, d’un ton assez modéré d’abord, mais plus décidé ensuite, et les coups résonnent sur le dos de la victime; Timolhée s’animait, ses yeux étincelaient; ail right! répétait-il avec l’ardeur d’un vrai disciple. Rob, Rob, criait Titmarsh, l’écho seul du Cercle répondait. Pan, pan , un nouveau déluge de coups sur le dos, pan, pan; mais le pauvre Indien ne les sentait pas. AU right! donc, ail right ! éveille-toi ! Au diable la bûche ! Je croirais presque qu’il n’est pas ivre-mort, poursuivait Timothée, s’appuyant sur le corps de la victime pourres-

piror un moment. Si le professeur était ici, il le réveillerait, lui, c’est certain, s’écria l’élève; et, se ranimant à celle pensée, l’cnlhousiastc se remit à l’œuvre; il appliqua de nouveaux coups qui forcèrent la respiration du pauvre Rob, et l’on entendit distinctement un son. Un choc électrique n’aurait pas produit plus d’effet sur Titmarsh. Ses brillantes espérances allaient se réaliser! AU right! s’écria-t-i 1 de nouveau, d’une voix de tonnerre, et les coups recommencèrent déplus belle. Il saisit la lêle du sujet, la tourne et retourne de celle manière toute particulière, comme on a occasion de le voir tous les jours à Armory Hall, el les paroles magiques sont répétées comme si on voulait les faire avaler au pauvre Rob. Mais, hélas ! pauvre Titmarsh ! 11 avait levé la tèle, son esprit était attentif, chacun de ses muscles était tendu comme pour obéir à un effort déterminé, quand tout à coup un nuage obscur couvrit ses yeux, une volée de coups de manche à balai lui plut sur la tête, et ses oreilles furent assourdies par les cris de misérable et d’assassin. Timothée regarde autour de lui, se lève et se met à courir à toutes jambes. Voulant mettre son précieux individu à l’abri de la fureur d’une douzaine de femmes enragées, il laisse là Rob, ne songe plus à la biologie, et ail right reste considéré comme élant décidément tcrong (mauvais).

Le dénouement s’expliquait à la vue du linge étendu sur une longue corde au milieu de la place. Des laveuses irlandaises étaient assemblées pour élendre leur linge de la journée. Durant les expériences de notre ami Timothée, elles s’élaient contentées de regarder, jusqu’à ce que leur chair finit par s’émou-voir, et leur sang à bouillonner de manière à ne pouvoir plus se contenir; elles se disaient que le diable

rouge avait beau être saoul, ce n’était pas une raison de le tuer de coups. Aussi, d’un commun accord, 011 courut le délivrer; ainsi fut mise en fuite la biologie.

Nous vîmes de loin Timothée, se dirigeant à pas précipités chez le professeur, pour se faire remettre lui-même, ail right des contusions et coups de bâton qu’il avait reçus.

(Traduit du Daily Crescent du 5 avril.)

L’effet de celle publicité charlatanesque est connu; nos lecteurs doivent d’ailleurs être complètement édifiés. Laissons l’historien pour suivre son récit :

Nouvelle-Orléans, il avril 1850.

Mon cher Monsieur,

Si je ne vous envoie pas de journaux cette fois, c’est que, depuis le 6, ils ne contiennent rien d’intéressant pour vous. M. Fiske finit hier au soir ses lectures dans la partie américaine de la ville, où il doit être remplacé dès demain par le Dr Williams, le soi disant inventeur de lelectro-biologie, et dans trois jours M. Fiske doit venir dans la partie française de la ville, faire ses expériences et ses cours. Je doute qu’il y ait quelque succès, car on l’a déjà vu et on sait ce qu’il fait. Un M. Shaw, qui l’a déjà aidé dans quelques-unes de ses séances publiques, a dû commencer , il y a trois jours, dans une partie éloignée de la ville, des lectures et des expériences pour son propre comple. Tout cela fait du bien, beaucoup de bien, malgré le charlatanisme qu’on y met : la chose se propage; et, quel que soit le nom qu’on lui donne, quel que soit le preslige dont on veuille s’entourer,

le monde finit toujours par retrouver le magnétisme, sous quelque déguisement qu’on le lui présente.

Lorsque j’ai exprimé à M. Fiske que l'espèce de serment qu’il exige de ses élèves, el dont je vous ai envoyé la formule sous le numéro 10 de mon paquet, m’avait empêché de le voir de plus près, il m’a répondu par ces mois d’une affligeante justesse : « Le « monde apprécie ce qu’il achète, et dédaigne ce « qu’on lui donne pour rien ! » J’en ai souvent dit autant, à propos aussi du magnétisme, et j’ai maintes fois émis cet avis qu’il faudrait en venir à le pratiquer pour de l’argent, dans l’intérêt même de sa propagation. Il y a d’ailleurs des gens à qui il répugne de demander un service qu’on sait être gratuit, mais qui n’hésiteraient point s’il leur était permis de payer le magnétiseur comme ils paient le médecin.

Parmi les élèves de M Fiske, 0Il m'a parlé de trois qui auraient guéri des cholériques. L’un d’eux a, dit-il, rendu la vie à une dame abandonnée dans un étal extrême : il a quitté son habit et s’est mis à l’actionner de toutes ses forces. Il y a eu bientôt, en moins de deux heures, je crois, un retour de chaleur, mais aussi d’efforts à vomir qu’il a pu maîtriser, et la santé n’a pas élé longtemps à se rétablir. Les deux autres ont eu tout le succès désirable dans deux cas moins avancés. Nous avons quelquefois aussi employé la magnétisation, mais c’a toujours été comme moyeu adjurant, de sorte qu’il y aurait présomption à vouloir dire quelle a été sa part dans la guérison qui s’en est suivie.

Quelques élèves de M. Fiske disent que l’élcc-tro-biologie est quelque chose de plus que le magnétisme ; d’autres assurent que l’un doit se résoudre en l’autre; d’autres enfin ont l’air de gens qui se sont

laissé attraper. Je n’ai pas acheté « le secret » de la prétendue « nouvelle science, » mais je crois l’avoir deviné, pour avoir écoulé et observé le professeur et les élèves. Je puis donc vous dire ce que j’en pense, sans violer un serment que je n’ai point voulu faire. J’ai dit à M. Fiske que je voudrais bien payer pour apprendre, mais que je ne saurais m’obliger à vendre le peu que je puis acquérir. Il m’a répondu que les obligations que prenaient envers lui ses élèves, sont les mêmes que celles qui lui ont été imposées par un professeur.

Sauf erreur, donc, je considère que l’électro-biologie est un procédé magnétique, auquel j’ai donné le nom de magnétisme à haute pression. C’est une méthode brutale et bruyante ; mais, enfin, un de ces nombreux procédés dont le meilleur est toujours celui qui réussit le mieux. Selon M. Fiske, il y aurait pourtant une différence que je vais tâcher d’indiquer.

Du magnétisme grand, mais vague comme vous le comprenez, retranchez les phénomènes qui sont accompagnés de sommeil, et il restera 1 électro-biologie, qu’il faut rehausse* en frappant l’imagina tion du sujet, et en se donnant soi-même des contorsions plus ou moins grotesques, dans la pensée de renforcer encore l’action : il y a là un peu de ce que d’autres ont appelé de Yimitalion. La théorie de M. Fiske me semble erronée, car son agent n’est pas absolument l'électricité, comme il l’affirme. Ensuite, il n’a pas le mérite de la nouveauté dans l’invention de ses pôles : vous savez que le prétendu « pôle électrique» a déjà été diversement placé (i ). Quant à la pe-

(t) Voyez I. VIII , page 371, la relation de curieuses expériences sur ce point controversé.

tile batterie galvanique dont je vous ai déjà parlé, ce n’est qu’une simple éprouvette : son action, quoique très-faible, peut cependant êlre réelle sur certaines organisations. — Les manchots sont forcément exclus des pratiques biologiques : il est indispensable d’avoir ses deux pouces. On presse fortement son pouce gauche sur un premier pôle qu’on imagine entre les troisième et quatrième os métacarpiens, et le pouce droit sur un aulrc pôle, vers le milieu du front; on presse fortement et on parle vile et fort. S’il s’agit d’une douleur, on va former le circuit à la la partie douloureuse avec la main droite, mais on ne l’y pose pas, et on ne fait pas non plus des passes lentes comme nous en faisons quelquefois; au contraire, on touche vivement, avec précipitation, par des frictions très-courtes, comme pour arracher le niai, ou bien par des tapes assez énergiques ; on fait quelquefois des traînées jusqu’au sol, à la manière d’une ligne ponctuée qu’on tracerait à la plume. On agit vite et avec force, comme pour développer en soi une somme plus forte de fluide, et on tâche surtout de persuader le malade qu’il ne souffre plus; on le lui dit avec assurance, et cela s’appelle agir « par impression. » Pour produire une contraction musculaire, on presse lepóle métacarpien et on donne de fortes tapes sur les muscles a contracter; puis on produit la contraction sur soi-même, et on vocifère avec volubilité une suite de mots, tels que : « Vous ne pouvez pas baisser votre « bras ; non, vous ne le pouvez pas ; vous ne le feriez « pas, même pour vous sauver la vie, etc...... » qui

rappellent le foudroyant «dormez! » de l’abbé Faria.

M. Fiske assure que son procédé est bien plus sûr, plus énergique et plus généralement applicable

que les nôtres ; mais il ne l’a pas encore prouvé. Pour faire cesser les effets, et c’est ainsi qu’il dégrise à l’instant, dit-il, un homme ivre-mort, il donne une forte tape, ou même plusieurs, sur un grand pôle électrique qu’il place quelque part sur les vertèbres cervicales, en prononçant d’une voix très-forte les mots sacramentels ail righl ! qui sont l’équivalent du mot psi, dont je vous ai parlé autrefois (i).

II produit des illusions et des hallucinations dans un état de veille, ou du moins qui paraît tel, où le rapport niagnélique est très-intime.

Nous le faisons aussi, mais différemment; car, lui dit tout haut, et même très-haut : « Vous voyez... » telle chose, et Yimpression est produite, mais aussi une impression de compérage dan9 l’esprit des assistants. M. Fiske appelle cet état « l’état de veille parfait, » sans doute parce qu’il se trouve des personnes actuellement assez impressionnables pour recevoir de telles influences sans préparation de notre part !...

Mais en voilà bien long; il est vrai que c’est, sinon ce que j’en sais, du moins tout ce que j’en crois. Ne voyez dans cette prétendue nouvelle science, qu’une chicane de nom, mais une bonne industrie, puisqu’elle atiire le monde et l’argent. S’il arrivait cependant que je n’eusse pas très exactement pénétré le mystère, souvenez-vous que je ne vous le vends pas, et que je ne vous oblige point à n’en disposer qu’aux condilions de M. Fiske. Au surplus, quimporte son secret, si nous faisons ce qu’il fait, et si je le lui prouve dès qu’il voudra bien faire le petit essai que lui-même a provoqué. Ce sera, nous a-t-il dit, la semaine prochaine, et il y va de 5oo piastres

(1) Voy. l’arlicle déjà cilé, t. VI, page 316.

pour lui, au profit de l’hôpital do la Charité... Mais il a (ait d’assez fortes recettes pour y laisser prélever cette prime, que d’ailleurs le public ne manquerait peut-être pas de la lui rendre.

Votre affectionné,

.los. BARTHET.

Lundi, 15 avril 1850.

P. S. Je vous écrivis longuement hier à propos de lelectro-biologie, ou magnétisme à haute pression. Je ne vous ai rien dit des mésaventures de l’opérateur sur son estrade, parce qu’il n’y avait encore rien eu que de risible; mais on vient de me rapporter une scène d’un autre genre, qui a eu lieu avant hier au soir.

Un Dr Jones s’était offert, il y a quelques soirs; il avait d’abord exprimé plus que des doutes : il avait tout nié; mais la haute pression de M. Fiske le trouva impressionnable, malgré sa taille colossale. Il convint de bonne grâce des impressions étranges qu’il reçut, et samedi, donc, il se laissa actionner encore ; mais alors ce fut une espèce de folie furieuse qui s’empara de lui : l’opérateur dut sauter en bas de son estrade pour éviter les coups de ce furieux et tâcher de le calmer à distance. Il y parvint pour un instant. Alors le Dr Rodgers, son ami apparemment, se rendit auprès de lui et lui parla amicalement; mais la folie furieuse se manifesta de nouveau, el Rodgers dut s’éloigner. M. Fiske parvint enfin à le rendre plus calme, et le Dr Jones en profila pour faire au public une déclaration énergique, et une protestation véhémente contre les abus d’une faculté si extraordinaire, et qu’il avait autrefois niée. Il eût été imprudent, malgré le calme dont il semblait enfin jouir, de le laisser se retirer seul. J’ignore ce qui s’est passé

depuis, mais je trouve là un nouveau et puissant motif de condamner celle pratique brutale. Qu’on l’emploie sur les malades atteints de rage, de folie furieuse ou attires maux analogues, il se pourrait qu’il en résultât du bien ; mais sur des gens en bonne santé, personne ne doit douler qu’il y ait là un danger très-réel.

Je répète néanmoins ce que je vous disais hier, que cela fait du bien au magnétisme : la réalité de cet agent si longtemps nié se montre évidente; la curiosité est piquée, et on finit par étudier sérieusement ce dont on a longtemps plaisanté.

Adieu encore.

J. B.

L’impulsion imprimée à l'opinion par des voies artificielles n’est jamais de longue durée ; dès que la banque a fait défaut à l’électro-biologie, elle a cessé d’avoir la vogue, et finalement on n’eu a plus parlé. Notre correspondant résume ainsi la dernière période de cette campagne théâtrale.

Nouvellc-Orléans, 28 avril 1850.

Mon cher M. Hébert,

Voici quelques rognures de nos journaux pour vous tenir au courant de nos affaires. — Notre différend avec M. Fiske a été réglé il y a quatre jours ; guerre de mots sans résultat : j'aurais dû m’y attendre. J’avoue cependant que j’ai été quelque peu surpris. La réunion a eu lieu le jour, au lieu et à l’heure fixés par M. Fiske, et lui seul s’est montré en retard. Voici le sommaire de ce qui s’est passé :

«RI. Fiske, qu’entendez-vous par magnétisme? —

« Le somnambulisme. — lit lorsqu’il n’y a pas som-« nambulismc, n’y a-t-il pas action magnétique, selon « vous ? — Non, Monsieur. — Eh bien ! comme de-« puis longtemps nous produisons les mêmes effets « que la plupart des vôtres , sur des personnes non « somnambulisées, et même, nous croyons, non « somnambulisables, je vous prie de qualifier ce que « nous avons fait là. — Vous avez fait de l’éleclro-« biologie.— Cependant, Mesmer et ceux qui lui ont

« succédé.....—C’est la première fois que j’entends

« donner le nom de magnétisme à ce qui n’est pas le « somnambulisme, etc... »

Quel professeur !...

Il était venu seul, sans sujets pour opérer, el il ne se trouvait pour lui que son homme d’affaires, sur lequel il expérimenta, et un autre qui nous a dit être là par hasard. J’avais avec moi le Dr Harby, rédacteur principal de la partie anglaise de Y Abeille , et élève de M. Fiske (en biologie), mais non son partisan , et cinq ou six membres de la Société magnétique. M. Fiske s’est montré irrité, sans doute à cause de son insuccès dans celte partie de la ville. Je lui ai dit que notre seul grief contre lui provenait de ce qu’il cherchait à replonger dans l’erreur une population que depuis longtemps nous cherchons à en lirer, en lui faisant considérer le somnambulisme simplement comme un des effets de la magnétisation; que nous étions loin de lui être hostiles, puisque noua reconnaissons qu’il servait notre cause ; que, toutefois, rien ne nous montrait qu’il possédât line nouvelle science, mais que nous ne contestions pas son procédé qui peut èlre utile dans certains cas, bien qu’en général il nous semblât êlre d’un

dangereux usage, à cause de l’extrême impression-nahilité de certaines personnes.

C’est ainsi que. nous nous sommes quittés, et il est parti de la ville.

I.e Dr Williams ne lardera pas à le suivre; car nos journaux viennent de répéter, d’après les journaux du Nord, que le D' Alfred Smee, de la Société royale de Londres, est l’inventeur de l’éleclro-biologie, et que son ouvrage vient d’être réimprimé aux États-Unis. Tant pis pour ces invenleurs-plagiaires.

— Il me larde de lire le livre de M. Smee, que, sans doute, M. Meade vous aura fait passer, et j’espère que vous nous en direz quelque chose dans un des numéros de votre Journal que nous attendons.

Tout à vous,

Jos. BARTHET.

Yoici la traduction des documents complémentaires dont cette lettre fait mention.

XIiECTHO-FST CHOEOGIE.

Le Dr Williams donne tous les soirs des leçons de cette science extraordinaire, dont il est le fondateur. L’Electro-Psychologie, dans ce qu’elle présente, d’étrange et de surprenant, surpasse l’électro-biologie, comme dirait le colonel Ilaskell, de toute la tète et DES ÉPAULES.

L’ÉLECTRO-BIOEOCIE TRIOMPHANTE !

Lundi malin, un grand nombre de personnes étaient assemblées dans le quartier de Lafayetle, pour assister au départ du vaisseau à vapeur 1 Ohio. Un homme tomba à terre au milieu de la foule, saisi d’une atlaque d’épilepsic, et il paraissait en proie à

l’agonie do la morl. Il y avait là quelques médecins; mais comme ils conclurent que c’était un cas sans ressource, ils n’essayèrent même pas de lui porter secours. Il arriva qu’un médecin, qui avait été disciple du célèbre Théophile Fiske, l’électro-biologiste, se trouvait aussi présent, il pensait également, d’après son expérience de cas semblables, que cet homme 11 avait pas une minute à vivre. Le docteur, qui était plaisant, jugeant qu’une petite expérience sur cet homme ne pourrait pas faire de mal dans ce cas désespéré où la morl était si prochaine, se mit donc à opérer électriquement sur le sujet, quant, au grand étonnement delà foule, et, après quelques secondes, il se leva et s’en alla parfaitement rétabli. Ce fait est attesté par cinquante personnes, au moins, qui en furent témoins oculaires, et par plusieurs certificats qui déclarent véritables le cas d’épilepsie. Le médecin, auteur de celte cure, est le Dr Frédéric W. Hart de la rue de l’Annonciation.

BIOLOGIE FÉMININE.

Quelques dames, instruites dans la science biologique, aperçurent hier une des fragiles filles d’Ève étendue sur la banquette vis-à-vis l’église Saint-Paul, et plongée dans un état d’abandon parfait.

Prises de sympathie, ces dames voulurent faire essai de la nouvelle science, et, en moins de cinq minutes, la femme ivre revint à l’clat de sobriété (all right). Quoique ceci ait l’air d’un conte, ce n’en est pas moins une vérité vraie; des témoignages de la plus respectable autorité sont devant nos y-ux, et nous pouvons affirmer que celte femme, qui était dans un état complet d’ivresse, fut parfaitement re-

mise, grâce au traitement des jolies expérimentatrices.

NOUVELLE THÉORIE DE U VIE.

Une nouvelle théorie de la vie se trouve expliquée dans un petit livre d’Alfred Smilh Smee, de la Société royale d’Angleterre, qui vient d’être réimprimé dans ce pays. On lui donne le nom d’Èleclro-Biologie, et elle tend à démontrer que les phénomènes vivants du corps humain peuvent trouver leur explication dans les principes de l’électricité voltaïque. Il considère le cerveau comme étant une grande batterie électrique, et les nerfs comme des conducteurs galvaniques; cette théorie est appuyée d’une grande variété d’expériences on ne peut plus intéressantes; il fait voir comme se produit l’action musculaire, et comment la sensation se transmet d’une partie du corps à un autre. Ses recherches sont certainement très-curieuses, et méritent, sans doute, d’être étudiées.

ELECTRO-BIOLOGIE.

Le séjour de M. Fiske dans noire ville, ses exposés et ses séances particulières relatives à cette branche de la psychologie récemment découverte, ont éveillé l’attention des curieux et donné naissance à des opinions très-opposées. Plusieurs traitent l’électro-bio-logie d’attrape-mouche et d’endort-niais, méthode facile et abrégée de se débarrasser d’un sujet qui est au-dessus de la portée d’esprits superficiels. Nous avons observé que les plus sceptiques à l’égard des effets produits par M. Fiske et par ses élèves, étaient généralement les plus ignorants, et se trouvaient in-

variablement au nombre de ceux qui n’ont que très-peu vu d’expériences, ou qui n’en ont pas vu du tout, qui ignorent complètement la théorie de leur action et les procédés par lesquels les effets sont produits. Nous épargnerons au lecteur la répétition des exemples de ces laits universellement reconnus; que les nouvelles vérités se font jour lentement; que les hommes se défient habituellement de ce qu’ils ne peuvent expliquer ; qu’il est bien plus aisé, pour un esprit indolent, de s’attacher aux erreurs du passé que d’examiner attentivement, en soumettant aux lumières de leur raison ces nouvelles doctrines, et ces phénomènes surprenants qui ne s’accordent pas avec les préjugés et les idées préconçues. Ceux qui réfléchissent sur de tels sujets, ne peuvent manquer de comprendre les motifs qui portent des milliers de personnes à se renfermer dans un scepticisme où la vanité se complaît, el à se figurer que lorsqu’ils ont une fois articulé sur un ton d’oracle les mots absurdité, bêtise, tout est dit, et que la nouvelle science doitélre considérée aussitôt comme anéantie.

L’homme qui pense ne rejette rien sans examen, et ne continue pas moins d’explorer le domaine de la pensée, quoiqu’il soit impénétrable aux demi-sa-vants et à une foule de parleurs ignorants. Ceux qui répudient intrépidement les anciens préjugés, quand ils sont appelés à observer et à analyser des faits nouveaux, ont trouvé dans les démonstrations de l’éleclro-biologie une source d’intérêt profond. Quant à décider si ces développements surprenants sont dus à une influence tout à fait distincte de la force magnétique; si ce sont des modifications du mesmérisme, ou qu’ils ne soient ni plus ni moins que des manifestations du magnétisme animal, c’est ce

dont il importe moins de s’occuper. La cause primitive ne nous est pas plus connue dans un cas que dans l’autre, et quant à l’utilité qui en peut résulter, que l’électro-biologic soit du magnétisme animal, ou quelque chose sut generis, ses phénomènes merveilleux n’en existent pas moins. Il sera temps de s’occuper de cette question d’identité ou du caractère distinctif qui sépare l’un de l’autre quand nous pourrons dire ce que c’est que le magnétisme animal. Mais nous ne pouvons pas plus mettre en doute la puissance que l’homme peut exercer sur le mouvement des muscles, sur les sens et l’imagination de son semblable pendant que ce dernier est en état parfait de veille, que nous ne pouvons mettre en question l’existence de la chaleur, de l’électricité, de la pensée, ou de tout autre principe dont nous ignorons l’essence et que nous ne reconnaissons que par ses effets.

Les preuves qui nous ont été données, il y a un jour ou deux, de la vérité de l’électro-biologie, sont mille fois plus fortes que le témoignage sur lequel le professeur Webster a été condamné comme assassin. Nous avons vu un monsieur très-haut placé dans la société, faire un grand nombre d’expériences sur un jeune enfant, qui était son frère, et développer en lui tous les effets dont les sujets les plus impressionnables soient susceptibles. Les muscles obéissaient à la volonté de l’opérateur, comme les roues et les pistons d’une machine à vapeur obéissent à la force motrice qui les met en jeu. Le mouvement volontaire, le goût, la mémoire, les organes de la vision, de la parole et quelques autres des pins importantes facultés de l’esprit, étaient complètement soumis au pouvoir de l’expérimentateur. Il privait le sujet du mouve-

ment, ou le lui rendait irrégulier scion son caprice; il le rendait sourd et aveugle; il lui enlevait la mémoire complètement el au point d’anéanlir jusqu’au souvenir de son propre nom el de sa résidence; il lui fil goi'iler dans un verre d’eau pure toutes les saveurs qu’il lui plut d’imaginer, et enfin présenta à son imagination mille objets fanlasliques qui, dans l’esprit du sujet, se convertissaient en objets réels. Ces expériences merveilleuses firent une telle sensation sur les spectateurs, que le scepticisme se changea bientôt en admiration. Il n’était pas possible, d’admettre qu’il y eût collusion dans cette circonstance. La réputation de l’expérimentateur, le fait que le sujet était un enfant incapable de jouer un rôle qui eût demandé un talent d'imitation et une adresse consommée, et les phénomènes eux-mêmes, dont quelques-uns ne pourraient être contrefaits, toutes ces raisons en interdisent la supposition. Ceux qui étaient venus pour sc moquer, s’en retournèrent émerveillés et l’esp;it perplexe; et plusieurs des témoins avouèrent franchement que nul homme, jouissant du plein exercice de tous ses sens, ne pouvait douter de la réalité des faits qui venaient d’être accomplis.

VERDICT EIOLOG1QUE. — Le Boston investiga-lor, journal infidèle, comme l’appellent ses rédacteurs, contient, à la date du 22 mai i85o, un assez long article du Dr James S. Oleott, au sujet du procès du Dr Webster, condamné pour meurtre du D' Park-man. Voici quelques lignes qui feront saisir l’idée de l’auteur da l’article :

« Mes observations sont relatives à un seul fait. Je n’ai rien à dire quant à l’innocence ou à la culpabilité de Webster.

En entrant dans la chambre du jury, les jurés ont adressé une prière à Dieu pour qu’il les éclairât dans le jugement qu’ils allaient porter, et il est résulté de cette prière des effets inévitables de magnétisme ou de biologie.....Les jurés n’avaient â se prononcer que sur les témoignages.....Je n’hésite pas à

dire que leur sentence a été un verdict biologique, étant, jusqu’à un certain point, le résultat nécessaire de l’influence magnétique exercée et ressentie pendant la prière et après. Le juré qui changea d’opinion dans le cours d’une demi-heure passée en prières, fut durant tout ce temps exposé à l’action électrique la plus directe et la plus déterminée de quelques-uns ou de tous les autres jurés, etc. »

Je voudrais pouvoir vous envoyer le journal même d’où je lire cet aperçu, mais il ne m’est pas permis d’en disposer.

11 faut convenir qu’il y a là un beau sujet de méditation ; nier absolument ce que dit le Dr Olcott serait méconnaître l’influence de la prière. Et puis, sur quelles observations cela ne s’appuie-t-il pas ? Que n’ont pas vu les magnétiseurs , ou du moins entrevu, tendant à la même fin ?

Jos. BARTHET.

ARRESTATION DE M. FISKE. — On lit dans le Daily Delta du 26 juin 1851 , la lettre suivante, qui annonce le dénouement de cette affaire :

Wicksburg, 21 juin 1850.

Messieurs les Éditeurs,

J’ai appris par 1111 avis contenu dans un numéro récent de votre Journal, que M. Fiske avait été ar-

rèté à Raymond, à la réquisition de scs élèves, pour avoir obtenu de l'argent sous un prétexte frauduleux. Ceci est très-vrai, il est également vrai que toute l’affaire était un plan concerté d’avance, et que le juge Poley refusa d’admettre l'accusation, comme étant frivole et mal fondée, sinon malicieuse.

M. Fiske avait été invité à plusieurs reprises à se rendre à Raymond , quelques personnes avaient formé une classe pour l’engager à venir y donner des leçons : il se rendit à leurs désirs, et quelques individus qui s’étaient joints aux élèves dans le but particulier de lui nuire, commencèrent aussitôt à mettre en œuvre tons les moyens de lui faire tort, et ils portèrent de fausses accusations contre lui. M. Fiske leur proposa, avant que l’action fût commencée, de leur faire connaître à eux-mêmes le moyen de réussir dans les mêmes expériences que lui, ou de leur rendre leur argent, en cas de non réussite. Ils s’y refusèrent, et ils portèrent devant le juge une accusation que celui-ci refusa d’admettre.

Deux d’entre eux le poursuivirent sous un autre prétexte. L’affaire fut examinée hier, en présence du juge Tomkins, dans notre ville. Le juge Guyon parla pour la défense, il fut suivi de trois procureurs du côté de la partie adxerse. Le juge Tomkins refusa d’en entendre davantage, et après un résumé clair et précis, il déclara le défendeur renvoyé de la plainte comme ne s’étant rendu coupable d’aucune offense contre les lois de l’Etat. Plusieurs personnes lrès-re-commcndables s’étaient rendues à l’audience pour témoigner en faveur de M. Fiske ; mais leur témoignage ne fut pas requis. La décision du juge fut reçue. avec enthousiasme par les nombreux spectateurs, et M. Fiske, reçut les félicitations d’un grand nombre

de personnes sur son triomphe signalé, et presque sans exemple, sur l’impuissante malignité de scientifiques charlatans.

Il est juste que cette affaire soit exposée dans son propre jour, sous les yeux du public. Ce n’a été, d*r commcnccmcnl jusqu’à la fin, qu’un outrage od^jrfktë,' et qui doit être considéré ainsi par toutes les ^fasses-de notre communion.

xi

Nous avions cessé d’entendre parler de M. lorsqu’un de nos amis se trouvant à Londres, il y a deux mois, reçut à la porte du Palais de Cristal le prospectus que voici :

En Amérique M. Fiske ne prenait aucun titre; ici il se donne la qualification de Révérend, et s’attribue la découverte (original discoverer) de la science dont il était naguère le simple adepte. En voilà assez sur son compte; il doit êlre amplement connu; le tour de son compagnon viendra bientôt, et chacun saura à quoi s’en tenir sur l’électro-biologie et ses représentants les plus éminents.

HÉBERT (de Camay.)

BIBLIOGRAPHIE.

LA MAGIE DÉVOILÉE. Ouvrage inédit, par M. du Potet.

(Suite (1).

AVANT-PROPOS (2).

On me reproche mon long silence. On me dit;

Ne nous donnerez-vous point quelques-uns de vos secrets, garderez-vous pour vous les connaissances que vous avez acquises? Et ces faits magnifiques, dont nous sommes les témoins, doivent-ils seulement apparaître à notre vue sans que nous connaissions en rien les agents dont vous vous servez? Moins avares que vous-mêmes, nous donnerions tout, et nous croirions bien faire!.... Halte-lâ! mes amis, il en est parmi vous qui possèdent des trésors enfouis dans des cachettes; mais loin de dissiper votre or, votre richesse, vous amassez toujours.

J’ai suivi vos conseils, mais non votre conduite ; et, le long de la route, j’ai semé çà et là le grain que

(1) Voyez la page 172 de ce volume.

(2) Je crois avoir laissé assez de temps a tous les hommes qui prétendaient connaître la magie, pour en obtenir une marque certaine. Je n’»i rien reçu qui mérite autre chose qu’une mention, et l’on verra plus lard que le chemin que j’ai parcouru n’était point fréquenté. Je donnerai cependant ce qui m’est parvenu. Je constate un fait qui servira à l’histoire du magnétisme.

nul épi n’avait encore produit. Mon grain fut ramassé : que m’en ’st-il revenu ? L’oubli de ces ingrats que la terre produit : une critique, un sarcasme, quelquefois une insulte. Heureux d’en avoir été quitte pour aussi peu de chose, ne dois-je point me féliciter?

Il y a deux siècles à peine, on m’eût accroché à un gibet, oû des prêtres excellents cl tout pleins de vertus eussent livré mes membres à la torture, et me9 chairs au brasier. Plus sage esl de se taire : il faut que les vérités arrivent dans leur temps, comme la chaleur el la lumière.

Cependant, je vais parler, quoique ce soit téméraire; car je prévois fort bien les ennuis nouveaux qui me sont réservés : je vais donner, pour ne rien recevoir. Peut-être est-ce un don fatal que je vais vous faire. Il est des fardeaux légers, il en est d’autres qui sont lourds à porter. La science vulgaire n’accable point nos savants; voyez comme ils sont légers à la course des places et des honneurs; mais celle qui pénètre l’inconnu, entre dans le domaine de lame et réalise des prodiges, celle-ci, dis-je, crée de nouveaux besoins, laisse peu de repos à l’esprit. Votre enveloppe semble percée à jour, car des aflinitéss nouvelles avec des forces inconnues, font de votre domicile un domicile commun.

Ah! vous cherchez la science! c’est bien; j’aime ce désir, et cette assurance de vous-même me charme ; nous verrons bien si vous reculerez, car nous savons le point où vous en êtes.

DU TOTET.

(La suite au prochain numéro.)

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

Impr. de Porairrret et Moreau, que! !;» AuguHins, 17.

INSTITUTIONS.

Société maguétiqiic «le la Xouvcllc-Orléan«.

Nous avons publié dernièrement la première par-lie d’une grave discussion sur la thcrapeuticité du magnétisme relativement à l’homéopathie; en voici la suite. Nos propres réflexions sur le sujet de cet important débat viendront à la fin de l’article.

On lit dans VAbeille du 5 avril 1851 :

« Nos colonnes ont toujours été ouvertes aux choses qui sont du ressort de la science : c’est à ce titre que nous accueillons l’article suivant. Le magnétisme, dont on a beaucoup abusé, il faut en convenir, n’en est pas moins un de ces phénomènes merveilleux dont la science s’est à bon droit préoccupée dès le principe , et que cherchent encore à approfondir les esprits les plus éclairés et les plus vastes intelligences de notre siècle. M. J. Barthet, qui en a fait une étude spéciale et dont les précieuses observations on consignées dans plusieurs revues scientifique, d l’Europe, nous promet trois ou quatre article , c’ans lesquels il s’appliquera à résumer le fruit de ses lectures et de sa propre expérience. Ces articles seront fort courts, afin d’étre lus par tout le monde, et paraîtront à plusieurs jours d’intervalle, pour ne pas fatiguer l'attention du lecteur. »

•TOME X. — IV" 135. — OCTOBRC 1831. 10

QUELQUES MOTS SI IV LE MAGNÉTISME.

\

1.

Le magnétisme est pratique partout; mais 011 trouve encore bien des gens qui en parlent sans en rien savoir, et c’est dans l’espoir de les aider à s’éclairer sur cette importante question que nous nous proposons d’écrire de temps en temps quelques petits articles, à l’usage surtout des personnes qui ne lisent pas les livres.

Le magnétisme est un puissant remède.

Le premier bien en cc monde, c’est la santé ; et le premier enseignement, en entrant dans la vie, devrait avoir pour objet le soin de la santé. C’est pourtant ce qu’on ignore le plus : on n’apprécie la santé que lorsqu’on est malade, et alors on prend des remèdes; c’est une habitude; si on ne recourt pas au magnétisme, c’est, au contraire, faute d’habitude , et aussi par défaut de confiance.

Essayons d’abord de raisonner un peu ; nous laisserons ensuite les faits parler. Les incrédules rient et appellent grimaces les passes magnétiques dont ils ne connaissent pas l’objet. Ils ne croient pas vrais les faits que des hommes laborieux, consciencieux et désintéressés leur annoncent; ils vont jusqu’à déclarer ces faits impossibles, comme s’ils étaient eux-mêmes doués d’une intelligence assez supérieure pour

tracer les bornes du possible !..... Et pourtant ils

voient tous les jours des merveilles aussi impossibles

et inexplicables !..... Le daguerréotype, qui fait un

portrait en quelques secondes, produit un effet de lumière que les incrédules appelaient d’abord une impossibilité; le télégraphe, qui transmet instantané-

ment la pensée d'un bout des États-Unis à l’autre, produit un effet d’électricité qu’on aurait déclaré impossible il y a cent ans ; l'aiguille aimantée, qu’on fait tourner sur son pivot sans la toucher, et par la seule présentation, d’un fer à distance, est encore une impossibilité pour quiconque n’a pas vu ce phénomène; mais dès que l’on constate, de ses propres yeux, la production de ces faits mystérieux, 0Il est d’abord surpris, et ensuite on admire ; on ne crie pas au miracle ! on ne reste même pas frappé d’une stupide incrédulité, quoiqu’on n’explique pas; 011 croit parce qu'on voit.

De même, le simple mouvement du doigt devrait faire croire à un courant d’un fluide nerveux ou magnétique, lancé par la volonté, du cerveau vers le doigt, pour y faire exécuter l’ordre de l’intellect (comme le fluide électrique parcourt le fil du télégraphe), et, de plus, à un courant de retour, puisque la sensation avertit le cerveau que l’ordre est exécuté. Ce fait paraît bien simple ; il ne trouve pas un incrédule, et pourtant personne ne l’explique. — Pourquoi? Par habitude!

Habituez-vous donc aussi aux faits dont les magnétiseurs vous entretiennent; observez-les de vos propres yeux, et vous les croirez. Vous finirez par les produire vous-mêmes, et les malades seront guéris par vous. Ce sont là des faits d’expérience que nous recueillons tous les jours. Nous en déroulerons un grand nombre devant le public, dans les quelques articles que nous nous proposons d’écrire, et dont celui-ci peut être considéré comme la préface.

J. B.

I.a polémique s’engagea do nouveau; et, le 9 dudit mois, ou lisait :

A Monsieur le rédacteur de l'Orléanais: Monsieur,

Dans VAbeille de la Nouvelle Orléans du 5 courant, nous trouvons Quelques mots sur le magnétisme, de M. J.B*‘* Habitué à la polémique courtoise de ce loyal adversaire, nous venons prendre la liberté de le suivre dans l’excursion magnétique qu’il sc propose d’entreprendre.

Le magnétisme est partout...... c’est un des éléments de la vie; et si beaucoup de gens en parlent sans en rien savoir, c’est que nul n’a pu dire encore ce que c’est que la vie, nul ne la connaît, et nid ne. pourra jamais la connaître dans son essence ; car la vie c’est Dieu.....

Le magnétisme est un puissant remède, c’est-à-dire un modificateur actif de cette vie. A ce litre, il vient se placer, quelque immortelle que soit sa nature, à côté du quina, de lemétique, du soufre, de l’arsenic (1), etc., elc. Il doit, à l’égal de ces substances, posséder des propriétés spécifiques s’appliquant à la spécialité de certaines affections; et pour ce motif, bien qu’on 11c puisse pas pénétrer dans ce qui se passe entre celui qui magnétise et celui qui est magnétisé, chose aussi impossible qu’elle est insignifiante par elle-même, son action sur l'homme sain doit être le critérium de son application aux cas qui en réclament l’emploi. Nous avons bien, dans le

(1) N'est-ce pas aussi l'esprit de ces substances que l’homéopathie administre ?

tome Ie' cio noire Matière médicale pure , les merveilleux clIVts de l'aimant, de ce magnétisme artificiel que personne ne peut nier, cl dont la vertu invisible devrait ramener un peu les esprits à la foi dans nos doses infinitésimales; 011 y trouve d’abord des symptômes généraux de l’aimant, puis ceux de ses deux pôles, et ce ne sera que lorsque ce tableau trouvera son complément dans la phénoménologie du magnétisme animal, -qu’on pourra parler de ce dernier comme remède; jusque là celui qui s’en sert ressemble à un aveugle armé d’un bâton.....

Assez longtemps on a fait de la médecine sans connaître le mode d’action des agents dont on se servait. C’est incroyable; 011 le niera; mais que tout médecin, la main sur la conscience, réponde.,.. Aussi quel avantage a-t-on retiré de la longue pratique des siècles écoulés, de celle que l’on fait de nos jours en dehors du cercle homéopathique? Rien de bon n’en est résulté; nous nous trompons, il en ressort évidemment qu’on avait pris l’erreur pour la vérité....; par exemple, l’opium , ce calmant par excellence..., parce qu’au lieu de calmer, il excite; Brown l’a dit : Opium me hercle nonsedat. Non, l’opium ne calme pas, il constipe ordinairement; aussi est-il, dans les circonstances voulues, à la tête de nos moyens les plus précieux pour détruire d’une manière durable la constipation; vous dites qu’il calme , lorsque l’expérience nous l’offre comme la ressource la meilleure contre l'assoupissement, ie coma, ces négations de la sensibilité..... N’en est-il pas de même pour tous les autres médicaments? Leurs effets curatifs sont-ils autre chose que le déploiement de la faculté qu’ils possèdent d’engendrer de semblables phénomènes sur l'homme sain? Maintenant, s’il est vrai que les re-

mèdes guérissent d’autant plus sûrement que leur pathogénèsie se rapproche le plus de l’ensemble des symptômes qu’ils sont appelés à combattre, 011 ne devra plus toucher à aucun d’eux, quel qu’il soit, sans en connaître, au préalable, l’action par l’expérimentation pure sur l’homme dans l’état de santé.

Telle est la règle absolue, invariable, de la thérapeutique homéopathique. Hélas! magnétiseurs allo-pathes, nous 11e nous faisons pas illusion comme nos confrères en allopathie; vous ne viendrez pas encore à nous, et cela, parce que ne pouvant pas connaître la vie en elle-même, vous refusez de l’étudier dans ses manifestations les plus apparentes, seule voie cependant ouverte à l’intelligence humaine pour atteindre les limites de scs facultés.

Voilà ce que nous devions à la préface de l’œuvre promise.

TAXIL, d. u.

Nouvellc-Orlians, 5 avril 1851.

UAbeille du 12 contenait :

QUELQUES MOTS SUR LE MAGNÉTISME.

II.

Tout est donc mystère autour de nous, et si nous ne devions croire que ce qu’il nous est donné d’expliquer, nous ne croirions presque à rien. Mais puisque nous sommes forcés de nous en tenir aux faits, au moins observons-les avec méthode; considérons d’abord ceux dont nous sommes témoins depuis notre enfance, et auxquels l’habitude nous empêche de faire attention; notre esprit n’en sera que mieux préparé à l’examen d’autres faits, qui, pour être moins fréquents, n’en sont pas moins réels.

On nc sail guère ce qu’esl le magnétisme; maison ne sait pas davantage ce qu’est la vie. On a dit : « le magnétisme est un feu invisible* » et cela parait, être vrai, car son premier cü’et est de réchauffer, souvent même de faire transpirer. Mais la vie aussi est un feu invisible,une combustion do tous les instants; car, à mesure qu’elle s’en va, le corps se refroidit, et à la mort il devient glacé. Pourquoi donc le magnétisme ne serait-il pas la vie même, ou du moins le restaurateur de la vie, le régulateur de la santé?...

Nous considérons le magnétisme comme un fluide impondérable dont tous les corps sont pénétres, analogue au calorique, à l’électricité, et, comme eux, appréciable seulement par ses effets. Comme eux il est sujet à des lois qui sont pour nous autant, de mystères, mais dont une , l'équilibre, se traduit à chaque instant par des faits. Par exemple : si on rapproche un corps chaud d’un corps froid, l’équilibre de température se fait bientôt. Il en est de même d’un être sain et d’un être malade : l’équilibre de santé tend à s’établir; et c’est pourquoi on a recommandé, en tous temps, de nc pas laisser les enfants coucher avec les vieillards. On remarque encore cet effet de la même loi dans les jeunes arbres qui en avoisinent de vieux : les plus rapprochés sont aussi les plus rabougris.

Ces considérations, quoique bien simplesjiiien élémentaires, doivent néanmoins suffire pour faire admettre une première action magnétique, involontaire, résultant du contact, ou même du simple rayonnement, car chaque être a son atmosphère propre : los sympathies et les antipathies ne doivent pas cire rapportées à une autre cause. Mais celte action, déjà si manifeste, le devient bien davantage lorsqu’elle est influencée par la volonté, cette puissance si peu com-

prise, mais nullement contestée, de l’esprit sur la matière. Tout le monde sent instinctivement qu’on ne remuerait pas le doigt si on n'avait la volonté de le remuer, et ce n’est par conséquent pas la puissance même de la volonté que les incrédules mettent en doute, mais seulement l’étendue de celte puissance. Jusqu’où va-t-elle? Peut-on agir sur le doigt d’autrui, comme on agit sur le sien propre?... Au premier abord cela peut sembler impossible; mais si 011 porte ses regards plus loin, et que l’on considère, par exemple, que le serpent attire à lui l’oiseau, l’écureuil perchésau sommet d’un arbre; que d’autres animaux, tous peut-être, sont doués d’une faculté analogue, alors il ne répugne plus à l’esprit d’admettre que l’homme, qui occupe le sommet de l’échelle animale, a été, lui aussi, doté par son Créateur d’une faculté, non pas seulement égale à celle des animaux, mais supérieure. La raison dit que l’homme doit avoir cette faculté que nous appelons magnétique, el l’expérience prouve qu’il la possède en effet. Mais, en raison même de sa supériorité, l’homme est tenu d’en faire un plus noble usage : il ne l’a pas reçue, lui, pour se nourrir ou se défendre; et s’il ignore l’emploi qu’il en doit faire, si même il doute qu’il la possède, c’est pjjrce qu’il ne se connaît pas. Qu’il s’étudie donc, et il comprendra que fort souvent il en fait usage par instinct, à son insu, et qu’il fait quelquefois du bien ou du mal, sans le savoir, sans le vouloir. Qu’il s’étudie, et qu’il médite la parole de Jésus-Christ, lorsqu’il disait« d’imposer les mains sur les malades, et

que les malades seraient guéris..... » Les incrédules

peuvent rire tant qu’il leur plaira, mais rire n’est pas s’instruire. Il serait plus sage de s’éclairer, tant qu’on sc porte bien, sur ce qui touche de si près à la santé.

afin de ne pas être pris au dépourvu par la maladie. Nous en voyons fort souvent déplorer leur solte incrédulité lorsqu’un être qui leur est cher a déjà un pied dans la tombe, mais il est quelquefois trop tard!

Essayons d’épargner à d’au Ires les mêmes regrets.

J. B.

La réplique ne se fit pas attendre; dès le lendemain la lettre suivante était publiée.

A Monsieur le rédacteur de l’Orléanais.

Monsieur,

« Quesais-je? » disait Montaigne; et ce n’était point le cri du sceptique du seizième siècle, mais bien plutôt l’aveu philosophique, consciencieux, savant, de notre ignorance profonde sur les choses les plus ordinaires, les plus communes. Que sais-je? n’est-ce pas encore la devise du sage? Tout n’est-il pas mystère autour de nous? Que savons-nous, en effet? Tout n’échappe-t-il pas à notre intelligence bornée? La cause première de notre être, de tout ce qui est, n’est-ellc pas, ne sera-t-elle pas toujours l'inconnu du problème? Et cependant en nous réside un ftMfer intellectuel d’une portée supérieure : nous fihivons connaître beaucoup; et, si nos connaissances sont si limitées, c’est que nous avons voulu franchir les limites de nos facultés : « Connais-toi toi-même, » avaient écrit en grec les païens sur le fronton du temple de Delphes; cl, toujours plus ardents à la recherche de l’essentialité des choses, nous nous lançons, de l'étroite voie qui nous est tracée, vers les régions éblouissantes où notre faible vue ne rencontre que ténèbres, qu’obscurité. Ainsi, que nous fait,

à nous, par exemple, que le magnétisme soit un fluide impondérable ou un feu invisible, etc., etc. ? II suffît que nous l’admettions comme expression de la vie, pouvant, par conséquent, à cause de son identité, de son omonilé avec elle, la modifier profondément et à tous les instants, pour que nous devions en étudier les effets les plus évidents.

Or, le magnétisme animal, nous le répétons, est un des éléments de la vie commune qui rempli! la nature, ou mieux, il est la nature elle-même, animée et vivante. Celle vie, diverse dans sa forme, dans ses moyens, appropriée à chaque corps qu’elle anime, est la même partout puisqu’elle est une.... De là ses variétés infinies, non-seulement dans les espèces de n;ême nature dont chaque individu a sa manière particulière d’être et de sentir, mais dans tous les corps en général.

Le magnétisme animal, considéré comme agent de la vie, c'est-à-dire de tous les phénomènes distingués arbitrairement en physiologiques et en psychologiques, doit reconnaître les mêmes lois que celles reconnues au magnétisme terrestre, au calorique, à la lumière, à l’électricité, tous conséquences du principe unjgue, générateur, qui embrasse, qui régit tout.

C’esHBticore une vieille habitude, et Dieu sait s’il est facile d’en secouer le joug! de séparer la physiologie (science matérielle) de la psychologie (science de l’esprit). Voici ce que dit à ce sujet le savant prêtre chrétien Loubert, dans son ouvrage intitulé le Magnétisme el le somnambulisme devant les corps savants, la cour de Rome et les théologiens, page aô/j... « L’âme se sert du corps, non pas comme un maître sc sert d’un serviteur, elle n'est pas une intelligence servie par des organes (de Bonald), elle est intimement unie au corps

pendant la vie o! opère dans Y unité il'une alliance parfaite, individuelle, personnelle ; il doit, exister entre la psychologie et la physiologie une union intime (ce n’est qu’une seule et même chose. comme Dieu est seul et unique), une alliance instructive à saisir, à détailler; alors doit être constituée la science de l’action el de la réaction, l'anthropologie, en un mot. »

Yoilà une haute aperception de l’organisation générale. Qu’il soil anéanti à jamais le mur d’airain élevé en Ire la matière et l’intelligence : la vie, comme Dieu, esl partout. De ce point de vue, examinons le magnétisme que M. J. 1>. appelle, dans le culte qu’il lui a voué, le restaurateur de la vie, le régulateur de la santé, expressions que nous réduirons jusqu’à la simple propriété thérapeutique dont l’application réclamera, avant qu’on ne la tente, une notion complète, entière, de ses effets purs sur l’homme sain, ainsi qu’il en est de toutes les substances médicamenteuses.

Le magnétisme est un puissant remède, nous l’avons déjà déclaré en notre qualité de médecin homéopathe; mais il n’est pas la panacée universelle, pas plus que la médecine électrique est la seule vraie

médecine.....Electricité, magnétisme, ont besoin,

pour remédier aux troubles dynamiques (aux maladies) que la force vitale peuteprouver, d’auM modificateurs que ceux qu’ils constituent eux-mêmes. Aussi, combien de fois électricité cl magnétisme n’ont-ils qu’amendé palliativement les maux que banalement on leur a opposés! Il faut que le magnétisme se scienlifise, c’est-à-dire qu’il s’épure au creuset de la science, qu’il acquière toute l’expansion de la puissance vitale dont il est si largement doué; ce n’est qu’alors qu’il deviendra un levier curatif puissant et fort.

Nous suivrons pas à pas M. J. li. dans la savante cl lucide exposition de scs opinions sur le magnétisme.

TAXIL, d. m.

Nouvellc-Orkans, 12 avril 1851.

L'Abeille reprenait, dans son numéro du îS :

QUELQUES MOTS SUlt LE MAGNÉTISME.

III.

Le magnétisme, considéré au point de vue médical, peut donc être défini : l’aclion de l'homme sur son semblable, non seulement par contact ou rapprochement, mais surtout par extension de la faculté qu’il possède d’agir sur ceux de ses organes qui sont soumis à la volonté. Cette action est morale et physique à la fois; elle est une transmission de la vie, ou du moins un accroissement de celte force vitale qui se montre partout: dans l’entaille faite à un arbre, et qui se ferme sans secours extérieur, de même que dans la blessure qui se cicatrise sans pansement; puissance médicatrice toujours active qui suffirait à la guérison dans bien des cas de maladie, sans êlre aidée, sj^n la laissait agir seule, au lieu de la contrarier, cftmc on le fait si souvent, par des remèdes plus ou moins inappropriés!...

La pratique du magnétisme doil êlre subordonnée à deux règles générales : i° pour magnétiser il faut se bien porter; 2° pour se faire magnétiser il faut en avoir besoin.... Il y a des cas où il peut être utile de magnétiser des personnes en bonne santé, mais ce n’est là qu’une exception dont nous aurons à parler une autre fois. Quant à la première de ces deux règles, elle doit êlre péremptoire ; car, la magnétisation étant

une transfusion de la vie, il faut avoir de la santé pour on donner; ensuite, comme elle est un échange d’cllluves entre deux individus, dont l’un est sain et l’autre malade, la maladie pourrait devenir contagieuse, aussi bien que la santé, si le magnétiseur était prédisposé à la recevoir. L'art de magnétiser consiste à faire du bien aux autres sans se faire de mal à soi-même, et on l'apprend en lisant les Manuels et les Traités, en attendant que l’expérience personnelle enseigne ce qu’on chercherait en vain dans les livres.

Mais le magnétisme doit surtout être pratiqué dans les familles; car la nature prévoyante et sage a mis partout le bien à côlé du mal, le remède à côté de la maladie, le médecin à côlé du malade. Celui qui se porte bien est le médecin naturel; il recèle en lui le remède. Nous dirions ici que le magnétisme devrait être exercé sous la surveillance «les médecins, si nous ne savions, et nous regrettons de le dire, que les médecins (sauf quelques exceptions remarquables autant que rares) ne savent rien du magnétisme, quelque grandes et variées que soient d’ailleurs leurs connaissances. Il y en a même qui, à l’exemple de leurs dogmatiques instructeurs, osent dire encore que le magnétisme est une bêtise; d’autres qui, à force d’avoir, sinon les yeux crevés, du moins les oreilles brisées par les faits qu’ils entendent citer de toutes parts, en sont venus à dire qu’il est dangereux; d’autres enfin trouvent qu’il prend trop de temps. Quelles pitoyables excuses!... Il y en a aussi quelques-uns, il faut bien le reconnaître, qui conseillent ou du moins autorisent quelquefois la magnétisation, mais ce n’est jamais que lorsque leurs moyens ont échoué. Le professeur Ros-tan a écrit : « Ils étaient bien peu médecins, peu physiologistes et peu philosophes, ceux qui ont nié ses

effets thérapeutiques !... » et nous sommes bien forcés d’en dire autant de certains médecins que nous voyons sourire; mais en attendant que ces docteurs deviennent un peu plus médecins (ce qui arrivera, du moins nous l’espérons), nous disons à tout le monde qu’on peut se passer d’eux, aussi bien que des magnétiseurs, dans une foule de cas; et on s’en passera bien mieux encore lorsqu’on se sera fait une habitude de magnétiser en famille. Il ne faut jamais perdre de vue qu’il y a toujours des riches el des pauvres, non pas seulement en fortune, mais encore en santé, qui est le premier de tous les biens; et il faut, pour obéir à une loi de Dieu, que tous ceux qui se portent bien fassent aux malades l’aumône delà santé, comme les autres riches font aux autres pauvres l’aumône du matériel. lit ce ne sera ni pénible, ni difficile, si on s’y prend de bonne heure , quand il n’y a encore qu’une indisposition, quelquefois vague : on n’a pas à craindre de se tromper, puisque le magnétisme n’est pas un poison; mais si on attend que la maladie soit cractérisée, le magnétisme pourra se montrer insuffisant, et le médecin viendra trop tard, ou se trompera, comme il arrive si souvent. S’il nous fallait citer des exemples, nous n’aurions pas besoin de consulter le passé: nous en avons presque tous les jours sous les yeux. Nous le ferons cependanl, s’il y a lieu de justifier nos plaintes de l’indifférence coupable des médecins pour un remède que l’expérience recommande comme le plus précieux en même temps que le plus inoffensif. Si dans quelques cas désespérés il fait encore ce que certains esprits appellent des miracles , combien de maladies ne préviendrait-il pas si on se hâtait de l’employer à leur début!....

J. B.

I.e 22, on lisait la contre-partie suivante :

A Monsieur le rédacteur de l'Orléanais.

Monsieur,

Enfin nous voilà arrivés ail magnétisme considéré au

point de vue médical..... Vous dites, M. J. B. , que

son action est morale et physique à la fois. Qu’elle est une transmission de la tie (de là à transfusion il n’y a pas loin) ou du moins un accroissement de la force vitale, qui sc montre partout. Souffrez que nous ajoutions un modificateur tellement approprié à la vie, que c’est la vie elle-même. De là son action prompte, active, (effet primitif) ; mais l’effet secondaire, ou soit l’expression de l'influence ressentie par l’organisme, quel est-il ? Rappelez-le : éphémère ou peu durable dans le plus grand nombre des maladies chroniques; incertain, douteux dans beaucoup d’affections aiguës; curatif dans les cas légers où la guérison serait arrivée par la réaction naturelle, si on avait laissé cette dernière agir seule, au lieu de la contrarier, comme on le fait si souvent, par des remèdes plus ou moins inappropriés et nous ajouterons : toujours si inconnus dans leurs effets purs. Lorsque vous guérissez par la puissance magnétique, c’est qu’elle était homéopathique au mal que vous combattiez. iN’esl-cc pas là toute l’histoire de l’allopathie?

Cependant le magnétisme est un remède puissant. Nous avons dit précédemment que son action était en tout semblable, dans son espèce, à celle des substances dynamisées de notre matière médicale pure; celles-ci agissent mieux encore et moralement et physiquement à la fois, s’il est permis de parler ainsi, que ne le fait le magnétisme. Entendons-nous

d’abord bien sur les mots; or, voici comment M. l’abbé Loubert, s’exprime sur l'influence magnétique: « . . . . Quand un homme dirige sur un autre homme l’action magnétique, il emploie envers son semblable celte puissance, morale dans son principe, la volonté, qui met en mouvement et fait sortir au dehors la cause seconde el physique, le fluide magnétique (i); il lui applique, en un mot, le magnétisme humain. » Ce fluide, personne ne l’a vu. sa matérialité échappe à tous les yeux , si ce n’est à ceux de certains somnambules doués d’une lucidité remarquable; aussi sera-t-il encore longtemps un sujet de discussion enlre MM. les docteurs Perrier, Ordinaire et Charpignon, lant il est oiseux de raisonner sur ce qui échappe à nos sens... Mais faut-il, pour ce motif, méconnaître le magnétisme ? A celui qui niait le mouvement, le philosophe grec ne répondait qu’en marchant.

11 en est de même de nos doses infinitésimales. Que peuvent-elles? disent en hochant la lèle ceux à qui la vieille pharmacie n’a livré, jusqu’à celle heure, que de hautes doses, masses médicamenteuses plus désagréables, plus dégoûtantes, plus funestes les unes que les autres. Ce sont des riens, dit celui qui n’a pas pris la peine, quoique médecin, d’étudier la question avant de se prononcer. Au contraire, crie de son petit coin la malveillante ignorance, ces petites doses

sont des poisons..... lit cependant, ces prétendus

poisons triomphent tous les jours des cas les plus re-

(1) On attribue la conséquence du magnétisme il un fluide qu’on appelle magnétique, cause seconde et physique ; c’est vouloir obstinément matérialiser une abstraction, une force ; et c’est d’aulant plus étonnant que ces mots sonl écrits par un homme qui semble avoir compris l'identité de la matière et de l’intelligence. TAXIL.

belles ; leurs succès déconcertent déjà le génie médical ancien. Kl si vous ne 11011s comprenez pas encore, c’est que vous ne voulez pas vous placer au point de vue de la vérité. M. le professeur Léon Simon vous l’a dit dans ses leçons : « Ce que vous ne concevez pas existe; voyez, et ne vous étonnez pas que, dans la nature, il y ail plus de choses à concevoir que nous n’en avons compris ; le champ est sans limites. »

M. J. 15. passe ensuite aux règles générales qui gouvernent le magnétisme ; pour lui elles consistent, i° dans la santé du magnétiseur ; 2° dans l’utilité de la magnétisation. Effluve de la vie, le magnétisme ne doit arriver de celui qui le transmet à celui qui le reçoit, qu’à l'état de pureté relative la plus grande. Or, beaucoup de ceux qui magnétisent sont privés de cette santé irréprochable. Qui sait si ce n’est pas là une des principales causes de l’incomplément des résultats obtenus? Nos médicaments ne sont utiles qu’après avoir subi le dernier degré d’épuration, une trituration longue et soutenue, une atténuation incompréhensible... D’une autre part, il nous semble raisonnable de n’user du magnétisme que lorsque les circonstances le réclament. Mais pour nous, nou9 ne nous lasserons pas de répéter que le magnétisme, ainsi que tous les agents médicamenteux exerçant sur les troubles dynamiques que notre force vitale a éprouvés dans les maladies, des modifications virtuelles, animiques, expansions du principe de la vie générale qu'ils possèdent eux-mêmes individuellement, on ne doit employer le magnétisme comme remède, que lorsque ses efiels purs sur l’homme à l’état saiu seront, au préalable, connus.

Vous déplorez que le magnétisme ne soit pas exercé

sous la surveillance des médecins. Nous aurions préféré que vous eussiez désiré que les médecins fussent eux-mêmes magnétiseurs. Quant à nous, nous le redisons peut-être ici à tort, mais nous voudrions bien que les magnétiseurs fussent médecins, non docteurs, c’est-à-dire gradués, titrés, mais possesseurs de tontes les connaissances indispensables à la compréhension du déploiement, de la marche, de la terminaison des maladies, science que l’on acquiert par une longue observation théorique et pratique.

Nous ne vous suivrons pas dans les reproches que vous adressez à nos confrères, ils ne sont pas à notre adresse; que messieurs les allopathesse justifient de

n’être pas plus médecins..... L’homéopathie les en

accuse depuis longtemps et sérieusement; et nous closons cette lettre en disant, par imitation de notre savant ami, M. le professeur L. Rostan : « Ils soijt bien peu médecins, peu physiologistes, peu philosophes, ceux qui nient la loi des semblables. »

TAXIL, d. m.

Nouvelle-Orléans, 21 avril 1851.

Le champion de nos idées, continuant sa route avec calme, disait dans l’Abeille du 26 :

QUELQUES MOTS SLR LE MAGNÉTISME.

1Y.

Nous l’avons dit en commençant : c’est pour ceux qui ne lisent pas les livres que nous écrivons, et ce serait nous écarter de notre objet que de discuter avec le savant médecin qui nous fait l’honneur de lire nos petits essais. Nous ne cherchons qu’à éveiller l’attention de ceux qui en savent encore moins que nous, dans l'espoir qu’ils voudront en apprendre davan-

tagc. Nous venons leur dire quelques-uns des procédés magnétiques, et le bien que. nous en obtenons, pour qu’ils fassent comme, nous, dans le cercle de leur famille, et qu’ils acquièrent aussi la conviction que le magnétisme est un puissant remède. Nous n’avons pas à nous occuper ici de la question scientifique, pas plus que nous ne devons faire attention à des dénégations dont le public saura faire justice ; dans des aperçus aussi rapides il ne nous est permis d’envisager le magnétisme qu’au point de vue pratique.

Lorsque le magnétisme était contesté, les plus avancés des médecins admettaient déjà qu’il était un remède utile dans les « maladies nerveuses, » qui sont à la fois celles que la médecine savante s'avoue impuissante à guérir, et celles que le magnétisme guérit le «mieux. Cependant, malgré l’insuccès mille, fois constaté, on persiste à essayer encore, essayer toujours, l'opium, la morphine, la quinine, le mercure, les ventouses, les vésicatoircs, etc., moyens coûteux, douloureux , quelquefois dangereux, et trop souvent inutiles, s’ils ne sont aggravants. Dernièrement les journaux annonçaient qu’un médecin de Paris, frappé de cette vaste lacune dans la thérapeutique, avait enfin trouvé un remède contre les névralgies ! Ce remède, qui paraît être le fer rouge, est assurément fort commode : « la cautérisation de l’hélix » est si vile faite I mais nous croyons le magnétisme bien préférable, et en supposant que le nouveau remède fût plus efficace que ses aînés, nous commencerions encore par le magnétisme. Que d’autres agissent différemment si cela leur plaît ; mais si les moyens héroïques ne les soulagent pas, qu’ils essaient du nôtre, qu’ils peuvent toujours puiser à la main d’un ami. Il est vrai que,

dans ce cas, il pourra se montrer moins prompt que si on avait commencé par lui : pcul-èlre même sera-t-il impuissant; aussi ne faudra-t-il pas se hâter de l’accuser, car il aura peul-êlre deux maux au lieu d’un à combattre, et le pire des deux sera quelquefois l’effet irritant de remèdes que l’on appelle calmants. L’exemple qui suit en donnera une première idée (i).......................

Les maux de tête, les maux de dents, le tic douloureux, les rhumatismes et les douleurs en général, se traitent par l’imposition ou l’approche des mains, les frictions ou les passes toujours lentes et descendantes, l’insufflation chaude ou froide, et surtout l’intention soutenue; mais l’effet n’en est pas toujours prompt, surtout si le mal est ancien ou s’il a été aggravé par des remèdes irritants, et il faut la patience et la persévérance nécessaires : le temps ne doit pas se compter.

i. B.

M. Taxil, suivant pas d pas notre ami, reprend dans le numéro du 29 :

A Monsieur le rédacteur de l'Orléanais.

Monsieur,

Les homéopathes admettent le magnétisme, vous le savez, comme 1111 des plus puissants remèdes; mais ils ne lisent pas plus vos livres qu’ils ne lisent les prétendues matières médicales de l’ancienne école qu’ils ont abandonnée, et cela parce que les vôtres

(1) Cas de M"« M..., cité ci-devant, page 4G2.

el ceux de l’allopathie ne renferment rien (le vrai au point de vue pratique.

¡Notre devoir est de combattre cc que nous croyons être l’erreur partout où nous la rencontrons, de dessiller les yeux, d’éclairer les esprits, et voilà pourquoi nous avons lu avec beaucoup de soins vos petits

essais..... et que nous avons cru devoir les entourer

de quelques réflexions homéopathiques, attendu que le magnétisme, par sa nature particulière, rentre essentiellement dans le vasle domaine de la loi des semblables. Nous continuons à vous suivre, déplorant que nous répondre serait vous éloigner hop de votre objet ; nous espérons qu’en haut meu nos objections scientifiques ne passeront pas comme inaperçues.

Nous vous l’avons déjà fait pressentir souvent, vous usez du magnétisme sans connaître ses effets purs, vous en usez en aveugles, comme nos collègues, les allo-pathes, manient tous les jours leurs instruments thérapeutiques sans en connaître ni la portée ni l’action. Plus heureux qu’eux, vous ne plongez pas dans un sommeil mortel vos malades avec cinquante gouttes de laudanum, et vous n’amenez pas des désordres irrémédiables par des doses énormes de substances que les thérapeutistes appellent héroïques; mais vous ne guérissez, vous ne soulagez que d’une manière imparfaite.

Dans votre paragrnphe IV , vous abordez la question pratique et vous prononcez , sans hésitation, un mot de maladies qui ne dit rien, qui n’exprime rien de

précis.......Que vous fait à vous, vous n’êtes

pas médecin..... le mot de maladies nerveuses ?.....

Et où sont les maladies qui ne sont pas nerveuses ? Jamais dénomination n’a couvert plus d’ignorancc sur la nature morbide, plus d’incapacité sur les

moyens de la combatiré, et vous la reproduisez pour élalor la prééminence de ce que vous appelez magnétisme sur les procédés d’une médecine que, d’un ton ironique, vous traitez de savante, sans songer qu’adopter son langage, ses formes, c’est marcher

dans ses voies, c’est s’exposer à ses mécomptes.....

Vous trouvez occasion de décocher en passant un tout pelit Irait au médecin de Paris qui a Irouvé dans la cautérisation de l’hélix un remède infaillible contre les névralgies. Voilà encore un nom que nous rejetons, non dans l’intention défaire une mesquine guerre de mois, mais parce que ces dénominations, que rien ne justifie, filles mêmes de l’erreur, sont une des sources les plus fécondes de sa durée, de sa perpétuité. ¡Nous nous expliquerons sur ce point dans un aulre moment, s’il le faut.

La cautérisation de l'hélix , nous la repousserions comme impuissante; le magnétisme, que nous voyons tous les jours, par d’autres mains que les nôtres, alléger momentanément des maux de dents,etc. etc., comme insuffisant, puisque ni l’un ni l’autre de ces moyens ne peuvent modifier le principe miasmatique chronique qui toujours sert de pivot à ces douleurs atroces, rangées dans le cadre si imaginaire, si élastique et si commode des affections nerveuses !

Nous nous sommes exprimé trop nettement sur les dangers des traitemenls allopalhiquos, pour que nous ne soyons pas de votre avis louchant les difficultés insurmontables que créent à l’art de guérir les maladies appelées, pour la première fois par notre maître, médicinales, c’est-à-dire celles que les médecins, les ministres de la sanlé, forment de toutes pièces... Celles-là sont incurables, nous a dit Ilahne-mann, el elles sont, pour la honte de l’art ancien,

les plus nombreuses. Oui. ce que messieurs les allopa-ihes appellent, sans le savoir, calmants, ne sont que des agents nuisibles, aux closes exagérées dont ils en usent tous les jours.

TAXIL, d. m.

Nouvelle-Orléans, 28 avril 1851.

VAbeille du 5 mai donnait encore ^hospitalité de scs colonnes à l’article que voici :

QUELQUES MOTS SL R LE MAGNÉTISME.

Y.

Nous avons dit que les bons médecins admettent l’utilité du magnétisme contre les « maladies nerveuses », et ce cadre n’est pas aussi restreint qu’on pourrait le croire. Le système nerveux se ramifie à l’infini : chacune de nos molécules est pénétrée par une branche nerveuse,et nous ne saurions nous piquer nulle part sans que la douleur en avertît instantanément le cerveau ; nous n’avons de sensations que par les nerfs , et la douleur est une sensation. Donc, règle générale, le magnétisme convient toutes les fois qu’il y a souffrance ; car son premier effet est de l’apaiser. Il faut donc l’appliquer à loutes les sensations douloureuses, quels qu’en soient le siège et le nom : dans les névralgies en général, les névroses de l’estomac et des intestins appelées: gastralgie, gastrite, gastro-entérile, et toute la kyrielle des maladies aux mille noms; dans les rhumes, causes premières de tant de maux, souvent d’affections de poitrine appréciables seulement lorsque la lésion organique n’est plus guérissable; dans les rhumatismes, les paralysies, et surtout dans ces désordres horribles qu’on

appelle : hystérie, épilepsie, «-.mire lesquels la médecine ne peut rien, et que le magnétisme guérit....

On comprend déjà que les aH’-clions dites du système nerveux sont les plus nombreuses, et pourtant 011 aurait tort de penser que l'application du magnétisme dût s’arrêter là. Par exemple, 11e sait-on pas que la condition la plus favorable à la résolution des inflammations est le repos el l’absence de douleur? Donc, le magnétisme qui calme les douleurs et provoque souvent le. sommeil, convient aussi dans ces cas; el, pour êlre bref, disons qu’il esl utile dans la presque totalité des maladies.

Nous ne voulons point dire par là qu’il faille repousser les secours de la médecine, cl se confier exclusivement au magnétisme : nous pensons qu’il y a du bon partout, et l’homme sage le prend où il peut le trouver. Les médecins systématiques repoussent tout ce qui n’est pas de leur école, el c’est de quoi nous nous plaignons. Il est vrai que « le magnétisme « prend beaucoup de temps, » comme plusieurs médecins nous l’ont déjà dit, et nous ajoutons qu’il fatigue beaucoup le magnétiseur qui donne de sa vie au risque de prendre le mal des autres, et qu’011 ne paie guère ce que valent de tels soins; mais le but étant de guérir, toute autre considération devrait s'effacer devant ce sublime devoir. C’est donc à vous, amis du malade, que nous nous adressons: magnétisez dès que la maladie commence; si vous n’avez pu le faire au début, faites-le aussitôt que possible; faites-le même lorsque le malade est déclaré incurable ; car il y a bien des condamnés de la médecine qui se portent assez bien. En voici un exemple récent qui servira de réponse à l’homéopathe qui assure que le magnétisme 11e fait que soulager, de même qu’à

cet autre médecin qui trouve que nous avons le cerveau fêlé, parce que le sien ne peut comprendre 1'iniluence salutaire du magnétisme dans les affections de poitrine.

Frère et sœur étaient malades à la fois; l’avis du médecin consultant prévalut, et le magnétisme fut ordonné pour l'affection rhumatismale du jeune homme; mais la mère justement alarmée nous demanda d’essayer aussi sur la jeune fille, atteinte d’une maladie de poitrine qui n’avait sans doute été reconnue que trop tard , puisqu’on n’avait pu l’enrayer : les deux médecins la trouvaient incurable, et on nous a même rapporté ce pronostic attribué au médecin ordinaire : « Elle n’ira pas huit jours; ses poumons sont comme des nids de guêpe... » Nous la magnétisâmes quatre fois par jour, tant que cela nous parut nécessaire, et dès le second jour on put constater une amélioration qui n’a fait qu’augmenter. Il y a maintenant plus de deux semaines, et le médecin ne visite plus sa cliente, parce qu’il la trouve « très-bien », ce qui ne l’a pas empêché de conseiller l’huile de foie de morue, qu’on aura sans doute le bon esprit de réserver pour un autre temps.

Dans les maladies telles que le choléra, si promptes, et contre lesquelles les plus habiles médecins n’ont encore rien trouvé, laissez les médecins poursuivre leurs recherches, mais employez le magnétisme conjointement avec leurs moyens : l'essentiel est de guérir. Ne comptez pas les magnétiseurs ; mettez-en plus que le Dr Esdaile, qui n’en a employé que quatre à la fois dans le tétanos, parce que ce nombre lui a suffi pour guérir; actionnez surtout l’estomac et l’abdomen , et que les autres magnétiseurs distribuent leurs soins aux autres parties; couvrez le malade de

mains bienveillantes , au lieu d’emplâtres de moutarde , et que l’intention soit toujours tendue!.....

Nous l’essayâmes l’autre soir, durant quatre heures , seul, et sans y être invité; mais la maladie était à son dernier période, et les modifications que les autres amis du malade constatèrent ne purent se soutenir. Un peu plus tôt, le concours de plusieurs magnétiseurs aurait peut-être conservé la vie à un bon citoyen, un père à une famille qui avait besoin de lui!...

J. B.

Le Journal qui prête sa publicité â l’adversaire de M. Barthet, donnait cette lettre le 9 mai :

A Monsieur le rédacteur de l'Orléanais.

Monsieur,

Remercions d’abord M. J. B. de nous faire remarquer que nous l’avons mal compris; c’est un tort que nous sommes disposé à réparer avec d’autant plus de plaisir, qu’il nous le signale avec sa bienveillance accoutumée. Nous avons dit que les livres des magnétiseurs 11e renfermaient, comme les matières médicales allopathiques, rien de vrai au point de vue de la pratique. Ce fait est constant, nous le maintenons. Mais de là, arguer que nous n’avons pas lu ces livres, c’est'tomber dans une erreur grave.....

Oh ! vous y tenez définitivement à vos maladies nerveuses ; eh bien! soit; nous vous écoutons : « Le système nerveux se ramifie à l’infini (il est partout, puisqu’il est le principe animateur, l’élément de la vie), chacune de nos molécules est pénétrée par une branche (pourquoi par une seule?) et nous ne sau-

rions nous piquer nulle part sans que la douleur n’en avertisse instantanément le cerveau (nous avions donc raison de vous demander quelles étaient les maladies qui n’étaient pas nerveuses); nous n’avons de sensations que par les nerfs; la douleur est une sensation : donc, règle générale, le magnétisme convient toutes les fois qu’il y a souffrance, car son premier effet est de l’apaiser. L’argument est en bonne forme, la conséquence découle des prémisses. Ici, plus que jamais, vous vous identifie'zavec messieurs les allopalhes, quelque déplaisant que soit pour vous ce parallèle, il est si juste, jugez-en vous-même : voici ce qu’on trouve à la page ig5 du même volume de la matière médicale pure d’IIahnemann, à l’article opium: « Mais ce qu’il y a de plus frappant, c’est l’abus que les médecins ont fait jusqu’à ce jour de l’opium dans toutes les espèces de douleurs, quelque anciennes et enracinées qu’elles fussent. C’est déjà révolter le bon sens et retomber dans la folie de la médecine universelle, que d’attendre d’une seule substance la guérison d’états qui diffèrent si prodigieusement les uns des autres. On aurait dû voir que les douleurs varient tellement, quant au siège, à l’époque, aux circonstances, au renouvellement, à l’exaltation, à la diminution, etc., que le grand Etre a dû créer contre elles une multitude de substances diverses, chaque chose ici-bas ne pouvant avoir qu’un cercle d’action limité. Mais l’opium n’appartient précisément point à la catégorie des moyens propres à calmer el guérir les douleurs. Il est presque le seul médicament qui ne provoque point une seule douleur pendant son action primitive. Les autres excitent tous chacun les siennes, et peuvent, par conséquent, guérir lioméo-palhiquement les douleurs naturelles semblables,

surtout lorsqu’il y a analogie entre leurs symptômes et ceux de la maladie. Seul, l’opium n’a le pouvoir de guérir d’une manière durable aucune maladie quelconque, parce que, loin d’en susciter durant son action primitive, il détermine un élal contraire, l’extinction de la sensibilité, dont le résultat inévitable (réaction) est une sensibilité plus grande qu’auparavant el, par conséquent, une exaltation pénible qu’entraîne la douleur. »

Si magnétisme remplaçait ici opium, no trouveriez-vous pas l'analogie exacte ? Eh bien ! l’allopathie suit toujours en aveugle scs fatals errements. Tous les jours elle se glorifie d’avoir éteint la sensibilité avec ses prétendus narcotiques, ne tenant nul compte de son cruel réveil... Oh ! mais les horreurs de cette réaction, jamais le magnétisme ne les rencontre, nous en convenons. Mais les guérissez-vous, ces maladies aux symptômes de sensation si prononcés ? Les désordres dynamiques, appelés maladies, résident-ils seulement dans l’exaltation de la sensibilité? Quelquefois celle-ci est abaissée, et il y a, en outre, des lésions de texture, des lésions d’action; si, par le magnétisme, vous ne les aggravez pas comme messieurs les allopathes le font avec leurs doses massives, si vous ne créez pas des maladies 7nagnètiques comme eux en engendrent si souvent de quiniques,

d,'opialiques, de mercurielles, etc., exactement comme eux, vous, vous palliez seulement cette kyrielle de maladies aux mille noms. Ainsi, les rhumes, causes premières de tant de maux, qui ne sont qu’un trouble vital de la muqueuse pulmonaire, pourquoi n’en-trainent-ils pas tous â leur suite les désordres mortels qu’on remarque dans tant d’occasions? C’est que chez tous la prédisposition miasmatique n’existait pas.

Or, les virus, sources affreuses de celte prédisposition, auxquels la médecine ancienne n’a su opposer que des barrières impuissantes, sinon dangereuses, vous, messieurs les magnétiseurs, les détruiriez-vous dans leur essence? Souffrez que nous attendions vos preuves. Cependant, suivant toujours les allures allo-palhiques, vous diles comme eux : « Par exemple, ne sait-on pas que la condition la plus favorable à la résolution des inflammations (nous no nous arrêtons plus à l’insignifiance des mots) est le repos et l’absence de douleur ? Donc, le magnétisme qui calme les douleurs et provoque souvent le sommeil, convient aussi dans ces cas, etc. >» Puis soudain, pour ne pas paraître exclusif, vous consentez à l’intervention des secours de la médecine. De quelle médecine? Est-ce de l’ancienne, qui a fait son temps et qui vous repousse parmi les cerveaux fêlés? Nous ne pensons pas que ce soit de l’homéopathie, qui vous tend les bras à tous, et dont tous obstinément vous méconnaissez la suprême loi..... Ah ! vous y voilà; vous ne

voulez pas être systématique.....c’est de l’éclectisme

magnétique que vous voudriez... Mais, à cette heure , la médecine a trouvé un point assuré, l’éclectisme médical n’a plus de raison, et le magnétisme humain ne déploiera inutilement sa puissance thérapeutique qu’en courbant la lêie sous la loi des semblables.

Nous serions si heureux, nous, médecin homéopathe, d’être éclairé par vous, M. J. B., en matière pratique, que la fin de voire article a vivement piqué noire attention; vous avez guéri, dites-vous, avec vos passes, un rhumatisme. Que de vague dans cette dénomination ! Mais quel médecin allopalhe n’a pas de semblables guérisons à produire! Yous n’êtes pas plus ■avancés qu’eux; vos passes, pas plus que leurs ru-

mèdes, n’ont rien cio spécifique. Aussi, ne pouvez-vous tous rien contre la récidive, dont la fréquence est si commune qu’il est convenu, dans le monde, de regarder le rhumatisme et la goutte comme incurables par l’allopathie. Voyons si votre affection de poitrine, dont l’espèce n’esL pas mieux qualifiée que ne l’a été celle du rhumatisme, nous fournira des motifs de conviction plus certains. Eh! non. Ici vous avez soulagé encore; mais guéri, rien n’est moins assuré. Le pronostic funeste de notre collègue allo-pathe, qui n’a pas dù vous lire, son silence au moins nous force de le supposer, se réalisera probablement, et votre magnétisme aura un nouvel échec à enregistrer après son chant trop lutté de victoire. Nous sommes désolé que vos pusses magnétiques n’aient pu conserver la vie à ce bon citoyen, à ce père de famille dont vous parlez. Mais permettez que nous vous disions, en terminant, que le concours de plusieurs magnétiseurs que vous appelez dans les circonstances graves, nous rappelle involontairement les doses énormes de calomélas ou mercure doux, par exemple, que l’allopathie dirige, sans trop savoir pourquoij contre les cas désespérés. Encore un nouveau trait de ressemblance entre vous et messieurs les médecins de l’ancienne école.

TAXIL, d. a.

Nouvellc-Orléans, 7 mai 1851.

Le judicieux président de la Société magnétique ne s’arrêtant pas aux escarmouches, continue paisiblement dans VAbeille du io, ses :

QUELQUES MOTS SUR LE MAGNÉTISME.

VI.

Oui, le magnétisme est utile dans toutes les mala-

¿lies, et il les guérirait peut-être toutes si on remployait à leur début. S’il ne guérit pas tous les malades, c’est principalement parce qu’on n’y a recours que lorsque la vie est usée par le mal ou par les remèdes, et pourtant dans ces cas encore il fait souvent merveille. Deux honorables médecins viennent d’en acquérir la preuve dans un cas de maladie fort ancienne , où la magnétisation a produit un effet aussi heureux et prompt qu’inespéré; mais nous devons laisser aux hommes de cœur qui ont eu le mérite de la chose, celui de la publier : ils auront par là un double titre à la reconnaissance et à la confiance.

De notre côté , nous avons souvent fait la même remarque; mais à quoi nous servirait de citer encore des guérisons? Ne dit-on pas qu’elles ne prouvent rien? Parlons donc de ces cas où la médecine n’ayant rien fait, le magnétisme est venu faire un peu, puis la médecine encore, sans être plus heureuse qu’auparavant. Certains hommes diront que le magnétisme n’a fait que soulager, mais d’autres comprendront qu’il aurait guéri si on eût persévéré assez longtemps : était retenue au lit depuis plus de quatre mois, par ce qu’on avait appelé un rhumatisme aigu ; la jambe lout à fait fléchie et immobile, le genou très-douloureux et gonflé; et, ni les sangsues, ni les vésicaloires, ni les cautères, ni les remèdes internes n’avaient eu d'effet contre la douleur alroce du genou, ni pour l’extension de la jambe : il y avait tout lieu de craindrel’ankylosc.... Magnétisée journellement, la douleur ne tarda pas à cesser, et l’articulation s’ou-vrit peu à peu ; mais ce ne fut qu’après deux mois et demi que la jambe eut toute son extension, quoique le jeu de l’articulation fût encore empêché, et la malade put enfin marcher un peu. Nous la laissâmes

clans cet «Hat, espérant que le mari nous auraiI remplacé, mais on trouva plus commode de rappeler le médecin qui, celle fois, prescrivit les bains de sang, et ne fut pas plus heureux qu’auparavant; un autre ensuite employa l’huile de foie de morue, mais sans succès, et nous avons appris queüa malade en est encore, à peu de chose près, au point où nous la laissâmes il y a dix mois....

Le petit D.... , âgé de quatre ans, avait passé tout son temps couché, ou dans les bras de sa bonne; il ne pouvait se tenir assis, ni non plus sur ses pieds dont les orteils se crispaient; il se servait à grand’ peine d’une de ses mains, et jamais il n’avait articulé une syllabe. Inutile de dire que la médecine avait épuisé ses ressources. Pour montrer aux parents comment ils devaient s’y prendre, nous allâmes le magnétiser tous les soirs. Des la troisième semaine il put rester assis par terre et se servir assezde ses mains pour manier ses joujoux ; à la quatrième semaine il gazouillait « maman, » et après trois mois, il posait ses pieds a plat et se tenait debout, pourvu qu’il se sentît appuyé du dos. Ces faits devant inspirer de la confiance à des personnes sensées : nous nous retirâmes, croyant que le père ou la mère nous aurait remplacé, mais celle-ci nous dit un jour que son mari « n’avait pas le temps.... » Nous avons appris que le petit malheureux en est resté au point où nous le laissâmes il y a trois ans !____

On comprend donc qu’il faut de la patience et de la persévérance pour arriver à la guérison ; et, puisque les parents des malades n’ont pas ces qualités, il fallait bien faire du magnétisme une profession; mais nous ne désespérons pas de le voir un jour pratiqué dans les familles, surtout si ce qu’il y a de mé-

(lecins honorables se donnent la peine de l’étudier pour ensuite le faire employer sous leur direction.

Nous ne parlons pas de ces soi-disant docteurs qui disent ne vouloir « croire au magnétisme que lorsqu’il remettra une jambe cassée. » Ces hommes sont des erreurs de la Faculté qui leur a donné un diplôme.

J. B.

A celle argumentation puissante, M. Taxil fil les suivantes et dernières objections, insérées dans le numéro du i4 mai :

Monsieur le rédacteur de l'Orléanais.

Monsieur,

Non, Monsieur J. B., le magnétisme n’est pas utile dans toutes les maladies ; et il ne les guérirait pas toutes si on l’employait à leur début, et cela parce qu’ainsi que le Père de la matière médicale pure l’a dit : « Les agents thérapeutiques ont tous un cercle d’action déterminé, dont l’appropriation aux cas particuliers qui les réclament est la juste mesure de leur efficacité. » Lorsque le magnétisme échoue , ce n’est pas seulement parce que la vie est usée par le mal ou par les remèdes, condition si commune aux mains des allo-palhes, mais parce que vos passes n’ont pas pu atteindre ce ijuid ignotum, ce trouble dynamique spécial que l’homéopathie démontre résider dans ces trois virus que vous savez. Nous attendons le témoignage de vos deux honorables médecins en faveur de la magnétisation dont vous parlez.

Oui, oui, multipliez vos faits de guérison, ils ne feront que confirmer notre opinion sur la simple propriété palliative de l’agent qui les a amenés.

Dix mois aptes l'abandon de Mme B...., que vous

avez magnétisée deux mois et demi et journellement (vous vous abstenez d’indiquer le nombre des opérations magnétiques que vous pratiquiez par jour), pour remédier aux désordres produits depuis plus de quatre mois par un rhumatisme aigu, nulle amélioration que celle que vous aviez laissée n’a été obtenue. Nous ne savons, comme vous l’avancez, si c’est par commodité que les médecins allopathes furent rappelés ; nous constatons seulement qu’il vous furent préférés, et que. ni vous ni eux n’avez rien pu faire.....

Même chose pour le petit D., âgé de quatre ans : vous palliez son mal, vous le quittez à cause de votre impuissance d’arriver à un état meilleur, vous le laissez aux soins magnétiques, dites-vous, du père et de la mère.... Le mari n’avait pas le temps ; et la mère? Oh ! laissez-nous insister toujours plus sur la propriété essentiellement palliative du magnétisme dans les cas où il n’est pas approprié !

Vous tenez toujours à la profession exclusive de magnétiseur, que vous distinguez absolument de celle du médecin; votre illusion est grande! c’est tout comme si vous vous vouliez que chaque substance médicinale ne fût spécialement administrée que par un seul homme de l’état. Il n’y a d’honorables, pour vous, que les médecins qui, s’étant donné la peine d’étudierle magnétisme, le feront employer sous leur direction comme ils le font tous les jours d’un phlé-botomiste, d’un ventouseur, etc. L’honneur, la probité médicales ne peuvent pas être enserrés dans un cercle aussi rétréci, veuillez avoir la bonté d’y réfléchir, Monsieur J. 15.

Nous aimons à croire que vous ne nous rangez pas, malgré notre faiblesse, parmi ces erreurs de la Faculté

qui voudraient que le magnétisme 011 l’homéopathie remissent une jambe cassée.

TAXIL, d. m.

Nouvelle-Orléans, 11 mai 1851.

Là s’arrête le combat. M. Taxil, à la veille de la fête de Mesmer, a réclamé comme un droit de croyance la faveur d’assister au banquet du 23 mai, et la Société, convaincue de la sincérité de ses intentions, regardant ses objections comme l’expression d’un vœu de progrès que comme une opposition systématique, lui a tendu ses bras cordiaux. Il s’est montré plein de noblesse et d’indépendance dans un toste chaleureux porté à la mémoire de notre illustre maître.

M. Barthet a continué l’exposé de ses idées, sans autre incident; nous reproduirons ses derniers articles prochainement.

HÉBERT (de Garnay).

Société «lu mesmérisme de Paris.

La Société du mesmérisme , dont le progrès va croissant à tel point qu’on ne trouve plus de locaux particuliers assez vastes pour contenir tous les adeptes qui demandent l’entrée de ses séances publiques, a repris hier le cours de ses travaux, interrompus depuis un mois faute d’un lieu de réunion convenable. Ses séances auront lieu dorénavant le jeudi, comme autrefois, et se tiendront au salon du Wauxhall, rue de la Douane, ib, où peuvent tenir, à la rigueur, mille personnes.

L’inauguration de cette salle magnifique a été faite

par M. du Potct, président honoraire. M. le profesd seur Gregory, venu d'Édimdourg selon sa promesse, avait été invité à prendre place au bureau, où chacun se félicitait de sa présence, car c’est une faveur insigne que le concours d’un homme aussi distingué. Un autre confrère honorable, aussi membre du Jury magnétique, M. le Dr Perrier , de Cacn, avait bien voulu participer de cette séance mémorable. L’assistance était considérable, et beaucoup de médecins en faisaient partie.

Le succès a entièrement répondu à l’attente. Il n’y a plus de doute à concevoir sur la réussite des expériences devant des assemblées très-nombreuses; la seule difficulté qui reste à lever est purement architecturale. Il faudrait qu’une semblable salle fût disposée en amphithéâtre afin que tout le monde vît bien les expérimentations sans se déranger. Espérons que cette condition désirable pourra bientôt se réaliser.

En somme, tout annonce que le magnétisme se produira là avec un commencement de splendeur; que les magnétistes se réjouissent donc de ce présage heureux, c’est l’aurore d’un nouveau progrès.

D' LOI'Y ET.

VARIÉTÉS.

Clairvoyance. —Nous trouvons dans un feuilleton

du Corsaire, reproduit par divers journaux du mois de juin dernier, quelques faits de somnambulisme dont la citation a quelque importance. On y lit ce qui suit :

« Un de ces derniers étés, j’étais à Monte-Cristo, ce joli château dans le goût de la renaissance, que Dumas a faitbâtir entre Saint-Germain et Port-Marly; il y avait nombreuse compagnie chez le célèbre auteur dramatique, qui commençait alors ou était sur le point de commencer Balsamo. Outre l’ami que j’avais amené, j’en comptais là plusieurs autres, artistes et gens de lettres, et gens du monde, attirés comme moi par le beau temps, le bon air, le bon accueil du maître du logis, et la promesse de deux plaisirs fort alléchants, savoir : la vue gratis du prince Jérôme Bonaparte, et une séance de magnétisme.

« Le prince Jérôme ne parut pas, ce dont nous noua consolâmes.

« Mais le magnétiseur Marcillet et son sujet Alexis arrivèrent, ce dont nous nous applaudîmes.

Ici le narrateur fait un éloge pompeux de M. Marcillet, puis il ajoute :

« Quant à Alexis, c’est un jeune homme, mince et peu élevé de taille, doux et sérieux de visage, aux, joues pâles, au front inquiet. Son regard tantôt flotte incertain, tantôt s’anime d’une expression d’intelligence vive et rapide comme l’éclair. C’est surtout dans

l’étal de sommeil lucide que scs traits prennent l’expression dont nous parlons. Éveillé, c’est autre chose. Alors, volontiers, on le croirait endormi, tant il semble absorbé dans une contemplation vague, tant il lutte, à son insu, contre une obsession de tous les instants. Celte anxiété est habituelle à beaucoup de somnambules. Ils cherchent jusqu’à cc qu’ils soient endormis. C’est dans le sommeil magnétique qu’ils vivent, c’est dans le sommeil que l’intelligence leur vient.

« Alexis exerce la profession d’acteur cl est attaché au personnel d’un de nos théâtres des boulevards. II venait, ce jour-là, en représentation à Saint-Germain, où il devait jouer le soir même, avec sa femme, la Fiole de Cagliostro. En attendant, il donnait chez Dumas, à Monte-Cristo, une séance de somnambulisme.

« Nous nous promenâmes quelque temps dans le jardin, attendant l’heure fixée pour les expériences. Mme Alexis, dont le mari venait de monter au salon, se divertissait fort à voir l’air sombre de Jupiter, un vautour des Alpes, qu’une chaînette et un pieu retenaient captif au milieu d’une pelouse. Son attention se partageait entre ce pauvre prisonnier et les cabrioles de Keralry, l’un des singes favoris d’Alexandre Dumas. Tout à coup cet air d’insouciance et de gaieté disparut et fit place à une expression étrange. Mmc Alexis porta vivement la main à son front et

chancela.....Quelqu’un la soutint. Presque aussitôt

une fenêtre du salon s’ouvrit et l’on nous appela. Tout s’expliquait : Alexis venait de s’endormir, et la sympathie avait produit l’étrange contre-coup dont nous parlons.

« Les premières expériences auxquelles nous assistâmes, bien que fort surprenantes, n’altirèrent que

médiocrement notre attention. Le somnambule jouait aux cartes les yeux bandés, ou, pour mieux dire, calfeutres, ot lisait, sans jamais se tromper, dans le jeu de son adversaire. Je n’ai jamais ou foi dans ces sortes d’épreuves, et les cartes m’ont toujours semblé l’attribut obligé de la prestidigitation. J’attendais d’Alexis des preuves plus concluantes de son savoir et de sa lucidité.

« Elles ne se firent pas attendre.

« Dumas a déjà raconté, dans un autre journal, quelques-uns des faits merveilleux qui signalèrent cette séance : depuis le bracelet de Mme Pradier, dont Alexis devina l’origine, jusqu’à un voyage à Tunis, recommencé mentalement par M. L.... et dont Alexis retraça scrupuleusement jusqu’aux moindres circonstances.

« J’engageai mon camarade Collin à présenter au somnambule la bague-chevalière qu’il avait au doigt, et dont la pierre ovale, souvenir d’une personne aujourd’hui morte, est un lapis-lazuli. Alexis examina attentivement la bague et déclara que la monture et la pierre formaient deux objets distincts dans sa pensée ; que le donataire de la pierre avait fait monter la bague, et qu’enfin Mme ***, de qui mon ami Collia tenait ce présent, était morte... Tout cela était vrai.

« Une autre personne, qui venait à Monte-Cristo pour la première fois, M. Berthon , ancien élève de la marine, fut curieux de savoir si Alexis connaîtrait quelque particularité de sa vie passée. Mis en communication avec le somnambule, il lui posa diverses questions auxquelles celui-ci répondit sans se tromper et sans hésiter. Dès l’abord , il déclara que M. Berthon avait été marin, et que son pays de prédilection était la Martinique.

« J’allai prendre au hasard, dans la bibliothèque, un livre broché et non coupé, que j’apportai à Alexis en le priant de lire une page donnée sans ouvrir le volume. L’impression élait compacte, et la superposition des feuillets produisait un pêle-mêle obscur, un fouillis presque impénétrable à la vue troublée d’Alexis. Pourtant, peu à peu, les yeux de son âme débrouillèrent ce chaos, et il parvint à déchiffrer les premières lignes de la page 3^. On ouvrit le volume, on coupa le feuillet, vierge encore du couteau d’ivoire, et les quelques lignes devinées par Alexis commençaient effectivement à la page 57 que j’avais désignée.

« Celle expérience se répéta plusieurs fois, et amena des résultats plus 011 moins satisfaisants, selon que la perception du somnambule était plus ou moins facile. On craignait de le fatiguer par des lectures trop multipliées , et l’on passa à d’autres épreuves.

« La plus décisive pour moi fut celle-ci :

« Quelques mots, que je traçai en secret sur un petit morceau de papier, furent pliés en quatre et mis sous enveloppe, puis renfermés dans une boîte, et la boîte soigneusement serrée dans l’armoire d’une pièce voisine , derrière une rangée de livres. Alexis se mit par la pensée à la recherche de l’armoire et de la boîte, trouva l’une et l’autre, pénétra le mystère de l’enveloppe et épela lentement les trois syllabes : la loco____

« Quelque effort qu’il fît pour continuer, sa vue élait fatiguée. Il n’en put lire davantage.

« Mais cela me suffisait. Ces Irois syllabes commençaient réellement la phrase que j’avais écrite : la locomotive fera le tour du monde. J’allai chercher la boîte, je décachetai l’enveloppe , et la vérification se fit au milieu d’un ébahissement général.

« Ce fui la dernière expérience de la journée.

« Depuis lors, j’ai rencontré plusieurs fois Alexis, et toujours les faits somnamhuliques donl j'ai élé témoin m’ont paru de nature à dompter les esprits les plus incrédules.

« Voici d’autres faits encore plusdignes de remarque que ceux que l’on vient de lire.

« M. Leroux, propriétaire, demeurant place Saint-Séverin , se rendit, il y a six semaines environ, auprès d’Alexis. Comme il commençait à expliquer l’objet de sa visite : « Arrêtez, lui dil M. Marcillet, il est « inutile de nous apprendre pourquoi vous venez; « Alexis le devinera. » En effet, le jeune somnambule, mis en rapport avec le visiteur, lui dit sans hésiter : « Vous avez perdu un chien de chasse.

— C’est vrai, répondit M. Leroux. »

« Alexis donna le signalement du chien, et finit par dire qu’il s’appelait Polka... Et M. Leroux, étonné, reconnut que c’était bien là, en effet, le signalement et le nom de son chien favori.

« Ce n’est pas tout, continua Alexis; je vois votre « chien. Il est en ce moment attaché, avec une corde, « dans une maison delà rue Saint-Florentin... Ne vous « dérangez pas. Demain il aura rongé son attache, et « vous le verrez revenir chez vous la corde au cou, « comme un bourgeois de Calais... »

« Celle prédiction, si singulière qu’elle parût, s’accomplit de point en point, et le chien fut de retour le lendemain chez son maître, dans la tenue pittoresque annoncée par Alexis.

« Vers les derniers temps de la vie de Chopin, ce grand artiste étant très-malade, une riche anglaise, autrefois son élève, voulut acquitter une dette de re-

connaissance, et lui envoya dans une lettre une bank-note de 25,ooo fr. Cet envoi resta sans réponse.

« Surprise d’un tel silence, lady *** se rendit à Paris et apprit bientôt par Chopin lui-même qu’il n’avait rien reçu.

« Ce fut alors que le comte de Grisimola, ami du célèbre pianiste, conseilla à celui-ci d’aller consulter Alexis.

«Le jeune somnambule n'hésita pas : «Je vois vo tre « lettre, dit-il à Chopin. Elle est dans le tiroir du mi-« lieu de la commode de votre portière. »

« En effet, elle s’y trouva. Le zèle exagéré d’une voisine, qui avait tenu la loge en l’absence de la concierge, était la cause de ce malentendu.

« M. le comte de Forbin, qui habiteParis etdemeure place du Ilavre, vint un jour dire à Alexis qu’on lui avait volé cinq à six pièces d’or. Alexis lui fit connaître son voleur et la cachette qui recelait le produit du larcin; mais, perquisition faite au lieu indiqué, rien ne s’y trouva..... «C’est votre faute, dit

« Alexis à M. de Forbin, qui était revenu le consulter. « Pourquoi avez-vous causé de celte affaire, hier, avec « plusieurs porsonnes? Votre homme aura pris l’éveil. « Mais, attendez donc!... le voilà qui se repent... Il « veut vous rendre cet or !... Demain il ira à l’église, « il demandera un prêtre, et le suppliera, sous le « sceau de la confession, de vous restituer la somme... « Vous recevrez dans quatre jours la visite de cet ec-« clésiastique. »

« Quatre jours se passèrent, au bout desquels M. de Forbin reçut la visite du prêtre et la restitution de la somme annoncée.

« Une des plus bizarres aventures est celle du prince Ghika, lequel avait quitté la Moldavie peu de temps

après la révolution de février. Le prince se trouva par hasard amené chez M. Marcillet et voulut consulter le somnambule.

« Mis en rapport avec le noble visiteur, Alexis ne tarda pas à témoigner la plus vive surprise :

« Qu’y a-t-il donc? demanda le prince.

— Une grande révolution dans votre pays.

— Une révolution?

— Oui... bientôt! Cela ne peut tarder. De grands troubleséclaleront... elle princerégnantabdiquera... et, à votre retour à Jassy, vous régnerez à sa place. »

« A cette prophétie, qui rappelait si étrangement celle des sorcières dans Macbeth, la surprise du prince fut à son comble. Peu de temps après , l’horoscope s’accomplit de point en point, et, à l’heure qu’il est, c’est le prince Ghika qui règne en Moldavie ! ! !

« Des faits aussi curieuxet aussi répétés ne pouvaient manquer d’attirer une sorte de célébrité à ce jeune homme. Aussi, de toutes parts, lui a-t-on fait littéralement la cour pour obtenir la faveur de quelques séances.

« Appelé à Versailles chez M. de Candolle, il y a deux mois, avec M. Marcillet, il fut interrogé sur le contenu d’une boîte que lui remit Mlle de Martineng.

« Que contient cette boîte?

— Un petit morceau de bois de couleur foncée.

— Cela est vrai; mais d’où provient ce morceau de bois?

— Du tombeau d’un illustre personnage mort depuis longtemps.

— Le nom de ce personnage?...

— Attendez!... dit Alexis... »

« Puis, après avoir réfléchi quelques secondes :

« C’était vrai.

« Mme de Broock , prenant à son tour la main d’Alexis, lui dit :

« Je ne veux pas vous embarrasser, moi. Il s’agit « d’une broche que j’ai perdue, il y a six semaines, « à la promenade, et que je regrette beaucoup; c’est « un joyau de famille. Je l’ai fait afficher, avec pro-« messe d’une récompense supérieure à la valeur de « l’objet perdu , et je ne puis comprendre qu’il ne « m’ait pas été rapporté... »

— Je le comprends , moi, répondit Alexis. Votre broche est chez vous, car je la vois. Rappelez-vous , madame, que le jour de sa disparition, vous portiez une pelisse en salin bleu....

— Sans doute...

— Eh bien ! madame, votre broche s’est accrochée à la manche gauche et a glissé entre la doublure et l'étoffe. Cherchez-la ce soir, en rentrant, et vous la trouverez à l’endroit que je vous indique. »

« Personne ne voulait croire à l’exactitude de ce

renseignement, mais force fut bien d’y ajouter foi lorsque Mme de Rroock, rendant quelques visites, montra à ses amies le précieux bijou qu’elle avait regretté six semaines, et qu’elle venait de retrouver enfin, perdu, comme l’avait dit Alexis, dans la doublure d’une pelisse bleue.

« Un dernier et tout récent exemple de lucidité aélé donné par Alexis dans un salon du faubourg Poissonnière, où se trouvait M. Cavaignac. L’honorable général avait mis le somnambule au défi de déchiffrer quelques mots qu’il venait de tracer sur un papier fort épais , plié et soigneusement cacheté. Alexis n’eut besoin que de se recueillir un instant pour lire, par la pensée, cette courte phrase :

Je ne crois pas au magnétisme.

« Yous y croirez maintenant, général, lui dit Alexis en souriant. »

« De tout ce qui précède, il faut bien conclure en faveur du magnétisme, en faveur de cette puissance mystérieuse qui produit des phénomènes si surprenants. Sans doute, malgré tant de beaux travaux déjà accomplis, malgré les persévérants efforts de tant d'habiles expérimentateurs, malgré les savantes recherches des Deleuze, Puységur, et du Potet, la science du magnétisme en est encore aux tâtonnements; et qui sait même si le secret poursuivi par ces laborieux investigateurs sera jamais révélé! En présence de résultats si merveilleux et si divers, quelquefois si incomplets et si contradictoires, la science hésite et balbutie. La lucidité, qui se rit des obstacles et supprime la distance, est un miroir aussi trompeur souvent qu’il est fidèle, et l’on ne saurait aveu-

glémenl s’y fier. Que faire donc? Étudier et attendre; se tenir également en garde contre un engouement irréfléchi et une négation systématique ; agir enfin envers cette science nouvelle comme envers tout ce qui se produit aux yeux de notre intelligence : avec discernement el bonne foi. »

CORDELI.IER-DELANOUE.

Chronique. — M. Flourens, dans une des dernières leçons du cours qu’il fait au Jardin-des-Plantes, a parlé du magnétisme. Depuis longtemps ce savant avait annoncé à ses habitués qu’il traiterait de cette question, et qu’il la résoudrait comme celle concernant la phrénologie, qu’il l’enterrerait enfin. Son auditoire s’était accru de quelques curieux, et le professeur, après beaucoup de préliminaires, a enfin dit sa pensée; elle est claire et précise, il ne croit point au magnétisme, un sien ami a voulu l'endormir et n'y est point parvenu ; c’est grand dommage pour nous, car M. Flourens eût dit de très-belles et intéressantes choses, s’il eût traité le chapitre des erreurs de la science. Le magnétisme est, selon lui, un travers de l’esprit; il n’existe point d’agent magnétique, et les hommes qu’il a cités, comme les Deleuze et lesPuységur, s’ils étaient honnêtes, se trompaient ; voilà tout.

Au reste, M. Flourens ne sort point de 1784, cette époque résume tous les travaux, toute l’histoire du magnétisme: les convulsions, les crises, le baquet mesmérien, il ne connaît rien en dehors de ce chapitre, déjà bien ancien, du premier livre de notre science. Il parle de Saint-Médard, des affections dues à l’imitation, que sais-je? de toute autre chose que de ce qui devait être le pur objet de son enseignement. Il n’a rien vu, rien fait, rien étudié, rien pro-

(luit; mais, de sa haute raison, le professeur nous condamne, et nous sommes morts.

Voilà déjà tant de fois que l’on nous enterre, que nous commençons à croire à notre immortalité. Ah ! Monsieur l’iourens, vous en êtes à ce point; vous restez, comme l’illustre corps que vous représentez, à l’état fossile! C’est bien, restez-y, pour la plus grande gloire de l’Académie et le plus grand bien de l’humanité. Vous barrez le chemin à ce qui est juste et vrai, on le sait, et on vous prend pour ce que vous valez. Mais lorsqu’on reçoit un salaire de l’État, il nous semble que ce n’est point pour tromper la jeunesse, mais pour l’éclairer. Que faites-vous donc? Vous cherchez à la rendre myope, comme vous l’êtes vous-même ; car, ce magnétisme que vous déniez est le plus grand fait moderne; c’est une révolution prochaine et profonde dans la science et dans l’huma-nilé; et c’est seulement quand le dernier portier, et ce qu’on appelle la vile multitude, sera en possession de la force incalculable du magnétisme, que nos savants ouvriront les yeux. Bravo ! Messieurs, vous ne changez point, vous êtes toujours les mêmes; nous devrions vous crier: casse cou ! Mais nous aimons à voir se succéder ces athlètes impuissants ; il est bon, comme enseignement, que la génération actuelle juge ces grands hommes, et qu’elle sache que l’Académie se résume en Flourens.

DU POTET.

— M. le Dr J. Esdaile vient d’arriver en Angleterre pour passer quelque temps de congé. II se propose d’y publier un nouvel ouvrage.

BIBLIOGRAPHIE.

LA MAGIE DÉVOILÉE. Ouvrage inédit, par M. du Potet.

Extrait. — (Suite.)

Le mot fie magie, dans son acception la plus générale, peut êlre pris dans un bon et un mauvais sens. C’est une force attractive, un ressort qui met en jeu ou le surnaturel, ou le naturel, ou le domaine inférieur ; une force on puissance occulte agissant ou sur les esprits, ou sur les corps , et, par conséquent aussi, sur toutes les couches d’air, depuis celui qui a le plus grand ressort jusqu’au plus grossier qui en a le moins.

Les gens versés dans ces connaissances distinguent cinq sortes de magie, sans compter les nuances qui peuvent s’insinuer dans les degrés inférieurs.

Il y a d’abord la toute haute, sainte el divine magie, ou force attractive du Verbe-Dieu, qui attire à soi et adopte tout ce qui, purifié, peut êlre reçu et admis en lui. Lorsque je serai élevé de la terre, j’attirerai les hommes à moi. Cette magie divine est en rapport avec la foi, et son opération est du pur esprit. Il est une magie naturelle et physique; les corps s’attirent réciproquement par une proportion que le savant Newton a calculée. Il est une magie charnelle dont la source est dans les appétits, désirs et passions des facultés inférieures de l’homme. Il peut y avoir aussi une magie angélique, sainte, épurée et sans mélange.

On distinguait également une magie diabolique, et c’est elle qui a fait couler des torrents de sang humain.

Cette expression demasíe vient ücmages, ou anciens sages de Perse et d’Oricnt. C’étaient les savants de ces temps et de ces pays qui, avant les sens et l’esprit plus affinés, pénétraient plus profondément que les autres dans tous les mystères de la nature. Cette supériorité morale et physique leur donnait les plus hautes connaissances, et naturelles et angéliques mélangées. Tels furent aussi les sages d’entre les Egyptiens. Ces hommes-là avaient tous les aperçus el toutes les combinaisons de tous les phénomènes de l’univers. Ce qu’ils ont vu et opéré par les forces de la nature, et en sachant les mettre en jeu, est presque incroyable. On croit que Zoroastre a été leur chef. Il est possible que le mot latin imago, en français image, vienne de mages , ou maggim, parce que tout se peignait dans l’imagination de ces mages, les prophéties, oracles, etc. (1).

Vouloir écrire sur toutes les espèces de magie, cc serait se perdre dans les ténèbres, car il y a plus de trois cents descriptions de cet art et de ses variétés.

La sorcellerie était dépendante de la magie.

Il y avait la magie physique, polygraphique, sté-nographique, magie sainte, onéirocratique; magie astrologique, pyromance,éromance,hydromance, géo-mance,physiomance, métoposcopie,chiromance,cap-tromance.magiepolitique, vulgaire, art des aruspices, art des augures, syeomance, art notoire, thurgie, magie cérémoniale, diabolique, nécromance et magie gétique, etc., etc.

(1) Voyez une autre étymologie, t. Il, page 545.

« C’est un morceau du cercueil de l’empereur Napoléon. »

« Il avait deviné juste.

« Ce fut ainsi qu’il proclama l’origine d’un bracelet donné à Mme *** par Mme la duchesse de Berry...

« Et comme, un autre bracelet lui fut immédiatement présenté par une autre dame :

«C’est étrange! dit Alexis, on dirait que celui-ci « est également un cadeau de M“« la duchesse de i Berry... »

« Puis, se reprenant:

« Ah ! c’est tout simple ; c’est le même fluide : ce « bracelet vous a élé donné par sa fdle, Mmc la prin-« cesse de Parme. »

cri

Les philosophes chrétiens les plus avancés ne rejetèrent jamais l'existence de la magie; elle leur était ^ 0 d’ailleurs trop bien démontrée par l’évidence des ^ phénomènes produits, et plus encore par l’Ecriture. Voici comment ils crurent l’expliquer et la rendre de sensible. Admettant la chute de l'homme, ils dirent : c’ « L’homme, privé de l’esprit de Dieu, est aveugle,

« tâtonne, pour ainsi dire; et, soupirant après la lu- tfc « mière avec une faim dévorante, il descendit clans l’I « ses facultés inférieures, dans l’imagination, la mé-« moire et les sens, et se nourrit de toutes les lueurs n « que ses facultés pouvaient lui donner en substitut u « de l’union avec Dieu, pour être en parallélisme, en n « relation avec les objets de la terre, et devenir un c « citoyen du monde d’accord avec lui. Voilà donc la c cc lumière divine perdue, et à sa place un feu moins I « pur, moins subtil, moins céleste, qui l’allume et 1 cc qui l’éclaire. C’est ce que des hommes profonds ' cc appellent Y Esprit astral, ou feu ou analogie avec la cc lumière des astres; une quintessence de feu, par a rapport au feu matériel, mais très-impur et infé-cc rieur quant au feu ou à la lumière qui émane de cc l’esprit de Dieu, esprit qui est le plus haut feu, la « plus pure flamme et la plus céleste lumière.

« Cet esprit astral, ou feu ou lumière astrale, qui cc est le plus haut degré de la lumière des esprits, et cc supérieur toutefois à ce qu’on appelle l’esprit de la cc nature, el qui en fait la force, les vertus et les rap-cc ports. »

Voilà l’agent principal, la cause des faits de magie: c’est un feu, une lumière, une force que la science actuelle ne reconnaît point, et de là résulte son impuissance à produire quoi que ce soit, qui ressemble en rien à ce que faisaient les anciens philosophes.

ait Voyons encore l’opinion des plus éclairés de ces temps les reculés sur ce feu et cette lumière mystérieuse.

•c. Les stoïciens reconnaissaient un feu éther, principe re de nos intelligences ; c’est de ce feu qu’elles émanaient, tc’est là qu’elles retournaient.

e, La substance élhérée lumineuse est la base de la i- (théologie des chrétiens, nous le prouverons lout à is l’heure.

Pylhagore a désigné une partie de la Divinité par le mot de lumière; appelant Dieu non seulement la force it universelle qui circule dans toutes les parties du n monde, mais y joignant encore l’épithèle de lutni-n neuse, pour caractériser l’intelligence, comme il avait a désigné le principe de vie par cette force vivifiante ré-s pandus dans tous les corps du monde. Par cette der-t nière partie l’homme tenait aux animaux, par la pre-i mière il tenait aux dieux.

i On peut voir dans Cicéron , que la raison qui fit ■ regarder les astres comme des êtres intelligents et divins , c’est qu’ils étaient composés de la substance pure et lumineuse qui forme la nature de l’éther. La raison de Dieu était le feu lumineux dont les astres réunissent une portion plus ou moins grande, feu qu’on appelle autrement élher.

Saint Augustin analyse, d’après les principes de Varron, l'âme universelle du grand Tout, qu’il sous-divise en trois parties, la partie animale, la partie sensitive et la partie intelligente. Il dit que cette dernière, qu’il appelle le troisième degré de celte âme, est le feu élher qui constitue l’essence de la Divinité.

Ce que les anciens entendaient par spiritus orbis n’était pas l’élément de l’air; il n’y avait de commun que le nom; c’était une substance beaucoup plus subtile, plus active, émanée de l’éther, et qui fai-

sait couler avec elle les principes du mouvement et de la vie dans tous les animaux. C’était le fluide étliéré qui circule dans les astres et dans le ciel, et dont tous les animaux tiraient les principes de la vie, qui se manifeste par la chaleur et le souille de l’animal. Ainsi le feu principe, éternel et Dieu , renfermait dans sa substance le spirilus et le logos, ou l’intelligence universelle de la nature el de tons les êtres.

Ces idées sont absolument conformes à la théologie d’Orphée, qui concentrait dans leseul feu éther, qui contient le monde, les trois principes de la nature divine, ou la seule force divine, sous les trois noms de lumière, conseil et vie. Tel est le Yerbe chez les chrétiens : vita erat lux, et lux eral vila, et lux eral Verbum.

« Avant toutes choses, dit Orphée, l’éther fut pro-« duit par le premier Dieu. L’éther existait au sein « du vaste chaos et de la nuit affreuse qui l’environ-« nait de toutes parts. Du sommet de l'éther jaillit « un rayon de lumière qui éclaira la terre et toute la « nature. Celte lumière, le plus ancien de tous les « êtres, le plus sublime, est le Dieu inaccessible qui « enveloppe tout dans sa substance, et que l’on nomme « conseil, lumière et vie. »

Ces trois noms ne désignent qu’une seule substance.

L’Evangile de Jean nous présente 1 ï grand Dieu renfermant en lui la lumière et la vie, c’est-à-dire le premier principe, ou le principe universel sous-di-visé en principe d’intelligence qui est la lumière, et en principe de vie, qui est le spirilus des chrétiens.

La théologie de Zoroastre enseignait que, quand Dieu organisa la matière de l’univers, il envoya sa

volonté sons la forme d’une lumière toute brillante; elle parut sous la ligure d’un homme.

L’hérésiarque Simon avançait que le Dieu suprême, qui est unique, incompréhensible, est inconnu, retiré dans une lumière ineffable, inaccessible, infinie, incorporelle, qui émane de lui et dont il remplit le sublime séjour qu’il habite; il est lui-même une immensité de lumière.

La théologie des Phéniciens place aussi dans la substance de la lumière la partie intelligente de l’univers et celle de nos âmes, qui en est une émana-nation. Son irradiation est regardée comme l'acte même de l’âme pure, et sa substance comme un être aussi incorporel que l’intelligence.

Ne vous étonnez point, lecteurs, si j’insiste tant ici sur la réalité de cette lumière soupçonnée ou vue par tant de grands hommes, c’est que là est notre secret, comme celui de toute puissance. Tous les extatiques, tous les somnambules, ne vous parlent-ils point d’une substance lumineuse et de brillantes clartés? Le fluide magnétique lui-même, qu’ils aperçoivent tous, ne le voient-ils point sous la forme d’une lumière, et Jésus-Christ n’a-t-il pas dit : Je suis la lumière du monde ?

O hommes aveugles ! et, par cet aveuglement, malheureux! pauvres dans le sein de la plus grande abondance; cerveaux stériles dans la plus inexprimable fécondité! quand est-ce que vous connaîtrez enfin l’infinie richesse qui est en vous? Quand est-ce qu’une fois repliés sur vous-mêmes , vous saurez lire par les yeux de votre esprit et le sentiment de vos cœurs, dans ce livre, que vous êtes vous-mêmes, tout ce que le Grand-Être y a pu mettre en image? Quand pourrez-vous parcourir toutes ces pages où il a gravé

tic son doigt sacre la vérité de son être et de ses mystères ?

Voyez ce que le savant a fait de nos jours en rassemblant les forces mortes répandues dans l’espace; elles ne sont rien, pourtant, en comparaison des forces vives et pures dont le magnétisme humain n’est qu'un faible rayon. Voyez cette lumière découverte par Mesmer , inonder les corps , éclairer l’esprit en le tirant de son assoupissement. Voyez-la encore sur tous vos magnétisés qui, à certains moments, en sont illuminés. Souffle de vie, feu du génie , Mesmer a découvert la source!

Revenons à nos cilalions, el montrons que les philosophes païens ont été les maîtres et les précepteurs de nos premiers chrétiens.

La théologie égyptienne consignée dans le Piman-der, place dans la substance lumineuse le Logos, le Verbe, ou l’intelligence et la sagesse universelle de la Divinité. L’auteur de cet ouvrage nous met sous les yeux la formation de l’univers, et le premier spectacle qu’il nous présente est celui de la lumière universelle, dans laquelle tout nage et semble être absorbé. Il nous peint de l’autre côté le contraste affreux des ténèbres qui circulent en sens opposé à la lumière. On entend un bruit violent; c’est la voix même de la lumière, qu’il appelle le Verbe : « Je suis la lu-« mière, dit cette voix, l’intelligence, votre Dieu, « beaucoup plus ancienne que la nature humide « sortie du sein de l’ombre , ce germe brillant d’in-« telligence, fds de Dieu. Ce Dieu intelligence, réu-« nissant en lui la fécondité des deux sexes, vie et « lumière, a engendré par son Verbe ou par sa parole « une aulre intelligence artiste, Dieu du feu et du a souille, Deus ignis algue spiritus numen. Le Père de

« toutes choses résulte de la vie et de la lumière : « Dieu est vie et lumière. »

Dans saint Augustin, Félix suppose que Dieu le Père, les êtres, ou les intelligences qui émanent de lui, la terre lumineuse où ils habitent, que tout cela est de la même substance. Ce qui donne à entendre que la Divinité et ses émanations, ainsi que le lieu de leur séjour, ne sont autre chose que la substance lumineuse, soit corporelle, soit intellectuelle.

La même doctrine se retrouve dans un antre ouvrage de MercureTrismégiste, intitulé Asc/épius. L’auteur y peint le spirilits ou lame universelle, qui vivifie toute la nature, qui se mêle à tout et ajoute les sens à l’intelligence humaine, émanée elle-même du feu principe intelligent qui circule dans l’éther.

Masadek, ou Zendik, docteur Persan, reconnaissait deux principes comme Manès, et ne donnait comme lui de l'entendement et de la raison qu’à la lu-lumière; laissant aux ténèbres une action brute.

Jambliquc regarde aussi la lumière comme la partie intelligente ou l’intellect de l’âme universelle et du spirilus, qui imprime le mouvement circulaire au ciel.

Les oracles chaldécns et les axiomes théologiques de Zoroastre rapportés par Pscllus et par Plelhon , parlent souvent du feu intelligent, principe de notre intelligence, et plaçant au-dessus le Dieu père du feu intelligent.

Les Guèbres, encore aujourd’hui, révèrent dans la lumière le plus bel attribut de la Divinité. « Le « feu, disent ces anciens disciples de Zoroastre, proie duit la lumière, et la lumière est Dieu. C’est ainsi « que Jean nous enseigne que la lumière est le Logos, et « que Logos est Dieu. Etlux erat Verbum, et Deus erat « Verbum. »

I.es manichéens et les maguséens croyaient que la matière a la perception et le sentiment, et que ce qui lui manque c’est l'esprit, viens, celte perfection qui esl propre à la lumière.

Tous les anciens mages établissaient un Dieu « pre-« mier et éternel, qui est la lumière et qui est le prin-« cipe de toutes choses.

Ma nés , définissant la nature de Dieu, dit « que « c’est une lumière éternelle, intelligente, très-pure, qui « n’est mêlée d’aucunes ténèbres. » Il appelle Christ le fils de la lumière éternelle; ainsi Platon appelait le soleil.

Dieu est appelé perpétuellement lumière, clarté, éclat, feu intellectuel. L’Écriture sainte ne combat point celte opinion. Dans les apparitions de la Divinité on voit toujours un feu.

A cet égard les Pères les plus habiles et les plus orthodoxes disent constamment « que Dieu est une hi-« miére, et une lumière très-sublime; que tout cc que « nous voyons de clartés, quelque brillantes qu’elles « soient, ne sont qu’un rayon de cette lumière. Que « le fils est une lumière sans commencement; que « Dieu est une lumière inaccessible qui éclaire tou-« jours et ne disparaît jamais. Que toutes les vertus « qui environnent la Divinité sont des lumières d’un « second ordre, des rayons de la première lumière. »

C’est en général le style des Pères avant et depuis le concile de Nicée. « Le Verbe, disent-ils, esl lalu-« mière venue dans le monde; il jaillit du sein de « celte lumière, qui existe par elle-même. Il est Dieu, « né de Dieu; c’est une lumière qui émane d’une lu-« mière. Lame est d’elle-même lumineuse, parce *i qu’elle est le souffle de la lumière immortelle. »

Le Verbe, en sa qualité d’homme, en a montré et

le modèle H l’espérance dans la transfiguration de son corps au Mont-Thabor, où lout d’un coup son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière.

Il y a donc un feu, une lumière qui n’est point le feu ni la lumière vulgaires. Il a d’autres vertus, et se produit déjà entre nos mains, par un faible rayon, il est vrai, mais tout prouve son identité avec le principe même qui servit dans tous les temps à opérer des œuvres merveilleuses ; les preuves en surabondent. Il ne faut point s’étonner si la nuit enveloppe encore une découverte aussi précieuse; toujours 011 brûla les livres qui la contenaient, on démolit les temples où elle apparaissait, souvent aussi on fil mourir de mort cruelle les hommes qui osèrent la révéler. Socrate but la ciguë, Jésus fut mis en croix, et si un jour on compte les victimes moins illustres, on sera tout étonné d’apprendre qu’elles furent au nombre de plusieurs centaines de milliers.

Il faut aussi en accuser les temps d’ignorance et de barbarie que la vérité a traversés; ceuxqui la possédaient n’osaient la révéler, et, d’après ce que je sens, je ne puis leur faire un crime de leur conduite et de leur silence. Us choisissaient avec grand soin ceux qui devaient la transmettre, et c’était toujours sous le sceau du serment qu’elle leur était confiée. Voici ce que nous trouvons dans les livres anciens sur ce sujet. Ils contiennent presque tous la même formule.

« Qui que vous soyez, qui voulez vou« adonner à cette science, gardez sous un religieux silence dans le fond de votre cœur, comme un secret de religion, une doctrine si sacrée, et la célez avec une constance inébranlable qui ne vous permette jamais rl’en parler, car c’est offenser la religion de faire confidence à

plusieurs de choses qui louchent à la majesté île Dieu; cl le divin Platon défendit de publier parmi le peuple les préceptes cl les secrets qui sonl dans les mystères. »

Pylhagore et Porphyre obligeaient leurs disciples au secret le plus absolu. De même Orphée exigea de ceux qu’il recevait aux cérémonies des choses sacrées, le serment du silence, pour empêcher que la science divine ne vînt aux oreilles de la profane populace. C’est pourquoi, dans son hymne du Yerbe sacré aux partisans de la vertu, il parle en ces termes : « Vous, « amis de la vertu, je vous exhorte à n’écouter que « mes paroles el à recueillir vos esprits; au con-« traire, vous qui méprisez les choses sacrées, les lois «et cérémonies de la religion, retirez-vous d’ici « promptement; retirez-vous loin d’ici, malheureux, « allez-vous-en bien loin de nos lieux consacrés, que « vous profanez par YOlre présence. Vous, mon cher « Musée, qui vous attachez à la contemplation des « choses divines, et qui les gardez dans le fond de « votre cœur, recueillez mes paroles, conservez-les dans « votre mémoire, et dans celte vue ne regardez que a ce grand Auteur du monde, ce seul immortel que « nous vous enseignons dans nos discours. »

Et Virgile, parlant de la Sibylle, rapporte ces paroles : « Lorsque la Sibylle se présentail dans le ternit pie, elle s’écriait : Loin d’ici, loin d'ici, profanes! sorti, tez de nos lieux consacrés ! »

C’est aussi pourquoi on ne recevait à la célébration des mystères de Cérès Eleusis, que scs disciples : le héraut était présent, qui criait à haute voix que le vulgaire indigne et profane se retirât loin du lieu des cérémonies.

On lit dans Esdras le même commandement fait

aux cabalistcs mystérieux des Hébreux , porté en ces termes : « Donnez ces livres aux sages d’entre le peu-. pie, à ceux qui sont capables de les comprendre et « d’en garder le secret. »

Les Égyptiens faisaient leurs livres de religion, concernant les secrets de religion, d’une carte hiératique, c’est-à-dire sacrée; ils traçaient dans ces livres des caractères ou lettres sacrées. Macrobe, Marcelin et les autres historiographes, disent qu’on les appelait hiéroglyphiques, pour empêcher que les indignes et profanes ne lussent ces écritures concernant les mystères de la science et de la religion. C’est aussi ce qu’en dit Apulée en ces termes : « Après que « le sacrifice est fait en proférant des paroles, il ap-« portait des courtines du temple certains livres dis-« tingués par des lettres inconnues , qui suggéraient « des mots en abrégé d’un discours formel, en partie « entremêlé de je ne sais quelles figures d’animaux, « en partie des accents noués et entrelacés en forme « de roue, et pressés comme des capréoles de vignes, « ce qui ôtait aux indignes la curiosité de les lire. » Tertullien recommande de garder le silence dans les choses de religion; ceux qui font autrement sont sur le bord du précipice. D'où vient cette précaution d’Apulée au sujet des mystères des choses sacrées : « Je vous découvrirais les mystères des choses sa-« crées, s’il m’était permis de vous les dire; et je vous « en donnerais la connaissance, s’il vous était permis « de m’écouter; mais, moi qui parlerais, et vous qui « m’écouteriez , nous serions également punis de « notre téméraire curiosité. Pour une pareille faute, « 011 trouve dans l'histoire que Théodore, poète tra-« gique, fut frappé d’aveuglement voulant appliquer « à quelque fable certaines choses des mystères. »

Théopompe pareillement, qui avait commencé à mettre en grec quelques versets de la loi divine, fut confondu, et perdit l’esprit en un moment; ce fut pourquoi, en suite de son malheur, s’adressant à Dieu par de grandes prières, pour savoir la cause de cet accident, il lui fut répondu par un songe que c’était parce qu’il faisait un criminel trafic des choses divines en les exposant à la profanation du public.

De même, un certain Numerius, curieux des secrets, devint criminel devant les dieux pour avoir communiqué au public les mystères sacrés de la déesse d’Eleusis, par l’interprétation qu’il en avait faite; car il vit en songe les déesses éleusines exposées à la porte ouverte d’un mauvais lieu en habit de débauchées; et, comme il regardait par admiration en cet état, elles lui répartirent en colère qu’il les avait tirées par force de leur retraite, et qu’il les avait prostituées à tout allant et venant. Par ce reproche il apprit qu’il ne fallait pas donner connaissance au public des cérémonies secrètes qui se pratiquaient dans les temples.

Les anciens ont toujours eu un grand soin de voiler les choses sacrées, tout ce qu’ils avaient découvert de la nature, et de les couvrir d’énigmes de diverses façons. Cette pratique a été gardée comme une loi chez les Indiens, les Brahmanes, les Ethiopiens, les Perses et les Egyptiens. C’est en suivant celte maxime que Mercure, Orphée et tous les anciens devins, comme aussi les philosophes Pythagore, Socrate, Platon, Aristoxène, Ammonius , ont gardé le secret leplus inviolable. En cet esprit, Platon, Origène et les autres disciples d’Ammonius, au rapport de Porphyre dans son livre de Y Education et discipline de Plotin, ont fait

serment de ne point publier les préceptes de leur maître.

Aussi le Christ mémo, étant encore sur la terre, parla sous condition el de manière qu’il n’y avait que ses disciples les plus secrets qui entendissent le mystère de la parole divine, et les autres le sens des paraboles seulement, défendant au surplus de jeter une viande sacrée aux chiens, ni les fleurs aux pourceaux : c’est pourquoi le prophète dit : « J’ai caché « vos paroles dans le secret de mon cœur de peur de « vous offenser. »

Pourquoi toutes ces craintes et ces terreurs, comme toutes ces réticences? Est-ce une chose vaine et mensongère? un besoin de cacher son ignorance ou sa fourberie? Mais, avant d’accuser, il faudrait comprendre el avoir senti. Pour moi, je n’ai point la crainte des dieux; je redoute peu pour ma vie; je n’eus jamais de maître» aucun serment ne me lie; libre comme l’oiseau , je puis gazouiller à ma fantaisie et parler sur la nature comme je la sens, comme elle s’est revélée à moi ; et cependant un sentiment me dit que je fais le mal en louchant à ces choses ; je ne sais d’où il vient, et ce qui me le donne; peut-être m’est-il inspiré par ce qui se pratique en magnétisme, par tous ces effrontés charlatans qui polluent la vérité, qui la salissent en l’exposant sur des tréteaux aux regards de la foule. Rien ne me parut jamais si méprisable. Et je me dis : que serail-ce donc si des mystères plus grands étaient révélés à ces hommes indignes? Qu’en feraient-ils, grand Dieu S J’ai peur de moi même alors que j’écris ou que je parle; car le frein qui m’arrête dans mes aveux et mes démonstrations, bien peu semblent le posséder, et la vérité peut devenir dangereuse placée entre de certaines

mains; et fi j’écoute la voix qui est en moi, le murmure de ma conscience, elle me crie à chaque instant : Laisse en repos et lésâmes et les corps, ne devance point les temps, marche seul dans le chemin que tu as découvert ; les hommes intelligents te suivront bientôt; attends qu’ils aient senti, et que la semence jetée ait germée dans leur cœur ; laisse dire et penser les hommes de science, ils sont loin delà vérité, et leur jugement n’aura désormais nulle valeur; évite aussi les gens téméraires, ceux-ci seraient l’é-cueil.

J’obéis à cette voix avec docilité, et rien,jusqu’à ce jour, n’a pu me faire hâter le pas.

DU rOTF.T.

(La suite au prochain numéro.)

RECHERCHES PHYSICO-PHYSIOLOGIQUES SUR UN NOUVEL IMPONDÉRABLE, par M. le baron von Reichekbach, etc., etc.

Tel est le titre probable d’une traduction commencée de l’ouvrage qui contient les travaux de M. Reichenbach sur l’aimant et autres agents dont la nature paraît analogue au magnétisme animal. Ce livre, que nos lecteurs connaissent seulement par de courtes citations de MM. Berzélius et Matter (i), a été jugé si important par les Anglais, que deux traductions en ont été faites simultanément. Nous nous proposons d’en faire connaître sommairement le contenu ; et d’abord en voici la préface intégrale :

INTRODUCTION.

Si l’on passe un face de quelqu’un les pôles d’un aimant capable de supporter environ 5 kilogr., il est rare que, sur une vingtaine de personnes prises au hasard, une ou deux

(1) Voyez I. IV, p. 76, et t. VII, p. 50.

n'éprouvent pas uno sensation particulière : .¡‘appelle ces êtres sensitifs. Ils sont en général plus nombreux qu’on ne pourrait le supposer; quelquefois on en trouve trois ou quatre sur le nombre indiqué, el mcine j’ai fait l’épreuve dans un pensionnat de demoiselles, où dix-huit sur vingt-deux furent plus ou moins nettement impressionnées. La nature de celle sensation n’est pas facile à décrire : elle est plutôt pénible qu’agréable, et accompagnée d’un faible sentiment tantôt de froid, tantôt de chaleur, assez semblable à un petit souffle, frais ou tiède, dont les personnes sensitives croient sentir la douce haleine. Parfois ces êtres irritables éprouvent des tiraillements, des picotements, des fourmillements ou un mal de tète subit. Les femmes ne sont pas seules accessibles à celle action, des hommes ù la fleur de l’âge ressentent distinctement la même influence, et les enfants parfois présentent aussi une grande sensitivité.

Pour produire cet effet, il importe peu qu’on se serve d'un aimant en fer à cheval ou d’une barre aimantée, de l’un ou de l’autre pôle, pourvu que l’instrument soit assez puissant, c’est-à-dire au moins de la force sus mentionnée. Le mouvement doit s’effectuer de la tête jusqu’aux pieds, et sans trop de vitesse, l’aimant effleurant les vêtements. Pour éviter toute erreur, 011 peut agir par derrière ; alors la personne qu’on aimante ne voit point la passe, et scs déclarations sont ainsi dégagées de toutes préventions.

Les hommes el les femmes d’une consli tu lion vigoureuse, et se portant bien, 11e sont ordinairement pas sensitifs; néanmoins quelques-uns de ces sujets ont été évidemment influencés, même ceux qui font de l’exercice en plein air et dont l’humeur est habituellement gaie. Plus souvent celte irritabilité se rencontre chez les gens sédentaires, nonobstant l’apparence de bonne santé : principalement les hommes qui écrivent et les femmes qui cousent continuellement; puis ceux que minent des chagrins secrets, qui subissent des privations, ont éprouvé des déceptions 011 sont attristés par la perte d’êtres chers à leur cœur. Après ces êtres aux trois quarts bien portants, viennent les demi-malades, qui sont très-souvent sensitifs, surtout les individus qu’on a coutume d’appeler nerveux, qui s’effraient facilement ou ont été ébranlés par des terreurs an-

eicmies ; puis beaucoup «le malades réels, presque tous ceux qui sont all'ectés de ué\ rosos convulsives; on en reneonlre aussi passablement dans le développement anormal de la puberté cl les langueurs chroniques; sont également susceptibles de celte influence les sujets (pie les parfums incommodent; mais elle s’observe principalement dans la catalepsie, le tarentisme, la parahsie, l’hystérie, la chorée, l’épilcpsie récente; et, enfin, sans exception, chez les lunatiques et les somnambules.

Ainsi, des personnes saines aux somnambules, les sen-sensitifs forment une chaîne dont un homme robuste et une somnambule débile occupent les deux extrémités. On peut facilement sc convaincre de tous ces laits dans un grand hôpital.

Ainsi donc l'aimant agit en général sur la vitalité.

Cette propriété singulière a été reconnue par les médecins , quelques-uns ont cherché à en tirer parti pour la guérison de certaines maladies, sans pourtant parvenir à des résultats positifs. Les physiciens et les physiologistes, au contraire, ont toujours refusé de l’admettre dans le do-inaine de leurs sciences, à cause de l’incertitude des observations. Cependant un examen plus approfondi montre que, sous cette face, le magnétisme offre un intérêt puissant et infiniment varié. Si quelque phénomène du genre qui précède se développe, c’est toujours au point où la nature brute et la nature organique se confondent; et, en hésitant à ranger ces manifestations ou dans la physique ou dans la physiologie, 011 les a négligées des deux parts. Ainsi elles ont été abandonnées à la médecine et ne s’y sont pas toujours trouvées eu très-bonnes mains. J’espère, dans les pages qui vont suivre, lever un petit coin du voile qui recouvre la question, et ranger un bon nombre des phénomènes ci-dessus indiqués sous les lois exactes do la physique.

(Prochainement le Chapitre Ier, avec gravures).

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

Impr, do Pommcrct el Morcan, quai des Angustias, 17,

CLINIQUÉ.

On lit dans lo Siècle du 11 septembre :

« Les faits magnétiques font lo tour du monde. Le Canadien, do Québec, journal qui se publie en langue française, contient à cet égard les détails les plus curieux sur une nouvelle médicamentalion, dont l’inventeur est un riche et honorable propriétaire canadien, M. Joly, de Loblinière. M. Joly rend lui-même compte de son système dans les deux lettres suivantes qui sont apostillées, comme on le verra, par le rédacteur en chef du Canadien. »

Loblinière, 5 mai 1851.

11 paraît, j’en suis même certain, que plus de la moitié des maladies auxquelles la nature humaine est sujette, peut se guérir en une minute, sans douleur, sans frais, sans remèdes et sans danger. Cette assertion peut et doit paraître extraordinaire ; chacun cependant peut s’assurer de sa vérité, et je vais indiquer les moyens d’en faire l’épreuve.

Si vous prenez la main d’un malade en plaçant votre pouce dans le milieu de cette main et l’index sur le revers, vis-à-vis du pouce; si vous pressez avec un peu de force ces deux doigts en raidissant les nerfs de votre bras autant que possible ; si vous fixez votre regard sur les yeux du patient avec une ferme volonté de le guérir; si, enfin, vous portez votre autre main sur la partie malade en la frottant légèrement TU31E X. — K" H3G. — NO\EMl)URE 1831. 11

pendant environ une minute, le mal doit avoir disparu.

Sur plus de cent expériences que j'ai laites depuis quelques semaines, je n’ai pas échoué dix lois, cl je suis persuadé que trois personnes sur quatre auraient le même succès que moi.

Pour les maux de dents et les rhumatismes, j’ai toujours réussi ; pour les maux de tête, les maladies serofuleuses, nerveuses, inflammatoires,j’ai rarement échoué ; pour la goutte, la paralysie, les cancers, etc., j’ai toujours donné du soulagement, quand je n’ai pas guéri. Les seules maladies pour lesquelles je n’ai obtenu aucun résultat, sont les maladies de poitrine ou celles dont le siège m’était inconnu.

Cette manière de guérir ne me paraît point une science, c’est un sixième sens dont l’homme a toujours été doué et dont il avait perdu l’usage, ou qu’il a toujours ignoré. Ce n’est qu’en hésitant que je vais chercher à soulever nn coin du voile qui nous a caché jusqu’à présent un pareil phénomène. La science viendra sans doute bientôt éclairer ce qui paraît encore mystérieux et prouver que je ne suis pas un visionnaire.

Notre corps est, comme chacun sait, chargé de plus ou moins d’électricité ; les nerfs en sont les conducteurs. Par un efl'et de notre volonté, nous pouvons diriger cette électricité vers le point que nous voulons ; elle obéit à nos ordres; c’est elle qui donne le mouvement et la vie à nos membres. C’est celte électricité qui cause en nous la sensibilité nerveuse et musculaire. Sans électricité, nous serions insensibles à la douleur, ou plutôt nous n’existerions pas. Je suppose que la douleur physique provient, par une cause ou par une autre, d’une trop grande ac-

cumulation d’éleclricité clans la partie sensible ou souffrante.

Maintenant, quanti vous prenez la main d’un malade de la manière que j’ai indiquée, vous mettez votre électricité en contact avec la sienne; en portant ensuite l’autre main sur le mal, vous établissez un vrai courant, vous enlevez l’excès d’électricité de la partie malade, et vous la rétablissez dans son état normal. Ce qui confirmerait cette supposition, c’est que ce sont les maladies les plus aiguës qui sont les plus faciles à guérir.

Si je suis entré dans ces détails, ce n’est pas avec la prétention d’expliquer des phénomènes aussi extraordinaires d’une manière certaine; ce sont, je l’avoue, de simples conjectures.

Je ne réclame pas non plus le mérite de cette découverte, c’est à M. N. Aubin, de Québec, que doit en revenir tout l’honneur; c’est lui qui m’en a donné la première idée, à laquelle j’ai peut-être contribué à donner une valeur pratique.

G. JOLY.

P. S. Dans les maladies graves, le mal revient quelquefois ; alors il faut plusieurs applications.

Québec, te 5 juillet 1851.

Voilà deux mois que vous avez publié une lettre dans laquelle je donnais des détails sur le nouveau moyen de guérir par le contact des mains, et sur quelques-unes des maladies qui pouvaient se guérir ainsi.

Votre publication a déjà eu d’heureux résultats; le nombre de ceux qui guérissent et le nombre des guéris augmentent de jour en jour. Les faits parleront bientôt si haut, qu’il restera peu d’incrédules;

celle nouvelle science fera de lois progrès et deviendra d’une application si facile et si générale, que tout le monde pourra en profiler. C’est ce que je désire.

Je confirme, ce que je disais, dans ma lettre du 5 mai, sur les maladies qui sont susceptibles de guérison par les moyens que j’indiquais. Seulement, j’ai trouvé par l’expérience qu’il fallait quelquefois bien plus d’une minute pour guérir. Quand le mal est grave el chronique, il faut persister. Si vous avez soulagé au bout de cinq minutes, vous êtes presque sur de réussir avec de la persévérance; si vous n'avez obtenu aucun eilel au bout de ce temps, il est presque inutile de continuer. J’ai reconnu que le rhumatisme dans les hanches se guérit très-rarement.

J’avais dit, dans la lollre que j’ai citée, que je n’avais pu obtenir aucun résultat sur les maladies de poitrine. J’ai trouvé depuis que beaucoup de maladies, dont le siège esl intérieur, peuvent également se guérir; je ne les nommerai pas, ce serait fixer des limites, et je ne les connais point.

Voici comment j’opère lorsque le mal est intérieur, l'on verra que ce remède est aussi simple, aussi facile et aussi inollcnsif que l’autre :

Je prends un verre plein d’eau pure, je passe mes doigts le long de ses parois , ou je les laisse suspendus à la surface de l’eau, que je fixe avec la ferme volonté de la charger du fluide électrique qui s’échappe de mes doigts. Lorsque je veux ajouter à l’effet du remède, je souille dans l’eau avec un tube quelconque, afin que l’électricité, dont l’haleine est chargée, se mêle avec le liquide. Cette opération dure cinq minutes. Dès qu’elle esl terminée, je fais boire l’eau au malade.

11 faul avoir soin do passer la main pendant quelques minutes sur la lOtc et sur la poitrine du patient .ivant !e lui faire boire cette eau. 1- 11c procure généralement un sommeil rafraîchissant et foriiiiant ; assez souvent le malade se trouve guéri en se réveillant.

L'idée d'employer ce remède m’est venue en lisant un ouvrage sur le magnétisme par le Dr Esdaile, qui a lait là-oessus des recherches et des expériences fort curieuses dans les Indes-Orientales. Il ne donnait cette eau qu’à ceux qu’il avait déjà soumis au somnambulisme, et cela suffisait pour les réduire à un état complet do catalepsie, pendant lequel il faisait les opérations chirurgicales les plus douloureuses, sans que le malade s’en aperçut.

De la manière que j'indique, cotte eau n’agit que curativement, sans produire l’insensibilité et sans affecter en aucune façon le cerveau.

Je cherche, Monsieur, à élargir le champ de cette nouvelle science que, dans une de mes précédentes lettres, je me suis permis d’appeler éleclro-iama (faute d’un autre nom connu ou mieux approprié). Soyez sûr que tôt ou tard nous convaincrons les plus incrédules et surtout les hommes savants.

Agréez, etc.

G. JOLY.

N. B. Le plus grand dos miracles opérés par M. Joly est peut-être la conversion des incrédules parmi ceux qui exercent l’art do guérir par des procédés plus difficiles et plus dispendieux. Nous connaissons des médecins qui, comme saint Paul, après avoir été des persécuteurs de la nouvelle doctrine, en sont devenus des apôtres.

(Note du rédacteur du Canadien.)

On nous communique le fragment suivant d’une lettre que le D' Charpignon écrivait naguère à un de ses confrères.

Mon cher.......

.....La révélation à laquelle je vous ai initié

vous a enlevé, me dites-vous, le calme dont vous jouissiez en suivant les voies ordinaires de la science. Je conçois vos agitations, mon ami, vous n’êtes pas de ces médecins qui croient n’avoir plus rien à apprendre, parce que la Faculté leur a décerné le diplôme gagné, sans nul doute, après de longs et fatigants labeurs; mais enfin tout n’est pas renfermé dans la science des écoles modernes, et vous avez trop oublié les enseignements de votre enfance. Oui, de voire enfance, car il faut retourner à ces années déjà lointaines où on vous disait de croire à des êtres surnaturels , à une doctrine toute spirituelle qui pose des dogmes de vie immortelle, de chute originelle, de puissances de l’esprit par la foi, pour que vous saisissiez les rapports qui existent entre ces dogmes que vous avez rejetés quand vous avez cru avoir de la raison, et les nouvelles idées que les phénomènes observés par vous ont fait naître dans votre esprit. Vous l’avez vu, bien vu, cet aphorisme de la physiologie de l’école qui pose : « que, sans l’œil, l’homme ne «peut prendre connaissance des choses extérieures; cet aphorisme doit être modifié dans son essence, puisque de chez vous votre somnambule a vu ce que son père faisait à une grande distance , puisqu’elle a pu dire ce que vous lui présentiez dans une boîte.

Vous n’avez pas parlé, vous avez pensé, voulu, et vous avez été compris; vous avez voulu créer, et votre volonté a fait un bel oranger avec le néant ! Et vous avez réveillé votre somnambule, et J’oranger existait

encore pour clic ! Cc n’est qu’en voulant cueillir le fruit de cc bel arbre que votre chef-d’œuvre est rentré dans le néant ! Vous avez guéri déjà quelques malades, el la clairvoyance de votre somnambule a découvert les maladies des personnes que vous avez soumises à son examen! Yous êtes stupéfait, vous alliez voler bien haut, el vous êles retombé dans l’incertitude ; car votre puissance a échoué sur cinq personnes, car encore votre somnambule s’est trompée grossièrement, et d’autres fois a failli tuer par ses ordonnances, que vous aviez heureusement corrigées.

Je vous répondrai dans cetle conjoncture où votre espril se trouve : nous sommes en 1851, et dans un ou deux siècles ce qui est dans l’enfance sera dans l’âge mûr. Patience et prudence ! Cc magnétisme qu’il faut appeler science, art, philosophie, magie, recèle le bien et le mal, c’est tout et ce n’est rien. Vous y trouverez le Ciel et l’Enfcr, la vie et la mort, la vérité et l’erreur, la vertu et le vice, l’esprit et la matière ; soyez donc prudent el ferme pour fouiller ses mystères; allez au fond et ne vous arrêtez pas à la surface, car je vous le dis et vous le promets, c’est après un long temps de travail et d’épreuves que vous finirez par comprendre qu’il est la pratique d’un spiritualisme qui, lui-même, n’est que le vestibule du temple du christianisme; mais à la surface, je vous le répète, il n’y a que scories et impuretés de toute sorte.

Oui, mon ami, après avoir flotté entre toutes les théories, après avoir laissé de voire sang aux ronces du chemin, après avoir sali vos mains de l’or que vous pourrez y trouver, vous vous arrêterez haletant et vous aurez enfin le secret de cetle grande science. Alors vous changerez d’allure, el, permellez-moi de

vous taire la métamorphose qui s’opérera en vous et en votre puissance ! Je connais bien des magnétistes théoriciens et praticiens, et je ne pourrais pas en compter trois vivants qui soient arrivés où je souhaite à vous et à moi d’arriver. La clef du temple m’a été donnée, je vous donnerai son empreinte ; mais il faut qu’il en soit de nous comme de l’or impur que le feu revivifie. Patience! patience!

Les insuccès nombreux vous découragent; ce n’est pas à vous seul qu’il faut s’en prendre, croyez bien que l’individu sur lequel vous voulez agir est souvent pour tout dans la nullité des effet?. Il y a certaines dispositions que vous ne pouvez faire naîlre dans l’organisme ou dans le moral du sujet. Ainsi je vous parlerai d’une même maladie, existant chez le frère et chez la sœur, et pour laquelle mon action est bien différente. Yoilà le fait :

M1“' Adrien était très-souvent prise d’attaques de nerfs, dont la durée n’élait pas moindre de trois heures, quelquefois même une série d’attaques se succédaient pendant douze heures. Les jours suivants, cette dame restait au lit, brisée dans lout son corps, souffrant de la lête, de l’estomac, ayant la fièvre. Le médecin qui m’avait précédé avait toujours été impuissant en face de ces attaques, et moi-même je le fus tant que j’employai les mille variantes des antispasmodiques et autres médicaments. Un jour, bien persuadé que la famille devait être lasse de la médecine, je proposai d’employer le magnétisme. A peine avais-je commencé à agir, que les mouvements désordonnés et les crises auxquels se livrait la malade cessèrent el firent place au calme le plus profond. Le somnambulisme ne tarda pas à survenir, et dès lors je fus certain de maîtriser ces désordres ner-

veux. Chaque fois donc que Mmc Adrien est prise d’une attaque, ce qui esl raie maintenant, 011 accourt me chercher, cl des que ma main a louché la convulsionnaire , elle s’arrête, se calme et s’endort. Je n’ai plus qu’à régulariser la circulation nerveuse, el, après quelque temps d'un bon sommeil, il ne reste plus lien. C’est beau, 11’est-ce pas, il y a là une puissance plus réelle, plus cllicace que dans les formules pharmaceutiques, et on serait tenté de briser les fioles; mais non, mon ami, 11e brisons rien, el conservons pour certaines circonstances. Ainsi, le frère de cetle dame est, comme elle, très-nerveux, et il est pris de convulsions terribles quand il est contrarié ou quand il a fait quelques excès. Appelé près de ce jeune homme qui se déballait dans d’horribles convulsions, sur un lit où trois hommes avaient grand’ peine à le retenir; ¡’essayai le même moyen qui réussissait pour sa sœur, mais ce fui bien en vain, la violence des convulsions n’en fut jamais modifiée. Ces tentatives furent répétées bien des fois et furent toujours vaines. J’eus recours, dès lors, au chloroforme, qui me réussit à merveille.

Vous voyez donc que certaines conditions sont indispensables pour réussir dans l’application du magnétisme.

Une autre difficulté pour la pratique du magnétisme, c’est l’ignorance et la prévention du public; entre mille faits,je vous rapporterai le suivant: Ces jours derniers, je fus demandé pour soigner une enfant de dix ans affectée d’une pleurésie grave. Cette enfant est sourde-muette depuis 1 âge de trois ans, à la suite d’une rougeole. On a lout fait, me dit-on, pour obtenir guérison , même le magnétisme. Ah ! ah! contez-moi cela au long, dis-je au père.

« Ce fut un médecin, demeurant à la campagne, qui me proposa de magnétiser ma fille. Je la conduisais tous les jours chez lui, à plus de cinq kilomètres. L’enfant s’endormait, et dans ce sommeil elle entendait les moindres bruits, ainsi que quelques mois qu’elle a appris par le mouvement des lèvres, ou dont elle se rappelle, puisqu’elle ne fut sourde-muette qu’à trois ans. Au bout d’une huitaine, elle se plaignait foute la journée de ressentir dans la tète et surtout dans les oreilles des douleurs, des bourdonnements. Au quinzième jour, il se produisit par les oreilles un écoulement abondant d’humeur et de sang en plus grande quantité. Le médecin nous fit bien augurer de cet événement; mais, inquiété de ces désordres, je menai mon enfant à un médecin c!e la ville, qui me dit que cet écoulement élait très-dangereux, que la tête entière pouvait se prendre et que la vie serait compromise ; dès lors je renonçai au magnétisme. On eut beaucoup de peine à arrêter cet écoulement; enfin on y parvint, et l’enfant est restée sourde et muette. »

Je ne pus persuader ce brave homme du tort qu’il avait eu de couper une si heureuse crise, qui devait amener la guérison, selon toute probabilité.

Si cette lettre n’était déjà bien longue, je vous parlerais des critiques que mes travaux sur le fluide m’ont valu. Pour vous édifier, vous pouvez lire l’article Magnétisme dans le supplément du Dictionnaire de médecine de Fabre. L’auteur de l’article a pris à tâche de citer les phénomènes les plus étonnants et les plus rares du somnambulisme, pour épouvanter la raison de ses lecteurs et leur ôter l’envie d’étudier et de pratiquer logiquement, c’est-à-dire en commençant par les phénomènes les plus simples, les plus

philosophiques, pour arriver aux grandes manifestations de la psychologie. Mais heureusement que la vérité demeure, et que j’ai dit la vérité.

D' CIIARPIGNON.

M. le Dr Ordinaire nous adresse des bains de Saxon la lettre suivante :

Mon cher maître ,

C’est un revenant qui vient donner à ses coreligionnaires en magnétisme un nouveau signe de vie. C’est un convalescent qui vous écrit du fond des gorges du Valais ; de ce Valais si riche el si pauvre, où de belles intelligences ressortent encadrées par un nombreux cortège de crétins; de ce Valais où le soleil est avare de ses rayons pour les uns et trop prodigue pour les autres, où les glaciers éternels des montagnes viennent rafraîchir l’air brûlant de la plaine ; de ce Valais où tout est contraste, où tout est pittoresque, où tout enfin est un objet d’admiration pour le touriste, un sujet de méditations pour le moraliste et le philanthrope.

Pauvre Valais tant calomnié! que ne puis-je un jour te réhabiliter et te payer par la vérité mise au jour, la généreuse hospitalité offerte au proscrit !....

En vous disant : c’est un convalescent qui vous écrit, c’est annoncer que je viens de payer mon tribut à celte loi de la nature qui veut que l’homme subisse à divers âges, de ces révolutions organiques qui mettent à l’épreuve sa constitution et lui assurent une nouvelle période à parcourir, ou bien marquent le terme de sa carrière,

Je viens d’être atteint d’une névrose de la tête. Pendant vingt jours, j’ai étudié sur moi-même les singuliers phénomènes de cette maladie et constaté

do nouveau la puissance du magnétisme dans les al foclions nerveuses. Je dois, dans l'intérêt do la science dont vous êtes le grand-maître et moi l’humble disciple, vous communiquer les péripéties qui ont accompagné ma maladie.

Je fus surpris un matin par une douleur sus-orbi-taire des plus violentes. Celle douleur, qui se borna d’abord aux nerfs frontaux, gagna les nerfs de tout le cuir chevelu, puis s’étendit aux enveloppes du cerveau. L’organe essentiel, l’encéphale, fut respecté, car je souffrais avec toute la conscience de mon mal et je suivais mon ennemi dans toutes ses attaques, dans toutes scs évolutions.

J’employai d’abord pour le combattre la médecine ordinaire (fans calembour) : les vomitifs, les purgatifs, les révulsifs, la saignée, l’eau sédative, le chaud, la glace, jusqu’à l’acupuncture: rien ne me soulageait que ma volonté. Je me magnétisais moi-même, et je parvenais à obtenir un calme prononcé toutes les fois qu’appliquant mes mains sur la tête, je formulais cette pensée: douleur, disparais! Très-malheureusement, je ne pouvais ainsi concentrer ma volonté plus de dix minutes, je m’arrêtais, el ma douleur reparaissait non moins violente. Je reprenais haleine; je recommençais à chasser ma douleur et j’étais encore vainqueur pour quelques instants.

Pour me remplacer dans mes magnétisations personnelles, j’eus recours à ma garde-malade, à laquelle j’enseignai à me magnétiser comme il suit: Vous allez prendre ce linge mouillé, vous le promènerez lentement sur mon front, en formulant cette pensée : Je veux vous guérir. En effet, j’obtins à l’aide de ce moyen un tel soulagement que, jour et nuit, j’eus recours à ce mélange de magnétisme et de thérapeutique. Je dis mélange, car si un indifférent venait à me rendre

10 même office et promenait nonchalamment le linge (Voici, je n’éprouvais plus aucun soulagement; si une personne plus intelligente, plus affectionnée, joignait à l’action du froid l'intention de me guérir, je sentais aussitôt un mieux sensible et plus soutenu; si dans ce dernier cas le linge n’était pas mouillé et froid, le calme n’avait pas lieu; le froid agissait donc thérapeutiquement, et la volonté magnétiquement.

Line nuit, je me trouvais aux prises avec ma douleur dans son plus haut paroxysme; mes forces étaient épuisées et mes plaintes incessantes. J’entendis un bruit sourd dans le corridor qui communiquait à ma chambre. Je dis à la personne qui me veillait d’ouvrir la porte ; elle le fit brusquement, et que vîmes-nous? Un voleur! un véritable voleur, nanti de fausses clefs et s’étant emparé déjà de divers objets. A celte vue, ma surprise fut si grande, que ma douleur disparut comme par enchantement. Dans ma salifaclion, jo fis subir à ce visiteur nocturne un interrogatoire dans lequel, semblable au mari de la fable, je l’aurais volontiers traité de cher voleur. Remis, malgré moi, entre les mains de la gendarmerie,

Il vient d’être condamné aux travaux forcés à perpétuité.

Ma douleur ne reparut que dans la matinée, et je fournis un nouvel exemple de ce que peut le moral sur le physique. Mon âme, arrachée à sa préoccupation maladive, s’est trouvée absorbée par une préoccupation plus puissante, et la douleur disparut.

Depuis quinze jours, je me trouvais ainsi poursuivi par celte maudite névrose, tantôt un peu mieux, le plus souvent beaucoup plus mal, lorsqu’un de mes amis, magnétiseur et homéopathe, vint me visiter. Sa vue me fit l’effet de celle du voleur, elle me soulagea instantanément. Je le considérai comme un

sauveur, et il n'était pas assis que je le priai de me magnétiser. A peine eut-il fixé sur moi ses grands yeux noirs el perçants, à peine eut il étendu s:i main sur ma tête , que je sentis cette dernière déchargée de cent kilogrammes. Dans ma joie, j’eusse volontiers voté une statue à Mesmer.

Le calme que j’éprouvai dura cinq heures ; la névrose implacable reparut, mais son vainqueur était là, je la sentis revenir sans crainte, sûr du triomphe par une seconde magnétisation.

Un intéressant phénomène se passa à celte seconde magnétisation. Une jeune dame, présente et curieuse de savoir comment on magnétisait, tomba à mes côtés dans un somnambulisme complet. Interrogée, elle montra la lucidité la plus étonnante. Elle m’expliqua la cause de mon mal (une ascension de neuf heures de marche au sommet de Pierre-à-Voir, et une descente saccadée qui avait fatigué les enveloppes du cerveau). Elle me dit que le magnétisme me guérirait, mais qu’il fallait y recourir trois fois par jour. Or, comme mon magnétiseur devait, de toute nécessité, partir le même soir, je dus renoncer à ce moyen efficace. Elle approuva le mode de magnétisation à l’aide du linge mouillé, et, pour ajouter à son action, elle me prescrivit une large application de sangsues à l’anus. Enfin, elle m’annonça que ma maladie allait entrer dans sa période décroissante, et que dans quelques jours je serais guéri. La prédiction s’est accomplie à ma très-grande satisfaction.

Un réfugié italien de mes amis, présent à celte séance, très-inquiet de ne recevoir aucune nouvelle de ses parents, l’interrogea. « Soyez sans inquiétude, répondit-elle , vos parents vont bien, seulement la lettre que vous attendez vainement s’est égarée; vous en recevrez une seconde dans deux jours. » En effet

doux jours après, la lettre annoncée arriva en même temps que la première qui avait fait le tour de la Suisse avant de parvenir dans le Valais.

Plusieurs personnes se soumirent à son appréciation, soit pour leurs caractères, soit pour leurs maladies, et toutes furent émerveillées de la lucidité de cotte somnambule si extraordinairement improvisée.

Elle no pouvait so tenir ni debout, ni assise; sa ligure présentait une pâleur qu’elle n’avait pas avant la crise; ses paupières étaient fermées et les globes oculaires convulsés en haut et en dehors; elle offrait en outre une insensibilité de tout le corps.

Elle repoussa une personne qui la crispait, parce que, disait-elle, elle la trouvait trop nerveuse, et elle me prit une seconde fois les mains :

« Bon espoir, me dit-elle, vous touchez à la fin de vos maux. Votre maladie a eu pour cause prédisposante votre grand travail sur l’âme.

— Qui vous a dit que je travaillais à un travail sur l'âme?

— Je le sais, parce que je le sens.

— Crovez-vous que je sois dans le vrai dans mon appréciation de lame ?

— Vous y êtes beaucoup plus qu’aucun autre ; mais la vérité vraie échappera longtemps encore aux investigations de l’homme.

— Comment expliquez-vous l’état dans lequel vous êtes entrée en voyant magnétiser?

— Je l’explique par une grande disposition au somnambulisme, et surtout par le grand désir que j’éprouvais do vous être utile. »

J’ai su que cette dame était entrée seule en somnambulisme dans plusieurs circonstances graves, et qu’elle avait rendu dans cet état d’importants services. C’est ainsi que lorsque le magnétisme sera par-

venu à son apogée, il se trouvera dans chaque famille un ou une crisiaque qui servira d’ange gardien dans le danger cl de conseiller dans les circonstances difficiles.

« N’admcttcz-vous pas l’action du fluide magnétique ?

— Ce fluide peut exister, mais je n’en ai pas la conscience.

— Ne me voyez-vous pas entouré comme d’une atmosphère lumineuse, demanda celui qui l’avait magnétisée involontairement ; je vais exécuter des passes énergiques, dites-nous si vous ne voyez pas s’échapper de mes doigts un fluide quelconque ? » Et mon ami, grand partisan du fluide, se mit h faire des passes énergiques.

« Je ne vois rien s’échapper de vos doigts; mais je sens de vous à moi une action qui me fatiguerait beaucoup si vous continuiez.

— C’est le fluide ! s’écria mon ami, fluidisle.

— C’est ton âme qui fatigue’son âme en voulant lui faire percevoir forcément une sensation, répliquai-je en spiritualiste.

— Vous avez été déjà magnétisée, madame?

— On m’a dit quej’élais entrée plusieurs fois en somnambulisme, mais sans magnétisation. »

Nous eussions continué longtemps encore cette intéressante conversation, si la crisiaque ne nous eût suppliés de la laisser dormir tranquillement un quart d’heure et de la réveiller ensuite. Mon ami 1 ni demanda : « Comment vous réveillera-t-on?

— Fixez sur votre montre la minute à laquelle vous voudrez me voir sortir de cette crise, et j’en sortirai. »

Nous fixâmes la minute et nous assîmes en silence. A la minute désignée par nous, ignorée de la som-

nambulc, elle ouvrit les yeux, témoigna un grand étonnement de se voir étendue sur un lit, entourée de plusieurs personnes; elle se leva sans demander à être dégagée, sans témoigner de malaise.

Il est fâcheux pour la science que cetle dame ne soit pas à la disposition entière d’un inagnéliste prudent et habile, je ne doute pas que, grâce à sa haute intelligence à l’état de veille el à sa belle lucidité en somnambulisme, lucidité si naturelle qu’elle paraît soumise à sa volonté, je ne doute pas, dis-je, que celte dame ne fasse faire un pas au magnétisme. Je ne désespère cependant pas de l’observer de nouveau, et je vous soumettrai le résultat de mes observations.

Je ne ferai aucune réflexion sur les faits que je viens de rapporter. Je pourrais demander au fluidiste quand même, comment on peut se magnétiser soi-méme, si le fluide sortant du corps, s’échappant par les mains, rentre dans le corps.

Je lui demanderai comment la seule vue d’un ma-gnéliseur m’a soulagé.

Comment il expliquera le somnambulisme naturel de cetle dame et son réveil, à minute fixe, sans dégagement de fluide.

Plus je vais, plus j’observe, plus je réfléchis, moins j’arrive à admettre dans la production du somnambulisme l’action d’un fluide , telle que l’admettent le plus grand nombre des magnélistes.

J’ai fait d’intéressantes études sur les crétins du Valais. Je n’ai jamais pu parvenir à en jeter un en somnambulisme. Ils me regardent d’un air hébété, se mettent à rire d’une manière si comique, que je ne puis m’empécher de partager leur hilarité ; et ils veulent s’en aller, ne comprenant pas ce que je veux obtenir d’eux. J’en ai trouvé un plus docile, parce

qu’il tenait à gagner les balz (monnaie du pays) que j avais placées sur une table. Je l’ai magnétisé près dune demi-heure, avec toute l’énergie dont je suis susceptible ; je n’ai obtenu que des éclats de rire, puis un sommeil plutôt d’ennui que magnétique.

Je demanderai pourquoi un crétin est si pou susceptible au magnétisme. Le fluicliste ne saura que répondre; le spirilualiste dira: Le magnétisme n’est autre que l’action d’une âme sur une âme; or, le crétin na pas d’âme, donc le crétin n’est pas magnétisable.

Il n’y a dans le crétin que le corps et le principe vital avec l'instinct animal, qui appartient à ce principe ; il manque au crétin le troisième principe constitutif de l’homme, l’âme. Le crétin n’est donc qu’un animal, encore des moins intelligents.

Le système nerveux ganglionaire règne chez lui en souverain, il mange beaucoup, digère bien. Le système nerveux cérébral qui devrait commander, lui obéit. J’ai observé des crétins avec des crânes très-développés, très-bien disposés, des crânes à mettre aux abois toute la phrénologie.

Mais je m’aperçois que je vais reproduire un des chapitres du Traité sur l'Âme auquel je travaille activement.

C’est à ce travail qu’il faut attribuer la rareté de mes communications. Vos lecteurs, absorbés par vos intéressants articles sur la magic, ne se plaiudront pas de mon silence.

Agréez, cher maître, l’expression de mes sentiments les plus affectueux.

P.-C. ORDINAIRE,

Docteur-McJsun.

INSTSTUTIONS.

Hôpital iiiaguèliqur «le Londres.

Nous avons fait connaître en son temps le projet de création de cet établissement, et publié les premières listes de souscription. Nous en avons dernièrement annoncé la réalisation, il nous reste seulement à traduire les documents relatifs à la mise en oeuvre.

Une assemblée générale des donateurs et souscripteurs ayant été convoquée pour le premier lundi de mai i85o, au siège préfixé de l’institution, 9, Bedford street, Bedford square, l’acte suivant fut adopté.

Statuts.

« Cet hôpital (London Mesmeric infirmay) est institué pour le soulagement et la guérison des maladies, la prévention et la diminution de la douleur au moyen du mesmérisme.

« Il est soutenu par des contributions volontaires de personnes ayant foi dans l’efficacité du mesmérisme comme agent médical, et qui, désirant s’assurer de la réalité des cures extraordinaires qui ont été obtenues à l’aide de ce moyen par des personnes respectables et dignes de foi, veulent que le pauvre puisse profiter des avantages qui en peuvent être recueillis.

« Les fondateurs de ce nouvel établissement ont encore nn an Ire objet en vue. Ils désirent étendre le champ de l’observation de la science mesmérique, et en encourager la pratique en en propageant les vérités sans favoriser aucun parti ou aucun intérêt individuel. Ne voulant pas s’écarter du respect que tout homme de lvien entretient pour ceux dont la bienfaisance se joint à l’avantage d’une position élevée, ils ont adopté les règles suivantes :

« i° Les chefs principaux consistent en un patron, un président, des vice-présidents et un trésorier, lesquels sont de droit membres du comité d’administration. Le reste du comité d’administration se compose de douze personnes élues par les gouverneurs réunis.

« 2° Sont gouverreurs de droit toutes personnes ayant fait don de 10 guinées (25o fr.) , au moins, en un seul paiement, à titre de souscription à vie, ou de ceux dont la souscription annuelle ne s’élève pas à moins d’une guinée (25 fr.).

« 3° La direction générale et l’administration de l’institution sont confiées au comité, qui devra soumettre ses actes à l’assemblée générale des gouverneurs.

« 4°. Au comité revêtu de ces pouvoirs appartient le droit de nomination et de renvoi de tous les fonctionnaires au-dessous des vice-présidents.

« 5° Le comité a également le pouvoir d’élire gouverneur honoraire tout individu, homme ou femme, ayant rendu des services importants à la science du mesmérisme.

« 6° Les fonctionnaires de l’institution placés sous la direction du comité, sont le trésorier, les médecins, le secrétaire et le receveur.

« 7° Le comité sera renouvelé par tiers chaque innée, et les membres qui devront remplacer le tiers sortant seront élus parla voie du scrutin et pris parmi es gouverneurs. Les membres sortant pourront être célus.

« S" Le comité s’assemblera tous les lundis, à deux ¡cures ; le secrétaire tiendra registre de ses actes, en irésentera la minute au président pour être signée far lui à chaque prochaine réunion.

« 9° A toute réunion du comité, il ne faudra pas Dioins de trois membres pour former un conseil.

« io° Le comité aura le pouvoir, en ce qui le con-lerne lui-môme, ainsi que pour l’administration des (flaires de l’institution, d’adopter le règlement qui lui conviendra, lorsqu’il aura été convoqué spéciale-nent à cet effet.

« Ce règlement sera soumis à la plus prochaine «semblée générale des gouverneurs, et restera en ligueur tout le temps qu’il n’aura pas été annulé ou cnouvelé par ladite assemblée.

« ii° Le secrétaire pourra en tout temps convoquer une réunion spéciale du comité, sur la de~ bande qui lui en aura été faite par écrit jiar le pa-iron, le président ou les vice-présidents, par le trésorier ou par trois membres du comité; mais le sujet de cette convocation devra être spécifié dans la équisition, ainsi que dans l’acte de convocation, et >n ne pourra délibérer sur aucune autre affaire que :elle qui sera l’objet de cette convocation.

« i2° A toutes les assemblées générales spéciales, ept membres seront nécessaires pour former un îombre suffisant.

« i3° Le nombre des médecins de cette institution ne sera pas limité. Tous les médecins ayant un di-

plôme, etfaisanlparlicdcsgoiiverncur?,pourront cire nommés médecins de l’hôpital par h- comité, cl en f celle qualité pourront y assister durant les heures d'occupation fixées parle comité pour mesmériserr les patients recommandés par eux-mêmes on par tout autre gouverneur qui aura exprimé par écrit au comité le désir que tels patients désignés reçoivent les soins particuliers. (

« 14° L’admission des malades sera réglée par des membres du comité qui seront choisis à cet effet, et qui rempliront cette fonction à lour de rôle.

« 15° Les privilèges des gouverneurs, en ce qui concerne la recommandation des malades, seront déterminés d’après le montant de leurs dons ou souscriptions ; un patient pour une souscription annuelle d’une guinée, et un patient annuellement pour chaque don de 10 guinées.

« Chaque gouverneur, quel que soit le montant de sa souscription, n’a droit qu’à un seul vote, et aucun d’eux ne pourra voter que six mois après que la qualité requise aura été obtenue par lui.

« Toutes souscriptions seront ducs à Noël ou à la Saint-Jean, et seront datées de l’une de ces deux pé- ~ riodes la plus rapprochée du temps où elles auront été fai les.

« i6° Une assemblée générale des gouverneurs sera tenue à l'hôpital (ou dans tout autre lieu que le comité pourra désigner), le premier mercredi de mai, à l’effet de confirmer, modifier ou annuler les décisions du comité de l’année précédente, pourvu cependant que la notification de la résolution d’annuler, etc., adoptée par le comité, en ait été faite par écrit au secrétaire, vingt-un jours au moins avant cette assemblée générale.

« 17° L'assemblée générale sera néanmoins annoncée clans deux des journaux quotidiens, an moins sept jours avant la réunion.

« 18” Le trésorier est nommé à chaque assemblée générale annuelle; tous les dons à part concernant la charité seront reçus par lui, et il est chargé des paiements sanctionnés par le comité. Il devra présenter un état annuel de scs comptes, pour qu'il on soit pris connaissance par deux gouverneurs, en dehors du comité, qu’ils soient arrêtés et déposés devant l’assemblée générale. n' « 190 11 sera fait un rapport à l’assemblée générale de l’état des fonds, qui sera présenté aux gouverneurs, et l'élection ou la réélection des fonctionnaires choisis annuellement aura lieu; mais aucun des gouverneurs ne sera admis à voter par député.

« 20° Le secrétaire est nommé par le comité, il est chargé des livres et de la correspondance ; il devra assister à l’hôpital tous les jours, depuis dix heures jusqu’à quatre, pour mesmériser les patients désignés, pour maintenir l’ordre convenable du côté des opérateurs et des patients, assister à toutes les réunions des gouverneurs et du comité pour enregistrer les délibérations et pour veiller à l’exécution des règlements.

« 3i° Le receveur est nommé par le comité; il devra présenlerl a caution de deux répondants, soumise à l’approbation du comité, s’engageant pour la somme de 100 liv. slerl. chacun , pour garantie de la fidèle exécution des devoirs de sa charge. Il versera toutes les semaines entre les mains du trésorier toutes les sommes qu’il aura pu recevoir au compte de la charité ; il enregistrera toutes sommes reçues par lui, spécifiant le nom et l’adresse des personnes dont il

aura reçu la contribution , ainsi que la date ot le numéro du reçu donné; il inscrira dans le môme livre le montant et la date de toutes les sommes payées par lui au trésorier. Ses livres, ainsi que celui du banquier, seront remis au comité, à chaque réunion de la semaine, pour être examinés et arrêtés.

« 22° Aucun de ceux qui peuvent se trouver intéressés personnellement dans le sujet en délibération, n’aura droit de voter dans aucune des réunions. »

RAPPORT.

Le -j mai dernier, a eu lieu , conformément à l’article i(i des Statuts ci-dessus, l’assemblée générale des gouverneurs. La réunion était présidée par le rév. G. Sandby, l’un des vice-présidents. Yoici le rapport qui a été lu au nom du comité sur les résultats de cette première année d’cxercice.

« Ce fut dans la maison du comte de Ducie, le 9 janvier 1846, que l’hôpital mesmérien de Londres fut fondé. Le ‘25 mars 1S00, le comité informa chaque donateur et chaque souscripteur, que celte maison était prêle pour la mestnérisalion des malades.

« D’abord, le comité ne crut pas devoir prendre plus d’un magnétiseur, le secrétaire ayant promis de mesmériser lui-même au moins deux patients par jour. Mais le 10 juin il en prit un second; ce furent MM. W. l’isher et Ch. Mayhew, recommandés l’un t et l’autre par Tubbs, chirurgien à Upwell, qui les avait employés avec satisfaction pour cet office.

Dans le courant du mois dernier, 011 prit encore, pour remplir le« mêmes fonctions, une femme mariée, recommandée par le Dr Ashburncr; ces trois per-

sonnes s’acquittent de leurs devoirs d’une manière satisfaisante, et avec toute la régularité, le soin, la douceur el le discernement désirables.

« Le comité est heureux d’annoncer que, depuis le 17 novembre, l’institution a eu les services de M. Ca-j pern, comme secrétaire, en remplacement du premier, M. Jîueklaiid, qui a résigné. Nous n’avons pas besoin de dire quels sont la puissance magnétique de M. Capern pour soulager les souffrances et guérir les maux, son dévouement au mesmérisme, son activité, son désintéressement et sa bienveillance.

« Il est présent dans les salles publiques, depuis dix heures jusqu’à quatre, mesmérise lui-même plusieurs malades, et dirige les trois autres mesméri-seurs, qui sont de service tous les jours (les dimanches exceptés), de dix à quatre heures, et auxquels il est accordé une heure pour le dîner, mais non pas à tous en même temps.

« Le comité s’assemble tous les mercredis, à deux heures. Il lui est présenté un compte exact des travaux de la semaine, jour par jour; ce qui concerne chaque patient lui est rapporté minutieusement ; comme, par exemple, son assiduité à se soumettre au traitement, le temps qu’il a été inesmérisé, le nom du mesmériscur, le procédé employé, scs effets et les résultats qui ont été observés à la fin de la semaine. Les nouveaux malades qui ont demandé à être admis sont présentés au comité et sont examinés par les médecins qui en font partie. Les personnes qui cessent d’être au nombre des patients se présentent et rendent compte elles-mêmes de leurs guérisons.

« Quatre-vingt-onze malades ont été mesmérisés, cinquante-quatre hommes et trente-sept femmes : il y en a encore sur les registres vingt-neuf, dont dix-

neuf hommes et dix femmes. La plupart des maladies traitées ont été la paralysie , la névralgie, le rhumatisme, l’épilcpsie, la danse de Saint-Guy et les maux de nerfs caractérisés. Presque toutes ces affections étaient chroniques et avaient résisté aux traitements variés, et souvent très-énergiques, de nombreux et savants médecins, el telles enfin que le mesmérisme ne pouvait pas produire de cures rapides. Celte circonstance, ainsi que les occupations, les embarras du pauvre, joints à ces fréquentes impatiences, à l'inconstance de caractère cl aux caprices d’enfants si communs dans toutes les conditions, ont été cause que plusieurs ont abandonné le traitement avant qu’il ait pu produire des résultats marquants, quelques-uns même après un petit nombre d’épreuves. Le plus grand nombre de ceux qui n’ont point éprouvé de soulagement passager ou permanent, se trouve dans celte catégorie; leur nombre s’élève à vingt-huit. Yingt-qualrc nous ont quittés avant que leur guérison fût complète; mais leur état était plus ou moins amélioré, plusieurs mêmes rétablis, au point qu’ils se sentaient capables et désireux de reprendre leurs occupations.

« Quelques cas remarquables se sont présentés. Nous mentionnerons celui d’un enfant épileplique , qui nous fut amené il y a un peu plus d’un an. Non seulement cet enfant n’a pas eu un seul accès depuis six mois, quoiqu’il en ait éprouvé de très-fréquents et de très-graves d’abord ; mais encore l’étal général de sa sanlé s’est amélioré d une manière remarquable : circonstance que les magnétiseurs ont observée souvent dans toute espèce de maladie.

« Un second cas, également satisfaisant, de guérison de l’épilepsie, s’est présenté chez un autre enfant.

a l n cnfanl ayant une jambe plus courte que l’autre, par suite d’un mal à la hanche, fut reçu à la fin de novembre, et le 14 avril, son père, qui l’avait d’abord fait soigner par les meilleurs médecins, dé-i clara que l’amélioration de l’état général de sa santé surpassait de beaucoup son attente.

« Guérison presque complète d’un vieillard ayant eu lout un côté paralysé. Il fait maintenant plusieurs milles chaque jour. La première fois qu’il fut actionné, il compara l’effet de l’action magnétique à celui d’une vapeur chaude.

« Paralysie de la bouche ; guérison en une séance. Le malade ne pouvait avaler que des aliments liquides, et même avec la plus grande difficulté ; il craignait de mourir de faim.

« Un cas très-remarquable est celui d’un jeune garçon de quatorze ans, paralysé dès son enfance et tout à fait incapable de marcher. Il avait été traité inutilement dans plusieurs hôpitaux, et en particulier par plusieurs médecins : on avait refusé de l’admettre à l’hôpital Saint-Barthélemy, d’après l’avis du médecin de service qui jugeait son état sans ressources. Mes-mérisé pour la première fois le 2 février, on put déjà constater une amélioration sensible. A la sixième mesmérisation, il put faire quelques pas autour de la chambre sans assistance, et le 27 mars il fut en état d’aller à pied jusqu’à Tottcrham-Court Road. Il est encore en traitement.

| « Un homme affecté d’hypocondrie, et livré aux plus terribles accès de désespoir, éprouvant en outre des douleurs accompagnées de bruits dans la lête , des vertiges et des éblouissements , sent son état s’améliorer de jour en jour de la manière la plus surprenante. Les ressources de l’art médical

avait clé employées en vain ; la vie lui était devenue d plus en plus à charge. Il lut admis ici en av»il, et voici de quelle manière il rend compte de son état aujour. d’hui. « Les maux accumulés dont j elais accablés « sont affaiblis graduellement; je n’éprouve plus t « vertiges, ni douleurs, ni bruits dans la tête ; ! « grande oppression nerveuse que je ressentais a di-« paru, et avec elle les noirs pressentiments. L’ouït « et surtout ia vue, sc rétablissent, au point que j « puis lire plus facilement maintenant sans lunette: « que je ne pouvais le faire avec leur secours avan « d’être magnétisé. »

« Guérison subite de Catherine Broun , âgée d cinquante-sept ans. bile eut une attaque subite, l’âge de sept ans, el perdit connaissance pendan vingt-quatre heures ; depuis lors, de semblables atla ques s’étaient renouvelées régulièrement tous le mois, jusqu’au mois de février dernier, époque à la quelle elle fut admise ici ; elle ne pouvait vaquer ses affaires , souffrait d’horribles douleurs. Elle ava été traitée par de nombreux médecins de Londres i d’Irlande, sans en avoir éprouvé le moindre souli gement. Elle considérait le suicide comme un refug à scs cruelles souffrances; elle avait été trois fois l’hôpital Guy (Guy s hospital), deux fois à Saint-Tho mas, et dans ce dernier elle avait séjourné une fo pendant quatre mois. Un médecin lui avait dit qu’ell était affectée du tic douloureux; et, voulant lui arra cher quelques dents, il lui en cassa plusieurs. A parti du temps de la première attaque, elle ne cessa d souffrir, et prit d’énormes quantités de laudanut pendant le temps qu’elle fut soumise au traitemen médical. Dans les premiers jours de février, M. Cî pern la mesmérisa en lui touchant la tête pendan

un quart d’heure. Les douleurs disparurent instantanément; depuis lors clic n’a plus souffert le moins du monde et n’a pas eu d’attaque. A sa sortie de l’infirmerie , étant allée voir une de ses nièces à Islington, elle s’endormit, et son sommeil était si profond qu’on supposa que son médecin lui avait donné une trop grande quantité de laudanum; elle s’éveilla d’elle-même au bout de quatre heures, se sentant merveilleusement remise, et s’est toujours trouvée bien jusqu’à ce moment.

« Nous espérons que le public sera bientôt convaincu de l’efficacité du mesmérisme, non seulement dans le genre de maladies qu’on a traitées ici jusqu’à présent, mais dans toute maladie, quelle qu’elle soit; guérissant par lui-même dans plusieurs circonstances, dans d’autres aidant puissamment aux mesures médicales et chirurgicales d’une utilité reconnue, et qui peuvent être jugées indispensables.

« Il y a beaucoup do cas où l’usage du mesmérisme serait impraticable, à moins que les malades ne résident dans l’institution. Aussi longtemps que les hôpitaux généraux seront privés des bienfaits de cet agent, le pauvre souffrira cruellement de notre impuissance pécuniaire à combattre cette difficulté. Mais nous avons la ferme conviction que le jour n’est pas éloigné où, aidés de la sympathie du public, nous serons assez riches pour recevoir des malades à demeure.

« Les dons faits à l’institution s’élèvent à la somme de 899 liv. sterl. ; nous avons cent dix huit souscripteurs annuels qui, depuis l’origine, ont versé Liv. 352 : 10:0, et qui versent chaque année Liv. 197 : 19:0. Nous avons en plus, Liv. 1a, comme in-

térêt cio cinq bons du Trésor. En tout, nous avons on main, Liv. 8S4 : 4: 5 5?2 (22,110 fr.)

« Nos principales dépenses consistent en frais de location, de taxes et contributions, en tout à peu près Liv. 100 : 0 : 0 (a,5oo fr.) ; salaires, L. 218:0:0 (5,450 fr.); pour antres choses diverses, nous avons dépensé dans le cours de l’année dernière, L. 20 : o : 0 (5oo fr.).

« Nous pensons qu’une propriété qui nous a été promise par M. Beaume, nous produira à peu près Liv. 5o (1,260 fr.) par an, et M. Capern a généreusement déclaré que, tant que nous serions à loyer, il nous ferait une rente de 20 guinées (5oo fr.).

« Le monde devient de jour en jour plus éclairé relativement à l’existence et aux bienfaisants effets du mesmérisme, et le corps des médecins anglais s’affranchit peu à peu dos malheureux sentiments dont il était animé, lorsqu’il y a environ une douzaine d’années, et non loin du lieu où nous sommes maintenant assemblés, ils vomissaient l’injure et le mépris contre le mesmérisme, lui refusant le droit d'asile, sans s’informer seulement s’il était mensonge ou vérité; et lorsque M. Wakeley, à quelques pas seulement de celte enceinte, déclarait hautement devant l’humanité tout entière, que le magnétisme n’était qu’imposture, et que tous ceux qui prenaient sa défense étaient des fourbes et des fripons, indignes d’êtres associés à des médecins respectables. Nous espérons donc que le nombre de nos souscripteurs continuera de s’accroître, et que nos moyens suffiront bientôt pour obtenir un succès complet dans la sainte cause à laquelle nous nous sommes dévoués. L’appui qui nous a été donné jusqu’à ce jour n’a point été sollicité; ce n’est point à l’aide de sermons

do banquets, de bals et de loteries que nous l’avons obtenu. Je ne connais même, parmi les souscripteurs, qu’une seule personne qui ait clé invitée à souscrire. Nous avons, à cet égard, agi avec une délicatesse scrupuleuse. Mais à présent, que l’importance du mesmérisme est si généralement reconnue, 011 ne doit pas hésiter plus longtemps à poser devant tous les hommes et en toute circonstance, la cause de la charité mesmerienne.

« Nous refusons toutes les semaines des malades qui demandent à être admis à l’infirmerie, parce que nous n’avons pas de chambres pour les recevoir, tant s’est répandue la renommée de la puissance mesmerienne comme agent thérapeutique , et tant nous sommes éloignés maintenant du temps où une grossière ignorance en attribuait les effets simples et naturels à l’intervention de Satan.

« Nous avons reçu Liv. 141 (3,600 fr.) en dons depuis la première assemblée générale ; nous avons un accroissement de trente-deux souscriptions annuelles, qui nous produisent Liv. 65 : 19: o (i,63o fr.). Puisse l’année suivante nous être encore plus favo -rable.

« Le comité s’empresse de proposer a l’assemblée l’adoption d’une mesure qu’il juge devoir produire les meilleurs résultats. L’épouse d’un mathématicien et philosophe distingué a soumis au Dr Elliotson son désir que les dames soient admises comme membres du comité, et elle propose d’en faire partie elle-même si d’autres dames se joignent à elles. Le Dr Elliotson a fortement appuyé cette proposition, et l’a communiquée au comité qui l’approuve également. Cette mesure sera d’autant plus avantageuse que, ayant admis des femmes au nombre des patients,

nous avons cru tl«'-jà devoir employer une femme pour magnétiser. »

Une très-longue et fort intéressante discussion a suivi celle lecture, et s’est terminée par un vole de remerciements donl la plus grande part revient au i)r Elliotson. Mgr. l’archevêque de Dublin et lord Stanhope ont été élus vice-préoidi nts du comité, en reconnaissance des dons qu’ils ont faits à l’institution. Dans la lettre d’envoi de sa souscription, le prélat émet le vœu que cette somme puisse servir à attacher des somnambules à l’hôpital afin de profier de leur lucidité toutes les fois que la puissance curative du magnétisme fera défaut.

La proposition d’admettre les dames dans le comité a été acceptée à l'unanimité.

Nous aurons incessamment des détails particuliers sur le régime intérieur de cet établissement, et la manière dont les opérations sont conduites.

Ce sera d’une utile considération, en attendant qu’un hôpital magnétique puisse être instilué ici.

Cu. F ABBE du LAGRANGE.

Société nuigDéifaguc «te 1st i uut eüc-OrléaB«.

FÉTE DE MESMER.

Celle solennité a eu lieu comme nous l’avons déjà annoncé. Notre correspondant nous écrit à ce propos : « ...... ¡Notre banquet du 9.5 mai a été plein d’entrain. Nous avons eu des tostes de rigueur et des lostes volontaires.

A LA MÉMOIRE DE MESMER, DELEUZE, PUYSÉGUR!

A LA SANTÉ DE M. DU l'OTET!

AU JURY MAGNÉTIQUE !

AU DOCTEUR ESDAII.E!

AU VÉNÉRABLE LAFORGUE !

A L’ABBÉ ALMIGNANA !

« Le secrétaire fut chargé de rédiger un compte-rendu de, la fête et de le publier dans les journaux; mais il ne put pas le faire en temps convenable.

journaux que je vous envoie; et cela, à notre insu, non officiel, mais correct. »

Aussi n’en a-l-il paru qu’un fragment dans un des

tionné :

BANyl ET DES MAGNÉTISEURS.

Chaque jour le magnétisme conquiert de non prosélytes, et son importance grandit à mesur

Voici celte, relation, extraite du journal sus-

les doutes se dissipent et que l’expérience en co les merveilleux résultats.

Il y a quelques jours, les adeptes du mesmérisme se trouvaient assemblés au lieu ordinaire de leurs réunions, passage de, la Bourse, pour célébrer en famille l’anniversaire de la naissance de l’illustre Mesmer. Un banquet somptueux était là, dressé en présence de messieurs les magnétiseurs, exerçant sur eux une puissance occulte, mais très-compréhensible. et ravivant leur foi el leur conviction sur la mystérieuse efficacité du magnétisme employé comme moyen curatif.

M. J. Barthet, président delà Société, a porté plusieurs lostes qui portaient un cachet exquis de bon sens et d a-propos; la parole a été ensuite accordée à M. Taxil, qui avait voulu participera cette fête pour protester, par le fait de sa présence, contre l’aveuglement ou la mauvaise foi de ses confrères qui repoussent l’emploi du magnétisme et le rejettent encore dans la sphère des aberrations de l’esprit humain. M. Taxil considère comme un événement glorieux, dans les annales médicales, l’apparition de

Mesmer. Après avoir prononcé un discours chaleureux, empreint d’une conviction profonde et qui a produit une vive impression . il a porté un losle à la mémoire de trois hommes qui, dans la sphère de la science, constituent une tri ni té glorieuse : llippo-crale, Mesmer et Hahnemann.

La parole est ensuite donnée à M. Thiennelte, qui a prononcé le discours suivant :

« Monsieur le président,

« Réunis aujourd'hui sous l’égide de Mesmer pour fêter le cent dix-septième anniversaire de la naissance de ce grand bienfaiteur de l’humanité, nous avons à nous retremper d’un nouveau courage pour la propagande de son immortelle doctrine. Soyons persévérants ! ayons l’amour de notre mission : amor omnia vincit! Souvenons-nous que le sort d’une grande vérité est d’être d’abord repoussée par tous, entièrement niée, jusqu’à ce qu’elle soit combattue par des esprits sérieux qui, au choc de la discussion, voient jaillir une étincelle de la lumière, et alors cette vérité se fait jour, et plus tard elle s’établit en souveraine, éternelle et immuable comme celui dont elle vient.

« C’est une noble lâche que la nôtre, c’est le christianisme appliqué a la thérapeutique, l’aumône de la santé faite par celui qui a à celui qui n’a pas. Déjà le magnétisme s’est glissé comme un rayon bienfaisant dans les familles où il était d’abord repoussé par celui-là même qui devrait en connaître les ressources médicamenteuses, —je veux dire par le médecin de la maison. Un jour, peut-être, universellement admis, il sera le salut de la soriété, s’il n’est pas l’avenir de la médecine; car ses bienfaits se répandent

de plus on plus, cl l’horizon restreint qu’il embrassait d’abord s’ouvre et s’étend à l’infini. Aujourd’hui le magnétisme n’est plus une doctrine, c’est une science, « et qui sort à peine de sa coque nécroman-« tique, » comme le dit le logicien Proudhon.

« Repoussées depuis plus d’un demi-siècle comme indignes d’examen, du sein des facultés médicales, quel contraste n’offrent cependant pas nos doctrines avec tous ces systèmes éphémères subitement préconisés avec engouemeut par nos persécuteurs? Combien d’échafaudages scientifiques ne se sont pas écroulés sous eux? De quelle utilité sont tous ces débris qui constituent leur science?Est-ce en marchant dans la même voie qu’on verra se compléter l’ceuvre restée imparfaite du père de la médecine ? Tous ces célèbres manipulateurs de systèmes tels que Gallien, Brown et Broussais, ne se sont-ils pas détrônés successivement? Et ce dernier même, avant que la mort ne lui fermât les yeux, n’a-t-il pas reconnu le néant de ses travaux qui avaient dangereusement bouleversé le monde médical? Le simple bon sens ne fait-il pas justice, dans la personne de leurs adeptes, de tout ce qu’il en reste encore ?

« Messieurs, il est évident que la médecine a toujours erré au hasard, et qu’elle reste encore égarée dans une fausse route où elle s’avance, encouragée par la confiance aveugle de ceux qui souffrent, et toujours poussée par notre peur insensée de la mort. Mais l’intelligence humaine est progressive, et l’insuffisance des moyens thérapeutiques vantés par Messieurs de la Faculté, donnant naissance à une foule de nouvelles méthodes, effectuera une réforme scientifique en faveur de notre cause : —jusque-là, soyons le réceptacle fidèle et sacré des attributions

curatives du magnétisme. A nous d’en propager l'enseignement dans les familles. Il y aurait crime do lèse-humanité à sc dire: Puisque nous ne sommes pas médecins, laissons à ces savants le soin de veiller à la santé publique; noire triomphe ne sera complot que lorsque l’enseignement de la médecine sera perfectionné au point que toutes les facultés médicales, rendant justice au génie de Mesmer, se feront les apôtres de scs doctrines, en constitueront une science obligatoire qu’il serait honteux à tout candidat d’ignorer; et ce jour arrivera , Messieurs , où le magnétisme, fatigué de heurter poliment à la porte des Académies, y fera son entrée de force comme l’invention de Robert Fulton. C’est déjà pour noua une bien douce satisfaction de nous voir puissamment appuyés de l'opinion de plusieurs praticiens distingués qui, studieux observateurs dos phénomènes inexplicables de la nature, se sont rangés comme nous autour de ces principes primordiaux qui font la base des théories de notre maître.

« Nul ne peut contester cette vérité physiologique, que les fluides sont le principe de l’existence humaine; que tous nos tissus, osseux, nerveux, musculaire, etc., sont subordonnés à ces fluides; or, si tout est fluide dans la vie, tout aussi doit être lluide dans les maladies, partant, toutes les fois que l’organisme se trouvera dans un état anormal, le magnétisme, cette quintessence vitale des fluides, devra en être un puissant modificateur, soit en chassant un principe morbide, soit en rétablissant l’équilibre des fluides; c’est cet équilibre que rétablit immanquablement la magnétisation directe dans tous les cas où la lancette perturbatrice du médecin amène quel-

quefois un soulagement trompeur: — si nonjuvui, lime ncc noceal.

« Puisque les travaux do Galvani et de Voila prouvent l’iiUervcnlioii des fluides impondérables dans la manifestation d'.rs phénomènes de l’organisme, le bon sens se refuse-t-il à admettre l’existence du magnétisme ? Ne peut- on pas se rendre compte, par l’observation, de l'influence bienfaitrice ou maligne des fluides, de leur action même à distance comme dans la fascination, comprendre enfin que la force vitale perçoit les impressions que la sensibilité nerveusejpré-seute partout?

« Mais il n’en est pas ainsi du somnambulisme; il faut avoir en soi-même la preuve évidente des phénomènes de la lucidité, pour admettre que, portés à un certain degré de tension, les fluides puissent transmettre à la sensibilité nerveuse la faculté de voir à distance. Une autre cause qui crée des préjugés contre l’admission delà clairvoyance, tout aussi puissante que le manque d’une solution claire de ses effets encore inexplicables, c’est l’impression fâcheuse laissée dans les esprits par la jonglerie des prétendus magnétiseurs, exploitant à l’aide du somnambulisme mal développé, la crédulité des personnes trop empressées à croire au merveilleux. Qu’on sache bien que nous n’avons rien de commun avec ce que font ces lucides. Bien que nous admettions que la lucidité chez quelques sujets convenablement dirigés, puisse rendre d’immenses services, nous ne croyons pas à leur infaillibilité, et nous ne saurions trop prévenir le public contre le charlatanisme de ces endor-meurs, qui ne connaissent du magnétisme que les passes toutes mécaniques employées souvent par les magnétiseurs.

« fcli! messieurs, qu'ont semé les théories mesmé rieuues dans la Louisiane, à un quart de la circonférence terrestre de leur berceau primitif? lin dépit de quelques médecins de celle ville, du prestige dont ils jouissent au lit du malade, de leur haut rang dans la société, le magnétisme n’en esl pas moins une réalité pour les hommes sérieux partout où les magnétiseurs ou amis du magnétisme ont pu combattre l'opposition haineuse cl systématique de ces savants adversaires aussi, le courage et la persévérance que chacun de nous a mis à défendre les principes immuables du magnétisme, appuyés par l’évidence de cures nombreuses obtenues par cet agent si puissant, onL-ils été moralement rémunérés? Grâce en soit particulièrement rendue à l’ardeur infatigable de notre honorable président, M. Barthel. Le jury magnétique de Paris lui a dignement décerné une médaille, nous, à notre tour, décernons-lui en une, qui, pour être moins brillante, moins flatteuse, sans doute, n’en ait pas moins son mérite de franche cordialité et de sincère spontanéité.

« Qu’il entende donc, ce puissant apôtre de cette cause que nous aimons tous à défendre, qu’il entende donc l’expression unanime de nos sentiments d’es-time et de reconnaissance. »

(Orléanais du ier juin).

« fcli! messieurs, qu'ont semé les théories mesmé rieuues dans la Louisiane, à un quart de la circonférence terrestre de leur berceau primitif? lin dépit de quelques médecins de celle ville, du prestige dont ils jouissent au lit du malade, de leur haut rang dans la société, le magnétisme n’en esl pas moins une réalité pour les hommes sérieux partout où les magnétiseurs ou amis du magnétisme ont pu combattre l'opposition haineuse cl systématique de ces savants adversaires aussi, le courage et la persévérance que chacun de nous a mis à défendre les principes immuables du magnétisme, appuyés par l’évidence de cures nombreuses obtenues par cet agent si puissant, onL-ils été moralement rémunérés? Grâce en soit particulièrement rendue à l’ardeur infatigable de notre honorable président, M. Barthel. Le jury magnétique de Paris lui a dignement décerné une médaille, nous, à notre tour, décernons-lui en une, qui, pour être moins brillante, moins flatteuse, sans doute, n’en ait pas moins son mérite de franche cordialité et de sincère spontanéité.

« Qu’il entende donc, ce puissant apôtre de cette cause que nous aimons tous à défendre, qu’il entende donc l’expression unanime de nos sentiments d’es-time et de reconnaissance. »

(Orléanais du ier juin).

Voici la suite de l’exposition des idées magnétiques faite par M. J. Barthet, dans l'Abeille de la Nouvelle-Orléaus des 7 el ï\ mai. Ces articles 11e sont pas les

derniers, niais ceux qui restent trouveront probablement tous place dans notre prochain numéro.

QUELQUES MOTS SUR LE MAGNÉTISME.

VII.

Jusqu’ici nous n’avons considéré le magnétisme que dans son effet le plus essentiel, la guérison des malades, et nous avons dit qu’il est utile dans tous les cas de maladie. Nous ajoutons qu’il faut surtout magnétiser les enfants, parce que leurs maladies sont obscures, cl que, par une heureuse compensation de la nature, ils sont généralement plus impressionnables que les grandes personnes, sans doute parce qu’ils n’opposent aucune volonté, et que l’organisme n’a pas encore souffert des abus d’un autre âge. On les guérira bien plus sûrement qu’avec des remèdes hasardés, dont l’influence nuisible se fait quelquefois sentir toute la vie. Leurs mères peuvent les magnétiser , les réchauffer de leur baleine et tenir leurs mains sur les parties malades, ou les traîner lentement depuis le sommet de la poitrine jusqu’au bas-ventre, ou jusqu’aux pieds. Dernièrement, un petit enfant élait en proie à de vives douleurs qui semblaient tenir de la dentition et de la coqueluche: notre main posée quelques moments sur son cou, et ensuite promenée, pendant dix minutes, delà poitrine à l’abdomen, fit cesser les cris du petit malade , qui s’endormit aussitôt. Cette opération si simple fut répétée la nuit el le-lendemain, par une parente, et quand le médecin revint il trouva une grande amélioration dont il demanda la can e 11

approuva , et dit qu’il avait été aussi inquiet qu’il était rassuré maintenant......

En voici un autre qu’on drogue, depuis dix jours sans pouvoir le faire dormir, et que peu de minutes de magnétisation ont plongé dans un sommeil réparateur de plusieurs heures..... 11 faut aussi magné.

tiser les jeunes personnes, quand elles ont de ces indispositions que la médecine cherche vainement à combattre par les émissions sanguines : le magnétisme est aussi salutaire que prompt dans ces cas, et les douleurs, les vomissements de sang, la toux, cessent comme par enchantement, en même temps que la nature prend son cours régulier. Que d’exemples nous pourrions citer !.... El ici encore le" mères peuvent magnétiser leurs filles : les mains quelque temps appliquées sur les aines, et ensuite des frictions lentes jusqu’aux genoux, etc. ; mais s’il est vrai que la santé et la bienveillance suffisent dans bien des cas pour faire du bien, nous devons dire aussi que pour produire de grands résultats il faut beaucoup d’étude et méditer sérieusement les faits déjà observés.

Le magnétisme provoque souvent le sommeil, de même qu’une série '’’autres effets, que notre cadre restreint ne nous permet pas d“ décrire, mais il ne faut pas croire qu’il soit indispensable de produire ce sommeil pour guérir ; cependant il esl très-avantageux quand il se manifeste; car, dans cet état de passivité absolue, l’équilibre vital se rétablit bien plus vite que dans l’état de veille, et c’est donc bien à tort que quelqm'j personnes redoutent ce sommeil el le combattent quand elles le sentent venir ; elles ne savent pas qu’en repoussant ainsi l’eflet elles repoussent aussi la cause, os quelles retardent follement leur guérison. La condition la plus favorable

pour le malade, c’est de ne pensera rien : avantage que possèdent les enfants.

Le sommeil magnétique présente bien des degrés; mais nous ne pouvons parler ici que de ce qu’on appelle somnambulisme lucide, ou clairvoyance, qui est moins un sommeil qu’une manière d'exister différente de notre état habituel. C’est un état supérieur de l'âme, qui était peut-être permanent au commencement du monde, et que le célèbre prédicateur Lacordaire appelle «l’état adamique»; mais, de nos jours, ¡1 se ressent des vices de l’état social; on fait trop souvent une spéculation mercantile de cette admirable faculté de lame humaine, et l’intérêt et l’amour-propre gâtent bientôt les plus heureuses dispositions. Lorsqu'on n’a pour but que la guérison, on peut ordinairement se fier au somnambulisme, si le malade est lui-même somnambule, ou bien un de ses parents ou amis ; mais les somnambules de profession ne méritent une égale confiance que dans certaines circonstances. Si un somnambule a été bon entre les mains d’un magnétiseur instruit, ce n’est pas une raison pour qu’il reste bon lorsqu’il vient à être exploité par quelqu’un d’étranger au magnétisme, et qui n’a souci que du produit des consultations : la direction, ou plutôt la surveillance des somnambules est ce qu’il y a de plus difficile dans notre pratique. Aussi doit-on se méfier de ces magnétisants dont les somnambules sont toujours clairvoyants; car ceux des véritables magnétiseurs ne sont pas exempts d'erreurs ; il faut se méfier des somnambules étiquetés, qui envoient leurs cartes à domicile , et qui se qualifient d’extra-lucides, de sibylles ou de pythonisses : le mérite réel n’a pas besoin d’enseigne; se méfier aussi de ceux qui pressent leurs somnam-

bules endormis , on leur disant, par exemple : « Allons donc, fais vite; il y a d’autres malades qui attendent.....» Ces gens-là font le plus grand tort au

magnétisme, qu’ils compromettent en croyant le servir. — Nous y reviendrons.

VIII.

La clairvoyance somnambulique est une faculté de lame humaine, comparable jusqu’à un certain point, mais bien supérieure , à Yinstinct des animaux. Si le propre de l’instinct est d’établir un rapport entre un besoin cl l’objet qui doit le satisfaire, et que les animaux se guérissent ainsi de leurs maladies, il ne serait pas raisonnable de penser que l’homme ait été privé d’une faculté analogue, et qu’il lui faille absolument tant de science pour continuer à vivre. Il la possède, en effet, celte faculté, comme on le voit dans le somnambulisme naturel, dans certaines maladies, à l’agonie, etc. ; mais nous ne la considérons ici que comme étant développée par la magnétisation , parce qu’on est toujours assuré de la reproduire à volonté quand on l’a déjà produite une fois, et que le malade, dans cet état, devient son plus sûr médecin : nous dirions même qu’il est infaillible si on était assez sage pour le laisser dire librement, au lieu de l'influencer, comme on le fait si souvent, par une foule de questions inopportunes. Cetie faculté de sc guérir soi-même existe probablement chez tout le monde, mais nous n’en savons pas encore assez pour la développer indistinctement chez tous les individus, et c’est peut-être par une compensation divine qu’on la trouve chez des personnes en bonne santé aussi bien que chez des malades, et

qu’elle s'étend jusqu’il soigner les maladies d’aulrui ; mais 011 remarque qii’ellc s’émousse bien vile dans ceux des somnambules publics que gâtent l’appât du gain, le désir d’une célébrité et l’ignorance ou la cupidité de leurs endormeurs.

Nous répétons donc ici ce que nous avons déjà posé comme une règle absolue : « 11 faut magnétiser directement le malade, d’abord parce que le magnétisme est déjà par lui-métnc un puissant remède, le plus précieux , le plus naturel, en même temps que le plus inoflensif de tous, et ensuite parce que le malade peut devenir somnambule lucide, et alors diriger son traitement avec bien plus de certitude qu’on n’en doit raisonnablement attendre de somnambules étrangers. Il y a quelque temps on nous consulta pour un homme de trente ans, malade depuis plusieurs années, et qui, comme la femme dont parle saint Luc, avait tout dépensé avec les médecins cl un peu aussi avec les somnambules, mais sans au-cun succès. Nous engageâmes sa sœur à le magnétiser, et nous lui enseignâmes comment elle devait s’y prendre. Dès le lendemain elle mit notre leçon en pratique, et le malade devint somnambule en dix minutes. Magnétisé journellement depuis lors, sa santé s’est déjà bien améliorée, et quoiqu’il n’y ait pas de lucidité véritable dans ce somnambulisme, nous croyons qu’on peut compter sur la guérison pourvu toutefois qu’on ait la persévérance nécessaire; car sans cela on ne ferait que pallier le mal : il faut aider la nature aussi longtemps qu’elle a besoin d’étre aidée, et ne pas s’arrêter à moitié chemin. Et si on obtient ce résultat après des années de souffrance, n’est-il pas probable qu’on l’eût obtenu bien plus promptement au début même de la maladie?...

Lorsque le malade ne d •vient pas somnambule, il n’en faut pas moins continuer à le magnétiser; mais 011 peut alors chercher le somnambulisme dans d'autres personnes, et de préférence sur les parents ou les amis du malade. Cela nous réussit presque toujours , et l’avis de ces somnambules est à peu près aussi certain que s’il s’agissait de leurs propres maux; les liens d’affection semblent y être pour quelque chose. Telle est donc la marche que nous recommandons, et clic est facile; car il y a des somnambules partout pour qui sait les trouver : il n’y a qu’à les chercher par la magnétisation. On en aura un jour dans toutes les familles, et on les consultera toutes les fois qu’on en aura besoin, sans aller porter son argent ailleurs, tandis qu’en recourant invariablement à des somnambules étrangers, comme 011 le fait encore, on n’est pas toujours sûr d’obtenir une consultation bonne ou mauvaise, même dans les cas les plus pressants. Il sera même facile de réunir plusieurs somnambules, et d’arriver ainsi à des résultats qu’on n’obtient pas toujours d’une réunion de médecins.

Les somnambules, d’ailleurs, enseigneront les procédés magnétiques les plus appropriés aux circonstances, car ils sont nos maîtres dans 1 art de passer les mains, et ils rendront bien d’autres services encore, puisque le magnétisme n’est pas seulement destiné à guérir les maladies du corps, mais qu’il tend aussi à redresser les défauts de l'âme : sa nature est de rendre le monde meilleur. Les somnambules lucides prévoient quelquefois les desseins des méchants, et en avertissent; ou bien, après la perpétration des crimes, ils désignent les coupables ou mettent sur leurs traces. Aujourd’hui les somnambules publics n’osent guère s’exposer aux dangers de

ces sortes tic recherches ; mais, 011 famille, 011 n’aura pas à craindre los indiscrétions, l'.t quant aux vols domestiques dont 011 entend parler si souvent, le. simple somnambulisme, sans lucidité, y mettrait fin; car, dans cet état, 011 a généralement plus de probité que dans l'état de veille, et un domestique ainsi magnétisé dévoilerait souvent sans scrupule les fautes de ses camarades, s’il les connaissait, parce que sa conscience, alors droite, l’y pousserait.

J. lî.

VARIÉTÉS.

Résurrection. — On trouve dans la Presse du 24 octobre , une observation des plus curieuses ; si le fait affirmé est vrai, il justifierait notre opinion émise depuis longtemps dans nos ouvrages : c’est que la vie se prolonge, communément, bien au-delà du refroidissement du cadavre; et nous avons dit que des gens que l’on croyait bien morts, entendaient pourtant tout ce qui se disait autour d’eux, et avaient le sentiment de leur position. D'ailleurs les faits avancés de somnambulisme présentaient quelquefois le spectacle de la mort apparente, et la prolongation de cet étal au-delà de quarante heures laisse apercevoir des signes évidents de décomposition. Cependant les êtres qui sont en cet état reviennent parfaitement à la vie, sans trouble aucun, et avec le souvenir parfait des pensées qu’ils eurent. Il n’est pas douteux pour nous que l'on enterre parfois des êtres pleins de vie,

et jusqu’à ce jour la science n’a rien enseigné pour distinguer les cas.

Nous sommes sur le chemin d’une découverte de plus, et nous avons eu raison de nous écrier : Pauvre science ! pauvres savants ! le magnétisme, qui révèle les lois de la vie, est destiné à vous couvrir de confusion.

Voici cetteohservation; elle est rapportée par M. Victor Meunier, homme sérieux et éclairé, qui rédige la partie scientifique de la feuille précitée.

« L’espace m’a manqué pour donner dans le précédent feuilleton le récit singulier auquel'j’ai fait allusion en racontant les expériences de M. Séguin. Ce qu’on va lire est emprunté à un ofïicicr anglais, M. Osborne, qui a publié sur la cour de Rundjet-Sing un livre des plus recoin inaudibles. Je dois ajouter que le général Ventura, qui figure parmi les témoins de ce fait extraordinaire, ayant été interrogé à ce sujet lors d’un voyage qu’il fil à Paris, en a certifié l’exactitude.

« Le 6 juin i838, la monotonie de noire vie de camp fut heureusement interrompue, dit M. Os-borne, par l’arrivée d’un individu célèbre dans le Pendjab. U jouit parmi les Sikes d’une grande vénération, à cause de la faculté qu’il a de rester enseveli sous terre aussi longtemps qu’il lui plaît. On rapportait dans le pays des fails si extraordinaires sur cet homme, et tant de personnes respectables en garantissaient l’authenticité, que nous étions extrêmement désireux de le voir. Il nous raconta lui même qu’il exerçait ce qu’il appelle son métier (celui de se faire enterrer) depuis plusieurs années; on l’a vu, en effet, répéter cette étrange expérience sur plusieurs points de l’Inde. Parmi les hommes graves et dignes de foi

qui en rendent témoignage, je dois citer le capitaine W'ade, agent politique à Lodhiana. Cet oiTicier m’a aiTirmé avoir assisté lui-mème à la résurrection de ce fakir, après son enterrement, qui avait eu lieu quelques mois auparavant, en présence du général Ventura, du maharadjah et des principaux chefs sikes. Voici les détails qu’on lui avait donnés sur cet enterrement, et ceux qu’il ajoutait d’après sa propre autorité, sur l’exhumation :

« A la suite de quelques préparatifs qui avaient duré quelques jours et qu’il répugnerait d’énumérer, le fakir déclara être prêt à subir l’épreuve. Le maharadjah , les chefs sikes et le général Ventura se réunirent près d’une tombe en maçonnerie construite exprès pour le recevoir. Sous leurs yeux le fakir ferma avec de la cire, à l’exception de sa bouche, toutes les ouvertures de son corps qui pouvaient donner entrée à l’air; puis il se dépouilla des vêtements qu’il portait : 011 l’enveloppa alors dans un sac de toile, et, suivant son désir, on lui retourna la langue en arrière, de manière à lui boucher l’entrée du gosier; aussitôt après cette opération, le fakir tomba dans une sorte de léthargie. Le sac qui le contenait fut fermé, et un cachet y fut apposé par le maharadjah. On plaça ensuite ce sac dans une caisse de bois cadenassée et scellée qui fut descendue dans la tombe;on jeta une grande quantité de terre, dessus, on foula longtemps cette terre , et on y sema de l’orge; enfin des sentinelles furent placées tout à l’entour, avec ordre de veiller jour et nuit.

« Malgré toutes ces précautions, le maharadjah conservait des doutes ; il vint deux fois dans 1 espace de dix mois, temps pendant lequel le fakir resta enterré, et il fit ouvrir devant lui la tombe; le fakir

était dans le sac, tel qu’on l’y avait mis, froid et inanimé. I.es dix mois expirés, on procéda à l'exhumation définitive.

« Le général Ventura el le capitaine Watle virent ouvrir les cadenas, briser les scellés el élever la caisse hors de la tombe. On relira le fakir : nulle pulsation, soit au cœur, soit au pouls, n’indiquait la présence de la vie. Comme première mesure destinée à le ranimer, une personne lui introduisit très-doucement le doigt dans la bouche, et replaça sa langue dans la position naturelle. Le sommet de la tête était seul demeuré le siège d’une chaleur sensible. En versant lentement de l’eau chaude sur le corps, on obtint peu à peu quelques signes de vie. Après deux heures de soins, le fakir se releva el se mit à marcher en souriant.

« Cet homme vraiment extraordinaire raconte que durant son ensevelissement, il a des rêves délicieux, mais que le moment du réveil lui est toujours très-pénible. Avant de revenir à la conscience de sa propre existence, il éprouve des vertiges.

« Il est âgé de trente ans; sa figure est désagréable et a une certaine expression de ruse. »

« On 'me dira : ajoutez-vous une foi entière à cet étrange récit? — Non; parce que le fait étant en opposition avec le cours ordinaire des choses, a besoin de témoignages plus imposants que ceux qui l’accompagnent. — Alors, vous le niez donc? — Pas davantage ; et pourquoi nierions-nous ? Parce qu’il ne s’accorde point avec ce que nous savons? La belle raison ! Connaissons-nous toutes les propriétés delà vie? La probabilité du contraire est si grande, qu’elle équivaut presque à une certitude. Si le récit précé-

dent n’est pas décisif, il ne renferme cependant rien qui nous autorise à le regarder comme mensonger.

« Qu’y a-t-il donc à faire? Ici, comme dans toutes les circonstances de la vie scientifique, nous devons nous garder également et de cette légèreté qui accueille sans examen tout fait étrange, par cela seul qu’il est étrange, et de celte étroitesse d’esprit qui repousse toute nouveauté dès qu’elle a le tort de s’écarter de cc que nous appelons pompeusement la règle. Enregistrer les faits et les tenir en quarantaine jusqu a ce qu’ils aient produit leurs preuves, telle est la conduite à tenir. »

Lucidité spontanée. — Non loin du village de Masseret, dans une petite commune, vit une pauvre famille de colons. Elle se compose du mari, de la femme et de quatre enfants. Une sorte de mystère entoure la vie de ces gens qui habitent la commune depuis quinze ans, mais ne sont pas originaires du pays. Quand ils s’y installèrent, ils venaient des Ar-dennes, ils avaient commencé par acheter un peu de bien, que l’homme cultivait de ses propres mains.

Seulement, les habitants du lieu remarquèrent que l’étranger travaillait de préférence la nuit, se montrait rarement le jour et évitait tous rapports avec ses voisins.

Une certaine mélancolie était répandue sur ses traits qui ne manquent ni de noblesse, ni de fierté. Soit ignorance de la culture, soit toute autre cause, le peu de bien qu’il avait acquis passa en quelques

années en d’autres mains. X.....dut se faire colon ;

mais jamais une plainte ne s’échappa de ses lèvres. Parmi ses compagnons, il garde toujours cette taci-turnité hautaine et froide qui éloigne les indiscrets.

La femme et les enfants gardent la même mystérieuse contenance. Ils sont parmi leurs semblables, mais non avec eux. L’aîné des enfants est une jeune fille de quinze ans. d’une merveilleuse beauté. Quoiqu'é-levée dans le pays, elle n’en sait pas le patois, son langage (quand il lui arrive de parler), est correct et choisi, son accent doux et pur. Si on lui demande comment elle a appris à s’exprimer avec celte distinction, elle répond laconiquement, sans doute pour le père : « C’est lui ! » Puis aussitôt détourne la conversation.

Mais ce n’esl pas la seule singularité qu’on ait observée dans cette famille, où tout est étrange. La jeune fille dont nous avons parlé serait, dit-on, douée de la myslérieuse faculté de voir à travers les corps les plus opaques; mais il faut pour cela que l’épreuve ait lieu à l’aube du jour ou au coucher du soleil. Dans tout aulre moment, elle n’aperçoit les objets que comme tout le monde. — Il y a quelques années, pareil phénomène s’est produit en Portugal.

Du reste, la personne en question se prête assez volontiers aux épreuves, pourvu qu’on l’y amène avec précaution el sans brusquerie. Dans ce cas, elle fixe attentivement l’objet que sa vue doit pénétrer, se recueille quelques minutes, puis décrit minutieusement ce qu’elle aperçoit. Ainsi, il y a trois mois, elle a fait l’inventaire du contenu d’un coffre en fer, qui renfermait un grand nombre d’objets divers variés, des papiers, des débris d’armes, des vêtements, etc.

Elle suit aussi, avec une admirable précision, les mouvements intérieurs du mécanisme humain ; mais une fois l’expérience faite, sa paupière s’affaisse, le

sommeil la saisit, et au réveil elle n’a gardé aucune souvenance de ce qu’elle a vu.

Des tentatives seront faites pour amener cette jeune fille à Tulle, mais on doute que le père y consente. Les gens n’osent en faire la proposition.

( Union corrèzieme.)

Pressentiment. — Nous publierons dorénavant ce qui se rattache à cette faculté de lame, tous les faits où la divination se montre et qui passent sous les yeux des lecteurs pou attentifs comme s’ils n’avaient nulle valeur. Nous espérons qu’un jour, groupés ensemble, ces faits aideront A trouver la loi divine qu’ils indiquent sûrement. Dans tous les cas, le somnambulisme lucide trouvera un appui dans ces révélations intuitives et naturelles ; qui sait même si un jour les faits d’intuition no seront point aussi fréquents qu’ils sont rares aujourd’hui?Nous sommes destinés à voir tant de prodiges !

— On lit dans VAvènement du 3o octobre, ce qui suit :

« Deux amis d’enfance, Paolo G..., peintre, et Antonio R..., sculpteur, furent pris à Rome, dans leur atelier, par la fièvre du généreux enthousiasme qui suivit la proclamation de la République dans la capitale du monde catholique. Mettant spontanément à la disposition du gouvernement nouveau la fortune qu’ils s’étaient acquise par leur talent, ils se rangèrent sous la bannière de Garibaldi et déployèrent tant d’intrépidité dans la campagne contre les Autrichiens, qu’ils ne tardèrent pas d’obtenir chacun un grade élevé.

« Les revers qu’éprouva bientôt l’armée républi-

cainc ne découragèrent pas les deux amis. Afin de n’être détourné en rien de son devoir militaire, Antonio, qui était marié, fil partir sa femme et son jeune enfant pour Paris. 1 n pressentiment de sa mort prochaine lui dicla celle mesure de précaution. A la veille d’une affaire décisive, cette même intuition, plus vive et plus claire, lui révéla que sa dernière heure était arrivée. II appela Paolo, et, dans un suprême adieu, il lui légua le soin des êtres qu’il chérissait.

« Frappé par un boulet en pleine poitrine, Antonio eut à peine le temps de serrer la main de son ami. Il expira en prononçant le nom de sa femme. »

Tribunaux. — Il y a environ trois cents somnambules qui, à Paris, donnent des consultations médicales. Tous se disent très-lucides, mais en réalité la plupart n’ont que des facultés rudimentaires ou même ne dorment pas du tout : le public n’en retire le plus souvent qu'erreur ou mensonge.

Quand, l’an dernier, on a voulu former une ligue pour la défense collective des personnes menacées par la justice, nous avons refusé d’y participer, disant que ce n’était pas la science qu’on poursuivait en elles. Ceux de nos amis qui, ne comprenant pas nos motifs d’abstention, ont blâmé notre altitude envers ce qu’on appelait pathétiquement les victimes, verront par les détails ci-après que nos raisons étaient bonnes et nos informations parfaitement exactes.

L’Événement du 11 août rapportait ce qui suit d’après les journaux judiciaires :

« L’un des commissaires de police, spécialement chargés des délégations judiciaires, M. Boudrot, pro-

cède en ce moment à um; enquête sur une a (Taire qui montre jusqu’à quel point peuvent encore être portées la crédulité et la duperie.

« Une femme S..., demeurant rue Rochechouart, élait connue dans son voisinage pour se livrer à l’exercice de la médecine et au magnétisme; mais ce n’étaient là que les plus avouables cl les moins lucratives de ses industries ; aux véritables adeptes, elle avouait qu’elle était en commerce régulier avec les esprits infernaux, qu’elle conjurait les maléfices, qu’elle faisait réussir ou échouer les entreprises, etc.

a lit que l’on ne croie pas que la clientèle de cette prétendue sorcière se composât de pauvres diables dénués d’intelligence comme de ressources; lout au contraire, elle complaît surtout parmi ses dupes des commerçants, des propriétaires, des femmes de condition assez élevée, la moindre de ses consultations coûtait cinq francs, plus cinq francs complémentaires pour prix d’une petite bouteille d’un spécifique merveilleux, qui, analysé plus tard, a été reconnu pour être tout simplement de l’eau de son.

« Une fois signalée à la justice et placée sous le

coup d’un mandat, la femme S..... fut arrêtée, et

M. Boudrot, après avoir saisi en sa possession, outre le fameux spécifique, une foule de livres cabalistiques, tels que les Secrets de la Magie blanche, le Grand el le Petit Albert, le Dragon rouge, Eteilla commenté par Cagliostro, la Cité des songes, etc., rechercha quel-ques-unes de ses dupes pour recevoir leurs déclarations.

« Nous ne citerons qu’une de ces déclarations, qui suffira à donner la mesure de toutes les autres. Un sieur D..., propriétaire à Rourg-la-Reine, auquel on avait parlé de la spécialité mystérieuse de la

femme S..., vinl la consulter pour fa belle-mire qui, lui dil-il, était en proie à îles visions surnaturelles. Le cas était grave; la femme S... consulta son esprit familier, mais celui-ci ne se trouvait pas assez puissant pour combattre le démon qui obsédait la belle-mère; il fallait recourir à une essence supérieure ; la seule difficulté était que cela coûterait plus cher. Le

sieur D..... déclarant que la question d’argent ne

l’arrêterait pas, rendez-vous fut pris pour le lendemain.

« Ce jour-lù, la femme S... lui présenta un personnage affublé d’un costume fantastique, et qu’elle lui dit être l’évéque de Constanlinople. Celui-ci consulta attentivement la cabale, fil des exorcismes et prescrivit différents remèdes; le tout pour la somme modique de 200 fr. Mais ce n'était là qu’un premier jalon posé ; les consultations et les exorcismes continuèrent, et en fin de compte, il en coûta 8,000 fr. à la belle-mère, qui resta malade, mais que le prétendu évêque déclara délivrée du malin esprit.

« Une telle jonglerie eût dû, ce me semble, ouvrir les yeux au sieur D.... : il n’en fut rien; et tout au contraire, désolé de voir qu’une très-belle maison qu’il possède ne se louait pas, il pria la femme S... de conjurer le mauvais sort qui semblait s’attacher à cette propriété. Celle-ci procéda avec beaucoup d’appareil à différents sortilèges, après quoi elle se fit remettre 2,000 fr., en assurant qu’à l’avenir la maison ne manquerait jamais do locataires. La prédiction 11e s’est pas justifiée, et néanmoins le magistrat a eu grande peine à faire raconter ces faits au sieur D..., qui ne semble pas encore bien convaincu d’avoir été pris pour dupe. »

Les détails de cette affaire sont longuement expo-

sés dans la Gazelle des Tribunaux du ) octobre, rendant compte de l’audience de la sixième chambre du tribunal correctionnel. On y voit que le nom de la prévenue est Saucerotte , el celui de son complice Martini. Elle s’endormait avec un sachet de poudres minérales el végétales, qu’elle prétendait avoir la vertu magnétique. T.e tribunal les a condamnés : elle, i°à i5 fr. d’amende pour exercice illégal de la médecine ; 2° à 100 fr. d’amende pour vente de remèdes secrets; 3° à 200 fr. d’amende et dix-huit mois de prison pour escroquerie; lui, à six mois de prison pour complicité.

— D’autre part, nous lisons dans la Gazelle des Tribunaux du 29 août :

«Le sieur D...., ancien étudiant en médecine, s’était mis à donner des consultations ; mais un beau jour, l’autorité intervint, et il fut poursuivi pour exercice illégal de la médecine. N’étant plus à l’aise à Paris, il se mit à parcourir la province, où il fit la rencontre d’une ancienne domestique à laquelle ses maîtres, partis pour l’étranger, venaient de faire don de quelques mille francs. D... mit cclte circonstance à profit, noua d’intimes relations avec la fille R...., et quelque temps après il arrivait à Paris avec l’ancienne domestique. Celle-ci, à l’instigation de D—, ne tardait pas à s’établir dans le quartier de la Chaus-sée-d’Antin, où elle occupa un appartement confortablement meublé. Sous le nom de M",e de II..., elle se fit annoncer par toutes les voies de la réclame comme une somnambule des plus lucides.

« Le magnétiseur n’était autre que l’ancien étudiant. D.... et la fille R.... réussissaient à rendre produc-

livc la coupable industrie qui vient de motiver leur arrestation.

« Mme de S...artiste peintre, demeurant aux Bati-gnolles, a une de ses parentes habitant la Suisse, et qui, il y a quelque temps, fut atteinte d’une maladie d’yeux contre laquelle furent impuissants tous les traitements ordonnés par les plus célèbres oculistes.

La malade écrivit à M'nc de S_____ et lui envoyant une.

mèche de ses cheveux, la pria d’aller consulter une somnambule. Malgré son incrédulité pour la science du magnétisme, l’artiste, pour satisfaire au vœu de sa parente, s’adressa à la fille R____ A la suite de plusieurs consultations pour lesquelles on lui avait demandé une rétribution de 5 francs par dix minutes, la somnambule, mise en contact avec la mèche de cheveux, déclara qu’elle venait de découvrir le remède. D...., intervenant, voulut exiger 200 francs pour la remise d’une ordonnance dont les prescriptions devaient être exécutées par un pharmacien d’une ville de l’Angleterre.

« Ces faits, joints à quelques autres circonstances, firent penser à M”" de S.... qu’elle était dupe, et elle alla tout raconter au commissaire de police. Ce magistrat, après avoir reçu sa déposition, sc transporta hier chez la somnambule, el le résultat de ses investigations fut l’arrestation du nommé D.... et de la fille R...., dite dame de II...., qui ont été mis à la disposition du procureur de la République , sous l’inculpation d’escroquerie et d’exercice illégal de la | médecine. »

Les abus journaliers qui se commettent à l’aide du somnambulisme sont aujourd’hui le plus grand obstacle à la propagation du magnétisme. Mesmer avait bien raison de craindre que la découverte de l'uysé-

gur devînt le linceul de la science. Si. en effet, un grand changement ne s’opère, on verra bientôt recommencer les poursuites, et les honnêtes gens auront encore à en souffrir.

IIÉRERT (de Camay.)

Légèretés. — Divination. — Dieu a dit : croissez, multipliez-vous ; les magnétiseurs ne désirent que l'accomplissement de celle loi.

Les somnambules devineresses, médicatrices, po-limorphes et omnibus, onl pris à la lettre le verset de la Genèse, elles se multiplient et numéro et opere : et en nombre et en procédés.

Comme beaucoup sont fort spirituelles, ces dames prétendent qu’Horace a fait pour leur servir de devise, ce vers du livre m, salire 5.

Quidquid dicam, aul erit, aut non ;

Tout ce que je dirai, ou sera, ou ne sera pas; sous-entendu , payez d’abord; si je dis vrai, revenez à l’escarcelle; si je dib faux, portez-vous bien, vous m’avez payé.

Beaucoup d’officines fonctionnent à tant l’heure ; à ce compte Apollon « surnommé Loxias oblique, ambigu), à cause de la brièveté de ses sentences valicinales, » serait mort de faim ! Peut-être non : « Il V a tant de nigauds, badauds , bayeurs de corneilles, gens à plumer, à frotter, à épingler, à faire contribuer, etc., etc., qui se pressent au temple de l’ignorance et de la sollise ! » Apollon ferait encore ses affaires par la quantité! Car 011 dit : courte sauce et bon poisson. Aussi je finis en livrant du Rabelais à la méditation de ceux qui s'occupent de divination.....plus ou moins lucide..... mais argentifère,

comme on dil en minéralogie, en parlant d’une bonne veine...

« Ainsi faut-il faire pour saige estre, je dy saige et presaige par aspiration divine et apte à recepvoir bénéfice de divination; sc oublier soy-mesme, issir hors de soy-mesme, vnider ses sens de toute terrienne affection, purger son esperit de toule humaine sollicitude, et mettre tout en non chaloir. » (hiv. m , chap. 56).

Je finissais, mais je réfléchis à ceci : certaines tètes susceptibles vont s’offusquer, je ne cite que du profane, odi profanum. Yoici du saint Justin. (Admonit. ad Grœcos.)

« Les sibylles disaient avec justesse et vérité beaucoup de grandes choses, el lorsque l'instinct qui les animait venait à s’éleindre, elles perdaient la mémoire de ce qu’elles avaient annoncé. »

Ce qui veut dire, au dix-neuvième siècle : « Toutes les sibylles modernes qui perdront la mémoire de ce qu’elles auront dil en consultation, et les mémoires de leur montant, seront proclamées lucides, extralucides, et, en raison de leurs services humanitaires, saint Justin inspirera les bonnes âmes pour leur conférer l’administration de l’assistance publique, et, de par llabelais, je leur promets le prix de saigesse.

V. E. LÉGER.

Chronique. — Un artiste distingué, M. A. Calmels, vient de faire un buste, très-ressemblant, de M. du Potet; les premiers exemplaires sont en vente. Nous reparlerons de cette œuvre dans notre prochain numéro

BIBLIOGRAPHIE.

LA MAGIE DÉVOILÉE. Ouvrage inédit, par M. du Potet.

Extrait. — (Suite.)

« Quand tu seras entré au pays que l'Étcrnel, ton a Dieu, te donne, tu n’apprendras point à faire soit Ion les abominations de ces nations-là ; il 110 se « trouvera personne au milieu de toi qui fasse pas-« ser par le feu son fils ou sa fille, ni de devin qui se « mêle de deviner, ni de pronostiqueur de temps, ni « aucun qui use d’augures, ni aucun sorcier, ni d’en-« chanteurs qui usent d’enchantements, ni d’homme « qui consulte l’esprit de Python, ni de diseur de « bonne aventure, ni aucun qui interroge les morts; « car quiconque fait ces choses est en abomination à « l’Éternel; et c’est à cause de ces abominations, que « l’Éternel, ton Dieu, chasse ces nations de devant « toi. Tu agiras en intégrité avec l’Éternel, ton Dieu, « car ces nations-là, dont tu vas posséder le pays, « écoutent les pronostiqueurs et les devins; mais « quant à toi, l’Eternel, ton Dieu, ne t'a point per-« mis d’en agir de la sorte. » (Deut., 18, v. g-14-)

Vous ne pouvez ouvrir un livre d’aucune religion sans trouver des lois contre les magiciens et les sorciers. Massacrer sans jugement un magicien ou un sorcier, n’était point un crime, bien au contraire, c’était œuvre de bon croyant, de bon chrétien , une chose licite, en un mot. Mais que préten-

dail-on punir? On vient r!e le voir plus haut; une faculté de l’âme, une propriété du corps humain se manifestant par des faits dépassant la raison du vulgaire, el regardée par les savants, c’est-à-dire par tous les prêtres de ce temps, comme venant du malin esprit.

Aujourd'hui même, si un rayon d’intelligence n’était point descendu d’en haut pour éclairer les peuples, les magnétiseurs seraient, à coup sûr, punis du dernier supplice; car ce que nous ont enseigné les Mesmer , les Puységur t. les Deleuze, est certainement, sous d’autres noms, cc que les Écritures condamnent, ce que les anciens prêtres de notre religion poursuivaient sans pitié et sans miséricorde.

Mais, comme en toute chose, si on punissait les petits, 011 respectait les grands; chez les uns c’était le démon qui donnait les facultés ou opérait les maléfices, chez les autres apparaissait l’esprit divin, les œuvres étaient miraculeuses; ici déifié, là pendu, selon que vous étiez puissant ou misérable. Jésus, lai-même fut accusé de magie, et ses miracles le perdirent.

11 changeait l’eau en vin, multipliait les pains, guérissait les paralytiques, sondait tous les cœurs, révé lait les pensées, prévoyait l’avenir. Toutes chose; surprenantes et bien au-dessus de la portée d’une raison commune. Et n’est-ce point encore aujourd’hui de même chez les savants officiels ? Est- cc qu’il; peuvent nous comprendre? Nous sommes à leur; yeux ce qu’ils sont aux nôtres, des imbéciles; mai; cependant la vérité est de notre côté, elle y est si bien que nous pouvons les couvrir tous de confusion parj des faits simples, et qui sont loin de sortir du cercle des phénomènes naturels; car ils ne comprendront!

point, ils seront muets comme ils le sonl encore devant la vie el devant la mort.

La science a fait du jour la nuit, cl de la nuit le jour; elle a changé l’ordre de la nature; aussi la science marche dans les ténèbres et entraîne les hommes à sa suite, elle voit tout sans lumière; donnez-lui un grain de blé, elle le décrira, le pèsera, l’analysera, en donnera la substance; mais si vous lui demandez de vous montrer la force génératrice et germinalrice qu’il contient, elle ne le pourra point : en toutes chos s de même. Toutes les forces vives lui sont inconnues, c’est-à-dire la moitié de ce qui existe eu ce monde; elle sait ce qui est mu, elle ignore ce qui meut, l’esprit de tous les corps. Là est notre magie, la vraie force, celle-là même dédaignée ou méconnue. Et lorsque le moment sera venu de dire ce que j’en sais, des voix s’élèveront pour m’accuser, et on dira de moi : « Oh ! le coquin, le scélérat, l'homme abominable! il enseigne les moyens de nuire, d’assouvir des passions coupables, de troubler les cires inolFensifs ! » On me citera comme un monstre de nature, comme bon à fusiller, expression familière à nos modernes.

Jusque-là, beaucoup riront de moi et de ma magie, parce que dans leur impuissance absolue de rien produire dans ce nouvel ordre de phénomènes, ils prendront leur impuissance même pour le terme de toute connaissance, el s’imagineront que je parle pour ne rien dire, el promets pour ne rien donner.

Entendez déjà ce magnétisle de bas aloi, plagiaire maladroit de Swedenborg , m’adresser ses invectives et me parler en prophète. « Il vit, di t-il ,j>armiles lombes, au milieu des décédés, »et de ce que ce bon apôtre n’a rien découvert dans des lieux si propices aux

vampires, il s’imagine que son opinion va faire règle et que chacun s'y arrêtera. La chose est amusante; elle rappelle la fable du renard et des raisins. Grand génie, attendez un peu, prenez patience; tout eu se taisant sur votre doctrine et en gardant son sérieux sur les stupides fables que vous ont inspirées vos lucides, on osera dire et faire des choses au-dessus de votre portée, sans vous demander aucun conseil et prendre vos avis.

Voici donc un ennemi déjà, je vais bientôt les compter par centaines. Mais les gens de cette trempe ne sont point rares; ils s’attachent d’abord à vous, ils vous flattent un instant, puis vous déchirent à belles dents, lorsque votre contact leur a donné quelque peu de force : ils paient ainsi la dette de reconnaissance.

Après les sots viendront les gens d’esprit. Et que pourront-ils contre la vérité, la vérité de la magie? Ce qu’ils ont pu contre le magnétisme découvert par Mesmer; il fait sa révolution en plein soleil, en dépit de tous les corps savants et de leurs satellites. Et voici pourquoi nous disons : Heureux ces temps de tolérance qui permettent aux hommes de dire leur pensée sans craindre les bûchers ou les cachots, car ce n’est qu’à la liberté que la vérité devra de s’établir sur la terre.

Science, science vraie, c’est toi qui fais l’homme ! car, sans toi, il n’est rien qu’une brute, obéissant à de mauvais instincts. Pourquoi faut-il qu’une lacune aussi grande existe entre l’antiquité et nous, pour tout ce qui se rattache à la science des mages, à cette haute philosophie qui donnait la connaissance des causes et par cela même élevait l'homme à la hauteur de la création? Nous l’avons dit, dans un zèle fana-

tique cl insensé, les représentants d’une religion nouvelle détruisirent de leurs mains tous les monuments, ainsi que les livres qui pouvaient nous transmettre la science antique. Jetons un voile sur les erreurs de nos pères, et tachons de renouer la chaîne des temps.

La science ancienne avait un but moral, elle n’était point purement industrielle comme celle d’aujourd’hui ; les arts n’en étaient que la partie la moins élevée : arriver à la connaissance des choses divines et naturelles était le but final. Rendre l’homme meilleur en éclairant son esprit, en développant les facultés de son âme, le rapprocher de Dieu, c’était là qu’aboutissaient tous les travaux des mages. Bien différents de nos savants actuels, on ne les voyait point dans des festins, à des tables de jeu, ils fuyaient tout ce qui amolit ou corrompt l’âme, et allèrent jusqu’à prendre des breuvages propres à anéanlir le germe des passions charnelles. Ils vivaient de peu, avaient soin de leur corps, qu’ils entretenaient dans un grand état de pureté. Ils savaient que le corps est comme une éponge, qu’il s’alimentait des plus fines vapeurs; la sobriété les conduisait à une sorte de sainteté, et dans cet état propre à recevoir les influences d’en haut, tout en eux avait quelque chose de si divin et de si parfait, qu’on ne pouvait les confondre avec la foule.

Voici une de leurs maximes :

« Vous aussi, si vous voulez voir clairement la vé-« rité et prendre le droit chemin chacun, fuyez les « plaisirs, la crainte, la douleur, l’espérance ; là où « règnen*. les passions, l’esprit demeure dans les té-« nèbres, retenu par les freins de ces passions. »

Ils étaient pleins de Dieu, ces savants d’un autre

âge, leur âme clait un temple toujours ouvert, où il n’entrait pourtant que ce qui était exempt de vices. Ils n’eussent point nié les miracles de Jésus el ne se fussent point moqué dosa divine morale.

Mais nos savants actuels sont déchus ! et quand on dira un jour que le magnétisme, ce produit de l’organisation humaine, et qui se traduit par des faits aussi brillants que la lumière, a été nié par eux pendant quatre vingls ans, on ne voudra croire l’histoire; et lorsque, forcé d’admettre cette énormité, on se souviendra de leurs noms, on les placera tous au rang inférieur de l’échelle du progrès humain.

Ce fut un temps bien malheureux que celui où la vérité dont nous poursuivons l’étude, tomba dans la masse ignorante; que de crimes, grand Dieu! que de troubles, que d’actions infâmes! ¡Mieux eût valu qu’elle restât enfouie sous les décombres destemples; il n’était plus temps de lancer l’anathème, trop de lumières s’étaient faites, et trop d’hommes avisés l’avaient aperçue. Est-il sage maintenant de réveiller l’esprit de Python, et dois-je m i même dire le lieu où il repose, afin que, plut, aventureux, un autre l.-;rme accomplisse cet acte à ses risques et périls? Nous envisagerons cotte question dans un numéro prochain.

DU POTET.

Le Gérant : HÉBERT (de Ga-nay).

Iœpr. de Poramerel et Morcan, qnai des Aagvia», 17.

THÉORIES.

PHIXiOSOFHIE MÉDICO-MAGNÉTIQUE.

CHAPITRE III.

DE LA MÉDECINE MAGNÉTIQUE. (Fis.)

De la magnétisation intermédiaire.

« L’action et la vertu du magnétisme animal, avance Mesmer (i), peuvent être communiquées â d’autres corps animés et inanimés. »

Nous désignerons ce mode d’action sous le nom de magnétisation intermédiaire; il résume pour nous les différents auxiliaires du magnétisme, et consiste à faire concourir au soulagement des malades des corps magnétisés, faisant l’office de conducteurs ou de véhicules de l’agent curatif. Ce procédé n’était pas étranger aux médecins hermétiques qui, comme le chevalier Digby et Santanelli (2), imprégnaient leurs magistères du fluide universel répandu dans la Nature. Maxwell affirme qu’il y a des corps susceptibles de conserver l’esprit vital qu’on y accumule : « Nam « sicut lapis ferro forlificatur et quodam modo ñutí tritur, ita sunt qui spiritum vitale m apprehensum

(1) Proposition II.

(2) Théâtre sympathique.

TOME X. —IVo 137. — DECEMBRE 1851. 12

« custodiunt, doncc alleri curam ipsius commil-« tant ( i )• »

L’cxpérieuce nous a démontré que los corps inanimés peuvent recevoir et propager l’influence magnétique, suivant leurs propriétés moléculaires. Quant aux animaux, nous savons qu’ils ressentent, ainsi que l’espèce humaine, l’impression du magnétisme , mais nous les croyons incapables de transmettre notre fluide tel que nous le leur avons communiqué; il devra nécessairement se modifier en s’assimilant au leur. Cetle opinion, du reste, est appuyée sur celle de Bruno (2), qui cherche à prouver que tout individu d’une espèce différente de l’homme « devra, par la communication de son mouvement, troubler plus ou moins le mouvement imprimé par le magnétiseur. » « Je me suis assuré, disait Mesmer, que quelques corps animaux ont une propriété tellement opposée à mon principe, queleur seule présence détruit tous les effets du magnétisme animal (3). » Bruno (4) et le Dr Despine (5) appuient cette allégation, en déclarant que le chai est, de tous les animaux, celui qui contrarie le plus l’action magnétique. Les chiens, surtout ceux à longs poils, sont d’un contact moins défavorable. Sans vouloir apprécier ici l’action du fluide des animaux sur l’homme, nous agirons avec une sage réserve en nous abstenant de leur usage comme corps intermédiaires entre le magnétiseur et ses malades.

(1) De Mcdic. magnet., cap. 13.

(2) Principes et procédés, t. £, p. 194.

(3) Observai, sur le Magnétisme, par d'Eslon, p. 15.

(4) Ouvrage cilé, 1.1, p. 191.

(5) Observ. de Méd. prat., p. 45, 57, 63.

i° Par les arhrcs.

La magnétisation par les végétaux ou phytomagné-tisalion, offre de grands avantages, si nous nous en rapportons à l’expérience des magnétiseurs qui ont eu recours à celte méthode. « Après l’homme et les animaux, dit Mesmer (i), ce sont les végétaux et surtout les arbres qui sont les plus susceptibles au magnétisme animal. » Deleuze (2) regarde ce procédé comme le plus puissant et le plus salutaire pour renforcer l’action du magnétisme. « Mon arbre, écrivait Puységur (3), est le meilleur baquet possible, il n’y a pas une feuille qui ne communique la santé. » Le Dr Roullier décrit (4) les effets salutaires que l’on retire de la magnétisation des végétaux dont la circulation vitale se trouve, suivant lui, renforcée par le magnétisme, et dont la végétation devient plus vigoureuse.

Le choix d’un végétal n’est pas indifférent, d’après le témoignage des praticiens ; ils donnent la préférence, parmi les arbres, à l’orme, au frêne, au tilleul et au chêne. « Le noyer, malgré un préjugé vulgaire, avance Roullier (5), n’a point été nuisible; mais il faut bien se garder de faire loucher à des malades le figuier , l’if, le laurier-rose, etc. » Parmi les arbustes utiles, on place au premier rang le myrte et l’oranger.

Les plantes n’étant généralement considérées que comme dépositaires du fluide vital, rentrent

(1) Aphorisme 504

(2) Hist. crit. du magnét., t. I, p. 122.

(3) Mémoires , p. 4G.

(4) Exposition physiologique, p. 57.

(5) Exposition physiologique, p. 69.

dans la classe des corps inanimés dont nous allons nous occuper. Si nous n’insistons pas davantage sur l’utilité de la phytomagnétisation, c’est que la direction de nos éludes ne nous a pas permis d’apprécier la valeur de ce procédé, qui ne doit, du reste, exercer d'influence que sur des somnambules ou des malades d’une grande sensibilité magnétique. L’examen approfondi des traitements du marquis dePuységur, à Buzancy, ne nous permet pas de rattacher uniquement à l’influence de son arbre magnétisé les nombreuses guérisons que l’on y a constatées ; il faudrait alors récuser l’cflicacité de la chaîne et de la magnétisation directe, dont on faisait usage pour la plupart des maladies (i). Nous accorderons aussi dans ces effets une juste part à la puissance de l’imagination, nécessairement très-excitable chez de pauvres infirmes dont la foi robuste envisageait cette médication nouvelle comme le terme de leurs souffrances. L’instinct d’imitation ne devait pas non plus être sans effet sur des personnes dont le nombre s’élevait quelquefois à plus de cent trente.

« Pour magnétiser un arbre, explique Deleuze(2), on commence par l’embrasser pendant quelques minutes; on s’éloigne ensuite et l’on dirige le fluide vers le sommet et du sommet vers le tronc, en suivant la direction des grosses branches. Quand on est arrivé à la réunion des branches, on descend jusqu’à la base du tronc, et l’on finit par magnétiser la terre à l’en-tour, pour répandre le fluide sur les racines. Quand on a fini d’un côté, on fait la même chose en se pla-

(1) Mesmer, Aplior. 304. — Delouzo, Instruct. prat., p. 81. — Puj--ségur, Mémoire, p. 47.

(2) Instruction prat., p. 80.

çant du côté opposé. Celle opération, qui est l’a (Ta ire d’une demi-heure, doit cire répétée quatre ou cinq jours de suite. On attache à l’arbre des cordes pour servir de conducteurs. »

Celte méthode était celle de Mesmer, qui, d’après sa Théorie des pôles, insiste seulement sur la position que doit observer le magnétiseur. Il se servait ordinairement d’une lige en fer ou d’une canne.

2° Par le baquet.

Baquet magnétique, d'après une estampe de 1784.

Dans les traitements magnétiques, on donnait le nom de baquel à une grande caisse en bois, d\ine forme arrondie, qui contenait des bouteilles remplies d’eau magnétisée, et disposées symétriquement sur une ou plusieurs rangées; les interstices étaient comblés par du verre pilé , de la limaille de fer, ou autres corps auxquels Mesmer attribuait certaines vertus*

suivant leur densité. On remplissait ensuite la cuve d’eau, à une hauteur suffisante pour couvrir les bouteilles (i). On faisait aussi des baquets sans eau, en remplissant l'intervalle des bouteilles avec du verre, de la limaille, du mâche-fer et du sable. Des conducteurs métallique.', adaptés à ces réservoirs, servaient à établir des courants, que l'on dirigeait ensuite sur les organes malades (?.).

Nous n’entrerons pas dans de plus grands détails sur ce moyen thérapeutique dont l’utilité ne nous est pas démontrée, devant les immenses ressources de la magnétisation directe cl les avantages de la chaîne magnétique.

3° Par la chaîne.

On appelle chaîne magnétique la réunion de plusieurs personnes se tenant mutuellement les mains et se touchant même par les pieds ou les genoux, sous la direction d’un magnétiseur (3). Quand la chaine se compose d’individus sains et bien portants, exerçant leur influence sur un ou plusieurs malades, elle porte le nom de chaîne communicative (4). On désigne sous le nom de chaîne active celle qui est formée de malades agissant respectivement les uns sur les autres. Ce dernier procédé, auquel Mesmer avait généralement recours, devait contribuer singulièrement au développement des crises, souvent contagieuses parmi les assistants. Nous condamnons ce genre de médication, persuadé que toute émanation

(1) Aphorismes 296 et 297.

(2) Delcuzc, Histoire critique, t. I, p. 121.

(3) Mesmer, Aphor. 298. — Delcuzc, Instr. prat., p. 89.

(4) A. Gauthier, Traité prat., p. 131.

morbide ne peut favoriser une guérison; et si par hasard elle a produit d’heureux résultats, nous devrions encore en rejeter l’emploi, d’après les dangers qu’elle présente.

La chaîne communicative deviendra, sans contredit, un précieux auxiliaire du magnétisme entre de3 mains prudentes et exercées. Malheureusement, il n’est pas toujours facile de rencontrer les conditions indispensables pour appliquer fructueusement cette méthode. Pour que la chaîne soit salutaire (1), il faut que ceux qui la composent soient constamment unis d’intention avec le chef qui la dirige; il faut, en outre, éviter d’y admettre des personnes malsaines, ou celles qui, par indolence ou curiosité, pourraient contrarier l'action du magnétiseur. Lorsque l’on parvient à rencontrer des individus dont le dévouement pour le malade n’est pas douteux, l’on peut compter sur un succès presque certain. Aussi ne comprenons-nous la supériorité de celte médication qu’au milieu des familles unies par les liens d’une sincère affection. « Il est difficile, surtout dans les villes, remarque Deleuze (2), de composer une chaîne de gens qui soient uniquement occupés de se guérir ou de guérir les autres ; et les incrédules, les personnes qui cherchent à critiquer, surtout les gens malintentionnés, en troublent les effets. » C’est indubitablement ce qui arrivera avec des mercenaires ou des personnes d’une foi chancelante.

Dans toute circonstance, d’ailleurs, où l’usage de la chaîne communicative paraît indispensable, nous lui préférerons la magnétisation directe de plusieurs in-

(1) Deleuzo, Instruct. prat., p. 90.

(2) Histoire critique, 1.1, page 121.

diviclus unis d’intention avec le magnétiseur. Ce genre de pratique nous a généralement réussi, surtout chez les malades dont l’organisation semblait réfraclaire à l’action d’un seul magnétiseur. Le merveilleux parti qu’en a tiré notre confrère Esdaile assure à ce procédé un emploi général.

4° Par diverses substances.

La plupart des corps inertes nous paraissent être d’excellents réservoirs magnétiques, mais nous devons choisir ceux qui sont susceptibles de la plus haute saturation de fluide. Si tous conservent l’influence du magnétisme, il convient cependant de rejeter ceux qui, par les propriétés qui leur sont inhérentes, pourraient porter préjudice à l’état du malade. II serait difficile d’en faire l’énuméralion, car tel objet dont le contact est désagréable pour un sujet, sera propice pour un autre. Ainsi le fer et le verre qui, selon Mesmer (1), produisaient les meilleurs effets, ont donné des résultats opposés entre les mains d’autres magnétiseurs (2). Une de nos malades nous a présenté un exemple bien frappant d'une vive répulsion pour le verre. Chaque fois qu’elle était obligée de porter un verre à sa bouche pendant son état de crise magnétique, elle ressentait un agacement qui se serait promptement traduit par des convulsions, si l’on n’avait eu le soin de l’cloigner rapidement : celte sensation devenait supportable, lorsque le verre était magnétisé. Le cuivre et les métaux d’alliage fatiguent souvent les malades d’une

(1) Aphorismes 240—292.

(2) Puységur, Mémoire, p. 414. — Despine, Observ. do Médecino pratiquo, p. -42 cl 153. — Dcleuzc, Ilist. crit., t. II, p. 140. — Dr Char-pignon. Physique du magnét., p. 307. — Annales du magnét., n° 33.

grande susceptibilité nerveuse (i). L’argent même leur a parfois causé de l'aversion (2).

« Après le verre, qui est le meilleur conducteur, avance Mesmer, on emploie le fer, l’acier, l’or, l’argent, etc., en préférant le corps le plus dense. » Nous constaterons que les métaux, outre leur grande perméabilité au magnétisme, provoquent des sensations très-variables, suivant l’irritabilité du système nerveux; cependant l’or et le platine semblent faire une exception : l’observation nous a toujours démontré que l’or produit, chez lopins grand nombre des malades impressionnables, une sensation fort agréable (5). Souvent il a suffi pour remédier à l’épuisement des forces. Mllc Estelle, somnambule du Dr Despine, éprouvait à peu près les mêmes effets du platine, cependant elle préférait uu objet en or, surtout lorsqu’il n’était pas ciselé (4). La plume, la soie, les fourrures, la résine, la paille, la cire d’Espagne ont le plus souvent déterminé une fâcheuse influence.

Parmi les étoffes, le fil et la laine sont les meilleurs condensateurs du fluide magnétique, et cette propriété n’offre aucun préjudice à leur conductibilité. Ces étoffes favorisent singulièrement la transmission du fluide. Le coton n’est pas non plus un mauvais

(1) Théorie du Somnambulisme, par Tardy de Montravel, p. 70.

(2) Despine, Observ. de Méd. prat., p. 41.

(3) Despine, ouvrage cité, p. 41, 42, 53, 67, 126, 253. —Essai sur la théorie du somnambulisme, par Tardy do Montravel, p. 70. — Exposé des cures, etc., par M. Miallo, 1.1, p. 22. — M. Charpignon, Physiologie du magnétisme, p. 14.

(4) Les Anciens connaissaient-ils cette propriété de l'or? Il est certain qtic les anneaux d'or jouissaient autrefois d'une grande râleur contre les charmes, les enchantements et les morsures des serpents. (Voyez Leloyer, Histoire des Spectres, p. 826).

conducleur, mais la soie présente des obstacles quelquefois invincibles, soit à cause de sa faible perméabilité, soit à cause des sensations nuisibles qu’elle engendre. Quant à l’action du (il et de la laine comme réservoir magnétique, nous avons toujours eu à nous louer des résultats que nous en avons obtenus.

La couleur des objets développe chez certains malades un saisissement désagréable; nous citerons surtout le noir, le rouge et le violet (i)', en faisant observer toutefois que ce phénomène est fort rare.

Nous passons rapidement sur les diverses propriétés des corps inertes, parce qu’elles échappent à l’analyse et qu’elles ne sont réellement perceptibles que pour le plus petit nombre des somnambules. Ces corps peuvent donc, dans la plupart des cas, servir de dépositaires et de conducteurs de l’agent magnétique ; ils calment les douleurs, entretiennent le sommeil ou le somnambulisme, et régularisent la circulation. On magnétise avec avantage un mouchoir, des bas,des vêtements, etc.; des aliments magnétisés sont digérés facilement ; mais, de tous les corps connus, l’eau est infailliblement le meilleur réservoir pour pour condenser et propager le fluide magnétique, c’est pourquoi nous allons lui consacrer un article particulier.

5° Par l’eau.

Dans tous les temps et chez tous les peuples, on a cru l’univers peuplé d’esprits, les uns bons, les autres mauvais, et l’on regardait les maladies dont la cause échappait aux investigations des hommes,

(1) Dr Despine, ouvrage cité, p. 61, 64, 69.

comme un effet de la colère des dieux ou des artifices du démon. Les premiers païens ayant une tendance à diviniser tous les corps nécessaires à la vie, l’eau fut un des premiers éléments auquel ils adressèrent leurs prières: Neptune fut pour eux le Dieu animé. Par la suite, les prêtres soumirent l’eau à une consécration particulière, sous Ie¿iom d’eau lustrale. Ou eu conservait à la porte des temples pour que chacun pût se purifier par un lavage, afin de se rendre les dieux favorables et d’échapper aux embûches des esprits nuisibles.

L’eau d'expiation des Hébreux, que l’on appelait encore eau de séparation (i), se préparait avec de la cendre d’une jeune vache rousse, que l’on sacrifiait avec une grande pompe religieuse. Celte eau servait de purification pour les souillures du corps et de l’esprit. De là, sans doute, l’origine de l’eau bénite de l’Église romaine, que l’on apprêtait avec du sel et le concours des prières et des exorcismes. Sur la fin du quatrième siècle, l’eau bénite élait considérée comme un excellent moyen de mettre en fuite le malin esprit. Cet acte pieux était accompagné d’une formule de prières qui variait d’après la nature de l’objet que l’on se proposait (2). Si l’on en croit saint Thomas d’Aquin (5), l’eau bénite avait le privilège de guérir les maladies que l’on attribuait alors aux obsessions du démon, telles que les hallucinatious, l’hystérie, la catalepsie, etc., sur lesquelles notre eau magnétique produit certainement des effets avantageux. Alexandre Ier, sous le pontificat duquel paraît re-

(1) Nombres, chap. 19.

(i) Antiquités romaines, par Al. Aitan, 1.1, p. 71.

(3) Sent. Disling. G.

monter la découvert» de celle pratique, recommandait au clergé de bénir l’eau salée, avec l’intention de détourner des chrétiens les phantomes cl les illusions de Satan (i). Paladins, évêque de Cappadocc, écrit dans la Vie de saint Macaire, qu’on amena à ce pieux solitaire une jeune femme qui se croyait changée en jument. Saint Macaire la fil plonger dans de l’eau bénite, el celte hallucination se dissipa. Théodoret (2) rapporte plusieurs exemples de guérisons obtenues par l’eau bénite. « L’evesque Malachie, assure Le-loyer (3), guérit une femme phrénétique liée de de. cordes, commandant qu’on la plongeas! en l’eau qu’il avait bénisle. Odillon , abbé de Cluny, remit certain chevalier en son bon sens, en l’aspergeant d’eau bénite. »

Faut-il s’étonner qu’en des temps où de nombreuses épidémies se présentaient aux yeux du vulgaire sous la forme de véritables obsessions, le monopole de la médecine, uniquement concentré entre les mains des prêtres, se soit ressenti des préjugés et des convictions de l’époque? Non ; et, sans porter atteinte aux intentions de la Providence, nous croyons pouvoir affirmer qu’une eau consacrée avec la volonté formelle de rendre la santé à de pauvres hallucinés a dû, dans bien des cas, agir à la manière de notre eau magnétisée, abstraction faite des influences de la médecine d'imagination.

Le mystère dont les anciens ont constamment toutes leurs découvertes, laissera probablement toujours planer un doute sur l’origine de la médecine

(1) Lcloyer, Hist. des Spectres, p. 022.

(2) Histoire ecclésiast., liv. v.

(3) Ouvrage cité, p. 925.

magnétique, mais les progrès do la science nous permettent de nous affranchir aujourd’hui des témoignages de l’antiquité. Il n’y a personne, dans la pratique médicale du magnétisme, qui n’ait eu à se louer de l’efficacité de l’eau magnétique(i). Mesmeren faisait un fréquent usage (2), il s’en servait même avec avantage sous forme de bains locaux. « L’eau, dit le Dr D’Eslon, est le corps qui se charge le plus de fluide, il doit être très-propre à porter et propager le magnétisme (3). » C’est aussi l’opinion de De-leuze (4), qui soutient qu’il est toujours utile de faire boire de l’eau magnétisée aux malades. « L’eau magnétisée, ajoute-t-il, a cet avantage, qu’elle ne peut faire de mal, qu’elle passe facilement, et que les malades la boivent avec plaisir... J’ai vu cette eau produire des effets si merveilleux, que je craignais de me faire illusion , et je n’ai pu y croire qu’après des milliers d’expériences. » Le marquis de Puysé-gur (5) accordait une grande confiance à l’eau magnétisée, et ses somnambules lucides étaient d’accord pour la conseiller dans l’hydropisie, de préférence à la magnétisation directe. Le D' Roullier (6) considérait l’eau magnétique comme le meilleur accessoire du magnétisme; il déclare l’avoir toujours employée avec succès. L’auteur de la Théorie du somnambulisme (7) constate que cette boisson a souvent suffi pour rappeler la santé. Enfin, tous les magnétiseurs

(1) Les magnétiseurs spiritualités récusent l’existence du fluide magnétique; nous indiquerons par la suite les motifs de cette exclusion.

(2) Aphorisme 520.

(3) Aphorisme 21.

(i) Histoire critique, t. I, p. 124.

(5) Mémoires, etc., p. 107.

(6) Ouvrage cité, p. 53-34.

(7) Page 13 de l'avant-propos.

fluidistes dont on peut invoquer l'autorité, Mialle, du Potet, Charpignon, etc., sont du même avis sur les effets salutaires de l’eau magnétisée. Pour notre part, nous sommes heureux d'avoir trouvé l’occasion , dès le début de notre carrière magnétique , d’en pouvoir apprécier l’importance, car nous avons rarement négligé son emploi, el notre confiance dans ses vertus curatives est inébranlable aujourd’hui (i).

Le procédé le plus simple pour magnétiser l’eau, consiste à tenir le vase qui la contient entre les deux mains et à diriger sur le liquide !e longues insullla-tions. Cette méthode est plus prompte et plus active que les passes ou les courants; cependant il faut, dans quelques circonstances, s’en rapporter aux prescriptions des somnambules lucides, qui pourront apprécier, beaucoup mieux que le magnétiseur, l’opportunité des passes, des courants, ou de l’insulfla-tion. Il y a en outre souvent des questions de convenance qui obligent de recourir aux passes.

Suivant Deleuze (2), on magnétisera une carafe d’eau en deux ou trois minutes et un verre d’eau en une minute. Nous pensons que le temps nécessaire pour ce genre de magnétisation doit être subordonné aux effets qu’on veut réaliser, à l’idiosyncrasie du sujet ou aux forces du magnétiseur.

C’est particulièrement dans les affections internes que l’eau magnétisée sera pour le malade une puissante ressource, et surtout dans les lésions, malheureusement si fréquentes, où le diagnostic du médecin est presque toujours problématique. L’influence de cette médication se dirigera naturellement sur les

(1) Voyez le t. IXde ce Journal, p. 1, 29 et 57, pour la démonstration de l’existence du fluide.

(2) Instruction pratique, p. 73.

organes altérés et n’agira que comme un simple adjuvant des forces éliminatrices de la nature. Son action sera plus douce et plus uniforme que la magnétisation directe; elle suppléera aux soins du magnétiseur; 011 pourra même l’utiliser à l’insu de quelques malades, prévenus défavorablement contre le magnétisme.

6° Par la salive.

I.a salive de l’homme a joui pendant longtemps d’une grande réputation dans le traitement des maladies. Aristote (1) regardait la salive comme le meilleur préservatif contre la morsure des reptiles venimeux. Lucrèce (2) lui attribuait la propriété de faire périr ces animaux. Pline assure (3) que l’homme porte le contre-poison des serpents, qui redoutent l’effet de notre salive comme celui de l’eau bouillante. Il ajoute (4) que cette sécrétion est un remède favorable contre les dartres, l’inflammation des yeux, les chancres, etc.

D’après l’expérience de quelques médecins modernes, on aurait retiré d’excellents résultats de l’emploi de la salive dans la préparation des médicaments. Ce genre de trituration est connu sous le nom de médecine iatraleplique. Nous sommes éloignés certainement de partager la crédulité des Anciens sur les effets de la salive; mais nous ne pouvons raisonnablement rejeter son influence curative dans le traitement des plaies (5), soit qu’on en cherche l’explica-

(1) Ilist. animnl, lib. 8, c. 29.

(2) De Naturâ rerum, lib. îv, p. 35.

(3) Hist. nat., lib. vu.

(4) lbid, lib. 28.

(5) Or. sait que dans plusieurs pays, on tire un parti avantageux de la salive de jeuues chiens que l’on habitue à lécher les plaies des malades.

lion dans la nature de ses propriétés médicamenteuses, soit qu’on la rat lâche aux émanations du fluide vital qu’elle contient. De nouvelles expériences résoudront sans doute celle question.

70 Par la musique.

Si nous faisons entrer la musique au nombre des accessoires du magnétisme, c’est qu’elle nous paraît exercer de puissantes déterminations sur la cure des maladies. Les anciens, qui en ont toujours signalé les bienfaits, ne la considéraient pas seulement comme un simple délassement de l’esprit, ils lui assignaient encore de hautes qualités médicalrices. Les pythagoriciens (1) avaient l’habitude, après leurs travaux, de s’endormir au bruit des symphonies ; la musique soutenait le courage des guerriers. C’est à Pythagore, si l’on en croit Jamblique (2), que nous sommes redevables de l’introduction de la musique dans la thérapeutique. Le philosophe grec reconnaissait plusieurs genres d’harmonie, les uns pour calmer les perturbations du corps, les autres pour apaiser les désordres de l’esprit. Homère (3) écrit que les Grecs ont tiré un grand parli de la musique dans le traitement des affections pestilentielles. Les Lacédémo-niens, au rapport de Plutarque (4), se préservèrent des ravages de ces affreuses maladies par le même moyen. « Chez les Grecs, Timothée, l’inventeur du genre chromatique ou passionné, calma les fureurs d’Alexandre; le Thébain Isménias guérit des gouttes

(2) Histoire critique de la Philosophie, 1.1, p. 67.

(2) Vila Pythagor., c. 25.

(3) Iliade, liv. I.

(4) Œuvres mêlées, 974. '

sciatiques, en s’accompagnant de la cithare ; Talcs de Crète, avec les sons touchants de sa flûte, délivra Lacédémone d’une épidémie qui commençait à y répandre la mort et le deuil (1). Aulu-Gcllc (2) parle de l’influence de la musique comme d’un traitement fort usité de son temps contre la sciatique. »

Démocrite, dans son Traité de la Peste, affirme qu’il y a plusieurs maladies qui ne résistent pas aux effets de la symphonie. Apollonius de Tyanes (3) rapporte la guérison de la folie, de l’épilepsie et d’autres affections, par le secours de celte méthode. On n’a jamais révoqué en doute les bienfaits de lharmonie sur les hallucinations du roi Saiil (4). L’historien Jo-sèphe (5) prétend que Dieu découvrit à Salomon plusieurs sortes de mélodies, suivant la nature du mal que l’on voulait dissiper. Elien (6) nous apprend qu’Esculape avait le don de guérir par les chants. Théophraste, Cœlius Aurélien (7) et beaucoup d’autres observateurs de l’antiquité, partageaient cette opinion sur l’efficacité de la musique.

Dans l’histoire du moyen âge, il n’existe que des vestiges bien incertains de l’influence de la musique sur le traitement des maladies, ce n’est guère qu’au milieu du seizième siècle que celte méthode curative a trouvé des promoteurs. Cardan (8) fait ressortir l’action des différents accords sur le système nerveux de l’homme. Bodin (9) rapporte que la musique

(1) Philosoph. corpusculaire, p. 144.

(2) Nuits attiques, liv. IV, ch. 13.

(5) llist. adinir.

(4) Samuel, liv. I, c. 16, vers. 23.

(5) Antiquités judaïques , liv. VIII, ch. 2.

(6) De Valetudinc tuendû, lib. I, c. 8.

(7) Des Maladies chroniques, liv. V, c. 1.

(8) De la Subtilité, liv. XIII, p. 276.

(9) Démonomanic, liv. III, p. 502.

suffît pour nous délivrer des obsessions du démon. Delancre (1) cile des observations à l’appui de ces croyances. Pierre Leloyer (2) consacre un chapitre à la démonstration deces faits. « La musique, avance cet historien, excite et réveille l’âme, délecte les sens et leurs organes, hausse les esprits mélancholiques et déprimez contre terre, assoupit el endort les passions et perturbations, guérit ou du moins charme de scs sons ce que la râtelle accumule en elle de noires et bilieuses humeurs, et puis à la longue les dilate et les divertis! et allège les maladies. »

Ce 11e fut que vers la fin du dix-septième siècle que l’harmonie devint un accessoire de la médecine magnétique. Le Père Kircher (5) s’attacha à démontrer que la musique agit sur l’âme et les organes à l’aide d’un fluide vital. Les tons devaient varier suivant les effets que l’on recherchait. Le célèbre jésuite allemand entre dans de longues considérations sur le traitement de la maladie causée par la piqûre de la tarentule , et cite de nombreuses guérisons. Au livre 18e du même ouvrage, il prétend que les douleurs de la goutte sciatique se dissipent rapidement sous l’empire de l’harmonie. On lit dans les Mémoires de VAcadémie des sciences, 1707-1708, plusieurs observations tendant à prouver l’avantage de la musique dans l’art de guérir. La Gazette de santé du 18 janvier 1776 enregistre une cure de catalepsie obtenue au son de la flûte. Pendant une épidémie de danse de saint Guy, on ne parvint â arrêter ses progrès qu’au son des instruments (4). Les malades dansaient

(1) Do l’incrédulité, p. 27.

(2) Histoire des Spectres, p. 838.

(3) Mundi magnetic., p. 575.

(4) Strausi, Epist. ad Digb.

alors avec fureur, et parvenaient à une transpiration abondante qui leur rendait la santé.

Probablement nous découvrirons un jour de. quelle manière l’harmonie des sons influe si favorablement sur la circulation des fluides. Ses bienfaits sur le système de l’innervation ne sont pas douteux pour nous; elle paraît produire sur nos organes un ébranlement qui favorise l’action du magnétisme ou dispose l'âme à d’utiles réactions. Mesmer faisait usage de la musique dans ses traitements; il prétendait communiquer, propager et augmenter son principe magnétique par le son (1). Le D' allemand touchait fort agréablement de l’harmenica (2). Il donna par la suite la préférence aux instruments à venl, et la plupart des airs s’exécutaient en ré mineur; chaque période était mesurée par des poses régulières. Il repoussait l’usage des instruments à cordes , comme contraires aux efTets sympathiques, les passions douces s’exprimant par des sons clairs et harmonieux. Dans les traitements de d’Eslon on touchait du piano avec accompagnement de voix mélodieuses. Cependant le son d’un instrument à vent a quelquefois produit de fâcheuses impressions sur les malades; Mesmer lui-même (3) remarque que les sons du cor ont provoqué de violentes crises chez une personne atteinte d'une affection nerveuse. Ce phénomène ne peut nous surprendre; ne savons-nous pas qu’autrefois les prophètes faisaient leurs prédictions au bruit d’instruments qui paraissaient les plonger dans les transports d’une sainte fureur ? Certains airs guer-

(1) Mesmer, Proposition 16.—Obsciv. sur le magnét., par d’Eslon, p. 15-

(2) Longtemps avant Mesmer, le Père Kirclier avait utilisé cet instrument, dont il donne la description. (Regnum naturæ magncticum).

(3) Aphorisme 280.

riors ne suffisent-ils pas aussi pour soutenir et animer l’ardeur des combattants?

« Un jour, rapporte le médecin anglais Richard Mead (i), un joueur d’instruments s’était aperçu qu’un chien, qui assistait souvent à sa musique, était tellement affecté d’un certain ton, qu’il aboyait et éprouvait des anxiétés considérables. Un jour, voulant éprouver jusqu’où cela irait, le musicien insista si longtemps sur ce ton , que l’animal trop sensible périt au milieu des convulsions. » Qui n’a souvent été frappé de la pénible angoisse que ressentent la plupart des chiens aux sons du cor de chasse et de divers instruments?

Nous n’insisterons pas davantage sur les dangers de la musique, que l’on évitera facilement, suivant les mauvaises impressions qu’elle éveillera. Qu’il nous suffise d’en indiquer les bienfaits, dont la médecine a profité dans ces derniers temps :

« La musique, ditleD' Ed. Aubert (2), après avoir signalé son influence sur le moral, étend aussi son empire sur le physique, sur les solides et même sur les humeurs; elle produit de salutaires ébranlements; elle change l’ordre vicieux du mouvement; elle imprime aux fluides une circulation plus égale et parvient de cette manière, c’est-à-dire en provoquant une expansion bienfaisante, à débarrasser l’économie des produits dangereux dont les opérations de la vie la surchargent quelquefois. De plus, la musique ralentit ou précipite, ou règle la circulation nerveuse. Toute la difficulté consiste à savoir l’employer à propos et à saisir habilement l’indication et l’opportu-

(1) Recueil des Œuvres médic., 1.1, p. 148.

(2) Hygiène des Femmes nerveuses, p. 270.

nilé, car elle peut aussi produire des effets fâcheux. » Ou a fait, dans ces dernières années, de nombreuses expériences sur des idiots; leur intelligence a paru se développer sous le pouvoir de cot agent. Comment nos savants se sont-ils résignés à reconnaître la possibilité d’une pareille médication, lorsque leur esprit se révolte devant les témoignages de nos succès magnétiques? Suivant un célèbre praticien (1) : « Il en est de la musique pour les aliénés, comme il en est de tout remède pharmaceutique, dans le traitement des maladies ordinaires; demander si elle est utile aux individus privés de raison, c’est comme si on posait la question de savoir si lel remède évacuant ou tonique est utile aux malades. La folie n’est pas une, elle offre un grand nombre de variétés ; il est des aliénés à 1 état desquels la musique convient, il ne faut pas croire que toute sorte de musique puisse également réussir. A chaque forme de folie ses symptômes, à chaque symptôme scs remèdes. »

M. le professeur Esquirol ne fut pas aussi heureux dans les essais qu’il fit à la Salpétrière; il déclare cependant (2) « que si la musique ne guérit pas, elle distrait et par conséquent elle soulage; qu’elle apporte quelque allégement à la douleur physique et morale; qu’elle est évidemment utile aux convalescents, et qu’il ne faut pas en repousser l’usage. »

Si la musique a compté des succès dans le traitement des affections mentales, faut-il s’étonner qu’elle ait triomphé de tant d’affections d’un caractère moins opiniâtre, surtout lorsqu’elle se trouvait associée à

1 emploi du magnétisme? Jussieu (3) considérait

(1) Traitement moral de la Folie, par F. Lcurct, p. 298.

(2) Traité des Maladies mentales, t. II, p. 580.

(S) Rapport au roi.

un instrument de musique comme un excellent conducteur de la puissance magnétique (i).

Puységur, üelenze, KorefF, Despine, envisagent la magnétisation acoustique comme une ressource très-importante dans la cure des maladies. Cette influence offre vraisemblablement beaucoup d’identité avec le magnétisme ; mais nous nous abstiendrons de la qualifier, dans l’impossibilité où nous sommes de rendre compte fie ses causes et de ses effets. Nous pouvons seulement affirmer que l’harmonie musicale dispose avantageusement le magnétisé aux émanations fluidiques, et qu’elle développe et entretient les forces du magnétiseur. Ne devrions-nous rapporter celle influence qu’au pouvoir de l’imaginalion, que nous l’estimerions encore comme un précieux auxiliaire du magnétisme.

Quelques magnélistes, au nombre desquels nous citerons M. A. Gauthier (2), ont avancé « que les sons qui parlent d’un instrument magnétisé font plus d’effet sur un malade que ceux d'un instrument qui ne l’est pas. »

Nous avons fait quelques expériences de cette nature sur des somnambules, qui ont indiqué une différence assez sensible entre les sons des instruments magnétisés et ceux «les instruments qui ne l’étaient pas. Le faible intérêt qu’offrait pour nous cetle question nous éloigna d’en poursuivre plus longtemps la solution. De nouveaux essais seraient indispensables pour appuyer noire jugement.

Dr Alfred PERRIER.

(Incessamment la Médecine somnambulique.)

(1) Do l'Élcctricit«? animale, par le Dr Petelin, p. 351.

(2) Traité pratique, p. 190.

CLINIQUE.

A Monsieur du Polet.

Votre satisfaction, mon cher maître, égalera la nôtre, quand vous apprendrez de quels succès sont couronnés mes soins et mes efforts pour la guérison de cette pauvre malade de Grainville-Ymauville , que nous visitâmes ensemble pendant les courts instants que vous passâtes chez nous l’été dernier. Cette cure, commencée dans un de ces élans de charité qui nous sont inspirés par le ciel, semblait une entreprise bien téméraire à tout le monde, même à ceux qui avaient le plus de confiance dans la puissance magnétique. Je ne saurais dire où j’avais puisé tant d’assurance, et cet espoir de réussir qui se changea pour moi en certitude quand je vous vis le partager. Quel bonheur ressentit toute celte famille, épuisée de veilles et de sacrifices pécuniaires, quand elle entendit ces paroles sorties de votre bouche, cette prédiction échappée de votre âme et que chaque jour écoulé depuis lors concourt à réaliser : « Prenez courage, Eugénie, vous touchez au terme de vos souffrances, la vie va rentrer dans vos membres paralysés ; mettez votre confiance en Dieu, et dans les efforts énergiques de l’homme qui se dévoue pour vous sauver! »

Depuis six ans, vous le savez, cette pauvre fille, paralysée des bras, des cuisses, des jambes et de la

vessie, n’avail pas quitté son lit; la mort semblait lui remonter d’en bas vers le tronc, en même temps qu’elle assiégeait le cerveau par trente-cinq ou quarante crises journalières d’épilepsie , accompagnées de salivations spumeuses, de convulsions dans la tête et le col où se concentraient les restes de la faculté de mouvement, et suivies d’évanouissements semblables à une entière cessation de la vie. Et, pour compléter le tableau , privation totale de sommeil, impossibilité d’avaler et de prendre la plus légère nourriture durant des mois entiers; torpeur morale, interrompue quelquefois par des larmes, de sombres pensées ou un désespoir profond. Telle était, depuis six années, la série des désordres et des souffrances qu’endurait ce pauvre corps, malgré tous les efforts de la médecine. Les médecins ne s’étonnaient que d’une chose, c’était de voir persister cette triste existence à laquelle, selon eux, chaque crise aurait dù mettre fin.

Eh bien ! mon cher maître, après deux magnétisations, la malade dormait des nuits entières d’un sommeil naturel et paisible; en moins de quatre mois, les attaques d’épilepsie avaient disparu, la vessie faisait ses fonctions. Le cinquième mois, la sensibilité et le mouvement étaient revenus dans le côté droit et s’annonçaient comme très-prochains dans le côté gauche. L’affaissement moral avait disparu pour faire place au sentiment d’une douce espérance ; la faculté de lire, de converser, évanouie depuis deux ans, reparaissait dans toute sa plénitude; l’eau dont les tissus étaient remplis disparaissait peu à peu par absorption; l’enflure de la face et celle du ventre diminuait sensiblement.

Yoilà le point où nous sommes arrivés, parles

efforts énergiques d’une volonté puissante, par d’abondantes émissions de fluide vital répétées deux fois par jour, pendant les trois premiers mois ; mais, je vous l'affirme, sans l’emploi d’aucune substance médicinale, sans autre secours de la chirurgie qu’une saignée tous les vingt-cinq ou trente jours, ainsi que l’habitude en était prise dès longtemps.

Pour le cas où vous jugeriez utile à la propagation du magnétisme, comme moyen thérapeutique, de faire connaître cette cure dans tous ses détails, je vous transmets ci-après l’extrait démon journal.

Origine el cours de la maladie.

Eugénie Morel, fdle de l’instituteur de la commune de Grainville-Ymauville, est née en mai 1818, et est âgée aujourd’hui de trente-trois ans.

Jusqu’en 1829, sa santé fut assez bonne, mais, à celte époque, elle eut une affection intestinale qui dura trois mois, lui laissa de la faiblesse et altéra sensiblement sa conslitution. En 1831, elle éprouva une violente attaque de choléra et resta quatorze heures sans connaissance, la convalescence dura cinq ou six jours. En 1853, au mois de juin, elle fut prise d’une hémorrhagie qui ne put être arrêtée qu’au bout de huit jours. C’est de cette époque que date l’invasion de la maladie actuelle.

Eugénie a été traitée pendant dix-huit mois pour maladie de poitrine, ensuite pour maladie du cœur pendant plusieurs années, enfin pour maladie de la moelle épinière.

Les saignées mensuelles qui faisaient la base du traitement suivi par les médecins, ont été pratiquées sans que la malade en fût amaigrie ni plus affaiblie,

sans que son tempérament en fût dérangé, malgré que chaque année sa position se compliquât à plusieurs reprises par des fièvres de quatorze ou de vingt-et-un jours.

En 1843, au mois de février, les deux jambes furent atteintes d’une paralysie qui, après quarante jours, céda à des frictions de cantharides.

En février 1844* nouvelle paralysie des deux jambes, laquelle disparut au bout de trois mois, par l’emploi d’excitants très-actifs en pilules et en frictions.

Au mois de janvier 18/jO, la jambe gauche est paralysée pour la troisième fois; en février, ce fut le tour de la jambe droite, et, depuis lors, l’une et l’autre sont restées sans aucun mouvement.

En 1847, d’affreuses douleurs se font sentir le long de la colonne vertébrale et dans la tète; on tente inutilement, par tous les moyens connus, de calmer ou de déplacer le mal.

Au mois d’août 1848 , la paralysie envahit le bras gauche, et en septembre le bras droit.

En mars -1849, 1° cuisse gauche perd la sensibilité et le mouvement; en juin, la vessie se trouve complètement paralysée, et, depuis lors, la malade n’a pu retenir son urine, qui ne cesse de couler à son insu. Le 17 décembre, les attaques d’épilepsie se déclarent, d’abord par de longs évanouissements, ensuite par de terribles convulsions, au nombre de soixante par jour et de vingt pendant la nuit. L’emploi du sulfate de zinc, du bleu de Prusse et de diverses autres substances vénéneuses, administrées à doses plus ou moins fortes, ne produisent ni soulagement, ni guérison; toutefois, au bout d’un an, le nombre des crises est réduit à quarante-cinq ou cin-

quante dans les vingt-quatre heures. Les médecins regardant le mal comme incurable, se bornent à l'emploi des calmants , annoncent que la mort est inévitable et prochaine. Ils ne continuent les saignées mensuelles qu’en cédant aux prières de cetle pauvre lilie el aux larmes de ses malheureux parents.

Ce serait un trop long détail que d’énumérer les quantités de médicaments absorbés par la malade, les substances diverses qui lui furent administrées et les différents régimes auxquels elle fut soumise. Il suffira de savoir qu’elle a; été saignée quatre-vingt-cinq fois, et qu’elle a subi cent douze applications de cautères ou de vésicaloires. El pourtant, les habiles médecins qui suivirent celte interminable agonie sont renommés par leurs succès. Ils firent dans cette circonstance, comme toujours, tout ce que pouvait leur inspirer leur dévouement pour leurs malades et leur compassion pour les malheurs de la famille Morel ; mais pour combattre tant de causes de destruction, ils n’avaienl d’autre arme que la fausse science des écoles et des académies; la découverte de Mesmer, ou leur était inconnue, ou ne leur inspirait point de confiance. Combien il est regrettable que les médecins, qui jouissent à juste titre de la confiance du public, ne se hâtent point d’examiner les faits magnétiques et de^constater s’il est réel ou si nous nous abusons quand nous disons que Dieu nous a doués d’une vue intérieure qui se manifeste par l’acte magnétique, qu’il a accordé aux êtres souffrants l’instinct des remèdes uliles â leur conservation. Mais puisque les savants ne veulent point admettre les facultés mystérieuses que développe le magnétisme, c’est donc à nous, pauvres d'esprit, qu’il appartient de travailler au triomphe de la vérité, et

de faire qu’il retentisse dans l’univers par les hymnes d’actions de grâces qu’adresseront à l’Élernul des milliers d’indigents arrachés aux souffrances par nos soins et revivant de notre vie.

Traitement magnétique.

Le 24 juin, jour de Saint-Jean, à neuf heures du soir, première magnétisation d’une demi-heure, qui procure quatre heures de sommeil pendant la nuit. A dater du aS, deux magnétisations par jour , d’une heure environ , à deux heures et à neuf heures du soir. Bientôt il en résulte cinq à six heures de sommeil toutes les nuits. La malade fait preuve lout d’abord d’une grande sensibilité magnétique. Le magnétiseur excite facilement des commotions, en dirigeant ses doigts en pointe sur diverses parties du corps de la malade. Bientôt elle devient lucide el déclare qu’elle voit de l’eau dans la moelle de l’épine de son dos; qu’il faut lui appliquer deux cautères au-dessus des épaules; qu’elle a du sang dans l’estomac, de l’embarras dans le ventre, un grand tremblement dans le cœur; qu’il ne faudra pas tarder à la saigner.

Plusieurs fois les médecins avaient eu la pensée d’employer les cautères, mais l’état de la malade , toujours couchée sur le dos s’opposait, selon eux, à leur application, qui aurait pu amener de graves accidents. Ils regardent celle prescription somnambu-lique comme une réminiscence de ce que la malade a entendu dire autour d’elle, et se refusent à l’accomplir.

Vers le 10 juillet, la lucidité se développe : Eugénie ■voit au loin, chez ses frères, instituteurs établis au-delà de Rouen, à plus de quinze lieues} chez le vicaire

de sa paroisse, au domicile de son magnétiseur, elc. ; elle précise l’heure ; elle indique le nombre de personnes admises dans sa maison pendant son sommeil et de celles qui en sortent. Elle voit un couteau enfoui dans le verger depuis plus d’une année, elle indique la place où il est, et son père l’v retrouve en présence de plusieurs témoins. A la fin du mois les passes, toujours dirigées sur l’abdomen et sur les membres sans mouvement, font éclater des crises entièrement semblables à celles de l’épilepsie à son début, mais sans aucune écume à la bouche. Ce corps, privé de mouvement, se dresse par l’impulsion magnétique, retombe violemment sur les coussins qu’on a soin de lui opposer , se dresse de nouveau et continue à s’agiter ainsi, jusqu’à ce que le magnétiseur intervienne pour rétablir le calme et décider le réveil. Endormie, la malade indique le temps qu’il faut la laisser en crise, les aliments dont on doit la nourrir; elle ne veut pour boisson que de l’eau magnétisée, qui devient purgative à la volonté du magnétiseur et selon l’instinct de la malade.

Déjà les vraies attaques d’épilepsie ont diminué de moitié en nombre et en durée, la vessie commence à mieux fonctionner; mais la lucidité s’affaiblit, la malade ne voit plus au loin, elle n’a de perceptions somnambuliques que pour ce qui concerne son état et ses organes. Le sommeil naturel a disparu, elle passe ses nuits entières sans dormir. Le i4 août, dans le sommeil magnétique, elle annonce que le 26 sa lucidité reviendra, et qu’à dater du mêmejour elle aura de bonnes nuits.

Magnétisée le 27 août par M. du Potet, elle déclare de nouveau qu’elle a de l’eau dans la moelle de l’épine dorsale, qu’il y faut des cautères, qu’elle sera encore

deux mois sans ressentir ses jambes, eL qu’elle pourra s’en servir dans sept ou huit mois.

An icr octobre, les résultats suivants sont constatés: cessation totale des attaques d’épilepsie et des évanouissements, disparition de la bave écumeuse, guérison complète de la vessie, amplitude de l’organe de la voix qui ¡avait perdu de sa force dès longtemps; l’estomac cesse d'éprouver les dégoûts cl les caprices qui rendaient si difficile l’alimentation de la malade; la physionomie devient plus mobile, elle s'illumine d’une lueur de l’espérance qui a pénétré dans cette âme si cruellement éprouvée.

Le magnétiseur essaya plusieurs fois, et avec un plein succès, à agir sur la malade à travers des cloisons qui n’arrêtaient ni n’affaiblissaient l’effet magnétique; pour suppléer les cautères demandés avec tant d’instance par la malade, le magnétiseur, après une magnétisation palmaire de la région dorsale, appliquait au-dessous des épaules deux cautères fictifs, au moyen de deux doigts de sa main pressant en pointe de chaque côté de l’épine, il en résultait promptement la chaleur d’une brûlure que la malade ressentait après être réveillée, et dont elle souffrait plusieurs jours de suite.

Le i5 octobre la malade, endormie , annonce que le 29 la seusibilité renaîtra dans le côté droit; le a5, interrogée de nouveau, elle recule ce terme jusqu’au 3 novembre, par compensation mentale des jours où elle n’avait pas été magnétisée. Elle annonce, en outre, que le 10 novembre le mouvement renaîtra à droite, qu’elle remuera le bras et la jambe, mais faiblement.

Le 3 novembre, à une heure après midi, Eugénie éprouve un violent tremblement qui dure trois quarts

d’heure; c’est en ce moment que la sensibilité apparaît, c’esl depuis lors qu’elle sent lorsqu’on touche son bras et sa jambe droite. Le 10 novembre, le môme phénomène se renouvelle pour le retour de la faculté du mouvement: à midi et demi, un grand tremblement se déclare, une heure après la malade remue le bras et la jambe du côlé droit.

Le retour de la sensibilité et celui du mouvement avaient été précédés par de violentes douleurs dans les os et dans les jointures ; pendant plusieurs jours, les épaules et la région lombaire ont été le siège des mêmes douleurs qu’au début de la maladie. Ne pourrait-on pas comparer le magnétisme à un esquif qui aurait reçu la santé à son bord et qui, la reconduisant comme un souverain détrôné aux lieux dont elle fut bannie, remonterait avec elle le courant du mal et lui ferais toucher successivement tous les rivages où elle régnait jadis ?

Ainsi dooc, tout ce que la malade avait annoncé dans le sonrmeil magnétique, se réalise à jour fixe. Pour les voisins, la somnambule est infaillible, ils furent tous témoins de ses prédictions, elle leur a donné rendez-vous pour leur serrer la main , ils y viennent en foule, pleins d’une douce émotion et de reconnaissance pour les dons de la Divinité.

Le 12 novembre la malade, endormie, annonce les faits suivants : le mouvement du bras droit sera entièrement libre le ier décembre, ainsi que celui de la jambe; elle pourra tenir un livre et tourner les feuillets. Cinq jours plus tard, elle se servira de sa main pour porter la nourriture à sa bouche. La sensibilité reviendra à gauche dans les premiers jours de décembre, et le mouvement le 15 du même mois. La guérison complète sera encore longue, elle exigera

au moins un an. II y a toujours de l’eau dans la moelle épinière, il faudra des cautères, on n’a que trop tardé. Vers la fin de décembre, on pourra la tirer du lit et l’asseoir sur un fauteuil; mais elle, se trouvera mal les premières fois. Elle marchera, le icr avril, dans sa chambre, mais bien peu; au mois de mai, elle pourra sc promener dans le jardin, mais avec l’aide d’un bras. Dans le mois de janvier, il faudra continuer les magnétisations, mais de deux jours l’un, à peu près; les époques de la saignée pourront être plus espacées.

Voilà, mon cher maître, le narré fidèle de tout ce qui s’est passé depuis le 24 juin jusqu’à ce jour, 18 novembre. Les personnes charitables qui désirent soulager les êtres souffrants et, de préférence, comme cela doit être, les indigents, pourraient peut-être en tirer quelque utilité. C’est à nos frères en charité que je dédie cet exposé ; s’il leur sert de guide, il les confirmera dans la volonté de faire le bien, puisqu’il prouve qu’on ne doit pas désespérer de réussir, alors même que la maladie est ancienne et remonte à plusieurs années.

Je ne saurais, en finissant, m’empêcher de faire un retour sur moi-même pour constater, une fois de plus, par quelles voies impénétrables s’accomplissent les desseins de la Providence. Après s’être servi de moi pour conduire à l’ennemi et à la mort tant de braves soldats, elle a voulu que, frappé par votre parole, éclairé par vos écrits, je consacrasse les dernières années d’une vie de périls et d’angoisses, et ce qu’elle m’a laissé de forces, à ranimer des existences presque éteintes; encore a-t-il fallu, pour que cette voie de compensation d’un peu de bien pour beaucoup de maux me fût ouverte, que la justice des hommes sortît de son prétoire et fût rendue dans une

arène politique, au foyer de l’intrigue des rivalités et des haines de parti.

J’allais oublier de vous dire que Ménager, devenu lucide, est à moitié guéri ; qu’il ne s’est prescrit jusqu’ici que de l’eau magnétisée.

Un ancien cuirassier, que j’ai entrepris après votre départ, et qui était comme soudé dans ses membres par le mercure, marche aujourd’hui sans bâton.

Le vicaire se trouve très-bien de l’usage de la pariétaire , et vous adresse l’expression de sa reconnaissance.

Recevez, mon cher maître, l’assurance de tous mes sentiments les plus affectueux.

Général C"*'.

Antiville, 18 novembre 1851.

POST-SCRIPTUM.

Mon cher du Polet,

Je vous adressai, avant-hier matin, un long détail de faits magnétiques relatifs à Eugénie Morel, de Grainville-Ymauville. Yoici un fait nouveau qui m’a paru mériter de faire suite aux autres et d’être porté à votre connaissance.

Aujourd’hui, à quatre heures, je trouvai toute cette pauvre famille consternée. En voici la cause : hier, à huit heures du soir, Eugénie s’était trouvée fort mal à son aise; on s’aperçut bientôt qu’il n’y avait plus de sensibilité dans la jambe droite, et que la faculté de mouvement dans le bras du même côté était de beaucoup diminuée. La malade, fort inquiète, avait peu dormi, ses parents n’avaient pas fermé l’œil. Je me hâtai de questionner Eugénie dès que le magné-

tisme eut produit son effet et que je fus parvenu à lui desserrer les mâchoires; voici notre dialogue :

D. Comment vous trouvez-vous?

R. Pas trop bien.

D. Que sentez vous d’exlraordinaire ?

R. Beaucoup de roideur dans le bras droit et dans la jambe.

En ce moment je touchai son bras droit, dont la rigidité était extrême. Il est à remarquer que depuis que ce bras a reconquis la sensibilité et le mouvement, il ne participait point aux roideurs et aux tremblements qui continuent dans la partie gauche.

D. Quelle est la cause de ce changement?

R. Une forte pression.

D. Que faut-il faire pour y remédier?

R. De fortes frictions.

D. Cet accident retardera-t-il votre guérison?

R. Oui.

D. De combien de temps?

R. De huit jours.

Voici l’explication. La mère Morel avait, la veille, après mon départ, et vers les cinq heures el demie, posé sur les pieds de sa fille, pour les tenir chauds, une espèce d’oreiller, un gros coussin bourré de grosse laine et qui m’a paru devoir peser deux ou trois kilogrammes. Ce coussin était resté sur les pieds de la malade jusqu’à neuf heures du soir; la pression avait donc duré près de quatre heures, elle avait refoulé la sensibilité et sans doute contracté les nerfs du mouvement, qui n’avaient retrouvé de la vie que depuis le 10 du mois, c’est-à-dire depuis huit jours. J’ai fait placer de suite sur le lit une espèce de dôme en cerceaux qui garantira les jambes de toute

espèce de choc ou de pression. Un pareil fait peut éclairer sur les précautions à prendre en pareil cas, comme sur les soins que réclament les êtres dont les organes sont en train de ressusciter.

Mille amitiés.

Général C‘"

Antiville, le 19 novembre 1851.

Voici, mon cher maître, un second post-scriptum au narré de la cure d'Eugénie Morel.

Hier 21, à cinq du soir, elle a été examinée, dans l’état de sommeil magnélique, par les médecins, qui ont reconnu que l’amélioration de la santé générale, la disparition des désordres nerveux permettaient le traitement de la maladie épinière par l’emploi des cautères; annonçant qu’ils en poseraient deux dimanche prochain.

La malade, endormie, a répété devant le médecin tout ce qu’elle n’a cessé de dire sur son état et sur les voies de sa guérison.

On lui demanda si en la magnétisant deux fois par jour sa guérison irait plus vite, elle répondit :

« Presque pas, cela n’en vaut pas la peine; il y faut du temps. »

Mille amitiés.

Général C***

Antiville, 22 novembre 1851.

INSTfTUTIONS.

Société inaguctlqiic «le la \oiivelU--Orl(-aiis.

QUELQUES MOTS SLR LE MAGNÉTISME.

IX.

Tandis que nous nous efforçons de faire comprendre combien il est utile que tout le monde étudie un peu le magnétisme pour que chacun le pratique chez soi, il nous revient que des jeunes gens, parce qu’ils ont un diplôme de médecin, traitent le magnétisme d’absurdité!.....Nous ne dirons pas que

c’est ignorance, ni mauvaise foi ; nous dirons seulement qu’il y a de bons et de mauvais médecins; que les bons médecins, connaissant l’insuffisance de leur art conjectural, ne repolissent absolument rien de ce qui peut être utile aux malades , et se distinguent par un langage empreint de celte modération qui accompagne toujours le véritable mérite; mais que les mauvais médecins, au contraire, ne doutent jamais de rien, tranchent sur tout, droguent beaucoup leurs malades, el prononcent résolûment que le magnétisme est une absurdité. Voilà des signes certains pour ne pas confordre les bons médecins avec les mauvais : qu’on y prenne garde dans les familles.

Le magnétisme fait le sujet d’un grand procès que le public, et non les médecins, doit juger. Mettons

donc quelques nouvelles pièces de ce procès sous les yeux du public. Nous avons déjà dit comment chacun peut se convaincre par sa propre expérience. A une autre époque, nous avons invoqué un certain nombre de célébrités médicales; citons aujourd’hui le Dr Esdaile , dont le gouvernement anglais a si dignement et si justement honoré les brillants travaux. Nous traduisons de son Mesmerism in India, publié en 1846 :

« Le public est trop porté à considérer le magnétisme comme dépendant de la profession médicale : il devrait s’éclairer par lui-méme au lieu d’attendre que les docteurs aient décidé ce qu’il faut en penser. C’est une erreur de la part du public; car, je suis fâché de le dire, les médecins en général ne savent encore rien du magnétisme, et il n’y a rien dans ce qu’ils ont appris , quelque grandes et variées que soient leurs connaissances, qui se rattache à ce sujet et leur donne le droit de décider ex cathedra sur la vérité ou la fausseté des nouvelles découvertes. Dans l’état actuel de la question, il ne faut considérer que les faits et les témoignages qui les appuient, et un jury d’hommes sensés, non médecins , est aussi capable de bien juger que tant de docteurs pour lesquels le sujet est également neuf et embarrassant. Quand les docteurs auront expérimenté par eux-mémes, ou pris la peine d’examiner la pratique des autres , et soigneusement ¿tudié le sujet, le public ne pourra mieux faire que de les prendre pour guides.... Je recommande donc que chaque individu exerce son bon sens el son jugement à décider, pour les médecins, la question de fait; et si la généralité trouve que le magnétisme esl réellement un remède d'une grande efficacité*

qu'il n’y a pas moyen de résister aux preuves, que ne rien en savoir n’est pas une recommandation pour un médecin, alors le magnétisme prendra le rang qui lui appartient comme agent curatif, et sera placé entre les mains de ceux qui devraient seuls le pratiquer, car il est sujet :i d’énormes anus entre les mains des ignorants et des méchants. Au lieu de douter et de dogmatiser, j’engage vivement mes confrères à essayer personnellement, car il faut agir, non parler : « Je veux des faits, et non des paroles, » sera toujours la réponse d’un homme sensé aux objections dogmatiques les plus ingénieuses... »

A une profession de foi aussi nettement formulée, nous pourrions joindre bien d’autres autorités non moins respectables ; mais nous ne remonterons pas jusqu’à Mesmer pour dire les médecins qui ont dû au magnétisme leurs plus beaux succès ; nous n’irons pas en chercher non plus chez les peuples étrangers, nous en trouvons assez dans cette Faculté de Paris qui a donné un diplôme à nos jeunes antagonistes. En 1825, M. Rostan, qui a été leur professeur, écrivit son article Magnétisme du Dictionnaire de médecine. Quatre-vingts pages pleines de graves erreurs , sans doute, mais qui prouvent du moins que leur auteur considère le magnétisme comme une chose très-grave. En 1825 encore, le Dr Foissac proposa un nouvel examen du magnétisme, et l’Académiede médecine nomma une commission de onze membres, dont neuf consacrèrent plus de cinq années à faire des observations, et, en 1831, présentèrent leur rapport à l’Académie qui l’adopta. En i832,M. Fillas-sier, étudiant en médecine, prit le magnétisme pour sujet de sa thèse inaugurale, et les savants médecins qui l’examinèrent ne lui refusèrent pas le bonnet

doctoral. Faut-il invoquer les écrits de Georget et

de Bertrand, citer Andral cl Broussais ?..... Oui,

Broussais, le même qui avait dit que « si le magnétisme était vrai, la médecine serait une absurdité. » Voici les derniers mots du billet qu’il laissa chez son confrère Alibert, qu’il n’avait pas rencontré au chevet de Mlle Lahaye :

«....... Ou fera bien de tenter l’influence du magnétisme; car le fond de cette maladie est un état d’irritation opiniâtre, fixé dans la substance ner-voso-sanguine des viscères de la région sous-dia-phragmatique, et qui se répète dans le cœur et dans la pulpe cérébrale. Les sangsues et les exutoires ne sont plus de mise. Il faut recourir aux antispasmodiques, et en atténuer les doses au point qu’ils ne fatiguent pas les organes. Le magnétisme est un moyen empirique à tenter. Si j’avais rencontré mon confrère, nous en aurions dit plus long. »

L’événement prouva que Broussais avait raison : M. du Potet magnétisa et guérit; voici comment il en parle :

a Broussais, la lumière de l’école, le seul des médecins qui, de notre temps, ait fait époque, voulut voir la malade. Fléchissant lui-même alors il devait être bientôt rayé de la liste des vivants. Il vint, malgré ses souffrances, apporter le tribut de ses hautes lumières; mais que pouvait-il? Une lampe était près de s’éteindre faute d’huile. II sentit que la médecine, dans ce cas, ne pouvait prolonger la vie : il indiqua le magnétisme. Vous l’entendez, vous, médecins, qui ne pouvez surmonter vos préjugés : celui qui allait partir de ce monde Broussais, le plus éclairé d’entre vous, ordonna le magnétisme comme dernière ressource.....»

Nous dirions volontiers à ceux qui parlent aussi étourdiment du magnétisme : Étudiez-le plutôt que de le contester; ce qui était vrai pour les La-place, les Cuvier, est également vrai pour vous, et, en le niant, vous donnez une preuve d’ignorance que personne ne vous demande. Si votre but est d’empêcher que la vérité ne se propage, parce que l’erreur vous enrichit, nous opposerons à vos dénégations verbales et clandestines les affirmations imprimées de vos maîtres : Orfiia, Rostan, Fouquier, Jules Cloquet, etc., etc. ; et comme ces autorités sont aussi nombreuses qu’accablantes pour vos prétentions, nous en citerons jusqu’à ce que vous changiez de langage, ou du moins vous vous taisiez |sur ce que vous ignorez aussi complètement. Riais on ne nous écouterait pas: il y a calcul.

Les premiers médecins? qui repoussèrent le magnétisme prétextèrent aussi qu’il n’existait pas ; mais le public ne les crut point, et le magnétisme continua son chemin. Ils se ravisèrent alors, et prétendirent qu’il était dangereux. Il y en a qui ont soutenu l’un et l’autre : témoin celui qui a dit qu’il « ne croirait pas les faits qu’il produirait lui-même, » et qui pourtant recommanda qu’on ne magnétisât pas sa malade, « parce qu’on pouvait lui faire beaucoup de mal. » Rien pouvait beaucoup !.... On la magnétisa, cependant; et, en peu de jours, elle en reçut ce que le docteur avait inutilement demandé à ses drogues pendant près de deux mois.

L’autre jour, nous citions [le Dr Esdaile; écoutons aujourd’hui une autre sommité médicale, le Dr Elliot-son, de Londres, non moins bon juge en ces matiè-

res. Après avoir parlé de l’hôpital d’essai que le gouvernement anglais avais mis à la disposition de son confrère pour pratiquer le magnétisme, il dit: Suit une citation du.... (T. IX,p. 2i5 de cc Journal.

Les témoignages en faveur du magnétisme sont nombreux et puissants : nous en pourrions citer sans jamais finir; mais nous nous arrêtons ici, nous avons dit que chacun peut s’éclairer par sa propre expérience : il ne faut que vouloir se convaincre. Nous avons essayé d’esquisser à grands traits celui des côtés du magnétisme qui esL le plus immédiatement utile à l’humanité, et nous espérons que le public, s’il nous a compris un peu, ouvrira maintenant les livres de nos maîtres. Le Manuel, etc., deM. duPotet, et le Traité pratique de M. A. Gauthier, sont deux ouvrages élémentaires que nous recommandons : on les trouve chez presque tous les libraires. Le public sera de plus en plus excité à s’instruire à ce sujet par les récits qui lui viendront de toutes parts. Avant-hier, on lisait dans l’Abeille (côté anglais) quelques faits de l’hôpital magnétique de Londres, el le rapport des guérisons obtenues dans la ville d’Exeter. Ce n’est encore que le commencement. Calcutta, Londres ont leur hôpital magnétique; espérons qu’un jour la Nouvelle-Orléans aura le sien. La pratique du magnétisme doit devenir une habitude de famille; c’est c’est là sa destinée ; mais combien de malades qui n’ont pas de famille, et n’ont d’autre asile que l’hôpital !.....Faisons donc aussi des vœux pour que ces

malheureux aient leur part des bienfaits magnétiques, et pensons à foncier un hôpital spécial. Quel plus noble usage les riches feraient-ils de leur superflu !.....

J.-B.

Institut iiiagnotiiiuo de llriKtol.

Nous avons déjà entretenu nos lecteurs des travaux de cette Société ; des informations précises nous permettent de leur en faire connaître aujourd’hui le Lut et la composition.

L’origine de cette institution remonte à quatre ans environ. Vers le milieu de 1847, quelques hommes désireux de savoir, par leur propre expérience, si le magnétisme est réel et à quoi il peut êlre utile, se réunirent sous le nom de Société d’investigation du magnétisme (Mesmeric investigation Society). Le but était clairement indiqué : c’était l’étude; mais les doutes des membres s’étant tous successivement changés en certitudes, la propagation devint l'objet principal et nécessita une nouvelle organisation. En conséquence, un grand meeting public fut convoqué au mois d’avril 1849 (1). C’était la première assemblée de ce genre qui eût lieu en Angleterre. L’honorable comte Ducie, qui en avait accepté la présidence, exposa les motifs de sa conviction personnelle, et fit appel à la générosité des habitants de Bristol, à l’effet de transformer la Société en une institution de bienfaisance, qui ferait traiter magnétiquement les malades indigents. Cette motion, appuyée par plusieurs personnes respectables et deux médecins qui avaient retiré un grand avantage de l’emploi du magnétisme, fut accueillie avec faveur, et une souscription immédiatement ouverte. La Société ainsi reconstituée, prit le nom qu’elle porte aujourd’hui (Bristol mesmeric institute), et fonctionna dès lors sur des bases analogues à celles de l’hôpital magnétique de Londres.

(1) Voycz-cu lo compte-rendu, tome VIII , page 216.

La présidence a élé dévolue au comte Dncie.

Il y a neuf vice-présidents, à la tête desquels se trouve M. Gordon.

Les traitements se font par des magnétiseurs à gages, sous la direction du Dr Storer.

M. Parker, habile chirurgien d’Exter, est chargé des opérations à faire en état d'insensibilité.

Les dons et rentes sont sollicités par les membres du comité el recueillis par le trésorier.

Le résultat clinique des magnétisations faites au nom de l’institut, ne nous est pas encore connu; nous le publierons aussitôt qu'il nous sera parvenu.

Il paraît que, outre les traitements, cette société s’occupe encore de recherches et d’expériences relatives aux différentes branches du mesmérisme. Voici, du moins, un récit fait par le Bristol Examiner, qui atteste sa parlicipation à des travaux de cet ordre.

On lit 011 effet, dans ce journal, du 24 août 1850, un long article, dont voilà la traduction :

« Il y a eu jeudi soir, à l’institut magnétique, Park-Street, une séance particulière, pour reconnaître la lucidité d’Adolphe Didier, le frère d’Alexis. L’assemblée était plus nombreuse qu’on ne pouvait s’y attendre, mais cependant bien composée. Après un court exposé de l’objet de la réunion, fait par M. Vernon, le somnambule fut introduit et les expériences commencèrent.

« Adolphe est un intéressant jeune homme, âgé d’environ vingt-trois ans, blond, grêle et d’un tempérament éminemment nerveux. Il élait à peine assis, que quelques passes de son magnétiseur le plongé» rent dans le sommeil. Quelques profonds soupirs et une secousse générale furent les seuls indices du passage de l’état normal à cette vie étrange. AIois M. Vei

non invita los assistants, étrangers au magnétisme, à s'approcher pour bander los yeux du sujet. Deux messieurs se présentèrent, et mirent sur chaque œil un tampon de coton, retenu par dos mouchoirs. Nous assistions à l’opération, et nous nous sommes assuré qu’il était impossible de voir avec cet appareil.

« On apporta un jeu de cartes non décacheté, et une partie d’écarlé s’engagea entre un des assistants et le somnambule. Celui-ci mêlait les cartes avec une grande dextérité et paraissait jouer avec toute l’habileté d’un joueur consommé. A la dernière levée, l’état de clairvoyance se manifesta tout à fait : « Jouez un carreau , dit Adolphe. — Je n’en ai pas, « répond l’adversaire. — Si, si, réplique Adolphe, « avec la vivacité des Français ; vous avez l’as. » Le joueur regarde de nouveau et reconnaît que le somnambule a raison; après quoi ce dernier abattit ses caries en disant : « Je dois perdre. »

« L’expérience suivante consistait à lire les yeux également bandés. Un monsieur présenta sa carte; le clairvoyant, après l’avoir maniée de diverses manières assez étranges, commença par dire qu’il y avait cinq mots, puis se mit à les épeler et finit par prononcer distinctement, avec l’accent parisien : « Francis Greville Prideaux. » C’était bien le nom ; mais il y avait erreur sur le nombre des mots.

« On enleva le bandeau, et quelqu’un présenta une enveloppe cachetée, renfermant un mol écrit; le sujet lut, après quelques moments d’hésitation : « Adolphe. » C’était exact.

Des épreuves semblables furent encore tentées par d’autres personnes, mais toutes n’eurent pas autant de succès.

«Ensuite, on produisit le singulier phénomène

du voyage en imagination. Un monsieur s’assit auprès du sujet, lui prit la main et s’imagina faire un voyage qu’il avait effectué quelques années auparavant. Le somnambule le suivait en idée, décrivant avec exactilude les sites et les accidents de la route. Arrivé au terme de ce voyage mental, le somnambule dit voir une grande maison de campagne, ayant une cour carrée et un corridor ; il fit la description du salon et de la bibliothèque, en dépeignant dans cette dernière pièce plusieurs bustes de femmes, des livres et des tableaux. Un petit portrait ayant attiré l’attention du voyageur fictif, il le détailla minutieusement ; le monsieur hésitait, Adolphe insistait. A la fin, celui-là se rappela qu’il y avait effectivement un portrait d’enfant dans l’endroit désigné; mais cet objet était entièrement sorti de sa mémoire. Cette expérience intéressa vivement. Nous suivions avec attention les pas des voyageurs, et nous sommes sûr qu’il n’y avait pas collusion.

« On fit aussi remettre au clairvoyant une montre d’argent, en le priant de dire l’heure qu’elle marquait, sans la regarder. Il répondit: « Neuf heures « vingt-cinq minutes. » Ce qui était vrai. Le propriétaire de cette montre la lui remit de nouveau, demandant qu’il lui dise l’heure qu’elle marquait actuellement. Cette fois, Adolphe se trompa; toutefois, nous devons le dire, après avoir déclaré qu’il était fatigué.

« En somme, les expériences ont été décisives et nous ont inspiré la plus entière confiance. »

VARIÉTÉS.

Tribunaux. — Les procès qui s’annoncaient dernièrement à l'horizon du somnambulisme ont éclaté, mais les poursuites n’atteignent encore aucun des sujets connus par une clairvoyancepositive et des relations loyales. Espérons que le parquet saura distinguer le sincère exercice d’une faculté naturelle des pratiques fallacieuses qui usurpent le nom de la vérité.

Yoici le bulletin du mois :

COUR D'APPEL DE PARIS. (Chambre correctionnelle.)

Audience du 13 novembre.

Par jugement du 3 octobre dernier, le tribunal correctionnel de la Seine condamna la dame Sauce-rotte, pour exercice illégal de la médecine, à i5 fr. d’amende; pour vente de remèdes secrets, à 100 fr. d’amende; pour escroquerie,à dix-huit mois de prison et 200 fr. d’amende.

Le sieur Martini, qui se faisait passer pour archevêque de Constantinople, et qui n’était qu’un marchand de crayons dans les rues , fut condamné à six mois de prison pour complicité du fait de la maison exorcisée.

La femme Saucerotte et Martini ont interjeté appel de ce jugement.

L’affaire est venue aujourd’hui à l’audience de la Cour, présidée par M. Férey. Le rapport a été présenté par M. le conseiller Jurien.

M" Cresson a présenté la défense de la femme Sau-cerotte. M* Ph. Millet a plaidé pour le sieur Martini.

La Cour, sur les conclusions conformes de M. Flau-din, substitut de M. le procureur-général, a confirmé le jugement de première instance.

(Gazelle des Tribunaux.)

TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE PARIS. (7° Chambre).

(Présidence de M. d'Horbelot. — Audience du 7 novembre.)

SOMNAMBULISME — ESCROQUERIE. — EXERCICE ILLÉGAL DE LA MÉDECINE. — VENTE DE REMÈDES SECRETS.

Les prévenus sont : i° le sieur Lolmède, officier de santé, magnétiseur, rue Caumarlin, 3g, déjà condamné pour exercice illégal de la médecine (i); 2° la fille Dufay, dite Mme Otom, comme complice du sieurLolmède.

Une dame appelée comme témoin dépose ainsi :

» Ma sœur, qui était très-malade, me pria d’aller pour elle consulter une somnambule. Je n’ai pas confiance dans le somnambulisme; mais, enfin, je fis ce qu’elle désirait. On parlait beaucoup dans les journaux de la célèbre Mme Otom ; je me rendis à son cabinet. M. Lolmède me demanda 10 fr. pour la consultation. Je lui dis qu’il m’était impossible d’en donner plus de 5 ; il ne voulait pas adhérer, mais enfin il consentit à me donner une séance de vingt minutes seulement pour mes 5 francs. Il me vantait sa somnambule, Mme Otom, comme étant d’une lucidité prodigieuse; vous allez voir. Nous entrons dans le cabinet de la somnambule; on la voyait à peine, il faisait très-sombre; il me dit qu’elle était endormie.

(1) Voyez ci-dessus, page 310.

Je m’en suis rapportée à lui ; je tire une mèche de cheveux de ma poche, et je vais pour les donner à la somnambule. Aussitôt, M. Lolmède me dit: « Ah! sur des cheveux, la consultation est plus chère. » Je lui répète que je ne pouvais payer que 5 francs. Après bien des difficultés qui faisaient écouler les vingt minutes qu’il m’accordait pour 5 francs, il finit par consentir. Je donne à la somnambule les cheveux de ma sœur, qui a dix-sept ans; elle me dit que ce sont des cheveux d’un homme de quarante-cinq ans. Je lui dis qu’elle se trompait et sur le sexe de la personne et sur l’âge. Alors (ce n’était pas difficile), elle me dit : « Ah! c’est une femme. — De quel âge?— De trente ans. » C’était encore loin de compte. Alors, elle me dit : « Ce qui me trompe, c’est qu’un homme de quarante-cinq ans a touché ces cheveux. » Elle se mettait à genoux, priait Dieu, en disant : « Que Dieu m’éclaire ! » Puis elle finit par me dire : « La personne a une maladie. » J’allais lui demander quelle maladie et les remèdes à y apporter, mais le magnétiseur me dit: « Les vingt minutes sont écoulées ; si vous voulez payer une autre séance de vingt minutes, nous allons continuer; sinon, je réveille la somnambule. » Je ne voulais pas; mais voyant qu’il avait l’air de s’apprêter à la réveiller, et que, d’ailleurs, mes 5 francs étaient perdus, j’ai sacrifié 5 autres francs; alors la somnambule fit une prescription de lait médical et de pastilles n° 3. Pour avoir ce lait, il fallait acheter une chèvre, la nourrir de plantes aromatiques et boire de son lait. Pendant le sommeil de la somnambule, le magnétiseur lui demandait si la famille avait des moyens, était en état de payer un traitement long et coûteux;

la somnambule pleurait beaucoup, disait qu’elle souffrait des souffrances de la malade.

M. le substitut Oscar de F allée. Après la séance, a-t-il réveillé la somnambule?

Le témoin. Non ; je lui ai même demandé pourquoi; il m’a répondu qu’elle avait d’autres séances à donner et que cela la fatiguerait.

Interrogé par M. le président, le sieur Lolmède exalte la lucidité prodigieuse de Mme Otom.

M. le président. Cependant elle prend les cheveux d’une jeune personne de dix-sept ans pour ceux d’un homme de quarante-cinq.

Le sieur Lolmède. C’est que les cheveux ont été touchés par un homme de quarante-cinq ans.

Le prévenu est interrogé sur le fait d’exercice de la médecine.

M. l'avocat de la République. Depuis votre condamnation, vous avez voyagé en province, dans les campagnes; vous vous êtes présenté comme un célèbre médecin spécialiste, guérissant toutes les maladies et traitant spécialement les maladies invétérées considérées comme incurables; vous vous êtes entouré de tous les moyens de charlatanisme; vous garantissiez la guérison; les malheureux paysans, crédules, accouraient et vous ne les guérissiez pas.

Le prévenu. Je n’ai pas fait de médecine depuis ma condamnation.

M. l’avocat de la République. C’est ce que nous verrons.

Interrogeant sur le fait de vente de remèdes secrets, M. le président demande au prévenu ce que

c’est que les pastilles n° 3, ordonnées au témoin entendu.

Le -prévenu. Je ne sais pas ; c’est la somnambule qui les a ordonnées. Je n’aurais pu le savoir qu’en la remettant en état de sommeil.

M. le président. Fille Dufay, qu’est-ce que c’est?

La prévenue. Je ne sais pas ; une fois éveillée, il ne faut rien me demander.

M. le président. Oui, c’est la réponse ordinaire quand on est devant le tribunal.

M. Oscar deYallée soutient la prévention. Il donne lecture de pièces prouvant que le sieur Lolmède a bien exercé la médecine depuis sa condamnation. Arrivé à un sieur Ogresse, boucher à Douai, qui aurait consulté le sieur Lolmède sur une maladie grave, M. le substitut donne ensuite lecture de la pièce suivante, de laquelle il résulte que Mme Otom guérit ses malades en leur faisant avaler des couleuvres.

CABINET DE MAGNÉTISME ET DE SOMNAMBULISME DE Mm0 OTOM, bue caumautin, 39.

T'irions somnambuliquei.

« Je vois, dit M“c Otom , un venin qui a été puisé dans l’air et qui s’est mêlé au sang et aux nerfs.... Ce venin circule dans tout le corps, tantôt sur un point, tantôt sur un autre. Quand il est sur l’estomac, il coupe l’appétit; quand il est sur les membres, il donne lieu à de grandes douleurs, à de la faiblesse... Quand il va à la tête, il trouble les idées; il empêche quelquefois le sommeil.... Il donne des idées tristes... le malade craint de ne pas guérir, et c’est à tort.... Il a des lassitudes et de la maigreur.... C’est

toujours ce maudit venin qui cause tout cela.... Je vois que ce malade guérira, s’il fait ce que je vois... Premièrement, il faut qu’il se promène jusqu’à ce qu’il ait rencontré une couleuvre, grosse ou petite.

Il faut qu’il lue lui-mème cette couleuvre ; il l’écor-chera, une fois morte.... Il la coupera en dix morceaux, après l’avoir vidée du ventre... Il fera bouillir dans de l’huile d’olives les dix morceaux en y mettant du sel. Le premier jour , il mangera avec un peu de pain le morceau du côté de la tête ; deux jours après, il mangera de même, le matin à jeun, le deuxième morciau. Et de deux 011 deux jours, un morceau sera mangé à jeun, jusqu’au dixième... Il n’est besoin d’aucun régime, dit Mme Otom, ce remède enlèvera le venin qui cause la maladie, et la maladie ira tous les jours mieux. Je vois même, dit la somnambule, et il est certain qu’une volonté magnétique le protège et qu’il se trouvera soulagé dès qu’il aura commencé ses recherches d’une couleuvre. Chaque jour lui apportera du soulagement dans cette volonté de tuer l’animal qui doit le guérir.... Mais cet animal fuira devant lui et se cachera bien des jours, et il sera bien près d’être guéri le jour où il le tuera. Mais il faut qu’il le tue et qu’il fasse comme j’ai dit. Je vois que, pour compléter sa guérison , ce malade aura encore une fois besoin de mes visions. »

Ainsi a parlé Mme Otom, en l’état magnétique, le 5o juillet 1851.

M. le substitut, après avoir établi que les faits sont constants sur tous les chefs de la prévention, requiert contre les deux prévenus l’application de la loi.

Le tribunal, après délibération, a pensé que le»

faits d'escroquerie n’étaient pas suffisamment prouvés, et a renvoyé les prévenus sur ce chef.

Sur le chef d’exercice illégal de la médecine et de vente de remèdes secrets, le tribunal a condamné le sieur Lolmède à un mois de prison et 1,000 fr. d’amende.

La fille Dufay, qui n’était prévenue que de complicité sur le fait d’escroquerie, a été renvoyée de la plainte.

(Gazette des Tribunaux.')

— Une jeune fille de vingt-quatre ans, Adélaïde

V...... domestique chez un négociant du quartier

Saint-Honoré, était recherchée en mariage par un valet de chambre demeurant dans le voisinage. Indécise sur l’accueil qu’elle devait faire au jeune homme, Adélaïde, conseillée par une de ses amies, eut le désir d’aller voir une somnambule pour la consulter sur sa destinée. Elle était dans cette disposition d’esprit, lorsqu’un matin, en revenant de la halle, elle fut mystérieusement abordée, rue Saint-Denis, par une femme âgée qui lui remit une carte lithographiée, en lui disant’: «tSi vous avez besoin de moi, voilà mon adresse. » Cette carte portait ces mots : « Mm” D...., somnambule-cartomancienne.» Suivait l’indication de sa demeure.

Dès le lendemain, Adélaïde était dans le cabinet de la somnambule; celle-ci mit en œuvre des moyens analogues à ceux dont il a été question dans notre numéro d’hier, rendant compte du procès de la py-thonisse de la Chaussée-d’Antin, jugée par le Tribunal correctionnel.

La femme D.... annonça à Adélaïde que son mariage réussir ait ; mais, lui dit-elle, ma science me

révèle qu’il vous faut avant tonl combattre une terrible maladie qui peut vous faire périr en peu de temps. Déjà vos poumons sont attaqués; vous avez bien fait de venir me voir aujourd’hui , demain il eût élé trop tard.

Effrayée, Adélaïde se confia aux soins de la sibylle, qui, moyennant une somme de 5o francs, voulut bien se charger de détruire le mal. Remettant à la jeune fille une petite fiole pleine d’un liquide jaunâtre, elle lui recommanda d’en boire le contenu en trois fois : à dix heures du soir, en se niellant au lit; au moment où sonnerait minuit, et à l’aube du jour : « Puis, ajouta la sorcière, soyez sans inquiétude si, pendant votre sommeil, vous sentez quelque chose fouiller dans vos poumons : c’est un esprit que ma science somnambulique enverra pour arracher votre mal, etc. »

Adélaïde suivit les prescriptions de la femme D...., et le lendemain matin, en proie à une fièvre violente, elle eut un accès de délire qui fit craindre un instant pour sa raison. Elle se croyait enterrée vivante, et il lui semblait voir la main d’un démon arrachant ses entrailles.

Soumise aux soins de deux médecins, MM. Saint-Léger et Ameuble, elle ne tarda pas à recouvrer la santé, après une maladie de quelques jours. Interrogée, elle fit connaître ses rapports avec la femme

D....... contre laquelle une plainte fut adressée au

procureur de la République.

Hier, agissant en vertu d’une commission roga-toire de ce magistrat, le commissaire de police de la section Saint-Merry, M. Barlet fils, s’est transporté, assisté d’agents, chez la somnambule, où il a opéré une perquisition qui a amené la saisie de cartes por-

tant dos signes cabalistiques, des papiers et autres objets qui ont été placés sous scellés cl transmis à la justice avec le procès-verbal d’information judiciaire, constatant les faits que nous venons de rapporter.

([Gazelle des Tribunaux).

Clairvoyance. — La question si délicate et tant conlroversée de l’applicabilité du somnambulisme aux investigations de la justice, revient de temps en temps sur le lapis. Voici la relation de faits qui plaident en faveur de l’admission de la lucidité au nombre des moyens de police.

i° Le i5 avril dernier, un billet de banque de 1,000 fr. fut soustrait au préjudice de Mme la princesse Dolgorouky, à Paris.

« Les circonstances mêmes qui ont accompagné ce vol, dit la Gazelle des Tribunaux du 5o juillet, ne pouvaient le rendre imputable qu’à une des personnes du service particulier de la princesse. Les deux fem-hie9 de chambre, Eudoxie et Nathalie, notoirement connues pour leur fidélité à toute épreuve, ne pouvaient être l’objet des soupçons,'qui tombèrent sur la femme Maudenet. Avant de s’y arrêter d’une manière positive, la princesse voulut consulter le somnambule Alexis : il lui fut répondu que la voleuse était encore au service de la princesse et qu’il fallait la conserver jusqu’au i5 mai suivant. La princesse présenta à Alexis des cheveux de Nathalie, d’Eudoxie el de la femme Maudenet; en voyant ceux de celte dernière; il fit un signe de dégoût, mais ne la nomma pas, il conseilla seulement de chercher dans tous ses vêtements, dans ses corsages et dans ses doublures. Cinq consultations successives amenèrent les mêmes réponses.

« On ne retrouva pas néanmoins le billet de mille francs, mais Eudoxie a déclaré positivement l’avoir vu un jour dans la main de la femme Maudenet, qui variait fort habilement ses cachettes. On acquit ensuite la certitude que la femme Maudenet se trouvait, en définitive, dépositaire d’une somme d’argent beaucoup plus importante que celle dont elle pouvait légitimement justifier. »

2° Vers la fin d’octobre, des voleurs s’étant introduits dans la maison d’un maître blanchisseur de la rue Notrc-Dame-des-Champs, qui était sorti, le dimanche, avec sa femme, en enlevèrent tout.

« Sous l’impression de ¡douleur que ces braves gens éprouvaient , dit Y Avènement du 29 novembre , car ils se trouvaient hors d’état de continuer leur profession, ils allèrent trouver une somnambule qui, dans l’extase magnétique, vit et leur raconta les circonstances du vol, désignant deux hommes dont elle donna le signalement comme l’ayant commis, et disant que c’était sur les renseignements fournis par une femme (qu’elle dépeignait si exactement que les blanchisseurs la reconnurent aussitôt pour une de leurs ouvrières) qu’ils avaient résolu et opéré le vol. La somnambule ajouta que, sous très-peu de temps, ils recevraient un paquet qui contiendrait des valeurs que les auteurs du vol leur renverraient, ne pouvant les réaliser.

« A deux jours de distance, en effet, le facteur de la poste leur apporta un paquet grossièrement enveloppé de papier gris, et sur lequel, à la suite de leur adresse, se trouvaient ces mots : « Nous ne pouvions nous en servir, nous vous renvoyons le tout. » Ce paquet contenait le portefeuille des époux X..., dans lequel se trouvaient deux livrets de la caisse dépar-

gnc, et deux coupons sur papier vert, payables seulement sur la présentation des titres originaux.

« Le renvoi de ce portefeuille donna de vives espérances aux deux blanchisseurs ; ils revirent le commissaire de police, insistant sur ce fait que, puisque la somnambule avait dit vrai pour celte circonstance, elle avait dit vrai peut-être aussi en désignant l’ouvrière comme complice du vol. Une perquisition cul lieu chez cette femme; on n’y trouva d’autres preuves accusatrices que quelques mouchoirs, dont elle expliquait tant bien que mal la possession. Cette femme fut laissée en liberté; elle disparut presque aussitôt, cl l’on apprit alors seulement qu'elle vivait avec des voleurs. »

Lucidité spontanee. — On lit dans lu Mémorial bordelais des premiers jours de septembre dernier :

« Le Périgord est en émoi depuis quelques jours. La nommée Modeste Pichot possède, à ce qu’il parait, le don de découvrir les truffes. Cette fille, qui exerçait la profession de cardeuse de matelas, tomba malade, il y a environ deux mois, d’une fièvre cérébrale, compliquée d’une inflammation intestinale. C’est à la suite de cette maladie qu’elle a senti se révéler en elle cette faculté, qui sera fort appréciée des gastronomes.

« Lorsque Modeste est conduite dans un champ enrichi de ces tubercules, un frisson parconrt tout son corps, et elle ressent une envie de dormir. Cette jeune fille fait quelques pas en chancelant et va ensuite se coucher à l’endroit où se trouvent les truffes.

«Plusieurs spéculateurs cherchent déjà, dans le Périgord ,à accaparer celle jeune fille, qui est appelée grands services à la cuisine, et à faire '—Tine grandéffortune dans chaque saison d’hiver. »

TABLE

ANALYTIQUE

DES MATIÈRES DU TOME DIXIÈME.

INSTITUTIONS.

Banquet mesmérien. Il7e anniver-versaire de la naissance de Mesmer. Circulaire réglant les dispositions de cette fête, 319. — Sa célébration. Compte-rendu, par M. Hébert (de Garnay). Discours et tostes de MM. du Potet, Durand, de Rovère, Morphy, Cosson et du Planty. Pièces de vers de MM. Jules Lovy, Jobard et Duteil. Distribution de médailles décernées par le Jury magnétique, 339 à 367. — Appréciation de la fête par les journaux de Paris , avec commentaire par M. Hébert, 414.

Conférences dominicales. Nouveau mode d’entrée aux séances expérimentales dirigées par M. du Potet, 8. — Changement de local, 256.

Concours annuel ouvert par la Société magnétologique du Port-Louis (île Maurice). Médaille d'or à décerner à l’auteur (homme ou femme) do la plus belle cure obtenue par l'emploi du magnétisme direct, 273.

Hôpital magnétique de Londres. Ses statuts. Rapport concernant les actes du comité de direction et d'administration de cet établissement , le traitement dos malades admis, les résultats obtenus , la situation financière do l'institution, etc. Compte-rendu

par M. Fabro de Lagrange, 659.

Institut magnétique de Bristol. Son origine, son but et ses actes philanthropiques, 745.

Jury magnétique d’encouragement et do récompense. Distribution de médaillos décernées à MM. Blesson, Clapier, Dr du Planty, Dr Elliotson . Dr Gregory. La-caussade , Mialle , baron Von Reichenbach et Winnen. 362.

Société du magnétisme de la Nou-velle-Orléans. Ses travaux d'initiation et de propagande, 125, 452, 577 , 688, 740. — Fête de Mesmer. Banquet. Toste du Docteur Taxil, et discours de M. Thiennette, 672.

Société du mesmérisme de Paris. Ses rapports avec le public considérablement étendus par le changement du local affecté aux séances expérimentales. Marche des travaux. Questions élevées qui s’y traitent. Compte-rendu par M. Hébert (do Garnay), 385.

— Inauguration du nouveau local ; note par le Dr Louyet, 611.

Société magnétologique du Port-Louis (île Maurice). Ses progrès. Ovation qu'elle décerne à son président, M. Lacaussade., Ou-verture d'un concours annuel. Célébration de la fête de Mesmer. Résumé par M. Hébert (de Garnay), 270.

CLINIQUE.

§ 1. Cas de chirurgie. - Opérations accomplies sans douleur durant l'insensibilité magnétique.

Délivrance à l’accouchement, 485.

Extraction de glandes, 518.

§ II. Cas de médecine. — Maux et affections guéris ou soulagés par le magnétisme.

Affection spinale, 321.

Attaques de nerfs. 648. Céphalalgie, 462.

Contusions, 462, 517.

Désordres généraux, 323.

Effets de la foudre, 322.

Epilepsie, 516, 666, 728. Evanouissements périodiques, 668. Glandes, 475.

Hypocondrie, 668.

Hystérie, 464.

Maladie de poitrine, 601. Névralgies, 462, 651.

Odontalgie, 462.

Panaris. 462.

Paralysie, 608, 667, 715. Paraplégie, 515.

Ramolissement du cerveau, 218. Rhumatisme aigu, 463, 607.

Tic douloureux, 668.

VARIETES.

g I.—Théories, études, systèmes, doctrines, croyances, phénomènes, expériences, etc.

Accroissement extraordinaire de facultés intellectuelles dans l'état extatique, 174, 285.

Animaux magnétisés, 55, 405.

Arbres magnétisés, 707.

Baquet magnétique , gravure, et description, 709.

Bégaiement et mutisme imposés il une somnambule menteuse, 4.

Chaîne magnétique, 710.

Chronomètre somnifère (le). Sommeil produit par le mouvement du balancier de cet instrument, 133.

Clairvoyance ou lucidité, 210, 250, 446, 613, 654, 747,758.

Communications avec les esprits. Voy. Esprits.

Corps magnétisés faisant l'office de conducteurs de l’agent curatif.V. Magnétisation intermédiaire.

Courants magnétiques naturels et par émission, 257, 352.

Crétins (les). Cause de leur état ré-fractaire au somnambulisme. Observations par le Dr Ordinaire, 657.

Danger de certaines prescriptions

pharmaceutiques des somnam-bules, 452.

Eau magnétisée. Ses effets curatifs,

714

Electro-biologie (l’). Relation de séances publiques d'électro-biologie, données aux Etats-Unis par le professeur Fiske et consorts; avec de curieux détails par M. J.

Barthel, des extraits de journaux, des modèles d’affiches et réclames charlatanesques, et des observations par M. Hébert ( de Gamay), 520 à 574. — Voy. aussi le Mesmérisme déguisé.

Electro-iama (l’), 645. — Voy. également le Mesmérisme déguisé.

Electro-psychologie (l'), 507. — Voy. encore le Mesmérisme déguisé.

Enseignement du magnétisme. Série d’articles de M. J. Barthet, insérés dans l'Abeille, journal de la Nouvelle-Orléans, ayant pour objet de vulgariser 1e magnétisme, de manière à ce qu’il devienne la médecine des familles, 578 à 609, 679, 740.

Erreurs des somnambules. Faits et conséquences, 452.

Esprits, intelligences supérieures, âmes des trépassés communiquant avec les hommes. Esprit de Solon. le législateur d’Athènes, racontant à l’extatique Davis l'histoire de son existence terrestre, et lui révélant les mystères du passage de celte vie à la vie spirituelle, 175, 293.

Exploration (de l’). Sensation des courants naturels émanés des corps animés, 261.

Extase, 284, 302, 390, 399.

Fluide magnétique humain. Mode de son émission, 325. — Ses effets contagieux sur les sujets

doués de propriétés absorbantes, 387.

Fluide universel (du), 257.

Frictions (des), attouchements, imposition des mains, insufflations. Recherches sur leur emploi dans le traitement des maladies, les exorcismes, etc., chez les anciens et les modernes, par le Dr Alf. Perrier, 10, 61.

Homéopathie (l’) et le magnétisme. Polémique entre le Dr Taxil et M. J. Barthet, sur l’emploi du magnétisme comme agent curatif, suivant la doctrine habne-manienne, comparativement à la pratique des disciples de Mesmer, 449 à 486, 577 à 611.

Hypnotisme (l'), 510. — Voy. aussi le Mesmérisme déguisé.

Illuminés. Voy. Swedenborgistes.

Imposition des mains, 61.

Inculcation du la volonté, 4.

Insensibilité à la douleur physique sous l’influence du mesmérisme, 485, 518.

Insufflation (de l'). Son emploi dans l'antiquité et le moyen-âge. 68.

— Son mode d'action et ses effets en magnétisme, 322, 337.

Intuition médicale, 218, 654, — musicale et poétique, 434.

Léthargie prolongée. Indien ressuscitant après dix mois de sépulture. Fait rapporté par M. Victor Meunier, 685.

Lucidité spontanée, 689, 760.

Magie. Recherches historiques et philosophiques sur la magie ancienne, par M. du Potet, 624, 699.

Magnétisation à distance, 497.

Magnétisation intermédiaire (de la), 705 : par les arbres, 707, — par le baquet, 709. — par la chaîne, 710, — par diverses substances, 712, — par l'eau, 714, — par la salive, 719, — par la musique, 720.

Maux communiqués sympathiquement du malade au somnambule consulté, 219.

Médecine magnétique des Anciens. Voy. Frictions, etc.

Mesmérisme déguisé (le). Variantes du magnétisme, présentées comme découvertes nouvelles, sous les noms d'électro-biologie, électro-psychologie, hypnotisme, etc., 503, 520 à 574, 641.

Musique (la). Son influence en magnétisme, 588, 720.

Noctambulisme. Jeune tille devenant cantatrice et poète sous l’influence du somnambulisme naturel. Fait rapporté par M Ant.-Boudin, et commenté par M. du Potet, 433.

Nouvelle forme de mesmérisme. Voy. le Chronomètre somnifère.

Paralysie disparaissant pendant le sommeil magnétique, 242.

Passage de la vie terrestre à la vie spirituelle. Voy. Spiritualisme.

Passes magnétiques. De leur projection et do leur utilité, 334. — Voy. aussi Signes magnétiques.

Patience et prudence, Conseils philosophiques donnés par le Dr Charpignon à un do ses confrères, sur l’étude et la pratique du magnétisme, 646.

Philosophie médico-magnétique, par le Dr Alfred Perrier. Ch. III : Médecine magnétique (suite), 9, 61, 257, 325, 705. — Sommaire: Des frictions, 9 ; — de l’imposition des moins et du toucher, 61 ;

— de l’insufflation , 68, 337 ; — des courants naturels et de l'exploration , 257 ; — des courants magnétiques par émission , 332;

— procédés de magnétisation, 265, 325 ; — passes magnétiques, 334; — qualités du magnétiseur, 327 ; — de la magnétisation intermédiaire, 705.

Pressentiments. Faits, 691.

Prévision (faits de), 485, 619, 735.

Procédés de magnétisation, 265, 325.

Prophétie. Un rêve du poéte anglais Chaucer, réalisé par les merveilles du Palais de cristal, 447.

Psychologie. Voy. Spiritualisme.

Puységurisme. De l'inculcation, considérée comme moyen d'empecher les somnambules de mentir, par M. Jobard, 3. — De la difficulté d'expliquer et de fixer les lois du somnambulisme, par M. Jules Lovy, 151. — De l’influence de la musique sur les somnambules, par le même, 388.

— Voy. aussi Somnambulisme magnétique.

Qualités du magnétiseur, 327.

Rapports intimes des âmes. Voy. Spiritualisme.

Résurrection. Voy. Léthargie.

Révélations ultra-mondaines, 175, 293,

Signes magnétiques. Leur valeur in-trinsèque, concurremment avec l'action de lu volonté, 9.— Voy. aussi Passes magnétiques.

Sommeil magnétique prolongé durant quinze jours et ayant produit la guérison d une grave affection spinale, 321.

Somnambulisme magnétique. Faits de clairvoyance ou de lucidité, 210, 250, 446, 613, 654, 747, 758.

— Communication sympathique de maux. 219. — Erreurs dessom-nambules, 452. — Extase, 284, 302, 390, 399. — Intuition médicale, 218, 654, — musicale et poétique, 434. — Prévision, 483, 619, 735. — Soustraction de pensée, 219, 617. — Transmission mentale de volonté, 4, 243.—Vision extatique, 403, — rétrospective, 498. — Vue à travers les corps opaques et à distance, 244, 251, 615, 620, 732, 749. — Voy. aussi Puységurisme.

Somnambulisme naturel .Voy. Noctambulisme.

Sorcellerie et magio. Faits contemporains, 487.

Soustraction de pensée, 219, 617.

Spiritualisme. Analyse psychologique du passage de la vie terrestre à la vie spirituelle; par A. J. Davis, 173. — Rapports intimes des âmes. Faits merveilleux

observés sur une famille alle-mande, par M. E. V. Léger, 393.

Substances communicatives du magnétisme, 712.

Suspension des facultés vitales. Voy. Léthargie.

Swedenborgistes. Adeptes do Swedenborg. 172, 276, 409.

Sympathie nerveuse. Un atelier de femmes en convulsions. Fait observé à Lyon, avec commentaire par M. J. Gauthier, 442.

Toucher (du), 61.

Tractatrices (les). Jeunes filles esclaves que les Romains employaient à pétrir les muscles du corps, comme moyen prophylactique et thérapeutique, 10.

Traitement magnétique. Rapports de cures et opérations. Voy. Clinique.

Transmission mentale do volonté. 4, 243.

Vaudoux (le). Culte mystérieux rendu au serpent par des sectaires nègres. Effets de leurs pratiques secrètes, ayant quelque analogie avec des phénomènes de magnétisme, 128.

Vision extatique, 403, — rétrospective, 498.

Vue à travers les corps opaques et à distance, 244, 251, 615, 620, 732, 749.

Zoomagnétisme. Animaux domptés, endormis ou guéris par l'emploi du magnétisme (chiens, taureaux, lions, etc.), 55, 105.

§ II. — Nouvelles intéressant le magnétisme. Faits divers.

Anecdotes, 103, 551.

Autobiographie de M. du Potet, 23.

— Enfance, 24. — Initiation au magnétisme, 31. — Apostolat, 40. — Enseignement, 108. — Ouvrages, 117. — Découvertes. 160.

Arrestations diverses, pour manœuvres frauduleuses à l’aide du somnambulisme, 431, 692, 756.

Biographie. Notice sur la vie et les travaux de A. J. Davis, suivie d'un parallèle de cet extatique avec Emman. Swedenborg, par M. Chocarne, 276.

Charlatanisme. Spécimens d'annonces des plus célèbres sibylles

et pythonisses do Paris, 150. — Modèles d’affiches et réclames relatives aux séances d’électro-biologie aux Etats-Unis et eu Angleterre, 526 à 574.

Chronique, 60, 107, 155, 255. 320, 384, 698.

Conversions au mesmérisme, 151, 416.

Divination. Réflexions drôlatiques, par E. V. Léger, 697.

Escroquerie (prévention d'). Voy. Tribunaux.

Exercice illégal de la médecine. Voy. Législation et Tribunaux.

Expériences magnétiques et som-nambuliques. Faits de clair-

voyance et autres, observés sur Mme Lassaigne (Prudence Bernard) et rapportés par le Dr Ordinaire, 241; — sur Alexis Didier, par M. Cordelier-Delanoue, 613. — Expériences diverses, 251, 385, 519, 747.

Extra-lucidité !!! Un magnétiseur marié. Anecdote, 103.

Faits mystérieux. Le champ ensorcelé, 487. — Le chaudron magique, 488.

Fête de .Mesmer : à Paris, 339, 414;

— à Port-Louis ( île-Maurice), 274 ; — à Bergerac, 425 ; — à la Nouvelle-Orléans, 672.

Gravures. Portrait de M. du Potet, 1 ; — de A. J. Davis, extatique et écrivain spiritualiste américain, 279. — Baquet magnétique, d’après une estampe de l784. 709.

Ivrognerie (l') et l’électro-biologie. Scène burlesque, 554.

Législation (de la), en ce qui concerne l’exercice du magnétisme comme branche de l'art de guérir :— 1° Jurisprudence belge. Aperçu par M. Jobard, directeur du Conservatoire des arts-et-mé-tiers de Bruxelles, 367 ; — 2° Jurisprudence française. Mémoire par M. Jules Logerotte, avocat à la Cour d'appel de Paris, 369.

Magnétisme (le) à la Havane, 52 ; à Londres, 107, 659 ; à la Nouvelle-Orléans, 125, 449, 577 ; à Genève, 241 ; à Turin, 247 ; à l’Ile-Mau-rice, 270 ; à Bristol, 745.

Magnétisme (le) au théâtre. Analyse de pièces où le magnétisme est employé comme ressort dramatique, 58.

Magnétomanie (la). Railleries du Dr Amédée Latour, à propos de la célébration do la fête de Mesmer, 420.

Mesmérisme (le) devant la justice, 1° Procès Mongruel devant la Cour d’appel de Paris : Remarquable rapport de M. le conseiller Thomassy, 72. Réquisitoire du ministère public, 89. Belle défense de M. Jules Favre, 92.— 2° Procès de Rose Patrix devant le tribunal do Nogent-le-Rotrou. Réquisitoire du ministère public, 204.Eloquent plaidoyer de M. Mo-rin, 206. — Voy. aussi Tribun.

Naïveté médicale. Boutade contre les découvertes qui simplifient

l’art de guérir, au point de vue du préjudice pécuniaire qu’elles causent aux médecins, par le docteur Amédée-Latour, 305. — Ré-flexions par M. du Potet, 309.

Nécrologie. Mort des magnétistes : Balzac, Doisnel, 59, — Dr Fou-quier, Dr Royer-Collard, 60, — Dr Koreff, 383, — baron de Cres-Py-le-Prince, 384.

Persécutions. Ostracisme prononcé par le capitaine-général de l’île do Cuba, contre M. Goizueta, magnétiseur, 54. — Défense faite au vénérable commandant Laforgue, par le procureur de la République à Pau, do recevoir aucun malade dans sa cellule, 437.

Pétition adressée à l’Assemblée nationale, par M. Laforgue, en faveur du libre exercice du magnétisme, 440.

Poésies. Mesmer et Puységur,chan-sou satirique par M. Jules Lovy, 348. — Le Premier ballon, fable par M. Jobard, 354. — Les deux versants, par le même, 489. — Travail, vertu, vérité, toste par M. J . de Rovère, 359. — Le Sourire d'un spiritualiste, pensée par M. Duteil, 362.

Propagande. Le somnambulisme en présence des savants de Genève. Relation d’expériences, par le Dr Ordinaire, 241. — Le magnétisme devant le public de Turin. Cir-culaire et programme d’expériences, do M. Guidi, 247. — Leçon publique de magnétisme, donnée au Collège de Perpignan, par M. Crova, professeur de physique. Compte-rendu par M. Ch. Bruyas, 444.

Revue des journaux eu ce qui concerne les faits et nouvelles ma-gnét., 58,105, 250, 414, 430, 490.

Scepticisme des savants. Le magné-tismo ontorré par l’académicien Flourens. Réflexions par M. du Potet, 622.

Tribunaux. 1° Exercice illégal de la médecine, prévention d’escroquerie, etc. Procès de M. et Mme Mongruel, 72 à 103, 429; — de Rose Patrix et du D' Anctin, 193 à 241, 426 ; — de diverses somnambules et de leurs magnétiseurs, 135 à 151, 310 à 316, 692, 750.— Voy. aussi le Mesmérisme devant la justice.

Vol domestique. Accusation portée contre une nourrice, par suite

BIBLIOGRAPHIE.

Fragments de trois ouvrages où il est accessoirement question du mesmérisme et de ce qu'en pensaient Napoléon et Louis XVI ; avec des réflexions par M. Amé-dée Thuillier.

— 1° Mémorial de Sainte-Hélène, par M. le comte de Las Cases, 182.

— 2° Napoléon et Marie-Louise, souvenirs historiques par M. le baron de Meneval ,185.

— 3° Histoire des Montagnards, par M. Alph. Esquiros, 187.

Great harmonia (the), by A. J. Davis. Analyse et examen critique, par M. Chocarne, 172.

Letters to a candid inquirer on animal magnetism, by W. Gregory,

D.M. Exposé de cet ouvrage, par l’auteur lui-même, dans deux lettres adressées à M. du Potet. Analyse de quelques parties du livre par le Dr Kœller, 492 à 512.

Magie dévoilée (la), ouvrage inédit, par M. du Potet. Extrait, 23, 108, 160, 573, 624, 699.

Recherches physico-physiologiques sur un nouvel agent impondérable, par le baron Von Reicheu-bacli. Introduction de cet ouvrage, 638.

Trattato teorico pratico delmagne-tismo animale, del conde de Nani. Analyse de cet ouvrage par M. Adalbert de Beaumont, 123.

LISTE NOMINATIVE

DES PERSONNES

DONT LES ÉCRITS, LES ACTES OU LES OPINIONS sont insérés, analysés, cités, rapportés, commentés ou réfutés dans ce volume.

Adrien (Mme), 648.

Alcoy (comte d’), 52.

Alibert (Dr), 22.

Alison (Dr), 502.

Anctin (Dr). 194, 426.

Aubin (de Québec), 643.

Aubert (Dr), 724.

Aubin Gauthier, 468.

Audiguet, 316.

Austin (Mme), 432.

Bailly, 80, 184.

Balzac (de), 59.

Barlett (Révérend), 55.

Barthet (Joseph), 452 à 486 , 519, 526, 562. 571, 577 à 611, 673, 678, 745.

Bartholin (Dr), 69.

Beaumont (Adalbert de), 124. Bennett (Dr) 500.

Blesson, 364.

Boméa, 324.

Boudin, 436.

Bourrit. 245.

Braid, 510.

Broock (Mme de), 620. Broussais (Dr), 743.

Bruyas, 446.

Buckley (major). 511. Buddendorff, 550.

Burr, 546.

Bush (George), 285.

C*** (général), 737.

Calméls, 698.

Capern, 107, 665.

Catlin, 57.

Cavaignac (général), 621. César, 272.

Chaillou, 241.

Charpignon (Dr), 9, 336, 646. Chaumette, 188.

Cheyroux (Mme), 314. Chocarne, 182, 305.

Chopin, 617.

Christine (reine), 51.

Clapier, 363.

Comet (Dr), 513.

Cordellier Delanoue, 622.

Cornet, 194, 426.

Cosson, 360.

Cousin (Victor), 156. Crespy-le-Prince (baron de), 384. Crowa, 444.

Darcet, 80.

Darling, 504.

Davis (A.-.J.), 172, 276.

Davis (Dr B. H.), 545.

Deleuze, 43, 100, 267, 327,707. Despine (Dr), 514, 706.

Didier (Adolphe), 107, 251, 747. Didier (M. et Mme Alexis), 318, 613. Doisnel, 59.

Ducie (comte), 746.

Du Potet de Sennevoy, 51 , 122, 173, 255, 268, 309, 319, 341 , 384, 437, 442, 576, 623, 638, 704. Du Planty (Dr), 364.

Durand, 204.

Durand (de Rodez), 351.

Duteil, 361.

Elliolson (Dr), 107, 363, 671, 744. Esdaile (Dr), 475, 623, 741. Esquirol (Dr), 725 Esquiros (Alph,), 187.

Everett, 546.

Fabro de Lagrange, 672.

Faria (l’abbé), 36, 186.

Favre (Jules), 92.

Fay, 4.

Fishbough, 283.

Fiske, 521 à 574.

Fleuret, 514.

Flourens, 622.

Forbin (comte de), 618. Fouquier (Dr), 60.

Franklin, 80.

Gautier (J.), 54, 444.

Génot (Mme), 5.

Gorget (Dr), 77. Georgii (Dr), 11, 107. Chika (prince), 618.

Gilbert (Dr), 21, 262.

Grizueta, 51.

Gregory (Dr), 364, 492. Guersent (Dr), 21.

Suidi, 249. Guillotin, 80.

Hahnemann (Dr), 452 à 476, 603.

Hays (Dr), 432.

Hébert (de Garnay), 103, 151, 159, 275, 319, 367, 413, 426, 433, 491, 574, 611, 697.

Hennequin, 157.

Huguet, 105.

Hsson (Dr) 40, 60, 91.

Jenkins (Dr), 536.

Jeoffroy (Dr), 40.

Jobard. 8, 354, 369, 489.

Joly, 642.

Jones (Dr), 562.

Jussieu, 188, 725.

Kœller (Dr), 512.

Koreff (Dr), 383, 726.

Lacaussade, 271, 364.

Lafontaine, 519.

Laforgue, 437 à 441.

Laplace, 84, 209.

Las Cases (comte de), 182. Lassaigne (M. et Mme), 243.

Latour (Dr Amédée), 305, 420. Lavoisier, 80.

Leclerc, 14.

Léger (E.-V.), 413, 698.

Lélut, 156.

Le Peletier d’Aunay, 15.

Leroux, 617.

Levingston, 281.

Lewis 497 , 508.

Ling, 11.

Logerotte, 383.

Louis XVI, 188.

Louyct (Dr), 612.

Low (Jules), 155, 348, 393.

Lyon (Dr), 283.

Mailhol, 271.

Malgaine (Dr), 159.

Malborough (duc de), 55. Martineau (miss), 56.

Meneval (baron de), 185.

Mesmer, 20, 80, 96, 184, 187, 257, 712.

Meunicr (Victor), 491, 686.

Miallo, 363.

Mongruel (M. et Mme), 60, 72, 429. Moutpensier (duc de), 51.

Morel (Dr), 201.

Morel (Mlle Eugénie), 729.

Morin, 193, 206, 426.

Morphy, 359.

Nani (comte de), 123.

Napoléon (l’empereur), 183.

Nioré, 447.

Olcott (Dr), 570.