1850
JOURNAL
DU
MAGNÉTISME
RÉDIGÉ
Par une Société de Magnétiseurs et de Médecins
SOUS LA DIRECTION
DE M. DU POTET DE SENNEVOT.
La vérité, n’importe par quelle bouche; le bien, n’importe par quelles mains.
PARIS.
BUREAUX ; RUE NEUVE-DES-PETITS-CHAMPS, SO.
TOME NEUVIÈME.
JOURNAL
DU
MAGNETISME.
Si les auteurs anciens nous fournissent fort peu de détails sur la Médecine magnétique, nous ne pouvons l’attribuer qu’aux profonds mystères dont toutes les sciences étaient alors entourées. La médecine somnam-bulique, au contraire, remonte à la plus haute antiquité, et cela ne doit pas nous surprendre, car il a existé dans tous les temps, et chez tous les peuples, des crisiaques ou des somnambules, qui pouvaient, par des révélations intuitives, indiquer aux malades les remèdes appropriés à leur état. Nous étudierons séparément ces deux médications, en les faisant précéder toutefois de quelques considérations sur l’agent dont Mesmer passe pour avoir révélé l’existence.
Plusieurs magnétistes, parmi lesquels nous trouvons en première ligne le Dr Bertrand, rejettent l’in-
PHILOSOPHIE MÉDICO-MAGNÉTlOOE.
THÉORIES (i).
CHAPITRE III.
De la Médecine magnétique.
Du Fluide magnétique.
(1) Voyez la note préventive, tome I", p. 160. TOMR IX. — N" flO». —10 JANVIER 1850.
Iluence d’un fluide particulier dans le développement des phénomènes du magnétisme et du somnambulisme, qu’ils rapportent entièrement aux puissantes déterminations de ¡'imagination. I.e savant observateur que nous venons de nommer présente, sans aucun doute, d’excellentes raisons pour appuyer sa théorie ; mais il s’égare assurément, lorsqu’il confond le rôle que l’imagination et le fluide magnétique exercent simultanément dans le traitement de nos maladies. Nous croyons avoir démontré dans l’article qui précède, que la médecine d'imagination est toujours subordonnée à la foi des malades. Dans la médecine magnétique, au contraire, la confiance des malades, tout en étant d’une grande importance, n’est pas indispensable pour obtenir des guérisons. Nous avons l’espoir de prouver, par des faits irrécusables, l’existence de cet agent salutaire qui s’est dérobé jusqu’à ce jour aux investigations de nos plus habiles physiciens. Forts de notre expérience et de nos convictions, nous suivrons hardiment la route qui nous est tracée; et, mettant à profit les nombreux travaux de nos devanciers, nous contribuerons du moins, dans les limites de nos forces, à fournir quelques éclaircissements sur cette importante question.
« Si le fluide nerveux n’existait pas, comme tout le prouve, dit Cabanis (i), il aurait fallu l’inventer pour donner une explication satisfaisante de tous les phénomènes physiologiques, tels que les rêves, le somnambulisme, etc. »
Faut-il s’étonner que l’on repousse encore aujourd’hui la circulation d’un fluide nerveux, lorsque l’on sait avec quelle réprobation tous les savants accueillirent les curieuses recherches du célèbre Harvey sur la circulation du sang ?
(1) Rapports du physique et du moral de l'bomme, 1.1, p. 1Î2.
Ce lut la Faculté de médecine qui condamnq l’usage du quinquina et de l'antimoine; elle chassa de son corps, en 165G, un médecin qui avait prpsr.pt l’émétique. lin 17/p, elle déclara l'inpçulation niejif-Iricre, criminelle et magique, traitant les t'tJoeniijffifrs de bourreaux et d'imposteurs, et les inoculés dp pt d'imbécilles. Combien d’ennejpjs s’élevèrent contre Genner, lorsqu’il découvrit le vaccin! Ses adyprspirps les plus ardents se rencontrèrent dans le corps des médecins. Les dpeteurs Rayqal, Chapon, Goëts, etp., le traitèrent d'infâme charlatan. Le clergé lui-même, se ligua pour frapper des foudres de l’ÉgJise cette précieuse découverte, qu’il taxa d'invention diabolique.
Que de persécutions amassées contre les plus savants novateurs !
Nos magnétistes, heureusement, n’qnt plus à redouter ces terribles vexations de l’ignorance et du fanatisme. Ils ne rencontrent aujourd’hui, sur le terrain de la lutte, que des esprits prévenus, des amours-propres froissés, des intérêts ébranlés, et quelqvies préjugés religieux. Le teipps n’est pas élpigné, sans doute, où les erreurs qu’on nous reproche deviendront pour tous une vérité incontestable. Seulement, nous avons lieu d’être surpris, avec le baron Mas-sias (1), « qu’une erreur qui invoque à son appui des faits et des expériences qui ont eu |ieu pendant quarante ans consécutifs dans plus de cent villes de France et d’Europe, n’ait pu être sapée et détruite par des antagonistes habiles, intéressés et jaloux; qu’elle soit toujours allée croissant et prospérant, faisant sans cesse de nouveaux prosélytes, et renvoyant à ses ennemis le ridicule dont ils l’avaient assaillie. »
Aujourd'hui, nous constatons avec joie que les
(1) Philosophie, p. 328.
préventions et l’incrédulité commencent à s'effacer devant les témoignages et la moralité de nos plus fervents magnétistes, qui n’ortt pas craint de faire le sacrifice de leurs intérêts les plus chcrs pour se livrer entièrement à l’étude d’une science appelée à rendre les plus grands services à l’humanité. Le magnétiseur consciencieux et désintéressé, qui a voué sa vie entière au soulagement des malades, aura-t-il moins de droits à notre reconnaissance, que certains médecins dont les services se vendent au poids de leur réputation ? L’orgueil et ¡’égoïsme n’ont-ils pas toujours dirigé les actions humaines? Aussi, l’intérêt de l’humanité est ordinairement sacrifié à l’intérêt personnel.
« Les hommes de tous les siècles et de tous les lieux, dit le Dr Mead (i), se ressemblent encore plus par leurs défauts que par leurs bonnes qualités; l’intérêt de la vérité est moins cher que celui de leurs passions, et c’est de l’expérience et du temps que la bonne cause doit attendre son triomphe. »
Les incrédules nient l’existcnce d’un fluide magnétique, parce qu’ils ne peuvent en apprécier la nature. Pourquoi, nous disent-ils aussi, n’obtenez-vous pas les mêmes résultats sur tous les hommes, ou pourquoi votre fluide n’est-il pas sensible sur tout le monde? La meilleure réponse que nous puissions faire à ces objections, c’est de laisser parler le célèbre Laplace.
« De tous les instruments que nous pouvons employer pour connaître les agents imperceptibles de la nature (2), les plus sensibles sont les nerfs, surtout lorsque des causes particulières exaltent leur sensibilité.... Les phénomènes singuliers qui résultent de
(t) Œuvres médic., t. I, p. 594.
(2) F.seaii pliilosoph. sur les prnhnhilitfr
l'extrême sensibilité des nerfs dans quelques individus, ont donné naissance à diverses opinions, sur l’existence d'un nouvel agent, que l’on a nommé magnétisme animal, sur l'action du magnétisme ordinaire, sur l’influence du soleil et de la lune dans quelques affections nerveuses ; enfin, sur les impressions que peut faire éprouver la proximité des métaux ou d’une eau courante. 11 est très-naturel de penser que l’action de ces causes est très-faible, et qu’elle peut être facilement troublée par des circonstances accidentelles. Ainsi, parce que dans certains cas elle ne s’est pas manifestée, il ne faut pas rejeter son existence. Nous sommes si loin de connaître tous les agents de la nature et leurs divers modes d’action, qu’il serait peu philosophique de nier les phénomènes, uniquement parce qu’ils sont inexplicables dans 1 état actuel de nos connaissances. Seulement, nous devons les examiner avec une attention d’autant plus scrupuleuse qu’il paraît plus difficile de les admettre. •
Nous n’avons rencontré aucun détracteur du magnétisme qui se soit adonné avec conscience et persévérance à l’étude de tous ses phénomènes. La plupart ont bâti l’échafaudage de leur incrédulité dans des discussions académiques toujours empreintes d’une flagrante partialité, ou bien dans ces réunions ma-gnétologiques où chacun semble avoir le droit, pour l’argent qu'il donne eu entrant, d’exiger les pompeuses promesses de l'affiche du jour, sans vouloir tenir compte des influences qui peuvent modifier le système nerveux du magnétisé. Lorsqu’on réfléchit aux difficultés que présentent ordinairement les expériences galvaniques, suivant certaines modifications atmosphériques, ou suivant l’imprcssionnabilité des sujets, 011 ne doit pas s’étonner de l'inconstance des phénomènes magnétiques.
• J'ai quelquefois observé en composant nue chaîne
de sept ou huit personnes, nous affirme M. de Hum-boldt (l), que les mouvements des muscles tl’avaicnt lieu que lorsque l’une d’elles, faisant partie de la chaîtie, en sortait; et l'on ne découvrait souvent la perionne non conductrice, que lorsqu’on les avait fait sortir toutes successivement de la chaîné. J’ai vu des cas où cette personne mouillait Ses mains inuti-leincnt et sans les rendre conductrices, j’ai trouvé la même personne à certaines époques conductrice, à d’autres isolante. »
Ces explications nous ont paru nécessaires pour faire sentir à nos adversaires l’inju9ticc qu’il y aurait à baser leur opinion sur l’insuccès de quelques expériences. 11 hous est d’ailleurs parfaitement démontré qufe les personnes d’une bonne santé et d’une forte constitution, sont généralement rebelles aux influences du magnétisme; tandis que celles dont une maladie aura modifié l’innervation, deviendront presque toujours impressionnables à l’action du fluide.
« La théorie la plus simple des fluides, et la plus digne de la grandeur de la nature (2), c’est de n’en Voir qu’un seul susceptible de toutes les modifications possibles, eri raison des formes qu’il rencontre, des directions qu’il prend et de l’activité de mouvement qui le constitue. »
Cette théorie, fort séduisante pour l’imagination * sera peut-être admise un jour par nos savants; car d’après les observations de Voltà et les travaux de MM. Ampère et Arago, le calorique, le galvanisme et le magnétisme minéral, devraient ôlre considérés comme dt>s modifications de ¡'électricité. Le magnétisme animal, quoiqiié frappé d’un ostracisme général pat- les physiologistes modernes, a cependant rencontré quel-
( I ) Expériences sur le Galvanisme, p. 151.
(2) Leltre de Gnlart de Montjoie à Bailly, p. 50.
ques braves défenseurs qui l’ont réintégré dans la place qu'il est digne d’occuper.
Cabanis regarde « l’électricité modifiée par l’action vitale, comme l’agent invisible qui parcourt sans cesse le système nerveux, et porte les impressions des extrémités sensibles aux divers centres. *
L’âme, suivant M. Yirey(i), peut agir sans le concours des corps, et diriger les esprits vitaux où il convient qu’ils se rendent. Tous ceux qui admettent l’action directe de l’esprit sur la matière, ne sont pas excusables en traitant d’absurdité l’existence du fluide magnétique qu’ils n’ont jamais étudié; si l’âme peut agir sur la matière, ne peut-elle pas aussi se servir d’un agent intermédiaire dans ses rapports avec le corps ? La plupart des médecins ont admis sans difficulté le principe vilal de Barthez; pourquoi cette répulsion pour notre principe magnétique, qui n’en diffère sans doute que par le nom, et qui suffît à la solution de tous les problèmes de la vie humaine?
Tous les philosophes de l’antiquité, Platon, Leu-cippe, Démocrite, Épicure, Pline l’ancien, Ma-crobe, etc., ont admis l’existence d’un fluide universel, aussi subtil que la pensée, qui leur servait à expliquer les merveilles de la création. Suivant eux, ce fluide se modifie à l'infini et pénètre tous les corps, dont il entretient l’harmonie ; c’est enfin l’agent immédiat des phénomènes de la nature.
S’il existe une force attractive qui unit la lune à la terre, la terre au soleil, pourquoi douterions-nous de cette puissance d’attraction inhérente au fluide magnétique, encore inconnu dans son essence ? On a inventé une théorie pour expliquer les mouvements célestes, n’avons-nous pas le droit d’en créer une
(1) Aride Perfecl. l’homme, t. Il, p. 324.
aussi pour expliquer les phénomènes de la physiologie de l’homme.
a Yous créez par hypothèse une force, et vous en donnez la formule, dit M. Bûchez (1), et si, par vérification, vous trouvez que cette formule tient compte des phénomènes observés et vous révèle l’existence de phénomènes jusqu’alors inconnus, vous prononcez votre formule exacte. Ainsi fit Pylhagore, le grand fondateur de la science grecque; ainsi fit son analogue dans les temps modernes, Descartes. Tous deux affirmèrent la cause inconnue, universelle, éternelle, qu’ils nommèrent Dieu. »
Nos savants s’inclinent respectueusement aujourd’hui devant l’hypothèse de Newton (quasi esset ailrac-lio), lorsqu’ils veulent atteindre l’explication des effets de la pesanteur, et ils se révoltent contre la théorie du fluide magnétique, qui suffit pour donner une solution de tous les prodiges du magnétisme et du somnambulisme.
Il faut croire qu’il en est de toutes les grandes découvertes, comme de toutes les grandes réformes : elles ont, suivant J.-B. Salgues (2), quatre espèces d’ennemis à combattre :
« i° Les esprits vieillis et routiniers, qui n’admettent que ce qui s’est fait autrefois, qui ne veulent savoir que ce qu’ils ont appris, qui se persuadent que la Nature a circonscrit ses limites à la génération qui les a vus naître, et qu’après eux elle doit se reposer;
« 20 Les esprits envieux, pour qui tout bien est un mal, quand il n’est pas pour eux;
« 3° Les esprits médiocres, qui ne croient pas qu’on puisse enfanter, parce qu’ils sont impuissants;
(1) Introduction à Filial, des Sciences médicales, p. 08.
(2) Des Erreurs et des Préjugés.
« 4° Les esprits intéressés, qui craignent pour leur fortune et s'inquiètent fort peu du bien public, quand il s’agit du leur. »
La franchise et le désintéressement n’étant pas les dieux que l’on encense aujourd’hui, nous n’avons pas lieu d’être surpris des nombreux obstacles qui s’opposent au progrès du magnétisme. Il faut renoncer à faire partager nos convictions aux hommes qui se font un mérite d’un scepticisme aussi déplorable; mais nous avons l’espoir de recruter sur notre route quelques hommes de bien qui, par un jugement sévère et impartial, viendront augmenter le nombre des apôtres du magnétisme.
Après avoir vu que les anciens philosophes étaient d’accord sur l’existence d’un fluide particulier, répandu dans la nature entière, il nous reste à jeter un coup d’œil rapide sur leurs différents systèmes, avant d’aborder les travaux des fluidistes modernes.
Sanchoniaton (i) croyait qu’il existait dans l’espace un esprit subtil, conservateur de l’univers ; il le comparait à un air raréfié, qui soutenait et animait le corps humain.
Il prétendait que cet esprit, en réchauffant le chaos, donna naissance à une substance fermentescible, qui devint la semence de toutes les créatures.
Empédocle (2) admettait pour principe général un esprit exécuteur du mouvement, qui dirigeait les phénomènes de la nature, suivant sa répulsion ou son attraction.
Pythagore et son école reconnaissaient un fluide, âme du monde, qu’ils appelèrent force productrice de l’univers (3). L’homme, disait ce philosophe, est formé de trois substances parfaitement distinctes. Une
(1) Eusèbe. Préparât, évangél. — De Rouen /baron d’Alvimare.
(2) Origène, c. 5.
(ô) Tiroée de Locrcs, 1.111; de l’Ame du Monde.
substance spirituelle, une substance corporelle et une substance intermédiaire. 11 appelait cette dernière, char de l'esprit; et elle servait, suivant lui, de point d’union entre les deux premières. Le système de Pvthagore fut généralement admis par les philosophes qui lui ont succédé. Quelques-uns cependant étaient persuadés que la matière étant divisible à l’infini, pouvait devenir aussi subtile que la pensée. Cette opinion fut celle des matérialistes.
Paracelse, alchimiste du seizième siècle, professeur de physique et de chimie à l’Universilé de Bâle, regardait la puissance vitale comme un fluide émané des astres; il le nommait Archée ou esprit architecte. Toute l’influence de la médecine résidait, suivant lui, dans les vertus magnétiques de la momie ou esprit balsamique du sang.
H.-C. Agrippa faisait résider dans l’eau le germe des animaux, et dans l’air le fluide vital qui s'unissait au premier pour lui donner la vie (i). Il pensait que tous les corps étaient imprégnés, suivant leur nature, de quelques molécules de cet esprit créateur auquel il reconnaissait des propriétés constantes de sympathie et d’antipathie.
Jérôme Cardan, qui professa longtemps à Milan les mathématiques et la médecine, affirmait que la nature avait horreur du vide, et qu’elle était remplie d’une matière primitive (substratum), principe de rénnion entre l’intelligence et le corps (2).
André I.ibavius (3) indique par quel moyen on peut diriger le fluide sur l’économie animale.
Le père Cabée (4) prétend que le fluide magnétique est susceptible de pénétrer les corps les plus denses.
(1) Philosophie occulte, liv. I.
(2) De i'ariet. rerum.
(5) Arcan. chim., lib. I., c. 19.
(i) Philosoph. niagnét.
Non» devons à Nicolas de Locques un traité fort curieux sur les vertus magnétiques du sang (i). • Quoique l’esprit magnétique ou la momié du sdng, dit-il, pénètre dans le corps d'une manièrb insensible, il les modifie, néanmoihs, à la manière de l’aimant, et ses vertus sont d'autant plus grandes, qu’il sort d’un animal robuste et bien portant; il devient alors le vrai baume de la vie. •
Guill. Gilbert (2), médecin de la reine Élisabeth; le père Kircher (3), ce savant infatigable, qui embrassa toutes les connaissances; le célèbre médecin Pierre Borel (4), sont d’accord pour reconnaître l’existence d'un fluide magnétique, et son action sur tous les corps de la nature.
Séverinus et J.-B. Yan-Helmont (5), après avoir étudié longtemps les effets du magnétisme, déclarèrent que toutes nos maladies provenaient de l'absence du fluide vital qui permettait aux ferments pernicieux de se fixer sur nos organes. Van Helmond avait admis le principe de Paracclse, agent intermédiaire entre l’âme et le corps.
t L'archée, dit-il (6), consiste dans l’union d’un es * prit vital avec Un noyau spirituel qui féconde les germes. 11 est doué de toutes les facultés et de toutës les notions nécessaires poui-remplir sa destination. Il est l’organe de la vie et du sentiment. Depuis le premier moment de l’existence, jusqu’à la mort, il préside 3 tous les mouvements organiques et les dirige vers le but qui leur est assigné* »
(1) Rudiments de la Philosoph. natur. — Vertus natur. du sang.
(2) De Magne te, magnet.que corp.
(3) Magnelicum regnum.
(1) De curation, si/mpalhelic.
(5) De Magne t. miner, curai.
((¡) Archeus falier, 5 1-7. — Dclenzc, Noie sur Van Helmont. — D' Teste. Magnét. expliqué, part. 111.
Varchéc était, suivant ce médecin, l'habitation de l’âme sensitive.
« Cette âme unique, ajoute-t-il, est la cause immédiate, le centre, le siège, la source et le principe de toutes les actions vitales... Elle dissémine dans les divers organes les facultés nécessaires pour la vie... Elle est comme une lumière vitale, dont le foyer placé dans l’estomac envoie scs rayons dans toutes les parties du corps. »
Wirdig (1) soumettait l’univers entier à une puissance magnétique : « Universa natura magnetica est... Totus mundus constat et positus est in magne-tismo. Omnes sublunarium vicissitudines fiunt per magnetismum. Vita conservatur magnetismo. Intérims omnium rerum fiunt per magnetismum. » Maxwell (2) et Santanelli pensaient que le fluide magnétique et la lumière avaient la plus grande analogie entre eux, ou du moins que ce fluide était contenu dans la lumière : « Vel enim lux est, vel in luce domicilium possidet. »
« Plus l’esprit vital, dit Maxwell (5), est libre et dégagé de la matière, plus il est apte à recevoir des impressions. »
Enfin, la plupart des médecins du dix-septième siècle avaient la conviction qu’il se faisait entre tous les corps une émission continuelle et réciproque d’un fluide, qui établissait entre eux des rapports intimes. La présence de ce fluide dans les corps animés entretenait la vie et émanait des corps célestes.
D' Alfred PERIMER.
(La suite ou prochain numéro.)
(1) Dr Ilaynel. et s'jmpathet., lib. 1, c. 27.
(2) Aphorisme 78.
(3) Médecine magnétique, !)' conclusion.
CLINIQUE MAGNÉTIQUE.
L’Abelllc de la Nouvelle-Orléans> du i*r décembre dernier, publie la relation suivante d’un cas de né-vropalhie ayant un rapport direct avec le magnétisme.
Spasme intestinal. — Action sjmpalhique sur le terreau. — Imitation du cri do différents animaux.
Monrose, nègre âgé d’environ quarante-cinq ans, d’une constitution délicate,éprouve le 15 novembre une douleur vive dans l’abdomen, vers l’anse gauche du gros intestin. Cette douleur est précédée d’une sensation particulière, analogue à ce qu’on est convenu d’appeler le globe hystérique. Cette espèce de globe ou boule hystérique prend naissance au bas-ventre et va se fixer à la courbure gauche du colon. Quelques secondes avant que la boule ne se fixe sur ce point, on entend un bruit clair, tout semblable à celui que fait un gaz qui se déplace. Le colon, considérablement distendu vers son anse gauche, offre à la vue une tumeur ronde qui donne, à la percussion, une sonorité anormale. Les muscles abdominaux sont fortement contractés , et l’abdomen présente, dans toute son étendue, une sensibilité exagérée. La partie tuméfiée surtout, est tellement sensible que la pression la plus légère arrache des cris au malade. Celui-ci prévoit et annonce le retour de la crise; il
prie même les personnes qui l’entourent de venir à son aide, et demande qu’on lui frotte le ventre.
Aussitôt après la formation delà boule, le malade tombe dans un état de lipothymie. Les paupières, qui restent fermées pendant quelques minutes exécutent convulsivement des motivertients Infcbmplets d’abaissement et d’élévation. Les yeux sont renversés en haut et les conjonctives sont fortement injectées. Par moment on entend, dans les intestins, un bruit occasionné par le déplacement du gaz.
Cet état comateux dure de dix à quinze mihütes, puis le malade ouvre les yeux et entré danâ Une phase extatique. Son regard est fixe ët exprime uil sentiment de terreur. L’insensibilité persiste, mais le mouvement musculaire reparaît. C’est dans cet état d’extase que le malade se met à japper, et il imite si bien le jappement du chien, qu’on croirait entendre cet animal. Après avoir jappé, il lape, puis il lèche ses lèvres comme fait un chien qui vient de boire. En-* fin, il fait entendre un hurlement lugubre qu’il ré-» pète plusieurs fois.
Cet état que je viens de décrire, je ne l’ai constaté que le vendredi 16, jour où je fus appelé.
La peau est chaude et le pouls marque de cent-quinze à cent-vingt pulsations.
Prescription. — Quinze sangsues vers l’anse gauche du colon ; potion calmante avec un grain d’extrait de belladone et trente gouttes de teinture de musc —-vingt grains d’assa fœtida en lavement.
Je revois le malade dans la soirée : son état ne s’est pas sensiblement amélioré. Les crise« se sont répé-tées avec tout le cortège des phénomènes bizarres que j’ai notés pins haut. Je dois ajouter que pendant qu'il contrefait le hurlement du chien, il prend 1 attitude de ce quadrupède. Je prescris des sinapismes aux membres inférieurs, et je recommande la conti-
nuation de la potion antispasmodique à des intervalles plus rapprochés.
Le 17, au matin, je trouve le malade dans un état de lucidité qui lui permet de me rendre un compte exact des antécédents, ainsi que des prodromes qui lui annoncent le retour de la crise.
Un mois avant cette singulière affection, il a perdu sa femme d’une mort subite. 11 avait un petit chien auquel il était très-attaché, et peu de jours après la mort de sa femme, l’animal disparut, perte qui ne fil qu’accroître son chagrin. Il avait fait de vaines perquisitions pour le retrouver, lorsque Fidèle (c’est le nom du chien) revint de lui-même et se mit à le caresser avec cette effusion de tendresse que montre le chien en revoyant son maître après une absence.
La vue de Fidèle lui occasionna une vive satisfaction , mais d’autre part elle raviva le souvenir de sa femme, et une sombre mélancolie vint remplacer le premier sentiment. Il affirme même, dans un langage que je traduis, qu’aussitôt que le chien se présente devant lui, il éprouve un raptus de sang à là tête, si bien qu’il l’a fait éloigner et qu’il redoute maintenant de le revoir.
Au moment où la crise va éclater, il sent une boule qui remonte de la partie inférieure de l’abdomen vers l’estomac. Cette boule, ainsi que je l’ai déjà dit, vient se fixer à l’anse gauche du gros intestin, et quelques secondes après, le malade tombe en lipothymie. Pendant la durée de l’état lipolhymique, deux figures lui apparaissent, celle de son chien, et celle d’un mulâtre qui lui a voué une haine implacable, et qui l’a menacé, plusieurs fois, de se venger en lui jetant un sort, expression dont se servent les noirs qui croient aux sortilèges. Sa mère l’entretient dans cette disposition fatale en affirmant, devant lui, que cette boule n’est autre chose qu’un serpent introduit dans son
corps par son ennemi, et qui par intervalle se déplace brusquement. Aussi, comme pour l’exorciser, s’il est permis do parler ainsi, dès que la crise approche, elle l’entoure de crucifix, de chapelets, d’images saintes, pendant qu’elle prononce, à voix basse, des paroles magiques, qui rappellent 1'abracadabra des anciens. Quantau nègre, il rejette l’opinion de sa mère, eteroit plutôt à la présence, dans son ventre, d’une boule de poison que son ennemi lui a fait avaler. Qu’on me pardonne ces détails, ils m’ont paru nécessaires pour qu’on puisse se rendre compte des phénomènes extraordinaires qui ont accompagné la maladie. Ils donnent la mesure de la faiblesse d’esprit de mon malade, et offrent de plus quelque intérêt comme étude de mœurs.
Lorsque le malade, sorti de l’état comateux, est entré dans ce qu’on peut appeler la phase extatique, il s’adresse tantôt à la figure rouge (c’est son expression pour désigner le mulâtre), tantôt à Fidèle. Il demande à son ennemi ce qu’il lui a fait pour mériter sa hàine; il le conjure d’oublier ses idées de vengeance, et l’exhorte à la réconciliation. Puis, revenant à son chien, il lui fait des reproches amers sur son ingratitude. Moi, dit-il, qui t’ai élevé et nourri, tu m’abandonnes pour te joindre à mon ennemi. Dans d’autres instants, il croit voir sa femme, et lui adresse les paroles les plus affectueuses et des reproches tendres sur son absence.
Il abandonne enfin cette série d’idées et se met soudainement à japper. Le 16, il ne se borna pas à contrefaire le chien; il miaula, et après avoir miaulé il imita le perroquet. Dans les crises subséquentes, il contrefait tour-à-tour le chien, le chat, le perroquet, l’âne, la pintade et le coq. Pendant qu’il contre-lait le chaut de ce dernier animal, il se soulève sur
son lit et agite ses bras en se frappant le corps, à la manière d’un coq qui bat de9 ailes.
La langue est blanche et pâteuse. Les selles, qui sont rares, contiennent des pelotons de matière graisseuse, et comme des détritus de végétaux. Prescription : — Un purgatif vermifuge.
Le purgatif provoque quatre selles peu copieuses, contenant de la bile et des parcelles de matière fécale durcie. Le soir, continuation de la potion calmante, lavement avec vingt-cinq grains d’assa-fœtïda.
Le 17, les crises continuent et paraissent même se prolonger davantage. La peau est encore chaude et le pouls fréquent. — Application de vingt sangsues sur le même point. — Continuation des moyens précédents.
Du 18 au 19, les crises commencent à être moins fréquentes et moins violentes. Dans les dernières attaques, qui s'affaiblissent graduellement, le malade n'imite plus que deux ou trois animaux. Le 20 et le ai, il tombe encore en lipothymie, reste huit à dix minutes dans cet état, mais sans contrefaire le cri d’aucun animal. Néanmoins, l’intelligence est lente, et la mémoire est notablement affectée.
Aujourd’hui, le nègre est en convalescence, mais il est encore très-faible et conserve un peu de sensibilité dans l’abdomen. Il a été vu, dans la période d'imitation, par le Dr Pecquet. Le Dr Lambert l’a vu également, mais seulement dans l’état comateux.
Cette observation est curieuse sous plus d’un rapport. On voit d’abord l’attaque s’annoncer, comme une crise d’hystérie, par une sorte de globe hystérique. En second lieu, le trouble intellectuel qui survient si promptement sous l’influence d’un spasme intestinal, montre combien est grande, et combien peut être rapide, dans sa manifestation, la sympathie qui lie le cerveau aux viscères abdominaux. Enfin
cette imitation successive du cri de divers animaux n’est pas dépourvue d’intérêt sous le point de vue idéologique. Elle montre clairement une association d’idées pathologiques calquée, pour ainsi dire, sur l’association des idées physiologiques.
C. DELÉRY, d. m. p.
Le même journal contient, dans son numéro du 5 décembre, de judicieuses réflexions de notre correspondant et ami Jos. Barthet, sur cette singulière affection. Voici la lettre qu’il a adressée aux éditeurs de l'Abeille.
Messieurs,
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt les observations d’un cas de névrose extraordinaire, publiées dans votre dernier numéro par le Dr Dcléry; et puisque le mode de traitement employé a eu tout le succès que le médecin en attendait ; il n’y a qu’à louer celui-ci de son heureuse inspiration. Mais on sait combien divers médecins envisagent diversement un cas donné de maladie; combien diversement encore ils traitent des cas identiques, et enfin combien l’action des remèdes est elle-même variable!....
Le cas cité n’est pas sans précédents ; les annales du magnétisme en offrent de curieux exemples, et sans aucun doute il s’en présentera de nouveaux. Puisse la simple remarque que je viens de faire avoir alors son utilité!.....
Si la cause de tels désordres reste cachée, du moins les magnétiseurs savent combien il est facile de provoquer magnétiquement un état semblable chez certaines personnes, et avec quelle facilité on le fait cesser : nous l’avons maintes fois vu aux séances de la Société Magnétique.
Malheureusement nous ne comprenons pas plus l’agent mystérieux qui produit et guérit si facilement ces maladies artificielles, que nous ne comprenons la cause de leurs analogues, les maladies véritables; mais l’analogie semble nous dire qu’il faudrait les combattre, les unes et les autres , par les mêmes
moyens..... Je sais bien que la plupart des médecins
dédaignent le magnétisme, sans doute parce qu’ils n’ont pas le temps de le pratiquer ; mais ils pourraient le faire faire par d’autres ; ils n’ignorent pas que l’A-cadémie de Médecine de Paris déclara, en «831 , que « lè magnétisme deVait trouver sa place dans le cadre des agents cüralifs »...1.
L’état décrit par M. le Dr Deléry est évidemment une modifica'tion du somnambulisme, et indique uhe très-grande prédisposition aux effets magnétiques; Dans ce cas il est d’ordinaire très-facile de faire passer le malade à l’état de somnambulisme artificiel, et le médecin, ou quiconque solliciterait ce nouvel état, recevrait très-probablemfent d’utiles indications du malade même. Celui du Dr Deléry « prévoyait et annonçait le retour de la crise », et demandait qu'on lui f\l des friction*...: C’est que l’intuition instihetive était éveillée : un magnétiseur l’aurait soutenue* sinon régularisée ou dirigée.
J’ajouterai qüe lors même que le somnambulisme ne viendrait pas , la magnétisation n’en setait pas moins un puissant temède, peut-être le plus sûr comme le moins douloureux des moyens de guérison. On devrait toujours se hâter d’y recourir, dans les cas surtout de cette nature, l’hystérie et 1rs névroses en général. Le médecin pourrait lui adjoindre les moyens ordinaires dont il dispose, mais j'en ai assez vu pour me fier â elle seule dans une multitude de cas.
J. B.
INSTITUTIONS MAGNÉTIQUES.
Oonfcrcuccs magnétique» iloiuiulcalc».
Depuis quelque temps, nous donnons peu d’articles sur la magie : en voici la raison. Les faits qui paraissent supérieurs à la nature, exaltent quelques-uns des hommes qui les considèrent, et les portent à d’autres recherches dans lesquelles leur esprit s’égare. Nous nous repentirions toute notre vie d’avoir contribué, en quoi que ce soit, à faire des fous; et nousnoussommesaperçusqu’unecertainefolieprenait sa racine dans les faits transcendants du magnétisme.
Quelques hommes, dont nous croyions la raison assez forte, se sont laissé prendre à une sorte de mirage. Vivant maintenant plus dans le ciel que sur la terre, ils sont devenus impropres à servir la cause de la vérité ; car ils laissent la réalité pour l’ombre, et leur esprit égaré inocule à ceux qui les approchent une exaltation dangereuse.
Le magnétisme cesse dès lors de paraître ce qu’il est réellement, il devient une chose absurde et ridicule. Dans de telles conditions, la sagesse nous commande de ne plus parler qu’avec circonspection, et surtout de n’expérimenter qu’avec la plus grande réserve, autrement nous servirions une secte fanatique, qui aura plus d’influence qu'on ne l’imagine, parce qu’elle porte en soi tout ce qui peut troubler l'intelligence.
Autant nous avons combattu l'incrédulité, autant nous attaquerons cette foi aveugle qui, sous l’apparence d’une grande sincérité, cache un piège aux hommes trop confiants, qui aiment à se repaître d’illusions.
Société PhlIanthro-lMngnétiqae de Pari».
Nous annoncions sommairement naguère l’état de prospérité auquel cette institution est tout à coup parvenue, après une existence languissante de dix années. De très-grandes améliorations viennent d’etre apportées, tant à son organisation qu’à sa direction, et tout fait espérer que cet heureux changement ne restera pas stationnaire.
Au nombre des innovations, se trouve le titre de la société, qui, fondée en 1840, sous le nom de Philanthropico-Magnétologiquc, prit, en 1845, celui de Philantkropico-Magnétique, qu’elle changeaplus tard en Magnéto logique. Depuis dix jours, elle s’appelle Philanthro - Magnétique. Dieu veuille que cette nouvelle mutation soit la dernière.
Les statuts ont subi des modifications nombreuses, et, pour la plupart, fort bien appropriées à la situation actuelle. On y a admis une nouvelle classe de membres, les auditeurs, dont la position est identique à celle des adhérents de la Société du mesmérisme.
Le bureau sera désormais armé d’une puissante initiative, qui facilitera les travaux en unifiant la direction. En somme, il y a progrès intérieur, et tendance marquée vers une grande influence au dehors.
Les nouveaux statuts imprimés, se distribuent chez M. Millet.
Le nombre des membres est actuellement de :
Fondateurs..........................8
Titulaires.......... . . .
Adjoints............................13
Auditeurs..........................4
Correspondants....................9
Total. . . 57
Le bureau est composé, pour i85o, de : Messieurs,
D’ORSAY, président. DQUSjSAN, secrétaire.
PiCHAKD, vice-présidept. MILLET, archiviste.
WINNEN, id. DUTEIL, trésorier.
DE WALLES, secr.-général. FLEURY, censeur.
ROUSTAN, seprétajre. LEfUR, id.
VARIÉTÉS.
Physiologie. —Une série d’expériences très-intéressantes vient d’être accomplie par M. Ilelmhollz, professeur de physiologie à Kœnigsberg, ayant ppur but de constater les lois de transmission de l'agent nerveux le long des nerfs, dans les muscles. Le savant professeur a eu recours à l’action irritante d’un courant induit, instantané sur le nerf sciatique d’une grenouille, pour obtenir les contractions du muscle correspondant. Au muscle, était attaché un petit poids, tel que la contraction musculaire pût le soulever. Ce poids, en s’appuyant par une pointe en platine sur une plaque dorée, formait un circuit voltaïque, dans le trajet duquel se trouvait un galvanomètre très-sensible. Un mécanisme particulier était destiné à mesurer le temps qui s’écoulait entre le passage du courant induit sur le nerf, et l’ouverture du circuit produite par le raccourcissement du muscle et le soulè-
veinent du poids. En agissant dans ces conditions, M. Helmholtz a pu obtenir plusieurs résultats fort remarquables, dont nous rendrons compte lorsque le travail du professeur de Kœnigsberg sera terminé. Mais il y a, parmi tant d’autres, un fait qui mérite de fixer tout de suite l’attention des physiologistes et des physiciens. C’est celui qui a trait à la vitesse de transmission de l’agent nerveux dans un nerf, transmission qui s’accomplirait en 0,0014® ou 0,0020e de seconde pour un trajet de 5o à 60 millimètres, ce qui donnerait une vitesse de a3 ou de a5 mètres par seconde. L’abaissement de la température tendrait à diminuer la rapidité de l’innervation.
G***
Tribunaux. — Le Droit du 20 décembre 1849, rendant compte de l’audience de la veille à la Cour d’assises de la Seine, donne les détails suivants sur l’un des prévenus, accusé de complicité de construction de barricades :
« De 1840 à 1848, on perd la trace deDespard; mais lorsque la révolution de février arrive, on le retrouve à Toulouse, sous le nom de Philippe, et il y signale sa présence par l’affiche suivante, placardée au coin de toutes les rues de la ville, et digne certainement du célèbre I'ontanarose :
BOULEVARD NAPOLÉON, 63.
LE DOCTEUR PHILIPPE,
Membre de plusieurs sociétés savantes,
AUX TOULOUSAINS.
(Comme avocat, il s’occupe de toutes sortes d’affaires).
« Je viens à Toulouse exercer le magnétisme, qui « est le vrai médecin de ceux que l’on dit incurables.
« Comme vous , lorsque j’entendis parler de ma-
« gnétisme pour guérir les maladies, je fus étonné et « tenté de n’y croire qu’après avoir vu.
« Douze années d’expérience m’ont convaincu que « la plus grande partie des maladies humaines pou-« vaient être guéries par la magnétisation, y compris « la goutte et la folie.
« Je viens maintenant me fixer parmi vous pour « y donner mes soins à ceux qui souffrent, et pour y « faire tout le bien dont je suis capable
« Venez donc à moi, vous tous qui souffrez, vous « que l’on désespère en vous disant : Il est impos-« sible de vous guérir !
« Suit un long panégyrique de la science du magnétisme et du mérite du nouveau docteur-avocat.
« Ainsi qu’il l’annonçait par son affiche, Despard se mit à donner des consultations; mais la Faculté, jalouse sans doute de son mérite, porta plainte, et bientôt un arrêt vint condamner Despard pour exercice illégal de la médecine. »
Nécrologie. — M. le colonel Roger, l’un des ma-gnétistes qui s’intitulent spiritualistes, vient de mourir ù Paris, dans un âge avancé.
— L’évêque de Sardica, prince de Hohenlohe, etc., est mort à Yoslau, le i4 novembre dernier, d’une hy-dropisie de poitrine, à l’âge de cinquante-six ans environ.
Les saints s’en vont, les miracles deviennent rares, à peine si aujourd’hui l’attention se porte un instant sur les hommes distingués. Dans les siècles passés, celui qui vient de succomber eût été canonisé ; on l’eût mis dans la légende. Ne fut-il pas homme de bien, et sa vie ne présente-t-elle point des œuvres semblables à celles des apôtres ? 11 guérit par sa prière bien des incurables ; sa pensée allait trouver les affligés, et, plus efficace que toutes les médecines, elle portait en eux un baume divin, l.e magnétisme
peut revendiquer ces cures merveilleuses, et elles doivent être insérées dans nos annales, car elles s’expliqueront parfaitement un jour (i).
Le gouvernement autrichien, prenant ombrage de la renommée du prince, lui fit défense de guérir. Son cœur, sans doute, dut cruellement souffrir de cette interdiction; mais, docile en tout aux lois de son pay9, le prince se soumit. Un autre que lui, ayant reconnu sa puissante vertu, n’eût point interrompu le cours de ses intercessions auprès de la bonté divine en faveur des malheureux ; il eut pris un bâton et se serait fait hermite, comme notre ami Laforgue; mais c’eût été perdre des honneurs, décliner près du grand monde. Notre héros d’aujourd’hui ne mérite donc qu’une mention. Sa vie cependant appartient à l’histoire: le prince a disparu, le spiritualiste vivra dans les fastes du magnétisme.
Chronique. — M. le ür Ordinaire a été obligé de quitter les États sardes, le 3i décembre. Il s’est réfugié â Genève.
— On nous écrit de Nantes, que les deux cataleptiques magnélisées par M. Gravé, continuent de bien se porter.
— Notre ami Laporte, qui 9e trouve actuellement en Espagne, nous donne de bonnes nouvelles sur l’état du magnétisme en ce pays, et particulièrement à Madrid, d’où il nous écrit ce qui suit :
“..... n a> pas le temps de m’occuper de magnétisme. Cependant, le hasard m’a fait rencontrer deux de ces organisations avec lesquelles on obtient des résultats palpables et qui parlent à toutes les intelligences. Je veux parler de deux sujets offrants des phénomènes physiques dans l’état de veille. Les quel.
(I) Voyez le risumédes travaux, tome VIII, page 54>J.
qucs expériences que j’ai faites, ont convaincu de la puissance du fluide mystérieux des personnes qui avaient vu des somnambules , et qui étaient restées dans le doute... Car, ici aussi, on a exploité le somnambulisme. Mais j’ai, entre autres choses, fait la conquête d’un médecin français; il est vrai que ce n’est pas un de ces hommes qui nient sans connaître. Je lui ai donné le goût d’étudier notre science, et il va sérieusement s’en occuper, etc... »
Revue des Journaux. — L'Union ci-devant monarchique, «lu 5 décembre, conteste aux guérisons du prince de Hohenlohe le caractère magnétique qui leur est généralement attribué.
_ Le journal Affiches de Saint-Jean-d'Angély, du 8
décembre, rend compte des séances magnétiques données dans cette ville par M. et Mme Morel.
Le narrateur de ces faits loue beaucoup la somnambule, qui, du reste, est bien connue à Niort, et constate la parfaite satisfaction des témoins des expériences.
PETITE CORRESPONDANCE.
A TOU». — La couverture verte, indépendante du cahier, étant un obstacle à l’admission de notre Journal par le Post-Office, nos abonnés d’Amérique et des Colonies ne pouvaient les recevoir que par les navires à voiles.
Pour obvier à cet inconvénient, nous avons fait entrer dans 28 pages la matière précédemment contenue dans 52, de manière à oe que la oouver-
ture soit adhérente.
Grèce à celte disposition, qui ne lèse point nos abonnés du continent, ceux d’outre-mer recevront les nouvelles en 13 jours au lieu de 3 mois.
Le Gérant ? HÉBERT (de Garnay).
THÉORIES.
PHILOSOPHIE MÉDICO-MAGNÉTIQUE.
CHAPITRE III.
De la Médecine magnétique.
(Suile.)
F.-A. Mesmer, médecin allemand, fit paraître, en 1766, une thèse (1) dans laquelle il soutient l’influence des corps célestes sur les corps inanimés), au moyen d'un fluide particulier, bien distinct de l’électricité et de l’aimant. Il prétend (2) que ce fluide « est universellement répandu et continué, de manière à ne souffrir aucun vide, que sa subtilité ne permet aucune comparaison; et que, de sa nature, il est susceptible de recevoir, propager et communiquer toutes les impressions du mouvement. » Mesmer avance encore (3), d’après les principes connus de l’attraction universelle, que les globes célestes exercent une « action directe sur toutes les parties constitutives des corps animés, particulièrement sur le système nerveux, à l’aide d’un fluide qui pénètre partout. » L action de ce fluide se propage par l’intention et la rémission des propriétés de la matière et des corps organisés, telles que la gravité, la cohésion, Yélasticité, Y irritabilité et ['électricité, et produit des effets analogues à ceux du flux et du reflux de la mer.
(1) De Planelarum injlexu.
(2) Deuxième Mémoire, an VII.
(3) Mémoire sur la découv. du Magnél. animal, p. 0 et 7, tomk ix. —¡V" 110. — 25 janvier 1850. 2
Cc9 effets alternatifs avaient été signales antérieurement, par R. Mead (i), Ernest Stahl (2) et surtout par Maxwell (3), médecin écossais, dans les ouvrages duquel nous retrouvons toutes les idées émises plus tard par Mesmer, sous le nom de magnétisme animal.
Rob.Boyle (4), fondateur de l’Académie de Londres, avait aussi fait connaître l'action que les individus pouvaient exercer les uns sur les autres, et avait admis un fluide.
Le système de Mesmer rencontra de nombreux contradicteurs parmi les savants; mais quelques hommes consciencieux se livrèrent avec ardeur et persévérance â 1 etude de cette doctrine, et ne tardèrent pas à en reconnaître l’importance. Desion, docteur-régent de la Faculté de médecine, mit en pratique tous les principes de Mesmer, et partagea les convictions de sou maître. Il ne craignit pas d’encourir l’anathème de ses confrères, en travaillant à propager cette découverte. Son exemple fut suivi par des hommes instruits, qui sont parvenus, par leurs travaux et leur longue expérience, à déterminer les lois suivant lesquelles le fluide magnétique parvient à la cure des maladies. La découverte du somnambulisme leur fut d’un grand secours dans l’appréciation des phénomènes magnétiques; car, qui pouvait, mieux que des somnambules, nous éclairer sur la nature et les propriétés de cet agent inappréciable jusqu’alors à nos grossiers instruments de physique.
« Lorsque je veux soulever un poids ou lancer un projectile, dit Deleuze, j’envoie par ma volonté, de
(1) Opéra.
(2) Nouvelle théorie médic.
(3) De la Médecine magnélique.
(i) De Mira. Corp. subtil.
mon cerveau à ma main, la force nécessaire pour produire l’effet que je désire. Ce qui part de mon cerveau pour arriver à ma main, préalablement par le canal des nerfs, est ce que nous nommons fluide vital, ou fluide nerveux, ou fluide magnétique. Notre main, qui a reçu cette force, l’emploie à vaincre üne résistance, en soulevant un poids, ou à imprimer Un mouvement, en le lançant à une certaine distance. Si nous envoyons de la force à notre main sans la communiquer à un corps, soit immédiatement, soit par1 un conducteur, cette force se dissipe dans l’atmosphère. Si nous magnétisons, nous envoyons le métfte fluide vital de notre cerveau hors de nous, et, par notre volonté, nous lui imprimons une direction vers un être vivant ou vers un corps susceptible de s’en charger.
« J’ignore, ajoute-t-il, la nature de cette émanation ; je ne sais si elle est matérielle ou spirituelle ; je ne sais à quelle distance elle peut s’étendre; mais je sais qu’elle est lancée et dirigée par ma volonté; car lorsque je cesse de vouloir elle n’agit plus... »
Tout nous porte à croire qu’il n’y a dans la nature qu’un seul fluide qui peut se modifier à l’infini. Aussi ne faisons-nous aucune distinction entre le fluide vital, le fluide nerveux ou le fluide magnétique. Le fluide magnétique n’est probablement qu’une modification du fluide électrique; quoique le verre et les résines ne soient pas un obstacle à son passage. Si l'aimant pénètre au travers des corps vitreux, faut-il s'étonner qu’un fluide beaucoup plus subtil et plus parfait, jouisse de la même propriété? L’aimant et l’électricité ont été bien longtemps considérés comme deux agents parfaitement hétérogènes; on les confond aujourd’hui.
Le fluide magnétique tend, comme le fluide élec-
trique, à sc mettre en équilibre dans les corps. L’homme seul paraît posséder la faculté de le mettre en mouvement.
Cependant, quelques animaux sont doués de propriétés électriques, qui nous présentent certainement quelques points d’analogie avec les propriétés magnétiques. La torpille, le silure et le gymnote foudroient leur proie soit au simple contact, soit même à distance. La torpille agite ses nageoires pectorales lorsqu’elle frappe son ennemi. Le gymnote, au contraire, reste immobile.
Hunter et Geoffroy Saint-Eilaire, ont publié sur oes animaux singuliers des travaux fort intéressants. M. Jobert (de Lamballe), présenta à l’Académie des sciences, dans la séance du 29 avril i844 » une théorie très-ingénieuse sur l’appareil électrique de la torpille. Son opinion est entièrement opposée au système de ses prédécesseurs, qui assimilent cet appareil à un instrument de physique. Suivant cet observateur, l’agent électrique se compose «de deux poches en forme de fèves, situées symétriquement en dehors des branchies ; elles renferment des prismes comme gélatineux, embrassés par des anses nerveuses spéciales , dont aucun filet ne pénètre les prismes. On n’y découvre point de vaisseaux sanguins, ni rien qui ressemble à la pile galvanique. Si cette disposition pouvait se prêter à une théorie, ce serait, dit l’auteur, à celle des courants , proposée par Ampère et Nobili. »
Pourquoi notre système nerveux n’aurait-il pas une atmosphère fluidique agissant sur les corps qui l’environnent ? Tous les jours, un état morbide modifie l’innervation. La puissance vitale ne peut-elle pas être soumise aux mêmes influences, sous l’empire
d’agents divers, dont la nature et le siège échappent encore il nos plus minutieuses investigations ?
Reil, d’Autcnrieth, de Humboldt, Bogras et beaucoup d’antres, admettent l’existence d’une circulation nerveuse et l’expansion de ce fluide au dehors, expansion qui forme une sphère d’activité analogue à celle des corps électrisés (1).
«On n’a pas encore, dit Newton (a), une assez grande quantité d’expériences pour détorminer et démontrer exactement les lois suivant lesquelles ce fluide agit. C’est lui cependant qui p oduit nos mouvements et nos sensations, par les vibrations qui se communiquent depuis l’extrémité de nos organes jusqu’au cerveau, par le moyen des nerfs. »
Le Dr Jobert, pour expliquer le retour de la sen-sibilité dans les lambeaux de chair rapportés, admet une atmosphère nerveuse qui serait entretenue par la circulation du sang ; car ces filets nerveux s’arrêtent à l’endroit de la cicatrice, et l’on ne peut alors admettre la sensibilité occasionnée par les nerfs, puis que leur trajet est interrompu.
Cette idée d’une atmosphère nerveuse avait déjà été émise par M. de Humboldt (3).
« Le savant physicien Prévôt, de Genève, rapporte leDrCharpignon (4) a aimanté des aiguilles de fer doux en les plaçant près des nerfs, et perpendiculairement à leur direction. L’aimantation a lieu au moment où, en irritant la moelle épinière de l’animal, on détermine une contraction musculaire. 11 conclut à l’identité des fluides nerveux et électriques. »
(1) Voyez le Rapport de M. Ilusson à l’Académie de Médecine.
(2) Principes.
(3) Voyez le Comple-rendu des séances de l'Académie des sciences des 20 el 25 février 18«.
(t) Physiol. méd. el rtiétapli. du Magnét., page t2.
Béclard est parvenu à faire mouvoir l’aiguille aimantée, en la soumettant à l’émanation des nerfs.
Suivant Dutrochet (1), les substances excitantes n’agissent qu'au moyen de l’électricité dont elles déterminent la production, et ce profond observateur croit pouvoir conclure, d'après scs expériences, que l’agent nerveux est l’électricité ou l’une de ses modifications. C’était, du reste, l’opinion de Cabanis, qui prétend qu’après avoir étudié les phénomènes du magnétisme animal, 011 parviendra, en les comparant avec ceux du galvanisme et de l'électricité proprement dite, à déterminer l’analogie qui rapproche ces fluides.
Les expériences de Jurine, Scarpa, Volta, Galvani, de Humboldt, etc., ne peuvent nous laisser aucun doute sur la possibilité de produire des mouvements dans les muscles, à l’aide d’un courant électrique, et tendraient à nous confirmer dans l’opinion que le fluide nerveux ou magnétique n’est qu’une modification de l’électricité. Parmi les observations qui viennent appuyer ce jugement, nous citerons la suivante, qui eut un grand retentissement (2) :
« Le 4 novembre 1818, le Dr Ure, de Glascow, avec une pile de Volta composée de 270 plaques, épaisses et larges chacune de quatre pouces, a fait différentes expériences sur le corps de l’assassin Clydesdale ; les résultats en ont été effrayants. En promenant la baguette de fer depuis la hanche jusqu’au talon, la jambe, quoiqu’on ait eu le soin d’attacher préalablement le genou, a été lancée avec tant de force, qu’elle a renversé un des assistants qui essayait d’arrêter son extension. La seconde fois, on a appliqué la baguette de fer au nerf du cou, une respiration laborieuse a commencé; la poitrine s’élevait et Rabaissait; le ven-
(1) l)c l’agent immédiat du mouvement vital, p. 220.
(2) Archives du Magnétisme, t. VI, p. US.
tre sc goiallait et retombait avrc le diaphragme. On a pensé que sans l’évacuation du sang, la pulsation aurait pu avoir lieu. On a touché ensuite le nerf principal de la tête; chaque muscle de la figure de 1 assassin a été mis en mouvement d’une manière épouvantable. La scène était tellement hideuse, que plusieurs spectateurs ont quitté la chambre, et un des témoins est encore malade de la peur qu’il en a éprouvée. Pour la dernière expérience, on a transmis le galvanisme au nerf principal du bras; à l’instant même, les doigts ont été mis en mouvement; ils ont éprouvé une si grande agitation, qu’ils semblaient menacer les spectateurs; aussi quelques-uns d’eux ont cru que l’assassin revenait à la vie. »
L’influence de l’électricité ou des métaux n’est pas indispensable pour produire des mouvements musculaires ; on peut aussi obtenir l’excitabilité nerveuse par le contact de parties animales.
« Je suis parvenu plusieurs fois, dit M. de Humboldt (i), à occasionner des mouvements, en établissant communication entre un point d’un nerf et un autre point d’un même nerf, au moyen de parties animales, et sans employer d’armatures. Je saisis doucement le nerf crural avec deux doigts de la main gauche, et je le touchai avec un petit morceau de la chair musculaire que je tenais de la main droite. A l’instant, il y eut des contractions violentes; elles étaient surtout très-fortes quand je touchais le nerf près du muscle, mais non pas à son insertion même. Pour m’assurer que ce n’était pas une irritation mécanique, j’employai, au lieu de chair musculaire, de l’ivoire bien sec; mais il n’y eut pas d'effet ; et pour décider si, dans le premier cas, les contractions
(1) Expériences sur le Galvanisme, p. 35.
n’étaient pas dues à la pression des doigts, je divisai la substance musculaire en deux parties, que je saisis de chaque main, et avec lesquelles je touchai le nerf en deux points différents. Le membre éprouva des mouvements très-forts dans cette expérience, qui fut faite sur un lézard très-vif. »
D’après M. de Humboldt, le succès de ces expériences dépend autant de l’incitabilité et de l’excitabilité des organes, que de la force de la cause stimulante; le stimulus peut exister lors même qu’il n’y a aucune contraction apparente; ce résultat pouvant provenir d’un défaut d’incitabilité organique (i). Cette observation devient d’une haute importance pour le magnétisme, en lui fournissant l’explication des anomalies du système nerveux, et des effets si variables du magnétisme.
Petetin, professeur de médecine à Lyon, attribuait à l’électricité tous les phénomènes somnambu-liques qu’il avait constatés chez ses nombreux cataleptiques (2). Cette opinion rencontre encore aujourd’hui des partisans, malgré la différence essentielle qui existe entre les propriétés du galvanisme et du magnétisme. Peu nous importe, du reste, que le fluide magnétique soit l’électricité ou une de ses nombreuses transformations ; il est certain qu’il y a des effets qui ne peuvent s’expliquer que par le transport d’un fluide particulier, que les physiologistes admettent aujourd’hui sons le nom de fluide vital ou fluide nerveux.
Le comte de lledcrn (3) reconnaît l’existence d’un fluide nerveux dirigé par la volonté, avec une éner-
(1) Onvr. cité , p. 22.
(2) Electricité animale. Lyon, 1808.
(5) Modes accident, de nos percept.
gie proportionnée à l’eü'ct que l’on veut obtenir sur les objets extérieurs.
Cuvier lui-même attribue certains effets d’un corps animé sur un autre, à une communication quelconque qui s’établit entre leur système nerveux (i).
La plupart des physiologistes allemands reconnaissent la nécessité d’un agent de l’innervation , qu’ils supposent émaner de la masse encéphalique pour diriger les fonctions de nos organes. Si l’on s’en rapporte aux curieuses recherches de MM. Ehremberg et Ma-gendie, le fluide nerveux serait un fluide transparent, qu’ils ont rencontré à l'intérieur des tubes de la substance cérébrale (2).
M. Azaïs (3) affecte au corps de l’homme et des animaux un concert d'organes disposés et constitués de manière à ce que chacun de ces organes ait son fluide particulier.
MM. Moulin, Andral, Gendrin, Littré, et plusieurs autres médecins, ne peuvent se passer de ce fluide pour donner une explication satisfaisante de la névrose apoplectiforme, affection qui ne laisse après la mort aucune trace de son passage (4).
M. Andral (5)est convaincu que la sensibilité s’épuise comme le sang, et que cette perte peut occasionner la mort comme une hémorrhagie foudroyante; nous pourrions citer à l’appui de l’opinion de ces savants praticiens, deux observations de mortalité, que l’on doit indubitablement attribuer à l’apoplexie nerveuse.
M. Foville (6) rapporte toutes les manifestations d’activité vitale, normale ou morbide, à l'action de l'agent
(1) Leçons d'Anatomie comparée.
(2) Leçons sur les fonct. du syst. nerv., par M. Magendie, t. I, p. 12t.
(3) De la Phrénol. du Magn. et de la Folie, t. II, p. 289.
(i) Compendium de Méd. pral. (Arl. Apoplexie nerv.) — Dictionnaire de Méd., 2° édil. (Arl. Apoplexie nerv.)
(3) Cours de Pathol. générale.
(6) Dictionnaire de Médecine.
nerveux sur le sang, el réciproquement du sang sur l’agent nerveux.
Nous lisons dans un ouvrage (i) de M. Yirey : « S’il existe un fluide nerveux, il doit posséder les qualités les plus vives^et les plus impétueuses. 11 sera même capable de produire les effets les plus merveilleux, tels que les attractions, les répulsions, les combinaisons spontanées et la vie dans les animaux, comme l'out pensé Newton et Euler. Cet élément actif se rencontre non seulement dans les matières indispensables à la vie, mais il paraît être répandu par tout l'univers, et imprimer le mouvement à la génération, l’être aux corps organisés. »
Ce langage doit paraître étrange dans la bouche 4’j*n ardents détracteurs du magnétisme,
qui p’a pas craint de salir sa plume en déclarant que « la plupart des magnétiseurs, ou des croyants au magnétisme, sont des individus ignobles par le défaut de toutes connaissances ; des empiriques, 4’infâmes charlatans, des imposteurs, des mystago-gues, des hommes sans honneur et sans probité, des fanatiques, des séducteurs de sots, des arrogants, des gens qui ressemblent à ceux qui habitent les taudis de la sottjse ou les huttes des lupanars, des fous dignes des PetitesrMaisons, des individus ignobles, «arqués sur le front du signe de la béte (2). »
Notre honorable académicien a sans doute déploré bien des fois, par de trop justes regrets, cet accès d’ahénatipfi mentale , devant les convictions magnétiques de plusieurs de ses savants collègues.
Nous sommes heureux de constater que le plus grand nombre des hommes distingués qui se sont
(1) Art de Perfecl. l’homme, t. I, p. 1G.
(2) Tcratoscopie du fluide vital, 1822.
livrés consciencieusement à l’étude du système nerveux, sont nécessairement forcés de recourir à l’hypothèse d’un fluide particulier pour résoudre le grand problème de la vie. Si toutes les tentatives faites jusqu’à présent pour la découverte d'un instrument d'une susceptibilité suffisante pour constater la présence d’un agent du système nerveux n’ont pas réussi, nous ne doutons pas qu’on n’arrive un jour à de plus heureux résultats. Nous regrettons de nous trouver en opposition avec M. du Potet sur cette intéressante question. Ce célèbre magnétisle, qui mérite à tous égards notre vive sympathie, a cru devoir, après une longue expérience, modifier ses premières idées sur le fluide magnétique, qui lui offrait alors la plus grande analogie avec l’électricité et le galvanisme.
Notre opinion est la même à l’égard des conclusions formulées par de M. Govi dans ce Journal (1).
Nous sommes bien éloignés de confondre le fluide nerveux avec le principe animique, qui seul peut nous donner la solution de quelques phénomènes somnambuliques. La nature de l’âme sera toujours un mystère pour nous, et ce serait un acte insensé, si nous avions la prétention de la soumettre à l’analyse du chimiste ou du physicien. Le fluide nerveux, au contraire,, nous présente une trop grande cou. nexité avec nos fluides impondérables, pour ne pas se ranger un jour sous des lois qui nous rendront plus sensible son identité avec le magnétisme minéral ou l’électricité.
Les somnambules lucides, qui ne se trompent jamais sur la présence du fluide magnétique, seront les guides qui feront jaillir pour nous la lumière. Et si les expériences de MM. Thilorier et La-
(1) Journal du Magoél., t. VIII, p. 474.
Ion laine, qui crurent avoir démontré une analogie parfaite entre l’aimant et le fluide magnétique ne sont pas concluantes; si les tentatives récentes de M. du Bois-Ilcymond pour constater l’électricité animale sont encore insuffisantes pour nous convaincre de la possibilité de faire dévier une aiguille astatiqué par la volonté de l’homme (i); soyons résignés dans nos déceptions, et formons des vœux pour qu’un prompt succès vienne récompenser nos laborieux expérimentateurs de leurs fatigues et de leur dévoû-ment à la science.
Si les physiologistes qui se sont livrés particulièrement à l’étude du système nerveux, ne s’étaient pas laissés dominer par d’injustes préventions contre le magnétisme et les magnétiseurs, et s’étaient éclairés des lumières du somnambulisme, ils se seraient
(1) M. de Ilumholdl adressait la lettre suivante à (’Académie des Sciences , au mois d’avril 1819 :
« Il vient de paraître ici des Recherches sur l’électricité animale, par M. Emile Du Bois-Reymond. M. Du Bois e»( l’habile expérimentateur qui, le premier el le seul, a réussi à faire dévier une aiguille asiatique par la volonté de l’homme, c’est-à-dire par ie courant électrique que produit l’effet musculaire par la tension de nos muscles. Cette déviation s’opère à de très-grandes distances, et cesse acs que la volonté ne tend plus les
muscles.........L’expérience qui constate l’effet de la volonté de
l’homme raidissant alternativement les muscles des deux bras ne laisse aucune place au doute. Malgré mon grand âge, et le peu de force que j’ai dans les bràs, les déviations de l’aiguille ont été très-fortes ; elles ont été naturellement plus fortes chez M. Jean Mfiller, notre grand anatomiste, et chez M. Helmkoltz, auteur de travaux physiologiques importants, qui se sont rendus avec moi chez M. Emile Du Bois-Reymond. »
L’opinion de M. de Humboldt est pour nous d’un poids énorme dans celte question, el malgré les expériences contradictoires de MM. Pouillet, Becquerel et Desprelz, nous croyons qu’il est prudent de suspendre notre jugement jusqu’à ce que MM. Du Bois-Reymond et de Humboldt nous aient fait connaître le résultat de leurs nouvelles investigations.
Nous nous abstiendrons aujourd’hui d’entrer dans quelques détails sur les divers procédés qui ont été signalés à différentes époques pour démontrer l’existence d’un agent magnétique, tels que la noisette, le pendule, le tamis, etc. ; celte élude sera le sujet d’un article spécial.
épargné bien des labeurs inutiles, et leur hypothèse serait maintenant pour eux une certitude.
Les somnambules d’une lucidité bien constatée, ont toujours reconnu l’existence d’un fluide particulier, qui s’échappait des doigts ou des diverses parties du corps du magnétiseur, pour se porter sur eux. Ils l’ont tous vu à peu près de la même manière, la différence ne consistait que dans dos nuances, qui variaient du blanc au rouge. L’opinion des somnambules, si elle n’était appuyée par des faits irrécusables, serait certainement d’une haute considération pour nous, car la grande impressionnabilité de leur système nerveux doit les disposer favorablement aux sensations les plus fugaces. Depuis vingt ans que nous étudions avec l'examen le plus consciencieux les phénomènes du somnambulisme, nous n’avons rencontré aucune exception à cette règle, si ce n’est chez les somnambules qui ne nous ont présenté qu’une intuition imparfaite, ou chez les extatiques dont les perceptions se trouvent obscurcies par les rêves de leur imagination. Nous devons bien certainement attribuer aux perturbations de l’état extatique, la dissidence qui existe entre nos convictions et celles des antifluidistes, qui, comme le Dr Bertrand, ont basé leurs recherches sur ce genre de désordre intellectuel.
« Un grand nombre de magnétiseurs, dit De-leuze (i ), ont eu, comme M. Tardyet moi, des somnambules qui voyaient le fluide; et les expériences à ce sujet ont été répétées de mille manières. On nous répond : Vos somnambules voient le fluide, parce que vous croyez à son existence; el l’on ne fait pas attention que cet argument peut être rétorqué d’une
(1) Annales du Magnétiirar, t. III, p. 41.
manière victorieuse, lin effet, je répondrai : Vos somnambules ne voient pas le fluide, parce que vous êtes persuadé qu’il n’existe pas, et que vos croyances vous empêchent d’y faire attention. Il est certainement plus facile d’empêcher quelqu’un de voir ce qui existe, que de leur faire voir ce qui n’existe pas. »
Nous partageons entièrement l’opinion de Delcuze, et nous ajouterons que nous avons toujours pris le plus grand soin â nous prémunir contre l’idée préconçue de nos somnambules, qui, dans la plupart des cas, n’avaient aucune notion du magnétisme.
Nous avons généralement soumis nos somnambules à l’émission du fluide magnétique, soit en les mettant dans l’impossibilité d’apercevoir nos mouvements, en leur couvrant les yeux d’un bandeau; soit en les isolant dans un appartement voisin de celui où nous faisions nos expériences; alors notre émanation fluidique ne leur devenait sensible qu’à travers un mur d’une grande épaisseur. Dans le premier cas, nous établissions un courant magnétique à quelques pieds de distance du somnambule, qui en percevait la sensation pendant tout le temps de la magnétisation; lorsque nous cessions d’activer la sortie du fluide, il cessait aussitôt d’en ressentir l’impression. Dans le second cas, le somnambule ressentait parfaitement aussi l’influence du fluide qui mettait tou jours quelques instants à lui parvenir, suivant le dia mètre ou la nature de l’obstacle qui se trouvait entre lui et nous. Ces expériences ont été multipliées et variées à l’infini, et nous avons toujours fait en sorte de nous précautionner contre la supercherie el la mauvaise foi que l’on rencontre assez souvent chez les somnambules d’une lucidité douteuse.
D' Alfbf.d PEKKIEIt.
(La suite au prochain numéro.)
CLINIQUE MAGNÉTIQUE.
A M. du Potel de Sennevoy.
Monsieur,
J’ai le regret d’avoir passé de longues années à Paris sans avoir profité de vos savantes leçons.
Ce n’est qu’en mars dernier que j’eus recours au magnétisme pour ma femme, malade depuis dix ans des suites d’une affection de l’utérus. J’ai eu le bonheur de calmer quelquefois de violentes douleurs nocturnes qui ne lui laissaient pas le moindre repos. Depuis lors, encouragé, j’ai assisté deux fois à vos séances dominicales, j’ai pris votre Manuel et un abonnement à votre Journal. En somme, je sais peu; car j’ai peu vu et très-peu lu.
Seriez-vous assez bon pour faire choix des livres qui m’offriront les plus sûres indications ?
J’ai fait d’assez fréquentes magnétisations à Paris et à Pau, où je suis allé en dernier lieu conduire ma femme, à qui il faut un climat tempéré.
Maintenant j’habite Madrid. En dehors des obligations de ma position, j’y trouverai quelques moments à donner au magnétisme, et je le ferai aven une bien grande satisfaction , persuadé qu’on ne saurait faire un meilleur usage de ses loisirs.
Je ne vous entretiendrai pas autrement de mes magnétisations, si ce n’est pour vous dire que presque toujours j’ai constaté la présence des phénomènes que vous signalez. J’ai eu cinq cas de lucidité parfaite, le plus souvent une torpeur ou engourdissement chez les sujets soumis à mon action; un soulagement visible,
et souvent instantané, chez ceux qui souffraient; mon fils, enfant tle sjx ans, magnétisé pendant son sommeil, a éprouvé les effets que vous décrivez; enfin j’ai, à une ou deux exceptions près, toujours remarqué un effet quelconque.
Voici une note relative à deux sujets d’ici. Je ne sais pas résister au désir de vous soumettre les effets que je provoque chez ces deux malades , dont l’une est lucide.
Première observation.
Mme Josefa Santafé, âgée de cinquante ans, d’une très-robuste constitution, mère de plusieurs enfants, souffre depuis quinze mois d’une grave maladie au ventre et à ,1’estomac, qu’elle attribue à de violents chagrins domestiques. Elle a subi des traitements divers, et tous très -rigoureux. On la regarde comme atteinte d’hystérie. Elle a pris, entre autres médicaments, plus de trois cents pilules de Morison, huile de ricin, de l’eau de tabac en boisson et en lavement, du camphrc'pur, et enfin diverses recettes homéopathiques. La malade a aussi pris l’élixir tonique antiglaireux de Guillié.
Les principaux caractères de son mal sont des crises très-douloui euses, qui lui causent des spasmes; point de forces, d’appétit, ni de sommeil, des bouffées de chaleur qui la suffoquent, etc., et une constipation continuelle.
J’ai commencé à la magnétiser le a5 octobre. Yoici mes remarques :
a5 octobre. — Un quart-d’heure de magnétisation à six heures du soir. La tète se prend, la malade s’affaisse, ses bras et ses mains s’engourdissent, elle éprouve un soulagement; je dirige mon action sur l’estomac et le ventre, de fréquents borborygines se
font entendre, elle dit qu’il se fait une révolution en elle.
26. — Vingt minutes de magnétisation. La malade a passé, dit-elle, une excellente journée, mêmes bor-borygmes dans le ventre. Elle a eu dans la nuit précédente d’abondantes évacuations et flatuosités.
27. — Trente minutes de magnétisation. Douleurs assez fortes, mais n’ayant aucune ressemblance avec celles qu’elle éprouvait auparavant.
28. — Ces douleurs ont duré le 27 et le 28, mais par intervalles. Evacuation très-considérable et de matières compactes, sans secours aucun (la malade n’avait point de garde-robes sans lavements), les douleurs diminuent. Pendant la magnétisation, dont je fixe la durée à trente minutes, la malade ne cesse d’éprouver le même bien-être; elle ne dort pas, mais elle se complaît dans un état de prostration, elle est très-disposée au sommeil.
29. — L’amélioration continue et augmente. Chacun complimente la malade sur sa bonne mine. Comme je tiens à ce qu’on ne parle pas encore de magnétisme, on attribue ces heureux effets à l’homéopathie. L’action magnétique devient pour elle un besoin, elle attend l’heure avec impatience.
30. — La malade a pris, sur mon indication, deux fortes cuillerées à bouche d’huile d’olive magnétisée. Le jour même, d’abondantes évacuations ont lieu; le ventre est moins ballonné. La gaîlé, les forces reviennent; elle vaque à toutes les occupations du ménage. Elle prend de la soupe aux herbes avec un grand plaisir, et à peu près un quart de verre d’huile d’amandes douces magnétisée. Dès ce moment, je ne tiens pas à provoquer le sommeil magnétique. Je dirige toutes mes forces sur le ventre, tantôt par des passes verticales, mais le plus souvent en leur impri-
niant un sens circulaire (ce que je considère comme une friction magnétique). Je crois avoir remarqué que c’est plus particulièrement à l’aide de ce moyen que les intestins semblent se mettre le plus en mou-ment.
3i. — Rien de nouveau. Elle prend uno nouvelle dose d’huile d’amandes magnétisée ; je lui conseille l’usage du sagou au lait, ou au bouillon, sans préjudice du potage aux herbes, qu’elle continue.
1-2 novembre. — Etat on ne peut plus satisfaisant. Je continue mes séances; j’en fixe le terme au 8 du mois courant.
5. —Même état.
4* — Elle éprouve un peu d’embarras et de malaise à l’estomac, quelques borborygmes se font entendre. La nuit précédente a été un peu agitée. Il y a des flatuosités. Pour la première fois, elle est moins bien que d’habitude. Quelques douleurs à l’estomac et à la partie supérieure du ventre, vers le côté droit, se font sentir. Pendant la magnétisation, qui n’est que de vingt-cinq minutes, ces douleurs disparaissent, le calme ordinaire revient.
5 au matin. — La nuit a été excellente. On s’est levé de très-bonne heure, et vaque à toutes ses occupations.
Deuxième observation.
Cecilia Rosalcs, domestique de la précédente, âgée de vingt ans, d’un tempérament lymphatique, et que je crois scrofuleuse, est sujette, depuis l’âge de dix ans, à de violentes fluxions ou érysipèles qu’on fait avorter à l’aide de saignées très-abondantes; sa figure est continuellement bouffie, les lèvre9 surtout, son teint est blafard. Du reste, cette fille est parfaitement réglée depuis l’âge de quatorze ans.
Le 3i octobre, elle assistait A une de mes séances avcc sa maîtresse, lorsque je crus remarquer qu’elle était disposée A dormir. Je l’engageai A s’asseoir devant moi, elle le fait, et s’endort presque subitement A l’approche de ma main. Elle répond aux questions suivantes :
Connaissez vous Cecilia ? — Oui.
Elle est souffrante ? — Oui, beaucoup.
Elle a été saignée il y a deux jours; cette opération lui a-l-elle fait du bien?—Oh! oui, un grand bien.
Où est son mal; le voyez-vous? — Pas de réponse.
Un tremblement convulsif s’empare d’elle ; je lui commande le calme, la presse de me dire si elle voit le mal, elle promet de m’obéir. Il est ici, dit-elle, dans la poitrine, en y portant sa main. Au même instant, des spasmes produits par une violente crise se manifestent, elle souffre horriblement. J’applique ma main sur le creux de l’estomac et fais des passes à grands courants, en lui disant qu’elle ne doit plus rien ressentir : elle déclare être entièrement soulagée. Alors un frisson s’empare d’elle, elle se plaint d’un froid insupportable, aux jambes surtout; elle tremble de froid. Je ne réussis pas A rappeler la chaleur ; je la réveille, elle conserve encore le froid pendant quelques instants, et revient A sou état naturel.
icr novembre. —Après cinq minutes de magnétisation, une crise semblable, mais beaucoup plus violente, se produit. Il faut, en toute hâte, couper tous les lacets, toutes les ceintures de ses vêtements ; son estomac semble contenir quelque chose de volumineux, de compact, qui pousse au-dehors. Ces douleurs sont si aiguës que la malade se démagnétise presque seule; ses yeux s’ouvrent fixes et larmoyants. Je la réveille, et, pendant une demi-heure, elle éprouve une évacuation presque continuelle; des gaz
abondants sont expulsés, accompagnés de nausées; elle vomit des sérosités qui ont une certaine consistance, et qu’on pourrait comparer aux effets d’une mauvaise digestion. Elle revient à son état ordinaire, elle reste prise d’envie de dormir, passe une bonne nuit, et dans la journée suivante s’endort sur les chaises.
2. — Je ne magnétise que la tête pendant quelques instants. Elle n’éprouve dans cette journée aucune douleur d’estomac. Je l’interroge ainsi :
Êtes-vous bien ? — Oui.
Pourquoi ? — Parce que vous ne m’avez chargé que la tête.
Dormez-vous? — Oui.
Auriez vous, dans cet état, la faculté de bien voir votre mal ? — Oui.
Et celui de Mm' Sanlafé? — Oui.
Et le mien, si jamais j’en avais eu ? — Oui.
En êtes-vous bien sûre? — Très-sûre.
Indiquerez-vous des remèdes? — Oui.
Quel est le mal de Cecilia ? — Elle mange beaucoup.
Que doit on lui conseiller ? — De manger moins.
Et puis ?— Dormir.
Et puis? — Se purger.
Avec quoi? — Avec.... des poudres dont je vous dirai le nom.
Réfléchissez. Quelles sont ces poudres ? — Du jalap.
Et des boissons, en faut-il? — Non.
Je jugeai cette séance assez longue pour elle, et la réveillai.
Le lendemain, je lui conseillai, étant réveillée, de manger peu; elle me répondit qu’elle avait bon appé-
tit, niais qu’elle ne mangeait pas trop. Je lui demandai si elle avait été jamais purgée, elle répondit qu’elle avait souvent pris du séné avec de la manne.
Savez-vous ce qu’est le jalap ? — Elle me dit qu’elle se rappelait en avoir pris, il y a bien longtemps, une dose destinée à une de ses sœurs, et qu’elle avait tanf souffert, qu’elle croyait mourir.
Elle prendra demain la moitié delà plus faible dose que vendent les pharmaciens d’ici, c’est-à-dire la moitié de quatre quartos, qui font douze centimes et demi de France.
Séance du 3 novembre. — Je ne magnétise que la tête, elle s’endort cpmme d’habitude.
Êtes-vous bien? — Très-bien. Seulement, j’ai en toute la journée la tête fort lourde, et assez douloureuse.
YqHS S£»vez que je veu* vous parler de Mrae San-t^fé ? — Oui.
Êtes-vous disposée ^ yous entendre avec moi pour guérir cette brave dame? — Oui, mais j’ai bien mal à la tête aujourd’hui. Oh! comme je souij're! Olp?-r moi lu mal de tête.
J’essaje de dégager la tête, elle dit qu’elle semble squffrir moins. Mais, un instant après :
— MeUef-OiOî, dit-elle, un mouchoir fortement serré aqlqur de )a tête.
J’humecte alors le mouchoir avec de l’eau fraîche, et, désireux de faire une expérience, voici, lui dis-je, un mouchoir dans lequel j’ai mis une eau excellente, et qui gent très-bon. Elle vous fera le plus grand bien. Elle se mit alors à respirer ce mouchoir avec un plaisir infini, à plusieurs reprises, en disant :
— Oh! quelle excellente odeur, c’est délicieux; qu’y avez-vous mis? Je ne puis point reconnaître cptte odeur.
J’avoue qu’elle n'a pas reconnu Codeur du citron que j’avais voulu attribuer au mouchoir.
— Mais, mon mal de tête ne s’en va pas; ôtez-le-moi.
— J’ai fait tout ce que j’ai pu, lui ai-je dit, et il ne me reste plus qu’à vous engager à sortir avec moi jusqu’à la Pucrta del Sol ; je suis persuadé que le grand air vous remettra.
— Je veux bien, dit-elle.
Alors, je la conduis mentalement au bas de l’escalier.
— Où est le portier? lui dis-je. — 11 est monte nous chercher un parapluie; ne voyez-vous pas qu’il pleut?
Et, en effet, une personne ouvrit la croisée, et s’assura qu’il pleuvait.
— Le portier ne vient pas vite, lui dis-je, et je préfère me mouiller un peu que d’attendre.
— Non , dit-elle, il pleut, et je ne veux pas sortir.
— Alors, restons un peu sur la porte, le grand air produira son effet tout de même ; et maintenant que vous voilà débarrassée de votre mal à la tête, remontons. — Oui, je n’ai plus rien.
— Combien avons-nous de marches à monter?
Et, désirant soumettre sa lucidité à une nouvelle
épreuve de pénétration de pensée, je dis aux personnes qui étaient là : Je ne connais pas le nombre des marches; mais je suppose, et je veux qu’il y en ait soixante-trois. La somnambule me répond :
— Oh ! il y en a beaucoup, et je ne les ai jamais comptées.
— Eh! bien, comptez-les. — 11 y en a plus de cinquante. Oh! oui.... — Je dis, soixante et quelques..... — Et trois, me répond-elle alors en élevant
la voix, et avec un air d’assurance qui frappa tout le monde.
Après celle épreuve, je la réveillai; elle s’est trouvée très-bien toute la journée.
4- — Le soir, elle est plus difficile à endormir.
Je dors, dit elle, mais j’entends un piano qui me dérange. — Trois personnes, qu’elle ne connaissait pas, ayant désiré voir cette somnambule,étaient pré-senles. Il se peut que le fait y ait contribué. Quoi qu’il en soit, je la magnétisai un peu plus fortement, et une nouvelle crise, pareille à celle du 1er novembre, se manifeste, il faut la délacer, couper les cordons; je la démaguétise, le froid, les venls et les nausées reviennent, et quelques instants après tout reprend son niveau.
Aujourd’hui elle est on ne peut mieux.
Ce sujet promet une grande lucidité et mérite tout mon intérêt par son état souffrant. C’est vous dire combien je vous serai reconnaissant des conseils que vous voudrez bien m’envoyer, pour me guider un peu. J'ai le désir de faire le bien, et la crainte de n’y pas réussir par mon inexpérience.
Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance des sentiments distingués avec lesquels j’ai l’honneur d’être voire très-humble serviteur,
I’. MERIC,
Ni'g., 10, Alcali.
Madrid , S novembre 1819.
PETITE CORRESPONDANCE.
Enseignement, — M. du Polct recomniéncera le 27 de ce mois son cours de Magnétisme. Les Élèves qui ont suivi les précédents sont invités â y assister.
VARIÉTÉS.
Conversion. — Nous n’avons pas l’habitude de hous servir contre les incrédules des àfrmes que nous fournissent nos succès sur eux. C’est par dérogation à ce principe, que nous publions aujourd’hui la lettre qu’on va lire ci-après. Il est si rare de trouver des esprits élevés qui consentent à avouer leur défaite, que ce sera un encouragement pour les hommes timides, qui, craignant la censure, ou retenus par une fausse honte, gardent au fond du cœur le secret des Vérités qui leür sont révélées.
A M. du Potet de Sennevoy.
Monsieur,
J’ai été tellement étonné par les effets que vous avez produits en moi à Votre réunion d’aujourd’hui, que je prends la liberté de m'adresse* à vous directement, sans avoir eu l’honneur de vdus être présenté, pour vous prier de vouloir bien me dire si un projet que j’ai formé, par rapport au magnétisme animal, serait réalisable ou non.
Je. viens au fait. Je suis auteur anglais, et ma curiosité aya nt été vivement excitée par les phénomènes de somnambulisme magnétique dont j’entendais parler, j’ai pensé que, s’ils sont effectivement vrais, ce serait une bien belle chose de produire un ouvrage écrit entièrement en état somnambulique.
Je suis donc Tenu à Paris dans le but de développer cette idée, car à Lohdres le magnétisme animal n’est pas de loin aussi avancé et aussi répandu qu’ici.
J’ai été voir les somnambules les plus accrédités de Paris, et je me suis soumis moi-même à l’influence de l’agent magnétique. Les résultats que j'ai obtenus furent défavorables, car j’ai cru voir d’abord du charlatanisme de la part des somnambules, et puis en moi-même l’insensibilité à cette influence, si vraiment elle existe.
J’ai pourtant voulu suspendre mon jugement en ce qui regardait la réalité de cette science, jusqu’à ce que je sois à même d’en former un sur des données plus positives. Je me suis abonné à votre Journal, et j’ai assisté déjà à deux de vos séances. J’étais encore dans cet état de doute, désirant me rendre à l’évidence de vos expériences, et persuadé à demi par vos explications, quoique bien résolu de n’admettre que ce qui ne serait plus susceptible d'être nié, quand tout d’un coup vous m’avez proposé de me magnétiser, comme si vous aviez compris qu’il y avait là un sceptique à convaincre de la manière la plus éclatante. J’y consentis volontiers, tout en étant sûr d’avoir une nouvelle preuve de mon insensibilité à l’action magnétique, si elle est réelle. Le résultat a été tel, que je me sentis tout bouleversé, et, pour ainsi dire, ébahi, au point que je crois ne pas avoir eu même assez de présence d’esprit pour vous répondre avec politesse quand vous m’avez parlé après.
Veuillez agréer mes excuses pour ce manque d’égards, très-involontaire, je puis vous l’assurer; car dans ce moment, je me disais :
Me voici enrôlé dans le nombre des sots , dont M. du Potet vient de nous parler; des soi-disant incrédules, qui croient malgré eux. Mais je ne compte nullement rester dans cette classe qu’il foudroie si impitoyablement et si justement; car j’avouerai hautement ma conviction,
Vous voyez, Monsieur, que c’était là une amende-honorable et une réparation bien complète que je faisais à votre science (car vous la représentez), dans mon for-intérieur, pendant que vous ne vous doutiez pas de ce qui se passait en moi. Vous m’avez proposé de continuer les expériences ; mais je me sentais tellement anéanti par la certitude irrécusable et écrasante, que tout ce que j’avais cru savoir jusqu’alors de notre organisation morale, n’était que systèmes aveugles et ignorance suffisante, que je n’ai pas pu aller plus loin sur le chemin que vous m’ouvriez, avant de m’être recueilli et rendu compte de ce que j’avais éprouvé.
Je m’en retournai chez moi, tout honteux de mol* même; mais pris d’un véritable enthousiasme pour le secret merveilleux qui venait de m’être dévoilé, et je vouai que, si mon nom est tant soit peu connu, à l’heure qu’il est, dans la littérature anglaise, il le sera bien autrement, par la suite, en alliance avec celui du magnétisme animal.
Je me promets bien des jouissances par l’étude de cette science, dans vos écrits, que je me suis procurés, et à vos réunions; mais, en attendant, vous m’obligeriez infiniment, en ayant la complaisance de me donner votre avis sur ces deux points, savoir : si on pourrait écrire un ouvrage étant en état de somnambulisme, et s’il est probable que je sois susceptible de tomber dans cet état?
Je vous prie de pardonner le sans façon de cette démarche de ma part auprès de vous, et de croire à l’assurance de la considération dictinguée avec laquelle j’ai l’honneur d’être, Monsieur,
Votre très-dévoué serviteur,
J.-II. SKENE.
Paris , 16 décembre 1849.
Démonologie. — Une ardente polémique existait naguère entre la Presse el l’Univers religieux, au sujet des sorciers. Les deux champions avaient choisi un terrain brillant, et manquaient, nous devons le dire, de lumières nécessaires pour vider cette question ; car il s’agit de faits occultes que le magnétisme peut seul faire comprendre et expliquer.
N’apercevant point d’issue à ce débat, nous écrivîmes la lettre qui suit à M. Émile de Girardin :
Monsieur,
Lecteur assidu de la Presse, j’admire votre talent autant que je loue votre courage. Je voudrais donc que vous eussiez toujours raison; mais j’aperçois que, dans votre polémique avec 1 ’Utiiven, au sujet de la sorcellerie, vous pourriez être battu, si les rédacteurs de ce journal étaient tant soit peu pénétrés du passé, et s’ils avaient moins d’ignorance.
Vous pensez, monsieur, que toute la sorcellerie et la magie reposaient sur des illusions, étaient imaginaires : c’est une erreur. Dans tous les temps, dans tous les lieux, les mêmes phénomènes se sont présentés , et ils se représenteront, car ils sont un des résultats de l’action de l’âme humaine agissant en dehors de son enveloppe. Je suis en mesure de vous prouver ce que j’avance ici, par des faits d’une incontestable réalité.
Je suis donc fâché, monsieur, de vous voir méconnaître un fait de nature, une vérité qui doit un jour, bien lot peut- être, en trer dans le domaine delà science. Je m’élève, comme vous, contre la barbarie, et je chercherai toute ma vie à réhabiliter les malheureux sacrifiés par l’ignorance et le fanatisme religieux.
Sans doute la politique eut quelque part â ces san.
glanls holocaustes, mais la plupart des faits sur lesquels s’appuyaient les juges élaient fondés, et, s’il y avait crime, c’est la nature qu’on eût dû punir.
\ous le voyez, monsieur, je défends les sorciers et je blâme leurs bourreaux. Ce que vous niez, je l’affirme, et je suis prêt à prouver, par de3 résultats dont vous-même pouvez être le juge, que mes idées, loin d’être erronées , reposent au contraire sur une loi de la nature.
Permettez-moi donc, monsieur, en terminant, de vous faire observer que les savants d’aujourd’hui sont aussi déraisonnables que ceux qui les précédèrent; car, s’ils ne laissent plus briller, ils n’en méconnaissent pas moins une vérité puissante qui, à coup sûr, doit un jour troubler le monde.
Veuillez, Monsieur, agréer l’assurance de ma considération distinguée,
DU POTET.
Paris, 21 janvier 1850.
Cette lettre est restée sans réponse. Peut-être avons-nous à nous féliciter qu’elle n’ait point été insérée, car nous avions l’intention de combattre le9 deux adversaires, et le temps n’est pas encore venu d’examiner froidement ces choses !
Revue des Journaux. — Le Galignanïs Messenger, du 6 octobre 1849, publie en entier la relation de la vision de la clairvoyante de Bolton,concernant le capitaine sir John Franklin, relation dont les journaux français n’ont donné qu’un aperçu d’après le Manchester Guardian, ainsi que nons l’avons déjà constaté.
Le Gérant : HÉBERT (de Camay).
THÉORIES.
FHIZ.OSOPHIX MÉDIOO-IWAONfTIÇUE.
CHAPITRE III. i De la Médecine magnétique (Salle.)
Quant à la perception du fluide dans les corps magnétisés, nou» pouvons affirmer qu’il ne nous reste aucun doute dans l’esprit à cet égard, après les nombreuses-expérimentations que nous avons tentées. 11 suffira de citer ici deux observations prises au 'hk-sard. mi; ? • • , i ; ; i■ : /
La première se trouve consignée en ces termes sur le Registre de» Procèt-Verbaux de la Société du Magnétisme de Caen, page ar t « Quatre verres d’ëau numérotés sont offerts à M Luce B * , notre somnambule; un seul contient de l’eau magnétisée longtemps avant la séance : elle le distingue aussitôt. Cette expérience est renouvelée trois fois pendant la soirée, avec le même succès, après avoir interverti l’ordre des numéros. Ji « Cinq jetons en carton, dont deux seulemètù étaient magnétisés, ont été soumis é l’exploration de M11* Luce, et à plusieurs reprises différentes; elle ne s’est jamais trompée dans l’indication des objets qui contenaient le fluide.
« Elle a reconnu, sans aucune hésitation, deux TOHB iX.-N"lll.-.10m*iiM860. 3
plaques de résine qui avaient été soumises à la magnétisation, sur cinq qui lui ont été présentées à divers intervalles. C t
« Nous avons enfin obtenu un résultat aussi satisfaisant à l’examen de trois morceaux de sulfate de chaux cristallisé, dont un seul était magnétisé (i). » La seconde observation nous offre d’autant plus d’intérêt, qu’elle nous a été fournie par une de nos malades chez laquelle nous n’avons jamais obtenu la plus légère propension au somnambulisme.
Mme Préval fit usage, pendant sa maladie, d’eau magnétisée pour boissqn habituelle; elle en retira d’excellents résultats. Soupçonnant que les effets de ce liquide pouvaient provenir de la grande impres-sionnabilité de la malade et s’expliquer par l'influence de l’imagination, nous nous abstînmes à différentes reprises de magnétiser sa boisson, en évitant de laisser prise au moindre soupçon. Mme Préval se plaignit .alors de l’insuffisance du remède, dont elle n’éprouvait plus, disait-elle, les mêmes avantages pour sa santé. v> ,,
Cette expérience a été renouvelée fréquemment, et avec le même succès, chep des sonmaüibules, pen-dant leur état de veille, ,et nous avons encouru de bien justes reproches, lorsque nous venions emuitè à développer chez elles le somnambulisme ; car ce n'était que dans çe dernier état qu’elles avaient coni-science dç notre épreuve, et cette ruse innocente leur causait ordinairement une Vive contrariétéi On ne peiit donc trop se garder de faire abus de ce genre '*’• flOflIqzo i 'âfiillOo Olü in«> mi0 >
(1) Nous ferons remirquer que nous avions lifyréctulion de magOéliser les objets assez longtemps d’ayauce pour que la température, naturellement plus élevée ilahs le corps magnétisé, ne pût servir d’indice à la somnambule. Quelquefois aussi nous les exposions àlü'cliàlèùr du feu avant de les \niprésenter, .-lr.'- \ . :
d’expérimentntloh chefe les malades, ïÿüôttjUé hoüs n’ayons jamais tu Survenir le Moindre aècideht.
Tous le* somnambules lucides què iïôüs àWHg eu l’occasion d’observer, ont été ùbbfiittiès j)Oitr Fë-counaltrel’exiBtence d’un fluidé Maghêtiqùe. Hà tt’ônt différé dans l'appréciation qil’ils èn Oht fâîtè, que par des nuances fort légères. Ndos he dévons pàè en ëtrë surpris; car, d’après les lois dé la A&luttè, il doit, comme I«b -antres fluides k le Sang, par èxetüpie, se modifier suivant chaque organisation.
Nous allons offrir le résumé deè diverses impressions de nôs somnambules â ëet égard.
M“’ S. a toujours aperçu le fluidé sôttâ lâ formé d’un brouillard où il y a du feu / e'isl dû feii dirttë de îâ fumée, nous disait-elle Souvent; c’tst tift nuagè 6u tî y ainfen. Il s’échappe, ajoutai t-èlte, en plus gfândé abondante del mains Jue de todte âdtrfe pârtî^ dü corps, et particulièrement de l’ëttrémf fé dés doigts du magnétiseur. Il s’en échappé tiiêthe ShVôldKtài-rement, et 4e» objets que l’on tiéttt dâûB là màïïfsë trouvent magnétisés sans auctinë ♦ôîonté àfcttVê; li n’est pas plus lumineux dftrtâ l’èbîcutité qu’â la lumière ün courant magnétiqUë est visîblé â trois mètres dé distance'environ. Le fluide se dirigé, én llgtte droite, k tretWs les corps qui !üi font obstacle, ét ne devient perceptible qu’après lès aVoittràVérsés. II â’en dégage encore ttne grande quantité dU fWmt ef dès yeux, lorsque l'on magnétise par îâ Volônfé seulement. Il n’én tient pas déiâ pârtid postérieure de la Vête, et', lorsque te knagnétisëÉr tourné lé dos à son snjetj le fluidé, fett S’échappant du frOfit, fait un détour pour se pèŸtétf feUr là péHbtlhë ‘vért laquelle la tolonté du magnétiseur bhefthé à lë ^irl^ét'} mais, après cette courbure, il reprend sa ligne droite, quels que soient les obstacles qu’il rètlcdntré süï 8â route.
Ce genre de courant est beaucoup plus faible et moins visible que les courants directs, il se répand sur le corps d’une manière plus imparfaite, et n’arrive jamais en pointes et concentré comme ces derniers.
Suivant l’expression d’une autre somnambule, le fluide magnétique est brillant et jaune comme du paillon. Il lui paraissait d’un jaune pâle, lorsque son magnétiseur était souffrant ou fatigué. . ,
MmeB., somnambule fort remarquable, dont nous avons parlé dans un article précédent (j), nuançait ainsi le fluide, suivant sa pureté : beau jaune orange, jaune paille, jaune blanchâtre. Elle le voyait au milieu d'un brouillard. Lorsque nous établissions devant elle un courant avec une grande énergie de volonté, elle distinguait alors le fluide magnétique sous forme d'étincelles ou d’éclairs dont elle ne pouvait supporter l’éclat. « Ab 1 que votre fluide est pâle et misérable! nous disait-elle quelquefois, lorsque nous étions souffrant ou exténué de fatigue. Vous ne me donnez aucun soulagement, et le peu que vous en perdez vous affaiblit encore I »
Presque tous les magnétiseurs ont obtenu des résultats analogues chez leurs somnambules; il est fâcheux qu’ils se soient généralement contentés du simple témoignage de leurs sujets, lorsqu’ils pouvaient y ajouter les preuves les plus irrécusables. Leur opir nion aurait alors une preuve d’autant plus grande, .que leurs adversaires n’auraient plu9 d'objection sérieuse à leur offrir. Cependant l’uniformité des jugements de tous ceux qui se sont livrés à l’étude du somnambulisme, sera toujours d’une valeur immense pour celui qui recherche sincèrement la vérité.
« Presque tous mes somnambules , rapporte M. de
(i) Voyez lome VIII, p. 428.
Lausanne (>)> vu trèsrdi^tjpplcfflenf «n qui, dp nies doigts et de njpn estoiqac, se portait sqr eux, et s’introduisait dans leur corps, principalement clans les parties affectées dp la mèfflP mairie. Ils l’ont tous vu à peu près de la mêpae manière. Lgs différences consistaient dans les nuance^ d’uqp çpq-Jeur, qui vfiri|it 4’UR ¥aRC sif au grjs çj’qqe fun)ée épajs?e. Quelqpes-uns ont apprçu des points brûlants, mats ils pe les aperGpyaipnt pas ponstampiept; jl$ ^istjngppient le fluide qui sprtait de fpqn çprpg de celui qui leur était prppre-, de cp|pi qui s’éjflyait de )a terre ou qui se précipitait du sp|ej), Celui-ci était brijlant et vif ; il éclatait de luiqjèrp et de feu ; pplui de la terre étajt épais ^vaporeux; pelni de J’^opaipe, plus blanc et plus subtil. Les nuances de ceigirci éfaiept sujettes à varier, selonladisposition oùlecprps ^e tropvait, en état de santé, d’inpqjnpiQfJjlé passagère ou de maladie... pps somnambules étaient presque tops dp la p)aqs6 du peuple, sachant à peine ljrp et écrire, pt ignorant paffailpmept le nom même de somnambule. Certainement ils ne sp doutaient pas, même en crise » que d’BUtres personnes disaient >t faisaient les wêmps choses. Les magnétiseurs à qui j’ai cqmmpniqpé çes faits, avaient eu de semblables réponses, et leurs malades eq crise avaient vu pe fluide, sous ces mêmes apparences, à peu de chose près. »
Delpu?e affirme (2) que le plus grand nombre des sotqnambules vqjppt un fluidt Ivmiueux et brillant sortir des mains et de la tète de leur magnétiseur.} H i ajoute qpe quelqnps-:un» le distinguent encore pty-sieurs minutes après avoir été réveillés; qu’il y en a
(1) Principes et Procédés du Magu., t. 1, p. 29.
(2) Histoire critique du M*gnét., 1.1, p. 8ti.
même qui l’aperçoivent pendant la magnétisation, sans être dans la plus légère disposition au somnambulisme.
« Tous les malades qui tombent en crise, dit Bon-nefoy, chirurgien de Lyon, reconnaissent très-distinctement le fluide magnétique à l’extrémité des pouces présentés en face l’un de l’autre; d’abord sous la forme de fils d’araignée, ensuite, comme une atmosphère qui entoure le doigt; puis, comme un trait blanchâtre qui s’allonge, ou comme des bluettes, en-fin comme un trait de feu (1). »
Une des somnambules de Tardy de Montravcl (2), voyait le fluide sortir de la baguette de son magnétiseur, sous la forme d’une colonne d'un jaune vif et étincelant.
M11" Estelle, âgée de onze ans, paralytique , appartenant à une famille très-distinguée, fut magnétisée, pour la première fois, aux bain» d’Aix, en Savoie, par le Dr Despine, père. Aussitôt que cette intéressante malade reçut l’impression du fluide, elle dit â son magnétiseur : « Je commence à voir des petits grains bleuâtres devant mes yeux, et quand vos doigts passent devant mon front, ils deviennent tout rouges ; mais si vous faites des jetées, je les aperçois comme un éclair (3). »
« Les somnambules, avance le Dr Roullier, voient le fluide magnétique blanc comme la lumière, et parsemé d’éloiles brillantes, quand le magnétiseur agite, avec plus ou moins de force, ses doigts en poinle; et parmi ces somnambules, on cite des enfants, des personnes sans aucune connaissance de physique, et
(1) Analogies de FÉlectricité, t. II, p. 417.
(2) Essai sur la Théorie du Somnambnli9me, p. 56.
(3) De l’eînploi du Magnétisme et des Eaux minérales, etc.
qui, même dans leur état naturel, n’ajoutaient aucune confiance au magnétisme (i). »
Une somnambule de M. de Mongé, rapporte M. de Puységur (2), prétendait qu’il serait toujours impossible aux somnambules de s’énoncer intelligiblement sur ce qu’ils voient, et qu’ils ne pourraient donner une idée exacte de ce qu’ils sentent, parce qu’il faudrait un nouveau langage pour exprimer toutes les impressions qu’ils éprouvent. Elle voyait pendant la magnétisation un immense océan d’une matière excessivement subtile... Une infinité de longs fils, comme des rayons d’une matière qui tient de la nature du feu, et qui se croisent et s'entrelacent. Les uns se joignent, les autres se repoussent, et rien ne se confond. « Mon Dieu! s’écriait cette somnambule, je vois cela, je voudrais vous l’expliquer; mais je ne puis : non, jamais je ne le pourrai, ni aucune bouche humaine 1 »
Le comte de Lützelbourg (3) assure que ses somnambules ressentaient l’impression d’un fluide très-brillant qui se dégageait des pouces de leur magnétiseur; le fluide qui provenait des autres doigts leur semblait avoir beaucoup moins d’éclat. « J’ai vu comme un éclair, disait une d’elles, j’en ai ressenti une vive commotion, et ma volonté a été absorbée par la vôtre. » Nous avons, ainsi que beaucoup d’autres magnétiseurs., observé ce dernier phénomène, toutes les fois que nous avons eu l’intention de réagir sur le moral de nos somnambules par une volonté énergique.
M. Charpignon a fait de nombreuses expériences
(1) Exposition physiol. des Phénomènes du Magoét. animal, p. S.
(2) Recherches physiolog. sur l’Homme, p. 36.
(3) Voyez ses Mémoires. *
pdUt- cdnstatMl'èitistehcè d(i fluide magnétique. Ntitià lisons dans un de ses ôuvràges (i) i
Ayant UiàgnéHsé une boutéilië vidé lit l’ayant présétitéé à une somnambule, ellé déclara ÿVolr ÜÜe vajrëtir lüttiiiiéüse qüi s’évaporait en elle dëà qiië lé Colitàct avait liëii. D’autres pérsohnes, WàgKéiisant à leür tdUfr dette boutèille, là sdmnatnbulë vit chàqué fbis üft fltlide diifërertt, J)lus où mollis brillatit, sUi-vant leur forcé nerveuse et suivànt leur Sexe, ribtil-mànt le9 pèrSoiineS desquelles il étàit Sdfrti, quaiid üü fàjipôtt iüàghéÜquë Màit été établi:
& Uri flàfcdhdÿàritétèéhàrgépar trdis HiagnétlSeUi-'S, iiritnëdiatëtiiënt l’üti après l'autrë, ld Sbriihàmbülé dit voir trois fluides superposés par coUches, ëtellë ed indiqua l’Ordfré exact.
* J’ai tépétfi ces expériences t^ès-Sotiferit, sân* les jamais trouver en désadfcotd, et ëlles fureüt toujours faites Sans qüe les somnambules se dodtassent de ce qdé je voulais obtenir. Je fis aussi leâ épretivéS éti sëns cdùtrâirë, c’ést-â-dlré qtlë parfois je présentais ufle fible magnétisée, ét qu’àlôrs bd He Voyait tfieri. » SuiVànt M. Ailbih Gdtithiéf-, le fluidé màgüëti-qüë (2) eSt révélé â l’honltttb éh état dè somndtiibti-lismë, ëous là forttlë d'iin fiu brilttiM ÿui Mrt pdïticü-liirtment dei MJdïn* dü faütjnétùèü'r; t éfe qui feipHtJuë, dit cé Satàiit publiciSte, poUtqUbi i’antlijtilté tfé'pré-sétilaitletf dléU* àvefc désflàttifneS^üboiit dés doigté, et ëditifnent Mëfemët- a pu dlré : U rHâQneiisme ahUhdl, considéré comme agent, est un feu invisible. » lë bïiteh MaSSiài est endoré du Udtilbfè deâ plus cbauds partisans du fluide magnétique, que ses somnambules ont toujours distingué sous la forme d’une
(1) Physiologie métlic. et métapbys. du Magn., p. 38.
(2) Traité pratique du Magnétisme , p. 2.
flamme plus ou moins lumineuse. D’après ce philosophe, « l’existence d’un fluide nerveux est en outre prouvée par les procédés mêmes des magnétiseurs qui la nient, et qui cependant, pour agir sur des somnambules qu’ils ont mis dans un état complet d'insensibilité, recourent à des gestes et à des passes qui seraient tout à fait superflus, s’ils ne déterminaient l’action d’un fluide à travers les organes extérieurs du dormeur (i). »
Les somnambules qui perçoivent le fluide magnétique, voient ordinairement avec la même facilité le fluide électrique. Une de ces somnambules reconnaissait parfaitement ce dernier, lorsqu’il était accumulé dans une bouteille de Leyde ou sur le plateau d’un électrophore ; il lui apparaissait sous la couleur tfun blanc tirant sur le bleu, et,dégagé de brouillards y le fluide magnétique, au contraire, était d’un beau jaune tirant sur le rouge. Suivant elle, une bouteille magnétisée ne se décharge pas instantanément comme celle qui contient de l’électricité; mais l’émission du fluide se fait avec beaucoup de lenteur. Cette expérience a été souvent renouvelée par notre laborieux collaborateur, M. Alph. Lecavelier, et toujours avec des résultats à peu près identiques.
Une des somnambules de Tardy de Montravel (2) voyait parfaitement le fluide d’un conducteur électrique pénétrer dans le pouce du magnétiseur, sans se mêler au sien. Elle trouvait au fluide électrique une couleur d’un rouge p&le et violet.
« Une machine électrique mise en jeu, dit le Dr Charpignon (3), les plus lucides de mes somnambules virent des traînées d’un feu plus fort et moins
(1) Traité de Philosophie psycho-physiologique, p. 254.
(2) Essai sur la Théorie du Somnambulisme, p. 54.
(3) Ouvrage cité, p. 41.
pur que ce|ni de mes nerf», courir sur le conducteur, et y rester. Ce fluide, accumulé dans une bouteille de Leyde non verqje, s’échappe lentement à travers le verre et par la tige, L’appareil de Clark donna un fluide plus brillant et moins matériel que le précé* dent; r Sj vous^'introduisiez en moi très-doucement, me disait une somnambule, il me mettrait, comme le yôtçe, en sommeil ; mais il est encore loin de sa pu? reté. » i ,(i)w>iT(ub
Il faut espérer que ces expériences, encore bien incomplètes, provoqueront Mn jour l’émulation de» magnétiseur», et finiront par nou» éclairer sur lai rapports qui peuvent exister entre le magnétisme et l’flecijicÂlé.
Nous terminerons enfin ces études sur le fluide, eq
citant quelque» çpuwdéraUona fotuiüws d’une »Qm-.
n^mbule, Cçtte observation fort iutéïe»san*e, fut iWî privée dans un jpurnaA allemand, 1^7 (')• Nou* U rapportons avec d’autant plu» de pjaipir, qu’elle »emble résiner le témoignage des *cmnam-» hule» lqcides que nous avon» observés.
« J1 e iis le un fluide magnétique pépaodu dan* tçute la pâture; q’e»t le lien invisible qui lie toute* les chose* entre elles, qui retient tout à sa plaoe, et qui établit l’hariponie de l’afl»eq»ble. Ce fluide attire et *e communique; c’eit un ôlre spirituel *»ns intely ligençe. L’homme en possède U°^ quantité suffisante pour ÇQ» existence, mais i) n’en a pas toujours assez pour en faire part aux autres; i| est élémentaire, léger, subti} et blanchâtre. Wu avec .vivacité, il devient brillant et rend, aelon l’occurrence, toute» sortes de couleur», ainsi que le font le vif-argent et le uaerfl de perles. Lorsqu’il émane de notre corps, il tire sur
(1) Voyez Annales du Magnétisme, t. VIII, p. 50.
le jaune, et ressemble à des étincelles qui pétillent ; sa copieur varie selon la différence des personnes; les malades l’attirent, pendant qu’on les qiagnétise suivant leurs différents besoins et les circonstances , de même que différentes espèces d’arbres attirent les divers sucs qui leur ponvienneiit. Le fluide magnétique se rencontre dans tout ce qui existe dans la ria* turej ipais il n’y«a que l’homme qui le connaisse et qui sache l’employer ; il ne jouirait pas de cet avantage, si son âme n’était pas douée d'un sens, d'une vertu que f’esprit déyeloppe et qui sqrV de dépôt à des connaissances vraies et réelles} d’uiji rayon (Je Ity mière, que sa volonté, après avoir été animée, jéfiqç et exaltée par l’esprit, fait briller avec éclat, et qu'au défaut d’un terme plus convenable et plus intelligible , on peut nommer magnétisme ou vertu ma-gr\jfiqu«. C’est elle qui agit sur le fluide magnétique répandu dans le corps, et accélère son moûŸemenfcü>» , >■. ,hq ol aéiq* flbasA» j» B'jAlfmd PERRIER. 3 (La suite prochainement.)
CLINIQUE MAGNÉTIQUE.
,b Ai, . rr-w.t, .«jirooî ■oiino.r *8
Elirait des faits magnétiques obtenus, dorant le mois de Janvier 1850, dans la cellule du commandant Laforgue.
r Henri Puyalet, âgé de vingt-deux ans, domicilié à Larcin , canton de > i î o
Sourd de naigsaqç? ; .il 9 entendu ftprès lf jgijièfe, el aty# ékj exp^fé magnétiquement.
2° Une petite fille de six ans, domiciliée à Bordeaux. '
Une très-forte migraine ; elle a été guérie à la première séance.
3? Marie Baumaine Capdeville, épouse Puchon, âgée de vingt-cinq ans, domiciliée à Bordères, canton de Claracq.
Sourde depuis ans; a entendu à la première séance très-bien.
4° Jeanne Hillon, âgée de cinquante-deux ans, domiciliée à Pau.
Migraine permanente, et maladie d'yeux depuis un an, cécité absolue depuis quinze jours ; elle a vu le premier jour. Après quelques séances la migraine a cédé aussi.
5° Marie Tuquet, épouse de Pierre Saubotte, âgée de quarante-trois ans, domiciliée à Aubertin, canton de Lasseube.
Sourde de l’oreille droite, de naissance, et de la gauche depuis douze ans; elle a bien entendu à la première séance.
6° J. Sestia, premier né, âgé de quarante-huit anSj domicilié à Nay.
Sourd depuis deux ans; il a bien entendu après la prière, et avoir été exploré. •.
7° Hinassio Saldias, de Bense Labaillens ; Navarre (Espagne.)
Des coliques très-fréquentes. Guéri dans quatre séances magnétiques.
8° Louise Poustis, âgée de seize ans, domiciliée à Puyan, canton d’Orthez.
Ses jambes et ses pieds étaient collés 4 ses cuisses et à ses fesses, à la tuile d’une maladie ; après deux séances elle a marché avec des béquilles, et elle est bien. *
9° Pierre Cams, premier né, âgé de trente-cinq Ans, domicilié à Gan , canton de Pau.
Atteint de douleurs rhumatismales, ayant perdu l’usage de marcher, depuis plus d’un mois, marchant difficilement avec des béquilles; après ta prière, et avoir été exploré, il a marché sans béquilles, et en a fait cadeau i la cellule.
io° Jeanne Soubies, deuxième flée, âgée de vingt-cinq ans, domiciliée à Lezons , cantoti de Pau.
Un grand goitre depuis son enfance, et les genoux très-gorgés, marchant difficilement; elle a été guérie daris hait séâfaces. Gloire à Dieu!
11° Magdel. Mériande, cinquième née, âgée de dix-
sept ans, domiciliée à Bentayou, canton deMontaner.
lin goitre depuis cinq ans, très-volumineux ; guéri en huit séances, au grand conientement de la patiente.
12° JuaquineLaurence, âgée de trois ans, domiciliée à Sarragosse (Espagne).
A la suite d’une forte colique, elle perdit l'usage des cuisses et des jambes; elle était, devenue bossue, la colonne vertébrale et la poitrine tordiiés comme Un ver. Elle a été entièrement guérie dans (fois iékhcéè, fet dans l'espace de dix jours.
i3° B Sofrbé* premier né, âgé de cinqudnté-un anB,
jardirilër, dômicilié du Hameau de Pa&.
Sourd depuis seize jours ; a bien entendu après là prière èt avoir été exploré.
i4° B. Bouhotheguy, âgé de soixànte-se&e ans, domicilié à Arberats, canton de Saint-Palais.
Sourd depuis dix ani; il a bien entendu après la prière, et a surpris tous les malades présents, qui étaient plus de quarante.
Collationné conforme, LAFORGUE.
NôüS extrayons d’ane lettré d’Uh dé nos dboüiiés, M. Prosper Quénard, correspondant dë la Sbciélê Philanthro-Magnétique, la relation qui suit, de trois cas de choléra traités par le magnétisme. Déjà nous avons publié plusieurs faits semblables, et nous en avons encore d’inédits qui paraîtront bientôt.
« ie i8 juin t84g> a minuit, un de més voisins, nommé Lajoiè, tint ïflë prier de poker sefcôiif-s â idh
fils, soudainement atteint de douleurs insupportables. Je trouvai le malade tourmenté par des crampes horribles, étouffant et vomissant. Je me mis aussitôt à le magnétiser, et au bout de quatre à cinq minutes, les muscles s’agitèrent à un tel point, qu’on eût pu croire qu’il avait le frisson. En même temps, la teinte jaunâtre du visage disparut pour'faire place à la coloration naturelle, et l’on vit le calme renaître, les crampes cesser. Je magnétisai un verre d’eau, dont je fis boire au malade quelques gorgées, qui dissipèrent les maux de cœur.
a Voyant le malade revenu à un état meilleur, je me reposai; mais bientôt les crampes*reprirent. Je lui fis des passes avec énergie sur les bras et les jambes , en attirant jusqu’aux extrémités, où le malade me dit sentir des picotements. La douleur s’amoindrit et disparut enfin après l’ingestion de quelques nouvelles gorgées d’eau froide magnétisée.
« Bien que ces personnes eussent reconnu l’cfijca-cité du magnétisme, elles n’en firent pas moins venir un médecin le lendemain matin. Celui-ci, trouvant le malade pas trop mal, ordonna, comme par routine, des bouteilles d’eau chaude aux pieds, des infusions de thé, de tilleul; des cataplasmes, des lavements. Au bout de quelques heures de ce traitement, tous les symptômes de la veille avaient reparu. On revint me chercher, et la magnétisation dissipa de nouveau tout ce désordre.
« Je magnétisai encore quelques jours ce malade, qui put enfiu reprendre ses travaux au bout d’une semaine.
« Le nommé Étienne Rebour étant atteint de vomissements et de crampes, je le magnétisai de la même manière, et il fut également guéri.
« Mrae Monot ayant des coliques et des crampes, a été calmée en moins d’un quart d’heure. Elle avait été soumise au magnétisme déjà plusieurs fois, et je la mettais en crise en moins de deux minutes.
« Ces trois personnes habitent Saron-sur-Aube. »
VARIÉTÉS.
Le Novateur. (Fin). — La nature dans sa marche est toujours régulière : elle n’innove jamais. Les animaux obéissent à sa loi et sont immuables dans leur destinée. L’homme, au contraire, innove sans cesse, et c’est par quoi il se distingue de toute l’animalité. Vouloir l'empêcher d’innover, c’est aller contre la loi de Dieu, qui a voulu qu’il fût essentiellement changeant, moins par caprice que pour connaître et arriver de lui-même à ses destinées, dont le secret lui fut caché, afin, sans doule, d’exercer son génie.
Ceux qui parlent d’immobilité, de temps d’arrêt, de retour en arrière, sont des fous; car s'il est impossible qu’un fleuve remonte à sa source, la même impossibilité existe pour les générations. Pour l’homme, le repos de l’esprit, c’est la mort morale ou l’imbécillité : on ne parvient, au reste, à l’y contraindre, qu’en le mutilant ou en le décapitant.
C’est contre cette loi divine que les hommes mêmes se révoltent. Un novateur ne fait donc qu’obéir à d’immuables décrets, et nul ne le soutient que Dieu lui-même. Si je disais aujourd’hui : les principes des sciences sont faux, et que je pusse le prouver, j’au-
rais contre moi, d’abord, tous les savants. Si je soutenais qüe la médecirie est mensongère, qu’elle fait aux hommes plus de mal qiië dé bien , je rëncdütre-rais les mêmes difîictiltés â latte prévaloir èè quë je crois étfre une vérité. Sijediiais encore : Votre morale est évidemment fausse , car personne n’est heureux, tous les prédicateurs seraient à ma poursuite. Cependant, je ne ferais qu’obéir à la voix intérieure qui incite le novateur et le porte à la recherche de ce qui est.
C’est donc une impérieuse loi que celle de connaître. L’esclave devine qu’il est un autre état que le sien : il réclame la liberté. L’homme libre cherche h s’affranchir du joug honteux de l’ignorance. Pourquoi donc en est-il ainsi? Comment le novateut est-il troublé jusque dans son sonitaeil par un besoin de re* cherche ? Il sait trop bien pourtant qu’il a tout à gagner en flattant les passions des hommes, comme tout à perdre en leB combattant.
Ce que je dis ici n’est-il pas d’obscrVation chez tou* ceux qu’enflamme le safkit amour' de leurs frèrërf et de la vérité ? N’Cst-ce pas ainsi qu’avec tranquillité on lës voit disposés à souffrir le martyre ? Soerate boit la ciguë, Jésus meurt sur la croii, Galilée et mille àu-tres subissent la tortut-e. Pourquoi rappeler dea noms quë l’hisioiré conserve ? C’fest par feette lutte incessante que l’humanité fait chaque joüt un pas Vèra le vrai des choses. C’est par elle encore què lés générations se éuccèdent sans se ressembler £ ëàr il BUfHt souvent d’un homme pour tout Changée Crime irrémissible dü génieI Ils ne savent point, ces Ct-uels persécuteurs, qüe là vie est une flàtame qui s’éteint faute d’ahmëtit, et tjûe flous Aë noua ioUtèdons que par des sensations. L’Ame a ses besoins comme (é col-ps ; ét les choiéé qüi passionnent vivémedt j sfc-raient-ellca des erreurs, sont Utiles A la Vle
Ceux qui aimenl le repos, le sommeil, se plaignent amèrement; ils maudissent l’être qui vient apporter un trouble passager à leur quiétude, par des inventions ou des idées nouvelles. Les navigateurs ne redoutent rien tant que le calme de la mer : ils se servent des vents impétueux; c’est le moteur de la maison flottante, comme les passions le sont de l’organisme humain.
Est-ce donc à l’ignorance seule qu’il appartient de guider les hommes? Et, lorsque la lumière luit dans les ténèbres, devons-nous fermer les yeux ? i Novateurs, ne demandez jamais que l’on vous croie sur parole; justifiez votre croyanoe par des œuvres toujours vivantes. Ceux qui exigent une foi aveugle sont des gens habiles ; ceux qui croient sans voir sont des insensés. Mais c’est ainsi-qu’on a mené les hommes, et,1 le jour se faisant enfin, ils confondirent la vérité avec l'erreur; car, ayant élé dupes de bien des forn-bes, leur esprit se refusait de croire les gens sincères.
. ' C’est cependant aux novateurs que les nations doivent leur bien-être, car des bras se trouvent pour exécuter ce que l’esprit a conçu. ; : 1
•i Voyez, que d’innovations déjà! L’homme a com-i mencé par détruire les animaux cruels qui infestaient la terre; c’est ainsi qu’il prouva sa supériorité. Puis il se mit à bouleverser le sol, en innovant toujours. Ses bras ne suffisant plus, il inventa d’ingénieuses et puissantes machines pour l'aider dans son œuvre. 11 détourna les rivières, coütirit les fleuves, toujours pour son bien-être ou sa sûreté. S’enfonçant dans les profondeurs des terres, il en tira bientôt cé que la surface ne pouvait lui fournir. Les barrières opposées par les ' mers ne furent plus rien pour lui, car il
parvint, toujours en innovant, à dominer les éléments même. ,,
Mais, au lieu de guider d’aussi nobles efforts, on tourna les forces humaines contre l’homme lui" même; dans un frère, on lui fil souvent voir un ennemi, et le sang inonda le soi que ses sueurs avaient hWWft^i in6B >! «noiseeq > >! s« a e Dans ce cas, ce n’était point l’innovation, mais l’in* culte nature, l’animalité pure qui incitait le cœur de quelques-uns; l’intelligence ne parlait plus, mais seulement de sauvages instincts. Ne voyons-nous pas au» jourd'hvii encore, les mêmes luttes; l’ouibre veut chasser la lumière, ou tout au moins en ternir l’éclat? N’entendez-vous point blasphémer des hommes qui se disent chrétiens, mais n’en ont que l’apparence# car ils sont remplis de fiel? Que tëulenâ-il» donc, ces hommes cruels? Q»e le monde infligent s’arrête. Qu’ils voient donc un peu le» nations où l’on a fait une loi de l’immobilité ! Eat-il rien de pàus misérable ? Ne pouvant innover et chercher ce qui est le bien suprême, les homme» retournent à l’animalité, et les vice» les dévorent.
Novateur l quels que «oient le» chagrin» qui t'attendent , fais pénétre» tes idées aussi avant que tu pourras dans les intelligences ; tù obéiras à la loi ét Dieu. Mai» garde-toi des erreur»; c’est ainsi que tu te distingueras doublement. Comhata pour la vérité i «ois soldat courageux; il ne manquai» jamais d’ennemis à vaincre. Le champ de l’humanité a ses chardons et ses ronces; il faut qu’une main intelligente le» empêche de nuire. Mai», ne répands jamais unf mauvaise semence, crains le remords qui vient à cent qui troublent les intelligences et pervertissent les cœurs. Envisage l’avenir san» crainte ; que le regret soit pour ceux qui t’ont méconnu ou persécuté.
Joyeux comme l’artisan qui a bien rempli sa tâche, endors-toi du dernier sommeil : le néant est le rêve d'un esprit tjroublé. Vois i dansle sommeil que nous layons produire, et lorsque nous le poussons à l’extrême, la chair est morte ; l’esprit vit de lui-même alors, quoique séparé (le la matière. S’il en est ainsi, plus de doute et d’incertitude : son essence est im-> mortelle. La mort n’est qu’un entr’acte, un rideau baissé pour un instant. Les anciens brûlaient l’habit, le costume; nous, nous l’enfouissons : qu’importe!
Mais je m’arrête, car je ne suis point préparé à traiter un semblable sujet. Le novateur osera pourtant on jour vous dire sa pensée avec sincérité , mais il doit étudier encore les faits merveilleux de la magie magnétique avant de 9e prononcer.
Dü POTEf.
Lettre de Mesmer. — Les hommes intéressés à l’échec du magnétisme, s’entendirent pour eii déconsi- 1 dérér l’auteur. Le mensonge et la çaloqmie furent les principaux moyens de cette croisade infâme. Après avoir nié l’agent, ils cherchèrent à flétrir l’homme en le représentant cortime un être cupide. Toutes les notes biographiques publiées sur çet hommq illustre par ses adversaires, sont conçues de manière à faire croire que l’avidité était le mobjle dç ses actions. En vain, ses partisans opposaient-ils sa lettre à la reine, dans laquelle il déclare si explicitement ses intentions ( 1 ) i sa générosité envers Bonnefoy (2), etc., on leur objectait que c’étaient là des actes calculés, faits pour Ja publicité
Voici aujourd’hui une pièce inédite, d’un carac-
(i) Toyeü oe Journal, tome II, page 307, (8) Vw» ton® H, page M.
1ère tout privé, qui établit péremptoirement h délicatesse et le désintéressement contestés de notre maitre. Cette lettre n’est point écrite de la main de Mesmer, il l’a seulement signée. Nous ne savons à qui elle était adressée. Elle nous a été communiquée par un membre de l’Académie de médecine, M. Boutron, qui la conserve avec la pétition à François de Neuf-chateau, que nous avons récemment publiée.
. ' Paris, le 24 avril 178*.
Monsieur,
Je viens d’apprendre que vous renoncez à être compté au nombre de mes élèves. Yotre instruction n’ayant pas été achevée, M. Kornmann est chargé de vous remettre, contre son récépissé que vous voudrez bien lui représenter, la somme de deux mille quatre cents livres, prix do votre souscription.
Je n’ai pas besoin de vous rappeler vos engagements, monsieur, et je ne doute pas, quelle que soit votre opinion sur ma doctrine, que voi^s ne vous fessiez une loi de garder le silence le plus absolu et sur les prip-r-cipes qui la constituent et sur Jes prqpédés qui en résultent.
J’ai l’honneur d’être, avec yne considération distinguée,
Monsieur,
Yotre très-humble et très-obéissant serviteur,
MESMER.
Le Magnétisme au théâtre. — Si le public parisien résiste à l’inoculation du mesmérisme, il lui faudra bien de la vertu, car on le tente de mille façons. Tous les moyens «ont employés concuremment pour le convaincre : la parole, les étrril», lès tableaux,
les démon&tràtibtis tràië9 ët leür feimiilation. L’introduction du somnambulisme comme élément dramatique dàné les rdiüàhà exërcë Uné influence manifeste sût- les compositions théâtrales; Le fëuillëtbn recrütë des fcliéntà ati théâtre. Le publie, ému j5Sr là dfeëcrip1 tiün dès sdënes iricrbyablës de l’&ktâse; va paribüt clièrchant là cbhfirihâtibh de sëfe doutes ou de Séfe crbÿàrtfcës. C*est à cetté disposition des esprits qu'est duc là recMideAcenCe de représentations riiagnéliqued et ttidgiiétifdhhèb dont Vbici 1’expoSé i
TÜÊATRË DE LA GAITÉ.
La Croix de Saint-Jacques, drame en cinq actes et six tableaux,.par M. Joseph Bouchardy.
Le Journal des Théâtres, du 19 décembre 1849, ré* sume en ees termes la partie magnétique de cette pièce :
« Mattéb est le fils du comte RaoUl de Messine, niais il igddre et Boti rang et sa haute fortune. Son pè'rë l’affcit élever datistihe petite lie, et ce n’est qu’au mddiént de mourir qu'il dépêche vêts lui son grand éëüÿer, pour lili rëtnettre la croix de Saint-Jacques, qui est un tallstrian poiir la iamillè.
« Le sir de Catrbuge* deveu du coûte Raoul, étant parvenu d se l'aire donner üne copié du testament, fait tOUt ce qui dépend de lui jtailr assasfeinér Mattéo et rester ainsi l’héritier naturel de ton dncle.
« Mattéd a épousé Jü8nSj qui lül H donné une fille. Juâha est dbüée de la ëeétfnde vue, ou, si vous l'aimes mieux, elle est somnambule. Ben-Sadi, l’arabe, en là magnétisaut, apprend tous les projets de l’infâme Car-rouge et les dejoue adroitement. 11 ne peut toutefois sauVet JUàba, qui lui eét ehlevéë^t vèttdüfe à des corsaires d'Alger, ignorant là nouvelle fortune de socl
mari, et laissant sa fille à Daniel le pêcheur. Voilà le prologue.
« Quinze ans se sont passés; Mattéo a pris le nom de Raoul de Messine; dans une promenade, il a perdu la croix de Saint-Jacques, et l’on accuse Ben-Sadi, l’arabe, de lui avoir jeté un sort. C’est Daniel le pêcheur qui a trouvé cette croix ; Daniel a élevé la fille de Juana comme sa propre fille et lui a donné le nom de Rachel. Il sauve la vie à Ben-Sadi et croit obtenir sa grâce en rendant au comte Raoul la fameuse croix de Saint-Jacques. Il la remet à Rachel et lui recommande d’aller la porter au comte de Messine, s’il est fait prisonnier, car il a pris les habits de l’arabe pour donner à celui-ci le temps de fuir.
« Le sir de Carrouge, exilé depuis quinze ans, a foi t la guerre en Palestine, et revint après avoir appris, chez les Arabes, à composer des poisons et à magnétiser. Il magnétise Rachel, qui lui avoue pendant son sommeil qu’elle a la croix. Ben-Sadi la magnétise à son tour pour savoir ce que cette croix est devenue. Enfin, grâce à la somnambule, la croix est retrouvée et tout se découvre : Juana est aussi revenue d’Alger, après quinze années d’esclavage; elle reconnaît sa fille dans Rachel et Mattéo, dans Raoul de Messine ; le sir de Carrouge est condamné à la potence.
« Comme on le voit, il serait trop difficile de suivre tous les fils de cette intrigue, qui se dénoue fort heureusement, grâce au magnétisme. Lacressonnière, après avoir nommé l’auteur, a magnétisé tous ses camarades pour les forcer à venir recueillir les bravos du public. »
THÉÂTRE DE LA PORTE SAINT-MARTIN.
•>
Les Chercheurs d'Or, par MM. Marc Fournier et Paul Duplcssy, est une critique philosophique des
tendances de ce siècle fécond en tentatives hasardées, aventureuses. Une scène relative au magnétisme se trouve dans cet ouvrage à propos d’un voyage en Californie. C’est un grand personnage ruiné, qui consulte sa femme, mise préalablement en somnambulisme , sur la quantité d’or qu’il pourra rapporter. Elle lui en promet beaucoup. Il part, et l’intrigue se déroule.
L’analyse de la première représentation de cette pièce se trouve dans le Journal des Théâtres du 26 janvier i85o.
SPECTACLES-CONCERTS.
Nous avons assisté à quelques-unes des séances publiques données en ce moment d^ns la salle du Bazar Bonne-Nouvelle, par M. Lassaigne, dit Laurent, et Mme Prudence Bernard.
- Le côté fdcheux de ces exhibitions, c'est l’alliauce qu’elles contractent, sur l’affiche ainsi que sur le programme, avec les Cracoviennes, les jongleurs, les farces de Pierrot et autres amusements forains.
11 nous semble que la science magnétique et ses imposants phénomènes n’ont rien à voir dans l’exhibition des nains, des alcides, des danseurs et des chanteurs de charges, et que la sublime découverte de Mesmer ne doit pas se produire sur la même scène' où s’exécutent le saut du tremplin et le pas des manlots. ■
Sans doute, c’est là une alliance involontaire, un mariage de circonstance, si vous voulez; mais nous constatons le fait; et, dans l’intérêt du mesmérisme, nous aurions désiré pour M. Lassaigne un autre théâtre.
A îwt ce^p pbsprvqtjpn, ppus pyons été gépéralq-menJ satisfais des e^pépiepces dp M. Lassajgne pt 4p Mm” ffndepÇl6- Pr^pntéps ayec ponyenapce cj saps charlatanisme, plies étonpenl Ips fppr£dqle§, fqpf r^-ver le» qpeptiques, et ppçtpRj la conviptipp dftps frien des esp^ifs,
Spus ce rappprt, M. Lassaigne méri|e $oqç la reconnaissance des adeptes de Mesmer.
Sa somnambule, Mm® Prudence Bernard, offre tfois catégories de phépomènes :
i*> Vision malgré l’occlusion des yeux; changement (par transmission mentale) dans les rapports ordinaires de la vision, du goût et des sensations;
20 Transmission de la pensée, sans le secours d’aucune communication matérielle;
3° Poses extatiques; pensées du public mises en action par la somnambule. - V
M. Lassaigne prie un des assistants de lui communiquer un ordre quelconque^ l’oreille ou par écrit (1); et immédiatement le magnétiseur, placé à une certaine distpnce de sa somnambule, transmet à celle-ci l'ordre voulu, en étendant la main; et par la simple émission du fluide l'ordre est ponctuellement exécuté par le sujet.
Même ponctp^Uté d’eyépHtion pppr la transformation du goût et des sensations. On offre un yprre d’eau à la spippapibule, et la bpisspp, en tombant les lèvres du sijjpt, se change ep unp liqueur quelconque : en café, pp chqqplat, en absynthe, ep vin d’Hermitage, etc., à la volonté du public. Npp fpu-tempitf, Ja 0ajflpapiJ?ule ejpriipe Ja patpj-e (je ^ sensation qu’el|e éprouve, Riais elle dit Je pqpj de {g |j-
(1) Soit d’éteindre une bougie, de présenter on bouquet à une personne dans la salle, de prendre une canne, de s’agenouiller, etc.
queur ; de sorte qu’elle s’identifie tout à la fois avec les émotions palatiales et avec la pensée des pfersoni-nés qui se mettent en rapport avec elle, puisqu’elle trouve jusqu’au nom de la liqueur que ces personnes ont l’intenlion et la volonté de boire.
Une autre catégorie d’expériences fort intéressantes, consiste en ce que la somnambule met en action, ou, pour ainsi dire, en scène, un fait, un événement, un accident de la vie usuelle, à la volonté du public, volonté exprimée soit par écrit, ou tout bas à l’oreille du magnétiseur. L’ordre n’est pas plutôt transmis à M. Lassaigne, que celui-ci dirige la main vers son sujet, et immédiatement la somnambule s’identifie avec l’événement, avec l’accident, en le dramatisant de la façon la plus poétique par le geste et par la parole.
En somme, Mme Prudence Bernard est un sujet précieux, surtout pour les transmissions de pensée. Cette faculté est développée chez elle à un degré prodigieux : elle est complète, régulière, infaillible, qualité rare dans les phénomènes somnambuliques, qui offrent tant de mécomptes et d’irrégularités.
. .... . J. L.
THÉÂTRE DES BATIGNOLES-MONCEAUX.
Nous avons assisté, cette semaine, au théâtre de Batignoiles, à deux séances de magnétisme, l’impression que nous en avons ressentie a été désagréable, et même douloureuse.
Nous n’aimons pas voir se produire en public des mystères qui demandent l’isolement et le respect.
On semble.prendre à tâche, depuis quelque temps, de déconsidérer la vérité magnétique par des jongleries que la véritable science dédaigne et flétrit justement. C’est, en effet, la polluer, la prostituer, que
la soumettre à des épreuves du genre de celle dttût on nous a donné le triste spectacle sur notre théâtre.
(Journal de Batignollet, Montmartre et Clichy.)
Ténébreuse affaire. Trtfis jéüriës datoèS s’étaient entendues pour aller ensemble, à l’insu de leurs maris, au bal de l’Opéra.
Au milieu de la cohue dM masquëé, l’une d’eltès se trouva tout à coup séparée dë ses den* compagnes. Elle ne tarda pas, comme bien l’on pëtise, à étk'e pbüf-suivie d’üne foule d’âmateurs affHaùdétf pàt le pat-fum d’élégance qui, fen dépit de soti domino, âfe dégageait de tonte sa personne. Pour èë débarrassé dëfc nombreux galants, elle consentit â actepter lè bt-âs qui lui était offert par l’un d’éux, et elle ti'éüt qu’à sè louer de la discrétion et de la délicaleSàe dés procé^ dés par lesquels ce cavalier eut le bon goût dé reconnaître la préférence dont il àvàit été l'ôbjét.
Qtiand elle eut jotti suffisamment du spectacle ^Üé lui Olfrfctt le bal j elle exprima l’ihtebtion de së frètl-rer, et elle dut accepter l'offre qui lui fut tttpe'étüëti-sement faite de la récottdèfte chez elle. Mais, chefnin faisant, ion cavalier sut la prier avec une si gracieuse instance d’accepter un modeste souper, que, moitié oui, moitié non, elle finit par se laisser entraîner dans Un restaurant.
Le souper se passa parfaitement, ou du moins l’on était arrivé au dessert sans que hotre Cavalier Se fût départi le moins du monde de la reépectuerasfe réserve dont il avait bit preuve jUsqUe^là, lorsque hbtre belle imprudente crut tout â coup rertiarquek1 chez son partner certains gestes assez étranges ; fel dbht le sens lui échappa d'abord j mais qui finit biëhWt par se révéler â elle dans sa terrible portéé, qUandt sous l’influence de ce* mêmes gestes, éllô êenlUdespàü-
pièrfts s’alourdir îoseusiblemetit, èt un irrésistible sommeil l’envahir. 1 *
Elle comprit qu’elle aVait affaire à un magnétiseur. Par un violent effort de volonté, elle se redressa comme quelqu’un qui se dégage désespérément d’un lien de fer; mais le fluide magnétique l’avait pénétrée déjà à un trop grand degré pour quelle pût se soustraire aussi brusquement à son influence, et elle tomba dans une violente attaque de nerfs.
Ses cris attirèrent les garçons de rétablissement, qui ne se trouvèrent pas peu surpris de l’étrange scène qui leur apparut : une femme en proie aux plus effrayantes convulsions, et, devant elle, son cavalier se livrant méthodiquement à une gesticulation dont elle était évidemment l’objet, mais dont le caractère et la portée ne furent pas tout d'abord saisis par eux.
Enfin, la chose s’expliqua ; et quand notre trop légère héroïne fut complètement délivrée du fluide qui avait si rapidement agi sur elle, elle fit approcher Une voiture, sans vouloir accepter les excuses de son perfide cavalier, et rentra chez elle, en se prbmettant bien (Je profiter de la scène de... magnétisme kjui venait de lui être si perfidement donnée.
(Démocratie paei/iqui.)
" 'fcfécrologie. — M. le Dr Bal me, ancien médecin de l’armée d’Êgypte, est mort à Lyon, le pi janvier. Il était grand pàrtisah du magnétisme. Il suivit le cours que &. du S^otet fit dans sa ville, en 1846, et continua d’étre notre abonné.
— M. le général Pachekoff, qui a longtemps représenté le magnétisme eu Russie, est mort dernièrement & Saim^Fétersbourg, dans un âge avancé.
— Un aulre partisan du magnétisme, M. Juge, vient aussi de mourir. Il a été frappé d’apoplexie foudroyante en montant à cheval.
Revue des Journaux. — Le Constitutionnel, la Gazette des Tribunaux, le Journal des Débats, VUnion, l'Assemblée nationale du 20 décembre, mentionnent-, dans leur compte rendu judiciaire, la phase magné* tique de la vie de Despart, dont le Droit a fait un récit que nous avons reproduit dans notre avant-dernier numéro.
— Le numéro de décembre du Magasin des Familles, contient un article de M. Delaage, sur la divination somnambulique relativement à la loterie.
L’auteur cite des faits qui tendent à établir la possibilité de connaître d’avance les billets gagnants.
— La Liberté du 4 janvier résume un article du Nazionale de Florence, d’après lequel une somnambule aurait pronostiqué pour l’Italie des événements politiques effrayants. «iqfnoo Jui anioipu aug
— Le Journal des Débats, du- a3 janvier, rapporte un cas de catalepsie pathologique caractérisé, par tin sommeil de dix-sept jours. 11 l
— Le Pays, du a5 janvier, rapporte aussi l’historiette du bal de l’Opéra, ci-dessus reproduite d’après la Démocratie pacifique.
— La Foix du peuple, du 27 janvier, publie une lettre du nommé Gilly, attestant qu’il a été guéri, par le somnambulisme, d’une affection intestinale.
— L'Univers religieux, du 27 janvier, analyse lepéj-tit ouvrage de l’abbé Loùbert, intitulé : Défense théo-logique du magnétisme humain.
y..;. . ■■ ..-.i l;nù : 'il .i/! •
U Gérant : HÉBERT (die Girtfrty).
1 ■ 1 *t .11;.1.11 1 u
PaBis. — Imprimerie de Pommcret et Moreau, quel dei Auguilini, 17.
ÉTUDES SOMNAMBULIQUES.
§ X. — PUV8EGUM8ME.
Troisième cas. ' 1X
FACULTÉS POÉTIQUES (i). ‘ ‘P
Monsieur le Rédacteur,
J’ai eu occasion, il y a quelques jours, de voir et de consulter une somnambule dont vous avez déjà parlé dans deux numéros de votre journal, Mrae Gournay, et j’ai acquis la conviction que la phi-lométrie est réellement sa grande spécialité somnafn-bulique, comme vous le constatez. •11 y ‘n
D’une lucidité remarquable pour l’appréciation des maladies, et même pour la vue à distancé, M0"1 Goùr-nay, selon qu’elle est plus ou moins bien disposée, vous prodigue ces facultés, ou vous en mesure la dose ; mais elle est toujours prête, toujours disposée, pendant son sommeil, à parler en vers, à improviser des quatrains, à adresser des strophes poétiques à la personne avec laquelle elle se trouve en rapport.
Ces vers n’ont pas toujours le mètre voulu; ils pèchent quelquefois par la prosodie. Mais cette faculté n’en est pas moins singulière, étrange, puisqu’à l’état de veille, Mme Gournay ne révèle pas le moindre penchant à la versification.
(1) Voyez lome V, p. 17, el tome VIII, page 449.
TOOT IX, — N" 11*. — 8t> FftVMKR 1850. 4
« Pouvez-vous nie dire, madame, quelles sont mes occupations? demandai je à Mme Gournay, qui me voyait pour la première fois. — Vous vous occupez de littérature, me répondit-elle. Puis dlle âjoutâ immédiatement :
Vons consacrez à la poésie,
Avec plaisir quelques instants ;
Et celteheureuse fantaisie Est du nombre de vos penchants.
A une jeune dame qui assistait à cette petite séance avec sa mère (i), Mœe Gournay adressa ce quatrain : , ^ . i Tic
Si l’avenir vous pérMl beau,
Conservez cette idée si chère :
■: ’7 '1 SôfaVerit Wli'iiui Mène au tombeau , ji'ivc - Et vous polèéde* nne mère.
, Un-moi Uov o)> «oiixumi xi: ensb m ,.,Vna personne qui errât avoir trouvé utl spécifique contre la goutte demandait l’avlg de Ib dortaeuse Stir ce moyen, celle-ci lui fépondit : gob uM>q sldsL’piBni’) ! lilîi-iif n'ii '■
Pour soulager l’humanité, ~ smAfn la ,ïOihelBm Votre remède est infaillible;
998oqt)fI) ' A votre générosité " H
Le «albéut«l*^à ie»wrt»W.‘ ‘' ’' '' .....18“°
lncbnoq .-orpib 8iuot«ioJ ,-»Jôiqiï-i£io[iiol i^.olb «bru Ainsi qnemoj, j'espère*,
Apprécieront votrft trésor;. .
Si rexistente nous est chère, , . .v,
La santé Vaut bien tnieux éàcor.
-âq zii ;uuio? o iloru >1 8-hio|uoj «cq h c-Pour l’ébtenir, à vous» m»d>trré,
,(,.yi Chaque malade aura recoure t' i*.,. -•••■ i,.
Comme i) invoque en son àme,
■«■«pi!-.'*"iwtrt-iDàt»’&miiŒk.'. ; . '
.iH)IlnO!ll'T)V 61 II JflBrtO
(t) Séance amicale et toute désintéressée.
x PII f n ïk-'T
Puis en donnant à la souffrance Des soins si longtemps altendos,
lin jour, par la reconnaissance,
Ces bienfaits vous seront rendus. • 11roj eni;'!
Aux extraits qui précèdent^ nous allons ajouter u^tg improvisation qui montre combien cette fapulté pourrait devenir féconde par la culture. Maintenant Mme Gournay, quoique conservant toujours le quatrain comme forme favorite d’expressjon , .compose dp? morceaux dont l’étendue tend sans cesse à Ja rapprocher du célèbre Pradel. Le fragment que nous rapportons ci-après s’est produit dans une circonstance toute particulière. Le magnétiseur habituel de M‘"e Gournay avait lu la première partie d’un feuilleton dp la Démocratie pacifique , intitulé. Fortunada, et il en racontait les incidents à une;tierce personne) pendant que la somnambule dormait.. Tout à coup celle-ci, interrompant le récit, dit : « Attendez, je vais vous le traduire, moi. » Et elle débita aussitôt les seize vers suivants, qui sont le résumé de ce que le magnétiseur connaissait.
Vieillards, qui voulez de la vie Sans cessé prolonger le cours,
Allez mla rive fleurie; ■ WUOO
. Cooler encor quelques be#uiJour». ■ ■
•••,. ■).) si lin» «»l ; 9aoU
, Fortunada, lieu de délices,..
1 tes fftnlrâ ont rin parfum si dM; 1 ' i
■ mu' Que le nectar de leurs caüfces ! !l
Du temps fait braver le eourrou*.
four retrouver île la jeunesse
bil LyW#Afr,rflâwBe^|A,f,l 1
T>>• ■ t Retrempez-vous:;etl’allégrqse .J ' !' -
Vous montrera la volupté. . ■ ; . •
Dans ta fontaine de Jouvence • • • Je les vois puiser tour à tour,
Cbacnn on peu de jouissance Qui ne devra durer qu’un jour.
Dans toutes ses improvisations, sa seconde vue semble assez nette, les idées sont justes, elles se produisent avec une certaine recherche, et sont poétiquement tournées, sauf quelques fautes de prosodie (comme celles que nous avons signalées en caractère italique), que l’étude aurait pu faire disparaître.
Il est à remarquer cependant que les quatre strophes qui précèdent sont exemptes de fautes , et que les quatre autres (sur le spécifique contre la goutte), sont pleines de grâce et d’harmonie, et ne pèchent, sous le rapport de la prosodie , que par deux rîmes féminines qui se suivent
Souvent la somnambule commence une strophe, sans parvenir à l’achever. Alors, pour la distraire de ses poétiques préoccupations, vous lui parlrz d’autre cho9e. Elle parait vou9 écouter, et suivre avec attention le fil de votre nouveau sujet de conversation; mais bientôt la dormeuse vous échappe, et au moment où vous y pensez le moins, elle achève la strophe qui l’avait préoccupée tout à l'heure.
Sans doute, cettè philométrxe somnambulique p’offre qu’un intérêt très-secondaire, pour ne pas dire nul, au point de vue expérimental ou thérapeutique ; mais dans les mille phases de ce sommeil merveilleux, au milieu de ces rayons mêlés de tant d’ombres, tout doit-il être nécessairement d’une application pratique pour notre chétive humanité?
Comme phénomène intellectuel, Mme Gournay mérite de fixer l’attention des observateurs, et c’est à ce titre, Monsieur, que j’ai cru devoir vous adresser ces lignes.
Veuillez agréer, etc.
i. L.
VARIÉTÉS.
Enseignement. — a La vérité est un coin qu’on fait entrer par le gros bout. » Tous les néophytes magnétiques , au cœur hônriéte, pensent en entrant la carrière qu’ils vont révolutionner le monde. Apercevant la vérité grande et belle, ils croient que chacun va la voir comme elle est en effet. Erreur; ils se brisent sur le roc! C’est ainsi que nous en avons vu plus d’une centaine s’élancer tout brûlants, mais les préjugés et l’igüOrânce qu'ils rencontrent refroidissent bientôt leur zèle; et, sans cesser de croire, ils s’aperçoivent que la route est longue, et qu’on nç peut arriver au but que pas â pas.
Vieux danà la carrière, témoins dé toutes ces tentatives, nous applaudissons aux efforts de l’intelligence, et cependant la Crainte bous saisit lorsque nous nous rappelons cômbiett nous dûmes souffrir avant de prendre pied et de planter ûott*é drapeku. Tous ne succombent point, pourtant; notls en offrons l’exemple, et le temps va venir où lé iüàgné-tisme sera honoré dans ses représentants. Courage et persévérance, telle doit être la devise de M. Hureaux. Püisse-t-il réussir dans sort entreprise, et devenir tixi des favdrié de la gloire et de la fortuné !
Son dotirs, dont nous publions ci-dessous le prô-gramme, est terminé; nous l’aurions publié en sôn tèmps si M. Hureaux nous l’avait adressé. Ce n’est jplui atijôürd'hüi qu’urt document historicjué ddtit
l’insertion attestera seulement et les efforts de son auteur et notre impartialité :
SOINS CONTRE LE CHOLÉRA.
COURS DE MÉDECINE DE FAMILLE.
OU
LE MAGNÉTISME APPLIQUÉ AU TRAITEMENT DES MALADIES
DANS LA FAMILLE.
Dans nn temps où le choléra règne parmi nous, c’est un devoir d’éclai-rer le Public sur un bienfait qu’il ne doit pas ignorer, de lui apprendre & se servir du Magnétisme comme remède souverain de cette épidémie.
Que quelqu’un dans une famille sache magnétiser, et cela est facile, c’est une faculté qui nous est commune à tous, qu’aucun membre de cette famille ne craigne, car le Magnétisme employé à temps, aura bientôt raison de l’affection épidémique.
Les Billets d'entrée soit délivrés à 75 centimes, destinés à couvrir les frais de local et d'impression. , tr
LES DAMES SONT ADMISES MARDIS, JEUDIS, SAMEDIS, A SEPT HEURES DU SOIR, faubourg Saint-Honoré, tSI.
MAGNÉTISME VITAL AltliXQïïi,
0* LA MÉDEClItE DE FAMILLE.
Le Magnétisme, qui vient s’ajouter à la somme des plus beaux attributs de l’humanité, n’a pas de plus funestes ennemis que l’ignorance, l’enthousiasme de quelques prosélytes, et l’opposition systématique des hommes intéressés à ne pas l’admettre de.bonne foi. Pour combattre les ennemis de cette science qui naît à peine, qui révèle dans l’homme un nouveau degré de grandeur, de puissance et de domination sur la nature, il suffit de la montrer dans toute sa simplicité , dans toute sa pureté, et surtout dans ces consciencieuses applications qui la font considérer
comme le plus grand bienfait acquis au soulagement de nos maux.
Toute vérité nouvelle qui surgit, a de la peine à se faire accepter, parce que souvent elle dérange le système des hommes du jour, et qu’elle nuit à leur crédit.
Depuis plus de soixante ans, des préjugés ou des intérêts personnels se sont opposés à la propagation du Magnétisme• Vital. Mais cette science qui porte eu elle-même la vérité , comme la vérité , elle triomphe de l’erreur et de la mauvaise foi : puissante comme la vérité, elle suit son cours en grandissant à mesure qu’elle avance, malgré les limites qu’on voudrait lui imposer. Qu’on se rappelle cet aveu de Broussais : Si le Magnétisme était vrai, la Médecine serait une absurdité.
La science du magnétisme animal est toute palpitante d’actualité. L'existence du fluide vital et de ses mystérieux effets est aujourd’hui démontrée par dev faits victorieusement prouvés : faits trop nombreux et trop bien constatés pour ne pas convaincre les incrédules de bonne foi, auxquels nous répétons cette épigraphe d’un savant docteur : Doutez, expérimentez, voyez et vous croirez.
Comment ignorer une science qui offre un si puissant intérêt à l'humanité toute entière, par les cures désespérées qu’elle provoque chaque jour et dont nous avons sous les yeux l’imposant tableau. Ici, la nature nous enseigne dans toute sa simplicité, à guérir et à soulager ceux qui souffrent. C’est la médecine trop longtemps exilée de la famille par la fausse science des hommes, qui, comme un sacerdoce divin , puise dans les inspirations de l’âme sa force et sa vertu.
Nos médecins remplissent] la plus belle mission
dans le monde; que serait-ce s’ils joignaient avec ferveur la pratique du magnétisme à leur savoir ! Heureusement, l’histoire nous apprend qu’un jour vient enfin où la science officielle, après de longues et coupables résistances, demeure impuissante à refuser le droit de cité aux vérités nouvelles qui surgissent par intervalle dans la suite des temps.
BU VOIE D’ACTION DU MAGNÉTISME,
COMME AGENT C1RATIF .
La nature est simple dans ses moyens, infinie dan? la variété de son action. Les savants ignorent les secrets et la carrière parcourue par leur intelligence, est au rebours de la marche suivie par la nature. L^, médecine classique interroge tou-s les éléments ; elle exploite }a terre à grands frais, fouille ses entrailles, gravit les montagnes, visite les déserts pour y recueillir des minéraux, des plantes, des animaux auxquels elle demande des forces médicatrices. Nous allons au loin chercher des remèdes dans des matériaux étrangers, et nous ignorons encore qup l’homme, qui est un assemblage parfait de presque tous les matériaux de la nature, admirablement combinés, porte en lui-même une vertu curative si efficace, même dans jes maladies où l’effet des médicaments est reconnu impuissant.
La maladie est une lutte de la vie entre le principe vital et la force des lois de combinaison qui régissent la matière inanimée. L’équilibre de ces deux forces opposées établit |a santé. Si dans la maladie oq renforce le principe de vie, si on lui apporte un fluide vivifiant, si d’ailleurs les organes ne sont paslésés, la vie reste victorieuse de la lutte et la santé se rétablit. Dans la maladie, c’e9t la vio qui s’en va, et la vie ne
s’entretient que par la vie. Le principe médicateur, pour être efficace, doit donc être la vie lui-même. Une force vitale ajoutée à la nôtre qui faiblit, nous fournira le moyen de lutter victorieusement contre le mal. Eh bien ! l’action magnétique est la transfusion de la vitalité d’une personne saine et animée de l’amour du Lien dans une personne malade. Le magnétiseur puise en lui-même sa propre vie et la projette par ondées dans l’organisation malade qu’il traite. On voit assez l'abnégation, le dévouement qui doivent distinguer le magnétiseur-médecin des autres hommes. C'est pourquoi il y en aura malheureusement toujours trop peu.
Quand nous magnétisons, les principes salutaires et curatifs qu'on emprunte aux médicaments, se trouvent ainsi résumés dans une action physiologique et invisible de nos organes mis en jeu par la volonté. Pourquoi refuserait-on à l'homme, ce chef-d’œuvre de la nature, des vertus que nous afccordons à une fleur, à une écorce, à une racine, créations si simples? Ne savons-nous pas que le contact de deux métaux, placés dans certaines conditions, produit 1» fluide électrique? Serait-il plus déraisonnable d'admettre que notre organisation, notre système nerveux peut aussi, dans certaines conditions, produire un fluide analogue, le fluide magnétique?
Or, les faits le prouvent. Le fluide magnétique est une véritable émanation de la vie ; 11 est essentiellement curatif, comme l'expérience le démontre; il est, pour citer les expressions de Mesmer, le moyen universel qui nous est offert par la nature de guérir et de préserver les hommes.
D'autre part, un champ immense est ouvert à nos sérieuses méditations, devant les effets merveilleux de la science nouvelle, qui confond notre raison, ren-
verso nps idées reçues et transporte l’âme dans de* régions inconnues où tout éveille son étonnement et son admiration. Une connaissance approfondie du magnétisme, entendu dans le sens,le plus large, de* Yiepdra. W“e science-mère appelée échangé!- le pivot de )a médecine classique, de la philosophie et des «cienpe*-
HURE AUX, ancien pharmacien. 11 q
prédiction. — Les prophéties d’un pâtre, sujet ad somnambulisme, font beaucoup de sensation aux ett‘ yirpos de NeuBtfldt, dans la Forêt-Noire. D après les prédictions de ce nouveau prophète, un bouleverse-mfutgénéralserrtUimminent dans toute l’Allemagne;
1 » nouvelle i^foMioo .éclaterait au printemps prochain; die durerait pendant trois ans, et elle ne-se* rait définitivement accomplie qu’en 1357. L'horoscope qui! » fait aux.Prussiens n’est pas moins fatal, et annonce leur expulsion prochaine. On accourt de tou# $pté$ pour consulter ce fatidique, et l’affluence a,,#4telle que 1a police a dû intervenir.
^ j; i (CourrUr du Bat-Rhin.) ■
Féiè de Mesmer. — Cette année sera sans floj^p "ftbiir Mesmer un nouveau triomphe, car défi l’çu 's^à^prêt'e â' céréfer ^ne^ent Uçniversaire c)e 83 naissance; et, bïen que nous soyons encore éloignés d« aS mai , un.'rwstrp est ouvert_ ^nsrppf..^re^pf pour receyçîr lés'adhésions au banquet. commission d’organisation fera ineessaminqnt Cfinptfll.tre lep
*fc£4|«iftidnç d’admission. ( auoà iup bm/trui
la oiuJcn . 11** | - ' ‘
Chronique. — C’est M. le B? Iftirand'-Fardêl qtii est chargé d« la rédaction de l’article Magnétisme v» paraître dans le supplément au Dictionnaire de mé-de«w4>à'Pabre,;i bu- lu-* iup .*»lbvuon
Si nous sommes bien informés, ce médecin en serait encore à commencer l’étude de la question qu’il doit traiter. Son travail devant paraître au commencement de juillet, il y a tout lieu de supposer qu’il n’aura pas le temos d’exaqji^er pufjigamment, el que son jugement setai basé sur celui des commissions académiques.
— Dans une de ses dernières leçons à l’Athénée national, M. le Dr Mathieu s’est de nouveau prononcé de la maqjèrp la plu? çptégo^qup eq faveur d\\ tflft-gnétjsqie, Son adhésipfl f»it^ complète, elif’il hésite encqre sqr Je» prippipeg ç\, les conséquences, c’est par des raisons purement philosophiques.
Il a invité publiquenrenrtes membres de la Société du Mesmérisme à assister à ses leçons.
Revue des Journaux. — Le Crédit, du 29 janvier, contient , dan? son feuilleton ^ la description de scènes sompa^ibuliques présentées avec vraisemblance..
Imbowr iuh atnnr,."i îownb nn m'xvil -uoosno?
rrr Répubfiquf, du 31 janyisr* reproduit te récit du Çoprrfcr d(i- Bas-fthin, inséré cjp&MWJ.
— La Tribune lyonnaise, du mois de février, cite ün fragment d'un ouvrage de M - H. Delaage, ayant Irait au somnambulisme, comme moyen de prouvèr l’im-morlalité de l'âme. ■ -'! *>' ' • ' ; - ■ ■
— Le Semeur, jburnal protestant, du 6 février, prend part à une polémique suivie depuis quelque temps entre ^archevêque de Lyon et l’abhé Loubp^t, à propos du- magnétisme considéré au pçjnt de vi^e du confessionnal.
Nous exposerons prochainement ce sujet avec datait 1 . , "v
jnw-TOii i'/>b n Ki*>b lièvre iup -jimaJ 00 , JiiBbnaqoJ
BIBLIOGRAPHIE.
MESMER AND SWEDENBORG : or, the Relation of the Developmenls of Mesmerism lo ihe Doctrines and disclosures of Sw edenborg ; by Georüb BUSH. 1 vol. in-12°, second édition, New-York, 1847.
3e ARTICLE.
Avant d’arriver à l’analyse des faits du mesmérisme développés dans le livre de G. Bush , nous devons nous livrer à un dernier examen sur Swedenborg. Nous l’avons considéré sous le rapport de ses facultés psycho-magnétiques et au point de viie de la légitimité de ses révélations; il nous reste â examiner ses doctrines philosophiques et ses connaissances des phénomènes mesmériques. Après avoif esquissé à grands traits l'histoire de l’école mystique à laquelle il appartient, et qu’il a résumée; après avoir énoncé quelques considérations sur scs doctrines spiritual-listes,‘nous chercherons à reconnaître dans ses révélations la description, rendue mystique, des faits du magnétisme qu’il connaissait évidemmentj quoique ce mot ne soit pas inscrit une seule fois, dans les volumineux traités scientifiques qu’il a publiés. Cependant, ce terme qui servait déjà à désigner une
série de faits naturels qui n’étaient encore qu’un pressentiment, qu’un tâtonnement de la scieuce nouvelle , avait été employé par Maxwel, médecin écossais qui, un siècle avant Swedenborg, ayait publié q Francfort, en 1769, son livre de Magneticâ MedidM, dont les théories renferment réellement le sens que nous attachons à la science magnétique ; sans parler, toutefois, des moyens de la pratiquer par l'emploi de l’agent ou fluide qui en fait la base, et doqt la découverte et l’enseignement constituent la gloire de Mesmer.
Le silence, sur ce sujet, d’un homme aussi scientifique que Swedenborg est bien extraordinaire ; et la réticence d’un philosophe dont les doctrines sont entrées au cœur de la science occulte, est bien coupable. Était-ce de sa part une dissimulation calculée? On peut dire, alors, que, dans ses ouvrages, lç magnétisme brille par son absence, et que ses *oins ont été bien superflus, puisqu’à l’aide de'ses révélations on est parvenu à le reconstituer de toutes pièces. Quelle persévérance et que de peines pour conquérir une position surnaturelle !
Nous allons, ici, entreprendre une petite excursion rétrospective dans le domaine de la philosophie mystique. Npus désirons qu’elle ne soit pas jugée pans intérêt par les adeptes de la science mesmérique dont elle retrace en partie les origines.
Le mysticisme, cette disposition iunée de l’homme à dépasser les objets de }a religion naturelle et à s’élever à la contemplation de toutes les parties de la vérité, est h*, complément de la connaissance religieuse, et aboutit quelquefois à la folie, ou à ce que les hommes appellent folie. « Tel est aujourd’hui le christianisme dans celles de ses sectes où l’esprit d’intolérance, l’orgueil du savoir, l’ambition de régner,
n’onl pas altéré la pure intelligence du bien, la simplicité du cœur et la charité (i). »
C’est dans les écrits d’Empédoclc, qui vivait au V* siècle avant J.-C. qu’il faut chercher les plus anciennes traces historiques du mysticisme. Cet homme qui eut tant d’influence sur la science de l’antiquité ; célèbre comme magicien , comme devin et comme médecin, exaltait lui-même, sa science surnaturelle et son pouvoir d’évoquer les morts. A la fois prêtre, philosophe et poète, il fut raugé, par les alexaudrins, dans la fameuse série de leurs divins sages, nommée la cliaine d’or. Au temps de Cicéron , un Nigidus Fi-gulus enseignait l’astrologie, lirait des horoscopes et faisait profession de retrouver des trésors perdus (a), Un Vaticinius qui se disait pythagoricien, savait aussi évoquer les âmes dos enfers (5). Mais le véritable représentant du néopythagorisme fut Apollonius de Tyanes , homrtie aux mœurs simples et pures, qui vivait au premier siècle. Une secte romaine de cette école, fondée par Sextius, avait jeté un grand éclat 5 mais ce fut Alexandrie qui devint le centre des idées et le lieu de la fusion de la science de l’Orient et de rOccidenl. C’est là que la théologie et la morale du paganisme, le syncrétisme de Platon , le judaïsme et le christianisme naissant se rencontrèrent.
Le juif Aristobule, auteur d’un grand nombre do falsifications, voulut prouver qu’Orphée, Pythagore etPlaton n’étaient que des copistes de Moïse; etPhilon, son disciple, démontra que la philosophie écrite des juifs avait précédé celle des Grecs. Mais en fondant la cabale, ils prouvaient qu’ils n’étaient eux-mêmes que les disciples des mages et de Platon. La cabale, qui
(1) Ch. Renouvier, Man. de Phil. anc.
(2) Cicéron. Frag. de (fniverso.
(5) Cicéron. Orat. in f'atinium.
est la doctrine mystique , la philosophie occulte des juifs, enseignait dans sa partie pratique à opérer des prodiges, par une application de certaines paroles ou sentences de l’Écriture-Sainte, et par leurs différentes combinaisons (i). Les cabalistes soutiennent que ce fut par cet art que Moïse s’éleva au-dessus des magiciens de Pharaon ; qu’Élie fit descendre le feu du ciel, et que Daniel ferma: la gueule aux lions ; qu’enfin, tous les prophètes s’en sont servis pour découvrir les événements de l’avenir (2). Un nouveau parti, les gnostiques et les mages qui reconnaissaient Zoroastre pour révélateur, fit irruption dans l’arène philosophique ; et l’on vit aussitôt paraître les oracles de Zoroastre, du Pxmandre, de YAsclépius, et le livre des Mystères des Égyptiens attribué à Jamblique ; tous écrits que la saine critique moderne regarde comme apocryphes.
Au milieu de ce mélange, de ce conflit d’idées, les chrétiens, derniers venus, empruntèrent de toutes parts. Leur éclectisme soutenu par la foi et par une organisation puissante, ,fut vainqueur de tous les autres.
Plotin , après Ammonius, tenta de concilier le platonisme avec les doctrines mystiques de l’Orient, des mages et des brahmes. Initié aux mystères de l'Inde et de la Perse, il crut surprendre dans l’enthousiasme et dans l'extase le secret de toutes choses. Plotin avait son génie familier, comme Socrate, comme Numa.
(1) C’est ce qu’on nomme signes cabalistiques.
(2) « On rapporte aussi à la cabale l’alpbabet astrologique et céleste , qu’on attribue aux juifs. On ne peut rien avancer de plus positif que ce que dit là-dessus Postel. « Je passerai peut-être pour un menteur, dit-il, si je « dis que j’ai lu au ciel, en caractères hébreux, tout ce qui est dans la « nature; cependant Dieu et son Fils me sont témoins que je nementspas: « j’ajouterai seulement que je ne l’ai lu qu’implicitement. »
(Ancienne Encyclopédie, Art. Cabale.)
Porphyre, son élève et son biographe, rapporte qu’é-tant sous le coup d'opérations magiques d’un ennemi qui voulait le perdre, Plotin s’en aperçut; et que son âme étant douée d’une force extrême, il fit réfléchir sur son adversaire les traits dirigés sur lui-même.
« Dans ce moment, dit-il un jour à ses amis , Iç corps d'Olympius (c’était le nom de son ennemi) est plissé comme une bourse ; ses membres se fraisamt les uns les
autres (i). » : j
Prnclus, ardept propagateur de l’ülumini»me, • comme toijs ceux de son école, reconnaît deux monde? , celui de l’intelligence et ce^i des sens. Il enseigne que pour parvenir au bonheur, l’âme n’y peut tendre que par la contemplation et l’extase. Le néoplatonisme finit par se précipiter dans l’ascétisme, la Jfreurgie et la magif?, jusqu’4 c? qrçe la persécution de l’empereur Justinien contre les écoles prof*n?f, eût forcé les chefs à se réfugier chez le? Arabes q»»’»!» instruisirent. !
A la Renaissance, pn Italie, le grec G, Plettym fol l’apôtra'zÿ^ péoplatoniipie alexandrin qui, mille ans auparavant, s’était formé du mélange des éléments qui devant constituer le RalhoUçiswe. Pnis,,parurent Pompy^^i, Cesalpini, Bruno, Cajp-panefla, Vanini.
Le néoplatonisme, enseigné par Fjcin, l’âme de l’Académio florentine, plraîoait vers ceg créations si consolantes pour rbon>me, «jiji lui font perdre 4,3 la terre pour s’élever à Dieu, aux anges et à l’harmonie des sphères ; mais il avait pour grave défaut les extases religieuses les plus mystiques : l’homme ne tenait plus à la terre.
Pic de la Mirandole, élève de Fie»», après avoir
(i) Dictionnaire histor. et crit. ds B&yle, article Plotin.
embrassé la cabale avec ardeur, revint au mysticisme pur.
Cardan, Pomponazzi, furent, comme philosophes, ennemis acharnés de l’Église et douèrent la raison d’une complète liberté. Pomponazzi fonda la morale sur elle-même, sans intérêt, crainte ni espoir. Il voulut expliquer tout fait merveilleux naturellement ; c’est-à-dire, par le gouvernement des sphères célestes, les uns sur les autres; par l’action des astres; et par l'influence de l'homme iur l’homme, à Caide fun fluide, esprit ou vapeur (i).
Le néoplatonisme et la cabale, se propagèrent ainsi jusque dans le dix-septième siècle, maintenant toujours leur école et faisant surgir, de temps à autre, quelques hommes éminents. En Italie, Zorzi ; en Allemagne, Agrippa, Paracelse, Bœhm; en Angleterre, Fludd et Pordage. Ces enthousiastes ont composé des mélanges plus ou moins mystiques où la philosophie de Moïse se rencontre avec celles de Pythagore, Platon, Proclus et Ficin ; et où s’épanchent d’abondantes veines de religion et de poésie (a).
Jles continuateurs de cette école mystique furent, au dix-septième et au dix-huitième siècles, les deux Yan Helmontet, enfin, Swedenborg.
Quand nous avons dit que G. Bush avait accordé, déclaré même que Swedenborg connaissait parfaitement les faits du mesmérisme, nous avons bien compris que cette concession avait une immense portée par les inductions qu’elle nous permet d’en tirer. Aussi, avant d’arriver à conclure de ce fait, croyons-
* ■ i 6 'JHltlfJ ■) ( ^I/RU . t 0*5 W
(1) Pomponazzi, de Incantationibus.
(2) Repoov, loc. cit.
nous devoir répéter les termes dans lesquels le professeur américain expose ses convictions à ce sujet1.
Npus osons dire que, depuis Iq première page jusqu'à |a dernière, le livre rlfe Bush es! un long syl-logi^ne qui se résume ainsi : Swedenborg a connu le ipagnélismq et tous ses faits, quoique-sans en parler j le révélateur du monde des esprits , en vertu d’une mission divine, ttt Le mespiérisme que nous professons, et ses états, tels que la lucidité et l'extase1, donnent lieu à des révélations qui, sur les questions de l’autre monde, du monde des esprits , sont analogues à celles de Swedenborg qui possédait la faculté But^-extatique au degré le plus élevé, et en vertu d’une prédestination divine. Dono, Swedenborg est iffi prophète;, doua la nouvelle Jérusalem qu’il p fondé»# sur .ses révélations, .est la véritable Église ; la seule ot véritable religion. . lin » .agatwoH19 hourl
Nous n’admettons pas entièrement les deux premières propositions de ce syHegisme; et quant à la conclusion, nous >ne la'trouvons nullement contenue dans les prémisses. • ; 1 r- ; :1 •
,,JSoub comprenons très-facilement que la déciu-ygrte des phénomènessomnambuliques soitFennëlcor* roborer quelques-unes des révélations de Swedenborg, puisqu’ils ont, les uns et les autres, la même origine, une cause naturelle; mais G. Bush ne s’est pas aperçu qu’en appeler #u témyig^gfi. fa. .ff/pn^rj, ;.«test faire descendre ^qn héros dans la région flp* feUfl P#r turels ; c’est le mettre de n|yeau et qn pafplj^je ; avflç les simples mortels q^e la nature a dpyép }es feçiiltép psycl^o-mespé.riques^c’est, çnunfflfit, je fpqttre.^ rivalité avec la famçp^e voyants Pfoyocst, Wffi celle de Von Meyer, avec J. Davis , et enfin, avec tous ceux qui se présenteront dans la Ücç, «vue des facultés remarquables. Cette manière de oon'cluta de
la concession de notre autenr n’est pas conforme à se& raisonnements, nous le craignons; cependant c'eut la plu» naturelle et la plus logique. Nous |a pousserons doue,jusque dan* ses conséquences Ifs plus étendues. Eu appeler au mesmérisme, pour sauver Swedenborg de l’épithètc de malheureux visionnaire que certaines gens lui jettent à la faeo , e’est dire comme salut Paul à Fesfus : J’en appelle à César [ Or, César, c’est le corps des magnétistes; de ces juste» e| légitimes appréciateurs des facultés et des phénomènes mçsmérjques, qui jugent avec la loi naturelle. Et qu^nd niqmfi Swedenborg aurait été le phénix des ljjpidfs pt de? extatique» , s'il n’est pas d’accord dans ses dires avec la généralité des sujets somnambuli-que» les plu? renommés, nous répéterons oe qu’on a dit d’un célèbre, écrivain î «II# a quelqu’un quia plus d'esprit que YolUire ; c’est tout lo monde! >i Et si celte saillie n’est pas parfaitement applicable igi, c’est qup tpu$ lps révélateurs: du monde des esprits BP sont pas du tou*, d’ecoord entre eus. C’est un fait acquis à |& saipe observation , êt tellement acquis, qu’il a bifln le dwU deipwfer pour un exiomei EflTectiypmeat, on voit pèroer dans les révélations splritualistps, toutes les croyanoes, les préjugés , les cçnpaissanpe* acquises; en un mot, toute la vie jn* tellectuelle et morale de l’individu, ou t}e celui avec qui i|; est erç rapport : Swedenborg nous le prouvera surabondamment. Si l’expérience confirme ce que nous venons d’établir f que la nature des révélations qui ne résultent pas de la communication dé pensée, se moule sur. les idées personnelles, il a dû en ré-sjMer pn jipmeuse avantage pour lo révélateur sué.-dojs. Profondément instruit dans la science philoBo*-phique, il »ni| beaucoup de aiéthode dans ses doctrines; Ct pqmwe dit h révérend Dr Poud, dans sa ué-
lutation du Swedenborgisme : « Ses spectres ne se battent pas avec lui ;.ils suivent naturellement le cours de ses pensées naturelles; donnant une sorte d’existence personnelle et de réalité à ce qui n’avait été d’abord que des théories, des abstractions, de simples conceptions de son esprit. Et cette théorie s’accorde avec tous les faits connus. » Cette approbation accordée par un antagoniste, et que nous ne désavouons pas, prouve le savoir de l'homme, mais nullement l’origine céleste de ses révélations. Or ce dernier point est et sera toujours la pierre d’achoppement de ses sectaires. Quant à nous qui ne pouvons voir en lui qu’un simple voyant somnambulique, d’une haute distinction , nous nous permettrons de le comparer, dans le cours de notre examen critique, avec de célèbres extatiques. Nous montrerons chez la voyante de Provorst des aperçus analytiques, sur la psychologie, tout aussi avancés que ceux du Suédois ; quelques-uns , même, ont plus de finesse, de profondeur, de netteté et d’étendue :.et ses révélations signalent quelques éléments inconnus même à Swedenborg. Chez l’extatique de New-Yorck, J. Davis, on retrouve toutes les facultés attribuées au grand révélateur t mais avec des divergences dans les doctrines ; de plus, il possède la faculté de la communication de pensée à un point prodigieux.
Quant aux procédés employés pour produire les états magnétiques, si Swedenborg nous a caché tout ce qu’il en savait, il n’en est pas de même pour les phénomènes qu'il a obtenus , puisque son but était de faire connaître, sous le nom de révélations, tons les faits de la psychologie, afin d’arriver à la connaissance de l’âme, dans la vie future. Il est donc intéressant, aujourd’hui, de comparer les descriptions de ces étals qu’il a données, avec tout ce qu’on produit pa
le mesmérisme; comparaison qui constate leur parfaite identité.
Les phénomène? somnambuliques t évidemment connus de Mesmer, mais qu’il a retenus, par pru -dencç, ont été divulgués par le marquis de fuységur, son élève. Aussi est-il généralement admis qu’il est l’auteur de cette découvertë, qu’on appelle communément puységurisme. C’est en 1784 que furent publiés les mémoires de Busancy, et c’est à cette époque que les magnétistes font remonter l’origine de cet état mesmérique, en admettant, toutefois, qu’il a été connu de toute l’antiquité. Yojci, cependant, un fait remarquable; c’est que Swedenborg, dans un ouvrage publié en 176^, c’est-à-dira, vingt et un an» avant la publication dePuységur, donne renonciation formelle et directe du pouvoir remarquable qui a été si clairement déyeloppé depuis : la lucidité som-; nambulique.
En voici quejquçg extraits- Mais en les lisant il faqt faire abstraction de la mysticité du langage. C’est une étude à laquelle nous av^n^prépar^ nos lecteurs, dans un précédent article.
« La sagesse humaine, qui est la sagesse naturelle pendant que l’honjme appartient à ce monde, ne peut jamais être exaltée jusqu’à la sagesse angélique, mais seulement jusqu’à une certaine image de ceilc-ci. Cependant, l’homme chez lequel la sphère spirituelle est ouverte, arrivé à cette sagesse quand il meurt. Il peut aussi y parvenir en endormant les sensations corporelles; et en même temps par l'in/tlix céleste que reçoivent les principes spirituels de son intelligence. » (Divine Love and Wisdom , 257.)
a II en est qui, même avec une constitution vicieuse et des penchants mondains, peuvent ttre endormis; alors, ils sont susceptibles d’être élevés jusqu’à
quelque chose de céleste... Pour eux, les choses extérieures sont comme anéanties, et ils sont, alors, élevés jusqu’au premier ciel. » [Arc. cœl., 2041.)
« Certains esprits, non pas ceux d’une mauvaise nature, étant tombés dans le repos, comme dans un sommeil, leur intérieur qui est leur esprit, fut transporté dans le ciel; car les esprits (1), avant que leur intérieur soit libre, peuvent être transportés dans le ciel. Je les ai vus quand ils avaient été ainsi dans l’état de repos pendant une demi-heure, et qu’ils étaient, après cela, rappelés à la vie extérieure dans laquelle ils étaient auparavant; ainsi qu’au souvenir de ce qu’ils avaient vu. Ils disaient qu’ils avaient été parmi 1 les anges, dans le ciel, et qu’ils y avaient vu des choses prodigieuses. » (Heuven and Helt, 411’)
Nous pensons que ces extraits sont plus que suffisants pour établir l’identité de l’état qu’ils décrivent, avec le phénomène de la lucidité somnambulique ; et prouver, parconséquent, que Swedenborg le connaissait.
Il nous paraît curieux de produire ici d’autres extraits qui montreront combien Swedenborg avait étudié ce phénomène, ainsi que les inconvénients qui résultent des entretiens avec les esprits. Nous les proposons aux méditations des magnétistes spiritua-listes, aux yeux de qui les sujets lucides sont la loi et les prophètes. Ils verront que leur maître ne partage pas leur aveugle confiance.
Lcs^oici :
a Quand les esprits viennent vers l’homme, ils pénètrent dans sa mémoire, et y réveillent tout ce qui leur convient; et, ce que j’ai souvent observé, ils li-
(1) Lisex : somnambules'
sent comme dans un livre les choses qui y sont enfermées. (Earths in Universe, i3.)
« Les esprits qui sont en rapport avec l’homme, pénètrent dans sa mémoire et dans toutes les sciences de mémoire que l’homme possède. Ils s’approprient ainsi toutes les choses qui appartiennent à l’homme, jusqu’au point d’ignorer si ces choses sont â eux. Il en résulte que tout ce que l’homme pense, ils le pensent; tout ce qu’il veut, ils le veulent. » (Arcana cœl. 58a3.)'
« Maintenant nous dirons quelque chose concernant les entretiens des esprits avec l’homme.... L'esprit qui parle est dans tes mêmes principes que celui à qui il parle, qu’ils soient vrais ou faux; de plus, il les exalte et les fortifie par son désir qui est conforme à celui de l’homme. De là il est évident qu’aucun esprit, autre qu’un esprit semblable, n’agit manifestement sur lui, attendu que l’action manifeste coïncide avec le discours. Il résulte de cela qu’il n’y a que des esprits enthousiastes qui parlent aux enthousiastes; que des esprits quakers qui agissent sur des quakers, et des esprits moraves sur des moraves. Il en serait de même avec les ariens, les sociniens et les autres hérétiques. J’ai été à même de vérifier cela par des expériences répétées. » (Apocal. revel. j 182.)
« L’homme ignore la qualité de sa propre inclination; si elle est bonne ou mauvaise. S’il se compiait dans sa propre intelligence, les esprits quil’écoutent favorisent chaque pensée qui en dérive. De même, si quelqu’un est disposé à faire prévaloir des principes quelconques, propres à ceux qui ne sont pas dans la vérité; quand un esprit d’une pareille inclination, soutient les pensées ou les principes de l’homme; alors, l’un conduit l’autre comme un aveugle conduit
un autre aveugle, jusqu’à ce qu'ils tombent tous deux dans le précipice. » (Ibid.)
Il dit enfcdre, dans sotl Journal Spirituel, n° 1G22: ft Les esprits ïelatent des choses excessivement fausses et rnètiààti'gfoes. b‘
N° 1 gd2 : d Des èbpïlts qui parlent, il y en a peu qui doitèht êtrè crus. Rien n’est plüs familier aux esprits qui parlent, qué de dire qu’unè chose est ceci ou cela; ear lis croient toiit savoir, et ils affirment solennellement qu’il en est ainsi, quand cependant cela nVàt pâs..... Quand oïl demande à plusieurs, s’ils savent comment eSt telle chose, alors, l’un après l’autre répond d’une niëhière différente; et fussent-ils ceht, ils répondraient tous différemment... Aussitôt qu'ils parlent d’une chose qu’ils ne connaissent pas , ils disent immédiatement : elle est ainsi faite. »
Lé n° 2860 renfermé des révélations curieuses, ét «H l’adresse de Ceux qui fodt prbffesston d’évoquëi* l’esprit dés moris.
« Lès esprits, CeUX qù! repréifetttènt une autre personne, peuHeüt étt*e trompés etlx-mêmes. Il m'à été démontré fhisièurt fdis'qüë les esprits, causant avec mol, croyaient réelleiüent être les hommes, sujets de lapénéée. Comme hîèr’et iüjôürd’huiquelqu’un que je connus vivant, flif Représenté pàfr un esprit qui lui était si semblable, én toutes choses, que rien n’était plus ressemblant.' C’èSt pourquoi il faut qüe ceux qui Veulent parlé* avec les esprits se tiennent Sür leur garde, de peur d’être trompés, quand ils disent qu’ils sont ceux qu’on Connaît et qui sont morts. »
« Ce serait Une cbnséqUébcc sans doute bien naturelle de la teneur de ces cltatidns, dit 6. Bush, que de penser que 9i les influences du monde spirituel sont aussi trompeuses , Swedenbbrçj lui-méme était bien susceptible d’être trompé par les impressions
dérivées de cette source. En y réfléchissant, cependant, la conséquence la plus naturelle serait qu’étant capable de découvrir et de révéler les erreurs , c’est une preuve qu’il s’en est gardé : « C’est en vain qu’on « tend le filet à la vue de l’oiseau. » S’il s’était trompé entièrement, pourquoi ne l’aurait-il pas été également par rapport au fait des déceptions?»
Quoique cette réflexion inductive ne nous paraisse pas très-solide, on doit savoir gré au professeur américain d’avoir franchement reconnu que l’état extatique de Swedenborg doit être considéré, psychologiquement, comme une forme ou phase particulière de l’état mesmériqae ; ce que les sectaires de la nouvelle Jérusalem refusent unanimement d’admettre, quoique l’examen des faits présentés dans le livre de Mesmer et Swedenborg rendent la question indispu* table. Cependant, nous lui répondrons que si Swedenborg ne s’est pas trotopé sur les déceptions résultant des influences trompeuses du monde spirituel , les découvrir est autre chose que les éviter ; et que s’il prétend s’en être mis à l’abri, il se fait juge en sa propre cause et ne fournit aucun argument à Tappui de sa prétention. Ces erreurs, ces causes d’erreurs signalées, n’autorisent nullement à admettre les révélations de Swedenborg copine des vérités. S’il a connu les déceptions des esprits, ou plutôt des somnambules, il a reconnu l’erreur, le mensonge, dites-vous? et il n’a pu tromper personne. Alors veuillez nous dire dans quelle patégorie vous placerez le récit suivant; est-ce dans celle de la vérité?
«Quelquefois, j’ai été mis dans Cétat où sont les anges," et dans cet état, j’ai parlé avec eux; et alors je i comprenais tout. Mais quand j’étais remis dans mon premier état, et dans la pensée natureUe propre à l’homme , et que je désirais me rappeler «e que j’a-
vais compris, je ne le pouvais pas; car il y avail des milliers de choses qui n’étaient pas adéquates aux idées de la pensêo naturelle, et qui, alors , ne pouvaient s'exprimer que par la variété des nuances d» la lumière céleste, et uullement par les mots humains. » (üfgaeenw4itf4h'a&9)il ra ioupuioq , jnsoni&tn Nous comprenons qu’on puisse* être mis en état
d’extase; que l'âme soit dégagée.de la matière......
Mais changer de nature I devenir ange ! puis cesser de l'être 1mV4 •'»)]> uonoosi taM . > nw?«
lût puis, ce.langage des anges qui ne peut s’exprimer que par la variété des nuances de la lumière céleste! Quand on a révélé (Fraie Relig. chrét., n° 24*) que les anges ont une écriture en partie composée de lettres arabes et hébraïques I que du contradictions! q#el çharlataniepie! ; .o. ; >i>-, ii J-> 1 ■ •■■■■
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ii CLINIQUE MAGNÉTIQUE»
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x‘*-• :• Mon cher maître, “"iu\ '■ •' •«
J’ét&is â^éW^é'ià’^uikl|'^-^mt,ltfoi8, et , grâce à vous, â votre lâifent, à lé manière admirable dont itfuS éxèïcèt lè mâgttétlVme, une fdiblë hieur s'était iüfiltt'êe dartà tnes yftifc, 6e fi*ëôt pas encore'la lu-HflfW” f d^'cehé ëspëfance
à la certitude, il n’y Ü qüe l’égp&ôé de la pbftè dü ciel au ciel ihéme. ' "P ! ' "n',,ni1
Je reverrai donc U naturelles objets, les personnes qui me sont chères^ et vousj Monsieur, dont je ne connais encore que le son doux et onctueux de votre voix, et le fluide régénérateur qui me pénètre, m’enveloppe, m’enferme et me ravive i .
Quand vous vous, wseyez auprès de moi, et que votre puissante main, sans me toucher^ agite l’âir qui m’environne, je gens .comme un réseàü invisible s’étendre sur mes membres, les assouplit, les presser sans tes serrer, détendre mes nerfs et me pénétrer, me charmer, à la manière dont le parfum de la rose pénètre et charme l’odorat. Puisj à mesuré qüe le magnétisme opère, une douce lângueür s’empare de ma personne t les pensées terrestres deviennent plus vagues, së poétisent, pour ainsi dirç, et sô GhÿngeBt en une rêverie charmante, qui vous iiole de la terre; de ceux qpi vous entpurent,j£t même de votre m** gnètiseiur c’est j’état,le plus délicieux dan* lequel uo étr| humain puisse se tfpjuver; ce n’efit pfUledoamieilji ce n’est pas le réveil, et cependant il tient de l’un et de l’autre; du premier, il emprunte l’adorable, repos * l’abnégalion complète;du second, U reçoit:1a oôn-
».if*b SOT? -i>ov 9Up '»»'•: sb !•»{, ' Enfin, Monsieur, que vous dirai-je? Longtemps après que vous êtes parti, je sens encore ce doux bien-être, cette charmante langueur qui me tient enchaînée sur mon fautedil, ihë fait désirer et aimer la solitude. Je ne suis ni à moi, ni à vous, ni à personne, ni de ce monde, ni dans ce monde, mais toute entière k la divinité qui m’a créée, et dont mon âme éprouve tous les effets magiques. Des deux mot qu’il y a en nous, comme dit Sterne, le moi terrestre disparaît sous le moi céleste. Ainsi, Monsieur, non-seu-lement le magoétilme me reûdra la vue, ce qui est le plus grand des biens de ce monde ; inâlâ il me
rendra aussi la 9anté, bienfait tout aussi précieux; chaque fois que vous m’avez fait sentir la puissance de votre génie, il m’a semblé, chaque fois, que je recevais un accroissement de vie, de santé, de jeunesse; et comment ne rajeunirait-on pas? Le magnétisme employé, comme vous savez vous en servir, Monsieur, détend les nerfs, calme les muscles, fait circuler le sang plus régulièrement dans les veines, assouplit les membres et leur rend l’élasticité du premier âge; la téte aussi est plus légère, et le cerveau, dégagé de 9es noires vapeur9, semble ne laisser place qu’à de riantes et d’heureuses pensées.
Vous voyez bien, Monsieur, que vous donnez à la fois, par votre science superbe, la santé, la jeunesse,1' et, si j’osais dire, la beauté et la bonté. Tout ce qui est jeune n’est-il pas beau? Et tout ce qui est beau est bon; car, c’est votre suprême bonté, Monsieur, qui se communique, vous fait dépenser votre vie à régénérer celle des autres, et excite ce dévouement' sublime de chacun de vos instants consacrés â l’hutiia-nité souffrante.
Puissiez-vous, par votre art merveilleux, agratidir ce jet de lumière que vous avez déjà fait renaître dans mes yeux, et me mettre à même de voir bientôt mon savant et généreux bienfaiteur. 1 ■ - )i.r
EUGÉNIE FOA , née Rodrigubz.
Le Gérant : HÉBERT (de Camay).
THÉORIES.
PHILOSOPHIE MÉDICO-MAGNÉTIQUE.
De la Médecine magnétique
(Suite.)
CHAPITRE III.
Nous recevons du docteur Ordinaire la communication suivante, que nous nous empressons de soumettre à nos lecteurs. Nous approuvons la polémique qui s’établirait sur un sujet aussi important que le fluide magnétique. Cette discussion, soutenue par deux praticiens également recommandables, ne peut que profiter à la science. Nous espérons donc que M. Perrier répondra ; et, s’il y a lieu , nous prendrons nous-même part à la discussion. Quant à présent, voici notre sentiment; et, si le temps ne nous manque, nous l’appuirons par de nombreux faits : L’homme, pétri d’un limon grossier, possède en lui les véritables éléments de la foudre. Il peut, saisissant ce feu, le lancer au loin par des actes de volonté. Rapide dans sa marche comme un rayon de lumière, il ira, non détruire, comme une force aveugle, mais donner un complément de vertu â toht ce qu’il pénétrera : ce feu, c’est la vie; revêtue, enveloppée d’électricité, le magnétisme enfin, jusqu a ce qu’on lui ait donné un autre nom.
DU POTET.
TOMK IX. — 113. — 10 MABS 1830. 5
Quelques objections à mon honorable Colli'gne le Docteur Perrier.
J’ai lu avec une religieuse attention les divers articles que vous venez de publier daus le Journal du Magnétisme, et qui tendent à prouver l’existence du fluide magnétique. Il serait difficile de défendre une cause aveo plus de talent. Il est impossible au lecteur non prévenu de ne pas se rendre à vos citations, aussi savantes que multipliées; permettez cependant à un magnétiste, non moins consciencieux observateur, de vous soumettre quelques objections sérieuses. Je ne demande qu’à être persuadé, et je vous avoue franchement que le doute qui existe dans mon esprit n’a pas entièrement disparu, même après votre logique argumentation et vos preuves tirées do nombreux auteurs.
Avant de me poser, je ne dirai pas en antagoniste, mais en censeur des attributions et du rôle que le plus grand nombre des magnétistes attribuent au fluide magnétique, je oommence par déclarer qu’au début de mes expériences, j’acceptais ce dernier comme article de foi. Je n’ui donc pu communiquer à mes somnambules, hommes et femmes, ainsi qu’on pourrait me l’objecter, une répulsion que je n’éprouvais pas. Je devais, au contraire, admettant la transmission de pensée, les rendre fluidistei. Assez privilégié dès mes premiors pas dans la science, je rencontrai les sujets les plus remarquables sous le rapport de la lucidité, et je dus tout naturellement les interroger sur l’état anormal où je le» jetais. Tous mes sujets, tous, sans exception, se sont accordés pour me répondre :
1 Le magnétiseur» placé dans de* conditions supérieures, assiège l’âme du magnétisé, placé dans des conditions inférieures.
« Les conditions supérieures résultent de l’union d’une âme forte à des organes sains.
« Les conditions inférieures résultent d’une âme plus faible, unie à des organes plus ou moins altérés, « La plus faible doit naturellement obéir à la plus forte. Détachée de la matière, l’âme entre dans un état sui generis qu’on nomme somnambulisme
« Le somnambulisme permet à l’âme de voir sans les yeux, de goûter pan* le secours des organes, do réunir les cinq sens en uq seul, de pressentir des effets futurs, de présenter enfin ces merveilleux phénomènes qui sont l’apanage du magnétisme, charment les magnétiseurs et jettent ceux qui les observent dans une indicible stupéfaction. »
En vain, j’objectai à mes somnambules qu’ils subissaient l’influence de mon fluide ; ils me répondirent : Qu’entendez-vous par votre fluide ; nous ne comprenons pas? J’étais, je vous l’avoue, très-embarrassé de donner la définition d’un être ençore indét fini, que les uns voient couleur jaune orange, couleur paille, d’autres couleur rose, être qui ne présente aucun caractère spécial et constant ; je me bornais à dire : Yous ne voyea donc pas qu’il s’échappa de mes mains, de mon corps une vapeur, un arôme, une flamme, enfin ce qu’on nomme un fluide. On me répondit : Nous vous voyons, comme tous les êtres animés, exhaler une émanation qui nous parait, en effet, phosphorescente. Cette émanation sert au chien à reconnaître les traces de son maître, le passage d’un animal; mais nous ne sentons pas que cette émanation nous pénètre et soit la cause de l’état où vpqs pous tenez plongés.
Désirant ardemment savoir à quoi m’en tenir sur une question çi importante, je parvins à amener une gçmnambqle très-lucide, mademoiselle M..., à tn’ex-
pMquer, en état do crise, Ions les phénomènes qu’elle présentait, ou que je voulais obtenir. Livre merveilleux , qù je puisai les enseignements psychiques les plus rationnels, les plus satisfaisants. J’insistai pour qu’elle m'éclairât sur l’existence du fluide magnétique.
« Lorsque vous continuez à me magnétiser, me dit-elle, après que déjà je suis en crise, je vous vois, en effet, entouré comme d’une flamme, mais cette flamme, qui semble s’échapper de votre chapeau comme de vos doigts, n’est autre que. l’émanation vitale, animale, appartenant à tous les êtres animés; elle ne me pénètre pas, elle n’est pour rien dans ma crise. » Mais alors , objectai-je, comment pouvez-vous distinguer un objet magnétisé d’un autre qui ne l’est pas ?
« Totre volonté, c’est-à-dire votre âme seule, agit et oblige la mienne à reconnaître toutes ses traces.
. Vous me présentez une pièce de monnaie ou un verre d’eau magnétisés, vous les confondez avec d’autres qui ne le sont pas : je les distingue; le fluide prétendu est aussi étranger à ce phénomène qu’au verre d’eau que vous transformez en toutes sortes de liqueurs et qui peut causer l’ivresse, si vous le désirez. »
Puis elle me présenta cette autre objection :
« Un somnambule n’est pas tous les jours susceptible de recevoir l’influence magnétique : vous l’avez souvent observé; et, demain, je présenterai ce phénomène: pendant quatre jours, je ne serai pas magnétisable. Multipliez vos efforts, vos passes , agissez sur la tête, sur le cœur, sur l’eslomac, continuez des heures entières, je sourirai à votre impuissance. Si vous aviez du fluide, si j’étais susceptible de le recevoir, d’en être pénétrée, m’expliquerez vous pourquoi je n’en éprouverai aucune atteinte? Vous savez, ajouta-r
t elle, que vous me trouvez fréquemment en étal de somnambulisme naturel, état que je présentais ayant
d’être magnétisée ; vous savez que dans cet état je suis aussi lucide que daftf; le pomnambulUmo, «Mjfiçiel,
Pourriez-vous me dire de quel fluide je suis. imprégnée? Vous pouver me jeter en somnambulisme de Mâcon à Paris, comme tous ie faite* de cher vous chez mo* j votre fluide traversera donc cent lieues de distance, pour n’atteindre que moi, au milieu deperr sonnçs non moins impressionnables, yj, ^ .aul8ji'ac[ m Je ne savais trop que répondre et je me bornai à
sfàMfflWWobiulî hc fmitmmù sm êtm movb mot al S’il est vrai que fréquemment je vous trouve insen*
sible à mon action, si souvent vous entrez en état de crise sans ma volonté, comment, à votre tomr, m’expliquerez-vous ces divers états. Yoici quelle fut sa réponse ; ;, , ... . ‘ ^ ‘
c'! * Mon âme secoue parfois seule Je joug des organes et entre en luqjdité, elle voit sans le secours des yeux et jouit d’étranges facultés ; elle entre en rapport avec des âmes supérieures immatérielles (tous jes somnam’ Jwles s’açcpïident, à reconnaître leurs rapports avec des êtres ,çéjeste$), et, c’est à ce rapport qu’elle, doit les prévisions et les facultés qui vous surprennent, Lorsque voua ne pouvez me magnétiser, c’est que mon âme ne m’appartient pas; ejlle est dominée par ses soeurs immatérielles, plus puissantes que vous. » Elle ajouta : « Vous avez observé que lorsque je suis non magnétisable, je présente une insensibilité de tout le corps, vous pourriez, à 1 état de veille, me 90U-per un membre, sans que j’éprouvasse la moindre douleur. Cette insensibilité, très-fréquente chez les Cfisiaques, et que les magnélistes n’ont pas encore Constatée, provient de la même cause que l'insensibilité, du combattant, qui, dans l’ardeur de la lutte,
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ne sent pas la blessure qu’il reçoit, du martyr qui sourit au bourreau. Il y a détachement de l’âme entraînée, ayant perdu ses rapports intimes avec le» nerfs placés sous sa direction immédiate. »
Je me suis demandé, cher confrère, si ce ne serait pas cette connexion de l’âme avec le système nerveux qui a fait dire à Cabanis : « Si le fluide nerveux n’exis-« tait pas, il faudrait l’inventer, pour donner une « explication satisfaisante des rêves et du somnam-« bulisme. « J’avoue que ce fluide ne m’explique rien en fait de somnambulisme.
Je vous avoue que ma croyance au fluide n’était pas éteinte; je considérai cette somnambule comme une extatique, une spiritualiste exaltée, et je me méfiai de ses explications. Je magnétisai un brigadier des eaux et forêts, et je trouvai un somnambule extra lucide, plus étonnant cent fois que le célèbre Alexis. Je me dis : Au moins celui-ci reconnaîtra le fluide, et n’ira pas sc perdre dans le monde des esprits. Il se IrOuve plus spiritualiste encore que mademoiselle M... * Votre fluide, me disait-il en crise, a été la cause de toutes les déceptions des magnétistes qui y ont eu foi. Ils se disaient : Je vais imprégner mon sujet de fluide, et, ainsi préparé, je le soumettrai û l’Académie. Il montrera nécessairement aux incrédules les phénomènes qu’il me présente tous les jours, puisqu’il sera dans les conditions où je le place lorsque je veux les obtenir. L’exhibition avait lieu. Le magné-tiste fluidiste imprégnait son sujet, puis l’isolait, se disant : la machine est chargée convenablement de fluide, il ne faut que la toucher pour en tirer des étincelles. Singulier désappointement! Pas un des phénomènes annoncés n’était obtenu et les académiciens se retiraient, riant en leur barbe, et accusant le magnétisme de rêverie et les magnétistes de char-
lataoisme. Cependant l’expérimentateur murmurait : Je n’y comprends plus rien : j’avais préparé mon sujet, qui se reconnaissait suffisamment magnétisé; je l’avais isolé, comment se fait-il qu’il n’ait pu présenter des phénomènes qui ne m’ont jamais fait défaut? Mon brigadier ajoutait : « L’imprudent ne savait pas le rôle que jouent les âmes dans le somnambulisme; il croyait, en isolant son sujet, le mettre à l’abri d’influences contraires. Il ne savait pas que les académiciens ont des âmes fortes, que quatre de ces âmes réunies dans une volonté hostile, ont eu plus de force que la sienne ; de même que quatre magnétiseurs, réunis dans un effort commun, obtiennent bien plus promptement les effets qu’ils recherchent. »
J’ai retrouvé dans ma pratique magnétique deux autres somnamnambules, non moins lucides ; jamais je n’ai pu obtenir d’eux la reconnaissance du fluide magnétique dans le somnambulisme.
Je me demandais si, dans mes recherches, je n’élais pas tombé sur une série de sujets spécialement peu impressionnables à l’action du fluide magnétique, et je saisis un jour l’occasion de me mettre en rapport avec une somnambule très-remarquable, magnétisée par un de mes confrères de Lyon, que je savais grand partisan du fluide. Je la consultai en état de crise et en présence de son magnétiseur, qui l’avait mise lui-même en somnambulisme. Voici ce qu’elle me dit : « Vos somnambules n’admettent pas le fluide, savez-vous pourquoi? C’est qu’ils ont atteint un degré supérieur; c’est qu’ils sont plus lucides que nous qui avons besoin du fluide pour expliquer les phénomènes que nous présentons. » ■ . 'i> Enfin, je rencontrai un sujet qui vint jeter un peu de jour sur la question et concilier les spiritualisles et les fluidistes. « Le magnétisme, me dit-il en somnam-
huitaine, pont se diviser on deux parties bien distinctes : la magnétisation simple et curative, la magnétisation compliquée de somnambulisme.
« Dans la magnétisation simple,'l'âme et le cotfps du ifiogriétiseur agissent, c’est-à-dire, l’esprit et-la matière. L’âme du corps sain se joint à l’âme du corps malade ot lui aide à rétablir l’harmônie dans son do* inaino. L’émanation ahifnale, vitale, de la matièrej modifie l’émanation morbide du malade, du manièrU que l’âme agit sur l’âme, le corps sur le corps. Dans. cette dernière action se retfouve le fluide si générale-* ment admis. lB«p j i i .! k Dao* la magnétisation. compliquée de lomnam» bulisme, l’aotioti doil!àme absorbe et domine celle du corps ;>le fluide vital n’èst pas nécessaire, n’est pas mis •BijM{.;»>bioul Sfliooi non .goluduuwmifin.'uos oilUS Cette: explication m’-a • semblé assez juste 4 et j’ai compris pourquoi, par lé contact, parle massage, par (Insufflation j’obtenais des effets curatifs plus sensibles q»e par les passe* seules. 11 •'> ,u sr.-( A mesure que j’ai continué Oies expériences, j’ai rccoqnu que le prétendu fluide magnétique ne joué audun rôle dans une foule de phénomènes somnain-buliques. J’ai obtenu, sdntf magnétisation préalable 4 l’insensibilité, la transmission de pensée, la vision â travers les corps opaques, et «utreB phénomènes ap-pàrtcnant bu somnambulisme, 'drun- 1 J’ai obtenu U paralysie, l’ivrésse, le délire, sans en* dormir préalâbleittertt mon sujet éu disant soûle-* hlfmuqft Mlpp.y?biacl .'.ni ; taoe sli'up lao'o ;-n:-. >q ’J’obserte en ce moment uneper36nne qui ehtro?n somnambulisme seule, et présente l«s plus wjéiw «anls phénomènes dp la vision à distance, et surtout fie ta prévision des événements futurs. Jie demande--ini.ninc-. ij i.: , . n^wit >.i - •(
rai quel rôle joue le fluide dans ces cas, qui appartiennent cependant à la science magnétique?
De mes nombreuses observations, j’ai conclu que le magnétisme peut être divisé en quatre variétés distinctes :
i° Le magnétisme curatif, sans effets somnambu-liques ;
2° Le magnétisme compliqué de somnambulisme ;
3° Le somnambulisme naturel, sans magnétisation préalable ;
4° La magie, qui est un somnambulisme instantané obtenu par la volonté.
Le fluide vital, ou plutôt l’émanation animale qui s’échappe de tout corps vivant, agit dans la première variété conjointement avec l’âme. L’âme agit dans les trois autres variétés, sans besoin de l’émanation.
Aussi, pourrait-on établir cet aphorisme :
Toute personne peut être magnétisée et sentir les bienfaisants effets d’une magnétisation intelligente.
Fort peu de personnes sont susceptibles d’entrer en somnambulisme.
Voilà, cher confrère, les objections que je prends la liberté de vous présenter ; je serais heureux de recevoir les vôtres et d’y répondre. Comme nous marchons encore en aveugles dans un pays inexploré, il est profitable à tous de s’éclairer mutuellement, et puisqu’il est admis que du choc des opinions jaillit la lumière, excusez une polémique qui doit servir une cause à laquelle nous nous sommes dévoués, au mépris des sarcasmes de nos confrères systématiquement sceptiques.
Agréez mes salutations confraternelles,
P. C. ORDINAIRE,
Docteur-médeciu.
VARIÉTÉS.
Le Paradis des extravoyants. — On y porte fièrement moustache, quand on a fait partie de la garde nationale. Le guerrier a l’épée au côté» toujours prête à sortir du fourreau Le riche, habitué à se faire Bervir, a des valets pour exécuter ses moindres commandements. On y habite des demeures somptueuses; celui qui n’en eut point sur terre, en construit à ta fantaisie. Rien ne manque â la félicité. Le phalanstère n’est qu'une niaiserie auprès du Paradis des voyants. Et, par comble de dons, chaque esprit peut même créer un paradis à son goût, et le réaliser à l’instant. Il peut le placer ici, là-bas, au-dessus, au-dessous de nous : l’espace est grand; il y a du terrain pour tous, et nul propriétaire ne peut y mettre son veto.
On y prend toutes les formes, comme tous les vêtements; c’est magnifique... d’extravagance.
Tous les voyants sont romanciers, ont l’esprit d’invention; et, comme nous nous laissons séduira par des contes, nous croyons aux mensonges; ils charment notre vie; les plus absurdes sont ceu* qui obtiennent nos préférences. 11 semble, par fois, que les voyants soient en proie aux hallucinations du haschih ou de l’opium : leur imagination vagabonde crce ce
qui ne saurait exister; maïs, qu’importe la vérité, puisque l’erreur fait la félicité !
Des sectes se forment sur ces fondements imaginaires; il n’y a donc rien de changé dans l’homme; c’est le même être depuis la création; toujours enfant; rien nfl peut lui donner la maturité de la raison.
Cette flamme, que nous avons en nous, cherche à se faire jour au travers de la matière. Pour ce trà- „ vail, le magnétisme lui donne plus d’accès; mtiiB qu’est-elle, et comment éclaire-t-elle notre esprit ? Son langage peut-il être entendu autrement que par ce qu'on nomme conscience; et, dans les affinités qu’elle peut avoir en dehors de notre enveloppo, notre âme, ainsi qu'on le prétend, a-t-elle la connaissance des mystères de la création, et surtout de son auteur; peut-elle enfin nous révéler l’avenir? Hélas! tous les enfants sortant du catéchisme diront : Oui ; une foule d’hommes faits sont prêts à répondre de même; mais, si vous interrogez les faits, tout n’est plus bientôt qu’obscurité à l’œil du philosophe.
Les preuves données par le vulgaire sont un tissu d’exagération et souvent d’impoBture; celles acquises dans lé1 sommeil sont entachées du péché originel de mensonge. Souvent, sans doute, il est involontaire i la tromperie vient des illusions; mais elle a le même résultat, celui de vous égarer.
Quelques magnétistes spiritualistti croient tenir la clef du ciel ; ce n’est qu’une moquerie, une exagération venant de leur orgueil. Ils se flattent de faire apparaître les morts; ils évoquent Swedenborg, Jésus, Socràte.;. Robeipierre. Chacun arrive à son tout-, répond aux interrogations. Le premier venu peut demander une apparition : les ombres complaisantes ne se font point prier. Pauvres morts! vous êtes sou-
mis aux caprices des vivants ; vous n’êtes point affranchis des tribulations de la vie; pourquoi mourir, si l’on peut vous tirer du tombeau et vous forcer d’apparaître? Des insensés le prétendent; ils osent le soutenir; mais les discours qu’ils vous prêtent sont les leurs propres; et, nul d’entre eux, jusqu’à présent, n’a été voire interprète. S'ils ne mentent, ils se trompent, et abusent les pauvres d’esprit qui s’imaginent que la science divine est devenue le patrimoine du premier-venu, qu’il suffit de vouloir et de la force magnétique pour obtenir la révélation des plus sublimes secrets.
L’ignorant, comme le fou, croit souvent réel ce qui est dans ses rêves. L’un s’imagine que les éléments lui sont soumis, l’autre pense être le roi des rois j et, satisfaits de leur pouvoir illusoire, ils régnent et gouvernent en maîtres absolus.
Pourquoi les détromper, si l’erreur les contente? L’homme privé de ses yeux, supplée par un développement de ses autres sens au défaut de lumière; le fou les éteint tous, n’en ayant nul besoin. Jusqu’au jour où, comme un vase déjà fêlé, il rencontre l’obstacle imprévu qui le brise à jamais.
Science, divine science ! hélas ! pour t’acquérir, il faut subir bien des épreuves; comme l’harmonie d’un concert, où mille instruments sont d’accord, tu n'arrives que par un jeu régulier de tous les organes : si un seul fait défaut, il est inutile de poursuivre, car tout sera rompu !
Vous, qui voulez faire de grandes et nobles choses, sachez que vous ne pouvez y arriver que par le travail et la peine. Yous faites des voyants pour suppléer à votre défaut de lumières ; vous ressemblez à ces hommes qui créaient des dieux d’argile ou de marbre, et les adoraient. Vous vous trompez, car si les
voyants parlent, c’est votre écho que vous on tendez. Ils sont impuissants comme vous; pourquoi donc adorer votre image?
Le feu de Prométhée fut un jour saisi par des enfants qui, étonnés de leur pouvoir, s’imaginèrent être dieux eux-mêmes, et participer aux secrets des immortels. Ils franchissent l’espace, communiquent avec les âmes des morts ; mais, ne pouvant contenir et diriger leur vol, ils s’égarent dans le ciel, et pour eux tout devient ténèbres. ri 1 1
Vous qui voulez vous initier à la sciencè de Mesmer, craignez nhe chute aussi grande; sachez vous contenir. Le pouvoir est certain, la règle difficile ; l’ivresse est la compagne de celui qui boit sans mesure. Soyez sobres dans vos assertions, comme dans vos explorations ; et, si des hommes ayant un bandeau sur le» yeux, vous disent: Voyez comme nous ■ marchons sans crainte; un esprit nous éclaire. Sachez que leur chute est certaine, car la lumière de l’intèlligence est «me si grande faveur, que, pour l’obtenir, il faut cent fois la mérite*. Attendez le moment Où elle Vous sera donnée; assez de merveilles vous seront offertes pour vous consoler de ne point tout savoir.
Est-eé que toute une société peut être illmpinéa soudainement ? Un homme parfois parvient à comprendre, et lorsqu’il veut dépeindre les choses du ciel son impuissance est manifeste. Mais il se distingue par dçs oeuvres et non par des discours. Que nos sectaires modernes fassent donc des découvertes; ils le peuvent sans peine, si, pour eux, les morts reviennent et les enseignent. Qu’ils brisent au moins les lois du destin, en ne mourant pas comme de simples mortels; qu’ils parlent des langues inconnues et ressuscitent leurs morts ; qu’ils se rendent plus légers et semblables aux esprits, alors nous les croirôns. Hé-
las ! ils ne feront aucune de ces choses, car toutes sont au-dessus de leur portée. Rêveurs éveillés, que voulez-vous qu’ils fassent? Obtenez d’eux le moindre fait, une prophétie seulement. A cette question, leur bouche sera close et leurs voyants déconcertés. Demandez au moins qu’ils se transportent en plusieurs lieux à la fois, qu’ils se rendent invisibles, qu’ils rompent un fer léger ou fassent courber un arbre : ils seront impuissants.
Ahl ce n’est point ainsi qu'agissaient les hommes du passé! Bien avant le bienheureux Swedenborg, ils exerçaient un pouvoir très-réel, qui ne laissait aucun doute ; mais ils avaient la science que nous cherchons tous. Ils étaient initiés, et les chrétiens, en leur dérobant quelques parties de leur discipline et de leur morale, ont oublié les plus beaux de leurs secrets.
Mais, c’est assez pour cette préface; nous aurons occasion de développer nos sentiments sur ce sujet si vaste; il le faut, d’ailleurs, car notre silence ressemblerait à une crainte, en présence d’une erreur qui se présente avec le caractère de la vérité.
DU rOTET.
Propagande. — Le contenu de la lettre qu’on va lire, mérite d’être pris en sérieuse considération. La question soulevée par notre correspondant étant une de celles qui intéressent le plus l’avenir du magnétisme, nous invitons tous les magnétiseurs à nous faire part des moyens qu’ils croient les plus propres à l’obtention du résultat désiré.
A M. Hébert (de Garnay).
Monsieur,
Vous me demandiez, dans votre dernière lettre, quelques renseignements sur l’état du magnétisme
dans notre ville. Je vous dirai qu’il y est presque abandonné; si quelques personnes s’en occupent encore, c’est tellement caché, que rien n’en transpire au-de-hors. Du reste, celte conduite s’explique par la trop grande quantité d’incrédules que l’on rencontre. On n’accueille le plus souvent nos paroles qu’avec un sourire dédaigneux, et presque de compassion; et encore, si l'indifférence, l’incrédulité et l’ironie étaient seules à craindre, ce serait peu; mais la méchanceté, la rapine et la calomnie s’acharnent contre nous. Ainsi, il y a quelques années, un médecin de notre ville (i) ' homme recomnandable sous tous les rapporls, dévoué à la noble science du magnétisme, a été attaqué dans son honneur et sa réputation de la manière la plus sale et la plus infâme. On n’a pas craint de s’acquitter autrement des soins qu’il avait donnés et de la sanlé qu’il avait rendue, en traitant par le magnétisme une jeune fille de très-bonne fa--mille, atteinte d’une maladie nerveuse tellement grave, que la médecine ordinaire, aux abois, avait depuis longtemps, déjà renoncé â l’espoir de la guérir, qu’en répandant contre lui toutes sortes de calomnies, et qu’en tournant en ridicule son dévouement, sa patience et son courage.
Mais lui seul n’a pas été attaqué, car j’ai failli devenir la victime d’un guet-apens abominable. Ainsi, il y a quelques mois, je fus prié ou plutôt tourmenté pour magnéti^r une jeune fille, malade depuis plusieurs semaines. La cause de sa maladie était une suppression de quelques mois; elle était âgée de seize ans, appartenait à de pauvres parents, et faisait son apprentissage de couturière chez une dame qui était somnambule lucide, et dont j’avais déjà magné-
(1) Le Dr Ch. de Résimont, auteur d’un ouvrage sur la thérapeulie du
magnétisme.
Usé .une partie de la femillc : elle avait donc été souvent témoin des heureux résultats obtenus parce mode de traitement. Sur scs instances et celles de ma somnambule, je lui accordai une consultation, eii endormant cette dernière. Il lui fut ordonné une boisson composée de plusieurs simples, plus, vingt minutes de magnétisation par jour. Je m’y refusai, d'abord, car il me restait bien peu de temps, absorbé par d’autres malades, dont le traitement était déjà commencé. Je cédai cependant, après, toutefois, m’être assuré du consentement des parents.
le; jour où je commençai, elle avait les genoux extrêmement enflés; pour me conformer à l’ordonnance, je la magnétisai vingt minutes dans une chambre contiguë à celle où se tenait toute la famille de sa maîtresse; je n'obtins aucun sommeil ; cependant, après les trois premières séances, i’eiiflure des genoux étant descendue aux pieds, elle ne put se ren* dre chez sa maîtresse pour y être magnétisée. Sa mère Seule y vint, me rendit compte de la position de sa fille, en m’offrant de l'apporter sur ses épaules, car elle ne poimit plus marcher. Je lui dis que j’allais plutôt me rendre chefc elle, et je m’y fis accompagner par le fds de ma somnambule, âgé de onte ans, et Somnambule aussi. II fit à peu près la même consultation que sa mère. 'Inil '
Après àvolr magnétisé la malade pendant vingt mi* nutes, je me relirai, me promettant bien de teonti» huer. Mais le lendemain et le Surlendemain, j’en fus empêché. Ce n’est que le troisième jour, comme je me disposais à y retdutner, qüe j’appris qu’un médecin àvait été appelé, et qu’eh même témps deux plaintes venaient d’être déposées au parquet du procureur^ la première poux exercice illégal de la médecine, et la
seconde comme ayant violé la jeune fille pendant son sommeil magnétique.
Une visite de trois médecins eut lieu par ordonnance du parquet, elle n’a amené aucun résultat, ni la découverte d’aucune trace de violence; seulement, il fut constaté que la jeune fille n’était plus vierge.
11 était donc de toute nécessité, tant pour mon houneur outragé que pour ma réputation comme magnétiseur, de faire faire des recherches et de scruter les antécédents de la prétendue victime. Après quelques démarches, faites par un agent de police, il fut prouvé que, toute jeune qu’était cette fille par son âge, elle ne l’était plus pour le vice; bien des relations coupables ont été connues, et la mère n’était pas à son coup d’essai de calomnie, car déjà elle avait fait peser la même accusation contre une autre personne. L’affaire fut donc immédiatement aban» donnée, sans que je sois même appelé au parquet.
Voilà donc, Monsieur, à quoi tous les magnétiseurs sont exposés. Ainsi, il a suffi qu’une mauvaise femme, poussée par l’espérance d’une forte indemnité, ou bien qu’une jeune fille, pour atténuer une faute aux yeux de ses parents, prétende qu’elle a été violée pendant son sommeil (quand bien même elle n’aurait pas dormi), pour détruire la réputation d’un homme qui n’a d’autre but que de guérir ou de soulager les souflrances de ses semblables. Je ne saurais donc recommander trop de prudence et de précautions dans de pareilles -circonstances ; tant de mauvaises gens et de coupables filles peuvent abuser de la trop grande crédulité et confiance d’un magnétiseur, que, si l’on réfléchissait, on se sentirait disposé à abandonner la pratique du magnétisme, surtout sur des personnes de sexes différents.
Ainsi, je crois que le9 conditions expresses de prudence sont un consentement écrit des parents , ou bien une lettre do demande (cela servirait au moins de pièco à l’appui, comme dans le commerce; car la femme qui m'accusait, prétendait que j’avais magné* tisé sa fille malgré elle) ; leur présence pendant l’opération, et, si c’était possible, avec quelques témoins. Si, par hasard , le sujet magnétique devenait somnambule, et que pendant son sommeil il dit ne pouvoir supporter la présence de personne, il faut l’abandonner quand même; l’intérêt dulnegnétisme l’exige et le commando. Car une affaire comme la mienne fait plus de tort au magnétisme, que les plus grandes dénégations; pour les personnes incrédules , o’eBt un moyen et un prétexte pour se trouver en contact, pour violer, séduire et abuser des femmes, alors olles poursuivent a outrance, de leur blâme et de leurs calomnies, les magnétiseurs victimes de leur trop grande confiance et de leur généreux dévoue*-ment.
Et cependant, que de bien à opérer, que de souffrances è soulager ! Combien il est dur et pénible de sentir eu sa possession tant do pouvoir et de volonté pour guérir, et d’être condamné par l’incrédulité des hommes à une inertie presque complète !
Ne serait-il donc un moyen de propagande*plus énergique que ceux employés jusqu’alors ? À-t-on fait tout ce que l’on pouvait faire pour lutter avec avantage contre tant d’ennemis? A-t-on suivi la véritable route, afin de donner plus d’extension et de développement, en répandant davantage le noble exercice du magnétismei* Eh bien! je crois que non, et, à mon avis, peu de moyens ont été tentés jusqu’alor*.
Il est trai, la grando question , et je dirai plutôt la trop grande question (car elle les effraie) du magné-
tisme, a été soumise aux académies, et les gros bonnets de la médecino ont quelquefois daigné abaisser leurs regards jusqu’à elle; des commissions ont été nommées, des rapports ont été faità (et souvent quels rapportai), où en sont les résultats et qu’y a-t-on gagné? Rien, ou bien peu de chose; le plus souvent, un démenti formel, une négation complète; et, sans égard pour les hommes éminents, consciencieux et dévoués, nous avons tous été, et en masse, traités de charlatans par ces messieurs. De ce côté, rien donc à espérer, l’orgueil et l’amour-propre luttent contre l’évidence ; des intérêts majeurs sont trop compromis, et la vérité reste cachée, concentrée et timide, chez un petit nombre d'élus, au lieu d’apparaitre vive et éclatante aux yeux de tous, et de réchauffer par sa douce haleine et sa bienfaisante chaleur, les membres froids et amaigris dô nos pauvres malades.
Il faut des faits en masse, et des faits produits par chacun, par chaque père de famille sur ses enfants, par chaque mère sur sa filie ; il faut, comme le dit ce oher et bon M. Deleuze, dans son Instruction pratique, que chaqUe famille pbtsède 6on médecin.
Que faire pour atteindre ce but, et quel moyen employer ? Voilà, selon moi, la questiod à résoudre ; elle devrait être posée, discutée, mise à l’étude dans Votre journal. Plusieurs avis seraient probablement donnés, et ce serait à vous de les étudier, de les comparer et de les proposer. Je crois que le moyen de poser dos questions dans un journal est excellent pour arriver à une découverte ou à uue solution.
Permettee-moi de prendro un peu l’avance et de vous faire une proposition, ou plutôt de. vous soumettre mes idées. Ainsi, ne serait-il pas convenable d’ouvrir une souscription pour la propagation du magnétisme, comme il en existe plusieurs pour celles
des bons et même dos mauvais livres, et une lois quelques capitaux réalisés, ne pourrait on pas vendre, ou presque donner, une petite instruction pratique à l’usage de tout le monde, un résumé, par exemple, do celle de Deleuze, qui est beaucoup trop étendue et beaucoup trop chère, y ciler plusieurs cas de guérisons? On pourrait la faire colporter dans les villes et dans les campagnes, chaque colporteur ou vendeur serait un peu praticien, et pourrait donner des renseignements.
Car, pour guérir, il n’est nullement besoin de science; la volonté, la pratique et le désir de faire le bien, suffisent seuls pour le produire. Et il n’est pas un père ou une mère de famille qui ne soient animés de pareils désirs, et entre les mains desquels le magnétisme n’opère des prodiges.
A l’œuvre, donc ! Que, d’un bout de la France à l’autre, nous formions une sainte-alliance pour défendre et propager une aussi sainte cause; unissons-nous pour le bien, luttons avec courage et persévérance, car notre tâche est difficile; il faut du cœur et de la foi : nous aurons l'un et l’autre, et alors les générations futures nous béniront; car si notre siècle n’a pas eu l’honneur de voir naître un Mesmer, aura-t-il au moins celui d’avoir su répandre ses doctrines. Lui-méme, que n’a-t-il pas souffert, et quelles mystifications n’a-t-il pas endurées! Quel beau modèle et quel noble exemple à suivre ! Glorifions sa mémoire par une propagande acharnée, ne nous laissons pas vaincre, et Dieu bénira nos œuvres jet nous tiendra compte un jour du bien que nous aurons fait et du mal que nous aurous détruit, car là seul est le véritable progrès, et, plus que toutes les utopies du jour, le magnétisme aura résolu le. grand problème de la
régénération humaine; et la belle maxime de liberté, égalité, fraternité, ne sera plus un mensonge.
Pardonnezrmoi, Monsieur, si je vous ai entretenu si longtemps, j’avais besoin d’épaneber mon cauir et de communiquer mes peines et mes idées. Faites de la présente tout ce que vous jugerez convenable,: retranchez, publiez ou anéantissez, je m’en rapporto entièrement à voua, car vos connaissances sont étendues, tandis que je, sais fort peu et n’*i pas beaucoup l’habitude d’écrire. : ji: ■:, . n ■
J’espère toujours v&n&ienvflyer; la relation complète de toutes mes opérations magnétiques; ce sera un peu. long à écrire » et j’ai si.peu'dç temps I Cependant je ferai mon possible, et vous laisserai toujours lç oiaitrp;d’en faire ;tel usage qu’il vous jpn.viendra.
. Je vous: renouvelle me* excuses pour tant de verbiage, et vous prie d’agréer Vexprejaipn de mon epr tier dévouement et de ma pluA vive sympathie,
"i mmu ■. •in'" **> *„•
v.ii.linq fnorr.1 ■> ■iir.oibn. : ?i ,1! rl , . ,/noil ' Clairvoyance. — 'LaPatHe du i février publie la
aoo t Monsieur. Je rédacteur, y>m;-.ur.uu.- • i .
11 y a trois mois, des papiers contenant «né valeur de i8,ô$‘c> fr., en billets dejbanque, se trouvèrent égarés ,c^ xnoi. Après bien ^des recherches infructueuses et «e pouvant éclaircir mes soupçons à l’égard WP»M9ra.es>iqHesrje me rappelai ,ÎW WPrtàHs'W opérées par le somnambu-
lisme, dont j’avais entendu faire le véfffX. Jç. pris ay hasard un journal, sur lequel je trouvai deux adresses de somnambules, l’UÀe râé ftassc-du-Rempart, et l’autre rue de Seine. Je les consultai toutes les deux.
Aucunc d'elles ne put seulenMHU .me dire le sujet
qui m’amenait près d’elles. Désappointé par tant de charlatanisme, j’avais abandonné mes recherches; lorsque je renconlrai un de mes amis, auquel je racontai ma mésaventure. Il me conduisit, malgré ma grande répugnance, rue Lepelletier, 25, chez Mu* Clémence. La simplicité de cette jeune fille, qui contrastait singulièrement avec les somnambules que j’avais déjà vues, me prévint en sa faveur. Je lui demandai le motif qui m’amenait auprès d’elle. Voici la réponse qu’elle me fit :
« Vous venez pour des papiers que vous croyez vous avoir été volés ;'ils ne sont qu’égarés, je les vois ; ce sont des billets de banque; j’en vois seize de mille francs; mais je ne suis pas bien sûre du nombre. Votre domestique, en rangeant votre cabinet, les a mis dans un tiroir, ignorant ce que c’était ; ce tiroir, dans lequel je Vois deux pistolets, est le seul dans lequel vous n’avez pas cherché. »
Je rentrai à la liâte chez moi, et, effectivement, je trouvai mes billets : ses indications étaient parfaitement justes. Je la consultai depuis pqur ma fifie, dangereusement malade, et j’en obtins une guérison complète.
La reconnaissance me fait un devoir de livrer ces
faits à la publicité.
r DE MONPAS,
me Saint-Georges. Prix somnambulique. — La publication de l’article qui précède a mis l’alarme dans le câmp sibyllin. Le défi suivant, inspiré sans doute pdr une jalousie de métier, a paru dans la Patrie du i3 février. Il est rèsté sans réponse.
éj * i; va !» h»y uoiî * -1 tu 2 .Ifidiiioi nu hiüHüfl A Mademoiselle Clémence,
. ; tf ademoiaellp,. i, v i
J’ai lu dans la l'atrie, du 5 février, la commiini-
ration qui a été publiée avec la signature de Monpas. En même temps qu’elle m’a paru être une réclame en votre faveur, elle m'a semblé une calomnie dirigée contre deux personnes qui s'y trouvent clairement indiquées, et que la renommée a placées avec justice, je crois (car j’ai consulté l’une d’elles), au premier rang du somnambulisme lucide.
Pour éclairer mes doutes et effacer le soupçon de jalousie et d'intrigue que cet article a fait naître dans mon esprit, voici la proposition que je vous adresse :
J'offre de vous conduire dix personnes honorables, dignes de foi. Si vous dites, à deux seulement, les motifs réels qui les auront amenées près de vous, motifs qui auront été consignés d'avance dans un écrit cacheté, et déposé en mains tierces, je m'oblige à vous payer immédiatement 5oo fr.
Mais, si vous ne réussissez pas une seule fois, c'est vous qui devrez verser cette somme de 5oo fr., au profit des établissements de bienfaisance de Paris.
En vous proposant celte épreuve dans un but d’intérêt public, et pour l’honneur de la science, je vous fais une large part, puisque je ne vous demande que deux réussites sur dix expériences.
Vous ne pouvez donc refuser mon offre sans, faire soupçonner que M. de Monpas est votre compère ou votre dupe, sans faire preuve d’uq charlatanisme éhonté, sans abdiquer enfin le titre de somnambule que vous auriez usurpé.
Le public et moi, jaloux de connaître la vérité, à laquelle je suis prêt à rendre hommage, nous attendons votre prochaine réponse, par la voie de ce journal.
Agréez, etc.
L...., disoiple de Mesmer.
Paris, 8 ftyrler 1850.
Télégraphe humain. — Le magnétisme aura, sans uucun doute, une grande part dans les destinées sociales. Nous n’en entrevoyons probablement pas toute la portée encore, mais il me semble que non--seulement il continuera à guérir le? maladies du corps, et bien plus généralement que de nos jours, mais encore qu’il redressera les défauts de l’âme i il améliorera l’espèce humaine, en prévenant une foule de maladies et d’infirmités qu’une^déplorable habitude nous porte à considérer comme inévitables, ét en faisant disparaître de la société bien des üéaux qui l’entachent, comme l'agiotage, la loterie,'etc. Certes, dans notre milieu social, où le bonheur des uns tient si souvent au malheur d’autrui * bn trouve* rait bien des gens qui voudraient pouvoir utiliser le télégraphe traumatique dont a parlé M. Jobard; mais les difficultés qui s’y rattachent empêcheront: sanf doute d’en faire l’essai, et ce : serait vraiment dommage, si lè magnétisme n’était là pour.oonduireau même but. La guérison des maladies eitfoien un stimulant assez puissant, pour engager certains homobes à se livrer aux éludes magnétiques; mais on y en intéresserait un bien plus grand nombre, en offrant encore le magnétisme comme un moyen de faire fortune. Cela est triste à dire, mais il fautbjen prendre les hommes comme la société les fait, et les attaquer par où ils sont le plus accessibles. .•; ■
La réalisation du télégraphe humain ne me, semble pas plus impossible que ne l’a é^é celle du télégraphe électrique? jo crois mêdio que pous en tenonB depUis longtemps les fils danti humain, et qu’il ne i’agil que de les débrouiller un peu. Orna bien essayé déjà; mais je pense qu’on s’y est mal pris, en cherchant àj fai.e lire au loin les somnambules. On a bien constaté quelques àuccës, mdis on a reconnu beaucoup
plus d'erreurs. L’espaco et le temps onl une valeur très-réelle pour l’homme éveillé, mais pour le somnambule il semble qu’il n’en est pas de même; pourtant, l’âme du somnambule semble ne s’éloigner jamais qu’à regret de celle du magnétiseur, et de là peut-être ces oscillations, apparentes du moins, entre le magnétiseur et l’objet éloigné qu’on veut lui faire considérer. Dans l’état encore si incertain de la science, la clairvoyance somnambulique est donc trop sujette à s égarer dans ces sortes d’exercices, et nous n’avons malheureusement pas encore de moyen sûr pour la diriger. Espérons que ce sera l’œuvre du temps, si réel pour nous, et de plus fructueuses recherches.
Ce n’est donc pas ainsi que j’entends le télégraphe humain possible de nos jours, et c’est pourquoi je propose un moyen bien différent, indiqué (i ) déjà par M. Hébert (de Garuay), où l'âme du somnambule ne sera pas un instant distraite du magnétiseur : il s’agit, au contraire, de l’y attacher le plus possible, exclusivement.
Il y a des somnambules qui comprennent la pensée de leur magnétiseur, et parviennent à l'exprimer; d’autres répètent les moindres gestes comme de véritables automates; d’autres enfin ressentent merveilleusement certaines impressions, telles que les cheveux tirés, les chiquenaudes, les piqûres. Ce sont là des facultés précieuses, qui ne se révèlent qu’à celui qui magnétise beaucoup. Il faut donc faire d’actives recherches; mais, quand une fois on a trouvé un sujet doué de ces qualités, on sait que le travail en perfectionne le développement : les somnambules deviennent un peu ce qu’on les fait. Si donc, par un exercice convenablement répété, unique même, on cultive ces dispositions, le rapport magnétique pou-
(1) Voyez tome Vlll, p. 67.
vant s’établir de loin comme de près, surtout après des essais progressifs, le somnambule on viendra, je pense, à répéter les signaux de son magnétiseur, quelle que soit la distance qui l’en sépare. Il sera donc bien facile de comprendre : on le ferait avec dix signes seulement, suffisants pour exprimer tous les chiffres , conséquemment tous les nombres possibles, et enfin tous les mots numérotés d’un petit dictionnaire tel que celui dont on fait usage dans la télégraphie nautique.
lot. MBÏHET,
Chronique. -*-*■ A l’une des dernières séances de magnétisme données pat M1*1® Lafontaine, un médecin a jugé convenable de donner hautement des marques de scepticisme et d’incrédulité.
S’il s’était borné à émettre ses doutes d’une façon polie, nul ne s’en serait scandalisé, pas même là maîtresse du logis, qui aime à soutenir des discussion» avec les hommes de l’art. Mais le docteur en question semblait oublier qu’il parlait à une femme, et qu’il assistait à une séance de Salon où les billets se donnent et ne se vendent pas.
Mœa Lafontaine se livrait à des expériences d’insensibilité et de catalepsie sur le somnambuliste Au-gène. Puis elle invitait son sujet â chanter5 et» à la volonté du public, elle arrêtait le chant, en se tenant derrière le somnambule, à distance. La simple projection du fluide vers la tête suffisait pour paralyser le cerveau et interrompre le chantent, même au milieu d’une mesure.
La praticienne expliquait aved netteté l’effet que le fluide magnétique produisait ici sur lé Sujet.
« Yous ne paralyses rien du tout ! » s’écria an assistant du fond du salon.
Un peu interdite par cette brusque sortie, M"1® La-
fontaine reprit cependant son explication avec calme, en insistant sur l’effet que produisait le fluide en allant frapper le cerveau.
« Vous n’en savez rien ! interrompit de nouveau la voix du fqnd de la salle.
— Veuillez approcher du sujet, Monsieur, lui ré-r pondit la magnétiseuse ; on tâchera de dissiper vos doutes. » -
L’aimable Sceptique approcha j mais il ne se rendit à aucune évidence, et ajouta môme à ses marques d’incrédulité et d’entêtement systématique , toutes sortes de propos fort peu convenables.
«Vou» sediblez oublier, Monsieur, dit l’expérimentatrice , que vous êtes ici dans un salon particulier : mes séances ne sont pas publiques, les billets d’invitation que je délivre pour ces séances me pont demandés par les personnes qui veulent bieo y assister (i). Je regrette, Monsieur, de ne pas même savoir votre nom.
— Je suis le docteijr Pageot.
— En ce cas, Monsieur, il est fâcheux pour voqs q«e vous soyez si arriéré, Tous les docteurs, vos confrères, connaissent les effets do magnétisme que je produis ici ; il n’est plus permis de les rejeter d’une manière aussi exclusive, dans l’état, actuel de la science.
— Moi, j’ai d’autres idées.
— Vous me permettrez, Monsieur, de garder les miennes, et de les émettre à ma façon. Voîlà quinze ans que mon mari, dont je suis l’élève, produit ces effets d’insensibilité sans qu’ils aient été contestés, et voilà trois ans qu’ils sont scientifiquement reconnus,
(4) Lei membres des sociétés magnétiques, et les élèves de M. du Polel peuvent st présenter chez M°“ Lafontaine sans billets.
pratiqués dans les hôpitaux, et que je les explique à ma manière en présence des médecins les plus distingués. J’accepterai peut-être vos idées quand j'aurai été à votre école.
— Bien riposté! » s’écrièrent plusieurs assistants; car l’étrange conduite de ce médecin et ses interruptions déplacées avaient excité des murmures désapprobateurs dans tout le salon.
Le Dr Pageot méritait certes cette leçon de politesse. Lors même que la vérité n’eût pas été du côté du magnétisme, la victoire devait rester à la femme.
Aussi le docteur jugea-t-il prudent de s’esquiver, après avoir joué, dans celte ardenle discussion, le plus triste de tous les rôles.
(Communiqué.)
Les détails qui précèdent nous sont fournis par un de nos amis, présent à cette scène ; nous les insérons sous sa reponsabililé.
Pour toute réflexion, nous dirons qu'il est fâcheux que M. Pageot se soit adressé â une femme qui, quoique fort habile à produire, ne pouvait lui dire ce qu’il méritait. D’une ignorance honteuse ou d’une mauvaise foi révoltante, cet Esculape n’aurait dû sortir que confus, humilié.
Fête de Mesmer. — Des lettres d’iuvitation au banquet mesmérien vont être adressées , comme de coutlime, aux personnes ayant fait partie des réunions précédentes.* Ceux des magnétistes qui n’ont point encore assisté à cette fête sont invités par le présent avis.
Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).
VARIÉTÉS.
Pari magnétique. — En publiant quelques-unes dés lïomb'reuâes guérisons que j’ai faites parle magnétisme, je n’ai eu d’autre but que d'indiquer à l’humanité souffrante une ressourcé pour guérir, ou au moins pour alléger lès'souffrances atroces que des créatures endurent avant dé mourir. Par ce moyen, donila vertu est prodigieuse, et qui se trouve en dehors du'pédantisme, j’ai guéri cetii quarante-six personnes, aujourd’hui toutes en sànté, ët dont tfucikne n’est éloignée de plus de dix lieues de cette vrllé; ét je n'ai pat demandé un maravédit à aucurte d’tHes. Au lieH de s’informer si ces faits, quiOntété si publics, Sont vrais, ce qui était si facile, ott m’à adressé deux lettres anonymes, qui font bien peu d’hénneur â leurs auteurs, et que j’ai accueillies avec le mépris qu’elles méritaient; mais pour faire cesser tout doute quaat à la sûreté de la médecine magnétique, je fais les propositions suivantes à quiconque ttrodra, les accepter; . l!r,„j uomià:»- g,n
i° Si quelqu’un guérit un fflalâde que rttes somnambules auraient déclaré incurable, je perd»; mais s’il ne le guérit pas, je gagne ; jsg
û° Si mes somnambules, aÿânt déclaré qué tel malade ne peut être guéri que de telle manière, quelqu’un le guérit d’une autre manière, j» perdt ; mais s’il hè le guérit pas, je gagneil,; 3° Si mes somnambules déclarent qu’une malade
TOMK IX. — K" 114. —an MARS 1850. 6
est nécessairement mortelle, et que quelqu’un la guérisse, je perds; mais s’il ne la guérit pas, je gagne;
4° Si mes somnambules décrivent une maladie comme étant différente de ce que d’autres personnes non somnambules disent, et qu’il puisse être prouvé d’une manière palpable que mes somnambules se trompent, je perds; mais s’il en est autrement, je gagne-, . ■
5° Si un malade devenu somnambule sç déclare incurable, et que quelqu’un le guérisse, je perds, ;
mais s’il ne le guérit pas, je gagne\ oifiBYTïaôa ■’ijinnrn 6° Si le malade en somnambulisme parfait dit que sa maladie est guérissable par la méthode qu’il indique, et si, cette méthode scrupuleusement suivie, i| ne guérit pas, jepçrds ; mais s’il guérit, je gagnty
7° Si le malade ou mes somnambules déclarent que la maladie ne peut être guérie que par le magnétisme, &qU «#u1„ soit conjointement avec laaroér dicame^ts qu’il» indiquent, et ai quelqu’un la guérit «ans l’aide du magnétisme, perds\ mais s’il, ne la guérit jfflfti J*IVfti i. ; ni /
8® Pour chaque erreur de mes somnambules, ou 4es malades en somnambulisme, sur leur mal et le traitement, je perds, et pour chaque exactitude je ga-gne : d’est-à-dire que si le malade dit, par «temple, qu’il n’y a pas de guérison pour lui, parce que tels organ«9 sont lésés» qu’en effet, U ne gnérwe pa«, et que i’anwpsw prouvequA^mal était Won décrit, je gagne deux mises, puisque les de^x (ails se sont yéri-
-^;î?;ilPf rçfwrçpw*# .w’MflfM
vait pa» la lésion indiqué,e, je perds deu$ mises eu rai-e^rs,(>if»«r;8’il,msçu^,, mai» «j^’ü y ait une erreur dans la description du U»a)> la gageure
aera,nullep aatudmcnmon aam 18 "C
t)° Si un malade, considéré comme incurable, est' reconnu par mes somnambules comujo élant sur le
de mourir; qu’ila expliqutnl l étal del’jotérieür
dp son corps, et quo l’aulop&ic prouve qu'ils se sont trompé, je fer fa ; mais »'jl» ont dit vi*i, je mM.
Le par» ne scra pas mains de soixante onces d’or espagnoles, ni plps de cinq mille piastres, dont le cinquième sera acq^M l’égüae de Saint-Niepla», laissant de côté le cor des traitements,i ,iii; I .
Fbancisco DE PAULA GOIZUETA. r.tnf màlJi - ‘i Jinji-ii i^noy n->'up :iaob Jlsiüq il
i .Çç cQvtagSHx défi porté au. aoepUeisnie est traduit d’d Qiario «•*#,. journal de la Havaoc, éw
>84&- Nppa ^pérQBfl.que, quotq ue: ancien; i ce document intére^prA/BO» lecteurs, parce «prill BfftttfKéWifht magnétisme dan» un pays où I» p*t>-pagation eu a-été jusqu'il très limitée. Nous aurons bieptôt de nouveaux détails à publier sur cç sujet.
Physiologie. — L’Aca^mie des scjflpç^p. ayant' très-mal açci^illi l’arçnQpce deaexp^riepp«isJo,M, Bu ÇpWr^yjnond» ce jwoe pby#iqiw vipnt d’arovec 4 Pafjspour soumettre pflrw«i}eUeme*tses rpçbfircbes ai* jpgçiqent de la sayan»e çpçipagniq. La OquteUp phase dans Ipqpetye eplre çeUe.question, nous en-n gagç à en exposer les éléments; car les débats qui, vpqj s’ouvrir tomberont nécessairement au UW3&-. mérisme, , ,oa ,, ,.xjli;> jj-i u riim'ib
En lÿfo, M. tyu Qqia-Jlaymond avait énoncé;Iqp^Q-ppsj»i,6u suivante,: ;: , :;i
1 « Toiles les fois qu’un arc conducteur est établi «rftfre un point quelqopqpe de }a coupe longiludiupte, iffit u^urelle, soit artificielle d'unmuscle, et un. point é^ement arbitraire de }a coupe trantversa/e, soif na-artificielle du pièuie cpuple, ili*jRt»i«w
dans cet arc, un courant dirigé de la coupe longitudinale à la coupe transversale du muscle. »
La coupe longitudinale naturelle d’un muscle n’est autre chose que sa surface mise à nu de toute espèce d’enveloppe. La coupe longitudinale artificielle s’obtient en coupant le muscle parallèlement à ses fibres. La coupe transversale naturelle est l’ensemble des faisceaux primitifs qui vont aboutir au tendon du muscle. L artificielle de même nom se conçoit aisément.
Il paraît donc qu’en considérant les éléments des fibres musculaires comme de petits prismes ayant leurs bases dans des plans perpendiculaires à la direction des fibres, les côtés de ces prismes seraient à l’état positif relativement aux bases.
Quand un muscle se contracte, le courant diminue notablement d’intensité. Voilà une seconde proposition que M. Du Bois-Raymond dit avoir établie par des expériences d’une exactitude parfaite.
C’est en faisant ces dernières expériences qu’il fut conduit à placer une grenouille à califourchon sur les vases où aboutissaient les fils conducteurs d’un galvanomètre, et en lui coupant le nerf sciatique d'une jambe, à lui tétaniser l’autre par le nitrate de strychnine. Au moment du tétanos, il observa un courant direct dans la jambe tétanisée, et ce fut dans cette expérience qu’il puisa l’idée de l’autre, dont l’Àca-f démie a été longuement entretenue l’année passéé' par MM. de Humboldt, Despretz et Becquerel.
Et, effectivement, si l’on substitue au ‘pied de la grenouille plongeant dans le vase rhéophorique et correspondant à la jambe dont le nerf est intact, un doigt de la main, et à l’autre pied à nerf coupé, le doigt correspondant de l’autre main, l’on aura la reproduction des mêmes conditions d’expérience, en
contractant par un actp vplitiflos nuisc|p9 du bm la première njaÿj pt en laissant la sccppdc dans pu état d’indifférepçp. C’était biep là le fajt en 1849 a l’Académic, et réfuté par MM. D^prptz pt Becquerel, avec des raison*, q«rlp«r parwsajep* assez solides et as?pz pflpçluanie* %U Ji. Dp J3pis-Raympnd q'ep déffto^fypas pQVu: çe^a, ^Qj|^ qm revient à la charge aMjovr4’bui avpC dps pffpuyes jp-contçs table?, selon Jui, et 4 l’tfyjdeppe desquels il bi.ep «9 plier. ^pr?îu/u’ç#fWylai çe^p llW> & çppjrpçpçai par Omettre ppwtylit* & WNÜft * fi* d.epHiî cette époque jç 0>i pBp
®P.ai?^ d9flipipp (i)f Spu^eql, ie djsajs 9(prs,ej,jç répète œaiutep^pî, q4q l’e^tepp* d’Un epu^pt ^leçtrjqyç. dans.^ç^? tfp lappptraçtip/ï ipmpujajçp pe ^montre q^^ep^ l>ptfpn œes^riqup ,ftf> pv P^pt lui-ip&Pe^p l’çfejt s^ipLç c|q Ce cpW* mymanm> & l'bomtpç.
- Eptrp un mu?cje qui se r^cpprcjt(et imi fp mouvement, et l’eptfrnation fa IAW^, H^ même distance Rentre ks.so^,,,*» cpp^fsifs fes cadavres exc„és çai- la pi(Ç, et le? ^ôHv?ment? ebordonné? et libres de l’individu yiyaht^Qii’qne’espèce d’induction électrique puisse s'établir'’ de Ilipmmë qui mesmérise à l’homme qui est mS mérisé, ie veux bien l’admettre; mais que ce soit Û qu’il faille placer le mesmérisme, je le nie; ekr le vou J&R?. Gette action complexe que l’habitude nous cosigne sous le nom de mesn^érisatiop, up assemblage de toutes |es actions matérielles et psychiques dp l’bbmraef fju’il est essentiel de ne pas confondre avec les actions partielles qui pourraient la constituer, ff- Du Bois-Ra^mond a donné ensuite de lon^g
(.1) Xwtà Jopmal 4m ifqgçé/jfme, J. Ylil, p, 3*3 ej 4Ç3.
détails sur l’emploi de la grenouille rhéoscopiqiite à la place du galvanomètre, comme moyen plus sensible pour constater la présence de courants instantanés ou de •variations d’in'ensité extrêmement courtes. Je ne m’étendrai pas davantage sur ces faits, qui sont en dehors de la question dont nous nous occupons plus spécialement, comme je ne développerai pas non plus la loi que le jeune physicien a formulée dans ces termes : « La grandeur de l'irritation nerveuse ne dépend que des variations dans la densité du courant, et les contractions qui en résultent sont d’autant plus fortes, que ces variations, à durée égale, ont été plus grandes, ou qu’à grandeur égale elles ont été plus rapides. » Ces sortes de considérations sortent trop du cadre des études magnétiques, pour qu’il me soit possible d’en donner même une analysé rapide ; mais ce à quoi j’engage toute personne qui aime à suivre les progrès des sciences physiques et physiologiques, c’est de lire les notes que M. Du Bois-Raymond a insérées dans les comptes-rendus fn°* 12 et i4) de l’Académie. Je ne puis terminer, sans rappeler à ce propos ce que j’écrivais en 1849, et que je reconnais de plus en plus comme une vérité sans contestation, devant 1rs erreurs monstrueuses qui, sous le titre usurpé de spiritualisme, viennent de se des-siner si inopinément sur le champ pur et lumineux de la science mesmérique :
11 ne faut pas croire, disais-je alors , que l’étude des phénomènes électro-physiologiques soit tout à fait inutile au magnétiseur, je crois, au contraire, que rien ne pourrait mieux l’aider que l’emploi de cette force organique, à l’obtention de certains résultats qui, bien que corporels, ne manqueraient pas d’avoir indirectement une action sur l’esprit, et favoriserait par cela même la puissance morale qui se-
rail chargée d’accomplir et de diriger les effets ébauchés par le fait de l’action matérielle. Il n’y a aucune partie de la science de l’être en général, et de l’homme en particulier, à laquelle le magnétiseur doive rester étranger. Qu’il songe à la haute mission dont il se charge, en cherchant à répandre l’emploi de la puis* sance vitale ; qu’il pense à la nécessité de mieux en connaître les lois et les influences , et il verra qu’une étude sérieuse des autres produits de l’organisme ne serait pas seulement utile, mais devrait être reconnue de tous comme tout à fait indispensable.
Gilbekt GOVI.
Sorcellerie. — Sous ce titre, l'Abeille de la Nouvelle Orléans, du 7 février, publie le récit suivant :
« Nous avons rapporté, la semaine dernière, d’après la Sentinelle de Clearspring, le singulier phénomène de trois enfants, appartenant à U. Michael Jones, de cette ville, qui paraissent être sous une influence mesmérique permanente. Depuis, l’éditeur de la Sentinelle a été les voir, et a découvert qu’on pouvait les tirer momentanément de cet état par les passes que les magnétiseurs nomment inverses. L’un d’eux a été entièrement remis par ce procédé ; mais les deux autres sont encore affectés, et il est à'craindre que l’un meurre, car il a les membres tout à fait paralysés. Leur père a été obligé de cesser d’agir sur eux, tant sa santé en a été profondément altérée; cependant, il ne les actionnait que par instants et seulement depuis huit ou dix jours.
« La Sentinelle, revenant sur ce fait étrange, dit :
« Il est vraiment triste de voir trois enfants aussi ■ intéressants et bien portants, si extraordinaire-« ment affectés. Dégagés de L'influence mesmérique, « ils sont tranquilles, calmes et modestes, au lieu
ft d'insolents et gl-ossiers qile idët état îeS l'end envers « Ieurfc fiai-enb el étrangers, qu’ils fVappeht quél-i que loi s. Eiitt'ëëüx, il sfe fil&tèërft â se pofrtër ÎIM « fcOilpff lés ffltift lëfrriblés.
« Ils àiméht â êlfre ehdortMs, comme iU di^ht; «■ jyehdattt cë tëthp's, ils riént, dàHsCnt, fcourëttt èt h cbèrtîÜent à ébUii1'^àt tous lfcS nloÿëns éh lèlir pôti-« toW; Nous lés âvons dégagés du fluldfe nïagnëtiqué, « à huit Ou dix reprises, qüï n’oni pas ëxcétfé cjiiT'3 » t^ènte «ëctihdëi cfiacûtiè. tblité persotihé pfeüt leà « dégager pàï M jih'éàëè ItiVelrsëS, pôuïVü ÿ « coHfeeritertt : d’autres fois, on ne peut les réveiller. « Depuis notre dernière action sur eux, il y a envi-* ’tÆn àëlta hètikW, ndüà ë^riiUVbns un félâtîfiéitîent « hjfuibühlii'é ëônéitl^WHle, âVfec des douleufs clans m, la têtéÿ les bras et les jabvbés. NotlS attribue»» cette « indisposition au fluide netteUx que tibui leur k aVons sdûstraH. ' T 1 *' '•"»
• ?« Ils disent'«voit' été mié danS cet état,1 pat* un ii: etilporteiir qbi est tenw datas la maison! dfc leui « père. » ••vî'i'-s r. w> ’ifo» aol ->J > r. '-*•>
Des mneti de Bellecombe. (Suite). — Le lecteur ae rappellera peut-être une étrange et curieuse histoire dé toute une fairfllle dé cultivateurs, composée de six pet-sonnets, se cohdaoiriant spontanément ail mutisme le plus complet, à ’là séquestration la plus absolue de tbut etk’é humarrt'; histoire qui se paséaît dans les hautes montâgrteS dit Jùra, tet qtf e j’ai Wp* portée dans le Journal du Magnétishe du tnbis dé juillet dernieK M. du Potel s’est engagé tert tfiota nom ù en dbnrior la cdntintiàilon, ët à tenir ées letëtetars au coürant de la maladie de cette malheurfeüàë fa-milte; Ju viens tetilh st>h ëhgagcttaëht. 111
Satt# doute oti ttotoit pas, de pritne-âhord, 1* te-
lation de ce fait, aussi rare que surpreuaut, avec la science dont s’occupe ce journal; cependant, devant l’impuissance de tous les moyens de la science médicale et de la persuasion ; devant cette vague suspicion de sorcellerie , de magie, planant sur ces malheureuses gens dans leur propre pays; devant enfin cette tenacilé résistant à toute épreuve, persistant au-delà de toute conjecture, j’ai pensé qu’il ne serait pas sans intérêt pour tous les amateurs de faits occultes et extraordinaires, et qu’il ne serait peut-être pas inutile de le soumettre à leur méditation. Je pensai même que l’intervention d’une volonté puissante sur ces volontés si rudes, du reste; que la science magnétique,en un mot, après tant de tentatives infructueuses, était une nouvelle ressource qu’il ne fallait pas dédaigner. i ;, Je rappelle et je précise le point de départ, d’après Içs données les plus exactes. Le fils ainé qui, en cette occasion, s’était fait le chef de la famille, un jour cassa la jambe à la chèvre d’une vieille femme qui passait dans le pays pour sorcière. Furieuse,, elle le menaça de sa prompte vengeance, et à quelque temps de là une de ses vaches vint à périr. La famille des Durafour ne manqua pas d’attribuer ce malheur à la funeste influence des sortilèges de la sorcière, et .p’est d’après les conjectures les plue plausible» pour y échapper et se soustraire à ce charme, que, conseillée par le fils, elle aurait fait ce vœu de mutisme auquel on n’a pu l’arracher depuis : mutisme absolu si complet, que les besoins de chaque jour ne purent les y faire manquer. Réduits presque à partager la nourriture de leurs bestiaux, ils seraient infailliblement morts de misère, si l’autorité locale r avertie par la rumeur publique, ne fut venue à leur secours. Il serait difficile, je crois, de rencontrer un
exemple plus frappant de !a puissance du fanatisme, il Comme je l'ai déjà dit, tonsTlés riioyens aÿant échoué devant cette Opiniâtreté invincible, on transporta d'abôrd lés deux plus jeunes fils et la fille à l’hôpital de Saint-Claude. Puis enfin, la famille èn-tière fut conduite à la maison centrale des aliénés de Dôle. Là, toutes Its épreuves imaginables furent de nouveau tentées; la mère, par exemple, fut privée pendant deüx jours de toute nourriture : elle fie poussa pte un cri, pas üne plainte, et ort ne put rfén tirer d'elle*
De temps é âuthé, Cependant, on est arrivé â obtenir qiielqûes répbnies de quelqücs-ühà} biais jamais âueun détail, aurtnne notion sur ce qu’il importât dè savoir, et ehcore à cette hetirte, le moindre coin de ce mystère n’a pu être soulevé. L’imâgiha-tfott se perd devant cette persistance; ellé 8e demande et elle mirait une base, ou si elle n’est qu’une sïmple .1 aberration de l’esprit humain chez des gens qui h’Ont i jamais donné d’autres marques d’aliénation. Et si la ipfrimièïfe hypothèse est inàdtttissible, la Seconde estant! pttü probable, loféquë l'on sortgeiqtfe six personnes d« la même famille soht fràp^éés si^uHâ‘n6mént de la thème fblie ? Cette folie aùra-t-elle ün terme maintenant? Il est permis d’en douter; tes efforts, la Violette n’ont dû que la rendre plus tenaife, et lui donner ide plûs en plus le caractère du fanatisme. Dièü seul sait donc qùatid je pourrai donner ôu léc-imt la fin de cette histoire mystérieuse.
IIIO^ OÇ 9fllOB9u #9* >np t i* , A.».
i; ',;ipe'nq tliobâff .-nupnma -nicl / >n •
Magie, r** Oh lit dans «ne lettre publiée par la Preuè, en date de Haïti, 8 février i85o.
. h L’empereur Fbustili 1*^ vient dt' quitter sa capitale pour aller passet huit joute 'atl Pèti^GôâVe, sa
ville natale. Le but de cette excursion était la célébration d’un service funèbre pour le repos des âmes de son père et de sa mère, et le mariage de deux vieux noirs, père et mère de l’impératrice, qui, ne se doutant pas de la fortune future de leür fille, ne s'étaîent pas encore mis en peine de la bénédiction nuptiale.
« Une douzaine de régiments formant environ mille hommes ; les princes et princesses du sang ; les ducs, comtes, barons, chevaliers; les dames d'atours, les chevaliters de la chapelle impériale, les pages, près? que tous les employés civils et militaires, se trouvaient réunis au Petit-Goâve, pour donner à cette fête une plus gnmdé solennité.
if "ta corvette française, la Naïade, ayant à bord plusieurs consuls et étrangers, est venue mouiller devant cette ancienne capitale de la partie française qui, depuis 43 ans, n’avait pas VU de navires de guerre. Pendant le service funèbre, le bâtiment a fait â l’empereur la gracieuseté de mettre «et verguea.es pantenne, en signe de deuil, et de tirer une foule de coups de canon, ce qui a singulièrement flatté la vanité des noirs, «t a peut-être contribué é aplanir quelques difficultés pendantes depuis quelques jours.
« Après le service, l’empere&tv s'est rendu à une habitation située à quelques lieuât de la côte. C’était là qu’avaient été enterrés soo père et' s* mère. A l’heure de minuit, l’empereur et l’impératrice sont sortis de leur maison, seuls, sans gardes,' accompagnés seulement par les hommes ayant foi dans les cérémonies du Yaudoux L’impératrice marchait deVânt, tenant un coq à la main. Les prêtres de èette religion portaient le mouton et le cabri, dont le sang mélangé devait servir â préparer le wangha.
« Arrivés ati cimetière, les prêtreà, au moyen de
charmes particuliers, sont parvenus à fixer dans un vase d’eau les âmes des parents de Soulouque. Laine de sa mère a pris la parole et a dit aux sacrificateurs qu’elle les remerciait de la cérémonie qu’ils venaient exécuter, mais qu’il ne fallait pas s’inquiéter à leur sujet. C’est alors que l’on a égorgé les trois animaux, que Soulouque a bu de leur sang, et qu’il a fait, avec, les signes cabalistiques. Puis ensuite on a enterré le vase contenant les âmes qui certainement, maintenant, doivent reposer en paix.
• Ce pauvre pays d’Haïti marche à grands pas vers la sauvagerie. Comment s’en étonner, quand on voit le chef de l’État faire revivre, soutenir et pratiquer lui-méme les cérémonies religieuses du Congo et.de la Guinée, que les présidents, ses prédéçesseurs , avaient eu tant de peine à détruire ! »
Et nous, pour répondre à cette dernière phrase , disons r On ne détruit pas des croyances par des négations; elles ne signifient * ne prouvent rien. II Kiit remonter à la source des choses, en trouver l’origine, et dire comment des faits véritables, inal interprétés, sont parvenus à égarer la raison.
Ces faits se reproduisant de tous côtés à la fois, soulèvent la plus grande question psychologique. La science est aujourd’hui dans le vide; mais le magnétisme sera le flambeau des générations qui s’avancent. Cette force merveilleuse, toujours niée et toujours soutenue, étant enfin reconnue, tous les phénomènes occultes s’expliqueront, et tout ce qui n’est que préjugé trouvera sa fin.
Chronique. — Nous avons annoncé, il y a quelque temps , l’ouverture d’un cours de magnétisme au passage Jouffroy. Nous avions promis d’instruire nos lecteurs de ce qui s’y passerait; mai? ce cours a subi
tant de*, péripéties-, qu’il nous a été impossible d’en parler jusqu’ici.
Les deux première» leçons avaientattiré beaucoup de monde, certainement à cause ae la nouveauté du sujet, et peut-être aussi parce que le nom du professeur , M. Hébert d’Avenay, donnait lieu à une confusion de personnes. Ce jeune avocat a beaucoup parlé, rtiâis rien produit. EnOriçant dki résultats âd lieu de faire des démonstrations, il s’est égaré dans le vague des théories. Le seul trait remarquable de cet enseignement a été la lecture d’une lettre inédite d’Alexandre Dumas, sur l’immortalité de l’âme. A peine au quart de son programme, M. Hébert a cessé de paraître; M. Gouré, médecin homéojpatf»e, qui ? dans un opuscule que nous avons analysé, parle un peu du magnétisme, l’a remplacé. Mêlant le magnétisme à l’homéopathie, au grand détriment des deux systèmes , ce nouveau professeur est parvenu à faire déserter la salle au bout de quelques Jeçons. Pui9 est venu M. Morin. Ce nom n’est point inconnu de nos lecteurs, plusieurs se rappelleront sans doute les séances de magie qu’il donna l’an dernier dans Jes sa Ions de la Démocratie pacifique, et dont nous avons rendu compte. Doué d’une certaine éloquence, plein de verve, unissatat le spécieux au vrai avec une hardiesse entraînante , M. Morin était parvenu à ranimer ce cours expirant, lorsque M. le préfet de police est venu lui en interdire la continuation, pour cause cl’attaques à là religion.
^ ltf. le b'Perrier vient de faire un voyage àï^ris. Il a aséisl& 'â plusieurs de nos conférences domini-«iàlés, et présidé horiorairefnent une séance de la Société du Mesmérisme.
BIBLIOGRAPHIE.
LA SECONDE VUE DÉVOILÉE, etc. ; par M. F.-A. Gandon. Brochure in-8. — Paris, 1849. Chez l'auteur. Prix : 2 fr.
Nous avons plusieurs fois, déjà, entretenu no9 lecteurs des expériences dites de seconde ou double vue que Robert-Houdin a mises en vogue. Nous avons aussi rapporté les diverses opinions émises par les magnétiseurs pour expliquer ce fait surprenant. L’un de ces anti-magnétistes qui ont étonné tout Paris, vient de mettre fin aux disputes, en déchirant le voile qui enveloppait celte intéressante question. L’ouvrage dont le titre figure en tête de cet article, est consacré à l’exposition de son procédé. Entrer dans le détail des secrets que ce livre révèle serait trop long, et d’ailleurs en dehors de notre sujet; mais nous engageons tous nos amis â en prendre connaissance. C’est un écrit très-utile à connaître pour les cas où la double-vue est opposée à la lucidité.
Quelques citations feront mieux apprécier l'intérêt que cette brochure peut offrir anx magnétiseurs militants.
L’auteur commence par déclarer qu’il « n’a pas voulu porter la moindre atteinte au magnétisme;» mais « éclairer le peuple qui ajoute malheureusement foi aux annonces pompeuses de certains magnétiseurs qui ont l’audace de vouloir prédire l’avenir , quand
ils ne savent pas eux-mêmes s’ils pourront dîner, tout en découvrant les trésors pour les autres. »
Il s’élève en divers endroits contre les prétentions des magnétistes; mais en confondant, faute d’une connaissance précise du sujet, les exagérations et la chailatanerie, avec les assertions sérieuses venant d’hommes convaincus. Scs préventions, à cet égard, sont déplorables; mais qu’y faire? Non partisan du magnétisme, pouvait-on espérer qu’il s’en constituât le défenseur?
Voici quelques extraits par lesquels on pourra juger la manière dont M. Gandon envisage le magnétisme.
« La première fois que le public vit sur une affiche : Expériences de seconde vue, sa première idée fut de penser â la seconde vue écossaise qui donne, suivant là tradition, à ceux qui en sont doués, la faculté in apréciable de prédire les événements. Notre intention n’est pas de traiter cette matière.
« Tout en offrant à nos lecteurs les moyens de se procurer une agréable distraction, nous avons youlu les mettre en garde contre certaines manoeuvres qui déshonorent le magnétisme; car, nous sommes cpn-vaincus que des soi-disant somnambules ont employé et emploient encore aujourd’hui un système de communication qui peut avoir quelque rapport avec le nôtre. Nous ne nous croyons pas assez savants pour aborder la question si profonde du magnétisme; nous voulons seulement constater que cette idée de magnétisme doit être enracinée bien profondément dans l’esprit de beaucoup de personnes, pour qu’on ait essayé de nous prouver que nos expériences étaient le résultat d’un rapport magnétique qui existait entre nous et notre compère. L’intelligence de ce dernier
élait, à vrai dire, si grande, qüe feouvdhl nous avons pu faire illusion; niais le mondé devant lequel qous âVohs donné des séance'd nous rendra cette justice: c’efct que nous avons toiijotirs anribncéët affirmé que tiotre ëôrbp&re, ôii sujet, n’avait jamais élé et'n’était pas magnétisé.
a Il y a du mâgnêtiitne malgré vous, nous répondait-oh. Qüe dire à cela? Divulguer notre secret. C’est cé que nôtis avons fait en ajoutant à ce pètit livre Jè récit de quelques séances données, soit devant des ipa-gnétiscurs, sàrià tyUé cés personnes àiènt feit a.leur lôttr dès ëxpériëhces dé ttiagnétisme, soit eh présence de somnambules, à l’état de sommeil, et nous devons avouer que jamais, au grand jamais , ces derniers ne purent nous Offrir le plus petit résultat. Pourquoi? Nbus l’ignorohs.
A Le magnétiseur se contentait de nous dire : Monr sieur; VoUs âvëz, sans vous en doUter, une bien grande puissance magnétique, et il n’est pas étonnant que notre sujet soit danà l'impossibilité de répondre; car Vôtre vôïônté seule détruit notre influencé.' Partout la ménJë Réponse; et, ce qui nous a le plus frappé j b’efet'qü'e èiMe réponse nous ait été faite par des per-sonnes qui s’occupent très-sérieusement de magné-tfsrhe, sans l’exploiter ; par des magnétiseur^ qui possèdent des sujets et les exploitent, par des personnes qui' s’occupènt de rtiagdétisme pour letir propre satisfaction, et, enfin par des personnes qui ne croient pas ét n’ont jamais cru àü maghëtisme. Nous ne craignons dône pas les démentis ; ce que nous allons raconter est la relation fidèle des séances que nous avons dônnéès ëh présence dé magnétiseurs et de sbmnàmbules qiii existent présque tôiiè, nous l'espérons , puisque nous avons qébuié il ÿ â dix-huit mois
à Alger, el que nous cessons aujourd’hui nos expériences pour eu donner le secret au public.
Appelé au sein de la Société du Mesmérisme, l'auteur rend ainsi compte des expériences qu’jl y fit.
« Il existe à Paris une société établie pour la propagation du magnétisme. Dans le courant du mois de septembre 1847, M. Gandon fut présenté avec son neveu au président,,qui invita ces deux messieurs à faire quelques expériences de seconde vue devant les membres de la société. Avant d$ commencer, M. Gandon déclara qu'il ne s’agissait pas de magnétisme; qu’il avait établi entre son neveu et lui un rapport si intime, qu’il suffisait qu'une des deux intelligences eût compris une chose, pour que la seconde intelligence, celle de l’enfant, ressentit le même, effet que la première. On doit biçn penser que toutes les précautions fureot prises pour qu’aucune communication appjéç^ble ne fût établie entre le professeur et 1 élève , ef jes expériences commencèrent. Tout ce qui fut présenté à l’oncle fut deviné par le neveu; pas une erreur ne fut commise; le succès le plus com-fut pbtçnu par ces deux messieurs pendant toute la, durée de leur séancç, On fit reposer l’enfant, et lps explications commençèrent. Laissons, ici, parler M. Gandon.
« Le président mp rpmerci^ beaucoup et m’assura « que si je voulais développer les facultés si extraor-« dipàires(dc mon neyeu, je finirais par obtenir des « résultats prodigieux, car jamais, disait-il, il n’avait « entendu, des réponses si promptes et faites avec si « peu dhésitation. Voua, n’avez jamais cherché, me « disait une personne de la société, â faire lire à votre « élève une lettre cachetée, sans que vous-même « ayez pris connaissance du contenu de cette lettre ?
« — Non, monsieur, répondis-je ; je ne crois même « pas que cela puisse se faire. Je suis loin d’être in-« crédule, mais je n’ai jamais vu de pareil résultat, et « je le croirai lorsque je le verrai. — Cependattt, « vous ajoutez foi à des faits que vous ne connaissez « pas, ne les ayant jamais vus se passer devant vos « yeux? — Oui, lorsqu'il existe pour moi des raisons « concluantes sur la réalité de ces faits. Je n’ai jamais « vu l’Amérique, et je sais qu’elle eiiste ; mais s’il y A « eü pour mbi impossibilité dé toéttre le pied sür « cette terre, la même impossibilité n’ekiste pas pour « que je puisse être témoin de la lecttire d’une lettré « cachée aux yeux du sujet et du professeur. J’ai vü « plus de cinquante Somnambules ou magnétisés, et « je vous affirme, sur l’honneur, que jamais je n’ai « été tètaOÎn d’un fait si extraordinaire. »
« Toutes les personnes qui m’écoükàient étudiaient le magnétisme ; plusieurs en avaient obtenü dés résultats surprenants, et il eût été ftéile dé me convaincre ce Sôîr-là. Je dois avbuer quér jé ne fis aucune proposition, je me contentai de foire mes èxpé-riences.
« Monsieur, me dit le président; pourriez-vous,
* rien qu>n indiquant du doigt un objet, faite dé-
* viner Cèt objet â votre enfant placé dans Pimpùssi-« bilité de vous voir? "
—-Quelquefois, répondis-je; dans UOè Séance « publique, comme les spectateurs n’ahnent pasgé-« néralement les discussions, et que chaque personne « est satisfaite si mon sujet devine tout ce qui peut « être présenté, je rte borne aux expériences que je « viens d’avoir l’honneur de faire devant vous, et j’évite Butant que possible Ce qui pourrait mettre « obstacle â notre réussite. Mais ici, en petit CÀriiité, « comme je suis certain dé votre indulgence, en cas
« d’erreur de la part de mon sujet, je vhîs essayér de « vous satisfaire. »
« On plaça l’enfant, le visage contre le mur, à l’extrémité de la salle; cinq-où sis personnes formèrent un rideau vivant entré tiôùs deux, et tout fcb que j’ittdiquai du doigt en prononçant le monosyllabe là fut nommé à haute voix : il y avait bien de qütfi s’étonner, atissi les exclamations ne manquèrent pas.
i( -i-Yous ^oyet bien, disait une personne, que « c’est du magnétismte; à peine avez Vous indiqué ud « objtet tjue votre enfant lé dit !
« ■**« Êt SnnS aüCüne hésitation ! t ul’Et sans qüe vous prononciez d'autre mot iqviè « là, là, làl ■ili* i! -I 9 ?Vp£ e'
€ — II répond même avant que vous n’ayez ou-« vert la bouche !
« — C’est du magnétisme !
« — Certalnemèn,t!
« — O’èst incontestable ! I
« — Malgré vous'!
« Toutes ttëç'Shterpellations partaient à là fols, absolument commue si j’eusse été le maître de tous les esprits, mais ces messieurs ne pourront jamais m’accuser d’avoir usé de supercherie. J’avais déclaré, en ëntrarti, tjue je ne i»‘bfccupais pas de magnétisme, et je vaià prouver que mort ertfant pouvait très-bien dfri» le hom des Objets qû'e je montrais eh prononçant te mot là, sans qu’il y eût rien de magnétique dans nos expérienèëi1. '. , ’ ' . :
« Il existe toujbuM dànâ ürié réühlon d’iin Certain nombre de personnes des Übjetà usuels, des choses qui certainement y seront apportée*."10111 1
« J’avais prévu ce cas, et mon enfant savait d’avance, par cœur, une liste ou plutôt plusieurs séries de ces objets. Il était guidée comme mai, par l’ordre
des lettres alphabétiques. Voici la série que je fis dire dan» cette soirée.
« Pour bien indiquer à mon cômpère que je pouvais , après un coup d’œil scrutateur donné daus la salle trouver ma série complète, et que cette série serait celle des objets devinés par le monosyllabe là, je m’exprimai ainsi :
« — Messieurs, je vais montrer dix, vingt objets, en employant toujours le même mot, et le mot là, par .exemple, qui est un mot d’indication; mon sujet n’hésitera pas un instant; et je commençai. On va voir que le tour n’était pas difficile, l’ordre des lettres de l’alphabet étant suivi pour mieux guider la mémoire dans laquelle le travail était déjà fait.
Là—un Anneau. Là—des lunettes.
Là—une .Botte. Là—no Monsieur.
Là—on Chapeau. ! Là—le iVez.
Là—une Dame. Là—l'Oreille. })
Là—une Epingle. ' Là-un Pantaton.
Là—du Feu. Là—Çoatre personnes.
Là—un Gant. Là—une /lobe.
Là—un //abit. Là—un Siège.
Là—de l’/voire. Là—de la Toile.
Là—la couleur /aune. Là—t/n enfant.
Là—flien (1).
« J’avais eu l’attention, comme je l’ai dit, de m’assurer de la présence de toute la série, et j’avouerai que je craignais d’abord qu’il ne me manquât quelque chose ou quelqu’un ; car.au commencement de la séance, je n’avais vu ni dame, ni enfant ; au moment de l’expérience, ma série était complète.
« Tout n’était pas fini.
« C’est inouï, c’est incroyable, disait-on de tous
CÔtés. .. ... , m-, il y *. rit • -
(I) Peu de mots commencent par K, et ce rien placé au milieu de la Série produisait nn effet merveilleux.
I. « — MÔtt DIdri ! le ttlagrïétfàfile produit des Pfl'éW Si extraordinaires que M. Gandon, s’il le voulait, fè^ fait dire â son neveu tous les objets possible^, sànë même ouvrir la bouche.
« Un compèfè ti'ëùt pas mibuX paflé, jé remercie du fbhd du cœur le charhâblè inftotfhù' qui tne mît à chôme de falrè uhe exjiériehtfé nouvélle.
« —Non, non, ce pauvre enfant est fatigué! en
yoiU assez ! , j ‘l&ea el‘è lo aldaj
a — Oh! répondis-je, il peut contiriiuer, delà ne lé
fatigue pas. Celte fois, je ne parlerai pas.
« Et je commençai.
A peine avaii-je montré au doigt (ce qui parut à tout le, mondé ê,tre l'effet du hasard, bien entendu] les choses qui étaient près de moi, que mon compère les désignait à haute voix, sans paroles de ma part. — C’était tout simplement notre seconde série, la série sans parler', étudiée par cœur, et il était impossible de se tromper , car.il y a toujours,, et il y aura toujours dàns une société, si peu nombreuse qu’elle soit ;
CsML ' Une canne.
Le pied. Un Monsieur. ü> ’Ul
•{ "i«p L’Oreille.■>. . . Uasdaine.
. La bouche. Un siège. . • (
Le bras, . llné moplre.
Un chàpeàu. ,] ' ’ ' •' • ” i1 !‘J
;il) 1 '1J 1 f J i » fi: iJ’”; •)'>■' ' • i a 'i . • ? '. f i
t Je ferti remarquer que sur ces onze désignations»
cinq â six mie: (tirent faites pàr les personnes ellesr
mêmes, qui ne se ddutaient pas qu’elles mé forçaient
de choisir tout ce qui était nécessaire à la réussite de
nos't'fcpérfteùéèS. !l 1 *t !•.
" ' « Urte dernière expérience iüe fut demandée pàr lé
président. *'
« Mttnaleut-, tné dit-il; je vâWphiftdt’é, i tfadn choix,
un objet que je me contenterai de vous montrer; je demanderai moi-même à votre sujet la nature de cet objet. Est-ce possible, quoique, à vrai dire, j’aie la conviction qu’il n’hésitera pas ?
— Retourne-toi, dis-je, à mon sujet.
« — Vous ne direz rien, reprit le président.
U Ah ! faites, s’il vous plaît, la question, ripostai-je.
v e r
« Alors le président prit un verre, le posa sur la table, et, à la grande satisfaction de chacun, l’enfant se mit à dire :
« Monsieur, vous avez pris un verre.
« J’en appelle au souvenir de la personne qui présidait ce soir-là : ai-je déclaré qu’il n’y avait pas de magnétisme dans nos expériences, et ces expériences sont-elles racontées fidèlement ?
« Je vais expliquer le tour du verre.
« Ce verre à boire était un objet peu usité sur une table de bureau, et, comment cela se fit-il, j’eus la certitude qu’il serait choisi par le président. La réponse que je fis : Ah! faites, s’il vous platt, la çuettion, ver
avait averti mon sujet, la chance nous servit et tout fut dit. î ..l
« Je dois ajouter, en terminant ce récit, que je n'eus qu’â me louer de la réception qui me fut faite, et qu’aucun des membres présents ne chercha à pénétrer notre secret. Seulement, je crois que presque tous furent persuadés que je les trompais légèrement, car je fus accompagné par ces mots : C’est du magnétisme ! c’est du magnétisme! »
Adjuré de me prononcer sur le récit qui précède, je déclare que , sauf quelques omissions et divergences, il est conforme au procès verbal de la séance.
Quant à l’opinion que la Société s’est formée du
procédé do M. Gandon, et que j’ai partagée, celui-ci l’interprète trop favorablement pour lui. Il est bien vrai que certains faits nons parurent dépendre d’un rapport magnétique; mais tous ne furent pas jugés tels. Cela résulte de la mention des expériences susdites, insérée tome Y, page Soi de ce Journal.
Aujourd’hui qu’on connaît le secret, notre erreur est évidente; mais alors tout concourait à fortifier notre opinion. D’abord l’examen fait par le Dr Ordinaire, de Mme Hermann, puis l’observation d’un fait naturel dans lequel se montre clairement le rapport supposé entre M. Gandon et son neveu. Ce fait fut communiqué à la Société par M. Woog, qui l’avait attentivement examiné. Voici en quoi il consistait :
M. Pierre Nau, demeurant à Paris, rue Richer, avait une fille douée de la propriété de percevoir sa pensée. Voilà comment on s’en aperçut. L’enfant devait apprendre son catéchisme; lorsque son père tenait le livre, elle savait bien sa leçon; mais si c’étaît toute autre personne, elle ne la savait pas. Son père essaya de poser des chiffres, elle les additionna sans les voir, etc., etc.
Étonnés d’une disposition aussi extraordinaire, les parents consultèrent plusieurs médecins, qui ne purent rien indiquer pour faire cesser cet état ; c’est dans le même but qu’ils s’adressèrent à M. Woog, espérant que la magnétisation détruirait ce rapport. Notre collègue se garda bien de se rendre à leur désir, et nous pûmes, par son entremise, vérifier l’exactitude des détails qui précèdent.
M. Gandon trace ensuite le résultat d’une séance donnée chez M. Plétain, président de la Société de ("Harmonie, à Mons. Voici sa narration textuelle :
« La soirée terminée, le digne président de la So-
ciélé me prit à part, et m’invita à venir chez lui le lendemain. » Nous avons à Mons, me dit-il, une «jeune personne, une comtessp? qui est d’une luci-« dité extraordinaire pendant le sommeil magnétise tique; voulez-vous demain soir venir chez ipoi, vqus « y serez témoin de choses prodigieuses, et, si vous « y consentez, puisqqe, vous dites que fcs résultats « pblepus de votre enfant ne le sont pas par le raa-cç guétismç, si vpu? y consentez, bien entendu, nous ,« demanderons à qetle jeune personne quel £st votre
mMcret. . iie|a .,, , \.. ù :
« — Volontiers, répopdis-jeà M. PJétain, et je puis vous certifier qup jp serais charmé de voir pareille chftse. — Ainsi à^é^ia^, 7 f....’,,, jjj,
« Le lendemaiq je fiiss exact au rende^-voq*, et je ipe trouvai au qiilieu d’un cercle d’ami» intimes, parmi desquels étaient placées la demoiselle, si lucide et sa mère. Je fis d’abord quelques, expériences^ je plaçai mon enfant j^ans unp pièce ^pisine;.,dqnt la porte fut (ernqée, et jout que j’indiquai dai^s Iç salon où la société ét^it réi^ii^ tyt répétésans aucune hésitation. La jeune comtesse me parut, plup q^ie les autres personnes, frappée de pareils résul^ts, et iè m’attachai surtout à faire deviner par moif compare des additions, des multiplicatjonf, des mots en langijp étrangère.... ; en un mot,' totit le monde fut enchanté.
« ]La jeune personne fut magnétisée par M...f >., prêtre de la cathédrale de Mons, et i’aVoue que je fus surpris de la rapidité avec lâqijelj^ s’açcomp/it .CCtt9 op^fatiop., A peine lç prêtre av^t-Ü fixé po^re-g?r4 sur celui de la demoiselle, qu’elje to^b^ daps le aoipmei) pagnétique... Je commençais à tremi^Bf pour mon secret. Lorsque l’irritation ou l’émotion produite gur le s\yet p^r ce sçmmeil instantané fut
un peu apaisée, je demandai la permission de poser une question.
« Mademoiselle , dis-je en m'approchant d’elle , « avant que Monsieur votre magnétiseur vous de-« mande mon secret, je désire faire une expérience, « non pas sur l’inconnu, mais sur quelque chose qui « existe déjà pour moi. Veuillez me dire le nom de « la fleur que je viens d’écrire sur ce papier ; » et, en même temps, je présentai à la jeune personne un petit morceau de papier sur lequel j’avais écrit le nom de Paulonia imperialis.
« A peine avais-je posé cette question, qu’un changement subit et incroyable, pour moi du moins, s’ô-péra dans toute la personne endormie. Elle s'âgità d’üne façon convulsive, en me disant avec tous les signes de la terreur la plus vraiè : « Allez-vous-en, « monsieur, j'étouffe; vous me brûlez! Oh! que je « souffre! » En même temps elle fut saisie de ce que j’appellerai une horrible attaque de nerfs ; le silence fut ordonné, et le magnétiseur me pria de passer dans une autre pièce, car ma présence était Un obstacle insurmontable au rétablissement de la pauvre enfant, qui fut elle-même transportée dans le salon le plùW éloigné du lied dé la réunion. La mère de la jëuü£ personne fondait en larmes, le magnétiseur tremblait à l’idée d’un fatal dénouement ; car jamais paréillë chose n’était arrivée; !ét M. Plétain, le digne homme, ne' savait pomment s’excuser auprès de moi. « Voiïs « pensez peut-être, me disait-il, que'ceci est une Co-« médie? — Il me faudrait bien péü de cœui^ pour « cela, lui répondis-je. Gomment, même étant doué « de la plus grande incrédulité, un homme d'hori-« neur oserait-il avoir une pareille pensée, en pré-« sence des larmes d’une mère et de votre inquiétude « à tous, au milieu d’une des familles les plus hono-
« râbles de la Belgique. C’esl moi qui suis désolé de « ce terrible accident, car j’en suis peut-être la cause « involontaire. » M. Plélain «ie quitta un instant pour aller vqir la jeune malade, qui n’hésila pas à lui dire ; « Vous venez de parler à.çe monsieur; je vous en « prie, iaissez-xppi, il me semble quq vous avez du « feu après yoys. «
« Pendant deux grandes heures il n’y eut pas d'améf iioration dans l’état dp |a pelade , que gQpipagnéUr-. spur ne voulait p^s ré.vçjller, par if craignit , beau-> coup de le faire tant que cette crisç dwçr^'Jp prja cpngé dçty. PlHai,nf plus «Jésçlè qnejap»aifi,,:et je nje dirigeai \erg rpa depieyrp. Jp voplijp, «vapfcde
WVfW» '^nt(îF,i wn tqwr eÿpéripppp. ,Çettp
ieune persopne, mpdi^je, a été frqppép parw qu’elle a yu et entendu, et qypjque je pei^se que le*puvpnir .pp qui se pas^ .dap? l’état ordipaifÇ ne dojvp plpa exister pour «n sttjetjQjag^i8^», wmipp le WW*e»ir. de cç qpi s’est passé dpns l’éjajt de somoamMifWoe n’existe pl»s pailçje,#ni»?f.,l9rsqp’il est révolté, U Pfit ç^rtaip pour tnpi.q^,*^ üftp douter, j'ai u ne influence tr$s;grapd« ^wr fipt^ per^pnue, fit. qye pette fyfluepcç dçit encp^ e*j^ c^p? la pw* comipe elle WMfl *o,»i-^-rbp^rp dflRfl J’iqtéritipr.de la maison-Ai qpe ippts, je ipe retoyrp^jL du pôté de la demeure de M, Plétain, ef,jp dfo^ç^taJerneRt,:. « Je veu* qui? « .■fiiWWF*. Wjardin. » En-
suite je rpptrai prpsaïquçiBSpj meçpjjçhpr» ?WW ™ir personne, sans faire pfirfc à qpi que ça fftt de pe^ éy^ ïfRBienh M PRuWxpQivr.Wfiii « Lç lendepiaip » dp b9R»ethe|H,9, jp rptpprne chez V\, Plétain après Ipg, première* salutations, je lui dçipapde cequ’a faiMM jeuppfilin lavpiljpaprès ippn départ. « plie a été longtemps, encore malade ; mais
« elle a clé portée au jardin, et le grand air l’a tout-« à-fait remise.
« — Mais combien de temps après mon départ?
« — A peu près deux minutes.
« — Et cette demande a été faite subitement?
« — Porte?-moi fiu jwdin, a-t-elle dit; voilà tout*
« — Lui a-t-ou parlé de moi? .j,:. .i;.
« — Qui ; mais lorsque je suis rentré au galon, elle « nous a dit que vous étiç*l parti, et qu’elle se sen-« tait mieyx,
« J’ai re^H compte içi de qe quej’ajvu, et.ipa mé-moirç nq m’ç^t pa^ infidèle, puisque le joçr même j’écrivis toutpe qvÿ f’était passé daw cette soiréfiiM fertile en émotions. ,• •liai
« Je n’ai jamais nié le magnétisme ; je nie eti je njprai les effet» qu’on veut çn dan» un but de trçmperie, parce que je ne crois,pas, jusqu’à pre^ contraire, qM’uq magnétisé puisse dire l’inconnu, l’avçmr en uq.içpt» l’ordre des cfcç»se§ serait renversé, Ainsi, dans la sfÿrée doqt je viens donner le récit complet, je m® Wf trouvé, sans intention de ma part, le maitre du magnétiseur e^ du sujet. Le magnétiseur était persuadé que mes expériences étaient le résultat d’études magnétiques, ce que j’ai fait l’a vivement frappé; l’effet produit chez lui a rejailli sur la jeune personne qui s'est trouvée à son tour le point de mire de deux volontés, et la mienne fut la plus forte. Yoiqi comment tout cela m’a été expliqué par des magnétiseurs consciencieux; mais je dois dire que je ne désirais qu’une chose dans cette soirée, être témoin d’un résultat satisfaisant; et ma volonté était nulle ; je souhaitais au contraire de toutes mes forces que cette demoiselle pût répéter le nom de la fleur que j’avais écrit» mais il paraîtrait que je suis possesseur d’une dose considérable de fluide magnétique,
puisque je n’ai jamais pu être témoin, comme je l’ai déjà dit, de ces prédictions incroyables annoncées avec tant de fracas. »
M. l’abbé M..... nous a écrit au sujet de la séance
ci-dessus décrite, sa narration concorde parfaitement avec celle de M. Gandon. Membre de plusieurs sociétés savantes, et.magnétiseur habile, cet ecclésiastique distingué pouvait très-bien apprécier les expériences en question ; il pensa, comme nous, que le sujet de M. Gandon était doué au plus haut degré de la communication de pensée magnétique. Maintenant il peut se convaincre que lé ttioyen ‘ést Wtft mécanique, puisqu’il repdsé sur une simple permutation de lettres.
Concluons.
L’analogie des résultats est si frappante etitre les faits' de Cet ordre et cetix du maghétiiWe',’ qu*ort est en quelque soike forcë d’en dédtiittë' l'identité de là cause; c’est là ce qtfinotts a égaiéV'et il ëst trfcflîpro-bable que M. Ordinaire s’est aussi’tKompéi
•l' ‘ HÉBERT (de G»rnay}.
r.; 1 v il.-. iS ]-) i; rn iib 'nltii'm '•!
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!ini if ',• ■).:[> jlô«86fn «»b«tè'b iPllnêài .si
-u:. il!ici i ii/1 ’ii- ii. >n {àqqirct Jn'jfnoyi/ Le Manuel de CÉtudiant magnétiseur, par M. du Potet, étant épuisé, on en prépare uné nouvelle édition, considérablement augmentée, qui paraîtra avant un moi». " ■ •
Le Gérant • HÉBËRT (do G*rn»y).
ÉTUDES SOMNAMBULIQUE^V
§ X. — FUYSEGimiSMK.
Nous recevons du ür Ordinaire l'intéressante Trom^ municalion qui suit.
Théorie de l'aptitude poétique.
Le troisième cas de philomêtrie, consigné dans le n° 112 du Journal du Magnétisme , est un de ces phénomènes observés par un grand nombre de magnétistes, qui l’ont considéré comme une des mille merveilles du somnambulisme, et l’ont admiré sans chercher à en découvrir les causes.
Déjà un magnétiste de Lyon m’avait parlé, à mon début dans la science, de cette étrange faculté poétique qui s’élait révélée chez une de ses crisiaques. Il m’avait communiqué plusieurs pièces de vers fort remarquables, improvisées par elle en somnambulisme, m’affirmant, qu’à l’état de veille, elle ne montrait aucun penchant pour la poésie, et ne possédait aucune notion de prosodie.
Peu de temps après, j’ai pu constater par moi-même ce singulier phénomène sur M"° M...., la plus lucide de mes somnambules ; et comme je l’avais amenée à m’expliquer toutes les facultés dont elle jouissait en état de crise, voici l’explication qu’elle en a donnée.
Tout étrange que peut paraître cette explication , je n’hésite pas à la faire connaître , bien pénétré de
TOME IX. —Ri" 115. —10 AVRIL 18S0. 7
cette vérité, c’est qu’il est du devoir de tout magné-tislc de publier les faits qu’il observe, de quelque nature qu’ils soient, puisque ces faits, rattachés à d’autres , serviront d’utiles matériaux à la science mes-mérienne, qui n’est encore qu’oii son enfance; à cette science sublime appelée ii régénérer l’humanité eu l’arrachant aux langes où de vieilles croyances,' d’absurdes préjugés, de soties préventions, la tiennent enserrée depuis des siècles, grâce aux Académies de médecine et de théologie, grâce à l'imbroglio philosophique enseigné dans les collèges.
Avant de donner l’explication des facultés philonw-triques de quelques somnambules, je dois exposer succinctement la théorie psychologique de ma cri-siaque :
Les bêtes comme les hommes sont dirigés par des intelligences qu’on nomme âmes.
Les corps ne sont que des instruments; les âmes sont les musiciens.
Du polype jusqu’à Dieu, s’élève une série non interrompue d’intelligences : les unes unies à des corps, les autres immatérielles, sans corps : les esprits ou anges.
Le polype présente la plus inférieure des âmes unies à la matière, l’homme possède la plus élevée.
Au-dessus de l’homme se place la somnambule lucide, que l’on pourrait appeler le polype des intelligences supérieures immatérielles; car de même que le polype tient à la plante et ù l’animal, de même la cri9Îaque tient à l’humaine espèce et à l'ange.
L'ange tient aux hommes et à Dieu, qui est le foyer, la concentration , la réflexion de toutes les intelligences; toutes émanant de lui, toutes retournant à lui.
La chaîne qui unit le polype à Dieu n’est donc pas interrompue ; l’homme est le chaînon qui unit les
intelligences matérielles aux intelligences immatérielles.
Chaque être animé a une influence, une action sur un être inférieur ; nous connaissons l’influence d'un animal sur un autre : l’influence du chien de chasse sur la perdrix ; nous connaissons l'influence de l’homme sur les animaux; l’influence de l’homme sur l’homme : nous ignorons encore l’influence des esprits , des anges, sur l’homme et les animaux.
L’influence des esprits ou anges sur l'homme se révèle ostensiblement dans le somnambulisme lucide, soit naturel, soit artificiel.
Plus les âmes sont détachées de la matière, comme dan9le somnambulisme, l’extase, la catalepsie, etc., plus elles sont sensibles à l’action des esprits supé -rieur9 ; or, comme chaque esprit, chaque être ci-leste a ses vertus, ses facultés, ses harmonies, ils peuvent imprimer â l'âme de l’homme une partie des facultés dont ils jouissent, lorsque cette âme présente les conditions voulues.
L’esprit, le génie, l’aptitude , ne s’acquièrent que très-lentement et progressivement, par l’étude. L’étude fournit de» matériaux, Dieu seul fournit l’architecte.
Les âme9 nuiraient simples, et restent simples chez les animaux, parce que leur seule fin est de servir à l’harmonie de la nature et à la satisfaction des âmes supérieures; elles passent de corps à corps de même espèce, sans perfectibilité, aven cette faculté iunée qu’on nomme l'instinct.
Les âmes naissent d’abord simples chez l’homme; mais elles sont susceptibles de perfection, parce qu’elles ont une destinée céleste, et pour guide la raison.
Une âme simpli; qui n’est pas dirigée par un esprit supérieur ne peut devenir supérieure , et reste apte
aux travaux manuels, n'ayant qu’un mobile : la satisfaction des besoins physiques.
L'âme, à mesure qu’elle se perfectionne, entre en rapport plus direct, plus immédiat, avec les esprits , et gagne considérablement à ce rapport.
Les âmes sont de deux natures, masculines et féminines.
Elles passent successivement d'un corps dans un autre corps, jusqu’à ce qu'elles aient mérité d'ariver à l'immatérialité, et de faire partie du monde des esprits.
Une âme d'homme, ou masculine, peut passer dans un corps de femme, et vous avez les Jeanne d'Arc , les Jeanne Hachette, les George Sand.
Une âme de femme peut passer dans un corps d’homme, et vous avez ces hommes faméliques n’avant aucun des goûts, des penchants de leur sexe.
L’amour est l'attraction sympathique de deux âmes de nature différente.
Un homme peut aimer un autre homme, parce que son âme est attirée par une âme de femme.
Une femme peut aimer une autre femme, parce que l’une de ces deux femmes possède une âme d’homme.
La preuve que les âmes peuvent ré véler, dans une vie secondaire ou tertiaire, des connaissances acquises dans une vie et dans un corps antérieurs, se manifeste évidemment dans ces petits génies de cinq à dix ans, dans ces ouvriers qui, sans étude préalable, possèdent inspirativement des notions spéciales scientifiques. Mondeux, simple berger, se révèle à sept ans mathématicien distingué. Filippa jouait du violon admirablement, qu'à peine il savait marcher. Reboul, le boulanger de Nîmes, Gasnier, coiffeur, se réveillent poètes, etc., etc.
Bien opposée à J.-J. Rousseau, qui prétend que
l'inégalité (1rs esprits provient de la perfection plus ou moins grande des organes; que nos talents, nos vices, nos vertus, et par conséquent nos caractères, dépendent entièrement de notre organisation , et qui repousse les idées innées avec tant d’autres philosophes,
M"' M____admet queviceset vertus viennent de l’âme,
et que l’homme peut offrir non seulement des idées, mais des sciences innées.
Elle ne conteste pas la nécessité d’un cerveau bien organisé; mais le cerveau n’est qu’un instrument, et l’âme est l’artiste qui le met en jeu.
Lorsque les âmes se sont perfeclionnées, se sont épurées dans diverses migrations successives, comme elles sont immortelles, elles sont appelées à l’immatérialité : elles deviennent esprits ou anges à leur tour.
La transmigration des âmes est parfois si nombreuse à la même époque , elle est si générale, que les sciences, les beaux-arts semblent disparaître de la terre : voyez l’Egypte, la Grèce, l’Italie, l’Espagne. Des âmes nouvelles, des âmes simples viennent remplacer les anciennes, et recommencer ce qu’ont fait leurs devancières.
Si notre époque est remarquable par les découvertes, par les progrès dans toutes les sciences, c’est parce que le plus grand nombre des âmes sont à leur deuxième et troisième transmigration. Quand ces âmes passeront à l'immatérialité, la France subira le sort de l’Egypte, et retombera dans les ténèbres.
Yoilà très-succinctement les éléments de psychologie enseignés par une somnambule sans instruction, qui, à l’état de veille, élait loin de croire à la migration des âmes, puisqu’elle était très religieuse; encore moins â leur perfectibilité et à leurs rapports avec des esprits supérieurs.
Revenant à l’influence de ces esprits sur les âmes
tic? hommes, elle m’oxpliqua «nmmont elle était médicale, comment elle serait poète ci botaniste.
Comme tous les ô 1res humains, je suis composée de trois parties : d’un corps, d’une vie organique qui le fait vivre, d’une âme qui le dirige.
Comme toutes les âmes, celle qui est mienne, qui me fait dire : Je sens , je vois, je raisonne, est eu rapport avec un esprit (l’ange gardien de 1’Kvangile). C’est cet esprit qui encourage l’homme vertueux, qui présente à l’assassin l’ombre pâle cl menaçante de sa victime, la vengeance des hommes, et pour châtiment le bagne et l’éohafaud. Il n’est pas , quoi qu’on en dise , de criminel sans remords, ou si vous préférez, sans effroi; comme il n’est pas d’homme vertueux sans satisfaction intérieure. C’est grâce à cet esprit supérieur que certaines somnambules, certains extatiques peuvent annoncer des événements futurs.
Mon âme possède actuellement pour guide, lorsque par l’effet du magnétisme elle est séparée de la matière, un esprit dont les facultés sont spécialement médicales. Voilà ce qui vous explique pourquoi, -étant éveillée, je ne saurais distinguer une maladie, ni prescrire un moyen curatif, tandis que, en état de crise, je découvre les organes malades , et j’indique les moyens de les guérir.
Dans un mois je changerai de génie; mon âme entrera en rapport avec un nouveau guide supérieur au premier, puisqu’il joindra aux facultés médicales la faculté poétique. Je pourrai, grâce à lui, parler aussi facilement en vers qu’en prose*.
Je demandai comment, au jour indiqué, s’annoncerait celte mutation de génie.
Par un singulier phénomène, me répondit-elle; je
serai folle pendant deux jours, cl insensible à toute douleur physique.
— Pourquoi serez-vous folle et insensible?
— Parce que mon âme sera distraite du corps qu’elle dirige, pour être mise en rapport avec sou nouveau guide.
Au jour indiqué, la somnambule présenta en effet tous les symptômes de la folie; elle ne reconnaissait ni parents, ni amis; elle chantait, divaguait, voulait couper ses cheveux, se jeter par la fenêtre. J’essayai de la magnétiser, je fus sans action sur elle , ainsi qu'il arrivait lorsqu’elle montrait le phénomène de l’insensibilité.
Le troisième jour , cette folie avait disparu , et je la mis en somnambulisme.
« Yous voyez en moi la rivale d’Eugène dePradel; donnez-moi un sujet, et je vous improviserai autant de vers que vous désirerez. »
En effet, je fus émerveillé de l’extrême facilité avec laquelle elle improvisait. Ses vers étaient imagés, harmonieux, péchant à peine contre les règles de la prosodie.
Je regrette de n’avoir pas apporté avec moi dans l’exil ces improvisations que je me propose de vous communiquer plus tard.
Quelques mois après, Mllc M.... m’annonça qu’elle allait encore changer de génie, et présenter les mêmes phénomènes de folie. Le nouveau guide qui devait la conduire était botaniste ; en effet, après la transition, elle m’indiqua les propriétés de plus de cent végétaux , dont elle parvint, à défaut de noms scientifiques, à me faire reconnaître la nature, en m’enseignant leur forme et les lieux où je devais les trouver.
Je ne fais qu’ébaucher ici les étonnantes révélations de cette crisiaque, qui a été peur moi le plus beau
livre de; philosophie qu’il soit donné à un homme de parcourir.
J’ai retrouvé les mêmes facultés chez mon somnambule M. C... , brigadier des eaux-et-forets, avec les mêmes phénomènes d’insensibilité, avec la même intuition psychologique.
J’ai voulu seulement appeler l’attention des magné-tistes sur certains phénomènes qui les surprennent, et donner quelques explications sur les facultés médicales ctphilométru/ues constatées par plusieurs d’entre eux sur de nombreux somnambules.
Je me propose de développer plus longuement, dans un second article, cette singulière faculté de l’âme d’entrer en rapport avec des esprits supérieurs, rapports qui, pour moi, sont incontestables, et nous expliquent l’Êgérie de Numa Pompilius, la voix des prophètes, le démon familier de Socrate , le génie de nos grands hommes.
P. C. ORDINAIRE,
Docteur-médecin.
VARIÉTÉS.
Tribunaux. — Le tribunal correctionnel de Bou-logne-sur-Mcr vient d’entcndrc l’exposé de faits qui ont vivement ému la population de celte ville. Yoici ce dont il s’agissait. :
UN PROPHÈTE. — EXERCICE ILLÉGAL DE LA MÉDECINE.
Audience du 27 mars.
Plût au ciel que tous ceux qui croient à la diffusion des lumières eussent assisté aux débats de cette audience, ils auraient vu combien il est facile de tromper la masse du public par de misérables jongleries ! Chose étrange ! beaucoup de gens ont secoué le joug salutaire delà foi religieuse, qui croient avec une confiance aveugle le premier charlatan venu qui sait frapper leur imagination par le merveilleux. Il faut bien le reconnaître, le cœur de l’homme a besoin de croyances, et, si vous détruisez sa foi, il tombe dans la superstition.
Une prévention d’usurpation de la qualité de médecin, d’exercice illégal de l’art de guérir, d’escroquerie, d’avoir fait métier de deviner et de pronostiquer, amène le nommé Riéder sur les bancs de la police correctionnelle.
Riéder est Allemand, né à Munich. Il donnait des leçons de langue ; mais, comme il mourait de faim à ce métier, il s’avisa de se faire médecin; médecin, non d’après les principes de la science médicale, mais d’après des pratiques mystiques à l’aide desquelles il
promettait de guérir tous les maux de l'humanité. Il s’entoure de mystère, commence par donner ses soins gratuitement ; puis il demande un peu d’argent, en donne quelquefois aux plus pauvres, et sait si bien inspirer la confiance, qu’il n’esl bruit dans l’arrondissement que du célèbre médecin qui guérit tous les maux, et que le vulgaire a surnommé Guêril-Tout. On vient le consulter même de Saint-Omer, et Dieu sait où se seraient arrêtés les succès du charlatan, si le ministère public n’était venu en interrompre le cours !
Cette affaire excite la curiosité publique au plus haut degré. Aussi, longtemps avant l’ouverture de l’audience, une foule considérable envahit les abords de la maison qui sert de palais de justice provisoire, et en un instant l’étroite salle où se tiennent les audiences est comble.
Le prévenu ne peut pénétrer qu’avec beaucoup de peine dans le prétoire. C’est un homme de petite taille ; il porte les cheveux longs ; une barbe épaisse ombrage sa figure : de temps en temps il lève les yeux au ciel pour se donner l’air inspiré. Il tient â la main une grosse Bible, qu’il paraît lire avec attention. Il exhale une odeur d’ail et d’ognon peu agréable pour les odorats délicats.
Il parait que ces deux légumes composent le remède favori qu’il prescrit à ses malades. C’est sa panacée universelle. Il est fort modestement vêtu et paraît blessé d’un pied. L’auditoire s’étonne que Guéril-Tout n’ait pas su se débarrasser de cette petite infirmité.
Après lecture de l'ordonnance de la chambre du conseil, qui renvoie le prévenu devant le tribunal, on procède à l’audition des témoins.
Le sieur Paillet, gendarme, a été chargé par süb
chefs d’aller interroger Riéder el de prendre des renseignements sur les faits. Riéder lui a dit qu’il n’était pas médecin, mais qu’il traitait les malades par l’hygiène magnétique. Il dit avoir appris cette science en Allemagne. Il a su , de plusieurs personnes qui l’avaient consulté, que Riéder leur avait prescrit de manger de l'ail et de l’oignon. L’une de ces personnes avait une plaie à la jambe, il la lave et lui ordonne de manger de l’ail et de l’oignon, comme moyen curatif des plus efficaces, en y ajoutant de l’eau et l’abstention de tabac à fumer. La population d’Outreau, village qu’il habite, l’a surnommé Guéril-Tout. Certaines personnes ont une foi si aveugle dans son mérite, qu’elles ont affirmé au témoin qu’il serait capable de redresser un bossu.
Ferdinand-Hippolyte François, jardinier à Outreau. Ce témoin avait une petite fille malade, condamnée par les médecins ; il entend vanter la science merveilleuse de Riéder, et le prie de visiter son enfant. Riéder vient; il examine la petite fille, fait au-dessus d’elle des gestes exlriiordinaires, et lui souffle sur le front. Il prescrit un bain et la lave avec du savon; ensuite il lui coupe les cheveux avec des ciseaux et la rase, puis il lui frotte la tête avec un jaune d’œuf mêlé de farine. Cette opération terminée, il prend l’enfant nue dans ses bras et l’emporte dans la rue ; de temps en temps, il la jetait en l’air et la recevait dans ses bras. Ceci se passait le 16 mars dernier. Au bont de quelques instants, il rentre dans la maison; il couche l’enfant dans son lit, il magnétise un verre d’eau qu’il prescrit pour boisson à la petite malade, et se retire. Le père veille jusqu’à trois heures du matin et se couche. L’enfant paraissait mieux; le lendemain matin , elle était plus mal, et à trois heures de l’après-midi, elle expirait.
Le témoin avait vainement prié lliédor de revenir.
Après la mort de l’enfant, il retourne chez lui; ce dernier promet de revenir après qu’un médecin aura constaté cette mort.
M. Mathor, chirurgien à Outreau, s’étant assuré du décès, Riéder revient auprès de l’enfant; il fait mettre tout le monde à genoux, et commence à frotter le cadavre, puis il demande à l’emporter chez lui, où il veut le soumettre à l’examen de la somnambule. Le père y consent et suit Riéder ; mais ce dernier lui ferme la porte au nez, et garde le corps de l’enfant jusqu’au lendemain en promettant de le ressusciter.
A midi, il déclare au père que quelque chose a manqué, et que la résurrection n’a pu avoir lieu. 11 remet le corps de l’enfant à son père. Le cadavre portait des traces de lésion légère.
M. le président invite Riéder à s’expliquer sur cette déposition.
Riéder dit qu’il a essayé de guérir l’enfant par l’hygiène et le magnétisme, parce que tous le médecins l’avaient abandonnée.
M. le président fait observer que l’hygiène est bonne pour les personnes en santé, mais ne peut avoir la vertu de ressusciter les morts.
Riéder reconnaît l’exactitude des faits dont a déposé le témoin ; tout ce qu’il a fait était pour guérir. Quand il a demandé le corps de l’enfant, il le considérait comme mort, mais il espérait le rappeler à la vie par des passes magnétiques, la puissance divine étant infinie.
Pochet, marin, âgé de vingt-trois ans. La déposition de ce témoin, qui a duré plus de trois quarts d’heure , faite avec une certaine naïveté malicieuse, a excité plus d’une fois les rires de l'auditoire.
« Je tombe du haut mal, dit-il; ma mère me conduisit consulter Guérit-Tout. 11 m’a conseillé de ne manger que de l’ail et de l’oignon pendant quinze jours, sans pain, sans boire même de l’eau ; de prendre un bain de pieds tous les jours, et trois grands bains, de vivre en état de continence, promettant qu’au bout de ce temps je serais guéri.
« Ce régime alimentaire ne m’allant pas du tout, je revins, au bout de deux jours, le consulter; mais il y avait tant de monde, que je ne pus lui parler. J’avais des soupçons sur le peu d’efficacité du remède, et je dis à un voisin qui attendait avec moi : Je crois qu’une prière à Dieu vaudrait mieux que tout cela.
« Dans la salle où j’étais, il y avait un tronc pour les pauvres.
« A l’excitation de ma mère et de mes sœurs qui m’engageaient à avoir confiance, je suis retourné une troisième fois voir Guérit-Tout. Il me gronda sur ce que je n’avais pas suivi son régime d’ail et d’oignon, et réduisit la prescription à huit jours. Je pris à part moi la résolution de la suivre pendant deux jours, par esprit de pénitence.
« Mes parents me firent retourner une quatrième fois auprès du médecin. Quand j’arrivai en face de sa barrière, un individu lisait une affiche dans laquelle on parlait de somnambule, et la colla contre la barrière ; puis il ajouta : « Celui qui voudra parler au « médecin, donnera 10 fr. » Je n’avais pas cette somme ; j’allai l’emprunter. Je revins ; on m’introduisit dans une chambre où se trouvaient deux femmes, l’une couchée et l’autre assise; celle couchée me dit : « Qu’avez-vous? « Je lui contai mon mal; elle me prescrivit de la soupe à l’oseille pendant huit jours, de l’oignon, de l’ail, et me conseilla de m’abstenir de tabac, ajoutant : « Si vous voulez être bien sage, vous
« sert/, guéri. » La soupe à l'oseille me plaisait assez, car je l’aime.
« Je suis descendu dans une autre salle où le médecin est venu; il a fait des signes de croix et distribué des petits morceaux de papier blanc en disant : h Ayez bonne confiance. » 11 m’a demandé les 10 fr., que je lui ai donnés en lui disant que je les avais empruntés.
« Ceci se passait en présence de plusieurs personnes; quand nous fûmes sortis, je dis au domestique que j’avais payé 10 fr. pour parler en secret au médecin , et que je voulais avoir cet entretien. On me fit entrer dans une pièce où il vint, me fit asseoir et m’olTrit une prise de tabac. Je lui objectai la recommandation de la somnambule, il me dit que la défense ne s’appliquait qu’au tabac à fumer.
« Il me conseilla d’être continent, en des termes si grossiers, que je n’oserais les répéter ; il me dit de ne pas boire plus d’une bouteille à la fois, puis il prit une feuille de papier blanc, la coupa en morceaux, m’en donna un en me recommandant de le conserver et de le révérer comme une hostie, et d’y avoir autant de confiance.
« Je lui demandai si je pouvais retourner à la mer, il me dit que oui.
« En sortant, j’aij été par terre son morceau de papier ; je ne suis pas guéri du tout, car depuis lors j’ai éprouvé trois attaques. »
Riéder, appelé à s’expliquer, prétend que, si le témoin n’est pas guéri, c’est parce qu’il n’a pas suivi sa prescription.
11 reconnaît avoir dicté l’affiche, avoir prescrit l’ail et l’oignon pour faire retrouver les forces électriques perdues.
11 ne sait pas s’il a reçu les 10 fr., mais il avoue
avoir reçu plusieurs lois loir, cl 20 fr. ; il a demandé 100 fr. pour une consultation, mois ne les a pas reçus.
Le morceau de papier blanc avait été magnétisé par lui ; il avait recommandé au témoin d’en manger un petit morceau avec ses aliments.
M. le président demande au prévenu s’il n’a pis suivi un traitement dans une maison de santé; ce dernier en convient; mais il prétend que c’était lui qui prescrivait son traitement lui-même : il était tombé malade à la suite de pertes cruelles.
La maison dans laquelle a été renfermé Riéder est une maison d’aliénés.
M. Boulanger, professeur de français, a été consulter le prévenu On l’a introduit dans sa maison. Sur la porte d’une chambre on lisait : 011 paie 3o fr.; sur celle d’une autre chambre, 5o fr. Dans la première chambre était étendue sur une chaise la somnambule. Il la vit donner i fr. 5o c. à une pauvre femme, en lui disant : « C’est pour acheter des médicaments. » La somnambule lui prescrivit de manger de l’oignon cru avec du poivre et du sel, et trois grands bains par jour. Riéder est survenu, et comme il lui déclarait n’avoir point d’argent, il lui répondit: « Vous paierez une autre fois. »
La femme Desrouard est venue la consulter pour sa fille; on l’a mise en rapport avec la somnambule, qui a prescrit de l’ail et de l’oignon : elle a payé 5 fr.
Marié, marchand de volailles, a conduit au prévenu sa sœur, qui est muette. Il l’a présentée à la somnambule, qui lui a ordonné de manger de l’ail et de l’oignon. Lors d’une seconde visite, Riéder lui a remis un morceau de papier blanc magnétisé. 11 a demandé 10 fr., qui ont été payés. Inutile de dire que le mutisme continue.
Victoire Mcrlot, femme Pichou. C’est la somnambule du prévenu. Elle était venue le consulter pour des maux d’estomac. 11 lui a fait manger de l’ail et de l’oignon. Elle se trouve mieux. Riéder l’a endormie; quand elle se réveille, elle ne se rappelle pas de ce qu’elle a dit pendant son sommeil magnétique.
Le témoin Boulanger, rappelé, prétend que la somnambule a fait courir après lui pour lui défendre de fumer.
Pichon, c’est le mari de la somnambule; il est chauve et paraît très-chétif. C’est une espèce de crétin. Le témoin était au service du prévenu; il gardait sa porte et recevait l’argent. Son maître traitait toutes sortes de maladies avec de l’ail, des oignons, de l’eau et du sel. C’était, disait-il, le système égyptien. Il a reçu un premier jour, 3o fr., le second a5 fr. Il exigeait 10 fr. pour laisser parler à son maître. Il croit que sa femme dormait réellement quand elle était en état de somnambulisme. Riéder avait promis de payer sa femme chaque fois qu’elle lui servirait de somnambule.
«J’ai eu confiance dans Riéder, dit le témoin, parce qu’il n’était pas médecin; car c’est un médecin qui m’a réduit à l’état de santé dans lequel je suis. Ma femme et moi mangions de l’ail et de l’oignon, et Riéder nous lisait la Bible tous les jours. »
Après l’audition de ces témoins, M. le président interroge le prévenu, qui déclare se nommer Maximi-licn-Joseph Biéder, hé à Munich, magnétiseur.
M. le président. Êtes-vous marié?
le prévenu. Oui, avec le ciel.
D. Êtes-vous marié réellement? — R. J’ai été ma-iié avec une Française, j’en ai eu deux enfants. Ma femme m’a abandonné; je crois qu’elle est morte,
d'après la somnambule et la science. J’ai perdu mes enfants.
Marié avec le ciel, cela veut dire qu’il ne fréquentera plus d’autre femme, à moins qu’il n’obtienne le divorce ou la preuve de la mort de sa femme. Il dit qu’il n’a pas pris la qualité de médecin ni exercé la médecine; mais il a pratiqué le magnétisme. Le magnétisme, c’est l’influence céleste que l’homme peut obtenir quand il se conduit bien. C’est la science des prophètes et des apôtres.
Ses moyens curatifs sont bien simples ; ils consistent dans des conseils de sagesse; il défend de fumer, de manger trop; il dit aux malpropres, lavez-vous; aux paresseux, marchez. S’il voyait une jambe malade , il la lavait ; il prescrivait toujours l’ail et l’oignon , parce qu’ils sont électrofores. Les Egyptiens qui ont bâti les pyramides ne mangeaient pas autre chose ; il ajoutait des citrons, du chocolat à la vanille, du café au lait ou à la chicorée, des harengs pecqs ou salés. Quand une cheminée est trop pleine de suie , il faut la nettoyer; de même pour le gosier. Pour que les médicaments puissent agir, il faut balayer les membranes muqueuses : les harengs produisent cet effet. S’il a demandé de l’argent, c’est pour se débarrasser des importuns. Il n’a plus aucun moyen d’existence; il a donné aux pauvres tout ce qu'il possédait ; il n’a fait le métier ni de devin ni de pronostiqueur ; il se bornait à dire : « Sois juste, et tu seras heureux. » C’est la maxime de J.-J. Rousseau et des sages de l'antiquité.
Il demande à faire entendre comme témoins les personnes qu’il a guéries.
L’audience est levée, et continuée à huitaine pour les plaidoiries.
Un grand nombre de curieux n'ont cessé de station-
ner à la porte du tribunal pendant la durée des débats, et le prévenu, en sortant, reçoit de plusieurs spectateurs des marques de respect et de confiance aveugle.
Audiences des 5 et 4 avril.
Nous avons rendu compte dans notre numéro du ji mars de la première audience consacrée par le tribunal à l’examen de cette affaire. Nous donnons aujourd’hui la suite de ces singuliers débats.
Au dehors et au dedans de la salle d’audience, même aüluence que lors de la première audience.
On remarque dans le prétoire plusieurs médecins.
A l’appel de la cause, le ministère public produit de nouveaux témoins à l’appui de la prévention.
Le D' Gros est appelé pour s’expliquer sur les effets du magnétisme que le prévenu préteud exercer. Ce témoin ne croit pas à la lucidité du somnambule; il émet l’opinion que les actes auxquels se livrait Riéder constituent l’art de guérir.
Madeleine Pochet, étant malade, consulte Guérit-Tout, qui lui ordonne de jeûner pendant neuf jours, lui promettant qu’au bout de ce temps le Saint-Esprît descendrait, par un jour de soleil, et la guérirait.
La femme Pochet, sœur de la précédente, a été appelée pour rechercher l’enfant que Riéder voulait ressusciter ; la femme Pichon lui a dit qu’elle avait passé la nuit dans le feu pour aller chercher l’enfant au ciel; mais que l’autre somnambule avait manqué de faire une prière, ce qui avait empêché la résurrection. Pour arriver jusqu’à l’enfant, qu’elle avait vu les mains jointes auprès du bon Dieu, elle avait traversé le feu et les flammes j elle avait eu bien du mal cette nuit-la.
La femme Pichon nie ces propos.
M. Augustin Ancel va trouver Riéder, lequel, sans s’informer de sa maladie, lui prescrit de manger de l’ail, de l’oignon, des harengs saurs, des œufs crus, le tout sans pain ; un bain de trois heures par jour et des citrons à volonté. Il lui ordonna en outre, de boire une pinte d'urine de vache mêlée à une pinte de lait, et de s’appliquer sur la poitrine un cataplasme de bouse de vache; il ne lui a pas demandé d’argent. Le prévenu a suivi ce traitement pendant huit jours, et ne s’en est pas mieux trouvé.
Riéder reconnaît l’exactitude de la déposition ; s’il n’a pas interrogé le témoin sur son mal, c’est parce qu’il a une telle expérience des maladies, qu’il les découvre à une première inspection.
La femme Flahaut. Le témoin s’avance avec peine , en se soutenant sur des béquilles. Le président lui permet de s’asseoir. « J’ai eu la sottise d’aller consulter Guérit-Tout, dit-elle, et il m’a crucifiée. Vous ordonneriez de le tirer à quatre bidets, que vous ne lui rendriez pas tout le mal qu’il m’a fait. Il m’a tiré les membres ; il m’a traînée par les cheveux autour d’une table; il m’a fait sauter en l’air, il m’a tortillé les genoux; il m’a tant martyrisée, que j’en ai craché le sang pendant toute la nuit, il m’a prescrit de manger du papier magnétisé, de l’ail, de l’oignon, et de m’appliquer sur l’estomac un cataplasme de fiente de vache. Il m’avait demandé de l’argent; mais comme je n’avais que 10 fr. sur moi, il les a pris, et exigeait un billet que je n’ai pas voulu signer. Riéder avait commcucé par jeter au feu et brûler une de mes béquilles, en me disant que je devais en éprouver un grand soulagement. Je suis plus souffrante qu’auparavant,
Riéder ne nie pas les faits dont a déposé le témoin.
Celaient tics exercices gymuastiques qu'il employait pour lui rendre l’usage de ses membres; il ne l’a pas tirée, mais soutenue par les cheveux; il en a reçu jo fr. pour une séance magnétique; il ne lui a pas demandé d’argent; mais il lui a dit : « Comme Dieu est bon, il veut qu’on fasse l’aumône; donnez dans votre quartier, ou plutôt à moi, qui vois beaucoup
de pauvres. »
Le maréchal-des-logis de gendarmerie, chargé par ses chefs de prendre de nouveaux renseignements sur les faits imputés à Riéder, raconte ce qui suit :
Gobert, maréchal ferrant, avait mal à la jambe, la somnambule lui ordonna de manger de l’ail et de l’oignon.
Riéder conseille à Achille Fontaine, âgé de quatre-vingts-ans, de jeûner pendant trois jours, de prendre chaque jour un bain pendant trois heures, et de lui envoyer des cheveux dans du papier blanc. Heureusement le vieillard n’a pas suivi l’ordonnance.
A une vieille femme, la veuve Dagoubert, il lui conseille l’ail et l’oignon, puis de se rafraîchir les cheveux et de les jeter au feu.
Riéder a voulu montrer au gendarme les effets du magnétisme : il a endormi en sa présence la femme Fourier, l’une de ses somnambules; mais le gendarme ayant fait remarquer qu’elle ouvrait les yeux et regardait en l’air, Riéder lui a dit qu’elle regardait les anges passer. Riéder lui a dit quil avait chez lui une jeune fille qu’il avait magnétisée à l’insu de ses parents; qu’il était possible qu’elle en mourût, mais qu’il la ressusciterait.
A ce sujet, le prévenu dit que l’on peut ressusciter par le magnétisme ; que saint Paul le croyait.
Fourier, scieur de long à Lapécure, mari de l’une des somnambules du prévenu : Ma femme déjà avait
mal à un bras; elle a consulté Guérit-Tout; son bras est mieux; il l’a endormie par le magnétisme.
Je suis allé le voir, il m’a fait souper avec lui. Après le souper, il aendormi la femme Pichon et ma femme, puis il s’écria : « Je vois notre Créateur et les deux anges. » 11 me fit mettre à genoux et dire des prières , puis il jeta au feu tout ce qui restait du souper, ainsi que des allumettes chimiques , en lisant : C’est pour mes malades. Il alluma huit chandelles; de temps en temps il en jetait une au feu, en répétant : C’est pour mes malades. 11 coupa du papier blanc, posa les morceaux sur la table, et mit les bouchons de carafe dessus. Lors d’une seconde soirée, il renouvela les mêmes cérémonies ; mais je lui dis de réveiller ma femme, et je l’emmenai chez moi. Le bras de ma femme est mieux, mais l’ensemble de sa santé est plus mauvais.
Riéder, interpellé par M. le président, ne nie pas les faits, et déclare que dans l’état magnétique on peut voir Dieu et les anges.
Ces dépositions terminées, on entend les quinze témoins à décharge cités par Riéder.
M. Mulhory, officier de santé. Le prévenu lui a vanté beaucoup les effets du magnétisme; il lui a fait voir une personne endormie qu’il prétendait dormir du sommeil magnétique; mais ne l’ayant pas vu endormir, il ignore si le fait est vrai.
M. Vandrival,-prêtre, ne sait rien des faits; mais le prévenu dit l’avoir fait appeler, parce qu’il passait pour très-savant, et afin qu’il fût présent aux débats dans le cas où on y traiterait une question de théologie.
M. Cazin , médecin. Le prévenu s’était introduit comme magnétiseur chez un de mes malades de la campagne ; il a voulu magnétiser en ma présence le
maître do la maison cl sa fille, mais il n’a pu y parvenir. Après avoir attendu patiemment pendant deux heures, je lui ai dit : Comme je suis un mécréant, j’apporte peut-être de l’obstacle au fluide magnétique, je m’en vas. Demain vous me ferez connaître les résultats que vous aurez obtenus. Le lendemain, Riéder est venu me raconter qu’il avait produit des effets admirables : « I.a demoiselle a dormi pendant cinq heures. — Est elle lucide? lui demandai-je. — Non, pas cette fois; car je lui avais donné trop de fluide; mais une autre fois elle le sera. » Je vins visiter la demoiselle, qui me soutint n’avoir pas dormi, ni aucune autre personne de la maison.
A quelques jours de là , je retournai chez ma malade. Riéder, qui s’y trouvait encore, lut bien forcé de reconnaître qu’il n’avait pu réussir à la magnétiser; mais il ajouta que c était par l’effet de la constellation, et que le temps n’était pas favorable. Je me suis dit alors : C’est un charlatan ou un cerveau fêlé. Je penche pour la seconde hypothèse, parce qu’il m’a parlé d’astrologie judiciaire , de religion : je crois qu’une case lui manque au cerveau.
Riéder interpelle le témoin s’il n’a pas eu avec lui une conversation sur la cranioscopie et l’astrologie médicale, et s’il n’a pas fait leloge de sa science.
M. Bousquet, rédacteur du National boulonnais, a connu Riéder lorsqu’il était maître de langues, et l’a trouvé très-savant. Depuis qu’il s’est adonné au magnétisme, il l’a eu dans son salon à une soirée. Le prévenu a endormi une jeune personne qui est arrivée à l’état lucide, et dans cet état a dit des choses qui ont étonné tous les assistants.
Le Dr Jardou croit aux vertus du magnétisme. Le magnétisme peut calmer les douleurs de nerfs, l’hystérie, etc. 11 croit que le magnétiseur peut transmettre
au magnétisé sa pensée, lui imposer sa volonté. Il cite des exemples do lucidité extraordinaire. Mais il croit que Riéder ne peut être considéré comme exerçant l’art de guérir, car il ne fait point de prescriptions pharmaceutiques.-
Le témoin cite un malade de Riéder, auquel celui-ei avait ordonné de manger des sardines jusqu’à satiété, et de boire vingt-quatre verres d’eau par jour.
Magnier : Riéder a endormi sa femme, qui était malade, mais d’un sommeil très-léger.
Fourcroy est venu consulter Riéder, qui l’a pris à son service, et nourri d’ail, d’oignon, etc. 11 a entendu dire à la femme Fourier, pendant son sommeil magnétique, qu’elle voyait le ciel.
Douchet, tailleur, était enrhumé, sa femme avait une maladie intérieure, et son enfant une petite fièvre ; Riéder les a guéris tous les trois par les mêmes remèdes : une bouillie composée de papier, d’une pomme de terre, d’ail et d’oignon. On appliquait le marc sur les parties malades. Une soupe de foie de vache avec légume, ail et oignon. Application du fond de soupe sur les parties malades, avec du papier brouillard, des oranges, des gousses d’ail et des pistaches. Au bout de douze jours de ce traitement, il a prescrit de mettre du papier magnétisé dans leur café et sur leurs tartines; ils continuent ce remède, et ils se trouvent mieux.
Béthune a été guéri par un verre de vin magnétisé que lui a fait prendre Riéder.
Tripier, fils de la propriétaire du château d’Ou-treau, où s’est installé Riéder, dépose que le prévenu paie 5,ooo fr. de loyer j qu’il a quatre personnes à son service , dont une cuisinière à 5o fr. par mois, et un concierge à i fr. 5o c. par jour.
M. le président demande au prévenu à l’aide de
quels moyens il comptait remplir ses engagements , puisqu’il a déclaré ne rien posséder. Celui-ci répond que des personnes qui voient le bon usage qu’il fait de l’argent lui en ont prêté; qu’il l’aurait payé avec le produit de ses leçons de langues; mais que le public l’a rendu médecin malgré lui. H aurait reçu de l’argent pour magnétiser (il croit en avoir le droit), et il l’aurait donné au peuple.
D’autres témoins déclarent qu’ils ont consulté le prévenu, et qu’ils se trouvent bien des prescriptions qu’il leur a faites.
Les femmes Pichon et Fourier, qui avaient paru comme témoins à la première audience, sont poursuivies comme complices de l’escroquerie «le Riéder.
La femme Pichon persiste à soutenir qu’elle ne se rappelle en rien de ce qu’elle a dit et fait pendant le sommeil magnétique, et ne sait si elle a rappelé le témoin Boulanger pour lui défendre de fumer.
A ce sujet, Riéder prétend qu’il a magnétisé tous les objets de sa maison, et disposé sa chambre magnétiquement; il laisse sur la somnambule son influence magnétique.
La femme Fourier convient avoir dormi pour elle et les malades de Riéder, mais ne pas se souvenir non plus de ce qu’elle a dit et fait en dormant.
Après cet interrogatoire, la cause est continuée au lendemain.
A l’audience du 4 avril, Riéder présente lui-même sa défense. Il prétend qu’il a été médecin malgré lui. Des flots de malades incurables sont venus le consulter. Vainement il leur disait qu’il n’était pas médecin, mais qu’il traitait par le magnétisme et l’hygiène. Dans le courant de mars, il a eu plus de trois mille malades, et en a guéri cinq cents. Le papier qu il magnétise a une vertu surnaturelle. Toute somnambule à laquelle
011 l'adresserait le conserverait avec respect. Le malade en est soulagé. Il a bien le. droit de se faire payer son papier magnétisé. A Paris, le magnétisme, est pratiqué publiquement sans être troublé. 11 a fait de profondes études médicales; il enseignait à Paris la physique, la chimie, etc. 11 a brûlé les diplômes qu’il avait.
Après des divagations qui ont duré pendant plus d’une heure, Riéder prétend qu’il est un génie incompris, comme Christophe Colomb, comme saint Paul, etc. ; mais que le magnétisme finira par triompher, et rendre de grands services à l’humanité.
Me Ballin, avocat de Riéder, prend ensuite la parole, et soutient que les faits imputés à son client ne constituent ni l’exercice de l’art de guérir ni l’escroquerie, ni l’art du devin. Il ajoute que le magnétisme est admis dans la science, que le tort de Riéder est peut-être de trop croire à ses vertus; mais qu’il est de la meilleure foi du monde, et mérite d’ailleurs intérêt pour ses bons antécédents.
M. Cuelly, procureur de la République, établit la prévention tant à l’égard de Riéder, qu’à l’égard des femmes Pichon et Fourier; toutefois il se demande si le prévenu est parfaitement sain d’esprit, et il laisse l’appréciation de ce point à la sagesse du tribunal. Il conclut contre les trois prévenus à l’application des peines portées par la loi.
La cause est continuée à mercredi prochain pour la prononciation du jugement.
(Gazette des tribunaux.)
Fête de Mesmer. — La lettre suivante vient d'être adressée aux convive s des prérédents banquets mesmériens et aux personnes connues pour s’occuper de magnetisme.
Monsieur .
Nous avons été chargés, à l'issue du dernier Ilanquel commémoratif de la naissance de Mesmer, d’organiser la cinquième célébration de cette fête , qui aura lieu le 23 mai prochain.
Pensant qu’il vous sera agréable de faire partie d’une réunion qui a pour but la glorification de l'homme à qui l'on doit la connaissance du magnétisme, nous venons vous faire connaître les dispositions prises pour celte solennité.
1» M. du Polet présidera l’assemblée, comme les années précédenles. 2" Tous les membres du Jury magnétique porterout leur médaille.
5° Le prix de la souscription est fixé il 6 fr. par personne.
4° Les dames sont admises au môme titre que les messieurs.
5® L’heure et le lieu de la réunion seront indiqués sur la carie d’entrée.
6U Les discours, toasts, etc., devront être communiqués a M. le président du Banquet, qui peut seul en autoriser la lecture.
7° La distribution des médailles décernées par lu Jury magnétique sera faite devant toute l’assemblée, immédiatement après le repas, et par les soins du Conseil d’administration de cette institution.
8° Les souscriptions sont reçues aux bureaux du Journal du Magnétisme, rue Neuve-des-Petits-Champs, 20, de midi à 5 heures, jusqu’au 22 mai inclusivement.
9° Nul ne sera admis â souscrire, s’il n’est porteur de la présente
ettre d’invitation.
Les personnes non pourvues d’invitation, et désirant assister à celle fête, devront s'adresser personnellement, ou se faire présenter par un des souscripteurs, & l’un des commissaires soussignés.
Si deux cents personnes étaient inscrites avant le jour fixé pour la clôture de la souscription, la liste sera close à ce nombre, à cause des dimensions du local arrêlé.
H" Les membres du Comité du Jury magnétique rempliront les fonctions de commissaires en cas de besoin.
Tel est, Monsieur, l’ensemble des mesures qui nous ont paru propres
à donner à celle cérémonie l'éclat que comporte son importance. Nous vous prions d’un faire part à tous les partisans du magnétisme qui nous seraicnl inconnus, ou que nous n'aurions pu convier.
Veuille/, agréer, Monsieur, l'assurance de notre vive sympathie,
Les Commissaires organisateurs, FAUCHAT. Th. COSSON. IIÉBEKT (de Camay.)
Clairvoyance. — Nous extrayons d’une lettre de notre correspondant de la Nouvelle-Orléans le passage qui suit, relatant un cas de vision transatlantique :
« M. Léaumont magnétisait dernièrement deux jeunes filles ; l’une en élait à sa deuxième séance seulement, lorsque, le 12 janvier, somnambulisées en présence l’une de l’autre, elles furent questionnées sur un navire impatiemment attendu du Hâvre par une de leurs amies, dont il apportait le costume pour son prochain mariage. Elles assurèrent le voir, sous toutes voiles, faisant bonne route; et on ne trouva point extraordinaire qu’elles épelassent le nom Sta-tesman, puisqu’elles le savaient d’avance, mais qu’elles disaient le lire sur la poupe.
« L’une d’elles dit :
« Il n’arrivera que de demain en dix jours.
« — C’est-à-dire le a3, dit le magnétiseur.
« — Oui, reprit-elle, le a3.
« — Qu’en pensez-vous? demanda-t-il à l’autre.
« — Amélie se trompe, répondit celle-ci ; il ne sera ici que le a5.
« Et de là grande discussion entre elles , avec accompagnement de supputations et d’indications du doigt, que les assistants ne pouvaient suivre ; mais ce fut en vain : aucune ne voulut céder.
« Je n’étais point présent à la séance, mais M. Léau-
mont mo donnait ces détails le lendemain ir>. Savez-vous ce qui arriva? Le janvier le télégraphe signalait l’entrée du navire Slatcsman dans le lluuve (dont l’embouchure est à trente-quatre lieues de la ville) ; niais ce bâtiment n’arriva au quai que le «5 vers midi. Elles avaient dit vrai toutes les deux. »
Prédiction. — Le National du 8 avril contient ce qui suit :
Malgré l’état de siège, il s’est formé ici une secte de partisans de Swedenborg, qui tient séance tous les dimanches au milieu d’une immense allluence de peuple; elle a pour chef un ancien agent du gouvernement. Des prophètes ont reparu, ce qui prouve l’exaltation croissante des esprits. Les prophéties de Zohannes produisent une grande impression sur les classes inférieures.
C’est un jeune médecin nommé Jean Kock; dans son premier cahier, il avait prédit avec la plus grande exactitude les événements de mai et d’octobre.
Il prédit de nouvelles et sanglantes catastrophes à la ville de Vienne; on le croit d’autant plus volontiers, que ces prédications sont plus effrayantes. Trois individus sont devenus fous par l’effet d’idées fixes politiques et religieuses.
Tout cela fait voir qu’il y a chez le peuple une exaltation voisine du délire.
(Gazette de Voos.)
Chronique. — Deux des représentants dernièrement élus à Paris, MM. de Flotte et Vidai, sont magnétistes; M. Esquiros, élu dans le département de Saône-et-Loire, est aussi partisan du magnétisme.
Le Gérant .- HÉBERT (de Garnay).
THÉORIES.
PHILOSOPHIE MÉDICO-MAGNÉTIQUE.
CHAPITRE III.
De la Médecine magnétique.
(Suite.)
Réponse aux objections de M. le Docteur Ordinaire Très-honoré confrère,
L’article qui vous a suggéré les objections que vous me faites l’honneur de m’adresser, était bien insuffisant pour vous donner une juste appréciation de mes convictions en matière de m;gnéti-me et de somnambulisme. Cette légère ébauche n’est qu’une introduction à l’étude de la médecine magnétique. Je suis trop heureux, du reste, qu’elle m’ait procuré l’avantage d’une polémique qui, tout en profilant à la cause que nous défendons tous deux, me servira, je l’espère, à diriger mon inexpérience, en me faisant éviter les nombreux écueils qui se présentent à chaque pas sur une route que je parcours encore en aveugle. Lorsque j’aurai traité successivement la médecine somnambulique et la médecine spiritualiste, j’ai l’espoir que nous ne serons pas éloignés de nous entendre, malgré la dissidence d’opinion qui paraît exister aujourd’hui entre nous au sujet du fluide magnétique.
Quant à la présence de cet agent dans les corps, vos somnambules sont unanimes pour l’admettre; suivant eux, c’est « une flamme qui semble s’é-« chapper de vos doigts, de votre chapeau ; une « émanation vitale, animale, appartenant à tous les tome iv. — Hf" 11C. — 2'J Avmr I8K0. *
« êtres animés; » ils lui contestent seulement toute influence sur la détermination de leurs crises.
Je n’ai jamais affirmé, je pense, que le lluide magnétique fût toujours indispensable pour produire le somnambulisme ; je suis même disposé à croire que certains phénomènes somnambuliques, tels que l’extase, la communication de pensées, la prévision, etc., sont susceptibles de s'affranchir momentanément du domaine des émanations fluidiques. Il peut y avoir des circonstances où la volonté du magnétiseur agira directement sur l’âme du magnétisé; mais il sera difficile, pour ne pas dire impossible, de constater cette corrélation, sans l’assujétir aux influences d’un agent intermédiaire. Quelle que soit d ailleurs la cause qui provoque l’expansion animique, il n’y a pas de motif, dans l’état incertain de nos connaissances, d’affirmer ou de nier la correspondance directe de deux âmes entre elles; cependant il faut convenir que, dans la majorité des cas, le somnambulisme n’est qu’une crise résultant d’une magnétisation ou de toute auLre modification du système nerveux, soit sous l’empire d’une imagination ardente ou d’une maladie.
« Généralement, dit Chardel ( i ), les malades habitués au somnambulisme magnétique y entrent d’eux-mêmes toutes les fois que, pendant le sommeil, il leur survient de fortes douleurs. » La régularité de nos fonctions organiques et intellectuelles étant subordonnée à l’harmonie du système de l’innervation, nous comprendrons aussi facilement la réaction du physique sur le moral, que celle de l’âme sur la matière. Les maladies d’estomac ont généralement de fâcheuses déterminations sur nos facultés intellectuelles; une émanation quelconque pourra suspendre instantané-
'1) Plivsiol. psyrliol., p. SSi.
ment nos fonctions digestives, et lorsque Cabanis a dit : « Si le fluide nerveux n’existait pas, il faudrait l’inventer, » je suis convaincu qu’il éprouvait, comme Newton et Euler, la nécessité d’introduire un agent intermédiaire qui put lui donner l’explicatiun non seulement des effets somnambuliques, mais encore de tous les phénomènes physiologiques qu’il ne pouvait interpréter : « Je soupçonne, avance Newton (i), l’existence d’un esprit sublil qui pénètre tous les corps, et qui, se cachant en eux, leur donne et leur imprime toutes les propriétés que nous leur attribuons. » Il donnait à ce fluide le nom de milieu ethérè; Descartes l’appelait le moteur universel.
« Si 1 état normal du corps humain, nous apprend le baron Massias (2), résulte en partie de la juste distribution du fluide nerveux dans chaque appareil d’organes, et de son équilibre général, la rupture de cet équilibre amènera un état qui sera quelquefois le somnambulisme. Lorsqu’il se retire des sens extérieurs pour se porter et s’accumuler sur le système nerveux sympathique, et sur le système nerveux encéphalique, il produit deux grands ordres de phénomènes auxquels tous les autres peuvent se rapporter, et qui sont la surexcitation de la vie organique ou celle de la vie intellectuelle. Alors cette première peut s’élever à la vie animale, et la seconde s’élever au-dessus du maximum habituel des fonctions de rapport, et l’une et l’autre présenter des effets tenant du prodige. »
Suivant Azaïs (3) , le somnambulisme n’est que le résultat d’un excès de vivacité dans certaines parties du système sensible.
(1) Principes malhématiques de la Pbitosoph. natur., liv. III.
(2) Pbilosoph., p. 562.
•V l'e la Pbrénologie du inngn^tieme et de la Folie.
Le somnambulisme, d'après le Dr Charpignon (i), est souvent occasionné par un déplacement de la vitalité, un dérangement dans l’équilibre de la circulation nerveuse sous l’empire d’une concentration énergique et soutenue de la volonté.
Les limites que je dois nécessairement m’imposer, ne me permettent pas de multiplier ces citations, qui nous démontrent d’une manière irrécusable l’obligation de recourir à l’action d’un agent intermédiaire, dont l’observation nous a toujours indique l’existence.
Je regrette, mon cher collègue, que le hasard vous ait généralement placé dans des conditions défavorables pour étudier avec profit le fluide magnétique; vous n’avez guère observé que des extatiques dont l’esprit, dégagé en grande partie de9 liens corporels, prenait plaisir à s’étendre dans Ifcs vastes régions du ciel ou dans le spacieux domaine de l’imagination. En admettant que l’état où ils parvenaient fût, suivant leur expression, le degré supérieur , je donnerais incontestablement la préférence aux somnambules lucides d’un degré inférieur, parce qu’ils constatent dans tous les elfets du magnétisme la présence d’un fluide qui leur sert à expliquer les sensations qu’ils éprouvent. D’ailleurs les premiers ne m’ont fourni que déceptions; les derniers, au contraire, m’ont rendu des services inappréciables dans la cure des maladies.
Permettez-moi maintenant de répondre aux objections de vos sujets, ce que vous auriez pu faire beaucoup mieux que moi, si vous ne vous étiez laissé entraîner par un trop grand excès d’indulgence pour eux.
Tous vos sujets , me dites-vous, tous, sans exception , se sont accordés pour vous répondre : « Le ma-
(i) Phveiolog. et métapli. du magnétisme, p. 249.
« gnétiseur, placé dans des conditions supérieures,
« assiège lame du magnétisé, placé dans des condi-« lions inférieures.
« Les conditions supérieures résultent de l’union « d’une âme forte à des orgaues saius.
« Les conditions inférieures résultent d’une âme « plus faible, unie à des organes plus ou moins al-« térés.
« La plus faible doit naturellement obéir à la plus « forte. Détachée de la matière, l'âme entre dans un « état sui generis qu’on nomme somnambulisme. »
J’accepterais volontiers cette explication, que je trouve cependant beaucoup trop généralisée; mais je vous avoue que je ne puis me rendre compte des moyens dont l'âme dégagée de la matière doit se servir, dans le but de conserver avec le corps des relations suffisantes pour l’entretien de la vie organique, sans la substitution d’un fluide. C’est un mystère dont je n’ose aborder la solution.
« Lorsque vous continuez à me magnétiser, disait « une de vos somnambules, je vous vois entouré « comme d’une flamme, mais celte flamme, qui « semble s’échapper de votre chapeau comme de V06 « doigts, n’est autre chose que l’émanation vitale, * animale, appartenant à tous les êtres animés; elle « ne me pénètre pas, elle n’est pour rien dans ma « crise. »
Comment lame, affranchie des entraves corporelles , pourrait-elle ressentir l’impression d'un fluide avec lequel elle n'a plus de rapport? Constamment en relation directe avec des êtres immatériels, des â mes supérieures, elle doit mépriser tout ce qui relève de la matière, et se révolter assez souvent contre les exigences du magnétiseur, qui fera, dans ce cas, de vains efforts pour la réintégrer dans sa demeure.
Nous avons observé plusieurs fois aux séances hebdomadaires de M. du Potet, cet entrainement insurmontable à l’indépendance la plus absolue. Ce célèbre praticien , malgré sa puissante énergie de volonté, ne pouvait parvenir à maîtriser ses illuminés, et il nous a fait l’aveu de son impuissance à dissiper ces perturbations intellectuelles.
« Yous me présentez, ajoute votre crisiaque, une « pièce de monnaie ou un verre d’eau magnétisés, « vous les confondez avec d’autres qui ne le sont pas : o je les disliugue ; le fluide prétendu est aussi élran-« ger à ce phénomène qu’au verre d’eau que vous o transformez en toutes sortes de liqueurs , et qui « peut causer l’ivresse si vous le désirez. »
Je reconnais pour le moment, avec votre somnambule, le rapport direct de deux âmes, et je m’explique alors la perception d’un objet magnétisé sous l’influence de votre volonté, ou de votre âme si vous le préférez, en admettant toutefois que vous restiez auprès d’elle pour la diriger dans le choix qu’elle doit faire; mais je ne puis comprendre comment lame de votre sujet découvrira un corps magnétisé , lorsque le magnétiseur ne sera même pas présent pendant l’expérience, ou qu’il se livrera à toute autre occupation. Il est plus présumable que l’âme de votre somnambule rappelée momentanément à ses fonctions terrestres n’aura pas toujours méprisé l’auxiliaire de cette émanation vitale, qu’elle distingue si facilement sur vos vêtements , et qu’elle doit incontestablement apercevoir sur une pièce de monnaie ou sur tout autre objet que •vous aurez magnétisé. Je vous engage donc à renouveler cette expérience dans les conditions où nous avions le soin de placer nos sujets, c’est-à-dire dan9 l’isolement le plus parfait de leur magnétiseur.
« Une somnambule, continue votre illuminée, n’est r pas tous les jours susceptible de recevoir l’influence « magnétique. Vous l’avez observé , et demain je pré-« senterai ce phénomène : pendant quatre jours je ne « serai pas magnétisable. Multipliez vos efforts, vos « passes; agissez sur la tête, sur le cœur, sur l’esto-« mac; continuez des heures entières, je sourirai à « votre impuissance. Si vous aviez du fluide, si j’étais « susceptible de le recevoir, d’en être pénétrée, m’ex-« pliquerez-vous pourquoi je n’en éprouverai aucune « atteinte? »
Les magnétiseurs fluidistes, et les somnambules fluidistes, sont d’accord sur cette insensibilité passagère , qu’ils attribuent à des causes très-variables ; j’ai fréquemment remarqué cette disposition chez les malades somnambules les plus impressionnables , aussitôt qu’ils avaient recouvré la santé; d’ailleurs je répondrais à votre somnambule : J’admets avec vous que c’est mon âme qui agit aujourd’hui sur la vôtre; demain, me dites-vous, tous mes efforts seront impuissants, et je n’aurai plus d’influence sur vous. Est-ce que demain je n’aurai plus d’âme?
« Vous savez, ajoute-t-elle, que vous me trouvez « fréquemment en état de somnambulisme naturel, « état que je présentais avant d’étre magnétisée; vous « savez que dans cet état je suis aussi lucide que dans « le somnambulisme artificiel ; pourriez-vous me dire « de quel fluide je suis imprégnée? »
A cette seconde objection je répondrais encore : Je n’affirme pas que vous soyez imprégnée de fluide dans l’état somnambulique ordinaire ; je n’affirme pas qu’il est nécessaire d'étre imprégnée d’un fluide étranger pour parvenir à cette situation ; mais j’en conclus qu’il y a perturbation dans l'équilibre du fluide individuel , quelle qu’en puisse être la cause.
« Vous pouvez enfin, continue-l-cllc, me jeter en u somnambulisme deMâcon à Paris, comme vous le « faites de chez vous chez moi, votre fluide traversera « donc cent lieues de distance pour n’atteindre que « moi au milieu de personnes non moins impres-« sionnables. »
En admettant le fait comme possible , il serait certainement très-difficile d’exposer comment le fluide traverserait les cent lieues; mais il ne me paraît pas plus facile de comprendre et d'expliquer comment l’âme ferait ce voyage. J’ignore les précautions dont vous vous êtes entouré pour vous mettre â l’abri des influence* de l'imagination de votre sujet , lorsque vous avez fait des expériences de cette nature ; mais j’avance que la possibilité de ce prodige ne m’a jamais été prouvée, ni même révélée.
Vous me dites, cher confrère, que tous ces résultats n’avaient pas encore éteint votre croyance au fluide ; si je m’étonne, c’est d’avoir vu votre foi chanceler un seul instant devant des témoignages aussi suspects. La fortune, malheureusement, ne vous favorise pas davantage dans vos nouvelles investigations. Un sujet plus extatique encore s’offre à votre examen ; après vous avoir présenté le fluide magnétique comme la cause des déceptions des magnétistes en présence des Académies et des sociétés savantes, il ajoute :
« L’imprudent ne savait pas le rôle que jouent les « âmes dans le somnambulisme; il croyait, en isolant a son sujet, le mettre â l’abri d’influences contraires. * Il ne savait pas que les Académiciens ont des âmes « fortes; que quatre de ces âmes réunies dans une « volonté hostile, ont eu plus de force que la sienne ; « de même que quatre magnétiseurs réunis dans un « efFort commun obtiennent bien plus promptement « les effets qu’ils recherchent. »
11 est constant qu’une nombreuse réunion d’adversaires imbus de préventions tou (-à-lait hostiles au magnétisme, devra produire, sous l’influence de ses émanations vitales ou spirituelles, de fâcheuses déterminations sur le fluide ou l’âme du magnétisé ; car je compare un somnambule lucide à un galvanomètre très-sensible : l’aiguille de cet instrument variera dans ses oscillations suivant les impressions étrangères qu’elle recevra ; aussi ces expériences sont-elles généralement fort peu concluantes. Je ne vois pas cependant la nécessité de reconnaître, dans cette circonstance, la puissance perturbatrice de plusieurs âmes étrangères, de préférence à celle de plusieurs fluides étrangers. Quant â (effort commun de quatre magnétiseurs, je crois cette comparaison très-hasar-dée; car il m’est clairement démontré que, dans un traitement magnétique, cet accroissement de forces, ou plutôt cette confusion de fluides, loin de hâter la guérison ne ferait que la retarder, du moins dans le plus grand nombre des cas; je suis persuadé d’avance que votre brigadier extra-lucide ne possédait pas la lucidité médicale.
Par exemple, je suis étrangement surpris que les explications des deux somnambules que vous citez immédiatement après celui-ci ne vous aient pas rendu quelque confiance au fluide.
« Vos somnambules, dit la première, n’admettent « pas le fluide ; savez-vous pourquoi ? C’est qu’ils ont « atteint un degré supérieur; c’est qu’ils sont plus « lucides que nous, qui avons besoin du fluide pour « expliquer les phénomènes que nous présentons. »
Cette somnambule, très-remarquable, dites-vous, m'aurait inspiré plus de confiance que les autres. Plus modeste que vos extatiques, elle se croit incapable d’arriver an degré supérieur, c'est-à-dire à des
rapports avec lis êtres célestes, et se renferme raisonnablement dans l’étude des relations de l'âme avec le corps, relations qu’elle ne peut comprendre, avance-t-elle, sans l’admission d’un agent intermédiaire, le fluide magnétique. C’était une belle occasion de vous éclairer; pourquoi donc n’en avez-vous pas profité?
Enfin en voici un autre qui constate encore l’existence du fluide, et qui, suivant vous, concilie les spirilualistes et les fluidistes.
« Le magnétisme, vous avoue-t-il pendant son som-
* nambulisme, peut se divisi-r en deux parties bien « distinctes : la magnétisation simple et curative, la
* magnélisalion compliquée de somnambulisme.
« Dans la magnétisation simple , lame et le corps « du magnétiseur agissent ; c’est-à-dire l’esprit et la « matière. L’âme du corps sain se joint à lame du
* corps malade, et lui aide à rétablir l’harmonie dans
* son domaine. L’émanation animale, vitale, de la « matière, modifie l'émanation morbide du malade, « de mauière que lame agit sur l’àmc, le corps sur « le corps. Dans cette dernière action se retrouve le « fluide si généralement admis. »
Je ne m’arrêterai pas à discuter la valeur de ce raisonnement, ou plutôt de cette théorie. Je ne doute pas de f action de l'âme sur l'âme et du corps sur le corps ; je prétends seulement (et votre somnambule est entièrement de mon avis), que ces rapports s’établissent ordinairement à l'aide d’un agent intermédiaire que nous appelons fluide magnétique. Natura non cupulat extrema sine medio.
k Cette explication m’a semblé assez juste, conti-« nuez-vous, et j’ai compris pourquoi par le massage, « par l’insufllation, j’obtenais des effets curatifs plus « sensibles que par les passes seules. >
Après cet aveu, tout le monde jugera voire con-
version complète ; aussi ma surprise est-elle à son comble, lorsque vous ajoute/. :
« A mesure que j’ai conlinué mes expériences , j’ai « reconnu que le prétendu fluide magnétique ne joue « aucun rôle dans une foule de phénomènes somnam-« buliques. J’ai obienu, sans magnétisation préalaT « ble, l’insensibilité, la transmission de pensée, etc. « J’ai obienu la paralysie, l’ivresse, le délire, sans en-« dormir préalablement mon sujet, en disant seule-« ment : Je veux. »
Comment concilier ces deux aveux contradictoires ? Comment concevoir, si vous cherchez sérieusement à dissiper vos doutes, cette indifférence à profiter des lumières que vous présentent deux somnambules /luidistes d’une grande lucidité? Vous convenez, cependant que notre prétendu fluide joue un rôle dans quelques phénomènes somnambuliques. Quoiqu’il n’ait pas d’action dans une foule de cas. Je n’ai jamais affirmé que tous les effets somnambuliques fussent le résultat d’une impression fluidique. Ne vous est-il pas arrivé aussi, comme à iôul magnétiseur, de produire le sommeil et le somnambulisme sans en avoir l’intention? Dans toutes les séances publiques, nous voyons des personnes ressentir les effets d’une magnétisation qui ne s’adresse nullement â elles, et lorsqne vous dites : «ans magnétisation préalable, qu’en savez-vous? Sans endormir préalablement mon sujet. Qu'importe pour l’existence du fluide? Lorsque vous avez dit : Je veux, qiii vous démontre que votre âme seule agit, et que vous n’avez pas, au contraire, magnétisé énergiquement et instantanément?
Vous concluez enfin que le magnétisme peut être divisé en quatre variétés :
« i° Le magnétisme curatif, sans effets somnam-« buliques; 2° le magnétisme compliqué de somnam-
« bulisme; 5“ le somnambulisme naturel, sans ma-« gnétisation préalable; 4° la magic, qui est un « somnambulisme instantané obtenu prtr la volonté.
« Le fluide vital, ou plutôt l’émanation animale « qui s’échappe de tout corps vivant, agit, suivant « vous, dans la première variété, conjointement avec « l’âme; lame agit dans les trois autres variétés, sans « besoin de l’émanation. »
Permettcz-moi de poser aussi des conclusions, tant sur la présence du fluide, que sur scs effets :
L’existence du fluide, tous vos somnambules la reconnaissent et la proclament ; seulement, ils en contestent les effets sur eux-mêmes ; je ne puis, à cet égard, que vous renvoyer aux observations que j’ai consignées dans le Journal du Magnétisme. Il me paraît en résulter invinciblement ceci: les somnambules lucides ordinaires découvrent la présence des fluides, même à l’insu de leur magnétiseur et arrière de lui, dans les corps qui ont été magnétisés. Ils le voient matériellement, comme ils voient le fluide électrique, eideviennenl de véritables instruments de physique, de vrais magnëtomètres, si l’on pouvait s’exprimer ainsi.
Quant aux effets de ce fluide, je n’ai pas, et je n’ai jamais eu la prétention de les généraliser. J’ajouterai que je n’entends, pour le moment, ni contester, ni affirmer l’action directe d’une âme sur une autre âme, soit pendant le somnambulisme, soit même eu dehors de cet état. Ce sont là des questions immenses, qui appartiennent plutôt à la métaphysique qu’à la physiologie magnétique. J’admets, sans prétendre en faire un système absolu, que le somnambulisme, soit naturel, soit aitificiel, — et dans celte classe je fais entrer à la fois celui qui est un temps appréciable à se produire, et celui qui se développe instantanément.
et que vous appelez magie, — j'admets, dis je, que cet état résulte, toujours à un degré différent, d’un dérangement dans les rapports qui lient habituellement l’âme avec les organes ; j’admets que ce dérangement est toujours causé par une altération dans la qualité, la disposition, la quantité, en un mot, dans l’équilibre du fluide nerveux, ou fluide vital, ou fluide magnétique, ou émanation animale, comme tous voudrez l’appeler, et qui me semble l’intermédiaire entre le corps et l’âme. Ce dérangement sera tantôt naturel et spontané, tantôt artificiel et volontaire; tantôt il bouleversera ou intervertira les fondions organiques ou spirituelles, tantôt il les annihilera complètement. Les différents degrés de somnambulisme et d’extase ne tiendront alors qu'à l’indépendance plus ou moins étendue qui s’établira entre le principe animique et les organes. Et, c’est peut-être ici que nous rencontrerons l’explication de ce que vos illuminés vous ont affirmé ; car on peut concevoir qu’au degré supérieur de séparation et d’indépendance entre lame et le corps, l’action du fluide peut devenir nulle ou presque imperceptible pour cette dernière.
L’initiative que vous avez daigné prendre avec moi, m’est doublement agréable, en ce sens qu’elle provient d’un fervent sectateur du magnétisme et d’un praticien dont j’ai déjà pu apprécier les talents et la loyauté. Je vous remercie cordialement des paroles d’indulgence et d’encouragement que vous m’adressez, et que je ne puis accepter que comme un témoignage de sympathie; car votre incertitude eût promptement cessé, si j’avais su joindre la logique la plus serrée à l’exposition des faits. Si cette réponse à vos objections est encore insuffisante pour dissiper vos doutes, je ne puis mVn prendre qu’à la faiblesse de
mon argumentation; l'existence du fluide m'étant aussi clairement démontrée que celle de la lumière. Je vous engage donc à persister dans vos recherches expérimentales, en vous mettant, toutefois, en garde contre les séduisantes dissertations des somnambules extatiques , et peut-être contre quelques préventions systématiquement arrêtées dans votre esprit, et à votre insu, je n’en doute pas.
Veuillez agréer, mon très-honoré confrère, l’expression de mes sentiments distingués, et de mon profond dévouement.
D' Alfred l'ERRIEK.
ERR. ITJ. — Dans le précédent article de M. l’erricr, page 01, lig. il, l'uubli d’un mol a produit uu non-sens ; il faul lire : « fiole non magnétisée. »
PETITE CORRESPONDANCE.
Euseiguciucul. — M. du l’otet commencera le 17 juin son Cours de magnétisme élémentaire; ce sera le dernier de la saison.
INSTITUTIONS MAGNÉTIQUE^
Hôpital nicKiutrlqne de Calcn(la>
Après le journal des traitements, dont nous avons donné la traduction abrégée, le gouvernement a publié le rapport des médecins chargés de suivre l'expérimentation du Dr Esdaile. L’esprit de ce rapport est très-hoslile au magnétisme. M. Esdaile en a réfuté les principaux points, de manière à faire rougir de honte les commissaires, s’il leur fût resté quelque pudeur. C’est à la suite de ce débat que le gouvernement s’est prononcé.
Voici, d’après le Zoisi, auquel nous empruntons ces détails, par quels motifs sa décision a élé inspirée :
Les ennemis du magnétisme avaient mis tout leur espoir dans l’arrivée du nouveau gouverneur général; ils pensaient que, imbue des sots préjugés qui ont prévalu en Angleterre contre la plus magnifique des vérités naturelles, Sa Seigneurie écraserait le mesmérisme dans la Présidence, en éloignant le Dr Esdaile. Mais lord Dalhousie juge par lui-même, et non sur des ouï-dire; c’est pourquoi les coups dirigés par les indignes médecins visiteurs de l’hôpital n'ont pu réussir.
Triomphe el réi ompenso du Docteur Esdaile.
Sa Seigneurie fut. un jour, très-surprise par le contenu d’une lettre officielle sur le mesmérisme, que lui adressaient les principaux habitants de Calcutta. Yoyant que le magnétisme n’était ni une imposture, ni une illusion ; que ses nouveaux sujets le considéraient au contraire comme une des vérités journalières de la vie, le noble lord s’en fit aussitôt remettre le dossier; et, quoique surchargé d’affaires, il trouva le temps de tout examiner attentivement. Il forma son opinion sur l’évidence des documents écrits, nonobstant l’offre du Dr Esdaile d’y ajouter le témoignage de ses sens, s’il le désirait; mais il trouva celte démonstration superflue. Dès qu’il eut achevé l’étude des pièces en question, il se fit un plaisir d’informer le docteur de sa parfaite satisfaction, et de le complimenter sur ses « services publics, son zèle et sa persévérance. »
Bientôt après, M. Esdaile reçut l’honneur d’une invitation à dîner à l’hôtel du gouvernement; et, dans le cours de la soirée, lord Dalhousie le félicita de sa nomination au poste de chirurgien de la Présidence ; place qui d’ordinaire conduit à la fortune. Touché de cette gracieuse manière de reconnaître ses efforts, M. Esdaile en remercia avec effusion Sa Seigneurie, qui lui dit du ton le plus aimable : You have nolhing to lhank me for, Dr Esdaile, you have only lo lhank yourself : J have only done an act of juttice. « Ce n’est pas moi, docteur, que vous devez remercier; mais vous-même : Je n’ai fait qu’un acte de justice. »
Là est la vraie noblesse, celle de l’intelligence et du sentiment. Que ne donnerais-je pas pour avoir entendu cette conversation entre deux natures aussi élevées, tant par le cœur que par la pensée ? Combien il est heureux pour l’Inde d’avoir un tel gouver-
neur; et quelle consolation n’esl-ce pas pour les praticiens consciencieux de voir que l’autorité dispense des honneurs pour le mérite seul ?
A vrai dire, les mérites du l)r Esdaile sont transcendants. Je le regarde comme un des hommes les plus éminents de notre profession. Il surpasse de beaucoup tous ses confrères qui habitent l’Inde ; car il n’y a que lui qui ait pris la peine d’étudier le magnétisme; et, procédant en vrai médecin, il n’a pas craint d’en attester la vérité. Il sentit en philosophe l’importance du sujet par rapport aux facultés cérébrales et aux propriétés mentales maintenant mal comprises et incomplètement connues; et, enfin, à toutes les autres fonctions du système nerveux. Il comprit, que, médecin, c’était un devoir sacré pour lui de rechercher s’il existait réellement un agent, inconnu, capable de guérir ou d’amender les maladies et de prévenir les douleurs traumatiques. Les mêmes motifs existaient pour ses confrères ; mais aucun ne s’intéressa à cette étude, ni sous le rapport philosophique, ni dans un but philanthropique.
Toutes les actions du Dr Esdaile, ainsi que ses écrits, dénotent un homme supérieur. Son savoir est vaste et profond, son esprit solide, son observation subtile; il est doué d’un grand courage, d’une persévérance tenace et d’une activité infatigable; sa véracité est inflexible et son honneur parfait; enfin , il unit la plus ardente bienveillance à la plus noble indépendance de faire et de penser.
Non seulement le pouvoir lui a rendu justice, mais la presse, du cap Comorin à Simla, est unanime en sa faveur. Les éditeurs, qui précédemment l’attaquaient et ridiculisaient le magnétismes expient aujourd’hui leurs erreurs de la manière la plus digne d’éloges. Agissant en hommes honnêtes et courageux, ils re-
tournent contre les autres docteurs les traits qu’ils lançaient auparavant sur lui.
Ces quelques extraits feront juger du reste :
« Nous sommes heureux d’apprendre, dit le Friend of India, que le Dr Esdaile est nommé chirurgien de la Présidence. Celle nomination rejaillit avec honneur sur le gouverneur-général. Le zèle , l’énergie, le talent et la persévérance déployés par M. Esdaile dans la cause du mesmérisme, considéré comme moyen aneslhésiqne, appelaient une récompense: on la lui a accordée digne de son mérite. »
Le S/ctr est non moins explicite.
« Nous avons rarement annoncé, dit-il, une nomination avec un plus grand plaisir que celle du Dr Esdaile, qui restera à Calcutta comme, chirurgien de la Présidence. Abstraction faite de toute considération relative à la valeur du mesmérisme, le zèle, l’énergie, la bonne foi et la persévérance qui ont caractérisé ses recherches sur ce mystérieux sujet, désignent M. Esdaile comme un homme qui mérite la plus haute considération. Ce choix fait honneur au gouvernement. »
Lord Dalhousie n’a pas pensé qu’il fût nécessaire de prolonger la durée de l’hôpital mesmérique, comme établissement public séparé, au-delà du terme fixé par son prédécesseur ; et, malgré son vif désir que celte institution devînt définitive, le Dr Esdaile s’est rendu â cet avis, par la considération qu’il y a beaucoup d’hôpitaux du gouvernement où le traitement magnétique peut être bien mieux pratiqué, en l’associant aux moyens usuels de la médecine. Le gouvernement a suffisamment manifesté son opinion et ses espérances par l’ouverture de cet hôpital d’essai, et la nomination de son directeur à un poste éminent. 11 ne pouvait faire davantage; car il
ne lui appartient point de rendre les médecins assez humains pour répandre sur leurs malades les bienfaits de la découverte mesmérienne. Ces messieurs savent bien que le pouvoir ne peut pas les obligor d’étre assez instruits pour employer le magnétisme; aussi, là comme en Angleterre et ailleurs , s’en tiendront-ils éloignés tant qu’ils pourront. Mais le jour viendra, où l’opinion publique mettra fin à leur conduite irrationnelle et cruelle. Ce sera lorsque les maladies maintenant incurables seront guéries, quand celles dont le traitement est long se termineront en peu de temps, et qu’on obtiendra plus de soulagement qu’on ne l’a fait jusqu’à présent dans les affections incurables ; indépendamment de i’tnnocfntf production de l’insensibilité et de l’augmentation de la puissance vitale dans les cas chirurgicaux.
Je continue les citations :
« Nous sommes heureux d’annoncer, dit le Chris-tian advocale, que le Dr Esdaile est chirurgien de la Présidence, par la nomination (directe, croyons-nous), du gouverneur-général. Parlant, il ne sera point attaché à un régiment, et les habitants de Calcutta auront la satisfaction de pouvoir, en tous temps, consulter le médecin magnétiseur.
« Nous ne pouvons dire si le gouvernement rétablira l’hôpital mesmérique; nous pensons plutôt que, ayant d’abord sanctionné la résidence du Dr Esdaile auprès de cet établissement, jusqu’à ce que le mesmérisme se fût établi dans les convictions du peuple et l’attachant à présent à la chirurgie de Calcutta, il laissera la population indigène subvenir par sa générosité aux dépenses courantes de l'hôpital.
« Les indigènes paraissent plus généralement affligés que les Européens, des maladies dans la guérison desquelles le magnétisme a execcé son influence sou-
verainc. Toutefois, ils ont plus participé que les Européens aux bienfaits répandus par la Providence au moyen du mesmérisme et de l'habileté du docteur. C’est là ce qui nous fait penser à eux pour les dons et rentes qui seraient nécessaires à l'entretien de l’hôpital, dont les dépenses s’élèveraient peut-être à 3oo roupies par mois. C’est aussi une occasion pour un de nos millionnaires de transmettre son nom à la postérité, par la fondation d’un hôpital qui, certainement, serait plus utile qu’un pont ou un réservoir. Nous espérons que la presse de Calcutta se joindra à nous pour appeler l’attenlion publique sur un objet aussi important. »
L’Englishman s’exprime ainsi :
« Nous sommes heureux d’apprendre que le Dr Esdaile a été nommé chirurgien de la Présidence, et plus encore que cette nomination a été faite avec la remarque qu’elle n’est considérée que comme un acte de justice. Il faut espérer qu’on fera quelques dispositions qui lui permettront de poursuivre les recherches qui ont tant attiré son attention, et dont le résultat a été un succès si décidé dans le traitement de douloureuses et dangereuses maladies. Nous ne savons pas s’il est question d’entretenir ou de rouvrir l’hôpital mesmérique; mais les indigènes, qui ont déjà exprimé leurs sentiments à cet égard , ont une belle occasion de prouver qu’ils sont dans le vrai, en offrant leur assistance en faveur de leurs compatriotes pauvres et souffreteux. »
Voici maintenant l’article du Hurlcarn Neivs paper : - Après avoir dit, comme les autres journaux « nous sommes heureux, etc., » il ajoute : « Comme le nom de M. Esdaile se place en tête de la liste des chirurgiens parfaits, une telle nomination ne peut être considérée que comme la juste récompense de services
publics distingués, et personne ne contestera que le IV Esdaile y eût plein droit. Il est satisfaisant de voir que lord Dalhousie a agi dans cette circonstance conformément à son mérite reconnu, et n’a été guidé par aucun préjugé qu’il ait pu apporter d’Europe. C’était peut-être un de ces cas qui demande un certain exercice du courage moral, et nous sommes contents de voir que ce sentiment ne lui a pas fait défaut. « Plus la position d’un homme est élevée, et plus il lui est difficile d'agir sans égard pour des préjugés aussi fortement enracinés que le sont ceux de la médecine contre les nouveautés en général et le magnétisme en particulier. C’est pour cela qu’on ne saurait trop donner d’éloges au gouverneur du Bengale, dont la conduite indépendante a seule ouvert au Dr Esdaile le beau champ sur lequel il a obtenu la victoire, victoire à laquelle toute l’humanité est si profondément intéressée.
« Les gouverneurs délégués sont des hommes très-capables, mais leurs actions, bonnes ou mauvaises, passent souvent inaperçues. Il n’en est pas de même ponr ce que fait un gouverneur-général; et, lorsque nous voyons lord Dalhousie récompenser un magnétiseur déclaré comme un bienfaiteur public, nous ne pouvons nous empêcher de nous représenter avec plaisir l’impression qu’un progrès si libéral fera inévitablement en Europe. Ce simple fait renversera plus de préjugés manifestés dans le pays, qu’un millier d’exhibitions publiques des effets du mesmérisme, ou les plaidoyers d’un millier d’avocats tels que les Martineau, Buhver et Dumas du jour.
« Nous pensons que, quiconque désire le triomphe de la science magnétique sera satisfait de ce qu’on a fait. Si lord Dalhousie ne pouvait pas aisément moins faire : nous ne savons pas comment il aurait pu faci-
lement espérer de faire plus. Aous n’avons uous-mè-mes jamais recommandé la permanence de l’hôpital mesmérique comme institution publique indépendante. Si le corps médical faisait son devoir, chaque hôpital deviendrait mesmérique à l’occasion ; c’est-à-dire que le magnétisme formerait une portion de la routine journalière, en compagnie de la quinine, du calomel, etc. Mais si les docteurs ne font pas cela, et nous ne voyons pas comment le gouvernement pourrait les y contraindre, qu’un hôpital mesmérique s’établisse par souscriptions privées. Que les indigènes, qui ont signé dernièrement une pétition, ouvrent demain une liste de souscription; qu’ils forment un fonds convenable pour commencer et garantir pendant quelques mois les dépenses courantes. Le vieil hôpital de JuamBazar, peut encore servir, nous le supposons du moins, et les frais d’un corps honorable de magnétiseurs seraient assez insignifiants, répartis entre toute la société. Quant aux services du Dr Esdaile, nous sommes persuadés qu'il les donnerait gratuitement; et le gouvernement qui vient de témoigner sa haute approbation des mérites de ce chirurgien, ne s’opposerait certainement pas à ce qu’il consacrât une partie de son temps aux recherches qui ont eu déjà de si importants résultats, et qui, continuées dans des conditions favorables, sont appelées à une importance sans cesse croissante.
« Nous espérons que les riches indigènes le comprendront et qu’ils s’empresseront de faire leur devoir, ou ce que nous croyons l’étre, dans cette affaire. Un établissement séparé est très-nécessaire; cela résulte évidemment des répugnances manifestes, marquées en plus d’une occurence par les chefs des divers hôpitaux de la Présidence, soit pour aider le D' Es-
daile, lui envoyer des malades, ou autoriser la magnétisation dans leurs salles.
« Nous avons souvent exprimé le vœu qu’une chaire de magnétisme animal fût créée au collège médical; mais nous n’avons jamais bien vivement espéré que notre suggestion fût écoutée. On ne pouvait guère s’attendre à ce qu’un progrès aussi décidé se fît tout d’un coup; quoique, sans aucun doute, dans peu d’années, l’instruction mesmérique doive faire partie indispensable du curriculum des études médicales. »
La pétition ci-dessus mentionnée se trouve dans un autre journal indien, qui fait ressortir le contraste frappant qu’il y a entre ces païens olivâtres qui peuvent être témoins de faits évidents, et comprendre qu’ils sont réels, tandis que les blancs Européens, instruits dans les universités, suivant les cours scientifiques, et choisis comme professeurs de la génération médicale naissante, ne peuvent voir ni comprendre les mêmes faits. Cette feuille décrit aussi le phénomène non moins frappant de ces païens ignorants qui regardent les effets magnétiques comme des circonstances naturelles procédant des lois divines; tandis qu’un grand nombre de chrétiens, qui se croient leurs supérieurs en toutes choses, qui plus est, assez de religieux pasteurs, même quelques gradués d’Oxford etde Cambridge épiscopalement ordonnés, les attribuent au diable et empêchent des milliers de malheureux d’être facilement soulagés ou guéris. Aveuglement stupide ! Entêtement cruel !
Yoici le texte de la pétition :
AU TRÈS-HONORABLE COMTE DE DALHOUSIE,
fiOüVF.BPCEi’R-cèrrènAi. de l’ihdb , etc,, etc.
« Puisse-t-il plaire à Yotre Seigneurie !
« Nous, les soussignés, habitants de la ville et des
faubourgs de Calcutta , étant profondément pénétrés de la conviction que l’hôpital mesmérique, durant le temps d’épreuve qui lui a été assigné, a suffisamment établi les prétentions du magnétisme au soulagement et à l’amélioration des nombreuses maladies auxquelles l’humanité est exposée, nous avons vu avec regret que, l’année d’essai de cet établissement étant écoulée, aucune décision ne parût avoir été prise pour sa continuation.
« Nous avons étudié attentivement le journal des traitements, conjointement avec le rapport des visiteurs officiels; et plusieurs de nous, à différentes époques, ont assisté aux opérations. Nous voudrions saisir la présente occasion, pour fixer respectueusement l’attention de Yotre Seigneurie sur ce qu’on ne peut maintenant nier ; c’est que le magnétisme ait été appliqué avec succès à diverses maladies. Et nous exposons qu’il paraît insignifiant qu’un plus ou moins grand nombre de maladies aient été guéries ou traitées dans tel ou tel hôpital, ou par tel ou tel moyen, pourvu qu’il puisse être prouvé que l’effet prématuré a, dans une multitude de circonstances, été accompli; nommément la certitude d’agir sans douleur dans de très-délicates opérations. 11 serait audacieux de nier qu’une telle influence n’existe pas; et le registre des cas montre qu’elle a été prouvée d'une manière triomphante parle traitement d’au moins neuf espèces d'affections.
« Mais nous soutenons que la partie entière est gagnée, s’il est prouvé que, pendant le sommeil magnétique et les étals qui l’avoisinent, on peut extirper des tumeurs et faire des amputations sans que les patients en souffrent ou en éprouvent des suites fâcheuses. Que tout ceci ait été réalisé, nous avons la satisfaction que tout esprit non prévenu peut s’en
convaincre; et notre humble prière est que Yotre Seigneurie veuille bien, en raison des avantages positivement obtenus durant la période d’essai, prendre en considération la convenance et les moyens d'établir un hôpital mesmérique permanent dans la ca-pilale britannique de l’Inde.
« Nous prenons la liberté d’espérer que notre prière ne perdra rien de sa force, lorsque Votre Seigneurie saura que la continuation de l’élablissement sollicité sera reçue avec reconnaissance par nous, comme une preuve que Votre Seigneurie est disposée à prendre en sérieuse considération les désirs formels de la population indienne sur un point qui la concerne spécialement. La plupart des traitements ayant profilé aux indigènes, ils ont un intérêt direct à l’extension d’une science dont ils ne connaissent pas encore toute la valeur, mais qu’ils ont appris à apprécier par le témoignage de leurs propres sens.
« Nous avons l’honneur de signer nous même avec le plus profond respect pour Votre Seigneurie, etc.
Rajah RADACANT BAHADOOR,
Rajah KAL1KISSEN BAHADOOR,
Rajah JADUBKISSEN BAIIABOOR,
Rajah SUTCHURN GIIOSAL BAHADOOR,
Rajah PERTUB CHUNDER SING BAHADOOR,
Rajah NURSING CHUNDER ROY,
Coomar SUTCHURN GHOSAL,
Coomar SUTT JEEBUN,
Baboo ASHOOTOSS DEB,
Baboo MOTEELALL SEAL,
Baboo RAMANOTII TAGORK,
Baboo PROMOTHONAUT DEB,
Baboo DEBENDERNAUTH TAGORE,
Baboo RAMGOPAL CHOSE,
Baboo HURRYMOIIUN SEIN,
Baboo PRAWNKISSEN MDLLICK,
Baboo BEERM'KSING MULLICK,
Uaroo GOI'ALLANT TAGORE,
Baboo KASHIPERSAUD CHOSE,
Baboo GREENDERNAUTH G1IOSE,
Baboo CHUNDERMOIIUN CHATTERJEE,
Baboo CHUNDERMOIIUN CHATTERJEE, Man : Corn Baboo TOOLSEEDOSS MULLICK ,
Baboo HEERALALL SEAL,
Baboo NAGENDERNAL’TH TAGORE,
Baboo RAM CHUNDER MUTER ,
Baboo RADAPERSAUD ROY,
Baboo RAMAPERSAUD ROY,
RUSTOMJEE COWSJEE,
ROY NABBO CHUNDER THOKY BAHADOOR,
ROY BYCANTNAUT1I CHOWDRY.
Suivent environ trois cents autres signatures des principaux indigènes de Calcutta.
En temps ordinaire, le Dr Esdaile aurait pu aisément avoir, s’il l’eût désiré, un hôpital par souscription ; mais maintenant Calcutta est en proie à une panique par la perle du crédit mercantile résultant de l'inquiétude politique et de la faillite de la banque de l’Union.
Les magnétiseurs attachés à l’hôpital mesmérique ont élé envoyés par le gouvernement dans les diverses stations du Bengale, et il n’est pas douteux qu’on en entendra parler tôt ou tard.
John ELL10TS0N.
VARIÉTÉS.
Tribunaux. — Nous avons rendu compte des débats d’une affaire d’escroquerie, et d’exercice illégal de la médecine, dirigée contre le nommé Riéder et la femme Pichon. Le tribunal a rendu hier son jugement.
Riéder, déclaré coupable d’escroquerie, a été condamné à un an d’emprisonnement. La femme Pichon, comme complice, a été condamnée à 5o fr. d’amende.
Bonlojne, 11 mil.
(Gazette des Tribunaux)
Appel de ce jugement a été interjeté ; nous devons nous abstenir de réflexions jusqu’à ce que l’arrêt de la Cour soit rendu.
Chronique. — Le célèbre Davis est actuellement à Brooklyn, faubourg de New-York, où il entre, dit-on, de lui-même en somnambulisme, et écrit des ouvragas dont un volume va bientôt paraître. Une polémique très-ardente se suit sur l’origine de ses révélations ; beaucoup de gens pensent qu’il n’est point du tout inspiré, mais qu’il reflclte les pensées de ses magnétiseurs, ce qui fait de ses écrits une véritable compilation des œuvres de Swedenborg, Fourier, etc. Nous ferons incessamment connaître le résultat de cette discussion.
— Les poursuites recommencent contre les somnambules, sous l’inculpation dYxercice illégal de la médecine. Trois procès de ce genre s’instruisent en
ce moment, l'un à Paris, l’autre à Digne, et le troisième à Crépy-en-Valois. Nous onmentionnerons l'issue aussitôt que les tribunaux auront prononcé.
— On lit dans VUnion du 9 mars le fait suivant :
«Un incident assez extraordinaire est arrivé aujourd’hui â Saint-Roch. On procédait aux obsèques d'une personne décédée hier, lorsqu’au milieu de la cérémonie un homme est arrivé tout effaré. 11 a déclaré qu’il était ministre protestant, et qu’en rapport avec une somnambule très-lucide, il venait avertir les pareils du décédé qu’on enterrait un homme parfaitement vivant. On s’est empressé, après avoir tenu conseil, de vérifier cet étrange avertissement. Un médecin a été appelé, le corps transporté dans la chapelle du Calvaire, on a ouvert la bière , et il a été reconnu que le prétendu vivant était bien mort. Le ministre protestant et la somnambule en sont, l’un pour sa crédulité, l’autre pour sa fausse lucidité, et la cérémonie a été achevée sans autre incident que la préoccupation bien naturelle causée par cette bizarre intervention. »
— Une nouvelle société magnétique est sur le point de naître. M. Magloire Dorange , avocat à Rennes, s’occupe de réunir en corps les magnétistes de cette ville pour y propager collectivement le mesmérisme par des démonstrations gratuites. Tous nos amis apprendront celte nouvelle avec plaisir, cl feront, comme nous, des vœux pour que la constitution du groupe inesniérien de la Bretagne soit prochaine.
Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).
VARIÉTÉS.
Urbain Grandier. — Tel est le litre d’un nouveau drame, par MM. Alexandre Dumas et Auguste Ma-quet, représenté au Théâtre Historique le 5o mars dernier ; drame parsemé de scènes magnétiques, et dont, sous ce rapport, l’apprécialion nous appartient spécialement.
Exposons d’abord les faits.
La vie d’Urbain Grandier exposée dans cette pièce n’est pas historique, il n’y a de vrai que sa fin tra-gique.
Selon les dramaturges, Urbain , aimant Ursule de Sablé, se fait soldat pour pouvoir l’épouser. Au retour d’une campagne en Italie, où il a gagné le grade de capitaine de mousquetaires, il s’entretient avec le curé de son village, auquel il confie qu’il est doué d’une puissance étrange, dont il s’effraie lui-mêine. Il n’a qu’à imposer à un être vivant toute la puissance de sa volonté pour le plonger dans un sommeil lucide et surnaturel, où la distance et les obstacles matériels disparaissent pour lui, et où sa pensée obéit invinciblement à celle d’Urbain. Le magnétiseur sans le savoir, apaisait ainsi les souffrances de son frère, enfant; et il a , par le même moyen , arraché à 'une femme qu’il avait aimée avant Ursule, à Jeanne de Laubar-dernont, un secret terrible : elle lui a révélé, dans ce lte sorte d’extase, qu’elle avait un autre amant.
Pour donner au vieux curé, qui fut son premier maître, un exemple de ce surprenant pouvoir, Ur-
TO.'IF IX. —Ri" 117. — 10 H\1 185(1. !l
bain endort devant lui son jeune frère Daniel, et l’envoie, en sommeil, au château de Sablé chercher el trouver Ursule. L’enfant ne la voit ni dans le parterre, ni dans la volière, ni dans la grande salle : elle est dans sa chambre, étendue sur son lit, entourée de parents el de serviteurs en larmes. Elle souffre, elle agonise, elle meurt.
Urbain, fou de douleur , se fait moine , et devient bieniôt supérieur des frères de la Merci, à Loudun, où Jeanne de Laubardemont, que son délaissement a jetée au couvent, est ausst abbesse des Ursulines.
Urbain, recevant dans sa cellule la visite de son frère Daniel, ne résiste pas au désir d’aller visiter au moins par l’âme, la tombe où repose Ursule. Il endort Daniel dont la vision interne conduit sa pensée au cimetière, devant la sépulture de la famille de Sablé. Il y voit le cercueil du père d’Ursule, celui de son jeune frère , et le sien enfin ; mais quoi, il est vide! Qu’a-t-on fait d’Ursule? Daniel regarde dans le passé; il voit Jeanne de Laubardemont emporter Ursule et l’enfermer dans un caveau de son abbaye ; il voit Ursule se réveiller, ressusciter et vivre. Et peut-il mener Urbain là où la pauvre enfant respire ensevelie? Oui, si Urbain veut ne pas le réveiller et le suivre.
Guidé par le somnambule, Urbain arrive la nuit à la prison souterraine : les deux amants se revoient; mais une grille les sépare, et Jeanne en porte toujours la clef.
Lin bal était, cependant, offert aux seigneurs de la ville, dans le cloître des Ursulines. Les religieuses, en dominos , s’y livraient à des danses plus que mondaines. Une reine inconnue el masquée présidait la féte ; el, du haut de son trône, l’excitait de sa harpe d’or. Tout-ù-coup Urbain Grandier paraît; les gra-
cieuses danseuses disparaissent, et la reine va les suivre; mais Urbain l’arrête d'u» geste magnétique, va lentement à elle , lui ordonne de lui remettre la clef, prend celle-ci et s’éloigne.
Après avoir délivré Ursule, Urbain la cache dans sa cellule ; mais il est bientôt accusé d'avoir usé de magie et de sortilège à l'encontre des Ursulines. Emprisonné, il n’espère plus qu’en un miracle de Dieu, lorsque Jeanne de Laubardemont vient encore lui offrir la liberté en échange de son amour. Il se hâte de magnétiser l’imprudente abbesse, la force â lui découvrir le secret d’une porte cachée, et s'évade....
Là finit la partie magnétique de la pièce ; il convient maintenant d’en apprécier l’effet sur l’esprit du nombreux public que chaque représentation attire.
Mais , le dirai-je? Je crains, en écrivant cet article, que la colère me transporte ; je crains que le dédain que j’avais déjà pour les savants qui composent les Académies se change en mépris, et que l’outrage que méritent ces gens sans vertu, sorte de ma bouche. Assez d’autres bientôt, qui n’auront pas les mêmes droits, le feront sans réserve, aux applaudissements du monde entier.
Le motif qui me fiât prendre aujourd’hui la plume est donc bien puissant? Aurai-je à consigner quelque nouveau déni de justice, et les savants auraient-ils en ma personne flétri la vérité? Oh! non; il faudrait encore un certain courage : ils n’en sont plus capables.
Ce qui m’indigne contre cet aréopage d’impuissants et de félons de la science, c’est de voir que, tranquilles témoins d’un mouvement social et moral qui se prépare dans la nation, ils paraissent résolus à n’y prendre aucune part. Semblables à des momies, nos Académiciens ne voient rien, n’entendent rien. In
monde s’avance, apportant dans son sein le germe d'une vérité nouvelle qui doit changer la face morale de l’humanité : nos savants, comme des imbé-cilles, dorment sans s’en émouvoir!
Fasse le ciel que le peuple ne comprenne pas trop tôt ce que Dumas lui révèle dans le drame que nous venons devoir! Son recueillement indique déjà qu’il pressent la vérité; chaque fait de magnétisme est saisi par lui avec avidité ; son instinct lui dit que tout est vrai dans ces scènes invraisemblables pour les savants, et qu’un pouvoir bienfaisant ou terrible existe dans chaque homme. Qu’importe au peuple l’anachronisme qui fait d’Urbain Grandier le successeur de Mesmer? Il s’inquiète peu de la vérité historique. Il voit un voile levé, celui qui cachait à ses yeux la nature; des mystères lui apparaissent : il s’y initie sans trop y réfléchir encore ; mais un pas de plus dans cette voie, et il saura tout ce qu’il peut. Quelle puissance humaine alors sera assez forte pour arrêter dans sa marche et dans ses effets une divulgation plus terrible que celle du feu et de la poudre?
Où est la vigie qui signale le danger? Où sont les hommes de science qui, connaissant les principes nouveaux , soient prêts à prévenir les abus, les crimes peut-être, ou seulement à les circonscrire? C’est en vain que vous feriez appel aux lumières du temps : ces hommes ne savent rien. Pour eux le magnétisme n’existe pas, le somnambulisme est une rêverie, et nous des dupes ou des charlatans, list-ce que nos Académies seraient devenues le Valais? Quoi! leurs membres nient un fait qui se produit dans le monde entier! Les théâtres seraient-ils destinés à remplacer les écoles, et les romanciers les professeurs ? C’est ce que la suite nous apprendra bientôt.
PI! POTET.
Clairvoyance. — On lit dans la Gazelle des Tribunaux, du 5 mai, la curieuse narration que voici :
« Depuis quelque temps, des exemples fort curieux de la lucidité du somnambulisme, appliquée par quelques magnéliseurs à la recherche et à la constatation de vols commis dans des circonstances mystérieuses ont élé portés à la connaissance de la justice. Sans nous prononcer sur le plus ou le moins d’importance que l’on doit attacher à ce moyen d’instruction , nous pensons qu’il n’est pas sans intérêt de relater quelques-uns des derniers faits qui viennent de se produire.
« Une femme d’une quarantaine d’années, que des revers de fortune ont fait descendre d’une situation aisée aux humbles fonctions de portière d’une maison du quartier de la Bourse, avait été volée , il y a quelques jours, d’une somme de 2,740 francs, composée de 2,600 fr. en billets de banque et de i/jo fr. en argent. Elle fit le même jour sa déclaration au commissaire de police, et parla du vol dont elle avait été victime à plusieurs locataires de la maison, entre autres à un banquier qui occupe l’entresol et le premier étage, pour son appartement privé et ses bureaux.
« Le lendemain, dans la matinée, un jeune homme qui, se trouvant sans place, avait passé l’hiver dans une petite mansarde de la maison, el avait pris l’habitude de venir causer fréquemment avec la concierge en se chauffant à son feu, s’enquit près d’elle des démarches qu’on avait dû faire pour découvrir son voleur : « Que voulez-vous, lui répondit celle-ci d’un air résigné, car elle avait dès le premier moment porté ses soupçons sur lui et voulait éviter de le mettre en défiance; que voulez-vous, j’ai été volée, c’est 1111 malheur : les démarches que je ferais n’abouti-
raient à rien ; l'argent et le» billets n’ont pas d'extrait de naissance; ils sont bien à ceux qui les détiennent.
— Vous avez tort, lui répliqua le jeune homme; à votre place, j'irais consulter une somnambule; peut-être vous indiquerait-elle votre voleur. — Laissez donc! répondit d son tour la concierge, je ne crois pas aux magnétiseurs, et le mieux pour moi est de ne plus penser à cela. •*
« Cette conversation, au lieu d'affaiblir ses soupçons, les confirma davantage; elle en parla au banquier, ctcclui-ci, non-seulement l’engagea à aller chez une somnambule, mais offrit de l’y accompagner. Le lendemain matin, la visite projetée eut lieu, et voici ce qui s'y passa :
« Mise en rapport avec la concierge, et celle-ci demandant à la somnambule si elle savait pourquoi elle la venait consulter : — Vous avez été volée, lui répondit-elle. — Que m’a-t-on pris? — De l’argent; c'est-à-dire une somme en billets et un |>eu d'aigent.
— Combien, environ ? — Près de trois mille francs.
— Qui a commis ce vol?— Un jeune homme, grand, brun, mince; il habile tout au haut de la maison, sous les toils. — Où est-il; que fait-il ? — Il est dans une pièce où trois jeunes gens sont, comme lui, assis à des bureaux où ils écrivent. — Pourriez vous dire son nom ? — Non, je ne le sais pas. — Si on vous l'écrivait?— Essayez.
« On écrivit alors plusieurs noms sur un papier; elle les lut, et répondit : — Son nom n’y est pas. — Tâchez de le savoir. — Ah ! le voilà qui signe ce qu'il écrivait. Donnez-moi un crayon. Et prenant celui qu’on lui présentait, elle écrivit le nom du jeune homme.
« Pourriez-vous, lui demanda-t-on alors, voir où il a caché les billet» et l'argent volts ? — Ils sont ca-
ehca sous un tas de linge sale, dans sa mansarde, à gauche, près de la porte d’entrée.
« lin sortant de cette bizarre consultation, le banquier conduisit la concierge à la préfecture de police, où il raconta ce dont il avait été témoin.
« Vos soupçons, demanda-t on à celle-ci, se portaient-ils bien réellement sur le jeune homme désigné avant voire visile chez la somnambule ? — Ils étaient tellement fixés, répondit-elle, que j’en avais fait part au commissaire de police, et qu’il en a fait lui-même mention dans son procès-verbal.
« Dès lors, on n’hésita pas à décerner un mandat de perquisition, lequel, d’accord avec le banquier, devait porter, non pas seulement sur le jeune homme désigné, mais sur tous les locataires de la maison. Ce mandat, remis à l’un des commissaires de police du service des délégations judiciaires, reçut aussitôt son exécution. Il n’eut pas, à la vérité, pour résultat immédiat la découverte de la somme au lieu indiqué, circonstance qui s’expliqua par le temps nécessairement écoulé pour l’accomplissement des démarches et formalités indispensables ; mais il mit sur la trace d’indices que le secret dont toute instruction judiciaire doit s’entourer interdit de faire connaître.
« Parmi d’autres faits de même nature, nous pourrions citer un vol d’argenterie, d’une valeur de 12,000 fr., commis au préjudice de M. Fould, dans sa belle propriété de Roquencourt, près Versailles, vol dont les auteurs, aujourd’hui détenus dans une maison centrale, furent désignés à Mrae Fould par une somnambule qu’elle avait consultée, et dont la lucidité était telle, qu’elle indiqua jusqu’au nom et le domicile du receleur.
« Un autre fait fort curieux est celui d’une jeune fille de quinze ans, somnambule elle-même, qui avait
disparu du luit paternel depuis trois jours. lorsque d’honnôtes campagnards la recueillirent, abandonnée après avoir été victime d’un horrible attentai, sur la berge du canal de l’Ourcq. Plongée dans le sommeil magnétique, elle indiqua, en présence d’un magistrat que son malheur avait vivement intéressé, le lieu où elle avait été conduite, décrivant le village, indiquant le nom de la rue, le numéro de la maison, et décrivant minutieusement les lieux.
« Quelles conséquences tirer de ces exemples ? Nous ne saurions le dire; car, à côté de ces faits que nous citons, cent autres se produisent où les renseignements sont complètement erronés, et pourraient, si l’on y ajoutait confiance, précipiter dans les plus déplorables erreurs. »
Nécrologie. — M. le Dr Lafont-Gouzi, de Toulouse, vient de mourir. Il est auteur d’un petit Traité du Magnétisme animal, considéré sous le rapport de l’hygiène, de la médecine légale et de la thérapeutique, imprimé en i85g.
Revue des Journaux. — Le Bulletin de Thérapeutique, du 15 février, analyse l’ouvrage du Dr Char-pignon. L’auteur de l’article s’étonne qu’un médecin aussi instruit qne notre correspondant d’Orléans croie au magnétisme. Il n’y a rien de sérieux à répondre à un jugement pareil.
— Le Constitutionnel, dont la rédaction nous a toujours été hostile, vient de changer d’allure. Dans son feuilleton des 14 et i5 mars, se trouve la description parfaite d’une scène de somnambulisme, précédée de justes considérations sur le magnétisme. L’auteur de cet écrit est M. de Saint-Georges ; il a, par cette belle adhésion, augmenté la liste des littérateurs cé-
lèbres qui prêtent leur puissant concours à la science de Mesmer.
— L’Evénement, du 20 mars, annonce la publication d’un ouvrage de M. Alph. Esquiros, sur la vie future, dans lequel il sera longuement parlé du sommeil lucide, auquel l’auteur emprunte la preuve de l’immortalité de l’âme. Nous analyserons cet écrit.
— Le numéro de mars , de la Tribune lyonnaise , contient le résumé d’une polémique entre l’abbé Loubert et VUnivers dit religieux, au sujet du magnétisme dans ses rapports avec le catholicisme.
— Tous les feuilletons desjouruaux quotidiens des premiers jours d’avril rendent compte de la pièce d'Urbain Grandier. Les scènes magnétiques y sont plus ou moins détaillées ; mais, ce qui est favorable, c’est l’unanimité de la presse en faveur du magnétisme. Nous n’avons pas trouvé une seule réflexion tendant au ridicule. Au contraire, de judicieuses observations sont faites sur l’inlercalation des situations magnéliques , qui donnent au drame un intérêt vil et nouveau. Voir le Crédit, l’Événement du 2 avril, la Presse du 5, l’Estafette, le Siècle du 4, le Journal des Théâtres du 6, et surtout le Constitutionnel du 4> qui, contre sa vieille habitude, fait un bel exposé des diverses situations magnétiques qui animent celle pièce remarquable.
— La Critique, du 16 avril, contient un article apologétique du magnétisme dans l’antiquité.
— La Presse et Y Evénement. du 4 mai, reproduisent en parlie le récit de la Gazette des Tribunaux ci-dessus transcrit.
BIBLIOGRAPHIE.
MESMEK ANI) SWEDENBORG : or, the Relation of the Developments of Mesmerism lu the Doctrines and disclosures of Swedenborg; by George BUSH. 1 vol. in-12", second édition, New-York, 1847.
4e ARTICLE (1).
Ce qui «t le plus contribué à exalter la foi Swe-denborgienne chez G. Bush, ce sont les révélations de J. Davis, le célèbre somnambule américain, et surtout celles qui ont un rapport direct avec lui.
Nous avions, jusqu’à présent, envisagé G. Bush comme écrivain spiritualisle, ou plutôt Swedenbor-giste; nous pensions que c’était là le terme de son ambition ; mais nous nous trompions : on n’obtient pas facilement le dernier mot de l’amour-propre allié au prosélytisme. Aussi, malgré la coïncidence remarquable du document révélé de Davis avec les écrits de Swedenborg, nous avions quelque peine à comprendre l’importance que Bush attachait à cet écrit; lorsque, dans un petit coin obscur, au milieu d’interminables notes rejetées vers la fin du volume, et sous la forme la plus laconique, nous découvrons que, « par un grand dessein de la Providence, » G. Bush a été choisi pour contribuer à l’accomplissement du
(1) Dans notre dernier article, il s’est glissé une erreur typographique, page|97 , ligne 5, au lieu de 1709 , lisez 1679.
Swcdenborgisme. « Jusque-là, dit-il, je n’avais pas été compétent pour le comprendre; mais la lumière étant entrée dans mon esprit, ce dessein devint tout à fait manifeste; et je me reconnais avec joie comme l’instrument de son accomplissement. » Voilà donc Bush qui se révèle à notre attention sous un nouvel aspect. Le voilà officiellement délégué pour être l’apôtre du nouvel évangile, pour catéchiser l’univers. Le voilà prédestiné, instrument de la Providence, de par monsieur Swedenborg !
U paraît, décidément, que c’est un mal contagieux, et que Swedenborg porte réellement malheur à ses partisans. Qui aurait cru, en effet, qu’un homme aussi grave que le professeur américain eût pu descendre et s’abaisser jusqu’au rôle de prédestiné, pour la propagation des doctrines théologiques du révélateur suédois?
Dans une courte notice sur J. Davis, nous allous signaler la cause de la fascination qu’il a exercée sur G. Bush. Nous serons étonnés de voir un homme aussi instruit dans la science de Mesmer, se laisser duper par un simple fait de transmission de pensée; phénomène qu’il connaissait sous toutes les faces, et qu’il a analysé savamment, non seulement dans le cours de son ouvrage, mais même à l’occasion du document de Davis.
J. Davis, de New-York, jeune homme d’environ vingt ans (en 1847), renommé pour sa remarquable lucidité magnétique, s’était livré professionnellement, depuis deux ou trois ans , a la recherche des maladies. L’exercice de cette faculté, cependant, ne s'est pas borné à celte matière, parce que, se croyant en communication directe avec l’esprit de Swedenborg, celui -ci lui aurait, à ce qu’il parait, suggéré d’entreprendre des cours scientifiques sur toutes les bran-
clies de nos connaissances : l'ethnologie, l'astronomie, la géologie, la physiologie, et autres sciences qu’il ignorait profondément dans son état de veille. Il avait seulement passé quelques mois de son enfance à l’école; et jusqu’au moment où il entra dans la carrière du mesmérisme, il avait été apprenti cordonnier. Ses lectures s’étaient bornées à une douzaine de volumes, parmi lesquels YHistoire de trois Espagnols l’avait le plus impressionné. Quant aux livres de sciences, il n’en avait jamais lu un seul ; et lorsque, dans son étal mesmérique, il parla des planètes, il ne possédait pas la plus légère notion de la mécanique céleste. Cependant, dans ses improvisations scientifiques, il a constamment fait un usage correct d’une multitude de termes techniques qu’il est complètement incapable de définir dans son état normal, et qui ne pourraient venir qu’à ceux qui sont familiarisés avec les nomenclatures spéciales. G. Bush aflirme l’avoir entendu, dans ses cours, citer avec la plus grande exactitude, des mots, des phrases de langues anciennes dont il n’avait aucune connaissance, et jusqu’à de longs extraits du sanscrit. Enfin , ce qui n’est pas moins remarquable, c’est que les propositions de ses leçons ont une coïncidence frappante avec celles de Swedenborg, Fourier et quelques autres novateurs distingués. G. Bush assure, cependant, que Davis n’était lié avec aucune personne qui connût Swedenborg et qui pût le guider dans la voie de ses doctrines. « Quant à moi, ajoute-t-il, quoique; j’eusse parfois des entretiens avec ce jeune homme et scs deux associés, je puis certifier que, aussitôt que j’eus connaissance de ces singulières coïncidences, je me suis abstenu des allusions même les plus éloignées et les plus générales sur ce sujet; dans les entretiens particuliers, j’usai de la même précaution. »
Mous voici arrives au fameux document, la clef de voûte de l’édifice construit à si grands frais par M. Bush. Nous avons rapporté (i) de quelle manière et dans quelles circonstances il avait été inspiré, dicté et écrit, et à qui il était destiné. En l’examinant, nous démontrerons par qui il a été réellement inspiré et dicté, et aussi, dans quel but.
En envoyant cet écrit mystique à G. Bush, J. Davis lui raconte la scène extatique pendant laquelle il l’a tracé. « Après m’être procuré du papier pour écrire une lettre, dit-il, j’eus le désir de descendre jusqu’à la rivière, sans savoir qui m’y poussait. —Aussitôt, je perdis toute connaissance du lieu où j’étais. Je sais seulement que je rencontrai la même personne que j’avais vue dans la cour du cimetière de Hyde-Park (l’esprit-Swedenborg). — Je me souviens aussi d'avoir causé avec elle, d’avoir pris mon crayon et écrit toutes les pensées qu’elle m’a données. Je me rappelle qu’elle m’a quitté soudainement, et que je sortis de mon état (extatique). — A ce moment, je fus étonné de me sentir mouillé (par la pluie), el de trouver le papier sec, placé sous mes vêtements. — J’étais alors sur la montagne, en face de Poughkeepsie, à environ quatre milles. —Je revins à la maison, et je semis qu’il fallait que vous eussiez le papier immédiatement. — J’ai été si fortement impressionné de cette idée, que je vous l’envoie, car cela doit être convenable. (Il musl be right.)
Nous allons donner quelques passages de ce document, trop long pour trouver sa place ici, mais qu’il est nécessaire de connaitre, au moins dans sa teneur.
(t) Voir noire deuxième article, p. r.87 et m, toine VIII, .lu Jour ml //u Magnétisme.
« Puisque, par une cause inexpliquée, les choses intérieures de mon esprit sont ouvertes, et que, par ce moyen, il m’a été donné de discourir avec vous (c’est à Swedenborg qu’il parle), et d’être instruit par vous de ce qui concerne les choses futures qui me conduiront à la connaissance étendue de la pluralité des mondes; de savoir que la race humaine n’est point confinée à la terre seule, mais qu’elle s’étend jusqu’à des mondes innombrables; et que l’homme, si son intérieur est assez ouvert, peut s’instruire de toutes ces choses.....Je sais qu’il vous répugne de discourir avec la parole, et que, malgré cela, vous pénétrez dans le cerveau, du côté droit où est le principe de la pensée, au-dessus de l’imagination... »
Ici se trouve décrite la doctrine révélée de Swedenborg, composée d’extraits pris littéralement dans les Arcanes célestes et dans les Mondes dans l’univers Davis termine en disant à Swedenborg : « L’Utilité (de cet écrit) pour le monde n’est pas connue; mais elle est maintenant manifeste pour moi; et I’esprit gui est maintenant sur votre esprit, lira ceci et jugera d’après ses rapports avec vos écrits, de quelle sphère votre esprit s’est manifesté. »
Maintenant, examinons la lettre de Davis à Busch, et le document dicté, dit-on, par Swedenborg. 11 doit résulter de leur analyse des réflexions piquantes.
Nous avons vu que le but de l’expédition extatique de Davis, à Poughkeepsie, était d’écrire, sous la dictée d’un pouvoir surnaturel, une lettre destinée au professeur Bush, ainsi que l’indique le document qui nous apprend qu’en même temps, elle était adressée à Swedenborg; ce qui résulte évidemment de ces paroles : « Puisqu’il m’a été accordé de discourir avec vous, pendant que vous êtes près de notre terre. » Ce qui
est conforme, du reste, avec l’opinion de noire auteur.
I ne lettre adressée à Swedenborg ! Voilà, certes , une bien singulière correspondance. Comme on n’écrit pas une lettre à quelqu’un pour qu’elle ne lui parvienne pas, on aurait dû dire par quel moyen celle-ci serait arrivée aux mains du destinataire. Ce procédé serait humiliant, même pour nos télégraphes électriques.
Nous nous trouvons embarrassé, ici, parce que nous ne voudrions pas supposer que cette lettre, destinée à Swedenborg, dût seulement rester entre les mains de G. Bush; cela ne respecterait ni la logique, ni les convenances. A moins que celui-ci ne fut son secrétaire, son homme d'affaires; et vraiment, on serait tenté d’admettre cette dernière supposition. D’un autre côté, quel intérêt pouvait olfrir à Swedenborg une lettre entièrement composée de phrases, de sentences prises dans deux de ses écrits ? Ceci cache un mystère, même pour les plus crédules.
Pour dire la vérité, cet écrit présente toutes les apparences, tous les caractères du phénomène mesmérique nommé communication de pensée. Car, ne peut-on pas légitimement attribuer l’excursion de Davis à l’influence magnétique de G. Bush? Ne serait-il pas le provocateur mental de l’inspiration soudaine du voyage? N’aurait-il pas dicté, par la transmission de pensée, les extraits qui ont formé la substance de l’écrit, puisqu’ils sont pris, mot pour mot, dans sa propre version? Ce qui doit ne laisser aucun doute à cet égard, ce qui démontre irrésistiblement la justesse de notre allégation, c’est que cette traduction de Bush n’était pas publiée; qu’elle était encore à l’état de manuscrit.
Aimerait-on mieux admettre que c’est l’esprit-
Swedenborg qui a attiré Davis et lui a dicté le document? Mais alors il faudrait supposer un but. A quoi lui aurait servi de se faire écrire une lettre qu’il aurait dictée lui-même et qu’il aurait lue mot à mot, non pas dans sa propre langue qui était le suédois, non pas dans le latin qu’il avait choisi pour écrire ces deux traités, mais bien dans une version anglaise, comme le témoigne l’écrit en question. Mais quel anglais ? Est-ce l’anglais qui traduit sa langue mater-ternelle ou son édition latine, et qui peut revêtir les mêmes pensées de vingt formes différentes ? Non, c est celui que G. Bush a employé dans sa traduction, encore manuscrite ; c’en est le mot à mot. Comprend-on la portée de ces déductions?
Encore une réflexion. Imagine-t-on que Swedenborg dicte des passages de ses écrits à Davis, et qu’il ne se serve pas du langage des esprits, le seul qu’il lui soit donné de parler ? Car, ne dit-il pas, dans son traité du Ciel et de l’Enfer, 20^. « Le langage humain n’a rien de commun avec le langage angélique... Cela est évident d’après ceci; c’est qu’il est impossible aux esprits de prononcer un mot du langage humain ; cela a été essayé, mais ils ne purent pas réussir. »
Ainsi Swedenborg, attendu que sa qualité d’esprit lui interdisait l'usage de tout langage humain, n’a pu dicter le document, ni en suédois, ni en latin, ni en anglais; pas même celui de son apôtre Bush ! — Il est vrai que dans le même numéro du Ciel etdt T Enfer, il ajoute : « On m’a dit que le premier langage des hommes sur noire terre s’accorde avec le langage angélique. parce qu’ils l’ont reçu du ciel, et que le langage hébreu s’accorde avec lui, en plusieurs choses. » Doù il résulte que si la langue hébraïque est, en partie, composée de la langue angélique, les anges peuvent prononcer, en partie, l’hébreu ; donc ils peu-
venl parler un langage humain. Ou est habitué à de pareilles contradictions quand ou a fait connaissance avec les écrits du verbeux suédois.
Ün conçoit aisément qu’un document qui renferme pour Bush un diplôme d’apôtre swedenborgien, soit devenu de sa part, l’objet de nombreux commentaires et d’interprétations intéressées. « La communication en question, dit-il, m’a été réellement envoyée par le jeune Davis ; elle fut dictée supernalurellement à son esprit ; cela est évident : aussi, ma surprise fut-elle extrême. Ayant reçu de lui l’assurance solennelle qu’il n’avait jamais lu une seule syllabe des Arcanes, et qu’il ignorait même l’existence de cct ouvrage, je fis la vérification de tous les passages cilés qui composaient sa lettre, et je remarquai qu’ils étaient tous parfaitement corrects, à l’exception d’une seule faute de typographie, puisqu’elle se trouvait même dans le texte original de Swedenborg ; c’est le chiffre 744° des Arcanes celestes, au lieu de 733g. Dans une investigation ultérieure, je remarquai même que ses citations étaient extraites, mol pour mot, du traité des Mondes dans l'univers, qu’il ne connaissait pas non plus. Je le questionnai à ce sujet, dans son état mesmérique, cl ce qui est remarquable, c’est que, quoique j’eusse mon manuscrit sur moi, désirant lui proposer quelques questions relatives à l’exactitude de ma traduction, je trouvai qu’il n’avait pas besoin de la consulter; car il résultait évidemment de ses réponses qu’il la connaissait depuis le commencement jusqu’à la fin ; quoique, pendant cet entretien, il eût les yeux bandés avec soin, et qu’il fût dans l’impossibililé d’en lire un mot. Je n’eus pas besoin de recourir à un seul passage de mon manuscrit, car il était positif qu’il le possédait en entier, quoiqu’il n’eût pas lu une seule
ligue ele eu que j'avais écrit ; ni su, précédemment, si j'avais rien écrit. »
« On ne peut se refuser d’admettre, comme conséquence, qu’ils furent (les extraits) copiés directe-ment et matériellement dans l’ouvrage en question; ou bien, transmis de l’esprit de quelqu’un, sur la mémoire duquel ils étaient imprimés comme sur des tablettes. à l’esprit de Davis; suivant la loi de communication entre la mémoire des esprits, comme nous l’avons expliqué dans notre chapitre qui traite de ce sujet. Ce que Swedenborg enseigne à cet égard favorise incontestablement l’idée d’une mystérieuse transcription mentale. »
Croirait-on, après des observations si bien déduites, si logiques, que la lumière n’ait pas pénétré jusqu’au fond de l’intelligence de Bush ? Il n’y avait cependant qu’une seule conclusion à tirer de cette analyse, il fallait dire : puisque cet écrit est dû à la transmission dépensée; que les citations qui le composent ont été prises mot à mot dans une traduction manuscrite et non publiée, faite par moi; il est évident alors que mon esprit a transmis mentalement «à Davis extatique, les passages de ma version de Swedenborg qui était imprimée sur ma mémoire comme sur des tablettes. — Ce langage, dans la bouche d’un savant mesmériste, d’un logicien habile, d’un homme droit, eût été convenablement placé; mais il s’est tu sur cette impitoyable conclusion ! En accuserons-nous son intelligence ou sa bonne foi?
Il est vrai que l’admission d’une pareille conclusion aurait eu, pour Bush, une grave conséquence : tout l’échafaudage sur lequel il élève ses droits à la mission d’apôtre choisi surnaturellemeut, par Swedenborg, se fût écroulé. Il eût perdu l’occasion de prouver, parce document, la vérité des révéla-
lions de son prophète, el (l’établir, en même temps, qu’il est officiellement chargé d’enseigner, de propager, de défendre les doctrines religieuses du révélateur suédois, d’être son vicaire; en un mot, le pape de son église. Quel malheur ! et quel abaissement pour lui, s’il se fût cru réduit à n’être plus qu’un homme distingué par des capacités, un grand savoir et une haute moralité ! C’est si vulgaire !
Dans ce document mystique dans sa forme el dans son origine, G. Bush voit un nouvel ordre de témoignage, venant d’une autre source que celle de Swedenborg; un auxiliaire, enfin, pour l’établissement des réclamations de ce messager de Dieu. Ainsi, il résulte de cette considération, que Swedenborg cherche à s’appuyer sur Davis ; qu’il en appelle à son témoignage. Cependant Bush dit (page 194) : qu’il regrette d’être obligé d’avouer que, dans les questions de théologie et spécialement sur le sujet général de la Parole révélée, Davis va tout à fait contre les enseignements du prophète suédois. Ainsi, Swedenborg s’appuie, pour certifier sa vérité religieuse, sur le témoignage d’un adversaire, d’un homme qui la rejette et professe des doctrines contraires. Et malgré ces contradictions par trop grossières, le professeur Bush, s’appuyant sur le passage du document où Davis te voit sur l'esprit de Swedenborg, dit modestement : « Je me reconnais avec joie comme l’instrument de son accomplissement. » Voilà ce qu’on voudrait nous imposer comme des vérités! Et cela s’écrit, s’imprime, se publie, se prône! Et les partisans de toutes ces sottises s'intitulent spiritualistes, et nous jettent à la tête leur dédaigneux mépris !...
Les exemples de transmission ou de communication de pensée ne sont pas rares, même lorsqu’ils présentent des circonstances analogues au fait qui
nous occupe. Noire lâche ne nous obligeant pas à présenter ici la théorie de ce phénomène prodigieux, nous nous contenterons de renvoyer nos lecteurs, surtout les spiritualistes, à l’explication donnée par Swedenborg lui-méme, et insérée dans notre dernier article. «Les esprits, dit-il, pénètrent dans la mémoire et dans toutes les sciences de mémoire que l’homme possède; et ils se les approprient tellement, qu’ils ignorent si ces choses sont réellement à eux. »
Nous puiserons un fait qui nous paraît avoir une grande similitude avec celui que rapporte G. Bush , touchant J. Davis, dans les annales du peuple juif. La chronique qui nous la fournit étanl un livre apocryphe, nous pouvons nous permettre de l’examiner avec un peu de familiarité : c’est le quatrième livre d Esdras, rejelé de l'index des livres canoniques, par le Concile œcuménique de Trente. 11 offre une intéressante matière aux investigations archéologiques, au point de vue du mesmérisme. Ce ne sera pas, de notre part, si l’on veut, un fait historique que nous analyserons, ce sera un fait de l’esprit humain. 11 s’agit donc ici d’une question purement philosophique el nullement théologique.
Ceci étant bien entendu, nous citons :
Au quatrième livre d’Esdras (i), chap. XIV, Esdras dit au Seigneur :
« Le livre de la Loi a élé consumé par les flammes; il ne se trouve plus personne qui soit instruit des
(1) Esdras, doc leur de la Loi, à Jérusalem, pendant la domination étrangère, tenta , l’an 45* avant J. C., de rétablir le culte judaïque ancien. Il remit en ordre les Livres sacrés que quelques critiques croient avoir été brûlés lors de l'incendie du Temple, sous Nabuchodouosor, qui, eu 587 , détruisit de fond en comble la ville de Jérusalem, dont les habitants furent passés au til de l’épéc, ou conduits en captivité en Assyrie , province de U Perse.
grandes choses que vous avez faites. — Si j’ai trouvé grâce devant vous, remplissez-moi de votre Esprit saint, et j’écrirai tout ce que vous avez fait dans le monde, depuis le commencement, et tel qu’il était écrit dans le livre de la Loi ; afin que les hommes puissent marcher dans vos voies, et vivre jusqu’à la fin des siècles, s’ils le veulent. — Le Seigneur nie répondit : Va, assemble le peuple, et dis-lui qu’il ne te cherche pas pendant quarante jours. — Prépare de nombreuses tablettes de buis, et prends avec toi Garias, Da-brias, Sélémias, Eehanus el Azrel (i), cinq de ceux qui sont capables d’écrire avec beaucoup de vitesse. — Reviens ensuite ici, et j'allumerai dans ton esprit le flambeau de ïintelligence ; et il ne s’éteindra pas avant que les choses que tu auras commencé d’écrire ne soient achevées. — Tu en découvriras quelques-unes aux parfaits, et tu en diras d’autres en secret aux sages. — Je pris les cinq hommes comme cela m’avait été ordonné, el nous allâmes dans la campagne, où nous demeurâmes. —Le lendemain, la voix m’a -pela et me dit : Esdras, ouvre la bouche et bois ce que je te présenterai. — J'ouvris la bouche, et voici qu’une coupe pleine me fut présentée. Ce qu’elle contenait était semblable à de Veau, et sa couleur, cependant, avait tout Féclat du feu. — Je pris la coupe
(1) Selon le savant P. Lacour, auleur des /F.loim , tout nom hébreu ou chaldaïque a une signification , ei il en trouve une à ces cinq noms; après les avoir analysés grammaticalement, et signalé en même temps la rencontre singulière de l'ordre de ces noms , il prétend que garia aiiria tzki.emia eciianu azrel , considérés comme mots d'une phrase, donnent ce sei.s :
« Obèles *, ou signes des paroles figurées qui ont un double sens : travail d’Esdras. »
(Voyez Æloim , Ier vol., p. 39.)
I.ej oltèles (o(Woj) étaient le» marques (une virgule ou nn coup d'ongle) qnn lo» commentateur? ancien» employaient pour provenir que !«• texte, en cet endroit, était riéfec-lueui ou lutcrptiHc iCun nuire mis
et je bus. Et pendant que je buvais, mon âme (cor meum) était troublée par l'intelligence ; la sagesse croissait dans mon cœur (pectus meum), et mon esprit (spiri-tus meus) conservait la mémoire. — Le Très-Haut donna aussi l'intelligence aux cinq hommes, et ils écrivirent les choses merveilleuses qui leur étaient dictées, pendant la nuit, et qu’ils ne comprenaient pas.— Quant à moi, pendant le jour je parlais, et pendant la nuit je ne me taisais pas. — Or, dans l’espace de quarante jours, deux cent quatre (i) volumes furent écrits. — Et quand les quarante jours furent accomplis, le Très Haut fîtenlendre sa voix el me dit : Publie ceux de ces livres qui ont élé écrits les premiers; et que les dignes et les indignes les lisent; — mais tu réserveras les soixante-dix derniers, afin de les enseigner aux sages de ton peuple. »
Maintenant, que les initiés aux arcanes de la science nouvelle, que.les magnétistes dirigent un rayon de la lumière mesmérienne sur les personnages qui fonctionnent dans ce récit; aussitôt, ils verront tous les points mystérieux s’éclairer, prendre une forme, devenir palpables et se rattacher étroitement à des lois naturelles, aux lois qui les ont produits. Nous sommes persuadé que la simple lecture de cette narration aura suffi pour dévoiler à tout esprit observateur et réfléchi, les phases diverses de faits purement magnétiques; et formuler des inductions qui établiront la parité frappante de ce récit avec tous ceux qui ont pour objet de proclamer de prétendues révélations du inonde des esprits : ce qui prouverait, une fois de plus, que la science mesmé-ricnne est une clef qui peut ouvrir bien des portes.
(1) Plusieurs textes disent deux-cent-quarante. L’édition delà Vulgate latine, de Sixte-Quint et de Clément VIII, dit denx-cent-quatre (ducenti gmtut.r.)
Effectivement, ici les coïncidences sont flagrantes, et nous allons les signaler.
D’abord, ce qui nous frappe, c’est cette coupe présentée à Esdras et dont le breuvage est semblable à de l'eau qui a tout l'éclat du feu. N’est-ce pas ainsi que les sujets les plus lucides désignent généralement l’eau magnétisée?.... Quel effet produisit cette liqueur sur Esdras, aussitôt qu’il l’eut bue? Son âme fut troublée par l'intelligence; c’esi-à-dire qu’il sentit en lui-même une effluve de pensées nouvelles, un accroissement prodigieux de ses facultés ; en un mot, cette crise psychique phénoménale qu’éprouvent généralement les extatiques. La sagesse croissait dans son cœur ; c’est le développement complémentaire de la faculté morale qui se manifeste toujours dans cette circonstance. Et enfin, son esprit conservait la mémoire. Cette dernière observation est très-caractéristique et prouve que le narrateur, Esdras si l’on veut, ne croyait pas, après avoir bu la liqueur mystérieuse, être resté dans son état normal; car, s’il eût pensé n’avoir pas changé d’état, il n’aurait pas eu besoin de signaler qu’il avait conservé la mémoire : cette remarque eût été oiseuse, puérile, ridicule. Il était donc, il croyait donc être passé dans un état anormal ! Pensait-il être favorisé du don prophétique qu’il avait sollicité? Non, assurément; car cette insigne faveur qui donne l’intelligence et la sagesse, et qui exalte les facultés de l’homme, ne peut détruire l’une des plus vivaces, la mémoire. Il ne faut pas supposer qu’Esdras est absurde ; il vaut mieux admettre qu’il était passé dans un état exceptionnel, phénoménal, qui, pendant sa durée, admet l’exaltation des facultés; mais n’im prime aucun souvenir pour la mémoire de l’état normal. Or, c'est précisément l’un des caractères de la trance magnétique. Qui pourrait donc nier, douter
même, qui: lu héros «Je celte chronique ne lût plongé, par suite de l'ingestion de la liqueur mystérieuse, de cet le eau magnétisée, dans l’exlase somnambu-lique P
Il faut encore ajouter celle nouvelle preuve d’iden-lilé; c’est que la conservation de sa mémoire, qu’il constate, c’est-à-dire la conservation de la vie normale pendant l’état anormal, met Esdras dans une condition identique à celle que se sont attribué plusieurs extatiques, en ire autres Swedenborg qui a prétendu que sa vision surnaturelle se produisait simultanément avec son éLat de veille.
Or, cette déclaration de l’auteur du récit prouve en même temps qu’il connaissait la nuance qui distingue les deux élats, et l’importance qu’il atlachait à la supériorité du sien, puisqu’il en constate l’existence.
Ce dernier parallèle doit, nous l’espérons, achever de faire partager à nos lecteurs la conviction qui nous anime.
Maintenant, étendons l’application de notre découverte aux cinq scribes.
Le Très-Haut donna aussi l'intelligence aux cinq hommes. Evidemment, cela veut dire qu’ils furent mis dans le même état qu'Esdras, en crise somnambuli-que. Si l’on en pouvait douter, le complément du verset viendrait l’établir positivement. Ils écrivirent les choses merveilleuses qui leur étaient dictées et qu’ils ne comprenaient pas. Ce dernier coup de pinceau vient parfaire la ressemblance de l’état de ces hommes, avec celui des sujets lucides. Nous savons tous que, revenus à l’état de veille, ces derniers ne se rappellent aucune chose. Que si, par exemple, on les fait parler ou écrire sur des sujets qui dépassent leurs connaissances acquises, éveillés, iis n’y comprennent
rien. Il est bien évident que ce n’est pas à l’état anormal des scribes qn’on peut appliquer le qu'ils ne comprenaient pas ; puisque, suivant la chronique, le Très-Haut leur donna aussi l'intelligence. Aussi veut dire pareillement, de même qu’à Esdras. Et qu’auraient-ils fait de ce supplément d’intelligence, de cette intelli gence supérieure et spéciale, s’ils n’eussent eu qu’à écrire sous la dictée de leur chef. Pour atteindre ce but, leur talent de scribes habiles était suffisant, et leurs facultés surnaturelles, superflues. Ne peut-on pas dicter un théorème de géométrie, ou une formule ontologique à une personne qui les écrirait très-correctement et sans les comprendre? Comment admettre, alors, que les scribes eurent besoin, dans cette circonstance, d’un surcroît d’intelligence,-surtout, lorsqu’avec cette gratification surnaturelle, spéciale, ils ne comprenaient pas même ce qu’ils écrivaient? Cela est impossible et prouve seulement que cette inintelligence ne s’appliquait qu’à leur état de veille ; ce qui les fait rentrer forcément dans le cadre des somnambules. Ou ne peut mieux établir cette assertion que ne le fait chaque mot du récit.
Qu'on leur dictait pendant la nuit, ne veut-il pas dire, pendant que leurs yeux étaient fermés à la perception des objets extérieurs, naturels ?' Car, autrement, qu’importe que ce soit plutôt la nuit que le jour? Ce détail n’offre aucun intérêt, n’ajoute aucun témoignage à l’appui du fait; tandis qu’au point de vue de notre examen, il apporte une nouvelle pièce probante.
Mais qui donc leur dictait ainsi pendant la nuit, pendant qu’ils avaient l’intelligence et qu’ils ne comprenaient pas ? Pendant l’exaltation et l’absence de cette faculté (car ces deux états existaient simultanément) ? Était-ce le pouvoir supérieur, l’influx céleste?
Quoi aurait été, alors, le rôle d’Esdras dans l’évolution do cette scène mystique, digne d’être représentée dans les collèges sacerdotaux de l’antique Egypte? Il était d’abord tout tracé; Esdras avait dit au Seigneur : Remplissez-moi de votre Esprit saint et j'écrirai tout ce que vous avez fait. Et le Seigneur lui avait répondu : le /lambeau de l'intelligence ne s'éteindra pas avant que les choses que lu auras commence d'écrire ne soient achevées. Et cependant rien ne prouve, rien n’indique môme, qu’il ait écrit; au contraire, car il ajoute plus loin : irais moi je parlais pendant le jour, et la nuit je ne me taisais pas (ego autem per diem loquebar,ctpernoctem non tacebam). Or, unhomme qui parle tout le jour et toute la nuit, doit être nécessairement un homme qui n’écrit ni la nuit, ni le jour. Que faisait-il alors de son flambeau d’intelligence et de la sagesse de son cœur ? Serait-il permis de supposer qu’ils lui servaient à dicter les choses merveilleuses à ses cinq commis? Mais comment dicter, en même temps, cinq sujets différents à cinq scribes doués de la plus grande habileté? Cela ne se comprend guère, attendu que la chose est tout simplement impossible. Nous sommes donc réduit à imaginer, connaissant les faits du mesmérisme qui a aussi ses merveilles (naturelles), que la dictée s’opérait par la transmission de pensée. Nous ne verrions donc plus, dans l’Esdras de notre chronique, qu’un magnétiseur agissant sur cinq sujets qu’il dirige, étant peut-être lui-même en extase somnambulique. Les magnétistes érudits connaissent des faits analogues, ou savent au moins qu’il peut en exister. Pour le moment, nous ne citerons que celui de G. Bush, qui fait le sujet de notre présent examen, et dans lequel J. Davis remplit le même rôle que les scribes, Bush celui d’Esdras, cl Swedenborg relui du Très Haut. EfFrcli-
vement, nous y lisons que J. Davis quille intuitivement la ville pour aller à la campagne afin d’v écrire, pendant une crise extatique, sous la dictée d’un pouvoir qui le domine. (Nous avons prouvé que c’est celui de Bush, lui-même.) Or, il écrit des choses qui sont gravées dans la tète de son dominateur, et il les retrace mot pour mot (Verbatim), c’est-à-dire suivant l’ordre littéral de la traduction, manuscrite encore, que Bush venait de faire de deux ouvrages de Swedenborg. De plus, à l’état de veille, il ne les comprend pas et il est obligé d’en demander l’explication à celui qui les possède. Elles ont également pour objet de propager des doctrines religieuses, mais seulement sous l’inspiration de l’esprit-Swedenborg qui, dans cette petite comédie mystique, avait jeté les yeux sur Bush (celui-ci l’avoue naïvement), pour servir de véhicule à ses révélations, d’aiguillon pour exciter le zèle engourdi des Jérusalemites ; et enfin, d’instrument de propagation universelle.
A l’époque où la chronique apocryphe d’iisdras fut publiée pour faire connaître au peuple juif la nouvelle révélation, il n’y avait aucun inconvénient d’entrer dans les détails mystiques que nous venons d’explorer : une longue captivité, la domination étrangère ainsi que l’ignorance l’avaient plongé dans la barbarie, jusqu’au point d’oublier son ancien culte à Jehové. Il ignorait donc complètement les mystères de la science naturelle, à laquelle ses chefs avaient pu se faire initier auprès des mages, à Babylone , et dont la connaissance, réservée aux sages, était enfouie et gardée dans les parvis secrets des temples. Ce n’était donc pas trop oser, alors, que de divulguer des choses qui avaient un double sens : l'un, littéral, pour le peuple; l’autre, intime, pour le sacerdoce. Aujourd’hui que la science nous a émancipés, le sens
intime, surtout celui du passage que nous analysons, nous appartient : nous en avons la clef. Quant au sens littéral, il nous sert à constater, d’un côté, l’abaissement de l’intelligence, et de l’autre... ?
On croirait pouvoir affirmer que, dans nos siècles de lumière, de pareilles tentatives seraient impossibles : c’est cependant une erreur. Le trône des illuminés n’est pas tombé devant la diffusion du savoir et les progrès humanitaires ; il n’y a eu que leur sceptre de brisé. Et après tous les imposteurs qui ont surgi dans les temps passés, nous avons vu, au dix huitième siècle, s’élever hardinîent Emmanuel Swedenborg.
De nos jours encore, on signale des velléités, des tentatives semblables; mais la science saura les déjouer et en démasquer le ridicule.
Nous terminons ici notre examen : les limites de ce Journal nous interdisent d’analyser les fait» du mesmérisme que contient le livre de G. Bush. Notre but, d’ailleurs, a été seulement de dévoiler les bases artificieuses des prétentions de Swedenborg à une mission divine. Pour les renverser , nous n’avons eu qu’à opposer, entre elles, les contradictions, souvent grossières, qui fourmillent dans ses écrits. A toute explication mystique el personnelle , nous avons répondu par des arguments logiques.
Si le reflet de noire critique est venu rayonner sur l’apôtre du théoso-pbe, ce n’est pas notre faute : l’apologiste exalté doit partager les dangers, puisqu’il a voulu participer à la gloire.
Nous croyons en avoir dit assez pour faire comprendre qu’on compromet •’avenir du mesmérisme, en voulant l’appuyer sur les révélations fantastiques du somnambulisme, dont les incohérences flagrantes devraient guérir radicalement les esprits avides de ce genre de merveilleux.
CHOCARNK.
Le. Gérant : UKBF.RT (de Garnay). Paris. — Imprimerie dp Pommrrel el Moreau, quai de» Augustins, 17.
INSTITUTIONS MAGNÉTIQUES.
FÊTE DE MESMER.
110" nimlvcrsnirc. — 5r célébration.
Chaque année un timbre mystérieux annonce l’houre de toutes choses. Le temps, dans ses révolutions, n’oublie rien sur sa route; il détruit ou fait vivre; mais ce qui est du domaine moral se soustrait à cette loi. Dieu a voulu que les vérilés fussent immortelles. Il a donné à l’homme la faculté de les distinguer de l’erreur . et de détruire celle-ci pour avancer de plus en plus, et de lui-même, vers la perfection. La créature humaine reçut ce don afin qu’elle fût supérieure à toute l'animalité. C’est ainsi que, chaque jour, l’humaniié marche avec plus de lumière vers ses destinées en combattant toujours.
Nous-mêmes, simples soldats dans cette armée qui combat pour le progrès, nous avons porté de rudes coups aux ennemis de la vérité. Nos armes étaient simples, tandis que nos ennemis étaient cuirassés. Ils avaient pour eux les cent voix de la Renommée; la presse entière leur était soumise. Leur opiniâtreté reposait sur des intérêts qu’ils chérissaient autant que leur propre vie; l’argent était devenu leur Dieu. Les préjugés du vulgaire, son ignorance, entretenaient et couvraient d’offrandes leurs autels; et, ce colosse, baptisé du nom de science officielle, méprisait des ennemis qui semblaient impuissants à lui faire même une légère blessure.
T0 « U i v. — IV" 11H. — 2o M * H SCO. \ (|
Tous ceux qui d’entre nous s'approchèrent du sanctuaire redoutable furent repoussés et flétris; mais le cailran mystérieux ne ralentissait point sa marche, et l’heure de la vengeance sonnait, sonnait toujours !
Le criminel qui s’endort, pensant que l’œil de la justice est fermé sur scs crimes, se voit un jour, pourtant, réveillé tout à coup. Ce n’est point le remords seulement; mais Dieu, voulant qu’aucun crime ne reste impuni, marque l’heure de la justice humaine ; et le timbre mystérieux sonne le glas qui saisit d’épouvante le criminel endurci.
Tremblez vous tous, hommes parés d’un vain titre! Yous tous, fêlons de la science! car le plus grand des crimes, c’est de celer les vérités , et de tenir les hommes dans l’ignorance. Un jour, bientôt, on saura que vous fûtes plus cruels que l’inquisition ; car elle , au moins , en détruisant l’homme , faisait cesser ses tourments, et son âme dégagée remontait joyeuse vers l’éternel. Yous, vous avez essayé d’anéantir l’âme en laissant subsister le corps , et créé des tourments plus difficiles à supporter que la torture.
Savea - vous que celui que Dieu inspire a cessé de s’appartenir, et qu’il doit au monde ce qui lui fut révélé? Savez-vous que dans ces temps de ténèbres la lumière a paru, et que ce que votre souffle empoisonné éteignit un instant élail le signe précurseur de la fin de nos maux? Car en anéantissant voire fausse philosophie, en détruisant votre médecine, en mettant à découvert les vrais principes de la morale et de la religion , on secouait le linceul du vieux monde, qui nous couvre encore, et les destinées de l'humanité 6e découvraient à la vue ! Yous avez donc créé les maux qui nous affligent et interrompu les temps; mais le cadran mystérieux s’apprête à sonner l’heure
de votre défaite, et, tout joyeux de notre destin, nous préparons vos funérailles.
Magnétiseurs, voici le 23 mai : cette date est fatale pour nos ennemis. Venez avec nous, et que, dans le banquet commémoratif de la naissance de notre illustre maître, nous célébrions, par avance, notre triomphe.
Croyez bien que nous n’exagérons en rien la moisson qui nous est promise. Peut-être pour vous tous est-il encore quelque chose de caché 5 mais un sûr instinct nous avertit que nous portons en nous les destinées de l’humanité ?
S I. — BANQUET.
Cette année, la seule publicité du Journal du Magnétisme a pu réunir en quelques jours plus de ccnt-cinquanle adhésions au banquet pjesmérien. II était donc facile d’en obtenir un bien plus grand nombre ; mais les difficultés de trouver un local nous retinrent Force fut même de changer de lieu précipitamment : le salon de Chapart, qui nous avait reçus l’an dernier, était devenu insuffisant.
Mous pouvons dire que jamais Mesmer n’eut une fête plus belle et plus sympathique. Le récit que nous allons en faire ne s. ra certainement qu’un pâle reflet de nos joies et de nos émotions.
Réunis, dès cinq heures, dans les vastes salons de Deffieux, boulevard du Temple, les conviés s’entretenaient familièrement des destinées du magnétisme. Nous pouvions voir combien ils éprouvaient de plaisir de se trouver ainsi en communion de pensée; et chacun nous savait gré d’avoir institué cette fête, qui doit désormais laisser tant de souvenirs.
On se mit à table à six heures.
L’aspect de la salle était magnifique. Le prix un
peu plus élevé de la souscription avait permis de donner au service line sorte de luxe qui manquait aux premières solennités; et, le restaurateur, qui est parlisan du magnétisme, n’avait rien négligé pour rendre cette cérémonie presque splendide. Le buste de Mesmer, surmonté d’une couronne, de chêne et d’olivier parsemée d’immortelles, s’élevait au fond de la pièce, et dominait l'assemblée.
M. du Potet, en sa double qualité de président du Banquet et du Jury, occupait le sommet de la table, dressée en fer à cheval, au devant de l’image du maîlre. Il avait à sa droite M. Mac Sheehy, secrétaire-général du Jury magnétique, et à sa gauche M. Las-sagne, président du Comité de la même institution. Venaient ensuite, par nombre égal de chaque côté, d’abord les membres dudit Comité, puis les autres membres du Jury, portant tous leur médaille suspendue par un large ruban de moire violet garni d’une étoile d’argent. Le reste du pourtour était occupé par les dames, symétriquement placées entre les messieurs ayant fait partie des premiers banquets mesmériens. L’intérieur du fer à cheval donnait place aux personnes qui assistaient h cette fête pour la première ou la deuxième fois seulement. On avait pris l'ancienneté, au lieu du sort, pour base de la place que chacun devait occuper.
Ainsi disposé, cet immense couvert avait quelque chose de grandiose , qui étonnait agréablement, et l’on se demandait avec joie : si le nombre des ma-gnétistes continue d’augmenter pareillement , quel local les pourra contenir désormais?
Un pareil concours, dans des circonstances aussi défavorables, surprenait tout le monde. La cordialité la plus franche, la plus vive sympathie animaient ce grand corps , et lui donnaient une gaieté qui sein-
blait dire : Les magnétophobes n'ont plus rien à gagner; car nous avons ce qui fait la force et la puissance; l'union dans la vérité el l’espérance en l’avenir.
Tous les visages étaient radieux; lo bonheur débordait de tous les cœurs : jamais on n’avait rien vu de semblable à Paris pour le magnétisme ; el quoi que nous disions, nous ne pourrions rendre les impressions éprouvées par les convives à la vue de ce monde nouveau rassemblé par une pensée commune, par un fait propre à devenir la foi des générations nouvelles.
Après le repas, M. du Potet, président de la réunion , prit la parole et prononça le discours suivant :
Messieurs,
« Nous venons de nouveau payer notre tribut à Mesmer. Ce jour est notre féte à tous; il est un épan-chement de nos âmes vers celui qui nous procura les plus pures jouissances.
« A ces luttes sans fin, qui prennent leur source dans un défaut de lumière, nous venons opposer la tranquillité de nos esprits, celle que donne la vérité. Oh! Messieurs, si tous les hommes étaient persuadés que nos maux viennent de notre seule ignorance, le sang ne serait plus versé, et la vraie fraternité régnerait sur le mondo. D’où sont venues les guerres de religion ? De l’ignorance. D’où viennent ces luttes fratricides de peuple à peuple ? N’ont-elles point la même origine! Qui nous divise, enfin, dans celte France où les partis se menacent avant d’en venir aux mains? L’ignorance, Messieurs, car chacun croit avoir le bon droit pour lui; et la vérité, comme la justice, ne peut se diviser.
« Témoins de ces querelles insensées, nous les dé-
plorons, car nous bu connaissons l'origine; et, s’il ne nous est pas possible de les faire cesser tout à coup, nous savons du moins où en est le remède.
« Ne venons-nous pas aujourd’hui, Messieurs, honorer l’homme, le vrai philosophe qui posa les bases d’une science naturelle, qui, bien comprise, établit entre tous les êtres une solidarité et une harmonie parfaites, et fait de l’égalité le niveau de l’humanité? Ce n’est point, il est vrai, Messieurs, cette égalité des fortunes, des talents et de l’intelligence dont nous voulons parler; vous ne nous ferez point l'injure de croire à sa possibilité; mais de celle mille fois plus précieuse entre les forces de l’homme, qui donne à tous la santé.
« La santé est le premier des biens, le seul enviable; celui qui désire la richesse et qui la met au-dessus de toutes choses, ne sait point ce qu'il désire; il est comme l’ambitieux des honneurs, car ces deux faveurs de l'aveugle fortune ne sont propres qu’à troubler la vie et à la remplir d’amertume.
« La santé, Messieurs, dispose lame de l’homme à sentir son créateur; elle fait que le corps est toujours propre au travail; et ne sommes-nous pas tous destinés par la nature à des œuvres de labeur ! La santé est aussi mère de l’étude; elle est pour nous le moyen puissant de soulager ceux qui souffrent; elle est donc elle-même une richesse qui ne coûte de larmes à personne. Pour la rendre à qui l’a perdue, Mesmer découvrit une loi divine, ignorée des savants. Aussi, Messieurs, tandis que nos Instituts et nos Académies en sont encore à voir la nature à travers d’étroits systèmes, tous faux ou mensongers, nous, nous l’apercevons presque toute entière par un rayon de lumière qui est venu frapper notre intelligence. A des suppositions, nous opposons des laits; à des combi-
naisons de l’esprit, que l'imagination colore, nous montrons la nature agissant en sens inverse de ce faux entendement humain. Nos doutes s'effacent devant des certitudes, et la clarté qui jaillit nous laisse voir enfin ce que nous devons éviter : les erreurs souvent irréparables que causent les doctrines d’écoles.
« Quel beau rôle nous avons à remplir. Messieurs! Continuateurs des Deleuze et des Puységur, nous enseignons des vérités qui doivent puissamment modifier l’humanité. Le monde commence à nous comprendre; les hommes de bien se tournent de notre côté. Le magnétisme fait de rapides progrès.
« Qu’importe que quelques-uns d’entre nous s’égarent en exagérant la portée de certains faits? Ces illusions partent d’hommes convaincus; elles tomberont d’ellcs-mêmes par un sérieux examen. Nous devons seulement signaler ces écarts, pour que l’on distingue; les travaux de chaque ordre.
« Figurons-nous, Messieurs, que notre maître est au milieu de nous; ayons, s’il se peut, la sagesse qu’il a toujours montrée ; marchons résolument dans la route qu’il a tracée : les années sont nécessaires pour bâtir un splendide monument ; mais la vérité est patiente comme Dieu lui-même. .Rappelons-nous souvent que la civilisation dont nous jouissons, toute imparfaite qu’elle soit, a cependant demandé plusieurs milliers d’années pour s’établir.
« Messieurs, que celle fête, témoignage vivant de nos mutuelles sympathies, laisse exhaler un suave parfum des bons sentiments qui nous animent ! En nous voyant unis, nos contradicteurs ne pourront s’empêcher de croire que nous sommes dans le vrai; car c’est l’erreur seule qui divise les hommes; la vérité a ce double avantage : elle les force à confondre leurs sentiments, elle leur dit de s’aimer.
« Chacun de nous, Messieurs, n'est-il pas tributaire envers Mesmer? Celui-ci, pour le bien qu’il reçut du magnétisme, d’une manière directe; cet autre, pour le bien qu’il a fait par la connaissance de la vérité. Et, tous enfin, que serions-nous sans la découverte de Mesmer ? Semblables à nos antagonistes, enfermés dans un étroit scepticisme, la nature ne nous semblerait qu’une marâtre, abandonnant au hasard la conservation du chef-d’œuvre de ses productions ; tandis qu’elle voulut, au contraire, en assurer la durée par une loi.
« Au lieu de saisir le glaive pour moraliser et instruire, selon la méthode du passé, nous venons dire aux hommes : En vous est une arme remplie de vertus; ses atteintes ne sont mortelles que pour les préjugés et l’jguorance. C’est ainsi que Dieu manifeste sa bonté ; il donne à ceux qu’il aime une lumière pour voir, une arme pour détruire ces affreux penchants qui mènent à la ruine du corps, et à l’affaiblissement de l’esprit.
« Cette force secrète, découverte par Mesmer, ne serait-elle point l’arme vengeresse propre à punir les faux savants, à qui nous devons les maux de notre patrie; propre à détruire les systèmes mensongers des écoles, qui font tant de victimes parmi nous?
« Quel beau jour, Messieurs, que celui-ci! JNotre petit nombre représente la puissance réelle, car il n’en est que dans la vérité. Suis de vaincre nos ennemis les plus aveugles, nous nous reposons tranquillement sur l'avenir. Nos noms seront sans doute effacés par le temps; mais ce que nous représentons est d’essence immortelle !
« L'homme des champs foule du pied les mauvaises herbes que ses mains ont arrachées, tandis qu’il caresse du regard et contemple en esprit les serne uc
germées, objoi de ses espérances ! Que faisons-nous nous-mémes, Messieurs? Nous arrachons l’ivraie, et voyons avec joie germer les nouveaux principes semés dans les intelligences : les fruits viendront pour nos successeurs, pour toute la grande famille humaine. C’est ainsi, Messieurs, que nous jouissons nous-mêmes des travaux de nos devanciers ; nous rendons ainsi le bien que nous avons reçu.
« Le progrès, Messieurs, se mesure par la somme d’efforts que l’on a faits; si nous nous permettons de juger nos travaux, dans quelques années, notre cause, qui est celle de l’humanité, sera définitivement gagnée.
« Différents de nous, Messieurs, les savants officiels ne fêtent aucun des leurs ; ils semblent n’avoir de souvenirs que ceux du collège. Tribu singulière! Elle s’incline devant tous les pouvoirs, mais jamais devant la vérité. Persécutrice par esprit de caste, vous le savez, Messieurs, Mesmer ne put jamais la fléchir.
« Nous, Messieurs, nous regardons comme un devoir sacré d'honorer Mesmer, le bienfaisant génie.
« Que peut-on faire pour les morts ? Rien autre chose que ce que nous faisons. Revivre dans la pensée d’autrui, c’est déjà l’immortalité. Socrate, Jésus et quelques autres ont rendu leur mémoire impérissable. Les hommes se vengent ou récompensent ainsi. Nous devançons les temps. Laissant de côté les juges iniques de notre maître, nous le glorifions aujourd’hui.
« Vous le savez, Messieurs, nos pensées peuvent se transmettre intactes d’âme à âme, sans l’intermédiaire de la parole; c’est un des faits merveilleux du magnétisme. Nous devons croire, dès lors, que lame dégagée de la matière perçoit de même les sentiments humains; s’il en est ainsi, Mesmer peut nous enten-
dre encore. Qu’un solennel appel parte donc de nos bouches ainsi que de nos cœurs :
A MESMER !
AU BIENFAITEUR DUS HOMMES, A CELUI QUE DIEU INSPIRA, ET QUI RÉPANDIT SUR NOUS LE S0UFFLB DE SON CRÉATEUR!
A MESMER ! »
Ce discours, écouté avec une religieuse attention, fut suivi de longs et unanimes applaudissements.
Ensuite, M. Ilippolyte Bonnellier , dans une improvisation éloquente et rapide, retraça d’abord quelques particularités ignorées de la vie de Mesmer, relatives à Cabanis et à François de Neufchâteau. On sait combien M. Bonnellier a la parole facile et harmonieuse. Il sut intéresser et plaire lorsque, croyant à des sentiments de répulsion pour M. Marcillet, exclu des précédents banquets, il se plut à prêcher la concorde : c’était, il faut le dire, un plaidoyer inutile; car, cette année, par une loyale démarche, M. Mar-cillet s’était mis en règle. Quoique la cause fût gagnée d’avance , on aimait pourtant â en entendre l’avocat. Nous regrettons de ne pouvoir donner le discours de M. Bonnellier; il restera seulement dans la mémoire des assistants.
La parole fut ensuite accordée à M. de Rovère, magnétiseur à Troyes; il exprima sa pensée à peu près
en ces termes :
Messieurs,
« En cette occasion solennelle, en ce jour de commémoration et de rémunération, où de nombreux et fervents apôtres de la science humauitaire viennent,
de toutes les parties du mondc(i), communier ici fraternellement ; c’est à des hommes comme nous venons d’en entendre, et comme nous en entendrons encore, sans doute, avant de nous séparer; c’est à ceux dont l’éloquence douce, aimable et persuasive flatte l’oreille, charme l’esprit et pénètre jusqu’au fond des cœurs; c’est, en un mot’, à la puissance intelligente, impressire et expressive, qu’appartient, non le privilège, car l’égalité humanitaire ne veut ni du nom ni de la chose, mais la flatteuse et honorable mission de célébrer dignement cette double fête.
« Quant à moi, Mesdames et Messieurs, avide de les entendre, attentif à les écouter, heureux de les comprendre, je voudrais me taire ; mais en ce moment l'abstention est impossible, et garder un silence absolu, serait manquer a mon devoir. Je viens donc élever une faible voix pour exprimer un profond sentiment ; et, sans faire un discours, vous dire simplement, franchement, et bien haut, ce que je pense tout bas.
« Quand nous voyons, dans ce qu’on appelle le monde savant, les sciences divisées, subdivisées , fractionnées à un tel point que l’idée d'unité scientifique est entièrement détruite; quand, en dehors de nous, s’agitent les bannières flottantes du mysticisme, de l’erreur el du mensonge; disciples incorruptibles de l’initiateur martyr, du révélateur humanitaire, de l’extirpateur des vices systématiques de l’école et de la routine, rallions-nous autour du drapeau de l’unité mesmérienne, de ce drapeau de concorde et d’amour sur lequel il me semble voir écrits ces mots : PRINCIPE ÉTERNEL , LOI UNIVERSELLE , VÉRITÉ PREMIÈRE.
(1) On va voir, en effet, par t’orlhograplie (les noms conteniis dans la liste des souscripteurs imprimée ci-après, que presque toutes les nations Otaient représentées à cette féte.
N’oublions pas, mes frères, qu'au savant, au philosophe, au philanthrope allemand, a succédé un savant, un philosophe un philanthrope français ; oui, si nous regrettons d’avoir perdu notre premier maître, nous nous félicitons de posséder notre second guide, si digne émule du premier; et, quand nous glorifions Mesmer, nous honorons du Potet.
« Le génie du premier traça la ligne naturelle qu’il fallait suivre; sa main habile et puissante fixa les premiers jalons du chemin rationnel qui devait nous conduire à la terre promise. La persévérance du second nous y a conduits. Grâce à ses efforts, et à ceux des travailleurs aussi infatigables, qu’il dirige dans l’atelier central des opérations magnétologiques , la phalange ouvrière du mesmérisme fera bientôt tomber en poussière, sous le marteau de la raison, les matériaux du vieil édifice féodal, du monopole scientifique... Et, laissant de côté le mortier de l'hypothèse idéale pour n’employer que le ciment de l’induction expérimentale, les apôtres de Mesmer, les élèves de du Potet, et tous ceux qui aiment le bon, le beau, le vrai, élèveront sur ce vaste emplacement le nouveau monument qui, bâti pour tous, salutaire à tous , béni de tous, deviendra le temple de la nature et de la vérité. Là toutes les voix mesmériennes, ne formant plus qu’un accord harmonieux , s’élèveront du sein de la confraternité la plus pure ; et, répandant sous l’influence régénératrice des rayons de la vérité, non la lettre , mais l'esprit des sublimes maximes de l’évangile social, elles parviendront enfin à éclairer les esprits et à purifier les cœurs ! »
L’assemblée s'associa, par des applaudissements répétés , aux généreux sentiments exprimés par M. de
Kovère; il reçut les félicitations de tous, pour son ardent prosélytisme.
M. Hipp. Bonnellier , l’orateur précédemment entendu , lui ensuite pour M“* Eugénie Foa, qu’une cruelle maladie empêche de lire, les vers suivants, composés par elle pour la cérémonie.
A M. LE BARON DU POTET.
Magnétisme, source féconde Qui doit régénérer le momie,
Nouveau Christ, dis-moi, d'où viens-tu Quel est ce pouvoir inconnu ,
Terrible, grand, magique, étrange,
Qui tient du démon el de l ange,
El que Mesmer et du Polel Ont soumis à leur volonté?
Rien ne résiste à leur puissunce,
Et (lu livre de la science Us n'ont qu'à tourner les feuillets Pour en apprendre les secrets.
Four eux lu nature est de verre:
De partout jaillit la lumière.
Uu Palet, ce grand novateur,
A puisé dans son noble cœur Ce désir, fils de l'espérance,
D'éloigner du nous la souffrance.
Dans l'air il agile sa main ;
Il s’en émane un feu divin ,
Fluide pur qui vous enivre Et vous fuit oublier de vivre;
Au malade il rend la santé,
Et la jeunesse et la beauté ;
U calme la douleur aiguë;
A I aveugle il remet la vue.
Mais que vous dirais-je de plus,
Oui ne soient discours super/lus?
Jadis, si j'ai bouue mémoire,
On m'a raconté que l'histoire A donné, soit dit entre nous,
Au magnétisme un nom plus doux, l'n regard qui gronde ou caresse ;
La main que lentement on presse;
Un sourire échangé parfois ;
Un léger trouble dans la voix :
lin cœur qui bnl à votre approche ;
Une larme pour tout reproche;
Un nom qu'on prononce tout bas;
Un mot, un geste, un signe, un pas;
L’accent pur d’un bonheur suprême;
Un rien qui fait voir que l’on s’aime; l.’amour des grandes actions;
Toutes les nobles passions!....
Le magnétisme, foi nouvelle.
N'importe comment on l'appelle,
C'est la loi d'amour de Jésus;
S’aimer! rien de moins, rien de plus.
Celle poésie, outre son propre mérite, fut lue avec tant de sentiment par M. Bonnellier, que, d’une voix unanime, l’assemblée en demanda une seconde lecture, Eugénie Foa dut jouir en ce moment d’un triomphe bien doux, car son mérite modeste reçut sa récompense : chacun s’empressa de lui rendre hommage.
M. le Dr Duplanty, maire de Saint-Ouen, a prononcé de nobles paroles que nous regrettons de ne pouvoir reproduire ici, car elles n’ont point été recueillies. Son improvisation chaleureuse reposait sur cette donnée que, ayant cherché la vérité dans les doctrines des écoles, étudié avec soin les différents systèmes , sa raison ne s’était éclairée qu’au flambeau du magnétisme. C’est alors seulement qu’il vit combien la nature était simple dans scs moyens, et comprit que ce magnétisme, dont il n’avait point appris l’existence dans les Facultés, était justement le principe d’une science nouvelle, et la cause du bien que ses mains avaient fait.
Partisan dévoué du magnétisme, M. Duplanty voudrait en voir généraliser l’usage. Son concours est acquis d’avance à tous les hommes d’intelligence et de bien qui font des efforts pour propager cette non-
vellc branche des connaissances humaines, au point de vue thérapeutique.
Celte adhésion franche et complète aux principes qui réunissaient en ce moment des hommes de tous les partis et de tous les pays, valut à l’oraleur les bravos de l'assemblée entière, qui salua en lui un nouvel apôtre.
Un auteur qui paie chaque année son tribut au magnétisme, par une chansonnette peignant quelque travers de l’époque, M. J. Lovy, qui saisil si bien le côlé plaisant ou ridicule que présenlent les exagérations de certains magnélisles, a, comme de coutume, fait rire l'assemblée : plusieurs de ses couplets ont tellement plu, qu’on l'a prié avec instance de les bisser.
Yoici sa nouvelle composition :
LES NERFS.
Ain : Faut d la vertu, pai trop n'en faut.
Ce sont les nerfs, ce sont les nerfs,
Qui font mouvoir tout l'universI C’est par les nerfs, oui, par les nerfs, Que nous possédons l’univers!
Des nerfs la terrible influence S'offrc sous mille aspects divers....
On dit dans maint ménage en France :
■ Mon mari m’agace les nerfs ! ■
Ce sont les nerfs, etc.
Vous parlerai-je de nos drames, Remplis de pleurs, d’assassinats,
Qui dans nos théâtres, mesdames, Excitent vos nerfs délicats?
Ce sont les nerfs, etc. •
Los nerfs I las norfs ! cordes puissante* Que fait vibrer l'agent vital.
Harpes, qui, sous des mains savantes. Produisent un son médical!
Ce sont le* nerfs, nie.
Or, sur ces eordes merveilleuses, Humbles vassales du cerveau ;
Sur ces harpes mystérieuses Mesmer a planté son drapeau.
Ce sont les nerfs, etc.
Malgré des entraves profondes,
Nous faisons, rhaqun année, un pas; Nous avançons dans les deux Mondes, Et nous ne reculerons pas !
Ce sont les nerfs, clc.
Depuis l'atelier jusqu'au I.ouvre, Depuis Paris jusqu'au Pérou,
Devant nous toute porte s'ouvre.... Nous avons des passe-partout '1 ).
Ce sont les nerfs, etc.
Voici, lorsque je magnétise,
La méthode dont je me sors :
Avant tout j’ai pris pour devise :
« Traiter chacun selon sos nerfs. *
Ce sont les nerfs, etc.
D’après mon sujet je rac guide, ■
C’est par lui-même que j’apprends S’il faut mesurer le fluide,
Ou procéder à grands courants.
Ce sont les nerfs, etc.
Qu’une jeune beauté s’applique A m'accabler de Ha rigueur,
(1) Calcmboorg cVAIcide'l’oo‘ct. [Tlir'ûht WonMiu/rr.)
J'al laque lu grand lympatMqut Kl les nerfs qui louchent au uuiur.
(lu sont les nerfs, etc.
Rencontrons-nous des tôles dures, Chargeons le cerveau bel et bien....
Mais c'est, chez certaines natures, Comme si Ion ne chargeaiI rien.
Ce sont les nerfs, etc.
Qu’un sot fasse un discours stupide,
En latin, en français, en grec,
J'essaie encor do mon fluide Pour lui paralyser.... le bec.
Ce sont les nerfs, elc.
Quant aux natures turbulentes Pour qui la lièvre est un besoin , Employons les paiset ealmanlei —
Mais magnétisons-les de loin.
Ce sont les nerfs, etc.
A dégager soyons habiles,
Car c’est un art très-négligé....
Quoique nos modernes sybilles Aient, toutes, l’air bien digagè.
Ce sont les nerfs, etc.
N’écontons pas le scepticisme De plus d’un savant patenté,
Et voyons dans le mesmérisme ho salut de l’humanité!
Ce sont les nerfs, etc.
Nos docteurs sont près de se rendre . Tous lesjours, deux ou troisd’entr’eux llans nos lilels viennent se prendre, — J’entends, dans nos file II nerveux.
Ce sont les nerfs. etc.
Buvons à Mesmer, & Delcuzc !
Buvons ii ccuü qui nous sont chers !
Buvons, |uniul la li(|ueur mousseuse Devrait nous taper sur le s nerfs!
(Jesont les nerfs, ce sont les nerfs,
Qui font mouvoir tout l’univers!
C'esl par les nerfs, oui, par les nerfs,
Que nous soumettrons l’univers!
La lolérancc est si grande parmi nous, que nous laissons exprimer tous les- sentiments , lors même que, se détachant du magnétisme en général, ils doivent manifester des sympathies et des préférences. La fêle de Mesmer permet la louange; et c’est ainsi que nous donnons place au discours suivant, prononcé par M. Burckard.
Mesdames et Messieurs,
« Puisque vous voulez bien me permettre, à moi simple adepte de la science magnétique, de prendre la parole dans cette honorable assemblée, j’emploierai les courts instants que vous daignez m’accorder à porter d'abord mon tribut de reconnaissance et de respectueuse sympathie à quelques-uns de ces hommes d’élite qui ont propagé et développé la doctrine de l’illustre maître el savantMesmer, qui, pour le bonheur de l'humanité, a tiré de l’oubli où l’avaient plongée les révolutions et les passions humaines, celte admirable puissance que Dieu a mise dans tous les êtres pour leur propre conservation et celle de leurs semblables.
« Honneur donc A Mesmer, notre maître à tous ! Honneur aux Puységur, aux Deleuze, ses premiers disciples! Honneur à M. du Potet, qui, suivant leurs traces, joint aujourd’hui aux forces intellectuelles puisées aux sources de la science, le feu sacré de l’amour de l'humanité; l’activité de la propagande et
l'esprit d’analyse philosophique dont les conceptions transcendantes ne peuvent encore être complètement exposées ni comprises !
« Si les intelligences diverses auxquelles il s’adresse ne peuvent pas toujours le suivre dans ces hautes régions où, comme l’aigle, il peut fixer d’un regard assuré le soleil qui éclaire les mondes, elles le voient redescendre sur la terre, modérer sa forc.e et les guider dans la voie de dévouement et de puissance qu’il a ouverte devant elles.
« Honneur à M. Hébert (de Garnay), qui, simple comme la vérité , fort comme le droit* calme comme la sagesse, enseigne le bien et le pratique avec la modestie du sage de l’antiquité 1
« Honneur à M. Winnen, à mon ami de quarante ans, à cet honnête homme dont la vie entière n’a été qu’un long dévouement au salut, à la guérison, au soulagement de l’humanité et à l’accomplissement de tous le* devoirs de l'homme de bien et du véritable philanthrope.
« Honneur enfirl à tous ceux que je ne puis nommer ici, qui, comme lui, consacrent leur existence et leurs forces magnétiques à la guérison de leurs semblables !
« Puissent, Mesdames et Messieurs, ces paroles trouver un écho dans vos cœurs, et fortifier votre amour ardent de l’humanité! Puisse cethommage, que je voudrais rendre aussi éclatant qu’il est pur, offert dans cette belle réunion â tous ces hommes qui honorent et propagent le magnétisme, vous faire suivre leur noble exemple en appliquant toutes vos forces à la pratique curative du magnétisme vital.
« Ne nous laissons pas, permettez-moi ces conseils, entraîner par les prodiges qu’enfante le magné-
tisme, par et sur certaines organisations plus rares qu’on ne le croit.
« Ne nous livrons pas à des expériences qui peuvent user nos forces et nons frapper de vertige. Ne cherchons pas à produire des phénomènes inexplicables, que souvent même nous ne pouvons faire renaître dans des circonstances identiques. Loin de servir à la propagation du magnétisme, ces expériences augmentent le nombre des incrédules, jettent le trouble dans les esprits et déconsidèrent notre puissance.
« Ne soyons pas exclusifs; Dieu nous a révélé dès la plus haute antiquité un des ressorts les plus forts de sa toute-puissance, ce n’est pas le seul ; ne repoussons donc pas ceux dont il est, sinon le moteur, au moins l’auxiliaire; ne heurtons pas ce que nous appelons, peut-être à tort, des préjugés, respectables à plus d’un titre, et que le temps et l’évidence des faits et de leurs conséquences peuvent seuls modifier ou détruire.
« Bornons-nous, croyez moi, à bien comprendre et mettre en pratique ce magnétisme vital si bien défini par M. Hureaux , dans le n° 112 du Journal du Magnétisme; imitons cet homme sage et fort, que je n’ai pas le bonheur de connaître personnellement, mais dont la doctrine et les actes me prouvent l’intelligence et le cœur.
« Je termine cette allocution, en vous proposant un toast à MM. du Potet, Hébert, Winncn, Hureaux, et à tous ceux qui, commeeux, suivent, dans la mesure de leurs forces, l’exercice et la propagande de la doctrine de notre divin maître, Mesmer; qu’ils reçoivent ainsi de vous et de moi l’expression de la profonde reconnaissance de leurs disciples, et particulièrement de leur sincère admirateur. »
A la suite de ce discours, qui a provoqué divers applaudissements, M. du Potet, reprenant la parole, a demandé à porter un toast au somnambule Alexis. Il a dit :
« Le magnétisme se divise en deux ordres de phénomènes. L’un , s’appuyant sur des faits tout physiques qui servent de base à la science et la rendent inattaquable; l’autre, consistant en effets moraux , nommés somnambuliques, dont la variété est infinie.
« Parmi les instruments qui, jusqu’ici, ont présenté le plus longuement et le plus ostensiblement ces facultés merveilleuses , on a distingué , surtout, Alexis Didier : je le choisis entre tous.
« 11 est juste qu’il reçoive un hommage des ma-gnélistes, puisqu’il en a servi la cause, et justifié dans beaucoup de cas les affirmations. »
Ce toast fut accueilli chaleureusement. En glorifiant le somnambulisme dans la personne d’Alexis. M. du Potet ne provoqua aucun sentiment jaloux; car c’était un hommage collectif, elles somnambules présents en recueillirent leur part.
L’assemblée entendit ensuite un nouveau chant, dont les paroles et la musique sont dus à M. de Ro-vère.
RONDE MESMÉRIENNE.
Sur la terre comme aux doux,
11 est une bonne mira,
Aimable. aimante et sincère,
Qui veut lous nous rendre heureux.
Entendons,
Écoutous,
Comprenons bien sa voix I La nature est notre mère,
Obéissons à sa loi ;
Kl puisons dans sa lumière Notre amour et notre foi. (Bit.)
Pour apaiser la douleur,
Chez nous la philanthropie ,
Au milieu de l'harmonie.
Sait enfanter le bonheur.
Exprimons ,
Répétons,
Unissons tous nos vœux !
De l'aimable sympathie Resserrons bien les doux nœuds.
El rendons l'espoir, la vio,
Aux souffrants, aux malheureux I (Bit.)
Toi que l’on rendit martyr Pendant le cours do ta vie,
0 Mesmer 1 ô grand génie ,
On te doit l’art de guérir!
Le méchant,
L'ignorant,
Le savant, t’ont proscrit;
Mais enfin l'on t'apprécie,
Ton nom triomphe aujourd'hui.
Oui, ta mémoire est chérie,
Et le peuple te bénit. (Bit.)
Le magnétisme peut bien ne pas toujours faire des poètes de premier ordre , niais il inspire de nobles pensées, qui se traduisent pourtant en vers. La pièce qui précède, chantée par son auteur, a eu ses refrains répétés en chœur par la majorité des assistants ; etM. deRovèrereçutde nombreux applaudissements, car la pensée enveloppée dans ses vers s’était communiquée.
Le docteur Théodore Léger, magnétiseur à New Yorck, s’était fait inscrire pour exposer une nouvelle théorie du magnétisme; mais, son tour venu, il renonça à la parole. Nous regrettons qu'il ait abandonné son projet; car l’auditoire était 011 ne peut plus compétent pour apprécier une pareille question.
Celte première partie de la cérémonie avait conduit à une heure déjà avancée ; ou la termina par un toast dont voici la teneur :
AUX DAMES!
« Heureuse propriété, que celle du magnétisme ! Elle s’exerce par tous les cœurs ; et, la femme, par ses doux épanchements, par sa profonde sensibilité, comprend peut-être mieux que nous ce qu’il y a de poétique , de mystérieux dans cette loi de la nature.
« Voyez-la instinctivement exercer l’art qu’on croit nouveau, sur les enfants qu’elle enserre contre son sein , qu’elle enveloppe de son amour. Voyez-la, dans les asiles de la douleur, dans les malheurs publics , toujours la première en avant lorsqu’il s’agit de veiller sur des infortunés. N’est-ce point elle qui prie? Et, dans sa prière, que voyons-nous? Un vœu , une demande; et si Dieu ne répond pas toujours, la nature suppliée ne peut-elle point d’clle-même accorder le secours demandé?
Pourquoi donc serions-nous ingrats , et manquerions-nous de justice ? Le bien peut s’exercer par tous.
Honneur à vous, Mesdames! Nous vous devons de la reconnaissance et du respect. Un jour nous espérons que des malheureux vous devront la vie. Votre rôle ici-bas sera alors complet. Vous exercerez une fonction qui vous rendra égales à l’homme; et vous serez, parles nobles facultés dont la nature vous a douées , les directrices intelligentes des recherches mystérieuses que nous ferons dans les régions du sommeil.
(Au prochain numéro le § II.)
A M. le Président de la Société du Mesmérisme de Paris,
llennes, 10 mai 1850.
Mon cher Président,
Comme je vous l'ai dit dans ma dernière lettre, le magnétisme a fait à Rennes de considérables progrès.
La curiosité, avide d’expériences, amène une foule de visiteurs dans les maisons particulières où on pratique le magnétisme. La curiosité engendre toujours le zèle et la foi.
Vraiment le magnétisme est à l'ordre du jour de la population rennoise.
Quelques magnétistes, les plus fervents apôtres , ont pensé que pour donner à ce petit mouvement une impulsion puissante et fructueuse, il surait bon de fonder une société magnétique.
Nous avons mis le projet à exécution.
Notre société est fondée sur les bases et le programme de la Société du Mesmérisme, dont elle porte aussi le nom.
Nous avons eu le désir de nous rattacher directement à la Société-mère.
Et, en vertu de ma qualité de membre titulaire et correspondant de la Société du Mesmérisme de Paris, j’ai installé celle de Rennes en son nom.
J’ai reçu le serment, suivant la formule de mes diplômes.
Voici la liste des membres du bureau :
PRÉSIDENT HONORAIRE :
M. ALLAIS père , capitaine de gendarmerie, en retraite.
PRÉSIDENT :
M. MAGLOIRE DORANGE , membre titulaire el correspondant de la
Société du Mesmérisme de Paris.
VICK-PRÉSIDENT :
H. ALLAIS (ils, avocat à la Cour.
CENSEUR :
A. RAVAL'D, professeur de musique.
SECRÉTAIRE ET TRÉSORIER :
C. RAVAUD, professeur de littérature.
Nous vous prions de uous affilier à la Société-mère, avec cette prérogative pour nos membres titulaires, qu’ils pourront, en allant à Paris , et en subissant un seul examen, devenir membres titulaires de la Société de Paris.
Nous n’avons pas encore de membres stagiaires, parce que nous voulons que les adhérents aient acquis sérieusement la pratique du magnétisme avant d’acquérir des grades.
Nous pensons que nous exposerions le magnétisme à la déconsidération, si nous n’étions très-rigoureux dans nos admissions.
Nous avons déjà fait des expériences très-brillantes.
Notre secrétaire vous enverra tous les mois un extrait du procès-verbal.
Nous attendons avec granddésir vol re réponse, et le diplôme de notre affiliation.
Je vous serre cordialement la main, et vous prie de me rappeler au souvenir de mes collègues.
MAGLOIRE DORANGE.
Rennes, le 10 mai 1850.
VARIÉTÉS.
Progrès académique ! ! ! — Nous empruntons à la Gazelle médicale du 16 mars dernier, l’extrait suivant de son compte rendu de la séance de l’Académie de médecine, du 14 dudit mois, présidée par M. Bri-cheleau.
« Un M. Bérot ou Bériot envoie un dépôt cacheté contenant une note sur une nouvelle méthode de magnétiser, à laquelle il donne le nom de Magnétisme français.
« L’auteur demande que cette note soit déposée aux archives de l’Académic.
« Vu le caractère peu scientifique de cette note, le conseil a pensé qu’il n’y avait pas lieu d'accepter le dépôt.
« Sur la réclamation de quelques membres, M. le secrétaire perpétuel rappelle la décision qui a été prise dans le temps par l’Académie, sur la proposition de Double, décision d’après laquelle toute com. munication sur le magnétisme animal serait considérée comme non avenue , ainsi que cela se pratique à l’Académie des sciences pour tout ce qui concerne le mouvement perpétuel ou la quadrature du cercle.
« L’ordre du jour, demandé par plusieurs membres, est mis aux voix et adopté; par conséquent le dépôt n’est point accepté. »
C'est à ne pas croire , et cependant cela est vrai. L’Académie de médecine ne s’occupera plus désormais de magnétisme. Celte résolution est une insulte
au bon sens, à la raison ; elle ne peut avoir été prise que par des cerveaux séniles.
Quoi ! messieurs de l’Académie ! vous déclarez qu’à tout jamais vous ne vous occuperez de magnétisme!... Si vous pouviez tenir parole! mais ce serait superbe! 11 y aurait bientôt deux arts, deux sciences; l’un tout mensonger, et qui vit des maux qu'il a faits; l’autre réel, qui laisse à la nature tous ses droits, et ne fait point de victimes.
Vous allez apprendre au monde, Messieurs, que vous n’êtes point philosophes, mais de pauvres industriels , el qu’pn diplôme ne fait des médecins que de nom ; qu’il ne leur donne aucune des qualités requises; car la première c’est d’avoir du jugement et de la pénétration, et nous cherchons en vain parmi vous non pas seulement ces deux qualités, mais un seul homme de cœur, et nous ne le trouvons poiut.
Magnétiseurs ! on vous fait (y partie trop belle ! Vous pouvez vaincre maintenant sans combattre; vos ennemis sont si faibles, qu’i|s fuient; ils ont si peur de vous qu’ils vous laissent le champ libre. Us ne méritent que vos dédains.
Mais ce n’en sera pas moins une curieuse histoire, que celle-ci, et la génération qui nous pousse rira bien , un jour , de tous ces grands seigneurs de la science; elle ne se fâchera point, car peut-on se fâ-cher contre qui nie la lumière? Non, on le plaint. Et le magnétisme n’est-il pas aussi évident que la clarté du jour?
Allez, braves gens! poursuivez votre chemin; vous êtes pris d’un genre de folie qui affecte ordinairement les faux savants et les faux sages. Vous éliez dangereux lorsque la généralité des hommes était dans l’ignorance ; maisaujourd’hui vous n’empêcherez rien : vous vous couvrirez seulement de ridicule.
Bydroscopie.—On lit dans la Conciliation (Hautes* Pyrénées), du 17 avril:
a Le célèbre abbé Paramel a trouvé un rival dans nos contrées : Romain Ortigué , âgé de quatorze ans, vient, à l’aide de sa baguette de coudrier-fourchu, de doter de nouvelles sources notre vallée déjà si favorisée. Plusieurs prairies qui n’avaient jamais été arrosées sont, grâce à lui, couvertes de verdure, et plusieurs hameaux doivent à son talent les belles fontaines dont ils étaient jadis dépourvus. Drs expériences , souvent renouvelées, viennent témoigner en faveur du don merveilleux de Romain Ortigué : on enfouit dans la terre une pièce d’or ou d’argent, on efface avec soin les traces qui pourraient en faciliter la découverte; mais c’est en vain que l’on prend toutes ces précautions, Romain arrive, les yeux bandés, sa baguette joue , et lui fait reconnaître le trésor si soigneusement caché. Ces faits authentiques sont connus de tous les habitants de Campan; nous laissons à la science le soin de les expliquer. »
BIBLIOGRAPHIE.
La nouvelle édition du Manuel de M. du Potet vient d’être mise en vente. Les chapitres ajoutés augmentent le volume de plus d’un quart. Le prix reste néanmoins fixé à 3 fr. 5o.
Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).
INSTITUTIONS MAGNÉTIQUES.
FÊTE DE MESMER.
116' anniversaire. — 5e célébrai ion.
g II. — DISTRIBUTION SES MÉDAILLES.
L’abondance des matières ne nous a pas permis de donner, dans le dernier numéro, le compte-rendu de la distribution qui a été faite des médailles de Mesmer. Nous venons aujourd’hui, pleins de nos souvenirs, achever ce travail. Il doit être accueilli par tous les magnétiseurs, car c’est une nouvelle voie ouverte, et les premiers jalons plantés dans le champ de l’avenir.
Telle est la puissance de la vérité qu’elle donne force et courage. Un nain est, par elle, supérieur à un géant; car lame ne se mesure point par l’étendue du corps. Un enfant même aurait raison contre toutes les académies, s’il eût aperçu le premier que de ses petites mains s’échappaient des rayons: Jésus, enfant, ne confondit-il pas les docteurs de la loi ?
Ne jugez donc point de nos travaux sur notre nombre, sur notre infériorité relative; nous ne sommes, il est vrai, d’aucun corps savant; nous n’appartenons point à la science officielle, et, pourtant, cet arbre orgueilleux où nous osons porter la coignée doit un jour tomber sous nos coups !
T0J1E IX. — M" 119. —10 JUIN 1850. 11
Nous sommes de faibles pionniers abordant un nouveau continent. Nous avons à féconder par nos sueurs ce sol couvert d’une autre culture. La semence que nous apportons a quelque chose de divin : elle germe et se développe sous nos pas et sous ceux de nos ennemis.
Eh ! qu’on ne s’v trompe point, le magnétisme sera la science du nouveau monde; sa religion comme sa médecine, car il est ce principe mystérieux que couvraient les pyramides ; il est l’agent même de la nature ; il est ce Dieu caché à tous les yeux et qu’lsis avait révélé par des emblèmes ; il est ce feu caché qui anime toute la création; il est ce souille répandu sur les eaux dont nous parle l’Écriture : il sera désormais le flambeau qui doit guider l'humanité.
Pleins d’une secrète crainte, nos antagonistes nous voyant réunis passeront en disant : « Ce n’est rien ! » Et le monde, prévenu par eux, n’accordera qu’une faible attention à nos travaux.
Pour juger ce que sera un édifice, les esprits sensés ne considèrent point seulement la première pierre posée : s’ils n’ont point sous les yeux le plan de l’architecte, ils attendent qu’un ensemble de travaux vienne frapper leur vue. Ces travaux s’exécutent aujourd'hui; mais, dans son dessein mystérieux, la Providence a voulu que le plan restât secret. Semblables encore à ces mineurs qui travaillent sous le sol, et que personne n’aperçoit, nous minons sourdement la terre où l’hypocrisie a fait sa demeure, où la fausse science a planté ses étendards, où le mensonge est honoré. Un jour, on verra notre ouvrage; de vastes déchirures se feront, et laisseront apercevoir des travaux inconnus.
Ainsi, dans toute œuvre d’intelligence on n’aperçoit point, tout d'abord, les changements que le génie
doil opérer. Souvent même, les révolution*) imprévues tiennent à des causes à peine aperçues dès le principe. Telle sera, nous n’en doutons point, celle que nous prédisons.
Mais c’est assez de ce préambule. Il était inutile pour l’esprit pénétrant; car les travaux que nous allons faire connaître, et qui ont mérité des récompenses, indiquent assez quels changements surviendront sur le globe lorsque la doctrine dont ils donnent l’idée aura trouvé sa formule.
M. Du Potet, avant de proclamer les noms des personnes qui ont obienu des médailles, a dit :
Messieurs,
« Le Jury magnétique a pensé que cette fête donnerait plus de relief aux récompenses qu’il accorde, si les noms de nos chers collègues, qu'il a distingués entre tous, se trouvaient proclamés dans céltè belle et nombreuse assemblée. En effet, Messieurs, tous le pensereé, je l’espère, c’est Je plus süblime hüttnflage à la mémoire de Mesmer ; c’est sanctionner ses découvertes, et dire au monde savant :
« Ce que vous avez méprisé comme chose de peu de valeur, inspire les vertus les plus belles; et des hommes se trouvent honorés rien qu’en les récompensant.
« Ce que vous avez rejeté loin de vous, c’est la science réelle, destinée à faire autant de bien aux hommes que vos systèmes leur ont fait de mal.
« Enfin, Messieurs,
« Nous allons honorer, aulatit qü’ll est etl ndus do pouvoir le faire, les hommes qui se sOni distingués.
C’est la première liste offerte an monde pour de pareils services.
« Ici, Messieurs, je dois me borner presque à une simple appellation de noms ; les titres de tous les élus devant être inscrits en entier dans le Journal du Magnétisme. »
Après ce préambule, M. le président passa à la proclamation des noms des personnes à qui des médailles avaient été décernées. Il commença par celles de iS/|9, en rappelant brièvement pour chacune les motifs qui avaient inspiré la décision du Jury (i), et il opéra la distribution dans l’ordre suivant :
1° Médailles d'argent.
M. LAFORGUE, commandant retraité, habitant Pau.
M. i. ESDAILE, chirurgien, habitant Calcutta.
2° Médailles de bronze.
M. DURAND, professeur de philosophie, habitant Cherbourg.
M. LOYSEL, chirurgien, habitant Cherbourg.
M. J. DE IlOVÈRE , magnétiseur, habitant Troyes.
M. Jos. BART11ET, négociant, habitant la Nouvelle-Orléans.
L’âge, l’éloignement, des devoirs publics avaient empêché MM. Laforgue, Esdaile, Durand, Loysel et Barthet, d’assister à cette solennité. Ils avaient écrit pour en exprimer leurs regrets, que l’assemblée partagea vivement. Des mandataires reçurent, au milieu des bravos de la réunion, les insignes de membres du Jury.
(i) Ces motifs se trouvant exposés dans le compte-rendu de la séance dernière , t. VIII, pag. 501 et suiv., nous ne les reproduisons point, pour éviter une répétition inutile.
Plus favorisé que ses nouveaux collègues, M. de Rovère avait pu assister A la cérémonie que nous racontons. 11 reçut sa médaille des mains de M. le président, qui lui donna en même temps l’arcolade fraternelle, en signe rie l'union qui doit exister entre tous les membres de la nouvelle institution. Celte scène émut profondément les assistants, qui saluèrent l’élu par une acclamation unanime.
M. de llovère, touché de tant de marques de sympathie, demanda d en exprimer ses remerciements.
Il dit que, fils d’un ancien président de la Convention nationale, victime du coup d’État de fructidor, il n’avait jamais connu son père; que, privé d’appui et constamment en butte au mauvais vouloir, à la haine même des ennemis de son père, il avait toujours été malheureux; que ce jour était le plus beau de sa vie, parce que c’était la première fois qu’il recevait une marque d’encouragement. Puis il entra dans quelques considérations philosophiques sur l’avenir du magnétisme, qui furent applaudies chaleureusement.
A ce moment, Mmc Bulté se leva et demanda ù exprimer, au nom d’uno députation del'Aube. les sentiments inspirés à une partie de la population de Troyes, par M. de llovère.
C’est la première fois qu’une dame porte la parole dans ces réunions. Voici son discours, qui fut très-attentivement écouté el fort souvent applaudi :
Messieurs,
« Déléguée par la commission de PAlhénée troyen, pour être près de vous l’interprète de ses sentiments, je crains de ne pouvoir les exprimer comme je le
voudrais; mais à défaut du talent qui me manque, je suivrai les inspirations de mon cœur, et ce langage, vous l’accueillerez; car c’est celui de la vérité, et vous en êtes les défenseurs et les apôtres.
« Merci, Messieurs, merci mille lois des marques de distinction et d’honneur dont vous entourez aujourd’hui celui qui a planté chez nous le glorieux el immortel drapeau du mesmérisme. Soldat infatigable d’une religion nouvelle dans la science, les services de M. de Rovère ne pouvaient être oubliés; son dévouement à toute épreuve appelait une récompense : il la reçoit en obtenant la médaille décernée à ceux qui ont bien combattu. Honneur à vous ! Gloire à Mesmer ! Les fds bénissent leur père, car il n’y a pas chez vous d’orphelins.
« Et nous, brebis du nouveau bercail, habituées à paître sous la houlette de notre pasteur dans des pa-turages que nous ne connaissions pas, et qui donnent la vie, nous vous dirons : Formez, s’il se peut, de nouveaux disciples ; les épis sont mûrs, la moisson est abondante; mais il y a peu d’ouvriers. Que partout se forme, comme à Troyes, une église mesmérienne; que des missionnaires, par vous députés, aillent, forts de leur conscience et de leur foi, arborer dans chaque département la bannière sous laquelle nous marchons; el, bientôt, le mesmérisme aura ses temples et ses autels.
« Oh ! qu’elle serait belle cette religion dont les ministres seraient les bienfaiteurs de l’humanité, la providence vivante des malheureux, les dispensateurs des trésors inépuisables de la nature, les interprètes de la Divinité! Qu’elle serait riche et vénérée cette Église, refuge de tous ceux qui souffrent et qui espèrent; cette société de croyanls unis entre eux parles liens que forme la sympathie, vivant de la même vie,
sc vivifiant à la même source, s’asseyant tous ail banquet que nous prépare, et auquel nous convie la mère universelle de tous les êtres!
« Hâtons-nous donc, Messieurs, d’établir sur les débris des religions qui s’écroulent, le grand culte du Dieu des humains. Son temple est la nature, les cœurs sont ses autels, et l’harmonie des êtres est la prière qui monte jusqu’à lui. Unissons-nous en Dieu, notre commun père; nous sommes ses enfants, vivons en frères. Que chez nous, le flux divin qui pénètre la création, ranime et vivifie les êtres, soit le pain de notre communion ! Que tous se nourrissent de cette sève féconde, de cette rosée rafraîchissante dont plusieurs d’entre nous, grâce à notre bien-aimé dispensateur, ont déjà éprouvé les généreux bienfaits !
« Quelques-uns, peut-être, se riront de nos efforts, n’entendront pas sans colère une doctrine qu’ils ne comprennent point; mais, que nous font leurs vaines déclamations ? Nous sommes les enfants de l'avenir : laissons-leur lepasstf. Et puis, quoi que disent, quoi que fassent les méchants, ne faut-il pas toujours en venir aux lois que prescrit la nature ? Qui jamais triompha d’elle? La vérité, la raison pure ne finissent-elles pas par renverser les préjugés, les résistances aveugles et passionnées? Sans doute, il faut lutter, combattre vaillamment; mais quand l’esprit de Dieu anime les combattants, le résultat n’est pas douteux.
« Rassurons-nous donc, nous qu’enflamme le saint amour de l'humanité; nous avons devant nous un but, le bonheur de tous : nous saurons l’atteindre. Que la mauvaise foi, l’ignorance et la superstition se liguent contre nous : le dévouement, la patience el la lumière en triompheront j et, tous ensemble, bénissant
celui qui donne la victoire, nous entrerons dans son sair.t temple pour y chanter l’hymne de la régénération sociaie, et proclamer son éternel amour. »
L'initiative prise par VAthénée Troyen de se faire représenter par une députation à la fête de Mesmer, parut à tous une heureuse innovation, et chacun fit des vœux pour que dès l’année prochaine les autres sociétés magnétiques fussent pareillement représentées.
Cet incident terminé, M. du Potet annonça qu’il allait distribuer les médailles décernées cette année. L’attention redoubla alors, car le monde magnétique se connaît, et le Jury allait à son tour trouver des juges; d’ailleurs ses décisions étant restées secrètes, on attendait avec une anxiété avide la proclamation des nouveaux élus.
M. le président accompagna chaque nom d’un succinct énoncé des motifs qui avaient fait accorder cette distinction. Notre proehain numéro devant contenir le compte-rendu de la dernière assemblée du Jury, et le rapport du secrétaire-général, où les mérites de chacun sont exposés, nous ne faisons que mentionner ici cette lucide improvisation.
Voici l’ordre suivi :
I" Médailles d'argent
M. OUDINAIRE, médecin, habitant Màcon.
M. CIIAltPlGNON', médecin, habitant Orléans.
M. PEKIUEU, médecin, habitant Caea.
2“ UùWIcs de tiroize.
M. JUPI'EY, négociant, habitant M.imers.
M. JOBAItt), conservateur du muséé d’industrie, habitant Bruxelles,
M. VALLETTE, négociant, habitant Poitiers.
M. DUGNAGNI, médecin , habitant Milau.
M. GRAVÉ , magnétiseur . habitant Nantes.
M. LÉGER, étudiant, habitaut Paris.
Nous ne savons s’il y eut des attentes trompées, des espérances déçues; le fait est que l’approbation fut unanime pour presque tous les noms. S’inspirant de la justice pour rénumérer les services rendus à la cause mesmérique, le Jury a cherché à être impartial ; et l’on peut dire que s’il a laissé des mérites dans l’ombre, il n’a au moins rien accordé qu’au droit.
MM. Ordinaire, proscrit; Charpignon , malade; Perrier, retenu, ne purent être témoins de l’admiration qu’inspirent leurs œuvres, et l’assemblée fut privée du plaisir de les connaître personnellement.
MM. Jobard, Valette, Gravé, Dugnagni n’avaient pu être assez tôt prévenus.
Des bravos redoublés accueillirent la présence de M. Juffy; M. le président ayant fait comprendre, par un geste significatif, qu’à ses dons magnétiques M. Juffey en joignait de pécuniaires, il reçut sa médaille des mains du président, qui lui donna également l’accolade fraternelle.
Le nom de M. Léger a clos la liste; son air juvénile contrastait avec la gravité de scs collègues. En effet, il se trouve, tout jeune, placé au niveau des vétérans de la cause. En entendant le récit de ses œuvres, chacun fondait sur ses connaissances et son dévouement les plus belles espérances. On sentait que c’était moins la récompense de travaux achevés, qu’un encouragement à poursuivre. Après avoir payé la dette du passé, ne fallait-il pas tendre la main à l'avenir? En recevant sa médaille, il embrassa M. du Potet avec tant d’elfusion , que tout le monde en était ému.
II demanda à lire un poëme incorrect, dont l’idée cl les expressions lui étaient venues dans une sorte de rêve, ou de vague extase, provoqué par le miroir magique, et dont il avait gardé un souvenir assez précis pour en écrire immédiatement le sujet. Ce morceau n'ayant d’autre mérite à ses yeux que d’être le produit d’un acte magnétique, il a modestement réclamé l’indulgence de l’assemblée.
Voici ce poëme :
L'INCONNU.
Inconnu qui m'obsèdes,
Esprit qui me possèdes,
FanWme, idole, éther,
Flux, reflux des liquides;
Tiédeur, froid do l’air,
Aine vaine des fluides,
Sors do l’obscurité,
Dissipes ma cécité;
Montre à mes yeux le leu de ton étoile,
Dis-moi ton nom ou déchire ton voile I
* Je suis la voix quo les ruisseaux Chérissent dans leurs harmonies ;
Je suis la voix des symphonies Du ciel, de la terre et des eaux.
Je suis la voix sans parole,
Qui naît, sourit et s'envole Comme un baiser, comme l'amour....
La voix qui proclame l’aurore,
Dit à chaque plante d'éclore,
Ferme les nuits, ouvre le jour.
• Je suis la voix si douce, Si douce,
Que pour m'ouïr,
La mousse Craiul de frémir;
Je suis la voix si douce.
Que l'enfant cesse de |>lcurer Quand je bruis à ses oreilles,
Tout ravi des saintes merveilles Que sa jeune à nie a vu passer.....
« Au chevet des pauvres mères,
Quand leurs fils s’en vont mourants, Je soupire des prières Et des pensers consolants.
u Je suis l’être des voûtes sombres,
I.a tueur dans tes ombres,
I.o transparent des flots ;
Je suis l'élément du vide,
L'éclair d'un rogard limpide,
Le songe épais. .. les doux pavots....
« Souffle odorant, j’émaille les prairies, J'éveille les bourgeons des forêts endormies...
Je dissous le grésil au sommet des bouleaux.... Lugubre glas, j'habite les toml>caux.
Vent le malin, et le soir douce brise,
L'été je suis zépliir, l’hiver je suis la bise; J’assombris tout à coup l’horizon le plus pur,
Je chasse l'ouragan, je ramène l'azur.....
a Immense comme l’espace.
Nul n’a pu saisir ma trace Dans les mondes pleins de glace,
Sous les tropiques ardents.
De la nature des vents,
Je cours partout : je suis do toute rive.....
Ici follet, là-bas onde plaintive.....
Plus loin volcan ouvert par la vapeur captive, Manteau de l'assassin, remords de tous ses pas,
Témoin vengeur, providence cachée,
Oui parle avec le crime, et dit tout lias:
• Celte voit, de sang est tachée.... ! »
.le suis ce feu sacré qui mène aux étendards,
L'émoi plus doux des hommes qui s'entr'aiment, Les noirs soucis que les discordes sèment,
Le joug fortuné des Césars !
« Monstre bizarre, forme étrange,
Je suis démon, je tiens de l'ange.
Entre deux nuages rivaux Je suis la subito étincelle ;
Sous le choc vibrant des métaux,
Je suis le feu qui se révèle.
Je suis le voir puissant,
L'a'udace de Prométhée;
Je suis la harpe attristée Du génie expirant....
Je suis cet amour délirant Qui surgit au sein d’une femme,
Allume les foyers de l'àme
Comme un brâsier dévorant.....
Étreinte qui consume,
Arôme qui parfume,
Extase, énivrcmcnl.....
Je suis toute la féerie Qui verse l’ambroisie Aux coupes de l'enchantement.
« Je suis la force rajeunie,
L’agent caché, la main bénie Qui donne la vitalité;
Je respire au seuil charitable Où l’on assied le pauvre â table Sur le banc de l'humanité.
J’invite la souffrance Au pain de l'espérance,
Ixllié vainqueur de tous uos maux;
Au parta qui murmure Contre son frère parjure,
Je montre des mondes nouveau*.....
Je verse dans sa conscience I,e baume de la patience.
Il pàtit..... il a faim.....il 90 meurt.....il attend !
En vain les femmes consacrées Versent les paroles sacrées Au lit du moribond : c’est moi senl qo'il entend ; II enlr’ouvre son cœur quand il me sent paraître ; Je parle dans la voix dont s'inspire le prêtre, J'éteins, je brise son orgueil ;
Son Ame au grand jour se déploie,
Ce qu’il aimait de la terre est son deuil,
Il voit le ciel.....il y part avoejoie....!
« Je suis la lave qui bouillonne
Au cratère béant des révolutions;
I.e bruit sourd et lointain d'un pcuplo qui bourdonne l.o saint appel des nations,
C'est moi ! Voyez ! je passe : et, soudain, do la France S’agite le tison, et l'Europe frémit.
Et le monde s’éveille, et le ciel retentit
Aux cris de liberté, d’espoir, de délivrance.....
Tout frémit, tout s'ébranle : épouse, pere, enfans, Force, débilité, jeunesse, cheveux blancs;
1,’airain sacré descend aux plaines de la guerre; l.c soc du laboureur se courbe ou cimeterre;
Tout fer devient une arme et tout un homme soldat ; J’évoque la fureur, j’excite le combat ;
Le torrent comprimé déchire ses entraves,
Peuples contre tyrans, souverains contre esclaves. Tout obéit, tout s'élance !i ma voix! ! !
Je «lis un mot : tout rentre dans le calme;
Le coursier, le vainqueur et sa palme,
Et les foudres tonnants et les hideux pavois !
Je rétablis la paix : tout rit, tout se couronne:
I.c sillon engraissé se jaunit, se moissonne,
Le sol verse aux mortels l'abondance à pleins bras l Industrie, art, savoir, intelligence,
Tout s'agrandit, tout monte, tout s’avance,
L’ancien monde est croulé, le progrès fait un pas I
« Le progrès, puissance virilo,
Feu comprimé, combattant généreux, Paisible élan , délire valeureux
Devant qui le temps s'annihile.....
Le progrès, l’avenir, c’est moi :
C’est le pays, la patrie et la foi ;
C’est l’homme fort, qui toujours marche au faite j Toujours; jusqu'à ce que sa ti'lc Se brise sur l’écueil fatal....
■ Du plus humble vouloir, serviteur magnifique . Je livro ù tous le sens de mon cercle magique,
Les vertus à ma droite, à ma gauche lo mal,
Ici rudes labeurs, là-bas pente déclive,
Chœurs des héros, barques à la dérive.
Vague adversaire du néant,
Au lieu d une vanité creuse Ou d’une pensée orgueilleuse,
Je grave Dieu dans l'àme du savant I Je suis l'arbre de vie,
Je suis l'arbre de mort ;
La porte où l'on s’initie,
La porte par où l'on sort.
. Verbe infini de la nature,
L’impénétrable est ma parure.
L’univers est mon bien ;
Je suis tout.....Je ne suis rien..»/
Enigme vaporeuse,
Proléc, essence douteuse.
Je plie,.... afin de dominer....
J'échappe aux forces qui m’étreignent, Comme les lampes qui s'éteignent Au vent qui veut les ranimer.
De tous les pleurs, de chaque fi'to, l)e tout sentier, de tout chemin,
Que je courre ou que je m'arrête,
J’élude tout pouvoir humain.
« Pourtant.... regarde au soleil d’Helvétio,
Ce côteau vert, dont la pente adoucie Aux sourires de mai prend sa robe de fleurs :
Sous ce chaume bruni Mesmer vient de paraître. Au berceau déjà grand, enfant et déjà maître,
11 s’élance, il atteint les sublimes hauteurs,
Il tire de mon flanc un lumineux atôme.....
Et l’abîme u son ciel, et la nuit a son jour; L'indicible a parlé, la douleur a son baume.
Le silence a des voix, l’invisible a sa cour....
« De la bouche des rois, l’obole protectrice Descend flatter le savoir étonnant ;
Des courtisans la foule adulatrice L’élève jusqu’aux cieux : Mesmer est triomphant.. Hélas! pas de flot sans écume,
Pas de manne sans amertume;
Jamais un cœur sans fiel ni de bras sans fléau ; Mesmer est bafoué I S'il lui manqua la chaîne, C'est que Dieu la ravit aux forges de la haine:
Qui soulève la terre a toujours son bourreau !
« La foule des vanteurs perd si vite mémoire, Que le dédain succède à la plus haute gloire,
Sur le même degré;
Hier tu plongeais dans la nue,
Demain tu boiras la ciguë......
Voyageur égaré,
Qui l’offrira le soir les toits ombreux des chênes ?
Qui conduira la soif aux fraîcheurs des fontaines?
Qui fendra le réseau Où t'enserrent les destinées?
Qui brisera de les années Le trop pesant fardeau?
Qui t'ouvrira la rive Où malgré lui tout être arrive?
Le mesmérisme, éclair divin,
Feu qui décore les mystères,
Et fait jaillir de leurs repaires
Les secrets dont le monde est plein. »
Rêve qui me portas dans les brumeux parages Que célèbre Ossian, que parcourent les mages;
Pour dire tout ce que je vis,
Il n’est point de langues humaines.....
Il faudrait celle des parvis D où le songe coule on nos veines....
Et tu t’es envolé comme s'en vont les ans.....
Sans que nous puissions dire Quand commence, ou quand expire,
Ce que nous appelons nos heures, nos instants.....
Mais dans mes souvenirs j’entends crier courage.....
Quelques rayons confus découvrent des amis.
Un père dont la mnln, soutien de mon jeune âge,
Dégageait mes pas asservis.....
Il inc semble voir des prémices Du bronze que mes mains pressaient avec délices.
l'ertil accnell de mon premier essor,
Plus doux ponr moi que le miel du dictame.
J'étais heureux là haut jusqu’au fond de mon âme, Heureux comme aujourd'hui.... ; car j'y crois être cncor.
La leclure do celte pièce, fréquemment inlerrom-rompue par des applaudissements, valut à son auteur de nombreuses et vives félicitations.
La cérémonie arrivant à son terme, il restait à en remercier les organisateurs. C’est ce qui fut fait par un toast aux commissaires. Imitant la nature, « qui procède en tout avec économie de ressorts » , ils avaient su prendre des dispositions si simples, que tout se passa avec la plus parfaite régularité. M. Fau-chat, chargé de la partie la plus difficile, ordinairement confiée à M. Laporte, a été spécialement prié de prêter son concours au prochain banquet.
Puis l’on s’est séparé faisant des vœux ardents pour le progrès du mesmérisme, et se donnant rendez-vous au 23 mai prochain.
Voici la liste des souscripteurs :
M. ANDR1VEAU.
M. AVRIL DE L'ENCLOS.
M. BAHIAUT.
M. BA1LLIÈRE (Germor.)
M. BARRÈRE.
M»° BELLEY.
M. BEI.1.0T.
M. BÉNECK.
M. BIGOT.
M. B1LLEZ (Charles.)
M"" BILLEZ.
M. B1RNEY.
M. BLACKWELL.
M110 BLACKWELL (Anna.)
M. BOCQl'ET.
M. BONNELLIER (Hippolvte.) M. BORGNIS (Achille.)
.\l,n« BRASIER.
M. BRETAGNON.
M. BRETON.
M. BROS.
M™ BRUN.
M. BIJRCKARD.
Mm BULTÉ.
M. CAFLER.
M. CAILLOT (Emile.)
M. CARPENTIER (Paul.)
M. CIIANIJ (Adolphe.)
Mm® CHANl'.
M. CHAPPÉE.
M. CHARDON jeune.
M. CHARTIER.
M. CHAVANCE.
M. COLLOT-SANÉ.
M. COSSON (Théophile.)
Mmp COL'RTINE.
M. DE GUILDENSTUBBE(lcb«".) M. DE LAROCHE.
M. DENISART.
M. DE ROVÈRE.
II. DESCAMPS.
M. DlOIEH (Alexis,)
H. D1EN.
m. nivis.
M. DOUÉE.
M. D'OURCHES.
M»« DUBOIS (Ismérie.)
M. DUBOIS.
M. DOUSSAN.
M“» DOUSSAN.
M. DRAfiO.
M. DUPLANTY (D'.)
M. DU POTET.
M“» DU POTET.
M. FAUCHAT.
Mm* FAUCHAT.
M. FIXARY.
M. FLAMAND.
M“» FLAMAND.
M. FLEURY.
M“« FLEURY.
Mme FOA (Eugénie.)
M. FORTIER.
M. FODRNIER.
M. FRANCK (Jérôme.)
M. FRESCHI (lo comte Gérard.) Mmc PROCHE,
Mu* FROCIIE.
M. FROMENT-DELORMEL.
M. GARDISSAL.
M. GAUTIER (Jules.)
M. GF.SL1N.
M. GILLOT DE L’EST ANG.
M. GIROLLET.
M, GOURDAULT.
M. GRISIER (Vincent.)
M. GUÉNEAU.
M. GUÉNY.
M. GUILLAUME.
M”» GUILLAUME.
M. GUY D’AMOUR.
M. IIAOSEY.
M HÉBERT (de Garnay.) M"« HÉBERT (de Garnay.) M. HENRY (Marc).
M. IIER DETTE.
M. IlOULET père.
M. IlOULET Gis.
M. JACQUEM1N.
M. JARY.
M. JOURDAN.
M. JUFFEY (Stanislas.)
M“>« LAFONTAINE.
M. LASSAGNE,
Mmc LASSAGNfi.
M. LASSERON.
M. LÉGER (Th.)
M. LÉGER (E. V.)
M. LEMATTE.
M. LEMOINE père.
M. LEMOINE fils.
M. LE NORMAND.
M. LERAY (l’abbé Anatole.) M. LEROY.
M""1 LEROY.
M. MELBYE (Anton.)
M. MESMER.
M. MICHEL.
M. MILLET.
M. MONGRUEL.
M“« MONGRUEL.
M. MONGRUEL (Henry.) M11' NYE (Mary.)
M"* O' MALLEY.
M. PI.
M. PICIIARD.
M. PIRON.
Mmo PIRON.
M. PRIÏLIER.
M. RÈBOLDT.
M. ROLLAND.
M"« ROLLAND.
M. ROSSEN.
M. ROUSTAN.
M. SALLARD.
M. SAINT-MARTIN.
Mm“ SAINT-MARTIN.
M. SHAW.
Mmo SHAW,
M. SIMONNEAU.
Mm0 SIMONNOT.
M. SOÜCIION fils (Paul.) M. STASSIN.
M. TEINTURIER (Emile.) M. TOCIION.
M"1” WARDEMER.
M. WINNEN.
M. X, aido-major.
Cette liste est aussi nombreuse que celle de 1847. Ainsi le vide fait dans nos rangs par les événements politiques est comblé.
Bien des lettres d’adhésion ont été adressées à la commission d’organisation , toutes expriment le même sentiment : le regret de ne pouvoir honorer Mesmer en commun. Celle de M. Govi a paru mériter une attention spéciale ; elle devait être lue à l’assemblée, mais le temps ne l’ayant pas permis, nous avons résolu de la porter à la connaissance de nos lecteurs.
La voici :
Mes chers et honorables confrères ,
« Je regrette infiniment que mes occupations ne. me permettent pas d’assister aux agapes mesmériennes,
le a3 du mois courant, mais j’espère que votre bonté voudra bien m’en absoudre. Dans une époque telle que la nôtre, où tous les efforts sont tournés vers la réalisation de la pensée la plus sainte el la plus progressive : La réunion des divers peuples en un seul; c’est une grande et belle chose qu’une entrevue de mesméri-scurs de toutes les nations, se donnant la main et s’appelant frères. J’aurais bien voulu prendre aussi ma place à la table commune, pour y représenter cette malheureuse Italie déchirée par ses ennemis, par ses amis, par ses enfants. Ma pensée y sera, si la présence matérielle m’en est empêchée, et mon savant ami, M. Freschi, pourra y exprimer pour moi les sentiments de nos frères d’Italie.
« Quant à mes vœux pour l’avenir du Mesmérisme, ils sont simples et ardents. Qu’il progresse, mais qu’il ne divague pas; qu’il marche comme un homme fort, non comme un ivre; que le charlatanisme en soit banni, et que l’expérience pure, mais éclairée, devienne le seul guide dans nos recherches. Vouloir chercher dans la vie autre chose que la vie elle-mônïe, et demander à la poussière des tombeaux la pensée qu’on ne lui accorde pas, me paraît chose complètement absurde. Restons dans les limites de notre activité réelle, et n’abandonnons pas la chair pour son image. Pour rêver des folies, l’homme n a pas besoin du mesmérisme, qui doit le guider, au contraire, à reconnaître ses écarts et à revenir sur le droit chemin. Si nous pouvons dominer l’organisme de nos semblables, diriger même leurs idées, annihiler pour eux le temps et l’espace, profitons-en pour nous éclairer et non pour rendre malade notre intelligence.
« Voilà ce que je pense du mesmérisme cl de son mploi.
« Je vous ai écrit ces quelques idées, non pas pour vous donner toute ma pensée, niais pour vous eu montrer au moins le fil conducteur. Et je l'ai lail d’autant plus volontiers , que malheureusement ou essaie aujourd’hui de s’éloigner de la raison dans l’étude des phénomènes inesmériques, et que ccs écarts, au lieu de contribuer au développement de noire chère doctrine, tendent, au contraire, à en entraver et peut-être à en arrêter la marche.
« Agréez, avec mes excuses, l’expression de mes sentiments les plus afi’ectueux. »
(în.BKnT GOVI.
Ici doit se terminer notre imparfait récit de cetto magnifique et grande solennité; l'année prochaine on en sténographiera les incidents, et les magnétistes éloignés ne jugerout plus sur nos seules impressions. Ils pourront eux-mêmes déduire les conséquences que nous leur présentons pour conclure :
Qu'indique, que fait concevoir cette fête? qu’annonce-t-elle enfin? Est-ce une religion qui s'établit, est-ce une philosophie nouvelle propre à rallier tous les esprits; est-ce la médecine, enfin, non celle des écoles; mais celle plus vraie, que nous indiqie la nature , qui va s’établir parmi nous et rayonner sur le mondei1 C’est tout cela à la fois; et qu’on ne s’y trompe point, le magnétisme, pour tout homme qui réfléchit un instant, porte en lui l’avenir. C’est plus qu’une révélation d’une doctrine morale, c'est la découverte d'une loi delà nature, et l’initiation de l'homme aux mystères de la création des êtres.
Riez, sceptiques, c’est votre rôle ici-bas ; car la nature est muette pour vous, et aucune de ses harmonies ne pénètre jusqu’à votre cœur, liiez, médecins, tandis que les malheureux soumis à vos soins agonisent. Votre vanité égale votre impuissance, et votre intilligence bâtarde ne saisira point la vérité qui nous éclaire. Riez, physiologistes, vos romans ont encore cours, et sont adoptés par les jeunes gens qui entrent dans la science. Vous avez cru connaître le principe de la vie ; c’était aussi une vanité : le magnétisme prouve que vous étiez dans l’erreur.
Et vous, nations, réjouissez-vous; un avenir brillant sortira de nos communs efforts; séchez vos larmes de désespoir; tout l’or de la Californie eût été impuissant à vous donner le bonheur, une vérité vous l’offrira par un mince labeur. La lumière luit enfin dans les ténèbres , et celles-ci se dissipent. Voici le jour de la gloire de Mesmer, le commencement de la perte de ses ennemis !
VARIÉTÉS.
Clairvoyance. — Le 27 avril dernier, un jeune homme de Montmirail, âgé de quinze ans, nommé Alphride, domestique chez M. Goujon, maîlre-d’hôlel et loueur de chevaux, était venu conduire au chemin de fer de Montereau à Troyes, stalion de Pont, quelques voyageurs, il quitta ce dernier endroit presque immédiatement, et depuis ce moment l’on n’avait plus entendu parler de lui; qu*était-il devenu, ainsi que le cheval et la voiture? Nul ne pouvait le dire. Des recherches avaient été faites partout, par les parents et la police, sans amener aucun résultat. Cette angoisse du tous les instants n’était pas tolérable pour la famille de ce jeune homme, et après avoir usé de tous les moyens, le père se décida à faire consulter à Paris une somnambule. La personne aveclaquelle on fut mis en rapport dit presque aussitôt: «Ce jeune homme est tombé dans un trou profond; je le vois ainsi que la voiture et le cheval. Il est facile de se faire une idée de la position de ce malheureux père, quand il apprit une semblable révélation. Il partit immédiatement avec plusieurs personnes qui examinèrent avec lui, pendant le trajet de Villenauxe à Pont, les fosses ou noues qui bordent cette route.
Lorsqu’ils arrivèrent à la dernière noue, sur la gauche de la route, et vis-à-vis la Fosse aux Nonnes, le propriétaire de la voiture et du cheval, qui faisait partie des assistants, reconnut un paillasson qui surnageait, pour être celui de sa voiture; alors ils se rendirent à Pont, où ils prirent des cordages, des crochets et un batelet, et revinrent à ce trou, accompagnés de mariniers. Les recherches ne tardèrent pas à être couronnées d'un triste succès; car, en un instant, voilure et cheval furent ramenés à la rive; l’enfant ne fut retrouvé qu’une heure après.
Ainsi la somnambule ne s’était point trompée, et sans elle , bien certainement, la disparition du jeune homme, de la voiture et du cheval aurait été longtemps regardée comme étant le résultat d’un crime.
(Progrès de l'Aube).
Insensibilité. — Le tribunal correctionnel de Nantes s’est occupé, le ier mai, d’une affaire des plus extraordinaires. 11 s’agissait d’un pauvre martyr qui aurait reproduit le trait héroïque de Mutius Soo-vola.
Pierre Paul Doussin, âgé de trente ans, ayant demandé la main d’une jeune fdle qu’il aimait, fut ajourné jusqu’à la guérison d’un goitre qu’il portait. Depuis cet ajournement, il était tombé dans une mélancolie profonde. Il consulta deux demoiselles qui lui conseillèrent des remèdes innocents, mais le goitre ne diminuait pas.
Laissons déposer le père devant le tribunal, et nous verrons jusqu’où peut aller l’aberralion de
l’esprit.
« Je lus réveillé dans la nuit par une grande lueur partant de la cheminée. J’aperçus mon fds, à genoux sur la pierre du foyer, et paraissant prier Dieu.
« Que fais-tu là ? lui dis-je.
« — Je me chauffe les mains. Et il me pria par deux fois d’aller lui chercher du bois, ce que je fis.
« En entrant la seconde fois, je vis qu’il avait les mains dans le feu. Je les lui retirai précipitamment; elles étaient toutes brûlées.
« Malheureux, lui dis-je, que viens-tu de faire?
« — Le diable est dans mon lit, me répondit-il ; je suis damné, et je n’ai d’autre moyen pour guérir que de me brûler. »
« Le médecin appelé trouva les deux poignets tellement calcinés, que les doigts tombaient au moindre contact. Ayant interrogé le malade, le fils Dous-sin lui dit :
« Celte nuit, il m’est arrivé un grand malheur ; deux demoiselles, excitées par le matin, qui était derrière elles, m’ont saisi chacune par un bras, m’ont entraîné vers le foyer, m’ont tenu les poignets dans la flamme, et m’ont entièrement brûlé les mains, me disant : Brûle, si tu veux guérir ! »
Les deux poignets de ce malheureux ont été amputés.
Ce fait vient ajouter aux mille preuves que nous avons déjà recueillies sur Y insensibilité produite par l’exaltation de lame. Doussin s’est brûlé sans éprouver la moindre douleur; son âme, trop absorbée par l’idée dominante de sa guérison, n’exerçait plus son
action sur le système nerveux. Revenu à la raison, le pauvre martyr témoignait un vif regret de ce qu'il avait fait.
Nous publierons prochainement un article sur l'insensibilité résultant des diverses modifications de l’âme.
P. C. ORDINAIRE,
Docteur-médecin.
Catalepsie. — On lit dans la Pairie du i4 mai :
Il existe dans le village de Jarringson, neuf milles de Bristol, une jeune personne du nom d’Anne Gro-mer, fille d’un maître maçon, qui depuis bientôt treize ans est dans un état de catalepsie, et qui a aujourd’hui vingt-cinq ans. Deux mois après le commencement de sa maladie, elle fut prise d’un tétanos de la mâchoire, qui ne permet que de lui administrer des aliments liquides, et même avec une grâride difficulté. Un grand nombre de médecins l’ont visitée et ne laissent pas d’espoir de sa guérison ultérieure.
Comme on peut le penser, elle est réduite à l’état d’un squelette. Sa physionomie a utie expression de sérénité parfaite , sa respiration est perceptible , ses mains ont quelque chaleur, et elle donne des indices de conscience de ce qui se passe autour d’elle. Sâ mère lui ayant demandé de lui serrer la main, qu’elle avait mise dans les sienhés, dans le cas où elle sotif-frirait, elle sentit une pression légère, mais distincte. Soutent, quand elle est tourmentée de crampes * on l’entend pousser de sourds gémissements.
Lucidité. — On lit dans le Journal des Faits du 20 mai :
« La semaine dernière, M“« Salleron, femme du propriétaire des Pailles de France, se rendit û Neuilly. A son retour à Paris seulement, elle s’aperçut qu’elle avait perdu en roule sa montre et sa chaîne. Dans 1 impossibilité d’indiquer, même approximativement, l’endroit où lui était arrivé l'accident quelle déplorait, il lui fallut renoncer à tous les moyens de recherche employés en pareil cas. En désespoir de cause, elle se rendit près de M. Marcillet, magnétiseur du somnambule Alexis, et le pria de le lui faire consulter. A peine est-elle en rapport avec le somnambule , que celui-ci, avant même quelle ait eu besoin de lui adresser la parole, lui dit :
« Yous êtes inquiète, madame, je vois ce que vous voulez... Il s'agit d’une montre et d’une chaîne perdues... ; vous soupçonnez quelqu’un de vous les avoir volées... le cocher de votre voiture... Vous êtes dans l’erreur. Attendez, cherchons la montre...; la voilà, elle est à terre; vous l’avez laissé tomber en descendant de voiture près du pont de Neuilly. C’est une
fort jolie montre, je lis le nom du fabricant..... Ah!
un soldat passe, je distingue ses traits. Il porte le numéro 57 sur son schako, il est en garnison à Cour-bevoie... Il se nomme Vincent.... »
La vérification de ce fait prodigieux ne se fait pas attendre. M. Salleron court à la caserne de Courbe-voie, et expose les faits au capitaine Othenin, faisant les fonctions de chef de bataillon ; celui-ci, par complaisance, ordonne une inspection générale de l’équipement. Quand l’officier chargé de visiter les sacs
des hommes entra dans l'une des chambres, un soldai sortit des rangs et vint lui présenter une montre et sa chaîne. « Voilà, commandant, ce que j’ai trouvé près du pont de. Neuilly : mon service m’a empêché jusqu’ici de faire les démarches nécessaires pour retrouver son propriétaire. — C’est bien; quel est ton nom ? — Vincent. »
Revue des Journaux. — La Liberté, du 4 juin, rend compte du banquet mesmérien.
— L’Indépendant de la Charente-Inférieure raconte que, dernièrement, à Saint-Jean-d’Angely, vers le milieu de la nuit, Mme Mechain, femme d’un âge encore peu avancé, se réveilla en sursaut sous l’empire d’un terrible cauchemar. Elle avait rêvé que sa petite fille, âgée seulement de quinze jours, venait de mourir, « C’en est donc fait, dit-elle en se réveillant, je ne la verrai plus, cette pauvre enfant ! Il est donc bien vrai qu’il est mort, mon cher petit ange! » Et au même instant elle pâlit, ferma les yeux; elle avait cessé d’exister. »
Les rêves peuvent donc, dans certains cas, produire sur nous l’effet de la réalité. Quelle prudence, alors, doit avoir le magnétiseur qui fait naître à son gré ce curieux état du cerveau, où les idées, vraies ou fausses, sont reflétées, et agitent l’âme comme si tout venait de nous-même.
Le fait que nous venons de citer mérite réflexion.
Le Gérant : HUBERT (de Garnay).
THÉORIES.
PHILOSOPHIE MÉDICO-MAGNÉTIQUE.
De la Médecine magnétique (Suile.)
CHAPITRE III.
Réplique du Docteur Ordinaire au Docteur Perrier, concernant le fluide magnétique.
Très-honoré confrère,
En champion armé de toutes pièces , vous avez accepté la lutte proposée. Je connaissais la valeur de mon adversaire; en le provoquant, je savais que la victoire serait vivement disputée; et, en effet, t^ut annonce qu’il n’y aura ni vainqueur ni vaincu : le combat finira par de mutuelles concessions.
Déjà, dans votre réponse à mes objections, vous dites :
« Lorsque j’aurai traité successivement la médecine « somnambulique et lajmédecine spiritualiste, j’ai « l’espoir que nous ne serons pas éloignés de nous « entendre, malgré la dissidence d’opinions qui pa-« raît exister aujourd’hui entre nous au sujet du « fluide magnétique. »
Et plus loin :
« Je n’ai jamais affirmé, que le fluide magnétique « fût toujours indispensable pour produire le soin-« nambulisme r>
TOME IX. — W° 130. — JUILLET 1850. 12
Après do tels aveux, je crois qu’en effet nous ne sommes pas éloignes de nous entendre.
Qu’ai-je prétendu? Que le fluide magnétique ne joue pas le rôle qu’on lui a attribué jusqu’à ce jour , dans la production des phénomènes somnambuliques ; que l'âme seule agit sur une autre âme sans intermédiaire.
Que le prétendu fluide magnétique, vu, reconnu et constaté par le plus grand nombre des somnambules, n’est autre que l'émanation vitale appartenant aussi bien aux cnimaux qu’à l’homme.
Que le magnétiseur met enjeu son âme, sa volonté, el ne pénètre le sujet qu’il magnétise d’aucun fluide.
Que dans la magnétisation curative, par contact, par insufflation, il se peut que l’émanation vitale ait une action physique, le corps agissant sur le corps comme l’âme agit sur l’âme.
Yous nommez fluide ce que j’appelle émanation vitale; vous lui accordez une prépondérance, une influence que je restreins considérablement; voilà seulement en quoi nous différons.
Croyez-moi, on a trop voulu matérialiser le magnétisme, qui est tout âme, tout esprit. On a cru le faire accepter plus facilement, en comparant le fluide magnétique au fluide électrique. On a craint le ridicule en préconisant le rôle de l’âme, et en acceptant ses rapports avec les intelligences supérieures. Parler des anges aux voltairiens, aux sceptiques, auxesprils-forts du xix’ siècle, c’eût été s’exposer aux sarcasmes, et passer pour des visionnaires , des illuminés, l'.n admettant un fluide, on se fait écouler; puisque le fluide électrique existe, le fluide magnétique peut bien exister. Le seul inconvénient, c’est que les sceptiques vous di.-ent : Nous attendons, pour l’accepter,
que vous nous l’ayez démontré aussi tangiblement que 6on confrère l’électrique.
Mais la science se rit de la susceptibilité des hommes et de leurs transactions ; elle marche toujours , au risque de déranger des combinaisons, de froisser des amours-propres.
Jusqu’à présent le fluide magnétique a été la base du mesmérisme; mettre en doute son existence, serait faire injure au maître; et cependant on a renoncé au célèbre baquet, parce qu’on a reconnu que sans son aide on obtenait les mêmes effets curatifs. Le fluide pourrait bien subir le sort du baquet ; l’âme, qui est le moteur principal, n’ayant besoin ni du baquet ni du fluide, pour agir.
Vous reprochez à mes somnambules de se perdre dans les vastes régions du ciel, ou dans le spacieux domaine de l’imagination ; ne craignez-vous pas que mes somnambules ne vous reprochent à leur tour de rester dans un fâcheux terre-à-terre, et de vouloir enchaîner une puissance toute spirituelle. Pourquoi faire jouer au fluide nerveux, non moins contestable que le fluide magnétique (les nerfs pouvant fort bien agir comme des cordes vibrantes), un rôle dans des phénomènes qui nous montrent l’insensibilité? Pourquoi rattacher ces phénomènes à des organes, lorsque le déplacement des sens nous prouve que le jeu de ces organes est complètement interverti. Le magnétisme , et particulièrement le somnambulisme , est en dehors des lois de la physiologie ; à quoi bon vouloir absolument les rattacher à ces lois.
Avant d’être spiritualiste, j’étais fluidiste sans restriction, mais semblable à ces catholiques qui acceptent avec répugnance certains dogmes, et disent : C’est la foi gui nous sauve. J’acceptais le fluide; mais lorsque je voyais les crisiaques ne pas s entendre sur
sa couleur; lorsque je les entendais dire : Le fluide s’échappe de vos doigts en jets de feu , reprocher aux uns de l’avoir trop chaud, aux autres de l’avoir trop froid, à quelques-uns de l’avoir trop vieux; Iors-qu’enfin j’apprenais que ledit fluide pourrait être mis en bouteille, et qu’un somnambule lucide dirait telle bouteille renferme le fluide d’un tel, je souriais involontairement; je pensais : cela peut-être, mais c’est très-drôle, et ça n’apprend rien. Quand j’entendais des magnétiseurs dire à leur sujet : lîtes-vous trop chargé? Youlez-vous que je vous déchargeP Je souriais involontairement. Maislorsque je me suis trouvé initié au jeu de lame, qui, pour moi, est l’être intelligent qui dirige les organes, j’ai compris; un voile épais est tombé de mes yeux obscurcis par le fluide, et un monde nouveau , le monde des esprits , s’est révélé et m’est apparu.
Que ces questions immenses (celles des esprits), appartiennent plutôt à la métaphysique qu’à la physiologie magnétique, je m’en suis fort peu inquiété; retenu sur la terre, je rampais ; j’ai suivi mes somnambules dans les régions élevées, sans oublier cependant le sort d’Icare, et je n’ai eu qu’à m’applaudir de mes excursions.
Yous voulez bien accorder au fluide les plus étranges facultés, et vous les contestez à l’âme, tout en reconnaissant cependant, j’aime à le croire, que c’est l’âme qui lance et qui dirige le fluide.
Ainsi vous déclarez ne pouvoir vous rendre compte des moyens dont l’âme dégagée de la matière doit se servir, dans le but de conserver avec le corps des relations suffisantes pour l’entretien de la vie organique, sans la substitution du fluide. A quoi bon cette substitution? Pourquoi vouloir limiter les facultés de i'âme, et dire qu’elle ne se détachera pas sans inter-
médiaire? Une preuve qu’elle s’en passe, c’est que si vous poussez le détachement à l’extrême, vous tuez votre sujet. Je sais que vous pouviez m’objecter que vous le foudroyez par votre fluide.
lit parce qu’une de mes somnambules voit son magnétiseur entouré de l’émanation vitale, tout en reconnaissant qu’elle n’est en crise que parce que son âme est détachée de la matière, vous demandez :
« Comment l’âuie, affranchie des entraves corpo-« relies , pourrait - elle ressentir l’impression d’un « fluide avec lequel elle n’a plus de rapport? Cons-« tamment en relation directe avec des êtres im-« matériels , des âmes supérieures, elle doit mépriser « tout ce qui relève de la matière. »
C’est de l’ironie spirituelle; mais on peut plaisanter sur votre fluide, bien autrement incompréhensible dans son mode d’aclion.
Nous nous occupons d’êtres invisibles, insaisissables, qui ne se révèlent que par de merveilleux phénomènes, nous sommes naturellement bornés dans leur appréciation.
Le mot fluide est vide de sens, s’il n’indique pas un agent; or, qui le met en jeu? L'âuie, sans contredit. Toute la question est donc de savoir si lame a besoin de cet agent pour agir.
Yous avez suivi mes objeelions, et vous les avez réfutées plus ou moins victorieusement ; nos lecteurs en seront juges. De ce que mon brigadier extra-lucide a prétendu que quatre magnétiseurs réunis avaient plus de force, et obtenaient plus facilement des résultats, vous concluez qu’il ne possédait pas la lucidité médicale.
En effet, cette spécialité lui manquait; mais il possédait une extrême sensibilité pour toutes les influences magnétiques, et je vais en citer un exemple.
Dans une réunion de journalistes et de fonctionnaires fort sceptiques, j’annonçai, pour prouver la transmission de pensée, que mon somnambule s’ar-rêterait au chiffre qui me serait désigné par écrit. Le chiffre désigné fut 12. Mon brigadier commença à compter 1 , 2, 3, 4, et lorsqu’il fut arrivé à 9, il éprouva la commotion qui l’avertissait de ma volonté, et il s’arrêta. Grande joie pour les sceptiques; mais comme cette expérience, que j’avais répétée cent fois, ne m’avait jamais manqué, je me doutai d’une influence contraire, et je fis appel à la bonne foi de celui qui avait contrarié l’expérience. Un inspecteur des écoles se leva et avoua que, voulant éprouver s’il aurait la même action que moi sur le sujet, il avait voulu que le somnambule s’arrêtât au chiffre 9. Il fut convenu que l’expérience ne serait plus contrecarrée, et, répétée trois fois, elle réussit, bien qu’on m’eût placé dans une pièce adjacente d’où j’entendais à peine l’énumération des chiffres.
Lorsque mon brigadier était entouré de plusieurs magnétistes ou de personnes bienveillantes, il était d’une lucidité admirable, la présence de personnes malveillantes paralysait ses facultés; il pouvait donc bien conclure que trois ou quatre magnétistes réunis avaient plus de force qu’un seul, puisque deux ou trois sceptiques avaient plus d’influence, plus de puissance que son magnétiseur.
Les fluides qui se croisent et se neutralisent, me semblent beaucoup moins acceptaLles que les âmes qui sont des puissances et agissent.
Tout en rendant justice à la courtoisie qui a présidé à votre réponse; tout en vous remerciant de ce qu’elle renferme d’encourageant pour moi, je me permettrai de vous adresser un petit reproche, relativement à certaine objection.
Ma somnambule, avait dit : Une somnambule n’est pas, tous les jours, susceptible de recevoir l’influence magnétique ; pendant quatre jours, je ne serai pas magnétisable; multipliez vos efforts, vos passes, je sourirai à votre impuissance. Si vous aviez du fluide, si j’étais susceptible d’en être pénétrée, m’expliquerez-vous pourquoi je n’en éprouverai aucune atteinte.
Yous répondez à ma somnambule :
« J’admets avec vous que c’est mon âme qui agit « aujourd’hui sur la vôtre; demain, dites-vous, tou3 « mes efforts seront impuissants et je n’aurai plus « d’influence sur vous. Est-ce que demain je n’aurai « plus d’âme ? »
Demain, a déjà répondu la somnambule, mon âme échappera à votre domination, parce qu'elle sera absorbée par ses sœurs immatérielles et initiée à des connaissances nouvelles que je vous révélerai ; et, en effet, après ces immagnétisations assez fréquentes, ma somnambule se trouvait dotée de spécialités nouvelles, plus surprenantes les unes que les autres.
Je regrette, cher confrère, que vous n’ayez pas encore exprimé votre opinion sur les rapports qui existent entre les somnambules et le monde des esprits. Je suppose que vous admettez ce rapport accepté par tous et toutes les somnambules lucides. Pour moi, il est matériellement prouvé.
Yous terminez en m’engageant â continuer mes recherches expérimentales, c’est ce que je fais. Trop d’écrivains ont parlé du magnétisme d’après quelques expériences incomplètes ; quelques-uns même ont fait des traités sur la matière sans avoir magnétisé avec succès; je me propose de publier plus tard un livre, qui aura pour titre: Âme et magnétisme; mais avant de le mettre au jour, je veux expérimen-
ter encore, expérimenter toujours. On se presse trop d’écrire en magnétisme, la science marche et on s’expose 'a contredire le lendemain ce qu’on a avancé la veille.
Vous m’engagez à me tenir en garde contre les séduisantes dissertations des somnambules extatiques, et peut-être contre quelques préventions systématiquement arrêtées dans mon esprit et à mon insu.
Je vois tout, j’entends tout, j’analyse tout, sans engouement et sans prévention; lorsqu’une vérité m’est apparue, je la défends envers et contre tous; bien différent en cela de Fontenelle, qui disait : « Si j’avais la main pleine de vérités, je me garderais bien de l’ouvrir, dans la crainte des sarcasmes et des persécutions. »
Loin de me tenir en garde contre les séduisantes dissertations, je me plais à les suivre. J’aime à quitter cette terre de matérialisme et d egoïsme, pour entrer dans le monde de la vérité et du dévouement. J’aime ù croire, avec mes crisiaques, que le magnétisme est tout divin, qu’il a présidé à l’origine de toutes les religions, qu’il est la source des révolutions et la cause de tout progrès, qu’il est appelé, aidé par la liberté, à rénover notre pauvre société qui s’écroule.
C’est dans cet espoir que je vous renouvelle l’expression de mes sentiments de bonne confraternité.
P. C. ORDINAIRE,
Doctfor-Méiecin.
L’important débat qu’oa vient de suivre n’est pas encore à son terme ; il est probable que d’autres magnétistes voudront y prendre part ; car plusieurs en ont manifesté l’intenlion. Déjà même quelques coin-
munications nous ont été faites à cet égard, et dès aujourd’hui nous donnons une note de M. Almignana, dont la conclusion est contraire aux objections soulevées par M. Ordinaire.
Les faits, bien plus que les opinions, éclaircissent les questions embrouillées; il faut donc recueillir tous ceux qui sont de nature à procurer la solution désirée. Considérée sous ce point de vue, la noie de RI. Almignana nous paraît avoir un droit puissant aux méditations des investigateurs mesmériens. Elle nous est adressée, et est ainsi conçue :
Monsieur le rédacteur,
Ayant lu dans le n° 111 do votre journal, les expérimentations de M. le Dr Perrier sur des somnambules, dans le but de s’assurer de l’existence du fluide magnétique. J’ai voulu en tenter de semblables; voici dans quel genre et quels en ont été les résultats.
Mma Huet, personne digne de ma confiance, se trouvait un jour chez moi avec sa demoiselle, somnambule, âgée de treize ans. Saisissant cette occasiou pour commencer mes expériences, je priai cette dame démagnétiser sa fille. Celle-ci étant endormie, je dis à Mme Huet de placer sa main horizontalement et parallèlement aux yeux entièrement fermés de la somnambule, ce qu’elle fit.
Ce fut dans cette position que Mme Huet commença à questionner sa fille, selon mes désirs; et voici textuellement le dialogue qui s’engagea entre elles ;
« Anne, vois-tu mon fluide ?
— Oui, maman.
— Quelle est sa couleur ?
— Ton fluide est jaune-orange.
— Le trouves-tu fort?
— Oui, il est bien fort. »
La somnambule avait à peine proféré ces derniers mots, que je m’empressai déplacer, tout doucement, ma main droite au-dessous de celle de Mme Iluet, â qui je fis signe de retirer la sienne, sans cesser de questionner.
« Ma fille, vois-tu encore mon fluide ?
— Non, c’en est un autre que j’aperçois maintenant.
— Puisqu’il en est ainsi, dis-moi donc de qui est celui que tu aperçois?
— C’est le fluide de M. Almignana.
— De quelle couleur est-il?
— 11 est blanc, tirant sur le rose.
— Est-il bien fort?
— Oh ! non; au contrafre, il çst bien doux. »
Celle première expérience se termina ainsi.
Au bout d’une huitaine de jours, me trouvant avec Mmc Huet et une autre personne, au moment où celle-là endormait sa fille; à ma prière, nous tentâmes une seconde expérience, exactement comme la première, et les résultats en furent aussi exactement comme la première.
Quelques jours après, Mm« Huet se rendit chez moi avec son époux et d’autres personnes, pour me consuller sur des points de magnétisme; ne voulant pas laisser échapper une occasion si opportune pour continuer mes expériences, je priai Mme Huet d’endormir sa demoiselle, ce à quoi elle consentit volontiers.
La jeune somnambule étant endormie, ce fut avec surprise que nous l’entendîmes s’écrier, d’un air très-contrarié :
« Maman, no me magnétise plus, car tu me brûles avec ton fluide. Oui, je suis brûlée. »
Désirant la calmer tout en voulant continuer mon expérience, je lui pris la main, et, me mettant en rapport avec elle, je lui adressai quelques paroles rassurantes el parvins à la calmer.
Profitant donc du moment de calme où se trouvait déjà la somnambule, je commençai parla questionner ainsi qu’il suit :
« Dites-moi, mon enfant, est ce que le fluide de votre maman vous brûle effectivement ?
— Oui, monsieur.
— Est-il de la même couleur que vous l’avez vu l’autre jour?
— Oui, il est toujours jaune orange.
— Et le mien, le trouvez-vous toujours moins fort que celui de votre maman?
— Oh! oui, Monsieur, il est très doux, et il est blanc rosé. »
Voulant donner plus d’étendue à celte expérience, je priai une personne de la société, Mme Am... de placer sa main devant les yeux de la somnambule, et dans cette position, je dis à celle-ci :
« Anne, voyez vous quelque chose?
— Oui, je vois le fluide de Mm« Am...
— Comment esl-il ?
— 11 est de la même couleur que celui de maman, mais moins fort. »
Je priai encore une autre personne de placer aussi sa main de la même manière que l’avait fait la précédente, et dans celte position j’interrogeai la somnambule :
« Voyez-vous encore le même fluide?
— Non, c’est celui de M. S. que je vois maintenant.
— Comment est-il?
— Il est pétillant, c’est-à-dire il s’échappe des mains à la manière des étincelles de couleur de feu, el pas aussi fort que celui de MIUC Am... »
Avant de pousser encore plus loin mes expériences , il me vint à l’idée de faire placer devant la lucide, à quelques pouces de distance, les mains des quatre personnes dont elle avait aperçu le fluide; mais quel fut notre étonnement, lorsque les quatre mains, à peine rapprochées de la somnambule, nous la vîmes se débattre, et nous dire d’un air extrêmement contrarié :
« Retirez vos mains, car vous me tuez avec ce mélange de fluides. Vite, vite, retirez-vous. »
Ne voulant plus continuer une expérience qui tant contrariait la somnambule, je fis retirer les mains et cette séance finit.
Croyant donc, Monsieur le rédacteur, que, dans ce moment où une polémique est engagée entre MM. les Dr‘ Perrier el Ordinaire, sur l’action du fluide magnétique sur les somnambules, les faits que je viens de vous rapporter pourraient contribuer à l'éclaircissement de la question , j’ai voulu , dans l’intérêt de la science, vous les transmettre, pour, si vous jugez à propos, les publier dans votre journal.
L’abbé ALMIGNANA.
Baligüolles, 24 mai 1850.
INSTITUTIONS MAGNÉTIQUES.
Afliénve troyeu «le îiicsiiicroloffic.
M. de Rovère semble voué aux tribulations de la police; h peine sorti do ses procès correctionnels, on lui en intente un politique. Arrêté le 10 juillet 1849, sons l’inculpation de membre actif de la Solidarité républicaine, il fut traduit en cour d’assises. Présentant lui-même sa défense, il établit d’abord qu’il n’avait aucun rapport avec l’association en question, puis il chercha à démontrer que la politique n’était qu’un prétexte aux poursuites dont il était l’objet; que c’était toujours la médecine qui persécutait en lui le magnétisme. Le jury répondit par un verdict d’acquittement.
A l’issue de ce procès, M. de Rovère publia une lettre explicative de ses opinions et de sa conduite, dont nous extrayons les passages suivants :
« L'Alhênée troyen de Mesmérologie pure et appliquée, a été fondé par moi le 3o décembre 18/17. Depuis cette époque, je l’ai dirigé jusqu’au 1" janvier i85o, sans interruption, sauf pendant les six semaines de ma captivité. Cet établissement compte aujourd’hui plusieurs souscripteurs qui, moyennant une faible cotisation trimestrielle, peuvent suivre tous les cours, assister à toutes les séances dominicales et éprouver tous les jours les effets modificatifs et curatifs de l’agent universel qui n’est la propriété de personne en particulier, et qui est du domaine de
tous les êtres on général. L’année qui vient de commencer ne le cédera en rien à celles qui l’ont précédée.
« Dans cet établissement, exclusivement consacré aux démonstrations rigoureuses, évidentes et expérimentales de l’une des plus belles, des plus sublimes branches des connaissances humaines, on ne s’occupe uniquement que de la science dont on est redevable au génie de Mesmer, et qui a pour base l’étude physique, moraleel physiologique de l'homme.
« L’Athénée troyen est une école scientifique et populaire. Les murs de la salle qui contient les auditeurs invités et reçus gratuitement el qui est consacrée à l’examen consciencieux des phénomènes de la nature, ne retentissent jamais, sous aucune espèce de prétexte, du son des polémiques politiques et gouvernementales. On ne s’y occupe des affaires administratives ni du dedans ni du dehors; en un mot, on y entre comme on en sort, avec une seule pensée, celle de s’aimer et de s’éclairer mutuellement; et tant qu’on y reste, on a toujours devant les yeux cette devise :
L'humanité s’élève naturellement de l’humilité , et tresse des liens de
bienveillance qui enlacent le cœur et l’empêchent de s’isoler.
C’est à la clarté du flambeau du bon sens et de la raison qu’on cherche à éviter ce qui pourrait reconduire vers les idées mystiques et superstitieuses qui ont désolé l’Europe. On tourne le dos aux rêves dangereux des hallucinations extatiques d’une fanlasmagic surnaturelle, pour contempler les réalités utiles des productions évidentes d’une philosophie rationnelle.
« Le vrai mesmériste sait qu’il ne peut empêcher que le préjugé n’aille son train, que la jalousie ne jette le trouble dans certains esprits, et que l’ignorance,
hélas! n’aveugle bien des gens. Mais il sait aussi qu’il tient à Dieu par des liens éternels, par des lois immuables que les hommes ne peuvent modifier; ferme dans des principes, non imaginairement, mais réellement évangéliques, il supporte avec courage, palience et résignation, les souffrances et les tourments auxquels il est sans cesse exposé ; oui, comme le rocher contre lequel viennent se briser en écume les vagues tumultueuses de la mer, l’Apôtre mesmérien voit à ses pieds tomber en poussière les traits empoisonnés de la calomnie. »
Cette société, comme celle de Rennes, doit être incessamment unie à la Société du Mesmérisme de Paris, par un lien analogue à celui qu’avaient les sociétés de VHarmonie fondées par Mesmer. En attendant la réalisation de ce projet, M. de Rovère poursuit isolément sa mission. Voici le programme de son enseignement pour l’année i85o :
« Tous les lundis, mercredis et vendredis, à une heure de l’après-midi, Cours théorique et pratique de magnétisme thérapeutique, physiologique et psychologique.
« Tous les jeudis et les dimanches, à quatre heures de l’après-midi, Cours et éducation somnambuliqtie. Nouvelles investigations tendant à développer une lucidité pure et permanente chez ceux qui sont animés du désir d’être utiles à leurs semblables.
« Tous les dimanches, à sept heures du soir,
« Séances générales et gratuites.
« Démonstrations de physique expérimentale, et revue de tous les procédés les plus propres h la manifestation du magnétisme humain et à la propagation du moyen universel que la nature a donné à chacun de guérir et de préserver sans le secours d’aucun médicament.
«Tous les soirs, à sept heures et demie, le mes-mériste reçoit dans ses appartements les personnes qui veulent s’assurer de la réalité des phénomènes mesmériens, en éprouvant elles-mêmes les effets magnétiques.
« Nul n’est admis, en aucnne circonstance, sans une carte d’invitation. »
Voici une relation des travaux qui se font â Y’Al/ié-née; elle nous est adressée ; nous la publions textuellement :
« Les membres adhérents à la Société mesmérienne fondée à Troyes, par M. Jules de Rovère , croient devoir, dans l’intérêt de la science et de la vérité, dont il est l’infatigable apôtre, formuler en peu de mots le résultat des expériences somnambuli(|ues par lui faites publiquement les dimanches 3, 10 et 17 mars i85o.
« Ces expériences, dont chacun comprendra d’ailleurs l’importance, avaient pour but de rechercher si, par le somnambulisme, il n’était pas possible d’arriver à la découverte des sources là où l’on n’en saurait supposer sûrement l’cxiitcnce.
« Grâce à l’amour ardent de M de Rovère pour tout ce qui peut contribuer au progrès des sciences et du bien être humanitaire, un grand pas vient d’être fait.
«Le somnambule, guidé par un sûr instinct et une sensibilité merveilleuse, révèle la présence de l’eau partout où elle existe, et cela n’importe dans quel temps, dans quelle saison de l’année.
«Le dimanche 3 mars, M. deRovère soumit à son somnambule un vase rempli d’eau : celui-ci sentit bientôt comme un gaz vaporeux s’en échapper, et ne larda pas à constater la présence du liquide.
« Mais ce n’était pas assez pour notre zélé mesméri-
seur; le dimanche suivant il réitère l’expérience, et les résultats sont plus concluants encore. Trois vases contenant, l’un du sable, l'autre do. la terre crayeuse plus ou moins imprégnée d’eau , et le troisième de l’eau salée seulement, sont successivement soumis au sens interne du somnambule par dos personnes prises au hasard, et des phénomènes variés se succèdent aussitôt. D’abord ce sont chez lui de légères contractions ; il sent que les corps soumis à sa sensibilité contiennent de l’humidité, mais il ne sent pas là la présence du fluide à l’état suffisant. Bientôt après les contractions deviennent de plus en plus vives; il se lève el s’éloigne. «L’eau est là, dit-il, je la sens ; elle me refroidit , me glace les jambes. » C’est qu’en effet le vase d’eau salée venait d’être mis à ses pieds.
« L’expérience était complète. Toutefois M. de Rovère ne s’en tint pas là. Le dimanche d’après, nouvelles tentatives couronnées d’un égal succès.
« Le somnambule est placé dans un fauteuil à roulettes ; quinze à vingt vases, les uns absolument vides, les autres remplis d’eau pure, et d’autres d’eau salée, sont disposés en forme de carré, par des personnes étrangères au magnétiseur, autour du somnambule. Aussitôt les phénomènes produits à la dernière séance se renouvellent. On le voit, si nous pouvons nous exprimer ainsi, chercher la terre, virer du côté sec, en un mot s’éloigner de plus en plus de l’eau. M. de Rovère rapproche son somnambule vers la nappe d’eau ; mêmes contractions, même revirement; il cherche à gagner la terre, et il la trouve sans hésiter. Mais aux vases secs qu’il est allé chercher, on substitue très-adroitement ceux remplis d’eau, et celui-ci de s’éloigner de rechef et de regagner l’un des bords opposés.
« Enfin les vases sont entremêlés ; mais rien ne peut
tromper l'extrême sensibilité du somnambule; son sens interne est averti de la présence de l’eau partout où elle existe : le gaz vaporeux qui s’en échappe agit tellement sur lui, qu’on le voit comme tremblotter de froid, puis aussitôt s’éloigner du milieu qui excite évidemment en lui une sensation désagréable.
« Ces phénomènes, que plus de cent personnes ont pu constater, nous ayant paru de nature à être consignés, nous avons rédigé et signé le présent rapport, non seulement dans l’intérêt de la science mesmé-rienne, mais encore dans l’intérêt de l’agriculture qui, par cette découverte aussi merveilleuse qu’inattendue, pourra recevoir un secours immense, celui des irrigations , conditions indispensables de la fertilité du sol et d’une heureuse fructification.
Troyes, ce 1" avril 1850.
Ont signé les quatre membres formant la commission.
BULTÉ.
FANSTIENNE. BOUILLEROT.
N. MICHEL.
Les commissaires de l'Alhénée Iroyen,
CABOT, membre du conseil des Prud’hommes.
MOULOT.
Mademoiselle MONNET. IIARRAULT.
BOURGOIN, membre d’une société philantropique.
SOIN. R. TESSIER. GAILLARD. PREVOT.
RAGON. HUBERT. AB1T (Auguste).
VALLAT. R0SD1N (Hypolite).
VARIÉTÉS.
Le Vrai et le Faux. — Les vues de l'homme sont incerlaines; et, ses desseins, traversés par de» obstacles imprévus, n’arrivent à leur réalisation qu’avec peine et, bien souvent, loin du jour espéré. Toutes les fois que le génie de l’homme a fait jaillir de l’inconnu un progrès dont l’application devait avoir une certaine influence sur la constitution physique 011 morale de l’humanité, toutes les fois, dis-je, cette découverte s’est trouvée paralysée, enrayée, combattue dans son extension par des obstacles quî, bien souvent, surgissaient sans qu’on pût leur assigner une raison d’être. On croirait voir dans ces causes d’arrêt une influence occulte qui déconcerte les projets de l'homme novateur et remet à des temps ultérieurs la réalisation de la chose qu’il veut établir et qu’il croit apte à l’émancipation. Cette résistance occulte est en raison de l’importance des découvertes.
En réfléchissant à cette loi commune à toutes les grandes doctrines, à toutes les inventions puissantes, on cesse de s’étonner des oscillations que subit le magnétisme dans sa marche. Quand on connaît bien, en effet, la doctrine de Mesmer, on comprend l’immensité de sa portée philosophique, bien autrement importante que celle qu’elle peut avoir en médecine. Aussi la vulgarisation de cette doctrine révélatrice des mystères anthropologiques, serait-elle, faite trop tôt, la source de confusion, de trouble, de mal dans
tous les genres. Et il semble que pour contrebalancer l’ineptie aveugle des savants de tous ordres, eux qui auraient pu rendre stables et profitables les principes du magnétisme, et parla empêcher les ténèbres et faire au contraire la lumière ; il semble que pour atténuer le mal produit par cette inertie des hommes d’intelligence et aussi pour contrebalancer l’ardeur du prosélytisme, des magnétistes plus ou moins éclairés, il semble que la Providence, dont toute grande vérité est une révélation, se charge de forcer l’humanité à temporiser et à différer son initiation à la science du magnétisme.
11 faut que les idées mûrissent, que des hommes sérieux, capables et puissants soient venus pour régulariser, épurer, soulever certaines incertitudes, avant que le magnétisme ait pris sa place au dessus de toutes les doctrines des philosophes. Aussi , voyez comme au moment où les efforts des magnétistes ont presque forcé les académies à reconnaître la vérité qu’ils défendent, il surgit un obstacle imprévu qui replonge dans le lointain la progression du magnétisme !
Si Mesmer eût accepté l’offre de la reine, en établissant une clinique, un enseignement n’eùt-il pas paralysé le coup que le rapport Bailly donna à sa doctrine? Si la Révolution n’eût pas éclaté aussi tôt et duré aussi longtemps, les premières sociétés de magnétisme, si puissantes alors par leur richesse et par les hommes influents qui en faisaient partie, n'eussent-elles pas gagné la cause perdue quelques années auparavant? Si l’éther et le chloroforme n’eussent pas conquis les amphithéâtres, les faits d’insensibilité magnétique qui se produisaient entre les mains des chirurgiens de tous les pays n’eussent-ils pas forcé les académies bien mieux que n’avaient pu le faire les phénomènes
du somnambulisme ? Et si, actuellement, le génie de la spéculation, la soif de l’argent, n’avaient pas imaginé une simulation de la lucidité somnambulique, les étonnantes révélations, les visions précises de bon nombre de somnambules, n’eussent-elles pas, d’ici quelque temps, augmenté tellement le nombre des partisans du magnétisme, que c’eût été un assaut victorieux livré par l’opinion publique à la vieille résistance des corps savants ? Je le dis ici, ou plutôt je le répète, car telle a toujours été l’opinion que j’ai professée, le somnambulisme est la plaie du magnétisme; et, aujourd’hui, c’est cette merveilleuse faculté qui est le plus grand obstacle à l’acceptation du magnétisme. Mesmer, ce lucide génie, l'avait bien compris quand il fut si réservé sur cette faculté des magnétisés !
Depuis quelques années, tous les esprits se sont absorbés dans le somnambulisme; et quel somnambulisme! non plus seulement celui qui s’occupait des malades, mais celui qui transporte l’esprit de l’homme dans les régions surhumaines. Prévisions, divinations de l’avenir, recherches des vols, des pertes, des amours, visions au loin, prophéties politiques, révélations sur les âmes des morts, apparitions des esprits, religions nouvelles, tel est l’idéal de la voie dans laquelle certains esprits ont jeté le magnétisme. Route ténébreuse, remplie d’illusions mélangées cependant de réalités saisissantes. Le public étonné, convaincu en grande partie par les merveilles, quelquefois sans discussion possible, suivit avec avidité cette pente ouverte à cet instinct naturel en nous, qui entraîne vers les choses de l’autre monde. De là le désir de l’imitation , de la simulation , et l’homme trouva les moyens de si bien imiter certains phénomènes somnambuliques, que plusieurs magnétiseurs
même sc laissèrent prendre à l’analogie. On voit donc aujourd’hui des gens doués de la seconde vue artificielle, faire îles choses comme les somnambules les plus lucides, et, ce qui est le pire, c’est que les uns affirment que c’est le résultat du magnétisme et que les autres disent que non; le public voit, cl confondant tout ensemble, ne sait plus où il en est, et il n’hésite plus, quand il connaît la méthode de la double vue, à dire que les somnambules des magnétiseurs sont des compères de cette nature. De celte conclusion, je le déclare, résulte pour le magnétisme un obstacle nouveau, que le temps, toujours le temps, fera très-certainement disparaître ; mais c’est toujours un retard, et qui sera long, croyez moi.
Voici, du reste, les circonstances qui m’ont suggéré les réflexions que je viens d’émettre :
Il y a quelques semaines, Orléans ouvrait sa foire d’été. Cette foire est comme un immense bazar où toutes les industries, tous les genres d’amusements, de spectacles se donnent rendez-vous. Au milieu de la ligne des tentes improvisées par les baladins , on voyait une de ces tentes fixer l’attention des promeneurs par les peintures que scs toiles représentaient. Ces tableaux montraient les tours de force d’un Hercule, les dislocations d’un bouffon, et au milieu, une grande toile bleue, avec cette inscription : « Som-« nambule extra-lucide, M"'Loïsa, magnétisée par « M. Grotowoski. » Puis, pour bien montrer que c’était du magnétisme, des affiches collées sur les planches de la baraque el dans toute la ville, indiquaient que par le magnétisme cette somnambule entrerait en communication de pensées avec les assistants , qu’elle devinerait ce qu’ils avaient de plus caché, qu’elle exécuterait les ordres donnés mentalement, qu’elle ferait enfin toutes les merveilles du
somnambulisme le plus lucide. Après venait l’exposé des exercices gymnastiques et physiques, puis au bas le prix des places, fixé à la bagatelle de... 20 centimes les premières, el 10 centimes les secondes.
Chaque jour, les tréteaux extérieurs offraient à la foule une parade comique, à travestissements; et, à la fin , les messieurs en culotte couleur de chair, et les demoiselles à jupons écarlates, criaient à l’aide d’un porte-voix : « Entrez, messieurs, mesdames; venez voir la somnambule! La merveille du magnétisme ! On no paie qu’après avoir vu ! On a fixé à 20 centimes et à 10 centimes le prix des places, afin que tout le monde fût â même de s’initier au magnétisme ! Vous verrez le sujet le plus extra-lucide qui ait jamais paru !.... » Et la foule d’envahir les bancs.
Après les voltiges des poids de cinquante, les tours d’escamotage, les sauts des bouffons, l’Hercule, en costume de fausse nudité, et avec une belle cuirasse en étoffe pailletée, magnétisait à tours de bras M"* Loïsa, lui bandait les yeux, et annonçait à la société que le fluide magnétique ayant produit le sommeil, les exercices allaient commencer.
Alors ce personnage recueillait les objets que les spectateurs lui présentaient à l’envie, et demandait de loin â la somnambule quels étaient la chose, le mot, le nombre qu’on lui avait donnés ou écrits.
Sans se tromper, la demoiselle répondait chaque fois. Si quelque individu, presque savant en magnétisme, voulait poser lui-même la question sans intermédiaire, le cornac répondait que son fluide seul était assez fort pour opérer la transmission de pensée, sur quoi beaucoup d’assistants se disaient satisfaits. Par toute la salle, on entendait des exclamations d’admiration. Quelle lucidité! Quelle puissance! Puis, à côté, c’était autre chose : Voyez donc comme
CCS magnétiseurs ont attrapé le public pendant longtemps ! 11 a fallu que le mépris pour leur duperie les ait chassés des salons, des académies pour les loger sur les foires, pour qu’on ait enfin trouvé leur ficelle!... Yous rappelez-vous, disait un autre, ce Laurent avec sa Prudence? Mais ce n’était pas autre chose... lût l’année dernière, Lassaigne qui montrait aussi une Prudence ! D’autres encore disaient : Mais c’est à n’y plus rien comprendre; le magnétisme est-il ou n’es t-il pas? Quel est le moyen de cet individu? car il fait ce que font les magnétiseurs ? Les magnétiseurs pourtant semblent de bonne foi !
C’était donc une élude vraiment intéressante pour quelqu’un d’initié au magnéiisme d’une part, et de l’autre au mécanisme de la seconde vue des baladins, que d’assisler à ces réunions.
Je n’ai pas à décrire ici la inélhodeià l’aide de laquelle 011 peut, avec un compère doué d’une bonne mémoire, faire ces tours de divination que llobert-Oudina, je crois, imaginés le premier, et qui onl été, depuis, copiés el modifiés par beaucoup d’aulrcs; il me suffit de renvoyer, pour donner une idée de cette comédie, au n° 114- du Journal du Magnéiisme, ou la méthode de M. Gandon , l’un de ces prestidigitateurs d’une nouvelle espèce, est analysée et en partie décrite.
A peine le magnétisme commençait-il à forcer les couvictions par les merveilles éclatantes de quelques somnambules, que je ne sais quel génie vient contrefaire ces merveilles et lancer dans le monde une imitation si parfaite que les plus instruits s'y laissent prendre ! Comprend-on l'effet de cette confusion entre les phénomènes de la seconde vue fictive et ceux du somnambulisme ? Allez donc parler aux gens du monde, et à bien des savants même, du magnétisme,
du somnambulisme, ils rient à votre nez et répondent : Cornus, Robert-Oudin vous ont démasqués, et maintenant les somnambules sont sur les tréteaux des baladins !!!
Les magnétiseurs connaissent le phénomène do l'attraction, de la suspension des membres, celle même du corps dans l'extase (i) ; eh ! bien, ces phénomènes extraordinaires du magnétisme sont imités et produits par tous les baladins! Ils appellent cela la suspension éthéréenne. Tout le monde sensé a reconnu que cette suspension, qui a beaucoup étonné quand Robert-Oudin l’a montrée, est obtenue à l’aide de ressorts cachés dans les vêtements, mais bien des gens y sont encore pris, et j’ai entendu un groupe de personnes s’extasier sur les propriétés de l’éther et du chloroforme. Allez, maintenant, magnétiseurs, parler de vos attractions et suspensions cataleptiques ! On vous renverra avec les baladins. O Mesmer ! ton génie avait donc plongé dans l’avenir, quand tu ne voulais pas révéler le somnambulisme ! lit vous, sages de l’antiquité, vous étiez vraiment sages, quand vous ensevelissiez dans le mystère des temples la science des sciences !
Riais ce n’est pas assez encore de flétrissure pour les magnétiseurs, que l’on assimile aux escamoteurs. Vos somnambules révèlent le passé par des intuitions rétrospectives! Ils prédisent l’avenir! Eh! mais, les tireurs de cartes, les diseurs de bonne aventure en
font autant..... Regardez, en effet, et comptons les
tentes où sont ces professeurs de sciences occultes. Voici sur le champ de foire cinq loges, dont les toiles représentent des allégories mystérieuses, et où on lit des inscriptions mystiques: Révélation du passé, du
(1) Voir à ce sujet, page 73 et suiv. de ma Physiologie du Magnétisme.
2' éditiou.
présent, de l'avenir. Cinq tireurs de cartes, nécromanciens, prophètes! Et ils gagnent leur journée! Ces messieurs suivent, du reste, les tendances du siècle, ils vulgarisent leur science, ils travaillent en plein air, pour montrer la vérité de leur science! En voici un qui s’appuie sur les grands hommes, tels que César, Napoléon, Lamartine, qui ont cru aux horoscopes, aux sibylles ! Et pour prouver qu’il peut lire dans le destin, ce personnage interpelle trois ou quatre spectateurs, et, leur prenant le pouls, il leur dit à haute voix leur tempérament et quelque grand événement arrivé dans le cours de leur vie! C'est vrai, répondent ces hommes, et plus ou moins de spectateurs ébranlés et attirés par le charme magique de l’inconnu, entrent dans latente sibylline! On leur fait les cartes ! Et on leur débite avec adresse des généralités qui arrivent à la moitié des hommes !...
Il n’est pas jusqu’au fameux miroir magique des anciens cabalistes, et de quelques magnétiseurs modernes, qui n’ait eu ses représentants à la foire d’Orléans ! On lisait sur deux petites baraques, cette piquante inscription : Miroir magique, où les jeunes gens des deux sexes voient leur époux futur. — Un jeune homme, qui est entré dans cette loge cabalistique pour ses 10 centimes, m’a dit avoir regardé dans un miroir et avoir vu paraître une grosse brune en déshabillé un peu négligé... Sera-ce sa future? 11 me le dira quand sa destinée l’aura marié.
Oh ! esprit humain , quel amalgame, quel chaos fais-tu de la vérité et de l’imposture , de la lumière pure et des ténèbres impures !
Qu’a donc gagné l’humanité à la propagation du magnétisme, à la divulgation de la doctrine de Mesmer, éclairée par les travaux de tant d’intelligences contemporaines ? Le mal ne déborde-t-il pas ? N’est-
ce pas le poison que distillent les romanciers en révélant à un public avide d’émotions d’un ordre nouveau, ces profonds mystères de la science de l’homme? Les intelligences de tous peuvent elles être assez sages pour recevoir cette puissance de bien et de mal? Le mensonge est à côté de la vérité, l’illusion à côté de la réalité, la supercherie à côté de l'honnêteté! Chaos! chaos qui eût été évité si le vœu de Mesmer eût été réalisé. Voici ce que cet homme illustre disait :
« Je cherche un gouvernement qui aperçoive la « nécessité de ne pas laisser introduire légèrement « dans le monde une vérité, qui, par son influence « sur le physique des hommes, peut opérer des clian-« gements, que dès leur naissance la sagesse et le « pouvoir doivent contenir et diriger dans un cours « et vers un but salutaires. »
Je me suis toujours associé au vœu de Mesmer, car je suis persuadé que, tant que des lois réglementaires n’auront pas empêché l’exploitation du magnétisme, il sera impossible que celte science fasse aucun progrès sérieux. La protection, la considération faisant complètement défaut aux hommes consciencieux, nul d’entre eux ne peut se livrer d’une manière continue aux études et à la pratique que nécessiterait le magnétisme pour donner tout ce qu’il est susceptible de donner, soit en métaphysique, soit en philosophie, soit en physiologie comparée, soit en médecine.
D' CHARPIGNON.
: Orléans, juin 1850.
Chronique. — Mmc de Saint-Amour, dont il est beaucoup parlé, comme guérisseuse spiritualiste, dans les écrits magnétiques, était dernièrement à Paris.
— On a beaucoup parlé récemment d’un événement inattendu; il paraît que le Dr Th. Léger, de magnétiseur est devenu somnambule. On espère que, mettant à profil ses connaissances médicales, il pourra révéler, en sommeil, des mystères de physiologie, de psychologie et de pathologie qui ont échappé jusqu’ici aux somnambules non-médecins. Si les découvertes espérées parviennent à notre connaissance, nous nous empresserons d’en faire bénéficier nos lecteurs.
— Les personnes qui suivent assiduement la marche du magnétisme se rappelleront peut-être une prophétie de lady Stanhope concernant M. de Lamartine, prophétie que nous avons reproduite tome VI, page 220 de ce Journal. L’événement le plus important de cette prédiction vient de s’accomplir ; l'illustre poète vient de partir pour l’Orient, afin de prendre possession des domaines que le Sultan lui a généreusement concédés.
PETITE CORRESPONDANCE.
Aux Abonnes. — La nouvelle loi sur le timbre nous oblige à changer de mode de publicalion ; notre Journal ne paraîtra plus que mensuellement, mais les cahiers contiendront 60 pages au lieu de 28. Nous avons préféré changer la périodicité plutôt que d’augmenter le prix de l’abonnement.
Le Gérant : HÉBERT (de Garnay). Pahjs. — Imprimerie de Pommeret et Moreau, quai des Augustin», 17.
INSTITUTIONS MAGNÉTIQUES.
Jury magnétique
d'encouragement ri de récompense.
Deuxième assemblée générale annuelle.
Cette réunion, qui devait avoir lieu le 25 avril, a été remise au 19 mai ; les travaux du Comité n’étant pas terminés à la date préfixée par l’art. 22 des statuts.
Après lecture et adoption du procès-verbal de la dernière séance, M. le Président rappela brièvement le but de la réunion , puis M. le Secrétaire-général lut son rapport, dont voici la teneur :
Messieurs , et chers collègues,
Chargé de l’exécution de vos décisions, le Conseil d’administration, dont je suis l’organe, vous doit avant tout compte de sa mission. C’est la première fois que cette tâche est à remplir ; si le sujet n’en était restreint, votre bienveillance me la rendrait facile.
Je n’ai pas besoin de vous rappeler vos décisions de l’année dernière, elles sont trop peu nombreuses pour être oubliées, et d’ailleurs, ce qui part du cœur ne saurait s’échapper de la mémoire; mais je doi* vous dire comment elles ont été accueillies, et l’effet qu’elles ont produit.
Les hommes à qui vous avez décerné des médaille»
TOMB IX. — w° 1*1. - AOÛT 1850. 13
se sont montrés très-sensibles à la pensée qui leur a valu celle distinction. Us ont vil, dans cotte expression d’une reconnaissance fraternelle, la preuve que leurs efforts ne seraient point oubliés, ce qui les a pénétrés d’une vive allégresse ; car c’est par le souvenir des œuvres utiles que le bien se perpétue. Leurs lettres sont toutes empreintes du même sentiment.
La petite portion du monde qui partage nos idées, et vit de nos aspirations, ne pouvait rester indifférente à vos choix; car elle doit voir des guides dans les personnes que vous distinguez de la foule. Elle a manifesté sa satisfaction par des témoignages dont la vivacité atteste que votre admiration était d’avance partagée, et que, pour exprimer la gratitude de tous, vous avez bien interprélé la conscience de chacun. Une seule marque d’improbation s’est produite : c’était une lettre anonyme; et l’auteur supposé, mis en demeure de s’expliquer, a reconnu son œuvre sans vouloir la signer. Le Conseil a vu dans son refus un molif suffisant de la considérer comme nulle.
Aujourd’hui, vous avez à vous prononcer sur une nouvelle série de propositions, dont l’adoption, en continuant votre œuvre, lui doit donner la puissance d’atteindre son but et augmenter l’influence qui en est attendue.
Le Comité, poursuivant ses recherches avec la patiente vigilance que commande une matière aussi délicate, a statué définitivement sur les titres de quelques-unes des personnes présentées tant avant que depuis la session dernière. Il a réajourné et ajourné sa décision sur les autres : je vous en ferai tout à l’heure connaître les motifs.
Voici la liste des propositions qu’il a cru devoir vous soumettre relativement aux médailles à décer-
ner cette année. En vous les exposant, j’espère avec lui que vous voudrez bien les sanctionner comme il vous les présente, c’cst-à-dire unanimement.
I. — M. ORDINAIRE.
Pour sc bien pénétrer des droits qu’un magnétiste peut avoir aux distinctions du Jury, il faut absolument se reporter aux temps et aux lieux dans lesquels il a agi, car le mérite n’est point absolu; il varie suivant les circonstances. Etudions donc à ce double point de vue les travaux du Dr Ordinaire; nous y trouverons sans doute les éléments d’un jugement éclairé, et la cause de la réputation dont jouit cet éminent prosélyte.
Écrivain distingué, savant médecin, citoyen courageux, M. Ordinaire a, dppuis plus de dix ans, constamment bravé l’opinion pour introduire le magnétisme dans le pays qu’il habite. Le début de cette généreuse entreprise fut signalé par toutes sortes d’entraves; les esprits arriérés, qui sont partout les plus nombreux, étaient aussi là les plus acharnés. Ils suscitèrent au champion de la science nouvelle des luttes incessantes et cruelles qui le menèrent jusque sur le terrain.
En politique, en religion, en art, en science, la croyance ne souffre pas de dissidence ; et, comme M. Ordinaire froissait les idées reçues sur ces matières , d’aveugles adversaires allèrent jusqu’à attaquer son honneur. Loin de reculer devant les conséquences des faits et les obstacles que son opinion rencontrait, il ne fit que continuer sa propagande avec plus d’ardeur. Possesseur d’un journal rédigé avec un grand talent, il ne laissait échapper aucune
occasion de signaler à scs lecteurs les bienfaits du magnétisme et ses résultats futurs. Tantôt sous le point de vue médical, tantôt sous le rapport philosophique, il donnait ses idées; mais toujours appuyées sur des faits; e» ces faits, Messieurs, étaient l’œuvre de ses mains.
Sa pensée, toujours active, cherchait surtout la solution des questions psychologiques que soulève le somnambulisme et l’extase. On aime à le suivre dans ces investigations mystérieuses et sentimentales vers lesquelles il incline manifestement. Il semble que le magnétisme soit un élément pour les âmes distinguées; et M. Ordinaire paraît doué d’une des qualités sans lesquelles on ne peut faire un pas dans cette carrière.
Peut être que, concentrant le feu qu’il dépensait en grande partie à lutter, cet écrivain d’élite, ce pen seur perspicace eût pu donner une forme, un corps à ses idées ; relier ses profondes réflexions, créer enfin un grand ouvrage; il n’a écrit que des lambeaux de doctrine, épars dans la Mouche, son journal. Sa position exceptionnelle de médecin, magistrat, journaliste, explique l'incohérence de ses œuvres : le temps manque à l’homme dévoué au bien public. Mais, abstraction faite des vues d’ensemble, tout ce que M. Ordinaire a produit revêt un caractère de supériorité si marquée, que nous n’hésitons point à le porter candidat à la médaille d’argent.
Ce n’est point, Messieurs, par ce queM. Ordinaire a mis la main à l’épée que nous sollicitons pour lui cette distinction : la vérité ne peut point triompher par les armes, la persuasion et la démonstration doivent seules la faire adopter; mais en exposant sa vie, n’a-l-il pas donné la plus haute preuve de sa convie-
tion et le plus ferme appui aux principes qu’il voulait enseigner? Le courage, quel qu’il soit, mérite hommage; et, si tous les magnétistes déployaient seulement dans la défense le dixième de celui que M. Ordinaire a montré dans l’attaque, la cause du mesmérisme toucherait bientôt à la fin de la lutte qu’elle soutient depuis tant d’années.
Ce tribut sympathique adoucira pour lui l’amertume de l’exil; car, vous le savez, Messieurs, victime des passions de ce temps, M. Ordinaire a dû fuir la patrie. Il est maintenant vers les lieux qu’habita Mesmer en quittant la France, poursuivi aussi par la haine et l’envie. En acceptant notre proposition, vous regretterez comme nous que celui qui en est l’objet ne puisse point recevoir de vos mains la récompense qu’il mérite si bien.
Un jour nous le reverrons , après nos discordes civiles. Alors, tout entier à la science, il servira notre cause avec une ardeur nouvelle; car, sur la terre étrangère, il poursuit ses études magnétiques.
II. —M. CHARPIGNON.
Un nom cher, parce qu’il signifie science et conviction ; un nom connu, parce qu’il représente une longue suite de bienfaits, a attiré particulièrement notre attention : c’est celui d’un honnête médecin d’Orléans, M. Charpignon.
Élevé dans l’école de Deleuze, M. Charpignon est, pour ainsi dire, le continuateur des doctrines de cet homme à jamais regrettable. Possesseur de connaissances médicales profondes et étendues, il a surpassé tous les magnétiseurs sortis du même moule, en saisissant l’agent magnétique pi'r ce qu’il a de plus évi-
dominent physique. Ses travaux se distinguent entre tous par une précision qu’on pourrait appeler impartiale, parce qu’elle est dégagée de vues systématiques. Dans scs écrits, les idées les plus rationnelles guident les recherches les plus ardues, et sont toujours dirigées vers l’application thérapeutique du mesmérisme, premier Lut dos magnétiseurs. lin un mot, majeures par le fond, judicieuses par la forme, ses œuvres ont exercé déjà une grande influence sur les sciences médicales et anthropologiques.
Les livres dont il est auteur sont trop connus pour qu’il soit besoin d’en exposer ici la valeur; tous les magnétiseurs qui aiment à s’instruire les ont lus et y ont puisé de solides enseignements.
Par son caractère, non moins que par ses écrits, leDr Charpignon dissipa nombre de préventions que la pratique vicieuse et des conséquences malignement déduites avaient fait naître dans le monde catholique. N’aurait-il rendu que ce service à la cause, ce trait serait-il le seul qui le distinguât, vous lui devriez déjà des encouragements; car, servir de bouclier aux attaques d’un clergé fanatique, et rassurer les consciences timorées , c’est préparer le triomphe du magnétisme dans l’ordre religieux : M. Charpignon est un de ceux qui auront le plus contribué à l’obtention de ce résultat désiré.
D’une louable modestie, M. Charpignon n’a manifesté nulle envie d’ôtre distingué de ses confrères; mais il nous appartenait de le signaler à votre esprit de justice. Ne choisissez-vous point les hommes de mérite ; ne voulez-vous point honorer ceux qui agrandissent le cercle des connaissances humaines lorsqu’elles ont pour base la découverte de Mesmer ? Lh bien ! à ce titre, M. Charpignon devait trouver ici sa
place, et nous l’y avons mis, sûrs que vous partageriez nos sentiments. Nous pensons que, clans un genre différent, il a un mérite égal à son confrère précité, et nous vous proposons de lui accorder aussi la médaille d’argent.
III. — M. FERMER.
C’est encore d’un médecin, Messieurs, dont nous allons vous parler, M. le Dr Ferrier, de Caen. En suivant cet ordre d’exposition de nos choix, nous avons un double motif, qui ne blessera, nous en sommes certains, aucune des personnes dont les noms suivent. N’est-ce pas surtout dans la médecine que vous voulez porter le magnétisme; et, lorsque vous rencontrez une indépendance d’idées accompagnant la profession de médecin ne devez-vous pas favoriser celte heureuse tendance ? N’est-ce pas par cette voie qu’il irait, sans secousse et sans trouble, vers sa destinée, au foyer des lumières pour y détruire les ombres restantes?
Studieux, vastement érudit, libre par position, indépendant par caractère, M. Perrier s’est livré longtemps à la pratique du magnétisme, malgré les clameurs de ses confrères. Résumant enfin ses idées, nées de l’histoire, de l’analogie et des faits, il les a publiées quoiqu’elles soient contraires à l’esprit de l’école et à l’intérêt de la corporation.
Cette élévation de pensées, la franchise de ses actions, devaient être pour M. Perrier une source d’ennuis : c’est la palme des novateurs. L’ingratitude s’unissant à l’hostilité, tentèrent de colorer sa conduite de manière à ternir la noblesse de son carac-’tère; il resta ferme dans son attitude. Opposant le
fait au doute, le bien a» mal, il poussa le sacrifice jusqu’à exposer sa vie pour sauver celle d’une malade indigne de son intérêt, et faillit périr victime de son zèle pour la science et de son dévouement à l'humanité. Riche et bon, instruit et modeste, constant et généreux, il ofl'ii l’assemblage des hautes qualités qui promettent au magnétisme un défenseur mile. La bonté formant l’essence de son caractère, sa passion principale est de rendre heureux ses semblables. Ne cherchant ni le gain, ni la gloire, c’est par pure philanthropie qu’il se livre au magnétisme. Obéissant à un devoir de conscience, il proclame l’excellence de l’agent que ses confrères dédaignent, et fait de la pratique un sacerdoce appuyé sur une charité dont nombre de malheureux ont appris à connaître l’étendue.
Malheureusement sa santé est ébranlée par une dépense exagérée de (luidc : une sorte de débauche magnétique, ne lui permet plus de suivre ses inspirations généreuses ; mais il consacrera désormais ses loisirs à l’étude et à l’enseignement des vérités contenues dans le principe dont Mesmer nous a donné la clef.
Des travaux pareils et de telles dispositions ne devaient pas, ne pouvaient pas rester ensevelis dans le cercle de l’intimité, un indiscret ami nous en livra le secret, et les ayant vérifiés, nous avons pensé qu’ils méritaient au moins encouragement. C’est pourquoi nous vous prions de décerner au digne docteur la médaille de bronze.
Celte marque honorifique n’augmentera certainement point son ardeur; car son zèle est au maximum; mais elle laissera dans les fastes magnétiques la place d’un nom devenu l’emblème de trop rares vertus.
D’ailleurs, ne servît-elle qu’à perpétuer le souvenir des impressions contemporaines, vous devriez encore la donner; car léguer à la postérité l’exemple de l’admiration des actions sublimes, c’est préparer 1ère de la justice, avancer l'avénement du règne de Dieu sur ia terre.
IV. — M. GRAVÉ.
Il est des maladies sur lequelles le magnétisme agit avec tant de puissance, que l’efficacité d’aucun des moyens de la science ne peut être comparée à la sienne. C’est dans un de ces cas exceptionnels que M. Gravé a fait l’application de l’agent magnétique; et le plus brillant résultat a couronné ses efforts.
Vous vous rappelez assurément, Messieurs, qu’il y a environ un an, deux jeunes filles de la Loire-Infé-rieure tombèrent dans une sorte de léthargie qui appela bientôt sur elles l’attention des médecins, et, par suite, celle des populations environnantes. On accourait de toutes parts pour voir ces intéressantes malades; car leur état présentait une série variée de phénomènes incompréhensibles.
La vie persistant malgré la suspension des fonctions préposées à son entretien, les médecins firent de nombreuses tentatives pour rappeler l’état normal, mais toujours vainement. L’impuissance de l’art dans une telle conjoncture rendait la mort presque inévitable : 011 n’espérait plus qu’en un effort de la nature. C’est alors que M. Gravé, magnétiseur de Nantes, venu comme tant d’autres pour voir ce fait étrange, proposa d’essayer la magnétisation. Procédant publiquement à ce que, dans l’ancien temps, on eût appelé un miracle, il fit parler devant tous les
jeunes catalepliques, mortes en apparence, el finalement les rendit à la santé.
Nous n’avons pas besoin d'insister sur l’importance de ce fait; ses conséquences sont trop bien senties; mais nous devons parler du dévouement avec lequel M. Gravé l’accomplit. Voué au culte de la vérité, il voulut rehausser encore l’éclat de son triomphe par un entier désintéressement. Grâce à ses efforts généreux , la croyance au magnétisme et à scs merveilleux effets s’est répandue dans une vaste contrée; et, ce que le meilleur livre n’eût pu faire, une guérison l’a produit. Mais il faut distinguer entre le fait abstrait et les circonstances qui y ont donné lieu. Un fait quelconque, n’importe sa beauté, est presque nul pour la propagation de la science, s’il est sans retentissement. Ici, au contraire, une grande ville, tout un département même, ont été appelés à constater un sucés que n’avait pu obtenir l’élite de la médecine; et le récit de celte cure proclamée par la presse a semé partout l’univers le gernie des idées mesmé-riennes.
Les magnétistes nantais ont signalé ce fait au Comité , qui, après un scrupuleux exameu, y a vu de» titres réels aux encouragements du Jury. Il croit qu’un tribut d’éloges et de reconnaissance est dû à M. Gravé, en conséquence il vous prie de lui décerner une médaille de bronze.
y. — M. JOBARD.
Messieurs, lorsqu’un homme comme M. Jobard prête le concours de son talent à la défense d’un principe, il influe puissamment sur l’opinion publique, et force les adversaires de la doctrine à s’arrêter dans
la voie d’une persistance contraire au progrès. On est généralement disposé à écouter le savant en toutes choses , lors même qu’il parle de merveilles, tant on craint d’opposer des doutes qui paraissent malveillants. C’est la force qui confond la faiblesse et la contraint de céder; c’esL l’esprit supérieur qui initie les inférieurs aux vérités découvertes par le génie.
Rien n’est difficile, vous le savez trop bien , Messieurs, comme de faire adopter aux hommes que la routine conduit, une invention, une méthode, un art nouvellement produits. M. Jobard, dans ce métier pénible, a réussi pourtant à les tirer souvent de leur coupable apathie : tel est parfois l’empire qu’exerce le talent secondé par une longue persévérance. M. Jobard n’a jamais manqué d’avouer sa croyance au magnétisme, de la soutenir même envers et contre tous ; il mérite au plus haut titre que nous lui offrions une marque de notre reconnaissance; et, dût-il s’en fâcher, car il n’aime pas les distinctions , nous n’aurions fait qu’accomplir un devoir.
Il distinguera notre hommage de tous ceux qu'il a reçus du monde savant et industriel; il en diffère, il est vrai, Messieurs ; car il n’est point passager : il sera plus tard, lorsque la science aura grandi, pour M. Jobard un souvenir agréable. Si parfois la raison est flattée, c’est lorsqu’elle vit, et jugea avant tous, que telle chose devait être; et, quelle est donc la découverte qui a plus d’avenir que celle que nous propageons , quelle autre influera plus sur les destinées de l’humanité !
M. Jobard n’est point un praticien, un guérisseur, son rôle s’exerce dans les hautes sphères de la pensée, au contact des intelligences d’élite. Sa convic-
lion sort d’égide à la vérité ; par lui plus d’une lète académique a élé conquise au magnéiisme, et de nouvelles conversions doivent encore se faire dans cette région difficile à aborder.
M. Jobard est, pour ainsi dire, le représentant du magnétisme en Belgique; et scs droits à l’hommage que nous sollicitons sont si notoires, qu’il serait superflu de chercher à les démontrer. La supériorité de ce magnétiste est évidente , et si, comme nous n’en doutons pas, ses actes vous paraissent devoir être encouragés, nous nous chargerons de lui faire accepter le symbole des éloges décernés â son brillant mérite et à son utile participation. C’est pourquoi nous vous prions de lui décerner la médaille de bronze.
YI. — M. JUFFEY.
Dans le grand drame dont Mesmer a saisi le monde, tous les acteurs sont à considérer, la tâche de chacun est marquée. Tandis que le savant médite, que l’érudit cherche , que l’écrivain expose, que l’orateur discute, que le praticien démontre, l’initiateur propage et le philanthrope applique. Tous concourent au même but : l’espoir que le magnétisme sortira vainqueur de la lutte dont l’ignorance lui fait subir l’épreuve ; mais quelle est l’importance relative du rôle de chacun? Celui qui poursuit une loi fugitive à travers l’inconnu prime-t-il sur l'observateur dont la patience analyse tous les faits? L’auleur qui proclame les vérilés conquises, fait-il plus que l’expéri-ipentuteur dont le zMe affronte les sarcasmes de la foule? Celui qui enseigne, enfin, mérite-t-il davantage que celui qui produit? L’avenir dira qu’est-ce
qui l’cmporlc, en assignant un rang chaque mission ; actuellement on doit tenir compte de tous les services, et les honorer.
M. Juffey habite une ville de la Sarthe, Mamers, où le magnétisme était inconnu il y a quelques années. Doué d’une âme ardente, possesseur d’instincts généreux, M. Juffey répandait au'our de lui les bienfaits que permet d’accomplir une position aisée; converti au magnétisme, il devint aussi la Providence des malades. Donnant ample carrière à son prosélytisme enthousiaste, il appela d’abord tous les incurables, et les succès qu’il obtint dans ce genre de traitements lui amenèrent bientôt tous les rebuts de la médecine. Le guérisseur improvisé fut. comme il arrive toujours en pareille occurrence, bientôt débordé; l’affluence des malades menaçait d’absorber le temps drt aux affaires ; il fallait opter entre le vœü de son cœur et l’exigence de ses intérêts : M. Juffey trouva un ingénieux moyen de satisfaire l’un et l’autre.
Il avait vu quelques exemples de la puissance de l’eau magnétisée; ce fut un trait de lumière, et son imagination enflammée aperçut dans ce moyen le succédané de la magnétisation directe. Des tonneaux d’eau furent magnétisés dans ses moments de loisir, et les malades vinrent y puiser chaque jour, comme à une source enchantée , l’élément réparateur de leur santé. Est-ce à dire que tous furent guéris, que les cures furent aussi promptes? Non ; mais le plus grand nombre y trouva un soulagement marqué; et la réputation de Y Eau de Juffry est maintenant établie dans toute la contrée.
Cette procession d’infirmes venant emplir leurs cruches au tonneau mystérieux , a fourni le texte de
mille plaisanteries; puis, la malveillance prenant la place de l’ironie, l’ardente charité du magnétiseur fut incriminée. Les médecins vexés expliquèrent les guérisons en disant que l’eau provenant d’un toit avait dissout les sels de l’ardoise qui lui donnaient les propriétés qu’on attribuait au magnétisme. Les sots, qui se croient toujours les plus clairvoyants, virent dans les distributions de pain el d’argent que M. Juffey joignait à son eau pour les malheureux, le motif d’un mensonge odieux. Bref, peu s’en est fallu que l’auteur de tant de bienfaits eût à justifier sa conduite devant la police correctionnelle.
Maintenant la vogue est passée; il n’y a plus que le courant ordinaire des malades que la médecine abandonne. La vue des boiteux, des fiévreux, etc. , n’offusque plus les gens comme il faut, el l’on consent enfin à considérer M. Jufléy comme un être raisonnable : il passait pour un fou. Les bigots même l’accusèrent de commerce satanique, et tous ne regardent pas encore ses guérisons comme le fruit d’une action naturelle.
Il y a peut-être, Messieurs, dans la méthode aquatique dont M. Juffey a fait un si heureux usage, l’élément d’un progrès pour l’art mesmérien appliqué à la thérapeutique ; c’est une question de doctrine qu’il faudrait examiner, et nous n’avons pas qualité pour cela. Ce qui nous importe, c’est le point de fait, et les résultats obtenus sont incontestables. Aussi, malgré leur apparente excentricité, les travaux de M. Juffey nous semblent-ils dignes d’encouragement, et nous croyons que vous ferez un acte de haute équité en lui accordant la médaille de bronze.
VII. — M. DUGNANI.
Pour donner à ses virtualités l’essor que comporte leur influence future, le Jury magnétique doit recruter partout ses membres. En eflet, Messieurs, si le mesmérisme est une vérité, il sera un jour universellement pratiqué, el chaque nation fournira son contingent de magnétiseurs émérites. La réunion des capacités nationales ne donnerait point à ce tribunal l’imposante autorité morale que son institution a promise : il faut que toute l’humanité, successivement, concoure à sa composition. C’est guidés par cet esprit, que vous avez admis déjà un Anglais, un Belge, un Américain; nous vous proposons maintenant un candidat italien. C’est bien peu d’étrangers, dira-t-on; nous le reconnaissons, mais ce n’est pas notre faute : Mesmer, en choisissant la France pour être le berceau de sa découverte, en voulant que « les autres nations lui soient redevables de ce bienfait », a assuré pour longtemps la prépondérance de notre pays.
Le magnétisme a pour partisans, dans la Haute-Italie, d’illustres personnages; mais il manque encore de ces champions hardis, qui, par la parole, l’expérimentation et les écrits, fassent courber le doute en attaquant le scepticisme. M. le Dr Charles Dugnani a seul avancé ouvertement dans cette voie si favorable à la propagande. Lorsque le gouvernement autrichien , sous le prétexte de réglementer l’exercice du magnétisme, voulut réellement en empêcher la diffusion dans le royaume Lombard-Vénitien, M. Dugnani faisait à Milan des démonstrations à l’instar des séances expérimentales des sociétés ma-
gnétiques le Paris. Obligé de restreindre son action aux malades, M. Dugnani eut alors recours à la publicité pour divulguer les principes de la science, et faire connaître les résultats de sa pratique. L’ouvrage qu’il a publié sur cette matière est plein de faits remarquables et de judicieux, commentaires. Puis, poursuivant ses recherches dans un domaine encore presque inexploré, il se livra à la magnétisation des végétaux. Un premier résultat obtenu sur un pêcher malade faisait espérer une suite de communications intéressantes sur les manifestations vitales des arbres, lorsque la révolution italienne vint interrompre ces laborieuses investigations. Maintenant M. Dugnani se livre à l'étude comparative des propriétés thérapeutiques de l’agent magnétique, la propagation de nos idées lui étant ostensiblement interdite.
Ces travaux-Ià n’ont par eux-mêmes qu’une faible importance ; mais les circonstances dans lesquelles ils se sont produits leur donnent une valeur très-grande. Il y avait du courage â se déclarer l’apôtre d’une science ayant contre elle les lois et les croyances; M. Dugnani l’a eu, et nous pensons que vous lui en témoignerez dignement la reconnaissance des mesmériens par une médaille de bronze.
VIII. — M. YALLETTE.
Parler aujourd’hui d’insensibilité à la doulenr, d’anesthésie magnétique; citer une, deux opérations chirurgicales faites en cet état, quand des centaines de cas semblables ont été produits, c’est peut-être s’exposer à une critique amère; mais la crainte d’un blâme doit-elle empêcher 1 accomplissement d’un devoir? Nous ne le croyons pas.
M. Yallette, négociant à Poiliers, a contribué puissamment a répandre la notion cl 11 mesmérisme dans le déparlement de la Vienne, en fournissant la preuve de sa puissance dans une circonstance décisive. Il s’agissait de l’extraction d’une tumeur cancéreuse développée clans l'os maxillaire inférieur. Une première opération ayant laissé â désirer, sous le rapport chirurgical, une seconde fut tentée dix jours après; et, quoique fort longue, la patiente n’en eut point conscience. L’expérience eut lieu devant un grand nom. bre d’élèves en médecine, et les détails en furent rendus publics : le Journal du Magnétisme année 1847, les a recueillis.
Un pareil fait à présent ne surprendrait pas; mais alors il impressionna on ne peut plus vivement les esprits, en corroborant pleinement le triomphe de Cherbourg. Par lui la propagation devint très-active dans l’ouest, et le nombre des magnétistes n’a cessé, depuis, d’augmenter en Vendée.
Nous le répétons, les succès du Dr Esdaile surpassent tellement les tentatives précédentes, que toute comparaison de mérite est impossible; mais ce serait montrer de l'ingratitude que de laisser dans l’oubli une œuvre qui, si le Jury eût alors existé, eût été par tous jugée digne du plus bel encouragement. Il nous paraît qu’en accordant la médaille de bronze à son auteur, ce sera l’acquit d’une dette sacrée.
IX. — M. LÉGER.
Les principaux magnétiseurs de Paris ayant reçu la médaille par le seul fait de leur présence à la première célébration de la fête de Mesmer, il n’y avait plus lieu de rechercher ceux qui, dans cette ville,
s’étaicnt distingués. Maintenant que de nouveaux hommes se sont livrés à l’étude, le Comité aura à s’enquérir désormais des efforts, des travaux, des dévouements que le Jury doit soutenir. La conduite de plusieurs magnétistes lui a été signalée comme méritant des éloges ; mais n’ayant pu vérifier les titres allégués, il a ajourné sa décision à leur égard. Un seul a fait exception : c’est M. E. V. Léger, étudiant en médecine, et prosecteur d’anatomie à l’école nationale des beaux-arts.
Tout jeune encore, M. Léger s’est déjà fait connaître par de belles applications du magnétisme à la médecine et à la chirurgie, en ville et dans les hôpitaux. Un fait qui suffirait seul à lui assurer l’admiration des hommes compétents, a surtout fait pencher la balance en sa faveur, c’est la réduction d’une hernie étranglée qui mettait en péril la vie d’un malheureux. C’est un des beaux résultats de l’action magnétique, qui doit être signalé partout aux chirurgiens; car, en évitant l’emploi des instruments, le malade est ex posé à moitié moins de dangers.
M. Léger s’est aussi fait remarquer par des recherches d’érudition sur les notions que les anciens ont eues du magnétisme, comme agent et comme théorie; mais ces travaux-là ne servent qu’aux hommes convaincus.
Dans la carrière militante, le concours de M. Léger s’est révélé par un point essentiel qu’il importe de signaler ici.
Constamment en discussion avec ses condisciples, il leur donnait rendez-vous dans les cliniques; et là, magnétisant furtivement, il déterminait des phénomènes qui portaient la conviction dans leur esprit. C’est surtout à la Pitié qu’il a longtemps suivi ce pro*
cédé, et plus d’une hystérique est sortie du service de Gendrin, guérie par une magnétisation occulte. Le nombre des élèves qu’il a ainsi convertis est très-grand, et si tous ne sont pas devenus d’ardents prosélytes; c'est que des intérêts ou des idées empêchaient déjà la libre manifestation de leur croyance. Toutefois, grâce à ses efforts constants, beaucoup d’étudiants magnétisent, et c’est un acheminement à un progrès plus marqué, cl que chacun de nous appelle de tous ses vœux.
En décernant à M. Léger une médaille de bronze, à titre d’encouragement, vous clorez dignement votre session, et le monde magnétique vous saura gré d’un choix qu’il ratifiera certainement sans réserve.
X. — DIVERS.
Le défaut de titres suffisamment explicites, et l’impossibilité de compléter l’information par des renseignements directs, n’ont point permis au Comité de statuer en ce qui concerne
SIM. CLAPIER, demeurant on Algérie;
MIALLE, à Paris.
CÉSUR , à l’île Maurice.
LIÉNARD, id.
ELLIOTSON, à Londres.
REICHENBACH, à Vienno.
Mais aussitôt qu’une décision pourra être prise, le Comité se prononcera sur le mérite de chacun de ce» candidats, et j’aurai l’honneur de vous soumettre le résultat de ses délibérations.
Lieut.-Col. Ch" MAC SHEEHY.
Après cette lecture, et quelques observations de divers membres, l’assemblée adopte successivement toutes les propositions ci-dessus , sauf celle relative à M. Perrier, auquel la médaille d'argent est votée.
Par d'autres votes, l’assemblée décide : i° Que l’année dans laquelle une médaille est décernée sera gravée au revers, sous le nom de la personne qui l’a obtenue.
2° Que le ruban rouge et violet servant à la suspension de la médaille sera remplacé par un violet orné d’une étoile d’argent, pour tous les membres.
3° Que ladite médaille, avec la décoration , sera gravée et envoyée à chacun des intéressés; et, si faire se peut, distribuée aux partisans les plus connus du magnétisme.
Société du Magnétisme de lu IVoiivcllc-Orléaus.
De toutes les institutions fondées depuis quelques années hors de Paris pour la propagation du mesmérisme, celle qui a le mieux réussi est, sans contredit, la Société du magnétisme de la Nouvelle-Orléans. Cette prépondérance lui vient certainement de l’homme capable, zélé, qui la préside; car, placés dans des circonstances non moins favorables, les autres n’ont point également prospéré. Pour le succès de pareilles entreprises, il faut des chefs ardents, tenaces, qui fassent de constants efforts pour inoculer le prosélytisme aux noüveaux venus. M. Garthet a ces dons; il a su inspirer de l’enthousiasme à ses collègues, et imprimer en quelque sorte son caractère au coVps entier.
Sentinelle avancée du magnétisme dans le Nouveau-Monde, la Société garde vigilemment ses intérêts, et ne laisse passer jamais la moindre occasion de le servir. Remplissant un double rôle d’initiation et d’étude, elle n’a cessé de se signaler soit par des acte9 utiles, un concours efficace, soit par des faits, des discours ou des écrits. Nous avons souvent parlé de ses travaux : ajoutons-y encore quelques traits.
Sachant que peu de personnes lisent les ouvrages, tandis que les journaux sont lus avec avidité par tout le monde, la Société fait de temps en temps publier de courts extraits de livres les plus estimés, afin de tenir le public en haleine sur la question magnétique. C’est à ce titre que ï Abeille du u février 1848, contenait ce qui suit :
MAGNÉTISME.
Nous avons publié dernièrement le témoignage de deux honorables médecins dans un procès fait à une somnambule (1). Comme l’opinion des médecins, et surtout des médecins instruits, doit avoir une grande influence dans la question qui s’agite en ce moment sur toutes les parties du globe, nous donnons aujourd’hui celle de quelques autres sommités médicales.
Le Dr Koreff s’est déjà exprimé ainsi (a) :
.........« Vous insinuez qu’il ne faut entreprendre le traitement d’une maladie grave que conjointement avec un médecin ; qu’il faut constamment soumettre au jugement de celui-ci l’avis et les prescriptions des somnambules; qu’il doit apprécier et
(1) Les Docteurs Jacolot el Notré. \oy. Journal du Magnétisme, I. V , paga 5t.
(2) Voy. sa Lettre à Delevze, faisant suite à l’Instruction pratique.
modifier le traitement.....Mon expérience el ma
conscience m’obligent à déclarer qu’il est fort dangereux de suivre une telle diagonale entre la science et l’intuition instinctive; qu’il est beaucoup plus sûr de se confier exclusivement à l’une d’elles, et que la route que vous indiquez esl tout à fait impraticable. Moi, du moins, je n’y voudrais marcher sous aucune
condition..... Je déclare donc qu’il n’y a pas moyen
de concilier la marche que suit la science médicale avec celle que suit le somnambulisme, et qu’il faut savoir opter entre ces deux routes. Yous exigez quelque chose d’impossible d’un médecin, lorsque vous voulez qu’il juge et modifie les aperçus et les conseils d’un somnambule; vous le placez entre sa conscience et sa science. Rien de plus funeste pour un malade que de modifier le traitement d’un somnambule, parce qu’il n’a pas, et ne peut pas avoir de mesure scientifique pour l’importance des différents moyens que le somnambule lui propose. Commencez donc par vous assurer de la lucidité d’un somnambule à votre égard, et suivez alors toutes ses proscriptions, ou rejetez-les toutes , et obéissez à la science , mais ne mêlez jamais ces deux éléments hétérogènes dont la combinaison vous serait funeste.... »
Le baron Despine, médecin-inspecteur des eaux d’Aix en Savoie, et directeur de l’établissement royal des bains, écrivait, il y a quelques mois, à la Revue d’Anthropologic catholique :
« J’aborderai bientôt une question fort controversée par les hommes de l’art; mais comme tout médecin , chirurgien ou pharmacien s’y trouve partie intéressée, on peut, jusqu'à un certain point, récuser leur jugement, lorsqu’ils ne l’établissent que sur des théories en opposition avec des faits bien constatés
Cotte question est celle, de /’appréciation qu'on doit faire des prescriptions données par des somnambules aux malades, ou à des personnes bien portantes en apparence.... J’entrerai en lice, et j’espère , par de nombreux exemples, prouver bientôt que la médecine des vrais somnambules n’a rien qui répugne à la raison, et que la médecine magnétique est la médecine naturelle et primitive.... Si cependant on s’imaginait, d’après l’émission de ces principes, que j’ai une foi aveugle aux prescriptions des somnambules, on aurait grand tort: j’ai vu effectivement des choses étonnantes, résultant de semblables prescriptions , et bien des effets obtenus par ces moyens, dans des cas désespérés pour toutes les personnes livrées à la médecine ordinaire; mais , tout en admettant ce principe, que la médecine magnétique est la première des médecines, je suis fort loin de la croire d’une application universelle ni absolue; je crois, au contraire, qu’il faut y apporter beaucoup de discernement et une judicieuse critique; mais aussi, qu’avec ces conditions , la médecine des somnambules, loin de déroger à la dignité de l’art, et de nuire à la science, soutiendra de plus en plus la première en augmentant le nombre des moyens thérapeutiques efficaces.,.. »
Le DrBésuchet, comprenant aussi les difficultés qui se lient aux études du somnambulisme, veut surtout qu’on applique directement le magnétisme (i).
Le Dr Roux vient d’écrire (2) :
« Comme moyen d’éviter les abus d’une part, et, d’autre part, afin d’appliquer en grand le magnétisme, ce qui est fort difficile au médecin, chaque famille aura son magnétiseur, lequel, parent ou ami, n’agi-
(1) Suit la cilalion qui se trouve déjà tome V , page 63 de ce Journal.
(2) Coup d’œil sur le Magnétisme.
rait que d’après les conseils du médecin. Quand ce jour sera levé, l’homme fera, dans l’intérêt de ses semblables , un-usage habilite] de la faculté intime qu’il tient de la Providence. Les individus sains et vigoureux magnétiseront les êtres débiles et malades..,. De même que les riches font aux pauvres l’aumône de l’argent, de même les valides feront aux infirmes l’aumône de la santé____»
Pour copies conformes :
La Société du Magnétisme (le la Nouvelle-Orlèans.
Si une actualilé occupe les esprits , la Société profite de l’émotion causée pour appeler l’attention sur le magnétisme; et si la nouvelle donne lieu â des interprétations malveillantes ou erronées, elle les combat ou rectifie. Par celle lactique , le doute , sans cesse harcelé, se fatigue, et les récalcitrants, vaincus, viennent grossir la phalange du nouveau messie.
Voici un échantillon de ces combats journellement livrés à l’ignorance :
Nous avons publié l’an dernier (tome VIII, p. 578), un extrait de la Presse sur l’affaire Manning. Le Courrier des États-Unis faisait suivre l'article en question de la réflexion suivante :
« Ce résultat (la non découverte du pistolet), a un peu désappointé les croyants au magnétisme , qui voyaient déjà leur science favorite faisant les fonctions d’un juge d’inslruction parfaitement infaillible... » La Société, en faisant reproduire cet article dans \'Abeille du 26 octobre, le commentait ainsi :
« En lisant ces dernières lignes , on est frappé de leur incohérence. Les magnétiseurs ne disent pas que les somnambules sont infaillibles; et l’auteur de la lettre citée a bien eu soin de dire : « Si le renseigne-
mont est exact....» Us ne sauraient donc élre désappointés de ce que le pistolet n*a pas été trouvé, d'autant qu’il a pcut-Atre été mal cherché dans un lieu mal indiqué, la somnambule ayant prévenu quelle ne voyait pas celle extrémité de la cave; mais ils doivent au contraire se réjouir des bons résultats constatés : la somnambule ayant fait retrouver les billets de banque volés; ayant dit vrai au sujet des trois étages de caves, et par là fait découvrir des taches de sang inaperçues jusque là... Ils se réjouissent surtout de voir qu’on étudie partout ce magnéiisme qui le mérite A tant de titres. C’est ce qu’ils n’ont cessé do demander, parce qu’ils savent que le meilleur moyen de se convaincre, c’est d’expérimenter soi-méuie. » Appréciaut justement l’importance de la réforme parsuitc de laquelle notre Journal pcul, depuisle commencement de la présente année, parvenir promptement dans ces lointains parages, elle a spontanément fait insérer l’avis suivant dans les journaux de la localité.
■ LE JOünSAL DC MAGNÉTISME publia k Par»*. les tO el Î5 do chaque mois, par faille rs de 3i wge# in-8 •. sera désormais reçu par le» steamer* : il coOlc> i dollar» 80 c. par an. On peu!
.’} abonner en «'adremnl au bureaa de VAbfiUe, et même se procurer, » un prix réduit, la collection entière, qui forme déjà bail volomes.
Celle publicité eul pour résultat d’amener à nous des gens qui, ignorant qu’il existât un organe du ma-gnélisme, cherchaient vainement le moyen de s'instruire. Leur conviction, ébauchée par la lecture, est devenue complète par les démonstrations que la Société leur a données, et aujourd'hui ce sont des.adep-tes fervents.
I.a féte de Mesmer qui, l’an dernier, n’avait pu
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élre célébrée que d’intention, a reçu cette année sa pleine consécration. Voici l’extrait de la lettre par laquelle le président nous informe de cet heureux événement :
Nouvelle-Orléans, 24 mai.
« Hier nous nous associâmes mentalement à vous pour célébrer le 116e anniversaire de la naissance de Mesmer. Réunion aimable, bon dîner, bon appétit et franche gaîté. Après quelques allocutions, il y eut les toasts de rigueur.
i° A Mesmer ! !!
20 A la santé de M. du Potet;
3° A l’espoir de le voir quelque jour parmi nous;
4° A l’heureuse influence du Jury magnétique dans la propagande ;
5° A la santé de chacun des membres du Jury en particulier.
« Il y avait même des couplets faits pour la circonstance ; mais tout cela eût été fort pâle auprès de votre réunion, et ne fut quelque chose qne par la grande distance qui nous en séparait.
« Ou y exprima l’espoir que le a3 mai serait enfin un jour de fête, un jour de communion magnétique, sinon entre tous les hommes, du moins entre les magnétiseurs de tous les pays , etc., etc. »
Ainsi voilà la fête de Mesmer inaugurée, la glorification de son génie commencée dans l’autre hémisphère, où cette solennité doit grandir et se généraliser comme la découverte qui l’a enfantée.
Voici un des morceaux de poésie lus au banquet mesmérien de la Nouvelle-Orléans; nous l’extrayons de l’Orléanais du 25 juin.
LE MAGNÉTISME.
L’intelligence humaine en vain veut entreprendre D’expliquer ma nature : agent mystérieux,
J’écliappe à l’analyse ; on ne peut me comprendre Plus que l’on ne comprend le souverain des cieux.
Je soulage ou guéris des maux où l’impuissance De l’art thérapeutique est prompte à se montrer,
Et chez le patient j’éteins toute souffrance,
Si l’acier dans sa chair doit mordre et pénétrer.
L’homme, avec mon secours, fait presque des miracles, Tient à peine à la terre et parle en inspiré;
Comme la Pythonisse en rendant ses oracles,
De l’esprit de Dieu même il semble pénétré.
Et dans l’immensité l’âme parfois s’envole En secouant le joug de son dominateur;
Radieuse, elle ceint sa divine auréole,
Et porte son hommage aux pieds du Créateur.
Et pourtant, soit erreur, envie ou scepticisme,
Au mépris de succès éclatants et nombreux,
Nos doctes facultés, m’accusant d’empirisme,
N’ont pour moi que sarcasme ou regards dédaigneux.
Parce que mon pouvoir, merveilleux et sublime,
Confond l’esprit humain, je suis persécuté ;
Et, malgré mes bienfaits, on me nie, on m’opprime :
On répond à des faits par l’incrédulité.
Mais, vainqueur de l’orgueil et de la jalousie, J’occuperai ma place en dépit des docteurs ;
Bientôt on bénira ce principe de vie Si puissant k calmer de cruelles douleurs. >5
Honneur à vous qui, dédaignant l’outrage D’intéressés ou de fous détracteurs,
Savez montrer un généreux courage En prenant rang parmi ses défenseurs.
C...LE.
VARIÉTÉS.
Saint-Barthélemy magnétique. — I-a médecine saignante, purgeante et clystérisante veut anéantir le proteslantisme mcsmérien. Des poursuites judiciaires viennent d’èlre presque simultanément dirigées dans sept départements contre une trentaine de personnes, prévenues à différents chefs, et nul ne sait où celte nouvelle persécution s’arrêtera. Ce redoublement de procès a quelque chose de surprenanl, et paraît résulter d’un plan habilement concerté. La suite nous apprendra sans doute si c’est fortuitement ou par calcul que cette avalanche est arrivée. Aujourd’hui nous ne pouvons que constater la jubilation de Y Union médicale à la vue du deuil porté dans les familles.
Nous ne connaissons particulièrement presqu’au-cune de ces nouvelles victimes, et nous ne nous en occuperons que sous le rapport de la science. Notre cadre est trop restreint pour contenir tous les détails de ces diverses affaires, nous allons seulement donner le résumé de chacune, en les classant par départements.
i° Pas-de-Calais. — Nous avons, il y a trois mois, rapporté les débats et le jugement de l’affaire Riéder (Voir n°‘ n5et n6), sur laquelle de nouveaux détails devaient nous parvenir. Les voici; c’est le prévenu lui-même qui nous les fournit :
Monsieur,
Je suis venu à Boulogne, fin de l’été dernier; je nie suis annoncé comme professeur de langues, de chimie, de physique, de mathématiques, de philosophie, etc. J’ai écrit des essais de littérature et de science; l'histoire de saint Sylvain, évéque nomade ou magnétiste, un Essai de ihéosophie, etc.
Chemin faisant, je me suis acquis une réputation de grand savant, de puils de science (sic) , comme professeur de chimie, de physique, d’hygiène et de médecine naturelle. Je magnétisai ; j’obtins la guérison de quelques malades abandonnés par la médecine. J'ai formé des somnambules lucides et extatiques, etc.
J’ai des certificats de guérison d’une vingtaine d'affections ; certificats approuvés par des médecins, et légalisés par le maire. 11 m’a été très-difficile d’obtenir ces pièces légalisées : i° par la négligence de mes employés ; 2° l’ingratitude proverbiale des malades guéris; 5° la mauvaise volonté et la haine des médecins, pharmaciens, scribes, prêtres, etc.; 4° la crainte de se compromettre dans mon procès, d’étre appelé en témoignage, etc. ; 5° la peur de faire connaître son nom et ses infirmités; 6° enfin, le ridicule jeté sur le magnétisme.
Impossible de vous décrire mes dépenses, mes travaux, mes fatigues. J’avais l’intention de fonder ici un hospice de magnétisme. Un malade, M. Milluz, m’a promis son château magnifique, tout meublé, gratuitement ; une fois guéri, il ne voulait plus. J’ai loué le château d'Outreau pour la somme énorme de trois mille francs par an; j’ai eu un personnel très-nombreux , environ vingt employés , tous les jour»
15»
table ouverte pour la foule des malheureux, les secours pécuniaires en ville, ma voilure, etc. ; cela m’a ruiné, car au moment où je pouvais compter sur la reconnaissance des riches guéris, des amis, sur les bienfaiteurs de la ville, peut-être sur une subvention de la ville et de l’État, à ce moment, juste, le ministère public m’intente un procès, sur la triple prévention : 1° d’exercice illégal de médecine ; 2° d’avoir tué un enfant (infanticide); 5* d’escroquerie.
J’ai été condamné par le tribunal de Boulogne à une année d’emprisonnement et cinq années de prise de corps pour payer l’amende et les frais. Les dépenses préalables de justice ont augmenté mon embarras; la confiance du public s’est retirée de moi ; plus de crédit, mes créanciers m’ont inondé de leurs mémoires; naguère adulé, adoré, flatlé comme un prince, vénéré comme un dieu, recherché, imploré de tous avaut ce procès; j’étais haï, fui, conspué, persécuté. Je ne pouvais plus sortir. Avant ce procès, il y avait dans les rues, à ma suite, 200 à 3oo personnes pour m’admirer; ma maison élait environnée d’une foule de malades qui me demandaient ma bénédiction (sic), on s’agenouillait devant moi, on disait que j’étais le Christ, ou au moins un prophète, un saint, le génie tutélaire de la ville.
11 y avait tous les jours 5 à 600 malades, faisant la roule de Boulogne à Outreau (une lieue de montagnes). Les avenues de la grande place du village, la place elle-même, les abords de mon châleau, les cours, les jardins, fermes, hangars, étables, les maisons, tout était rempli de monde; on me forçait les appartements : ma chambre à coucher et mon oratoire a’étaient plus mon asile. Depuis ma condamnation, tout le monde m’avait abandonné, et dans la rue
j’étais suivi d’une foule insensée et insolente, criant après moi : Guérit-Tout ! Guérit-Tout !
J’ai appelé à Saint-Orner; on me conseilla de partir pour l’Angleterre ; on me prépara les moyens de m’embarquer furtivement; on me traita de sot de vouloir en rappeler.
Enfin , le icr mai dernier, j’ai été acquitté à Saint-Omer. Et depuis, la foule me suit dans les rues curieusement et avec des marques de sympathie! Des poignées de main m’arrivent en foule, des félicitations, etc. Un docteur anglais m’afailli étouffer par ses embrassements ; les femmes raffolent de moi, etc.
Le fou, le charlatan Guérit-Tout est un homme extraordinaire, un génie, un être mystérieux, un fils de l’empereur, un prince allemand, etc.
Faut-il rire de toutes ces extravagances ? J’en ai pitié!
Les journaux-qui m’ont flétri, vilipendé, me caressent. Le maire de Boulogne m’ayant refusé le meilleur moyen de me justifier en une séance publique, me l’accorde à présent; celui de Calais m’a envoyé une autorisation. Enfin, tout semble sourire à mon projet d’élablir un hospice.
Tout à coup j’apprends que l’on- fait courir le bruit que le ministère public a écrit au ministre de l’intérieur, pour obtenir mon éloignement forcé de la ville. Cela dérange de nouveau mes affaires.
Mes amis reculent de nouveau, mes employés ont déserté, les malades n’osent plus venir; on leur a fait subir mille vexations ; des gendarmes les ont arrêtés en route pour les interroger.
A la mairie , on fait des difficultés â ceux qui sont guéris et qui veulent faire légaliser leurs certificats. Bref, je suis trop redoutable pour l’autorité, les gens
riches, les scribes, les pharisiens, les prêtres, les pharmaciens qui ne vendaient plus depuis trois mois, les médecins et les envieux de toute espèce.
Voyez mon embarras, ma perplexité. C’est égal. Dieu est pour nous. Qui serait assez fort pour triompher de lui ?
J’oubliais de vous dire qu’un double incident est arrivé en ma faveur à Saint-Omer, au tribunal, pendant l’audience. Un peu avant mon plaidoyer, un accusé a eu une attaque d’épilepsie, et pendant que toute la salle était en émoi, et que l’on courait chercher un médecin, j’ai proposé de magnétiser le malheureux qui gisait à terre; on m’y autorisa, et je fus assez heureux de le rappeler à la santé en quelques instants, par des passes et des insufflations. De plus, j’ai magnétisé le procureur de la République, si bien, qu’il était forcé de s’écrier que je le magnétisais, et d’appeler un huissier/pour me faire retirer de sa présence.
Ces faits el les certificats que j’ai montrés ont plaidé assez puissamment pour moi, el le verdict d’acquittement prononcé par le tribunal a été reçu par les applaudissements de la salle. Je m’étais présenté sans avocat, et Dieu m’a donné assez d’éloquence pour triompher !
J. M. RIEDER.
En outre de cette lettre, M. Riéder nous a envoyé un extrait des minutes du greffe du tribunal de Saint-Omer, contenant le jugement qui le condamne, et celui qui l’acquitte. Un considérant du premier mérite d’être rapporté. Le voici :
« Considérant que, sans qu’il soit besoin d’examiner la question très-obscure et très-eonîroYCrsée de
la jouissance du magnéiisme, dont l’action parait restreinte aux cas de quelques maladies nerveuses ; comme aussi celle de la lucidité des somnambules soumises au sommeil artificiel, il demeure évident que les faits ci-dessus constituent : i° De la part de Riéder des manœuvres frauduleuses à l’aide desquelles, en persuadant lYxistence d’ui> pouvoir imaginaire et en faisant naître l’espérance d’un succès chimérique, il s’est fait remettre des fonds; a0 de la part de la femme Pichon une aide et une assistance par elle, prêtés avec connaissance audit Riéder, dans les actes qui ont préparé, facilité ou consommé les escroqueries établies à sa charge.
« Que la prétention de cette femme d’avoir donné les prescriplions dans un état réel de sommeil magnétique, ne saurait être admise, en présence de ce fait que, après avoir ordonné au témoin Boulanger de manger de l’ail et de l’oignon, elle fut avertie par un domestique de Riéder, qu’elle avait oublié d’interdire le tabac, ce à quoi elle répondit, â demi-voix : Rappelez donc ce monsieur. »
Ainsi ce n’est point pour fait de magnétisme que M. Riéder a été condamné; le tribunal a écarté la question comme ne lui élan t pas bien connue, et a fondé son jugement sur d’autres pratiques. A l’égard delà somnambule, les motifs sont encore plus explicites; on peut en inférer que si elle n'avait pas eu connaissance elle n’aurait pas été condamnée. Cette considération est d’une grande portée; car, d’après cela, il suffirait d’établir que le somnambulisme est réel, c’est-à-dirc. l’être inconscient, pour détruire la culpabilité. Les. vrais somnambules pourraient dès lors exercer sansi crainte; les faux seuls, seraient condamnables. Celte opinion trouve sa confirmation dans l’acquittement
de l’autre somnambule de M. Riéder, dont l’instruction n’a pu établir un acte réfléchi durant le sommeil.
Le jugement du tribunal de Saint-Omer a été rendu le i" mai, il est ainsi conçu :
« Considérant que les faits requis à la charge du prévenu ne renferment pas les caractères du délit d’escroquerie prévu par l’article /jo5 du Tode pénal;
« Le tribunal infirme le jugement dont est appel; et, faisant ce que les premiers juges auraient dû faire, renvoie le nommé Riéder Maximilien-Joseph, des fins de la prévention, sans frais. »
2° Oise. — En suivant l’ordre chronologique des poursuites, nous aurions dû commencer par ce procès; mais, celui qui précède étant déjà en partie connu, nous avons voulu en donner d’abord la suite.
Cette nouvelle affaire nous offre le sujet d’une remarque bien intéressante, et la confirmation d’une des vérités les plus générales du magnétisme , l’hérédité du somnambulisme. Mm' Vaillant est fille d’une somnambule de M. dePuységur; elle est douée des mêmes facultés que sa mère, et possède une fille qui annonce des dispositions identiques. Elle est connue depuis longtemps à Crépy pour donner des consultations; on vient souvent la consulter des environs , et elle va quelquefois dans les alentours pour le même objet. S’étant rendue dernièrement à Senlis, où plusieurs malades l’avaient mandée, des plaintes furent portées contre elle. Traduite aussitôt en police correctionnelle, sous la double inculpation d’exercice illégal de la médecine, et d’escroquerie, elle fut condamnée, le 27 mars, à /jo fr. d’amende et aux frais. Des certificats du maire et du juge de paix, et le témoignage de personnes honorables guéries par Mme Vaillant,
firent admettre on sa faveur des circonstances anémiantes ; mais M. le procureur de la république, trouvant la peine trop légère, en appela à Beauvais. Citée d comparaître le ier juin, M1”' Vaillant fit défaut, el le tribunal, contrairement à l’opinion du rapporteur qui concluait à l’élévation de l’amende, confirma le. jugement du tribunal de Senlis.
C’est, comme toujours, en vertu des articles 35 de la loi du 19 ventôse an XI, et4o5 du Code pénal, que cette condamnation a été prononcée.
Si on compare cette affaire avec celle de Riéder, on y trouve similitude de faits, identité d’accusation el opposition d’issue. Sans doute que si on eût plaidé à Beauvais, une solution différente serait intervenue; car il y a beaucoup de rapports dans les cas.
3° Aube. — Pendant que M. de Rovère était à Paris, au banquet mesmérien, de nouvelles poursuites étaient dirigées contre lui. 11 en a été quitte cette fois pour une comparution devant le juge d’instruction de Troyes.
[\° llasses-Alpes. — Nous avons annoncé dernièrement qu’un procès était intenté à un magnétiseur de Digne, M. Goujou, et à sa somnambule. Un médecin de l’endroit ayant pris la responsabilité des prescriptions qui motivaient les poursuites, l’instruction a été abandonnée.
5° Seine. — Nous disions, il y a trois mois, dans notre n° 116, que le parquet de Paris allait traquer les somnambules, dont les annonces remplissent les feuilles quotidiennes. Nos informations n’étaient que trop exactes; l’avis suivant, publié par la plupart des journaux des g et 10 juillet, est venu les confirmer pleinement.
« Des poursuites sont dirigées par M. le procureur
de la république conlrc plusieurs somnambules, pour exercice illégal de la médecine, et escroquerie. Des médecins qui assistaient ces somnambules dans leurs considtations, seraient poursuivis également comme complices. »
Est-ce le charlatanisme, ou la vérité, qu’on veut atteindre? Nous n'en savons rien encore; car, si d’un côté certaines confidences annoncent la simple répression d’abus dont gémit toute conscience honnête, de l’autre on se réjouit d’avance d’une condamnation qui doit frapper mortellement 1 exercice de la lucidité.
Si c’est à la fourberie, au mensonge qu’on veut faire la guerre; nous applaudirons à sa défaite; mais si c’est le contraire qu'on attaque, nous dirons : Le somnambulisme véritable est supérieur à 1 intelligence des savants protégés par l’État. La clairvoyance répare souvent les maux causés par le savoir officiel, et fait aussi cesser quelquefois ceux qu’il n’a pu vaincre; elle jette un jour tout nouveau sur les faits obscurs de la vie, et va jusqu’à la prévision.
Si c’est cette lumière qu’on veut éteindre, afin que la fausse science, sans responsabilité, continue d’é-treindre les hommes , la justice est trompée.
Ah , médecins ! nous vous plaignons, si vous n’avez que de telles armes ! Yous allez voir bientôt que les blessures faites par elles.apprendront à supporter les douleurs, el rendront la foi plus vive. Yous voulez, dit-on, venger la société, et purger la nation d’une hideuse erreur , donnant lieu à un commerce illicite. Prenez garde que l’on examine qui vous êtes ; que l’on pèse votre science, et que chacun apprécie la valeur de vos recettes! Mais nous préjugeons de liau-
tes questions; laissons la procédure suivre son cours, et nous apprécierons les jugements rendus.
L’instruction s’étendant à la majorité des sibylles lucides, ou soi-disant telles, dont les échos de la publicité redisent chaque matin le nom, l’un des inculpés eut l’idée de faire participer tout le monde magnétique à ce procès. Il assembla d’abord les somnambules citées; et, pour grouper autour d’elles la force et la considération, il écrivit la lettre suivante:
A Monsieur le baron du Polet de Scnnevoy.
Paris, 17 juillet 1850.
Monsieur,
Une réunion est devenue nécessaire entre les somnambules qui exercent et les magnétiseurs qui pratiquent publiquement. Il est temps d'aviser, et de prendre telle mesure qui conviendra, pour résister aux procès de tendance dont le Magnétisme et le Somnambulisme sont devenus l’objet.
Personne ne s’étant jusqu’alors occupé de celte question, je crois devoir prendre l’initiative d’une convocation, à l’effet de se réunir et de se concerter. — Voulez-vous, Monsieur, me permettre déplacer cette réunion sous votre patronage , et peut-être sous votre présidence? — ou au moins m’autoriser à vous en attribuer l’initiative ?
Le temps presse, je n’ai que peu d’instants; mais c’est assez pour vous assurer de mes sentiments sincèrement dévoués.
MONGRUEL.
Le signataire de cette lettre n’étant guère connu de son destinataire que par des actes susceptibles d’une interprétation défavorable, celui-ci refusa tout
concours, avant de connaître au juste les griefs du parquet; se réservant, d'ailleurs, d’agir de son côté si le magnétisme était vraiment attaqué.
Loin de s’appliquer à établir la moralité de la cause qu’il voulait faire épouser, M. Mongruel chercha à se procurer par d’autres voies l’appui nécessaire â sa défense; mais les joyeuses indiscrétions de Jean Rey-rnond ayant déjà donné l’éveil, tous ceux qui surent ce dont il s’agissait restèrent dans l’expectative.
Enfin le grand jour arriva, et chacun put lire ce qui suit :
TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE LA SEINE (7' chambre).
Présidence de M. Fleurv. — Audience du 31 juillet.
EXERCICE ILLÉGAL DE LA MÉDECINE. — DIVINATION. — ESCROQUERIE. — MAGNÉTISME ET SOMNAMBULISME.
Lisez-vous les annonces qui illustrent la quatrième page des grands journaux ? Si non , vous vous privez volontairement d’une assez piquante distraction ; si oui, vous avez certainement remarqué une annonce anglaise qui s’est pavanée à diverses reprises dans la Patrie.
Elle était ainsi conçue:
SOMNAMBULE
Guérit les maladies rebelles; renseigne sur procès, avenir, songes, mariages, héritages, etc.
Consultation verbale ou par lettre.
Cette annonce eut un grand succès, el attira chez la Sibylle moderne (dans la vie réelle Mme Lefcvre, femme Mongruel), et chez son époux , des visiteurs empressés, et surtout une grande quantité de pièces de cent sous. Elle attira surtout de nombreuses let-très dans lequelles une foule de provinciaux demandaient, qui la recolle pour établir, sans aucune se-
cousse , le droit au travail ; qui un remède pour un mal d’aventure; qui le moyen de s’assurer la fidélité de sa femme; qui la constance de son mari. D’autres, plus curieux, voulaient connaître l'avenir de la France, qui l’emporterait de tel ou tel parti, qui serait président, empereur ou roi? Enfin il y en eut qui demandèrent des talismans. La réponse suivante, conservée aux copies de lettres de la Sibylle , en lait foi. En passant, remarquons que si la Sibylle deCumes avait, elle aussi, reçu des écritures de commerce, nous y trouverions des renseignements bien piquants sur les grands et petits hommes de l’antiquité.
Voici cette réponse; elle vaut la peine d’étre reproduite :
18 mai 1849.
« Les moyens à employer (c’est la Sibylle qui parle) pour découvrir les intrigues de votre adversaire, seraient simples et naturels; puis il faudrait aussi, et en même temps, surveiller justement du côté dont
vous ne vous êtes jamais douté.....; me comprenez-
vous? Si vous me comprenez, vous devez vous expliquer pourquoi votre ennemi s’oppose, à ce que vous changiez de pays ; voici un des tours qu'il a l’intention de vous jouer : il voudrait vous faire tomber dans un guet-apens, el vous faire donner une volée de coups, afin de vous faire perdre tout à fait l’esprit, qu’il croit déjà malade et détraqué; si vous étiez 'moins loin de Paris, et que vous puissiez venir nous voir, je vous ferais un talisman mngnèliqw, qui vous préserverait de ses malices, et vous donnerait, en -toutes circonstances, l'avantage sur lui; s’il poussait sa rage jusqu'à vouloir vous frapper, vous le renver-
seriez en le frappant avec ce précieux talisman, comme s’il était frappé d’une décharge électrique ou d un coup de foudre!!! Sans ce talisman, vous serez encore persécute longtemps par votre ennemi.
« C’est bien une croix d’honneur qui doit vous venir du ministère, mais non pas do sitôt encore; car Jes affaires politiques absorberont longtemps encore le travail des bureaux ; puis le ministère va changer.
« C'est dans deux ans, à peu près, que vous serez délivré de votre ennemi, époque à laquelle il mourra, à la satisfaction de tous. Quant à la succession de votre oncle, ne vous en préoccupez nullement, elle vous viendra plus tard, c’est-à-dire dans quelques mois.
« Pour ce qui est de l’argent caché, je vous ai dit que je ne puis m’en occuper qu’avec de la terre du sol où l’on suppose le trésor. »
Énorgueilli des succès de sa femme, le sieur Mongruel a offert scs services au gouvernement provisoire; au général Cavaignac, qui, ne comprenant pas l’importance de la force mise à leur disposition, les repoussèrent. Que voulez-vous? Napoléon a bien méconnu Fulton!
Voici comment sont exposés les faits dans le réqui-quisitoire :
« Depuis quelques années, le sieur Mongruel, instituteur primaire dans le département de l’Eure, a demandé aux pratiques du magnétisme une existence qu’il devait autrefois à l’enseignement. 11 a établi à Paris, rue de Seine, de concert avec la demoiselle Le-fèvre, sa concubine avant d’être «a femme, un cabinet
do consultations magnétiques, à l’enseigne fréquemment annoncée par les journaux de ia Sibylle moderne. A la publicité de la presse périodique, Mongruel avait ajouté celle d’un volume intitulé : Prodiges et merveilles, et des Prospectus portant les titres de Magnétisme el Somnambulisme, Magnétisme de la Sibylle moderne, et distribués à profusion.
« Dans les journaux, le prévenu annonçait que l’on pouvait consulter la sibylle sur les procès, avenir, songes, mariages. Dans les prospectus : sur les phases principales du présent, du passé, de l’avenir privé ou public ; sur les maladies anciennes et nouvelles... ordinaires ou réputées incurables ; sur le succès d’une affaire, d’une inlrigueè... le résultat d’un projet..., le caractère, les facultés, la fortune, etc., de toute personne avec laquelle on devait contracter des engagements.
« Les consultations étaient données, soit de vive voix, soit par correspondance, aux personnes qui s’adressaient à la sibylle; à cet effet, Mongruel magnétisait la demoiselle Lefèvre en présence des clients qui se rendaient à son cabinet. On était censé la magnétiser et l’endormir pour répondre aux personnes qui la consultaient par correspondance.
« Si la consultation avait pour objet une maladie, elle était rédigée par écrit d’après un codex, et signée du sieur Grabowski, attaché dès le mois de janvier i85o au cabinet de la sibylle, aux modiques ap* pointements fixes de 5o fr. par mois, et de l’aveu même de ce médecin dépourvu de ressources.
« L’ordonnance était ensuite portée par le malade, sur les indications de Mongruel, chez le pharmacien Pokoloski, où elle était exécutée, même sous la signature de Grabowski, et pourvu qu’elle fût revô-
tue du cachet : Cabinet de la Sybille moderne, 20, rue de Seine, à Paris.
« Une ordonnance formulée de la sorte, et exécutée par Pokoloski, a élé saisie chez lui; mais la signature de Grabowski n’était pas une garantie bien sérieuse; car ce médecin, qui demeurait au faubourg Montmartre, restait quelquefois plusieurs jours sans venir chez Mongruel, et l’on a trouvé chez ce dernier seize carrés de papier en blanc revêtus de sa signature, et destinés à des ordonnances, lorsque le docteur ne se présentait pas au cabinet de la sibylle.
a Quant aux remèdes ordonnés, la plupart sont connus, quelques-uns même vulgaires; aucun ne présente réellement le caractère de remède secret.
« Un appareil galvano-médical, trouvé chez Mongruel, lui servait à électriser ses malades ; il y avait aussi quelques médicaments liquides ou solides, de peu d’importance.
« 11 parait que le nombre des personnes qui consultaient la sibylle était considérable ; pour le main -tenir et l’augmenter, Mongruel faisait insérer continuellement des annonces dans les journaux. On a saisi quantité de lettres de clients habitant des départements éloignés, «et un cahier tout entier, qui renferme le brouillon des réponses que leur faisait Mongruel, et de celles qu’il écrivait aux journaux, en mai et juin 1849 seulement.
u Parmi les individus malades de corps ou d’esprit, qui ont eu ainsi recours à la sibylle, l’information a fait connaître le sieur Creuillot, de Paris, qui a remis 10 fr. ; la demoiselle Magnier, de Lignières (Somme), qui a envoyé 20 fr.; la dame Mesladier, du Pin (Charente-lnférieure), qui a envoyé ao fr. ; la
dame Baron, de Kermargain (Finistère), qui a envoyé 3o fr.; le sieur Haranger, de Noailles (Oise), qui n’a rien envoyé. Tous ne se sont pas loués du résultat des consultations obtenues de Mongruel.
« Les prix de Mongruel variaient suivant l’étendue de la consultation, entre 10 el 60 fr.; soit qu’il s’agit de traiter une maladie, de révéler l’avenir ou d’expliquer les songes.
« Un fait excessivement grave a été recueilli par l’instruction.
« Une dame Lemoyne, dont le mari est entrepreneur de bâtiments au faubourg Saint-Antoine, avait de violents soupçons sur la fidélité de celui-ci. Dans les premiers jours du mois de mar9 dernier, elle alla consulter la sibylle moderne, et lui remit à cet effet une mèche de cheveux du sieur Lemoyne. La demoiselle Lefèvre lui répondit que son mari avait une affection profonde pour une jeune personne de vingt-deux ans, blonde, musicienne, à laquelle il donnait 3oo fr. par mois, et qu’il visitait particulièrement le samedi. Or, ce jour était précisément celui auquel la dame Lemoyne soupçonnait son mari de manquer à ses devoirs. La sibylle ajouta que cette jeune personne se nommait Jeanne, et demeurait rue Saint-Gcorges. Sa consultation fut payée 20 fr. par la daine Lemoyne.
« Cette dame, ayant fait connaître à son mari les révélations dont celui-ci était l’objet, le sieur Lemoyne, qui n’oubliait rien de ce qu’il devait à sa femme et à ses trois enfants, porta plainte au parquet. Il voulut ensuite se rendre chez la sibylle avec la dame Lemoyne, afin de la convaincre de son erreur. Tous les deux y allèrent après le 20 mars; la seconde consultation ne coûta que 6 fr., sur I’insis-
tance de la dame Lemoyne. Dans l’antichambre de Mongruel, se trouvait une dame qui disait être venue consulter, et qui parlait beaucoup, circonstance rappelée également par le sieur Creuillot, dont la consultation avait eu lieu en janvier dernier; avec la sibylle, se trouvaient sou mari ou Mongruel, et un docteur, probablement Grabowski. Quoique le sieur Lemoyne se fût annoncé comme le frire de sa femme, la sibylle ne voulut point parler devant lui ; au bout d’environ dix minutes, la dame Lemoyne alla le rejoindre, et immédiatement elle lui raconta ce qui venait detre dit par la sibylle.
« D’après celte femme, la maîtresse du sieur Lemoyne se nommait Jeanne Dubuisson , et demeurait rue Saint-Georgcs, 5i ou 5a. La femme Monlgruel promit à la dame Lemoyne de lui révéler, lors d’une troisième consultation, le lieu où son mari faisait élever richement un enfant naturel, âgé de dix an9. La dame Lemoyne ayant demandé à la somnambule si son mari n’avait pas eu d’enfant naturel.
Le sieur Lemoyne voulut, sans désemparer, se rendre chez la dame Dubuisson, accompagné de sa femme. Ils trouvèrent, non au 5i ou 5a, mais au 56, une dame Guédon, connue aussi sous le nom de Dubuisson, à cause de sa mère, remariée à un sieur Dubuisson, et ayant demeuré avec elle. La dame Guédon avait une fille du nom de Jeanne, qui est âgée, non pas de vingt-deux ans, mais de dix-huit ans, et qui, en effet, est musicienne. Cette dame avait consulté plusieurs fois la sibylle moderne, qui l’a même fait figurer sur une de ses annonces imprimées. La demoiselle Lefèvre était venue chez la dame Guédon donner une séance de somnambulisme.
« lout fut bientôt éclairci. Le sieur Lemoyne offrit
aux dames Guédon, stupéfaites et indignées des révélations dont elles étaient l’objet, ses plus humbles excuses. Mme Guédon aurait joint sa plainte à celle du sieur Lemoyne contre la sibylle, si clic n’avait été occupée delà santé de sa fille, malade des suites de la visite du sieur Lemoyne.
« Malgré l'épreuve qui venait d’être faite, la dame Lemoyne était si vivement impressionnée par la sibylle, qu’elle eut la faiblesse d’aller chez un épicier voisin de Mme Guédon recueillir des renseignements sur cette dame et sa fille; pourtant elle ne larda pas à reconnaître combien elle avait été trompée.
« Mongruel et sa femme n’ont pas nié leurs rapports avec les époux Lemoyne, ni avec la dame Guédon, mais ils ont soutenu qu’une partie des déclarations de la dame Lemoyne n’étaient pas vraies.
« Le sieur Lemoyne, dans l’intérêt de la santé ébranlée de sa femme, a donné son désistement, dans une lettre qu’il lermine en disant qu’il est bien à désirer que la société se purge de pareils misérables. De leur côté, les Mongruel produisent des attestations sur leur moralité, émanant de personnes très-honorables, entr’autres d’un ancien duc et pair.
« Enfin cet inculpé a été l’objet, à la fin de i#49> d’une poursuite non encore réglée du parquet de Dieppe (ville où il avait donné des séances de somnambulisme avec un sieur Didier),pour un détournement de la recette de ses séances au préjudice du bureau de bienfaisance de cette ville. »
Me* Jules Favreet Duvergier, défenseurs des sieur et dame Mongruel, sollicitent la remise après vacation, en basant leur demande sur ce que des affaires semblables à celle qui est appelée devant le tribunal sont à l’instruction, et qu’ils pensent que, dans l’in-
lérét de leurs clients, elles devraient être jointes toutes ensemble.
M. le président, après avoir consulté le tribunal et entendu M. Dupré-Lassalle, avocat de la République, relient la cause.
M** Duvergier et Jules Favre se retirent.
On appelle les prévenus; le sieur et la dame Mon-gruel font défaut. Le sieur Grabowski, médecin, et le sieur Pokolo.'-ki sont seuls présents ; ils donnent leurs noms, prénoms et demeures.
Le premier témoin est introduit.
M. lemoyne, entrepreneur de bâtiments. — Vers le commencement d’avril dernier, un soir, ma femme rentra dans un état atroce, et se jeta dans les bras de son enfant, en disant : Nous sommes perdus! nous sommes perdus! et elle pleurait, puis me regardant du haut en bas, elle m’accabla des injures les plus insultantes, me disant, misérable! traître; et elle essaya de se jeter par la fenêtre; enfin, cet état fort désagréable pour elle, et surtout pour moi, dura deux longues journées. C’était bien épouvantable pour moi, d’autant plus que je ne savais pas du tout ce que tout cela signifiait. Enfin, à force de recherches, j’ai fini par trouver une brochure intitulée : la Sibylle moderne. Je questionnai ma femme au sujet de cette brochure, et enfin elle m’a avoué qu’elle avait été chez une somnambule pour un bobo qu’elle avait au pied, et que, se trouvant là, elle avait eu la fâcheuse idée île lui demander si je lui faisais des traits, ou si je me comportais en mari fidèle.
Vous savez, M. le président, que dans le bâtiment on ne s’occupe que de ses ouvriers et de ses affaires. Eh bien! cette somnambule eut l’infamie de dire à mon épouse que j’avais une maîtresse à laquelle je
donnais 5oo francs par mois, et que je lui avais construit une maison de campagne. Dans celte première visite, la sibylle ne voulut pas dire à M" Lemoyne où demeurait celle maîtresse, lui disant qu’elle ne pourrait le lui apprendre que dans le cas où elle reviendrait la voir. Quand ma femme m’eut raconté toutes ces infamies : « Allons-y ensemble, lui dis-je, et tu verras si je suis coupable ou innocent. » Il faut vous dire que dans l’intervalle, et poussé par la colère, j’avais eu l'idée de déposer une plainte chez M. le procureur de la République; mais je n’avais pas donné suite à celle idée. Ma femme, voyant cela, s’imagina que si je reculais, c’était parce que je me sentais coupable : c’est alors que je me rendis au parquet.
Enfin nous allâmes chez la somnambule. Dans l’an-lichambre, il y avait une espèce de bonne qui n’était postée là, j’en suis bien sùr, que pour savoir ce qu’on venait chercher chez la sibylle, et pouvoir en prévenir celle-ci. Cette femme, pour nous donner le change, nous parla d’un vol dont ses maîtres avaient été victimes, et pour lequel elle venail consulter 1? sibylle. Moi, qui avais mon idée, j’eus le soin de me faire passer près de cette femme pour le frère de mon épouse, et, en effet, la somnambule y fut prise. Comme je l’avais prévu, avant de nous parler, elle causa avec la bonne comme pour lui donner une consultation, et celle-ci lui dit probablement en ce moment-là qui nous étions, et ce que nous voulions.
Nous entrâmes dans le cabinet de la sibylle; moi, pour lui inspirer de la confiauce, j’eus l'idée de lui dire que je connaissais beaucoup une somnambule, ma locataire, donl le mari avait une place au Luxembourg; il me sembla que cela lui faisait plaisir. Un
médecin que je ne reconnais pas parmi ces messieurs, se mit alors à la magnétiser. Quand elle fut endormie, on lui présenta une mèche de mes cheveux, et elle se mit à faire des hélas! (le témoin pousse des soupirs) comme ça. Puis, suivant mon idée, remarquant peut-être que ces cheveux ressemblaient énormément aux miens, et se méfiant sans doute que j’étais le mari, elle dit, en faisant semblant de dor-jnir : Faut que monsieur sorte! Je passe dans la pièce d’attente, je tombe sur M. Mongruel, et je lui dis entre les deux yeux : Prenez garde! je suis le mari, et si votre femme confirme ce qu’elle a dit, gare à à vous! Ces paroles l’ennuyèrent, il se dépêcha de rentrer près de sa femme pour lui dire : Le mari est là ! Mais il était trop tard ; elle avait eu le temps de dire à mon épouse : La maîtresse de votre mari demeure rue Saint-Georges, 56; elle s’appelle une telle (Jeanne Dubuisson); elle est très-bonne musicienne (rires). Ma femme exaspérée, comme vous pensez bien, se précipite sur moi en me disant : Je suis contente, je suis au courant!
Si vous êtes satisfaite, lui dis-je à mon tour, j’en suis enchanté, et j’étais furieux ; elle se mit à pleurer et à me dire les choses les plus tristes, et à me raconter tout; alors je ne fais ni un ni deux, je prends un cabriolet, et en chemin je lui jure sur mon honneur sacré que jamais je n’ai vu ni connu la personne en question. Nous arrivons rue Saint-Georges, 56 ; je sonne, une bonne ouvre, puis à l’instant même, une jeune personne vient savoir ce que nous voulons. Moi, dans mon idée, je croyais avoir affaire à des lo-rettes, je dis : C’est ici chez M11* Dubuisson? — Non, monsieur, Mme Guédon. — Alors, j’ai l’honneur de vous saluer. — Ah! monsieur, cependant bon papa
s’appelle Dubuisson. — Alors, c’est bien ici, redis-je; et, M. le président, emporté par mon irritation , dis à cette jeune personne : Mademoiselle, si je viens ici, c’est qu’en vertu d’une bohémienne je serais votre amant. La jeune personne se scandalise; la mère arrive. — Yous me rendrez raison, s’écrie-t-elle. — Madame, voici mon adresse, je suis un homme d’hon*-ncur. — Mais qui a pu dire une semblable horreur ?
— C’est une somnambule. — Une somnambule! Où demeure-t-elle? — Rue de Seine. — Ah ! la sibylle; j’ai été la consulter avec ma fille, il y a deux mois, pour des palpitations de cœur ; ah ! c’est abominable!
J’oubliais de vous dire que cette affreuse femme avait promis à Mm' Lemoyne de lui indiquer, à une troisième visite, dans quel endroit je faisais élever magnifiquement un enfant naturel de dix ans, que j’aurais eu d’une maîtresse. — Je vous demande un peu si, depuis deux ans surtout, par le tracas et le tourment des affaires, je serais allé m’amuser à avoir une maîtresse.
D. Et Mme Lemoyne, est-elle revenue de son illusion ?
R. Malheureusement non, monsieur le président.
Mme Lemoyne, témoin cité, étant malade, ne comparaît pas.
M. le président procède à l’interrogatoire des déni prévenus présents.
m. le président. — Grabowski, vous avez un diplôme?— R. Oui, monsieur.
D. Vous receviez 5o francs par mois de Mongruel, pour signer les ordonnances que lui dictait sa femme?
— R, Ces ordonnances ne renfermaient rien que de fort innocent, et puis j’étais dans la nécessité de gagner ma vie.
D. Vous facilitiez ainsi à Mongruel et à sa femme les moyens d’exercer illégalement la médecine, et le plus souvent vous signiez des ordonnances applicables à des malades que vous n’aviez pas môme vus?— R. Je vous demande pardon.
D. Vous les voyiez si peu, que souvent il s’agissait d’individus habitant la province? — R. Je n’ai jamais signé que des ordonnances tout à fait inoffensives.
D. Vous donniez donc votre sanction à des ordonnances qui ne signifiaient absolument rien, et aidiez ainsi Mongruel et sa femme à consommer des escroqueries?
Le prévenu garde le silence.
D. Il y avait même des ordonnances toutes préparées, et qui, espèce de selle à tous chevaux, étaient délivrées à tous ceux qui se présentaient, sans s'inquiéter de la maladie pour laquelle on venait chercher une consultation. — R. Ou le malade m’était présenté, ou bien il y avait un écrit d’un médecin attestant quelle était sa maladie; sans cela, je ne signais pas d’ordonnance.
D. Mais on a trouvé quinze carrés en blanc, revêtus de votre signature. — R. Je ne sais pas comment on a fait cela.
D. Il est évident que vous faites métier et marchandise d’un art honorable. — C’est la nécessité qui m’y a contraint.
D. Gagnez votre vie par des moyens honorables. — R. J’ai été réduit à celte triste nécessité par la perle des subsides qui m’étaient accordés.
D. Vous vous êtes comporté dans tout cela de la façon la plus indigne, et vous mériteriez qu’on vous retirât immédiatement l’autorisalion d’exercer la médecine.
Quant à vous, Pokoloski, vous clés accusé de complicité pour avoir fourni des médicaments sur des ordonnances qui n’en étaient pas. — R. Monsieur, il faut bien que je paie mes impositions ; tous les pharmaciens en auraient fait autant à ma place, du moment qu’il ne s’agissait pas de substances vénéneuses. Vous-même, M. le président, quand vous avez besoin de cérat, vous en achetez directement, et on vous en donne. Voici des gargarismes parfaitement innocents ; si je ne les vends pas, mon voisin les vendra en se moquant de mon ignorance. Tout le monde n’est pas pharmacien, et ne connaît pas la loi sur la pharmacie; de même, moi, je ne connais pas la loi des juges. Prenez des renseignements sur moi, et vous verrez que je suis un homme très-honorable , exerçant ma profession de la façon la plus honorable.
RI. Lambert accompagnait Mmc Guédon lors de la visite faite par cette dernière chez Mme Mongruel, à la suite de la démarche de M. et MmB Lemoyne, chez les dames Guédon. La somnambule a nié formellement avoir signalé la dame Guidon comme la maîtresse du sieur Lemoyne.
m. diipré-lasalle, avocat delà République, soutient l’accusation.
Le tribunal condamne le sieur et la femme Mongruel chacun à treize mois de prison et à 5oo fr. d’amende, et le sieur Grabowski à 5 fr. d’amende, et renvoie le sieur Pokoloski de la plainte. (Droit.)
Il est à remarquer que le médecin n’est condamné que pour avoir délivré des blancs-seings.
RI. et Mrac Mongruel ayant fait opposition au jugement, l’affaire doit revenir devant le tribunal, et nous rendrons compte de la suite dans notre prochain numéro.
TRIBUNAL DE SIMPLE POLICE.
Présidence de M. Louvel , juge de paix du 10" arrondissement.
Audience du 1er août.
SOM.'AS BILES. — DIVINATION ET PHONOSTICATION.
Nous avons rendu compte hier du procès intenté à une somnambule prévenue du double délit d’escroquerie et d’exercice illégal de la médecine.
Il s’agit aujourd’hui, devant le tribunal de simple police, d’une simple contravention aux dispositions du Code pénal sur la divination et la pronostication.
Le somnambulisme a fait, on le sait, de nombreux prosélytes depuis quelques années ; c’est une si belle science, et bonne à tout! Semblable à l’onguent du charlatan, qui guérit les migraines, les cors aux pieds et les peines de cœur, le somnambnlisme guérit toutes les maladies : il retrouve les chiens perdus, découvre les objets les plus cachés, même ceux qui n’ont jamais existé; il fait connaître le passé... à peu près, l’avenir complètement; il n’y a que le présent auquel il ne comprenne rien. Faut-il s’étonner, après ■cela, que tant de gens rechercheut avec avidité les interprètes, habiles ou non, de cette science nouvelle? Aussi, chaque jour, la quatrième page des journaux voit briller au milieu de ses annonces l’adresse de quelque somnambule des plus lucides, qui demande au public son argent, en retour des mille merveilles qu’elle lui promet généreusement.
Beaucoup de somnambules, en même temps qu’elles découvrent, ou ne découvrent pas les secrets, donnent des consultations sur les maladies, avec, et quelquefois, peut-être, sans l’assistance d’un médecin. Des perquisitions ont été faites chez elles , par ordre de l’autorité, et en l’absence de pièces pouvant
établir l'exercice illégal de la médecine , plusieurs onl élé renvoyées devant le tribunal de simple police, comme faisant métier de deviner et pronostiquer.
Les prévenues, citées devant le tribunal de simple police, pour contravention aux art. 479, 43o et 48r du Code pénal, sont au nombre de treize. Pour plusieurs d’entre elles, on avait annoncé une discussion approfondie sur la question de savoir si le somnambulisme est ou n’est pas un leurre; s’il y a jonglerie dans les moyens qu’il emploie, en un mot, si les somnambules tombent ou non sous l’application des articles précités. Cette discussion devait élre soutenue par M” Duvergier et Jules Favre, avocats. On pouvait, sans être somnambnle, prédire que les débats seraient intéressants; mais ils sont ajournés, parce que les clients qui y devaient donner lieu ne se sont pas présentés.
Cinq prévenues seulement sont présentes. L’une d’elles est jeune et jolie; les autres paraissent avoir beaucoup souffert de l’état extatique qui leur est habituel. Elles ont toutes l’air somnolent, et elles paraissent endormies tant qu’il ne s’agit pas de l’affaire spéciale à chacune d’elles. Nous remarquons même que cette disposition au sommeil agit à distance sur les deux huissiers de l’audience, qui font des efforts visibles pour n’y pas succomber.
Sur la demande de M. le commissaire de police Truy, qui occupe le siège du ministère public, le greffier donne lecture des procès - verbaux dressés dans les affaires où les prévenues font défaut.
La première somnambule chez laquelle on s’est présenté est la femme Tournier, qui se faisait annoncer sous le nom de Mme de Saillou, et qui demeure rue Saint-Lazare, 10. On a saisi chez elle une correspon-
dance assez volumineuse, dontM. Truy, faisant fonctions de ministère public, a lu quelques extraits, et plusieurs baguettes de coudrier, à l’aide desquelles « la somnambule se proposait de découvrir des sources d’eau... et des trésors. »
Pour découvrir des trésors, elle demandait qu’on lui assurât le tiers de ce qu’elle découvrirait, et, en cas d’insuccès, au moins une somme de 5o fr. Comme l’eau est plus facile à trouver ques le trésors, la femme Tournier, ne prévoyant pas d’insuccès dans cette partie de ses recherches, ne stipulait aucune somme d’avance.
Dans les annonces de celle somnambule, dont M. Truy a donné aussi lecture, elle se vantait d’avoir prévu et annoncé l’avénement de la République; elle ne disait rien de sa durée.
Elle a été condamnée à cinq jours de prison, et à i5 fr. d’amende.
Le commissaire de police s’est présenté ensuite chez la demoiselle Henriette Yasseur, rue Basse-du-Rem-part, 20. On n’a rien trouvé chez elle établissant le délit d’exercice illégal de la médecine; mais on l’a surprise en exercice de divination , donnant à un jeune domestique une consultation sur un vol de 5 fr. commis au préjudice de ce jeune homme.
Elle est condamnée à cinq jours de prison, et à i5 fr. d’amende.
Mmc Morel se présente ensuite. Elle donne avec beaucoup de douceur et de convenance des explications sur sa bonne foi, et elle affirme qu’elle n’a jamais eu l’intention de faire infraction à la loi. Son regard a évidemment l’intention d’agir sur son juge;
elle n’en est pas moins condamnée à une amende de 11 fr-
M,ne Bertrand , demeurant rue du Faubourg--Montmartre, i , escalier à droite, au 4e, est une simple tireuse iîe cartes. Ses annonces dans les journaux ont suffi pour la faire condamner à cinq jours de prison, et à 15 fr. d’amende.
Mme Mongruel, déjà condamnée par défaut en police correctionnelle, ne se présente pas encore; elle est condamnée à i5 fr. d’amende, et à cinq jours de prison.
Mmes Talberg, Rouland (dite Clémence), et Bury (dite Alexandrine), sont ensuite condamnées par défaut à cinq jours de prison, et à i5 fr. d’amende.
Même condamnation contre les dames Torcy (dite la Voyante) ; Cabandé (dite la Pythonisse), etCoulon, qui exerçaient, d’après leurs annonces, le métier de devineresses.
Il reste à juger deux prévenues présentes à l’audience. L’une d’elles est la dame Elisa Dufay, rue Caumartin, 3g,
Les annonces de cette dame ont dû frapper les lecteurs de journaux, par cette particularité quelles sont précédées des majuscules O. T. O. M., d’où cette dame a pris le surnom d’Otom. On se demandait ce que signifiaient ces majuscules. Etaient-ce des signes cabalistiques? M. Truy y a vu une épigramme contre les dupes mêmes qui se laissent abuser; car il a traduit ces lettres par les mots : O temporal ô mores! ce qui indique, dit le ministère public, l’opinion que
les charlatans eux-mêmes ont de l’époque qui laisse ainsi exploiter sa crédulité.
Me Massu, avocat, a présenté quelques explications en faveur de Mme Dufay. Il raconte qu'elle a été guérie par le somnambulisme, qu’elle a dû y avoir foi, et qu’elle ne fait d ailleurs que servir d’instrument à un médecin qui se servait de sa lucidité. Elle est fermement résolue à ne plus continuer l’excrcicc du somnambulisme.
En présence de ses bonnes dispositions, le tribunal ne la condamne qu’à 11 fr. d’amende.
Mme Marais-Maugc, rue Saint-Merry, 9, prévenue de s’être occupée de recherches et de renseignements sur l’avenir, prend, par l’organe de Me Danglebert, son avocat, le même engagement. Elle est condamnée â i5fr. d’amende.
(Droit et Gazette des Tribunaux.)
On parle d’une prochaine fournée de devineresses.
Nous sommes obligés d’ajourner au prochain numéro la suite de cet article, relative à ce qui s’est passé dans d’autres départements.
Nécrologie. — M“e Ponson, somnambule qui fut poursuivie, il y aqtielques années, pour exercice illégal de la médecine, vient de mourir à Paris.
— M. Condor, étudiant en médecine sur qui M. du Potet fit ses premières expériences de magic, est mort dernièrement en Sardaigne.
— Un magnétiste de Paris, M. Lemoine, ancien employé des postes, vient aussi de terminer sa carrière.
Chronique. — L’un des membres les plus distingués de l’ancienne Société du Magnétisme de Paris, M. le comte de Lowenhielm, ambassadeur de Suède, était ici ces jours derniers.
— La Société magnétique qu'il était dernièrement question d’établir à Turin, n’a pu parvenir à se constituer viablement. Elle n’a fonctionné que juste le temps nécessaire à un règlement vicieux. On s’occupe d’une meilleure combinaison.
— Les exhibitions somnambuliques de M"” Prudence, au boulevard Bonne-Nouvelle, viennent d’être remplacées. On lit sur une immense enseigne, placée à l’entrée de la salle des Spectacles-Concerts, que M. le professeur Idjiez montre les merveilles du magnétisme avec M. Adolphe Didier et MK* Sarah. Le public paraît moins empressé que naguère pour ce genre d’amusement.
— M. Jobard est venu nous voir il y a quelques jours; il nous a réitéré la promesse de livrer incessamment son moyen d’empêcher les somnambules de mentir.
— M. l’abbé Loubert, à la suite de démêlés politiques avec l’archevêché, vient de donner sa démission. Devenant étranger au sacerdoce, il va, dit on, reprendre ses études médicales et ses travaux ma-gnétologiques,
— L’éditeur du Magnétisme opposé à la Médecine, par M. du Potet, vient de réduire de 6 à 5 francs le prix de cet ouvrage, dont il ne reste d’ailleurs que peu d’exemplaires.
— La collection de notre ancien concurrent, la Berne magnétique, de M. Aubin-Gauthier, vient d'êlrc
mise en vente chez un bouquiniste, au rabais de 95 pour 100. Soit 1 fr. a5 le volume, au lieu de 34 fr.
— Notre ami T.aporte est de retour d’Espagne.
— En feuilletant nos archives, nous avons découvert une omission que nous nous empressons de réparer, dans l’intérêt de la vérité historique. Tome If, page 33, en rendant comple de son voyage à Besançon, M. du Potet cite une chanson comique dont le couplet suivant a été oublié :
Supposons qu’tu désir’s chez loi Attirer une bell’ dame;
Fais l’i des passes d’bon aloi,
Magnélis’ la dans l’âme ;
Elle y viendra tout en dormant,
Et restera-z-endormie,
A moins qu’lu n’ 1’ dis’ galamment :
« Réveillez-vous, ma mie. a
Il doit être placé le septième.
— Passant dernièrement à Rambouillet, nous vîmes à l'entrée du parc une immense affiche multicolore, contenant, enlre autres annonces de divertissements, pour le dimanche 14juillet, le libellé suivant :
GRANDE FÊTE DES MERVEILLES,
A S henres précise», dons le grand salon du Clifttcnu.
SÉANCE DE MAGNÉTISME,
PAR LE CÉLÈBRE SOMNAMBULE ADOLPÜE DIDIER.
Nouvelles expériences de vision malgré l’occlusion des yeux. — Transmission de pensée. — Voyages il distance. — Sensations el sentiments exprimés par le geste et la parole ; suivies de
POSES EXTATIQUES.
Nous n’avons pu savoir des habitants du lieu si le
célèbre susdit a tenu scs pompeuses promesses, portées, plusieurs jours d'avance, à la connaissance du public par la réclame des journaux parisiens.
Nous pensons qu’il est au moins téméraire d’assigner une heure fixe aux manifestations somnambuliques naturellement si capricieuses.
Revue des Journaux. — La Gazette des Tribunaux du 12 mai, et, d’après elle, la plupart des journaux politique» du lendemain, donnent avis que, pour le vol commis chez une portière du quartier de la Bourse, dont nous avons parlé page 229, les soupçons nés des indications de la somnambule n’étaienl pas fondés.
— La Tribune Lyonnaise publie dans scs numéros de mai et de juillet la définition des mots : Magisme, Magnétisme, Mesmérisme et Puységurisme; suivie de considérations historiques et scientifiques dont la conclusion est favorable à notre cause.
— La Gazette des affaires, a commencé le i*r juin la publication d’une série d’articles sur le magnétisme, sous le titre de : Chronique du fluide, dont la 6uite se trouve dans ses numéros des 8, i5, 22 et 29 juin ; 6, i3, 20 et 27 juillet ; 2 et 3 août. C’est une histoire superficielle, mi-plaisante, ini-sérieuse du magnétisme depuis quelques années. Hommes et choses y sont appréciés tour à tour par la louange ou la raillerie, selon les affections personnelles de l’auteur. Ecrite pour des incrédules, cette revue ne peut instruire nos lecteurs; mais il y a de piquantes saillies, de fines épigrammes, dont la lecture n’est pas sans charme. Ce journal était précédemment tout a fait hostile.
— L'Indépendance belge du i«r juin , raconte un fait qui peut être vrai ; mais qui a bien l'air d’un canard. Suivant celte feuille, une somnambule de Bruxelles, aurait lu dans le cabinet de M. Ponsard une tragédie que ce poète préparait en secret pour M"* Rachel. Le but de l’auteur et le sujet de sa pièce auraient été ainsi divulgués.
— Le magnétisme est entré en vogue de plaisanterie ; le Journal pour rire en fait le sujet de bouffonneries dans ses numéros des 4 mai ; ier et 22 juin; 6 et i3 juillet et 3 août. Sous la dénomination de : Merveilles du fluide, l’auteur passe en revue une foule d’excentricités magnétiques, vraies ou supposées. Quelques aperçus judicieux s’y trouvent exprimés en badinant ; d’ingénieuses fables, des bons mots cachent des vérités qui, tout en égayant les sceptiques, se casent dans leur esprit. On promet la suite de celte facétie et nous nous en félicitons; car, les rieurs étant nombreux, le journal est très-lu, et le magnétisme ne peut que gagner à ces jeux d’esprit.
— En sa qualité de chef des magnétophobes, le rédacteur en chef de l’union médicale s’est cru obligé d’insulter les magnétistes à propos du procès intenté aux somnambules omnibus. 11 fait meme connaître dans le numéro du 2', juillet, c’est-à-dire huit jours avant l’audience, les principaux incidents de l’affaire Mongruel.
Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).
THÉORIES.
PHILOSOPHIE MÉDICO-MAGNÉTIQUE.
CHAPITRE III.
De la Médecine magnètiquè,
(Suite.)
Considérations snr le fluide magnétique.
En 1822, le baron d’Hénin de Cuvillers attaquait, dans scs Archives du Magnétisme , la doctrine du lluide; en 1826, le Dr Bertrand répudiait aussi cet agent comme cause des phénomènes somnambuliques ; et voici qu’aujourd’hui, après plus de vingt an nées de ces luttes scientifiques, la question semble ne pas être résolue par les magnétiseurs eux-mêmes. Celte hésitation dans la fixité d’un point de doctrine aussi sérieux pour le magnétisme, peut donner une idée du temps qu'il faudra pour que celte scienee soit assise sur des bases réellement scientifiques, à l’abri de toute controverse, et qu’elle soit nettement formulée.
Les faits, en magnétisme, existent indubitablement; ils sont, pour l’observateur, de deux ordres bien dis-lincts : physiologiques et psychologiques; en termes plus simples, sans somnambulisme ou avec somnambulisme. Eh bien, il s’agit de trouver la cause de ces deux ordres de phénomènes.
TOME IX. — M» 139. — SEP!BMBRE 1850. 11
« Le magnétisme, dit le Dr Ordinaire, et parlicu-lièrement le somnambulisme, sont en dehors de la physiologie; à quoi bon vouloir les rattacher à scs
lois? »
Non , le magnétisme ni le somnambulisme ne sont en dehors de la physiologie; ils sont simplement des phénomènes que notre ignorance actuelle n’a pu encore rattacher aux lois qui président aux fonctions de la vie humaine.
Ces phénomènes, tout insolites qu’ils paraissent, sont inhérents à la nature de l’homme; ils doiven t avoir leur loi physiologique; mais cette loi, pressentie par beaucoup de magnétiseurs, démontrée théoriquement par l'analogie, par le dire des somnambules, ne l’est pas encore expérimentalement; mais elle devra lélre un jour, parce que rien de ce qui se passe dans la nature ne manque d’un comment et d’un pourquoi naturels.
Ce qui embarrasse la question, ce qui fait diverger aussi profondément les opinions des fluidistes et des spiritualisles, c’est qu’il y a une limite où les phénomènes magnétiques s’élèvent vers une sphère si anormale pour ce que nous connaissons en physiologie, que tout alors parait idéal, spirituel et sans cause matérielle. Les deux opinions ont donc raison dans certaines circonstances, et je n’hésite pas à déclarer qu’il v a un magnétisme spirituel qui opère animique-ment et sans que le fluide magnétique soit la cause déterminante des phénomènes. Mais ce magnétisme n’est que l’exception et non la règle, et si j avais le emps d’entrer en matière, je le démontrerais facilement.
11 existe donc en magnétisme un agent matériel de la nature des impondérables, qui a sa source dans
le système nerveux. Cet agent, ce fluide agit d’après des lois purement physiques dans quelques circonstances, sans que la volonté y ait aucune part. Et je répondrai encore au D' Ordinaire, qui dit : « Le fluide nerveux est aussi contestable que le fluide magnétique, les nerfs pouvant fort bien agir comme des cordes vibrantes. » Non ; les nerfs ne sont pas des cordes vibrantes; cette opinion physiologique est tombée sous les travaux de Humboldt et Malteucci. Il est certain que le système nerveux agit comme système producteur et conducteur d’un agent impondérable, d’une force analogue à l’électricité. Et si, aujourd’hui, la science n’a pu encore saisir matériellement cette force, elle la prouve tellement par induction, qu’il est impossible de la nier.
Je vais m’appesantir un peu sur cette partie essentielle de ma démonstration. Je prie mes lecteurs de me suivre avec attention.
Il est démontré que les muscles sont le siège de courants électriques moléculaires ; ces courants électriques étant appréciables au galvanomètre, prouvent que l’impondérable qui les forme est bien l’électricité. Celte électricité musculaire se forme dans le muscle indépendamment de l’action du système nerveux; car le courant se produit de môme, quand on a enlevé les nerfs du muscle par une dissection minutieuse, comme quand la moelle épinière de l’animal sur lequel on expérimente a été détruite par ua fer rouge. Cette électricité, qui se développe dans les muscles, est donc le produit des actions chimiques de la nutrition du muscle. Mais puisque cette électricité se forme dans les muscles sans être directement sous la dépendance du système nerveux , ce n’est pas elle qui est la force nerveuse, et cette force n’étant pas
l'électricité ne pourra influencer les instruments ordinaires avec lesquels on éprouve le fluide électrique.
Mais voici une expérience que le professeur Mat-ieucci appelle conti action par induction. Après avoir préparé une grenouille galvanoscopique (i), on en place le nerf sur l’une ou sur les deux cuisses d’une grenouille disposée à la manière ordinaire dans ces sortes d’expériences; alors, en excitant la moelle épinière ou les plexus lombaires, par une piqûre, par un courant électrique, on voit, quand les muscles se contractent, des secousses se produire dans la patte galvanoscopique.
En interposant entre le nerf de la patte galvanos-copique et les muscles de l’animal, une feuille d’or ou une légère couche de mica, le phénomène n a plus lieu. Le papier fin, imbibé d’eau, laisse passer le courant. Ce courant n’est point électrique; car, en entourant le nerf de la patte galvanoscopique de téré-
(t) Taillez le bassin d’une grenouille par le milieu, séparez avec soin toute la porlion musculaire de U cuisse, coupez un des plexus lombaires à «a sortie do la colonne vertébrale, et vous avez une jambe de grenouille, unie à son long filament nerveux. C’est la grenouille ainsi préparée que Matteucci appelle galvanoscopique. Pour s’en servir, on l’introduit dans tm tube de verre reoomert d’un vernis isolant, on lient ce tube, el 011 porie deux points du corps dont on étudie l’état électrique , en contact avec deux autres points du filament nerveux de la patte galvanoscopique. Si le corps ne touche pas aux muscles de la jambe , si celle-ci est bien isolée de la main, A est certain que la contraction éprouvée par cette patte est due è un courant engendré par le corps touché, et que le nerf ne fait que le conduire el mettre en évidence par la contraction de sou muscle, [fuyez Malleutcij leçons sur les Phénomènes physiologique! des corps vivants.)
benthine ou d’huile, corps isolants pour le fluide électrique, le phénomène a toujours lieu. La peau de la grenouille laisse la contraction se produire. Cette contraction n’est pas produite par une formation d’électricité par influence, puisque l’interposition du mica empêche ce phénomène.
Il faut donc conclure de ceci, avec le professeur Matteucci, que le fait de la contraction induite est le produit de cette force inconnue qui circule dans les nerfs.
Cette expérience de Matteucci est le premier jalon jeté dans la voie expérimentale de la physique du magnétisme. Sans doute on peut objecter que ce qui se passe dans la grenouille peut ne pas être pour l’homme; mais si les nerfs des animaux sont reconnus comme renfermant une force, un fluide particulier, certes, l’analogie doit faire admettre la même chose pour l’homme.
Mais en attendant d’autres travaux démonstratifs de la force nouvelle, établissons quelques raisonnements qui ont aussi leur logique de démonstration. L’idée, du reste, en revient encore au professeur dont je viens de citer le nom.
Quand on réfléchit â ce qui se passe dans l’homme à la suite d’une longue fatigue physique, ou d’un pénible travail intellectuel, on se demande s’il n’est pas évident que cet homme a perdu de lui-méme quel-que chose, comme la lampe qui après avoir brûlé un. certain temps, languit, et dont la lumière s’éteint s* l’on ne remet de l’huile? Or chez l’homme fatigué, il faut un arrêt de dépense de force, et, de plus, une réparation par le sommeil et par la nourriture. Et cette nourriture, que fait-elle autre chose si ce n’est d’apporter des aliments que la digestion décompose en sang et la respiration en chaleur? Et ce sang, et cette
chaleur ne sonl-ils pas les éléments sur lesquels le système nerveux agit par un mode d’action particulier? Et de cette élaboration chimique spéciale, ne résulte-t-il pas un agent, un fluide, une force analogue, mais non identique à l’électricité, que j’ai dit plus haut se former dans le système musculaire. J’ai donc eu raison de dire que le cerveau était une véritable glande qui élabore et secrète le fluide nerveux, comme le foie prépare la bile el les reins l’urine (i).
Dans l’homme comme dans l’animal de haute série* toutes les fonctions sont solidaires, et concourent à la vie. On trouve donc plusieurs moteurs dans la machine humaine, mais ici je n’ai pour tâche que d’étudier les impondérables, qui sont le dernier ter .ne de la production chimique et matérielle.
La respiration est la fonction qui est la première dons le travail producteur des forces vivifiantes. Le» opérations qui se passent dans l’appareil pulmonaire agissent sur des gaz, et ces agents faciles aujourd’hui & mesurer, à étudier, ont donné le dernier mot de cette importante fonction. En résumé, l'homme convertit et exhale en une heure 10 à i5 grammes de carbone à l'état d’acide carbonique; d’un autre côté, une machine à vapeur qui parcourt la même distance dans le même temps qu’un homme qui marche, dépense 33 fois plus de charbon que lui, en transportant le même poids, bien entendu, c’est-à-dire le poids propre de l’individu. Quel avantage en faveur de l’homme! C’est qu’il a, lui, à son service, d’autres forces que le produit de la combustion du carbone par la rcspiralion. Ces forces sont l’électricité musculaire et le fluide nerveux. L’électricité muscu-
(1) Voyez page 18 de ma Physiologie du Magnétisme, 2* édition.
laireest démontrée physiquement, le fluide nerveux l’est à posteriori y car nulle machine ne peut se mouvoir sans une force, et dans la machine humaine, vous ne trouvez comme force que l’électricité musculaire, qui ne forme pas de courants, et d’un autre côté les muscles ne se contractent plus sous la volonté , si vous coupez leurs nerfs principaux ; il faut donc qu’une force soit envoyée dans les muscles au moyen des nerfs , et cette force c’est le fluide nerveux1]
Pour corroborer ces considérations en faveur du fluide nerveux, je pourrais faire intervenir beaucoup d’expériences de physiologistes du plus grand mérite, mais j’arriverais à faire un volume, et il doit suffire de ce que je viens de dire pour montrer que le système nerveux est vraiment le réceptacle d’un fluide analogue, mais nullement identique à l’électricité.
Maintenant, l’homme peut-il émettre hors de lui cette force ; peut-il la diriger? Sa volonté, sa pensée modifient-elles les qualités de cet agent, ou lui im-priment-clles des propriétés diverses, selon les désirs ou les besoins? Questions d’un haut intérêt, sans doute, mais que je ne puis examiner ici. Il me paraît évident que l’homme peut étendre hors de lui son atmosphère nerveuse ou magnétique; je dis étendre, parce que chacun rayonne toujours plus ou moins activement sa vie, son principe nerveux, son influence magnétique. Les innombrables exemples de sympathie, d’enthousiasme, de bien-être, ou les sensations et sentiments contraires n’en sont-ils pas une preuve?
Nous voici donc arrivés à la magnétisation. Tous mes lecteurs connaissent les variétés que ce travail physiologique est susceptible de présenter. Ainsi il faut bien savoir que le» effets magnétiques, depuis
le plus simple effet nerveux jusqu’à l’extase , peuvent naître sans que le fluide magnétique d’aucun magnétiseur y ait pris part. Mille causes peuvent amener ces curieux phénomènes, et c’est là l’écueil où beaucoup d’auteurs ont échoué; les uns en attribuant tout à l’imagination, les autres à quelque circonstance maladive, d’autres encore à l’âme d’un acteur étranger, et d’autres enfin à quelqu’étre surhumain; tous alors reniant le fluide magnétique.
Je n’ai besoin que de prouver la réelle action du fluide magnétique dans le plus grand nombre des faits de la magnétisation volontaire; je laisse de côté les autres causes : j’en ai parlé dans mon dernier Irai té.
Quelle est donc la cause de cetle torpeur qui envahit graduellement le magnétisé, si ce n’est un agent qui s’insinue dans ses nerfs? Celte torpeur qui arrive quelquefois jusqu’à l’insensibilité, ne prouve-t-elle pas un fluide, comme l’insensibilité déterminée par la respiralion du chloroforme démontre une saturation du système nerveux par cet agent puissant? Et les admirables expériences du Dr Esdaile, de Calcutta, démontrent péremptoirement le rôle que joue le fluide magnétique dans la magnétisation volontaire. En effet, un magnétiseur, deux, trois, engourdissent tel ou tel malade; un quatrième survient, on prolonge la magnétisation pendant trois ou quatre heures, et l’insensibilité est obtenue. Certes, n’est-ce pas ainsi que procèdent les impondérables dans leur action de condensation, d’accumulation de saturation?
Mon confrère Ordinaire objecte que s’il y a un fluide, ce fluide devrait endormir demain comme aujourd’hui, tandis qu’on voit des sujets rester insensibles à l’action qui la veille les a endormis.
Il faut diviser les genres de phénomènes, et savoir que la volonté el l’imagination du magnétisé ont sur lui-même une puissance étonnante. Or, si celui que vous avez endormi hier se met dans la tête que vous ne réussirez pas aujourd’hui, assurément vous échouerez ; mais je nie que cet échec persiste sous l’action prolongée, ou, s’il le fallait, sous une triple action. Dans ce cas, l’organisme saturé, sursaturé de fluide magnétique, finit par perdre l’influence de sa propre spontanéité : la volonté s’éteint. J’ai fait ces expériences, et le sujet succombait fatigué horriblement, faisant ce jour là un très-mauvais somnambule, quelquefois perdant sa clairvoyance.
Je ne ferai pas intervenir dans la question du fluide magnétique les déclarations des somnambules, parce que l’on peut objecter avec raison que, très-souvent, leurs paroles sont le reflet des idées du magnétiseur. Les expériences que l’on a faites, et que l’on pourrait faire relativement au fluide vu et décrit par les somnambules, demandent à être conduites avec une délicatesse extrême, pour qu’on ne soit pas abusé, malgré toute la bonne foi du sujet.
Les effets nerveux les plus simples, tels que les secousses partielles ou générales du corps, les maux de tête sous la charge d’une magnétisation localisée, les attractions des membres, les dégrés de sommeil, tous ces phénomènes purement physiques démontrent Faction d’un agent.
Mais, me dira-t-on, quel rapport existe-t-il entre votre fluide et les phénomènes du somnambulisme, tels que la vision lointaine, la vision médicinale, la prévision, l’exlase, la magnétisation A distance, el tant d’autres merveilles? Quel rapport? Je n’ai-pas à m’en occuper icij ce que j’ai voulu prouver, c’est
l’existcncc du fluide dans le système nerveux , c’est son influence réelle dans la magnétisation ; ces deux parties de la question discutée par mes honorables confrères Ordinaire et Perrier, je les crois résolues, et je les regarde comme la base de la doctrine du magnétisme mesmérien.
I)' CHARPIGNON.
Tous les magnétistes sérieux suivent avec un vif intérêt la polémique qui s’est élevée entre MM. Perrier et Ordinaire, sur la nature de l’agent magnétique, et sur le rôle qu’il joue dans tels ou tels phénomènes.
La question est trop ardue pour qu’on la puisse résoudre de parti pris ; elle veut être examinée par la méthode éclectique, et, sous ce rapport, les deux savants contradicteurs sont déjà entrés dans la bonne voie. Encore quelques excursions amiables dans ce tranquille el vaste domaine, et l’accord se complétera; car, après tout, il s’agit beaucoup moins de la chose en elle-même que du nom à lui donner.
Pour ma part, j'aime à me laisser séduire par le spiritualisme du Dr Ordinaire, et convaincre parle rationalisme du Dr Perrier. Ce sont là, non deux systèmes différents, mais deux parties d'une même synthèse. De leur rapprochement devra jaillir la lumière t de leur agrégation nnîtra la vérité.
Quoi qu’il en soit, humble manœuvre dans le grand labeur qui tend à édifier le nouveau temple de la science humaine, je ne saurais formuler un jugement sur l’important sujet dont s’occupent nos maîtres. Ma tâche doit se borner à l’apport de quelques matériaux, afin qu’ils en disposent selon leur sagesse.
Yoici des faits qui n’ont rien de neuf ni de saillant»
mais je les choisis de préférence à d’autres , comme pouvant indiquer la trace de cet agent subtil et mystérieux que l’on nomme tour à lotir fluide magnétique, esprit vital, essence animique, etc. Ces faits ont été observés l’année dernière sur le jeune Gustave M***, élève au lycée Sainl-T.ouis, dont beaucoup d’habitués des séances dominicales de M. du Potet connaissent l’extrême sensibilité physique. J’appuie sur ce dernier mot; car mon sujet n’a jamais éprouvé ni sommeil, ni hallucinations, ni rien enfin de ce qui ressemble de près ou de loin au somnambulisme magnétique. Dans tout ce qui va suivre, il s’agira donc d’un individu parfaitement éveillé, c’est-à-dire conservant la plénitude de ses facultés.
Sans magnétisation manuelle, par le seul effet d’une volonté fortement concentrée, j’ai fréquemment influencé mon sujet à son insu ; tantôt l’attirant et le collant à la muraille derrière laquelle je me tenais caché, tantôt l’obligeant à porter ses regards ou ses pas dans une direction déterminée par mon ordre mental. Dans tout ceci il ne pouvait y avoir transmission de pensée, suivant le sens puységurique du mot; car, je le répète , Gustave n’est pas le moindrement somnambule, et tels efforts de volition que j’aie pu faire, je ne suis jamais parvenu à lui arracher un mot de réponse aux questions que je lui adressais par la pensée. Donc, mon vouloir n’avait aucun accès dans son esprit.
Pour obliger Gustave à regarder un objet quelconque, je n’avais qu’à regarder moi-même cet objet pendant une minute ou deux (toujours, bien entendu, sans que le jeune homme pût s’apercevoir de mon action). Un tressaillement marqué du sujet m’annonçait que l’ordre allait être exécuté. En effet, ses yeux
se tournaient bientôt vers le point où s’était projeté ma pensée, et s’y fixaient avec une ténacité que bien souvent j’avais de la peine à faire cesser. Si j’interrogeais le collégien sur ce qu’il éprouvait, sa réponse, à la forme près, était invariablement celle-ci : « 11 y a là quelque chose de brillant qui me fascine et m’éblouit. »
Un soir, Gustave lisait un roman qui semblait l’intéresser beaucoup; on l’appelle pour dîner : il laisse le livre ouvert sur une cheminée, et passe dans la salle à manger. Avant de le suivre , je pose ma main sur la feuille étalée, en voulant qu’à son retour le jeune homme ne puisse pas lire. Après le repas, Gustave va reprendre son livre; mais à peine l’a t-il entre les mains, qu’il tremble de tous scs membres, ses doigts se crispent, ses paupières clignottent convulsivement; puis le calme renaît par degrés, et mon lycéen, le regard attaché à la page fascinatrice, reste comme pétrifié jusqu’au moment où je le dégage. Excellent moyen pour empêcher un adolescent de lire de mauvais livres.
Dans ce phénomène, le sujet n’a fait que traduire l’acte de ma volonté magnétique. Du reste, cet acte une fois formulé, ma pensée demeurait passive jusqu’au dénouement.
Voici d’ailleurs un fait où la volonté a été purement mécanique , c’est-à-dire sans qu’il y ait eu intention de produire un effet déterminé. Un jour que Gustave regardait par une fenêtre les promeneurs du boule-vart, je m’avisai de magnétiser mentalement la casquette dont j’étais couvert, puis je la jetai négligemment sur un fauteuil placé au fond de la chambre, à quatre mètres de la croisée. Au bout de quelques secondes, la vibration habituelle se manifeste dans
les membres du collégien. Son corps opère une demi-conversion en pivotant par petites saccades, et ses pieds , serrés l’un contre l’autre , glissent lentement sur le parquet, en suivant une ligne directe vers le point où la casquette est posée.
« Où allez-vous, Gustave?
— Je me sens attiré de ce côté. »
Et son doigt désigne le fauteuil.
Enfin , arrivé au terme du trajet, le jeune homme frissonne de plus en plus ; sou dos se voûte avec effort, et, après plusieurs légères oscillations de haut en bas, sa tête tombe brusquement sur la casquette contre laquelle elle semble comme soudée.
Dans cette expérience, je n’avais qu’un but : influencer le sujet d’une manière quelconque. Restée neutre après l’acte magnétique préalable, ma volonté n’avait donc été pour rien dans les circonstances du phénomène produit.
Quelquefois aussi certains faits ont eu lieu d’une manière spontanée.
Exemple: ;oii •>
Un matin, Gustave était assis sur un canapé. Debout derrière lui, et mes mains appuyées machinalement contre le dossier du meuble, ma pensée avait obligé le jeune homme à fixer successivement sa vue sur divers objets. Je cessai bientôt ce jeu , et, de la journée, il ne fut plus question de magnétisme. Le collégien sortit vers midi, et ne rentra qu’à cinq heures du soir. Je causais avec un ami, lorsqu’un de mes enfants vint me dire que Gustave était tout drôle. J’accourus, et compris bien vite de quoi il s’agissait : le pauvre garçon s’était malencontreusement assis à la place même qu'il avait occupée le matin, et venait de s’engluer au dossier du canapé, en happant le
principe brut que nies mains y avaient involontairement déposé, tandis que mon esprit accomplissait un acte magnétique. L'adhérence était si forte, que le patient ne pouvait plus faire un mouvement de la tête et du dos; seulement, ses bras et ses jambes se tendaient avec effort, comme pour rompre l’invisible carcan. Quelques passes firent cesser le charme.
Avis. 11 faut toujours démagnétiser le siège où l’on a opéré sur un sujet d’une grande sensibilité physique; car celui-ci ou un autre pourrait s’y prendre en l’absence du magnétiseur.
Je vais clore celle série de faits en rapportant quelques phénomènes d’attraction dans lesquels l’agent magnétique humain se comporte â la manière des aimants.
ÂUraclion verticale. Je pose ma main à plat sur le parquet, avec une intention purement magnétique. Je place mon collégien debout sur ce point. Presque aussitôt, un léger tremblement des jambes m’annonce que l’effet se produit. Alors , je commande verbalement au jeune homme de marcher; mais ses pieds cloués au parquet ne peuvent s’en détacher, malgré les plus violents efforts.
Attraction horizontale. Je promène ma main en ligne droite sur le parquet. Je fais placer le sujet au point de départ : bientôt, si vive que soit sa résistance, il est obligé de glisser jusqu'au bout de la ligne. Si, au contraire, il essaie de remonter celle ligne, le courant imprimé au fluide le repousse avec force.
Attraction divergente. Mon sujet élant debout, je simule une ligne en avant, parlant de la pointe d’un pied , et une ligne en arrière, partant du talon de l’autre pied. Presque immédiatement, les jambes obéissant à l'impulsion du double courant, s’écartent
en manière de compas ouvert, avec une soudaineté parfois effrayante et dangereuse.
Attraction circulaire. Je trace un cercle avec la main, toujours sans intention arrêtée. Le sujet est placé au centre. Bientôt le haut du corps ondule doucement dans le sens du tracé invisible; mais ce mouvement s’accélère et s’agrandit de plus en plus, au point que mon collégien finirait par être violemment renversé, si je ne l’entraînais hors du cercle, acte que je n’accomplis qu’avec difficulté; car les pieds du sujet, en vertu de la force centripète, tendent obstinément à revenir dans le rond magique.
Si je place le jeune homme en un point plus voisin du bord que du centre, le mouvement ondulatoire ne se produit plus ; mais le sujet attiré à la circonférence est forcé d’accomplir sa révolution tout autour, en glissant dans le sens du courant magnétique. Essayer d’aller contre ce courant ou de lui résister, et tenter de s’échapper par la tangente, est toujours peine perdue.
J’ai fréquemment renouvelé, en les variant, les expériences de ce genre, et toutes m’ont offert des résultats aussi réguliers qu’intéressants.
Ainsi, quand je disais à Gustave de sortir du cercle, ma volonté d’ailleurs restant passive, on voyait le jeune homme se tourner dans tous les sens, en tâchant de s'élancer au-delà du tracé circulaire; mais tous les efforts demeuraient vains, car la barrière était infranchissable, au moins pendant un certain temps.
Si, au contraire, le sujet était hors du cercle, et que je l’engageasse à y eutrer, il s’épuisait également en tentatives inutiles. Quelquefois il levait une jambe el la portait au-dessus du centre, en essayant d’y poser le pied; mais aussitôt la force centrifuge le chassait
vivement ou le contraignait d’enjamber le cercle d’un bord externe à l’autre.
De tout ceci résulte pour moi la preuve bien manifeste que, dans les phénomènes purement physiques, l’agent magnétique humain est soumis à des lois analogues à celles des fluides impondérables, et spécialement aux lois du magnétisme minéral, en ce qui concerne les effets d’attraction. Un courant étant imprimé magnétiquement, mais sans volonté de produire tel ou tel eflêt, l’attraction a lieu immuablement dans le sens du courant; de même, la répulsion se détermine dans le sens opposé. D'où il suit que toute projection magnéto-physique réunit la double propriété positive et négative. C’est là, du reste, une vérité tellement familière aux nombreux disciples de notre bien-aimé maître, M. du Potet, qu’il y a une sorte de vulgarité à la rappeler.
Partant de ce principe, il ne semble pas impossible d’obtenir la suspension au-dessus du sol d’un individu doué d’une extrême sensibilité physique. Il suffirait pour cela que la force attractive mise enjeu fût plus grande que la résistance inhérente au poids du corps à soulever. Plusieurs robustes magnétiseurs placés circulairement sur un plan plus élevé que le magnétisé, arriveraient peut-être à produire ce colossal phénomène, au suprême ébahissement de MM. de l’Académie, qui, pour le coup, seraient bien forcés de se rendre à l’évidence. Ainsi soit-il !
__R. BAÜUUT.
A Monsieur le baron du Potet de Sennevoy.
Mon cher maître,
J’ai été vivement intéressé par la polémique enga-
géc entre les Dr‘ Ordinaire et Perrier, sur l'existence ou la non-existence du fluide magnétique. Si le magnétisme avait de nombreux défenseurs de cette portée, il ferait des pas de géant. Quels rudes joûteursL Ils sont égaux en logique, en style, en science, en bonne foi et en convenances. Je n’ai pas la présomption de pronoucer entre ces deux rudes athlètes, mais, je me permettrai de vous soumettre timidement quelques réflexions, dont je vous laisse le soin d’apprécier la valeur.
Le Dr Ordinaire s’appuie, pour nier l’existence du fluide magnétique, sur la déclaration de quelques somnambules qui prétendent que l’âme a la puissance de s’élever jusqu’aux êtres supérieurs, sans le secours d'un prétendu fluide. Ces extatiques sont donc naturels et non magnétiques? Mais comment arrivent-ils à l’extase, si ce n’est pas par le fluide non du magnétiseur, mais ambiant dans l’univers? parla puissance que l’âme possède en elle-même? Mais il faut, pour exercer cette puissance, la faire précéder d’une chose indispensable, la volonté. Or, tous les magnétiseurs fluidistes ont des faits innombrables qui leur ont prouvé que les passes étaient inutiles pour l’émission du fluide auquel ils croient, et que la volonté suffisait. Je ne pense pas que la déclaration de ces extatiques mérite assez de confiance pour en conclure la négation d’un fluide magnétique; d’après eux, ils auraient la puissance d’arriver à l’extase à volonté, et l’expérience m’a prouvé que tous les somnambules qui avaient cette prétention, provoquée par un sentiment d’amour-propre, qui les poussait à vouloir secouer le joug de leur magnétiseur, tombaient dans de grossières erreurs, et finissaient par perdre leur lucidité.
Le D' Perrier apporte pour preuve de l’existence d’un fluide magnétique, l’attestation de la généralité des somnambules, el la note si précise de l’abbé Al-mignana , dont l’honorable caractère doit inspirer toute confiance. On pourrait objecter à MM. Perrier et Almignana, et je serais le premier à le faire, qu’on ne peut ajouter foi à la déclaration d’un somnambule, lorsqu’on le provoque. Toute expérience implique une idée fixe chez le magnétiseur, et tout le monde sait que le somnambule reflète, comme un miroir, les pensées de son magnétiseur. Je ne dis pas que l’on ne puisse obtenir la vérité par des expériences , cela dépend du plus ou moins d’habileté du magnétiseur ; mais il suffit de la possibilité d’être trompé, pour être autorisé, dans une discussion où l’on cherche de bonne foi la vérité de pari et d’autre, à rejeter toute preuve douteuse.
Mais que dire de semblables déclarations faites instantanément et spontanément? J’aurais une foule d’exemples à vous citer : je me bornerai à deux.
Tout entier aux soins qu’exigeait la santé d’une somnambule, et, certes, bien loin de penser à l’existence du fluide magnétique, pendant que ma tête était penchée sur sa poitrine, où je faisais des insufflations, elle s’écria : « Oh, mon Dieul quel magnifique spectacle ! Yotre tête ressemble à une gerbe de feu; chaque cheveu forme comme un rayon de soleil! »
Une autre somnambule , dont l’infaillibilité, pendant dix traitements, m’a forcé à croire à sa parole comme à la parole de Dieu, pendant que j’examinais attentivement si l’on écrivait fidèlement ses discours (certes alors mon esprit était bien loin de penser au fluide magnétique), me dit : a Mais prenez garde,
monsieur, vous allez vous brûler ! Ah, les belles étoiles qui s’échappent de votre corps!.... Ah! le danger esl passé; elles remontent vers le ciel! »
Qu’étaient ces gerbes de feu , ces étoiles brillantes, si ce n’était pas du fluide magnétique ? Que le Dr Ordinaire ait la bonté de nous le dire. Je ne prétends point que ce soit rigoureusement concluant, mais entre deux propositions qui, à défaut de démonstrations mathématiques, sont réduites à s’appuyer sur des témoignages, je penche pour celle qui présente les plus nombreux , jusqu’à preuve évidente du contraire. Il y aurait bien d’autres preuves à donner en faveur de l’existence du magnétisme, mais cela dépasserait les limites d’une lettre, que vous trouverez peut-être déjà trop longue. Je compte sur votre indulgence et votre amitié pour le pardon de mon bavardage.
J. OLIVIER.
Toulouse, 9 septembre 1850.
A M. le Président de la Soeiêlé du Mesmérisme de Paris.
Monsieur,
Dévoué de toute mon âme à la cause du magnétisme, je trouve que l’on ne peut assez donner de publicité aux faits merveilleux de cette science, encore ignorée par les uns, repoussée par les autres, et désavouée par ceux qui devraient, les premiers, la répandre dans la famille.
Dans l’intérêt de la vérité que nous défendons tous, je prends la liberté de vous écrire cette lettre pour vous faire connaître ce qui m’est arrivé dans une magnétisation faite sur un de mes amis incrédule.
Dans une conversation avec M. Jacobs, honorable
négociant de Londres , j’eus occasion de parler des phénomènes remarquables que j’avais rencontrés dans l’application du mesmérisme; il ne voulut pas y croire, et demanda à s’assurer par lui-même de ce qu’il y avait de fondé dans mes récits.
« Faites-vous magnétiser, lui dis-je alors. »
Ce qui fut dit fut fait.
Debout, en face de lui, venant à peine d’avoir la volonté d’agir, je vois que déjà il pleure, pâlit, allonge la figure et tourne de l’œil. Je veux arrêter l’action, mais il est trop lard, son corps est devenu raide comme un cadavre.
Je pus dans cette circonstance, faire une singulière remarque, dont l’occasion ne s’était jamais présentée à moi.
Voyant mon ami dans un état qui inquiétait les personnes présentes à cette scène, je cherchais à le calmer ; car il venait de se déclarer aussi quelques désordres nerveux. J’appelais en vain, avec toute la force de mon âme, le calme à mon secours; mes efforts restèrent impuissants pendant au moins une heure, et ce n’est qu’au bout de ce temps que M. Jacobs reprit connaissance, quand j’eus cessé de le démagnétiser, voyant, quau lieu de détruire l’effet, mon action ne faisait que l'augmenter en dehors de ma volonté. J’étais en nage, et cependant je n’avais fait aucun effort, ni en magnétisant ni en démagnétisant; mon esprit était calme, sachant que de semblables accidents n’avaient rien d’inquiétant, et je sentais s’échapper de tous mes pores comme des bouffées de chaleur. 11 me semblait, selon l’expression de M. du Pol«t, dans l’exposé d’un cas pareil, que « toutes les * effluves magnétiques venaient de s’ouvrir une issue en moi. »
Revenu à lui, M. Jacobs alla à la fenêtre prendre l’air; car, lui aussi était en nage. Ne voulant pas l’y laisser seul, je m’approchai; mais j’étais à peine à sa portée, que, les courants s’étant rétablis entre nous, il retomba sur le parquet comme une masse inerte, dans le même état qu’auparavant.
Cette fois je m’efforçai, encore en vain , de le calmer; je n’y parvins qu’en me rappelant un moyen indiqué par le Dr Esdaile : l’eau froide , avec laquelle je lui aspergeai la figure.
Le lendemain, je reneontrai M. Jacobs dans une maison; il se mit à rire en me voyant. « Eh bien ! monsieur le magnétiseur, monsieur le sorcier, voulez-vous recommencer? me dit-il. —• Non, mon cher, lui répondis-je; Dieu m’en garde; car vous m’avez courbaturé hier, d’une singulière manière , sans le vouloir et sans le savoir; » et, en effet, si l’on m’avait roué de coups, je n’aurais pas été plus fatigué, plus souffrant. Je m’approchai de lui pour lui tendre la main, mais je ne touchai plus qu'une main froide et raide : il venait de retomber dans son état ca-taleptiforme de la veille , rien qu’à mon approche. L’eau fut encore, cette fois, le remède le plus prompt. Depuis, nous n’eûmes qu’à nous éviter mutuellement pendant quelque temps.
Cependant, monsieur le Président, je dois vous dire qu'il venait de s’opérer un grand changement en M. Jacobs; d’incrédule qu’il était hier, il est aujourd’hui un des plus chauds partisans du magnétisme.
Je vous demande pardon de vous entretenir aussi longuement d'un fait peut être ordinaire pour vous , mais qui m’a paru prodigieux et surtout bien con-
cluant en faveur du fluide , dont l’existence est actuellement en question.
Recevez, monsieur le Président, l’expression de ma haute considération et de mon entier dévoue-Dieul.
___ Jérôme FRANCK.
On lit dans la l'ribune lyonnaise :
Grâce au concours d’hommes éclairés et convaincus, le magnétisme arrive à cet état de certitude où l’enseignement cesse d’être un arcane, une étude philosophique, pour devenir professionnel et dogmatique. Dans un temps plus rapproché qu’on ne pense, le magnétisme aura conquis sa place, et des chaires avouées par l’Université viendront faire concurrence aux autres chaires publiques. Les facultés de médecine ouvriront leur sein à cette doctrine, qui aura ses divisions cliniques, pathologiques, etc.
Ce beau résultat sera dû aux efforts persévérants de quelques hommes qui n'ont pas craint d’affronter les préjugés. En tête de ces hommes d’élite, et après avoir placé le premier de tous, le citoyen du Potet, nous mettrons le Dr Charpignon, d’Orléans, et le Dr Ordinaire, de Mâcon. Les événements ont forcé ce dernier à transporter ses pénates à Genève, où son nom et son talent l’ont fait accueillir avec enthousiasme. C’est une perte pour la France, heureusement que l’humanité n’y perd rien : la science est cosmopolite, et c’est de Genève que le Dr Ordinaire adresse au Journal du Magnétisme ses précieuses observations.
line polémique s’est élevée entre les citoyens Ordinaire et Perrier, au sujet de la médecine magnétique; nous croyons devoir en présenter le résumé à ceux qui ne lisent pas le Journal du Magnétisme.
La question déb^tue entre ces deux médecins est de savoir si le magnétisme s'opère par l'acte matériel d’une émission de fluide, ou si le fluide n’est qu’une émanation vitale mise en jeu spirituellement par la volonté. C’est encore, on le voit, la question du spiritualisme et du matérialisme transportée sur un autre terrain.
Le Dr Ordinaire, et, à notre avis, il a raison, se prononce pour le magnétisme spirituel ; nous ne pouvons mieux faire que de citer le dernier paragraphe de sa lettre :
« J’aime, dit-il, à quitter cette terre de matéria-« lisme et d’égoïsme, pour entrer dans le monde de « la vérité et du dévouement. J’aime à croire avec mes « crisiaques, que le magnétisme est tout divin; qu’il « a présidé à l'origine de toutes les religions ; qu’il « est la source des révolutions et la cause de tout « progrès; qu’il est appelé, aidé par la liberté, à re-« nover notre pauvre société qui s’écroule. »
Nous applaudissons d’autant plus à ces paroles, qu’émanées d’un homme compétent, elles sont la confirmation de ce que nous n’avons fait qu’indiquer dans une note de 1 ’Aslréolégie (voy. des Causes du malaise social, page 10), ainsi conçue :
« La volonté humaine est comme l’élincelle électrique qui se propage de proche en proche; elle est l’agent magnétique dont la Providence se sert pour accomplir ses desseins, et c’est pourquoi les réunions nombreuses sont utiles, parce qu’elles donnent à la volonté humaine un foyer où se concentre le feu divin , et d’où parlent des rayons lumineux. Aussi, a-t-on dit avec raison que les hommes réunis s’élec-trisaient ; c’est encore de là que vient ce qu’on appelle l’opinion publique : elle est le résultat des volontés
particulières , lesquelles, s’agglomérant, produisent une force d’expansion telle, que rien n’y résiste. 11 est donc utile, et chaque homme a cette mission, il est utile d’avoir la volonté du progrès, cl de faire acte public de cette volonté; ce fait seul, par un mystère métaphysique, sert de véhicule au progrès. »
Nous nous proposons de revenir sur celte thèse dans la troisième partie de YAstréolégie , que nous publierons incessamment, et nous espérons démontrer que l’opinion publiqup est tout simplement le résultat de la force magnétique formée par le concours des volontés particulières, ce qui rendra raison, mieux que tous les discours, du succès ou de l’insuccès des commotions populaires. Nous y trouverons la solution pourquoi telle de ces commotions réussit dans des conditions bien inférieures à celles où d’autres commotions ne réussissent pas. Bon gré , malgré, il faudra bien que le scepticisme s’avoue vaincu, et que l’humanité comprenne qu’elle est régie par la Providence divine. Oui, la Providence de Dieu gouverne, par des lois fatales, les hommes et les peuples pris collectivement, tout en laissant le libre arbitre aux hommes et aux peuples pris individuellement. Un peu de philosophie, a dit Bacon, nous éloigne de la religion, beaucoup nous y ramène. On en dira bientôt autant du magnétisme ; un peu de science en éloigne, beaucoup y ramène.
Mabjus C1IA.STALNG.
VARIÉTÉS.
Saint-Barthélemy magnétique (Suite). — Nos lecteurs connaissent déjà l'issue du procès intenté en niasse aux somnambules publiques de Paris ; il importe que nous les mettions au courant des incidents qui ont précédé et suivi celle malencontreuse affaire. Voici le titre et la teneur d’un document destiné à rendre les magnétistes solidaires , c’est-à-dire à faire partager à tous la responsabilité des actes reprochés à quelques-uns. 11 n’a pas moins de pag. in-8°. Nous le reproduisons entièrement, avec de simples notes, les commentaires devant venir après.
- APPEL DE L’UNION PROTECTICE A TOUS LES PARTISANS ET AMIS DU MAGNÉTISME. Protestation en faveur de la libre manifestation des croyances el de la libre application de la science de Mesmer ; Rapport collectif et officiel de la Commission, pour servir à la défense do Somnambulisme. Deuxième édition. Paris, 1e' août 1830. Prix : 25 e. — Vendu au profit de la propagande.
AVERTISSEMENT.
« La première édition de cet aitel (i) improvisé en une nuit et imprimé en quatre heures, fut tirée à 2,000 exempl. et épuisée en trois jours. Cette seconde édition a été revue, corrigée des inexacliludes légères qui avaient pu se glisser dans un travail aussi précipité, et augmentée des renseignements relatifs aux
(1) Huit pages in-8 , datée du 25 juillet, se vendant 10 cent., sans indication de l’emploi du produit.
fails accomplis dans l’intervalle de la première publication et de la seconde.
« Nous l’avons fail suivre, en outre, de quelques-unes des adhésions qui nous sont parvenues dans ce court espace de temps, et d’un Appendice contenant les dernières informations que nous avons recueillies durant le travail de la réimpression.
APPEL
A
TOUS ZiXS PARTISANS ET AMIS DU MAGNÉTISME.
« Malgré de puissants ennemis, malgré de nombreuses difficultés, malgré des procès incessants, malgré tout enfin, le magnétisme, depuis un demi-siècle , a fait d’incomparables progrès. Il compte aujourd’hui d’innombujibles partisans : dans le peuple, par les habitudes prises et les services rendus; dans la presse, la littérature et le ihéâtre, où bientôt aucune voix ne lui sera plus hostile, où la presque unanimité lui est déjà favorable; dans le corps médical, qui a depuis longtemps abandonné la lutte et dont quantité de ses membres le pratiquent ouvertement ou secrètement; dans le monde savant, conquis à peu près sans exception ; dans la magistrature, éclairée par l’authenticité des enquêtes; dans le clergé, le proclamant après lentes et mûres méditations, du haut de la chaire évangélique, etc.
« Il y a tant de faits à énumérer comme preuves de son existence ! lois de maints gouvernements impuissantes à en empêcher la production ; enquêtes et décisions favorables d’académies, de congrès et de sociétés savantes; arrêts de la cour suprême;m illiers de livres spéciaux; journaux sans nombre; universa-
lités historiques; autorités religieuses; conquêtes et progrès des sciences; hauts patronages, etc. : tous les éléments de la démonstration et de la certitude faisant préjuger plus que la réalité , l'indispensable existence de celle vérité éternelle de la subalternisation du physique au moral, autrement dire du magnétisme.
« Le R. P. Lacordaire a dit dans une de ses conférences à Notre-Dame : « Le magnétisme est une par-« celle brisée d’un grand palais ; c’est le dernier rayon « de la puissance adamique, destinée à confondre la « raison humaine et à l’humilier devant Dieu : c’est « un phénomène qui appartient à l’ordre prophéti-« que. Plongé dans un sommeil factice, l’homme voit « à travers les corps opaques à distance ; il indique « des remèdes propres à soulager et même à guérir les « maladies du corps, etc. » El ces paroles furent confirmées en ces termes par S E. Monseigneur l’archevêque de Paris , qui s’adressait aux fidèles assemblés: « Mes frères, c’est Dieu qui parle par la bouche de « l’illustre dominicain. Allez, et répandez ces vérités. »
« Cependant, on poursuit à outrance aujourd'hui les personnes qui s’occupent de cette science. Dix. somnambules, à la fois, étaient citées à l’audience du 18 juillet dernier, pour contravention à l’art. 479» § 7, du Code pénal, qui défend de « pronostiquer, « deviner et d’annoncer l’avenir, » et quatorze (i) affaires semblables se présententà l’audience de ce jour, devant le tribunal de police municipale ; des visites domiciliaires, des perquisitions minutieuses ont été faites chez la plupart de ces personnes, du a5 au 3o juillet; on leur a saisi papiers, livres, correspon-
(1) Ce sont les mêmes, remises, ainsi qu’on va le voir ci-après.
dances , etc. ; l’une d’elles a reçu (rois assignations le même jour.
« Après la simple police viendra la police correctionnelle , lorsque l’instruction relative à toutes ces saisies aura suivi sa marche naturelle; et alors somnambules, magnétiseurs, médecins et pharmaciens, voire même h s malades, se trouveront en même temps compromis en complicité pour les avoir entendues, aidées, assistées, appelées, etc.
« Au milieu du dix-neuvièmesiècle, on fait un grand procès à la divine science ressuscitée par Mesmer, dont les disciples se sont répandus partout, et en ont fait partout bénir les bienfaits, en l’appliquant, comme agent thérapeutique, à la guérison des maladies ( i). Le Christ a dit : « Celui qui croit en moi fera iui-même a les œuvres que je fais, et en fera encobe de plus gran-« des. » (Évang. selon S. Jean, ch. xiv, verset 12.)
« Les poursuites intentées en ce moment sont basées sur des textes rédigés dans un autre siècle, sous l’empire de croyances superstitieuses que le temps a séparées de la foi légitime; à une époque où le magnétisme était à peine connu de nom par un petit nombre d’hommes épars, et où les prodiges du somnambulisme lucide étaient complètement ignorés; où l’on attribuait à la puissance de l’enfer tout phénomène que ne savait pas expliquer la science humaine , si peu éclairée encore sur tant de phénomènes naturels.
« Ces textes disposent (2) :
« A la vérité, ces dispositions rigoureuses sont, jusqu’ici, restées le plus ordinairement sans appli-
(1) Tel n’est pas là l’objet des poursuites actuelles-
(2) Suit la transcription des art. 40,'i, 479, 480 et 481 du Code pénal, et les 35 et 3G do la loi du 19 ventôse an XI.
cation par rapport aux faits qui sont du domaine de la psychologie, du mysticisme, du magnétisme et du somnambulisme; les sciences religieuses et spiritua-listes ont vécu sans être beaucoup inquiétées par la justice, malgré le grand nombre des phénomènes rendus publics. Mais, avec la menace d’un tel usage des lois, alors que l’interprétation se prête d’une façon si élastique aux volontés de la pensée incriminante, on pourrait atteindre tout un ordre de faits qui constituent le progrès social, scientifique et intellectuel. Et s’il était possible que les découvertes surnaturelles, que le monde spirituel, que le côté dogmatique, que le progrès des sciences, que le perfectionnement de l’art médical, etc. , s’il était possible que tout cela tombât sous le coup de pénalités correctionnelles ; si ces textes pouvaient recevoir une telle destination , il est évident que leur révision immédiate serait commandée par les progrès de la civilisation, par l’amélioration introduite dans nos mœurs, par les conquêtes de la science dont les lumières ont éclairé nos croyances , enfin , par cent raisons diverses ; car Le Code serait un dédale inextricable de trappes, de pièges et d’affûts dans lequel on ne pourrait faire un pas sans le plus grand danger.
« En ce qui touche au magnétisme et au somnambulisme, avec la possibilité de pareilles applications de la loi, quiconque, par ses actes, ses gestes , ses paroles, ses écrits, son adhésion, ses encouragements, etc., aurait concouru aux infractions ci-dessus énoncées, serait englobé de fait, soit comme fauteur, soit comme, perpétrateur ou complice, dans des poursuites analogues à celles qui sont commencées.
« En présence de ces poursuites, dont eut con-
14*
naissance l’un d’entre nous le 17 juillet à onze heures, quel parti fallait-il prendre?
« Sentinelle avancée pour la défense du magnétisme, que devait-il faire en cette occurrence '!1 11 crut alors qu’il était de son devoir d’éveiller l’attention publique en jetant un premier cri d’alarme. 11 se mit donc à l’œuvre aussitôt, et le même jour, 17 juillet, la circulaire suivante fut rédigée, imprimée et distribuée, dans Paris, à toutes les personnes que le magnétisme doit intéresser plus particulièrement, et dont il put se procurer instantanément les adresses :
Monsieur,
Des poursuites sont, en ce moment, dirigées d’office, par le parquet de Paris, contre un certain nombre de magnétiseurs et de somnambules; et bientôt, sans doute, les parquets de province suivront la même voie, si nul obstacle ne s’oppose aux prétentions exorbitantes, ridicules aujourd’hui, des lois surannées dont on veut ressusciter l’application.
Le magnétisme, luttant sans cesse contre des détracteurs nombreui et puissants, s’est acquis, dans ces dernières années, trop de prosélytes pour succomber maintenant sous les coups répétés que lui porient, dans l’ombre, ses véritables, ses mortels ennemis. La vérité appartient à tous. Les facultés que la Providence nous a départies (quoiqu'un grand nombre s’obstinent à les méconnaître), il ne dépend point des hommes d’empêcher qu’elles se révèlent par des phénomènes naturels ; et prétendre en interdire la production, c’est vouloir élever, contre la Nature, un droit impie ; c’est vouloir ouvrir une lutte impossible à soutenir.
Non, la foi nouvelle ne peut tomber, quoi qu’on fasse pour en empêcher la propagation. Que tous ses apôtres s’unissent et se concertent pour en défendre le libre exercice, et ils triompheront des profanes persécutions auxquelles elle est en butte. Mais il est temps que toutes les personnes qui s’intéressent à la science, magnétistes et magnétiseurs, praticiens et amateurs, somnambules et adeptes du magnétisme, à quelque titre que ce soit, il est temps, il est urgent que tous se rapprochent pour s’entendre sur le meilleur parti à prendre, dans le but de conjurer le danger commun.
On fait au somnambule aujourd'hui, on fera demain au magnétisme des procès d’intimidation el de tendance ; unissons-nous dans une pensée commune, formons une alliance défensive, et bientôt mille influences viendront annihiler les efforts de nos adversaires et les rejeter à cent lieues du but qu’ils poursuivent. Les persécutions n’ont jamais servi qu’à grandir les croyances :
les martyrs ont fait des milliers de catholiques, et les massacres d’Alby des milliers de protestants. 11 en sera de même du magnétisme, si les hommes fermes et convaincus savent opposer l’énergie de leur caractère et de leur conviction aux obstacles de toute nature que pourraient lui susciter l’égoïs-me, la jalousie et toutes les mauvaises passions.
C’est, imbus de ces pensées, el persuadés depuis longtemps de l’utilité d’une confraternité étroite entre tous les partisans du magnétisme, que nous avons pris l’initiative d’une première convocation.
Nous convions tous les magné listes, magnétiseurs, somnambules des deux sexes, partisans, amis et protecteurs de la science, à se réunir, samedi soir, 20 juillet, à huit heures du soir, rue des Beaux-Arts, n° 5, chez la Sibylle moderne.
Dans cette réunion, diverses questions d’une haute importance seront soumises à l’assemblée, pour être, vu l’urgence, résolues séance tenante, dans l’intérêt de tous el de chacun.
MONGRUEL, JOUSSIN, BELLOT,
magnétiseur de la Sibylle. magnétiseur «le la Pylhonui*. magnétiseur de la Voyante,
Nota. Celle lettre devra être représente en entrant (I).
« C’était à l’audience du lendemain, 18 juillet, que devaient être jugées et condamnées neuf ou dix somnambules d’un seul coup. Elles avaient reçu leur citation à troi9 jours de délai, ignorant chacune séparément qu’elles devaient se rencontrer pour la même raison à la barre du même tribunal; il n’y avait aucune défense préparée , évidemment elles allaient subir l’application des peines portées par les articles du Code en vertu duquel elles étaient citées. 11 n’y avait donc pas un instant à perdre pour leur venir en aide.
« Par de promptes démarches , nous ralliâmes toutes les inculpées, pour les éclairer sur leur situation et leur faire concevoir de justes espérances, afin de ne pas laisser au découragement le temps de les saisir. Il fallait gagner du temps, c’était nécessaire à la défense, et nous obtînmes la remise à quinzaine.
« Pendant ce laps de temps, de nouvelles assigna-
(1) Ces signatures el le nota ont été supprimés dans la réimpression ; nous les rétablissons ici selon l’original.
lions ont élé délivrées, de nouvelles perquisitions ont été faites , de nouvelles saisies ont eu lieu, et l’ensemble de ces mesures prouve jusqu’à l’évidence que c’est un parti pris « d’en finir avec toutes ces devinc-« neresses » , selon les paroles que nous avons entendues du ministère public.
« Le redoublement et la vigueur des poursuites nous faisant préjuger l’étendue du danger et la nécessité d’opposer une vigoureuse résistance aux tendances qui nous menacent, nous mesurâmes notre activilé à celle du parquet : des démarches nombreuses furent faites, des matériaux divers rassembles, des éléments de toute nature recueillis pour servir de point d’appui à la défense. Le rapprochement provoqué par la circulaire que nous venons de transcrire porta so9 fruits : une société, improvisée dans un but commun pour sa légitime défense, se réunit deux fois en huit jours, el nomma un comité de huit membres, qui depuis s’est définitivement constitué en choissant dans son sein un président, un vice-président, un secrétaire-rapporteur, un trésorier, etc. C’est ce comité ou cette commission provisoire qui, par délégation régulière, a été chargée de faire toutes les démarches et de prendre toutes les mesures utiles dans les circonstances présentes.
« Disons en deux mots quels furent scs premiers soins.
« Aussitôt après sa nomination, elle visita les avocats désignés à son choix par l’assemblée, et les pria d’accepter la défense de celte grande cause. C’étaient M* Duvergier, ancien bâtonnier de l’ordre, et M* Jules Favre, représentant du peuple : deux notabilités du barreau. Nous devons dire, à la louange de leur caractère, que, malgré nos vives instances, ils ne nous
promirent leur concours qu’à la condition de pouvoir s'assurer de la moralité de la cause, en acquérant la conviction de la vérité des phénomènes de lucidité contestés et poursuivis, dont ils sont appelés à démontrer la réalité, demandant à consulter à leur choix, et pour leur conviction personnelle , les somnambules attaquées. Cette condition fui acceptée avec empressement, et mise à exécution aussitôt, du moins par l'un d’eux. — Me Jules Favre, pour sa part, consulta trois de ces dames, dans la seule journée du 26, sur des sujets divers. Sa conviction fut faite à partir de ce jour, et il dut s’occuper de la défense commune avec son honorable collègue.
« Depuis lors, d’autres membres du barreau également honorables se sont spontanément offerts pour la défense de ce grand procès, et leurs travaux viendront se relier à ceux des deux premiers.
« Un mol à présent sur la composition de l’assemblée, et sur le mobile de nos actions.
« On a remarqué avec peine, avec douleur même, aux deux réunions générales qui ont eu lieu, l’absence des notabilités de la science magnétique, qui les premières devraient se mettre en avant, quand la libre pratique des doctrines de leur maître est attaquée (1). Nous ne rechercherons point les causes vraies ou supposées de cette abstention (2); nous ne voulons même exprimer ici aucune insinuation à cet égard; mais nous devons éclairer l’opinion publique sur tout ce que nous avons fait, afin de ne laisser place à aucun soupçon, à aucune supposition défavorable sur la conduite que nous avons tenue.
(1) Mesmer n’a jamais enseigné ce qu'on poursuit, au contraire.
(2) Nous en avons dit les raisons , dans le dernier numéro.
« Déjà plusieurs fois nous avons vu le magnétisme aux prises avec la loi, se déballant dans les étreintes de la police correctionnelle , sans que les Sociétés ou Instituts magnétiques s’en soient occupés d’une manière officielle, sans qu’ils soient intervenus dans le débat pour soutenir de leur autorité morale et de leurs ressources pécuniaires les victimes de la foi et du dévouement à la science de la vie, à la cause de l’humanité. Cette remarque nous a suggéré maintes fois de pénibles réflexions, nous avons désiré appeler l’attention de ces Sociétés sur l’utilité de se faire un peu moins personnelles et un peu plus protectrices à l’égard des adeptes et des successeurs de Mesmer, quand la plupart de leurs membres vivent eux-mê-mes du magnétisme privé ou en tirent un profit quelconque.
« Pour arriver à ce résultat d’une manière efficace, notre président avait sollicité l’honneur d’être admis comme membre de l’une de ces Sociétés. Sa demaude fut rejetée « à la presque unanimité » en vertu, sans doute, d’un principe ayant pour but de repousser quiconque fait du magnétisme public, avecrétributjon ( i). Nous voulons croire du moins que les basses jalousies, les mesquines rancunes, les petites rivalités, trop souvent inhérentes aux doctrines des corps savants, n’entrent pour rien dans les exclusions de cette nature, trop souvent renouvelées.
« Quoi qu’il en soit, les membres de notre commission n’ayant d’ailleurs, ni les uns ni les autres, qualité po«r élever la voix à la tribune de ces académies
(1) C’est de la Société Philanthro-Magnétique dont il est ici question; mais les motifs de sou refus ne sout pas ceux énoncés : leur nalure nous en interdit la publication.
magnétiques, ne convenait-il pas, à l’heure du danger, de prendre une initiative prompte, énergique et hardie, sans perdre de temps à renouveler des len* talives désespérées auprès de ceux là qui les avaient déjà repoussées?
« Par respect cependant pour l’âge, pour l’expérience, pour la position acquise, et par considération pour le mérite personnel, M. Mongruel ne recula point devant un acte de soumission el de vénération qui effaçait complètement son individualilé(i), si celle démarche était comprise, si son vœu était rempli. 11 fit donc remettre, le 17 juin vers midi, avant la rédaction de la circulaire ci-devant rapportée, la lettre suivante, dans laquelle l'assemblée a trouvé une preuve réelle de son abnégation individuelle (2).
« Cette lettre, remise entre les mains propres du destinataire, n’obtint pas de réponse écrite.
« Néanmoins, la convocation fut faite, comme nous l'avons dit plus haut. A la réunion du samedi 20 juillet , qui fut plus nombreuse et plus honorablement composée que ne devait le faire espérer la précipitation avec laquelle tout avait été fait, succéda celle du 37 du même mois.
« D’importantes décisions furent prises dans ces deux soirées.
« Il fut jeté les bases d’une grande association fraternelle pour la défense du magnétisme , association qui prendrait pour titre Y Union prolectrice, et qui au-
(1) Poui suivi à Dieppe comme à Paris, il avait tout intérêt à cela. L'usage qu’il a fait d’un certificat du duc de Doudeauville, prouve Lien l’in-teution de se faire abriter par de« réputations intactes.
(2) Cette lettre était adressée à M. du Potet; elle se trouve dans notre prtcédent numéro.
rait pour objet de rapprocher dans une communion de sentiments les initiés et les néophytes épars; de relier ensemble les travaux divers des savants magnétistes; de signaler aux partisans des sciences nouvelles les progrès constates, les événements importants, les phénomènes essentiels, les conversions remarquables, les polémiques soutenues, les Sociétés existantes, les journaux publiés, les décisions académiques ou judiciaires, et enfin tout ce qui peut intéresser les amis de la grande vérité. — Comme l’indique son titre, l'association aurait aussi pour but de défendre partout et toujours les faibles contre les attaques injustes des forts, parce qu’ils sont les uns et les autres utiles dans la lutte du vieux monde intellectuel contre le monde nouveau des idées.
« L’assemblée a décidé que l’appel serait continué à tous les praticiens, amis et protecteurs de la science.
« Puis elle a dit que des statuts seraient élaborés, et soumis â l’approbation de l’autorité, à l’effet d’obtenir la permission de se rassembler périodiquement, légalement et publiquement; car il ne faut pas que la science des sciences soit mystérieusement étudiée dans des conciliabules secrets, par des individualités obscures et excentriques, qui s’attachent â la cacher à tous les yeux, à l’envelopper d’un suaire, de façon à la laisser stagnante, inutilisée, déconsidérée, calomniée , conspuée ; tandis qu’il lui suffirait d’apparaître dans tout son jour pour conquérir l’univers et ses admirations!
« L’assemblée a déclaré, en outre, qu'elle était décidée à respecter toute loi existante , comme aussi â épuiser to^s les moyens de droit pour faire prévaloir la vérité.
« Et tout en laissant aux défenseurs de la cause le
secret de leurs moyens personnels, il a été décidé encore que les notabilités du barreau de Paris seraient appelées à examiner :
« i° Si, à côté des moyens frauduleux, à côté des escroqueries intentionnelles, sagement prévus par les lois sus-invoquées, il n’y aurait pas (malgré le refus d’examen peut-être intéressé de certain corps savant) quelque chose de scientifique , de médical et de religieux à la fois ; quelque faculté difficile à dénommer, aussi réelle que morale et manifeste, acceptée par nos mœurs, indispensable à cent titres divers, où 11e se trouve lien de ce qui constitue l’intention de tromper :
« 2° Si les paroles prononcées en rêve, pendant le sommeil naturel ou artificiel, dans les moments d’illumination qui précèdent souvent l’agonie, pendant le délire de la fièvre , durant l’ivresse de la passion , dans l’inspiration du génie, sous l’influence des narcotiques, etc., peuvent emporter avec elles une responsabilité pour ceux qui les prononcent, et si elles n’échappent point, par leur origine et par leur nature exemptes de fraude , aux applications de toute pénalité;
« 3° Si les opinions et avis exprimés sur une question quelconque, soit médicale, soit de prévision, donnés en tant que simples conseils, et non comme formule, sauf d’ailleurs toute liberté d’aceptatiou ou de rejet, doivent être assimilés aux cas que la loi a voulu poursuivre;
« 4° Si des phénomènes présentés sans garantie, avec des chances de non succès, sous forme d’expé-rienèes, d’amusement ou de science, de spectacle ou de jeux, de moyens plus ou moins soumis aux chan*
ces du hasard ou de l’intermiltence, entrent dans les mêmes catégories ;
« f>° Si la pénalité est possible, alors que liberté pleine et entière a été laissée après expérience, et que la rémunération a été volontairement faite en témoignage de satisfaction d’un plaisir reçu ;
« 6° Si la nullité prétendue des moyens employés ne peut pas élre invoquée par les défenseurs comme une garantie de leur innocuité; et s’il est possible, en ce cas, d’attribuer une action réelle à une cause imaginaire, et de requérir une pénalité s’il n’y a rien de produit ;
« 7° Si, entre autres considérations trop nombreuses à invoquer ici comme moyens de défense, la bonne foi démontrée; l’universalité, la fréquence et la notoriété des faits ; l’absence d’enquêles officielles et de jugements portés avec compétence sur la réalité des phénomènes contestés — quelque incompréhensible qu’ils puissent paraître — ne suffiraient pas à soustraire le magnétisme à toute pénalité;
« 8° Si l’application ainsi déviée de la loi, en ce dernier cas . n’est pas une atteinte portée à la liberté professionnelle, à la liberté des croyances et des religions, à la liberté de la manifestation de la pensée; à la liberté de faire le bien et d’accomplir certains devoirs d’humanité dans les limites de nos facultés naturelles, une entrave directe à la manifestation des perceptions de l’esprit humain ;
« 90 Si ces poursuites inattendues ne sont pas , à l’insu de ceux-là mêmes qui en sont les moteurs, un dernier vestige de ces procès de sorcellerie dont notre siècle a fait justice ; une espèce d’inquisition civile, aux petites proportions, atteignant le côté spirituel de l’être; une dernière révolte de la matière
contre l’esprit ; le dernier mot enfin du paganisme contre le christianisme, etc., etc.
« C’est que cette question , qui parait si simple à son origine, grandit à mesure qu’en l’étudiant on envisage sa portée.
« Quoi ! la pratique des soins, le signe des attentions, l’expression des vœux et des prières — car le magnétisme résume tout cela — seraient interdits à la paternité et à la piété filiale, «i l’amitié dévouée et à la compassion! Quoi! à l’homme qui souffre des angoisses et qui a épuisé sans succès toutes les ressources de la médecine, on refuserait un dernier recours à la vie! Il ne lui serait plus permis une dernière tentative de bien-être! On lui enlèverait son dernier espoir, qui fait sa force encore, et qui le soutient contre l’affreuse idée de la mort !... La foi n’est-elle pas toute-puissante, et ne suffit-elle pas pour opérer des prodiges de guérison dans nos temples, sous les mains du Christ, sous celles des apôtres, et sous les pratiques des magnétiseurs, ainsi que l’attestent des milliers de faits!... Et vous voudriez effacer de la nature cette puissance suprême qui peut rendre à sa famille, à ses affections la tendre mère que la maladie emporte prématurément ! Mais ce serait de la tyrannie inquisitoriale, ce serait de la barbarie sans nom... et cela ne saurait être!
« Que l’on rejette avec juste raison l’augurie, l’a-ruspicie, etc., tous ces moyens matériels que la superstition accepte ; rien de mieux. Mais, est-ce à dire pour cela qu’il ne sera pins permis à l’Ame d’avoir des pressentiments et des rêves, des visions et des songes ? Eh ! qui donc en saurait empêcher la production? Quoi! il ne serait plus permis de tirer du passé des inductions, et de prévoir les événements
que la veille prépare au lendemain ! — lit par quel moyen pourrait-on empêcher celle opération de l’esprit qui élève l’homme au-dessus des autres êtres? Et quelle puissance pourra jamais empêcher ces révélations sublimes que certaines âmes reçoivent, à leur insu, du Dieu qui ies créa?
« Dénier la vertu soporifique et curative du magnétisme , la puissance de l'imposition des mains , l’action de la volonté, de l’imagination, de la prière, de la foi, etc.; dénier la prévision, le pressentiment, l’interprétalion des songes, l’intuition tout instinctive, aussi bien que la lucidité du somnambulisme , c’est vouloir rayer le monde spirituel; c’est condamner les prophètes, les apôtres, les saints, les Pères de l’Église , les béatifiés; c’est raturer l’Évangile ; c’est vouloir empêcher cette pronostication des livres saints qui dit : «Vos vieillards auront des visions et vos « jeunes gens des songes; l’humanité deviendra une « famille de prophètes. »
« En un mot, ce serait donner un démenti à la promesse de celui qui, « délivrant des maladies et des plaies, transmettait à ses disciples le pouvoir de « guérir par l’imposition des mains, » et prédisait que des prodiges semblables seraient opérés après lui ; ce serait biffer cette parole de l’apôtre saint Paul, qui dit : « Les dons de l’esprit manifestés au dehors « sont départis à chacun pour l’utilité de l’Église. « L’un reçoit le don de parler avec sagesse, l’autre de « parler avec science; celui-ci reçoit la foi, celui-là « reçoit la grâce de guérir les maladies; l’un obtient « le don des miracles, l’autre le don des prophéties. » (Épitre de saint Paul aux Corinthiens, chap. 13.)
« Si les choses humaines passent, les vérités ne passent point. Or, le magnétisme est la première en-
Ire loutesles vérités. Nous avons donc plus qu’espoir, nous avons certitude, si nous restons unis, de voir modifier, à l’égard de cette science, de cette religion, l’application de lois antérieures à sa découverte, et qui ne furent évidemment point rédigées pour l’atteindre.
« Quant aux abus, s’il en existe, notre loyauté, notre persévérance et nos efforts incessants sauront empêcher bientôt, nous l’espérons du moins, la reproduction de ceux qui pourraient se commettre sous son nom.
« Bientôt alors nous verrons apparaître le phare lumineux â l’aide duquel la lumière doit se répandre sur l’interprétation des langues et des mots restés incompris jusqu’à ce jour.
« Enfin , la lettre morte va se vivifier pour faire luire une vérité unique, qui ralliera toutes les bran>-ches dispersées de la famille humaine; — toutes les religions pourront se fondre dans une seule religion, — comme toutes les sciences en une seule académie, et toutes les nations en une seule : l’humanité.
« Nous faisons donc appel û tous les hommes sincères et consciencieux , à tous les partisans de la vérité naturelle, pour qui l’influence magnétique ne fail point doute : nous les convions à notre œuvre de propagande, de foi humanitaire. Leur adhésion centuplera nos forces par la convergence d’idées, d’opinions, d’influences, de ressources de toute nature; et, avec leur concours, nous nous sentirons assez forts pour poursuivre, par toutes voies légales et équitables, la défense et la propagation d’une croyance, d’une vérité si utile à l’humanité, qu’elle peut rendre la vie â la société , la santé aux hommes, la foi, l’espérance et la charité aux nations; tête de Méduse
pour le crime, égide protectrice de l'innocence et de la faiblesse; source de religion et de moralité; lien intermédiaire entre la terre et le ciel.
« Aux membres des sociétés magnétiques diverses qui répandent, pratiquent ou étudient la science, nous dirons : l\e serez-vous actifs que pour recueillir en paix et sans dangers les fruits honorifiques ou autres d’une culture pénible, dont les praticiens publics ont, à leurs risques, affronté les périls? Continuerez-vous à récolter seuls, et sans le partage des frais, la semence de ce champ où d'autres laboureurs ont laborieusement tracé le sillon de l’opinion ? Serez-vous seuls à recueillir sans labeur, lorsque des apôtres militant ont semé la lumière de par le monde, la plupart reniés par vous, qui leur devez une partie de votre puissance? Assisterez-vous impassibles à l’agonie du somnambulisme, dont les phénomènes publics ont fait plus de convictions que toutes nos théories ensemble? Non , vous ne pouvez, sans manquer à votre mandat, sans mentir à votre origine, sans perdre le prestige qui vous entoure, livrer à l’abandon le divin instrument de nos communs succès.
« Vous viendrez à nous; vos adhésions nous arriveront par centaines , et nos coeurs resteront ouverts pour recueillir quiconque viendra grossir le noyau de notre association, appelée à éteindre toute rivalité , el à réunir en un seul faisceau toutes les personnes des deux sexes qui s’intéressent à la science.
a C’est donc à vous tous que nous nous adressons, membres des Sociétés mesmériennes : magnétistes, magnétiseurs, somnambules, amateurs, amis, adeptes, protecteurs et partisans du magnétisme, à quelque titre que ce soit ; vous qui, dans le monde entier, avez pour but de propager cette science, de la pro-
téger et de la défendre contre les attaques injustes dont elle pourrait être l’objet; vous qui aspirez à relever les hommes qui la pratiquent honorablement, en vous attachant à la recherche des abus dont elle peut être la cause ou le prétexte, et qui voulez en régler l’utile emploi par un pouvoir coercitif, à la fois moral et matériel; c’est vous tous, enfin, que nous convions à ce rendez-vous commun d’un congrès universel d’union, d’amour et de concorde, auquel doit participer, dans un avenir prochain, tout ce qui vit sur la terre de cette vie nouvelle que révèle le sacerdoce magnétique.
« Écrivea-nous que vos sympathies nous sont acquises pour la sainte cause que nous défendons ; dites-nous que vos vœux nous accompagnent dans la croisade que nous avons hardiment entreprise ; assurez-nous votre concours moral et matériel pour le grand œuvre que nous poursuivons, et bientôt nous montrerons à nos ennemis étonnés l’importance de cette force invincible qui remue toutes les fibres de la population des deux mondes; l’étendue de cette puissance gigantesque, avec laquelle 011 n’a point assez compté, et qui, tantôt sous la dénomination de la foi et tantôt sous celle de la superstition, a traversé les siècles pour arriver jusqu’à nous. »
Les Membres de la Commission, délégués :
MONGRUEL, président. JOUSSEN, vice-président.
IUJ1EZ, rapporteur. Jules 1SAAC, censeur (1).
(1) La 1" édition était signée : Mongruel, Idjies, Jnussen, Bellot, Dupont. Il parait que la composition de la Commission est très-mobile, car la signature de la circulaire transcrite ci-après, prge 150, diilore encore de celle ci-dessus.
APPENDICE.
DERNIERS RENSEIGNEMENTS.
« Pendant que ce Rppport était sous presse, il a été prononcé, hier et aujourd’hui, douze condamnations par défaut, dont onze par le tribunal de simple police, et une par la 7e chambre, jugeant correction-nellement.
« Bien que les prévenus ne se soient pas présentés à l’audience, quelques journaux ont cependant publié un compte-rendu empreint d’un certain caractère de légèreté, d’inexactitude et de malveillance, dans lequel ils insinuent que les faits qu’ils racontent ressortissent des débats, tandis qu’ils sont empruntés en réalité à la rédaction de l’acte d’accusation et aux dires du réquisitoire. Cette inexactitude a motivé la lettre suivante, qui leur a été adressée en redressement.
Monsieur le rédacteur,
Dans la rédaction du comple-rendu que vous avez publié, relativement à mon procès du 31 juillet devant la 7' chambre correctionnelle, pour exercice du somnambulisme, il s’esl glissé quelques erreurs, involontaires assurément, qui, pouvant produire, dans l’opinion publique, un effet fâcheux au point de vue de la science magnétique et de ma considération personnelle, nie font un devoir de vous prier, Monsieur, de vouloir bien accueillir les rectifications ou explications suivantes :
Il semble résulter de l’article qui vous a été communiqué à ce propos, que les faits par vous rapportés ressortissent des débats de 1 audience, tandis qu’ils ne sont que la copie de l’acte d’accusation du ministère public, ou ta reproduction des préventions groupées dans un réquisitoire assurément tort attaquable, puisque nos avocats ont été forcés de se retirer, sur le refus du tribunal de leur aecorder là remise indispensable pour réunir les nombreux éléments de la défense.
Permettez-moi donc, monsieur le rédacteur, de dire que le jugement prononcé a été rendu par défaut, en ce qui nous concerne ma femme et moi, et qu’en conséquence il ne préjuge rien du résultat définitif. J?1'01*8J0'11®' que, venant de faire opposition à ce jugement par défaut, j espère qu me ser.i facile, dans les débats contradictoires qui vont s ouvrir, de prouver l’honorabilité de notre caractère et réduire à néant les accusations au ministère public.
Agréez, s’il vous plaît, etc. MONGRUEL,
« Toutes choses pesées, nous estimons qu’il serait heureux que celle secousse judiciaire pût émonder l’arbre do ses mauvaises branches, s’il en pouvait exister, ce dont on doit douter quand on pense aux calomnies et aux insinuations malveillantes dont le magnétisme a été l’objet de tout temps. Au surplus, il est bien entendu que VUnion-Protectrice ne prendra sous son patronage que ceux-là seulement qui auront pratiqué avec une loyauté et une probité irréprochables, et que quinconque n'aurait eu recours au magnéiisme que pour couvrir de mauvaises aclions personnelles, perdrait son droit à la protection collective, et paierait seul pour les cas de cette nature.
« 11 est bien entendu que les simples adhésions pour la défense du magnétisme et du somnambulisme n’entraîneront pas chacun dans la solidarité des frais, vu leur éventualité, la différence des ressources et celle des condamnations , s’il en advenait.
« Une considération plus importante reste â mentionner, c’est qu’il ne faudrait pas fournir à l’autorité le droit de sévir, s’il paraissait y avoir organisation et solidarité pour soutenir et encourager les délits, pour rendre illusoires les pénalilés de la loi et neutraliser ses effets.
« Par conséquent, les sommes reçues par souscriptions volontaires, par un droit d’inscription une fois payé, par collecte ou autrement, pourront servir légalement aux frais des prorès (les amendes exceptées') : le surplus à payer, s’il y avait lieu, incomberait aux condamnés, au prorata de leurs condamnations.
« Aussi longtemps qu’il n’y aura pas de jugement en dernier ressort, la cause du magnétisme restera dans le droit commun, et notre concours pour la dé-
fensc sera légitime ; mais, le jour où la loi parlerait plus haut, force serait de s’y conformer.
« Nonobstant tout, le magnétisme renaîtrait de ses cendres, et ressusciterait sous des formes el dans des conditions qui lui permissent d’échapper au texte de la loi , de façon à rester dans la légalité, selon la jurisprudence du moment. — El cela serait suffisant, attendu que, pour ces cas exceptionnels, on relève avant tout de Dieu et de sa conscience.
« Quant au passé, nous voyons que les publications fondées pour rechercher et signaler les méfaits des charlatans mêlés aux magnétiseurs, n’ont pu constater aucun fait certain, quand il a fallu descendre avec impartialité dans la réalité des choses.
« Nous voyons que les poursuites des tribunaux , si divers dans leurs jurisprudences, onl été unanimes cependant, quand il a fallu reconnaître l’évidence des faits accomplis, puisque leurs recherches ont abouti, chaque fois, à élever le piédestal du magnétisme par l’examen des magnétiseurs.
« Nous voyons que les rapports académiques, qui ont stygmatisé les personnes et les choses magnétiques, ont fini par apparaître dans leur vérité : des flétrissures ineffaçables pour leurs auteurs, et des brevets de probité et de mérite pour leurs victimes.
« Nous savons que nous avons été l’objet de persécutions intimes ou publiques, de calomnies, de délations , etc., que le temps a dissipées ou transformées.
« C’est donc une chose tout habituelle que l’espril public soit dénaturé, que les faits soient frelatés exprès pour nuire à la cause, comme il en est arrivé avec la célèbre demoiselle Pigeaire , qui n’avait pas même comparu devant messieurs les commissaires
de l’Académie de médecine, quoique la presque totalité des journaux de la France aient publié son échec prétendu, à propos de ce fameux prix Burdin, qu’il était donné au temps de qualifier.
« Enfin, tous ces laits de l’expérience du passé expliquent le présent, cl font présager pour l’avenir des glorifications qui attendent chacun de nous, lors-que, après des luttes dans lequelles on ne manquera pas de faire intervenir son honneur comme enjeu , nous aurons pu faire éclater, dans tout son jour, la vérilé que nous savons tous déjà.
« Vérilé qui n’est autre que la lucidité.
« A tous les amis, nous dirons : Espérance, certi-tudo ! La vérilé se fera jour pour l'apothéose des sectateurs de la science méconnue ou persécutée. Déjà les adhésions nombreuses du barreau , de la magistrature et du monde savant, qui nous arrivent de toutes paris depuis la publication donnée prématurément à ce procès, en sont un sûr garant.
Avis important.
«La société l’Union protectrice, réunit et concentre dans ses archives toutes pièces et documents utiles à consulter pour la défense du magnétisme, et les tient à la disposition de tous les avocats ou défenseurs qui voudront bien mettre leur talent au service de sa cause.
Sur la demande do ses adhérents, la Société, par les soins de sa commission, enverra, dans les départements et partout où des procès seront inten- , tés pour l'exercice du magnétisme el du somnambulisme, les documents * propres à éclairer les avocats et à faciliter le travail de leur plaidoyer.
« Par contre, la commission recevra avec reconnaissance, de tous ses adhérents, Ips notes, pièces, ouvrages, renseignements qui pourraient concourir à faire de la bibliothèque sociale le répertoire le plus complet de tout ce
3 ni aura été écrit pour l’histoire de la science, et de tout ce qui aura été it, fait, plaidé ou jugé pour ou contre le magnétisme et les magnétiseurs.
ADHÉSIONS.
« A peine notre Appel aux amis du magnétisme a-t-il été connu, que nous avous reçu les marques de sympathie les plus honorables et les plus touchantes.
Nous croyons être agréables à nos facteurs, en publiant les termes exprès des trois suivantes.
A Messieurs/es membresde la Société magnétique fUsiON protectrice.
Paris, le 28 juillet 1850.
Messieurs,
Je viens de lire l'api el que vous avez fait aux amis de la science. J’apprécie à fa valeur le devotftment qui vous fait prendre l’initiative, et, pour
ma part, je vous en remercie au nom de l’humanité.
Je suis heureux de pouvoir donner une adhésion pleine et entière a des
vues à des sentiments aussi élevés et aussi noblement exprimés.
Comptez sur mon concours le plus actif; car il y aurait ingratitude de ma part à ne point me déclarer hautement partisan et protecteur du ma-
81r vous donner une preuve non équivoque de ma sympathie, permettez moi de m’inscrire spontanément pour une somme de 100 fr., dans le but d’aider à couvrir les frais de la défense et de la propagande dont vous, vous êtes généreusement chargés. _
Agréez Messieurs, l’assurance de mes sentiments les plus distingues,
° Baron L. P.
Messieurs,
J’ai reçu hier vos fraternels avertissements, ainsi qu’une convocation pour assister à une délibération sur ce qu’il y aurait de mieux à faire dans la fausse position où nou9 place ce qu’on nomme une loi humaine et civilisatrice. Mon état maladif ne m’a pas permis d’assister à votre réunion ; j en suis fâché el vous prie d’avoir l’obligeance de me faire connaître ce que vous aurez délibéré, auquel je pense pouvoir souscrire, en mon nom personnel, vu que je n’ai aucun pouvoir pour le faire au nom de la Société des Magnétiseurs spiritualités dont je ne suis que membre et gérant du journal.
Je ferai part, à sa prochaine assemblée, à notre Société, de vos cummu-nications ainsi que des décisions que vous aurez prises ; et, selon la volonté de chacun, je vous ferai connaître ce qui aura été décidé.
En attendant ce jour, je vous prie, Messieurs, de me considérer comme ayant l’intention de marcher avec vous, ou seul ou avec la Société à laquelle j’appartiens.
Recevez, Messieurs, mes salulions fraternelles.
’ Alph. Cahagnet.
Ce 28 juillet 1850.
Mantes, le 30 juillet 1850.
Messieurs,
C’eût été avec empressement que nous nous fussions rendus à votre appel, si nous avions reçu votre missive en temps ; mais nous sommes en voyage, et elle nous est arrivée à Manies, après avoir passé par plusieurs villes où nous avions donné des séances publiques. '
Jusqu’à présent, nous avons rencontré partout, de la part des autorités et du public, protection et sympathie. ... j.
Vous avez raisen de soutenir chaudement la cause du vrai, la cause du magnétisme. Si nous sommes à Paris au moment de l’appel de cette cause devant les tribunaux, nous nous joindrons à vous avec bonheur pour taire triompher la science et renverser la persécution.
J’ai l’honneur de vous saluer avec dévouement.
Poisdreub jeupe.
Peu de jours après la publicalion de eet écrit, il on parut une variété, sans changement de date ni indication d’addition. Celle édition ne se délivrait pas à tout le monde , et nous eûmes beaucoup de peine à l’obtenir moyennant argent. Kilo ne diiFère de la précédente que par l’adjonction de la liste suivante :
ADHÉRENTS A I.’l'NION-PBOTECTRICE.
ALEXIS (Didier), rue d’Angoulème, 20.
ANTONY, rua Basse-du-Remparl40 ARTOIS (D’). place des Vosges, 20.
BEI.LOT, ministre, rue de Rivoli, 34.
BEAUDOT, homme de lettres, à Bar-le-Duc.
BERGUE (de), filaleurà Lizieuv BRETON, opticien , rue Daupliitie, 25.
BRIDOU (M”«), cité Boufflers, 4.
BL'CHLÉ, docteur-médccin, rue Notre-Damc-do-Nazaroth, 8.
BURY (Alexandrine), rueMazarine, 40.
CAHAGNET, rue Saint-Dénis 265.
CAPET, rue d'Enfer, *2.
CHANTEPY (Judith de), rue Montmartre, 158.
COSSON, imprimeur, rue du Four, 47.
ClIRMER , stéréotypeur, rue des Marais, 13.
DF.SAII.I.OUD, rue Saint-Lozaro, 10.
DESBOIS, docteur-médccin, ù Rouen.
DUPONT, rue Sainte-Anne , 32.
DUVAL, pharmacien, à Lizicux.
EDMON, boulevard du Temple, 29 bis.
FORTIER , rue do Babylone, 68.
FROMENT, rue Ménilmontant, 5.
GROUSELLE, rue Saint-Nicolas-Saint-Martin , 64.
GERVAIS (M*»), rue du Bac, 4i.
HOUI.OT, Chaussée-Ménllmontant, 47.
HUREAl'X, pharmacien, faubourg Poissonnière, 4.
IDJ1EZ, rue Vieillc-du-Temple, 64.
ISSAAC (Jules), docteur- médecin , rue Saintonge, 42.
JOLY (l’abbé), à Rouen.
JOUSSEN, rue du Bac, 44.
KERSAB1EC (chevalier de), rue Basse, 50.
LEJEUNE lMm*) , rue Saint-Honoré, 368.
LEMAIRE , rue Cherche-Midi, 111.
LODIN DE LALAIRE, rue Saint-Jacques, 297.
L.-P. (Baron) do, rue Saint-Roch.
MARCHAND, rue Saint-Séhastien , 4(1.
MAKCILLET, rue Grange-Batelière, 19. MARGUERITE (M11'), boulevard duTompIc, 5. MARIGOT , rue Painl-Denis, 361.
MARTENOT (Câlina), rucd'Antin , 8.
MAUGER , rue t/Orléaus-Sainl-Marcel, 9. MONGRUEL (M. cl M1»»), rue des Beaux-Arts, 5. MORETTE, rue Montmartre , 88.
PAILLARD, rue du Grand-Chantier, 16.
PIRÉNÉ (M100), rue Sainte-Amie, 32.
PLUMIER, photographe, à Liégo.
POINDRE1.LE, rue Lamartine, 21.
SAINT-EY'RON (de), docteur-médecin , à Rouen. SCIIALINK, ancien négociant, rue Montorgueil, 14. SOKOLOWSKI, pharmacien, rueJaccb,5. STAPLETON v.\l“de), Chaussée-d'Antin, 22. TALBERT (M™), rue de Hanovre, 10.
TORCY (Mmc de), rue de Rivoli, 34.
TOURNIER, rue Saint-Lazare , 10.
TR1MONT (lo Comle de), à Arpajon.
VASSEUR (Mme). rue Bourhon-Villcneuve, 36. VASSEL'R (Henriette), rue Basse, 20.
VEI1M0T, rue du Grand-Hurleur, 25.
VERNON , 11 , Varuriek-Street, à Londres. VILLENEUVE (Mm" de), rueSaint-Denis, 354.
ETC., etc., etc.
Cette liste est, dit-on, apocryphe; des personnes se plaignent que leur nom y ait été mis sans leur consentement, ou même malgré leur refus. Nous ne savons ce que ces réclamations ont de fondé; mais elles menacent de se traduire en une demande de dommages-intérêls.
En même temps que l’^pei-Prospectus se distribuait par milliers, M. Mongruel faisait annoncer dans les diverses feuilles publiques, que sa femme « continuait de recevoir ses amis. » Ces réclames, insérées chaque matin , portaient une sorte de défi aux deux tribunaux qui l’avaient condamnée. La police répondit à cette audacieuse provocation de ses sévérités par la mesure dont le Droit fait ainsi le récit :
« M. le Préfet de police continue à faire une guerre à outrance aux somnambules.
« Des rapports avaient fait connaître que Mme Mon-gruel continuait de rendre des oracles , malgré la condamnation dont elle a été frappée le 3i juillet dernier, ainsi que son mari, par la police correctionnelle, et ordre fut donné de la surveiller.
« Hier, M. Martinet, commissaire de la section de la Monnaie, et M. Blanchit, officier de paix, se rendirent chez la pythonisse, rue des Beaux-Arts, 5.
«Ils se présentèrent comme de simples consultants. On les fit entrer dans une salle d’attente élégamment meublée. A l’un des angles de cette pièce se trouvait une porte masquée par une draperie , au-dessus de laquelle on lisait : « Cabinet de la Sibylle moderne. » Us entendirent bientôt de ce côté des cris rauques, des gémissements, préludes mystérieux, qui, de même qu’à Delphes, annonçaient la présence du dieu. Mais ils ne tardèrent pas à entendre une autre voix, qui leur dit tout prosaïquement : Vous pouvez entrer !
« Dans le salon oùils venaientde pénétrer, MM. Martinet et Blanchet virent la dame Mongruel, non pas sur un trépied, mais assise dans un bon fauteuil; elle paraissait en extase , et près d’elle se trouvait le grand prêtre, sous les traits d’un jeune homme en habit noir. 11 leur demanda quel était l’objet de leur consultation. M. Martinet, découvrant alors sa ceinture , lui répondit : « Je suis le commissaire de police. » A ce mot, la dame Mongruel tressaillit, et, ouvrant les yeux, revint à son état naturel sans le secours du magnétiseur.
« Celui-ci se récria bien haut contre cette surprise, qu’il appelait arbitraire; et, interrogé par le commissaire de police, il lui répondit quil se nommait
Garnier, qu’il était officier de santé, et qu'il assistait la somnambule dans ses consultations médicales.
« Pendant cet interrogatoire, le commissaire avait remarqué sur un meuble une rangée de flacons proprement cachetés de cire rouge , portant l’empreinte d’une M. Il voulut savoir quelle substance ils renfermaient, et l’officier de santé lui répondit que c’étaient des remèdes indiqués par la somnambule, et approuvés par lui.
« Mais, objecta le commissaire, vous n’avez aucun droit, même en votre qualité d’officier de santé, de vendre des remèdes secrets, et vous êtes en contravention.
« — Eh bien ! répliqua le sieur Garnier, en croyant se tirer d’affaire, je vous avouerai que ces flacons ne renferment que de l’eau pure , et il en déboucha un afin de prouver son assertion.
« — Alors, dit le commissaire, c’est une fraude des plus coupables que vous pratiquez , puisque vous vendez, comme ayant la vertu de guérir, une chose qui n’a aucune propriété médicale. »
« Le sieurGarnier essaya de parer à cette objection, en disant que l’eau magnétisée pouvait avoir une vertu curative ; il ne parvint pas à convaincre le commissaire de police, qui a dressé procès-verbal et saisi les flacons.
« La dameMongruel et son magnétiseur auront donc à répondre à cette nouvelle inculpation devant la police correctionnelle. »
M. Mongruel écrivit au journal précité, et à ceux qui avaient reproduit l’article, la lettre suivante, qui fut insérée sans commentaires.
Monsieur le rédacteur,
Vous dites, monsieur, daus voire numéro du 17 aoùl des choses qui ont dû faire rire les personnes qui connaissent M“' Mongruel el son habitation.
Mais, à côté, se trouvent des insinuations qui peuvent nuire considérablement à sa réputation et à ses intérêts, et il est de mon devoir de rétablir les faits dans leur intégrité, en les présentant sous leur véritable aspect.
Il n’est pas vrai que le commissaire de police et la personne qui raccompagnait soient entrés dans notre salon, dont les portes sont restées fermées.
Il n’est pas plus vrai qu'ils aient pénétré dans le cabinet où la sibylle moderne rend ses oracles, lequel est conligu au salon, et qu’ils y aient trouvé elle assise dans un fauteuil, en extase, et le grand prêtre sous les traits d’un jeune homme en habit noir.
M"' Mongruel était souffrante, et seule dans sa chambre è coucher, comme je l’ai fait constater par M. le commissaire de police.
Le prétendu passage de l’état magnétique à l’état de veille, sans le secours du magnétiseur, est donc une erreur de votre rédacteur. Il en esl de même de la prétendue rangée de flacons, qui se réduisait à deux fioles d’eau pure, contenant en dissolution des globules homœopathiques, que M. Garnier avait dans son cabinet pour son usage particulier ; il en est de même de l’eau magnétisée . dont il n’a nullement été question ; il en est de même par conséquent de la prétendue inculpation dont Mrac Mongruel doit répondre devant la police correctionnelle, etc.
De nombreux procès sont en ce moment pendants devant les tribunaux, qui décidèrent si l’exercice du magnétisme et du sombulisme peut el doit être défendu. Mais, jusqu’à ce que la question soit vidée judiciairement, nous continuerons, nous, dans les limites de la légalité, du droit, de la raison et de l’humanité, à recevoir ouvertement nos clicns et à exercer & leur profit une faculté sublime dont nous ne sommes redevables qu’à Dieu seul.
MONGRUEL.
Cette nouvelle saisie mit en émoi toute la gente sibylline, et l’association protectrice demanda de nouveau protection, avec instance, dans une circulaire sans date , dont voici l’exacte reproduction.
L’UNION PROTECTRICE.
ASSOCIATION POUR LA DÉFESSE DU MAGNÉTISME.
Les Membres de la Commission, A M M
La Commission nommée par l’association magnétique qui vient de s’organiser sous le tilre : l'Union protectrice, sait tout l'intérêt que vous portez à la science qui fait l’objet de ses travaux. Elle sait aussi que le sentiment du juste trouve une large place dans votre cœur , el que, par une délicate générosité, vos sympathies vont droit aux opprimés quand ils sont injustement atteints dans leurs joies, leurs affections, leur bien-être et leur foi.
La Commission, sûre de se rencontrer avec vous sur le terrain de la lé-
S alité, de la justice et du droit, vient solliciter votre adhésion à son œuvre e défense, de propagande, de religion et d’humanité.
Lorsque des avocats tels que M'! Duvcrgier, Jules Favre, Charles Ledru, Paillet, d’Anglebert, etc., etc., se chargent collectivement de sa cause, le magnétisme doit sortir victorieux de la lutte dans laquelle 011 veut imprudemment l’engager.
Mais il faut qu’une grande manifestation vienne, au jour suprême, peser rie tout son poids dans la balance de la justice, en révélant aux juges l’immense quantité d’adeptes que le magnétisme compte dans toutes les classes et dans tous les rangs de la société.
Ce sera un procès curieux que celui ofi viendra s’opposer aux tendances du parquet, mal instruit de la question, l’influcnce de milliers de noms, parmi lesquels on verra figurer avec de simples citoyens, peut-être des docteurs, des savants, des ecclésiastiques, des représeutauts du peuple, des préfets, des ducs et pairs, des généraux, des ministres et des princes môme 1
Le jour des débats approche qui doit renverser, nous l’espérons du moins, tout l’échafaudage du ministère public, dressé, par une imagination féconde, sur des apparences trompeuses et des déclarations malveillantes et intéressées. Patience ! ce jour-là verra démasquer l’intrigue et la calomnie qui ont pu circonvenir le parquet ; et si, malgré cela, une sentence imprévue venait à frapper inopinément le magnétisme dans les personnes des accusés, les développements de la cause suffiraient à les réhabiliter dans l'opinion publique, où se trouve un suprême tribunal d’appel, qui prépare quelquefois pour le lendemain un triomphe glorieux aux condamnés de la veille.
Nous vous prions, M de lire l’appel que nous avons eu l’honneur de vous adresser, afin de vous pénétrer que votre adhésion sei a une simple manifestation de foi au magnétisme, qui ne peut en rien vous engager, puisque les ressources pécuniaires de l’association reposent sur le produit de collectes, d’offrandes et de souscriptions volontaires.
Nous espérons donc, M que vous daignerez nous honorer d’une
réponse qui nous apporte l’expression de vos sympathies, et que vous voudrez bien concourir à notre œuvre, en portant cet appel à la connaissance des partisants et adeptes qui vous entourent; à moins que vous ne trouviez
flus convenable de nous en adresser la liste, pour que nous leur en fassions envoi direct, ce qui d’ailleurs serait préférable.
Veuillez agréer , s’il vous plaît, l’expression de nos sentiments les plus distingués.
Les membres de la Commission, MONGRUEL, JOUSSEN, BELI.OT, ISAAC, MARCILLET, LE MAIRE.
Paris, le 1850.
N. B. — Les lettres d’adhésion doivent être adressées franco à M. Mon-gruei, président, rue des Beaux-Arts, 5.
Nous ignorons le résultat de ces pressantes sollicitations auprès des individus; niais voici dans quel sens les Sociétés y ont répondu.
La Philanthro-magnétique, considéra que, Lien que
présentée avec toutes les apparences de collectivité, cette affaire était uniquement relative à M. Mongruel ; et, par les mêmes motifs qui lui firent repousser l’homme, elle refusa tout concours à la chose.
Celle du Mesmérisme, d’ailleurs, non moins bien renseignée, se prononça de même. Voici un extrait du procès-verbal de la séance du ier août, relatif à cette question.
w • >..........M. Mongruel ayant voulu
mettre en cause le magnétisme, dans les poursuites dirigées contre lui et sa somnambule, et le présenter comme étant en butte aux persécutions de l’autorité et de ses ennemis, dans leurs personnes, a fait distribuer un Appel aux partisans du magnétisme, pour la défense du somnambulisme. Cet Appel a complètement manqué son but, et n’a trouvé d’écho nulle part, attendu que, d’après les faits révélés, ce n’est nullement le magnétisme qui esl poursuivi, mais bien la Sibylle moderne, qui se serait servie du magnétisme pour accomplir des actes frauduleux ou entachés d’immoralité. Les vrais magnétiseurs et leurs amis n’ont donc rien à voir dans cette affaire toute personnelle, et rejettent toute espèce de solidarité avec la Sibylle moderne. »
Une nouvelle réunion fut convoquée chez M. Mongruel, dans les derniers jours d'août. On y lut une lettre d’adhésion du vénérable Laforgue, en faisant ressorti* avec emphase , qu’il est décoré du Jury ma -gnétique , et en cherchant à exploiter sa dissidence avec la Société du Mesmérisme, donl il est membre honoraire. On s’entretint des débats qui devaient s’ouvrir le lendemain, puis on se sépara incertain du présent, et fort inquiet de l’avenir; ce qui justifie la réflexion suivante, que faisait naguère le Droit : Les
somnambules qui renseignent sur les procès d’autrui, devraient bien prévoir les leurs propres.
Tel était l’état des choses au moment où les époux Mongruel ont comparu devant la 7' Chambre. Leur défense a été présentée par M. Jules Favre.
Le tribunal a confirmé son jugement.
Le manque d’espace nous oblige à renvoyer au prochain numéro le compte-rendu de celte audience, ainsi que les considérations qui ressortent de la totalité. des poursuites.
Tribunaux. —Voici le récit d’une affaire que nous classons à pari, parce que ce n’est plus seulement une contravention, un délit, mais un crime ; et qu’elle n’a d’ailleurs pas de connexion directe avec celles qui précèdent.
COUR D’ASSISES DE SEINE-ET-OISE.
Présidence de M. Zangiacomi, conseiller à la Cour d’appel de Paris Audience du 19 août.
MAGNÉTISME. — ATTENTAT SUB UNE JEUNE FILLE AGÊE DE MOINS DE QUINZE ANS.
Si le magnétisme a ses avantages, il a aussi ses dangers. Il peut servir, comme le chloroforme , chez des êtres dépravés, à la perpétration des crimes les plus odieux.
L’accusé que le jury de Versailles va juger, est un magnétiseur amateur, qui a fait de l’art dont il a surpris quelques secrets, un usage coupable dont la justice vient lui demander compte.
Cethomme se nomme ClaudePonsignon; l’instruction lui donne quarante-six ans, mais il paraît en avoir davantage. Il est de taille élevée, et ses cheveux commencent à grisonner. Il prend la qualification de rentier ; il habitait la commune de Rueil avec sa
femme, qui recevait des jeunes filles des environs, à qui elle montrait l’état de blanchisseuse de dentelles.
C’est cette dernière circonstance qui a donné à l'accusé l’occasion de commettre l’acte odieux qui lui est reproché.
Les époux Plainchamp , cultivateurs à Nanterre, envoyaient tous les jours leur fille, Madeleine Plainchamp, âgée de onze ans et demie, chez la dame Pon* signon, qui devait lui apprendre son état. Il y avait trois semaines qu’elle fréquentait cette maison , sans avoir jamais eu l’occasion de parler à l’accusé.
Le i4 juin dernier, vers neuf heures du matin, en l’absence de la dame Ponsignon, l’accusé entra dans la chambre où travaillait la jeune fille. Elle était seule; il ferma la porte et la fenêtre , s’approcha de Madeleine, lui pinça le cou, l’embrassa, et la mil sur ses genoux. Cette pauvre enfant, qui ne voyait là qu’un jeu, et à qui son âge ne permettait pas de soupçonner autre chose dans ces privautés, ne songea pas à se défendre contre un danger que lui cachait son innocence. L'accusé , alors, commença à lui faire des passes sur les yeux, avec les mains, et bientôt l’assoupissement magnétique agit, el Ponsignon en profita pour tenter de commettre un crime. Madeleine cependant ne cessa, bien qu’endormie, d’avoir la perception de ce qui se passait. Elle voulut crier, et ne le put pas. Deux fois elle s’arracha aux étreintes de Ponsignon , et deux fois il la saisit et la ramena à lui. Elle sentait une oppression pénible, et ses membres étaient rompus de lassitude.
Cette scène violente durait depuis assez longtemps, lorsque, par un bonheur providentiel pour celte pauvre enfant, des maçons, qui revenaient de déjeûner, arrivèrent dans la maison pour y reprendre leur
ouvrage. L’accusé dut renoncer à pousser plus loin son odieuse entreprise.
A son retour, la femme Ponsignon parut .1 peine s’apercevoir du trouble de l’enfant qui tremblait et pleurait en silence. Madeleine, que l’instruction a fait connaître comme un modèle de candeur et d’innocence , alla tout en larmes, en quittant la maison des époux Ponsignon, confier «i son ancienne institutrice , la demoiselle Maigne, puis à la dame Le-bossé, directrice de la salle d’asile de Nanterre, puis enfin à ses parents, les outrages qu’elle avait eus à subir de la part de Ponsignon. lille ne retourna pas à Rueil. Ponsignon avait commencé par opposer au récit de Madeleine, qui n’a pas varié un seul inslant, des dénégations absolues. II n’a pu persévérer dans ce système : il a depuis successivement avoué une partie des faits; mais il a soutenu qu’il n’avait pas rencontré de résistance, et que par conséquent il n’avait pas usé de violence. Il était évident que les aveux de Ponsignon n’étaient ni complets ni sincères.
Tout le monde, à l’audience, regardait avec intérêt la jeune fille qui avait failli être victime des brutalités de Ponsignon'. Elle porte le costume des habi» tants aisés des environs de Paris. Sa figure est d’une remarquable beauté, et la régularité de ses traits est rehaussée par un grand air d’innocence et de candeur.
Sur la réquisition de M. Haussemann, qui occupe le siège du ministère public, la Cour ordonne le huis-clos des débats, au grand désappointement des nombreux habitants de Rueil et de Nanterre, que la singularité de cette affaire avait attirés à l'audience.
L’accusation a été soutenue par M. Haussemann, et combattue par M® Moussoir, avocat du barreau de Versailles.
Après les débats, les portes de l’audience ont été rouvertes au public, et M. le président a fait son résumé.
Le jury s’est ensuite retiré, et il a rapporté, après un quart-d’heure de délibération, un verdict aflir-matif sur le fait principal et sur la circonstance aggravante de l’âge de la victime.
Ce verdict était modifié par la déclaration de circonstances atténuantes.
La Cour a condamné Ponsignon à cinq années d'emprisonnement.
(Gazette des Tribunaux.)
Ce procès est un avertissement pour ceux qui doutent du magnétisme ; il est la justification complète des idées que nous avons émises il y a longtemps, lorsque nous annoncions que : le magnétisme étant une force, il donnerait lieu, un jour où l’autre, à de grands abus, à des crimes même.
On ne doit point pour cela faire le procès à la vérité puissante, découverte par Mesmer; car si l'homme se sert souvent des éléments pour détruire son semblable, il s’en sert également pour améliorer sa condition. La loi punit le crime ; elle est faite pour cela, et c’est en vain que l’homme coupable de méfaits magnétiques espérerait se soustraire au châtiment, ce qui est occulte peut être découvert. L’être endormi voit souvent sans sentir; el, lorsqu’il ne se réveille point, il a le souvenir dans les accès de sommeil suivants. Il révèle alors, confond les coupables, en divulguant les intentions et les pensées. Quelquefois même, avant la perpétration du crime, il sent l’idée, et son âme, avertie, peut produire le réveil.
Nous ne pouvons aujourd’hui entrer dans d’autres considérations; mais il est de notre devoir d'éclairer nos lecteurs sur la puissance du magnétisme : c’est un agent terrible ou bienfaisant. Il résume en lui toutes les forces de la nature, il en a les vertus et les inconvénients. Dieu l’a fait ainsi, ce n’est point à l’honnne de le changer.
Les savants qui nient le magnétisme agissent en insensés , ils sont responsables du mal qui s’est fait ou se fera; leur devoir était d’éclairer le monde sur les propriétés de l’agent nouveau ; mais, conservant un superbe dédain, ils n’ont que des paroles amères pour les magnétistes. Il faudra bien pourtant qu'ils viennent à la vérité, s’ils ne veulent appeler sur eux les malédictions du genre humain.
DU POTET.
PETITE CORRESPONDANCE.
Aux abonnés. — Un événement qui plonge dans la tristesse le Gérant et le Rédacteur en chef : la mort subite de Mloc Hébert, a retardé la publication du précédent numéro et de celui-ci, mais le prochain paraîtra régulièrement.
Avis général. — A partir du prochain numéro, tous les articles seront partiellement signés, ainsi que le veut la loi nouvelle.
Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).
THEORIES.
CONSIDÉRATIONS
SUR LE MAGNÉTISME ANIMAL ET LE SOMNAMBULISME.
Le magnétisme animal n’a eu, depuis son origine jusqu’à nos jours, qu’une destinée bien incertaine, et n’a pu faire que quelques pas mal assurés , et toujours vivement contestés. Annoncé, il y a près d’un siècle, comme une éclatante découverte, comme la révélation d’un principe nouveau, il fut accueilli par les uns avec l’enthousiasme et la crédulité qu’ont toujours rencontrés à toutes les époques de l’histoire, les chefs secte qui ont imposé aux hommes tant de vérités et de tant d’erreurs ; mais, pour le plus grand nombre, la nouvelle doctrine ne parut être qu’une extravagance ou une insigne jonglerie demandant, au nom de la cupidité, tribut à l’ignorance.
Les rudiments du.magnétisme animal se perdent dans la nuit des premiers temps de l’histoire, et se retrouvent dans les mystères et les initiations, dans les oracles et dans les prophéties des sibylles ; mais on sait que c’est Mesmer qui a été, dans le temps moderne, le révélateur de cette mystérieuse puissance, qui en a étudié les singuliers effets, et en a créé une doctrine sous le nom de magnétisme animal. Malgré des efforts persévérants et des succès éclatants, TOMB IX. —N° 123. — OCIOUBE 1850. 13
il resta bien loin de son but, cl laissa le monde à peu près incrédule. Scs nombreux disciples et scs successeurs, plus nombreux encore, n’ont pas été plus heureux. Ils ont eu, comme lui, des partisans fanatiques et des contradicteurs obstinés. Comme les prophètes de l’ancienne Judée , ils sc disaient animés de l’esprit divin : on n’a voulu voir en eux que l’esprit de mensonge et d’erreur ; 011 ne leur a pas jelé la pierre, mais on ne leur a pas épargné les sarcasmes et les mépris. La Jérusalem nouvelle a eu , comme l’ancienne, beaucoup d'appelés et peu il élus; les gentils ne se sont pas convertis.
Le temps, cet ami de la vérité, et qui fait presque toujours justice du mensonge, n’a pas grandi les destinées du magnétisme animal. Semblable à ces êtres incomplets , à ces produits manqués, qui parcourent toutes les périodes de leur existence sans sortir de l’enfance, le magnétisme animal a continué d’être, jusqu’à nos jours comme au temps de sa première apparition dans le monde, accepté par les uns, combattu par les autres, et dédaigneusemeut repoussé par la foule.
11 n’a pas eu, dans les contrées étrangères, d’autre fortune que chez nous; il a fait le tour de l’Europe sans rester vainqueur nulle part et sans être jamais complètement vaincu.
Une véritable fatalité a toujours pesé sur le magnétisme anima! : il a bien eu à toutes les époques des initiateurs chez lesquels se trouvaient réunis la science et la sicérilé, mais il faut convenir que presque tous ceux qui l’annoncent sont bien peu faits pour inspirer la confiance. Dépourvus de science et de dignité, étrangers même aux connaissances médicales, ils sont assurément bien incapables d’ouvrir de nouvelles
voies dans dos régions où ils n’ont jamais fait un pas; philosophes mercenaires, qui font semblant de prêcher la science, et n’ont pour but que de pratiquer, l’avarice; charlatans, qui cherchent plutôt à rançonner le monde qua l’éclairer : il leur importe peu de, comprendre la langue qu’ils parlent; et on pourrait les comparer à ce moine hypocrite qui montrait depuis longues années une relique qu’il n’avait pas encore vue lui-même.
Les savants, les médecins surtout, qui seraient plus compétents que les autres savants, se moquent le plus souvent du magnétisme animal ; et, répudiant une solidarité qui les humilie, ils l’abandonnent, comme une panacée ridicule, à d’avides empiriques. Dans des mains indignes, le magnétisme animal perd tout caractère scientifique et devient une mystification, une jonglerie, une spéculation honteuse.
Mais celte profanation ne peut changer la nature des choses. Il serait plus sage d’étudier le magnétisme animal que de s’en moquer. Il serait digne des médecins philosophes d’approfondir le caractère de cette puissance nouvelle et d’en poser les limites. Les dédains et les railleries ne peuvent rien contre les merveilles qu’il nous a révélées.
Mesmer et ses successeurs ont cru, mais probablement sans raison, que les phénomènes magnétiques annonçaient l’existence d’un principe universel répandu dans toute la nature. Ce principe, selon eux, réside dans les corps inertes comme dans les corps organisés; il est aussi insaisissable que la cause de l’attraction el les principes impondérables admis dans les sciences physiques. Ordinairement à l’état latent, il ne devient sensible que par ses effets. Dans certaines circonstances, ce principe, ce fluide invisible»
sollicité par l’action de la volonté humaine, qui agit comme cause excitante, quitte l’état d’inertie, s’élance des mystérieuses profondeurs où il était inaperçu, et révèle sa présence par des impressions et des actes extraordinaires. Soumis à l’influence du fluide en mouvement, les organes des animaux éprouvent dans leur sensibilité et dans leur action, des modifications insolites, et le plus souvent salutaires. Mesmer ne s’est pas borné à imaginer le fluide magnétique : il a cru pouvoir déterminer la loi de ses mouvements et toutes les conditions de sa transmission. Neptune de cet océan chimérique, il faisait jaillir le fluide, le dirigeait en courants variés, l’accumulait sur un point, ï’éparpillait sur d’autres; il en imprégnait certains corps, qui le transmettaient à d’autres corps; les uns étaient conducteurs, les autres ne l’étaient pas. Mais toutes ces suppositions sont tout à fait arbitraires.-Rien ne démontre l’existence du fluide magnétique; et il est plus simple d’attribuer les actes extraordinaires qui se produisent quelquefois chez les hommes à quelque excentricité de la force nerveuse, à quelque aberration dans l’action du principe même de la vie, que de recourir à un principe nouveau qui n’est qu’une complication, que rien ne démontre, et qui n’apporte aucune lumière nouvelle à l’esprit. Il est infiniment probable, pour ne pas dire certain, que lous les appareils dont se servait Mesmer, que tous ses baquets, ses conducteurs, ses baguettes, etc., n’étaient que des manifestations insolites du principe ordinaire de la vie. Quelle que fût leur bizarrerie ou leur nouveauté, lous ces phénomènes n’étaient probablement que des actes de la puissance nerveuse, et rentrent dans le domaine de la physiologie.
Depuis Mesmer, on a découvert et attribué à l’action
du fluide magnétique, un mode singulier d’existence qui se montre dans les mômes circonstances que les autres phénomènes magnétiques, et qui se produit quelquefois spontanément: c’est le somnambulisme, qu’on appelle encore la clairvoyance. Dans cetétat, quelques individus acquièrent une puissance merveilleuse, et montrent des facultés inattendues et complètement inexplicables. Toutes les conditions de la vie paraissent changées, et il se produit des actes qui excitent l’admiration et semblent être contraires aux lois ordinaires de la nature; on est tenté de croire que l’on esl dupe de quelque illusion , qu’on est séduit par quelque prestige; on croit involontairement à l’action de puissances surnaturelles.
Les phénomènes du somnambulisme étonnent les esprits sévères, el l’on rencontre beaucoup d’incrédules qui rejettent ce qu’ils ne comprennent pas, et ce qui leur semble en opposition avec tout ce qui se passe ordinairement dans le monde matériel ou moral. Mais il est sensible que l’opposition de semblables adversaires n’aurait de valeur et d’importance que dans les cas où nous connaîtrions entièrement toutes les lois qui gouvernent l’esprit et la matière; mais nous ne les connaissons que d'une manière bien imparfaite. Nous n’avons encore soulevé qu’une bien faible partie du voile qui couvre tous les secrets de la nature, et il y a sans doule bien des mystères encore cachés, dont la révélation modifierait beaucoup les prétendues lois que nous avons assignées aux phénomènes naturels. Sans doute il ne faut pas croire ce qui répugne au bon sens et à la raison; mais ne prenons pas nos connaissances actuelles pour les limites de la raison. On refuse de croire à des choses que 1 on ne peut comprendre. Mais qu’entend-on par ce
mol comprendre? On se fait d’étranges illusions sur fa portée de notre esprit et sur la nature du rôle qui nous est assigne sur la terre. Essayons d’apprécier en quelques mots, çt d’une manière très-générale, toutes nos connaissances. Si l’on examine sévèrement tout ce que nous savons, tout ce que nous croyons fermement, si l’on observe bien la constitution de notre intelligence elle-même, on verra que s’il nous est donné de voir et de constater beaucoup de choses dans l’étude de la nature, il ne nous arrive, pour ainsi dire, jamais d’en expliquer une seule. Le monde est rempli de phénomènes merveilleux auxquels nous sommes habitués, que personne ne songe à contester, et qu’il serait tout à fait impossible de comprendre et d’expliquer. Nous n’avons d’explications réelles que dans les sciences mathématiques, qui seules donnent une satisfaction à peu près complète à l’esprit, qui peut se vanter, en quelque sorte, d’en avoir créé les principes. On part, dans ces sciences, d’un petit nombre de données qui n’ont de réalité que dans notre conception, dont l'évidence est intuitive, dont la ceriitude n’a pas d’autre sanction que J’assentiment universel, et qu’on ne pourrait contester sans contester l’intelligence elle-même; partant de ces faits principes, l’esprit s’élève par une suite d’inductions qui dérivent successivement l’une de l’autre, jusqu’aux conceptions les plus abstraites et les plus élevées; rien d’incertain, rien d’incomplet -dans la théorie; l’esprit, en quelque sorte toujours appuyé sur lui-même, arrive à une démonstration nouvelle, sans jamais abandonner la chaîne qui réunit les vérités précédentes; au moindre de faux pas, la chaîne se brise : vous êtes averti de rentrer dans le chemin de la vérité; et vous arrivez au sommet du
magnifique édifice, domaine de la vérilé pure, que ne peuvent ébranler ni la contradiction ni le doute, et qui présente à tous ses degrés une égale solidité. Mais aussitôt que vous descendez de ces hauteurs, que vous voulez Caire une application, et rentrer, pour ainsi dire, dans la nature, la vérilé, sans cesser d’êlre, perd pourtant quelque chose de sa précision. En développant des phénomènes puisés dans le monde réel, l’analyse et le calcul retiennent quelque chose de l'imperfection de tous nos moyens d’observation; la vérité, qui était, pour ainsi dire, absolue, devient relative et du même ordre que toutes les vérités qui constilueut les sciences naturelles.
Dans l’étude de la nature, nous ne nous élevons jamais au-dessus de la simple observation; connaître, dans les sciences naturelles, c’est voir, toucher, percevoir, sentir; les théories ne sont que des collections de faits rapprochés, se subordonnant dans un tel ordre, que les propositions les plus générales ne sont que des formules qui embrassent le plus grand nombre possible de faits particuliers; on part des faits les plus simples, et l’on arrive par une succession de termes, dont chacun comprend et enveloppe celui qui précède, jusqu’aux principes les plus élevés de ces sciences; ces principes ne peuvent plus se subordonner à rien; nous nous arrêtons là et nous ne pouvons aller plus loin que par des progrès nouveaux; mais il est évident qu’il ne peut y avoir dans ces principes, dans ces causes premières, que ce que nous y avons, pour ainsi dire, mis, c’est-à-dire des fails, de simples observations. Il n’y a point là de véritable explication; il n’y a qu’un arrangement lumineux, une savante coordination de faits, dont le plus simple peut bien étonner l’esprit, mais ne peut être ni ex-
pliqué ni compris. En effet, nous ne connaissons nullement la nature des choses, pas plus celle des corps inorganiques que celle des corps organisés ; nous ne connaissons que les impressions produites sur nos organes, et les relations que l’esprit peut saisir entre elles; la vérité, c’est tout ce qui est senti, perçu, tout ce qui est observé, tout ce qui est observable; c’est encore tout rapport légitimement établi entre nos perceptions; il n’y a rien au-delà; l’erreur tient aux observations mal faites, l’ignorance à celles qu’on ne fait pas ou qu’on ne peut pas faire; l’erreur peut encore dépendre d’une infraction aux lois de la logique dans le rapprochement comparatif des faits, ou de vaines spéculations que l’esprit n’a que trop souvent substituées aux observations reelles.
Il n’y a pas de miracles dans la nature; mais on y rencontre, à chaque pas, des phénomènes merveilleux qui nous étonnent, nous saisissent, et en présence desquels nous restons dans l’admiration et comme interdits. Quand ces phénomènes se présentent accidentellement, comme ceux du somnambulisme, et surprennent notre esprit, en le sortant de toutes ses habitudes, nous sommes tentés de crier au miracle ou de ne pas croire, sans faire attention, que tout, à ce point de vue, est miracle en nous et hors de nous; l’œil qui voit, l’oreille qui entend, le cerveau qui pense; dans le monde extérieur, la pierre qui tombe, le grain qui germe, tout, jusqu’aux plus humbles actions de la matière vivante ou inanimée, reste pour nous à jamais inexplicable et incompréhensible; tout cela, nous le voyons, nous l'admirons, nous n’en doutons pas : pourquoi donc demanderions-nous à expliquer et à comprendre des faits qui présentent des complications insolites, comme les plié-
nomènes du somnambulisme, dont il esl impossible de pénétrer la cause, de saisir les bizarreries, de sonder les mystères? Bornons-nous à les observer, à les constater, et ne refusons pas de croire à des réalités que n’empêcheront pas nos dénégations ou notre incrédulité. On appelle quelquefois ironiquement es-prils-forts ceux qui refusent d'admettre ce qu’ils ne comprennent pas; ce ne sont pas des esprits-forts, ce sont des esprits peu éclairés. Il est tout simple qu’il ne faut pas tomber dans un excès contraire qui, nous disposant à la crédulité, nous rend si aisément dupes des autres et de nous-mêmes. L’observation doit être, en toutes choses, notre guide; les faits sont la vraie base de l’esprit et des sciences, le fondement le plus réel de toute certitude ; rien ne peut faire que ce qui est ne soit pas ; si un fait nouveau nous étonne, dérange nos théories, cela prouve que ces théories sont incomplètes, peut-être même erronées; si elles ne peuvent s’élargir, et comprendre le fait qui nous frappe, parlons de là, tâchons de dresser une théorie nouvelle, dont le fait réfractaire sera le point de départ , le premier anneau d’une chaîne de vérités nouvelles; un fait nouveau et bien constaté a toujours de l’importance dans les sciences naturelles ; et il est bien souvent arrivé que des théories magnifiques, et même des sciences entières, n’ont pas eu d’autre origine qu’une humble observation, dont on n’attendait certes pas tant de merveilles.
Observons les phénomènes du magnétisme animal et du somnambulisme, comme tous les autres, avec recueillement et sincérité; ne soyons ni crédules ni sceptiques, et si nous ne pouvons comprendre toutes ces merveilles, rappelons-nous que si la Providence, en nous animant de son divin souffle, nous a donné
des facultés qui nous placent à la tête de la création, l’intelligence humaine est un (lambeau quelle n’a allumé que d’une clarté douteuse qui ne nous permet bien souvent de saisir que la surface des choses dont -les mystérieuses profondeurs nous sont interdites à jamais.
Nous n’allons pas plus loin dans les sciences morales elles-mêmes que dans les sciences naturelles; elles ne sont, comme ces dernières, que de véritables sciences d’observation; la différence consiste en ce -que, dans les sciences morales, l’esprit, au lieu de s’appliquer au monde extérieur, rentre et se reploie, pour ainsi dire, en lui-même, pour observer ses propres facutés, et déterminer, par une délicate analyse, les éléments de sa puissance, suivant avec recueillement les mouvements intérieurs de l’âme, écoutant, en silence la voix du cœur, il parvient à dévoiler les mystères du sentiment et les miracles de la pensée; il révèle ainsi l’homme moral tout entier, détermine ses besoins, et trouve le principe de ses droits et de ses devoirs.
Si l’on eût suivi, dans l’étude du magnétisme animal, ces méthodes auxquelles nous devons toutes les sciences qui font notre orgueil; si nous n’avions pas voulu chercher des explications et des miracles où il n’y avait que des faits à constater, des phénomènes nouveaux à admirer, nous n’en serions pas réduits à un véritable état d’anarchie dans les opinions, à ces divergences perpétuelles, qui font que la plupart des hommes se demandent s’il y a réellement des phénomènes magnétiques, si le magnétisme est ou n’est pas. Croyez-vous au magnétisme? dit l’un. C’est une folie, répond l’autre; c’est une merveille au contraire, pour un troisième; pour un quatrième, c’est une
jonglerie; il n’y a plus de miracles de nos jours, dit-il ; on ne croit plus ni aux sorciers ni aux oracles.
Existe-t-il ou n’existe-t-il pas dos phénomènes magnétiques qui se produisent plus spécialement dans l’état de somnambulisme, et qu’on ne peut rattacher à l’ensemble des phénomènes de la vie ordinaire? Ces phénomènes qui nous semblent merveilleux, pou-vons-nous les faire naître, les suivre dans leur développement, les faire cesser? Pouvons-nous saisir les conditions, ou du moins quelques-unes des conditions qui permettent leur apparition? Ne seraient-ce que des phénomènes d’imagination, des manifestations insolites de la sensibilité ordinaire? Ne sommes-nous dupes, en les voyant, d’aucune illusion, d’aucun prestige?
Examinons, observons; voyons des somnambules, et si nous trouvons qu’ils ont réellement quelquefois des facultés qui n’ont point leurs analogues dans la vie ordinaire; s’ils sont animés d’une force insolite, d’une puissance intellectuelle qu’il n’est donné à personne d’exercer sur la terre; s’il ne nous reste aucun doute dans l’esprit, étudions, admirons les merveilles de cette vie nouvelle ; tâchons d’en saisir les conditions, d’en poser les limites ; contentons-nous de voir, de constater, et si l’esprit ne peut expliquer ni comprendre, ne récusons pas pour cela le témoignage de nos sens ; ne nous révoltons pas contre notre propre raison.
Nous avons été longtemps incrédules; nous pensions que la boîte merveilleuse des adeptes du magnétisme animal ne renfermait que des chimères et des mensonges, et nous n’avons pas eu, pendant longtemps, la curiosité qui fit ouvrir jadis celle de Pandore; mais le hasard, à défaut de zèle, nous a
servis , et nous nous sommes convaincus que, si nous avions eu raison d’étre sceptiques el incrédules sur beaucoup de points, nous avions tort de tout rejeter sans examen. Saus doute on a débité, sous le nom de phénomènes magnétiques, une foule de fables ; sans doute on a trompé les hommes; le mensonge et la cupidité ont fait des dupes, quelquefois des victimes; il n'en est pas moins vrai cependant qu’il y a des somnambules doués de facultés merveilleuses, extraordinaires, qui brisent toute règle, metlent toute prévoyance en défaut, et qu’il esl impossible de ne pas admettre, à moins de récuser sa propre intelligence. En présence de ces actes inexplicables, inouïs, on est en quelque sorte forcé de sortir du monde réel; la physique, la physiologie abdiquent leurs droits ; l’on reste confondu, comme en extase, et pourtant convaincu. Ces phénomènes soulèvent les plus hautes questions de la psychologie, et il est vraiment étonnant que les médecins ne se soient pas empressés de les étudier et d’enlever cette branche curieuse de leur noble science aux mains indignes qui s’en sont emparées.
L’homme en possession de la vie se trouve alternativement dans deux états opposés : l’un est l’état de veille, l'autre le sommeil; le sommeil ! voilà déjà un phénomène que personne assurément ne songe à contester, et qu’il est pourtant assez difficile d’expliquer; on dit que c’est le repos des organes de la vie de relation, le repos du système nerveux. On pourrait demander pourquoi le système nerveux a-t-il besoin de repos, tandis que les autres systèmes vivent tous d’une vie continue? Pourquoi ne se repose-t-il que dans celle de ses parties qui servent à l’exercice de l’intelligence et des sens? Pourquoi ne se repose-t-il
jamais au contraire, dans colles qui président aux fonctions organiques, aux mouvements du cœur, par exemple, à la respiration, etc.? Mais cela tient aux lois primordiales de l’organisation, qu’il nous est bien permis de constater, mais que nous ne pouvons pas expliquer.
Le sommeil est rarement complet; de là résulte un état intermédiaire entre la vie et le sommeil; c’est l’état de réve. Tout le monde rêve, tout le monde a rêvé; qui comprend pourtant ce que c’est qu’un rêve? On dit bien que c’est un état de sommeil incomplet, un état dans lequel certaines parties du système nerveux conservent leur activité, tandis que les autres se reposent; les incohérences des rêves, les visions de la nuit dépendent, dit-on , de ce que le cerveau ne peut agir avec régularité que lorsque chaque partie se trouve sous le contrôle de l’ensemble ; cette explication est ingénieuse, mais est-elle bien satisfaisante? Ne ressemble-t-elle pas à la question même posée en d’autres termes? Quoi qu’il en soit, l’état de réve n’en est pas moins un phénomène universel, qui n’étonne personne, que l’habitude nous a rendu familier, et dont il est pourtant bien impossible de déterminer avec précision le mécanisme ou la cause.
L’homme peut encore se trouver, mais cela arrive rarement, dans un état bien autrement étonnant, bien autrement inexplicable que l’état de rêve. Je veux parler du somnambulisme, qui peut être naturel ou provoqué; ce dernier est le somnambulisme magnétique. La vie du somnambule comporte toutes les facultés intellectuelles et morales de la vie ordinaire; ce n’est pas l’état de veille pourtant. Il n’y a pas, dans la vie somnambulique et dans la vie normale, identité absolue du moi; le moi de la première connaît le moi
do la seconde et n’en est pas connu; de plus, le somnambule nous montre des facultés nouvelles, extraordinaires, en apparence surnaturelles. Ce n’ost point un étal de rêve; l’homme qui rêve perçoit bien des impressions, il saisit dos rapports, il fait dos raisonnements, il a des souvenirs, des émotions, des passions, etc.; mais chez lui, tout est incohérence, confusion, désordre; toutes les facultés que nous possédons dans la vie ordinaire, sont pourtant à pou près, sans exception, en activité dans l’état de rêve; nous sentons, nous pensons, nous voulons; mais il nous manque celte puissance de direction , ce principe de coordination qui, combinant nos sensalions et nos idées suivant des lois régulières, imprime au travail de la pensée une forme constante et raisonnable. Les rêves, type du désordre, vrai chaos de l’esprit, ne peuvent être soumis à aucune règle, à aucune classification; mais, envisagés sous un certain point de vue, on remarque que les uns restent en dépôt dans la mémoire, et que nous n’avons au réveil aucun souvenir des autres; on sait seulement qu’on a rêvé, encore ce souvenir est-il quelquefois à peu près nul 011 au moins fort confus.
Personne n’ignore que cette faculté bizarre de rêver a beaucoup excité l'attention, la curiosité, et même la frayeur des hommes dans les temps d’iguorance ; on a cherché dans les visions d’un organe en délire les présages de l’avenir; on a cru reconnaître dans un inintelligible et fantastique langage la voix des dieux eux-mêmes. Aujourd’hui ce n’est plus pour nous qu’une simple question de psychologie ou de physiologie.
La vie du somnambule n’offre aucune trace du désordre qui caractérise les rêves; le somnambule jouit
do toutes les facultés intellectuelles el morales dont il est doué dans la vie normale, quelquefois au même, degré, d’autres fois avec plus de force et plus d’éclat; il voit, il entend, il perçoit ; mais les matériaux de ses perceptions, du moins de quelques-unes, ceux de la vision, par exemple, 11e suivent pas, pour arriver «à lui les voies qui leur sont habituelles dans la vie normale. Il a du reste toute sou intelligence; il pense, il juge, il raisonne comme dans la vie normale; il a des émotions, des passions; il aime, il hait, etc. Le somnambule peut parler, écrire, calculer, dessiner, faire de la musique, etc. ; en un mot, il paraît être, à quelques exceptions près et sur quelques facultés isolées, en possession pleine et entière de sa vie intellectuelle et morale; il n’est pourtant pas dans l’état de vie ordinaire; il n’y a pas, nous l’avons dit plu? haut, identité complète ou absolue du moi dans la vie normale et dans la vie somnambulique ; quand il reviendra à la vie ordinaire, le somnambule n’aura aucun souvenir de lui-même, aucune idée de ce qu’il a senti, pensé, fait ou dit dans l’autre vie, pas plus que s’il s’agissait d’un autre individu. Ce caractère est aussi tranché qu’il esl invariable.
Le somnambule aperçoit le monde extérieur, mais il ne reçoit pas, nous l’avons dit, l’impression des objets comme dans la vie ordinaire. 11 a les yeux ordinairement fermés, on peut même dire involontairement fermés, il voit pourtant les choses avec une précision et une netteté dont il n’y a même pas d’exemple dans la vie normale; qu’il fasse jour ou nuit, qu’on allume ou qu'on éteigne les lampes, on le voit distinguer, nommer les objets qui l’entourent; il saisira un très-petit objet que vous pouvez à peine apercevoir dans le jour; il ouvrira un meuble, prendra
loutes les choses qui y sont renfermées, les trouvera sans hésiter, la nuit comme le jour; on le verra circuler avec aisance et dextérité, entre les meubles d’un appartement dont vous aurez fait à dessein un labyrinthe embarrassant. Chose bien plus étonnante encore! on le verra faire de véritables tours de force, sauter sur des tables, des cheminées; côtoyer des pendules et des candélabres sans les déranger ; marcher sur les bords étroits d’un lit, d’un fauteuil, d’une console; faire enfin mille évolutions étonnantes dont seraient jaloux les plus fameux saltimbanques; notez que la personne qui se donne ainsi en spectacle est souvent une femme faible, indolente, dont les membres sont en quelque sorte engourdis par les nonchalances habituelles d’une vie somptueuse, qui serait absolument incapable, qui n’aurait pas même la pensée, dans la vie ordinaire, d’aucun de ces incroyables sauts.
Il est évident que le mode suivant lequel le somnambule perçoit l’impression des objets extérieurs est un mode spécial, inconnu, et dont les conditions et les voies sont pour nous insaisissables; cette faculté d’apercevoir, de voir enfin les choses qui l’entourent, sans l’intervention du sens de la vue, est tout à fait incompréhensible; il n’y a là ni action de la lumière, ni réfraction des rayons, ni aucun des phénomènes ordinaires de la vision. Comment cela se fait-il? que se passe-t-il? Nous l’ignorons. On est tenté de ne pas croire; mais ces phénomènes ont été mille fois constatés dans le somnambulisme spontané, comme chez les somnambules magnétiques.
Mais nous allons reconnaître chez les somnambules des facultés bien plus étonnantes encore. D’abord, ils ont incontestablement le pouvoir de voiries choses
à travers les corps opaques, et à des distances qui peuvent être quelquefois très-considérables et pour ainsi dire illimitées. On peut aisément acquérir la preuve indubitable de ce fait à peine croyable. Placez un oblet quelconque dans un endroit où il n’est visible pour personne, dans une boîte, au fond d'un tiroir, dans nn trou en terre, etc. ; placez le, si vous voulez, dans une pièce voisine, éloignée même; ayez soin de ne dire à qui que ce soit ce que vous avez fait; pour éloigner toute idée de supercherie, tout soupçon de compérage ; quelles que soient vos précautions, le somnambule vous dira quel est l’objet si mystérieusement caché, si profondément dérobé à tous les regards.
Il vous dira quels sont les objets que vous avez chez vous, dans une majson voisine, dans une campagne et jusque dans une ville éloignée.
Yous écrivez une ligne, une phrase sur une feuille de papier, que vous placez, après l’avoir pliée plusieurs fois sur elle-même, sous une enveloppe double, triple, quadruple; vous placez, si vous voulez, le paquet au fond de votre chapeau, dans un secrétaire, dans une pièce séparée de l’appartement où vous êtes; vous n’avez dit à personne ce que vous avez écrit, personne ne vous a vu l’écrire, vous l’avez fait chez vous ; vous demandez au somnambule de vous révéler votre secret; il prend une plume, un crayon, et vous transcrit mot pour mot votre phrase tout entière.
Un jour je me suis rendu chez un somnambule doué d’une clairvoyance extrême, sans avoir dit à personne où j’allais, ni ce que je prétendais faire. Arrivé chez lui, je lui demandai s’il pouvait me dire le motif qui m’avait amené et à quelle personne je songeais ;
il me répondit, ce qui était l’exacte vérité, que j’étais venu pour lui parler d’une dame à laquelle je portais un vif et tendre intérêt ; il me dit le nom de baptême et le nom de famille de cette dame ; c’était une étrangère, dont les noms n’ont pas même d’analogues clans les noms français; il me conduisit par la pensée chez cette dame, dont la demeure était fort éloignée du domicile où nous étions ; il fit plusieurs détours, suivit des rues diverses et arriva enfin à sa porte; il me dit qu’il la voyait assise sur son divan, me fit son portrait très-approximativement ressemblant, et me raconta sur le caractère, les habitudes et les antécédents de cette dame, plusieurs choses qui étaient, il est vrai, un mélange de vérités et de fables.
Le lendemain, je racontai ce tour de force à la dame dont il est question. J’excitai ses éclats de rire ; elle crut que je voulais plaisanter, que je ne parlais pas sérieusement. Eh bien! lui dis-je, je trouverai peut-être un moyen de vous convaincre. Veuillez passer dans la pièce voisine, et là, bien renfermee, bien cachée à tous les regards, écrivez sur une feuille de papier telle phrase que vous voudrez; mettez-la sous enveloppe, placez le tout sous plusieurs plis, scellez avec votre cachet; demain je vous rapporterai le paquet, dont le cachet aura été respecté, et je vous dirai ce qu’il renferme. A peine pus-je obtenir ce que je demandais, tant ma proposition paraissait peu sé rieuse, extravagante même. Quelle ne fut pas la surprise de cette, dame le lendemain, lorsque je lui montrai son paquet sur lequel le somnambule avait écrit, sans briser le cachet bien entendu, les mois suivants: Pour croire, il faudrait voir; telle était, en eflet, la phrase qu’elle avait écrite la veille.
11 serait facile de varier et de multiplier ces expé-
riences; toutes elles vous conduiraient au même résultat, et vous démontreraient que les somnambules ont le pouvoir d’apercevoir les choses cachées ou éloignées, malgré les obstacles de tous genres : sorte d’intuition, de vision interne, dont il nous est impossible de concevoir les moyens et les voies.
Les somnambules ont, en outre, le pouvoir plus étonnant encore peut-être de pénétrer vos pensées, vos désirs, vos émotions de toute nature; de lire en quelque sorte à livre ouvert dans votre cerveau. Il s’établit entre le somnambule et vous , qui l’avez mis dans cet état, un rapport intime, une sorte de communion intellectuelle et morale, par laquelle toutes vos idées, toutes vos affections, retentissent pour ainsi dire dans son âme à mesure qu'elles naissent, et sont plus ou moins distinctement perçues par lui. Ce rapport peut s’étendre du somnambule à d’autres personnes que vous unissez à lui, soit par un double contact, soit même par l’action seule de votre volonté.
On a prétendu et avancé que les somnambules n’apercevaient pas directement les objets extérieurs placés près ou loin d’eux, qu’ils ne les voyaient qu'indirectement et après les avoir trouvés dans votre pensée, qu’ils ne pouvaient par conséquent, voir que ceux que vous voyiezvous-même et vous révéler que ce que vous saviez. C’est une erreur. 11 est vrai qu’ils vous disent plus vite et plus facilement ce que vous savez que ce que vous ignorez; mais ils vous révèlent bien souvent des choses dont vous n’avez aucune idée. L’expérience citée plus haut d’une phrase écrite et mise sous plusieurs plis cachetés en est un exemple; en voici un autre : Ouvrez un livre quelconque au hasard, lisez, avec un somnambule, la 10% 12e ou telle autre ligne de la page ouverte; puis, sans ouvrir autrement le
livre, priez-le de lire à travers les feuillets restés en place la ligne correspondante, c’est-à-dire la 10% 12' ou autre de la 3oc, 4oc, 5oc page; suivante, que personne assurément ne peut apercevoir, vous le verrez la lire immédiatement, et ajouter, s’il se peut, à votre étonnement.
Ne croyez pas toutefois que cette puissance extraordinaire des somnambules s’exerce facilement et instantanément, qu’ils voient les choses par une intuition rapide, comme nous les voyons, nous, par l’intermédiaire de nos sens. Non ; ce genre de vision interne est, au contraire, souvent très-laborieux, et ils n’arrivent quelquefois au but qu’après des efforts pénibles et répétés. Ces efforts ressemblent à ceux auxquels nous nous livrons , quand nous cherchons un souvenir qui se dérobe, une phrase qui ne vient pas ou une pensée abstraite. De plus, ils ne réussissent pas toujours; ils se trompent même quelquefois, et dans certaines circonstances, ils ne réussissent pour ainsi dire pas du tout. Il suffit, dit-on, de la présence d’une personne malveillante, ou qui donne é son incrédulité le caractère de la raillerie, pour paralyser leur puissance; de même qu’on nous voit -quelquefois, en présence d’une personne qui nous fascine ou nous intimide, nous troubler, oublier l’en-chainement de nos pensées et perdre jusqu’à la voix «lle-môme.
Ces échecs assez fréquents ne sont pourtant pas des objections sérieuses ; toute faculté a ses conditions d’exercice , et quand elle trompe notre espoir, il serait illégitime d’en conclure qu’elle n’existe pas, alors qu’il peut n’y avoir que trouble ou absence des conditions qui la rendent possible. D’ailleurs un fait, mille faits négatifs, ne peuvent iufirmer des faits po-
sitifs si nombreux, et qu’il n’est pas possible d’attribuer au hasard.
Toutes ces choses ont été constatées mille et mille fois, nous les avons toutes vérifiées , et il est pleinement, surabondamment démontré pour nous que les somnambules ont une puissance extraordinaire et tout à fait inexplicable, une vision interne, une force de pénétration mystérieuse, une clairvoyance enfin qui leur permet d’apercevoir ce qui se passe en vous , et de voir les choses cachées, voisines ou éloignées, à travers les obstacles de tout genre et malgré les distances. Cette puissance, dans son exercice, suit un mode el des voies inconnues, et parait entièrement se soustraire à la conditionnalilé des organes qui nous mettent ordinairement et nécessairement en rapport avec le monde extérieur. Tous les somnambules ne sont pas également doués de ces étonnantes facultés; il en est qui n’ont que très-peu de clairvoyance, il en est même qui n’en ont pour ainsi dire pas du tout.
Quelle est cette puissance mystérieuse, incompréhensible ? Quelle est cette vie nouvelle ? Nul ne le sait; on n’aperçoit aucun moyen de le découvrir ; on hésite à croire ce qu’on voit et ce qu’on entend; on ne songe pas même à aborder un tel problème. Mais cela est, il serait puéril et déraisonnable d’en douter, après mille expériences et mille preuves qui ont tant de foi» vaincu les soupçons et forcé la conviction. Ce ne sont pas des vérités mathématiques, sans doute, mais ce sont des vérités de fait, des vérités du même ordre que tout ce que nous apprenons dans l’étude de la nature et même dans la pratique ordinaire de la vie.
Que se passe-t-il chez un somnambule qui aperçoit des objets cachés, voisins ou éloignés, séparés de lui par des distances quelquefois énormes ou l’interposition d’obstacles de tout genre? L’esprit, le principe
du sentiment et de la pensée, laine, en un mot, a-t-clle le pouvoir de franchir toutes les barrières, de sortir de toutes les voies qui lui ont été prescrites dans ce monde pour aller saisir directement les choses? A-t-elle sauté, pour ainsi dire, d’un degré, en passant au-delà des organes? Comment peut-elle, sans se servir de ses instruments matériels ordinaires, les organes des sens, apercevoir les diverses modalités des corps extérieurs? Comment les couleurs lui arrivent elles sans qu’elles lui soient portées par l’œil? Comment peuvent-elles se produire sans la merveilleuse élaboration qu’en fait l’organe de la vision dans ses délicates réfractions? Questions insolubles I Abîmes, que l’esprit humain ne franchira, sans doute, jamais. Il est sensible que lous ces mystères doivent paraître tout à fait incroyables aux matérialistes, et pourraient même être invoqués, comme objections, contre leur doctrine qui réduit le sentiment et la pensée à de simples fonctions d’organes ; ils ne sont sans doute pas explicables pour des spiritualistes; mais au moins ceux-ci, qui admettent un principe immatériel, une âme servie par des organes, sont forcés de croire qu’il existe un lien insaisissable par lequel l’âme s’unit à des organes matériels , par lequel l’esprit commande à la matière; ils peuvent, à la ri-gneur, concevoir que ce lien invisible et inconnu se déplace, dans le somnambulisme, s’élance au-delà de nos organes, et se porte entre les corps extérieurs et le principe immatériel lui-même.
Quant à la faculté que possèdent les somnambules de découvrir vos pensées, de pénétrer vos sentiments, vos désirs, de se confondre , en quelque sorte, moralement et intellectuellement avec vous, de lire, comme à livre ouvert, dans votre cerveau, nous n’a-
vons assurément aucun moyen de nous rendre compte d’un tel prodige. Y a-t-il ici action des esprits l’un sur l'autre? Y a-t-il un intermédiaire entre ces actions? Quel est-il? Y a-t-il expansion, rapproche^ ment, confusion, communion des âmes! Notre intelligence admet difficilement des relations actives entre les êtres sans un véhicule intermédiaire, sans voies, sans filières qui transmettent leurs actions réciproques; le monde matériel lui-même nous offre pourtant, dans l’attraction, l’inexplicable problème d’une action et d’une réaction réciproques dont nous ne pouvons saisir le mode de transmission ; on a fait autrefois d’inutiles efl’orts pour se rendre compte de celte transmission mystérieuse , en admettant un fluide gravifique interposé entre les corps, et qui serait le conducteur de la force attractive; mais l’existence de ce prétendu fluide est aussi hypothétique que celle du fluide magnétique ; dire que la pensée d’un somnambule vient se confondre et se marier avec votre pensée à travers le fluide magnétique, dont les molécules invisibles serviraient de conducteurs et seraient le moyen de réunion, c’est évidemment s’appuyer sur des chimères et prendre des mots pour des raisons. Les somnambules pénètrent en vous, découvrent ce qu’il y a de plus caché, de plus impénétrable en vous, les pensées de votre cerveau, les mouvements les plus secrets de votre cœur, vous ne pouvez en douter, mais vous n’avez aucun moyen d’expliquer cet inexplicable mystère.
Mais qui sait? peut-être que dans l’ordre des actions immatérielles ce rapport, cette communion des âmes tient à quelque loi bien simple, quoiqu’elle soit insaisissable pour nous. On pourrait non certes en donner une explication, mais peut-être s’en faire une
idée, en concevoir au moins la possibilité par une analogie tirée, même du monde matériel ! Quand on ne connaissait ni la cause du son, ni le mode de sa propagation , ni les lois suivant lesquelles vibrent les corps sonores, qu’aurait-on pensé si l’on eût fait une expérience bien simple et qui consiste à faire vibrer une corde sonore isolée, après avoir placé dans la même pièce ou même dans une pièce séparée, d’autres cordes ayant avec la première certains rapports de longueur et de tension. Tout le monde sait qu’au moment où la première corde entre en vibration, toutes les autres se mettent en rapport avec elle et commencent à vibrer sans avoir reçu aucune impulsion apparente; aujourd’hui on trouve la cause de ce phénomène biej* simple; mais quand on ne savait pas que le son étai! produit par les vibrations des corps, quand on ignorait les lois de ces vibrations, et qu’on ne se doutait pas que l’air lui-même était un corps vibrant, le mouvement harmonique des cordes, que personne n’avait touchées, nt pouvait-il pas sembler un miracle? Ce n’est sans douta là qu’une analogie bien grossière et qui ne nous fait pis même faire un pas dans la voie où nous n’apercev.^is que la plus profonde nuit; elle n’est venue à ma pen \éeque comme un moyen de reposer l’esprit de l’agitation et du malaise que lui causent toujours des réali és dont il ne peut se rendre aucun compte et qui l\j semblent même impossibles.
Le phénomène d’acoustique que nous venons de rappeler n’est pas le seul, dans l’ordre des faits matériels, qui soit de nature à nous commander la circonspection dans nos jugements. Que dirait-on d’tin incrédule qui s’obstinerait à soutenir qu’il n’est pas possible qu’un corps matériel se soulève spontané-
ment et se transporte vers un autre corps , contre la loi de la pesanteur? Ne pourrait-on pas lui faire voir un barreau de fer s’élançant contre un morceau d’aimant, s’appliquant à lui, et se maintenant ainsi dans une direction et une situation entièrement contraires à celles que lui impriment habituellement sa forme et son poids? Il n'y a pas là de miracle pourtant; il n’y a qu’action d’une force nouvelle que l’incrédule ne connaissait pas ; c’est celle que l’on désigne depuis si longtemps sous le nom de magnétisme terrestre. Le principe inconnu de l’électricité donne aussi aux divers corps de la nature, dans des circonstances aussi nombreuses que variées, des propriétés nouvelles qui semblent neutraliser les forces auxquelles la matière est habituellement soumise; des expériences modernes ont démontré que le magnétisme terrestre et l’électricité n’étaient que des formes diverses d’un principe unique. Quand on n’avait aucune idée de ce principe, quand on n’avait pu soumettre, par conséquent, les corps naturels à son action, dans des conditions préparées d’avance, pour arriver à des résultats prévus ou inconnus, on ne pouvait manquer de rencontrer souvent des phénomènes qui dérangeaient l’ordre habituel, étonnaient l’esprit, et devaient passer pour des miracles; celui qui en était témoin les attribuait à quelque puissance d’un ordre surnaturel; et celui qui en entendait le récit partageait cette superstition ou refusait de croire; il était superstitieux ou incrédule, homme simple ou esprit fort. Si le monde matériel nous donne de tels enseignements, comment pouvons-nous être si affirmatifs et si tranchants, quand il s’agit des phénomènes bien autrement complexes , bien autrement mystérieux , de l’ordre intellectuel ou immatériel? Nous ne con-
naissons ni l’esprit ni la matière; le sentiment et la pensée sont pour nous, même dans leurs manifestations les plus ordinaires, d’éternels sujets d’étonne-ment cl d’admiration ; et nous voudrions, dès qu’un phénomène inexplicable ou insolite se présente et déroute notre faible intelligence, décider avec autorité el dire impérieusement : Cela ne se peut pas ; cela est contraire aux lois do la nature, etc. Soyons plus modestes, sachons mieux comprendre le rôle que la Providence nous a assigné sur la lerre; observons, mettons-nous en garde contre les surprises et toutes les causes d’erreurs, mais ne refusons pas de croire à des réalités que nous voyons sans pouvoir nous en rendre compte. Nous ferons peut-être un jour quelques pas de plus , nous trouverons peut-être la cause ou du moins la loi de ces phénomènes que nous ne voulions pas croire. Les hommes ont cru, pendant des siècles, que la foudre annonçait la colère des dieux; ils sont parvenus à démontrer qu’elle tenait à deux nuages chargés d’électricité. Si nous parvenons un jour à soulever quelques replis du voile épais qui couvre les mystères du somnamhulisme, nous serons peut-être étonnés de la simplicité et de la fécondité qui président à tous ces miracles; nous serons honteux de n'avoir pas voulu croire que les somnambules pénètrent nos pensées et aperçoivent les choses à travers les obstacles et malgré les distances ; nous ne concevrons pas qu’on ait si longtemps combattu par d’incrédules railleries, une puissance qui lient à des lois si simples et si naturelles.
Le somnambulisme nous offre encore un phénomène non moins étonnant et non moins insaisissable que tout ce qui précède, et qui ne permet pas d’assimiler cet état aux rêves; on se souvient plus ou moius
d’un rêve quand on s’éveille; on se rappelle an moins qu’on a rêvé; rien de pareil dans le somnambulisme: le somnambule revient à la vie normale sans se souvenir, en aucune façon, de ce qui vient de se passer; il vous a parle, il a soutenu avec vous la conversation, la discussion sur toutes sortes de sujets; il a éprouvé des émotions diverses, il a chanté, ri, dansé, fait de la musique, etc., et de tout cela il ne lui reste aucun souvenir, aucune idée, pas l’ombre d’un soupçon; vous lui causez, à lui-même, une saisissante surprise, en lui racontant ce qui vient d’avoir lieu; il se suspend à vos lèvres pour écouter les merveilles dont il est l’auteur. Étrange dualité! mystérieuse métamorphose de la personnalité, du moi humain, qui, dans la vie somnambuliqne, sait à la fois ce qu’il est, ce qu’il a été et ce qu’il sera bientôt; et qui, dans la vie normale, n’a aucune idée de ce qu’il vient d’être dans l’autre mode d’existence.
Mais la puissance des somnambules, toute merveilleuse qu’elle est, a ses limites, comme tout dans ce monde; et ces limites, il importe beaucoup de les connaître, de ne pas les franchir, et de ne pas s’égarer, à la suite de ces visionnaires, de ces fanatiques aveugles, qui croient tout possible aux somnambules , qui descendent à leur suite dans les tombeaux, s’élèvent de là jusqu’aux cieux, croient pouvoir pénétrer avec eux jusqu’aux impénétrables mystères de la vie future, et se mettre en relation directe avec Dieu lui-même. Mais les somnambules ne sont ni des dieux ni des prophètes; il ne leur est pas plus donné de deviner le passé que de prédire l’avenir ; ils n’ont pas le pouvoir d’apercevoir ce qui n’est plus, ce qui n’est pas encore. Tout ce qu’ils racontent à cet égard est toujours très-hasardé, toutes les prédictions qu’ils
annoncent sont fort incertaines; toutes les fois qu’ils affectent la prétention de vous révéler les mystères de l’avenir ou du passé, on s’aperçoit aisément qu’ils ne font que des raisonnements ou des conjectures en partant de quelque notion tirée du temps présent; ils raisonnent, comme nous, avec plus ou moins de justesse ou de sagacité, el peuvent bien quelquefois trouver dans des impressions actuelles et dans les inductions qu’ils en tirent, des signes qui leur font soupçonner ce qui n’est plus ou ce qui n’est pas encore ; mais il n’y a pas là prédiction; ils ne pénètrent pas, ils ne plongent pas dans l’avenir ou dans le passé ; il n’y a de leur part que raisonnement, calcul, prévoyance.
Même à l’égard des maladies et des moyens propres à les combattre, ils ne paraissent avoir que des notions bien incomplètes ou même tout à fait insignifiantes. Nul doute qu’ils n’aperçoivent, comme ils le disent, les organes intérieurs du corps humain, et qu’ils n’aient la perception distincte, la vue de toutes les modifications que les maladies apportent dans leur aspect et dans leurs rapports ; mais comme ils sont en général étrangers aux connaissances anatomiques et médicales, ils ne savent pas même distinguer ce qui est malade de ce qui ne l’est pas ; ils ne savent apprécier ni la gravité, ni les suites probables d’un changement quelconque dans l’état des organes; ils ne comprennent pas ce qu’ils voient. Quant aux méthodes de traitement qu’ils imaginent et aux moyens souvent singuliers qu'ils proposent, tout cela vient toujours des lectures qu’ils ont faites, de leurs préjugés ou de quelques pratiques vulgaires apprises dans le commerce ordinaire de la vie. Les somnambules n’ont pas plus le pouvoir de reconnaître une
maladie et de prescrire un traitement rationnel, qu’ils n’ont celui de parler une langue étrangère qui leur esl inconnue; ils n’ont pas plus l’esprit divin d’Escu-lapc que celui d’Apollon.
Il esl inutile d’exagérer une puissance qui, réduite A ses limites exactes, dépasse encore d’une façon si étonnante tout ce qu’il eût été possible de prévoir, et ce qu’il nous est donné de comprendre. La puissance réelle des somnambules consiste uniquement dans cette incompréhensible faculté de saisir ce qui se passe en vous, ce qu’il y a de plus profondément caché dans votre cœur et dans votre tête, et dans cette intuition , celte vision interne qui leur fait apercevoir les choses, malgré les obstacles et les distances, suivant un mode et des conditions qui nous sont impossibles dans la vie ordinaire. Du reste, ils raisonnent comme nous, prennent pour base de leurs raisonnements leurs impressions, leurs perceptions internes, comme nous le ferions nous-mêmes, si les mêmes perceptions nous arrivaient par la voie des sens. Ils ne peuvent donc arriver qu’aux connaissances qui dérivent, pour eux comme pour nous, de l’action de l’esprit sur tous les genres de perception qu’il reçoit; ils n’ont donc pas la science infuse, ils ne peuvent prédire ni l’avenir ni deviner le passé; ils ne sont ni dieux ni prophètes.
Tout le monde sait que le somnambulisme se développe quelquefois spontanément et qu’il cesse de même. U vient alors la nuit comme un rêve; ijnais le plus ordinairement il est le résultat de l’action d’un individu sur un autre. Cette action s’exerce par diverses impositions des mains, voisines de l’allouche-nient, et qu’on nomme des passes magnétiques ; mais il paraît bien démontré qu’elle sort directement de la
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volonté; un regard, un geste, une volition. un acte quelconque de la volonté , suffisent le plus souvent pour provoquer le somnambulisme, principalement chez les personnes qui en ont déjà donné l’exemple, et sur lesquelles on a acquis par l’habitude et la répétition des mêmes actes une plus grande influence.
On ne peut certainement considérer le somnambulisme comme un acte de fascination, une action prestigieuse qui agirait seulement sur l’imagination ; il n’est pas possible de rattacher les phénomènes si tranchés, si extraordinaires du somnambulisme et de la clairvoyance à cette brillante faculté, sans agrandir, contre toute vraisemblance et toute logique, son domaine déjà si riche, sans lui supposer une puissance de métamorphose contraire à sa nature même. Qu’v a-t-il de commun entre les phénomènes d’imagination, qui se réfléchissent toujours si vivement dans la mémoire, et les actes de la vie somnambulique, qui naissent et meurent avec elle? L’imagination, chez les somnambules, ne peut tout au plus agir que comme cause excitante, et comme l’intermédiaire qui reçoit et transmet les actes ou les ordres de la volonté.
Le somnambulisme cesse par l’effet d’un sentiment de malaise et de fatigue, qui avertit les somnambules qu’il esl temps de revenir à la vie normale; ils demandent à être éveillés. Le passage d'une vie à l’autre se fait ordinairement à l’aide de quelques lègères secousses qu’on imprime à la main ou au bras , en disant : Éveillez-vous. Il paraît que le concours de deux volontés est nécessaire, ou du moins qu’il doit y avoir assentiment, désir du somnambule pour rentrer dans la vie normale; autrement on ne concevrait pas comment ils ne s’éveilleraient pas spontanément dans tou-
tes les circonstances où ils éprouvent de vives émotions et se livrent à des mouvements violents.
L’empire pour ainsi dire irrésistible qu’on acquiert, dit-on, sur les somnambules, el qui en fait comme des esclaves dociles, soumis aveuglément à toutes vos volontés et à vos caprices, a été, je crois, un peu exagéré; il n’existe pas au moins dans tous les cas. Tous les somnambules que j’ai vus conservaient entièrement leur libre arbitre. Il y a plus , j’ai toujours remarqué en eux une tendance à la résistance. Je les ai vus susceptibles, volontaires, exigeants, et ce n’était pas sans inconvénient et sans danger même qu’on pouvait ge permettre de les contrarier; ils supportaient difficilement une simple contradiction, une observation même.
Il est assez remarquable que tous, ou presque tous les somnambules affectent des prétentions exagérées; ils vantent outre mesure leur puissance, se piquent de tout voir, de tout savoir, d’être initiés à d’immenses et terribles mystères qu’ils ne peuvent révéler ; de savoir, par exemple, le jour de leur mort, celui de la vôtre; il est en qui vont jusqu’à dire qu’ils sont en communication directe avec Dieu lui-même. Si vous exprimez le plus léger doute, vous les tourmentez, vous leur faites mal, disent-ils. Il est quelquefois dangereux d’insister. J’ai vu des somnambules, dans ce cas, saisis de convulsions affreuses, et rentrer brusquement dans la vio normale, avec du délire et toutes les apparences de la folie; on était obligé de les magnétiser de nouveau, de ramener le somnambulisme et du les calmer par les attentions les plus délicates et les soins les plus empressés.
Vous voyez, madame, que le magnétisme animal nous a montré autre chose que des extravagances et
des chimères; il nous a révélé dans le somnambulisme au moins de singulières , d’élonnantes merveilles. Je pourrais poursuivre avec vous l’étude de quelques autres phénomènes remarquables, qui se produisent souvent dans les mêmes circonstances que le somnambulisme, et qu’on voit paraître à la suite des passes magnétiques et suivre l’action énergique de la volonté ; on les attribue au magnétisme, à l’action du prétendu fluide magnétique. Ces phénomènes sont des troubles nerveux, des excitations plus ou moins for-tes, quelquefois des actions calmantes, salutaires; ils se montrent ordinairement chez les sujets nerveux et mobiles, et ne paraissent être autre chose que des excentricités de l’action nerveuse, des phénomènes d’imagination, d’imitation même, etc. Mais ici, nous ne pourrions faire que des pas très-incertains; nous trouverions en foule les hypothèses, les doutes, les contradictions, les artifices même. Et, si le magnétisme animal n’avait pas découvert le somnambulisme et la clairvoyance, on pourrait lui contester jusqu’à sa raison d’être, et tout expliquer par les lois qui président aux actions et aux aberrations de la puissance nerveuse, sans sortir du domaine de la physiologie ordinaire. Je n'ai pas d’ailleurs entrepris d’écrire l’histoire complète du magnétisme animal ; il suffit, pour l’objet qui nous occupe, que vous connaissiez les principaux phénomènes du somnambulisme. Veuillez, madame, ne pas perdre un instant de vue que le somnambulisme magnétique est un mode d’existence tout spécial, dans lequel on reste à peu près complètement en possession de toutes ses facultés intellectuelles et morales ; on pense et on agit comme on pourrait le faire dans la vie normale, on est apte à tous les exercices qui exigent l’action de la volonté et
do la pensée; on reçoit, par des voies mystérieuses et inconnues, toutes les impressions qui nous arrivent par les sens dans la vie ordinaire; le cœur conserve son empire, on aime, 011 hait, et on peut s’abandonner à tous les égarements de l’imagination et des sens. Cet état ne semble pas quelquefois différer de la vie normale, et on en ferait même difficilement la distinction, si l’on ne remarquait que le somnambule a les yeux constamment et involontairement fermés, et que la perception des objets extérieurs lui arrive par des voies insolites. De plus, il y a souvent, dans le somnambulisme, des facultés toutes nouvelles, incompréhensibles, qui n’ont pas leurs analogues dans la vie normale. Enfin, les somnambules ne se souviennent jamais de rien en rentrant dans la vie normale; ils n’ont pas plus d’idée de ce qu’ils ont fait, dit, entendu, que nous n’en avons d’une ou de plusieurs vies antérieures que nous avons déjà eues en partage, selon le système des philosophes qui admettent la métempsycose.
Il arrivera, nous n’en doutons pas, un temps où les médecins et les savants déposeront leurs préjugés et leurs dédains, étudieront sérieusement et sévèrement les phénomènes du magnétisme animal et du somnambulisme, et nous délivreront de toutes les visions, de toutes les chimères, de toutes les crédules et mensongères exploitations; nous verrons s’élever sur les ruines de la superstition et de la fourberie un vrai corps de doctrine, une théorie scientifique ; on n’ira plus chez les somnambules pour leur demander les secrets de l’avenir; on ne comptera plus sur eux pour la guérison des maladies dont ils ne savent pas quelquefois même le nom; on ne leur demandera plus ni prédictions ni recettes; mais on saura se servir utile-
ment des étonnantes facultés qu’ils possèdent; le médecin profitera de leur clairvoyance pour déterminer la nature des maladies internes; ils seront pour lui comme un sens nouveau qui lui permettra de pénétrer dans les profondeurs du corps humain, d’apprécier les variations accidentelles survenues dans la position, la forme, la structure et toutes les apparences des organes; il trouvera dans ce nouveau sens, pour les maladies internes, le secours que lui apportent ses sens naturels dans toutes les maladies qui affectent les parties extérieures du corps. La médecine proprement dite, la médecine interne, aura à peu près la certitude et la précision de la médecine externe.
La justice humaine, à son tour, encouragée et rassurée par la science, ne craindra pas de demander aux somnambules d’utiles et précieux renseignements ( i) ; ils ne lui révéleront pas, sans doute, un crime passé dont toutes les circonstances ont disparu, ne sont plus; mais ils pourront souvent découvrir les résultats de ce crime ; ils dévoileront les antres ténébreux où se déposent et se recèlent les objets volés; ils apercevront quelquefois les malfaiteurs eux-mêmes ; ils trouveront dans la pensée d’un complice ou d’un simple témoin d’inappréciables indices, et mettront souvent le juge sur les traces du crime; invisibles et perpé-
(1) On ne devra jamais s’adresser qu’aux somnambules véritablement lucides, à ceux qui sont doués d’une clalrvuyance réelle; et comme ils se trompent quelquefois, souvent même dans quelques circonstances mal déterminées , on ne, les écoutera qu’avec prudence et circonspection ; à moins qu’on ne trouve les moyens de perfectionner la clairvoyance elle-même et de la rendre certaine par une modification heureuse des conditions qui en permettent la manifestation, on ne pourra jamais accepter le témoignae des somnambules, en médecine, que lorsqu’on le verra concorder avec les autres indications de la science, et en justice, qu’à litre de renseignements.
tuels agents d’une police salutaire, ils seront l’œil toujours ouvert da la justice et l’effroi des hommes coupables.
(Illustration.)
Cet article, publié dans les numéros des 7, i/j et 21 septembre du journal donl la signature est ci-dessus, était précédé de l’avis éditorial qui suit :
« Un genre de phénomène qui paraît avoir augmenté, depuis quelques années, le nombre de ses fidèles, nié encore aujourd’hui par les savants officiels, malgré des atlestalions nombreuses et sincères, nous a inspiré le désir d’obtenir l’avis d’un esprit libre qui ne craint pas d’affronter le préjugé, d'un esprit prudent qui procède philosophiquement et ne fait pas plus de cas des sceptiques que des empiriques.
« Les poursuites exercées depuis quelques jours contre les charlatans qui spéculent sur la crédulité d’une foule d’adeptes ignorants, sont la-propos de l’article qu’on va lire. Nous avons été servis à souhait.
« Le D1' B*** possède en manuscrit une très-intéressante histoire, dont le fond est le développement dramatique d’un fait de somnambulisme des plus singuliers, constaté par lui dans l’exercice de sa profession de médecin. Le récit nous tentait; mais le sujet esl délicat, el l’histoire d’ailleurs aurait pu être soumise au timbre comme un roman; le timbre est si connaisseur ! Heureusement pour nous et nos lecteurs, il y avait en tête du manuscrit une introduction, une préface, un discours fait pour préparer le lecteur à l’histoire prodigieuse, et M. le l)r B"*a bien voulu nous permettre de déiacher ce morceau, qui contient, croyons-nous, ce qu’on a dit de plus fondé et de plus
sensé sur le magnéiisme animal. Nous laissons parler noire auteur avec l'autorité de la science et un talent d’écrivain dont on va juger. »
Quel est ce 1)' B'**, assez marquant dans la médecine pour que l’éditeur de VIllustration ait cru devoir souligner l’autorité de son savoir? Nous l’ignorons; et, quoique dans cette région les partisans du magnétisme soient assez rares, nous n’avons pu pénétrer le voile de l’anonyme. Au reste, peu nous importe son nom ; c’est son opinion que nous devons apprécier.
C’est avec une véritable satisfaction que nous donnons à nos lecteurs ce beau travail, et si nous regrettons de ne pas en connaître l’auteur, c’est uniquement parce que cela nous prive de lui en adresser en personne nos félicitations et nos remerciements.
Cet essai de tableau synoptique, quoique renfermant beaucoup de lacunes, quelques contradictions et des erreurs de fait, contient les vérités essentielles du magnétisme. En le publiant, M. B*** a donné une preuve de courage assez rare, car nous connaissons beaucoup d’hommes éminents dans les sciences et parfailement convaincus du magnétisme, qui n’oseraient certainement pas écrire leur croyance sur ce sujet, tant il reste encore de préjugés à vaincre et d’intérêts à surmonter.
Sans doute, M. B*** n’apprend rien aux magéti-scurs ; ses idées sont l’expression de faiIs connus de chacun d’eux et qu’ils interprètent de même; mais dans le monde ces idées el ces faits n’avaient pas encore pénétré; un bruit vague, des mois, quelques phénomènes raccourcis ou exagérés, un écho incertain des merveilles magnétiques; c’élail là tout ce qui servait à former des opinions contradictoires. L’immense publicité dont l'illustration dispose , cl le crédit mé-
ril3 de sa réfaction, donnent à celle dissertation la portée d'un haut événement magnétique. Des milliers de personnes auront appris par elle à peu prés ce qu'est le magnétisme. Voilà donc un premier pas fail dans la roule de la vérilé; voilà un jalon planté d'une main habile el propre à guider comme à rallier les esprits incertains. Nous devons espérer que H. B*** poursuivra ses recherches, el qu'il entrera un peu plus avant dans la régiou des causes.
Dans cette esquisse le somnambulisme prédomine; ce n'est pourtant qu'un fait de magnétisme; la faute a jusqu'ici élé commune à ceux qui ont écrit sur ce sujet. Ils ont négligé un peu trop d'étudicr l’agent, cause première du sommeil, cl les faits innombrables el merveilleux qu'une main habile el exercée peut obtenir de lui sans être obligée de passer par le sommeil.
Quoi qu’il en soit, c’est une œuvre bonoc et ulile; nous en remercions l'auteur : fasse le Ciel qu’il ait des imitateurs aussi sincères et aussi éclairés, le magnétisme pourrait alors apercevoir Je jour prochain de son triomphe.
DU POTET.
VARIÉTÉS.
Saint-Barthélemy magnétique (Suite). — Que les somnambules parisiennes , traduites en simple police, pour contravention aux dispositions de l’article /179 du Code pénal, aient élé poursuivies en vertu d’un plan , ce n’est pas douteux ; mais qu’on ait voulu atteindre spécialement le somnambulisme, rien n’est moins démontré, des devineresses de tout genre comparaissant à la même barre. Les termes de la loi sont formels; elle prohibe la divination moyennant salaire, n’importe comment 011 l’exerce. C’est à ceux qui veulent se livrer à cette industrie, à i’aide du magnétisme], dont l’effet, appelé lucidité, n’avait pas reçu cette application lors de la confection «lu Code , de faire réformer l’article en leur faveur. Ils parviendraient sans doute facilement à ce résultat ; car les législateurs n’ont pas pu vouloir défendre l’emploi d’un moyen qui leur était inconnu; et qu’en cela, bien différemment de ce qui est relatif à la médecine, nul intérêt ne ferait obstacle. C'était donc par pure tolérance qu’on laissait ces dames librement interpréter les songes, etc.; la condamnation qui les a frappées était inévitable.
Quant à Mme Mongruel, traduite aussi en police correctionnelle pour délit d’escroquerie, en complicité de son mari et de deux autres personnes, l’affaire est plus grave, et mérite d’autres considérations.
On sait que par le jugement rendu le 3i juillet, un
clos accusés fut acquitté; que le médecin condamné n’a point appelé, et que M. et Mmc Mongruel ont fait opposition. Ils doivent donc paraître devant les mêmes juges, pour s’entendre reprocher les mêmes faits et présenter leur défense. C’est entre cette condamnation et l’appel à nouveau de la cause, qu’ils se sont tant agités, tant remués pour intéresser à leur sort les magnétistes de toutes les nuances et de tous pays, qui pouvaient leur fournir aide pécunier ou appui moral. En cela ils exerçaient le droit acquis à tout inculpé de mesurer l’étendue de sa défense à la gravité de l’accusation. Nul ne peut trouver mauvais leur désir d’être acquittés; mais en est-il de même des moyens employés pour arriver à ce but ?
Voyons.
L’auteur de Y Appel fait pour eux, dont nous avons donné la reproduction intégrale dans notre précédent numéro , est un homme très-capable, trop habile. Les personnes qui l’ont vu exhibant des somnambules sur la scène d’un théâtre, à Paris, auront sans peine reconnu son style, et surtout ses citations du R. P. Lacordaire, qu’il met à toutes sauces : nous ne pouvons le désigner que par sa qualité d'étranger. 11 a su , par une sournoise interprétation des textes et des faits, tellement défigurer l’esprit des poursuites , que beaucoup de gens, d’ailleurs fort honorables, ont cru qu’il s’agissait d’une persécution scientifique, causale, collective, d’un procès au magnétisme enfin , tandis qu’il résultait de l’inculpation ostensible, que des individus seulement étaient en cause, ce qui a été confirmé à l’audience par la double déclaration , répétée, du ministère public et du président du tribunal Les débats qui suivent détromperont-ils ces personnes?
TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE PARIS (7« Chambre).
Présidence de M. Fleury. — Audience du 28 août.
SOMKAMRl'LISIIE. — DIVINATION. — EXPLICATION DES SONGES. — ESCROQUERIE.
— EXERCICE ILLÉGAL DE LA MÉDECINE.
Nous avons, dans notre numéro du i*r de ce mois, rendu compte de cette affaire. Les prévenus principaux, les sieur et dame Mongruel, ne s’étant pas présentés, furent condamnés par défaut à treize mois de prison; le sieur Grabowski, docteur en médecine, traduit pour complicité, fut condamné à 5 fr. d’amende, et le sieur Pokolowski, traduit pour semblable cause, fut renvoyé.
Aujourd’hui, les sieur et dame Mongruel se présentent comme opposants au jugement du 3i juillet.
Ils sont assistés de M*‘ Jules Favre, etDuvergier, avocats.
Tous les regards sont fixés sur Mme Mongruel. Elle est d’une beauté remarquable, et mise avec beaucoup d’élégance.
M. le Président. Vos noms, âge et qualités?
Le prévenu, souriant. Louis-Pierre Mongruel, trente-quatre ans, magnétiseur, 5, rue des Beaux-Arts.
M. le Président. Tâchez d’avoir une tenue plus convenable : ne souriez pas; ce procès n’est point une plaisanterie, il est fort grave.
Le prévenu. Monsieur le président, j’aurai pour la justice tout le respect qui lui est dû.
M. le Président. Et vous, femme Mongruel?
La prévenue. Joséphine Lefèvre, femme Mongruel, vingt-trois ans, somnambule.
M. i.e Président. Ce n’est pas une profession, somnambule.
La prévenue. Je n’en ai pas d’autre.
M. le président fait connaître aux inculpés le jugement rendu contre eux; il leur fait également con-naîlre la prévention dont ils sont l’objet.
M lf. Président. Mongruel, je vous rends une masse de brochures que vous avez fait remettre au tribunal ; vous avez cru, sans doute, qu’il en prendrait lecture et pourrait ainsi juger du mérite du somnambulisme ; le tribunal n’a point à s’occuper de cela, il a seulement à juger les faits desquels vous êtes prévenu , et que vous connaissez ; vous avez fait appeler un grand nombre de témoins; leur audition a-t-elle pour but de prouver que vous n’avez pas commis les faits dont il est question, ou doivent-ils seulement révéler des faits qui prouveraient le mérite du magnétisme et du somnambulisme? Le tribunal n’est point une académie , et ne pourrait entendre des dépositions de cette nature.
M' Jules Favre. Le tribunal n’a pas, je pense, l’intention de restreindre la défense?
M. le Président. Non; mais il doit la circonscrire dans des limites légales.
M* Favre. Il n’y a contre les époux Mongruel que des faits de magnétisme.
M. le Président, linfin, veut-on établir ici la réalité du somnambulisme ou du magnétisme, ou veut-on faire entendre des témoignages tendant à établir la moralité de l'affaire?
Mc Favre. La question est celle-ci : les époux Mongruel, en employant le magnétisme, ont-ils commis des escroqueries? Le tribunal entendra les témoins; il verra dans leurs dépositions si l’on a employé à leur égard des manœuvres coupables. Nous avons vu dans les journaux que Mmc Lemoyne, le témoin principal, ne s’était pas présentée à la première audience,
je crois qu’elle n’esl pas présente encore aujourd’hui. Je le regrette, c’est le seul témoin sérieux.
M. le Président. Mme Lemoyne est dans un tel état, par suite des révélations qui lui ont été faites, qu’elle ne pourrait sans danger être appelée.
Mongruel. Nos témoins n’ont d’autre but que d’établir notre moralité.
On passe à l’audition des témoins :
1\I. Lemoyne est entendu; il répète la déposition que nous avons reproduite.
M. le Président. Attribuez-vous l'état mental de ■votre femme aux révélations qui lui ont été faites par la femme Mongruel?
Le témoin. Oh! certainement, et j’ai la conviction que lorsqu’elle est partie pour s’aller noyer, elle en avait sérieusement l’intention.
M* Favre insiste sur la nécessité d’entendre Mme Lemoyne; mais M. le président lui répète que l’audition de cette dame est impossible.
M. Lambert, employé, entendu à la première audience, répète la déposition que nous avons également donnée.
Mme Mongruel. Monsieur, ne vous souvient-il plus que j’ai prié, en pleurant, qu’on acceptât la séance que j’offrais de donner pour confronter Mme Guédon avec Mmc Lemoyne? Je vous en supplie, rassemblez vos souvenirs.
Le témoin. Je me rappelle cette proposition, mais elle a été faite timidement , avec un embarras qui annonçait quelqu’un qui veut d’abord se tirer d’un premier pas.
Mma Mongruel. Je voudrais que Mme Guédon-Du-buisson fût entendue; j’en appellerais à ses souve-
nirs cl à sa délicatesse : elle corroborerait complètement mon assertion.
M. le président prie le témoin Lambert de vouloir bien aller chercher Mmc Guédon, et lui dire que si elle ne se présentait pas, elle serait condamnée à l’amende, et, au besoin, appréhendée au corps.
Alphonse Creuilhot, marchand de chaussons, rue Saint-Nicolas-d’Antin. (Ce témoin marche, soutenu sous un bras par une personne, et appuyé de l’autre main sur une béquille).
Depuis plusieurs années, jetais atteint d’une névralgie dans la tète; je suis allé consulter Mme Mongruel. Dans le salon d’attente de la somnambule était une jeune dame qui entama la conversation avec mon frère ; elle lui dit quelle venait consulter la somnambule, et lui demanda si lui-méme venait pour la consulter; mon frère lui dit qu’il s’agissait de inoi, et lui conta mon mal. « 11 est bien heureux d’être venu ici, répliqua la dame ; la somnambule va certainement le guérir. » Le magnétiseur sortit de son cabinet. La jeune dame lui dit tout haut : « Vous voyez que je vous suis fidèle, je reviens vous voir pour mon enfant; » elle entra dans le cabinet du magnétiseur avec lui; un instant après, on me fait entrer chez la somnambule, on l’endort, elle me prend le bras et me dit : « Yous avez une névralgie. » Alors elle dicte une ordonnance. Je suis le magnétiseur dans son cabinet, et il me dit : « Yous savez le prix des consultations de madame? — Non. — Ordinairement elle prend 3o francs. — Je ne peux pas payer ce prix-là, lui dis-je ; je me suis mis presque sans ressource pour me soigner. — Eh bien , me répond-il, ce sera 20 fr. — Je ne puis pas, répliquai-je, donner plus de 10 fr. » Il accepte mes 10 fr., et me donne une ordonnance
à prendre chez un pharmacien de la rue Jacob, 5. Je no fus point chez cc pharmacien, mais bien chez le mien, qui me fil l’ordonnance prescrite, à l’exception du chocolat ferrugineux , qu’il n’avait pas ; cette ordonnance s’élevait à 22 fr. Je vais chercher le chocolat ferrugineux chez le pharmacien de la rue Jacob; il me demande qui m’avait donné le remède prescrit; je lui dis que c'était mon pgarmacien. « C’est impossible, répliqua-t-il; il n’en a pas les formules. » Je lui montrai mes pilules; il me dit qu’elles ne valaient rien du tout, et me refit toute l’ordonnance. »
M. le Président. Vous êtes-vous servi des pilules qu’il vous a données?
Le témoin. J’ai dû y renoncer ; quand je les employais, il fallait deux hommes pour me soutenir.
M. lf. Président. Votre état s’est-il amélioré depuis ce traitement?
Le témoin. Oh ! oui, je ne peux plus marcher sans être soutenu par un homme.
M. le Président. Alors il s’est empiré.
Mme Guédon entre et est immédiatement entendue. Elle donne ses nom et demeure : M“* Guédon, rentière, 56, rue Saint-Georges.
M. le Président. Madame, n’èles-vous pas allée consulter la femme Mongruel? — Oui, monsieur,j’avais entendn parler de madame par la voie des journaux : je suis allée la consulter pour des palpitations; j’y suis allée aussi pour des révélations sur des parents que j’ai en Espagne.
M. le Président. Vous avez payé chaque fois? — R. Oui, monsieur; toujours 10 fr.
. D. N’étes-vous pas allée la consulter une fois sur une lettre que vous avez reçue ? — R. Oui ; il s’agissait d’une allaire très-grave : elle me dit que cette
lettre était d'une daine; ce n’était pas cela du tout, elle était d’un monsieur. J’étais lort en colère; je dis h ma fille : « Mm* Mongruel ne dormait pas, assurément.
M. le Président. Ne l’avez-vous pas fait venir chez vous, dans une soirée que vous donniez? — R. Oui, je l’avais fait venir, parce que dans son sommeil elle est très-bonne musicienne.
D. Ne faisait-elle pas aussi des poses plastiques? — Oui, des poses, des extases. Ce jour-là, un portrait commencé de ma fille était dans une chambre voisine; on lui demanda si elle le voyait, elle répondit que oui; on lui demanda s'il serait ressemblant ; elle répondit : « Elle n’est pas (lattée. » bile décrivit la pose du portrait et le degré d’avancement où il était.
M. le Président. Arrivez aux faits relatifs à M. et Mrae Lemoyne.
Le témoin. 11 me coûte beaucoup d'avoir à reparler de celte affaire, qui m’a fait un mal affreux, qui a rendu malade ma fille, qui n’est pas encore entièrement guérie; enfin, voici les faits : nous entendons sonner, ma fille va ouvrir; M. et M"'« Lemoyne entrent tout bouleversés : « Mademoiselle, dit M. Lemoyne, on prétend que je suis votre amant, je viens pour que cette affaire soit éclaircie. » A ces paroles, qui arrivèrent jusqu’à moi, j’entrai dans la chambre où ceci se passait, je pris ma fille par le bras et la renvoyai pour m’expliquer avec M. et Mme Lemoyne. J’étais exaspérée ;M. Lemoyne fut d’une entière convenance, il m’expliqua les faits; quant à M“' Lemoyne, elle était dans un état de vertige : « Tu vois, disait-elle à son mari, c’est exact, la somnambule a dit vrai. » C’est très-heureux que je n’aie pas tué Mme Lemoyne, car je suis fort coléreuse, et j’étais tout à la fois sous
Ic coup de la colère et de l'indignation; je secouais Mme Lemoyne par le bras : elle criait que je voulais la tuer et répétait : fuyons, fuyons ! Je n’oublierai jamais cette scène. Quelques jours après, elle vint à la maison, me serra les main, me dit qu’elle avait été abusée et me fil des excuses; je lui dis que j’élais heureuse delà voir dissuadée, et j’ajoutai qu’elle viendrait nous voir quand elle le voudrait, qu’elle serait bien reçue. Huit jours après, je me mets à la fenêtre, j’aperçois Mme Lemoyne chez l'épicier en face, elle semblait s’entretenir avec lui avec animation, elle regardait ma fenêtre; je m’informai après son départ, et j’appris que ses soupçons contre ma fille étaient revenus, et depuis ce temps elle ne cesse de venir dans ma rue, voir si son mari n’entre pas chez moi.
M. le Président. Lorsque vous êtes allée chez la femme Mongruel après la scène des époux Lemoyne, a-t-elle nié? — R. Oui, elle a tout nié, elle m’a répondu que Mra* Lemoyne était folle. J’ai eu, depuis, occasion de voir un ami de M. Lemoyne, qui m’a dit que Mme Lemoyne avait été, pendant un an, séparée de son mari pour cause d’aliénation mentale.
M. Lemoyne. Ceci est faux ; il est vrai que j’ai été plusieurs années séparé de ma femme, mais pour toute autre cause ; ma femme n’a jamais été atteinte d'aliénation.
M® Favre. J’appelle l’attention du tribunal sur ce fait, qui est excessivement grave; l’accusation n’est basée que sur un témoignage, et l’on vient vous dire que l’auteur de ce témoignage a élé atteint dix ans d’aliénation mentale. 11 est indispensable que le tribunal entende Mme Lemoyne.
M. le Président. Le tribunal sait ce qu’il a à faire; vous tirerez de ce qui a élé dit les conséquences que
vous jugerez convenables; il reste au tribunal suffisamment do faits accessoires pour éclairer sa religion.
Mongruel. Monsieur le président, nous avons demandé l’audition de madame pour un fait capital; lorsque madame est venue se plaindre, lui avons-nous offert une séance de confrontation?
Le témoin. Oui, mais j’ai refusé, n’ayant plus aucune espèce de confiance.
Plusieurs témoins à décharge sont entendus; ce sont des personnes qui déclarent avoir été guéries par Mme Montgruel ; l’une de ces dépositions est assez curieuse, c’cst celle de M. Yictor Plumier, artiste en daguerréotype, rue Yivienne.
« Je fus, dit le témoin, consulter Mme Montgruel sur la santé d’un enfant demeurant à Liège; les médecins du pays n’entendaient rien à sa maladie, l’un disait que l’enfant avait un hydrocèle, l’autre une hernie étranglée; Mme Mongruel me dit que c’était un gonflement du bas-ventre ; ce qui était exact, et a été reconnu à sa mort, en faisant l’autopsie. »
M. le Président. A-t elle présenté des remèdes? — Non, elle a dit qu’il était trop tard, que l’enfant n’avait que trois jours à vivre; en effet, il est mort trente heures après.
D. Qu’avez vous payé pour cela? — R. 20 fr.
D. Comment la consultation a-t-elle été faite? — R. Avec une mèche de cheveux, coupée de l’enfant, trois ans auparavant, alors qu’il était en bonne santé.
M. le président interroge Mongruel.
M. le Président. Mongruel, quelle profession exerciez-vous avant de vous associer avec la fille Lefèvre? — R. J’étais libraire.
D. Avant cela, n’avez-vous pas été instituteur en province ? — Oui.
D. A quelle époque remontent vos relations avec la fille Lefèvre? — Six ou sept ans.
D. Aviez-vous cessé, à cette époque, de vous livrer à l’enseignement?— R. Oui.
D. Que faisait la fdle Lefèvre? — Elle était chez sa parente.
D. Elle dit qu’elle a vingt-deux ans, elle était bien jeune alors? — R. Elle avait quinze ans accomplis.
D. Comment s’est manifestée chez elle la prescience?— R. Elle était sujette à des accidents nerveux, et avait été guérie par le magnéiisme; elle était visionnaire. Éveillée, elle avait des apparitions; elle voyait en plein jour, les yeux ouverts, des personnes mortes. Un jour, elle vil venir et s’asseoir sur une commode une sœur à elle, morte depuis deux ans. Plus tard, à Paris, nous racontions ces faits à un personnage que je ne crois pas devoir nommer, un comte, tristement célèbre dans les journées de juin ; il me conseilla de la magnétiser.
D. N’avez-vous pas composé un livre intitulé : Prodiges el Merveilles? — R. Oui, en février 18/19.
D. Sur quels documents avez-vous composé ce livre. — R. Sur des faits, sur des témoignages authentiques.
D. N’avez-vous pas également publié un prospectus intitulé : Magnétisme et somnambulisme de la Sibylle moderne ? — R. Oui.
D. Ne cherchiez-vous pas à faire croire qu’elle guérissait les maladies?— Oui, c’était ma conviction; je pensais, comme je pense encore, qu’elle en avait les facultés, et j’ignorais qu’il y avait des lois qui défendissent l’exercice de ces facultés.
D. Vous convenez avoir donné des ordonnances? — R. Les ordonnances étaient signées par un méde-
cin qui assumait sur lui toute la responsabilité; les prescriptions étaient écrites sous la dictée de la somnambule, soit par le médecin, soit par moi.
D. Grabowski, le médecin derrière lequel vous vous abritiez, est convenu qu’il 11’élait pas toujours présent, lors des consultations? — R. Le tribunal a dû voir que le docteur Grabowski s’exprime difficilement, et...
D. Le tribunal a remarqué que le docteur Grabowski s’exprimait parfaitement; pourquoi a-t-on trouvé chez vous sa signature en blanc sur plusieurs carrés de papier? — Parce qu’il devait s’absenter quelques jours ; les ordonnances en blanc étaient des-tinées à des malades qu’il avait déjà vus.
D. Yous n’êtes pas d’accord avec lui, je regrette qu’il ne soit pas ici ; il a avoué qu’il n’élait que le prêteur de sa signature ; c’est ainsi que les empiriques se mettent sous le manteau de médecins qui déshonorent leur profession ; que donniez vous à Grabowski ? — R. 5o fr. par mois.
D. Quelle marche suiviez vous pour les consultations de province ? — R. On adressait au malade la consultation , c’est-à-dire l’indication des symptômes de sa maladie; quand il avait envoyé une réponse affirmative sur ce point, on lui envoyait alors l’ordonnance.
M. le substitut Dkpré-Làsalle. — C’est la première fois que nous entendons parler de ce double envoi; on envoyait l’ordonnance et la consultation tout à la fois, et, quand les personnages n’étaient pas guéris à la première ordonnance, on les faisait payer de nouveau pour leur donner une deuxième consultation.
M. le Président. — Par quels moyens donniez-vous vos consultations à la province? — R. Avec des che-
veux ou un morceau «le flanelle empreinte de la transpiration du malade.
D. Expliquez-vous sur les faits relatifs à Mme Lemoyne. — II. Mme Lemoyne était venue consulter ma somnambule pour un enfant qui fut bien guéri ; c’est plus tard, et parce quelle s’en était bien trouvée, qu’elle revint, je ne sais pourquoi; je n’étais pas à Paris. J’arrivai la veille du jour où elle vint avec son mari. Mm' Lemoyne ne me connaissait pas; elle se présenta à madame avec son mari qu’elle fit passer pour son frère. J’endormis madame et sortis; quelques instants après, M. Lemoyne me dit que sa femme était dans une exaltation indicible, qu’elle voulait se jeter par dessus le pont.
ü. Ne vous a-t-il pas dit cela en manière de reproche? Ne vous a-t-il pas dit que la somnambule avait fait telles et telles révélations qui l’avaient mise dans cet état? — R. Non, il ne m’a pas dit quelle était la cause de cette exaspération.
D. N’avicz-vous pas donné des consultations antérieures à ces faits à Mmc Guédon? — R. Oui; nous sommes môme allés plusieurs fois lui faire visite; nous étions dans les meilleurs termes avec cette dame; nous donnâmes entr’autres une séance chez elle; madame fut magnétisée par moi et mise en extase par la musique ; elle rendait par ses attitudes la pensée du compositeur qui était présent et fut étonné de la manière dont la somnambule avait ressenti la pensée musicale de l’auteur. (Le prévenu rappelle la circonstance du portrait, racontée par Mm® Guédon).
M. le président questionne le prévenu sur les reproches qui lui auraient été adressés par Mme Guédon, après la scène faite chez elle par les époux Lemoyne.
Le prévenu répète qu’il a offert une séance de confrontation.
M. le Président. Reconnaissez-vous la recette inscrite sur votre livre? — R. Oui, parfaitement.
D. Dans quelques mois elles s’élèvent à plus de vingt-deux mille francs?— R. C’est possible.
M. le substitut. Yous ne vous êtes pas borné à donner des consultations, vous vendiez des remèdes; on en a trouvé chez vous. — R. Ou n’a trouvé que fort peu de chose à mon usage personnel.
D. Et leRob anti-siphilitique, était-ce aussi à votre usage personnel? — R. Le llob n’est pas seulement anti-siphilitique, il est aussi dépuratif; j’en prenais, parce qu’au printemps j’ai des boutons sur la peau.
M. le président interroge la femme Mongruel.
M. le Président. Femme Mongruel, convenez-vous que vous vous êtes livrée à l’art de guérir? — R. Oui.
D. On vous apportait des cheveux d’un malade, ou de la flanelle portée par lui, el avec cela vous prétendiez le guérir? — R. Il paraît; je n’en sais rien; je ne fais cela qu’à l’état de sommeil magnétique.
D. Comment se fait il que vos ordonnances sont presque toutes uniformes; on dirait qu’elles sont copiées?— R. Non, monsieur; si 011 pouvait recueillir le plus grand nombre de ces ordonnances, on verrait qu’elles ne sont point pareilles, h moins de cas semblables.
D. Yous vous mettiez sous le manteau d’un médecin qui signait vos ordonnances, lesquelles ordonnances étaient insignifiantes, ne faisaient ni bien, n'imal; voilà ce qu’a avoué le docteur Grabowski. — R. Il serait facile d’avoir la preuve que M. Grabowski s’est trompé, il ne faudrait qu’évoquer un grand nombre d’ordonnances.
L). Si vous avez la science infuse, la prescience; si, sous l’influence magnétique, vous vous trouvez placée au-dessus des mortels, vous n’avez pas besoin qu’un médecin contrôle vos ordonnances ? — R. Il les contrôlait toujours.
D. Expliquez alors les signatures en blanc trouvées chez vous? — 11. M. Grabowski avait la certitude que jetais réellement somnambule et lucide ; il a cru pouvoir me donner en confiance quelques blancs-seings.
D. N’expliquez vous pas les songes? — Non; cependant cela m’est arrivé quelquefois.
D. Yos registres le constatent; vous prédisiez l’avenir? — R. Oui.
D. Reconnaissez-vous que la dame Lemoyne est venue vous consulter? — 11. Oui.
D. Reconnaissez-vous lui avoir révélé que son mari avait une maîtresse, un enfant naturel? — R. Je ne puis rien répondre, je ne sais rien ; une séance subséquente a été donnée, il paraît que j’ai affirmé n’avoir point nommé M1'® Dubuisson, que j’affectionne beaucoup.
D. Comment Mm* Lemoyne aurait-elle deviné ce nom ?— R. Je l’ignore ; 011 comprend qu’il n’y aurait pas eu de bon sens de ma part d’aller nommer une personne que j’affectionne, qui pouvait me confondre.
D. C’est-à-dire que, poussée à bout, il fallait ou avouer votre impuissance ou donner un nom. — R. Je ne puis m’expliquer là-dessus; il paraît que j’ai indiqué qu’elle était blonde, et elle est brune; quelle avait vingt ans, et elle en a seize; vous voyez que tout cela est fort inexact.
Mongruel. M. le président, je pourrais peut-être expliquer cela à peu près; sur la table de mon salon
d’altonte, il y a un album sur lequel je fais écrire aux personnes auxquelles il a élé fait des révélations surprenantes, les faits qui leur ont été révélés, autant que cela est possible bien entendu ; Mme Guédon-Du-buisson est une de ces personnes; elle a écrit sur mon album son nom et son adresse, c’est peut-être là que Mm* Lemoyne les aura vus.
Mme Guédon est appelée à s’expliquer sur ce fait :
J’étais, dit-elle allée consulter Mme Mongruel avant le jour de l’an pour savoir si je recevrais des étren-nes, elle me dit que je recevrais une étoffe de soie changeante; en effet, je reçus un tapis de Turquie semblable à cela. Je fus en faire part à M. Mongruel, qui me fit écrire ce fait sur son album ; du reste, j’affirme que les personnes qui m’ont envoyé ce tapis n’ont pu avoir aucun rapport avec M. et Mme Mongruel.
M° Jules Favre demande que deux témoins, Mrao Barotte et M. Lepresti, soient entendus.
M. le Président. Ces témoins ont pour but de prouver la réalité du somnambulisme; le somnambulisme n’est point en cause.
Me Jules Favre. M. le président dit que le somnambulisme n’est point en cause, je lui en demande pardon. Si les époux Mongruel n’eussent pas exercé le somnambulisme, ils ne seraient pas assis sur ce banc. 11 fant prouver que Mme Mongruel n’est point somnambule. Si c’est une infâme comédienne, l’affaire prend la plus grande gravité; mais si, au contraire, il est prouvé qu’elle est somnambule lucide, si elle est de bonne foi, convaincue, la prévention d’escroquerie tombe.
M. le Président. Prenez des conclusions : le tribunal statuera.
L’avocal écrit cl lit ensuite des conclusions lendanl à ce qu’il plaise au tribunal :
Attendu que la prévention repose sur cette présomption; que Mme Mongruel a trompé les époux Lemoyne on feignant un état soinnambulique dans lequel elle ne jouit pas des facultés qu’elle annonce;
Attendu qu’il importe d’établir, par témoignages, la lucidité soinnambulique de Mme Mongruel; en même temps ses habitudes de modération et de désintéressement ;
Il plaise au tribunal, autoriser l’audition des témoins Lopresli et femme Barotte, el leur poser les questions suivantes :
Au témoiu Leprcsli : Mm0 Mongruel n’a-t-elle pas , à différentes reprises, prouvé qu’elle voyait des faits qui se passaient à distance; n’a-t-elle pas toujours élé reconnue lucide ?
A la femme Barotte : Mmc Mongruel n’a-t-elle pas soigné gratuitement votre fille, dont elle avait jugé exactement la position et prédit la fin? et le médecin n’est-il pas allé plusieurs fois chez elle avec Mme Mongruel ?
M. le substitut s’oppose à l’audition des deux témoins, et, conformément à son avis, le tribunal, après s’être retiré en Chambre du conseil :
« Attendu que le témoin Lepresti a été entendu sur tous les faits qui ont trait aux trois chefs de prévention ;
« Que les questions nouvelles précisées aux conclusions prises par les inculpés, tant à l’égard dudit témoin Lepresti qu’à l’égard de la femme Barotte, ne sont pas pertinentes, puisqu’elles ne se rattachent à aucun des faits de l’inculpalion ;
« Dit qu’il n’y a pas lieu d’entendre les doux témoins. »
On entend le réquisitoire du ministère public.
La défense a élé présentée par Me Jules Favre.
L’audience est levée à six heures, cl l’affaire renvoyée à demain deux heures pour les répliques et le prononcé du jugement. (Gazette des Tribunaux.)
Le plaidoyer de M® Jules Favre n’a pas duré moins de deux heures. 11 a parlé des phénomènes magnétiques en homme initié de longue date, et avec une chaleur d’expression qui eût convaincu tout l’auditoire , si celui-ci n’eût élé presque exclusivement composé de magnétistes. Sa réplique à l’avocat national a élé d’une élévation et d’une causticité accablante pour la doctrine mise en avant par celui-ci ; mais incessamment le président lui rappelait qu’il ne s’agissait pas de magnéiisme; que le tribunal n’était pas une académie; qu’il avait à juger un délit, non la science qui pouvait avoir servi à le commettre.
A l’audience du, lendemain, nous comptions entendre la suite de la défense, par Me Duvergier; maia il n’en fut rien, et le tribunal rendit le jugement donl la teneur suit :
« Le tribunal reçoit les époux Mongruel opposants au jugement par défaut rendu contre eux le 3i juillet dernier, lequel les condamne à treize mois de prison et 5oo fr. d’amende; faisant droit sur ladite opposition par les motifs énoncés audit jugement, et, en oulre, attendu que dans les prospectus imprimés et répandus à profusion, Mongruel, qui en est l’auteur et les a signés , représente sa femme comme ayant la science universelle ; lisant dans le
corps humain, caractérisant les maladies, prescrivant les traitements à suivre et assurant la guérison radicale des cas les plus difficiles où la science ne peut prononcer; expliquant les songes, visions et apparitions, comme à Mcmphis, à Delphes, à Alexandrie, les pythonisses et les sibylles de l’antiquité; excellant dans l’art incompréhensible de pénétrer les sentiments les plus intimes, les arcanes les plus secrets du cœur, de l’esprit el de la conscience, en sorte que nulle intrigue, nulle affection, nulle intention n’échapperait à sa pénétration, franchissant les temps et les espaces; que pour donner créance à cette fastueuse nomenclature de mérites divers, le prospectus signale un certain nombre de faits, dans le but évident d’atiirer dans le piège les esprits faibles et crédules ;
« Que lous ces faits, communs à la femme Mongruel comme au mari, caractérisent au plus haut degré les manœuvres frauduleuses telles qu’elles sont définies par l’art. l\o du Code pénal;
« Déboute lesdits époux Mongruel de leur opposition au jugement par défaut dudit jour 3i juillet dernier ; ordonne qu’il sera exécuté selon sa forme et teneur; condamne les deux inculpés solidairement aux dépens. »
La portée de ce jugement est ambiguë; il peut être interprété de façons entièrement opposées ; et si M. Mongruel n’en avait pas appelé devant une juridiction supérieure, qui peut le casser, ce qui rendrait nos commentaires inutiles, nous le disséquerions dès aujourd’hui.
En attendant que la Cour d’appel statue sur cette affaire, il est peut-être bon d’en envisager les consé-
quences, ainsi que celles des analogues , dont appel a élé également interjeté.
Pour quiconque examine froidement, et juge de même, que ressort-il de tous ces procès? L’intention bien formelle qu’a la justice de poursuivre de honteux abus, qui, sous le manteau du magnétisme, se commettaient avec cynisme et impunité. La science s’en trouvait avilie, et fût devenue méprisée par une plus longue tolérance.
Qu’cst-ce que toutes ces prétendues sibylles , et les modernes trépieds où se rendent les oracles? Une parade d’une chose sainte el sacrée : un vrai sacrilège. La vérité ne hante point les demeures des tireuses de cartes; des commérages ne sont point des oracles; elle somnambulisme serait-il certain dans dans quelques cas , que ces dormeuses n’auraient qu’une ombre des facultés de cet état. Les gens trop confiants, les sots peuvent s’y laisser prendre; mais qui connaît le magnétisme s’éloigne au plus vite de ces lieux de mensonge et d’imposture.
Le discernement étant le privilège d’un petit nombre d'hommes, la masse confond la vérité et l’erreur; ses jugements, du moins pendant quelque temps, seront défavorables au magnétisme : magnétisme et charlatanisme voudront dire la même chose. C’était un résultat que l’on pouvait prévoir dès la première exhibition des somnambules.
Pour effacer cette flétrissure, il faudra des milliers d’efforts; mais les magnétistes honnêtes sont persévérants : ils continueront leur œuvre de propagande.
Les antagonistes du magnétisme useront pendant quelque temps de cette arme terrible ; ils frapperont sur nous tous, sans distinguer le sincère du perfide, l’homme éclairé de l’ignorant. Ils diront aux gens
crédules : le magnétisme est jugé; charlatanisme et imposture, audace el friponnerie ; voilà tout ce qu’il y a dans cette prétendue science.
Le mal ainsi produit est donc incalculable, mais c’est ainsi que toujours, semblant toucher au moment du triomphe, nous avons reçu un coup de massue porté par de faux frères.
I a-t-il à craindre que la justice dépasse la limite de l’abus pour frapper la pratique pure, l’exercicedu magnétisme ? Non, on doit être parfaitement rassuré à cet égard; d’abord, parce que la magistrature est éclairée; puis, parce ses efforts seraient vains, et soulèveraient bientôt une résistance qu’on ne pourrait vaincre; car ce qu’on ne put jamais pour une croyance religieuse, comment le pourrait-on envers une vérité physique, contre une propriété de l’homme, qui peut se manifester par la simple volonté, qui peut s’exercer dans tous les instants de la vie, sans que souvent on puisse remonter à la source d’où est partie cette volonté. Il faudrait proscrire d’ailleurs toutes les relations d’homme à homme : la tendresse des mères, détruire enfin tous les liens sociaux. Grande serait l’erreur des juges et de ceux qui les inciteraient à des actes injustes autant qu’insensés !
Le magnétisme est un grand fait, qu’il faut subir; une lumière propre à éclairer les ténèbres de la fausse science. Le charlatanisme s’est glissé dans la médecine, il l’a déconsidérée, non tuée, parce qu’elle renferme quelques vérités pratiques. Il a corrompu la religion; mais celle-ci subsiste, comme un corps dont quelques membres sont pourtant gangrenés. II est dans la science et dans la politique ; c’est un grand mal, sans doute, mais c’est une des plaies de l’huma-
nité; il trouve son contre-poids dans les âmes honnêtes, dans la conscience qui se révolte et lutte; on ne changera point la nature des choses, seulement, quand le mal est trop grand, il se corrige par son propre excès.
A toutes ces annonces mensongères, la justice a répondu; elle a posé son veto; ceux qui essayaient de la braver ont succombé: c’est un avertissement salutaire dont profitera la science nouvelle ; car en lui enlevant cette rouille, on l’a rendue ce qu’elle est au fond : brillante et pure.
Voilà pourquoi nous ne nous sommes point émus à la vue de ces poursuites.
Lorsqu’il sera bien prouvé qu’on peut pronostiquer l’avenir, voir dans les temps, prédire enfin les changements prochains ou éloignés, la justice, avec son Code, n’y pourra rien.
Lorsque le magnétisme et le somnambulisme auront pénétré dans la famille et qu’ils s’y exerceront pour le plus grand bien de ceux qui soufl'rent, la médecine sera non détruite, mais réformée, et l’art de guérir ne sera plus un privilège concédé ou vendu à des gens sans vocation ou sans aptitude. Ici encore la justice sera sans puissance, el toutes les lois n’y pourront rien.
D’ici à ce temps, il y aura sans doute quelques victimes innocentes, comme déjà nous pourrions en citer ; on poursuivra le zèle et l’amour passionné qu’ont certains êtres pour la vérité. Qu’importe encore? L’humanité n’avance et ne progresse que par la lutte; l’injustice envers les instruments dont la Providence se sert, loin de ralentir sa marche, l’accélère au contraire !
Le Journal du Magnéiisme n’a point à se reprocher
d’avoir abandonné les opprimés ; il les a toujours soutenus, mais il ne s’est jamais mis au service d’une mauvaise cause; et si, dans celte circonstance, nous n’avons point répondu à l'Appel, c’est qu’il y avait un doute dans notre esprit. Nous avons laissé les magné-tistes libres de manifester leur sympathie et leurs penchants; plusieurs de ceux qui ont adhéré en sont aux regrets déjà, leur conscience est troublée ; l’erreur parfois prend l’allure de la vérité, le chemin qu’elle vous fait suivre conduit à l’abîme. Notre réserve et notre circonspection ont élé imitées par un très-grand nombre de magnétiseurs; ils attendaient, comme nous, des éclaircissements nécessaires; s’ils ne sont complètement éclairés sur les faits de ces procès, la lumière se fera, et on nous rendra cette justice : c’est que jamais une passion mauvaise n’a guidé notre plume. Un seul reproche, peut-être, peut nous atteindre : c’est notre longanimité.
DU POTET.
Chronique. — Un volumineux dossier d’importants documents vient de nous parvenir sur la propagation du magnétisme, tant au nord qu’au sud des États-Unis d’Amérique. Nous en commencerons le dépouillement dans notre prochain numéro. Ce qui a iieu là-bas dépasse toutes les prévisions.
Le Gcrani : I1ÉBERT (de Garnay).
THÉORIES.
PHILOSOPHIE MÉDICO-MAGNÉTIQUE.
CHAPITRE III.
De la Médecine magnétique.
(Suite.)
Conclusion du débàl sur le fluide magnétique
A Monsieur le Docteur Ordinaire
Monsieur, et très-honoré Confrère,
Je ne doute pas que vous n’ayez interprété favorablement mon silence; toute polémique devait naturellement cesser entre nous, devant vos concessions que je résume dans cet aveu, qui me suffit :
« Dans la magnétisation curative, me dites-vous, « il se peut que Yémanation vitale ait une action phy-« sique, les corps agissant sur le corps comme l’âme « agit sur l’âme. Vous nommez fluide, ce que j’ap-« pelle émanation vitale; vous lui accordez une pré-« pondérance, une influence que je restreins considéra-« bleinent ; voilà seulement en quoi nous différons. » Du moment que vous retranchez à l’âme la puissance exclusive que vous lui avez assigné, dans le principe, sur le développement des phénomènes magnétiques ou somnambuliques, vos idées sont bien près de se confondre avec les miennes, puisque je n’ai jamais refusé d’octroyer à la substance spirituelle une part immense dans la direction de ‘l’agent curatif. J’ai l’es oir que de nouvelles observations modifieront encore votre jugement, et vous feront reconnaître les rapports intimes de lame avec le corps, TOJIK IX. —IV' 1*4. — NOVEMBRE 1850. 16
au movon d’un intermédiaire , si toutefois vous consentez à placer vos somnambules dans des conditions avantageuses pour éviter toute surprise de leur part, et vous dérober au mirage trompeur de leur imagination. Je me propose d’aborder par la suite cette haute question psychologique, lorsque j’entrerai dans quelques considérations sur l’illuminisme ; alors, si je m’égare dans cette route ténébreuse, je compte sur votre indulgence et sur vos lumières pour diriger mon inexpérience, et me faire éviter les nombreux écueils que je ne puis manquer de rencontrer au milieu de cette périlleuse entreprise.
Veuillez agréer , monsieur et cher collègue , l’expression de mon estime el de ma haute considération.
Votre tout dévoué,
D' Alfred PERRIER.
Je reprends l’exposé de mes idées, au point où mon honorable confrère a soulevé la discussion qui vient d’être close (i).
2° DES PRINCIPES.
La médecine magnétique était tombée dans le plus profond oubli, lorsque Mesmer fixa l’attention générale sur celle précieuse branche de l’art de guérir. Si le docteur allemand ne peut s’attribuer le mérite de cette découverte, il doit au moins revendiquer l’honneur d’avoir soulevé le voile qui nous dérobait encore tous les avantages pratiques de la théorie du magnétisme. Ses premières expériences , basées sur l’influence de l’aimant et de l’électricité, ne tardèrent pas à lui révéler une puissance nouvelle, entièrement
(1) Au moment de mettre cet article sous presse, nous recevons une nouvelle communication de M. Ordinaire; elle paraîtra suivie de réflexions par M. du Potet.
indépendante de ces deux fluides , el émanant, suivant lui, des corps célestes :
« Tout se touche dans l’univers, dit-il, au moyen d’un fluide universel dans lequel lous les corps sont plonges. Il se fait une émanation continue, qui établit la nécessité des courants rentrants et sortants(i).»
Cet agent, inhérent à l’organisation de l’homme, était regardé par Mesmer comme le principe conservateur de la santé; il devenait alors susceptible de s’étendre sur les objets environnants, quoique d’une manière souvent inappréciable.
« Il n’y a qu’une maladie et qu’un remède, ajoute-t-il (2) ; la parfaite harmonie de tous nos organes et de leurs fonctions constitue la santé; la maladie n’est que l’aberration de cette harmonie. La curation consiste donc à rétablir l’harmonie troublée, le remède général est l’application du magnétisme. »
Nous retrouvons cette doctrine dans les ouvrages des médecins alchimistes. Paracelse affirmait que le plus grand secret de la médecine était renfermé dans les vertus magnétiques du sang.
« L’esprit magnétique du sang, dit Niocolas de Locques (3), n’est autre chose qu’une imperceptible essence qui a la vertu de fortifier et de renouveler pour ainsi dire l’homme; c’est pourquoi on peut l’appeler le plus grand arcane de la nature, qui renferme, comme médecine universelle, le remède à une infinité de maladies, parce qu’il a la vertu d’une infinité de remèdes. »
D’après Van Helmont (4), la maladie provient de
(1) Aphor. de Mesmer, 285-28G.
(2) Aphor. 309.
(5) Vertus magn. du sang, p. 45.
(4) De la cure magu. des plaies.
la privation de l’esprit vilal, et la santé de la répartition exacte de ce fluide dans nos organes.
Goclenius, Burgrave, Wirdig, Maxwel, etc., partageaient cette opinion.
« Il est déjà reconnu, affirme Maxwel (i), qu’un remède universel n’est point impossible, et que si un esprit particulier peut avoir des moyens de se renforcer, il peut suffire à guérir loules les maladies; il n’y en a aucune, en effet, que cet esprit n’ait quelquefois dissipée sans le secours des médecins..... La
médecine universelle n’est autre chose que l’esprit vital renforcé dans un sujet convenable— Celui qui connaît l’esprit universel, et qui sait en faire usage, peut éloigner toute corruption, et conserver à l’esprit vital son empire sur le corps. »
Nous ne chercherons pas à apprécier ici la valeur de lous ces systèmes, qui, du reste, offrent la plus grande analogie avec le mesmérisme ; il nous importe seulement de savoir que l’étude et l’expérience vinrent démontrer à Mesmer l’existence d’un nouvel agent curatif qu’il nomma fluide magnétique animal, d’après ses rapports intimes avec l’aimant.
Ennemis de toute médication systématique, nous n’en excluons aucune; et si nous donnons la préférence à la médecine magnétique , c’est qu’elle nous paraît d’une supériorité incontestable dans le traitement des maladies, surtout lorsque l’intuition providentielle du somnambulisme vient lui apporter ses lumières. Quelque imparfaites que soient encore nos connaissances sur cette matière, nous ne pouvons dénier les services immenses que la pratique du ma-
(I) Aphor. 93 et 94. — Voy. aussi Thouret. Recherches el doutes sur
le Magnétisme, p. 48, 49 el 51.