1848
JOURNAL
DU
MAGNÉTISME
RÉDIGÉ PAU
m SOCIÉTÉ DE MAGNETISEURS ET UE MÈDÏCIJiS
SOUS LA DIRECTION DE
M. LE BARON DU POTET.
La >vérité, n’importe |.ar quelle bouche ; le bien n’importe par quelle! main*.
TOME VI
PARIS
BUREAUX :.RUE D'ANTIN , 12.
1818
JOURNAL
DU
MAGNÉTISME:
APPEL AUX AMIS DU MAGNÉTISME.
Suivant l’avis d’un grand nombre de personnes qui veulent, comme nous, non-seulement assurer le triomphe du magnétisme', mais aller rapidement au but, nous nous sommes décidés à ouvrir une large voie, où tous les hommes sympathiques pourront s’engager ; et, par une propagation éclairée, orale, écrite, expérimentale, combattre les ennemis de la découverte de Mesmer et soutenir la cause sacrée de la vérité et de l’humanité. Nous venons donc offrir à tous les magnétiseurs de s’associer à notre entreprise afin qu’ils en partagent les charges et recueillent leur portion de gloire. Nous espérons qu’on ne se trompera point sur notre pensée; car, quoique employant la forme industrielle, chose nécessaire, indispensable, cette œuvre est digne des cœurs élevés comme des hommes convaincus.
Noire journal devenant une propriété commune, les magnétiseurs, y étant attachés d’une manière effective par de légers sacrifices, vont devenir forcément nos auxiliaires, les utiles instruments d’une propagande multiple et sans relâche. Nous pouvions marcher seuls, nous l’avons prouvé; ce n’est donc point parce que nous TOME VI. — X" Ol. — 10 JANVIER 1818. t
succombons à la peine que nous cédons; c’csl au contraire pour qu’un succès plus grand dépende non de nous seuls, mais de nos nombreux amis.
Courage et persévérance! nous ne sommes plus au temps où l’on osait à peine avouer sa croyance : partout des voix s’élèvent, partout le bien se fait; ce qu’il manquait c’était un organe, un drapeau auquel pouvaient se rallier les esprits convaincus ; nous l avons créé, il existe; il faut marcher en avant, car l’ennemi que nous avons combattu faille mort, mais il esl plein de vie, et relèverait bientôt la tète si l'on cessait de le poursuivre jusque dans ses derniers retranchements. Le combat ne doit cesser que le jour où le nom de Mesmer sera prononcé dans les académies non plus pour y être flétri, mais honoré. Il faut plus encore; le magnétisme doit descendre dans la famille, s’y implanter comme une croyance sainte et sacrée; qu’il y soit compris comme une force puissante et regardé comme un grand devoir. N’esl-ce pas l’art de soulager ceux qui souffrent et languissent; ne contient-il pas des principes de morale propres à régénérer les hommes? N’est-ce pas aussi le lien (pii doit les unir, la fraternité active et féconde qui doit sécher des larmes et porter partout l'espoir?... C’est pourquoi nous espérons la sympathie, et nous n’aurons pas besoin, nous le supposons, d’aller longtemps la solliciter.
Par ce que nous avons fait seuls, jugez ce qu’avec vous nous allons pouvoir faire. Organe de vos pensées comme de vos sentiments, notre journal aura cent voix pour une, et à ceux qui vous demanderont : Où esl le magnétisme ? vous répondrez : Venez, il est ici.
Nous ne parlons à aucun des bénéfices que celle entreprise peut offrir; il y en a peut être, mais qui oserait
les calculer? Nous n’y avons point songé dans le principe, et n’y pensons pas maintenant; c’est l’avenir que nous envisageons; c’est la réalisation d’un bien pointons que nous poursuivons, et notre lâche ne fait que commencer.
Voici donc pour vous tous, magnétiseurs, le moment de payer votre dette à la science en inscrivant vos noms sur la liste de ceux qui nous ont offert leur concours et prêté leur appui; afin que l’on sache un jour et le point de départ et les hommes qui ont travaillé pour étendre la lumière. S’il est vrai que vous ayez fait du bien et que vous soyez persuadés que dans tout ce que nous enseignons, rien n’est accordé à l’illusion, il y aurait une sorte d’égoïsme, nous n’osons pas dire de lâcheté, à rester à l’écart; rappelez-vous qu’en refusant vous donnerez à ceux qui nous suivront le droit de dire au monde :
Ils pouvaient le bien, ils ne l’ont pas voulu. Voici les noms de ceux qui ont marché dans la route du progrès, voici les soldats qui ont mis bas les armes sans combat; ils n’étaient point dignes de posséder la vérité puisqu’ils ne firent rien pour elle; on ne leur doit pas même un souvenir.
Sont-ce des hommes inconnus qui demandent voire concours? Non! ils ont payé leur dette, chacun le sait, et ce n’est point pour s’enrichir qu’ils font cet appel, c’est leur dévouement à la chose publique, c’est qu’ils cherchent des frères.
Un avilissement, trop facile à prévoir, résultera bientôt, pour le magnétisme, de la direction suivie par des magnétiseurs qui n’ofit voulu rien apprendre. Le somnambulisme causera dans le monde une perturbation passagère. Après avoir été trainé de ville en ville sur des
trétaux, 011 le verra sup le théâtre et s'avilir plus encore. Cette industrie aura son cours, et vous n’y pouvez rien; mais ce que vous devez au monde et à vous mêmes, c’est de montrer qu’une grande science, que de grands mystères sont voilés sous ces iniquités. Joignez-vous à nous, qui voulons séparer le bien du mal, et nous aurons une tribune du haut de laquelle la vérité descendra pour éclairer les hommes.
Voici l’acte constitutif de. l'association que nous vous proposons :
Les soussigné* :
f Baros Jüles-Dems DU POTET DE SENNEYOY, rédacteur en chef du Journal du Magnétisme;
Et Louis-lfams UÉBERT (oe Gaasav), gérant dudit Journal ;
Tous deux demeurant à Paris, rue d'Antin, n* 12 ;
Eiposem :
«lue le Jountal du Magnétisme, qui parait par braisons de 31 page*, les 10 et fa dt* chaque mois, dont ils sout propriétaires, a été fondé par eux au commencement de janvier 1845, et qu’il a été progressant à tel point qu'aujourd'hui le produit courre les frais ;
iju’ll importe, dans l'iutérêt des peuples, que ce journal, organe des idées nouvelles sur la • science magnétique, acquière au plub tôt, dans le monde, l'extension et l'influence que son utilité sociale lui réserve dan* un uveuir prochain ;
Que le moyeu d'intéresser à cette œuvre le plus grand nombre de persouues possible, consiste à en mettre la propriété et l'exploitation en actions; faisant observer toutefois que ce n’est poiut dans le but d'en faire un objet de spéculation, mais bien pour arriver plus promptement à la propagation d'une science si utile à l'humanité;
Eu conséquence, les statuts de la Société pour l'exploitation dudit journal ont été arrêté-» de la mauière suivante :
Création et Objet de la Société.
Article premier. Il est formé, par ces présentes, une Société pour l'exploitation du Journal du Magnétisme, '
Entre MM. dp Potet et H£rert, ci-dessus dénommés, qualifies et domiciliés, d une part,
Et d'autre part :
Les personnes qui, devenant actionnaires, adhéreront aux prcseuts statuts, et notamment :
M. Jeau-Kicliard Büiiut, rue de Luxembourg, no 35,
M. Louis-Edouard rue aux Ours, n° 38,
M. Paul-Claude-Michel Cahpkmtieo, boulevard du Temple, n° 36,
II. Jean-Baptiste Lassacne, rus (irange-aux-Belles, n© 9,
M. Félix le Brcx, rue Bailleul, n® 7,
M. François Mm et, rue Saint-Honoré, n® 373,
M. Charles-André SihOsseav, rue Taranne, n® 5,
M. Louis Stassir, rue du Coq, n® 9,
M. Gilbert-Gabriel A.xdsiveaii, rue du Bac, n« 17,
M. Jules Mermovd, rue Fontalne-Saint-üeorges, u° 9,
N. Jean-Marle-Françoil Giiiollet, rue Transnonaiu, n» H, m! Alexaodre-Tbéophile-Edoaard Cossoj, rue Itiunbuteau, n« 10,
SI. Jean-Beroard-LouU Mac-Smmy, iuo Miromfuil, n» »5,
11. Jules-Aiuié-Marie Dulira, rue de Beauue, n" «1,
Jl. Jean-Baptiste Ueontt, cité Trévise, n» s,
; Tous demeurant à Paris, aux adresses ci-dessus, aus.1 soussignés.
Nature, durCc, i*legc de I» Soctel*. — Raison sociale.
An. 5.1.a So'if'té sera en nom collectif 3 l'égard de MM. du Potet et üébert.
Elle sera en commandite S l'égard des autres personnes ci-dessus dénommées et de celles qui, comme elles, deviendront actionnaires par la suite.
Les commanditaires no seront engagés que jusqu'à concurrence du montant de leurs actions, ut iis seront à l'abri do, lotrt appel de fonds, ainsi que des obligations de la Société.
Abt. 3.1.a durée de la Société e»t fixée S dix ans, qui commenceront à courir du premier janvier 1848, jour de mi constitution.
Elle pourn« cependant être proroge, sur la proposition du gérant, par une délibération de l'assemblée générale de* actionnaire* qui fixera la durée de la prorogation.
Art. 4. Le siégo de la Société sera à Paris, provisoirement dans le local où «ont maintenant Ica bureaux du Journal, et dcûuitivemeut dans celui qui sera ultérieurement choisi et indiqué dans le Journal.
AnT. 5. La raison sociale sera Ilébert et C*«.
Fond» social. — Actions. — Payement. — Transports. — Droits.
Anx. 6. Le fonds social est de dix mille francs. Il est formé par quatre cenlt actions ds rinyl-cinq francs chacuue.
Le nombre d'actions est ainsi multiplié, et leur chiffre ainsi ubaiasé, à l’effet d'intéresser à la propagation dn Magnétisme le plus grand nombre do personnes possible.
Ces actions sont destinées :
lo A représenter la valeur du Journal;
2o A former un fonds de roulement. '
Aht. 7. Les actions seront toutes nominatives.
Elles seront extraites d'un registre à souche et à talon, dont le gérant demeurera dépositaire, et numérotées de l à 400.
Elles seront signées par le gérant et délivrées par lui.
Les présents statuts seront imprimés an dos de l’action.
Abt. 8. Lo montant des actions sera payé en espèces, dans les mains dn gérant, au moment de la délivrance.
_ A»t. 9. Le transport des actions s’opérera par vole d'endossement sans garantie.
. A chaque mutation, uno déclaration "en devra être faite par le cédant au siège de la Société. Le gérant mentionnera la cession sur le talon de l’action et visera l’endossement.
Cette déclaration devra être faite par écrit par les actionnaires qui u'habiteront pas Paris.
Aucun cessionnalre d’action ne pourra être admis à participer aux droits et avantages de la Société avant l'accomplissement de ces formalités.
'.-Art. io. Chaque action donne droit à une part proportionnelle dans toutes les valeurs formant l'actif et la propriété de la Soeiété, et i un dividende proportionnel sur les bénéfices nets.
Apport] de MM- du Potet et Hébert.
Axt. 11. MM. dn Potet et Hébert apportent, cèdent et abandonnent à la’Société :
lo La propriété et jouissance du Journal du Magnétiime, ainsi que la clientèle.
trois mille cent soixante-dix volumes brochés formant les collections des première, deuxième et troisième aimées dudit Journal.
J„ Divers objets mobiliers formant le matériel de l'exploitation.
Duquel apport (que les actionnaires concourant au présent acte ont vu et reconnu) il sera dressé inventaire estimatif contradictoirement entre MM. du Potet et Hébert d’une part, et les membres de la commission de surveillance d’autre part.
Aht. ts. Comme représentation de cet apport, MM. du Potet et Hébert auront droit a trois cent vingt actions; lesquelles S partir du n" SI inclusivement seront extraites du registre à souche, et délivrées soit en leur propre nom, soit au nom de toutes les personnes qu'il leur conviendrait de se substituer.
Néanmoins quarante de ces actions devront demeurer à la souche, pour garantie de la gestion du gérant ainsi qu'il sera expliqué article ts.
Al,,. 13. r.e produit des actions du no i 5 80 inclusivement formera le fonds de roulement.
Administration de la Société.
Abt. 14. .M. Ilébert, en qualité de gérant, sera chargé de l'administration de la Société. Il aura seul la signature sociale dont il no devra user que pour les affaires du Journal.
Il exercera tous les droits actifs et passifs de la Société, et fera tous les actes y relatifs.
Il tiendra la comptabilité et la caisse. Il aura un compte ouvert chez le banquier qui sera choisi par lui et la commission de surveillance, pour y verser, on compte courant, les sommes dont II n’aurait pas l’emploi.
An. ts. Pour garantie de sa gestion, le gérant laissera quarante de scs actions au registre à souche.
Ces *0 actions seront inaliénables pendant toute la durée de la Société.
La commission de surveillance veillera à l'exécution de cette condition. Elle pourra môme, si elle le juge à propos dans l'intérêt de la Société, obliger le gérant à faire le dépôt de ces actions entre les mains d'un tiers convenu entre eux.
Aht. 16. M. le baron du Potet sera le rédacteur en chef du Journal.
HI. Ilébert le signera comme gérant.
Assemblées générales.
Am. 17. L’assemblée générale représente la masse des actionnaires. Pour en faire partie, il suffit d’être propriétaire d’une action.
An. 18. Aucun cessionnaire d'action ne pourra faire parlie de l'assemblée générale, si le transport de l’action n’a été enregistré nu siège de la Société, conformément aux dispositions de l’article », dix jours au moins avant celui de la réunion.
Aat. 19. Chaque année, du 10 au 15 janvier, il y aura une assemblée générale au siégo do la Société, ou bien dans le local' qui sera désigné dans les convocations.
Aar. iO. Indépendamment des assemblées générales annuelles, legérantet les membres do la commission de surveillance pourront, ensemble ou séparément, en convoquer d'extraor-diuaires toutes les fois qu’ils le jugeront nécessaire.
Abt. «I. Les convocations seront faites au ir-oins 1». joursavant la réunion, à la diligence du gérant ou des membres de la commission de surveillance, par lettres adressées aux actionnaires et par avis inséré aux deux numéros du Journal du Magnétisme qui paraîtront Immédiatement avant la réunion.
Abt. ts. Lors de chaque assemblée générale ordinaire ou extraordinaire, le gérant dosera un tableau par ordre alphabétique des actionnaires, indiquant le nombre d'actions de chacun d’eux. Ce tableau sera placé à l'eutrée do lieu de la réunion. Chaque actionnaire en entrant devra représenter s’s actions et signer cet état de pré:ence.
AriT. ia.. Les actionnaire* absents ou empêchés pourront te faire représenter par «les mandataire*, pourvu que les mandataire* soient eux-mêmes actionnaires.
AnT. 2i- L'anemblfe sera régulièrement constituée et pourra valablement délibérer, quel •pie soit le nombre de* actionnaires présents.
Art. 25. L'assemblée sera présidée par uu actionnaire choisi par elle au scrutin et à la majorité relative sur une liste de trois candidat' présentés par la commission de surveillance, laquelle procédera au dépouillement de ce scrutin.
I.e président, ainsi nommé, désignera parmi les actionnaires présent*, le scrutateur et le secrétaire.
I.e président, le scrutateur et le secrétaire composeront le bureau.
Art. 26. Le président dirigent et résument la discussion. Il aura la police de l'assemblée. Art. 27. Les délibérations seront prises à la majorité absolue des voix des actionnaire* présents; sauf pour les cas prévus à l'article 25 et 38. Chaque actionnaire n’aura qu’une voix , quel que soit le nombre d’actions dont il sera propriétaire.
Art. 18. Le gérant ne pourra prendre part aux délibérations qui auront pour objet l’apurement de ses comptes.
Art. 59. Les délibérations seront constatées par des procès-verbaux signés dn président de l’assemblée, du scrutateur et du secrétaire.
Ces procès-verbaux seront consignés sur un registre à ce destiné. La commission de surveillance demeurera dépositaire de ce registre, qui devra être communiqué au gérant chaque fols qu'il le demandera.
Art. 30. Toutes délibérations prises par l'assemblée générale serout obligatoires pour les absents ou dissidents.
Art. 31. Les assemblées générales annuelles auront pour objet :
1" D’entendre le rapport du gérant et celui de la commission de surveillance sur la situation de la Société ;
s- De délibérer sur les compte* présentés par le gérant, après avoir entendu les observations de la commission de surveillance sur le résultat de l'examen qu'elle en aura fait;
3» De nommer le» membres de la commission de surveillance et de les renouveler lorsqu'il y aura lieu ;
Enfin, de pourvoir par des délibérations 1 toutce que ilntérft commun pourra réclamer. Aar. 3ï. Si les besoins de l’exploitation du Journal exigeaient une augmentation du fonds de roulement, l'assemblée générale, sur la proposition du gérant ou de la commission de surveillance, voterait la création et l'émission de nouvelles actions, mais à la condition qu'elles ne pourront jàm iis dépasser le nombre de cent cinquante.
Abt. 33. L'assemble générale fixera la quotité des dividendes à répartir,
Lorsque lo dividen de, excédera cinq pour cent du montant des actions, l'assemblée votera sur cet excédant un émolument-pour le rédacteur en clief et pour le gérant.
Dans lacas où les dividendes dépasseront cinq pour cent et l'émoulumont ci dessus, rassemblée générale avisera au moyen do former un fonds de réserve, dont elle arrêtera les conditions et fixera le chiffre.
Commission de surveillance.
Abt. 3». Los commanditaires seront représentés, dans leurs rapports avec la gérance, par une commission composée de trois membres, pris parmi les actionnaires. Elle prendra le titre de commission de surveillance.
Aar. 33. Cette commission sera nommée par l'assemblée générale i la majorité relative des actionnaires présents.
A«t. 36. La première commission de surveillance sera nommée dans une assemblée géné raie des actionnaire-, qui aura lieu sur la convocation du gérant dons 1» première quinzaine de janvier prochain.
Cette commission procédera immédiatement, avec le gérant et M. du Potet, i la confection de l'inventaire estimatif dont est parlé i l'article 11.
Art. 37. Les fonctions de commissaires seront gratuites. Elles doreront deux ans. Les membres tortants pourront être réélus.
f Art. 38. En cas de vacance, pour quelque cause que ce soit, dans le cours d’une année, les autres commissaires pourvoiront provisoirement au remplacement.
Les fonctions du nouveau commissaire dureront jusqu'il la première assemblée générale. Cette assemblée procédera à l'élection définitive, et les fonctions du nouveau membre cesseront en même temps que celles des autres commissaires.
Art. 39. La commission de surveillance se réunira dans le lieu qui lui conviendra, même au siège de la Société, toutes les fois qu’elle le jugera â propos ; mais elle devra se réunir au siège social an moins une fois par trimestre.
Art. 40. La commission de surveillance est chargée spécialement de surveiller la gestion de la Société; cependant elle ne peut s’immiscer dans aucun acte d'administration.
Elle examine les livres et les écritures toutes les fois qu’elle le juge à propos.
Elle vérifie les comptes et l'inventaire annuels.
Elle présente à l'assemblée générale un rapport sur la situation de la Société et sur les comptes du gérant.
Enfin, elle convoque extraordinairement ‘la Société toutes les fois que les circonstances l'exigent.
Art. 41. Les délibérations de la commission de surveillance seront prises i la majorité des voix, et consignées sur un registre que la gérance lui fournira à cet effet.
Comité de rédacilou.
Aar. 4î. Le rédacteur en chef, le gérant et les membres de la commission de surveillance formeront le comité de rédaction.
Ce comité aura pour mission d’examiuer, corriger ou rectifier, admettre ou rejeter tous articles autres que ceux de la rédaction ordinaire du Journal.
. Art. 43. Les fonctions des membres du comité seront gratuites.
Le comité réglera le mode de ses délibérations.
Il se réunira au bureau du Journal au moins deux fois par mois.
Aat. 44. Les articles proposés par les actionnaires et même les abonnés, auront la préférence sur les autres articles étrangers à la rédaction ordinaire ; cependant ils ne seront insérés qu’autant que le comité les aura préalablement examinés et admis.
Cette mesure est de rigueur ; elle a pour objet de conserver l'unité dans les principes et l'harmonie dans la rédaction. * *
: Inventaire. — Balance. — Bé né 11 ce a.
Art. 45. Chaque année, le 31 décembre, il sera dressé un inventaire général estimatif do l'actif et du passif de la Société.
Cet inventaire, transcrit sur on registre particulier, sera signé par le gérant et par la commission de surveillance.
Il sera procédé, 2 la même époque, à la balance générale des comptes.
Art. 46. Les bénéfices nets se composeront de l'excédant des recettes sur tous les frais et dépenses généralement quelconques de l'exploitation du Journal.
. Ces bénéfices seront constaté* par l'inventaire et par la balance générale.
| (Retraite, décé* du gérant ou du rédacteur en ebef.
A»t. 41. La retraite volontaire du gérant ne pourra s'opérer qu'autant que son successeur aura été agréé par l’assemblée générale.
Art. 48. La retraite forcée, quelle qu'en soit la cause ou le motif, ni même lo décès du
gérant, n’entrainerft pas la dissolution do la Société. Il sera pourvu à son remplacement par rassemblée générale convoquée extraordinairement par la commission de surveillance.
Anr. m. flan» tous les cas de remplacement du gérant, rassemblée générale exigera du successeur telles garanties qu'elle avisera dans l'intérêt delà Société.
Ant. so. Les héritiers majeurs ou uiiueurs, ou tons autreiayants cause du gérant, ne pourront, sous quelque prétexte que ce soit, faire apposer le* scellés, former aucune opposition, provoquer aucun inventaire, comptes, liquidations, ni partage des valeurs de la Société. En un mot, ils ne pourront s'immiscer en rien dans les affaires sociales.
|J| dernier inventaire, approuvé par l'assemblée générale, servira de base à la liquidation •le leur* droit*.
Am. 51. T.es dispositions de l'article précédent sont applicables aux héritiers ou ayants cause des actionnaire*.
Art. 5i. Aux cas prévus ci-dessus, le* héritiers devront s’entendre pour se faire représenter • par un seul d'entre eux.
Art. 83. Le changement dp la raison sociale résultant du remplacement du gérant sera rendu public conformément il la loi ; mais il n'apportera aucune modification aux présent» -tatuts.
Art. 5*. En cas de retraite, quel qu'en soit le motif, ou du décès du rédacteur en chef,
l’ajsemblée générale pourvoira 2 son remplacement. •
Dissolution. — Liquidation. — Partage.
ArtT. 55. La dissolution de la Société avant le terme fixé pour sa duré* par l'article S, pourra être pronom-ru pur délibération de l'asst-mhlée générale des actionnaires, si les deux tiers du fonds social se trouvent absorbât par dee perte* réelles.
Cette délibération, pri«e dons la forme indiquée pour le# assemblées générale*, sera obligatoire pour tous les actionnaires, sans qu'il toit besoin de faire prononcer la dissolution en iustice.
Il est entendu qu'avant de proposer la dissolution pour les causes ci-dessus, il faudra avoir recouru à rémission de nouvelles action*, ainsi qu’il est dit article 31. *
Am. 56. A l'expiration de la Société, ou dans le cas de dissolution anticipée, la liquidation en sera faite par le gérant; en cas d’empêchement ou refus, par le llqnidateur nommé par l’assemblée générale, qui pourra adjoindre au liquidateur, quel qn'il soit, un ou deux commissaires spécialement chargés de surveiller les opérations de la liquidation.
L’as^nmblée générale déterminera le mode et la durée de la liquidation, ainsi que l’étendue des pouvoirs du liquidateur.
Art. 57. Les produits de la liquidation seront partagés entre tous les actionnaires an marc le franc de leur* actions.
Changement*, additions ou modinratlons aux Statuts.
Art. 58. I/assemblée générale pourra, sur la proposition du gérant ou de la commission de surveillance, faire tous changements, additions ou modifications aux présents statuts.
Art. 5». Extrait de la délibération, en ce qui concernera les changements, additions ou modifications, sera annexé au présent acte; et s'ils sont de nature I devoir être publiés conformément à la loi, le gérant fera chargé de remplir ceUe formalité.
Arbitrages.
Art. 60. S’il s’élevait quelques difficultés ou contestations, au sujet de la présente Société, de sa dissolution ou de sa liquidation, soit entre les actionnaires, soit entre le gérant et on
ou plusieurs commanditaires, 6oit avec les héritiers ou ayants cause des uns ou des autrre.
elles seront soumises i la décision d’un tribunal arbitral, composé Je trois arbitre*, sur le choix desquels les parties seront tenues de s’eutendredans le délai de quinzaine; à défaut de quoi, les arbitre* seront nommés d'office, à la requête de la partie lu plus diligente, par le tribunal de commerce de Paris.
Les arbitres jugeront toutes les questions qui leur seront déférées, comme amiables compositeur, à la majorité des voix, sans recours à sur-arbitre. Ils sont dispensés des formes et délais de la procédure; leurs décisions ne pourront être attaquées par voie d’appel, requête civile, ni recours en cassation.
Il ne sera fait aucune signification individuelle aux actionnaires. Une seule signification *era faite pour tous au siège social, en la personne des commissaires de surveillance.
Toutes les contestations qui pourront survenir seront jugées à Paris.
Notoriété des Statuts.
An. 61. Tout propriétaire d'actions est réputé, par ce seul fait, bien connaître les statuts et y avoir donné son adhésion, quoiqu'il ne les ait pas signés; en conséquence, il ne pourra opposer aucune exception ni réserve aux stipulations contenues dans les présentes.
Election de domicile.
Aai. «2. Pour l’exécution de* présentes, IIM. du Potet et Hébert font élection de domicile au siège de la Société. Le domicile des actionnaires qui n’habitent pas Paris, et qui n’en auront pas élu dans cette ville, sera également au siège social.
Publication.
Àm. 63. Tous pouvoirs nécessaires pour remplir les formalités de publication du présent acte de Société, conformément à la loi, sont donnés à M. Hébert, gérant.
Fait d Paris, en triple original : un pour M. du Potet, un pour M. Hébert, et le troisième pour être remit à la commission de surveillance comme représentant les actionnaires, le vingt décembre mil huit [cent! quarante-sept. Signe vv Put et , Iknim et les personnes désignées d l’article premier.
Enregistré à Paris, le 30 décembre 18V7, folio 97 recto, cases 3 à 5. Reçu cinq francs cinquante centimes, décime compris. Signé Leger.
Les présents statuts ont été publiés conformément à la loi.
Le Gérant, IUbert et Cie.
La première assemblée générale des actionnaires a eu lieu conformément aux statuts ; elle a entendu le rapport du gérant sur son administration antérieure, et la situation actuelle de la Société, rapport dont elle a voté unanimement l’impression, dans ce journal, afin qu'aucun mystère n’enveloppe ses opérations.
Voici ce document :
Messieurs,
Je vous ai convoqués pour l'accomplissement d'un acte important, l’élection de commissaires qui doivent surveiller ma gérance. Je suis novice dans ces fonctions ; mais avec du zèle j’arriverai, j’espère, à les remplir de manière à vous salisfaire. Si le dévouement passé peut garantir le futur,croyez, Messieurs, que je répondrai à l’attente de votre confiance, en me consacrant tout entier au développement continu de l’œuvre commune.
Une science, une doctrine, une vérité quelconque sans chaire, sans tribune, sans journal, est comme une idée sans expression : on ne la peut faire comprendre. Ce besoin d’un organe de transmission des idées et des fails est si impérieux, que depuis Mesmer il s’est ouvert plusieurs cours, publics ou privés, fait un nombre incalculable d’expériences, utiles ou curieuses, publié plus de 500 volumes, dont une trentaine en manière de journal. Je n’ai point à cônsidérer ici la propagation orale, ni les démonstrations, mais un mot sur les écrits périodiques est nécessaire.
Tous ces recueils sont tombésaprèsunedurée moyenne de 15 mois. Pourtant la plupart avaient à leur tête des li3mmes capables et contenaient des documents précieux ; tout semblait leur assurer le succès. Connaître la cause de leur chute précipitée devint l’objet de nos préoccupations, et nous crûmes la trouver dans l’élévation du prix d’abonnement qui en empêchait l’accès dans les familles non fortunées. Or, les riches étant les moins nombreux, il nous parut que c’était vers les classes laborieuses et souffrantes qu’il fallait porter lesyeux. Tous ces journaux avaient succombé en suivant les mêmes
errements; une révolution était à faire : nous l’avons tentée, et l’événement a justifié nos prévisions.
Nous réduisîmes d’abord de moitié le prix moyen, d’abonnement; mais cette mesure, large en apparence, n’eut qu’un maigre résultat; nous ne finies que le tiers de nos frais. Quelle en était la cause? péchions-nous par la base, notre œuvre était-elle sans valeur, sans attrait? Non, car nous ne perdîmes aucun abonné. L’insuccès ne venant point de l’imperfection de l’écrit, il fallut bien encore l'imputer au mode de publication. De nouveaux sacrifices étaient nécessaires, nous nous y résolûmes; mais les fîmes porter celle fois sur la périodicité. Notre journal d'abord mensuel, comme tous ceux qui l’avaient précédé, parut par quinzaine, la deuxième année; donnant ainsi, outre l'intérêt d’actualité, le double des matières de nos prédécesseurs, pour la moitié de leur prix, c’est à trois fois meilleur marché.
Cette année les recettes s’élevèrent aux deux tiers des dépenses augmentées; il était clair qu’on n’avait qu’à poursuivre : le moyen était sur, le problème soluble ; mais il fallaitencoresacrifier.....Quelle rude tâche, Messieurs, que de fonder une œuvre durable! Mais il est des hommes infatigables, que rien n’arrête; c’est le caractère de notre maitre. Il consacra avec amour le fruit de ses veilles et de son labeur au succès de cette œuvre chérie. J’eus le bonheur d’être associé, le premier, à ses nobles efforts.
Trois années d’une lutte courageuse ont équilibré notre budget; mais l’horizon de l’avenir s’est agrandi, et ne voulant pas rester stationnaires nous vous avons appelés à notre aide. Vous avez entendu notre appel et y avez répondu comme des hommes qui sentent la nécessité, l’urgence detendre l’action de l’organe qui
représente la science dont ils veulent le progrès. Nous vous en remercions.
Nous ne vous énumérerons point tous les sacrifices que nous avons faits pour construire cet édifice; votre sympathie nous les rend agréables : c’est la plus douce récompense que nous puissions ambitionner.
Mais je vous dois le détail de l’évaluation de notre apport, énoncé seulement dans l’acte de Société, lequel consiste en :
1 ° La propriété, jouissance et clientèle du journal que
nous n’avons portée qu’à...... 1,000f. «
2° La collection des trois premières années, qui se compose de :
620 vol., t. ier, évalués à 2 fr. 95 c. l’un ;
G33 — a, — 1 fr. 85 c. —
658 — ni, — — — —
632 — iv, — — — —
627 — v, — — — —.
En tout 3,170 vol. s’élevant ensemble à 6,546 f. 50 3° Divers objets mobiliers et autres accessoires formant le matériel de l’exploitation, estimés à.........46?
Ce qui forme un total de .... 8,04 3 f. 50 En échange de quoi il nous est attribué 320 actions d’une valeur représentative de 8,000 f. « Permettez-moi, Messieurs, de vous faire observer que nous n’avons coté la collection qu’à sa valeur intrinsèque, au prix de revient le plus juste qu’il nous a été possible de le calculer, et ces 3,170 volumes se vendant, le tome 1er 8 fr., les autres 5 fr., chacun, produiront à la Société 17,71 Ofr. C’est donc un bénéfice de 11,163 f.
50 c. qu’elle réalisera par la vente successive de ces seuls
volumes. L) où il appert que vos actions ont déjà en perspective une valeur double de ce qu’elles vous coûtent.
Vous me pardonnerez, Messieurs, d'être entré dans ces détails de chiffres : votre sympathie pour l’œuvre à laquelle nous travaillons en commun nous met à l’abri du soupçon de calcul cupide. Mais il est, en dehors de vous, des hommes qui ne nous rendent pas la même justice; j’ai voulu vous mettre à même de répondre par des faits à leurs insinuations, bien persuadé que nous ne pouvons avoir de meilleurs avocats que vous.
La spéculation n’étant point le mobile de nos actes, je ne vous ai demandé que juste ce qu’il faut pour nous étendre, nous permettre d’avoir un local plus vaste où nous puissions assister nombreux aux savantes leçons du maître.
Convaincu que vous ne verriez, point dans mes paroles l’étalage d’une abnégation simulée, mais l'exposé franc de ce qui est, je vous ai mis à découvert mes vues et mon cœur; voici maintenant mes espérances:
Si nous jugeons de l’avenir par le passé, cette entreprise, stérile encore, peut devenir bientôt productive et vous permettre d’anter quelqu’acte de bienfaisance au profit du magnétisme, sur l’œuvre qu’aujourd’hui vous destinez à sa propagation. En vous présentant cet espoir comme prochainement réalisable, je suis sûr d’interpréter vos sentiments comme vous voulez qu’ils le soient; aussi n’hésité-je point à probabiliser la destination des fruits de l’arbre qui germa par nos soins et dont vous devenez les tuteurs.
Vous allez, Messieurs, procéder à l’élection de vos représentants ; je vous ai avoué mon inexpérience administrative; j’ai besoin d etre entouré plutôt de conseillers que de censeurs. Les hommes capables de remplir
celte délicate mission ne manquent pas parmi vous, c’est pourquoi je m’abstiens d’en désigner aucun ; je fais appel au dévouement de tous afin que ceux qui peuvent se charger de ces pénibles fonctions veuillent bien s’inscrire sur la liste des candidats. Qu’aucun sentiment de modestie ne vous arrête, nous sommes ici en famille, réunis par la même pensée, animés des mêmes désirs ; que chacun se prêle à la réalisation du bien commun.
(Ici le gérant donne lecture des articles 35 à 44 des statuts concernant l’élection et les attributions de la commission de surveillance, après quoi il ajoute) :
Messieurs, depuis que nous avons conçu la pensée de mettre l’exploitation de notre journal en actions, nous sommes allés vite en besogne; grâce à votre loyal concours et à l’obligeante activité de notre bon ami, M. La-porte. Nous sommes heureux de pouvoir lui en témoigner ici noire gratitude. Toujours prêt quand il y a quelque chose à faire pour la cause magnétique, il a mis à notre disposition ses connaissances spéciales avec tout le zèle «t le désintéressement que vous lui connaissez. Nous lui devons la rédaction des statuts et tous les actes nécessaires pour arriver au point où nous en sommes, travaux longs et laborieux; mais quelle que soit l’importance du service rendu, je l'aurais tu si je n étais persuadé que vous vous associerez à la manifestation de notre reconnaissance envers cet ami si dévoué.
Hébert (de Garnay).
Les membres de la commission de surveillance, élus à la suite du rapport qui précède sont :
MM. Baïiiaut, Laporte, Mermoud de Poliez.
Le nombre d’actions placées est déjà de 62, souscrites par MM. les signataires de l’acte social, et
MM. Antoine,
Beaudoux,
Chanu fils,
Chardon jeune, Dourches (lo comte), D'Almbert,
Grénier,
MM. Lambert,
Langlois,
Lecocq,
Lerolle (Léon),
Potier de la Bcrthellière, Picliard,
Tornézy.
La liste des personnes qui successivement prendront des actions sera publiée à la suite de celle-ci.
INSTITUTIONS MAGNÉTIQUES.
CONFÉRENCES MACNÉTIQUES.
Magic magnétique (suite).
Si tous nos lecteurs étaient philosophes, nous leur dirions : La magie renfermée dans les temples en est toujours sortie pour se répandre au dehors, vers le déclin des empires. Ainsi en Egypte, en Grèce, en Italie, etc., tant que les prêtres des diverses religions furent assez forts, soit d’eux-mêmes, soit par l'appui du pouvoir, ils éteignirent ce flambeau partout où une âme ardente et convaincue l’avait allumé. Malheur à celui qui avait aperçu l’origine du pouvoir sacerdotal : on ne lui pardonnait point son génie, et sa témérité était punie du dernier supplice, de celui réservé aux plus grands scélérats. Mais enfin, petit à petit, les temples se dégradèrent et beaucoup d’homrnes virent au travers de leurs fissures ce qui devait toujours rester caché.
Bientôt «les imitations, d'abord grossières, des prodiges du temple se produisirent sur les places publiques; puis des hommes forts arrivèrent à la science sans initiation. Les réflexions naissent en foule ici- Sommes-nous à la veille d’une décadence, comme à Memphis et à Bahy-lone; comme à Carthage, à Thèbes, à Jérusalem ! Notre civilisation, nos arts doivent-ils périr ainsi que dans d’autres contrées? La science après avoir parcouru un vaste cercle s’arrêterait-elle par une fatalité aveugle, ou Dieu aurait-il voulu qu’il en fût ainsi pour montrer à l’homme qu’il est des bornes à sa puissance? Triste et douloureuse pensée ; rien n’est inaltérable ni immuable dans la nature ! Cette motte de terre, sur laquelle nous nous agitons, n’a-t-elle pas aussi été remuée plusieurs fois jusque dans ses fondements? Dieu dans sa colère, ou dans sa loi, frappe et renverse quand il lui plaît les mondes qui roulent dans l’espace. Ainsi fait 1 homme d’une fourmillière et de son édifice. Tout périt ; 1 E-gypte est près de nous, et nous ne savons rien de ses mœurs, de ses usages, de ses sciences d’autrefois. L’Inde ancienne également est pour nous un tombeau; cent villes puissantes et incommensurables sont cachées sous l’herbe, et leurs palais servent de repaire aux reptiles venimeux.
La civilisation périrait-elle par la force des choses, c'est-à-dire, l’homme acquérant sans cesse finirait-il par avoir des éblouissements propres à troubler sa raison ? Je le crains ; lorsque je vois qu’à notre temps il n’y a plus ni juste, ni injuste et aucun homme de foi. Et je dis avec assurance : Nous sommes prés du déclin, un autre ordre de choses régnera sur cet empire. Les Gaulois et leurs druides avaient remplacé d’autres peuples ; les Romains et leurs augures sont venus y apporter leurs
(lieux. Ils effacèrent des croyances et préparèrent au christianisme une large place pour s’y établir à son tour. Il y régne; mais je vois qu’à toutes les époques transitoires le génie de la science égyptienne est apparu. Il a dit aux uns : Votre régne est fini, aux autres : Voici pour vous une terre nouvelle, dans vingt siècles vos enfants me reverront; et, disparaissant aussitôt, il a laissé les hommes dans l’obscurité. Ceux qui les avaient guidés cessèrent bientôt d’exister. Ainsi tout finit et recommence ; la terre a besoin de culture : un repos peut-être lui est nécessaire aussi. C’est pourquoi nous vîmes s’accomplir toutes les prophéties.
Ne nous laissons point abattre par des pensées sinistres ; travaillons sans relâche à établir sur la terre ce que nous savons du magnétisme, afin qu’étant partout, des siècles ne soient point nécessaires pour en faire renaître les principes aux lieux où sera porté le berceau des sciences et des arts. Quant à moi, comme 1 insecte qui vit sur l’écorce d’un arbre que le temps a couronné, je continuerai mon travail malgré la cognée qui 1 abat.
Baron du Potet.
(La suite, prochainement.)
SOCIÉTÉ MAGNÉTOLOGIQUI'- DE PARIS.
Le bureau pour l’année 1848 est ainsi composé :
Président, M. le vicomte d’ORSAY. Vice-présidents, MM. Piciiard et Hebert.
Secrétaire, M. Derrien.
Secrétaire-adjoint, M. de Wali.es de Monljay.
Archiviste, M. Millet.
Trésorier, M. Duteii..
Censeurs, MM. Letur et IIurul.
Nous publierons prochainement une lettre remarquable d’un membre correspondant, M. Clapier, sur l’application heureuse de l’eau magnétisée au traitement des fièvres intermittentes, dans le midi de la France où cette maladie règne endémiquement.
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VARIÉTÉS.
ii HOSPICE"''® - j-^; i>r. la ) •
Législation. — Nous avons rappor fôy jfliÜe)&/ pag. 274, l’arrestation, à Vienne, d’un magnétiseur vénitien. Nous savions que cet acte, odieux au fond et brutal dans la forme, était justifié par une loi ; nous finies alors d’actives recherches pour en connaître le texte, mais ne pûmes y parvenir. Désespérant du succès, nous avions cessé toute démarche; mais dans ce monde rien ne se perd : le bien comme le mal se découvre. Un de nos amis, M. Logcroite, qui passait dernièrement à Venise, y a trouvé le document que nous avions si inutilement cherché ailleurs. Il est en italien; en voici la traduction :
N" 43754-3436. Milan, le 22 décembre 1845.
Sa majesté I. R. Ap., par sa souveraine résolution du 18 octobre dernier, a daigné rendre, relativement aux docteurs-médecins, l’édit souverain, communiqué par circulaire officielle du 5 septembre 1824, n" 25058-1852, concernant ce que l’on appelle Magnétisme animal ou biotique, et a jugé à propos d’établir les régies suivantes sur ce mode de guérison :
1° L’application du magnétisme animal à l’homme n’est accordée qu’aux docteurs-médecins et chirurgiens gradués par les universités de la monarchie, et autorisés à l’exercice de leur profession, selon les règles générales établies pour la pratique médicale et chirurgicale.
2° A ceux qui ne. jouissent pa3 d’une pareille prérogative, et nommément aux patrons et maîtres de chirurgie, il est interdit d’entreprendre des cures magnétiques, et en cas de contravention les délinquants seront punis d’une peine discrétionnaire, et leur œuvre sera traitée suivant les circonstances comme illicite.
3° Tout médecin qui entreprendra une cure magnétique devra en donner préalablement avis dans la ville capitale du ressort au médecin de l'arrondissement de police ou de la ville, et dans la campagne au médecin provincial ou du district.
4° On devra tenir sur le progrès de la cure un journal fidèle, à la disposition des autorités et des médecins revêtus 'de charges publiques, à qui on communiquera tous les renseignements nécessaires, pour que la police
médicale soit en état de prononcer en connaissance de cause.
5° Les médecins municipaux ou de l’arrondissement de police, et les médecins provinciaux et de district, sont tenus de communiquer les rapports qui leur sont présentés sur les cures magnétiques aux commissariats respectifs de police ou capitaineries du ressort, et d’indiquer dans leurs rapports annuels généraux sanitaires les médecins qui s’occupent de cures magnétiques, comme aussi leurs vérifications et observations sur leurs résultats.
C° Les prescriptions de somnambules ne sont permises que par l’intervention d’un médecin, et sans cette garantie elles seront punies comme au n° 2.
7° Les visites d’une somnambule de la part de médecins pour leur propre instruction, et les expériences que l’on voudrait pratiquer sur elle, ne sont permises qu’autant que la somnambule accorde l’accès à des individus étrangers. Si tel n’est pas le cas, ces visites ne sont permises qu’aux médecins introduits par le médecin de la cure, ou demandés en consultation.
8° Produire le somnambulisme sur des individus sains, et sans aucun but de guérison, est une chose rigoureusement défendue, comme il est défendu d’opérer le somnambulisme à un degré supérieur à celui que les principes médicaux requièrent pour la cure entreprise.
9° Les expériences magnétiques dans les sociétés, qu’elles soient ou non faites avec ou sans baquet sont en général interdites, et ne pourront avoir lieu, par voie d’exception, qu’avec l’agrément de l'autorité souveraine.
10° Les autorités de police sont tenues de s’opposer à toutes applications du biomagnétisme contraires aux
dispositions précitées et entreprises, on par des personnes non autorisées, ou dans des vues illicites ou coupables, et de procéder contre les délinquants, ou directement, ou suivant les circonstances en les signalant a l'autorité judiciaire.
On devra surveiller d’une manière particulière les relations entre les magnétiseurs et les individus qui se trouvent en état de somnambulisme vrai ou fictif, et appliquer les peines établies contre les somnambules qui prescrivent illicitement des remèdes, ou donnent des conseils médicaux pour d’autres malades.
Il est bon cependant d’avertir que la surveillance à exercer sur les cures magnétiques dans la campagne sera confiée gratuitement, en outre du médecin provincial, aux médecins du district pour la vaccination.
Pour l’exécution de cette délégation royale provinciale, et aux fins que de raison.
Signé : Spaur.
A la délégation impériale et royale de Milan.
Milan, •> février 1816.
Pour copie conforme,
Signé : Dr Alexandre Vamdom, médecin provincial.
Réflexions.
Cette circulaire est curieuse parce qu’elle est en rapport avec les idées qu’un gouvernement absolu se fait des hommes et des choses. Heureux habitants d’Autriche et d’Italie ! on veille sur vous avec une sollicitude toute paternelle; votre gouvernement serait capable de des-
cendre jusqu’à des détails de cuisine, et de s’assurer, dans l’intérêt de votre conservation, si vos casseroles sont étamées ou contiennent du vert-de-gris.
Vous aviez tous le droit de vivre, comme la liberté de penser et même d’écrire, on vous a ravi ces droits sans songer que ce sont ceux de la nature ; vous avez le droit de mourir si cela vous plait et Celui de vous traiter comme bon vous semble ; on régie, sans vous consulter, ce qui n’appartient qu’à vous, et nous voyons aujourd’hui que la grande vérité mesmérique est interprétée selon les vues de vos gouvernants. Cette inquisition doit cesser bientôt; le magnétisme ne peut être'enchaîné, il s’exerce au coin du foyer, et se produit par la seule pensée : marcher et magnétiser sont des actes inséj)0-rables de la vie, ce n’est donc que pour un temps que l’esclavage imposé continuera de régner.
Nous savons qu’ici même, en France, le pays de liberté, les hommes d’Etat et nos académies sont tout disposés à se faire Autrichiens ; et, par la loi en projet sur la médecine, le but caché de tant de grands hommes est d’empêcher la vérité nouvelle de se produire. L’intérêt, mobile des hommes corrompus, oppose une barrière qu’il faudra détruire. Ainsi, tandis que l’Autriche reconnaît le magnétisme et en règlç l’exercice, notre gouvernement en est encore au doute; il suffit que les académies ne veuillent point de la nouvelle lumière pour qu'il seconde leurs projets anti-humanitaires.
Nous osons prédire que, quoi qu’il arrive, les entraves seront brisées et la confusion couvrira tous ceux qui ont voulu empêcher une vérité puissante de se répandre. Si nous étions Autrichiens, nous braverions le .pouvoir toutes les fois qu’un homme souffrant serait en notre présence, car c’est se montrer chrétien autant que phi-
losophe de soulager ses frères, et la loi qui le défend est une loi barbare que l’on doit braver, quelles que soient les peines qui menacent de vous atteindre. L’humanité marche vers une rénovation, et le magnétisme arrive à cette époque pour aider ce progrès et rétablir les principes oubliés de la médecine antique, compagne des premiers âges de l’homme.
Le Chloroforme. — L’année qui vient de finir • brillera entre toutes par sa fertilité en moyens de produire l’anesthésie. Les découvertes en cc genre se succèdent avec une rapidité qui pourrait faire croire à l’entente cordiale des sciences pour bannir la douleur de la terre, l’exiler de l’humanité. L’éthcr a vu naître, au milieu de son triomphe, le chloroforme dont la splendeur a fait pâlir sa gloire. Encore tout enivré de l’encens des deux mondes, il a ouï la renommée inconstante proclamer sa déchéance; mais l’empire des douleurs a tant de charmes pour lui qu’il n’en voulut point céder le sceptre sans lutte. Maintenant les rivaux sont en présence, et le monde attend anxieusement qui vaincra. C’est le moment pour nous de dire ce que nous savons des qualités du nouveau prétendant, comme nous l’avons fait pour son compétiteur l’an dernier.
Ce corps est, commê l'indique son nom, composé de chlore et de formjle ; il ressemble à l’éther par ses propriétés physiques et dynamiques, quoique d’une nature chimique différente.
Quant à son application chirurgicale, objet principal de cette notice, elle me parait moins heureuse qu’on ne l’a dite. J’ai lu presque tout ce qu’on en a écrit; mais ces rapports laissant mon opinion flotter dans le vague des dires, je me suis soumis à l’action de cet agent.
Ainsi j’ai fait de la plupart des médicaments, persuadé que l’étude de leur vertu sur soi^nème vaut mieux que sur autrui.
Vingt secondes d’inhalation, c’est-à-dire trois, ou quatre inspiration^ m’ont plongé dans un état extati-forme caractérisé par l’insensibilité et diverses actions dont j’ai été instruit au réveil. Au bout de quelques minutes je revins à moi, conservant une vague idée des sensations que j’avais éprouvées et émerveillé d'une si belle conquête. J’éprouvais, au sortir de cet état, un bien-être indicible qui me faisait engager tous les assistants à se faire chloroformiser; mais je fus bientôt pris d’un relâchement musculaire, comparable à une fatigue, qui se compliqua de céphalalgie et d’un malaise analogue à celui qui suit l’ivresse, état qui dura de deux à trois jours.
Si ce résultat était isolé, 011 pourrait l’attribuer à une disposition particulière de mon organisme, d’autant que j’ai été plus sensible qu’aucune des personnes chlo-roformisées devant moi ; mais il est général, au moins selon le témoignage des individus que j’ai pu interroger.
En résumé, ce corps agit bien plus vite que l’éther, et l’insensibilité qu’il procure est non moins intense quoique beaucoup plus fugace. Le sang rouge devient également noir sous son influence, sans pourtant qu’on ait à déplorer d’aussi graves accidents consécutifs. Mais s’il est exempt de quelques inconvénients de son précurseur, il offre, en revanche, des dangers bien plus grands. Les expériences sur les animaux prouvent qu’il amène plus promptement l'asphyxie; ce qui est fort à craindre dans les opérations longues, où l’on est obligé de recourir à plusieurs chloroformisations.
Il résulte pour moi de cet examen, qu'on doit s’abstenir aussi bien du chloroforme que de l’élher dans les opérations légères ; qu’on doit au contraire les employer à peu pris indistinctement dans tous les cas graves où l’insensibilité magnétique n’a pu être produite; enfin, que le magnétisme leur est préférable à tous égards quand il peut être appliqué.
II. (de G.)
Ile vue «les Journaux. — Il Ricoglitore, journal de Florence, du \ octobre, analyse un ouvrage de magnétisme en quatre volumes, récemment publié dans cette ville. Nous donnerons la traduction de cet article, intéressant au double point de vue de progrès du magnétisme en Italie, et du contenu du livre analysé.
_On lit dans le journal de Médecine de Toulouse,
du mois dernier :
« Nous avons à raconter à nos abonnés une toute petite historiette, qui prouve à la fois la remarquable lucidité de quelques somnambules sous la puissance magnétique , et le dévouement non moins admirable de certains confrères. Un jeune docteur, de Toulouse,
M. X.....qui exploite la thérapeutique de Mesmer, fut
informé, par une de ses clientes, qu’une demoiselle désirait le consulter pour une affection peu dangereuse, mais qui était restée rebelle à tout traitement. Après quelques renseignements, qui parurent nécessaires à notre confrère, le magnétisme fut proposé et le jour pour l’opération. A l’aide de quelques passes, la malade fut endormie; à son réveil, M. X.... lui dit avec la gravité la plus doctorale : Mademoiselle, il faut vous marier. — Comment, monsieur, me marier! le mariage ne m’a jamais été conseillé; loin de là, plusieurs
médecins se sont même opposés au moyen que vous ine proposez. — Voilà pourquoi aussi vous n’êtes pas guérie; du reste c’est vous-même qui, dans l’état de somnambulisme, avez donné ce conseil. — Mais, monsieur, me marier à mon âge (39 ans), serait ridicule ou du moins diflicile, après avoir surtout refusé plusieurs partis. — Mademoiselle, je vous offre ma main et serai heureux de contribuer à votre guérison. — La malade rougit, et se retira. A quelques jours de là M. X.... devint l’heureux époux de sa cliente, et, ce qui n’est pas moins avantageux, possesseur d’une très-belle dot. Nous ignorons, par exemple, si le traitement, dont notre confrère fait l’application, a produit des résultats satisfaisants. »
Si cette anecdote n’est point une gasconade, elle ressemble fort à un trait de la vie d’Apulée, qui fut accusé de magie pour avoir épousé une riche veuve.
— Le Droit et la Gazette des Tribunaux, du 18, rapportent avec impartialité le procès de madame Saus-serotte; le National, le Constitutionnel et le Siècle du 19, le commentent en termes acerbes et malveillants.
BIBLIOGRAPHIE.
Arcanes de la vie future dévoilés, etc., par M. Alph. Cahagnet. I vol. in-12. Paris, 1848 ; prix:t> fr.
Cet ouvrage si impatiemment attendu a paru hier; nous ne l’avons pas encore lu, mais voici, en en attendant l’analyse, une lettre à l’auteur et sa réponse, qui donneront un avant goût du contenu de ce livre.
Monsieur,
Je viens vous remercier du témoignage que vous nie donne/, de \olre estime en m'offrant la dédicace de vos Arcanes.
Dans une semblable matière un autre, peut-être, se serait montré irrésolu, car un jugement, que l'on peut connaître d’avance, sera porté sur nous. Vous serez un visionnaire et moi un enthousiaste qui ne sait point mettre de bornes à sa croyance. Qu'importe! voici mon sentiment.
J’aime les lionnnes qui cherchent l’inconnu, les esprits aventureux qui, semblables au\ voyageurs, s'exilent de leur patrie pour aller à la découverte de ointains pays. Ils sont nécessaires et c’est souvent par eux que le monde s’enrichit. Toutes les recherches sont utiles , ont leur valeur ; lors même qu’elles sont négatives elles éclairent toujours l'esprit eu lui faisant reconnaître ses erreurs. Beaucoup d'hommes sont pénétrés de ces principes, aussi nous voyons chaque jour des cœurs généreux se lancer dans de périlleuses entreprises. L'un franchit les mer» pour remonter à la source d’un fleuve ; l'autre pénètre à travers des forêts vierges, au milieu de mille dangers, ne voulant couquérir pourtant que quelques brins d’herbes, des insectes, quelques animaux inconnus ; celui-ci explore un sol que les flots cachent à la vue depuis la création du globe. Celui-là , également audacieux, s’enfonce dans la terre, heureux s'il y découvre un lilon nouveau ; plus téméraire, cet autre s’élève dans l’air et s’y confond avec les éléments.
Après avoir ipaitrisc la foudre, l’homme la dirige et la force à transmettre ses pensées de l'un à l'autre continent : le soleil, aujourd’hui, reproduit les ol>-jets avec la lidélitè de leurs formes, et l’œil humaiu est allé dans l’espace chercher un astre inconnu. Plus modeste, Paramelle, armé d’une simple baguette, découvre les cours d’eau soulerraius et enrichit de verdure le sol jusque-là désolé.
Mais, à côté de ces conquêtes, l’homme laisse voir sa faiblesse eu s’ignorant toujours lui-même. La science ne lui apprend rien de sa nature et de sa destinée ou plutôt elle le détourne d’une étude si nécessaire.
Demandez au savant du jour s’il sait d’où il vient, où il va ? il ne saura répondre ; qui pense eu lui et le fait mouvoir ? il l’iguore ; qui voit, qui entend dans son cerveau ? il ne connaît de ces merveilles que les instruments passifs ; chacun de ses organes a une vie particulière, il en ignore la source et l’étendue; malade, il ne sait rien non plus et, comme l’avare, il succomlie auprès de trésors inutiles. Tout lui dit que sa vie, le mouvement qu’il se donne, ont un but, une raison, mais il détourne la tète et ne veut point sonder ces profondeurs; demandez-lui ce que c’est que le sommeil ? il n'en suit rien, el comment lorsque tout est assoupi en nous, des lèves s'y glissent, agitent et maîtrisent notre machine? il l'ignore encore. Ali ! nous ferions un tableau immense de ce que les savants devraient
connaître, cl ce sont les choses les plus essentielles à notre bonlieur, tout nous le dit, puisque ce que nous savons ne nous satisfait point.
Poursuivez donc vos recherches, Monsieur, fouillez dans les cerveaux, tâchez d’y découvrir les vérités qui y sont encore enfouies ; elles sont nombreuses et ont toutes leur utilité. Si tous trouvez, vous serez combattu avec opiniâtreté et ce sera votre gloire; si, plein d’illusion, vous n’avez obtenu de vos extatiques que des réminiscences de leur veille, de leur éducation, un reflet de leurs préjngés et de leurs croyances, votre ouvrage sera, sous ce point de vue, encore un bienfait, puisqu’on apprendra le travail de l’âme dans ces moments où elle ne s’est levée qu’à moitié. Tous avez vu l'homme demi-mort, peut-être que dans cet état existe une confusion d’idées, et que les choses vues de cette manière sont encore mêlées d’ombre.
Cependant, j’ose me permettre une observation sur la marche que vous avez suivie. Les choses révélées doivent avoir pour appui des principes qui y conduisent ; et franchir d’un seul bond la distance qui nous sépare de Dieu peut paraître hasardeux. J'aimerais à voir un homme aller du connu à l’inconnu en laissant l'empreinte de ses pas, afin que l’on puisse suivre sa route et marcher avec lui. Kntre toutes choses, il y a des intermédiaires, des milieux, qui servent à guider et qui empêchent de s'égarer, des nuances saisissables qui n'interrompent point les anneaux de cette cliaîue immense. Par le magnétisme, je m’explique le somnambulisme , et par cet état je comprends encore le jeu nouveau des facultés de l’homme ainsi pincé. C’est ici seulement que je voudrais voir se grouper des faits nous montrant, par quelque chose de saisissable encore, les rapports de l’Jme incarnée avec celle qui ne l’est plus. Ma faible intelligence me dit qu’il doit en être ainsi, et, seriez-vous arrivé au but, qu'il faudrait suivre le chemin que j’indique, si vous vouliez qu’on vous suivit.
Quoi qu’il en soit, Monsieur, j’attendrai, pour juger votre ouvrage, qu’il soit publié; il serait téméraire à moi de condamner sans avoir entendu.
L'n philosophe sceptique a dit ;
« L'àmc ne me parait qu’une faible étincelle » Que l’instant du trépas dissipe dans les airs. »
Vous prouverez, j’espère, qu’il était dans l’erreur.
Recevez, Monsieur, l’assurancc de ma considération distinguée.
Baron do Potet.
Paris, le lodfcerobre istT.
Cher cl honorable Monsieur,
J'ai clé très-sensible à l'obligeante lettre que vous avez daigné m'adresser ; je suis loin de mériter à tous égards les encouragements qu'elle contient, car je suis resté bien au-dessous de la tâche que je m’étais imposée ; comptez, cher Monsieur, sur ma gratitude et nia pure reconnaissance. Puissé-je lever le doute que vous concevez sur la marche que j’ai suivie ; je me suis bien gardé de toucher à la personne sacrée du Créateur et de m’élever de la terre aux cieux ; je suis resté sur notre tas de boue, interrogeant les tombeaux, parlant avec des êtres décédés et rendant compte de nos relations. J'aurais pu prendre sur moi de faire le rénovateur, le prophète, l'inspiré, l’extatique même, mais j'aurais plané dans la sphère des orgueilleux qui ne voient qu'eux et rapportent tout à eux ; non, je suis resté près de mes lucides, et c’est par leur secours que j'ai exploré ce monde inconnu ; j’indique à tous qu’ils peuvent faire comme moi et juger si je leur présente un roman ou un livre sérieux; je n'ai rien fait qui ne puisse être fait, rien dit qui ne puisse être vérifié ; j’ai désiré être clair. Quand vous m'aurez lu, Monsieur, la puissante pénétration de votre esprit vous prouvera que je ne vous ai pas quitté ; je suis resté narrateur impartial, respectant Dieu et les hommes.
C'est dans celle conviction que je suis,
Monsieur le Baron,
Votre obligé et dévoué serviteur,
Alph. Caiugsit.
Ce *9 décembre 1*17.
Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).
INSTITUTIONS MAGNÉTIQUES.
JURY MAGNÉTIQUE.
Nous espérons que la lettre suivante sera lue avec intérêt par les magnétistes de tous les pays, tant à cause des faits et détails qu’elle renferme que par les sentiments quelle exprime. Nous la publions telle que telle, sans même en corriger les tournures exotiques, afin de lui conserver son originalité et toute sa naïveté qui sont à nos yeux d’un grand prix.
A M. le Président du jury magnétique.
Monsieur le baron,
Dans la supposition que vous ignorez la circulaire sur le magnétisme biotique, dont S. M. d’Autriche a cru bon d’établir les règles d’exercice légal dans la cure des maladies, surtout si je considère de ne pas la voir mentionnée dans le Journal du magnétisme, auquel rien n’échappe pour l’intérêt et l’accroissement de la science mesmérique ; je croirais manquer à mon devoir de ne pas vous en envoyer l’incluse copie (1). Dans les circonstances présentes, elle peut être insérée dans la péti-
(1) C'est la même que celle publiée dans notre dernier numéro. Souvent la richesse vient quand on n’en a plus besoin.
TOME VI. — X" e*. — 25 JANVIER 1818. ï
tion que le Jury magnétique prépare pour l’adresser aux députés, afin que ceux-ci méditent sagement avant de prononcer un jugement contraire dans la formation de la nouvelle loi, sur l’exercice de la médecine, qu ils vont publier. C’est bien vrai que le magnétisme n'a rien que faire avec la médecine, étant, par sa nature, un agent physique dont tout te monde peut user et l’appliquer, sans autorité de diplôme, pour préserver et guérir l’humanité souffrante; mais il est absolument indispensable, pour qui a connu un puissant moyen curatif, d’y faire participer qui que ce soit; par la raison que le degré de probabilité de la perfection humaine dépend du concours de chaque individu. Cette circulaire de quelques délégations italiennes ne fut pas dispensée à tous les médecins, mais seulement à ceux qui ont donné essais de mesmérisme; si pourtant on 1 analyse, on voit qu’elle autorise quelconque médecin à faire usage de cette méthode curative dans les maladies. J ai été choisi du gouvernement de Milan et je l’ai eue dans le mois de février 184G, après plusieurs guérisons et avoir donné chez moi bien des expériences publiques, seulement dans le but de propagation, dans lesquelles j’ai fait aboutir les plus étonnants phénomènes qui apportèrent l’admiration à beaucoup de mes concitoyens.
Ici, tout le monde, par l’obstacle de la censure qui ne permet la publication d’aucuu ouvrage magnétique instructif, mêle le somnambulisme avec le magnétisme; où il n’y a pas somnambulisme il n’y a point magnétisme; et rien ne vaut à les persuader que le somnambulisme est simplement une phase du magnétisme, et que tous ne peuvent présenter ce phénomène par la différence des idiosycorasies et constitutions individuelles. Fi! jusqu’à messieurs les savants sont traînés dans les
mêmes erreurs, et ils nous disent à grande voix : faites-y
endormir et nous croirons à votre science!.....Insensés
qu’ils sont! ils ne s’aperçoivent pas de bien des actes magnétiques s’exerçant dans la vie. Et n’est-il pas magnétique, l’ardent amour de patrie que le grand Pie IX a éveillé à présent en nous, Italiens? Ne sont-ils pas aussi magnétiques, l’amour, l’amitié, quand ils nous obligent à nous lier? N’est-ce pas le rôle de cet agent physique qui calme aussitôt la douleur des yeux, causée à l’improviste par quelque substance étrangère, moyennant l’application d’un mouchoir sur lequel nous avons soufflé beaucoup de fois? quand on frotte dans les cheveux un doigt piqué ou échaudé? Et, finalement, n’est-ce pas du magnétisme quand le médecin, avec l’énergie de sa volonté, persuade le malade d’engouler un médicament qui, peut-être, lui donne l’impulsion à l’autre monde malgré sa bonne intention de faire le bien? Patience! en attendant que le temps et les faits dissipent les ténèbres de cette masse inerte et présomptueuse, poursuivons sans relâche notre noble mission de guérir ou de soulager nos frères malades. Telle est la volonté de la divine providence, et, croyez-moi, que le magnétisme, ce don précieux du ciel, est très-certainement la pierre angulaire de l’amour du prochain.
A Turin, il va être publié un ouvrage sur le magnétisme animal de mon renommé confrère, le docteur Maurice Pocti, dans lequel il parle de quelques-unes des maladies que j’ai traitées et guéries parle mesmérisme. Cet ouvrage est, je crois, le premier qu’on imprime dans notre péninsule; pourtant ce n’est pas le premier ouvrage italien; car notre célèbre Orioli a publié un livre intitulé : Fatti relalivi a Mesnierismo e cure mesme-riche con unapréfazione storico-critica del D* Cogevina
e iIci D' Francisco Orioli. Corfû (Corfou), dulla typo-graphia del governo. 1 842. Ce travail mérite d’être lu par chaque magnétiseur, outre sa valeur, pour la sienne érudition.
Le candidat Righi, à l’occasion de son doctorat en médecine, a publié un livre qui traite de la quasi-nullité de la médecine même, si elle refuse l’hoinœopathie et le magnétisme. 11 a donné des expériences magnétiques à l’hôpital de Pavie et guéri des malades en présence des professeurs de l’Université, parmi lesquels l’illustre Plalner qui a été convaincu de la puissance de ce simple moyen dans la cure des maladies.
Cette année il a été fait à Crémone, avec le plus grand succès, une opération chirurgicale en crise magnétiques
De plus, j’ai reçu le 13 de ce mois, de Mantoue, une lettre de mon ami et confrère, Louis Coddé, fameux par ses travaux sur l’homœopathie, dans laquelle il me communique qu’il a un ouvrage sur le mesmérisme à publier. Lui, il magnétise avec l’aimant et à passes elliptiques, d’après, selon lui, un principe appuyé sur une loi de la nature. Aussitôt que cet ouvrage sera imprimé, j’en enverrai avec empressement un exemplaire, ainsi que de celui de Poeti, à la présidence du Jury magnétique.
11 v a dans notre Milan beaucoup de magnétistes qui ont des somnambules pour les donner en spectacle dans des conversations, et ils font du bien et du mal : du bien, quand les expériences de clairvoyance surpassent l’attente des présents; du mal, quand elles échouent. Mais il y a aussi parmi eux de vrais magnétiseurs, et particulièrement des médecins homœopathes qui ont très-bien compris les deux propositions du grand Mesmer,
c’est-à-dire, qu’il existe dans la nature un fluide ou moyen simple de guérir et préserver les hommes des maladies; et que quand l'art manque, la nature reste. En vérité je vous dis que dans ma pratique, j’ai trouvé que le magnétisme est un puissant auxiliaire de la médecine homœopathique.
Avant de terminer cette lettre, je veux vous mettre au fait d’une magnétisation d’un pêcher dont les fruits mûrissent vers la Saint-Martin. Les vacances dernières, j’étais à ma campagne, située dans la commune de Cor-narido, et au milieu du jardin j'ai ce pécher qui, dès le moment qu’il a pris racine, n’a jamais porté de fruits à maturité, parce que, vers les premiers jours d’octobre, ils se crevassent, se gâtent et ensuite tombent. Le mois de septembre passé donc, j’en choisis parmi les cinq qu’il portait un seul pour mes expériences; et je le magnétisai quinze jours de suite, environ vingt minutes chaque fois. Les fruits non magnétisés tombèrent pourris ; le chéri au bout de la huitième magnétisation se peignit des plus vives couleurs, en sorte qu’à maturité, tant par sa beauté que par sa grosseur, il était l’objet de l’admiration de chacun; et les jardiniers m’en cherchaient des greffes pourcadeau. Maintenant je fais d’autres expériences sur les végétaux et en son temps je vous en donnerai le résultat.
Or, Monsieur le baron, pardonnez ma témérité si j’ai pris la liberté de vous écrire sans préalable connaissance. Mais tel est le destin des hommes de génie, qui embrassent avec ardeur l’apostolat d’une vérité pour la répandre partout; et pour cela il est intéressant que l’apôtre sache le nombre des disciples qui imitent le zèle de leur maître pour propager une lumière si utile à l’humanité. Cependant je ne puis que me réjouir avec
le Jury magnétique pour le choix de son président et le but proposé de récompenser les magnétophiles. Et moi, pour le bien de mon prochain, je voudrais que le magnétisme pénétrât dans le sein de chaque famille, car alors nous aurions à côté du mal le bien, du malade le médecin, comme l’a très-bien dit le président Jîar-thet (1).
Que je serais heureux défaire partie du Jury magnétique.....Eh bien ! sans l’espoir d'être encore inscrit dans
cette honorable société, et sur la foi d’avoir la soupirée médaille du grand Mesmer pour la faire graver et la distribuer parmi nous, à tous'ceux qui cultivent cette science, je vous dis que les disciples se reposent sur votre apostolat; et ils vous exhortent à le poursuivre avec cet amour et celte fermeté vraiment édifiants qui vous signalent pour éclairer les hommes.
En attendant la votre réponse, agréez ce pauvre mien hommage de l’amour que je nourris pour vous; et, croyez-moi, chaque fois que l’incrédulité téméraire et l’ingratitude des hommes glacent mon cœur, je le réchauffe tout de suite en lisant votre Essai sur l'enseignement philosophique du Magnétisme.
Votre très-humble serviteur, Docteur Ch. Dugnani.
Milan, 22 décembre 18*1.
(I) Voyez ce journal, tome v, page 104.
A la Société du Mesmérisme de Paris.
Messieurs les Membres,
J’ai l’honneur de vous présenter la relation d’une guérison d’ophthalmie chronique opérée par une mère sur son enfant, à l’aide du magnétisme.
Le 10 juin dernier, étant à Nemours (Seine-et-Marne), je fus informé de l’état de souffrances continuelles de la petite Barrot, âgée de G ans, dont les parents me sont connus depuis plusieurs années. J’allai voir cette enfant dans l’espoir de foire agréer à la mère mes conseils et l’application des moyens curatifs que fournit le magnétisme.
Ma première impression fut douloureuse; l’enfant était presque aveugle; j’eus une peine infinie à obtenir le déplacement du bandeau qui couvrait ses yeux; elle ne pouvait supporter l’effet du clair-obscur qu’on observe à l’angle d’une chambre dans laquelle les rayons du soleil sont interceptés. Je constatai que les muqueuses étaient tellement enflammées que les yeux paraissaient pleins de sang; la mère me déclara que cet état durait depuis plus de deux années. A de rares intervalles elle éprouvait un mieux de peu de durée ; elle pouvait alors supporter la vue du jour au moyen d’une visière de taffetas vert.
Les parents, quoique peu aisés, puisqu’ils travaillent tous les deux en journée, avaient fait soigner leur enfant par le médecin le plus distingué de la ville; malgré les efforts du docteur, le résultat ne fut pas satisfaisant, il déclaré qu’il fallait attendre que les grosses dents fussent percées, que, peut-être alors, il surviendrait un
changement favorable. On a cessé toute médira lion et conservé un vésicatoire au bras.
C est après avoir reçu ces renseignements que je proposai à M"" Barrot de lui euseigner le moyen de soulager et même de guérir sa fille sans le secours des uéde-cins, et sans avoir recours à l’emploi des médicaments; elle accepta de grand cœur et me promit de sé conformer à ce que je lui indiquerais. Je commençai par lui donner une explication orale à sa portée sur le magnétisme; ensuite je fis une démonstration en magnétisant la malade, puis je la fis magnétiser, savoir: 1° magnétisation générale pendant 5 minutes; 2° magnétisation locale sur les yeux le même espace de temps; 3° cinq ou six passes sur le tronc. Je lui fis voir la manière de magnétiser l’eau et lui recommandai de laver les yeux avec celte eau deux fois chaque jour. La seconde semaine elle devait prolonger sa magnétisation jusqu’à 15 ou 20 minutes, s’il ne survenait pas d’effets extraordinaires. Je lui donnai deux leçons seulement, n’ayant pas le temps de prolonger mon séjour dans ce pays.
A mon retour chez moi je lui écrivis pour lui rappeler, par une instruction détaillée, ce que je lui avais enseigné. Je la mis en garde contre la curiosité que provoque le somnambulisme s’il se fut présenté, ainsi que contre les crises s’il en était survenu; je désirais que la pratique que je lui avais démontrée fût exactement suivie dans le silence de son intérieur, à l’abri des conseils ou des critiques des commères ; je voulais enfin que rien ne vint s’opposer au résultat que j’espérais. Après trois semainesde magnétisation journalière, la malade éprouva un mieux très-apparent. Elle put commencer à voir à l’ombre pour ne pas trop se fatiguer, elle découvrait un œil et allait jouer avec les enfants du voisinage; lorsque
l’œil découvert était fatigué, elle replaçait le bandeau dessus et découvrait l’autre. Ce mieux dura une quinzaine de jours, ensuite line crise se manifesta; il y eut une recrudescence d’inflammation, il fallut garder constamment le bandeau sur les yeux. La mère, bien affligée de celte rechute, l’amena à Paris le 26 juillet. Elle vint me voir, j’exan.inai la malade, je la trouvai à peu près dans le même état qu’à l’époque où je fis commencer le traitement magnétique.
Cette brave femme désirait consulter un occulisle. La personne chez laquelle elle logeait la conduisit chez M. *** qui lui donna peu d’espoir; il lui dit que l’œil gauche était presque perdu; qu’il y avait peu d’espoir de guérison. Il lui conseilla une saignée au pied et un vésicatoire à la nuque. Elle alla ensuite à l’Enfant-Jésus. La consultation ne fut pas plus rassurante. On lui fit une ordonnance insignifiante, et on lui dit de patienter jusqu’à l’époque de la menstruation.
La pauvre mère, très-affectée par les deux consultations, ne croyait pas posséder le puissant moyen de faire
un prodige; elle pleurait sur le sort de son enfant.....
heureusement pour elle j'espérais encore; la crise ne m’avait pas effrayé. Je l’engageai à recommencer à magnétiser; mais sa foi était ébranlée. J’eus recours à des influences plus puissantes que la mienne : à celles que donnent la science et un mérite auquel nous rendons tous hommage, c’est vous dire que je la conduisis chez M. le baron du Potet, qui voulut bien examiner la malade de concert avec M. Hébert, notre digne président. Ils reconnurent la gravité de la maladie et, loin d’en désespérer, ils encouragèrent M"'* Barrot à continuer ce qu’elle avait si bien commencé; leurs conseils furent reçus avec reconnaissance; le confiance et l’espérance
pénétrèrent dans son cœur. De retour chez elle, elle continua avec un succès tellement inespéré qu’après cinq semaines de magnétisation les yeux de l’enfant étaient complètement guéris. Plus d’inflammation ; les filets sanguins ont disparu ; les yeux sont clairs, elle jouit des bienfaits de la lumière; elle fait l’étonnement des gens qui l’ont vue souffrante depuis deux ans; les pustules qui sortaient à la figure et au cuir chevelu ont disparu; sa tête est propre, elle se porte bien, elle retourne en classe depuis un mois.
Je l’ai vue le 8 de ce mois et en ai éprouvé unegrande joie; la mère est on ne peut plus heureuse et m’a manifesté toute sa reconnaissance.
Elle est sollicitée par la curiosité des voisins surpris d’un aussi étonnant résultat. Une mère de famille ayant urt enfant de 5 ans affligé depuis 6 mois d’une affection à peu prés pareille à celle de la petite Barrot, a été guéri en 15 jours par sa mère, à laquelle Mmc Barrot a enseigné les procédés qu’elle connaît.
J’ai engagé de la manière la plus pressante M1"* Barrot à répandre la connaissance du magnétisme parmi les personnes de son quartier qui ont des malades; mon désir le plus fervent étant de répandre cette connaissance salutaire dans la classe qui a le plus besoin de secours ; c’est, lui ai-je dit, la preuve la plus évidente que vous puissiez me donner de votre reconnaissance, et celle à laquelle je serai le plus sensible.
Agréez, Messieurs, l’assurance du profond respect de votre dévoué serviteur et collègue,
Girollet.
Paris, le 21 octobre 1847.
Magie magnétique (suite).
Il nie semble entendre murmurer par des bouches ignorantes, par des esprits prévenus :
« Que vient-il, au xix® siècle, nous parler de magie • et faire revivre les contes du vieux temps; c’est être » bien hardi, car la science n’admet rien de miraculeux;
>> et, nul ne peut prévoir l’avenir, lorsque si peu » d’hommes sont assurés du présent. D’ailleurs, l’ave-» nir n’existe pas, et c’est être insensé que d’en parler. » Que savez-vous, aveugles que vous êtes, si Dieu n’a pas semé sur cette terre les germes de ce qui doit exister, comme il y a répandu ceux des choses existantes, et si l’éclosion des premières n’a pas été prévue par lui en leur temps ? Dire qu’une chose est impossible, c’est méconnaître sa nature, c’est rejeter la science du passé. Vous voulez raisonner ce qui ne se raisonne pas, ce qui s’adopte, lorsque les faits arrivent en faisant incliner la raison. Ecoutez sur ce sujet le langage d’un homme profond; il vivait avant Mesmer : on ne connaissait point le somnambulisme ni l’extase; voici pourtant comment il s’exprimait :
« L’art par lequel on étend la mémoire, les secours par lesquels on fortifie l’imagination, les moyens par lesquels 011 la détruit ou on la suspend; tous ces phénomènes, si l’on y réfléchit avec assez d'attention, pourront faire douter si, par quelque art semblable, on ne pourrait pas porter l’imagination jusqu’à des représentations anticipées. Si notre industrie ne le peut, n’y a-t-
il pas eu des hommes privilégiés à qui la connaissance de l’avenir a été accordée?
» Il semble que les perceptions du passé, du présent et de l’avenir, ne diffèrent que par le degré d’activité où se trouve l’âme : appesantie par la suite de ses perceptions, elle voit le passé; son état ordinaire lui montre le présent; un état exalté lui ferait peut-être découvrir l’avenir. Et cela ne serait peut-être pas si merveilleux que de la voir se représenter des choses qui n’ont existé, qui n’existent point et qui n’existeront jamais; nous avons besoin de tonte notre expérience pour ne pas ajouter foi à nos songes.
» Si l’on examine philosophiquement les systèmes auxquels on doit avoir recours, pour expliquer comment nous apercevons les objets, peut-être tout ce que nous venons de dire ne paraîtra-t-il plus aussi étrange qu’il peut l’avoir paru d’abord. S’il n’y a aucun rapport réel entre les objets et cette substance spirituelle qui les aperçoit; si nos perceptions ont dans l’âme leur propre cause, et ne se rapportent aux objets que par concomitance, ou par une harmonie préétablie; ou si les objets ne sont que des causes occasionnelles de la manifestation que Dieu veut bien faire à l’âme d’une substance où s’en trouvent tous les archétypes : la perception du passé ni celle de l’avenir ne seront guère plus difficiles à comprendre que celle du présent. »
Maupertuis vient d’exprimer notre sentiment : voir l’avenir est pour nous un fait suflisamment constaté, et vous démontrerons sa possibilité à tous les hommes qui voudront bien suivre et se pénétrer de nos récits ?
Est-il possible à l’homme, se contemplant lui-même, d’apercevoir le principe qui l'anime ! Peut-il, portant son regard intelligent en autrui, découvrir la force
qui assimile la matière et construit l’édifice humain.
Je vois l’oiseau faire son nid avec des matériaux divers qu’il cherche et choisit; il fait ce travail avec un art infini; mais si j’examine l’oiseau lui-mème, je le vois se développer, prendre des formes ? Qu’est-ce donc que cet ouvrier intérieur qui assimile, rassemble, coordonne des matériaux grossiers, est-il invisible? Je ne le crois pas. Il n’en est ainsi jusqu'à présent qu’à cause de notre ignorance qui, croyant impossibles les recherches dirigées de ce côté, s’est abstenue en portant son investigation sur d’autres merveilles de la nature. Voyez ce que vous avez fait avec des instruments perfectionnés ; cç qui échappait aux regards se découvre, et des myriades d’êtres que l’on croyait pour toujours soustraits à notre vue, sont aperçus dans une goutte de liquide. Les fluides dont on voyait l’action sans les voir eux-mêmes sont aperçus maintenant. On niait avant ces recherches, et le savant sceptique ne pouvait croire à ces réalités.
On se souvient qu’un simple potier, en examinant des coquilles fossiles, soutint devant l’Académie que c’étaient de véritables coquilles et que la mer avait baigné les montagnes dans le sein desquelles il les avait trouvées. On se moqua de lui, on rit de son innocence, et nos grands hommes contents d’eux-mêmes ne se doutaient point qu’un jour son opinion serait confirmée. Et lorsque je vais parler de l’àme, peut-être des moyens de l'apercevoir, la dénégation, l’injure, peut-être aussi, vont assaillir mes assertions. Qu’importe !
Une simple étincelle cause, à grande distance, un incendie ; on la voit et on croit. Une étincelle, je n’ai point d'autre mot, part de mon cerveau et pénétre avec rapidité dans un autre être; elle y détermine également un
fait qui se traduit par des penchants, des idées, la colère, la joie ou l’espérance. Cette étincelle est invisible, et nul ne. la voit; elle existe pourtant, comme ce feu qui, par un acte magnétique, sort de nos doigts et va crisper à distance les surfaces parcourues par des nerfs. Ce feu également on le nie, car aussi nul ne le voit; c’est avec lui que les opérations magiques sont commencées, c est l’agent qui a porté le germe nouveau de ma pensée où ma volonté a voulu qu’il allât, et ici ce n’est plus seulement sur un système nerveux, mais sur des corps inertes, incapables de le sentir; il y reste comme l’agent invisible enchaîné dans un grain de blé, dans la plus petite semence pour faire agir la matière en temps opportun, mais cette semence, venant de l’intelligence, rapportera des fruits nouveaux, des fruits de sa nature.
Oh vérité sublime qui effraye la pensée! Qu’est-ce que tout cela? Et où vais-je m’engager? Est-ce un abime sans fond où la raison va se perdre, s’égarer ? Est-ce une nouvelle science qui va prendre naissance? Est-ce le bien, est-ce le mal qui doit en résulter? Si j’y réfléchis, je trouve qu’une vérité doit être connue de tous pour ne nuire à personne, et dans ce moment 1 esprit est en éveil, des rechei’ches sont faites, des résultats obtenus. Et si Dieu inspire les hommes, s'il leur a donné la faculté de connaître, est-ce pour eux seuls ou plutôt ne veut-il pas que la vérité devienne pour tous un patrimoine? d’ailleurs, ne sommes-nous pas trop avancés pour reculer; franchissons donc celte barrière du
doutequime blesse et m’opprime. Christophe Colomb sentait en lui qu’il existait un monde inconnu ; il y mena ses compagnons; il n’est point coupable des cruautés qu’ils exercèrent ; il accomplit ses promesses. Loin
de moi la pensée de m’égaler en rien à Colomb, mais tout me dit qu’il existe au delà de notre vue matérielle des choses inconnues et qui, un jour, seront rendues sensibles. Je marche aussi à la découverte d’un monde, plus difficile, non à découvrir, mais à montrer; car c’est le monde moral, c’est celui qui existe entre Dieu et sa créature; son royaume touche à la terre et, comme la lumière, il se perd dans l’espace. Mais j’ai pour moi des choses sensibles, un rayon d’espérance vient me soutenir, je vais ouvrir la route.
Baron du Potet.
(La suite prochainement.)
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ÉTUDES SOMNAMBULIQUES.
§ X. — PUYSÉGURISME.
Dixième observation.
Samedi dernier, M. Alexandre Dumas dînait chez un député, M. G.-D. De nombreux convives écoutaient avidement la parole du brillant écrivain, qui, conduisant la conversation à son gré, l’amena bientôt sur le terrain du magnétisme.
L’orateur développa sa thèse, parla de sa toute-puissance, et pour en donner une preuve, il dit :
— Tenez, je connais une clame qui demeure rue des Marais-du-Temple; je n’ai qu'à le vouloir pour qu’elle vienne ici.
— Voyons cela, répondirent les assistants, cédant au prestige que l’illustre romancier exerce en parlant aussi bien qu’en écrivant.
— I)onnez-moi un grand verre, dit M. Dumas.
Le verre fut apporté, M. Dumas le remplit d’eau, puis avec un admirable sang-froid, il fit les signes cabalistiques indiqués par la tradition; il jeta dans l’eau le fluide magnétique, puis il dit à un domestique :
— Placez ce verre sur la cheminée du salon.
Le domestique s’apprêtait à exécuter cet ordre.
— A propos, «ajouta le magnétiseur, vous aurez soin de mettre sous le verre une feuille de papier blanc. C’est indispensable pour l’isolement.
Cela dit, — Quelle heure est-il ? demanda Alexandre Dumas.
— Sept heures et demie.
— Bien ! Pour venir de la rue des Marais-du-Temple à la rue d’Anjou-Saint-IIonoré, combien faut-il de temps ?
— C’est selon.
— Il faut bien une heure à une femme qui fera le trajet à pied et endormant.
— D’accord.
— Eh bien, voici qu’elle sort de chez elle. Dans une heure vous la verrez paraître. A moins pourtant qu’elle ne j>orte en ce moment une robe de soie ou un buse d’acier; caria soie et l’acier détournent le fluide magnétique (1).
(I) Erreurs gratuites, purement préventives, que rien n'autorise. Quand
Le diner fini, 011 passa au salon. La conversation continua de rouler sur le magnétisme. M. Alexandre Dumas tenait l’assemblée captive sous le charme de ses discours émaillés des fleurs de l’imagination et des perles de l’esprit.
Au coup de huit heures et demie, la porte du salon s’ouvrit.
— C’est elle ! dirent les assistants.
— C’est elle, dit Alexandre Dumas.
Un monsieur entra.
Ce monsieur était parfaitement inconnu au maitre de la maison. Il avait des gants jaunes, une cravate hlanche, un habit noir, une bonne ligure et l’air profondément convaincu d’un adepte enrôlé pour tenir l’emploi des utilités et des troisièmes rôles dans les épreuves et dans les cérémonies de la science.
Avant qu’on l’eût annoncé, il avait fait trois pas dans le salon, en s’écriant d’une voix à demi comprimée par une intention mystérieuse :
— La voici ! elle me suit !
— Monsieur est le mari, dit gravement Alexandre Dumas.
— Je suis le mari, reprit le monsieur, saluant en rond la société.
— Où avez-vous laissé votre femme?
— Sur l'escalier. Nous étions chez nous, il y a une heure, habillés pouraller en soirée. Tout à coup, crac! je vois ma femme qui s’endort. Je me dis : Bon, c’est M. Dumas qui lui envoie du fluide. Je connais ça; elle va aller où M. Dumas veut qu’elle aille. En effet, elle
renoncera-t-on donc à ces analogies trompeuses pour s'en tenir à la stricte observation des faits ? (Note de la Rédaction.)
se lève, elle sort, je la suis de peur d’accident, et elle me conduit ici. Je monte le premier pour l’annoncer. Vous m’avez vu, vous allez la voir.
A ces mots tous les regards se tournèrent vers la porte, qui était restée ouverte. Une femme parut; une femme jeune, blonde, et d’une assez jolie figure. Elle s’avança lentement, mais d’un pas assuré, les yeux ouverts et
fixes; son attitudeet sa physionomie avaient l’expression particulière aux somnambules et qui a souvent été reproduite au théâtre par d'habiles comédiennes.
Elle alla droit à M. Alexandre Dumas, s’inclina devant lui et lui baisa les mains. Le maître reçut ces marques de déférence avec la majesté bienveillante que le grand Balsamo devait déployer en pareille circonstance.
— La course qu’elle vient de faire l’a fatiguée, dit le magnétiseur; je vais la réveiller.
En un tour de mains l’opération fut faite. Dégagée du fluide qui enchaînait ses sens, la jeune femme soupira, étendit les bras, ferma les yeux, les rouvrit et promena sur l’assemblée un regard étonné.
L’aspect de M. Dumas lui révéla le secret de sa présence dans un monde nouveau pour elle et qui la considérait avec curiosité. Mais la séance ne pouvant avoir rien d’intéressant avec la somnambule éveillée, le ma-gnéliseur la rendit au sommeil aussi lestement qu’il l’en avait affranchie. Puis la laissant dans le salon, il se retira avec plusieurs des assistants dans une des pièces les plus reculées de l’appartement.
Quand vous le voudrez, dit-il, elle viendra nous rejoindre.
— Dans cinq minutes.
— Soit. Quelle émotion voulez-vous qu’elle éprouve
en ouvrant la porte ? Choisissez ; ce sera la joie, la terreur, ou tout autre sentiment, à votre gré.
— Va pour la terreur.
— Eh bien ! en entrant ici, elle croira voir devant elle un abîme de feu.
Les cinq minutes révolues, la porte s’ouvrit, et la somnambule s’arrêta sur le seuil avec une expression d'effroi très-bien indiquée, mais qui cependant, pour un abîme de feu, semblait un peu trop douce.
— Qu’avez-vous ? demanda le magnétiseur.
— Oh! ce n’est rien, répondit la somnambule en se baissant et en faisant le geste de ramasser quelque chose, j’avais peur d’écraser ce nid de fauvettes.
— L’erreur est de ma faute, reprit le magnétiseur. Une autre idée se sera croisée dans mon esprit avec l’émotion que je lui envoyais.
La science explique tout.
— Restez là, continua-t-il en s’adressant à la somnambule, et nous, retournons au salon.
Au salon, M. Dumas s’adressa aux dames et leur dit :
— La somnambule va rentrer; un des privilèges de son état est d’être devenue, par le sommeil magnétique, aussi légère qu’une ombre. Voulez-vous qu’elle marche sur des fleurs sans les fouler ou sur des œufs sans les casser?
On choisit les œufs, et on en sema sur le parquet.
La somnambule entra, et le miracle s’opéra de façon à produire une illusion complète. Le pied glissait sur l’œuf et semblait s’y poser, s’y appuyer. Carlotta Grisi n’aurait pas mieux dansé ce pas si difficile. Le trajet de la porte à la cheminée s’accomplit sans accident, c’est-à-dire sans omelette.
Après ce triomphe, la somnambule fut mise en rap-
port avec plusieurs personnes de la société; ses réponses pleines de justesse, de traits flatteurs et de fines saillies prouvèrent qu’elle était bien en communication directe avec la grâce et l’esprit du magnétiseur.
Ce fut une séance curieuse, amusante, mais qui .ne prouvait rien. Pour prouver quelque chose, il eût fallu, au lieu de la somnambule choisie par le magnétiseur, une personne désignée par le choix de la société. M. Alexandre Dumas adopte la croyance du magnétisme avec l’enthousiasme qui appartient aux esprits élevés et aux vastes imaginations. Il prête à cette doctrine l’appui de ses facultés puissantes, l’autorité de son nom, la magie de sa parole et son grand art de la mise en scène. Si, en l’écoutant et en le voyant opérer, on n’est pas entièrement convaincu, du moins on est séduit, ébloui, charmé. Depuis Cagliostro, la cause du magnétisme n’avait pas été soutenue par un aussi merveilleux enchanteur. (Siècle.)
— Il n’y a pas besoin d’être un Cagliostro pour produire les faits que nous venons de citer. Chaque magnétiseur, aussitôt qu’il s’est reconnu la propriété magnétique, produit des phénomènes semblables. Ils sont dangereux et préparent, pour celui qui les fait naître, de sérieux embarras. Un somnambule peut être dérangé dans sa marche par mille accidents impossibles à prévoir ; ses sens lui servent peu ou pas du tout; il peut être écrasé ou réveillé brusquement. Il peut avoir des crises ignorées du magnétiseur et, par conséquent, rester dans un état de trouble capable de menacer sa raison.
Le magnétisme est une chose si sérieuse, si grave, que jouer avec et déterminer au loin, par la pensée, une série de phénomènes qui demandent ordinairement, pour être exécutés et réglés, la présence des deux êtres
et toule la prudence de l’expérience, que c’est presque être insensé de les chercher dans les circonstances décrites plus haut.
S’il suflisait d’avoir beaucoup d’esprit pour conduire une opération magnétique, M. Alexandre Dumas serait passé maitre, mais il faut une expérience consommée, et ceci ne résulte que d’une étude que M. Dumas n’a pas eu le temps de faire. Il trouvera sur son chemin des faits qu’il ne pourra conduire. Des accidents l’attendent qui le jetteront dans le plus grand embarras.
Lecteurs, vous l’apprendrez bientôt !
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VARIÉTÉS.
Trlliunanx. — La province fournit aussi son contingent de procès où le magnétisme est en cause. Nous le disions naguère, l'aveuglement des savants est tel qu’il n’y aura pas une bourgade en France où le magnétisme ne soit pratiqué sans que les corps savants s’émeuvent le moins du monde au récit des merveilles produites. Punissez, frappez; qu'importe! On ne tue point les vérités, et si l’institut est immortel, la vérité l’est à plus juste titre. Voici ce que nous trouvons dans XAsmodée, du 28 novembre dernier :
« Il y a prés d’un siècle que le magnétisme est le sujet d’observations fort curieuses, même pour les personnes qui n’admettent pas sa réalité. Mesmer, médeein aile-
mand, est le premier qui ait reconnu ses effets et. ait cherché à s’en rendre compte. 11 plaça d’abord les sujets dans la direction des pôles nord et sud avant de les toucher; il se servit ensuite d’une baguette d’acier, de fer ou de verre, pour augmenter son action magnétique. Puis il établit son fameux baquet magnétique, dans lequel il mettait de l’eau, du fer, du verre, des plantes amères. Il plaçait alors au milieu du baquet une lance de fer qui venait s’appuyer de l’autre bout sur l’estomac de la personne malade ou sur la partie du corps où la douleur se faisait sentir. Son action ainsi dirigée a produit des effets étonnants ; quelques malades ont éprouvé des crises de nerfs, d’autres de grands soulagements à leurs maux.
» Aujourd’hui que le magnétisme a suivi la progression naturelle de toutes les sciences, les opérations sont fort simplifiées. Il n’y a plus ni baguettes ni baquets; le magnétiseur opère par le seul charme de la puissance de passe-passe faits avec les mains ou à l’aide du regard seul. Lorsqu’il a endormi ainsi le sujet, il lui fait révéler les choses les plus surprenantes : le passé, le présent, l’avenir, rien ne lui est inconnu. Il répond avec la plus grande lucidité à toutes les questions qu’on lui adresse sur toutes choses; il découvre dans le corps humain le mal comme s’il le voyait à travers une gaze, et il indique avec infaillibilité le remède précis; du moins, telle est la prétention des adeptes du magnétisme.
» Tout le monde, bien entendu, n’est pas doué au même degré de la faculté extraordinaire de produire des effets si merveilleux ; il y a même un grand nombre de personnes sur lesquelles la puissance magnétique ne peut rien. A Nancy, où le célèbre baron du Potet était
venu, il y a quelques années, exercer ses talents, nous croyions que le magnétisme était encore dans les limbes, lorsqu’une affaire correctionnelle, jugée vendredi dernier, est venue nous tirer d’erreur. Si l’on s'en rapporte aux faits qui se sont déroulés dans la cause, nous avons, au contraire, dans notre ville un sujet des plus remarquables; il se nomme Husson, tourneur de chaises de son élat, rue Saint-Dizier, 35.
» C'est d’abord en famille que le sieur Ilusson a exercé ses talents divinatoires. On s'est naturellement moqué de lui, puis peu à peu on a ajouté foi à ses prédictions, dont plusieurs ont été confirmées par l’événement. Enfin, sa réputation grandissant, on a eu recours à sa science pour opérer des cures, connaître les voleurs que la justice était fort en peine de découvrir, etc. D’après la déposition des témoins appelés dans la cause, il a parfaitement réussi dans toutes ces épreuves. Plusieurs malades se sont bien trouvés des remèdes qu’il a indiqués aussitôt qu’il était endormi par le moyen des passes que sa femme opérait sur lui avec ses mains, ou seulement en le fixant d’une manière particulière. Voilà une science bien commode pour la plus belle moitié du genre humain, et nous votons pour qu’il lui soit élevé une chaire d’enseignement public.
» Mais la déposition qui a le plus vivement intéressé le public fort nombreux qui assistait ce jour-là à l’audience, est celle de M. le curé de Pompey. Ce prêtre a lui-mème un peu étudié le magnétisme. Ayant entendu parler des facultés extraordinaires de Husson, il voulut en faire une sorte d’épreuve publique. Il le magnétisa donc en compagnie de plusieurs ecclésiastiques, et Husson lui révéla des choses particulières qu’il devait à coup sur ignorer. M. le curé a déclaré également qu’un
jeune homme de Liverdun s’étant noyé celle année, on lit d’infructueuses recherches pour le retrouver, et que s’étant adressé à Husson, celui-ci indiqua l’endroit où l’on découvrirait le corps, ce qui eut lieu en effel. Ce serait lui aussi qui aurait donné un signalement tellement exact du voleur qui s’élait introduit de nuit et avec escalade dans le vendangeoir de M. Vuillaume, à Liverdun, qu’on ne pouvait méconnaître Florentin, récemment condamné à vingt ans de travaux forcés pour ce crime.
» M6 Louis, avocat, a plaidé de la manière la plus spirituelle cette cause étrange. Sans paraître croire à toutes les merveilles du magnétisme, il en a dit assez cependant pour faire douter beaucoup de gens. Si, dans notre pays de liberté, il n’élait défendu de guérir légalement les gens sans diplôme, nous craindrions donc fort pour la clientèle de MM. les médecins patentés, car assurément bon nombre de leurs malades voudraient, autant par curiosité que par tout autre motif, essayer de la guérison magnétique.
» Si la cause n’a pas été gagnée par l’habile plaidoirie du défenseur, c’est que la justice ne pouvait absoudre en présence du délit constant et des termes précis de la loi ; mais, en ne condamnant Husson qu’à 1 franc d’amende, le tribunal a sagement apprécié toutes les circonstances qui militaient en faveur d’un acquittement absolu.
» En attendant, voilà Husson voué à la célébrité, et nous ne doutons pas que sa science rétrospective et divinatoire ne soit mise de nouveau souvent à l’épreuve. S’il lui est défendu de faire de la médecine, il aura encore assez d’autres misères à secourir. »
Le magnétisme en Suède. — La marche des sciences n’est pas toujours progressive; elle oscille parfois. Ainsi, le magnétisme qui en Suède était connu, pratiqué, protégé même, il y a trente ans, en était venu à être presque entièrement oublié, lorsque Berzelius rappela sur lui l’attention des savants de son pays (1). Depuis lors on s’en est beaucoup occupé, et actuellement des expériences se font à l’Hôpital civil de Stockholm, sous la direction du médecin en chef. Nous aurons bientôt occasion d’en entretenir nos lecteurs.
Ces détails sont empruntés aux journaux du lieu ainsi que la relation de l’étrange procès dont voici le résumé:
Il y a peu de temps que le tribunal de Stockholm a été appelé à se prononcer sur une affaire où le magnétisme était en cause. Voici les faits :
Un magnétiseur avait plongé dans le sommeil une jeune fille malade; celle-ci s’ordonna une plante en indiquant l’endroit où elle se trouvait; mais il fallait, pour la posséder, obtenir l’autorisation de la personne à qui appartenait l’îlot où elle était. La somnambule avait dit que cette plante sc trouvait au pied ou dans le tronc d’un vieux tilleul dont elle désigna la position. On eut l’agrément du propriétaire et on fit des recherches à l’endroit indiqué, où la plante fut eifectivement trouvée. Jusque-là tout est au mieux ; mais l’arbre, que le temps avait respecté, périt bientôt : c’est alors que l’on intenta un procès au magnétiseur en l’accusant d’être l’auteur de la mort du tilleul, et de l’avoir fait périr par magie ou art diabolique. Ce qui peut avoir donné lieu à cette prévention, c’est que le magnétiseur avait fait des signes sur l’arbre, comme la somaambule l'avait re-
(1) Voyez ce journal, tome iv, page 76.
commandé et sans doute pour complaire à sa croyance.
Le tribunal repoussa cette accusation, mais ne put persuader le propriétaire que sa perte pouvait être survenue sans maléfice.
Les abeilles et le choléra. — Des lettres de St-Pétcrsbourg donnent les détails suivants sur l’admirable instinct des abeilles:
» Dans les trois provinces de la nouvelle Russie, Tauris (péninsule de la Crimée), Cherson et Iekateri-noslaw, le choléra a presque disparu. Dans plusieurs districts de la contrée transcaucasienne , notamment dans Tiflis et aux environs, on a remarqué l’été dernier, un peu avant l’épidémie, que les abeilles déployaient une activité prodigieuse; les prairies et les jardins en étaient remplis. Elles volaient par essaims et emportaient comme butin beaucoup de cire et de miel ; mais dès que le fléau eut éclaté, elles se tinrent cachées dans leurs ruches qu'elles avaient fermées avec de la cire. Il serait intéressant de savoir si le même phénomène s’est produit dans d’autres contrées de la Russie où le choléra a éclaté. » (Union Monarchique?)
— Lorsqu’on voit les abeilles prévoir ce qu’il leur importe de connaître, refuserait-on encore à l’homme la même faculté instinctive? Qu’elle ne se manifeste point dans l’état actuel de la civilisation, sans doute; car l’homme a dégradé sa nature; mais dans le somnambulisme tout se retrouve, et il nous arrivera cent fois de prouver que l’homme est bien le roi de la création , car non-seulement il a, comme tous les animaux, ses instincts conservateurs, mais scs connaissances s’étendent bien plus loin; avec elles il plonge dans les temps et re-
monte jusqu’à Dieu, ce que ne peut faire lu reste de l’animalité.
Chronique. — Le magnétisme est en vogue au théâtre : après le Gymnase, qui nous a donné Irène, le Palais-Royal est venu avec le Banc d’huîtres où se trouvent des scènes magnétiques dont la parodie a fort diverti les gens qui aiment le gros sel et les plaisanteries. Voici maintenant la Porte Saint-Martin qui, dans La fin du monde, fait paraître une somnambule toute éveillée. Nous savons, de plus, que la censure a refusé de laisser paraître, sur la scène de Beaumarchais, une véritable somnambule qui devait, dans un intermède de représentation à bénéfice, justifier ses petits talents de dormeuse. 11 faut donc que ce magnétisme, qui n’existe pas, selon la science officielle, soit fort goûté du public puisque partout on le montre et qu’aucun sifflet ne proteste contre lui.
Que vont dire les Magendie, Velpeau, Gerdy, Bouil-laud, Dubois (d’Amiens), etc.? Nous sommes surs qu’ils vont crier à la sottise humaine; mais ils auront beau faire, le magnétisme les tient à la gorge; leur renommée y est attachée, et le succès pour lui est le signal de leur défaite. Oh! grands hommes, le temps n’est plus pour vous. Pourquoi aussi mentiez-vous à la science et comment n’avez-vous pas ouvert les yeux plus tôt ?
— On nous assure que le gouvernement belge prépare une loi, non contre mais sur l’exercice du magnétisme et du somnambulisme. Si cette nouvelle est fondée, comme nous avons tout lieu de le croire, c’est encore un progrès.
— M. le juge d’instruction de Pau voyant que M. Laforgue n’obéissait point à sa défense de recevoir des
infirmes, s’est transporté au domicile de ce digne homme, et en a chassé les malades, les menaçant de les faire emprisonner s’ils revenaient. C’est à cette scène qu'il est fait allusion dans l’extrait suivant d’une lettre que nous adresse M. Laforgue :
« Je vous remercie, mon bien-aimé frère, de l’intérêt que vous me portez et de l’amour que vous avez mis à épouser l’injuste attaque qu’on a dirigée contre moi. Je pense que le frère Laporte vous a rendu compte de la dernière exécution qui a été faite chez moi, le ‘27 septembre dernier. Depuis celte époque, je n’ai plus fait de séances publiques; je n’ai point cessé pourtant de donner des soins aux malheureux qui ont eu recours à moi, soit qu’ils fussent présents ou à une certaine distance. Depuis lors, le nombre des cures n’est pas aussi considérable, mais je n’ai pas laissé passer un jour sans opérer le bien, etc. »
Faire le mal, dans notre pays, est chose facile; mais l'homme bon et simple qui désire faire le bien rencontre mille obstacles; on lui tend des embûches et sa vie doit s’user dans des luttes sans fin.
Je me rappelle qu’ayant rassemblé un grand nombre de malades, la médecine en prit ombrage, et que la justice, prenant fait et cause pour elle, était sur le point de me poursuivre avec la loi des associations. C’eût été une chose ridicule, et je ne sais pas quel motif en empêcha, mais ce n’est pas le scrupule.
Nous savons qu’on trouvait mauvais queM. Laforgue eût autour de lui tant de gens à béquilles; un rassemblement pareil devait être dangereux pour le pouvoir, car ils étaient tous armés de bâtons ferrés ; plusieurs même portaient du poison : la médecine les en avait nourris.
Revue «les Journaux. — Le Bien public de Màcon, du >2 décembre, contient un feuilleton sur la conversion magnétique de Robert-IIoudin. L’article est de M. le comte de Mirville dont nos lecteurs connaissent déjà les travaux.
— L'Abeille médicale de décembre reproduit l’anecdote que nous avons extraite du Journal de médecine de Toulouse, et insérée dans notre dernier numéro.
— On lit dans la Gazette de France du 30 décembre, l’avis suivant qu’elle-même extrait de L'Ami de la Religion.
« La rédaction d’un journal ne saurait être responsable de toutes les mentions élogieuses que l’usage fait admettre dans la partie des Annonces. Tout le monde sait, en effet, que ces annonces, payées par les auteurs ou éditeurs, n’ont pour objet que de donner à leurs diverses productions une plus grande publicité.
» Toutefois, lorsqu’il nous est démontré qu’on s’est attribué faussement l’approbation de l’autorité la plus auguste et du nom le plus vénéré, il est de notre devoir de protester aussitôt contre ces sortes de surprises.
» Nous remplissons aujourd’hui ce devoir en déclarant qu’il est complètement jaux que l’ouvrage intitulé le Magnétisme humain ait été honoré, ainsi que nos annonces l’avaient indiqué, d'un bref du pape Pie IX. L’auteur, qui avait fait hommage de son livre au souverain pontife, n’a reçu, par ordre de Sa Sainteté, qu’un simple accusé de réception signé par un des secrétaires de la chancellerie pontificale. »
— Le Corsaire, du 13 décembre, publie un fait de lucidité avec des réflexions favorables au magnétisme en général.
— Dans le Commerce du 17 décembre, M. Teste
réclame contre l’adjonction de son nom à celui de madame Chappe, la fameuse somnambule qu’il a qualifiée de la itins lucide de Paris. Il annonce qu’il va faire paraître à ce sujet une brochure intitulée : Confessions d’un magnétiseur. Il y a déjà plus d'un an que ces confidences sont promises; c’est une menace d’apostasie.
— Le Feuilleton de Paris, journal mensuel, dans son numéro de décembre, fait un pompeux éloge des qualités magnétiques de M""' Lafonlaine.
— Les antagonistes du magnétisme ont changé leur cheval borgne pour un aveugle; c’est-à-dire qu’autrefois ils jugeaient la vérité mesmérienne avec un côté de l’intelligence, et que, maintenant, ils semblent n’en plus avoir du tout. Ils ne nient plus, n’approuvent point; ils se contentent d’écrire des lazzis et des contes à dormir de bout, sans magnétisme bien entendu. Ainsi nous voyons M. Pelletan, dans la Presse du *23 de ce mois, raconter sur Mesmer les choses les plus invraisemblables, comme celle-ci, par exemple, qu’il demandait 4,000,000 de francs au roi Louis XVI, pour communiquer sa découverte. C’est là une des moindres erreurs volontaires de cet écrivain amusant.
M. le docteur Teste, quoique sur le point de rentrer dans le giron de l’Ecole, devient aussi son point de mire; mais il retournera, sans doute, à l’auteur certaines épithétes joviales et malveillantes qui sont à son adresse. Si ces chers confrères se rapprochent un jour, nous doutons fort qu’ils puissent s’entendre.
— Nos lecteurs n’ont rien à apprendre dans le discours des rédacteurs du Constitutionnel, ils envisagent tous de travers la question qui nous occupe. Ces messieurs ne sont pas seulement hostiles, ils disent l’inverse de ce qui est. Jusqu’ici on nous avait taxés de folie,
mais cet artifice est usé, et dans le numéro du 30 décembre dernier, M. Albert-Aubert nous accuse de......
matérialisme ! Il faut avoir la cervelle bien peu consistante pour n’être pas mieux inspiré par une chose aussi sérieuse : ou plutôt, comment peut-on joindre tant de mauvaise foi à une aussi complète ignorance des notions du magnétisme et de ses plus simples conséquences?
— La Revue Gallicane est morte, mais avec promesse de ressusciter dans..... l’avenir. Cet événement
met fin à notre polémique avec le photophobe anonyme qui la rédigeait. La même chose est arrivée au Journal de la médecine théologique que le R. P. Ililarion Tissot rédigeait sous le pseudonyme de Jules Daudel; il n’a vécu que ce que vivent les roses.
Ainsi ont fini les deux organes religieux, ou prétendus tels, spécialement créés pour combattre le magnétisme : Requiescant in pace!
PETITE CORRESPONDANCE.
La Caatîlle. — M. Cl....r — reçu en son temps l’abon. — Transmis votre lettre la S. phil. qui doit y répondre prochainement. — Nous envoyons les Attendez occasion pour en envoy. le
montant.
Nancy. — M. Vo...n. — Reçu les 12 fr.
Marne». — M. Ju...y. — Merci des bons souhaits. — Cordialités à Léon. — J'envoie les Ar....s par l'intermédiaire deFr...ge.
Lyon. —M. Gu....d. —VuM. F...e.— Une lettre part à votre adresse
Edimburg. — M11"' Cr..a. —Une lettre explicative vous parviendra d'ici quelques jours.
London. — M. Me..o. — Remis à M. M....y, 4 vol. des Ar....s, et envoyé l'autre par M. Ch..u qui, passant par Londres, a bien voulu se charger de vous le remettre : haee you seen him 1
Bellesme. — M. Ye...r. — Merci de si bons détails, ils nous ont fait grand plaisir.
Poitiers. — M. Va...e. — Fait droit à votre réclamation.
Nantes. — M. Gr..é. — Transmis à la S. magnétol. le passage de votre lettre qui la concerne.
Lille. — M. D....s. — Martial est casé selon vos vœux. — Les deux actions sont tenues à votre disposition.
Aguadilla. — I)' Cr....t. Envoyé les statuts et règlement de la Société du niesm. — Reçu les deux renouvellements. — Veuillez faire prendre par quelqu’un de sûr votre diplôme de M. Hon. — Tout va bien, grand progrès; écrivez-nous. — La Kinésithérapie vous est-elle parvenue?
N.-Orléans. — M. Jos. Ba....t. — M. Ma..e m'a transmis vos réclamations. J'enverrai le tout sous votre couvert, dorénavant, et j'écris à cet effet.
saint-Denis (Bouhbon). — M. Lo.y. — Continuons d'envoyer suivant l'avis de M, votre frère, et chargeons M. Gr....tdu recouvrement.
Pierrefonds. — M. De....é. — Reçu les 12 fr.
Alger. _ D[ Ma.....d. — Un do nos amis vous ira voir.
Le Gérant: HÉBERT (deGnrnay).
INSTITUTIONS MAGNÉTIQUES.
CONFÉRENCES MAGNÉTIQUES.
Magie magnétique (suite).
Hommes remplis de préjugés, ne venez plus devant moi élever des doutes sur ce que je vais dire, car je vous ai entendus mille fois me raconter des choses tout aussi merveilleuses. Est-il une seule famille, un seul individu même, qui ait vécu sans avoir été témoin d’un fait extraordinaire, ou sans l’avoir éprouvé lui-mème? J’ai promis de rendre sensibles toutes mes démonstrations; après les récits doivent venir les faits tout palpitants d’actualité, qui auront lieu dans nos assemblées, comme tous ceux inférieurs que contient déjà ce journal.
VISION DE CHARLES XI.
Tliere are more things in heav’n and earth, Horatio,
’l'han aie dreamt of in jour philosophy.
SuutEiii, Hamlct.
On se moque des visions et des apparitions surnaturelles ; quelques-unes, cependant, sont si bien attestées, que, si l’on refusait d’y croire, on serait obligé, pour être conséquent, de rejeter en masse toutes les preuves historiques.
Un procès-verbal en bonne forme, revêtu des signatures de quatre témoins dignes de foi, voilà ce qui garantit l’authenticité du fait que je vais raconter. J’ajou-TOME YI. — M* «3. — 0 FÉVRIER 848. 3
terai que la prédiction contenue dans ce procès-verbal était connue et eilée bien longtemps avant que des événements arrivés de nos jours aient paru l'accomplir.
Charles XI, père du fameux Charles XII, était l’un des monarques les plus despotiques, mais l’un des plus sages qu’ait eus la Suède. 11 restreignit les privilèges monstrueux de la noblesse, abolit la puissance du sénat, et fit des lois de sa propre autorité; en un mot, il changea la constitution du pays, qui était oligarchique avant lui, et força les Etats à lui confier l’autorité absolue. C’était d’ailleurs un homme éclairé, brave, fort attaché à la religion luthérienne, d’un caractère inflexible, froid, positif, entièrement dépourvu d’imagination.
Il venait de perdre sa femme Ulrique Eléonore. Quoique sa dureté pour celte princesse eut, dit-on, hâté sa fin, il l’estimait, et parut plus touché de sa mort qu’on ne l’aurait attendu d’un cœur aussi sec que le sien. Depuis cet événement il devint encore plus sombre et taciturne qu’auparavant, et se livra au travail avec une application qui prouvait un besoin impérieux d’écarter des idées pénibles.
A la fin d'une soirée d’automne il était assis en robe de chambre et en pantoufles devant un grand feu allumé dans son cabinet au palais de Stockholm. Il avait auprès de lui son chambellan, le comteBrahé, qu’il honorait de ses bonnes grâces, et le médecin Baumgarlen, qui, soit dit en passant, tranchait de l’esprit fort, et voulait que l’on doutât de tout, excepté de la médecine. Ce soir-là il l’avait fait venir pour le consulter sur je ne sais quelle indisposition.
La soirée se prolongeait, et le roi, contre sa coutume, ne leur faisait pas sentir, en leur donnant le bonsoir, qu’il était temps de se retirer. La tète baissée et les yeux
fixés sur les lisons, il gardait un profond silence, ennuyé de sa compagnie, mais craignant, sans savoir pourquoi, de rester seul. Le comte Brahé s’apercevait bien que sa présence n'élait pas fort agréable, et déjà plusieurs fois il avait exprimé la crainfe que Sa Majesté n’eût besoin de repos : un geste du roi l’avait retenu à sa place. A son tour le médecin parla du tort que les veilles font à la santé; mais Charles lui répondit entre ses dents : « Restez, je n’ai pas encore envie de dormir. »
Alors on essaya différents sujets de conversation qui s’épuisaient tous à la seconde ou troisième phrase. 11 paraissait évident que Sa Majesté était dans une de ses humeurs noires, et, en pareille circonstance, la position d’un courtisan est bien délicate. Le comte Brahé, soupçonnant que la tristesse du roi provenait de ses regrets pour la perte de son épouse, regarda quelque temps le portrait de la reine suspendu dans le cabinet, puis il s’écria avec un grand soupir : « Que ce portrait est ressemblant! Voilà bien cette expression à la fois si majestueuse et si douce !... »
— «Bah! » répondit brusquement le roi, qui croyait entendre un reproche toutes les fois qu’on prononçait devant lui le nom de la reine. « Ce portrait est trop flatté! La reine étail laide. » Puis, fâché intérieurement de sa dureté, il se leva et fit un tour dans la chambre pour cacher une émotion dont il rougissait. 11 s’arrêta devant la fenêtre qui donnait sur la cour. La nuit était sombre et la lune à son premier quartier.
Le palais où résident aujourd'hui les rois de Suède n'était pas encore achevé, et Charles XI, qui l’avait commencé, habitait alors l’ancien palais situé à la pointe du Ritterholm qui regarde le lac Mœler. C’est un grand bàlimenten forme de fer à cheval. Le cabinet du roi était
à l’une des extrémités, et à peu près en face se trouvait la grande salle où s’assemblaient les Etats quand ils devaient recevoir quelque communication de la couronne.
Les fenêtres de cette salle semblaient en ce moment éclairées d’une vive lumière. Cela parut étrange au roi.
Il supposa d’abord que celle lueur était produite par le flambeau de quelque valet. Mais qu’allait-on faire à celte heure dans une salle qui depuis longtemps n'avait pas été ouverte? D’ailleurs la lumière était trop éclatante pour provenir d’un seul flambeau. On aurait pu l’attribuer à un incendie; mais on ne voyait point de fumée, les vitres n’étaient pas brisées, nul bruit ne se faisait entendre; tout annonçait plutôt une illumination.
Charles regarda ces fenêtres quelque temps sans parler. Cependant le comte Brahé, étendant la main vers le cordon d’une sonnette, se disposait à sonner un page pour l’envoyer reconnaître la cause de cette singulière clarté; mais le roi l'arrêta. — « Je veux aller moi-même dans cette salle, » dit-il. En achevant ces mots, on le vit pâlir, et sa physionomie exprimait une espèce de terreur religieuse. Pourtant il sortit d’un pas ferme; le chambellan et le médecin le suivirent tenant chacun une bougie allumée.
Le concierge, qui avait la charge des clefs, était déjà couché. Baumgarten alla le réveiller et lui ordonna, de la part du roi, d’ouvrir sur-le-champ les portes de la salle des Etats. La surprise de cet homme fut grande à cet ordre inattendu ; il s’habilla à la hâte et joignit le roi avec son trousseau de clefs. D’abord il ouvrit la porte d’une galerie qui servait d’antichambre ou de dégagement à la salle des Etats. Le roi entra ; mais quel fut son étonnement en voyant les murs entièrement tendus de noir !
— « Qui a donné l’ordre de faire tendre ainsi cette salle? » demanda-t-il d’un ton colère. — « Sire, personne que je sache, » répondit le concierge tout troublé. « Et la dernière fois que j’ai fait balayer la galerie, elle était lambrissée de chêne comme elle l’a toujours été.... Certainement ces tentures-là nç viennent pas du garde-meuble de Votre Majesté. » Et le roi, marchant d’un pas rapide, était déjà parvenu à plus des deux tiers de la galerie. Le comte et le concierge le suivaient de prés; le médecin Baumgarten était un peu en arrière, partagé entre la crainte de rester seul et celle de s’exposer aux suites d’une aventure qui s’annoncait d’une façon assez étrange.
— « N’allez pas plus loin, Sire ! » s’écria le concierge. » Sur mon âme, il y a de la sorcellerie là-dedans. A cette heure... et depuis la mort de la reine, votre gracieuse épouse.... on dit qu’elle se promène dans cette galerie... Que Dieu nous protège ! »
— « Arrêtez, Sire! » s’écriait le comte de son côté. « N'entendez-vous pas ce bruit qui part de la salle des Etats? Qui sait à quels dangers Votre Majesté s’expose ! »
— ii Sire, » disait Baumgarten, dont une bouffée de vent venait d’éteindre la bougie, « permettez du moins que j’aille chercher une vingtaine de vos trabans. »
— n Entrons, » dit le roi d'une voix ferme en s’arrêtant devant la porte de la grande salle; « et toi, concierge, ouvre vite cette porte. » 11 la poussa du pied, et le bruit, répété par l’écho des voûtes, retentit dans la galerie comme un coup de canon.
Le concierge tremblait tellement, que sa clef battait la serrure sans qu’il pût parvenir à la faire entrer. — « Un vieux soldatqui tremble! » dit Charles en haussant
les épaules. « Allons, comte, ouvrez-nous cetle porte. »
— « Sire, » répondit le comte en reculant d’un pas, « que Votre Majesté me commande de marcher à la bouche d’un canon danois ou allemand, j’obéirai sans hésiter; mais c’est l’enfer que vous voulez que je défie. » Le roi arracha la clef des mains du concierge. —«Je vois bien, dit-il d’un ton de mépris, que ceci me regarde seul ; » et avant que sa suite eut pu l’en empêcher, il avait ouvert l’épaisse porte de chêne, et était entré dans la grande salle en prononçant ces mots : « Avec l’aide de Dieu. » Ses trois acolytes, poussés par la curiosité, plus forte que la peur, et peut-être honteux d’abandonner leur roi, entrèrent avec lui.
La grande salle était éclairée par une infinité de flambeaux. Une tenture noire avait remplacé l’antique tapisserie à personnages. Le long des murailles, paraissaient disposés en ordre, comme à l'ordinaire, des drapeaux allemands, danois ou moscovites, trophées des soldats de Gustave-Adolphe. On distinguait au milieu des bannières suédoises, couvertes de crêpes funèbres.
Une assemblée immense couvrait les bancs. Les quatre ordres de l’Etat (I) siégeaient chacun à son rang. Tous étaient habillés de noir, et cette multitude de faces humaines, qui paraissaient lumineuses sur un font sombre, éblouissaient tellement les yeux, que des quatre témoins de cette scène extraordinaire aucun ne put trouver dans cette foule une figure connue. Ainsi un acteur vis-à-vis d’un public nombreux ne voit qu’une masse confuse, où ses yeux ne peuvent distinguer un seul individu.
Sur le trône élevé d'où le roi avait coutume de haranguer l’assemblée, ils virent un cadavre sanglant re-
(1) La noblesse, le clergé, les bourgeois et les paysans.
vêtu des insignes de la royauté. A sa droite, un enfant, debout et la couronne en t ite, tenait un sceptre à la main; à sa gauche, un homme âgé, ou plutôt un autre fantôme, s’appuyait sur le trône. Il était revêtu du manteau de cérémonie que portaient les anciens administrateurs de la Suède, avant que.Wasa n’en eut fait un royaume. En face du trône, plusieurs personnages d’un maintien grave et austère, revêtus de longues robes noires, et qui paraissaient être des juges, étaient assis devant une table sur laquelle on voyait de grands in-folios et quelques parchemins. Entre le trône et les bancs de l'assemblée il y avait un billot couvert d’un crêpe noir, et une hache reposait auprès.
Personne, dans cette assemblée surhumaine, n’eut l’air de s’apercevoir de la présence de Charles et des trois personnes qui l’accompagnaient. A leur entrée, ils n’entendirent d’abord qu’un murmure confus, au milieu duquel l’oreille ne pouvait saisir des mots articulés ; puis le plus âgé des juges en robes noires, celui qui paraissait remplir les fondions de président, se leva, et frappa trois fois de la main sur un in-folio ouvert devant lui. Aussitôt il se fit un profond silence. Quelques jeunes gens de bonne mine, habillés richement, et les mains liées derrière le dos, entrèrent dans la salle par une porte opposée à celle que venait d’ouvrir Charles XI. Ils marchaient la tête haute et le regard assuré. Derrière eux, un homme robuste, revêtu d’un justaucorps de cuir brun, tenait le bout des cordes qui leur liaient les mains. Celui qui marchait le premier, et qui semblait être le plus important des prisonniers, s'arrêta au milieu de la salle, devant le billot, qu’il regarda avec un dédain superbe. En même temps, le cadavre parut trembler d’un mouvement convulsif, et un sang frais et vermeil coula de sa
blessure. Le jeune homme s’agenouilla, lendit la tète; la hache brilla dans l’air, et retomba aussitôt avec bruit. Un ruisseau de sang jaillit sur l’estrade, et se confondit avec celui du cadavre; et la téte, bondissant plusieurs fois sur le pavé rougi, roula jusqu’aux pieds de Charles, qu’elle teignit de sang.
Jusqu’à ce moment la surprise l’avait rendu muet; mais à ce spectacle horrible, « sa langue se délia; » il fit quelques pas vers l’estrade, et, s’adressant à cette figure revêtue du manteau d’administrateur, il prononça hardiment la formule bien connue : « Si tu es de Dieu, parle ; si tu es de V Autre, laisse-nous en paix. »
Le fantôme lui répondit lentement et d’un ton solennel : « Charles roi! ce sang ne coulera pas sous ton règne.... (ici, la voix devint moins distincte) mais cinq régnes après. Malheur, malheur, malheur au sang de Wasa ! »
Alors les formes des nombreux personnages de cette étonnante assemblée commencèrent à devenir moins nettes et ne semblaient déjà plus que des ombres colorées, bientôt elles disparurent tout à fait; les flambeaux fantastiques s’éteignirent, et ceux de Charles et de sa suite n’éclairèrent plus que les vieilles tapisseries, légèrement agitées par le vent. On entendit encore, pendant quelque temps, un bruit assez mélodieux, que l’un des témoins compara au murmure du vent dans les feuilles, et un autre, au son que rendent des cordes de harpes en cassant au moment où l’on accorde l’instrument. Tous furent d’accord sur la durée de l’apparition, qu’ils jugèrent avoir été d’environ dix minutes.
Les draperies noires, la tête coupée, les flots de sang qui teignaient le plancher, tout avait disparu avec les fantômes; seulement la pantoufle de Charles conserva
une Cache rouge, qui seule aurait suili pour lui rappeler les scènes de celte nuit, si elles n’avaient pas été trop liien gravées dans sa mémoire.
Rentré dans son cabinet, le roi fit écrire la relation de ce qu’il avait vu, la fit signer par ses compagnons, et la signa lui-même. Quelques précautions que l’on prit pour cacher le contenu de cette pièce au public, elle ne laissa pas d’être bientôt connue, même du vivant de Charles XI; elle existe encore, et, jusqu’à présent, personne ne s’est avisé d’élever des doutes sur son authenticité. La fin en est remarquable : « Et si ce que je viens de relater, dit le roi, n’est pas l’exacte vérité, je renonce à tout espoir d’une meilleure vie, laquelle je puis avoir méritée pour quelques bonnes actions, et surtout par mon zèle à travailler au bonheur de mon peuple, et à soutenir les intérêts de la religion de mes ancêtres. »
Maintenant, si l’on se rappelle la mort de Gustave III, et le jugement d 'Ankarstroem, son assassin, on trouvera plus d’un rapport entre cet événement et les circonstances de cette singulière prophétie.
Le jeune homme décapité en présence des Etats aurait désigné. An karstroem.
Le cadavre couronné serait Gustave III.
L’enfant, son fils et son successeur, Gustave-Adol-phe IV.
Le vieillard, enfin, serait le duc de Sudermanie, oncle de Gustave IV, qui fut régent du royaume, puis enfin roi après la déposition de son neveu.
Prosper Mérimée.
VARIÉTÉS.
Tribunaux. — Il y a recrudescence de procès de somnambules; les affaires de ce genre n’ont jamais été aussi nombreuses que maintenant. Ces procès ne se succèdent plus de loin en loin, ils arrivent simultanément de plusieurs points, comme des avalanches. Doit-on attribuer ce redoublementà la multiplication desdormeurs, c’est-à-dire à l’extension du magnétisme et à l’introduction de la médecine somnambulique dans les habitudes, ou bien à la rigueur de la justice? Cette dernière supposition nous parait la moins probable, car nous voyons les tribunaux généralement indulgents.
— Nous empruntons au Droit du ‘26 janvier les détails suivants sur une audience du tribunal correctionnel de Limoges (Haute-Vienne). Nos lecteurs seront, après cette lecture, convaincus que si les somnambules perdent toujours dans ces sortes d'affaires, le magnétisme y gagne sans cesse par la publicité qui est donnée aux témoignages favorables. Si c’est le procès du magnétisme qu’on a voulu faire; 011 s’est trompé car ces débats le servent énormément :
« Une affaire curieuse vient d’occuper les loisirs des oisifs de Limoges.
» Dans une rue tranquille et retirée, on remarquait habituellement une foule nombreuse assiégeant les issues d’une maison sur la façade de laquelle figure cette enseigne : Audi guet, carrossier. Qu’allait-on faire dans celte maison ?
» Le mystère venait se dénouer au tribunal; car, dans un siècle de haute civilisation, la police correctionnelle est le creuset où s’épurent les illustrations éclatantes ; c’est l’épreuve suprême qui imprime aux grandes idées le sceau de l’immortalité.
» Point n’est besoin de dire que l’auditoire était au grand complet, et que les bonnets de coton et les coiffes à la paysanne y brillaient par leur nombre, siuon par leur irréprochable blancheur. Et, nous vous l’attestons, ce n’était pas chose médiocrement récréative d’étudier sur ces figures étonnées et naïves les impressions rapides qu’y faisaient naître les curieuses narrations des témoins, ou les incidents imprévus de l’audience; de voir à chaque récit nouveau qui révélait l’accomplissement d’un fait exorbitant ou impossible, ce flot de têtes plus pressées que les épis dans un champ de blé au mois de juin, onduler comme une mer agitée, ou tomber dans celte immobilité que donnent l'admiration et la peur.
» Quant aux témoignages en eux-mêmes, il nous serait impossible de les reproduire avec leurs nuances romanesques et leur physionomie si mobile. Ce qui nous a frap|>é surtout dans cette longue enquête, c’esl le ton de conviction profonde et de foi sincère avec lequel ont été faites la plupart de ces dépositions, émanées en gé-néralde personnes qui appartii^inent aux classes éclairées de la société. 11 y a eu, de la pari de quelques-unes, des affirmations si nettes, si fermes, si positives, que plus d’une fois il nous a semblé rêver, et que nous avons pu nous croire placé sous l’influence d’une de ces hallucinations qui emportent la pensée dans le royaume des chimères. Si le plus impudent charlatanisme n’a pas secrètement présidé aux séances de magnétisme de la maison Audiguet, si des hommes honorables, intelligents,
ne se sont pas de gaieté de cœur prêtés à la plus comique des mystifications, à la plus misérable jonglerie, il y a dans les faits que nous allons passer en revue quelque chose qui bouleverse les idées et confond la raison humaine.
» Le public de l’audience se divisait en deux camps bien tranchés : les croyants et les incrédules. La grande majorité de l’auditoire et la presque unanimité des témoins appartenaient au premier camp. Le camp opposé comptait dans ses rangs la minorité du public, et tous les médecins et pharmaciens de l’enquête.
» Voici maintenant le résumé très-incomplet des dépositions, non pas dans l’ordre où elles ont été recueillies, mais dans celui suivant lequel elles se présentent à notre souvenir.
» Antoine Corally, négociant à Limoges. — Avant d’avoir assisté à des séances de somnambulisme, j’avais beaucoup entendu parler de magnétisme, et j’avais lu quelques ouvrages publiés par les adeptes de cette science. J’étais fort incrédule; mais depuis que j’ai vu à l’œuvre la femme Cheyroux, ma foi au magnétisme est pleine et entière. Voici ce qui m’est arrivé : Vous saurez, messieurs, que j’avais un perroquet. (On rit.) Je l’avais comblé de bons procédés et de sucreries. Un beau jour il se lassa des douceurs du perchoir, et il lui prit envie de voyager sans ma permission. Après avoir vainement pris toutes les informations possibles pour retrouver l’ingrat, j’eus l’idée de m’adresser à la somnambule. J’enfermai • dans une enveloppe de lettre quelques plumes du fugitif; je présentai cette enveloppe à la femme Cheyroux et je lui demandai : Qui a écrit cette lettre ? elle me répondit : Ce n’est pas une personne ; c’est un oiseau qui a un gros bec; c’est un perroquet. Je l’ai perdu, lui dis-je;
cherchez-le. Elle y consentit et me dit à l'instant : « Je le vois; il est vers l’octroi; il entre dans le jardin de la Visitation; un jeune homme de 17 ou 18 ans, vêtu d’une blouse, le saisit et le cache dans sa casquette; il sort du jardin, entre dans une auberge où il cherche à le vendre; il se rend ensuite dans une autre auberge, y fait de la consommation et donne le perroquet en payement.
» Je me rendis immédiatement sur la route de Paris, et effectivement je trouvai dans une auberge mon perroquet qui y avait été laissé en paiement par un jeune homme de 17 à 18 ans, vêtu d’une blouse.
» L’année dernière, je songeais à faire un voyage dont le but était important pour moi. Je demandai à la somnambule ce qu’elle pensait de ce voyage; elle me dit qu’elle ne pouvait prévoir l’avenir; cependant elle ajouta que son instinct l’avertissait que je ne réussirais pas. Je partis, et mon voyage fut infructueux ; je n’avais fait part de mon projet à personne. Le lendemain de mon arrivée, ma mère se rendit chez la femme Cheyroux, qui était endormie en cet instant. Au moment où ma mère ouvrait la porte, la somnambule lui dit : Eh bien! votre fils est arrivé; je lui avais bien dit qu’il ne réussirait pas.
» J’avais chez moi un commis-voyageur qui ne connaissait pas Limoges. Je le mis en rapport avec la somnambule et il lui dit : Devinez à qui je pense en ce moment?— Vous pensez à une demoiselle. —Laquelle? — C’est à votre sœur; elle se marie prochainement.— Cela était vrai; la sœur de ce jeune homme, qui n’habite point Limoges, et qui est inconnue de la femme Cheyroux, s’est effectivement mariée peu après celte entrevue. Je crois fermement au somnambulisme. (Adhésion dans l’auditoire.)
» La femme Cheyroux ne demandait pas d argent, il fallait insister pour lui faire accepter une légère gratification.
» (Une assez longue agitation suit cette déposition faite par un homme évidemment convaincu. Peu à peu le
silence se rétablit.)
» M. Glangeaud, juge de paix. — J’ai par complaisance accompagné une dame de ma famille chez la dame Cheyroux. Je demandai à celle-ci : Qu’y a-t-il dans mon salon ’ Elle me répondit : Il y a sur la cheminée une pendule avec son globe. Je vois sur le globe un petit être qui a des ailes d’or et d’azur. Je fus émerveillé ; il y a en effet sur le globe de ma pendule un petit oiseau dont les ailes sont bleues et or. Je trouvai la somnambule trés-lucide. Je fais observer que mon salon est au rez-de-chaussée, et que la fenêtre est souvent ouverte. En passant sur le boulevard, on peut voir 1 intérieur de cet appartement. (Sourires au banc des pharmaciens.)
» Jean-Baptiste Sisos, passementier. — Il y a cinq ans que je suis atteint à la jambe d’un mal qui a résisté aux soins des médecins. J’ai vainement invoqué les secours de la science; je ne pouvais marcher qu avec des béquilles. J’ai consulté la somnambule; elle m'a indiqué un remèdequi m’a soulagé, et m’a si complètement guéri, qu’aujourd’hui je suis leste et ingambe (ici le témoin, pour joindre la preuve à son assertion, marche avec animation dans le prétoire. —Hilarité parmi les bonnets à la paysanne). Le témoin ajoute : La prévenue ne m a Tien demandé ; je lui ai donné 2 francs.
» J’avais un voyage à faire à un château du Périgord, où je n’étais jamais allé. Je lui dis de me le décrire ; elle m’en indiqua la disposition extérieure et intérieure, le nombre des cours, la position de la grande tour située
au centre des bâtiments, et jusqu’aux tableaux qui décoraient les appartements. Je partis, et en arrivant à ce château, je trouvai la description qui m’avait été faite si exacte et si complète, qu’il me sembla qup je le connaissais déjà. (Sourire de dédain au camp des incrédules;— les croyants sont radieux.)
» Victor Barraud, buraliste. — J’ai loué chez Audi-guet une voiture et un cheval pour un voyage. A mon. retour, il me dit : J'ai été curieux de vous faire suivre dans vos excursions par la somnambule. Alors il me décrivit tous les incidents de mon voyage, jusqu’à une chute que j’avais faite avec la voiture. Je n’avais cependant rencontré personne en route, et nul autre que moi ne connaissait les détails que me donna Audiguet. Depuis celte époque j’ai foi au magnétisme. Etant malade, j’ai consulté la dame Cheyroux; elle m'a donné des conseils dont je me suis bien trouvé, je lui ai payé 2 fr.
» Julien Peyrot, entrepreneur. — Le.22 septembre 1840, j'ai été atteint de paralysie; on m’a saigné; cela ne m’a pas guéri; je me suis adressé à la somnambule, qui m’a indiqué des remèdes qui m’ont soulagé ; elle me dit de cesser un traitement que j’avais commencé, et huit jours après, en me revoyant, elle me reprocha de n’avoir pas suivi son avis à cet égard. Je pouvais seul connaître cette circonstance; je fus frappé de son observation.
» J’avais une petite fille malade; ma belle-sœur prit un vêtement de cette enfant et alla trouver la femme Cheyroux. Celle-ci palpa le vêtement, indiqna l’âge de l’enfant et les symptômes de sa maladie. Tout à coup elle s’écrie : Otez, ôtez-lui vite ces sangsues qu'on lui met en ce moment aux oreilles; si on lni applique ces sangsues, elle sera morte dans trois jours. Ma belle-
sœur effrayée accourut en loute hâte chez moi, et nous cria de l’escalier, ôtez de suite les sangsues! Effectivement les sangsues avaient été placées ; elles venaient de tomber lorsque ma belle-sœur entra. Trois jours après mon enfant était morte! (Sensation prolongée.) Je crois de toute mon âme au magnétisme.
» Celte déposition a été faite par le témoin avec une rare énergie.
» Napoléon Beauchon, conducteur des ponts-et-chaus-sées. — Je suis allé voir la somnambule avec un de mes amis, qui est propriétaire d’une maison, à 60’ lieues de Limoges. Il pria la femme Cheyroux de lui décrire cette maison; elle fit celte description irés-exaclement; elle alla jusqu'à lui indiquer la forme de quelques cadres qu’elle déclara être couverts d’une gaze. Tout cela fut reconnu vrai par le propriétaire de la maison. Je fus très-étonné.
» Alphonse Marolle, pasteur protestant.— J’ai visité la somnambule.avec une dame; quand elle fut endormie, nous lui remîmes une lettre. Elle nous déclara que cette lettre était d’une personne qui se trouvait aux colonies anglaises; elle ajouta que cette dame était malade et nous dépeignit parfaitement sa maladie.
» Plus tard, je lui remis une enveloppe contenant trois lettres; elle dit que ces trois lettres émanaient de trois personnes différentes; qu'une de ces personnes avait été mordue par un chien, mais que la morsure n’était pas dangereuse, parce que ce chien n’était pas atteintde la rage; elle désigna très-exactement les deux autres personnes. Toutes ces indications se trouvèrent fidèles. La femme Cheyroux ne pouvait avoir connaissance des faits contenus dans ces lettres.
» Marguerite Meynieux, veuve Rougerie. — J’avais
un enfant malade; il était entré à l’hospice et ne pouvait guérir. J’ai consulté la somnambule, qui l'a guéri avec du cresson et quelques autres remèdes. Elle ne m'a rien demandé et je ne lui ai rien donné. (Mouvement d’attendrissement parmi les coiffes à la paysanne. Un bonnet de coton s’essuie les yeux.)
» Le témoin Corally ajoute à sa déposition. — J'avais une lettre qu’un de mes parents, habitant l’Angleterre, m’avait écrite, il y a huit ans. Je la plaçai dans la main de la somnambule, en lui demandant où était cette personne dont j’ignorais la résidence actuelle. Elle me répondit : Elle est dans ce moment à Boulogne, dans tel hôtel ; elle en partira dans trois jours pour Paris. — Curieux de vérifier le fait, j’écrivis à Paris; mon parent répondit immédiatement, et les renseignements que m’avait donnés la femme Cheyroux se trouvèrent fort exacts.
» Alex. Filhastre, médecin. — Il y a six mois, quelques personnes m’engagèrent à aller voir la somnambule. Je lui apportai le mouchoir de poche d’un de mes malades; elle le palpa et me donna sur ce malade des indications fort précises.
» J. Descazals, propriétaire. — La somnambule m’a très-exactement décrit l'intérieur de mon appartement, dans lequel elle n’est jamais entrée. Elle devina l’heure à une montre qu’on lui plaça derrière les épaules; elle indiqua aussi des pièces d’argent enfermées dans la main.
» Léonarde Valerie, femme Rougerie. — J’ai vu Au-diguet endormir la femme Cheyroux. On vint la consulter pour une jeune fille, atteinte d’une maladie nerveuse. La somnambule s’écria : Je vois une grande foule sur la place Manigne ; un enfant est sous les pieds des
chevaux. Effectivement, la maladie nerveuse de la jeune fille s’était déclarée, il y a cinq ou six ans, à la suite d’une frayeur qu’elle avait éprouvée un jour où, renversée par une voiture, elle était tombée sous les pieds des chevaux.
» (Le camp des croyants jette un regard de défi au banc des incrédules.)
» Le jardinier de M. Labastide dépose. — J’étais malade depuis huit mois. Les médecins me tiraient beaucoup de sang et ne me donnaient pas de santé. (On rit.) Je consultai la somnambule ; elle me prescrivit un remède qui, dès le premier jour, me causa un grand soulagement. Depuis huit mois, je n’avais pu dormir une heure, et ce jour-là la nuit eût duré 48 heures, que j’aurais parfaitement dormi. Au bout de huit jours j’étais guéri. Il m’en coûta 2 fr., et si j’avais pu prévoir le résultat, j’en aurais donné volontiers 300. Plus tard, ma fille fut malade, et la somnambule la guérit gratis.
» M. Lassimone, professeur de dessin.— Jémis une lettre dans les mains de la somnambule; elle me dit qu’elle était de mon fils, qu'il avait 25 ans, qu’il était atteint d’une maladie que la science ne pouvait guérir, que seulement il fallait éviter à ce jeune homme toute cause de contrariété. Elle m’annonça que dans deux ou trois ans mon fils irait mieux. Tout ceci était vrai. H y a deux ans que cela s’est passé, et il y a de l’amélioration dans 1 état de mon fils. Plus tard, je lui présentai un enfant. Elle me dit qu’il était sourd-muet, qu’il ne
1 avait pas toujours été; que sa maladie était le résultat d un accident, et que son état tenait à des circonstances physiologiquesqu’elle expliqua. Cescirconstancesétaient vraies, et je fus convaincu de la lucidité de la femme Cheyroux
» On entend successivement plusieurs témoins qui déposent de faits analogues.
» La plupart déclarent qu’ils ont consulté la somnambule, et qu’elle leur a indiqué des remèdes dont ils ont éprouvé du soulagement. Les uns disent qu’avant de les introduire auprès de la femme Cheyroux, Audiguet leur a fait inscrire leur nom sur un registre, et les a ajournés à huitaine ou à quinzaine. D'autres déclarent avoir été introduits immédiatement. Presque tous semblent convaincus de l'efficacité et de la vertu du magnétisme. llsontpayéla somme de 1 ou 2 fr.; rarement on leur a demandé un salaire.
» Le tribunal a reçu ensuite la déposition de plusieurs pharmaciens de la ville. Ils racontent qu’on leur a souvent présenté des consultations émanées de la somnambule et qui indiquaient des remèdes empruntés au manuel de M. Raspail. L’aloès, le camphre, faisaient presque toujours la base des prescriptions ordonnées. Lorsque ces remèdes leur semblaient inoffensifs, ils les livraient. S’ils leur semblaient dangereux, ils refusaient d’exécuter les ordonnances ou diminuaient beaucoup les quantités.
M. Bardinet, docteur en médecine. — J’ai été chargé par M. le procureur du roi et M. le juge d’instruction d’examiner la femme Cheyroux, de m’assurer de la sincérité de son sommeil, et de la soumettre à des épreuves pour vérifier l’exactitude ou la possibilité des faits merveilleux que l’on racontait. Audiguet m’afiirmait que cette femme lisait à 100, 200 et jusqu’à 1000 lieues; qu’elle avait lu, de son domicile, dix vers inscrits dans un appartement de la rue des Charseix. J’ai fait les expériences pour lesquelles j’avais été commis; elles ont été complètement infructueuses. La somnambule a
échoué dans toutes les épreuves auxquelles je l’ai soumise. Je lui ai présenté une boite fermée qui contenait des ossements humains; elle m’a déclaré que celte boite renfermait des cheveux; je lui ai remis une autre boite qui contenait un serpent en bronze; elle a répondu que c’étaient des clés en fer et des pièces de monnaie. (Hilarité au camp des incrédules.)
» Je fis écrire par Audiguet, en gros caractères, le mot Tourny, et je le laissai sur la table d’un cabinet; puis je demandai à la somnambule de lire ce mot à travers le mur. Elle fut embarrassée et répondit : Je vois un M. —Audiguet meditalors : Elle lira beaucoup mieux ce mot dans ma pensée. Soumise à cette épreuve, la femme Cheyroux déclara qu’elle lisait le mot Bible.
» Je fis une dernière tentative. Après avoir secrètement fait marcher l’aiguille de ma montre, je lui plaçai la main sur la boîte et lui demandai l’heure; elle répondit : il est trois heures moins dix-sept minutes. C’était en effet l’heure qu’indiquaient en ce moment les horloges de la ville; mais ma montre marquait onze heures vingt minutes. (Explosion chez les incrédules.)
» 11 est résulté de tout cela pour moi cette conviction que le prétendu don de seconde vue, que posséderait cette femme en état de sommeil magnétique, n’est qu’une fable.
» (Cette déposition a fait regagner au banc des pharmaciens tout le terrain qu’ils avaient perdu. Les croyants ont encore la foi, mais elle devient moins expansive.)
». Le tribunal passe à l'interrogatoire des prévenus.
» La somnambule déclare s’appeler Marguerite Ri-bière, femme Cheyroux, relieuse, âgée de vingt-huit ans.
» J’étais souffrante, dit-elle; on me conseilla de me faire magnétiser ; je pris ce parti. La première fois, j’éprouvai desdouleuis, des crispations nerveuses; puis je ressentis du soulagement. Depuis que M. Audiguet me magnétise, je n’ai plus de craintes; je me prête volontiers à ces expériences. Je n’ai jamais donné de consultations; je n’ai donné que des conseils; du reste, on a pu me demander tout ce qu’on a voulu pendant que j’étais endormie. Si j’avais su que j’exerçais la médecine, je ne l’aurais pas fait. Si je n’ai pas répondu exactement à M. le docteur Bardinet, c'est que je ne suis allée chez lui qu’avec beaucoup d'appréhension. Il y a dix-huit mois que l’on me consulte; il n’y a que six mois que j’ai lu l’ouvrage de M. Baspail, qui m’a été remis par M. Audiguet. Je ne sais pas lire l’écriture, je ne lis que l’impression.
» Quant au livre d’inscription que l’on a saisi chez M. Audiguet, il n’existait que depuis peu de temps.
» Le magnétiseur déclare s’appeler Jean-Baptiste Audiguet, carrossier.
» C’est moi qui ai presque toujours magnétisé la femme Cheyroux, seulement pour sa santé. On venait la consulter; j’écrivais les consultations, et je disais aux personnes d’aller chercher les remèdes. J’ai tellement confiance aux prescriptions de M"" Cheyroux, que je prendrais ses remèdes gros comme le poing, si elle me l’ordonnait. On lui offrait des rétributions qu’elle refusait toujours; il fallait insister pour qu'elle acceptât. Elle recevait de 2 à 3 fr. par jour. Il est vrai que j’ai écrit ses consultations sur mon livre, mais c’était pour moi seul.
» Après l’enquête et l’interrogatoire, M. Chatelard, procureur du roi, a soutenu avec force la double pré-
vention d’escroquerie et d’exercice illégal de la médecine.
» MMes Bac et Descoulures ont présenté la défense des deux prévenus, et leurs spirituelles plaidoieries ont plus d’une fois égayé le nombreux auditoire.
» Le tribunal a relaxé la femme Cheyroux et Audiguet sur le chef d’escroquerie, et les a déclarés coupables du délit d’exercice illégal de la médecine. En conséquence, les prévenus ont été condamnés à 15 fr. d’amende et aux dépens.
» Que faut-il conclure de ce dénoûment? Tranche-t-il la question si grave du magnétisme? La somnambule est-elle ou non lucide ? Oui, disent les croyants, car entre elle et la science autorisée il y a l’épaisseur d’un diplôme. — Non, disent les incrédules, car elle paye l’amende : c’est le privilège ordinaire des battus. »
— Nous ajouterons, nous : Un semblable jugement, juste aux yeux de la justice, est flétrissant pour les savants; il honore les vaincus, il établit la vérité. Chaque défaite semblable ruine nos ennemis; chaque combat prouve leur soltise et leur nullité. Le jour du triomphe approche à grands pas; la vérité sera vengée des outrages des sots et de la mauvaise foi des savants !
Correspondance. — Les réflexions que nous avons faites sur le travail de M. Jobard ( tome v, page 337), nous ont valu la lettre suivante :
A M. le baron du Potet.
Monsieur le baron,
Vous êtes un maladroit, permettez-moi ce petit mot d’amitié en retour des aimables épiihétes dont vous avez
bien voulu adorner mon vilain nom, en reproduisant mon article sur le Magnétisme dévoilé.
Comment n’avez-vous pas magnétiquement perçu l’intention qui me guidait en l’écrivant. On m’avait bien dit que vous étiez si bon homme, si droit et si inflexible que rien ne pouvait vous faire tourner un obstacle, fût-ce une montagne ; vous voulez l’enlever par la seule puissance évangélique; ma foi n’est pas aussi robuste, je l’avoue. La sottise et l’incrédulité humaines forment encore une masse si respectable que je n’ose l’attaquer de front; c’est pourquoi j'ai cherché à convoquer les savants matérialistes sur le parvis de l’Observatoire élec-Iro-galvanique. Après avoir étudié les phénomènes visibles à l’œil nu, ils eussent pris leur longue-vue pour pénétrer dans les profondeurs du firmament psychologique où ils craignent de s’égarer à votre suite.
Il fallait descendre à leur portée pour leur donner la main, et c’est ce que j’ai fait, en me tenant à quelques pieds seulement au-dessus du sol académique; c’était le seul moyen de faire une bonne prise, et vous avez fait manquer la plus belle chasse aux’savants qu'il était possible d’espérer.
Vous sentez bien que s’ils eussent mis le pied chez vous, vous leur en auriez bientôt pris quatre; quand ils auraient consenti à dire A ils auraient dû dire B; ainsi de suite jusqu’à Z et au delà. Vous deviez bien savoir qu’en cherchant à répéter les phénomènes naturels ils eussent rencontré les surnaturels sans le vouloir, mais à présent qu’ils sont prévenus du piège, ils n’en approcheront plus. — Il fallait leur laisser croire qu’il n’y avait rien dans le magnétisme que ce qu’ils y ont découvert eux-mêmes, c’est-à-dire du galvanisme, de la daguéro-tvpie et de la névrurgie. Comment voulez-vous que des
académiciens officiels consentent à se laisser initier par des profanes de notre espèce ?
Si j’avais songé à vous prévenir, et si vous eussiez prévenu vos collègues, la conspiration eût eu un plein succès; il n’eût pas fallu trois ans pour enrôler tous les jeunes savants sous le drapeau de Mesmer; il en faudra cinquante peut-être par la méthode transcendanlale que vous suivez. Plus vous avancerez dans la région du merveilleux, plus ils reculeront. Avant de calculer la distance et la densité des astres, il faut savoir mesurer l’éloignement d’un clocher et la pesanteur spécifique d’un métal.
Le sceptique nie l’existence de tout ce qu’il n’a pas vu; c’est son état. Un président de Cour royale disait devant une nombreuse société : Que tons les témoins du magnétisme, fussent-ils 500 et 5000 n’étaient point une autorité pour lui. Et cependant, ai-je répondu, vous condamnez un homme à mort, sur la foi de deux témoins. Cetargument ad honiinem n’a pas mis les rieurs de son côté.
Il en est decertains cerveaux comme decerlaines terres, où certaines idées et certaines plantes ne peuvent germer. Il est inutile de s’en occuper ; c’est pourquoi j’ai cessé de parler magnélisme au milieu des bruyères intellectuelles que je renonce à défricher; je poursuis une autre lâche dont je vous envoie le programme; je veux quelque chose de bien simple et de bien juste :
Que chacun soit propriétaire et responsable de ses œuvres.
Rien que cela ; pour apaiser loutes les révoltes, pour faire taire toutes les plaintes, pour rassurer tous les propriétaires, pour donner satisfaction à tous les prolétaires intelligents et pour remplir les coffres de l’Etat. Eh bien !
voilà ‘20 ans et 20,000 francs consacrés à faire entrer le petit bout du doigt de cette vérité dans le parlement, et je tremble qu’on ne lui coupe la main ; en attendant je vous serre magnétiquement la vôtre.
Jobard.
Bruxelles, le 21 janvier 1848.
A M. Jobard.
Monsieur,
Il n’est pas généreux qu’un géant frappe un pygmée. Cependant quand c’est pour son bien qu’il le corrige, on doit lui pardonner, lorsque surtout, pouvant l’écraser, il ne lui fait que de légères blessures. Mais, si ce pygmée raisonne et que tout bonhomme qu’il soit, il ait bien vu les choses, il doit, levant la tète, s’écrier : Ecoutez.
Je vous dirai donc, Monsieur Jobard, que je connais nos illustres savants, je les ai vus, entendus, compris, et jamais, croyez-le, vous ne les amènerez au magnétisme ; ce sont des satisfaits. Vous aurez beau mettre du miel sur les bords du vase, ils n’avaleront pas ce breuvage, ils savent trèstbien qu’ils seraient trop fortement purgés.
Quanta moi qui ne veux pas laisser nos grands hommes flétrir tranquillement la vérité, je les frapperai en plein visage de ma main de pygmée, c’est tout ce que je puis faire; mais vous, Monsieur, vous pourriez davantage, parlant tous les langages, connaissant toutes les sciences.
Lorsque je me suis permis de contredire quelques-unes de vos assertions, je pensais que vous aviez pu vous
égarer sur le côté moral «lu magnétisme; et il aurait pu en être ainsi, car ce qui frappe les hommes habitués aux choses positives, ce sont les faits physiques, et les moraux ne viennent qu’à de plus rares occasions les éclairer. Ne m’en veuillez donc point si de ce côté je vous ai mal jugé.
Après cette réparation, je vous dois un aveu de ma croyance. Le magnétisme doit modifier profondément tous les systèmes, en déplaçant le pivot des sciences. Il doit jeter une lumière nouvelle sur toutes les croyances religieuses; il y a là une révolution facile à prévoir, qui se fera indubitablement. Je ne puis être compris maintenant que par les esprits élevés; mais ne le serais-je point, que je n’en devrais pas moins faire tous mes efforts pour jeter les germes de cette rénovation. Vous le savez, du reste, c’est pour d’autres générations que nous travaillons, et nous serions indignes de la lumière que Dieu nous a donnée, si nous reculions devant les commérages des sots et les railleries insultantes des savants.
Pardonnez-moi de vous avoir distrait de vos nombreux travaux; mais j’avais à m’excuser près de vous, tout en répondant à votre lettre spirituelle et amicale pour moi.
Tout à vous.
Baron du Potet.
Paris, le 28 janvier 1848.
La législation autrichienne appliquée au magnétisme, préoccupe vivement l’esprit des mesméristes; presque tous y voient le dessein d’empêcher le développement du
magnétisme, plutôt que la réglementation de son exercice. Nous avons déjà dit notre pensée à cet égard ; voici maintenant celle d’un de nos amis :
A M. le baron du Polet.
Monsieur le baron,
La circulaire du gouvernement autrichien, relative au mode d’application du magnétisme en Lomhardie, et que vous avez publiée dans leN° 61 du Journal du Magnétisme, que je viens de lire, a réveillé en moi, avec une nouvelle force, la conviction profonde où je suis depuis longtemps que la divine Providence, à l'égard de la vérité mesmérienne, et de sa propagation, comme pour toutes choses, a fait paraître une profonde sagesse en ne permettant pas, jusqu’à présent, que cette vérité ait été placée sous le patronage des Académies de notre PaYs-
Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que celte pensée, que du reste je vous soumets, vaudrait la peine d’être examinée, car elle m’a paru renfermer plus d’un enseignement utile; et c’est pourquoi je n’ai pu résister plus longtemps au désir de vous communiquer les quelques idées que cette réflexion m’a suggérées, dans l’espérance que vous voudrez bien, Monsieur le baron, les accueillir avec votre bienveillance ordinaire.
En général dans le monde l’idée de monopole, de privilège, est synonyme d'injustice, de spoliation; et paraître s’en faire le défenseur, suffit pour attirer sur soi la haine des honnêtes gens, qui sentent toute leur indignation se soulever à ce mot, sans songer que souvent, par une inconséquence singulière, ils approuvent pour eux-mêmes dans la pratique, ce qu'ils- condam-
uent pour les autres. Cependant, au risque de blesser peut-être quelqu’un, je veux avoir le courage de dire à cet égard ma pensée, et d’avouer que quoique personne n’aime plus que moi la vraie liberté, cependant j’y vois une limite, et que je comprends jusqu'à un certain point des droits exclusifs à l’application d’un certain ordre de faits ; car je crois qu’à divers égards, pour telles ou telles choses, et dans une juste limite, ils sont utiles, même salutaires. Ainsi : L’enseignement public, dans les diverses branches, peut-il être abandonné au premier venu sans règles ni contrôle? Je ne le pense pas ; car la santé morale et intellectuelle de notre jeunesse, autant que l’intérêt de la science, je ne dis pas de ceux qui l’enseignent, mais de la science en elle-même, s’y opposent ; et pour qui réfléchit un peu cela est si évident que je me crois dispensé de le prouver, autrement qu’en faisant remarquer que tout ce qui est du domaine d’une science ou d’un art quelconque est en dehors de nous, et que nous ne pouvons nous l’approprier, que par le travail et l’étude. Sans doute tous n’ont pas le même degré d’aptitude, mais cependant quelque heureuses que soient les dispositions naturelles, il faut toujours acquérir par l’étude un talent qui sans elle fût demeuré aussi obscur qu’improductif. Il en est de même de l’exercice de la médecine, en tant que science, et telle quelle est pratiquée de nos jours, ainsi que de la pratique de tous les métiers; car personne ne se fera tout à coup, ébéniste, horloger, etc. Pour ce qui concerne ces derniers, il sullit de voir le travail de l’ouvrier pour se rendre compte du degré de confiance qu’il mérite. Mais en est-il ainsi pour tout ce qui est du domaine de l’esprit? Non, sans doute ! et l’erreur sous ce rapport est d’autant plus funeste qu’elle s’adresse de préférence à
ceux qui sont hors d'état de la juger et de la reconnaître pour ce qu’elle est; et ceux qui ont le plus d'intérêt à la démasquer, sont justement ceux à qui cela est le moins possible. Je comprends donc que la société prenne des précautions pour s’assurer du degré de capacité de ceux qui veulent se charger de l’éducation de leurs semblables dans les sciences et les arts, dans la morale et la religion.
Mais le magnétisme, dans son essence, n’est rien de tout cela; ce n’est, d’une manière absolue, ni une science, ni un art, ni une religion ; c’est une faculté qui appartient à la nature humaine, puisque tous en sont doués, hommes et femmes, petits et grands, et que chacun peut s'en servir, quelque bornée que soit l’étendue de ses capacités sur toute autre question. Or, est-il permis de faire défendre l’emploi de nos facultés, de l’opinion, ou du caprice, ou de l’ignorance des hommes !.....Se mouvoir, parler, voir, entendre, penser, fut-il jamais soumis au bon vouloir d’autrui?..... 11 ne peut venir qu à
l’esprit des fous, de chercher d’autres fous qui consentent à n’agir, ne parler, ne voir, n’entendre, et ne penser, qu’autant qu’ils en recevront la permission d’un autre! Se mettre ainsi dans la dépendance absolue de son semblable, est à mon avis insulter de la manière la plus cruelle et la plus impie, à la sagesse, à la justice et à la bonté de Dieu. De même que tout homme qui a un esprit sain, doit, permettez-moi ce mot, conserver sa judiciaire, autant que sa conscience et sa liberté ; de même aussi toutes les facultés qu’il possède doivent être conservées et exercées dans la limite que Dieu leur a assignée dans son adorable sagesse, et notre plus haute sagesse, à nous pauvres hommes, consistera à ne pas mépriser les dons que sa bonté nous a faits, et ce serait les
mépriser que de les délaisser et de les méconnaître.
Or, il me parait évident que Dieu, en nous créant, a donné à toute l’espèce humaine la faculté magnétique; c’est apparemment pour que tous s’en servent, non pour en abuser, mais pour remplir le but qu'il s’est proposé en nous accordant ce don. C’est, il me parait, une nouvelle preuve de son infinie miséricorde à notre égard, et une harmonie de plus dans ses œuvres; car noua y trouvons un puissant motif à nous aider, à nous soulager, à nous aimer mutuellement. Si celle vérité est incontestable, et il ne me semble pas possible de le méconnaître, peut-elle se plier sous la loi du privilège? doit-elle être enchaînée au profit de quelques-uns? et une corporation quelconque, même celle des médecins, peut-elle, sous prétexte d’abus possible de la part d’autrui, s’arroger le droit exclusif de se servir d’une faculté que Dieu a départie à tous? Que ceux qui ont conservé leur liberté de conscience répondent avec sincérité.....
Et c’est cependant ce qui est arrivé en Autriche l et c’est ce qui certainement serait arrivé en France, si la Providence n’avait permis que notre savante académie de médecine ne fût pour ce cas seulement frappée de cécité ! car elle se serait infailliblement emparée de cette vérité nouvelle, et l’aurait exploitée à son profit, et le dessein de la sagesse divine eût encore été pour longtemps méconnu et outragé ! Rendons grâce donc à notre sage académie, elle a bien mérité de l'humanité, en refusant son approbation à la vérité mesmérienne, elle a été plus sage que ceux qui la lui demandaient, car elle a obligé cette vérité à chercher un asile ailleurs que dans ce temple de la science, où elle a été méconnue et méprisée. Elle s’est réfugiée, pour se mettre à l’abri de tant d’injures, chez ces hommes honnêtes et droits qui
se sont faits ses défenseurs, bien qu’ils ne fussent pas de l’académie, parce qu’ils avaient conservé la liberté de leur conscience; et qui, sentant dans leuràme vibrer encore la voix de l’humanité, l’amour du bien, ont reconnu par la douce émotion que procure aux cœurs bien nés le sentiment d’une bonne œuvre à faire, qu’en effet cet appel qui leur élait adressé était la voix de la vérité, et qu’y répondre était le devoir de tout homme de cœur, comme l’a si bien dit notre aimable poëte (1) :
Elle a lui devant vous, cette flamme céleste,
Et vous l'avez foulée aux pieds ;
Et sur elle étendant votre doute funeste.
C’est la nuit que vous répandiez.
Et nous allions sans vous de rivage en rivage ;
Mais quand le pilote s'endort,
C'est aux hommes de cœur, c’est à tout l'équipage A guider le navire au port.
Ainsi donc, Monsieur le baron, félicilons l’humanité de ce que la grande vérité mesmérienne est entrée dans le domaine public, car désormais il n’est plus au pouvoir de personne de l’en déposséder.
Etcependant, vous l’avouerai-je, ce n’est pas avec une joie sans mélange, que j’applaudis à celte nouvelle conquête, et je ne saurais, quand jj’y pense, me défendre d’un certain sérieux, qui ressemble quelque peu, je le crains, à un sentiment secret ou d’égoïsme, ou de paresse, ou de pusillanimité peut-être, à la vue de cette nouvelle responsabilité qui pèse sur moi, de ce nouveau devoir qui m’est imposé, dont ma conscience et ma raison m’ont révélé l'existence, et qu’elles m’obligent à procla-
(l) Voir ce journal, tome iv, pago 308.
mer, «aussi bien pour moi-même que pour les autres ; car elles me disent toutes deux, ces sublimes conseillères, que pour ne pas être infidèle à mes convictions, je dois m’engager dans la lutte, me jeter dans la mêlée, parmi les défenseurs qu’elle s’çst déjà acquis, et contribuer ainsi selon mes faibles moyens à la conquête du monde qu’elle a entreprise, et qu’elle soumettra bientôt à son empire. Aussi ai-je commencé par m’y soumettre moi-même, et c’est pour obéir à sa voix que j’ai pris la plume pour vous exprimer ces quelques idées, qui m'ont paru avoir leur utilité, si elles obtenaient votre approbation, et si vous les trouviez dignes en effet de prendre place dans votre excellent journal.
Une autre fois, puisque vous voulez bien me le permettre et m’y encourager, je vous ferai part de quelques autres idées qui font suite et sont comme le complément et la conséquence des précédentes, et que je n’ai pas osé aborder aujourd’hui, dans la crainte d’abuser de votre obligeante patience.
Veuillez agréer, Monsieur le baron, l’assurance des sentiments bien dévoués de votre affectionné serviteur.
J. Mermoud de Poliez.
Paris, le 2 février 1848.
PETITE CORRESPONDANCE.
Avia à tou». — Les bureaux du Journal du Mag. vont êlre incessamment transférés, rue Neuve-des-Pelits-Champs, n" 18-20, dans un vaste local approprié aux besoins actuels des conférences dominicales.
Le Gérant: HÉBERT (deGarnay).
AUX AMIS DU MAGNÉTISME.
RÉFORME, PROGRÈS, AVENIR !
Joyeux et plein d’espérance, nous saluons avec bonheur l’ère qui commence, car le changement politique qui vient de s’opérer ne peut qu’être favorable au progrès du principe que nous défendons. Trop longtemps des corporations savantes, soutenues par un pouvoir rétrograJe, nous ont été oppressives ou contraires; pendant 70 ans une vérité magnifique n’a pu prendre le rang qui lui appartient dans les sciences.
Des despotes plus entêtés, plus persécuteurs que des rois avaient mis leur veto sur le magnétisme ; et, pleins d’orgueil et d’insolence, ils s’écriaient aussi : Rien, rien pour vous! Le temps de la justice esl arrivé pour nous, comme il est venu pour toutes choses. L’Académie de médecine et celle des sciences vont rendre leur compte; et ces savants, dont la plupart cupides ou corrompus, vont être atteints par la réaction puissante qui s’opère contre tout ce qui fut injuste.
Nous avions besoin de cette liberté pour développer et produire au jour de grandes choses, les faits qui effraient l’hypocrisie, parce qu’ils démasquent son pouvoir mensonger; les faits qui détruisent des doctrines qui n’ont pour appui que de vains raisonnements.
TOMK VI. — K° «4.-25 FÉVRIER 1848. 4
Chacun des pas que nous voulions faire était empêché par des gens intéressés à soutenir le mensonge, par des hommes sans entrailles, qui préféraient voir souffrir leurs frères au lieu d’adopter une vérité féconde propre à les soulager.
Que d'efforts, que de tentatives n’avons-nous point faits; qui dira combien de fois, rempli d’indignation, notre cœur a bondi dans notre poitrine; car nous recevions chaque jour des outrages, lancés par des bouches académiques! Dans notre désespoir nous en appelions au temps! Le voici, il est venu, ce temps où des associations puissantes vont se former et demanderont vengeance au pouvoir nouveau.
Réjouissez-vous, magnétiseurs, voici l’aurore d'un bel et grand jour; vous jouirez du triomphe réservé à tout ce qui est juste et légitime ; la vérité cette fois vaincra sans peine; car elle aura pour appui le monde nouveau. 0 Mesmer! toi qui aimais la République, toi qui en traças de ta main, peut-être les premières bases, car tu jugeais dans ta sagesse que les corporations seraient toujours contraires aux intérêts des peuples. Tu pressentais les temps ; mais, comme il arrive toujours aux hommes avancés, tu ne fus point compris: reviens nous animer de tes saints transports, que ton âme généreuse vienne enflammer les nôtres pour soutenir dignement, non pas ta renommée, car elle s’établira d’elle-même et grandira de race en race, mais pour développer tes pensées, pour cultiver les germes que tu as répandus sur cette terre de France. Tu voulus des générations saines et robustes autant que vertueuses, et les hommes qui te flétrirent les amoindrissaient chaque jour, ne sachant pas ou ne voulant pas suivre le plan que tu avais tracé. Maintenant ces hommes ne trouveront plus d'ap-
pui, il faut qu’ils s’offrent à la discussion et qu’ils supportent l’examen que l’on va faire des titres qu’ils ont usurpés. -
La vérité va se trouver en présence de l’erreur; des chaires nouvelles seront créées; toutes les lois que l’on s’apprêtait à rendre pour favoriser une corporation, ne verront point le jour, et des principes féconds ne trouveront plus d’entraves à leur enseignement. La médecine magnétique et fomnambulique ne sera plus entravée, et ne nous frappera plus avec ces armes faites pour combattre les criminels; tout ce qui est bon et juste pourra se produire sans crainte, et un jour on se rappellera avec horreur les persécutions que nous avons éprouvées des corps établis pour protéger et défendre tout ce qui devait être fécond.
Nos savants ne voulaient point de magnétisme, comme d’autres hommes point de liberté ; mais il sera bientôt partout pour les couvrir de honte. Il nous eût fallu cent ans et plus pour obtenir ce résultat ; trois jours nous l’ont donné.
Soyez bénis, vous tous qui êtes morts pour la patrie; car non-seulement vous avez assuré la liberté, mais votre mort aura préparé pour les générations ce que la liberté ne peut donner seule, ce que la fausse science vous eut refusé : les principes de la conservation des êtres. Soyez bénis, votre sang comme celui d’autres martyrs nous a affranchis d’une double servitude. Les anneaux de la chaîne despotique que la science n’avait point voulu rompre ont volé en éclats, et nous vous devons des hommages, une reconnaissance sans bornes, car sans vous, longtemps isolés, nous aurions courbé la tête quoique nous combattions pour affranchir les hommes.
Que tous les magnétistes se préparent, il faut qu’une
résolution prompte soit prise par tous et qu’une demande collective fasse appel au pouvoir, afin qu’un hôpital soit fondé pour justifier devant le monde entier des résultats que chacun de nous a obtenus dans le silence et que cette divine philosophie qui se révèle au cœur de tous ceux qui magnétisent se répande par la parole en partant d’un lieu consacré.
N’entendez-vous pas partir du cœur de tous ceux que la société avait oubliés ces mots : Réforme, organisation sociale nouvelle. Inscrivez, sur votre bannière : Justice pour la nature outragée, création d'une chaire ou Von enseignera ses véritables lois, et les devoirs de- tout homme qui veut être son ministre.
Assez de sang, assez de meurtres, plus de poisons. La médecine actuelle doit être réformée, l’humanité comme la vérité le demandent à grands cris! Magnétiseurs, aidez-nous dans noire entreprise, frappez sur cc corps qui dispose de la vie des hommes; mais que ce soit pour l’appeler au partage de vos jouissances; vous fraterniserez avec lui, lorsque, pénétré de vos sentiments, il aura reconnu la juslice de la cause que, comme moi, vous défi ndez !
Baron du Potet.
MANUSCRITS DE MESMER.
Notions élémentaire* sur la morale, l'éducation et la législation pour servir à l'instruction publique en France.
§ IX. — JEUX DE LA JEIWESSE.
Les jeux des enfants et des élèves de la République sont des exercices institués pour la perfection du développement des mouvements et des forces de leurs membres.
On se rappelle que ces perfections consistent :
1° Dans la facilité du mouvement des membres et dans l’agilité du corps;
2° Dans la justesse des directions;
3° Dans la force;
V Dans l’équilibre.
Ces jeux de la jeunesse ser ont réduits :
1° A la danse de tous les genres possibles, pour tous les âges et sexes.
On observe cependant que les enfants avant 1 âge de 4 ans se trouvant dans l’école de la nature et absolument abandonnés à son action sans que l’art ou l’instruction s’en melassent (1), n’auront aucun part à la danse et aux jeux.
2° La course ;
3° Divers modes de luttes sans armes;
(I) Voyez la note, lom. î", page 49 de ce journal.
/i° Des luttes 011 des combats avec diverses armes;.
5° L’équitation avec ses exercices ; voltiger, nager;
C° Lancer des pierres au but avec les deux mains alternativement ;
"i0 Jetter des grosses pierres d’une certaine poid à une distance;
8° La fronde;
9° Le javelot;
lO" Les exercices de l'arc, de l'ai balet, du fusil, de l’arquebuse au blanc.
Les diverses manières possibles de pratiquer ces pratiques comme ayant pour but les différentes perfections ci-dessus énoncés, et les combinaisons variées de ces exercices offrent aux artistes et aux talents un champs vaste pour l’invention des moyens agréables et utiles pour l’éducation el l'instruction nationale.
Le temps destiné à ces exercices seront les après-midi de chaque décadi de l’année. L’hiver on s’instruira dans les maisons : dans les autres saisons celte instruction se fera sous les yeux du peuple assemblé en fête.
Les élèves les mieux instruits sc rendront les 4 fêtes de l’Etre suprême au chef-lieu du département pour y contribuer à la solemnité en faisant des représentations en présence du peuple assemblé.
(La suite prochainement.)
HOPITAL MESMÉRIQUE DE CALCUTTA.
Le public mesmérien a reçu avec une joie bien grande le premier bulletin mensuel de la clinique du docteur Esdaile au Mesmeric hospital. Le savoir qui brille dans le commenlaire de ces faits magnifiques, fit désirer vivement le rapport suivant ; mais 011 l’attendit vainement à l’époque fixée. L’attente désireuse se changea bientôt en pénible anxiété; qu’était-il arrivé? De sinistres craintes, des appréhensions funestes assiégèrent le cœur des amants de la science.
L’extrait suivant d’un journal local nous donne le mot de l’énigme, qui ne justifieque trop le pressentiment des personnes attentives au progrès journalier du mesmérisme sur tous les points du globe.
« Le Hurkaru rapporte que le gouvernement, sur la représentation des médecins visiteurs (1) de l'hôpital mesmérique, a retiré la permission qu’il avait précédemment donnée de publier les rapports de cet établissement. Le public se rappellera que le docteur Esdaile a, dès le principe, désiré que la plus grande publicité possible fût donnée à toutes ses expériences, et qu’il a toujours recherché la franche expression de l’opinion sur la nature de ses opérations, bien convaincu que le résultat de la discussion serait le triomphe de la cause qu’il a épousée.
» Un rapport mensuel a, comme nos lecteurs savent,
(1) Voyez tome v, page 173, de ce journal, quelles sont leurs attributions.
été publié, et il est impossible de ne pas voir les avantages qui ressortirent de cette publication. M. Esdaile défiait que l’on pût produire aucune preuve de l’inexactitude de ses récits ; ce défi a provoqué deux antagonistes dans les colonnes d’un journal. L’un de ces écrivains afiirma hardiment que le docteur avait rendu un compte inexact des opérations du mois, qu’il avait parlé d’opérations sans douleur qui, en réalité, ne furent pas faites ainsi. M. Esdaile riposta, se défendit de cette accusation de la manière la plus satisfaisante, et Médicus enfin se retira en déconfiture. »
En suivant historiquement la tactique des adversaires du magnétisme, on la trouve partout identique : la négation des faits les mieux avérés. Mais le temps est venu de faire justice de leurs mensonges et de les couvrir de honte; le moyen le plus sûr d’obtenir ce résultat, est de convier tout le monde à l’examen; c’est ce qu’on a fait en Europe et nous voyons avec plaisir que M. Esdaile suit la même marche dans l’Inde. Nous lisons en effet dans le Delhi Gazette Overland Summaiy, du 22 mars dernier, le passage suivant, qui indique que sa conduite est la même que celle de ses prédécesseurs :
« Sa Hautesse le nabab Nazeem de Moorshedabad, accompagné de.M. Torrens, de M. Cooper et des personnages indigènes de sa suite, a visité, le 10 de ce mois, l’hôpital mesmérique. M. Esdaile offrit d’opérer un patient qu’on avait mis dans l'état convenable; le nabab déclina la faveur d’assister à cette expérience, mais il donna une marque de sa satisfaction en offrant généreusement au docteur 50Q réaux pour être employés aux besoins de l’hôpital. »
L'Englishm-an du ‘23 février dit : « qu’il est joyeux de pouvoir annoncer que des démarches ont été faites
par plusieurs riches Anglais de Calcutta, pour donner aux procédés du docteur Esdaile et aux cures heureuses de leurs compatriotes, habitant la contrée, une publicité plus grande que celle qu'ils ont eue jusqu’ici. »
Le même journal, du 3 mars, publie la lettre suivante, qui est un monument aussi sagement conçu que dignement construit; nous en devons la traduction à l’obligeance de M. le comte de Fouchécour.
A M. l'éditeur de /’Englishman.
Monsieur,
Dés que la nouvelle se répandit qu’il était possible d’obtenir l’insensibilité à la douleur par l’exhalation de la vapeur d’éther, j’en fis l’expérience à mon hôpital.
Le‘23 février, je fis inhaler à deux hommes de l’éllier nitrique, n’en ayant pas d’autre sous la main. Mais cela ne produisit d’autre effet qu’une ivresse désagréable qui dura plusieurs heures, saris aucune modification remarquable de la sensibilité. Le 28, m’étant procuré de l’é-ther sulfurique, j’en mis deux onces dans une pinte d’eau et engageai deux infirmiers, en parfaite santé, à en respirer les vapeurs avec l’inhalateur des hôpitaux, comme s’ils fumaient un hookah (sorte de pipe). C’était bien désagréable et j'eus beaucoup de peine à décider le premier à persévérer cinq minutes, au bout desquelles il devint ivre et demanda la permission d’aller se coucher; ce qui lui fut accordé. Dans cet étal il était sensible aux piqûres et désignait l’endroit piqué.
L’autre infirmier fuma le hookah pendant sept minutes, avec des intermittences considérables, et quand il ne put plus fumer je tins la fiole d’éther sous son nez.
Au bout de sept minutes, il demanda à se coucher et il fallut le porter sur son lit. Aussitôt qu’il fut couché il devint sourd à toutes questions et insensible aux piqûres par tout le corps. Je m’attendais bien à ceci, sachant que nous pouvons être plus vite rendus insensibles par les poumons que par l’estomac, comme cela se voit souvent avec l'acide carbonique, l'opium, le stramoine, etc. Mais jugez de m surprise quand je le trouvai tout aussi cataleptique qu’aucune personne que j'aie jamais vue eu transe mesmérique ! Non-seulement cela, mais il présentait la même occlusion spasmodique des paupières, le même tremblement des cils et une insensibilité parfaite et totale. En ouvrant ses yeux de force, le blanc en était seul visible, et je ne pus sous aucun rapport établir de différence entre son état et celui d’une personne plongée dans le plus intense degré du coma mes-mérien.
Lorsqu’il manifesta l’intention de se coucher, le pouls était petit et fréquent, mais quand le coma fut établi, il devint plein et régulier comme celui d’uu dormeur naturel ou magnétique ; sa respiration était tout à fait calme et non bruyante. 11 fut éthérisé à 1 heure 10 minutes du soir. Je le piquai alors partout avec persévérance, par intervalles, pendant 10 minutes encore, et essayai de l’éveiller en frottant les yeux, soufflant dessus, y injectant de l’eau et en arrosant d’eau froide la ligure et la poitrine; mais le tout sans résultat.
Ses dents étaient fortement serrées et on ne put lui faire avaler une goutte de liquide. L’intensité de la catalepsie dura tout le temps. A 1 heure 25 minutes je cessai et défendis qu’on le dérangeât. Je me fis conduire à l’Ecole de Médecine, à un mille de là, dans l’espoir d’y rencontrer le docteur Mouat, parce que je désirais
avoir un témoin compétent de l’état de cet homme. Je trouvai M. Mouat qui voulut bien m’accompagner à 1 hôpital. Nous arrivâmes à 2 heures moins 5 minutes et. trouvâmes la catalepsie diminuée et le patient commençant à se remuer; le spasme des paupières continuait et les yeux étaient toujours convulsés, la prunelle dirigée en haut.
Pressé de questions, il répondit précisément comme un somnambule magnétique, mais en le piquant partout, il dit toujours ne rien sentir. Nous essayâmes alors de le réveiller davantage en lui faisant respirer de l’ammoniaque liquide et carhonatée, ce qui parut le déranger un peu, mais il dit qu’il ne flairait rien, et la torpeur de ses sensn'fen fut point dissipée matériellement. Peu après il se mit à m’appeler par mon nom, me priant de lui ouvrir les yeux, ce à quoi je tâchai de complaire sans pouvoir y parvenir; et toujours l’insensibilité delà peau se maintint. A 2 heures 5 minutes il fut porté dehors et assis sur les marches de l’hôpital. Un bhêëstie fut placé plusieurs marches au-dessus de lui et reçut ordre de lui vider doucement son m/issiik sur la tète et le dos. On lui demanda s’il sentait quelque chose, il répondit que non. Au bout de G minutes il ouvrit les yeux pour la première fois, mais il était évident qu’il n’avait pas conscience et il dit que j’étais un Bnboo. L’immersion froide fut continuée, et à 2 heures 20 minutes il se leva subitement ; une expression instantanée d’intelligence se répandit sur sa contenance, et il montra qu’il avait recouvré sa pleine connaissance en se mettant en colère contre le bheestie qui le mouillait. Ce fut le premier signe de connaissance qu’il donna depuis qu’il était endormi ; et, comme cela se voit souvent chez 4es dormeurs mesmériqnes, il n’avait aucun souvenir des moyensem-
ployés pour l’endormir. En un mot le coma et le somnambulisme furent parfaitement identiques aux états magnétiques parallèles.
Je ne puis établir combien l’évanouissement de cet homme eût duré s’il n’avait été aussi violemment dissipé, mais je suis certain qu’on eût pu l’écorcher vif durant 15 minutes sans qu’il s’en aperçût, car il était tout a fait insensible aux impressions extérieures dans son état de somnambulisme demi- éveil lé, ou somniveillo (sleep-waking) artificiel, en quoi il ressemblait encore aux dormeurs magnétiques.
L’autre éthérisé n’attira pas d’abord autant mon attention, parce qu’il avait continué d’être sensible aux piqûres un certain temps après avoir été couché et qu’il paraissait seulement très-ivre; mais quand je re-.tournai auprès de lui avec le docteur Mouat, il était fort endormi et il fallut bien le secouer pour l’amener à répondre ; ses bras n’étaient point cataleptisés, mais le docteur Mouat venant à soulever les jambes, les trouva dans un singulier état de rigidité, autre symptôme mes-mérique.
Nous continuâmes de le stimuler avec l'ammoniaque et parvînmes à le faire parler distinctement; alors il se plaignit de ne pouvoir ouvrir les paupières qui semblaient collées ensemble avec de la glue ; pendant qu’il priait qu’on lui ouvrit les yeux il était insensible aux persévérantes piqûres que je lui faisais, il y avait déjà plus d’une heure qu’il avait inhalé l’éther, et nous ne pouvions encore en. dissiper les effets; c’est pourquoi
il fut aussi soumis à l’immersion d’eau froide pendant plusieurs minutes, à l’action de laquelle il était tout à fait insensible, quoique tout le temps il frottât ses yeux pour les ouvrir, et, par moments, répondit correcte-
ment aux questions qui lui étaient adressées. A la fin il s’éveilla soudainement et recouvra la plénitude de ses sens; il ne se rappelait rien de ce qui élait arrivé depuis qu’il s’était endormi.
Voici donc une imitation exactedes phénomènes physiques qu’on observe dans la transe mesmérique, et le somniveille causé par l’éther démontre admirablement la différence qui existe entre la sensation et la perception si souvent rencontrées dans l’état mesmérique, sur laquelle j'ai si fréquemment insisté, avec peu de succès, je crois. Ces hommçs étaient capables de parler et d’agir, et faisaient la demande raisonnable qu’on leur ouvrit les yeux, quoiqu’ils fussent insensibles an déluge d’eau qui leur tombait sur le corps nu.
Les adversaires du magnétisme animal croiront probablement tout ceci sans peine, parce que c’est fait-ye-cundum artem, avec une drogue orlhodoxement nauséeuse.
Je suis satisfait que le moins affecté de ces deux hommes eût pu être opéré presque sans limites, non sans paraître le sentir, mais sans en avoir connaissance après; précisément comme cela se voit tous les jours dans les opérations magnétiques.
Voici donc un moyen prodigieux pour le bien ou le mal, selon qu’il en sera fait usage ou abus; car si les avantages en sont des plus frappants, les dangers ne le sont pas moins d’après les exemples ci-dessus.
E cœlo descendit etherl est sans doute le cri de gra-tilude des ennemis du mesmérisme, à l’aide de qui il est venu dans leur grande détresse; mais si leur amour et leur reconnaissance ne sont pas tempérés par la discrétion, ils pourront trouver dans leur nouvel allié un ennemi dangereux.
La prompte production d’une insensibilité de longue durée est des plus satisfaisantes et complète ; et je ne crains pas de danger par le coma éthéreux prolongé, car le pouls était naturel pendant sa plus grande intensité, et la respiration n’était pas troublée. Les hommes ne souffraient point après tout ce qu'ils avaient subi.
Je crois qu’on aurait pu torturer ces hommes à leur complet insu, mais il me répugnerait extrêmement d’entreprendre une opération majeure, entraînant une grande perle de sang, sur une personne élhérisée, avant d’avoir obtenu plus de pouvoir sur mon fougueux allié.
Dans plusieurs de mes dernières opérations en transe mesmérique, par exemple, où le pouls devint imperceptible par suite de l’abondance el de la soudaineté de i’hémorrhagie, il fallut rauimer la vitalité défaillante par des cordiaux. Pour ce faire on réveilla les patients, ce à quoi on parvient généralement avec facilité. Mais dans le coma élhéreux, l’on a vu qu’il était tout à fait impossible à l’un de ces hommes, d’avaler, et que les stimulants appliqués à la peau, au nez, n’avaient aucun effet prononcé sur la torpeur; dans le fait il n’y avait aucun moyen d’arriver aux sources vitales. Or, / si la vie de cet homme avait dépendu de notre pouvoir de le rappeler promptement à la connaissance, et à la sensibilité aux stimulants ordinaires, je pense qu’il est très-probable, et le docteur Mouat est de mon avis, qu’il serait niort avant que nous eussions pu y parvenir.
Mais espérons que nous pourrons bientôt régler cette puissante influence aussi facilement que nous pouvons la mettre en action. Chez l’homme le plus affecté, le dixième de l’éther employé aurait probablement suffi pour toutes les applications pratiques, et ainsi on aurait mieux pu contrôler les fonctions vitales en ce qui con-
cerne leur conservation. Avec des doses modérément graduées et la connaissance plus parfaite des antidotes, je pense qu'il est extrêmement probable que cet agent deviendra bientôt un moyen sur de procurer l’insensibilité, pour le cas même des plus formidables opérations chirurgicales.
Tous les mesméristes qui sont plus amateurs de la vérité que trafiquants, se réjouiront d’avoir contribué à la découverte d’une vérité de plus, spécialement parce qu’elle les dispensera de la corvée fatigante nécessaire pour obtenir l’anesthésie magnétique, ce qui est la chose la moins importante de la question quoique la plus frappante.
Ce n’est que de ces temps derniers que l’application du mesmérisme à la chirurgie a été sérieusement mise en avant, principalement en vue de donner une démonstration oculaire de l’existence et de la puissance de ce grand agent vital.
Mais le vaste champ pour l’exposition de son utilité est dans le traitement des maladies médicales où il nous vient souvent en aide quand toutes autres ressources ont failli. Et il faudrait une librairie pour loger tous les volumes qui contiennent le récit des cures bien constatées, obtenues par son entremise sur le continent, avant qu’il fût même question de l’appliquer à la chirurgie.
La partie la plus curieuse de cette histoire est d observer comment les passions et les préjugés des hommes, servent non-seulement pour établir les vérités connues mais |>our en découvrir de nouvelles.
Je suis votre obéissant serviteur,
Calcutta, le 1er mars 1847.
James Esdaile.
La grande question de savoir si l’on peut faire des expériences magnétiques devant une assemblée incrédule ou malveillante est décidée affirmativement : celle de savoir si l’on doit expérimenter en public, marche à grands pas vers la même solution. Il y a trois ans, quand nous fîmes entrer la société du Mesmérisme dans cette voie, ce fut un cri général de réprobation. Lorsque nous exposâmes nos vues à la société Magnétologique sur ce mode de propagande, M. le président, indigné, quitta le fauteuil et abandonna la société. L’événement prouva bientôt la fausseté de ces préventions, et ceux-là mêmes qui firent le plus d’opposition reconnaissent aujourd’hui l’immense avantage de cette méthode sur celle du procul 6 profanil
On peut dire que ce changement de direction amena un déluge d’expériences la plupart mal faites et point du tout expliquées. Maintenant cela se régularise et les deux sociétés parisiennes ci-dessus nommées n’ont pas peu contribué à cette amélioration d’un état de choses dont elles avaient favorisé l’évolution. Elle y ont en revanche trouvé un élément de progrès, et l’adjonction d'hommes capables. La société de la Nouvelle-Orléans, qui est entrée dans la même voie, est aussi parvenue aux mêmes résultats. Jusque-là rien qu’on ne pùt légitimement espérer. Mais ce qui était absolument imprévu, c’est que XAthénée magnétique de Lyon, suivant les mêmes errements, mais la dernière fondée, dépasserait ses aînées. C’est pourtant ce qui est arrivé. Le président nous écrit, à la date du 3 décembre dernier.
« J’attends avec impatience la communication annoncée au sujet des relations à établir entre la société du
Mesmérisme et l’Athénée magnétique. Je pense qu’elle sera bien accueillie car notre société est généralement animée de beaucoup de zélé pour tout ce qui est dans l’intérêt du magnétisme. Et c’est avec plaisir que je puis vous annoncer qu’elle continue dans la voie du progrès; ayant maintenant un local spécialement consacré, elle vient de décider qu’il y aurait dorénavant deux séances par semaine, le mercredi pour les expériences publiques, et le samedi pour les affaires particulières, cours, conférences, etc. »
D’autres détails à nous dotinés par l’archiviste de l’Athénée, actuellement à Paris, il résulte que le nombre des membres s’est doublé depuis un an et que chaque jour les expériences font de nouvelles conversions. Ainsi tout va bien de ce côté et le temps des confédérations magnétiques approche.
VARIETES.
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piscine de l*au. — Lorsqu’un lait'STprésente comme nouveau aux générations existantes; qu’il est extraordinaire et que de semblables faits ne se sont pas fait remarquer pendant des siècles entiers, on ne doit pas pour cela le regarder comme un fait type et inconnu à l’ancienneté, car rien de nouveau sous le soleil, et ce qui a été, est maintenant, et ce qui doit être a été.
Cependant, quoiqu’il en soit ainsi de cette vérité historique, il faut néanmoins avouer que plusieurs faits remarquables de l'antiquité se renouvellent dans des
siècles postérieurs avec des formes et circonstances différentes, quoique identiques dans leur but, propriétés et résultats, et la piscine de Pau nous en fournit un exemple.
Il y avait jadis dans le voisinage du temple de Jérusalem un réservoir d’eau qu’on appelait la piscine de Salomon; autour duquel 011 voyait un grand nombre de malades qui attendaient le mouvement de l’eau. 11 y avait un ange qui, comme dit l’évangéliste saint Jean, descendait de temps en temps dans la piscine. Lorsque cet ange par sa descente troublait l’eau, ceux des premiers malades sur lesquels l’eau mystérieuse agissait, trouvaient une guérison qu’ils n’avaient pu obtenir des hommes.
Ce fait qui d’après saint Jean eut lieu dans la capitale de la Judée, nous le voyons reproduit dans la capitale de l’ancien Béarn, aujourd’hui chef-lieu du département des Basses-Pyrénées.
En effet, il y a à Pau une piscine que l’on appelle la cellule du citoyen Laforgue, ancien chef de bataillon qui, après avoir servi sa patrie dans sa jeunesse, se dévoué dans sa vieillesse au soulagement de la pauvre et souffrante humanité.
Autour de cette piscine on voit aussi un grand nombre de malades qui attendent le mouvement d’un certain fluide que l’on appelle magnétique; il y a aussi un ange de prière, de charité et de bienfaisance, tel que le respectable citoyen Laforgue, qui descend aussi dans la piscine. Lorsque cet ange, descendu dans cette piscine sainte, met en mouvement son fluide mystérieux, qui ici remplace l’eau sacrée de la piscine hébraïque, ceux des malades sur lesquels ledit fluide agit, sortent de la modeste cellule, généralement parlant, ou guéris, ou
en voie de guérison, ou soulagés dans leurs souffrances.
Mais si l’on a pu considérer les deux piscines de Salomon et de Pau jusqu'ici identiques quant à leur but, propriétés et résultats, aujourd'hui elles diffèrent néanmoins en raison de certaines circonstances qui, n’ayant jamais pu atteindre la première de ces piscines, pèsent dans ce moment lourdement sur la seconde.
En effet, on sait que le peuple juif était dur, inhumain et sanguinaire, passant au fil de l’épée jusqu’aux enfants à la mamelle, et Jéricho fut témoin de cette cruauté hébraïque.
Eh bien! malgré ce caractère si peu rassurant du peuple hébreu pour l’humanité souffrante, on n’a jamais vu les autorités juives chasser ni même inquiéter ces malheureux rassemblés autour de la salutaire piscine de Salomon.
En France il en est tout autrement. Le peu pie français est doux, compatissant et charitable môme envers ses ennemis, et cependant, au milieu des mœurs aussi rassurantes de ce peuple pour les êtres malheureux, on vient de voir un magistrat français, inquiéter, tourmenter et jusqu’à chasser des malades paisiblement rassemblés autour de la piscine de Pau où ils cherchaient du soulagement dans leurs maux et dans leurs souffrances, avec menace d’être emprisonnés si, poussés par les sentiments du bien-être que la nature inspire à tout homme, ces malheureux osaient retourner à la bienfaisante piscine dans le mèrnebut qu’ils y étaient allés auparavant.
Tel est le fait qui nous a été rapporté dans l’avant-dernier numéro de ce Journal, et telle a été la conduite d’une autorité judiciaire de Pau envers de malheureux êtres souffrants.
Kt puisqu'il pii csl ainsi, après avoir simplement rapporté deux faits arrivés à des époques différentes l’une de l’autre, ainsi que les circonstances par lesquelles ces faits se rapprochent ou s’éloignent, prouvant par là qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, et çe qui a été est maintenant; qu’il me soit aussi permis, et dans l’intérêt de la pauvre humanité, de faire quelques observations sur ce qui se passa-jadis concernant la piscine de Salomon, et ce qui se passe aujourd’hui à l’égard de la piscine de Pau; car c’est là le principal but que je me suis proposé en m'occupant de cet écrit, et c’est par quelques demandes que je commence mes dites observations.
D'où provient donc celte différence notable que nous voyons entre les magistrats hébreux et les magistrats français envers leurs semblables malades?
Pourquoi tant de bonté chez les uns et si peu de compassion chez les autres à l’égard de l’humanité souffrante ?
Pourquoi enfin, au milieu d’un peuple aussi dur et aussi sanguinaire que le juif, on voit à Jérusalem des autorités humaines et compatissantes qui, respectant le malheureux, laissent tranquilles et paisibles ces malades, qui, pour recouvrer la santé, couchent sous les portiques qui entourent la piscine de Salomon, tandis qu’au milieu d’un peuple aussi bon, compatissant et charitable que le fiançais, on voit à Pau un magistrat si peu sensible aux souffrances de ses malheureux semblables, puisqu’il va jusqu’à les chasser de ce lieu mystérieux et bienfaisant où ils vont pour obtenir du soulagement dans leurs infirmités et dans leurs maux ?
Quant à moi, j’avoue que tout cela m’est surprenant, énigmatique et incompréhensible, sentiment qui d'ailleurs est partagé par des hommes intelligents et chari-
labiés, et en l’assurant je ne crains pas manquer à la vérité.
Cependant, comme chacun a sa manière de voir les choses dans ce monde , laissons maintenant parler les apologistes du magistrat français de Pau, el nous verrons ce que, pour justifier leur idole, ils peuvent nous dire en réponse à mes demandes.
On nous dit que si les autorités juives n’osèrent jamais inquiéter les malades réunis autour de la piscine de Salomon, c est parce que chez les juifs il était permis aux anges et aux hommes doués de propriétés angéliques de soulager librement el à volonté les êtres malheureux qui, dans leurs maux eldans leurs souffrances, avaient recours à eux, tandis qu’en France cela est défendu, à moins que les anges ou les hommes doués de propriétés angéliques n’aient un diplôme académique, diplôme dont l’angélique Laforgue n’a jamais été muni.
J’avoue que cette réponse, à première vue, parait très-juste, très-logique et semble justifier pleinement la conduite du magistrat de Pau à l’égard de l’excellent Laforgue et ses malades; cependant, à la place du respectable vieillard, je pourrais faire un instabis à ceux qui me tiendraient un tel langage.
Vous exigez de moi, leur dirais-je, un diplôme pour exercer la médecine quasi-spirituelle ou magnétique, puisque je n’en fais pas d'autre.
Celte médecine se pratique d’abord sans lavements, sangsues, saignées, potions, sélons, vésicatoires ni autres drogues, mais par des attouchements, passes ou impositions de mains, frictions sèches, insufflations, simples regards avec une volonté ferme de faire le bien, et le tout précédé d’une fervente prière au souverain mailre de la sanlé et de la vie.
Un diplôme d ailleurs ne s’accorde qu’à ceux qui dans un examen ont fait preuve de capacité relativement à la science qui leur a été enseignée dans quelque Université ou Académie.
/fis positis, je demande maintenant, où trouvera-t-on en France une académie où l’on enseigne la médecine quasi-spirituelle ou magnétique, afin d’y aller faire mes cours pouren obtenir un diplôme de docteur ou licencié?
On va me répondre, à coup sûr, que nulle part.
Si donc il n’existe pas en France une seule académie où la médecine quasi-spirituelle ou magnétique soit enseignée, il est impossible d’en obtenir un diplôme de docteur ou licencié. Et puisqu'il en est ainsi, de quel droit prétend-on exiger de moi un diplôme qu’aucune académie peut m’offrir ?
Si l on me dit que ce n’est pas un diplôme en médecine quasi-spirituelle ou magnétique que l’on exige de moi, mais tout simplement un diplôme en médecine ordinaire ou matérielle ; alors je dirais, que ce diplôme, juridiquement parlant, ne m’autoriserait pas à exercer la médecine quasi-spirituelle ou magnétique, dont on m’interdit l’usage, et la raison en est très-simple.
Un diplôme en médecine ordinaire ou matérielle attesterait uniquement ma capacité à l’égard de ladite science, et nullement par rapport à la médecine quasi-spirituelle ou magnétique.
Donc, en faisant de cette dernière médecine, en vertu d’un diplôme en médecine ordinaire, on pourrait m’attaquer en justice comme pratiquant une science sans un document académique constatant ma capacité à son égard. D’ailleurs ce serait aussi absurde que vouloir faire publiquement de la pharmacie, en vertu d’un diplôme de docteur en théologie.
Mais, si l’on me dit encore que la loi défendant de pratiquer toute sorte de médecine sans un diplôme académique, le citoyen Laforgue, ne se trouvant pas muni de ce titre, il ne pouvait pas plus faire de la médecine ordinaire que magnétique; je répondrai, que cette interprétation de la loi n’est pas juste ni logique, et voici mon raisonnement :
Tout législateur en faisant une loi a le double but de commander une chose ou de la défendre. Tout commandement ou défense étant un acte de la volonté, il s’ensuit que pour commander ou défendre une chosè il faut d’avance la connaître, car nihil volitum quin præ-cognitum. Or, lors de la confection de la loi en question, les législateurs ne connaissaient pas la médecine quasi-spirituelle ou magnétique : donc ils ne purent pas avoir la moindre intention de défendre son exercice ni même avec diplôme.
Mais il faut encore aller plus loin. Si ce n’est pas en vertu de la loi médicale dont je viens de parler, mais en vue de la loi des associations que l’autorité judiciaire de Pau chassa les malades rassemblés autour de la piscine Laforgue; je dirais à ceux qui me présenteraient cet argument en faveur dudit magistrat, que celui-ci, dans l’intérêt de l’humanité, aurait bien pu donner quelque latitude au sens de ladite loi, car odiosa sunt restringendn, javorahilia amplianda.
D'ailleurs, de quelle loi s’agit-il ? d’une loi peu conforme au droit naturel et au droit constitutionnel français, comme plusieurs députés de l’opposition firent entendre à M. le ministre de Injustice, dans la séance du 15 de ce mois, à l’occasion du procès intenté aux anabaptistes de Soissons; et ce qui prouve que ces représentants de la nation n’étaient pas dans le faux,
c est la conduite du peuple souverain renversant un gouvernement rétrograde et oligarchique pour avoir voulu défendre à des citoyens honnêtes, et en vertu de ladite loi, de se réunir dans un banquet patriotique, qui certes devait inspirer plus de craintes pour l’ordre public que la réunion pacifique de quelques pauvres malades dans une modeste cellule, pour y recevoir de la main bienfaisante d’un respectable vieillard quelque soulagement dans leurs maux et dans leurs souffrances.
Voilà ce qu’à la place du digne et angélique citoyen Laforgue, j’exposerais à qui de droit dans l’intérêt de la meilleure, de la plus juste et de la plus sainte des causes, celle de l'humanité souffrante, et c’est ainsi que se termine l'histoire de la piscine de Pau.
L’abbé Almigagna,
Docteur fii Droit canon.
L’onguent ries sorciers. — Dans la réunion de la Société médico-botanique, qui s’est tenue jeudi au soir, M. Huttmann a exposé les raisons qu’il a de croire que les propriétés extraordinaires du chloroforme étaient connues il y a longtemps, et que seulement on s’en servait pour la magie. H a rappelé les mots formica et fwpp.Ç, qui signifient fourmi, c’est-à-dire l’insecte qui fournit l’acide formique. Ces expressions, conjointement avec le mot p.op pÀ (forme), ont une origine commune. Elles ont trait à la propriété de provoquer les songes ou les formes immatérielles ; de là aussi le nom de Morphée, divinitédes songes, et le mot mors (la mort) cette sœur du sommeil.
M. Huttmann a ajouté que le chloroforme était administré, dans l’antiquité, à l’extérieur sous forme d’onguent. Il a lu divers extraits de là Magie naturelle de
J. B. Porta, de Y Histoire de l'inquisition de Lorenti, et des Lettres sur la démomlogie de sir Walter Scolt, pour constater l’identité entre le chloroforme et l’onguent des sorciers, qui, comme on sait, avait la double propriété, attribuée au chloroforme, de produire l’insensibilité et les rêves. Pour assister au sabbat, les sorciers devaient se mettre de cet onguent à la paume des mains et à la plante des pieds où s’épanouissent les nerfs de la sensibilité. Leurs pérégrinations à minuit avaient peut-être pour but d’aller à la recherche des fourmis, plus faciles à saisir en ce moment.
Les personnes à qui l’on a fait respirer du chloroforme éprouvent la sensation d’une locomotion aérienne, ce qui rappelle les voyages des sorciers planant dans les airs.
M. Huttmann a dit en Unissant que, lorsque par suite de l’inhalation du chloroforme on craignait la congestion cérébrale ou tout autre mal, une application extérieure de cet onguent pourrait être faite avec succès ; enfin qu’on pourrait employer localement ce remède sans que le système général eût à en souffrir.
(Morning-Herald).
— N’est il pas curieux de retrouver chez les anciens tout ce dont se glorifient les modernes? En poursuivant ces mêmes recherches nous ne doutons pas qu on arrive de proche en proche à la science secrète qui, déjà au moyen âge, était en dégénérescence. On pourrait dire hardiment que les savants actuels sont de grands enfants en regard des sages de l’antiquité. La chimie elle-même retournera à l’alchimie, eton réhabilitera ces rêveurs incompris qui poursuivaient la science du grand œuvre, œuvre qu’il faut entendre autrement que ne l’ont compris les hommes modernes, c’est-à-dire le sys-
tème qui fait un tout de toutes les parties et qui, asser-vissant la matière, sait en faire sortir le principe de vie général; et, s'en emparant, parvient à posséder la force qui opère des merveilles.
Nous voyons avec une indicible joie les savants, surmontant les préjugés, arriver enfin sur le terrain où Mesmer avait fixé son ancre. C’est une révolution dans les idées, c’est un bienfait que l’on devra au génie de notre maitre.
Triliunc maguétique. — Nous craignions à chaque instant d’être interrompus dans nos pacifiques travaux par un pouvoir ombrageux; ce n’était qu’avec réserve et une sorte de timidité que nous avions osé agrandir notre local. Désormais, plus de craintes, nous allons multiplier nos séances et nous convierons un grand nombre d’hommes à y assister. La science a besoin de liberté pour se développer et grandir; notre parole et nos travaux, quoique en dehors du mouvement politique, étaient cependant contraints de s’amoindrir pour ne pas effaroucher des hommes que le pouvoir avait rendus timorés. Libres de toute contrainte, nous pourrons enseigner désormais ce que nous savous, dire ce que nous pensons ; et nous sommes sûrs d’avance de la sympathie de nos auditeurs, car tous nos efforts ainsi que toutes nos pensées tendent à améliorer et à répandre des vérités utiles.
Nous ferons entendre celte voix de la nature trop longtemps étouffée et nos accents porteront partout celte devise de notre maitre.
La nature offre un moyen universel de guérir et d£ préserver les hommes.
Nous sonderons d’autres mystères dont se montrent
effrayés tant d'hommes haineux autant qu’ignorants. N’avons-nous pas la pensée du bien? Les honnêtes gens nous suivront dans nos explorations et applaudiront à nos succès.
Correspondance. — L’extension de nos relations et l’importance qu’elles acquièrent par l’ad jonction d’hommes nouveaux, qui apportent des idées nouvelles aussi, nous engagent à faire un chapitre spécial de variétés où nous insérerons les lettres les plus importantes qui nous seront adressées, et la réponse que nous y ferons, de manière qu’en fournissant à chacun le moyen de faire connaître son opinion, la nôtre soit aussi connue, comme dans le cas suivant.
A M. le baron du Potet.
Monsieur,
Ma hardiesse est bien grande de vous venir interrompre au milieu de vos scientifiques travaux; c’est pourquoi, reconnaissant toute mon importunité, je fais appel à votre entière bienveillance.
C’est un conseil, c’est votre avis, Monsieur, que je viens vous demander sur cette question :
Quel serait servir le plus la cause du magnétisme, de sceller l’existence de tout anti-magnétique ou de la publier
Cette matière anti-magnétique une fois connue de chacun, ne deviendrait-elle pas une arme à deux tranchants qui, dans les mains des ennemis du magnétisme, pourrait jusqu'à un certain point nuire à la propagation de cette vérité ; de même que dans celles de ses dé-
fenseurs elle serait l'anéantissement de fâcheux résul-lais et de compromettants abus?
Or c’est là une question qu'il n’appartient pas à ma faiblesse de décider, et c’est pourquoi, Monsieur, je m’estimerais heureux de m’en remettre entièrement à votre expérience, à votre sagacité et à votre sagesse.
El puis (piels sonlles anti-magnétiques que connaisse l’ancien monde ? Celui-ci n’en possède aucun,je vous le puis affirmer; aussi je me demande si le levain, le vert-de-gris sont connus comme tels en Europe.
Je me plais à penser que oui, mais je ne sache pas que nos maîtres parlent dans leurs ouvrages d'aucune matière capable d’arrêter instantanément, de détruire totalement tout effet magnétique, et ce, par la seule mise en contact, comme l’expérience nous l’a toujours prouvé à M. Mauberret. et à moi; ce membre de notre société est le seul avec lequel j’en ai causé, et jusqu’à ce que vous ayez la gracieuseté de m'honorer d’une réponse, les choses en resteront là.
Mais c’est assez abuser de vos instants, Monsieur, et plein du désir qu’ils vous permettent de m’éclairer, je vous prie d’agréer l’assurance de ma considération parfaite.
Jules Mathieu,
Secrétaire de la Société du Magnétisme.
Nouvelle-Orléans, 27 octobre 1817.
Réponse. — A M. Jules Mathieu.
Monsieur,
Je ne reconnais à aucun agent la puissance d’empêcher les effets magnétiques de se produire, lorsque pour agir on s’est placé dans un milieu favorable.
Je ne pense pas non plus que, lorsque le magnétiseur sait disposer de ses forces, l’on puisse détruire, par quoi que ce soit, l’ouvrage «le ses mains et de sa pensée. Le fer tranchant peut séparer les membres sans occasionner le réveil, l'électricité parcourir le corps du magnétisé sans produire le moindre effet, dans les cas d'insensibilité magnétique. Il en est de même pour l’ammoniaque concentrée que l’on peut impunément introduire dans les poumons par la respiration.
Tout parait dépendre du magnétiseur, carie magnétisé participe de sa vie. S’il croit en la vertu, en l’elli-eacité de certaine substance, il transmet sa pensée et des phénomènes se mond ent comme résultat. Donc, ce qu’on obtient dans certains cas par des agents autres que celui (pii a produit l’état magnétique, peut être attribué à une cause fausse et nous en avons tous les jours des exemples.
Quant à nous, nous ne pensons pas que l’on ait encore trouvé le moyen d’agir spontanément sur des sujets isolés par quoi que ce soit, et nous nous sommes souvent prêtés à des séries d’expériences qui toutes ont été confirmativesdenotreopinion, parce que nouSnecroyions point que l’on put troubler nos dormeurs. Probablement une croyance contraire suffit pour déterminer de grandes modifications dans leur foi. Ce que nous donnons comme un doute, une probabilité, estpournous démontré vrai, mais nous laissons au temps le soin de confirmer ou d’infirmer notre croyance.
Mais existerait-il, auriez-vous trouvé un moyen d’agir et de neutraliser les effets produits, il faudrait le faire connaître, car ce n’est qu’ainsi que la science peut marcher.
Je n’ai pas besoin de vous dire, Monsieur, que j’ai
pour vous la plus grande estime et que j’apprécie vos travaux.
Votre tout dévoué,
Baron du I’otet.
Paris, le 20 février 1848.
Ecole magnétiffiic. — Aucune loi ne peut empêcher une vérité de se produire, celles qui existent pour régler ce qui fut connu ne nous sont point applicables. L’Université, qui possède un privilège pour régler l’enseignement de connaissances humaines sanctionné par les corps savants, ne peut en aucune manière nous troubler dans l’enseignement d'un principe qu’elle n’a jamais adopté, et, nous devons le dire, qu’elle a, au contraire, toujours rejeté; s’il on était autrement rien n’avancerait dans ce monde, aucune vérité ne pourrait se produire, nous serions condamnés à l’immobilité.
En annonçant aujourd'hui l’ouverture d'une école magnétique, nous obéissons à la loi naturelle qui commande à chaque homme de faire le bien dans la mesure de ses forces et de son intelligence, et d’initier ses frères aux connaissances qu’il a pu acquérir par les efforts de son génie ou de sa raison.
Le magnétisme existe, c’est un fait; son utilité est incontestable, cinq cents volumes sont là pour justifier les heureux résultats de son application au traitement des maladies.
Les académies ont nié l’existence du principe nouveau, elles ont flétri les hommes qui l’enseignaient, la peine attachée à* toute action coupable doit les atteindre; ce n’est que par un abus cruel de la loi que, dans ces derniers temps, plusieurs magnétiseurs furent punis ;
il n’en sera plus de même désormais, nous en avons la certitude.
L’autorité des corps savants tombera d’elle-mémc. Dans les choses soumises à l’examen de tous, on adoptera ou rejettera selon son opinion personnelle, nul ne peut être contraint. Fera donc du magnétisme qui voudra en faire ; celui qui préférera ce mode de traitement à la médecine des écoles sera entièrement libre de son choix, désormais il ne peut en être autrement.
Nous ouvrirons incessamment l’école que nous annonçons et nous inviterons les hommes qui désirent apprendre l’art de soulager et de guérir les malades par des procédés inconnus des savants, à venir à nos enseignements.
Chronique. — La Société du Mesmérisme vient de manifester sa sympathie envers M. Laforgue en lui décornant le titre de membre honoraire.
— Le magnétisme se propage avec une activité surprenante à l’ile Bourbon; nous venons d’v envoyer près de cent volumes du journal et écrits de M. du Potet.
— Les nouveaux actionnaires du Journal du Magnétisme depuis le 10 janvier sont :
MM.Caliagnet;
Daguet;
Damée;
Levavasseur; Levaillanlde Florival; Dubois-Lcva ;
MM.Adalbert de Beaumont (le vicomte);
Kourakine (le prince) ; Fromenl-Delormel ;
P. de Beaumont (le comte).
— Les 80 actions formant le fonds de roulement ont été promptement placées ; il n’y en a plus à placer, mais
il en reste quelques-unes à céder. Le nom des cession-naires figurera également dans la liste ci-dessus (s’adresser au bureau du journal).
Iteviic «les Journaux. — Le fameux Raspail a abordé la question du magnétisme dans sa Revue, élémentaire de Médecine et de Pharmacie, du 15 janvier, nous ne savons pas encore ce qu’il en dit, mais dans ses précédents écrits il le qualifiait de charlatanisme.
— Le Journal des Théâtres du 2 et la Mouche, du
12 février reproduisent, en le commentant diversement, l’article d’Eugéne Guinot, que nous avons nous-même extrait du Siècle et inséré dans notre avant-dernier numéro, sur la magnétisation, à distance, d’une dame (madame Hébert d’Aveney) somnambule, parM. Alexandre Dumas. A ce propos M. Ordinaire dit que le fluide magnétique n'existe pas. Nous discuterons cette proposition du spirituel docteur.
— La Gazette de France Au 30 janvier reproduit le compte rendu du Droit sur le procès somnambulique de Limoges.
— Le Galignani’s Messenger, journal anglais publié à Paris, a rendu compte du procès de madame Sauce-rotte.
— L’Argus du 27 janvier relate une séance de somnambulisme ayant eu lieu la veille chez M. Alexandre Dumas.
— Le Tintamare du 23 janvier contient le rapport d’un fait d’extase provoquée par la déclamation théâtrale.
— L’Office de publicité du 19, le Charivari du 20, et le Corsaire du 29 janvier se sont occupés à divers points de vue de notre publication.
Le Gérant : HÉBERT (de Ganiay).
CLINIQUE MAGNÉTIQUE.
A M. le Rédacteur du Journal du Magnétisme.
Monsieur,
Il serait bon, cerne semble, que chaque magnétiseur, animé du désir de faire du bien etde propager la vérité mesmérienne, en opérant par ce moyen des guérisons dans le cercle de ses connaissances, en tint un compte exact et circonstancié, et que chaque année il vous en fit parvenir le résumé avec l’indication des cas les plus curieux qu’il aurait pu observer el des procédés qu’il aurait employés.
Si la rédaction de votre utile Journal trouvait en effet dans ces relations des faits de nature à intéresser, ou à encourager, ou à éclairer les magnétistes, ou à faire faire un pas à la science, vos lecteurs seraient heureux de les connaître, et obtiendraient, par cela même, un double encouragement, soit par l’exemple qu’ils recevraient les uns des autres, soit par l’approbation ou la critique que ces faits pourraient provoquer. Ce dernier cas même ne serait pas le moins utile pour tous, puisque de la discussion doit jailiir la lumière, et que dans une science aussi vaste et aussi inconnue encore qu’est celle du mesmérisme, chacun doitdésireren être éclairé, afin de pouvoir marcher d’un pas assuré dans cette carrière nouvelle, dont Mesmer nous a le premier ouvert l’entrée.
Telle est l’idée qui m’a déterminé à vous envoyer la liste des cures que j’ai faites ou plutôt des malades que
TOMK TI. — X* 65. — 10 MARS 1848. 5
j’ai soignés pendant 1847. Car je n’ai pas guéri tous ceux que j’ai entrepris ; mais je puis dire que ceux qui n’ont pas été guéris radicalement ont au moins été grandement soulagés. Et j’ai la conviction que, sans les circonstances qui n'ont pas permis (pie leur traitement fût continué, j’aurais obtenu à leur égard un succès complet.
J’ai donné des soins à 33 malades, classés comme suit :
3 hémiplégies du côté gauche.
12 névralgies de diverses natures.
4 cas de faiblesses des organes de la digestion.
3 constipations anciennes.
3 gastrites.
1 suite de fausse couche depuis 7 ans.
1 faiblesses de femme enceinte, que j’ai mise en état d’avoir une heureuse délivrance.
1 faiblesse de constitution d’une enfant, qui ayant
souffert dans sa nourriture a été sevrée à 4 mois, et n'a dû son salut qu’à mes soins qui lui ont permis de surmonter cette crise.
2 scrofules et dartres.
i hydropisie.
1 «xtinction de voix.
1 obstruction de la rate et du foie, accompagnée de fièvre, de céphalalgie, de suppression, etc.
~33
Les 3 hémiplégies, du côté gauche, appartiennent à des sujets de 18, 31 et GO ans. J’ai produit peu d’effets sur le dernier dont le traitement à peine commencé fut interrompu par suite du départ du malade. Il avait eu une attaque d’apoplexie.
Le second est une femme de 32 ans qui est paralysée depuis l’âge de 9 ans par suite de convulsions. Elle est
encore en traitement; il parait devoir être long, quoiqu’il v ait aujourd'hui 10 mois que je lui donne des soins. Je continue, et s’il plaît à Dieu, je donnerai plus tard avec détails cette relation qui offrira plusieurs faits curieux.
Le 1er, M. Henri Z..., âgé de 19 ans, est né hémiplégique. Sa jambe gauche seulement n’avait ni sensibilité ni force; il marchait cependant sam béquilles, mais il sautait en jetant sa jambe, et n'avait jamais su, lorsqu’il s’y. donnait un coup, à quelle place il avait été frappé. Cependant elle prenait un peu de nourriture, mais les chairs étaient molles, les muscles sans aucune contractilité. La grosseur de cette jambe était à peine la moitié de l’autre, avec une longueur d’environ 3 centimètres de moins.
Depuis dix ans environ, il avait presque mensuellement d’abondantes hémorroïdes auxquelles les médecins prétendaient que sa santé était attachée. Une soif ardente et continuelle en toute saison, un dégoût insurmontable pour une foule d’aliments; il n’aurait voulu vivre que de salade, si ses parents l’avaient laissé faire.
11 avait de fréquentes et vives douleurs dans la poitrine et entre les épaules, une maigreur excessive quoique mangeant beaucoup. Il avait sous le côté droit du menton plusieurs glandes dures et indolentes; le pouls rapide et irrégulier, le teint mêlé.
Magnétisé pour la première fois chez moi pour une douleur vive et subite au cœur, il ressentit immédiatement de l’effet, et disait sentir dans la poitrine, sous l’influence de ma main, comme si denombreusesgoultes d’eau tombaient de la poitrine dans le ventre. Le lendemain de la troisième magnétisation, il fut pris d’un violent dévoiement qui dura près de trois semaines, et qui l’affaiblit tellement, que ses parents crurent qu’il allait
mourir. Mais on ne m'avait point prévenu de cet accident, et ne le voyant plus revenir, je pensais que la crainte du magnétisme le retenait. Pendant ce temps un médecin fut appelé, qui s’empressa d’arrêter ces évacuations si salutaires par plusieurs médicaments. Le dévotement cessa deux jours, mais il reprit bientôt plus fort que jamais, malgré tout ce qu’on fit pour s’v opposer. Enfin il cessa de lui-même.
Informé alors de ce qui s’était passé, je le .soumis à un traitement régulier et quotidien; mais déjà depuis ce moment les hémorroïdes avaient disparu.
Pressentant que cette soif, ces douleurs de poitrine, cette toux sèche qui le faisaient traiter depuis longtemps par les médecins, comme poitrinaire; cet appétit désordonné, ces dégoûts, cette maigreur, décelaient un désordre profond et chronique des organes thorachiques et intestinaux, désordre qui sans être encore mortel, ne tarderait pas à le devenir, si le secours ne venait à temps; je commençai à faire des passes sur le tronc pendant une demi-heure environ. L'effet interne qu’il éprouvait provoquait chaque jour davantage son étonnement. Il sentait tous les organes qui se trouvaient successivement sous ma main, dans une agitation extraordinaire. Le massage que je faisais succéder aux passes pendant l5ou 30 minutes, produisait toujours un bien-être indicible. Sous ma main toutes les douleurs de poitrine disparaissaient et mettaient chaque jour plus de temps à renaître, jusqu’à ce qu’enfin elles furent entièrement vaincues. Je ne m'aidai que d’eau magnétisée, dont il consommait une grande carafe chaque jour. Toutes les fois qu’il en buvait il ressentait le même effet que sous la magnétisation directe.
Le dévoiement reparut souvent, mais avec bien
moins d’intensité, et ne durait qu’un ou deux jours.
Plus tard et peu à peu, cette soif extrême, cet amour du vinaigre, et de lous lesalimenls acidés, se modifièrent, quoique la température fût fort élevée. Mais il y avait à peine trois semaines qu’il était soumis à ce traitement régulier, lorsqu’un jour en m’exprimant son vif étonnement pour ce qu'il éprouvait intérieurement, par une exclamation simple et naturelle, étant assis, il laissa tomber sur ses cuisses ses deux bras, et tout à coup poussant un cri mêlé de surprise et de joie, il déclara qu’il venait pour la première fois de sa viede ressentir sur le membre atrophié l’impression que sa main y avait produite en tombant, et qu’un travail extraordinaire se produisait dans tonte son étendue, et aussi dans le bras gauche, et il se convainquit immédiatement que la sensibilité était rendue à toute cette jambe en portant sa main partout. Il sentait une force nouvelle la parcourir, ce dont il offrait la preuve à ses parents incrédules, en sautant sur cette jambe, et faisant mille autres choses qu’ils le savaient incapable de faire avant cela.
La sensibilité y devint si grande qu’il ne lui était pas possible d’y supporter le plus léger attouchement. Avec le temps cependant celte sensibilité extrême a disparu, mais la force s’est accrue chaque jour, avec l’obéissance et la grosseur de ce membre qui aujourd’hui a presque atteint le développement de l’autre.
Au bout de deux mois de magnétisations quotidiennes, sans sommeil, il remarqua que toutes les fois que je posais la main sur la région du foie, il ressentait une douleur vive et aiguë dans tous les muscles mastoïdes droits, une inflammation extrême gagna bientôt toute la mâchoire, la langue, les gencives, l'oreille, le cou, le menton; les glandes qui s’v trouvaient se gonflèrent,
s enflammèrent et s’amollirent. Ce fut à ce moment qu’il lui arriva un fait assez curieux. Deux fois il vit paraître, quoique fort bien éveillé, mais ayant les yeux fermés, une lueur qui la première fois lui semblait partir de mes doigts et en suivre le mouvement, et la deuxième fois il déclara tout à coup, en manifestant une extrême surprise, qu’il voyait comme deux gouttes d'eau qui étaient suspendues au sommet de la cavité du crâne et qui éclairaient tout l’intérieur de sa tète de la plus vive lumière.
Mais malheureusement ses parents que rien n’avait encore pu convaincre malgré tout ce qui s’était passé sous leurs yeux, craignant peut-être de prolonger ce traitement, tout gratuit qu’il fût, et s'effrayant de cette inflammation subite, envoyèrent leur fils passer quelque temps à la campagne, pensant qu’il lui serait plus utile de prendre l’air «pie de se soumettre plus longtemps à mes Soins, que son père ne croyait plus nécessaires. Cette interruption brusque fit cesser ce travail bienfaisantquiallait amener la résorption de cesglandes. Cette crise n’eut pour résultat que de faire paraître une nouvelle dent au fond de la bouche.
A son retour, ce n’est qu’avec peine que je pus de loin en loin, obtenir des parents une demi-heure d’interruption de travail, pour verser dans son organisme le principe de vie qui lui était si nécessaire.
Ce traitement commença pour la première fois en février 1847, et a di.ré jusqu'au mois de juin, y compris l’interruption de six semaines qui eut lieu dés la troisième séance, et celle qu’occasionna le voyage à la campagne qui amena une seconde suspension de plus du trois semaines. Tous mes efforts pour rappeler une crise nouvelle furent inutiles. Cependant le jeune homme a
recouvré la santé, tout en conservant scs glandes qui sont revenues à leur état ordinaire; il a pris tout à coup un développement et une force remarquables, que son état précédent ne lui aurait absolument pas permis de supporter.
Les 12 cas que je classe sous le nom générique de névralgies, sc divisent comme suit :
3 affections nerveuses, dites attaques de nerfs.
5 rhumatismes, dont 2 sur-aigus, guéris l’un en quatre, l’autre en dix séances, par des magnétisations locales, et le massage, en posant la main sur l’endroit malade ;
2 migraines ;
1 spasme nerveux au cœur;
I abattement général.
Les 3 affections nerveuses concernent des sujets de 22, 35 et 40 ans.
Les crises étaient des plus violentes sur le premier sujet, M",c R. D..., jeune mère de 22 ans, qui depuis
2 années avait épuisé tous les secours de la médecine sans avoir pu arrêter la progression de son mal. Tous les 5 ou G jours paraissait une crise qui durait plusieurs heures, et laissait après elle pendant 2\ heures une prostration complète de forces. Sollicitée vivement par son mari et sa propre famille, à tenter un traitement magnétique, ce ne fut qu’après beaucoup d’efforts qu’on parvint à obtenir son consentement, et le jour fut alors fixé pour essayer. Dans l'intervalle son médecin et quelques amis qu’elle avait consultés, firent tout leur possible pour l’effrayer; le médecin lui disait surtout que, dans son état, ce serait fort dangereux pour elle; que ses nerfs, déjà si délicats, en seraient complètement ébranlés, etc. Mais!, comme elle m’avait promis, elle
vint, et se soumit à mon traitement non sans une vive émotion et une crainte intérieure dont elle n’était pas maîtresse. Après une demi-heure d’eflorts de ma part, elle me dit qu’elle ne sentait rien, el sur la remarque que je lui lis que dans ce cas cela ne lui ferait pas de mal, « C’est vrai, dit-elle, » et aussitôt ses craintes cessèrent, et elle s’abandonna avec confiance. Je continuai encore une demi-heure, et c’est alors qu’elle assura avoir ressenti un effet fort doux, et dit qu’elle était persuadée maintenant que le magnétisme ne l’agiterait point comme on le lui avait fait craindre, car elle se sentait dans un calme extraordinaire et un bien-être parfait. Le lendemain matin, grâce à un incendie dont elle avait été témoin pendant la nuit, elle eut une crise des plus violentes. Mais heureusement étant venu la voir de bonne heure, j’arrivai juste à ce moment. Son mari désespéré pensait qu'il n’y avait rien à faire. Sans m’inquiéter de ses craintes et de l’état effrayant de la malade, je l’actionnai vivement par des passes sur l’é— pigastre, et ensuite à grands courants. Bientôt tous ces désordres cessèrent, et au bout d’un quart d’heure le calme le plus parfait avait succédé à cet état violent, sans qu’il y eût l’abattement ordinaire, à la grande joie de la malade et de toute la famille. Magnétisée pendant un mois environ, d’abord chaque jour, puis de deux en deux jours, ses crises ont disparu depuis lors. Ceci s’est passé au mois de juin, la malade se porte maintenant parfaitement bien.
Les deux autres cas semblables, mais moins violents, m'ont présenté quelques phénomènes curieux. L’une de ces deux dames était tellement sensible à mon action à distance, que quoique j’habitasse la campagne chez des amis, à deux lieues de chez elle, pendant les 15 jours
que je restai là, variant chaque fois les heures de mon action depuis chez moi et sans l'avoir avertie, sitôt que je la revoyais, elle m’indiquait parfaitement l’heure à laquelle je l’avais actionnée.
L’autre personne de la même famille était d’une «elle susceptibilité cataleptique qu’il me suffisait d’une seule passe sur les plexus épigasti iques pour produire les phénomènes nerveux les plus curieux, et pour développer une force telle, que sa main faisait à ma volonté l’office d’un étau d’acier. L’approche de mon doigt suffisait pour faire cesser instantanément cette rigidité du poignet. Les contractions musculaires se produisaient toutes les fois que ma main se dirigeait sur lVpigastre, et deux ou trois passes à grands courants rétablissaient le calme de suite. Ces deux dames, privées depuis longtemps de sommeil, éprouvaient depuis un grand nombre d’années une agitation nerveuse continuelle, insupportable pour elles-mêmes et pour les autres; une humeur chagrine, tracassière, inquiète, etc. Tout cola disparut ! Le retour d'un sommeil long et paisible, le calme retrouvé, le bien-être rétabli, la joie et la bienveillance rendues, furent le fruit de mes soins, ün m’appelait le sauveur de la maison. Des circonstances particulières m’ont empêché de savoir ce qui s’est passé depuis.
Un de mesamis, àgéde \5 ans environ, nccroyant point au magnétisme, se plaignait d’éprouver chaque jour, en vaquant à ses affaires, une douleur subite an cœur et à l’estomac qui lui coupait la respiration, et le forçait, quelque part qu’il fût, à l'immobilité pendant 10 minutes environ. Je le magnétisai une seule fois pendant 25 minutes; quelques jours après, il vint me dire plein de joie qu’il ne savait à quoi attribuer ce résultat, mais que depuis que je l’avais actionné il n’avait plus rien ressenti.
Un autre ami étanl fort nerveux éprouvait fréquemment un abattement subit el prolongé. Après l’avoir actionné, il m’a dit plusieurs fois : grâce à vous je n’ai pas fermé l’œil de toute la nuit, et cependant je me trouve ce matin comme si j’avais pendant 3 nuits de suite eu un sommeil de 10 heures de temps.
Parmi les quatre cas que j’intitule : Faiblesses des organes digestifs, un seul offre un complet rétablissement, c'est chez une demoiselle de dix-neuf ans. Le fait le plus curieux qu’elle a présenté c’est que chaque fois que je l’actionnais, elle a toujours dit que je lui donnais une violente envie de pleurer et une humeur massacrante; malheur alors à celui qui, dans ce moment, lui aurait causé la moindre contrariété. Une fois l’action passée, elle revenait à son état habituel'; je l’ai magnétisée une ou deux fois la semaine pendant trois mois environ l’été dernier.
Un de mes amis ayant voulu essayer de la magnétiser, produisait chaque fois sur elle un effet tout différent et qui tenait plutôt de la joie, mais l’action était moins énergique.
Le second cas s’est présenté chez une dame sur laquelle j’avais une très-grande action et à laquelle j’aurais certainement rendu la santé si elle n’avait préféré, soit préjugé, soit curiosité, se confier aux soins d’une somnambule. Elle est encore malade.
Les deux autres personnes ont éprouvé beaucoup de mieux, mais le traitement n’a pu être continué; il n’y a eu que trois ou quatre séances.
Les trois cas de constipation ont présenté des faits différents; l’un, le jeune L. L., de treize ans, se plaignait, chaque fois que j’actionnais sa cousine, de ressentir de violentes tranchées. Seul je ne prenais pas cela
pour une plaisanterie. Le Ier mai, en revenant de la promenade avec ses parents, l'enfant s’endormit profondément sur une chaise; saisissant celle occasion pour convaincre sa mère, je lui fisquelqucs passes sur le tronc. Au bout d’une ou deux minutes l’enfant se réveilla en sursaut, poussant des gémissements, et en portant ses deux mains sur le ventre il assura y éprouver les plus vives douleurs. C’est en vain que je voulus le débarrasser, à peine pus-je calmer un peu scs soiiffrance6. Il eut une nuit des plus agitées, une fièvre ardente, un violent dëvoiement qui dura deux jours; il fut très-malade, mais follement constitué il se remit bientôt. De blême qu’il était, son teint devint clair et coloré, l’embonpoint lui revint avec l’appétit, des selles régulières qu’il n’avait point autrefois attestèrent le parfait équilibre de ses fondions. Il continue à se bien porter.
M. M., de 22 ans, étudiant en droit, souffrait depuis plusieurs années d’une constipation opiniâtre, qui réagissait fortement sur le cerveau, en l’obscurcissant *t l’affaiblissant, et qui mettait ce jeune homme dans l’impossibilité de continuer ses études. Alors des idées noires 6’emparérent de lui et avec elles le désespoir. Les nombreux médecins de sa ville (Lunéville) comme ceux de Paris lui conseillaient uniquement la marche, le grand air, un régime doux. Mais il fallait pouvoir travailler, et il ne le pouvait. Il se confia à mes soins, etau bout de deux ou trois séances se développèrent des crises si énergiques dans l’hypogastre qu’il paraissait en proie aux plus violentes convulsions, puis tout à coup cet état cessait brusquement et complètement; ses traits, bouleversés un moment avant, reprenaient une expression de bouheur et de joie extrême. Interrogé par les témoins effrayés de cette scène, il répondait qu’il n’avait point
souffert, qu’il ne pouvait se rendre compte de ce qu’il avait éprouvé, mais qu’il était parfaitement bien et prêt à recommencer, à la grande surprise des témoins. Une forte diarrhée ne tarda pas à se produire; son cerveau, comme soulagé d’un poids considérable, put supporter le travail d’une journée de 12 heures. Mais aussitôt qu’il interrompait son traitement les symptômes de son mal reparaissaient; enfin après l’avoir repris et suivi trois fois la semaine pendant deux mois, il a pu, aux vacances dernières, retourner dans sa ville avec l’espoir d’être guéri. Je n’ai pas eu de ses nouvelles.
Le troisième cas, sans être plus curieux, m’a offert cette particularité, que le sujet M. A., jeune homme de 23 ans, qui n’avait des selles que tous les quatre ou cinq jours depuis plusieurs années, reçut plusieurs fois, par mon impulsion, des évacuations alvines abondantes à l’aide d’une seule magnétisation. Chaque fois je développais chez lui une vigueur et une énergie extraordinaires et qui ne lui étaient pas habituelles. Un jour pour me montrer sa force il saisit d’une seule main et par sa poignée un seau à charbon de terre qui était plein et d’un poids considérable, et le tenant élevé horizontalement et à bras étendu, il le suspendit ainsi en l'air pendant quelques instants sans efforts, à ma grande satisfaction. Plus tard, privé de mes soins, il s’adressa à la médecine homœopaihique. Les poudres qui lui furent données lui procurèrent pendant un mois un cours régulier et sans la moindre douleur, mais ensuite les selles devinrent si fréquentes que ce dévoiement l’affaiblit et l’énerva complètement. Dans cet état il eut de nouveau recours à moi, et au bould’une demi-heure de massage sur l'hypogastrc, j’arrèiai immédiatement ce dévoiement et rendis à l’instant à tout son organisme 1 é-
nergie et la vigueur de la santé. Un appétit extrême est revenu, et l'équilibre le plus parfait se maintient.
M"1” L)., d’environ 35 ans, atteinte d’une gastrite depuis plusieurs jours qui ne lui permettait de rien digérer, rnéme de l’eau, a été complètement guérie par une seule magnétisation. Ce même jour, et c’éiait à une noce qu’en cet état elle avait dù venir, elle put impunément faire honneur au diner, ce à quoi elle ne s'attendait pas. Depuis lors elle se porte bien.
M"1" L. et Z. sont des personnes âgées, souffrant, la première depuis 25 ans, l’autre depuis longtemps aussi. M"" L., âgée de G7 ans, m’entendant lui répéter que j’étais disposé à lui faire du bien, consentit à être actionnée. Au bout de trois ou quatre séances des tranchées et des sel les abondantes survinrent ; mais alors effrayée d'un tel résultat, il ne fut plus possible de lui persuader que ce qui avait lieu était un grand bien pour elle. Même lorsque cette crise fut passée, lorsqu’elle vit que ses forces revenaient avec sa santé, qui pendant tout l'été fut meilleure que jamais, et quoique le désordre fonctionnel eût été vaincu, mémealors rien ne put la faire revenir à un traitement qui avait eu ud si heureux résultat.
Le frère de M'"* R. D., dont il est parlé plus haut, est un jeune homme de 19 ans environ, d’un tempérament lymphatique. Depuis six mois atteint d’ophthalmie, il avait été obligé d’interrompre tout travail, ne pouvant plus supporter la moindre lumière ; en outre depuis un mois à peu près il se plaignait de vives et cruelles douleurs dans les articulations, surtout celles du fémur et des genoux, et il y avait près de quinze jours qu’il se trouvaitdansl’impossibilitédese mouvoir, et que son père étaitobligé dele transporter etde le placer sur une chaise.
Il passait ses journées ainsi dans une immobilité et une obscurité complète. Sa sœur m'engage à l’aller voir, il habitait Versailles. J’arrive à midi, une dameet ses deux sœurs veulent être présentes à celte séance ; mais bientôt elles sont prises toutes les trois, deux sont presque suffoquées et s’enfuient; la troisième, la plus jeune sœur, se trouve mal, mais bientôt remise à l’aide de quelques passes sur les extrémités elle juge à propos de me laisser seul avec son frère. Alors concentrant tonte mon énergie sur le malade, au bout d’une demi-heure il me dit qn’il avait bien senti quelque effet, mais que ce lui paraissait être peu de chose; je l’engage à se lever et à essayer de marcher, et à son grand étonnement il peut non-seulement se soutenir, mais il lui est déjà possible de placer un pied devant l’autre et d’aller ainsi, quoique péniblement et lentement, jusque dans l’appartement où se trouve le reste de la famille qui pousse un cri de surprise en le voyant arriver. Deux heures plus tard je l’actionne de nouveau pendant vingt minutes et je le mets à même de faire des pas un peu plus grands. Enfin avant de partir je le magnétise une troisième fois, et non-seulement il peut se soutenir aisément, mais il marche de manière à faire douter des souffrances qu’il endurait quelques heures auparavant. Sa famille était dans le ravissement. J’engage alors son père à continuer le traitement. Celui-ci ditque non-seulement il ne sait pas, mais que de plus il ne croit pas à cette vertu singulière. Sollicité par nos pressantes exhortations, il consent à essayer devant moi, bientôt il sent qu'il a de l’action et me promet de continuer ; mais, hélas ! il se lasse bientôt et cesse. Cependant la nature, aidée du secours qui lui avait été donné, se débarrasse peu à pea du principe morbide qui avait produit une telle perturba-
tion; la libertédu mouvement est rendue, puis l’ophlhal-mie cesse, et notre jeune homme se trouve bientôt capable de reprendre son état de graveur sur métaux. Sa santé continue à être satisfaisante.
M. B., restaurateur, est menacé d’hydroprsîe; le ventre est tendu, gonflé, et d’un volume considérable, la figure ronge; une fièvre habituelle, des suffocations le gagnent à la moindre contrariété. Comme il est malade depuis plusieurs jours et ne peut plus diriger son établissement, sa femme en est profondément affectée, je m’en aperçois, je la questionne avec intérêt et elle m’avoue la cause de sa douleur qu’elle avait d’abord essayé de me cacher. Je lui offre mes service» en lui donnant espoir et courage; comme ils sont acceptés, je vais voir le malade à l’heure convenue, il est au lit» A peine ai-je fait quelques passes sur le thorax qu’il éprouve une suffocation strangulaire qui effraye sa femme; mais sans pousser trop loin cet état, je dégage sur les jambes, et aussitôt l’effet se dissipe ; trois fois je recommence et calme de même. Je crois alors devoir cesser pour ne pas trop fatiguer la première fois. Après mon départ se manifeste une transpiration tellement abondante aux jambes qu’elle inonde tout le lit; toutefois nn résultat si extraordinaire l’effraye, ou bien son. médecin la-C-il détourné, mais il me fait dire qu’il se trouve mieux et qu’il me remercie ; j’insiste en vain. Cependant il ne tarde pas en effet à être en état de reprendre ses travaux, sensiblement soulagé mais bob guéri. Ah! pourquoi faut-il que l'ignorance vienne s'ajouter à toutes le» misères humaines pour conspirer ensemble contre le bonlieur de l'humanité l Certes on peut bien dire que l’homute n’a pas de plus grand ennemi que lui-uéme il
M"“ B. était atteinte depuis un an d’une extinction die
voix produite par un refroidissement. Celte affection avait été rebelle à tous les traitements imaginables de la médecine et à tontes les recettes de bonnes femmes les plus extravagantes. Cinq magnétisations lui ont rendu sa voix si claire d’autrefois.
M"' V. a vu que j’ai enlevé à M"' S., sou amie, un rhumatisme aigu en peu de temps, et comme elle souffre sans connaître la cause de son mal, elle veut se confier à mes soins. Depuis six semaines elle a une fièvre de cent pulsations par minute, un mal de tète continuel, privée de sommeil, sans appétit, passant successivement de la plus grande pâleur au teint foncé le plus animé. D’un tempérament lymphatique, ayant le sang épais et lourd, tout m’annonce un désordre organique plus profond que la malade ne le suppose, car elle ne croit avoir qu’un mal de tête. J’apprends qu’à tous ces symptômes vient s'ajouter une suppression qui n’est pas encore bien ancienne. Croyant trouver les symptômes d’une obstruction du foie et des intestins, après quelques passes générales, j'actionne ces organes, et bientôt s’y développent sous ma main de vives douleurs, ainsi que du côté de la rate; des borborygmes témoignent du travail qui s'opère dans les intestins. J’ordonne pour unique médicament de l’eau magnétisée dont la malade consomme une et deux carafes par jour, et en même temps j’actionne la tête en y appliquant mes mains pendant un quart d’heure. Chaque séance dure une heure. Au bout de cinq ou six jours les plus violentes douleurs du ventre ramènent les règles plus abondantes que jamais. Le sang et les humeurs mis en mouvement déterminent des engelures aux pieds, avec inflammation et gonflement; la magnétisation locale enlève la rougeur et les démangeaisons, mais en une seule nuit il se forme au
talon une cloche pleine d’eau de la grosseur d’une noix qui y cause la plus vive douleur; M11' V. est obligée de la percer, et la plaie y atteint la grandeur d’une pièce de cinq francs. Craignant de créer là un émonctoire qui, en attirant l'humeur aux jambes, pourrait amener de fâcheuses conséquences ; je cherche le troisième jour les moyens les plus prompts pour calmer l’abondante suppuration qui s’établit dans cet endroit. J’y fais appliquer une légère couche de fulmi-coton comme charpie. Bientôt, sous l’influence heureuse de ce nouveau topique, toute l’enflure et toute l’inflammation qui s’étaient augmentées depuis l’ouverture de la plaie disparaissent, la suppuration diminue de plus en plus, et au bout de quelques jours la plaie est complètement cicatrisée. Je ne saurais trop recommander ce moyen si simple de pansement pour toutes sortes de plaies. Peu à peu toutes les douleurs symptomatiques cessèrent, la fièvre tomba, le sommeil revint, le teint reprit une belle apparence de fraîcheur, et au bout de vingt-cinq magnétisations M"° V. avait recouvré la santé.
Telles sont, Monsieur le rédacteur.et ami, les cas les plus intéressants qui se sont offerts à mon observation pendant 1847. Si vous les trouvez dignes detre communiqués à vos lecteurs, usez-en comme vous le trouverez bon.
Quant à-moi je désirerais avoir encouragé les magué-tistes à vous communiquer les faits curieux qu’ils auraient observés ; ce serait je crois le meilleur moyen de faire faire un pas à la science.
Agréez, cher Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.
Votre tout dévoué,
J. Mermoud db Poubz.
CONFÉRENCES MAGNÉTIQUES.
Magie, science malheureuse, tu es condamnée à vaguer sans soutien, sans appui, comme ces rois détrôné*, dont l’histoire nous a conservé le souvenir, tour à tour accueillie, rejetée; ceux qui parfois cherchèrent à te faire reconquérir ton droit se virent flétris, emprisonnés, brûlés! Pourquoi, fille du ciel, reparais-tu parmi nous? Veux-tu encore quelques martyrs pour ta sainte cause? Tu me trouveras, mais ceux qui usurpèrent ton royaume comptent sur la prescription ; tes titres sont d'ailleurs déchirés. Les bornes de ton domaine ont été arrachées; une autre culture a remplacé ce vaste champ où était répanduecette divine science. Le monde est changé; tes temples, tes prophètes, tes sibylles, tout a disparu; les ronces et les épines croissent sur les lieux où le prêtre saint invoquait {'Eternel.
D’autres dieux, d’autres hommes, d’autres temples I Retire-toi, vérité, on ne te peut comprendre ; retourne vers ton père. Ici le mensonge règne et gouverne, les hommes ne croient plus qu’aux fictions, la •véirité leur fait peur, ils détournent la vue.
Au milieu de ce trouble des esprits, conserve»: pour d’autres temps les traditions qui nous restent; recueillons les faits, les récits épars sur cette terre, on nous tiendra compte un jour de notre labeur, car les hommes à coup sûr retourneront vers le passé.
Nous lisons dans Y Illustration, du 4 courant :
« L’Orient, d’où est partie la première étincelle de l'intelligence humaine, d’où nous est venu le principe de toute science, est le pays le plus curieux à étudier, pour rechercher les causes, comparer et retrouver peut-être dans les instincts de ces races, qui sont restés si intacts, l’origine des pratiques mystérieuses, des connaissances occultes, dont le secret était prudemment gardé par les chefs et les prêtres dans les collèges sacrés. Nous voulons parler de cette force intellectuelle qu’on a appelée prophétie, divination, magie.
n La magie, qui, en langue persane, signifie sagesse, laquelle enseigne par la con/iaissance des forces naturelles, des choses tellement extraordinaires, qu elles semblent des miracles de nature, parait veuir primitivement de l’Inde, d’où, à travers la haute Asie, elle gagna l’Egypte, qui possède tant de monuments où son histoire est gravée en traits ineffaçables. Les échos de Thè-bes, de Memphis et de Méroë répètent encore les mystères des temples et les oracles d’Ilammon. Dans cette antiquité reculée, nous trouvons la magie, non moins florissante en Perse, où elle est inséparable du nom fameux de Zoroastre,- et, selon toute apparence, c’est particulièrement de ce pays que, par suite des relations étroites avec les colonies ioniennes de l’Asie-Mineure, elle se répandit en Grèce, en Italie et dans le reste de l’Occident. Sur la limite entre les temps anciens et les temps modernes, se trouve cette savante école d’Alexandrie, qui, fondée par les Ftolémées, eut son plus grand éclat, et surtout son influence plus directe, sous les empereurs.
» Lorsque l’invasion de la barbarie eut mis lin à ce
que nous considérons comme l'antiquité, ce fut encore de l'Orient, qu’au huitième siècle partit la renaissance des lumières: les Arabes transportèrent alors en Occident, avec la conquête, leur science astronomique, philosophique, architecturale, leur savoir et leurs traditions. Déjà nous avons des notions certaines sur ces temps plus rapprochés. Nous voyons Mahomet, par l’article 52 du code religieux, interdire, comme contraires à la foi, les secrets d’un art qui, gardé d’abord par les chefs, avait fini, lorsque les sciences commencèrent à s’étendre, par tomber entre les mains des médecins, astrologues, magiciens, sorciers, nécromanciens, alchimistes et autres : les uns, bien intentionnés, s’en servant dans un but moral ; les autres en abusant pour satisfaire leurs mauvais penchants. Malgré cette proscription, les magiciens venant tous, et jusqu’à nos jours, des pays du soleil, conservèrent les pratiques plus ou moins licites de la magie, plus ou moins mêlées defraude et d’appareil fantastique. Puis sont venus dans nos deux derniers siècles les convulsionnaires, les illuminés, les Swedenborg, Jacob Ikehm et autres qui ont mis sur la voie du magnétisme moderne. Alors il entra dans le domaine de la science par les efforts des hommes d’observation, tels que Mesmer, Deleuze etPuységur; enfin, à notre époque même, de nobles et hautes intelligences, comme les docteurs Frapart, Lutzelburg et du Potet, observent et recherchent avec persévérance et bonne foi, sur des individus doués de la sensibilité magnétique, les effets de cette puissance encore si peu connue, mais qui chaque jour se laisse pénétrer davantage.
» Il y a bien des sortes de gens et de sectes en Afrique et en Asie qui se donnent pour possesseurs de secrets et de puissance exceptionnelle, pour enchanteurs, magi-
ciens, astrologues, charmeurs d’hommes et d'animaux; ce sont les émirs à Constantinople, les santons au Kaire, les psylles ou bajoiim, les bektaschys ou francs-ma-çons et les mogrcbins, hommes de l’Ouest. Presque tous appartiennent à quelque secte religieuse, à ces sociétés «le denvisches, se disant inspirés de Dieu. l)e là sortent, depuis le septième siècle, tous ces mages theurgistes ou nécromanciens. Derwische est un mot persan dont l’é-tvmologie annonce le seuil de la porte, et, par métaphore (la langue persane est, moralement parlant, une langue hiéroglyphique), esprit d’humilité, de retraite et de persévérance. 11 serait fastidieux d’entrer dans le détail «les pratiques du ces ordres, dont les plus marquants sont au nombre de trente-deux, et qui, presque tous, portent le nom de leurs fondateurs ; d’ailleurs l’espace nous manque pour décrire les scènes étranges et parfois horribles de ces hurleurs (pii, au milieu de leurs danses épileptiques, se frappent de coups de poignard et enfoncent dans leur bouche des fers ardents.
» Nous choisirons ceux qui, par leurs pratiques, ont plus particulièrement rapport à notre sujet. Les mcw-lètvis ou dem’isches tourneurs sont d’un ordre tout différent des autres. Leur danse peut être une manière singulière d’honorer la Divinité, mais elle n’offense ni les yeux ni les oreilles; et loin d’être des fanatiques grossiers ou stupides, ils sont instruits, tolérants et charitables. Leur couvent s’appelle Tékié, leur danse sémtl, et la salle où se font les exercices Sémd-Kliané. Celte salle diffère aussi des autres, et représente un dôme soutenu par sept ou neuf colonnes de bois. Des inscriptions ou se lisent le nom du fondateur, la profession de foi, le nom d'Allah et des quatre premiers kaliphes, ainsi que des sentences de morale, sont placées sur les
murs ou dans des cadres dorés. Les mewlewis gardent le silence et ne dansent «pie neuf, onze ou treize ensemble devant le public. On les nomme tourneurs, à cause de leurs pieux exercices, sorte de walse qui se fait pied 1111 et sur le talon droit, les yeux fermés et les bras ouverts. Rien n’est plus singulier que de voir, pendant une heure, tourner, comme des to-tons, ces hommes graves, avec leur long bonnet de feutre gris et leur tunique blanche, qui, taillée sur le modèle de la fustanelle grecque, se gonfle d’air et s’étend autour d'eux, leur servant ainsi de parachute.
» Un orchestre, composé de tambourins et de flûtes traversières appelées neih, marque la mesure et soutient la vivacité des mouvements. La plupart des mewlewis sont musiciens et jouent avec talent de différents instruments, qui sont le psaltérion, le sistre, la basse de viole, le tambour de basque, la flûte ou neih et le tambourin. Ils sont les seuls dont les exercices soient accompagnés de musique d’une expression doufe, pathétique, enivrante, originale par-dessus tout, et admirablement appropriée à leur danse. La symphonie de Bethoveen les Ruines d'Athènes peut donner idée de ces mélodies, dont évidemment lé grand artiste avait eu connaissance. Cette musique, la seule en Orient qui mérite ce nom, charme à tel point, qu’après deux ou trois auditions on se sent comme les derwisches pris du désir de tourner, et qu’on s’associe, sans s’en apercevoir, à l’engourdissement de voluptueuse extase qu’ils paraissent éprouver.
» Cette walse lente et continue, guidée par une musique à laquelle les derwisches sont habitués dés l’enfance, exalte leur imagination, et les jette dans un délire véritable, qui les met, disent-ils, en rapport avec les astres. dont ils imitent le double mouvement, tournant sur
eux-mêmes en tournant autour de leur salle. Cette rotation agit évidemment sur le cerveau, et, soit par compression, soit pour une autre cause, «die crée une sorte de stupeur, de suspension de l’existence, pendant laquelle l’âme nage dans le vague et devient étrangère aux choses de ce monde. Les mcwlewis, s’étant interdit la plupart des excitants si communs aux autres sectes, ont trouvé moyen, dans l’exercice de la prière, de s’amener à cet état d’extase et de suprême quiétude si recherchée des Orientaux. Quelle autre explication donner à ces procédés bizarres, à cette manière étrange d’adorer Dieu !
» Ces communautés, souvent fort riches, vivent dans l’abstinence et ne se permettent aucun luxe, afin de distribuer aux pauvres l’excédant de leur revenu. Les mew-lewis du Tékié de Péra, à Constantinople, sont les bienfaiteurs du faubourg, et leur schéik, aussi vénérable qu’intelligent, est adoré de tous et consulté souvent par le Sultan lui-même, qui vient au couvent en conférence secrète. Aussi dit-on que cette secte est toute politique; et comme ses membres exercent des professions qui les mettent en rapport avec le peuple, les bien informés assurent qu’ils sont les instruments secrets de la police du gouvernement.
» On comprend aisément à quel point les pratiques mystiques des derwiches, leur réputation de sainteté, leur science, le développement intellectuel que produit un mode d’existence soumis à des conditions si exceptionnelles , doivent les faire regarder par le peuple comme des saints et des êtres puissants. S’agit-il d’une expédition guerrière, ils accompagnent les armées, et sont pour les soldats une force morale indispensable. Puis ils interprètent les songes, guérissent par des re-
mèdes spirituels les maladies de l'âme el du corps. Ces remèdes consistent en prières et attouchements. Ils posent la main sur la tête, font des insufflations mystérieuses sur le front, les yeux ou les oreilles, touchent la partie souffrante, en chassent le mal par des gestes et récitent des prières en arabe (1). En général, ce sont les émirs (celui qui sait dire ou commander), descendants AcFati-mah, Jillc(le Mahomet, et reconnaissables à leur turban vert, qui ont le plus de réputation pour lire sur les malades. J’en ai vu quelques-uns portant, à un cordon pendu au cou, une petite main en argent dont trois doigts seulement sont ouverts comme ceux de nos prêtres lorsqu’ils donnent la bénédiction : ils la passaient sur la partie malade. De là sans doute aussi vient la jet-tatura, ce geste des Italiens pour conjurer le mauvais œil, le destin contraire.
Les émirs remettent .ensuite au malade de petits rouleaux de papier sur lesquels sont écrits des passages du Cour’ann, presque toujours tirés des deux derniers chapitres relatifs aux maléfices, enchantements et sortilèges. Aux uns ils ordonnent de les jeter dans un verre et d’en avaler l’eau; aux autres, de les porter sur eux en amulette. De là les talismans el préservatifs pour les maux à venir : la peste, l’incendie, le tonnerre et les bêtes venimeuses. Ces talismans portent le nom liej a/ïa, nous-skha et hamaïl, el pour qu’ils aient une vertu réelle, il faut qu’ils soient distribués par les der\yisches schelcks. On consulte aussi les émirs pour découvrir des objets perdus ou volés, et détruire le nœud magique, bagh, qui empêche, dit-on, les nouveaux époux d'être unis. Ils préviennent enfin les tristes effets du mauvais œil en
(t) Voyez Journal du Magnétisme, lomc iv, |iage 61.
traçant avec «lu collyre, sur le front des femmes et surtout des enfants, la lettre clif, la première de leur alphabet. Aussi en Orient, hommes, femmes, enfants, jusqu’aux chevaux et aux chameaux , portent-ils des amulettes contre les maléfices, enfermées dans de petites châsses d’or, d'argent ou de soie brodée.
(La suite au prochain numéro.)
VARIÉTÉS.
I-cs trois Jours. — Heureuse époque! je parle du printemps, tu vas voir reparaître les fleurs et la verdure ; les fruits viendront après couronner le travail de l’homme. En sera-t-il de même pour les sciences ? Et lorsque le soleil inondera de. ses rayons la terre toujours féconde, la liberté, cet autre soleil, nous donnera-t-elle les connaissances qui nous manquent et le progrès de celles dont nous avons cultivé les germes? Le tumulte des passions, la vie politique n’ont pas toujours été. favorables à l’étude de la philosophie; on ajourne aux temps calmes la solution des hautes questions, on ne s'occupe que d'une seule chose : établir le principe conquis, assurer le présent. L’homme se promet dès lors de grandes jouissances jusqu’au jour qui amène avec lui les déceptions et vient le tirer de son rêve.
Le philosophe n’obéit point à la voix de tous, il se recueille, plongé en lui-même et comme étranger au sein de sa patrie. Ne sait-il point, en effet,que tout est
passager; il voit les trônes qui s’écroulent avec fracas, les princes dispersés par des tempêtes populaires; mais il n’a rien à gagner à ces grands changements. Les places vides seront bientôt occupées; il n’ira point non plus réclamer une part du festin qui s’apprête. Se rappelant le passé, il pressent, il voit l’avenir; et, s'il ne partage point la gaieté commune, doit-on l’accuser d’in-différence? La tristesse domine en lui les sentiments doux et joyeux; son esquif, placé sur une mer orageuse et remplie d ecueils, a besoin que le pilote veille sans cesse pour lui faire atteindre le port. Mais trêve à ces réflexions ; le charme que j’y trouve ne serait sans doute point partagé par le lecteur; revenons donc au magnétisme.
Qui n’a senti la force de cet agent mystérieux ? Il y a quelques jours il circulait par torrents dans les rues et s’exhalait de tous les corps. Sa vertu échauffait les «âmes et donnait aux membres une vigueur sans égale et toujours nouvelle. Les dalles, les pavés semblaient se soulever d’eux-mèmes, car les mains qui les touchaient paraissaient impuissantes et débiles. Le fer même était rompu, et les grilles protectrices des monuments étaient entraînées au loin comme de si mples clôtures de bambous. Aucune chose n’était impossible alors aux êtres les plus faibles, car la force magnétique avait tout envahi. Rien pourtant ne ressemblait à la colère dans ces jours sans pareils. Qui l’avait dit? On était sûr de vaincre! Les bataillons les plus épais et les mieux aguerris, stupéfiés par une force magique, rendaient les armes sans combat. Us peuvent avouer tout haut leur défaite; n’est-ce pas Dieu qui a voulu qu’il en fût ainsi : tous les temps sont écrits, et lorsqu ils sont venus l’homme vulgaire croit qu’il conduit les événements, tandis qu’il ne fait qu'o-
béir aux impulsions secrètes de la nature et de Dieu.
Ce feu magnétique qui se trouvait dans l’air a disparu, il est retourné dans les cieux, excitant encore sur son passage les éléments. C’est alors que nous vîmes les éclairs et que le bruit éclatant de la foudre vint nous avertir que les décrets de Dieu avaient reçu leur exécution.
Demandez au peuple cette vigueur des trois jours, il ne l’a plus; son enthousiasme a disparu avec la fièvre qui le possédait. Son teint est have; il n’a plus de feu dans les prunelles; étonné de son ouvrage il ne le comprend pas ; nul ne le guidait, il n’avait point de chefs; un vague souvenir des grandes choses qu’il a faites lui reste à peine, lloi d’un jour, il abdique sans remords, attendant d’autres destinées.
Dans ce grand conflit, j’ai cherché vainement les savants, ces pasteurs humains d’autres âges; faux nau-toniers, ils s’étaient laissés surprendre par la tempête, et je me suis dit alors : ils n’ont que la science vulgaire, car ils sont sans vertu ; favoris du pouvoir, partageant ses faiblesses, ils succomberont comme lui, auront mêmes destinées. De l’or, de l’or! il vous en faut beaucoup aussi; c’est là le but de vos arts, de vos sciences ; c’est ainsi que vous êtes sans action sur le peuple et qu'il ne va point à vous pour y chercher des guides. Ah! j'admire sa sagesse autant que je plains votre folie; ses instincts généreux valent mieux que votre science et son labeur est plus utile à l’humanité que tous vos vains systèmes. Maintenant votre embarras commence; sur la place faite il s’agit d’édifier, et il faut encore qu’il vous inspire, car vous êtes incapables; tout chez vous a donc été desséché? Dieu a fui de vos temples et c’est en vain que nous vous sollicitons depuis longtemps d’ou-
vrir les portes de vos édifices à la vérité qui doil les purifier. Vous ne pouvez rien sans elle, et cent fois nous vous l’avons dit : en la repoussant toujours, votre médecine sera mensongère, vos sciences n’auront aucun but.
Voyez la force qu’aurait un homme qui viendrait dire au peuple en parlant de vous : « Qu’ont-ils fait pour » l'humanité pour qu’on les respecte? Rien, pas un » mot, pas un livre qui prouvent qu’ils aimaient les » hommes et qu’ils savaient quelque chose des lois » providentielles. Le matérialisme abject et l’affreux « égoïsme, la courlisanerie la plus effrontée, voilà leurs » titres aux récompenses nationales, et vous les verrez » bientôt, saluant l’èred'un nouveau régime, tendre la » main et demander encore des places. » C’est donc au peuple que nous continuerons de nous adresser, non pour appeler sur vous le mépris, comme nous en aurions le droit, mais pour lui donner la science qui vous manque et les moyens de se conserver, chose que vous ignorez encore et que vous lui vendez cependant. Notre tra-, vail a commencé et le jour de la justice viendra aussi pour nous ; jouissez, soyez heureux si vous pouvez l’être, étant toujours injustes; seulement dépêchez-vous, les nuages qui annoncent de nouvelles tempêtes s’aperçoivent à l’horizon : comme les rois vous serez tous noyés.
Du Potet.
IIApItal magnétique. — L’organisation de l’enseignement du magnétisme est un problème dont la solution préoccupe en ce moment plus que jamais les magnélistes. Chacun propose son moyen pour la réalisation du vœu commun. Les uns, n’envisageant que la théorie, voudraient une chaire; d’autres, plus
presses, proposent de commencer par la pratique, parce qu’elle est immédiatement utile. M. Millet, dont l’ardente philanthropie se manifeste en toute occasion, nous adresse à ce sujet la lettre qui suit.
Très-cher Monsieur du Potet,
Je dois vous faire part d’une idée. Ne serait-il pas temps, dans un moment où l’on nous fait espérer une si grande dose de liberté, d’employer toutes nos forces à cette œuvre de bien dont vous êtes la première colonne; vous qui voyez tant de personnes à qui vous avez donné des convictions, ne pourriez-vous faire appuyer ma demande de beaucoup de signatures pour obtenir l’autorisation d’avoir un local qui pût contenir vingt lits et par conséquent vingt malades dont la maladie serait constatée à leur entrée et vérifiée à leur sortie par la même commission ; notre société Magnélologique vous fournirait bien dix magnétiseurs, et celle du Mesmérisme, j’en suis sûr, en ferait autant. Ce petit hôpital serait sous votre direction, mais il faudrait être à part, ne pas occuper une des salles des hôpitaux, aucun médecin ne pourrait être admis que d’après votre autorisation.
La ville a beaucoup de locaux, une salle pourrait nous être prêtée pour un temps déterminé afin d’y faire nos preuves, je pense qu’elles ne seraient pas longues à faire. Plusieuis endroits pourraient nous être prêtés; le parc de Monceaux,- rue de Courcelle, qui ne sert à rien depuis bien longtemps, bien aéré, avec de beaux arbres, nous conviendrait parfaitement, la nous ferions «les cures magnifi«pies. 11 y a encore le petit hôpital
pour les domestiques de la maison déchue, faubourg du Roule.
C’est pour moi un rêve de bonheur, est-il réalisable actuellement ?
Votre tout dévoué et attaché serviteur et ami,
Millet.
Paris, le 28 février 1848.
Nous sommes certain que la pensée de M. Millet est déjà venue à tous les magnétiseurs, mais ce n’est pas dans ce moment qu’il faut solliciter 1e pouvoir; assurer le présent doit être sa seule occupation. Patience donc, nous obtiendrons ce que nous demanderons, car nos vœux sont humains autant que légitimes.
•
Chronique. — Un manuscrit de Mesmer sur le magnétisme, parfaitement conservé et en partie inédit, vient d’être trouvé à Paris par un de nos abonnés, M. Woog. La découverte de ce document nous a causé une très-grande joie, qui sera, nous n’en doutons pas, partagée |>ar tous nos lecteurs, à qui nous espérons faire connaître cette œuvre posthume du maitre.
— Nous parlions naguère de l’introduction du magnétisme comme élément dramatique sur plusieurs théâtres de la capitale; nous avons à mentionner aujourd’hui le Rôdeur des barrières, petite pièce remplie de scènes magnétiques, favorablement présentées, qui se joue à Beaumarchais. Il y a aussi à l’Ambigu, dans un drame, divers emprunts faits au somnambulisme. Enfin jusqu’à l’Opéra qui est descendu dans l’arène.
Dans le nouveau ballet : les Cinq Sens, sc trouve une scène où nous avons remarqué ce passage :
n Griseldis, qui vient de reparaître, a suivi les mouvements et saisi la pensee d Elfrid. — « Tu voudrais «dormir!... pour retrouver en songe, n’est-ce pas, » celle qui t'échappe toujours?... Eh bien!... à toi *> ce sommeil étrange, plein de rêves divins, qui, dit-ou, » transporte l’âme et la pensée au ciel... » Et par un effet suprême de volonté, étendant vers lui les mains, et l’enveloppant tout entier de son regard, elle semble dire : « Dormez ! je le veux.... dormez ! »
» Le premier geste de Griseldis a fait tressaillir Elfrid, qui ne peut se rendre compte de ce qu’il éprouve...
Bientôt ses yeux demeurent immobiles, son regard devient
fixe... De nouveaux effluves magnétiques le pénètrent tout entier et le plongent dans un complet extase. Soudain, levant les yeux au ciel, Griseldis semble s'écrier : « Séjour de Dieu et des anges,«ouvrez-vous pour lui ! » » Alors commencent pour Elfrid toutes les hallucinations du sommeil extatique. Des êtres surnaturels paraissent au milieu de nuages légers, tenant des harpes, des lyres, et faisant entendre une musique céleste.
» Pendant que ces visions se réalisent, Griseldis remplit une coupe, la porte à ses lèvres et la présente ensuite à Elfrid.., Tout à coup les sons du cor annoncent
1 approche de la chasse, Griseldis se hâte de rompre le sommeil d’Elfrid et s’échappe aussitôt. »
— Les bienfaits de la liberté commencent à se faire sentir en Italie. Le Journal du Magnétisme que nous ne pouvions faire entrer qu’en fraude dans divers Etats, en Sardaigne particulièrement, y circule maintenant aussi librement qu’en France. Le signe sensible, le plus manifeste du changement que nous signa-
Ions, c’est qu’à Turin 011 voit à l’étalage des libraires tous les livres de magnétisme. Ce fait nous a été annoncé et certifié par un inagnétopliile piémontais, M. Durando, qui arrive de ce pays.
Hcvuc des .1 ou rua ci x. — La Tribune Lyonnaise continue, dans son numéro de février et finit dans celui de mars, la relation fort longue d’expériences peu importantes qui ont eu lieu à Dieu-le fit (Drôme).
— Le Lomlon and Paris observer a fait une analyse raisonnée du livre du somnambule américain Davis.
— L’Entracte du 30 janvier fait, en termes très-plaisants, la physiologie de la Mère de Somnambule, à l’imitation de la Mère d’actrice : digne parallèle !
— Le feuilleton du Siècle du 2 entre dans des considérations hostiles au magnétisme.
— Le Conseiller des Dames, journal mensuel dont le titre indique le but, datis son numéro de mars, donne aux dames le conseil de ne pas se faire magnétiser. Les motifs de celte abstension laissent voir que l’auteur est tout à fait au-dessous de la question. N’envisager que le côté moral de la magnétisation et lui donner la prééminence sur le thérapeutique nous parait un très-mauvais conseil, car pour éviter quelques rares abus possibles, on rejette une foule d’avantages certains.
Le Gérant: HÉBERT (deGarnay).
MANUSCRITS DE MESMERv
Notions élémentaires sur U morale, l'éducation et la législation pour servir à l'instruction publique en Franoe.
S X. — FÊTES RÉPUBLICAINES.
Les fêtes des républicains sont les époques et les jours où le peuple s’assemble pour s’occuper et pour se réjouir des moyens de son bonheur.
Ces jours sont principalement consacrés au culte de l'Etre suprême, de XAuteur de la nature, de Dieu.
L’idée de l’Etre suprême ne doit se former que des attributs positives (1) et des perfections qui sont relatives à notre bonheur.
Les attributs dont l’idée de l'Etre suprême est composée sont :
10 Le principe de tous les êtres, la source de l’exis-tance des modifications, du développement des possibilité.
2° La règle de l’ordre et de l’harmonie dans laquelle les êtres coexistent et les mouvements se succèdent.
3° Le principe de notre existance comme de notre conservation.
(I) Voyez la noie, tom. 1", page 19 de ce journal.
TOME VI. — X* 66. — *5 MARS 1848. 6
Les perfections de V Etre suprême relativement à notre bonheur se manifestent le plus immédiatement et le plus généralement par l’influence que tout être animé ou inanimé éprouve du soleil. Le soleil est le moteur central qui anime et vivifie l’espace de son sistème dont nous faisons partie intégrante.
C’est dans cet astre que nous sentons l’idée de Y Etre suprême se réaliser : c’est lui qui aux yeux de tous les peuples en représente les perfections de la manière la plus évidente.
L’objet du culte de l’Etre suprême consiste donc : i° Dans la contemplation des influances de l’astre central.
2° Dans l’observation et dans l’étude de l’enchaine-ment de* causes et des effets, ainsi que des rapports qui existent entre le premier principe et notre existence.
3° En rapportant ainsi notre existance comme notre bonheur à l’Etre suprême son objet est encor de renforcer les motif» naturels de nos actions pour la justice et pour les vertu» sociale»/
4° De rétablir le plus promptement possible l’ordre qui a été troublé dans la société, de ramener la paix et l’amour social..
5» De s’occuper enfin, et de jouir de tous les moyens de bonheur qui dépendent des hommes assemblés en société.
_ ^es jours du rassemblement du peuple seront ceux où il est convenu de se dispenser de travail. Les dimanches ou. les décadis seront donc des jours de fêtes; ils seront cdlébré* de la manière suivante j Dans la matinée, à une heure fixe, le peuple de rha-quecommune ou municipalité, averti par le son des cloches, des tambours, de la trompette ou du canon, selon
les différentes fêtes, s'assemblera dans un lieu hors du temple : le peuple accompagné de la musique dans le cosiume et dans l’ordre des époques de la vie, se rendra en procession dans le temple décoré en salle. Après s’être placé dans le même ordre, et le juge de paix au milieu comme président l’assemblée, on chantera un hymne fait pour élever l’âme vers l’auteur de la nature en célébrant un de ses attributs.
Dans les mêmes vues il sera prononcé un discours par un citoyen ou une citoyenne.
Ensuite 011 s’occupera de la paix et de l’union «ntre les citoyens en faisant justice dans les causes civiles et de police arrivées dans la décade : en présence du peuple assemblé et devant le juge de paix, les parties proposeront leur cause qui sera discutée, et par les témoins présents, éclairée et jugée sur le champs; de sorte que toutes les causes arrivées dans la semaine seront vidées et terminées ce jour-là.
Dans un second discours on célébrera, chaquedécadi, une des vertus sociales en en formant et présentant l’idée et les motifs.
On fera à cette occasion mention honorable des individus qui se seront signalé par une action vertueuse : cpmme aussi on fera mention en sens contraire des actions opposées.
On terminera l’assemblée par chanter un hymne consacré à l'a vertu sociale, à la paix, à l’union, à l'amitié des citoyens.
Apres midi pendant la belle saison le peuple Rassemblera à 'la campagne ©a sous une halle peur assister aux exercices des jeux de la jeunesse ; où l’on observera le même ordre de placement comme dans la matinée ; excepté que les mères qui nourrissent des enfants occu»
peront la première place d’hommes, et puis les vieillards îles deux sexes qui arriveront accompagnés de leurs petits enfants. Pendant ce temps les fonctionnaires publiques s’assembleront pour s’occuper des objets de leurs fonctions. Au coucher du soleil on se retire.
On célébrera 4 grandes fêtes appelées fêtes de l’Etre suprême ou les fêtes du soleil. Ces fêtes seront spécialement consacrées au 4 âges de l'homme. La solemnité se fera dans le chef-lieu de chaque département les jours de deux solstices et de deux équinoxes; elles dureront trois jours.
Les fonctionnaires, un certain nombre des habitants de tous les cantons et des municipalités avec leur jeunesse la mieux instruite en musique, dans les exercices gymnastiques, accompagnée de leurs pères et mères se rendront à la ville désignée pour la fête.
Au levée du soleil, l’heure pour l’assemblée sera annoncée par des canons ; le peuple assemblé sur les grandes places, en costume de fête, se rendra en procession, avec pompe, au grand temple et se placera comme il a été dit.
On commencera le culte par un hymne relative au sujet et à la solemnité de la fête : il sera prononcé un discours sur le même sujet. Les nouvelles loix, s’il y en a, et les élections des fonctionnaires seront promulguées; ensuite les causes et les différents entre les communes seront jugés et terminés. On finira par un chant relative à la paix, l’union des communautés.
Les après-midi le peuple se rassemblera en grande pompe sur la place destinée aux jeux publiques de la jeunesse du département.
Les mères nourrices, avec leurs nourrissons, occuperont, comme il a été dit, les premières places, ensuite
les vieillards des deux sexes accompagnés de leurs petits enfants. Les surveillants conseils de la République avec leurs femmes, les citoyens avec leurs femmes; les élèves des deux sexes séparément.
On donnera dans l’enceinte successivement la représentation des danses et des jeux de différentes espèces des élèves et des jeunes filles du département, qu’on reprendra pendant les trois jours.
Le second jour sera spécialement destiné aux exercices de l’esprit et de divers talents.
Pendant les réjouissances du peuple les fonctionnaires publics de tout le département s’assembleront pour s’occuper des élections, de la comptabilité e t des affaires du département.
Le même jour ils seront payés et liquidés les recettes des impositions.
(La suite prochainement ( I ).)
(I) Les grands événements qui viennent de s'accomplir en France ajoutent à cet écrit un degré d'intérêt, celui de l'actualité; car, quoiqu'il ait 50 ans de date, les ciiconstances sont analogues. La crise financière d'aujourd’hui ressemble à colle dos assignats dont Mesmer propose la solution. Cette considération nous fera hâter la publication des trois chapitres qui nous restent de cet ouvrage, plus social que magnétique, mais non moins important à connaître, puisqu’il nous fait voir notro maître sous un aspect nouveau, qui le justifie pleinement des calomnies dont sa mémoire a été l'objet.
[Note de la rédaction.)
CONFÉRENCES MAGNÉTIQUES.
DE LA MAGIE ET EU MAGNÉTISME EN ORIENT.
(StiitC.)
« En Egypte, comme en Algérie, on trouve les magiciens magnétiseurs, qui presque tous viennent du Maroc. Lorsque les Arabes sont pris de maladies qui échappent à leurs connaissances médicales, ils s’adressent, comme on le voit encore parfois dans nos campagnes, au sorcier, au magicien. Celui-ci sc rend à la maison du malade, suivi d’un cortège de musici. ns dont le nombre dépend du plus ou moins de fortune du patient. Cimbales, tambours , calebasses, rien n’y manque pour exciter le vcrydnl. Ï1 s’installe dans la cour intérieure, debout, la tête en avant cl se balançant alternativement sur chaque pied. Alors les chants el la musique commencent et vont toujours en augmentant; les mouvements du danseur s'accélèrent en proportion ; c'est la même méthode que celle des derwisches pour produire l’extase. Une femme qui l’excite de la voix fait fumer le benjoin sous ses nà-rines; bientôt la frénésie commence, son lui ban tombe, sa ceinture se déroule, il ruisselle de sueur et ses yeux se troublent. Tournant sur lui-même, il se frappe le dos et les épaules d’une corde à nœuds ; c'est le moment d’amener le malade, l’extase estai rivée. 11 s’arrête alors, regarde le patient dans les yeux, lui passe les bras au-
tour du corps et sur la tète, et, le faisant agenouiller devant lui, lui ramène les coudes en arrière jusqu’à ce qu’ils se touchent et que les articulations aient craqué. Alors il caractérise le mal, indique le remède, prononce une prière, et l’opération est finie (1).
» Parmi ces ordres de derwisches, quelques-uns n’ont pas la même moralité, et tous ces débauchés, tous ces santons qui veulent se mettre à l’abri des lois et satisfaire aisément leurs passions, font métier d’aller courir le monde et d’exploiter le fanatisme des populations au prolit de leur paresse et de leur dépravation. Ils allient souvent aux pratiques les plus austères la débauche la plus effrontée, et il faut en avoir été témoin pour comprendre à quel point est grande la superstition qui s’aveugle sur de si évidenles jongleries.
» Ce sont surtout lesbcktaschys, ou derwisches mendiants, et les sejyahh, ou derwisches voyageurs, qui en abusent. Pour obtenir cette influence, ils doivent avoir fait au moins une fois le pèlerinage de la Mecque. Le titre de hadji (pèlerin) leur concilie le respect, la vénération', et les autorise presque à se mettre en dehors de la loi'. De là ces fanatiques qu’on emploie aisément dans les cas politiques pour assassiner et faire de fausses prophéties alin d’égarer et de soulever les multitudes. J’ai vu souvent au Kaire de ces hadjis, santons vénérés, se promener entièrement nus dans les rues de la ville, au milieu de la population, qui non-seulement tolère* mais respecte toutes leurs fantaisies, tous leurs caprices. Celui dont nous donnons ici le portrait (2) est un santon
(1) Celte description est accompagnée d’une gravure que son étendue nous empêche de reproduire. Nos lecteurs désireuk de la connàKrt, t* trouveront dans Y Illustration, n° Î6t, vol. XI, page 43. •*- (Ij VoyM idtm.
abvssinien arrivé de la Mecque au Grand Kaire, et se tenant tout le jour à la porte d’une mosquée ou devant un café fréquenté, et que nombre de femmes venaient consulter, Dieu sait pour quelles causes et dans quel but. 11 était connu pour sa science et faisait partie de la franc-maçonnerie arabe, ainsi que le prouvait une étoile en agate pendue à son cou. Le grade s’indique par le nombre de pointes qui s’y trouvent. Notre franc-ma-çonnerie dérive de celle des Arabes, qui suffit pour la faire comprendre.
» Les francs-maçons musulmans acceptent et reçoivent dans leur loge les francs-maçons chrétiens, persuadés que ceux-ci ne croient pas à la Trinité, qu’ils sont déistes comme eux, et cela leur suffit.
» Il y a encore une autre secte nommée bnyoum, qui a le secret de charmer les vipères et les scorpions; ce sont les psjlles des anciens, ou charmeurs de serpents, qu’on nomme au Kaire gaëidi, du nom de la tribu dont font partie la plupart de ceux qui ont pour métier de détruire les animaux venimeux dans les maisons. Cette même race porte différents noms, suivant les différentes contrées; ainsi on les nomme ghagar dans certaines parties de l’Egypte; kharbut à Alep et zaath à Damas. N’en est-il pas de même de cette race d’origine indienne qui porte les noms de bohémiens, zingari, gipsy ou gi-tanos, et qui ont tous la même origine, la même langue, les mêmes mœurs et les mêmes mystères? Les gaëidi ne pourraient-ils pas être une branche de cette même famille? Ce qui est certain, c’est que leur langage, leur origine et leur religion sont inconnus, et qu’ils sont, comme leurs confrères d’Occident, voleurs adroits, vagabonds, misérables à l’excès, et cependant possesseurs de certains secrets à l’aide desquels ils gagnent pénible-
ICI)
ment leur vie. Méprisés de tous, les Cophles et les Arabes ne les appellent jamais autrement que chiens de païens.
Gaëidi, charmeur de serpents, au Kairc.
’ C’est sur la grande place A’El-yéssan qu’ils exercent leur science, délivrent des philtres, disent la lionne aventure, dansent et chantent pour obtenir, des pauvres habitants du Kaire, quelques paras. Ils habitent à l’extrémité du faubourg et jusque dans les tombeaux de Memphis. Ayant rencontré près de chez moi un de ces hommes dont les haillons bizarres et l’atroce figure composaient un tout fort laid, mais certainement fort pittoresque, je le fis entrer afin d’en prendre un croquis. Il portait sur son dos un sac rempli de serpents qu’il déposa à terre; puis, ayant fait entendre un léger sifflement, cinq ou six de ces animaux s’élancèrent du sac et se dressèrent autour de lui (Voyez la figure, p. 1G9).
» Ces serpents, que les Arabes nomment haji et qu’on trouve dans les sculptures hiéroglyphiques, sous le nom d’eureus, se nomment coluber naja ou vipère naja, et sont connus aussi sous la dénomination portugaise de cobra capello, serpent à chapeau ou à lunettes, à cause des deux raies noires qu’ils ont sur la tète. Leur corps, d’un jaune roux éclatant, est long de quatre pieds; ils sont célèbres par la singulière expansion de la peau du cou, qui s’élargit en éventail. Lorsqu’ils entrent en fureur, ils font entendre un sifflement effrayant, se dressent et balancent leur corps, en dardant une langue effilée ; alors ils s’élancent sur l’ennemi, et leur morsure est des plus dangereuses. Le psylle les calmait et les .votait à volonté en sifflant de diverses manières. Comme -«tonnais sur son pouvoir d'attirer les serpents je le queo.. ^ (|e m’en donner la preuve,
et les scorpions, »* .. ,„1Jfe sunercherie, je le
et, afin de rendre impossible
conduisis dans un vaste jardin après avoir eu soin de le faire mettre entièrement nu et de laisser chez moi son sac de serpents enfèrmé dans une caisse.
» Le gaeïdi commença par se me (Ire à genoux entre des bananiers et des palmiecs au pied desquels coulait un ruisseau, et, après qu’il eut prononcé quelques mots et sifflé d’une étrange façon à plusieurs reprises, je vis, au bout de dix ou quinze minutes, arriver une sorte de vipère, puis bientôt une autre, qu'il ne fit aucune difficulté de prendre dans sa main. Je dus reconnaître qu’il avait réellement le pouvoir dont il s’était vanté, pouvoir acquis sans doute par une étude patiente des mœurs de ces animaux. Au reste, moyennant une certaine somme, on peut être initié; mais il y a une formalité à laquelle on doit se soumettre, et, je l’avoue humblement, je n’en ai pas eu le, courage : il eût fallu que mon homme, pour me communiquer le charme, me crachât dans la bouche, et mon amour de la science n’allait, pas jusque-là.
» Mais les véritables magiciens, ce sont les mogrhoby, hommes de l’Ouest, par rapport à la Mecque (de Mogrhob, ouest), d’où nous avons fait au moyen âge les mogre-bins, souvent nommés dans les Mille et une Nuits. Ils sont de race berbère, race grande, belle, au front intelligent, à l’imagination sombre, originaire des montagnes du Maroc.
» Ce ne sont plus sans doute les mages de la Perse et de l’Egypte, dont la réputation de haute sagesse attirait près d’eux, pour s’instruire et pour les consulter, des hommes comme Pythagore, Platon et Porphyre; ce ne sont plus ces mages ou voyants qui prédisaient l’avenir et que l'histoire nous montre comme soutenant une lutte de miracles contre Moïse, élevé par eux à la cour du Pharaon, où les sciences magiques étaient fort en usage. Les mogrebins ont hérité, sinon de leur caractère élevé, au moins d’une partie de leurs connaissances occultes; ils semblent avoir de ces sciences plus qu’une pratique
aveugle et superstitieuse et cacher sous l’appareil magique «les règles et une théorie. Ce n’est plus la magie blanche des mages, c’«!St-à-dire l’étude raisonnée des sciences physiques et des mystères de la nature, mais c’est la magie noire, la nécromancie, la sorcellerie, c’est-à-dire la connaissance de ces mystères, appliquée à un but immoral, à la satisfaction des passions basses, à la soif de l’or.
» Ces hommes, maintenant encore, comme les sorciers du moyen âge, prétendent, à l’aide de certaines pratiques, sc mettre en relation avec les puissances infernales. Au moyen de l'onction magique à laquelle il faut se soumettre, les sorciers émérites vous envoient au sabbat et vous font causer avec le diable, qui procure l’or, la puissance et le plaisir. Or, la base principale de tous ces philtres, de tous ces onguents, a toujours été, nous le savons, puisée dans les poisons narcotiques, tels que l’opium, la jusquiame, l’aconit, la belladone, le stramoine, l’arnica, le chanvre et autres substances du règne végétal.
» Ils prétendent que l’effet produit dépend des procédés employés, des drogues administrées, et qu’ainsi, suivant les préparations, on enfante les féeries, le paradis, l’amour, ou bien l’enfer et ses monstruosités, la colère et l’assassinat.
« Et qui sait si ces magiciens célèbres, ces astrologues, alchimistes et autres fabricants de philtres et de poisons, fameux dans l’histoire, n’avaient pas trouvé des effets semblables à ceux de l’éther et du chloroforme, qui suspendent la sensibilité et la vie extérieure, et livrent votre corps sans résistance à la main de l’opérateur. Qui sait encore si, sous l’influence extraordinaire de ces nouveaux agents, il ne serait pas possible de tenir
l’esprit en éveil et de l’interroger en 1 absence du corps. Attendons, observons et ne disons jamais non, avant d’avoir sérieusement étudié tous les faits qui se présentent.
» La plupart des habitants du Kaire, qui recherchent avidement les moyens de satisfaire le penchant à l’extase, si général en Orient, se servent ordinairement du hachisch, et prétendent diriger leur rêverie, suivant la dose, la préparation et l’àgede cet électuaire(l). Aujourd'hui qu’un roman célèbre l'a mise à la mode, que des pharmaciens en vendent à qui vèut en acheter, et que quelques personnes commencent à en faire l’essai, il est bon de dire un mot de cette drogue, d’en expliquer la préparation, les effets, et surtout les dangers. Le hachisch est le nom de la, plante dont le principe actif forme, ainsi que l’opium, la base de presque toutes les préparations enivrantes usitées en Egypte et en Syrie. Cette plante que les botanistes nomment cannabis Indien, chanvre de l’Inde, dont l’aspect diffère peu de notre chanvre, vient naturellement dans l’Asie méridionale. Elle était connue des anciens Egyptiens, et le NwsvShî d’Homère n’est pas autre chose. Le chanvre indien est aussi fort usité en homœopalhie.
» La manière dont on prépare ordinairement le hachisch en Egypte est très-simple. On prend la plante en fleur, feuille et racine qu’on fait bouillir dans l’eau avec du beurre frais ; lorsque le tout est réduit par évaporation à la consistance d’un sirop, on le passe et on obtient un beurre de couleur verdâtre, chargé du principe actif. Pour ôter à cette pâle son goût désagréable, on l’aromatise avec la rose, le jasmin ou la bergamolte. On y ajoute parfois du miel et des amandes, en manière
(1) Voyez ce Journal, tome i*r, pages lîï et 15?.
de nougat, de pâte sucrée et filante, comme la pâte de guimauve. Dans d’autres cas, ou y mêle des substances excitantes, telles que cannelle, girolle, vanille, cantha-ride ou gingembre; et pendant les fêles du prophète, j'en ai vu vendre dans les boutiques en plein vent, comme on fait ici de nos sucres d’orge. Le hachisch ainsi préparé en clectuaire, s;î nomme dawamcsk, et est avidement recherché des Arabes. Les feuilles du ha chisch, cueillies fraîches, se fument aussi avec le tabac et agissent énergiquement. La graine, mêlée de tabac et de miel, se fume de même; et à en croire un ouvrage arabe qui traite de cette matière, on obtient avec la jeune pousse, ou Y œil qui parait aux aisselles de la plante, avec la graine, la fleur, les feuilles ou les racines, autant d’effets divers qui, calculés d’après les tempéraments, les modifications des doses et des préparations, donnent à volonté dis lèves de richesse, d’amour, de gaieté ou de mélancolie. Les magiciens du Kaire vous vendent cela avec des étiquettes, comme des pots de pommade; au lieu d’huile de rose ou de vanille, on lit dawamesk de tristesse ou de gaieté. Les Orientaux ont soin, pour augmenter les effets, d’y joindre la musique, les danses lascives, la pipe, le café et les parfums. Pour assurer les effets du hachisch, il est nécessaire et plus prudent aussi de le prendre à jeun. Vingtr cinq ou trente grammes, ce qui fait environ une cuillerée à bouche de dawamesk.,.suffisent pour amener la fantasia, comme disent les Arabes. Tout le monde connaît le saivaoL travail de Silvestre de Sacy, sur la dynastie des asscwsùis, kaehischùu, sur ces fanatiques si célèbres à l’époque des croisades, que le vieux de la montagne ea-voyait, enivrés de hachisch, commettre les meurtres commandés par sa politique.
» Les hachasch, ou mangeurs de hachisch, ont une parfaite ressemblance avec les fous ; et à bien dire, c'est une folie passagère, aiguë, au lieu d’être chronique. Un savant médecin d’aliénés, M. Moreau, de Tours, a étudié sur lui-même les effets du hachisch, pour se rendre compte des causes qui troublent les facultés intellectuelles, et il en conclut au danger d’user de ces diverses substances toxiques, douées d’action plus ou moins vive sur le cerveau. L’aliénation mentale la mieux caractérisée, dit-il, peut en être le résultat immédiat, transitoire ordinairement, parfois durable et permanent. En effet, ces substances sont des poisons pour le cerveau, comme d’autres le sont pour l'estomac, le foie, les intestins. Le protoxyde d'azote, par exemple, produit, en le respirant seulement, les effets du hachisch, arec plus de force encore. Différents gaz, l’odeur de certaines fleurs, de certains arbres, empoisonnent, asphyxient par la respiration. Le benjoin, dont se servent tous les magiciens et parfois les magnétiseurs, est un de ces prfums excitants qui a donné plus d’une névralgie à nos élégantes.
» Si ces substances narcotiques ne nous mettent pas précisément en rapport avec le diable, elles occasionnent de graves désordres dans le cerveau, et rien n’est plus commun en Egypte et en Turquie que l’aliénation causée par suite de l’abus de l’opium, du hachisch et même du tabac. Ainsi la perte de la conscience du temps et des lieux, qu’on remarque chez les aliénés stupides, se présente comme un des symptômes fondamentaux de la modification intellectuelle produite par le dawamesk. Les narcotiques qui commencent par produire un état de rêve, par faire cesser tout rapport avec Je* choses extérieures, amènent par réaction à la stupeur, qui est le terme le plus avancé de l’effet produit, lis sont donc
des agents modificateurs souvent très-puissants de l’organe intellectuel; et si la folie est le résultat plus ou moins prompt de leur action, cela tient à leur propriété de produire, comme les liqueurs alcooliques, l’excitation qui désagrégé pour ainsi dire les facultés intellectuelles, et désorganise le mécanisme habituel de l’intelligence. Que ceux qui, pour se donner un genre oriental, commencent à user de l’opium et du hachisch, sachent bien qu’ils sont dans leur délire tout aussi ridicules, dangereux et blâmables, que les ivrognes qu’on trouve roulants dans les ruisseaux. Comme eux et plus qu’eux ils sont abandonnés à leurs mauvais penchants, car la raison, ce flambeau de nos facultés, ne les guide plus, et ils peuvent, sans s’en douter, commettre des actions coupables, criminelles même : fous volontaires, ils n’auraient pas pour excuse une aliénation véritable.
» D’après ce que nous venons de dire sur l’action toxique des onctions stupéliantes, on doit très-bien comprendre l'influence que les inogrebins, avec leur connaissance des plantes vénéneuses, et à l’aide de quelques secrets puisés dans les traditions des sciences occultes, doivent avoir sur les masses ignorantes dont ils remuent les instincts superstitieux par la terreur, le goût du merveilleux et le vrai qui s’y trouve mêlé. Mais cela ne suftit pas cependant pour expliquer les choses véritablement surprenantes dont nous avons été plusieurs fois témoin nous-mème. Au surplus, je ne veux pas que le lecteur s’en rapporte à un seul témoignage; laissons parler le comte Léon de Laborde, et l’on verra, d’après ce récit, qu’il ne suflit pas d’éveiller les plus fines perceptions par des excitants, mais qu’il faut encore une force, une direction à ces perceptions, et c’est là où se fait sentir l’action, la volonté du magicien. >i
(Ici l’auteur transcrit une partie du savant travail de M. Léon de La borde que nous avons inséré tome u, page 201 ; puis il ajoute : )
» M. W. Lane, dans un ouvrage remarquable, publié en 1837, sur les mœurs des Egyptiens, confirme, par des faits analogues, le récit du voyageur français. Ajoutons, comme témoin de scènes semblables, que presque tous ces magiciens descendent, ainsi que le célèbre Achmed, de cette race forte et fière des Berbères, tandis que ceux sur qui ils agissent, sont, ou des enfants, ou des Nubiens et Abyssiniens, dont le caractère doux et le tempérament nerveux offrent moins de résistance à la volonté bien exprimée.
» Mais si M. de Laborde n’explique pas son secret, nous en donnerons l’idée, en disant que, depuis un an, nous assistons à des expériences magnétiques appliquées à la magie, expériences du plus haut intérêt, qui expliquent les sources de cette magie qui, dans tous les siècles, a eu une si grande influence sur le monde. Le baron du Potet, qui en a conçu le projet et a lancé hardiment le magnétisme dans cette voie nouvelle et inconnue, a reproduit devant nous et avec nous, comme spectateurs et acteurs, de façon à ce que le doute ne soit plus possible pour tous les témoins de ces faits, les scènes du miroir et des lignes magiques, des apparitions et autres effets merveilleux,'en imprimant simplement sa volonté, ses pensées, son influence magnétique sur les symboles qui doivent les représenter. Ces expériences S’, saisissantes, souvent renouvelées, laissent bien loin derrière elles tout ce que la magie a pu montrer jusqu’ici, car c’était alors une force moins connue, plus instinctive, comme tout ce qui est primitif, abandonnée pour ainsi dire à elle-même, jusqu’à Mesmer, qui a su la trouver,
et lui donner une direction que l’expérience rend chaque jour plus certaine. M'oublions pas cependant de rendre à chacun ce qui lui revient, et Paracelse, ce roi des arcanes, comme il se nomme lui-même, qui ouvre l’ére de la philosophie médicale des temps modernes, et convertit désormais les alchimistes en chimistes, était passé si près de cette vérité, qu’il l’avait touchée pour ainsi dire. Dans un chapitre intitulé Ens spiritale, il s’exprime ainsi : « Chaque animal a un esprit parli-» culier. Vous avez le vôtre, j’ai le mien ; eh bien! nos » esprits se parlent entre eux comme il leur plait, sans *> que nos langues s’en mêlent. Vous savez qu’on éprouve » parfois de la sympathie et de l’antipathie pour une » personne qui ne nous a rien fait ni en bien ni en mal; » c’est là encore le fait de ces singuliers invisibles qui, » sans consulter la raison, contractent entre eux des » amitiés et des haines, se repoussent avec obstination, » ou se'poursuivent d’un mutuel amour. C’est la vo-» lonté qui engendre ces esprits souvent opposés à » la raison ; elle les produit par l'énergie de son effort, » comme le silex produit le feu. — Et ne te moque pas » de tout ceci, ajoute-t-il, ô médecin, tu ne sais pas » quelle est la puissance de la volonté. »
» Il expliquait ainsi les croyances aux enchantements, si fortes de son temps, et les dépouillait de toute idée de sortilège et de diablerie, pour les rapporter à une cause naturelle, qui est la puissance de notre volonté, dont l’îCtiôn sort de notre corps pour agir à distance. Eh bien ! cette volonté de Paracelse, étudiée par Mesmer, et aujourd’hui entièrement dépouillée de toutes les fantasmagories sous lesquelles les anciens la cachaient, cette volonté ou magnétisme, comme on voudra l’appeler, conserve tout son intérêt merveilleux, étonne
encore l’esprit, mais ne l’effraye plus, et on doit en conclure l’inutiliié d'exciter comme jadis l'imagination, puissance avec laquelle sans doute il faut compter, mais qui peut déranger le raisonnement, dans un moment où il a l>:;soin de tout son calme pour observer et pour réfléchir à de si hauts problèmes. La magie des anciens sages était donc, sms nu! doute, cette même force naturelle, ce fluide vital, ce magnétisme, comme nous l’appelons aujourd'hui, qui n'a b soin pour se produire que de l'intensité de la volonté, sans les prestiges, dont naguère encore l’enveloppaient les charlatans et les sorciers.
» Ajoutons, comme artiste, que nous n’avons jamais rien vu qui se puisse comparer à la mimique de ces scènes étranges, et cependant si naturelles et si belles, que les peintres, les sculpteurs et les acteurs de génie, dans leurs moments d’exaltation, peuvent à peine en donner une idée.
» Pour nous résumer : tous ces mystères, dans lesquels nous venons de faire une excursion rapide/, et dont nous avons cherché à signaler les différents caractères, comme les différents résultats, se dévoilent et se régularisent. Oui, tout s’éclaire aujourd’hui : l’impossible devient possible; et tout en doutant de certaines choses, on commence à comprendre qu’il faut les voir, les examiner et les étudier, avant de les attribuer à des causes surnaturelles, ou de se refuser à les croire. L’inconnu n’est-il pas plus vaste encore que le connu, et ne reste-t-il pas à l’esprit de l'homme plus de choses à découvrir qu’il n’en sait déjà ? Tous ces diseurs de bonne aventure, gens généralement doués des facultés d’observation, que développait encore l’exercice, et qui, par la forme de la tête, les traits du visage, les habitudes du
corps, les gestes, la voix, l’écriture et le tempérament, devinaient l’avenir et le passé de ceux qui les consultaient, ne sont-ils pas expliqués et dépassés même par les études si profondes des Gall et des Lavater? Et pour ce qui regarde des mystères plus élevés, les rapports entre l’esprit et la matière, ceux-là même qui rejettent entièrement le magnétisme, soit par parti pris, soit par ignorance des faits, soit par incapacité d'observation, sont obligés de le reconnaître supérieur en habileté à tout ce qu’ont fait jusqu’ici les plus fameux magiciens ou prestidigitateurs. »
Ad.vlbert de Beaumont.
SOCIÉTÉ DU MAGNÉTISME DE LA KOI?VELLE-ORLEAKS.
A M.le directeur du Journal du Magnétisme.
Monsieur,
Je vous adresse un exemplaire de nos statuts amendés : ils avaient besoin d’ètre retouchés. Cet exemplaire est revêtu du sceau de la Société.
Nous parvenons à faire faire des progrès à la grande cause de l’humanité, moins peut-être par le peu de bien que nous faisons aux malades, que par le soin que nous prenons d’écarter de nos travaux tout ce qui pourrait nous jeter hors de la route que nous nous sommes tracée dès le principe. Nous n’avons en vue que la santé du corps : à d’autres temps, ou plutôt à d'autres soins, les maladies de l’âme.
Nos séances hebdomadaires ont régulièrement lieu tous les lundis; chaque membre y amène ceux de ses amis qu’il croit susceptibles de prendre intérêt à la chose, et expose ce qu’il a fait, les malades qu’il a vus, leur état, les procédés employés, et les résultats obtenus. De cette manière tous profitent de l’expérience acquise isolément par chacun. Nous nous entretenons de ce que vous faites, de ce qui se fait ailleurs, et nous faisons un .cours théorique qui se renouvelle tous les trimestres. Quand la présence des malades nous le permet, ou bien lorsque d’une façon quelconque nous pouvons démontrer par l’application, nous expérimentons dans nos séances.
Au dehors, nous magnétisons encore, mais nous nous attachons principalement à enseigner dans les familles le peu que nous savons. Il y a grand progrès dans les esprits : le clergé est gagné à la cause du magnétisme, et nombre de médecins en sont venus à conseiller quelquefois la magnétisation. Il est vrai que ce n’est guère que dans les cas où ils désespèrent de leur science, mais c'est déjà beaucoup de la part de ces messieurs, naguère encore si mécontents lorsque le mot seulement était prononcé. Nous en connaissons même qui, à l’exemple des docteurs Jacotot, Notré(1 ), et autres esprits élevés, ne dédaignent pas d’écouter le dire des somnambules, alors surtout que le diagnostic est obscur, comme c’est si souvent le cas.
J’avais eu la pensée de vous adresser l’exposé de quelques cures opérées par le magnétisme ou la médecine somnambulique, mais vous en avez, beaucoup plus que les cadres de votre journal ne vous permettent d’en
(1) Voyez ce Journal, tome v, page 51.
reproduire. Je me borne donc à vous dire combien nous applaudissons à vos constants efforts, et combien nous sommes heureux de concourir, non sans quelque succès, à bâter le dcnoùment de la grande lutte.
Les quelques lignes dont vous avez fait précéder la lettre du prêtre Almignana (1) nous ont surpris en nous apprenant que quelques membres du clergé catholique osent encore faire les récalcitrants, après l'adhésion si évidente de Pie IX. Je suis heureux de vous dire qu’il n’en est pas de même ici : depuis les conférences de Notre-Dame (2), on semble avoir compris quel puissant auxiliaire le magnétisme était à la religion, et je ne sache pas qu’aucun de nos prêtres ait rien dit depuis lors contre cet immense bienfait du ciel. Notre évêque le tolère ; un de nos bons prêtres, il y a quelques mois, engagea une malade à y recourir, la médecine ne pouvant plus rien pour elle; un autre, non moins recom-mandable, collaborateur de la Revue d'Anthropologie catholique, le pratique avec beaucoup de succès, et enfin notre Société a dernièrement eu la satisfaction d’en admettre un des plus instruits au nombre de ses membres.
Le hasard, père de tant de découvertes, nous a fourni l’occasion de constater un fait assez étrange, auquel j’ai donné quelque attention, surtout par souvenir de M. l’abbé comte de Robiano, qui me fit l'honneur de me recevoir, il y a deux ans, lors de mon passage à Bruxelles. Nous avons reproduit ce fait dans plusieurs (^constances variées, et il nous a toujours semblé présenter quelques caractères généraux. Je vais vous le signaler sans aucun commentaire:
(I) Voyez ce Journal, tome v, page 41, 173. o- (2) T m, pag. 324.
Un tube de bon verre, taillé aux deux bouts, longueur 30 à 35 centimètres, diamètre extérieur 0, 03, diamètre intérieur 0. 02, épaisseur du verre, par conséquent, 0. 005, ayant servi à l'insufflation, se trouve magnétisé, mais au moment où l’expérience est faite, sa température ne peut nullement s’en trouver affectée. Une baguette cylindrique, solide, de verre aussi, longueur d’environ 0. 25, diamètre 0. 015, magnétisée aussi par l’usage qu’on en a fait, est glisséedans le tube, comme dans un étui. On la retire après quelques minutes, ou bien on l’y laisse indéfiniment. Au bout de quelques instants ou de plusieurs heures quelquefois, le tube se fend dans sa longueur, totale ou partielle, et circulairement, puis se brise comme par explosion. (Le tube ci-dessus décrit a fait sauter 24 gros débris, et une infinité de petits : il y avait quelques rondelles séparées avec une netteté et une régularité remarquables.) Quelquefois c’est un morceau latéral qui part seul, comme cédant à l’effort d’une puissance expansive.
En général les rondelles terminées en pointe sont exemptes de fente, ce qui semblerait indiquer une action électrique. J’aurais pensé que la force répulsive de la chaleur y était aussi pour quelque chose, s’il n’était évident que son action n’est nullement sollicitée. Enfin l’effet se reproduit lorsque les causes physiques qui sembleraient le déterminer, se sont éloignées.
11 parait que les circonstances sont plus favorables avec le bon verre qu’aveç }♦* commun j avec les tu-* bes épis qu avec les minces. Mais nouâ n’avonè pa* assez d’éléments sous la main pour répéter cet essai jusqu’à nous assurer indubitablement de la part que le fluide humain peut avoir dans ce phénomène.
Les lois connues de la physique ne nous ont pas mis sur la voie d’une explication satisfaisante; quanta celle que nous avons demandée aux somnambules, nous pourrions en reparler une autre fois.
Que cette observation doive ou non conduire à quelque chose d’utile, ce n’était pas la question du moment : celui qui, le premier, vit le couvercle de sa marmite se soulever sous la pression de l’eau bouillante, ne se doutait sans doute guère qu’un jour on naviguerait à la vapeur.
Agréez, pour vous et nos amis, l’expression de tous mes vœux à ce renouvellement d’année.
Joseph Barthet.
Nouvelle-Orléans, î janvier 1818.
VARIÉTÉS.
Cabale. — Destinée. — 11 y a quelque chose de si invariable dans la marche de certains événements qu’on peut sans peine croire qu’ils sont écrits, qu’ils arrivent fatalement, providenciellement; et, comme dans cet ordre tout se passe régulièrement, rien ne s’oppose a ia possibilité d’en calculer la marche et d en prévoir l’issue. Sans prétendre en rien décider si la cabale possède la clef de ces mystères, nous publions à titre de renseignement curieux la lettre suivante :
A MM. les rédacteurs du Journal du Magnétisme. Messieurs,
Les événements qui viennent de se passer en France, les préparatifs pour les empêcher, leur accomplissement en dehors de toute prévision, nous prouve (pie le doigt de Dieu était là ! Comme on le dit vulgairement, il était écrit qu’il devait en être ainsi.
11 y a près d’un an que j’avais préparé le calcul que je vous adresse aujourd’hui ; je me suis vu forcé de le garder en portefeuille, pour éviter quelque fâcheuse affaire, comme il était d’usage d’en arriver à tous ceux qui donnaient, depuis 18 ans, un libre essor à leur pensée. Un gouvernement libéral en eût ri; mais ce gouvernement peureux, soupçonneux, eût vu dans ce calcul une conspiration, et m’eût envoyé au mont Saint-Michel calculer le jour où je retrouverais ma liberté.
Connaissant votre sympathie pour tout ce qui concerne le mystérieux, votre bienveillance pour toutes les croyances dont votre excellent Journal est un dépôt sacré, je vous prie d’insérer cette pièce, si vous le trouvez convenable.
Remarques cabalistiques sur Louis XVI.
Il fui sacré en ... . 4775
Le 11 juin...... 1
— 1
Il était le 16e l.ouis. . . 4
— 6 ‘
Il régna -18 ans..... 1
— 8
Il mou ru i en.....1703 Résultat de celle addition.
Sur Napoléon.
Les revers de Napoléon datent de 4812, à la campagne de Russie; additionnant 1812 cabalistiqucment, en superposant les chiffres les ans sur les autres on trouve le nombre 12, que l’on pose sous 1812 de cette manière. 181&
• 1 _2_
On obtient. . . .1815 Sa chute. Additionnant 1815 de la même façon. \ l’on trouve le nombre 15. . , . . 5
On obtient. . . . 1821 Sa mort.
Sur le nouveau règne des Bourbons.
Ils sont rentrés en. . . 1815 Ajouter ce même nombre sous le premier. ... i
8
1
5
On obtient. . 1830 Leur chute.
Sur Louis-Philippe.
Il fot élu roi en.....1830
En faisant la même opération 1
8
3
0
On obtient. . • 1842 Mort du duc d’Orléans.
Si l'on additionne comme précédemment le nombre fourni par celle opération, on obtient celui de 15 qu'on place sous
1842, ainsi..........-1842
1
5
On arrive à. . . 1848 Sa chute.
Si l'on s’arrête à ces deux opérations, on remarquera qu'elles marquent deux accidents très-sisnilicatifs; on voit que le nombre 18 commence à s'y dessiner. Dans l’opération suivante, il esi bien autrement manifesté; il devait nécessairement marquer les principaux événements de la vie do cet homme. Louis-Philippe est né en 1773; en additionnant ce nombre, on trouve celui de 18, qui, placé comme dans les précédentes opérations, continue pendant plus d’un siècle à se représenter sans pouvoir s’altérer. . . 1773
i
__8
Additionnez denouveau. 1782 Naissance de Marie-Amélic.
Et reportez. . » . 1 __8
Continuez. . . . 4791 Sa'première campagne sous
* d°. 1 le maréchal de Biroiv.
8
d". 1800 En Angleterre, il sollicite sa
d*. 1 grâce du comte de Pro-
8 vehee.
d°. 1809 Son mariage.
1
8
d0-. 1818 Naissance du prince de JoinVille.
Si l'on continue ainsi jusqu’à la fin du siècle, on ne sortira pas de ce nombre.
Si nous voulons pousser ces opérations jusque dans leurs dernières limites, nous ferons celle suivante, qui est très-naturelle et nullement cabalistique. Louis-Philippea régnél7 ans (i mois 17 jours, y compris'le 7 août jour de sa «ominationj
les 17 années à .'105 jours, y compris 3 années bisextiles de
366 jours donnent..........6208 jours.
Les 0 mois, dont 3 à 30 jours et 3 à 31 jours. . 183 d". Les 17 jours, à partir du 7 février au 24. . . 17 d".
On obtient en tout......6108 jours,
additionnés, donnent 18 ou divisés par 18, donnent juste 356 luis ce nombre; on peut dire après un tel calcul, que ses jours de règne étaient comptés, et que le nombre 18 devait infailliblement jouer un rôle important dans la vie de ce profond politique, que 18 ans d’une prudence inconcevable n’ont pu sauver d’une déchéance en 18 heures. Déchéance pressentie par le vole des 189 députés pour l’amendement de M. Sallan-drouze, en faveur de la réforme, ce nombre, additionné caba-listiquement se réduit à 18 :18 votants de plus pour et 18 de moins contre (ils étaient 222), sauvaient sa couronne!
Déchéance accomplie par la victoire des trois jours, 22, 23 et 24 février, en dépit de l’ordonnance du préfet de police qui défendit le banquet le 21. Ces quatre dates additionnées de même se réduisent à 18 (1).
Cet homme qui avait à ses ordres 1800 hommes de police, deux fois 1800 gardes municipaux, deux fois 18 pièces de canon sur les places publiques de la capitale; 18 citadelles,
3 fois 18,000 hommes de troupes, fi fois 18 postes érigés en forteresses, 18 fois 18 députés dévoués, n’a pas eu 18 minutes à lui pour faire ses préparatifs de fuite; cet homme qui avait 18 millions de rente, n’avait pas 18 francs dans sa bourse pour ses premiers besoins, et entraîne dans l’exil avec lui 18 membres de sa famille qui eussent dû, d’après les probabilités, régner sur la France 18 siècles. Il devait sa couronne à trois jours de victoire; il la perdit en trois jours de défaite. Nommé roi le 7 aoùi, ce nombre joint aux 27 , 28, 29 juillet, donne celui de 37 qui se réduit lui-méme à 10, grand contenant de la création, source de l’expansion et de l’absorption, ce nombre annonçait à l’ex-roi qu’il devait rentrer d où il était sorti :sous les pavésll
(I) Je compto 1» heures, à punir du mercredi «olr • heure* où tout > recommencé, su jeudi 3 heure» de ï»prw-midi, heure i Usuelle il fuyait.
Que sont les grandeurs et les prévisions humaines devant île telles déceptions? Que peut l’aveugle raison contre la destinée? Que peut la volonté de l’homme contre la volonté de Dieu?
L. Alp. Caiiagnet.
Chronique. — M. le docteur Gorgeret, auteur d’un petit écrit sur le magnétisme publié à Nantes en 1842, vient de mourir à Montmartre. 11 avait de volumineux manuscrits sur le magnétisme et sur le Sweden-borgisme, qui ont été brûlés par sa veuve; ce que regrettent amèrement messieurs les Jérusalemistes.
M. Gorgeret s’est occupé du magnétisme ou plutôt du somnambulisme jusqu’à la lin de sa vie ; le mérite de ses travaux détruits ne nous était pas connu.
— Il y a au Musée national, qui vient d’ouvrir, un tableau représentant une scène de somnambulisme. Le livret porte : un sujet lucide ; c’est un vieillard endormi, assis dans un fauteuil, entouré de personnages qui paraissent être la famille. Placé à l’extrémité de la grande salle, à droite, ce tableau est vu par beaucoup de monde; il fait ainsi de la propagande.
— Notre ami, M. Laporte, vient de partir en qualité de commissaire du gouvernement provisoire pour l’arrondissement de Dax (Landes).
— Plusieurs magnétistes se présentent aux suffrages des électeurs pour l’Assemblée nationale; ce sont MM. le docteur Ordinaire (Saône-et-Loire), Antonin Dupuv et l’abbé Tranchant (Loire), Pascal, Grénier, l’abbé Châtel (Paris), Achile Doisnel (Manche).
Une assemblée de magnétiseurs est projetée pour s’entendre sur le choix des candidats parisiens. Nous en ferons connaître le résultat.
Rcvnc des ilonrnaïu. — Nous avions prévu et prédit que l’omnipotence des assertions de M. Alexandre Dumas sur le somnambule Alexis serait bientôt contestée; que le même sujet fournirait matière à des assertions opposées, et cela parce (pie la conduite du somnambulisme est soumise à des lois que M. Dumas ignore. Notre prédiction s’est déjà réalisée. M. Jcannel, professeur de philosophie à Rennes, a publié, dans XAuxiliaire Breton, une. lettre à la date du 15 janvier, reproduite par le Courrier de la Gironde du 26 et le Journal de la Vienne du 1" février, dans laquelle il allègue des faits négatifs de ceux dont M. Dumas s’est fait l'éditeur responsable. Cette lettre accablante et malveillante est restée sans réponse, ce qui nous étonne beaucoup, car il était facile de démontrer que dans l’expérience précitée les conditions de manifestation régulière de la lucidité avaient été faussées par M. Jean-nel, et qu’en procédant de la sorte il lui était impossible d'obtenir le résultat contesté. Il y avait là une victoire facile à remporter; MM. Dumas et Marcillet ont mieux aimé courber la tête, ce dont leur contradicteur se prévaut aujourd’hui, et avec d’autant plus d’apparence de raison que la Presse, organe des hauts faits magnétiques de M. Dumas, a refusé l’insertion de l’épî-tre en question.
— Le Constitutionnel du 2 février résume, d’après la Galette des Tribunaux, un procès de somnambule, M1"' Lecofney, demeurant à Paris, rue Fontaine-au-roi, 23; condamnée, ainsi que son magnétiseur, M. Ca«-vailhon, à un an de prison et 50 francs d’amende ponr escroquerie. Les détails de cette affaire sont curieux à lire, mais sans intérêt magnétique.
BIBLIOGRAPHIE.
On lit dans le Franco-Américain, journal français deNew-York, du 11 août 1847.
« Nous avons sous les yeux un livre très-remarquable, publié l’année dernière par D. Appleton et compagnie, écrit en anglais par notre compatriote, M. Théodore Léger, dans un style que ne désavouerait certes pas un native American; cet ouvrage, qui traite de la pratique du magnétisme, contient une foule d’observations fort curieuses, recueillies en grande partie par l’auteur. Deux mots d’introduction nous laissent entrevoir le système théorique à l’aide duquel M. Léger explique les phénomènes magnétiques ; c’est le résultat, dit-il, des combinaisons auxquelles sont soumis des impondérables intelligents, remplissant, dans le monde moral, les fonctions que remplissent, dans le monde physique, la lumière, la chaleur et l’électricité. Notre compatriote nous promet la publication de ce système avec les développements qu’il exige; nous l'engageons fermement, en ce qui nous concerne, à remplir sa promesse aussitôt que possible.
» Le magnétisme en grande vogue à New-York,
il y a quelques mois à peine, y languit aujourd’hui, déconsidéré par l’abus qu’en a fait un charlatanisme effronté; à la Nouvelle-Orléans au contraire, il reçoit l’honneur qu’il mérite à plus d’un titre; une société de 60 magnétiseurs s’y est formée dans un louable but
cl humanité, celui de faire descendre la pratique du magnétisme dans les familles. »
— Les Confessions du docteur Teste sont enfin publiées. C’est un roman en deux volumes qui fera du tort au magnétisme, mais plus encore à l’auteur. Nous en ferons l’analyse pour éviter à nos' lecteurs l’achat d’un livre cher (15 fr.) et inutile.
Nous avons reçu l’ouvrage du docteur Poeti, que le docteur Dugnani nous annonçait comme devant paraître à Turin. C’est un volume in-8°. Il traite de l’homœopa-thie et du magnétisme. Plusieurs observations nous ont paru assez importantes pour être traduites; aussitôt qu’elles le seront nous les publierons.
On vient de réimprimer à Londres l’ouvrage deGeor-ges Sandby, intitulé : Mesmerism and ils opponents. Le magnétisme et ses adversaires. Cette seconde édition est, dit-on, fort augmentée. La connaissance que tous les magnétiseurs ont de ce sujet, partout le même, nous dispense d’analyser le livre du vicaire de Flixton.
Le Gérant: HÉBERT (deGornay).
CLINIQUE MAGNÉTIQUE.
A M. le baron du Pot et de Sennevoy.
Cher Monsieur,
Ma lettre de janvier dernier (1) vous faisait part de diverses cures opérées par moi à l’aide du magnétisme. Depuis, mes occupations ne m’ont pas permis de me livrer à ces bonnes œuvres autant que je l’aurais désiré : cependant, voici quelques guérisons que j’ai faites par le même moyen.
En janvier :
Fille âgée de 28 ans; tremblements nerveux, faiblesse dans les jambes, douleur près du cœur depuis douze jours, — 10 séances, — guérison...
Femme de 36 ans, forte migraine, hallucinations; — l'application de vingt sangsues derrière le cou par ordre de son médecin produit un résultat assez favorable; c v' pendant une nouvelle attaque ayant eu lieu, on a recours au magnétisme; trois séances amènent une guérison complète...
En février :
Fille de 10 ans, genou gauche doublé depuis di>!
.'tiuu *-M,| «!•»> •»! > -i /non ■ institut .! *iuq
(() Voyez tom. iv, pag.
ro*K vi. — « ». — 10 avrii. 1818. 7
jours à la suite d’un fleuron survenu au talon gauche;
— cataplasmes employés sans succès, — guérison parfaite en dix séances...
Homme de 05 ans; attaque d’apoplexie nerveuse, langue prise : séance une heure et demie après l’attaque; au bout de vingt minutes de magnétisation, la langue est dégagée: tète lourde, etourdissements, le pouls n’est pas naturel, — sept séances rétablissent une parfaite harmonie chez le malade qui depuis jouit d’une très-bonne santé...
En juillet...
Homme de 40 ans, panaris depuis deux jours, avorté par deux séances et sorti en un point noir sous la forme et de la grosseur d’une lentille...
Homme de 50 ans, panaris formé depuis cinq jours; après la première séance, cessation de la douleur; encore deux séances, — guérison...
En août...
Filie de 28 ans, inflammation à la joue droite, enflure, chaleur avec douleur depuis deux jours, trois Séances, — guérison...
Garçon de 19 ans, mal d’oreille, côté droit, à la suite de fièvres d’accès; après deux séances passe à l’oreille gauche d’où il disparait après deux autres séances; les oreilles ont rendu de l’eau mélangée de sang et de matières...
Homme de 55 ans, douleurs atroces de névralgie sciatique, les douleurs ont beaucoup diminué après la cinquième séance : la continuation jusqu’à douze séances a permis au malade de faire un voyage. Ce traitement a eu lieu au commencement du mois dernier, depuis je suis sans nouvelles de cette personne.
Le temps ne m’a pas permis de faire beaucoup de
traitements directement ; niais j’ai fait une découverte importante pour ces contrées en essayant de traiter indirectement parle moyen de l’eau magnétisée. J’ai obtenu pour la guérison des fièvres intermittentes, communes dans cette partie du département (Var), des résultats qui ont dépassé mes espérances. En effet, à l’aide de l’eau magnétisée que je prescris au malade au moment de l'accès, à la quantité d’un litre, avec, recommandation de se mettre au lit, j ai obtenu la guérison des fièvres les plus rebelles, dont plusieurs cas de six mois et même un an avaient résisté à tous les remèdes des médecins. Les jours où il n’y a point d'accès, je recommande l’usage de l’eau magnétisée pour eau commune. Une fièvre nouvelle de huit à dix jours se guérit avec une ou deux bouteilles d’eau magnétisée. Une fièvre de dix mois, un an, exige de dix à douze bouteilles. J’en suis au quarante-cinquième cas, mon eau fait bruit, 011 vient en chercher de trois et quatre lieues. Un homme de 40 ans, affligé de ces fièvres depuis plus de quatre ans, est venu de Draguignan (15 lieues) me demander de celte eau.
En raison du service rendu à l’humanité et à la cause magnétique dans cette occasion, je crois pouvoir me permettre de vous demander votre protection auprès du jury magnétique pour obtenir la récompense honoraire promise à ceux qui feront des découvertes utiles. A ce sujet je ferai observer que mon eau magnétisée a sur la quinine une grande supériorité par le plus d’eflicacité d’abord, ensuite parce qu’elle n’irrite point l’estomac, le fortifie au contraire et n’a point de goût désagréable.
Je désire beaucoup avoir votre opinion pour savoir si dans ce cas la guérison est due à une propriété particulière du magnétiseur, ou si toute eau magnétisée peut guérir les fièvres intermittentes. Si vos occupations ne
vous permettent pas de m’honorer d’une réponse directe, veuillez me faire connaître votre opinion.
Je vous salue cordialement. L. Clapier.
Castiüe, le 9 décembre 1817.
— L’usage de l’eau magnétisée n’est pas d'invention récente; tous les magnétiseurs, y compris Mesmer, en ont retiré des avantages divers. Noire ami Juffey, de Ma mers, y accorde une si grande confiance qu’il en magnétise non pas par pinte, mais par tonneaux auxquels les malades de la ville et des environs viennent puiser comme à une source de vie. Des guérisons nombreuses, el de toutes sortes, ont lieu par suite de ce simple traitement, parfois avec une promptitude si grande qu’elle fait crier au miracle.
Il y a là un grand fait à étudier, savoir : s’il est indifférent d’administrer le magnétisme intérieurement en prenant pour véhicule les aliments, liquides et solides, ou extérieurement par les passes. Dans le premier cas il y a encore à rechercher si le rôle du véhicule est inerte. Ces considérations nous ont déterminé à répondre à M. Clapier que nous croyions à l’identité primordiale de l’agent magnétique chez tous les êtres, mais aussi à l’influence morale dont chacun peut le revêtir. Nous pensons qu’une égale somme de magnétisme, émanant d’individus différents, produit le même effet; mais les médicaments à la mode n'agissent souvent qu’en raison du degré de confiance que le médecin a en leur vertu ;n’en serait-il pas de même des magnétiseurs? C’est notre opinion; mais comme elle ne fait pas loi, nous engageons M. Clapier à poursuivre scs utiles recherches par des expériences comparatives dont nous le prions de vouloir bien faire connaître le résultat.
A M. du Potet de Sennevoy.
Monsieur,
Je viens de pratiquer vos préceptes et les leçons que vous m’avezdonnées sur unejeune personne, Julie Duvet, qui, à la suite d’une peur que lui fit un homme ivre en la poursuivant, fut atteinte d’une suppression de règles. Les accidents qui suivirent furent très-graves; elle garda le lit deux mois el fut saignée trois fois; mais tous les remèdes qui furent employés ne firent qu’augmenter les désordres.
Lorsque je la magnétisai la première fois, elle était dans un état permanent de congestion cérébrale; la ligure gon-llée, rouge et violacée; manque de mémoire presque absolu ;difficulléde marcher; sommeil presque continuel; toux suffocante. J’ai commencé son traitement enJa ma-gnétisantehaque soir pendant une heure; le sommeil magnétique se développa tout de suite, mais ce n’est qu’au bout de dix jours qu’elle vit son mal, et toute sa gravité. Le 5 janvier dernier, elle m'annonça que dans la nuit du 15, à une heure du matin, elle serait réveillée en sursaut, et que ses règles paraîtraient pour durer cinq jours avec abondance, et qu’elles reviendraient ensuite régulièrement.
Le 10, j’avais hâte de savoir si sa prédiction s’était réalisée; elle avait bien vu en tous points. Aussi, Monsieur, grâces vous soient rendues pour le bonheur que j’ai éprouvé, en rendant la santé à cette jeune personne, qui doit la vie à votre science bénie; car elle avait déclaré que, sans le magnétisme, nul remède n’aurait été efficace, et qu’elle serait morte dans six mois.
Recevez, Monsieur, mon tribut de reconnaissance, celui que vous doivent tous vos élèves, pour vous prouver que vos enseignements ne demeurent point stériles.
Agl. S.
Pari?, le 15 mars 1848.
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ETUDES SOMNAMBULIQUES.
§ X. — PUYSÉGUR1SME.
Onzième observation.
Monsieur le baron.
Vous avez raison de vous réjouir de l’avéuement de la république qui va donner la liberté à tout et à tous, même au magnétisme; mais je la crois impuissante à l'affranchir des préjugés, de l’ignorance et de la sottise humaine.
Cependant vous devez redoubler d'ardeur et d’espérance, et les magnétiseurs doivent vous prêter un appui plus vivace ; c’est dans ce but que je me propose de vous faire connaître plusieurs prévisions très-curieuses sur lesquelles j’ai dû rester muet jusqu’à leur complet accomplissement.
Vous n’êtes pas sans avoir entendu parler de Madame Génot, excellente somnambule qui a converti le plénipotentiaire de l’russeà Bruxelles. Voici ce qui s’est
passé en ma présence dans son cabinet, au moment du traité de commerce entre la Prusse et la Belgique :
Le conseil des ministres est rassemblé à Laeken, il serait curieux d’envoyer votre somnambule écouter aux portes, lui dis-je, — et la dormeuse de répéter tout ce que disait chacun des ministres; celui-ci s’opposait au traité avec la Prusse; celui-là préférait traiter avec la France; l’autre penchait pour la Hollande; mais le roi ne disait rien. — Bref! que me conseiliez-vous, demanda le plénipotentiaire, dois-je accepter et signer le traité tel qu’il m’est proposé? — N’hésitez pas, répond la somnambule, car il vous est très-favorable; je ne puis vous expliquer pourquoi ; mais vous comprenez bien que votre souverain doit ratifier ce traité; s’il ne l’approuve pas, vous ne pouvez en éprouver aucun désagrément; s’il l’approuve, vous devenez un grand diplomate, vous aurez fait un grand pas dans la confiance de votre souverain ; je vois un avenir très-brillant qui vous attend à Berlin.
Le lendemain le traité proposé par M. Dechamp, ministre des affaires étrangères, fut signé sans plus d’hésitation.
Le diplomate prussien fut peu de temps après promu au rang de conseiller intime et décoré d’un grand cordon ; puis élevé au grade d’ambassadeur en France, d’où il vient d’ètre rappelé à Berlin pour prendre le portefeuille des affaires étrangères.
Le baron d’Arnim, car c’est lui, m’avait prié de ne rien ébruiter de tout ce dont j’avais été témoin, promettant de m’ouvrir la bouche plus tard. J’ai tenu parole jusqu'à l’accomplissement entier de la prophétie. Mais voici le piquant de l’affaire : ayant rencontré M. De-champ qui sortait de l’ambassade prussienne quelques
heures après le fameux conseil de Laekcn, je l'accostai et lui dis : — C’est une chose singulière que ce diplomate prussien soit si bien renseigné. Croiriez-vous qu'il a trouvé le moyen de savoir même ce qui se passe dans vos conseils secrets? — En effet, me répond le ministre étonné, je sors de chez lui et il m’a répété plusieurs choses qui se sont dites; ce n’est certes pas le roi qui les lui a répétées, ni aucun de nous. — Vous le voyez, lui dis-je, en ce temps-ci les murs ont des oreilles.
J’entrai aussitôt chez mon voisin le baron d'Arnim qui me conta comment il venait d'intriguer M.Dechamp, en lui répétant ce qu’il avait dit au conseil, avec cc ton d'aimable raillerie qui fait le fond des conférences diplomatiques. — Allons, mon cher Dechamp, ce que vous me dites ici n'est pas d’accord avec ce que vous avez dit là-bas, ni avec ce qu'ont avancé MM. iNothomb et Goblet ; pourquoi vouloir m'en faire accroire» ça n'est pas bien à vous de tromper vin pauvre diplomate sans malice comme moi, etç.,etc. Bref.... il est resté évident pour lui et pour moi que la somnambule avait touche juste. Si j'étais diplomate ou ministre, je voudrais avoir mes pythonisses officielles qui d ailleurs, en dehors même de leur talent de prévision, m’ont toujours paru raisonner plus juste des affaires de la vie ordinaire, en dormant, que l'avocat le plus éveillé.
En voici un exemple : — Madame, pourriez-vous voir ce que contient une boite fermée? — Je le crois. — Eh bien! c’est nu moyen de convaincre 1 académie tout eutière, d'un même coup, eu la priant de déposer dans une boite bien cachetée des objets qui auraient une forme et un nom; si vous deviniez, ils seraient tous convaincus. — Au contraire, il n’y en aurait pas un seul de convaincu. —Comment cela ? — C’est que cha
cnn accuserait les autres d’avoir éventé la mèche. — Mais, si il un commun accord ils s'en rapportaient an président pour cette opération. — Eli bien! il n’y aurait que le président de convaincu et les autres l’accuseraient d être mon compère. — C’est encore vrai ; mais n’y a-t-il donc aucun moyen de faire des convictions par masse? — Je n’en vois pas; quant aux convictions partielles j en fais tous les jours; tous les malades qui viennent me voir sortent parfaitement convaincus, après que je leur ai indiqué le siège et fait l’historique du mal souvent secret qui les inquiète; en cela, je ne puis me tromper, parce que je ressens leur mal dès qu’ils m’approchent.
En voici assez pour le moment; dans une autre lettre je vous communiquerai des expériences d’une nature tout à fait curieuse et faciles à répéter. Par exemple: je.crois avoir découvert le moyen de faire des somnambules qui ne mentent jamais, qui ne parlent point à vide; qui ne cherchent point à deviner à la façon des gens éveillés. J’ai aussi réussi à faire voltiger le sommeil et le réveil comme une navette d’un individu à l’autre, et vice versa.
Il est une chose qui fait un tort immense au magnétisme, ce sont les sujets hallucinés qui ne s’appartiennent plus et ne voient que ce que vous voyez; ce sont des sujets perdus, dévoyés, qu’on ne peutjamais rétablir sur les rails du bon sens. Il serait bon de tracer une hygiène et un enseignement rationnel, pour la formation de bons somnambules.
Tous ceux qui n’ont pas été bien conduits pendant leur première éducation, n’ont que des éclairs fugitifs ae lucidité qui s’évanouissent promptement; 011 dirait qu ils deviennent fourbus, rétifs et capricieux comme
des chevaux surmenés; en un mot, les bons sujets en cela comme en autre chose sont très-rares.
Recevez, Monsieur le baron, mes très-humbles salutations.
Jobard.
Bruxelles, 1c 31 mars 1818.
— Je remercie M. Jobard de sa communication intéressante, et lui déclare qu'elle me donne une grande impatience de connaître les autres faits qu’il annonce. Si quelques savants voulaient bien faire des recherches analogues le magnétisme irait bon train, mais les hommes éminents et sans préjugés sont rares. Nous consta» tons que la Belgique en possède un.
VARIÉTÉS.
l e Monde nouveau. — A l’ouvrage! à l’ouvrage, soldats de l’avenir; guerre aux abus, à l’ignorance. Arrière tous ces hommes corrompus qui, d* race en race, entretinrent parmi nous des discordes sanglantes. Plus de division, plus d’injustice; du soleil pour tous ainsi que du travail.
Science! noble science, arrive pour guider les phalanges nouvelles qui marchent vers la terre promise;
sois-leur propice, éclaire-les de (on flambeau.... Ainsi s’écrient les âmes généreuses; mais aucun homme de science n’a encore répondu : leur lumière s’est éteinte au souffle des trois jours; comme de la royauté, le sceptre est tombé de leurs mains.
L’Institut n’est plus qu’un sépulcre blanchi; âpres à la curée, le cumul a perdu cette race de savants. Nous l’avions bien dit dans nos jours de tristesse, où, plein de confiance, en leur portant la vérité magnétique, nous ne recevions, pour prix de notre généreux abandon, que d’injurieux démentis.
Qui donc va désormais guider les peuples? Lorsque de toutes parts les trônes sont renversés, quels sont les hommes marqués du sceau de la Providence destinés à gouverner les nations? Où sont-ils? Doivent-ils sortir de l’urne ouverte pour recevoir les noms de tous? Doivent-ils se révéler d’eux-mêmes et apporter les nouveaux dogmes ?
Providence éternelle! manifeste ton pouvoir et la loi, hâte-toi de paraître dans cette confusion des esprits; parle à la foule égarée, car dans cet instant tout est péril et danger, et nul ne sait encore si l’état où nous sommes est grandeur ou démence.
Le pouvoir des rois comme celui des prêtres a perdu sa force et son prestige; la science elle-même ne peut offrir, dans ses milliers d’organes, un seul homme, un seul qui, plein des faits du temps, sache les résumer et dire à la génération : Voici le chemin de l’avenir.
L’arbre est pourri jusque dans ses racines; il n’existe plus aucun rejeton, aucun germe pour faire revivre les grandes traditions du passé. Oh! la colère me saisit, et je ne trouve pointde paroles pour flétrir tant d’outrages. Qui donc punira la lâcheté et la perfidie de ceux qui
avaient dit : Obéissez à notre voix, nous sommes les élus de Dieu ?
La nature est fatiguée de produire des ingrats; elle vient de les abandonner à eux-mêmes, à leurs principes : ils sont fous.
Un inonde à peine soupçonné se jette sur les palais des rois; il vient je ne sais d’où, et dit à son tour : L’Etat, c’est moi; je suis le roi. A l’instant même il trouve et des courtisans et des flatteurs.... Le cri du temps passé se fait entendre à nos oreilles : De l'or, de l’or! Une seule plainte s’exhale de toutes les bouches; c’est de n’avoir point assez de ce métal. Nul ne demande la science véritable, nul ne songe à posséder les vrais biens. Ah! je le dis : les nouveaux venus s’égareront comme les anciens. République ou monarchie ne peuvent se soutenir que par des principes naturels; il ne peut y avoir de liberté, d’égalité, de fraternité parmi les hommes à qui ces connaissances sont ignorées. Ce ne sont plus que des mots sans valeur; ils ne sont propres qu'à entretenir les divisions, à les rendre plus grandes.
Nouveaux gouvernants, établissez donc un culte vrai et uniforme, qui rallie toutes les croyances pour n’en former qu’une seule; faites donc que toutes les hautes sciences partent également de principes vrais, incontestables, qui se rattachent à la nature, à son composé, à ses lois.
Détruisez, pour les reformer sur des fondements nouveaux, ces facultés de médecine où de faux systèmes tiennent la place de la science; n’ont-ils point fait assez de victimes ? N’est-ce point une honte de voir des hommes, ne sachant point se guérir et se préserver, s’imposer aux nations comme des ministres de la nature et comme ses interprètes?...
Est-ce en conservant tout ce qui est faux et mensonger que vous prétendriez fonder quelque chose de durable? Ah! nous vous en défierions; l’édifice que vous élèveriez croulerait de lui même, cl sa chute accuserait votre faiblesse et voire impuissance.
Non ! soigneux de leur renommée et agissant en sages, nos nouveaux législateurs détruiront jusque dans leurs racines ces arbres dont les fruits sont empoisonnés; ces préjugés funestes qui ne laissent aux hommes que des alternatives d'angoisses et de désespoir. Ils donneront à la nation l'exemple si nécessaire des vertus antiques, afin qu’en imitant ses chefs elle se rende digne de la liberté.
Du Potet.
Prévision. — Est-il impossible à l’homme de franchir l’horizon borné de la science; et, se dégageant de l’esprit, l'âme peut-elle plus que lui nous dire l’inconnu, nous révéler l’avenir? Non, disent les faux sages; et reléguant au rang des insensés les prophètes et les sibylles, ils retiennent ainsi tous ceux que leurs dispositions portent à la divination. De toutes parts, cependant, mais toujours en dehors du sanctuaire de la science, on interroge les êtres dont la sensibilité a permis qu’ils tombassent en sommeil magnétique. Mais c’est un travail forcé de l’intelligence, souvent même c’est une communication de pensée du magnétiseur, et les révélations faites ne doivent inspirer qu’une conûance limitée. ,
Ce n’est pas ainsi que l’on doit procéder, nous l’avons dit cent fois. Il faut que la révélation soit toute spontanée, qu’elle arrive au moment où vous n’avez rien solli-
cité de semblable; elle a alors de la valeur, vous pouvez, lui accorder voire foi.
I.e 14 février dernier, une dame fort malade vint de la campagne à Paris pour me demander des conseils sur sa maladie; aprésavoir causé avec elle quelques instants, je lui proposai d’essayer île l'endormir, elle n’avait jamais été magnétisée. Le somnambulisme se déclara presque aussitôt. Mais au lieu de me parler de sa maladie, et de chercher les moyens de la combattre, elle s’écria : Du sang, du sang, je vois du sang...— Quoi, lui dis-je, madame, est-ce (pie vous seriez menacéed’une hémorragie. — Non, reprit-elle avec véhémence, c'est Philippe qui fait tirer sur le peuple, je le vois, réveillez-moi, j ai peur. — Je voulus la calmer, mais la vue du sang lui revenant avec plus de force, je l’éveillai, elle ne se rappela rien.
Cette dame revint après les événements des 23 et 24. Et endormie,sans que je lui aie dit un mot qui ait trait à sa prévision, elle me dit d’elle-même : Je vois encore du sang. Apercevez-vous cet assassin revêtu d'un manteau bleu dont la doublure a de petits pois noirs.
Jl doit frapper sur.......homme que nous aimons tous.
Voyez-vous le sang couler de sa poitrine, il est frappé a mort. — C’est un rêve, lui dis-je, rien n’arrivera de Semblable. Mais cherchant à l’éclairer sans pouvoir la convaincre, je fus obligé de la réveiller pour la soustraire à l’effroi, au malaise quelle éprouvait.
Ce premier fait de vision, je l’ai dit et raconté à bon nombre d’amis, jusqu’au jour où nous avons constaté le grand événement.
Le second fait annoncé; n’est plus un secret pour moi il se justifie ou non, toutes circonstances en sont décrites. S’il se justifie, nous acquérons une preuve de
plus que l’on peut voir d’avance les événements. Nous constaterons de même l’illusion de la voyante, si ce qui est annoncé ne se présente point avec toutes les circonstances décrites.
C’est ainsi que l’on doit se conduire, on ne doit craindre d’annoncer un fait quel qu’il soit, mais en y mettant la réserve commandée par le temps et la prudence. En agir autrement et parler après l’événement, c’est fairq soupçonner de sa bonne foi, ce n’est rien établir.
Paris, 1er avril 1848.
Du PoTKT.
Rapprochement»*. — Nous sommes entourés d’effets dont la cause nous échappe, mais il est si pénible d’avouer son ignorance que l'homme attribue au hasard tout ce qu’il ne peut comprendre. Cependant à côté de ces liaisons inconnues il en est que notre esprit peut saisir; l’analogie nous dit que tout fait a sa loi, et la sagesse nous commande de la chercher, mais il est si difficile d’étudier, si commode de croire, que nous préférons nous prosterner devant l'autel de cet aveugle dieu, parce que ce culte nous dispense de toutes recherches. Hasard! divinité des sots, dont la Paresse et la Vanité sont les prêtresses, le sage traverse ton temple avec mépris, tandis que le sophiste se cache dans la statue pour prononcer des oracles.
Il y a des lois morales comme des lois physiques que l’on ne peut transgresser sans peines; quelles sont-elles? Bien peu sont connues; mais eu présence de certains événements il est impossible de ne pas reconnaître qu’ils sont immuablement régis. Ces faits, désigné*
sons les noms de coïncidences, rapprochements, éphé mérides, etc., sont communs dans l’histoire, mais nou; ne mentionnerons ici que les contemporains.
1° Le Rcgi/ugium, fête célébrée en commémoratioi: «le la fuile deTar«|iiin le Superbe, dernier roi de Rome, correspond an 24 février, jour de la fuite de Louis-Phi-lippe. Ainsi l’élablissement de la Républitpie français» a eu lieu le même jour que la romaine à 2,357 ans d« date.
2° Un patricien nommé Manin fut le dernier doge de Venise, un plébéien du même nom vient d’inaugurer la nouvelle république vénitienne.
3° L'Estafette du 13 mars fait le parallèle, suivanl des circonstances qui ont précédé, accompagné et suivi la chute de Charles X et celle de Louis-Philippe :
]. Le duc de Bcrry, filsde Charles X,
2. Se marie avec une princesse étrangère (sicilienne).
3. De ce mariage nail un fils héritier de la couronne, le duc de Boideaux.
I 4. Sou père, le duc de Berry, meurt assassiné,
I 5. I* 13 février 18Ï0.
6. Dans l’année qui précède la chute ‘de Charles X (1859), le pain sclève h un prix excessif : 1 fr. 50 c.
1 7. Im marche rétrograde du gouvernement, après de magnifiques espérances, e ngage les amis du pays à lui soumellie des conseils sur la crise qui se prépare.
8. Ces conseil» sont méconnus par le pouvoir.
9. Le discours de la couronne, contenant des paroles acerbes et offensantes pour l’opposition (session de 1828),
10. Amène la protestatiou de 221 députés.
11. Prise du dey d’Alger.
12. Ordonnances du 25 juillet qui annulent la liberté de la presse.
13. Lundi soir, ces ordonnances don-1
1. Le duc d’Orléans, fils de Louis-Philippc I'r,
2. Se marie avec une princesse étrangère (meeklein bourgeoise).
3. De ce mariage nail tiu fils héritier de la ronronne, le comte de Paris.
4. Sou père, le duc d’Orléans, meurt par un occident,
5. Iæ 13 juillet 1842.
6. Dans l'année qui précède la chute de Louis-Philippe I" (18*7). le prix du paiu s’élève à un taux excessif : au avril, 1 fr. 24 «*.
7. I.a marche rétrograde du gouvernement, après de magnifiques promesses, engage les hommo* du progrès à lui soumettre des conseils sur la crise qui se prépare.
8. Ces couseils sont méconnus par le pouvoir.
9. Le discours de la couronne, contenant des paroles acerbes et offensantes pour l'opposition (session 1848),
10. Amène la protestation d'un grand nombre de députés.
i I. Prise d Abd-el - Kader.
12. Ordonnance du préfet de police, affichée le î| février, qui annule la liberté de réunion.
13. Le lundi soir, cette ordonnance
«l'ut lieu à des attroupements où sonl lus cl commentés à haute voix les journaux. Ces attroupements sont une espèce de préface à la révolution qui devait écla-11er le lendemain.
14. Ou se révolte contre ces ordonnances, et le pouvoir tombe aux mains des insurgés.
15. Le i(imliat dure trois jours, les 27, 28 et 29 juillet 1X30,
IC. Commençant le mardi el finissant le jeudi (1).
17. Le peuple remporte la victoire sur les troupes royales.
18. La gendarmerie, la première, se présente au combat et succombe.
19. Klle est licenciée.
20. L’inviolabilité royale, proclamée dans la charte de 1811. devient une dérision.
21. Charles X est déchu du trône à Tige de 74 ans,
22. En lévrier, mois de la mort du duc de Berrv.
23. Il abdique en faveur de son pc-tit-lils, le duc de Bordeaux. Agé de 10 ans.
24. Le duc de Bordeaux est présenté comme roi.
25. Il est refusé, et on répond qu’i/
i‘>C trop lard.
26. Un gouvernement provisoire s’établit après la révolution.
27. La famille rpyale est obligée de quitter la France.
28. Elle adopte l’Anglelerie pour terre dVxil.
29. Deux jours après la révolution, il se déclare un orage épouvantable, accompagné d'éclairs et de tonnerre.
30. Mise en accusation des ministres de Charles X.
81. Le chef de la famille meurt sur la terre étrangère.
donne lieu à des attroupements où sou lus et commentés à haute voix les journaux. Ces attroupements sont une espèct de préface à la révolution qui devaii éclater le lendemain.
14. On se révolte contre celle ordim-natice, el le pouvoir tombe aux main-des insurgés.
15. Le combat dure Irais jours, le» 22, 23 et 2'» février 1848,
16. Commençant le mardi cl finissant
le jeudi (1).
17. Le peuple remporte la victoire sur les troupes.
18. la garde municipale, la première, se présente nu combat el succombe.
19. Klle est licenciée.
20. L'inviolabilité royale, proclamée dans la charte de 1830, devient une dé-risiou.
21. Louis-Philippe I" est déchu du trône à l'àge de 74 ans.
22. En juillet, mois de la inorl du duc d'Orléans.
23. Il abdique en faveur de son petit-fils. le comte de Paris. Agé de 10 ans.
24. Le comte de Paris est présenté comme roi.
25. Il en refusé, et on répond qu'iV est trop tard.
26. Un gouvernement provisoire s'établit après la révolution.
27. la famille royale est obligée de quitter le sol de la France.
28. Elle adopte l'Angleterre pour terre d’exil.
29. Dans la journée du 26 février, deux heures après-midi, s'élèvent un ouragan et line temple ellrayante accompagnés d’éclairs et de tonnerre.
30. Mise eu accusation des ministres de Louis-Philippe.
31........... . .. .
Agent magnétique.—Rien n’est plus facile que «le produire un ensemble de phénomènes magnétiques propres à donner la certilude de l’existence d’un agent d’une grande puissance. Il est facile également d’obte-
(1) Mardi, jour de Mars, c'est la guerre; Jeudi, jour de Jnpilcr, diçu supérieur, mallre absolu ; c'est lo triomphe du peuple souverain.
nirde nombreuses guérisons d’affections diverses par le seul emploi du magnétisme, car il est doué de propriétés éminemment curatives. Et s’est ainsi qu’un nouvel art, une nouvelle médecine s’est établie parmi les hommes. Mais lorsqu’on veut savoir quelle est la nature de l’agent nouveau et mystérieux, la raison s’arrête étonnée; elle ne comprend plus, ses recherches sont vaines, tout semble échapper à l’investigation ; cependant il faut avancer,quellesquesoient les difficultés. Nous
connaissons déjà la loi qui préside au développement de certains faits, les conditions rigoureuses de leur manifestation, et c est à ces connaissances que les magnétiseurs se sont arrêtés, pensant à tort qu’elles suffisaient. Un très-petit nombre d’entre eux chercha à sortir de ce cercle, mais la science ne pouvant venir à leur aide, ils s arrêtèrent. En effet, toutes les traditions du passé semblent effacées, il ne reste que quelques traces d’une ancienne science, science divine, possédée autrefois par un petit nombre d’initiés. Comment retrouver au-jourd hui ce qui est enfoui sous tant de décombres amassés par le temps? Il faudrait d’abord être très-versé dans les langues anciennes, et comme les hommes supérieurs d’alors cachaient sous des symboles tout ce qui tenait à la religion, à la philosophie, à l’essence de la nature, il faudrait, par une sorte d’intuition, percer tous les mystères et découvrir ce qui est caché sous toutes les allégories égyptiennes et grecques. Un tel travail est difficile, sinon impossible, et quelle que soit la hardiesse du génie, il doit reculer devant une semblable entreprise. Une chose nous reste cependant, elle est la principale : nous tenons le principe caché à tous le» y* ux, l’agent cause des plus grandes merveilles, et nous allons essayer de soulever le voile; si nous nous éga-
rons, nous n’en aurons pas moins donné dos aperçus du plus grand intérêt. El si nous ajoutons que ce sont ces recherches qui nous ont fait avancer dans la magie et donner les moyens de reproduire des faits d un ordre supérieur, nos lecteurs nous sauront gré d avoir cherché à les éclairer.
Du Potbt.
Singulière attraction. — Les petits lacs de l’Amérique du Nord, dont les rives agrestes et sauvages attirent le touriste, possèdent une, propriété magnétique fort extraordinaire. Le voyageur Maekonsie a , le premier parmi les explorateurs de ces régions septentrionales, signalé la puissance attractive qu a la vase du fond de ces lacs, puissance quelquefois si considérable que les bâtiments ne peuvent qu’à grand peine glisser sur la surface des eaux. On a remarqué ce phénomène surtout sur le lac Rose, près de Marlriees, où, dans fois ou quatre pieds d’eau seulement, il est très-difficile de faire avancer un canot à la rame; on dit même que des navires chargés se sont trouvés en danger de sombrer, et qu’on a dû, pour éviter des accidents, les faire remorquer en toute hâte par des bâtiments plus légers. La même attraction se fait sentir sur le lac Saginaga, où un bateau chargé ne marche qu’avec beaucoup de difficulté. Ces faits extraordinaires ont été confirmés par le capitaine Black et d’autres, pendant leurs expéditions au pôle nord. Une partie du lac Iluron paraît être également le centre d’une attraction magnétique remarquable; il existe, dans ce lac, un endroit constamment surmonté d’une atmosphère fortement chargée d électricité, et l’on prétend que jamais vovageur n’est passé là «ans entendre gronder le tonnerre. (Franco-Américain.)
Chronique. — La conférence «lu 19 mars, à Notre-Dame, a été signalée par un trait qui montre combien nos idées ont progressé dans l’esprit du clergé instruit. Le R. P. Lacordairc, en parlant de la volonté de Dieu comme cause de la création, a invoqué le témoignage des faits magnétiques pour donner une idée, bien imparfaite sans doute, de la puissance créatrice de la volonté divine. L’illustre orateur est entré à ce sujet dans des détails qui prouvent qu’à ses yeux le magnétisme est une vérité démontrée, incontestable. Nous craindrions en rapportant ici les paroles que nous avons entendues d’en trop affaiblir l'entraînante expression. Nous avons voulu seulement, en les mentionnant, constater une nouvelle marque d’adhésion à nos doctrines.
— On voit partout annoncés un Taffetas, des Pastilles, une Pommade magnétiques; composés d’après les révélations de tel et telle somnambule. Puis la réclame des journaux consacrés à celte industrie apprend que ces remèdes, d’une efficacité souveraine contre une foule de maladies, se trouvent au domicile du ou de la lucide pour la bagatelle de... 5 francs.
Ce que nous avons prévu et dit sous mille formes différentes, se réalise; on verra bientôt ce somnambulisme vénal se promener dans Paris avec un cortège de musiciens et une sorte de cornac pour annoncer que la merveille présente est la plus lucide. On montrera aux badauds la pancarte des nombreuses cures opérées par ses recettes pour les engager à monter dans l’équipage afin d’y recevoir, séance tenante, les avis et les emplâtres dont ils pourront avoir besoin.
— Si la liberté pouvait donner la science ce serait bienheureux, car l’ignorance est encore bien grande dans quelques parties de la France. On nous écrit de Caen
que le clergé de cette ville met la magnétisation au nombre dos péchés capitaux. Celte interdiction empêche que plusieurs grandes dames, excellentes somnambules, se laissent magnétiser; et telle est la force du préjugé qu’elles rougiraient même qu’on les sut douées de celte faculté. Une pareille résistance, s’exerçant au nom de la religion, ne peut être vaincue que par une propagande active qui, en émancipant les couches sociales profondes, tonilïe ces esprits débilités par la superstition : c’est la tâche des missionnaires mesmériens.
— Les députés de la république vénitienne auprès de la république française assistaient à notre dernière conférence dominicale; l’un d’eux, M. le comte Nani, est auteur d'un ouvrage sur le magnétisme, en cours d'impression à Florence. Les événements politiques dont l'Italie est le théâtre relarderont un peu la publication de ce livre que les magnétiseurs italiens attendent avec une juste impatience.
— Il y a dans les blessés de février un magnétiseur, M. le docleur Jozwick, médecin polonais; il a été atteint d’une balle au bras droit, à l'a (la ire du boulevard des Capucines.
— Les circonstances critiques qui ont affligé la France n’ont point empêché absolument les magnélistes de nous lémoigner leur dévouement par leur parlicipa-tion pécuniaire au succès de notre entreprise; nous avons à ajouter aux listes publiées de nos actionnaires les noms de : MM. Piétresson Saint-Aubin.
Juffey frères, de Mamers.
Charles Riond.
Ozanne, du Havre.
Lévi (madame\
Lefebvre.
— M. Pascal, typographe, membre de la société du mesmérisme, dont nous avions annoncé la candidature à l’assemblée nationale constituante, vient d'être élu lieutenant-colonel de la 11e légion de la garde nationale de Paris.
— La profession de foi du citoyen Grenier (de Caen), porté candidat à la Constituante, contient un paragraphe sur le magnétisme. C’est le seul qui en ait parlé; il termine en disant avec justesse que c’est le progrès le plus avancé, la science des sciences, la science de Dieu enfin.
— Nos idées lentement introduites en Italie, malgré les entraves multiples d’un despotisme inintelligent, commencent à se repandre de tontes parts. Nous recevons de divers points de la péninsule des nouvelles favorables.
lin de nos amis se trouvait, il y a quelques mois, à bord du Friedland dans le port de Naples ; il y magnétisa avec succès plusieurs officiers, entre autres lechirur-gien en second qui servit à la conviction de tout l’état— major. Le bruit de cet événement se répandit bientôt en ville où des expériences non moins heureuses eurent lieu secrètement sur un médecin devant plusieurs de ses confrères, comme lui parfaitement convaincus de l’existencedu magnétisme, mais en ignorant la pratique. La crainte de la police, encore toute-puissante alors, empêcha la poursuite de cette propagation occulte dont l’effet immédiat fut la conversion de personnages notables.
A Rome, le même voyageur mis en rapports avec des cardinaux influents fut assez heureux pour les amener à des dispositions telles que si l’Eglise était de nouveau consultée, sa réponse aurait un autre caractère que ses précédentes. Que de nouvelles influences s’ajoutent à
celles-ci, et l’opposition si puissante et si injuste du clergé romain cessera.
— On distribue sur les boulevards l'adresse de tireuses de cartes annonçant qu’elles se sont adjoint des somnambules pour dire la bonne aventure et découvrir les secrets... Il était difficile de prévoir ce degré d’abaissement d’une faculté si belle!
— La plupart des membres du comité du Jury magnétique étant absents de Paris par suite des événements politiques, il n’a pu être statué relativement à la distribution des médailles. Un avis ultérieur fera connaître le jour de cette solennité.
— La célébration du 114' anniversaire de la naissance de Mesmer aura lieu le mardi 23 mai; mais au lieu de banquet la réunion sera suivie de soirée. Ce changement est motivé par des considérations pécuniaires auxquelles nul n’est étranger dans les circonstances actuelles.
Revue des Journaux. — Les craintes nées du retrait de l’autorisation accordée au docteur Esdaile de faire connaître au public le résultat de l’épreuve qu’il fait du magnétisme appliqué à la chirurgie et à la thérapeutique sont évanouies. Le Zoist du 15 janvier dit qu’il a reçu :
« Le journal des traitements faits au Mesmeric kospital de novembre 1846, à mai 1847 : avec les rapports des médecins inspecteurs. Imprimé par ordre du gouvernement. »
Celte bonne nouvelle est postérieure de 3 mois à celle qui nous avait causé tant d’inquiétude; ainsi la grande question de l’applicabilité médicale et chirurgicale du mesmérisme aura pu être équitablement jugée; ce que
nous saurons bientôt, puisque la durée de l’expérimentation expirait le 1" décembre 1847.
— L’auteur du feuilleton de l'Union monarchique, du 21 février, a cru faire preuve de beaucoup d’esprit en introduisant, dans l’analyse du ballet de 1 Opéra, cette singulière profession de foi :
« Le magnétisme est à la mode, grâce aux réclames de M. Alexandre Dumas et à son roman de Balsamo. 11 y a dans Griseldis une scène de magnétisme; c’est un prétexte pour amener des femmes aériennes qui passent couchées sur des nuages ; comme je ne crois pas au magnétisme, comme je n’ai aucune sympathie pour le charlatanisme qui en est la base fondamentale, je ne. dirai rien de la scène, etc. »
Cette déclaration est signée Théodore Anne; nous croyons qu’il y a un n de trop dans le nom de ce savant critique : nos lecteurs penseront certainement comme nous.
— Des quatre journaux magnétiques dernièrement publiés à Paris, le nôtre reste seul. Le Somnambule n’a duré qu’un an; la Revue magnétique n’a pu, malgré l’escalade de plusieurs numéros, finir sa deuxième année; enfin la Revue d'anthropologie catholique, qui voulait tout pourfendre, vient aussi de suspendre sa publication, au numéro 2 de sa deuxième année.
BIBLIOGRAPHIE.
OEUVRES DR M. ALPH. DE LAMARTINE.
Les poètes devinent une foule de choses que l’élude même ne révèle pas toujours. Ce qu’on appelle chez eux l’inspiration, n’est qu’une espèce de lucidité extatique, une sorte de lueur prophétique qui leur a valu chez les Latins l’épithéte de vates.
M. de Lamartine possède à un haut degré cette clarté qui fait porter de justes pronostics et découvrir la vérité sous le voile des croyances, des allégories, des symboles ou des pratiques divers qu’ont tous les peuples. Ainsi, en parlant des Arabes, il dit, tome r, page 215 du récit de son voyage en Orient (1).
« ..... Ce peuple ne voit aucun accident de la vie,
aucun phénomène naturel sans y attacher un sens prophétique et moral ; est-ce un souvenir confus de cette première langue plus parfaite qu’entendaient jadis les hommes, langue dans laquelle toute la nature s’expliquait par toute la nature? Kst-ce une vivacité d imagination plus grande qui cherche entre les choses (les corrélations qu’il n’est pas donné à l'homme de saisir? Je ne sais; mais je penche pour la première interprétation; l'humanité n’a pas d’instincts sans motif, sans but, sans cause; l'instinct de la divination a tourmenté tous les âges et tous les peuples primitifs; la divination n
01 Soa.v*uiiyî, impressions, pensées el paysages (tendant ,un .voyage en Orient, l’ari», 1833. i vol. in-S.
donc dû on pourrait donc peut-être exister; mais c’est une langue dont l’homme aura perdu la clef en sortant de cet état supérieur, de cet Eden dont tous les peuples ont une confuse tradition ; alors, sans doute, la nature parlait plus haut et plus clair à son esprit; l’homme concevait la relation cachée de tous les faits naturels, et leur enchaînement pouvait le conduire à la perception de vérités ou d’événements futurs, carie présent est toujours le germe générateur et infaillible de l’avenir, il ne s’agit que de le voir et de le comprendre..... »
Page 242 du même volume, l’auteur raconte sa visite à lady Esther Stanhnpe, nièce du célèbre Pitt, qui vit isolée dans les montagnes du Liban. Cette narration est du plus haut intérêt, mais elle est longue, et l’espace dont nous disposons nous oblige de n’en transcrire que la partie prophétique.
Ayant obtenu l’insigne faveur d’un entretien avec cette femme extraordinaire, M. de Lamartine le rapporte ainsi :
a — Vous êtes venu de bien loin pour voir une ermite, me dit-elle, soyez le bienvenu; je reçois peu d’étrangers, un ou deux à peine par année; mais votre lettre m’a plu, et j’ai désiré connaître une personne qui aimait, comme moi, Dieu, la nature et la solitude. Quelque chose, d’ailleurs, me disait que nos étoile* étaient amies et que nous nous conviendrions mutuellement. Je vois avec plaisir que mon pressentiment ne m’a pas trompée, et vos traits que je vois maintenant, et le seul bruit de vos pas, pendant que vous traversiez le corridor, m’en ont assez appris sur vous pour que je ne me repente pas d’avoir voulu vous voir. Asseyons-nous et causons. Nous sommes déjà amis. — Comment, lui
dis-je, milady, honorez-vous si vite du nom d’ami un homme dont le nom et la vie vous sont complètement inconnus? — C’est vrai, reprit-elle; je ne sais ni ce (pie vous êtes selon le monde, ni ce que vous avez fait pendant ([ne vous avez vécu parmi les hommes, mais je sais ce que vous êtes devant Dieu. Ne me prenez point pour une folle, comme le monde me nomme souvent, mais je ne puis résister au besoin de vous parler à cœur ouvert. Il est une science, perdue aujourd'hui dans votre Europe, science qui est née en Orient, qui n'y a jamais péri, qui y vit encore. Je la possède, je lis dans les astres. Nous sommes tous enfanls de quelqu’un de ces feux célestes qui présidèrent à notre naissance, et dont l’influence, heureuse ou maligne, est écrite dans nos yeux, sur nos fronts, dans nos traits, dans les délinéaments de notre main, dans la forme de notre pied, dans notre geste, dans notre démarche. Je ne vous vois que depuis quelques instants; eh bien ! je vous connais comme si j’avais vécu un siècle avec vous. Voulez-vous que je vous révèle à vous-même? Voulez-vous que je vous prédise vo-tredestinée ? — Gardez-vous-en bien, milady, lui répondis-je en souriant, je ne nie pas ce que j’ignore; je n’affirmerai pas que dans la nature visible et invisible où tout se tient, où tout s’enchaîne, des êires d’un ordre inférieur, connue l’homme, ne soient pas sous l’influence d’êtres supérieurs, comme les astres ou les anges; mais je n’ai pas besoin de leur révélation pour me connaître moi-mème. Corruption, infirmité et misère! Et quant aux secrets de ma destinée future, je croirais profaner la Divinité, qui me les cache, si je les demandais à la créature. En fait d’avenir, je ne crois qu’à Dieu, à la liberté et à la vertu. — N’importe, me dit-elle, croyez ce qu’il vous plaira; quant à moi, je
vois évidemment que vous êles né sous l’influence de (rois étoiles heureuses, puissantes et bonnes, qui vous ont doué de qualités analogues et qui vous conduisent à un but que je pourrais, si vous vouliez, vous indiquer dés aujourd'hui. C’est Dieu qui vous amène ici pour éclairer voire àme; vous êtes un de ces hommes de désir et de bonne volonté dont il a besoin, comme d’instruments, pour les œuvres merveilleuses qu’il va bientôt
accomplir parmi les hommes.....»
Après une longue conversation sur le messie, que nous passons, le narrateur con(inue :
».....Ses yeux, quelquefois voilés d’un peu d’humeur
pendant que je lui confessais mon rationalisme chrétien, s’éclaircirent d’une tendresse de regard et d’une lumière presque surnaturelle. — Croyez ce que vous voudrez, me dit-elle, vous n’en êtes pas moins un de ces hommes que j’attendais, que la Providence m’envoie, et qui ont une grande part à accomplir dans l’œuvre qui se prépare. Bientôt vous retournerez en Europe; l’Europe est finie, la France seule a une grande mission à accomplir encore; vous y participerez, je ne sais pas encore comment, mais je puis vous le dire ce soir, si vous le désirez, quand j'aurai consulté vos étoiles. Je ne sais pas encore le nom de toutes. J’en vois plus de trois maintenant, j’en distingue quatre, peut-être cinq, et qui sait? plus encore. L’une d’elles est certainement Mercure, qui donne la clarté et la couleur à l’intelligence et à la parole; vous devez être poète: cela se lit dans vos yeux et dans la partie supérieure de votre figure; plus bas, vous êtes sous l’empire d’astres tout différents, presque opposés, il y a une influence d’énergie et d’action; il y a du soleil aussi, dit-elle tout à coup, dans la pose de votre tête et dans la ma-
nièrc dont vous la rejetez sur voire épaule gauche. Remerciez Dieu ; il y a peu d'hommes qui soient nés sous plus d’une éloile, peu dont l’étoile soit heureuse, moins encore dont l’étoile, même favorable, ne soit balancée par l'influence maligne d'une étoile opposée. Vous, au contraire, vous en avez plusieurs, et toutes sont en harmonie pour vous servir, et toutes s’entr’ai- lent en votre faveur. Quel est votre nom? —Je le lui dis. — Je ne l'avais jamais entendu ! reprit-elle, avec l’accent de la vérité. — Voilà, milady, ce que c’est que la gloire. J'ai composé quelques vers dans ma vie, qui ont fait répéter un million de fois mon nom par tous les échos littéraires de l’Europe. Mais cet écho est trop faible pour traverser voire mer et vos montagnes, et ici je suis un homme tout nouveau, un homme complètement inconnu, un nom jamais prononcé! Je n’en suis que plus flatté de la bienveillance que vous me prodiguez : je ne la dois qu’à vous et à moi. — Oui, dit-elle, poëte ou non, je vous aime et j’espére en vous; nous nous reverrons, soyez-en certain! Vous retournerez dans l’Oc-cident, mais vous ne tarderez pas beaucoup à revenir en Orient : c’est votre pairie. — C’est du moins, lui dis-je, la patrie de mon imagination. — Ne riez pas, reprit-elle, c’est votre patrie véritable, c’est la pairie de vos pères. J’en suis suie maintenant, regardez votre pied.
— Je n’y vois, lui dis-je, que la poussière de vos sentiers, qui le couvre, et dont je rougirais dans un salon de la vieille Europe. —Rien, ce n’est pus cela, reprit-elle encore, regardez votre pied. Je n’y avais pas encore pris garde moi-mème. Voyez, le cou-de-pied est très-élevé; il y a entre vos lalons et vos orteils, quand votre pied est à terre, un espace suffisant pour que l'eau y passe sans vous mouiller. C’est le pied de l’Arabe; c'est
le pied de l’Orient; vous êies un fils de ces climats, et nous approchons du jour où chacun rentrera dans la
terre de ses pères. Nous nous reverrons.....
» Nous causâmes longtemps ainsi, et toujours sur le sujet favori, sur le thème unique et mystérieux de cette feinmc extraordinaire, magicienne moderne, rappelant tout à fait les magiciennes fameuses de 1 antiquité. Cir-cée des déserts, il me parut que les doctrines religieuses de lady Esther étaient un mélange habile, quoique confus, des différentes religions au milieu desquelles elle s’est condamnée à vivre. Mystérieuse comme les dru/es dont, seule peut-être au monde, elle connaît le secret magique; résignée comme le musulman et fataliste comme lui ; avec le juif attendant le Messie, et avec le chrétien, professant l'adoration du Christ et la pratique de sa charitable morale. Ajoutez à cela les couleurs fantastiques et les rêves d'une imagination teinte dOrient et échauffée de la solitude et la méditation, quelques révélations, peut-être, des astrologues arabes; et vous aurez l’idée de ce composé sublime et bizarre qu’il est plus commode d’appeler folie que d'a-nalyseretde comprendre.—Non, cette femme n est point folle... »
Le drame politique auquel nous assistons justifie l’ensemble de cette prédiction, remarquable, à quelque point de vue qu’on se place pour en juger l’auteur et le sujet.
Un mot nous apprend que la Syrie renferme encore des vestiges de l’antique magie, à laquelle M. de Lamartine attribue la science de lady Esther. Nulle part ailleurs il ne reparle de druzes, mais ce qu’il dit d elle les ferait plutôt ranger parmi les mages que les magiciens, quoiqu’il la qualifie de magicienne.
Mais ce qui nous frappe surtout clans les écrits de M. de Lamartine, c'est la justesse de ses aperçus, la précision de ses jugements, au point qu’on le peut croire lui-même fatiloque. Nous espérons que nos abonnés ne liront pas sans intérêt l’extrait suivant de son Histoire des Girondins, tome iv, page 35. Ce fragment renferme plusieurs traits prophétiques sur la destinée de Louis-Philippe, que la révolution de février s’est chargée d’accomplir, el qui nous oui paru trop remarquables pour ne pas être signalés.
«......Le duc de Chartres, dit-il, s’était fait
accepter des anciens soldais comme prince, des nouveaux comme patriote, de Ions comme camarade.......
Sa familiarité, martiale avec l'officier, soldatesque avec les soldats, patriotique avec les citoyens, lui faisait pardonner son rang. Mais, sous l'extérieur d’un soldat du peuple, on apercevait au fond de son regard une arrière-pensée de prince du sang. Il se livrait à tous les accidents d’une révolution avec cet abandon complet, mais habile, d’un esprit consommé. On eut dit qu’il savait d’avance que les événements brisent ceux qui leur résistent, mais que les révolutions, comme les vagues , rapportent souvent les hommes où elles les ont pris. Bien faire ce que la circonstance indiquait, en se fiant, du reste, à l’avenir et à son sang, était toute sa politique. Machiavel ne l’eût pas mieux conseillé que sa nalure. Son étoile ne l’éclairait jamais qu’à quelque* pas devant lui. 11 ne lui demandait ni plus de lumière, ni plus d’éclat. Son ambition se bornait à savoir attendre. Sa Providence étail le temps; né pour disparaître dans les grandes convulsions de son pays, pour survivre aux crises, pour déjouer les partis déjà fatigués, pour satisfaire et pour.amortir les révolutions. A tra-
vers sa bravoure, son enthousiasme exalté pour la pairie , 011 craignait d’entrevoir en perspective un trône relevé sur les débris et par les mains d’une république. Ce pressentiment, qui précède les hautes destinées et les grands noms, semblait révéler de loin à l'armée que de lous les hommes qui s’agitaient alors dans la révolution, celui-là pouvait être un jour le plus utile ou le plus fatal à la liberté. »
PETITE CORRESPONDANCE.
Avis A toui. - Nos bureaux sont transfères rue Neuv®-del-P*lils-Champl, n” 18-ÏO.
N.-Orléans. — M. Jos. II.— Remis votre lettre à A. G. — Sous n'enverrons plus par V. Hébert. — Il n’a paru, irrégulièrement, de la R. M. que ce que vous avei reçu. — Oui, vous avez été la cause efficiente
des rapports avec le Commandant I.......e. — Le Dr L. ...t, n’a pas
répondu. — Relativement aux tubes de verre l'effet est attribué à d’autres causes. Un mot d’explication paraîtra à cet égard.
Caen. — M. 1’.....r. — Envoyé à Vimoutiors les n“ 20 et 58.
Rambouillet. — M. R....d. — Envoyé la brochure contre la R.
Poitiers. — M.V....e. — L'impression du n* 66 était faite quand sotie lettre est parvenue. — Une lettre vous dira pour les u"‘ relatifs au disque.
Pau. — M. L. reçu l'adhésion ù la S. du M.
Rouen. - M. Th......r. Votre qui.....vous sera prés, par M. Cli,
Londres. — M. Me..c. Manqué l’occasion de M. Mu...y.
Le Gérant : HÉBERT (tleGarnay .
Saint-Cloud. —- Iniprimcrioje Bcliii-AIanilar.
CLINIQUE MAGNÉTIQUE.
Le vénérable M. Laforgue, dont la santé et le grand âge demandaient du repos, est allé passer quelque temps dansune maison de campagne aux environs de Dax.Toujours infatigable à faire le bien, il a signalé son séjour en ce lieu par de nouvelles cures magnétiques, dont quelques-unes sont mentionnées dans la lettre suivante adressée à M. Laporte.
Monsieur,
Je viens m’acquitter auprès de vous de la promesse que je vous fis lorsque vous avez quitté notre pays, de vous mander les soins que le cher commandant Laforgue a donnés aux gens de ma maison.
\° Jean Lonstalot, âgé de plus de 70 ans, avait le côté gauche paralysé. Dans quelques séances, le seigneur lui a accordé de pouvoir se rendre utile dans la maison, et même aujourd’hui il travaille au jardin.
2° Bertrand Tachaire, mon cocher, éprouvait depuis quelques temps une douleur à la nuque, aux épaules et le long de la colonne vertébrale. Il avait perdu le sommeil et souffrait continuellement. Troisou quatre séances ont sufli pour qu’il pût reprendre et continuer son service.
TOME VI. — %’ 68. — S5 AVRIL 1848. 8
:t° Marie Darosès, qui m'a servie quelques jours, éprouvait depuis quelques années une migraine, continuelle ainsi qu’une suppression menstruelle, datant de la même époque. Au bout de dix ou douze jours de traitement elle a été délivrée de ces incommodités.
4° Marie Lausset, lille dernière née, âgée de plus de ‘2 ans, avait la colonne vertébrale et la poitrine tor dues comme une vis d’Archimède et une forte bosse au milieu des reins. La jambe gauche était de trois travers de doigt plus courte que la droite; les cuisses étaient retirées : elle ne marchait point. Après quinze à vingt jours de traitement, la colonne vertébrale, la poitrine et reins ont été remis dans leur état normal; les jambes étant revenues d’égale longueur elle marche très-faeilement.
5° Un autre enfant de la commune, âgé d’environ 3 ans, qui avait une bosse au bas des reins et aussi une jambe plus courte que l’autre, a été guéri à peu près dans le même temps.
Je ne, vous citerai point d'autres faits du même genre; je n’en finirais point; mais je ne puis passer sous silence celui qui suit:
6° Le 17 octobre dernier, un mendiant nommé Jean Serbia, de Ladrons, prés Saint-Girons, en Catalogne, sourd et muet de naissance, âgé d’environ 20 ans, a entendu, iet:parlé dès la première séance. Il a déclaré n'avoir jamais entendu ni parlé de sa vie.
Plus tard je vous rendrai compte des soins particuliers que M.Laforgue m’a donnés il y a quelques années.
ijfai l’honneur de vous saluer.
V* Bordanàve.
Saint-Pandelon (Landes), le 3 novembre 1847.
On n remarqué, avec un étonnement suprême, que l’Allemagne reste presque étrangère au magnétisme. Il y a lieu de s’étonner, en effet, que la patrie de Mesmer soit précisément la nation qui montre le moins d’attrait pour sa découverte. Celte conduite affligeante tient à des causes multiples. Berlin a été quelque temps le centre du mouvement inesmérien; mais la propagande, trompée, a dû chercher asile ailleurs; et depuis vingt ans la Germanie n’a plus guère contribué au progrès du mesmérisme. Mais l’impulsion vivifiante, partie de la France et propagée par l’Angleterre, a de nouveau tout ébranlé : l’Allemagne va suivre ses aînées. Les symptômes de cette réaction favorable sont encore peu nombreux, mais caractéristiques. Nous en avons mentionné plusieurs déjà, en voici 1111 nouveau : ~
Madame Bock, d’Aix-la-Chapelle, récemment convertie au magnétisme, s’est imposé la tâche sublime de répandre par des bienfaits la connaissance de l’agent dont Mesmer nous a révélé l’existence et les propriétés. Elle écrit à M. Durieux de Cambrai une longue lettre sur ce sujet; nous en extrayons le passage suivant :
u ......Je dois vous parler d’une cure que j'ai faite à
Ostende. Une demoiselle que j’avais appris à connaître, souffrait depuis plusieurs années d’un point de côté avec gè:ie de la respiration. Elle avait, depuis cinq ans, fait toute espèce de remèdes; les bains de 111er étaient la dernière ressource, sans que cela lui ait fait le moindre bien. Elle avait lu, par hasard, quelque chose du magnétisme; elle nie demanda si j’y croyais. Oui, lui répondisse, et je vous y ferai croire si vous voulez que je vous magnétise. Elle ne demandait pas mieux. Je m’y
mots sans avoir l’idée que cola pût lui faire du bien. Après avoir fini, je lui (lis on riant : respirez; je parie que votre point de côlé est passé. Et, croyez-vous qu’elle n’a plus rien ressenti? Son étonnement était tel qu'elle n’en revenait pas. Je l’ai encore magnétisée deux fois après, car c'était deux jours seulement avant mon départ, et elle n’a plus été atleinte du moindre mal. Elle était au parfait bonheur, et je vous avoue que cela m’a fait un plaisir infini, etc.... »
Si des exemples pareils étaient fréquemment répétés, nul doute que le magnétisme ne fût. bientôt établi partout victorieux ; malheureusement les guérisons instantanées ne sont que l’exception : d’ordinaire le triomphe est chèrement acheté.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ ROYALE D'HORTICULTURE DE PARIS.
Il résulte d’observations anciennes et d’expériences récentes que le magnétisme peut agir sur les végétaux de la même manière que sur les animaux; c’est-à-dire en augmenter la vitalité et en combattre les maladies. Les faits que la science possède sont encore peu nombreux, mais très-précis. Ils m'ont paru de nature à intéresser tous ceux qui s’occupent de botanique, et j’ai résolu de les communiquer à la Société d'horticulture.
J'espérais d’ailleurs, en faisant celte démarche, servir la cause mesmérienne; mais tout ce qui se dit savant a horreur du magnétisme; et cette tentative est restée, comme toutes les précédentes auprès d'autres corps, d’une entière stérilité.
Je vais raconter brièvement ce qui se passa.
Je me rendis à la séance du 2 février dernier, muni des lettres de MM. Picard et Dugnani, insérées dans ce journal : l'une, tome i", page 477; l’autre, tome vi, page 37, pii relatent des expériences faites sur la végétation des rosiers et la maturation des pêches. Je remis ces documents au président, M. le vicomte Héri-cart de Thury, membre de l’institut.
Après l'adoplion du procès-verbal, M. le secrétaire donna lecture de la correspondance écrite; ma communication en faisait partie; l’usage voulait qu’elle fût lue; mais il la mentionna seulement, disant qu’on y reviendrait à la fin de la séance.
Bien des choses oiseuses furent dites; l’assemblée manifestait depuis longtemps son impatience, lorsqu’enfin M. le président dit: Il reste encore une pièce à lire : le magnétisme; voyons ce que c’est.
Al. Ifrsecrétaire archiviste. — Ma foi! mon collègue en a pris connaissance; qu’il en fasse la lecture s’il veut.
M. le secrétaire-adjoint— lit le titre : «Du magnétisme appliqué aux végétaux. »
Un membre. — Mais si c’est du magnétisme, il est au-dessous de sa dignité de la Société de s’en occuper.
M.Paycn (chimiste). — Sans doute, si c’est magnétisme animal, c’est inutile; si c’était de l’électricité, encore passe.
Un membre. — Lisez toujours.
M. le secrétaire. — Messieurs, il y a des faits.
La lecture commence; mais aux mots de « Somnambule extatique, » les interruptions recommencent.
M. le secrétaire. — Allons! je, passe ce paragraphe.
Il reprend en effet plus loin; on voit qu’il y met de la bonne volonté; mais lorsqu’il arrive à dire: « L'un d’eux (rosiers) fut magnétisé. » Des cris partirent de toutes parts; il fallut cesser cette lecture.
Un monsieur Husard, prenant aussitôt la parole, dit : « C’est trop au-dessous de la dignité de la Société d’en entendre davantage; enfin il faut appeler les choses par leur nom; et, pour moi, le magnétisme est une bêtise. » J’assistais à ce débat, ou plutôt à cette cohue, le cœur-serré; personne ne réclamait contre tant d'injustice; je voulus parler; mais, le bruit croissant encore, il me fut impossible d’établir une discussion, et je me retirai.
J’ai eu depuis plusieurs entretiens isolés avec divers membres de la Société; ils m’ont appris qu’un auteur classique rangeait le magnétisme animal au nombre des stimulants de la végétation. J’ai cherché l’ouvrage pour en faire la citation à la Société et la confondre; mais la révolution est arrivée, et d’autres soins m’ont empêché de poursuivre cette idée.
Je croyais tout fini, et pour l’honneur de la Société, ci-devant royale, d’horticulture, j’aurais enseveli l’histoire de sa partialité scandaleuse; mais une note publiée dans le Constitutionnel, et paraissant émaner d’elle, m’a déterminé à rompre le silence.
On lit dans ce journal, du 10 courant: k Un médecin magnétiseur, amateur fou du jardinage, a entrepris de grandes expériences sur les roses et sur les pêch s. Il retarde, il avance la végétation, la floraison et la fructification à son gré. Les rosiers auxquels il n’adresse pas de fluide, demeurent comme de braves
rosiers vulgaires; ceux qu’il caresse de ses gestes mystérieux s’élancent, se couvrent de fleurs plus Leljes, èt ne se lassent point d’en produire.
» Un seul rameau de pêches grosse-mignonne, traité selon les rites, cinq minutes par jour seulement, et c’est bien peu, lui donne des fruits plus gros de moitié que ceux des branches non magnétisées; les feuilles elles-mêmes se montrent sensibles à l’influence du fluide: elles sont plus grandes et plus épaisses.
» Voilà qui est admirable, si c’est bien vrai, et pourquoi ne serait-ce pas vrai? Je le souhaite, pour mon compte, vu les conséquences. Que de belles fleurs nous aurions à volonté, que de splendides arbustes, quelles moissons plantucnses î Chaque jour, en se promenant autour des cmblavures, dans les sentiers du bois, autour des prés et des chêneviéres, on y ferait des merveilles. Mais ne magnétise pas qui veut; il faut être organisé pour cela, et avoir de la grâce. »
Il est des fleurs sans parfum, des fruits sans saveur, comme il est des horticulteurs sans esprit. Ces braves gens s’imaginent qu’il n’est rien en dehors de leurs plates-bandes, et que la nature est bornée à l’horizon de leurs parterres. Pauvres amants de la belle nature, vous ne comprenez point votre maîtresse; elle a des mystères cachés; et ce n’est pas vous qui soulèverez son voile: vous n’aurez point ses faveurs.
Paris, le 22 avril 1848.
D.'. PlCHARD,
vice-président de la Société magiiétolog qqe.
Les corps savants n’ont jamais pris l’initiative de l’examen du magnétisme; ceux qui s’en sont occupés l’ont toujours fait pour obéir aux longues et pressantes sollicitations qui leur venaient du dehors. L’école médicale de Madras vient de suivre une marche toute contraire; elle a évoqué cette grande question que toutes ses sœurs ont dédaignée. La première elle aura donné la preuve d’un véritable amour de la science, puisque, au lieu de suivre la tradition qui fermait la porte à la vérité, elle marche à sa rencontre. Mais, comme les bons exemples ne sont pas toujours les plus suivis, il est à craindre que celui-ci reste encore longtemps sans imitation.
Voici le fait qui a donné lieu à cette manifesta lion favorable.
Une dame anglaise, femme d’un ecclésiastique, portait à la partie postérieure de l’épaule droite une tumeur sarcomateuse qui, grossissant sans cesse, avait, en moins de trois ans, acquis le volume d’un rognon, dont elle avait aussi la forme. M. le docteur Johnstone, appelé pour en faire l’extirpation, conseilla la magnétisation préalable, afin d’obtenir l’insensibilité; mais la malade s’y refusa longtemps, par la raison que ni elle ni son mari n'avaient foi au magnétisme; enfin elle céda.
La magnétisation commencée le 2 janvier 1847, et continuée quotidiennement pendant trois heures chaque fois, produisit une insensibilité qui fût complète le 9 du même mois. L’opération fut faite en présence du docteur Young, qui avait été requis d’y assister; elle réussit parfaitement.
M. Young ne se borna pas à cette démarche; chirur-
gien en chef de la présidence, il adressa le procès-verbal de cette opération à lecole de médecine: « Avec l’espoir, dit-il dans sa lettre d’envoi, que ce magnifique témoignage de la pratique obtiendra l'attention du gouvernement. »
L’école lui fit répondre:
Monsieur,
Je suis chargé par l’école médicale de vous accuser réception de votre lettre n° 44, et de son contenu, relatant un cas d’opération chirurgicale sans douleur, sous l’influence mesmérique, pratiquée par le docteur Johnstone, de Madras.
L’école vous prie d’avoir la bonté de transmettre se* remerciotents au docteur Johnstone pour sa très-intéressante communication, laquelle est considérée comme devant faire grand honneur à ses talents spéciaux, ainsi qu’à son zèle pour le progrès de la science. L’école se fera un devoir de recommander son rapport à l’attention du gouvernement.
J’ai l’honneur, etc., etc.
Le secrétaire,
Geo. Pbarse, d. m.
Cette affaire fut ensuite soumise au gouverment par les soins et suivant la promesse de l’école. Voici l’accueil qui y fut fait :
« Le très-noble gouverneur, en conseil, a examiné avec beaucoup d’inlérét la communication transcrile ci-dessus, et sera enchanté de recevoir les nouveaux rapports sur le même sujet promis par l’école médicale.
» Sa Seigneurie, en conseil, se joint entièrement à l’école de médecine pour encourager les efforts du docteur Johnstonc dans le cas en question, etc. »
l’our copie conforme : le secrétaire du gouvernement,
C.-A. BftoWNE.
Le docteur Johnstone, encouragé, a publié une petite brochure sur ce cas d’application du magnétisme animal à’ la chirurgie ; nous en extrayons, pour compléter les détails qui'précèdent, le passage suivant-:
« Depuis la1 relation de l’opération précitée, cette question A été sérieusement examinée par l’école d*e médecine; les étudiants s’y sont magnétisés les uns les autres sous la direction du chirurgien surperintendant. chef de cette institution. On a cFabord essayé sur deux élèves indigènes, puis sur quelques étudiants, et enfin sur tous, avec le- plus grand succès. »
Les expériences continuent.
VARIÉTÉS.
Tribunaux. — Nous avons à revenir sur un procès mentionné dans notre avant-dernier numéro, page 190. Cette affaire est revenue devant la cour d’appel de Paris le 8 mars; le Droit, des 9 et 10, l’a longuement détaillée; voici le résumé des faits :
Une jeune fille rencontra au bal Montesquieu , le 13 janvier dernier, une dame qui lui remit sa carte de somnambule, et lui dit être d’une lucidité telle qu’elle voyait et même connaissait les gens qui avaient commis des vols, et par conséquent qu’elle retrouvait les objets voles, etc., etc. La conversation s’était prolongée; la jeune fille, invitée à danser, crut pouvoir confier son châle et son tablier, à la garde obligeante de sa nouvelle connaissance.
Le quadrille fini, elle revint à sa place; mais ses effets et sa compagne avaient disparu. Elle partit à leur recherche; l’adresse était exacte. La somnambule fit l’é-tonnée ; dit qu’elle avait dû rentrer parce qu’il était tard, et qu’elle avait laissé les effets à l’endroit où ils avaient été déposés. Elle ajouta que, si le lendemain la jeune fille voulait venir à 11 heures, son magnétiseur y serait, et que, endormie, elle retrouverait les objets.
On fut exact au rendez-vous. La somnambule parla, dit quelle voyait la voleuse et qu’elle pouvait y conduire. Le magnétiseur dit alors qu’il était certain de retrouver les objets, et demanda combien 011 donnerait pour leur remise. — 20 fr., répond la danseuse. — L’offre fut acceptée. On prit un nouveau rendez-vous, dans une tierce maison, pour effectuer la remise des objets. Le sieur Cavailhon s’y rendit à trois heures, il dit « que, suites indications de sa somnambule, il était allé chez la voleuse, qu’il l’avait trouvée dans un grenier avec deux enfants presque sans vêtements, et qu’il avait feint d être agent de police, et qu’il s’était fait restituer le châle et le tablier, qui étaient en ce moment chez la somnambule, qui les restituerait aussitôt qu’on aurait payé les 20 fr. »>
Le commissaire de police, prévenu, fit arrêter le ma-
gnétiseur comme complice de la somnambule, qui, vraisemblablement, était la voleuse. Interrogé parce magistral, « il persiste à soutenir que tous les renseignements iui avaient été en eflet donnés par la somnambule; mais que, quant à lui, il ne révélerait jamais ni le nom ni l'adresse de la voleuse, alors même qu’on le condamnerait comme complice; qu’il agissait ainsi pour {'honneur du magnétisme, dont il était un des plus fervents disciples, et qu’il ne dévoilerait jamais ses secrets. »
La somnambule fût arrêtée aussitôt, nantie desobjets; elle refusa également de s’expliquer, disant que c’étaient les secrets du magnétisme, et qu’elle ne voulait pas les révéler. Mais elle linit par avouer que le vol avait été commis par elle1, ce dont Cavailhon, ajouta-t-elle, loin d’être son complice, l’avait fortement blâmée.
C’est à raison de ces faits que, le 1" février, intervint le jugement de la septième chambre dont nous avons parlé.
Le sieur Cavailhon seul a interjeté appel.
La cour, après avoir entendu ses explications, l’a déchargé des condamnations prononcées contre lui, et renvoyé des fins de la poursuite.
La justice a prononcé; nous n’avons rien à dire sur les personnes, mais nous ne pouvons nous dispenser de protester contre la doctrine des prévenus, h'honneur du magnétisme ne consiste pas, suivant nous, à abriter des coupables contre l’investigation de la justice. Sans doute, il est des secrets que l’on ne doit point révéler, car souvent le médecin reçoit, comme le prêtre, des confidences sous le sceau du secrel; mais tout acte vil, ignominieux est en dehors de ce qui a toujours été regardé comme sacré. Nous avons gémi souvent de voir le magnétisme profané et servir à couvrir de honteux abus et
un charlatanisme impur. La justice, a pu quelquefois saisir les coupables, le remords atteindra ceux qui ont échappé à l'application de la loi. Nous avons toujours pris la défense de ceux qui étaient accusés injustement; et nous sommes toujours heureux d’enregistrer 1111 acte d'acquittement qui a paru fondé à la justice, lorsque surtout elle a doublement examiné.
Dcslon cl Thouret. — L’histoire des premiers ans du mesmérisme est si compliquée, que, malgré les volumineux documents publiés pour l’éclairer, il reste encore des points obscurs. Les monuments de cette lutte longtemps dédaignés sont maintenant recherchés avec avidité et religieusement conservés. Après les écrits de Mesmer, les plus estimés sont ceux de Desion, son premier élève; c’est à ce titre que nous publions la lettre suivante, dont M. Alexandre-Martin, qui la possède autographe, a bien voulu nous donner communication. Nous publierons successivement tous les documents qui nous tomberont sous la main, car rien ne doit être perdu de cette lutte où la vérité combat le mensonge, où la probité est sans cesse en présence de l'hypocrisie des faux savants.
A MM. les auteurs du Journal de Paris.
Messieurs,
Je viens de lire l’extrait de la correspondance de la Société royale de médecine relativement au magnétisme animal, rédigé par M. Thouret et imprimé par ordre du roi : n’étant pas membre de cette compagnie, je n’ai point le privilège de faire paroitre ma réponse sous des
auspices aussi respectables; mais je vous prie, au nom de la vérité, de vouloir bien l’insérer dans votre journal. Elle parviendra sous les yeux de Sa Majesté, du moins je l’espère, et pourra lui donner une foible idée de la manière dont on traite une question qui, loin d’être décidée, n’a pu encore obtenir d’être examinée sérieusement.
Mon but n’est pas de relever toutes les absurdités de cette compilation; il me suffit de répondre à ce qui m’est personnel. J’observerai cependant que de simples avis adressés par des personnes intéressées à la proscription de la nouvelle doctrine ne méritent pas une grande confiance, surtout lorsqu’ils ne sont revêtus d’aucune forme légale, et qu’ils n’ont d’autre garant de leur véracité que la seule assertion de ceux qui les produisent. N’est-ce pas se jouer du public que de lui offrir de pareils témoignages comme des preuves irrécusables? J’ose affirmer que, de tous ceux qui sont contenus dans l’Extrait de M. Thouret, il en est bien peu qui puissent soutenir un examen sévère, et si quelqu’un résistoit à cette épreuve, il faudrait encore s’en prendre à l’impéritie du magnétiseur, car je ne prétends pas que tous ceux qui se mêlent d’exercer cette nouvelle méthode soient également instruits ni également habiles.
D'ailleurs j’aime à croire que dans le nombre des correspondants de la Société royale plusieurs peuvent avoir été trompés par l’apparence. Il est de fait que certaines crises se prolongent pendant plusieurs jours; de là l’erreur de quelques médecins qui présentent cette situation passagère comme un état habituel de folie; mais que diroient-ils si, lorsqu’un de leurs malades éprouve un délire, on les accusoit de l'avoir rendu fou par leurs remèdes? Et comment ne voyent-ils pas qu’en faisant
honneur au magnétisme d’un semblable pouvoir, ils en reconnoissent involontairement l’existence et ne font qu’ajouter aux motifs de lui prêter une attention sérieuse? Cette réflexion n’auroit pas dû échapper aux correspondants ni à M. Thouret ; mais en lisant l'ouvrage de ce dernier on s’apercevra plus d’une fois que s’il brille par son zèle contre le magnétisme, c:’est presque toujours aux dépens de la saine logique, et que ses propres assertions ne sont pas moins étranges que celles des autres.
Si, comme je le dois croire, il esL plus fidèle dans son Extrait que dans ses discussions particulières avec moi, il n’en est cependant pas plus heureux.
Il cite, page 9, une lettre de M. Chaussier, du 24 septembre 1784, où il. est dit que : «■ Une dame, attachée.à la doctrine du magnétisme, portoit l’enthousiasme à un tel point que, dans une maladie qu’elle éprouva, elle ne voulut aucun remède. »
Cette obstination, qu’on présente comme un crime de lése-médecine, ne paroitra pas sans doute irrémissible, quand on saura que cette dame, après avoir été trè&>-infructueusemenl droguée par M. Chaussier et autre* pendant plusieurs années consécutives;, se soumit an traitement du magnétisme et obtint une parfaite guérison.
M. Ghanssier n’a pas oublié, sans doute, quêtant venn voir cette dame à Paris, où elle étoie depuis quelques mois à suivre le traitement, il fut frappé (ce sont scs propres termes) de la disparition des obstructions^ et surtout de la différence de son pouls..
M. Chaussier n’a pas oublié non plus que, au retour de cette dame à Dijon, il voulut bien examiner *on état, et m’informer de son parfait rétablissement par une
lettre du 22 décembre 1782, dans laquelle il paroit surtout émerveillé de la fonte d’une glande au sein, qui avoit résisté aux fondants de toute espèce.
M. Chaussier a vraisemblablement eu de bonnes raisons pour ne pas faire part de ces particularités à la Société royale; ou M. Thouret ne les a pas jugées dignes de figurer dans son Extrait.
C’est ehcore à M. Chaussier que la Société royale est redevable de la piquante anecdote contenue dans les pages 25 et 26 du même ouvrage. « J’ai vu, dit ce chirurgien, une personne de cette ville écrire à l’un det chefs des traitements magnétiques à Paris, le prier de lui envoyer toutes les semaines une feuille de papier magnétisée, et tous les jours le malade crédule porter sur l’hypochondre le papier merveilleux, vanter ses effets, louer la bonté, la complaisance de l’homme généreux qui, sur une feuille de papier blanc, lui envoye le remède invisible pour tous les maux. »
Je dois charitablement apprendre à ceux qui sont bien aise de connaître les masques, que je suis le héros de cette historiette, qui n’a que le petit défaut de n’ètre pas vraie. Le fait est que je n’ai écrit qu’une seule fois à cette personne, entre laquelle et moi l’on établit si gratuitement cette correspondance hebdomadaire; elle est à même de le certifier, et son témoignage ne sauroit être suspect à la Société royale. Peut-être a-t-elle porté ma lettre sur son cœur, parce qu’ayant soulagé les maux de madame sa mère, je lui en parlois avec un véritable intérét; mais très-certainement elle n’a pas prétendu en faire un topique, car si elle l’a fait, à coup sûr je ne le lui avois pas conseillé.
J’en crois M. Thouret, lorsqu’il assure que depuis le rapport de MM. les commissaires, les différentes com-
pagnies du royaume ont, sur le magnétisme animal, la même opinion que la Société royale; mais sur quoi la fondent-elles cette opinion , n’est-ce pas absolument ira verba magistrorum; peut-on dire «pie la question ait été seulement ébauchée, et doit-on regarder comme sérieux le prétendu examen qu’ont fait MM. les commissaires?
Il est teins que le public sache à quoi s’en tenir, el j’espère bientôt lui procurer cette satisfaction; en attendant, puisque j’y suis forcé, je jette le gant à M.Thouret, qu’il le ramasse.
Je propose de choisir un ou plusieurs malades, d’en constater l’état par tous les moyens connus en médecine, et l’état bien constaté et signé par M. Thouret sera cacheté et déposé.
Les malades, de leur côté, feront l’exposé de leurs maux, de leurs souffrances; le signeront, le cachetteront et le déposeront.
On me fera voir les personnes : je ne les toucherai pas, je ne leur parlerai pas, j’employerai seulement ma méthode pour reconnaître leur état; j’en ferai l’exposé que je signerai et cachetterai, et les trois exposés seront lu* devant M. le lieutenant général de police, douze magistrats et autant de médecins que l’on voudra.
Comme il ne serait pas possible de constater par l’ouverture la vérité des causes que j’aurais assignées aux différentes maladies, nous ferons ensuite un pareil nombre d’expériences sur des animaux qui seront ouverts en présence des mêmes personnes, lorsque j’aurai dressé mon rapport.
Si cette proposition plaît à M. Thouret, il n’a quà l’accepter, du moins ne pourra-t-il pas dire qu’il soit
question, dans (oui cela, d’imitation, d'imagination ni d’attouchement.
Je suis très-parfaitement,
Messieurs,
votre très-humble et très-obéissant serviteur, Deslon.
Paris, ce 4 mars 478b.
Magnétisme de la sottise. Tel est le titre que M. Jobard donne au phénomène qu’il décrit dans la lettre suivante adressée à M.du Potet.
Mon cher maitre,
Je viens vous entretenir des effets du magnétisme de la bêtise humaine qui peuvent servir à expliquer une foule de choses que la philosophie scolastique est tout à fait impuissante à définir, et que vous comprendrez parfaitement, vous, après avoir ressenti les émanations magnétiques révolutionnaires qui remplissaient tout Paris pendant les trois grandes journées.
Lord Chiiterjield a dit, sans pouvoir s’en rendre compte, que plus les masses populaires augmentaient, plus la raison et le bon sens diminuaient.
Il n'est pas un homme supérieur qui ne se soit aperçu, dans la fréquentation des salons, d’un abaissement dans ses facultés intellectuelles proportionnel au nombre des assistants.
Il n’est pas une médiocrité, au contraire, qui n’ait senti doubler son esprit, ses grâces et son amabilité ordinaire; c’est au point que les uns sortent aussi satis-
faits de leurs succès que les autres sortent mécontents de leur stupidité.
Cela provient de l’équilibre intellectuel qui s’établit dans toute rénnion d’êtres vivants. Et, comme de tout temps et partout, les sots sont en majorité, il se produit une moyenne de fluide idéo-magnétique qui prend aux uns ce qu’elle donne aux autres ; en un mot, le sot y gagne ce que l’homme d’esprit y perd.
Ne vous est-il pas arrivé cent fois de perdre toutes vos facultés de discussion, en présence de certaines gens qui faisaient sur vous l'effet d’éponges intellectuelles, et de vous trouver bête, mais bête à ne plus trouver une idée ou une parole raisonnable ?
Ne vous est-il pas arrivé, au contraire, de sentir doubler vos facultés dans la conversation d’un grand homme et de sortir de chez lui avec une dose d’esprit et de moyens inaccoutumés ?
Quintilien a senti et décrit lui-même cet effet, quand il a dit :
Occursus ipse virorum magnorum est aliquid,
Ut ex magno viro, vel ipso lacente proficias.
Ce que Malherbe a probablement traduit en ces termes :
L'esprit fait sortir l'esprit ;
Avec un sot on devient béte,
Mais l'homme gagne au tête à téte Quand il sait choisir ses amis.
L’observation est vraie, mais l’explication de cet effet appartenait au magnétisme. Ecoutez les fâcheuses conséquences qui en résultent : quelquefois, elles seules
rendent compte de la destruction îles grandes Babylo-nes ; c’est, je crois, le moyen dont se sert la Providence pour les empêcher d’acquérir un embonpoint exagéré, monstrueux et dangereux. Plus une capitale grandit, moins le tourbillon des affaires, des plaisirs et des distractions de toute espèce laisse de temps à la réflexion.
L’homme peut bien penser, se souvenir et sentir; mais il n'a plus le temps de penser qu’il pense, de se souvenir qu’il se souvient et de sentir qu'il sent; en un mot, il en est réduit aux facultés de l’animal de Flourcns; il ne réfléchit plus, et il finit par perdre petit à petit l’habitude de la réflexion. C’est alors qu’il ne faut qu’une cause souvent futile, un banquet, un bonnet à poil, un mot pour fa're faire d’un commun accord aux masses, une faute énorme, une bêtise colossale, qui détruit en un seul jour les plus brillantes Babylones de la terre.
Ainsi, pour économiser '2 ou 300 millions par an, on sacrifie dix milliards en un jour, ce qu’avec un instant de réflexion un cénobite ou un campagnard eût pu prévoir et prophétiser aux citadins, pour les empêcher de prendre le mors aux dents, car il y a toujours eu des prophètes; mais le métier n’a jamais rien valu, parce qu’on les réduit toujours à la triste pitance d'Ezéchiel, et personne n’est désireux de manger sous les murs de sa Jérusalem des épinards sans assaisonnements.
A propos de mors aux dents, n’est ce pas un effet magnétique qui fait que sur deux ou quatre chevaux attelés, si l’un prend le mors aux dents tous le prennent en même temps et se précipitent tête baissée contre un mur ou dans un abime; fussent-ils cent ou cent mille, la contagion se communiquerait à tous : on a vu des populations entières se dépouiller de leurs vêlements, en
plein hiver et se mettre en route à cloche-pied, pour de très-longs voyages, sans savoir où elles allaient.
(juos vult perdere Jupiter dementat.
Ceci revient à dire, mon cher maitre, que vous êtes tous un peu fuus et que vous seriez abîmes sans le grand magnétiseur, qui seul n’a point encore perdu la tête et qui vous a déjà sauvés vingt fois depuis 1111 mois par sa présence d’esprit et la puissance magnétique que sa parole exerce sur les masses.
Lise/, ceci à votre meilleure somnambule parisienne et demandez-lui si tout ce que contient cet article dicté par son confrère bruxellois n’est pas de tous points conforme à la vérité.
Jobard.
Bruxelles, 7 avril 1818.
Chronique. — Parmi les nombreuses caricatures faites sur l’ex-roi depuis le 24 février, il en est une qui le représente magnétisé par son ami Guizot. Il est supposé somnambule; et celui-ci l’interroge sur l'avenir : il v voit beaucoupde choses, mais non la république.Cette mauvaise plaisanterie paraît inspirée par une pensée de critique des somnambules, qui voient ce qui est éloigné et non ce qui les touche.
— Notre ami Amédée Thuillier vient de composer une nouvelle chanson : La meilleure des républiques ; nous en extrayons le couplet suivant qui a trait au ma-gnélisme :
Malgré d'Iourds savant?.
Les portes de (‘Académie,
Vont à deux battants,
S'ouvrir pour tout liomm' de génie.
Aveuglés, les hiboux
Vont rentrer dans leurs trous.
A l'institut, — tardif hommage ! —
De Mesmer on verra l'image ;
Mais il nous faudra Plus d'un jour pour ca!
— Il va, nous assurc-t-on, bientôt paraître un opuscule mystique dont l’auteur, M. Morin, se dit « Docteur par la grâce magnétique, »
— Aucun des magnétistes dont nous avons annoncé la candidature à la constituante n’a été élu; de même que plusieurs autres dont nous n’avons pu parler, tels que MM. Foissac, Bésuchet, Ch. Lesseps, Marchande Calvi), Alph. Esquiros (Paris), Aubin Gauthier (Seine-et-Oise), Hennequin (Bouches-du-Rhône), etc. Néanmoins noils comptons quelques partisans dans la nouvelle assemblée. Ce sont :
MM. Lacordaire, représentant des Bouches-du-Rhône. James deMontry, ... de la Côte-d'Or.
Trousseau,......d’Eure-et-Loir.
Gréa,........ . du Jura.
Considérant,.....du Loiret.
Marchai,.......de la Meurthe.
Reverchon,......de Saône-et-Loire.
De Lamennais, .... de la Seine.
Louis Blanc,..... —
De Remilly,.....de Seine-et-Oise.
Il y en a, vraisemblablement, encore d’autres qui, de près ou de loin, tiennent à nos idées; mais ceux-ci sont les seuls dont l’opinion manifestée nous soit connue.
— Un de nos abonnés qui connaît parfaitement tout ce qui a rapport à la verrerie, nous a écrit au sujet de la note de M. J. Barlhet, sur les tubes de verres (voyez ci-devant, page 183). Il résulte de celte communication que le fait en question est connu de temps immémorial, que la première recommandation faite aux apprentis souffleurs de verre, émailleurs, fabricants de perles, etc., est de ne jamais mettre de tubes l’un dans l’autre, parce qu’ils cassent presque toujours. La science n’a pas encore pu expliquer ce fait; on sait seulement que la recuite, convenablement prolongée, prévient cette rupture. D’après ces données de l’expérience, on peut donc conclure que le magnétisme n’est pour rien dans la production du phénomène précité.
Nécrologie. — M. le docteur Guersent, membre de l’académie de médecine, vient de mourir dans un âge assez peu avancé. Membre de la commission d’examen du magnétisme, il en suivit les travaux de 1826 à 1831, et signa le rapport si favorable de M. Husson. M. Guersent était un homme distingué, mais faible; l’académie ne voulait pas du magnétisme : il se soumit à sa volonté. Signataire du rapport, il n’osa le soutenir et braver la censure de ses collègues. Il montra par là qu'il préférait la tranquillité à la vérité; c’est la conduite ordinaire des savants :1e progrès n’a rien à attendre d’eux. Nous pourrions appeler lâcheté cette manière d’agir, car c’est dans la vérité qu’est le salut commun.
M. Guersent est mort d’une fluxion de poitrine ; il reconnut parfaitement les symptômes de sa maladie et eu indiqua la marche avec précision ; quant au remède il ne le vit pas. Là s’arrête le degré de science et l’intelligence du médecin.
Nous les verrons tous décamper ainsi; même ceux qui avaient ouvert les yeux à la lumière. Grand enseignement pour nous, de la faiblesse et de la prévoyance humaines !
M. Guersent laisse, dit-on, des travaux commencés; qu’on les imprime, nous ne voyons aucun inconvénient à ce qu’ils aillent grossir la pacotille inutile qui fait la gloire de la médecine.
Persuadés que la véritable médecine est dans le magnétisme et le somnambulisme, nous attendons du temps et d’autres hommes le triomphe de nos principes.
PETITE CORRESPONDANCE.
Bricquebec. — M. DO....I. — Tout envoyé à Gr......e sur l'expresse indication
de la personne qui a fait le réabonnement. — Point reçu la lettre annoncée. — Oui, les Arcanes sont parues.
Reims. — M. D-B. reçu les 12. — Mention sera faite de la cure relatée.
Caurel. — M"' Pe.....t. Votre abonnement est fini.
Alger. — M. Ba....t. Veuillez voir notre ami Gu....d, de Lyon, r. Duquesne,27.
Champagnolles. — M. Paul M. — Votre abon. est fini du 25 dcc., faut-il continuer l’envoi ?
BIBLIOGRAPHIE.
Etudes sur l'électricité, par M. Beckeinstei.nkr.
1 vol. in-8. — Lyon, 1847.
Les mots influent si puissamment sur le sort des choses que le magnétisme souffre encore des préventions attachées à son nom. Plusieurs partisans ont tenté de le réhabiliter en le débaptisant, mais l'hospitalité sous un nom d’emprunt ne peut convenir à un aussi noble proscrit; c’est le droit de cité, et non la tolérance, qu’il réclame et doit obtenir.
Un savant médecin lyonnais, Petetin, a écrit, sous le titre d'Electricité animale, un livre que les magnétiseurs chérissent, parce que, en voulant prouver que ce n’est pas au magnétisme mais à Y électricité que sont dus les phénomèmes dont Mesmer s’attribue la découverte, il donne une démonstration péremptoire de ces derniers. M.Beckeinsteinera imité son concitoyen précité; puisse son ouvrage avoir le môme résultat. Les faits qu’il décrit sous le nom d'électricité animale ont une parenté si évidente avec ceux du magnétisme animal que l’œil le moins exercé l’aperçoit de prime abord. Le manuscrit de ce livre a été lu à la société linnéenne de Lyon, qui l’a accueilli avec une faveur marquée, quoiqu’il y soit question de passes, expression caractéristique des procédés mesmériens.
Le livre de M. Beckeinsteiner est divisé en trois par-
lies. La première a pour titre. Observations sur l’électricité animale ; c’est la seule que nous puissions analyser. La seconde traite de Y électricité libre dans l'acte de la génération; les faits qu’elle contient sont du plus haut intérêt physiologique, mais trop en dehors de notre spécialité. La troisième est un mémoire sur les corpuscules de Pacini, bulbes nerveux que l’on suppose sécréteurs de l’agent vital appelé magnétisme ou électricité; les connaissances anatomiques qu’exige l’appréciation d’un tel sujet nous imposent la retenue. Nous nous bornerons à signaler ce travail à ceux de nos lecteurs qui sont versés dans ces matières.
D’après M. Beckeinsteiner rien ne serait plus facile' que d’obtenir, de divers animaux domestiques, une commotion pareille à celle des poissons dits électriques. L’expérience principale, ayant le chat pour sujet, peut être aisément répétée; voici les conditions de succès :
« Par un froid au-dessous de zéro, un vent du nord, un ciel serein ; si le chat a froid, ce qui se voit facilement à l’aspect du poil, qui est couché et semble avoir été graissé partiellement; et si l’expérimentateur a également froid aux mains, il prendra le chat sur ses genoux, lui passera les doigts de la main gauche sur la poitrine, et passera la main droite, depuis le cou jusqu’à la queue, le long de la colonne dorsale. Après quelques passes légèrement appuyées, la secousse électrique se produira. Elle parait partir de la poitrine du chat, traverser le corps de l’expérimentateur et se terminer à la main placée sur le dos du chat.
» Quoique le chat éprouve du plaisir aux passes faites le long de l’épine dorsale, il se sauve à toutes jambes, après la secousse. 11 se prête difficilement à une seconde épreuve; et ce n'est que le lendemain, lorsqu’il aura
oublié celte sensation désagréable, qu’il pourra servir à de nouvelles épreuves.
» L’auteur a obtenu dans un jour, mais avec beaucoup de peine, trois commotions d’un chat : la dernière était très-faible.
» Après chaque décharge, le chat semble fatigué, épuisé; il se couche étendu; au bout de quelques jours, il perd l’appétit, devient triste et semble fuir les lieux qu’il aimait; il se sousirait aux regards des personnes qu’il affectionnait. Après avoir refusé la nourriture, il boit encore de l’eau quelquefois, languit de plus en plus, bave, et meurt ordinairement dans la quinzaine qui suit la première commotion. »
M. Bcckeinsteiner a répété ces expériences plusieurs années de suite sur tous les chats qui se trouvaient à sa portée.
« Les voisins, dit-il, croyaient que je caressais leurs chats; au bout de quelque temps j’ai toujours appris que ces animaux avaient péri sans cause apparente. »
On pourrait croire, et M. Beckeinsteiner le pensa, que cette commotion était due au frottement du poil, qui est une source d’électricilé, mais il n’obtint rien d’analogue en froitant des chats et autres mammifères empailles; ce qui aurait eu lieu si le phénomène était purement physique, électrique, si la vitalité n’en était la condition cl le magnétisme la cause.
«Une vache, continue l’auteur, était attachée en plein air à un barreau de fer; la terre était gelée. Je lui fis des passes sur le dos avec la main droite pendant que je tenais ma main gauche sur sa poitrine; après quelques passes j’obtins une si forte commotion que je fus renversé par terre. Je ne saurais dire si ma chute fut due à la force de la secousse ou à ma surprise, comme il arriva
au premier expérimentateur de la bouteille de Leyde, qui s’on exagéra tellement les effets, qu’il assura que, pour aucun prix, il ne recommencerait l’épreuve. La vache paraissait fort irritée, et elle m’aurait, je crois, éventré si je m’étais approché de nouveau; niais je n’étais pas tenté de recommencer cette expérience. Je ne sais si la vache fut malade, car elle fut vendue quelques jours après au boucher. »
M. Beckeinsteiner n'a agi que sur cette vache; sur les chiens il n’a pas réussi; l’expérience a eu plusieurs fois du succès sur des lapins : ils meurent ordinairement le même jour.
De l’ensemble de ces faits l’auteur tire la conclusion suivante :
« Il parait que les décharges répétées que l'on obtient sur les animaux, leur enlèvent une trop grande quantité d’électricité à la fois pour qu’ils puissent la réparer ; et, ce fluide si nécessaire à la vie venant à leur manquer, ils périssent de langueur. Une seule commotion ne les tue pas, mais les rend malades pour quelque temps. »
Rien ne prouve que cette commotion soit plutôt électrique que magnétique; au contraire. Il n’y a, en effet, aucune parité d’action ni de résultats entre les poissons électriques et les animaux soumis aux expériences précitées. Chez les uns c’est une faculté ; ils agissent volontairement, et sans danger pour leur existence ; tandis que les autres ne manifestent ce phénomène qu’après avoir été manipulés de certaine façon; et toujours leur santé, sinon leur vie, en est compromise. En un mot, les premiers agissent, au lieu que les seconds subissent une action.
Qui ne sait que les secousses sont l’effet ordinaire de la magnétisation des animaux aussi bien que des hom-
mes? Il suffit d’ailleurs d’ouvrir un livre de magnétisme pour s’en convaincre; ce Journal en contient de nombreuses preuves.
Les seuls traits remarquables de ces expériences sont donc :
1° L’abaissement de la température indiqué comme condition de succès;
2° La maladie mortelle qui suit cette opération.
Ce sont là deux caractères essentiels en opposition directe avec ceux de la magnétisation qui :
1° S’exerce d’autant mieux que la température est plus élevée ;
2° Est ordinairement suivie de bien-être chez les êtres bien portants, et de guérison chez les malades.
11 y a là une différence manifeste dont il en faut rechercher la cause avant de prononcer. Peut-être la trouvera-t-on dans le simple mode de procéder; car dans un cas il y a addition de fluide et dans l’autre soustraction? La mine est riche; que chacun cherche donc.
Mais en admettant pour vrais, dans tous leurs points les résultats obtenus par M. Beckeinsteiner, il ne faudrait rien en conclure relativement à l'homme. Les ennemis du magnétisme se sont emparés de quelques désordres nerveux résultant d’une mauvaise magnétisation; en lisant les faits précités leur bonne foi irait jusqu’à les dénaturer pour faire croire au développement d’accidents majeurs, et, peut-être, à la mort des magnétisés. N’a-t-on pas déjà dit que les magnétisés mouraient dans l’année, et mille autres folies que l'homme étranger à la science accueille souvent comme des vérités. Nous donnons à nos antagonistes une preuve de notre bonne foi en citant des faits qui
doivent émouvoir l’esprit et faire comprendre que l’homme peut exercer une terrible puissance.
Nous terminerons cette trop courte analyse d’un livre qui doit trouver place dans la bibliothèque de tous les magnétiseurs studieux, par l’extrait d’une lettre qui concerne la magnétisation des animaux. L’auteur du livre en question n’y devra voir qu’une marque de notre amour de la vérité, le désir d’éclairer la marche par la comparaison des faits, afin d’arriver à une solution qui soit l’expression de ce qui est.
Un jeune abbé à qui M. La porte a donné les prénotions du magnétisme lui écrivit l’automne dernier une lettre dans laquelle se trouve le passage suivant qui s’adapte parfaitement à l’objet en litige :
« .... Il me lardait d’expérimenter à mon aise afin de mettre mon talent à l’épreuve; aussi, à peine arrivé chez moi, j’ai commencé à magnétiser, non pas des personnes, la prudence me le défendait, mais des quadrupèdes et des volatiles.
» Une poule fut mon premier sujet. Elle était à quelque dislance de moi, occupée à béqueter. Tout à coup je songe au pigeon que je vous ai vu magnétiser. Pourquoi, me dis-je, ne ferais-je pas la même expérience? Et me voilà, sans plus réfléchir, cherchant à imiter mon maître. Je fais les premières passes : notre pauvre poule s’étonne; très-bien; elle se tourne d’un côlé, de l’autre; j'insiste. Peu à peu, elle avance tout hébétée; elle approche enfin, après quelques minutes de magnétisation, au point que je puis sans difficulté la prendre avec la main. Jugez de ma satisfaction à la vue de ce succès; je ne me possédais pas, et mon père, témoin de cette expérience, ne pouvait en croire ses yeux. Ce ne fut qu'un prélude; plusieurs fois je revins à la charge.
» J’ai endormi un poulet, et, par parenthèse, la pauvre liète est restée comme hallucinée pendant plusieurs jours.
» Puis, j’ai tenté d’opérer sur un chat; j’ai parfaitement réussi. Ce fut au point qu’il remuait à mon gré, tantôt une patte, tantôt l’autre; tantôt l’oreille droite, tantôt la gauche; et quoiqu’on essayât de lui faire manger un peu de viande, on ne put jamais y parvenir, même en la lui mettant dans la gueule; parce qu'alors je m’y opposais de toute la force de ma volonté, etc. »
Physiologie de l'homme, à l'usage des gens du monde, par le docteur MARCBAL(de Calvi). \ vol. in-12. Paris, )8Îî.
L’auteur du livre en question se présentant aux .suffrages des électeurs pour la représentation nationale, il nous a paru bon de faire connaître à nos amis son opinion magnétique. C’est le seul professeur de la faculté de Paris qui, lors de l’engouement pour l’éther rappela hautement les droits de l’insensibilité magnétique (Voyez tome v, page 351). Mais, par une étrange bizarrerie, il est aussi opposé à la lucidité qu’il est favorable à l’anes-ihésie. Comme tous ses collègues, il brille plus par l’esprit que par la logique, par la science des mots que par celle des faits.
11 admet le sommeil et l’insensibilité magnétiques ; mais en nie la cause et les divers attributs. La raison qu'il en donne est celle de M. Gerdy, qu’il nomme « le plus perspicace » de nos adversaires; c’est-à-dire que l’on peut lire au travers d’épais bandeaux. Cet argument n a pas la moindre valeur et nous sommes toujours surpris de l’entendre de la bouche d’un médecin, d’un pro-
fesseur surtout, qui doit être instruit, au moins dans son art. Voici pourquoi.
Si les somnambules voyaient comme nous par l'œil, cet organe devrait être dans sa position normale, habituelle, de manière que les objets se trouvent dans la direction de l’axe viSuel. Telle est la condition de vision physiologique; il n’y a pas besoin d’être savant pour le comprendre. Eh bien! dans le somnambulisme l’œil est convulsé (ce dont on s'assure en soulevant la paupière supérieure), l’axe visuel ou la prunelle dirigée ordinairement en haut et en dehors, quelquefois en dedans et en bas; jamais horizontalement. D’où il suit qu’il faudrait que les objets à voir fussent placés derrière et au-dessus de l'oreille pour être aperçus; tandis que ces messieurs, en expérimentateurs inhabiles, les placent comme dans la vue normale, au-devant le l’œil, qui présente à l’ouverture palpébrale sa sclérotique au lieu de la pupille.
La conclusion à tirer de ce fait constant, c’est que la présence ou l’absence de moyens d’occlusion employés ne prouvent rien ni pour ni contre la lucidité.
Une justice à rendre à M. Marchai, c’est que s’il raille les somnambulistes, au moins il ne les injurie pas; ce qui nous fait espérer que, mieux éclairé, il reconnaîtra la véracité du somnambulisme lucide comme il l'a fait pour l’insensibilité.
Ce que nous venons de dire sur son ouvrage résume son opinion en général. Ceux qui voudraient la connaître en détail la trouveront exprimée pages 231 et 366 de son livre, qui, en dehors de sa portée magnétique, est bien écrit, et très-propre à donner des notions exactes de physiologie.
Le Gérant: HÉBERT (deGarnay;.
MANUSCRITS DE MESMER.
.Votions élémentaires .ut la morale, l'éducation et la législation pour servir A l’instruction publique en France.
S XI. — FINANCES.
1° RELATIVEMENT Al'X IMPOTS.
De l'impôt en général.
Les membres de la société, pour subvenir aux frais nécessaires au bon ordre et au maintien de la sûreté ainsi qu’à l'administration des affaires publiques, doivent contribuer, c’est-à-dire céder à la société une portion du superflu de leur propriété, et cela dans la proportion de ce même superflu. Cette contribution est l'impôt.
Il s’ensuit de ce principe : 1° Que tout impôt doit être dirigé vers le riche. 2° Que celui qui n’a que le nécessaire, ou qui ne peut pas avoir son recours sur le riche, ne doit pas contribuer. 3° Qu’il ne convient pas à l’Etat d’avoir d’autres revenus que l’impôt.
Il y a deux sortes de biens ou de propriétés : les biens qui sont le produit de la terre ou de l’agriculture, et les biens qui sont le produit de la fortune ou de l’industrie et des talents dont on jouit. L’impôt peut être dit réel ou territorial, et personnel ou mobiliaire.
TOMF VI. — !*'* C®. — 0 MAI 4848. 9
Le premier est relatif aux propriétés territoriales, le second embrasse toutes les jouissances de la fortune.
Tous les impôts doivent être réduits à ces deux dénominal ions.
De l'impôt territorial.
Les propriétés territoriales produisent en général à leurs possesseurs plus qu’il ne faut pour leur propre subsistance, l’impôt territorial peut être considéré comme le plus naturel et le plus général; mais, comme le prix des denrées de première nécessité devient le régulateur de tous les autres, cet impôt doit toujours être tellement modéré, qu’il soit supportable par le possesseur le moins aisé, et même dans la supposition des malheurs éventuels.
L’impôt territorial doit avoir pour but principal : 1° d’encourager l’agriculture et l’industrie rurale; 2° l’éducation des bestiaux; 3° la culture des terres; c'e»t ce qui forme les véritables sources des richesses nationales.
L’impôt territorial ne doit pas être perçu en nature, mais en argent, parce que : 1° l’impôt en nature n’intéresse pas le possesseur à défricher le terrain inculte, ni à améliorer son bien, ni à multiplier ses productions. 2° Le culdvateur n’aurait pas des motifs pour mettre ses denrées en commerce, par conséquent 3° il n’en porterait point aux marchés, s’il n’était pas obligé de se pourvoir de numéraire pour s’acquitter de la contribution, et il ne serait plus lié aux villes dont la subsistance est entièrement dépendante. 4° Le cultivateur tire sous différentes formes des avantages de ses denrées, lesquels avantages seraient perdus pour lui et pour l’Etat. 5° La perception ainsi que la conversion des denrées en numé-
raire exigerait des frais considérables pour l’Etat, qui serait obligé de se servir des fermiers généraux dont le profit et les frais de recouvrement seraient à la charge du public, ce qui ne manquerait pas de faire revenir sur les campagnes les vexations de l'ancien régime.
Il s’agit de déterminer d’une manière simple et constante la répartition de l’impôt terrilorial dans les proportions les plus justes.
Pour faire une répartition de cet impôt dans la proportion la plus juste, la mesure n’en doit pas être absolument prise ni dans l'étendue du terrain ni dans sa bonté, mais dans Vutilité et les avantages que ces possesseurs peuvent en retirer.
Ces avantages dépendent, eu égard à diverses productions : l°.de la bonté du sol; 2“ de la facilité de l’exploiter; 3° de la facilité de la consommation ou de l'exportation.
Mais, comme ces règles sont sujettes à autant de modifications qu’il y a de possessions individuelles, quel serait le moyen le plus sûr et le plus exact de connaître et de déterminer dans tous les cas la juste mesure des avantages et du degré d’utilité que chaque particulier peut tirer de son bien?
Pour résoudre ce problème, le seul et le véritable moyen consiste dans la connaissance du prix que chaque possesseur aura mis, ou qu’il sera censé avoir mis dans l'acquisition de son bien : ce prix est le résultat de Vexpérience et de Vobservation tant du vendeur que de l'acheteur.
Le vendeur, ainsi que l’acheteur, sont les commissaires les mieux instruits, les censeurs les plus rigoureux, qui, contradictoirement, examineront et relèveront les avantages et les désavantages de chaque portion
d'un bien, pour convenir de la manière la plus juste de sa valeur effective.
En conséquence il sera fait par des commissaires de chaque commune une conscription ou cadastre de tous les biens-fonds des particuliers sous les diverses dénominations de terres à blé, vignes, prairies, jardins à diverses valeurs, bois, étangs, nuirais et rivières. Tous distingués par trois classes en raison de leur bonté respective.
Cette conscription exprimera à chaque portion la valeur intrinsèque connue par un dernier achat fait depuis dix ans, ou par une nouvelle estimation faite par les experts du lieu.
La municipalité du canton recueillera les détails de chaque communauté, et elle en enverra le résultat au département, qui fera le tableau de toutes les municipalités de son ressort dans la forme ci-après pour le faire passer ensuite à la municipalité de canton.
Ce cadastre sera renouvelé tous les dix ans, intervalle dans lequel les biens peuvent changer de possesseurs et de valeurs. On connaîtra par cette opération la valeur effective de tous les biens-fonds et de toutes les parties intégrantes, comme objets de propriétés foncières qui composent l’empire de la république.
Le gouvernement, dans cet ordre de choses, pourra prononcer d’un seul mot le quotient de l’imposition territoriale sur la valeur des biens-fonds, par exemple,
1 j\ p. 0/0,1/2 p. 0/0, 3/4 p. 0/0 ou enlin 1 p. 0/0, selon les besoins de l’Eiat et les circonstances dans lesquelles il se trouverait.
La proportion la plus exacte dans la répartition se trouvera dans le tableau d’imposition dressé par chaque citoyen, dont on enverra des modèles imprimés à chaque
département pour être remplis dans les municipalités et transmis au département.
Supposons, par exemple, que la valeur de tous les biens-fonds de la France s’élève à cinquante milliards,
1 p. 0/0 d’impôt sur cette évaluation rendrait cinq cents millions. La perception et le recouvrement en serait aussi facile que la répartition. Les municipalités à une époque lixe recevraient des particuliers les contributions, pour les verser dans la caisse des départements, qui enfin en remettront la totalité à la caisse nationale.
Dans cette opération il est impossible que quelque fraude ou erreur puisse avoir lieu.
De l'impôt personnel ou de jouissance.
Comme les impositions territoriales sont déterminées par les avantages que les possesseurs des biens-fonds pourront en retirer, de même la répartition de la contribution personnelle doit être graduée dans la proportion la plus juste, non pas des propriétés, mais de la jouissance des fortunes, sans cependant soumettre les individus à une sorte d’inquisition incompatible avec la liberté.
Les personnes riches avouent la fortune dont elles jouissent en se distinguant de celles qui ne possèdent que le nécessaire : 1° par le prix quelles mettent à leurs habitations; 2° par le nombre de leurs domestiques. Il est raisonnable de réduire les impositions personnelles, destinées à remplacer avec plus de justice les impôts sur les consomnuitions, le luxe, les capitations, les octrois, à ces deux seules dénominations, lesquelles répondent plus exactement à la fortune dont on jouit d’une manière évidente.
Cette imposition, an lieu d’étre en raison arithmétique, doit être dans une sorte de proportion géométrique, qui répond à une progression et à un ensemble combiné des jouissances sous divers rapports, dont la location, ainsi que le nombre de domestiques, n’est qu’une partie proportionnelle. La fortune dont on jouit doit être considérée comme un corps solide, dont la valeur n’est connue que par les trois dimensions multipliées entre elles.
Un homme, par exemple, en état de payer son logement mille livres est certainement riche plus du double que celui qui ne paye que cinq cents livres, et on peut supposer sans une grande erreur que le premier jouira de 12,000 fr. de rentes, tandis que le second sera réduit à 3,000 fr. Si cet exemple ne doit pas être pris rigoureusement, il suffit du moins pour démontrer que la progression arithmétique n’est pas juste en matière de contribution.
L’habitation, ainsi que le nombre des domestiques, sera donc regardée comme l’indicateur de la consommation du luxe, et enfin de la fortune dont on jouit sous tous les rapports possible.
La demeure ou l’habitation étant de première nécessité, et personne ne pouvant être imposé sur son nécessaire, on pense qu’une location au-dessous de 100 fr. ne doit pas être imposée; la première classe imposable sera établie pour une location estimée de 100 fr., la seconde classe de 300 fr., la troisième de G00 fr., et ainsi de suite les classes se suivront à raison de 300 fr. d’augmentation.
D’après toutes ces considérations on établira dans les impositions de la contribution personnelle relativement au loyer la règle suivante : la première classe de 100 fr.
de loyer payera 10 fr., la deuxième de 300 fr., '*0 fr., la troisième 90 fr., et ainsi de suite, en sorte que, pour chaque 300 fr. dont la somme est composée, le dénominateur de la première classe sera multiplié par le nombre de la classe dont on veut connaître la somme ou le montant de la contribution.
On observera les mêmes proportions pour l’imposition sur les domestiques, par la même raison qu’on pense qu’une location au-dessous de 100 fr. ne doit pas être imposée, une seule servante ne doit pas non plus l’être, deux domestiquesdu sexe sont comptées pour un homme. Un domestique mâle payera 10 fr., deux payeront le double du premier pour chacun -Î0 fr., trois le triple du premier pour chacun 90 fr., et ainsi de suite. Si l’Etat juge nécessaire d’augmenter ou de diminuer le premier dénominateur dans l’une et l’autre contribution, le résultat en sera toujours dans les mêmes proportions.
On répète ici que la base de cette contribution personnelle étant la jouissance, on n’v comprend pas les ouvriers, compagnons, journaliers, ni gens employés uniquement à la culture des terres. Sous la dénomination d’habitation on n’entend pas non plus les boutiques, ateliers, magasins, ni les portions de maisons non louées ni occupées par les propriétaires, mais seulement les domestiques, ainsi que l’ha bitation uniquement destinée au service et à l’usage de la personne.
Cette imposition, sous ces deux rapports, devant remplacer, comme il a été dit, tous les impôts sous diverses dénominations, comme de consommation, luxe, capitation, auxquelles il est si facile de se soustraire, doit être généralisée sur les villes et les campagnes, en sorte qu’il ne puisse exister aucune exception et que les étrangers y soient également compris.
Celle règle, devenue line loi de. l’Etat, étant applicable à tous ceux qu’elle a pour objet et devant embrasser toutes les impositions, les propriétaires et les locataires sans exception seront tenus de faire pour l’année ou pour le trimestre à leur municipalité la déclaration du lieu de leur domicile et de la valeur fixe ou présumée de leurs habitations ainsi que du nombre de leurs domestiques, afin qu’ils soient inscrits dans les classes respectives, sous ces deux rapports, d’après les tarifs dont les modèles sont faciles à faire. 11 sera dressé des tableaux de conscription pour servir au recouvrement de la perception de cette imposition à la manière de l'impôt territorial.
On trouvera dans ces dispositions de l’impôt de jouissance une source abondante, non-seulement pour couvrir les dépenses, mais encore pour alléger la dette de la république sans que personne soit dans le cas de s’en plaindre : les particuliers riches qui se sont emparés des trésors de la patrie dans les vues d’en jouir, se déclareront eux-mêmes, et se classeront avec la plus parfaite liberté parmi les contribuables.
Le laboureur, l’ouvrier en bâtiment, en manufacture, l’artisan n’ayant rien à contribuer et les denrées délivrées de toute imposition étant de bon marché, jouiront d’une sorte d’aisance, à l’abri de l'indigence et de la misère, ou enfin la classe d’hommes la plus nombreuse et la plus utile vivra heureuse, et tout le peuple, en sc rapprochant de l’égalité, jouira de la plus parfaite liberté.
Toujours dans les vues de diminuer les excès de la trop grande inégalité des fortunes, et de rapprocher les hommes de l’égalité possible, on termine par présenter des dispositions par lesquelles ou préviendra : 1° la trop
grande étendue des possessions ; 2" les morcellements des biens-fonds en portions très-petites, causes de la pauvreté et du dépérissement de l’agriculture; 3° le trop fort agrandissement des villes; 4° les excès des richesses comme de la pauvreté et tous les malheurs qui en sont la suite.
Considérant que c’est l’ensemble des biens-fonds qui forme la patrie, que la patrie appartient à la lolalilé du peuple; que les citoyens qui en occupent des portions n’en sont par conséquent que les usufruitiers, on abolit le droit de tester sur les biens-fonds, afin que la succession naturelle ab intesiato des enfants légitimes ou naturels ou adoptés ait lieu à la mort de chaque possesseur; il sera donc établi une loi qui ordonnerait : 1° que les propriétés territoriales dans tous les cas de succession seraient partagées par les héritiers en portions égales sans qu’il soit permis d’allouer ce partage par des compensations en argent ou autrement.
2° Que cette division en parties égales aura constamment lieu jusqu’à la concurrence d’un nombre d’arpents de terre qui serait jugé absolument nécessaire à la subsistance aisée d'une famille, et pour la perfection de la culture selon la nature et la position du sol; cette portion de bien-fonds serait invariablement déterminée par sa valeur, et non par son étendue.
3° Que, sous aucun prétexte et par aucune considération, ce dernier terme de division ne sera plus susceptible d’être diminué, et qu’il appartiendra pour cet effet au seul aîné des héritiers, à la charge d’entretenir ces autres jusqu’à leur majorité.
4°Que les propriétaires, sans exception, n’ayant point d’enfants, pourraient adopter, pour en tenir lieu, un ou plusieurs individus non possesseurs à leur volonté, les-
quels, pour jouir de son héritage, seront tenus de porter le nom du père adoptif, et de le faire passer à leurs enfants.
5° Que dans tous les cas où il n’y aurait ni enfants ni adoptés, la loi suppléerait en en adoptant elle-même un ou plusieurs dans la classe d’orphelins de l’Etat selon l’objet de la succession.
Il en résultera l’encouragement de l’agriculture entre les mains des personnes qui auront les moyens de la perfectionner, une population heureuse, l’éducation plus générale et plus sure, la facilité enfin d’améliorer et de perfectionner toutes les institutions.
(La suite prochainement.)
INSTITUTIONS MAGNÉTIQUES.
ATHÉNÉE TROYEN DE MESMÉROLOGIE.
L’idée actuellement dominante, la tendance irrésistible, la préoccupation constante des magnétistes est de fonder des institutions qui centralisent la direction du mouvement mesmérien en universalisant les rapports des magnétistes entre eux. Toutes les sociétés magnétiques existantes sont des réalisations partielles de cette grande et noble idée. M. de Rovère vient de fonder à Troyes une semblable institution. Nous espérons que cette louable tentative sera encouragée, ce dont nous
aurons soin d’enlretenir nos lecteurs. Voici un extrait de son programme :
« La découverte philosophique et humanitaire de l’influence qu’un homme peut exercer sur un autre homme a été attaquée et combattue; ceux qui l’ont répandue ont été calomniés et persécutés. J’en sais quelque chose; car d’abord j’ai été disgracié comme fils d’un conventionnel, puis persécuté comme apôtre de Mesmer. Mais inébranlable au milieu des vicissitudes, convaincu de l’existence d’une force propulsive qui unit le bonheur à la vertu, le malheur à l’excès, la santé à la tempérance, le trouble à la licence, et le progrès à la liberté; convaincu de l’influence efficace et salutaire de l’agent universel, qui, bien dirigé, atténue la douleur, adoucit l’approche de la destruction, et qui, faisant circuler dans nos veines la force et la vie, conserve le père au fils, l’épouse à l’époux, l’ami à un autre lui-même, j’ai cherché, je cherche et je chercherai toujours, par tous les moyens en harmonie avec les lois de la nature et de la raison, à propager, à populariser, à vulgariser les notions pures et anti-mystiques du mesmérisme, du puységurisme et de l’électro-magnétisme.
«Philanthropes troyens, sincères partisans du progrès social et scientifique, je compte sur votre puissant concours pour m’aider à faire triompher la vérité. C’est dans ce but que j’ai fondé et que je dirige l’Athénée troyen de Mesmérologie, destiné :
1° A l’enseignement philosophique et raisonné de la théorie et de la pratique du mesmérisme;
2° Aux investigations rigoureuses relatives aux phénomènes psychologiques, connus sous le nom générique de puységurisme;
3° Aux démonstrations expérimentales de 1 ’œrsle-disnie, ou phénomènes électro-magnétiques et thermo-électriques ;
l\° A la publication d’un journal intitulé : Annales de l’Athénée trojren, ou Tablettes phrénoménographi-ques et littéraires de mesniérologie. Cette feuille paraîtra tous les mois.
» Tous les dimanches, k trois heures de l'après-midi, conférence magnétologique. (Entrée gratuite.)
« Tous les jours, à quatre heures, séance gratuite de mesmérisme appliqué, en faveur des personnes qui, ne pouvant avoir des séances particulières, désirent éprouver les effets salutaires de l’agent universel.
» Tous les quinze jours, compte rendu dos résultats obtenus à Troyes, et envoyé à la Société de Mesmérisme de Paris, considérée comme foyer central de tous les travaux magnétologiques, et présidée par un homme dont le zèle, le génie, les talents et les soins infatigables ont tant contribué à l’avancement de la science mesmé-rienne, présidée, dis-je, par le citoyen Du Potet, qui n a reconnu d’autre route propre à conduire à la vraie gloire que celle qu’on parcourt en se rendant utile à l’humanité. »
M. de Rovèrc est poète. On doit se rappeler son toast au dernier banquet mesmérien; son appel aux Troyens est terminé par cette petite pièce de vers :
Essence divine ! lumière naturelle.
Source intarissable, puissance universelle,
Ton rayon bienfaisant, ta sublime clarté,
Même au sein dos erreurs, fail voir la vérité.
En vain de sa raison l'homme se glorifie ;
Sans loi cette raison n'est, liélas : que folie.
Par ton feu créateur, si l’on n'est inspiré.
Au joug de l’ignorance on demeure enchaîné.
Tout pour l'homme est obscur ; l'étude est chaotique, Le savoir est trompeur et l'art est empirique.
Sans ton aide, en un mot, point de lucidité,
Tout est illusion, rien n’est réalité.
Ah ! pour te posséder, ô divine lumière,
A quoi bon un diplôme? il faut un cœur sincère.
Des lois de l'univers, actif observateur,
De leur belle harmonie aident admirateur.
Il faut suivre humblement l'instinct de la nature, l’our isoler son âme et la rendre plus pure.
Vers l'union chrétienne et l'amour du prochain Marcher sans hésiter d'un pas toujours certain.
La foi, la charité, voilà le vrai mobile,
Le rcsto est peu de chose ou plutôt inutile ;
Le jet intuitif, le grand Ilot lumineux,
N'édaire que l'homme sensible et vertuoux ;
Par le rayon divin l'âme alors épurée S'étend, prend son essor et s'élève inspirée C'esl ainsi que Mesmer connut la vérité ;
Dieu l'avait fait naître pour l'immortalité ;
Sa voix triomphera, car déjà l'on commence Du savant novateur à bénir l'influence.
VARIÉTÉS.
Sympathie. — Je magnétisais, il y a quelques jours, un jeune enfant malade; il était couché dans son berceau et sommeillait assez paisiblement. Sa mère était debout auprès de moi, me regardant opérer. Au moment où, voulant agir sur l’estomac de l’enfant, je plaçai ma
main sur son épigastre, la mère éprouva la sensation «l’une pression exercée sur elle dans la même région, puis bientôt une sorte d’éblouissement la saisit, et, malgré son désir el sa volonté, elle ne put rester plus longtemps à cette place.
Le lendemain, parfaitement remise et croyant ne plus rien éprouver, elle désire être témoin de la magnétisation de son enfant. Elle est parfaitement tranquille tant que je ne fais qu’agir généralement sur le système nerveux du petit malade; mais au moment où je me baisse pour souffler sur le centre épigastrique où des désordres graves paraissaient exister, la mère éprouve un tel effet, que nous la voyons fléchir, puis courir en désordre vers un canapé. Ce trajet était trop long pour ses forces; elle tombe sans connaissance, et sa tête frappe le bord du meuble où elle voulait s’asseoir. Je quitte le petit être et viens calmer cette dame; mais, chose surprenante, son agitation passe rapidement chez l’enfant, que nous voyons s’agiter et éprouver, quoique les yeux fussent toujours fermés, toutes les angoisses de sa mère. Il éprouve en outre des éructations, une sorte de hoquet, bientôt partagés par la mère qui n’en éprouvait nul symptôme auparavant. Je fis partir celte dame aussitôt le calme revenu, et prodiguai les mêmes soins à l’enfant : tous les phénomènes nerveux disparurent comme la première fois.
A la troisième séance, je jugeai prudent de faire éloigner cette dame; mais ce que je pensais arriva malgré l’épaisseur des murailles et des portes; au moment où je magnétisais l’estomac du petit malade, sa pauvre mère le sentit et éprouva les mêmes effets que la veille.
Par quel mystère deux êtres se trouvent-ils liés si étroitement que l’un ne peut éprouver une modification
dans sa manière d’être sans que l’autre n'y soit également soumis. Pourtant ce fait est moins étrange encore que ceux que nousavons citésdéjàdans cc Journal {v 1 ) ; il s’explique jusqu’à un certain point. L'enfant n’est-il pas la chair de la chair et les os des os de la femme qui lui a donné le jour? Il n’a pu encore, par sa propre vie, changer entièrement les premiers matériaux de son frêle édifice. Qu’importe qu’on ait coupé, lorsqu’il vint au monde, le cordon qui le retenait à la mère; une chaîne invisible à nos yeux existe encore, et la vie continue de circuler de l’un à l’autre. Je la surprends s’épanchant par un regard d’amour, par des caresses sans fin. J’ai la preuve de ce rapport intime au premier cri de l’enfant qui réveille la mère endormie, à ce sein qui se gonfle lorsque 1 enfant réclame son aliment; qu’importe que la mère soit éloignée de son rejeton, elle sent ses besoins, en est avertie par l’instinct et par la douleur.
0 nature, que tu es belle et grande ! Le médecin qui nie ta puissance est un insensé : il rejette ce qui pourrait 1 é-clairer. Quand donc le magnétisme sera-t-il appelé à détruire la fausse science des écoles?
Nous pousserons désormais nos investigations vers ces faits dont l’étude a été trop longtemps négligée; nous espérons faire de nombreuses découvertes.
DU PoTBT.
Prophétie d’Orval. — « L'homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux. » En tout temps, en tous lieux il s’est trouvé des gens très-impressionnables dont l’àme, plus en rapport, par des dispositions incon-
(I) Tom. i", page 433; tom. iii, page«ü.
nues, avec des êtres immatériels, peut connaître les événements à venir, comme d’autres se rappellent les traits principaux de l’immense histoire du passé. Et ceci a lieu sans que l’éducation première y ait aucune part, sans que le désir même serve à la perception, qui, toute d’inspiration, arrive au moment où on ne l’attend point, s’en va quand on voudrait la retenir.
C’est ainsi qu’on a vu paraître les prophètes, sibylles, devins, etc., traduisant dans leur langage ce qu'une voix secrète avait murmuré à leurs oreilles, gens simples que la Providence choisit pour annoncer ses décrets et initier les populations à leurs destinées futures. La croyance à ces révélations se trouve dans toutes les religions qui pivotent sur leur accomplissement. 11 y eut certes de grossières erreurs, des prophéties démenties, des circonstances mal décrites, des dates inexactes; mais ceci n’implique point la vérité du fait.
L’homme voit donc ou peut voir l’avenir; et si aujourd'hui nous en donnons un exemple ancien, ce n’est pas parce que nous en manquons de récents. Nous savons des prédictions qui s’appliquent aux temps actuels; ce n’est pas la bonne envie de les publier qui nous manque, mais une crainte trop bien fondée nous retient, car on nous ferait un crime d’avoir eu trop de lumière : la science n’en veut qu’un rayon ; et 1 ignorance poursuit celui qui la laisse échapper.
Nous avons déjà publié dans ce Journal (1) plusieurs prophéties de ce genre que l’événement a pleinement justifiées. Celle-ci n’est pas moins précise que les précédentes. Elle faisait partie, disent les commentateurs, d’un recueil imprimé à Luxembourg en 1544, sons le
(I) Tom. iv, pag. 239.
litre de Prévisions d'un solitaire.On l'attribue au moine Philippe Olivarius de l'abbaye d’Orval, près Montmédy. Des émigrés, frappés de la précision avec laquelle la mort de Louis XVI y élait annoncée, en prirent copie; c’est sous cette forme qu’elle est parvenue jusqu'il nous par les soins de M. Dujardin, qui l’a remise en vogue. Le manque d’ambiguïté de termes, ou tout au moins d’élasticité de sens, a fait dire qu’elle était faite après coup pour servir les intérêts d’un parti politique; mais nous n’avons point à nous prononcer sur la question délicate de savoir si elle est ou non apocryphe. Le fait certain est qu’elle a été imprimée dans le Journal (les villes et des campagnes du 20 juin 1839, d’où nous l’extrayons; el depuis dans diverses publications catholiques et autres. En sorte que le doute n’est permis sur son authenticité que pour ce qui est antérieur à la date précitée. Les détails chronologiques qui précèdent ne sont si longs que parce qu’ils doivent servir de base à des réflexions et calculs sur les probabilités de réalisation de celte célèbre et remarquable prophétie.
La première partie n’ayant point été copié, sans doute parce qu’elle était acomplie, on n’en possède que la seconde commençant à Napoléon. La voici :
Prévisions certaines révélées par Dieu à un solitaire pour la consolation des enfants de Dieu.
(Suite.)
En ce temps-là, un jeune homme venu d’outre-mer dans le pavs du Celte-Gaulois se manifestera par conseil de force, mais les Grands ombragés l’envoieront guerroyer dans l'islede la captivité ("I).La victoire le ramènera au pays premier. Les fils de Brutus(2) moult (3) stupides
(\) L'Egypte. — (2) Les Républicains. — (3; Beaucoup.
seront à son approche, car il les dominera, et prendra nom empereur.
Moult hauts et puissants rois sont en crainte vraie, car l’aigle enlève moult sceptres et moult couronnes. Piétons et cavaliers, portant aigles sanglantes, avec lui courront autant que moucherons dans les airs; et toute l’Europe est moult ébahie, aussi moult sanglante, car il sera tant fort que Dieu sera cru guerroyer avec lui. L’Eglise de Dieu se console tant peu en oyant ouvrir encore ses temples à ses berbis tout plein égarées, et Dieu est béni.
Mais c’est fait, les lunes sont passées, le Vieillard de Sion (1 ) crie à Dieu de son cœur moult endolori par peine cuisante, et voilà que le puissant est aveuglé pour péché et crimes.
Il quitte lagrandeVille(2)avec unearméesi belle que oncques se vit jamais si telle, mais point de guerroyer ne tiendra bon devant la face du temps, et voilà que la tierce part de son armée et encore la tierce part a péri par le froid du Seigneur puissant. Mais deux lustres sont passés d’après le siècle de la désolation, comme j’ai dit à son lieu; tout plein fort ont crié à Dieu les veuves et les orphelins, et voilà que Dieu n’est plus sourd.
Les Hauts abaissés reprennent force et font ligue pour abattre l’homme tant redouté; voici venir avec eux le vieux sang des siècles qui reprend place et lieu en la grande ville ce pendant que l’homme dit moult abaissé va au pays d’outre-mer (3) d’où était advenu.
Dieu seul est grand ; la lune onzième n’a pas lui encore, et le fouet sanguinolent du Seigneur revient en la grande Ville et le vieux sang quitte la grande Ville. Dieu seul est grand, il aime son peuple et a le sang en haine,
(1) Le Pape. — (*) Paris. — (3) Lite d'Elbe, voisine de la Corse
la cinquième lune a relui sur maints guerroyers d'O-rient; la Gaule est couverte d’hommes et de machines de guerre : c’est fait de l’homme de mer.
Voici encorevenir le vieux sang(1^ de la Cap.Dieu veut la paix et que son saint nom soit béni. Or, paix grande et florissante sera au pays du céleste (2) Gaulois.La fleur blanche est en honneur moult grand, la maison de Dieu chante moult saints cantiques. Cependant les fils de Brutus oyent avec ire la fleur blanche et obtiennent règlement puissant, ce pourquoi Dieu est encore moult fâché à cause de ses élus et pour ce que le saint jour est encore moult profané; ce pourtant Dieu veut éprouver le retour à lui par 18 fois 12 lunes. Dieu seul est grand, il purge son peuple par maintes tribulations, mais tousiours les mauvais auront fin.
Sus donc lors une grande conspiration contre la fleur blanche chemine dans l’ombre par vue de compagnie maudite, et le pauvre vieux sang de la Cap quitte la grande Ville et moult gaudissent les fils de Brutus : Oyez comme les servants Dieu crient tout fort à Dieu et que Dieu est sourd par le bruit de ses flèches qu’il retrempe en son ire pour les mettre au sein des mauvais. Malheur au céleste Gaulois! le Coq effacera la fleur blanche et un grand s’appelle le roi du peuple. Grande commotion se fera sentir chez les gens, parce que la couronne sera posée par mains d’ouvriers qui ont guerroyé dans la grande Ville.
Dieu seul est grand ; le règne des mauvais sera vu croître, mais qu’ils se hâtent, voilà que les pensées du céleste Gaulois se choquent et que grande division est dans l’entendement.
(1) Los Bourbons. — (î) N'est pas plutôt Celte, par altération do copie?
Le Roi du peuple en abord vu moult foible et pourtant contre ira bien des mauvais; mais il n’étoit pas bien assis et voilà que Dieu le jette bas.
Hurlez, fds de Brutus, appelez sur vous les bètes qui vont vous dévorer. Dieu grand! quel bruit d'armes! 11 n’ya pas encore un nombre plein de lunes(1 )et voici venir maints guerroyers. C'est fait, la montagne de Dieu désolée a crié à Dieu ; les fds de Juda ont crié à Dieu de la terre étrangère, et voilà que Dieu n’est plus sourd. Quel feu va avec ses flèches, dix fois six lunes et puis encore six fois dix lunes ont nourri sa colère. Malheur à toi grande ville! voici des rois armés par le Seigneur, mais déjà le feu t’a égalée à la terre; pourtant tes justes ne périront pas, Dieu les a écoutés. La place du crime est purgée par le feu, le grand ruisseau a conduit toutes rouges de sang ses eaux à la mer, et la Gaule vue comme délabrée va se rejoindre.
Dieu aime la paix ; venez, jeune prince, quittez l’isle delà captivité,oyez,joignez le lion (2) à la fleur blanche, venez. Ce qui est prévu, Dieu le veut : Le vieux sang des siècles terminera encore de longues divisions ; lors un seul pasteur sera vu dans la céleste Gaule. L’homme puissant par Dieu s’assoycra bien, moult sages règlements appelleront la paix. Dieu sera cru d’avec lui, tant prudent et sage sera le rejeton de la Cap. Grâces au père de la miséricorde la sainte Sion rechante dans ses temples un seul Dieu grand.
Moult brebis égarées s’en viennent boire au ruisseau
(4) M. Cahagnot rapporte, dans ses Arcanes de la vie future dévoilés, le dire d'une somnambule qui donne 20 pour équivalent de nombre plein. D'autres personnes pensent qu'il faut entendre par ces mots un cycle lunaire ou 19 ans, ce qui est bien différent. Quant à lune on le prend généralement dans le sens figuré de moi». — (4) Emblème du peuple.
vif. trois princes et rois mettent bas le manteau de l’erreur et oyent clair en la foi dc-Dieu.Ence tcmps-là un grand peuple de la mer (1) reprendra vraie croyance en deux tierces paris. Dieu est encore béni pendant quatorze fois six lunes et six fois treize lunes. Dieu est saoul d'avoir baillé des miséricordes et ce pourlant il veut pour ses bons prolonger la paix encore pendant dix fois douze lunes. Dieu seul est grand. Les biens sont faits, les saints vont souffrir. L’homme du mal arrive de deux sangs, prend naissance. La fleur blanche s’obscurcit pendant dix fois six lunes et six fois vingt lunes, puis disparait pour ne plus parailre.
Moult mal, guère de bien en ce temps-là : moult villes périssent par le feu; sus donc Israël vient à Dieu Christ tout de bon. Sectes maudites et sectes fidèles sont en deux parts bien marquées.
Mais c’est fait : lors, Dieu seul sera cru et la tierce part de la Gaule et encore la tierce part et demie n’a plus de croyance. Comme aussi tout de même les autres gens.
Et voilà déjà six fois trois lunes et quatre fois cinq lunes que tout se sépare et le siècle de fin a commencé. Après un nombre non plein de lunes, Dieu combat par ses deux justes et l’homme du mal a le dessus. Mais c’est fait, le haut Dieu met un mur de feu qui obscurcit mon entendement et je n’y vois plus. Qu’il soit loué à jamais.
Amen.
Néologie. — Nous avons déjà, tome 11, page 346, et tome iv, page 24, donné la définition de nouveaux
( ) L'Angleterre évidemment! puisque deux de ses trois royaume* sont protestants.
mois employés par quelques magnétistes seulement, mais susceptibles d’être usités généralement. On conçoit que cette mine est loin d’être épuisée, puisque chaque jour voit naître de nouveaux faits, ou tout au moins des variétés distinctes qu’il faut caractériser. Toutes les fois qu’une science s’étend ses adeptes nouveaux apportent chacun une dose de vues particulières, basées sur leurs connaissances spéciales, qu’ils appliquent à l’analyse de faits; de là des distinctions qui nécessitent l’emploi de termes appropriés. C’est ainsi qu’ont été créés ceux qui suivent.
lîiOTiQUF.. Mot employé dans la circulaire du gouvernement autrichien sur la pratique du mesmérisme comme qualificatif de magnétisme et succédané de animal. Il a pour racine pîo«, vie. Nous ne le croyons pas appelé à un grand succès, parce que, signifiant littéralement vital, ce dernier terme a sur lui l’avantage d’être compris par les personnes qui n’ont point l’habitude des promenades dans le jardin des racines grecques.
Comatiser. Produire le coma magnétique.
Comatisation . Action de comatiser.
Ces deux expressions sont destinées à peindre la production d’un des degrés du sommeil magnétique.
Magnétokama. M. J. Lovy, qui a créé cette expression l’a employée comme signifiant : Tout ce qu’on voit dans le magnétisme. Tout ce qu’on raconte sur le magnétisme. Expériences, récréations, etc., ayant le magnétisme pour agent. L’étymologie terminale vient de ôpou, je vois ; dans le sens de : être témoin, spectateur.
Magnétiana. Du même auteur que ci-dessus. Signi-
lication : Bons mots magnétiques; anecdotes sur le magnétisme.
Magnétomame. Passion pour le magnétisme.
Magnetomajve. Qui a la magnétomanie.
Ces deux mots se comprennent aisément. Nous avons déjà employé le premier; le second est indispensable.
Magnétisabilité. Aptitude à être magnétisé ou sensibilité au magnétisme.
Mesmérisme. Ce que nous avons dit précédemment sur 1 emploi de ce mot a eu l’approbation des ma-gnétologistes anglais, qui nous ont donné, dans The Zoist, les motifs de leur préférence pour cet équivalent de magnétisme animal. Ce sont : 1° parce qu’il n’y a qu un mot au lieu de deux ; 2° parce que, pour être conséquent, il faudrait dire magnétisanimaliser, et non simplement magnétiser, qui signifie attirer, aimanter.
Ces raisons majeures prévaudront-elles sur l’habitude prise en France? Nous ne le pensons pas; mais elles justifient pleinement l’opinion que nous avons émise dans notre controverse avec M. A. Gauthier sur la vraie signification de ce mot.
Somnambulisation. Action de somnambuliser. Ce mot est si simple qu’on aurait dû l’inventer plutôt. M. le docteur Charpignon l’emploie dans la nouvelle édition de son ouvrage. Il répond à un besoin de la langue qui le rendra d’un usage très-fréquent.
Coïncidences. — Nous avons vu, ci - devant page 188, le nombre 18 jouer un rôle important dans
la vie île Louis-Philippe; le nombre I.'! apparait d'une manière non moins remarquable dans celle de son fils ainé.
C est le 13 juillet v 1842) que le duc d’Orléans s’est tué; l’un des chevaux qui, en s’emportant, causèrent sa chute, avait 13 ans; la boutique de l'épicier où le prince rendit le dernier soupir se trouvait en face d’un poteau de la route de la Révolu- portant, le n° 13. .Mais là ne s arrête pas le rapport déjà si curieux du nombre avec l’accident. Voyons.
Le duc était né le 3 septembre 1810; si l’on additionne cabalistiquemcnt ces deux nombres:
3
I
8
I
0
on obtient encore......13, jour de sa mort.
Une coïncidence non numérique, mais d’une liaison évidemment fatale avec le sort de ce prince, mérite d’être rapportée ici : c’est que le mot d’ordre donné par le château le jour même de cette catastrophe était Deuil et Dreux.
Si l’on cherche à rapprocher cet événement d’autres pareils, on trouve que les deux termes cheval et 13 juillet ont une influence néfaste sur la destinée des princes royaux; car c’est ce jour-là que le fils de Louis VI et le duc de Bordeaux se sont, l’un tué, l’autre fracturé la cuisse en tombant de cheval!
Chronique. — Nous avons des nouvelles directes de Calcutta jusqu’en octobre dernier, par un de nos abonnés, capitaine au long cours, qui a visité M. Es-daile el son Mcsmeric hospilal, il nous a apporté le rapport imprimé de ce qui s’v éiait fait jusqu’à celle époque. Tout va bien.
— M. le docteur Ordinaire est à Paris actuellement.
— M. l’ambassadeur de Suède, comte de Lowen-hielm, nous a envoyé une noie rectificative du récit de la vision de Charles XI, insérée page (55 de ce volume.
1 résulte de cette communication, ayant pour but de ne point laisser fausser l’histoire de la Suède, 1° qu’il n’a jamais existé de personnage du nom de ceux qui y sont cités ; 2° qu’à l’époque indiquée le roi n’était point à Stockholm; .‘1° qu’il y a Irois récits du même fait qui ne sont point d’accord sur les traits principaux; ce qui a fait conclure que c’était l’œuvre d’un parti politique.
— Un honorable négociant français, arrivé de Portugal il y a quelques jours, nous a raconté le fait que voici: Se trouvant à Lisbonne, où il avait quelque peu parlé du magnétisme, on le fit trouver avec un professeur de magnétisme qui venait de faire un cours aux étudiants de Coïmbre. Le professeur, très-peu versé dans l’art qu’il enseignait, ignorait qu'on magnétisât sans contact: il en niait même la possibilité; son inler-locuteur, qui, de son côté, n’avait jamais vu faire autrement, lui donna alors une leçon de magnétisation à distance sur une jeune personne qu’il somnambulisa instantanément, quoique ce fût son coup d'essai. Quel plus bel éloge peut-on faire de la méthode ?
— La deuxième édition de l’ouvrage de M. le docteur Charpignon, Physiologie, médecine et métaphysique du
magnétisme, vient fie paraître. Nous l’analyserons très-prochainement.
— On vend à grands cris dans Paris un pamphlet intitulé Révélations d'une somnambule sur les cinq membres du pouvoir exécutij. Le somnambulisme n’y est pour rien; c’est une fiction à l’aide de laquelle l’auteur critique amèrement les actes et les personnes du gouvernement.
— En ce moment tout ce qui n’est pas politique souffre et languit; le magnétisme se ressent de cette crise comme toutes choses. Mais ce temps d’arrêt dans sa marche progressive ne durera pas longtemps ; son étude a trop de charmes pour être abandonnée. Nos conférences dominicales, que nous n’avons point interrompues, d’abord beaucoup moins fréquentées, sont redevenues ce qu’elles étaient avant la révolution. Notre publication, aussi ralentie par suite des grandes crises qui ont affligé Paris, va reprendre son allure accoutumée. La première révolution a été funeste au magnétisme; celle-ci lui sera favorable si les adeptes savent s’entendre et s’unir pour résister au flot qui mine toutes les carrières libérales. N’abandonnant point notre tâche, nous comptons que les personnes qui nous ont aidé jusqu’ici nous resteront fidèlement attachées. Que celles dont l’abonnement expirant en décembre dernier n’a pas été renouvelé, veuillent bien se mettre en règle, et tout ira bien.
BIBLIOGRAPHIE.
Su lia storia, teorica e pratica del magnetismo animait:
e sopra vari altri terni relativi al medesimo. Del prof.
Lisimaco Vehati. 4 vol. in-8°. Firenze, 1845-G.
L’analyse qu’on va lire est extraite d’un journal de Florence, Il Ricoglitore, du 4 octobre dernier. La publication de ce travail a eu le meilleur résultat dans la Péninsule, où il a préparé les esprits rebelles à l’étude raisonnéedu magnétisme psychique; en voici la traduction :
De toutes part, en Italie, les presses gémissent, les journaux se multiplient, et l’on voit paraître plus de livres dans une année qu’il n’en était autrefois publié pendant un siècle. Les effets répondent à cette forte impulsion : en sorte que nous pouvons dire qu’en bien peu de temps beaucoup de grandes œuvres se sont opérées. Malgré cela, un cri s’élève continuellement au delà des Alpes, un cri menteur qui nous accuse d’être pauvres de volonté et d’intelligence. Et ce cri a trouvé des échos jusque parmi nous, dans cette classe de mécontents attardés qui ne savent admirer que l’époque de Périclès, qui ne rêvent que les jours d’Auguste, qui n’ont que des lamentations pour le présent et nulle espérance pour l’avenir. S’ils parlent quelquefois du beau siècle de notre littérature, c'est moins pour le louer comme il
convient que pour ne pas s'attirer l'indignation publique. Ce mauvais esprit ne s’exerce pas seulement dans le domaine des lettres. Les sciences aussi, partout où elles sont le produit des progrès de notre civilisation, sont exposées aux critiques malveillantes, aux doléances hypocrites et stupides de cette même classe d’hommes. Réfuter de si grossières erreurs, ce serait perdre son travail et son temps.
Oui, ne craignons pas d’allirmer que, parmi les écrivains modernes, il s’en trouve plusieurs qui, s’ils n’é-clipsent pas la gloire des anciens, honorent au moins grandement la cité où ils naquirent, la nation à laquelle ils appartiennent; et parmi eux nous devons compter tout d’abord le professeur LysimaqueVerati. Son œuvre sur l’histoire, la théorie et la pratique du magnétisme animal et sur plusieurs autres thèmes relatifs au même sujet est un travail de longue haleine, un travail qui surpasse tout ce que l’on pouvait espérer, soit par la sagesse des vues, soit par la beauté des formes, ce qui en fait à la fois une œuvre philosophique et artistique.
L’auteur qui, par bizarrerie ou pour des considérations particulières que nous ignorons, a voulu se cacher sous un tel pseudonyme, est déjà très-connu pour d autres travaux dans le monde littéraire et scientifique. Rien d’étonnant donc s’il s’annonce ici avec une si grande richesse de savoir. Mais autant il est facile de reconnaître l’auteur au style, autant il est difficile d’entreprendre l’examen d’une œuvre si grandiose. Je ne crois même pas que les plus savants dans les mystères philosophiques puissent le faire sans écrire autant d’articles qu’il y a de titres qui la composent ; et les titres embrassent presque l’universalité de la science, en sorte que le commentaire deviendrait encore plus étendu que le texte,
Nous nous bornerons donc à un exposé sommaire de l'ouvrage, nous sentant incapable de l’approfondir.
Notons tout d’abord que l’auteur a fait choix de la forme épistolaire. Cette forme a plus d’attraits, se plie mieux aux exigences des explications; mais peut-être aussi détruit-elle quelque peu la connexion des idées si nécessaires en des travaux de ee genre. Je dis peut-être, car pour qui lira avec attention, il sera facile de découvrir, au milieu des principes, des faits et des théories, le lien secret qui unit toutes les parties et d’où résulte un ensemble sagement harmonisé. Platon aussi ne dédaigna pas cette forme dans l’exposition des plus graves sujets, il l’affectionna même d’une manière particulière.
Avant de donner un jugement sur la vérité ou la fausseté d’un principe, il est bon de réunir les faits, de les considérer sous un large point de vue, de les examiner dans leurs différents rapports, de les classer selon leur nature et leur ordre chronologique, en un mot d’écrire leur histoire. C’est pourquoi l'auteur passe en revue les différentes opinions qui se sont produites sur l’origine du magnétisme animal jusqu’à Mesmer.ll en arrive ainsi à parler des croyances qui régnaient dans le monde ancien et le moyen âge, ainsi que des doctrines et des pratiques de Cagliostro et de Lafonl-Gouzi.
De cet aperçu général, il descend à des investigations spéciales; et ses études se reportent avant tout sur celui-là seul qui mérita de donner son nom à la science. Mesmer, sa doctrine, ses premières expérimentations, les commissions nommées par le roi de France pour les examiner, et le jugement qu’ils en portèrent, l'occupent longuement. Il s’étend ensuite sur la théorie de Gussen, et ses expériences, sur la découverte du somnambulisme magnétique et ses phénomènes. Il passe enfin à raconter
les progrès du magnétisme, les problèmes divers et les polémiques acharnées qu’il suscita avant et après l’Em-pire, les doutes qui surgirent, les commissions qui se fondèrent, se combattirent, jugèrent pour être jugées elles-mêmes ensuite par d’autres commissions; pendant qu’incrédules et fanatiques se défiaient à la guerre, et produisaient des faits, tantôt vrais, tantôt imaginaires pour consolider la doctrine nouvelle. Et la lutte fut longue et obstinée de part et d’autre. Mais, quoique ces nombreux articles, mémoires et livres se réfutassent et se détruisissent tour à tour, il demeura enfin démontré que le magnétisme animal était une chose réelle, vraiment existant.
Jusqu’ici l’auteur n’a fait qu’exposer les faits sans donner à connaître s’ils ont ou non les caractères de crédibilité résultant de la critique. Et cela était nécessaire pour procéder logiquement dans un sujet si difficile, pour séparer le vrai des chimères, la science de la superstition, les ténèbres de la lumière. Savant comme il est dans les choses philosophiques, il s’attache d’abord à démontrer la vérité expérimentale et rationnelle; et, avec des vues justes non moins qu’étendues, il entre dans les arcanes de la science, la réduit à ses éléments, la recompose, l’applique avec une admirable clarté, et développe les définitions métaphysiques de l’idée et de l’absolu. La possibilité et probabilité, soit testimoniale et historique, soit considérée en elle-même, sur lesquelles il discourt, ne servent guère qu’à faire connaître l’imperfection de l’être et la cause des erreurs. Il examine, chemin faisant, les théories de Genovesi, de Costa, de Romagnosi, de Mamiani et de La Place, les approuve ou les réfute; mais toujours avec la modération et le respect dû à des noms si illustres.
Ici l’auteur suspend ses élucubrations philosophiques pour se reposer en quelque sorte en parcourant le champ de l'érudition. Il commence par décrire les folies des oracles, depuis celui de Delphes jusqu’à celui de la Sibylle, sans excepter la cabale juive. Il poursuit ensuite l’astrologie judiciaire dans ses ramifications, ses modifications, ses rites, ses extravagances, et il en dévoile la fausseté et l’inconvenance. Il n’oublie point non plus la magie et les possessions sataniques, dont l’une donna naissance à d’étranges et comiques phantasmagories, les dernières,aux choses les plus épouvantables : le tout est peint de main de maître (1). Dans l’exposition du théosophisme, plus qu’en autre sujet peut-être, l’auteur s’est montré supérieur. 11 le considère dans son origine, dans ses doctrines et son progrès; les sectes qu’il produisit, les doutes qu’il fit naître, les polémiques qu’il suscita forment l’objet de ses longues méditations que terminent des recherches physiques touchant l’influence réciproque des êtres dans les trois règnes de la nature. Le lecteur est ainsi transporté du monde des folies et des rêves dans celui des réalités où la science se manifeste à lui dans la beauté de ses formes, dans la rigidité de se* principes, quoiqu’un voile mystérieux nous en dérobe toujours la connaissance première. Ici les définitions étaient inutiles : l’auteur a laissé à chacun le droit de suivre l’opinion qui lui souriait le plus. Laissant donc là toutes les abstractions métaphysiques, il descend plus à son aise sur les conditions et les phénomènes magnétiques. Déroulant ensuite les doctrines psychologiques, il argumente sur les magnétiseurs, le somnambulisme
(I) Tout ce passage prouve que l'auteur, si savant qu'il soit, ignor» ncore bien des choses. (Note de la rédaction.)
spontané, symptomatique, extatique et magnétique; révèle les crises et l’exaltation psychiques et morale particulière à chacun, et décrit les instincts et les faits concomitants. Avec quelle facilité et pureté de langage, avec quelle force d’esprit et quelle originalité n’a-t-il pas développé ces différents arguments. Pour preuve, nous ne voudrions citer que sa lettre sur le sommeil et les songes, dont les théories, toutes propres à notre auteur, sont aujourd'hui professées par les philosophes les plus distingués.
Il est vraiment intéressant, mais au-dessus de nos forces, de suivre ainsi pas à pas l’auteur dans ses dissertations multiples pour arriver à la solution d’une thèse à laquelle apportent tribut et les faits de l’histoire et les solennelles vérités de la métaphysique et les immenses découvertes de la physiologie, de la physique et de la médecine. Nous nous bornerons donc au conseil. Que l’homme de science lise cette œuvre, et il en retirera lumière et inspiration; que l’ami des belles-letlres la lise aussi, et il y trouvera de quoi embellir son esprit. Les abstractions s’entremêlent à la réalité, les spéculations profondes aux sujets pleins de charmes, le style le plus grave aux formes les plus brillantes. C’est ainsi que ce qui entraine l’épicurien s’unit à ce qui maîtrise le disciple de Zenon. Disons en un mot que l’auteur a imité le philosophe grec qui plaçait dans l’Académie le portrait des grâces.
Alexandre Bulgarim.
Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).
CLINIQUE MAGNÉTIQUE.
A M. le baron du Potct de Senncvoy.
Monsieur le baron,
J étais pressé lorsque j’eus l’honneur de vous écrire ma dernière lettre, et je ne pus vous adresser aucune note des résultats que la pratique du magnétisme nous met à même de constater. Plus heureux aujourd’hui, je viens vous signaler quelques faits que je choisis dans un assez grand nombre, et que vous ne trouverez sans doute pas indignes de quelque intérêt. Les personnes qui font le sujet de ces remarques sont toutes fort honorablement connues dans notre ville.
M. Octave Saulay éprouvait, depuis plusieurs années, une grande faiblesse des membres inférieurs; et, cette faiblesse augmentant, les jambes fléchissaient : il lui est souvent arrivé de tomber en marchant. Bientôt survinrent des douleurs aiguës aux articulations, et à la suite de certains accès, les jambes restaient comme paralysées pour un temps plus ou moins long. Craignant d’en perdre tout à fait l’usage, ainsi que son médecin l’en avait menacé, il se soumit aux traitements ordinaires, mais sans aucun succès, et recourut enfin au magnétisme. M. Morphy lui donna ses soins (souffle à chaud sur les articulations, et magnétisation palmaire le long de la colonne vertébrale et des membres inférieurs). A
TOME VI. — ÏO. — 25 MAI 1818. 0
la cinquième séance les douleurs avaient cessé, et la faiblesse diminuait au point que dix-huit séances suffirent an retour des forces et à un parfait rétablissement.
M. Saulay en a témoigné sa gralilude en termes écrits qui font un consolant contraste avec la manière d’agir de quelques-uns dont il faut plaindre l’aveuglement...
M. J. Duval perdit l’usage de l’œil gauche, il y a vingt-cinq ans, par suite d’un coup d’air : la cécité était complète; et, lorsque nous l’observâmes, la pupille était entièrement envahie par une sorte de taie, d’un blanc mat, paraissant adhérer à la face postérieure de l’iris plutôt qu’au disque antérieur du cristallin, mais dont l’étendue ne pouvait être connue : le contour de la pupille, naturellement grande, tranchait, avec une régularité parfaite, sur cette espèce de rideau. Magnétisé localement par M. Peyrat (imposition palmaire), cinq ou six semaines de séances, trop courtes et pas assez suivies, ont cependant réduit l’obstacle en étendue et en épaisseur; car on en voit les bords irrégulièrement échan-crés, et il a pris une teinte bleuâtre. M. Duval lui trouve, en effet, de la transparence, et l’œil a partiellement recouvré sa faculté, surtout du côté interne, où se trouve la plus forte échancrure. Sans doute l’amélioration eût été plus marquée si on avait mis plus d’ordre dans la magnétisation.
M. Poulet avait, depuis plus de trente ans, une laie à l’œil droit qui ne percevait presque plus. Magnétisée localement par M. Monier, un mois a suffi pour que cette taie, qni était très-apparente, et faisait même saillie sur 1r cornée, soit devenue à peine visible, et M. Poulet peut déjà lire de cet œil sans trop de gène.
M'nt Landier, à la suite d’une chute qui datait de quinze ans, ne pouvait plus faire usage de la jambe gau-
che qu’avec l'aide d’une béquille. Objet de nombreux et inutiles traitements, cette dame fut magnétisée par M. Ferrand, et six semaines suffirent au rétablissement complet de la fonction.
M. J. Gleise, 73 ans, d’une forte constitution, atteint depuis quinze ans d’une agitation continuelle de la main droite, se soumit à un essai, dans une de nos séances. Sa main, tenue cinq ou six minutes dans la mienne, avait recouvré sa tranquillité normale; mais l’agitation reparut le lendemain, quoique avec moins d'intensité. Ma canne la fit cesser, comme ma main l’avait fait la veille, et, pendant quelques jours, lorsque nous nous rencontrions, il nous suffisait de faire, pour quelques moment», un échange de nos cannes. Nul doute qu’avec quelque persévérance il ne resterait plus rien de cette vieille indisposition ; mais, en raison de la position de M. Gleise, qui n’a pas besoin de s’occuper, et qui ne souffre point, nous n avons pas donné de suite à ces premiers essais, et on remarque encore, par moments, un reste d’agitation, particulièrement au pouce.
M. F. Correjolles, d’une forte constitution, mais d’un tempérament essentiellement sanguin, éprouvait aussi une agitation nerveuse qui ne lui permettait mêmeguére de signer. En outre, il avait de fréquents maux de tête, des éblouissements, et un grand trouble de la vision : il avait contracté l’habitude d’étre saigné jusqu a trois et quatre fois tous les étés. Pour satisfaire sa curiosité, il se lit magnétiser deux fois par un ami, qui le mit chaque fois dans une situation très-pénible, et capable d’effrayer des magnétiseurs inexpérimentés. Je crus reconnaître la cause de ce désordre : le magnétiseur était, lui aussi, en proie à une agitation nerveuse. Je le remplaçai, et magnétisai M. Correjolles en dirigeant toute l'action
aux jambes. Très-allectihle, il sentait aussitôt la chaleur, ilont sa tète lui semblait être un foyer, se précipiter vers les parties actionnées, et il se trouvait en peu d’instants dans un état complet de rigidité : contraction du tronc, des membres, des mâchoires, des lèvres, des paupières; convulsion des globes oculaires, etc. Cependant, il conservait une sensibilité remarquable à l’attraction et à d’autres influences qui nous ont fourni matière à bien des observations intéressantes, et néanmoins l’insensibilité à la douleur existait, ou était très-facile à provoquer. Quelquefois isolé, le plus souvent il entendait tout, mais il ne pouvait rendre compte de rien qu’au réveil... Je le laissais ainsi une demi-heure dans un fauteuil, et une vingtaine de séances, dans le courant de l’été, ont fait disparaître tout malaise : il n’a pas été saigné, n’a plus eu d’éblouissements, rarement des maux de tète, que, depuis lors, il s’enlève lui-même avec la main; et sa vue est parfaitement revenue, tandis que l’agitation, à laquelle il était en proie depuis longtemps, a complètement cessé.
Il ne fallait rien moins que cet heureux résultat pour faire-de M. Correjolles un des plus fervents adeptes du magnétisme.
jyi|,c — f l’été dernier, lit usage de crème à la glace, alors qu’elle aurait dù s’en abstenir. Il en résulta une suppression, bientôt suivie de toux, et ensuite de vomissements. La malade fut saignée, apposition réitérée de sangsues, vésicatoire au bras, emplâtre entre les épaules, potions calmantes ; mais tout fut au moins inutile: la toux était des plus opiniâtres, continuelle, sèche, et les vomissements, qui furent quelquefois marqués de fdets de sang, allèrent jusqu’au nombre de quatorze dans la journée. Un de nos meilleurs médecins fit tout
cc qu’il crut bon, et témoigna même ses regrets de l’in-suècès des moyens employés; mais après six semaines de tâtonnements infructueux, on finit par où l’on aurait dù commencer. Dès les premières magnétisations la toux était suspendue tant que l’action durait, et en peu de jours elle cessa tout à fait : plus de vomissements non plus, le vésicatoire sécha, et la malade retrouva l'appétit et le sommeil (la magnétisation, générale les premiers moments, était ensuite concentrée sur les sièges douloureux, et enfin aux membres inférieurs, et, pendant quelques jours, la malade fit usage d’eau magnétisée pour boisson). Bientôt s’établit la menstruation, qui dura vingt-cinq jours, et la malade, qui était parvenue au somnambulisme lucide, me disait toujours qu’il ne fallait pas se préoccuper de cela, qu’elle n’avait rien à se prescrire, que le magnétisme la guérissait de tout à la fois, même des palpitations qu’elle avait depuis son bas âge ; et, en effet, sa prévision s’est parfaitement réalisée.
Ce dernier cas surtout, monsieur le baron, mériterait, je crois, une sérieuse attention; car il se présente bien fréquemment chez les jeunes personnes, et l’expérience démontre que les émissions sanguines ont, trop souvent, un résultat funeste!!!. Je ne vous entretiendrai pas d’une foule de guérisons de tout genre .que le magnétisme opère ici comme partout : le nombre en est déjà grand, Dieu merci ! Je dois me borner à quelques cas assez graves pour justifier l’examen des hommes sérieux. Mais s’il est doux de rendre quelquefois la santé à des malheureux que la médecine ordinaire avait déclarés incurables, ou qu’elle avait condamnés à une fin prochaine, il est pénible aussi de savoir des gens qui se complaisent dans leur ignorance, et qui croient en avoir
fini avec une guérison extraordinaire (comme dans le cas de M"8 Vignaud, par exemple), quand elles ont dit : « Cesl un miracle!... » ce qui les dispense de nous dire merci. Estimons-nous heureux toutefois, puisque, moins maltraités que le vénérable Laforgue, et tant d’autres, on ne nous poursuit pas du moins pour exercice illégal de la médecine...
Agréez, monsieur le baron, l’assurance de mon respectueux dévouement. Jos. Bartiiet.
Nonvelle-Orléans, *0 janvier 18i8.
THÉORIES.
L’Amérique parait destinée à être la nouvelle patrie des penseurs; tout ce qu’il y a d’intelligences hors ligne semble y naître ou s’y donner rendez-vous. On croirait que le régne du vieux continent va finir et que le nouveau va lui succéder dans la direction du monde, par la supériorité du talent de ses au teurs, de ses savants, de ses artistes. M. Poe est un de ces légionnaires de l’avenir, il s’est acquis une réputation universelle avec un petit volume de nouvelles. C’est un de ces esprits aventureux qui sondent et résolvent toutes les questions avec un sens étrange, original. Son ouvrage nous a déjà occupés (Voy. t. iu, p. 241); it appartient au temps où le magnétisme excitait à New-York un immense et vif enthousiasme. L’auteur y a nus un chapitre sur les mystères de la vie„ intitulé Mesmcric Révélations ; dis-
sériation très-intéressante par ses détails, quj n*a rien de réel ail fond que la forme des pensées.
L’esprit normal a, jusqu’à présent, trouvé de bornes; mais voici un instrument nouveau, le somnambulisme; tonte la philosophie va s’en servir, comme d’un microscope, pour percevoir les choses qui lui échappent. Bien que dans ce dialogue tout paraisse arrangé de manière à faire penser que le somnambulisme ait été l’instrument dont nous parlons, l’habile conteur ne peut cependant nous tromper; mais on s’aperçoit que son esprit reflète les scènes de l’extase, qu'il s’est initié aux pratiques magnétiques déjà avancées, et sa lecture a pour nous un charme inexprimable. La route est donc tracée; et comme nous l’avons dit ailleurs : C’est tout un monde qu’on osait à peine soupçonner qui s’offre à la vue de l’homme.
Voici la traduction, aussi littérale que possible, de ce chapitre :
RÉVÉLATIONS MAGNÉTIQUES.
Quoique le doute puisse longtemps encore envelopper tout le côté rationnel du magnétisme, ses foudroyants effets sont maintenant presque universellement admis. Ceux qui doutent de ces effets sont de purs douleurs de profession, une impuissante et peu honorable caste. Toute la question se réduirait à un effort nécessaire pour leur prouver que, quant à présent, l’homme peut, par un pur exercice de sa volonté, impressionner suffisamment son semblable pour le jeter dans une condition anormale, dont les phénomènes ressemblent littéralement à ceux de la mort, ou du moins leur ressemblent plus qu’aucun des
phénon>“*es produits dans une condition normale, situés dans les limitesde notre connaissance; que, tout le temps que dure cet état, la personne ainsi influencée n'emploie qu’avec effort, et conséquemment avec peu d’aptitude, les organes extérieurs des sens, et que néanmoins elle perçoit, avec une perspicacité âpre et excessive, et à travers des canaux supposés inconnus, des objets situés au delà de l’horizon où peuvent atteindre les organes physiques ;que, progressivement, scs facultés intellectuelles s exaltent et se fortifient d’une manière terrible; que ses sympathies avec la personne qui agit sur elle sont profondes; et que finalement sa susceptibilité à l’impression magnétique croît en proportion de sa fréquence, pendant que les phénomènes particuliers qui se produisent, s’étendent, se multiplient, et se prononcent davantage et dans la même proportion.
Je dis qu’il serait superflu de démontrer ces faits divers, où est contenue la loi générale du magnétisme, et qui en sont les traits principaux. Aussi n’infligerai-je pas aujourd'hui à mes lecteurs une aussi futile démonstration. Mon dessein, quant à présent, est en vérité d’une tout autre nature. Je sens le besoin, en dépit de tout un monde de préjugés, de détailler, sans commentaire , la très-remarquable substance d’un dialogue qui eut lieu entre un somnambule et moi.
J’étais depuis longtemps dans l’habitude de magnétiser la personne en question, M.Vankirk, et la susccpli-bilité infinie, l’exaltation du sens magnétique était arrivée à son période, définitif. Pendant plusieurs mois, il avait beaucoup souffert d'une phthisie avancée, dont les effets les plus cruels avaient été diminués par mes passes; et dans la nuit d’un mercredi, à la quinzième heure, je fus appelé à son chevet.
Le malade souffrait des douleurs vives dans la région du cœur, et respirait avec une grande difficulté, ayant tous les symptômes ordinaires d’un asthme. Dans des spasmes semblables, il avait habituellement trouvé du soulagement dans des applications de moutarde aux centres nerveux, mais ce soir-là il y avait eu recours en vain.
Quand j’entrai dans sa chambre, il me salua d’un tendre sourire, et quoiqu’on proie à des douleurs physiques aiguës, il parut, moralement du moins, tout à fait heureux à mon aspect.
«Je vous ai envoyé chercher cette nuit, dit-il, non pas tant pour m’administrer un soulagement physique, que pour me satisfaire relativement à de certaines impressions psychiques qui m’ont récemment causé beaucoup d’anxiété et de surprise. Je n’ai pas besoin de vous dire combien j’ai été sceptique jusqu’à présent sur le sujet de l’immortalité de notre âme. Je ne puis pas vous nier que dans cette même âme que j’allais niant, a toujours existé comme un demi-sentiment assez vague de sa propre existence. Mais ce demi-sentiment ne s’est jamais élevé à l’état de conviction. Avec tout cela ma raison n’a rien à faire. Tous mes efforts pour établir là-dessus une enquête logique n’ont abouti qu’à me laisser plus sceptique qu’auparavant. Je me suis avisé d’étudier Cousin, je l’ai étudié dans ses propres ouvrages aussi bien que dans ses échos européens et américains. J’eus entre les mains, par exemple, le CharlesElwoodde M. Brownson, je l’ai lu avec une profonde attention.
» Je le trouvai d’un bout à l’autre pétri de logique mais les portions qui ne sont pas de la pure logique sont malheureusement les arguments primordiaux du héros incrédule du livre. En résumé, il me parut évident que
le raisonneur n’avait pas même réussi à se convaincre lui-même. La fin du livre a visiblement oublié le commencement, comme le gouvernement de Trinculo. Bref, je ne fus pas longtemps à m'apercevoir que si 1 homme doit être intellectuellement convaincu de sa propre immortalité, il ne le sera jamais par les pures abstractions qui ont été si longtemps la manie des moralistes d Angleterre, de France et d’Allemagne. Les abstractions peuvent être un amusement et une gymnastique, mais elles ne prennent pas possession de l’esprit. Ici, sur cette terre du moins, la philosophie, j’en suis persuadé, nous intimera toujours en vain l’ordre de considérer les qualités comme des êtres. La volonté peut consentir, mais l’âme, mais l’intellect, jamais.
» Je répète donc que j’ai seulement senti à moitié, et que je n’ai jamais cru intellectuellement. Mais dernièrement, il v eut en moi un certain renforcement de sentiment, qui prit une intensité assez grande pour ressembler à s’y méprendre à un assentiment de la raison, au point que je trouve fort difficile de distinguer entre les deux. Je ne suis pas franchement autorisé à attribuer cet ellet à l’inlluence magnétique, je ne puis mieux expliquer ma pensée que par l’hypothèse que l’exaltation magnétique me rend apte à concevoir un système de raisonnement qui dans mou existence anormale me convainc, mais qui, par une complète analogie avec le phénomène magnétique, ne s’étend pas, excepté par son effet, jusqu’à mon existence normale. Dans l’état somnambulique, il y a simultanéité et contemporanéité entre le raisonnement et sa conclusion, la cause et son effet. Dans mon état naturel, la cause s’évanouissant, l’effet seul demeure, et encore peut-être amoindri et diminué.
» Ces considérations m’ont induit à penser que 1 on
pourrait tirer quelques bons résultats d’une série de questions bien dirigées proposées à mon intelligence dans l’état magnétique. Vous avez souvent observé la profonde connaissance de soi-même manifestée par le somnambule, et la vaste science qu’il déploie sur tous les points relatifs à l’état magnétique; de cette singulière science autopsvcbologique on pourrait tirer des instructions suffisantes pour constituer les éléments particuliers d’un catéchisme. »
Je consentis de suite à faire cette expérience. Quelques passes plongèrent M. Vankirk dans le sommeil magnétique. Sa respiration devint immédiatement plus aisée, et il ne parut plus souffrir aucun malaise physique. La conversation suivante s’engagea.
(V. dans le dialogue représentera le somnambule, et P. ce sera moi.)
P. Etes-vous bien endormi ?
V. Oui, — non. Je voudrais dormir plus profondément.
P. (Après quelques nouvelles passes..) Dormez-vous bien maintenant?
F. Oui.
P. Comment pensez-vous que doive finir votre maladie actuelle?
V. (Après une longue hésitation et parlant comme avec effort.) J’en mourrai.
P. Cette idée de mort vous afflige-t-elle ?
V. (Avec vivacité.) Non, — non !
P. Cette perspective vous plaît—elle ?
V- Si j’étais éveillé, j’aimerais mourir. Mais maintenant, il n’y a pas lieu à le désirer. L’état magnétique est assez près de la mort pour me satisfaire.
P. Je serais bien aise que vous vous expliquassiez plus clairement, monsieur Yankirk.
V. Je le voudrais bien aussi ; mais cela demande plus d’efforts que je ne suis capable d’en faire. Vous ne me questionnez pas convenablement.
P. Alors que. faut-il vous demander ?
V. Il faut que vous commenciez par le commencement.
P. Le commencement ! Mais où est-il le commencement ?
V. Vous savez bien que le commencement est Dieu. (Ceci fut dit sur un ton très-bas, très-lent, et avec tous les signes de la plus profonde vénération.)
P. Qu’est-ce donc que Dieu ?
V. (Hésitant quelques minutes.) Je ne puis pas le dire.
P. Dieu n’est-il pas un esprit?
V. Quand j’étais éveillé, je savais ce que vous entendez par esprit. Mais maintenant cela ne me semble plus qu’un mot, tel par exemple que Vérité, Beauté, une qualité enfin.
P. Dieu n’est-il pas immortel ?
V. Il n’y a pas d’immortalité. C’est un simple mot. Ce qui n’est pas matière n’est pas, à moins que les qualités ne soient des êtres.
P. Alors Dieu est-il matériel ?
V. Non. (Cette réponse m’abasourdit.)
P. Alors qu’est-il ?
V. (Après une longue pause, et en marmottant.) Je le vois, —je le vois, — mais — c’est une chose — très-difficile à dire. (Autre pause également longue.) 11 n’est pas esprit, car il existe. Il n’est pas non plus matière, comme vous l'entendez. Mais il y a des gradations de matière dont l’homme n’a aucune connaissance; la plus dense
entraînant la plus subtile, la plus subtile pénétrant la plus dense. L’atmosphère, par exemple, met en mouvement le principe électrique, pendantquc le principe électrique pénétre l’atmosphère. Ces gradations, ces couches échelonnées de matière croissent en raréfaction et subtilité jusqu’à ce que nous arrivions à une matière imparticulée,— sans molécules, — indivisible, — une; et ici la loi d’impulsion et de pénétration est modifiée. La matière suprême ou imparticulée, non-seulement pénètre les êtres, mais met tous les êtres en mouvement, — et ainsi elle est tous les êtres en un, qui est elle-même. Cette matière est Dieu. Ce que les hommes cherchent à incorporer dans le mot Pensée, est la matière en mouvement.
P. Les métaphysiciens maintiennent que toute action se réduit à mouvement et pensée, et que la dernière est l’origine de la première.
T . Oui; et je vois maintenant la confusion d’idées. Le mouvement est l’action de l’esprit, non de la pensée. La matière imparticulée, ou Dieu, à l’état de repos, est approchant, autant que nous pouvons le concevoir, ce que les hommes appellent Esprit. Et cette faculté d’auto-mouvement, — équivalente en effet à la volonté humaine, — est dans la matière imparticulée, le résultat de son unité et de son omnipotence; comment, je ne le sais pas, et maintenant je vois clairement que je ne le saurai jamais; mais la matière imparticulée, mise en mouvement par une loi, ou une qualité contenue en elle, est pensante.
P. Ne pouvez-vous pas me donner une idée plus précise de ce que vous définissez la matière imparticulée?
T • Les matières dont l'homme a connaissance échappent aux sens, à mesure que l’on monte l’échelle. Nous avons,
par exemple, un métal, un morceau de bois, une goutte d eau, I atmosphère, un gaz, le calorique, l’électricité,
1 éther lumineux. Maintenant nous appelons toutes ces choses matière, et nous embrassons toute matière dans une définition générale; mais en dépit de tout ceci, il n y a pas deux idées plus essentiellement distinctes que celle (pie nous attachons au métal, et celle que nous attachons à l’ëther lumineux. Si nous prenons la dernière, nous sentons une presque irrésistible tentation de la classer avec 1 esprit ou avec le néant. La seule considération qui nous relient est notre conception de sa constitution atomique. Et encore ici môme avons-nous besoin d’appeler à notre aide et de nous remémorer notre notion primitive de l’atome, c’est-à-dire de quelque chose possédant dans une infinie exiguïté, la solidité, la tangibilité, la pesanteur. Supprimons l’idée de la constitution atomique, et nous cesserons bientôt de considérer l’éther comme une entité, 011 au moins comme une matière. Faute d un meilleur mot, nous sommes contraints de
1 appeler Esprit. Prenons maintenant un degré au delà de 1 éther lumineux, concevons une matière qui soit à
1 éther en raréfaction ce que l’éther est au métal, et nous arrivons enfin, en dépit de tous les dogmes d’école, à une masse unique, à une matière imparticulée. Car bien que nous puissions admettre une infinie petitesse dans les atomes eux-mêmes, supposer une infinie petitesse dans les espaces qui la séparent est une absurdité. Il y aura un point, il y aura un degré dé petitesse, où si les atomes sont en nombre suffisant, les espaces s évanouiront, et où la masse fera une entité absolument unie. Mais la considération de la constitution atomique étant maintenant mise de côté, la nature de cette masse tombe, glisse inévitablement dans le domaine des esprits.
Il est clair, toutefois, qu’elle est tout aussi matière qu’auparavant. Le vrai est qu’il est aussi possible de concevoir l'esprit que d'imaginer ce qui n’est pas. Quand nous nous flattons d’avoir enfin trouvé la forme de la conception de l’esprit, nous avons simplement donné le change à notre intelligence, par la considération de la matière infiniment raréfiée.
P. Il me semble qu’il y a une insurmontable objection à cette idée de cohésion absolue; et c’est la très-faible résistance supportée par les corps célestes dans leurs révolutions à travers l’espace, une résistance dont la force n’a pas encore, il est vrai, été soumise à un calcul exact, mais qui a cependant, à cause de sa faiblesse, tout à fait échappé à la sagacité clairvoyante de Newton lui-même. Nous savons que la résistance des corps est toujours en raison de leur densité. L’absolue cohésion et l’absolue densité. Là où il n’v a pas d’intervalles, il ne peut pas y avoir recul, mouvement, pénétration. Un éther, absolument dense, constituerait un obstacle plus efficace à la marche d’une planète qu’un éther de diamant ou d’acier.
V. Vous m’avez fait cette objection avec une sécurité, une aisance qui ne viennent que de son apparente irréfutabilité. Une étoile marche; qu’importe que l’étoile passe à travers l’éther, ou l’étherà travers elle. Il n’y a pas d’erreur astronomique plus inexplicable que celle qui concilie le retard connu des comètes avec l'idée de leur passage à travers l’éther. Car quelque raréfié qu’on suppose sur l’éther, il fera toujours un obstacle à toute révolution sidérale, dans une période bien autrement plus courte quene l’ont admis tous ces astronomes qui se sont efforcés à glisser hypocritement sur un point qu’ils trouvaient impossible à résoudre. Le retard à chaque instant
subi est, d’autre part, environ égal à celui qui peut résulter du frottement de l’éther dans son passage instantané à travers 1 astre. La force de retard est donc à la fois momentanée et toujours égale à elle-même, et suivant une seconde loi, infiniment progressionnelle et accumula tive.
P. Mais dans tout cela, dans cette identification de la pure matière avec Dieu, n’y a-t-il rien d’irrespectueux? (Je fus forcé de répéter cette question, pour que le somnambule pût tout à fait saisir ma pensée.)
P. Pouvez-vous dire pourquoi la matière est moins respectée que l’Esprit ? Mais vous oubliez que la matière dont je parle est à tous égards, et surtout relativement à ses hautes propriétés, la véritable intelligence ou esprit des écoles, et en même temps la matière de ces mêmes écoles. Dieu, avec tous les pouvoirs attribués àl’Esprit, n est que la perfectiou de la matière.
P. Vous aflirmez donc que la matière imparticulée en mouvement est pensée?
V. En général, ce mouvement est la pensée universelle de l’Esprit universel. Celte pensée crée. Toutes les choses créées ne sont que les pensées de Dieu.
P. Vous dites : en général.
V. Oui. L’Esprit universel est Dieu. Pour les nouvelles individualités la matière est nécessaire.
P. Mais vous parlez maintenant d’Esprit et de matière comme les métaphysiciens.
V. Oui, pour éviter la confusion. Quand je dis Esprit, j entends la matière imparticulée ou suprême; sous le nom de matière je comprends toutes les autres espèces.
P. Vous disiez que pour les nouvelles individualités la matière est nécessaire.
V.Oui. Car l’Esprit, existant incorporellement, est
purement Dieu. Pour créer des êtres individuels, pensants, il était nécessaire d’incarner des portions de l’Es-prit divin. Ainsi l’homme fut individualisé. Dépouillé de l’investiture corporelle, il était Dieu. Maintenant, le mouvement spécial des portions incarnées de la matière imparticulée est la pensée de l’homme, comme le mouvement de l’ensemble est celui de Dieu.
P. Vous dites que dépouillé de son corps l’homme sera Dieu ?
V. (Après quelque hésitation.) Je n’aurais pas pu dire cela ; c’est une absurdité.
P. (Consultant mes notes.) Vous affirmâtes que, dépouillé de l’investiture corporelle, l’homme serait Dieu.
V. Et cela est vrai. L’homme ainsi dégagé serait Dieu, il serait désindividualisé. Mais il ne peut être ainsi dépouillé, ou au moins ne le sera jamais ; autrement il nous faut concevoir une action de Dieu retournant sur elle-même, une action futile et sans but. L’homme est une créature. Les créatures sont les pensées de Dieu. Et c’est la nature d’une pensée d’être irrévocable.
P. Je ne comprends pas. Vous dites que l’homme ne pourra jamais rejeter son corps.
V. Je dis qu’il ne sera jamais sans corps.
P. Expliquez-vous.
V. Il y a deux corps, le rudimentaire et le complet, correspondant aux deux conditions de la chenille et du papillon. Ce que nous appelons mort n’est que la métamorphose douloureuse. Notre incarnation actuelle est progressive, préparatoire, temporaire. Notre incarnation future est parfaite, suprême, immortelle. La vie suprême est le but définitif.
P• Mais nous avons une notion palpable de la métamorphose de la chenille.
V. Nous, certainement; mais non la chenille. La matière dont notre corps rudimentaire est composé est à la portée de nos organes actuels. Ou plus distinctement, nos organes rudimentaires sont analogues, proportionnels à la matière dont est fait le corps rudimentaire, mais non à celle dont le corps suprême est composé. Le corps ultérieur ou suprême échappe donc à nos sens rudimentaires, et nous percevons seulement la coquille qui tombe en dépérissant, et se détache de la forme intérieure, et non la forme intime elle-même. Mais cette forme intérieure, aussi bien que la coquille, est appréciable pour ceux qui ont déjà opéré la conquête de la vie ultérieure.
P. Vous avez dit souvent que l’état magnétique ressemblait à la mort de très-près. Comment cela ?
V. Quand je dis qu’il ressemble à la mort, j’entends qu’il ressemble à la vie ultérieure. Car lorsque je suis magnétisé, les sens de ma vie rudimentaire sont en vacance, et je perçois les choses extérieures directement, sans organes, par un agent qui sera à mon service, à ma disposition dans la vie ultérieure, la vie inorganique.
P. Inorganique?
V. Oui. Les organes sont des artifices, des expédients mécaniques par lesquels l’individu est mis en rapport sensible avec certaines classes et formes de la matière, à l’exclusion des autres classes et des autres formes. Les organes de l’homme sont adaptés à la condition rudimentaire, et à elle uniquement. Sa condition ultérieure étant inorganique est propre à une compréhension infinie de tous les êtres, excepté d’un seul, de la nature de la volonté de Dieu, c’est-à-dire du mouvement de la matière imparticulée; vous aurez une idée distincte du
corps ultérieur, en le concevant tout cervelle. 11 n’est pas cela, mais une conception de cette nature vous rapprochera de l'idée de sa constitution réelle. Un corps lumineux communique une vibration à l’éther lumineux. Cette vibration en engendre de semblables dans la rétine. Celle-ci en communique de semblables au nerf optique. Le nerf les traduit au cerveau, et le cerveau à la matière imparticulée qui le pénétre. Le mouvement de cette dernière est pensée. La première vibration était la perception. Tel est le mode par lequel l’Esprit de la vie rudimentaire communique avec le monde extérieur; et ce monde extérieur est limité par la vie rudimentaire, à cause de l’idiosvncrasie de ses organes. Mais dans la vie ultérieure, inorganique, le monde extérieur touche le corps entier, — qui est d’une substance ayant quelque affinité avec le cerveau, comme je vous l’ai dit, — sans autre intervention que celle d’un éther infiniment plus subtil que l’élher lumineux; et le corps tout entier vibre à l’unisson avec cet éther, et met en mouvement la matière imparticulée dont il est pénétré. C’est donc à l’absence d’organes idiosyncrasiques qu’il faut attribuer la perception quasi illimitée de la vie ultérieure. Pour les êtres rudimentaires, les organes sont des cages nécessaires pour les renfermer jusqu’à ce qu'ils soient garnis de toutes leurs plumes.
P. Vous parlez d’êtres rudimentaires ; y a-t-il d’autres êtres rudimentaires pensants que l’homme ?
V. La prodigieuse agglomération de matière subtile dans les nébuleuses, les planètes, les soleils, et autres corps qui ne sont ni nébuleuses, ni soleils, ni planètes, a pour unique destination de servir d'aliment à l’idiosyn* crasie des organes d’une infinité d’êtres rudimentaires. Mais pour la nécessité de la vie rudimentaire, achemine-
ment à la vie ultérieure, il n’y aurait pas là des corps sem blables à ceux-ci. Chacun de ces corps est alloué à une variété distincte de créatures organiques, rudimentaires, pensantes. Dans toutes, les organes varient avec les traits généraux du monde qui leur a été alloué. A la mort, ou à la métamorphose, ccs créatures, jouissant de la vie ultérieure, de l’immortalité, et connaissent tous les secrets, excepté l’unique, opèrent tous leurs actes, et se meuvent dans tous les sens par un pur effet de volonté; habitant non plus les étoiles qui nous paraissent les seuls mondes palpables, et pour l’emmagasinement desquelles nous croyons stupidement que l’espace a été créé, mais l’espace lui-mëme, cet infini dont l’immensité véritablement substantielle absorbe, engloutit les ombres des étoiles, et à la perception des anges les réduit à l’état de non entités.
P. Vous dites que les astres n’ont été créés que pour la nécessité de la vie rudimentaire. Mais pourquoi cette nécessité?
V. Dans la vie inorganique, aussi bien que généralement dans la matière inorganique, il n’y a rien qui puisse contredire l’action d'une loi simple, unique, qui est la volonté divine. La vie et la matière organiques (complexes, substantielles et gouvernées par une loi multiple) ont été disposées, organisées, constituées dans le but de l’empêchement et de la contradiction.
P. Mais encore, — à quoi bon, — pourquoi,—dans quel but cet empêchement et celte contradiction ?
V. Le résultat de la loi inviolée est la perfection, la justice, le bonheur négatif. Le résultat de la loi violée1 est l’imperfection, l’injustice, la douleur positive. Grâce aux empêchements apportés par le nombre, la complexité et la substantialité des lois de la vie et de la
matière organiques, la violation de la loi devient jusqu’à un certain point praticable. Ainsi la douleur qui est impossible dans la vie inorganique est possible dans l’organique.
P. Mais en vue de quel résultat satisfaisant la possibilité de la douleur a-t-elle été créée?
T . Toutes choses sont bonnes ou mauvaises par comparaison. Une sullisante analyse démontrera que le plaisir, dans tous les cas, n’est que le contraste de la peine. Le plaisir positif est une pure idée. Pour être heureux jusqu’à un certain point, il faut que nous ayons souffert jusqu’au même point. N’avoir jamais souffert est équivalent à n’avoir jamais été heureux. Mais il est démontré que dans la vie inorganique, la peine ne peut pas exister. De là suit la nécessité de la peine dans la vie organique. La douleur de la vie primitive sur la terre est la seule base, la seule garantie du bonheur dans la vie ultérieure, dans le ciel.
P. Mais encore, il y a une de vos expressions que je ne puis absolument pas comprendre : l’immensité véritablement substantielle de l’infini.
Tr. C’est probablement parce que nous n’avons pas une conception sui generis, adéquate, de l’expression substance en elle-même. Nous ne pouvons pas regarder cela comme une qualité, mais comme un sentiment. C’est la perception, dans les êtres pensants, de l’analogie de la matière avec leur organisation. 11 y a bien des choses sur la terre qui seraient néant pour les habitants de Vénus, bien des choses visibles et tangibles dans Vénus, dont nous sommes incompétents à apprécier l’existence. Mais pour les êtres inorganiques, comme les anges, la totalité delà matière est imparticuléc, c’est-à-dire que pour eux la totalité de ce que nous appelons espace est la plus vé-
rilable substantialité. Toutefois li-s astres, dans ce que nous considérons comme leur matérialité, échappent au sens angélique dans la môme proportion que la matière imparticulée, dans ce que nous considérons comme son immatérialité, échappe aux sens organiques.
Comme le somnambule d’une voix faible prononçait ces derniers mots, j’observai dans sa physionomie une singulière expression qui m’alarma plusieurs fois, et m’induisit à le réveiller. Je ne l’eus pas plutôt fait, qu un brillant sourire illumina tous ses traits, qu’il tomba en arrière sur son oreiller et expira. Je remarquai que moins d’une minute après son corps avait la sévère rigidité d’une pierre. Son front était d’un froid de glace, ainsi qu’il ne doit arriver qu’après une longue pression de la main d’Azrael. En vérité, est-ce que le somnambule,-pendant la seconde moitié de son discours, m’avait parlé du fond de la région des ombres ?
Edgar A. Poe.
INSTITUTIONS MAGNÉTIQUES.
SOCIÉTÉ DU MAGNÉTISME DE LA NOUVELLE-ORLÉANS.
Monsieur le directeur du Journal du magnétisme, Nous venons de recevoir les numéros 5G et 57 de votre journal qui nous parvient aussi régulièrement que nous pouvons l’espérer. Nous y avons lu, avec beaucoup de satisfaction, les intéressantes lettres de M. l’abbé Almignana, et nous lui en faisons notre compliment, espérant qu’il ne s’en tiendra pas là ; car, nous aussi, nous nous occupons du magnétisme comme agent curatif seu-
lement ; mais, plus heureux que M. l’abbé, nous n'avons pas à combattre les mêmes préjugés. Il y en a bien quelque autre, il est vrai, mais notre population ne se préoccupe pas des influences du diable : c’est que la masse en est bien moins arriérée que celle de l’Europe, et, il est juste de le dire, nos prêtres sont d’une tolérance convenable, et presque telle qu'on voudrait la rencontrer chez tous les ministres du culte, dans l’intérêt du catholicisme, tandis que, d’un autre côté, les magnétiseurs évitent avec soin tout ce qui pourrait nuire à la science dont ils ont à cœur de propager l’étude.
Les deux lettres de M. Alexandre Dumas ont été republiées ici, et n’ont pas manqué de faire impression sur les esprits jusque-là indifférents. Les Mémoires d’un médecin sont reproduits également, et sans doute sont en voie de traduction : ici, Y Abeille les copie, de même que le Courrier des Etats-Unis le fait à New-York ; et comme ces journaux ont de nombreux lecteurs, tant sur le continent qu’aux Antilles, et ailleurs, il s’ensuit que beaucoup de gens parlent de la chose, qui fait partout des progrès incessants. Cependant, nos médecins ne s y rangent guère, et jamais qu’avec un peu de mauvaise grâce. Aussi ne comptons-nous plus que sur l’opinion publique, qui saura bien les forcer quelque jour, et nous nous attachons à produire des faits qui parlent pour notre cause en condamnant assez souvent la leur...
Il s’est formé à Philadelphie une société magnétique sous le titre de « Philadelphia pathematic association. »
Il y en a une autre à Cincinnati, mais je ne saurais encore vous rien dire de leurs travaux.
Yoilà déjà longtemps que je voulais vous soumettre une question qui m’a semblé de quelque portée, et au sujet de laquelle j’ai souvent médité. La voici :
Le magnétiseur, instruit de l’anatomie et de la physiologie humaines, qui se rend compte des perturbations qu’il se propose de combattre, a-t-il un avantage sur celui qui, n’ayant aucune, idée de ces choses, magnétise avec la simple intention de faire h plus de bien possible ?
C’est presque un problème de statistique.
Je me suis livré à quelques recherches, et j’ai fait bien des comparaisons depuis plusieurs années, maisj avoue que je n’ai guère avancé dans la solution que je poursuis, et qui me semble intéresser vivement la pratique du magnétisme.
Si l’émission fluidique obéit à des lois naturelles, en dehors de notre contrôle, ce qui est incontestable; et si pourtant cette émission est influencée par une intention déterminée, ce qui me parait également démontré dans une grande variété de cas, il peut certainement arriver que cette émission soit sollicitée; vers le même but par ces diverses puissances à la fois, mais il doit nécessairement arriver aussi, et c’est peut-être le plus souvent le cas, qu'une intention spéciale fasse effort dans un autre sens, et ne doit-on pas craindre alors que les tendances de la nature soient contrariées, et la guérison retardée?...
Que, dans l’état de santé, les centres nerveux envoient plus ou moins librement aux organes le fluide nécessaire à leurs fonctions, pour le retirer de quelques-uns quand leur action doit être suspendue, cela n’empèche pas que le corps, en général, ne s’alimente du principe vital sans aucun effort de volonté; et cette alimentation (si je puis ainsi dire) devient de plus en plus difficile dans lesdi-
vers étals de maladie. Si la vie animale esl soumise à l’action de la volonté, la vie organique en est indépendante : on n’en suit point le cours; seulement le cerveau en est averti quand elle vient à être entravée... C’est alors que le magnétiseur, bien portant, vient en aide au malade, dont l’organisme devient, en quelque sorte, une extension du sien propre, et la transmission vitale s'opère avec plus ou moins de promptitude et de succès, suivant le plus ou le moins d'analogie qui peut exister entre les deux tempéraments, et peut-être aussi selon d’autres conditions que nous n'avons pas appréciées. Mais, de même que l’action vitale est involontaire, de même peut-être aussi la transmission fluidique doit-elle se faire sans intention spéciale, lorsqu’il s’agit du rétablissement de la santé. 11 résulte, en effet, de l’expérience de tous, que le simple désir de faire du bien sullit à la libre direction de l’agent curatif vers les parties malades ; on en trouverait des preuves dans les promptes guérisons qu’obtiennent des ignorants , d’ailleurs bien intentionnés : peut-être même y trouverait-on de quoi justifier les craintes que j’exprimais tout à l’heure, et arriverait-on à cette conclusion heureuse : qu’il ne faut (jue vouloir faire du bien pour en faire réellement le plus possible, et les magnétiseurs s’abstiendraient-ils de toute autre intention particulière. Je le croirais à cause même de la simplicité du moyen.
Cependant comme la volonté du magnétisé s’élimine souvent devant celle du magnétiseur, il me semblerait fort utile d’étudier quelle peut être la part de l’intention spéciale dans la paralysie, les rétractions, les affections locales de tout genre, lorsqu’elles sont physiologiquement appréciables. 11 en existe uu nombre considérable qui ont leur cause déterminante dans l’ailaiblissement
ou la surexcitation de l’élément nerveux, et peut-être la nature ne demande-t-elle que la concentration de cet agent dans le premier cas, et son absorption dans l’autre ! L’intention particulière alors pourrait bien devenir un précieux auxiliaire... J’ai souvent cherché à m’éclairer sur ce point; et, tandis que je produisais artificiellement une grande variété d’infirmités, que je faisais cesser à volonté, je me demandais si les maladies véritables, dont j’avais sous les yeux les analogues; ou bien encore, si certains états que le vulgaire a souvent attribués à des maléfices, ou à des sortilèges, ne devaient pas être considérés comme résultant d’influences semblables à celles que j’exerçais, et si l’analogie ne devait pas nous conduire à les traiter par les mêmes moyens que j’employais à faire cesser les affections artificielles!... Ce n’est rien moins que la considé* ration du principe homœopathique, si milia similibus, et c’est là une autre face de mon problème, sur lequel j’aimerais à appeler l’attention des hommes capables de l’élucider.
Pour mettre mieux sur la voie, il me suffira d’indiquer ici quelques-unes des nombreuses expériences que j’ai souvent répétées, et qui peuvent se varier à l’infini, en combinant diversement les fonctions déjà multiples de la mécanique humaine : il ne faut que savoir la position des muscles et de leurs points d’attache. Malheureusement ceci ne nous avance guère dans le secret de l’innervation, qui restera sans doute un des nombreux mystères impénétrables à notre chétive intelligence. — Une personne naturellement impressionnable, ou magnétisée, se tient debout, les bras pendants. (Elle voit ou ne voit pas ce que vous faites : cela n’importe en rien; car vous pouvez agir mentalement, ou bien du toucher, comme,
par exemple, du bout du doigt, et alors l'intention est superflue : il est même bien de s’en dégager tout à fait pour que la cause dynamique agisse librement.) Si la tête penche sur la poitrine, elle se redresse dès que vous actionnez la partie postérieure moyenne du cou : il y a contraction du trapèze, du splénius, etc., et la tète est droite parce que les muscles pairs ont agi également. En dehors de la ligne médiane, les fléchisseurs latéraux se contractent, et la tète incline du côté actionné. A la région épigastrique, l'épine dorsale se fléchit, et si on actionne les extenseurs des doigts, on provoque une agitation qui simule quelquefois très-bien la chorée (aux pieds on provoquerait un besoin de sauter ou de danser). A la hanche, les obliques de l’abdomen se contractent, et le corps s’arque de ce côté. Au sacro-spinal, on provoque l’extension de la colonne vertébrale, et on peut solliciter, en s’éloignant, un effet d’attraction, souvent irrésistible et quelquefois dangereux, parce que les contractions peuvent s'étendre aux locomoteurs. Au tendon d’Achille on suspend la marche. Augenou le jeu de l’articulation cesse, et un effet semblable se produit au membre thoracique, etc. On détermine la flexion de Ta-vant-bras au biceps, ou au brachial, et les mouvements de pronation, de supination, etc., s'obtiennent avec la même facilité... Mais il y a bien d’autres choses à coi*-sidérer : par exsmple, on sollicite l’action d’un muscle en agissant sur de* branches nerveuses éloignées qui peuvent l’alimenter. Ainsi, la contraction du deltoïde est complète lorsqu’on agit sur l’extrémité de l’index : le bras s’élève, et se fixe, rigide» à la position verticale. La contraction du même muscle n’est que partielle quand on aigjt sur le médius : le bras s’arrête à la position horizontale. A l’annulaire, elle est encore amoindrie : le-
bras se meut d’abord en avant, puis il s’écarte du corps, et, cédant à l’action du grand dorsal, il va sc roidir en arrière. Au petit doigt, comme à la paume de la main, 011 n’agit que sur les fléchisseurs des doigts, et la main se ferme, tandis qu’au pouce, on détermine un relâchement général de toutes ces contractions. —Des effets analogues se manifestent aux membres inférieurs; le strabisme, le mutisme, etc., ne sont pas plus difficiles à obtenir, et le remède est toujours à côté : souvent même il ne faut qu’un souille, et il m’a quelquefois suffi d’un pst pour faire cesser, à l’instant, la contraction générale de tout le système. — Un siège magnétisé détermine chez la personne, dès qu’elle s’y place, une complication de contractions, et la paralysie est quelquefois générale. (Votre canne engourdira la main, et rendra rigide le bras : souvent môme le corps entier...)
Le désordre mental n’est pas moins facileà occasionner. J’ai provoqué bien des sortes d’aliénation, quelquefois sans suspendre l’état de veille : j’ai ôté la faculté du souvenir, jusqu’à l’oubli de son propre nom ; j’ai produit l’ivresse, l’idiotisme; j’ai déplacé la conscience pour lui substituer les attributs de la brute en laquelle il me plaisait de faire la transmutation, etc., etc. Mais plusieurs de ces expériences sont de nature à épouvanter, et d’ailleurs il est convenable d’en être sobre dans ses études, et de s’en abstenir dans tout autre cas. Aussi, n’en parlerai-je pas autrement : depuis longtemps d’ailleurs je m’en suis interdit un grand nombre; mais il est bon de savoir que les contes ridicules dont on a souvent effrayé notre enfance, et que le peuple a crus, avaient un grand fonds de vérité : les ensorcelés n’étaient, sans aucun doute, que des victimes de cette puissance occulte dont on abusait alors, et dont on pourrait
abuser encore, si les gens sages ne se donnaient aujourd’hui la peine de l’étudier. Si cette dotation de la Providence avait été mieux appréciée, le remède à tant de maux se fût trouvé dans la main de chacun ; et c’est sans doute pourquoi les sorciers ne sont plus de cc monde,... ou plutôt nous sommes tous des sorciers, sous un autre nom, employant à faire le bien cette faculté dont nos devanciers ont souvent fait mauvais usage, aidés qu’ils étaient par les savants qui tournaient dédaigneusement le dos à ces étincelles au lieu d’observer la lumière pour ensuite la répandre !...
Dans des expériences telles que celles dont je viens de parler, il faut beaucoup de sang-froid, une extrême prudence, et ne jamais oublier qu’on obtient quelquefois plus qu’on n’a voulu produire. Si, par exemple, on veut faire marcher en attirant ou en repoussant magnétiquement, la locomotion peut être empêchée par la rigidité des membres inférieurs, et le corps perdant l’équilibre, il pourrait en résulter de graves accidents, car le sujet de l’expérience peut n’avoir l’usage d’aucun de ses membres. Quand, la personne est assise les dangers sont bien moindres; mais, dans tous les cas, et avec de la circonspection, on arrivera toujours à constater des effets généraux, en parfait accord, le plus souvent, avec ce qu’enseigne la myologie... Il fut un temps où il n’eût pas été convenable de parler de ces phénomènes, mais on peut tout dire aujourd’hui : on le doit peut-être. On in'absoudra donc d’avoir soulevé un coin du voile qui couvrait tant de choses étranges, et sur lesquelles d’autres avant moi, sans doute, ont cru plus sage de garder le silence. Je m’estimerai heureux, si, partant de ces données, on parvient à résoudre ma question, ou à un
résultat quelconque dont l’humanité puisse tirer quelque bien.
Agréez la nouvelle assurance de mon dévouement bien profond. Jos- Barthet.
Nouvelle-Orléans, 28 janvier 1848.
VARIÉTÉS.
Féte de Mesmer. — Le 114’ anniversaire de la naissance de notre maître n’a pu être célébré comme les précédents. Le banquet du 23 mai a été remplacé par une modeste soirée, à cause des circonstances au milieu desquelles nous vivons. Quelques personnes pensaient même que la gravité des événements auxquels nous assistons empêcherait de donner une marque publique de souvenir à celui que la terre couvre, mais celles pour qui sa mémoire est un culte n’ont pas voulu déroger à l’habitude. Cette réunion a été peu nombreuse, l’agitation des esprits et le trouble des rues ont mis la désertion dans nos rangs. En sorte qu’au lieu d'un concours puissant et joyeux ç’a été une assemblée de quelques fidèles adeptes remplissant un devoir de conscience.
M. du Potet a d’abord rappelé en quelques mots chaleureux ce que nous devons à Mesmer ; puis il a exprimé le regret de ne pouvoir, faute de documents assez précis, distribuer aujourd’hui les médailles du jury magnéüc/ue.
M. Mermoud a parlé en termes éloquents de l’utilité de propager le magnétisme comme instrument de fraternité; la magnétisation, ou le don d’une partie de sa vie pour guérir, étant un acte de suprême humanité.
M. Léger a loué Mesmer avec enthousiasme et proclamé la suprématie de sa doctrine. Cet hommage médical a fort ému les assistants habitués à un tout autre langage.
M. Hébert a exposé l’urgence d'établir un centre de relations magnétiques afin d’unifier la direction du mouvement mesmérien. La tendance à cette association existe; déjà même plusieurs sociétés magnétiques correspondent, mais il manque un lien puissant qui forme un faisceau compacte de toutes ces actions divergentes. Cet avis est généralement partagé ; on s’occupera des moyens de réalisation aussitôt que le calme sera revenu.
Enfin M. Amëdée Thuillier a lu le sonnet suivant, qui a donné lieu à un toast.
A MESMER.
Dévoilant des anciens les sublimes mystères,
Détrônant du passé les dogmes imposteurs,
0 maître! tu primas sur tous les novateurs,
Et pourtant ton saint nom fut flétri par nos pères!
Quoi ! lorsqu'à des ingrats que lu traitais en frères,
Ton génie enseignait un art cher aux grands cœurs,
On abreuva tes jours d'outrages, de douleurs,
On couvrit ton chemin de ronces et de pierres! !..
Astre venu trop tôt, quand tes rayons puissants Jaillirent tout à coup dans la nuit de nos temps,
Ta lumière éblouit : maintenant elle enflamme.
Philosophe profond, moraliste éprouvé,
Ta science est à tous; le monde la réclame.
Réjouis-toi, Mesmer, ton règne est arrivé!
Voici la liste des personnes qui ont composé cette réunion pieuse et fraternelle :
MM. Andriveau. MM. Logerottc.
Blesson. Lesourd (Ernest).
Cosson. Lcvavasseur.
Caillot. Lacoste.
Cliantt (ils. Lerolle (Léon ei Louis,
Colloi. Le Vaillant de Florival
et M""' Carpenlier (Paul). La borde.
Chardon jeune. Le Brun.
Dupuy (Anlonin). Lamoureux.
et M10' du Polet. Laporle.
I)e Beaumont (Pierre). Leger.
De La Berthellièrc. Mac Shechy.
D’Orsay. Mernioud.
D'Ourches. Millet.
Danlos. et M'"' Piron.
Dttrieux. l’rost (Madame;.
Franck (JorOme). Riond.
Gillot de l’Etang. René.
Girollet. Shaw.
Grënier. Simmoncau.
Hébert (de Garnay). Stassin.
Leray. Thuillier (Amédée).
PETITE CORRESPO.NDAXCE.
Valence. — M. IS. .a. — Reçu ; merci pour le présent. — Envoi prochain vou> sera fait du volume demandé. — Les détails transmis ont tout l'intérêt requis ; ils seront publiés.
N.-Orléans. — M. Jos. B.....t. — Les docum. confiés à M. Habit... ont subi
un retard considérable. — Nous désirons la liste des membres de votre société.
Bordeaux. — M. C......e ainé. Nous attendons la brochure promise.
Bruxelles. — M. J....J. — Un ami vous porte une lettre.
Lyon. — M. M.....y. — Expédié par M. Bor...l.
Londres. — M. M...e. — Il y a eu croisement de lettres par mal entendu. -Rien de fâcheux. — Envoyé deux fois le n" 68.
Rambouillet. — M. H....d. — Laissé toute latitude.
Le Gérant : HÉBERT (deGarnnv.
Saint-Cloud. — Imprimerie de Belin-Mandar.
CLINIQUE MAGNÉTIQUE.
A M. le Directeur du Journal du magnétisme.
En donnant, comme vous le faites, de la publicité aux travaux des magnétiseurs de tous les pays, vous répandez de plus en plus, dans le monde, la pratique d’un grand bienfait; car on se sent porté à imiter ceux qui ont eu le bonheur de faire quelque bien. Nous comptons ici un certain nombre des membres de la Société du magnétisnw. dont le zèle est digne d'éloges, et quelque jour sans doute je vous communiquerai d’autres faits de leur pratique. Aujourd’hui je ne vous entretiendrai que de ce que j’ai constaté moi-méme, persuadé qu’il n’est si petite chose ici-bas qui n’ait son utilité.
— Il y a quatre mois, je fus prié de magnétiser un enfant de près de quatre ans, fds de M. Louis Dufdho, de cette ville. Né malade et ayant toujours souffert, il était bien loin de montrer les développements de son âge, et la médecine y avait perdu son latin, lorsque le docteur B...., son dernier médecin, conseilla le magnétisme, qu’il avait jugé utile dès le premier examen. La mère du petit malade essaya longtemps, m’a-t-on dit, mais avec peu de confiance et de persévérance, j’imagine, et conséquemment sans succès. Voici l’état de cet enfant lorsque je le vis la première fois : son intelligence semblait être éveillée; il paraissait comprendre ce qu’on
TOSB VI. — Ri" 71. — 10 JUIN 1848. 11
lui disait, soit qu’on lui parlât français ou anglais, mais il ne répondait que par signes, n’ayant jamais pu articuler un mot. Les muscles de la face accusaient de la contraction. 11 n’était point rachitique, mais il y avait en lui un tel relâchement que son corps fléchissait lorsqu'on voulait essayer de l’asseoir : il avait passé sa vie ou couché, 011 dans les bras de sa mère ou de sa bonne. Il se servait très-mal de la main gauche, dont les doigts étaient souvent crispés et toujours paresseux ; les mouvements du bras étaient lents et saccadés. La main droite ne lui était guère d’aucun usage : les doigts en étaient fortement crispés, ne se relâchaient que difficilement et d’une manière fort incomplète et désordonnée; loin d’obéir à la volonté, la main s’éloignait au premier effort : l’extension du bras se produisait d’abord, et comme si elle eût été sollicitée par une détente. Les membres inférieurs fonctionnaient bien moins encore; car, si on essayait de tenir l’enfant debout, les pieds se tordaient, se roidissaient, et les doigts se crispaient plus fortement encore que ceux des mains. Il suait presque toujours et il salivait abondamment; il était, de plus, très-sujet aux
rhumes, fièvres et une foule d’autres indispositions.....
Sa mère n’ayant rien obtenu de la magnétisation, et le père étant trop incrédule pour essayer lui-même, ils me prièrent de faire une tentative : je cédai à leurs désirs. A la quatrième semaine, les secousses nerveuses avaient beaucoup diminué, les mouvements étaient moins désordonnés, l’enfant faisait meilleur usage de ses mains, et il se tenait assis, sans appui, heureux de cette nouvelle position et des joujoux avec lesquels on pouvait maintenant le laisser seul : il était devenu très-gai. Bientôt la pose de ses pieds fut naturelle, et il put rester debout, pourvu qu’il se sentit maintenu. Après trois
mois il s’esl mis à gazouiller, et il articule assez Lieu le mot maman, qu’il se plaît à répéter sans cesse. Le visage est bon, exempt de contractions; les mouvements se régularisent; l’enfant ne transpire plus autant, il n’a jamais d’indispositions, est toujours gai, et il est bien évident cpie sa guérison complète n’est plus désormais qu’une question de temps. Ce commencement de succès devant inspirer aux parents la confiance nécessaire, j’ai cessé mes soins, en engageant le père et la mère à lui donner les leurs, puisqu’ils ont dans leurs mains ce que j’ai dans les miennes.
— M"1' Van N.... fut reprise, il y a quelque temps, d’une névralgie faciale dont elle n’avait pas souffert depuis trois ans. Comme autrefois, la médecine ne l’avait pas soulagée ; elle voulut maintenant essayer du magnétisme, dont elle entendait tant parler, et, avec l’approbation de son médecin, elle me fit prier de l’aller voir (elle ne me connaissait que de nom). D’abord, elle voulait ne pas être endormie; mais je lui dis que de même qu’elle n’imposait pas à son médecin l’obligation que ses remèdes agiraient d’une manière déterminée, de même elle devait s’abstenir de me faire des conditions auxquelles je ne pourrais souscrire, puisque le mode d’action du remède que je lui apportais était aussi mystérieux que le remède lui-mème; que l’action magnétique s’exerçant en dehors du contrôle du magnétiseur, suivant des lois connues de Dieu seul, il était indispensable que le malade s’abandonnât avec confiance, et sans résister au sommeil, si celui-ci venait. La malade se laissa aisément persuader; elle dormit quelques moments, et se réveilla considérablement soulagée de son atroce douleur, qu’une seconde magnétisation, le lendemain, fit cesser tout à fait.
— Un enfant de quatre ans, atteint d’ophthalmie, était depuis trois semaines enfermé dans une chambre obscure. Le mal ne diminuant point, malgré les soins du médecin qui venait tous les jours, la mère du petit malade me pria de faire un essai. L’œil était tenu fermé, et l’inflammation y était considérable. Je présentai la paume de ma main à quelque distance, et l'enfant ne tarda pas à en être affecté, au point que sa mère dût le contenir. Je cessai après un quart d'heure, et magnétisai un peu d’eau pour lotions. Le lendemain, le médecin, à qui on n’osa rien dire de ce que j’avais fait, trouva l’œil si bien, qu’il déclara n’y avoir plus nécessité pour lui de revenir.
— Quelques jours après, une petite séance eut un égal succès sur la mère de ce petit malade, à l’occasion de douleurs lancinantes du globe oculaire, accompagnées de cuisson et autres symptômes, ce dont elle croyait avoir hérité de son enfant.
— M“* M...., ayant pris un coup d’air, souffrait horriblement d'une fluxion à la joue, et l’enflure y était telle, que l’œil en était fermé à demi et la bouche de côté. En moins d’une heure la présentation de ma main fit cesser la douleur, qui ne revint plus, mais l’enflure fit encore quelques progrès pour ne diminuer qu’après une seconde séance, le lendemain , et disparaître tout à fait quatre jours plus tard.
— M",c L....avait une fluxion semblable, et, depuis douze jours, elle souffrait considérablement sans pouvoir dormir. Son frère étant médecin, il est présumable que les moyens ordinaires avaient été employés. L’imposition de ma main, durant environ trois quarts d’heure, amortit la douleur, causa de l’assoupissement, et la malade ensuite passa une bonne nuit. Une autre séance,
le lendemain, acheva la guérison, que rien depuis n’est venu troubler.
— M"'c 15.... avait une fluxion du même genre, mais avec complication de douleurs d’oreille du même côté, mal du sommet de la tête (celui-ci ancien"), et fièvre quotidienne depuis quinze jours, que le sulfate de quinine n’avait pu détourner. Je lis une première séance pendant l’accès de fièvre, et en moins d’une heure il survint un grand calme et de la somnolence. Quelques heures plus tard, une seconde séance amena le sommeil, la nuit fut bonne, et deux autres essais, les jours suivants, firent tout cesser, même la fièvre qui n’a plus reparu.
— M. Gallois fut adressé à la Société du Magnétisme, à l’une de ses dernières séances. Il souffrait beaucoup de la jambe droite, mais surtout du genou, qui était très-enflé, très-douloureux, et dont l’articulation était empêchée. Depuis trois mois il s’était soumis, sans le moindre succès, aux tâtonnements ordinaires de la médecine. J’approchai ma main, et en moins d’un quart d’heure il y eut engourdissement de la jambe et cessation momentanée des douleurs. Le lendemain, j’allai répéter celte expérience chez lui, devant les personnes de sa maison, et le succès fut le même. La femme du malade me promit de suivre mes indications, et il a suffi de quelques jours pour faire cesser tout à fait les douleurs; mais l'enflure n’est que diminuée, et j’ai fait espérer un succès complet si 011 avait la persévérance nécessaire.
Nous aimons cette manière de faire de la propagande. Quand nous allons dans les familles, c’est bien moins pour magnétiser nous-mêmes que pour enseigner les procédés qui nous semblent devoir être employés sui-
vant les cas. Je ne vous dirai pas un mot des migraines guéries, des maux de dents calmés, etc.: cela devient trop vulgaire. Je vous citerai cependant un des membres de la Société du Magnétisme, M. l’abbé Malaver-gue, chef d’une de nos institutions les plus recomman-dables, et qui, presque tous les jours, a l’occasion de magnétiser quelques-uns de ses nombreux élèves et de les débarrasser ainsi, en quelques instants, d’une foule d’affections qui, pour être légères, ne les priveraient pas moins de se livrer à leurs études.
Quelle admirable médecine que celle qui se trouve dans la main de chacun !...
Agréez mes salutations bien affectueuses.
Jos. Barthet.
Nouvelle-Orléans, 25 avril 1848.
VARIÉTÉS.
Correspondance. — Etat du magnétisme dans la Drôme. — Sous l’influence du mouvement politique simultané des nationalités européennes, la marche progressive de magnétisme a élé enrayée. Il importe, dans ce moment critique, de stimuler tous les ressorts de la propagande afin que ce temps d’arrêt serve aux magnétiseurs à se reconnaître et mesurer leurs forces, pour, quand l’instant propice reviendra, recommencer la lutte ouverte, suivre la carrière militante. Nous avons profité de ce repos forcé pour solliciter de nos amis quelques détails sur l’état du magnétisme dans différents pays : la lettre qui suit ouvre cette série de renseignements.
A M. Hébert (de Garnay).
Monsieur,
Vous m’invitez à vous faire connaître l’état du magnétisme dans nos contrées, le progrès qu’il y fait, les causes qui peuvent en arrêter ou favoriser le développement, etc. Je voudrais être a même de pouvoir vous répondre d’une manière satisfaisante à toutes ces questions, mais je ne sais trop si je pourrai suffire à la lâche. Je vais cependant l’essayer du mieux qu’il me sera possible.
Le magnétisme, ici, est à peu prés à l’état d'embryon. 11 n’y a pas de séances publiques. Il y a assez de personnes qui croient au magnétisme, mais peu qui veulent l’avouer, moins encore qui s’en occupent, et elles s’en occupent peu. Ici, les habitants ont l’esprit indolent, apathique; si l’on assiste à une séance magnétique, c'est par curiosité, et si l’on est témoin de quelque phénomène qui étonne, on dit, c’est très-beau, très-bien, et tout se borne là. Ce n’est pas que les personnes désireuses de se rendre utiles à leurs semblables soient plus rares ici qu’ailleurs, mais, il faut le dire, la plupart reculent devant la peine qu’il faut se donner, le temps qu’il faut sacrifier, le dévouement qu’exige la pratique du magnétisme. Beaucoup aussi redouteraient de passer dans le monde pour s’occuper de magnétisme, par la crainte de faire naître sur leur comple cette sorte d’inquiétude compatissante qu’inspirent les gens dont la tête n’est pas bien rassise. Puis, les médecins d’ici sont comme généralement ceux d’ailleurs ; ils se sentent au cœur peu de sympathie pour le magnétisme ; quelques-uns même, et c'est le plus grand nombre, en sont les
ennemis acharnés. 11 n'est pire aveugle, vous le savez, que celui qui ne veut pas voir, pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Enfin, que vous dirai-je? A part quelques personnes (huit ou dix) que j’ai initiées et qui s’en occupent assez peu, je suis, je crois, seul à Valence ou dans les environs qui m’en occupe assez sérieusement.
Voilà, à peu près, où en esl le magnétisme dans notre pays. Quant au progrès qu’il y fait, évidemment il doit être et est en raison des obstacles. Lever ces obstacles, ce serait trouver le remède au mal. Mais le moyen de les lever? Voilà maintenant la question. Pour cela il faudrait pouvoir magnétiser la ville entière.
Il fut un temps, heureusement il est déjà bien loin, où la mise au jour et même la simple propagation de certaines idées exposait à des supplices, à des tortures. Plus tard, elle n’engendra que des persécutions; enfin, elle n’attira plus que du mauvais vouloir, de la désaffection. Ces modes de faire n’ont été que les phases à peu prés inévitables d’un phénomène d’état social qui se poursuit, et qui, selon moi, n’accuse que cet état et nullement les personnes, du moins en général, attendu que rien n’est plus naturel que d’être indisposé contre ceux qui froissent, surtout publiquement, nos opinions, et que parmi les hommes qui ont la puissance en main, il n’y a que ceux d’une haute supériorité qui aient le courage de n’en pas faire alors un mauvais usage. Déjà, il est vrai, une grande amélioration s’est opérée dans cette situation, mais combien il s’en faut évidemment qu’elle soit le dernier mot de la Providence. M. de Puységur a dit : « Quel est donc l’empire de la prévention si la vérité la plus pure présentée par l’être le moins intéressé à la déguiser ne peut en détruire le ténébreux prestige. »
Et J.-J. Rousseau : « Les savants ont moins de préjugés que les autres, mais ils tiennent bien plus à ceux qu’ils ont. »
A quoi les sciences constituées ont-elles dû leur avancement et doivent-elles chaque jour leurs progrès? En majeure partie à ce que ceux qui les cultivent, animés d’une louable émulation, n’hésitent pas à publier leurs opinions, c’est-à-dire les résultats de leurs études, de leurs investigations, de leurs expériences, et cela sans s’inquiéter si les vérités qu’ils annoncent viennent blesser plus ou moins des amours-propres, des intérêts. Mathématiciens, chimistes, physiciens, astronomes, naturalistes, tous les savants sont journellement aux prises avec la science et l’ignorance. Il en est de l’art et de la science du magnétisme, ce qu’il en est de l’une quelconque des connaissances humaines. « Tous les grands secrets de la nature, dit Bacon, sont hors des sentiers battus de la sphère de nos connaissances. »
La vérité exige souvent un long temps pour pénétrer, mais, convaincu que le triomphe du magnétisme est certain, quoique peut-être encore éloigné, je dirai avec M. Tardv de Montravel : « Ne nous lassons point de rassembler des faits de toutes parts; répétons et multiplions les expériences, communiquons-les aux autres magnétiseurs, lesquels à leur tour étendront nos lumières en nous faisant connaître de nouveaux faits. Ne nous rebutons pas surtout par ce prétendu ridicule que quelques gens malintentionnés ou mal instruits s’efforcent de jeter sur la pratique du magnétisme. iNotre erreur, si c’en est une, est infiniment louable dans son principe et dans son objet. » Et avec un autre auteur moderne :
« Quand on veut faire pénétrer des vérités que l'on croit utiles, on ne saurait mettre trop à profit pour les expo-
ser, lors même que l’on aurait la certitude «le les voir repoussées, les occasions où le public est appelé a examiner les questions dans lesquelles elles jouent un rôle. »
Ainsi, exposer avec mesure et sans amertume ni aigreur ce que l’on croit être la vérité, le faire avec bienveillance même pour les personnes, mettre à profit la nécessité où se trouveront un jour ou un autre les représentants du pays et la presse de s’occuper «lu sujet, bien saisir l'à-propos, serait, ce me semble, faire plus poulie développement de nos doctrines, qu’on ne l’aurait fait en "décuplant ses efforts, en revenant sans cesse à la charge, alors que le moment ne serait pas opportun. Un de nos mots favoris doit être : l'opportunité. Les védeltes du progrès doivent avoir toujours les yeux ouverts.
Du reste, quoi qu’il arrive, et quoi que puissent faire les éternels ennemis du progrès, ils ne sauraient empêcher le triomphe de la grande vérité que nous proclamons.
« Patience et longueur de temps, dit la Fontaine, font plus que force ni que rage. » Et M. Charpignon : « Ce qui est vrai triomphe toujours ; les hommes passent, et la vérité demeure. »
Vous me demandez si je fais des cures, car, vous le dites avec raison, il faut que le magnétisme soit appliqué aux maladies ; c’est là son utilité principale. — Voilà une douzaine d’années que je m’occupe de magnétisme; je ne m’en suis jamais occupé pour autre chose que pour le traitement des maladies. 11 m’a toujours répugné de le faire pour produire des phénomènes plus ou moins surprenants. J’ai toujours eu l’idée, au surplus (et l’expérience est un peu venue la confirmer), que ce n’était pas le moyen, ou du moins le meilleur, pour faire des prosélytes. Vous allez supposer qu’avec une pratique
«le douze années, j’ai dû traiter un grand nombre de malades, rassembler beaucoup de faits, en un mot faire beaucoup de bien. 11 n’en est rien, malheureusement ma santé ne m’a pas permis de faire tout le bien que j’aurais voulu. J’ai été assez heureux cependant pour réussir dans presque tous les traitements que j’ai entrepris. J’ai eu quelques somnambules, dont deux ou trois ont eu assez de lucidité; aussi m’ont-ils rendu témoin de phénomènes assez intéressants. Par leur moyen, j’ai pu traiter et guérir un assez bon nombre de malades. Si le temps me le permet et que cela puisse vous convenir, je pourrai vous faire part de quelques faits qui peut-être vous intéresseront.
Je vais terminer ici, monsieur, ma trop longue réponse pour le peu de choses utiles qu’elle contient. Je désirerais bien que votre attente ne fut point trompée ; mais sans doute ma solution à votre question vous rappellera celle de M. Gerenf... sur le paupérisme, laquelle tend à prouver d’une manière évidente, que si les pauvres sont pauvres, c’est, en général, parce qu’ils n’ont pas le sou. Je serais bien charmé cependant qu’il en fût autrement, ce serait le moyen de vous donner une preuve de l’estime que je vous porte.
Je suis bien sensible à l’attention de M. le baron du Potet, je vous serai obligé de me rappeler à son bon souvenir. Si je ne craignais d’abuser de ses moments et de sa complaisance, je lui demanderais ses conseils dont j’aurais grand besoin, m’étant formé seul, ou à peu près seul, dans la pratique du magnétisme.
Veuillez agréer, monsieur, l’assurance de la considération la plus distinguée de votre tout dévoué serviteur. Boméa.
Prophétie «l'Orval. — Calcul de quelques probabilités d’icelle.
10 « Le coq effacera la fleur blanche. »
Ce n’est qu’après le 13 février 1831 que Louis-Phi-lippe a fait effacer les lis.
11 y avait le 10 février 1831 plus de 20 contre 1 à parier que la prophétie de 1544 ne se réaliserait pas. C’est-à-dire que sous un Bourbon le coq ne deviendrait pas le symbole de la France, après qu’on avait conservé cetteJleur blanche.
2° « Un grand s'appellera roi du peuple. »
Comme Louis-Philippe convoitait le trône, ne mettons en 1830 que 2 contre 1.
3° « La couronne sera posée par mains d’ouvriers qui ont guerroyé dans la grande ville. »
C’est pour la première fois que l’histoire des conspirations et des révolutions consigne un fait aussi inouï. La partie du rouleau de l’histoire qui n’a pas encore été entraînée dans l’abîme de l'oubli, nous montre une suite de plus de 6,000 souverains. — Entre tous Louis-Phi-lippe est le seul qui ait ainsi reçu sa couronne.
Et remarquez que cette ovation n’est point faite par la France, elle n’est pas le fruit d’une élection. — Ce ne sont point des gens paisibles. — Non, ce sont, comme le dit l’inspiré, des ouvriers qui ont guerroyé dans la grande ville. Ne mettons que 1,000 contre 1.
4° « Et contre ira bien des nutuvais. »
On a tiré tant de fois sur ce monarque, que la Providence semble l’avoir miraculeusement conservé. 11 y avait
50 contre 1 à parier que Comte le tuerait. Fieschi a at-teint21 personnes dans un cercle dont le roi était le centre, puis Meunier, Alibaud, etc., etc., etc. On peut dire qu’il
a eu une destinée réservée à l’accomplissement de la prophétie. Ne mettons que -i0.
En février, le 23 même au soir, l’opposition, et, osons le dire, le peuple, voulaient le roi : « mais il n’était pas bien assis, et voilà que Dieu le jette bas. »
Cette courte peinture, aussi prompte que l’événement, a cela de particulier que pour qu’elle se réalise il faut que le roi ne soit pas tué dans l'émeute, qu'il ne soit pas dépossédé par un autre monarque. — Qu’il n’abdique pasà temps — (25 minutes trop tard), qu’il ne puisse y avoir une régence, mais que cela vienne « parce que les pensées se choquent. » En un instant tout estrenversé, sans déclaration des deux chambres, ou seulement d’une. Ce n’est pas la garde nationale, ce n’est pas le peuple! ce n’est pas l’armée! — C’est un fusil qui part sans qu’on le veuille, et comme on l’a dit d’une façon pittoresque, pour son compte, coup qui d’ailleurs n’atteint personne et ne cause que du bruit, c’est un je ne sais quoi indéfinissable qui occasionne ce cataclysme, le premier depuis la nuit des temps inscrit dans les fastes de l’histoire. Il y a plus de 1,000 à parier contre la justification de la prophétie.
5° « Hurlez, fils de Brutus. n
Avec les forts détachés, — une immense police, un roi si fin et si habile, une intelligence comme celle de M. Guizot, — un ministère connaissant de longue date les hommes et les choses ; une stratégie de Paris bien étudiée pour le cas de révolte, etc. — La république, si contraire aux vœux de la nation, aux deux chambres, au bonheur du peuple, à la garde nationale de toute la France et de Paris, la république, dis-je, ne pouvait s’établir; l’opinion, la force, l’argent, le souve-
nir, tout était contre elle. — Mais le prophète avaitdit : « Fils de Brutus. » Ne prenons que vingt contre un, le calcul me donne 16,000,000,000 à parier contre 1.
Remarquez que j’ai toujours diminué la valeur des chiffres représentant l'expression des difficultés, et qu’à la rigueur le nombre est cent fois au-dessous de ce qu’il devrait être s’il était le résultat d’un calcul formulé suivant VEssai philosophique de Laplace. En outre, pour simplifier je les ai tous réduits à des nombres décimaux inférieurs.
Je n’ai appliqué le calcul des probabilités qu’à quelques lignes contemporaines. — Mais comme la facilité et la promptitude avec laquelle on trace les chiffres du résultat, ne laissent aucune approximation de son immensité, que l’on me permette seulement une comparaison. Il y a bientôt 5,850 ans que la terre est créée, ce qui donne 2,135,250 jours, ou 51,246,000 heures, ou enfin 3,074,760,000 minutes.
Ce nombre de minutes expirées depuis le commencement des temps jusqu’à nous, n’est pas même le cinquième du chiffre qui représente la probabilité qu’une main divine a soulevé le voile de l’avenir en faveur de l’inspiré. B. d’*******
Zoomagnétlsmc. — Nous avons déjà cité plusieurs faits d’influence de l’homme sur les animaux (voyez t. m, p. 46 et 91), de nature à faire croire que la magnétisation pourrait servir à la domestication de ces derniers. En voici un nouvel exemple extrait du récit d’un voyageur dans l’Amérique du Nord, que nous empruntons au Commerce du 16 avril.
L’auteur,décrivant les mœursdes buITles, dit de leurs petits, qui se cachent la tète dans urtfe touffe d’herbe à
l’approche du chasseur comme si de ne pas voir les empêchait d'être vus :
« .....11 y a en outre dans le genre d'instinct particulier.! ces veaux sauvages une singularité qui m’a souvent amusé, et dont il faut que je rende compte ici. Après avoir quelques temps poursuivi leurs chers parents, je revenais ordinairement pour me donner le divertissement dont je viens de parler auprès d’un de ces pauvres êtres transis de peur, que je retrouvais dans la même posture, et qui, tandis que je descendais de cheval, durant que je tournais autour de lui, tenait ses yeux fixés sur moi, le nez toujours plongé sur l’herbe. Il gardait ainsi l’immobilité la plus absolue tant que je ne le touchais point; mais, à peine avait-je posé le bout du doigt sur sa croupe, que, après une résistance désespérée, qui, du reste, ne durait que peu d’instants, il se rendait à discrétion. Ce n’est pas là le plus extraordinaire. Je n’avais alors qu'à souffler deux ou trois fois avec force dans ses naseaux en tenant mes mains sur ses yeux, aussitôt il devenait, comme par miracle, un animal domestique; il se mettait à me suivre partout; sans cesse, sur les talons de mon cheval, il me témoignait une affection que, jusque-là probablement, il n’avait encore montrée qu’à sa mère. Ceci est à la lettre, et, quelque invraisemblable que doive paraître mon récit, j’atteste qu’il est vrai. »
Chronique. — Les somnambulistes ont l’esprit inventif; la faculté de prévision avait été jusqu’ici considérée comme une, ils viennent de la diviser. On distribue actuellement dans Paris un prospectus laudatif, portant
queMra'M.....I, somnambule sans pareille, extra-lucide,
fait sa spécialité de prédictions politiques.
— Les préoccupations politiques influent visiblement
sur la direction des éludes magnétiques ; tout ce que l’on fait se ressent du milieu dans lequel on vit. Ainsi ces jours derniers on a parlé beaucoup d’une prophétie mise en circulation par M. Alexandre Dumas, concernant le duc de Bordeaux. On sait que ce prince n’a pas d’enfant, et cela ruine les espérances légitimiques. Mais, selon la somnambule dont l’illustre écrivain reçoit les oracles, tout espoir de descendance ne serait pas perdu ; voici comment les choses se passeraient. La comtesse de Chain-bord mourrait bientôt, et le comte, veuf, épouserait la fille d’un artisan, qui assurerait la perpétuité de sa race.
Les commentaires ne manquent point à cette prédiction. Quelques personnes n’y voient rien moins que la confirmation de ces paroles du prophète d’Orval : « Joignez le lion à la fleur blanche. » Mais la grande majorité des intéressés trouve le dénoùment par trop romantique. Les plus crédules vont regarder, dans un magasin de meubles, rue du faubourg Saint-Antoine, une jeune personne qui ne se doute guère de sa glorieuse prédestination.
Revue des Journaux. — M. le docteur Perry a publié dans le Journal de la médecine homœopathique, n° de février, un travail très-remarquable sur la mé-decinedes rebouteurs. 11 rend un consciencieux hommage à leurs mérites, lui-mème ayant été guéri par leurs pratiques. 11 attribue leurs succès à des manipulations purement mécaniques; un peu plus d’attention lui eut appris que le magnétisme n’y est pas complètement étranger.
La Mouche a cessé de paraître ; c’est une grande perte pour le magnétisme dont elle répandait la connaissance dans le Mâconnais et pays circonvoisins.
BIBLIOGRAPHIE.
OEUVRES COMPLÈTES DE CH. FOURIBR.
Nul progrès n’est isolé; dès qu’on franchit en un point l’horizon de la science de nouvelles conquêtes sont inévitables. Toutes choses étant solidaires, chaque avancement dans l’ordre des faits provoque son pareil dans celui des idées, et vice versa,- aussi voyons-nous les novateurs s’entendre sans se connaître et proclamer les mêmes vérités. Malgré la diversité de leurs principes toutes les découvertes ont un but commun qui rend leur alliance nécessaire; elles n’avancent qu’en se prêtant un mutuel appui.
Les doctrines modernes se lient, s’enchaînent, comme les anciennes : qui touche à l’une est bientôt conduit à l’autre. Ainsi, Mesmer, dans le manuscrit que nous publions actuellement, a exposé des vues législatives basées sur des principes conformes, bien qu’antérieurs, au système social de Fourier. Et celui-ci, guidé par sa loi sériaire, a parlé du somnambulisme comme s’il avait étudié le magnétisme.
On lit dans son Association domestique agricole :
« L’on trouve une faculté ultra-humaine chez quelques magnétisés et somnambules qui voient, sans le secours des yeux, et lisent un écrit malgré l’interposition d’un carton ou corps opaque entre les yeux et le livre. On assure aussi que certains magnétisés de haut degré (car il en est aussi de tous degrés) voient des colonnes
aroniales de diverses couleurs, qui se croisent en tous sens. L’effet qu’ils affirment voir existe bien réellement caria communication des ultra-mondains et des planètes s’opèrent par des colonnes. Reste à savoir si les magnétisés de haut titre les voient distinctement; j’incline à le croire car c’est une propriété de transition nécessairement inhérente à quelques sujets. »
Dans un autre endroit il dit, pour faire comprendre la différence des facultés de l’âme libre et incarcée :
« Les âmes prennent dans l’autre vie un corps formé de l’élément que nous nommons arôme, qui est incombustible, homogène avec le feu. Il pénètre les solides avec une rapidité comme ou le voit par l’arôme nommé Jluide magnétique, circulant dans les roches intérieures et au centre des mines aussi rapidement qu’en plein air. L’effet est prouvé par l’aiguille aimantée, (pie le fluide magnétique dirige au sein des roches les plus épaisses.»
Mais nulle part ailleurs il n’a plus longuement ex-priméson opinionquedans: Des cinq passions sensuelles, écrit posthume publié dans la Phalange, n° d’août 1816, où, après avoir examiné les divers modes de vision accidentelle, il développe sa théorie des accords appliquée au somnambulisme. Il dit :
« Nous arrivons aux accords visuels transcendants, parmi lesquels on peut compter celui de quinte ou visuel co-arômal, sur lequel j’ai passé légèrement parce que sa théorie tient à celle des accords de foyer et de transcendance.
i L’accord de 7", ainsi que celui de 2°, porte le nom de transition dans toutes les gammes régulières ou mesurées; et l’effet que donnent ces 2 accords doit être une transition pour l’individu ou l’objet sur qui ils opéreront.
« En musique, l’accord de 7' diminuée, qui est très-
agréable, ne plaît qu’à titre de transition, et comme acheminant à la quinte descendante du ton de modulation. Cet accord devient faux du moment où le chant rentre pleinement dans le ton du morceau.
« Il en est de même de l’accord visuel de 7% qui est une sorte de fausseté dans la nature de l’homme, ou du moins une harmonie transitive, puisque nous n’en jouissons que dans le sommeil et dans le cas de noctambulisme, qui donne a notre ceil des facultés plus qu’humaines, dont nous sommes dépourvus au moment du réveil. C’est donc un accord de transition qui ne nous est donné que lorsque nous sommes hors du ton habituel de notre être, et dans un état où notre existence actuelle participe aux facultés d’un plus grand être, qui est la planète à qui notre âme est liée et doit se rallier un jour. La vision somnambulique nous prouve qu’0/2 peut éprouver des sensations sans le secours des sens; mais seulement dans un état de transition où notre âme, se trouvant plus intimement unie à celle de la planète, devient participante des facultés sensuelles du corps planétaire. Ce grand corps voit et entend comme nous, mais par des moyens fort différents de nos'organes sensuels, assertion qui n’aura rien de surprenant pour qui voudra méditer l’opinion de M. de Laplace.
a Ici je ne manquerai pas de partisans; car déjà beaucoup de Civilisés ont publié des ouvrages et formé des partis scientifiques en faveur de l’accord visuel de 7e. Il existe une secte de magnétistes qui, en procurant aux assoupis ou sujets magnétisés un sommeil factice, prétend leur donner, non-seulement la vision noctam-bulique, accord de 7e, mais encore 2 autres accords visuels, celui de quinte ou vue co-arômale, et celui de huitième majeure, que je n’ai pas encore défini. J’ignore
à quel point leurs prétentions sont fondées ; je n’ai sur le magnétisme aucune notion pratique, et ne le connais que par une lecture superficielle de l’ouvrage de Deleuze; je me borne ici à classer la série régulière ou octave des accords visuels, parmi lesquels celui de transition directe ou 7e est nécessairement celui qui nous lie aux facultés sensuelles de la planète, soit pour la vue, soit pour les 4 autres sens, et nous rend transitoirement susceptibles des sensations qu’elle éprouve par desorganes fort différents des nôtres.
« On ne connaît que le somnambulisme et le magnétisme qui soient capables de communiquer à l’homme les facultés ultra humaines; encore faut-il dire que je n’affirme rien du magnétisme, ne le connaissant pas; mais je pose en principe, et d’après les lois du mouvement :
10 Que Dieu nous doit un accord de transition sur chacun des cinq sens, et cet accord doit nous faire participer aux organes sensuels de la planète, nous donner un avant-^oût des facultés dont elle jouit;
2° Que Dieu nous doit cet accord de transition en composéc’est-à-dire en effet naturel ou brut, et en effet artificiel que la science pourra produire.
« Appliquons ces 2 principes au sens de la vue.
« Il est déjà certain que l’accord de 7e ou transition existe en brut ou mode naturel, et que les noctambules ou somnambules en jouissent pleinement. Rien n’est mieux constaté; on voit dans les somnambules, entre autres accords, celui de prime ou asinique, porté au plus haut degré; ils passent avec hardiesse et légèreté sur des couverts et autres, où un chat ne passerait qu’avec précaution; mais si on les réveille, ils tombent et sc tuent en perdant cet aplomb que leur donne l’état de transition où
ils sont en accord de 7", et en participation aux facultés visuelles de la planète.
« Quant au mode artificiel, lesmagnétistes nous assurent l’avoir découvert. J’ignore jusqu’à quel point leur prétention est fondée dans ces nouveautés où l’intrigue a souvent plus de part que la science ; mais comme aucune autre secte n’entre en concurrence avec les magné-tistes, il faut bien leur accorder une supériorité conditionnelle, et avouer qu’ils ont très-probablement découvert l’accord artificiel de 7°, puisqu’ils produisent artificiellement l’effet naturel ou somnambulisme.
« Ce qu’ils ignorent, assurément, c’est la nature de l’agent ou fluide qu’ils font intervenir. Je définirai ce fluide et l’on verra que ni les magnétistes, ni les physiciens d’aucune classe n’en ont connaissance. Mais ce n’est pas la seule occasion où l’art, à force de tâtonnements, ait fait des conquêtes sur la nature, sans connaître les ressorts qu’il sait mettre en jeu. La physique pourrait-elle définir le fluide galvanique ? Non, sans doute. Cependant il existe, et les physiciens savent le traiter ; il en est de même du magnétique ; on opère sur lui sans le connaître. J’en parlerai à la notice suivante.
« Je ne doute pas que, dans les procédés et prétentions des magnétistes, il n’y ait beaucoup d’exagération, et peut-être les 7?8, mais je crois aussi qu’il y a un fond de réalités, et je vais tâcher de discerner le fort et le faible de leur système, en raisonnant sur des principes généraux et non sur leurs procédés, que je ne connais pas.
« En admettant que le magnétisme soit le procédé efficace pour obtenir l’accord de 7% il reste à déterminer quels sont les sujets magnétisables ou susceptibles des influences que cette science prétend exercer.
« Les sujets magnétisables ne peuvent être qu’en nombre de I /8 ; car la race actuelle, ou race subversive, tout à fait disgraciée et à peu prés exclue en harmonies co-arô-males, ne produit que par exception quelques êtres initiés faiblement à ce genre d’accord.
« Les magnétistes ne tiennent aucun compte de cette règle, et prennent indifféremment le premier venu pour le magnétiser, et prétendent opérer sur lui. Cependant, sur les sujets magnétisés, il doit s’en trouver à peu près les 7;8M de rebelles au traitement et non passibles de somnambulisme artificiel. Le magnétisme aurait cru discréditer sa secte en faisant cet aveu; il aurait au contraire donné du poids à la science, qui, aujourd’hui, se trouve compromise par sa prétention à opérer sur chacun; ou, si l’on veut, par sa négligence d’établir des méthodes sur le choix des sujets à magnétiser, et d’estimer au juste le nombre de ces sujets, qui ne peut pas s’élever au delà de 1;8, et peut se trouver très-inférieur au 8e.
« Je n’accuse pas ici la science que je ne connais pas, mais seulement l’extension colossale qu’on a voulu lui donner. Dans ses débuts, à l’époque de Mesmer, elle fut un masque de liaisons galantes ; on attirait les jeunes femmes aux salles de magnétisme, et les résultats ne plurent que médiocrement aux maris. Bientôt la révolution fit oublier cette intrigue médicale, qui, à travers les exagérations et les abus, pouvait bien être le germe d’une véritable science, mais un germe noyé dans les charlataneries. Lorsque des savants, des inventeurs croient avoir trouvé des moyens suffisants, ils ne devraient pas recourir à ces accessoires suspects, ne pas faire de leur science un marchepied d’intrigue, une menée qui donne lieu à persifiler telle classe de maris
dupés, et les représenter, sur dos caricatures, avec des protubérances au front.
« D’où viennent ces excès qui déshonorent la science et les inventeurs? C’est qu’on est si avide et si dépourvu de nouveautés, que dès qu’il en parait une ombre, tous les intrigants s’en emparent, la dénaturent et transforment en jonglerie tel sujet qui était peut-être 1111 germe de science très-réelle et très-précieuse. 11 est probable que le magnétisme a été traité de la sorte dans son origine, et qu’il a échoué d’abord par suite de cette coopération d’intrigants qui sont le fléau des sciences nouvelles.
«Si je mourais demain, on verrait une vingtaine d’intrigants littéraires s’emparer du système de l’Attraction, en faire une affaire de secte, et brocher sur le tout par autant de systèmes ; il aurait d’autant plus beau jeu, que je ne donne pas dans cet ouvrage moitié des notions à communiquer sur ce sujet. Du moment où la mort de l'inventeur ne laisserait plus de démenti à redouter, les sophistes et
j" ] sejetteraientsurcettenouveauté,qu’ilsn’oseront
pas commenter de mon vivant, parce que je tiens en réserve de quoi les confondre et les réduire au silence par cent problème sinsolubles pour eux et solubles pour moi seul jusqu’à ce que j’aie livré le calcul tout entier; après quoi les problèmes seront solubles pour tout le .monde.
> Ce dénuement du génie civilisé est cause que les germes de science ne produisent que de l’ivraie, parce que l’intrigue s’en empare et les travestit dès leur apparition.
« Tel a été, si je ne me trompe, le sort du magnétisme après ses débuts érotiques et suspects; il fut oublié pour les tracasseries révolutionnaires, el passa vingt ans dans cet état de léthargie et non de somnambulisme. Enfin, cette nouvelle science est rentrée en scène sous
des formes plus recevables. Au lieu de s’allier an beau sexe, comme en 1787, elle s’est alliée aux Idéologues. C’est tomber de Scylla en Carybde. Ces savantas, avec leurs aperceplions de sensation, d’intuition, de la conscience du moi humain, embrouilleront la matière, selon leur usage; elle deviendra plus obscure qu’en 1787, elle aura perdu son talisman d’origine, scs réunions de jeunes femmes et jeunes gens, dont on entrevoyait le mobile scientifique; tandis que le magnétisme tombe entre les mains de ces beaux-esprits dont chacun renverse le système de la veille, et qui cherchent un sujet, une matière sur laquelle on puisse faire des livres à la toise ; on ne tirera aucun parti de cette nouveauté, qui est probablement le germe d’une science très-neuve en mécanique arômalei
« Précisons et resserrons cette accusation. Les magnétistes actuels me semblent suspects par doub raison :
1° Ils s’associent aux Idéologues, gens qui, avec leurs torrents de lumière et leur manie de renverser chaque matin les systèmes de la veille, ne savent qu’embrouiller de plus en plus tout sujet qu’ils prétendent éclaircir.
2° Ils veulent faire système, au lieu d’étudier analytiquement la nature des magnétistes ou magnétiseurs, choisissent indifféremment le premier venu pour plastron d’expérience, et donnent même une pièce d’argent à un paysan qui se laisse magnétiser et se laissera fesser pour un écu. Tous ces prétendus adeptes pèchent sur le point fondamental ; ils n’ont pas déterminé :
« Quels sont les tempéraments les plus susceptibles de l’impression magnétique ;
« En quels cas les divers tempéraments sont suscep-
tiblcs, constamment ou accidentellement, de cette impression.
« Au lieu de procéder avec cet te réserve, les magnétiseurs généralisent leurs aphorismes. Au reste, comment pourraient-ils régulariser leur nouvelle doctrine et observer les deux régies ci-dessus quand la médecine, qui devrait les guider, n’a pas encore su classer les tempéraments et les réduit à quatre, sans foyer. C’est comme si elle réduisait les notes de musique à quatre, ou les couleurs du sepctre solaire à quatre; et quand il n’existerait que quatre tempéraments, ne faudrait il pas admettre en sus un tempérament foyer ou unitaire, comme on en voit quelques-uns qui se façonnent indifféremment au grand chaud ou au grand froid, aux régimes contradictoires opposés en comestibles ou habitudes. Les physiologistes n’ont pas daigné tenir compte de ces vérités démontrées. D’autres classes de savants spéculent sur les erreurs consacrées par les physiologistes ; et, de sophisme en sophisme, les sciences conjecturales ou mi-fixes deviennent aussi trompeuses que les incertaines ; et pourquoi ? C’est parce qu’elles sont la proie d’une foule d’écrivains mercantiles qui ne cherchent qu’à fabriquer des systèmes à la toise, et profaner, par des vues mercantiles, tous les genres de découvertes que la nature met en nos mains.
« J’estime que le magnétisme est un de ces beaux germes, et que la vraie science aurait pu en tirer grand parti; mais s’il devient un ressort d’intrigues, s’il passe des coteries galantes aux Idéologues, puis des Idéologues aux Généralistes, qui croient tout le monde magnétisable, le germe de la science ne deviendra qu’un écueil de plus pour le génie qu’il aurait pu servir.
« On objectera que mon principe, qui réduit les sujets
magnétisables à 1/8, favoriserait encore mieux l’intrigue, en ce qu’il autoriserait à récuser comme intrus et hors de tempérament requis tous ceux qui ne se prêteraient pas aux intrigues secrètes des magnétiseurs. Cela est bien vrai, et cette objection sans réplique démontre que le cercle vicieux est l’une des 7 propriétés essentielles de la Civilisation, et que si on veut, en fait de magnétisme ou d’autre chose, chercher les routes de vérité, il faut commencer par chercher une issue de Civilisation s’échapper de ce labyrinthe où la fausseté triomphe par
triple chance :
1. En ce qu’elle y est plus lucrative que la vérité;
2. En ce qu’elle y obtient, par effet de l’ignorance, les suffrages de l’immense majorité;
3. En ce quelle y réunit les 7/8ra des intérêts personnels, toujours voués à l’intrigue.
« Ces trois motifs suffisent emplement à fonder le triomphe de la fausseté sur les arguments mêmes qui tendent à établir la vérité; là-dessus, que servirait de se répandre en critique, lorsqu’il est notoire qu’il n’y a, pour échapper au cercle vicieux, d’autre moyen que de sortir de la Civilisation et s’élever aux échelons supérieurs, opération qui n’exige d’autre talent que celui desavoir former des séries passionnelles? Or, des nations qui consentent à étudier 400,000 volumes pour y apprendre une théorie d’indigence, fourberie, carnage, cercle vicieux, etc., ne consentiront-elles pas à étudier 4 volumes pour apprendre la théorie d’avénement à 1 o-pulence, la vérité et l’Unité universelle.
« Résumons sur le magnétisme : il parait être accord artificiel pour le sens de la vue, non-seulement en 7' degré, mais en d’autres degrés encore, puisque certains magnétisés ont prétendu voir une masse de rayons co-
lorés qui se croisaient en tous sens (effets des radiants [radiels] ou colonnes arômales par lesquelles communiquent les astres).
« Assurément ceux qui ont dit de pareilles choses n’étaient pas des échos de charlataneries soufflées; et, ce qui le prouve, c’est que les magnétiseurs mêmes n’ont pas su tirer parti de cette déposition des magnétisés. C’est une particularité dont Deleuze n’a déduit ni conséquence ni principe; et cette inadvertance des chefs de la science est, selon moi, une forte preuve en faveur du magnétisme dont elle constate les effets, tout en humiliant les opérateurs qui les produisent et ne les apprécient pas. Il résulte de celte communication que les magnétisés qui sont déjà en accord visuel de Prime, puisqu’ils ont l’aplomb asinique et félinique au bord de l’abime;
« De Tierce puisqu’ils voient clair en pleine nuit;
« De Septième puisqu’ils voient à travers la paupiéreet même à travers un carton interposé.
« Sont encore en accord visuel de Quinte : car quelques-uns, ceux qui sont les plus magnétisables, voient les cordons radiels ou arômaux dont l’air est rempli, et dont pas un physicien n’a connaissance, ni n'a pu donner l’idée aux magnétisés. Leur témoignage, à cet égard, est le plus sûr garant des facultés ultrà-humaines que leur vision acquiert dans l’état de somnambulisme, soit naturel, soit artificiel, et produit par le magnétisme.
Il serait donc à souhaiter qu’on put dégager cet embryon de science des sophismes qui en arrêtent le progrès, entre autres de la prétention d’appliquer le magnétisme à tous sujets indifféremment et de la négligence à déterminer les sujets susceptibles de cette impression. »
C’est en 1820 que Fourier écrivit ce qui précède; à
celte époque le magnétisme était beaucoup moins avancé qu’actuellement, ce qui justifie une partie des critiques qu’on vient de lire. L'ouvrage de Deleuze dont il est parlé ici ne peut être «pie l'Histoire critique, où il n’est affirmé ni prétendu que tons les individus sont somnam-bulisables. Celte fausse appréciation d’un livre aussi justement estimé parait résulter d’une erreur de langage : Fourier confond magnétisable avec somnambuli-sable. Ceci est tellement probable qu’il n’emploie que le premier de ces deux mots, bien que toute sa dissertation roule sur le somnambulisme. Et, la preuve qu’il se trompe, c’est (pie, loin de s’adresser à tous indistinctement, les magnétiseurs d’alors choisissaient les femmes, qu’ils considéraient comme les plus aptes, et les hommes faibles au sommeil puységurien.
La proportion de un 8e ou 12 à 13/100 somnambuli-sables n’est fondée, ni comme contre-poids à l’exagération des magnétiseurs, ni comme loi : premièrement parce qu’ils ne portaient ce nombre qu’à 4 ou 5/100, secondement parce que, la somme des effets magnétiques étant proportionnelle à la quantité de fluide employé, le somnambulisme ne dépend point du tempérament. Si l’i-diosyncrasie; l’état sanitaire, physiologique et psychologique du sujet; le climat, la saison, la température; la puissance et l’art du magnétiseur ne modifiaient pas les conditions, la somnambulisabilité formerait la règle et son défaut l’exception.Cette théorie est tellement évidente que le nombre des somnambules a crû en raison directe de la perfection des procédés. Ainsi M. du Potet, déduisant cette proportion de son expérience actuelle, l’évalue à 3 sur 10 ou 30/100; mais cette évaluation n’est que relative : elle variera jusqu’à ce qu’on ait magnétisé, partout l’univers et dans toutes les conditions, un nombre
suffisant de personnes pour pouvoir conclure absolument. Les résultats dernièrement obtenus à Calcutta diffèrent même tellement de ceux qui ont servi de base aux essais de systématisation faits en Europe, qu’on pourrait presque renverser les termes de la proportion établie par Fourier ; c’est-à-dire que le 8e d’exception serait rebelle au lieu de susceptible. Ce résultat inverse est remarquable en ce qu’il rapproche de celui de l’observation sur l’action de l’opium, de l’émétique, etc., qui est nulle, ou inverse, chez un nombre d’individus à peu près égal.
N’oublions pas qu’il y a 28 ans que Fourier raisonnait ainsi et que les données qui nous servent de point de comparaison sont toutes récentes. Il est à regretter que ce profond penseur n’ait point connu le magnétisme tout entier, tel qu’il était de son temps ; car si avec d’aussi vagues notions il a déduit des explications claires, quelles proportions cette vérité n’eùt-elle pas acquises en filtrant par son esprit ?
C’est le propre des hommes de génie de pénétrer l’avenir, de prévoir et de prédire le sort des choses qu’ils examinent; suivons donc celui-ci dans son excursion magnétique.
La suite du manuscrit : Des cinq passions sensuelles, se trouve dans la Phalange, revue de la science sociale, n° d’octobre 1846; Fourier, parlant du tact, dit :
«.....Dissertons sur les deux accords des magnétisables et des barométriques, les premiers sont les individus susceptibles du magnétisme efficace curatif, les deuxièmes sont ceux qui connaissent d’avance et par quelque douleur ou mal-être un changement de température prêt à s’opérer.
» Les vrais magnétisables, dont j’ai estimé le nombre
à I78, éprouvent un effet qui est accord de tact, puisqu’on ne peut le rapporter ni à l'ouïe, ni à 1 odorat ,ni à la vue, ni au goût.
» Les barométriques/entrent dans la même catégorie, mais avec cette différence que 1 effet du magnétisme est sanitaire médicinal, tandis que 1 effet du barométrisme est morbifique, et devient vice à traiter au lieu d’être agent de traitement.
» A quel échelon du tact doit-on rapporter l’effet qu’éprouvent les magnétisés ? Il est accord de quinte opérant par le fluide aromal. On ne peut l’attribuer ni à l’air, ni au feu ; ainsi les sourciers tiennent à la catégorie des magnétisables. Ces deux espèces figurent dans le genre des accords de quinte obtenus par influence aromale sur le sens du tact. Je n’en conclus pas qu’un sourcier soit essentiellement magnétisable. On ne peut pas étendre aux espèces un principe appliqué aux genres. Le sourcier est influencé par l’eau intervenant avec l’arome; le magnétisé par l’air intervenant avec l’arome. Ce sont deux effets d’espèce très-différente, quoique à un même degré, puisqu’ils ont l’arome pour ressort essentiel et commun tandis qu’ils ont l’air ou l’eau pour agent accessoire. »
Fourier a dit avec raison (Voy. p. 341) que la nature de l’agent mesmérien était moins connue que ses effets. Nous ne sommes même à cet égard pas plus avancés que les magnétiseurs de son temps ; bien des hypothèses ont été hasii rdéessur ce sujet, mais qui oserait dire que telleou telle exprime la réalité? On en est sur ce point, comme sur tant d’autres, réduit aux conjectures; voyons si Fourier va, comme il nous l’a promis, résoudre ce grand problème.
(La suite au prochain numéro.)
Abrégé de l'histoire de France, par M. Duruy, professeur de l’université. Paris, 1848.
M. Duruy a entrepris de transformer l’enseignement de l’histoire en remplaçant les anecdotes royales parles actes de la nation. Cette réforme n’intéresse pas directement nos lecteurs; mais ce livre étant destiné à la jeunesse, il n’est pas tout à fait hors de propos de mentionner un changement qui doit avoir pour résultat de porter à la connaissance de tous l’histoire des hommes et des choses. Si petit que soit le secours qui nous vient de ce côté, il faut le regarder comme un bienfait parce qu’il s’adresse à une génération à qui l’avenir appartient. Le magnétisme, dans cet écrit, n’est rappelé que par le seul nom de Mesmer ; mais c’est déjà beaucoup. Qu’on en juge par cet extrait.
« Quand de grandes choses approchent, il y a des signes que tous voient, mais que nul ne comprend. L’incendie qui couve sous le sol éclate çà et là en mille étincelles avant de produire l’immense foyer qui éblouit et dévore. Quel travail dans les esprits avant 89 ! Comme tout s’ébranle et s’agite, Saint-Martin, Mesmer, Ca-gliostro, les sociétés secrètes, les doctrines mystiques, minent sourdement|les vieilles institutions monarchiques que les philosophes attaquent à ciel découvert, en se donnant les rois mêmes pour complices. Quel tourbillon grandiose ! On dirait la nuée lumineuse d’où la loi va sortir. Sans comprendre ce qu’elle porte en ses flancs, Cazotte l’entend qui s’approche; il la voit. La révolution a son prophète, »
Caen. — M. L......e. — Reçu le pelil mol par M. Le P...t. C’est un beau succès; il va encore mieux maintenant.
Troyes. — M. S....d. — L’absence de M. du P...t a relardé sa réponse à voire demande; incessammcnl vous l’aurez.
New-Orléans. — M. J. B.....I. — La noie du serpent nous intéresse vivement;
veuillez y donner suile. — Merci de tant de dévouement ; vos actes répondent de vos intentions, qui nous touchent vivement.—Je vous écrirai par M. M...e, qui doit partir fin septembre.
London. — M. E.....ri. — Vous recevrez la suile, le renouvellement est fait.
Metz. — M. T...y— Eclairci tout ce qui concerne P-M. V.....s; rien de fondé.
La partie du plaidoyer n’c>t qu'un artifice oratoire. L'auteur de la brochure est Pitou.
Paria. — MM. les abonnés sont prévenus que nos «canccs du dimanche commenceront désormais à 1 heure précise.
Genève. — M. W..g — reçu des nouvelles d'Alba; — prenez des notes.
Niort. — M. B.....u — reçu ; bien, beau ; et courageux. —Çà sera reproduit ;
continuez.
Beaumoct-t-S. — M. G.......r, — noté pour le b. de M.
Cambrai. — M. U.....x — sans nouvelles de A. G. et vous ? — Point reçu d'archives.
Le Gérant : HÉBERT (de Garnav).
A M. le Directeur du Journal du magncwîftfc..
Monsieur,
Je vous ai parlé, il y a quelques semaines, d’une cure magnétique que vous avez jugée assez importante pour désirer que je vous en communique les détails. C’est avec le plus grand plaisir que je me rends à votre invitation; mais j’éprouve en même temps un regret, c’est celui de ne pouvoir mettre dans mon récit la clarté et la précision que le sujet exige, faute des connaissances médicales dont je suis privé. Je tâcherai néanmoins d’y suppléer autant qu’il est possible.
Vers la fin de l’année 1845, me trouvant à Poissy, en qualité d’employé de la locomotion du chemin de fer, un sieur Chenel me fut recommandé pour une place vacante à la station du Pont-de-1’Arche, alors sous ma direction. Un des motifs qui me déterminèrent fut la considération des sacrifices ruineux que cet honnête homme s'était imposés pour que sa femme, invalide depuis plus de 3 ans, ne put manquer des médicaments et consultations qu’exigeait son état. On me rapporta que cette femme était affligée d’une complication de maux qui la faisaient cruellement souffrir et auxquels les médecins quon avait consultés ne pouvaient apporter aucun soulagement. Elle devait, disait-on, succomber prochainement.
Après le départ du sieur Chenel, sa femme étant forcée
TOau VI. — X" 12. — 25 JUIN 1818. 12
de rester à Foissy, l'idée me vint de tenter sa guérison, ou du moins d’essayer de la soulager par le magnétisme que j'avais déjà, dans plusieurs cas graves, employé avec succès dans ma propre famille.
Cette femme, après avoir été prévenue, me fut amenée par sa mère. Voici dans |uel état elle se trouvait alors. Agée de vingt-cinq ans, elle parait en avoir trente, elle peut à peine se tenir debout sans soutien. Il y a trouble général dans les fonctions depuis trois ans et demi, le cours menstruel est suspendu, et elle dit n’avoir cessé d’éprouver depuis ce temps dans le ventre et surtout dans les côtés d’horribles douleurs dont le retentissement se fait sentir jusque dans les reins. Elle est privée de repos la nuit et n'a pas, dit-elle, clos les paupières depuis 40 jours. Par suite du dérangement du bassin ou d’une lésion de la vessie, son urine s’échappe involontairement à chaque mouvement qu’elle essaye de faire, et comme complément d’une accumulation de maux aussi grande qu’il s’en peut trouver réunis à la fois, il «ixiste dans la matrice, et adhérente à cet organe, une pierre qui, d’après ce qu’elle en peut juger, n’a pas moins du volume d’un œuf de poule ordinaire. Interrogée sur l'origine de tous ces maux, elle me dit qu’ils étaient venus à la suite d’un accouchement très-laborieux accompagné de circonstances que je ne puis décrire, mais tellement graves qu’elle demeura paralysée «le la jambe droite. Jusqu’à cette époque, c’est-à-dire jusqu’à l'âge de vingt-deux ans, elle avait joui du privilège d’une constitution robuste; douleurs, malaises lui étaient étrangers. C'est à partir «le ce temps que le cours menstruel resta complètement suspendu et que les douleurs de côté s'étaMirent ’t tic h quittèrent plus. Au bout de huit mois elle saperont qu’une pierre com-
mençait à se former dans la matrice, et se soumit pendant quelque temps au traitement du docteur Saint-Ai-gnan, de Poissy (c est le médecin qui l’accoucha), mais elle 11 en éprouva autre chose qu’un redoublement de souffrances. On l’engagea à aller prendre l'avis d’un médecin de 1 IIôtel-Dieu, à Paris; elle ne peut se rappeler le nom de celui auquel elle s’adressa, elle ne se souvient que de sa personne, qu’elle me décrivit en ces termes : Un monsieur très-grand, d'à peu près trente-huit ans, d’une apparence maladive. Il lui fut dit qu’il existait un dépôt au foie pour lequel un traitement lui fut ordonné; il consistait dans l’usage de tisanes à la graine de lin, à la guimauve et en un cataplasme d’avoine cuite et de vinaigre; mais il n’en résulta aucun soulagement: toujours même faiblesse, même manque d'appétit, même privation de sommeil, enfin mêmes douleurs et surcroît de maux de tête.
Au mois de juin 1843, elle fut admise à Saint-Louis, dans le service de M. Joubert. La pierre avait acquis a lors* le volume d’une noisette. L’opération de la lithotrilie fut pratiquée sur elle. Elle me dit n’avoir pas de termes pour exprimer les douleurs qu’elle lui fit éprouver.Trois semaines après elle sortit de l’hôpital; mais n’allant ni mieux, ni pis. Ce fut son expression. Pendant tout le temps qui s'écoula ensuite jusqu’à la lin de l’année 1845, elle essaya vainement de temps à autre de quelques médicaments qui lui furent ordonnés par le docteur Saint-Aignan; mais elle résista constamment à la proposition qui lui fut faite de subir l’opération de la pierre qui s’était formée de nouveau.
Magnétisée pour la première fois le 30 décembre 1845, elle n’éprouva durant la séance aucun ell'et remarquable; mais le lendemain elle me dit avoir eu pour la
première fois de 1 appétit, et avoir dormi la nuit plus qu’il ne lui était jamais arrivé depuis plus de 3 ans, ce qu’elle m’annonça d’un air de satisfaction. Pendant quinze jours, magnétisée tous les soirs à la même heure,
il y eut amélioration croissante, se manifestant par une plus grande durée de son sommeil, un appétit presque dévorant et une augmentation de forces telle que le jour de la quinzième ou seizième séance, elle m’apprit qu’elle avait été la veille dans la forêt de Saint-Germain voir une chasse des princes, et n’avait pas fait moins de deux lieues à travers les broussailles. Je n’avais toujours pu obtenir de crise; mais vers la fin du mois de janvier, elle me dit éprouver dans le côté gauche des douleurs très-aiguës qui devenaient intolérables chaque fois que je dirigeais ma main vers cette région. Je m’attachai à provoquer une crise quelconque de ce côté. Enfin, à la troisième séance qui suivit, la même action, augmentée d’autant de force qu’il me fut possible, détermina la première crise; elle s'affaissa sur son siège et perdit connaissance. Ma femme lui prodigua tous les soins que son état exigeait, ce dont elle se montra très-reconnaissante. Le lendemain, sa mère vint seule m’annoncer que sa fille avait été forcée de garder le lit et qu’elle avait rendu une quantité prodigieuse d’humeurs ressemblant à de l’eau de savon, mêlée de fragments membraneux et autres matières ressemblant à du blanc d’œuf. Depuis ce temps les douleurs de côté cessèrent et n’ont pas reparu. Trois semaines ensuite le cours menstruel fut rétabli et n’a pas été troublé depuis. Pendant ce temps l’écoulement d’urine avait beaucoup diminué, elle passait fréquemment des journées entières sans qu’il eût lieu. 11 ne restait plus cpie la pierre, qui la faisait encore souffrir plus ou moins, mais qui avait
cesse d'être adhérente comme au commencement du traitement, ce qui me lit concevoir l'espoir qu’elle finirait par se détacher en continuant quelques semaines de plus. Je la magnétisai dans cette intention jusqu’au 15 mars; mais alors la malade, impatiente de revoir son mari et ne pouvant commodément rester plus longtemps à Poissy, partit pour se rendre au Pont-de-l’Arche. J’eus l’occasion quelques jours après d’enseigner à son mari quelques-uns des procédés à l'aide desquels il pourrait peut-être achever l’entière guérison de sa femme. Je cessai de les voir et d’en entendre parler pendant à peu près une année; mais passant dernièrement au Pont-de-l’Arche et m’étant informé au sieur Chenel de l’état de santé de sa femme, j’appris avec un plaisir bien grand que la pierre s’était enfin détachée au mois d’août 1847. Cette pierre n’avait pas moins de trois pouces de diamètre et pesait 7 onces. J’appris en outre que ce fait avait paru si extraordinaire que pas moins de deux cents personnes de Rouen, au nombre desquelles se trouvent plusieurs médecins, étaient venues exprès pour s’en convaincre, et que quelques-uns de ces derniers avaient déclaré qu’ils n’en avaient point encore rencontré de semblables dans les annales de la médecine.
Le sieur Chenel avait jugé à propos, je ne sais pour quelle raison, de laisser ignorer que le magnétisme était le moyen qui avait été employé, de sorte que je ne sais ce que ces différentes personnes auront pensé du résultat.
Enfin, la malade qui, disait-on, n’avait que peu de temps à vivre, se porte aujourd'hui très-bien, se livre aux travaux rudes de la campagne et est aujourd’hui enceinte de six mois.
Veuillez, Monsieur, recevoir l'expression des sen-
timents distingués avec lesquels j'ai l’honneur d'être, elc. M. A. Ddboc.
Mantes, 21 juin I»l8.
— M. Dulioc a joint à sa relation le calcul utérin qui la justifie; c’est une pièce à conserver comme trophée du magnétisme. Nous l’avons montré à la plupart de nos amis de Paris, et nous croyons être agréables à ceux du dehors en leur en donnant un dessin fidèle :
La figure ci-dessu représente la coupe longitudinale de ce calcul, qui a été scié en deux pour en voir Tinté-
rieur; l’aspect de celte surface est vrai, et la forme, les dimensions du corps sont exactes. Il pèse 1!)'2 grammes.
Le centre de cc calcul est dur et compacte, la superficie au contraire spongieuse et friable. Sa forme porte à croire qu'il remplissait la cavité de la matrice à la membrane interne de laquelle il adhérait par toute sa surface, qui est rugueuse. Le milieu parait occupé par des débris d’embryon qui en auraient déterminé la formation, et été comme le noyau.
II est probable que le magnétisme, en faisant cesser l'irritation et le spasme de l’utérus, a permis que ce calcul se détachât des membranes qui l’enveloppaient, comme il arrive toujours pour les corps étrangers existant dans l’organisme, et que la nature tend toujours à rejeter. Le magnétisme, augmentant l’effort de la nature, lui donne la puissance nécessaire à l’accomplissement de son œuvre. Les livres de magnétisme renferment beaucoup d’histoires curieuses semblables à celle-ci. Des corps étrangers dont rien n’avait pu déterminer la sortie ont été expulsés à la suite de magnétisations. II y a encore à considérer dans cette cure la reproduction du calcul dont la génération, tenant peut-être plus à la composition des humeurs qu’à des causes accidentelles, n’aurait pu être empêchée par les médications suivies. Ainsi, il est évident que, outre l’expulsion de la pierre, le magnétisme a imprimé à l’organisme une modification qui a rendu impossible la reproduction de cc corps.
SOCIÉTÉ Dl! MKSMÉitlSME l»E PARIS.
11 y a bien longtemps que nous n'avons entretenu nos lecteurs des travaux de la société du Mesmérisme; l’espace nous a manqué pour suivre l’analyse de ses séances hebdomadaires, mais nous en ferons désormais un résumé périodique. Nous allons essayer de combler cette lacune par la citation de quelques passages du rapport annuel du bureau, présenté le 17 février dernier. Ce document porte:
.....Dans le grand travail des idées, qui s’opère et
pousse l’humanité vers ses destinées, chacun a sa part dévolue. Humbles ouvriers, notre mission est la mémo que celle des chefs du progrès : nous concourons comme eux à l’émancipation intellectuelle qui doit amener la régénération sociale. L’enfantement laborieux de l’avenir a besoin d’efforts multiples : tous lui sont utiles ; et, si nos travaux n'ont point un grand éclat, n’excitent au loin les voix puissantes de la renommée, nous n’en laisserons pas moins allumé un fanal qui servira à guider les naulonniers futurs vers la terre promise.
La Société, fondée par 22 membres, il y a quatre ans, en compte aujourd’hui 70. Ce nombre est le plus élevé qu'on ait jamais obtenu; mais que de zèle, quelle ardeur prosélvtique il a fallu déployer pour arriver à ce résultat! Plus de G,000 personnes ont assisté à nos séances. Que d’appelés pour si peu d’élus ! Pourquoi.’ Est-ce pie nos expériences manquent de l’évidence, nos
discours de la clarté qui emportent les convictions? Non ; car la grande majorité des conviés a puisé dans ces démonstrations une croyance raisonnée. Mais dans ce siècle égoïste l’intérêt usurpe partout la place du dévouement, et il n’y a que les cœurs généreux, les esprits fraternels, qui consentent à faire des sacrifices pour étendre l’empire de l’idée qu’ilsontacquise. Voilà, voilà pourquoi se développe si lentement toute institution purement libérale, philanthropique, humanitaire.
Mais si les hommes dévoués sont rares, ils ont le mérite de ne reculer devant aucune difficulté; nul obstacle ne les arrête. Sûrs que leur persévérance laissera un monument durable, ils osent tout entreprendre pour la réalisation de leurs nobles désirs. Voués corps et biens au triomphe de la vérité, leur ténacité les rend tels (pie ces constructeurs de jetées dont chaque marée détruit en partie l’ouvrage et qui le recommencent le lendemain avec une patience qui dompte à la longue le courroux du terrible élément.
Les savants, comme les flots de la mer, ont bien souvent détruit les fondements de la digue que les magnétiseurs tentaient d’établir, mais chaque foison réparait le dégât; et maintenant les vagues académiques viennent se briser contre le môle que nous avons élevé dans l'opinion. Le vaisseau magnétique a réparé ses avaries ; tranquille dans le port, il recrute maintenant son équipage et bientôt nous le verrons voguer à pleines voiles dans l’Océan des idées. Nous pourrons nous réjouir en commun, alors, car nous avons tous travaillé à cet ouvrage immense dont Mesmer a tracé le plan.
Nous ne sommes pas nombreux; mais que ne peut-on faire quand les cœurs s’entendent, les forces s’unissent, les efforts s’accordent .'Christ n’avait que douze apôtres,
mais ils étaient organisés, et sa doctrine a envahi le
monde : organisons-nous..........
Le rapport énumère ensuite les travaux de la Société dans le cours de l’année qui expire.
Au premier chef se trouve la révision des statuts et du règlement dontles dispositions n’étaient plusen harmonie avec la marche que les circonstances obligent de suivre. Cette révision a été suivie d’une augmentation de 35 membres, en moins de 8 mois.
L’enseignement mutuel, qui est une des bases de la Société, a eu un commencement d’exécution qui a produit de bons effets. Des cours élémentaires de physique, de physiologie et de magnétisme ont été faits, par MM. Bréard, Dalmas et Hébert.
La partie pratique, c’est-à-dire l'art de magnétiser, ou le manuel des opérations, enseignée par les membres titulaires aux stagiaires et répétée par ceux-ci aux adhérents, est devenue uniforme. Ce résultat si désirable et tant désiré n’est pas la moindre des améliorations réalisées; car s’il est certain qu’on peut obtenir le même effet par des procédés différents, il n’est pas moins vrai que les méthodes ont un fondscommun, des règWgénérales, que l’on ne peut enfreindre sans raison.
Les relations extérieures ont aussi beaucoup gagné ; des correspondants ont été établis à Ilennes, Auxerre, Barcelone, Lyon, Valence (Espagne), St-Jean (Porto-Brico), St-Denis (Réunion), et la Société est assurée de la sympathie de l'Athénée magnétique de Lyon et de la Société du magnétisme de la Nouvelle-Orleans.
Mais si la propagande a crû d'une manière si remarquable, les guérisons ont diminué dans la mêmepropor-tion, ce qui était prévu et se conçoit aisément par le changement de direction des efforts collectifs. Les partisans
de l'utilité immédiate sont alarmés de celle diminution du bien fait, et celle crainte les honore, mais ,il est évident qu’elle ne peut être que temporaire; le raisonnement indique que la multiplicité des guérisseurs entraînera forcément l’augmentation des guérisons.
Plusieurs thèses ont été présentées, et soutenues avec éclat, sur la médecine, la physiologie, la psychologie et la métaphysique. En général toutes les questions de ce genre ont été traitées avec plus d’étendue et de profondeur que précédemment, sans doute parce que plus de faits ont été produits et surtout commentés. L’esprit d’examen a fait de notables progrès; les faits mieux observés ont fourni une analyse plus complète, qui tranche davantage leurs analogies et leurs différences.
Le conseil de discipline n’a point eu à fonctionner.
Le renouvellement du bureau pour l’année 1848-49 a eu pour résultat l’élection de :
MM. Hébert (de Camay), président;
Lovy et Girollet, vice-présidents;
Cosson et Grumet, censeurs ;
Ramel, secrétaire ;
üorange et Franck, sccrétaires-adjoints;
Duval, trésorier;
Le Brun, archiviste.
VARIÉTÉS.
L’ordre nouveau. — Nous sommes en retard avec nos abonnés ; nous avons ralenti notre marche. Au milieu des tristes événements qui nous ont accables il fallait bien s’arrêter un peu pour les considérer; ne se lient-ils point aux sciences, à la philosophie surtout, et ne sont-ils pas fertiles en grands enseignements.
Affectés plus que nous ne le saurions dire, nous avons renfermé dans noire cœur une plainte qui ne, serait point comprise. La plume d’ailleurs tremblait entre nos mains et nous craignions qu’elle gravât nos tristes pensées ; nous avons livré les travaux d’autres hommes, a peine si nous avons fait quelques réllexions sur ces œuvres d’autrui. C’est que, plein du passé, nous résumons le présent pour mieux saisir l’avenir; nous écoutons la voix des temps pour comprendre ce que la Providence nous réserve et pour éviter à notre science de périr, comme tout ce qui existe, dans le grand cataclysme qui approche avec vitesse.
La nuit de l’intelligence s’épand sur la France, à peine si déjà on distingue les hommes et les monuments. Comme des éclairs, de terribles pensées sillonnent au loin l’obscurité pour laisser voir des visages sinistres ; mais nulle part nous n’apercevons de clartés durables; le bruit de la lempête qui mugit empêche de distinguer la voix qui résonne à notre oreille. C’est l’image du chaos et de ses désordres ! Tout se submerge en ce moment. Les trônes croulent de tous côtés; les nations sont en proie à toutes les formes du délire. Les prêtres ne rc-
connaissent plus leurs troupeaux ; les savants fuient et cherchent une autre terre. Le frère méconnaît son frère; partout le fer homicide s’aiguise, non plus pour combattre de nouveaux barbares, mais pour l’enfoncer dans des poitrines humaines (pii naguère encore nous appelaient à la fraternité.
Cruel délire d’une race pervertie! tous les dons de la nature ne t’ont point sulli ; tu as rempli la mesure de tes iniquités, et maintenant tu t'égares, ta vue obscurcie par ton ivresse t’empêche de voir le droit chemin ; tu appelles en vain des guides assurés : marche, marche toujours, ils sont comme toi et ne voient pas plus clair. Les malheureux! ils ont sophistiqué les sciences, et cette coupe de délices a partout répandu son poison.
0 détestable orgueil, vanité sans pareille, amour del’or et des grandeurs ! voilà vos fruits amers. Sans pouvoir l’empêcher nous avons prédit cette chute; nous n’avons plus qu’à en considérer les terribles effets : l'innocent sera frappé comme le coupable. Dieu ne distingue plus les hommes; ne sont-ils pas tous enfants de leur père, et n’est-il pas dit dans l’Ecriture : Ma vengeance s’étendra sur les générations.
N’attendez pas, lecteurs, que je donne cours à d aussi tristes idées, pourquoi d’ailleurs jetterais-je dans vos âmes mes affreux pressentiments? Attende/, les réalités qui viendront vous saisir le jour où, pleins de confiance, vous vous livrerez avec quiétude à l’espoirde l’heureux lendemain que vous vous étiez préparé.
Ne vous ai-je pas livré le moyen d’avoir des voyants, des oracles; ce recueil ne contient-il pas les secrets essentiels du magnétisme ?
Ouvrez le livre de la nature, apprenez à y lire ce
qu’il vous importe à tous de connaître : les vérités qu’il est dangereux de publier.
Ne sommes-nous pas en état de siège? Il n’y a point de loi si ce n’est le caprice de certains hommes. En attendant mieux, la proscription veille à notre chevet; la ville est remplie de soldats ; partout s’élèvent des camps crénelés aux murailles solides; à défaut de raison et de génie on a l’intelligence du sabre. C’est le commencement de la fin, le progrès rêvé par les grands savants, les temps prédits par les somnambules. Qui vivra verra l’ordre nouveau.
Ne vous étonnez plus si, au lieu d’écrire, nous nous contentons d’entretenir le feu sacré par de magnifiques expériences; de ce côté rien n’a pu ralentir notre zèle. Tous les dimanches un public nombreux se presse autour de nous pour encourager nos efforts, nous aider à répandre la découverte que les savants ont niée, eux qui ont applaudi M. Le Verrier lorsque son génie leur fit voir un astre qui...... n’existe pas.
Du Potet.
Revue des Journaux. — Enfin les savants se décident à parler officiellement du magnétisme; le Moniteur universel des 9, 14 et 17 juin contient un ballon d’essai, lancé par un homme aussi distingué par l'étendue de ses connaissances que par l’élévation de son caractère, M. Mat ter, inspecteur général honoraire des bibliothèques de France. Cette publication par le journal officiel de la République est un événement capital; et nous en apprécions tellement l’importance que nous reproduirons en entier le long travail de M. Mattel', dans notre prochain numéro.
— La révolution (! • Février a l'ait ëclorc près de 200 journaux, mais le magnétisme n’a trouvéqu’un seul écho lans cette foule d'organes de la pensée, le Révélateur. Ce journal, se vendant sur la voie publique, peut servir puissamment à la divulgation du mesmérisme. Le premier numéro contient un fragment d’une des lettres de M. Jobard, «pie nous avons publiées.
— Le magnétisme rapproche l«;s hommes divisés par la politique; deux journaux de nuance opposée, le Monde républicain et l'Assemblée nationale, ont pour rédacteurs en chef chacun un magnélophile, MM. Gally et de Lavalette.
Chronique.— Les séances expérimentales des sociétés magnétologiques et du mesmérisme de Paris sont provisoirement suspendues par suite de la mise de la ville en état de siège. Nos conférences dominicales, ayant lieu le jour, ne sont point atteintes par cette mesure.
PETITE CORRESPONDANCE.
Toulouse. — Madame de S......i — La réponse à voire question sera dans l’analyse des Arcanes. — Point encore reçu l'annoncé par votre dernière lettre.
Londres. — M. M...C — Envoie du n“ 32. — Grand merci de l'accueil fait à M. O.....d — Not yett saw M. F....O.
Avis collectif. — Les abonnnenients échus en décembre et non encore renouvelés, cesseront d'être servis à partir d'aujourd’hui ; ceux échéant le 25 juin présent seront soumis à la même mesure alin d'éviter toute sorte de réclamations. Cet avis, déji donné sous plusieurs formes, ne sera pas répété.
BIBLIOGRAPHIE.
OEUVRES COMPLÈTES DE CH. FOURIER.
Suite.
Nous sommesarrivés au point où la définition du fluide magnétique doit nous être donnée ; écoutons :
« Dans le genre transcendant on peut, à volonté, comprendre l’accord de septième touche ; c’est une propriété constante d’une touche mixte que de s’allier indifféremment aux deux catégories dont elle forme le lien, et j’aurais pu, sans irrégularité, classer la vue som-nambulique au même rang,dans la même notice, que les deux vues diaphanique et ultra-planétaire ; toutes étant produites par le même agent, par le feu unitaire ou transcendant dont nous allons examiner les brillants effets quant.au tact.
» Ce feu n’a pas encore été défini ; j’ai promis d’en donner connaissance. On peut le nommer méthodiquement Jeu bi-composé et aromisé. J’adopterai par abréviation le nom de feu transcendant.
» C’est l’agent le plus puissant de la nature ; c’est le [ ] d’une foule de merveilles que produira l’harmonie. J’invite donc à donner une attention très-sérieuse à la définition.
« Le feu ordinaire, tel que nous l’allumons dans nos brasiers, tel que nous l’extrayons du caillou, n’est qu’un feu composé et non pas bi-composé. 11 est seulement véhicule de deux substances, calorique et lumière, mais il n’a aucunement les propriétés aromales
«lu feu solaire; et pour preuve, nous voyous que les fruits mûris en serre, par artifice et chaleur de poêle, sont sans vertu; leurs saveurs ne sont que fadeurs ou âpreté, et le peu d’arome qu’ils recèlent a été recueilli par vitrage, des rayons du soleil.
» Le feu solaire est donc pourvu d’un agent qui est refusé au nôtre ; aussi dit-on, avec raison, que le soleil inet l’assaisonnement aux végétaux. L’arome que distribue le cristallin solaire est de nature composée, aussi bien que la lumière qui contient deux fluides bien distincts, celui du calorique et celui des nuances qui ne sont pas chaudes.
» Quelles sout les deux substances dont l’arome solaire est composé? C’est ce qu’il est inutile de discuter quant à présent, bornons-nous à observer que cet arôme, réuni à la lumière, forme un feu bi-composé et très-différent de notre feu commun, qui n’est point aromisé. De ce feu transcendant 011 bi-composé naissent les fluides les plus subtils,les plus puissants, tels que magnétique,électrique, galvanique. Ils sont au nombre de 12 comme les couleurs, dont 7 seulement sont visibles pour notre œil subversif ; et leurs combinaisons fournissent, comme celle des couleurs et des passions, une gamme fixe en chaque puissance, par 1, 3, 12, 32,134, 404, plus le foyer.
» Ces fluides sont disséminés dans tous les êtres, même dans les minéraux, comme l’aimant, mais plus particulièrement dans les animaux, entre autres dans la torpille qui a la propriété de nous engourdir. 11 n’est pas douteux que le serpent n’établisse entre lui et l’oiseau qu’il attire une colonne de quelque fluide ou phil— tre,qui rentre dans la catégorie du magnétique et forme une de ses branches.
» Les fluides contenus dans le feu transcendant ou so-
lairc sont dénature harmonique et subversive : il est certain que ceux de la torpille et du serpent sont subversifs.
>i La race actuelle est essentiellement exclue d affinité avec les bons fluides, qui sont harmoniques. Cependant, par exception, quelques sujets deviennent susceptibles de cette affinité dans quelques circonstances. L'effet a lieu dans le cas de somnambulisme naturel, et peut avoir lieu de même dans l’artificiel ou magnétisme.
» Le plus précieux de tous ces fluides aromaux est celui de tige, qu’on peut nommer l’unitaire, analogue au rayon blanc. 11 ne s’amalgamme pas avec nos corps actuels ; nous sommes exclus de cette affinité ainsi que de celle du blanc solaire, ou blanc de lait, (pie cet astre donne aux substances.
» Lorsque nos corps, après un raffinement de 1G générations passées en harmonie, auront acquis la vigueur et la perfection nécessaires, ils commenceront à s’imprégner du fluide aromal unitaire ou feu transcendant qui produira en eux des harmonies transcendantes en sens de tact, ainsi que pour les autres sens.
»> Nous lui devrons l’accord de septième en tact. Cet accord est peut-être le plus désirable de tous pour la race actuelle, si exposée aux douleurs. Cet accord est une transition à un état de choses qui semble opposé à la nature humaine, comme, en échelle de vue, l’intuition somnambulique. Ledit accord doit nous élever a des facultés ultra-humaines ; telle sera celle de garantie contre les douleurs et réduction de la souffrance à très-peu de chose, au huitième de ce qu’elle est chez la race actuelle.
» Je ne dis pas réduction des maladies, qui serait un effet différent ; je veux dire que dans une maladie quelconque, soit une fracture et amputation de membre,
l'intensité (les douleurs sera réduite de ce qu elle est aujourd’hui en pareille opération, et ainsi dans toute maladie.
» Nous sommes sujets, en pleine santé, à un efFet-d'engourdissement partiel quand nous touchons la torpille.
Si la nature peut produire en nous celle insensibilité passagère par contact d’un animal et communication d’un fluide ou arôme dont cet animal est conducteur, n’a-t-elle pas des moyens de nous approvisionner de ce fluide poulies cas d’emploi où il servirait à rendre insensible la partie exposée à la douleur .Ce serait une paralysie très-heureuse que celle qui attaquerait une jambe pendant letempsde l'amputation, et qui se maintiendrait au siège de la douleur pendant toute la durée du mal. Combien nos goutteux désireraient cette paralysie locale pendant la durée de l’accès! Nous acquérons cette faculté par l'emploi du fluide que nous transmet la torpille, mais qui, dans cette communication, agit à contre-sens du but, puisqu’il perclut une partie non souffrante. L’effet n’est pas moins précieux spéculativement, puisqu’il nous démontre que l’agent absorbant des douleurs existe dans la nature. Je le nommerai feutranscendantou feu nervin, et on pourrait le nommer antitorpillisme,car il n’engourdit que la partie souffrante, effet qu’il parait opérer chez les poissons et encore plus chez les polypes.
» L’ichtyonévrisme ou paralysie harmonique sera l’opposé de la paralysie subversive ou engourdissement dû à la faiblesse et à la rareté du feu nervin ou fluide vital qui entretient la sensibilité des nerfs ; ils ne sont pas encore dans l’état de paralysie, puisque la partie percluse ne se putréfie pas et continue de s’alimenter. Cependant elle est en l’état de mort accidentelle, privée de senlimentet de sensibilité. Cette léthargie du tact, qui
î'Si d'ordinaire un effet d'affaiblissement, aurait lieu dans le cas contraire, ou cas de force extrême, qui donnerait au fluide vital assez d'activité pour lutter contre la douleur. Ce fluide, lorsqu'il sera au degré d’activité nécessaire, sera pour nos corps un préservatif, un défenseur intrépide, qui se portera sur tous les points où la douleur nous attaquerait et suflira à la tenir en échec, à neutraliser ses assauts.
» La nature doit avoir placé celte propriété chez les êtres en qui le feu nervin est le plus actif, et il faut bien qu’il ait plus d’activité chez les poissons pour les soutenir en pleine chaleur dans l’élément humide et réfrigérant où ils sont stationnés.
» L’ichtyonévrisme deviendra propriété de la race humaine lorsque, parvenue au plus haut degré de vigueur, après 10 générations d'harmonie et d accroissement gradué, elle pourra s’identifier habituellement avec le feu transcendant et subtil, ce principe de vie universelle dont nos corps ne sont pourvus qu en dose très-faible et incapable de lutter contre la douleur, moins encore de la surmonter et l’absorber, quoique existante. Les opérations magnétiques électriques, etc., ne reposent que sur ce feu transcendant qu’on pourrait surnommer le dieu matériel de la nature, et cette dénomination n’est point impropre, puisque le feu est corps de Dieu, et doit, à ce titre, tenir rang de foyer parmi les éléments. »
Tout ce que Fourier a écrit est extraordinaire; cette longue citation en fournirait au besoin la preuve. La complexité de son système rend son langage quelquefois obscur ; mais toujours la réflexion y découvre un sens profond, et quand on en possède la clef tout se comprend aisément
Sa définition «le l’agent magnétiqueest peut-être bonne, mais serait-elle exacte, elle pèche, comme tonies les autres, par l’absence de preuves péremptoires : c’est une affirmation et non une démonstration. Mais ce qui surprendra quiconque ignore le parti que Fourier a su tirer de l’analogie, c’est que l’observaiion des magnétiseurs s'accorde avec son dire en plus d’un point. Ainsi, lous ont remarqué qu’on magnétise mieux en été qu’en hiver, et la comparaison montre que la magnétisabilité augmente à mesure qu’on avance du nord au midi; ce qui appuie l’opinion que le fluide magnétique est une émanation, modifiée, du soleil. Reste à déterminer si la magnétisation en serre aurait les mêmes résultats que l’estivale au même degré de température. Le bien-être que les malades éprouvent au soleil autorise à penser que la quantité de lumière solaire n’est point indifférente à l’acte magnétique.
Les passages concernant l'insensibilité sont on ne peut plus remarquables. La concomitance de l’insensibilité avec le sommeil ne permet pas le moindre doute sur l’origine de cet état : le premier somnambule était insensible; mais quand Fourier écrivit ces lignes l’anesthésie magnétique était inconnue ou plutôt inconstatée. Le fait duquel il l'induit dénote une perspicacité très-grande; puisque les magnétiseurs, avec la même connaissance, l’observation directe et la déduction, n’avaient point su la trouver ; encore bien moins en prévoir l’utilité, déterminer l’application. La théorie qu’il donne de cet effet est aussi celle qui est aujourd’hui généralement admise, l’accumulation du principe vital sur le point endolori. Seulement il n’a point indiqué, ni peut-être prévu non plus, la production de cet état par un fluide humain étranger ; ce (pii est pourtant le corollaire de la torpillisation.
Aussi le magnétisme, lelher et le chloroforme gratifient-ils la génération présente d’un bienfait dont ses calculs réservaient la jouissance à nos descendants. Toutefois ces brillantes conquêtes de la science moderne n’infirment point le développement de nos facultés dans le régime harmonien.
Dans son Nouveau monde industriel, Fouricr a placé un chapitre sur l’immortalité de l’âme, où il invoque le témoignage du somnambulisme, nous en extrayons les passages suivants :
« Quant à la preuve citée, celle du magnétisme, on peut trancher sur le débat qui existe, à cet égard. Les médecins allemands ont pleinement raison d'y croire, malgré le scepticisme de la faculté de Paris, dont la résistance est dictée par un calcul d’intérêt. Qu’elle se rassure. Le magnétisme, quoique moyen très-certain, et qui sera généralement employé en harmonie, ne peut pas faire de progrès en civilisation ; il est trop entravé par des vices matériels inhérents à cette société : j’en cite quatre :
1° On n’a aucune méthode pour discerner les sujets magnétisables; on ne sait pas cultiver en eux celte faculté dès l’enfance, on l’emousse, on la fausse par une éducation compressive de la nature, et au lieu d'avoir option sur les bons, l’on ne rencontre d’ordinaire que les plus imparfaits, stimulés par l’appât du gain.
2° On ignore et on ne pourrait pas former l’appareil sympathique du magnétisé; il doit se composer de ses deux sympathiques de tempéraments, en identité et contraste, et de ses deux sympathiques de caractères, en identité et contraste. Comment rassembler cet appareil quand on ne connaît ni l’échelle des tempéraments, ni celle des caractères ?
3° On gîvtc, on use les magnétisés, on les déprave par
dos amorces d’intérêt qui, même dans le sommeil de consulte, influent sur leur faculté ultra-humaine, en faussent la vertu, la perspicacité.
4° On les vicie encore par des emplois confus, en les obsédant de consultations hétérogènes avec leur genre d’aptitude qu’on ne sait pas discerner.
« D'autres fautes concourent à faire avorter scs opérations, et neutraliser presque tous les fruits qu’on pourrait tirer de ce puissant ressort. Il n’est pas fait pour la civilisation. Sur ce point comme sur tant d’autres, elle dépasse la limite de ses attributions. Toujours malencontreuse en génie, elle est adroite à pénétrer sur les points que la nature lui interdit, elle est incapable d’entrer dans les voies de progrès réel où la nature l’appelle. Les contre-temps que j’ai cités empêcheront que le magnétisme puisse jamais prendre quelque essor en civilisation; il prête le flanc aux malins par les vices précipités et autres, mais il sera en grande vogue, en pleine utilité dans l’harmonie. A cette époque les médecins seront trop riches pour s’alarmer comme à présent de la découverte des remèdes. »
On le voit, que Fourier affirme ou opine, scs remarques sont en général pénétrantes et ses réflexions judicieuses. On dirait vraiment qu’il a deviné par intuition la plupart des secrets du magnétisme; telle n’est pourtant pas la cause de sa croyance. Il admet les phénomènes magnétiques parce qu’ils corroborent ses principes; et, la faveur dont ses nombreux disciples entourent le mesmérisme n'a pas d’autre motif.
IIiiBEKT (deGarnay).
A M. le Directeur du Journal du magnétisme.
Monsieur,
J’ai regretté de ne trouver, dans votre estimable journal, qu’un simple mot à l’occasion du livre extraordinaire qui fut publié à New-York, il y a un an, et qui a déjà eu quatre éditions (Theprincipies of nature, 1 vol. in-8u d’environ 800 pages, écrit sous la dictée du somnambule Davis). On se sentirait d’abord porté à en contester l’origine, si elle ne s’appuyait sur des preuves considérables; car l’auteur, autrefois apprenti cordonnier, n’a que 21 ans, pas d’instruction, n’ayant été que cinq mois à une école de village, et pourtant son ouvrage traite des plus hautes questions de théologie, psychologie, métaphysique, cosmogonie, astronomie, géologie, etc. Ce livre a été l’objet des plus vives discussions, et sans doute il sera traduit, s'il ne l’est déjà. J’espère que la Revue d’anthropologie catholique ne manquera pas de l’examiner à sou point de vue, non plus que la Démocratie pacifique, car le somnambule a parlé du grand réformateur Charles Fourier et de ses magnifiques conceptions comme un véritable phalans-térien. En somme, c’est un ouvrage dont j’aimerais à recommander la lecture, libre à chacun de faire ses réserves.....Par exemple, nos théories magnétiques sont
encore si vagues; qu’il m’a semblé intéressant de résumer ici les aperçus de Davis sur cet intéressant et inépuisable sujet.
«.....La matière et le mouvement, dit-il, sont deux
principes. Le mouvement est la succession perpétuelle de deux efforts, Yattraction et la répulsion, puissances qu’il appelle positive et négative. On ne conteste plus aujourd'hui l’existence d’un agent sensitif, indépendant des causes excitantes, internes et externes, et qui
donne lieu ii tes aberrations de l'esprit connues sous le nom de rêve, etc., alors que la vie de relation est suspendue, que le corps se repose, et prend de nouvelles forces. La circulation est régie par un fluide positif et 1111 fluide négatif qu’élaborent les surfaces séreuses et muqueuses, le premier desquels, en occasionnant la contraction des ventricules, fait que le sang est refoulé dans le système, tandis que le second, qui en opère l’expansion, fait revenir le sang vers le cœur. Le cerveau, composé d’une substance toute sensitive, est complètement attractif ou positif, ce qui fait que ses impressions sont irrésistibles. Les nerfs sensitifs ont pour agent une substance éthérée qu’on peut appeler magnétisme, et les nerfs du mouvement un autre fluide qu’on peut appeler électricité. La parfaite harmonie de ces deux puissances constitue la santé : c’est alors que le système est réellement magnétisé. On le démagnétise, quand, d une manière quelconque, on dérange cette harmonie : par exemple en soutirant le fluide magnétique ou positif, lorsqu’on est soi-même doué d’un pouvoir plus positif que le patient, et c’est ainsi qu'on produit l’état qu'on appelle magnétique. Cet agent fluidique, qui est plus parfait chez l’homme que chez les animaux, l’homme étant supérieur à ces derniers, plus positif qu’eux, forme la sphère ou plutôt l'atmosphère qui enveloppe chaque individu.
Un système quelconque venant en contact avec un autre système d’un pouvoir positif moindre, produit 1 état magnétique chez celui-ci, en soutirant le fluide positif des nerfs sensitifs qui aboutissent aux surfaces séreuses; le cerveau n'est plus accessible aux impressions extérieures, parce que l'agent de leur transmission est absent : le patient est réellement démagnétisé; mais
l action vitale n’est que plus active, car elle procède du
lluidc électrique, ou négatif, lequel se trouve renforcé de celui émané du magnétiseur en échange du fluide positif qu'il a soutiré. Si le patient obéit à la volonté, ou aux désirs du magnétiseur, c’est que la volonté est louie d’un côté, avec le fluide magnétique, les deux individus n’en faisant plus en quelque sorte qu’un seul : leurs forces sont réunies, ce qui ne trouble cependant point leur accord naturel, et sans lequel tout mouvement serait impossible; l’un des deux individus est positif ou actif, l’autre est négatif ou passif; visiblement séparés, un invisible lien cependant les unit, et les phénomènes qui s’offront alors ne devraient pas plus étonner que leurs analogues, les actes de l’esprit à l’égard du corps chez un homme profondément absorbé.
L’état magnétique ne dérange en rien l’ordre de la nature : au contraire, on doit le considérer comme un développement des lois qui régissent les êtres organisés, et il est à propos de dire ici un mot de son influence dans les maladies, dont un grand nombre excitent considérablement les nerfs, ainsi que les surfaces séreuses, lesquelles alors sécrètent une trop grande quantité de fluide magnétique, ce qui occasionne de violentes fièvres. Quand c’est intérieurement, le cerveau en est affecté, et il en résulte des paroxismes qui pourraient tous être détournés par le contact d’une personne fortement positive. L’excès de chaleur ou de fluide magnétique serait ainsi absorbé, et le cas s’en présente à la suite d’innombrables indispositions que ce moyen si simple guérirait invariablement.
L’état magnétique n’est pas seulement le sommeil magnétique, et on peut le subdiviser en quatre degrés. Le premier degré ne présente rien de particulier, si ee n’est que les organes externes étant plus ou moins appauvris de leur portion naturelle de fluide magnétique,
il y survient de l'engourdissement. On ne perd pas encore l’usage des sens ni les facultés musculaires, mais à mesure que cet état s’élève, on éprouve davantage une sensation de bien-être. L’action est ici tonte physique, tandis qu’aux degrés supérieurs les facultés mentales se développent de plus en plus. — Au deuxième degré les fonctions musculaires sont suspendues, et les extrémités sont quelque peu froides : il y a insensibilité physique, ce qui permet de faire, sans douleur, des opérations chirurgicales. — Au troisième degré l’insensibilité est plus grande encore : les surfaces séreuses sont privées de sentiment; l’élément quelles élaborent et entretiennent y est bien moindre qu’aux degrés qui précèdent; l'audition y est complètement abolie; le cerveau ne reçoit plus aucune impression des rapports du corps avec le monde extérieur, et la sympathie avec le magnétiseur est très-grande, presque absolument liés que sont les deux individus par le fluide électrique animal, qui part du cerveau du magnétiseur par ses canaux naturels, les nerfs du mouvement, et envahit le cerveau et les nerfs du patient. C’est par cet intermédiaire que le sommeil magnétique est produit, et que souvent on le prend pour l’état de clairvoyance, mais on se trompe : il n’est que l’analogue du somnambulisme naturel, et leur seule différence est (pie dans l’un le fluide magnétique est soustrait, tandis que dans l’autre il est en repos. — Au quatrième degré il ne reste plus de l’élément positif, dans l’organisme du patient, que juste ce qu’il en faut pour l’exercice de son contrôle sur l’action vitale; l’esprit se trouve affranchi des inclinations auxquelles le corps
1 assujettit d’ordinaire, et il ne tient plus à celui-ci que par mi lien infiniment rare, le même qui joint une pensée à une autre pensée. Dans cet état l’esprit est apte a recevoir les impressions d’objets éloignés 011 proches,
selon le milieu particulier auquel il vient à s unir. Quant au corps, il est inactif, magnétiquement, et cependant
il conserve toutes ses facultés musculaires, soutenues quelles sont et régularisées par les forces du magnétiseur. Cette situation est analogue à l’état naturel de désorganisation physique qu’on appelle la mort; seulement celte dernière résulte de la perte des deux puissances, tandis que l’état de clairvoyance est produit par la fusion des forces de deux individus, lesquelles sont devenues physiquement égales à celles d’une seule personne.
Les phénomènes produits par la magnétisation sont les analogues des divers états anormaux de l'esprit, tels que le rêve, etc. : c’est toujours une démagnétisation, artificielle dans un cas, naturelle dans l’autre; et tous ces phénomènes peuvent être produits sur tous les individus, d’une manière générale, non quant à leurs particularités qui varient comme les organisations... »
Telle est en abrégé, et presque mot à mot, la théorie de Davis. Sans doute elle laisse beaucoup à désirer : elle nous écarte peut-être même des idées reçues ; cependant elle parait s’accorder en bien des points avec le dire d’autres somnambules, comme on en trouve la preuve dans la iomnoZog/edeM. Loisson deGuinaumont. Si, en outre, Davis expose quelques aperçus nouveaux, peut-être serait-il utile de les porter à la connaissance des hommes qui se livrent aux recherches magnétiques, et qui, à l’occasion, pourraient en faire l’objet de leurs discussions avec leurs somnambules. Si vous le pensez, vous pourriez en parler à vos lecteurs.
Recevez la nouvelle assurance de mon entier dévouement, Jos. Raktiiet.
Nouvelle-Orléans, 10 mai I84S
TABLE.
A.
Abeilles. — Leur instinct contre le choléra, 58.
Acte de société du Journal du magnétisme, 6.
Actionnaires.— Noms et nombre,6, 18, 127, 213.
Agent magnétique (l'). — Description (le ses propriétés, 209.
Animaux magnétisés, 250, 334.
— Charmés, 169.
Appel aux amis du magnétisme pour la mise en actions du Journal, 3.
Arcanes de la vie future dévoilés.
— Réflexions sur la nature et le but de cct ouvrage, 30.
Astrologie. — Son existence, 219, application, 221.
Athénée magnétique de Lyon. — Travaux, 112.
— troyen de Mesmérologie. — Sa fondation et son but, 267.
Attraction tellurique, 211.
B.
Biotique. — Qualificatif de magnétisme. Employé, 21. — Défini,
278.
C.
Cabale. — Calculs sur le règne de Louis XVI, de Napoléon, de Louis XVIII, de Charles X et de Louis-Philippe, 185. — Id. sur la vie du duc d’Orléans. 279.
Calcul utérin.— Gravure, 358.
Chloroforme. — Action et utilité comparées à celles de l'éther et du magnétisme, 26.
Chronique. — Nouvelles et faits divers d’actualité, 59, 127, 189, 212, 245, 281, 336, 366.
Circulaire du gouvernement autri-
chien sur la pratique du magnétisme dans le royaume lombardo-vénitien, 21. — Réflexions sur ce sujet par M. du Potet, 24 ; Id. par M. Mermoud, 91.
Clinique magnétique, 39, 130,194, 225, 289, 322, 353.
Coïncidences. — Rapports numériques sur la destinée, 280.
Comatiser, comatisation, 278.
Comité de rédaction. — Composition, 10. — Membres actuels, 17.
Conférences dominicales. — Réunions pour la démonstration du magnétisme, 18, 43, 65, 146, 166.
Confessions du docteur Teste. —Réflexions sur cet ouvrage, 62, 192.
Correspondance (petite). — Avis divers, 63, 96, 223, 248, 320, 352, 384.
D.
Destinée. — Remarques cabalistiques sur la vie de quelques souverains, 102, 280. — Signes astrologiques, 220.
Divination. — Opinion de M. de Lamartine sur cette faculté, chez les Arabes, 217.
E.
Eau magnétisée. — Effets et mode d'action, 196.
Ecole magnétique. — Projet d’une institution pour l'enseignement du magnétisme, 126.
Ecole de Médecine de Madras. — Evoque la question du magnétisme et fait des expériences concluantes, 232.
Espérances que la révolution de février fait concevoir pour l'avenir du magnétisme, 97.
Ether. — Comparaison de ses effets
avec ceux du magnétisme, au Mesmcric Hospital, par J. Esdaile, 106.
Etudes sur l'électricité, par Beckeinsteiner. — Analyse et extraits, 249.
Exploration magnétique. — Mode oublié de diagnostic, 241.
Extase — magnétique, 295 ; — musicale, 151, 166.
F.
Fête de Mesmer, 215, 318.
G.
Gaëidi. — Gravure de charmeur de serpents, 169.
Génot — somnambule, 199.
Guérisons. Voy. aussi clinique. — 39, 130, 194, 225, 289, 321, 353.
H.
Haschisch. — Son emploi en Egypte, 173.
Hémiplégies, 150, 322.
Histoire théorique et pratique du magnétisme par Verati. — Analyse traduite de l'italien, 283.
— de France, par Duruy — analyse et extrait, 351.
Hôpital magnétique de Calcutta. — Son état actuel, 103, 215 281.
— magnétique de Paris. — Projet, 157.
I
Insensibilité. — Exemples, 36,106, 234.
J.
Jury magnétique. — Communications y relatives, 33, 194, 215.
L.
Leger — auteur d’un livre analysé. page 191.
Législation magnétique — autri-
chienne, 24, 91; — suédoise, 58; — belge, 59; — française, 60, 53, 115.
Lettre de Desion à Thouret, sur l'examen du mesmérisme : curieux détails contemporains, 257.
— de M. du Polet sur les Arcanes, 50.
— de M. Cahagnet sur le même sujet, 52.
— du dr Dugnani sur l'état du magnétisme à .Milan, 38.
— île Al. Jobard sur la propagation du magnétisme, 80. — Réponse de M. du Potet, 89.
— de M. .Mermoud sur la législation qui tend à régir le magnétisme en France, 91.
— du dr Esdaile sur l'insensibilité produite par l'éther, 103.
— de M. J. Mathieu sur le moyen d'empêcher la magnétisation à l'aide de substances absorbantes, 123. — Réponse de M. du Potet, 125.
— de M. Mermoud sur diverses guérisons, 129.
— de M. Millet sur la nécessité d'établir un hôpital magnétique à Paris, 157.
— de M. Clapier sur la vertu antifébrile de l'eau magnétisée, 195.
— de M. Jobard sur le somnambulisme, 198.
— de M. Jos. Barthet sur diverses cures, 289, 322. — Id. sur la magnétisation myologique, 315.
— de M. Boméa sur l'état du magnétisme dans la Drôme, 327.
— de M. Duboc sur un calcul utérin, 353.
M.
Magie — magnétique, 18, 43,65; — égyptienne, 147, 169, 222.
Magnétiana. — Sa définition, 278.
Magnétisabilité, 279.
Magnétisme (le). — Son état actuel
en Orient, 168; — en Italie, 28, 159, 214 ;— en Portugal. 281; — en Suède, 57 ; — à Bourbon, 127; — à Valence, 327 ; —
à Caen, 212; — en Amérique, 316.
Magnétisme île la sottise (le). — Examen de l’influence occulte qui nait du rapprochement de certains êtres, 242.
Magnétorama. — Sa définition, 278.
Magnétomane, 279.
Magnétomanie, 279.
Manuscrits de Mesmer. — Sur les jeux de la jeunesse, 101 — Sur les fêtes civiques et religieuses, 162. — Sur les impôts, 258.— Sur le magnétisme, 158.
Mesmérisme. — Signification controversée, 279.
Mesmerism and ist opponents. — Mention, 192.
Monde nouveau (le). — Réflexions sur la situation politique et scientifique actuelle, 202.
N.
Nécrologie. — Sur le docteur Gorgeret, 189. — Sur le docteur Guersent, 247.
Néologie. — Etymologie, emploi et difinition de mots nouveaux, 277.
0.
OEuvres complètes de M. de Lamartine. — Analyse et extraits, 217.
— — de Fourier. — Analyse et extraits, 337,368.
Omeopatia e magnetismo_ animale — ouvrage mentionné, 33, 192.
Onguent (l’) des sorciers. — Rapprochements sur la nature des agents anesthésians, 120.
Ophthalmies, 39, 290.
Opinion du docteur Coddé sur le sens des passes, 36.
Opinion du R. P. Lacordaire sur la puissance créatrice de la volonté humaine, 212.
Ordre nouveau (l'). — Coup d’œil sur la situation magnétique, 364.
P.
chal (de Calvi). — Analyse, 255.
Physiologie, médecine et métaphysique du magnétisme. Charpignon. — Mention, 281.
Piscine (la) de Pau. — Rapprochements bibliques sur les œuvres de M. Laforgue . 113.
Prédiction — d'événements révolutionnaires, 205. — De guérison, 197.— De destinée, 200.
Prévision. — Opinion île Maupertuit sur cette faculté, 44.
Principles of nature, par Davis.— Analyse et extraits, 376.
Propagande. — Opinion sur le mode le plus convenable, 86, 327.
Prophétie de lady Slanhope, sur M. de Lamartine, 219.
Prophétie d’Orval. — Texte. 273. —Commentaires, 271. — Probabilités (calcul de ses), 332.
Prophéties d’Alexandre Dumas, 335.
Puységurisme. — 10e observation.
Action à distance, illusions et hallucinations, 47.— 11e observation. Vue à distance cl prévision, 199.
R.
Rapport du gérant à l'assemblée générale des actionnaires du journal, 13, 367.
Rapprochements. — Coïncidence d'événements. 208.
Représentants du peuple magnéto-philes, 247.
Révélations de somnambules, 282 ; — Magnétiques de Poe. — Dissentation sur la nature de l'âme, de la matière et de Dieu, 295.
Revue des journaux. — Mention d'arlicles ayant trait au magnétisme, critique, polémique, commentaires, rectifications, anecdotes, etc., relatifs aux écrits périodiques, 28, 61, 128, 160, 190, 336, 215.
S.
— Composition ilu bureau pour 1848, 20.
— du mesmérisme. — Cure d'orphthalmie, par M. Girollet, 39. Rapport annuel sur l'état de la société, 360.—Renouvellement du bureau, 363. — Membres honoraires, 127.
— du magnétisme de la Nouvelle-Orléans. — Travaux, 180, 289, 310, 321.
— royale d’horticulture. — Discussion sur la magnétisation des végétaux, 228.
Somnambulisme. Voy. puységurisme. —Faits divers, 28, 47, 55, 57, 76, 197, 199, 205, 336.
Somnambulisalion. — Définition, 279.
Sorcellerie, 314.
Substances anti-magnétiques, 124.
Suppression menstruelle, 198, 292.
Sympathie.— Fait d’action magnétique réfléchie, ou influence réciproque d’une mère sur son enfant, 296.
T.
Théâtres.—Introduction des scènes
somnambuliques dans les pièces. 69, 159, 216.
Tribunaux. — Condamnation pour exercice illégal de la médecine à Paris, 29 ; — à Nancy, 53 ;— à Limoges, 74.—Id. pour escroquerie à Paris, 190, 234. — Absolution pour sorcellerie à Stockholm, 57.
Tribune magnétique. — Projet de chaire à Paris, 122.
Trois jours (les).—Appréciation des forces mises en jeu dans les insurrections, 153.
V.
Végétaux magnétisés, 37, 128.
Verre. — Magnétisé, casse, 183.— Rectification, 247.
Vision de Charles XI, 65. — Rectifiée, 281.
Vue à distance, 57, 199.
Z.
Zoo magnétisme. — Voy. Animaux magnétisés et charmés.
FIN DE LA TABLE.
Le Gérant, HÉBERT (de Garnay).
JOURNAL
uu
MAGNÉTISME
REDIGE PAR
m SOCIÉTÉ DE MAGNÉTISEURS ET DE MEDECINS
SOUS LA DIRECTION DE
M. DU POTET DE SENNEVOY.
La vérité, n'importe f.r.r quelle liomlic ; le bien n'importe par quelles mains.
TOME VII
PARIS
BUREAUX . RUE ÏEUVE-DES-PETITS-CSAEPS. IX, 20. 1848
JOURNAL
DU
MAGNÉTISME.
CLINIQUE MAGNÉTIQUE.
Nous empruntons à la Revue de VOuest, journal de Niort, la relation de deux cures opérées par un de nos abonnés en cette ville.
Après un résumé de l’histoire du magnétisme, que nos lecteurs connaissent tous; l’auteur dit :
Tant que les véritél De sont pas devenues des habitudes, elles paraisseDt des pièges.
D» Luurtito, les Girondins.
Quand la vérité, du sanctuaire obscur où elle se tient cachée, laisse échapper un trait de lumière, il ne s’éteint jamais. Aussi, malgré l’Académie, malgré les révolutions, les guerres sanglantes et les grands intérêts qui ont agité la France et le monde, la découverte de l’immortel Mesmer n’a point péri. A l’époque où nous sommes, il n’est guère, en France et dans une grande partie de l’Europe, de ville qui n’ait un ou plusieurs
TOME TII. — K» »*. — 0 JUILLET 4848. 4
magnétiseurs qui entretiennent, pour ainsi dire, le feu sacré jusqu’à ce que la lumière se fasse pour tous! C’est dans ce but, sans doute, que la Société du Mesmérisme engage les magnétiseurs qui ont obtenu des résultats, de leur donner de la publicité; c’est dans ce but aussi que je viens entretenir le public des deux dernières cures que j’ai obtenues par l'action magnétique seulement. Je dis seulement, car on remarquera qu’il n’est point ici question du somnambulisme, qui est un résultat de l’action magnétique et qui a ses phénomènes à part, phénomènes plus extraordinaires encore et en face desquels l’esprit humain se trouble. Un jour, peut-être, me déterminerai-je à en faire connaître quelques-uns, bien résolu que je suis, pour rendre hommage à la vérité, de braver les railleries spirituelles de l’incrédulité et les superbes dédains des esprits forts.....
(° Danse de Saint-Guy.
Une jeune fille du bourg de Surimeau, prés Niort, me fut amenée au mois de février 1847 ; elle était accompagnée de sa mère, sa sœur et son frère, qui me priaient de vouloir bien entreprendre sa guérison. Ces braves gens arrivaient sur des renseignements qui leur étaient venus du faubourg de Ribray, où j’avais obtenu la guérison d’une jeune fille, atteinte d’une maladie qui avait beaucoup de rapport r.vec celle de la personne qu’on m’amenait. Sur ma réponse affirmative, on la descendit de la charrette dans laquelle elle était venue, car il lui était impossible de se tenir debout. Lorsque je vis de près l’état dans lequel était Esther Tavard (c’est le nom de la malade), Je l'avoue, je fus découragé : qu'on si'
figure une jeune fille de 18 ans à peu près, ne pouvant se soutenir sur ses jambes, articulant quelques mots qu’on ne pouvait saisir, ayant le visage renversé par d'horribles contorsions et des soubresauts qui l’agitaient continuellement; le tout formant un ensemble d’idiotisme complet, au point que ma femme, après l’avoir considérée, me dit, malgré sa foi dans le pouvoir magnétique : « Si tu l’entreprends, j’admirerai ton courage ; mais ce sera peines perdues, tu ne réussiras point : ne vois-tu donc pas que cette fille est imbécile? « La sœur, qui l’entendit, s’efforça de nous dépersuader en nous donnant l’assurance que ce n’était que depuis quelques mois qu’Eslher était ainsi ; qu’avant que le mal l’eût si cruellement frappée, elle s’exprimait bien, était avenante, et même jolie.
Malgré le peu d’espoir que me faisaient concevoir les apparences, je me mis à l’œuvre avec courage et résolution. Je magnétisai Eslher environ une heure, dans cette première séance; puis, après avoir remis deux bouteilles d’eau magnétisée pour en faire usage comme breuvage ordinaire, on remonta la malade en charrette, prenant jour pour le surlendemain.
Le surlendemain, effectivement, Esther fut ramenée, comme il en était convenu, et en même équipage : toutefois, on me signala de l’amélioration, ce dont moi-même je crus m’apercevoir. Encouragé par cet espoir, quoique léger, je redoublai de zèle. Enfin, après la troisième séance, le mieux était tellement visible, qu’on pensa, pour le surlendemain, pouvoir se passer du véhicule, ce qui eut lieu en effet. Esther fit avec assez de facilité la lieue qui sépare Surimeau de Niort, et s’en retourna plus facilement encore. Bref, au bout d’un mois, c’est-à-dire après 14 eu 15 séances, la malade
était complètement guérie : parlait bien, marchait lestement, ne faisait aucunes contorsions, et était littéralement redevenue jolie!
Tout cela s’est passé à la connaissance d’un très-grand nombre de témoins, tant de Niort que de Surimeau, qui, tous, ont pu voir et juger des heureux effets du fluide magnétique, chaque séance amenant une amélioration qui naissait, pour ainsi dire, sous ma main.
2° Maladie nervoso-menfale.
Le 13 juin 1848, un jeune homme du bourg de Sainte-Pezenne, Jean Suire, vint me trouver pour me prier de vouloir bien entreprendre la guérison de son oncle atteint d’une maladie mentale; ce jeune homme qui a une grande facilité d’éloculion, bien qu’habitant la campagne où il exerce la profession de jardinier, s’exprima ainsi : « J'ai vu en Afrique, lorsque j’y étais soldat, des effets tellement extraordinaires obtenus par le magnétisme, que je suis convaincu de la puissance de son action sur le désordre des organes et de l’économie animale. Sachant que, depuis longtemps, vous vous occupez de cette science, et que vous avez déjà opéré plusieurs cures, je viens vous prier de vouloir bien entreprendre celle qui rendrait mon oncle à la santé. Sa maladie, je ne dois pas vous le taire, est fort extraordinaire; mon pauvre oncle qui, jusque-là, était un homme tranquille et ne s’occupant que de son travail, est devenu tout à coup sombre et mélancolique; à cet état, en succéda bientôt un autre, mon oncle eut des mouvements nerveux à la suite desquels paraissant céder à une force qu’il ne pouvait vaincre, il se met à chanter des nuits et des jours entiers. Alors rien ne peut
l’arrêter, il chante malgré lui, et il est visible qu’il chante malgré lui; enfin, cc n’est que quand il est épuisé qu’il s’arrête pour recommencer dés que ses forces réparées le lui permettent. Il se croit ensorcelé et se désole sur sa position, lorsqu’il revient un peu à lui. » Après cette exposition, je m’offris de me rendre instantanément auprès du malade, et, en effet, nous partîmes pour Sainte-Pezenne qui est à une petite lieue de Niort. Il était sept heures du soir, lorsque nous arrivâmes chez Pierre Suire que nous trouvâmes tapi dans un coin de sa chambre ; son visage était sinistre et ses yeux étaient hagards; je l’accostai d’un bonjour, auquel il ne répondit pas. « Pourquoi, lui dit Jean Suire, ne répondez-vous pas à Monsieur qui vous salue ? » En même temps, il lui ôta sa casquette et le fit asseoir, ce à quoi Pierre se prêta sans mot dire. Je le considérais depuis un instant, lorsque tout à coup ses lèvres s’agitèrent convulsivement, et après un « Bi, Bi, Bi, Bi, Bi, » articulé en crescendo, et visiblement, malgré lui, il se mit à entonner des chants d’église. « Voilà, me dit sa femme, comment il chante jour et nuit et sans que nous puissions l’empêcher. » Après m’être recueilli un instant, je m’approchai religieusement de Suire, sur la tête duquel je posai la main avec la foi intime que je devais arrêter ce chant, et je l’arrêtai en effet, au grand étonnement des personnes présentes qui avaient souvent employé les moyens les plus énergiques pour arriver à ce but, sans pouvoir l’atteindre; après l’avoir magnétisé dix minutes environ, et voyant que ses yeux se rem-plissaientde larmes, je lui demandai comme il se trouvait. « Ah! Monsieur, me dit-il, vous m’avez rendu la vie, vous venez de prendre le sort ou la maladie, comme
avec la main, et m’en avez debarrassé. Ah ! mon Dieu, je respire, merci. »
Je partis en recommandant à Suire et à sa femme de venir me trouver pendant quelques jours, afin de terminer ce que je venais de commencer. Mais, soit que le malade se crût complètement guéri, soit qu’il lui répugnât de me causer des embarras, ou, ainsi que j’ai eu lieu de m’en apercevoir quelquefois, qu’il voulut échapper à la reconnaissance, je ne le revis que huit jours après; sa femme me l’amena. Pendant sept jours il n’avait rien ressenti, mais le huitième, le mal avait reparu; Suire était d'abord devenu fort triste, avait beaucoup pleuré et rechantait encore; après l’avoir fait asseoir, je le magnétisai quinze minutes, et tout disparut; alors je l’engageai de ne pas mettre de négligence, de venir régulièrement, et de ne pas voir une guérison radicale dans une amélioration; je lui dis aussi que j’avais la ferme croyance d’obtenir un succès complet, mais qu’il fallait y mettre le temps et s’y prêter avec assiduité.
Docile à mes conseils, Suire, accompagné de sa femme, venait tous les jours et fort régulièrement, malgré le préjudice que cela causait à son travail; dans chaque séance les désordres étaient réparés avec une promptitude dont on se ferait difficilement idée; mais, par malheur, je fus obligé de faire une absence de quelques jours, et, à mon retour, je trouvai le malade en pire état; non-seulement les chants avaient recommencé, la monomanie était revenue, mais il se sentait dans les bras et dans les jambes des douleurs tellement fortes, qu’il ne pouvait plus ni travailler ni marcher. Je ne m’effrayai point de ce nouvel état de choses, rien n’étant plus dlfcourageant, à mes yeux, qu’une maladie stationnaire;
je recommençai donc les séances avec confiance et résolution, et dans cette première séance, après vingt minutes de magnétisation, Suire ne se sentait absolument de rien, et au point que venu en charrette, il put s’en retourner à pied et se mettre à son travail ; cet état de choses continua pendant cinq à six jours, pendant lesquels tout le faubourg de I’ontenay et les rues qui aboutissent de là à celle Saintc-Marihe, où est une porte de ma maison, on put voir passer une petite charrette de jardinier, attelée d’un âne et conduite par une jeune fille; dans cette charrette se trouvait un homme étendu, amaigri et à la mine sinistre, qui chantait, tant bien que mal, des chants religieux. » C’est Suire, disait-on, qui devient fou, il va à la ville se faire soigner; dans une heure il repassera guéri, mais demain ça recommencera. » En effet, le pauvre homme descendait de sa charrette dans un état pitoyable; à peine arrivé, je le magnétisais; quelques passes, des insufflations sur la tète, quelques autres passes de dégagement sur les bras, .l’estomac et les jambes, tout avait disparu, et au point que Suire reconduisait lestement le petit équipage dans lequel, à leur tour, montaient la jeune fille et la femme Suire.
J’en suis bien fâché pour messieurs les incrédules auxquels il prendrait l’envie de nier ce fait; car, je dois leur dire qu’il a pour témoins deux à trois cents personnes, toutes fort désintéressés, et, il faut bien en convenir, un fait qui s'appuie sur de semblables témoignages, doit et peut, à bon droit, être plus entêté qu’eux.
L’expérience me démontrait clairement que si j’eusse pu me trouver plus souvent en rapport avec Suire, ses crises seraient non-seulement calmées instantanéixftnt, mais qu’une prompte guérison devait infailliblement
répondre à mes soins. C’est sous l’influence de cette pensée que je trouvai dans mes souvenirs un moyen qui me réussit au delà de toutes mes espérances ; ce moyen était celui qu'avait employé, à son château de Busan-cy, l’honorable M. de Puységur, en magnétisant des arbres sous lesquels de nombreux malades venaient recouvrer la santé ; rempli de cette idée, je me rendis à Sainle-Pezenne; j’entrai d’abord chez M. Lépillier, propriétaire et adjoint de la commune, que j’engageai de vouloir bien m’accompagner; nous nous rendîmes ensemble chez Suire, que nous trouvâmes sous le poids d’une de ses crises, et qui ne parut pas s’apercevoir de notre présence, malgré les paroles bienveillantes que nous lui adressâmes. Après cinq minutes de magnétisation, Suire s’empressa de nous saluer en s’informant de nos santés, et paraissant on ne peut plus sensible à l’honneur que lui faisait M. Lépillier. Je les laissai causer ensemble et passai dans le jardin, où je magnétisai un arbre avec confiance, recommandant à la femme Suire de conduire son mari dessous, lorsque les crises se représenteraient; je lui recommandai surtout de ne point parler de ce qui venait de se passer, craignant que l’imagination ne vînt jouer un rôle dans le résultat, et voulant, pour mon édification particulière, savoir à quoi m’en tenir sur ce genre d’expériences.
Le succès ne se fit pas longtemps attendre; le lendemain matin, après avoir passé une bonne nuit, le malade se levait avec les symptômes d’une de ses crises, la tristesse, les larmes et les impatiences nerveuses l’agitaient, sa femme n’a pas un instant à perdre, elle l’entraîne sous l’arbre, et soudain, à peine y est-il, qu’il se trouve complètement débarrassé, mange la soupe avec appétit, et se rend gaiement à son travail. Le lendemain
et jours suivants, mémos résultats, au grand étonnement des Suire et à ma complète satisfaction; il était maintenant résolu pour moi qu’en employant les procédés Puvséguriens, on était dans le vrai. •/
Tout allait à merveille, lorsque je fus obligé de faire encore une absence de trois jours; je m’étais promis d’aller magnétiser l’arbre qui avait perdu de sa vertu; : mais les circonstances me forcèrent de partir sans cela; le malade, privé des séances et de cette ressource, eut encore quelques crises qui se manifestèrent par les mêmes symptômes et par une insomnie complète. De retour le dimanche 6 juillet au matin, je trouvai la femme du malade qui m’attendait avec une grande impatience, je lui promis de me rendre, dans la soirée, auprès de son mari ; mais, avant de la congédier, il me vint à la pensée de lui remettre quelques brins de treilles magnétisées, avec la volonté de faire cesser l’insomnie; ces treilles produisirent sur Suire un résultat admirable, car à peine avaient-elles été placées sur sa tête, que les crises cessèrent et qu’il s’endormit paisiblement. Le soir, ainsi que je l’avais promis, je me rendis à Sainte-Pe-zenne où je trouvai le malade dans la maison de son neveu, lieu du rendez-vous, Pierre demeurant à l’ex-trémitédu bourg; il était tout endormi, et on avait eu beaucoup de peine à l’amener. Là, je le magnétisai avec la ferme volonté de le faire dormir encore; car l’insomnie l’avait brisé, et sa femme elle-même avait besoin de repos. Je réussis au delà de mes espérances, car le len- * demain, dans la soirée, je vis arriver sa femme toute effrayée du nouvel état dans lequel était son mari; il avait dormi et dormait encore comme une marmotte; c’était en vain qu’on avait fait des efforts pour l’éveiller, le sommeil avait résisté à tout, et comme il n’avait pas
mangé depuis 24 heures, on élait fort inquiet. Ne pouvant me rendre de suite auprès du malade, je cherchai un expédient que je trouvai dans mon expérience de la veille; en effet, la veille, Suire avait eu une insomnie qui durait depuis deux jours, je venais de l’arrêter en produisant le sommeil au moyen de treilles magnétisées, avec la volonté de le faire dormir; pourquoi d’autres treilles magnétisées, avec l’intention formelle de l’éveiller, ne produiraient-elles pas l’effet contraire? Je remis donc à la femme Suire de nouvelles treilles qui devaient être pour le réveil, ce que les premières avaient été pour le sommeil. Cette seconde expérience eut un succès complet et instantané ; car, à peine posées sur la tête du dormeur, il se trouva complétementdébarrassé, s’éveilla, mangea avec un grand appétit, et revint, en un mot, à son état normal.
A partir de ce moment, je fus complètement maitre de la maladie qui, an moyen des séances et des treilles magnétisées que, chaque jour, je remettais à la femme Suire, et qui avait grand soin de me les demander; le mal diminua d’intensité avec une rapidité qui, d’un instant à l’autre, laissait apercevoir son terme. Aujourd’hui, enfin, Suire est parfaitement guéri; il travaille, boit et mange comme par le passé, sa mine sinistre et son extrême maigreur ont fait place à une sérénité parfaite et à son embonpoint ordinaire. Ainsi, après quarante jours environ de traitement magnétique, l’homme qu’on destinait à aller augmenter dans un hospice le nombre de ces malheureux qui ne tiennent plus à la société que par la forme humaine, est rendu à la raison et à sa famille!
Voilà donc les admirables effets de ce fluide magnétique tourné, chaque jour, si gratuitement en ridicule [*r une ignorante incrédulité. Eh bien! si vous devenez
Ion, ce qui peut parfaitement vous arriver, allez trouver un magnétiseur consciencieux et expérimenté, il vous guérira, j en suis convaincu, et alors nous verrons si, au lieu de rire stupidement encore d’une chose que vous ne connaissez point et ne pouvez apprécier, vous ne tomberez pas à genoux, pénétré d’admiration et de reconnaissance, pour remercier ensemble, magnétiseurs et magnétisés, la divine Providence d’avoir bien voulu mettre à la disposition de l’homme une force avec laquelle on peut obtenir de semblables résultats !
J.-B. Borreau.
PETITE CORRESPONDANCE.
S.-Elix-Theux. — M. T.....c — voyfi I’Avit collectif itm la précédente petite corresp.
Niort. M. L......n — merci de votre utile concours; avec du dévouements
comme le vôtre le magnétisiie ne |>cut périr. — Amitié à M. de S. V.
Lacourade. — M. D......u — awz-vcus reçu ma seconde lettre?
Ooul-House. — M. D.....s — j'attendrai îotre ara.
Marner*. — M. — Ecrit à B......».
BIBLIOGRAPHIE.
Nos lecteurs trouveront ci-après le Mémoire de M. Matter, dont nous avons mentionné la publication par le Moniteur des 9, 14 et 17 juin.
Ce compte rendn marque le progrès que la découverte de Mesmer a fait dans le monde; il est l’acheminement naturel à son introduction dans la science. Pauvres magnétiseurs ! vous n’êtes plus des imbéciles indignes de pitié, vous n’êtes plus tous des sots ou des fanatiques. Votre persévérance a obtenu un regard de la science ; elle daigne s’occuper de vous ; mais que de chemin il nous reste à faire! Surtout n’écoutez pas les flatteries; vous avez obtenu un commencement de triomphe en vous adressant à l’opinion publique : continuez cette marche. Elle n’eut point été rationnelle dans d’autres temps; elle semble contre la raison : elle est la raison même. Le magnétisme est plus que la science ; il la domine comme le soleil domine la terre, car il est une force différente de toutes celles saisies jusqu’à ce jour; il rend l’homme presque divin. A quoi bon le jugement des savants ? Il est inutile. Dire ce qu’est le magnétisme ; ils ne le pourront jamais plus que nous. Est-ce pour constater ses effets? Nous n’avons pas besoin de leur témoignage. Les sens de tous ceux qui les éprouvent ne sont-ils pas suffisants? c’est assez pour nous. C’est donc en vain qu’on nous dira désormais : Venez à nous; frappez, et on va vous ouvrir.
Nous avons appris par une longue expérience à nous méfier de cette tendresse, car nous écoutâmes plus d'une fois des voix perfides qui ne nous appellaient que pour retenir la vérité ou la dénaturer complètement. C’est sans haine et sans colère que nous parlons ainsi ; mais nous jugeons ce qui se ferait par ce qui a eu lieu. Nous connaissons ces prétendus philosophes, ces amants de la science qui voudraient l’immobilité au profit de leur vanité. Ne nous ont-ils pas déjà condamnés cent fois; n’ont-ils point déclaré à la face du ciel que le magnétisme n’existait pas ? Il faut les laisser sous le coup de ce faux jugement; il est utile pour l’enseignement des générations. La révolution dans les esprits se fait, elle entraînera le monde vers l’examen : mais cet examen doit être général; nous espérons que M. Matter sera de notre avis.
Les réflexions naissent en foule à la lecture de ce travail ; il en faudrait une critique mais chaque magnétiseur appréciera facilement comment l’auteur a pu s’égarer. Il n’a point magnétisé; il ne parle point des faits physiques purs du magnétisme; il n’a par conséquent fait qu’entrevoir la vérité. Des documents d’une grande importance sont recueillis par lui ; ceux surtout relatifs à ce qui se passe en Allemagne ; les faits rapportés ont une très-grande valeur puisqu’ils viennent d’un critique. Que les lecteurs ne soient point trop émus de rencontrer des faits négatifs; nous avons expliqué souvent pourquoi il en est ainsi en magnétisme. Ces mêmes faits que les académiciens de Vienne déclarent nuls ou douteux ontétéadmisparBerzélius(1),W.Grégory, etc., dont la compétence n’est par moindre. Mais que cher-
(I) Voy. Journal du magnétisme, lom. iv, pag. 76.
chons-nous des noms : il nous en vient nulle sous la plume; et les faits contestés sont du domaine vulgaire, ils seront d’ailleurs acceptés car ils sont vrais quoique ne pouvant à chaque instant se prouver.
Nous voudrions bien abonder dans le sens de M. Mattel'; mais cela nous est impossible, voyez; figurez-vous MM. Flourens, Magendie et d’autres aussi illustres entendant discourir sur les facultés de l’âme humaine, dire ce qu’elle peut en dehors de son enveloppe, parler des attractions et des apparitions ; mais ces grands hommes écriraient dans leur bulletin qu’on doit nous ouvrir les portes de Charenton. Nous n’osons pas dire que ces messieurs devraient y être depuis longtemps car ils nient ce qui est au-dessus de la matière, ce qui lui donne la forme, ce qui la transmue, ce qui nous élève audessus de l’animalité. Nourri de la vérité, nous la voyons toute entière, et nous regretons qu’un homme aussi distingué n’en ait vu qu’une parcelle. Nous le remercions cependant de sa franchise, nous dirions presque de sa témérité car parler du magnétisme c’en est une dans certain monde comme c’en était une aussi à certaine époque de dire que la terre tournait, que le sang circulait, qu’il tombait des aérolithes.
Réjouissez-vous, magnétiseurs, vous faites chaque jour des conquêtes : mais ce qui gâte votre cause c’est que parmi-vous le charlatanisme s’est glissé. C’est le reproche que l’on vous fera à juste titre, et M. Matter en dénonçant ces faits honteux à droit à nos éloges et à nos remerciments.
Nos réserves étant faites laissons parler M. Matter :
Fischer, dcr Somnambulismus, 3 vol. in-8, Bille, 1840. — Ennemoter, der Magnelismus im Verhaellniss zur Naturund Religion, Munich, 1840. 1 vol. in-8.— Beitraege zur Lehre vom Magnelismus, rapport présenté au nom d'une commission composée do médecins de la Société impériale de Vienne, par le docteur Gouge; Vienne, 18Î5. 1 vol. in-8. — Ueber Somnambulismus, Hellschen und llncrischen Magne-tismus, etc., par Alex. Ilummel, V., 184 ; 1 vol. in-8. — Magikon [ou archives pour les observations de la vie magnétique), suite des feuilles de Provorst, recueil périodique, 1840-1848. —Carrière, Die philosu-phisch'4 Weltanschanung, etc. Sluttgard, 1848, 1 vol. in-8.
Après un temps d’arrèt assez considérable, temps de confusion et de découragement suivant ses adversaires, de réflexion salutaire et de brillante expérimentation suivant ses amis, le magnétisme animal se montre de nouveau, avec de nouvelles prétentions, sous de nouvelles phases, et simultanément sur plusieurs points, sur les principaux théâtres de la science européenne.
Qu’est-ce aujourd’hui que le magnétisme animal?
Quelles sont ses nouvelles phases et ses nouvelles prétentions?
Quels sont les résultats qu’il obtient?
Quel intérêt sérieux offre-t-il à la science en général, à la psychologie et à la physiologie en particulier?
Voilà les questions que soulèvent les ouvrages indiqués ci-dessus, voilà du moins les questions que je me propose d’examiner à propos de ces ouvrages, qui ne sont pas les seuls, il s’en faut, mais qui sont les plus caractéristiques parmi ceux que la littérature étrangère nous offre sur ces questions.
J’ai besoin de m’expliquer d’abord sur la convenance d’un nouvel examen du phénomène magnétique et des publications dont il est l'objet.
« Pourquoi l'entreprendre? Pourquoi ne pas laisser dans l’obscurité qu’elle cherche cette maladie intellectuelle, née au dernier siècle et enterrée par le nôtre, après condamnation à peu près unanime et exécution réellement publique ? Enfin pourquoi produire encore une fois au grand jour ce qui doit s’évanouir nécessairement à la lumière de la critique? Le magnétisme animal est jugé. »
Cela est très-vrai ; il y a eu jugement et condamnation, et certes pas à première vue.
Mais le magnétisme en appelle. Il demande un jugement nouveau et sur de nouvelles pièces. Il réclame la contre-épreuve. C’est son droit, et c’est le devoir de la science de revoir les actes du procès.
Je ne dirai pas que le devoir delà science va plus loin; que, même au cas où le magnétisme ne lui demanderait rien, elle aurait la mission d’éclairer à ce sujet l’opinion publique ou de guider la police de l’Etat. La science n’a pas cette mission. Oracle de la vérité, elle répond à qui la consulte ; elle ne prend pas des allures de surveillante pour prévenir des tours de charlatans.
La science, qui a souvent été proscrite, depuis longtemps est lenteà proscrire. Elle est, au contraire, d’autant plus encline à la tolérance, qu’elle est plus prompte en hospitalité.
La science a raison. Elle n’est ennemie naturelle ni de l’audace, ni de la poésie, ni même de l’hypothèse. Au contraire, elle veut user de tout cela pour son propre compte, sauf les droits de la critique. Or ce qu’elle demande pour soi, elle l’accorde à tout ce qui prétend devenir elle; elle doit donc accueillir avec courtoisie, sinon les nouvelles prétentions du magnétisme animal, du moins son désir d’être de nouveau passé en revue.
Ce service est rendu au magnétisme d’une manière sérieuse par un philosophe notable d’Allemagne, M. Fischer, de Bàle, et par un médecin distingué, M. Enne moser, de Munich. Deux autres médecins du même pays, MM. Gouge et Hummel, de Vienne, ont fourni à leur tour des documents importants sur le même sujet: le premier, un rapport d'une commission de médecins chargée de constater une série de phénomènes ; le second, une appréciation critique des faits qui se sont produits ou des essais qui ont été tentés naguère à Londres.
C’est là une addition considérable à faire aux ouvrages que l’Allemagne avait publiés antérieurement sur le magnétisme, tels que la Visionnaire de Prévorst, par le docteur Kerner; les Feuilles de. Prévorst, par le même; la Théorie du somnambulisme, par le docteur Wirth, ou les Analogies de la nature, par M. Meyer.
En général nos voisins d’outre-Rhiu possèdent sur le magnétisme une littérature fort riche, mais au milieu de laquelle il est sage de choisir ; l’énumération complète en paraîtrait d’autant plus longue qu’elle offrirait moins l’état actuel de la question.
Ce qu’il faut entendre surtout, c’est ce que produisent les partisans modernes du magnétisme, les médecins, les vrais prêtres de ce sanctuaire. Ce n’est qu’en seconde ligne qu'on doit écouter les simples fidèles, ou les industriels plus ou moins heureux qui spéculent en cette matière. On ne doit pourtant pas les négliger. Il faut juger toutes pièces vues, et surtout les dernières, et prendre en considération même les faits ou les tentatives de clairvoyance qu’on produit en séances publiques ou privées, dans tous les quartiers de Paris, grâce à une recrudescence de foi à laquelle on était loin de s’attendre.
A cet égard, il est bon de s’entendre sur la méthode. Ce qui empêche la plupart des juges d’arriver à la vérité sur cette question, c’est le soin qu’ils prennent pour demeurer purs dans l’opinion, c’est la crainte qu’ils ont de passer pour des croyants.C’est pour cela qu’ilsn’osent pas aller voir, qu’ils ne se rendent pas aux exhibitions, qu’ils ne conviennent pas même d’avoir lu certains écrits. A leurs yeux, convenir de ces lectures, avouer des conférences avec le clairvoyant de la rue Chantereine, avec la pythonisse de la rueBasse-du-Rempart, ou l’Es-culapedela rue delà Boule-Rouge, s’être rendu aux séances du docteur Teste ou abonné au journal du baron du Potet, c’est déjà trahir une nuance de crédulité; c’est du moins accuser un reste de doute. Or un reste de doute, ne serait-ce pas assez pour ôter le droit de siéger? Ils rejettent donc absolument, sans hésitation aucune, toute transaction avec « cette mauvaise queue de Mesmer et de Cagliostro. » Il faut, disent-ils, faire justice de la nouvelle recrudescence de magnétisme animal, comme M. Flourens et M. Lélut ont fait justice d’une recrudescence de phrénologie, « cette mauvaise queue rattachée par Gall et Spurzheim à la phjrsiognomiqne de Lavater. »
Sans nul doute il faut faire comme M. Flourens et M. Lélut, examiner gravement, conclure philosophiquement, et pouvoir dire, sur la question du magnétisme, ce qu ils ontditsurla question de la phrénologie; il faut pouvoir dire : Voilà qui est faux, qui est constaté. Mais pour cela il faut voir, il faut tout voir, et ne pas donner pour faux ce qui ne l’est pas, pour constaté ce qui ne
I est pas. Ce serait condamner, ce ne serait pas juger. Or il faut juger des gens qui se présentent en appel.
Et c’est ce que le fait magnétisme. Il en appelle des
condamnations précédemment subies, et il en appelle au nom de faits nouveaux. Il en est venu, dit-il, à une transformation considérable. Or, si cela est, il mérite assurément examen a novo. Aidons-le donc à obtenir une enquête et appelons un peu d’attention sur les pièces de son procès.
Rappelons d’abord les faits. Cequ’on appelle magnétisme animal, qu’on le considère comme une force de la nature, un être de raison, une hypothèse utile ou une simple abstraction, n’est pas chose nouvelle. Paracelse, Van Helmont, Agrippa, de Nettesheim et Fludd en avaient dit merveille il y a longtemps, et après avoir été quelque temps ad mi résou enviés de leurs adeptes secret», avaient fini par ne plus en avoir.
Cependant on a essayé de réhabiliter cette puissance, il y a maintenant soixante et dix ans, et cette réhabili-tation a été faite par un docteur de cette même école de Vienne qui s’en occupe aujourd’hui encore; mais après un examen impartial, habile et prolongé, un comité de cette école vient de déclarer qu’une série de faits magnétiques, affirmés par un praticien honorable, n'est pas fondée. Toutefois le comité ne veut pas se prononcer sur l’existence même du magnétisme animal, encore moins sur l’ancienne théorie qu’on présentait à cet égard.
Cette théorie, au fait assez simple, paraissait pourtant avoir pour elle une grande raison, l’analogie.
En effet, de même, dit-elle, que le globe terrestre, les globes célestes, tout le règne minéral et tous les corps inorganiques ont en masse, ou chacun en particulier,une force ou une puissance naturelle qu’on appelle magnétique et qui est invisible, imperceptible en elle-même, quoique très-appréciable dans ses effets et dans les phénomènes qu’elle produit ; de même tous les corps orga->
nisés ont une puissance magnétique invisible aussi et imperceptible en elle-même, quoique très-appréciable dans ses effets ou dans les phénomènes qu’elle enfante. Seulement entre les deux espèces de magnétisme, il y a cette différence, que si le second, celui de l’organisme humain, tient à la nalure du corps, il tient en même temps à la nature de l’âme; il est la propriété ou l’attribut de l'homme tout entier.de telle sorte qu’il est à la fois physique et psychique. S’il est essentiellement le fait de certaines organisations, son jeu et son efficacité sont néanmoins essentiellementsubordonnés à la volonté, à l’énergie morale de celui qui est en possession de la force magnétique, soit somnambule, soit magnétiseur.
Telle est la théorie générale présentéedans les anciens écrils surce sujet. Cela revient à dire que le magnétisme est une puissance mixte, difficile à étudier, et par conséquent difficile à juger, mais ce n’est pas là en soi une raison de rejet ou de condamnation. Car toutes les puissances que nous possédons sont assujetties à des conditions semblables. Si toutes ne sont pas mixtes, du moins le jeu de l’activité de toutesdemande le concours de l’âme et du corps. L’exercice de la pensée elle-même tient à l’organisme, et de la nature de ce dernier dépend,en notre condition présenle, je ne dis pas toute la vie de l’âme, mais ce que nous connaissons le mieux de sa vie. Que le magnétisme animal fût donc une puissance mixte, difficile à observer, impossible à définir et à concevoir dans son origineou dansses limites,ce n’était pas un motif pour le rejeter dans l’empire des fictions. S’il eût agi, s’il se fût montré, il eût fallu l’accepter, si mixte, si violé, si incompréhensible et si indéfinissable qu’il eût paru.
Dès son origine, le magnétisme animal a prétendu se montrer, a voulu agir de la manière la plus efficace. Il
était alors un fluide plus subtil que l’éther, ou ce fluide même enseigné par le célèbre Euler, substance très-com-municable, et essentiellement puissance thérapeutique.
Son inventeur, Mesmer, n’en eut pas d’autre idée, ne voulut pas le faire servir à un autre but. Or il proposa expérience sur expérience, non pour en éprouver la réalité, il n’en doutait pas, mais pour démontrer cette réalité au public et aux savants qui en doutaient.
Ces expériences, la critique les lui contesta toutes. Il y répondit, disent les siens, par des cures qu’il ne soumit plus au contrôle, et par des succès qui rendirent la santé à des milliers de malades.
Ce qui seul est certain, c’est que ses cures lui donnèrent une renommée éclatante, une grande fortune et de nombreux partisans; mais ne l’empêchèrent pas de retomber dans le plus profond oubli et de laisser dans la plus grande obscurité la découverte qu’il avait annoncée.
Cette découverte, toutefois, ne fut pas abandonnée. Au contraire, ses fidèles la suivirent avec une ardeur croissante, la modifiant sans cesse, je ne dis pas selon les besoins de la polémique, mais je ne dis pas non plus selon les progrès de la science. Car à l’heure qu’il est, il n’en est encore rien sorti pour la science.
Il n’y a plus même de théorie du magnétisme; ses amis n’en émettent plus. Il n’y a jusqu’ici que des études, disent-ils; nous n’avons que des vues fragmentaires; la science humaine ne connaît pas les forces de la nature que dans leurs effets: nous n’avons, nous, à produire comme elle que des effets. Ses forces et ses lois sont des mystères : nous n’avons pas la prétention de faire la lumière où elle veut l’obscurité.
Les adversaires du magnétisme disent à cela que ce
sont des assertions, et insinuent qu’elles ne sont pas plus fondées sur la science que sur la bonne foi. Ils ont tort. Le magnétisme a des croyants d’une droiture et d’une instruction incontestables. Il n’est donc pas juste de réduire à des assertions les études, les expériences et les faits qu’ils produisent. Il y a réellement plus; il y a du moins des convictions sincères chez les uns, quoiqu’il puisse y avoir autre chose chez les autres. Quelle est la base, le motif légitime des convictions sincères?
Selon les partisans éclairés du célèbre phénomène, le magnétisme animal n’est plus ce qu’il s’était dit à son début, un fluide. Celte opinion a bien ou avait naguère encore des partisans en Allemagne, Kluge, Kemer, Passavant, Meyer j mais elle n’en a plus guère dans ce pays-là. M. Eschenmayer lui-même n’y voit plus qu’une force, qu’une vertu psychologique. M. Ennemoser fait à peu prés de même. Il explique les phénomènes physiques ou thérapeutiques par les lois générales de la polarité, et les phénomènes physiques (la clairvoyance), par une psychologie un peu mystérieuse, mais qu’il croit cependant fort naturelle, qui du moins n’admet pas le merveilleux. II en est de même chez nous. S’il est encore question de l’ancien fluide, c’est par voie d’image, c’est à défaut d’un terme qui explique mieux la puissance demeurée mystère.
En effet, pour nos mystagogues aussi, le magnétisme animal n’estplusqu’une puissance, morale ou physique, peu importe; c’est une force qui calme, qui apaise la douleur; qui remet les esprits; qui fortifie l'organisme par l’ordre qu’il y rétablit et qui ranime toute existence par la paix qu’il fait succéder à l’excitation.
Encore cette puissance, si limitée qu’elle soit, est-elle attachée, selon nos magnétistes, aux dispositions mora-
les, à l’énergie de volonté du magnétiseur, au degré de Foi et de bienveillante réceptivité du magnétisé.
Cela peut avoir l’air d’une habileté de langage et d’une fin de non-recevoir, opposée d’avance à toute accusation de stérilité. Il faut être de bon compte néanmoins, et considérer que, si le magnétisme est donné par une puissance mixte à la fois physiologique et psychique, propre à mettre en rapport seulement ce qui est en affinité naturelle, il n’est pas juste de lui demander efficacité dans tous les cas, même en cas d’antipathie etd"inaf-
frnité morale ou physique.....Que le magnétisme animal
montre sa puissance dans les conditions qui, selon lui, dominent la matière, c’est là tout ce qu’on en peut exiger, et, puisqu’on ne demande pas non plus au magnétisme minéral qu’il procède contrairement aux lois qui le gouvernent, on ne doit pas demander chose pareille à l’autre.
Accepté dans ses conditions, le magnétisme animal se donne pour très-puissant. S'il n’est plus en physiologie un fluide médical, s’il n’est plus en thérapeutique qu’une force de polarité immatérielle (1), qu’un je ne sais quoi, soit dit sans le blesser, car un je ne sais quoi peut équivaloir à une définition, puisque l’éther, ce véhicule où gravitent les sphères, est un je ne sais quoi accepté en cosmologie; je dis donc que s’il n’est plus en thérapeutique qu’un je ne sais quoi qui excite « comme un pôle positif la force propre du malade tombée dans la polarité négative, » mais qui calme et guérit en passant du magnétiseur au magnétisé, il est encore autre chose en psychologie. Qu’y est-il?
C’est une puissance morale qui soumet le magnétisé
(1) Telle est l'dfiinion de M. Ennemoser, § 170,17t.
au magnétiseur, tant que dure le rapport; à ce point, que la volonté du second, etque toutes les facultés physiques de celui qui passe au gouvernement d’un autre se conforment aux intentions de ce dernier, et sont réellement à son service.
Mais ici s’élèvent tout de suite ces deux questions: N’est-ce pas là une puissance énorme, qui ne saurait être prouvée ? et si même elle l’était, ne serait-elle pas contraire à tout ce qu’il y a de mieux établi en morale : la liberté et la responsabilité personnelles, c’est-à-dire la moralité elle-même? 11 est vrai que les questions ne tuent pas les faits, et, quant au premier point, l’analogie du magnétisme minéral est en faveur des prétentions du magnétisme animal. L’aimant promène à son gré le corps qui s’y prend, et ce corps ne regagne son indépendance qu’autant qu’il est lâché par la puissance qui l’enchaîne. Tout ce qui tombe dans la sphère d’attraction du globe, dans le magnétisme tcllurique, s’y fixe au point de ne s’en détacher que par l’action d’une force plus grande. Celle des planètes célestes qui se laisserait entraîner hors de son orbite, dans la sphère d’attraction d’une autre, s’y verrait accollée comme un vaincu l’est au char du triomphateur.
Il y a donc analogie dans la nature physique pour cette théorie d'absorption qu’on veut montrer dans la nature morale. Toutefois, en dernière analyse, cette analogie est contraire aux inductions qu’on voudrait en tirer en faveur du magnétisme animal.
En effet, c’est précisément pour éviter une absorptio/i, que la loi de la Providence a tracé à chaque globe l’orbite où il doit graviter dans les espaces, à la fois dépendant de la puissance suprême qui gouverng l'ensemble et indépendant des autres globes, sauf l’harmonie géné-
raie d’une attraction calculée. C’est aussi pour éviter l’absorption dans le monde moral, c’est pour que soit impossible ce que vous dites du magnétisme animal, que la loi de la Providence a tracé à chaque homme l’orbite où il doit se mouvoir dans l’univers, à la fois dépendant du souverain qui préside à tout et indépendant de chacun de ses semblables, autant que l’exige l'harmonie calculée de la liberté, de la responsabilité et de la moralité de tous.
Ainsi le pouvoir absolu que le magnétisme animal livrerait à une individualité sur une autre est opposé à la loi morale du genre humain comme à la loi physique de l’univers: aussi les magnétiseurs sensés n’enseignent-ils plus cet empire.
A l’objection tirée de la nature des choses, les adversaires ajoutent cette autre, analogie à la fois historique et prophétique. L’incompatibilité de la phrénologie de Gall avec la loi morale, disent-ils, a tué cette phrénologie dans toutes ses transformations ; l’incompatibilité du magnétisme de Mesmer avec la loi morale tuera ce magnétisme dans tous ses raffinements.
" Toutefois cette assimilation, si frappante qu’elle paraisse, n’est pas juste.
D’abord l’action du magnétiseur peut se tenir en dehors du domaine psychique; il peut demeurer en thérapeute sur celui de la physiologie.
En second lieu, il peut, quand il passe dans le domaine moral, agir d'une manière conforme à la loi.
En troisième lieu, l’action du magnétisme animal n’est qu’une intervention exceptionnelle dans le jeu de la nature, et encore cette exception ne peut avoir lieu qu’en cas d’affinité, tandis que le système de la phrénologie se
normal et constant de l'organisme.
Il faut donc laisser de côté ces réfutations à grands coups d’analogie ou d’assimilation, et cela d'autant plus que le magnétisme animal se dit une puissance à laquelle rien ne doit se comparer. En effet, nous ne sommes pas au bout de ses prétentions. 11 a réellement celle de nous ouvrir un monde nouveau, et, à mesure qu’il s’est modéré davantage comme puissance thérapeutique, il s’est fait plus grand comme puissance prophétique. Il a fait pour cela ces deux choses: il a proclamé son affinité avec un phénomène très-accepté et connu très-anciennement, le somnambulisme, et il a élevé ce phénomène à une importance nouvelle en y associant des faits d’une clairvoyance très-rare, mais, suivant lui, très-naturelle.
Sur son affinité avec le somnambulisme, voici ce qu’il affirme. 11 ne donne pas le somnambulisme aux sujets qui ne l’ont pas reçu de la nature, mais il le constate, le met en jeu, le dirige, en féconde les clartés, et l’applique non-seulement à la thérapeutique, mais à toutes sortes de recherches : ce par quoi il regagne, sous une autre forme, une portion considérable du terrain perdu depuis ses débuts.
En effet, dit-il, il est un somnambulisme naturel, inhérent à certains organismes, spontané, d’après une ceriaine périodicité, accompagné d'une lucidité extraordinaire, d'une clairvoyance prophétique. Cette faculté lui permet de soulever un coin du voile qui couvre les destinées du somnambule et celles des personnes mises en rapport avec lui. Mais il est de plus un somnambulisme artificiel, qui est l’effet du magnétisme, l’œuvre du magnétiseur, et qui procure souvent, en vertu (te l'action personnelle de ce dernier, un degré bien supérieur
de lucidité, ou du moins une clairvoyance plus féconde, grâce aux directions magnétiques. Ces directions peuvent être manuelles, intellectuelles ou morales, mais, dans tous les cas, les interrogations plus savantes qui résultent de l’intervention du magnétiseur, tirent de la faculté donnée par la nature un parti plus brillant.
Et il y a mystère sur mystère; car non-seulement le magnétiseur a le privilège de conférer à certains sujets, en vertu de la puissance qu’il possède, un état qu’il ne peut pas toujours, qu’il peut même très-rarement se conférer à lui-même, mais le sujet magnétisé par lui et obéissant à sa puissance, voit, outre ce qui se passe dans celui qui dirige ses facultés et qui l’éclaire de sa lumière, des choses qui ne se trouvent nullement indiquées dans cette espèce de miroir magique que lui offre lame de son magnétiseur.
Or, à cette clairvoyance, le magnétisme, dans sa phase actuelle, n’assigne aucune limite. 11 n est pas pour lui de distance, pas de domaine interdit, celui des autres sphères pas plus que celui de la nôtre. Les mots impossible, invisible, imperceptible, il les biffe de son lexique. Ils ne sont plus faits pour lui; ils sont antérieurs à ses découvertes; ils reçoivent démenti sur démenti de ses explorations et de ses progrès.
Dès lors on voit bien que ce n’est pas avec les arguments de la simple raison qu'on peut songer à le combattre. « Ayez notre puissance et notre foi, croyez à la pureté de nos intentions, respectez la loi des rapports et des affinités, puis venez et voyez. » Voilà, je ne dirai pas des théories, car il se trouve aujourd’hui qu’il ne faut plus faire de théories, que toute théorie est trop étroite non-seulement pour ses découvertes futures, mais encore pour ses faits acquis dès à présent, voilà son lan-
gage. Votre science défie nos faits, dit-il, mais nos faits défient votre science.
Nous avons montré le magnétisme animal dans ses phases modernes, avec ses prétentions nouvelles. Cependant ces phases et ces prétentions varient singulièrement, selon la diversité des théâtres où il apparaît. 11 est essentiellement expérimental à Vienne, social et industriel à Paris, éclectique en Angleterre, religieux et mystique dans certains cantons du Wurtemberg et de la Suisse, religieux et thérapeutique en Bavière.
Prenons le d'abord à Vienne, non pas d’après un document émané de lui, mais d’après un rapport qui, sans le mettre lui-mème en question, montre qu’il y a eu erreur ou fraude dans une série de faits avancés en son nom. Ce rapport m’inspire confiance. 11 est dressé avec un calme, une élévation et une netteté de vues qui ne laissent rien à désirer. C’est le reflet naturel de la noble impartialité avec laquelle une commission de neuf médecins, dirigés par le président de la société impériale, avait procédé dans des travaux de vérifications dont voici l’origine. En 1845, le docteur d’Eisenstein traitait une somnambule, M,le Léopoldine, ancienue sœur d’une congrégation pieuse, qui avait figuré dans un établissement de santé du baron de Reichenbach comme sujet dexpérimentation, et qui faisait sensation à Vienne depuis quelque temps. Le docteur Tzermack, dans un discours prononcé en public, accusa cette somnambule d’imposture. M. d’Eisenstein demanda aussitôt une enquête, et une commission fut désignée à cet effet presque immédiatement. Elle commença ses opéx-ations le 21 juillet de la même année, et les termina le 12 janvier de l’année suivante, après y avoir consacré vingt-deux séances et embrassé soit des questions, soit des
sujets (malades ou somnambules) auxquels on n'avait pas songé au début.
Or, suivant les procès-verbaux de ces opérations, signés «le M. d’Eisenstein lui-méme, la plus grande latitude a été laissée à ce dernier; toutes les directions qu’il a désiré donner aux épreuves ont été acceptées; toutes les répétitions et toutes les tentatives indiquées par lui ont été faites, et la commission qui s'est montrée dans le choix de ses moyens à la fois indépendante et pleine d’égards pour l’honorable M. d’Eisenstein, a rempli sa tâche d’une manière inimitable. Cela est parfaitement démontré par le travail du rapporteur. Ce document, dis-je, m’inspire donc une entière confiance, et ses conclusions doivent être acceptées comme celles de la science elle-même, sur les questions spéciales dont on s’est occupé. Les conclusions de la commission, au nombre de onze, sont formulées d’après les onze catégories d’expériences qu’on avait eu à vérifier. Voici ces conclusions :
1. M. d’Eisenstein avait cru remarquer que plusieurs de ses malades, somnambules et autres, étaient doués d’une sensibilité spéciale à l’égard des courants magnétiques, à ce point que, sans apercevoir la direction donnée à ces courants, ils pouvaient indiquer et décrire les diverses sensations qu’ils leur faisaient éprouver. Celte supposition est démentie par tous les faits de l'enquête. Les sensations produites parles courants dont la direction avait été vue ne se sont pas accordées avec celles produites par les mêmes courants, quand la direction en était inaperçue.
2. M. d’Eisenstein avait cru constater que Léopoldine distinguait parfaitement, au moyen du toucher, la diversité de puissance du fer aimanté. Cette observation
est exacte. Dans les nombreuses expériences faites devant la commission, Léopoldine ne s’est trompée qu’une seule fois. Et à ce sujet la commission ajoute quelques mots dignes d’attention : « Si les bruits qui nous parviennent sur la découverte de M. Faraday, relativement aux rapports de la lumière, de la chaleur, de l’électricité et du magnétisme, sont fondés, dit-elle, nous sommes à la veille d’obtenir de grands éclaircissements sur les corps dits impondérables. Cela permettra de résoudre bien des problèmes, et cela nous engage ici à suspendre notre jugement, et à ne pas chercher d’explication du fait constaté devant nous. »
3 M. d’Eisenstein avait cru remarquer que certaines personnes étaient douées de la puissance de magnétiser par voie d’attouchement, et de distinguer, de la même manière, des corps magnétisés. Les expériences faites devant la commission par trois personnes différentes n’ont rien établi de ce genre.
4. Le même savant avait cru remarquer que certaines personnes (le rapport les nomme sensitives) étaient douées de la faculté d’apprécier, par le simple toucher, les qualités d’un grand nombre de substances. Ce fait n’est pas constaté. Les sensitives, en appréciant dans des séances différentes un certain nombre de substances fournies par une pharmacie renommée, se sont donné des démentis à elles-mêmes.
(La tuile au prochain numéro.)
Le Gérant, HÉBERT (de Garnay).
L’anti-mngnéfismc. — Cette question simple"
VARIÉTÉS.
en apparence se complique à chaque pas qu’on fait pour la résoudre.
M. de Mirville, qui l’a très-soigneusement examinée,
double vue du fils de Robert-Houdin.
Un autre observateur, non moins scrupuleux, M. le docteur Ordinaire, déduit tout le contraire des exhibitions de Mm* Hermann.
Ces deux opinions se partagent à peu près également les esprits. Quant à l’explication du fait, dans l’une et dans l’autre hypothèse, elle varie singulièrement. Parmi les partisans de la première appréciation, les uns pensent que c’est un pur effet de ventriloquie, les autres l’attribuent à un langage de convention, mimique, digital ou parlé, dans lequel toute question contient sa solution au moyen d’un artifice qui consiste à déterminer d'abord le genre de l’objet, ensuite son espèce; un certain nombre croit à la connivence des assistants; enfin quelques-uns regardent cette faculté comme une variété d’extase naturelle, analogue à celle des voyants, devins, etc. Parmi les seconds, les uns veulent que ce soit une lucidité réelle, les autres une simple communication de pensée, identiques à celles qu’on observe ou provoque chez les somnambules.
Quelle que soit l’opinion qu’on adopte il est certain que TOBB TH. — M* 34. — 25 JUILLET 4848. 2
conclut que le magnétisme est étranger à la seconde ou
les expériences des aiiti-magnétistes réussissent généralement mieux, en promptitude comme en précision, que celles des magnétiseurs, et cela sans conditions de temps ou de lieux, puisque les exhibitions ont lieu en plein vent, dans des baraques, aux fêtes des Champs-Elysées, des barrières et des environs de Paris, souvent même dans la rue au coin d’une borne, moyennant l’obole des passants.
A la vue de ce fait les magnétiseurs ont cherché à s’éclairer sur sa nature, et presque tous y ont trouvé une solution différente, suivant la diversité des sujets observés. Pourenregistrertous les documents propres à l’éluci-dation d’une question si controversée, nous transcrivons les passages suivants d’une lettre à nous adressée par l’un de nos abonnés, M. Thiry, de Metz :
« Quant à l’anti-magnétisme ou seconde vue des prestidigitateurs, il paraît d’après ce que vous médités qu’à Paris l’opinion n’est pas fixée. 11 me semble cependant qu’au moyen d’expériences bien dirigées, il serait facile de s’assurer si c’est une faculté magnétique ou une convention quelconque. Je suis moi-même fort incertain, malgré quelques expériences assez positives. Un de ces jongleurs m’a avoué qu’il opérait à l’aide du magnétisme. 11 m’a laissé libre d’agir à mon gré dans une séance particulière. Je lui montrais l’objet à deviner et moi seul faisais la demande au sujet, ou bien le jongleur devait se servir de la même demande pour des objets tout à fait différents, sans y ajouter un seul mot, ou bien encore après avoir vu l’objet il se bornait à agiter une sonnette pour prévenir le sujet de répondre. Dans ces divers cas je ne vois pas de convention de langage possible. J’ai surpris ce même jongleur magnéti-
sant son sujet, qui avait bien le faciès, l’œil fixe et vitreux des somnambules.
» Dans une autre séance particulière donnée à des antagonistes du magnétisme, et à laquelle je n’étais pas, ce même sujet bien éveillé, sautant, riant, se moquant de la crédulité des magnétiseurs de la veille disait : « Suis-je endormi ? » et faisait les mêmes expériences. Il est possible qu’il soit somnambule éveillé. Que croire de tout cela ?.... Dans tous les cas ces jongleurs sont fort habiles. — Vous voyez que ces expériences sont contradictoires avec celles faites devant la Société du mesmérisme, et rapportées t. v, pag. 301 de votre Journal. »
Nous ajouterons à ce récit celui d’un fait également contradictoire, sans en tirer d’autre conclusion que notre ignorance des divers moyens employés pour obtenir ce résultat surprenant.
Vers la fin de 1845, je rencontrai chez M. Pichard, qui peut en témoigner, un de ces anti-raagnétistesavec sa femme qui lui servait de sujet. C’était d'honnêtes ouvriers, qui, leur journée finie, poursuivaient leur croisade contre le magnétisme ou plutôt le somnambulisme, considéré par eux comme une jonglerie. Ils s’oflrirent de me donner une preuve de sa non existence en devinant les objetsà la manière des somnambules. J’acceptai avec empressement cette occasion de m’instruire sur ce sujet alors nouveau et fort en vogue.
La femme fut enfermée dans une pièce séparée par une cloison de celle où nous nous tenions et dans des conditions telles que la fraude ne fût point possible.
Je demandai d’abord qu’on devinât le millésime d’nne pièce de monnaie que je montrai àl’anti-magnétiste, l'expérience réussit parfaitement. Ensuite je jetai deux dés,
dont le point fut exactement dit; en troisième lieu, je lis cheminer les aiguilles d'une pendule, et l'heure qu’elles indiquaient successivement fut non moins bien devinée.
Un tel succès élait bien capable d’exciter ma surprise, surtout ma crainte qu’une arme aussi puissante fut tournée contre le magnétisme. Je réfléchis un instant sur la manière dont les questions étaient posées, puis je sollicitai une nouvelle épreuve. Les trois expériences précitées furent répétées dans ie même ordre. Je remarquai alors que la formule des demandes était différente pour chacune d’elles. Cet homme à qui je fis part de mon observation m’avoua que tel était en elTet le moyen dont il se servait. J’étais pour lui un personnage mystérieux, il chercha à me faire partager sa croyance sur les somnambules qui n’étaient pas plus lucides, disait-il, que sa femme. Je cherchai vainement à le désabuser. J’avais affaire à un ennemi d’autant plus dangereux qu’il était désintéressé; mes paroles étaient sans puissance sur son esprit : comment, l’empêcher de nous nuire? 11 était animé de l’amour de la vérité; il fallait la faire luire à ses veux : je le magnétisai. En moins de cinq minutes cet homme robuste, exerçant, je crois, la profession de chaudronnier, fut dans un état de jactitation effroyable. J’avais remporté une grande victoire. Convaincu du magnétisme il apprit bientôt à magnétiser et obtint lui-même ce somnambulisme objet de son animadversion. J’ai appris depuis qu’il propageait le magnétisme avec autant de zèle qu’il l avait combattu.
Hébert (de Garnay.)
Vue à distance. — On lit dans Y Impartial de la Meurthe, journal de Nancy :
« Voici un fait presque miraculeux qui serait un
nouveau triomphe du magnétisme. Les ombres des membres de l’ancienne académie des sciences qui foudroyèrent, au xvnie siècle, Mesmer et sa doctrine, en tressailleront de rage, sans doute, si dans l’autre monde on est encore impressionnable aux émotions de celui-ci. Nous ne garantissons pas la complète exactitude du récit; mais nous le rapportons tel qu’il est raconté.
» La semaine dernière, le sieur V..., habitant du faubourg Saint-Pierre, alla au bois faire un fagot. Plusieurs jours se passèrent sans qu’il revint chez lui. Poussée par la plus cruelle inquiétude, sa femme s’en fut consulter le somnambule Ilusson, qui, dans son extase magnétique, déclare que l’individu en question était blessé très-grièvement, en tel endroit du bois qu’il désigne. Aussitôt après, les voisins se mirent en quête, mais infructueusement.
» Nouvelle visite au sieur Ilusson, qui dit alors que V... s’était traîné péniblement à quelques pas de l’endroit désigné, circonstance qui avait rendu les premières recherches infructueuses. Il précisa de nouveau le lieu, et avec tant d’exactitude, qu’une heure après, le blessé était retrouvé et transporté chez lui, ayant une côte cassée d’une chute du haut de l’arbre où il était monté. 11 était resté cinq jours privé d’aliments.
» On a peine à concevoir une si longue abstinence. Cependant il en existe des exemples plus mémorables. Pi-chegru, Ramel et d’autres, déportés à Synamary, après le 18 fructidor, s’échappèrent dans une méchante pirogue, et gagnèrent, au bout de huit jours, la côte de Surinam, sans autre provision qu’une bouteille de rhum. Le sieur V.... avait été obligé de boire son urine. »
I. es blessés «le Juin.— En constatant la merveilleuse facilité avec laquelle on obtient l’insensibilité
avec l’élher, le chloroforme surtout, nous avons exprimé la crainte que l’emploi de ces agents fût suivi d’accidents graves ; car nous remarquâmes alors que la mort disputait souvent le triomphe. Nos sinistres prévisions s’accomplissent. Les soldats blessés dans les affaires «le Juin succombent malgré les soins les plus empressés et un état moral satisfaisant. L’éclatant succès des opérations n’empêche point que ces malheureux meurent presque tous du même accident consécutif, la résorbtion purulente. Ce résultat désastreux est important à constater; car, nos lecteurs le savent, c’est l’absence de mort sur près de deux cents opérés, en état magnétique, qui a déterminé la création du Mesmeric hospital; tandis qu’ici sur huit généraux un seul survit.
Médecine bavarde et menteuse, chirurgie incomplète et impuissante ! Vous laissez mourir les gloires de la France et de l’armée, non sur le champ de bataille, mais sur le lit où les appelait la convalescence ; car leurs blessures n’étaient point mortelles.
A quoi donc consiste votre habileté? A couper des membres, à retrancher des parties de notre être. C’est laque se borne votre savoir; vous ne savez rien de plus, vous le prouvez tous les jours. Ah! nous vous le disons sans cesse; la science est en dehors de vous ; l’art qui guérit, nous le possédons et vous ne voulez pas nous entendre. Beaucoup de ceux qui sont morts vivraient si vous aviez voulu. Le magnétisme, comme un baume divin, calme les affections nerveuses consécutives des opérations, empêche toute résorbtion purulente, localiie les maladies, fait cesser tous symptômes secondaires.
Mais vous n’emploirez point cet agent; il vous est inconnu. Les internes devraient, après chaque pansement, ajoutera leur œuvre, ils devraient calmer toute irritation
nerveuse, et la chose est aisée. Pourquoi leur laissse-t-on ignorer leur puissance, comment ne les initie-t-on pas au magnétisme ?
Généraux habiles, cœurs généreux! mourez; telle est la règle du codex. Mais nous éprouvons une douleur de plus que ceux qui vous regrettent et vous pleurent; car nous savons que vous pouviez vivre encore, et que l’ignorance seule vous a laissé mourir.
ljiUre de Deieuze. — Nous publions cette lettre comme souvenir d'un homme bien regrettable;puis parce qu'elle contient des idées très-saines sur la •pratique du magnétisme el la marche des crises, opinions tout à fait conformes à celles emisesdans le Manuel de l'Eludianl magnétiseur.
A M. L......., rue des Martyrs, 156.
Paris, 19 octobre 1827.
Je vous remercie, Monsieur, de la lettre que vous m’avez fait l’amitié dem’écrire: je l'ai trouvée ici hier à mon retour. Car des circonstances imprévues m’ayant obligé de différer mon voyage je n’ai pu partir pour Noyon que le samedi: el le mercredi il m’a été impossible d'aller chez madame Jouet comme je 1 aurais désiré. Je tâcherai d’aller vous voir dimanche, si le temps est beau, et si vous avez une séance chez madame Jonet le mercredi ‘24 je m’y rendrai certainement.
Je vois que M. Koreff avoit raison de penser que la guérison ne seroit pas aussi prompte que je l'avois espéré, mais elle n’est pas douteuse ; et cela doit nous sullire. Dans la pratique du magnétisme il faut de la patience : la charité (ou le désir de faire du bien), est patiente, dit saint Paul. Tous les effets douloureux qu’é-
prouve vôtre chère malade sont évidemment des crises nécessaires, et dont il ne faut nullement s’inquiéter. Les évacuations de glaires, d’eau, de bile, etc., l’apparition de boutons doivent, nécessairement porter au dehors et expulser le principe «lu mal : mais la maladie est trop ancienne et trop invétérée, pour que cela arrive sans quelques souffrances. Bon courage; vous arriverez, au but: et je crois bien (pie vous ne l’auriez jamais atteint par les remèdes de la médecine.
Votre dernière lettre est du H», si vous voulez m’en écrire une demain pour m’informer de l’état actuel, vous me fairez plaisir : d’aulant que malgré mon projet il est possible que je n’aille pas vous voir dimanche, et il me paroitroit bien long d’attendre plus longtems des nouvelles.
Je me propose d’aller aujourd’hui voir madame Jonet.
J’ai passé quatre jours avec le meilleur magnétiseur que je connoisse. J'ai appris bien des choses de lui. J'y ai vu des preuves étonnantes de la puissance de l’eau magnétisée.
J'offre a madame L....... mes hommages et mes
vœux et j’ai la confiance que ces vœux seront exaucés. Vous ne sauriez croire combien elle m’a inspiré d’inié-rèt, sa guérison sera une grande jouissance pour moi. Continuez avec le même zèle, et comptez sur l’aide de la Providence. Je vous embrasse de tout mon cœur.
Deleuzk.
P. S. — Je sais bien bon gré à madame Jonet d’être allée vous faire une visite.
Je compte aujourd’hui voir aussi M. Koreff. Nous parlerons de vous.
Chronique. — L’ancien procureur du roi, d’Auxerre, qui poursuivit M. de Hovèrc, est converti au magnétisme. On nous mande du lieu de sa nouvelle résidence qu’il a fait amende honorable, et étudie maintenant la science qu’il a persécutée. Ce fait n’est pas sans précédent : les juges de Niort et de liressuire sont devenus magnétiseurs.
— La propagation du magnétisme languit, est presque nulle en Espagne, depuis que le clergé et la médecine en ont interdit la pratique. M. l’abbé Almignana va partir pour essayer de mettre fin à cet état de choses on ne peut plus préjudiciable au progrès de notre cause.
— La guerre d’Italie a arrêté subitement l’essor que le magnétisme commençait à prendre dans ce pays. Mais tous nos correspondants s’accordent à penser que cette trêve n’aura pas de durée plus longue que celle de la cause qui l’a produite.
— M. Warnaw vient de partir pour la Moldavie. C’est un des Roumains les plus instruits; il emporte des connaissances magnétiques solides. S’il ne périt point dans la guerre de l'indépendance dont son pays a levé l’étendard, il sera le premier magnétiste qui pénétre dans les provinces danubiennes. La société du Mesmérisme, dont il est membre fondateur, lui a décerné le titre de membre honoraire. 11 sera son correspondant à Jassy.
— M. Millet, fondateur de la société magnétologi-(jue, et l’un des plus zélés magnétiseurs parisiens, vient d’être nommé membre honoraire de la société du Mesmérisme.
Revue des journaux.— La liberté de penser, revue philosophique, du 15 juillet, contient la traduction
(le 1 article d'Edgar A Poe, qu’elle fait précéder de justes réflexions sur le magnétisme.
— La nouvelle loi sur la presse empêche le Révélateur de paraître désormais. -Ses numéros 2 et 3contien-nent divers extraits sur le magnétisme.
— Le Kabalixte annonce dans son deuxième numéro, qu il traitera la question du magnétisme et du somnambulisme au point de vue des sciences occultes.
PETITE CORRESPONDANCE.
Paris. — MM. les Actionnaires et les Abonné* sont prévenus qu’à dater de dimanche prochain, rentrée aux Conférences aura lieu comme par le passé au moyeu de caries spéciales, qu’ils sont invités à relire» d’avance au bureau du Journal.
— M. du Potet ouvrira clans quelques jours un nouveau cours de magnétisme théorique et pratique.
Lyon. — M. Gu.....d. — Le tom. vi vous sera envoyé pour compléter, et suc-
ces.»iveinent Iks numéros.
Pau. — M. L.......e. — Je vous envoie de nou\. 64- Laissez-vous les prendre :
ces larcins - là prcfilent à la science.
BIBLIOGRAPHIE.
Fisclier, der Somnambulismus, .'i vol. in-8, Baie, I8i0.— Ennemoser, (1er Magnclismus im Vcrlimltniss znr Xalur und Religion, Munich, 1810. 1 vol. in-8.— BeU.rar.ge zur Jjthre rom Magnetisinus, rapport présenté au nom d'une commission composée de médecins de la Société impériale de Vienne, par'le docteur Gouge; Vienne, 1845. 1 vol. in-8. — Ueber Somnambulismus, Ilellschen und thierischen Magne-tismus, etc., par Alex. Iîummel, V., 184 ; 1 vol. in-8, — Magikon'oa archives pour les observations de la vie magnétique), suite des feuilles de Provorsl, recueil périodique, -1840-1348. — Carrière, Die philoso-phischb' IVeUanschanung, ctc. SluUgard, 1848,4 vol. in-8.
Suite el fin.
fi. Même résultat négatif pour la puissance d’appréciation, au moyen d’un 111 de fer mettant les sensitives en rapport avec toutes sortes de corps, l’action qu'exercent ces derniers et les impressions qu’ils transmettent à la sensitive.
6. Même, résultat négatif quant à la puissance de voir luire dans l’obscurité le fer aimanté.
7. Même résultat négatif quant à la faculté des sensitives d’aimanter le fer au moyen de l’attouchement, même en le tenant entre les mains pendant un espace de temps assez considérable.
8. Quant à la réalité du sommeil magnétique ou à sa simulation de la part des sujets examinés, la commission déclare que ce sommeil a été affirmé, mais qu’il ne lui a pas été prouvé; qu’elle ne doute pas de la bonne
foi de M. d’Eisenstein, mais qu’à l’égard de celle de ses sujets, elle n’a pas la même certitude, et qu’évidemment pour elle le sommeil de l’un d'eux était simulé.
9. La commission n’est pas convaincue non plus de la réalité des phénomènes de catalepsie qu’on lui a fait remarquer.
10. Même résultat pour la clairvoyance. Léopoldine n’a vu ni l’extériorité, ni elle-même, ni son magnétiseur, qu’elle disait absent pour le service de son hôpital quand il se tenait dans l’antichambre. (On avait prié M. d’Eisenstein de quitter une chambre pour l’autre en prenant congé ostensiblement.)
11. L’engagement pris par M. d’Eisenstein, d’établir par voie d’enquête la bonne foi de ses somnambules et de démontrer à cette occasion quelques vérités inconnues de physiologie et de pathologie, reposait sur une illusion.
Il n’est pas possible d’être plus poli pour un collègue, et il n’est pas permis de l’être moins. En général, la commission de Vienne se renferme dans une savante réserve. Elle fait des expériences et constate des résultats : elle ne proclame pas de théories.
Ce n’est pas le magnétisme tout entier qu’elle appelle en cause, ce sont des observations de magnétisme faites par un homme honorable. Ces observations, elle les fait répéter devant elle avec une rare habileté. Puis elle se borne à dire ce qu’elles ont produit et ce qu’elles n’ont pas produit. Cela était non-seulement digne de la société impériale que la commission avait l’honneur de représenter, mais cela seul était décisif. Aussi est-il prouvé désormais à tout homme de science, non pas que le magnétisme animal est une illusion, ce que le rapport se garde bien de dire, mais de ces deux choses l’une,
ou que toute une série d’observations faites par un médecin savant et honorable n’ëlait qu’une série d'illusions, ou bien que les observations constatées par M. d’Eisenstein avaient été faites, comme il le dit, dans des conditions différentes de celles où furent faites celles de la commission. Or, comme la plupart de ces observations n’étaient que la répétition de celles d’un autre médecin honorable et savant, du baron Reichenbach, il faut encore ajouter de deux choses l’une, ou les observations consignées dans les ouvrages de M. Reichenbach ne reposent non plus que sur une suite d’illusions, ou ses somnambules et ses sensitives n'étaient qu’une compagnie d’imposteurs comme ceux de M. d’Eisenstein.
Mais comment deux observateurs aussi éclairés, et d'ailleurs très-indépendants l’un de l’autre, peuvent-ils s’ètre trompés ou laissés tromper à ce point ?
Quoi qu’il en soit, nous voyons que, sur un de ses théâtres les plus importants, et sous les yeux de la sage université de Vienne, le magnétisme est essentiellement expérimental; que, loin de s’y constituer de préférence en état de clairvoyance religieuse ou thérapeutique, il s’v livre avant tout à des expériences de physique et de chimie. C’est là de sa part une conduite loyale et habile ; c’est le moyen pour lui de s’élever au-dessus de cette sphère où le tient la crédulité des uns, la suspicion des autres, le charlatanisme de ceux-ci, l’industrialisme de ceux-là. Malheureusement il échoue sur ce terrain.
Que fait-il ailleurs?
Pour ce qu’il fait en ce moment à Paris, je l’ai désigné par l’épithète de social et celle d'industriel.
En effet, il se produit parmi nous sous cette forme mixte. 11 se montre en société, s’exhibe en soirée, et en
appelle à une appréciation plus ou moins publique de sa puissance dans sou affinité avec les clairvoyances du somnambulisme. Il joint pour cela aux exhibitions publiques des conférences particulières, dont l’objet est le même, sauf une nuance d’intimité. Mais, soirées publiques ou conférences particulières, séances rétribuées à tant par tête ou vouées aux intérêts de l’investigation, tout ce qu’il fait se paye. Je ne parle pas des anciennes conférences, de celles du docteur Teste par exemple. Le but n'est pas exclusivement industriel; on s’occupe de problèmes; on veul prouver que le sommeil magnétique, amené naturellement ou artificiellement, donne une vue immédiate, une intuition psychique qui s’applique à tout et qui permet au somnambule l°de lire dans l’âme de toute personne bienveillante mise en rapport avec elle; 2° de voir, à quelque distance que ce soit, les personnes, les lieux et les affaires qui l’intéressent; 3° de déchiffrer des livres fermés ou des lettres cachetées, au moyen du seul contact. On fait d’aulres expériences; mais le véritable objet de ces réunions, ce n’est pas l’intérêt de la science, ce n’est pas le progrès de la psychologie ou de la physiologie; c’est de baltre monnaie. 11 est vrai que la sphère où l’on s’enferme, si peu élevée qu’elle soit, permettrait encore d'expérimenter sur une série de questions d’un haut intérêt. Mais, quand même on en ferait l’essai, il n’y a rien qui se constate au nom d’une élude sérieuse dans ces spectacles. Ce qui domine dans la recrudescence du jour, c’est l’expérimentation plus ou moins stupéfiante, plus ou moins amusante, que j’appellerai purement sociale, ou l’expérimentation plus ou moins médicale, que j’appellerai purement industrielle.
En effet, de nos somnambules, il n’en est aucun en
renom qui refuse de donner des séances de consultation, et il en est qui n’en donnent pas d'autres.
L’opinion est sévère pour ces derniers; elle leur reproche de faire métier et marchandise d’un don qui ne peut rester pur qu’autant qu’il est désintéressé, et qui s'avilit, se perd dés qu’il se vend. Je dis que cela est sévère; car si le don est extraordinaire, il n’est pas surnaturel, et toute faculté naturelle peut, dans les limites de la morale, sans qu’il y ait profanation, être mise au service de l’humanité souffrante, moyennant une compensation librement stipulée ou hautement exigée à la porte d’entrée. Là n’est pas la question ; la question est dans la sincérité des assertions, dans la vérité des faits : c’est la vérité de la clairvoyance, la sincérité des déclarations faites en son nom, l’utilité des conseils donnés sous son manteau, qui est la question.
Le magnétisme s’évertue à se dire à la fois véridique, sincère et clairvoyant par le somnambulisme; mais si le somnambulisme, considéré comme un état de quasi-sommeil doué d’une activité intelligente, est un fait incontestable; la clairvoyance de cet état et l’intervention du magnétisme animal, pour le prouver, sont des faits contestables. Aussi l’opinion générale des régions scientifiques est-elle contraire à ces prétentions, et, pour le dire en un mot, selon cette opinion, tous les faits produits en son honneur sont l’œuvre commune de la crédulité et du charlatanisme tombés d’accord.
Mais comment une opinion si pleine d'autorité n em-pèche-t-elle pas cette recrudescence du magnétisme et du somnambulisme qui se manifeste dans toutes sortes de quartiers et provoque exhibition sur exhibition devant toutes sortes de curieux ou de fidèles? Et comment, dans une ville où l’esprit d’observation le plus fia et le
plus net est un bien commun, et dans un siècle où des habitudes de doute et de critique gouvernent toutes les classes de la société, en ce qui concerne les plus graves questions et les plus graves doctrines, peut-il se trouver une disposition à croire qui ne sc rencontre plus ailleurs? Puis; comment se fait-il qu’on ne procède pas à Paris, comme à Vienne, par voie d’enquête, d’enquête officielle, devant une commission d’hommes compétents ? Puisque l’exercice de la médecine est mis, par la loi, sous l’œil de la police et sous la surveillance du magistrat, comment l’Etat ne s’entend-il pas avec la science pour éclairer la population ? Serait-ce donc la science qui ferait défaut au public?
Il s’en faut. Mesmer a pu se plaindre, il y a soixante et dix ans, avec une indignation feinte ou réelle, de l’indifférence de l’Académie des sciences à l’égard de sa découverte, de la malveillance de l’Académie de médecine à l’endroit de ses cures; mais depuis cette époque, bien des commissions ont examiné les théories et les œuvres de ses successeurs. Bien des commissions les ont jugées. Et adhuc sub judice lis est. Si cela prouve que la question n’est pas aisée, cela prouve aussi qu’il est nécessaire qu’une nouvelle enquête, dirigée par des juges compétents, soit établie sur les faits nouvellement produits. En matière de forces mystérieuses, il n’y a pas de question jugée.
On dit, avec une apparence de raison, pour refuser une enquête officielle de plus, qu’aujourd’hui l’opinion publique veut intervenir directement; qu’il est bon qu’on lui ouvre la carrière ; qu’il est bon qu’elle aille et qu’elle voie l’écu en main, l’œil ouvert. Le jury est dans nos mœurs, et la magistrature partage avec le pays le droit d'apprécier les mœurs : la science doit à son
tour partager avec le pays le droit d'apprécier les questions de physiologie et de psychologie. Cela n’est que spécieux; cela ne satisfait pas la raison. Dans un pays où la médecine savante est assujettie à la police de l’Etat, la médecine tâtonnante ne saurait avoir de privilège. Or vous lui en donnez un, et énorme, en la laissant faire sans contrôle, à la seule condition qu’elle évite les mots ordonnances et consultations. Ce qui ne se comprend ni en France ni ailleurs, c’est que la nation qui prodigue le mieux ses trésors pour l’expérimentation scientifique, et qui a fait mesurer le méridien et étudier les pôles, ne prenne pas sur elle de constater les faits que le magnétisme animal, parvenu à une phase nouvelle, expose sous tous les yeux.
Mais le magnétisme animal présente-t-il une phase nouvelle?
Si je disais qu’oui, je préjugerais la question. Tout ce que je dis, en comparant ce qui se publie dans divers pays, c’est que le magnétisme se présente avec une recrudescence et des affirmations nouvelles.
Cette phase, telle qu’elle est indiquée dans quelques brochures, un journal spécial et de célèbres feuilletons, on peut demander à juste titre, de la voir apprécier par des hommes dignes de foi, dans des documents officiels. D'ici là, chacun est réduit, pour la juger, à ce qu’il peut observer, ou bien dans. ces réunions plus ou moins publiques où il est impossible de rien constater, et qui sont dirigées au choix du magnétiseur, dans des vues d’exhibition etdespéculation.oudansdes conférences particulières, où les faits les plus extraordinaires ne prouvent rien, par la raison qu’on est seul à les observer, et qu’on ne saurait y faire une série concluante d’expérimentations systématiquement progressives.
Aussi faut-il le dire à la face de l’Europe; pour nous, en fail de magnétisme, il n'y a rien de constaté au nom de la science, si ce n’est des penchants de crédulité en face de résultats négatifs ou de faits douteux.
On peut dire qu’il y a plus. Chacun peut raconter des faits, peut les garantir au nom de ses yeux, de sa critique et de sa véracité. Mais tout cela ne donne rien à la science. L’autorité du témoignage ne vaut que dans les matières où l’enquête est impossible. S’il ne s’agissait que de témoignage, qui de nous ne serait un croyant? Je dirai, par exemple, qu’il n’est pas de témoignage au monde qui puisse m’inspirer plus de confiance que celui de deux amis, tous deux savants éminents : l’un médecin, l’autre jurisconsulte, esprits sceptiques en matière de philosophie; esprits religieux en matière de foi, et qui tous deux ont fait, suivant eux, des observations complètes sur des somnambules naturelles d’une haute lucidité. Et, cependant, est-ce pour moi une raison suffisante de proclamer devant le public, d’admettre même par devers moi ce qui est pour eux le résultat certain de leurs études ? Est-ce pour moi une raison d’admettre avec eux cette théorie, qu’il est pour l’homme une situation naturelle où les organes spéciaux des sens deviennent inutiles à lame? Est-ce suffisant pour établir avec Ammonius d’Alexandrie un état où il n’y a plusde distance, plusd’impénétrabilitépour celle-ci? Est-ce suffisant pour enseigner un état où elle lira dans toutes les intelligences, dont la pensée est mise à sa disposition par cela seul qu’un rapport est établi entre elle et la personne qui viendra l’interroger sur ces âmes t
Quand même ces témoignages corroborés par ceux de plusieurs ouvrages que j’ai devant moi suffiraient pour
me faire accepter une psychologie aussi nouvelle, à qui parviendrais-je à la faire accepter à mon tour?
Mais, quand il s’agit d’une telle psychologie, je ne m’en rapporte pas à moi-même, attendu que si j’ai vu, bien vu et revu des faits qui pourraient la faire admettre, je n’ai été que moi. Ou j’ai été seul témoin des faits, ou de tous ceux qui en ont été témoins avec moi, aucun ne suffisait pour me faire admettre ce que n’admettent pas encore les juges les plus compétents; or, j’ai besoin de ma concordance avec ces juges. Ainsi j’ai beau savoir que j’ai fait quatre fois la partie d’un somnambule à qui j’avais moi-même bandé les yeux et qu’il ne s’est pas trompé sur une seule carte, j’ai beau savoir que, dans plusieurs conférences successives, ce clairvoyant qui ne connaissait ni mon nom, ni ma famille, ni mon domicile, a vu dans ce dernier jusque sur des portraits de famille, et m a donné des indications très-précises, y compris des noms propres et des mesures mathématiques ; j’ai beau savoir que sans retirer de leur enveloppe des lettres que je lui présentais, il m’en indiquait les auteurs, leurs études, leur carrière, et m’en disait les noms qui n’étaient pas consignés dans ces lettres ; ces faits n’ont pas pour moi la portée que je serais tenté de leur attribuer. C’est que je n’ai pas pour ces faits l’autorité des juges les plus compétents et qu’ils sont balancés par une série d’autres, une série de tâtonnements et d’erreurs. En effet, cesomnambulesi lucide, qui a su lire tant de lettres les yeux fermés, n’a su déchiffrer devant moi qu’un seul mot dans un livre que ne je. lui amis />as présenté, n’a pas pu lire une syllabe dans un autre qu’on lui présenta un instant après. Ce somnambule si lucide, après m’avoir offert de me donner telle carte que je lui désignerais daus tout un jeu, n’a jamais pu trouver un cœur, et s’il m’a
parfaitement indiqué des portraits suspendus dans mon appartement au-dessus d’un bureau, s’est trompé absolument sur tout le reste. Je ne parle pas du résultat d’autres conférences avec d'autres sujets, des idiosomnam-bules, conférences où l’imposture a été trop manifeste pour qu’on pût hésiter un instant, car il ne serait pas raisonnable de conclure des impostures de l’un contre la sincérité des autres.
Ce qui est évident, pour moi, c’est que de toutes ces séances à exhibition et de toutes ces conférences particulières, il ne résulte rien ; que, pour une constatation, il faut un système d’exploration bien arrêté d’avance par une commission d’enquête, et (pie ce système doit être patiemment et largement suivi comme l’a été celui des médecins de Vienne. Que M. du Potet, que les collaborateurs du Journal du Magnétisme présentent leurs sujets et leurs expériences à un comité composé de MM. Arago, Chôme), Flourens, Dumas et Pouillet; que le cycle des expériences soit constaté en une série de procès-verbaux, et le public mis en possession des conclusions de ce comité : alors la science saura à quoi s’en tenir. Même après cela, on en n’aura pas fini avec le magnétisme animal, car il ne faut pas avoir la prétention de juger à fond ni à jamais, mais on sera en état d’apprécier la réalité des phénomènes qu’il produit dans sa phase actuelle.
Livrer ces phénomènes à une cupide industrie, ou à une vaine curiosité, c’est chose peu digne. S’ils sont vrais,, ils ne doivent pas les laisser parodier par l’imposture; s ils sont faux, ils ne doivent pas se jouer de la loi. La loi flétrit l’escroquerie, et à l’escroquerie l’opinion assimile le charlatanisme.Le magnétisme ne saurait donc rester ce qu’il est en France à sa phase actuelle : amusement social ou industrie médicale, thérapeutique populaire ou près-
tidigitation de l'intelligence; il y a des comptes à régler avec la science et la police, et ses partisans élevés doivent solliciter ce règlement avec plus d’inslance que tout le monde.
Le magnétisme prend en Angleterre une autre forme qu’en France. Les phénomènes de seconde vue, de soustraction de pensée, comme on dit maintenant, ne sont pas nouveaux dans ce pays; l’Ecosse en était jadis la terre classique; elle l'est beaucoup moins aujourd'hui. Il reste cependant dans les trois îles une grande foi aux choses spirituelles ; on en a au magnétisme, qu’on emploie comme moyen médical jusque dans les possessions britanniques de l’Inde. Plusieurs ouvrages (■!), plusieurs journaux parlent de cures et de prodiges.
Le Times a registré les merveilles opérées au nom du magnétisme, devant un public choisi et dans la maisondu docteur Elliotson, parundenos voyants les plus renommés, et un journal scientifique donne, sur l’état des expériences et des croyances, des détails curieux que le docteur Ilummes a eu raison de traduire et de commenter en allemand.
Cedocument, car on peut lui donnerce titre, ade commun avec celui qui estémané de la commission de Vienne, la précision de la pensée et son entière impartialité. Il n’atteste pas de progrès de la part du magnétisme, qui n’a jamais obtenu de grandes sympathies dans les îles, mais il prouve une fois de plus, dans les médecins anglais, cette aptitude d’observation et d’appréciation qui remonte à Bacon et à Locke, et qui distingue l’école écos-
(t) Esdaile, Mcsmerism in India and ils pratical application in Sur-gerv and medicine. London, 4846, in-8 (a).
(a) Cet ouvrage * été analysé tome v, pagei 88 et 1ÎO de ce Journal.
(A'ou de la rédaction.)
saise, aujourd’hui l'institutrice commune de la nation en fait de philosophie.
C'est ailleurs, c’est dans un petit Etat d’Allemagne, le W urtemberg, que le magnétisme animal montre les tendances les plus élevées et sa phase la plus ambitieuse.
En effet, sur ce théâtre jusqu’ici plus religieux que bien d’autres (1), le magnétisme ne se Imrne ni à la thérapeutique ni aux recherches, pour parler le langage de nos affiches. Les affaires du corps, celles de ce monde en général, ne sont pas ce qui y préoccupe le plus certains esprits : ce qui les intéresse davantage ce sont les destinées de l’âme, sa situation dans l’avenir, sa place dans l'autre monde, son élévation dans d'autres sphères.
Il est vrai que les somnambules du Wurtemberg sont encore de ce monde et sont très-fort de leur pays, à commencer par celle de Prévorst dont M. Kerner a publié les visions, et à (inir par celles dont il fait connaître les oracles dans le Magikon, journal consacré à tous les faits de magnétisme, de somnambulisme et de phrénologie. Mais voir les affaires de ce monde, lire en eux-mêmes ou dans autrui ce qui a trait à celte vie, c’est là une clairvoyance vulgaire: la véritable lucidité porte ses regards plus haut. La somnambule de Weil-heim sur la Teck, conduite par un guide céleste dont elle a pressenti et annoncé l’arrivée, fait avec lui quatre voyages à la lune, quatre dans la planète Mercure, sept dans celle de Vénus, huit dans celle de Jupiter, douze dans celle de Cérès, je ne sais combien dans celles d’üranus et de Saturne, dix-huit dans le Soleil et douze
(I) Elat de choses menacé d’un changement complet, comme je viens de le dire dans mon ouvrage De l'état moral de l'Allemagne.
dans la nouvelle Jérusalem, ce lieu du pèlerinage suprême. Tous ces voyages ont été rédigés sous sa dictée par le greffier de la petite ville. C'est lui, sans doute, le témoin oculaire de tous les jours, dont parle le titre du curieux ouvrage que j’analyse (1).
Je l’appelle curieux, moins à cause des choses étranges qu’il rapporte qu’à cause de sa rare bonne foi.
En effet, ces excursions supratelluriques sont toutes accompagnées de découvertes si simples, de révélations si naturelles, et d’exhortations si convenables, qu’elles ne surprennent pas le moins du monde, si ce n’est par l’extrême candeur et l’absence de toute pensée d'imposture. Mais c’est là précisément ce qu’il y a de curieux, c’est qu’une jeune fille aussi sainte, n’avant jamais lu que les évangiles et les livres de dévotion de son église, étrangère à toute espèce d amour-propre et ignorant complètement, à l’état de veille, les excursions qu’elle fait endormie, puisse ajouter elle-même une foi si entière à ses visions. Ce qu’il y a de plus curieux encore, c’est quesesamis, gens aussi pieuxet plus éclairés qu’elle, partagent à cet égard toute la puissance de ses convictions.
Il est pourtant, dans ces relations, bien des choses qui démontrent l’origine toute naturelle des voyages qui y ont donné lieu.
D’abord, dans toutes ces excursions, faites les unes auprès des réprouvés, les autres auprès des ajournés, d autres encore auprès des bienheureux; l’histoire locale, les relations personnelles, les points de vue d’une petite ville et les intérêts allemands jouent un rôle prépondérant.
(1) Iteisen «n den maond.
l’uis, dans tous ces pèlerinages qui s’élèvent systématiquement jusqu’aux lieux célestes du plus haut degré, c’est-à-dire à la nouvelle Jérusalem, qui joue un si grand rôle dans les imaginations apocalyptiques du pays, l’instruction religieuse figure sous forme de cathéchisme ou de prône. C’est à ce point que le très-peu pieux auteur de Faust, que Goethe, qui a toujours professé la plus grande indépendance en matière de foi, donne des leçons de religion dans Uranus, Socrate dans Vénus. Or ces faits sont doublement curieux en ce qu’ils prouvent que la visionnaire connaissait bien les noms, mais non pas les opinions de l’un et de l’autre de ces apôtres; qu’elle les avait entendu nommer comme des esprits éminents parmi les hommes de génie, et que cette circonstance avait suffi à ses yeux pour en faire des docteurs de l’E-glise transfigurée.
Remarquez enfin ceci. De même que la visionnaire s’élève dans la visite des trépassés et des sphères qu’ils habitent, de degré en degré, elle entend des discours plus sublimes, voit des cités plus splendides et leur donne desnoms empruntés avec plus de soin soit à la révélation, soit à la nature.
Que ces circonstances si frappantes n’aient pas pu faire apprécier des itinéraires si étranges par ceux qui en furent comme les témoins, cela même prouve leur bonne foi et l’extrême confiance que leur inspire la visionnaire.
Maintenant qu’y a-t-il au fond de tout cela pour la science ? Si les procès-verbaux sont exacts, il y a du côté delà somnambule, non-seulement de la bonne foi, il y a même plus que de la piété; il y a un rare état d’exaltation accompagnée d’élévation véritable dans la pensée.
En effet, les discours que lui prête le greffier public
de Wcilheim sur le Tech, lorsqu’elle s’est élevée dans les planètes, sont du plus grand sens, du meilleur fond et de la meilleure forme, en un mot bien supérieurs à ce qu’elle eût été capable de dire sur cette terre dans son état habituel. Je ne dis pas son état naturel, car le sommeil magnétique n’est pas une situation surnaturelle. Aussi, malgré cette clairvoyance qui transportait la somnambule sur tant de sphères célestes, n’a-t-il rien révélé de surnaturel. Il n’a fait découvrir ni une planète inconnue aux astronomes, par exemple, celle dont M. Leverrier devait peu après démontrer l’existence, ni une seule cité du monde des étoiles fixes ou de ce soleil central dont M. Maedlcr vientde trouver l'action sur l’univers. Or, il était plus juste de placer la Jérusalem céleste dans cotte étoile que partout ailleurs.
Il faut donc le reconnaître : pour ce qui est de la visite des régions célestes et du séjour des trépassés, il y a dans la nouvelle phase du somnambulisme des phénomènes d’exaltation pieuse et mystique, il n’y a pas de phénomènes de clairvoyance véritable, instructive ; il y a dans cette phase des phénomènes remarquables, des révélations curieuses pour la psychologie et pour la physiologie, mais il n’yena pas pour la cosmologie ou la théologie.
Au surplus, ce n’est là de la part du magnétisme qu’un début, un début fait sur un seul théâtre, et comme le débutant est hardi, comme il a eu du succès, il peut avoir des lendemains. Déjà les voyages de la visionnaire de Weilheim en sont à leur sixième édition : c’est assez dire que leur influence se fera sentir, qu’ils auront des imitations.
Le magnétisme animal y gagnera-t-il ? Oui sans doute, il aura des partisans plus nombreux, plus enthousiastes ;
il en aura surtout de plus désintéressés; il en aura de plus pieux et de moins industriels. Ce sera pour lui une grande conquête. .Mais à moins (pie des hommes de science ne soient rendus témoins des faits qu’il prétend offrir en continuant cette nouvelle phase, la science n'y gagnera rien. L’auteur de l’un des ouvrages qui nous occupent, M. Fischer, a pris connaissance de tout ce que l'Allemagne présente sous ce rapport, et n'a rien pu en déduire de nouveau.
Le magnétisme se présente un peu différent de cela dans un pays limitrophe du Wurtemberg, la Bavière. 11 n’y prétend pas à la clairvoyance coxniosophique et pneumatologii/ue; il s’v tient dans la thérapeutique ordinaire, mais il y est trùs-crovant, et, s’appuyant de tous les genres de traditions et de légendes, de toutes les espèces de merveilles, de celles du monde profane comme de celles du monde sacré, il en appuie à son tour les doctrines religieuses lespluscroyantes. C’est sous cette forme que le présente M. Ennemoser(l).Cependant M.Enne-moser, qui est magnétiseur et qui a étudié les somnambules par centaine, ne produit rien qui établisse la faculté qu’aurait leur esprit de franchir les espaces avec la rapidité du rayon de lumière, de faire, comme ces rayons, 310,000 kilomètres à la seconde, et de visiter, par exemple, l’étoile (il du Cygne avec leur télescope intellectuel.
Si celte faculté est rare ou n’existe pas, celle de voir les esprits trépassés et élevés dans un autre monde, ou ceux qui n'ont pas encore quitté celui-ci, parait plus commune. C’est sur des faits de ce genre que vit prinei-
(t) Voyez un fragment de son ouvrage, t. i", pag. U.
(Note iJe la rédaction.)
paiement le journal fondé par M. Herner, le Magikon. Mais ces faits constatent-ils cette faculté? Parfaitement aux yeux de la foi, nullement aux yeux de la critique. C’est une question d’autorité de témoignage, car le voyant seul voit, les assistants n’ont de ce qui se passe que la garantie de sa parole.
Au reste, cette source de récits merveilleux coule avec abondance; car si les somnambules ont le privilège de converser avec les esprits, ils n’en ont pas le monopole. Le Magikon rapporte chaque mois une série d’apparitions faites ou d’avertissements donnés par toutes sortes d'esprits à toutes sortes de gens parfaitement étrangers au sommeil magnétique. Maisde ces faits, empruntés avec un certain laisser-aller à tous les siècles et à tous les pays, quoique ce soit l’Allemagne qui en fournit le plus elle-même, les uns sont d’une catégorie que tout le monde connaît et rejette; les autres d’une catégorie que le témoin oculaire peut seul apprécier. Il n’en résulte donc rien encore pour celles des sciences qui seraient le plus heureuses et qui sont le plus impatientes de s’enrichir d’observations constatées, de découvertes positives, la psychologie, la grande élude de la philosophie moderne, et la pneumatologie, la grande étude de la philosophie ancienne.
La psychologie entrerait immédiatement dans une ère nouvelle du jour où il serait élabli que l'âme mise eu une certaine condition, parle magnétismeou autrement, peut se passer des organes des cinq sens, de tous les autres, de tout le corps, et percevoir sans lui, à distance, dans toute l’immensité de l’espace, tout ce qui est objet de jwrception.
En effet, cela constaté, que serait notre psychologie actuelle? Une vieillerie désormais indigne d’une attention
sérieuse, de la petite science : ce serait la science de l’âme en peine et en prison. Cela est si vrai qu’au lieu de parler comme elle fait maintenant de nos merveilleuses facultés, de leur haute idéalité, de leur merveilleuse audace, de leur liberté, de leurs conquêtes, elle ne parlerait plus lors que du fâcheux esclavage que leur impose l’état de veille; de leur vulgarité, de leur faiblesse dans cet état, de leur asservissement désastreux aux opaques entraves de ces organes.
La pneumatologie, la science des esprits supérieurs à ceux de notre race, mais inférieurs à l’esprit absolu, étude jadis riche, mais qui n’existe plus depuis plus de cent ans, ressusciterait sur-le-champ, du moment où nos frères des diverses planètes du système solaire et ceux des milliers de systèmes qu’offrent la voie lactée, les étoiles doubles et les nébuleuses, auraient été visités par nos clairvoyants. Elle ressusciterait triomphante au moment où une seule douzaine de greffiers de Weilheim aurait rédigé, signé et sanctionné de toute l’autorité qui s'attache au nom de tels dignitaires, les relations de ces sublimes itinéraires.
Et ne serait-ce pas le cas, quand les télescopes font des pérégrinations si prodigieuses; quand les astronomes qui les manient vous invitent à regarder avec eux les glaciers de la lune, comme vous regardez le mont Blanc à Genève; quand toutes les sciences physiques s’enrichissent chaque jour de nouvelles découvertes dans les régions sublunaires, ne serait-ce pas le cas de demander que les sciences spéculatives, qui vont s’appauvrissant de plus en plus et se voient successivement dépossédées de tout ce qui jadis faisait leur orgueil, marchassent encore une fois de pair avec les premières, comme au temps de Kepler? Ne serait-ce pas le cas, pour
l’esprit humain, de ressaisir sa longue vue d’une façon ou d’une autre, de chercher, dans une condition plus favorable de son esprit investigateur, un moyen d’ascension quelconque qui lui permit de renouer la chaîne des êtres si violemment rompue par la critique moderne? Dans ce vaste ensemble où il n’y a pas de solution de continuité, tout n’est-il pas lié, et est-il rien de plus important à connaître pour l’homme que le rapport qui l’unit aux intelligences de ces mêmes sphères où plongent si hardiment nos télescopes ?
Le progrès continu est la loi des sciences spéculatives comme celle des sciences exactes. Or, quand celles-ci découvrent tou jours mieux la liaison physique de tous les globes, quand elles proclament avec toujours plus de confiance la parfaite habitabilité de tous ceux de ces globes qui ont passé de l’état de gazéité et de l’état de fluidité, n’appartiendrait-il pas à la métaphysique de marcher de pair avec la cosmographie et de nous rattacher un peu directement aux intelligences de ces sphères.
Les sciences spéculatives doivent toujours aller de front avec les autres. Anciennement elles les dépassaient trop. Aujourd’hui elles restent trop en arriére. On les a découragées, et elles se sont affaiblies. Quand elles ont vu leur tâche si avancée, elles se sont repliées sur elles seules, et elles ne se sont pas bornées à faire leur bilan ; elle sont mis en doute tout leur avoir. Elles se sont faites critique pure; elles se sont effacées; elles se sont niées. Puis on les a pris au mot. Qu’elles se rendent plus de justice, et plus de justice leur sera rendue; qu’elles reprennent avec plus de confiance leur place au banquet de la vie scientifique, à tous les genres d’explorations, de découvertes, de conquêtes. Autrefois alliées aux sciences naturelles, physiques et mathématiques, partout la
psychologie et la métaphysique s’en sont détachées. Elles l’ont fait pour mieux cultiver des domaines spéciaux, ce qui était sage. Mais ensuite elles se sont persuadé qu’il y a des domaines spéciaux. Or cela n’était pas sage. La philosophie reparaîtra avec une richesse et une autorité nouvelles, dés quelle aura renoncé au divorce qui fait sa misère, et qu’elle aura rejoint le sein qui avait nourri les Bacon, les Descartes, les Leibnitz, hommes de science positive au même degré que de méditation. La philosophie n’est utile que dans cette voie.
Voilà ce qu’a voulu nous recommander l’un des auteurs dont les ouvrages nous occupent en ce moment.
M. Carrière, qui est un philosophe distingué, et dont l’ouvrage expose savamment les vues manifestées sur la nature au xvt* siècle, a l’air d’accuser son siècle, si affaibli sous certains rapports, d’un peu de mauvais vouloir, d une sorte d’indifférence en matière de grandeur et d’empire. Avec plus d’ambition, nous déploierions tout autrement nos ailes. Par exemple, « la puissance d envoyer des songes et d’agir à distance n’est pas autre chose, dit-il, que le pôle actif de la puissance de sentir à distance, faculté constatée suffisamment par le somnambulisme. C’est l’éther qui en est le véhicule. Le rôle de 1 éther sera compris lorsque la science aura mieux examiné ce qui constitue la base commune de la lumière, de la chaleur et du magnétisme, ainsi que la base commune decedernier et de l’électricilé. Déjà M.de Hum-boldi explique l’aurore boréale comme une illumination spontanée de la terre magnétisée, et l’on peut s’attendre à de grandes découvertes en ce genre de la part de M. iaraday. L ether est le véhicule du rapport établi par le magnétisme, comme il est le véhicule du son. Il transmet au magnétisé, en la reproduisant dans son cer-
veau et dans ses nerfs, l’idée produite dans le cerveau et dans les nerfs du magnétiseur. Cela parait merveilleux. Mais n’est-ce pas plus merveilleux encore que l’air, par ma volonté, par les paroles que j’ai prononcées, se forme en ondulations de son qui, frappant l’oreille de mon auditoire, lui communiquent les ondulations de mes nerfs et ma pensée? On sait d'ailleurs que lord Byron, malade d’une fièvre nerveuse, projecta son image de Paris à Londres, et qu’il se fit en cette ville des gageures au sujet de cette apparition. C’est en vain qu’on niera la seconde vue et les phénomènes analogues. Mais notre siècle répugne à admettre dans la nature psychique une nouvelle faculté, comme si cela nous replongeait dans la barbarie du moyen âge, tandis que ces sortes de phénomènes nous ouvriraient au contraire l'idée vivante de l’existence (1). »
Voilà la vraie pensée de l’auteur, et, pour mon compte, je suis tout prêt à me sentir l’ambition qu’il possède. Je n’ai aucune répugnance; je mettrai au contraire le plus vif empressement à nous reconnaître une nouvelle faculté ou de nouvelles facultés dans la nature psychique. Je la recevrai ou je les recevrai les bras ouverts, à la seule condition que ce soit aussi les veux ouverts.
Cela n’est que juste. Les partisans et les pontifes du magnétisme animal possèdent une science occulte ou une science, publique. Dans le premier cas, qu’ils la réservent à leurs adeptes et ne prétendent pas y faire croire le public; dans le second cas, qu’ils fassent comme tous ceux qui ont fait des découvertes et qui possèdent des secrets utiles; qu’ils les révèlent, qu’ils les
(1) Dcn lebendigen Begriffdes Seins recht anfecbliesaen.
fassent acheter, si cela leur convient, mais qu’ils en démontrent la réalité; qu’ils fassent, par exemple, comme M. Maedler, qui vient, lui aussi, nous dir* qu’il a voyagé dans les régions célestes; qu’il vient d’v découvrir le soleil central du système du monde et l’universalité de la loi du mouvement des corps célestes. Que fait le célèbre astronome ? Ne pouvant pas exiger du public qu’il regarde avec lui par le télescope à l’observatoire de. Dorpat, il met chacun à même de juger de ce qu'il a vu, au moyen de deux volumes in-folio, chacun de G!) feuilles.
C’est donc là un procès facile à juger pour des arbitres compétents, et dans six semaines chacun saura à quoi s’en tenir sur le soleil central, qu'on cherche depuis si longtemps.
Que le magnétisme mette ainsi le public ou des commissions scientifiques à même de prendre connaissance de ses nouvelles découvertes, et son procès sera jugé aussi; la part entre la science et l’industrie, entre la bonne foi et le charlatanisme, entre l'esprit de ce temps et la mauvaise queue d'un autre, sera faitesur-le-ehamp, sûrement et dignement; puis une voie de glorieuses découvertes sera ouverte à l’esprit humain ou une porte de honteuse crédulité fermée à tout le monde.
Matter .
Le Gcrant. HÉBERT (de GarnayJ.
MANUSCRITS DE MESMER.
Nationa élémentaire! iur la morale, l'éducation et la législation pour «ervir à l'initructioi* publique en France.
s XI. - FINANCES.
î" RELATIVEMENT A LA DETTE PUBLIQUE.
On appelle finances une partie d’administration dans la société qui ordonne et règle les recettes et les dépenses publiques.
Les recettes de l’Etat sont les produits des impositions, et il ne doit pas y en avoir d’autres.
Les dépenses publiques sont les frais nécessaires pour l’administration générale et le maintien du bon ordre.
Les finances publiques sont en bon état quand la recette est égale à la dépense; si la dépense excède la recette, l’Etat est forcé de contracter des dettes ou de faire des emprunts.
L’administration des finances relativement à la dette publique a pour objet :
10 De constater et de consolider la totalité de la dette.
2° De faire en sorte que la dette soit la moins onéreuse possible à l’Etat.
3° De pourvoir à la sûreté et à la liberté de la propriété des créanciers.
La dette publique est moins onéreuse à l'Etat :
l° Si l’emprunt est fait sur la nation même.
2° Si la totalité de la dette est tellement atténuée et divisée qu’elle puisse être répandue sur presque tous les TOME VII. — ai* Ift. — 40 AOUT 4848. 3
membres, de manière que chacun trouve un avantage à ne pas être payé de sa créance, et se contente d’un intérêt modique.
3° Si le mode qu’on adopte d’une grevation est assez général et constant pour pouvoir servir à toutes espèces de dettes sous une même dénomination.
4° Si cette detU peut être augmentée et diminuée sans la moindre secousse, selon les besoins et les ressources de l’Etat, et si les amortissements successifs sont aussi simples que faciles.
5° Si l’Etat peut sans inconvénient se libérer des grands intérêts de 5 p. 0/0 en les réduisant à 3 p. 0/0 et faciliter ainsi au commerce, à l’agriculture et aux arts les moyens de faire des emprunts.
6° Si enfin la comptabilité est simplifiée de manière qu’on puisse se dispenser de toute inscription de mutation, enregistrement, transfert et autres formalités.
On distingue ici de la dette publique, la créance qui intéresse immédiatement le bonheur des individus citoyens, puisqu’elle est la propriété des particuliers.
D’après les principes de la liberté dont l’indépendance est la mesure, l’essentiel de la propriété est, de droit, le jtouvoir de disposer à volonté de son bien, soit en entier, soit en partie, en tout temps et en tout lieu ; il faut donc que le créancier soit le possesseur de sa créance sous une forme facile pour lui assurer cette liberté.
Il est donc nécessaire :
1° Que la totalité de la masse de la créance soit résolue en ses parties constitutives et homogènes, c’est-à-dire qu’elle soit représentée par une seule espèce de papier autant multiplié que la totalité de la créance
peut être divisée en parties égales, capables d’offrir toutes les nuances des valeurs et des fortunes :
2° Que ce papier soit à l’égard de la masse de la créance ce que sont les unités numériques pour une quantité arithmétique, qu’on peut augmenter, diminuer, multiplier ou diviser sans en altérer la mesure.
Toutes ces considérations démontrent la nécessité de représenter la totalité de la dette publique, par un numéraire fictif ou une sorte de papier monnoye.
Mais l’expérience nous a constamment fait éprouver les grands inconvénients qui, comme des maladies, s’attachent à toutes les opérations de finances moyennant les papiers monnoyes, dont on avoit fait usagejusqu’à présent.
Ces inconvénients sont :
1° L'inconstance du crédit.
2° L’agiotage et l’usure.
3° La disparition du numéraire effectif de la circulation.
Comme les principes éternels sur lesquels est fondé le bonheur, ou la prospérité publique, sont pris dans la nature de l’homme ; de même doit-on chercher le remède contre ces fléaux de la société dans le cœur humain.
L’intérêt personnel est le seul mobile de toutes les actions humaines. Cette loi étant au cœur humain ce qu’est la pesanteur au corps physique, on peut calculer avec la même certitude tous les mouvements et tous les effets dont l’un et l’autre sont susceptibles.
D’après ces réflexions il faut que ce numéraire fictif ou ce papier monnoie, soit par sa valeur représentative, soit par son erédit et l’usage qu’on peut en faire, devienne préférable à l'argent, c’est-à-dire que l’on ait
plus d’intérêt à posséder ce papier que le numéraire effectif, qui, par cette raison, prendrait dans les coffres et dans les bourses des particuliers la place de l’argent, dont on serait intéressé de se défaire en le mettant dehors, et qui enfin produirait les effets tout opposés à ceux des papiers monnoies ou autres effets connus jusqu ici.
Les opérations en finances ne doivent pas être arbitraires ou des productions vagues de la fantaisie; on se rappellera ici tous les maux que des projets hazardés en finances ont produits depuis longtemps.
Il en est de même en morale comme en physique... Un effet déterminé suppose l’existance de toutes les conditions nécessaires pour le produire; de sorte que s’il en manquoit une, l’effet que l’on attend ne se produirait pas. ,
Il s’agit donc de fixer et de déterminer, quels doivent être les caractères d’un papier, capable de produire d’une manière certaine, constante et invariable, tous ces effets désirés.
Il faut:
1“ que ce papier soit cominerçable, et pouvant représenter toutes les valeurs sans être trop soumis à l inconvénient de l’échange. Pour cet effet il sera enjorme (le
billet de 100® chacun.
‘2° Ce papier jouira du crédit de l’argent même, pouvant être converti en argent à volonté, c est-à-dire être escomptable à vue.
3° Pour qu’il soit préférable à l’argent même par la valeur, chaque billet portera un intérêt de 3 p. 0/0 par an et ces billets seront remboursables à un terme Jixe de quatre années. Il sera destiné pour cette opération une caisse sous le nom de caisse d'escompte nationale. Celte caisse sera formée el représentée par la totalité du
numéraire qui se trouve dans la trésorerie de la nation, et dans toutes les caisses publiques.
En nantissement de ces billets, seront affectés tout le numéraire des contributions et tous les revenus de l’Etat.
Comme il est juste que cette caisse toujours prête à faire cet escompte, en tire un avantage, on prendra
I p. 0/0 d'escompte ou d'agiot, dans le cas d’escompte des billets avant le terme de leur échéance.
On doit regarder cette perte pour l’escompte au bénéfice de la caisse d’un p. 0/0, comme le principal moteur et le balancier, sans quoi on ne parviendroit jamais à atteindre le but de cette opération : car, si on perd
1 p.0/0 à la caisse:
1° On aura un intérêt de plus de garder les billet» jusqu’à leur échéance.
2° On ne retournera pas à la caisse, que dans le seul cas où l’usurier ou l'agioteur voudroit forcer le porteur à un agiot plus fort qu’un p. 0/0.
3° Tout homme ne possédant que 100* en nnmé-raire serait intéressé de gagner cet agiot de préférance à la caisse.Cet agiot,qui par la concurrence serait bientôt à 3/4 1/2 ou 1/4 p. 0/0, ne pourrait jamais excéder un p. 0/0, étant toujours borné par la caisse d’escompte de l'Etat.
On verra de cette espèce de fluctuation résulter un commerce de billets continuel et général entre les particuliers, dont l'effet certain sera de faire réparoitre et circuler le numéraire et disparoitre le papier.
Tout le monde sera dans le cas de devenir banquier, tous les dépôts seraient aussitôt remplacés par les billets, et l’argent serait mis dehors.
Toutes les collocations, mutations et transferts se
feraient sans aucune formalité d’enregistrement ou inscriptions, sans frais, en tout temps et en tout lieu.
La comptabilité s'exécuterait avec autant de facilité que de simplicité.
La caisse nationale rendrait un compte publique delà quantité qu'on aurait mis dehors et de celle qu’on aurait supprimée, de l’acquittement des intérêts annuels, sans s’occuper ni des possesseurs ni des propriétaires de ces mêmes billets.
Au bout de quatre années, convaincu de la bonté de cette opération tout le monde reprendrait de nouveaux billets.
Les payements des contributions, ainsi que le prix des ventes des biens nationaux dans la circonstance actuelle pourraient se faire également en billets de la république moyennant 1 p. 0/0 de perte avant le terme de leur échéance. L’elTet en serait, que l’on serait intéressé d'échanger ces billets en toutes les occasions possibles pour en épargner une partie de l’agiot, et d’en porter le montant à la caisse en argent comptant, ce qui ferait arriver à la caisse d’escompte tout le numéraire effectif ; et même les nations voisines pour profiter des avantages de cette opération seraient sans doute engagées à porter une grande partie de la dette publique en acceptant ces billets ; ayant ainsi lié leur intérêt au sort de la république elles deviendraient nécessairement ses amies. 11 en résulterait encore qu’au lieu que les papiers s'accu-muloient autrefois dans la France, ce serait l’argent qui refluerait de toutes parts vers les caisses publiques.
Le retour des billets vers la caisse d’escompte de la république étant ainsi nécessairement très-rare, celle-ci comme le seul remède spécifique contre l’usure et l'agiotage n’existera sous ce rapport que pour en borner et
pour en arrêter les excès que la cupidité jusqu’à présent avoit portée dans toutes les opérations de finances et par là même détruit le crédit publique.
Voici le modèle d’un billet de la caisse d’escompte de la république, il sera de la grandeur que dix remplissent une demi-feuille.
100“'
BILLET DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE
De cent livres portant 5 p. O/O d’intérêts par an, remboursable en quatre années, escomptable à vue à la caisse d’escompte de la nation dans l'intervalle de son échéance, moyennant un p. 0/0 d'escompte,
L. S.
Signé
L’acquittement des intérêts annuels se fera en coupant un coin du billet en présence du caissier.
On répète ici, que si une seule des conditions énoncées dans ce billet étoit omise ou changée, l’effet qu’on en attend seroit absolument manqué.
On verra dans quelques mois tous les effets énoncés ci-dessus sc réaliser, et on sera en même temps convaincu de la bonté de cette opération. La nécessité de la continuer et de l’élendre sur toutes les parties de la ré-publiqucen réduisant la totalité de la dette de l’Etat sous une et même dénomination en la représentant sous une el même espèce de papier. Cette même opération sera
invariablement renouvelée de quatre en quatre années, tous les porteurs de billets seront intéressés au lieu de les acquitter d’en recevoir de nouveaux.
FIN.
THÉORIES «>.
En ouvrant celte voie de publicité au magnétisme, nous avons voulu que notre impartialité égalât notre franchise. Toute doctrine raisonnable devait donc trouver place dans cette revue, sauf la critique des opinions qui nous paraîtraient en opposition avec les vérités que nous avons cru reconnaître.
Nous avons agi ainsi à l’égard de divers travaux recommanda blés; c'est au même titre que nous insérons aujourd'hui le mémoire du docteur Charpignon. Nous le critiquerons; mais noire jugement pourra être cassé à son tour, car nons ne prétendons pas être un jupe infaillible.
Tout système de médecine trouve en nous l'indifférence : nous savons qu'il est faux; mais nos lecteurs n’ont paslcs mêmes motifs. Ils doiventne passe contenter de nos propres et seules opinions, mais écouter toutes les voix et former leur jugement sur les travaux de tous les hommes intelligents. En accueillant le travail de M. Charpignon nons croyons leur être agréable en même temps qu’utile.
(t) Voyez lom. i", pag. ICO, une noie essentielle.
(Je mémoire est précis; il résume succinctement plusieurs systèmes de médecine au point de vue de ce magnétiseur. Nous n’entrerons point dans les discussions que peuvent soulever les idées de cet auteur sur les médecines, classiqueet homœopathique; c’est aux représentants de ces doctrines à les défendre. Notre Journal ne doit soutenir de lutte que pour le magnétisme proprement dit. Sur ce point nous laisserons à M. Charpignon toute liberté. Lorsque l’impression de son mémoire sera entièrement terminée, nous ferons connaître notre opinion sur son dernier chapitre. Nous parlerons comme magnétiseur et non comme méderin.
M. Charpignon a l’âme trop élevée pour se choquer des objections que nous pourrons lui faire. D’ailleurs elles seront faites par un homme convaincu comme lui. S'il est moins éclairé, le temps ou la discussion donnera gain de cause à l’au»eur du mémoire; car la question sera bientôt jugée en dernier ressort.
Laissons maintenant M. Charpignon développer librement ses idées :
Coup d'œil sun certaines doctmnbs médicales contemporaines.
Systèmes classiques, homeeopathie, magnétisme, etc.;
Un examen superficiel suffit pour montrer combien la santé de l'homme est fragile, et combien sa vie est peu certaine, car de toutes parts des causes incessantes de douleurs l’environnent, et il faut que sans relâche il
soit sur scs gardes, pour combattre tant d’ennemis qui s’acharnent après lui.
11 faut qu’il vive au milieu de causes qui viennent continuellement solliciter sa sensibilité physique et morale. Il ne peut se soustraire à ce concours d’actions multiples, c’est la condition de son existence. Bienheureux si les impressions qu’il est obligé de recevoir ne dépassaient pas trop souvent la capacité de son impres-sionnabilité, car il n’aurait pas de maladies ! !
La santé n’est-elle pas le levier sur lequel l’homme appuie toutes ces forces, pour atteindre l’idéal qu’il s’est créé dans sa vie, qu’il voudrait immortelle? Et combien de fois ce levier lui fait-il défaut !
La santé est cet état dans lequel l’homme éprouve un sentiment de bien être qui n’admet aucune nuance de trouble au moral comme au physique. Cet état résulte d’un rapport parfaitement harmonique entre les trois éléments fonciers qui constituent l’homme (1) et les agents extérieurs.
Or, la maladie est nécessairement la rupture plus ou moins profonde de ce rapport. Rupture qui détermine aussitôt un nouvel état dans lequel une activité particulière se développe tendant à rétablir l’équilibre.
Mais que de causes de souffrance ! que de manières d’être malade pour l’homme! combien d’existences traînées misérablement jusqu’au terme fatal! combien de vies tranchées au commencement de leur course, ou brusquement anéanties au milieu d’une carrière florissante! Et quand pour lutter contre ce fléau inéxorable de la mort, on voit se dresser l’art et la science de la
(I) L'homme est uno unité trinaire décomposable en : 1" Ame, substance essentiellement spirituelle et intelligente; î° Fluide impondérable spécial ; 3" Corps, agrégat, formé de nombreux éléments.
médecine, une amère pensée de découragement vous saisit au cœur, en comptant des mécomptes trop nombreux, et on comprend la défiance du monde envers le médecin, défiance qui, de nos jours, va souvent jusqu’à l’incrédulité.
Pourtant en considérant l’homme à un point de vue philosophique, on reconnaît que la physiologie de sa vie est dominée par une loi primordiale qu’aucune puissance ne saurait amender : cette loi est celle de la mort; or il serait injuste d'accuser, en principe, la médecine, quand, vaincue dnns la lutte qu’elle engage avec la maladie, elle laisse la vie s’éteindre dans un corps qui semblait par sa force et sa jeunesse devoir prétendre à la mort de la vieillesse.
Cet enfant, cet époux, ce frère, sont arrachés violemment à la vie ! et souvent, bien souvent, au lieu de blâmer le médecin, il faut le plaindre.....Mais à son tour,
l’homme de l’art n’a-t-il jamais à répondre de la vie d’un malade! Les soins de tous les médecins eussent-ils échoué de même dans certains cas particuliers? Telle médication appliquée n’eût-elle pas eu plus de puissance que celle qui fur employée sans succès? L’expérience des siècles est là pour répondre et pour montrer combien est grande l’influence de la doctrine qui dirige le médecin, et de la méthode qu’il suit, sur les résultats de sa pratique.
En méditant l’histoire de la médecine, on est frappé d’étonnement en voyant les nombreux systèmes qui ont régné tour à tour, chacun prétendant posséder la vérité et mettre enfin l’art de guérir dans une voie plus sûre et plus féconde en bienfaits que celle qu’on voulait abandonner.
Ce luxe prodigieux de doctrines médicales qui ont
paru comme rivales «le la médecine hippocratique est dû à ce que leurs auteurs, s'appuyant sur une hase vicieuse, ont pris tour à tour pour point de départ un des trois termes élémentaires dont le rapport constitue la maladie. Ces trois termes dont le rapport seul, et non pas un d’eux à l’exclusion des autres fait la maladie, sont : la cause morbigéne, l’organisme el la résistance vitale. L’uniléisme systématique qui considère exclusivement dans une maladie, soit l’organisme ou une de ses parties, soit la cause dynamique de la vie, soit l’agent producteur du mal, n’est qu’une prétention illusoire et complètement fausse dans ses applications.
L’oubli de l’étroite solidarité qui existe entre les trois éléments fonciers de l’homme en santé (voir la note page 1), a pu seul conduire les chefs d'école à prendre comme principe dominant et exclusif de doctrine un des éléments que chcz l’homme malade on trouve au nombre de quatre, puisqu’aux trois déjà existants en état de santé, la cause morbigéne vient s’ajouter.
Voyons brièvement tout ce que l’esprit de systématisation a produit, et cherchons au milieu de ces doctrines si diverses quels sont les principes sur lesquels le médecin peut s’appuyer pour agir avec fermeté et à l’aide desquels il peut «lonner tout le bien qu’on doit attendre de la science el de l’art.
On peut, suivant moi, grouper en quatre classes les doctrines qui ont régné et régnent encore en médecine.
La première, qui esl en quelque sorte négative, puisque sa formule ne se lire d’aucun principe fixe, est l’empirisme. Celte doctrine puise ses éléments dans les résultats contradictoires que tous les systèmes apportent au critérium de l’observation. Des théories prématurées que la marche des faits venait démentir, des médica-
lions réputées spécifiques ci ruinées par l'instabilité de leurs résultats dégoûtèrent beaucoup de médecins, observateurs consciencieux cl judicieux, et les entraînèrent dans un scepticisme tel que, ne croyant plus possible de trouver une doctrine vraie de l’explication des phénomènes de la vie eide la maladie, ils prétendirent remplacer toute doctrine par l’expérience seule. Pour eux la meilleure des méthodes est d’observer les cas de maladie et les effets des traitements ; et de se conduire à l’avenir,dans les mêmes conditions, de la même manière.
Celle doctrine, quelquefois féconde en bons résultats, ressemble à celui qui par l'habitude de voir construire et d’aider à construire certains édifices, s’imaginerait, après plusieurs réussites, que les principes qui guident les plans de l'architecte sont des combinaisons superflues.
L’architecte sans expérience pratique fait souvent des constructions qui écroulent, mais l’ouvrier qui n’a pour se guider que son expérience tâtonne toujours, arrive lentement et échoue bien des fois dans ses travaux. De même le médecin qui n’agit qu’à l'aide de l’expérience comparative, à l’exclusion de certains grands principes qui sont un fanal certain pour celui qui sait les comprendre, celui-là est très-souvent embarrassé dans le dédale des faits qu’il cherche à comparer pour saisir quelques traits d’une ressemblance superficielle dans bien des cas, et par son hésitation perd un temps précieux pour combattre les désordres morbides.
La deuxième classe est celle qui sous le nom àe soli-elisrne comprend tous les systèmes qui prennent pour bases l’état des parties constituantes de l’organisme dans la maladie.
Comme chefs de cotte doctrine, décomposée en sys-
tèmes divers, suivant que telle ou telle partie de l'organisme était prise comme base, on peut citer : Cclse (54 ans avant J.-C.), pour qui la maladie avait son principe dans le resserrement ou le relâchement des solides ; Hoffmann(1718)etCullen(1761), qui voient la maladie une altération, un affaiblissement ou une excitation des solides; Brown (1780), qui admet la faiblesse ou l’excitation comme des phénomènes dérivant exclusivemenj d’une propriété qu'il reconnaît à la matière organique, propriété qu’il appelle incitabilité; Broussais (1816), qui comme Brown, prête à la trame organique une propriété à'irritabilité dont le caractère entraîne la théorie de la localisation de la maladie dans les tissus, et enfante la thérapeutique unitaire antiphlogistique.
De notre temps, l’école anatomique donnant une trop grande influence à l’anatomie pathologique, ne voit de maladie que dans une lésion anatomique. Oubliant les synergies organiques, elle fait sa thérapeutique à l’aide de formules mathématiques et d’expériences mécaniques et physiques.
D’autres solidistesont fondé leur doctrine sur l’altération des liquides, et ont créé l’humorisme. Gallien (150), Paul d’Egine (630), Boerrhaave (1660), ont basé leur thérapeutique sur ces idées plus ou moins modifiées. Depuis, plusieurs modernesont suivi ces grands maîtres, et ont rajeuni l’humorisme par des travaux éminemment utiles sur les altérations des liquides.
A côté des organicistes s’élèvent comme formant notre troisième classe, ceux pour qui la considération des causes est plus puissante que l’effet. Négligeant l’expression des faits, ignorant les lois physiologiques du corps humain, les lois physiques de la nature, ils posent d’autorité l’action d’une cause prise le plus souvent en de-
hors de l’organisme et d’une nature étrangère à l’humanité. C’est ainsi que s’explique l’influence «le la magie, de la démonologie, de l’astrologie dans les premiers siècles d’abord, puis, plus tard, chez les Arabes, qui introduisirent ces idées dans l’Occident, idées qui dominèrent doctrinalement pendant tout le moyen âge.
Enfin, comme dernière expression de l’ontologie médicale, apparaissent les vitalistcs, qui considèrent seulement dans la maladie la lésion des forces vitales. Dans cette école, aussi puissante que celle des organi--cistes, on voit figurer les hommes les plus remarquables. Laissant l’antiquité et les disciples qui relèvent de Pythagore, on voit Paracelse, Van Helmont, sapant l'observation, proclamer toute puissante l’action du principe subtil dont ils animent l’organisme, et appeler maladie les désordres causés par l’altération essentielle ou relative de ce principe vital. Sthal (1700) reprend ces idées d’un point de vue plus élevé et tout métaphysique. Pour lui, les éléments matériels du corps sont passifs et sont sous l’empire réfléchi de l’àme, qui est attentiveàla guérison.
Sydenham, vitaliste plus rationnel, fait renaître l’observation, et conciliant la méthode expérimentale avec la théorie, il prépare les travaux de Bordeu, de Barthez et de l’école de Montpellier, qui a toujours cherché à se tenir entre un vitalisme exagéré et les prétentions étroites de l’organicisme.
Il y a trois systèmes, dont chacun prétend être une doctrine. Ils dérivent du vitalisme et peuvent être considérés comme une de ses expressions plus ou moins exagérées. Ces systèmes sont : le magnétisme, érigé en doctrine médicale par Mesmer ("1781), le contro-stimu-
lisme, créé par Rasori (179Gj, et l’homœopathic, découverte par Hahnemann (1810).
Le contro-stimulisme est plutôt une découverte thérapeutique qu'un système médical; car, son principe théorique est commun aux doctrines de l’incitabilité de Brown et de l'irritabilité de Broussais. Les forces vitales étantsurexcilées.l'inflammationou les puissances nerveuses étant développées morbidement, Rasori prétend avoir trouvé dans l’organisme une loi d’antagonisme qui, par l’influence de certains médicaments, force la surexcitation à s'éteindre. Toutes les substances capables de produire cet effet sont dites hyposthénisantes, c’est -à-dire déprimantes. On compte parmi elles, l’acide hydrocyanique, la digitale, la belladone, la jusquiame, les acides, l’émétique, etc. ; les substances agissant en sens contraire sont appelées hypersthénisantes ou excitantes, telles que l’alcool, l’opium, le camphre, etc. Et ce qu’il y a de caractéristique dans ce système, el ce qui en même temps le rend dangereux, c’est la puissance de la dose qui est nécessaire pour que l’effet hyposlhénique soit produit; car, sans cela, telle substance qui est déprimante pourrait être excitante.
Je ne m’occuperai pas davantage de ce système, dont l’étude intéresse particulièrement le pathologiste. Mais il n’en peut être de même de l’homœopalhie et du magnétisme, doctrines qui occupent aujourd'hui tous les esprits, et que M. Magendie, à tort ou à raison, appelle les deux grandes mystifications du siècle.
Examinons d’abord l’homœopathie :
L'homœopaûiie.
Quelqu’un qui verrait dans les symptômes qui ac-
comparent toute maladie, l’expression de la lutte et de la résistance de l'organisme pour ressaisir l’équilibre ou la santé, trouverait très-rationel de favoriser ces symptômes, au lieu de chercher à les combattre pour les éteindre.
Cette pensée a été pour le génie de Hahnemann, l’origine de la médecine homœopathique, en lui révélant ce principe fondamental de sa doctrine : les semblables sont guéris par les semblables.
Avant Hahnemann, l’observation avait certainement appris au médecin sans système que, le plus souvent, le symptôme est l’effet de la réaction vitale de l’organisme, sollicité par l’action d’une cause hétérogène et incompatible avec la vie, et, qu’en conséquence, loin de l’opprimer il devrait l'aider. Hippocrate et son école ont suffisamment développé la doctrine des crises; les vitalistes, d’autre part, ont toujours cherché les moyens d’augmenter la puissance du principe vital qu’ils supposaient, à priori, alFecté dans la maladie, et l’aphorisme vomitus vomitu curatur, contenaitbien lesgermes de l'homœopathie. Toutefois, personne n’avait osé généraliser ce principe de physiologie pathologique et 1 ériger en principe unitaire et général.
En 1790, Hahnemann observa que le quinquina produisait chez l’homme sain une fièvre intermittente très-analogue à celle que ce médicament guérit le mieux. Frappé de cette observation, il se demanda si la propriété fébrifuge du quinquina ne viendrait pas précisément de celte faculté de produire chez l'individu sain une affection toute semblable, et si ce fait ne se répéterait pas pour d'autres substances capables aussi de développer des maladies.
Hahnemann se livra, pour résoudre le problème
qu’il s’était posé, à un grand nombre d’expériences, et il trouva ainsi l'action pure de beaucoup de médicaments. Il reconnut que les remèdes dits spécifiques, tels que le soufre, le mercure, le vaccin, n’avaient leur propriété spécifique que parce qu'ils développaient chez l'homme sain des phénomènes morbides semblables à ceux qu’ils guérissaient.
Une fois ce principe reconnu, toute une nouvelle doctrine médicale se révéla à Ilahnemann, et, pour lui, le traitement d’un maladie se formula ainsi :
Administrer le médicament qui a la propriété d’ajouter aux efforts de la nature, c’est-à-dire, choisir la substance dont les effets sont les mêmes que les symptômes observés.
En vérité, ce point de doctrine parait séduisant, et d’une physiologie bien plus élevée que ces étroits préceptes qui enseignent à combattre et à éteindre tout symptôme de perturbation que l’on observe dans les maladies. Une diarrhée, une dysenterie surviennent; et, sans rechercher les causes, sans tenir compte des circonstances individuelles, les médecins font tous leurs efforts pour arrêter des évacuations qui, souvent, sont l’effet critique d’une répercussion, d’une métastase, ou d’une élimination miasmatique, et qui, supprimées, donnent naissance à des désordres plus graves. La fièvre apparait-elle avec ses agitations, ses douleurs, ses angoisses, qu’aussitôt on veut l’enrayer, et que, par des émissions sanguines, on rend cette fièvre moins intense, il est vrai, mais plus pernicieuse, car, on a empêché le travail éliminateur qu’elle opérait : il s’agissait, en effet, d’une fièvre typhoïde, de la variole, de la scarlatine, d’une de ces maladies enfin, dont le fond est miasmatique ou tient à une diathèse particulière. Je n’en finirais pas si
je voulais montrer ici tout le mal que peut faire, et que fait !>ien souvent la théorie qui enseigne à ne voir dans le symptôme que la traduction du désordre matériel de l'organe vraiment lésé,ou seulement présnmésouffrant.Je dis présumé souffrant, car, on sait que, dans certains cas où les symptômes ne révèlent pas positivement la partie de l’organisme où la lésion est concentrée, on suppose gratuitement une altération organique bien souvent où elle n’est pas.
Le mal que font les médecins est donc bien grand, quand, imbus de systèmes particuliers, ils forcent tous les malades à subir leur thérapeutique qui est sans rapports avec les tendances de l’organisme.Boerrhaave disait avec raison : « Si nous comparons les bienfaits dont on est redevable à une demi-douzaine de véritables disciples d'Esculape, depuis le commencement de l’art, avec le mal qu’a causé au genre humain le nombre immense des médecins qui ont paru depuis eux, il deviendra évident qu’il aurait été infiniment meilleur qu’il n’eût jamais existé de médecins dans le monde. »
Mais de ce que des théories fausses ou mal comprises font naître des erreurs déplorables et funestes, il ne s’ensuit nullement que le principe de pathologie dont je parlais plus haut, le respect et l aide même des symptômes morbides, il ne s’ensuit pas que ce principe soit exclusif, et qu’il puisse, lui aussi, avoir force de loi et constituer une doctrine. Or, c’est présisément en cela que je trouve une exagération de la part de Hahnemann; car l'expérience et la réflexion dégagées de toute prévention, prouvent chaque jour qu’il y a des symptômes qui sont intimement liés à l'affection elle-même, qui par conséquent sont l’effet d’une altération organique ou fonctionnelle; symptômes qui augmentent ou diminuent en
même temps que l'altération matérielle, et qui, aidés dans le même sens d’expression, deviendraient de plus en plus graves, puisque leur foyer générateur s’altérerait davantage.
Quel exemple citerai-je? Prenons un rhume, un catarrhe bronchique, rien n’est plus simple. Eh bien ! pour ce cas pathologique nous avons déjà bien des systèmes, mais heureusement que presque toujours le malade guérit quelle que soit la thérapeutique qu’on applique. L’école physiologique tous dira : la membrane muqueuse des bronches est enflammée; en d'autres termes, elle est injectée de sang, ses fonctions sont troublées, la sé-crétiondu mucus est suspendue, puis augmentée par l'intensité del’inflammation. La médication est facile : il faut diminuer et enrayer, s’il est possible, l’inflammation. Pour arriver à ce but, les émissions sanguines et les émollients sont les moyens les plus efficaces. Ils arrêteront ces symptômes, qui, tels que la fièvre, la toux, l’oppression, l’expectoration difficile caractérisent l’inflammation de la muqueuse bronchique.
Ecoutez une autre doctrine, certaine forme du vitalisme, et ici on dit qu’il faut se garder d’arrêter la lièvre qui est l’indice de la réaction de l’organisme entier contre la cause de la maladie. L’oppression, les douleurs sont déterminées par le travail de coction qui doit élaborer le mucus arrêté dans la sécrétion : la toux elle-même est indispensable pour détacher et entraîner le produit de la coction. Et, pour venir en aide à la nature, le médecin doit soutenir cet ensemble de symptômes par des remèdes émollients, sudorifiques et expectorants.
Je m’arrête à ces deux opinions, et vous donne à choisir. Vous êtes embarrassé, mais vous penchez pour la seconde, naturistes que vous êtes. Eh bien ! cette
opinion, quoique en harmonie avec la nature, a ses dangers si vous l’adoptez sans réserve. En effet, si le catarrhe bronchique est violent, si la constitution de l’individu offre certaine prédominance, comme une exagération du système nerveux ou du système sanguin, le respect des symptômes, qui, dans le fond, sont bien critiques, peut devenir mortel, parce que leur intensité déterminera d’autres complications qui fatigueront beaucoup le malade, et le tiendront bien plus longtemps dans la souffrance. Tandis que l’application d’une médication à action contraire, telle qu’une saignée, par exemple, diminuera la puissance de la complication, et faisant descendre la réaction générale d’un degré d’intensité, favorisera la marche delà maladie et empêchera le tissu pulmonaire de s’altérer sous l’action d une congestion inflammatoire trop prolongée.
Ce. que je dis pour une bronchite peut trouver son application dans la plupart des maladies ; d où je conclus qu’il ne peut exister de loi qui fasse du symptôme un phénomène constant, critique, et qui enseigne au médecin à administrer un médicament semblable par ses propriétés intimes à la forme de la maladie.
Telle est cependant l’opinion de Hahncmann, et ce principe est sans modification pour le médecin homœo-pathe.
Malgré la base ruineuse de ce principe de la médecine homœopathique, je concevrai encore qu’il pût conserver ou gagner des disciples, puisqu’il est vrai dans la grande majorité des cas, et qu’il s’accorde avec la physiologie vitale, ducorpshumain. Mais, il est un autre point de doctrine en homœopathie qui découle de celui que je viens d'étudier et qui est bien moins rationnel et moins physiologique.
Donner un médicament dont les propriétés sont en rapport direct avec les symptômes morbides de la maladie que l’on veut guérir, c'est ajouter, comme on vient de le voir, à la puissance de ces symptômes et augmenter nécessairement leur intensité. Or, si les forces de l’organisme trouvent un secours précieux dans celte addition d’action, c’est à la condition de n’en recevoir qu’une quantité bien faible pour ne pas être entraînées dans une surexcitation qui dépasserait la limite de la réaction nécessaire, et aggraverait le mal, en changeant ainsi sa nature.
Ilahnemann comprit ce corollaire du premier principe qu’il avait admis, et il commença tout d’abord par réduire de beaucoup les doses usitées dans la médecine ordinaire. 11 employa alors des fractions de grain, comme à peu près on a coutume de faire pour les remèdes les plus actifs : l’arsenic, la morphine, etc. Jusqu’ici, la logique n’avait rien à contredire; car, les principes étaient conséquents, el la dose des médicaments, quelque minime qu’elle pût paraître, était néanmoins pondérable et appréciable physiquement et surtout physiologiquement.
Mais bientôt Hahnemann poussa la réduction des substances qu’il employait jusqu'à l’invisible et jusqu à l’incompréhensible. Ainsi cene furent plus des fractions de grain, mais des cent millionièmes et même des fractions représentées par ces chiffres 1,000,000. —, ce qui signifie un millionième élevé à la dixième puissance!
Pour arriver à cette divisibilité inouïe, Ilahnemann donna la formule suivante :
Soit la camomille à préparer homœopalhiquement.
On exprime le suc de la [liante fraîche, on le mélange avec partie égale d’alcool, et on a une teinture appelée
mère, parce qu’elle va servir à faire colles qui peuvent être employées.
Prenant ensuite quatrevingt-dix-neuf gouttes d’alcool
011 y ajoute une goutte de la teinture mère, et on a la première dilution ou atténuation. Pour obtenir la deuxième, vous mettez avec quatre-vingt-dix-neuf goulles d alcool, une goutte de la première dilution, c est-a-dire un centième de goutte de la teinture mère.
La troisième, une goutte de la deuxième dans quatre-vingt-dix-neuf gouttes d’alcool, soit un 10,000e de goutte de suc de camomille.
La quatrième, même opération, et ainsi de suite jus-qu à la trentième dilution, qui représente une fraction dégoutté de suc de camomille, dont je n’ose entreprendre le calcul et la dénomination.
Telle est la manière de préparer toutes les teintures médicamenteuses. Pour les substances solides qui ne sont pas solubes, on procède par trituration. On mélange ungrain delà substance avec centgrains de sucre de lait, et on broie un certain nombre de minutes. Alors on prend un grain de ces cent grains, soit le centième de celui de la substance, et on agit de même avec cent autres de sucre de lait, et 011 continue ainsi suivant, le nombre d’atténuation qu'il faut atteindre.
Charpignon, D. M. P.
(La suite au prochain numéro.)
BIBLIOGRAPHIE.
Arcanes de la vie future dévoilés, par M. Alpii. Caiiag.net,
1 vol. in-8. Paris, 1848. Prix : 5 Ir.
C’est avec une sorte de crainte que nous allons parler du livre de M. Caliagnet. Nous n’aimons pas juger les œuvres d'autrui, surtout lorsqu’il s’agit de pénétrer dans le ciel et d'examiner ce que l’on y fait. La raison en est simple : c’est qu’en semblable matière tout n’est qu’incertitude.
Ce que renferment les Arcanes est-il vrai, est-il faux dans son principe? Nous l’avouons, nos connaissances ne sont pas suffisantes pour nous prononcer d une manière absolue; mais M.Cabagnet, en nous dédiant son ouvrage, nous a fait une sorte d’obligation de dire notre pensée. D’ailleurs cet auteur est trop sincère, trop homme de bien, il croit si fermement à la réalité des visions de ses voyants, que nous ne pouvons dans aucun cas garder le silence.
N’attendez donc pas de nous, lecteurs, un éloge ou un blâme, mais seulement une opinion au sujet de cette nouvelle doctrine. N’ai-je pas besoin moi-même que l’on garde à mon égard une sorte de réserve? Ne suis-je pas entré dans unordre de phénomènes qui demandent une longue attention et un profond examen pour être adoptés ou rejetés dans la cause que je leur suppose? Et cependant je dis à ceux qui doutent : Venez et voyez.
M. Cahagnet dit aussi :
Donnez-moi le nom d’un frère, d’un ami, de qui
vous voudrez enfin; je vais le faire apparaître, quelle que soit l’époque de son (répas. Ma voyante vous dira quelle était sa personne; vous décrira ses mœurs, ses habitudes, tout ce qui enfin caractérisait celui dont vous aurez demandé la venue, et vous serez convaincu de son existence spirituelle.
Moi-même j’ai voulu m’assurer de ce fait incroyable; j’ai demandé un ancien aini, fort inconnu de la voyante et de son magnétiseur. Celte extatique m’a dépeint mon ami, énuméré toutes les singularités qui le caractérisaient, et, je dois le dire, il était très-original; rien n’a été oublié, si bien que je croyais le voir moi-mème, tant le tableau en était saisissant. Bientôt cette ombre s’est enfuie en effrayant la somnambule; un seul mot avait causé cette disparition subite, et mon étonnement en fut porté à son comble, car ce même mot prononcé devant lui le mettait toujours en fureur.
Ce fait, que je garantis, donne une sorte de vraisemblance à la doctrine de M. Cahagnet touchant l’apparition des morts. Son livre est rempli de phénomènes semblables. Cependant je ne suis pas convaincu entièrement. D’abord c’est un intermédiaire qui voit, et pour qui est familiarisé avec le somnambulisme on peut croire à une communication de pensée. Tout le reste en découle. Mais M. Cahagnet n’hésite point. L’univers est rempli d’un monde invisible à nos yeux charnels, mais très-appréciable à l’œil de l’esprit des voyants. Cette vie terrestre ne serait, comme on l’a souvent dit, qu’un passage et nous nous retrouverions là-haut ou là-bas, qu’importe. Nous irions où seraient nos affinités; et nous serions d’autant plus heureux que nous aurions, ici, purifié notre àme et développé notre intelligence.
C’est la réapparition d’anciennes doctrines : l’Elysée
et le Tartare.
Les anciens sages voyaient par eux-mêmes ce que nous n'apercevons que par des intermédiaires.
« Je me suis approché, dit Apulée, des confins de la mort; ayant foulé aux pieds le seuil de Proserpine, j’en suis revenu à travers tous les éléments. Au milieu de la nuit, le soleil me parut briller d’une lumière éclatante. J’ai été en présence des dieux supérieurs et inférieurs, et je les ai adorés de fort près. »
Ceci est la vision et non l’apparition. Mais comment se fait-il que les ombres parlent sans bouche matérielle ! Sans doute on objectera que la pensée est saisie et que d’ailleurs l’antiquité fourmille des mêmes faits; mais comment penser sans cerveau l Tout est embarras ici, excepté pour le lecteur qui ne raisonne pas. Cent volumes ne suffiraient point pour expliquer les faits et lever tous les doutes.
Le paradis des somnambules diffère peu de celui des chrétiens ; seulement ceux-là disent qu’il y a des juifs, des mahométans, etc. L’homme, selon eux, a, dans le ciel, un choix immense d’objets; tout ce qu’il désire, il peut le posséder; point d’entraves 1 C’est presque à désirer mourir tout de suite pour s’affranchir de la douleur et des peiues de ce monde.
Les prêtres païens promettaient aux Thraces, qui aimaient le vin et en buvaient largement, des banquets et le nectar qui devait les enivrer éternellement. Mahomet promit aux Asiatiques, qui aiment les femmes, un paradis peuplé de houris, ou de femmes toujours jeunes et toujours vierges. Les chrétiens vous promettent l’harmonie céleste et des concerts donnés par les anges. Les Crées, amateurs des arts, de la danse, de la musi-
que, des exercices gymnastiques et des fêtes champêtres, devaient retrouver tous ces plaisirs dans l’Elysée.
Chacun après la mort remplit encore les fonctions et conserve les goûts qu’il eut sur terre.
Les chefs des peuplades troyennes se plaisent à manier des armes, à nourrir des chevaux. D'autres, couchés mollement sur l’herbe, dans des champs couverts d’une éternelle verdure, à l’ombre des forêts odoriférantes de lauriers, prennent un repas champêtre et égayent le festin par des chants de joie. Ceux-ci, dans la prairie ou sur l’arène, s’amusent aux exercices du pugilat et de la lutte, et ils acquièrent une vigueur que rien ne pourra jamais altérer. Ceux-là chantent des vers, et, d’un pied léger, foulant la terre en cadence, forment entre eux des chœurs et des danses.
C’est Virgile qui nous peint ces choses si ravissantes. Le philosophe Eschine, dans sontraité intitulé Axio-chus, fait d’autres discriplions également agréables.
Hélas ! dans ces lieux de délices on ne connaît ni le froid, ni le chaud : on y jouit d’un printemps éternel. La terre de son sein fécond fait éclore toutes sortes de fruits. L’eau des fontaines y est la plus pure; les prairies sont semées de fleurs de toutes espèces. Rappelez-vous, lecteurs, la sainte Jérusalem, faite par l’auteur de l’Apocalypse. Vous y trouverez la ville d’or pur, les murailles d’émeraude, les édifices de jaspe, les autels d’améthyste,-on n’y connaît jamais de nuit; les murs delà ville sont baignés par un fleuve d’essences les plus exquises, qui coule à travers des prairies émaillées de fleurs, etc., etc.
Les brahmanes de l’Inde ne le cèdent en rien dans leâ descriptions qu’ils font de leur lieu de délices. Les Perses avaient aussi leur paradis d’Orsmud, ou du principe
lumière; on y jouissait d’une félicité inaltérable. N’oublions pas les Scandinaves ; leur nouvelle terre devait être couverte d’une éternelle verdure et un soleil pur y répandre constamment une douce chaleur. Vingt volumes ne suffiraient point pour décrire les jouissances promises par les inspirés de tous les temps et de tous les lieux.
On dit : aucun homme, aucujie àme, n’est revenu pour nous donner des preuves de la réalité des choses promises. M. Cahagnet, par ses voyants, fait apparaître les âmes des morts: allez, vous qui doutez, vous entretenir avec ceux que vous avez aimés. Je renonce à vous faire des citations des Arcanes, car quelques-unes prouveraient trop, pour beaucoup de gens, et d’autres pas assez. D ailleurs vous trouverez bientôt dans ce Journal, une analyse, des lettres peut-être, sur celte nouvelle doctrine, qui a plus d’un trait de ressemblance avec ce que nous a légué l’antiquité.
Les anciens ont-ils rêvé ce qu’ils nous ont transmis ? Etaient-ils parvenus, par une sorte d’intuition, à ces connaissances, ou bien consultaient-ils sur ce sujet des crisiaques, car il y en eut dans tous les temps? Peu importe. Ce qu’il y a de plus évident, c’est que nous avons fait peu de chemin vers la vérité, et cela se conçoit, la route est difficile. Swedenborg a bien cherché à l’aplanir; beaucoup de croyants marchent à sa suite et semblent heureux déposséder la clef du ciel. Toutes ces choses sont-elles un travers de l’esprit humain, une hallucination, un rêve dont les hommes à l’âme tourmentée aiment à se repaître? Ou bien cachent-elles une vérité profonde entrevue par plusd’un millier d’hommes.’ Je le crois, maisje crois aussi à la difficulté de les peindre; il n’y a point de mots pour les merveilles du ciel. Prouver
seulement que l’âme existe et est d’essence immortelle, que son rôle n'est point borné à régir son domaine terrestre, serait, à nos yeux, un bienfait sans pareil, car il changerait l'humanité.
L’ouvrage de M. Cahagnet laisse beaucoup de vide; ce n’est qu’une ébauche, bien inférieure aux écrits des philosophes allemands, sur le même sujet. Ceux-ci sont plus riches en images, ils se distinguent encore par beaucoup de mots nouveaux d’une grande portée, car ils rendent des idées qui ne sont encore que dans les sentiments. 11 y a en outre dans ces ouvrages beaucoup de science et d’érudition, en un mot de profondes connaissances. L’Amérique fournit en ce moment son contingent, on traduit dans toutes les langues ces produits nouveaux de l’intelligence. Notre ami Olivier possède un manuscrit sur le même sujet qu’il livrera bientôt à l’impression. M. Cahagnet pourra lui-même reconnaître si ses faits sont en rapports parfaits avec ces nouvelles données; mais nous croyons qu’il y aura de grandes divergences, et c’est là un grand malheur, car la vérité est une et doit être de même partout. Quoi qu’il en soit les Arcanes, ont fait quelque sensation dans le monde magnétique. Ce livre, est un pas vers l’inconnu. Cependant je ne sais pourquoi j’éprouve une sorte d inquiétude qui semble m’avertir qu’il ne doit sortir que peu de choses de toutes ces recherches. Je l’ai dit, il faut trouver le chaînon qui existe entre l’âme et la matière, quelque chose de sensible à nos sens, et c’est là où il faut que l’esprit de recherche soit appliqué.
Fort heureusement nous ne sommes plus au temps où, sans examen, on se battait pour soutenir la supériorité de son paradis, où on égorgeait son frère pour le
mériter, où 011 déclarait celui-ci, celui-là, toute une nation même indigne d’entrer dans ce lieu de délices; et à ce bon temps encore où des hommes de bien, et il y en avait beaucoup alors, vous donnaient, moyennant finances, un parchemin qui devait infailliblement vous ouvrir l’entrée du séjour des bienheureux.
L’or est devenu le seul dieu des humains, les jouissances terrestres sont préférées à toutes celles promises par Jésus et tous les saints. Qui nous rendra la foi, non cette foi aveugle et terrible qui, dans son zèle prosélyti-que, employait pour argument de conviction le fer et les bûchers, mais cette douce croyance en la miséricorde de Dieu, en sa justice, en sa bonté, et qui s’en remettait à lui pour tout ce qui intéresse l’autre vie ? C’est ainsi que des hommes convaincus s’endormaient du dernier sommeil, berces par de doux songes. Où est l’homme qui dans tout cela nous dira : Ceci est vrai, cela est faux; voici mes preuves, elles sont inattaquables? De nos jours, il faut arriver à Dieu par la science. Est-ce M. Cahagnet qui nous y conduira ? 11 n’a pas cette prétention. Dieu nous a donné la lumière qui perce les ténèbres, il nous a donné le jugement, la raison; pourquoi faut-il que les savants fassent défaut en devenant matérialistes, en ne poussant leurs recherches que vers les choses matérielles!
Nous le disons à regret, quelles que soient les révélations des somnambules, il restera un doute, car tous ne sont pas d’accord, il y a donc erreur d'un côté.
Plusieurs magnétiseurs diront : Je veux voir les esprits des morts, m’entretenir avec eux; jusqu’à ce qu’il en soit ainsi je douterai de la clairvoyance en tout cc qui dépend du ciel. D’ailleurs le paradis des Arcanes, est bien inférieur à celui des temps passés
sous le rapport du charme des descriptions. Tous scs habitants y parlent comme de simples mortels. 11 me semble que l’âme dégagée de la matière doit être éloquente; ne savons-nous pas que dés ce monde lorsque l’enthousiasme nous saisit, nous savons déjà peindre, et que tout s’épure; nos expressions empruntent quelque chose au langage divin? Comment se fait-il que dans toutes les réponses des esprits, M. Cahagnet n’ait point encore rencontré ce qui distingue les génies des simples mortels, et qu’il n’ait point recueilli non plus quelques-unes de ces vérités importantes dont le ciel est rempli ? Comment se fait-il (pie ceux qui savent toutes choses ne nous instruisent point sur les mystères qui nous environnent? Ah! je le dis à regret, nous sommes loin du temple de Delphes. J’aime mieux la pythie sur son trépied que beaucoup de nos somnambules modernes. Je suis plein de vénération pour les prêtres d’Esculapeetd’Isis, car ils savaient infiniment de choses et nous les laissaient apercevoir au travers d’un beau langage, qui, quoique figuré, nous pénétre d’admiration. Nous ne sommes touchés que par de grandes idées, de grandes images; ce qui est trop vulgaire ne peut venir du ciel. Tel est mon sentiment. Il est vrai, je raisonne en aveugle, je ne suis point voyant; mais j’ai connu des hommes très-avancés dont l’entretien sur les choses futures ravissait mon esprit. Peut-être, si l’un de ces êtres privilégiés était plongé dans le sommeil, retrouverions-nous ce que nous avons vainement cherché dans l’ouvrage de M. Cahagnet, des déductions logiques qui prouvent des réalités insaisissables par nos sens grossiers, car elles sont du domaine de l’entendement pur.
Tous les faits sur lesquels nous nous sommes éten-
dus appartiennent bien au magnétisme, mais cette science naissante peut, heureusement, s'appuyer sur d’autres choses d’une incontestable réalité. On peut abandonner cette partie, mystique, incertaine dans ses résultats, sans que le magnétisme proprement dit semble diminuer de valeur. La raison s’effraye vite lorsque nous voyageons dans l’espace. Mais qu’est-ce que la raison elle-même? Presque rien. Qui oserait pourtant rejeter ce seul guide? Des fous, dira-t-on; mais 011 vit quelquefois des fous devenir des génies lorsque les faits qu’ils annonçaient purent être compris.
Ne nous prononçons donc point; attendons du temps la lumière qui nous manque. Le temps efface dans son cours ce qui est le produit de l’erreur, il laisse subsister, en les grandissant, les vérités conquises.
Du POTBT.
PETITE CORRESPONDANCE.
Londres.——Reçu *05 lettre» et les galettes.—Merci de Uni de sollicitude. — Point de nouvelles de la R. S. pour les roi. que vous lui aurez remis. — Je dois vous écrire pour la rectification en question. — Bonjour de M. Du..l.
Saussens —M” de S.......i.—Voy. la pet. corres|>. du n» 72 arl. Touloust; c'est
toujours dans le uiéme état : vos ordres n'auront pas élé exécutés.
Stockholm. — D' G....Ü. — Envoi, jouj votre couvert, des n"‘ du Dr 11.....d.
parti sans laisser d’adresse.
Orléans, — M. A.....d. — Nous n’avons plus l’occ. de M. Th......r, et nous ne
pouvons accédir. Ainsi tout dépend maintenant de vous.
Le Gérant, HÉBERT (de Garnay).
INSTITUTIONS MAGNÉTIQUES.
CONFÉRENCES MAGNÉTIQUES.
Magic magnétique (suite).
Nous nous occupons sans relâche d’une série d'expériences que nous croyons propres à avancer la science magnétique. Cependant, c’est avec une grande réserve que nous abordons cette immense question, tant même la description des phénomènes est embarrassante, puisque nous ignorons encore une partie de la loi qui préside à leur développement.
Pourquoi ne le dirions-nous pas? Nous craignons les préjugés des sots, et ceux-ci sont nombreux ; nous craignons la censure des sages, qui ne manqueront pas de nous dire, sous forme d’avis : Vous allez vous égarer dans ce labyrinthe, et vous n’en sortirez qu’avec l’égarement de votre raison. Nous craignons enfin que ce mot, magie, n’appelle sur nous un jugement, tout à fait inconsidéré, qui nous assimilerait à ces fourbes, à ces trompeurs adroits qui, sans aucune science, exploitent la crédulité publique. Et, nous le disons avec regret, le monde où nous vivons ne peut recevoir et ne peut entendre qu’une partie de la vérité découverte; découverte aussi réelle que le magnétisme lui-même, aussi certaine (pie la lumière. Oui, nous pouvons, et nous vous devons cet aveu, lecteurs, nous pouvons produire cc qui peut effrayer la pensée, cc qui peut agiter le monde, et nous n’osons pas! Nous nous rappelons ces TOUR VU. — X" 30. — iï AOUT 1848. 4
tristes époques où les mêmes faits apparurent; ces temps où l’on accusait de magic, mot incompris aujourd’hui même, je ne dis pas des sots, mais des savants. On brûlait alors le philosophe chez qui l'on trouvait quelques ustensiles de chimie ou des livres renfermant des symboles. Sans doute, rien de pareil n’est à craindre aujourd’hui; et cependant nous craignons, non pour nous, mais pour le magnétisme, qui a coûté tant de peines et de travaux à établir, car nous le voyons tout prêt d’entrer dans le sanctuaire des sciences, formulé en agent naturel et en faits physiques. Et ceux-ci par leur simple nature ont demandé plus de 60 ans pour y habituer la raison. Il faut donc ne pas présenter des faits plus étranges que ceux connus avant qu’ils soient admis comme incontestables; sans cela nous exposerions ce qui nous est le plus cher au monde : la science naissante elle-même.
Mais si nous reculons devant la description des faits nous avançons dans leur production, et nous rendons témoins les hommes honorables qui nous le demandent, de scènes de véritable magie. Familiarisant ainsi l’esprit et la raison de quelques-uns avec ce qu’il y a de plus mystérieux dans la nature, nous préparons pour la génération qui vient 1111 champ plus libre pour l’investigation. Et nous disons en terminant à nos amis : Ne soyez pas plus impatients que nous; laisse/, venir les temps; la magie est retrouvée, elle ne se perdra plus. U11 jour, bientôt peut-être, nous essayerons un commencement de description; mais nous le ferons avec discrétion et modestie, car nous ne savons de la science antique que les deux ou trois premières lettres de son alphabet.
I)u Potet.
Coi’P D'ceiL SUR CERTAINES DOCTRINES MÉDICALES CONTEMtf)ftM»kM./
Systèmes classiques, homœopathie, maynétismÀitt'.;
(Suite.)
Passant ensuite à l’application thérapeutique, le médecin homœopathe fait prendre au malade une cuillerée d’une potion composée de trenle ou soixante grammes d’eau dislilléeetd’uneou trois gouttes de la douzième ou trentième dilution. Et très-souvent il recommande de ne prendre cette cuillerée qu’à un intervalle de quelques jours.
Il en est de même pour les globules homœopathiques, médicaments solides, composés de sucre de lait et renfermant chacun la fraction représentée par la 15e, 20" ou 30e atténuation et divisée encore par 100; car, un seul globule ne peut absorber la goutte entière de la teinture, et on imbibe de cette goutte 100 globules. Ces petits globules de grosseur, comme chacun sait, d’une faible tête d’épingle, seraient souvent invisibles et perdus si on n’avait le soin de les incorporer dans une pincée de sucre de lait en poudre, de les écraser et de leur donner ainsi un volume convenable.
Voilàdonc la pharmacopéehomeeopalhique et, si quelqu’un se trouvait ébranlé dans la confiance à ces médicaments sans pareils, il trouverait les homœopathes ve-
nant au devant de ses objections et lui répondre par une véritable fin de non recevoir.
Ces médecins disent que Hahnemann a découvert encore que l’acte de broyer les sublances ou de secouer les liquides qu'ils mélangeaient développait, à un haut degré, l’énergie de leurs propriétés pathogénétiques.
En vérité, c’est marcher de merveilles en merveilles!
On compare bien il est vrai, ce qui se passe, dans le broiement des substances au plaleau de verre frottécon-tredes coussins, et l’on demande si l’on comprend la production du (luide électrique ? Certc si 011 ne la comprend pas parfaitement, 011 apprécie du moins très-bien ce. fluide par ses effets, tandis qu’il n’en est pas ainsi des médicaments homœopatbiques ; ce que je prouverai dans la suite de cet écrit.
Quand Hahnemann adopta le principe des doses infi-nitésionales, n’est-il pas permis de croire qu’il était tombé dans la triste mélancolie que fait naître le scepticisme à la vue du chaos qui régit la thérapeutique et la matière médicale de la médecine des écoles? Ne pensait-il pas comme un médecin qui, dans son désenchantement s’écriait : quand je suis sorti de l’université, je connaissais plus de vingt remèdes pour chaque maladie, et maintenant que j’ai vécu, il y a plus de vingt maladies pour lesquelles je ne connais pas un remède.
Tous les médecins qui ont le génie de la nature, ne gémissent-ils pas sur cette confusion luxueuse d’un savoir pédantesque qui vient classer les maladies de l’homme comme Linné ou Jussieuont faitpour les plantes et les animaux, et qui prétend traiter ces désordres de la vie comme un réactif décompose des éléments chimiques.
Fourcroy ne disait-il pas : Tant qu'on fera usage des
remèdes composés de la pharmacopée galénique, tant que la routine continuera à dicter aux médecins les formules compliquées d’un plus ou moins grand nombre de médicaments,on ne pourra jamais rien sa voir sur leurs véritables propriétés. L’ancienne école de Cos employait des remèdes simples, elle ne se servait point de ces mélanges informes qui surchargent nos dispensaires, elle ne connaissait pas les apozèmes, les tisanes royales; simple comme la nature dans scs opérations, elle ne présentait aux malades qu’un seul remède, et elle ne les administrait (pie l’un après l’autre, lorsque les circonstances exigeaient qu’on en changeât la nature.
11 faudrait, dit le docteur Munaret, un autre Hercule pour balayer l’écurie de nos Augias polypharmaques, après avoir brisé avec la massue ces plusieurs centaines de bocaux qui ne renferment que de l’érudition en substance pour le formuliste, de l’argent pour celui qui fait métier de la vendre et des nausées au moins inutiles pour la portion malade de l’humanité.
Eh bien ! Hahnemann a été cet Hercule : il a réduit au néant la matière médicale, il a fermé les officines somptueuses; médicaments et pharmacies sont descendus aux proportions atomiques.
Mais cette réforme inouïe par sa conception vaste et ses prétentions sans appel n’est-elle pas, par sa rigidité exclusive, tout à fait inconciliable non-seulement avec le bon sens, mais avec la nature même dont elle prétend rappeler le régne et la puissance.
La très-grande majorité des médecins abusent des médicaments et des doses auxquelles il conviendrait de les donner, je le sais ; mais ce malheur, que le grand Ilippocrate déplorait lui-même ainsi que l’influence per-
nicieuse des systèmes, ne détruit pas la propriété médi-catrice des substances.
J'ai une lièvre inflammatoire, ma tète est le siège de violentesdouleurs, tout mon corps est en feu, ma soif est ardente : je me fais tirer du sang en quantité proportionnée aux nombreuses considérations qui guident la conscience du bon médecin, je fais usage de boissons acides, et je suis mieux. La doctrine homœopalhique reprochera ce sang versé, mais, pour preuve qu'il fallait en perdre, c’est que, chez les individus dont la constitution permet à la vitalité de réagir suffisamment et à temps convenable, il se fait des hémorrhagies, presque toujours nasales, pertes de sang qui jugent la maladie. Le médecin qui est attentif et assez clairvoyant pour saisir le moment où son action sera salutaire ne fait donc qu’imiter et aider la nature. Vous avez une céphalalgie frontale intense, des bourdonnements, des vertiges, votre pensée est difficile, vous frissonnez; mais il n’y a pas de mouvement fébrile, la langue est pâle, votre teint est mat, votre tempérament bilieux, et un vrai disciple d’IIippo-crate vous administre un vomitif ou un purgatif convenablement choisi. Le lendemain, cet état qui durait depuis plusieurs semaines, qui avait été pris pour une congestion sanguine et traité en vain par les sangsues, est jugé. C’était l’estomac qui, fatigué par des sa-burreset la bile, agissait sympathiquement sur lecerveau. En homœopathie, il n’y a pas plus de purgatifs que de saignées, pas plus de vésicatoires que de sinapismes.
Voyez donc encore ce pauvre petit enfant qui râle à faire pitié. Il a pris un rhume; il a la lièvre, il étouffe : il ne sait et ne peut arracher les mucosités qui obstruent ses poumons. Allez-vous attendre l’action d’un globule de bryone ou d’ipéca ? Oh ! je n’excuserais en vous cette té-
mérité que par la force de votre conviction; car donnez l’ipécacuanha comme nous, en sirop et à dose vraiment puissante, et l’expulsion des crachats sera forcé-rnentamenée avec les vomissements. Ce n’est pas naturel, dites-vous ? Mais sachez donc que trop souvent les puissances vitales de l’organisme sont insuffisantes pour amener ou achever la crise qui jugerait la maladie : vous la voulez comme le médecin vitallste, cette crise, seulement vous croyez pouvoir la provoquer mieux que lui avec une fraction d’atome du médicament. Là est votre erreur; car une dose plus ou moins grande, sans doute, mais toujours pondérable ou au moins appréciable par un de nos sens, sauvera le malade d’une mort qui serait inévitable entre vos mains. J'ajoute à la condition de pondérabilité celle d’être appréciable par un des sens; caries plus grandes puissances sont impondérables, mais elles sont sensibles par leur action, et appréciables par d’autres propriétés et qualités.
Vous avez des faits, des guérisons. Je le sais, et c’est par là que je veux démontrer l’impuissance où vous êtes de prouver que ces guérisons sont dues à vos médicaments, à vos apparences, dois-je dire, car je n’admets pas qu’il y ait médicament.
Je suis convenu tout à l’heure, et cela avec les plus grands maitres, que très-souvent le médecin troublait la nature, pervertissait sa marche et rendait plus longue, incurable ou mortelle quelquefois une maladie qui, abandonnée à elle-même, aurait guéri. 11 ne faut pas contester celte vérité : l’autorité des siècles d’expérience est là pour m’appuyer. A la place de ces médecins, malheureusement trop confiants dans la médecine ma thématique, chimique et polypharmaceutique, supposez-en un qui appartienne sans partage à cette doctrine de l’expec-
tation qui no faiique de l’hygiène; assurément, ce médecin sauvera les malades que son confrère aurait tués. Si, au lieu d'hygiène, ce médecin avait fait de l'homœo-pathie, il aurait renvoyé à ses globules l’honneur du succès qui est venu de la vitalité même de l’individu, et des circonstances heureuses et bien dirigées dont on a eu l’intelligence d’entourer le malade.
Les malades qui, le plus souvent, réclament le secours de l’homœopathie, sont ceux que n’a pu guérir la médecine orilinairc. Fatigués d’attendre la santé qu’on leur promet toujours, épuisés par les souffrances et par la durée de leur mal, ils n’hésitent pas à renoncer aux médecins, puisque, malgré tous leurs soins, ils demeurent impuissants à les rétablir; or,ces cas désespérés, abandonnés quelquefois, font précisément la gloire de 1 ’homœo-pathie, car c’est parmi eux qu’elle compte ses succès qui étonnent le plus. Et pourtant, la chose est plus simple qu’on ne croit le penser.
Pourquoi, médecins allopathes, avez-vous si mal conduit cette maladie, que vous avez fait passer à l’état chronique, soit par votre hésitation, soit par voire persistance dans l’emploi des émissions sanguines, dans celui de purgatifs intempestifs, dans l’usage de formules composées et variées à l’infini, dans l’administration de médicaments énergiques donnés à des doses trop élevées et changés du matin au soir? Pourquoi avez-vous assimilé ce corps à un matras, dans lequel vous avez rassemblé un si grand nombre de substances dont vous connaissez peu le mode intrinsèque d’agir, et qui, comme dit un poète,sur un autresujet, hurlent dese trouver ensemble? C’est vous, disciple indigne d’Hippoerate, qui avez fait cette maladie rebelle, c’est vous qui avez préparé la gloire de celui qui, venant après vous, fait
table rase de toute votre pharmacie, de votre régime mal combiné, et qui, remettant l'organisme dans des conditions de repos, lui permet de réagir contre les désordres dont il est accablé.
Oui, jesuisconvaincu par l’observation attentive, que beaucoup de maladies qui ont résisté à des médications nombreuses et variées, se guérissent plus vite et mieux quand, abandonnant les remèdes, un nouveau médecin place le malade dans des conditions d'hygiène et de régime opposées à celles dans lesquelles il était auparavant. Mais, pour que le succès couronne le nouveau médecin, il faut qu’il y ait encore dans l’organisme assez de vitalité pour que la réaction des forces conservatrices de la vie soit assez puissante pour amener les crises qui doivent détruire les états pathologiques des organes affectés ; sans cela, la guérison est aussi impossible par la nature que par l’art ; celui-ci même, convenablement appliqué, peut seul triompher.
Je me rappelle qu’un célèbre médecin homœopathe que j'estime beaucoup à cause de scs idées avancées en philosophie médicale, m’écrivait en réponse à un conseil que je lui demandais pour entreprendre homœopa-thiquement le traitement d’un anévrisme passif du cœur : « Vous ne pouvez que soulager ici... Du reste, il faut savoir choisir ses malades; si la vitalité est impuissante, que voulez-vous faire i Ce tact particulier faisait le talent de Hahnemann. »
En voici assez pour la part de la nature dans la médecine homœopathiquc; ce sujet serait riche à traiter, mais j’écrirais un volume et j’ai hâte de linir. Voyons ce que peut aussi l’esprit du malade.
Pour être bien compris ici, j’aurais besoin d’entrer dans des considérations de physiologie transcendante,
et ce serait encore trop long : il faut que je me borncà ce que la question a de plus simple. Je demanderai donc de suite à l’homœopaihe : Connaissez-vous la puissance delà pensée sur l’organisme? Vous y croyez peu dans les faits ordinaires de la vie physiologique et ne l'admettez que dans certains cas de haute valeur. Eh bien ! écoutez-moi : j'ai fait beaucoup de magnétisme, et, dans cette pratique, j’ai appris des choses bien curieuses sur l’homme. Entre autres, j’ai appris qu’il se trouvait des individus pour lesquels la croyance avait la valeur et la qualité de la substance. Je m’explique : en magnétisme on peut charger un corps quelconque de fluide magnétique, et ce corps agit sur les personnes sensibles à l’action magnétique comme si elles étaient magnétisées directement. J’ai donc souvent profité de ce moyen mixte pour actionner et endormir des personnes prés desquelles je ne pouvais demeurer ; tantôt c’était une bague que je leur mettais au doigt, tantôt un mouchoir que je leur donnais à tenir ; d’autres fois c’était un verre d’eau qu’elles buvaient lorsqu’elles voulaient entrer dans le sommeil, et jamais ces objets ne manquaient leur effet. Bien plus, je communiquais à l’eau la vertu purgative, et l’individu, bien éveillé, buvant cette médecine bien simple, éprouvait son action évacuante, mais il savait que cette eau était magnétisée dans cette intention. Il arriva que j’expérimentai de manière à ne plus magnétiser les objets, les donnant aux sujets comme l’étant néanmoins, et les effets se reproduisirent. Et l’eau purgea de même (1) !
(1) Iles faits bien constatés prouvent cependant aussi que des substances magnétisées agissent réellement sur des personnes très-sensibles, el sans nul concours de leur imagination, puisqu'on avait procédé tout à fait à leur insu
Singulières natures qui sont pour le médecin physiologiste une source féconde d'observations.
Quand je me mis à étudier l’homneopathie, car je regarde du devoir du médecin d’étudier et d’expérimenter tous les systèmes qui prétendent apporter quelque perfectionnement à la médecine, quand donc j’expérimentai 1 hoinœopathie, il arriva que la prise de globules amena, chez certaines personnes, soit malades, soit bien portantes, des modifications extraordinaires, et je lus prêt à croire à l’action des infinitésimaux. Mais la contre-épreuve vint ine désabuser : car du sucre de lait pur ou de l’eau sans mélange produisirent des désordres analogues, tels que fièvre, malaise, céphalalgie, nausées, selles, dérangement des règles. Certes, si sur d’autres personnes en état de santé j’avais pu, comme en magnétisai e déterminer des effets positifs par les globules homœopathiques, effets qui auraient dù être en rapport avec la propriété du médicament, il aurait été facile de donner sa conviction malgré les phénomènes dus à l'influence de l’imagination; mais, loin de là, pour que quelqu’un de bien portant éprouve l’action d’un médicament, les homœopathes font prendre une dilution voisine de la teinture mère, et, beaucoup, celle-ci même. Four expliquer cette manière d’agir, ils disent que I homme sain étant moins sensible que celui qui est malade, il faut des doses plus fortes pour l’impressionner. D'accord, mais pour les teintures mères, il n’y faut pas penser, parce que ce sont des médicaments que la médecine ordinaire ne répudierait pas à quelquesgouttes, et pour les dilutions inférieures, je désirerais que l’on donnât un médicament bien fixedanssa vertu spécifique, et, qu'ignoré de celui sur lequel on expérimente, il fût prisparlui etproduisitses symptômes propres, telslesou-
fre et la pulsatille, les éruptions et les démangeaisons; le quinquina, les frissons, etc. Comment sans cela pouvoir reconnaître la vertu des remèdes homœopathiques ? Ils n’agissent que sur le malade, dit-on; mais nous savons que mille affections guérissent seules, que l’imagination a quelquefois une puissance vraiment extraordinaire, et nous sommes ainsi sans contrôle rationnel sur l’action des infinitésimaux.
L’influence de l’imagination, au degré que j'ai signalé, est assez rare; mais si on y joint les circonstances dont j’ai parlé pour les malades qui changent de méthodes et de médecins, on comprendra facilement une action mixte et assez puissante pour réveiller l’énergie vitale et agir dans le sens même de la nature.
D’autres fois une autre particularité vient encore aider la guérison : c’est la préoccupation qui agite un public qui entoure le malade. Ce genre d’action rentre dans le même ordre que celui dont je viens de parler. Une idée nouvelle se répand, les uns l'accueillent, les autres la repoussent, elle fait des prosélytes, et ceux qui l’expérimentent, dans les conditions individuelles signalées comme nécessaires à l’influence, en sont bien plus vivement impressionnés que dans tout autre temps où les esprits sont calmes et comme blasés par l’habitude. Ceci s’applique à tout, du reste, à la médecine ordinaire comme à l’homœopathie, et c’est pénétré de cette vérilé que Barthez disait : « Dépêchez-vous d’user de ce remède pendant qu’il guérit. »
Les objections que je viens de formuler contre l’ho-mœopathie ne sont pas nouvelles et ont eu leurs réponses de la part des disciples de Hahnemann. Pour mettre à même de juger leurs moyens de défense, je vais en reproduire la substance.
Voici ce que dit le docteur Jahr : « Quelque absurdes que paraissent au premier aspect les atténuations infinitésimales, il n’en est pas moins vrai que même la 30e, loin d’avoir perdu toute efficacité, se montre souvent encore trop énergique, et le Dr Korsakow, de Saint-Pétersbourg, qui a poussé les atténuations jusqu’au nombre de 1500, a constaté le même fait de la dernière préparation de cette série. »
L’explication de ce phénomène inoui, s’opère de diverses manières; voyons d’abord celle de Hahnemann.
Le créateur de la doctrine posait en principe que, plus on divisait les parties matérielles d’une substance, plus la vertu ou l'esprit du médicament se mettait en évidence. Les disciples ont parfaitement compris la faiblesse de ce principe, et ils ont été les premiers à dire : Si ce principe est vrai, un grain de la 30e atténuation d’une substance, dont un grain donne la mort, devra produire ce résultat d’une manière beaucoup plus certaine. Or, cela n’est pas; témoin l'arsenic qui tue à quelques grains et qui perd sa nocuité à mesure que la dose diminue, que celte dose soit triturée et secouée; témoin la morphine, l’acide prussique, etc...
On a généralement préféré l’explication suivante donnée par le docteur Doppler, de Prague. D’après cet ho-mœopathe, l’effet que produit sur les molécules la division à l’infini est tel que, si les molécules d’une poudre fine sont à la dose de 5 centigrammes, en état de constituer par l’ensemble de leur surface une superficie totale de cent mètres carrés, et si chaque trituration de vingt minutes ne divisait chaque molécule qu’en cent corpuscules plus petits, les molécules de la 30e atténuation seraient tellement divisées qu’à la dose d’une goutte seulement elles pourraient occuper par l’ensemble de leur
surface une superficie totale de plusieurs milliers de décamètres. Si ce calcul, que chacun peut du reste vérifier, est juste, il n’y a en effet rien de plus facile que de concevoir non-seulement comment la 30' atténuation peut encore se montrer efficace, mais aussi un seul globule de cette atténuation peut avoir encore assez de vertu pour rendre un verre d’eau presque aussi énergique qu’un médicament pur... Et encore: La surface totale que, après les triturations et les succussions ordinaires, un seul globule de la 30' atténuation saurait déployer, est déjà tellement vaste, que si le temps ne lui vient pas en aide, elle ne trouvera jamais assez d’espace dans les organes pour se développer de manière à c e que chacune de son infinité de molécules puisse entrer en action; c’est pourquoi on doit éloigner l’administration des doses à plusieurs jours d’intervalle (V. Pharmacopée ho-mceopaütique, par Jahr).
Voici sur quels raisonnements les homœopathes appuient leur principe des infinitésimaux. N’est-ce pas le lieu de rappeler ces mots de Laubardemont : Donnez-moi une ligne de la main d’un homme, etje le ferai pendre? Assurément il faut savoir trouver dans les raison-nemeuts et les faits scientifiquesdes interprétations qui ne s’y trouvent pas pour appliquer à la thérapeutique de l’homme des principes de géométrie et de physique. Les atomes d’une substance vont s étaler dans le corps,comme le sable sur la terre, ou un gaz dans un ballon, sans avoir à lutter en rien contre les diverses combinaisons chimiques des élaborations des organes, et sans rien éprouver non plus des forces électro-chimiques de la vitalité! Ici, point de réaction de l’organisme, la dose est trop minime, et d’ailleurs elle va directement à l’organe malade pour l’aider à repousser le désordre; c’est,
comme dit Hahnemann, « un tout pelit cheval qui s’ajoute à un autre impuissant à tirer de l’ornière une charrette embourbée! »
Je pourrais exposer encore quelque nouvelle explication, mais 011 peut avoir pris une idée des théories qu’elles développent. C’est toujours par des raisonnements métaphysiques qu’elles prétendent donner la solution de l’action des atomes homœopathiques, et, en vérité, ces thèses sont insoutenables, puisqu’elles ne peuvent recevoir la sanction de l’expérimentation. Les guérisons ? je les renvoie à la oie elle-même; prouvez le contraire eu démontrant la puissance de votre atténuation?Vous êtes impuissants, puisque pour agir sur l'homme sain il vous faut revenir aux teintures mères et recourir à une explication de pure théorie pour justifier cette dérogation à vos principes ; et si quelques individus sont actionnés par les globules nous trouvons qu'on en peut faire autant avec des pilules de mie de pain, ou de l’eau pure et des voyages.
J’aurais fini avec l’homœopathie, s’il n’y avait pas encore un autre point de doctrine, tout aussi extraordinaire que ceux dont je viens de parler.
Ce point de doctrine consiste à prétendre que la cause des maladies chroniques est la gale, la syphilis et la sy-cose, virus qui, transmis de génération en génération, restent latents dans un organe et finissent par produire phthisic, catarrhes bronchique ou vésical, hépatites, gastrites, entérites chroniques, rhumatismes, scrofules, asthmes, et toutes les affections qui ne revêtent pas la forme aiguë.
On est de plus en plus étonné d’entendre des médecins tenir un pareil langage. Des gens du monde qui n’ont point médité, qui n'ont point vu les faits cliniques et
anatomiques pourraient seuls avancer des paradoxes aussi faux.
Les médecins n’ont jamais nié que la svpliilis et le principe dartreux ne fussent transmissibles par voie d’hérédité, et ne donnassent lieu à certaines formes morbides; mais ils n’admettront jamais que ces virus soient la cause de toutes les maladies chroniques, delà plupart, si vous voulez même, pour être moins exclusif.
Ce serait méconnaître toute notion de physiologie que d’iidmettre une semblable théorie. Que de causes peuvent troubler les fonctions d’un organe et causer sa souffrance, sous forme chronique! IJue affection aigué, mai traitée, ne se résout qu’imparfaitement et détermine une maladie chronique! Un rhume tout simple, négligé, peut se changer en catarrhe chronique, il peut même donner naissance à la phthisie ! Une alimentation insuffisante ou malsaine déterminera des affections scorbutiques et dartreuscs; combinée à l’influence d’une habitation insalubre, elle peut faire les scrofules, et le rachitisme ! Un coup, une chute peuvent occasionner des congestions, des stases des liquides dans les organes, et amener des désordres qui sont longs à se manifester et qui laissent souvent des maladies chroniques ! Des maladiesdu cœur, du foie, des hydropisies, n’ont pas eu, bien souvent, d’autre cause. Comment aller supposer la gale, dansdes cas si clairement expliqués, et traiter ces affections par des globules de soufre?... Et sur ce virus de gale que vous supposez si gratuitement, que d'objections il y aurait à vous faire! Pour vous, l'acarus est le produit et non la cause de la maladie; mais qui vous l’a dit?Certes, le nombre des individus guéris de la gale par notre médecine est bien grand, et après leur guérison on n'a rien vu qui ressemblât à une répercussion. Leurs maladies
chroniques viennent de là , selon vous ; mais beaucoup vivent longtemps bien portants el meurentde maladies aiguës : où trouver le virus que vous nous accusez d’avoir fait rentrer? Et puis comptez vos guérisons de gale, avec les globules de soufre et sans médicaments qui tuent l'acarus des boulons; si elles sont possibles, elles seront bien longues à obtenir, el vos malades courent risque de ressembler à la plèbe de l’Italie et de l’Espagne, chez laquelle la gale est comme endémique, à cause de la malpropreté et du contact incessant.
En achevant ce chapitre, je me demande si on pourra trouver ma critique injuste ? Je ne puis le croire; elle repose sur des principes tellement faciles à apprécier qu’il est impossible à toute personne un peu versée dans les études de physiologie humaine de ne pas saisir tout ce qu’a de spécieux et de faux la doctrine homœopathi-que.
Du reste, je conseillerai à ceux qui voudraient méditer sérieusement la question de puiser dans les écrivains consciencieux qui ont étudié l’homœopathie, les lumières nécessaires pour être à même de pouvoir ensuite juger la valeur des objections que j’ai faites.
Physiologistes vitalistes, les homœopathes ont de commun avec nous bien des points de doctrine, mais ce (pii nous séparera toujours, ce seront les deux principes établis par Hahnemann, savoir : les infinitésimaux et la théorie des maladies chroniques.
Quoi qu’il en soit de mon opinion à l’égard de l’ho-inœopathie, je reconnaîtrai néanmoins avec admiration que Hahnemann a préparé pour l’avenir de la médecine un progrès véritable. A lui reviendra, en effet, la gloire d’avoir éclairé les esprits sur la valeur de la méthode homœopathique. La loi des semblables, indi-
quëe chaque jour au médecin, par les faits de sa pratique, était méconnue dans son principe, et il est constant qu’elle peut rendre en thérapeutique de grands services. Depuis que Hahnemann a fait connaitre celte loi, les thérapeutistes l’ont étudiée davantage et appliquée plus souvent.
Un autre bienfait qu’aura rendu Hahnemann, sera la consécration pratique de l’action nuisible d’une médication trop variée, trop luxueuse et trop énergique par les doses des substances qu'elle administre dans îles affections qui guériraient mieux et plus vile par une médication plus simple et plus en harmonie avec les procédés de la nature.
Le Magnétisme.
Si l’homœopathie, pour avoir puisé dans la doctrine du vitalisme quelques-uns de ses principes, a cru pouvoir prétendre à se faire une doctrine générale et unitaire, certes le magnétisme pourrait bien, à plus juste droit assurément, aspirer aux mêmes prétentions. Mais le magnétisme, pas plus que toute autre système, ne peut être une doctrine dont l’application satisferait à tous les cas de maladies.
Le philosophe qui comprend que la matière est inerte par elle-même, et qui la voit s’organiser, fonctionner et accomplir les actes les plus transcendants de la vie, doit nécessairement admettre un moteur dont l'activité et le mouvement est l’essence. — L’existence des fluides impondérables fut pressentie par le génie avant d’être démontrée et acceptée par la science.
Or, si la création a son moteur, son fluide vivificateur,
l’homme, pensaient les anciens philosophes, doit aussi posséder une force distincte de son organisme.
Remonter à l'origine de celle doctrine est chose impossible ; car avant Platon, qui a traité, avec toute la lucidité du génie de son médiateur plastique, Anaxagore, chef de l’école ionienne, avait créé un système de physique générale dans lequel il distinguait une cause motrice différente de la matière, mais inhérente à elle. Hippo-crate aussi a parlé de cette même force élémentaire, qu’il appelait Cubis, et avant tous les philosophes Moïse s’exprimait d’une manière précise dans la Genèse, relativement à la lumière qui fut la première force créée.
Toute doctrine qui s’est élevée sur l’existence de celte entité positive, admise comme principe des phénomènes de l’organisme humain, appartient évidemment au vitalisme; peu importent ensuite les modifications que telle ou telle école a pu apporter au principe fondamental, la dualité de l’organisme vivant était consacrée.
Pour les médecins qui s’étaient rangés sous la bannière du vitalisme, le problème de la curalion des maladies paraissait simple, et consistait à trouver le moyen de préserver l’élément vital de toute altération, d’augmenter son énergie ou de la diminuer, suivant le cas.
Un semblable raisonnement était évidemment paradoxal, et dénotait une appréciation incomplète des différons éléments qui composent l’homme, et une fausse idée de la nature de la maladie.
Mesmer, dominé par les idées d’une physiologie transcendante dont les bases se trouvaient dans tous les écrits des philosophes mystiques et vitalistes, rassembla ces éléments de la doctrine des Van Helmont, Maxwell, Wir-dig; et formula un système de physiologie générale
qui reposait sur la doctrine du fluide universel, et auquel il donna le nom de magnétisme.
Dans son système, Mesmer admet donc l’existence du fluide universel qui détermine les influences diverses de tous les êtres de la création. Cette opinion est vraie dans son principe et fausse dans ses conséquences.
C’est une erreur, en effet, de dire que l’homme est vivifié par le même fluide que les végétaux et les corps célestes; s’il en était ainsi, son action sur ces êtres de la création serait réelle et possible, et alors de quels désordres la nature ne serait-elle pas agitée?
L’homme est vivifié par une impondérable particulier : c’est le fluide nerveux. Ce fluide, comme la lumière, le calorique, l’électricité, est une modification du fluide éthéré, mais ce n’est plus ce fluide ; et, par suite de sa nature spéciale, il n’a plus que des rapports d’analogie avec cet impondérable et les autres. Ces rapports peuvent permettre certaines influences, mais qui sont loin de constituer les phénomènes généraux et certains qui résulteraient de la réalité de la doctrine de Mesmer.
Charpignon, D. M. P.
(La suite au prochain numéro.)
VARIÉTÉS.
Correspondance. — Nous avons promis de faire connaître à nos abonnés les détails qui nous parviendraient sur l’état actuel du magnétisme dans les départements. Nous avons déjà donné à cette promesse un commencement d’exécution en publiant la lettre de M. Boméa; nous continuons.
— Le lendemain de la révolution nous demandions réparation de la mesure arbitraire dont le commandant Laforgue avait été l’objet de la part du parquet de Pau (1). Nos plaintes n’ont point été vaines. Ce digne ami nous écrit :
Mon bien aimé frère,
Ma cellule a été interdite depuis le 27 septembre 1847, jusqu’au mois de mars dernier. Vous en connaisse! la cause. Depuis le 1er mars ma cellule ne désemplit point. Il n'est pas de jour où Je Seigneur, qui préside dans ma cellule, n’accorde grâces sur grâces aux malades qui viennent de tous les pays. Pour vous en donner une idée, depuis la réouverture de ma cellule jusqu’à ce jour, 35 sourds, depuis l’àge de 14 jusqu'à 80 ans, ont entendu. Grand nombre d’aveugles on recouvert la vue. Des malades marchant avec des béquilles, depuis l’âge de 4 jusqu à 90 ans, ont laissé lems
(I) Voyez tom. vi, pag. 113.
béquilles dans la cellule. Des hydropiques, des paralytiques, en nombre, ont été guéris. Des écrouellcs, des humeurs froides, très-compliquées ont été guéries. Des lépreux, des teigueux, ont été également guéris. Une demoiselle de cette ville, âgée de 25 ans, ayant perdu
1 usage de la parole, depuis 5 ans, et à qui 011 avait prodigué tous les soins de la médecine ordinaire, sans succès, a élé guérie en cinq séances.
Toutes ces cures ont été gratuites, connue toutes celles qui s’opèrent dans ma cellule. Voilà pourquoi le Seigneur les bénit; effet qu’on crie souvent au miracle dans ma cellule. Je n’emploie pour auxiliaire dans le magnétisme que la prière, l’eau et l’huile magnétisées.
Je viens d’obtenir la guérison d’une maladie du foie bien compliquée; l’école de Toulouse n’a point soulagé la malade dans le traitement qu’elle lui a fait subir, et la magnétisation à distance l’a guérie. C’est madame Lasbas, 2, rue Bonaparte, à Toulouse.
11 m est impossible de transcrire toutes les cures qui s opèrent dans ma cellule ni le nombre des malades qui y viennent journellement.
Je vous prie d être l’interprète de l’amour que je porte à tous les frères de Paris et de tous ceux avec qui vous correspondez sur toute la surface de la terre et très-particulièrement au frère du Potet. Je vous prie de lui faire accepter le baiser de paix, que je vous donne en esprit.
Persévérance dans le bien et dans la prière. Patience et constance.
Je vous salue,
Laforgue.
— Un des partisans du magnétisme, qui a déjà beaucoup fait pour la cause, M. Lassngne, le graveur généreux de la belle médaille de Mesmer, répand autour de lui les bienfaits de l’art nouveau. Il écrit de Nogent-Sur-Seine(Aube) :
A M. le baron du Potel.
Excellent maître, excellent ami, je vous écris à la hâte; nous sommes à Nogent depuis un mois occupés à faire du magnétisme jour et nuit. Un volume ne pourrait contenir la moitié des guérisons que j’ai obtenues; c’est à peine si j’en ai gardé le souvenir.
Tous les habitants de Nogent, ainsi qu’à sept ou huit lieues à la ronde, sont surpris de ce que le magnétisme a de puissance sur les malades. Les cures que j’ai faites sont nombreuses et très-surprenantes, car j’ai obtenu guérison sur des malades abandonnés des médecins du pays et de ceux des hôpitaux de Paris; c’est un prodige qu’une réussite semblable. Plus tard je vous citerai les noms, la demeure des malades et la nature de leurs affections.
J’ai fait, en présence de plus de deux cents personnes les plus notables de la ville, des expériences sur plus de vingt personnes dont huit somnambules : toutes en même temps (chose assez difficile pour éviter à chacune l’effet de l’irritation). Le tout m’a très-bien réussi malgré des médecins et des incrédules, qui s’étaient entendus pour me faire échouer.
J’ai si bien réussi que tous les jours jusqu’à uneou deux heures du matin nous sommes encombrés de monde.
On m’a offert une maison pour rien, que j’habite momentanément. Enfin, je bénis mon maître tous les jours d’avoir su imprimer en moi cette puissaucc que je ne me
connaissais point. Un magnétiseur qui viendrait après moi ferait fortune, car moi je ne veux rien; et ma table est fournie à insu.
Ainsi malgré la politique, le magnétisme grandit par vous. Je ne néglige jamais de citer votre nom comme modèle pour la science. Aussi vous êtes attendu comme partout où vos élèves se trouveront posés.
Soyez assez bon pour nous donner de vos nouvelles; j’espère pouvoir vous écrire plus convenablement; car en ce moment, j’ai deux personnes endormies qui m’ô-tent la liberté.
Adieu. Bonheur, prospérité.
Votre élève tout dévoué,
Lassagne.
— Partout où le magnétisme est implanté il ne fleurit pas; car à Metz où de nombreuses et belles expériences ont été faites en 1840, il n’a point progressé. Qu’on en juge par l’extrait suivant d’une lettre de M. Thiry, déjà cité à propos de l’anti-magnétisme.
« Vous medemandez des renseignements relativement à l’état du magnétisme à Metz et dans les environs. J’ai honte de vous dire qu’il n’est pas satisfaisant. Personne ne s’en occupe plus, du moins ostensiblement.
» M. Maguin ne le pratique pas et s’occupe de préférence des sciences occultes.
>> M. le docteur de Ilésimont y a entièrement renoncé, après avoir obtenu de belles cures. Il a éprouvé tant d’ingratitude des malades, tant de désagrément de la part de ses confrères, qu’il ne veut plus s’en occuper,
quoique toujours forme dans ses convictions, qu’il a d’ailleurs exprimées dans son ouvrage (1).
» Il manque ici un homme pour ranimer l'attention publique sur cet objet. Cependant l’incrédulité commence à céder; les expériences de Prudence ont attiré de nombreux spectateurs et amené des conversions. »
— Si de l’est nous portons nos regards à l’ouest nous voyons les mêmes efforts produire des résultats plus décisifs, quoique dans un milieu relativement moins avancé. A Niort on compte plusieurs zélés propagateurs du magnétisme. Le plus ancien, M. le marquis de Saint-Victor, y a très-utilement servi notre cause. Nous avons publié naguère deux cures obtenues par M. Borreau, qui témoignent de son dévouement à la science. Un autre de nos amis, M. Lasseron, directeur de l’usine à gaz, soutient par un zèle éclairé et de nobles exemples les efforts faits par ses devanciers.
Il nous écrit à la date du 22 courant :
Mon cher Monsieur Hébert,
.......Je m’occupe toujours de magnétisme.
Le nombre des croyants augmente chaque jour; on ne se moque plus autant de nous que par le passé, car il est déjà difficile à Niort d’attaquer le magnétisme dans une société un peu nombrense, sans qu’il se trouve là quelqu’un pour le défendre.
Dans l’établissement que je dirige , et qui occupe journellement plus de cent ouvriers, j’ai eu l’occasion de guérir souvent ceux qui étaient atteints de diverses
(1) Le magnétisme animal considéré comme moyen thérapeutique ; son application au traitement de deux cas remarquables de névropathie. t vol. in-8.
maladies. Peu à pou la médecine magnétique a pris faveur parmi les ouvrier», et aujourd’hui plusieurs magnétisent leurs camarade». 11 y en a sept ou huit qui pratiquent et quatre-vingts, au moins, qui croient à la puissance curative do l’agent magnétique. Chacun d'eux, en dehors de l’établissement raconte ce qu’il a vu ou senti} de sorte que par ce moyen j’espère faire passer la croyance dans les masses.
Nous n’avons pas encore pu organiser une société, et rien ne me donne l’espoir de la voir se réaliser promptement : il faudrait votre présence ici pour nous conduire à un résultat semblable Si vous n’avez pas ro* noncé à votre projet de venir nous faire une visite, je vous prie, mon cher monsieur, de vous rappeler que j’ai un logement à votre disposition et de croire que le jour de votre arrivée à Niort sera un jour de fête pour tous les amis du magnétisme.
Veuillez présenter mes hommages à M. du Potet et agréer mes sincères salutations. C. Lassbron.
nécrologie — Le prince de la chimie moderne, le célèbre Berzélius, vient de mourir en Suède, sa patrie. Le magnétisme perd en lui un brillant soutien, non qu’il le pratiquât, mais parce qu’il en prit la défense dans une occasion solennelle et que sa voix était prépondérante dans tous les conseils académiques. No» lecteurs ont souvenance qu’il adhéra aux expériences du baron de Reichenbach, aux mêmes que l’acca-démie de Vienne venait de condamner et dont nous avons publié le rapport dans notre avant dernier numéro. Si le magnétisme n’avait pas les faits, qui le rendent impérissable, et qu’il dut être admis ou rejeté d’après l’opinion des savants, de quel poids celle de celui-ci
ne pèserai t-elle pas dans la balance’.* Que sont les Burdin, l\Iagendie,Gerdy, etc., en présence de celui dont toutes les sciences déplorent aujourd'hui la perte?
l''uK(‘iiiuti»ii. — Sous ce titre la Démocratie pacifique publie la fable suivante du la Fontaine moderne:
■ Il ne faut pas jouer avec le magnétisme !
Me disait une femme, en sa naïveté.
Hier, il a vaincu mon superbe héroïsme.
Et fait évanouir mon incrédulité.
Chez moi, j'avais admis, en toute confiance,
Un magnétiseur renommé.
— Monsieur, contre votre influence Vous trouverez, lui dis-je, un sujet bien armé.
Je ne ressens pour vous que de l'indifférence, lit brave vos efforts... — Soit ! dit-il, essayons.
Et ses yeux vers mes yeux dardent tous leurs rayons,
Dans l'air, autour de moi, sa main passe et repasse.
Sous cette impression mon front bientôt se lasse,
Je me lève... son bras est toujours étendu...
Dans le vide mon pied s'arrête suspendu.
— Je ne dormirai pas! Laissez-moi ! grâce! grâce!
Je retombe... un sommeil do plomb ferme mes yeux.
Tenez : sans ironie accueillez mes aveux :
Il vient; je veux fuir ; je le voux !...
Oh ! qui m'expliquera cet étrange problème?
Jo veux fuir... et je vais lui dire que jo l'aime. •
Tout peuplo se débat contro une vérité.
Il s'attache au présent, et l'avenir l'ontratne.
En vain il veut briser l'irrésistible chaîne :
La vérité persiste, et le siècle est dompté.
Pierre Laciiambeaudib.
Chronique. — Les événements politiques, qui ont entravé la marche progressive du magnétisme en France, sont sans effet en Angleterre. Là la propagande est plus active que jamais; nous en entretiendrons bientôt amplement nos électeurs, car ce qui s’y passe maintenant est digne de tout leur intérêt.
— Un cours de magnétisme est annoncé comme devant avoir lieu chez M. Marcillet, par M. Hébert d’A-veney. Plusieurs personnes, trompées par rhomonymye, ont cru que c’était M. Hébert (de Garnay) et s’en sont étonnées. Celui-ci s’empresse de prévenir qu’il est tout à fait étranger au cours projeté.
— Nous avons appris de nos correspondants italiens que l’auteur de l’ouvrage analysé clans notre tom. vi, page 281$, n’est autre que lecélèbre Orioli.
Revue ilc«i Journaux. — La Patrie du 1(> courant reproduit le récit de l'impartial de la Meur-the, concernant le somnambule Ilusson.
— La Mouche, dont nous avons annoncé la cessation de publication, a paru pour la dernière fois le 29 juillet. Dans ses adieux à ses abonnés le docteur Ordinaire rappelle ce qu’il a fait pour éclairer le peuple dont il est un des plus fermes soutiens. Le magnétisme trouve naturellement sa place dans cette énumération. M. Ordinaire en parle en ces termes :
« Sous le titre de magnétisme, la Mouche a bravé le scepticisme du plus grand nombre pour défendre une vérité nouvelle à laquelle l’avenir réserve un rôle important. La première révolution a été fatale au mesmérisme; la seconde, si elle ne devient pas la parodie de la liberté, lui sera peut-être plus favorable. Déjà les écrivains les plus distingués ne rougissent pas de s’en déclarer les partisans, et, pour preuve, nous croyons devoir reproduire une lettre fort spirituelle adressée au baron du Potet par un des savants les plus connus de Bruxelles. »
La lettre en question est celle où M. Jobard traite du Magnétisme de la sottise.
BIBLIOGRAPHIE.
Solidarité. Vue symbolique de la docuine do Cli. Fourier, par llippo-lyte Renaud. 1 vol. in-8, 3e édition. Paris, 4 846.
Nous avons dernièrement extrait des écrits de Fou-rier ce qu’il dit du magnétisme. Nous passerons maintenant en revue les ouvrages des plialanstériens qui ont traité la même question. Nous espérons montrer par ces citations que le mesmérisme a tout à attendre du concours de ces hommes de l’avenir.
L’auteur de Solidarité s’exprime ainsi sur l’objet qui nous occupe :
« On a appelé magnétisme animal cette influence qu’un homme peut exercer sur un autre homme par l’action de sa volonté. Le magnétisme produit souvent un sommeil plus ou moins profond, sommeil qui se distingue quelquefois du sommeil ordinaire parles phénomènes les plus étranges. Le sommeil, dans ce cas, a reçu le nom de somnainl>uli.tme.
» Le somnambule jouit de l’exercice de ses facultés sensitives sans le secours de ses organes habituels. 11 voit à travers les corps opaques, et quelquefois à grandes distances; il saisit des pensées qui n’ont élé exprimées ni par le signe, ni par le son; il perçoit des saveurs qui n’existent que par la volonté du magnétiseur; il peut être rendu insensible aux coups, aux blessures-enfin, sus facultés intellectuelles semblent ne plus dépendre decelles qu’il possédait à l’état de veille, et il se
trouve doué, tout à coup de la connaissance de choses dont il ne s’était jamais occupé.
» Cet état singulier se présente avec une grande variété dans les phénomènes, mais il est toujours parfaitement inexplicable avec les connaissances scolastiques actuelles de l’humanité. La conception de Fourier peut seule en rendre raison facilement.
» Le magnétisme aurait pour premier effet de suspendre les fonctions sensitives du corps pondérable ; son second effet serait de tirer, très-imparfaitement, le corps aromal de son engourdissement, en rendant à l’âme la faculté de l’employer. L’âme se servirait du corps aromal dans le somnambulisme; elle verrait, elle entendrait, elle goûterait, elle aurait conscience d’elle-mème, par l’intermédiaire de scs organes aromaux, organes dont la perfection explique ce que les phénomènes magnétiques ont de merveilleux. La vision pourrait s’opérer à travers les corps opaques que les arômes traversent si facilement. L’âme retrouverait, en en cherchant la trace sur son corps aromal, avec le souvenir des vies précédentes, des idées et des connaissances quelle n’a plus quand elle ne peut user que du corps mondain.
» Un fait a été constaté par tous ceux qui se sont occupés de magnétisme. Dans le somnambulisme on a la mémoire de ce qu'on a vu dans la vie ordinaire et dans les somnambulismes précédents; au réveil on ne sait rien de ce qui s’est fait pendant le sommeil magnétique.
» Ce souvenir dans un cas, cet oubli dans l’autre, sont absolument semblables à ce qui se passe dans les deux vies : vie aromale avec double mémoire, vie mondaine dépourvue de souvenirs. L’explication est la même : dans le somnambulisme, le corps pondérable endormi ne re-
rroit pas d’impressions de l'extérieur, et quand l’âme en reprend possession, elle ne peut y lire ce qui n’y est pas gravé.
« Il est un état, décrit par les magnétiseurs sous le nom Yextase, que la conception de Fourier expliquerait encore avec facilité. Après être revenu à lui-méme, après être sorti de la crise pendant laquelle la vie semblait avoir abandonné son corps, l'extatique raconterait qu’il a voyagé dans l’espace, qu'il a rencontré des vivants avec lesquels il n’a pu entrer en relation, mais qu’il a pu communiquer avec les morts, qui, du reste, ne lui inspiraient aucun effroi.
» Ce voyage de l’extatique ne pourrait être qu’un voyage du corps aromal, au moyen duquel 011 ne peut communiquer avec les mondains, quoique l’on puisse les voir, mais qui permet d’entrer en rapport avec les ultra-mondains. On conçoit d’ailleurs que l’aspect de la vie supérieure inspire à l’extatique un vif désir d’y rester, désir qu’il manifeste toujours en se plaignant d’avoir été ramené à la vie présente.
» Ceux qui nient les phénomènes du magnétisme animal seraient forlembarrassés pour expliquer les phénomènes analogues et non moins extraordinaires du somnambulisme naturel, phénomènes trop bien constatés pour qu’il soit permis de les révoquer en doute.
» Le somnambulisme est un état de transition entre les deux vies, état dans lequel lame emploie simultanément, mais imparfaitement, les deux corps dont, dans les cas ordinaires, elle doit se servir alternativement. Cette transition n’est peut-être pas la seule que nous puissions observer. On voit des hommes qui paraissent jouir de facultés vraiment aromales dans un certain cercle; par exemple, pour découvrir des sources ca-
chées. Doit-on rattacher à la même explication la facilité avec laquelle certains enfants parviennent à résoudre, en quelques minutes, des problèmes d’arithmétique qui auraient coûté des journées entières aux plus habiles calculateurs? Ces ces de transition ne sont et ne peuvent être que de très-rares exceptions.
» Le magnétisme, qui sera en harmonie’d’une double utilité, ne peut se développer dans la société présente, où les expériences isolées sont seules possibles, ou une défiance si naturelle, quand tous ont intérêt à tromper, est opposée même aux magnétiseurs de lionne foi. Le magnétisme n’est pas du ressort de la civilisation, et il faut l’en féliciter, car il conduirait aux abus les plus graves, dans celte société où le bonheur de l’un dépend si souvent du malheur de l’autre. »
PETI TE CORRESPONDANCE.
Partout. — Par suite du rénumérotage général des maisons, nos bureau» se iroutenl être maintenant au n"80; nos abonnés sont priés de prendre note de ce changement.
Maçon.— D’ O.......e — L’ü. R. ne nous parvient que fort rarement parce que
l'adresse porte, Î3, r. de l’Od. Veuillez (aire rectifier, s. v. p. Lacourade. — M. n.......u — Tout m’est parvenu par voire sieur; vous continuerez de recevoir jusqu’au n° 8-4.
N mîtes. — M. G...é. — enregistré.
8. Nu*, en R. — D' C.........r. — Ci-joint une f. de p. mag. — Quand au reste
la dernière décision s'applique sans exception : aussitôt que sous aurez envoyé nous agirons.
Le Gérant, HÉlîEUT (de Ganuty).
INSTITUTIONS MAGNÉTIQUES.
ATHÉNÉE MAGNÉTIQUE DE LYON.
Discours prononcé par le docteur Blanc.
Admis à l’honneur de vous exposer la théorie naturelle du magnétisme animal, je dois, Messieurs, réclamer avant tout votre indulgence en faveur d’un travail, ipie l’insuffisance de mes instants de loisir ne permet pas d’accomplir, et qui devient d'autant plus difficile pour moi, qu’il n’existe aucun traité qui puisse me servir de guide. Mais avant d’assigner aux phénomènes magnétiques le rang qu’ils doivent occuper dans l’ordre universel, je ne puis passer sous silence de nombreuses erreurs admises comme vérités, soit par la presque généralité, soit par une simple fraction des magnétistes et magnétiseurs.
En premier lieu, je signalerai le titre de traité de magnétisme donné par les auteurs et les lecteurs, aux ouvrages de notre époque qui ne traitent que de la magnétisation, ce qui n’est pas du tout la même chose. Le traité de magnétisme doit exposer le rapport qui existe entre les lois primordiales de la création et les phénomènes dits magnétiques; celui de magnétisation donne simplement les moyens pratiques pour parvenir à la production de ces phénomènes. Mais pour être impartial je dois avouer que les magnétistes ne sont pas seuls à attribuer à de simples traités pratiques, une dénomination TOÜK VII. — X* 11. — 40 SII'TENBRB 1848. S
qui ne convient qu’à l’exposé méthodique des principes; les médecins modernes tombent tous dans la même erreur, quand ils prennent l’art de la médication pour la science de la médecine entièrement ignorée de nos jours.
Des magnétiseurs, malheureusement trop nombreux, attribuant à la volonté de l’homme des effets que la nature refuse à produire, prétendent que leurs somnambules sont constamment lucides, ce qui est absurde. Nous verrons, en étudiant la loi primordiale de la gradation, que les phénomènes magnétiques sont d’autant plus rares et incertains, qu'ils sont d’un ordre plus élevé, et certes la voyance n’est pas le plus inférieur. Je ne dis pas cela pour porter préjudice aux somnambules consultants; le salaire qu’ils reçoivent doit paraître modique à celui qui sait apprécier les fatigues qu’ils éprouvent, et s’ils étaient toujours lucides, cc ne serait pas avec cinq ou six francs qu’il faudrait se présenter chez eux, mais avec de l’or. C’est ici le lieu de vous donner quelques exemples des abus que je viens de signaler. Ricard, le commis-voyageur de la magnétisation, agit sur les éléments et se sert de sa volonté comme d’un parapluie.
L’honnête, le bon Billot a vu ses somnambules jouir de la protection spéciale de hautes dignités angéliques, qui, en leur faveur, renversaient les lois de la nature et opéraient des miracles de première qualité.
Une dame d’un âge mûr, se disant en somnambulisme, est priée de faire des explorations à distance, auxquelles elle se refuse, disant qu elle n’aime pas s’arrêter aux choses d’ici-bas, et se sent disposée à s’élever aux régions célestes. On la prie alors d’explorer la planète Mercure; avant deux secondes écoulées, elle, s’écrie : J’y suis! ce qui indique une rapidité beaucoup plus
grande que celle de la lumière. Ou lui demande si cette planète est habitée? elle répond affirmativement. Si ses habitants vivent en harmonie? elle répond encore affirmativement, et pour preuve de cela, déclare ne point découvrir de canons sur la planète.
Une demoiselle, dans ses séances, prétendait arracher les âmes du purgatoire pour les lancer en paradis, et en même temps exécutait des mouvements semblables à ceux d'un Hercule arrachant une borne. Cette intéressante somnambule saisissait donc dans ses mains ce qu’il y a de plus insaisissable, et soulevait avec effort l'im* pondérabililé même, ce qui ne témoigne guère en faveur de sa lucidité, bien que dans l’esprit de plusieurs personnes elle soit célesto-t ra nscenden ta le.
Mais c’est trop s’arrêter à de pareilles farces, passons à une autre erreur dont la réfutation est infiniment plus importante et instructive. Tous les auteurs qui parlent du lluide, subtil agent des phénomènes de la magnétisation, considèrent ce fluide comme toujours semblable à lui-même, et le désignent sous la dénomination de fluide magnétique. C ’est une erreur colossale ; leur fluide magnétique n’est autre que l’esprit universel, éther ou feu élément (pii, remplissant l’espace, établit une continuité entre toutes les parties de ce grand univers. (Jette substance éihérée, loin d’être constamment uniforme et semblable à elle-mènie, prend, comme je le prouverai plus lard en parlant du transport électrique, quelque chose des corps qu’il traverse, acquiert ainsi des qualités diverses, en sorte que le lluide animal diffère du végétal et du minéral, autant que le premier règne diffère des deux autres. Il diffère encore dans chaque famille, chaque genre, chaque espèce. Il est modifié dans tout individu par la conslruc lion coiorelle, le
tempérament et l’état organique ou moral du moment, et mêmedans chacun des organes constituant l’individu. C’est ainsi que le magnétiseur porteur d’une affection, ne peut guérir le sujet qui souffre du même mal, et que celui dont la tête est saine ne réussira jamais mieux à guérir ou calmer une céphalalgie, qu’en appliquant la main gauche du sujet sur la partie de sa tète correspondant à celle qui, chez ce dernier, est le siège principal de la souffrance. Le grand Mesmer dont le vaste génie nous a tracé les mouvements de l’éther et la production des pôles, pour ne pas avoir compris les modifications qualitatives de l’élher, bien connues cependant avant lui, laisse une immense lacune dans la théorie du magnétisme. L’ignorance de ce principe, enseigné par les philosophes hermétiques des temps les plus reculés, fut cause que Mesmer adopta une composition de réservoir magnétique applicable à tous les tempéraments, tous les âges, toutes les maladies. Sans blâmer sa méthode qui obtint de grands succès curatifs, je crois difficilement que, semblable à la médecine universelle, l’agent mes-mérien soit également applicable à la vieillesse et à l’enfance, à la tension et au relâchement, au dessèchement et à l’hydropisie. Dans cette opinion j’ai imaginé un système de réservoirs magnétiques qui, sous le rapport de leur peu de volume, de la simplicité et facilité de leur confection, de la commodité de leur emploi qui peut très-bien avoir lieu pendant le sommeil du malade et surtout de la qualité du fluide qu’on peut faire concorder avec l’affection à guérir, en remplissant le récipient et confectionnant le conducteur avec des matières appropriées. Un seul exemple donnera une notion suffisante de ma manière de procéder. Une dame d’un tempérament sanguin-nerveux, affectée de tumeurs alxlomi-
unies internes, avait employé avec assez Ie succès 1rs douches de vapeurs d’eau minérale de Charbonniércs-Laval, mais la saison froide ayant suspendu le traitement, je songeai à le remplacer par un courant de fluide ferrugineux dirigé sur les tumeurs. A cet effet je remplis une bouteille à bière, non de fer cru et privé de ses esprits par la fonderie et la forge, mais de celui à l’état de vie et de maturité que l’on trouve dans les entrailles de la terre. En conséquence, je m’adressai au fermier de l’établissement de Charbonnières, qui me donna une suffisante quantité de sédiment des eaux, je magnétisai fortement la bouteille et le contenu, adaptai au goulot un liouchon percé de part en part, au travers duquel j’enfonçai profondément une tige de fer de longueur convenable pour l’emploi, et légèrement recourbée à son extrémité, puis magnétisai le tout ensemble, procédant de la base de la bouteille au sommet du conducteur, et recommandai à la dame couchée de placer la bouteille sous une partie de son traversin placée en dehors de sa tète, en donnant en même temps à la totalité de l’appareil une direction oblique à celle de son corps, au moyen de laquelle l’extrémité recourbée du conducteur pût s’appliquer sur l’une de ses tumeurs. Cela fait, je fis tourner le lit de la malade de telle manière, que la direction de l’appareil coïncidât avec celle du courant magnétique terrestre, la bouteille au sud, l’extrémité du conducteur au nord, afin que ce même courant, qui se manifeste parla position de l’aiguille ai-mnntée, accélérât et entretint le mouvement du fluide ferreux fourni par mon réservoir magnétique. Le succès justifia mes espérances, car peu de jours ont sufli pour :i mollir considérablement les tumeurs, et j’ai là presque certitude qu’elles ne tarderont pas à se résoudre complé-
temenl. Si dans l'engorgement des viscères abdominaux, comme aussi dans les affections cutanées, la chlorose, le défaut de menstruation, le réservoir décrit est approprié à l’état du malade, il n’en est pas de même de tous les autres cas qui réclament souvent une autre composition de réservoir et de conducteur.
( Tribune lyonnaise. )
_ Malgré le respect que nous inspire l’opinion du
docteur Blanc, nous ne pouvons laisser passer sans commentaire la dernière partie de son discours. La vertu qu’il attribue à ses réservoirs 11e nous parait nullement fondée. Exposons d’abord des faits ; nos doutes viendront après.
On admet généralement en physique que l’électricité se répand à la surface des corps sans les pénétrer; mais M. Beckensteiner, dont nous avons déjà mentionné les travaux magnétiques, croit pouvoir établir que ce lluide circule aussi entre leurs molécules, dont il emporte toujours quelques-unes en traversant la masse, il dit à l’appui de celte hypothèse que :
1° Des tiges de cuivre de deux lignes de diamètre au plus, après avoir servi, pendant plusieurs années, de conducteurs ou d'excitateurs, présentent, dans toute leur étendue, de petits pertuis ou canaux bien déliés que l’art ne peut former.
2’ Eu communiquant le fluide par un excitateur en cuivre, et dans certaines conditions, il produit, chez des personnes en santé, l'ensemble des phénomènes qui caractérisent la colique de cuivre; avec une houle de fer, il donne à l’eau une saveur ferrugineuse.
3" Si Ton fait passer les branches nuilticuspides d’un excitateur à travers une petite boite en verre pleine d’une substance odorante pulvérisée, il en dégage l’a-rorae d’une manière très-sensible.
M. Beckensteiner a conclu de ces faits que l’électricité exerce sur la matièrejune action détériorante à l'aide de laquelle elle se charge des molécules des corps dans un état de ténuité comparable à celui où les réduit la dilution hahncmanienne. Il pense même que le transport des médicaments opéré par ce moyen remplacerait avantageusement le procédé habituel de dynamisation; il donnerait des résultats mieux calculés, plus constants. Peut-être serait-il plus efficace, parce que, par l’excitation qu’elle provoque, l’électricité rendrait l’organisme plus sensible aux effets de l’agent médicamenteux.
M. Beckensteiner ne s’en est pas tenu à la théorie; il a tenté par voie électrique l’administration de diverses substances médicamenteuses telles que le soufre, l’iode et les principaux métaux.
L’or est celui qu’il emploie le plus fréquemment. Chez les individus affectés de diathése sypbilitico-mer-ctirielle il a obtenu de très-bons effets de potations abondantes d’eau aurifère préparée simplement en électrisant de l’eau avec une boule d’or. L’or, au dire de cet expérimentateur, exerce une action spéciale sur l’organe central de la circulation: c’est un excitant tonique de l'organisme en général et du système sanguin en particulier. L’argent modifie d’une manière plus particulière la tête et les organes des sens. Le fer convient surtout pour calmer l’orgasme sanguin chez les individus pléthoriques à constitution apoplectique. Une série d’étincelles administrées aux membres inférieurs avec une simple tige de fer, amène bientôt la
décoloration de la face, qui va même quelquefois jusqu'à la pâleur morbide. Le cuivre produit des entéral-gies et les dissipe. L’étain relâche la fibre musculaire, son action est opposée à celle de l'or. L antimoine est un calmant spécial, très-puissant pour l'appareil pulmonaire; les phthisiques éprouvent une amélioration marquée d'une électrisation de quelques minutes avec une tige de ce métal. Ce résultat est encore plus évident dans les catarrhes pulmonaires. 11 n'est pas rare de voir survenir au bout de peu de jours une guérison complète sous l’influence de ce moyen. Le plomb a fait disparaître, en assez peu de temps, plusieurs couperoses invétérées, etc.
Les faits et opinions dont on vient de lire le résumé sont extraits de l'Histoire de la doctrine médicale homœopathique, par le docteur Aug. Rampon.
Ceci nous donne occasion de parler du pharmaco-magnétisme, imaginé par le jeune docteur Viancin.
Ce système fut produit il y a environ deux ans. Son auteur établissait en principe que le magnétisme se revêt des propriétés des milieux qu’il traverse et produit les effets des substances traversées. Celte théorie séduisit l’esprit de quelques personnes par son apparente rationalité et les expériences pharmaco-magnétiques furent multipliées à l’infini. Un incrédule résistait-il à l’action magnétique pure? On le magnétisait au travers d’un médicament énergique, tel que: coloquinte, scammonéc, jalap, etc., qui triomphait bientôt de sa résistance. Ceci n’était «pie la moindre prétention des pharmaco-magné-tistes. En vain leur objectait-on que, connaissant la vertu des substances qu’ils employaient, il y avait simplement transmission de pensée: ils soutenaient le contraire. Appelé à vérifier un grand nombre d’expériences de ce
genre , je n’en trouvai aucune concluante. Enfin il arriva un faitqui devait lever tous mes doutes et faire cesser mon opposition : on vint me l’annoncer d’un air triomphant. Voici ce dont il s’agissait:
Le nommé Triaux, l’anti-magnétiste dont j’ai parlé dans l’un des précédents numéros, avait magnétisé sa femme à plusieurs reprises sans rien obtenir ; on lui conseilla la magnétisation au travers du pavot ; et elle dormit. L’épreuve était décisive aux yeux de tous : je n’avais plus qu’à m’incliner devant la vérité et j’étais tout disposé à le faire: car ayant répété sans succès toutes les expériences indiquées, je pouvais croire que mon scepticisme préventif m’empêchait de réussir. Mais une analyse méthodique fit bientôt évanouir le fait et ses conséquences. J’appris que madame Triaux, bien portante dans les premiers cas, était indisposée dans le second; celte disposition suffît pour expliquer le fait en question, puisque l’on croyait, naguère encore, que les malades seuls étaient magnétisables, et le somnambulisme ne cesse-t-il pas souvent avec la maladie? Maiscc n’est pas tout; cette Explication pourrait paraître spécieuse, partant contestable. Quelle partie dn pavot avait-on employée? La graine; pensant que c’était la plus active. Or, 1 analyse chimique a démontré et l’expérience sanctionné que la semence de cette plante n’est point somnifère : elle ne contient que de l’huile, dite d’œillette, que l’on mange dans certains pays.
Depuis lors l’engouement a cessé et l’on ne parle plus du pharmaco-magnétisme.
En comparant ce qui précède avec les expériences précitées de Beckensteiner, 011 est porté à croire que M. Viancin avait connaissance des travaux du savant lyonnais, alors publiés, et dont le pharmaco-magné-
tisme n’est que le corollaire; cetle présomption devient une certitude à l'égard des réservoirs magnéto-minéraux de M. Blanc puisqu'il parle du « transport électrique » comme appui.
L’esprit généralisateur de ces messieurs a pris Yanalogie du magnétisme et de l’électricité pour leur identité; et de ce (pie celle-ci transporte les molécules des substances ils ont conclu que celui-là les transportterait aussi. Là est l’erreur. Aussi, dirons-nous à M. Blanc: Docteur, êtes-vous sur que le fer, dynamisé par le fluide magnétique, soit l’agent de la dissolution des glandes dont vous parlez? El s il nous répond : Oui; uous lui demanderons ses preuves; car le magnétisme, seul, opère souvent de pareilles guérisons.
Hébert (de Garnay).
SOCIÉTÉ DU MAGNÉTISME DE LA NOL'VEI,LE-ORLEANS.
Nous avons publié les statuts et règlement de la Société; elle y a fait depuis des modifications dont nous allons présenter le résumé.
Fondée le 9 avril 1845, elle fut régie par un règlement provisoire du 18 du même mois, jusqu’au 11 janvier 1847,jour d’adoption du règlement définitif inséré tom. v, pag. 97 de ce Journal. Et le 28 juin de la même année a eu lieu la réforme dont nous allons parler.
Ces modifications ne sont presque que des additions, des compléments (pii précisent des points trop absolus de la rédaction primitive; mais l’esprit u’en est nulle-
ment changé, ce dont nous félicitons nos amis américains; car le but de leurs efforts est noble, et la voie qu'ils ont suivie jusqu’ici |a plus convenable.
Le stage a été réduit d’un an à trois mois ; mais les autres conditions d’arrivée au titulariat sont plus sévères; il faut justifier d'une pratique moins longue mais plus sérieuse : nous ne détaillons pas.
Les fonctionnaires de cinq ont été portés à six; il y a en plus un secrétaire adjoint, (pii a pour mission spéciale, outre la suppléance du titulaire, «détenir un registre des consultations et prescriptions somnambuli-ques faites dans les séances de la Société. »
Une disposition nouvelle est l’admission de visiteurs jusqu’à concurrence de trois séances lorsqu’ils sont présentés par les membres, et qu’ils ont manifesté le désir de faire partie de la Société.
Afin que les travaux de chacun soient utiles à tous, les membres « doivent faire des rapports circonstanciés de tous les traitements magnétiques ou somnambu-liques qu’ils ont dirigés ou surveillés. »
Telle est en somme et en abrégé la nouvelle^ réforme que nous avions à signaler.
Les relations extérieures de la Société s’étendant chaque jour davantage, elle prévient les magnétistes et les Sociétés magnétiques, que les pièces émanant d’elle seront à l’avenir revêtues de son sceau, dont voici le/àc simile.
Coup n'ceiL sur certaines doctrines médicales contemporaines.
Systèmes classiques, homœopathie, magnétisme, etc.
(Suite et fin.)
Mesmer admettant que l’organisme humain était vivifié par le fluide universel et que par des procédés particuliers il était possible d’agir sur cet agent, pensa avoir découvert le véritable moyen de rétablir l’harmonie détruite par la maladie et pouvoir même conjurer tout état anormal du corps. Rien en effet ne semblait plus rationnel, c’était agir sur la vitalité à l’aide de la vie elle-même, et cette doctrine nous parait bien autrement sublime que celle de Hahnemann, qui pour arriver au même but cherche ses mobiles d’action dans des forces hétérogènes à celles de l’homme. Mesmer avait donc pour lui l’apparence au moins d'une vérité mère, d’un principe élémentaire.
Mesmer indiqua des procédés pour mettre en jeu le fluide universel, pour l’accumuler et le diriger dans le corps humain, et des phénomènes réels, et d’autant plus étonnants qu’ils étaient inconnus, se manifestèrent sous l’application des procédés, la théorie parut sanctionnée par la pratique, et gagna des disciples.
La nature des phénomènes qui sc développaient par
la magnétisation enseignée par Mesmer ne révélaitqu’une seule chose, la modification du système nerveux et la guérison des maladies; rien, en effet, ne prouvait que la cause de ces phénomènes fut le fluide universel, et différentes contradictions que les sciences physiques et physiologiques reconnaissaient dans la théorie, portèrent les savants à nier les faits les plus évidents, sans doute, mais explicables aussi par d'autres causes que celle du magnétisme.
Mesmer succomba dans la lutte, mais les faits se reproduisant sans cesse par la pratique des élèves qu’il avait formés, le magnétisme grandit et devint une médecine populaire, rivale de celle des écoles.
Les procédés conseillés par Mesmer furent abandonnés, les appareils qu’il employait furent reconnus inutiles, et on arriva à comprendre que les phénomènes magnétiques, attribués à l’action du fluide universel, étaient dus à celle d’un fluide propre à l’homme, soupçonné depuis longtemps par les physiologistes. On reconnut aussi que l’action de cet agent était tout à fait subordonnée à la volonté de l’expérimentateur.
Aujourd’hui le magnétisme repose sur ces principes; et l’existence du fluide appelé par les uns fluide nerveux, par les autres, magnétique, l’influence de cet agent sur l'organisation, sont des fails acquis à la science. Il reste, je crois, fort peu de personnes au courant des sciences, qui soient encore incrédules sur cette partie fondamentale du magnétisme.
L’existence et l’action du fluide magnétique sont donc des principes admis, mais cette influence du magnétisme sur l’homme est-elle de nature à pouvoir guérir scs maladies et à permettre de voir dans le magnétisme une doctrine médicale?
Je me prononcerai sur ce point important sans ljési-tation, et je dirai : Non, le magnétisme ne sauraitconsti-tuerune doctrine médicale, et convenir dans toutes les maladies. Voici pourquoi :
Un grand nombre d’organisations sont réfractaires à l'action du magnétisme; et d'autres, bicnqu’influencées, ne le sont pas assez puissamment pour qu’il soit permis d’espérer une guérison aussi certaine que possible.
Je sais que l’action magnétique varie d'intensité, et qu elle est plus 011 moins salutaire suivant les dispositions particulières des magnétiseurs, ce qui fait que tel guérira ce qu’un autre n’aura pu soulager; malgré cette différence de la puissance des magnétiseurs, je suis convaincu qu’il se trouve encore beaucoup de malades qui ne seraient nullement soulagés, dans des cas sérieux, par la magnétisation, et que ce serait commettre une grande imprudence que de donner au magnétisme une confiance illimitée.
Le magnétisme ne peut donc être, à mes yeux, qu’un auxiliaire, puissant dans beaucoup de cas, et un agent thérapeutique, suffisant par lui-méme, dans quelques autres exceptionnels. D’autres fois, son application est complètement inutile, mais je ne pense pas qu’on puisse jamais la regarder comme dangereuse, à moins qu’on n’examine la question d'incapacité et la part de l’opérateur, ce qui, dans l’état actuel des choses, n’est pas très-rare, puisque, par une inconcevable aberration, l’académie de médecine persiste à nier l’évidence et à laisser entre les mains de tous une puissance de bien et de mal.
Je ne m’étendrai pas davantage sur le magnétisme, considéré comme agent physique et thérapeutique, n’ayant pas l’intention de traiter ici ce sujet, et j’exami-
nerai maintenant ce qu’est le SDronambulisme magnétique.
Depuis la découverte de ce singulier phénomène, le somnambulisme constitue pour presque tout le monde le magnétisme. C’est là une erreur, que j’aurai détruite si on a bien compris ce que je viens d’écrire sur le magnétisme, agent physique.
Le somnambulisme n’est qu’un des phénomènes qui se développent sous l’influence de la magnétisation, et avant qu’il fût connu, le magnétisme constituait une doctrine en théorie comme en pratique.
Il est positif que Mesmer avait observé le somnambulisme magnétique, et on voit en lisant le chapitre xiv de ses aphorismes, qu’il avait parfaitement compris la portée de ce phénomène. La prudence de ce savant observateur était donc bien grande, quand il jugea convenable de ne pas s’expliquer plus ouvertement, et de ne pas solliciter lesomnaubulisme dans les traitements ; il prévoyait sans doute que l’enthousiasme, soulevé par ces merveilles, éloignerait les esprits de l’étude sérieuse des princi|>es de la science pour les jeter dans les divagations des nouveaux oracles.
En considérant comment le magnétisme est pratiqué de notre temps, n’est-il pas juste d'applaudir à la réserve de Mesmer ? Voyez ces somnambules qui de tous côtés sont consultées comme des pythonisses. Ici on cherche des trésors; là les objets volés et les auteurs du larcin ; ailleurs on vient demander si l’objet aimé sera quelque jour son partage, s’il vous est fidèle; ailleurs encore on demande des détails sur les planètes, sur la vie du ciel ; on proclame des religions nouvelles; enfin partout les déplorables abus dans lesquels il est si facile
à notre pauvre nature, inquiète et avide du surnaturel, de tomber avec crédulité.
Si je devais faire un traité du somnambulisme, je montrerais combien sont erronées ces prétentions que l’on veut faire sortir d’une faculté réelle et utile, sans aucun doute, mais fragile et bornée chez le plus grand nombre des somnambules.
Le somnambulisme est un fait aussi vrai que le magnétisme, agent physique. Il se manifeste chez un petit nombre des personnes que l’on magnétise. Chez la plupart, lorsqu’il apparait, les facultés ne sont pas beaucoup plus étendues que celles que l’on remarque chez les somnambules naturels, mais chez quelques-unes les facultés reçoivent une extension parfois si extraordinaire, qu’on ne trouve plus dans l’état ordinaire de l’homme rien qui puisse y être comparé.
C’est parmi ces individus, rares comme le fait remarquer Deleuze, qu’on observe les somnambules qui voient leurs maladiçs ou qui sentent celles des personnes avec lesquelles on les met en rapport particulier, qui indiquent les remèdes convenables pour obtenir la guérison de maladies qui ont été traitées infructueusement par la médecine.
Ces faits sont évidents pour tous ceux qui ont fait du magnétisme assez longtemps, pour ceux qui ont observé un assez grand nombre de somnambules. Car, comme je viens de le dire, il s’en faut que chaqua somnambule ait un degré suffisant de lucidité pour produire ces étranges phénomènes. Or, si la lucidité désirable pour le traitement des maladies est si peu commune, comment oser établir comme une base de pratique médicale la consultation somnambulique. Des hommes remarquables, surtout en Allemagne, tels que les docteurs
Passavant, Klug, Volfart, ont voulu consacrer ce principe en médecine, mais l’expérience les a bientôt convaincus de son danger. Si jamais son application devenait générale pour la science des écoles, dans les hôpitaux, ou dans la pratique civile, il faudrait des modifications si grandes dans les lois et les habitudes qui régissent l’exercice de la médecine, que je n’ose en croire la possibilité, de bien longtemps encore.
Quoi qu’il en soit de l’avenir du somnambulisme magnétique, il est néanmoins constant que certains somnambules peuvent rendre des services três-irnpor-tants, soit pour eux-mêmes, soit pour les autres. C’est donc aux praticiens à s’entourer de toutes les précautions nécessaires pour éviter l’erreur ou la supercherie. Il faut aussi se dépouiller d’une trop grande confiance pour un somnambule, car chacun est porté à croire lucides les somnambules qu’il forme, ou à ne plus douter de la clairvoyance de celui qui en aura donné plusieurs preuves éclatantes. La lucidité somnambulique est vacillante et mobile; hier elle a étonné par ses révélations lumineuses, aujourd’hui tout ce quelle voit est sombre et nébuleux, et si l’amour-propre domine le somnambule, il parle comme s’il voyait réellement; quelquefoi» aussi ce sont des hallucinations qui surgissent devant son esprit et la jettent dans l’erreur.
Pour terminer ce chapitre, je dirai :
Le magnétisme ne peut constituer une doctrine médicale, attendu qu’il ne peut être constamment employé comme moyen thérapeutique, mais il doit être considéré comme un auxiliaire précieux, qui, entre les mains d’un homme sage et confiant dans sa puissance, peut procurer les plus grands bienfaits aux individus souffrants.
Le somnambulisme, en raison de la rareté des som-
nambules lucides, du peu de fixité de cette lucidité même, ne, saurait non plus constituer un moyen général et constant, dans lequel les malades peuvent trouver des avantages supérieurs à ceux qu’ils retirent des conseils des médecins. Néanmoins le somnambulisme, considéré isolément, offrira souvent des ressources inespérées. Mais que la prudence soit extrême (1) !
Après avoir rapidement esquissé les différents systèmes qui tour à tour se sont cru la véritable loi pratique de la médecine, il me reste, pour compléter le cadre des systèmes contemporains qui ont aspiré à se faire accepter comme doctrine médicale, à dire un mot de l’hydrothérapie et du système Raspail.
Hydrothérapie.
11 y a peut-être quinze ans, qu’un paysan de Græfen-berg, petit village de la Silésie, se mit à traiter toutes les malades qui venaient à lui, à l’aide de l’eau pure. Les guérisons obtenues firent bientôt tant de bruit, que le gouvernement fut obligé d’intervenir, et après les tracasseries inévitables, on accorda à Priessnitz l’autorisation de traiter sans contrôle les malades qui se présenteraient pour réclamer ses soins.
Les formes de ce singulier traitement varient beaucoup, mais l’eau pure en fait constamment la base. Elle est administrée tantôt en demi-bains, en bains entiers, bains de la tête ou d’une de ses parties, tantôt en lavements, en douches dont la force et les dispositions se
(1) Dans un ouvrsge récemment publié, j’ai traité d'une manière complète tout ce qui a rapport à la question si controversée du magnétisme. Physiologie, médecine et métaphysique du magnétisme. 1 vol. iü-8 de 600 pages, à Paris, chez Germer-Baillére, éditeur.
modifient depuis la douche en poussière aqueuse jusqu'aux jets de la grosseur de deux et trois doigts; puis vient la ceinture mouillée, le drap mouillé pour envelopper le malade, les frictions à l’éponge ou au linge mouillé; ensuite l’administration interne; les malades boivent de douze à trente verres d’eau par jour. L’eau subit, suivant les cas, une modification de température,-elle est administrée depuis cinq ou six degrés Réaumur jusqu’à quinze et vingt.
A ces moyens, Priessnitz fait joindre une sobriété sévère et de longues promenades en plein air, selon les forces du malade.
Les moyens hydrothérapiques s’appliquent aux maladies aiguës comme aux maladies chroniques, et le nombre des guérisons, d'après des rapports officiels, entre autres celui de M. Scouteten, professeur à l’hôpital militaire de Strasbourg, est vraiment prodigieux.
L'hydrothérapie n’a pas tardé à se répandre, et elle est arrivée en France, où, comme toute autre méthode excentrique et nouvelle, elle a fait des partisans. On compte dans quelques villes des établissements de médecine hydrothérapique ; on applique quelquefois cette méthode dans les hôpitaux, surtout à l’hôpital Saint-Louis, circonstances qui prouvent que là encore i{ y a du bon et que le médecin peut puiser dans l’eau d’excellents remèdes, si toutefois il a le génie d’apprécier les rapports de la constitution de son malade avec la maladie et un moyen thérapeutique aussi dangereux.
Système. Raspail.
Tout le monde connaît M. Raspail, chimiste célèbre, habitué aux travaux microscopiques et aux méditations
sur les atomes. Ce savant imagina que l'air était peuplé d’animalcules invisibles et que cet élément de notre vie portait avec lui dans notre corps ces êtres vivants, joints à ceux également invisibles et microscopiques, que nos boissons, nos aliments contiennent. Suivant M. Raspeil, ces myriades d’animaux se logent dans nos organes, s’y développent et vivent aux dépens de notre pauvre machine. En sorte que les mille douleurs, les affections multiples dont nos organes sont victimes, sont le résultat de l’action d’un ou de plusieurs animalcules sur nos tissus ou sur les liquides qui circulent en nous. Tel est le fond du système de M. Raspail : cette théorie longuement et habilement développée ne peut néanmoins soutenir un examen sérieux, en tant qu’elle prétend s’ériger en principe général, car autrement la médecine expérimentale et d’observation enseigne que certaines maladies sont engendrées par l’action d’helminthes et d’autres insectes parasites. Ici encore il y a l’exagération la plus énorme, exagération qui brise avec les notions les plus élémentaires de la physiologie pathologique. C’est la copie, à un autre point de vue, des virus de l’homoeopathie qui sont la cause de toutes les maladies chroniques.
Malgré le peu de fondement de sa doctrine, M. Raspail est parvenu à faire adopter par un nombreux public sa médecine pratique. Le publicjen effet ne raisonne pas, il lit les déclamations'qui, du reste, ne manquent jamais d’un certain génie; car pour être novateur, même d’une erreur, il faut être un homme hors ligne, et l’enthousiasme excité accueille avec empressement le nouveau moyen qu’on annonce comme devant éloigner la souffrance.
Conséquent avec ses principes, M. Raspail a composé
sa médication avec les substances qui sont destructrices des animaux parasites de l’homme. Ainsi le camphre, l’alcool, le sel ordinaire, les amers, les toniques ; voilà l’arsenal dans lequel il puise ses médicaments.
C’est assez maintenant, je crois, de doctrines, de systèmes, de remèdes ! Le médecin peut choisir, et le malade ne peut plus souffrir : il ne devra mourir que de
vieillesse.
Mais hélas! ce luxe de systèmes n’est-il pas au contraire la preuve de l'impuissance de l’homme à découvrir une médecine qui, reposant sur des lois invariables, soit applicable à toutes les souffrances. La douleur physique et morale ne sera-t-elle pas toujours le partage de beaucoup de nos frères, et l’art et la science confondus de ce mystère ne seront-ils pas trop souvent impuissants ? La mort, comme le ministre de secrets surhumains, viendra toujours, et malgré nos efforts, frapper l’enfant comme le jeune homme; elle surprendra l’homme au milieu de sa course, laissant à ceux qu’elle épargne en ce jour, des leçons de haute sagesse, tracées avec des larmes quelquefois bien amères.
Aux yeux du médecin qui sait prendre pour maîtres la nature et la philosophie transcendante, une doctrine unitaire est donc impossible en médecine. En vain celles qui s’approchent le plus des*lois qui régissent la création tendront à le séduire par leur majesteuse unité et leur puissance pratique, il évitera l’erreur en se rappelant que la vie a des formes eû'des modes de manifestation aussi variés qu’il existe d’individualités, en se souvenant encore que le milieu social avec ses applications infinies modifie les constitutions physiques et morales, les eau-
ses des maladies e( la résistance vitale de l’organisation ainsi que l’action curative des médicaments.
En vain des théories superbes proclameront la marche ascensionnelle de 1 humanité vers la perfection, et par une comparaison forcée enseigneront que tel doit être l’avenir de la médecine; le médecin, véritable disciple de la nature, se rappellera ces paroles divines : 11 y aura toujours des pauvres parmi vous! avec et sans 1? pauvreté, les douleurs et les maladies, avec ces fléaux de la vie terrestre une médecine heureuse et malheureuse! car, comme je le disais en commençant, il faut mourir ! !
Quelle est donc la meilleure médecine, demanderont avec anxiété ceux qui souffrent? Cette confusion de systèmes n'est-elle pas faite pour nous jeter dans le fatalisme, ou pour nous laisser aller au gré de la nature.
La meilleure doctrine? Elle n’existe pas sous forme de doctrine unitaire, c’est celle qui sait choisir dans tous les systèmes le moyen qui sc trouve en rapport avec {le cas éventuel, c’est-à-dire qui doit modifier les principes suivant les tempéraments individuels, suivant les causes qui ont amené la maladie, suivant les milieux dans lesquels le malade est placé. Telle est la vraie doctrine médicale, celle qui embrasse toutes les individualités sans les absorber dans une unité arbitraire et factice, celle qui en même temps qu’elle néglige une formule systématique, s’appuie cependant sur le grand principe de vitalisme que j’ai développé, savoir la puissance dynamique et rëactionnelle du fluide vital.
La doctrine qui doit guider le médecin, doit donc toujours prendre en première ligne de considération, la puissance vitale de l’individu, de manière qu’en appréciant avec justesse ses tendances, il soit possible de
la diriger, de l’aider par une thérapeutique prudente et éclairée, au lieu de l’enrayer et de la remplacer par des puissances étrangères empruntées à des agenst médi-cateurs qui très-souvent éteignent la vie dans sa source.
Votre vitalismen’est que l’éclectisme, me dira-t-on, et l’éclectisme n’est qu’une phase transitoire, un temps de repos, nécessaire à toute doctrine|incertaine pour atteindre l’avenir et prendre la force de s’élever à une loi unitaire. Oui, l’éclectisme n’est qu’une forme transitoire, mais en philosophie seulement, où il ne peut y avoir qu'un principe unitaire, parce que tout ce qui se rattache à l’ordre moral pivote sur une base intellec-tuelleet marche vers un but. Ce but, c’est l’immortalité, qui suppose la perfection. Or, pour atteindre la perfection morale, il n’y a qu’une doctrine, celle qui émane de Dieu même. Mais en industrie, dans les arts, dans tout ce qui ne relève que de la matière organisée et dont le but final est la dissolution, il ne peut y avoir une loi qui entretienne d’une manière invariable une organisation qui est créée pour mourir et par conséquent pour souffrir.
A mes yeux, le médecin est un artiste qu’on peut assimiler au peintre, au statuaire... Combien d’artistes en peinture brillent par leur talent pour le coloris, pour la pureté des traits, et qui ne peuvent animer leur tableau de la ressemblance ? L’étude ne peut donner ce talent. Eh bien! il en est de même en médecine, il y a un génie, un tact médical, et le médecin qui n’en sera pas doué flottera en esclave sous l’empire des systèmes, il appliquera des formules qui réussiront aujourd’hui et qui donneront la mort le lendemain, il ne saura pas distinguer le pourquoi du changement nécessaire de la médication, il ne croira pas à tel système, pareeque ce
système heurte celui qui le conduit, et parce que l’essai pratique qu’il en aura fait n’aura pas réussi entre ses mains.
Vous voulez un médecin, choisissez celui qui guérit, et ce choix n’est pas aussi difficile qu’on le pense. N’é-coutez pas les recommandations sociales; les titres en médecine prouvent quelquefois tout autre chose que l’art et la science, et souvent ils ne révèlent que la science seule. Or l’homme de science est rarement progressiste, il ne croit que ce que l’école enseigne, il ne songe jamais à faire une excursion parmi les systèmes que le génie fait éclore, car il ne se doute pas qu’il y a toujours une parcelle de vérité dans toutes les productions du génie. Toutes les doctrines ont des richesses pour celui qui sait les y découvrir; l’humorisme, le vitalisme absolu, l’éclectisme, le magnétisme, l’homœopathie, l’organicisme, l’hydrothérapie, font une somme de moyens qui, appliqués avec discernement sur un individu pour telle maladie, guériront mieux l’un que l’autre. Mais reçus partiellement comme doctrines, et appliqués généralement, chacun de ces systèmes sera, pour beaucoup de malades, une cause de mort.
Combien donc la profession de médecin doit paraître sublime à celui qui l’a comprise ! quels travaux de toute la vie ! Oh ! oui, Hippocrate était un vaste génie, car il disait avec intelligence : « Ars longa, vita brévis! l’art est immense et la vie est courte ! »
Charpignon, D. M. P.
— Toute discussion éclaire l’homme; il semble qu’en fait de médecine c’est le contraire de cet axiome qu’il faut adopter pour être dans le vrai. En effet, cette pré-
tendue science a cela de particulier qu’en se perfectionnant elle embrouille davantage l’esprit. Pourquoi en est-il ainsi? C’est que l’on discute sur des erreurs sans vouloir les apercevoir. Ceci nous rappelle en mémoire les longues querelles sur la grâce suffisante, la dent d’or, etc. 11 n'y a point de science médicale; ce n’est qu’un amas monstrueux de systèmes mensongers, dont chaque sectateur, chose étrange, croit posséder la vérité dans son art et pense que l’erreur est en autrui. Pourquoi faut-il que tant de gens capables usent leurs facultés dans des combats sans fin, au lieu de retourner dans le passé pour y retrouver les vérités naturelles, bases de la médecine antique?
Nous estimons M. Charpignon, c’est l’honnête médecin qui, placé entre une loi de la nature et des systèmes d'école, voudrait concilier l’erreur et la vérité, les souder, les rendre toutes deux respectables. Nous ne doutons point de sa lionne foi; il croit cequ il dit et pensera que c’est nous qui sommes dans l’erreur. Nous acceptons d’avance ce jugement, ne voulant pas discuter, mais exprimer seulement avec franchise notre sentiment.
On disait un jour à un élève de Mesmer : En admettant l’existence du magnétisme, cette médecine sera toujours la très-humble servante de celle des écoles. Le magnétiseur répondit : Sans doute, mais elle sera la servante-maîtresse. Nous dirons, nous : Le magnétisme régnera sur la médecine classique, effacera tout ce qu’elle a de faux et de mensonger; si bien qu’on ne la reconnaîtra plus. Il restera seulement aux hommes la mémoire du mal qu’elle leur a fait et la honte de s être soumis si longtemps à l'impuissance et à I erreur.
Comment s’opérera ce changemcnt?Sera-ceparlesmé-
decins eux-mêmes? Oh ! non ; on ne vit jamais des savants se suicider ainsi. Et si l'humanité attendait de cette sorte son salut, elle devrait conserver l’espoir jusqu’au jugement dernier. Pour un médecin honnête, comme M. Charpignon, il y a vingt mille archiàtrcs qui se font un grand honneur de mépriser ou de persécuter la vérité. Comment donc ce miracle s’opérera-t-il? Par la grande voix de la nation, par l'opinion enfin, cette reine du monde, à qui tout cède lorsqu’elle s’est prononcée.
Quoi ! plus de ces poisons qui tuent sans qu’aucun jamais servit la vie. Quoi! toutes ces pharmacopées, où l’esprit inventif s’est plu à rassembler savamment tous les remèdes, comme de vieux bouquins, iraient cher, l'épicier! Et ces officines, aujourd'hui si opulentes encore malgré les coups que |leur ont portés Broussais et Hahnemann, se verraient dépérir e( mourir de langueur! Comment, toutes les drogues, qui charmaient tant nos pères, devraient être abandonnées comme choses impures et malsaines! Et ces brillantes lumières qui, comme des phares trompeurs, éclairent les pharmacies, n’appelleraient plus ceux qui, clopin-clopant, parcourent cette vie!..... Hélas! déjà l’édifice se mine, et
M. Charpignon le constate douloureusement.
Le magnétisme grandit à chaque minute, et ce mot magique va partout ranimer l’espoir. Que veut-il donc dire? Quelle est sa signification enfin ?
■> C’est la nature et sa simplicité; c'est la loi de la conservation des èlres, ayant pour interprètes les êtres eux-mêmes. C’est l’humanité tout entière dans la fraternité. C’est le riche qui va donner au pauvre, nou point de l’or pour le corrompre ou le flétrir, mais une portion du surplus de sa »ie, pour le ranimer et le gué-
rir. CYsl la lumière acquise dans le sommeil qui va bientôt chasser devant elle la fausse science et ceux qui en étaient les amants.
Oui, il est vrai, l’homme peut soulager son frèresans posséder la science scolastique, et par un simple effort de volonté. Oui, il est vrai encore, la dernière des créatures peut, dans son sommeil, avoir des notions plus certaines qu’aucun de. nos Esculapes modernes, et porter sur les malades un diagnostic à faire pâlir les Velpeau, Magendie, Gerdy, Bouillaud, etc., etc. C’est donc le renversement de toutee qui est reçu ?Sans doute,et c’est avec une joie que nous ne voulons point dissimuler que nous annonçons cette rénovation. En vain d’ailleurs nous le dissimulerions : cent voix s’élèveraient pour démasquer notre pensée, car il est écrit dans les œuvres des magnétiseurs : La véritable science est ici.
N’est-il pas vrai que l’agent dont nous nous servons opère toute œuvre au-dessus des ,forces de nos adversaires? N'est-il pas vrai qu’il a triomphé seul, et dans des cas nombreux déjà, des obstacles nés des maladies et des innombrables remèdes inventés pour les guérir? Ah! nous n’aurions qu’à ouvrir les seuls ouvrages de M. Charpignon pour y trouver les arguments propres à renverser la médecine; car il a, quand il i'â voulu, fait plus que tous ses confrères ensemble. Que scrait-cè donc si nous mettions sous les yeux de nos lecteurs le résumé de tous les travaux du monde magnétique?.:... Mais pourquoi écraser un art déjà si malheureux ; rie voyez-vous pas qu'il perd toute confiance, et que ceiii qu’on appelait naguère charlatans, acquièrent la renommée des grands maîtres, des chefs d’école? Ils guérissent en obéissant à la nature, en suivant Ses précep-
tes, et c’est là le cancer qui dévore la Faculté! Mais c’est trop discourir, raisonnons s'il se peut.
S’il existait dans la nature un agent d’une vertu telle que la plupart des maladies en fussent influencées favorablement; s’il réunissait en lui les propriétés spécifiques reconnues dans quelques substances, il serait, à coup sûr, la base de toute thérapeutique, et le principal moyen employé par les hommes pour combattre leurs maladies. Si outre ces vertus, cet agent développait en nous ce qu’on appelle la clairvoyance, le moyen de reconnaître les lésions des organes et d’y remédier par un choix de médicaments toujours appropriés aux désordres; si le travail était alors jugé par l’œil de l’esprit, et les crises et changements prédits : à coup sûr le magnétisme et le somnambulisme dépasseraient de bien loin la science du médecin ; toutes les connaissances de ce dernier seraient inférieures, son art réduit à quelques cas où la nature ferait défaut, et dans ce grand naufrage la chirurgie seule surnagerait.
Ce qui esl ici exprimé comme une hypothèse deviendra sûrement une réalité; il faut seulement pour qu’il en soit ainsi que l’on trouve la loi des faits. La science est là ; on cherche à l’établir sur les données fournies par des milliers d’observations. La méthode d’application quoique imparfaitement connue, rend cependant d incontestables services : avec le peu qu’on sait on produit déjà des œuvres supérieures à tomes celles des médecins, malgré les innombrables moyens que le temps et des recherches multipliées ont mis à leur disposition. Que sera-ce donc lorsque le génie humain se sera emparé de ce puissant agent et l’aura soumis à une élude pron-fonde?Ah!je le dis sans crainle, encore un pasdans cette
route, et c’en est fait de la vieille médecine : on n’en voudra plus, elle n’existera plus que comme souvenir.
Voyez déjà les malades dédaigner les sommités de la médecine pour courir chez les somnambules ? Croyez-vous que s’ils ne guérissaient aucun malade ils continueraient d’avoir la vogue? On a appris déjà que l’être qui sent vos souffrances, qui vous les indique, sans qu’un mot soit sorti de votre bouche, est bien supérieur au médecin qui a besoin de vous interroger pour vous connaître, et qui, tout en vous connaissant, ne sait que vous indiquer les choses déjà prescrites et suivies sans succès.
Voilà donc une vérité découverte : la nature guérit lorsqu’on sait l’aider par une addition de puissance, et dans notre art imparfait encore nous pouvons donner à un grand nombre d’êtres l’excitant des facultés som-nambuliques, et faire jaillir la clairvoyance.
0 bonne et simple nature, les hommes ont méprisé tes lois! Est-ce que tu voulus jamais soumettre tes créatures et leur conservation au caprice des hommes et à leurs fausses règles? Non: lu as donné à 1 homme un rayon de lumière, mais tu n’as pas voidu qu il dominât tes lois, et, l’ayant tenté, sa folie près de la sagesse est devenue manifeste. Quoi ! les êtres souffrants appelleraient à leur secours des hommes qui ne savent ni se préserver ni se guérir? Ils se soumettraient sans murmure à ce cruel servage ? Cela aura pu se faire dans des temps de barbarie et d’opprobre; mais il faut retourner vers l'antiquité et ressaisir les traditions qui étaient venues de Dieu aux hommes par le souffle de son esprit, par les révélations du sommeil, par l’amour enfin, qui fait que les hommes en se ^approchant, en s’aimant, se communiquent la vie. C’est
une loi d’équilibre : celui qui a plus donne ou laisse prendre; celui qui a moins reçoit ou soustrait la somme dé richesse vitale qui lui fnanque.
J’aime à voir M. Charpignon et les hommes qui, comme lui, fouillent dans l'inconnu, avouer hautement le résultat de leurs recherches; ils craignent sans doute de s’égarer; une certaine crainte semble paralyser, à leur insu, l’inspiration que la nature leur donne. Mais est-on toujours le maitre de soi-même; n'avons-nous pas en nous les traditions de l’école, les principes dont nous avons nourri notre enfance, les préjugés souvent plus forts que notre raison; et enfin tout ce qui nous environne s’apprêtant à nous faire un crime de notre hardiesse. Toutes ces causes agissent sur nous sans que nous nous en doutions, et nous n’osons point donner toute l'élévation possible à notre pensée. Nous broyons la vérité avec l’erreur et nous pourrions rejeter l’une en épurant l’autre.
Quant à moi je n’ai pas la crainte : je ne redoute rien des préjugés des écoles; mais Dieu m’a refusé ccqui fait l’homme supérieur : je n’ai point de génie. J’ai seulement les sens, les veux du simple d’esprit ; examine les faits qui sont sortis de mes mains et les compare à ce que fait la science qui prétend guérir. Mon cœur entend les plaintes que chaque jour des malheureux font entendre; ayant tout épuisé, ils gémissent en accusant d'impuissance l’art des écoles. Comment serais-je resté dans le doute sur une vérité si patente ? Et, si j’ai pu soulager et guérir des maux désespérés par des procédés simples comme la nature, si j'ai vu celle-ci répondre à mes appels et me prêter son concours ; n’est-il pas évident que la médecine est là tout entière? Sans doute, le magnétisme ne guérira jamais tous les malades, mais il guérit
toute espèce de maladies. Qui ne sait d’ailleurs que beaucoup d’ètres apportent en naissant des germes empoisonnés qui en se développant doivent flétrir et détruire les organes avant le temps de la vieillesse ? Qui ne sait que 1 homme souvent est son propre bourreau? Qui peut nier l'influence des lieux, des habitudes pernicieuses, et tout ce cortège de maux nés des professions et des métiers nécessaires pourtant à un peuple avancé, mais qui condamnent l'homme à périr aux deux tiers du chemin de la vie?C'est aux réformateurs, aux socialistes, quoi qu'on en dise, quappartient la tâche de modifier ces institutions anti-humanitaires. On jugera alors si la nature a été bonne mère ou marâtre; car bien des philosophes ont soutenu cette maxime : Il faut que beaucoup meurent; la race humaine est trop féconde. Si on prouve la justesse de leur axiome, jl faudra rétablir la médecine des écoles; car les médecins ont fait plus de mal aux hommes que toutes les guerres ensemble.
En attendant ce jugement nous devons travailler à établir les vérités que Dieu a permis à l'homme de découvrir. Un sentiment secret pousse M. Charpignon dans cette voie ainsi que tous les magnétiseurs. Ils peuvent différer d’opinion sur les conséquences à tirer des faits produits et sur l'avenir réservé à la science; mais tous sont sincères.
J’espère que le docteur Charpignon ne verra point en moi un censeur, mais seulement un homme simple que l'ainourde la vérité aura pu éblouir.
Du Potet.
VARIÉTÉS.
Enseignement.— M. du Potet, se proposant de faire cette année un grand nombre de cours pratiques élémentaires de magnétisme, a fait apposer dans ce but des affiches dont voici le texte:
« Jamais découverte plus belle que celle du magnétisme ne s’est offerte au regard humain ; si vous en possédez les secrets, vous pouvez produire une série de merveilles dépassant de bien loin ce que la science obtient par l’emploi de tous les agents comme de toutes les forces connus.
» Par la vérité nouvelle la philosophie, la médecine, demfme que la physiologie et la psychologie sont éclairées de vives lumières; l'homme cesse d’être le jouet de l’ignorance; il apprend à se gouverner, à se guérir et devient bientôt supérieur à ceux que de vagues connaissances ont placés au-dessus de lui. Les savants ont un grand inlérèt à laisser ignorer ou à nier ces choses, mais ceseracommepourlacirculationdusang, la vaccine,etc., la vérilé triomphera bientôt et les couvrira de honte et de confusion.
» Les règles et la pratique de l’art nouveau seront enseignées dans le cours, et comme le magnétisme n’est point un don mais une propriélé commune à tous les hommes, les élèves ont la certitude de produire les faits dont on leur aura dévoilé l’existence. »
Le G rant, HÉBERT (de Garnay).
Sninl-Cloud. — Imprimerie de lielin-Maiiil.ir.
DES HALLUCINATIONS RELATIVES AU MAGNÉTISME,
En étudiant l’esprit humain on constate un fait bien digne de remarque et fort affligeant; c’est que notre pauvre cervelle est susceptible d’éprouver les plus grands dérangements. Et, quelle que soit la supériorité du génie, on trouve chez les hommes qui se sont distingués des dispositions identiques à celles qu’offre le vulgaire. Les plus grandes aberrations de l’intelligence peuvent saisir l’homme plein de raison; un mot, un fait mal compris, la lecture d’un livre écrit avec passion, un roman, un sermon, les remontrances emportées d’un homme d’église timoré, suffisent souvent pour amener une sorte de folie. Quelquefois aussi par imitation, nous tombons dans des dérèglements que nous avons combattus de toute la puissance de notre raison, et nous avons peine à en faire cesser les terribles effets. Ainsi des religieux fanatiques ont parfois exagéré des croyan-ccs d’abord calmes et tranquilles, et amené de véritables folies. Les annales de la médecine et de la jurisprudence offrent un ensemble, saisissant et terrible, d’histoires qui nous glacent d’épouvante.
Qui pourrait dire combien la recherche du grand œuvre, et celle de la quadrature du cercle ont fait d'hallucinés, qui se croyaient pourtant des gens fort sages? Les maladies n’agissent pas moins sur les facul-XUJ1K VII. — X° Ï8. — 25 SEPTEMBRE 1848. 6
tés mentales, ce qui prouve la connexion intime qui existe entre l’esprit et la matière.
Pourquoi l’esprit souffre-t-il des dérangements du corps? Pourquoi celui-ci voit-il ses fonctions troublées par les affections de celui-là? Pour résoudre cette question il faudrait apprécier la différente nature des agents qui constituent l’ensemble de notre être. La douleur, pour nous n’est qu'un avertissement, un appel que la nature nous fait. Mais qui jugera les douleurs de lame? Comment ce qui n’est point matière peut- il souffrir? Il faut, pour essayer de comprendre ce mystère, pénétrer au fond du magnétisme, et nous ne le pouvons pas aujourd'hui.
Nous ne voulons point parcourir toute la série deces phénomènes morbides : nous n’y trouverions que des choses affligeantes. Mais nous devons éclairer nos lecteurs sur l’apparition et la nature d’un fait nouveau qui devait naitre du magnétisme et rappeler les possessions et obsessions si fréquentes au moyen âge.
Qu’on n’accuse pas le magnétisme de ces dérangements; ils seraient venus par des causes étrangères. Il y a des dispositions, innées ou acquises, qui n’attendent qu’un léger incitant pour se manifester. Déjà nous pouvons constater quelques cas d’hallucinatiou, qui prennent le caractère que voici :
Des gens qui n’ont point été magnétisés, mais qui, pénétrés des effets qu’ils ont vus, des récits qu’ils ont entendus, des lectures qu’ils ont faites, se croient magnétisés, jurent leurs grands dieux que des magnétiseurs, téméraires ou perfides, s’obstinent à les poursuivre, à agir sur eux au travers des murailles, à de grandes distances, et par une pensée constante cherchent à leur nuire, à les assujettir à leurs caprices.
Nous n’avons pas besoin de dire (ont ce qu’il y a d’erroné clans de telles assertions, ce qu’il y a d'impossible dans l'exécution de telles actions. La nature a donné à l'homme une grande puissance, sans doute, mais elle a des limites qui restent bien en deçà de ce que croient ces pauvres malades. Comment faire passer cette vérité dans leurs esprits prévenus ? comment les détromper et les ramener à la raison? Jamais on n’eut de remèdes pour ces désordres qui durent le plus souvent jusqu’au tombeau.
C’est donc pour rassurer et pour éclairer les partisans du magnétisme sur la production de ces hallucinations d’un nouveau genre que nous allons leur tracer un rapide tableau des cas qui sont venus à notre connaissance. Puissent-ils bien reconnaître qu’aucun d’eux n'est coupable; et ne voir dans leurs accusateurs que des gens dont le cerveau est malade.
Cette lésion n’attendait souvent qu’un mobile pour se manifester; un esprit clairvoyant l’aurait pu reconnaître d’avance, quelque dissimulée qu’elle fût. Dans d’autres cas les esprits seuls sont atteints, et dans ces causes mystérieuses un voile épais en dérobe la connaissance. Comme dans le sommeil nous ne savons qui nous agite et nous donne des rêves, dans la veille nous ne savons non plus d’où nous viennent nos subites pensées et ces combats sans fin entre des forces contraires, qui, tour à tour, font pencher la balance et incliner notre jugement. D’où naît donc cette mobilité de notre esprit? pourquoi cejeu cruel?Est-ce pour manifester la débilité de notre nature, ou pour développer en nous le sentiment de la valeur des choses? Dans cette lutte, qui renaît à chaque instant, sommes-nous toujours certains pie notre raison est présente? Nul n'oserait l'assurer,
car la distance qui sépare le génie de la folie ne peut pas toujours être reconnue. Grand Dieu! combien de fous qui se croient sages et. dont les erreurs monstrueuses agissent sur nos destinées?
Chez les hallucinés de l’espèce magnétique les facultés intellectuelles ne sont que partiellement altérées. On verra par les exemples que nous allons citer l’allégation de faits impossibles rendue cependant presque croyable, tant les discours de ces malades paraissent serrés de logique et empreints de vérité. C'est que les facultés restées saines s’exaltent; c’est que l’esprit s’ingénie à trouver de plausibles explications ; et la puissance créatrice de nuire esprit est telle qu’elle rend parfois probable l’existence de faits imaginaires. Y aurait-il en nous un optique à double facette qui nous présenterait tour à tour la fiction et la réalité? Qu’est-ce qu'un faux jugement ? Une erreur de l’esprit. Que dit l’homme qui se trompe souvent? Que son esprit était absent. L’esprit peut donc déménager.
Combattez avec tous les arguments possibles l’assertion de l’homme qui dit avoir un reptile dans les entrailles : il vous assurera qu’il en sent les mouvements, les ondulations, tout ce qui enfin en démontre l’existence. N’a-t-on pas vu d’autres malheureux qui entendaient des voix partir de leur ventre ou de leur cerveau ; et quoiqu’il n'en fût rien soutenaient avec une grande habileté de raisonnement la réelle existence d’un fait imaginaire?
0 créature faible et impuissante que nous sommes : nous ne pouvons pas plus répondre de la constance de notre raison que de la prolongation de notre vie. Le moindre choc, un coup, une chute, une colère, la joie, le chagrin, un parfum, quelques gouttes de liqueur,
mille choses enfin, peuvent, à notre insu, nous jeter clans le délire et nous rendre plus misérable que la brute, car la souffrance esl souvent compagne de ces divagations et nous devenons bientôt un objet de crainte ou de pitié pour ceux qui nous environnent.
Lorsque la croyance au diable accompagnait la foi religieuse, on vit des milliers d’ensorcelés, possédés ou obsédés. Les Pères de ['Eglise, les rituels en font foi, exorcisaient les malheureux malades que le malin esprit, disait-on, tourmentait. Ils chassaient les diables par légions, la nature en était alors remplie : l’Ecriture les avait crées, leur avait donné des noms. Ce mobile a disparu, laissant la place nette pour d’autres erreurs, car l’humanité ne change pas. Nous allons voir pour un temps le magnétisme agir sur les imaginations et servir de base à des assertions sans fondement.
Etude digne d’un philosophe, car elle demande des facultés qui doivent saisir les rapports de toutes choses, la pénétration du génie! Qui dira l’influence des premières terreurs semées dans notre tendre cerveau par les êtres remplis de préjugés qui prennent soin de notre enfance? Ah! législateurs, et vous prêtres et rois, vous ne vous occupâtes jamais de préparera la vie réelle les êtres que Dieu vous avait confiés ! Qui de vous a tenté d’affranchir l'homme des vaines craintes, tourments du premier âge, et de le mettre en garde contre les illusions ? Vous voulûtes toujours des esclaves. Vous avez pétri ces pâtes humaines pour en faire l’instrument de votre despotisme. Jouissez aujourd’hui de votre ouvrage. Vous avez reçu votre, récompense; l'homme est libre, mais il ne sait se conduire. Vous avez été pour lui la cause d’un double malheur.
C’est avec un indicible chagrin que nous renfermons
dans noire cœur la connaissance de la véritable cause de la plupart des maux qui affligent les hommes. On accuse la nature et Dieu, tandis que les seuls coupables sont ceux qui nous ont précédés dans la vie. L'ignorance doit donc se perpétuer sur la terre; les traditions avant les vérités. Ainsi le voudront toujours ceux que l'intérêt guide.
Qu'on le croie bien, les faits que nous allons citer peuvent être saisis dans leur cause : ils ont pour origine des impressions d’enfance. On n’a su, ou n'a pu faire des âmes fortes et puissantes : tout s’est dévié au premier souffle. Et c'est ainsi que la nature nous châtie par des maux qui tendent sans cesse à nous avertir des vices qui président à l’éducation des êtres. Chacun ici apporte son tribu d’imbécilité, de niaiserie et d'ignorance. L’enfance ainsi dotée, les écoles font le reste; car des professeurs émérites prennent grand soin de nous inoculer leur sagesse. Ah ! je conçois maintenant pourquoi les vérités sont méprisées : on ne peut les comprendre. Faisons trêve à cette digression; les êtres dont nous allons nous occuper ne sont point comme ces girouettes qui tournent à tous les vents; ils n’ont qu’une idée dominante, mais elle est résolue, résistante, bien difficile à faire changer.
Il faut d’abord que nos lecteurs écoutent les plaignants : leur raison va parler ; qu’ils entendent l'exposé de leurs plaintes et de leurs griefs : nous viendrons après défendre les accusés et montrer dans tout son jour le vide et le néant de toutes ces accusations. Pour approfondir un pareil sujet il faudrait un traité spécial, cl toute une vie devrait y être consacrée; notre tâche se bornera à ce qu’il est indispensable de connaître; ce qui seulement se rapporte au magnétisme. Heureux si
nous pouvons agir sur l’esprit tic quelques hommes timides et peureux toujours disposés à s’exagérer le mal et par cela même enclins à rejeter les vérités. Répétons-le, ce ne sont point les vérités qu'il faut proscrire : elles viennent de Dieu; l’erreur seule vient de nous : c’est celle-ci qu'il faut rejeter et maudire.
Première observation.
Nous extrayons d’une brochure intitulée : Observation du magnétisme occulte, par Emile Roy, docteur en médecine, ancien chirurgien-major; imprimée à Paris chez Bourgogne et Martinet, en 1840, le récit qui suit:
Lo vrai n’est pas toujours vraisemblable.
Lorsqu’on vient présenter au public l’exposé de faits en dehors des lois connues généralement; que ces faits sont d’autant plus extraordinaires qu’ils semblent tenir du merveilleux, et qu’ils se produisent fort rarement, il faut s’armer d’un courage plus que stoïque, et s’attendre à être en hutte à tous les sarcasmes, à toutes les plaisanteries, à toutes les contradictions que l'on rencontre d’ordinaire quand on sort des limites des connaissances vulgaires pour s’élever dans des régions peu connues dont la société ignore, pour ainsi dire, complètement la force des influences. Aujourd'hui personne ou presque persoune n’ose croire aux miracles, aux inspirations divines, aux possessions diaboliques, aux apparitions d’esprits, aux prédictions extatiques, aux magies surtout, dont l'antiquité nous offre tant d'exemples surprenants. Dès qu’un homme vient annoncer au monde savant, ou plutôt au monde prétendu
savant, un fait qui sort du cercle reçu, il est taxé de fou, de visionnaire,de maniaque, d'halluciné, quelquefois de charlatan, de fripon, d’assassin même, el les masses ignorantes qui ne pensent que par le cerveau des hommes haut placés sur l’échelle scientifique s’empressent de faire chorus avec eux. Cependant, le peu de gens qui se sont adonnés à l’étude de la philosophie occulte poursuivent leurs travaux mystérieux sans s'inquiéter du jugement des incrédules, des rires hébétés des sots, des attaques ridicules de l’ignorance envieuse ; et chaque jour des faits nouveaux, inouïs,viennent grossir l'énorme dossier des preuves irréfragables qu’ils onl accumulées en faveur de leurs opinions avancées. D’après ces considérations, je me plais à publier une expérience dont je suis l’objet depuis longtemps déjà, laissant à mes lecteurs le soin d’apprécier la valeur du cas chacun selon ses vues.
Après avoir quitté l’armée, je suis entré le 1er décembre 1839 comme chirurgien-major en disponibilité à Périgueux (Dordogne), pour m’y reposer des fatigues de la guerre au sein de ma famille; je pris un logement en janvier 1840 chez M. Lavaud,mon ami et mon parent. Là, occupé de musique, de lectures agréables,environné de soins affectueux que me prodiguaient des femmes aimables, je me trouvais heureux, lorsque, vers le mois de février, des bruits sourds tendant à nuire à ma réputation circulèrent dans la ville, et m’obligèrent de faire insérer dans les journaux du département des lettres de mes chefs qui devaient faire tomber la calomnie.
Cependant ce fut au mois de mars que trois magnétiseurs ambulants, amenés, payés par je ne sais qui, commencèrent dans l’ombre et d’une manière criminelle à
me magnétiser à distance et à développer déjà des phénomènes que je ne pouvais m’expliquer, mais qui m’occupaient beaucoup; ainsi alors j’entendais des personnes {iii me calomniaient, mais je ne pouvais les distinguer ; j’éprouvais des maux de tête, j’étais inquiet, le système nerveux commençait à être dans nn état d'irritation anormale, je ressentais parfois des mouvements fébriles. Cet état se prolongea quelque temps sans me fatiguer beaucoup; mais c’est en avril que j’éprouvai pour la première fois un accès de fièvre magnétique assez fort, puisque je me crus alors menacé par ma famille tout entière, dont les voix m’arrivaient parfaitement semblables à celles que je connaissais, mais surtout par mon frère, qui semblait me provoquer.
Mon frère, ainsi que toute ma famille, me chérissait alors comme aujourd’hui, j’en ai eu des preuves manifestes, et cependant la tète en feu, dans un état de délire, l’estomac surexcité, le pouls agité, et quelques autres symptômes secondaires me tourmentant, je me rappelai avoir dit à ma cousine, madame Lavaud, en présence de ses filles : « Mon frère vient me braver, il me menace, il me provoque, je ne tirerai pas le premier, mais, s’il veut se battre, je ne recule jamais. » Eh bien! mon frère m’aimait alors comme il l’a toujours fait, et c’étaient les misérables magnétiseurs occultes qui commençaient à me tenir en rapport.
Tourmenté plus lard par des voix qui m’insultaient, me menaçaient, surtout la nuit, el croyant que la famille Lavaud, dont 011 imitait les voix à s’y méprendre, me trahissait, je quittai cette maison, qui m’avait comblé de bontés et de soins affectueux, pour prendre un logement où j’occupai seul au premier de vastes chambres.
Quelque temps après mon changement de domicile, les trois misérables qui m’ont rendu si malheureux depuis, et qui avaient calculé d’avance l’avantage qu’ils trouveraient à m’isoler pour arriver plus facilement à leur coupable but, puisqu’ils avaient cherché à obtenir ce résultat, prirent tous leurs moyens pour agir; et après avoir essayé, sans aucun doute, nombre de fois à me placer sous leur influence, finirent par arriver à ce résultat vers la fin de mai. Alors un soir, au moment où j’allais passer de la veille au sommeil, c’cst-à-dire où ma volonté, mes forces réactives allaient m’abandonner momentanément, je fus magnétisé à flots, si je puis m’exprimer ainsi, et le lendemain je dépendais complètement de mes persécuteurs. C’est dire que trois étrangers, que je n’avais jamais vus, s’étaient emparés à mon insu, contre ma volonté, de ma liberté tant morale que physique, qu’ils voyaient par mes yeux, entendaient par mes oreilles, touchaient par mes mains, etc.; que comme magnétiseurs ils pouvaient savoir tout ce que je faisais, tout ce que je pensais, et que moi je ne pouvais que les entendre, et encore cela était subordonné à leur volonté.
Ces phénomènes merveilleux auraient pu être supportés un moment, malgré le procédé infâme qui leur avait donné naissance; mais que direz-vous d’une insomnie de dix jours, d’une céphalalgie des plus violentes, avec menace de congestion cérébrale, d’irritation gastrointestinale grave, avec constipation des plus fatigantes, d’une activité musculaire si forte, que sans pouvoir manger j’étais constamment à courir de côté et d autre sans pouvoir m'arrêter nulle part ; enfin, je sentais, si cet état avait duré, la vie m’échapper.
J’ai douté, jusqu’au moment où j’ai éprouvé ces ac-
cidents, de la cause de ma maladie; mais ces voix qui venaient retentir à mes oreilles, et la présence d’un sieur Fugères, magnétiseur connu et opérant ouvertement à Périgueux, me firent penser que des ennemis cachés m’avaient fait magnétiser occultement; et j’étais d'autant plus porté à avoir ces idées, que j’étais calomnié, menacé constamment, injurié, au point que dès le deuxième jour où je me vis sous une influence étrangère et criminelle, je me roidis contre les misérables qui m’avaient attaqué ainsi, et fis tous mes cfforls pour les voir en face, mais ils restérenl cachés; j’avais affaire à des lâches comme je n’en connus jamais.
Le lendemain ou le surlendemain, voulant connaître si le sieur Fugères avait figuré dans ce lâche attentat, je lui fis une visite et le priai de me magnétiser, voulant connaître s'il parviendrait à faire cesser ou à détourner le mal qui me tourmentait si violemment. Je ne pus découvrir là-dessus rien de ce que j’aurais désiré connaître ; il se contenta de me dire qu’il me magnétiserait à la société philologique. Je ne le revis pas depuis.
Quelques jours après celui où je me trouvai en rapport forcé avec les individus dont j’ai parlé, il se forma un aréopage que j’appellerai magnétique, et dont je ne puis indiquer la composition, puisqu’il est resté constamment caché; mais croyant, quoique ma position fût des plus légales, et que je pusse lever la tête partout, que les maçons périgourdins, trompés par de faux rapports, avaient voulu sonder ma conduite passée et présente, je voulus obéir à cet aréopage pour faire cesser le plus (ôt possible le mal qui me tourmenlait. Sur ses ordres je me rendis, quoique bien malade, chez le procureur du ioi, le colonel commandant le département, et quelques autres autorités pour leur rendre compte de
ma conduite ; mais ces messieurs me renvoyèrent en me disant qu'ils n’avaient pas besoin de justification de ma part, et qu’ils ignoraient qui avait pu me porter à une pareille démarche ; je répondis que j’avais l’idée qu’une société amie, que je ne nommais pas, m’avait forcé à ces démarches.
Je me rappellerai longtemps que pendant mon séjour chez le procureur du roi, j’étais assis en l’attendant vis-à-vis le buste de Napoléon, et pendant que je contemplais les traits du grand capitaine, une idée étrangère m’arriva malgré moi, et se développa dans mon cerveau; elle est si obscène que je ne l’écrirai pas ici; mais je fus fixé dès lors sur ce que pouvaient faire des magnétiseurs criminels chez un homme qu’ils voulaient perdre, et dès ce moment je vis qu’ils ne pouvaient m’avoir que la vie, et que ma réputation d’honnête homme me resterait.
Deux ou trois jours après ces visites chez les autorités, ordonnées par l’aréopage que je croyais maçonnique, je fus décrété par ce lâche tribunal comme atteint de folie, et forcé de me retirer à la campagne, à une lieue de Périgueux. J’obéis par bonté. Pendant ce voyage, insulté, menacé par les misérables magnétiseurs qui se disaient maçons, et centralisaient la voix de plusieurs personnes, accablé de douleur et d’ennuis, il m’a fallu toute la force d’âme d’un homme bien trempé, d’un vieux militaire, d’un père chérissant son enfant, pour ne pas me jeter dans la rivière ou me brûler la cervelle, surtout au moment où, arrivant près de la maison de mon père, j’entendis les voix de mes parents me dire que j’étais un réprouvé, que je ne pouvais vivre prés d’eux, qu'il fallait m’éloigner ou qu’ils me tueraient. Tout cela était encore de la ventriloquie magnétique,
ou l’effet d'instruments qui produisent le même résultat en arrivant aux oreilles du magnétisé.
Arrivé dans ma famille, tout éplorée de ma fatale position, je fus obligé pendant douze jours de supporter les atteintes presque toujours douloureuses dont on se faisait un jeu de m’accabler; affecté alors de gastro-entérite avec irritation cérébrale, à la diète depuis plusieurs jours, amaigri, affaibli au physique, j’ai constamment conservé ma volonté, quoiqu’elle ait été attaquée bien souvent. Là, j’ai, dans les premiers moments de mon séjour, reçu l’envoi d’idées homicides relatives à mon père, d’idées obscènes relatives à ma mère, à mes sœurs; j’ai été accablé d’idées calomnieuses ou des plus criminelles, et j’ai pu supporter cela sans succomber; j’ai même fini par vaincre mes adversaires à cette époque dans une lutte si inégale.
De retour à Périgueux,je devais voir et connaître mes magnétiseurs; mais, toujours lâches jusqu’à la fin, ils n’ont jamais osé, pas plus (pie ceux qui les avaient laissés opérer, se déclarer les auteurs de cet acte infernal, et j’ai été trompé dans mon attente, cette fois comme tant d’autres.
Alors, sous le prétexte que ce rapport magnétique avait fait connaître ces phénomènes extraordinaires, ces trois magnétiseurs en question m’ont proposé un moment d’être dorénavant bienveillants, quoique toujours agissant dans l’ombre, si je voulais les seconder dans des expériences qui nous seraient profitables. J’ai accédé à cette proposition, croyant trouver le bien à côté du mal, comme cela arrive souvent; mais au bout de quelques jours j’ai reconnu que j’étais joué continuellement, et qu’on cherchait encore, après m’avoir assassiné moralement, à m'humilier, à me déshonorer d'une
autre manière. J’ai témoigné alors la volonté de n’avoir aucun rapport avec mes ennemis invisibles, et j’ai demandé instamment aux autorités de faire en sorte «pie je fusse débarrassé de ces gens sans pouvoir jusqu’ici l’obtenir.
Je pense bien que des effets si extraordinaires d’une cause peu connue ne seront pas acceptés par tout le monde comme le résultat d’expériences positives appréciées par un jugement sain et analysées par la froide raison; cependant, à l’appui de choses si surprenantes, je pourrais citer les opinions de philosophes célèbres dans l’antiquité, de savants du moyen âge et d’habiles contemporains, etc., etc..........
L’auteur énumère ensuite divers points d’histoire où il estparléde persécutions analogues à celle dont il se plaint. Mais il serait superflu de le suivre dans son excursion ; la preuve qu’une maladie cause cette hallucination se trouve indiquée par lui - même dans vingt endroits : « une gastro-entérite avec irritation cérébrale. » Et pourtant, il croit, il est entièrement convaincu, il allirme que ces maux ont une origine différente, qu’ils ont le résultat de coupables machinations. Qui ne sait aujourd’hui que beaucoup de maladies mentales se développent sous l’empire de moins dedésordres physiques que n’en spécifie ce malade ? Mais cherchez à persuader cet homme du vide de son accusation : il vous dira je sens, j'éprouve, j’entends ; mon jugement est sain. Trop heureux s’il ne vous met au nombre de ses persécuteurs. Trop heureux encore qu’il conserve assez de force morale pour n’être point homicide : un pas de plus dans cette voie et l’on devient assassin. La voix mystérieuse
qu’on croit entendre vous pousse el vous sollicite au meurtre, puis c'est sur vous-même que votre main dirige le fer assassin, car la terrible voix continue de se faire entendre.
(La tuile au prochain numéro.)
VARIÉTÉS.
Une séance chez Abd-el-üader. — Le
2 septembre était la fin du Ramadan et le premier jour du Béïram ou fôte de Pâques. L’émir réunit dans un déjeuner les officiers supérieurs du château, et, le repas lini, ceux-ci, pour compléter la fête, le rendirent témoin d’expériences de somnambulisme.
Cette séance fut donnée par M. Lassaigne, dit Laurent. Les détails des expériences faites dans cette circonstance se trouvent dans un petit écrit de Ricard, associé du précédent pour l’exhibition de Prudence. Nous transcrivons sa narration :
« Après quelques paroles échangées entre Abd-el-Kader et le capitaine Boissonnet, qui voulut bien servir d’interprète, M. Lassaigne magnétisa sa somnambule. La plupart des Arabes parurent étonnés de voir le sujet succomber si promptement au sommeil, sous l’influence des passes magnétiques. Abd-el-Kader, lui, se montra tout à fait indifférent. Aussitôt, les expériences commencèrent.
10 Insensibilité physique.
» La somnambule endormie se laisse enfoncer dans les chairs, et à une grande profondeur, plusieurs longues et fortes épingles. On lui applique sous le nez, pendant longtemps, un flacon contenant plus de 120 grammes d’ammoniaque liquide concentrée, elle respire comme d’habitude, et ne parait ni incommodée, ni contrariée de ces épreuves.
2° Vision malgré iocclusion des yeux.
» L’émir voit, en souriant, qu’on prend la peine de matelasser les yeux du sujet, de comprimer les tampons, et de lui envelopper toute la tète jusqu’à la poitrine d’un épais et lourd burnous, que ne supporterait ainsi, par la chaleur qu’il fait, aucun des Africains présents à la séance.
» On demande à Abd-el-Kader comment il désire s’assurer que le sujet, dans un tel état, distingue les objets sur lesquels on appelle son attention. Bien moins exigeant que ne le sont les Européens en général, l’émir se contenu d’écrire son nom en français et en arabe et de demander qu’on le soumit à la somnambule. Aussitôt, celle-ci porta le papier contre sa poitrine et lut, ou plutôt elle épela A...ab...ab..del... Abd-el-Ka...der. Abd-el-Kader. L’émir sourit, posa sur un livre le roseau qui lui sert de plume, fit un signe d’approbation et de contentement, et demanda qu’on délivrât la somnambule des obstacles qui la fatiguaient.
3® Compréhension et exécution de L’ordre mental.
» Après qu’on eut accordé quelques instants de repos à la somnambule, on demanda à Abd-el-Kader ce qu’il désirait qu’elle exécutât.
» Qu’elle aille prendre le chapelet que mon oncle porte à la ceinture, dit-il. »
» L’ordre fut traduit tout bas à l’oreille du magnétiseur, qui se tenait silencieux et immobile derrière son sujet. A l’instant même, la somnambule se lève, traverse obliquement la chambre, se courbe devant le vénérable vieillard, qui est assis à la manière des tailleurs sur un matelas, et dont l’étonnement semble mêlé d’effroi ; elle porte les mains à la ceinture du mahométan, décroche le lourd chapelet et l’apporle à son magnétiseur, aux grands applaudissements de l’émir, qui avait du prier son oncle de ne pas s'opposer à l’expérience.
» La satisfaction que venait de montrer Abd-el-Kader nous engagea à lui demander de donner un ordre nouveau. Cette fois, l’émir désira que la somnambule allât baiser les genoux de l’un de ses frères. L’ordre fut à peine communiqué à M. Lassaigne que la somnambule, qui était revenue à sa place, se leva hardiment, marcha droit vers le jeune Arabe, et déposa un baiser sur ses genoux, joints alors, et couverts du burnous oriental.
4° Influence du cuivre sur le système nerveux de la somnambule.
» Le magnétiseur ayant annoncé que le cuivre, approché à quelques pouces de la somnambule, lui produisait une
sensation pénible, on proposa d’avoir plusieurs boites pareilles, d’enfermer du cuivre dans l’une d’elles, de les disposer dans un certain ordre, à l'insu du magnétiseur et des partisans avoués du magnétisme, d’en faire approcher le sujet, et de lui.demander d’indiquer, sans toucher aucune des boîtes, celle où le cuivre se trouverait. Certes, cette expérience, faite dans de telles conditions devenait concluante, en cas de réussite. Eli bien! la somnambule, après avoir promené sa main au-dessus des boites, à 15 centimètres de distance environ, indiqua précisément la boite contenant le cuivre ! Cependant, la masse métallique était bien faible, car ce n’était qu’un clou de fauteuil.
5° Illusion (les sensations.
» Le magnétiseur proposa que l’on prit parla main sa somnambule; qu’on lui commandât de marcher, et que l’on eût la volonté qu’elle se figurât appuyer les pieds sur telle ou telle chose, au lieu du parquet.
» Le docteur du château se mit alors en rapport avec la somnambule, et prit la volonté que le parquet se trouvât, pour le sujet, momentanément couvert de verre cassé. — Ah! fit la somnambule aussitôt, je me blesse les pieds, vous voyez bien qu’il y a 1 a du verre casse', et que je ne puis avancer.
» Après le médecin, M. le rédacteur en chef du Mémorial des Pyrénées demanda à faire une expérience du même genre. Il fut mis en rapport avec la somnambule, et voulut qu’elle s’imaginât marcher dans la crème à la vanille. C’était là une idée assez bizarre, idée de journaliste incrédule, mais le sujet n’y échoua point. Après avoir fait deux pas, la somnambule, tâtonnant des pieds,
dit : Mais je ne sais pas précisément dans quoi je marche. C’est comme de la vase très-molle, cependant ce
n’est pas de la vase. Attendez, laissez-moi sentir.....
C’est... Ah! que c’est drôle ! c'est de la crème à la vanille. — L’illusion était complète.
» La somnambule était fatiguée, M. Lassaigne la réveilla.
» Le professeur (Ricard) ayant demandé à l’émir ce qu’il pensait des phénomènes du somnambulisme, Abd-el-Kader lui répondit :
h Nous avons en Afrique des personnes qui ont » les mêmes facultés que la dame qui est ici; mais » on croit généralement, dans notre pays, que ces » voyants obéissent à la puissance de bons ou de mau-» vais génies, scion qu'ils font le bien ou le mal. »
» Il est plus que probable que l’émir avait déjà vu et étudié des somnambules et des extatiques.
Nécrologie. — Le magnétisme vient de perdre un de ses premiers adeptes, et peut-être le seul restant des élèves de Mesmer. M. de Chastenet de Puységur (Jac-ques-Maxime-Paul), né le 15 septembre 1755, vient de mourir à Bordeaux. Il était général de division.
Sa carrière magnétique n’est signalée par aucun trait spécial; il n’apparaitdans l’histoire que comme souscripteur au premier cours de Mesmer. Il est désigné dans les écrits magnétiques sous le nom de comte Maxime pour le distinguer de ses frères, le comte Chas-tenet et le marquis, dont les découvertes ont exercé une si grande influence sur le magnétisme.
Chronique. — 11 y a maintenant dans les hôpi-
taux de Paris, une dizaine d’élèves qui magnétisent des malades à l’insu des chefs de clinique. Plusieurs ont tenté déjà de faire partager leur conviction à quelques-uns de leurs camarades; mais ils n’ont pu vaincre encore leurs préventions. Si le magnétisme pouvait entrer dans ce monde d’étudiants, il ne tarderait pas à déborder dans la Faculté.
— Nous avons trois nouveaux noms à inscrire sur la liste des actionnaires du Journal. Ce sont :
MM. Lion ;
Lasseron ;
Chambal.
On s’étonnerait à bon droit qu’une œuvre de dévouement comme celle-ci trouve aussi peu de partisans, si nous ne disions pas, que nous avons reçu un grand nombre de promesses,dont les événements politiques ont empêché la réalisation.
— On vient d’extraire du chanvre un principe immédiat nommé cannabine qui produit tous les effets du hashich à la dose de 2 centigrammes. 11 paraitquel’éther en neutralise immédiatement les effets, et que, dissoute dans ce liquide, elle ne produit rien à la dose énorme de un gramme. On nous assure que le magnétisme agit de même que l’éther. Nous devons vérifier cette assertion dans un des hôpitaux où les premières expériences ont été faites : nous tiendrons nos lecteurs au courant de ce que nous aurons appris à cet égard.
— Nous pensions qu’on ne croyait plus à l’influence des nombres; il n’en est pas ainsi. Nos gouvernants, s'il faut en croire certains bruits de comité, ont été effrayés de voir que la constitution se clôturait par le numéro 11.‘{.Grande a été leur frayeur; on s’est réuni chez le président, et on a proposé la scission de quelques arti-
clcs pour dépasser le nombre fatal. On ajoute que certains de nos gouvernants ont consulté les somnambules. Si Nostradainus vivait de nos jours, il ferait fortune. {Réforme.)
— Le D'Hardingue, ayant à amputer le doigt du milieu d’une jeune femme, la soumit à une inhalation de chloroforme. Le sujet étant parfaitement endormi, l’opérateur procède à l’amputation, qui ne dure que quelques instants; mais ce fut en vain que tous les moyens pour le retirer de la torpeur furent employés. L’opérée ne donna plus aucun signe de vie.
(Répertoire de pharmacie.)
Itcvucdcft Journaux. — Le Journal du Midi, du 3 septembre, rapporte brièvement des expériences faites devant Abd-el-Kader au château de Pau.
— L’Assemblée nationale, du 6, la Démocratie pacifique et le Courrier français, du 12, reproduisent le récit du Journal du Midi, ci-dessus mentionné.
— Le Courrier de Lyon, du 20, relate une prédiction de somnambule concernant les revers de Charles-Albert. Cette citation est présentée d’une manière bienveillante pour le magnétisme, et très-favorable à la somnambule. Remarquons que l’annonce authentique du fait est postérieure à son accomplissement ; ce qui, sans infirmer la prévision, en annihile toute la portée.
BIBLIOGRAPHIE.
Etudes suh les morues judiciaires du xvii' sitcLE, par M. Jules Gendemen, avocal.
Comme il entre dans nos intentions de passer en revue les erreurs de l’esprit humain dont la source occulte semble se rattacher à quelques faits de magnétisme, nous allons, pour préliminaire, donner un extrait de l’ouvrage sus - mentionné, qui renferme les choses les plus bizarres, et rappelle les croyances de nos pères. Ce sera pour nous une occasion de jeter, plus tard, quelques lumières au milieu des ténèbres qui environnent ces questions toutes palpitantes encore d’actualité puisque les mêmes croyances subsistent dans des cerveaux qu’il fautguérir. C’est un service qu’il faut rendre aux hommes que de leur montrer les folies passées, et de déterminer la source d’où se sont écoulées les erreurs qui firent couler des flots de sang humain. Nous arriverons ainsi aux hallucinations nouvelles qui prennent le magnétisme pour point de départ et qui pourraient égarer une foule d’esprits faibles.
Indiquer la cause des maux moraux, c’est préparer leur guérison. Après ce long article nous donnerons la relation de faits presque identiques, tout récents, mais qui, grâce à la tolérance et aux lumières de la philosophie, ne relèveront que du tribunal de la science.
Voici ce qu’on lit dans la Gazelle des tribunaux, du
9 janvier 18'rfi; l'auteur de l’article est un des membres les plus distingués du barreau belge :
« An xvii0 siècle, la démonologie, ou la démonogra-phie, était une partie fort importante du droit criminel, et c’est peut-être de toutes celle sur laquelle on a le plus écrit. Les cas de possession et de sorcellerie étaient en effet tellement nombreux, qu’une jurisprudence imposante 11e tarda pas à s’établir sur cette partie du droit criminel.
» On peut se demander de quels éléments et de quelles données l’on a pu se servir pour arriver à former une science du démon ou démonologie : il est très-facile de répondre à une telle question.
» Chaque cas de possession donnait lieu à une, et plus souvent à deux instructions; à côté de l’instruction criminelle venait en effet l’instruction ecclésiastique, fondée sur la nécessité des exorcismes. Toutes ces instructions étaient faites avec un zèle extraordinaire. Ainsi, toutes les divagations des possédés, tous leurs dires incohérents ou non, tous leurs faits et gestes se trouvaient constatés dans de nombreux procès-verbaux. Or, qui pouvait parler du diable avec une plus grande connaissance de cause que ceux qui en étaient possédés ou obsédés! (On sait que la possession était l’état de ceux qui avaient le diable au corps, c’est-à-dire dans le corps même; tandis que Vobsession était l’état des personnes sur lesquelles le diable agissait extérieurement.) C’est de tous ces faits étranges, de toutes ces paroles fiévreuses, de toutes ces hallucinations, de toutes ces extases vraies ou fausses, consignées dans les procès-verbaux dont nous venons de parler, que s’emparaient avidement les jurisconsultes d’alors pour en abstraire les
éléments de la science du diable, ou de la démonologie.
» Ainsi Gaufridy (brûlé en 1611), Gaufridy, en proie à la fièvre de la terreur et de la question, racontait-il que le diable lui était apparu pour la première fois « en » habit commun, sans épée, ayant cependant dans cet » habit simple l’air d’un homme de condition, ou, si » l’on aime mieux, d’un financier, les cheveux et la » barbe châtains, le teint fort blanc, etc.,» à l’instant les démonographes s’emparaient de ce trait pour l’ajouter au portrait du démon. Madeleine de la Palud racontait-elle à ces exorcistes qu’au sabbat on ne se servait jamais de couteaux, de peur que, par hasard, ils ne vinssent à former des croix, et que l'huile et le sel consacrés par des usages religieux étaient également bannis de la table des sorciers au sabbat, c’étaient là des éléments de science qu’on se gardait bien de négliger. Le diable, en effet, apparaissait aux sorciers non moins qu’aux possédés.
m Qu’était-ce maintenant que le sabbat? C’était une réunion de sorciers, ayant pour but d’adorer le démon et de composer des maléfices. Qu’y faisait-on ? On le sait parfaitement : je dirai plus, on en a la connaissance la plus authentique qu’il soit possible de se procurer, l’aveu fait en justice par les sorciers qui s’y rendaient volontairement et les possédés qui y étaient traînés malgré eux.
» Veut-on connaître le portrait du diable tel que l’ont tracé ceux qui l’ont vu? Que l’on ouvre quelqu'un des démonographes du xvn' siècle, Loyer, Lancre, Majo-lus ou Delrio, et l’on y trouvera le portrait le plus détaillé du prince des ténèbres, ainsi que les éclaircissements les plus positifs sur les mystères du sabbat.
» Nous serions très-fâché que l’on crût que ceci est
une plaisanterie. Rien n’est plus sérieux, au contraire; rien n’est même plus scientifique, sous un certain point de vue,que ces incroyables imaginations, puisque toutes ces recherches, toutes ces études des démonographes de ce temps avaient pour but de déterminer la nature d’un crime qu’on punissait aussi fréquemment alors qu’on punit, par exemple, le vol aujourd’hui.
» Voici un portrait du diable donné par un des plus célébrés démonographes :
» Son trône est une chaise noire ; il a deux cornes au » col, une autre au front avec laquelle il éclaire l’as-» semblée, les cheveux hérissés, le visage pâle et trou-» blé, les yeux grands, ronds, fort ouverts, enflammés » et hideux; une barbe de chèvre; la forme du col et » tout le reste du corps mal taillé, le corps en partie >i en forme de bouc ; les mains et les pieds comme ceux » d’une créature humaine, excepté que les doigts sont » tous égaux, pointus par les bouts, armés d’ongles res-» semblant à la serre d’un oiseau de proie, la queue » longue comme celle d’un âne. Il a la voix effroyable, « il garde une gravité, mêlée d’une extrême fierté, et » cependant sa contenance est celle d'une personne mé-» lancolique et ennuyée. Quelquefois il se transforme » en un grand levrier noir, en tronc d’arbre, en cor-» beau gigantesque, en petits vers fourmillants, ou » préférablement en grand bouc armé de fortes cor-» nés, etc., etc. »
» Comment douter de l’exactitude des détails que nous connaissons sur le sabbat, puisque des milliers de témoins, les uns aidés un peu, il est vrai, par l’influence de la question, les autres volontairement et librement,
en ont raconté tous les mystères? C’est ainsi que l’on est parvenu à savoir que les jours ou plutôt les nuits de sabbat sont ordinairement fixées entre le mercredi el le jeudi, et entre le vendredi et le samedi de chaque semaine.
» Le droit criminel, aux prises avec la sorcellerie, avait souvent à résoudre les questions les plus épineuses. Ainsi une possession était constatée, el le possédé livré aux exorcistes. Le possédé racontait des scènes du sabbat, désignait les personnes qu’il y avait vues; ou bien, plus fréquemment encore, accusait un individu d’ètre la cause de sa possession. Question de savoir si ces révélations arrachées aux possédés par la force des exorcismes pouvaient servir de preuve contre les personnes qu’elles inculpaient. Les uns disaient que de telles preuves ne laissaient pas que d’être dangereuses, parce que le diable, avec qui on était aux prises, les inspirait aux possédés peut-être par malice et dans le but de perdre des personnes innocentes. Les autres, au contraire, soutenaient que la vertu des exorcismes était telle que le possédé était contraint de ne dire que la vérité; que, d’ailleurs, dans des accusations de ce genre, le diable étant le premier complice de l’accusé, devait employer tout son pouvoir pour le protéger, pour dérouter la justice, et que, dès lors, pour combattre une telle influence, il était bien permis de se contenter des plus légers indices, eide forcer un peu les formes ordinaires.
«Ainsi la présence sur le corps de marques insensibles; les accusations des possédés et les aveux arrachés par la torlure, telles étaient les preuves dont le droit criminel se contentait alors pour convaincre les individus accusés du crime de sorcellerie.
» Toutefois, l’on sentait bien par moments que ces preuves étaient insuffisantes. Souvent des procédures furent abandonnées, parce que le nombre des personnes accusées par les possédésdevenaiteffrayant.On cite entre autres une procédure où il y eut bientôt mille accusés de sorcellerie.
» Quelques jurisconsultes et quelques médecins montraient dès lors une bien scandaleuse incrédulité; l’un d’eux avait osé dire, à propos de ces possessions : Multa ficlct,pauca a inorbe, nihil a dœinone.
» On avait recours aux plus singuliers moyens pour arriver à constater la sincérité des possessions, ou à se laver de l’imputation de sorcellerie. Un de ces moyens, entre autres, était l’épreuve de l’eau. On jetait à l’eau, pieds et poings liés, les individus accusés de magie. S’ils enfonçaient, ils n’étaient point sorciers; si, au contraire, ils surnageaient, la preuve du crime était acquise.
» Quelquefois ces épreuves avaient lieu par autorité de justice; d’autres fois elles étaient volontaires, et l’on vit des personnes se faire jeter dans l'eau, pieds et poings liés, par devant notaire, pour prouver leur innocence.
»> On était beaucoup plus d’accord au dix-septième siècle sur les signes de la possession que sur les preuves de la sorcellerie. D’abord le rituel donne les signes auxquels on peut reconnaître les véritables possessions. Il existait ensuite sur cette matière un principe généralement reçu, c’cst qu’il fallait admettre comme signe incontestable de possession tout fait passant les forces de la nature humaine. En outre, les autorités ecclésiastiques les plus éminentes avaient, sur ces matières, émis en plusieurs occasions des jugements solennels, qui, réunis, formaient une sorte de jurisprudence en cette matière. Voici entre autres un de ces jugements : 11 s’a-
gissait de constater la possession de dix-huit religieuses d’un couvent d’Auxonne; elles avaient été exorcisées pendant quatorze jours par l’évêquede Châlons en personne et une foule de religieux accompagnés d’un médecin nommé Morel, connu par sa doctrine (dit le procès-verbal).
» Les différents procès-verbaux constatent que toutes ces religieuses sans exception paraissaient avoir le don des langues, en ce qu’elles avaient toujours fidèlement répondu au latin qui leur était prononcé par les exorcistes, et en ce qu’une d’elles avait même parlé irlandais. Elles obéissaient à des commandements et à des injonctions faites mentalement.
» Quelquefois elles ont découvert au seigneur évêque des particularités fort secrètes touchant ses affaires domestiques, etc., etc.
» Elles témoignaient une grande aversion pour les choses saintes, étant, dit le procès-verbal, nécessaire d’employer souvent plusieurs heures pour en confesser une, à cause des résistances extrêmes et des cris dont leurs confessions sont interrompues, et qu’on ne surmonte qu’à force d’imprécations et de commandements au démon. Dés qu’elles avaient reçu la sainte hostie, elles faisaient des cris et des hurlements effroyables, se roulant par terre, la sainte hostie demeurant toujours sur la pointe de la langue, qu’elles avançaient et retiraient horriblement au commandement de l’exorciste, etc., etc. ; proférant souvent, dans la chaleur des exorcismes, et surtout pendant la sainte messe, des blasphèmes et des exécrations si horribles et si fréquents contre Dieu et sa sainte Mère, qu’il était impossible de les ouïr sans frayeur, et qu’ils ne peuvent sortir que de la lx>u-che du démon.
,1 Los exorcistes constatèrent encore la cessation du pouls, l’insensibilité locale, la roideur tétanique, la fixité du regard, etc.
>> Le procès-verbal constate encore que la sœur Hum-berte Borthon, dite de Sainte-François, se trouva absolument et entièrement guérie le jour de la Présentation de la Vierge, 1661 ; et pour marque de sa délivrance, jeta par la bouche un taffetas plié dans lequel parut écrit en lettres rouges le nom de MARIE et les quatre lettres initiales de saint Hubert et de saint François de Sales; — que la sœur dite de la Purification avait été délivrée de plusieurs démons le jour de saint Grégoire le Thaumaturge, et pour signe de cette grâce rendit par la bouche un morceau de drap dans un cercle de cuivre dans lequel était écrit le nom de Grégoire.
» On trouve encore dans ce procès-verbal un fait bien plus extraordinaire. Le même jour de la Présentation, la sœur de la Purification, pour marque d’une autre délivrance de plusieurs démons chassés de son corps dans le commencement de l’exorcisme, fit paraître dans un instant sur son bandeau, en gros caractères comme de sang, ces mots : Jésus, Marie, Joseph.
» On lit encore dans ce procès-verbal que souvent les possédées ont rejeté du fond de l’estomac certains corps étrangers qu’elles appellent des sorts ou maléfices, tels, par exemple, que des morceaux de cire, des ossements, des cheveux, des cailloux fort gros, des pattes d’oie, et enfin des grenouilles et des crapauds.
» Ces possédées prenaient en outre une foule de positions bizarres et forcées. Ainsi, toutes ou presque toutes, demeurant à genoux et les bras croisés sur l’estomac, se sont courbées en arrière, de sorte que le haut de la tête allait joindre la plante des pieds, la bouche ve-
nait baiser la terre et former de la langue un signe de croix sur le pavé. D'autres avaient une manière particulière d’adorer le saint Sacrement : elles se plaçaient sur la poitrine et relevaient les jambes, les pieds et le reste du corps en l’air.
» Tel est en résumé le procès-verbal dressé par l’évé-que de Châlons, les religieux exorcistes et le sieur Mo-rel, médecin, qui assure que toutes ces choses passent les termes de la nature et ne peuvent partir que de l’ouvrage du démon.
« La sentence ecclésiastique basée sur ce procès-ver-baf se termine ainsi :
» Le tout bien considéré, nous estimons que toutes ces » actions extraordinaires en ces fdles excèdent les for-» ces de la nature humaine et ne peuvent partir que de » l’opération du démon possédant ou obsédant ces corps: » c’est notre sentiment.
» Fait à Paris, ce 20 janvier 1G62.
» Signé : f Marc, archevêque de Toulouse;
•j- Nicolas, évêque de Rennes;
-f Henri, évêque de Rhodcz; f Jean, évêque de Chàlon-sur-Saône;
Morf.l, Cornet, Grandin, Dkroy, docteurs en Soi bonne. »
» Nous avons choisi cette sentence ecclésiastique entre plusieurs autres, parce qu’elle nous a paru donner une idée assez exacte de ce qu’on entendait par une véritable possession, ainsi que des signes auxquels 011 peut la reconnaître.
» Ces signes sont en général la vue à distance, la transmission de la pensée, la connaissance des langues, l’insensibilité cataleptique,enfin les contorsions les plus bizarres.
» On y retrouve en général beaucoup de phénomènes magnétiques, ainsi que les principaux symptômes de la catalepsie, de 1 epilepsie et des maladies hystériques, le tout mêlé d’une très-forte dose de charlatanisme, ce qui s’explique aisément lorsqu’on réfléchi t que, pour un couvent, c’était une source de lucre très-considérable que la présence parmi ses membres de quelque possédé bien résolu.
» On ne voit pas trop, au premier abord, ce que le droit criminel pouvait avoir à démêler avec de semblables choses : cela est cependant très-facile à expliquer. Lorsqu’on voit apparaître un possédé, on peut être certain qu’un sorcier n’est pas loin. Et, s’il est vrai qu’on ne punissait pas les possédés, hormis toutefois ceux assez maladroits pour laisser découvrir leur fourberie, et qui étaient très-durement flagellés, on était impitoyable pour le sorcier qui par ses maléfices avait occasionné la possession. Si donc il arrivait que par la force des exorcismes ou autrement un possédé vîntà indiquer l’auteur de sa possession, la justicecriminelle intervenait aussitôt dans l’affaire, et, toujours présente aux convulsions des possédés et aux travaux des exorcistes, recueillait de prétendus aveux qui devenaient bientôt la base d’une accusation de magie ou de sorcellerie. Cette double instruction se poursuivait avec une ardeur et un sérieux sans égal; et il est impossible, lorsqu’on lit les enquêtes tenues à ce sujet, de ne pas sourire, en voyant des magistrats très-graves et très-haut placés, des dignitaires de l'Eglise et des docteurs renommés, consigner avec la
plus minutieuse exactitude les extravagances les plus étranges, les faits les plus puérils, les turpitudes les plus dégoûtantes.
» Dès le xviie siècle, cependant, il y avait, quant aux sorciers, une dissidence assez marquée entre les grands corps de magistrature. Le parlement de Paris ne brûlait plus les sorciers. Cependant on trouve encore des arrêts à la date de 1G91 envoyant des sorciers aux galères. Il en était de même du parlement de Normandie. Mais le parlement de Provence, celui qui fit brûler Gaufridy, se complut à rappeler plusieurs fois ce déplorable précédent. »
PETITE CORRESPONDANCE.
Bordeaux. — M. C......e — Reçu el euvoyé. — Nous n’avons toujours poiot 1a
kroch. du Dr Esd...e.
Meunot. — M. B..t.— Reçu. La suile sera continuée si vous ne donnez pas d’avis contraire.
Barcelone. — M. P..s y G......a. — Mention sera faite de la petite br.
Sarrans-S.-A. — M. Q.....d. — Envoyé les Ar...,s.
Malain. — Dr P....t. — Votre abon. eal fini.
l.i Gérant, HÉBERT (deGnrnay).
THÉORIES.
DES HALLUCINATIONS RELATIVES AU MAGNÉTISME.
Deuxième observation.
A M. le baron du Potet de Scnnevoy.
Connaissant l’intérêt que vous portez à tout ce qui touche à la science magnétique et le profond savoir que vous avez acquis dans cette branche de nos connaissances par de longues années d’étude et d’expérience, je viens, Monsieur le Baron, vous prier de nous éclairer sur un phénomène magnétique de la plus haute importance qui nous a été révélé dernièrement à l’Athénée de Lyon par la personne à laquelle il se rattache. Nous ne saurions taxer cette personne de mensonge et de supercherie, en raison de la bonne foi dont son récit était empreint et de la franchise des réponses faites à nos objections, ne paraissant pas les chercher dans les détours d’un esprit faux et subtil, mais dans l’exposition pure et simple des sensations qu’elle avait éprouvées, nous mettant à même de contrôler ses assertions par les renseignements que nous pouvions prendre sur le principal acteur des faits qu’elle nous soumettait et sur la disposition des lieux où ils s’étaient passés.
Ces observations préliminaires vous feront comprendre que nous ne croyons pas être dupes d’un visionnaire tour VII. — K° — '« OCTOBr.E 1848. 7
ou d'un halluciné cl que ce n’est qu’après avoir acquis certaines preuves de la véracité de ses dires que nous y avons ajouté foi. Enfin dans les longs entretiens qui ont suivi celte confidence nous avons puisé la conviction de sa sincérité.
Avant d’entrer en matière, je vous dirai d’abord qu’il s’agit d’une influence magnétique, ou plutôt magique, sous la dépendance de laquelle se trouve cette personne depuis plus de dix-neuf mois sans pouvoir s'y soustraire un seul instant, et qu’elle n’est venue à Lyon que dans l’espoir d’obtenir quelque adoucissement à sa position, soit en s’éloignant de la souree de ses impressions douloureuses, soit en appelant^ son aide quelque magnétiseur érudit dont les soins pourraient la dégager de cette influence malveillante.
Sachez encore que la personne en question est un homme de trente-quatre ans, célibataire, habitant une des villes méridionales de la France, vivant d une manière assez isolée, se livrant à l’exercice d’une profession qui se rattache aux arts, ayant des connaissances assez étendues en physique et en chimie, sans posséder aucune notion de la science magnétique au moment où cette obsession commença. Si j’énumère ces particularités, c’est qu’elles renferment peut-être quelques-unes des conditions nécessaires pour arriver aux résultats obtenus. Car ces résultats sont si extraordinaires que je cherche à en expliquer la cause par le concours de circonstances diverses qui auraient présidé à leur accomplissement, ou bien encore par l’emploi de quelques procédés de magnétisation qui nous seraient inconnus.
Pour me conformer aux intentions de ce monsieur, je suis obligé de m’imposer silence sur les noms propres d’homme et de localité, ce dont je désirais me dispenser
et que vous voudrez bien ne pas attribuer à un manque de confiance à votre égard. S’il m’a prescrit cette réserve c’est qu’il ne veut pas donner de la publicité à des phénomènes dont la diffusion pourrait lui nuire dans l’esprit d’un grand nombre de personnes qui, imbues des préjugés des siècles passés, le prendraient pour un possédé du démon, et il craint en outre que leur reproduction n’amène une perturbation dans l’état social.
Cela posé, j’aborde le récit, et pour le rendre plus naturel, je vais laisser parler le personnage en question, comme s’il recommençait l’exposé des événements qu’il nous a racontés.
J’étais, nous dit-il, dans ma chambre très-près de la fenêtre, occupé d’un travail relatif à ma profession et qui nécessitait une certaine tension d’esprit. La per-sonnequime l’avait confié'me le réclamait instamment et je m’y livrais depuis quelques jours [avec assiduité, lorsqu’absorbé par les difficultés de son exécution et au moment où j’allais saisir un de mes outils, une voix faible mais bien distincte vint (frapper'mon oreille et articula ces mots : « Prends bien ton tire-ligne et ne prends pas ton crayon . » A cette observation je bondis sur mon siège, et me tournant en tout sens pour connaître la source de ces paroles, je ne découvris personne ; levant alors mes yeux au plafond pour voir s’il n’existait pas quelque petit 'trou ou fente imperceptible par lesquels les locataires de l’étage supérieur auraient pu établir avec ma chambre une communication, je procédais avec une attention minutieuse à cette inspection lorsque je fus arrêté dans mes recherches par cette seconde phrase : « Cela t’étonne, n’est-ce pas ?» A cette
interpellation mon étonnement grandit en effet, et j'étais loin de comprendre la nature du phénomène qui s’of-frait à moi. Ma première pensée fut d’attribuer ces paroles à quelque personne qui pour m’intriguer avait pu se cacher dans mon appartement; mais dans le doute où j’étais je supposais aussi que, si elles me venaient de l’extérieur, la communication devait s’opérer par des moyens physiques et naturels qui sont du domaine delà science et qui échappaient à ma vue. Mon esprit peu porté au merveilleux ne me laissait rien entrevoir de surnaturel dans ce qui se passait,et admettant même que ces rapports provenaient du dehors par une double combinaison d’instruments d’optique et d’acoustique qui permettaient à l’observateur de plonger sa vue dans ma chambre et de me faire parvenir ses réflexions, je voulus me rendre compte de la probabilité de cette conjecture. En conséquence je me plaçai dans un endroit de la chambre d’où je ne pouvais être vu do l’extérieur et je tirai d'un meuble qui s’y trouvait ma montre renfermée dans l’un des tiroirs. Mais aussitôt cette voix me dit: « Tu as beau te cacher, cela ne m’empêche pas de te voir,» puis vinrent diverses observations pleines de justesse sur l’objet que je tenais en main ; enfin il s’établit entre nous une conversation qui dans le principe pouvait avoir pour moi un certain charme parce qu’elle piquait vivement ma curiosité, mais qui finit par m’obséder parce qu’elle devenait un mystère impossible à éclaircir.
Pour faire diversion à cet état de choses, je sortis de mon appartement que j’avais eu le soin d’explorer; c’était l'heure de mon diner,et comme je mangeais à l’hôtel, je m’y rendis par esprit de distraction plus encore que par motif d'appétit. En quittant ma chambre cette
communication cessa, ce qui me confirma dans la pensée qu'elle était toute physique. Je pus donc prendre mon repas tranquillement, et lorsqu'il fut terminé, je songeai à regagner mon domicile avec l’espoir de trouver enfin la cachette qui recélait mon interlocuteur. C’est dans ce but que je me mis en devoir, aussitôt rentré, d’explorerd'une manière complète mon appartement composé de trois pièces; mais à peine avais-je commencé mes recherches que j’entendis très-distinctement ces mots : a C’est inutile de chercher, tu ne trouveras rien. » Cette observation était parfaitement juste, car mes perquisitions n’aboutirent à aucun résultat.
Je me remis à l'ouvrage; celui que j’avais entrepris pressait beaucoup; je savais qu’il nécessiterait de ma part quinze jours à trois semaines d’assiduité, et j’avais hâte de le terminer. Alors la conversation devint trés-suivic; si elle roulait sur la nature de mes occupations, j’en recueillais parfois des observations fort judicieuses, et l’on eût dit que quelqu’un penché sur mon épaule examinait mon travail et me faisait part de ses idées. Puis l’ironie et la taquinerie firent presque tous les frais de nos entretiens. Je crus remarquer que c’était un parti pris par mon inconnu de me mettre dans un état continuel d’irritation. Il me flattait d’abord en caressant mon amour-propre afin de. m’attirer à lui, et si je me laissais prendre à cette amorce et me montrais disposé à le suivre sur ce terrain, il donnait alors une tournure toute différente à la conversation, qui d'amicale et enjouée qu’elle débutait devenait mordante et ironique, et il me flagellait à outrance. Si j’insiste sur cette particularité, c’est que j’v ai reconnu une tactique savante pour me faire tomber dans le piège et développer en moi les merveilleux effets qui se sont produits. Cependant je
m'effrayais peu dccette continuité d’action. Je pensais que le mauvais plaisant qui m’intriguait ainsi finirait de guerre lasse par abandonner la partie et qu’ainsi j’obtiendrais la paix; mais il en fut tout autrement, comme on le verra par la suite.
Dans le principe, j’obtenais, ainsi que je l’ai dit, l’interruption du rapport avec ce personnage occulte dès que je quittais mon appartement; mais quelques jours après cette voix ne m’abandonna plus, elle s'attacha à mes pas et me suivit en tous lieux. Je ne veux pas dire par là qu’elle vibrait continuellement à mes oreilles, mais que le rapport s’était établi même en dehors de mon domicile. Ce fut pour moi une véritable tyrannie, et chose qui me parut de prime abord fort inconcevable, c’est que les gens qui se trouvaient à mes côtés ne percevaient nullement les sons que j’entendais très-distinctement. Je compris dès lors que j’étais 1 objet d’un phénomène tout particulier.
Cet esprit vexateur établissait de plus en plus son empire sur mes sens, et il m’était facile de le reconnaître, car sa voix qui le premier jour m'avait paru si faible, puisque j’en appréciais le timbre tout au plus au tiers d’une voix ordinaire, sa voix, dis-je, devint plus sonore. Lorsque j’y fus un peu habitué, je crus comprendre qu’elle provenait du dehors,et prêtant une attention soutenue pour en saisir la direction, il me sembla que le point de départ venait du troisième étage d’une maison faisant face à ma chambre et située à une distance de cinquante mètres environ. Cet intervalle est celui qui sépare la maison que j’habite de celle qui se trouve vis-à-vis, et il paraîtra surprenant que je pusse dans un tel éloignement indiquer d’une manière précise la source des sous tpie je percevais, n’ayant d’autre guide que
mon ouïr; mais à ce premier moyen d’appréciation se joignait un second que j’avais découvert depuis peu. C’était un courant de fluide qui, partant du point en question, venait aboutir à ma personne et établissait entre nous un lien imperceptible pour tout autre, mais pour moi très-sensible, même après la cessation de la voix à laquelle il semblait servirde conducteur. C’est en raison de ces motifs que je pus préciser l’origine de ces émanations. Plus j'étais attentif et calme, plus j’appréciais ce courant. 11 arrivait souvent qu’absorbépar mon travail je le sentais comme une atmosphère lourde et tiède répandue autour de mon cerveau : on comprendra donc facilement qu'au moyen de pareilles sensations je pusse indiquer la base de cette colonne de fluide. C’est en suivant la direction de ce courant que j’arrivais précisément, comme je l’ai dit, à une croisée du troisième étage de la maison en face. De là on plongeait naturellement dans ma chambre, malgré la distance, puisqu’elle était située vis-à-vis au premier étage. C’est de ce point qu’on a débuté, j’en ai la conviction, et mon opinion ne saurait être douteuse à ce sujet, quoiqu’on ait abandonné ce local quelques jours après et qu’on ait agi sur moi d'un endroit différent. En fixant mes regards à la fenêtre en question, je remarquai derrière l’une des vitres une planche avec un point noir au centre que je pris pour un trou, autant que l’éloignement me permit d’en juger, et je cite celte particularité, peut-être insignifiante, afin de ne rien omettre de ce qui pourrait se rattacher à la production de ce phénomène. Je citerai encore un fait qui me parait avoir une plus haute portée; c’est qu’à cette époque, c’est-à-dire avant qu’on eut changé de local, j'entendais parfois deux voix bien distinctes dont je reconnaissais facilement la différence
non-seulement au timbre, mais encore au choix des expressions. L’une semblait provenir d'un homme vulgaire, sans éducation; l’autre, au contraire, d’une personne instruite et ayant de l'usage. C’est cette dernière qui seule me poursuivit plus tard. Cela méfait présumer qu’il serait peut-être nécessaire pour les débuts d'avoir un auxiliaire. Je suis d’autant plus porté à le croire que cette circonstance se trouve avoir une concordance parfaite avec un fait de magnétisme occulte observé et raconté par M. Emile Roy, chirurgien-major, dans une brochure qu’il fit imprimer à Paris en 1840. Dans cet opuscule que j’ai découvert tout récemment, j’ai reconnu une analogie complète entre ma position et celle de ce docteur qui dit avoir été influencé par trois magnétiseurs à la fois. D’où l’on pourrait tirer la conclusion qu’il serait nécessaire de combiner plusieurs forces ensemble pour arriver à ces résultats transcendants.
Je sentais de plus en plus les progrès de ce personnage occulte qui me poursuivait en tous lieux et à l’influence duquel je ne pouvais déjà plus me soustraire même pendant le sommeil. Car ce qui rendit ma position plus triste, c’est que mes nuits qui dans la première huitaine avaient été exemptes de cette tyrannie ne m’offrirent plus ce calme et cette tranquillité dont j’avais tant besoin. Cet esprit dominateur finit par s’immiscer dans mes rêves pour prolonger avec moi ses rapports incessants. Dès le moment où je me mettais au lit je sentais son action d'une manière plus intense, si bien que pour en atténuer les effets, je me voyais dans la nécessité de me coucher de manière que ma ligure fût tournée du côté opposé au courant. J’avais remarqué qu’en me présentant de face j’étais plus fortement impres-
sionné. C’est en agissant ainsi pendant mon sommeil qu’il développait sans doute sa puissance; elle avait pris une telle extension que déjà toutes mes sensations lui étaient dévoilées, ou pour mieux dire il les percevait par mes propressens. Ainsi, il voyait par mes yeux, entendait par mes oreilles, touchait par mes mains, etc., etc., si bien que je le considérais comme incarné en moi, ut je ne pouvais douter de la réalité des perceptions qu’il recueillait par mon organisme, puisqu’il avait le soin de m'en instruire dans nos conversations journalières, et les observations qu’il me faisait à ce sujet ne laissaient planer en mon esprit aucune incertitude et me prouvaient assez, qu’il avait eu communication de tout ce qui était tombé sous mes sens.
Tout cela me donnait beaucoup à réfléchir, et au milieu des pensées que me suggérait mon état je m’aperçus un jour que la direction du fluide était changée. La voix ne me semblait plus partir du même point et paraissait au contraire venir d’un côté diamétralement opposé. Je crus d’abord à une illusion de mes sens, mais je reconnus bientôt la justesse de mon observation. Pour en vérifier l’exactitude, je sortis de ma chambre, et me dirigeant d’après le son de la voix et le sens du courant, j’arrivai par les sinuosités de la ville vers le lieu d’où ils émanaient. C’était une habitation se rattachant à un groupe de maisons dont je lis le tour pour bien m’assurer que la voix parlait toujours du même centre. Je revins donc me placer en face de cette habitation, et pendant que je l’examinais avec une grande attention, un jet de lumière partant du deuxième étage vint frapper ma vue; cette partie de latmaison devint pour moi lumineuse sur une superficie de deux mètres environ et une colonne de feu formée d’une multitude d’étin-
celles arrivait jusqu'à moi. Ces étincelles étaient plus serrées et pins brillantes vers la base et I axe «le la colonne et leur nombre diminuait en s’en éloignant. C’était la première fois que ce spectacle m’était offert et je 11e me lassais pas de l’admirer. Dans 1 état de contemplation où je me trouvais le rapport avec celte personne inconnue de laquelle émanait ce fluide lumineux éiail si bien établi, que je nie rendais parfaitement compte de la position quelle avait dans sa chambre. Je reconnus a mes sensations qu'elle était assise, les jambes croisées 1 une sur l’autre, parce que je sentais sur moi-même la contraction de tel ou (cl muscle et les effets de chaleur se développant dans telle ou telle partie du corps en raison de la pose. J’ai la conviction que si 011 eût vérifié le fait on l’eût reconnu juste.
On doit bien penser que dans celle circonstance je pris tous les renseignements possibles pour connaître celui qui exerçait sur moi un si grand pouvoir. J’appris son nom et sa profession, il 111’était tout à fait inconnu. 11 n’y a donc eu entre nous aucune relation antérieurement à ce phénomène, ou s’il y en a eu je l’ignore complètement. 11 me tardait de voir ce personnage important; mais je n’allais pas de but en blanc me présenter à lui, lui faire l’aveu de ma position, et lui demander grâce. Savais-je d’ailleurs de quelle manière il m’acueillerait? et sije consultais ines.impressionsà cet égard, jen’y voyais rien de rassurant; puis je tenais à le voir tout à mon aise, à me familiariser avec son extérieur, à le coudoyer dans la rue avant dem’adresser à lui. Je désirais me convain-creque son aspect n'avait rien de repoussant, quesa physionomie ne répondait pas aux suggestions de son malin esprit. Que sais-je, enfin, ce qui me retint? J'espérais sans doute puiser en ses regards le courage qui memau-
quait pour l’aborder; je voulais aussi me convaincre davantage qu’il était la cause de toutes mes affections. Cette occasion ne tarda pas à se présenter.
11 est facile de comprendre par ce qui a été dit précédemment les progrès de cette influence magique. Le rapport entre nous avait pris des proportions telles que je sentais à une grande distance les mouvements de mon magnétiseur, si toutefois je puis l’appeler ainsi. S’il quittait son appartement, j’en étais instruit par les tressaillements que mon corps en éprouvait. Lorsqu’il descendait son escalier, un petit tremblement nerveux agitait mes jambes, et je sentais à mes pieds les mouvements articulaires des siens. Je me rendais ainsi compte de la majeure partie de ses actions et ses habitudes m’étaient dévoilées. Par conséquent je savais d’une manière certaine s’il était chez lui ou dehors.
Voulant vérifier un jour la justesse de mes appréciations, et sachant d’après mes sensations habituelles qu’il était sorti, je quittai ma chambre et me mis à sa recherche. Employant alors les ressources que je possédais par la direction de son fluide et celle de sa voix, j’arrivai progressivement à lui. A mesure que j’en approchais mes sensations grandissaient, et cela à tel point, quej’aurais pu préciser sans le voir la distance qui m’en séparait. Enfin, il s’offrit à ma vue. Vous dire en ce moment tout ce que mon être en ressentit serait impossible à décrire. A son aspect je fus anéanti, pétrifié. J’avais espéré puiser en sa présence le courage de l’aborder; bien loin de là, il me faisait défaut même pour soutenir son regard; enfin, il me parut d’un abord si dur et si repoussant, qu’au lieu de m’adresser à lui j’aurais rétrogradé si je n’eusse craint de lui trop laisser voir mon trouble et mon effroi. Au milieu de
ces émotions sa voix, plus sonore que d'habitude, m'arrivait par bonds et par saccades comme pour m'intimider; elle m’intimait l’ordre de passer droit mon chemin et me rudoyait de façon à m’ôter tonte envie d’accomplir mon projet : « Galopin, me disait-elle, au-rais-lu l’audace de venir jusqu’à moi; comme je te relancerais, » cl autres menaces de ccgenre-là. Aussi, tout déconcerté, je. passai sans mol dire et puisai dans cette première rencontre la conviction que non-seulement les apparences m’étaient défavorables, mais encore que les intentions de cet homme m étaient tout à lait hostiles. Pouvais-je interpréter autrement ces paroles menaçantes pour me tenir à l'écart.’ Si scs intentions eussent été pures, m'aurait-il refusé par la pensée un mot d’explication 7 Aurait-il abusé ainsi de son pouvoir sur mes scnsVD’aillcurs, si j’eusse conservé alors quelques doutes à ce sujet ils se seraient dissipés plus tard; car dans ses recherches scientifiques il ne conserva pas à mon égard le moindre sentiment d humanité, et fil passer avant tout, je 11e dirai pas le désir de s’instruire et d’acquérir de profondes connaissances dans cette, science occulte, ce serait l’excuser en partie, mais le plaisir de faire le mal. Oui, c’est à cette passion indigne qu’il a tout sacrifié, et je ne puis avoir de lui d autre opinion par suite des souffrances physiques et morales que j’ai endurées.
Maintenant, pour qu’on ne suppose pas que le résultat de cette première rencontre fut l’effet du hasard, j a-jouterai que j'ai renouvelé maintes fois cette expérience, cherchant dans ces rapprochements soit à obtenir la confirmation de la première épreuve,soit à trouver dans mon magnétiseur de meilleures dispositions à mon
égard, et toujours mes démarches ont abouii au même résultat avec les mêmes impressions pour ma part.
Mon travail souffrait de toutes ces recherches, je ne pouvais pourtant l’abandonner, je l’avais promis pour une époque rapprochée, et pour rester lidèlc à mes engagements, je le poursuivais en luttant de courage et de patience «outre les persécutions de ce malin esprit. C’est lorsque je m’en occupais sérieusement que je sentais davantage l’action de mon magnétiseur. J ^ compris plus tard que cette application, ce recueillement favorisaient le développement de son empire, parce qu'alors celte concentration d’esprit sur 1111 seul et même point disposait peut-être mon cerveau à absorber son fluide. C’est là du moins ma pensée, et celle réflexion est basée sur l’étude de mes sensations. Je crois aujourd hui que si à cette époque j’eusse interrompu mes occupations, j’aurais lutté avantageusement, c’est-à-dire avec quelque chance «le succès, contre mon oppresseur, ou qu’en abandonnant les lieux au moment des premiers effets j’aurais peut-être pu me soustraire par la fuite à sa do-minalioucl briser celte influence naissante. Lorsque plus lard je l’entrepris, il n’en était plus temps, comme la suite vous l’apprendra.
Cependant mon travail s’avancait de jour en jour; j y élais forcément rappelé par la nécessité de le mener a fin, et je soupirais après ce moment comme s'il devait amener ma délivrance. En effet, les tortures, ne m’étaient pas ménagées, et il serait trop long d’énumérer tout ce que j'ai souffert pendant son exécution. Seulement pour donner une idée d«^ ces tourments, je citerai un fait entre mille qui fera juger des autres.
J’ai déjà dit que le rapport qui m unissait à cet homme était si étroit que je sentais à distance ses mouvements,
ses gestes, ses poses, et que ainsi toutes ses sensations m’étaient transmises. J’exagère peut-être en me servant d'un terme aussi absolu, et je serai plus dans le vrai en disant que la majeure partie de ses sensations m’étaient réfléchies. Lorsqu'il en fut instruit par la connaissance intime qu’il avait de mes pensées, car c’était un des malheureux effets de ma position de ne rien pouvoir lui cacher de ce qui se passait en mon esprit, lorsqu’il en fut instruit,dis-je, il m’envoya toute sorted’afflictions, soit pour reconnaître d’une manière plus positive cette transmission de sensations, soit pour se faire un jeu de mes souffrances. Ainsi, il se pinçait,je suppose, au bras ou à la jambe et la douleur de ce pincement m’était réfléchie instantanément à la même partie du corps. Quand je dis qu’il se pinçait ainsi pour me transmettre la douleur qu’il éprouvait, c’est une supposition que je fais; il avait peut-être la faculté de me la communiquer par la pensée sans être obligé de se l’infliger. Pourtant il me semblait qu’il devait s’imposer cette souffrance pour la reproduire sur moi plus efficacement, et qu’il ne pouvait parla pensée seule me la transmettre d’une manière aussi parfaite. En effet, il est bien difficile, ce me semble, en se figurant une douleur, de la reproduire aussi correctement que si elle était réelle. Toutefois je ferai observer que lorsque je fus un peu aguerri contre ces pincements, je les ressentis dans les parties du corps les plus sensibles,comme par exemple au creux de l’estomac où il eût été trop douloureux pour lui de se les infliger ; ce qui me fait présumer que s’il était obligé d’éprouver une douleur pour m’en réfléchir plus vivement la sensation, il avait du moins le pouvoir de la déplacer et me la renvoyer dans telle partie du corps qu’il lui plaisait. Jugez alors de la tristesse de ma situa-
lion, et je ne pouvais douter qu elle ne fût l’œuvre de cet homme infernal, puisque dans les conversations qu’il entretenait avec moi à distance, il joignait l’insulte et la raillerie à la tyrannie. Je découvris dans la suite un* moyen pour atténuer les effets pernicieux de ce genre de tortures ; mais n'anticipons pas sur les événements, j’en parlerai en son lieu et place. Je crois devoir faire remarquer ici que les souffrances physiques qui m’étaient infligées, étaient sans doute de la part de mon oppresseur un moyen de progresser. J’ai reconnu d’une manière positive que c’est en me persécutant qu’il est parvenu à une plus grande domination.
Malgré ces vexations sans nombre qui duraient depuis trois semaines, mon travail touchait à sa fin par suite de la persévérance que j’y avais déployée, et je m’en réjouissais sous plusieurs rapports. D’abord j’allais être exempt d’occupations, et je pourrais me diriger à mon gré pour échapper à cette tyrannie sans bornes; ensuite je devais m’éloigner pour quelque temps de ces lieux de malédiction pour porter les résultats de mon travail à la personne qui me l'avait confié et qui habitait une ville voisine. J’avais vingt-quatre kilomètres à parcourir et j’espérais que cet éloignement mettrait un terme à ce charme. Je 111e mis donc en route avec celte pensée consolante, emportant avec moi les plans dont l’exécution m’avait coulé tant de peines. Pendant ce temps mon magnétiseur, auquel n'échappait aucune de mes réflexions par la communication facile qu’il avait avec mes pensées, et qui était instruit de mon voyage dès le moment où j’en avais conçu le projet, s’apprêtait de son côté à mettre en jeu toutes les ressources de sa puissance pour conserver avec moi le rapport établi. Aussi s’étudia-t-il dès le moment de mon
départ à entretenir une conversation suivie par laquelle il me forçait pour ainsi dire à reporter mon attention sur lui, à passer en revue les faits dont il avait été la cause et les lieux témoins de ses premiers exploits. Par cette manœuvre pleined’artiücedonl il usait avec beaucoup de sagacité, la chaîne qui me liait à lui ne faisait que s’allonger et ne se rompait pas. Ce n’est que plus tard que j’ai compris toute la finesse de sa manière d’agir dans cette circonstance, et tout étonné du peu d’efli-cacitéde mon éloignement, j’étais naturellement ramené par la pensée vers les lieux que j’abandonnais et je contribuais sans m’en douter à perpétuer ces effets merveilleux. Je crois que si j’eusse pu éloigner de mon esprit toutes les réflexions qu’y faisaient naître ces événements récents dont on déroulait le tableau devant moi, j’aurais rompu avec le passé, et j’aurais établi par mon éloignement une barrière infranchissable à mon oppresseur; mais l’ignorance où j’étais des plus simples notions de la science magnétique contribua beaucoup à me faire tomber dans le piège. D’ailleurs je fus entraîné à ma perte par un concours de circonstances fatales qui me portèrent dans les premiers temps à faire touteequi pouvait aggraver mon état. Il est même probable que les conseils perfides de mon ennemi qui se manifestaient par des insinuations sous forme bienveillante ne furent pas étrangers à mes déterminations.
En m'éloignant j’étais surpris de voir que les distances parcourues ne mettaient pas un terme à cette obsession; je m’irritais de cette continuité d’action dans laquelle on me raillait du peu de succès de mon voyage, et cet état d’exaspération rendait sans doute mon système nerveux plus accessible à cette influence. Je dois pourtant faire observer que cette voix, sans avoir perdu mes
traces, s’était sensiblement afl'aiblie, et lorsque je fus arrivé à destination elle avait beaucoup perdu de son intensité; il en était de même de toutes mes autres sensations. J’ctais donc porté à croire que si je mettais une distance plus grande entre moi et la source de ces phénomènes, je finirais par les anéantir et je m’établissais ce raisonnement : si après le parcours de vingt-cinq kilomètres les effets ont diminué d’un quart, par la distance de cent kilomètres ils seront réduits à zéro. Mais je reconnus plus tard la fausseté de cet argument qui de prime abord me paraissait fort juste. D’ailleurs je ne pouvais en faire l’application immédiate. J’avais à remettre les plans dont j’étais muni et qui formaient le principal but de mon voyage. lime fallait donner quelques explications indispensables à la personne à laquelle ils étaient destinés, et je prévoyais que nos entretiens pour la conclusion de cette affaire nécessiteraient de ma part un séjour d’une huitaine dans la localité.
Comme on doit bien le penser, j’étais fortement contrarié que mon voyage en ce qui concernait ma position eût abouti à un si mince résultat. Ce fut pour moi une grande déception, et lorsque je quittai la voiture pour me rendre chez la personne à laquelle je devais rendre visite, je résolus avant tout de tenter un dernier effort pour me soustraire à cette influence. Dans cette intention je me rendis en un lieu très-isolé, et là, cherchant à préserver mes sens de toutes les impressions extérieures, je lins mes yeux clos, mes oreilles bouchées, etc., et éloignant de ma pensée le souvenir de mes sensations antérieures, je me concentrai le plus possible pour éteindre ce rapport. Je restai dans cet état près d’une heure, durant laquelle l’influence de mon magnétiseur ne me parut nullement s’affaiblir, et comme ce recueillement semblait
la favoriser plutôt que de la faire cesser, je rompis de guerre lasse cette position fatigante. Revenu à mou état normal, je reconnus qu'il n’y avait rien de changé et que cette tentative était restée sans succès.
Cequi m avait porté à faire cet essai, est une observation quej’avais eu l'occasion de faire avant mon départ. J'avais tenté de diminuer les effets de la voix en me bouchant les oreilles avec du coton, et j’avais remarqué (pie ce moyen produisaitun bon résultat dans le premier moment, mais qu’ensuite les vibrations conduites par le fluide finissaient par s’insinuer dans les oreilles malgré cet obstacle et devenaient progressivement aussi sensibles qu’avant, si bien qu’au bout d’une demi-heure environ il n’y avait pasde différence et mes sensations étaient alors aussi fortes qu’avant d’avoir bouché mes oreilles; mais, chose curieuse et digne de remarque, c’est que si après ce laps de temps j’enlevais le colon, j’obtenais le même résultat qu’en le mettant, c’cst-à-dire qu’il y avait d’abord un affaiblissement marqué dans le timbre de voix, mais il reprenait progressivement son empire dans l'intervalle d’une demi-heure: de sorte que pour réduire l’effet de la sonorité, il m’aurait fallu réitérer cette manœuvre toutes les di ui-heures. Je l'exécutai pourtant pendant quelque temps, mais je m’aperçus bientôt que les résultats allaient toujours en décroissant; si bien qu’après l’avoir renouvelé un certain nombre de fois elle ne produisit plus aucun effet, que j’eusse les oreilles bouchées ou non, et elle avait l’inconvénient, lorsque je me trouvais dans le premier cas, de m’empêcher d’entendre aussi distinctement (pie d'habitude les personnes qui m’entouraient et favorisait au contraire le rapport avec mon magnétiseur eu me tenant en quelque sorte étranger aux bruits de mes alentours.
Après cette tentative infructueuse, je me rendis auprès de la personne dont j’ai parlé, et lui remis mes plans. Il est à propos de dire qu’ils furent approuvés, que la disposition en fut parfaite, et que lorsqu’on les mita exécution aucune défectuosité ne se révéla. Si j'appuie sur cette particularité de mon travail, ce n’est point par esprit de vanité, mais afin qu’on ne puisse supposer que dans l’état où je me trouvais, il pouvait y avoir chez moi quelqu’altération dans les facultés mentales, d’où l’on déduirait la conséquence que j'étais halluciné ou sujet à des erreurs d’imagination. C’est ce même motif qui m’oblige, lorsque je veux faire la confidence de ma position à quelqu’un qui ne me connaît pas encore assez pour ajouter à mes paroles une confiance entière, c’est ce motif, dis-je, qui m’oblige à faire précéder cette déclaration par quelque conversation fort sérieuse sur des sujets scientifiques pour prévenir en ma faveur et préparer l’esprit de mon auditeur à ces révélations si surprenantes et si inattendues qui me font regarder par quelques personnes comme un démoniaque ou un mo-nomane, afin qu’il n’accuse pas mes facultés intellectuelles et ne me prenne pas pour un fou. Encoreaprès toutes ces précautions les gens dont je ne peux vaincre les préjugés et l’ignorance soupçonnent, en désespoir de cause, ma bonne foi et ma franchise. Que l’on se persuade donc bien que les faits quej’énumére n’ont jamais laissé le moindre doute en [mon esprit, que j’en ai vérifié maintes et maintes fois l’exatitude, et que les sensations dont je rends compte sont appuyées par de nombreuses observations, passant sous silence une infinité de détails qui se rattachent à ces phénomènes prestigieux et que j’écarte de mon récit pour le rendre plus clair et plus concis.
Pendant que je restais dans celte nouvelle localité, l’espérance que j’avais conçue à mon arrivée sur le maintien de la réduction des effets en raison de la distance s'évanouissait de jour en jour, car la voix reprenait de plus en plus la sonorité qu’elle avait perdue et mes autres sensations grandissaient à mesure. Aussi lorsque mes affaires furent terminées, je constatai bien peu de différence entre ma position actuelle et celle qui précédait mon départ. Je regrettai alors de ne pas avoir suivi ma première inspiration qui consistait à m'éloigner davantage, car tout le chemin que j’avais fait devenait dès lors inutile. Je fus indécis si j’entreprendrais un voyage plus lointain et me mis à réfléchir sur les conséquences probables de ce nouveau projet. En comparant la distance qui me séparait du point de départ avec le peu d’effet obtenu au moment même de mon arrivée, j en concluais qu’il faudrait me transporter à une distance quadruple ou quintuple pour arriver à une solution radicale, sans être positivement sur que la réduction des effets fût en raison directe de l’éloignement ; car si les événements venaient tromper mon calcul et me prouver que mon raisonnement était faux, et si au lieu de parvenir à la cessation des phénomènes je n’obtenais qu’un affaiblissement un peu plus marqué dans leur production, jecraignais, d’après ce qui avait eu lieu, que cet affaiblissement ne s’éclipsât au bout de quelques jours aussi bien à une grande distance qu’à une moindre. D’ailleurs les résultats obtenus à ce jour étaient tellement contraires à mes prévisions, que je ne m’étais pas précautionné pour un excursion de longue haleine, et n’avais fait aucune disposition dans ce sens.
Je me mis donc en route pour revenir à mon domicile où me rappelaient des intérêts divers : a mesure que
je m’en rapprochais je reconnaissais à mes sensations «pie le rapport augmentait. De retour, je constatai cpie ce voyage, loin de m’avoir été salutaire, n'avait servi qu’à grandir la puissance de mon ennemi par les efforts qu'il avait dù faire pour me tenir quoique éloigné sous sa domination. Pourtant, loin de me décourager de cet état de choses, j’étais plus que jamais résolu à lutter contre lui. Je pouvais maintenant disposer de mon temps et j allais le consacrer tout entier à étudier ces effets merveilleux pour remonter aux causes et découvrir les moyens de les produire moi-même. Je me berçais de l'espoir de secouer le joug de cet homme, songeant à me faire son égal pour recouvrer ma liberté.
J’employai à cette œuvre une résolution bien arrêtée jointe à une persévérance à toute épreuve. Dès ce moment je pris note de toutes mes sensations, je tins un recueil d’observations journalières où j’inscrivis le résultat de mes recherches. Je songeai aussi à profiter des écarts de mon magnétiseur; car dans ses explorations scientifiques il marcha d’abord à tâtons comme un homme qui explore un terrain nouveau. 11 commit bien des fautes dont je tirai parti, et me laissa parfois entrevoir des pensées qu’il eût voulu me cacher et qu’il me dévoila par maladresse ou défaut de direction, lin effet, son intention n’était certainement pas de favoriser mes études, il allait au contraire faire tous ses efforts pour m'induire eu erreur en me suggérant de fausses appréciations sur les phénomènes dont il était l’auteur, cherchant ainsi à m’égarer dans cette route tortueuse et hérissée de difficultés.
J’entreprenais là une lutte très-inégale, puisqu'il avaitsur moi une supériorité iucontestablejacquise parun mois d’efforts assidus. U excellait déjà dans l’exercice
d’un pouvoir surnaturel qui découlait sans doute de l’emploi de quelque procédé secret et par suite de la dépendance dans laquelle je me trouvais à son égard, il était instruit non-seulement de mes sensations les plus restreintes, mais encore de mes pensées les plus intimes; tandis que je ne pouvais savoir des siennes que ce qui lui en échappait par défaut de combinaison, ou ce qu’il voulait bien m’en laisser voir dans les rapports que nous avions ensemble; encore sur ce qu’il me révélait j’avais à choisir entre le vrai et le faux. Malgré cette infériorité dans laquelle je débutai, je ne me rebutai point et me posai en champion décidé à vaincre ou à périr.
Voici mon plan de bataille. Il consistait d’une part à affaiblir ses moyens d’action, et de l’autre à développer les miens. Pour parvenir au premier point, je résolus de le dérouter complètement sur mes habitudes qui lui étaient connues, et de contrarier ses dispositions d’attaque en métamorphosant journellement ma manière de vivre. Aussi ma conduite du lendemain ne répondait jamais à celle de la veille, je ne formais aucun projet pour qu’il n’en fût pas instruit par la transmission de mes pensées, et tous les actes de ma vie étaient subordonnés non pas à un plan calculé d’avance, mais à une résolution instantanée. Je variais à chaque instant mes occupations, travaillant la nuit préférablement au jour lorsque j’avais quelque chose à exécuter. Je sortais fréquemment, car j’avais remarqué que j’étais plus fortement influencé dans les lieux d’un séjour [habituel. Je ne prenais de repos que le strict nécessaire pour ne pas tomber d’épuisement et de fatigue, ne consacrant au sommeil que quelques heures par jour ; car j’avais remarqué que s’il était réparateur de mes forces, il servait aussi d’auxiliaire à mon ennemi qui profitait de ce mo-
ment de calme pour reprendre sur moi un nouvel empire. Si j’eusse dormi longtemps, il aurait eu le loisir de m'influencer tout à son aise et en aurait usé largement pour ne pas laisser échapper sa victime, comme cela avait eu lieu dans les quatre semaines qui précédèrent cette lutte.
D’un autre côté je commençais à comprendre quil pouvait obtenir sur moi celte influence à distance par l'effet de sa pensée, qu’il puisait principalement ses moyens d’action dans la force de sa volonté, et qu’enfin s’il vjoigna il quelques moyens occulte spour produire une plus grande émission de fluide, leur emploi pouvait bien n’être que secondaire.
Je m’occupais donc sans relâche à renvoyer sur mon magnétiseur mon lluide et le sien, je le dirigeais sur lui par ma pensée et cherchais mentalement à le harceler d’une volonté ferme et constante. Je mis dans cette action magnétique une persévérance digne de succès, mais il ne me fut pas donné de réussir suivant mes vues.
(La suite au prochain numéro.)
VARIÉTÉS.
Réclamation. — En insérant la traduction des Meunerie Révélations de M. Poe nous avons omis de rappeler la note qui accompagne le titre Théories. Cet oubli nous a valu la lettre suivante, dont la publication est un devoir pour nous.
Mon cher M. Hébert,
Vous ne trouverez pas extraordinaire que j’aie lu avec infiniment de plaisir l’article de M. Edgar-A. Poe, contenu dans le N° 70 de votre journal. Je l’ai lu avec d’autant plus de plaisir que je n’y ai pas trouvé une seule idée un peu saillante dont le germe ne soit non-seule-ment indiqué, mais même posé en principe dans mon petit essai sous le titre de Facultés de l’âme, etc. ,que vous avez eu la complaisance d’insérer dans le N° 4 de l’intéressant ouvrage sus-mentionné.
Pour prouver que ce que je viens d’avancer n’est pas une assertion hardie, dictée par l’amour-propre, je me propose de mettre en regard les passages de M. Poe et les miens, dont l’analogie est parfaite, si parfaite que l’on dirait que cet écrivain n’a fait que paraphraser mes pensées. Je le dirais moi-même si je ne savais que cc n’est pas par plagiat, mais bien parce que la vérité est une, universelle et éternelle, qu’elle jaillit quelquefois
en même temps dans plusieurs cervelles, malgré la distance qui puisse les séparer.
Je conçois aisément que M. Poe ait émis à New-York en 1848 les mêmes idées que moi à Paris en 1845, mais ce que je ne conçois pas avec la même facilité c’est la raison pour laquelle mon pauvre petit article, n'étant en substance (pie le type anticipé de celui qui vient de paraître, loin de trouver eu vous un patron avoué, fut accompagné de cette note de votre plume. (Voyez tome 1", page 160.)
Quel contraste, mon Dieu ! entre cette note, qui manifeste la crainte que vous aviez alors de compromettre votre réputation auprès du public, et le pompeux éloge dont vous honorez aujourd’hui les penseurs de l’Amérique ! !.
D’accord avec vous, je crois que l’Amérique a commencé à donner au monde des défenseurs courageux et éclairés de la vérité ; je crois que sous l’égide de la liberté et de la pure philosophie elle va écraser les sophismes dont j’ai signalé les théologiens intolérants et les métaphysiciens 7 / ra-spiritualistes comme les suppôts aveugles ou hypocrites, et les fauteurs acharnés. Je le crois, et j’en félicite l’humanité: mais tout en croyant à cette rénovation intellectuelle dans le nouvel hémisphère, je ne veux pasqueces nouveaux éclaireurs d’outremer, ces légionnaires de l’avenir, comme vous dites, acquièrent leur gloire en dépouillant les défenseurs de la lumière du mérite d’avoir affronté dans le vieux monde le courroux des despotes et les intrigues insidieuses des fanatiques.
Ni l’Europe ni l’Amérique ne sont ma patrie ; le sort me lit naître à mi-chemin, pour ainsi dire entre ces deux continents, sous le ciel d’Afrique. Mais, tout barbare africain que je puisse être, je tiens à revendiquer ce
qui m’nppnrliont par le droit d’anlérioriié. Je !«• réclame pour moi-même par égard pour mes compatriotes insulaires, pauvres à cette heure et jadis fortunés.
Ayant toujours reconnu en vous le remarquable organe de la logique qui vous distingue, je me Ilatte que vous n’hésiterez pas à me prouver que votre bosse delà justice n’est pas moins développée en insérant dans un de vos prochains numéros la concordance de mes idées avec celles de M. Poe.
J’ai dit, ci-dessus, qu’entre ses idées et les miennes il v avait parfaite coïncidence : j’en fais pourtant une exception. 11 établit une proposition que je n’approuve, ou plutôt que je ne comprends pas. Il dit : « La douleur qui est impossible dans la vie inorganique est possible dans l’organique. »— « Il est démontré que dans la vie inorganique la peine ne peut pas exister. » D’abord peut-onêtre susceptible de plaisir dès qu’on cesse de l’être de douleur ? Si nous ne sentons plus ni peine ni plaisir, peut-on dire que r,ous conservions notre individualité? Tout cela n’est nullement clair, etc.
Veuillez bien présenter mon affectueux souvenir à M. le baron et agréer vous-même l’assurance de ma constante amitié.
Tout à vous.
J.-P. Mf.adk.
Londres le ("septembre 1848.
La remarque de notre ami touchant l’identité de ses idées avec celles de M. Poe est fort juste : elle ressort de la simple comparaison des deux écrits : ce qui nous dispensera d’en faire le parallèle. Quant à la priorité qu’il
réclame elle est beaucoup moins fondée, car le livre de M. Poe a été aussi publié en 1845, fait que nous avons déjà constaté dans notre analyse de cet ouvrage. (Voyez
t. iii, p. 241.)
Voilà donc deux hommes qui sans se connaître ont simultanément les mêmes pensées; cette connexion, au reste, n’est point rare : nous pourrions en citer plusieurs autres exemples.
Nécrologie. — Les premiers partisans du magnétisme disparaissent peu à peu. Nous venons encore d’en perdre un, qui était fort attaché à la science. M. le comte de Beaumont. Il avait connu Mesmer chez Marie-Antoinette, et n’en parlait jamais qu’avec éloge. Les habitués de nos conférences dominicales apprendront sa mort avec surprise car il y manquait rarement et assistait encore à la dernière. Il est mort d’une affection de vessie, à 78 ans.
— Une magnétophile anglaise, Madame Fitz-Herbert, vient également déterminer sa carrière par une mort sénile.
Ilcvue «les Journaux. — A Troyes, comme a Auxerre, M. de Rovère s’est acquis l’animadversion des médecins en guérissantdes malades abandonnés pareux. Vaincus deux fois devant les tribunaux, où ils l'avaient traduit sous l’inculpation d’exercice illégal de la médecine, ils lui font maintenant un procès de tendance. Le Propagateur, des 2 et 5 octobre, est lecho de celte triste polémique. On lui reproche d’être fils d’un conventionnel, d’avoir des opinions démocratiques et, surtout, de partager les idées socialistes ; le tout pour montrer qu'en de telles mains le magnétisme n’est qn’un instrument de spoliation et de meurtre! N’ayant pu atteindre directement la chose,on cherche à déconsidérer l’homme
qui la représente. Ces arguments ad homincm sont de nature à faire fortune dans un pays où les bigots sont en majorité, mais ils ne prouvent assurément rien contre le magnétisme, soit qu’on le considère comme agent physique ou comme moyen thérapeutique. M. de Rovére s’est noblement défendu ; il n’a opposé que di s faits aux injurieuses insinuations de ses adversaires.
Dans tout ceci rien que de très-ordinaire; c’est à peu près l’histoire de tous les magnétiseurs qui heurtent les les intérêts ou les préjugés des castes médicale et cléricale. Ici commence le piquant de l’affaire et ce qui nous afflige. Quel est le champion de celte croisade perfide? Un faux frère; celui dont nous avons publié la thèse tom. îv, page 229.Qui pouvait penser qu’une profession de foi aussi catégorique serait suivie d’apostasie?
— L'Union (monarchique), du 3 octobre, mentionne la mort du comte Maxime de Puységur.
— Le Courrier de Lyon, du 29 septembre, fait un récit laudatif de consultations médicales données par la somnambule, dont nous avons déjà mentionné la prédiction rapportée dans un numéro précédent du même journal. C’est plutôt une annonce intéressée cpie la narration sérieuse d’une observation scientifique; mais où les apparences sont gardées de manière à servir les personnes sans nuire à la considération de la chose. Si tous les somnambulistes gardaient la même réserve nous ne les blâmerions jamais.
BIBLIOGRAPHIE.
Histoire de i.a médecine depuis son origine jusqu'au xix' siècle, par
docteur P.-V. Kenouaiid. 2 vol. in-8, Paris, 1846, chez J.-B. Bail-lière.
L’hisloire des sciences est un phare qu’alimente le passé pour guider le présent dans l’exploration de l’avenir. Ainsi l'a comprise M. llenouard, et c’est pour en faire jaillir les enseignements qu'il a entrepris son ouvrage.
C’est partant de cette base qu’il fait parcourir à ses lecteurs la chronologie médicale. Son sujet est trop étendu pour que nous le suivions pas à pas dans cette revue des faits, théories et systèmes qui se sont produits depuis l’enfance de !a médecine. Nous nous bornerons à l’aperçu des points qui concernent notre spécialité.
Disons d’abord que M. llenouard n’a pas cru devoir traiter la question du magnétisme; il n’en parle que par incidence. Cette abstcusion de sa part peut paraître partiale, car l’historien d’une science ne doit rien celer de ce qui la concerne ou s y rattache.
A l’article Médecine de Chinois, dans l’énumération de leurs moyens thérapeutiques, nous lisons : « Us ont même leurs magnétiseurs, que l’auteur des Lettres chinoises compare aux convulsionnaires de saint Médard. » Les missionnaires disent en effet : « C’est de la secte philosophique des Tao-Tsée, que sont principalement ceux qui se mêlent de magnétisme en public. Comme le Cou g-Fou a réellement opéré des guérisons et sou-
lage bien des infirmités, le peuple écoute les Tao-Tsée comme des oracles. »
Ainsi voilà donc des philosophes chinois en possession du magnétisme comme le furent jadis les prêtres de l’Egypte, les mages de l’Inde, etc. Pour qui réfléchit, le monde est bien vieux, et notre mémoire n’embrasse jamais qu’une partie des temps. L’homme acquérant d’un côté perd de l’autre ; si bien que ses connaissances amassées avec tant de soins et de peines ne sont en définitive qu’un lambeau du savoir antique. Des âges oubliés ont eu leurs sciences, leur médecine, dont la trace est pour nous perdue.
Qu’étaient l’art, la doctrine des Arioliens, ces guérisseurs habiles dont parle Moïse de Khorène? M. Re-nouard ne le dit pas, ainsi que tant d’autres choses.
Résumant les anciens sur Esculape, M.Renouard s’exprime de la manière suivante :
« On dit qu’il rappela de la mort à la vie Hippolyte, fils de Thésée, un Capanée, un Lycurgue, un Triphyle et bien d’autres. Pluton effrayé de voir diminuer de jour en jour la quantité des arrivants dans le royaume sombre se plaignit à Jupiter, qui foudroya l’audacieux guérisseur. C’est pour cela, dit un plaisant, que les modernes enfants d’Esculape s’abtiennent de faire des prodiges. Mais le spirituel écrivain oubliait qu’il a toujours existé, qu’il existe encore une classe de soi-disant médecins qui n’a jamais cessé d’opérer des miracles : on les appelle, suivant la circonstance, charlatans, théosophes, thaumaturges, etc., tels furent, entre autres, Asclé-piadede Bithynie, qui ressuscita un trépassé sur la place publique de Rome, en plein jour. Paracelse, qui se vantait de conserver dans une fiole un petit bonhomme vivant, fabriqué par lui de toutes pièces; Robert Fhidd,
l'oracle des theosophes modernes; Mesmer, le magnétiseur, et leurs adeptes. »
Magnétiseurs, qui lirez ces lignes, inclinez-vous ; vous uc> prétendiez qu’au don de guérir : M. Renouard vous octroie celui de faire des miracles !!!
Ce qu'il dit de Van Ilelmont est empreint du même esprit de modération : « Les thaumaturges, les rose-croix, les magnétiseurs, le mettent au nombre de leurs adeptes. »
Ces passages sont les seuls de VHistoire de Ut médecine, où il soit parlé du magnétisme; lésons en est trop outrageant pour que nous y répondions.Il atteste que malgré sa grandcérudiiion, M. Renouard ne connaît pas le premier motde l’histoire du mesmérisme. Le jugement qu’il porte sur les hommes et la chose prouve qu’il ne s’est pas donné la peine de les étudier : ainsi procèdent d'ailleurs tous les magnétophobes, et celui-ci ne mérite point de blâme spécial.
Malgré ces défauts le livre de M. Renouard est incontestablement ce qu’il y a de mieux à tous égards sur cette matière. Indispensable à tout médecin, il sera éminemment utile aux magnétiseurs qui se destinent à la propagation. Ils y puiseront les notions les plus vraies des théories et systèmes qui inspirent la plupart des médecins avec lesquels ils ont sans cesse à lutter.
Les longues recherches de M. Renouard 1 ont conduit au résultat que voici : De toutes les doctrines médicales qui ont régné tour h tour, il n’en est qu’une qui puisse satisfaire à toutes les exigences : c’est l’empirisme-méthodique, ou l'expérience raisonnée. 11 croit qu’elle absorbera toutes les autres, parce qu’elle « n’exclut d’une manièreabsoluc aucun procédé curatif ; elle ne repousse que les procédés reconnus inellicaces, et ajourne I ad-
mission de ceux dont l’cflicacité parait douteuse ou contestable. Pour le médecin empiri - méthodiste tout moyen qui guérit est rationnel, et celui qui guérit le mieux est le plus rationnel. 11 ne rejetterait pas même les globules plus ou moins minimes de l’homœopathe, ni les passes du magnétiseur, si on lui prouvait par des observations dignes de foi que ces globules ou ces passes guérissent assez constamment une classe déterminée de maladies. »
M. Renouard établit ailleurs que ni l’axiome des contraires, ni celui des semblables n’est vrai d’une manière absolue. Cette vérité avait été reconnue déjà par Hippo-crate, qui dit, dans le traité de XAncienne médecine : u Les maladies guérissent tantôt par des contraires, tantôt par des semblables, tantôt par des remèdes dont l’action n’est ni contraire, ni semblable, mais qui opèrent on ne sait comment. »
Ainsi se trouvent réduites les prétentions exclusives des deux doctrines aujourd’hui rivales; c’est le père de la médecine lui-même qui les met d’accord. Mais il reste à déterminer quelles affections guérissent par hypénan-tiose, quelles par homœopathie, quelles par a:,- M. Renouard ne l’indique pas, et s’il ne l'indique pas c’est qu’il l’ignore, car il n’a pu en méconnaître l’importance. 11 y a là un travail immense à faire, et jusqu'à ce qu’il soit terminé l’art flottera dans le vague de l’éclectisme, la pire des doctrines médicales, celle qui, dédaignant les formules précises, se règle sur le caprice.
Hkbert (de Garnay).
I.e. Gérant. 1IÉI1KRT (deGarnay).
THÉORIES.
DES HALLUCINATIONS RELATIVES AU MAGNÉTISME.
Deuxième observation.
(Suite.)
Cependant mon ennemi paraissait vivement contrarié de mon obstination à le poursuivre, soit que j’eusse déjà obtenu quelque effet sur lui, soit que pour neutraliser mon influence il fût obligé de s’occuper de moi d’une manière plus sérieuse. C’est à l’un de ces motifs que je devais le mécontentement et l’irritation qu’il laissait percer dans ses rapports. Mais peu louché de ses menaces, je ne lui laissais de répit que pendant les quel ques heures de repos que j’étais forcé de prendre, et comme il en avait sans doute autant besoin que moi, il s’abandonnait probablement au sommeil pendant le même temps. Ce qui me le fait supposer c’est que je jouissais dans ce court intervalle d’un calme que je n’avais pas à beaucoup près goûté précédemment.
Ma principale occupation lorsque j’étais dans ma chambre était donc de lutter de toute la force de ma volonté contre les émissions de fluide de mon persécuteur, et c’était là seulement que je pouvais me livrer avec quelque chance de succès à cette œuvre qui nécessitait de ma part des efforts de pensée et une attention soute-
TOBR VII. — * »• — *6 OCTOBRE 18*8. 8
nus. Voici comment je procédais à cette opération. J’avais reconnu d’abord que pour fixer nies regards d'une manière constante; dans la direction d'où me venait le fluide, sans trop fatiguer ma vue, le grand jour et l’obscurité complète étaient défavorables, tandis que le clair-obscur rendait cette action plus facile. Je fermais donc mes volets aux trois quarts, ne laissant pénétrer dans ma chambre que quelques rayons lumineux pour pouvoir distinguer les objets. Je me plaçais alors sur un siège dans l’embrasure de l'une des croisées, le dos tourné h la fenêtre et mes yeux dirigés vers le fond de la chambre d'où m’arrivait le fluide. Car, ainsi que je l ai déjà dit, je savais que ces émanations, qui dans les premiers huit jours partaient d’uue habitation située en face «le mon appartement, avaient changé de direction,et j’avais reconnu qu’elles m’arrivaient d’un coté tout opposé. Dans la position où je me trouvais il m'était assez facile avec un peu d'attention de déterminer la zone dans laquelle le fluide me parvenait.Tenant la tête haute, je l’oscillais verticalement,puis horizontalement,jusqu'à ce qu'amené dans la direction du courant par mes sensations, je finissais par la tenir immobile, les regards fixés dans cette direction; absolument comme une girouette qui, ballotée par le vent,finit après diverses oscillations par se fixer sur son pivot dans le sens des courants aériens. Lorsque j'étais ainsi arrêté je fixais sur le mur le point traversé par le courant, et après quelques minutes d’observation je voyais une colonne lumineuse venant à moi, alors je luttais contre ces émanations et les ren-voyaisavec les miennes sur mon magnétiseur par l’effet de ma pensée. J’avais la précaution pour faciliter mes recherches de coller sur la tapisserie à la partie la plus lumineuse un pain a cacheter pour me servir de point de
rapport avec les expériences suivantes (pie je serais amené à faire'. Toutes les fois que je les réitérais, j'avais soin de me placer au même endroit de la chambre, et malgré ma tendance à rechercher le courant de fluide dans la même direction d'où j’en avais perçu une première fois la sensation,j’étais forcément amené à constater de nouveaux points de départ de son émission, ceque me prouvait du reste le sens des rayons lumineux qui ar-rivaientà moi, et je marquais de la même manière les différents points. I’ar le renouvellement fréquent de cette opération j’avais posé sur la muraille un certain nombre de pains à cacheter distancés les uns des autres d’une manière irrégulière, et il était facile de comprendre que la diversité de ces résultats concordait avec les différentes localités d’où le fluide était émis; en effet, mon magnétiseur n’étant pas toujours au même endroit, la direction de son fluide était changée par sa transposition d'un lieu en un autre. Mais,chose curieuse,c’est que tous ces pains à cacheter se trouvaient placés sur une même ligne horizontale. On peut expliquer ce fait par l’éloi—’ gnement dans lequel j’opérais vis-à-vis de mon magnétiseur et le rapprochement de la muraille à l’égard de ma vue, cette muraille formant le plan de section de son fluide et la différence des niveaux auxquels nous nous trouvions étant peu sensible par rapport à la distance qui nous séparait.
Ces marques faites sur la tapisserie de ma chambre étaient autant de jalons plantés pour arriver à la connaissance des différentes parties de la ville auxquelles elles correspondaient en ligne directe à partir du point où j’avais l’habitude de me placer. Je me mis à opérer ees recherches, et je constatai d’abord que le point par lequel j’étais le plus souvent influence répondait au do-
micile d® mon ennemi, et que les autres étaient en ligne directe des lieux qu’il avait l’habitude de fréquenter. Il me fut facile de le vérifier en constatant sa présence dans ces différentes localités.
Lorsque mon opération journalière me désignait un nouveau point de départ du fluide, je quittais immédiatement ma chambre pour me mettre à la recherche de cet homme, et parles moyens de direction que je possédais j’arrivais promptement vers la maison qui le recelait, et où mes sensations indiquaient sa présence. Je ne m’en tenais pas à ces simples impressions qui pour toute personne ignorant mon état pourraient paraître vagues, j’attendais pour plus de certitude qu’il sortit du local, et lorsque je le voyais sortir, j’étais positivement sûr que telle marque faite dans ma chambre indiquait telle localité. Notez bien que je ne m’en tenais pas à une première épreuve, j’en cherchais toujours la confirmation dans une seconde.
En allant ainsi à la recherche de mon oppresseur, il arrivait souvent qu’arrêté au bas d’une habitation où je soupçonnais sa présence, je l’attendais dans la rue des heures entières pour l’en voir descendre; mais il y prolongeait son séjour le plus possible par esprit de contrariété, instruit qu'il était démon désir,et me faisait ainsi droguer deux ou trois heures consécutives. O11 jugera par ce fait de la patience que j’ai déployée dans ces tristes circonstances pour arriver à une connaissance plus parfaite de la vérité, et quoique je fusse certain d’avance que le résultat serait conforme à mes prévisions, vu que je ne me suis jamais trompé.
J’ai omis de faire remarquer qu’il se trouvait sur ma tapisserie,à la partie correspondant au domicile de mon magnétiseur, plusieurs pains à cacheter excessivement
rapprochés les uns des autres. Il est certain que ces différents points répondaient aux diverses pièces de son appartement, et qu’ils étaient le résultat de sa transition de l’une à l’autre : ces petits détails feront comprendre la multiplicité des observations que j’ai été à même de faire sur ces phénomènes, et dont je ne cite que les plus saillantes.
Il y avait près de deux mois que j’agissais ainsi, lorsqu’un phénomène tout nouveau s’offrit à ma vue. J’étais chez moi, tout occupé d’une magnétisation suivie et dans un demi-jour favorable à cette opération; j’avais placé dans la direction du courant habituel et à une petite distance de mes yeux un coussin de canapé recouvert en étoffe verte pour moins me fatiguer la vue; c’était contre ce coussin que mes regards étaient dirigés et toujours dans le sens du domicile de mon magnétiseur, contre lequel je cherchais à lutter. Mes sensations me dévoilaient qu’il était chez lui, et il y avait trois quarts d’heure que j’agissais de la sorte, lorsque je sentis à ses mouvements qu’il se disposait à sortir; je compris bientôt au petit tremblement qui agitait mon corps qu’il descendait son escalier ; mais je n’en poursuivis pas moins mon action sur lui.
Tout à coup un panorama représentant les habitations voisines de son domicile s’offrit à mes regards étonnés. Les diverses localités de la ville par lesquelles il passait se déroulèrent devant moi et je reconnus que ses sensations visuelles m’étaient réfléchies. Je ne me lassais pas d’admirer ce merveilleux effet, car les maisons et les personnes changaient au fur et à mesure que se déplaçait le regard du promeneur, et elles passaient devant mes yeux comme dans un tableau mouvant. Je les voyais de grandeur na-
mrelie cl non pas, comme on pourrait le supposer, réduites par un effet de perspective ; mais il y avait dans ce tableau beaucoup de parties imparfaites d’un style vaporeux et d’autres tout à fait incomplètes. Je compris que ces défectuosités étaient indépendantes de ma personne et que je ne devais apercevoir que ce que mon magnétiseur voyait lui-même; qu'ainsi les objets qui ne tombaient pas sous sa vue ne m’étaient pas reproduits, que ceux sur lesquels il passait légèrement sans y attacher ses regards n’étaient rendus qu’imparfaitement, et que ceux au contraire qu’il examinait avec attention se dessinaient d'une manière correcte. Ainsi lorsqu’il se trouvait rapproché d’un édifice dont il ne pouvait embrasser toute la hauteur sans lever la tète, je n’apercevais moi-même que la partie basse de l’édifice qui disparaissait elle-même à mes yeux s’il passait outre ou bien s’il y entrait. Je dois faire observer que ces effets de double vue cessaient dès le moment où il pénétrait dans une maison quelconque. J’ai tenté de les faire naître avant sa sortie de son domicile et de les prolonger après son retour ou après son entrée dans un lieu couvert, et je n’ai jamais pu y parvenir. Cela venait-il de la différence de clarté? c’est probable, mais je ne saurais l'ailirmer. En effet, le grand jour de la rue pouvait favoriser le développement de ces effets et si j’eusse persévéré j’en aurais peut-être obtenu la production à l’intérieur comme à l’extérieur des habitations. C’est une question de temps que je n’ai pas résolue.
J’ai goûté pendant huit jours consécutifs le merveilleux spectacle de ces vues à distance qui m’ont donné la mesure des plaisirs inouïs réservés à mon magnétiseur par la possession de mes sens, c’est-à-dire par la facilité qu'il avait de recueillir à son gré toutes mes sensa-
lions. Je 11e me serais pas lassé de poursuivre ces expériences qui m’offraient tant d'attrait, si mon ennemi, instruit de mon désir de réussir et)effrayé peut-être de mes progrès, n’eût mis en jeu tous les moyens possibles pour en arrêter la continuation. Comme je me mettais à magnétiser quelques instants avant l’heure où il avait coutume de sortir afin d’arriver aux effets de double vue, il changeait alors les dispositions habituelles de sa journée, et restait chez lui : de celle manière il me faisait perdre un temps précieux eu efforts longs et infructueux; quand je dis infructueux, c’estqu ils 11 amenaient pas le résultat prévu, et rien ne pousse au découragement comme d’être trompé dans son attente.
A ces contrariétés inattendues mon ennemi joignait des persécutions sans nombre. Chagriné par ma persévérance à atteindre le but proposé, il me tançait vertement à ce sujet, et ajoutait l’effet à la menace. C’est alors qu'il me renouvela avec un acharhement des plus cruels ces pincements au creux de l’estomac que j avais ressentis précédemment,mais à un degré bien plus faible, et c'est à juste titre, je dois le dire, qu’un traité de médecine que j'ai lu récemment les désigne sous le nom de morsures de Satan. Ces sensations douloureuses s accrurent à tel point qu’elles me firent cracher le sang et me mirent dans un état des plus alarmants.
Au milieu de ces inconstances pénibles, l’instinct de ma conservation et le désir que j’avais de mener à fin mon projet me suggérèrent différents moyens pour obtenir ces effets pernicieux. Je citerai celui qui me réussit le mieux. J’avais établi aux extrémités de mes membres des ligatures qui les tenaient serrés comme dans un anneau, et cette pression continuelle était encore augmentée par la tension que mes mouvements pouvaient impri-
mer à ces lions ; il en résultait une douleur constante vers les pnrlies comprimées, lîans cet état je remarquais que la sensation des pincements que je recevais du dehors venaits'addiiionner à ia «ouflïance que je me faisais éprouver moi-même, et qu’au li u de la ressentir au creux de l'estomac oùelle m’était devenue' insupportable, elle se trouvait foi cément conduite vers les extrémités de mon corps : je la détournais donc par ce procédé ingénieux du but auquel ou la destinait. Dire par quel motif cet c ffet avait lieu?j 'ser.iis assez embarrassé dVn donner une explication positive; était-ce parce que mon magnétiseur re sentant lui-même la douleur que je m’imposais, dirigeait malgré lui son attention vers le siège de son action? ou bien était-ce par suite de la tendance naturelle du fluide à envahir les parties endolories qu’il arrivait à ces points-là préférablement à toutautre? Je suis tenté de me rattacher à ce dernier argument, en raison des nombreuses expériences et observations que j’ai faitesà ce sujet; pourtant je ne donne mes réflexions que comme des conjectures hasardées.
L’améliorationquece procédé produisit dans mon état me permit de persévérer et de poursuivre la lutte encore quelque temps. Je continuais donc à influencer mon magnétiseur, et je cherchais même à lui renvoyer les sensations douloureuses qu’il me faisait éprouver. Ainsi jeme pinçais dans l'espoir de lui faire ressentir la douleur; mais je n'ai jamais su d’une manière positive si ces sensations iui étaient transmises. Je crois du moins qu’il ne les sentait que lorsqu'elles provenaient d'un acte sans préméditation; car s’il en était instruit par le travail de ma pensée, il se prémunissait contre mes mauvaises dispositions d’esprit, et avait alors la propriété, quand je m’infligeais une souffrance pour la lui communiquer,
de 111e la réfléchir instantanément; de sorte que je ressentais un pincement double dans un intervalle de temps inappréciable.
Guidé par ses mauvaises inspirations, il ne s’en tint pas aux pincements et piqûres de toutn espèce, et abusa de son pouvoir sur mes sens par de nouvelles afflictions. Par exemple, il avait la propriété dY-xern ■ sur mon odo-r; I une influence des mi.'ux caractérisé s. !1 v faisait naître les sensations 1 -s plus varié.??, si bien cuir dans le principe lorsque je ressenlU ces ff-ts, j'en ch. reliais naturellement la crus - d.-.ns les étnanm'ons de quelque corps rapproché de ma personne et dont la présent était ainsi trahie. Si je saisissais un objet qui eût rapport à ces exhalaison? et qui d’après Lomé probabilité devait en être la source, i! arrivait souvent que l'approchant de mes narines poer en r. ;;eillir ph-s abondamment les mol :eulcs odoriférant)-s et juger de i’exaelitudede mon appréciation, j’obtenais un résultat tout à fait inverse des sensations ordinaires, car l’effl diminuait par ce rapprochement et augmentait au contraire par I’éloi-gnement d,: l’objet en question. Quelquefois même mes recherches étaient infructueuses, alors je compris que la cause en reposait dans la volonté de mon magnétiseur. II me prodigua de la sort.; les parfums Ls plus suaves et les plus délicats et me fit passer par en- transition brusque aux odeurs les plus nauséabondes, grandissant ou diminuant à son gré les effets. Respirait-il lui-même ces odeurs pour m’ -n communiquer les impressions? je l’ignore. En admettant ce raisonnement il eut fallu qu'il se soumi: aux exhalaisons les plus malsaines, et dans mon opinion il a eu bien certainement le courage de les supporter par esprit de méchanceté, si cela était nécessaire pour m’en réfléchir plus vivement
In sensation. Pour |"'on ni* suppose pas que ces odeurs lussent des effets d'imagination, j’ajouterai qu'elles produisaient sur mon organisme les résultats qui en sont la conséquence habituelle. Par exemple si mon magnétiseur prenait une prise de tabac, suivant I usage qu il en avait, et qu’il voulût m’en renvoyer la sensation, il me forçait ainsi à éternuer malgré les efforts «pic je faisais pour me retenir, me prédisant parfois l’eflol qu’il allait produire et riant après d’en être venu à bout, de manière que si j’eusse ignoré la cause de ces phénomènes il aurait eu le soin de me la dévoiler.
Je passerai sous silence une infinité d autres détails peu importants qui rendraient ce récit plus long et plus monotone; mais je ne saurais taire un phénomène qui m’inspira une terreur étrange par scs effets inattendus; le voici.
Je fus un jour appréhendé à la gorge d’une manière si violente que je crus qu’on en voulait a ma vie, et comme cet effet de strangulation se prolongeait au delà des bornes de ma respiration, je faillis en être étouffé. Dans celte position critique j’attendais la cessation de cette torture sans la prévoir ; elle était bien certainement l'œuvre de mon ennemi et je ne savais quand il lui plairait de la faire cesser. Cependant à de longs intervalles cl dans un laps de lemps des plus courts ce serrement était interrompu et je reprenais vivement haleine; j’en déduisis la conséquence qu’il faisait sur lui-même cet essai pour m’en réfléchir la douleur, car comment expliquer ces instants de répit qu il me laissait a de longs intervalles si ce n’est par la nécessité où il se trouvait de ne pas perdre sa respiration ? L'on m’objectera quec é-tait se faire souffrir autant que moi et qu’il faudrait être d’une cruauté sans pareille pour pousser à cc point la
satisfaction de faire le mal. A cela je répondrai que s’il ne s’imposait pas cette souffrance, comment expliquerait-on ces courtes intermittences pendant lesquelles l’action était suspendue et qui lui servaient, à mon avis, à reprendre haleine? Il faudrait donc admettre qu’il me les accordait par esprit de compassion, et comme il ne m’a pas habitué à ces sortes d’égards et que je le connais trop cruel et sans pitié, je ne saurais établir une semblable supposition. Quant à se faire du mal autant qu’à moi, il faut bien remarquer cependant que sa position était fort différente de la mienne, puisqu'il forçait ou diminuait la douleur à son gré suivant le courage qu’il se sentait pour y résister. 11 était d’ailleurs soutenu par la pensée consolante de la faire cesser quand bon lui semblerait; or rien n’aide à supporter la peine comme d’en prévoir la lin. J’étais donc affligé à un degré bien supérieur, ignorant jusqu’où progresserait la souffrance, et ce qui est encore pis, quelle en serait l'issue.
Ces épreuves plus terribles les unes que les autres auxquelles j'étais soumis jetèrent l’effroi dans mon esprit et y firent naitre des craintes sérieuses sur les conséquences de mon obstination à poursuivre mon projet. Je jetai un regard en arrière pour voir le chemin que j’avais parcouru, puis je considérai celui qui me restait h faire pour arriver à la solution de ce problème. Je reconnus, il est vrai, les progrès immenses que j'avais recueillis de ma persévérance et les merveilleux effets de double vue que j’avais obtenus sur mon antagoniste; mais il y avait encore loin de là à être son égal, et comme il m avait fallu trois mois d’efforts inouïs pour arriver à ce point, je me perdais en conjectures sur le temps qu’il me faudrait pour en triompher. Je redoutais aussi que par suite de l’exaspération dans laquelle je le mettais, il ne se portât
à mon égard a quelques moyens extrêmes. Son mécontentement perçait à chaque instant dans nos rapports, scs menaces avaient été suivies d’effet, et il pouvait en résulter quelque catastrophe puisqu’il était sur de l'impunité. Je sentais en outre que si j'avais acquis quelque pouvoir sur lui, le sien s’élait aussi développé soit par les efforts qu il avait été obligé de faire pour conserver sa prééminence intègre, soit par l’irritabilité de mon système nerveux entretenue par cette lutte et rendue par cela même plus impressionnable.
Ces divers mol ifs me portèrent à arrêter mes poursuites et mes recherches, dès lors je cessai de l’influencer. D ailleurs j’étais souvent dérangé dans cette opération tant par les personnes qui venaient me parler que par des parents que j’étais obligé de recevoir, ce qui contrariait mon action et y apportait une interruption défavorable. D un autre côté, je ne pouvais abandonner entièrement ma profession, je ne faisais pour ainsi dire rien depuis mon retour, et j’avais différé jusqu’à ce jour l’exécution des travaux qui m’avaient été confiés. Je sentais donc la nécessité de les reprendre ; malgré cela j’y étais peu disposé, car je voyais mon avenir brisé et mon sort irrévocablement enchaîné à cet homme pervers. Comment aurais-je pris goût à l’occupation même la plus attrayante? Aussi le découragement s’emparait de moi,et du rôle de champion décidé je passais à celui d’esclave suppliant.
J implorais la clémence de mon vainqueur, mais inutilement, je le conjurais à distance, d’avoir pitié de moi, de mettre un terme à mes afflictions ; mais il riait de mes prières et de mes supplications, et ajoutant l’ironieà l’inflexibilité il me répondait par ces mots : «Va te plaindre a Monsieur le curé. » C’est par des plaisanteries de ce
goùt-là «inc nios plaintes et mes prières furent refoulées.
Je fus bientôt dégoûté de la vie, des idées de suicide germèrent dans mon cerveau, et je suis persuadé qu’il ne fut pas étranger à leur production ; mais comme dans ces tristes circonstances il jugeait de mon plus ou moins de résolution à les réaliser, il m’on éloignait, ou bien me poussait à leur accomplissement.
Cet état de découragement qui avait suivi la surexcitation nerveuse ne pouvait se prolonger longtemps, car les positions extrêmes ‘sont toujours de peu de durée. Aussi je revins insensiblement au calme, je m’armai de résignation et, je dois le dire avec franchise, ce temps de lutte une fois passé, je fus beaucoup moins persécuté. Ce n’est qu'à de rares intervalles que j’ai ressenti depuis les étreintes de ces violentes tortures qui m’accablèrent pendant les phases de ce combat inégal. D’où je conclus que plus je cherchais à secouer le joug, plus je resserrais mes liens.
A quelque temps de là j’entrepris un second voyage plus long que le premier, toujours avec l’intention de rompre cette influence ou du moins d’en adoucir les effets, car mou espérance à ce sujet était diminuée en raison de l’insuccès de ma première tentative. Cependant comme je m’éloignais davantage, j’étais porté à croire que ce qui ne m’avait pas réussi à une petite distance me réussirait à une plus grande.Arrivé au but de ma seconde excursion,à une distance do quatre-vingts kilomètres, je constatai, comme à la première, une réduction notable dans mes sensations; mais cette amélioration alla toujours eu décroissant, et si elle ne lut pas complètement annihilée au bout de quelques jours, elle avait beaucoup perdu de son intensité. Je profitai de mon séjour dans
celle ville maritime, car c’était dans un jiort de mer que j étais descendu, j en profitai, dis-je, pour prendre des bains de mer, espérant qu'ils me procureraient quelque soulagement. Il n’en fut rien. Je ferai même observer que je disparaissais entièrement sous les vagues, tenant nia tète plongée dans I onde autant de temps que ma respiration pouvait me le permettre. J’espérais par ce moyen rompre ce lien invisible qui me tenait esclave; mais eet essai, quoique renouvelé fréquemment, n’eut pas le moindre succès. Je revins donc à mon domicile plus découragé que la première fois et avec la persuasion que la puissance de mon ennemi me paraîtrait plus insupportable, puisque pendant quelque temps je l’avais ressentie à un degré plus faible.
Depuis celte époque de longs jours se sont passés sans qu il n y ait l ien de changé dans ma position. Seulement je me sens par moment plus absorbé, plus influencé que de coutume. Dans ce cas-là, je fais usage de quelques procédés de mon invention qui se rattachent, m a-t-on dit, à la pratique du magnétisme, ce que j ignorais quand j en ai fait l’application sur moi. Ces moyens de soulagement consistent à m asperger la figure, ou m’ondoyer le corps avec de l’eau fraîche, à passer le creux de la main en l’appuyant fortement depuis le sommet du crâne jusqu’à l’épigastre. Par ces procédés si simples il semble que j’allége le fardeau qui m’opprime et j’en éprouve un bien-être momentané. J’ai encore reconnu que lorsque j'étais si fortement abasourdi par le fluide, j’éprouvais un soulagement à me rapprocher de quelque personne, a nu mêler à des groupes comme si les fluides qui en émanent me protégeaient de leur influence et établissaient autour de moi une égide invisible.
Maintenant dix-neuf mois se sont écoulés depuis le
jour où je sentis pour la première fois les atteintes de ce pouvoir infernal, et après tant d’essais infructueux pour m’en débarrasser j'arrive en dernier ressort à Lyon comme pour échapper encore à sa poursuite. Me voici à soixante-dix lieues de mon point de départ, et celle nouvelle ville où je suis venu chercher un dernier abri ne me protège pas. Faut-il donc courir au boni du monde, et l’espoir de salut que je plaçais «l ins la fuite m’est-il pour toujours enlevé? Hélas! je commence à le croire, car ici comme ailleurs je n’ai obtenu dans mon état qu’une légère amélioration qui disparailra peut-être en grande partie par un plus long séjour. Ainsi je mettrais, m’a-t-ondir, toute la largeur du globi- terrestre entre le bourreau et la victime qu’elle n’en serait pas moins persécutée. J’en conclus qu'il faut puiser ailleurs mes moyens de délivrance. (l’est dans ce but qu’en arrivant ici je me suis adressé soit à des médecins, soit à des magnétiseurs. Quant aux premiers, j’ai reconnu facilement qu’ils n’étaient nas à même d’apprécier ma position, que ces phénomènes n’étaient pas de leur compétence et qu'ils n’y croyaient même pas. Cependant, je dois le dire, je fus fort bien accueilli par l’un d’eux auquel on m’avait adressé comme à un magnétiseur. Il me fit observer qu’on m’avait induit en erreur à ce sujet, mais que sans s’occuper de la science magnétique, il n’était pas tout à faii ignorant à l’égard des phénomènes qui se manifestent dans son application. Ne voulant pas in'éloigner sans lui faire part dumotifde ma visite, je lui exposai brièvement inon état qui parut l’intéresser; cherchant à rappeler ses souvenirs, il m’avoua qu'il avait lu quelque chose de semblable et qu’il devait avoir dans sa bibliothèque la relation d’un fait «le même nature. En effet, après quelques minutes de recherches, il me souinil une brochure im-
primée à Paris, en 18-40,chez MM. Bourgogne et Martinet, publiée à la librairie de M. Germer Bailliére, par M. Emile Roy, ancien chirurgien-major et docteur en médecine, sous le titre de : Observations du magnétisme occulte. Dans cet opuscule l’auteur cite un second phénomène analogue à celui dont il a été l’objet, afin de corroborer son récit.
Cette découverte fut pour moi une bonne fortune; je m’en réjouissais d’autant plus qu’elle venait positivement à l’appui de mes assertions et donnait pour l’avenir plus de poids à mes paroles. Quand je parlais de mon état, on avait 1 air d'en rire, de le considérer comme un fait sans exemple, sans aucun précédent. Muni de cette brochure, j’allais vaincre désormais bien des opinions rebelles. Aussi je m’occupai immédiatement de m’en procurer de nombreux exemplaires pour les distribuer aux personnes qui s’intéressaient à moi. Mes démarches à ce sujet ont été jusqu’à ce jour sans résultat, et c’est à la générosité du médecin dont il a été fait mention que je dois le seul exemplaire que je possède.
Maintenant, je l’avoue avec plaisir, c’est auprès des magnélistes que j’ai trouvé du dévouement, de l’attention à écouter le récit de mes sensations et les meilleures dispositions à y croire. Ce n’est pas que je n’aie eu avec eux quelques objections à combattre, et je suis loin de m’en plaindre, puisque cela prouve leur désir de s’éclairer, mais je crois les avoir réfutées victorieusement.
Cependant il est un point qui leur a paru contestable et sur lequel quelques-uns d’entre eux ont insisté pour obtenir quelques éclaircissements. Voici à quel sujet.
Plusieurs de ces Messieurs avaientjjde la peine à concilier une action aussi constante d’un magnétiseur avec
ses occupations journalières, car mon ennemi est captivé par une profession qui lui occasionne un certain travail d’esprit. Ils étaient donc portés à croire que cet homme ne pouvait suffire à tout. D’un autre côté, persuadés que je ne leur en imposais pas sous le rapport de mes sensations et de mes souffrances, et jugeant qu’elles étaient réelles parla conviction qu’ils en avaient puisée dans nos longues causeries et parce que je n’avais aucun intérêt à les tromper, ils cherchaient alors à ces phénomènes une cause différente de la véritable. Ainsi quelques-uns d'entre eux admettaient que cet esprit vexa leur qui m’obsède pouvait bien avoir pris sa source ou puisé ses inspirations dans les pensées et le cerveau de cet homme, mais que dégagé de lui il agissait d’une manière indépendante, rapportant cependant toutes ses actions à son créateur qui se trouvait ainsi déchargé de cette occupation.
11 est vrai que cette combinaison aplanirait la difficulté que bon nombre de personnes éprouvent à concevoir qu’un magnétiseur puisse en vaquant à scs occupations habituelles avoir avec son sujet des rapports aussi suivis que ceux dont j’ai donné l’analyse. Mais je répondrai à cela qu’en admettant que cet homme possède à son service un petit démon familier dont il peut disposer et qu’il a mis à mes trousses, se reposant sur lui du soin de me poursuivre et d’agir d’après les inspirations de son maître; cette supposition loin de résoudre le problème ne ferait que le compliquer dans un autre sens et en rendre la solution plus difficile, puisqu’on introduirait là un intermédiaire dont la présence n’est nullement démontrée; car toutes ses actions, d’après les vérifications nombreuses que j’en ai faites, se rapportent à celui dont il émanerait, puisque c’est ce dernier qui m’a toujours
été dévoilé. D ailleurs cela m*donnerait pas l'explication des phénomènes produits,et il importe peu qu’ils soient le résultat d’un esprit libre 011 d’un esprit incarné. Il est bien plus simple et plus naturel, ce me semble, de laisser à chacun ses œuvres et de ne pas leur supposer un autre exécuteur parce qu’on a de la peine à en expliquer la continuité. Pour moi je suis intimement convaincu qu il n existe point d intermédiaire entre cet homme et moi. J’ai toujours reconnu son action immédiate, même sans aucun auxiliaire, sauf dans les premiers huit jours, ou j ai remarqué la coopération de deux personnes distinctes en raison du timbre de voix et du choix des expressions, cedont j’ai parléau commencement decerécit, mais qui ne s’est plus renouvelé depuis. Si doncquelques magnétiseurs ne peuvent se rendre compte de la persévérance et de la continuité de celte action à distance, c’est qu’ils ignorent à quel degré de perfection le rapport entre nous deux est arrivé. Cette perfection est bien certainement la conséquence des premiers efforts de mon oppresseur, mais aujourd’hui elle se maintient sans nécessiter de sa part la même assiduité et le même travail que dans le principe. Ainsi par le moyen de son fluide franchissani les espaces avec la rapidité de la pensée, il s’introduit dans mon cerveau, et se répandant sur mon système nerveux il y perçoit toutes mes sensations et ne me communique les siennes que lorsqu’il veut bien me les transmettre. C'est là ce qui constiluesa supériorité à mon égard, puisqu’il a la propriété de s'éloigner de moi et de s’éclipser, tandis que pour lui je suis tout à découverl. Ce n’est que par défaut d'habilelé et dans les commencements qu’il m’a laissé percevoir des sensations qu’il aurait voulu me cacher, mais mainte-
nant il ne commet que fort rarement de ces sortes d’écarts.
Les moyens de communication entre nous sont tellement faciles et rapides que rien au monde ne peut en donner l’idée. Ainsi il faut bien remarquer que sans se déranger de ses occupations il peut recueillir mes sensations par ce lien de fluide qui nous unit, et que pour me transmettre ses pensées il lui suffit de les porter sur moi par uu simple effet de volonté. Cependant il est certain qu’il obtient par mes sens des perceptions d’un degré 'lien différent les unes des autres; ainsi la majeure partie de mes sensations sont pour lui peu sensibles lorsqu'il n’y porte qu'une attention secondaire, elles passent pour lui inaperçues lorsqu’il s'éloigne de moi par l’effet 1 une distraction ou d’une occupation quelconque en dehors de ma sphère; mais il les perçoit au suprême degré s'il reporte sur ma personne toute son attention. Ces explications doivent faire comprendre que sa supériorité dépend delà grande habitude de son llnide à envahir mon organisation nerveuse pour laquelle il a acquis une extrême affinité, tandis que, moi magnétisé, j’ai par cela même une difficulté excessive à me parer de ses émanations, et à l’influencer par les miennes; c’est lorsque je l’ai tenté que je suis venu à bout, par une persévérance inouïe, d’obtenir sur ses sens des perceptions d’un degré bien inférieur à celles qu’il recueille aujourd’hui sur les miens sans aucun effort.
Je bornerai là l’exposé de ma situation, faisant observer que j’ai passé sous silence une infinité de faits qui ont rapport à mes nuits pour qu'on ne puisse pas supposer que je viens ici conter mes songes et en donner l’explication. J’ai encore été jrctenu par la crainte de faire considérer le reste de mon récit comme un rêve
d'imagination. Je* n’ignore pas combien il faut vaincre de préjugés pour faire admettre la possibilité de semblables phénomènes, aussi je les ai dégagés de tout le merveilleux qui pourrait les rendre encore plus invraisemblables.
Aujourd’hui, Messieurs, ajouta-t-il, je n’ai plus d’espoir que dans le magnétisme, il est la cause de mes maux, mais tout me présage qu’il doit aussi en être le remède; je viens donc auprès de vous pour que vous en fassiez l’application sur moi, et que vous puisiez dans cette science sublime les moyens de faire cesser cette obsession.
Tel est, Monsieur le Baron, le résumé des diverses conversations tenues avec le narrateur que je viens de mettre en scène. J’ai cherché à être son interprète fidèle, car je n’ai pas cité un fait qui ne nous eût été dit et redit plusieurs fois, et ce n’est qu'après lui en avoir soumis la rédaction, et lorsque l’exactitude en a été reconnue, qu’il a été adopté et compris dans ce rapport. Je n’ai donc fait que rédiger etcoordonner tous ces faits; par conséquent le travail que je vous envoie n’est qu’une compilation assez complète des causeries, citations et observations recueillies de la bouche même de notre obsédé.
Comme vous devez bien le penser, ces phénomènes nous ont vivement impressionnés, et s’ils trouvent leur explication dans le magnétisme, ainsi que nous aimons à le reconnaître, ils diffèrent pourtant de ceux produits par le somnambulisme à tel point qu’ils semblent bouleverser les idées reçues jusqu’à ce jour, et indiquer une marche différente pour arriver à ces effets de magnétisme transcendantal. Ainsi il est incontestable que tous
c«-s résultats, quoique obtenus à letat de veille, sont cependant bien supérieurs sous certains rapports à ceux du coma puységurien ; la transmission de pensée et celle des sensations de magnétiseur à magnétisé y sont beaucoup plus parfaites. Nous avions déjà eu l’occasion de constater lors des expériences de M. Hermann, qui se disait antimagnétiseur, et faisant sans doute du magnétisme par excellence, nous avions constaté, dis-je, que la transmission de pensée pouvait s’obtenir à l’état de veille d’une manière plus régulière et plus constante que dans le somnambulisme; mais ce qu’il y a de remarquable dans ce nouvel état, c’est que les rôles se trouvent, en quelque sorte, intervertis. En effet, dans les circonstances dont il a été fait mention, c’est le magnétiseur qui perçoit sur son sujet, et à un plus haut degré que lui les effets de vue à distance, et qui possède sur lui cette supériorité de perception par les sens qui, dans nos procédés habituels de magnétisation, devient l’apanage exclusif du sujet. D’un autre côté, il faut bien observer que ces effets extraordinaires sont limités aux rapports de ces deux personnages entre eux, et qu’ils ne dépassent pas la sphère d’activité de chacun d’eux. Ainsi le magnétiseur ne peut percevoir en outre de ses propres sensations que celles de son sujet, il ne peut voir, entendre, toucher, sentir et goûter que ce que ce dernier voit, entend, touche, sent et goûte, et vice versd. Ils ne peuvent dépasser ces limites ni l’un ni l’autre, et c’est une observation (pie je relate ici parce qu’on ne s’y est pas arrêté dans le récit. Nos somnambules au contraire sont non-seulement en rapport avec leur magnétiseur, mais peuvent établir ce rapport avec tout autre individu, et recueillir ainsi les sensations d’une personne (pii leur est étrangère et avec la-
quelle elles n'ont eu précédemment aucune communication. De plus elles ont des perceptions lointaines à des distances infinies par leurs propres sens, et sans se servir de l’appareil d'autrui; enfin ce qui les caractérise encore plus, ce sont leurs révélations d’avenir. Mais les nombreuses erreurs auxquelles elles sont sujettes viennent contrebalancer en partie ces grandes qualités, et dans la différence que je viens d’exposer rapidement entre ces deux étals magnétiques, il faut bien reconnaître que si l’un possède la supériorité par l'étendue et la diversité de ses effets, l'autre la conquiert par sa régularité et sa perfection.
Si je me permets d’exprimer ici mon opinion sur ce nouvel état des sujets magnétisés, c’est que j'ai causé plus particulièrement que tous les autres membres de l’Athénée avec celui qui figure dans ce rapport. Mes relations avec lui ont été très-suivies, et j’ai peut-être acquis par cela même une plus grande conviction sur la réalité des phénomènes qu’il nous a divulgués. Peut-être aussi a-t-il été plus expansif avec moi, en raison du désir que je lui témoignais de connaître à fond sa position? Mais il est encore une circonstance qui a contribué à fortifier ina conviction, la voici :
Dans les premiers temps de son séjour en cette ville je me promenais fréquemment avec lui, et tout en causant des effets merveilleux qu’il éprouvait, je lui faisais parcourir des quartiers qui lui étaient toui h fuit inconnus; c'élait d'ailleurs la première fois qu'il venait à Lyon, et chemin faisant il m'indiquait «à tout propos la direelion de la ville qu’habite son magnétiseur, guidé par les émanations qu’il en recevait. Pour moi, il m’était facile de m’orienter par la connaissance que j’avais des localités et de vérifier la justesse de ses
appréciations. Or j’ai toujours reconnu que la direction indiquée était parfaitement conforme à la position géographique de cette ville. Ce fait explique assez le lien invisible qui le rattache à son point de départ.
A l’époque de son arrivée ici, nous avons mis notre client en rapport avec trois somnambules pour le soumettre à leur examen, dans l'espoir d’en tirer quelque éclaircissement sur son état et d'obtenir de leurs révélations quelque moyen curatif. Elles ont été plus ou moins explicites à son égard, mais toutes ont remarqué chez lui une grande irritation dans le système nerveux, suite d’une influence étrangère. L’une d’elles a été jusqu’à nommer la ville même où réside la source de cette influence, elle a dépeint physiquement celui qu’elle en considérait comme l’auteur, a désigné sa profession, et ses indications sc sont trouvées conformes à ce que nous avions appris sur ces différents points.
Une autre somnambule après avoir reconnu l’état d’agitation nerveuse du sujet, se trouvant embarrassée pour en déterminer la cause, a été mise sur la voie, et a indiqué alors la direction positive de cette influence; puis reconnaissant celui d’où elle procède, en a fait un tableau peu flatteur sous le rapport moral, et entre autres choses remarquables, ellea prétendu qu’il tenait sous sa domination un autre individu de la même ville, et que ce dernier était plus souffrant et plus malheureux que le consultant, ajoutant que celui-ci devait à cette circonstance le peu de |tranquillité dont il avait joui dans les derniers temps de son esclavage. Depuis lors nous avons eu l’occasion de vérifier jusqu’à un certain point l’exactitude de cette assertion. En effet nous avons appris tout récemment par l’entremise d’une personne qui s’est rendue sur les lieux et par suite des renseignements qu’elle
y a puisés, qu il existe effectivement un autre individu qui sc plaint d’une obsession de même nature, prétendant qu’une voix le poursuit de la même manière ; mais ce dernier se trouve aujourd’hui, en raison des souffrances qu’on lui a fait éprouver, dans un tel état d’exaspération qu’il ne peut plus se maîtriser et se porte à des extravagances; ce qui confirme jusque-là les dires de la somnambule. Quant au reste, il n’a pas été possible d’en constater la vérité, puisque ce malheureux ignore lui-même l’origine de cette obsession, soit qu’on ait agi sur lui de manière à lui enlever tout moyen de recherche à ce sujet, soit que son état d’agitation extrême ne lui ait pas permis d’employer à cette découverte le calme et l’attention qu’elle nécessite.
La dernière somnambule consultée est entrée dans des détails très-circonstanciés sur l’état de la personne avec laquelle on la mettaiten rapport, et voici comment elle la décrit. J’aperçois, dit-elle, une grande agitation dans votre système nerveux ; vos pensées se croisent et se multiplent avec une rapidité prodigieuse; on dirait que votre esprit papillonne d’une chose à l’autre. Puis je vois comme une liqueur étrangère qui circule sur tous vos nerfs. Est-ce que vous auriez été en proie à quelque maladie.....? Sur la réponse négative du consultant, et après une petite pause elle ajouta : Ah ! je vois maintenant ce que c’est. C’est une personne lointaine t qui vous tient sous sa domination; et après s’être expliquée d’une manière très-minutieuse sur la nature de cette influence, elle donna à comprendre qu’on viendrait difficilemnt à bout de la faire cesser, parce qu’elle était passée à l’état chronique. Pourtant elle indiqua la magnétisation comme le seul remède duquel on puisse espérer quelque succès dans le cas présent.
Voilà donc trois somnambules qui s’accordent à reconnaître la réalité de cette obsession. Mais nous n’avions pas besoin de ces témoignages pour y ajouter foi ; car déjà nous avions offert nos services à la personne qui en est affligée, et nous nous étions mis à sa disposition pour la magnétiser. L’un des membres les plus expérimentés de notre société a bien voulu entreprendre ce traitement magnétique, qui a déjà produit une légère amélioration dans l'état de notre obsédé. Dans le principe il n’éprouvait aucun effet notable pendant les lon-jrucs magnétisations auxquelles il se soumettait; mais insensiblement elles ont amené dans son système nerveux du calme et du bien être. Aujourd’hui il s’endort presque toujours lorsqu’on le magnétise; mais son sommeil est naturel et n’offre aucun des caractères du somnambulisme; il sera même difficile, si toutefois il n’est pas impossible, de le produire chez lui; c’est en cela pourtant que nous fondions principalement l’espoir de sa délivrance. Comme ce n’est cependant pas un motif pour en désespérer, notre sociétaire n’en ralentit pas son action sur lui. Après avoir été magnétisé, notre protégé se trouve dans un état d’assoupissement qui paralyse en partie le pouvoir de son oppresseur, qui dans ce moment-là, a moins de prise sur lui. Mais cette espèce de somnolence disparaît peu à peu par l’agitation du corps et au contact des impressions extérieures; de sorte qu’après une heure ou deux , l'influence occulte a 9 repris tout son empire. Nous n’avons pas encore fait d’autre essai sur notre magnétisé, et je vous tiendrai au courant de ce (pii nous aura réussi dans cette circonstance tout exceptionnelle.
En attendant, Monsieur le Baron , je désirerais avoir votre avis sur cette question qui m’intéresse si vive-
ment; il me sera fort agréable de recevoir de vos lumières quelque éclaircissement à ce sujei. La confiance que j’ai toujours eue dans votre profond savoir m’a inspiré la pensée de le consulter dans cette circonstance. Veuillez donc me venir en aide en m'indiquant les moyens curatifs à appliquer dans le cas actuel, ainsi que les ouvrages qui traiteraient de cette question.
Pensez-vous qu’il soit possible de faire cesser cette influence ? Si vous le croyez, et que vous puissiez me diriger dans la voie qui doit être suivie pour arriver à ce but, ce sera rendre un véritable service à l'humanité.
Dans cet espoir je vous prie, Monsieur, d’agréer l'assurance de ma parfaite considération.
P.-L. M***,
Membre de l'AlliéinT magnétique de I.yon.
Lyon, le 23 août 4848.
(La suite au prochain numéro.)
SOCIÉTÉ 1)11 MAGNÉTISME I»E I ' XOIIVEI-IÆ-ORLEANS.
Nos lecteurs jugeront de la rapidité avec laquelle le magnétisme se propage aux Etals-Unis, par le nombre des membres de la Société dont voici la liste actuelle :
Th. Baillv-Blanchard. Jos. Barthet.
A. Baudichon.
L. Berniaud.
J.-B. Blache.
A. Blondeau.
G. Boyer.
L. Breton.
Gio.-P. Briant. Gaston Hruslé.
L. Chabert.
F. Correjolles.
L.-E. Ueluzain.
B. Denys.
Cl». Derbigny.
Pierre Dcvcrgés.
A. Dondot.
D. Drivon.
Ch. Dufour.
F. Dujay.
M.-V. Durel.
J.-A. Durel.
J. Du val.
Doctr. Formul. Doctr. J. Garditte. J.-H. Gautier.
P.-A. Giamarchi. J. Gleise. Th.Guyot.
P.-D. Henry.
G.-E. Hepburn. L. Hermann.
P. Iloa.
II. Iluard.
F. Jastram.
A. Lafferranderie.
B. La Ton.
P.-E. Laresche. A. Laron.
Ilry. Léaumont.
Ch. Lecarpentier. P.-M. Ozanne.
F. Lelièvre. 11. Peyrat.
Alexis Leroy. L. Pinac.
R.-Mc. Doiville. N. Plique.
L. Malard. J. Puech.
L’abbé Malavergne. A. Réné.
A. Marchisseau. A. Rieffel.
L. Maret. J.-N. Robert.
J. Mathieu. P.-F. Sougeron.
F. Mauberret. M. Thibautier.
Ch. Mauriant. E. Tourné.
H. Michon. B. Turpin.
A. Michond. L. Valcnlon.
J.-B. Monier. 0. Valeton.
G. Montamal. J. Vallat.
E. Morphy.
Voilà un point lumineux qui apparaît sur l’autre continent. L’arbre mesmérien qui a poussé en France de si profondes racines, donne chaque jour une bouture que l’on s’empresse de cultiver. Ici les fruits ne se font point attendre, et bientôt chacun pourra les savourer. Heureux ceux qui comprennent vite et saisissent au passage l’immense vérité magnétique, ce nouvel évangile humain qui doit remplacer la foi éteinte dans nos âmes, car c’est la conservation des êtres, le lieu qui doit limitons les hommes entre eux.
VARIÉTÉS.
Fatalité.—Un ouvrier de Merthyr,nomme Longfcl-low, écrivit, la semaine dernière, une lettre à sa femme, qui’se trouvait alors à Newport, pour lui dire qu’il était très-tourmenté par un rêve qu’il avait fait deux ou trois nuits de suite, et selon lequel un grand malheur allait arriver à elle ou à son Gis, âgé de cinq ans. Il la priait de revenir promptement à Merthyr pour le retirer de son inquiétude. Désireuse de calmer les craintes de son mari, cette femme arrangea ses affaires à Newport mercredi matin, et prépara ses paquets : mais elle eût voulu auparavant prendre congé de ses voisins. Tandis quelle courait elle ne s’aperçut point de l’absence de son enfant, qui s’était furtivement esquivé pour aller dire adieu à l’un de ses petits camarades. Peu de temps après, on le retirait mort du canal où, dans sa hâte, il s était laissé tomber.Une enquête eut lieu au Dock-Tavern sur le. cadavre de l’enfant, et un verdict de mort par accident a été rendu. {Globe.)
liustc fie Mesmer. — La découverte d’un buste ancien de Mesmer ayant été annoncée par un journal de Lyon il V a environ trois ans, des renseignements nous sont souvent demandés sur cette recherche. iNous croyons devoir publier la lettre suivante pour répondre a toutes ces demandes.
Mairie (le Briguais (Rliûnc). Ii' :tl juilli-l I84G.
Monsieur Lapone,
Conformément à votre lettre du 11 juillet courant, par laquelle vous inc dites de vous indiquer la personne qui serait en possession du Buste dr Mesmer, j'aurais désire pouvoir obtempérera votre demande, mais (ouïes mes recherches ont été infructueuses, si ce n’est d’après des renseignements de personnes notables, j’ai découvert qu’il existe encore dans un lieu isolé et escarpé (distant d’un quart d'heure) de noire commune, une Pyramide en vétusté, sans inscription, ni date, élevée en sa mémoire.
Un placard a été apposé à la mairie jusqu’à ce jour, et personne ne s’est présenté.
Recevez, Monsieur, l’assurance de ma parfaite considération.
Rivoire, Adjoint.
Enseignement. — M. du Potet va commencer un nouveau cours donl voici le programme :
Notions élémentaires propres à diriger tout, traitement et opération magnétique. — Etude raisonnée du somnambulisme et de l'extase. — Procédés simples et faciles d’expérimentation.
La nature a placé en nous une force tellement active et puissante qu’elle domine la matière, asservit pour un instant les sens et provoque, chez les êtres soumis à son action, l’apparition de merveilleuses facultés. On peut nier l’existence des faits, comme on peut les simuler et les travestir; mais une réalité saisissante attend tout homme qui, pénétré des règles, en essaie l’application.
Cette découverte aura sur les destinées de l’humanité une influence plus grande que n’en ont exercé l’imprimerie, la vapeur et toutes les inventions. Les corps savants montrent aujourd’hui qu’ils sont plus attachés à leurs intérêts qu à la vérité; car c’est par eux que le monde eût dù connaître le magnétisme humain; c'est par eux, au contraire, que son progrès a été retardé. Nous arriverons à démasquer ces faux sages ; mais il faut pour cela que le magnétisme descende dans la famille et que scs divines propriétés deviennent manifestes. Ce que peut la nature aidée dans ses opérations par une simple addition de puissance fera la honte de tous ces esprits infirmes qui jusqu’ici s’en sont dits les ministres.
itccrologic. — Jamais autant de morts ne se sont comptés dans nos rangs. Le docteur Viancin, dont nous pariions dernièrement à propos du pliarniaco-magné* Usine, est mort, le 16 du courant, à Brest où il était attaché à la marine nationale. 11 a succombé à une affection typhoïde, à l’âge de 27 ans.
— M. Hurel aîné, membre de la Société Magnétolo-gique de Paris, vient aussi de mourir.
Chronique. — L’état du magnétisme, à Paris, s améliore sensiblement. La propagande reprend peu à peu sa marche normale, les séances expérimentales des sociétés vont avoir lieu comme par le passé : déjà même la magnétologique a recommencé les siennes. ?\ous avons vu avec une joie très-grande que la première de ces réunions n’était pas moins nombreuse que dans les temps de calme.
— Le portrait du célèbre abbé Faria vient de nous être communiqué par un de nos abonnés, M. Leroyj nous le ferons graver pour paraître dans le Journal avec une note biographique de ce magnétiseur.
Revue «les Journaux. - h'Assemblée nationale, du21, rend compte d’une affaire de police correctionnelle dans laquelle il est parlé de somnambulisme. La plaignante,rendant compte des circonstances d’un vol commis à son préjudice, dit au tribunal : « Un peu contrariée de cette perte, j’allai consulter ma somnambule, qui me désigna mon amie intime comme l’auteur de ce mauvais tour. J’accusai mon amie, qui me rit au nez pour sa justification ; mais me promit de remuer toute la terre pour retrouver ma voilette. Elle me l’a retrouvée en effet sur la tête de Madame (la prévenue) qui polkait précisément avec dans le jardin de Flore. »
Des erreurs de cette sorte ne devraient-elles pas éloigner du somnambulisme pour la recherche de voleurs?
— Le Journal (les Théâtres, du 11 octobre, dit que M. de Puységur qui vient de mourir, « composa plusieurs pièces de théâtre. Sa naissance et sa noblesse ne l’empêchèrent pas d’adopter les principes de la révolution, car il fit jouer, le 4 janvier 1794, à l’Opéra-Comi-que, l’Intérieur d’un ménage républicain, et l’auteur demandé fut le citoyen Chastenet. Plus tard, vers 1800, il fit jouer, au théâtre du Marais, un drame intitulé : Y Ecole des juges. Depuis il s’occupa beaucoup de magnétisme, et on lui doit de nombreux travaux sur ce sujet. »
Le Journal des Théâtres est dans l’erreur; tout ce qu’il dit s’applique au frère aiué ou marquis, mort en 1824. Loin d’adopter les principes républicains, les deux comtes Chastenet et Maxime émigrèrent en 1792; et ce dernier commanda les gardes nationales de la Gironde en 1814.
Le Gérant, HÉBERT (deGarnay).
Saint-Cloud. — Imprimerie de Bclin-Mand.ir.
La pratique du magnétisme est parsemée cfè-g»ë-risons subites, instantanées, comparables aux miracles. Qui n’a vu, en magnétisant, des maux, même graves, cesser comme par enchantement, des douleurs intenses disparaître comme si on les enlevait avec la main ? Ces cures admirables ne sont-elles que d’heureuses exceptions, cette prompte efficacité est-elle bornée â des cas rares? Je ne le pense pas; car quand le magnétisme ne guérit pas, il soulage toujours immédiatement.
Cette manière d’opérer est particulière au mesmérisme ; c’est sa principale propriété thérapeutique, sa vertu dominante, le trait qui le distingue des médicaments, dont aucun n’agit de même. Tous les magnétiseurs ont noté cette précieuse qualité; aussi figure-t-elle à chaque page des écrits spéciaux, dont elle est le plus brillant ornement. Les auteurs qui en ont apprécié l’importance lui accordent une valeur médicale immense, puisque c’est d’elle que dépend la vie dans les cas où le progrès du mal est plus rapide que l’action des remèdes, où l’imminence du danger exige un secours immédiat. Je vais citer un exemple où la susdite vertu apparaît dans toute sa splendeur.
M11' A. Buisson, demeurant rue Molay, -t, fut affectée, en septembre 1846, d’une fièvre typhoïde
TOHS VU. — N° 81. — 10 NOVEMBRE 1848. 9
très-intense, avec prédominance, alternative, puis simultanée, de symptômes ataxiques et adynami-ques. Une médication énergique, suivie dès le début de l’affection, lut impuissante à en arrêter le funeste cours. L’aggravation constante des symptômes, malgré les soins de toutes sortes, ne laissa bientôt plus d’espoir aux médecins , qui déclarèrent leur impuissance en disant que l’enfant avait « le corps usé par les remèdes. *
C’est dans cette extrémité cruelle que M. Houlet, dont le zèle magnétique égale le dévouement humanitaire, conseilla la magnétisation comme une dernière ressource à tenter. Cette proposition obtînt l’entier agrément du médecin ordinaire, M. Barrère , qui, confessant l’insuffisance des moyens de son art, fit requérir ma présence au plus vite.
Voici brièvement ce qui arriva.
Je trouvai le docteur, m’attendant, au chevet de la irialade, qu’il veillait avec une sollicitude attentive. Il m’accueillit avec les marques de la bienveillance la plus affectueuse, me qualifiant de cher et très-honoré confrère, quoiqu’il n’ignorât pas que je fusse encore sur les bancs de l’école. Avouant naïvement son ignorance du magnétisme , il manifesta le plus vif désir d’assister à mon opération, ce à quoi j’adhérai volontiers, espérant de ces bonnes dispositions une conversion utile. Il répondit à mes interrogations sur l’étai antérieur de la malade, par l’histoire succincle de l’affection dont j’avais sous les yeux le tableau hideux. • Ceitëenfant n'est pas morte, dit-il; mais là persistance des symptômes contre lesquels nous avons lutté sans
succès doit amener sa fin prochaine : elle est perdue pour nous. Vous avez été appelé en désespoir de cause; ce père, cette mère, désolés, vous supplient de ne rien épargner pour guérir la seule enfant qui leur reste ; faites, faites tous vos efforts; et si vous la sauvez, leur reconnaissance sera éternelle, comme mon admiration sans bornes.»
A ce moment, la malade était dans un état de mort apparente, qui durait depuis plusieurs jours, malgré les efforts faits pour l’en tirer. Toute sensation étant abolie, toute manifestation volontaire suspendue, la circulation imperceptible; il ne restait, pour attester l’existence, qu’une respiration douteuse. Cette profonde torpeur ayant résisté aux excitations les plus puissantes, à l’action des plus forts stimulants; j’avais affaire à un état dont le pareil ne s’était jamais offert à ma vue, et que je n’ai nulle part trouvé décrit. J’hésitai un instant; qu’al-lais-je faire où tout avait échoué ? Mais le souvenir de léthargies soudainement guéries dissipant ce doute, j’essayai. Mes premières passes furent presque machinales, indécis que j’étais encore; mais aussitôt que j’eus l’intention formelle d’agir avec la plénitude de mes forces, l’effet se produisit; la malade s’agita , ouvrit les yeux, la bouche, et dit : ma...man.
Ces premières articulations d’une voix qu’on croyait ne plus jamais entendre, firent naître la scène la plus étrange : une joie délirante animait tous les assistants. Les parents, attendris, exprimaient leur bonheur par d’abondantes larmes, et le médecin, charmé, criait au miracle. Mais, surpris, stupéfait de mon œuvre, j’étais muet pour répon-
dre à l’expression chaleureuse des doux sentiments manifestés autour de moi. Les émotions que j'éprouvai dans cet instant sont indicibles.
Celle courte magnétisation avait suffi pour imprimer un mouvement favorable à l’organisme entier : des évacuations alvines, involontaires, survinrent, ainsi que je l’avais d'avance annoncé; cl, toutes les fonctions reprenant leur cours, la malade se trouva incontinent replacée dans l’état morbide primitif.
Ma seconde visite eut lieu six heures après la première; la famille fut prévenue de mon arrivée dans la maison, par la malade, dont les yeux, refermés après mon départ, se rouvrirent à mon approche. C’est la seule marque de sensibilité externe qu’elle ait jamais donnée.
Une amélioration très-sensible se faisait déjà remarquer. M. Barrère, arguant de la cessation des phénomènes anormaux, voulait reprendre le traitement méthodique; moi, j’étais d’avis contraire, objectant l’impuissance première dudit traitement; mais M. du Potet, qui avait bien voulu m’accompagner dans cette circonstance, pour connaître le fait en question et m’éclairer de ses conseils, consentit à l’administration d’un peu de vin de quinquina affaibli, pour ménager la susceptibilité du docteur.
Le lendemain, nouvelle surprise; les parties latérales et antérieures du cou étaient couvertes d’une multitude de petits boutons blancs visibles à la loupe seulement, mais dont l’ensemble donnait à la peau l'aspect farineux; la nuque, la poitrine, les cuisses, les jambes et les pieds, où des vésica-
toires et des sinapismes avaient été appliqués sans résultat durant l’espèce de carus sus-menlionné, étaient couverts de phlyetènes. Toutes ces plaies, la plupart contiguës, ressemblaient à une vaste brûlure; et la pauvre enfant, ainsi martyrisée, souffrait cruellement. J’abandonnai le soin de la cicatrisation au médecin, dont je ne voulais pas, en annulant le rôle, éloigner la présence. J’espérais qu’il se contenterait d’une, part du traitement; mais il en fut autrement.
Nonobstant l’amélioration, toujours croissante, obtenue sous l’influence magnétique, M. Barrèrc insistait pour la reprise des moyens pharmaceutiques. S’appuyant sur un avis, vrai ou prétendu, de M. Cruveillier, consulté par lui à ce sujet; il prétendait que le magnétisme devait être abandonné, parce qu’il irritait, excitait les nerfs. En vain je cherchais à le convaincre du contraire, il opposait à toutes mes raisons, qu’un agent d’une aussi ter ribie puissance ne pouvait être impunément introduit dans les organes ; qu’excellent pour produire une violente secousse, une perturbation momentanée, comme le font certains poisons employés à dessein, il était désormais nuisible dans le cas dont s’agit. Toutes mes tentatives de temporisation échouèrent devant la même considération. Cette lutte sourde durait depuis quatre jours; les parents, dont lo bons sens triomphait de ses sophismes, refusaient non seulement de me remercier, mais même d’exécuter ses prescriptions sans mon consentement : il les mit en demeure d’opter, ce qu’ils firent en ma faveur.
Le reste du traitement n’offrit point de péripé-
tics nouvelles; et le douzième jour la malade allait si bien, que je crus devoir laisser à M. Houlct le soin d’achever sa guérison ; ce dont il s’acquitta avec un empressement sans égal. Le père, devenu magnétiseur, s'occupa dans la suite de modifier le tempérament de son enfant, ce à quoi il est heureusement parvenu.
Il ressort de ce fait extraordinaire trois enseignements capitaux, c’est que :
i° Ni durant ni depuis sa maladie, cette enfant, aujourd’hui nubile, n’a accusé la moindre sensation magnétique; soit qu’on l'interroge, soit qu’on /examine, rien n’atteste l’action du principe versé dans ses organes. Et pourtant elle a été guérie, si bien guérie, qu’elle est mieux portante, et plus forte, que les jeunes personnes de son âge qui jouissaient auparavant de ces avantages.
2° Le magnétisme favorise l'action des médicaments, puisque de la moutarde, des cantharides, restées plusieurs jours sans effet, agissent aussitôt après la magnétisation.
3° L’accord du médecin et du magnétiseur dans un traitement commun est généralement chimérique. Malgré de mutuelles concessions, le concours ne peut être égal ; il faut qu’un des deux systèmes l’emporte. Cette dissidence durera probablement jusqu’à ce que les magnétiseurs se soient faits médecins ; car je ne pense pas que les médecins se fassent jamais magnétiseurs. Telle est mon opinion sur la fusion des médecines ; je ne crois la conciliation possible que sur le terrain de la science.
HÉBERT (de Garnay).
ÉTUDES SOMNAMBULIQUES.
§ X. — PUYSEGUM8ME.
(Suite.)
De l'intuition médicale.
Multa abscondila «uni majora hi>.
{KccUuui- i t. A3.)
CHAPITRE I.
Considérations générales.
SI-
L’iûstinct, pris dans son sens le plus large, est l’itilpulsion primitive qui caractérise la vie chez un être organisé, et spécialement chez l’homme.
Soumis à des lois particulières, indépendantes de la volonté, il se modifie suivant le développement et les besoins de nos organes, et veille sans cesse à notre conservation. Le système nerveux ganglionnaire paraît être le siège habituel de ses fondions.
A l’état rudimentaire, chez le fœlus, l’instinct préside aux affinités de cette jeune existence entièrement végétative.
Chez l’enfant qui vient de naître, il est le moteur des déterminations assimilatrices, presque entièrement concentrées sur le tube alimentaire. Lorsque la faim se fait sentir, l’enfant porte naturellement sa bouche vers le sèin de sa mère, et se livre à
l’acte de nutrition d’un véritable polype. Peu à peu, de nouvelles impressions arrivent lorsque les sens acquièrent plus de délicatesse; des habitudes se forment ; enfin, à la vie instinctive succède la vie de relation.
Semblable aux animaux sauvages, dont l’instinct s’émousse sous l’influence deladomesticité, l’homme semble perdre', suivant les progressions de la vie spiritualisée, cette précieuse faculté, qui se concentre alors sur les fonctions organiques pour se révéler à nous dans certaines circonstances, et nous présenter ces merveilleux phénomènes d’intuition médicale qu’un de nos célèbres prédicateurs considère comme une réminiscence de la puissance adamique chez l’homme. (Discours fait à Notre-Dame de Paris, par leR. P. Lacordaire, en octobre 1846).
L’intuition médicale est la connaissance acquise des modifications morbides de notre organisation, et des remèdes qui lui conviennent sous l’influence de la vie instinctive. Il est fort probable que la démoralisation, triste apanage du monde civilisé, est le principal obstacle au développement de celte faculté, car nos impressions se rattachent toutes aux exigences physiques de nos habitudes ; aussi l’observons-nous rarement chez l’homme à l’état normal. Nous n’en retrouvons de traces que chez les peuples primitifs, les habitants des montagnes du nord de l’Écosse, ceux des Hébrides, les Lapons, etc., qui jouissent de cette propriété désignée par les voyageurs sous le nom de seconde vue. L’intuition médicale est assez fréquente chez les illuminés, les extatiques, les sujets adonnés à une vie contemplative ; chez quelques hystériques
et quelques cataleptiques, etc. Mais on la rencontre particulièrement chez les somnambules, qui nous en offrent chaque jour des exemples. Nous avons donc tout avantage à étudier ce curieux phénomène pendant le somnambulisme, puisque nous pouvons l’observer journellement.
§ H-
Avant d’appuyer de mes recherches particulières la démonstration de l’intuition médicale, je crois devoir invoquer les témoignages les plus recom-mandablcs, qui, dans tous les temps, ont accordé à lame une force expansive dont elle se servirait, dans certaines conditions de la vie instinctive, pour nous faire découvrir les ressorts cachés de nos maladies. Cette opinion est généralement admise chez tous les peuples de l’antiquité. L’histoire est remplie d’observations d’intuition médicale, dont l’ignorance a souvent cherché l’explication dans l’intervention des malins esprits, et que les philosophes regardaient comme une faculté animi-que. Les Israélites extatiques ne passaient-ils pas autrefois pour prophètes et les idolâtres pour inspirés du démon?
La lecture des auteurs anciens nous donne l’assurance que le magnétisme faisait partie des mystères que les prêtres voilaient avec le plus grand soin aux yeux des profanes, et dont les hiéroglyphes étaient la tradition.
Ne soyons pas surpris si l’art de la médecine est resté si longtemps un secret, lorsque nous savons que l’on exigeait des initiés le silence le plus religieux. Alexandre Trallien ( liv. X, p. 587 ) recoin-
mande de no faire connaître ces procédés mystérieux qu’à des hommes de bien et d’une discrétion inviolable.
11 est fort croyable que les premières notions médicales furent le résultat de consultations som-nambuliques , car le plus grand nombre des écrivains s’accordent à dire que la médecine doit son origine aux prescriptions formulées pendant des songes : medendi somniis est comparata divinis ( Jamblicus, de Mysleriis, p. 56).
« Qui pourra nier, dit Philostrate ( Vie d’Apollonius) , que l’art médical ait pris naissance dans la science de l’avenir. Les fils d’EscuIape n’auraient jamais connu l’art de guérir, si Esculape n’avait profité des vaticinations de son père pour composer ses remèdes. »
Suivant Strabon ( liv. XIV ) , les œuvres d’Hip-pocrate sont composées en grande partie d’après les inscriptions recueillies dans les temples de Cos. Les prêtres en Égypte, les descendants d’EscuIape chez les Grecs, formaient des associations dont les pratiques mystérieuses n’étaient communiquées qu’aux adeptes, et sous la foi d’un serment solennel :
H æc vero, cum sacra sint, cunctis hominibus demon-slrantur ; profanis vero nef as, prius quam scientiœ 5 acrœ initiati fuerint ( Hippocrale, Lex ).
L’empereur Julien avait une confiance aveugle dans les remèdes qu’EscuIape lui indiquait pendant les songes : Me sœpius œgrum sanavit indicatis reme-diis, etc. (S. Cyrillus, in Juli, lib. VII ).
Tertullien ( de Anima, c. xxi) admet l’influence de l’âme sur les corps, particulièrement la prévi-
sion pendant le sommeil. « Nous recevons, dit-il ( c. xlvii), non-seulement la révélation de l’avenir, mais encore nous avons conscience de tout ce qui se rapporte aux maladies et à leur guérison. 11 y a parmi nous une sœur qui est favorisée du don de révélation; elle connaît, dans ses ravissements, ce qu’il y a de plus caché dans le cœur des personnes qui l’entourent, et enseigne les remèdes salutaires à ceux qui désirent les connaître. •
Avicenne ( de Natura, c. vi, § 6 ) reconnaît à l’âme une puissance immense non seulement sur son propre corps, mais aussi sur les corps les plus éloignés. Elle peut, selon lui, produire la santé ou la maladie, l’attraction ou la répulsion.
«Lame, dit Hippocratc (du Régime, liv. III), voit parfaitement les yeux fermés ce qu’éprouve le corps : Quæ corpus contingunt, aninius cernit oculis clausis.
• llien n’est plus étonnant, dit Arétée (de Signis et Causis, liv. II, c. i), que les réflexions de certains malades ; leur esprit est propre à prédire, l’avenir; ils ont le pressentiment de leur fin; l’âme est déjà dégagée du limon grossier de la matière, et l’événement prévu remplit d’admiration tous les assistants. >
«Isis prend plaisir au culte des hommes, dit Diodore de Sicile ; elle s’occupe principalement de leur santé ; elle vient à leur secours dans les songes, et indique à ceux qui souffrent des remèdes propres à leurs maux. L’observation fidèle de ses avis a sauvé des malades abandonnés de la médecine. »
L’orateur Aristide, qui vivait sous l’empereur Marc-Antonin, nous a laissé des détails fort curieux
sur les différents traitements qu’il a suivis d’après les prescriptions qu’il recevait en songe. « Je croyais , dit-il ( Orationes sacra;, p. 5?.5 ), toucher en quelque sorte le Dieu, et sentir son arrivée; j’étais entre le sommeil et la veille. Je faisais tous mes efforts pour qu’il ne m’échappât pas. Mon esprit était d'une légèreté extraordinaire et telle, que personne ne pourrait l’expliquer ni la comprendre, à moins d’étre initié. Je fis venir le médecin Théo-tlote ; je lui racontai mes songes. 11 était plein d’admiration ; mais il n’était pas plus habile pour savoir ce qu’il ordonnerait. Je crus donc à propos d’appeler le gardien du temple d’Esculape, auquel j’avais coutume de communiquer la plupart de mes inspirations pendant le sommeil. A peine avais-je commencé à lui parler, qu’il me dit qu’il quittait au moment même un de ses collègues, appelé Philadelphe, lequel, cette même nuit, avait eu un songe à mon sujet. 11 me le raconta. Philadelphe me le confirma lui-même. Or, ce songe concordait parfaitement avec le mien ; de manière que je ne fis pas difficulté de prendre le médicament que le Dieu m’avait ordonné. La doso en était si considérable, que personne n’en avait encore pris autant. Cependant, j’avalai le remède avec la plus grande facilité, et je m’en trouvai très-bien.» (Œlii Aristïdis oratoris clarissimi orationes grœce et latine, interprete Gulielmo Cantero, 1604 (voy. aussi Annales du Magnétisme, 4e trim., p. 187.)
Aristide nous apprend aussi qu’à la suite d’une maladie qui datait de dix années, il vit un spectre pendant un songe ; il en reçut l’ordre de se rendre à Esape, où son mal avait commencé, d’y prendre
des bains et des vomitifs. Au bout de trois jours de traitement, il entendit une voix pendant son sommeil, qui lui disait que tout était fini, et qu’il pouvait s’en retourner. F,n effet, il se trouvait au terme de ses souffrances.
Pomponace (de Incantationibus) aflirme qu’il y a des hommes doués de propriétés médicales; exaltées par la puissance de l'imagination et du désir, elles produisent les effets les plus extraordinaires. L’âme n’agit, suivant lui, que par une force d’attraction et par les vapeurs qu’elle envoie aux malades.
Aristote ( de Divin, per Somni ) prétend que les prévisions qui s’observent pendant la mélancolie et l’extase doivent s’expliquer par la suspension de nos fondions ordinaires, qui permet à 1 âme de devenir plus impressionnable.
Saint Augustin ( liv. XII, c. xiv, sur la Gen. ) rapporte l'histoire d’un frénétique qui prédit, à la suite d’un de ses accès, la mort prochaine d’une personne qui jouissait alors d’une parfaite santé et qui mourut deux jours après.
Cardan (de Varielate rerum, 1. VIII, c. ni ) affirme qu’il entrait en extase à volon té, et voyait alors ce qui devait lui arriver. 11 mourut à soixante-quinze ans, après avoir prédit longtemps d’avance le jour de sa mort. 11 ajoute (1. VIII, c. xxiv ) que cette disposition était assez fréquente chez les lurcs et se conservait héréditairement dans quelques familles.
Possidonius (Cicero, de Divinat., p. 48) nous fait connaître l’observation d’un habitant de Rhodes qui, sur son lit de mort, indiqua avec la plus
grande exactitude dans quel ordre six de ses compagnons, qu’il nomma, devaient le suivre.
D’après l’opinion de Camérarius, il y a des personnes qui sentent la mort de leurs parents par un sentiment étrange d’anxiété.
«Feu ma mère, dit Gaffarel (Curios. inoui., p. 60 ), avait un signe presque semblable ; il ne mourait jamais un de nos parents qu’elle ne songeât en dormant ; et moi-même, lorsqu’elle affirmait qu’elle avait rêvé telles choses, j’en observais après l’événement. »
Les exemples d’intuition médicale chez les mourants ne sont pas rares; il est peu de familles, même de nos jours, qui ne puissent citer quelques faits de cette nature.
Plutarque nous apprend que Cornélius Scilla fut averti de sa mort pendant un accès d’hallucination, et qu’il se prépara à cet événement, qui eut lieu la nuit suivante ( Brierre de Boismont, des Hallucin., p. 28/, ).
Bacon (de Seient., 1. IV, c. 11 ) dit qu’on rencontre souvent des exemples de prévision pendant l’extase et aux approches de la mort.
Bodin ( Démon., p. 65 et suiv. ) est du même avis.
Homère ( Iliade ) admet à la mort une force expansive de l’âme qui lui révèle l’avenir.
Pelager [Apparitions, p. 147) compare les mourants à la flamme d’une lampe qui s’éteint faute d’aliments, et jette une grande clarté avant de disparaître. «Ainsi, dit-il, les personnes moribondes jettent dehors tout ce que l’âme aura de parfait, qui est le rayon de divinité duquel l’âme reluit et
est parée, et, par ce moyen, peuvent prévoir le9 choses futures. »
Boissier de Sauvages, savant professeur de médecine à Montpellier, a consigné, dans sa Nosologie pratique (t. II, p. 709 ), l’histoire des quatre hydropiques qui annoncèrent le jour et l’heure de leur mort. L’événement ne tarda pas à démontrer la vérité de cette intuition. «J’ai vu moi-même, dit-il ( Ib., p. 739 ), un sexagénaire prédire le jour de sa mort un mois d’avance. Il mourut d’une fièvre épiale au jour indiqué. »
Ce célèbre praticien rapporte encore ( Ib., p. 743), sur le témoignage de Descotte, médecin à Argenton, que deux jeunes filles hystériques, enfermées séparément, présageaient mutuellement, trois ou quatre jours d’avance, ce qui devait leur arriver; elles tombaient dans un sommeil si profond, qu’elles restaient insensibles aux piqûres et aux brûlures les plus vives. Elles prédisaient la durée de leurs accès, et s’éveillaient à l’heure et à la minute qu’elles avaient indiquées.
Maupertuis ( Œuvres, lettre 18 ) regarde la prévision comme posgible pendant l’exaltation du système nerveux.
Bordeu ( Recherches sur les Maladies chroniques) cite plusieurs faits de lucidité médicale dont il a été témoin.
Les docteurs Cullen et Tissot assurent avoir observé plusieurs phénomènes du même genre.
Cabanis (du Physique et du Moral, t. 1, p. 458) a vu des malades dont le goût avait acquis une finesse particulière, et qui savaient choisir les aliments ou les remèdes qui convenaient à leur ét^t.
Il en a vu d’autres prévoir les crises et la terminaison de leur maladie sans jamais se tromper.
Le docteur Petétin; professeur à Lyon, à la suite de longues expériences sur des cataleptiques, regardait l’intuition médicale comme un phénomène irrécusable ( Électricité animale ).
M. Rostan, professeur de médecine à la l'acuité de Paris, affirme avoir vu des somnambules qui lui faisaient la description la plus exacte de nos viscères , et qui ne se trompaient jamais sur la vacuité et la plénitude de l’estomac. Il ajoute (Diction, de Méd., art. Magnétisme ) que son collaborateur, Georget, a vu annoncer avec précision des àccès d’hystérie, d’épilepsie, d’éruption de règles, et prédire la durée, l’heure de leur terminaison. «J’ai moi-même, dit-il, été témoin de faits bien plus incroyables. »
Le docteur Filassier, auteur d’une thèse fort intéressante sur le magnétisme, réclama les soins d’une somnambule pendant une maladie fort grave. «Cette femme, qui me voyait pour la première fois, dit-il (Thèse au Doctorat, p. 18), m’indiqua sans se tromper le siège de mon affection, sa nature, ses causes, son début, le genre de souffrances qu’elle me causait, qu’elle m’avait causées, qu’elle me causerait à mesure que je guérirais. »
L'Essai de Psychologie physiologique, de M. Char-del, ancien député de la Seine et conseiller à la Cour de cassation, que la mort vient malheureusement de nous ravir, est rempli d’observations authentiques sur la prévision médicale.
M. Despine père, médecin-inspecteur des bains d’Aix en Savoie, a recueilli, dans un ouvrage fort
curieux ( Observât, de Méd. prat. ), un grand nombre d'observations qui ne peuvent laisser aucun doute, dans l'esprit d’un lecteur impartial, sur les prodiges de l’intuition somnambulique.
§ III.
Je regrette que les bornes que je dois nécessairement m’imposer dans un article de journal ne me permettent pas d’invoquer ici le témoignage de tous les hommes distingués qui se sont livrés à l’étude des phénomènes somnambuliques. S il reste encore quelque incertitude pour l’observateur consciencieux , il ne tardera pas à voir luire cette vérité, incontestable aujourd’hui, que : dans tous les temps et chez tous les peuples, les pressentiments ont été signalés et utilisés dans l’intérêt de l’humanité souffrante. 11 partagera, j’en suis persuadé, mes profondes convictions à cet égard, s’il veut prendre connaissance des ouvrages de MM. de Puy-ségur, Deleuze, Bertrand, Roullier, duPotet, Au-bin-Gaulhier, etc., ces savants propagateurs du magnétisme et de la médecine somnambulique.
Tous ceux qui s’attacheront avec ardeur et persévérance a cette étude, rencontreront bien certainement chez leurs somnambules des phénomènes d’intuition médicale. Leurs premiers essais seront souvent infructueux, il est vrai, car les somnambules ne sont pas tous lucides. D’ailleurs, 1 expérience nous apprend que leur clairvoyance peut varier d’un instant à l’autre, et même cesser entièrement. Ne faut-il pas tenir compte aussi de l’inexpérience? Les premières fois qu’on se sert d un mi-
croscope, tous les efforts sont loin d’amener les résultats que l’on obtient par la suite.
« Tous les faits ( Vision médicale ) répétés journellement sous mes yeux pendant plusieurs mois, dit Bertrand (Traité du Somnamb., p. 174)1 ont produit dans mon esprit une conviction que rien n’est capable d’ébranler. Lorsqu’on a pris de telles précautions, nous osons dire que non seulement on doit croire aux phénomènes, mais qu’on est forcé d’y croire, sous peine de renoncer à son sens intime et à être soi-même. »
Toutes ces précautions, je les ai observées pendant quinze ans de recherches consciencieuses et de travaux entièrement désintéressés ; aussi ne m’est-il plus permis de conserver de doute sur l’existence d’une faculté dont j’apprécie chaque jour l’influence salutaire dans le traitement des maladies les plus invétérées.
«Gardez-vous bien, disait Socrate, de mépriser les substances invisibles; reconnaissez leur puissance par leurs effets. »
Nos docteurs et nos philosophes sceptiques devraient méditer longuement ces paroles d’un sage, et ne pas faire parade de leur mauvaise foi, en niant des phénomènes que non seulement ils n’ont jamais pris la peine d’étudier, mais qu’ils refusent journellement de vérifier. Rougiraient-ils de sacrifier leur amour-propre en avouant leur impuissance à les expliquer ?
Un célèbre professeur de la Faculté de Médecine de Paris écrivait, le 27 octobre 1838, au docteur Frapart : «S’il m’arrivait, après avoir vu les miracles que vous m’annoncez, de vous répondre par
cette fameuse doctrine d’un philosophe de mon espèce : «Je le crois, parce que vous l’avez vu ;
« mais si je l’avais vu, je ne le croirais pas ; * si, dis-je, je vous répondais dans ce sens, qu’auriez-vous à m’objecter ? »
« A cela, je n’aurais rien à répondre, répondait M. Frapart, si ce n’est que je ne suis pas un philosophe de votre espèce. » ( Lettres sur le Magnét., p. 8S,)
« Vous renverseriez tout mon édifice, disait un savant professeur de Strasbourg, si je croyais tout ce que je vois ; j'aurais la douleur d’avoir consumé mes jours dans le travail pour ne rien savoir. »
Cette ingénuité ne nous donne-t-elle pas l’explication de l’étrange déni de justice de l'Académie de Médecine ? ( Voir le Rapport de M. Husson. )
Si des corps savants se déchaînent encore avec passion contre les phénomènes somnambuliques, nous ne devons pas en être surpris, car ce sont des sociétés scientifiques qui les premières ont persécuté Galilée, Copernic et Harvey. Vésale mourut de faim dans une île déserte. La découverte du vaccin conduisit Genner dans une étroite prison. Le premier qui signala les propriétés de la vapeur appliquées à la navigation, Fulton, ne fut-il pas regardé comme un insensé par 1 Académie des Sciences ?
Combien de médecins qui, de nos jours, sont arrêtés par la crainte d’un ridicule qui doit nécessairement retomber tôt ou tard sur ceux qui nous le prodiguent avec profusion. « Les médecins me tuent, disait d’Alembert ( Lettre du P. Uervier, p. 46) ; je voudrais faire appeler le docteur Mes-
mer; mais que dirait-on de moi dans le monde ! • D’autres, enfin, n’ont pas honte de recourir à la calomnie quand ils se voient forcés dans leurs derniers retranchements.
Un membre de l’Académie de Médecine déclare, dans la séance du i4 février i8î(i, que l’on n’observait dans le somnambulisme que convulsions et attaques d’hystcrieü!
Un célèbre médecin des hôpitaux avait annoncé, dans une séance précédente (24 janvier), qu’au moment où l’on publiait la guérison de la tille Samson, elle rentrait dans les salles de l’Hôtel-Dieu pour y mourir.
Or, le 12 novembre 1822, il était mort dans cet hôpital une femme nommée Catherine Samson, âgée de soixante-huit ans ; et la demoiselle Samson, que ce médecin avait examinée pendant le traitement magnétique de M. du l’otet, n’avait que vingt ans, et sa guérison avait été parfaitement constatée. C’est ce même praticien qui s’éleva contre l’emploi du magnétisme, «parce que sa piété lui en faisait redouter les abus. »
11 faut, cependant, se garder de confondre les somnambules dont l’intuition médicale excite journellement notre admiration, avec ces imposteurs dont les conjectures sont quelquefois assez justes, par l’habitude qu’ils ont de calculer la probabilité des événements, ou qui, par l’ambiguité de leurs paroles et l’interprétation qu’on peut leur donner, s’emparent si facilement de l’enthousiasme d’une multitude ignorante et toujours avide du merveil -leux.
Si le charlatanisme exploite à son profit les dé»
couvertes les plus utiles, devons-nous, pour cela, repousser le plus beau privilège dont le créateur ait gratifié l’homme dans le but de soulager ses semblables. C’est à nous à recourir aux moyens les plus efficaces pour déjouer la ruse et l’intrigue.
« Ce qui porte ou pourrait porter, dit le docteur l’rapart, soit un somnambule, soit un magnétiseur, soit tous les deux en même temps, à tromper un malade, c’est la cupidité ; puis, pour montrer le remède ; j’ajouterai que si on paie les magnétiseurs et les somnambules comme 011 paie les médecins, il pleuvra tôt ou tard des somnambules et des magnétiseurs, comme il pleut maintenant des médecins ; que si, au contraire, le magnétisme est gratuit, ainsi que la charité doit l’être; que s’il se pratique comme un acte de bienveillance universelle; que s'il devient, pour ainsi dire, une médecine de famille, alors disparaîtront les jongleurs et les faux prophètes, car on est bientôt las de jouer la.comédie quand on n’y gagne rien.» ( Lettres sur le Magnèt., p. 149- ^
Cette prévision n’a pas tardé malheureusement à se réaliser ; la pluie des somnambules dépassera sans doute bientôt la pluie des médecins.
Dr Alfred PERRIER.
(La suite au prochain numéro.)
THÉORIES.
DE8 HALLUCINATIONS RELATIVES AU MAGNÉTISME.
Deuxième observation.
(Suite.)
Avant d’entrer plus avant dans l’examen de cette grande question des hallucinations magnétiques, je dois faire connaître ma réponse à l’obligeante communication de M. M***; elle sera suivie prochainement d’explications et de nouveaux faits. La voici :
Paris, 7 septembre 1848.
Monsieur,
J’ai lu avec le plus vif intérêt les détails circonstanciés d’un mal grave, détails qui respirent d’un bout à l’autre la sincérité la plus grande.
Ceci est la question la plus délicate , la plus embarrassante et la moins soluble, peut-être, de toutes les questions magnétiques. En effet, il est impossible , lorsqu’on connaît l’occulte puissance qu’un magnétiseur peut exercer, de ne pas reconnaître que le trouble signalé peut en être le produit. D’un autre côté, lorsqu’on est tant soit peu familiarisé avec les affections du cerveau, les hallucinations surtout, il est impossible encore de ne
pas reconnaître que l’affection que vous mentionnez peut être causée par un dérangement fonctionnel de cet organe.
Je vais entrer avec vous en [quelques]considéra-tions qui vous expliqueront mieux ma pensée, bien qu’il soit peut-ctre téméraire à moi de chercher à approfondir un pareil sujet.
J’ai reconnu souvent dans ma vie que certains êtres avaient le singulier pouvoir d’agir sur quelques autres êtres, et de déterminer des changements dans leur mode d’existence, sans que leur volonté eût concouru en rien au développement de cette propriété. C’est un lien du principe spirituel agissant en dehors de notre raison; c’est peut-être l’âme, enfin, qui se plaît à en agir ainsi sans que nous puissions empêcher ces mouvements. Dans mon voyage à Saint-Pétersbourg, j’ai rencontré deux jeunes filles agissant l’une sur l’autre, sans que rien4puisse expliquer le mécanisme de cette action. (Voir le tome I" du Journal du Magnétisme). J’ai recueilli, dans le cours de ma vie, plus de quarante exemples d’affections où les phénomènes signalés dans votre Mémoire existaient â un degré plus ou moins rapproché. Nous voyons ensuite, dans toutes nos séances publiques, le magnétisme affecter des personnes sans que la pensée du magnétiseur se soit portée sur elles; et s’il m’était permis de passer en revue les passions , il me serait facile, je crois, de vous convaincre qu’elles sont déterminées par le même principe, et pourtant, Monsieur, il serait téméraire de dire que l’affection de votre intéressant malade est due à un magnétisme occulte, commandé; il serait peut-être in-
sensé de le nier absolument. Quoi qu’il en soit, des impressions peuvent être détruites par d’autres impressions; c’est donc vous dire que j’agirais fortement sur le cerveau pour y déterminer un effet simple, propre à remplir un double but. Si le trouble existant résulte d’une maladie propre du cerveau, le magnétisme peut la combattre; si c’est une influence magnétique occulte, au contraire, rien n’est plus propre à la détruire, mais il faut que la volonté soit impérieuse, et son action prolongée; il faut que vos doigts, en pointe, dirigés vers la racine du nez, établissent un courant magnétique qui devra correspondre, en traversant le cerveau, à votre autre main, dont les doigts seront dirigés à trois pouces au-dessus de la nuque. Yous devez obtenir ainsi une sorte d’ébranlement de tout le système nerveux, et tonifier les parties plus ou moins affectées; ne vous arrêtez, enfin, que lorsque vous aurez vu quelque agitation dans les membres, que vous ferez passer par des passes longitudinales.
J’ai souvent fait cesser des désordres survenus à la suite de mauvaises magnétisations ; j’ai affaibli la mémoire de faits cruels qui revenaient sans cesse à la pensée ; j’ai fait oublier de9 magnétiseurs qui dominaient complètement leurs magnétisés , au point d’en faire des instruments de servage. Comme vous le voyez, un clou chasse ici un autre clou, une action bénigne détruit une action entachée, et vous êtes déjà trop magnétiseur pour ne pas comprendre ces simples faits.
Agissez donc, essayez; j’ai trouvé le Mémoire de votre observation si curieux, que je suivrai atten-
tivement le traitement que vous ferez. Je vous demande même la permission de le publier, en taisant les noms, selon le désir du malade. Vous aurez la bonté de me répondre à ce sujet.
Le moyen que je vous indique est douteux, mais il est le seul ; il demande une grande constance. Le succès serait un ehef-d'œuvre de l’art ; mais que font tous les magnétiseurs , je vous le demande, puisqu’il n’ont à traiter que des incurables?
Tout à vous,
DU POTKT.
Je reçus, quelque temps après, la letlre suivante :
Monsieur,
Je viens un peu tardivement vous accuser réception de l’aimable réponse que vous avez bien voulu faire au rapport que je vous ai adressé, et vous remercier des bons conseils que vous m’y donnez. Je saurai toujours mettreà profit vos avis, et j’y aurai souvent recours, si vous voulez bien me le permettre.
Puisque vous jugez mon petit Mémoire assez intéressant pour être communiqué à vos lecteurs, je consens volontiers à ce qu’il soit publié, pourvu, toutefois, que vous taisiez les noms des personnes qui y figurent, lors même que vous en auriez eu connaissance par voie indirecte. Je vous prie également de ne signer l’article en question que par l’initiale de mon nom , en y joignant simplement la qualification de un de vos abonnes , si vous le jugez convenable. Vous comprendrez facilement ma réserve en cette circonstance.
Je vous aurais tarit plus tôt pour vous transmettre l’autorisation demandée, mais une absence que j'ai élé obligé de faire , et l’adhésion de mon protégé, dont je ne pouvais me passer, et qui a été un peu tardive, m’ont empêché de vous faire connaître de suite mon assentiment à votre désir. Puis , à dire vrai, j’hésitais de mon côté à livrer ce Mémoire à l’impression, car il est défectueux sous plusieurs rapports > et ne mérite certainement pas les honneurs de la publication. A part l’intérêt qu’offre le fait par lui-même, il reste peu de chose dans la narration pour le faire apprécier et accepter comme vrai, et je suis bien convaincu que la majeure partie des lecteurs sous les yeux desquels il passera, le prendra pour un conte de fées. Cependant, je vous avouerai franchemen t que, pour le rendre plus vraisemblable, j’ai omis de mon récit la partie la plus merveilleuse ; car, si j’eusse entamé ce chapitre, j’aurais fait rejeter comme faux tous les autres phénomènes qui peuvent être acceptés, et deviennent compréhensibles par les points de rapports qu’ils présentent avec ceux de la science magnétique. Par exemple, si j’étais venu dire que notre obsédé affirme pouvoir évoquer à volonté l’ombre de son prétendu magnétiseur, qui, sans se déplacer, apparaît pourtant auprès de lui sous des formes variées, qu’il emprunte tantôt à l’espèce humaine tantôt à l’espèce animale ; que ces formes , quoique impalpables et immatérielles, produisent cependant à ses yeux l’effet de corps opaques, sans avoir toute la netteté de contour des objets matériels; qu’enfin, sous ces diverses apparences, ce malin esprit cause avec lui, ou bien exécute des moüvements, des gestes, des
poses qui lui traduisent des pensées; si j’étais entré à ce sujet dans des détails circonstanciés, non seulement on aurait pris notre affligé pour un fou, mais on m’aurait mis dans la même catégorie, ou tout au moins dans celle des dupes.
Si d’autre part j’avais exposé, toujours d’après les assertions du sujet, ses visions nocturnes, par lesquelles le mécanisme du mouvement du fluide magnétique dans le corps humain et la nature de son émission au dehors lui ont, pour ainsi dire, été dévoilés dans une suite de tableaux magiques où cet agent lui apparaissait sous des formes lumineuses et bien caractérisées , on aurait pensé que j’avais inventé tout cela à plaisir pour établir une théorie sur la formation du fluide. Aussi je me suis abstenu. D’ailleurs il est une infinité de détails qu’un narrateur étranger à l’action ne saurait donner; et pour tout ce qui se rattache à ces phénomènes si insolites, il faut en entendre le récit de la bouche même de la personne qui en a perçu les impressions, et qui, par conséquent, est plus à même de les analyser et de les décrire.
Maintenant, parlons un peu de l’état actuel denotre malade, puisque vous vous intéressez à son traitement. Les magnétisations suivies auxquelles il s’est soumis, quoique dirigées dans le sens que vous nous avez indiqué, ont produit peu d’effet sur son organisation. Cependant il reconnaît qu’elles lui sont salutaires, puisqu’elles contrarient la puissance occulte qui le domine; mais il est probable qu’elles ne réussiront jamais à la détruire, car voilà près de trois mois qu’on le magnétise sans avoir pu interrompre un seul instant ces effets prestigieux. Aussi cette persévérance dans la continuité des phéno-
mènes qu'on a de la peine à expliquer en l'attribuant à une volonté terrestre , et les nombreuses objections qui lui ont été faites à cet égard, ont donné fortement à réfléchir à notre client. Après cela, la lecture de quelques ouvrages de magnétisme, et l’étude approfondie des Arcanes de M. Ca-hagnet, ont changé ses convictions sur l’auteur des résultats qui ont été obtenus sur lui. Il est aujourd’hui moins aflirmatif pour désigner la personne qu’il considérait, il y a quelque temps , comme la cause unique et volontaire de toutes ses aflictions, et il se rattache à cette idée, qui se rapproche un peu de celle que vous avez émise dans votre lettre, que celte obsession pourrait bien être le fait d’un esprit libre, ou intelligence séparée de la matière, qui aurait combiné ses actes de manière à leur faire attribuer un moteur différent, et à le mettre en rapport direct avec la personne qu’il a désignée jusqu’à ce jour comme la source de toutes ses sensations. Mais ce qu’il y a de certain , c’est que toutes les preuves physiques qu’il a recueillies ne lui ont jamais dévoilé cette intelligence supérieure. Quoi qu’il en soit, c’est un problème qui, dans l’état présent des choses, ne saurait être résolu. On ne pourrait en avoir la solution qu’autant que la personne désignée viendrait elle-même avouer que c’est par sa propre volonté qu’elle a fait naitre cette série de faits miraculeux; car, en le niant, elle ne détruirait pas le doute que sa victime et les gens qui s’y intéressent pourraient conserver sur sa sincérité. Mais si elle est coupable d’une obsession entourée de circonstances si aggravantes, viendra-t-elle avouer sa culpabilité ? Il est à présumer que non. Comment donc reconnaître son innocence? Et à quoi servirait de
l'inlerrogcr à ce sujet? M. Guinand jeune, auquel vous en avez parlé dans ce sens , m’a fait part do votre désir, et je le combats par l’objection précitée. D’ailleurs je ne ferais cette démarche qu’autant que j’y serais autorisé par celui que je considère comme le plus intéressé dans cette affaire, et je crois qu’on le décidera difficilement à entrer en pourparler avec un homme contre lequel il a nourri longtemps une haine secrète, en le regardant comme l’auteur de ses maux.
Aujourd’hui notre obsédé, après avoir tout tenté pour sa guérison, s’attache à des pratiques religieuses desquelles il obtient, dit-il, beaucoup de soulagement. Aussi il espère, je dirai plus, il est persuadé d’obtenir sa délivrance en poursuivant cette nouvelle route, et il regrette de ne pas l’avoir entrepris plus tôt. 11 accuse son mauvais génie de cet éloignement qu’il professait pour tout acte de piété ; car les idées religieuses qui ont germé dans son esprit lui ont été suggérées par quelque magnétiseur, et il en fait maintenant une application heureuse. Il a reconnu que, par des prières ferventes et des invocations réitérées à Dieu, il éloigne de lui ce méchant esprit, et il comprend de plus en plus l’efficacité de la prière et de l’élévation de l’âme à Dieu, par la contrariété que son oppresseur en éprouve. En effet, depuis qu’il a adopté cette marche , ce génie malfaisant ne néglige rien pour l’en détourner, soit en le plaisantant sur sa conversion de fraîche date, soit en lui occasionnant toute sorte de distractions lorsqu’il se met en prières. Il a remarqué qu’il ne pouvait faire un signe do croix sans qu’un soupir involontaire s'échappât immédiatement de sa poitrine ; et il explique ce fait par
la répulsion que cet acte de dévotion inspire à son persécuteur; mais il faut ajouter que le même fait se renouvelait à chaque magnétisation après quel-minutes d’action sur lui, comme également quelque temps après la clôture de la séance.',
Voilà, Monsieur, tout ce que j’avais à vous communiquer sur notre intéressant sujet. S’il survenait quelque chose de nouveau, je m’empresserais de vous en faire part.
Agréez, Monsieur, mes salutations amicales,
P. L. M***
(La suite prochainement.)
Lyon, 15 octobre 1848.
VARIÉTÉS.
Prix somnambulique. — L’abandon par les somnambulistes du prix proposé à Dublin (voy. t. Il, p. 284 et 287), fut salué d’un immense hourra qui retentit encore aujourd’hui. Les magnétophobes de tous les coins du Royaume-Uni conclurent que si personne ne s’était présenté, c’est que la lucidité n’existait pas , c’est-à-dire que les somnambules étaient tous des fourbes. Mais il se trouva des gens qui refusèrent de considérar la conduite des somnambulistes anglais comme une preuve suffisante de la non existence de la faculté contestée. De là longs débats , qui vont se terminer enfin par le renouvellement de l’épreuve : la proposition d’un nouveau prix, dont voici l’annonce, extraite du Times:
SECOND DÉFI AUX MAGNETISTES.
« Dans une réunion de savants, qui aura lieu à
« riIôtel-de-VilIe de Brighton, le 20 novemfcre au « soir, pour discuter les mérites du mesmérisme, « un Monsieur déposera dans les mains du pré-« sident une enveloppe cachetée, contenant un « billet de banque de 100 liv. (2,5oo fr.), au dos « duquel est écrite une sentence. Ce billet deviendra « la propriété de quiconque en donnera, avant « l’ouverture de l’enveloppe par le président, la « copie écrite. »
Zoomagnétisme. — Vingt fois déjà nous avons parlé, dans ce Journal, de l’applicabilité du magnétisme à la domestication des animaux ; nous avons même cité des faits probants, et chaque fois que l’occasion s’offrira d’en mentionner de nouveaux , nous ne la négligerons jamais. Nous trouvons dans l'Histoire d’un Cheval de troupe, par M. Rochas, vétérinaire au 2° régiment de dragons, la narration d’un fait qui confirme l’opinion qu’un jour l’homme domptera la plupart des animaux.
L’auteur du livre en question , parlant d’un de ses confrères, grand partisan des innovations hip-piatriques, dit, page 83 :
« Au nombre des plus importantes de ces découvertes , il mettait le moyen de ferrer les chevaux les plus méchants sans avoir besoin de recourir à cet appareil douloureux en usage alors. Il avait trouvé ce moyen dans un petit livre composé par un officier autrichien, et qui avait été traduit et répandu par un colonel de cavalerie qui s’occupait de la manière la plus active de tout ce qui pouvait améliorer celte arme.
« Il fit amener un de ces chevaux au milieu du manése couvert, où j’avais réussi à m’introduire
avec le peu de monde qui fut admis ; il lui fit un caveçon, pardessus lequel il plaça son bridon. Alors, tenant de chaque main ces moyens de répression, il commença à parler doucement à ce cheval, en lui faisant des signes avec la tête, et en fixant sur ses yeux les regards les plus doux; puis, passant la longe du caveçon dans la main gauche, qui tenait les rênes du bridon, il flatta le cheval en le caressant sur le front et sur les yeux avec la main droite. Il fallut peu de temps pour que ce cheval se familiarisât avec ces manières affectueuses, qui lui étaient étrangères ; il s’y livra avec plaisir. Quand le vétérinaire vit que son cheval était occupé et radouci, il indiqua au cavalier qui devait lever un pied, comment il devait s’y prendre. Celui-ci, déjà instruit à cela, exécuta les ordres qui lui étaient donnés, et, après quelques difficultés qui furent levées au moyen de la voix, du regard, et de quelques légers mouvements du caveçon et du bridon , le cheval laissa prendre son pied, et finit par se laisser ferrer. Ce succès attira beaucoup d’éloges au vétérinaire, qui les rapporta tous à l’auteur qui le lui avait procuré.
« Depuis ce moment, ce cheval, non plus que son camarade, qui subit le lendemain la même épreuve d'une manière aussi satisfaisante, ne s’opposa plus à l’opération par laquelle on faisait précéder chaque pansage, et qui consistait à lever par principes les quatre pieds de chaque cheval, et à frapper quelques coups sur le fer avec le marteau de l’étrille, et ensuite à lui promener la main avec douceur sur toutes les parties du corps. *
Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).
_________.___il i —
Paris. — Imprimerie de Pommerel et More»u, quai dea Augustin», 17.
ÉTUDES SOMNAMBULIQUES.
§ X. - PUYSEGURI8MF..
(Suite.)
De l'Inlnitiou médicale.
2' ARTICLE.
CHAPITRE II.
De ta nature et des effets de f intuition médicale.
§1.
L’intuition somnambuliquc paraît se modifier suivant l’idiosyncralie des sujets. Je n’ai jamais rencontré ce mode de perception parfaitement identique chez le grand nombre de somnambules lucides que j’ai observés. Le siège de cette sensation varie à l'infini. Le somnambule rapporte souvent les modifications physiologiques qui lui sont transmises, aux organes qui en sont affectés pendant la veille. Ainsi, l’intuition se présente le plus ordinairement à son esprit sous la forme d'une vision normale. Est-ce l’effet d’une erreur de l’imagination , ou bien est-ce qu'à défaut d’expression con-tomi: vu. — N" H'i. — 25 novembre 1«i8- 10
venable, il a recours à un terme de comparaison pour nous exprimer sa pensée? Je crois devoir adopter de préférence cetle.dernière cxplicalion.
« Voyez-vous bien votre étal et les remèdes (ju il vous faut? demandait un jour M. le comte Le Pellier d’Aunay à 1111 de: ses somnambules.—Je ne lu vois pas, je le sens; il y a en moi quelque chose qui nie certifie que je ne dis que la vérité. — Que voulez-vous dire? — Je ne puis vous exprimer ni vous définir ce que j'éprouve.» (Archives /lu Miignetisme,
t. Y, p. 257.)
C’est à peu près le langage que m’ont tenu Ions les somnambules lucides que j’ai interrogés. 11 est difficile, en elTet, d’admettre qu’un sujet clairvoyant distingue nos organes ou nos maladies, comme nous distinguons les caractères dimpies-sion d’un livre placé sous nos yeux.
On objectera peut-être que la plupart des somnambules lucides apprécient parfaitement la coloration des objets : c’est un fait que je ne puis révoquer en doute; mais il n’est pas nécessaire, je pense, d’avoir recours à la vision ordinaire pour expliquer cette anomalie. Ne sait-on pas quil y a des aveugles auxquels la sensibilité du tact permet de distinguer les couleurs? toutes les sensations ne peuvent-elles pas sc réduire à un sens unique, le toucher?
Le siège des intuitions somnambuliques est quelquefois fixé à la nuque ou au Iront. J'ai observé ce dernier mode de perception chez une de mes soin nambules : il y avait au milieu du front une partie de la peau de‘la largeur et de la forme d’une pièce de cinq francs, qui ne souffrait pas le plus léger
contact sans une violente douleur ; toute espèce d’intuition était circonscrite dans cet endroit.
D’après les observations du docteur Bertrand, presque tous les somnambules dont la crise est parvenue à un certain degré voient ou entendent par l’épigastre (Traité de Somnamb., p. !\~C) ).
Le baron Massias (Philosophie, p. .'|22j partage entièrement cette opinion.
Le professeur de médecine de Lyon Petetin, qui nous a laissé de si curieuses recherches sur les cataleptiques (Electricité animale), a presque toujours observé la transposition des sens à l’épigastre, quelquefois aussi à l’extrémité des doigts. Je n’ai jamais pu constater qu’un seul cas d’intuition épi-gastrique : c’était chez une personne épileptique et somnambule. J’ai le plus fréquemment observé l’intuition somnambuliquc au bout des doigts, particulièrement chez les sujets d’une bonne constitution. Quelquefois, enfin, plusieurs organes sont employés simultanément par les somnambules pour effectuer la perception.
«Alexandrine Gutlin, dit le docteur Despine ( ouv. cité, p. 172), lisait avec le coude, la nuque et l’un des doigts de la main gauche. *
§ II.
Il y a des somnambules qui.scmblcnt s'identifier si intimement à l’état des malades, soit par une sorte d’efllux de matières morbifiques qui paraîtraient se dégager du corps ou des vêtements de la personne souffrante, soit à la suite d’émanations fluidiques particulières, qu’il n’y a jamais incertitude dans leur esprit sur la nature des affections.
Dans le premier cas , ils ressentent intérieurement les mouvements irréguliers qui ont lieu chez le patient ; les magnétiseurs éprouvent même quelquefois aussi celle espèce de perturbation organique. Dans le second cas, au contraire, c'est une impression instinctive qui les dirige dans l’appréciation des maladies.
La sensation réciproque de nos infirmités doit-elle nous surprendre, lorsque nous voyons des hommes d’un mérite incontestable reconnaître que chaque individu rlu règne animal répand autour de lui certaines émanations qui peuvent produire sur les sens une affection de plaisir ou de peine, d’atlraction ou de répulsion? Si l’on admet ce phénomène, les modifications du système nerveux ne peuvent-elles pas nous rendre impressionnables aux émanations que nous ne pouvons percevoir dans noire étal normal ?
• Il exisle, dit Thouret ( Doutes sur le Magnét., p. aoo), au moins dans les émanations insensibles, un principe d’activité particulier qui, quoique nullement sensible pour les personnes bien constituées, pourrait le devenir cependant pour des femmes d’une extrême sensibilité des nerfs, ou tombées
en spasme. »
«On ne peut méconnaître, dit de Humboldt ( Expcr. sur le Galvun., p. 18a ), l'impression vive qu’éprouvent des personnes très-sensibles lorsquil s’opère des changements dans l’atmosphère. »
Hippocrale traite d’insensés ceux qui refusent de croire que deux âmes peuvent se réunir et s’identifier en quelque sorte.
Tous ceux qui ont examiné les jumeaux siamois,
et iîilla -Cluistina, se feront facilement une idée de ces communications.
« Ils sont contraints d’agir toujours simultanément, disent MAI. Serres et Geoffroy Saint-Hilaire (Rapport sur les jumeaux siamois), tellement, qu’on croirait qu'ils sont inus par une seule volonté. (je qui est très-remarquable, c’est que la vo-lonlé provient tantôt de l’un, tantôt de l’autre, et que l'harmonie instinctive qui s’est établie entre eux est telle, que, dès que la pensée d'une action est venue à l’un des frères, l’autre y obtempère sur-lc-champ. »
«Les somnambules, dit Bertrand (Traité du Somiumb. , p. 235), parlent souvent comme si un être distinct, séparé d’eux, leur révélait toutes les notions. »
Estelle, somnambule de M. Despine (ouv. cité p. 35), aperçut une figure céleste lorsque la lucidité se développa chez elle; elle; s’entretenait avec cet ange tutélaire, qui lui indiquait les moyens de se guérir.
Ce mode de perception somnambulique, dont je n’ai jamais été témoin, est assez fréquent ; on en trouvera des exemples dans les Archive* du Magnétisme (t. V, p. 255), et dans la plupart des ouvrages qui ont trait au somnambulisme.
Les erreurs sont assez communes chez ces sortes de somnambules ; aussi est-il fort important d’imprimer une bonne direction à leurs dispositions instinctives et à sc mettre en garde contre les dérèglements de leur imagination.
«Toutes les facultés de l’esprit, dit Deleuze (lmtruct. prat., p. 5i8), peuvent entraîner l’homme
loin de la vérité, lorsque leur exaltation a détruit l’équilibre qui doit régner entre elles. »
Je ne m’arrêterai pas davantage sur les modes de perception somnambuliques, toujours si variables; je n’entreprendrai pas non plus d’aborder l’explication d’un phénomène dont les innombrables transformations déjoueront probablement encore longtemps tous les efforts de notre intelligence. Qu’il nous suffise aujourd’hui de constater des faits qui se présentent journellement à notre observation.
8 HI.
J’ai toujours envisagé l’intuition médicale sous deux formes bien distinctes : la première que j’appellerai vision médicale, et la seconde instinct médical.
La vision médicale est le mode de perception somnambulique le plus fréquent : c’est la faculté qu’ont certains somnambules de voir leurs maladies ou celles de leurs semblables. Je rappellerai seulement que cette expression est de pure convention , la pauvreté de langage me mettant dans l’obligation de la conserver.
Les uns distinguent leurs organes et, par suite, les lésions dont ils sont atteints ; leur intuition ne pénètre pas au delà de leur propre individualité.
Les autres, doués d’une clairvoyance plus étendue, se mettront facilement en rapport avec les malades qu’on leur présentera ; ils découvriront la nature de leur affection, et en détermineront la marche et la terminaison. Le traitement qu’indiqueront ces deux sortes de somnambules sera
généralement le résultat d’un raisonnement. Ils se reporteront alors aux souvenirs de leur vie intellectuelle pour l’administration des remèdes, ou s’adresseront aux connaissances de la médecine. T.e secours d’un magnétiseur intelligent leur sera toujours d’une grande utilité, soit pour diriger lt ur intuition sur 1rs différents organes, soit pour leur indiquer des médicaments et leur en faire connaître les propriétés.
Quelquefois la vision médicale s’exerce à d’énormes distances. I.a plupart des magnétiseurs ont observé cette expansion animique que j’ai constatée sur plusieurs sujets, entre autres sur une somnambule de mon ami et collaboaateur Alph. I.ecave-lier. Jamais vision A distance ne surpassera en merveilleux résultats celle dont nous avons été témoins pendant deux années.
J’espère publier un jour une partie de ces observations, recueillies avec le soin le plus religieux par un de nos plus fervents adeptes, M. G. llupalley.
.Je ne sais pas encore, dit Deleuze, jusquou mes somnambules voyageurs peuvent aller; je sais, du moins, où ils ont été. J’en ai déjà fait voyager dans tous les départements de lu France, et principalement dans les villes d’extréme frontière. Je suis enfin parvenu à en lancer au delà des mers, et jusqu’en Amérique. D’autres en ont envoyé aux Indes orientales. »
Ne trouvons-nous pas une analogie frappante entre ce phénomène et celui de seconde vue. S. Johnson (Relation d'un voyage aux îles occidentales), J. Iîoswel (Journal d'un voyage aux lies Hébrides), tous les voyageurs, enfin, qui ont étudié Jes mœurs
et les usages des montagnards du nord de l’Écosse, nous donnent des détails fort curieux sur celte faculté, assez commune chez quelques autres peuples.
« Je ne puis nier les effets surprenants de la seconde vue. » (Walter-Scott., Ivanhoë. )
Rollin ( llist. ancienne ) parle d’un homme dont la vue s’étendait à deux cents lieues.
Sheffer ( Hist. de la Laponie ) nous entretient des devins qui, chez les Lapons, faisaient le métier de découvrir ce qui se passait à de grandes distances.
Nous lisons , dans le Dictionnaire général des Sciences ( art. Seconde vue ), que la seconde vue est une propriété extraordinaire que l’on observe chez certains peuples, et qui peut s’exercer à volonté.
La vision médicale se développe rarement d’une manière spontanée. A son origine, c’est une intuition fort incertaine; ses progrès sont lents et gradués : elle est cependant susceptible d'un grand perfectionnement par l’exercice.
Elle est quelquefois sujette à beaucoup d’erreurs, qui, je crois, proviennent le plus ordinairement de la propension qu’ont certains somnambules à recourir à des moyens d’exploration étrangers à la lucidité somnambulique, soit pour éviter une fatigue, soit pour tout autre motif. L’examen altentil d’un organe ne leur permet pas toujours d’embrasser tous les ressorts d’une maladie compliquée. C’est alors que le magnétiseur doit soutenir et diriger l’attention de son sujet, en évitant toutefois de l’exposer à l’influence d’idées préconçues, qu’il pourrait facilement lui imposer par un acte de sa
volonté, ou par la puissance du ses convictions. C’est une observation que j’ai été à même de faire dans ma pratique,
On rencontre aussi des somnambules qui voient des êtres imaginaires soit avec plaisir, soit avec frayeur ; d’autres s’épouvantent à la pensée d’un grand malheur. Ces accidents sont ordinairement le résultat 011 de vives préoccupations, ou de grands chagrins; ils peuvent aussi être occasionés par les croyances ou les dispositions morales du magnétiseur.
«Quelques somnambules, dit M. Aubin Gauthier (Traité prat. du Magnét., p. (512 ), se refusent à examiner leur état; ils éprouvent de la répugnance pour le tableau qu’il leur offre, et dos inquiétudes pour les suites qu’il leur présage. •
J’ai connu deux somnambules qui ne pouvaient se livrer à l’examen de leurs organes sans ressentir un effroi involontaire ; il fallait quelles fussent accompagnées mentalement dans cette exploration par leur magnétiseur.
§ iv.
L’instinct médical est la connaissance irréfléchie des maladies et des médicaments qui leur sont propres; il se déclare toujours spontanément, sans aucun acte de la volonté. Il faut bien se garder de confondre ces brillants éclairs d’une nature providentielle avec les perturbations cérébrales si fréquentes chez les extatiques et les illuminés. On observe quelquefois l’instinct dans l’extase et l’illu-minisme, et même dans beaucoup de maladies susceptibles d’exalter le système nerveux; il faut
alors user d'une grande réserve dans son application. L’instinct médical ne se perfectionne pas par l’exercice comme la vision médicale. Souvent opposé aux idées de la vie intellectuelle, il réclame l’isolement le plus absolu. Des questions inconsidérées , la présence de personnes malveillantes ou antipathiques, un temps orageux, des souffrances morales ou physiques, etc., suffisent pour dissiper momenlanément cette’précieuse faculté.
L’instinct médical d’une de mes somnambules s’obscurcit pendant une maladie ou à la suite d’émotions violentes. La santé ou la tranquillité de l’esprit ramène toujours son intuition.
Une autre perdit entièrement sa lucidité après de violents efforts pour découvrir la maladie d’une personne qu’elle aimait beaucoup. Sa constitution se ressentit longtemps des fatigues de cette expérience , qui produisirent chez elle un grand épuisement des facultés intellectuelles.
Il y a des somnambules qui conservent avec leur magnétiseur un rapport si intime, qu’ils ont conscience de près comme de loin des douleurs qu’il éprouve. Leur instinct les pousse à s’occuper de leur intéressant malade, et même à s’en rapprocher lorsqu’il est éloigné ; ils lui prodiguent alors tous leurs soins et lui indiquent la médication qui convient à son état. Je né me suis jamais trouvé en présence d’un de mes sujets lucides, lorsque jetais souffrant, sans qu’il ne s’aperçût de suite de mon indisposition ; indifférent à ses propres souffrances, il se dévouait au soulagement des miennes. Un seid cependant a fait exception : c’était une femme atteinte d’une affection chronique fort an-
cienne et réputée incurable par tous les médecins. Dix-huit mois de soins assidus et désintéressés, et une guérison complote ne m’ont offert pour dédommagement de mes fatigues qu’égoïsme pendant une maladie que je fis, et ingratitude révoltante lorsqu’elle eut recouvré la santé.
On trouvera plusieurs exemples de l’intérêt des somnambules pour leur magnétiseur dans les Annales cleStrasbourg (t. III, p. 229. )
J’ai quelquefois trouvé réunis chez le même sujet la vision et l’instinct; mais alors ils ne m’ont jamais présenté le degré de clarté et de certitude qu’ils m’ont offert séparément. Ces deux modes d’intuition médicale se neutralisent ordinairement, ou leur existence est de courte durée.
§ v.
La plupart des auteurs qui ont écrit sur le somnambulisme prétendent que l’intuition médicale ne dure qu’un temps limité. Ils n’auront probablement observé ce phénomène que chez des sujets malades. Je crois que l’on peut sans crainte poser ce principe, sauf de rares exceptions : la lucidité qui se déclare dans l’état de santé diminue presque toujours ou disparait entièrement pendant l’état de maladie ; la lucidité qui commence dans l’état de maladie disparaît, au contraire, quand la santé se rétablit. J’ai donné mes soins à plusieurs somnambules dont l’intuition commençait avec la maladie et cessait au retour de la santé. M. Alph. Lecave-lier a souvent observé ce résultat. Aussi devons-nous, dans cette circonstance, envisager le terme
le la lucidité, on mémo du somnambulisme, comme un pronostic favorable.
«Je ris, disait une somnambule de Buzancy, au marquis de Puységur, son magnétiseur, lorsque je songe aux efforts que vous ferez inutilement demain pour m’endormir; vous n’y parviendrez point, parce que je serai guérie. «
«Lorsque la guérison approche, 011 remarque vin changement sensible et gradué dans le sommeil des malades, qui devient plus imparfait chaque jour, à mesure que la maladie diminue.» (Tardy de Montravel, Théorie du Magnét., p. Go. )
On lit, dans les Annales de Strasbourg (t. 1, p. S8), l’observation de mademoiselle Béna, dont l’intuition médicale continua non seulement après la maladie, mais acquit encore beaucoup de développement. Ne devrait-on pas mettre cette somnambule au nombre de ceux dont la lucidité n’ae-quièrt un haut degré de perfectionnement que pendant la santé?
g VI.
J’ai déjà dit que les sujets qui n’étaient doués que de la vision médicale étaient privés de la perception instinctive des remèdes, et que le traitement qu’ils faisaient suivre à leurs malades n’était que le résultat d’une analyse rationelle. Leurs prescriptions sont basées sur la nature de l'affection ; aussi leur intuition est-elle généralement insuffisante dans le choix des médicaments. Les somnambules qui possèdent l’instinct médical ont un privilège beaucoup plus étendu; ils réunissent toujours
à cette faculté l’instinct des remèdes ; ou plutôt ces deux modes se confondent en une seule propriété.
On ne peut nier qu’on observe quelquefois isolément l’instinct des remèdes chez des malades et chez tous les animaux. Quel est le médecin qui n’a pas remarqué les penchants irrésistibles de certaines personnes pour une alimentation ou des médicaments très-contraires, suivant nos connaissances acquises, à la nature de leur affection, et dont l’ingestion dans l’estomac produisait les meilleurs effets ? Qui n’a entendu parler des goûts bizarres cl souvent dépravés de quelques femmes pendant la gestation? A-t-on jamais eu dans ce cas à déplorer un accident fâcheux? Nos appétits et nos répugnances, nos sympathies et nos répulsions, ne sont-ils pas soumis à des lois analogues à celles du galvanisme? ne rentrent-ils pas dans le domaine de l’instinct médical des somnambules?
«Nous ne serions probablement pas dépourvus de l’instinct des remèdes, si les habitudes sociales ne nous avaient pas écarté de la nature, en affaiblissant l’énergie primitive de notre organisation.» (Docteur Bertrand, ouv. cité, p. 109.)
11 est probable que celle perception instinctive de certains malades serait susceptible d’un grand perfectionnement pendant le somnambulisme.
Tous mes somnambules jouissant de l’intuition médicale pendant leur santé, la conserveront indéfiniment , si je m’en rapporte à leurs témoignages pendant leur lucidité : il n’v a, suivant eux, que de longues maladies ou des chagrins durables qui pourraient la faire cesser. C’est un fait constant pour moi que la vision médicale s’affaiblit graduel*
lement lorsque l’on ne prend pas le soin de la cultiver. L’instinct médical, au contraire, sc réveille toujours dans tout son éclat. Le moyen le plus infaillible de conserver cette dernière faculté clans son entière pureté, c’est de s’opposer au développement de tout autre phénomène somnambulique, particulièrement de la vision. S’il venait à disparaître à la suite de souffrances morales ou physiques, il serait aisé de lui rendre toute sa force. Je l’ai toujours fait renaître assez promptement par un sommeil magnétique quelquefois prolongé pendant plusieurs jours.
§ vu.
Je n’ai pas encore rencontré un somnambule d’une grande lucidité instinctive qui prescrivît la même médication dans deux maladies identiques chez deux malades différents. C’est un fait d’autant plus remarquable, que'nous avons chaque jour l’occasion de signaler les insuccès de la médecine systématique. Tous nos médecins qui s’évertuent à rattacher nos maladies à la même cause, croiraient manquer à leurs principes s’ils modifiaient leur traitement lorsqu’ils ont à soigner deux maladies offrant quelques points d’analogie entre elles.
«Donnez à un somnambule, dit le docteur Ho-re(F ( Lettre à Dcliuse ), dix personnes affectées de la même maladie, avec des circonstances semblables en apparence, et vous verrez, à votre grand étonnement, que toutes les dix seront traitées par des moyens différents, et guéries d’une manière inattendue. Tout paraît individuel dans les intuitions des somnambules. »
Tous les malades, à do rares exceptions près, soumis au traitement d’un somnambule dont l’instinct médical est bien constaté, obtiennent leur guérison. La médecine classique osera-t-elle leur disputer ce privilège?
Les magnétiseurs sont unanimes pour recommander une grande prudence dans le choix des malades que l’on soumet aux recherches somnam-buliques. 11 est certain qu’on ne peut s’entourer de trop de précautions lorsque l’on connaît l’énorme susceptibilité qu’ont les somnambules à s’imprégner des émanations morbifiques. On évitera facilement les accidents de ce genre avec un sujet lucide, en prenant conseil de son intuition ; mais il faut généralement s’abstenir d’exposer un somnambule au contact de certains malades.
• Toutes les maladies qui peuvent être contagieuses, dit M. A. Gauthier (ouv. cité, p. 655 ), la petite vérole, diverses maladies de la peau, l’épi— lepsic, les maux vénériens, la dyssenlerie, la diarrhée, la catalepsie, et même les affections nerveuses très-intenses, doivent, sinon empêcher toute communication avec un somnambule, au moins faire prendre toutes les précautions possibles. Ma pratique m’en a offert la preuve, et de tout temps les mêmes effets ont été observés. »
Je crois pouvoir admettre, d’après mes observations , que la disposition des somnambules à recevoir le germe des maladies varie suivant leur organisation. J’ai vu des sujets lucides manifester la plus vive répulsion en présence d'épileptiques, et d’autres se livrer à l’examen de ces malades avec la plus entière sécurité. La plupart n’ont jamais varié
dans leurs réponses sur le danger réel des affections contagieuses, scrol'uleuses et syphilitiques.
CHAPITRE 111.
Observation con/irmativc.
Cette étude , bien incomplète, il est vrai, de l’intuition médicale chez les somnambules, est basée sur de nombreuses observations que je me propose de publier un jour. Qu’il me suffise aujourd’hui d’en citer une seule à la suite de ce travail.
J’avais observé plusieurs fois des phénomènes de prévision médicale chez madame 15,, âgée de trente ans, somnambule d’une lucidité admirable. Elle ressentit, au commencement du mois de février 1847, un ébranlement général dans sa constitution, à la suite de violents chagrins. Je la magnétisai le 15, pour m’assurer de la nature de cette affection. Aussitôt que le somnambulisme fut déclaré, elle me dit avec effroi : « Les émotions m'ont brisée ; c’est une espèce de mort pour moi. J’aurai une crise affreuse dans une quinzaine ; je ne puis encore vous en fixer le jour et l’heure. Je mourrai si vous ne pouvez me porter secours. 11 faudra m’endormir dans cinq jours. »
Mise en somnambulisme le 20 février, elle me dit : « J’aurai cette crise le ier mars ; elle sera précédée quelques jours d’avance de somnolences et d’affaiblissement. La nuit du 27 sera mauvaise ; celle du 28 au 29 beaucoup plus mauvaise. A la suite de ces nuits d'agitation extrême, je ressentirai des frissons, des sueurs abondantes au col, aux
pieds cl aux articulations des membres ; enfin, un affaiblissement toujours croissant qui se terminera par une syncope. Je ne pense pas supporter cet évanouissement plus de trois heures ; je vois la
mort au bout...... Faites en sorte de m’endormir
avant cette époque, et je vous indiquerai ce que vous aurez à faire. »
Magnétisée le 26, madame B. prévoit toujours les mêmes accidents. Dans la nuit, elle éprouva déjà de la somnolence, qui augmenta le lendemain. Magnétisée le 27, elle me déclara que sa crise aurait lieu le 1" mars, à six heures et demie du soir. Elle me donna alors toutes les indications nécessaires pour l’arracher, disait-elle, à une mort certaine. Le dimanche, 28, mêmes accidents toujours progressifs. Le 1" mars, je me rendis chez mon intéressante malade , à deux heures du soir, et j'appris qu’elle avait avalé un grand verre de vin sucré, dans l’espoir de relever ses forces épuisées. Cette imprudence développa une sorte d'enivrement. A trois heures, le pouls était plein et fréquent; mais celte réaction fut de courlc durée. A cinq heures, elle fut obligée de se mettre au lit. Une transpiration abondante se déclara au col, aux articulations des bras et des jambes, aux pieds et aux mains. Des frissons vinrent compliquer cet état; le pouls s’affaiblit considérablement ; agitation générale. A sept heures et demie, l’abattement est extrême, le pouls filiforme ; anxiété profonde. Ma présence soutient son courage et dissipe son effroi. J’attends avec calme et confiance les derniers symptômes qui doivent précéder la crise. Enfin, le pouls devient tout à fait insensible,
cl, à huit heures deux minutes , une roidcur cataleptique envahit spontanément tout le système musculaire; perte de tout sentiment, mouvement convulsif de temps à autre; oppression particulière; enfin, léthargie complète. Alors je dirigeai, suivant les conseils qu’elle m’avait donnés antérieurement, des courants magnétiques sur les muscles du larynx et les apophyses mastoïdes, tout en cherchant à développer le somnambulisme. La roidcur des muscles laryngés ne cessa qu’après trois quarts d’heure de magnétisation. Alors la vie sembla renaître; quelques paroles mal articulées me firent diriger des insufflations chaudes sur l’estomac, le cœur et Jes poumons; passes sur les bras, les épaules et les membres inférieurs. La roideur cataleptique se dissipe peu à peu ; le pouls était encore imperceptible ; les mouvements péristalliques du cœur se faisaient légèrement sentir. Je terminai cette séance par des insufflations chaudes, prolongées, sur le cœur et l’estomac. Les forces revinrent insensiblement. Lorquc madame B. les trouva suffisantes pour passer la nuit sans danger, elle m’engagea à me reposer: il était onze heures. Trois heures de magnétisation, consistant presque entièrement en insufflations chaudes, m’avaient épuisé.
Elle me dit que sa crise avait été retardée d’une heure et demie, par suite de l’imprudence qu’elle avait faite en prenant un verre de vin. « J’ai beaucoup plus souffert, ajouta-t-elle ; et, sans cette circonstance , vous m’eussiez soulagée beaucoup plus promptement. Je serais certainement morte au bout de troii heures si vous n’étiez venu à mon secours. » Elle me supplia de revenir le lendemain
de grand matin; que les forces que je lui avais données seraient alors insuffisantes, et qu’elle courrait de grands dangers. Je la quittai à onze heures et demie, sur sa demande, après l’avoir laissée dormant d’un sommeil magnétique, calme et profond.
Le mardi 2, je me rendis à sept heures chez madame B. Je la trouvai excessivement faible; le somnambulisme n’avait pas cessé; mais le sommeil magnétique avait été de bien courte durée : l’abattement général où elle se trouvait ne lui avait pas permis de reposer plus de trois heures.
Nouvelle magnétisation ; retour des forces. Je maintiens le somnambulisme et le sommeil magnétique.
Je réveille ma malade à quatre heures du soir pour des raisons indépendantes de ma volonté ; car j’eusse désiré, dans l’intérêt de sa santé, ne pas interrompre le somnambulisme. Elle s’était prescrit quelques cuillerées d’eau magnétisée, un quartier d'orange et un lavement avec des feuilles de bette. Je l’endormis de nouveau à neuf heures : elle passa la nuit entière dans cet état.
Le mercredi 5, je visitai madame B. à huit heures du matin. Elle avait dormi d’un sommeil tranquille et non interrompu ; les forces avaient beaucoup augmenté; sa lucidité médicale, momentanément obscurcie, avait repris tout son éclat. Elle se prescrivit pour la journée un bouillon d’herbes, lavement émollient ; orange, consommé pour le soir; eau ferrugineuse coupée avec 1111 tiers de vin de Bordeaux; lever pendant une heure; promenade de quelques instants au grand air lorsque les forces le lui permettraient. Il y eut chaque
jour, depuis ce moment, une amélioration bien notable dans son état, et huit jours après elle put reprendre ses habitudes. J’ajouterai seulement que, pendant line des dernières séances de somnambulisme, madame 15. eut une prévision fort remarquable. L’événement ne larda pas à m’en démontrer l’exactitude.
IV Alfrku PERIMER
VARIÉTÉS.
Nécrologie. — M. Thiry nous écrit de Meta :
« Vous savez que, dans une de mes dernières lettres, et d’après votre demande, je vous faisais l’énu-mération des magnétiseurs existants à Metz; un seul avait été omis : c’était le baron de Guillemain. 11 était toujours présent à la rédaction de mes lettres, car c’est de pair que nous vous écrivions, et, par modestie, il n’avait pas voulu y voir figurer son nom. Mais à présent qu’il est mort, il m’est bien permis de vous peindre toutes ses grandes qualités, et de vous dire que c’était un magnétiseur par excellence , unissant la théorie à la pratique et à l’expérience. Sa mort est d’autant plus déplorable pour la noble science du magnétisme, qu’il joignait à l’ardeur d’un jeune magnétiseur la sagesse et la prudence de son âge, malheurensement trop avancé.
Rien n’échappait à son œil observateur; ii était zélé et studieux, ne reculant devant aucune peine , nul sacrifice no lui coûtait pour atteindre le but qu'il sc proposait. Constant et courageux, il a su vaincre bien des répugnances, et ramener bien des incrédules. Sa correspondance et ses relations s’étendaient bien au-delà de l’Europe; car il connaissait l’histoire du magnétisme dans tous les pays. 11 laisse des notes et des manuscrits très intéressants; si, plus tard, je suis en position de le faire, et que la famille veuille bien me le permettre, j’aurai l’honneur de vous transmettre ce que j’aurai pu recueillir, et qui pourrait intéresser la publication de votre Journal. »
Chronique. — Un de nos amis, M. Chipron, qui vient d'aller sc fixer en Amérique, nous écrit de Saint-I.ouis (Missouri) :
« J’ai trouvé ici un Français qui connaît vos ouvrages, el magnétisant en amateur. 11 y a aussi un individu qui donne des séances publiques de magnétisme , mais c’est, je crois, seulement sous le rapport de la curiosité, tandis que le premier le fait dans un but de soulagement. »
—La deuxième édition de The Nighi siile of Nature, par M. Crowe, vient de paraître à Londres, la première ayant été épuisée en moins d’un mois. C’est un recueil, en deux volumes, de faits psychologiques authentiques, la plupart récents. La vogue extraordinaire de cet ouvrage prouve qu’en Angleterre 011 n’est pas indifférent aux affaires d'outre-terre.
M. Mcade nous dit que nous ne pouvons pas ne; pas lire cet écrit. Fn attendant que nous avions pu
nous acquitter de ce devoir, pour en entretenir nos lecteurs, disons qu'il se trouve chez T. C. Newby, 72, Mortimer Street-Cavendish square.
Prix ; L. 1 — 1 (26 fr. 25.)
— On vend dans les rues de Paris un canard intitulé : Révélations d'une Somnambule, sur l'avenir et les destinées du général Cavaignac. On y prétend que le général ayant été consulter sur l’élection présidentielle, la lucide lui aurait prédit l’échec de sa candidature , et le succès de Louis-Napoléon Bonaparte.
Le Somnambulisme et le Vol. — Voici une aventure si singulière, tellement extraordinaire, que nous refuserions d’y croire, si elle ne nous était rapportée avec tous les caractères de l’authenticité.
Madame Eugénie F..., auteur de plusieurs romans qui ont eu du succès, ayant besoin de sortir avant-hier, donna ordre à son domestique de mettre le cheval au cabriolet. Celui-ci obéit ponctuellement. Il attendait depuis quelque temps avec le véhicule devant la porte, lorsqu’un de ses camarades vint à passer et l’engagea à prendre un canon chez le marchand de vins. Il se laissa tenter ; au lieu d’un canon il en but deux ou trois. Pendant ce temps, un individu montait dans le cabriolet et s'éloignait au plus vite sans qu’il s’en aperçût.
Notre automédon fut bien sot quand tout à coup, voyant sortir sa maîtresse et s’empressant d’accourir, il ne trouva plus de cabriolet.
Le désappointement de madame F... ne fut pas moins grand que celui du cocher. On alla en toute
hâte prévenir le commissaire de police de ce qui venait d’arriver. 11 promit de faire d’aclives recherches pour découvrir l’audacieux voleur; mais madame F..., malgré sa confiance dans l’habileté de la police, pensa qu’il serait peut-être plus sûr de recourir aux visions surnaturelles d’un somnambule. Elle se rendit chez un magnétiseur qui possède un sujet du sexe masculin, doué, dit-on, de facultés exlraordinaires, et le magnétiseur la mit en rapport avec lui.
Le somnambule, à la question que lui adressa la dame, répondit que si elle voulait se rendre le lendemain au bois de Boulogne, et se trouver à midi précis à un carrefour qu’il indiqua, elle verrait venir tout ensemble, l’un portant l'autre, et le voleur et le cabriolet.
Madame F... ne put s’empêcher de trouver la prédiction un peu téméraire, et le doute enlra dans son esprit, lîllc revint au bureau du commissaire, cl lui avoua la démarche qu’elle venait de faire, en lui demandant ce qu’il en pensait.
«Madame, lui répondit le magistral, il nous arrive quelquefois de connaîlre la vérité par les moyens les plus détournés. A votre place, j’irais à tout hasard au carrefour du bois de Boulogne. L’heure de midi n’a rien de cabalistique, et vous ne courez aucun risque; d’ailleurs, je vous ferai suivre par des agents. »
Madame F... suivit ce conseil. Le lendemain malin elle était au carrefour indiqué, et ce n’était pas sans une certaine émotion qu’elle suivait des yeux l’aiguille de sa montre, en attendant midi. Au moment où elle indiqua cette heure fatale, madame 1'...
lova les yeux. Qu'on juge de sa surprise, nous dirons presque de son effroi, lorsqu’elle aperçut au détour d’une allée son cabriolet, dans lequel se trouvait une personne, et qui s’avancait vers elle !
Mais madame F... n’était pas au bout de son étonnement. Lorsqu’elle s’approcha vers le conducteur du cabriolet, qui était accompagné d’une dame, qui reconnut-elle en lui? Nous vous le donnons en mille !... son somnambule!!! lequel est, du reste, un jeune homme fort élégant.
Madame F-., lui demanda comment il s’était procuré ce cabriolet. 11 répondit d’une manière peu satisfaisante et voulut passer outre; mais les agents se montrèrent, et il fut obligé de se rendre avec eux chez le commissaire de police.
Là, ce jeune homme a dit qu’il s était trouvé en possession d’un cabriolet sans savoir d’on il lui venait. «Voici, dit-il, comment la chose a pu arriver. Après une séance de somnambulisme, mon magnétiseur m’aura laissé sortir sans que je fusse bien éveillé. Comme je jouis, dans le sommeil magnétique, de toutes mes facultés, je serai monté dans le cabriolet, que j’aurai ainsi conduit chez moi. »
Nonobstant cette explication, le commissaire a envoyé ce jeune homme à la préfecture de police.
(Démocratie Pacifique.)
— Il est fâcheux que la plupart des faits de prévision répandus par la presse soient toujours incomplets. La science ne peut rien conclure de ces demi-révélations; elle attend toujours qu’un fait soit enregistré avec tous ses détails et circonstances. Nous savons bien que la prévision existe, nous l’avons constatée dans cent endroits de ce Journal;
mais quant à ces histoires de vols, d’objets et de personnes retrouvés, nous restons encore dans un doute que nous commande la réserve. C’est d ailleurs une chose délicate ; des accusations non prouvées peuvent conduire le somnambule et le magnétiseur en police correctionnelle. Plus encore : il est des recherches, dictées par les passions, qui peuvent jeter le trouble dans les familles, et qui n’ont qu’un médiocre intérêt d’utilité. La vérité, dans ce cas, devrait être voilée, recueillie seulement par un petit nombre d’hommes capables de juger de la portée des choses.
Ces demi-lumières jetées de temps à autre par le somnambulisme, font prévoir les modifications les plus grandes dans la société; mais nous voyons avec regret la police devenir l’auxiliaire de ces recherches. C’est la science, ici, qui devrait présider; mais il sera dit un jour, que la vérité la plus grande n’a rencontré, pour s’établir, que des hommes étrangers à notre Institut, à nos Académies.
Enseignement. — M. du Potet ouvrira lundi prochain son quatrième Cours de magnétisme. Autant d’élèves, autant d’instruments actifs et éclairés de propagation. Le magnétisme est un art qui a ses difficultés et ses règles : ignorer les unes, et ne point posséder les autres, ce n’est point être magnétiseur, c’est, au contraire, s’exposer à une foule d’éventualités qui placent l’expérimentateur dans le plus grand embarras.
Revue des Journaux. — Le Salut Public, de Lyon, consacre son feuilleton du 8 courant a la
narration d’une scène très-compliquée do somnambule lucide.
— Le G alignant s Messenger, journal anglais publié à Paris, cite, dans son numéro du 16 de ce mois, 1111 extrait de Y Examiner, dans lequel est ré-latée la cure d’un cancer par le magnétisme pur et simple. Celle guérison, étant l’œuvre du docteur Elliotson, sera probablement rapportée en entier dans le Zoïsl ; nous en reparlerons à l’occasion.
BIBLIOGRAPHIE.
PHYSIOLOGIE, MÉDECINE ET MÉTAPHYSIQUE DU MAGNÉTISME; parle D' Ciurpignon , médecin à Orléans. Un vol. in-8, de 490 pages. Paris, 1848. Germer Baillère. Prix : G fr.
Si, trop souvent, nous avons eu à déplorer les hostilités de certains ouvrages sortis de la plume de médecins incompétents à traiter le magnétisme , par suite de l’ignorance qu’ils manifestaient, ou de la partialité qui les rendait injustes, nous sommes heureux d’avoir aujourd’hui à faire connaître l’œuvre d’un docteur en médecine qui mérite à juste titre de fixer l’atlention des partisans et des antagonistes du magnétisme. Les uns, en effet, y trouveront des renseignements précieux , des aperçus neufs, des réflexions judicieuses et un enseignement de haute portée; les autres seront for-
cément éclairés sur les points les plus litigieux de celto science , qui ne petit [trouver accès auprès d’eux à cause du peu de fixité de ses principes, qui, suivant eux, ne peuvent supporter l’examen et l’expérimentation sévère du savant.
M. Charpignon a parfaitement compris l’état dans lequel l'exigence des esprits posait la question du magnétisme, et il s’est attaché d’abord à bien étudier si le magnétisme avait réellement quelque chose de commun avec les sciences physiques, et si le fluide magnétique existait réellement. De là des éludes expérimentales nouvelles, et très-importantes, dont le résultat est la preuve de l’existence d’un fluide particulier au système nerveux de l’homme, fluide que l’auteur différencie nettement de l’éther, de l’électricité, du calorique et des autres impondérables, mais qui pourtant n’est, comme ces divers agents de la vie, qu’une modification d’un même principe dynamique.
Après l’étude approfondie de la nature et des propriétés du fluide magnétique de l'homme, vient celle de l’action de cette force sur les êtres organiques : l’homme, les animaux et les végétaux, et sur les êtres inorganiques.
Les phénomènes magnétiques de l’homme, sur lui-même et sur son semblable, sont savamment étudiés ; et assurément on reconnaît, dans l’exposé des théories et des faits, un magnétiseur qui a beaucoup pratiqué.
Le somnambulisme et l’extase nous ont paru savamment étudiés. Des faits du plus haut intérêt viennent à propos appuyer des appréciations théoriques qui auront une certaine influence sur la ma*
nière do procéder à l’avenir dans l’étude de ces grands phénomènes du magnétisme.
Cet aperçu que nous venons de donner s’applique à la première partie de l’ouvrage, que M. Charpignon appelle Physiologie du magnétisme.
Dans la deuxième partie, la Médecine du magnétisme, l’auteur comprend : i° la médecine magnétique, c’est-à-dire, l’appréciation de la puissance cl de la valeur thérapeutique du fluide magnétique dégagé de toute intervention médicinale. Nous avons trouvé là d’instructives discussions sur les doctrines médicales, sur les procédés de Mesmer, sur ceux des modernes; et, comme partout il fallait appuyer la théorie, des faits de guérisons très-probants pour ceux qui nient l’action du magnétisme comme agent physique et curatif.
2° La médecine somnambulique. Ici le somnambulisme est étudié dans son application au traitement des maladies. M. Charpignon examine l’origine et la nature de cette faculté; il compare les services qu’elle peut rendre avec ceux de la médecine classique; il discute l’utilité du somnambulisme médical, et le degré de confiance qu’on peut lui accorder en tant qu’il s’agit du malade pour lui-même. Ensuite il examine longuement la lucidité somnambulique appliquée à d’autres que le somnambule pour lui-même; et, après des citations toujours puisées dans sa pratique, l’auteur conclut en homme qui a bien jugé le pour et le contre, cl qui sait à quoi s’en tenir sur la constance et l’infaillibilité de la lucidité de tant de somnambules dont le plus puissant mobile est la nécessité du gain.
L’applicalion du magnétisme, à la chirurgie, la comparaison du magnétisme avec les différents moyens d’abolir la sensibilité dans les opérations, l’avantage de la magnétisation dans un grand nombre de cas de maladies chirurgicales, font le sujet d’un chapitre entier, ainsi que l’étude des procédés magnétiques. Dans l’exposé des procédés, nous avons trouvé des idées neuves et importantes, qui justifient, comme nous l’avons tant de fois enseigné, de la nécessité de bien connaître le mode de diriger les forces vives qui constituent le magnétisme humain.
Arrivant à considérer le magnétisme dans ses rapports les plus élevés, le docteur Charpignon a fait, pour traiter cette grave question , une troisième partie, qu’il a appelée avec bonheur Métaphysique du magnétisme. Cette partie décèle un esprit habitué aux méditations philosophiques; chaque page renferme les pensées les plus profondes, et l’auteur, se posant à un point de vue particulier que nous respectons sincèrement, entame les discussions les plus savantes sur les facultés de lame , sur scs rapports avec l’organisme, et sur les grands phénomènes du somnambulisme el de l’extase. La vision a distance, celle à travers les corps opaques, la communication des pensées, la prévision, la faculté prophétique, la magnétisation à distance, les phénomènes des stigmates , la puissance de la foi, la modification du moral par le magnétiseur, sont autant de questions qui ont été brillamment élucidées par le raisonnement, et par les faits les plus curieux.
Le dernier chapitre de celte troisième partie est consacré au magnétisme surnaturel. Un sait com-
bien les idées actuelles sont portées vers la question de l'intervention des esprits dans le magnétisme. Ou se rappelle les écrits de plusieurs magnétiseurs qui sont dans celte direction. i\J. Charpignon s’est livré à des recherches sérieuses sur le mysticisme magnétique, et nous croyons qu’il aura beaucoup aidé à éclairer sur celte question , qui, selon lui, préoccupe trop aujourd'hui les magnétiseurs, an détriment de l’observation froide et sévère de la science.
Une quatrième partie termine l’ouvrage. C’est un rapide coup d'œil sur l’histoire académique du magnétisme. L’auteur montre aux savants académiciens combien leur conduite est mesquine et sans puissance sur l’avenir du magnétisme. Du reste, pour leur récompense, il leur rappelle que l’histoire est le livre où les actes des hommes s’inscrivent pour être appréciés à leur juste valeur par la postérité. Ainsi, MM.Dubois (d’Amiens), Bouillaud, Velpeau et autres, vos couronnes académiques pourront bien un jour perdre quelques fleurons!
M. Charpignon vient aussi de faire paraître , en brochure, son Mémoire sur les Doctrines médicales, publié dans nos derniers numéros.
Voici le prospectus d’un ouvrage qui, d’après quelques pages que nous avons lues , nous paraît devoir être plein d’intérêt. Nous pensons qu’il jetera plus de lumière sur les phénomènes de psychologie, que ceux publiés jusqu’à ce jour.
Il y est question des affaires du ciel; ce sont aussi des Arcanes. Nos lecteurs verront si les extatiques, ou voyantes, s’accordent sur les lieux de délices réservés aux mortels.
11 est intitulé :
TRAITE DF. MAGNETISME ET PAROLES D'UN SOMNAMUl l.E, |K«r Joseph Oi.ivu:, chevalier de la Légion d'honneur, aneien officier de cavalerie.
Col ouvrage parailra en trois livraisons, formant chacune lin volume sur beau papier.
MATIÈRES RENFERMÉES DANS CHAQUE VOI.I ME.
Premier Volume. — Traite de Magnétisme. I.ettre dédicatoirc îi M. lebaron du Potet de Scnncvoy.
Ciiap. I. — Médecins.
Chai*. 11. — Endormeurs.
Chai*. III. —Magnétisme.
Ciiap. IV. — Fluide magnétique. Chai*. V. — Filets du magnétisme. Ciiap. VI. — Dangers et abus du magnétisme.
Ciiap. Vit. — Somnolence inagné-tique.
Ciiap. VIII. — Somnambulisme magnétique.
Ciiap. IX. — Procédés pratiques du magnétisme.
Ciiap. X. — Conclusions; lettre sur le magnétisme.
Deuxième Volume. — Paroles d'un Somnambule.
Lettre des membres de laSocieté magnêlique de Toulouse, à railleur. Origine des Paroles d'un Somnambule.
1" L’extase.
2° Dieu.
3“ Le Monde.
•i" Le Mal.
ri- Le Bien.
fi" Marche vers le bien.
7" L’amour et la volonté.
8“ La Foi, PEspéranceet la Charité.
9" Hymne.
10” Religion.
Il" Apôtres et Prêtres.
12° L’Autorité.
13“ Société et Famille.
11° Résumé.
1?>" Développements de l’extase.
Troisième Volume. — Traitements Magnétiques.
Trente-trois Traitements magnétiques, avec les phénomènes thérapeutiques, physiologiques el psychologiques qu’ils ont produits.
— observations.
PRIX DU VOLUME : - TROIS FRANCS.
On sonucrlt :
A Toulouse. Au liureau de l’Emancipation, rue de l’Orme-Sec, 8. A Paris. Au Bureau du Journal du Magnétisme.
PETITE CORRESPONDANCE.
Pari*. — MM. les Abonnés sont prévenus qu'ils ne pourront désormais entrer aui conférences dominicales après 1 heure et demie. Cette mesure est prise pour éviter le trouble qu'occasionne toujours l'arrivée des personnes durant les expériences.
La Caitill*. — M. C.....r. — Je vous écrirai aussitôt que j'aurai pu
rechercher les liv. en question.
Sauiien». — M'"« de S.......i. — Reçu ; merci. — Nous poursuivons
l'eiamen des A.; vous en entendrez bientôt reparler.
Saiot-Elix Theux. — M. T.....c. — Courage; vous êtes sur la voie.
— Reçu le 30 , 60 fr.
Londre.. — M. M .. .e. — L’abon. de M.S ...z datera du n“ 85. — C'est du frère de M. G. qu'est le discours ; merci de vos bons offices pour lui.
Niort. — M. L.....on. — Vous m'avez envoyé 1 fr. de trop.
Metz. — M. T.....— Une longue lettre va vous partir.
Barcelone. — M. P .... y G .... — Nous n'avons pas reçu les numéros 7 et 8, S» année, d'el 7eleg. mcd.
Rambouillet. — M. R.... d — Le Kab. est arrêté au n» 3 : insignifiant.
Le Gérani .- HEBERT (de fiarnay).
VARIÉTÉS.
Prix somnambulique. — Le Brighton Guardian du 22 novembre rend compte de la fameuse séance du meeting tenu dans cette ville pour juger le somnambulisme. Nous traduisons en entier cette longue narration, attendue partout avec anxiété.
« La discussion ajournée du discours de M. Par-sons , sur le magnétisme , a eu lieu avant hier soir, au Town-Hâll. La réunion , quoique considérable , était moins nombreuse que la première fois.
« M. Cornford, président de la précédente assemblée , occupait encore le fauteuil. 11 a dit, en ouvrant la séance, que laréunion ayant pour but de rechercher la vérité , il espérait que chaque orateur aurait une impartiale audience. Depuis la dernière réunion , il a ouvert le pli déposé par M. Drum-mond, et resté cacheté à la séance; il contenait un billet de la banque d’Angleterre, de 20 1. (5oo fr.) Il a reçu ce soir un autre pli, contenant, selon l’avis de M. Burrows, deux billets de 5o 1. (2,5oo fr.), qui deviendront la propriété de qui lira la phrase écrite au dos de l’un d’eux. Ce prix a été annoncé dans les journaux de Brighton, ainsi que dans le Tintes à Londres, et le Galignani à Paris. Ensuite il invite M. Parsons à prendre la parole.
TOME \n. — M” S3. — 10 DÉCEMBRE 1848. M
« M. Parsons dit qu’il peut y avoir confusion dans l’esprit de beaucoup de gens, parce que son discours et l’annonce du défi ont été associés d’une manière tout à fait intime. 11 n’a rien à faire avec le Prix ; il n’a jamais dit qu’il amènerait des somnambules. On a trouvé mauvais qu’il ait débuté par le somnambulisme, mais le public lui avait dit: «Si « vous voulez commencer par prouver un état de k coma, de sommeil simple, nous vous croirons « pour le reste. » Maintenant il vient exposer la vérité. 11 va traiter d’abord de la clairvoyance , parce qu’il pense que rien n’a nui autant qu’elle au mesmérisme. Il peut faire voir que la lucidité a existé sans lien magnétique. Le docteur Thuckery disait qu’il importait pour l’admission d’un fait, qu’il fût analogue aux choses reçues. Eh bien ! c’est cette analogie même que M. Parsons invoque pour démontrer que la clairvoyance n’est pas nouvelle : elle existait dans la catalepsie spontanée. Elle est caractérisée par i° l’intravision , 011 faculté de voir l’intérieur de son propre corps; 20 l’extravision , ou faculté de voir les objets extérieurs, mais proches; 5° la vue à distance, ou plutôt mensambulance, qui perçoit les choses éloignées ; 4° *a communication de pensée, qui permet de répondre à des questions posées mentalement ; 5° la prévision , ou faculté de prophétiser les événements ; 6° la rétrovision, ou faculté de retracer le passé.
« Zschokkée dit, dans son Autobiographie, qu’il était sujet à cette dernière faculté relativement aux personnes ; qu’elle s’est quelquefois manifestée lors de ses premières rencontres avec des étrangers : qu’en écoutant leurs discours avec attention , leur
histoire et mille petites circonstances y relatives, ou, fréquemment, quelque trait particulier de leur vie, lui étaient révélés sans qu’il le désirât aucunement, et que cette vision était pour lui comme un rêve dont on conserve le souvenir distinct au moment du réveil. « .Te vais, dit-il, en citer un exem-« pie qui m’étouna au suprême degré. Un beau jour, « dans ville de Waldshut, j’entrai dans une auberge « avec deux jeunes étudiants forestiers. Nous étions « las de parcourir les bois ; nous soupâmes, en nom-« breuse compagnie, à la table d’hôte, où les con-« vives s’égayaient fort des singularités , des excen-« Iricités des Suisses, surtout du magnétisme de « Mesmer, et de la physiognomonie de Lavater. Uu « de mes compagnons, dont l’orgueil national était « vivement blessé de cette moquerie, nie pria de « répondre particulièrement à un connu is-mar-« chand assis en face de nous, qui s’était permis « une licence extraordinaire. L'histoire de cet « homme était à ce moment présente à mon esprit. « Je me tournai vers lui, et lui demaudai s’il vou-« drait avouer candidement les secrets de sa vie « que je lui révélerais, moi qui ne le connaissais « pas plus que je n’en étais connu. II promit d’a-« vouer franchement tout ce que je dirais de vrai. « Je relatai alors ce que la vision m’offrait à son « égard, et toute la société fut initiée à sa vie pri-« vée : son enfance, ses folies de jeunesse, et même « récentes, avec un vol commis au préjudice de « son patron. Je lui décrivis la chambre inhabitée, « avec murs blanchis, où, à droite de la porte brune, a se trouvait la caisse noire. Un profond silence ré-« gna durant toute la narration, que seul j’inter-
« rompais à l’occasion pour m’informer si je disais « vrai. Le jeune homme, confondu, confirma cha-« que particularité, et même, ce que j’avais à peine «espéré, la dernière mentionnée. Touché de sa « candeur, je lui serrai la main et n’en dis pas da-« vantage. 11 me demanda mon nom, que je lui dis, « et nous restâmes à causer intimement jusqu’après « minuit. — Ce singulier don , ajoute-t-il, ne me fut « jamais de la moindre utilité ; il se manifestait ra-« rement, tout à fait indépendamment de ma vo-« lonté, et le plus souvent envers des personnes « que je ne tenais nullement à voir d’outre en « outre. »
« M. Cooper rapporte aussi, dans son dernier ouvrage, The Behunter , qu’il s’est mis en rapport avec un somnambule qui a deviné ses pensées dans des circonstances qui excluent toute information par d’autres moyens connus.
« Quant à l’imagination considérée comme cause des effets attribués au mesmérisme, le baron de Reichenbaoh a fourni un témoignage en faveur de ce dernier agent, par sa découverte que i° des personnes d’une idiosyncrasie particulière (sensitives), voient plus ou moins vivement une apparence lumineuse , comme une flamme mouvante aux pôles de puissants aimants; 2° l’eau aimantée peut être si profondément altérée, en apparence et en qualité , que les sensitives la distinguent infailliblement de celle qui ne l’est pas; 3° cette eau attire la main.
« Maintenant, continue M. Parsons, je vais vous dire ce qui est arrivé à un de mes malades. Je mes-mérisais un verre d’eau, et il dit : « Il y a un fluide « qui sort de vos doigts; il descend au fond du
« verre, puis remonte comme une vapeur , et s’a-« niasse au-dessus du liquide jusqu’à ce que le vase « ne le puisse plus contenir. » lit, pour prouver que ceci n’est pas dû à l’imagination, 011 peut montrer que non seulement l’homme, mais les animaux, mais même les plantes, sont influencés par cet agent. M. Picard, médecin de Saint-Quentin, a communiqué au Journal du Magnétisme } la relation suivante : (Vuy. t. 1", p. 477)-
« Il (M. Parsons) mentionne ces laits pour montrer que ce n’est pas à l’imagination, mais à la réalité qu’on a affaire ; qu’il y a un agent électrique à l’aide duquel les magnétiseurs influencent leurs sujets; que, selon lui, le principal usage de cet agent doit être la cure des maladies. On peut aussi l’employer à la production d’une insensibilité telle, que les opérations chirurgicales puissent être effectuées sans douleur; mais il ne charlatanise pas le mesmérisme : il ne dit point qu’il est propre à tout. 11 croit que les phénomènes les plus extraordinaires peuvent se présenter, sans qu’il en résulte pour le malade autre chose qu’un soulagement temporaire. Ce qu’il désire faire voir, c’est que le mesmérisme possède une vertu curative, et il demande solennellement qu’on ne l’emploie jamais que pour guérir. Il ne faut pas être fâché que le malade ne dorme point. 11 a guéri un cas sans autre effet apparent que l’amélioration graduelle de l’état du patient, qui n’éprouva plus le moindre malaise au bout de six magnétisations. On ne doit pas être avide de la lucidité, parce qu’elle peut détourner l’attention de l’objet principal : la cure de l’affection. Il va en
donner un exemple. Un de ses malades étant en voie de guérison , il essaya la clairvoyance ; il lui mit une carte sur l’épigastre, et celui-ci en lut une parlie. Le lendemain il recommença l’épreuve, mais sans succès, non plus que les jours suivants. Qu'en arriva-t-il? C’est que le malade, qui allait aussi bien qu’on pouvait le désirer, rétrograda d’une manière alarmante; il cessa ses essais, et le malade alla bien de nouveau.
« Revenant au mesmérisme comme producteur de l’insensibilité, H. Parsons en discute la valeur par rapport au chloroforme. Il le croit bien préférable h ce dernier, qui, outre mille accidents graves, a souvent causé la mort sans circonstances atténuantes, tandis que l’on ne peut pas citer un seul cas de mort résultant de l’emploi du mesmérisme.
« Relativement à la clairvoyance, il dit qu’elle explique bien des choses auparavant incompréhensibles. Il croit que des milliers d’individus sont clairvoyants étant endormis, cela se montre sous forme de rêves prophétiques, etc. Une personne rêve qu’une certaine chose est arrivée à son ami, et dans le cours d’une ou deux postes, elle reçoit une lèttre établissant que la chose s’est passée comme elle l’avait rêvé. 11 pense que la lucidité est un état anormal, et que ceux qui explorent l’inconnu par ce moyen en souffriront plus tard. Quand cette faculté vient, on devrait s’en servir pour guérir les somnambules, car ils se trompent rarement dans leurs propres affections. En fait, le docteur Elliot-son lui a dit qu’il suivait depuis huit ans les prescriptions de ses malades lucides, avec succès, quoiqu’il en eût été effrayé dans l’origine.
« Dans l’état magnétique, il y a désunion , pour ainsi dire, entre l’âme et le corps. Il cite un passage de Yung Stilling, dans lequel cet auteur expose, comme une vérité reconnue, qu’il y a dans la machine humaine un double corps lumineux; l’un éthéricn, véhicule de l’esprit raisonnable immortel, qui se manifeste évidemment dans le magnétisme, le galvanisme, l’électricité, la sympathie et l’antipathie. Cette âme humaine, aflirme-t-il, est susceptible de divers degrés de relâchement d’avec le système nerveux, par des frictions manuelles, ou passes magnétiques; elle devient même libre si le relâchement est poussé à l’extrême. Cette séparation peut aussi être opérée par certaines maladies, et quelques drogues ou plutôt plantes vénéneuses. Dans les premiers degrés de détachement, la conscience persiste, mais l’imagination est plus vive, en sorte que l’individu croit voir et entendre ce qu’il ne fait qu’imaginer. Le sommeil naturel est aussi une espèce d état de détachement. M. Parsons croit que l’âme peut se séparer du corps, et aller dans les lieux éloignés, sans que mort s’en suive. Ceci est prouvé par des personnes qui virent et furent vues dans des endroits où elles avaient rêvé être. Par exemple, A désire voir C, il se couche avec ce désir vif dans l’esprit, et dit en s’éveillant qu’il a vu C, qu’il lui a dit telle et telle chose. Quelque temps après, on reçoit une lettre de C, disant qu’il a vu A à telle époque, et que telle conversation eut lieu entre eux. Il y a un nombre suffisant de cas de ce genre pour montrer que cette séparation de l’âme et du corps est réelle. Il n’a pas le temps aujourd’hui de détailler ces faits; mais il recommande aux antagonistes
du magnétisme animal la lecture des livres qui les contiennent.
« L’orateur descend de la tribune au milieu des plus vifs applaudissements.
« M. Merrifield persiste dans son assertion que le mesmérisme dépend entièrement de l’imagination, qu’il n’a aucun fondement. On a tenté, à la dernière séance, de l’assimiler à l’électricilé; mais il n’y a nulle comparaison entre eux. Si quelqu’un nie l’existence de l’électricité, 011 l’électrisera sur-le-champ, et alors il croira. Les inesméristes disent
qu’ilspeuvent faire certaines choses; qu’ils les fassent
donc, cl on les croira, mais non avant. M. Levison recommandait aux médecins, dans la précédente réunion, d’étudier le mesmérisme ; mieux vaut s’adresser aux professeurs Maiiland et Parsons (rires). Aies entendre, leurs portes doivent être encombrées; si leur doctrine est vraie, les maladies doivent bientôt disparaître, et les miracles cesser d’èlre considérés comme des merveilles.
« M. J.-C. Burrows dit, sur le dernier sujet, que, trompé par un ami médecin , il a avancé à tort que ce qui concernait la marquise demeurant autrefois Dcvonshire place, fût inexact. A l’cgard du mesmérisme, il maintient son opinion; jusqu’à ce qu’il ait des preuves, il n'y croira pas. C’est étonnant combien il y a, dans cette ville, des gens toujours faciles a tromper. 11 rappelle les trente-trois voitures pleines de personnes, allant à la file pour voir le prophète Couchman, qui promettait de les guérir toutes : elles revinrent se croyant guéries, et se couchèrent; mais , le lendemain, elles reconnurent leur erreur. 11 a cependant pensé durant longtemps
qim le coma pouvait être produit, et que, dans cet état, le patient ne sentait pas exactement le même degré de douleur.
« C’est pourquoi, prenant un enfant, il le mil dans une chaise sur sa terrasse, et, en le regardant fixement et lui faisant des passes pendant une ou deux minutes, parvint à l’endormir. M. Rumball lui toucha alors vivement la joue avec les barbes d’une plume, et il se leva brusquement. « C’est « assez, dit M. Rumball. — Parfaitement bien, ob-« serva M. Burrows; je n’ai jamais dit que vous « produiriez l’insensibilité par le mesmérisme. » 11 prit encore un autre enfant et essaya de le mes-mériser, mais il n’obtint aucun eifet. M. Maitland le prit alors; et, quand l’enfant parut dormir, il lui étendit le bras qu’il massa, dans le but d’amener la catalepsie; mais le bras tomba lorsqu’il le lâcha. 11 recommença, mais sans plus de succès; alors on s’aperçut que le gamin ne dormait pas du tout.
« M. Burrows en vient à dire qu’il n’a amené ces deux petits garçons ici que parce qu’il s’est antérieurement assuré qu’ils peuvent êlre comatisés. Mais il nie positivement qu’on puisse produire un effet quelconque par ce mouvement monotone. Il affirme qu’on ne peut trouver dans les ouvrages de médecine un seul cas bien observé, montrant qu’une personne en état de catalepsie ou de somnambulisme possède des facultés plus étendues que normalement. Il insiste, au contraire, sur la diminution des facultés. M. Parsons a dit que le mesmérisé connaissait les pensées de son mesméri-seur. Il va, si on le désire, magnétiser l’autre enfant, et le laissera essayer de connaître ce que lui,
M. Burrows, a écrit sur la bank-note. 11 mettra, quand 011 voudra, 1111 billet de 20 1. (f>oo f.) sous enveloppe, et n’importe qui lira la sentence aura le billet; pourvu qu’il (M. burrows) soit présent à la lecture de la phrase. 11 ne croit rien de ce qu’a avancé M. Parsons, si ce n’est qu’on peut produire un état comateux dont le magnétisme animal ne lui paraît point être la cause.
« M. Rumball s’adresse'ensuile à l’assemblée. Il est connu, dil-il, comme le premier magnétophobe. Il n’admet rien. Une observation de dix ans, commencée avec le désir de trouver la vérité et une grande propension au ^mesmérisme, lui a prouvé que tout est faux dans cette prétendue science. On lui offre maintenant des témoignages en guise de preuves. El, quels témoignages? ceux des malades. Il y a dix ans, cinquante ans qu’on fait de même. Mesmer guérissait des milliers de gens; le gouvernement français lui offrit une pension de 20,000 fr. pour révéler son secret; mais il refusa d’être examiné par une commission nommée ad hoc. Son élève, Desion, se soumit cependant à l'examen de la commission et du docteur Franklin. Il mesmérisa des arbres dans une forêt, prétendant que, conducteurs du fluide, ils seraient distingués par les sujets magnétisés. Mais quand Franklin alla les voir ils tombèrent en convulsions survenant au contact des arbres non magnétisés! D’où la commission conclut que l’imagination faisait tout. En 1 8sî5 une autre commission fut nommée; elle conclut que le magnétisme étant une science, il devait occuper une place parmi les sciences. M. J. Cloquet rapporta à celte commission l’hisloire d’une malade qui avait eu le
sein amputé. Elle fut endormie et resta quarante-huit heures dans cet étal ; au réveil elle dit n’avoir aucun souvenir de l’opération. Mais qu’est-ce que cela prouve? Le médecin n’était vraisemblablement pas resté quarante-huit heures auprès d’une malade dont l’opération avait justement bien réussi.
11 l’aura laissée à la surveillance d’une garde; mais les gardes n’ont pas la réputation de veiller aussi longtemps de suite. La garde ne pouvait savoir que par le dire de la malade; et ce que la malade avait dit à la garde, celle-ci le répéta au médecin , qui le transmit à la commission, dont nous le tenons de la même façon. Est-ce là de l’évidence? (Rires, applaudissements.)
« Il n’est pas l’avocat de l’insensibilité. Il regarde la douleur comme un messager de grâce; c’est la sonnette d’avis, le sifflet de la machine humaine pour avertir que quelque danger est proche. Quand le corps est insensible aux blessures, c’est qu’il est malade. Il y a une maladie, bien connue des médecins , l’anesthésie, dans laquelle tout sentiment est aboli. C’est pourquoi il nie qu’on puisse produire un état dans lequel le corps sente le moins, et non le plus. Si la peau supporte le contact du fer chaud, elle devrait l’endurer rouge. La dame qu’il vient de mentionner s’était déshabillée : elle sentait donc les boutons, agrafes, épingles, etc.; or, si elle sentait ces choses, comment admettre qu’elle fût insensible à la douleur (i)? II ne paraît pas que les lois de la nature puissent être enfreintes par n’importe quel orgueilleux. Mais l’âme
(1) L'insensibilité, étant locale quand on le veut, celte objection dis-poratl d'elle-mi'me. (Note du Traducteur).
étend son empire sur le corps, même jusqu’à la production de. la mort. L’usure du corps par le désespoir et l’abattement est bien connue. Les médecins ne sont pas hommes à déprécier l’influence du moral sur le physique. On en a relaté en France un cas bien curieux. Des physiologistes furent autorisés à faire une expérience sur un condamné au dernier supplice. Ils dirent à cet homme qu’ils avaient obtenu de le soustraire à la honte d’une exécution publique, et qu’ils le saigneraient jusqu’à la mort. Ils lui bandèrent les yeux, lièrent les membres, et le couchèrent sur une table; puis ils le piquèrent avec une épingle et versèrent, doucement sur sou bras de l’eau chaude, qu’ils laissaient dégoutter de la table comme si c’était son'sang qui coulât; le cœur s’arrêta bientôt : il crut qu’il se mourait, et il mourut, quoiqu’on ne lui eût pas tiré une goutte de sang. Tel est l’effet de l’imagination sur le corps.
« M. Donovqn fait observer que le préopinant a dit que les faits magnétiques étaient tous le produit de l’imagination, mais il n’a point dit ce qu’est l'imagination. Le mesmérisme fait de grands progrès. li y a peu d’années qu’on niait encore sa propriété comalisante; mais maintenant elle est admise, et un comité a été formé à Londres dans le but d’établir un hôpital magnétique, pour lequel 5 à (ioo 1. (ia,5oo à 15,ooo fr.) ont été souscrites par douze seigneurs et grand nombre de gentilshommes dont quelques-uns sont médecins.
« Cette discussion a commencé par un défi ; il veut qu’elle finisse par un autre. 11 déclare que le sommeil, le coma, lephréno-mesmérisme et l’insensibilité peuvent être produits, et il les produira. Il
invite une commission de trois membres : l’un prêtre, l’autre médecin, le troisième bourgeois, à déterminer le sujet; et, s’il ne réussit pas, il promet de donner 20 1. (5oo fr.), non à une bibliothèque, mais à un établissement de bienfaisance. Il ne connaît personne à Brighton, et c’est parmi les habitants de cette ville qu'il prendra ses sujets. Si ce défi n’est pas accepté, il laissera l’assemblée juge des fanfaronnades de ces messieurs qui se mettent vaniteusement en évidence avec leurs 100 1. (2,5oo fr.)
« M. L. Lee fait aussi une proposition par laquelle le mesmérisme peut-être reconnu. Il en lit les dispositions à l’assemblée; les principaux points sont que l’épreuve durerait trois mois, que l’enveloppe de M. Burrows resterait déposée telle qu’elle est, et que le clairvoyant qui, dans l’intervalle, pourrait lire la sentence en question deviendrait propriétaire desdits billets.
« M. Burrows répond que la somme proposée ne lui appartient pas totalement; il ne peut s’engager pour ses deux co-souscripteurs. Jusqu’à concurrence de sa propre portion, il laisse à M. Lee et ses amis lucides le choix de l’opportunité.
« M. Maitland dit qu’il est plus que jamais convaincu de la folie des expériences en public. Il magnétisa il y a peu de jours cet enfant (faisant allusion au petit garçon qu’il avait essayé de cata-leptiser); son bras était raide et il y suspendit les pincettes. Enfin M. Maitland insinue que les adversaires du magnétisme sont monomancs à cet égard; il poursuivait ce thème quand le président l’a rappelé à l’ordre. 11 se résume alors en disant qu’il y a assez de choses dans l’Écriture, 1 histoire
ancienne et 1rs récits de l’état actuel de l’Inde, de la Chine et de la Turquie, pour prouver qu’en Orient le magnétisme animal est depuis longtemps connu et appliqué à la guérison des maladies.
« M. Mott remarque que, comme toutes les questions débattues on public, celle-ci a été mêlée à une foule de choses étrangères. S’il a bien compris le sujet, il s’agissait d’entendre un discours sur le mesmérisme et de le discuter. Il pense qu’on doit appeler le mesmérisme medium de volition. Mais soit qu’on le désigne par ce nom ou par imagination, c’est un fait qui doit être prouvé, si on y consacre encore trois séances ici, non en essayant d’endormir des enfants et n’y réussissant point, mais en montrant d’où vient l’agent, et comment il se comporte.
« M. Parsons réplique très-brièvement, et la discussion est close.
« M. Burrows propose un vote de remerciement A M. Parsons, ce qui est accordé par acclamation.
« La même chose a lieu pour le président.
* Avant de lever la séance le président dit qu’il a ouvert le pli déposé dans ses mains par M. Burrows, et trouvé qu’il contenait cinq bank-notes montant ensemble à i oo liv. ; au dos d’une est écrit : « Fivegentlemen hâve joined in this challenge. — Cinq « messieurs ont concouru à ce défi. » Après quoi il rend ces billets à M. Burrows, et l’assemblée se sépare. »
— Cette discussion nous intéresse vivement; lorsqu’une vérité est parvenue à passionner les esprits, son triomphe est proche. Voir aujourd’hui
Jos Anglais, peuple positif s’il en fut, sceptique jusqu’à l’exagération, se rassembler pour entendre émettre des opinions sur le magnétisme, et proposer des Prix considérables à ceux qui croient pouvoir justifier des faits avancés, c’est là, pour nous, la marque la plus certaine du progrès de nos idées. Pourquoi faut-il qu’il soit toujours question du somnambulisme, qui n’olfre qu’une lumière fugace et passagère, au lieu de l’agent provocateur de ce phénomène bien plus important pour les sciences ?
Nous nous serions refusé nous-mème à suivre les antagonistes sur ce terrrain, non que nous doutions de la lucidité, mais parce que nous savons que, dans l’état actuel des choses, aucun Prix ne serait gagné. C’est ainsi que M. Burdin a pu provoquer impunément tous les dormeurs : en France comme en Angleterre, le Prix est resté à son auteur.
Répétons-le donc à ceux qui veulent marcher résolument vers l’inconnu ; parlez des bases fixes, immuables, que fait connaître l’agent magnétique. Étudiez ensuite toutes ses propriétés, son action sur l’intelligence; puis, suivez bien attentivement les résultats, fixes encore, des premiers phénomènes moraux: la lucidité, la vue à distance, etc.; puis encore les prévisions qui sont de son domaine. Dans tout ceci il y a une marche dont tons les dé-grés sont rationels. Que l’instrument qui les olfre soit étudié par vous, avec cette condition que vous vous connaîtrez vous-mêmes ; alors vous pourrez vous promettre de remporter tous les Prix, et de faire plus encore, car vous confondrez la raison humaine en soulevant le voile qui cache le mystère
delà vio. Mais, jusque là, expérimentateurs, quelque dévoués que vous soyez, votre fortune dépendra du hasard, et vous ne pourrez vous promettre qu’un succès douteux, car tout se fait avec science, avec méthode, par poids et mesure. C’est pourquoi nous disons : toute discussion semblable à celle-ci peut être intéressante, mais elle ne fera point le triomphe définitif.
Nécrologie. — Jamais la cause magnétique n’a perdu autant de défenseurs qu’à la fin de cette année : nous avons encore à enregistrer une perte aujourd’hui. M. Deligny, qui a présidé la Société Magnélologique de Paris pendant cinq ans, vient de mourir à l’âge de cinquante-six ans. Voué spécialement à la propagation de la méthode de Jacolot, il ne magnétisait qu’occasionellement ; mais il servait beaucoup la science par sa parole. Ses nombreuses occupations l’ayant obligé de renoncer à la présidence de la Société Magnétologique, il en avait été nommé membre honoraire. Il était également membre de la Société du Magnétisme.
— Deux autres magnétistes de Paris, MM. Quélin-Bichotte et Chappuis, sont également décédés.
Chronique. — Le nouveau doyen de la Faculté de Médecine de Paris , M. Bérard, fait actuellement un Cours de Physiologie. 11 a parlé du magnétisme il plusieurs reprises, à propos de la vision. Il a établi que la vision ne pouvant s’exercer sans instrument d’optique, l’œil est indispensable pour voir, ce qui est incontesté. Poursuivant ce raisonnement, il est arrivé sans peine à démontrer k l’absurdité des pré-
« tentions dos magnétiseurs, qui osent dire sérieu-« seinent que leurs somnambules voient par la nu-« que l’heure à une montre, etc. » L’apparente rigueur de cette argumentation a séduit l’esprit du plus grand nombre des auditeurs, tous jeunes gens qui ne connaissent le magnétisme que de nom ; mais il est évident que M. Bérard a commis la faute très-grave, si ce n’est point un calcul perfide, de prendre le mot pour la chose. Le mode de perception somnambulique n’est point une vision; la pairfreté du langage a fait employer les termes : clair voyance, vue à distance, seconde vue, précision, ro.lrovision, etc. ; mais, en réalité, c’est un phénomène tout autre que celui de la vue. Déplorable empire des noms! Voyez quelles conséquences peut avoir une expression vicieuse!
Revue des Journaux. — L'Union monarchique du 3 courant, rapporte qu’une somnambule consultée sur un assassinat, commis rue de Verneuil, en aurait indiqué l’auteur. La suite nous apprendra sans doute si ce dire est fondé.
— Le Courrier français du 5, reproduit le récit de la Démocratie pacifique, inséré dans notre dernier numéro.
PETITE CORRESPONDANCE.
Avm, MAI; les Actionnaires du Journal du Magnétisme vont être con-en assemblée générale, conformément aux articles 19—41 des Statuts, i l'effet d'entendre le rapport annuel du (iéranl, sur l'état de la Société.
BIBLIOGRAPHIE.
SAGGIO SL’LL’ A7.IONE CURATIVA DEL MACNETISMO ANIMALE NELLE MALATTIE NERVOSE, par le D' Maurizio Poeti.
1 vol. in-8". Turin, 1848, chez Bocca.
Le livre de M, Poeti est consacré moitié à l’ho-mœopathie, moitié au magnétisme; c’est de cette dernière partie que nous allons nous occuper.
Après avoir fait l’historique abrégé du magnétisme , cité divers passages des expériences de M. du Potet à l’Hôtcl-Dieu , et du rapport de M. Husson à l’Académie de Médecine de Paris, qui établissent des faits irréfutables à la raison, l’auteur ajoute que c’est un parti pris par l’Académie de se refuser à l’évidence de tous les faits passés, présents et futurs.
« Toutes les décisions de l’Académie, dit-il, tous les raisonnements de M. Dubois (d’Amiens) , ne disparaissent-ils pas comme une vaine fumée devant cet argument sans réplique : que le magnétisme animal guérit des maladies de long cours contre lesquelles échouent tous les moyens suggérés par la médecine classique ?
« A ceux qui voudront répéter, contre ce que nous avançons, les arguments favoris de MM. Du-
bois et Burdin, nous adresserons celle prière: Qu’ils veuillent bien éclairer les ténébreuses intrigues, la connivence qui ont pu exister entre nous et nos malades, qui, quoique tombés dans cet état plusieurs années avant qu’ils nous soient connus, se sont donné l’agréable passe-temps de feindre si longtemps leur maladie, afin d’avoir la satisfaction d’être guéris par notre fourberie.
» Cette supposition absurde est indigne d’un homme raisonnable, intelligent.»
Après une discussion approfondie des diverses questions que le magnétisme soulève; après la citation des Lfltres si remarquables de feu le docteur Frapart, et de la Conférence de l’abbé Lacor-daire, à Notre-Dame de Paris, M. Poeti s’exprime ainsi :
* La plupart des médecins se sont faits les ennemis du magnétisme, et surtout des magnétiseurs, parce que beaucoup d’enthousiastes de celte science ont dit qu’elle renversait la médecine de fond en comble. Le magnétisme confirme , au contraire, beaucoup de vérités proclamées par la médecine; et il opère lui même comme le font les remèdes, en excitant dans l’organisme des réactions salutaires. Ce n’est qu’un moyen de plus, pour le médecin , de triompher de certaines maladies particulières contre lesquelles échouent les autres remèdes. »
Il termine son introduction en annonçant que son ouvrage est uniquement destiné à prouver l’action thérapeutique du magnétisme; qu'il laisse de côté les phénomènes psychologiques, comptant y revenir plus tard dans un autre écrit.
Le chapitre Ie' a pour titre :
Qu est-ce i/ue le magnétisme animal ?
Sa définition est la même que celle donnée par M. du Potet et la plupart des magnétologistes actuels.
L’origine probable du fluide magnétique forme le sujet du second chapitre. M. Poeti cherche à démontrer que le système nerveux cérébro-spinal est. par sa construction et la ressemblance de dispo sition, une sorte de machine électrique, produisant le fluide nerveux, comme la machine électrique , qui semble avoir été construite d’après ce système, est productrice et conductrice de l’électricité.
Cette comparaison, déjà faite par plusieurs des auteurs qui ont écrit sur la matière a été vivement attaquée dans ces derniers temps, comme n’offrant qu’une similitude apparente, sans bases sérieusement soutenables. On lui a opposé, comme bien plus vraisemblable, la production du fluide en question par les actions chimiques de la respiration. D’après celte théorie, le fluide formé dans le sang par la combinaison de l’oxj'gène de l’air avec les matières nutritives , s’accumulerait dans le cerveau et la moëlle-épinière, pour être de là distribué par les nerfs dans les muscles, etc. Cette explication réunit en sa faveur l’opiuion des principaux physiologistes, tels que Muller, Mattucci ; mais ce n’est pas la seule qui ait été présentée; elle a pour rivale celle qui considère les corpuscules de Paccini comme sécréteurs du fluide que nous appelons magnétique. 11 y a des faits d’analogie qui militent pour l’une et l’autre.
On voit par ces quelques mots combien est peu avancée la solution du problème agité par le docteur Poeti. Tout n’est encore qu'hypothèse sur ce point important; et ce vague désolant n’est pas près de finir , car il dépend de la physiologie, dont les bases sont si incertaines, que la plupart des phénomènes de la vie sont restés jusqu’ici sans explication satisfaisante. Mais de ce que la science qui devrait guider nos recherches ne nous offre que des données incomplètes, devons-nous négliger les tentatives de systématisation de nos faits? Non; car en scrutant les mystères de l’organisme vivant avec la longue vue du somnambulisme, nous sortirons peut-être la question du cercle étroit où les savants la tournent en vain depuis si longtemps.
Le troisième chapitre est consacré à l’examen de l’essence des maladies; l’auteur pense qu’elles consistent dans un premier désordre de la force vitale, ou du fluide magnétique. C’est, comme on voit, un médecin vitaliste. 11 explique que le magnétisme pouvant produire une lésion de la force vitale, il est nécessaire que le magnétiseur soit en parfait état de santé pour qu’il n’en résulte rien de fâcheux pour le magnétisé.
Il y a là une question de principes. La force vitale peut-elle être lésée à la manière des organes qu’elle pénètre? ou bien les désordres morbides qu’on lui attribue ne sont-ils que des lésions fonctionnelles, n'affectant ni la nature de force vitale, ni la texture des organes , mais bien l’harmonie de leurs rapports? Ne pouvant résoudre la difficulté, nous ne la discuterons pas.
Le quatrième chapitre traite, avec beaucoup de
lucidité, des propriétés curatives du magnétisme dans une foule de maladies. C'est un résumé à peu près complet de tout ce qui a été écrit en France sur le sujet.
Le cinquième est intitulé :
Histoire d'une épilepsie guérie par le magnétisme.
L’auteur opère sur une servante peu intelligente, le lendemain d’un affreux accès qui avait duré vingt-quatre heures, le 15 juin 184i • Au bout de dix minutes de magnétisation, elle tombe en somnambulisme; et, après trois ou quatre minutes de repos, le docteur lui demande :
— Où est votre mal?
— A l’estomac.
— Qu’y a-Hl à l’estomac?
— Du sang extravasé.
— Qui a causé cet épanchement?
— Un coup de pied que j’y ai reçu.
— Ce sang partira-t-il?
— Oui; si vous continuez de me magnétiser.
— Quand sortira-t-il?
— Mardi ou mercredi.
— D’où viennent vos attaques?
— D’une frayeur.
— En aurez-vous d’autres?
— Non; si vous continuez.
— Combien de fois?
— Deux fois de suite.
« Voulant, ajoute-t-il, me convaincre si la transposition de la vue existait chez elle, je lui posai sur l’épigastre, après lui avoir bandé les yeux pour bannir toute crainte de supercherie, une cuillère, une clef et un livre. Ces objets furent vus et décrits
exactement par elle. L’état cataleptique existait au plus liant degré, et la sensibilité physique était presque nulle. Elle ne répondait qu’à moi, qu’elle voyait aussi seul; les autres personnes, quoique en rapport, étaient invisibles.
» Je magnétisai une bouteille d’eau pour boire pendant la journée.
« Le i/| et le 15, même magnétisation; rien de nouveau.
« Le iG, jourindiqué par elle, où le sang répandu depuis si longtemps dans l’estomac devait enfin être évacué, je lui demandai, endormie :
— Quand ce sang sortira-t-il?
— Aujourd’hui.
— A quelle heure?
— A six heures du soir.
— Devez-vous prendre quelque chose auparavant?
— Oui.
— Quoi?
— Du miel mêlé avec du beurre.
« Je magnétisai d’autre eau, et je lui en fis boire durant tout le traitement.
« Je me rendis, avant six heures, à la maison de la malade; à l’heure précise elle fut prise de violentes coliques, qui durèrent un quart d’heure, et furent suivies de selles contenant un morceau de sang coagulé, du poids de 5 à 6 onces, noir comme du charbon, rouge d’un côté, et tout couvert d’une espèce de membrane pseudo-muqueuse.
* 17, je l’endormis et l’interrogeai de nouveau.
— Qu’y a-t-il à la place où était le sang?
— C’est tout ulcéré, et me fait mal.
— Quel remède y porter?
— Un purgatif.
— Lequel?
— Une once de sel d’Angleterre, avec une demi once de crème de tartre.
— Et le miel et le beurre?
— Je dois en prendre encore trois jours.
« Le 18, je la magnétisai à l’heure accoutumée; elle avait pris, le matin, le purgatif qui avait agi.
— Comment êtes-vous?
— Mieux.
— Que faire après le purgatif?
— Appliquer un vésicatoire.
— Où?
— Sur la cuisse droite.
— Combien de jours faudra-t-il le laisser rendre?
— Trois jours.
— Combien aure/.-vous encore d’évacuations aujourd’hui ?
— Quatre.
— Combien de temps voulez-vous dormir?
— Un quart d’heure.
« Au bout de dix minutes, montre en main , je lui demandai i
— Combien de temps avez-vous encore à dormir?
— Ciuq minutes.
« Le vésicatoire fut appliqué le 19 au matin. Rien de nouveau ce jour là , sinon la confirmation des qualre évacuations annoncées.
« Le 20, j’amenai quelques jeunes médecins. La malade , magnétisée en leur présence, dormit au bout de cinq minutes. Je leur fis remarquer la catalepsie, et ils se plurent à lui donner diverses positions. Mais ensuite ils ne pouvaient plus remettre
les membres dans leur pose naturelle ; raides comme du fer, ils les auraient plutôt brisés que de les faire ployer d'une seule ligne; et moi je la touchais à peine, que tout se remettait en place.
« Le vésicatoire rendit beaucoup.
« Il serait trop long de redire ici les interrogatoires de chaque séance, les réponses étant toujours aussi claires et précises. »
Du mois de juin à celui de septembre, M. Poeti magnétise presque toujours la malade; tantôt pour scs règles, tantôt pour une diarrhée, une fièvre, des vers, etc., obéissant en cela scrupuleusement aux ordonnances de la somnambule, qui toujours réussirent merveilleusement. Le i4 septembre, revint une attaque d’épilepsie contre laquelle la magnétisation fut reprise : ce fut la seule ; mais fièvre, rétention d’urine , etc., surviennent, pour lesquels elle ordonne des remèdes, et gronde le magnétiseur s'il s’écarte le moins du monde de ses prescriptions. Tout cela en grand détail jusqu’au 3i octobre, jour indiqué par elle pour la fin de scs maux. Cette dernière fois elle dit qu’aucun médecin n’aurait pu la guérir par une autre méthode; qu’elle avait cinq maladies réunies : l’épilepsie, le sang au sein , un dépôt à l’estomac, une rétention d’urine et une inflammation d’entrailles.
Elle dicta son régime pour huit mois à partir do ce jour.
Dès lors ses fonctions reprirent leur état normal, et, « je la magnétisai irrégulièrement, dit le docteur Poeti, pour développer sa lucidité , qui devenait merveilleuse. Elle voyait les choses les plus secrètes dans la pensée de personnes qui habitaient au loin.
Un jour clic me pria de ne plus la magnétiser, à cause du profond dégoût où la plongeaient les turpitudes qu’elle découvrait.
« Je restai deux mois sans la magnétiser; puis, l’ayant consultée pour un malade affecté de syphilis constitutionnelle, elle se plaignit, trente-six heures après , d’un mal de gorge qui devint bientôt tel, que c’était la copie fidèle de ce qu’éprouvait le malade en question. Des doses minimes de mercure soluble la guérirent en quinze jours. Un mois après, un de mes confrères et ami me pria de la consulter sur scs souffrances. Elle trouva de l’inflammation au cœur, et fut aussi, dans la soirée, prise de fortes palpitations. Dès lors elle ne voulut plus me voir : la plus profonde antipathie se déclara, et elle appela un autre médecin, qui la traita par force saignées. Elle tomba bientôt dans une irrémédiable consomption, et mourut un an après la guérison de son épilepsie par le magnétisme. »
Le sixième chapitre renferme encore une histoire d’épilepsic, guérie par le magnétisme et l’homœo-pathie. Le sujet est un garçon de treize ans, en proie depuis sept années à des attaques contre lesquelles tous les remèdes possibles avaient été inefficaces. Il devint aussi immédiatement somnambule, avec une extrême finesse de perceptions. Sa guérison fut complète en quelques mois.
Cinq ans après, atteint d’une fièvre cérébrale, on le magnétisa de nouveau. Il indiqua les moyens à employer, annonça minutieusement les crises, et fut promptement guéri.
Les chapitres vu, vm, ix, x et xi, sont formés d’observations inédites du docteur Dugnani, de Milan ,
dont les intéressants essais sur les végétaux sont déjà connus des lecteurs de ce journal ( voy. t. VI, p. 38); la première a pour titre :
Noctambulisme, Epilepsie et Ver solitaire.
a Une bonne de dix-huit ans, somnambule naturelle, avait le tœnia. Un individu lui ayant conseillé de prendre de la chicorée sauvage, elle se leva la nuit et sortit en chemise, se dirigeant vers un bastion de la ville pour cueillir cette plante. S’étant frappé la tète dans la cour, elle s’éveilla, et s’aperçut avec surprise de cette excursion nocturne; puis, retombant en somnambulisme , elle se coucha sur la pierre froide, et ne se réveilla qu’au jour. Elle fut prise d’un tremblement général, et, dix jours après , apparurent de violentes convulsions épileptiques , avec délire.
« Je la traitai par la loi des semblables, et il y eut amélioration. Le ver solitaire restait toujours. L’ayant magnétisée, pour la première fois, le 29 juin i845, elle tomba en somnambulisme au bout de dix minutes. Elle devint bientôt excessivement lucide.
« Elle s’ordonna la teinture de chicorée sauvage, deux fois par jour, jusqu’à l’évacuation du teenia. Et, le 18 juillet, après dix sept magnétisations, elle annonça qu’elle rendrait le ver le 7 août. Dans les séances suivantes, elle s’ordonna saignée sur saignée, et dit que, si on exécutait scrupuleusement ses prescriptions, elle serait entièrement guérie vers la fin d’août.
« Dans ses crises convulsives, elle avait des accès de folie qui se calmaient par quelques passes magnétiques. Tous les jours nouvelle somnambulisa-
lion; ordonnance dos remèdes convenables, etc. Le 6 août, elle se plaignit de mal de tête, mais disant que le ventre était libre ; quelle avait rendu la lèle du ver; qu’il était mort par la chicorée cl pourri ; qu’une pilule suffirait désormais à sou évacuation entière.
« Elle fut effectivement guérie à la fin du mois, comme elle l’avait prédit. •
La seconde observation est intitulée :
Palpitations de cœur.
« Une demoiselle de dix-sept ans, affectée depuis quatre ans de violentes palpitations, n’étant pas réglée, offrait l’aspect d’une enfant de neuf ans. Au mois de février 18 4G, je la soumis au mesmérisme. Elle s’endormit en trois minutes. A la seconde séance, j’obtins les phénomènes d’attraction et de répulsion. Elle possédait une exquise sensibilité externe; il me suffisait de présenter un doigt vers une partie quelconque du corps pour qu’elle se retirât immédiatement, comme si elle était piquée d’une aiguille.
■ Après ces deux magnétisations, il y eut sensible amélioration dans son état.
• Je ne pus la faire parler qu’à la treizième séance. Elle se plaignit d’une terrible démangeaison générale. A la dix-huitième, elle assura que, vers le 15 juillet, c’est-à-dire quatre mois après, ses règles apparaîtraient, et que, pour la guérir, je devais continuer de la magnétiser les jours qu’elle indiquerait. A la vingt-troisième séance, elle vit son mal, qui était un commencement d’anévrisme, radicalement guéri par le magnétisme.
«Le i5 juillet, elle fut prise de violenles dou-
leurs de reins et du bas-ventre; les menstrues allaient s’établir ; mais ses parents, lui ayant administré une purge pour aider au travail, contrarièrent la nature, et ce ne fut que le mois suivant quelles parurent. Depuis lors elle s’est portée à merveille. »
La troisième observation concerne le même objet. C’est encore une cure de palpitations par le magnétisme simple.
Le quatrième cas est une gastro-entérite chronique.
line jeune fdle magnétisée indique les remèdes propres à la guérir, et annonce la cessation de ses maux, le tout avec des détails longs et précis. Elle tombe en catalepsie, puis en extase, et se trouve, après quelques mois, radicalement guérie.
La cinquième observation est la relation d’une guérison d’anévrisme, d’épilepsie et d’entérite.
« C’est encore une jeune fille, qui, depuis quatre mois, ne se levait plus, par suite d’une cardite lente, qui la faisait beaucoup souffrir. En outre, des convulsions épileptiques depuis quatre ans. Après quarante jours de traitement homœopathique, elle abandonna le lit avec amélioration. Puis, l’ayant magnétisée, je l’interrogeai. Elle indique, comme les précédentes, les remèdes qui lui conviennent, sc guérit, puis meurt de phthisie. »
Là se bornent les récits du docteur Dugnani.
M. Poeti examine, dans le chapitre xii, les cas où le magnétisme paraît impuissant.
Il pense que :
i° Chez les personnes d’une sensibilité exquise, il vaut mieux s’abstenir de magnétiser.
a0 Cet agent est impuissant contre les maladies
ayant pour cause des miasmes chroniques tels que la gale ou psore, la syphilis, ies dartres, etc.
j° Il peut apaiser le mal, pallier l’intensité des symptômes, mais non détruire le virus.
«C’est pourquoi, dit-il, je regarde comme préférable, pour obtenir la guérison de beaucoup de maladies chroniques, d’employi'r les remèdes reconnus capables de détruire le virus psorique. »
Par contre, l’auteurériumcre, dans le chapitre suivant, les maladies que l’agent mesmérien semble guérir mieux que tout autre moyen thérapeutique.
« Ce sont, dit-il, les affections dont le principal caractère est l’affaiblissement général des forces; comme la chlorose, l’abus des émissions sanguines, l’engorgement des glandes, l’hydropisic, la dyssenterie, l’épilepsie, l’hystérie, les convulsions, les spasmes, la prosopalgie, les douleurs sciati-ques, les céphalalgies, etc., etc.»
Le chapitre xiv établit cette proposition : que le magnétisme produit une modification salutaire dans la force vitale affectée, et la rend plus sensible à l’action des agents médicamenteux.
«Ainsi, dans les deux cas d’épilepsie précités, je ne les aurais pas guéris en donnant simplement les drogues ordonnées par les somnambules; et, réciproquement, l’application directe du mesmérisme n’aurait pas sufli non plus sans les remèdes. Mais le premier remède à administrer doit être le magnétisme, pour remettre en ordre la force vitale et la disposer à recevoir efficacement les remèdes. »
Cette proposition, vraie en général, souffre d’as-
sez nombreuses exceptions pour que le docteur Poeti ait cru devoir y ajouter un correctif dans le chapitre suivant, où il dit :
« Néanmoins, le magnétisme seul peut aussi guérir dans certains cas et sur certaines personnes. Ainsi, j’ai magnétisé une dame qui avait des attaques d’épilepsie, dix-sept fois sans produire autre chose qu’un léger sommeil ; et elle fut pourtant entièrement guérie. Il en fut de même pour un jeune homme de Turin : du moment où je le magnétisai , une épilepsie qui durait depuis trois ans ne reparut plus.
Les chapitres xvi à xx ne contiennent absolument rien de saillant : c’est la répétition de tout ce qui a été écrit on France depuis Mesmer. Tout le monde sait, par exemple, qu’il vaut mieux que le magnétiseur soit médecin : sa science et son expérience le rendent plus apte qu’un autre, etc., etc.
Chapitre xxi. —De l'eau magnétisée. — « C’est un remède excellent, assurent les somnambules; elle agit sur le système nerveux ganglionaire, et favorise les réactions naturelles. »
Cette vue est neuve; il appartient aux médecins magnétistes d’en vérifier l’exactitude. Cet mot renferme peut-être une révélation : il est très-important à noter.
Le reste de l’ouvrage est rempli de citations des magnétologistes français et anglais sur l’instinct des remèdes, la lucidité autopathique, l’insensibilité chirurgicale, l’isolement, etc., etc.
L’auteur termine par le phréno-magnétisme.
11 a observé , dit-il, ce phénomène dans toute son exactitude. Ayant touché l’organe de la véné-
ration chez une femme instruite, elle se mit de suite en prières, les yeux au ciel, mains jointes, exprimant une douceur de traits angélique et inimitable. Ayant touché la gaieté, disparut la mélancolie, et une indicible hilarité commença.
Un autre somnambule, louché sur la destructivité, se mit à déchirer scs habits ; sur la musique, chanta, etc.
Ces deux somnambules n’avaient aucune idée pratique du système de Gall.
De nombreuses expériences faites à la Société du Mesmérisme de Paris ( voy. ce journal, t. 1 et II), ont mis en relief la fausseté théorique du phréno-magnétisme. 11 est aujourd hui démontré qu’il suffit de vouloir, sans toucher, pour obtenir toutes les manifestations d’instinct, d’affectivité et d’intelligence. La preuve que l’attouchement est au moins inutile, c’est qu’en appliquant le doigt sur une bosse, tout en voulant que l’effet se produise ailleurs, c’est l’organe voulu, et non le touché, qui agit. Tout se réduit à un commandement mental. Ajoutons qu'à Paris les phréno-magnétistes ne touchent plus.
lin résumé, le livre que nous venons d'analyser n’étant qu’une compilation , serait sans importance écrit en français, mais, en italien , il doit être éminemment utile.
Adalbekt DE BEAUMONT.
Le Gérant : UÉBEKT (de Garnay).
THÉORIES.
DES HALLUCINATIONS RELATIVES AU MAGNÉTISME.
Deuxième observation.
(Suite.)
Dans une lettre postérieure à la dernière publiée, M. M"* dit :
« J’aurais bien une dernière lettre à écrire à M. du Potet au sujet de notre obsédé; mais je suis tellement occupé en ce moment, que je suis obligé de la différer. Vous lui direz seulement que la maladie de l’individu en question est entrée dans une nouvelle phase ; il n’accuse plus aucun mortel de ses alïlictions, qu’il met toutes sur le compte d’un être surnaturel ou puissance infernale, autrement dite du démon. Vous saurez, en outre, que la prière à laquelle il a recours depuis quelque temps a amené chez lui beaucoup de calme et de résignation; qu’il la considère comme le seul moyen de guérison des obsédés, et qu’il a même écrit , pour appuyer son opinion, un recueil d’observations et de conseils, qu’il adresse aux ailligés de son espèce pour leur recommander la prière. Mais j ai trouve ce travail trop incorrect pour vous 1 envoyer de suite. D’ailleurs, ce qu’il donne comme moyen ra-toaii vn. - N° 84. - 25 décembre 1818- 12
dical de guérison n’en est pas encore un pour lui, puisque l’obsession n’a pas cessé depuis qu’il implore le secours de la Divinité ; seulement elle n’a plus sur son esprit les mêmes conséquences, car il prétend qu’au lieu d’être l’esclave timoré de l’être occulte, il est presque aujourd’hui son dominateur par la force qu'il puise dans ses inspirations religieuses, et le désespoir dont il accable son ennemi. Voilà, en résumé, sa position actuelle. *
Troisième observation.
Notre correspondant de Londres, M. le colonel J. P. Meade, nous écrit :
« Le Mémoire de M. M*** m’a tellement intéressé, que je l’ai lu sans démordre. Son contenu confirme de point en point ce que j’ai toujours pensé des individus appelés sorciers. Les procédures inquisitoriales suivies contre ceux-ci sont pleines de cas analogues. Vous pourrez vous en convaincre par la lecture du Compleat Wizzard, que je vous envoie. C’est un livre qui mérite bien votre attention.
« Il y a à cette heure, en Angleterre, un Monsieur qui se trouve précisément dans le même état que l'obsédé dont il est question dans le Mémoire de M. M*"; mais il est bien plus malheureux que votre compatriote, puisque la personne à laquelle il s’est adressé implorant du secours, n’a su lui apporter aucun soulagement, tandis que je vois avec infiniment de satisfaction, que MM. les membres de XAthénée magnétique ont pris à cœur de soustraire au pouvoir de son infernal persécuteur, la victime qui s’est confiée à leur zèle philanthro-
pique. Je vois aussi avec bien du plaisir qu’il y a à Lyon des somnambules assez lucides pour seconder efficacement leurs efforts. Il me tarde d’en
savoir le résultat final..... Je vous prie donc avec
instance de ne pas me laisser ignorer les progrès que l’on fera à ce sujet tant à Lyon qu’à Paris. Je désire d’en être instruit, tant à cause de l’intérêt que je prends pour la vraie lumière en général, que par suite de ma sympathie pour tous les êtres souffrants. Les moyens curatifs ou calmants que l’expérience aurait prouvé être favorables à l’obsédé français pourraient être appliqués ici à l’obsédé anglais. J’ai lu confidentiellement les lettres que ce malheureux a écrites, et, si la personne qui les a reçues se croyait autorisée à me le permettre, je me ferais un devoir d’en prendre copie pour vous les envoyer, en omettant le nom de la victime, qui redoute d’être pris pour un fou, et d’accroître l’enchantement de ses persécuteurs. »
Quatrième observation.
La lettre suivante nous a été adressée par notre correspondant, M. Jobard, de Bruxelles.
Monsieur,
Le récit des persécutions magnétiques contenu dans vos derniers numéros , m’a d’autant plus intéressé, qu’il m’a remis en mémoire les tristes lamentations d’un pauvre somnambule hollandais qui, après avoir été promené par toute l’Allemagne, il y a une vingtaine d’années, s’était échappé des mains de ses exploitateurs, et venait implorer
mon secours pour le délivrer de leur obsession. « Ces infâmes scélérats, me disait-il, voudraient me ravoir auprès d’eux, et pour me forcer à les rejoindre, ils ne me laissent pas un instant de repos, je les entends sans cesse qui m’appellent et me menacent ; j’ai été en prison, et leur voix pénétrait dans mon cachot ; j’ai adressé des plaintes signées de mon sang, au roi Guillaume, une pétition aux États-généraux, une plainte au procureur du roi, et je n’ai rien obtenu ; je voudrais faire un appel à tous les magnétiseurs honnêtes, pour qu’ils réunissent leurs forces contre mes persécuteurs, voudriez-vous bien l’insérer dans votre journal? »
Comme j’ignorais à cette époque les effets du magnétisme occulte, je n’ai vu là qu’un pauvre somnambule surmené, auquel on avait troublé la raison ; mais ces faits se reproduisant plus fréquemment depuis que le magnétisme se répand davantage, je pense qu’il serait assez sage d’en rechercher la cause, bien qu’il soit plus académique de la laisser sur le compte de l’hallucination et de la folie. Que ces malheureux finissent par perdre la raison , cela n’est pas extraordinaire ; mais il se peut que l'hallucination et la manie ne soient que des résultats ; la cause pourrait bien exister dans le maléfice de la pensée mauvaise que les Italiens appellent la jeUatura, et les Français l’ensorcellement ou le mauvais œil.
Les cataleptiques étaient jadis des possédés, aujourd’hui ce ne sont plus que des malades que les magnétiseurs guérissent aisément; je pense qu’ils guériraient aussi bien les obsédés que les possédés, car toutes les affections névrurgiques devant les-
quelles la médecine ordinaire reste impuissante, ne sont qu’un jeu pour les magnétiseurs.
C’est ainsi que j’ai fait guérir, d’un mot, par son père, un écolier somnambule naturel qu’on avait renvoyé de sa pension , et que les médecins voulaient faire saigner à blanc, ou purger à mort.
Je crois, mon cher maître, que vous avez tort de répudier trop catégoriquement, au nom du magnétisme, le mal qu’il pourrait faire, c’est donner gain de cause à ceux qui l’accusent de ne pouvoir faire le bien ; car toute force peut être employée dans deux sens opposés, en bien ou en mal, cola dépend de la manière de s’en servir. 11 n’y a pas d’action sans réaction : si vous avez la puissance de guérir, vous avez celle de tuer, il n’y a pas de milieu.
Le jour triomphal du magnétisme sera celui où l’on aurait démontré que le magnétisme a la vertu de produire les phénomènes effrayants que vous placez, comme les médecins, sur le compte de l’hallucination. Cette puissance serait la justice de l'opprimé, et la punition du méchant; croyez-vous , par exemple, qu’une famille injustement dépouillée, et réduite à la misère par quelque puissant spoliateur, n’a pas d’action sur lui? Croyez-vous que toutes ces malédictions dirigées en faisceau permanent vers le coupable, ne suffisent pas pour le rendre malheureux au milieu de ses biens mal acquis ?
Comparez le calme d’un homme de bien, comme on en trouve encore quelques-uns, avec l’inquiétude fébrile et l’ennui permanent de ces mauvais riches dont la souffrance se lit dans tous les traits,
et qui cherchent en vain à sc distraire par des fêles et des festins auxquels ils n’assistent que pour la forme.
Je connais un de ces malheureux millionnaires par testament véreux, qui est prohablement tombé sous l’obsession de ceux qu’il a dépouillés; car il n’a plus un instant de sommeil, ne prend plus goût à rien , ne se trouve bien nulle part, et qui, d’heureux et content qu’il était dans sa médiocrité, est devenu une espèce de remords ambulant depuis qu’il a failli.
A mon sens, il n’y aurait rien de plus moralisateur au monde, que de pouvoir établir, par des expériences incontestables , qu’il n’est rien de caché à l’œil magnétique, et que cet œil peut dénoncer le crime et poursuivre le coupable, même ici-bas.
Comprenez-vous, cher maître, qu’il suffirait d enseigner que la justice est dans le monde métaphysique l’analogue de la gravitation dans le monde matériel, et que l’équilibre rompu tend sans cesse à se rétablir, pour
. . .des méchants arrêter les complots.
Une pareille croyance aurait plus d’influence sous la moralisation sociale , que toutes les pénalités comminatoires ultra-mondaines.
L’institution du Domine salvum facregem est aussi ancienne que le monde ; les vœux de tout un peuple , s’ils sont sincères et énergiques , ne peu -vent être sans influence psychique bienfaisante sur le patient. Au point de vue magnétique, il est impossible que vous le puissiez contester, et dans ce cas vous devez admettre la proposition contraire.
La tympanisation n’est pas une affection nouvelle, et vous vous rappelez ce forgeron écossais qui passait la nuit dans sa cave, occupé à frapper sur un chaudron d’airain, à l’intention d’un lord qui l’avait ruiné; le malheureux tympanisé à distance, a été obligé, pour recouvrer son repos, de rendre au forgeron tout ce qu’il lui avait pris.
Vous savez qu’on peut se faire entendre d’un somnambule, en lui parlant à voix basse 'a l’extrémité d’un long cordon ; vous savez aussi qu’on peut l’endormir et l’influencer d’une ville à l’autre, sans conducteur apparent, et pourtant vous semblez douter des cas d’obsession que vous rapportez, parce qu’il ne s’agit pas de somnambule; mais quand je vous ai vu attirer et faire baiser la terre à un inconnu placé à dix pas de vous, croyez-vous que ce soit là le maximum de la portée de votre action.
Or, s’il suffit pour établir un rapport d’apercevoir un individu , n'est-il pas possible de s’aider d’une lunette? Et le trou percé dans la planche placée à la fenêtre du troisième étage de la maison du magnétiseur, n’avait-il pas pour objet de dissimuler la lunette et l’individu ? Ce premier rapport une fois établi, le reste n'offre plus rien d’obscur à l’esprit des personnes familières avec les effets du magnétisme à distance. La théorie des pressentiments , et la transmission des sensations trauma-tiques dont les Chinois se servent depuis longtemps en guise de télégraphe, comme j’aurai 1 honneur de vous en entretenir, en font foi.
J’ai l’honneur, etc.
JOllARD.
— La lettre de M. Jobard est si féconde cri observations judicieuses, cl fait naître tant de réflexions, que nous l’avons placée sans hésiter parmi les pièces de l’histoire curieuse des hallucinations. Nous remercions sincèrement M. Jobard de s’intéresser si vivement au grand procès qui s’instruit ; mais à quoi ne s’intércsse-t-il pas? C’est l’homme universel; il sait tout, il voit tout, entend tout. S’il nous arrive de commettre des erreurs, nous sommes certain qu’il les rectifiera, et nous nous en féliciterons. Cependant aujourd’hui nous persistons dans notre sentiment, tout en étant de son avis sur les faits de magnétisme étrangers aux hallucinations. La justice et la morale n’ont qu’à gagner à ces discussions; il doit en sortir un grand bien, car des lois soupçonnées, mais jamais prouvées , vont être mises hors de doute par le magnétisme et le somnambulisme.
Longtemps on a conduit les hommes avec cette pensée sublime : Dieu te voit; on dira bientôt : L’homme lui-même peut voir les actions de ses frères, et connaître leur vie passée; il n’y aura plus rien de caché. Ce n’est point de ceci que je doute, c’est seulement du pouvoir du magnétiseur, dont la limite touche à nos sens, tandis que la vue de l’âme s’étend jusqu’en l’immensité. Quoique sentant mon infériorité, j’oserai pourtant soutenir contre M. Jobard les idées que j’ai émises sur les hallucinations attribuées au magnétisme. Cette science fera surgir bien d’autres questions plus épineuses encore, el c’est de leur solution qu’on doit attendre le progrès de la science et de l’humanité.
Comme un nouveau soleil, la liberté se montre
à l’horisoii; quelques nuages rougeâtres en ternissent les rayons : ils disparaissent bientôt. La vérité, sœur de la liberté, a visité notre terre, déjà elle y a répandu une divine semence : pourquoi faut-il que les savants de nos Académies n’en aient point cultivé les germes! Nous jouirions aujourd’hui de la vraie lumière , el nos yeux ravis contempleraient les œuvres du Dieu de justice et de miséricorde, tandis qu’on nous a appris à douter de la Providence , cl à chercher dans un abject matérialisme les jouissances que les vérités morales peuvent seules nous donner.
Cinquième observation.
Il nous revient en mémoire un fait non moins étrange que ceux dont le récit précède. Il est relaté tome Y, page 25o de ce Journal.
Les suites en furent déplorables. Cet homme est mort, il y a deux mois environ, après avoir donné de nombreuses marques d’altération des fonctions cérébrales. La pensée de l’homme qu'il accusait de l’avoir magnétisé ne s’était pas môme appesantie sur lui, et cependant il fut impossible de l’en dissuader. C’est tout tremblant, la face décomposée, qu’il voyait l'approche de celui qu’il croyait son persécuteur, et qui certes ne lui voulait aucun mal. Notre ami, dont la conscience est sans reproche , fut cruellement alfecté de cette accusation d’un mal dont il ignorait la cause, mais que l’on faisait remonter jusqu’à lui; et ce n’est encore qu’avec chagrin qu’il nous en entretient parfois.
Il est important de remarquer qu’ils exerçaient la même profession.
Sixième observation.
Une femme, vieille déjà , vivant dans la solitude, et traitée autrefois par le magnétisme, s’imagine, lorsqu’elle souffre de maux accidentels, que la pensée de son magnétiseur se porte spontanément sur elle, et la débarrasse de ses souffrances, lillc lui écrit pour le remercier de ses bons soins, de scs pensées généreuses, bien qu’il ne se soit occupé d’elle en aucune façon. Il est évident que cette femme est travaillée par un germe d’hallucination qui n’attend qu’un complément d’idées fausses, ou une cause futile pour éclater tout à coup.
Celle-ci, du moins, s’imagine le bien ; c’est la seule qui ne croit point au mal. Cette différence est bonne à constater.
Septième observation.
Une fdle de trente-cinq ans environ, qui avait eu des chagrins d’amour, mélancolique par suite d’espérances trompées, s’adonna à une dévotion qui semblait de nouveau captiver son cœur. Assistant naguère à des expériences de magnétisme, elle aperçut un magnétiseur qui, sans doute, lui rappelait l’objet de ses affections passées. Elle crut qu’il s'occupait d’elle, et la magnétisait. Il n’en était absolument rien. Cependant elle écrivit plusieurs lettres incohérentes dans lesquelles elle reprochait au magnétiseur sa conduite blâmable, et lui donnait rendez-vous pour une explication. Chose singulière à noter! Moi qui l’avais magnétisée, et déterminé des phénomènes incontestables, je n’étais point celui qu’elle accusait, bien qu’à plus juste
titre elle eût pu penser que celui qui avait agi ostensiblement pût très-bien aussi exercer une action occulte. Sa pensée eût été erronée, mais elle eût pu paraître vraisemblable.
Voilà donc encore un cas qui prouve jusqu’à l’évidence que ces faits d’hallucination ont pour cause des désordres fonctionnels, qu’un observateur superficiel aurait attribués à une magnétisation occulte.
Cette pauvre fdle est maintenant dans une maison de fous. Je suis convaincu que chez elle les contentions d’esprit, résultant de peines profondes, ont dérangé l’équilibre cérébral. Je pourrais citer mille faits qui ont été suivis des mêmes résultats.
Huitième observation.
Une dame bien élevée, et dans une position de fortune qui la place parmi les gens heureux, est venue un jour me consulter sur des tourments causés, selon elle, par la magnétisation occulte d’un grand nombre d’individus. Je l’écoutai attentivement; elle entra dans les détails les plus circonstanciés, et ayant une suite qui paraissait fort raisonnable.
Ce n’était plus des magnétiseurs vulgaires qui abusaient ainsi de leur pouvoir, mais bien des curés, des chanoines d’une grande ville du centre de la France. Tous lui procuraient de cruelles insomnies, et s’amusaient à tourmenter son âme de mille manières , si bien qu’elle était sans aucun repos, et que, cherchant partout un remède à ses souffrances , quelle n’avait point trouvé dans les ressources de la médecine, elle écrivit à l’évêque du lieu pour
le prier d’interposer son autorité afin d’obtenir la cessation de ces cruelles pratiques. Elle fit plus , elle s’adressa au pape ; nous ne connaissons pas la réponse qu’il lui fit, mais il paraît qu’elle n’en fut pas satisfaite, car, dernièrement, elle porta ses plaintes au gouvernement. Mais l’efficacité de toutes ces mesures échoua devant la persistance de ses ennemis.
Je cherchai doucement à agir sur sa raison , à l’éclairer sur l’impossibilité que son état misérable fût dû au pouvoir magnétique ; mais je vis clairement qu’en insistant plus longtemps elle m’eût placé au nombre de ses persécuteurs. A ses yeux, si je n’avouais pas, c’est que je savais ; un homme comme moi ne peut pas ignorer ces choses, je suis trop instruit du magnétisme pour les mettre en doute sans un but caché. Je n’entrepris pas la cure, j’en vis trop bien les difficultés, et peut-être les dangers. Maintenant encore, les mêmes chanoines, qui sont, nous dit-on , si amateurs du repos et du sommeil, passent la nuit dans les tourelles de la maison de Dieu pour, de là, diriger leur batterie magnétique, et obséder cette infortunée malade. Le sonneur lui-même, quand il ébranle sa cloche, a des pensées coupables qu’il communique au son, et,”en vibrant, l’air lui porte le maléfice jusqu’au fond des entrailles. Elle entend des voix, elle voit des hommes armés prêts à la transpercer. Les hommes d’église sont seuls accusés. D’où donc est née, chez l’hallucinée, cette préférence ?
Dira-t-on , dans ce cas, que le magnétisme a été
exercé?..... Non, pas le moins du monde, et tous
les raisonnements ne pourraient m’en convaincre.
Les magnétiseurs , s’ils ne- sont pas tous honnêtes , ont tous 1111 pouvoir limité. 11 est sans doute curieux de savoir jusqu’où va cette limite, et nous le dirons avec franchise lorsque l’occasion nous en sera fournie par des abus d’une autre espèce, moins imaginaires que ceux dont nous venons de parler; par des actes coupables qui ne manqueront pas d’avoir lieu, et sur lesquels les tribunaux, sans doute, seront fort embarrassés de se prononcer.
Quant à ce qui m’est personnel, personne au monde n’a plus magnétisé que moi, et fait d’aussi nombreuses expériences sur des sujets plus divers. Je ne sache pas pourtant avoir jamais été accusé d’exercice occulte du magnétisme dans une pensée blâmable. list-ce un hasard ? est-ce plutôt à une sévérité de principes qui ne me permet jamais de jouer avec cet agent, et même d’en pousser 1rs récits jusqu’à l’exagération? J’aime à penser qu’il en est ainsi. Pourquoi tous les magnétiseurs ne conservent-ils point la même réserve. C’est l’exagération en tout qui cause le délire, et je connais plusieurs magnétiseurs eux-mêmes qui sont dans un état voisin de l’hallucination : à force de s’exagérer leur puissance, ils ont fini par croire à des possibilités qui n’étaient point dans leur nature. Un homme raisonnable doute du magnétisme en les entendant, un sot peut en avoir peur, un malade peut sentir une influence imaginaire , et chez eux les idées peuvent être facilement perverties.
Réflexions.
Une mer calme et tranquille ne peut donner l’idée de ce qu’est cc terrible élément. Ainsi de l’homme ; pour le connaître il ne faut pas seulement l’examiner en santé, mais le voir remué, tourmenté par les passions, ou en proie aux maladies qui affectent les principaux organes de la sensibilité. S’il est quelques êtres dont la vie s’écoule sans secousses, ils ne sont qu’une exception à la règle commune. Presque tous se sont trouvés en dehors de ce qui fait et caractérise l’homme raisonnable. Tous, sans doute, ne voient point se perpétuer ces cruels accidents; et, les causes cessant, la vie habituelle reprend son cours. Et, cependant, on s’étonne encore des égarements d’esprit,, comme s’ils n’étaient point une des conditions de notre nature. La colère, quels qu’en soient les motifs, nous halluciné et laisse en nous des haines lentes à se détruire. L’amour halluciné, sans qu’ils s’en doutent , jeunes et vieux, qui se laissent prendre à scs filets. La politique ne fait-elle pas souvent des fous dangereux? Et l’avarice ne trouble-t-elle point également l’esprit de celui qui, plein de santé, consent à mourir auprès de son trésor, dans la crainte d’en distraire une parcelle? La religion, faite pour donner la paix à l’âme, mal comprise ou exagérée, trouble aussi la raison. L’étude, portée au-delà de certaines limites, nous rend hallucinés. Newton, lui-même, vit son génie pâlir et disparaître. La jalousie, l’envie, ont donné lieu aux plus grands dérèglements; c’est ainsi que les artistes les
plus éminents ont vu leur vie troublée et sont morts misérablement. Ilélas ! tout, dans celte vie, peut nous faire trébucher; et, comme des enfants, la plupart des hommes auraient besoin de lisières.
Mais comment ce qui est faux et mensonger peut-il avoir la puissance d’altérer notre jugement, et se perpétuer de telle sorte que l’erreur finit souvent par prendre la place occupée par les notions justes que nous avions des choses? C’est une maladie, dira-t-on. Sans doute, c’est une faiblesse de certains organes; mais comment ces organes se laissent-ils affecter par ce qui n’est point matière? Il y a donc quelque chose ici qui s’en différencie, et qui v est d’une autre nature? Je sais bien que l’on va me répondre : L'esprit : mais qu’est-ce que l’esprit?
J Hélas! nul ne sait d'où vient le vent ni où il va. 11 en est de même de l’esprit; tout est muet quand nous interrogeons les hommes. A cette question les gens d’esprit cessent d’en avoir; lorsqu’ils veulent établir une opinion sur ce sujet, ils prouvent bientôt leur faiblesse et leur impuissance. Irai -je me perdre avec les grands hommes, moi, chétif embryon, qui n’ai fait encore qu’entrevoir la nature? Mon ignorance me sauve du péril; cependant je dois parler sur des faits mystérieux, presque tous du domaine de l’esprit. Mais en parler n’est point les expliquer; et on peut exposer ses doutes avec simplicité.
C’est une occupation grande et belle que l’étude des facultés de l’âme, longtemps elle fut stérile; et, plongé dans un océan de merveilles, l’homme avait seulement le sentiment de leur existence. La découverte du magnétisme va donner les moyens de les voir et de les considérer; puissent les hommes
conserver leur sang froid et ne point mêler à leurs récits les produits de leur imagination! Une vue trop rapide nous trompe; et beaucoup d’hommes ne savent pas voir! C’est ainsi que la plupart des phénomènes inaccoutumés de la nature furent dénatures. On les vit au travers du prisme des préjugés régnants. Nous rions aujourd’hui de la crédulité de nos pères , sans songer que les générations à venir se moqueront de notre ignorance. Car, à force de travaux, on aura rendu clairs et sensibles les faits qui, aujourd’hui, sont ou à l’état de doute, ou présentés avec une auréole qui empêche d’en saisir le vrai caractère.
Cherchons donc à nous mettre en garde autant contre les erreurs de la science que contre nous-mêmes; et, en avançant, restons pourtant dans les limites encore saisissables. Rattachons, s’il se peut, ce qui est sensible à ce qui cesse de l’être ; laissons ce dernier à l’examen d’un esprit plus profond. Nous admettons l’action de la pensée sans signes qui puissent la révéler; cette action, cependant, se traduit par des actes visibles chez celui qui est l’objet de notre préoccupation. Il ne faut pas même qu’il soit doué d’une grande sensibilité magnétique. Il y a une communication réelle des pensées ; et les mouvements produits en nous-mêmes peuvent, avec l’agent que la nature a créé pour cet effet, être déterminés en autrui. Voilà donc la double propriété du fluide magnétique que nous rencontrons dans tous les phénomènes. Action physique et morale. Par l’emploi de ce levier invisible, on peut donc concevoir l’assujétissement d’un être par un autre être, et l’apparition de tous les faits con-
nus sous le nom de sorcellerie ; et expliquer, jusqu’à un certain point, ceux contenus dans les observations d’hallucination publiées dans nos derniers numéros. Cependant nous tenons pour certain que le magnétisme n’entre pour rien dans les faits de ces récits, y est tout à fait étranger. Ce qui paraît évident est l’action de l’individu sur lui-même; la cause ne vient point du dehors, mais du dedans. Le cerveau n’est plus qu’un instrument dérangé; les forces mues par l’âme touchent les cordes d’un clavier rendu discordant; et de lâ une série de faits bien propres à nous épouvanter, à nous faire croire que nous sommes le jouet d’un agent spirituel qui se plaît à nous tourmenter.
Personne n’a jamais entendu les voix que les hallucinés perçoivent distinctement. Aucun ne vit les fantômes créés par leur esprit; mais il peut arriver cependant que, par un mélange de somnambulisme ou d’extase avec cet état anormal, les objets et les personnes vus de celte manière présentent parfois une apparence de vérité. On voit même dans le somnambulisme magnétique pur se développer des phénomènes d’hallucination ; des rêves sont pris pour des réalités; des apparitions qui n’ont rien de réel troublent l’âme des dormeurs, les charment ou les épouvantent. Créations imaginaires de notre entendement, ressemblant aux songes et s’évanouissant comme eux.
La nature, cependant, ne fait rien en vain; toutes ces choses sont desindications; nous ne comprenons rien à ce langage, mais nous le traduisons néanmoins comme s’il nous était révélé. Toute la science divine et humaine est peut-être ici, Qui donc osera
sonder cette profondeur? L’homme lient au ciel par un lien invisible. Les astres agissent sur nous comme tout ce qui de près nous entoure. Nous-mêmes, faibles créatures, nous sommes essentiels aux évolutions de la nature. Cependant notre puissance, quoique venant d’elle, semble parfois se soustraire à ses lois. Les affinités d’un ordre divin attirent à chaque instant notre âme, et cherchent à la délier des étreintes corporelles. Il faut donc toujours en revenir à matière et espritet c’est justement ce qui rend plus compréhensibles les dérangements singuliers qui nous occupent en ce moment. Mélange de deux forces, inégales en puissance et en vertu, elles ne restent unies que peu d’instants; et, dans cette éphémère durée, elles ne font que se combattre. Lorsque la force matérielle, celle due à toutes ces combinaisons et réunie dans notre organisation, prédomine sur l’intelligente, 011 n’aperçoit que par intervalles le jeu régulier de l’esprit. Lorsque, au contraire, la force spirituelle domine en nous, l’organisation se dégrade; et c’est ici surtout que se montrent les hallucinations. L’équilibre étant rompu, l’esprit ne trouve plus qu’une faible résistance des organes, il se les asservit, mais aux dépens de la raison. Tout a donc besoin d’être pondéré, et c’est dans cet état seulement qu’on jouit de la santé.
Rien n’est plus facile, pour un magnétiseur, que de produire des hallucinations passagères, en portant tout ou partie de ses forces sur l’organe de l’intelligence. Son esprit n’a plus qu’à se complaire alors dans les créations les plus fantastiques; le magnétisé prendra ce9 créations pour des réalités,
car son cerveau les reflétera comme si elles venaient de lui-même. Mais tout ceci n’est point durable; l’organe recouvre sa situation première aussitôt que le magnétiseur voit sa puissance diminuer.
Souvent on peut refouler la force spirituelle, et s’emparer complètement des organes qui lui sont soumis; produire une sorte d’asservissement de l’être; le libre arbitre semble ne plus exister, car il ne se montre point. Le chloroforme n’est pas plus prompt dans ses effets. Dans cette situation nous voyons une chose merveilleuse : les organes fonctionnent et sont mus par une intelligence qui leur est étrangère. Ce qui apparaît peut être dû au principe magnétique, qui a emporté bien évidemment avec lui le rudiment des connaissances du magnétiseur. Dans le somnambulisme magnétique ordinaire, déjà ces choses se remarquent. Le somnambule est influencé par la pensée de son magnétiseur ou de la personne mise en rapport. C’est ce qui caractérise les phénomènes de double vue. Toutes les pensées, tous les souvenirs, ainsi que tous les actes peuvent être dévoilés; mais aussi les erreurs se montrent-elles dès le momentoùils’agit d’obtenir du dormeur des révélations qui lui soient propres : il n’a plus de guide assuré, et raconte souvent des histoires qui n’ont pas le moindre fondement.
Si le magnétiseur est incertain dans ses pensées; son somnambule offre la même incertitude. Il m’est arrivé de produire des rêves chez des magnétisés, par le seul fait de distraction tout involontaire, et cependant moi seul pouvais juger de la situation de mon esprit.
Il y a une foule d’inductions à tirer de ces faits,
mais nous devons seulement les rattacher aux hallucinations. On vient de voir le jeu des forces vives ou spirituelles; supposez maintenant qu’en nous-mêmes, par une sorte de magnétisme naturel, notre volonté règle irrégulièrement la distribution de ces forces , ce qui peut arriver par un travail forcé de l’intelligence ou des perceptions trop actives. Dans d’autres cas même, les forces vives s’égarent du chemin qui leur est tracé, et vont frapper trop fortement sur quelque point du système nerveux, de manière à y produire un ébranlement trop considérable. On le voit dans les affections hystériques et l’épilepsie, comme dans la plus grande partie des affections nerveuses :l’hypochon-drie, la mélancolie, etc., etc.
Nul n’est donc assuré de la perpétuité de sa raison. Ne vîmes-nous pas, il y a quelques années, un ministre de Louis-Philippc se jeter par une fenêtre, en proie qu’il était à de vaines terreurs. Voilà des causes de désordres qu’il faut étudier. Ceux dont nous avons rendu compte, et qui sont attribués au magnétisme, doivent être, sont dûs à une débilité du cerveau, à l’altération d’une ou de plusieurs de ses parties, au travail seul des forces qui sont en l’être, et qui ont perdu leur équilibre.
Le magnétisme peut donc offrir artificiellement l’image de ces tristes phénomènes, mais pour quelques instants seulement ; la puissance qui les produit s’affaiblit, s’use bientôt. Cela suffit cependant pour nous faire comprendre comment, en nous-mêmes, des faits d’hallucination peuvent se produire, sous l’empire de la même puissance, agissant seule, en se repliant sur elle-même. Et tout
cela, sans sorcellerie, sans possession , sans obsession, et sans qu’il soit besoin de causes en dehors de la nature.
Si ma pensée pouvait s’exercer longtemps sur ce sujet, je le traiterais avec maturité, et en développerais toutes les parties. Mais ai-je le temps seulement d’y arrêter mes idées? Écrire, produire, enseigner, soutenir constamment des luttes où l’on a besoin , pour vaincre, non seulement de toutes les forces physiques, mais aussi de l’activité de l’esprit, est une tâche trop grande, on le conçoit, pour être accomplie par un seul homme : aussi faisons-nous appel à tous les magnétiseurs intelligents, pour fouiller cette mine et en mettre les produits sous les yeux de tous. C’est avec une grande joie que nous enregistrerons leurs travaux. Nous reviendrons sur ce sujet, car il nous intéresse plus que tout autre : n’avons-nous pas à pénétrer dans le domaine des choses occultes, connues sous le nom de magie. Ce n’est point pour céler la science que nous cherchons à acquérir, mais pour la divulguer.
DU POTET.
INSTITUTIONS MAGNÉTIQUES.
HOPITAL MESMÉRIQUE DE CALCUTTA.
Le gouvernement a fait imprimer : A record of cases treated in tlie Mesmeric hospital, from november 1846, to may 1847 ; with reports oftlie official visitors. Ce document important fait connaître les résultats de la pratique du docteur Esdaile depuis 1 ouverture de l’hôpital dont la direction lui a été confiée. Devançant la publication officielle, nous avons déjà mis sous les yeux de nos lecteurs une relation abrégée des faits cliniques qui se sont passés dans le premier mois de l’existence de cet établissement. (Voy. t. V, p. 265.) Nous n’avons plus aujourd’hui qu’à poursuivre.
On doit remarquer que, nonobstant les termes précis du décret organique, qui affecte l’hôpital spécialement aux opérations chirurgicales à faire sans douleur, des maladies internes y ont été traitées magnétiquement. Grâce à cette infraction , tacitement consentie, l’épreuve portera à la fois sur 1 applicabilité du mesmérisme au traitement des maladies, et à la prévention des douleurs traumatiques.
Nous nous bornons à la traduction des principaux passages de cet écrit, que nous allons diviser en deux sections.
i° Hypertrophie du scrotum.
« Baboo Nundkishorc Roy, teneur de livres chez MM. Lattcy frères et C', à Calcutta, se présenta le, () décembre 1846, avec une tumeur ordinaire grosse comme la téte. Cette infirmité commença il y a seize ans, avec un hydrocèle, mais elle est restée stalionnaire depuis plusieurs années; il n’en souffre point, mais c'est un embarras local dont il désire être débarrassé. C’est un homme grand et robuste, jouissant d’ailleurs d’une santé parfaite.
» Endormi journellement du i5 au 3o, il ronfle bruyamment, mais il s’éveille dès qu’on le pique 011 qu'on l’appelle.
• Il présente d’une manière bien évidente un symptôme simple, mais très-curieux et caractéristique, qu’on rencontre chez les dormeurs magnétiques. Il ronfla fortement durant dix jours environ , au bout desquels sa respiration devint silencieuse et tranquille comme celle d’un enfant. J’ai vu au moins deux cents personnes magnétiquement endormies, et je ne me rappelle pas 1111 cas dans lequel le ronflement naturel ait persisté quand l’influence eut acquis son maximum d’intensité. La raison physiologique de. ce fait est évidente pour quiconque a été placé dans les circonstances propres à l’observation.
k Dans le sommeil naturel, les muscles semi-volontaires de la respiration continuent d’agir après
1 ne lous les muscles volontaires ont cessé de fonctionner, et la première invasion du sommeil magnétique ne peut être distinguée de l’assoupissement naturel. Mais lorsque l’influence est devenue profonde , les muscles semi-volontaires participent graduellement à l’état général du système musculaire : soit qu’il y ait rigidité, catalepsie, ou flaccidité ; et cet état est souvent si complet qu’on n’aperçoit aucune trace de mouvement thoracique; la respiration s’effectue alors par le diaphragme et les muscles abdominaux. Dans ce cas, les mouvements respiratoires descendent souvent de vingt-quatre à seize par minute. L’inspiralion et l’expiration sont plus lentes et plus fortes, et c’est pourquoi le ronflement disparaît, même quand la poitrine n’est pas entièrement immobile.
« Le 3i décembre la salle fut chauffée pour la première fois; le sommeil fut parfaitement établi, et le ronflement cessa.
«Le 4 janvier 1847, Baboo Nundkishore Roy supporta le plus faible courant de la machine électro-magnétique, pendant trois minutes, après quoi il s’éveilla.
« Le 5, fortement pince et tourmenté par la machine électro-magnétique, durant trois minutes, il commença à se tourner, et s’éveilla bientôt après spontanément, dit-il.
« Le 6, il me parut en état d’étre opéré.
« Le 7, j’invitai beaucoup de personnes à assister à l’opération ; mais, juste au moment de passer de la veille au sommeil, le tuyau du poêle tomba sur son lit avec un fracas terrible, ce qui lui causa une frayeur très-vive.
h 11 resta trois nuits sans dormir ; et quand on le magnétisait, il avait à peine franchi le seuil du sommeil , qu’il s’éveillait d’une manière brusque et convulsive, pensant que le toît s'affaissait sur lui. Cette inquiétude dura jusqu’au 25.
« Le 26, cet homme approche de nouveau de l’insensibilité. »
Un mois s’écoula en essais nouveaux.
11 Le 27 février, étant trouvé insensible aux piqûres, ses jambes furent élevées et laissées tomber, ac teslis admodum comprimebatur, sans trouble aucun.
« Le 3 mars, il fut sourd aux bruits les plus forts ; mais il parut souffrir teste compresso.
k Le 4, il fut très-profondément endormi; un grand bassin de cuivre fut frappé à plusieurs reprises sur les pierres voisines de son lit, faisant un très-grand bruit sans l’éveiller ; son corps fut piqué partout durant quatre minutes, ac testis multum comprimebatur, sans aucun effet.
1111 avait une très-grande répugnance à être opéré à l’hôpital, je lui dis que jetais prêt à le faire s’il ne s’y opposait pas : son silence me parut un consentement.
• Le 5, les mêmes essais furent répétés avec un égal succès. Pour plus de sûreté, je lui plaçai du carbonate d’ammoniaque sous le nez. Cela l’émut un peu, sans l’éveiller; quand il fut démagnétisé, je lui remis le flacon ammoniacal sous le nez, et il en fut aussi désagréablement affecté que moi-même. On lui demanda s’il avait déjà senti celte odeur, il répondit que c’était comme des sels, mais qu’il 11e l’avait jamais sentie avant d’entrer à l’hôpital.
« I.e 6, je l’opérai en présence de nombreux témoins , parmi lesquels se trouvaient les Dr’ Mouas et Thompson, et M. O’Shaughnessy. Son pouls, qui fut compté différentes fois, donna toujours cent-vingt pulsations en sommeil et quatre-vingt ü l’état normal. »
Après les détails chirurgicaux de l’opération, M. Esdaile ajoute :
« La seule chose qui le distinguât d’un cadavre était le trouble de la respiration vers la fin de l’opération , mais clic redevint tiès-promplcmont régulière. Ce fait, qu’on observe souvent, provient, je présume, d’un effort instinctif des poumons et du cœur pour s’accommoder à la circulation troublée. Le pouls, me fut-il dit, resta à cent-vingt jusqu’à l’ablation de la masse, alors il descendit à quatre-vingt-cinq, et quand j’éveillai le patient, il était fixé à cinquante-huit.
« Comme les jours précédents, il affirma avoir bien dormi, et ne sentir de douleur nulle part. Grande fut également sa surprise, quand il vit que tout était fini. Il manifesta du dépit de n’avoir point été opéré chez lui.
« Le 7, il n’a pas eu de douleur locale depuis la première demi-heure qui suivit son réveil. Il a soulfert un peu des reins le soir et dans la nuit; il a une légère fièvre, point de mouvements.
« La fièvre dura huit jours , diminuant graduellement par l’usage approprié de laxatifs et de quinine. La plaie paraît en bon état, et se ferme rapidement. 11 s’assied maintenant sur son lit, et marche ; il mange bien, et va mieux de jour en jour. »
x Mano, porteur, âgé de trente-cinq ans, est venu de Cuttack sur l’avis d’un de ses amis opéré à Hooghly. Il a l’œil vif et l’air bien portant, il a marché dix jours de suite, en faisant vingt milles par jour. C’est un nouvel exemple d’insensibilité intense chez l’homme en santé, et presque tous ceux que j’ai opérés ici étaient dans le même cas. S’ils nous causent plus de peines que les autres, le résultat est aussi plus satisfaisant en raison des difficultés survenues.
« Cet homme, entré le 9 janvier 1847, Pr0‘ fondément influencé le jour même, et j’aurais pu l’opérer dès le quatrième sans une particularité de son état magnétique, que j’observai tout d’abord, et dont je désirais me rendre compte.
« La voici :
« Quoiqu'il fût remarquablement cataleptique, qu’il supportât avec une parfaite indifférence l’action de la machine électro-magnétique durant plusieurs minutes, et qu’il pût être piqué, pincé partout impunément, il s’éveillait cependant dès qu’on essayait de le tirer sur son matelas, aux pieds du lit, ou que, ses jambes étant levées, on les lui laissait tomber subitement. Je regrette d’avoir à dire que je n’ai pu comprendre cette particularité de sa constitulion magnétique, dont pourtant je me suis rendu maître en prolongeant le traitement. Chaque magnétiseur est au fait de ces bizarres anomalies; ils savent tous qu’un magnétisé capable d’endurer les plus cruelles tortures est quelquefois éveillé par
les stimulants les moins énergiques. Mais une fois leur côté faible connu et évité, on peut tout se permettre sans qu’ils bougent. Ainsi cet homme aurait pu être opéré dès le début, mais j’ai préféré le garder comme objet utile et curieux d’expérience et d'observation.
« Le cas de Baboo est une illustration dans ce genre; bien qu’il sentît l’ammoniaque avant l’opération , cela ne m'empêcha pas d’agir, et il fut aussi impassible qu’un cadavre. »
Du 10 janvier au 19 février, Manoo fut tous les jours endormi ; on le piquait en tout sens sur sa tumeur et les parties voisines, sans qu’il manifestât la moindre sensation ; l'application de la machine électrique durant cinq minutes déterminait des mouvements convulsifs dans les membres, sans éveiller le patient; la compression violente et la traction forte des testes s’exercaient sans apparence de sensibilité ; les bruits les plus forts n’étaient point entendus; puis, appelait-on doucement le magnétisé, un léger souille, un corps froid touchaient-ils une partie quelconque de son corps; voulait-on l’enlever avec son matelas pour le placer dans une position favorable à l'opération, ou bien lui laissait-on tomber sur le lit les jambes préalablement élevées, il s’éveillait brusquement, et dans tous les cas il n’avait nulle connaissance de ce qui s’était passé durant qu’il dormait. Tout cela est rapporté minutieusement, jour par jour, avec l’indication des précautions et détours employés pour arriver à connaître la cause de cette singulière disposition, qui, à la fin, s’est éteinte sans qu’on sache ni pourquoi ni comment.
« Le 20, dit M. lisdaile, je l’opérai selon les règles de l’art, en présence de quinze personnes européennes et indigènes.
« Le patient étant cataleptique, scs bras furent « tendus avant l'opération, et restèrent dans cette position jusqu’au réveil. Il n'y eut pas la moindre contraction sous l'instrument, ni de mouvements généraux , et pas un son ne sortit de sa bouche. On m’a dit que de légères contractions avaient eu lieu dans les jambes et les doigts , ainsi qu’une augmentation des mouvements du larynx. Dans le sommeil de ce jour et des précédents, le pouls était à quatre* vingt-huit, mais le docteur Williamson, chargé de l’observer, m’a dit qu’il avait considérablement baissé durant l’opération. Quand les artères furent liées, le magnétiseur fut prié de ne plus agir, et un quart d’heure après, le patient s’éveilla brusquement, comme de coutume.
« Baboo Kaseeprosand Ghose, à qui la langue anglaise est si familière, servait d’interprète; il a posé au patient toutes les questions que les assistants ont formulées.
« Le principal de ses réponses, c’est qu’il avait bien dormi, qu’il ne souffrait nulle part, enfin qu’il sc trouvait comme d’habitude.
« On lui dit alors de se lever, ce à quoi il sc disposa avec promptitude. On lui répéta qu’il était trop fort, que nous avions beaucoup de peine à le rendre insensible, et qu’il valait mieux l’opérer selon l’habitude. Il répondit qu’il y était tout à fait résolu, si tel était mon avis. La plaisanterie s’arrêta là; on l’informa que tout était fini; et, contrairement à la coutume, il ne sentit de douleur dans
la partie que dix minutes après qu’il fut instruit du fait. Au bout d'une demi-heure il sentait une petite démangeaison. A ce moment j’entendis un des médecins visiteurs lui demander : Boluit durd liai? Souffrez-vous beaucoup ; il répondit : Rode hai, sahib. 11 y a sensation dans la partie, ou : Je la sens. »
11 eut un accès de fièvre la nuit, et des douleurs de reins; mais le tout disparut bientôt, et la cicatrisation marcha rapidement.
(La suite au prochain numéro.)
PETITE CORRESPONDANCE.
Avis. — MM. les Actionnaires du Journal du MagniUtmt vont être convoqués en assemblée générale, conformément aux art. 19—21 des Statuts, i l'effet d'entendre le rapport annuel du Gérant, sur l'état de la Société. Le jour, l'heure el le lieu de la réunion, seront indiqués dans les lettres de convocation.
Aux Abonnés. — Les personnes dont l’abonnement expire aujourd'hui, sont priées de le renouveler avant le 10 du mois prochain , faute de quoi elles ne recevront pas le prochain numéro.
N.-Orléans, — M. J. B.....I. — Reçu lettres el journaux, par Havre et
Bordeaux. — Toul ce qui portera votre estampille sera bien accueilli.
Dax. — Madame B......e. — Vueillez dire à M. L.....e, s'il doit renouv.
votre abonn.
FIN.
Le Gérant : HÉBERT (de Camay).
TABLE.
A.
Aimant. — Son action sur les sensitives, 31. — L’eau, 324.
Anti-magnétisme (l’). — Faits et opinions, 33.
Arcanes de la vie future dévoilés, par M.Cahagnet.—Analyse, 88.
Athénée magnétique. —Discours du docteur Blanc sur les baquets magnéto-minéraux, 129.
Académie impériale de Vienne. — Examen de faits magnétiques présentés par les docteurs de Reichenbach et d’Eisenstein, 30.
Abd-el-Kader. — Ce qu’il pense du somnambulisme, 179.
Anévrisme. — Guérison, 348.
B.
Beitrage zur Lehre von Magnetismus, par le docteur Gouge.— Analyse, 17.
Blessés de juin (les). — Réflexions chirurgicales, 37.
Buste de Mesmer. — Détails historiques, 253.
C.
Cuivre. — Son action sur Prudence, 177.
Chronique. — Nouvelles et faits divers d’actualité, 41, 123, 179, 255, 309, 336.
Cours de magnétisme. —Annonces, 124, 162, 254, 313.
D.
Danse de Saint-Guy.—Guérison, 4.
E.
Etudes sur les Mœurs judiciaires au 17e siècle, par Gendebien. —Extraits sur la sorcellerie, la possession et l’obsession, 182.
Epilepsie. — Guérisons, 342, 347. Eau magnétisée. — Son action sur les nerfs ganglionnaires, 351.
F.
Fatalité. — Fait de prévision, 253. Fascination.— Fable de Lacham-beaudie, 123.
Fièvre typhoïde. — Guérison, 258.
H.
Hydrothérapie. — Examen de ce système, 146.
Homeopathie. — Critique, 80. Histoire de la Médecine, par le docteur Renouard. — Analyse, 221. Hallucinations magnétiques. — Faits. 178.
— attribuées au magnétisme. — Rapports et réflexions, 161, 173, 278, 353.
Hypertrophie du scrotum. —Opération sans douleur, 375.
I.
Intuition médicale (de l'). — Dissertation et observations somnambuliques, 263, 289.
Instinct des remèdes (de l’), 294. .Insensibilité, 176, 374.